Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
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Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
2. Un témoin très important, que nous retrouverons souvent plus tard, le docteur Wesener, de Dulmen, rapporte à ce sujet :
" J'ai traité la vieille mère d'Anne Catherine dans sa dernière maladie. Elle m'a souvent raconté en versant des larmes qu'elle avait aperçu dans sa fille, dès son plus jeune âge, quelque chose d'extraordinaire et qu'elle l'avait beaucoup aimée. Mais il lui avait été très pénible qu'Anne Catherine qui, comme l'aînée de ses filles, aurait dû être son unique appui dans sa vieillesse, voulût absolument entrer au couvent." C'est, assurait la mère, le seul chagrin qu'elle m'ait jamais donné. Je n'ai pas été aussi heureuse avec mes autres enfants. Dès sa dix-huitième année elle fut demandée en mariage par un jeune homme, fils de parents aisés, et ceux-ci désiraient beaucoup qu'Anne Catherine y consentît, parce qu'ils savaient combien elle était bonne et que, malgré sa faiblesse elle faisait promptement et à merveille toute espèce de travaux. Mais je ne pouvais pas encore me séparer d'elle, à cause de la mauvaise santé de son père, et parce que deux autres de mes enfants me donnaient beaucoup de soucis ; je ne l'engageai point alors à accueillir cette demande en mariage. Lorsque quelques années plus tard, il s'offrit un autre parti encore plus avantageux, son père et moi nous la pressâmes fort d'accepter, parce que ce mariage nous semblait devoir être très profitable. Mais elle nous pria si instamment de l'en dispenser, qu'il nous, fallut céder et lui laisser sa liberté : seulement nous lui dîmes que, si elle entrait au couvent, nous ne voulions pas en faire la dépense. Elle avait mis de côté quelques pièces de toile et croyait pouvoir avec cela couvrir les frais de son entrée dans un pauvre couvent qui vivait d'aumônes ; mais elle fut refusée partout, parce qu'on la regardait comme trop faible de santé. Là dessus elle se mit en condition chez l'organiste Soentgen, de Coesfeld, pour apprendre de lui à jouer de l'orgue, ce qui devait, pensait-elle, lui ouvrir la porte d'un couvent. Mais elle s'aperçut bientôt qu'elle était bien mal tombée, car, dans la maison de l'organiste, il y avait une telle pauvreté et une telle détresse qu'il lui fallût sacrifier tout ce qu'elle possédait pour les aider. Elle donna ainsi toute sa toile. Il y avait sept à huit pièces qui pouvaient bien valoir quatre-vingts écus. Quand elle eut passé un certain temps dans cette maison, la fille de l'organiste, Clara, prit aussi du goût pour la vie de couvent.
Mais écoutons Anne Catherine elle-même :
" Quant à jouer de l'orgue, déposa-t-elle devant Overberg, il n'en fut pas question ; je fus la servante du logis. Je n'appris pas l'orgue, car, à peine entrée dans la maison, je n'y vis que misère et détresse et je cherchai à y venir en aide. Je fis alors l'office de servante, je m'occupai du ménage, je fis toute la besogne et je dépensai tout ce que j'avais. Je n'en vins jamais à jouer de l'orgue."
Et pourtant elle y serait parvenue avec la plus grande facilité, elle chez qui le sens de l'ouïe était si délicat, qui, dès son enfance, avait un si profond sentiment de l'harmonie musicale et qui avait dans les doigts une adresse pour laquelle il semblait qu'il n'y eût pas de difficultés. Il lui arrivait parfois de dire :
" Quand j'entendais l'orgue ou le chant, rien ne me touchait autant que l'accord des différents tons. Quelle belle chose, me disais-je alors, lorsqu'il y a harmonie parfaite ! Quand des choses inanimées forment ensemble de si charmants accords, pourquoi nos cœurs n'en font-ils point autant ? Ah ! Combien ce serait beau et aimable !"
" J'ai traité la vieille mère d'Anne Catherine dans sa dernière maladie. Elle m'a souvent raconté en versant des larmes qu'elle avait aperçu dans sa fille, dès son plus jeune âge, quelque chose d'extraordinaire et qu'elle l'avait beaucoup aimée. Mais il lui avait été très pénible qu'Anne Catherine qui, comme l'aînée de ses filles, aurait dû être son unique appui dans sa vieillesse, voulût absolument entrer au couvent." C'est, assurait la mère, le seul chagrin qu'elle m'ait jamais donné. Je n'ai pas été aussi heureuse avec mes autres enfants. Dès sa dix-huitième année elle fut demandée en mariage par un jeune homme, fils de parents aisés, et ceux-ci désiraient beaucoup qu'Anne Catherine y consentît, parce qu'ils savaient combien elle était bonne et que, malgré sa faiblesse elle faisait promptement et à merveille toute espèce de travaux. Mais je ne pouvais pas encore me séparer d'elle, à cause de la mauvaise santé de son père, et parce que deux autres de mes enfants me donnaient beaucoup de soucis ; je ne l'engageai point alors à accueillir cette demande en mariage. Lorsque quelques années plus tard, il s'offrit un autre parti encore plus avantageux, son père et moi nous la pressâmes fort d'accepter, parce que ce mariage nous semblait devoir être très profitable. Mais elle nous pria si instamment de l'en dispenser, qu'il nous, fallut céder et lui laisser sa liberté : seulement nous lui dîmes que, si elle entrait au couvent, nous ne voulions pas en faire la dépense. Elle avait mis de côté quelques pièces de toile et croyait pouvoir avec cela couvrir les frais de son entrée dans un pauvre couvent qui vivait d'aumônes ; mais elle fut refusée partout, parce qu'on la regardait comme trop faible de santé. Là dessus elle se mit en condition chez l'organiste Soentgen, de Coesfeld, pour apprendre de lui à jouer de l'orgue, ce qui devait, pensait-elle, lui ouvrir la porte d'un couvent. Mais elle s'aperçut bientôt qu'elle était bien mal tombée, car, dans la maison de l'organiste, il y avait une telle pauvreté et une telle détresse qu'il lui fallût sacrifier tout ce qu'elle possédait pour les aider. Elle donna ainsi toute sa toile. Il y avait sept à huit pièces qui pouvaient bien valoir quatre-vingts écus. Quand elle eut passé un certain temps dans cette maison, la fille de l'organiste, Clara, prit aussi du goût pour la vie de couvent.
Mais écoutons Anne Catherine elle-même :
" Quant à jouer de l'orgue, déposa-t-elle devant Overberg, il n'en fut pas question ; je fus la servante du logis. Je n'appris pas l'orgue, car, à peine entrée dans la maison, je n'y vis que misère et détresse et je cherchai à y venir en aide. Je fis alors l'office de servante, je m'occupai du ménage, je fis toute la besogne et je dépensai tout ce que j'avais. Je n'en vins jamais à jouer de l'orgue."
Et pourtant elle y serait parvenue avec la plus grande facilité, elle chez qui le sens de l'ouïe était si délicat, qui, dès son enfance, avait un si profond sentiment de l'harmonie musicale et qui avait dans les doigts une adresse pour laquelle il semblait qu'il n'y eût pas de difficultés. Il lui arrivait parfois de dire :
" Quand j'entendais l'orgue ou le chant, rien ne me touchait autant que l'accord des différents tons. Quelle belle chose, me disais-je alors, lorsqu'il y a harmonie parfaite ! Quand des choses inanimées forment ensemble de si charmants accords, pourquoi nos cœurs n'en font-ils point autant ? Ah ! Combien ce serait beau et aimable !"
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
3. Mais Dieu voulait amener sa fidèle servante à une harmonie d'un ordre plus élevé que celle qui règne dans la sphère musicale, c'est-à-dire à la plus parfaite conformité avec sa très sainte volonté ; c'est pourquoi elle avait maintenant à marcher par de tout autres voies que celles qui auraient semblé répondre à l'ardent désir de son cœur. Sa tentative si bien et si soigneusement préparée d'arriver au but par l'étude de l'orgue échoua avant même d'avoir reçu un commencement d'exécution, car il régnait une si affreuse pauvreté dans la maison de l'organiste qu'Anne Catherine, sans hésiter, donna toutes ses épargnes à la famille et n'employa son temps et ses forces qu'à l'aider dans la douloureuse tâche de se procurer le pain de chaque jour.
" Comme j'appris là ce que c'est que la faim ! Raconta-t-elle une fois. On restait souvent huit jours sans voir un morceau de pain ! Les pauvres gens ne trouvaient pas crédit pour six deniers. Je n'appris rien du tout. J'étais la servante. Tout ce que j'avais gagné par mes travaux de couture s'en alla et j'en étais presque à mourir de faim. Je donnai ma dernière chemise. Ma bonne mère fut touchée de compassion : elle m'apporta des oeufs, du beurre, du pain et du lait, et cela les fit vivre. Un jour, elle me dit :
" Tu m'as donné un grand chagrin, mais, tu es toujours mon enfant. Quand je vois la place où tu t'asseyais, mon cœur se brise ! mais tu es toujours mon enfant." Je lui répondis : " Dieu vous le rende, chère mère ! Pour moi, je n'ai plus rien, mais ç'a été la volonté de Dieu de soutenir par moi ces pauvres gens. Maintenant Dieu pourvoira. Je lui ai tout donné et il saura bien comment nous assister tous." Et la bonne mère aussi ne se plaignit plus.
Même dans l'ordre le plus sévère, Anne Catherine n'aurait pas pu pratiquer la pauvreté d'une manière aussi pénible que dans la maison de Soentgen : car, plus elle se dépouillait pour soulager les besoins d'autrui, plus elle s'éloignait de son but et plus son désir d'y arriver allait croissant et la faisait souffrir. Elle dépensait ses épargnes, elle servait sans gages, elle était dans le dénuement le plus complet et cela ne la menait à rien, car il n'était pas question de jouer de l'orgue : cependant sa confiance restait inébranlable.
" Je me disais souvent : " Comment ferai-je maintenant pour entrer dans un couvent ? Je ne possède plus rien, et tout est contre moi." Je disais souvent à Dieu : " Je ne sais que faire pour m'aider. C'est vous qui avez arrangé tout cela. C'est donc vous qui devez me tirer de là."
Alors il lui fut montré en vision quel riche accroissement ; avait reçu sa parure de fiancée par suite de toutes ces peines et de tous ces efforts qui semblaient avoir échoué. Elle vit les fruits de ses victoires sur elle-même, de sa patience et de son dévouement, comme des vêtements dont la beauté était infiniment variée : elle vit comment chaque jour le trésor nuptial s'enrichissait de précieux ornements par le renoncement et les oeuvres de charité qu'elle pratiquait : et il lui fallut reconnaître que ses larmes et ses prières, ses luttes et ses privations rendaient des sons plus agréables à Dieu que les accords les plus savants de l'orgue. Puis, convenait-il à la dignité de son fiancé qu'elle arrivât à l'union nuptiale à l'aide de moyens qui, par eux-mêmes, n'étaient pas faits pour conduire à lui ! Dans les couvents de cette époque, on ne faisait plus attention aux signes de vocation surnaturelle ; c'étaient les avantages selon le monde, les qualités extérieures, les considérations personnelles qui décidaient de tout, d'où il résultait qu'on rencontrait rarement de véritables religieuses. Mais Anne Catherine, qui avait à expier ce mépris pour le fiancé céleste, devait se frayer de la manière la plus pénible et la plus humble l'accès d'une communauté religieuse, parce que Dieu voulait recevoir par là une réparation pour l'injurieux dédain avec lequel étaient traitées ses grâces de vocation.
3. Le chantre Soentgen fut profondément touché de la charité désintéressée et du dévouement d'Anne Catherine et, par reconnaissance, il lui promit de faire tout son possible pour l'aider à entrer dans un couvent. Il avait une fille du même âge qui, étant organiste habile, ne pouvait manquer d'être bien accueillie partout ; il résolut donc de ne l'accorder à un couvent qu'à condition qu'on prendrait Anne Catherine avec elle. Il fut aussi poussé à cette résolution par sa sollicitude pour sa fille : car il avait coutume de s'exprimer ainsi devant Anne Catherine :
" Ma Clara ne doit pas entrer au couvent sans toi. Les couvents n'ont plus aujourd'hui leur stricte discipline d'autrefois : mais si tu es avec Clara, tu la maintiendras dans la bonne voie." Les deux jeunes filles frappèrent donc à la porte de plusieurs maisons religieuses, demandant, à y être admises, mais presque toujours inutilement. Les unes trouvaient que la dot se réduisait à trop peu de chose, les autres ne voulaient prendre que Clara. Ainsi firent les Augustines de Dulmen qui avaient besoin d'une organiste. Mais le chantre Soentgen tint bon, et, comme il ne voulait pas laisser entrer sa fille sans Anne Catherine, elles se résignèrent, bien à contrecœur, à accepter aussi celle-ci.
" Comme j'appris là ce que c'est que la faim ! Raconta-t-elle une fois. On restait souvent huit jours sans voir un morceau de pain ! Les pauvres gens ne trouvaient pas crédit pour six deniers. Je n'appris rien du tout. J'étais la servante. Tout ce que j'avais gagné par mes travaux de couture s'en alla et j'en étais presque à mourir de faim. Je donnai ma dernière chemise. Ma bonne mère fut touchée de compassion : elle m'apporta des oeufs, du beurre, du pain et du lait, et cela les fit vivre. Un jour, elle me dit :
" Tu m'as donné un grand chagrin, mais, tu es toujours mon enfant. Quand je vois la place où tu t'asseyais, mon cœur se brise ! mais tu es toujours mon enfant." Je lui répondis : " Dieu vous le rende, chère mère ! Pour moi, je n'ai plus rien, mais ç'a été la volonté de Dieu de soutenir par moi ces pauvres gens. Maintenant Dieu pourvoira. Je lui ai tout donné et il saura bien comment nous assister tous." Et la bonne mère aussi ne se plaignit plus.
Même dans l'ordre le plus sévère, Anne Catherine n'aurait pas pu pratiquer la pauvreté d'une manière aussi pénible que dans la maison de Soentgen : car, plus elle se dépouillait pour soulager les besoins d'autrui, plus elle s'éloignait de son but et plus son désir d'y arriver allait croissant et la faisait souffrir. Elle dépensait ses épargnes, elle servait sans gages, elle était dans le dénuement le plus complet et cela ne la menait à rien, car il n'était pas question de jouer de l'orgue : cependant sa confiance restait inébranlable.
" Je me disais souvent : " Comment ferai-je maintenant pour entrer dans un couvent ? Je ne possède plus rien, et tout est contre moi." Je disais souvent à Dieu : " Je ne sais que faire pour m'aider. C'est vous qui avez arrangé tout cela. C'est donc vous qui devez me tirer de là."
Alors il lui fut montré en vision quel riche accroissement ; avait reçu sa parure de fiancée par suite de toutes ces peines et de tous ces efforts qui semblaient avoir échoué. Elle vit les fruits de ses victoires sur elle-même, de sa patience et de son dévouement, comme des vêtements dont la beauté était infiniment variée : elle vit comment chaque jour le trésor nuptial s'enrichissait de précieux ornements par le renoncement et les oeuvres de charité qu'elle pratiquait : et il lui fallut reconnaître que ses larmes et ses prières, ses luttes et ses privations rendaient des sons plus agréables à Dieu que les accords les plus savants de l'orgue. Puis, convenait-il à la dignité de son fiancé qu'elle arrivât à l'union nuptiale à l'aide de moyens qui, par eux-mêmes, n'étaient pas faits pour conduire à lui ! Dans les couvents de cette époque, on ne faisait plus attention aux signes de vocation surnaturelle ; c'étaient les avantages selon le monde, les qualités extérieures, les considérations personnelles qui décidaient de tout, d'où il résultait qu'on rencontrait rarement de véritables religieuses. Mais Anne Catherine, qui avait à expier ce mépris pour le fiancé céleste, devait se frayer de la manière la plus pénible et la plus humble l'accès d'une communauté religieuse, parce que Dieu voulait recevoir par là une réparation pour l'injurieux dédain avec lequel étaient traitées ses grâces de vocation.
3. Le chantre Soentgen fut profondément touché de la charité désintéressée et du dévouement d'Anne Catherine et, par reconnaissance, il lui promit de faire tout son possible pour l'aider à entrer dans un couvent. Il avait une fille du même âge qui, étant organiste habile, ne pouvait manquer d'être bien accueillie partout ; il résolut donc de ne l'accorder à un couvent qu'à condition qu'on prendrait Anne Catherine avec elle. Il fut aussi poussé à cette résolution par sa sollicitude pour sa fille : car il avait coutume de s'exprimer ainsi devant Anne Catherine :
" Ma Clara ne doit pas entrer au couvent sans toi. Les couvents n'ont plus aujourd'hui leur stricte discipline d'autrefois : mais si tu es avec Clara, tu la maintiendras dans la bonne voie." Les deux jeunes filles frappèrent donc à la porte de plusieurs maisons religieuses, demandant, à y être admises, mais presque toujours inutilement. Les unes trouvaient que la dot se réduisait à trop peu de chose, les autres ne voulaient prendre que Clara. Ainsi firent les Augustines de Dulmen qui avaient besoin d'une organiste. Mais le chantre Soentgen tint bon, et, comme il ne voulait pas laisser entrer sa fille sans Anne Catherine, elles se résignèrent, bien à contrecœur, à accepter aussi celle-ci.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
4. Le 7 avril 1813, Clara Soentgen fit la déposition suivante, à la requête du vicaire général Clément Auguste de Droste :
" Anne Catherine a demeuré avec nous près de trois ans. Je remarquais qu'aux repas elle prenait toujours ce qu'il y avait de plus mauvais. Nous couchions dans une chambre où deux petits enfants couchaient aussi dans un autre compartiment. Je remarquai qu'au lieu de chemise elle portait une robe de laine grossière et, là-dessous, une rude ceinture, fortement tordue et garnie de plusieurs noeuds ; elle la serrait tellement autour de son corps que la peau se gonflait souvent jusqu'à passer par dessus. Son confesseur le sut et lui défendit de la porter. Elle dit plus tard qu'après qu'elle eut quitté cette ceinture par obéissance, il lui était resté autour du corps quelque chose comme un ruban rouge qui s'était imprimé de lui-même sur la peau. Souvent elle sortait seule le soir et, à son retour, je m'apercevais qu'elle avait toute la peau du corps déchirée comme avec des clous.
" Avant de se mettre au lit, elle allait prier seule, le plus ordinairement dans le jardin. Quand elle revenait je remarquais que sa peau était gonflée et couverte d'ampoules, et elle était obligée de m'avouer qu'elle s'était frottée avec des orties. Elle disait que souvent une grosse bête noire était venue à elle, faisant mine de vouloir la chasser ; mais, comme elle ne se laissait effrayer par cet animal, il passait sa tête par-dessus ses épaules et la regardait en face avec des yeux terribles ; après quoi il disparaissait. Un animal semblable s'est mis aussi une fois devant elle comme elle allait chez ses parents de grand matin, après avoir reçu la sainte communion."
A propos de cet incident et de quelques autres du même genre, voici ce que raconta un jour Anne Catherine elle-même :
" Suivant l'habitude que j'avais prise dès mon enfance, je continuai chez Soentgen à aller prier la nuit en plein air. Il m'y arriva, comme du reste bien d'autres fois dans ma vie, que Satan chercha à me chasser par des bruits effrayants. Mais, comme je ne m'appliquai qu'avec plus d'ardeur à prier, il vint derrière moi sous la forme d'une affreuse bête, semblable à un énorme chien, et mit sa tête sur mon épaule. Je tins bon, avec la grâce de Dieu ; je ne quittai pas ma place et je lui dis : " Dieu est plus puissant que toi. Je suis à lui ; je suis ici pour lui. Tu ne peux rien me faire." Alors je n'eus plus aucune peur et l'ennemi fut obligé de me laisser. Souvent aussi le malin esprit me saisissait par le bras et me tirait comme s'il eût voulu m'arracher de mon lit. Je lui tenais tête alors avec la sainte croix et avec la prière. Dans une maladie, il m'attaqua d'une manière terrible, et il fallut me défendre contre lui. Il était furieux et semblait vouloir m'étrangler et me mettre en pièces. Il ouvrit contre moi sa gueule enflammée : je fis le saint signe de la croix et lui présentai hardiment la main en lui disant :" : Mords-la !" mais il disparut.
" Un soir que je priais avec Clara pour les âmes souffrantes, je lui dis : " Récitons encore quelques Pater pour ta mère défunte, dans le cas où elle en aurait encore besoin."
Je priais de tout mon cœur avec elle et, après chaque Pater, je répétais : " Encore un, encore un !" Comme nous étions ainsi à prier, la porte de la chambre s'ouvrit et je vis entrer une grande lumière. Plusieurs, coups furent frappés sur la table qui était devant nous ; nous eûmes peur toutes deux, surtout Clara. Plus tard, lorsque son père revint à la maison, nous lui racontâmes la chose : il fut très ému et pleura beaucoup."
" Souvent ; continue Clara dans sa relation, quand nous avions fini nos prières jamais avant l'oreiller était pressé sur notre visage comme si on eût voulu nous étouffer et il semblait que quelqu'un donnât de violents coups de poing sur l'oreiller d'Anne Catherine. Parfois impatientée de ce que nous ne pouvions pas avoir de repos, elle portait la main à l'oreiller, mais elle ne sentait rien : à peine se tenait-elle de nouveau tranquille que la chose recommençait de la même manière. Cela durait souvent jusqu'à minuit. Anne Catherine se levait aussi quelquefois et courait jusque dans le jardin pour voir d'où cela pouvait venir, mais elle ne voyait rien. Cela ne lui est pas arrivé seulement dans notre maison, mais aussi avant qu'elle y fût, et plus tard encore dans le couvent où il me fallut, dans les commencements, habiter avec elle dans une même cellule.
" Souvent, le soir, quand nous étions au lit, nous priions ensemble pour les âmes du purgatoire. Il arriva une fois, comme nous venions de finir notre prière, qu'une gloire lumineuse plana devant notre lit. Anne Catherine me dit avec une joie extrême : " Vois ! Quelle brillante lumière !" Je fus effrayée et je ne regardai pas."
5. Le révérend père Jacques Reckers, professeur à l'école latine de Coesfeld, déposa aussi, comme confesseur d'Anne Catherine :
" J'ai été, dit-il, pendant environ neuf mois, le confesseur d'Anne Catherine Emmerich, immédiatement avant son entrée au couvent. Hors du tribunal de la pénitence, elle venait quelquefois me demander conseil et assistance pour arriver à entrer dans un couvent. Ce qui me semblait la caractériser plus particulièrement était la simplicité, la bonté de cœur et la droiture. Je ne trouve rien à dire d'elle qui puisse lui être défavorable, si ce n'est que, pour satisfaire à ses penchants charitables, il lui est arrivé quelquefois d'acheter ce qu'elle ne pouvait pas payer tout de suite. Je dois dire à sa louange qu'elle assistait tous les matins à la sainte messe autant que cela lui était possible, qu'elle se confessait et communiait ordinairement tous les dimanches et jours de fête, que, dans la ville, on la considérait généralement comme une très bonne et très pieuse personne, enfin que, dans plusieurs occasions où son espérance et son désir d'être admise dans un couvent parurent déçus, elle a toujours montré une résignation édifiante à la volonté du Seigneur.
" Anne Catherine a demeuré avec nous près de trois ans. Je remarquais qu'aux repas elle prenait toujours ce qu'il y avait de plus mauvais. Nous couchions dans une chambre où deux petits enfants couchaient aussi dans un autre compartiment. Je remarquai qu'au lieu de chemise elle portait une robe de laine grossière et, là-dessous, une rude ceinture, fortement tordue et garnie de plusieurs noeuds ; elle la serrait tellement autour de son corps que la peau se gonflait souvent jusqu'à passer par dessus. Son confesseur le sut et lui défendit de la porter. Elle dit plus tard qu'après qu'elle eut quitté cette ceinture par obéissance, il lui était resté autour du corps quelque chose comme un ruban rouge qui s'était imprimé de lui-même sur la peau. Souvent elle sortait seule le soir et, à son retour, je m'apercevais qu'elle avait toute la peau du corps déchirée comme avec des clous.
" Avant de se mettre au lit, elle allait prier seule, le plus ordinairement dans le jardin. Quand elle revenait je remarquais que sa peau était gonflée et couverte d'ampoules, et elle était obligée de m'avouer qu'elle s'était frottée avec des orties. Elle disait que souvent une grosse bête noire était venue à elle, faisant mine de vouloir la chasser ; mais, comme elle ne se laissait effrayer par cet animal, il passait sa tête par-dessus ses épaules et la regardait en face avec des yeux terribles ; après quoi il disparaissait. Un animal semblable s'est mis aussi une fois devant elle comme elle allait chez ses parents de grand matin, après avoir reçu la sainte communion."
A propos de cet incident et de quelques autres du même genre, voici ce que raconta un jour Anne Catherine elle-même :
" Suivant l'habitude que j'avais prise dès mon enfance, je continuai chez Soentgen à aller prier la nuit en plein air. Il m'y arriva, comme du reste bien d'autres fois dans ma vie, que Satan chercha à me chasser par des bruits effrayants. Mais, comme je ne m'appliquai qu'avec plus d'ardeur à prier, il vint derrière moi sous la forme d'une affreuse bête, semblable à un énorme chien, et mit sa tête sur mon épaule. Je tins bon, avec la grâce de Dieu ; je ne quittai pas ma place et je lui dis : " Dieu est plus puissant que toi. Je suis à lui ; je suis ici pour lui. Tu ne peux rien me faire." Alors je n'eus plus aucune peur et l'ennemi fut obligé de me laisser. Souvent aussi le malin esprit me saisissait par le bras et me tirait comme s'il eût voulu m'arracher de mon lit. Je lui tenais tête alors avec la sainte croix et avec la prière. Dans une maladie, il m'attaqua d'une manière terrible, et il fallut me défendre contre lui. Il était furieux et semblait vouloir m'étrangler et me mettre en pièces. Il ouvrit contre moi sa gueule enflammée : je fis le saint signe de la croix et lui présentai hardiment la main en lui disant :" : Mords-la !" mais il disparut.
" Un soir que je priais avec Clara pour les âmes souffrantes, je lui dis : " Récitons encore quelques Pater pour ta mère défunte, dans le cas où elle en aurait encore besoin."
Je priais de tout mon cœur avec elle et, après chaque Pater, je répétais : " Encore un, encore un !" Comme nous étions ainsi à prier, la porte de la chambre s'ouvrit et je vis entrer une grande lumière. Plusieurs, coups furent frappés sur la table qui était devant nous ; nous eûmes peur toutes deux, surtout Clara. Plus tard, lorsque son père revint à la maison, nous lui racontâmes la chose : il fut très ému et pleura beaucoup."
" Souvent ; continue Clara dans sa relation, quand nous avions fini nos prières jamais avant l'oreiller était pressé sur notre visage comme si on eût voulu nous étouffer et il semblait que quelqu'un donnât de violents coups de poing sur l'oreiller d'Anne Catherine. Parfois impatientée de ce que nous ne pouvions pas avoir de repos, elle portait la main à l'oreiller, mais elle ne sentait rien : à peine se tenait-elle de nouveau tranquille que la chose recommençait de la même manière. Cela durait souvent jusqu'à minuit. Anne Catherine se levait aussi quelquefois et courait jusque dans le jardin pour voir d'où cela pouvait venir, mais elle ne voyait rien. Cela ne lui est pas arrivé seulement dans notre maison, mais aussi avant qu'elle y fût, et plus tard encore dans le couvent où il me fallut, dans les commencements, habiter avec elle dans une même cellule.
" Souvent, le soir, quand nous étions au lit, nous priions ensemble pour les âmes du purgatoire. Il arriva une fois, comme nous venions de finir notre prière, qu'une gloire lumineuse plana devant notre lit. Anne Catherine me dit avec une joie extrême : " Vois ! Quelle brillante lumière !" Je fus effrayée et je ne regardai pas."
5. Le révérend père Jacques Reckers, professeur à l'école latine de Coesfeld, déposa aussi, comme confesseur d'Anne Catherine :
" J'ai été, dit-il, pendant environ neuf mois, le confesseur d'Anne Catherine Emmerich, immédiatement avant son entrée au couvent. Hors du tribunal de la pénitence, elle venait quelquefois me demander conseil et assistance pour arriver à entrer dans un couvent. Ce qui me semblait la caractériser plus particulièrement était la simplicité, la bonté de cœur et la droiture. Je ne trouve rien à dire d'elle qui puisse lui être défavorable, si ce n'est que, pour satisfaire à ses penchants charitables, il lui est arrivé quelquefois d'acheter ce qu'elle ne pouvait pas payer tout de suite. Je dois dire à sa louange qu'elle assistait tous les matins à la sainte messe autant que cela lui était possible, qu'elle se confessait et communiait ordinairement tous les dimanches et jours de fête, que, dans la ville, on la considérait généralement comme une très bonne et très pieuse personne, enfin que, dans plusieurs occasions où son espérance et son désir d'être admise dans un couvent parurent déçus, elle a toujours montré une résignation édifiante à la volonté du Seigneur.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
XI
ANNE CATHERINE REÇOIT DE DIEU LES DOULEURS DE LA COURONNE D'EPINES.
SON ENTRÉE AU COUVENT DES AUGUSTINES DE DULMEN.
1. Lorsqu'Anne Catherine eut complété l'achèvement de son trésor nuptial par les pratiques de la pauvreté la plus humble et de l'abnégation la plus parfaite, le fiancé divin y ajouta lui-même un dernier et plus précieux joyau dont elle devait se montrer parée le jour des noces. Ce n'était rien moins que la couronne que lui-même avait daigné porter sur la terre. Pendant la dernière année de son séjour dans la maison Soentgen, il arriva qu'un jour, vers midi, elle était en contemplation devant un crucifix placé dans la tribune de l'orgue de l'église des Jésuites, à Coesfeld. Clara Soentgen se trouvait avec elle dans l'église. Anne Catherine vit son fiancé céleste sortir du tabernacle sous la forme d'un jeune homme resplendissant. Il tenait de la main gauche une guirlande de fleurs ; de la main droite, une couronne d'épines. Il les lui présenta pour qu'elle choisit. Anne Catherine prit la couronne qu'il lui posa sur la tête et qu'elle-même y enfonça plus fort avec ses deux mains. Elle ressentit des douleurs inexprimables qui depuis lors ne la quittèrent plus. L'apparition s'évanouit et, quand Anne Catherine sortit de sa vision, elle entendit le cliquetis des clefs avec lesquelles le sacristain de l'église allait la fermer. Elle revint à la maison avec sa compagne qui n'avait aucune idée de ce qui était arrivé : souffrant à l'excès au front et aux tempes de douleurs inexplicables pour elle, elle demanda à son amie si elle ne voyait rien à sa tête et celle-ci répondit que non. Mais, le jour d'après, la tête s'enfla beaucoup au-dessus des yeux et depuis les tempes jusqu'aux joues : cependant il n'y eut pas encore d'effusion de sang. Elles ne commencèrent que dans le couvent où Anne Catherine s'appliqua soigneusement à les cacher à ses compagnes. 1
2. De même que sainte Thérèse voyait sur elle, à l'état naturel de veille, les bijoux, l'anneau et la ceinture dont elle avait été parée en vision, de même aussi, les jours consacrés à la passion du Sauveur, la couronne d'épines était visiblement présente pour Anne Catherine. Elle la décrivait comme composée de trois différentes tresses d'épines. L'une des tresses provenait d'un arbuste épineux où elle voyait des fleurs blanches avec des étamines jaunes ; la seconde d'un arbuste qui avait des fleurs semblables, mais des feuilles plus larges ; la troisième lui paraissait comme d'églantier sauvage. Souvent, dans l'ardeur de la prière, elle pressait fortement cette couronne contre sa tête, et, chaque fois, elle sentait les épines s'enfoncer plus profondément. Lorsque, dans le couvent, les plaies commencèrent à saigner, et quelquefois, traversant les bandeaux, y laissèrent voir des points rouges, plusieurs des religieuses prirent cela pour des taches de rouille du linge et ne cherchèrent pas à se l'expliquer autrement ; seulement une des sœurs surprit une fois Anne Catherine comme elle essuyait le sang qui coulait de ses tempes ; mais elle lui promit le secret.
ANNE CATHERINE REÇOIT DE DIEU LES DOULEURS DE LA COURONNE D'EPINES.
SON ENTRÉE AU COUVENT DES AUGUSTINES DE DULMEN.
1. Lorsqu'Anne Catherine eut complété l'achèvement de son trésor nuptial par les pratiques de la pauvreté la plus humble et de l'abnégation la plus parfaite, le fiancé divin y ajouta lui-même un dernier et plus précieux joyau dont elle devait se montrer parée le jour des noces. Ce n'était rien moins que la couronne que lui-même avait daigné porter sur la terre. Pendant la dernière année de son séjour dans la maison Soentgen, il arriva qu'un jour, vers midi, elle était en contemplation devant un crucifix placé dans la tribune de l'orgue de l'église des Jésuites, à Coesfeld. Clara Soentgen se trouvait avec elle dans l'église. Anne Catherine vit son fiancé céleste sortir du tabernacle sous la forme d'un jeune homme resplendissant. Il tenait de la main gauche une guirlande de fleurs ; de la main droite, une couronne d'épines. Il les lui présenta pour qu'elle choisit. Anne Catherine prit la couronne qu'il lui posa sur la tête et qu'elle-même y enfonça plus fort avec ses deux mains. Elle ressentit des douleurs inexprimables qui depuis lors ne la quittèrent plus. L'apparition s'évanouit et, quand Anne Catherine sortit de sa vision, elle entendit le cliquetis des clefs avec lesquelles le sacristain de l'église allait la fermer. Elle revint à la maison avec sa compagne qui n'avait aucune idée de ce qui était arrivé : souffrant à l'excès au front et aux tempes de douleurs inexplicables pour elle, elle demanda à son amie si elle ne voyait rien à sa tête et celle-ci répondit que non. Mais, le jour d'après, la tête s'enfla beaucoup au-dessus des yeux et depuis les tempes jusqu'aux joues : cependant il n'y eut pas encore d'effusion de sang. Elles ne commencèrent que dans le couvent où Anne Catherine s'appliqua soigneusement à les cacher à ses compagnes. 1
2. De même que sainte Thérèse voyait sur elle, à l'état naturel de veille, les bijoux, l'anneau et la ceinture dont elle avait été parée en vision, de même aussi, les jours consacrés à la passion du Sauveur, la couronne d'épines était visiblement présente pour Anne Catherine. Elle la décrivait comme composée de trois différentes tresses d'épines. L'une des tresses provenait d'un arbuste épineux où elle voyait des fleurs blanches avec des étamines jaunes ; la seconde d'un arbuste qui avait des fleurs semblables, mais des feuilles plus larges ; la troisième lui paraissait comme d'églantier sauvage. Souvent, dans l'ardeur de la prière, elle pressait fortement cette couronne contre sa tête, et, chaque fois, elle sentait les épines s'enfoncer plus profondément. Lorsque, dans le couvent, les plaies commencèrent à saigner, et quelquefois, traversant les bandeaux, y laissèrent voir des points rouges, plusieurs des religieuses prirent cela pour des taches de rouille du linge et ne cherchèrent pas à se l'expliquer autrement ; seulement une des sœurs surprit une fois Anne Catherine comme elle essuyait le sang qui coulait de ses tempes ; mais elle lui promit le secret.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
3. Enfin le moment approchait où Anne Catherine devait atteindre le but si longtemps désiré ; et cela, dans des circonstances qui étaient devant Dieu le terme le plus convenable de sa longue et laborieuse voie de souffrance et le sceau de la fidélité avec laquelle la fiancée avait attendu son fiancé. Quelques jours avant qu'Anne Catherine dit adieu au monde, pour se rendre avec Clara Soentgen au couvent des Augustines de Dulmen, elle alla une dernière fois à Flamske, dans la maison paternelle, afin de prendre congé de ses parents affligés. Elle les remercia avec l'émotion la plus profonde de toute la tendresse qu'ils lui avaient témoignée et leur demanda pardon du fond du cœur, ainsi qu'à ses frères et sœurs, de ce qu'elle ne pouvait pas condescendre à leurs désirs, ni se rendre infidèle à l'appel de Dieu qui la voulait dans l'état religieux. Sa mère ne lui répondit que par des larmes, mais son père, ordinairement si bon, se laissa tellement dominer par l'amère douleur d'une séparation désormais irrévocable que, lorsqu'elle lui demanda humblement quelque argent pour son voyage, il lui répondit :
" Si tu veux te faire enterrer demain, je paierai volontiers les frais de l'enterrement, mais pour aller au couvent, je ne te donnerai rien."
Versant des larmes abondantes et pourtant pleine de joie au fond de l'âme, pauvre et dépouillée de tout pour pouvoir voler à la rencontre de son fiancé, elle quitta Flamske, voulant le jour d'après se faire conduire avec Clara à Dulmen, qui n'est éloigné de Coesfeld que de quelques lieues. Alors à la dernière heure, il surgit tout à coup un nouvel obstacle. L'organiste Soentgen n'avait pu obtenir la promesse d'un prêt de dix écus que sous la condition qu'Anne Catherine s'engagerait pour lui. Il lui exposa son embarras et ne cessa de la supplier jusqu'à ce que, dans la confiance que Dieu lui viendrait en aide, elle eût donné sa signature. Elle n'avait pas le moindre argent et ne possédait que le strict nécessaire en fait de vêtements. Ceux-ci, avec une maigre fourniture de lit, se trouvaient dans un coffre de bois où sa mère avait mis en secret une pièce de toile pour ne pas laisser son enfant bien-aimée se séparer d'elle sans avoir rien reçu. Lorsqu'Anne Catherine découvrit la pièce de toile, elle n'osa pas la garder pour elle, mais la donna à Clara Soentgen, pour la remercier de ce qu'elle lui avait fait obtenir son admission. Elle reçut pour cela un riche dédommagement ; car le mystérieux livre prophétique lui fût remis pour qu'elle le portât avec elle au couvent de Dulmen.
Depuis la fondation de ce couvent, jamais il n'était entré dans ses murs une vierge aussi pauvre des biens de la terre, aussi riche en biens spirituels. D'une voix suppliante, elle pria la révérende mère de la recevoir pour l'amour de Dieu, comme la dernière de la maison, qui voulait se soumettre avec joie à tout travail et à tout emploi que l'obéissance lui imposerait ; mais elle ne réussit pas à apaiser le mécontentement général soulevé contre une personne qui, réduite à un dénuement inouï et affligée d'une si mauvaise santé, avait la hardiesse d'imposer de nouvelles charges au pauvre couvent.
4. Le couvent des religieuses Augustines de fondé dans la seconde moitié du XVe siècle (note), avait reçu ses premières religieuses du couvent de Marienthal à Munster. Il resta jusqu'à sa suppression sous la direction spirituelle des chanoines Augustins de Frenswegen et en dernier lieu de ceux de Thalheim, près de Paderborn.
(note) L'acte de fondation encore existant porte ce qui suit : " En l'an de notre Seigneur Jésus-Christ 1437, Hermann Hoken et Grete, sa légitime épouse, ont donné cette maison avec ses dépendances pour qu'elle soit à perpétuité une maison de sœurs. C'est pourquoi le bourgmestre et le conseil de la ville de Dulmen ont écrit d'un commun accord aux sœurs de Marienthal, à Munster, pour les prier d'accepter la susdite maison et d'envoyer ici trois personnes qui sont nécessaires pour commencer. Et elles ont envoyé Grete Mosterdes comme mère et supérieure de la maison, et avec elle, Gertrude Konewerdes et Gelseke Tegerdes. Hermann Hoken sa femme Grete, ci-dessus nommés, leur ont donné la présente maison, à elles et à celles qui viendront après elles, pour qu'elle reste à jamais un maison de sœurs, à la louange de Dieu et en l'honneur de Marie, sa mère bénie, afin que les donateurs et les pères et mères de l'un et de l'autre ainsi que la défunte Mette, première femme dudit Hoken, aient part aux bonnes oeuvres qui s'y feront dans tous les temps et afin qu'on y fasse mémoire des susdites personnes le jour anniversaire de la mort de chacune, plus tard avec Vigiles et Messes quand le temps et les noms se rencontreront dans ce calendrier. En l'an de Notre-Seigneur 1471, le samedi d'après la fête de saint Servais, évêque, la susdite maison de sœurs a été fermée la clôture introduite suivant la règle de notre saint père et patron saint Augustin. La susnommée Grele Mosterdes, mère supérieure, et cinq autres sœurs ont reçu la règle et sont entrées dans la clôture, pour servir Dieu, auteur de notre salut, en toute pureté et observation des commandements et de la doctrine de Jésus-Chrit, notre Rédempteur. Le même jour et an, quatre autres sœurs ont été admises, suivant la règle, lesquelles sont restées en dehors de la clôture."
Il s'était toujours trouvé dans une situation très gênée ; pendant la guerre de Sept-Ans, il était tombé dans une extrême détresse et la communauté n'avait pu être préservée de sa dissolution que par les charités des habitants de Dulmen. La situation ne devint guère plus favorable dans la suite, et le couvent ne se trouva plus jamais en état de pourvoir à tous les besoins de ses habitants non plus que de restaurer parfaitement la vie commune. Les diverses religieuses, chacune de son côté, devaient s'entretenir en partie à l'aide de la dot qu'elles avaient apportée ou de ce qu'elles gagnaient par leur travail ; en sorte que celles d'entre elles qui ne pouvaient recourir qu'aux ressources du couvent ou à la charité des étrangers avaient souvent à supporter de cruelles privations.
Sous le rapport spirituel, le couvent d'Agnetenberg, lors de l'entrée d'Anne Catherine, se trouvait dans le même état que la plupart des pauvres couvents de femmes de ce temps au pays de Munster. L'observation ponctuelle de la règle n'existait plus ; bien plus, la règle elle-même était tombée dans l'oubli. La porte du cloître, autrefois si rigoureusement fermée, était ouverte indistinctement à tous les visiteurs, et on n'y trouvait plus guère le silence et la paix d'une maison religieuse. Les sœurs vivaient plutôt comme des commensaux qui, s'étant trouvés ensemble par hasard, se seraient arrangés de leur mieux pour le reste de leur vie, que comme les membres d'une famille religieuse, étroitement liés par une règle et par des voeux, et obligés à une vie de perfection. La coutume et la nécessité maintenaient encore à la vérité un certain ordre et des mœurs régulières : mais c'était l'habit seul, et non pas un plus haut degré de piété, qui distinguait les religieuses des chrétiens ordinaires vivant dans le monde. Maintenant, Anne Catherine est placée par Dieu au milieu de tout ce relâchement pour y atteindre à la plus haute perfection de la vie religieuse. Ce que les circonstances ont de défavorable ne doit pas plus y faire obstacle pour elle que l'insuccès de ses nombreuses tentatives ne l'a empêchée d'entrer au couvent. Sa tâche, comme instrument d'expiation des fautes d'autrui, a cela de particulier que tout ce qui serait pour d'autres une occasion de chute et de perdition, doit devenir pour elle un moyen de se montrer d'autant plus fidèle envers Dieu. La décadence de la discipline claustrale et de la régularité, le relâchement de tous les liens de l'obéissance, la transgression de la règle passée en coutume, l'absence de direction éclairée pour les âmes, en un mot, toutes les misères des familles religieuses de cette époque, misères qui ont attiré la terrible sentence de la suppression générale des monastères, deviennent pour Anne Catherine autant de voies pour arriver à la perfection, car tout cela ne fera que l'exciter à servir Dieu avec un zèle toujours croissant.
" Si tu veux te faire enterrer demain, je paierai volontiers les frais de l'enterrement, mais pour aller au couvent, je ne te donnerai rien."
Versant des larmes abondantes et pourtant pleine de joie au fond de l'âme, pauvre et dépouillée de tout pour pouvoir voler à la rencontre de son fiancé, elle quitta Flamske, voulant le jour d'après se faire conduire avec Clara à Dulmen, qui n'est éloigné de Coesfeld que de quelques lieues. Alors à la dernière heure, il surgit tout à coup un nouvel obstacle. L'organiste Soentgen n'avait pu obtenir la promesse d'un prêt de dix écus que sous la condition qu'Anne Catherine s'engagerait pour lui. Il lui exposa son embarras et ne cessa de la supplier jusqu'à ce que, dans la confiance que Dieu lui viendrait en aide, elle eût donné sa signature. Elle n'avait pas le moindre argent et ne possédait que le strict nécessaire en fait de vêtements. Ceux-ci, avec une maigre fourniture de lit, se trouvaient dans un coffre de bois où sa mère avait mis en secret une pièce de toile pour ne pas laisser son enfant bien-aimée se séparer d'elle sans avoir rien reçu. Lorsqu'Anne Catherine découvrit la pièce de toile, elle n'osa pas la garder pour elle, mais la donna à Clara Soentgen, pour la remercier de ce qu'elle lui avait fait obtenir son admission. Elle reçut pour cela un riche dédommagement ; car le mystérieux livre prophétique lui fût remis pour qu'elle le portât avec elle au couvent de Dulmen.
Depuis la fondation de ce couvent, jamais il n'était entré dans ses murs une vierge aussi pauvre des biens de la terre, aussi riche en biens spirituels. D'une voix suppliante, elle pria la révérende mère de la recevoir pour l'amour de Dieu, comme la dernière de la maison, qui voulait se soumettre avec joie à tout travail et à tout emploi que l'obéissance lui imposerait ; mais elle ne réussit pas à apaiser le mécontentement général soulevé contre une personne qui, réduite à un dénuement inouï et affligée d'une si mauvaise santé, avait la hardiesse d'imposer de nouvelles charges au pauvre couvent.
4. Le couvent des religieuses Augustines de fondé dans la seconde moitié du XVe siècle (note), avait reçu ses premières religieuses du couvent de Marienthal à Munster. Il resta jusqu'à sa suppression sous la direction spirituelle des chanoines Augustins de Frenswegen et en dernier lieu de ceux de Thalheim, près de Paderborn.
(note) L'acte de fondation encore existant porte ce qui suit : " En l'an de notre Seigneur Jésus-Christ 1437, Hermann Hoken et Grete, sa légitime épouse, ont donné cette maison avec ses dépendances pour qu'elle soit à perpétuité une maison de sœurs. C'est pourquoi le bourgmestre et le conseil de la ville de Dulmen ont écrit d'un commun accord aux sœurs de Marienthal, à Munster, pour les prier d'accepter la susdite maison et d'envoyer ici trois personnes qui sont nécessaires pour commencer. Et elles ont envoyé Grete Mosterdes comme mère et supérieure de la maison, et avec elle, Gertrude Konewerdes et Gelseke Tegerdes. Hermann Hoken sa femme Grete, ci-dessus nommés, leur ont donné la présente maison, à elles et à celles qui viendront après elles, pour qu'elle reste à jamais un maison de sœurs, à la louange de Dieu et en l'honneur de Marie, sa mère bénie, afin que les donateurs et les pères et mères de l'un et de l'autre ainsi que la défunte Mette, première femme dudit Hoken, aient part aux bonnes oeuvres qui s'y feront dans tous les temps et afin qu'on y fasse mémoire des susdites personnes le jour anniversaire de la mort de chacune, plus tard avec Vigiles et Messes quand le temps et les noms se rencontreront dans ce calendrier. En l'an de Notre-Seigneur 1471, le samedi d'après la fête de saint Servais, évêque, la susdite maison de sœurs a été fermée la clôture introduite suivant la règle de notre saint père et patron saint Augustin. La susnommée Grele Mosterdes, mère supérieure, et cinq autres sœurs ont reçu la règle et sont entrées dans la clôture, pour servir Dieu, auteur de notre salut, en toute pureté et observation des commandements et de la doctrine de Jésus-Chrit, notre Rédempteur. Le même jour et an, quatre autres sœurs ont été admises, suivant la règle, lesquelles sont restées en dehors de la clôture."
Il s'était toujours trouvé dans une situation très gênée ; pendant la guerre de Sept-Ans, il était tombé dans une extrême détresse et la communauté n'avait pu être préservée de sa dissolution que par les charités des habitants de Dulmen. La situation ne devint guère plus favorable dans la suite, et le couvent ne se trouva plus jamais en état de pourvoir à tous les besoins de ses habitants non plus que de restaurer parfaitement la vie commune. Les diverses religieuses, chacune de son côté, devaient s'entretenir en partie à l'aide de la dot qu'elles avaient apportée ou de ce qu'elles gagnaient par leur travail ; en sorte que celles d'entre elles qui ne pouvaient recourir qu'aux ressources du couvent ou à la charité des étrangers avaient souvent à supporter de cruelles privations.
Sous le rapport spirituel, le couvent d'Agnetenberg, lors de l'entrée d'Anne Catherine, se trouvait dans le même état que la plupart des pauvres couvents de femmes de ce temps au pays de Munster. L'observation ponctuelle de la règle n'existait plus ; bien plus, la règle elle-même était tombée dans l'oubli. La porte du cloître, autrefois si rigoureusement fermée, était ouverte indistinctement à tous les visiteurs, et on n'y trouvait plus guère le silence et la paix d'une maison religieuse. Les sœurs vivaient plutôt comme des commensaux qui, s'étant trouvés ensemble par hasard, se seraient arrangés de leur mieux pour le reste de leur vie, que comme les membres d'une famille religieuse, étroitement liés par une règle et par des voeux, et obligés à une vie de perfection. La coutume et la nécessité maintenaient encore à la vérité un certain ordre et des mœurs régulières : mais c'était l'habit seul, et non pas un plus haut degré de piété, qui distinguait les religieuses des chrétiens ordinaires vivant dans le monde. Maintenant, Anne Catherine est placée par Dieu au milieu de tout ce relâchement pour y atteindre à la plus haute perfection de la vie religieuse. Ce que les circonstances ont de défavorable ne doit pas plus y faire obstacle pour elle que l'insuccès de ses nombreuses tentatives ne l'a empêchée d'entrer au couvent. Sa tâche, comme instrument d'expiation des fautes d'autrui, a cela de particulier que tout ce qui serait pour d'autres une occasion de chute et de perdition, doit devenir pour elle un moyen de se montrer d'autant plus fidèle envers Dieu. La décadence de la discipline claustrale et de la régularité, le relâchement de tous les liens de l'obéissance, la transgression de la règle passée en coutume, l'absence de direction éclairée pour les âmes, en un mot, toutes les misères des familles religieuses de cette époque, misères qui ont attiré la terrible sentence de la suppression générale des monastères, deviennent pour Anne Catherine autant de voies pour arriver à la perfection, car tout cela ne fera que l'exciter à servir Dieu avec un zèle toujours croissant.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
5. Elle arrive maintenant à une nouvelle section de son livre prophétique, et la vision des fiançailles, qui l'a accompagnée depuis sa seizième année et d'après les instructions de laquelle elle a travaillé à se faire une dot spirituelle, prend un nouveau caractère. Elle se voit maintenant dans la maison du fiancé, ou, comme elle avait coutume de la nommer, dans la maison des noces spirituelles ; c'est là aussi que son trésor nuptial est transporté. Elle s'est déterminée à entrer dans les murs du couvent avec une bourse vide et un coffre vide, et ce dépouillement si agréable à Dieu, a attiré sur elle le mécontentement et le mépris de personnes consacrées à Dieu ; c'est là ce qui lui a ouvert les portes de la maison nuptiale, et aussi ce qui lui a montré clairement à quoi elle devait s'attendre dans le couvent. Elle habite non plus seulement dans les tableaux symboliques de la vision qui lui sert de guide, mais réellement et corporellement, une maison de Dieu, c'est-à-dire une maison religieuse au centre de laquelle Dieu lui-même réside dans le Saint-Sacrement, où il appelle celles qui l'habitent à le servir jour et nuit, aux heures marquées par l'Église, et d'où il règle, au moyen des constitutions monastiques, non seulement les diverses pratiques de piété et de mortification, mais encore chaque occupation particulière de la journée, bien plus, chaque pas, chaque regard, chaque geste, en un mot, tout l'ensemble de la vie à laquelle il imprime ainsi le sceau qui la consacre à son service. Tout cela apparaît clairement et sans voile aux yeux d'Anne Catherine, et plus elle approfondit l'incomparable dignité d'une vie dirigée suivant un si bel ordre, plus elle ressent douloureusement chaque déviation, chaque violation de la règle et jusqu'à chaque marque d'indifférence, d'indolence et de mondanité ; mais aussi elle se sent elle-même d'autant plus indigne d'habiter une telle maison. Ce n'était donc pas par une simple manière de parler qu'à son entrée elle demandait à la supérieure d'être traitée dans le couvent comme la dernière et la moindre de toutes : et Dieu arrangea les choses de façon à ce que, durant tout le temps qu'elle y vécut, elle n'y fut jamais traitée autrement.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
XII
NOVICIAT D'ANNE CATHERINE
1. Anne Catherine eut à passer les premiers mois de son séjour au couvent en qualité de postulante et en habit séculier. Elle habitait une même cellule avec Clara Soentgen, et ne pouvait jamais avoir l'assurance qu'elle ne serait pas renvoyée : mais Dieu lui donna pendant ce temps assez de force pour qu'elle pût se rendre utile au couvent par le travail manuel et gagner, en outre, au moyen de la couture, de quoi subvenir à ses besoins, d'ailleurs peu nombreux, et aux frais de la vêture. Elle échappa par là au danger d'être congédiée sous prétexte d'inutilité, et, le 13 novembre 1802, elle prit l'habit de l'ordre et fut admise formellement comme novice.
On lui assigna la plus mauvaise cellule du couvent, avec une chaise sans dossier et une autre sans siège : à défaut de table, elle avait, pour y suppléer, l'appui de la fenêtre." Mais, déclarait-elle plus tard, ma pauvre cellule était pour moi si bien remplie et si magnifique que le ciel tout entier me semblait y être."
On peut aisément se figurer ce que pouvait être l'éducation spirituelle des novices dans une communauté où étaient tombés en désuétude tous les exercices au moyen desquels, à une meilleure époque, on éprouvait et on affermissait les vocations. Anne Catherine aspirait aux mortifications sévères, aux humiliations, aux épreuves touchant l'obéissance que prescrivait, l'ancienne règle du couvent, mais il n'y avait personne pour les lui imposer. Il lui paraissait infiniment plus fructueux et plus méritoire d'être humiliée en vertu de l'obéissance que de s'imposer des pénitences volontaires : mais personne ne lui aurait fourni l'occasion de mériter ainsi, si le divin fiancé lui-même n'était intervenu comme maître et instituteur pour conduire la docile écolière au plus haut degré de perfection, précisément à l'aide des circonstances au milieu desquelles elle vivait et de sa situation si peu favorable au progrès spirituel. Tout devait lui servir de moyen, les choses comme les personnes, pour atteindre ce but et procurer par là la gloire de Dieu et le bien de toute l'Église. Une maîtresse des novices clairvoyante et expérimentée dans la vie spirituelle aurait bientôt découvert dans Anne Catherine sa tendance aux choses les plus hautes, y aurait accommodé sa direction et n'aurait rien toléré en elle qui ressemblât à une imperfection ou à un défaut. Elle était par nature d'un caractère très vif et pouvait facilement s'emporter à la vue d'une injustice. La mortification de cette vivacité était une chose à laquelle Anne Catherine ne pouvait atteindre sans direction : c'est pourquoi Dieu permit que, dès les premiers temps de son noviciat, elle fût injustement soupçonnée, accusée et, quoiqu'innocente, réprimandée publiquement, ce qu'il lui fallut endurer sans murmurer, sans s'excuser, ni se défendre.
NOVICIAT D'ANNE CATHERINE
1. Anne Catherine eut à passer les premiers mois de son séjour au couvent en qualité de postulante et en habit séculier. Elle habitait une même cellule avec Clara Soentgen, et ne pouvait jamais avoir l'assurance qu'elle ne serait pas renvoyée : mais Dieu lui donna pendant ce temps assez de force pour qu'elle pût se rendre utile au couvent par le travail manuel et gagner, en outre, au moyen de la couture, de quoi subvenir à ses besoins, d'ailleurs peu nombreux, et aux frais de la vêture. Elle échappa par là au danger d'être congédiée sous prétexte d'inutilité, et, le 13 novembre 1802, elle prit l'habit de l'ordre et fut admise formellement comme novice.
On lui assigna la plus mauvaise cellule du couvent, avec une chaise sans dossier et une autre sans siège : à défaut de table, elle avait, pour y suppléer, l'appui de la fenêtre." Mais, déclarait-elle plus tard, ma pauvre cellule était pour moi si bien remplie et si magnifique que le ciel tout entier me semblait y être."
On peut aisément se figurer ce que pouvait être l'éducation spirituelle des novices dans une communauté où étaient tombés en désuétude tous les exercices au moyen desquels, à une meilleure époque, on éprouvait et on affermissait les vocations. Anne Catherine aspirait aux mortifications sévères, aux humiliations, aux épreuves touchant l'obéissance que prescrivait, l'ancienne règle du couvent, mais il n'y avait personne pour les lui imposer. Il lui paraissait infiniment plus fructueux et plus méritoire d'être humiliée en vertu de l'obéissance que de s'imposer des pénitences volontaires : mais personne ne lui aurait fourni l'occasion de mériter ainsi, si le divin fiancé lui-même n'était intervenu comme maître et instituteur pour conduire la docile écolière au plus haut degré de perfection, précisément à l'aide des circonstances au milieu desquelles elle vivait et de sa situation si peu favorable au progrès spirituel. Tout devait lui servir de moyen, les choses comme les personnes, pour atteindre ce but et procurer par là la gloire de Dieu et le bien de toute l'Église. Une maîtresse des novices clairvoyante et expérimentée dans la vie spirituelle aurait bientôt découvert dans Anne Catherine sa tendance aux choses les plus hautes, y aurait accommodé sa direction et n'aurait rien toléré en elle qui ressemblât à une imperfection ou à un défaut. Elle était par nature d'un caractère très vif et pouvait facilement s'emporter à la vue d'une injustice. La mortification de cette vivacité était une chose à laquelle Anne Catherine ne pouvait atteindre sans direction : c'est pourquoi Dieu permit que, dès les premiers temps de son noviciat, elle fût injustement soupçonnée, accusée et, quoiqu'innocente, réprimandée publiquement, ce qu'il lui fallut endurer sans murmurer, sans s'excuser, ni se défendre.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
2. Voici, entre autres, une épreuve de ce genre. Le couvent, ne tirant qu'un mince revenu du produit de quelques champs, donnait à manger, moyennant une modique rétribution, à quelques pensionnaires qui étaient de pauvres religieuses françaises émigrées et un homme âgé, frère de la supérieure. On demandait à ce dernier moins qu'aux autres ; et les pauvres nonnes françaises, qui l'apprirent par hasard, en ressentirent tant de chagrin qu'elles s'en plaignirent à la supérieure comme d'une grande injustice. On voulut alors savoir qui avait révélé ce secret aux étrangères. Aucune des sœurs ne s'avoua coupable, et la faute tomba sur Anne Catherine, parce qu'on savait qu'elle portait un tendre intérêt aux Françaises, en leur qualité de religieuses bannies à cause de leur profession et réduites au plus grand dénuement. Elle pouvait bien affirmer en toute vérité qu'elle ne s'était jamais inquiétée ni de ce que payait pour sa pension le frère de la supérieure, ni de ce qu'on exigeait des nonnes étrangères, et qu'ignorant tout cela, elle n'avait pu par conséquent en rien révéler. Mais l'inculpation de trahison ne cessa pourtant de peser sur elle. Il lui fallut subir une sévère réprimande de la supérieure et du chapitre et se soumettre à la pénitence qui lui fut imposée, et plus que jamais l'on entendit dans le couvent tout le monde se plaindre hautement de ce que cette pauvre paysanne, admise sans dot, répondait à ce bienfait par la plus blessante ingratitude. Anne Catherine non seulement souffrit en cette occasion l'amère douleur de se voir, malgré son innocence, si durement soupçonnée et punie, mais ce fut encore pour elle une peine indicible d'avoir été, quoique sans le vouloir, l'occasion d'une si grande injustice. Comme il n'y avait dans le couvent personne à qui elle pût s'ouvrir, il lui fallut renfermer en elle-même tout ce qu'elle ressentit dans cette circonstance d'émotions douloureuses. Elle sut promptement prendre assez sur elle pour conserver dans son cœur une affection sincère envers toutes ses compagnes, pour leur pardonner sans rancune, et même pour rendre grâces à Dieu de l'injure qui lui avait été faite comme d'un châtiment mérité : mais peu de temps après, elle tomba dans une grave maladie dont elle ne guérit que lentement.
3. Ce fut à Noël de l'an 1802 qu'elle ressentit autour du cœur et particulièrement au creux de l'estomac des douleurs assez violentes pour l'empêcher de se livrer à ses travaux accoutumés. Vainement rassembla-t-elle toutes ses forces pour résister à ce mal qui n'avait que l'apparence d'une maladie ordinaire et pour ne pas tomber à la charge du couvent : les douleurs ne firent qu'augmenter. Il lui semblait qu'elle était percée de traits qui se succédaient sans relâche ; à la fin elle ne put plus quitter son lit. Anne Catherine, dans sa profonde humilité, n'osait pas s'avouer à elle-même et encore bien moins aux autres religieuses la vraie cause de cette maladie : elle la connaissait pourtant par la vision qui, lors de sa prise d'habit, lui avait montré la signification intérieure de cette cérémonie et celle de tous les vêtements religieux qu'elle reçut alors avec infiniment de respect et de reconnaissance. Saint Augustin, comme patron de l'ordre, l'avait revêtue de l'habit, l'avait acceptée pour sa fille et lui avait promis sa protection spéciale : il lui avait fait voir son cœur enflammé d'amour et avait allumé par là un tel feu dans celui d'Anne Catherine qu'elle se sentit alors plus intimement unie à sa famille religieuse qu'à ses parents et à ses frères selon la chair. Depuis lors elle vit la signification spirituelle de l'habit religieux et en eut le sentiment aussi intime et aussi vif que celui que peut faire éprouver à une personne ordinaire l'effet d'un vêtement qui la protège : elle sentit et s'assimila en quelque sorte la nature de l'union spirituelle que l'habit établissait entre elle et les autres religieuses. C'étaient comme des courants spirituels ou comme des fils tressés ensemble qui, passant à travers toutes, revenaient à elle comme au foyer on au centre. Son cœur était maintenant devenu le centre spirituel de cette communauté : car elle avait la terrible mission de ressentir dans son corps toutes les blessures que les fautes et les péchés de la famille couventuelle faisaient au cœur du fiancé céleste. Or Anne Catherine ne pouvait avancer que par degrés dans cette voie, car l'ardeur de la charité ne la soulevait pas, pauvre mortelle, qu'elle était, jusqu'à la rendre insensible aux peines et, aux douleurs qui maintenant sous toutes les formes pressuraient son cœur sans relâche. Ce qui se faisait dans la maison contre la règle et les voeux, toutes les paroles et tous les actes, toutes les omissions et toutes les négligences, frappaient son cœur comme avec un dard, en sorte qu'elle pouvait à peine résister à l'excès de cette douleur.
3. Ce fut à Noël de l'an 1802 qu'elle ressentit autour du cœur et particulièrement au creux de l'estomac des douleurs assez violentes pour l'empêcher de se livrer à ses travaux accoutumés. Vainement rassembla-t-elle toutes ses forces pour résister à ce mal qui n'avait que l'apparence d'une maladie ordinaire et pour ne pas tomber à la charge du couvent : les douleurs ne firent qu'augmenter. Il lui semblait qu'elle était percée de traits qui se succédaient sans relâche ; à la fin elle ne put plus quitter son lit. Anne Catherine, dans sa profonde humilité, n'osait pas s'avouer à elle-même et encore bien moins aux autres religieuses la vraie cause de cette maladie : elle la connaissait pourtant par la vision qui, lors de sa prise d'habit, lui avait montré la signification intérieure de cette cérémonie et celle de tous les vêtements religieux qu'elle reçut alors avec infiniment de respect et de reconnaissance. Saint Augustin, comme patron de l'ordre, l'avait revêtue de l'habit, l'avait acceptée pour sa fille et lui avait promis sa protection spéciale : il lui avait fait voir son cœur enflammé d'amour et avait allumé par là un tel feu dans celui d'Anne Catherine qu'elle se sentit alors plus intimement unie à sa famille religieuse qu'à ses parents et à ses frères selon la chair. Depuis lors elle vit la signification spirituelle de l'habit religieux et en eut le sentiment aussi intime et aussi vif que celui que peut faire éprouver à une personne ordinaire l'effet d'un vêtement qui la protège : elle sentit et s'assimila en quelque sorte la nature de l'union spirituelle que l'habit établissait entre elle et les autres religieuses. C'étaient comme des courants spirituels ou comme des fils tressés ensemble qui, passant à travers toutes, revenaient à elle comme au foyer on au centre. Son cœur était maintenant devenu le centre spirituel de cette communauté : car elle avait la terrible mission de ressentir dans son corps toutes les blessures que les fautes et les péchés de la famille couventuelle faisaient au cœur du fiancé céleste. Or Anne Catherine ne pouvait avancer que par degrés dans cette voie, car l'ardeur de la charité ne la soulevait pas, pauvre mortelle, qu'elle était, jusqu'à la rendre insensible aux peines et, aux douleurs qui maintenant sous toutes les formes pressuraient son cœur sans relâche. Ce qui se faisait dans la maison contre la règle et les voeux, toutes les paroles et tous les actes, toutes les omissions et toutes les négligences, frappaient son cœur comme avec un dard, en sorte qu'elle pouvait à peine résister à l'excès de cette douleur.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
4. Elle n'avait personne de qui elle se pût faire comprendre ou à qui elle pût dire seulement qu'elle avait le cœur torturé par un mal cruel. On fit venir le médecin du couvent qui la traita comme pour des spasmes. C'était la première fois de sa vie qu'elle avait à subir un traitement médical et des remèdes empruntés à la médecine : car, dans la maison paternelle, l'emploi de certaines herbes salutaires qu'elle savait trouver elle-même et le repos extérieur amenaient promptement sa guérison, en sorte que personne ne pensait à faire venir un homme de l'art. Maintenant il en était tout autrement : les règlements du couvent lui faisaient un devoir de se déclarer malade et de recevoir les soins du médecin appointé. Comme novice obéissante, elle ne doit rejeter aucun remède, quand même elle a la certitude que la cause de sa maladie est une cause spirituelle et que ses souffrances ne peuvent être soulagées que par des moyens spirituels. Elle se laisse docilement traiter comme une malade ordinaire et elle est heureuse, au milieu de ses souffrances, de trouver l'occasion de pratiquer l'obéissance.
5. Pour rendre cette soumission encore plus complète Dieu permet que l'esprit malin la dresse et lui dresse toute espèce d'embûches. Il vient à elle comme un ange de lumière, l'exhortant à retourner dans le monde, parce qu'elle doit bien voir qu'on lui demande l'impossible. Ce serait donc un péché, lui dit-il, que de vouloir plus longtemps se courber sous un fardeau qui est au-dessus de ses forces, qui est même au-dessus de ce que Dieu veut qu'elle ait à supporter. Il lui décrit aussi les souffrances futures qui doivent lui venir de la part de ses sœurs ; mais Anne Catherine chasse le tentateur par le signe de la croix avant qu'il ait fini son astucieux discours.
D'autres fois il cherchait à l'exciter au ressentiment et aux murmures contre les supérieures ou à lui inspirer une grande crainte de celles-ci, afin de la pousser à quitter le couvent. Une fois, pendant la nuit, il la jeta ainsi dans une grande angoisse. Il lui semblait que la supérieure et la maîtresse des novices s'approchaient tout à coup de son lit, l'accablaient de très vifs reproches et finissaient par lui déclarer qu'étant absolument indigne d'être appelée à la vie religieuse, elle devait être expulsée de la communauté. Anne Catherine reçut en silence toutes ces réprimandes, disant seulement qu'elle-même se sentait indigne d'être admise dans un couvent et priant qu'on voulût bien user à son égard d'indulgence et de patience. Là-dessus, ces femmes irritées quittèrent la cellule en l'injuriant : pour elle, elle pleura et pria jusqu'au matin. Alors elle fit venir son confesseur pour lui raconter ce qui s'était passé pendant la nuit et lui demander conseil sur ce qu'elle avait à faire pour apaiser le courroux de la supérieure. Mais, lorsque celui-ci alla aux informations, il fut constaté que ni la supérieure ni aucune autre religieuse n'était entrée dans la cellule d'Anne Catherine. Il reconnut dans ce qui était arrivé une attaque de l'esprit malin et Anne Catherine remercia Dieu de ce qu'il lui avait donné la force de se sentir en toute sincérité indigne d'être religieuse et de vaincre par là le tentateur.
5. Pour rendre cette soumission encore plus complète Dieu permet que l'esprit malin la dresse et lui dresse toute espèce d'embûches. Il vient à elle comme un ange de lumière, l'exhortant à retourner dans le monde, parce qu'elle doit bien voir qu'on lui demande l'impossible. Ce serait donc un péché, lui dit-il, que de vouloir plus longtemps se courber sous un fardeau qui est au-dessus de ses forces, qui est même au-dessus de ce que Dieu veut qu'elle ait à supporter. Il lui décrit aussi les souffrances futures qui doivent lui venir de la part de ses sœurs ; mais Anne Catherine chasse le tentateur par le signe de la croix avant qu'il ait fini son astucieux discours.
D'autres fois il cherchait à l'exciter au ressentiment et aux murmures contre les supérieures ou à lui inspirer une grande crainte de celles-ci, afin de la pousser à quitter le couvent. Une fois, pendant la nuit, il la jeta ainsi dans une grande angoisse. Il lui semblait que la supérieure et la maîtresse des novices s'approchaient tout à coup de son lit, l'accablaient de très vifs reproches et finissaient par lui déclarer qu'étant absolument indigne d'être appelée à la vie religieuse, elle devait être expulsée de la communauté. Anne Catherine reçut en silence toutes ces réprimandes, disant seulement qu'elle-même se sentait indigne d'être admise dans un couvent et priant qu'on voulût bien user à son égard d'indulgence et de patience. Là-dessus, ces femmes irritées quittèrent la cellule en l'injuriant : pour elle, elle pleura et pria jusqu'au matin. Alors elle fit venir son confesseur pour lui raconter ce qui s'était passé pendant la nuit et lui demander conseil sur ce qu'elle avait à faire pour apaiser le courroux de la supérieure. Mais, lorsque celui-ci alla aux informations, il fut constaté que ni la supérieure ni aucune autre religieuse n'était entrée dans la cellule d'Anne Catherine. Il reconnut dans ce qui était arrivé une attaque de l'esprit malin et Anne Catherine remercia Dieu de ce qu'il lui avait donné la force de se sentir en toute sincérité indigne d'être religieuse et de vaincre par là le tentateur.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
6. Lorsqu'au bout de quelques semaines, on cessa le traitement médical, la communauté put se convaincre aisément qu'à proprement parler, il n'y avait pas eu de guérison. Elle paraissait si faible et si languissante qu'il s'éleva un murmure général contre la charge que le couvent allait s'imposer en admettant à la profession une personne aussi maladive et aussi incapable de travail : il valait mieux, disait-on, la renvoyer tout de suite que se mettre, en attendant plus longtemps, dans la nécessité de la conserver. Quand de semblables propos se tenaient, même à voix basse et à l'extrémité de la maison, ils arrivaient à Anne Catherine aussi clairement et aussi distinctement que si on les avait tenus en face d'elle dans sa cellule : bien plus, tous les desseins et tous les complots, tous les sentiments qui animaient intérieurement contre elle telle ou telle d'entre les religieuses, pénétraient comme des étincelles de feu où des lames de fer brillant et faisaient incessamment à son cœur de douloureuses blessures. Le don, de lire dans les cœurs qu'Anne Catherine avait possédé dès son enfance, mais qui n'avait pas été pour elle une occasion particulière de chagrins, vivant, comme elle faisait, au milieu de gens de la campagne, simples, droits ; et la plupart du temps bien disposés en sa faveur, ce don, disons-nous, devint maintenant pour elle une source de peines infinies, parce qu'aucune des pensées ou des sentiments des sœurs à son égard ne lui restait caché. Tout cela lui : était manifesté d'après les desseins de Dieu, parce qu'il voulait que, par la perfection de ses vertus, elle surmontât tous les obstacles et toutes les difficultés que lui préparaient sur sa voie d'expiation les circonstances défavorables ou le mauvais vouloir des personnes. Elle voyait les passions de son entourage parce qu'elle devait lutter contre elles, comme contre des puissances ennemies à l'aide de la mortification et de la prière, et désarmer par l'humilité, la douceur, la charité et la patience tous ceux qui s'opposaient à ses efforts pour arriver aux saints voeux de religion. Lui échappait-il un soupir, un mot de plainte, un signe de mécontentement, se trouvait-elle impuissante à prévenir un premier mouvement d'irritation provoqué par un mauvais traitement immérité ou par une injustice, elle demandait pardon à chaque sœur en pleurant et avec l'expression d'un si profond repentir que toutes se radoucissaient et redevenaient bienveillantes pour elle. Elle courait alors à l'église devant le Saint sacrement, afin d'obtenir la force nécessaire pour travailler ; elle redoublait ses efforts pour se rendre utile au couvent de toutes manières et apaisait l'angoisse de son cœur avec ces paroles : " Je persiste à rester ici, quand même je devrais être martyrisée."
7. Un vendredi du mois de février de l'an 1813, comme elle était ainsi à genoux devant le Saint-Sacrement, priant seule dans l'église du couvent, elle vit tout à coup devant elle une croix haute de deux palmes à laquelle était suspendu le Sauveur tout couvert de sang.
" Je fus, raconta-t-elle plus tard, toute bouleversée par cette apparition : j'avais tour à tour chaud et froid, car, je distinguais tout ce qui était dans l'église autour de moi, et je voyais la croix ensanglantée devant moi, non par une intuition intérieure, mais des yeux du corps. Alors la pensée que Dieu, par cette apparition, voulait m'annoncer de grandes souffrances se présenta à moi d'une manière très vive. Je tremblai et frissonnai ; mais l'aspect lamentable de mon Sauveur surmonta toute ma répugnance à souffrir et je me sentis fermement résolue à tout accepter, même les plus cruelles douleurs, pourvu que le Seigneur voulût bien me donner la patience."
Son pressentiment ne l'avait pas trompée : car le don des larmes venait de lui être accordé, afin que, livrée à la douleur la plus amère, elle versât des torrents de pleurs sur les outrages prodigués à son divin fiancé, et ce don devait être pour elle une source d'humiliations sans fin. A dater de ce moment il lui fut impossible de retenir ses pleurs qui éclataient violemment toutes les fois qu'à ses sens extérieurs ou intérieurs se présentait une chose qui pouvait motiver la douleur surnaturelle de la pénitence. Si elle voyait les souffrances et les tribulations de l'Église, s'il lui était montré qu'un sacrement fût conféré ou reçu indignement, son cœur était saisi d'une telle douleur qu'un torrent de larmes amères coulait de ses yeux : si elle voyait dans un cœur l'aveuglement spirituel, la fausse piété voilant des fautes non expiées et des dispositions perverses, si elle voyait la grâce de Dieu méprisée ou repoussée obstinément, les saintes vérités de la foi orgueilleusement dédaignées, et en général tous ces péchés de l'esprit qui sont si rarement reconnus et expiés par ceux qui s'en rendent coupables, elle était d'une telle compassion, priait si ardemment pour le salut de ces malheureux que ses larmes brûlantes ne pouvaient s'arrêter. Elles coulaient sur son cou et sur sa poitrine, et elle en était baignée avant s'en apercevoir. Dans l'église, à la sainte table, pendant le repas, pendant le travail, dans ses rapports avec communauté, elle était surprise par ces larmes et elle éprouvait chaque fois combien cela la rendait à charge de la communauté. Elles lui venaient aux yeux très fréquemment pendant la sainte messe, au choeur, et lorsque la communauté faisait la sainte communion : toutefois, au commencement, les autres n'en étaient pas frappée mais, comme ces pleurs devenaient de plus en plus abondants, Anne Catherine fut prise à partie et on lui reprocha cela comme une marque de mécontentement et d'humeur bizarre. Elle promit à genoux de se corriger et de s'abstenir de pleurer : mais, bientôt, le lendemain peut-être, les nonnes, devenues de plus en plus soupçonneuses, remarquèrent que, pendant la sainte messe, le banc même où elle s'agenouillait était trempé de larmes et elles crurent trouver là une nouvelle preuve que les pensées de la novice ne se portaient que sur des choses dont son amour-propre se sentait blessé. Cependant Anne Catherine accepte sans s'excuser la réprimande et la punition qui lui sont infligées, et cela avec tant d'humilité et de résignation que la supérieure est forcée de reconnaître que les pleurs de la pauvre novice sont pour elle un plus grand ennui que pour les autres : donc, c'est peut-être une faiblesse de nerfs ou une disposition particulière, mais non une marque de mécontentement ou un caprice. Quant à Anne Catherine, elle est si loin de considérer ses larmes comme quelque chose d'extraordinaire qu'elle examine avec beaucoup d'inquiétude et de scrupule si quelque aversion secrète ou si une haine profondément cachée contre les sœurs n'a pas pris racine dans son cœur et n'est pas la vraie cause de ces pleurs. Elle-même n'osa rien décider sur ce point, mais elle exposa ses inquiétudes à son confesseur pour qu'il jugeât ce qu'il fallait en penser. Celui-ci la tranquillisa en lui expliquant que c'était la compassion et non la haine qui la faisait pleurer.
7. Un vendredi du mois de février de l'an 1813, comme elle était ainsi à genoux devant le Saint-Sacrement, priant seule dans l'église du couvent, elle vit tout à coup devant elle une croix haute de deux palmes à laquelle était suspendu le Sauveur tout couvert de sang.
" Je fus, raconta-t-elle plus tard, toute bouleversée par cette apparition : j'avais tour à tour chaud et froid, car, je distinguais tout ce qui était dans l'église autour de moi, et je voyais la croix ensanglantée devant moi, non par une intuition intérieure, mais des yeux du corps. Alors la pensée que Dieu, par cette apparition, voulait m'annoncer de grandes souffrances se présenta à moi d'une manière très vive. Je tremblai et frissonnai ; mais l'aspect lamentable de mon Sauveur surmonta toute ma répugnance à souffrir et je me sentis fermement résolue à tout accepter, même les plus cruelles douleurs, pourvu que le Seigneur voulût bien me donner la patience."
Son pressentiment ne l'avait pas trompée : car le don des larmes venait de lui être accordé, afin que, livrée à la douleur la plus amère, elle versât des torrents de pleurs sur les outrages prodigués à son divin fiancé, et ce don devait être pour elle une source d'humiliations sans fin. A dater de ce moment il lui fut impossible de retenir ses pleurs qui éclataient violemment toutes les fois qu'à ses sens extérieurs ou intérieurs se présentait une chose qui pouvait motiver la douleur surnaturelle de la pénitence. Si elle voyait les souffrances et les tribulations de l'Église, s'il lui était montré qu'un sacrement fût conféré ou reçu indignement, son cœur était saisi d'une telle douleur qu'un torrent de larmes amères coulait de ses yeux : si elle voyait dans un cœur l'aveuglement spirituel, la fausse piété voilant des fautes non expiées et des dispositions perverses, si elle voyait la grâce de Dieu méprisée ou repoussée obstinément, les saintes vérités de la foi orgueilleusement dédaignées, et en général tous ces péchés de l'esprit qui sont si rarement reconnus et expiés par ceux qui s'en rendent coupables, elle était d'une telle compassion, priait si ardemment pour le salut de ces malheureux que ses larmes brûlantes ne pouvaient s'arrêter. Elles coulaient sur son cou et sur sa poitrine, et elle en était baignée avant s'en apercevoir. Dans l'église, à la sainte table, pendant le repas, pendant le travail, dans ses rapports avec communauté, elle était surprise par ces larmes et elle éprouvait chaque fois combien cela la rendait à charge de la communauté. Elles lui venaient aux yeux très fréquemment pendant la sainte messe, au choeur, et lorsque la communauté faisait la sainte communion : toutefois, au commencement, les autres n'en étaient pas frappée mais, comme ces pleurs devenaient de plus en plus abondants, Anne Catherine fut prise à partie et on lui reprocha cela comme une marque de mécontentement et d'humeur bizarre. Elle promit à genoux de se corriger et de s'abstenir de pleurer : mais, bientôt, le lendemain peut-être, les nonnes, devenues de plus en plus soupçonneuses, remarquèrent que, pendant la sainte messe, le banc même où elle s'agenouillait était trempé de larmes et elles crurent trouver là une nouvelle preuve que les pensées de la novice ne se portaient que sur des choses dont son amour-propre se sentait blessé. Cependant Anne Catherine accepte sans s'excuser la réprimande et la punition qui lui sont infligées, et cela avec tant d'humilité et de résignation que la supérieure est forcée de reconnaître que les pleurs de la pauvre novice sont pour elle un plus grand ennui que pour les autres : donc, c'est peut-être une faiblesse de nerfs ou une disposition particulière, mais non une marque de mécontentement ou un caprice. Quant à Anne Catherine, elle est si loin de considérer ses larmes comme quelque chose d'extraordinaire qu'elle examine avec beaucoup d'inquiétude et de scrupule si quelque aversion secrète ou si une haine profondément cachée contre les sœurs n'a pas pris racine dans son cœur et n'est pas la vraie cause de ces pleurs. Elle-même n'osa rien décider sur ce point, mais elle exposa ses inquiétudes à son confesseur pour qu'il jugeât ce qu'il fallait en penser. Celui-ci la tranquillisa en lui expliquant que c'était la compassion et non la haine qui la faisait pleurer.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
8. Anne Catherine pouvait croire qu'avec le temps la vivacité de cette compassion s'affaiblirait et que les larmes tariraient peu à peu : mais il n'en fut pas ainsi. Il y eut dans l'un et l'autre cas plutôt accroissement que diminution. Dans sa détresse, elle cherchait assistance auprès de tous les confesseurs qui, pendant le temps qu'elle vécut au couvent, furent chargés de la diriger. Mais tous lui répétèrent la même chose. Overberg, de son côté s'est ainsi exprimé à ce sujet
" Anne Catherine aimait tellement ses sœurs en religion qu'elle aurait volontiers versé son sang pour chacune d'elles. Quoiqu'elle sût que plusieurs d'entre elles n'étaient pas bien disposées à son égard, elle faisait pourtant tout ce qu'elle pouvait pour leur être agréable. Elle éprouvait une très grande joie lorsque quelqu'une lui demandait un service charitable, parce qu'elle espérait alors que ses compagnes deviendraient plus indulgentes à son égard.
" Dieu permit qu'elle fût méconnue de la supérieure et des sœurs ; car elles voyaient dans tout ce qu'elle faisait, soit de l'hypocrisie, soit de la flatterie ou de l'orgueil, et elles ne manquaient pas de le lui reprocher. Au commencement, elle cherchait à s'excuser : mais, comme cela ne servait à rien, elle se borna par la suite à répondre qu'elle tâcherait de se corriger. Quand elle voyait les sœurs hors de l'église et surtout dans l'église, elle ne pouvait s'empêcher de pleurer tout le temps ; on la réprimanda souvent à cause de ces pleurs, parce qu'on les considérait comme une marque de mécontentement et comme l'effet du caprice. On la blâmait surtout quand elle pleurait pendant la sainte messe. Les souffrances qui lui venaient de la part des sœurs lui étaient d'autant plus sensibles qu'elle voyait et entendait en esprit ce qu'elles avaient dans le cœur, ce qu'elles se disaient d'elle en secret les unes aux autres, leurs délibérations sur ce qu'il y avait à faire pour l'humilier et la guérir de ses caprices et de sa paresse.
" Elle m'assura qu'elle avait su tout ce que les sœurs disaient d'elle ou projetaient à son égard." Je voyais, me dit-elle, et je connaissais, alors mieux qu'à présent (le 22 avril 1813) ce qui se passait dans les âmes. Je leur laissais voir parfois que je savais tout ce qu'elles disaient ou complotaient secrètement contre moi. On voulait alors me faire dire d'où je le savais, mais je n'osais pas le leur avouer. Elles s'imaginèrent alors que quelqu'une d'elles me révélait tout. Je demandai à mon confesseur ce que j'avais à faire. Il me dit de leur répondre seulement que j'avais parlé de cela en confession ; que, par conséquent, je devais en rester là et m'abstenir de leur donner d'autres explications à ce sujet."
Dans une occasion postérieure Anne Catherine s'exprima ainsi sur les larmes qu'elle versait, étant au couvent
" Je ne pouvais m'empêcher de pleurer quand je voyais si irritées contre moi ces compagnes pour lesquelles j'aurais volontiers donné ma vie. Comment ne pas pleurer quand dans la maison de la paix, parmi des personnes consacrées à Dieu et entièrement séparées du monde, on sent qu'on est une pierre d'achoppement pour tous, sans avoir aucun moyen d'y remédier ? Je ne pouvais m'empêcher de pleurer sur la pauvreté, la misère, l'aveuglement de cette vie où on languit, le cœur fermé, dans le voisinage de la grâce surabondante du saint Rédempteur.
" Anne Catherine aimait tellement ses sœurs en religion qu'elle aurait volontiers versé son sang pour chacune d'elles. Quoiqu'elle sût que plusieurs d'entre elles n'étaient pas bien disposées à son égard, elle faisait pourtant tout ce qu'elle pouvait pour leur être agréable. Elle éprouvait une très grande joie lorsque quelqu'une lui demandait un service charitable, parce qu'elle espérait alors que ses compagnes deviendraient plus indulgentes à son égard.
" Dieu permit qu'elle fût méconnue de la supérieure et des sœurs ; car elles voyaient dans tout ce qu'elle faisait, soit de l'hypocrisie, soit de la flatterie ou de l'orgueil, et elles ne manquaient pas de le lui reprocher. Au commencement, elle cherchait à s'excuser : mais, comme cela ne servait à rien, elle se borna par la suite à répondre qu'elle tâcherait de se corriger. Quand elle voyait les sœurs hors de l'église et surtout dans l'église, elle ne pouvait s'empêcher de pleurer tout le temps ; on la réprimanda souvent à cause de ces pleurs, parce qu'on les considérait comme une marque de mécontentement et comme l'effet du caprice. On la blâmait surtout quand elle pleurait pendant la sainte messe. Les souffrances qui lui venaient de la part des sœurs lui étaient d'autant plus sensibles qu'elle voyait et entendait en esprit ce qu'elles avaient dans le cœur, ce qu'elles se disaient d'elle en secret les unes aux autres, leurs délibérations sur ce qu'il y avait à faire pour l'humilier et la guérir de ses caprices et de sa paresse.
" Elle m'assura qu'elle avait su tout ce que les sœurs disaient d'elle ou projetaient à son égard." Je voyais, me dit-elle, et je connaissais, alors mieux qu'à présent (le 22 avril 1813) ce qui se passait dans les âmes. Je leur laissais voir parfois que je savais tout ce qu'elles disaient ou complotaient secrètement contre moi. On voulait alors me faire dire d'où je le savais, mais je n'osais pas le leur avouer. Elles s'imaginèrent alors que quelqu'une d'elles me révélait tout. Je demandai à mon confesseur ce que j'avais à faire. Il me dit de leur répondre seulement que j'avais parlé de cela en confession ; que, par conséquent, je devais en rester là et m'abstenir de leur donner d'autres explications à ce sujet."
Dans une occasion postérieure Anne Catherine s'exprima ainsi sur les larmes qu'elle versait, étant au couvent
" Je ne pouvais m'empêcher de pleurer quand je voyais si irritées contre moi ces compagnes pour lesquelles j'aurais volontiers donné ma vie. Comment ne pas pleurer quand dans la maison de la paix, parmi des personnes consacrées à Dieu et entièrement séparées du monde, on sent qu'on est une pierre d'achoppement pour tous, sans avoir aucun moyen d'y remédier ? Je ne pouvais m'empêcher de pleurer sur la pauvreté, la misère, l'aveuglement de cette vie où on languit, le cœur fermé, dans le voisinage de la grâce surabondante du saint Rédempteur.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
9. Lorsqu'en 1813, l'autorité ecclésiastique voulut avoir le témoignage de la communauté touchant Anne Catherine, la supérieure, la maîtresse des novices et cinq autres religieuses déposèrent unanimement :
" Anne Catherine était toujours très facile à vivre et très pacifique. Dans ses relations avec les autres, elle était humble, condescendante, jamais querelleuse et excessivement serviable. Pendant ses maladies elle était extraordinairement douce et affable, résignée à la volonté de Dieu et patiente. Quand elle avait eu à souffrir quelque mauvais procédé, elle se réconciliait promptement et de bon cœur, et demandait pardon si elle avait montré un peu de vivacité ; elle ne haïssait personne et elle cédait toujours."
Clara Soentgen dit à Overberg :
" Elle n'était jamais plus contente que quand elle pouvait rendre quelque service charitable à ses compagnes. On pouvait lui demander ce qu'on voulait, elle donnait toujours avec joie, même ce qui lui eût été le plus nécessaire. Elle faisait du bien de préférence aux personnes qu'elle savait lui être contraires."
10. Le doyen Rensing de Dulmen déposa ainsi le 24 avril 1813 :
" J'avais appris qu'Anne Catherine avait rendu de grands services à l'une des sœurs pendant une maladie et je lui demandai de m'en donner la raison. Elle répondit : " Cette sœur avait des plaies aux pieds, et les servantes ne la soignaient pas volontiers à cause de son humeur bizarre. Je pensai que c'était pourtant là une oeuvre de miséricorde et je demandai qu'on me chargeât de laver les linges pleins de sang et de pus qui lui avaient servi de bandages. Elle avait aussi la gale et je fis son lit, parce que les servantes craignaient de gagner la maladie. Comme il pouvait arriver que j'en fusse atteinte, je m'encourageai moi-même en me disant que c'était, après tout, une oeuvre de miséricorde et que Dieu me préserverait. Il me vint aussi la pensée que cette sœur, qui était bizarre, ne me remercierait guère de mes services quand elle serait guérie et qu'elle ne cesserait pas de me traiter d'hypocrite, comme elle le faisait souvent : mais je me dis que j'en aurais d'autant plus de mérite devant Dieu et je continuai à laver son linge, à faire son lit et à la soigner du mieux que je pus."
" Anne Catherine était toujours très facile à vivre et très pacifique. Dans ses relations avec les autres, elle était humble, condescendante, jamais querelleuse et excessivement serviable. Pendant ses maladies elle était extraordinairement douce et affable, résignée à la volonté de Dieu et patiente. Quand elle avait eu à souffrir quelque mauvais procédé, elle se réconciliait promptement et de bon cœur, et demandait pardon si elle avait montré un peu de vivacité ; elle ne haïssait personne et elle cédait toujours."
Clara Soentgen dit à Overberg :
" Elle n'était jamais plus contente que quand elle pouvait rendre quelque service charitable à ses compagnes. On pouvait lui demander ce qu'on voulait, elle donnait toujours avec joie, même ce qui lui eût été le plus nécessaire. Elle faisait du bien de préférence aux personnes qu'elle savait lui être contraires."
10. Le doyen Rensing de Dulmen déposa ainsi le 24 avril 1813 :
" J'avais appris qu'Anne Catherine avait rendu de grands services à l'une des sœurs pendant une maladie et je lui demandai de m'en donner la raison. Elle répondit : " Cette sœur avait des plaies aux pieds, et les servantes ne la soignaient pas volontiers à cause de son humeur bizarre. Je pensai que c'était pourtant là une oeuvre de miséricorde et je demandai qu'on me chargeât de laver les linges pleins de sang et de pus qui lui avaient servi de bandages. Elle avait aussi la gale et je fis son lit, parce que les servantes craignaient de gagner la maladie. Comme il pouvait arriver que j'en fusse atteinte, je m'encourageai moi-même en me disant que c'était, après tout, une oeuvre de miséricorde et que Dieu me préserverait. Il me vint aussi la pensée que cette sœur, qui était bizarre, ne me remercierait guère de mes services quand elle serait guérie et qu'elle ne cesserait pas de me traiter d'hypocrite, comme elle le faisait souvent : mais je me dis que j'en aurais d'autant plus de mérite devant Dieu et je continuai à laver son linge, à faire son lit et à la soigner du mieux que je pus."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
11. Anne Catherine avait reçu de Dieu une si parfaite connaissance de la signification et de l'effet des voeux de religion que son âme énergique aspirait ardemment à pratiquer en tout l'obéissance et ressentait une douleur toute particulière de ce que, par suite du relâchement de la discipline conventuelle, les supérieures s'attachaient si peu à l'éprouver à cet égard par des ordres sévères et des prescriptions pénibles à remplir. Dans son désir, elle s'adressait souvent à la révérende mère et la suppliait de lui commander quelque chose en vertu de l'obéissance, afin qu'elle pût, en l'exécutant ponctuellement, se montrer fidèle au saint voeu. Mais ses prières n'aboutissaient à rien, et on n'y voyait que des singularités ou des scrupules : elle recevait pour toute réponse de la faible et débonnaire supérieure : " Tu as assez d'intelligence pour savoir toi-même ce que tu as à faire." Et tout restait comme auparavant livré à sa seule appréciation. La privation de ces exercices affligeait la fervente novice jusqu'aux larmes car il lui semblait que, par là, la bénédiction attachée au saint état religieux lui était retirée et elle ne croyait pas pouvoir servir parfaitement son fiancé céleste en dehors d'une obéissance aveugle envers les autorités instituées par l'Église qui tenaient sa place. La supérieure dit dans sa déposition, en 1813
" Anne Catherine a toujours rempli avec beaucoup de bonne volonté, d'exactitude et d'empressement les devoirs de l'obéissance, spécialement dans toutes les choses que je lui enjoignais particulièrement."
La maîtresse des novices dit de son côté :
" Elle a très bien pratiqué l'obéissance : seulement quelquefois elle était peinée de ce que la révérende mère, en beaucoup d'occasions, ne lui disait pas ce qu'elle avait à faire."
12. Mais si les occasions extérieures de pratiquer l'obéissance lui manquaient la plupart du temps, elle cherchait à y suppléer par la soumission intérieure et par l'application incessante à diriger ses sentiments, ses vues et même tous les mouvements de son âme selon l'esprit et la lettre de la sainte règle de son ordre. Elle ne voulait pas vivre dans la communauté religieuse comme un membre qui s'obligeât seulement à la pratique matérielle de l'observance en tant qu'elle subsistait encore : mais il fallait que tout son intérieur et toute sa vie spirituelle, de même que ses actions extérieures, fussent ordonnées d'après la sainte règle. Aussi s'appliquait-elle à en acquérir la connaissance bien exacte, et ne la lisait-elle qu'à genoux par respect. Il arriva plusieurs fois, pendant cette lecture, que la lumière s'éteignit et que le livre fut fermé par une puissance invisible. Elle savait quel était celui qui cherchait à la troubler ainsi dès sa jeunesse : aussi rallumait-elle tranquillement sa chandelle et se remettait-elle à lire plus longtemps et avec un redoublement de ferveur. En outre les attaques plus violentes et plus sensibles de l'ennemi étaient pour son zèle la compensation au manque d'autres exercices. S'il la maltraitait et la frappait à cause de l'étude attentive qu'elle faisait du livre de la règle, elle s'y livrait d'autant plus assidûment : s'il parvenait à exciter contre elle un orage dans la communauté, cela servait à prouver combien était profond et sincère son désir de pratiquer une humble et aveugle obéissance. Il en fut ainsi dans l'incident qui suit.
" Anne Catherine a toujours rempli avec beaucoup de bonne volonté, d'exactitude et d'empressement les devoirs de l'obéissance, spécialement dans toutes les choses que je lui enjoignais particulièrement."
La maîtresse des novices dit de son côté :
" Elle a très bien pratiqué l'obéissance : seulement quelquefois elle était peinée de ce que la révérende mère, en beaucoup d'occasions, ne lui disait pas ce qu'elle avait à faire."
12. Mais si les occasions extérieures de pratiquer l'obéissance lui manquaient la plupart du temps, elle cherchait à y suppléer par la soumission intérieure et par l'application incessante à diriger ses sentiments, ses vues et même tous les mouvements de son âme selon l'esprit et la lettre de la sainte règle de son ordre. Elle ne voulait pas vivre dans la communauté religieuse comme un membre qui s'obligeât seulement à la pratique matérielle de l'observance en tant qu'elle subsistait encore : mais il fallait que tout son intérieur et toute sa vie spirituelle, de même que ses actions extérieures, fussent ordonnées d'après la sainte règle. Aussi s'appliquait-elle à en acquérir la connaissance bien exacte, et ne la lisait-elle qu'à genoux par respect. Il arriva plusieurs fois, pendant cette lecture, que la lumière s'éteignit et que le livre fut fermé par une puissance invisible. Elle savait quel était celui qui cherchait à la troubler ainsi dès sa jeunesse : aussi rallumait-elle tranquillement sa chandelle et se remettait-elle à lire plus longtemps et avec un redoublement de ferveur. En outre les attaques plus violentes et plus sensibles de l'ennemi étaient pour son zèle la compensation au manque d'autres exercices. S'il la maltraitait et la frappait à cause de l'étude attentive qu'elle faisait du livre de la règle, elle s'y livrait d'autant plus assidûment : s'il parvenait à exciter contre elle un orage dans la communauté, cela servait à prouver combien était profond et sincère son désir de pratiquer une humble et aveugle obéissance. Il en fut ainsi dans l'incident qui suit.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
13. Une riche famille de négociants d'Amsterdam avait mis sa fille en pension dans le couvent. Celle-ci, devant retourner chez ses parents pour un temps assez long, fit présent à chaque religieuse d'un florin de Hollande : or, Anne Catherine, pour qui elle avait une prédilection marquée, en reçut deux qu'elle remit aussitôt à la supérieure. Peu de jours après, il s'éleva des murmures à ce sujet dans le couvent tout entier, et Anne Catherine fut appelée devant le chapitre, où la supérieure lui fit savoir qu'elle était accusée par toute la communauté d'avoir reçu cinq écus de la jeune Hollandaise et de n'en avoir remis que deux à la révérende mère, ayant donné le reste au chantre Soentgen qui s'était trouvé là à l'occasion d'une visite qu'il faisait à sa fille. Comme on faisait appel à sa conscience pour qu'elle s'avouât coupable, Anne Catherine affirma la vérité des faits tels qu'ils s'étaient passés et, quoique toutes les religieuses redoublassent alors de violence, elle refusa constamment d'avouer qu'elle eût reçu les prétendus cinq écus. Là-dessus elle fut condamnée à demander pardon à genoux à chacune des religieuses. Elle accepta de tout son cœur cette punition non méritée, priant Dieu de vouloir bien faire en sorte que les sœurs lui pardonnassent sincèrement tout ce qui pouvait leur déplaire en elle. Quelques mois après, la fille du négociant revint et Anne Catherine demanda à la supérieure de s'enquérir auprès d'elle de ce qui s'était passé en réalité ; mais elle reçut pour réponse l'ordre de ne plus s'occuper de nette vieille histoire tout à fait oubliée. Et ainsi le grand sacrifice de l'humiliation subie lui resta tout entier.
14. On voit, par ce fait, avec quelle promptitude s'élevaient chez ces faibles femmes l'aversion et le soupçon contre leur innocente compagne, mais aussi combien l'orage s'apaisait vite avant qu'on en vint aux extrémités. L'impression que faisait éprouver à ces religieuses sans expérience et ne connaissant que leur vie quotidienne toute la manière d'être et la conduite de leur novice était tellement mélangée que nous ne pouvons nous étonner de ce qui a été raconté. La douceur et la patience admirables que montrait Anne Catherine lorsqu'elle était soumise à des pénitences publiques, la gravité touchante et cordiale avec laquelle elle demandait pardon ne pouvaient manquer d'adoucir les plus irritées ; mais plus tard bien d'autres choses se produisaient chez elle qui faisaient naître aisément de nouveaux soupçons dans ces âmes portées à la défiance. Il y avait dans la richesse de sa vie intérieure, dans la variété infinie des dons extraordinaires qui lui étaient départis, en un mot dans l'ensemble de toute sa personne quelque chose de trop singulier pour qu'elle pût tenir tout cela caché et rester elle-même renfermée dans les limites de la vie habituelle. Quelque simplicité et quelque modestie qu'il y eût dans tout son extérieur, cependant on y voyait briller un caractère si sacré et même si sublime que toutes se sentaient infiniment surpassées par elle, quoiqu'elles ne voulussent pas l'avouer et aimassent mieux représenter Anne Catherine comme une personne étrange, gênante et embarrassante. Elle était souvent attirée vers le Saint-Sacrement avec une force à laquelle elle essayait vainement de résister. Lorsqu'elle avait à traverser l'église, elle s'agenouillait ou se prosternait tout à coup, comme frappée de paralysie, sur les marches de l'autel ou dans le choeur, et cela, avant qu'elle eût pu y penser. Elle était continuellement en contemplation et dans des états de souffrance intérieure qui, malgré tous ses efforts, ne pouvaient entièrement rester secrets. Cela faisait d'elle pour son entourage comme une énigme pénible et produisait même chez quelques-unes une impression qu'elles ne pouvaient supporter. Clara Soentgen déposa à ce sujet
" Anne Catherine cherchait toujours à cacher l'élan qui la portait à une piété et à une dévotion au-dessus de l'ordinaire ; mais, comme je la connaissais à fond, bien des choses ne m'échappaient pas. Je la trouvais souvent dans l'église à genoux et prosternée sur son visage devant le Saint Sacrement. Elle était surtout adonnée à la contemplation à tel point que je remarquais parfois qu'étant dans la compagnie d'autres personnes, son esprit s'occupait de choses plus hautes. Elle était très portée à la mortification corporelle, et j'ai souvent remarqué qu'à table elle prenait ce qu'il y avait de plus mauvais, laissait passer les bons plats sans y toucher ou donnait sa part aux autres, surtout quand celles-ci n'étaient pas bien avec elle. Et cela se faisait toujours avec un air de contentement et de joie qui m'émerveillait." La maîtresse des novices dit à son tour
" Lorsqu'Anne Catherine était au noviciat, j'ai plusieurs fois retiré de son lit des morceaux de bois. J'ai remarqué en général qu'elle avait beaucoup de penchant pour la mortification. Quelquefois, à dix heures du soir, pendant l'hiver, je l'ai fait sortir de l'église, où elle était prosternée devant l'autel et où elle serait restée trop longtemps si on l'avait laissée faire."
14. On voit, par ce fait, avec quelle promptitude s'élevaient chez ces faibles femmes l'aversion et le soupçon contre leur innocente compagne, mais aussi combien l'orage s'apaisait vite avant qu'on en vint aux extrémités. L'impression que faisait éprouver à ces religieuses sans expérience et ne connaissant que leur vie quotidienne toute la manière d'être et la conduite de leur novice était tellement mélangée que nous ne pouvons nous étonner de ce qui a été raconté. La douceur et la patience admirables que montrait Anne Catherine lorsqu'elle était soumise à des pénitences publiques, la gravité touchante et cordiale avec laquelle elle demandait pardon ne pouvaient manquer d'adoucir les plus irritées ; mais plus tard bien d'autres choses se produisaient chez elle qui faisaient naître aisément de nouveaux soupçons dans ces âmes portées à la défiance. Il y avait dans la richesse de sa vie intérieure, dans la variété infinie des dons extraordinaires qui lui étaient départis, en un mot dans l'ensemble de toute sa personne quelque chose de trop singulier pour qu'elle pût tenir tout cela caché et rester elle-même renfermée dans les limites de la vie habituelle. Quelque simplicité et quelque modestie qu'il y eût dans tout son extérieur, cependant on y voyait briller un caractère si sacré et même si sublime que toutes se sentaient infiniment surpassées par elle, quoiqu'elles ne voulussent pas l'avouer et aimassent mieux représenter Anne Catherine comme une personne étrange, gênante et embarrassante. Elle était souvent attirée vers le Saint-Sacrement avec une force à laquelle elle essayait vainement de résister. Lorsqu'elle avait à traverser l'église, elle s'agenouillait ou se prosternait tout à coup, comme frappée de paralysie, sur les marches de l'autel ou dans le choeur, et cela, avant qu'elle eût pu y penser. Elle était continuellement en contemplation et dans des états de souffrance intérieure qui, malgré tous ses efforts, ne pouvaient entièrement rester secrets. Cela faisait d'elle pour son entourage comme une énigme pénible et produisait même chez quelques-unes une impression qu'elles ne pouvaient supporter. Clara Soentgen déposa à ce sujet
" Anne Catherine cherchait toujours à cacher l'élan qui la portait à une piété et à une dévotion au-dessus de l'ordinaire ; mais, comme je la connaissais à fond, bien des choses ne m'échappaient pas. Je la trouvais souvent dans l'église à genoux et prosternée sur son visage devant le Saint Sacrement. Elle était surtout adonnée à la contemplation à tel point que je remarquais parfois qu'étant dans la compagnie d'autres personnes, son esprit s'occupait de choses plus hautes. Elle était très portée à la mortification corporelle, et j'ai souvent remarqué qu'à table elle prenait ce qu'il y avait de plus mauvais, laissait passer les bons plats sans y toucher ou donnait sa part aux autres, surtout quand celles-ci n'étaient pas bien avec elle. Et cela se faisait toujours avec un air de contentement et de joie qui m'émerveillait." La maîtresse des novices dit à son tour
" Lorsqu'Anne Catherine était au noviciat, j'ai plusieurs fois retiré de son lit des morceaux de bois. J'ai remarqué en général qu'elle avait beaucoup de penchant pour la mortification. Quelquefois, à dix heures du soir, pendant l'hiver, je l'ai fait sortir de l'église, où elle était prosternée devant l'autel et où elle serait restée trop longtemps si on l'avait laissée faire."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
15. À une époque postérieure, Anne Catherine, dans diverses occasions, avait parlé des premiers temps de son séjour au couvent. Clément Brentano, qui recueillait avec grand soin toutes ses communications, nous a conservé aussi celles-là et les a ainsi rédigées :
" Dès le commencement de mon noviciat, je me trouvai dans d'incroyables états de souffrance intérieure. Un jour, mon cœur était entouré de roses et tout à coup il n'y avait plus que des épines qui le transperçaient : en outre, je sentais dans le cœur et dans la poitrine une quantité de pointes et de traits qui les traversaient. Cela venait de ce que dans mon état de clairvoyance et de perception sensible qui était alors bien plus marqué qu'à présent, je connaissais et ressentais toutes les choses blessantes qu'on faisait, disait ou pensait contre moi, quand même cela se faisait derrière mon dos. Aucune des personnes qui vivaient avec moi, pas une des religieuses, pas un ecclésiastique, n'avaient la moindre idée de l'état de mon âme et de la conduite particulière à laquelle ma vie était soumise ; moi-même je vivais tout entière dans un autre monde dont je ne pouvais rien faire connaître. Mais comme pourtant, dans beaucoup de cas et d'occasions extérieures il se produisait des choses qui, provenant de ma direction intérieure, se mêlaient d'une façon étrange et faite pour surprendre à la vie que je menais en commun avec d'autres, je devais nécessairement par là être pour les personnes qui vivaient avec moi une cause fréquente de tentations qui les poussaient aux soupçons haineux, aux médisances et aux paroles malveillantes. Tous ces discours blessants et même les pensées qui n'arrivaient pas à exécution, je les voyais, je les entendais, je les connaissais, je les sentais entrer dans mon cœur comme des flèches aiguës, et il n'y avait pas en moi un petit coin qui ne fût atteint : souvent je sentais mon cœur percé de milliers de coups. Au dehors, je paraissais sereine et amicale comme si je n'eusse rien su de tout cela ; et, à proprement parler, je n'en savais pas grand'chose extérieurement ; car tout était dans mon intérieur et ne m'était manifesté que pour m'exercer à l'obéissance, à la charité et à l'humilité. Et quand j'y manquais, j'en étais sévèrement punie à l'intérieur. Mon âme m'apparaissait comme transparente, et quand une nouvelle souffrance venait l'assaillir, j'y voyais comme des points rayonnants et des places rouges et enflammées où il fallait éteindre le feu à force de patience.
" Mon état dans le couvent était si étrange et si complètement en dehors des choses de ce monde qu'on ne pouvait pas savoir mauvais gré à mes compagnes de ce qu'elles ne me comprenaient pas et ne me voyaient qu'avec méfiance et soupçon. Cependant Dieu leur a caché beaucoup de choses qui eussent pu les inquiéter encore davantage à mon endroit. Du reste, je n'ai jamais été si riche intérieurement ni si parfaitement heureuse quelles que fussent mes souffrances et mes peines. Je vivais en paix avec Dieu et avec toutes ses créatures et, quand je travaillais dans le jardin, les oiseaux venaient à moi ; ils se posaient sur ma tête et sur mes épaules et nous louions Dieu ensemble.
" Mon ange gardien marchait toujours à mes côtés et, quoique le mauvais esprit rodât partout autour de moi et excitât les passions contre moi, quoique même, dans ma cellule, il m'accablât de mauvais traitements et de coups et cherchât à m'effrayer par un tapage affreux, il ne pouvait cependant me nuire sérieusement et le secours m'arrivait toujours.
Je croyais souvent, pendant des heures entières, avoir l'enfant Jésus dans mes bras ; ou bien, quand j'étais avec les sœurs, je le sentais marcher à côté de moi et j'étais tout heureuse. Voyant tant de choses qui m'apportaient soit de la joie, soit de grandes souffrances, et n'ayant personne à qui je pusse m'ouvrir là-dessus, il me fallait comprimer en moi, avec de grands efforts, même les impressions les plus soudaines et les plus violentes, et souvent dans ces moments je changeais de couleur et de visage. On disait parfois alors que j'avais l'air d'être amoureuse. Ils avaient raison, je ne pouvais jamais aimer assez mon fiancé, et quand ses amis parlent bien de lui ou de ceux qu'il aime, mon cœur palpite de joie."
" Dès le commencement de mon noviciat, je me trouvai dans d'incroyables états de souffrance intérieure. Un jour, mon cœur était entouré de roses et tout à coup il n'y avait plus que des épines qui le transperçaient : en outre, je sentais dans le cœur et dans la poitrine une quantité de pointes et de traits qui les traversaient. Cela venait de ce que dans mon état de clairvoyance et de perception sensible qui était alors bien plus marqué qu'à présent, je connaissais et ressentais toutes les choses blessantes qu'on faisait, disait ou pensait contre moi, quand même cela se faisait derrière mon dos. Aucune des personnes qui vivaient avec moi, pas une des religieuses, pas un ecclésiastique, n'avaient la moindre idée de l'état de mon âme et de la conduite particulière à laquelle ma vie était soumise ; moi-même je vivais tout entière dans un autre monde dont je ne pouvais rien faire connaître. Mais comme pourtant, dans beaucoup de cas et d'occasions extérieures il se produisait des choses qui, provenant de ma direction intérieure, se mêlaient d'une façon étrange et faite pour surprendre à la vie que je menais en commun avec d'autres, je devais nécessairement par là être pour les personnes qui vivaient avec moi une cause fréquente de tentations qui les poussaient aux soupçons haineux, aux médisances et aux paroles malveillantes. Tous ces discours blessants et même les pensées qui n'arrivaient pas à exécution, je les voyais, je les entendais, je les connaissais, je les sentais entrer dans mon cœur comme des flèches aiguës, et il n'y avait pas en moi un petit coin qui ne fût atteint : souvent je sentais mon cœur percé de milliers de coups. Au dehors, je paraissais sereine et amicale comme si je n'eusse rien su de tout cela ; et, à proprement parler, je n'en savais pas grand'chose extérieurement ; car tout était dans mon intérieur et ne m'était manifesté que pour m'exercer à l'obéissance, à la charité et à l'humilité. Et quand j'y manquais, j'en étais sévèrement punie à l'intérieur. Mon âme m'apparaissait comme transparente, et quand une nouvelle souffrance venait l'assaillir, j'y voyais comme des points rayonnants et des places rouges et enflammées où il fallait éteindre le feu à force de patience.
" Mon état dans le couvent était si étrange et si complètement en dehors des choses de ce monde qu'on ne pouvait pas savoir mauvais gré à mes compagnes de ce qu'elles ne me comprenaient pas et ne me voyaient qu'avec méfiance et soupçon. Cependant Dieu leur a caché beaucoup de choses qui eussent pu les inquiéter encore davantage à mon endroit. Du reste, je n'ai jamais été si riche intérieurement ni si parfaitement heureuse quelles que fussent mes souffrances et mes peines. Je vivais en paix avec Dieu et avec toutes ses créatures et, quand je travaillais dans le jardin, les oiseaux venaient à moi ; ils se posaient sur ma tête et sur mes épaules et nous louions Dieu ensemble.
" Mon ange gardien marchait toujours à mes côtés et, quoique le mauvais esprit rodât partout autour de moi et excitât les passions contre moi, quoique même, dans ma cellule, il m'accablât de mauvais traitements et de coups et cherchât à m'effrayer par un tapage affreux, il ne pouvait cependant me nuire sérieusement et le secours m'arrivait toujours.
Je croyais souvent, pendant des heures entières, avoir l'enfant Jésus dans mes bras ; ou bien, quand j'étais avec les sœurs, je le sentais marcher à côté de moi et j'étais tout heureuse. Voyant tant de choses qui m'apportaient soit de la joie, soit de grandes souffrances, et n'ayant personne à qui je pusse m'ouvrir là-dessus, il me fallait comprimer en moi, avec de grands efforts, même les impressions les plus soudaines et les plus violentes, et souvent dans ces moments je changeais de couleur et de visage. On disait parfois alors que j'avais l'air d'être amoureuse. Ils avaient raison, je ne pouvais jamais aimer assez mon fiancé, et quand ses amis parlent bien de lui ou de ceux qu'il aime, mon cœur palpite de joie."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
XIII
ANNE CATHERINE FAIT SA PROFESSION RELIGIEUSE LE 13 N0VEMBRE 1803
1. L'année du noviciat touchait à son terme : mais la communauté n'était pas encore décidée à conserver la novice et à l'admettre à la profession. La maîtresse des novices à la vérité pouvait lui rendre ce témoignage : " Je remarque en elle qu'elle est toujours satisfaite de la volonté de Dieu : cependant elle pleure souvent et ne veut pas dire pour quoi parce qu'elle n'ose pas. Je ne connais chez elle rien en particulier qui soit à blâmer."
Mais cela ne suffisait pas pour faire cesser toutes les résistances de la part de la communauté. Quand on délibéra dans le chapitre sur les motifs qu'il pouvait y avoir de la congédier ou de la garder, les sœurs ne purent présenter d'autre raison pour son renvoi que la prévision, certaine selon elles, qu'Anne Catherine serait bientôt incapable de tout travail et deviendrait une charge perpétuelle pour le couvent ; cependant la révérende mère fut obligée de reconnaître que la novice était très intelligente et montrait en toutes choses tant d'aptitude et d'entendement qu'elle pouvait certainement se rendre encore très utile à la communauté. Cette déclaration eut pour effet d'obtenir des opposantes l'aveu qu'Anne Catherine se comportait toujours et en tout comme une bonne religieuse et qu'au fond il n'y avait aucune raison suffisante pour la renvoyer.
2. Tous les obstacles paraissaient donc avoir disparu et le jour de la profession ne devait pas être retardé plus longtemps ; mais la sincérité scrupuleuse de la novice remit de nouveau tout en question. Elle n'avait pas encore retiré la garantie qu'elle avait donnée au chantre Soentgen pour dix thalers et craignait, non sans raison, d'être elle-même astreinte au payement par le créancier. Elle s'ouvrit à ce sujet à la révérende mère, laquelle reçut bientôt de Soentgen l'aveu qu'il ne pouvait pas s'acquitter lui-même. La communauté résolut alors à l'unanimité de ne pas laisser Anne Catherine faire ses voeux jusqu'à ce qu'elle fût libre de l'engagement qu'elle avait pris. Celle-ci alors exposa à Dieu avec d'instantes prières sa pénible situation : mais elle ne fut exaucée qu'après avoir épuisé tous les moyens humains pour parvenir à se procurer la somme exigée.
" Je ne possédais pas un denier, raconta-t-elle. Je m'adressai à mes parents et à mes frères, mais personne ne voulut me donner la moindre chose, pas même mon bon frère Bernard. Tous m'accablèrent de reproches et firent autant de bruit que si j'avais commis le plus grand crime du monde en donnant cette caution. Mais la dette devait être payée avant que je pusse être admise à faire mes voeux. Comme je ne cessais pas de crier vers Dieu, il eut pitié de moi et toucha le cœur d'un homme charitable qui me donna les dix thalers. Mon frère, plus tard, a souvent pleuré d'avoir été si dur envers moi.
" Ce grand obstacle étant heureusement écarté, et tous les préparatifs pour la profession étant faits, il survint une dernière difficulté. La révérende mère nous annonça, à Clara Soentgen et à moi, qu'il manquait encore quelque chose qu'elle et moi devions faire venir de Munster par un messager et pour quoi chacune avait à payer trois thalers. J'en fus très affligée parce que je n'avais pas le moindre argent. Dans ma détresse, j'allai trouver l'abbé Lambert et je lui racontai ma peine. Il me donna deux couronnes et, comme je revenais toute joyeuse à ma cellule, j'y trouvai six thalers bien comptés sur la table. Je portai alors les deux couronnes à mon amie qui, elle aussi, ne savait comment se procurer les trois thalers, parce que, comme moi, elle ne possédait rien.
" Trois ans après, je me trouvai encore dans l'embarras, parce que je n'avais pas de quoi acheter la moindre chose pour le déjeuner que chaque religieuse du couvent devait se procurer elle-même. Je trouvai alors, comme j'entrais dans ma cellule fermée à clef, deux thalers posés sur l'appui de la fenêtre. Je les montrai à la supérieure et il me fut permis de les garder.
" L'an 1803, huit jours avant la fête de la Présentation de la sainte Vierge, le second jour de la semaine préparatoire à cette fête, qui était le jour où, l'année d'avant, Clara Soentgen et moi avions pris l'habit, nous fîmes profession comme Augustines dans le couvent d'Agnetenberg de Dulmen : nous fûmes donc, à partir de ce jour, des fiancées consacrées à Jésus-Christ sous la règle de saint Augustin. J'étais alors dans ma vingt-huitième année. Après la profession, mes parents redevinrent bons pour moi. Mon père et mon frère vinrent me voir à Dulmen et m'apportèrent deux pièces de toile.
ANNE CATHERINE FAIT SA PROFESSION RELIGIEUSE LE 13 N0VEMBRE 1803
1. L'année du noviciat touchait à son terme : mais la communauté n'était pas encore décidée à conserver la novice et à l'admettre à la profession. La maîtresse des novices à la vérité pouvait lui rendre ce témoignage : " Je remarque en elle qu'elle est toujours satisfaite de la volonté de Dieu : cependant elle pleure souvent et ne veut pas dire pour quoi parce qu'elle n'ose pas. Je ne connais chez elle rien en particulier qui soit à blâmer."
Mais cela ne suffisait pas pour faire cesser toutes les résistances de la part de la communauté. Quand on délibéra dans le chapitre sur les motifs qu'il pouvait y avoir de la congédier ou de la garder, les sœurs ne purent présenter d'autre raison pour son renvoi que la prévision, certaine selon elles, qu'Anne Catherine serait bientôt incapable de tout travail et deviendrait une charge perpétuelle pour le couvent ; cependant la révérende mère fut obligée de reconnaître que la novice était très intelligente et montrait en toutes choses tant d'aptitude et d'entendement qu'elle pouvait certainement se rendre encore très utile à la communauté. Cette déclaration eut pour effet d'obtenir des opposantes l'aveu qu'Anne Catherine se comportait toujours et en tout comme une bonne religieuse et qu'au fond il n'y avait aucune raison suffisante pour la renvoyer.
2. Tous les obstacles paraissaient donc avoir disparu et le jour de la profession ne devait pas être retardé plus longtemps ; mais la sincérité scrupuleuse de la novice remit de nouveau tout en question. Elle n'avait pas encore retiré la garantie qu'elle avait donnée au chantre Soentgen pour dix thalers et craignait, non sans raison, d'être elle-même astreinte au payement par le créancier. Elle s'ouvrit à ce sujet à la révérende mère, laquelle reçut bientôt de Soentgen l'aveu qu'il ne pouvait pas s'acquitter lui-même. La communauté résolut alors à l'unanimité de ne pas laisser Anne Catherine faire ses voeux jusqu'à ce qu'elle fût libre de l'engagement qu'elle avait pris. Celle-ci alors exposa à Dieu avec d'instantes prières sa pénible situation : mais elle ne fut exaucée qu'après avoir épuisé tous les moyens humains pour parvenir à se procurer la somme exigée.
" Je ne possédais pas un denier, raconta-t-elle. Je m'adressai à mes parents et à mes frères, mais personne ne voulut me donner la moindre chose, pas même mon bon frère Bernard. Tous m'accablèrent de reproches et firent autant de bruit que si j'avais commis le plus grand crime du monde en donnant cette caution. Mais la dette devait être payée avant que je pusse être admise à faire mes voeux. Comme je ne cessais pas de crier vers Dieu, il eut pitié de moi et toucha le cœur d'un homme charitable qui me donna les dix thalers. Mon frère, plus tard, a souvent pleuré d'avoir été si dur envers moi.
" Ce grand obstacle étant heureusement écarté, et tous les préparatifs pour la profession étant faits, il survint une dernière difficulté. La révérende mère nous annonça, à Clara Soentgen et à moi, qu'il manquait encore quelque chose qu'elle et moi devions faire venir de Munster par un messager et pour quoi chacune avait à payer trois thalers. J'en fus très affligée parce que je n'avais pas le moindre argent. Dans ma détresse, j'allai trouver l'abbé Lambert et je lui racontai ma peine. Il me donna deux couronnes et, comme je revenais toute joyeuse à ma cellule, j'y trouvai six thalers bien comptés sur la table. Je portai alors les deux couronnes à mon amie qui, elle aussi, ne savait comment se procurer les trois thalers, parce que, comme moi, elle ne possédait rien.
" Trois ans après, je me trouvai encore dans l'embarras, parce que je n'avais pas de quoi acheter la moindre chose pour le déjeuner que chaque religieuse du couvent devait se procurer elle-même. Je trouvai alors, comme j'entrais dans ma cellule fermée à clef, deux thalers posés sur l'appui de la fenêtre. Je les montrai à la supérieure et il me fut permis de les garder.
" L'an 1803, huit jours avant la fête de la Présentation de la sainte Vierge, le second jour de la semaine préparatoire à cette fête, qui était le jour où, l'année d'avant, Clara Soentgen et moi avions pris l'habit, nous fîmes profession comme Augustines dans le couvent d'Agnetenberg de Dulmen : nous fûmes donc, à partir de ce jour, des fiancées consacrées à Jésus-Christ sous la règle de saint Augustin. J'étais alors dans ma vingt-huitième année. Après la profession, mes parents redevinrent bons pour moi. Mon père et mon frère vinrent me voir à Dulmen et m'apportèrent deux pièces de toile.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
3. L'abbé Jean-Martin Lambert que nous rencontrons ici pour la première fois, ancien vicaire de la paroisse de Demuin, dans le diocèse d'Amiens, avait été, comme tant d'autres bons prêtres, forcé de quitter sa patrie, pour avoir refusé le fameux serment à la Constitution. Muni des recommandations de l'archevêque de Tours et de l'évêque d'Amiens, il vint, l'an 1794, dans le diocèse de Munster, obtint de M. de Furstenberg, alors vicaire général, des pouvoirs comme confesseur, et fut appointé comme tel, avec un petit traitement, pour la maison du duc de Croy, qui résidait à Dulmen. Dans le couvent d'Agnetenberg qui avait son propre confesseur, il avait l'emploi de chapelain, ce qui lui donnait la jouissance d'un logement dans les dépendances du couvent. Lorsqu'Anne Catherine était chargée du service de la sacristie, elle fit connaissance avec lui et prit une grande confiance en lui en voyant la piété et le profond recueillement avec lesquels il célébrait la sainte messe.
Dans les détresses et les tribulations intérieures où elle se trouvait fréquemment par suite de la disposition hostile des religieuses du couvent et parce que son état n'était pas compris du confesseur ordinaire, elle se décida un jour à s'ouvrir à l'abbé Lambert et à lui demander ses conseils et son assistance sacerdotale. Mais, comme il ne possédait pas bien l'allemand, les communications mutuelles ne pouvaient être que très restreintes. Toutefois, le pieux et clairvoyant ecclésiastique parvint bientôt à acquérir une connaissance suffisante de la direction intérieure et de toute la personne d'Anne Catherine pour se considérer comme obligé de venir en aide de tout son pouvoir à une âme si favorisée de la grâce. Il décida, en outre, le confesseur ordinaire à permettre à Anne Catherine de recevoir plus fréquemment la sainte communion, et même à la lui ordonner lorsque celle-ci s'y refuserait par humilité : c'était lui qui se tenait prêt dès le point du jour à lui donner le Sacrement adorable dont le désir la faisait défaillir. Quoique lui-même vécut fort pauvrement, il se trouvait heureux quand Anne Catherine, réduite à la détresse, voulait bien accepter de lui un don charitable. Quant à elle, elle l'honorait comme son plus grand bienfaiteur sur la terre, et nous verrons plus tard de quel prix elle paya la bonté qu'il lui avait témoignée.
4. Le lecteur peut aisément s'imaginer quels furent les sentiments d'Anne Catherine lorsqu'elle prononça au pied de l'autel les voeux solennels auxquels elle aspirait depuis si longtemps et pour lesquels elle avait tant eu à souffrir. Elle s'était préparée pour cet heureux moment avec le même zèle et le même désir qu'elle l'avait fait seize ans auparavant pour sa première communion. Quoique, pendant les derniers jours, elle eût multiplié ses pratiques de pénitence et qu'elle fût très affaiblie par les inquiétudes et les tribulations qu'elle avait eues à supporter peu auparavant, elle se montra pourtant le jour de sa profession avec toutes les apparences de la force et de la santé. La joie de son âme et le sentiment de bonheur infini que lui causait son union prochaine avec le fiancé céleste se manifestaient au dehors et la faisaient paraître comme lumineuse. Elle avait l'intuition continuelle de la signification intime de cette cérémonie, ainsi que de toutes les voies, les directions et les épreuves par lesquelles elle avait passé depuis son premier appel à l'état religieux, et son cœur surabondait de joie et de réjouissance pour tout ce que Dieu avait opéré jusqu'alors en elle et par elle. Elle se trouvait revêtue de la parure de fiancée et des habits de fête qu'il lui avait fallu préparer si laborieusement depuis des années d'après les indications de sa grande vision ; elle reconnaissait comment le fruit et l'effet de chaque pas en avant, de chaque victoire sur elle-même, de chaque soupir, de chaque pratique de patience, de chaque souffrance y figuraient comme des fleurs d'or, ou comme des pierres précieuses, des perles et des broderies merveilleuses. Elle sentait maintenant combien tout cela lui avait été nécessaire pour pouvoir arriver bien préparée à ces noces auxquelles son fiancé céleste lui-même assistait visiblement dans l'église du couvent avec les saints de l'ordre de S. Augustin. De même qu'à son baptême elle s'était vue mariée avec l'enfant Jésus par Marie, ce fut aussi cette fois la reine des vierges qui la remit à son fiancé. Pendant que sa bouche prononçait les paroles de la profession, elle vit cette tradition solennelle de sa personne à Dieu s'accomplir comme d'une double manière : car ce fut l'Église sur la terre qui la reçut et ce fut le céleste fiancé qui daigna l'accepter par l'Église et des mains de l'Église, et qui, scella son acceptation en lui octroyant des dons et des ornements magnifiques. Anne Catherine vit alors la nouvelle et haute position qui lui était faite, en vertu des voeux, dans la sainte hiérarchie de la société ecclésiastique : mais elle vit et ressentit aussi d'une manière inexprimable comment, dans son corps et dans son âme, dans son cœur et dans son esprit, elle était munie de forces, de bénédictions et de grâces abondantes, et gratifiée de la dignité insigne attachée à sa qualité de fiancée, dignité que, dès lors, elle ne pouvait considérer en sa personne qu'avec respect. Il lui arrivait ce qui arriverait à un prêtre pieux pour lequel, lors de la réception des saints ordres, sa propre âme deviendrait visible avec toute la splendeur communiquée par le caractère indélébile, et qui verrait les grâces et les facultés surnaturelles qui en émanent se communiquer aux puissances de l'âme. Elle sut et sentit comment désormais elle appartenait à l'Église et par l'Église au fiancé céleste d'une manière toute nouvelle, comme un don consacré, offert à Dieu en corps et en âme : et, de même que Colombe de Rieti, Lidwine de Schiedam et la bienheureuse Colette, elle connut la signification spirituelle de toutes les parties et de tous les membres de son corps de fiancée consacré à Dieu et leur relation symbolique avec toutes les parties du corps de l'Église.
Dans les détresses et les tribulations intérieures où elle se trouvait fréquemment par suite de la disposition hostile des religieuses du couvent et parce que son état n'était pas compris du confesseur ordinaire, elle se décida un jour à s'ouvrir à l'abbé Lambert et à lui demander ses conseils et son assistance sacerdotale. Mais, comme il ne possédait pas bien l'allemand, les communications mutuelles ne pouvaient être que très restreintes. Toutefois, le pieux et clairvoyant ecclésiastique parvint bientôt à acquérir une connaissance suffisante de la direction intérieure et de toute la personne d'Anne Catherine pour se considérer comme obligé de venir en aide de tout son pouvoir à une âme si favorisée de la grâce. Il décida, en outre, le confesseur ordinaire à permettre à Anne Catherine de recevoir plus fréquemment la sainte communion, et même à la lui ordonner lorsque celle-ci s'y refuserait par humilité : c'était lui qui se tenait prêt dès le point du jour à lui donner le Sacrement adorable dont le désir la faisait défaillir. Quoique lui-même vécut fort pauvrement, il se trouvait heureux quand Anne Catherine, réduite à la détresse, voulait bien accepter de lui un don charitable. Quant à elle, elle l'honorait comme son plus grand bienfaiteur sur la terre, et nous verrons plus tard de quel prix elle paya la bonté qu'il lui avait témoignée.
4. Le lecteur peut aisément s'imaginer quels furent les sentiments d'Anne Catherine lorsqu'elle prononça au pied de l'autel les voeux solennels auxquels elle aspirait depuis si longtemps et pour lesquels elle avait tant eu à souffrir. Elle s'était préparée pour cet heureux moment avec le même zèle et le même désir qu'elle l'avait fait seize ans auparavant pour sa première communion. Quoique, pendant les derniers jours, elle eût multiplié ses pratiques de pénitence et qu'elle fût très affaiblie par les inquiétudes et les tribulations qu'elle avait eues à supporter peu auparavant, elle se montra pourtant le jour de sa profession avec toutes les apparences de la force et de la santé. La joie de son âme et le sentiment de bonheur infini que lui causait son union prochaine avec le fiancé céleste se manifestaient au dehors et la faisaient paraître comme lumineuse. Elle avait l'intuition continuelle de la signification intime de cette cérémonie, ainsi que de toutes les voies, les directions et les épreuves par lesquelles elle avait passé depuis son premier appel à l'état religieux, et son cœur surabondait de joie et de réjouissance pour tout ce que Dieu avait opéré jusqu'alors en elle et par elle. Elle se trouvait revêtue de la parure de fiancée et des habits de fête qu'il lui avait fallu préparer si laborieusement depuis des années d'après les indications de sa grande vision ; elle reconnaissait comment le fruit et l'effet de chaque pas en avant, de chaque victoire sur elle-même, de chaque soupir, de chaque pratique de patience, de chaque souffrance y figuraient comme des fleurs d'or, ou comme des pierres précieuses, des perles et des broderies merveilleuses. Elle sentait maintenant combien tout cela lui avait été nécessaire pour pouvoir arriver bien préparée à ces noces auxquelles son fiancé céleste lui-même assistait visiblement dans l'église du couvent avec les saints de l'ordre de S. Augustin. De même qu'à son baptême elle s'était vue mariée avec l'enfant Jésus par Marie, ce fut aussi cette fois la reine des vierges qui la remit à son fiancé. Pendant que sa bouche prononçait les paroles de la profession, elle vit cette tradition solennelle de sa personne à Dieu s'accomplir comme d'une double manière : car ce fut l'Église sur la terre qui la reçut et ce fut le céleste fiancé qui daigna l'accepter par l'Église et des mains de l'Église, et qui, scella son acceptation en lui octroyant des dons et des ornements magnifiques. Anne Catherine vit alors la nouvelle et haute position qui lui était faite, en vertu des voeux, dans la sainte hiérarchie de la société ecclésiastique : mais elle vit et ressentit aussi d'une manière inexprimable comment, dans son corps et dans son âme, dans son cœur et dans son esprit, elle était munie de forces, de bénédictions et de grâces abondantes, et gratifiée de la dignité insigne attachée à sa qualité de fiancée, dignité que, dès lors, elle ne pouvait considérer en sa personne qu'avec respect. Il lui arrivait ce qui arriverait à un prêtre pieux pour lequel, lors de la réception des saints ordres, sa propre âme deviendrait visible avec toute la splendeur communiquée par le caractère indélébile, et qui verrait les grâces et les facultés surnaturelles qui en émanent se communiquer aux puissances de l'âme. Elle sut et sentit comment désormais elle appartenait à l'Église et par l'Église au fiancé céleste d'une manière toute nouvelle, comme un don consacré, offert à Dieu en corps et en âme : et, de même que Colombe de Rieti, Lidwine de Schiedam et la bienheureuse Colette, elle connut la signification spirituelle de toutes les parties et de tous les membres de son corps de fiancée consacré à Dieu et leur relation symbolique avec toutes les parties du corps de l'Église.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
5. Certainement il n'y avait personne dans le couvent d'Agnetenberg qui eût le moindre soupçon de ces merveilleuses opérations. Mais Dieu voulait que ce jour des noces spirituelles fût pour tous un jour de joie et de douce paix. Anne Catherine, grâce au reflet de la béatitude intérieure que ne pouvaient obscurcir les larmes de joie coulant sans relâche sur son visage, fit une si aimable impression sur toute la communauté, et les paroles affectueuses avec lesquelles elle remerciait continuellement les sœurs pour l'avoir admise à la profession excitèrent une telle émotion que ce jour fut embelli, même extérieurement, par la joie et la paix répandues dans tous les cœurs. Après la grande messe solennelle, il y eut dans le réfectoire du couvent un repas auquel les parents d'Anne Catherine furent invités. Jamais son cœur n'avait ressenti avec amertume la grande souffrance que lui avait causée le refus de ses parents de la laisser aller au couvent : mais elle avait souvent prié Dieu d'accorder à ces êtres si chers de consentir du fond du cœur au sacrifice qui leur était imposé. Elle était maintenant exaucée. Son père et sa mère furent si profondément touchés à la vue de leur fille le jour de ses noces spirituelles que, s'unissant à son sacrifice, ils la donnèrent à Dieu de tout leur cœur. Il devint clair et certain pour eux qu'elle était appelée par Dieu à cet état, et ils craignirent de résister à Dieu lui-même s'ils persistaient plus longtemps dans leur opposition. C'est pourquoi, ce jour-là, une grande joie entra dans leurs cœurs, et ils la témoignèrent si vivement à leur fille que le souvenir de cette mémorable solennité fut pour elle, tout le reste de sa vie, une grande consolation.
6. Le commencement de cette année 1803 avait amené en Allemagne, pour 1'Église catholique, des spoliations et des persécutions qui, dans l'intention de leurs promoteurs, devaient avoir pour résultat sa destruction complète et l'anéantissement de la foi chrétienne, et qui l'auraient eu sans doute si l'Église n'avait pas Dieu lui-même pour fondateur et pour défenseur. De même qu'au temps de l'ancienne alliance, il avait permis la dévastation de sa ville sainte et de son saint temple, pour punir son peuple de ses infidélité et de son apostasie, de même aussi cette fois les puissances ennemies devaient lui servir de fléau et de pelle pour nettoyer son aire. Tant que dure l'exécution de cette sentence et l'abomination de la désolation, le Seigneur tient cachées en lieu sûr, comme les prêtres de l'ancien temple firent autrefois par son ordre pour le feu sacré, les choses saintes de son Église, jusqu'à ce que, le crime étant expié, elles puissent la faire resplendir d'un nouvel éclat. Les puits dans lesquels est sauvé le feu sacré retiré de l'Église sont les âmes saintes, bien peu nombreuses, de cette époque, chargées de cacher sous les eaux de la souffrance et de la tribulation les trésors qui furent jadis la joie et la parure de la fiancée de Jésus-Christ, et qui maintenant sont foulés aux pieds dans la poussière par ceux pour lesquels ils brillent, livrés et trahis par leurs gardiens, pillés et dissipés par ceux qui devaient les conserver et les défendre. Anne Catherine doit partager cette tâche si difficile avec un petit nombre de fidèles serviteurs : c'est pourquoi le Seigneur emploie le feu des souffrances et le marteau de la pénitence à faire d'elle un vase assez pur, assez ample et assez solide pour recevoir en lui les incommensurables richesses de l'Église et les protéger contre les entreprises de l'ennemi, jusqu'à ce qu'ils soient de nouveau rapportés dans l'Église au temps marqué par Dieu.
6. Le commencement de cette année 1803 avait amené en Allemagne, pour 1'Église catholique, des spoliations et des persécutions qui, dans l'intention de leurs promoteurs, devaient avoir pour résultat sa destruction complète et l'anéantissement de la foi chrétienne, et qui l'auraient eu sans doute si l'Église n'avait pas Dieu lui-même pour fondateur et pour défenseur. De même qu'au temps de l'ancienne alliance, il avait permis la dévastation de sa ville sainte et de son saint temple, pour punir son peuple de ses infidélité et de son apostasie, de même aussi cette fois les puissances ennemies devaient lui servir de fléau et de pelle pour nettoyer son aire. Tant que dure l'exécution de cette sentence et l'abomination de la désolation, le Seigneur tient cachées en lieu sûr, comme les prêtres de l'ancien temple firent autrefois par son ordre pour le feu sacré, les choses saintes de son Église, jusqu'à ce que, le crime étant expié, elles puissent la faire resplendir d'un nouvel éclat. Les puits dans lesquels est sauvé le feu sacré retiré de l'Église sont les âmes saintes, bien peu nombreuses, de cette époque, chargées de cacher sous les eaux de la souffrance et de la tribulation les trésors qui furent jadis la joie et la parure de la fiancée de Jésus-Christ, et qui maintenant sont foulés aux pieds dans la poussière par ceux pour lesquels ils brillent, livrés et trahis par leurs gardiens, pillés et dissipés par ceux qui devaient les conserver et les défendre. Anne Catherine doit partager cette tâche si difficile avec un petit nombre de fidèles serviteurs : c'est pourquoi le Seigneur emploie le feu des souffrances et le marteau de la pénitence à faire d'elle un vase assez pur, assez ample et assez solide pour recevoir en lui les incommensurables richesses de l'Église et les protéger contre les entreprises de l'ennemi, jusqu'à ce qu'ils soient de nouveau rapportés dans l'Église au temps marqué par Dieu.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
7. Quand nous nous représentons le long et pénible chemin qu'Anne Catherine fut forcée de parcourir depuis le premier appel jusqu'à l'instant où elle, put enfin faire ses veux solennels, nous voyons que toute liberté fut laissée à l'ennemi du salut pour la détourner de son but et rendre inutiles ses peines et ses luttes. Mais enfin elle a triomphé de sa malice et de sa ruse par l'humilité et la patience ; elle est arrivée pas à pas à une force et à une hauteur spirituelles, grâce auxquelles, hardie comme un héros, simple et naïve comme un enfant, elle poursuit sa tâche de souffrir pour l'Église pour laquelle elle expie et qu'elle représente. Et quelle vie l'attendait maintenant dans le couvent ! La touchante impression de la fête de ses noces spirituelles s'était bien vite effacée dans l'âme des sœurs, et Anne Catherine redevint bientôt pour toutes l'intrus accueilli à contrecœur qu'elle était en réalité. Dieu en effet l'avait faite entrer comme de force dans cette communauté, contrairement à toute prévision humaine et en dehors de toute adhésion libre : dès le premier jour, par sa pauvreté et son état de maladie, elle avait contracté aux yeux des religieuses une dette qui ne lui fut jamais remise. Elle avait pris l'habit malgré la répugnance de la communauté et maintenant elle arrive à la profession quoique les nonnes elles-mêmes ne puissent s'expliquer comment elles ont pu le permettre. Ce vaisseau de la grâce, cet instrument de Dieu est constamment une pierre d'achoppement et un objet d'aversion pour une famille religieuse à laquelle elle porte une ardente affection. Elle le sait et le sent continuellement, car elle ne cesse jamais d'avoir l'intuition la plus claire des pensées et des sentiments de toutes. Ainsi, elle était traitée, à la lettre, comme les voeux solennels et l'état religieux lui-même l'étaient dans son temps par d'innombrables cénobites. Et, pour compenser tant de peines et de chagrins, elle n'a pas le moindre espoir de pouvoir persuader à quelqu'une de ses compagnes la nécessité de restaurer la stricte discipline d'autrefois ou d'y préparer de jeunes âmes plus fortes car, après elle, le noviciat se ferme pour toujours et elle est la dernière qui, dans le couvent d'Agnetenberg, soit devenue l'épouse de Jésus-Christ par la profession des voeux. Elle sait, par les événements du jour comme par ce qui lui est annoncé en vision, que la famille spirituelle à laquelle elle est maintenant incorporée sera dissoute sous peu de temps pour ne plus jamais renaître. Et pourtant dans Anne Catherine sont réunies, d'après les calculs humains, toutes les conditions qui peuvent la rendre capable de servir l'Église de la manière la plus éclatante. Mais elle est dans la main de Dieu un instrument qui ne doit pas produire des résultats extérieurs et frappant les yeux ; elle doit, au moyen de souffrances incalculables, procurer la guérison du corps de l'Église tout couvert de blessures, de telle manière que les temps postérieurs puissent seuls recevoir la bénédiction de sa vie cachée en Dieu, humble et méprisée du monde, mais dans la réalité infiniment riche et féconde. Combien sont admirables les voies de Dieu et combien différentes des voies du monde et des moyens qu'il emploie ! Pendant que celui-ci mettait au service du prince des ténèbres tout son pouvoir, toutes ses grandeurs, tous ses artifices afin de renverser l'Église, le Dieu tout-puissant appelait une timide bergère, accablée de douleurs, à marcher contre les puissances ennemies dans l'humilité de la croix. Plus Anne Catherine s'avance sur le chemin que Dieu lui a tracé, plus ses souffrances deviennent grandes. Nous ne pourrions même pas supporter le spectacle de cette effrayante rigueur, si la bénédiction qui émane de la plus innocente et de la plus enfantine simplicité ne venait comme un souffle du paradis dorer l'océan de douleurs à travers lequel cette pauvre vie doit se frayer passage pour conquérir la palme de la victoire.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
XIV
SES MALADIES ET SES SOUFFRANCES CORPORELLES.
1." Je m'étais donnée tout entière à mon fiancé et il faisait de moi ce qu'il voulait. Pouvoir souffrir en repos m'a toujours paru l'état le plus digne d'envie sur la terre, mais je n'y suis jamais arrivée." Dans ces mots, Anne Catherine avait résumé le mystère de toute sa vie, soit dans le couvent, soit après sa suppression. Les souffrances ne lui firent jamais défaut : elle les acceptait avec reconnaissance de la main de Dieu comme un don toujours bienvenu : mais jamais le repos dans la souffrance, jamais une vie cachée, tranquille, dérobée aux regards des hommes ne put être son partage, parce qu'elle devait arriver à une pleine conformité avec son fiancé, lequel a voulu accomplir sa Passion parmi des contradictions incessantes et au milieu de tribulations extérieures et de persécutions continuelles. Toutes les douleurs et les maladies dont elle fut assaillie dès son enfance avaient une profonde signification spirituelle car ou elle avait demandé qu'elles fussent transférées d'autrui sur elle, afin de les souffrir en tout ou en partie à la place du prochain, ou bien elle les avait reçues de Dieu pour l'expiation de fautes qui lui étaient étrangères. Mais depuis qu'elle avait reçu le sacrement de confirmation et surtout depuis sa profession religieuse, cette souffrance pour autrui prit un caractère toujours plus élevé et une plus grande extension, en ce sens que les maladies du corps de l'Église, c'est-à-dire les prévarications spirituelles et les fautes commises par des paroisses et par des diocèses tout entiers, les contraventions et les négligences des supérieurs ecclésiastiques, l'état déplorable où se trouvaient des classes entières, lui étaient imputés pour qu'elle en portât le poids et les expiât par les maladies et les souffrances les plus diverses et les plus multipliées. Ses douleurs et ses infirmités étaient donc les résultats spirituels, traduits sous forme de maladies corporelles, qu'entraînait après soi pour le troupeau de Jésus-Christ la culpabilité des divers membres de l'Église. En cela elle marchait sur les traces de la bienheureuse Lidwine de Schiedam laquelle, avec la merveilleuse Christine (Christina mirabilis) de Saint-Trond, est peut-être le plus admirable instrument d'expiation dont Dieu se soit jamais servi en faveur de son Église. Un coup d'oeil sur sa vie, écrite par un contemporain, le frère Jean Brugmann, provincial des frères mineurs en Hollande, mort en odeur de sainteté, d'après les communications du confesseur de la sainte, Walter de Leyden, de son commensal Jean Gerlach, et même, d'après les témoignages officiels du bourgmestre et du conseil de la ville de Schiedam, puis rédigée de nouveau après lui par le bienheureux Thomas à Kempis (note), nous rendra plus facile de mieux comprendre la tâche d'Anne Catherine.
SES MALADIES ET SES SOUFFRANCES CORPORELLES.
1." Je m'étais donnée tout entière à mon fiancé et il faisait de moi ce qu'il voulait. Pouvoir souffrir en repos m'a toujours paru l'état le plus digne d'envie sur la terre, mais je n'y suis jamais arrivée." Dans ces mots, Anne Catherine avait résumé le mystère de toute sa vie, soit dans le couvent, soit après sa suppression. Les souffrances ne lui firent jamais défaut : elle les acceptait avec reconnaissance de la main de Dieu comme un don toujours bienvenu : mais jamais le repos dans la souffrance, jamais une vie cachée, tranquille, dérobée aux regards des hommes ne put être son partage, parce qu'elle devait arriver à une pleine conformité avec son fiancé, lequel a voulu accomplir sa Passion parmi des contradictions incessantes et au milieu de tribulations extérieures et de persécutions continuelles. Toutes les douleurs et les maladies dont elle fut assaillie dès son enfance avaient une profonde signification spirituelle car ou elle avait demandé qu'elles fussent transférées d'autrui sur elle, afin de les souffrir en tout ou en partie à la place du prochain, ou bien elle les avait reçues de Dieu pour l'expiation de fautes qui lui étaient étrangères. Mais depuis qu'elle avait reçu le sacrement de confirmation et surtout depuis sa profession religieuse, cette souffrance pour autrui prit un caractère toujours plus élevé et une plus grande extension, en ce sens que les maladies du corps de l'Église, c'est-à-dire les prévarications spirituelles et les fautes commises par des paroisses et par des diocèses tout entiers, les contraventions et les négligences des supérieurs ecclésiastiques, l'état déplorable où se trouvaient des classes entières, lui étaient imputés pour qu'elle en portât le poids et les expiât par les maladies et les souffrances les plus diverses et les plus multipliées. Ses douleurs et ses infirmités étaient donc les résultats spirituels, traduits sous forme de maladies corporelles, qu'entraînait après soi pour le troupeau de Jésus-Christ la culpabilité des divers membres de l'Église. En cela elle marchait sur les traces de la bienheureuse Lidwine de Schiedam laquelle, avec la merveilleuse Christine (Christina mirabilis) de Saint-Trond, est peut-être le plus admirable instrument d'expiation dont Dieu se soit jamais servi en faveur de son Église. Un coup d'oeil sur sa vie, écrite par un contemporain, le frère Jean Brugmann, provincial des frères mineurs en Hollande, mort en odeur de sainteté, d'après les communications du confesseur de la sainte, Walter de Leyden, de son commensal Jean Gerlach, et même, d'après les témoignages officiels du bourgmestre et du conseil de la ville de Schiedam, puis rédigée de nouveau après lui par le bienheureux Thomas à Kempis (note), nous rendra plus facile de mieux comprendre la tâche d'Anne Catherine.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
2. Lidwine, fille d'un pauvre veilleur de nuit de la ville hollandaise de Schiedam, sur la Meuse, naquit quelques semaines avant la mort de sainte Catherine de Sienne. Elle fut, dès sa plus tendre enfance, mise, par une faveur spéciale, sous la conduite de la Mère de Dieu, afin de pouvoir prendre et continuer la tâche de souffrir pour l'Église qui lui était laissée par Catherine de Sienne.
(note) Voir Acta sanctorum, die 14 april.
Catherine avait été suscitée de Dieu au milieu du XIVème siècle comme sainte Hildegarde au commencement du XIIème pour venir en aide à la chrétienté, à la façon des saints Prophètes. La vie de cette vierge privilégiée n'eut qu'une durée de trente-trois ans : car son cœur fendu en deux par la force de l'amour divin ne put pas supporter longtemps la malheureuse division que causa dans l'Église la création d'un antipape opposé à Urbain VI. Deux avant sa mort, le schisme avait éclaté, et Catherine n'avait épargné aucun sacrifice afin de lutter et souffrir pour la restauration de l'unité : elle avait même demandé à Dieu que, pendant les trois derniers mois sa vie (depuis le 19 janvier 1380, dimanche de la Sexagésime, jusqu'au 30 avril, cinquième dimanche après Pâques), la rage de l'enfer tout entier déchaînée contre le chef légitime de l'Église fût détournée sur sa personne et qu'elle eût à livrer combat aux cohortes infernales, comme autrefois sainte Hildegarde qui, pendant trois années consécutives, avait ainsi combattu. Alors le Seigneur rappela à lui sa servante : car le dimanche des Rameaux de cette année 1380 était née dans la lointaine Hollande l'héritière de ses souffrances et de ses combats. Lidwine souffrit de la pierre dès le berceau, toutefois elle fut de bonne heure si forte et si bien faite qu'à l'âge de douze ans elle fut demandée en mariage. Mais elle s'était depuis longtemps consacrée à Dieu par le voeu de virginité et, pour se délivrer des prétendants, elle demanda à Dieu de lui enlever sa beauté. Sa prière fut exaucée : car dans sa quinzième, année, elle fut attaquée d'une maladie dont elle guérit, mais qui la laissa tellement défigurée qu'elle ne fut plus recherchée par les hommes. Or, Dieu avait préparé son corps pour être un vase de souffrances sur lequel il commença à mettre toutes les misères dont l'Église d'alors était affligée. Le choc d'une de ses compagnes qui, en patinant, vint la heurter avec une grande impétuosité, la jeta sur un tas de glaçons et elle se brisa une des petites côtes du côté droit. A la suite de cette fracture, il se forma à l'intérieur un abcès qui résista à tous les remèdes et lui causa des douleurs indicibles. Un an après cette chute, le père de la jeune malade se trouvant près de son lit pour la consoler, celle-ci, dans un paroxysme de douleur, se jeta dans ses bras. La commotion causée par ce mouvement précipité fit crever l'abcès à l'intérieur, et elle faillit mourir, étouffée par l'abondance du sang qui sortait avec violence de sa bouche et de son nez. Son état empira bientôt de plus en plus. La suppuration de l'abcès à l'intérieur la rendit incapable de prendre aucune nourriture : si elle essayait de vaincre sa répugnance pour les aliments, son estomac ne pouvait pas les garder. Elle était souvent tourmentée d'une soif intolérable ; elle se traînait alors hors de sa couche pour boire de l'eau ; mais elle la vomissait aussitôt. Il n'y avait aucun moyen de lui procurer le moindre soulagement. En outre, plusieurs années s'écoulèrent, pendant lesquelles l'infortunée fut privée de tout secours et de toute direction spirituelle. Une fois l'an seulement, au temps de Pâques, on la portait à l'église, pour recevoir la sainte communion mais, tout le reste du temps, elle était abandonnée à elle-même. Dieu, lui aussi, semblait la livrer à sa propre faiblesse et à toute la violence de ses souffrances inouïes sans lui donner de consolation ni d'assistance extraordinaire car bien souvent elle jugeait impossible de rester dans un état aussi désespéré. La maladie ne pouvait détruire si subitement en elle toute l'énergie et la vie de la jeunesse qu'elle ne fût souvent prise d'un vif désir de guérir et accablée d'un chagrin qui se renouvelait toujours quand elle entendait ses jeunes compagnes passer joyeuses, en chantant et en riant, devant l'ouverture de son petit logement au rez-de-chaussée qui ressemblait à une cave. Elle avait bonne volonté de servir Dieu et de renoncer au monde, mais elle n'avait jamais pensé à une telle misère et à une souffrance accompagnée d'un si grand dégoût. Ainsi s'écoulèrent trois ou quatre années, jusqu'à ce qu'enfin il lui fut donné, dans la personne de Jean Pot, un confesseur et un guide qui lui apprit à pratiquer l'oraison intérieure et à acquérir dans la méditation de la douloureuse Passion de Notre-Seigneur la force d'âme nécessaire pour supporter ses peines avec résignation. Elle suivit autant qu'elle le put ses instructions, mais elle ne reçut d'assistance pour le délaissement de son âme privée de toute consolation que le jour où, recevant la sainte communion, le don des larmes lui fut accordé. Elle resta quatorze jours entiers sans pouvoir arrêter le torrent de pleurs qu'elle versait sur son impatience et sa lâcheté, et alors aussi la consolation et l'onction entrèrent dans son cœur. Elle fit bientôt tant de progrès dans l'oraison qu'elle divisa la méditation de la douloureuse Passion suivant les sept heures canoniques de la journée, et, comme elle était privée de sommeil, elle pratiqua, jour et nuit, cet exercice avec une telle fidélité, qu'on pouvait l'y croire appelée par un avertissement intérieur comme par le son d'une horloge marquant les heures. Dans la huitième année de sa maladie, elle en vint à dire : " Ce n'est pas moi qui souffre, c'est mon Seigneur Jésus qui souffre en moi ; " et, ne trouvant pas suffisantes ses immenses souffrances, elle en demandait toujours de nouvelles, s'offrant à Dieu sans relâche comme victime expiatoire des péchés d'autrui. Ainsi elle demanda une fois, le dimanche de la Quinquagésime, une souffrance particulière pour l'expiation des péchés commis pendant le temps du carnaval, sur quoi elle ressentit, jusqu'au jour de Pâques, de folles douleurs dans les os qu'elle n'osa plus importuner Dieu de semblables prières. Elle s'offrit de même à Dieu comme victime pour détourner de Schiedam le fléau de la peste, et il, lui vint deux bubons pestilentiels à la gorge et sous la poitrine. Elle pria alors pour être gratifiée d'un troisième en l'honneur de la très sainte Trinité et aussitôt il s'en montra un nouveau au genou.
(note) Voir Acta sanctorum, die 14 april.
Catherine avait été suscitée de Dieu au milieu du XIVème siècle comme sainte Hildegarde au commencement du XIIème pour venir en aide à la chrétienté, à la façon des saints Prophètes. La vie de cette vierge privilégiée n'eut qu'une durée de trente-trois ans : car son cœur fendu en deux par la force de l'amour divin ne put pas supporter longtemps la malheureuse division que causa dans l'Église la création d'un antipape opposé à Urbain VI. Deux avant sa mort, le schisme avait éclaté, et Catherine n'avait épargné aucun sacrifice afin de lutter et souffrir pour la restauration de l'unité : elle avait même demandé à Dieu que, pendant les trois derniers mois sa vie (depuis le 19 janvier 1380, dimanche de la Sexagésime, jusqu'au 30 avril, cinquième dimanche après Pâques), la rage de l'enfer tout entier déchaînée contre le chef légitime de l'Église fût détournée sur sa personne et qu'elle eût à livrer combat aux cohortes infernales, comme autrefois sainte Hildegarde qui, pendant trois années consécutives, avait ainsi combattu. Alors le Seigneur rappela à lui sa servante : car le dimanche des Rameaux de cette année 1380 était née dans la lointaine Hollande l'héritière de ses souffrances et de ses combats. Lidwine souffrit de la pierre dès le berceau, toutefois elle fut de bonne heure si forte et si bien faite qu'à l'âge de douze ans elle fut demandée en mariage. Mais elle s'était depuis longtemps consacrée à Dieu par le voeu de virginité et, pour se délivrer des prétendants, elle demanda à Dieu de lui enlever sa beauté. Sa prière fut exaucée : car dans sa quinzième, année, elle fut attaquée d'une maladie dont elle guérit, mais qui la laissa tellement défigurée qu'elle ne fut plus recherchée par les hommes. Or, Dieu avait préparé son corps pour être un vase de souffrances sur lequel il commença à mettre toutes les misères dont l'Église d'alors était affligée. Le choc d'une de ses compagnes qui, en patinant, vint la heurter avec une grande impétuosité, la jeta sur un tas de glaçons et elle se brisa une des petites côtes du côté droit. A la suite de cette fracture, il se forma à l'intérieur un abcès qui résista à tous les remèdes et lui causa des douleurs indicibles. Un an après cette chute, le père de la jeune malade se trouvant près de son lit pour la consoler, celle-ci, dans un paroxysme de douleur, se jeta dans ses bras. La commotion causée par ce mouvement précipité fit crever l'abcès à l'intérieur, et elle faillit mourir, étouffée par l'abondance du sang qui sortait avec violence de sa bouche et de son nez. Son état empira bientôt de plus en plus. La suppuration de l'abcès à l'intérieur la rendit incapable de prendre aucune nourriture : si elle essayait de vaincre sa répugnance pour les aliments, son estomac ne pouvait pas les garder. Elle était souvent tourmentée d'une soif intolérable ; elle se traînait alors hors de sa couche pour boire de l'eau ; mais elle la vomissait aussitôt. Il n'y avait aucun moyen de lui procurer le moindre soulagement. En outre, plusieurs années s'écoulèrent, pendant lesquelles l'infortunée fut privée de tout secours et de toute direction spirituelle. Une fois l'an seulement, au temps de Pâques, on la portait à l'église, pour recevoir la sainte communion mais, tout le reste du temps, elle était abandonnée à elle-même. Dieu, lui aussi, semblait la livrer à sa propre faiblesse et à toute la violence de ses souffrances inouïes sans lui donner de consolation ni d'assistance extraordinaire car bien souvent elle jugeait impossible de rester dans un état aussi désespéré. La maladie ne pouvait détruire si subitement en elle toute l'énergie et la vie de la jeunesse qu'elle ne fût souvent prise d'un vif désir de guérir et accablée d'un chagrin qui se renouvelait toujours quand elle entendait ses jeunes compagnes passer joyeuses, en chantant et en riant, devant l'ouverture de son petit logement au rez-de-chaussée qui ressemblait à une cave. Elle avait bonne volonté de servir Dieu et de renoncer au monde, mais elle n'avait jamais pensé à une telle misère et à une souffrance accompagnée d'un si grand dégoût. Ainsi s'écoulèrent trois ou quatre années, jusqu'à ce qu'enfin il lui fut donné, dans la personne de Jean Pot, un confesseur et un guide qui lui apprit à pratiquer l'oraison intérieure et à acquérir dans la méditation de la douloureuse Passion de Notre-Seigneur la force d'âme nécessaire pour supporter ses peines avec résignation. Elle suivit autant qu'elle le put ses instructions, mais elle ne reçut d'assistance pour le délaissement de son âme privée de toute consolation que le jour où, recevant la sainte communion, le don des larmes lui fut accordé. Elle resta quatorze jours entiers sans pouvoir arrêter le torrent de pleurs qu'elle versait sur son impatience et sa lâcheté, et alors aussi la consolation et l'onction entrèrent dans son cœur. Elle fit bientôt tant de progrès dans l'oraison qu'elle divisa la méditation de la douloureuse Passion suivant les sept heures canoniques de la journée, et, comme elle était privée de sommeil, elle pratiqua, jour et nuit, cet exercice avec une telle fidélité, qu'on pouvait l'y croire appelée par un avertissement intérieur comme par le son d'une horloge marquant les heures. Dans la huitième année de sa maladie, elle en vint à dire : " Ce n'est pas moi qui souffre, c'est mon Seigneur Jésus qui souffre en moi ; " et, ne trouvant pas suffisantes ses immenses souffrances, elle en demandait toujours de nouvelles, s'offrant à Dieu sans relâche comme victime expiatoire des péchés d'autrui. Ainsi elle demanda une fois, le dimanche de la Quinquagésime, une souffrance particulière pour l'expiation des péchés commis pendant le temps du carnaval, sur quoi elle ressentit, jusqu'au jour de Pâques, de folles douleurs dans les os qu'elle n'osa plus importuner Dieu de semblables prières. Elle s'offrit de même à Dieu comme victime pour détourner de Schiedam le fléau de la peste, et il, lui vint deux bubons pestilentiels à la gorge et sous la poitrine. Elle pria alors pour être gratifiée d'un troisième en l'honneur de la très sainte Trinité et aussitôt il s'en montra un nouveau au genou.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
3. Bientôt toute la dislocation et la dévastation du corps de l'Église furent transportées sur elle. Le triple ravage que la licence de l'esprit, la débauche et l'hérésie faisaient dans l'Église au temps du grand schisme fut produit en elle par des vers innombrables de couleur verdâtre qui, prenant naissance dans la colonne dorsale, attaquaient les reins et dévoraient, du dedans au dehors, la partie inférieure du corps, où ils avaient pratiqué trois grandes ouvertures rondes ; en sorte que chaque jour on pouvait voir par là cent ou même deux cents de ces rongeurs, longs d'environ un pouce. Pour se préserver de leurs morsures, Lidwine était obligée de les nourrir avec une mixture de miel et de farine de froment ou avec de la graisse de chapon dont on frottait un linge placé sur les ouvertures. S'ils manquaient de cet appât, que la pauvre malade était obligée de demander, à titre d'aumône, à des étrangers, ou si la mixture n'était pas parfaitement fraîche, ils s'attaquaient à son corps martyrisé. Comme l'incrédulité et l'hérésie ont leurs racines dans les péchés contre le sixième commandement et dans l'orgueil de l'esprit qui ne dégrade pas moins l'homme, ce triple mal devait être expié par Lidwine d'une manière analogue à sa nature par la pourriture et par des vers à la morsure venimeuse.
Les autres parties intérieures du corps furent ou détruites par la malignité de l'abcès purulent, ou enlevées par le médecin de la duchesse Marguerite de Hollande et enfouies dans la terre suivant le désir de Lidwine. Dans la cavité de l'abdomen on plaça, un petit paquet de laine. Les douleurs de la pierre restaient les mêmes malgré la décomposition et arrivaient souvent à une telle intensité que Lidwine perdait la connaissance et la parole. Cette souffrance avait pour cause les abominations du concubinage des gens d'Église. Les reins et le foie s'en allèrent par petits morceaux ; il se forma aux mamelles des tumeurs purulentes : car, à cette époque désordonnée, des multitudes d'enfants étaient privées du lait de la pure doctrine et ne recevaient à sa place que des scandales. Quant aux contestations des théologiens et des canonistes qui, au lieu de procurer à la chrétienté une saine nourriture, ne faisaient qu'augmenter le mal et la discorde, Lidwine en faisait pénitence par des maux de dents qui, assez souvent, se prolongeaient, pendant des semaines et même des mois entiers, avec une telle violence qu'elle craignait d'en perdre la raison. Les frissons fébriles qui ébranlaient le corps de l'Église dans les conciles se faisaient sentir à elle dans une fièvre tierce incessante qui tantôt desséchait ses os par une ardeur dévorante, tantôt les ébranlait par les frissons d'un froid inexprimable.
De même enfin que la chrétienté fut divisée pendant quarante ans entre des papes et des antipapes, de même aussi le corps de Lidwine fut séparé en deux moitiés, en sorte qu'il fallut assujettir les deux épaules avec des bandages, pour qu'elles ne tombassent pas chacune de son côté. Le front aussi était fendu verticalement jusqu'au milieu du nez, et il en était de même des lèvres et du menton : le sang jaillissait par ces fentes et souvent la mettait dans l'impossibilité de parler.
Comme l'oeil du pasteur suprême ne pouvait plus veiller sur tout le troupeau du Christ, Lidwine avait perdu l'usage de l'oeil droit, et son oeil gauche ne pouvait supporter ni la clarté du jour ni la lumière de la lampe. Et, parce que le feu de la révolte paralysait les droits du pasteur suprême à commander à tous et à porter la houlette pastorale devant tout le troupeau du Christ, le bras droit de Lidwine était tellement brûlé par le feu Saint-Antoine que les nerfs posaient sur l'os dépouillé comme les cordes d'une guitare et que le bras ne tenait plus au reste du corps que par un tendon.
Elle ne pouvait remuer que la main gauche et la tête ; à cela prés, elle était couchée sur le dos dans un état d'immobilité complète et pendant sept ans de suite on n'osa pas la changer de place, parce qu'il était à craindre que son pauvre corps ne tombât en morceaux. Privé de sommeil et de nourriture qui pussent y entretenir la vie végétative, ce corps était semblable à un arbre vermoulu, ne tirant plus sa verdure que de l'écorce, et pourtant il en sortait, journellement par la bouche, les yeux, le nez, les oreilles et toutes les autres ouvertures une telle quantité de sang et d'autres liquides que deux hommes n'auraient pas suffi pour emporter ce qui en découlait pendant un mois. Lidwine savait d'où lui était fourni cet abondant supplément à la sève vitale qui avait disparu en elle comme dans le cep de vigne quand ses pousses sont taillées au printemps. Un jour que quelques personnes lui demandaient dans leur étonnement d'où venait en elle cette abondance de liquide, elle répondit : " Dites-moi d'où la vigne tire sa riche sève qui en hiver aussi parait desséchée et tarie ?" Elle se sentait comme une branche vivante du véritable cep de vigne qui communique si abondamment à tous la plénitude de la bénédiction qu'elle coule à flots jusqu'à terre quand les branches obstruées refusent de lui livrer passage. Cette déperdition du sang de la vigne de l'Église, Lidwine avait à l'expier par le sang qui coulait de toutes les ouvertures de son corps, lequel, pour ne pas se dessécher, avait besoin d'une réparation surnaturelle qu'il recevait journellement. C'est pourquoi aussi, en dépit de la pourriture et des vers le vase merveilleux de ce corps ne répandait qu'une odeur suave : c'était une victime si agréable aux yeux de Dieu qu'il lui imprima le sceau de ses sacrés stigmates.
Les autres parties intérieures du corps furent ou détruites par la malignité de l'abcès purulent, ou enlevées par le médecin de la duchesse Marguerite de Hollande et enfouies dans la terre suivant le désir de Lidwine. Dans la cavité de l'abdomen on plaça, un petit paquet de laine. Les douleurs de la pierre restaient les mêmes malgré la décomposition et arrivaient souvent à une telle intensité que Lidwine perdait la connaissance et la parole. Cette souffrance avait pour cause les abominations du concubinage des gens d'Église. Les reins et le foie s'en allèrent par petits morceaux ; il se forma aux mamelles des tumeurs purulentes : car, à cette époque désordonnée, des multitudes d'enfants étaient privées du lait de la pure doctrine et ne recevaient à sa place que des scandales. Quant aux contestations des théologiens et des canonistes qui, au lieu de procurer à la chrétienté une saine nourriture, ne faisaient qu'augmenter le mal et la discorde, Lidwine en faisait pénitence par des maux de dents qui, assez souvent, se prolongeaient, pendant des semaines et même des mois entiers, avec une telle violence qu'elle craignait d'en perdre la raison. Les frissons fébriles qui ébranlaient le corps de l'Église dans les conciles se faisaient sentir à elle dans une fièvre tierce incessante qui tantôt desséchait ses os par une ardeur dévorante, tantôt les ébranlait par les frissons d'un froid inexprimable.
De même enfin que la chrétienté fut divisée pendant quarante ans entre des papes et des antipapes, de même aussi le corps de Lidwine fut séparé en deux moitiés, en sorte qu'il fallut assujettir les deux épaules avec des bandages, pour qu'elles ne tombassent pas chacune de son côté. Le front aussi était fendu verticalement jusqu'au milieu du nez, et il en était de même des lèvres et du menton : le sang jaillissait par ces fentes et souvent la mettait dans l'impossibilité de parler.
Comme l'oeil du pasteur suprême ne pouvait plus veiller sur tout le troupeau du Christ, Lidwine avait perdu l'usage de l'oeil droit, et son oeil gauche ne pouvait supporter ni la clarté du jour ni la lumière de la lampe. Et, parce que le feu de la révolte paralysait les droits du pasteur suprême à commander à tous et à porter la houlette pastorale devant tout le troupeau du Christ, le bras droit de Lidwine était tellement brûlé par le feu Saint-Antoine que les nerfs posaient sur l'os dépouillé comme les cordes d'une guitare et que le bras ne tenait plus au reste du corps que par un tendon.
Elle ne pouvait remuer que la main gauche et la tête ; à cela prés, elle était couchée sur le dos dans un état d'immobilité complète et pendant sept ans de suite on n'osa pas la changer de place, parce qu'il était à craindre que son pauvre corps ne tombât en morceaux. Privé de sommeil et de nourriture qui pussent y entretenir la vie végétative, ce corps était semblable à un arbre vermoulu, ne tirant plus sa verdure que de l'écorce, et pourtant il en sortait, journellement par la bouche, les yeux, le nez, les oreilles et toutes les autres ouvertures une telle quantité de sang et d'autres liquides que deux hommes n'auraient pas suffi pour emporter ce qui en découlait pendant un mois. Lidwine savait d'où lui était fourni cet abondant supplément à la sève vitale qui avait disparu en elle comme dans le cep de vigne quand ses pousses sont taillées au printemps. Un jour que quelques personnes lui demandaient dans leur étonnement d'où venait en elle cette abondance de liquide, elle répondit : " Dites-moi d'où la vigne tire sa riche sève qui en hiver aussi parait desséchée et tarie ?" Elle se sentait comme une branche vivante du véritable cep de vigne qui communique si abondamment à tous la plénitude de la bénédiction qu'elle coule à flots jusqu'à terre quand les branches obstruées refusent de lui livrer passage. Cette déperdition du sang de la vigne de l'Église, Lidwine avait à l'expier par le sang qui coulait de toutes les ouvertures de son corps, lequel, pour ne pas se dessécher, avait besoin d'une réparation surnaturelle qu'il recevait journellement. C'est pourquoi aussi, en dépit de la pourriture et des vers le vase merveilleux de ce corps ne répandait qu'une odeur suave : c'était une victime si agréable aux yeux de Dieu qu'il lui imprima le sceau de ses sacrés stigmates.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
4. Pendant plus de trente-trois ans, les contemporains de Lidwine eurent sous les yeux le spectacle de ces souffrances qui étaient en contradiction complète avec l'ordre accoutumé de la nature et avec l'expérience commune et qui ne laissaient à la clairvoyance humaine aucune possibilité d'explication naturelle ; aussi, dès lors, les témoins oculaires accablaient la patiente de questions comme celles-ci : " Comment peux-tu vivre, après avoir rendu le poumon et le foie avec tous les intestins, et étant presque entièrement rongée par les vers." Et elle répondait humblement : " Dieu et ma conscience me sont témoins que j'ai perdu pièce à pièce ce que Dieu m'avait donné selon la nature. On doit comprendre qu'il m'a été difficile de supporter cette perte : mais Dieu seul sait ce qu'il a fait en moi dans la plénitude de sa toute puissance pour remplacer ce qui est perdu."
La fidèle fiancée ne voulait pas trahir le secret du Roi des rois que celui-ci s'était réservé pour confondre la science humaine, afin de ne le révéler qu'en ce jour où ses élus triompheront avec lui et verront en lui comment c'est lui qui accomplit tout en toutes choses. Le pieux biographe de Lidwine, François Brugman, facilite l'intelligence de ces faits inexplicables lorsqu'il dit que le Seigneur de l'Église, en conservant par un miracle de sa toute-puissance et de sa sagesse le corps en ruines de sa fiancée, voulait manifester à tous les temps ce qu'il lui faut opérer et accomplir chaque jour pour conserver, jusqu'à la fin du monde la grâce de la rédemption à ces hommes qui ne cessent de maltraiter et de persécuter son Église, sa foi et ses mystères, de même que les vers, la décomposition, les accès de fièvre et tant supplices travaillaient à détruire le corps de Lidwine.
Mais, afin qu'il fût indubitable pour tous que c'étaient bien les plaies et les douleurs de l'Église dont souffrait Lidwine, avant qu'elle mourût, Dieu la fit refleurir, pour ainsi dire, et rétablit son corps dans sa parfaite intégrité. La chrétienté ayant retrouvé un chef, la tâche de Lidwine était accomplie et Dieu lui rendit ce qu'elle lui avait sacrifié dans l'intérêt de son Église.
5. Pendant que son horrible état de souffrance durait encore, on put savoir d'où provenaient les secours et les dons extraordinaires au moyen desquels la vie se prolongeait dans un corps auquel faisait défaut tout ce qui est indispensable pour subsister selon les lois ordinaires de la nature. Lidwine, en plusieurs occasions, fit allusion à une nourriture et à une onction reçues par des voies surnaturelles. Voici ce que rapporte son biographe : " La curiosité poussa beaucoup de personnes à visiter la pieuse vierge. Les uns venaient avec bonne intention, d'autres pour condamner et blasphémer. Certainement les uns et les autres ne voyaient qu'une image de la mort, mais ceux-là voyaient dans le vase brisé le baume de la sanctification, dans le portrait défiguré le Seigneur avec son admirable beauté, et dans l'image de la mort, ils honoraient le Créateur de la vie, le plus aimable des enfants des hommes. Si quelqu'un dans son étonnement demandait à Lidwine comment la fièvre pouvait trouver encore à se nourrir dans son corps, puisqu'elle-même vivait sans prendre aucune espèce d'aliment, elle répondait : " Vous vous étonnez que la fièvre trouve en moi tant de nourriture, et moi je m'étonne bien plus de ne pas devenir en un mois plus grosse qu'un tonneau. Vous jugez seulement d'après la croix que vous voyez extérieurement en moi : mais vous ne comprenez pas l'onction qui s'y joint, parce que vous ne pouvez pas voir ce qui est caché au dedans." Et quand des prêtres ou des religieux lui exprimaient leur surprise de ce qu'elle vivait encore dans cet état de destruction inouï et lui disaient : " Tu ne pourrais pas rester en vie si Dieu dans sa miséricorde ne te conservait pas ses dons, " elle répondait : " Oui, je dois l'avouer en toute simplicité, je reçois, sans l'avoir méritée, une onction que le Dieu de miséricorde répand sur moi de temps en temps. Pauvre chienne que je suis, je ne pourrais pas continuer à vivre dans un corps si délabré si les miettes du pain de mon Seigneur ne tombaient pas pour moi de sa table ; mais il ne sied pas à une vile et misérable chienne de dire quelle espèce de bouchées elle reçoit." De même, quand des femmes indiscrètes la tourmentaient de questions pour savoir si vraiment elle ne prenait plus aucune nourriture, chose qui leur paraissait impossible et par conséquent incroyable, elle répondait avec douceur : " Si vous trouvez cela incroyable, cela ne fait pas certainement que vous soyez des incrédules, mais pourtant ne méprisez pas les opérations de Dieu qui a aussi soutenu dans les déserts Marie Madeleine et Marie Egyptienne. Il ne s'agit pas ici de ce que vous pensez de moi, seulement ne dérobez pas à Dieu sa gloire."
La fidèle fiancée ne voulait pas trahir le secret du Roi des rois que celui-ci s'était réservé pour confondre la science humaine, afin de ne le révéler qu'en ce jour où ses élus triompheront avec lui et verront en lui comment c'est lui qui accomplit tout en toutes choses. Le pieux biographe de Lidwine, François Brugman, facilite l'intelligence de ces faits inexplicables lorsqu'il dit que le Seigneur de l'Église, en conservant par un miracle de sa toute-puissance et de sa sagesse le corps en ruines de sa fiancée, voulait manifester à tous les temps ce qu'il lui faut opérer et accomplir chaque jour pour conserver, jusqu'à la fin du monde la grâce de la rédemption à ces hommes qui ne cessent de maltraiter et de persécuter son Église, sa foi et ses mystères, de même que les vers, la décomposition, les accès de fièvre et tant supplices travaillaient à détruire le corps de Lidwine.
Mais, afin qu'il fût indubitable pour tous que c'étaient bien les plaies et les douleurs de l'Église dont souffrait Lidwine, avant qu'elle mourût, Dieu la fit refleurir, pour ainsi dire, et rétablit son corps dans sa parfaite intégrité. La chrétienté ayant retrouvé un chef, la tâche de Lidwine était accomplie et Dieu lui rendit ce qu'elle lui avait sacrifié dans l'intérêt de son Église.
5. Pendant que son horrible état de souffrance durait encore, on put savoir d'où provenaient les secours et les dons extraordinaires au moyen desquels la vie se prolongeait dans un corps auquel faisait défaut tout ce qui est indispensable pour subsister selon les lois ordinaires de la nature. Lidwine, en plusieurs occasions, fit allusion à une nourriture et à une onction reçues par des voies surnaturelles. Voici ce que rapporte son biographe : " La curiosité poussa beaucoup de personnes à visiter la pieuse vierge. Les uns venaient avec bonne intention, d'autres pour condamner et blasphémer. Certainement les uns et les autres ne voyaient qu'une image de la mort, mais ceux-là voyaient dans le vase brisé le baume de la sanctification, dans le portrait défiguré le Seigneur avec son admirable beauté, et dans l'image de la mort, ils honoraient le Créateur de la vie, le plus aimable des enfants des hommes. Si quelqu'un dans son étonnement demandait à Lidwine comment la fièvre pouvait trouver encore à se nourrir dans son corps, puisqu'elle-même vivait sans prendre aucune espèce d'aliment, elle répondait : " Vous vous étonnez que la fièvre trouve en moi tant de nourriture, et moi je m'étonne bien plus de ne pas devenir en un mois plus grosse qu'un tonneau. Vous jugez seulement d'après la croix que vous voyez extérieurement en moi : mais vous ne comprenez pas l'onction qui s'y joint, parce que vous ne pouvez pas voir ce qui est caché au dedans." Et quand des prêtres ou des religieux lui exprimaient leur surprise de ce qu'elle vivait encore dans cet état de destruction inouï et lui disaient : " Tu ne pourrais pas rester en vie si Dieu dans sa miséricorde ne te conservait pas ses dons, " elle répondait : " Oui, je dois l'avouer en toute simplicité, je reçois, sans l'avoir méritée, une onction que le Dieu de miséricorde répand sur moi de temps en temps. Pauvre chienne que je suis, je ne pourrais pas continuer à vivre dans un corps si délabré si les miettes du pain de mon Seigneur ne tombaient pas pour moi de sa table ; mais il ne sied pas à une vile et misérable chienne de dire quelle espèce de bouchées elle reçoit." De même, quand des femmes indiscrètes la tourmentaient de questions pour savoir si vraiment elle ne prenait plus aucune nourriture, chose qui leur paraissait impossible et par conséquent incroyable, elle répondait avec douceur : " Si vous trouvez cela incroyable, cela ne fait pas certainement que vous soyez des incrédules, mais pourtant ne méprisez pas les opérations de Dieu qui a aussi soutenu dans les déserts Marie Madeleine et Marie Egyptienne. Il ne s'agit pas ici de ce que vous pensez de moi, seulement ne dérobez pas à Dieu sa gloire."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
6. Il ressort de beaucoup de faits que Lidwine n'entendait pas seulement parler de l'onction spirituelle communiquée par les dons et les consolations de l'Esprit-Saint, mais aussi des dons et des remèdes qui lui venaient du Paradis terrestre et qui fortifiaient et vivifiaient son corps martyrisé de manière à ce qu'il pût résister aux vers et à la décomposition. Suivant la doctrine des Pères, le Paradis s'est conservé jusqu'à présent dans la beauté inaltérée du premier jour de sa création et il n'a pas été atteint par le déluge. C'est là qu'ont été transportés Hénoch et Elie qui vivent encore dans la chair pour reparaître sur la terre au temps de l'Antéchrist et prêcher aux Juifs la parole du salut : " Hénoch et Elie, dit aussi sainte Hildegarde dans un de ses écrits, sont dans le Paradis parce que là ils n'ont pas besoin de nourriture ni de boisson terrestre. De même une personne ravie jusqu'à la contemplation des merveilles de Dieu, aussi longtemps qu'elle demeure dans cet état, n'a aucun besoin des choses dont les mortels font usage ici-bas (note)." Le Paradis n'a pas été créé pour les anges qui sont de purs esprits sans corps, mais pour la nature humaine, composée d'esprit et de corps, en sorte qu'on y trouve tout ce qui est nécessaire à la vie corporelle de l'homme pour rester inaccessible à la douleur, au mal physique et à la dissolution, ou pour conserver le privilège de l'impassibilité et de l'immortalité que Dieu lui avait octroyé à cause de sa sainteté originelle. Toutes les créatures de ce Séjour magnifique, y compris les plantes et les arbres, appartiennent, il est vrai, à un ordre transcendant et sont aussi supérieures aux produits de la terre, frappée de malédiction à cause du péché du premier homme, que le corps du premier homme pur, sans péché, spiritualisé, entouré de lumière, l'était au corps de l'homme déchu mais, de même que ce beau corps d'Adam avant la chute, ce corps impassible et immortel était vraiment et réellement un corps et non un pur esprit, de même aussi le Paradis avec les créatures qui s'y trouvent n'est pas un lieu céleste ou purement spirituel, mais un lieu matériel, apparenté, pour ainsi dire, à la nature humaine et qui n'est pas sans liens et sans relations avec elle, non plus qu'avec la terre elle-même.
(note) Questio XXIX ad Vibertum Gemblacenaem.
Le rapport dans lequel le Paradis se trouve avec la terre est indiqué clairement par les saintes Écritures, et la manne tombant comme une pluie dans le désert a révélé à l'ancienne Église quelle nourriture y est préparée pour l'homme pèlerin sur la terre. Sainte Hildegarde s'exprime ainsi, à ce sujet dans l'écrit intitulé Scivias, (L. I. visio 11) : " Lorsqu'Adam et Ève eurent été chassés du Paradis, une lumière éblouissante entoura cette région. Comme leur transgression les avait forcés de quitter le séjour de la béatitude, la puissance divine y effaça toute trace de leur souillure et fortifia si bien ce lieu par sa lumière que désormais aucune attaque de l'ennemi ne peut l'atteindre. Mais Dieu voulut aussi montrer par là que la transgression qui avait eu lieu dans le Paradis devait en son temps être effacée par sa miséricordieuse bonté. Et maintenant encore le Paradis subsiste comme un lieu de béatitude qui s'épanouit pour la récréation des esprits bienheureux avec ses fleurs et ses plantes dans leur fraîcheur première, ses aromates, ses parfums suaves et ses beautés sans nombre. Le Paradis donne à la terre stérile une abondante fécondité ; de même que l'âme communique au corps les forces vitales, de même c'est du Paradis que la terre reçoit sa force vitale suprême, car il n'a pas cessé d'exercer son action malgré l'obscurcissement et la corruption qui ont été la suite du péché."
Or, en ce qui touche les hommes, la liaison spirituelle avec le paradis a pour intermédiaire la grâce de la Rédemption qui non seulement a rendu à la race humaine déchue le don le plus élevé que possédât Adam dans le Paradis, mais encore lui a conféré une dignité supérieure, une plus grande beauté, une plus haute valeur qui émanent pour elle de la valeur infinie du sang de Jésus-Christ. Ce don, qui est la sainte innocence baptismale, a pour effet qu'à toutes les époques Dieu confère à quelques âmes choisies plusieurs des privilèges et des distinctions qu'Adam avait reçus en vertu de sa sainteté originelle, mais que sa chute lui avait fait perdre : tous les baptisés reçoivent même avec le caractère du baptême un certain droit à ces dons extraordinaires, tant qu'ils ne ternissent pas leur innocence qui est au-dessus de l'innocence du Paradis. Aussi sainte Hildegarde écrit-elle au chapitre de Mayence : " Il a plu à Dieu qui, par la lumière de la vérité, conserve les âmes de ses élus pour l'ancienne béatitude, de renouveler à diverses époques les cœurs de beaucoup d'entre eux par l'infusion de l'esprit de prophétie, en sorte qu'ils puissent par sa lumière intérieure recouvrer en grande partie ce qui avait été perdu de cette béatitude qu'Adam avait possédée avant le châtiment de sa désobéissance."
(note) Questio XXIX ad Vibertum Gemblacenaem.
Le rapport dans lequel le Paradis se trouve avec la terre est indiqué clairement par les saintes Écritures, et la manne tombant comme une pluie dans le désert a révélé à l'ancienne Église quelle nourriture y est préparée pour l'homme pèlerin sur la terre. Sainte Hildegarde s'exprime ainsi, à ce sujet dans l'écrit intitulé Scivias, (L. I. visio 11) : " Lorsqu'Adam et Ève eurent été chassés du Paradis, une lumière éblouissante entoura cette région. Comme leur transgression les avait forcés de quitter le séjour de la béatitude, la puissance divine y effaça toute trace de leur souillure et fortifia si bien ce lieu par sa lumière que désormais aucune attaque de l'ennemi ne peut l'atteindre. Mais Dieu voulut aussi montrer par là que la transgression qui avait eu lieu dans le Paradis devait en son temps être effacée par sa miséricordieuse bonté. Et maintenant encore le Paradis subsiste comme un lieu de béatitude qui s'épanouit pour la récréation des esprits bienheureux avec ses fleurs et ses plantes dans leur fraîcheur première, ses aromates, ses parfums suaves et ses beautés sans nombre. Le Paradis donne à la terre stérile une abondante fécondité ; de même que l'âme communique au corps les forces vitales, de même c'est du Paradis que la terre reçoit sa force vitale suprême, car il n'a pas cessé d'exercer son action malgré l'obscurcissement et la corruption qui ont été la suite du péché."
Or, en ce qui touche les hommes, la liaison spirituelle avec le paradis a pour intermédiaire la grâce de la Rédemption qui non seulement a rendu à la race humaine déchue le don le plus élevé que possédât Adam dans le Paradis, mais encore lui a conféré une dignité supérieure, une plus grande beauté, une plus haute valeur qui émanent pour elle de la valeur infinie du sang de Jésus-Christ. Ce don, qui est la sainte innocence baptismale, a pour effet qu'à toutes les époques Dieu confère à quelques âmes choisies plusieurs des privilèges et des distinctions qu'Adam avait reçus en vertu de sa sainteté originelle, mais que sa chute lui avait fait perdre : tous les baptisés reçoivent même avec le caractère du baptême un certain droit à ces dons extraordinaires, tant qu'ils ne ternissent pas leur innocence qui est au-dessus de l'innocence du Paradis. Aussi sainte Hildegarde écrit-elle au chapitre de Mayence : " Il a plu à Dieu qui, par la lumière de la vérité, conserve les âmes de ses élus pour l'ancienne béatitude, de renouveler à diverses époques les cœurs de beaucoup d'entre eux par l'infusion de l'esprit de prophétie, en sorte qu'ils puissent par sa lumière intérieure recouvrer en grande partie ce qui avait été perdu de cette béatitude qu'Adam avait possédée avant le châtiment de sa désobéissance."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
7. Il y a donc moins lieu de s'étonner qu'outre les faveurs spirituelles, les remèdes physiques du Paradis deviennent aussi le partage des favoris de Dieu comme récompense terrestre de leur fidélité, parce que ces dons doivent être mérités par des souffrances et des privations que Dieu regarde comme dignes d'une récompense éternelle, par conséquent incomparablement supérieure à ce que peuvent donner de jouissance ou de soulagement les objets créés du Paradis. Les voies qui conduisent dans le Paradis l'homme vivant encore dans la chair, ou par lesquelles les dons du Paradis arrivent à lui, sont la douleur et le renoncement, la victoire sur soi-même, les oeuvres de mortification et de pénitence qu'opèrent par l'impulsion du Saint-Esprit des âmes purs et innocentes, revêtues de la splendeur de la grâce baptismale que rien n'a encore ternie. Mais les chemins qui mènent à ces hauteurs ne s'ouvrent pour elles que quand elles ont fermé, pour leur corps toutes les voies terrestres par lesquelles lui arrivait ce qui, d'après sa nature, est la condition nécessaire de son existence sur la terre, et quand ce corps, dans le feu des souffrances supportées pour Dieu, s'est spiritualisé au point d'être un instrument parfaitement docile pour l'âme embrasée des flammes de l'amour. Ce n'est donc pas par l'effet d'une faculté naturelle extraordinaire, encore moins par celui d'une forme de maladie inusitée ou d'un dérangement dans l'équilibre entre les fonctions du corps et celles de l'âme, mais seulement par le mérite d'une pureté plus qu'ordinaire et d'une force d'âme héroïque, qu'il est donné à l'homme résidant sur la terre d'avoir accès dans le Paradis.
De même que, devant Dieu, la récompense et le châtiment se règlent selon la nature ou selon la valeur et l'importance essentielle des actes méritoires ou coupables, de même pour chaque mal, chaque douleur, chaque renoncement, chaque privation supportée sur la terre, fleurit dans l'enceinte du Paradis le produit naturel correspondant qui, sous forme de fleur, de fruit, d'aliment, de boisson, de parfum, de consolation, de soulagement, est communiqué aux favoris de Dieu selon leur besoin, non d'une manière purement spirituelle mais réellement et matériellement ; c'est par là que se répare chez eux la vie corporelle qui sans cela s'épuiserait promptement. Ainsi Lidwine rapportait (note) qu'une fois une femme, vertueuse d'ailleurs, mais atteinte d'une mélancolie qui la réduisait presqu'au désespoir, vint implorer son secours.
(note) Acta SS, die XIV April Vita post. ch. III.
Lidwine l'accueillit avec une grande compassion, l'encouragea par des paroles affectueuses et lui promit sa guérison. Quelques, jours plus tard, elle obtint pour cette pauvre femme la grâce d'être admise avec elle dans le Paradis. Cependant, malgré les merveilles qui s'offrirent là à leur vue, elle ne cessait pas de se lamenter et de désespérer. Alors Lidwine la conduisit à un endroit du Paradis qui semblait être pour le monde entier comme la source et le trésor des parfums, des aromates salutaires et des vertus curatives. Ce fut là que la malade trouva sa guérison. Elle fut tellement réconfortée, qu'étant revenue à elle, elle fut plusieurs jours sans pouvoir supporter même l'odeur d'un aliment, et resta depuis lors si docile aux paroles et aux exhortations de Lidwine que sa mélancolie disparut entièrement.
8. Dans la vie de sainte Colette (note), contemporaine de la bienheureuse Lidwine, il est raconté que pendant toute la durée du carême, elle avait coutume de ne prendre aucune nourriture, si ce n'est tout au plus quelques petites bouchées de pain. Il arriva une fois qu'à Pâques, Dieu lui envoya du Paradis un oiseau semblable à un poulet dont un oeuf, mangé par elle, la rassasia si complètement, que pendant longtemps elle ne put plus rien prendre. En outre, comme il lui fallait une récréation dans les grandes souffrances que lui occasionnait l'entreprise formée par elle de renouveler l'ordre de Sainte-Claire, il lui vint du Paradis, comme récompense de son incomparable pureté, un charmant petit animal, d'une blancheur éblouissante, qui était très familier avec elle, et qui, à certains moments, se montrait devant la porte ou la fenêtre de sa cellule et demandait à entrer, puis disparaissait au bout de quelque temps.
(note) Acta SS. die VI Martii, ch. XIII.
Il excita au plus haut degré la curiosité et l'intérêt des autres religieuses ; mais, malgré tous leurs efforts, elles ne parvinrent jamais à le saisir ; car, si elles le rencontraient auprès de Colette dans sa cellule ou dans d'autres endroits du monastère, il disparaissait avant qu'elles pussent mettre la main dessus (note). Comme Colette, pénétrée de la plus profonde vénération pour les reliques des saints et avant tout pour la sainte Croix sur laquelle est mort le Fils de Dieu, désirait ardemment d'avoir une parcelle de cette croix, elle reçut du Paradis une petite croix d'or qui n'était pas l'oeuvre de la main des hommes, mais un produit naturel et où était incluse une parcelle de la vraie croix. Colette depuis lors la porta toujours sur elle. Elle avait reçu de la même manière, au commencement de sa mission, une ceinture d'une blancheur éclatante qui tomba d'en haut sur ses bras pendant qu'elle conférait avec son confesseur sur les premiers pas à faire dans la grande entreprise qui était l'objet de toutes ses sollicitudes.
De même que, devant Dieu, la récompense et le châtiment se règlent selon la nature ou selon la valeur et l'importance essentielle des actes méritoires ou coupables, de même pour chaque mal, chaque douleur, chaque renoncement, chaque privation supportée sur la terre, fleurit dans l'enceinte du Paradis le produit naturel correspondant qui, sous forme de fleur, de fruit, d'aliment, de boisson, de parfum, de consolation, de soulagement, est communiqué aux favoris de Dieu selon leur besoin, non d'une manière purement spirituelle mais réellement et matériellement ; c'est par là que se répare chez eux la vie corporelle qui sans cela s'épuiserait promptement. Ainsi Lidwine rapportait (note) qu'une fois une femme, vertueuse d'ailleurs, mais atteinte d'une mélancolie qui la réduisait presqu'au désespoir, vint implorer son secours.
(note) Acta SS, die XIV April Vita post. ch. III.
Lidwine l'accueillit avec une grande compassion, l'encouragea par des paroles affectueuses et lui promit sa guérison. Quelques, jours plus tard, elle obtint pour cette pauvre femme la grâce d'être admise avec elle dans le Paradis. Cependant, malgré les merveilles qui s'offrirent là à leur vue, elle ne cessait pas de se lamenter et de désespérer. Alors Lidwine la conduisit à un endroit du Paradis qui semblait être pour le monde entier comme la source et le trésor des parfums, des aromates salutaires et des vertus curatives. Ce fut là que la malade trouva sa guérison. Elle fut tellement réconfortée, qu'étant revenue à elle, elle fut plusieurs jours sans pouvoir supporter même l'odeur d'un aliment, et resta depuis lors si docile aux paroles et aux exhortations de Lidwine que sa mélancolie disparut entièrement.
8. Dans la vie de sainte Colette (note), contemporaine de la bienheureuse Lidwine, il est raconté que pendant toute la durée du carême, elle avait coutume de ne prendre aucune nourriture, si ce n'est tout au plus quelques petites bouchées de pain. Il arriva une fois qu'à Pâques, Dieu lui envoya du Paradis un oiseau semblable à un poulet dont un oeuf, mangé par elle, la rassasia si complètement, que pendant longtemps elle ne put plus rien prendre. En outre, comme il lui fallait une récréation dans les grandes souffrances que lui occasionnait l'entreprise formée par elle de renouveler l'ordre de Sainte-Claire, il lui vint du Paradis, comme récompense de son incomparable pureté, un charmant petit animal, d'une blancheur éblouissante, qui était très familier avec elle, et qui, à certains moments, se montrait devant la porte ou la fenêtre de sa cellule et demandait à entrer, puis disparaissait au bout de quelque temps.
(note) Acta SS. die VI Martii, ch. XIII.
Il excita au plus haut degré la curiosité et l'intérêt des autres religieuses ; mais, malgré tous leurs efforts, elles ne parvinrent jamais à le saisir ; car, si elles le rencontraient auprès de Colette dans sa cellule ou dans d'autres endroits du monastère, il disparaissait avant qu'elles pussent mettre la main dessus (note). Comme Colette, pénétrée de la plus profonde vénération pour les reliques des saints et avant tout pour la sainte Croix sur laquelle est mort le Fils de Dieu, désirait ardemment d'avoir une parcelle de cette croix, elle reçut du Paradis une petite croix d'or qui n'était pas l'oeuvre de la main des hommes, mais un produit naturel et où était incluse une parcelle de la vraie croix. Colette depuis lors la porta toujours sur elle. Elle avait reçu de la même manière, au commencement de sa mission, une ceinture d'une blancheur éclatante qui tomba d'en haut sur ses bras pendant qu'elle conférait avec son confesseur sur les premiers pas à faire dans la grande entreprise qui était l'objet de toutes ses sollicitudes.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
9. Lidwine reconnaissait souvent, suivant le témoignage de ses biographes, que, sans le secours des consolations divines qui la soutenaient sur le chemin comme un bâton de voyage, elle aurait succombé à ses immenses souffrances. Elle avouait que la force nécessaire pour y résister lui était communiquée dans les ravissements qui, chaque jour, la transportaient durant une heure et même davantage, soit dans le ciel, c'est-à-dire dans le séjour des bienheureux, soit dans le Paradis terrestre, où elle ressentait des impressions dont la suavité lui rendait supportable et même pleine de douceur l'amertume la plus amère. C'était ordinairement son ange gardien, dont la présence visible la récréait constamment, qui la transportait dans le Paradis.
(note) Acta SS. die VI martii, ch. IX.
Le plus souvent, il la conduisait d'abord dans l'église de Schiedam devant une image de la Mère de Dieu, et, après une courte prière, il la guidait du côté de l'orient dans le vol rapide qui l'élevait au-dessus de la terre vers la région du Paradis. La première fois que Lidwine fut conduite par lui à la porte du Paradis, elle n'osait pas entrer par suite de la frayeur respectueuse qu'elle éprouvait, et l'ange eut à rassurer la timide enfant sur la crainte où elle était que son pied n'endommageât l'épais tapis de fleurs qui s'étendait devant elle, aussi loin que sa vue pouvait atteindre. Il fallut que son conducteur marchât en avant, la tirant après lui par la main. Si quelquefois elle s'arrêtait, surprise et hésitante, parce qu'il lui semblait que la hauteur et l'épaisseur des massifs de fleurs lui fermaient le passage, elle se trouvait aussitôt transportée au-delà par l'ange.
Ces campagnes revêtues d'une merveilleuse lumière et où l'on n'a à souffrir ni du froid, ni de la chaleur, étaient d'une telle beauté qu'elle était impuissante à la décrire. Elle mangeait des fruits que l'ange lui présentait et respirait leur parfum. Reconduite ensuite par l'ange dans sa demeure, elle était parfois tellement entourée de la splendeur et de l'odeur du Paradis que ses commensales, pleines d'une crainte respectueuse, n'osaient pas s'approcher d'elle : car ce corps infirme était rayonnant, et des senteurs d'une suavité inexprimable, auxquelles aucune odeur de fleurs terrestres ne pouvait être comparée, en sortaient avec une telle force qu'il en résultait pour les visiteurs une sensation semblable à celle que produisent sur la langue des épices très piquantes : La lumière qui l'entourait était quelquefois si vive qu'un jour le neveu de Lidwine s'enfuit, la croyant au milieu des flammes. La bonne odeur s'exhalait surtout de sa main par laquelle l'ange avait coutume de la prendre.
(note) Acta SS. die VI martii, ch. IX.
Le plus souvent, il la conduisait d'abord dans l'église de Schiedam devant une image de la Mère de Dieu, et, après une courte prière, il la guidait du côté de l'orient dans le vol rapide qui l'élevait au-dessus de la terre vers la région du Paradis. La première fois que Lidwine fut conduite par lui à la porte du Paradis, elle n'osait pas entrer par suite de la frayeur respectueuse qu'elle éprouvait, et l'ange eut à rassurer la timide enfant sur la crainte où elle était que son pied n'endommageât l'épais tapis de fleurs qui s'étendait devant elle, aussi loin que sa vue pouvait atteindre. Il fallut que son conducteur marchât en avant, la tirant après lui par la main. Si quelquefois elle s'arrêtait, surprise et hésitante, parce qu'il lui semblait que la hauteur et l'épaisseur des massifs de fleurs lui fermaient le passage, elle se trouvait aussitôt transportée au-delà par l'ange.
Ces campagnes revêtues d'une merveilleuse lumière et où l'on n'a à souffrir ni du froid, ni de la chaleur, étaient d'une telle beauté qu'elle était impuissante à la décrire. Elle mangeait des fruits que l'ange lui présentait et respirait leur parfum. Reconduite ensuite par l'ange dans sa demeure, elle était parfois tellement entourée de la splendeur et de l'odeur du Paradis que ses commensales, pleines d'une crainte respectueuse, n'osaient pas s'approcher d'elle : car ce corps infirme était rayonnant, et des senteurs d'une suavité inexprimable, auxquelles aucune odeur de fleurs terrestres ne pouvait être comparée, en sortaient avec une telle force qu'il en résultait pour les visiteurs une sensation semblable à celle que produisent sur la langue des épices très piquantes : La lumière qui l'entourait était quelquefois si vive qu'un jour le neveu de Lidwine s'enfuit, la croyant au milieu des flammes. La bonne odeur s'exhalait surtout de sa main par laquelle l'ange avait coutume de la prendre.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
10. Lidwine avait près d'elle une tige de chanvre desséchée, qui était à la fois assez légère et assez forte pour qu'elle pût s'en servir de la main gauche, ce qui lui permettait d'ouvrir le rideau suspendu devant sa couche et de soulager ainsi l'ardeur de sa fièvre par l'introduction d'un air plus frais. Ce bâton s'étant perdu par la faute d'autrui, à l'occasion d'un incendie qui avait éclaté à Schiedam, elle se trouva, pendant la nuit du 22 au 23 juillet 1428, dans l'impossibilité de se procurer un peu d'air frais, et il n'y avait là, personne qui pût l'aider à se donner ce soulagement nécessaire. Mais l'ange lui promit son assistance et, bientôt après, elle le sentit poser doucement, en travers de la couverture du lit, un bâton de bois de la longueur d'une aune. Elle essaya de le prendre, mais sa main se trouva trop faible pour le soulever, et elle dit en plaisantant : " Maintenant me voilà bien pourvue en fait de bâton." Le lendemain matin, elle pria son confesseur de faire amincir ce morceau de bois ; mais il fut à peine possible, avec un fer tranchant, d'enlever quelques rognures, lesquelles répandaient une odeur si délicieuse que le confesseur n'osa pas entamer de nouveau un bois si précieux. Il rapporta le bâton à Lidwine qui ne sut rien lui dire, sinon qu'elle croyait le tenir d'un ange. Le 8 août, fête de saint Cyriaque, Lidwine ayant été de nouveau ravie par l'ange dans le Paradis, il la conduisit près d'un cèdre qui s'élevait à l'entrée du jardin et lui montra la branche dont il avait détaché le rameau pour elle : il lui reprocha aussi de n'avoir pas assez honoré ce précieux cadeau qui avait la vertu de chasser les mauvais esprits du corps des possédés. Lidwine demeura longtemps en possession de ce rameau qui ne perdit sa bonne odeur qu'au contact d'une main souillée par le péché. Dans une visite postérieure faite au Paradis le 6 décembre de la même année, l'aliment qui devait la réconforter lui fut fourni par un dattier chargé d'une multitude de fruits magnifiques dont les noyaux lui semblaient briller à l'intérieur comme des cristaux. Quant aux autres présents que Lidwine rapporta du Paradis sur son pauvre lit de douleur, nous ne mentionnerons plus que le suivant :
11. Lidwine ayant été un jour ravie jusqu'aux choeurs des bienheureux, la très sainte Vierge lui adressa ces paroles pleines de bonté : " Pourquoi, mon enfant, n'es-tu pas entrée dans les rangs de cette troupe resplendissante avec une parure sur la tête ?" A quoi elle répondit dans sa simplicité : " Je suis venue ici telle que mon conducteur auquel je dois obéir m'a amenée." Alors elle reçut de Marie une couronne qu'elle devait garder pendant sept heures et donner ensuite à son confesseur pour qu'il la suspendit à l'autel de la Mère de Dieu, dans l'église de Schiedam, où elle devait plus tard être reprise. Lidwine, revenue à l'état de veille naturel, se souvint bien de ce qui lui avait été dit, mais elle n'osa pas le prendre au pied de la lettre, jusqu'à ce qu'elle sentit qu'elle portait réellement sur la tête une couronne de fleurs d'une odeur délicieuse. Avant la fin du délai indiqué, elle fit prier son confesseur de venir la trouver au point du jour et lui donna la couronne qui fut suspendue, suivant sa demande, à l'autel de la vierge d'où elle disparut avant le jour."
11. Lidwine ayant été un jour ravie jusqu'aux choeurs des bienheureux, la très sainte Vierge lui adressa ces paroles pleines de bonté : " Pourquoi, mon enfant, n'es-tu pas entrée dans les rangs de cette troupe resplendissante avec une parure sur la tête ?" A quoi elle répondit dans sa simplicité : " Je suis venue ici telle que mon conducteur auquel je dois obéir m'a amenée." Alors elle reçut de Marie une couronne qu'elle devait garder pendant sept heures et donner ensuite à son confesseur pour qu'il la suspendit à l'autel de la Mère de Dieu, dans l'église de Schiedam, où elle devait plus tard être reprise. Lidwine, revenue à l'état de veille naturel, se souvint bien de ce qui lui avait été dit, mais elle n'osa pas le prendre au pied de la lettre, jusqu'à ce qu'elle sentit qu'elle portait réellement sur la tête une couronne de fleurs d'une odeur délicieuse. Avant la fin du délai indiqué, elle fit prier son confesseur de venir la trouver au point du jour et lui donna la couronne qui fut suspendue, suivant sa demande, à l'autel de la vierge d'où elle disparut avant le jour."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
12. Après cette digression plus apparente que réelle, revenons à Anne Catherine. Nous savons que son état de souffrance avait la même nature et la même signification que celui de Lidwine. Outre des douleurs continuelles et singulièrement poignantes qui ne finirent qu'avec sa vie et qui avaient leur siège dans le cœur, il y avait en elle une succession perpétuelle de maladies très variées dans leurs formes et présentant souvent les symptômes les plus contradictoires ; car elle avait à supporter non seulement l'ensemble des souffrances de l'Église, mais encore les souffrances variables de ses membres pris individuellement. Il n'y avait pas dans tout son corps un seul point qui fût sain ou exempt de douleur, car elle avait tout donné à Dieu ; elle lui avait donné chacun de ses nerfs, chaque goutte de son sang, chaque souffle sortant de sa bouche, et Dieu avait accepté son offrande. Il l'avait placée dans un ordre de choses entièrement renversé, à le considérer humainement, où la force et la santé sont transformées en maladie et en souffrance et où la vie naturelle se consume dans la douleur comme une flamme. Son corps ressemblait à un vase posé sur un brasier et dans lequel le médecin céleste préparait des remèdes pour son troupeau, non pas selon l'art et la méthode terrestres, mais selon la loi de l'amour et de la justice éternelles. En outre les puissances de son âme et ses facultés spirituelles sont incessamment ouvertes à toutes les impressions douloureuses dont l'âme est capable pendant son union avec le corps : la terreur, la tristesse, l'angoisse, le délaissement, la sécheresse, la désolation poussée jusqu'à la défaillance, toutes les souffrances et les blessures spirituelles dont les passions d'un homme peuvent être la cause pour un autre ou que peut préparer aux âmes la malice et la perversité du démon, viennent l'assaillir. Le sentiment accablant du compte à rendre à Dieu et les terreurs des mourants, les angoisses de l'agonie des pauvres pécheurs dont l'âme est au moment de se séparer du corps et de paraître devant son juge, passent en elle : bien plus, elle doit prendre aussi sur elle la perversion du sens moral, les suites des passions telles que la colère, le désir de la vengeance, l'impatience, la gourmandise, la curiosité ; elle doit les combattre et les surmonter pour obtenir aux pécheurs la grâce de la conversion ou celle d'une bonne mort. Mais tout cela n'est rien auprès du martyre causé par l'amour qu'Anne Catherine porte à son fiancé céleste, à son Église et aux trésors de la grâce et de la miséricorde divines dont celle-ci est dépositaire : car elle voit et ressent, avec la douleur la plus poignante, l'abaissement et la dégradation incroyables que l'ennemi de tout bien prépare au sacerdoce contemporain. N'a-t-il pas réussi, en effet, à faire entrer dans les saints ordres bien des gens que l'incrédulité et l'affiliation aux sociétés secrètes ont mis à son service, et qui, plus tard, devenus les oints du Seigneur, ne reculeront pas devant le plus horrible des attentats, la guerre ouverte contre le chef invisible de l'Église et contre le représentant visible de Dieu sur la terre ? Elle voit qu'aucune attaque n'est dirigée par les pouvoirs ennemis contre l'Église, son droit divin, sa hiérarchie sacrée, son culte, sa doctrine et ses sacrements qui n'ait été inspirée par un Judas et à laquelle un Judas n'ait pris part comme agent pour quelques misérables pièces d'argent. Or, de même que le Sauveur ressentit plus douloureusement la trahison de son apôtre que tout le reste de ce qu'il eut à souffrir sur son chemin de la croix, de même les blessures les plus profondes et les plus cuisantes du corps de l'Église sont celles qui lui sont faites par un homme revêtu du caractère sacerdotal. Ce qui se faisait en dehors de l'Église, les attaques des hérétiques contre la vérité révélée et le mystère de la Rédemption, la négation impie de la très sainte Incarnation n'atteignaient pas Anne Catherine aussi directement ni aussi douloureusement que les attentats des prêtres déchus contre Dieu et contre son Église : car elle en voyait sortir de bien plus terribles conséquences que des tentatives des ennemis étrangers. Si ses souffrances corporelles ne paraissent pas extérieurement aussi violentes et aussi affreuses que celles de Lidwine, elles ne sont pourtant pas moins profondes, moins déchirantes et moins continuelles. Il arrivait souvent qu'Anne Catherine était elle-même l'objet de sa contemplation et voyait son état de souffrance comme appartenant à une autre personne : alors, saisie d'une sympathie involontaire, elle s'écriait : " Je vois encore cette petite nonne dont le cœur est coupé en morceaux. Elle doit être de notre temps, mais elle a bien autrement à souffrir que moi : je ne dois donc plus me plaindre."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
13. Le siège et la source de ses souffrances pour l'Église étaient dans le cœur. De même que le sang part du cœur et y revient par une circulation non interrompue, ainsi les peines partant de son cœur se répandaient à travers tous les membres du corps et revenaient à leur point de départ comme pour y prendre de nouvelles forces afin de continuer leur circulation sans fin. Le cœur est le siège de l'amour divin ; c'est dans le cœur que le Saint-Esprit se répand et c'est là aussi qu'a sa racine le lien qui unit tous les membres de l'Église en un seul corps. Jamais époque n'avait autant parlé d'amour que celle-là, quoiqu'elle ne possédât plus ni amour ni foi et que toute vie réglée d'après les préceptes évangéliques et toute piété chrétienne semblassent au moment de s'y éteindre, parce que la pratique et la profession publique en étaient empêchées, parce que les veines où circule la vie étaient comprimées, et que toutes les voies par où pouvaient lui arriver l'impulsion et l'accroissement étaient obstruées. C'était le temps où la secte la plus malicieuse et la plus hypocrite qui ait jamais mordu l'Église au cœur, poussée et favorisée par les sociétés secrètes dont les chefs et les adeptes les plus zélés siégeaient jusque dans les conseils des princes ecclésiastiques, s'était répandue comme un torrent dévastateur sur la vigne de l'Église ; je veux parler du jansénisme avec ses prétendues lumières. C'était l'esprit impur de cette secte, si caractérisée par sa haine aveugle pour la très sainte Vierge et pour le souverain Pontife, qui cherchait à séparer successivement du centre, du cœur de l'Église, ses diverses parties et ses divers membres, cherchant à rendre la séparation incurable par l'introduction d'éléments hétérogènes ; qui, sous prétexte de" charité et de réformation, " s'attaquait précisément à ces principes de foi, à ces pratiques de dévotion, à ces usages et à ces habitudes pieuses dont l'altération était pour lui le plus sûr moyen de porter des blessures mortelles à la vie chrétienne. Tout semblait réuni pour assurer une victoire complète à cette dangereuse persécution de la foi : car la hiérarchie extérieure de l'Église était brisée par les pouvoirs laïques, les biens ecclésiastiques étaient au pillage, les sièges des pasteurs restaient vides, les ordres religieux étaient détruits, le chef de l'Église entravé dans son action par les attaques de cet homme puissant qui devait plus tard le faire traîner en prison par ses satellites et qui fut souvent montré à Anne Catherine dans ses visions comme un oppresseur de l'Église.
" Un jour, disait-elle, que je priais devant le Saint-Sacrement pour le salut de l'Église, je fus transportée dans une grande église magnifiquement ornée. Je vis là le vicaire de Jésus-Christ, le Pape, sacrer comme roi un petit homme au teint jaune, à l'air sinistre. C'était une grande solennité, mais je fus prise d'inquiétude et de frayeur à cette vue et j'eus le sentiment que le Pape aurait dû s'y refuser avec plus de fermeté. Je vis alors quel mal cet homme devait faire au saint Père et quelle effrayante quantité de sang il devait faire verser. Quand je parlai à l'abbé Lambert de ce spectacle et de la terreur qu'il m'avait causée, il ne voulut voir là que des imaginations. Mais lorsqu'on apprit la nouvelle du sacre de Napoléon par Pie VII, l'abbé Lambert me dit :" Ma sœur" (note), il faut prier et se taire.
(note) Cette appellation est en français dans le texte original (Note du traducteur)
14. Tel était le temps où Anne Catherine portait le poids des souffrances de l'Église : on peut donc penser que son cœur avait été préparé à l'issue et au but de ces souffrances. Elles circulaient en elle, non comme un mal général ou comme une maladie vague répandue dans toutes les parties du corps, mais elles lui étaient imposées par Dieu suivant un certain ordre et à certains intervalles, comme des tâches bien délimitées qu'elle avait à accomplir complètement, de manière à ce que, l'une étant finie, elle en commençât aussitôt une autre. Chacune de ces taches lui était montrée à part en vision sous des formes symboliques, afin que leur acceptation fût un acte méritoire de sa charité, et il lui arrivait journellement d'être appelée par le Seigneur à travailler à sa vigne, tandis que le père de famille de la parabole n'y envoie ses ouvriers qu'après d'assez longs intervalles de temps. Elle recevait l'assignation en vision, mais le travail lui-même devait être accompli sans déranger l'ordre et les relations de la vie extérieure. Dans la vision, Aune Catherine voyait et comprenait parfaitement la signification intime de ses souffrances et leur connexité avec la situation de l'Église : mais la vie de tous les jours se mettait souvent à la traverse et avec des contrastes si choquants que les incidents extérieurs lui paraissaient parfois plus difficiles à supporter que les souffrances spirituelles dont le poids pesait sur elle. Et pourtant les premiers étaient l'indispensable complément des autres ; ils étaient compris dans l'ensemble de sa tâche où Dieu lui tenait compte des plus petits détails et des choses les plus fortuites en apparence et les plus insignifiantes, en sorte que cette tâche ne pouvait compter comme menée à sa fin que lorsqu'elle s'était accomplie parmi les dérangements, les contradictions, les chagrins, les refus d'assistance, etc. C'était précisément par le support patient et par la lutte constante contre toutes les circonstances extérieures, par l'accomplissement consciencieux de toutes les obligations et de tous les devoirs que comportait sa situation ou que son entourage lui imposait, au milieu d'immenses souffrances intérieures, incompréhensibles et cachées pour les autres, que sa vertu devait se conserver ; c'était là proprement qu'était la source de ses mérites, le parfum qui s'exhalait de sa vie devant Dieu comme un encens d'agréable odeur. Toute son existence dans le cloître et jusqu'à sa mort resterait pour nous une énigme inexplicable ou un fait sans signification, si nous perdions de vue cette économie divine dans la conduite des âmes privilégiées comme elle. Déjà pendant la vie d'Anne Catherine, bien des personnes étaient touchées à sa vue et rendaient témoignage aux lumières supérieures et à la pureté d'âme qu'elles apercevaient en elle : mais elles étaient choquées de ce qu'il y avait de vulgaire et de désordonné en apparence dans la vie qu'était obligée de mener la religieuse chassée de son couvent elles se scandalisaient de son entourage, de l'affluence des pauvres dont elle ne savait pas se défendre, de son isolement qui la laissait sans secours et sans appui, mais elles ne savaient pas voir que la pauvre victime expiatoire ne devait pas être mieux partagée que l'Église elle-même qui, dans ces jours de tribulation, se trouvait jetée comme au milieu de la subversion de tout ordre divin et humain sur la terre.
" Un jour, disait-elle, que je priais devant le Saint-Sacrement pour le salut de l'Église, je fus transportée dans une grande église magnifiquement ornée. Je vis là le vicaire de Jésus-Christ, le Pape, sacrer comme roi un petit homme au teint jaune, à l'air sinistre. C'était une grande solennité, mais je fus prise d'inquiétude et de frayeur à cette vue et j'eus le sentiment que le Pape aurait dû s'y refuser avec plus de fermeté. Je vis alors quel mal cet homme devait faire au saint Père et quelle effrayante quantité de sang il devait faire verser. Quand je parlai à l'abbé Lambert de ce spectacle et de la terreur qu'il m'avait causée, il ne voulut voir là que des imaginations. Mais lorsqu'on apprit la nouvelle du sacre de Napoléon par Pie VII, l'abbé Lambert me dit :" Ma sœur" (note), il faut prier et se taire.
(note) Cette appellation est en français dans le texte original (Note du traducteur)
14. Tel était le temps où Anne Catherine portait le poids des souffrances de l'Église : on peut donc penser que son cœur avait été préparé à l'issue et au but de ces souffrances. Elles circulaient en elle, non comme un mal général ou comme une maladie vague répandue dans toutes les parties du corps, mais elles lui étaient imposées par Dieu suivant un certain ordre et à certains intervalles, comme des tâches bien délimitées qu'elle avait à accomplir complètement, de manière à ce que, l'une étant finie, elle en commençât aussitôt une autre. Chacune de ces taches lui était montrée à part en vision sous des formes symboliques, afin que leur acceptation fût un acte méritoire de sa charité, et il lui arrivait journellement d'être appelée par le Seigneur à travailler à sa vigne, tandis que le père de famille de la parabole n'y envoie ses ouvriers qu'après d'assez longs intervalles de temps. Elle recevait l'assignation en vision, mais le travail lui-même devait être accompli sans déranger l'ordre et les relations de la vie extérieure. Dans la vision, Aune Catherine voyait et comprenait parfaitement la signification intime de ses souffrances et leur connexité avec la situation de l'Église : mais la vie de tous les jours se mettait souvent à la traverse et avec des contrastes si choquants que les incidents extérieurs lui paraissaient parfois plus difficiles à supporter que les souffrances spirituelles dont le poids pesait sur elle. Et pourtant les premiers étaient l'indispensable complément des autres ; ils étaient compris dans l'ensemble de sa tâche où Dieu lui tenait compte des plus petits détails et des choses les plus fortuites en apparence et les plus insignifiantes, en sorte que cette tâche ne pouvait compter comme menée à sa fin que lorsqu'elle s'était accomplie parmi les dérangements, les contradictions, les chagrins, les refus d'assistance, etc. C'était précisément par le support patient et par la lutte constante contre toutes les circonstances extérieures, par l'accomplissement consciencieux de toutes les obligations et de tous les devoirs que comportait sa situation ou que son entourage lui imposait, au milieu d'immenses souffrances intérieures, incompréhensibles et cachées pour les autres, que sa vertu devait se conserver ; c'était là proprement qu'était la source de ses mérites, le parfum qui s'exhalait de sa vie devant Dieu comme un encens d'agréable odeur. Toute son existence dans le cloître et jusqu'à sa mort resterait pour nous une énigme inexplicable ou un fait sans signification, si nous perdions de vue cette économie divine dans la conduite des âmes privilégiées comme elle. Déjà pendant la vie d'Anne Catherine, bien des personnes étaient touchées à sa vue et rendaient témoignage aux lumières supérieures et à la pureté d'âme qu'elles apercevaient en elle : mais elles étaient choquées de ce qu'il y avait de vulgaire et de désordonné en apparence dans la vie qu'était obligée de mener la religieuse chassée de son couvent elles se scandalisaient de son entourage, de l'affluence des pauvres dont elle ne savait pas se défendre, de son isolement qui la laissait sans secours et sans appui, mais elles ne savaient pas voir que la pauvre victime expiatoire ne devait pas être mieux partagée que l'Église elle-même qui, dans ces jours de tribulation, se trouvait jetée comme au milieu de la subversion de tout ordre divin et humain sur la terre.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
15. Anne Catherine n'aurait pu supporter la détresse de l'Église si elle n'avait aussi participé à la vie céleste et surhumaine de celle-ci. De même que l'Église est à la fois pèlerine sur la terre et en commerce avec les habitants du ciel, de même qu'elle soupire sous le poids des tribulations du présent et porte cependant en elle le salut de tous les siècles, de même qu'elle gémit sur l'éloignement de son divin fiancé élevé à la droite du Père, et pourtant s'unit, lui chaque jour par l'union la plus intime, de même Anne Catherine n'avait pas seulement à s'affliger avec la fiancée pleurant dans la vallée des larmes, mais elle s'élevait aussi avec elle par le don de contemplation au-dessus des vicissitudes du temps et des dimensions de l'espace. Le cycle entier des fêtes de l'Église était pour elle un présent toujours vivant et sans voiles : elle prenait part, comme une contemporaine, aux solennités dans lesquelles l'Église fête tous les jours les mystères de la foi et les faits de la religion lesquels étaient plus rapprochés et plus lumineux pour son oeil spirituel que le monde extérieur pour son oeil de chair. Or, la vivacité de sa foi et la force de son amour rendaient capable, non seulement de contempler comme actuellement présent ce grand fait de la rédemption accomplie que l'éloignement dans le temps ne pouvait cacher à sa vue, mais encore d'entrer avec ce mystère dans des relations intimes d'une nature merveilleuse et où les sens n'avaient aucune part. Dans cette participation à la célébration des fêtes, elle recevait de son divin flanc non seulement les tâches qu'elle avait à remplir pour soi Église selon l'ordre du calendrier ecclésiastique, aussi la force, la consolation intérieure et la paix inaltérable du cœur qui lui étaient nécessaires pour ne pas perdre courage au milieu de ses tortures incessantes. Quoique le rapport entre telle et telle souffrance corporelle et la tâche d'expiation qui était imposée à Anne Catherine se montrât clairement et simplement dans la vision, elle n'aurait pourtant pas pu, dans l'état de veille, au milieu de tribulations extérieures de toute espèce, l'expliquer à d'autres d'une manière bien intelligible, si l'occasion s'en était présentée ou qu'elle en eût été requise. Devant les religieuses ou le médecin, elle n'eût pas osé s'ouvrir sur ce sujet, parce qu'on l'eût crue folle ou en délire. Elle s'en soumettait donc de bon gré à toutes les prescriptions de l'homme de l'art et supportait avec docilité les tentatives que la science médicale, si étrangère sur ce terrain, faisait pour guérir en elle des souffrances qui étaient le but de sa vie.
" Au couvent et plus tard, raconta-t-elle une fois, j'ai infiniment souffert des moyens qu'on employait pour me guérir. Souvent j'ai été mise en danger de mort : car on me donnait toujours des remèdes beaucoup trop forts et qui agissaient violemment. Quoique sachant d'avance combien ils me feraient de mal, il me fallait pourtant les prendre, parce que l'obéissance l'exigeait. Si j'y manquais quelquefois parce que mon esprit était ailleurs, on supposait que je le faisais exprès et que mes maladies étaient simulées. Les médicaments qu'on me donnait étaient très coûteux, et souvent une fiole payée bien cher n'était pas à moitié vidée qu'on m'en ordonnait une autre. Tous les frais étaient à ma charge, et pourtant tout fût payé. Je ne puis pas comprendre d'où tant d'argent m'était venu. Je faisais, il est vrai, beaucoup de travaux de couture, mais j'abandonnais tout au couvent. Vers la fin, le couvent paya pour moi la moitié des dépenses.
" J'étais souvent dans un si misérable état que je ne pouvais plus m'aider moi-même : dans ce cas, si mes compagnes m'oubliaient, Dieu venait à mon secours d'une autre manière. Un jour que j'étais réduite à la dernière faiblesse et couverte d'une sueur froide, deux religieuses vinrent à moi, firent mon lit qu'elles arrangèrent très commodément et m'y replacèrent si doucement que je me sentis toute soulagée. Au bout de quelque temps, la révérende mère vint avec une sœur et elles me demandèrent avec étonnement qui m'avait si bien couchée. Je crus là-dessus que c'étaient elles qui l'avaient fait et je les remerciai de leur charité, mais elles m'assurèrent formellement que ni elles, ni aucune autre sœur n'étaient venues dans ma cellule et prirent pour un rêve ce que je leur dis de deux religieuses de notre ordre qui avaient pris soin de moi : pourtant mon lit était fait et j'avais reçu du soulagement. J'appris plus tard quelles étaient ces deux religieuses qui, d'autres fois encore, me témoignèrent leur charité et me consolèrent. C'étaient des bienheureuses qui avaient vécu autrefois dans notre couvent."
" Au couvent et plus tard, raconta-t-elle une fois, j'ai infiniment souffert des moyens qu'on employait pour me guérir. Souvent j'ai été mise en danger de mort : car on me donnait toujours des remèdes beaucoup trop forts et qui agissaient violemment. Quoique sachant d'avance combien ils me feraient de mal, il me fallait pourtant les prendre, parce que l'obéissance l'exigeait. Si j'y manquais quelquefois parce que mon esprit était ailleurs, on supposait que je le faisais exprès et que mes maladies étaient simulées. Les médicaments qu'on me donnait étaient très coûteux, et souvent une fiole payée bien cher n'était pas à moitié vidée qu'on m'en ordonnait une autre. Tous les frais étaient à ma charge, et pourtant tout fût payé. Je ne puis pas comprendre d'où tant d'argent m'était venu. Je faisais, il est vrai, beaucoup de travaux de couture, mais j'abandonnais tout au couvent. Vers la fin, le couvent paya pour moi la moitié des dépenses.
" J'étais souvent dans un si misérable état que je ne pouvais plus m'aider moi-même : dans ce cas, si mes compagnes m'oubliaient, Dieu venait à mon secours d'une autre manière. Un jour que j'étais réduite à la dernière faiblesse et couverte d'une sueur froide, deux religieuses vinrent à moi, firent mon lit qu'elles arrangèrent très commodément et m'y replacèrent si doucement que je me sentis toute soulagée. Au bout de quelque temps, la révérende mère vint avec une sœur et elles me demandèrent avec étonnement qui m'avait si bien couchée. Je crus là-dessus que c'étaient elles qui l'avaient fait et je les remerciai de leur charité, mais elles m'assurèrent formellement que ni elles, ni aucune autre sœur n'étaient venues dans ma cellule et prirent pour un rêve ce que je leur dis de deux religieuses de notre ordre qui avaient pris soin de moi : pourtant mon lit était fait et j'avais reçu du soulagement. J'appris plus tard quelles étaient ces deux religieuses qui, d'autres fois encore, me témoignèrent leur charité et me consolèrent. C'étaient des bienheureuses qui avaient vécu autrefois dans notre couvent."
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