Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
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Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
XXIX
ANNE CATHERINE EST GARDEE A VUE PENDANT DIX JOURS
(DU 1O AU 20 JUIN 1813) PAR VINGT BOURGEOIS DE DULMEN.
- CLOTURE DE L'ENQUETE ECCLÉSIASTIQUE.
1. " Le 9 juin, dit Rensing dans son rapport, je fis savoir à la malade que toutes les mesures étaient prises pour la faire garder à vue et que cela commencerait le lendemain. Cette nouvelle la réjouit beaucoup, et elle déclara qu'elle se soumettait sans la moindre objection à la décision de l'autorité ecclésiastique. Je remarquai que la croix de la poitrine saignait abondamment, car le sang traversait son vêtement.
" Lorsque je la visitai de nouveau le lendemain, pour la préparer à l'arrivée des gardiens qui était fixée au soir de ce jour, elle me dit : " Ne vaudrait-il pas mieux que l'abbé Lambert s'éloignât d'ici pendant tout le temps que durera cette surveillance ? Il est décidé à partir si vous le trouvez bon." Cela me fit grand plaisir, et j'en parlai à l'abbé Lambert qui partit dans l'après-midi pour l'ancienne Chartreuse, laquelle est à une lieue et demie de Dulmen. Le soir, à huit heures, les gardiens sont entrés en fonction.
ANNE CATHERINE EST GARDEE A VUE PENDANT DIX JOURS
(DU 1O AU 20 JUIN 1813) PAR VINGT BOURGEOIS DE DULMEN.
- CLOTURE DE L'ENQUETE ECCLÉSIASTIQUE.
1. " Le 9 juin, dit Rensing dans son rapport, je fis savoir à la malade que toutes les mesures étaient prises pour la faire garder à vue et que cela commencerait le lendemain. Cette nouvelle la réjouit beaucoup, et elle déclara qu'elle se soumettait sans la moindre objection à la décision de l'autorité ecclésiastique. Je remarquai que la croix de la poitrine saignait abondamment, car le sang traversait son vêtement.
" Lorsque je la visitai de nouveau le lendemain, pour la préparer à l'arrivée des gardiens qui était fixée au soir de ce jour, elle me dit : " Ne vaudrait-il pas mieux que l'abbé Lambert s'éloignât d'ici pendant tout le temps que durera cette surveillance ? Il est décidé à partir si vous le trouvez bon." Cela me fit grand plaisir, et j'en parlai à l'abbé Lambert qui partit dans l'après-midi pour l'ancienne Chartreuse, laquelle est à une lieue et demie de Dulmen. Le soir, à huit heures, les gardiens sont entrés en fonction.
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2. Cette ouverture d'Anne Catherine surprit agréablement non seulement le doyen Rensing, mais aussi le vicaire général Droste. Ce dernier désirait vivement l'éloignement de l'abbé Lambert, mais, par égard pour ce vieillard infirme, il n'avait jamais voulu le demander. Le 8 juin encore, il avait écrit à ce sujet à Rensing : " Je vous prie, si cela est possible, de faire en sorte que l'abbé Lambert ne reste pas dans la maison qu'habite la soeur Emmerich pendant le temps qu'elle sera gardée à vue, ou tout au moins qu'il ne lui fasse pas de visites. Au fond, ce sera difficile, et, s'il n'y a pas moyen d'y arriver, il faudra s'en remettre à Dieu. Si la chose ne peut pas se faire comme d'elle-même, il vaut mieux y renoncer. Je vous prie de recommander aux prières de la soeur Emmerich une intention que j'ai oublié de lui faire connaître verbalement. Et Rensing avait répondu : " Il serait certainement à désirer que M. Lambert s'éloignât tout à fait pendant le temps que durera la surveillance ; mais, vu son état d'infirmité, je ne vois aucun moyen de l'y déterminer."
3. Le vicaire général avait donné des prescriptions minutieuses quant à la manière dont la surveillance devait être organisée : " Les gardiens (ainsi s'exprimait l'ordonnance du 4 juin) ne quitteront pas un seul instant la soeur Emmerich, soit le jour, soit la nuit. Sa soeur peut toutefois être présente et doit lui rendre les services qui seraient nécessaires : mais jamais, et dans aucun cas, les gardiens ne doivent la quitter. Même quand elle se confessera, ils doivent être là. Le père Limberg doit alors parler bas avec elle, mais éviter avec le plus grand soin tout ce qui pourrait provoquer chez les gens soupçonneux la simple pensée de la possibilité que les plaies soient entretenues par lui. Comme deux personnes à la fois doivent toujours remplir l'office de surveillants, je crois convenable, si la chose est possible, qu'une d'elles soit un homme âgé. Les gardiens n'ont du reste rien autre chose à faire qu'à voir : tout le reste serait hors de leurs attributions."
3. Le vicaire général avait donné des prescriptions minutieuses quant à la manière dont la surveillance devait être organisée : " Les gardiens (ainsi s'exprimait l'ordonnance du 4 juin) ne quitteront pas un seul instant la soeur Emmerich, soit le jour, soit la nuit. Sa soeur peut toutefois être présente et doit lui rendre les services qui seraient nécessaires : mais jamais, et dans aucun cas, les gardiens ne doivent la quitter. Même quand elle se confessera, ils doivent être là. Le père Limberg doit alors parler bas avec elle, mais éviter avec le plus grand soin tout ce qui pourrait provoquer chez les gens soupçonneux la simple pensée de la possibilité que les plaies soient entretenues par lui. Comme deux personnes à la fois doivent toujours remplir l'office de surveillants, je crois convenable, si la chose est possible, qu'une d'elles soit un homme âgé. Les gardiens n'ont du reste rien autre chose à faire qu'à voir : tout le reste serait hors de leurs attributions."
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4. Le cinquième jour, Rensing fut en mesure de faire le rapport suivant au vicaire général : " Les avis donnés par l'autorité sont exactement observés par les gardiens, et la patiente est tellement satisfaite de la manière dont ils se comportent à son égard qu'elle m'a déjà remercié plus d'une fois d'avoir choisi des hommes aussi discrets pour remplir cet office dans des circonstances qui sont d'ailleurs si pénibles pour elle."
Il se plaint en même temps du refus fait par un médecin des environs de Dulmen de se charger de diriger la surveillance : " N. N. . . se retire parce qu'il trouve trop délicat de se charger seul de l'affaire sans le concours de quelques-uns de ses confrères. N'est-il pas triste de voir des hommes auxquels leur profession impose souvent le devoir d'exposer leur vie dans les cas de maladies contagieuses, craindre à ce point le fouet de papier de la critique, là où il s'agit de rendre témoignage à la vérité ?
Cette hésitation du médecin, lequel parut enfin le 15 juin et passa plusieurs nuits auprès de la malade avec les autres gardiens, avait failli faire manquer complètement le but qu'on s'était proposé, parce que la surveillance n'était pas destinée à confirmer le jugement des supérieurs ecclésiastiques sur la réalité des phénomènes remarqués chez Anne Catherine, mais seulement à détourner les suspicions qui pourraient s'élever contre l'autorité ecclésiastique, comme n'ayant pas fait l'enquête avec toute la rigueur voulue. Voilà pourquoi le vicaire général, que le refus du médecin surprit très désagréablement, avait écrit à Rensing : " Pour que le but de la mise en surveillance soit atteint, il est nécessaire que le docteur N. N. . . . se rende à Dulmen, dirige toute l'affaire et atteste de son côté que tout s'est passé dans les règles. Je regarde cela comme tellement nécessaire que sans cela la surveillance à laquelle serait soumise la soeur Emmerich me paraîtrait inutile."
5, Anne Catherine aussi fut très contrariée du refus fait d'abord par le médecin. Elle avait chargé le père Limberg d'aller de sa part à Munster exprimer au vicaire général sa crainte que la surveillance ne fût déclarée insuffisante, qu'on n'en exigeât plus tard une nouvelle, et qu'elle-même peut-être ne fût traînée à Munster, ce dont elle priait l'autorité ecclésiastique de la préserver. Le vicaire général, avec la sévérité que lui inspiraient ses bonnes intentions, ne crut pas devoir accueillir sans un blâme rigoureux cette prière, bien justifiée pourtant et appuyée sur des motifs qui, comme on le verra, étaient loin d'être sans fondement. Son œil clairvoyant, on peut même dire soupçonneux, n'avait rien pu découvrir chez Anne Catherine qui ne fût en parfait accord avec ses dons extraordinaires ; les rapports exacts et circonstanciés sur sa vie passée que lui avait faits Overberg et que confirmaient des interrogatoires subis par de nombreux témoins, lui avaient donné la certitude qu'Anne Catherine, dès sa première jeunesse, avait été favorisée par Dieu d'une direction particulière : c'est pourquoi il avait envers elle les plus grandes exigences, et il procédait contre tout ce qui ne semblait pas répondre à son attente avec la rigueur implacable qu'il aurait montrée à l'égard de tout ce qui aurait pu donner lieu à la moindre suspicion, s'il s'était présenté quelque chose de ce genre touchant les signes extérieurs. Ainsi, d'après la haute opinion qu'il avait de la vocation d'Anne Catherine, il trouva blâmable qu'elle ne fût pas assez" morte à toute volonté, " pour ne plus ressentir aucune inquiétude quant à l'avenir.
" Dites à la soeur Emmerich, écrivit-il à Clara Soentgen ; et cela en la saluant amicalement de ma part, que le proverbe dit : Ne t'inquiète pas des œufs qui ne sont pas pondus. J'ai coutume d'y ajouter : Ni des œufs gâtés. Le passé est passé ; le futur n'est pas encore là, il ne viendra peut-être jamais ; s'inquiéter de l'avenir est aussi inutile que s'inquiéter du passé, et non pas seulement inutile, mais nuisible ; car, avec des soucis de cette espèce, nous risquons de ne pas remplir nos devoirs actuels. En outre, l'inquiétude de l'avenir provient ordinairement de l'attachement à sa volonté propre. Dites-lui donc que toutes ces pensées : qu'elle craint de pécher par impatience ; qu'il ne faut pas tenter Dieu, etc, me paraissent des inspirations de l'amour-propre."
Si Clément Auguste se montrait tellement rigoureux pour un de ces mouvements de crainte et d'inquiétude auxquels les hommes les plus saints ne peuvent échapper tant qu'ils vivent dans la chair, que n'aurait-il pas fait s'il avait jamais aperçu chez Anne Catherine un véritable manquement ? Et combien cette sévérité atteste l'attention sérieuse et le soin scrupuleux avec lesquels toute l'enquête fut conduite !
Il se plaint en même temps du refus fait par un médecin des environs de Dulmen de se charger de diriger la surveillance : " N. N. . . se retire parce qu'il trouve trop délicat de se charger seul de l'affaire sans le concours de quelques-uns de ses confrères. N'est-il pas triste de voir des hommes auxquels leur profession impose souvent le devoir d'exposer leur vie dans les cas de maladies contagieuses, craindre à ce point le fouet de papier de la critique, là où il s'agit de rendre témoignage à la vérité ?
Cette hésitation du médecin, lequel parut enfin le 15 juin et passa plusieurs nuits auprès de la malade avec les autres gardiens, avait failli faire manquer complètement le but qu'on s'était proposé, parce que la surveillance n'était pas destinée à confirmer le jugement des supérieurs ecclésiastiques sur la réalité des phénomènes remarqués chez Anne Catherine, mais seulement à détourner les suspicions qui pourraient s'élever contre l'autorité ecclésiastique, comme n'ayant pas fait l'enquête avec toute la rigueur voulue. Voilà pourquoi le vicaire général, que le refus du médecin surprit très désagréablement, avait écrit à Rensing : " Pour que le but de la mise en surveillance soit atteint, il est nécessaire que le docteur N. N. . . . se rende à Dulmen, dirige toute l'affaire et atteste de son côté que tout s'est passé dans les règles. Je regarde cela comme tellement nécessaire que sans cela la surveillance à laquelle serait soumise la soeur Emmerich me paraîtrait inutile."
5, Anne Catherine aussi fut très contrariée du refus fait d'abord par le médecin. Elle avait chargé le père Limberg d'aller de sa part à Munster exprimer au vicaire général sa crainte que la surveillance ne fût déclarée insuffisante, qu'on n'en exigeât plus tard une nouvelle, et qu'elle-même peut-être ne fût traînée à Munster, ce dont elle priait l'autorité ecclésiastique de la préserver. Le vicaire général, avec la sévérité que lui inspiraient ses bonnes intentions, ne crut pas devoir accueillir sans un blâme rigoureux cette prière, bien justifiée pourtant et appuyée sur des motifs qui, comme on le verra, étaient loin d'être sans fondement. Son œil clairvoyant, on peut même dire soupçonneux, n'avait rien pu découvrir chez Anne Catherine qui ne fût en parfait accord avec ses dons extraordinaires ; les rapports exacts et circonstanciés sur sa vie passée que lui avait faits Overberg et que confirmaient des interrogatoires subis par de nombreux témoins, lui avaient donné la certitude qu'Anne Catherine, dès sa première jeunesse, avait été favorisée par Dieu d'une direction particulière : c'est pourquoi il avait envers elle les plus grandes exigences, et il procédait contre tout ce qui ne semblait pas répondre à son attente avec la rigueur implacable qu'il aurait montrée à l'égard de tout ce qui aurait pu donner lieu à la moindre suspicion, s'il s'était présenté quelque chose de ce genre touchant les signes extérieurs. Ainsi, d'après la haute opinion qu'il avait de la vocation d'Anne Catherine, il trouva blâmable qu'elle ne fût pas assez" morte à toute volonté, " pour ne plus ressentir aucune inquiétude quant à l'avenir.
" Dites à la soeur Emmerich, écrivit-il à Clara Soentgen ; et cela en la saluant amicalement de ma part, que le proverbe dit : Ne t'inquiète pas des œufs qui ne sont pas pondus. J'ai coutume d'y ajouter : Ni des œufs gâtés. Le passé est passé ; le futur n'est pas encore là, il ne viendra peut-être jamais ; s'inquiéter de l'avenir est aussi inutile que s'inquiéter du passé, et non pas seulement inutile, mais nuisible ; car, avec des soucis de cette espèce, nous risquons de ne pas remplir nos devoirs actuels. En outre, l'inquiétude de l'avenir provient ordinairement de l'attachement à sa volonté propre. Dites-lui donc que toutes ces pensées : qu'elle craint de pécher par impatience ; qu'il ne faut pas tenter Dieu, etc, me paraissent des inspirations de l'amour-propre."
Si Clément Auguste se montrait tellement rigoureux pour un de ces mouvements de crainte et d'inquiétude auxquels les hommes les plus saints ne peuvent échapper tant qu'ils vivent dans la chair, que n'aurait-il pas fait s'il avait jamais aperçu chez Anne Catherine un véritable manquement ? Et combien cette sévérité atteste l'attention sérieuse et le soin scrupuleux avec lesquels toute l'enquête fut conduite !
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
6. La mesure qui avait été prise ne pouvait avoir d'importance, quant à la conviction déjà bien arrêtée chez le vicaire général de la parfaite sincérité d'Anne Catherine, et rien ne lui faisait sentir le besoin d'autres preuves que celles qu'il avait déjà recueillies. Cela résulte clairement de ce qu'avant la fin des dix jours pendant lesquels la malade devait être gardée à vue, par conséquent sans attendre le compte qui lui serait rendu, il écrivit comme il suit à Rensing :
" Je vous demande instamment de me faire parvenir le plus tôt que vous pourrez le résultat des interrogatoires des compagnes de la soeur Emmerich, afin que je puisse finir l'enquête aussitôt que possible."
Et, quelques jours plus tard, il demande en ces termes le journal où étaient consignées les observations des gardiens :
" Je désire fort l'avoir pour lundi. Ce sera la clôture de l'enquête. Cependant je vous prie de me donner des informations quant aux incidents qui pourraient survenir, et d'aider la soeur Emmerich autant que vous le pourrez à acquérir ce qui peut lui manquer encore du coté de l'indifférence. Saint François de Sales a dit : " Ne rien craindre, ne rien demander, ne se plaindre de rien."
7. Rensing ajouta les observations suivantes au procès-verbal qui lui était demandé :
" Puisque Votre Excellence va clore l'enquête, je lui demanderai si la mission qui m'a été confiée en ce qui touche les visiteurs indigènes ou étrangers doit cesser ; vous croirez sans peine que je le désire vivement, afin d'être délivré des dérangements et des ennuis journaliers qui en résultent pour moi. Mais alors cette pauvre fille n'aura pas une heure de repos du matin au soir, et elle sera assaillie par des caravanes de curieux, d'autant plus que, comme elle me l'a déjà dit deux fois, M. le docteur Krauthausen a répandu ici et à Coesfeld le bruit que, si la soeur Emmerich donne elle-même la permission de venir la voir, on n'a pas besoin de l'autorisation du doyen. La femme du docteur, qui est malade, a confirmé récemment cette allégation par son propre exemple : car, jeudi dernier, pendant le service de l'après-midi, elle s'est fait porter sur un fauteuil chez la soeur Emmerich sans m'en rien faire dire. J'ai cru devoir vous faire connaître cet incident, parce qu'il a fait grand bruit dans la ville et qu'il peut avoir des conséquences très désagréables : car déjà plusieurs personnes ont demandé la permission de rendre visite à la soeur Emmerich, désirant, pour cause de maladie ou d'infirmité, lui demander conseil et se recommander personnellement à ses prières."
" Je vous demande instamment de me faire parvenir le plus tôt que vous pourrez le résultat des interrogatoires des compagnes de la soeur Emmerich, afin que je puisse finir l'enquête aussitôt que possible."
Et, quelques jours plus tard, il demande en ces termes le journal où étaient consignées les observations des gardiens :
" Je désire fort l'avoir pour lundi. Ce sera la clôture de l'enquête. Cependant je vous prie de me donner des informations quant aux incidents qui pourraient survenir, et d'aider la soeur Emmerich autant que vous le pourrez à acquérir ce qui peut lui manquer encore du coté de l'indifférence. Saint François de Sales a dit : " Ne rien craindre, ne rien demander, ne se plaindre de rien."
7. Rensing ajouta les observations suivantes au procès-verbal qui lui était demandé :
" Puisque Votre Excellence va clore l'enquête, je lui demanderai si la mission qui m'a été confiée en ce qui touche les visiteurs indigènes ou étrangers doit cesser ; vous croirez sans peine que je le désire vivement, afin d'être délivré des dérangements et des ennuis journaliers qui en résultent pour moi. Mais alors cette pauvre fille n'aura pas une heure de repos du matin au soir, et elle sera assaillie par des caravanes de curieux, d'autant plus que, comme elle me l'a déjà dit deux fois, M. le docteur Krauthausen a répandu ici et à Coesfeld le bruit que, si la soeur Emmerich donne elle-même la permission de venir la voir, on n'a pas besoin de l'autorisation du doyen. La femme du docteur, qui est malade, a confirmé récemment cette allégation par son propre exemple : car, jeudi dernier, pendant le service de l'après-midi, elle s'est fait porter sur un fauteuil chez la soeur Emmerich sans m'en rien faire dire. J'ai cru devoir vous faire connaître cet incident, parce qu'il a fait grand bruit dans la ville et qu'il peut avoir des conséquences très désagréables : car déjà plusieurs personnes ont demandé la permission de rendre visite à la soeur Emmerich, désirant, pour cause de maladie ou d'infirmité, lui demander conseil et se recommander personnellement à ses prières."
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8. Le rapport des vingt gardiens joint à cette lettre est ainsi conçu :
" Nous, soussignés, ayant été invités par M, le doyen Rensing à garder à vue la sœur Emmerich malade et informés verbalement et par écrit des motifs de cette surveillance, ainsi que des points à observer, nous sommes rendus deux par deux à son domicile le 10 juin 1813, à huit heures du soir. Nous avons commencé à remplir notre office suivant l'ordre prescrit, et nous avons continué jour et nuit, sans interruption, jusqu'au samedi 19 juin, à midi. Pendant ce temps, personne n'est venu prés de la malade, à l'exception de sa soeur qui la servait, de ses anciennes compagnes de couvent, et de personnes qui lui ont été amenées par M. le doyen ou qui présentaient une permission écrite de M. le vicaire général. Personne n'a pu rien dire à la malade ni rien concerter avec elle que nous n'eussions pu entendre distinctement et remarquer : " M. Lambert, ecclésiastique qui demeurait dans la même maison que la malade, s'était déjà éloigné de son propre mouvement avant qu'on eût commencé à la garder à vue, afin de prévenir toutes les objections, et il n'est revenu à la ville qu'après la fin de l'enquête.
Pendant ces dix jours, la malade n'a rien pris que de l'eau claire ; elle en a rarement demandé, mais n'en a bu le plus souvent que quand elle lui était offerte par nous, par sa soeur ou par MM. les médecins. Elle a mis une fois une cerise dans sa bouche et l'a un peu sucée, mais elle en a rejeté la chair ; elle a avalé aussi plusieurs gouttes de laudanum que M. le docteur Wesener lui a fait prendre un jour qu'elle ressentait des douleurs extraordinairement vives et persistantes.
" Ni la malade même, ni aucun de ceux qui l'ont visitée n'ont touché le moins du monde à ses plaies.
" La double croix de la poitrine a commencé à saigner dans la nuit du 15 au 16, après de grandes douleurs et des élancements dans la poitrine dont la malade se plaignait beaucoup ; cela peut avoir duré jusqu'à sept heures du matin. Les autres plaies ont commencé à saigner de bon matin le vendredi 18, et elles ont continué plus ou moins fort toute la journée ; les plaies à la tête ont encore un peu saigné le matin du samedi 19. Avant et pendant l'hémorragie, la malade se plaignait beaucoup de douleurs et d'élancements dans ces plaies. Du reste, nous avons observé que généralement aux heures de la matinée jusque vers dix heures, la malade se plaignait moins et quelquefois se montrait de très bonne humeur ; il y avait une exception pour le temps qui précédait et suivait l'effusion du sang. Pendant le reste de la journée, elle se plaignait plus ou moins de faiblesse, de chaleur et d'élancements aux plaies et dans la poitrine, de maux de tête et de maux d'yeux. Il était rare qu'elle eut un sommeil tranquille ; l'état qui nous paraissait ressembler au sommeil n'était, disait-elle, jamais bienfaisant pour elle, et elle se sentait ordinairement plus faible après qu'avant. La nuit venue, presque toujours entre dix heures et minuit, elle entrait en extase, et alors elle avait le délire, parlait haut, tressaillait comme saisie de terreur, etc. ; souvent aussi, elle restait longtemps tranquille comme si elle eût dormi.
" Nous sommes prêts à renouveler en toute occasion nos présentes affirmations devant toute autorité ecclésiastique ou civile, et, s'il le faut, à en attester la vérité par serment."
" Dulmen, le 23 juin 1813."
" Nous, soussignés, ayant été invités par M, le doyen Rensing à garder à vue la sœur Emmerich malade et informés verbalement et par écrit des motifs de cette surveillance, ainsi que des points à observer, nous sommes rendus deux par deux à son domicile le 10 juin 1813, à huit heures du soir. Nous avons commencé à remplir notre office suivant l'ordre prescrit, et nous avons continué jour et nuit, sans interruption, jusqu'au samedi 19 juin, à midi. Pendant ce temps, personne n'est venu prés de la malade, à l'exception de sa soeur qui la servait, de ses anciennes compagnes de couvent, et de personnes qui lui ont été amenées par M. le doyen ou qui présentaient une permission écrite de M. le vicaire général. Personne n'a pu rien dire à la malade ni rien concerter avec elle que nous n'eussions pu entendre distinctement et remarquer : " M. Lambert, ecclésiastique qui demeurait dans la même maison que la malade, s'était déjà éloigné de son propre mouvement avant qu'on eût commencé à la garder à vue, afin de prévenir toutes les objections, et il n'est revenu à la ville qu'après la fin de l'enquête.
Pendant ces dix jours, la malade n'a rien pris que de l'eau claire ; elle en a rarement demandé, mais n'en a bu le plus souvent que quand elle lui était offerte par nous, par sa soeur ou par MM. les médecins. Elle a mis une fois une cerise dans sa bouche et l'a un peu sucée, mais elle en a rejeté la chair ; elle a avalé aussi plusieurs gouttes de laudanum que M. le docteur Wesener lui a fait prendre un jour qu'elle ressentait des douleurs extraordinairement vives et persistantes.
" Ni la malade même, ni aucun de ceux qui l'ont visitée n'ont touché le moins du monde à ses plaies.
" La double croix de la poitrine a commencé à saigner dans la nuit du 15 au 16, après de grandes douleurs et des élancements dans la poitrine dont la malade se plaignait beaucoup ; cela peut avoir duré jusqu'à sept heures du matin. Les autres plaies ont commencé à saigner de bon matin le vendredi 18, et elles ont continué plus ou moins fort toute la journée ; les plaies à la tête ont encore un peu saigné le matin du samedi 19. Avant et pendant l'hémorragie, la malade se plaignait beaucoup de douleurs et d'élancements dans ces plaies. Du reste, nous avons observé que généralement aux heures de la matinée jusque vers dix heures, la malade se plaignait moins et quelquefois se montrait de très bonne humeur ; il y avait une exception pour le temps qui précédait et suivait l'effusion du sang. Pendant le reste de la journée, elle se plaignait plus ou moins de faiblesse, de chaleur et d'élancements aux plaies et dans la poitrine, de maux de tête et de maux d'yeux. Il était rare qu'elle eut un sommeil tranquille ; l'état qui nous paraissait ressembler au sommeil n'était, disait-elle, jamais bienfaisant pour elle, et elle se sentait ordinairement plus faible après qu'avant. La nuit venue, presque toujours entre dix heures et minuit, elle entrait en extase, et alors elle avait le délire, parlait haut, tressaillait comme saisie de terreur, etc. ; souvent aussi, elle restait longtemps tranquille comme si elle eût dormi.
" Nous sommes prêts à renouveler en toute occasion nos présentes affirmations devant toute autorité ecclésiastique ou civile, et, s'il le faut, à en attester la vérité par serment."
" Dulmen, le 23 juin 1813."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
9. Le vicaire général exprima alors sa satisfaction au doyen dans la lettre qui suit :
" Je ne puis me dispenser, monsieur le doyen, de vous exprimer ma plus vive reconnaissance pour avoir conduit l'enquête d'une manière si parfaitement conforme à mes désirs et à mes instructions. Je ne puis donner de meilleur conseil à la soeur Emmerich que de s'affermir dans l'indifférence, au moyen de la grâce de Dieu qui ne fait jamais défaut à ceux qui veulent et qui prient, et d'employer les moyens qui sont à la disposition de tout citoyen pour qu'on la laisse tranquille chez elle et à l'abri des visites importunes. Je la plains de tout mon cœur, mais je ne puis plus lui venir en aide."
Ces derniers mots se rapportaient à un incident qui eut des conséquences ultérieures et qui avait eu lieu peu de jours avant la clôture de l'enquête ; il ne doit pas être passé sous silence, parce que, quatre ans plus tard, il servit de prétexte à des attaques dirigées contre Anne Catherine par la voie de la presse.
10. Le 16 juin, Rensing avait reçu par écrit l'avis suivant du vicaire général :
" Si la femme du préfet du département de R. . . , avec mademoiselle sa soeur et le professeur B. . . , de Munster, demandent à visiter la soeur Emmerich, veuillez les introduire auprès d'elle. Dites à la soeur Emmerich de ma part qu'elle consente par obéissance à laisser voir toutes ses plaies à ces personnes. Il est d'autant plus nécessaire de les faire voir toutes à M. le professeur qu'il est très défavorablement prévenu."
Le soir du même jour, ces personnes arrivèrent à Dulmen. Elles se rendirent d'abord chez le docteur Krauthausen et se firent rendre compte par lui de ses observations sur Anne Catherine. Le professeur, plein d'assurance et de présomption, n'y voulut voir qu'ignorance et illusion, de même qu'avant d'avoir vu la patiente, il l'avait condamnée comme coupable d'imposture et avait déclaré que l'enquête était sans valeur.
Dans la matinée du 18 juin, Rensing conduisit les voyageurs chez Anne Catherine qui, par obéissance à l'ordre du vicaire général, consentit à l'inspection si pénible pour elle de ses plaies. M. le professeur ne trouva là que fourberie pure et simple. Les croûtes de sang desséché qui recouvraient les stigmates étaient, selon lui, (ainsi qu'il le répéta quatre ans plus tard dans une brochure), collées avec de l'amidon ; la croix de la poitrine lui parut si faiblement appliquée qu'elle disparut, dit-il, sous ses mains. Les plaies elles-mêmes avaient été faites avec des aiguilles et un canif ; le sang qui en découlait était" de la peinture." Le savant homme fut surtout choqué de ce que du sang avait jailli sous la coiffe de la malade et coulé le long de son nez : c'était, selon lui, " une tentative par trop grossière pour le tromper, lui et sa science." Anne Catherine elle-même était a ses yeux" une personne saine et robuste qui se trouvait à merveille de sa prétendue abstinence de nourriture." Ainsi donc, pour ce professeur aux yeux de lynx, il n'y avait de vrai dans cette affaire que des instruments pointus, du blanc d'oeuf, de l'amidon, des couleurs de teinturier et de l'eau de gomme : quelques années plus tard, il fit part de cette découverte au monde surpris. - Madame la préfète aussi pensa qu'il était facile de se faire de semblables blessures avec un canif et rattacha les extases au magnétisme qui avait tant d'importance à ses yeux qu'elle tourmenta Anne Catherine de questions sans fin sur la guerre et sur la paix, sur les choses cachées et les événements à venir. La malade toutefois ne lui fit que cette brève réponse : " Ma paix intérieure est la seule chose dont j'aie souci."
" Je ne puis me dispenser, monsieur le doyen, de vous exprimer ma plus vive reconnaissance pour avoir conduit l'enquête d'une manière si parfaitement conforme à mes désirs et à mes instructions. Je ne puis donner de meilleur conseil à la soeur Emmerich que de s'affermir dans l'indifférence, au moyen de la grâce de Dieu qui ne fait jamais défaut à ceux qui veulent et qui prient, et d'employer les moyens qui sont à la disposition de tout citoyen pour qu'on la laisse tranquille chez elle et à l'abri des visites importunes. Je la plains de tout mon cœur, mais je ne puis plus lui venir en aide."
Ces derniers mots se rapportaient à un incident qui eut des conséquences ultérieures et qui avait eu lieu peu de jours avant la clôture de l'enquête ; il ne doit pas être passé sous silence, parce que, quatre ans plus tard, il servit de prétexte à des attaques dirigées contre Anne Catherine par la voie de la presse.
10. Le 16 juin, Rensing avait reçu par écrit l'avis suivant du vicaire général :
" Si la femme du préfet du département de R. . . , avec mademoiselle sa soeur et le professeur B. . . , de Munster, demandent à visiter la soeur Emmerich, veuillez les introduire auprès d'elle. Dites à la soeur Emmerich de ma part qu'elle consente par obéissance à laisser voir toutes ses plaies à ces personnes. Il est d'autant plus nécessaire de les faire voir toutes à M. le professeur qu'il est très défavorablement prévenu."
Le soir du même jour, ces personnes arrivèrent à Dulmen. Elles se rendirent d'abord chez le docteur Krauthausen et se firent rendre compte par lui de ses observations sur Anne Catherine. Le professeur, plein d'assurance et de présomption, n'y voulut voir qu'ignorance et illusion, de même qu'avant d'avoir vu la patiente, il l'avait condamnée comme coupable d'imposture et avait déclaré que l'enquête était sans valeur.
Dans la matinée du 18 juin, Rensing conduisit les voyageurs chez Anne Catherine qui, par obéissance à l'ordre du vicaire général, consentit à l'inspection si pénible pour elle de ses plaies. M. le professeur ne trouva là que fourberie pure et simple. Les croûtes de sang desséché qui recouvraient les stigmates étaient, selon lui, (ainsi qu'il le répéta quatre ans plus tard dans une brochure), collées avec de l'amidon ; la croix de la poitrine lui parut si faiblement appliquée qu'elle disparut, dit-il, sous ses mains. Les plaies elles-mêmes avaient été faites avec des aiguilles et un canif ; le sang qui en découlait était" de la peinture." Le savant homme fut surtout choqué de ce que du sang avait jailli sous la coiffe de la malade et coulé le long de son nez : c'était, selon lui, " une tentative par trop grossière pour le tromper, lui et sa science." Anne Catherine elle-même était a ses yeux" une personne saine et robuste qui se trouvait à merveille de sa prétendue abstinence de nourriture." Ainsi donc, pour ce professeur aux yeux de lynx, il n'y avait de vrai dans cette affaire que des instruments pointus, du blanc d'oeuf, de l'amidon, des couleurs de teinturier et de l'eau de gomme : quelques années plus tard, il fit part de cette découverte au monde surpris. - Madame la préfète aussi pensa qu'il était facile de se faire de semblables blessures avec un canif et rattacha les extases au magnétisme qui avait tant d'importance à ses yeux qu'elle tourmenta Anne Catherine de questions sans fin sur la guerre et sur la paix, sur les choses cachées et les événements à venir. La malade toutefois ne lui fit que cette brève réponse : " Ma paix intérieure est la seule chose dont j'aie souci."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
11. Le docteur Krauthausen et Rensing furent très blessés de semblables procédés, et ce dernier prit sur lui de refuser à ces personnes une nouvelle visite. Cela lui attira un reproche du vicaire général qui exprima son mécontentement en ces termes
" En toute autre circonstance, il eut été injuste de permettre la répétition d'une pareille visite qui eût été très pénible pour la soeur Emmerich. Mais ici, avec des gens si disposés à croire qu'on veut, par une fraude pieuse, c'est-à-dire, pour parler clairement, par une grossière ignorance ou un charlatanisme diabolique, produire je ne sais quel effet, il faut éviter tout ce qui peut fournir un prétexte aux soupçons. Or, le refus d'une seconde visite est évidemment propre à fournir ce prétexte."
Quelques années après, en effet, le professeur, dans des écrits imprimés, reprocha au doyen de ne lui avoir refusé une seconde visite" que parce que la croix de la poitrine, qui était à peu près effacée, n'avait pas encore été remise à neuf."
Madame la préfète protesta devant Wesener" qu'il ne s'agissait pour elle que d'arriver à la pure vérité et de se tranquilliser elle-même, ainsi que d'autres personnes.
Et elle pria Wesener d'en appeler au jugement d'Anne Catherine sur la pureté de ses intentions. Lorsqu'il interrogea la malade à ce sujet, elle lui répondit
Dans cette société, madame la préfète était celle qui prenait la chose le plus au sérieux : mais pourtant elle n'est pas venue avec une intention tout à fait pure. Elle a la tête trop exaltée et elle est encore bien loin du véritable christianisme. Cette visite m'a fait beaucoup souffrir, et j'ai l'intime persuasion qu'il ne sert à rien de me tourmenter ainsi."
12. De retour à Munster, le professeur répéta avec beaucoup d'aigreur que, dans son opinion, Anne Catherine était une trompeuse, si bien que le vicaire général eut la pensée d'accorder à cet homme des pleins pouvoirs très étendus à l'égard d'Anne Catherine, dans l'espoir que des observations plus exactes et plus prolongées pourraient le forcer à rendre témoignage à la vérité et à retirer ses calomnies. Quelque peu de cas qu'il fit personnellement du jugement de ce professeur dont il pénétra, dès le premier mot, la légèreté superficielle, il lui sembla que ce serait un triomphe pour l'innocence et pour la vérité que de mettre leur ennemi le plus acharné, par l'offre d'un nouvel examen, dans l'impossibilité de contester ou de nier l'état réel des choses.
B. . . lui ayant déclaré avec l'impudence qui le caractérisait qu'il était en mesure de guérir les plaies en très peu de temps, le vicaire général le prit au mot. Dans un appendice aux procès-verbaux de l'enquête, il s'exprime ainsi à ce sujet :
" Je désirais que l'expérience ne se fit que sur une seule main, parce que je prévoyais que la soeur Emmerich aurait à en souffrir beaucoup : mais tant de repos était nécessaire pour la guérison de cette main que la tentative n'était pas exécutable."
" B. . . lui-même parut trouver cela vrai, et il raisonnait ainsi : " Si l'imposture existe sur un point, elle existe sur tous." Il se déclarait convaincu qu'il n'y en avait pas moins quant, à l'abstinence de nourriture qu'en ce qui concernait les stigmates, et que la tromperie serait mise au grand jour si Anne Catherine était transportée à Munster pour y être soumise à la surveillance de six médecins. Mais je m'y suis refusé. Je ne voulais pas, par mes mesures, donner crédit aux soupçons qu'inspire à plusieurs personnes l'entourage d'Anne Catherine, car je les crois tout à fait sans fondement. Cela m'eut semblé contraire à la justice et à la charité."
13. Le plan de B. fut alors modifié, en ce sens que deux femmes de confiance devaient être choisies par lui à Munster et envoyées à Dulmen pour observer le plus soigneusement possible la soeur Emmerich, laquelle devait être transportée dans un autre logement, rester complètement séparée de son entourage actuel et ne recevoir de visites que de Rensing. Le vicaire général voulait aller lui-même à Dulmen pour faire tous les arrangements nécessaires.
Mais le préfet français vint à l'encontre de ce projet. Il ordonna au maire de Dulmen de s'opposer, en vertu de son autorité, à ce qu'on entreprît de nouveau de garder à vue la malade ; le gouvernement, disait-il, devait prendre sous sa protection un sujet qui avait été si longtemps soumis à une enquête rigoureuse et dont l'autorité ecclésiastique avait rendu un si bon témoignage au commissaire de police impérial. A cette déclaration était jointe la menace de faire diriger par l'autorité civile elle-même l'enquête future sur Anne Catherine et son entourage, s'il était constaté que l'enquête ecclésiastique n'avait conduit à aucun résultat satisfaisant. Celte menace décida le vicaire général à renoncer à son projet et à laisser là le professeur et ses rêveries.
" En toute autre circonstance, il eut été injuste de permettre la répétition d'une pareille visite qui eût été très pénible pour la soeur Emmerich. Mais ici, avec des gens si disposés à croire qu'on veut, par une fraude pieuse, c'est-à-dire, pour parler clairement, par une grossière ignorance ou un charlatanisme diabolique, produire je ne sais quel effet, il faut éviter tout ce qui peut fournir un prétexte aux soupçons. Or, le refus d'une seconde visite est évidemment propre à fournir ce prétexte."
Quelques années après, en effet, le professeur, dans des écrits imprimés, reprocha au doyen de ne lui avoir refusé une seconde visite" que parce que la croix de la poitrine, qui était à peu près effacée, n'avait pas encore été remise à neuf."
Madame la préfète protesta devant Wesener" qu'il ne s'agissait pour elle que d'arriver à la pure vérité et de se tranquilliser elle-même, ainsi que d'autres personnes.
Et elle pria Wesener d'en appeler au jugement d'Anne Catherine sur la pureté de ses intentions. Lorsqu'il interrogea la malade à ce sujet, elle lui répondit
Dans cette société, madame la préfète était celle qui prenait la chose le plus au sérieux : mais pourtant elle n'est pas venue avec une intention tout à fait pure. Elle a la tête trop exaltée et elle est encore bien loin du véritable christianisme. Cette visite m'a fait beaucoup souffrir, et j'ai l'intime persuasion qu'il ne sert à rien de me tourmenter ainsi."
12. De retour à Munster, le professeur répéta avec beaucoup d'aigreur que, dans son opinion, Anne Catherine était une trompeuse, si bien que le vicaire général eut la pensée d'accorder à cet homme des pleins pouvoirs très étendus à l'égard d'Anne Catherine, dans l'espoir que des observations plus exactes et plus prolongées pourraient le forcer à rendre témoignage à la vérité et à retirer ses calomnies. Quelque peu de cas qu'il fit personnellement du jugement de ce professeur dont il pénétra, dès le premier mot, la légèreté superficielle, il lui sembla que ce serait un triomphe pour l'innocence et pour la vérité que de mettre leur ennemi le plus acharné, par l'offre d'un nouvel examen, dans l'impossibilité de contester ou de nier l'état réel des choses.
B. . . lui ayant déclaré avec l'impudence qui le caractérisait qu'il était en mesure de guérir les plaies en très peu de temps, le vicaire général le prit au mot. Dans un appendice aux procès-verbaux de l'enquête, il s'exprime ainsi à ce sujet :
" Je désirais que l'expérience ne se fit que sur une seule main, parce que je prévoyais que la soeur Emmerich aurait à en souffrir beaucoup : mais tant de repos était nécessaire pour la guérison de cette main que la tentative n'était pas exécutable."
" B. . . lui-même parut trouver cela vrai, et il raisonnait ainsi : " Si l'imposture existe sur un point, elle existe sur tous." Il se déclarait convaincu qu'il n'y en avait pas moins quant, à l'abstinence de nourriture qu'en ce qui concernait les stigmates, et que la tromperie serait mise au grand jour si Anne Catherine était transportée à Munster pour y être soumise à la surveillance de six médecins. Mais je m'y suis refusé. Je ne voulais pas, par mes mesures, donner crédit aux soupçons qu'inspire à plusieurs personnes l'entourage d'Anne Catherine, car je les crois tout à fait sans fondement. Cela m'eut semblé contraire à la justice et à la charité."
13. Le plan de B. fut alors modifié, en ce sens que deux femmes de confiance devaient être choisies par lui à Munster et envoyées à Dulmen pour observer le plus soigneusement possible la soeur Emmerich, laquelle devait être transportée dans un autre logement, rester complètement séparée de son entourage actuel et ne recevoir de visites que de Rensing. Le vicaire général voulait aller lui-même à Dulmen pour faire tous les arrangements nécessaires.
Mais le préfet français vint à l'encontre de ce projet. Il ordonna au maire de Dulmen de s'opposer, en vertu de son autorité, à ce qu'on entreprît de nouveau de garder à vue la malade ; le gouvernement, disait-il, devait prendre sous sa protection un sujet qui avait été si longtemps soumis à une enquête rigoureuse et dont l'autorité ecclésiastique avait rendu un si bon témoignage au commissaire de police impérial. A cette déclaration était jointe la menace de faire diriger par l'autorité civile elle-même l'enquête future sur Anne Catherine et son entourage, s'il était constaté que l'enquête ecclésiastique n'avait conduit à aucun résultat satisfaisant. Celte menace décida le vicaire général à renoncer à son projet et à laisser là le professeur et ses rêveries.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
14. Au premier coup d'oeil, il semble incompréhensible que le vicaire général Droste ait pu donner une attention qu'elles méritaient si peu à ces indignes menées du professeur B. . . ; mais il nous donne l'explication de sa manière d'agir quand il dit : " Je désirerais moi-même que B. pût guérir les plaies."
Les stigmates et les effusions de sang avaient été, dès le commencement, pour le vicaire général, une chose dont il eût bien voulu se débarrasser, même au prix de cruelles souffrances pour Anne Catherine, car à ses yeux c'était là seulement ce qui avait attiré l'attention du public sur une personne dont toute la manière d'être était si étrangère aux idées de l'époque et forcé l'autorité ecclésiastique à entreprendre une enquête qui, de quelque manière qu'elle aboutit, ne pouvait avoir pour ceux qui la feraient que des conséquences désagréables. Il aurait vivement désiré qu'on évitât ou qu'on laissât de côté tout ce qui pouvait devenir pour les innombrables ennemis de l'Église une occasion de nouvelles injures et de nouvelles attaques contre la sainte foi. C'est pourquoi le fait des stigmates, désormais impossible à cacher et qui semblait réveiller toute la rage des incroyants, était toujours resté à ses yeux une manifestation fâcheuse. Cette impression n'était pas encore affaiblie chez lui, alors même que ses propres observations faites avec le plus grand soin et les témoignages irrécusables d'autrui lui rendaient impossible la supposition d'une fraude. Dans le cours de l'enquête, la conviction chaque jour plus assurée de la piété sincère et de la haute perfection spirituelle d'Anne Catherine l'avait conduit à regarder les stigmates comme l'œuvre immédiate de Dieu ou du moins à étudier plus sérieusement et plus attentivement la nature et la signification de ces phénomènes dans leur rapport avec l'ensemble de la direction donnée à Anne Catherine et de la tâche qui lui était assignée ; cependant, sa raison froide, peu sympathique à toute espèce de mysticisme, reculait toujours avec une sorte de crainte devant un examen plus approfondi de ce mystère et s'en dispensait à l'aide de l'argument suivant :
" Je n'ai à rechercher qu'une seule chose : Anne Catherine trompe-t-elle ou est-elle trompée ? L'enquête a eu pour résultat de me convaincre que raisonnablement on ne peut voir là aucune imposture ; je n'ai donc rien de plus à rechercher. Ou les stigmates sont un phénomène naturel d'une espèce très rare sur lequel je n'ai pas de jugement à porter, ou ils ont une cause surnaturelle qu'il serait difficile de rendre évidente."
Avec une telle manière de voir, on s'explique comment le vicaire général pouvait être plein du plus grand respect pour Anne Catherine, recommander instamment aux prières de la pieuse fille ses propres affaires et celles de l'Église, lui adresser les personnages les plus considérables appartenant au cercle très étendu de ses relations, et pourtant ne jamais renoncer au désir de la soustraire autant que possible aux regards et à l'attention du monde.
Il écrivit le 16 juillet à Rensing : " Je vous prie de saluer de ma part la soeur Emmerich, de lui recommander instamment une certaine intention et de lui dire que, si le comte et la comtesse de Stolberg viennent à Dulmen, tout doit leur être montré."
Visite du comte Frédéric-Léopold de Stolberg.
Les stigmates et les effusions de sang avaient été, dès le commencement, pour le vicaire général, une chose dont il eût bien voulu se débarrasser, même au prix de cruelles souffrances pour Anne Catherine, car à ses yeux c'était là seulement ce qui avait attiré l'attention du public sur une personne dont toute la manière d'être était si étrangère aux idées de l'époque et forcé l'autorité ecclésiastique à entreprendre une enquête qui, de quelque manière qu'elle aboutit, ne pouvait avoir pour ceux qui la feraient que des conséquences désagréables. Il aurait vivement désiré qu'on évitât ou qu'on laissât de côté tout ce qui pouvait devenir pour les innombrables ennemis de l'Église une occasion de nouvelles injures et de nouvelles attaques contre la sainte foi. C'est pourquoi le fait des stigmates, désormais impossible à cacher et qui semblait réveiller toute la rage des incroyants, était toujours resté à ses yeux une manifestation fâcheuse. Cette impression n'était pas encore affaiblie chez lui, alors même que ses propres observations faites avec le plus grand soin et les témoignages irrécusables d'autrui lui rendaient impossible la supposition d'une fraude. Dans le cours de l'enquête, la conviction chaque jour plus assurée de la piété sincère et de la haute perfection spirituelle d'Anne Catherine l'avait conduit à regarder les stigmates comme l'œuvre immédiate de Dieu ou du moins à étudier plus sérieusement et plus attentivement la nature et la signification de ces phénomènes dans leur rapport avec l'ensemble de la direction donnée à Anne Catherine et de la tâche qui lui était assignée ; cependant, sa raison froide, peu sympathique à toute espèce de mysticisme, reculait toujours avec une sorte de crainte devant un examen plus approfondi de ce mystère et s'en dispensait à l'aide de l'argument suivant :
" Je n'ai à rechercher qu'une seule chose : Anne Catherine trompe-t-elle ou est-elle trompée ? L'enquête a eu pour résultat de me convaincre que raisonnablement on ne peut voir là aucune imposture ; je n'ai donc rien de plus à rechercher. Ou les stigmates sont un phénomène naturel d'une espèce très rare sur lequel je n'ai pas de jugement à porter, ou ils ont une cause surnaturelle qu'il serait difficile de rendre évidente."
Avec une telle manière de voir, on s'explique comment le vicaire général pouvait être plein du plus grand respect pour Anne Catherine, recommander instamment aux prières de la pieuse fille ses propres affaires et celles de l'Église, lui adresser les personnages les plus considérables appartenant au cercle très étendu de ses relations, et pourtant ne jamais renoncer au désir de la soustraire autant que possible aux regards et à l'attention du monde.
Il écrivit le 16 juillet à Rensing : " Je vous prie de saluer de ma part la soeur Emmerich, de lui recommander instamment une certaine intention et de lui dire que, si le comte et la comtesse de Stolberg viennent à Dulmen, tout doit leur être montré."
Visite du comte Frédéric-Léopold de Stolberg.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
L'illustre comte de Stolberg arriva à Dulmen avec sa femme, en compagnie d'Overberg, le 22 juillet (tout juste un mois après la visite du professeur B. : . ) ; il y resta deux jours. Voici comment il raconte sa visite :
" Overberg nous annonça à Anne Catherine. A neuf heures du matin, il nous conduisit chez elle. Sa petite chambre n'a qu'une entrée et elle est sur la rue, en sorte que les passants peuvent voir dans l'intérieur et qu'on ne peut rien y faire qui ne puisse être vu de la rue. Elle est extrêmement propre : on ne sent pas la moindre mauvaise odeur dans cette petite pièce. C'est pour Anne Catherine une grande souffrance que de se montrer. Elle nous reçut de la manière la plus amicale. Overberg la pria en notre nom de retirer ses mains du linge sous lequel elle a coutume de les tenir cachées. C'était un vendredi. Les plaies de la couronne d'épines avaient saigné abondamment. Elle ôta sa coiffe. Le front et la tête étaient comme percés de grosses épines : on voyait distinctement les plaies vives, remplies encore en partie de sang frais, et tout le tour de la tête était ensanglanté. Jamais peintre n'a ainsi rendu au naturel les plaies faites au Sauveur par la couronne d'épines. Les plaies qui se trouvent au dos des mains et des pieds sont beaucoup plus grandes que celles de la surface intérieure ; les plaies des pieds sont plus larges que celles des mains. Toutes saignaient en même temps.
Les médecins ont signalé ce qu'il y a là de merveilleux plus tôt et plus ouvertement que les ecclésiastiques, parce qu'ils ont des données certaines pour juger, d'après les règles de la science, le phénomène qui est sous leurs yeux. Ils disent qu'il est impossible de maintenir artificiellement de telles plaies dans le même état, de façon à ce qu'il n'y ait ni suppuration, ni inflammation, ni guérison. Ils disent aussi qu'on ne peut pas expliquer naturellement comment la malade, avec ces plaies incompréhensibles de leur nature et avec la cruelle douleur qui ne lui laisse aucun moment de relâche, ne tombe pas dans un dépérissement complet, comment elle ne pâlit même pas et comment son regard reste plein de vie, d'intelligence et d'amour.
" Depuis quelque temps, il dépend d'elle d'admettre ou de refuser les visites : elles lui sont très pénibles et sont déclinées le plus souvent, même quand il s'agit de gens qui viennent de loin. Ce n'est que sur les représentations de quelques ecclésiastiques ou du médecin, auxquels les étrangers s'adressent, qu'elle consent à faire des exceptions. Elle a assez à faire, dit-elle, de prier Dieu, afin qu'il lui conserve la patience dans ses souffrances continuelles ; c'est le tenter que de mettre cette patience à l'épreuve pour des personnes qui la plupart du temps viennent uniquement par curiosité." Ceux qui ne croient pas à Jésus-Christ, dit-elle encore, ne deviendront pas croyants à cause de mes stigmates." Cela ne doit pas étonner quand on pense combien il doit en coûter à une pauvre religieuse timide et délicate d'avoir à supporter l'invasion de curieux souvent peu discrets.
" Overberg nous annonça à Anne Catherine. A neuf heures du matin, il nous conduisit chez elle. Sa petite chambre n'a qu'une entrée et elle est sur la rue, en sorte que les passants peuvent voir dans l'intérieur et qu'on ne peut rien y faire qui ne puisse être vu de la rue. Elle est extrêmement propre : on ne sent pas la moindre mauvaise odeur dans cette petite pièce. C'est pour Anne Catherine une grande souffrance que de se montrer. Elle nous reçut de la manière la plus amicale. Overberg la pria en notre nom de retirer ses mains du linge sous lequel elle a coutume de les tenir cachées. C'était un vendredi. Les plaies de la couronne d'épines avaient saigné abondamment. Elle ôta sa coiffe. Le front et la tête étaient comme percés de grosses épines : on voyait distinctement les plaies vives, remplies encore en partie de sang frais, et tout le tour de la tête était ensanglanté. Jamais peintre n'a ainsi rendu au naturel les plaies faites au Sauveur par la couronne d'épines. Les plaies qui se trouvent au dos des mains et des pieds sont beaucoup plus grandes que celles de la surface intérieure ; les plaies des pieds sont plus larges que celles des mains. Toutes saignaient en même temps.
Les médecins ont signalé ce qu'il y a là de merveilleux plus tôt et plus ouvertement que les ecclésiastiques, parce qu'ils ont des données certaines pour juger, d'après les règles de la science, le phénomène qui est sous leurs yeux. Ils disent qu'il est impossible de maintenir artificiellement de telles plaies dans le même état, de façon à ce qu'il n'y ait ni suppuration, ni inflammation, ni guérison. Ils disent aussi qu'on ne peut pas expliquer naturellement comment la malade, avec ces plaies incompréhensibles de leur nature et avec la cruelle douleur qui ne lui laisse aucun moment de relâche, ne tombe pas dans un dépérissement complet, comment elle ne pâlit même pas et comment son regard reste plein de vie, d'intelligence et d'amour.
" Depuis quelque temps, il dépend d'elle d'admettre ou de refuser les visites : elles lui sont très pénibles et sont déclinées le plus souvent, même quand il s'agit de gens qui viennent de loin. Ce n'est que sur les représentations de quelques ecclésiastiques ou du médecin, auxquels les étrangers s'adressent, qu'elle consent à faire des exceptions. Elle a assez à faire, dit-elle, de prier Dieu, afin qu'il lui conserve la patience dans ses souffrances continuelles ; c'est le tenter que de mettre cette patience à l'épreuve pour des personnes qui la plupart du temps viennent uniquement par curiosité." Ceux qui ne croient pas à Jésus-Christ, dit-elle encore, ne deviendront pas croyants à cause de mes stigmates." Cela ne doit pas étonner quand on pense combien il doit en coûter à une pauvre religieuse timide et délicate d'avoir à supporter l'invasion de curieux souvent peu discrets.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
Anne Catherine, qui a gardé les troupeaux pendant son enfance et qui s'est livrée à des travaux de toute espèce, parle d'une voix très douce ; elle s'exprime sur les choses de la religion dans un langage élevé qu'elle n'a pas pu apprendre au couvent, et elle le fait, non seulement avec convenance et discernement, mais avec un esprit éclairé de lumières supérieures. Son regard est plein d'intelligence ; son aimable affabilité, sa sagesse lumineuse et sa charité respirent dans tout ce qu'elle dit. Elle parle bas et sa voix est claire et limpide. Il n'y a rien d'exagéré dans ses manières ni dans ses paroles parce que l'amour n'est pas où l'on sent l'effort. Elle donne le spectacle de ce qu'il y a de plus sublime, l'amour de Dieu inspirant toutes les actions, les paroles et les sentiments, le support de tous, la charité envers le prochain quel qu'il soit.
" Combien nous sommes heureux de connaître Jésus-Christ, a-t-elle dit à Sophie ! Combien il était difficile aux païens, nos ancêtres, d'arriver à Dieu !" Bien loin de s'enorgueillir des signes extérieurs de la faveur divine, elle s'en sent tout à fait indigne et porte avec une humble sollicitude le trésor du ciel dans un vase de terre fragile."
Cette relation écrite sous forme épistolaire par l'illustre écrivain fut imprimée dans la suite avec des additions. Kellermann, le premier, en prit copie pour Michel Sailer, plus tard évêque de Ratisbonne, qui en donna connaissance à beaucoup de personnes. Elle tomba aussi entre les mains de Clément Brentano et ce fut là ce qui lui inspira d'abord le désir de connaître Anne Catherine.
Stolberg resta jusqu'à sa mort, par l'intermédiaire d'Overberg, en union spirituelle avec la pieuse fille qui était pour lui l'objet d'une profonde vénération. Elle, de son coté, ne perdit jamais le souvenir de Stolberg qui la suivit souvent dans la sphère de ses contemplations. Il fut dès lors du nombre de ces personnes pour lesquelles elle offrait à Dieu d'une manière toute spéciale ses prières et ses souffrances et en faveur desquelles elle luttait afin qu'elles pussent remplir leur mission et recevoir de Dieu la couronne qui leur était réservée. Car elle s'était prise d'une vive affection pour cette grande âme, si richement douée, dont la beauté se montrait clairement à ses yeux. Personne sans doute ne regardera comme un pur effet du hasard que, si peu de temps après la clôture de l'enquête, un des hommes les plus éminents de cette époque ait été conduit dans le pauvre petit réduit de Dulmen pour rendre hautement témoignage à l'œuvre de la grâce divine.
Peu après la visite de Stolberg, la princesse Galitzin vint aussi plusieurs fois avec Overberg.
" Combien nous sommes heureux de connaître Jésus-Christ, a-t-elle dit à Sophie ! Combien il était difficile aux païens, nos ancêtres, d'arriver à Dieu !" Bien loin de s'enorgueillir des signes extérieurs de la faveur divine, elle s'en sent tout à fait indigne et porte avec une humble sollicitude le trésor du ciel dans un vase de terre fragile."
Cette relation écrite sous forme épistolaire par l'illustre écrivain fut imprimée dans la suite avec des additions. Kellermann, le premier, en prit copie pour Michel Sailer, plus tard évêque de Ratisbonne, qui en donna connaissance à beaucoup de personnes. Elle tomba aussi entre les mains de Clément Brentano et ce fut là ce qui lui inspira d'abord le désir de connaître Anne Catherine.
Stolberg resta jusqu'à sa mort, par l'intermédiaire d'Overberg, en union spirituelle avec la pieuse fille qui était pour lui l'objet d'une profonde vénération. Elle, de son coté, ne perdit jamais le souvenir de Stolberg qui la suivit souvent dans la sphère de ses contemplations. Il fut dès lors du nombre de ces personnes pour lesquelles elle offrait à Dieu d'une manière toute spéciale ses prières et ses souffrances et en faveur desquelles elle luttait afin qu'elles pussent remplir leur mission et recevoir de Dieu la couronne qui leur était réservée. Car elle s'était prise d'une vive affection pour cette grande âme, si richement douée, dont la beauté se montrait clairement à ses yeux. Personne sans doute ne regardera comme un pur effet du hasard que, si peu de temps après la clôture de l'enquête, un des hommes les plus éminents de cette époque ait été conduit dans le pauvre petit réduit de Dulmen pour rendre hautement témoignage à l'œuvre de la grâce divine.
Peu après la visite de Stolberg, la princesse Galitzin vint aussi plusieurs fois avec Overberg.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
XXX
DERNIÈRE VISITE DU VICAIRE GÉNÉRAL DROSTE A DULMEN.
- IL ESSAIE D'EMMENER ANNE CATHERINE À DARFELD
1. - Le vicaire général voyait toujours avec plaisir que des personnes haut placées et des hommes distingués par leurs lumières et l'indépendance de leur esprit demandassent à visiter Anne Catherine et à se renseigner sur son état. Il avait coutume de la préparer d'avance à leur arrivée, en lui exprimant le désir qu'elle leur permît de voir ses stigmates : car il espérait augmenter par là le nombre de ceux qui rendraient témoignage à la vérité et réduire peu à peu au silence la voix de la calomnie.
DERNIÈRE VISITE DU VICAIRE GÉNÉRAL DROSTE A DULMEN.
- IL ESSAIE D'EMMENER ANNE CATHERINE À DARFELD
1. - Le vicaire général voyait toujours avec plaisir que des personnes haut placées et des hommes distingués par leurs lumières et l'indépendance de leur esprit demandassent à visiter Anne Catherine et à se renseigner sur son état. Il avait coutume de la préparer d'avance à leur arrivée, en lui exprimant le désir qu'elle leur permît de voir ses stigmates : car il espérait augmenter par là le nombre de ceux qui rendraient témoignage à la vérité et réduire peu à peu au silence la voix de la calomnie.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
2. Ce fut dans cette louable intention que, quelques mois après la fin de l'enquête ; il vint lui-même à Dulmen avec une nombreuse société de personnes appartenant à la noblesse, pour leur faire faire sur Anne Catherine des observations aussi circonstanciées que celles auxquelles lui-même s'était livré le 21 avril. On lit à ce sujet dans le journal de Wesener :
" Dans la soirée du, jeudi 26 août, je rencontrai chez la malade le vicaire général de Droste et le professeur de Druffel. La malade était très soucieuse et le professeur Druffel désira savoir de moi dons quel état elle avait été jusqu'alors. Il trouvait la physionomie, les plaies, les signes et la manière d'être d'Anne Catherine comme à l'ordinaire. Le vendredi soir, je trouvai la malade dans un si triste état, le pouls si bas et si petit, qu'elle-même, ainsi que nous, s'attendait à une mort prochaine. Sa sœur et le père Limberg me dirent que le vicaire général, accompagné d'une suite nombreuse, l'avait fatiguée aujourd'hui toute la journée. On lui avait découvert plusieurs fois la poitrine et lavé les plaies pour pouvoir mieux examiner les signes."
" Dans la soirée du, jeudi 26 août, je rencontrai chez la malade le vicaire général de Droste et le professeur de Druffel. La malade était très soucieuse et le professeur Druffel désira savoir de moi dons quel état elle avait été jusqu'alors. Il trouvait la physionomie, les plaies, les signes et la manière d'être d'Anne Catherine comme à l'ordinaire. Le vendredi soir, je trouvai la malade dans un si triste état, le pouls si bas et si petit, qu'elle-même, ainsi que nous, s'attendait à une mort prochaine. Sa sœur et le père Limberg me dirent que le vicaire général, accompagné d'une suite nombreuse, l'avait fatiguée aujourd'hui toute la journée. On lui avait découvert plusieurs fois la poitrine et lavé les plaies pour pouvoir mieux examiner les signes."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
3. Anne Catherine qui s'était soumise passivement à son supérieur ecclésiastique et avait supporté sans se plaindre une inspection excessivement pénible pour elle, était après cela tombée dans une faiblesse presque mortelle dont elle ne se remit que lentement. Wesener fut saisi d'une telle compassion pour la pauvre malade sans défense que, dans une lettre assez longue, il s'en plaignit vivement au vicaire général
Vous voulez, écrivit-il, examiner la chose à fond c'est même votre devoir. Soit ; mais on n'examine pas ainsi. La pauvre malade a été martyrisée jusqu'à en mourir ! Vous êtes venu avec une suite de huit ou dix personnes et vous êtes resté avec elles près de la malade de huit heures du matin à six heures du soir. Il est à regretter que j'aie été appelé auprès de malades demeurant hors de la ville, car j'aurais pu vous dire à l'avance tout ce qui en résulterait. La malade, n'aurait pas enduré ce supplice et je n'aurais pas eu la douleur de la trouver dans un état de faiblesse mortelle. Elle-même croyait, et elle en remerciait Dieu, que sa dernière heure était arrivée. Je ne m'expliquerai, pas comment vous avez pu imposer ce supplice à la malade, si je ne me souvenais d'avoir entendu le docteur Druffel affirmer que des traitements de ce genre ne peuvent être nuisibles pour elle. Mais moi, je vous affirme, sur mon honneur, que ce qui s'est passé hier aurait coûté la vie à la malade, sans un miracle du Dieu tout-puissant. Si vous devez continuer l'enquête, la patiente vous laissera faire tout ce que vous voudrez ; mais, au nom de Dieu, que cela ne se fasse pas avec tant de bruit, ni aux dépens de sa santé certainement très précaire."
Vous voulez, écrivit-il, examiner la chose à fond c'est même votre devoir. Soit ; mais on n'examine pas ainsi. La pauvre malade a été martyrisée jusqu'à en mourir ! Vous êtes venu avec une suite de huit ou dix personnes et vous êtes resté avec elles près de la malade de huit heures du matin à six heures du soir. Il est à regretter que j'aie été appelé auprès de malades demeurant hors de la ville, car j'aurais pu vous dire à l'avance tout ce qui en résulterait. La malade, n'aurait pas enduré ce supplice et je n'aurais pas eu la douleur de la trouver dans un état de faiblesse mortelle. Elle-même croyait, et elle en remerciait Dieu, que sa dernière heure était arrivée. Je ne m'expliquerai, pas comment vous avez pu imposer ce supplice à la malade, si je ne me souvenais d'avoir entendu le docteur Druffel affirmer que des traitements de ce genre ne peuvent être nuisibles pour elle. Mais moi, je vous affirme, sur mon honneur, que ce qui s'est passé hier aurait coûté la vie à la malade, sans un miracle du Dieu tout-puissant. Si vous devez continuer l'enquête, la patiente vous laissera faire tout ce que vous voudrez ; mais, au nom de Dieu, que cela ne se fasse pas avec tant de bruit, ni aux dépens de sa santé certainement très précaire."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
4. Anne Catherine ne se remit que difficilement et lentement et, quand elle put de nouveau prononcer quelques paroles, elle s'expliqua ainsi devant son entourage :
" Je suis convaincue dans ma conscience que je ne dois plus me prêter à de telles visites, ni montrer les signes extérieurs. Cet avertissement m'a été donné en esprit. J'étais agenouillée en esprit dans une belle chapelle devant une image de Marie tenant l'enfant Jésus dans ses bras et j'invoquais la Mère de Dieu. Mais celle-ci descendit, m'embrassa et me dit : " Mon enfant ! Prends garde à toi et ne va pas plus loin. Éloigne de toi les visites et conserve-toi dans l'humilité."
5. La manière d'agir du vicaire général parait moins rigoureuse si l'on considère de prés les motifs qui le dirigeaient. Depuis la clôture de l'enquête, il méditait le projet de dérober Anne Catherine aux regards du monde et de lui assurer la possibilité matérielle d'accomplir sa tâche de souffrances dans une retraite où rien ne la troublerait. Après y avoir longtemps réfléchi, il avait fini par se décider à préparer pour Anne Catherine, dans un des biens seigneuriaux de sa famille, un asile où l'on pourvoirait à tous ses besoins de la manière la plus généreuse. Avant de faire le dernier pas, quelques membres de son illustre famille et quelques amis devaient se convaincre par eux-mêmes de la sincérité d'Anne Catherine et de la réalité de son état extraordinaire. Telle était la cause pour laquelle il était venu chez la malade avec cette nombreuse compagnie et l'avait soumise à cette longue inspection qui, à ce qu'il pensait, devait être la dernière, et dont il comptait la dédommager par son offre charitable et par des bienfaits de toute espèce. Personne à Dulmen ne devait avoir connaissance de ce projet, excepté le doyen Rensing, qui devait assister Anne Catherine de ses conseils dans le cas où elle demanderait à réfléchir quelque temps avant d'accepter cette bienveillante invitation. Si elle donnait son assentiment, il était chargé de l'accompagner immédiatement au château de Darfeld dans la voiture du vicaire général.
" Je suis convaincue dans ma conscience que je ne dois plus me prêter à de telles visites, ni montrer les signes extérieurs. Cet avertissement m'a été donné en esprit. J'étais agenouillée en esprit dans une belle chapelle devant une image de Marie tenant l'enfant Jésus dans ses bras et j'invoquais la Mère de Dieu. Mais celle-ci descendit, m'embrassa et me dit : " Mon enfant ! Prends garde à toi et ne va pas plus loin. Éloigne de toi les visites et conserve-toi dans l'humilité."
5. La manière d'agir du vicaire général parait moins rigoureuse si l'on considère de prés les motifs qui le dirigeaient. Depuis la clôture de l'enquête, il méditait le projet de dérober Anne Catherine aux regards du monde et de lui assurer la possibilité matérielle d'accomplir sa tâche de souffrances dans une retraite où rien ne la troublerait. Après y avoir longtemps réfléchi, il avait fini par se décider à préparer pour Anne Catherine, dans un des biens seigneuriaux de sa famille, un asile où l'on pourvoirait à tous ses besoins de la manière la plus généreuse. Avant de faire le dernier pas, quelques membres de son illustre famille et quelques amis devaient se convaincre par eux-mêmes de la sincérité d'Anne Catherine et de la réalité de son état extraordinaire. Telle était la cause pour laquelle il était venu chez la malade avec cette nombreuse compagnie et l'avait soumise à cette longue inspection qui, à ce qu'il pensait, devait être la dernière, et dont il comptait la dédommager par son offre charitable et par des bienfaits de toute espèce. Personne à Dulmen ne devait avoir connaissance de ce projet, excepté le doyen Rensing, qui devait assister Anne Catherine de ses conseils dans le cas où elle demanderait à réfléchir quelque temps avant d'accepter cette bienveillante invitation. Si elle donnait son assentiment, il était chargé de l'accompagner immédiatement au château de Darfeld dans la voiture du vicaire général.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
6. Quand le vicaire général fit cette offre à Anne Catherine, il lui imposa le silence le plus absolu à ce sujet envers son confesseur ordinaire comme envers tout son entourage. Le père Limberg ne devait en être informé qu'au moment du départ par un écrit cacheté que laisserait le vicaire général et qui lui intimerait en même temps la défense absolue de se mêler de cette affaire en aucune façon. Cette proposition mit Anne Catherine dans un état qui menaçait d'épuiser ce qui lui restait de force. Les plus grands et les seuls biens terrestres auxquels elle aspirât et qui lui semblaient ravis pour toujours, la solitude et le repos, se présentaient à elle comme assurés ; de plus son acceptation lui paraissait un devoir de déférence et de gratitude envers la première autorité ecclésiastique.
En outre, le doyen Rensing lui représentait que l'asile retiré de Darfeld pourrait seul la protéger contre tout projet de faire plus tard une nouvelle enquête. Mais où Anne Catherine trouvait-elle l'assurance qu'en acceptant cette offre généreuse, elle ne se rendait pas infidèle à Dieu ; qu'en cherchant une vie plus tranquille et plus commode, elle ne poursuivait pas une chose incompatible avec sa tâche ? Qui pouvait tranquilliser sa conscience, quant aux saints voeux de religion auxquels elle contrevenait peut-être en ne donnant pas la préférence à la position et au genre de vie qui amenaient à leur suite le plus d'ennuis et de privations ? Où était la garantie pour son cœur brûlant de charité, que, dans ce noble séjour, elle trouverait les mêmes occasions pour les œuvres de Miséricorde que dans sa position actuelle, où sa porte était ouverte à toute heure pour quiconque avait besoin d'assistance ? D'un autre côté, si elle ne se rendait pas à l'invitation, cela n'attirerait-il pas sur elle le juste mécontentement du supérieur ecclésiastique ? Et ne se donnerait-elle pas l'apparence de l'ingratitude et du caprice ? Toutes ces pensées remplissaient Anne Catherine d'une grande tristesse et elle la ressentait d'autant plus douloureusement qu'elle était depuis longtemps accoutumée à ne rien faire sans l'ordre de ses supérieurs ou de son confesseur. Or non seulement il lui était rigoureusement défendu de rien communiquer au père Limberg, mais encore le vicaire général et le doyen Rensing s'abstenaient avec soin de lui dire une parole qui eût l'air d'un ordre ou d'une décision. L'acceptation de l'offre qui lui était faite devait être entièrement et uniquement l'œuvre de sa propre volonté et c'est pourquoi ils se gardaient de toute manifestation qu'Anne Catherine eût pu interpréter comme l'expression de la volonté de l'autorité ecclésiastique, agissant en cette qualité. Elle demanda du temps pour réfléchir, afin de consulter Dieu dans la prière, et au bout de quelques jours, elle mit le doyen en mesure d'écrire ainsi à Darfeld au vicaire général :
" La sœur Emmerich ne peut pas se résoudre au voyage de Darfeld. Elle se sent trop faible pour pouvoir l'entreprendre sans risquer sa vie. C'est pourquoi, n'étant pas tenue à ce voyage en vertu de l'ordre des supérieurs ecclésiastiques, elle craint de tenter Dieu en le faisant et de s'exposer à pécher par une confiance imprudente. De plus, elle est persuadée que son séjour à Darfeld près de la famille de messieurs de Droste, si considérée pour sa piété dans tout le pays de Munster, loin de faire cesser les accusations calomnieuses, en susciterait de nouvelles. Elle aurait donc le chagrin d'exposer cette noble famille à des désagréments, et à des ennuis, parce que M. B. . . et ceux qui pensent comme lui se tairaient difficilement sur cette démarche, mais au contraire demanderaient d'autant plus, instamment qu'elle fût traînée à Munster pour y être soumise à une nouvelle enquête."
La faiblesse physique de la malade était très grande, car pendant tout le temps qui s'écoula du 1er au 10 septembre, on s'attendit plusieurs fois à la voir expirer. Le 2 septembre, le père Limberg la crut déjà morte, et récita près d'elle les prières pour les morts : mais quand il l'aspergea d'eau bénite, un rayon de son amabilité accoutumée passa sur son pâle visage et peu à peu elle revint à elle.
En outre, le doyen Rensing lui représentait que l'asile retiré de Darfeld pourrait seul la protéger contre tout projet de faire plus tard une nouvelle enquête. Mais où Anne Catherine trouvait-elle l'assurance qu'en acceptant cette offre généreuse, elle ne se rendait pas infidèle à Dieu ; qu'en cherchant une vie plus tranquille et plus commode, elle ne poursuivait pas une chose incompatible avec sa tâche ? Qui pouvait tranquilliser sa conscience, quant aux saints voeux de religion auxquels elle contrevenait peut-être en ne donnant pas la préférence à la position et au genre de vie qui amenaient à leur suite le plus d'ennuis et de privations ? Où était la garantie pour son cœur brûlant de charité, que, dans ce noble séjour, elle trouverait les mêmes occasions pour les œuvres de Miséricorde que dans sa position actuelle, où sa porte était ouverte à toute heure pour quiconque avait besoin d'assistance ? D'un autre côté, si elle ne se rendait pas à l'invitation, cela n'attirerait-il pas sur elle le juste mécontentement du supérieur ecclésiastique ? Et ne se donnerait-elle pas l'apparence de l'ingratitude et du caprice ? Toutes ces pensées remplissaient Anne Catherine d'une grande tristesse et elle la ressentait d'autant plus douloureusement qu'elle était depuis longtemps accoutumée à ne rien faire sans l'ordre de ses supérieurs ou de son confesseur. Or non seulement il lui était rigoureusement défendu de rien communiquer au père Limberg, mais encore le vicaire général et le doyen Rensing s'abstenaient avec soin de lui dire une parole qui eût l'air d'un ordre ou d'une décision. L'acceptation de l'offre qui lui était faite devait être entièrement et uniquement l'œuvre de sa propre volonté et c'est pourquoi ils se gardaient de toute manifestation qu'Anne Catherine eût pu interpréter comme l'expression de la volonté de l'autorité ecclésiastique, agissant en cette qualité. Elle demanda du temps pour réfléchir, afin de consulter Dieu dans la prière, et au bout de quelques jours, elle mit le doyen en mesure d'écrire ainsi à Darfeld au vicaire général :
" La sœur Emmerich ne peut pas se résoudre au voyage de Darfeld. Elle se sent trop faible pour pouvoir l'entreprendre sans risquer sa vie. C'est pourquoi, n'étant pas tenue à ce voyage en vertu de l'ordre des supérieurs ecclésiastiques, elle craint de tenter Dieu en le faisant et de s'exposer à pécher par une confiance imprudente. De plus, elle est persuadée que son séjour à Darfeld près de la famille de messieurs de Droste, si considérée pour sa piété dans tout le pays de Munster, loin de faire cesser les accusations calomnieuses, en susciterait de nouvelles. Elle aurait donc le chagrin d'exposer cette noble famille à des désagréments, et à des ennuis, parce que M. B. . . et ceux qui pensent comme lui se tairaient difficilement sur cette démarche, mais au contraire demanderaient d'autant plus, instamment qu'elle fût traînée à Munster pour y être soumise à une nouvelle enquête."
La faiblesse physique de la malade était très grande, car pendant tout le temps qui s'écoula du 1er au 10 septembre, on s'attendit plusieurs fois à la voir expirer. Le 2 septembre, le père Limberg la crut déjà morte, et récita près d'elle les prières pour les morts : mais quand il l'aspergea d'eau bénite, un rayon de son amabilité accoutumée passa sur son pâle visage et peu à peu elle revint à elle.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
7. Le vicaire général ne put s'empêcher de reconnaître la valeur des raisons qui motivaient le refus d'Anne Catherine. Quoiqu'il vit avec peine avorter un plan au moyen duquel il avait espéré fermer la bouche à ceux qui mettaient son enquête en suspicion, et faire tomber les calomnies des incrédules et des ennemis de l'Église, il trouva pourtant dans la réponse négative d'Anne Catherine une nouvelle preuve de la pureté de ses intentions et de !a haute perfection de sa vertu : aussi sa sympathie affectueuse et sa haute estime pour elle n'en souffrirent-elles aucune diminution. Il conserva avec elle des relations constantes par l'intermédiaire de Rensing et surtout d'Overberg qui, jusqu'à la mort d'Anne Catherine, resta toujours en commerce spirituel avec elle et lui fit des visites aussi fréquentes que le lui permirent ses occupations et l'état de sa santé. Clément Auguste lui envoyait de temps en temps ses salutations et recommandait à ses prières lui-même et ses intentions.
Un an après l'enquête, le vicaire général ayant appris par Clara Soentgen qu'on regardait la mort de la sœur Emmerich comme imminente, écrivit en ces termes à Rensing :
" Je voudrais savoir si vous regardez la fin de la sœur Emmerich comme aussi prochaine que le croient d'autres personnes, et je vous prierais de m'envoyer un messager si vous regardiez comme très probable qu'elle approche de son dernier moment, ou si la mort survenait inopinément. Je serais bien aise d'avoir une notice sommaire sur ce qui s'est passé de remarquable depuis le mois d'août 1813. Veuillez saluer la sœur Emmerich de ma part."
8. Rensing répondit
" Je ne remarque pas encore en elle de signes inaccoutumés annonçant une mort prochaine : mais elle-même assure que son état intérieur semble indiquer que le terme n'est plus très éloigné. Si Dieu daignait lui faire une révélation touchant sa mort et si elle me disait à ce sujet quelque chose de précis, j'aurais l'honneur de vous en donner avis aussitôt. Son corps présente toujours les mêmes phénomènes qu'il y a un an. Le sang continue à couler les vendredis comme alors et, depuis le mois d'août de l'année précédente jusqu'à ce jour (15 mars 1814), il ne s'est rien passé extérieurement qui mérite d'être noté. Mais quant à l'état de son âme, elle a gagné à plusieurs égards, car elle s'est défaite de diverses imperfections auxquelles elle se laissait aller facilement autrefois et unit encore davantage sa volonté à celle de Dieu. Ce qu'elle me raconte des objets qui occupent son esprit dans l'extase est souvent si élevé que j'en suis dans l'admiration, et il y a en même temps une simplicité si naïve qu'on n'y peut soupçonner aucune arrière-pensée, aucun dessein préconçu. En supposant même qu'il n'y ait pas là d'intervention d'un ordre supérieur, c'est dans l'ensemble la plus belle manifestation d'une âme pure comme les anges, absorbée en Dieu et qui n'est occupée que de la gloire de Dieu et du salut des hommes."
Un an après l'enquête, le vicaire général ayant appris par Clara Soentgen qu'on regardait la mort de la sœur Emmerich comme imminente, écrivit en ces termes à Rensing :
" Je voudrais savoir si vous regardez la fin de la sœur Emmerich comme aussi prochaine que le croient d'autres personnes, et je vous prierais de m'envoyer un messager si vous regardiez comme très probable qu'elle approche de son dernier moment, ou si la mort survenait inopinément. Je serais bien aise d'avoir une notice sommaire sur ce qui s'est passé de remarquable depuis le mois d'août 1813. Veuillez saluer la sœur Emmerich de ma part."
8. Rensing répondit
" Je ne remarque pas encore en elle de signes inaccoutumés annonçant une mort prochaine : mais elle-même assure que son état intérieur semble indiquer que le terme n'est plus très éloigné. Si Dieu daignait lui faire une révélation touchant sa mort et si elle me disait à ce sujet quelque chose de précis, j'aurais l'honneur de vous en donner avis aussitôt. Son corps présente toujours les mêmes phénomènes qu'il y a un an. Le sang continue à couler les vendredis comme alors et, depuis le mois d'août de l'année précédente jusqu'à ce jour (15 mars 1814), il ne s'est rien passé extérieurement qui mérite d'être noté. Mais quant à l'état de son âme, elle a gagné à plusieurs égards, car elle s'est défaite de diverses imperfections auxquelles elle se laissait aller facilement autrefois et unit encore davantage sa volonté à celle de Dieu. Ce qu'elle me raconte des objets qui occupent son esprit dans l'extase est souvent si élevé que j'en suis dans l'admiration, et il y a en même temps une simplicité si naïve qu'on n'y peut soupçonner aucune arrière-pensée, aucun dessein préconçu. En supposant même qu'il n'y ait pas là d'intervention d'un ordre supérieur, c'est dans l'ensemble la plus belle manifestation d'une âme pure comme les anges, absorbée en Dieu et qui n'est occupée que de la gloire de Dieu et du salut des hommes."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
9. Deux mois plus tard Rensing envoyait un nouveau rapport : " la sœur Emmerich se trouve un peu mieux, disait-il. Peut-être va-t-elle se remettre pour quelques jours. Comme son existence est depuis longtemps déjà en désaccord complet avec les lois ordinaires de la nature, il ne faut pas augurer sa fin prochaine parce qu'on voit des symptômes qui sembleraient l'annoncer. Hier, étant dans état de faiblesse extrême, elle m'a dit qu'elle espérait qu'avant sa mort, Dieu lui donnerait encore assez de force pour me révéler, ainsi qu'à quelques autres personnes, des choses qu'elle ne veut pas garder pour elle seule. Comme sa faiblesse était excessive, elle parlait très bas et il me fallut beaucoup d'efforts pour comprendre ce qu'elle disait."
10. Ce rapport décida le vicaire général à rendre l'ordonnance suivante pour le cas où Anne Catherine viendrait à mourir :
Si la religieuse augustine Anne Catherine Emmerich venait à s'endormir dans le Seigneur, M. le doyen Rensing devra dès qu'il en aura été informé :
1. M'en prévenir par un exprès aussitôt que possible, en quelque lieu que je me trouve, et venir lui-même, s'il peut : sinon, prendre les dispositions suivantes :
2. Jusqu'à mon arrivée ou jusqu'à ce qu'il ait reçu de nouvelles instructions, il devra faire en sorte
(a) Qu'une ou plusieurs personnes du sexe, bien connues de lui, veillent nuit et jour près du corps (je pourvoirai aux dépenses qui seront nécessaires) ;
Qu'aucune autre personne ne reste près du corps et que l'autorisation de le voir ne soit donnée que le plus rarement possible : si de telle visites devaient devenait, trop fréquentes, M. le bourgmestre voudrait bien prêter la main pour l'empêcher ;
Que, jusqu'à mon arrivée ou jusqu'à l'envoi de nouvelles instructions, le corps reste absolument intact en sorte que personne ne puisse, l'examiner le moins du monde, soit dans l'ensemble, soit aux places marquées par les stigmates.
3. Monsieur le doyen prendra ses mesures pour que la mort lui soit annoncé aussitôt qu'elle aura eu lieu : il priera immédiatement M. le bourgmestre de se transporter avec lui près du corps de la sœur Emmerich, non en qualité d'autorité civile, mais officieusement. Il adressera la même invitation à MM. Limberg et Lambert et aux docteurs en médecine Wesener et Krauthausen ; puis, en présence de ces messieurs, on dressera un procès-verbal signé d'eux tous où soient consignés brièvement :
Le genre et l'heure de la mort ainsi que les circonstances notables, s'il s'en est présenté ;
(b) L'état du corps et des diverses marques existant aux mains et aux pieds comme au côté, à la tête, et aussi à la poitrine.
N. B. Il ne doit y avoir aucun intervalle entre l'invitation et la réunion auprès du corps ; ces messieurs ne doivent pas y aller ensemble, afin d'éviter l'éclat autant que possible, et il ne doit y avoir là que les personnes nommées plus haut.
4. Ensuite M. le doyen devra prier MM. Limberg et Lambert et les deux médecins de ne pas s'éloigner de Dulmen, s'il est possible, jusqu'à ce que je sois arrivé et que je me sois entendu avec eux.
5. Je règlerai le reste en son temps.
CLÉMENT AUGUSTE DE DROSTE VISCHERING. Munster, le 26 mai 1814.
10. Ce rapport décida le vicaire général à rendre l'ordonnance suivante pour le cas où Anne Catherine viendrait à mourir :
Si la religieuse augustine Anne Catherine Emmerich venait à s'endormir dans le Seigneur, M. le doyen Rensing devra dès qu'il en aura été informé :
1. M'en prévenir par un exprès aussitôt que possible, en quelque lieu que je me trouve, et venir lui-même, s'il peut : sinon, prendre les dispositions suivantes :
2. Jusqu'à mon arrivée ou jusqu'à ce qu'il ait reçu de nouvelles instructions, il devra faire en sorte
(a) Qu'une ou plusieurs personnes du sexe, bien connues de lui, veillent nuit et jour près du corps (je pourvoirai aux dépenses qui seront nécessaires) ;
Qu'aucune autre personne ne reste près du corps et que l'autorisation de le voir ne soit donnée que le plus rarement possible : si de telle visites devaient devenait, trop fréquentes, M. le bourgmestre voudrait bien prêter la main pour l'empêcher ;
Que, jusqu'à mon arrivée ou jusqu'à l'envoi de nouvelles instructions, le corps reste absolument intact en sorte que personne ne puisse, l'examiner le moins du monde, soit dans l'ensemble, soit aux places marquées par les stigmates.
3. Monsieur le doyen prendra ses mesures pour que la mort lui soit annoncé aussitôt qu'elle aura eu lieu : il priera immédiatement M. le bourgmestre de se transporter avec lui près du corps de la sœur Emmerich, non en qualité d'autorité civile, mais officieusement. Il adressera la même invitation à MM. Limberg et Lambert et aux docteurs en médecine Wesener et Krauthausen ; puis, en présence de ces messieurs, on dressera un procès-verbal signé d'eux tous où soient consignés brièvement :
Le genre et l'heure de la mort ainsi que les circonstances notables, s'il s'en est présenté ;
(b) L'état du corps et des diverses marques existant aux mains et aux pieds comme au côté, à la tête, et aussi à la poitrine.
N. B. Il ne doit y avoir aucun intervalle entre l'invitation et la réunion auprès du corps ; ces messieurs ne doivent pas y aller ensemble, afin d'éviter l'éclat autant que possible, et il ne doit y avoir là que les personnes nommées plus haut.
4. Ensuite M. le doyen devra prier MM. Limberg et Lambert et les deux médecins de ne pas s'éloigner de Dulmen, s'il est possible, jusqu'à ce que je sois arrivé et que je me sois entendu avec eux.
5. Je règlerai le reste en son temps.
CLÉMENT AUGUSTE DE DROSTE VISCHERING. Munster, le 26 mai 1814.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
XXXI
SITUATION EXTERIEURE ET MANIERE DE VIVRE D'ANNE CATHERINE APRÈS L'ENQUETE.
- SON ENTOURAGE : L'ABBÉ LAMBERT, LE PÈRE LIMBERG ET SA SŒUR GERTRUDE.
1. Pour apprécier plus complètement les dernières années de la vie d'Anne Catherine, il faut, avant tout, se bien rendre compte de ses relations avec le dehors telles qu'elles s'établirent après la clôture de l'enquête ecclésiastique. Sans cette connaissance, nous ne pourrions pas comprendre une vie dans laquelle les incidents qui semblent le plus insignifiants sont évidemment disposés par Dieu même pour des fins d'une haute importance. De même que dans la conduite de l'Église tout entière par la divine Providence, il n'y a rien de fortuit, quoique beaucoup d'événements paraissent petits et sans importance à l'oeil débile de l'homme parce qu'il n'est pas en état de voir l'effet dans la cause et réciproquement ; de même la signification des diverses circonstances de la vie d'Anne Catherine et de toutes les personnes gratifiées de privilèges semblables se trouve dans leur rapport avec la tâche assignée par Dieu à ces personnes. Les plus petites choses y sont donc d'une importance réelle, quoique notre regard qui se laisse prendre à l'apparence extérieure n'y voie rien que d'insignifiant. C'était parmi les incidents vulgaires de la vie de tous les jours qu'Anne Catherine devait atteindre à la sainteté et s'acquitter de sa tâche. Elle était appelée à travailler pour l'Église ou pour les chrétiens de son temps plongés dans la détresse et les tribulations, c'est pourquoi sa vie extérieure devait être ordonnée de la manière qui était, devant Dieu, la plus appropriée à l'accomplissement de cette mission. Sa position ne fut donc jamais pour elle une affaire de libre choix, mais un acte de soumission fidèle à la direction divine et par là même une source intarissable de vertus et de mérites. Les personnes avec lesquelles elle se trouvait en contact direct ou qui exerçaient une influence sur sa vie n'avaient pas été choisies par elle, mais avaient été amenées près d'elle par des causes étrangères à toute prévision et à tout calcul humain.
Ce qui doit attirer d'abord notre attention, c'est l'effet produit sur toute l'économie de sa vie par ses stigmates dont l'enquête ecclésiastique avait établi le caractère surnaturel et divin. Tant qu'elle avait vécu dans le cloître, elle avait eu le bonheur de cacher les effusions de sang produites par la couronne d'épines à la curiosité soupçonneuse de ses compagnes, parce qu'il n'était pas dans les vues de Dieu de rendre dès lors le monde témoin de ses voies mystérieuses. C'est pourquoi, dans les années précédentes, il avait mis sur elle les douleurs, mais non les signes extérieurs et visibles des plaies du Sauveur, et il fallait toute son humilité pour les endurer comme d'autres souffrances corporelles, sans y soupçonner des rapports avec quelque chose de plus élevé, bien que ces douleurs fussent si terribles et si continues que personne n'eut pu les supporter un instant sans une assistance extraordinaire et directe de la toute puissance divine. Mais, grâce à cette assistance, son corps avait si bien pris la nature de la vigne que, comme le cep autour de l'échalas, il commença à s'adapter de lui-même à la forme de la croix. Était-elle assise ou couchée dans son lit, ses pieds se croisaient involontairement l'un sur l'autre aussi fortement que les pieds d'un crucifix. C'est pourquoi, à une époque postérieure, lorsqu'elle était rappelée subitement par son confesseur de l'état d'extase à l'état de veille naturel, elle s'écriait naïvement et d'une voix suppliante :
" Ah ! Je ne puis pas ! Je ne puis pas ! Déliez-moi ! Je suis clouée, " parce qu'elle ne pouvait pas reprendre aussi vite qu'elle l'eut voulu pour obéir à l'appel, la position d'une personne qui se relève. Elle avait aussi senti les paumes de ses deux mains percées de part en part pendant que les deux doigts du milieu, comme paralysés et morts, se montraient au-dessus des autres dans une position qui ne leur était pas naturelle, si bien qu'il lui avait fallu avec des douleurs incroyables rapprendre à se servir de ses mains. Mais à peine est-elle sortie de l'obscurité de sa cellule et jetée dans un monde si étranger pour elle que les signes extérieurs se manifestent. La pauvre religieuse malade n'avait-elle pas dit espérer, à juste titre, que son expulsion du couvent et sa rentrée dans ce monde auquel elle avait eu tant de peine à se soustraire, seraient enfin le point culminant de sa voie de souffrance ? Qui pouvait désormais se soucier d'elle, la troubler au sein de sa misère et de son abandon, elle dont le seul désir était de souffrir pour les autres dans le silence et l'obscurité ? N'était-ce pas un assez lourd fardeau à supporter pour elle que d'être obligée de renoncer à son habitation dans la maison de Dieu, d'être privée de l'unique consolation que la terre pût encore lui donner ? Et pourtant elle n'est qu'au début d'une vie dont l'austérité et la sublimité laisseront bien loin derrière elles tout ce qu'elle a enduré jusque là.
SITUATION EXTERIEURE ET MANIERE DE VIVRE D'ANNE CATHERINE APRÈS L'ENQUETE.
- SON ENTOURAGE : L'ABBÉ LAMBERT, LE PÈRE LIMBERG ET SA SŒUR GERTRUDE.
1. Pour apprécier plus complètement les dernières années de la vie d'Anne Catherine, il faut, avant tout, se bien rendre compte de ses relations avec le dehors telles qu'elles s'établirent après la clôture de l'enquête ecclésiastique. Sans cette connaissance, nous ne pourrions pas comprendre une vie dans laquelle les incidents qui semblent le plus insignifiants sont évidemment disposés par Dieu même pour des fins d'une haute importance. De même que dans la conduite de l'Église tout entière par la divine Providence, il n'y a rien de fortuit, quoique beaucoup d'événements paraissent petits et sans importance à l'oeil débile de l'homme parce qu'il n'est pas en état de voir l'effet dans la cause et réciproquement ; de même la signification des diverses circonstances de la vie d'Anne Catherine et de toutes les personnes gratifiées de privilèges semblables se trouve dans leur rapport avec la tâche assignée par Dieu à ces personnes. Les plus petites choses y sont donc d'une importance réelle, quoique notre regard qui se laisse prendre à l'apparence extérieure n'y voie rien que d'insignifiant. C'était parmi les incidents vulgaires de la vie de tous les jours qu'Anne Catherine devait atteindre à la sainteté et s'acquitter de sa tâche. Elle était appelée à travailler pour l'Église ou pour les chrétiens de son temps plongés dans la détresse et les tribulations, c'est pourquoi sa vie extérieure devait être ordonnée de la manière qui était, devant Dieu, la plus appropriée à l'accomplissement de cette mission. Sa position ne fut donc jamais pour elle une affaire de libre choix, mais un acte de soumission fidèle à la direction divine et par là même une source intarissable de vertus et de mérites. Les personnes avec lesquelles elle se trouvait en contact direct ou qui exerçaient une influence sur sa vie n'avaient pas été choisies par elle, mais avaient été amenées près d'elle par des causes étrangères à toute prévision et à tout calcul humain.
Ce qui doit attirer d'abord notre attention, c'est l'effet produit sur toute l'économie de sa vie par ses stigmates dont l'enquête ecclésiastique avait établi le caractère surnaturel et divin. Tant qu'elle avait vécu dans le cloître, elle avait eu le bonheur de cacher les effusions de sang produites par la couronne d'épines à la curiosité soupçonneuse de ses compagnes, parce qu'il n'était pas dans les vues de Dieu de rendre dès lors le monde témoin de ses voies mystérieuses. C'est pourquoi, dans les années précédentes, il avait mis sur elle les douleurs, mais non les signes extérieurs et visibles des plaies du Sauveur, et il fallait toute son humilité pour les endurer comme d'autres souffrances corporelles, sans y soupçonner des rapports avec quelque chose de plus élevé, bien que ces douleurs fussent si terribles et si continues que personne n'eut pu les supporter un instant sans une assistance extraordinaire et directe de la toute puissance divine. Mais, grâce à cette assistance, son corps avait si bien pris la nature de la vigne que, comme le cep autour de l'échalas, il commença à s'adapter de lui-même à la forme de la croix. Était-elle assise ou couchée dans son lit, ses pieds se croisaient involontairement l'un sur l'autre aussi fortement que les pieds d'un crucifix. C'est pourquoi, à une époque postérieure, lorsqu'elle était rappelée subitement par son confesseur de l'état d'extase à l'état de veille naturel, elle s'écriait naïvement et d'une voix suppliante :
" Ah ! Je ne puis pas ! Je ne puis pas ! Déliez-moi ! Je suis clouée, " parce qu'elle ne pouvait pas reprendre aussi vite qu'elle l'eut voulu pour obéir à l'appel, la position d'une personne qui se relève. Elle avait aussi senti les paumes de ses deux mains percées de part en part pendant que les deux doigts du milieu, comme paralysés et morts, se montraient au-dessus des autres dans une position qui ne leur était pas naturelle, si bien qu'il lui avait fallu avec des douleurs incroyables rapprendre à se servir de ses mains. Mais à peine est-elle sortie de l'obscurité de sa cellule et jetée dans un monde si étranger pour elle que les signes extérieurs se manifestent. La pauvre religieuse malade n'avait-elle pas dit espérer, à juste titre, que son expulsion du couvent et sa rentrée dans ce monde auquel elle avait eu tant de peine à se soustraire, seraient enfin le point culminant de sa voie de souffrance ? Qui pouvait désormais se soucier d'elle, la troubler au sein de sa misère et de son abandon, elle dont le seul désir était de souffrir pour les autres dans le silence et l'obscurité ? N'était-ce pas un assez lourd fardeau à supporter pour elle que d'être obligée de renoncer à son habitation dans la maison de Dieu, d'être privée de l'unique consolation que la terre pût encore lui donner ? Et pourtant elle n'est qu'au début d'une vie dont l'austérité et la sublimité laisseront bien loin derrière elles tout ce qu'elle a enduré jusque là.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
2. Le seul désir terrestre qui eût persisté dans son cœur depuis son expulsion du couvent était de pouvoir rendre les offices d'une fidèle servante, tant qu'il vivrait, au vénérable prêtre qui avait été son plus grand bienfaiteur et l'unique appui humain qu'elle eût jamais rencontré, et qui était resté avec elle à Agnetenberg jusqu'à ce que l'un et l'autre eussent pu trouver un misérable logement dans la maison de la veuve Roters. Elle honorait dans ce vieillard infirme non seulement l'ami et le protecteur sacerdotal, mais encore plus le pieux confesseur de la foi que sa fidélité à l'Église avait condamné à la pauvreté et à l'exil. Lorsqu'étant devenue l'objet de l'animadversion générale, elle avait à recevoir tous les jours de nouvelles blessures dans ce couvent qu'elle aimait d'ailleurs si tendrement, l'abbé Lambert avait été la seule personne près de laquelle elle pût trouver un refuge, à laquelle elle put révéler ses souffrances. Quand il venait de grand matin à la sacristie pour sa préparation à la sainte messe, elle lui communiquait les avertissements reçus en vision pendant la nuit sur les souffrances qui l'attendaient durant la journée ; elle s'était recommandée à ses prières et avait reçu de lui des paroles d'encouragement et de consolation pour lesquelles elle conservait une reconnaissance infinie. C'était, après tout, ce qu'elle avait jamais reçu de plus précieux de la part d'une créature humaine ; bien plus, une consolation que son ange lui-même ne pouvait lui donner : car elle avait un cœur qui battait et sentait à la manière humaine, pour lequel, comme pour celui du reste des mortels, des paroles parties d'un autre cœur qui la comprenait et partageait ses sentiments étaient un soulagement et un besoin. Elle n'était pas un pur esprit ; elle portait le poids des souffrances qui faisaient de sa vie un martyre continuel dans un cœur singulièrement énergique, mais tendre et sensible comme celui d'un enfant. La pauvre nonne avait reçu jusqu'à des aumônes du pauvre prêtre ; car il n'ignorait pas qu'elle remettait ordinairement à la supérieure l'argent gagné par son travail manuel sans que pour cela il fût pourvu à ses besoins si peu nombreux. Tant qu'elle fut encore en état de prendre quelque nourriture, cet homme charitable lui portait de temps en temps un peu de pain meilleur que celui qu'elle pouvait trouver au couvent. Elle avait la permission de l'accepter et se trouvait heureuse de ce que la main de ce même prêtre, auquel elle était redevable de la réception plus fréquente de la sainte eucharistie, lui dispensait aussi le pain ordinaire pour l'entretien de sa vie terrestre.
Or l'espoir qu'elle avait eu de reconnaître ces bienfaits par des soins fidèles et assidus ne s'était pas réalisé ; car elle s'était bientôt trouvée hors d'état de se tenir sur ses jambes et elle était si souvent ravie en extase sans pouvoir s'en empêcher qu'il lui fallait avoir recours à l'assistance d'autrui pour ses arrangements domestiques. L'abbé Lambert l'avait souvent trouvée agenouillée dans sa chambre, raide et immobile comme une statue et en apparence sans vie. Cet état lui était connu dès le temps du couvent, mais il n'osait pas l'en retirer par un commandement sacerdotal, et ainsi les extases étaient devenues tous les jours plus longues et plus fréquentes. Son unique souci était qu'elles n'arrivassent pas à la connaissance du public, et pour maintenir Anne Catherine dans l'humilité et ne pas attirer son attention sur une chose extraordinaire qui ne se présente que dans la vie des saints, il n'en avait jamais parlé avec elle et se refusait à toute communication de sa part sur ce sujet, lui disant : " Ma soeur ! Ce n'est rien ! Ce n'est rien ! Ce ne sont que des rêves." Son plus vif désir était de la maintenir dans une heureuse ignorance sur ce que signifiait cet état et de le cacher au monde entier : car avec les infirmités corporelles dont il était atteint, il aspirait au repos et souhaitait que ses derniers jours sur la terre étrangère ne fussent pas troublés par de nouveaux ennuis. Quoiqu'il eût été atterré à la première vue des stigmates saignants, il s'était consolé par la ferme confiance qu'ils disparaîtraient peut-être du matin au soir ou qu'au moins ils resteraient cachés. Mais combien promptement, combien tristement le pauvre vieillard fut désabusé ! Et quelle douleur pour Anne Catherine d'avoir à soutenir le courage de son vieil ami, tandis qu'elle-même avait tant à lutter pour rester maîtresse d'elle-même et ne pas se laisser complètement abattre.
Or l'espoir qu'elle avait eu de reconnaître ces bienfaits par des soins fidèles et assidus ne s'était pas réalisé ; car elle s'était bientôt trouvée hors d'état de se tenir sur ses jambes et elle était si souvent ravie en extase sans pouvoir s'en empêcher qu'il lui fallait avoir recours à l'assistance d'autrui pour ses arrangements domestiques. L'abbé Lambert l'avait souvent trouvée agenouillée dans sa chambre, raide et immobile comme une statue et en apparence sans vie. Cet état lui était connu dès le temps du couvent, mais il n'osait pas l'en retirer par un commandement sacerdotal, et ainsi les extases étaient devenues tous les jours plus longues et plus fréquentes. Son unique souci était qu'elles n'arrivassent pas à la connaissance du public, et pour maintenir Anne Catherine dans l'humilité et ne pas attirer son attention sur une chose extraordinaire qui ne se présente que dans la vie des saints, il n'en avait jamais parlé avec elle et se refusait à toute communication de sa part sur ce sujet, lui disant : " Ma soeur ! Ce n'est rien ! Ce n'est rien ! Ce ne sont que des rêves." Son plus vif désir était de la maintenir dans une heureuse ignorance sur ce que signifiait cet état et de le cacher au monde entier : car avec les infirmités corporelles dont il était atteint, il aspirait au repos et souhaitait que ses derniers jours sur la terre étrangère ne fussent pas troublés par de nouveaux ennuis. Quoiqu'il eût été atterré à la première vue des stigmates saignants, il s'était consolé par la ferme confiance qu'ils disparaîtraient peut-être du matin au soir ou qu'au moins ils resteraient cachés. Mais combien promptement, combien tristement le pauvre vieillard fut désabusé ! Et quelle douleur pour Anne Catherine d'avoir à soutenir le courage de son vieil ami, tandis qu'elle-même avait tant à lutter pour rester maîtresse d'elle-même et ne pas se laisser complètement abattre.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
3. Aucun des événements de sa vie n'avait été plus mal accueilli et ne s'était imposé plus violemment à elle que l'apparition des signes merveilleux par lesquels Dieu voulait montrer, en face d'une époque sans foi, avec quelle jalousie poussée à l'extrême il se réservait ses droits sur Anne Catherine comme sur son oeuvre et sa propriété. De même que le corps de Lidwine détruit par les vers et la pourriture lui avait servi, plus de trente ans, comme instrument destiné à expier vis-à-vis de lui les attentats des contemporains contre l'Église et à montrer, par là, à ceux-ci combien ils étaient coupables, de même maintenant la vierge de Dulmen doit porter sur elle avec leurs douleurs les blessures par lesquelles le Sauveur a voulu verser le sang dont il nous a rachetés. Lidwine aussi en avait reçu l'empreinte ; mais l'impression terrifiante que faisaient ses autres souffrances expiatoires sur ceux qui en étaient les témoins effaçait jusqu'à un certain point celle des stigmates. Chez Anne Catherine, ce sont eux qui font qu'elle est arrachée à l'obscurité pour être livrée aux regards du public : car son époque, si pleine de mollesse, si facile au dégoût, n'aurait pu supporter le spectacle d'un martyre semblable à celui de Lidwine.
Les plaies agirent de l'extérieur à l'intérieur et elles eurent pour effet que toute la circulation naturelle du sang parut changée. Chaque plaie devint comme le centre d'une sphère à part dans laquelle les courants, semblables à des rayons, allaient vers ce centre et en revenaient.
Même les pulsations semblaient changées de place ou doublées, car elles étaient aussi sensibles au bout des doigts qu'aux poignets. Les mains étaient percées de part en part en allant des surfaces intérieures aux supérieures, pendant qu'aux pieds les blessures, partant des coups de pieds, traversaient la plante. La plaie du coté allait en montant comme si elle eût été faite par un coup porté de bas en haut. Ces directions des plaies étaient pour Anne Catherine une cause de douleurs indicibles, lorsqu'elles s'ouvraient assez largement pour que l'air passât au travers, et le cas n'était pas rare. Après avoir persisté pendant des années, elles étaient encore aussi nettes, aussi fraîches et aussi cuisantes que le premier jour, en sorte que le plus léger souffle d'air agissait sur elles comme une flamme ou comme un fer acéré et que la patiente était obligée d'envelopper ses mains de bandages moelleux pour se procurer un peu de soulagement en les garantissant du contact de l'air. Mais jamais on n'y pouvait découvrir l'ombre de suppuration, tandis que la plus petite lésion naturelle avait immédiatement ce résultat pour la malade.
Wesener rapporte ce qui suit, à la date du vendredi 8 septembre 1815 :
" J'ai trouvé la malade très affaiblie, mais pourtant de bonne humeur. Les stigmates des mains et des pieds saignaient : sur le dos des mains, les bords des plaies, lesquelles étaient de forme circulaire et avaient la largeur d'une pièce de deux gros, étaient un peu relevés, mais sans inflammation. Une chose qui me sembla bien remarquable, quoique peut-être ayant peu d'importance aux yeux de ceux qui ne sont pas du métier, ce fut une petite écorchure de la peau à l'articulation inférieure de l'index de la main droite. Cette écorchure s'était enflammée et un liquide purulent s'était déjà amassé sous l'épiderme en trois endroits.
Je demandai à la malade si elle s'était égratignée avec une aiguille, sur quoi elle me raconta qu'hier, en essuyant son verre à boire, elle en avait brisé le bord et s'était fait ainsi cette écorchure au doigt. Elle m'assura aussi qu'elle avait toujours eu la peau facilement inflammable et portée à la suppuration. Que ceux qui ont des connaissances médicales rapprochent ce fait de l'état où se maintiennent les stigmates.
Wesener trouvait là avec raison une preuve très claire du caractère surnaturel des plaies. Il y en avait une autre dans cette règle sans exception que les effusions de sang étaient liées des jours déterminés et à des fêtes de l'année ecclésiastique, puisqu'elles se produisaient non seulement les vendredis, par conséquent à des intervalles fixes et revenant périodiquement, mais aussi les jours des fêtes de la Passion qui changent chaque année ; et cela était si indépendant de la disposition personnelle de la patiente que souvent elle n'avait connaissance de l'approche ou du commencement d'une de ces fêtes de l'Église que par un redoublement de douleur dans ses plaies. Ainsi le jour du marché annuel de Dulmen étant tombé un vendredi, cela fut cause qu'Anne Catherine fut importunée ce jour-là par des visites sans fin ; elle en fut très fatiguée et, voyant un grand nombre de paysans vêtus de leurs habits du dimanche, elle crut que c'était un jour de fête. Vers trois heures de l'après midi, elle pâlit tout à coup et le sang coula en quatre endroits de dessous son bonnet sur son visage, ce qui lui parut à elle-même tout à fait inexplicable jusqu'à ce qu'on lui eût fait remarquer que ce n'était pas un dimanche, mais un vendredi.
Les plaies agirent de l'extérieur à l'intérieur et elles eurent pour effet que toute la circulation naturelle du sang parut changée. Chaque plaie devint comme le centre d'une sphère à part dans laquelle les courants, semblables à des rayons, allaient vers ce centre et en revenaient.
Même les pulsations semblaient changées de place ou doublées, car elles étaient aussi sensibles au bout des doigts qu'aux poignets. Les mains étaient percées de part en part en allant des surfaces intérieures aux supérieures, pendant qu'aux pieds les blessures, partant des coups de pieds, traversaient la plante. La plaie du coté allait en montant comme si elle eût été faite par un coup porté de bas en haut. Ces directions des plaies étaient pour Anne Catherine une cause de douleurs indicibles, lorsqu'elles s'ouvraient assez largement pour que l'air passât au travers, et le cas n'était pas rare. Après avoir persisté pendant des années, elles étaient encore aussi nettes, aussi fraîches et aussi cuisantes que le premier jour, en sorte que le plus léger souffle d'air agissait sur elles comme une flamme ou comme un fer acéré et que la patiente était obligée d'envelopper ses mains de bandages moelleux pour se procurer un peu de soulagement en les garantissant du contact de l'air. Mais jamais on n'y pouvait découvrir l'ombre de suppuration, tandis que la plus petite lésion naturelle avait immédiatement ce résultat pour la malade.
Wesener rapporte ce qui suit, à la date du vendredi 8 septembre 1815 :
" J'ai trouvé la malade très affaiblie, mais pourtant de bonne humeur. Les stigmates des mains et des pieds saignaient : sur le dos des mains, les bords des plaies, lesquelles étaient de forme circulaire et avaient la largeur d'une pièce de deux gros, étaient un peu relevés, mais sans inflammation. Une chose qui me sembla bien remarquable, quoique peut-être ayant peu d'importance aux yeux de ceux qui ne sont pas du métier, ce fut une petite écorchure de la peau à l'articulation inférieure de l'index de la main droite. Cette écorchure s'était enflammée et un liquide purulent s'était déjà amassé sous l'épiderme en trois endroits.
Je demandai à la malade si elle s'était égratignée avec une aiguille, sur quoi elle me raconta qu'hier, en essuyant son verre à boire, elle en avait brisé le bord et s'était fait ainsi cette écorchure au doigt. Elle m'assura aussi qu'elle avait toujours eu la peau facilement inflammable et portée à la suppuration. Que ceux qui ont des connaissances médicales rapprochent ce fait de l'état où se maintiennent les stigmates.
Wesener trouvait là avec raison une preuve très claire du caractère surnaturel des plaies. Il y en avait une autre dans cette règle sans exception que les effusions de sang étaient liées des jours déterminés et à des fêtes de l'année ecclésiastique, puisqu'elles se produisaient non seulement les vendredis, par conséquent à des intervalles fixes et revenant périodiquement, mais aussi les jours des fêtes de la Passion qui changent chaque année ; et cela était si indépendant de la disposition personnelle de la patiente que souvent elle n'avait connaissance de l'approche ou du commencement d'une de ces fêtes de l'Église que par un redoublement de douleur dans ses plaies. Ainsi le jour du marché annuel de Dulmen étant tombé un vendredi, cela fut cause qu'Anne Catherine fut importunée ce jour-là par des visites sans fin ; elle en fut très fatiguée et, voyant un grand nombre de paysans vêtus de leurs habits du dimanche, elle crut que c'était un jour de fête. Vers trois heures de l'après midi, elle pâlit tout à coup et le sang coula en quatre endroits de dessous son bonnet sur son visage, ce qui lui parut à elle-même tout à fait inexplicable jusqu'à ce qu'on lui eût fait remarquer que ce n'était pas un dimanche, mais un vendredi.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
4. Le sang coulait toujours de la tête et des mains dans la direction de celui qui avait coulé des saintes plaies du fils de Dieu attaché à la croix pour nous. Ainsi, de la paume des mains, il revenait vers l'intérieur de l'avant-bras, du dos des pieds vers les orteils, du front et des tempes en avant et en arrière, et ensuite sur le visage et l'os du nez, même quand il lui était impossible de relever la tète. Nous avons vu combien le professeur de chimie de Munster s'était récrié sur ce sang qui coulait contrairement aux lois de l'équilibre et en avait conclu qu'il n'y avait là que de la peinture. Clément Brentano qui, des années après, put observer à diverses reprises l'effusion de sang produite par la couronne d'épines a rendu à ce sujet le témoignage suivant :
" L'écoulement du sang, comme on peut le penser, n'était visible qu'à la partie supérieure de son front très élevé, là où il était dégarni de cheveux. On voyait là le sang sortir de plusieurs points comme des gouttes de sueur, sans qu'on pût apercevoir de plaies ou d'autres lésions, mais, quand le sang s'était desséché aux endroits où avait eu lieu cette espèce de transpiration et les avait colorés, l'observateur distinguait de petits points rouges comme des piqûres d'aiguille auxquels Wesener et Druffel donnaient un nom particulier. La quantité de sang qui coulait de sa tête était tantôt plus forte, tantôt plus faible, et il en était de même pour les autres effusions de sang ; il semblait aussi quelquefois que certaines plaies saignassent plus abondamment alors que cela arrivait pour d'autres dans une plus faible proportion."
Ce dernier détail est confirmé par Wesener dans son rapport à la date du vendredi 3 juin 1814 :
" L'effusion de sang avait commencé aujourd'hui à midi et elle a duré jusque vers quatre heures. Il avait coulé du front et des tempes en telle quantité que cela avait produit chez la malade une pâleur effrayante et une grande prostration. Les personnes de son entourage en furent si inquiètes qu'elles cherchèrent à arrêter le sang avec des compresses de vinaigre."
Et le vendredi, 29 septembre 1815 :
" La malade a reçu cette après-midi la visite de la princesse Galitzin, venue de Munster, laquelle s'est entretenue assez longtemps avec elle. L'abbé Lambert et Clara Soentgen se trouvaient aussi dans la chambre. Quand la princesse se fut retirée, la malade poussa un soupir arraché par la souffrance, et aussitôt Clara Soentgen, s'étant approchée pour l'assister, vit un sang clair et limpide jaillir de trois petites ouvertures sur l'os du front en sorte qu'elle fut obligée de le recueillir dans un linge plié. Les autres plaies commencèrent aussi à saigner, mais non aussi abondamment que la tête et le front. Il y a une circonstance que je ne dois pas omettre : c'est l'exclamation de M. Lambert. Quand il vit la malade saigner si fort, il se mit à pleurer et dit à Clara Soentgen : Ma soeur ! Vous voyez lien que ce n'est pas moi qui fais cela !"
Le vendredi, 9 février 1821, à neuf heures du matin, pendant l'enterrement de l'abbé Lambert, Clément Brentano remarqua également une abondante effusion de sang et l'ayant notée dans son journal, il ajouta la description suivante :
" Anne Catherine a le front très élevé et une chevelure abondante d'un brun foncé. Ses tempes sont très découvertes. Ses cheveux, quoiqu'en réalité fins et délicats, paraissent épais parce qu'on les coupe souvent très court et qu'ils sont constamment pressés par une coiffe très juste. Des maux de tête continuels les ont rendus d'une sensibilité incroyable au point qu'on ne peut les peigner sans qu'il en résulte une très vive douleur. Aussi ce n'est qu'en cas de nécessité absolue qu'elle les laisse couper court : mais, sur ce point aussi, la pauvre patiente avait perdu sa liberté à certains égards pendant les premières années, lorsque ses stigmates furent devenus de notoriété publique. Toujours épiée et soupçonnée, elle ne pouvait, que difficilement tenir sa porte fermée pendant le temps nécessaire pour couper ses cheveux ou simplement pour les mettre en ordre, car autrement une personne qu'on aurait fait attendre et aurait facilement prolongé le soupçon qu'il s'agissait de faciliter ou de cacher une fraude. Ces circonstances impérieuses rendaient difficile de lui donner même les soins les plus nécessaires ; quiconque lui rendait un petit service charitable s'en acquittait avec une inquiétude et une précipitation qui en faisaient parfois quelque chose de plus nuisible qu'utile. Elle-même éprouvait une certaine crainte révérencielle en présence de son corps marqué de signes si merveilleux. Mais Dieu qui, dans ses premières années, lui avait rendu faciles des travaux manuels de toute espèce, lui a de même donné maintenant une aptitude surprenante à faire avec une promptitude extrême, même dans l'état de contemplation, sur sa personne comme autour d'elle, tout ce qu'exigent la propreté et la décence, en sorte que, sur son pauvre et misérable lit de douleur, on l'a toujours vue aussi propre et aussi bien arrangée que peut l'être dans son couvent la religieuse la plus soigneuse et la plus entendue. Mais tout cela présentait de grandes difficultés pour une personne qui, pendant plusieurs années, avait eu une telle faiblesse dans la colonne vertébrale qu'elle ne pouvait rester dans son lit sur son séant, au point que sa tête tombait sur ses genoux ; qui souvent pouvait à peine remuer ses mains blessées et ses doigts du milieu paralysés, et qui cependant, à cause de ses sueurs continuelles, incroyablement abondantes et souvent froides comme la glace, était obligée de changer de linge plusieurs fois le jour. Pourtant jamais personne, à quelque heure que ce fût, n'est entré chez elle sans la trouver habillée avec un soin et une propreté qui faisaient plaisir à voir. Je l'ai vue pendant quatre ans à toutes les heures du jour, et j'ai toujours observé dans tout ce qui se rapportait à son intérieur et à son extérieur une propreté qui faisait penser involontairement à ce dont elle était l'image, l'innocence, la chasteté et la pureté de coeur."
Un seul fait suffira pour montrer avec quelle parcimonie lui était mesurée l'assistance de son entourage. Pendant les jours chauds de l'été, quand elle était en prière et à l'état d'extase, des essaims de mouches venaient quelquefois se poser sur ses plaies et les piquer jusqu'à les faire saigner. Nous ne saurions rien de cet abandon si Wesener ne l'avait trouvée une fois dans cet état sans que personne vint à son secours. Nous sommes redevables au même Wesener de la connaissance de ce phénomène remarquable que, lorsqu'elle avait à endurer des souffrances expiatoires, notamment pendant les jours de l'octave de la Fête-Dieu, on voyait sur elle les plaies de la flagellation. Elles étaient toujours accompagnées de violents frissons de fièvre et avaient exactement la forme des marques que peuvent laisser sur la peau de forts coups de fouet.
" L'écoulement du sang, comme on peut le penser, n'était visible qu'à la partie supérieure de son front très élevé, là où il était dégarni de cheveux. On voyait là le sang sortir de plusieurs points comme des gouttes de sueur, sans qu'on pût apercevoir de plaies ou d'autres lésions, mais, quand le sang s'était desséché aux endroits où avait eu lieu cette espèce de transpiration et les avait colorés, l'observateur distinguait de petits points rouges comme des piqûres d'aiguille auxquels Wesener et Druffel donnaient un nom particulier. La quantité de sang qui coulait de sa tête était tantôt plus forte, tantôt plus faible, et il en était de même pour les autres effusions de sang ; il semblait aussi quelquefois que certaines plaies saignassent plus abondamment alors que cela arrivait pour d'autres dans une plus faible proportion."
Ce dernier détail est confirmé par Wesener dans son rapport à la date du vendredi 3 juin 1814 :
" L'effusion de sang avait commencé aujourd'hui à midi et elle a duré jusque vers quatre heures. Il avait coulé du front et des tempes en telle quantité que cela avait produit chez la malade une pâleur effrayante et une grande prostration. Les personnes de son entourage en furent si inquiètes qu'elles cherchèrent à arrêter le sang avec des compresses de vinaigre."
Et le vendredi, 29 septembre 1815 :
" La malade a reçu cette après-midi la visite de la princesse Galitzin, venue de Munster, laquelle s'est entretenue assez longtemps avec elle. L'abbé Lambert et Clara Soentgen se trouvaient aussi dans la chambre. Quand la princesse se fut retirée, la malade poussa un soupir arraché par la souffrance, et aussitôt Clara Soentgen, s'étant approchée pour l'assister, vit un sang clair et limpide jaillir de trois petites ouvertures sur l'os du front en sorte qu'elle fut obligée de le recueillir dans un linge plié. Les autres plaies commencèrent aussi à saigner, mais non aussi abondamment que la tête et le front. Il y a une circonstance que je ne dois pas omettre : c'est l'exclamation de M. Lambert. Quand il vit la malade saigner si fort, il se mit à pleurer et dit à Clara Soentgen : Ma soeur ! Vous voyez lien que ce n'est pas moi qui fais cela !"
Le vendredi, 9 février 1821, à neuf heures du matin, pendant l'enterrement de l'abbé Lambert, Clément Brentano remarqua également une abondante effusion de sang et l'ayant notée dans son journal, il ajouta la description suivante :
" Anne Catherine a le front très élevé et une chevelure abondante d'un brun foncé. Ses tempes sont très découvertes. Ses cheveux, quoiqu'en réalité fins et délicats, paraissent épais parce qu'on les coupe souvent très court et qu'ils sont constamment pressés par une coiffe très juste. Des maux de tête continuels les ont rendus d'une sensibilité incroyable au point qu'on ne peut les peigner sans qu'il en résulte une très vive douleur. Aussi ce n'est qu'en cas de nécessité absolue qu'elle les laisse couper court : mais, sur ce point aussi, la pauvre patiente avait perdu sa liberté à certains égards pendant les premières années, lorsque ses stigmates furent devenus de notoriété publique. Toujours épiée et soupçonnée, elle ne pouvait, que difficilement tenir sa porte fermée pendant le temps nécessaire pour couper ses cheveux ou simplement pour les mettre en ordre, car autrement une personne qu'on aurait fait attendre et aurait facilement prolongé le soupçon qu'il s'agissait de faciliter ou de cacher une fraude. Ces circonstances impérieuses rendaient difficile de lui donner même les soins les plus nécessaires ; quiconque lui rendait un petit service charitable s'en acquittait avec une inquiétude et une précipitation qui en faisaient parfois quelque chose de plus nuisible qu'utile. Elle-même éprouvait une certaine crainte révérencielle en présence de son corps marqué de signes si merveilleux. Mais Dieu qui, dans ses premières années, lui avait rendu faciles des travaux manuels de toute espèce, lui a de même donné maintenant une aptitude surprenante à faire avec une promptitude extrême, même dans l'état de contemplation, sur sa personne comme autour d'elle, tout ce qu'exigent la propreté et la décence, en sorte que, sur son pauvre et misérable lit de douleur, on l'a toujours vue aussi propre et aussi bien arrangée que peut l'être dans son couvent la religieuse la plus soigneuse et la plus entendue. Mais tout cela présentait de grandes difficultés pour une personne qui, pendant plusieurs années, avait eu une telle faiblesse dans la colonne vertébrale qu'elle ne pouvait rester dans son lit sur son séant, au point que sa tête tombait sur ses genoux ; qui souvent pouvait à peine remuer ses mains blessées et ses doigts du milieu paralysés, et qui cependant, à cause de ses sueurs continuelles, incroyablement abondantes et souvent froides comme la glace, était obligée de changer de linge plusieurs fois le jour. Pourtant jamais personne, à quelque heure que ce fût, n'est entré chez elle sans la trouver habillée avec un soin et une propreté qui faisaient plaisir à voir. Je l'ai vue pendant quatre ans à toutes les heures du jour, et j'ai toujours observé dans tout ce qui se rapportait à son intérieur et à son extérieur une propreté qui faisait penser involontairement à ce dont elle était l'image, l'innocence, la chasteté et la pureté de coeur."
Un seul fait suffira pour montrer avec quelle parcimonie lui était mesurée l'assistance de son entourage. Pendant les jours chauds de l'été, quand elle était en prière et à l'état d'extase, des essaims de mouches venaient quelquefois se poser sur ses plaies et les piquer jusqu'à les faire saigner. Nous ne saurions rien de cet abandon si Wesener ne l'avait trouvée une fois dans cet état sans que personne vint à son secours. Nous sommes redevables au même Wesener de la connaissance de ce phénomène remarquable que, lorsqu'elle avait à endurer des souffrances expiatoires, notamment pendant les jours de l'octave de la Fête-Dieu, on voyait sur elle les plaies de la flagellation. Elles étaient toujours accompagnées de violents frissons de fièvre et avaient exactement la forme des marques que peuvent laisser sur la peau de forts coups de fouet.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
5. Mais ce qui réclame notre attention à un degré incomparablement plus grand que tous ces phénomènes merveilleux et les souffrances physiques qui y étaient liées, c'est la manière dont Anne Catherine les supportait. Tout cela était pour elle un fardeau d'une pesanteur inconcevable, la cause de tortures continuelles de toute espèce, un objet de craintes et d'inquiétudes constantes et, jusqu'à la fin de sa vie, une occasion sans cesse renaissante des plus profondes et des plus pénibles humiliations. Mais la grâce de Dieu lui donnait la faculté de les porter, non comme une chose, qui lui appartint en propre ou comme une distinction particulière, mais comme l'oeuvre pure du Fils de Dieu, son fiancé céleste qui, personnellement et immédiatement, avait ainsi marqué son corps de cette empreinte afin qu'elle continuât à accomplir sa tâche, si grandement aggravée par là, au milieu de circonstances qui devaient la faire arriver à la plus parfaite conformité avec la vie de pauvreté de ce même Sauveur. Le mystère de la rédemption, le prix de notre salut, le sang infiniment précieux de l'agneau de Dieu dont l'effusion a expié nos péchés et nous a conquis la qualité d'enfants de Dieu avaient disparu, pour ainsi dire, de la mémoire et de l'esprit des hommes de cette époque et on en tenait peut-être moins de compte qu'on ne l'avait jamais fait à aucune époque antérieure. Ce n'était pas seulement pour les incrédules et les ennemis de Dieu qui combattaient la sainte Église avec toutes les armes de la violence et de la ruse que la croix était une folie et un scandale, mais, même à ne considérer que les hommes qui ne voulaient pas renier la foi en Jésus-Christ, on était effrayé du petit nombre de ceux qui comprenaient encore le témoignage du prince des apôtres :
" Scientes quod non corruptibilibus auro vel argento redempti estis, sed pretioso, sanguine quasi agni immaculati Christi" .
" Sachant que vous n'avez pas été rachetés par l'or et l'argent, choses périssables, mais par le sang précieux du Christ, comme par celui d'un Agneau sans tache."
(I Petr. I. 18, 19. )
C'était le temps où dans les chaires des professeurs comme dans celles des prédicateurs, on gardait le silence sur la croix, sur le sacrifice et la satisfaction, sur le mérite et le péché, où les faits, les miracles et les mystères de l'histoire de notre rédemption devaient céder la place à de creuses" théories de la révélation, " où l'homme-Dieu, pour être supporté, ne devait plus être présenté que comme" l'ami des hommes, des enfants des pécheurs, " où sa vie n'avait de valeur que comme" enseignement, " sa Passion comme" exemple de vertu, " sa mort comme" charité" sans objet ; où l'on enlevait au peuple croyant l'ancien catéchisme qu'on remplaçait par des" histoires bibliques" où le manque total de doctrine devait être voilé sous" un langage naïf et à la portée de toutes les intelligences ; " où les fidèles étaient forcés d'échanger leurs livres de piété, leurs vieilles formules de prière et leurs anciens cantiques contre des productions de fabrique moderne aussi mauvaises et aussi impies que celles par lesquelles on cherchait à remplacer le missel, le bréviaire et le rituel.
" Scientes quod non corruptibilibus auro vel argento redempti estis, sed pretioso, sanguine quasi agni immaculati Christi" .
" Sachant que vous n'avez pas été rachetés par l'or et l'argent, choses périssables, mais par le sang précieux du Christ, comme par celui d'un Agneau sans tache."
(I Petr. I. 18, 19. )
C'était le temps où dans les chaires des professeurs comme dans celles des prédicateurs, on gardait le silence sur la croix, sur le sacrifice et la satisfaction, sur le mérite et le péché, où les faits, les miracles et les mystères de l'histoire de notre rédemption devaient céder la place à de creuses" théories de la révélation, " où l'homme-Dieu, pour être supporté, ne devait plus être présenté que comme" l'ami des hommes, des enfants des pécheurs, " où sa vie n'avait de valeur que comme" enseignement, " sa Passion comme" exemple de vertu, " sa mort comme" charité" sans objet ; où l'on enlevait au peuple croyant l'ancien catéchisme qu'on remplaçait par des" histoires bibliques" où le manque total de doctrine devait être voilé sous" un langage naïf et à la portée de toutes les intelligences ; " où les fidèles étaient forcés d'échanger leurs livres de piété, leurs vieilles formules de prière et leurs anciens cantiques contre des productions de fabrique moderne aussi mauvaises et aussi impies que celles par lesquelles on cherchait à remplacer le missel, le bréviaire et le rituel.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
6. Nous sommes trop facilement portés à ne voir dans cet aplatissement intellectuel qu'une aberration passagère ou une fausse direction de l'esprit de l'époque ; mais, devant Dieu, il y avait plus que cela. C'était une atteinte portée à la foi, mettant en péril le salut éternel d'un nombre infini d'âmes, un mépris tellement coupable de son amour et de sa justice qu'il voulait le faire expier par les tortures de l'innocente pénitente, et c'est pourquoi il disposait les choses pour qu'elle ne fût pas autrement traitée par les hommes de cette époque que lui-même et l'oeuvre sainte de la rédemption. L'effrayante majesté du sacrifice sanglant de Jésus-Christ et la rigueur avec laquelle il a satisfait pour nos péchés sont pour tous une pierre d'achoppement ; il en est ainsi pour elle à cause des signes dont elle est marquée ; elle est même, pour ses plus fidèles amis, un fardeau dont le poids retombe doublement sur elle. L'abbé Lambert et son confesseur désirent ardemment voir disparaître ces signes dont la présence malencontreuse leur ôte le repos et la paix ; le pasteur de la paroisse dans laquelle elle vit se retire d'elle avec un sentiment d'irritation dès qu'il croit sa réputation compromise à cause d'elle : la première autorité ecclésiastique du diocèse la soumet comme une trompeuse à l'enquête la plus sévère et lui fait subir toutes les tortures imaginables, afin d'épargner au monde le spectacle insupportable pour lui de ces plaies. Puis, comme on n'y peut pas réussir, elle est abandonnée sans secours et sans défense, livrée en proie à la curiosité importune, aux soupçons et même aux plus cruelles persécutions (note). Et les supplications qu'elle-même adresse au ciel ne sont pas exaucées : ses ardentes prières, qui attirent d'en haut sur une foule d'autres des torrents de bénédictions, n'obtiennent rien quand elle crie vers Dieu pour que les stigmates lui soient retirés." Ma grâce te suffit" lui répond le Seigneur et les stigmates restent ; car, suivant les belles paroles de Clément Brentano :
" Elle est envoyée dans le désert de l'incrédulité contemporaine, avec les empreintes du sceau de l'amour crucifié, pour rendre témoignage à la vérité de cet amour. Quelle lourde tâche que de porter sur son corps, aux yeux du monde et des courtisans du prince du monde, les insignes dé la victoire du fils du Dieu vivant, Jésus de Nazareth, roi des juifs ! Il y faut un grand courage et une assistance toute particulière de la grâce divine ; car il s'agit d'être un objet de scandale, de suspicion et de doute pour la plupart, et malheureusement une énigme pour tous ; de rester exposée sur la croix, au centre du carrefour où se croisent les voies suivies par l'incroyance et par la superstition, par la malice et par la niaiserie, par l'orgueil de la science humaine et par la platitude servile du vulgaire soi-disant éclairé ; d'être livrée ainsi à l'examen curieux de tous les passants, en butte aux propos et aux explications les plus absurdes.
(note) Il en sera parlé dans le second volume.
Vivre pauvre et délaissée, en proie à une maladie mystérieuse qui est un martyre continuel ; être méconnue de son entourage le plus proche et par suite souvent maltraitée involontairement ; se sentir profondément isolée au milieu de la foule des curieux qui s'empressent de tous côtés et où l'on est d'autant plus seule qu'on n'y rencontre pas son semblable, subir sans relâche les exigences de toutes les absurdités possibles et de toutes les suspicions imaginables ; avec tout cela ne pas perdre patience un instant, rester toujours affable, humble, douce, sage, intelligente, édifiante selon la mesure de tant de personnes si diverses qui n'exigent d'elles-mêmes rien de semblable, c'est vraiment une tâche colossale pour une pauvre religieuse fille d'humbles paysans, sans autre instruction que son catéchisme, née à une époque où l'esprit primitif s'était presque partout retiré des cloîtres, et où même peu de prêtres se rencontraient qui eussent eu l'occasion d'apprendre à diriger les âmes placées dans de telles circonstances."
" Elle est envoyée dans le désert de l'incrédulité contemporaine, avec les empreintes du sceau de l'amour crucifié, pour rendre témoignage à la vérité de cet amour. Quelle lourde tâche que de porter sur son corps, aux yeux du monde et des courtisans du prince du monde, les insignes dé la victoire du fils du Dieu vivant, Jésus de Nazareth, roi des juifs ! Il y faut un grand courage et une assistance toute particulière de la grâce divine ; car il s'agit d'être un objet de scandale, de suspicion et de doute pour la plupart, et malheureusement une énigme pour tous ; de rester exposée sur la croix, au centre du carrefour où se croisent les voies suivies par l'incroyance et par la superstition, par la malice et par la niaiserie, par l'orgueil de la science humaine et par la platitude servile du vulgaire soi-disant éclairé ; d'être livrée ainsi à l'examen curieux de tous les passants, en butte aux propos et aux explications les plus absurdes.
(note) Il en sera parlé dans le second volume.
Vivre pauvre et délaissée, en proie à une maladie mystérieuse qui est un martyre continuel ; être méconnue de son entourage le plus proche et par suite souvent maltraitée involontairement ; se sentir profondément isolée au milieu de la foule des curieux qui s'empressent de tous côtés et où l'on est d'autant plus seule qu'on n'y rencontre pas son semblable, subir sans relâche les exigences de toutes les absurdités possibles et de toutes les suspicions imaginables ; avec tout cela ne pas perdre patience un instant, rester toujours affable, humble, douce, sage, intelligente, édifiante selon la mesure de tant de personnes si diverses qui n'exigent d'elles-mêmes rien de semblable, c'est vraiment une tâche colossale pour une pauvre religieuse fille d'humbles paysans, sans autre instruction que son catéchisme, née à une époque où l'esprit primitif s'était presque partout retiré des cloîtres, et où même peu de prêtres se rencontraient qui eussent eu l'occasion d'apprendre à diriger les âmes placées dans de telles circonstances."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
7. Jamais un mot de plainte ne venait sur ses lèvres quand elle se voyait soupçonnée d'imposture ou calomniée par contre, elle était inconsolable quand elle avait à subir des marques de respect et d'admiration. De même que, pendant des années, elle avait supporté la douleur des plaies avant qu'elles devinssent apparentes sans voir là autre chose qu'une grâce accordée à ses prières et à son désir de souffrir pour autrui ; de même qu'elle avait vu dans l'empreinte faite par son divin fiancé lui-même une vision symbolique et non pas un fait réel, au point d'en effacer le souvenir de son esprit et de ne pas même tenir compte des effusions de sang qui étaient survenues ; de même elle était toujours prête à ne voir dans ces signes que ce qu'y verraient son confesseur et l'autorité ecclésiastique. Le sentiment de sa propre indignité, la crainte de la louange et des hommages étaient tellement dominants dans son âme qu'elle avait honte d'elle-même jusque dans ses visions et qu'elle aurait préféré être punie et méprisée comme une trompeuse.
Ainsi, en septembre 1815, le dimanche d'après la fête de l'Exaltation de la croix, elle avait assisté en esprit à la grande procession qui se faisait à Coesfeld avec le crucifix miraculeux : marchant pieds nus et en adoration derrière la sainte croix, elle eut le sentiment que beaucoup de pieux assistants pensaient à elle, lorsque la procession passa par l'église de Saint-Jacques, et parlaient de ses signes comme d'une chose miraculeuse. Cela la jeta dans une telle confusion qu'elle chercha à cacher ses plaies et comme elle ne put y réussir, la très vive douleur qu'elle en ressentit la réveilla de sa vision. Souvent aussi, il arrivait que l'esprit malin venait lui faire des reproches artificieux ; il lui disait qu'elle pourrait bien manger si elle le voulait, mais qu'elle était une hypocrite qui ne voulait pas se lever de son lit et qui, à cause de cela, refusait de manger : elle pourrait commencer, lui disait-il encore, par boire de l'eau et du vin et elle verrait aussitôt combien il lui serait facile de prendre de la nourriture. Alors, dans son humilité, oubliant la malice du tentateur, elle répondait très sérieusement avec un saint mépris d'elle-même
" Oui, je suis une indigne, et je mérite d'être méprisée comme une hypocrite." Et cela excitait en elle un tel zèle contre elle-même qu'elle essayait de sortir de son lit pour aller à la fenêtre et crier de là dans la rue : " Vous tous, bonnes gens, évitez-moi ! Ne vous inquiétez pas de moi ! Je suis une indigne créature." Mais, bientôt épuisée par cet effort, elle retombait sur son lit et reconnaissait quel était celui qui l'avait ainsi circonvenue par de fausses accusations.
Wesener, à la date du vendredi 9 août 1816, rapporte un autre fait en ces termes : " Elle se plaint toujours des nombreuses visites qu'elle reçoit." Je suis triste à mourir à cause de l'affluence des visiteur, me disait-elle aujourd'hui en sanglotant, et surtout quand il me faut voir que beaucoup ont presque une vénération plus grande devant ce que Dieu a fait en moi, son misérable instrument, que devant le très saint Sacrement. Oui, je voudrais pouvoir mourir de honte quand de vieux et respectables prêtres, qui sont dix fois meilleurs que moi, demandent à me voir." Je cherchai à la calmer en lui disant que Dieu permettait ces visites pour éprouver sa patience, qu'on ne venait pas pour sa personne, mais pour les oeuvres de Dieu manifestées en elle, que les gens raisonnables ne l'admirent pas, mais admirent seulement les décrets incompréhensibles du Dieu tout-puissant. Ces paroles lui plurent, elle reprit sa sérénité et se consola."
Ainsi, en septembre 1815, le dimanche d'après la fête de l'Exaltation de la croix, elle avait assisté en esprit à la grande procession qui se faisait à Coesfeld avec le crucifix miraculeux : marchant pieds nus et en adoration derrière la sainte croix, elle eut le sentiment que beaucoup de pieux assistants pensaient à elle, lorsque la procession passa par l'église de Saint-Jacques, et parlaient de ses signes comme d'une chose miraculeuse. Cela la jeta dans une telle confusion qu'elle chercha à cacher ses plaies et comme elle ne put y réussir, la très vive douleur qu'elle en ressentit la réveilla de sa vision. Souvent aussi, il arrivait que l'esprit malin venait lui faire des reproches artificieux ; il lui disait qu'elle pourrait bien manger si elle le voulait, mais qu'elle était une hypocrite qui ne voulait pas se lever de son lit et qui, à cause de cela, refusait de manger : elle pourrait commencer, lui disait-il encore, par boire de l'eau et du vin et elle verrait aussitôt combien il lui serait facile de prendre de la nourriture. Alors, dans son humilité, oubliant la malice du tentateur, elle répondait très sérieusement avec un saint mépris d'elle-même
" Oui, je suis une indigne, et je mérite d'être méprisée comme une hypocrite." Et cela excitait en elle un tel zèle contre elle-même qu'elle essayait de sortir de son lit pour aller à la fenêtre et crier de là dans la rue : " Vous tous, bonnes gens, évitez-moi ! Ne vous inquiétez pas de moi ! Je suis une indigne créature." Mais, bientôt épuisée par cet effort, elle retombait sur son lit et reconnaissait quel était celui qui l'avait ainsi circonvenue par de fausses accusations.
Wesener, à la date du vendredi 9 août 1816, rapporte un autre fait en ces termes : " Elle se plaint toujours des nombreuses visites qu'elle reçoit." Je suis triste à mourir à cause de l'affluence des visiteur, me disait-elle aujourd'hui en sanglotant, et surtout quand il me faut voir que beaucoup ont presque une vénération plus grande devant ce que Dieu a fait en moi, son misérable instrument, que devant le très saint Sacrement. Oui, je voudrais pouvoir mourir de honte quand de vieux et respectables prêtres, qui sont dix fois meilleurs que moi, demandent à me voir." Je cherchai à la calmer en lui disant que Dieu permettait ces visites pour éprouver sa patience, qu'on ne venait pas pour sa personne, mais pour les oeuvres de Dieu manifestées en elle, que les gens raisonnables ne l'admirent pas, mais admirent seulement les décrets incompréhensibles du Dieu tout-puissant. Ces paroles lui plurent, elle reprit sa sérénité et se consola."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
8. Nous n'aurions pas la connaissance précise de l'origine des signes extérieurs si Anne Catherine, dans les dernières années de sa vie, n'avait pas eu, à diverses reprises, des visions sur sa stigmatisation et ne les avait pas racontées par ordre de son confesseur. Ainsi elle eut la vision suivante le 4 octobre 1820, fête de saint François d'Assise.
" Je vis le saint sur une montagne, dans un lieu désert, parmi des buissons. Il y avait là des grottes ressemblant à de petites cellules. François avait ouvert l'Évangile à plusieurs reprises, et il était toujours tombé sur le récit de la Passion. Alors il demanda à Dieu la grâce de ressentir ses souffrances. Ordinairement, il faisait là un jeûne très rigoureux et ne mangeait que ce qu'il fallait de pain ou de racines pour ne pas mourir de faim. Il s'agenouilla, les genoux nus, sur deux pierres très raboteuses et se mit deux autres pierres fort lourdes sur les épaules. Je le vis après minuit, accroupi sur ses genoux, le dos appuyé à la montagne ; il priait, les bras étendus. Je vis près de lui son ange gardien qui lui tenait les mains. Son visage était enflammé du feu de l'amour divin. C'était un homme maigre : il avait un manteau brun, ouvert par devant, avec un capuchon comme le portaient alors les pauvres bergers du pays. Il avait une corde autour des reins. Je le vis comme paralysé. Une splendeur indescriptible partit du ciel, venant à lui perpendiculairement, et je vis dans cette gloire un ange avec six ailes, deux au-dessus de la tète, deux avec lesquelles il semblait voler et deux qui lui couvraient les pieds. Cet ange tenait dans la main droite une croix de demi grandeur naturelle, sur laquelle était un corps vivant, tout pénétré de lumière. Les deux pieds étaient croisés, les cinq plaies étaient resplendissantes et rayonnantes comme des soleils. Il partit de chaque plaie trois rayons d'une lumière rouge qui se terminaient en pointe ; ils partirent d'abord des mains, se dirigeant vers la paume des mains du saint ; puis de la blessure du côté droit, vers son côté droit, (ceux-ci plus larges avec une pointe plus large) ; puis enfin des pieds vers la face inférieure de ses pieds. L'ange tenait de la main gauche une tulipe d'un rouge de sang au milieu de laquelle était un coeur d'or. Je me souviens confusément qu'il la lui donna. Le saint ne pouvait pas se tenir sur ses pieds lorsqu'il revint à lui. Je le vis retourner au couvent, souffrant cruellement, mais aidé par son ange gardien. Je le vis cacher ses plaies du mieux qu'il put. Il ne voulut les laisser voir à personne. Il avait de grosses croûtes de sang de couleur brune sur le dos des mains. Ses mains ne saignaient pas régulièrement tous les vendredis. Son côté saignait souvent si fort que le sang coulait jusqu'à terre. Je le vis en prières, le sang ruisselant le long de ses bras. J'ai vu beaucoup d'autres choses de lui, notamment comment le Pape, avant qu'il vînt le trouver, le vit dans une vision soutenant sur ses épaules le Latran qui allait tomber.
" J'eus ensuite une vision touchant moi-même et la manière dont j'avais reçu les plaies. Je ne savais pas auparavant comment cela s'était fait. Je me vis seule dans la chambre de la maison Roters. C'était trois jours avant la nouvelle année, vers trois heures de l'après-midi. J'eus une contemplation de la Passion de Jésus-Christ, je le priai de me faire ressentir les souffrances qu'il avait éprouvées et je dis cinq Payer, en l'honneur des cinq plaies. J'étais couchée dans mon lit, les bras étendus. J'eus des impressions d'une grande douceur avec une soif infinie des douleurs de Jésus. Alors je vis descendre sur moi une lumière qui venait obliquement d'en haut. C'était un corps crucifié, vivant et transparent, avec les bras étendus, mais sans croix. Les plaies resplendissaient plus que le corps : c'étaient cinq gloires distinctes de la gloire céleste où elles étaient comprises. J'en fus toute transportée et mon coeur ressentit avec une grande douleur, mêlée pourtant de douceur ; le désir de partager les souffrances de mon Sauveur. Et comme mon désir croissait de plus en plus à la vue de ses plaies et, s'élançant, pour ainsi dire, de ma poitrine, à travers mes mains, mes pieds et mon coté, allait comme suppliant, vers ses saintes blessures, de triples rayons d'une lumière rouge finissant en pointe se précipitèrent, d'abord des mains, puis du côté, puis des pieds du crucifié vers mes mains, mon côté et mes pieds. Je restai longtemps ainsi sans rien percevoir de ce qui m'entourait, jusqu'au moment où un enfant, fils de la maîtresse de la maison ; me fit baisser les mains. Cet enfant passa par la salle et dit à ceux qui étaient là que je m'étais heurté les mains quelque part jusqu'à les faire saigner. Je priai ces gens de n'en pas parler.
" J'avais depuis plus longtemps déjà la croix sur la poitrine : je l'avais reçue vers la Saint-Augustin. J'étais agenouillée, les bras étendus, et mon fiancé m'en avait marquée. Après la réception des plaies il survint dans mon corps un grand changement. Je sentis que mon sang prenait un autre cours et se précipitait vers ces points avec un tiraillement douloureux.
" Saint François s'est entretenu avec moi cette nuit et il m'a consolée. Il a parlé de la violence dès douleurs intérieures."
" Je vis le saint sur une montagne, dans un lieu désert, parmi des buissons. Il y avait là des grottes ressemblant à de petites cellules. François avait ouvert l'Évangile à plusieurs reprises, et il était toujours tombé sur le récit de la Passion. Alors il demanda à Dieu la grâce de ressentir ses souffrances. Ordinairement, il faisait là un jeûne très rigoureux et ne mangeait que ce qu'il fallait de pain ou de racines pour ne pas mourir de faim. Il s'agenouilla, les genoux nus, sur deux pierres très raboteuses et se mit deux autres pierres fort lourdes sur les épaules. Je le vis après minuit, accroupi sur ses genoux, le dos appuyé à la montagne ; il priait, les bras étendus. Je vis près de lui son ange gardien qui lui tenait les mains. Son visage était enflammé du feu de l'amour divin. C'était un homme maigre : il avait un manteau brun, ouvert par devant, avec un capuchon comme le portaient alors les pauvres bergers du pays. Il avait une corde autour des reins. Je le vis comme paralysé. Une splendeur indescriptible partit du ciel, venant à lui perpendiculairement, et je vis dans cette gloire un ange avec six ailes, deux au-dessus de la tète, deux avec lesquelles il semblait voler et deux qui lui couvraient les pieds. Cet ange tenait dans la main droite une croix de demi grandeur naturelle, sur laquelle était un corps vivant, tout pénétré de lumière. Les deux pieds étaient croisés, les cinq plaies étaient resplendissantes et rayonnantes comme des soleils. Il partit de chaque plaie trois rayons d'une lumière rouge qui se terminaient en pointe ; ils partirent d'abord des mains, se dirigeant vers la paume des mains du saint ; puis de la blessure du côté droit, vers son côté droit, (ceux-ci plus larges avec une pointe plus large) ; puis enfin des pieds vers la face inférieure de ses pieds. L'ange tenait de la main gauche une tulipe d'un rouge de sang au milieu de laquelle était un coeur d'or. Je me souviens confusément qu'il la lui donna. Le saint ne pouvait pas se tenir sur ses pieds lorsqu'il revint à lui. Je le vis retourner au couvent, souffrant cruellement, mais aidé par son ange gardien. Je le vis cacher ses plaies du mieux qu'il put. Il ne voulut les laisser voir à personne. Il avait de grosses croûtes de sang de couleur brune sur le dos des mains. Ses mains ne saignaient pas régulièrement tous les vendredis. Son côté saignait souvent si fort que le sang coulait jusqu'à terre. Je le vis en prières, le sang ruisselant le long de ses bras. J'ai vu beaucoup d'autres choses de lui, notamment comment le Pape, avant qu'il vînt le trouver, le vit dans une vision soutenant sur ses épaules le Latran qui allait tomber.
" J'eus ensuite une vision touchant moi-même et la manière dont j'avais reçu les plaies. Je ne savais pas auparavant comment cela s'était fait. Je me vis seule dans la chambre de la maison Roters. C'était trois jours avant la nouvelle année, vers trois heures de l'après-midi. J'eus une contemplation de la Passion de Jésus-Christ, je le priai de me faire ressentir les souffrances qu'il avait éprouvées et je dis cinq Payer, en l'honneur des cinq plaies. J'étais couchée dans mon lit, les bras étendus. J'eus des impressions d'une grande douceur avec une soif infinie des douleurs de Jésus. Alors je vis descendre sur moi une lumière qui venait obliquement d'en haut. C'était un corps crucifié, vivant et transparent, avec les bras étendus, mais sans croix. Les plaies resplendissaient plus que le corps : c'étaient cinq gloires distinctes de la gloire céleste où elles étaient comprises. J'en fus toute transportée et mon coeur ressentit avec une grande douleur, mêlée pourtant de douceur ; le désir de partager les souffrances de mon Sauveur. Et comme mon désir croissait de plus en plus à la vue de ses plaies et, s'élançant, pour ainsi dire, de ma poitrine, à travers mes mains, mes pieds et mon coté, allait comme suppliant, vers ses saintes blessures, de triples rayons d'une lumière rouge finissant en pointe se précipitèrent, d'abord des mains, puis du côté, puis des pieds du crucifié vers mes mains, mon côté et mes pieds. Je restai longtemps ainsi sans rien percevoir de ce qui m'entourait, jusqu'au moment où un enfant, fils de la maîtresse de la maison ; me fit baisser les mains. Cet enfant passa par la salle et dit à ceux qui étaient là que je m'étais heurté les mains quelque part jusqu'à les faire saigner. Je priai ces gens de n'en pas parler.
" J'avais depuis plus longtemps déjà la croix sur la poitrine : je l'avais reçue vers la Saint-Augustin. J'étais agenouillée, les bras étendus, et mon fiancé m'en avait marquée. Après la réception des plaies il survint dans mon corps un grand changement. Je sentis que mon sang prenait un autre cours et se précipitait vers ces points avec un tiraillement douloureux.
" Saint François s'est entretenu avec moi cette nuit et il m'a consolée. Il a parlé de la violence dès douleurs intérieures."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
9. Afin que le lecteur ne se méprenne pas sur cette vision relative à la propre stigmatisation d'Anne Catherine, il est nécessaire de dire ici quelque chose de plus précis sur la signification des visions qui se rapportaient à elle-même. Comme instrument d'expiation, elle avait à accomplir toutes ses actions et à endurer toutes ses souffrances de la manière la plus agréable à Dieu. La pureté de l'intention ne devait pas être altérée ; la patience, la douceur, la charité, la force de sa confiance en Dieu ne devaient pas être ébranlées, quand même des obstacles insurmontables en apparence ou quand les plus fortes oppositions se présenteraient de la part des personnes qui devaient recevoir assistance et bénédiction par suite de ses luttes et de ses souffrances. Si la fragilité humaine la faisait rester en arrière, si elle se laissait décourager et abattre, si une tache, visible à l'oeil de Dieu seul, ternissait l'éclat de sa vertu, il lui fallait réparer cette faute par la pénitence. Pour se purifier des fautes qu'elle pouvait commettre dans la vie de chaque jour et dans le commerce avec les hommes, elle avait la direction de son confesseur et le sacrement de pénitence : mais quand il s'agissait d'effacer les imperfections de son action en vision, fange qui se tenait à ses côtés l'obligeait à réparer chaque négligence ou chaque infidélité par un surcroît d'efforts et de souffrances. C'était lui, comme nous l'avons vu, qui, depuis sa jeunesse, l'éclairait habituellement sur tontes les parties de sa tâche et qui, par là, la rendait capable de l'accomplir parfaitement. Mais à mesure que cette tâche prenait des proportions plus grandioses avec les années et réclamait plus impérieusement jusqu'à son moindre souffle, les voies par lesquelles elle marchait lui étaient montrées dans des visions de plus en plus riches et compréhensives. Le temps qui lui restait à vivre était court et il fallait qu'il fût consacré à l'accomplissement de sa mission pour l'Église ; c'est pourquoi l'ange avait à veiller pour que chaque instant fût scrupuleusement employé. Tantôt sa lumière éclairait pour elle tout le chemin parcouru jusqu'alors, avec tous les événements, toutes les souffrances et tous les dangers qui s'y étaient rencontrés, avec toutes les circonstances et avec toutes les personnes dont l'influence avait entravé ou aidé ses efforts ; tantôt c'étaient seulement certains événements plus importants dont l'effet se faisait encore sentir. Cela se faisait pour qu'elle prit reconnaître ce qu'il y avait à corriger ou à reprendre en sous-oeuvre et pour qu'elle prit correspondre avec toute la fidélité possible à la direction de son fiancé divin. Enfin bientôt l'avenir lui fut dévoilé, et les travaux et les souffrances qui allaient venir plus ou moins prochainement lui furent montrés. Elle acquérait par là la vue la plus claire du caractère et de l'état moral des personnes pour lesquelles elle avait à prier, à lutter ou à souffrir, ou bien contre lesquelles elle avait à combattre, pour rendre vaines leurs attaques et leurs menées perverses contre l'Église, la foi et le salut des âmes. Le lecteur doit comprendre qu'il est incomparablement plus grand et plus méritoire de souffrir et d'expier par pure charité pour une personne dont les intentions et les pensées les plus intimes, dont la perversité, la culpabilité et la rébellion sont clairement mises devant vos yeux, alors qu'il faut pour agir sur son coeur se frayer d'abord un passage à travers les barrières et les obstacles de sa mauvaise volonté, que de prier seulement en général et d'accomplir des oeuvres de pénitence pour la conversion des pécheur. Il peut dès lors se rendre compte de ce que comprenaient ces visions préparatoires envoyées à Anne Catherine dont l'action par la prière, par la lutte, par l'expiation, s'étendait à toute l'Église. Enfin en qualité d'instrument que le chef invisible de l'Église voulait faire servir à ses desseins en faveur de la chrétienté, elle n'avait pas seulement à lieu remplir son office en ce qui la concernait personnellement et à réparer constamment les fautes provenant de sa propre fragilité, mais elle devait aussi répondre pour ceux que Dieu avait mis en relation avec elle afin qu'ils l'aidassent à accomplir sa mission. Ainsi son œil était depuis longtemps tourné vers Overberg et vers Clément de Droste, avant que ceux-ci eussent même entendu parler d'elle ; sa prière et son influence salutaire étaient autour du Pèlerin, lorsqu'il errait encore loin de l'église, lorsque Dieu et le salut de son âme étaient ce dont il s'occupait le moins.
Celui-ci lui était souvent montré en vision afin qu'elle le gagnât à Dieu et le préparât à être l'instrument par le moyen duquel elle pourrait exécuter l'ordre donné par Dieu de faire connaître ce que lui avaient révélé ses contemplations.
Comme exemple des tableaux symboliques dans lesquels lui était montrée sa situation après l'enquête, nous pouvons reproduire ici une vision qui nous a été conservée par son confesseur lui-même et qu'elle raconta aussi à l'abbé Lambert.
" Je me trouvais au milieu de beaucoup de gens, sur le chemin de la Jérusalem céleste et j'avais à porter un fardeau très lourd en sorte que je pouvais à peine me traîner. Je me reposai un peu pris d'une image du Sauveur crucifié et je vis couchées autour de cette croix une multitude de petites croix de paille et de petites branches sèches liées ensemble. Comme je me demandais tout étonnée ce que pouvaient signifier ces petites croix, mon conducteur me dit : " Ce sont les petites croix que tu avais à porter au couvent : elles étaient légères, mais maintenant une autre croix t'est imposée, porte-la, " Alors la foule de mes compagnons dans laquelle se trouvait mon confesseur se dispersa. Celui-ci se plaça derrière un buisson pour guetter un lièvre. Je le priai de laisser cela et de m'accompagner plus loin sur mon pénible chemin : mais il ne voulut pas et il me fallut continuer à marcher seule et haletante sous mon pesant fardeau. Alors j'eus la crainte qu'il ne fut pas généreux ni charitable à moi de laisser mon confesseur dans l'embarras ; je pensai que je devais le décider par mes prières et au besoin le forcer à marcher avec moi vers le but magnifique qui était devant nous. Je revins sur mes pas : je le trouvai endormi, et je vis avec effroi que des bêtes féroces rôdaient dans le voisinage et qu'un grand danger le menaçait. Je réveillai, je le suppliai ; il me fallut presque employer la force pour le tirer après moi et je sentis que mon fardeau n'en était pas peu aggravé. Mais ce, fut un bonheur pour moi, car bientôt nous arrivâmes devant un cours d'eau large et profond qu'on ne pouvait franchir que par un passage très étroit. Je n'aurais pu en venir à bout et je serais tombée dans l'abîme avec mon fardeau si le père ne m'avait pas aidé : Enfin nous arrivâmes heureusement au but.
On verra par la suite combien cette vision est profonde et significative dans sa simplicité.
Celui-ci lui était souvent montré en vision afin qu'elle le gagnât à Dieu et le préparât à être l'instrument par le moyen duquel elle pourrait exécuter l'ordre donné par Dieu de faire connaître ce que lui avaient révélé ses contemplations.
Comme exemple des tableaux symboliques dans lesquels lui était montrée sa situation après l'enquête, nous pouvons reproduire ici une vision qui nous a été conservée par son confesseur lui-même et qu'elle raconta aussi à l'abbé Lambert.
" Je me trouvais au milieu de beaucoup de gens, sur le chemin de la Jérusalem céleste et j'avais à porter un fardeau très lourd en sorte que je pouvais à peine me traîner. Je me reposai un peu pris d'une image du Sauveur crucifié et je vis couchées autour de cette croix une multitude de petites croix de paille et de petites branches sèches liées ensemble. Comme je me demandais tout étonnée ce que pouvaient signifier ces petites croix, mon conducteur me dit : " Ce sont les petites croix que tu avais à porter au couvent : elles étaient légères, mais maintenant une autre croix t'est imposée, porte-la, " Alors la foule de mes compagnons dans laquelle se trouvait mon confesseur se dispersa. Celui-ci se plaça derrière un buisson pour guetter un lièvre. Je le priai de laisser cela et de m'accompagner plus loin sur mon pénible chemin : mais il ne voulut pas et il me fallut continuer à marcher seule et haletante sous mon pesant fardeau. Alors j'eus la crainte qu'il ne fut pas généreux ni charitable à moi de laisser mon confesseur dans l'embarras ; je pensai que je devais le décider par mes prières et au besoin le forcer à marcher avec moi vers le but magnifique qui était devant nous. Je revins sur mes pas : je le trouvai endormi, et je vis avec effroi que des bêtes féroces rôdaient dans le voisinage et qu'un grand danger le menaçait. Je réveillai, je le suppliai ; il me fallut presque employer la force pour le tirer après moi et je sentis que mon fardeau n'en était pas peu aggravé. Mais ce, fut un bonheur pour moi, car bientôt nous arrivâmes devant un cours d'eau large et profond qu'on ne pouvait franchir que par un passage très étroit. Je n'aurais pu en venir à bout et je serais tombée dans l'abîme avec mon fardeau si le père ne m'avait pas aidé : Enfin nous arrivâmes heureusement au but.
On verra par la suite combien cette vision est profonde et significative dans sa simplicité.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
10. Son confesseur, le père Limberg, dominicain, était un religieux pour lequel la suppression violente des couvents avait été la plus grande des afflictions et qui était rentré dans le monde avec la ferme résolution d'y régler sa vie aussi fidèlement que possible suivant ses voeux de religion. Aussi Anne Catherine vit-elle une disposition particulièrement miséricordieuse de Dieu dans les circonstances qui lui avaient donné pour directeur spirituel ce digne religieux envers lequel elle s'était efforcée dès le premier moment de pratiquer la plus parfaite obéissance. Le P. Limberg n'était pas seulement pour elle un confesseur et un directeur, mais encore le remplaçant de ses anciens supérieurs monastiques : c'est pourquoi elle avait reporté sur sa personne et sur ses paroles le respect sans bornes et la soumission avec lesquels, étant au couvent, elle avait réglé sa vie selon la volonté de ses supérieurs et les prescriptions de la règle. Elle s'était engagée pour jamais envers Dieu par ses voeux de religion, et il voulait que, dans le monde, elle continuât à mener fidèlement et complètement la vie qui convenait à une âme dont il avait fait sa fiancée. Quoiqu'elle fût très supérieure par l'intelligence et les lumières spirituelles à cet homme simple, assez inexpérimenté et médiocrement instruit, elle conservait toujours vis-à-vis de lui l'attitude d'un enfant plein de simplicité, obéissant aveuglément et qui ne demande qu'à être conduit et dirigé. Chaque parole du père Limberg était pour elle un ordre, bien plus, un oracle de Dieu qui n'admettait pas la contradiction. Était-elle assurée d'avance par des expériences journalières ou même par les avertissements de son ange que l'obéissance à telle ou telle prescription de son confesseur amènerait pour elle les plus grandes souffrances, elle n'avait pas l'idée d'y faire la plus petite objection : car aucune douleur, aucun sacrifice ne lui semblait devoir être mis en balance avec le mérite de l'obéissance. Quand son oeil perspicace ne pouvait s'empêcher de voir que la direction de son confesseur ne faisait qu'aggraver le poids déjà si lourd de sa mission, et, loin de lui faire suivre le chemin direct, ne la conduisait souvent au but que par les détours les plus fatigants, elle ne voyait jamais là reflet de l'insuffisance et de l'imprévoyance humaines, mais l'ordre établi par Dieu même qui voulait lui faire accomplir sa tâche d'expiation, non par le ministère de l'ange, mais par celui de l'homme faible et fragile, par celui du prêtre. Il y a un trait commun qui se rencontre chez toutes les âmes choisies de Dieu pour être des victimes expiatoires et qui se reproduit de la manière la plus constante, quelque diverses que paraissent leurs voies considérées du dehors, c'est que leur vie est un sacrifice incessant, un abandon absolu de l'être tout entier, corps et âme, aux desseins de Dieu sur elles : cela se manifestait avec un caractère singulièrement élevé chez Anne Catherine et nulle part plus que dans ses rapports avec son confesseur. De même qu'une plante ne peut pas croître ni une fleur s'épanouir sans air et sans lumière, de même Anne Catherine ne pouvait vivre sans l'obéissance à l'autorité spirituelle : la parole et la bénédiction du prêtre était pour elle plus que la bénédiction de l'ange lui-même. L'obéissance était le moyen à l'aide duquel le fruit de ses travaux profitait à l'Église : elle était le lien qui lui rendait possible de représenter dans son corps le corps de l'Église à laquelle elle se trouvait par là si étroitement unie qu'elle en pouvait pénétrer sans obstacle toutes les parties. Mais cette obéissance reposait sur la foi dont la lumière lui faisait voir dans le prêtre et le confesseur le représentant de Dieu : et sa foi était d'autant plus puissante et plus méritoire qu'elle voyait plus clairement dans le prêtre les défauts et les faiblesses de l'homme. Cependant le don de contemplation ne paraissait octroyé à Anne Catherine dans une telle plénitude que pour qu'elle menât aussi parfaitement que possible une vie de foi, afin de prouver par là à tous les temps que les vrais privilégiés de Dieu, quelque extraordinaires que soient leurs dons, quelque insolite que soit la tâche dont ils sont chargés, ne connaissent pas d'autre loi ni de direction plus élevée que la règle de la foi, telle que la pose l'Église infaillible, colonne et fondement de la vérité. La mystique vraie et pure n'a sa racine et sa vie dans aucun autre terrain que celui de la discipline ecclésiastique, du culte divin, des sacrements, des pratiques et des usages de l'Église, des principes posés par les saints et les docteurs autorisés. Jamais elle n'admet une transgression ou une dispense à l'égard des commandements de Dieu et de l'Église qui obligent tous les chrétiens sans exception ; elle n'admet pas davantage l'omission d'un devoir sous le prétexte mensonger qu'une vie spirituelle d'un ordre transcendant n'est pas rigoureusement liée par toutes les lois et tous les règlements de l'Église. Dieu maintient strictement ces barrières pour ceux qu'il a choisis entre tous, tandis que la fausse mystique ou la prétention mensongère à des grâces extraordinaires ne tarde pas à les renverser : aussi peut-on, en toute assurance, voir un signe infaillible d'imposture ou d'illusion chez toute personne soi-disant favorisée de dons ou de lumières particulières qui se met au-dessus de la moindre règle de la discipline de l'Église, ne fût-ce qu'une rubrique de la liturgie.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
11. Quand le P. Limberg prit en main la direction spirituelle d'Anne Catherine, il s'était approprié, comme principale règle de conduite, l'opinion de l'abbé Lambert, suivant laquelle il fallait tenir secret autant que possible tout ce qui se passait d'extraordinaire chez la malade et qualifier ses visions de pures rêveries afin de la maintenir par là dans l'humilité. Il était naturellement d'un esprit si scrupuleux et si facile à troubler que ce ne fut qu'après des années, après avoir vu fréquemment les choses les plus frappantes et les plus émouvantes, qu'il put arriver à apprécier équitablement, sans soupçon et sans méfiance, les dons départis à sa fille spirituelle. Après l'avoir dirigée pendant sept ans et avoir reçu des preuves innombrables de son obéissance, de sa véracité et de sa candeur, il lui arrivait encore de tomber dans le doute quant à la réalité et d l'origine de tout ce qu'il voyait en elle. Voici un incident raconté par lui-même eu ces termes :
" Je disais mon bréviaire pendant que la malade était en prière extatique, les yeux fermés. Il y avait bien une heure que cela durait lorsque je finis mon bréviaire. Alors les doutes du professeur B. se présentèrent à mon esprit et une idée me vint, je ne sais comment. Je me souvins que l'abbé Lambert dans sa messe d'aujourd'hui avait consacré deux hosties, afin d'en réserver une pour donner la communion à la malade le jour suivant. Ne serait-il pas permis, me dis-je en moi-même, de la mettre encore une fois à l'épreuve, ne faisant cela ni par vaine curiosité, ni à mauvaise intention ? J'allai donc prendre l'hostie consacrée, je la mis dans un corporal autour duquel j'enveloppai une étole et je la portai chez la malade. Lorsque j'entrai dans la chambre, elle était encore en prière et dans la même position qu'avant : mais je n'eus pas plus tôt mis le pied sur le seuil qu'elle se releva à la hâte et avec un grand effort, tendit les bras et tomba sur ses genoux en adoration. , " Qu'avez-vous ?" lui demandai-je, mais elle s'écria : " Ah ! Mon seigneur Jésus vient à moi avec le tabernacle." Je la laissai adorer le saint Sacrement pendant quelque temps, puis je le remportai."
La première fois qu'il avait trouvé Anne Catherine en extase et qu'à son réveil il lui avait demandé des explications à ce sujet, cela l'avait jetée dans une grande confusion ; elle l'avait supplié en rougissant de ne la trahir vis-à-vis de personne. Il lui était arrivé comme à la bienheureuse Marie Bagnesi (note) avec laquelle elle a en général une ressemblance tout à fait surprenante : car Marie aussi, ayant été trouvée une fois ravie hors d'elle-même et élevée au dessus de terre, fut saisit d'un tel effroi, quand elle revint à elle, qu'elle cacha son visage dans ses mains comme eût fait un enfant pris en faute et n'osa plus lever les yeux sur ceux qui avaient été témoins de son extase.
(note) La vie de Marie Bagnesi, née à Florence en 1514, a été écrite par son confesseur et se trouve dans les Acta SS. , tom. VI, mensis maii.
Le P. Limberg avait si peu l'intelligence de cet état, que, s'il trouvait Anne Catherine absorbée dans un de ses travaux en esprit où elle secourait le prochain et souffrait pour lui, il cherchait à la faire revenir à elle en la secouant bien fort : car il croyait alors" qu'elle avait le délire." Ainsi, en août 1814, elle avait à secourir une personne phtisique, non seulement en prenant sa maladie pour elle-même, mais encore par d'autres souffrances expiatoires, afin de lui obtenir la patience et la grâce d'une bonne mort. Limberg la trouva un jour poussant des gémissements plaintifs comme si elle eût été agonisante et il la secoua de côté et d'autre par les épaules jusqu'à ce qu'elle fût revenue à elle : alors elle lui répondit tranquillement : " J'étais près de la malade et à mon retour, je me suis trouvée si faible qu'il m'a fallu monter l'escalier en pierre (note) en me traînant sur les genoux. Cela m'a donné une peine incroyable, et je sens de grandes douleurs aux genoux."
Quoique les genoux fussent couverts d'ampoules et que les douleurs eussent duré plusieurs jours, Limberg traita tout cela de rêverie jusqu'au moment où la phtisique, qui était sa propre soeur, s'adressa directement à Anne Catherine, désirant que la mort qu'elle savait inévitable, la trouvait près de la servante de Dieu et sous la protection de ses prières.
(note) Le 23 novembre 1813, Anne Catherine avait été transportée de son logement chez la veuve Roters, dans la maison du maître boulanger et brasseur Limberg, frère de son confesseur. Elle y logeait au premier étage, sur le derrière. Sa chambre avait vue sur le jardin et sur l'église de son ancien couvent. L'abbé Lambert était aussi venu loger dans cette maison avec elle.
Alors le P. Limberg la fit transporter dans la chambre d'Anne Catherine, chez laquelle se manifestèrent aussitôt tous les symptômes et toutes les souffrances de la phtisie la plus intense. Elle fut prise d'une soif ardente accompagnée d'élancements si violents dans le côté droit que la douleur la fit tomber sans connaissance lorsque sa soeur voulut la retirer du lit. Quant à la phtisique elle-même, elle se trouva soulagée et consolée, car l'assistance s'étendit aussi à son âme. Voici ce que rapporte Wesener à ce sujet :
" La soeur Emmerich me raconta qu'elle avait eu une nuit très pénible et très agitée. Elle avait été injuriée, raillée et même poussée et frappée par diverses personnes. Il y avait spécialement quelques enfants qui tombaient sur elle, la battaient et la maltraitaient, en sorte qu'il lui fallait se défendre contre eux des deux mains et que pourtant elle ne pouvait s'en délivrer. M. Limberg qui veillait dans la chambre auprès de sa soeur phtisique vit les gestes qu'Anne Catherine faisait comme pour se défendre et la prit par le bras pour la retenir. Alors elle revint à elle et vit M. Limberg près d'elle, mais malgré cela, elle avait toujours devant les yeux ces enfants qui la tourmentaient et elle se plaignit à moi de souffrir encore partout où ces enfants l'avaient heurtée et frappée. Une fois ces mêmes enfants voulurent aussi la forcer à manger et lui mirent des mets devant la bouche, si bien que toute la matinée elle en conserva le goût sans pouvoir s'en débarrasser."
Ces tourments se rapportaient aux soupçons répréhensibles que la mourante avait longtemps nourris antérieurement et qu'elle avait communiqués à d'autres personnes, touchant le jeûne continuel d'Anne Catherine qu'elle traitait de fourberie et d'illusion. Anne Catherine expiait cette faute à sa place en souffrant patiemment les mauvais traitements indiqués plus haut et elle lui obtint par là la grâce d'un sincère repentir et d'une bonne mort.
Le Père Limberg fut bien obligé de reconnaître que tout cela n'était pas une pure rêverie ; pourtant, après comme avant, son esprit resta fermé à l'intelligence de l'état contemplatif, ainsi qu'on peut en juger par le fait suivant. La veille et le jour de l'Assomption, Anne Catherine eut à contempler presque sans interruption la mort de la sainte Vierge avec toutes les circonstances qui l'accompagnaient. Étant en extase, elle parla de ces visions d'une façon si claire et si animée que le Père Limberg lui-même fut forcé de reconnaître qu'il n'y avait pas là l'ombre de délire. Il prit alors un petit tableau à l'huile représentant la mort de Marie et le tint à quelque distance devant les yeux fermés d'Anne Catherine. Tout à coup le corps raidi de la malade se pencha vers le tableau ; elle courba la tète et finit par le prendre dans ses mains, puis elle fit cette allusion à saint Pierre qui y était représenté : " Ah ! Cet homme à la barbe blanche est un bien excellent homme !" Elle retomba ensuite en arrière et Limberg plaça le tableau contre ses mains qui étaient croisées sur sa poitrine liant revenue à elle, elle répondit ainsi à ses questions
" Je voyais la Mère de Dieu mourante, entourée des apôtres et des personnes de sa famille, et je me suis pendant longtemps réjouie à cette vue ; alors la chambre avec tout ce qui était dedans m'a été posée sur les mains. Cela m'a causé un plaisir inexprimable, mais en même temps je m'étonnais beaucoup de pouvoir porter toute cette chambre sur mes mains, sur quoi il me fut dit intérieurement : " Il n'y a là que pure vertu et c'est léger comme de la plume." Dans la nuit précédente, j'ai eu aussi, presque sans interruption, des visions relatives à la mort de Marie. J'étais en voyage pour aller à Jérusalem et cela dans un état tout à fait singulier, car j'étais couchée, sans dormir ni rêver ; j'avais les yeux ouverts, je voyais les objets qui sont dans ma chambre et pourtant cela ne me dérangeait pas dans mon voyage, ni dans ma contemplation, et ne m'empêchait pas d'avoir la perception de tout ce qui était sur la route.
" Je disais mon bréviaire pendant que la malade était en prière extatique, les yeux fermés. Il y avait bien une heure que cela durait lorsque je finis mon bréviaire. Alors les doutes du professeur B. se présentèrent à mon esprit et une idée me vint, je ne sais comment. Je me souvins que l'abbé Lambert dans sa messe d'aujourd'hui avait consacré deux hosties, afin d'en réserver une pour donner la communion à la malade le jour suivant. Ne serait-il pas permis, me dis-je en moi-même, de la mettre encore une fois à l'épreuve, ne faisant cela ni par vaine curiosité, ni à mauvaise intention ? J'allai donc prendre l'hostie consacrée, je la mis dans un corporal autour duquel j'enveloppai une étole et je la portai chez la malade. Lorsque j'entrai dans la chambre, elle était encore en prière et dans la même position qu'avant : mais je n'eus pas plus tôt mis le pied sur le seuil qu'elle se releva à la hâte et avec un grand effort, tendit les bras et tomba sur ses genoux en adoration. , " Qu'avez-vous ?" lui demandai-je, mais elle s'écria : " Ah ! Mon seigneur Jésus vient à moi avec le tabernacle." Je la laissai adorer le saint Sacrement pendant quelque temps, puis je le remportai."
La première fois qu'il avait trouvé Anne Catherine en extase et qu'à son réveil il lui avait demandé des explications à ce sujet, cela l'avait jetée dans une grande confusion ; elle l'avait supplié en rougissant de ne la trahir vis-à-vis de personne. Il lui était arrivé comme à la bienheureuse Marie Bagnesi (note) avec laquelle elle a en général une ressemblance tout à fait surprenante : car Marie aussi, ayant été trouvée une fois ravie hors d'elle-même et élevée au dessus de terre, fut saisit d'un tel effroi, quand elle revint à elle, qu'elle cacha son visage dans ses mains comme eût fait un enfant pris en faute et n'osa plus lever les yeux sur ceux qui avaient été témoins de son extase.
(note) La vie de Marie Bagnesi, née à Florence en 1514, a été écrite par son confesseur et se trouve dans les Acta SS. , tom. VI, mensis maii.
Le P. Limberg avait si peu l'intelligence de cet état, que, s'il trouvait Anne Catherine absorbée dans un de ses travaux en esprit où elle secourait le prochain et souffrait pour lui, il cherchait à la faire revenir à elle en la secouant bien fort : car il croyait alors" qu'elle avait le délire." Ainsi, en août 1814, elle avait à secourir une personne phtisique, non seulement en prenant sa maladie pour elle-même, mais encore par d'autres souffrances expiatoires, afin de lui obtenir la patience et la grâce d'une bonne mort. Limberg la trouva un jour poussant des gémissements plaintifs comme si elle eût été agonisante et il la secoua de côté et d'autre par les épaules jusqu'à ce qu'elle fût revenue à elle : alors elle lui répondit tranquillement : " J'étais près de la malade et à mon retour, je me suis trouvée si faible qu'il m'a fallu monter l'escalier en pierre (note) en me traînant sur les genoux. Cela m'a donné une peine incroyable, et je sens de grandes douleurs aux genoux."
Quoique les genoux fussent couverts d'ampoules et que les douleurs eussent duré plusieurs jours, Limberg traita tout cela de rêverie jusqu'au moment où la phtisique, qui était sa propre soeur, s'adressa directement à Anne Catherine, désirant que la mort qu'elle savait inévitable, la trouvait près de la servante de Dieu et sous la protection de ses prières.
(note) Le 23 novembre 1813, Anne Catherine avait été transportée de son logement chez la veuve Roters, dans la maison du maître boulanger et brasseur Limberg, frère de son confesseur. Elle y logeait au premier étage, sur le derrière. Sa chambre avait vue sur le jardin et sur l'église de son ancien couvent. L'abbé Lambert était aussi venu loger dans cette maison avec elle.
Alors le P. Limberg la fit transporter dans la chambre d'Anne Catherine, chez laquelle se manifestèrent aussitôt tous les symptômes et toutes les souffrances de la phtisie la plus intense. Elle fut prise d'une soif ardente accompagnée d'élancements si violents dans le côté droit que la douleur la fit tomber sans connaissance lorsque sa soeur voulut la retirer du lit. Quant à la phtisique elle-même, elle se trouva soulagée et consolée, car l'assistance s'étendit aussi à son âme. Voici ce que rapporte Wesener à ce sujet :
" La soeur Emmerich me raconta qu'elle avait eu une nuit très pénible et très agitée. Elle avait été injuriée, raillée et même poussée et frappée par diverses personnes. Il y avait spécialement quelques enfants qui tombaient sur elle, la battaient et la maltraitaient, en sorte qu'il lui fallait se défendre contre eux des deux mains et que pourtant elle ne pouvait s'en délivrer. M. Limberg qui veillait dans la chambre auprès de sa soeur phtisique vit les gestes qu'Anne Catherine faisait comme pour se défendre et la prit par le bras pour la retenir. Alors elle revint à elle et vit M. Limberg près d'elle, mais malgré cela, elle avait toujours devant les yeux ces enfants qui la tourmentaient et elle se plaignit à moi de souffrir encore partout où ces enfants l'avaient heurtée et frappée. Une fois ces mêmes enfants voulurent aussi la forcer à manger et lui mirent des mets devant la bouche, si bien que toute la matinée elle en conserva le goût sans pouvoir s'en débarrasser."
Ces tourments se rapportaient aux soupçons répréhensibles que la mourante avait longtemps nourris antérieurement et qu'elle avait communiqués à d'autres personnes, touchant le jeûne continuel d'Anne Catherine qu'elle traitait de fourberie et d'illusion. Anne Catherine expiait cette faute à sa place en souffrant patiemment les mauvais traitements indiqués plus haut et elle lui obtint par là la grâce d'un sincère repentir et d'une bonne mort.
Le Père Limberg fut bien obligé de reconnaître que tout cela n'était pas une pure rêverie ; pourtant, après comme avant, son esprit resta fermé à l'intelligence de l'état contemplatif, ainsi qu'on peut en juger par le fait suivant. La veille et le jour de l'Assomption, Anne Catherine eut à contempler presque sans interruption la mort de la sainte Vierge avec toutes les circonstances qui l'accompagnaient. Étant en extase, elle parla de ces visions d'une façon si claire et si animée que le Père Limberg lui-même fut forcé de reconnaître qu'il n'y avait pas là l'ombre de délire. Il prit alors un petit tableau à l'huile représentant la mort de Marie et le tint à quelque distance devant les yeux fermés d'Anne Catherine. Tout à coup le corps raidi de la malade se pencha vers le tableau ; elle courba la tète et finit par le prendre dans ses mains, puis elle fit cette allusion à saint Pierre qui y était représenté : " Ah ! Cet homme à la barbe blanche est un bien excellent homme !" Elle retomba ensuite en arrière et Limberg plaça le tableau contre ses mains qui étaient croisées sur sa poitrine liant revenue à elle, elle répondit ainsi à ses questions
" Je voyais la Mère de Dieu mourante, entourée des apôtres et des personnes de sa famille, et je me suis pendant longtemps réjouie à cette vue ; alors la chambre avec tout ce qui était dedans m'a été posée sur les mains. Cela m'a causé un plaisir inexprimable, mais en même temps je m'étonnais beaucoup de pouvoir porter toute cette chambre sur mes mains, sur quoi il me fut dit intérieurement : " Il n'y a là que pure vertu et c'est léger comme de la plume." Dans la nuit précédente, j'ai eu aussi, presque sans interruption, des visions relatives à la mort de Marie. J'étais en voyage pour aller à Jérusalem et cela dans un état tout à fait singulier, car j'étais couchée, sans dormir ni rêver ; j'avais les yeux ouverts, je voyais les objets qui sont dans ma chambre et pourtant cela ne me dérangeait pas dans mon voyage, ni dans ma contemplation, et ne m'empêchait pas d'avoir la perception de tout ce qui était sur la route.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
12. Le Père Limberg avait coutume de traiter Anne Catherine comme une religieuse ordinaire ; il lui parlait brièvement et sévèrement et c'était précisément ce qu'elle-même appréciait le plus en lui. Il était déjà son confesseur depuis deux ans, lorsqu'un jour Wesener la trouva toute en pleurs et, lui ayant demandé la cause de cette tristesse, en reçut cette réponse : " Je crains que ma pleine et entière confiance en Dieu, mon seul protecteur, ne se soit amoindrie ; car, maintenant qu'il me faut rester couchée sans pouvoir m'aider en rien, tout m'afflige. Auparavant j'avais une si ferme confiance en Dieu qu'aucune souffrance ne me troublait, quelque violente qu'elle peut être ; à présent je suis tout attristée par le projet qu'a mon confesseur de chercher une autre position, car je l'apprécie extrêmement et je le préfère à tout autre à cause de sa sévérité salutaire."
Quelques années plus tard, elle dit encore devant Wesener qu'elle sentait bien combien la sévérité de son confesseur lui était profitable et que rien ne lui ferait plus de peine que de le voir se relâcher de cette sévérité.
Quant à la manière dont elle était traitée par lui, nous pouvons mentionner ici le fait suivant qui est très caractéristique : " Un soir, dit Wesener, je trouvai la soeur Emmerich semblable à une mourante. Son pouls était si petit et si faible et elle-même dans un tel état de prostration qu'elle pouvait à peine articuler une parole à voix basse. Je ne pus découvrir la cause de cette extrême faiblesse, cependant je lui fis prendre dix gouttes d'opium, et je la laissai dans le même état. Le lendemain, dans la matinée, je la trouvai toute changée ; elle avait repris de la gaieté et des forces, et, tout surpris d'un changement si subit et si frappant, je m'adressai à son confesseur qui était présent, pour savoir ce qui s'était passé ; sur quoi il me répondit : " Je l'ai trouvée ce matin dans un état encore plus misérable qu'hier au soir et, craignant qu'elle ne mourût, je lui ai donné le plus promptement possible la sainte communion. A peine avait-elle la sainte hostie dans la bouche que son visage, pâle comme celui d'une morte, s'est coloré et que son pouls s'est relevé. Elle est restée plus d'une heure plongée dans une profonde adoration. Cela m'a fait clairement reconnaître la cause de cette faiblesse extraordinaire : elle venait de ce que je lui avais interdit la sainte communion pendant deux jours, pour la punir de ne s'être pas laissé laver le dos avec de l'eau-de-vie chaude."
Cet incident présente le tableau le plus vrai et le plus frappant de la pénible position où se trouvait Anne Catherine. Les lotions avec de l'eau-de-vie étaient pour elle un supplice, d'autant plus que la seule odeur de cet affreux liquide était intolérable pour elle. Cependant il fallait s'y prêter par obéissance, car le confesseur et le médecin l'exigeaient. Si elle était trop faible ou si l'étourdissement causé par les exhalaisons de l'eau-de-vie la rendaient incapable de se laver le dos elle-même, il lui fallait recourir à l'assistance de sa soeur, laquelle tenait si peu de compte du sentiment de pudeur incroyablement délicat de la malade que celle-ci souvent, pour éviter la confusion où cela la jetait, n'osait pas se mettre entre ses mains : Il en avait été ainsi dans le cas présent. Le mercredi d'avant, le confesseur avait découvert qu'Anne Catherine s'était lavée elle-même avec de l'eau-de-vie et avait décliné les services de sa soeur. Pour la punir de ce refus, il l'avait privée de la communion le jeudi et le vendredi, et il l'eût fait plus longtemps si l'état où il l'avait trouvée le samedi ne lui eût fait craindre qu'elle ne mourût. Le lecteur appréciera facilement de quelle utilité pouvaient être dans un cas semblable les dix gouttes d'opium données à Anne Catherine. Mais quand ces choses et d'autres semblables lui arrivaient, elle avait coutume de les prendre comme une punition bien méritée, avec un profond sentiment de sa culpabilité et sans jamais se permettre une excuse.
13. Son obéissance acquit par là une telle énergie que même ses facultés corporelles et ses sens obéissaient aussi ponctuellement à l'ordre du prêtre que la volonté elle-même, et en cela aussi il en était d'elle comme de Marie Bagnesi. Un jour que celle-ci, livrée à des tortures intolérables, ne pouvait plus se tenir en repos, mais se tordait en gémissant sur son lit de douleur, ses commensaux appelèrent son confesseur afin que la bénédiction sacerdotale lui rendît le calme. Il vint, la consola, et avant de se retirer, il lui donna sa bénédiction en disant : " Maintenant, soeur Marie, obéis et tiens-toi tranquille." A l'instant elle devint immobile, resta ainsi, jusqu'au lendemain, dans la position où elle était couchée, et ne fit plus un mouvement jusqu'à ce que le confesseur fût revenu et eût retiré son ordre. Quant à Anne Catherine qui, comme Marie Bagnesi, était habituellement visitée par des souffrances plus grandes encore qu'à l'ordinaire à la fin de chaque année ecclésiastique, parce que, comme une fidèle servante, elle avait à corriger et à refaire avec un redoublement de fatigue les travaux omis ou mal faits dans la vigne du Seigneur par des serviteurs négligents, voici ce que rapporte Wesener à la date du 27 octobre 1815 :
" Elle fut très malade toute la journée et tout son corps tremblait dans l'excès de la souffrance. Ce qui me parut le plus remarquable fut une surdité complète survenue depuis quelques jours et qui faisait que, même sans être en extase, elle n'entendait plus rien de ce qu'on lui disait. Elle ne pouvait entendre que ce que son confesseur lui ordonnait en vertu de l'obéissance.
" En novembre, il survint une forte toux, laquelle augmenta bientôt à tel point qu'il me fallut penser au moyen de la modérer. Je voulus réserver l'essence de musc jusqu'à la dernière extrémité : d'un autre côté l'opium me parut attaquer l'estomac : c'est pourquoi j'essayai d'une friction de camphre, mais cela ne fit qu'augmenter la toux. Je priai alors son confesseur de veiller près d'elle avec sa soeur. Le lendemain je trouvai la malade sans toux, ce que M. Limberg m'expliqua." J'ai veillé, m'a-t-il dit, jusqu'à minuit près de la malade avec sa soeur. Elle toussait sans relâche et si violemment que je ne pouvais plus le supporter. Dans mon embarras, saisi de compassion, j'ai eu recours à un moyen de l'ordre spirituel et je lui ai ordonné, en vertu de l'obéissance, de ne plus tousser et de rester tranquille. A l'instant elle s'est affaissée sur elle-même comme sans connaissance ; elle n'a pas toussé une seule fois depuis ce moment et elle est restée tranquille jusqu'au matin." La toux ne revint plus de toute la journée et ne reprit que le soir, mais assez faiblement.
" Le vendredi 10 novembre, ses stigmates lui occasionnèrent toute la journée de si affreuses douleurs que nous en étions tout bouleversés. Ses mains et ses doigts étaient d'une pâleur livide et recourbés vers l'intérieur. Elle-même tremblait de tout son corps et était étendue sans connaissance, semblable à une morte. Tout à coup elle soupirai et dit : " Ah ! Si je pouvais sortir d'ici ! Si je pouvais être devant le Saint Sacrement pour y prier !" sur quoi M. Limberg répondit : " Faites seulement cela, vous serez délivrée !" Ces paroles de son confesseur dites presque au hasard et d'ailleurs fort peu claires ne donnèrent pas de force à la patiente, qui dit alors
" Puis-je le faire ? Dois-je le faire ?" Je priai le confesseur de lui en donner la force au moyen de l'obéissance. Il le fit et à l'instant elle se releva sur ses genoux et commença à prier les bras étendus. La vue de cette femme agenouillée, faible jusqu'à en mourir, avait réellement quelque chose d'effrayant et, comme nous craignions que cet effort n'empirât encore son état, le confesseur, au bout de quelque temps, lui commanda de se recoucher. Aussitôt elle retomba sur elle-même comme un drap mouillé et quand un peu plus tard, elle revint à elle, elle dit qu'elle sentait l'intérieur de son corps comme mort. On lui mit sur la poitrine un cataplasme trempé d'eau-de-vie très chaude, et le soir, à dix heures, je lui fis donner huit gouttes d'essence de musc."
Son désir de recevoir le Saint-Sacrement aussi bien que son profond respect devant lui s'exprima dans d'autres occasions de la manière la plus touchante. Ainsi un jour elle fut enflammée d'un si grand désir de cet adorable sacrement qu'involontairement elle fut transportée en esprit à l'Église. Elle se trouva agenouillée devant le tabernacle et comme étant sur le point de l'ouvrir pour se donner à elle-même la communion. Alors elle fut saisie d'une terreur indicible à la pensée de cet acte illicite, si bien qu'elle revint à elle, et, dans son angoisse, pria son confesseur, qui était là, de lui permettre de se confesser, afin de recevoir l'absolution. Il voulut l'en dissuader comme s'il ne s'était agi que d'un simple rêve, mais il ne put la calmer qu'à grand'peine, car elle se sentait sûre de n'avoir pas rêvé, mais de s'être trouvée réellement et en personne devant le tabernacle, quoiqu'en esprit.
Pendant l'octave de la Toussaint, son confesseur ayant fait une absence de quelques jours, elle n'osa pas recevoir la sainte communion sans y être autorisée par lui, parce qu'elle craignait d'avoir commis un péché en se mettant en colère contre sa soeur. Par suite de la douleur qu'elle en ressentit et de la privation du sacrement, elle devint, suivant les paroles de Wesener, " si faible et si misérable, son pouls si petit et d'une telle ténuité qu'on ne doutait pas de sa mort prochaine." Mais, après le retour de Limberg, s'étant confessée et ayant reçu le corps du Seigneur, cela lui rendit si bien ses forces que, le lendemain, Wesener la trouva bien portante et de bonne humeur.
Quelques années plus tard, elle dit encore devant Wesener qu'elle sentait bien combien la sévérité de son confesseur lui était profitable et que rien ne lui ferait plus de peine que de le voir se relâcher de cette sévérité.
Quant à la manière dont elle était traitée par lui, nous pouvons mentionner ici le fait suivant qui est très caractéristique : " Un soir, dit Wesener, je trouvai la soeur Emmerich semblable à une mourante. Son pouls était si petit et si faible et elle-même dans un tel état de prostration qu'elle pouvait à peine articuler une parole à voix basse. Je ne pus découvrir la cause de cette extrême faiblesse, cependant je lui fis prendre dix gouttes d'opium, et je la laissai dans le même état. Le lendemain, dans la matinée, je la trouvai toute changée ; elle avait repris de la gaieté et des forces, et, tout surpris d'un changement si subit et si frappant, je m'adressai à son confesseur qui était présent, pour savoir ce qui s'était passé ; sur quoi il me répondit : " Je l'ai trouvée ce matin dans un état encore plus misérable qu'hier au soir et, craignant qu'elle ne mourût, je lui ai donné le plus promptement possible la sainte communion. A peine avait-elle la sainte hostie dans la bouche que son visage, pâle comme celui d'une morte, s'est coloré et que son pouls s'est relevé. Elle est restée plus d'une heure plongée dans une profonde adoration. Cela m'a fait clairement reconnaître la cause de cette faiblesse extraordinaire : elle venait de ce que je lui avais interdit la sainte communion pendant deux jours, pour la punir de ne s'être pas laissé laver le dos avec de l'eau-de-vie chaude."
Cet incident présente le tableau le plus vrai et le plus frappant de la pénible position où se trouvait Anne Catherine. Les lotions avec de l'eau-de-vie étaient pour elle un supplice, d'autant plus que la seule odeur de cet affreux liquide était intolérable pour elle. Cependant il fallait s'y prêter par obéissance, car le confesseur et le médecin l'exigeaient. Si elle était trop faible ou si l'étourdissement causé par les exhalaisons de l'eau-de-vie la rendaient incapable de se laver le dos elle-même, il lui fallait recourir à l'assistance de sa soeur, laquelle tenait si peu de compte du sentiment de pudeur incroyablement délicat de la malade que celle-ci souvent, pour éviter la confusion où cela la jetait, n'osait pas se mettre entre ses mains : Il en avait été ainsi dans le cas présent. Le mercredi d'avant, le confesseur avait découvert qu'Anne Catherine s'était lavée elle-même avec de l'eau-de-vie et avait décliné les services de sa soeur. Pour la punir de ce refus, il l'avait privée de la communion le jeudi et le vendredi, et il l'eût fait plus longtemps si l'état où il l'avait trouvée le samedi ne lui eût fait craindre qu'elle ne mourût. Le lecteur appréciera facilement de quelle utilité pouvaient être dans un cas semblable les dix gouttes d'opium données à Anne Catherine. Mais quand ces choses et d'autres semblables lui arrivaient, elle avait coutume de les prendre comme une punition bien méritée, avec un profond sentiment de sa culpabilité et sans jamais se permettre une excuse.
13. Son obéissance acquit par là une telle énergie que même ses facultés corporelles et ses sens obéissaient aussi ponctuellement à l'ordre du prêtre que la volonté elle-même, et en cela aussi il en était d'elle comme de Marie Bagnesi. Un jour que celle-ci, livrée à des tortures intolérables, ne pouvait plus se tenir en repos, mais se tordait en gémissant sur son lit de douleur, ses commensaux appelèrent son confesseur afin que la bénédiction sacerdotale lui rendît le calme. Il vint, la consola, et avant de se retirer, il lui donna sa bénédiction en disant : " Maintenant, soeur Marie, obéis et tiens-toi tranquille." A l'instant elle devint immobile, resta ainsi, jusqu'au lendemain, dans la position où elle était couchée, et ne fit plus un mouvement jusqu'à ce que le confesseur fût revenu et eût retiré son ordre. Quant à Anne Catherine qui, comme Marie Bagnesi, était habituellement visitée par des souffrances plus grandes encore qu'à l'ordinaire à la fin de chaque année ecclésiastique, parce que, comme une fidèle servante, elle avait à corriger et à refaire avec un redoublement de fatigue les travaux omis ou mal faits dans la vigne du Seigneur par des serviteurs négligents, voici ce que rapporte Wesener à la date du 27 octobre 1815 :
" Elle fut très malade toute la journée et tout son corps tremblait dans l'excès de la souffrance. Ce qui me parut le plus remarquable fut une surdité complète survenue depuis quelques jours et qui faisait que, même sans être en extase, elle n'entendait plus rien de ce qu'on lui disait. Elle ne pouvait entendre que ce que son confesseur lui ordonnait en vertu de l'obéissance.
" En novembre, il survint une forte toux, laquelle augmenta bientôt à tel point qu'il me fallut penser au moyen de la modérer. Je voulus réserver l'essence de musc jusqu'à la dernière extrémité : d'un autre côté l'opium me parut attaquer l'estomac : c'est pourquoi j'essayai d'une friction de camphre, mais cela ne fit qu'augmenter la toux. Je priai alors son confesseur de veiller près d'elle avec sa soeur. Le lendemain je trouvai la malade sans toux, ce que M. Limberg m'expliqua." J'ai veillé, m'a-t-il dit, jusqu'à minuit près de la malade avec sa soeur. Elle toussait sans relâche et si violemment que je ne pouvais plus le supporter. Dans mon embarras, saisi de compassion, j'ai eu recours à un moyen de l'ordre spirituel et je lui ai ordonné, en vertu de l'obéissance, de ne plus tousser et de rester tranquille. A l'instant elle s'est affaissée sur elle-même comme sans connaissance ; elle n'a pas toussé une seule fois depuis ce moment et elle est restée tranquille jusqu'au matin." La toux ne revint plus de toute la journée et ne reprit que le soir, mais assez faiblement.
" Le vendredi 10 novembre, ses stigmates lui occasionnèrent toute la journée de si affreuses douleurs que nous en étions tout bouleversés. Ses mains et ses doigts étaient d'une pâleur livide et recourbés vers l'intérieur. Elle-même tremblait de tout son corps et était étendue sans connaissance, semblable à une morte. Tout à coup elle soupirai et dit : " Ah ! Si je pouvais sortir d'ici ! Si je pouvais être devant le Saint Sacrement pour y prier !" sur quoi M. Limberg répondit : " Faites seulement cela, vous serez délivrée !" Ces paroles de son confesseur dites presque au hasard et d'ailleurs fort peu claires ne donnèrent pas de force à la patiente, qui dit alors
" Puis-je le faire ? Dois-je le faire ?" Je priai le confesseur de lui en donner la force au moyen de l'obéissance. Il le fit et à l'instant elle se releva sur ses genoux et commença à prier les bras étendus. La vue de cette femme agenouillée, faible jusqu'à en mourir, avait réellement quelque chose d'effrayant et, comme nous craignions que cet effort n'empirât encore son état, le confesseur, au bout de quelque temps, lui commanda de se recoucher. Aussitôt elle retomba sur elle-même comme un drap mouillé et quand un peu plus tard, elle revint à elle, elle dit qu'elle sentait l'intérieur de son corps comme mort. On lui mit sur la poitrine un cataplasme trempé d'eau-de-vie très chaude, et le soir, à dix heures, je lui fis donner huit gouttes d'essence de musc."
Son désir de recevoir le Saint-Sacrement aussi bien que son profond respect devant lui s'exprima dans d'autres occasions de la manière la plus touchante. Ainsi un jour elle fut enflammée d'un si grand désir de cet adorable sacrement qu'involontairement elle fut transportée en esprit à l'Église. Elle se trouva agenouillée devant le tabernacle et comme étant sur le point de l'ouvrir pour se donner à elle-même la communion. Alors elle fut saisie d'une terreur indicible à la pensée de cet acte illicite, si bien qu'elle revint à elle, et, dans son angoisse, pria son confesseur, qui était là, de lui permettre de se confesser, afin de recevoir l'absolution. Il voulut l'en dissuader comme s'il ne s'était agi que d'un simple rêve, mais il ne put la calmer qu'à grand'peine, car elle se sentait sûre de n'avoir pas rêvé, mais de s'être trouvée réellement et en personne devant le tabernacle, quoiqu'en esprit.
Pendant l'octave de la Toussaint, son confesseur ayant fait une absence de quelques jours, elle n'osa pas recevoir la sainte communion sans y être autorisée par lui, parce qu'elle craignait d'avoir commis un péché en se mettant en colère contre sa soeur. Par suite de la douleur qu'elle en ressentit et de la privation du sacrement, elle devint, suivant les paroles de Wesener, " si faible et si misérable, son pouls si petit et d'une telle ténuité qu'on ne doutait pas de sa mort prochaine." Mais, après le retour de Limberg, s'étant confessée et ayant reçu le corps du Seigneur, cela lui rendit si bien ses forces que, le lendemain, Wesener la trouva bien portante et de bonne humeur.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
14. Ce n'était pourtant pas seulement dans les choses de la vie spirituelle qu'Anne Catherine se soumettait passivement à ce que disait son confesseur, mais elle cherchait en tout, sans aucune exception, à régler sa conduite suivant ce qu'il permettait ou défendait. Son désir de vivre dans l'obéissance, avait pris d'autant plus de force, depuis son expulsion du couvent, que les circonstances extérieures lui rendaient plus difficile une vie réglée conformément aux voeux de religion. Elle voulait se soumettre pour l'amour de Dieu à toute créature : c'est pourquoi elle s'appliquait avec une sagacité et une persévérance étonnantes à sacrifier sa volonté propre dans toutes les occurrences de la vie de chaque jour. L'abandon complet à Dieu de toutes les puissances du corps et de l'âme que, sous l'impulsion du Saint-Esprit, elle renouvelait sans cesse avec la plus vive ferveur, n'était pas seulement pour elle une prière enflammée ou un ardent acte d'amour, mais c'était un fait, une réalité dans sa vie, car à chaque instant il se présentait des occasions de mettre cet abandon en action d'une manière héroïque par la souffrance et par le renoncement, par la patience et par la douceur. Son extrême humilité et son constant oubli d'elle-même avaient habitué son entourage à ne pas la considérer comme une malade qui eût besoin de soins particuliers : car, de même que, dans son enfance, elle n'avait jamais pris ses visions et son état de souffrance comme prétexte pour se dispenser d'un travail pénible ou pour s'élever au-dessus des exigences gênantes de sa modeste condition, de même sa position actuelle n'apportait aucun changement dans sa manière de vivre accoutumée. Elle était restée aussi simple, aussi serviable, aussi laborieuse qu'auparavant et il ne lui vint jamais dans l'esprit qu'elle pût prétendre à des égards particuliers. Comme elle ne pouvait plus sans assistance étrangère gouverner le ménage de l'abbé Lambert, elle avait pris avec elle, comme aide, sa soeur cadette Gertrude ; mais celle-ci était si inexpérimentée qu'Anne Catherine, sans pouvoir quitter son lit, était obligée de lui enseigner tous les travaux propres aux femmes, y compris la cuisine, et de préparer elle-même chaque mets de manière à ce que le vieillard infirme pût en manger. Elle faisait cela, malgré toutes ses souffrances et malgré sa répugnance presque insurmontable pour l'odeur des aliments, comme une chose qui s'entendait de soi-même, et elle s'y prêtait de si bon coeur que tout l'entourage prit l'habitude de se faire rendre toute espèce de services par cette pauvre malade, dont la bouche ne manifestait jamais le désir du moindre soin ou de la moindre assistance pour elle-même. La victoire sur elle-même et le renoncement étaient tellement devenus sa nature que la joie de servir les autres semblait tout remplacer pour elle. En outre, dès le premier jour, sa soeur la considéra et la traita comme une personne qui ne restait toujours couchée que pour suivre sa fantaisie et par amour de ses aises, qui, d'ailleurs, aurait bien pu manger si elle avait voulu prendre un peu plus sur elle. On peut se figurer ce qu'elle eut à endurer par suite d'une telle manière de juger son état. Il est plus facile de supporter avec résignation de grandes souffrances et de grandes tribulations dont la cause reste cachée aux yeux des autres, ou de conserver la patience et la sérénité de l'âme au milieu de douleurs corporelles incessantes que d'accueillir en silence avec une douceur, une bonté et une aménité inaltérables, avec une bienveillance toujours la même, les témoignages répétés tous les jours, pour ne pas dire à toute heure, d'une dureté sans ménagement et les explosions d'une irritabilité provoquante, sans être jamais l'objet de ces petites attentions et de ces soins coûtant si peu qui, pour la pauvre religieuse couchée sur son lit de douleurs, eussent été un bienfait inappréciable. Elle-même ne demandait jamais rien : mais à chaque moment elle acquérait le mérite d'un renoncement plein de mansuétude, mérite d'autant plus grand devant Dieu que l'effort par lequel il était conquis échappait aux yeux des hommes.
Wesener donne les détails suivants sur ce qu'il vit pendant la première année de ses rapports avec Anne Catherine :
" La soeur d'Anne Catherine a un caractère qui est à la fois plein de faiblesse et de dureté et elle donne souvent les plus grands ennuis à la malade aussi bien qu'à moi. Elle a très peu d'affection pour la malade et de plus aucune déférence : pendant des journées entières, elle ne lui donne pas une goutte d'eau et encore moins quelque autre chose. S'il y avait de la fourberie en jeu, cette soeur serait certainement la première à la dénoncer : j'ai eu un jour l'occasion de parler à la malade de la manière dont sa soeur se comportait et elle n'a pu s'empêcher d'avouer que celle-ci serait la première à témoigner contre elle, si elle faisait le moindre acte d'hypocrisie ; car elle ne la traite pas en soeur, mais en ennemie, parce qu'elle ne peut endurer ni un avis sur ses défauts, ni une prière de s'en corriger. Je dois avouer que je ne serais pas de force à supporter l'esprit de contradiction et l'humeur fantasque de cette soeur si inférieure à son aînée. La malade est obligée de se donner la peine de l'aider dans tous ses travaux, et je l'ai vue souvent moi-même préparer sur son lit certains mets où il entrait du lait, de la farine et des œufs. C'est là ce qui l'a fait soupçonner d'imposture par beaucoup de gens méfiants. L'abbé Lambert était souvent si attristé de tout cela qu'il voulait empêcher la malade de s'occuper ainsi de travaux de cuisine : mais il fallait qu'elle s'en mêlât pour que ce vieillard infirme pût avoir ce qui lui était nécessaire. Or ce travail était pour elle un vrai supplice, car elle pouvait à peine supporter l'odeur des mets. Ainsi je la trouvai une fois prise d'une toux convulsive parce que sa soeur qui avait retiré du four du pain blanc fraîchement cuit était venue près du lit de la malade, ayant ses vêtements encore imprégnés de l'odeur du pain chaud. Elle était du reste presque toujours prise d'une toux de ce genre quand sa sœur laissait la porte de la chambre ouverte et que l'odeur des mets y arrivait de la cuisine. Dans une visite du matin je la trouvai une fois très affaiblie. Elle avait eu toute la nuit des accès de toux convulsive parce que sa soeur avait soufflé une bougie devant son lit sans éteindre la mèche fumante. La fumée qui s'en était dégagée avait été cause de cette toux qui n'avait pu se calmer de toute la nuit."
Six ans plus tard, Clément Brentano racontait ainsi ce que lui-même avait vu :
" La soeur de la malade était une des plus grandes croix qu'elle eut à endurer. Elle la subissait avec une douleur indicible et avait pour elle la plus grande compassion. Cette soeur avait un caractère très malheureux ; mais Anne Catherine travaillait jour et nuit par la souffrance, la prière et la patience, à obtenir de Dieu son changement moral.
Elle était très bornée, sans discernement, sans aucune douceur, colère, entêtée ; en sorte qu'elle ne pouvait supporter ni le moindre avis, ni la moindre observation. La malade, dans son état d'abandon et sans cesse privée de l'usage de ses sens, était livrée jour et nuit à la dureté inintelligente et impitoyable de cette soeur ; en outre, grâce au don terrible de lire dans les coeurs, elle avait le sentiment de l'état intérieur de sa soeur, ce qui était extrêmement douloureux pour elle. Elle a beaucoup souffert et prié pour cette soeur, si bien que celle-ci, après la mort d'Anne Catherine, est devenue une tout autre personne."
Wesener donne les détails suivants sur ce qu'il vit pendant la première année de ses rapports avec Anne Catherine :
" La soeur d'Anne Catherine a un caractère qui est à la fois plein de faiblesse et de dureté et elle donne souvent les plus grands ennuis à la malade aussi bien qu'à moi. Elle a très peu d'affection pour la malade et de plus aucune déférence : pendant des journées entières, elle ne lui donne pas une goutte d'eau et encore moins quelque autre chose. S'il y avait de la fourberie en jeu, cette soeur serait certainement la première à la dénoncer : j'ai eu un jour l'occasion de parler à la malade de la manière dont sa soeur se comportait et elle n'a pu s'empêcher d'avouer que celle-ci serait la première à témoigner contre elle, si elle faisait le moindre acte d'hypocrisie ; car elle ne la traite pas en soeur, mais en ennemie, parce qu'elle ne peut endurer ni un avis sur ses défauts, ni une prière de s'en corriger. Je dois avouer que je ne serais pas de force à supporter l'esprit de contradiction et l'humeur fantasque de cette soeur si inférieure à son aînée. La malade est obligée de se donner la peine de l'aider dans tous ses travaux, et je l'ai vue souvent moi-même préparer sur son lit certains mets où il entrait du lait, de la farine et des œufs. C'est là ce qui l'a fait soupçonner d'imposture par beaucoup de gens méfiants. L'abbé Lambert était souvent si attristé de tout cela qu'il voulait empêcher la malade de s'occuper ainsi de travaux de cuisine : mais il fallait qu'elle s'en mêlât pour que ce vieillard infirme pût avoir ce qui lui était nécessaire. Or ce travail était pour elle un vrai supplice, car elle pouvait à peine supporter l'odeur des mets. Ainsi je la trouvai une fois prise d'une toux convulsive parce que sa soeur qui avait retiré du four du pain blanc fraîchement cuit était venue près du lit de la malade, ayant ses vêtements encore imprégnés de l'odeur du pain chaud. Elle était du reste presque toujours prise d'une toux de ce genre quand sa sœur laissait la porte de la chambre ouverte et que l'odeur des mets y arrivait de la cuisine. Dans une visite du matin je la trouvai une fois très affaiblie. Elle avait eu toute la nuit des accès de toux convulsive parce que sa soeur avait soufflé une bougie devant son lit sans éteindre la mèche fumante. La fumée qui s'en était dégagée avait été cause de cette toux qui n'avait pu se calmer de toute la nuit."
Six ans plus tard, Clément Brentano racontait ainsi ce que lui-même avait vu :
" La soeur de la malade était une des plus grandes croix qu'elle eut à endurer. Elle la subissait avec une douleur indicible et avait pour elle la plus grande compassion. Cette soeur avait un caractère très malheureux ; mais Anne Catherine travaillait jour et nuit par la souffrance, la prière et la patience, à obtenir de Dieu son changement moral.
Elle était très bornée, sans discernement, sans aucune douceur, colère, entêtée ; en sorte qu'elle ne pouvait supporter ni le moindre avis, ni la moindre observation. La malade, dans son état d'abandon et sans cesse privée de l'usage de ses sens, était livrée jour et nuit à la dureté inintelligente et impitoyable de cette soeur ; en outre, grâce au don terrible de lire dans les coeurs, elle avait le sentiment de l'état intérieur de sa soeur, ce qui était extrêmement douloureux pour elle. Elle a beaucoup souffert et prié pour cette soeur, si bien que celle-ci, après la mort d'Anne Catherine, est devenue une tout autre personne."
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