Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
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Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
15. Anne Catherine avait à endurer un supplice d'un genre tout particulier de la part de sa soeur qui avait la manie de vouloir la faire manger. Toutes les fois qu'elle avait à souffrir pour des mourants qui s'étaient rendus gravement coupables d'intempérance et n'en avaient pas fait pénitence, ses peines expiatoires avaient ce caractère qu'elle prenait sur elle les diverses suites physiques et morales de ce vice et qu'elle avait à les combattre en elle-même par la mortification et la patience, prenant la place de ces malheureux pécheurs d'habitude pour leur conquérir la possibilité de bien mourir. Tantôt elle était poursuivie par une odeur si forte d'aliments et de plats recherchés que l'excès du dégoût lui ôtait toute espèce de force, tantôt elle était assaillie d'une envie de manger irrésistible qu'elle avait la plus grande peine à dompter, tantôt elle éprouvait le déplaisir et la vive irritation d'une personne sensuelle qui ne peut satisfaire un désir insurmontable de friandises ; tantôt elle mourait de soif et, si elle essayait de boire, il s'ensuivait un étranglement et des efforts pour vomir qui semblaient devoir aboutir à la mort ; tantôt enfin, elle goûtait en réalité de quelque aliment et il en résultait des tortures auxquelles l'assistance spéciale de Dieu l'empêchait seule de succomber. C'était sa soeur qui, par indifférence et par sottise, la forçait à manger, quand, absorbée dans un travail fait en esprit, elle ne savait pas ce qui se passait autour d'elle ; cependant c'était moins encore par suite de cette ignorance et de la privation de l'usage de ses sens qu'elle acceptait de la nourriture que par un excès d'obéissance. Le Père Limberg voulait qu'elle ne rejetât aucun des services que pouvait lui rendre sa soeur ; de là venait qu'elle se soumettait passivement chaque fois que ladite soeur s'approchait d'elle en lui parlant du ton du commandement et lui présentait à manger. Wesener a noté plusieurs cas de ce genre parmi lesquels nous avons choisi ceux qui suivent :
" 30 mai 1814. J'ai trouvé la malade dans un triste état et sans sentiment. Je soupçonnai que sa soeur, très entêtée et en même temps très grossière, lui avait donné quelque ennui. Il en était ainsi. Le Père Limberg me raconta que cette soeur lui avait fait prendre une tasse de choucroute ; ce ne fut que la nuit suivante qu'elle put la vomir avec des douleurs excessives.
" 2 septembre. Je trouvai la malade dans un état misérable. Elle finit par vomir, mais après cela elle fut si mal que nous l'aurions crue morte si le pouls, quoique bien faible, n'eût pas encore trahi une étincelle de vie. En vomissant, elle avait rendu quelques petits brins de viande, ce dont sa soeur nous donna l'explication en disant : " J'ai fait cuire un ragoût pour l'abbé Lambert et je l'ai donné à goûter à la malade. Mais il faut qu'elle n'ait pas bien eu sa connaissance puisqu'en goûtant, elle a avalé quelque chose."
" 29 octobre. Je la trouvai le soir malade à la mort. Elle avait un mal de coeur effrayant avec des étranglements et des vomissements convulsifs. Cela avait déjà commencé vers midi. Je m'informai de la cause de ce triste état et j'appris que le matin, pendant la grand'messe, dans un moment où elle n'avait pas bien l'usage de ses sens, sa soeur lui avait présenté de la salade arrosée d'une sauce acide pour qu'elle y goûtât. Elle vomit quelques brins de salade et des mucosités : mais je ne pus parvenir à calmer ses terribles nausées ni à arrêter les vomissements. Je fis veiller la nuit auprès d'elle. Le lendemain matin, je la trouvai en vie, mais c'était tout. Toute la nuit elle avait lutté contre la mort et ce fut le matin seulement que la sainte communion arrêta les vomissements et lui procura un peu de repos. A midi tout était de nouveau comme avant. La malade éprouvait une soif ardente, elle avait des douleurs terribles dans le corps et dans le cou, et une gorgée d'eau renouvela les nausées et les vomissements. Je lui donnai six gouttes d'essence de musc sans beaucoup de succès : c'est pourquoi je réitérai la dose le soir. Elle se sentait comme rouée et se faisait de grands reproches pour avoir goûté la salade. Je pus pourtant la tranquilliser à cet égard : car ce n'était pas à elle, dans l'état d'absorption où elle se trouvait, mais à l'incroyable manque de ménagements de sa soeur qu'il fallait imputer tout cela.
" 9 mai 1845. J'ai trouvé la malade faible à en mourir. M. Limberg et sa soeur qui avaient veillé près d'elle pendant la nuit, avaient craint plusieurs fois de la voir expirer entre leurs mains, parce qu'avec l'étranglement le plus violent, elle ne pouvait pas arriver à vomir. Le matin, après avoir reçu la communion, elle devint un peu plus calme, cependant je remarquai en elle un effort violent et convulsif comme pour avaler quelque chose. A la fin elle vomit un liquide de couleur brunâtre dans lequel nous reconnûmes la cause de ses souffrances. Son frère aîné l'avait visitée le jour précédent et il lui avait présenté de la bière dont elle avait avalé quelques gouttes, ayant l'esprit absent."
Dans de semblables occasions, Anne Catherine ne laissait jamais échapper une plainte contre sa soeur : bien plus, elle n'avait pas même un premier mouvement de colère contre l'incurie si peu charitable qui lui préparait de telles souffrances : elle ne s'en prenait qu'à elle-même comme si son imprudence eût été la cause de tout le mal. Mais quand elle voyait combien sa soeur était sourde aux exhortations les plus affectueuses, combien peu de peine elle se donnait pour remplir consciencieusement les devoirs de son état, avec quelle obstination elle refusait toujours d'avouer une faute et de se corriger d'un défaut, Anne Catherine tombait dans une tristesse indicible, surtout lorsque cette soeur, qui se tenait pour une personne pieuse et craignant Dieu, s'approchait des sacrements. A ce propos, Wesener rapporte ce qui suit, le 26 septembre 1815 : " J'ai trouvé la malade toute triste, et comme je lui en demandai la cause, elle m'a dit : " Je suis prête à souffrir patiemment toute espèce de peine, car je suis dans ce monde pour souffrir et je sais même pourquoi j'ai à souffrir, mais la pensée et je pourrais dire la conviction que ma pauvre soeur devient près de moi plutôt pire que meilleure me fait trembler." Je cherchai à la consoler en lui disant que certainement Dieu ne permettrait pas que sa soeur se perdit, qu'assurément elle changerait, mais que présentement il fallait peut-être qu'elle fût l'instrument destiné à la rendre plus parfaite. Je parvins par là à la calmer." 16. Ce qui aggravait encore la situation d'Anne Catherine, c'est que, dans ses rapports avec cette soeur, l'assistance de ses amis ecclésiastiques lui faisait défaut : L'abbé Lambert était trop débonnaire et possédait trop peu la langue allemande ; le Père Limberg était d'un naturel trop timide pour pouvoir maîtriser ce caractère intraitable ; Overberg voyait là une pierre de touche et un instrument à l'aide duquel Dieu voulait purger de toute imperfection l'âme d'Anne Catherine. Elle n'avait de ce côté ni consolation, ni garantie : elle aurait eu besoin d'un arbitre entre elle et Gertrude, qui ne lui épargnât pas à elle-même les réprimandes, si, comme le lui reprochait sans cesse sa soeur, elle se laissait aller à l'irritation et à l'emportement. Mais son humilité ne lui permettait pas d'être juge dans sa propre cause : c'est pourquoi elle pria Overberg de confier cette fonction d'arbitre au docteur Wesener qui connaissait aussi exactement que possible tous ses rapports domestiques et qui était en mesura de dire la vérité à toutes les deux.
" 30 mai 1814. J'ai trouvé la malade dans un triste état et sans sentiment. Je soupçonnai que sa soeur, très entêtée et en même temps très grossière, lui avait donné quelque ennui. Il en était ainsi. Le Père Limberg me raconta que cette soeur lui avait fait prendre une tasse de choucroute ; ce ne fut que la nuit suivante qu'elle put la vomir avec des douleurs excessives.
" 2 septembre. Je trouvai la malade dans un état misérable. Elle finit par vomir, mais après cela elle fut si mal que nous l'aurions crue morte si le pouls, quoique bien faible, n'eût pas encore trahi une étincelle de vie. En vomissant, elle avait rendu quelques petits brins de viande, ce dont sa soeur nous donna l'explication en disant : " J'ai fait cuire un ragoût pour l'abbé Lambert et je l'ai donné à goûter à la malade. Mais il faut qu'elle n'ait pas bien eu sa connaissance puisqu'en goûtant, elle a avalé quelque chose."
" 29 octobre. Je la trouvai le soir malade à la mort. Elle avait un mal de coeur effrayant avec des étranglements et des vomissements convulsifs. Cela avait déjà commencé vers midi. Je m'informai de la cause de ce triste état et j'appris que le matin, pendant la grand'messe, dans un moment où elle n'avait pas bien l'usage de ses sens, sa soeur lui avait présenté de la salade arrosée d'une sauce acide pour qu'elle y goûtât. Elle vomit quelques brins de salade et des mucosités : mais je ne pus parvenir à calmer ses terribles nausées ni à arrêter les vomissements. Je fis veiller la nuit auprès d'elle. Le lendemain matin, je la trouvai en vie, mais c'était tout. Toute la nuit elle avait lutté contre la mort et ce fut le matin seulement que la sainte communion arrêta les vomissements et lui procura un peu de repos. A midi tout était de nouveau comme avant. La malade éprouvait une soif ardente, elle avait des douleurs terribles dans le corps et dans le cou, et une gorgée d'eau renouvela les nausées et les vomissements. Je lui donnai six gouttes d'essence de musc sans beaucoup de succès : c'est pourquoi je réitérai la dose le soir. Elle se sentait comme rouée et se faisait de grands reproches pour avoir goûté la salade. Je pus pourtant la tranquilliser à cet égard : car ce n'était pas à elle, dans l'état d'absorption où elle se trouvait, mais à l'incroyable manque de ménagements de sa soeur qu'il fallait imputer tout cela.
" 9 mai 1845. J'ai trouvé la malade faible à en mourir. M. Limberg et sa soeur qui avaient veillé près d'elle pendant la nuit, avaient craint plusieurs fois de la voir expirer entre leurs mains, parce qu'avec l'étranglement le plus violent, elle ne pouvait pas arriver à vomir. Le matin, après avoir reçu la communion, elle devint un peu plus calme, cependant je remarquai en elle un effort violent et convulsif comme pour avaler quelque chose. A la fin elle vomit un liquide de couleur brunâtre dans lequel nous reconnûmes la cause de ses souffrances. Son frère aîné l'avait visitée le jour précédent et il lui avait présenté de la bière dont elle avait avalé quelques gouttes, ayant l'esprit absent."
Dans de semblables occasions, Anne Catherine ne laissait jamais échapper une plainte contre sa soeur : bien plus, elle n'avait pas même un premier mouvement de colère contre l'incurie si peu charitable qui lui préparait de telles souffrances : elle ne s'en prenait qu'à elle-même comme si son imprudence eût été la cause de tout le mal. Mais quand elle voyait combien sa soeur était sourde aux exhortations les plus affectueuses, combien peu de peine elle se donnait pour remplir consciencieusement les devoirs de son état, avec quelle obstination elle refusait toujours d'avouer une faute et de se corriger d'un défaut, Anne Catherine tombait dans une tristesse indicible, surtout lorsque cette soeur, qui se tenait pour une personne pieuse et craignant Dieu, s'approchait des sacrements. A ce propos, Wesener rapporte ce qui suit, le 26 septembre 1815 : " J'ai trouvé la malade toute triste, et comme je lui en demandai la cause, elle m'a dit : " Je suis prête à souffrir patiemment toute espèce de peine, car je suis dans ce monde pour souffrir et je sais même pourquoi j'ai à souffrir, mais la pensée et je pourrais dire la conviction que ma pauvre soeur devient près de moi plutôt pire que meilleure me fait trembler." Je cherchai à la consoler en lui disant que certainement Dieu ne permettrait pas que sa soeur se perdit, qu'assurément elle changerait, mais que présentement il fallait peut-être qu'elle fût l'instrument destiné à la rendre plus parfaite. Je parvins par là à la calmer." 16. Ce qui aggravait encore la situation d'Anne Catherine, c'est que, dans ses rapports avec cette soeur, l'assistance de ses amis ecclésiastiques lui faisait défaut : L'abbé Lambert était trop débonnaire et possédait trop peu la langue allemande ; le Père Limberg était d'un naturel trop timide pour pouvoir maîtriser ce caractère intraitable ; Overberg voyait là une pierre de touche et un instrument à l'aide duquel Dieu voulait purger de toute imperfection l'âme d'Anne Catherine. Elle n'avait de ce côté ni consolation, ni garantie : elle aurait eu besoin d'un arbitre entre elle et Gertrude, qui ne lui épargnât pas à elle-même les réprimandes, si, comme le lui reprochait sans cesse sa soeur, elle se laissait aller à l'irritation et à l'emportement. Mais son humilité ne lui permettait pas d'être juge dans sa propre cause : c'est pourquoi elle pria Overberg de confier cette fonction d'arbitre au docteur Wesener qui connaissait aussi exactement que possible tous ses rapports domestiques et qui était en mesura de dire la vérité à toutes les deux.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
Elle ne cessa pas non plus de supplier Wesener jusqu'à ce qu'il consentit à se charger de cet office charitable, mais il ne tarda pas à reconnaître quel labeur ingrat il s'était laissé imposer. " Un jour, dit-il dans son journal, qu'avec beaucoup de douceur et de ménagement, je faisais des représentations à cette soeur sur sa méchante humeur, sa désobéissance et son caractère acariâtre, elle se montra surprise et choquée, déclarant qu'elle était ainsi faite et qu'elle n'y voyait pas grand mal. Alors je lui citai des faits, mais inutilement ; bien plus elle triomphait quand elle voyait la malade s'indigner à trop juste titre."
Anne Catherine de son côté prit tellement au sérieux l'office dont le médecin s'était chargé quelle s'accusait devant lui en pleurant chaque fois qu'elle craignait de s'être emportée. Au bout de quelques mois Wesener écrivit à Overberg :
" Si cela dépendait de moi, j'aurais depuis longtemps chassé le mauvais esprit, c'est-à-dire la soeur de la malade : mais quand je veux en venir là, celle-ci me conjure au nom de Dieu de n'en rien faire ; elle seule, dit-elle, est responsable de tout cela parce que c'est une épreuve à laquelle elle est soumise : ainsi j'ai toujours les mains liées, autrement j'aurais depuis longtemps renvoyé cette soeur. Il faut pourtant que cela se fasse, à quelque prix que ce soit, car je crois qu'un ange même ne pourrait s'accommoder avec elle. Je ne mentionne ici qu'un exemple tout récent. Gertrude, pendant toute une matinée, avait été de très mauvaise humeur vis-à-vis de la malade qui pourtant supportait sa méchanceté avec beaucoup de calme et de patience. Dans l'après-midi, Anne Catherine voulut raccommoder une chemise pour un pauvre et pria sa soeur de l'aider, lui montrant ce qu'il y avait à faire ; mais celle-ci prit le contre-pied et enleva un morceau en bon état au lieu de celui qui était endommagé. La malade le lui fit observer et prit elle-même les ciseaux pour lui préparer le travail. Là-dessus la soeur se montra si mécontente et si insolente qu'Anne Catherine retira vivement l'ouvrage, ce qui fit tomber les ciseaux par terre. Quel triomphe pour Gertrude ! Elle releva les ciseaux d'un air railleur et les rendit en donnant à entendre qu'Anne Catherine les lui avait jetés à la tête. Celle-ci en fut comme anéantie et malade à la mort jusqu'à ce qu'une confession faite avec un vif repentir et la sainte communion lui eussent rendu des forces. Les cas de ce genre ne sont pas rares. Il faut ici des conseils et de l'assistance, car l'abbé Lambert et le Père Limberg ne prennent aucune résolution et laissent toutes choses aller leur train.
Cette lettre et tous les efforts du médecin pour l'éloignement de Gertrude n'eurent aucun résultat, sans qu'il y eut de sa faute, ni de celle d'Overberg : car Anne Catherine n'osait pas se séparer de sa soeur sans l'ordre de son conducteur invisible, et elle la supporta ainsi durant six ans, jusqu'à ce qu'enfin, un an avant sa mort, l'ange l'autorisa à la congédier. IL y a un fait qui se reproduit presque sans exception dans la vie des personnes favorisées de grâces extraordinaires, c'est qu'elles sont placées par Dieu dans des circonstances qui deviennent pour elles une école de renoncement et de mortification spirituelle, et ou il leur faut conquérir les vertus qui leur content le plus dans une lutte incessante avec leur propre faiblesse.
Ainsi, pour ne citer qu'un seul exemple, nous trouvons Marie Bagnesi dans une situation semblable à celle d'Anne Catherine. Elle avait pour garde une personne qui exigeait d'elle avec une dureté insolente les plus humbles offices d'une servante. Cette femme avait été au service des parents de Marie et elle se croyait autorisée par là à se faire servir à son tour par leur fille. Si peu que Marie se trouvât en état de se mouvoir, elle lui ordonnait du ton le plus impérieux de s'occuper du ménage, de porter du bois et de l'eau et de préparer le repas. Elle-même allait faire des visites hors de la maison, et malheur à Marie si, à son retour, elle ne trouvait pas toutes choses arrangées à son gré ! C'étaient alors de sauvages explosions de colère contre lesquelles ne pouvaient rien les douces prières de la patiente qui, les mains jointes devant la poitrine, la suppliait de lui pardonner pour l'amour de Jésus. Mais, quand Marie était clouée sur son lit de malade par de violents accès de fièvre, par les douleurs de la pierre ou par d'autres cruelles souffrances, elle ne pouvait pas obtenir un verre d'eau de cette servante. Elle languissait alors dans l'excès de sa soif, si bien que des chats, qui avaient trouvé le moyen d'entrer dans sa chambre par la fenêtre, y apportaient dans leur compassion de la viande et du fromage, comme s'ils eussent voulu préparer une réfection pour la pauvre délaissée. Il n'en aurait coûté qu'un mot à Marie pour se délivrer de ce fardeau insupportable ; mais elle n'osait pas le dire, persuadée qu'elle ne pouvait trouver une meilleure occasion de pratiquer la douceur et la patience. Ces épreuves, qui se renouvelaient chaque jour sous les formes les plus diverses, étaient, pour Marie Bagnesi et pour Anne Catherine ce que sont pour le peuple laborieux des abeilles les bourgeons des arbres ou les fleurs des prairies ; car elles y trouvaient le miel dé l'ineffable onction spirituelle au moyen de laquelle elles répandaient la consolation, la lumière, l'édification et une sainte émotion dans les coeurs de tous ceux qui s'approchaient de leur lit de douleur. Elles expiaient ainsi les fautes des coeurs durs, des violents, des vindicatifs, des implacables, de ceux que l'impatience poussée au désespoir, et finissaient par obtenir pour les pécheurs d'habitude les plus endurcis la grâce trop souvent repoussée de la conversion. Elles amassaient ainsi l'inépuisable trésor de bienveillance cordiale, de bonté et de douceur infinies qui, comme un parfum plein de suavité, découlait de ces vases de la miséricorde de Dieu. C'était là qu'elles prenaient l'attrait irrésistible du langage avec lequel elles faisaient revivre la foi et l'amour de Dieu dans tant de cœurs où ils s'étaient éteints. Mais, chargées d'expier comme elles l'étaient, elles avaient à tirer le miel des chardons et des épines et la cire des pierres arides ; car, pour accomplir leur tâche, il leur fallait arroser les épines de leurs larmes comme d'une rosée et amollir là pierre par le feu de leurs souffrances. Sans doute tout ce qui se rattachait à leur vie extérieure était humble et vulgaire, sans toutefois l'être plus que les besoins des pauvres humains de haute ou de basse condition, savants ou illettrés, au secours desquels elles couraient, dont elles expiaient les offenses, pour le salut desquels elles luttaient ; puis devant Dieu, tout cela était grand, éclatant et magnifique comme la poussière de la terre, la sueur, la chaleur et la fatigue qu'a supportées le Fils de l'homme, comme la classe méprisée, profondément abaissée, des publicains et des pécheresses publiques avec lesquels il a frayé, comme l'humble condition des pécheurs galiléens parmi lesquels il a choisi ses apôtres. Car c'est lui-même qui, dans ces instruments qu'il s'est faits, opère et souffre, guérit et sauve ; c'est lui qui veille avec un soin jaloux à ce qu'ils embrassent l'état d'abaissement comme le sceau de leur élection.
Anne Catherine de son côté prit tellement au sérieux l'office dont le médecin s'était chargé quelle s'accusait devant lui en pleurant chaque fois qu'elle craignait de s'être emportée. Au bout de quelques mois Wesener écrivit à Overberg :
" Si cela dépendait de moi, j'aurais depuis longtemps chassé le mauvais esprit, c'est-à-dire la soeur de la malade : mais quand je veux en venir là, celle-ci me conjure au nom de Dieu de n'en rien faire ; elle seule, dit-elle, est responsable de tout cela parce que c'est une épreuve à laquelle elle est soumise : ainsi j'ai toujours les mains liées, autrement j'aurais depuis longtemps renvoyé cette soeur. Il faut pourtant que cela se fasse, à quelque prix que ce soit, car je crois qu'un ange même ne pourrait s'accommoder avec elle. Je ne mentionne ici qu'un exemple tout récent. Gertrude, pendant toute une matinée, avait été de très mauvaise humeur vis-à-vis de la malade qui pourtant supportait sa méchanceté avec beaucoup de calme et de patience. Dans l'après-midi, Anne Catherine voulut raccommoder une chemise pour un pauvre et pria sa soeur de l'aider, lui montrant ce qu'il y avait à faire ; mais celle-ci prit le contre-pied et enleva un morceau en bon état au lieu de celui qui était endommagé. La malade le lui fit observer et prit elle-même les ciseaux pour lui préparer le travail. Là-dessus la soeur se montra si mécontente et si insolente qu'Anne Catherine retira vivement l'ouvrage, ce qui fit tomber les ciseaux par terre. Quel triomphe pour Gertrude ! Elle releva les ciseaux d'un air railleur et les rendit en donnant à entendre qu'Anne Catherine les lui avait jetés à la tête. Celle-ci en fut comme anéantie et malade à la mort jusqu'à ce qu'une confession faite avec un vif repentir et la sainte communion lui eussent rendu des forces. Les cas de ce genre ne sont pas rares. Il faut ici des conseils et de l'assistance, car l'abbé Lambert et le Père Limberg ne prennent aucune résolution et laissent toutes choses aller leur train.
Cette lettre et tous les efforts du médecin pour l'éloignement de Gertrude n'eurent aucun résultat, sans qu'il y eut de sa faute, ni de celle d'Overberg : car Anne Catherine n'osait pas se séparer de sa soeur sans l'ordre de son conducteur invisible, et elle la supporta ainsi durant six ans, jusqu'à ce qu'enfin, un an avant sa mort, l'ange l'autorisa à la congédier. IL y a un fait qui se reproduit presque sans exception dans la vie des personnes favorisées de grâces extraordinaires, c'est qu'elles sont placées par Dieu dans des circonstances qui deviennent pour elles une école de renoncement et de mortification spirituelle, et ou il leur faut conquérir les vertus qui leur content le plus dans une lutte incessante avec leur propre faiblesse.
Ainsi, pour ne citer qu'un seul exemple, nous trouvons Marie Bagnesi dans une situation semblable à celle d'Anne Catherine. Elle avait pour garde une personne qui exigeait d'elle avec une dureté insolente les plus humbles offices d'une servante. Cette femme avait été au service des parents de Marie et elle se croyait autorisée par là à se faire servir à son tour par leur fille. Si peu que Marie se trouvât en état de se mouvoir, elle lui ordonnait du ton le plus impérieux de s'occuper du ménage, de porter du bois et de l'eau et de préparer le repas. Elle-même allait faire des visites hors de la maison, et malheur à Marie si, à son retour, elle ne trouvait pas toutes choses arrangées à son gré ! C'étaient alors de sauvages explosions de colère contre lesquelles ne pouvaient rien les douces prières de la patiente qui, les mains jointes devant la poitrine, la suppliait de lui pardonner pour l'amour de Jésus. Mais, quand Marie était clouée sur son lit de malade par de violents accès de fièvre, par les douleurs de la pierre ou par d'autres cruelles souffrances, elle ne pouvait pas obtenir un verre d'eau de cette servante. Elle languissait alors dans l'excès de sa soif, si bien que des chats, qui avaient trouvé le moyen d'entrer dans sa chambre par la fenêtre, y apportaient dans leur compassion de la viande et du fromage, comme s'ils eussent voulu préparer une réfection pour la pauvre délaissée. Il n'en aurait coûté qu'un mot à Marie pour se délivrer de ce fardeau insupportable ; mais elle n'osait pas le dire, persuadée qu'elle ne pouvait trouver une meilleure occasion de pratiquer la douceur et la patience. Ces épreuves, qui se renouvelaient chaque jour sous les formes les plus diverses, étaient, pour Marie Bagnesi et pour Anne Catherine ce que sont pour le peuple laborieux des abeilles les bourgeons des arbres ou les fleurs des prairies ; car elles y trouvaient le miel dé l'ineffable onction spirituelle au moyen de laquelle elles répandaient la consolation, la lumière, l'édification et une sainte émotion dans les coeurs de tous ceux qui s'approchaient de leur lit de douleur. Elles expiaient ainsi les fautes des coeurs durs, des violents, des vindicatifs, des implacables, de ceux que l'impatience poussée au désespoir, et finissaient par obtenir pour les pécheurs d'habitude les plus endurcis la grâce trop souvent repoussée de la conversion. Elles amassaient ainsi l'inépuisable trésor de bienveillance cordiale, de bonté et de douceur infinies qui, comme un parfum plein de suavité, découlait de ces vases de la miséricorde de Dieu. C'était là qu'elles prenaient l'attrait irrésistible du langage avec lequel elles faisaient revivre la foi et l'amour de Dieu dans tant de cœurs où ils s'étaient éteints. Mais, chargées d'expier comme elles l'étaient, elles avaient à tirer le miel des chardons et des épines et la cire des pierres arides ; car, pour accomplir leur tâche, il leur fallait arroser les épines de leurs larmes comme d'une rosée et amollir là pierre par le feu de leurs souffrances. Sans doute tout ce qui se rattachait à leur vie extérieure était humble et vulgaire, sans toutefois l'être plus que les besoins des pauvres humains de haute ou de basse condition, savants ou illettrés, au secours desquels elles couraient, dont elles expiaient les offenses, pour le salut desquels elles luttaient ; puis devant Dieu, tout cela était grand, éclatant et magnifique comme la poussière de la terre, la sueur, la chaleur et la fatigue qu'a supportées le Fils de l'homme, comme la classe méprisée, profondément abaissée, des publicains et des pécheresses publiques avec lesquels il a frayé, comme l'humble condition des pécheurs galiléens parmi lesquels il a choisi ses apôtres. Car c'est lui-même qui, dans ces instruments qu'il s'est faits, opère et souffre, guérit et sauve ; c'est lui qui veille avec un soin jaloux à ce qu'ils embrassent l'état d'abaissement comme le sceau de leur élection.
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XXXII
LE DOCTEUR GUILLAUME WESENER ; SA POSITION VIS-A-VIS D'ANNE CATHERINE. - RAPPORTS D'ANNE CATHERINE AVEC LE MAGNETISME.
1. Il est temps d'étudier de plus près un homme qui, sous bien des rapports, tient une place considérable dans la vie de la servante de Dieu et aux fidèles relations duquel nous sommes redevables de la connaissance de tant de faits importants. Comme nous le savons déjà, le médecin du district, Guillaume Wesener, avait été conduit au lit de douleurs d'Anne Catherine par la première publicité donnée à l'existence des stigmates et un plus long commerce avec elle lui avait fait retrouver la foi qu'il avait perdue et la réconciliation complète avec Dieu. Sa profonde reconnaissance pour cette grâce, dont il se considérait comme redevable à Anne Catherine, le porta à tenir note de ses expériences et de ses observations sur elle ; il voulait conserver le souvenir des faits et des traits nombreux qui lui paraissaient prouver sa vocation extraordinaire et la rare perfection de ses vertus : il mit un soin particulier à noter les incidents et les entretiens qui avaient eu une influence considérable sur lui ou une importance décisive pour le progrès de sa vie intérieure. Ces notes simples et sans art montrent clairement, comme celles que, cinq ans plus tard, Clément Brentano commençait à écrire sur la direction imprimée à son âme par son commerce salutaire avec Anne Catherine, par quelles voies et par quels moyens la vierge favorisée du ciel gagnait les âmes à Dieu et à sa sainte loi. Il serait difficile d'imaginer deux personnes qui, par la direction donnée à leur vie, le tour de leur esprit et leurs facultés naturelles, fussent plus complètement dissemblables que le médecin tout uni de Dulmen et le poète Brentano, si richement et si merveilleusement doué ; et pourtant tous deux s'accordent pour avouer que leur liaison avec Anne Catherine, amenée, non par leur propre volonté et par des projets conçus à l'avance, mais par des circonstances fortuites en apparence, est devenue la disposition la plus féconde en conséquences et la plus miséricordieuse que Dieu ait prise à leur égard. On se plaît aujourd'hui à excuser des hommes fort vantés à cette époque et leurs discours vides et sonores où se faisaient entendre à peine quelques échos lointains de la doctrine chrétienne, en alléguant que la foi de leurs contemporains était devenue trop faible pour pouvoir supporter la vérité tout entière. Mais quoi ! Le divin Sauveur aurait-il donné à ses envoyés la mission de céler son saint Évangile, en présence de tel ou tel siècle ? Ou de soustraire le bienfait de sa parole de salut à ceux-là mêmes qui en auraient le plus grand besoin. Combien la prétendue sagesse de cet enseignement dirigé selon les principes du monde est confondue par la servante de Dieu qui, fidèle à son fiancé céleste, ne voyait de salut pour ses contemporains délaissés que dans la proclamation de la pleine et pure vérité de la foi catholique, et qui, pour cela, toutes les fois que l'occasion s'en présentait, rendait témoignage à cette hérité dans un langage où se manifestait un esprit dont la lumière de la foi était devenue la loi et la vie.
LE DOCTEUR GUILLAUME WESENER ; SA POSITION VIS-A-VIS D'ANNE CATHERINE. - RAPPORTS D'ANNE CATHERINE AVEC LE MAGNETISME.
1. Il est temps d'étudier de plus près un homme qui, sous bien des rapports, tient une place considérable dans la vie de la servante de Dieu et aux fidèles relations duquel nous sommes redevables de la connaissance de tant de faits importants. Comme nous le savons déjà, le médecin du district, Guillaume Wesener, avait été conduit au lit de douleurs d'Anne Catherine par la première publicité donnée à l'existence des stigmates et un plus long commerce avec elle lui avait fait retrouver la foi qu'il avait perdue et la réconciliation complète avec Dieu. Sa profonde reconnaissance pour cette grâce, dont il se considérait comme redevable à Anne Catherine, le porta à tenir note de ses expériences et de ses observations sur elle ; il voulait conserver le souvenir des faits et des traits nombreux qui lui paraissaient prouver sa vocation extraordinaire et la rare perfection de ses vertus : il mit un soin particulier à noter les incidents et les entretiens qui avaient eu une influence considérable sur lui ou une importance décisive pour le progrès de sa vie intérieure. Ces notes simples et sans art montrent clairement, comme celles que, cinq ans plus tard, Clément Brentano commençait à écrire sur la direction imprimée à son âme par son commerce salutaire avec Anne Catherine, par quelles voies et par quels moyens la vierge favorisée du ciel gagnait les âmes à Dieu et à sa sainte loi. Il serait difficile d'imaginer deux personnes qui, par la direction donnée à leur vie, le tour de leur esprit et leurs facultés naturelles, fussent plus complètement dissemblables que le médecin tout uni de Dulmen et le poète Brentano, si richement et si merveilleusement doué ; et pourtant tous deux s'accordent pour avouer que leur liaison avec Anne Catherine, amenée, non par leur propre volonté et par des projets conçus à l'avance, mais par des circonstances fortuites en apparence, est devenue la disposition la plus féconde en conséquences et la plus miséricordieuse que Dieu ait prise à leur égard. On se plaît aujourd'hui à excuser des hommes fort vantés à cette époque et leurs discours vides et sonores où se faisaient entendre à peine quelques échos lointains de la doctrine chrétienne, en alléguant que la foi de leurs contemporains était devenue trop faible pour pouvoir supporter la vérité tout entière. Mais quoi ! Le divin Sauveur aurait-il donné à ses envoyés la mission de céler son saint Évangile, en présence de tel ou tel siècle ? Ou de soustraire le bienfait de sa parole de salut à ceux-là mêmes qui en auraient le plus grand besoin. Combien la prétendue sagesse de cet enseignement dirigé selon les principes du monde est confondue par la servante de Dieu qui, fidèle à son fiancé céleste, ne voyait de salut pour ses contemporains délaissés que dans la proclamation de la pleine et pure vérité de la foi catholique, et qui, pour cela, toutes les fois que l'occasion s'en présentait, rendait témoignage à cette hérité dans un langage où se manifestait un esprit dont la lumière de la foi était devenue la loi et la vie.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
2. Nous reproduirons, en laissant de coté quelques détails secondaires sans grand intérêt, les paroles mêmes où Wesener rend compte de l'impression produite sur lui par Anne Catherine, non seulement aussitôt après qu'il eut fait connaissance avec elle, mais encore après des rapports de plusieurs années ; nous y ajouterons quelques-uns des entretiens qu'elle avait avec lui sur des choses concernant la foi. Ces récits, avec ceux de Clément Brentano qui seront reproduits plus tard, nous serviront à donner un portrait plus complet et plus vivant de toute la personne d'Anne Catherine, et une idée de son influence extraordinaire sur les âmes.
" Ce fut on l'année 1806, dit Wesener, que j'entendis parler pour la première fois d'Anne Catherine ; j'étais encore médecin à Reklinghausen, d'où Krauthausen, médecin du couvent d'Agnetenberg, m'appela en consultation sur les phénomènes pathologiques inexplicables qui se produisaient chez Anne Catherine. A cette époque, j'avais lu quelque chose sur le magnétisme dans les Archives de Reil et je parlai à mon confrère d'accidents cataleptiques, ce qui toutefois ne lui parut rien éclaircir et ne l'empêcha pas de continuer à traiter sa malade par les moyens médicaux. Krauthausen était un homme âgé, d'un caractère morose, qui traitait gratuitement les malades du couvent, et c'était une des raisons pour lesquelles Anne Catherine n'osait refuser aucun de ses remèdes, quoiqu'elle fût obligée de les payer. Il me raconta que la liste des maladies de cette personne était très longue et qu'elles avaient toutes un caractère particulier, car, à peine était-elle guérie de l'une qu'elle était prise de l'autre ; que chacune suivait son cours et, au moment où la mort paraissait prochaine et inévitable, prenait tout à coup une tournure favorable, sans que l'art médical exerçât là-dessus une influence appréciable. Ce fut le 21 mars 1813 que j'entrai pour la première fois en rapport avec elle. Avant entendu parler de ses stigmates dans une société peu nombreuse, j'en pris occasion, en ma qualité de médecin, de visiter la nonne malade. Je la trouvai dans son lit, n'ayant pas sa connaissance ; mais, lorsqu'elle revint à elle, elle me regarda d'un air ouvert et amical, et, quand l'abbé Lambert m'eut nommé à elle, elle dit en souriant qu'elle me connaissait bien. Comme tout cela me paraissait très étrange et que je croyais voir là une sotte plaisanterie, je voulus y mettre promptement fin par une attitude grave et imposante ; toutefois mon attente ne fut pas remplie. Plus je frayai avec la malade, plus j'appris à voir en elle mieux que la personne pleine de calme, de candeur et de simplicité qui s'était montrée à moi à la première vue et qu'elle était aux yeux de tout le monde. Je reconnus de plus en plus en elle une âme simple, vraiment chrétienne, vivant en paix avec elle-même et avec le monde entier, parce qu'elle voyait partout la sainte volonté de Dieu. Elle se considérait comme la pire des créatures et préférait les autres à elle-même. Je n'oublierai jamais non plus avec quelle simplicité et quelle bonté, lorsque nous eûmes fait plus ample connaissance, elle chassa le trouble qui m'agitait et calma mes vives inquiétudes sur les dangers menaçants de la guerre. Elle me dit souvent et positivement que Napoléon tomberait bientôt et que Dulmen serait épargné par les armées françaises, ce qui se vérifia d'une façon remarquable. La garnison française de Minden avait dans ses rangs une masse de bandits effrénés qui firent beaucoup de mal à Dorsten, mais qui passèrent près de Dulmen sans y entrer." Dans nos rapports, je trouvai la malade toujours simple et naturelle. Elle éprouvait beaucoup de chagrin et de confusion de ce qu'on faisait tant d'état d'elle. Elle était affable et affectueuse pour tous, elle secourait les pauvres en secret et aidait les malades et les malheureux à porter leur fardeau. Ce n'est qu'assez tard que j'ai en plus de lumières sur cette faculté qu'elle avait de se charger des souffrances d'autrui ; mais on ne pouvait jamais méconnaître en elle cette forme que prenait sa compassion. Elle possédait à un haut degré le don de consoler et j'ai souvent fait l'épreuve de sa charité sympathique. Elle a ressuscité en moi la confiance en Dieu et la pratique de la prière, et n'a pas médiocrement allégé par là les lourds fardeaux que j'avais à porter et qu'aggravait encore un penchant naturel à la mélancolie. Son âme vivait entièrement en Dieu, quoiqu'elle fût sans cesse rappelée dans la sphère des choses terrestres, à cause de la quantité de personnes qui venaient auprès d'elle se soulager du poids de leurs chagrins et lui demander des consolations et des conseils. Elle leur donnait l'un et l'autre et rendait le calme à tous les affligés. On devine aisément où était pour elle la source de ces consolations qu'elle donnait aux autres quand on considère combien son coeur était libre à l'endroit de toutes les créatures.
" Lors de notre premier entretien, elle m'engagea avec un visage souriant et de douces paroles à me calmer et à avoir bon courage." " Dieu est infiniment miséricordieux, disait-elle ; quiconque est repentant, quiconque a bonne volonté trouve grâce devant lui." Elle m'exhortait en outre fortement à assister et à secourir les pauvres, parce que c'est une oeuvre particulièrement agréable à Dieu. Elle disait en gémissant : " Jamais il n'y a eu dans le monde si peu d'amour du prochain qu'aujourd'hui ; pourtant c'est une si belle vertu, et l'indifférence ou le mépris pour le prochain est un si grand vice !" Elle protestait aussi que la foi catholique est la seule véritable, la seule où l'on puisse trouver le salut. Enfin, toutes les fois que l'occasion s'en présentait, elle parlait chaleureusement de l'incomparable bonheur d'appartenir à l'Église catholique." Fions-nous à Dieu ! Aimait-elle à dire, et tenons à notre sainte foi. Y a-t-il quelque chose de plus consolant sur la terre ? Quelle religion, ou quelle philosophie pourrait la remplacer ? Je plains par-dessus tous les juifs. Ils sont pires à cet égard et plus aveugles que les païens eux-mêmes. Leur religion n'est plus qu'un conte de rabbins et la malédiction du Seigneur repose sur eux. Mais combien le Seigneur est bon à notre égard, lui qui vient comme à moitié chemin au-devant de la bonne volonté et fait dépendre la communication de plus en plus abondante de sa grâce du désir que nous en avons. Même un païen ou un homme qui n'a aucune connaissance de notre sainte foi peut être sauvé, si, ayant une ferme conviction et la volonté sincère de servir Dieu comme le souverain maître et l'auteur de toutes choses, il suit la lumière divine déposée dans notre nature et s'il pratique la justice et l'amour du prochain."
" Ce fut on l'année 1806, dit Wesener, que j'entendis parler pour la première fois d'Anne Catherine ; j'étais encore médecin à Reklinghausen, d'où Krauthausen, médecin du couvent d'Agnetenberg, m'appela en consultation sur les phénomènes pathologiques inexplicables qui se produisaient chez Anne Catherine. A cette époque, j'avais lu quelque chose sur le magnétisme dans les Archives de Reil et je parlai à mon confrère d'accidents cataleptiques, ce qui toutefois ne lui parut rien éclaircir et ne l'empêcha pas de continuer à traiter sa malade par les moyens médicaux. Krauthausen était un homme âgé, d'un caractère morose, qui traitait gratuitement les malades du couvent, et c'était une des raisons pour lesquelles Anne Catherine n'osait refuser aucun de ses remèdes, quoiqu'elle fût obligée de les payer. Il me raconta que la liste des maladies de cette personne était très longue et qu'elles avaient toutes un caractère particulier, car, à peine était-elle guérie de l'une qu'elle était prise de l'autre ; que chacune suivait son cours et, au moment où la mort paraissait prochaine et inévitable, prenait tout à coup une tournure favorable, sans que l'art médical exerçât là-dessus une influence appréciable. Ce fut le 21 mars 1813 que j'entrai pour la première fois en rapport avec elle. Avant entendu parler de ses stigmates dans une société peu nombreuse, j'en pris occasion, en ma qualité de médecin, de visiter la nonne malade. Je la trouvai dans son lit, n'ayant pas sa connaissance ; mais, lorsqu'elle revint à elle, elle me regarda d'un air ouvert et amical, et, quand l'abbé Lambert m'eut nommé à elle, elle dit en souriant qu'elle me connaissait bien. Comme tout cela me paraissait très étrange et que je croyais voir là une sotte plaisanterie, je voulus y mettre promptement fin par une attitude grave et imposante ; toutefois mon attente ne fut pas remplie. Plus je frayai avec la malade, plus j'appris à voir en elle mieux que la personne pleine de calme, de candeur et de simplicité qui s'était montrée à moi à la première vue et qu'elle était aux yeux de tout le monde. Je reconnus de plus en plus en elle une âme simple, vraiment chrétienne, vivant en paix avec elle-même et avec le monde entier, parce qu'elle voyait partout la sainte volonté de Dieu. Elle se considérait comme la pire des créatures et préférait les autres à elle-même. Je n'oublierai jamais non plus avec quelle simplicité et quelle bonté, lorsque nous eûmes fait plus ample connaissance, elle chassa le trouble qui m'agitait et calma mes vives inquiétudes sur les dangers menaçants de la guerre. Elle me dit souvent et positivement que Napoléon tomberait bientôt et que Dulmen serait épargné par les armées françaises, ce qui se vérifia d'une façon remarquable. La garnison française de Minden avait dans ses rangs une masse de bandits effrénés qui firent beaucoup de mal à Dorsten, mais qui passèrent près de Dulmen sans y entrer." Dans nos rapports, je trouvai la malade toujours simple et naturelle. Elle éprouvait beaucoup de chagrin et de confusion de ce qu'on faisait tant d'état d'elle. Elle était affable et affectueuse pour tous, elle secourait les pauvres en secret et aidait les malades et les malheureux à porter leur fardeau. Ce n'est qu'assez tard que j'ai en plus de lumières sur cette faculté qu'elle avait de se charger des souffrances d'autrui ; mais on ne pouvait jamais méconnaître en elle cette forme que prenait sa compassion. Elle possédait à un haut degré le don de consoler et j'ai souvent fait l'épreuve de sa charité sympathique. Elle a ressuscité en moi la confiance en Dieu et la pratique de la prière, et n'a pas médiocrement allégé par là les lourds fardeaux que j'avais à porter et qu'aggravait encore un penchant naturel à la mélancolie. Son âme vivait entièrement en Dieu, quoiqu'elle fût sans cesse rappelée dans la sphère des choses terrestres, à cause de la quantité de personnes qui venaient auprès d'elle se soulager du poids de leurs chagrins et lui demander des consolations et des conseils. Elle leur donnait l'un et l'autre et rendait le calme à tous les affligés. On devine aisément où était pour elle la source de ces consolations qu'elle donnait aux autres quand on considère combien son coeur était libre à l'endroit de toutes les créatures.
" Lors de notre premier entretien, elle m'engagea avec un visage souriant et de douces paroles à me calmer et à avoir bon courage." " Dieu est infiniment miséricordieux, disait-elle ; quiconque est repentant, quiconque a bonne volonté trouve grâce devant lui." Elle m'exhortait en outre fortement à assister et à secourir les pauvres, parce que c'est une oeuvre particulièrement agréable à Dieu. Elle disait en gémissant : " Jamais il n'y a eu dans le monde si peu d'amour du prochain qu'aujourd'hui ; pourtant c'est une si belle vertu, et l'indifférence ou le mépris pour le prochain est un si grand vice !" Elle protestait aussi que la foi catholique est la seule véritable, la seule où l'on puisse trouver le salut. Enfin, toutes les fois que l'occasion s'en présentait, elle parlait chaleureusement de l'incomparable bonheur d'appartenir à l'Église catholique." Fions-nous à Dieu ! Aimait-elle à dire, et tenons à notre sainte foi. Y a-t-il quelque chose de plus consolant sur la terre ? Quelle religion, ou quelle philosophie pourrait la remplacer ? Je plains par-dessus tous les juifs. Ils sont pires à cet égard et plus aveugles que les païens eux-mêmes. Leur religion n'est plus qu'un conte de rabbins et la malédiction du Seigneur repose sur eux. Mais combien le Seigneur est bon à notre égard, lui qui vient comme à moitié chemin au-devant de la bonne volonté et fait dépendre la communication de plus en plus abondante de sa grâce du désir que nous en avons. Même un païen ou un homme qui n'a aucune connaissance de notre sainte foi peut être sauvé, si, ayant une ferme conviction et la volonté sincère de servir Dieu comme le souverain maître et l'auteur de toutes choses, il suit la lumière divine déposée dans notre nature et s'il pratique la justice et l'amour du prochain."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
3." Une fois, je dirigeai la conversation sur la prière, et je dis que, selon moi, la vraie prière consistait dans l'accomplissement du devoir et la charité envers le prochain, mais que pourtant je désirerais savoir comment elle pouvait persévérer dans l'oraison pendant des heures entières, oublier tout ce qui l'entourait et se perdre, pour ainsi dire, en Dieu. Elle me répondit : " Réfléchissez un peu ; n'est-il pas possible à un homme de s'absorber tellement dans la lecture d'un livre qu'elle lui fasse oublier tout ce qui est autour de lui ? Or, si l'on s'entretient avec Dieu lui-même, qui est la source première de toute beauté, comment ne se perdrait-on pas tout entier dans cet entretien ? Commencez par adorer Dieu en toute humilité, et le reste viendra." Je répliquai en parlant des tentations que l'homme a à souffrir de l'esprit mauvais, et elle reprit : " Il est vrai que l'ennemi cherche à empêcher l'homme de prier et que, plus celui-ci est fervent, plus l'autre multiplie ses attaques. Une similitude de ce qui se passe alors m'a été montrée un jour. Je me trouvais dans une belle église ; j'y vis trois femmes en prière et derrière elles une horrible figure. Elle caressa la première de ces femmes qui s'endormit. Elle passa ensuite à la seconde qu'elle chercha à endormir aussi, mais n'y réussit pas complètement. Elle frappa et maltraita la troisième au point que j'en eus une grande pitié. Dans ma surprise, je demandai à mon guide ce que tout cela signifiait ; il me fut répondu que c'était un tableau symbolique de la prière. La première femme manquait de sérieux et de ferveur, c'est pourquoi le malin esprit l'avait bientôt endormie. La seconde était meilleure, mais pourtant tiède. La troisième était bonne et sa prière fervente, c'est pourquoi la tentation avait été plus violente, mais heureusement surmontée. Une prière particulièrement agréable à Dieu est celle qu'on fait pour autrui et, par-dessus tout, pour les pauvres âmes en peine. Priez pour elles, si vous voulez placer vos prières à gros intérêt. Quant à ce qui me concerne personnellement, je m'offre à Dieu, mon souverain maître, en lui disant : " Seigneur, faites de moi ce que vous voudrez. p Alors je suis en assurance, car le meilleur, le plus aimant des pères ne peut me faire que du bien. Les pauvres âmes du purgatoire y souffrent des peines inexprimables, la différence entre les souffrances du purgatoire et les supplices de l'enfer consistent en ceci, que dans l'enfer le désespoir règne seul, au lieu que, dans le purgatoire, c'est l'espoir de la délivrance qui domine. Le plus grand tourment des damnés est la colère de Dieu, On peut se faire une faible idée de cette colère en pensant à la terreur d'une personne qui voit fondre sur elle un homme en fureur sans voir aucun moyen d'échapper à ses menaces et à ses violences." Comme je tournais la conversation vers la destination de l'homme, elle me dit : " Savez-vous pourquoi Dieu a créé l'homme ? Pour sa propre glorification et pour notre béatitude. Lors de la chute des anges, Dieu résolut de créer l'homme pour l'élever à la place des légions tombées du ciel. Dés que le chiffre des anges déchus sera égalé par celui des hommes justes qui doivent les remplacer, la fin du monde viendra." Je lui demandai dans mon étonnement d'où elle avait appris cela ; mais elle répondit qu'à proprement parler, elle ne le savait pas.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
4." Dans un entretien sur les indulgences, où je lui dis que je les regardais seulement comme la rémission des anciennes pénitences ecclésiastiques, elle me répondit" Non, les indulgences sont quelque chose de plus, car par elles nous obtenons la rémission des châtiments que nous sommes destinés à souffrir après la mort dans le purgatoire. Mais, pour gagner une indulgence, il ne suffit pas de faire tant bien que mal la prière ou la bonne oeuvre prescrite, il faut encore s'approcher des sacrements avec un véritable repentir et un amendement réel. J'ai toujours vécu dans la croyance qu'une indulgence ne se gagne pas sans repentir sincère et sans amendement sérieux, et qu'au fond une indulgence est attachée à toute oeuvre méritoire. Les bonnes oeuvres d'une personne sont aussi diverses que les chiffres : s'il découle sur la moindre d'entre elles quelque chose des mérites de Jésus-Christ, elle acquiert une grande valeur. Ce que nous offrons à Dieu en union avec ces mérites infinis, quand ce ne serait qu'un bon acte des plus insignifiants en apparence nous est compté par lui et déduit sur les châtiments que nous avons mérités. Je ne puis assez déplorer le triste aveuglement de tant de gens pour lesquels la sainte foi est devenue quelque chose de chimérique. Ils vivent tranquillement dans leurs péchés d'habitude, et avec cela ils s'imaginent pouvoir gagner des indulgences au moyen de certaines formules de prières. Mais beaucoup de chrétiens verront un jour des païens et des Turcs qui se sont efforcés de vivre vertueusement selon la loi naturelle, mieux traités qu'eux au tribunal de Dieu. Nous avons la grâce et nous n'en tenons pas compte ; elle nous est comme imposée, et nous la repoussons loin de nous. Celui qui voit une petite pièce de monnaie dans la poussière court bien vite et se baisse pour la ramasser ; mais, si la grâce du salut éternel est à ses pieds, il fait un effort pour passer par dessus et s'éloigne pour poursuivre les chimères de ce monde. A ces sortes de gens, les indulgences ne servent de rien ; bien plus, les pratiques religieuses que leur fait faire une aveugle routine seront leur condamnation."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
5. C'est à cette aveugle poursuite des biens de ce monde que paraissait se rapporter une vision qu'elle raconta ainsi : " Je me trouvai dans une vaste plaine que je pouvais voir tout entière. Elle était couverte d'une multitude innombrable, et tous travaillaient de diverses manières et faisaient les plus grands efforts pour atteindre un but qu'ils se proposait. Mais au milieu de la plaine se tenait le Seigneur, plein d'une bonté infinie, et il me dit : " Vois, comme ces gens se tourmentent et se fatiguent, comme ils cherchent partout aide et consolation ; comme ils courent après le gain ; mais ils ne font pas attention à moi, leur maître et leur bienfaiteur, qui me tiens pourtant ici visible à tous les regards. Il n'y en a qu'un petit nombre qui conserve un sentiment de reconnaissance envers moi ; mais ceux-là aussi se bornent à me, jeter un remerciement en passant, comme une chétive aumône." Il vint alors une troupe de prêtres pour lesquels le Seigneur montrait une inclination particulière ; mais ils passèrent rapidement, lui jetèrent quelque chose à la hâte et se perdirent dans le grand tourbillon. Je n'en vis qu'un seul parmi eux s'approcher davantage, mais d'un air assez indifférent. Quand il fut près du Seigneur, celui-ci le prit par l'épaule et lui dit : " Pourquoi t'éloignes-tu de moi ? Pourquoi ne me payes-tu pas ta dette, à moi qui t'aime si tendrement ?" Là-dessus, cette vision s'évanouit à mes yeux. Mais j'ai eu plusieurs contemplations touchant la manière de vivre de notre clergé actuel, et elles m'ont causé une grande tristesse. Grâce à l'influence de l'esprit du siècle, à la tiédeur générale et à la décadence qui est partout, si le Sauveur aujourd'hui revenait en personne parmi nous pour y annoncer sa doctrine, il trouverait autant de contradicteurs pleins de haine qu'il en a trouvés parmi les Juifs."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
6." Je lui ai entendu raconter la vision symbolique qui suit sur les doctrines de notre époque et leur enseignement : " Mon conducteur me mena devant un grand édifice et me dit : " Entre là ! Je te montrerai les enseignements des hommes." Nous entrâmes dans une salle spacieuse qui était remplie de professeurs et d'auditeurs. On se disputait avec chaleur ; c'étaient des cris et un tapage sans fin. Ce qui me parut merveilleux, c'est que je voyais jusque dans le coeur des maîtres et que je remarquais dans tous un petit coffret noir. Au milieu de la salle se tenait une grande femme d'apparence imposante qui se mêlait à la dispute et qui proprement donnait le ton. Je restai quelques moments avec mon guide à l'écouter, mais je vis avec surprise que les auditeurs disparaissaient les uns après les autres et que la salle elle-même devint très promptement et sans qu'on s'en aperçût, comme une vieille ruine au moment de s'écrouler, si bien que le plancher ne présentait plus de solidité à qui y marchait. Les docteurs jugèrent prudent d'aller chercher une autre salle. Ils montèrent un étage plus haut, et se remirent à disputer avec la même ardeur. Mais là aussi l'état de décrépitude et de ruine de l'édifice entier se manifesta si vite, qu'à la fin je me vis avec effroi sur une planche à moitié pourrie et que je priai mon conducteur de me tirer du danger d'être précipitée dans un gouffre profond. Il me rassura et me conduisit en lieu sûr. Comme je l'interrogeais sur la signification du petit coffret noir, il me dit" C'est la présomption et l'esprit de dispute ; la femme est la philosophie ou, comme ils l'appellent, la raison pure, qui veut tout régler selon ses formules. C'est à elle que s'attachent ces docteurs, et non à la vérité, trésor précieux transmis par la tradition."
" De là, mon guide me conduisit dans une autre salle, où plusieurs docteurs étaient assis sur des chaises. Là, c'était tout autre chose ; les paroles coulaient avec tant de clarté et de limpidité que j'en étais grandement réjouie. L'ordre et la charité régnaient dans ce lieu, et beaucoup d'auditeurs s'y étaient réfugiés en quittant ces salles qui tombaient en ruines. Mon conducteur me dit : " Ici est la vérité simple et sans artifice. Elle vient de l'humilité et engendre l'amour avec la plénitude de la bénédiction."
" De là, mon guide me conduisit dans une autre salle, où plusieurs docteurs étaient assis sur des chaises. Là, c'était tout autre chose ; les paroles coulaient avec tant de clarté et de limpidité que j'en étais grandement réjouie. L'ordre et la charité régnaient dans ce lieu, et beaucoup d'auditeurs s'y étaient réfugiés en quittant ces salles qui tombaient en ruines. Mon conducteur me dit : " Ici est la vérité simple et sans artifice. Elle vient de l'humilité et engendre l'amour avec la plénitude de la bénédiction."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
7. Un jour que j'exprimais à Anne Catherine mon regret de ce que nous ne possédons pas une connaissance plus précise de la vie de Jésus avant sa prédication, elle répondit : " J'en connais jusqu'aux moindres détails, comme si je l'avais vue moi-même. Je connais tout aussi bien l'histoire de la mère de Jésus, et je m'étonne souvent de ce que tout cela est si vivement présent à mon esprit, n'ayant jamais pu le lire nulle part." Elle me promit de me raconter l'une et l'autre histoire, et, lorsqu'en temps opportun, je lui rappelai cette promesse, elle commença par m'expliquer comme quoi il avait été annoncé à sainte Anne que le Messie naîtrait de sa postérité : " Anne, dit-elle, avait mis au monde plusieurs enfants, mais elle savait que le vrai rejeton n'était pas encore venu ; c'est pourquoi elle s'efforçait par la prière, le jeune et les sacrifices, d'obtenir la grâce promise. Elle resta environ dix-huit ans sans avoir d'autre postérité, sur quoi elle s'attrista tellement que, dans son humilité, elle attribua à ses péchés l'inexécution de la promesse. Joachim alla en pèlerinage au temple de Jérusalem pour y faire faire un sacrifice expiatoire ; mais il fut repoussé. Il pria avec une grande tristesse et reçut en songe l'assurance que sa femme concevrait. Anne de son côté reçut une semblable promesse et enfanta au temps déterminé la petite Marie. Alors Joachim et Anne, reconnaissant en elle le pur don de Dieu, résolurent de la conduire au temple et de la consacrer au service du Seigneur. Ils conduisirent Marie au temple dans sa troisième année. Quand ils furent arrivés, ils voulurent prendre par ses petites mains leur enfant qui était habillée d'une robe bleu de ciel, et l'aider ainsi à monter les hauts degrés du temple. Mais l'enfant les franchit seule avec beaucoup d'agilité et arriva ainsi dans le temple avec ses parents. En prenant congé d'eux, la petite Marie ne fut ni inquiète, ni triste ; mais elle se confia paisiblement à la garde des prêtres. On l'instruisit de toute espèce de choses et on lui donna du travail à faire pour le temple. Lorsqu'elle eut atteint sa quatorzième année, on écrivit à ses parents de reprendre leur fille, parce que, d'après les statuts, on ne devait garder aucune jeune fille au-delà de cet âge. Elle serait volontiers restée au temple dans l'état de virginité ; mais cela ne lui fut pas accordé. Ses parents étaient embarrassés de trouver un époux digne d'un enfant si admirable ; alors, ils eurent recours au temple pour y faire interroger le Très-Haut. L'ordre fut donné aux jeunes gens qui prétendaient à la main de Marie de porter leurs bâtons dans le Saint des Saints ; mais on les y retrouva tels qu'ils y avaient été déposés. De nouvelles prières et de nouveaux sacrifices ayant été faits, une voix annonça qu'il manquait encore le bâton d'un jeune homme. On fit des recherches et on trouva enfin Joseph, issu d'une noble famille, mais qui était méprisé des siens à cause de sa simplicité et parce qu'il était resté célibataire. Il apporta aussi son bâton qui, placé dans le Saint des Saints, y fleurit le lendemain et se trouva surmonté d'un lis blanc. Là-dessus, Marie fut fiancée à Joseph et, quand Marie lui fit part de son vœu de virginité perpétuelle, il en fut tout joyeux. Marie pensait toujours au Rédempteur promis ; mais, dans son humilité, elle ne demandait à Dieu que de vouloir bien faire d'elle la servante de la mère élue par lui. C'est pourquoi elle fut surprise jusqu'à en être effrayée quand l'ange lui annonça sa sublime maternité ; mais elle ne dit rien à son mari de toutes ses visions ni du message de l'ange."
" Il arrivait aussi à Anne Catherine, en parlant de l'aumône et de la pratique des devoirs d'état, de faire mention de ses contemplations. Ainsi, elle me dit un jour" Employez vos forces et ce que vous possédez à faire du bien à vos malades, mais sans faire tort à votre propre famille. D'ailleurs, ce n'est pas un seul nécessiteux, mais plusieurs qui réclament votre assistance. Les pauvres doivent trouver leurs mérites dans la pauvreté, car la foi nous apprend que la pauvreté est un état digne d'envie, puisque le Fils de Dieu lui-même l'a choisi pour lui et qu'il a donné aux pauvres les premiers titres au royaume des cieux." A cette occasion, elle raconta des traits singulièrement gracieux de l'enfance de Jésus-Christ, et elle dit que Marie, quelques jours après la nativité, s'était tenue cachée dans une demeure souterraine pour éviter l'affluence des curieux."
" Il arrivait aussi à Anne Catherine, en parlant de l'aumône et de la pratique des devoirs d'état, de faire mention de ses contemplations. Ainsi, elle me dit un jour" Employez vos forces et ce que vous possédez à faire du bien à vos malades, mais sans faire tort à votre propre famille. D'ailleurs, ce n'est pas un seul nécessiteux, mais plusieurs qui réclament votre assistance. Les pauvres doivent trouver leurs mérites dans la pauvreté, car la foi nous apprend que la pauvreté est un état digne d'envie, puisque le Fils de Dieu lui-même l'a choisi pour lui et qu'il a donné aux pauvres les premiers titres au royaume des cieux." A cette occasion, elle raconta des traits singulièrement gracieux de l'enfance de Jésus-Christ, et elle dit que Marie, quelques jours après la nativité, s'était tenue cachée dans une demeure souterraine pour éviter l'affluence des curieux."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
8. Quand Wesener fut entré dans des rapports de plus en plus intimes avec Anne Catherine, il devint clair que Dieu l'avait appelé près d'elle, comme plus tard Clément Brentano, en qualité d'instrument qui devait l'aider à accomplir sa mission. Elle prit l'habitude de se servir de lui comme d'une main par laquelle elle faisait arriver sans cesse des dons charitables à des pauvres et à des malades qui ne pouvaient pas venir la trouver. Il avait toujours à traiter comme médecin une quantité de pauvres auxquels il distribuait, d'après les conseils d'Anne Catherine, non seulement ses propres aumônes, mais encore l'argent, les chemises et les pièces d'habillement qu'elle lui remettait pour cela. Par une bénédiction particulière de Dieu, la pieuse fille était en mesure de distribuer, chaque année, des aumônes de toute espèce tellement abondantes qu'elles dépassaient de beaucoup le montant de sa pension de 180 thalers. Tout instant du jour ou de la nuit qu'elle pouvait employer à des travaux manuels appartenait aux pauvres et aux malades, et, quand ses minces ressources ne suffisaient pas à lui procurer ce qu'il fallait de laine et de toile, elle savait se le faire donner par des âmes charitables ; sous ses adroites mains, des chiffons de soie qu'il semblait impossible d'utiliser se transformaient rapidement en jolis petits bonnets pour les nourrissons de pauvres accouchées. Elle avait même coutume de s'adresser, avec une familiarité touchante, à sainte Lidwine, à Madeleine d'Hadamar et à d'autres bienheureuses vierges stigmatisées d'une époque plus rapprochée, pour obtenir, par leur intermédiaire, les étoffes qui lui manquaient. Elle leur disait avec chaleur, comme si elle eût eu affaire à des vivants." Chère Madeleine, est-ce toi ? Vois, nous touchons à Noël, et il, y a encore tant d'enfants qui ont besoin de bas et de bonnets ! Il faut que tu tiennes ta promesse et que tu m'apportes de la laine et de la soie." Mais jamais elle n'avait à se plaindre que ses prières restassent sans résultat.
Wesener avait coutume de lui décrire les souffrances de ses malades, et il put ainsi, d'après des expériences presque journalières, acquérir la ferme conviction qu'elle voyait et assistait en esprit chacun de ceux qu'il avait à traiter. Il usait avec le plus grand succès de ses indications et de ses conseils, et souvent il reconnaissait avec surprise que ses malades étaient redevables d'un mieux inattendu, non pas aux remèdes qu'il leur donnait, mais à l'assistance d'Anne Catherine, qui avait pris sur elle les maladies pour faciliter la guérison de ceux qui en souffraient ou pour leur préparer une bonne mort. Il fut jusqu'au dernier instant, à la grande consolation d'Anne Catherine, le fidèle ami et soutien de l'abbé Lambert. Ce vieillard infirme ne pouvait plus se passer des secours de la médecine, et Wesener les lui donnait avec une charité attentive que sa vénération pour Anne Catherine pouvait seule lui imposer. Or celle-ci était très occupée de l'abbé Lambert, comme le montre un incident où l'on peut voir aussi un exemple des avertissements surprenants qu'elle recevait d'avance sur des dangers prochains.
Voici ce que rapporte le journal de Wesener, à la date du 15 février 1815 : " Je voulais, dit-il, tranquilliser la malade à propos de très grandes craintes qu'elle ressentait pour l'abbé Lambert. Celui-ci souffre d'une toux chronique avec oppression de poitrine, et il a eu aujourd'hui un accès si violent qu'il était tombé dans une espèce de paralysie et qu'il avait perdu connaissance. Cela arriva dans la chambre de la malade et heureusement en présence de son confesseur, lequel me confia que, le jour précédent, elle l'avait prié très instamment de rester aujourd'hui prés d'elle dans l'après-midi, parce qu'elle avait de graves inquiétudes. Et cette prière avait été cause que le père Limberg s'était trouvé présent, en ce moment."
Wesener avait coutume de lui décrire les souffrances de ses malades, et il put ainsi, d'après des expériences presque journalières, acquérir la ferme conviction qu'elle voyait et assistait en esprit chacun de ceux qu'il avait à traiter. Il usait avec le plus grand succès de ses indications et de ses conseils, et souvent il reconnaissait avec surprise que ses malades étaient redevables d'un mieux inattendu, non pas aux remèdes qu'il leur donnait, mais à l'assistance d'Anne Catherine, qui avait pris sur elle les maladies pour faciliter la guérison de ceux qui en souffraient ou pour leur préparer une bonne mort. Il fut jusqu'au dernier instant, à la grande consolation d'Anne Catherine, le fidèle ami et soutien de l'abbé Lambert. Ce vieillard infirme ne pouvait plus se passer des secours de la médecine, et Wesener les lui donnait avec une charité attentive que sa vénération pour Anne Catherine pouvait seule lui imposer. Or celle-ci était très occupée de l'abbé Lambert, comme le montre un incident où l'on peut voir aussi un exemple des avertissements surprenants qu'elle recevait d'avance sur des dangers prochains.
Voici ce que rapporte le journal de Wesener, à la date du 15 février 1815 : " Je voulais, dit-il, tranquilliser la malade à propos de très grandes craintes qu'elle ressentait pour l'abbé Lambert. Celui-ci souffre d'une toux chronique avec oppression de poitrine, et il a eu aujourd'hui un accès si violent qu'il était tombé dans une espèce de paralysie et qu'il avait perdu connaissance. Cela arriva dans la chambre de la malade et heureusement en présence de son confesseur, lequel me confia que, le jour précédent, elle l'avait prié très instamment de rester aujourd'hui prés d'elle dans l'après-midi, parce qu'elle avait de graves inquiétudes. Et cette prière avait été cause que le père Limberg s'était trouvé présent, en ce moment."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
9. Les rapports de Wesener avec le père Limberg lui-même eurent encore plus d'importance pour Anne Catherine. Cet homme craintif, malgré tout ce qu'il avait vu, aurait abandonné sa fille spirituelle dés qu'il avait eu connaissance des sottes calomnies répandues contre elle, s'il n'eut été soutenu par le médecin qui avait l'expérience du monde et que rien ne pouvait ébranler. Le père Limberg ne possédait pas l'énergie nécessaire pour répondre tranquillement et sans hésitation aux contradictions, aux arguments spécieux ou aux suspicions malignes qui se produisaient avec une confiance présomptueuse. Il s'effrayait, tergiversait et se disait qu'il valait mieux tout laisser là que de s'exposer à de telles tracasseries. Cependant il reprenait toujours courage près de Wesener, car il voyait avec quel sérieux et quelle persévérance celui-ci remplissait les devoirs d'un bon chrétien, depuis qu'Anne Catherine l'avait ramené à la foi, et avec quelle indifférence pour le jugement de la foule il rendait témoignage à la vérité clairement reconnue. Cela l'encourageait et le fortifiait, mais lui donnait aussi une confiance sans bornes dans Wesener, en sorte qu'il faisait un devoir à sa pénitente d'user avec docilité de tous les remèdes qu'ordonnait le docteur. Anne Catherine se trouvait donc par là, envers Wesener, exactement dans la position où elle avait été autrefois à Agnetenberg envers Krauthausen, le médecin du couvent. Cependant, encore ici, elle se soumettait avec une simplicité et une abnégation parfaites à toutes les ordonnances, et le médecin comme le confesseur restaient intimement persuadés que les plus fortes dose de musc, d'opium et de camphre, sans parler de l'eau-de-vie bouillante, étaient les moyens les plus appropriés à la guérison de ce corps miraculeux qui ne portait jamais en lui-même les causes de ses maladies, mais qui endurait en elles les souffrances de l'Église. Jamais une plainte ne venait sur ses lèvres quand un surcroît de douleur ou l'étourdissement stupéfiant causé par ces remèdes lui montraient clairement combien ils lui étaient contraires ; elle se montrait même d'autant plus docile, plus affectueuse et plus reconnaissante, au point que des années se passèrent avant que Wesener et Limberg missent quelque modération dans l'application de leurs moyens curatifs. Un seul fait suffira pour apprendre dans quelle proportion ils étaient administrés. Voici ce que dit le journal de Wesener à la date du 16 mai 1814 :
" La malade souffre le martyre ; elle a des douleurs terribles dans le diaphragme et semble avoir perdu l'ouïe. Son entourage l'a déjà plusieurs fois crue à la mort. Les spasmes dans l'estomac et le gosier sont si fréquents que nous devons nous attendre à une fin prochaine. La malade, en outre, est si défaite et souffre si horriblement, que le père Limberg veut lui donner l'extrême-onction. Je ne pense pas que ce soit encore absolument nécessaire ; en attendant, il m'est impossible dé rester plus longtemps simple spectateur de pareilles souffrances, et je suis obligé de faire violence à la conviction où je suis qu'aucun remède n'y peut rien faire, la malade ne pouvant rien garder. . . Je lui ai donné quatre gouttes de musc qui ne sont pas arrivés jusqu'à l'estomac, mais qui ont été rejetées aussitôt. J'ai fait encore donner la même dose par intervalles, mais sans plus de succès. Dans la nuit, la malade a terriblement souffert. On lui a fait prendre du musc à plusieurs reprises ; mais elle a toujours été forcée de le vomir à l'instant, et ce n'est qu'après minuit qu'elle en a enfin avalé cinq gouttes sans difficulté. Les spasmes ayant augmenté le matin, on a encore donné à deux reprises cinq à six gouttes. Je l'ai trouvée dans un état de prostration indescriptible ; son aspect était vraiment effrayant. En la quittant, je ne croyais pas la retrouver en vie. Le 18 mai, elle fut sans connaissance presque toute la journée. Plusieurs fois elle avait vomi de l'eau avec des efforts terribles. Je me suis décidé à veiller la nuit auprès d'elle. Son état ne varia pas jusqu'à minuit ; mais alors il vint un peu de calme et de sérénité. Je lui fis une lecture dans un livre de piété, et je l'entretins ensuite de sujets religieux. Cela la soulagea tellement qu'elle fut en état de parler comme à l'ordinaire. Comme je lui exprimais mon étonnement, elle répondit : " Cela m'arrive toujours ainsi. Quelque faible que je sois, je me sens toujours soulagée et fortifiée quand on parle de Dieu et de notre sainte religion ; mais, si l'on parle des choses du monde, cela empire encore mon état."
Lorsque, six ans plus tard, Clément Brentano fut témoin d'un essai du même genre qu'on faisait avec du musc, il exprima involontairement son vif déplaisir, et elle lui dit à ce propos : " Il est vrai que ce remède m'est particulièrement antipathique ; j'en ai beaucoup souffert et il m'a fait beaucoup de mal. Mais je dois le prendre par obéissance pour mon confesseur, qui pourtant a déjà vu, par plus d'une expérience, dans quel état de faiblesse me fait tomber l'emploi de ce médicament."
" La malade souffre le martyre ; elle a des douleurs terribles dans le diaphragme et semble avoir perdu l'ouïe. Son entourage l'a déjà plusieurs fois crue à la mort. Les spasmes dans l'estomac et le gosier sont si fréquents que nous devons nous attendre à une fin prochaine. La malade, en outre, est si défaite et souffre si horriblement, que le père Limberg veut lui donner l'extrême-onction. Je ne pense pas que ce soit encore absolument nécessaire ; en attendant, il m'est impossible dé rester plus longtemps simple spectateur de pareilles souffrances, et je suis obligé de faire violence à la conviction où je suis qu'aucun remède n'y peut rien faire, la malade ne pouvant rien garder. . . Je lui ai donné quatre gouttes de musc qui ne sont pas arrivés jusqu'à l'estomac, mais qui ont été rejetées aussitôt. J'ai fait encore donner la même dose par intervalles, mais sans plus de succès. Dans la nuit, la malade a terriblement souffert. On lui a fait prendre du musc à plusieurs reprises ; mais elle a toujours été forcée de le vomir à l'instant, et ce n'est qu'après minuit qu'elle en a enfin avalé cinq gouttes sans difficulté. Les spasmes ayant augmenté le matin, on a encore donné à deux reprises cinq à six gouttes. Je l'ai trouvée dans un état de prostration indescriptible ; son aspect était vraiment effrayant. En la quittant, je ne croyais pas la retrouver en vie. Le 18 mai, elle fut sans connaissance presque toute la journée. Plusieurs fois elle avait vomi de l'eau avec des efforts terribles. Je me suis décidé à veiller la nuit auprès d'elle. Son état ne varia pas jusqu'à minuit ; mais alors il vint un peu de calme et de sérénité. Je lui fis une lecture dans un livre de piété, et je l'entretins ensuite de sujets religieux. Cela la soulagea tellement qu'elle fut en état de parler comme à l'ordinaire. Comme je lui exprimais mon étonnement, elle répondit : " Cela m'arrive toujours ainsi. Quelque faible que je sois, je me sens toujours soulagée et fortifiée quand on parle de Dieu et de notre sainte religion ; mais, si l'on parle des choses du monde, cela empire encore mon état."
Lorsque, six ans plus tard, Clément Brentano fut témoin d'un essai du même genre qu'on faisait avec du musc, il exprima involontairement son vif déplaisir, et elle lui dit à ce propos : " Il est vrai que ce remède m'est particulièrement antipathique ; j'en ai beaucoup souffert et il m'a fait beaucoup de mal. Mais je dois le prendre par obéissance pour mon confesseur, qui pourtant a déjà vu, par plus d'une expérience, dans quel état de faiblesse me fait tomber l'emploi de ce médicament."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
10. Peu de temps après, ayant eu une vision où Dieu lui avait fait voir beaucoup de choses touchant le cours de sa vie passée, elle racontait les particularités suivantes, qui se rapportent aux remèdes donnés à contretemps et aux conséquences qu'ils avaient eues :
" J'ai eu une vision qui m'a paru présenter le côté douloureux de mon existence. Tout ce que des personnes de ma connaissance ont fait durant ma vie pour contrarier ma tâche m'a été montré dans des tableaux où figuraient ces personnes : c'étaient des choses auxquelles je n'osais jamais penser, de peur qu'elles ne devinssent pour moi des tentations d'aversion et de mécontentement. J'ai encore essayé d'y résister cette nuit ; je me suis défendue et j'ai lutté avec beaucoup d'efforts ; mais j'ai eu la consolation de m'entendre dire que j'avais bien combattu.
" Les choses m'ont été représentées de différentes manières : tantôt c'était comme si une épreuve passée fut redevenue actuelle, tantôt je voyais des gens qui s'empressaient, tantôt cela m'arrivait comme un récit. En outre, on m'a montré tout ce que j'ai perdu par là dans ma vie corporelle et dans mon action spirituelle, et j'ai vu clairement de combien de mal telles ou telles personnes ont été cause pour moi à mon insu ; car tout ce qu'auparavant j e soupçonnais seulement sans en avoir la certitude, je l'ai vu distinctement dans son ensemble. Ç'a été une rude épreuve que de ressentir de nouveau les douleurs et les angoisses de ma vie passée, avec toute la méchanceté et la fausseté des hommes, et non seulement de ne me laisser aller à aucun ressentiment, mais d'avoir la plus sincère affection pour les plus cruels ennemis.
" Les visions ont commencé par ce qui touchait ma profession religieuse et par tout ce que mes parents ont fait pour l'empêcher. Il ont exercé ma patience et ont tout fait en secret. Les nonnes m'ont fait beaucoup souffrir. J'ai vu leur grande déraison ; comment d'abord elles m'ont maltraitée, puis quand mon état fut connu, comment elles m'honoraient d'une manière exagérée et pourtant revenaient sans cesse à leurs commérages. Elles m'ont fait bien du mal, car je les aime beaucoup. J'ai vu le médecin du couvent, ses remèdes, et combien ils m'étaient nuisibles. J'ai vu le second médecin, comment ses remèdes m'ont ruiné la poitrine et m'ont mise dans l'état le plus misérable. J'ai vu ma poitrine comme entièrement vide et creuse, et je sentais que, sans de grandes précautions, je pouvais m'en aller bien vite. J'aurais pu guérir de toutes mes maladies, sans aucun traitement médical, si l'on avait appliqué à propos les remèdes de l'Église. " J'ai vu le tort qu'on a eu de me trop mettre en lumière, de ne regarder qu'à mes plaies et de ne pas tenir compte des autres circonstances. J'ai vu comment j'ai été forcée de m'exposer aux regards de tous, ce qui m'a dissipée et n'a fait de bien à personne ; j'aurais pu être bien plus utile si l'on m'avait laissée en repos. J'ai vu mes prières et mes supplications pour obtenir qu'on m'y laissât, prières que je ne faisais pas de moi-même, mais par suite d'un avertisse ment intérieur ; j'ai vu comment tout a été inutile, et comment, contrairement à mon intime conviction, je suis devenue un spectacle pour le monde. Il m'a fallu subir les plus grandes humiliations ; mais ce que je faisais - dans l'affliction de mon coeur et par pure obéissance m'était d'autre part reproché comme de l'effronterie, sans que ceux qui me contraignaient à livrer mes signes en proie au public prissent ma défense."
Quelque fréquemment qu'Anne Catherine fût favorisée de contemplations de ce genre, sa position extérieure ne changeait pas. Le traitement absurde qu'elle avait à supporter de la part de ses amis et de ses ennemis persistait après comme avant, et les ordonnances des médecins allaient leur train ; mais, grâce à ces visions, son âme recevait la lumière qui lui faisait reconnaître dans les personnes et dans les choses les instruments et les moyens préparés par Dieu pour la faire avancer de plus en plus vers son but, si elle persévérait fidèlement ; elle y trouvait aussi l'impulsion et la force qui l'aidaient à réparer, par un redoublement de charité et de patience, les fautes que lui faisait commettre la fragilité humaine. L'ange, dont elle recevait d'ailleurs tant d'avis, ne lui ordonnait jamais de repousser les remèdes. Cela entrait dans le plan de Dieu, d'après lequel Anne Catherine, tenant la place du corps de l'Église, avait à expier le péché de ceux qui, par des doctrines, des principes, des desseins et des mesures nuisibles, cherchaient à exercer sur l'Église une action analogue à celle que produisaient sur Anne Catherine elle-même le musc, l'opium, le camphre et les lotions d'eau-de-vie. Elle avait la conscience que son expiation était d'autant plus efficace qu'elle se soumettait avec plus de simplicité et de docilité aux prescriptions qui lui imposaient l'usage de ces médicaments ; c'est pourquoi on ne rencontrait chez elle ni résistance, ni contradiction. Mais quand on sait de quels fléaux destructeurs l'Église était menacée à cette époque, quand on se souvient, par exemple, des ravages que faisaient l'esprit malsain du philosophisme et l'exaltation factice du faux mysticisme qui, chez un si grand nombre de ses adhérents, aboutissait ordinairement à des débordements monstrueux, on est conduit involontairement à reconnaître dans l'opium et l'eau-de-vie frelatée un symbole frappant de ces fausses doctrines.
" J'ai eu une vision qui m'a paru présenter le côté douloureux de mon existence. Tout ce que des personnes de ma connaissance ont fait durant ma vie pour contrarier ma tâche m'a été montré dans des tableaux où figuraient ces personnes : c'étaient des choses auxquelles je n'osais jamais penser, de peur qu'elles ne devinssent pour moi des tentations d'aversion et de mécontentement. J'ai encore essayé d'y résister cette nuit ; je me suis défendue et j'ai lutté avec beaucoup d'efforts ; mais j'ai eu la consolation de m'entendre dire que j'avais bien combattu.
" Les choses m'ont été représentées de différentes manières : tantôt c'était comme si une épreuve passée fut redevenue actuelle, tantôt je voyais des gens qui s'empressaient, tantôt cela m'arrivait comme un récit. En outre, on m'a montré tout ce que j'ai perdu par là dans ma vie corporelle et dans mon action spirituelle, et j'ai vu clairement de combien de mal telles ou telles personnes ont été cause pour moi à mon insu ; car tout ce qu'auparavant j e soupçonnais seulement sans en avoir la certitude, je l'ai vu distinctement dans son ensemble. Ç'a été une rude épreuve que de ressentir de nouveau les douleurs et les angoisses de ma vie passée, avec toute la méchanceté et la fausseté des hommes, et non seulement de ne me laisser aller à aucun ressentiment, mais d'avoir la plus sincère affection pour les plus cruels ennemis.
" Les visions ont commencé par ce qui touchait ma profession religieuse et par tout ce que mes parents ont fait pour l'empêcher. Il ont exercé ma patience et ont tout fait en secret. Les nonnes m'ont fait beaucoup souffrir. J'ai vu leur grande déraison ; comment d'abord elles m'ont maltraitée, puis quand mon état fut connu, comment elles m'honoraient d'une manière exagérée et pourtant revenaient sans cesse à leurs commérages. Elles m'ont fait bien du mal, car je les aime beaucoup. J'ai vu le médecin du couvent, ses remèdes, et combien ils m'étaient nuisibles. J'ai vu le second médecin, comment ses remèdes m'ont ruiné la poitrine et m'ont mise dans l'état le plus misérable. J'ai vu ma poitrine comme entièrement vide et creuse, et je sentais que, sans de grandes précautions, je pouvais m'en aller bien vite. J'aurais pu guérir de toutes mes maladies, sans aucun traitement médical, si l'on avait appliqué à propos les remèdes de l'Église. " J'ai vu le tort qu'on a eu de me trop mettre en lumière, de ne regarder qu'à mes plaies et de ne pas tenir compte des autres circonstances. J'ai vu comment j'ai été forcée de m'exposer aux regards de tous, ce qui m'a dissipée et n'a fait de bien à personne ; j'aurais pu être bien plus utile si l'on m'avait laissée en repos. J'ai vu mes prières et mes supplications pour obtenir qu'on m'y laissât, prières que je ne faisais pas de moi-même, mais par suite d'un avertisse ment intérieur ; j'ai vu comment tout a été inutile, et comment, contrairement à mon intime conviction, je suis devenue un spectacle pour le monde. Il m'a fallu subir les plus grandes humiliations ; mais ce que je faisais - dans l'affliction de mon coeur et par pure obéissance m'était d'autre part reproché comme de l'effronterie, sans que ceux qui me contraignaient à livrer mes signes en proie au public prissent ma défense."
Quelque fréquemment qu'Anne Catherine fût favorisée de contemplations de ce genre, sa position extérieure ne changeait pas. Le traitement absurde qu'elle avait à supporter de la part de ses amis et de ses ennemis persistait après comme avant, et les ordonnances des médecins allaient leur train ; mais, grâce à ces visions, son âme recevait la lumière qui lui faisait reconnaître dans les personnes et dans les choses les instruments et les moyens préparés par Dieu pour la faire avancer de plus en plus vers son but, si elle persévérait fidèlement ; elle y trouvait aussi l'impulsion et la force qui l'aidaient à réparer, par un redoublement de charité et de patience, les fautes que lui faisait commettre la fragilité humaine. L'ange, dont elle recevait d'ailleurs tant d'avis, ne lui ordonnait jamais de repousser les remèdes. Cela entrait dans le plan de Dieu, d'après lequel Anne Catherine, tenant la place du corps de l'Église, avait à expier le péché de ceux qui, par des doctrines, des principes, des desseins et des mesures nuisibles, cherchaient à exercer sur l'Église une action analogue à celle que produisaient sur Anne Catherine elle-même le musc, l'opium, le camphre et les lotions d'eau-de-vie. Elle avait la conscience que son expiation était d'autant plus efficace qu'elle se soumettait avec plus de simplicité et de docilité aux prescriptions qui lui imposaient l'usage de ces médicaments ; c'est pourquoi on ne rencontrait chez elle ni résistance, ni contradiction. Mais quand on sait de quels fléaux destructeurs l'Église était menacée à cette époque, quand on se souvient, par exemple, des ravages que faisaient l'esprit malsain du philosophisme et l'exaltation factice du faux mysticisme qui, chez un si grand nombre de ses adhérents, aboutissait ordinairement à des débordements monstrueux, on est conduit involontairement à reconnaître dans l'opium et l'eau-de-vie frelatée un symbole frappant de ces fausses doctrines.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
11. Il y avait, en outre, les dangers provenant du magnétisme contre lesquels Anne Catherine devait agir, au moyen de diverses souffrances expiatoires, et ici aussi le médecin et le confesseur furent les premiers qui essayèrent de la guérir par des moyens magnétiques, de même qu'auparavant ils l'avaient essayé à l'aide de l'opium et du musc. Wesener dit à ce sujet" M. Limberg me raconta qu'Anne Catherine étant dans un état de catalepsie, il avait fait sur elle diverses expériences magnétiques, mais qui n'avaient eu aucun succès. Je me proposai alors de faire les expériences moi-même à la première occasion. Je commençai peu de jours après, pendant que la malade était en extase. Tout son corps était raide et immobile. Je prononçai quelques paroles sur le creux de l'estomac, sur l'extrémité des orteils ; je mis le bout des doigts de ma main droite sur le creux de l'estomac et je parlai sur le bout des doigts de la main gauche ; je lui criai dans l'oreille : mais rien de tout cela ne fit sur elle la moindre impression. Sur mon désir, le confesseur répéta les mêmes tentatives, qui restèrent également sans effet. Mais, lorsqu'il prononça le mot d'obéissance, elle tressaillit tout d'un coup en poussant un profond soupir, reprit l'usage de ses sens, et, comme le confesseur lui demandait ce qu'elle avait, elle répondit : " On m'a appelée."
Le médecin et le confesseur s'abstinrent alors de nouvelles tentatives jusqu'au mois de janvier de l'année suivante ; mais, pendant ce mois, Anne Catherine tomba dans un tel état de souffrance que l'un et l'autre pouvaient à peine en supporter la vue. Durant plusieurs semaines, elle eut, chaque jour, pendant une heure, des douleurs spasmodiques au coeur, avec des accès de suffocation d'une telle violence que la mort semblait inévitable ; cependant la communion quotidienne lui donna la force de résister à ces effroyables douleurs. Ce ne fut pas la malade, mais le médecin et le confesseur qui furent déconcertés et perdirent enfin patience. Voici ce que rapporte Wesener à la date du 26 janvier :
" J'étais le soir chez elle. Elle était horriblement mal, et le pouls était tombé très bas. Vers cinq heures, survint une sorte de spasme tonique. Les yeux de la malade étaient ouverts, mais insensibles au point que je pouvais toucher la cornée avec le doigt sans que les paupières se fermassent. Le jour précédent, comme elle pouvait un peu parler, elle m'avait révélé que sa vue était si étonnamment perçante que, même à l'état naturel de veille, elle pouvait voir beaucoup d'objets les yeux fermés. Le spasme tonique dura une heure ; mais, peu de temps après, elle tomba en extase, se releva sur les genoux et pria les bras étendus. J'engageai son confesseur à essayer du magnétisme, c'est-à-dire à lui demander quelle était sa maladie et où en était le siège principal. Il le fit à plusieurs reprises et en insistant ; mais la malade ne répondit pas. Je le priai alors de lui ordonner de le dire en vertu de l'obéissance. A peine le mot d'obéissance était-il parti de sa bouche qu'elle tressaillit et s'éveilla avec un profond soupir. Interrogée sur son mouvement d'effroi, elle répondit : " Quelqu'un m'a appelée." Elle tomba de nouveau dans une défaillance causée par la faiblesse, et je lui donnai douze gouttes d'essence de musc. Le lendemain matin, elle me dit, qu'elle avait passé toute la nuit dans un état de vertige continuel, par suite de sa faiblesse." Et certainement encore plus à cause du musc qu'elle ne pouvait supporter.
Il n'y avait pas de guérison possible pour cet état de souffrance, parce qu'il avait sa cause non dans une maladie corporelle, mais dans les péchés d'autrui qu'Anne Catherine s'était chargée d'expier ; c'est pourquoi elle ne put répondre à la demande que lui faisait son confesseur. S'il avait désiré qu'elle rendit compte de ses contemplations intérieures, il aurait sans doute reçu des explications complètes. Quand, enfin, les convulsions cessèrent, la malade fut prise de vomissements continuels d'un liquide aqueux, quoiqu'elle ne put pas avaler une goutte d'eau et qu'elle mourut presque de soif. Cependant elle fut chaque jour plusieurs heures dans un état de prière extatique qui, le 9 février, dura environ neuf heures sans interruption. Elle donna l'explication suivante au confesseur, ainsi qu'au médecin qui voyait son art et ses efforts déconcertés par ces souffrances et dont la sympathie cordiale la touchait " Jeudi (8 février), comme je disais mes heures, ma méditation se porta sur notre indignité et sur la miséricorde et la longanimité infinies de Dieu ; je fus toute bouleversée par la pensée qu'en dépit de ces miséricordes, tant d'âmes se perdent pour toujours. Je ne pouvais m'empêcher de supplier le Seigneur de faire grâce à ces malheureux.
Je vis alors tout à coup ma croix, qui est là-dessous attachée au montant du bois de lit (note), entourée d'une lueur brillante. J'étais parfaitement éveillée, avec le plein usage de mes sens ; je me dis : " N'est-ce pas une vaine imagination ?" et je continuai à dire mes heures ; mais l'éclat de la croix m'éblouissait. Alors je fus forcée de reconnaître que ce n'était pas une illusion ; je me recueillis et priai avec toute la ferveur possible, demandant à Dieu, mon Sauveur, grâce et miséricorde pour tous et surtout pour les faibles et les égarés. L'éclat de la croix devint plus vif et je vis alors un corps qui y était attaché. Des plaies de ce corps crucifié, le sang coulait à flots jusqu'au bas de la croix ; mais je ne le vis pas se répandre en dehors de la croix. Je redoublai ma prière et mes actes d'adoration ; alors le corps étendit son bras droit en l'arrondissant, comme s'il voulait nous embrasser tous ensemble. Pendant que tout cela se passait, j'avais tellement ma connaissance que j'observai très bien plusieurs objets autour de moi et qu'entre autres choses je pus, chaque fois que l'horloge sonna, en compter tous les coups. J'entendis en dernier lieu sonner six coups ; mais je ne sais rien de ce qui se passa ensuite autour de moi. J'entrai alors tout entière dans la contemplation intérieure, et je méditai sans interruption la Passion de Jésus-Christ. J'ai vu toute l'histoire de la Passion de mes propres yeux, exactement comme dans la réalité. J'ai vu le Sauveur sortir, portant sa croix ; j'ai vu Véronique et Simon contraint de porter la croix. J'ai vu le Seigneur étendant ses membres, puis cloué à la croix : Cela me bouleversait jusqu'au fond de l'âme ; j'avais de la tristesse, mais avec un mélange de joie. Je vis la mère du Seigneur et plusieurs de ceux qui lui appartenaient. Je continuai à adorer mon Seigneur Jésus et à lui demander merci pour moi et pour tous les hommes.
Le médecin et le confesseur s'abstinrent alors de nouvelles tentatives jusqu'au mois de janvier de l'année suivante ; mais, pendant ce mois, Anne Catherine tomba dans un tel état de souffrance que l'un et l'autre pouvaient à peine en supporter la vue. Durant plusieurs semaines, elle eut, chaque jour, pendant une heure, des douleurs spasmodiques au coeur, avec des accès de suffocation d'une telle violence que la mort semblait inévitable ; cependant la communion quotidienne lui donna la force de résister à ces effroyables douleurs. Ce ne fut pas la malade, mais le médecin et le confesseur qui furent déconcertés et perdirent enfin patience. Voici ce que rapporte Wesener à la date du 26 janvier :
" J'étais le soir chez elle. Elle était horriblement mal, et le pouls était tombé très bas. Vers cinq heures, survint une sorte de spasme tonique. Les yeux de la malade étaient ouverts, mais insensibles au point que je pouvais toucher la cornée avec le doigt sans que les paupières se fermassent. Le jour précédent, comme elle pouvait un peu parler, elle m'avait révélé que sa vue était si étonnamment perçante que, même à l'état naturel de veille, elle pouvait voir beaucoup d'objets les yeux fermés. Le spasme tonique dura une heure ; mais, peu de temps après, elle tomba en extase, se releva sur les genoux et pria les bras étendus. J'engageai son confesseur à essayer du magnétisme, c'est-à-dire à lui demander quelle était sa maladie et où en était le siège principal. Il le fit à plusieurs reprises et en insistant ; mais la malade ne répondit pas. Je le priai alors de lui ordonner de le dire en vertu de l'obéissance. A peine le mot d'obéissance était-il parti de sa bouche qu'elle tressaillit et s'éveilla avec un profond soupir. Interrogée sur son mouvement d'effroi, elle répondit : " Quelqu'un m'a appelée." Elle tomba de nouveau dans une défaillance causée par la faiblesse, et je lui donnai douze gouttes d'essence de musc. Le lendemain matin, elle me dit, qu'elle avait passé toute la nuit dans un état de vertige continuel, par suite de sa faiblesse." Et certainement encore plus à cause du musc qu'elle ne pouvait supporter.
Il n'y avait pas de guérison possible pour cet état de souffrance, parce qu'il avait sa cause non dans une maladie corporelle, mais dans les péchés d'autrui qu'Anne Catherine s'était chargée d'expier ; c'est pourquoi elle ne put répondre à la demande que lui faisait son confesseur. S'il avait désiré qu'elle rendit compte de ses contemplations intérieures, il aurait sans doute reçu des explications complètes. Quand, enfin, les convulsions cessèrent, la malade fut prise de vomissements continuels d'un liquide aqueux, quoiqu'elle ne put pas avaler une goutte d'eau et qu'elle mourut presque de soif. Cependant elle fut chaque jour plusieurs heures dans un état de prière extatique qui, le 9 février, dura environ neuf heures sans interruption. Elle donna l'explication suivante au confesseur, ainsi qu'au médecin qui voyait son art et ses efforts déconcertés par ces souffrances et dont la sympathie cordiale la touchait " Jeudi (8 février), comme je disais mes heures, ma méditation se porta sur notre indignité et sur la miséricorde et la longanimité infinies de Dieu ; je fus toute bouleversée par la pensée qu'en dépit de ces miséricordes, tant d'âmes se perdent pour toujours. Je ne pouvais m'empêcher de supplier le Seigneur de faire grâce à ces malheureux.
Je vis alors tout à coup ma croix, qui est là-dessous attachée au montant du bois de lit (note), entourée d'une lueur brillante. J'étais parfaitement éveillée, avec le plein usage de mes sens ; je me dis : " N'est-ce pas une vaine imagination ?" et je continuai à dire mes heures ; mais l'éclat de la croix m'éblouissait. Alors je fus forcée de reconnaître que ce n'était pas une illusion ; je me recueillis et priai avec toute la ferveur possible, demandant à Dieu, mon Sauveur, grâce et miséricorde pour tous et surtout pour les faibles et les égarés. L'éclat de la croix devint plus vif et je vis alors un corps qui y était attaché. Des plaies de ce corps crucifié, le sang coulait à flots jusqu'au bas de la croix ; mais je ne le vis pas se répandre en dehors de la croix. Je redoublai ma prière et mes actes d'adoration ; alors le corps étendit son bras droit en l'arrondissant, comme s'il voulait nous embrasser tous ensemble. Pendant que tout cela se passait, j'avais tellement ma connaissance que j'observai très bien plusieurs objets autour de moi et qu'entre autres choses je pus, chaque fois que l'horloge sonna, en compter tous les coups. J'entendis en dernier lieu sonner six coups ; mais je ne sais rien de ce qui se passa ensuite autour de moi. J'entrai alors tout entière dans la contemplation intérieure, et je méditai sans interruption la Passion de Jésus-Christ. J'ai vu toute l'histoire de la Passion de mes propres yeux, exactement comme dans la réalité. J'ai vu le Sauveur sortir, portant sa croix ; j'ai vu Véronique et Simon contraint de porter la croix. J'ai vu le Seigneur étendant ses membres, puis cloué à la croix : Cela me bouleversait jusqu'au fond de l'âme ; j'avais de la tristesse, mais avec un mélange de joie. Je vis la mère du Seigneur et plusieurs de ceux qui lui appartenaient. Je continuai à adorer mon Seigneur Jésus et à lui demander merci pour moi et pour tous les hommes.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
(note) C'était une petite croix d'argent avec deux parcelles de la vraie croix.
Là-dessus, il me dit : " Vois mon amour ; il est sans bornes ! Venez, venez tous dans mes bras ; je veux tous vous rendre heureux !" Mais alors je vis que la plupart se détournaient de lui et s'arrachaient violemment à ses embrassements. Dés le commencement de cette apparition, je priai le Seigneur, en vue de la guerre présente, de nous donner enfin la paix et de mettre fin aux horreurs des combats ; je lui ai demandé de nouveau grâce et merci. Alors une voix me dit : " Ce n'est pas encore la fin de la guerre ; plus d'un pays s'en ressentira encore cruellement ; toutefois, prie et aie confiance" Maintenant, j'espère très fermement que le pays de Munster et Dulmen ne seront pas trop maltraités." M. Lambert et la soeur de la malade ont encore rapporté que, pendant tout le temps de cette apparition, c'est-à-dire depuis dix heures du matin jusqu'à cinq heures du soir environ, elle était restée très calme ; notamment, qu'elle eut, de dix heures à midi, les yeux ouverts et le visage coloré, mais depuis midi jusque vers cinq heures, les yeux fermés et tout à fait immobiles. Ils n'avaient rien remarqué de plus chez elle, si ce n'est que des larmes à peu prés continuelles coulaient sur ses joues."
Le 8 février était le jeudi d'avant la Septuagésime. Anne Catherine avait reçu ce jour-là la tâche qu'elle avait à remplir pendant le saint temps de Carême et elle l'avait acceptée avec un ardent désir du salut des âmes. Son humilité l'empêchait de communiquer au médecin, sans l'ordre exprès du confesseur, des détails plus précis tirés de sa contemplation qui embrassait beaucoup de choses ; mais le peu qu'elle dit suffit pour que Wesener ne pensât plus de quelque temps à une application ultérieure des moyens magnétiques. Ni lui ni le confesseur n'osèrent faire mention devant Anne Catherine de leurs tentatives avortées, car il leur fallait bien reconnaître qu'elles avaient trop peu agi sur elle pour qu'elle en eut le moindre sentiment ou le plus faible souvenir. Ils laissèrent donc la chose tomber dans l'oubli ; mais, un an plus tard, un ami de Neeff et de Passavant vint à Dulmen pour faire des observations sur Anne Catherine qu'il croyait un sujet magnétique. Ce médecin était plein d'un enthousiasme touchant au fanatisme pour la somnambule de Neeff et en général pour le magnétisme où il prétendait avoir trouvé une telle confirmation de la foi chrétienne qu'il déclarait hautement avoir été guéri par là d'une incrédulité absolue. Comme il avait à un rare degré le don de la persuasion, il ne lui fut pas difficile de faire avouer à Wesener et à Limberg que des vues aussi élevées sur le magnétisme ne leur avaient jamais été présentées ; et tous deux, malgré les expériences antérieures faites sur Anne Catherine, étaient sur le point de se déclarer partisans et défenseurs de la médecine magnétique, lorsqu'intervint une sagesse plus haute qui fit connaître la vérité avec une clarté irrésistible. C'est par le journal de Wesener que nous savons comment les choses se passèrent.
Là-dessus, il me dit : " Vois mon amour ; il est sans bornes ! Venez, venez tous dans mes bras ; je veux tous vous rendre heureux !" Mais alors je vis que la plupart se détournaient de lui et s'arrachaient violemment à ses embrassements. Dés le commencement de cette apparition, je priai le Seigneur, en vue de la guerre présente, de nous donner enfin la paix et de mettre fin aux horreurs des combats ; je lui ai demandé de nouveau grâce et merci. Alors une voix me dit : " Ce n'est pas encore la fin de la guerre ; plus d'un pays s'en ressentira encore cruellement ; toutefois, prie et aie confiance" Maintenant, j'espère très fermement que le pays de Munster et Dulmen ne seront pas trop maltraités." M. Lambert et la soeur de la malade ont encore rapporté que, pendant tout le temps de cette apparition, c'est-à-dire depuis dix heures du matin jusqu'à cinq heures du soir environ, elle était restée très calme ; notamment, qu'elle eut, de dix heures à midi, les yeux ouverts et le visage coloré, mais depuis midi jusque vers cinq heures, les yeux fermés et tout à fait immobiles. Ils n'avaient rien remarqué de plus chez elle, si ce n'est que des larmes à peu prés continuelles coulaient sur ses joues."
Le 8 février était le jeudi d'avant la Septuagésime. Anne Catherine avait reçu ce jour-là la tâche qu'elle avait à remplir pendant le saint temps de Carême et elle l'avait acceptée avec un ardent désir du salut des âmes. Son humilité l'empêchait de communiquer au médecin, sans l'ordre exprès du confesseur, des détails plus précis tirés de sa contemplation qui embrassait beaucoup de choses ; mais le peu qu'elle dit suffit pour que Wesener ne pensât plus de quelque temps à une application ultérieure des moyens magnétiques. Ni lui ni le confesseur n'osèrent faire mention devant Anne Catherine de leurs tentatives avortées, car il leur fallait bien reconnaître qu'elles avaient trop peu agi sur elle pour qu'elle en eut le moindre sentiment ou le plus faible souvenir. Ils laissèrent donc la chose tomber dans l'oubli ; mais, un an plus tard, un ami de Neeff et de Passavant vint à Dulmen pour faire des observations sur Anne Catherine qu'il croyait un sujet magnétique. Ce médecin était plein d'un enthousiasme touchant au fanatisme pour la somnambule de Neeff et en général pour le magnétisme où il prétendait avoir trouvé une telle confirmation de la foi chrétienne qu'il déclarait hautement avoir été guéri par là d'une incrédulité absolue. Comme il avait à un rare degré le don de la persuasion, il ne lui fut pas difficile de faire avouer à Wesener et à Limberg que des vues aussi élevées sur le magnétisme ne leur avaient jamais été présentées ; et tous deux, malgré les expériences antérieures faites sur Anne Catherine, étaient sur le point de se déclarer partisans et défenseurs de la médecine magnétique, lorsqu'intervint une sagesse plus haute qui fit connaître la vérité avec une clarté irrésistible. C'est par le journal de Wesener que nous savons comment les choses se passèrent.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
12. Le Samedi saint, 5 avril 1817, le doyen Rensing fit annoncer à la malade la visite d'un médecin étranger arrivé de Francfort, lequel avait apporté un ordre écrit de le recevoir adressé à Anne Catherine par le vicaire général de Droste. Elle en fut si affligée qu'elle pria Wesener de représenter au doyen combien lui étaient pénibles les visites en général, et spécialement celle d'un homme qui était venu de si loin à cause d'elle. Le doyen n'accueillît point cette prière ; mais il réitéra l'ordre, qui fut communiqué à Anne Catherine par Wesener. Voici ce que celui-ci rapporte à ce sujet :
" Lorsque je lui annonçai cela, elle en fut d'abord attristée, mais reprit bientôt contenance et dit : " Puisqu'il en est ainsi, je me soumets par obéissance." Elle me pria alors de venir avec l'étranger, à cause de la difficulté qu'elle avait à parler. Quelques heures après, je l'amenai. Elle le reçut poliment ; mais il fut tellement frappé à son aspect qu'il se jeta à genoux et demanda à lui baiser la main. Elle retira sa main avec une sorte d'effroi et reprocha à cet homme son exagération. Elle ne comprenait pas, disait-elle, comment, un homme raisonnable pouvait se laisser aller à donner de telles marques de respect à une misérable créature comme elle ; dans la soirée du même jour, elle m'exprima encore là douleur la plus vive de cet incident si affligeant pour elle, s'humilia et dit : " Que de tentations j'ai à combattre ! Que d'épreuves pour la patience et l'humilité ! Voici maintenant qu'arrivent des tentations d'une espèce qui m'était inconnue jusqu'à présent !" Peu de jours après, Wesener rapporte ce qui suit :
" Grâce aux entretiens instructifs de M. le docteur N. . . avec M. Limberg et avec moi, nous nous sommes familiarisés davantage avec le magnétisme et nous avons reconnu qu'il n'est autre chose" que l'écoulement d'un esprit vital déterminant sur le malade." Cet esprit, qui est répandu dans toute la nature, est reçu par le malade au moyen d'une communication spirituelle ou même corporelle ; il agit alors, dans celui qui le reçoit, d'après la nature de son principe ; y allumant une flamme qui appartient soit à la terre, soit aux régions supérieures, soit même aux régions inférieures, et opérant, suivant son origine, des effets salutaires ou pernicieux. Cet esprit vital, le chrétien peut et doit l'enflammer par la religion et par l'amour de Dieu et du prochain, de manière à le rendre salutaire pour le corps et pour l'âme."
Wesener savait pourtant par de fréquentes expériences ce qui avait le pouvoir d'enflammer Anne Catherine, et, peu de temps avant, il avait écrit sur son journal : " Je l'ai trouvée aujourd'hui toute vermeille et comme enflammée ; je lui en demandai la cause, et elle me répondit " M. Overberg est venu ici, et je n'ai parlé que de Dieu avec lui ; cela m'a fort animée ; mais, en outre, je ne me sens pas mal." Or, ce même Wesener, soutenu par le confesseur, vint la trouver, tout plein de sa découverte de l'esprit vital magnétique, et il lui exposa avec tant de chaleur cette science nouvelle pour lui qu'elle put facilement reconnaître sur quelles dangereuses voies le père Limberg et lui étaient au moment de s'égarer. Elle se contint pourtant avec sa prudence ordinaire, écouta patiemment les zélés adeptes sans les contredire, et ne prit la parole que quand son ange lui en eut donné l'ordre. Voici ce que dit Wesener à ce sujet :
" Dans une visite postérieure, la malade me pria de rester un peu, parce qu'elle désirait me faire une ouverture.
" Vous avez remarqué, dit-elle, comment j'ai accueilli ce que le père Limberg, le docteur étranger et vous, m'avez dit sur le magnétisme. Je me suis montrée à peu près indifférente ; cependant, j'étais bien aise de ce qu'au moins vous vous efforciez de présenter la chose par un côté moral. Mais voilà que j'ai été avertie en vision pour la troisième fois. La première vision n'était pas favorable au magnétisme ; la seconde me le présenta sous un jour qui me remplit d'effroi ; mais, la nuit dernière, mon conducteur m'a montré que, dans ce qui s'y passe, presque tout est un prestige du démon. J'espère que je trouverai la force nécessaire pour vous raconter cela en détail. Quant à présent ; je ne puis vous dire qu'une chose : si nous voulons faire ce qu'ont fait les prophètes et les apôtres, nous devons aussi être ce que ces hommes étaient, mais alors nous n'avons aucun besoin de ces manipulations dont un magnétiseur fait usage, car, dans ce cas, le saint nom de Jésus suffit pour opérer ce qui est bon et salutaire. Qu'on s'efforce d'opérer une guérison au moyen de quelque chose qui se transmet d'une personne bien portante à un malade, ce n'est pas mauvais en soi ; mais les tours de passe-passe qu'on y ajoute sont quelque chose de sot et d'illicite. Le sommeil magnétique et l'intuition de choses éloignées et futures pendant ce sommeil, voilà où est le prestige du démon. Il se donne dans tout cela une apparence de piété pour gagner par là des adhérents et surtout pour attirer les gens de bien dans ses filets." Elle dit cela d'un ton si grave que je lui répondis qu'en présence d'un semblable jugement, je ne me croyais pas autorisé à continuer une cure magnétique commencée sur une fille de la campagne qui avait un bras paralysé. Elle me demanda comment je m'y prenais, et, quand je lui dis que je faisais des passes avec les mains, que je traçais des cercles et que je soufflais sur la partie malade, que la malade buvait de l'eau magnétisée et portait autour du membre perclus une bande de flanelle également magnétisée, elle me dit : " Je puis, à la rigueur, considérer l'insufflation et le réchauffement du membre malade par l'imposition des mains comme des moyens naturels ; mais je repousse les passes et les cercles tracés comme des choses déraisonnables et conduisant à une superstition dangereuse." Je lui demandai alors ce qu'elle pensait des vues du docteur étranger, et elle me dit : " Il faut bien se tenir sur ses gardes pour ne pas tomber dans la maison avec la porte. Cet homme reviendra sur le bon chemin, et j'ai la confiance que je pourrai lui être utile."
" Lorsque je lui annonçai cela, elle en fut d'abord attristée, mais reprit bientôt contenance et dit : " Puisqu'il en est ainsi, je me soumets par obéissance." Elle me pria alors de venir avec l'étranger, à cause de la difficulté qu'elle avait à parler. Quelques heures après, je l'amenai. Elle le reçut poliment ; mais il fut tellement frappé à son aspect qu'il se jeta à genoux et demanda à lui baiser la main. Elle retira sa main avec une sorte d'effroi et reprocha à cet homme son exagération. Elle ne comprenait pas, disait-elle, comment, un homme raisonnable pouvait se laisser aller à donner de telles marques de respect à une misérable créature comme elle ; dans la soirée du même jour, elle m'exprima encore là douleur la plus vive de cet incident si affligeant pour elle, s'humilia et dit : " Que de tentations j'ai à combattre ! Que d'épreuves pour la patience et l'humilité ! Voici maintenant qu'arrivent des tentations d'une espèce qui m'était inconnue jusqu'à présent !" Peu de jours après, Wesener rapporte ce qui suit :
" Grâce aux entretiens instructifs de M. le docteur N. . . avec M. Limberg et avec moi, nous nous sommes familiarisés davantage avec le magnétisme et nous avons reconnu qu'il n'est autre chose" que l'écoulement d'un esprit vital déterminant sur le malade." Cet esprit, qui est répandu dans toute la nature, est reçu par le malade au moyen d'une communication spirituelle ou même corporelle ; il agit alors, dans celui qui le reçoit, d'après la nature de son principe ; y allumant une flamme qui appartient soit à la terre, soit aux régions supérieures, soit même aux régions inférieures, et opérant, suivant son origine, des effets salutaires ou pernicieux. Cet esprit vital, le chrétien peut et doit l'enflammer par la religion et par l'amour de Dieu et du prochain, de manière à le rendre salutaire pour le corps et pour l'âme."
Wesener savait pourtant par de fréquentes expériences ce qui avait le pouvoir d'enflammer Anne Catherine, et, peu de temps avant, il avait écrit sur son journal : " Je l'ai trouvée aujourd'hui toute vermeille et comme enflammée ; je lui en demandai la cause, et elle me répondit " M. Overberg est venu ici, et je n'ai parlé que de Dieu avec lui ; cela m'a fort animée ; mais, en outre, je ne me sens pas mal." Or, ce même Wesener, soutenu par le confesseur, vint la trouver, tout plein de sa découverte de l'esprit vital magnétique, et il lui exposa avec tant de chaleur cette science nouvelle pour lui qu'elle put facilement reconnaître sur quelles dangereuses voies le père Limberg et lui étaient au moment de s'égarer. Elle se contint pourtant avec sa prudence ordinaire, écouta patiemment les zélés adeptes sans les contredire, et ne prit la parole que quand son ange lui en eut donné l'ordre. Voici ce que dit Wesener à ce sujet :
" Dans une visite postérieure, la malade me pria de rester un peu, parce qu'elle désirait me faire une ouverture.
" Vous avez remarqué, dit-elle, comment j'ai accueilli ce que le père Limberg, le docteur étranger et vous, m'avez dit sur le magnétisme. Je me suis montrée à peu près indifférente ; cependant, j'étais bien aise de ce qu'au moins vous vous efforciez de présenter la chose par un côté moral. Mais voilà que j'ai été avertie en vision pour la troisième fois. La première vision n'était pas favorable au magnétisme ; la seconde me le présenta sous un jour qui me remplit d'effroi ; mais, la nuit dernière, mon conducteur m'a montré que, dans ce qui s'y passe, presque tout est un prestige du démon. J'espère que je trouverai la force nécessaire pour vous raconter cela en détail. Quant à présent ; je ne puis vous dire qu'une chose : si nous voulons faire ce qu'ont fait les prophètes et les apôtres, nous devons aussi être ce que ces hommes étaient, mais alors nous n'avons aucun besoin de ces manipulations dont un magnétiseur fait usage, car, dans ce cas, le saint nom de Jésus suffit pour opérer ce qui est bon et salutaire. Qu'on s'efforce d'opérer une guérison au moyen de quelque chose qui se transmet d'une personne bien portante à un malade, ce n'est pas mauvais en soi ; mais les tours de passe-passe qu'on y ajoute sont quelque chose de sot et d'illicite. Le sommeil magnétique et l'intuition de choses éloignées et futures pendant ce sommeil, voilà où est le prestige du démon. Il se donne dans tout cela une apparence de piété pour gagner par là des adhérents et surtout pour attirer les gens de bien dans ses filets." Elle dit cela d'un ton si grave que je lui répondis qu'en présence d'un semblable jugement, je ne me croyais pas autorisé à continuer une cure magnétique commencée sur une fille de la campagne qui avait un bras paralysé. Elle me demanda comment je m'y prenais, et, quand je lui dis que je faisais des passes avec les mains, que je traçais des cercles et que je soufflais sur la partie malade, que la malade buvait de l'eau magnétisée et portait autour du membre perclus une bande de flanelle également magnétisée, elle me dit : " Je puis, à la rigueur, considérer l'insufflation et le réchauffement du membre malade par l'imposition des mains comme des moyens naturels ; mais je repousse les passes et les cercles tracés comme des choses déraisonnables et conduisant à une superstition dangereuse." Je lui demandai alors ce qu'elle pensait des vues du docteur étranger, et elle me dit : " Il faut bien se tenir sur ses gardes pour ne pas tomber dans la maison avec la porte. Cet homme reviendra sur le bon chemin, et j'ai la confiance que je pourrai lui être utile."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
13. Cet entretien fit une profonde impression sur Wesener, déjà convaincu par tant d'expériences de tout ce qu'il y avait de clairvoyance et de perspicacité chez Anne Catherine ; mais, dans son zèle, il oublia l'avis qu'elle lui avait donné de ne pas blesser l'étranger en lui faisant connaître trop brusquement celte sévère appréciation. II lui communiqua sans l'y avoir préparé tout ce qu'avait dit Anne Catherine, et cela causa à celui-ci une surprise d'autant plus pénible qu'il avait une très haute opinion des lumières et de la piété de la somnambule de Francfort et de ses admirateurs. C'est pourquoi, loin d'être ébranlé par le jugement d'Anne Catherine, il répondit avec beaucoup de vivacité qu'on ne pouvait pas admettre que des hommes aussi graves et animés de sentiments aussi pieux pussent, avoir quelque chose de commun avec le mauvais esprit ; enfin, pour se rassurer, il prétendit qu'Anne Catherine n'avait vu le magnétisme que par son côté ténébreux, mais non par son côté lumineux. Or, selon lui, ce côté lumineux pouvait encore arriver à se faire reconnaître avec l'aide du confesseur. Il pria donc celui-ci de guérir le violent mal de dents dont Anne Catherine souffrait alors par l'imposition des mains et la bénédiction sacerdotale ; il appelait cela le" procédé curatif magnétique." Le confesseur qui pourtant, depuis des années, avait mille fois expérimenté la merveilleuse sensibilité d'Anne Catherine à l'égard de la bénédiction du prêtre et de l'efficacité curative des moyens employés par l'Église, voyant cette fois le prompt soulagement qu'avait apporté l'imposition de ses mains, se sentit porté à en chercher la cause, non dans la vertu du caractère sacerdotal, mais dans l'esprit vital magnétique. Ce même homme qui, d'ordinaire, ne faisait usage pour Anne Catherine du pouvoir de bénir conféré à sa main par le sacrement de l'ordre que quand il la croyait à toute extrémité, se laissait maintenant entraîner par l'attrait de la nouveauté à soumettre" au procédé curatif magnétique" toute manifestation d'une souffrance physique chez sa fille spirituelle. Anne Catherine ne fut pas peu contristée de ce travers d'esprit jusqu'à ce que son conducteur invisible lui eut donné l'avis formel d'engager le confesseur à s'abstenir de cette façon d'agir." C'est la volonté de Dieu, lui avait-il été dit, que tu portes tes douleurs avec patience ; ton confesseur ne doit rien te faire de plus que ce qu'il faisait auparavant." Elle eut, en outre, pour l'instruction des autres, la vision suivante :
" Je me trouvais dans une grande salle ; c'était comme une église qui était pleine de monde. Des hommes à l'air grave et imposant allaient à travers la foule et faisaient sortir de l'église un grand nombre des assistants. Je m'en étonnai beaucoup et je demandai à ces personnages pourquoi l'on renvoyait des gens qui paraissaient avoir de si bons sentiments et qui savaient parler à merveille. Là-dessus, un de ces hommes à l'air sévère me répondit : Ils n'appartiennent pas à ce lieu ; ils sont dans de fausses voies. Et, bien qu'ils parlent avec des voix d'anges, leurs opinions et leurs doctrines sont fausses." Je vis alors que le docteur étranger était du nombre de ceux qui devaient être mis dehors. Cela me fit beaucoup de peine pour lui, et je voulais courir à lui pour le retenir ; mais autour de moi se trouvaient d'autres personnes qui essayèrent de m'en empêcher, en disant que cela ne convenait pas. Je ne me laissai pourtant pas arrêter, et je répondis : " Il s'agit du salut de son âme !" J'eus le bonheur de le retenir, en sorte qu'il ne fut pas mis dehors.
Cette simple vision trouva un accomplissement bien remarquable, car, malgré leur penchant apparent pour le catholicisme et en dépit de tous leurs beaux discours, la plupart des membres de ce cercle ensorcelé par la somnambule sont morts hors de l'Église. Seul, " le docteur étranger, " secouru par les prières d'Anne Catherine, arriva plus tard à trouver pour sa foi un autre et plus solide fondement que celui qu'il prétendait avoir rencontré dans la ressemblance des phénomènes du magnétisme avec les merveilles opérées par Dieu dans la personne de ses saint et de ses élus.
Le père Limberg accepta les avertissements qui lui avaient été donnés et ne se hasarda plus à tenter la moindre expérience de" cure magnétique" sur sa fille spirituelle ; en dehors de la bénédiction sacerdotale selon l'Église. Wesener aussi semble avoir été bientôt guéri de son enthousiasme pour le magnétisme, car son journal se borne à mentionner ce qui suit :
" Je lui demandai ce qu'elle me conseillait de faire pour mon compte, quant à, l'application du magnétisme près des malades, à quoi elle répondit : " Vous pouvez faire usage de l'imposition des mains et de l'insufflation, quand vous avez la parfaite assurance que vous n'induisez en tentation et en danger ni vous-même, ni l'autre personne."
" Je me trouvais dans une grande salle ; c'était comme une église qui était pleine de monde. Des hommes à l'air grave et imposant allaient à travers la foule et faisaient sortir de l'église un grand nombre des assistants. Je m'en étonnai beaucoup et je demandai à ces personnages pourquoi l'on renvoyait des gens qui paraissaient avoir de si bons sentiments et qui savaient parler à merveille. Là-dessus, un de ces hommes à l'air sévère me répondit : Ils n'appartiennent pas à ce lieu ; ils sont dans de fausses voies. Et, bien qu'ils parlent avec des voix d'anges, leurs opinions et leurs doctrines sont fausses." Je vis alors que le docteur étranger était du nombre de ceux qui devaient être mis dehors. Cela me fit beaucoup de peine pour lui, et je voulais courir à lui pour le retenir ; mais autour de moi se trouvaient d'autres personnes qui essayèrent de m'en empêcher, en disant que cela ne convenait pas. Je ne me laissai pourtant pas arrêter, et je répondis : " Il s'agit du salut de son âme !" J'eus le bonheur de le retenir, en sorte qu'il ne fut pas mis dehors.
Cette simple vision trouva un accomplissement bien remarquable, car, malgré leur penchant apparent pour le catholicisme et en dépit de tous leurs beaux discours, la plupart des membres de ce cercle ensorcelé par la somnambule sont morts hors de l'Église. Seul, " le docteur étranger, " secouru par les prières d'Anne Catherine, arriva plus tard à trouver pour sa foi un autre et plus solide fondement que celui qu'il prétendait avoir rencontré dans la ressemblance des phénomènes du magnétisme avec les merveilles opérées par Dieu dans la personne de ses saint et de ses élus.
Le père Limberg accepta les avertissements qui lui avaient été donnés et ne se hasarda plus à tenter la moindre expérience de" cure magnétique" sur sa fille spirituelle ; en dehors de la bénédiction sacerdotale selon l'Église. Wesener aussi semble avoir été bientôt guéri de son enthousiasme pour le magnétisme, car son journal se borne à mentionner ce qui suit :
" Je lui demandai ce qu'elle me conseillait de faire pour mon compte, quant à, l'application du magnétisme près des malades, à quoi elle répondit : " Vous pouvez faire usage de l'imposition des mains et de l'insufflation, quand vous avez la parfaite assurance que vous n'induisez en tentation et en danger ni vous-même, ni l'autre personne."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
Quant à ces visions où Anne Catherine avait appris à connaître l'essence du magnétisme, la dégradation où il peut entraîner une âme et les dangers qu'il lui fait courir, elle en communiqua quelque chose peu de temps après." Lorsque j'entendis pour la première fois parler du magnétisme par le docteur étranger, dit-elle, mon attention n'avait jamais été appelée sur ce sujet. Mais chaque fois qu'il parlait de la personne clairvoyante et des amis qui étaient en rapport avec elle, cela excitait en moi, sans que je susse pourquoi, un sentiment de vive répulsion. Cette personne me fut ensuite montrée, et je fus instruite sur son état dans des visions qui me prouvèrent que cet état n'était rien moins que pur et venant de Dieu. Je vis que l'attrait sensible et le désir de plaire y avaient part, quoiqu'elle ne voulut pas se l'avouer, et que, sans s'en rendre compte, elle avait trop d'attachement pour son magnétiseur. Je vis encore çà et là, dans l'éloignement, quelques autres personnes de cette espèce ; on voit cela comme à travers un verre grossissant. Je les vis assises ou même couchées ; j'en vis quelques-unes ayant devant elles un verre d'où partait un tube qu'elles tenaient à la main. L'impression que je ressentais était toujours une impression d'horreur, ce qui venait moins de la nature même de la chose que de l'immense danger auquel je les voyais presque toujours succomber.
" Les gestes des magnétiseurs devant les yeux, leurs passes et leur manière de prendre la main avaient pour moi quelque chose de si repoussant que je ne puis l'exprimer, parce que je voyais à la fois l'intérieur du magnétiseur et celui de la somnambule, l'influence de l'un sur l'autre, la communication de la nature et des mauvais penchants du premier à la seconde. Je voyais toujours là Satan eu personne dirigeant tous les mouvements du magnétiseur et les faisant avec lui.
" Ces personnes sont dans leurs visions tout autrement que moi dans les miennes ; quand, avant d'entrer dans l'état d'intuition, elles ont en elles si peu que ce soit d'impur, elles ne voient que fausseté et mensonge, car le démon leur présente des tableaux et donne à tout une belle apparence. Quand une telle personne se dit seulement à l'avance qu'elle désirerait ce jour-là dire quelque chose d'intéressant, ou quand elle a en elle la moindre convoitise sensuelle, elle se trouve aussitôt exposée au plus grand danger de pécher. Plusieurs, à la vérité, reçoivent un soulagement corporel ; mais la plupart en ressentent des effets pernicieux pour l'âme, sans le savoir et sans reconnaître d'où cela leur est venu. Je ne puis comparer l'horreur que ces choses me font éprouver qu'à celle que m'inspirent une certaine association secrète et ses pratiques. Il y a aussi là une corruption que je vois sans pouvoir bien la décrire.
" La pratique du magnétisme confine à la magie ; seulement on n'y invoque pas le diable, mais il vient de lui-même. Quiconque s'y livre prend à la nature quelque chose qui ne peut être conquis légitimement que dans l'Église de Jésus-Christ et qui ne peut se conserver avec le pouvoir de guérir et de sanctifier que dans son sein ; or la nature, pour tous ceux qui ne sont pas en union vivante avec Jésus-Christ par la vraie foi et la grâce sanctifiante, est pleine des influences de Satan. Les personnes magnétiques ne voient aucune chose dans son essence et dans sa dépendance de Dieu ; elles voient tout isolé et séparé, comme à travers un trou ou une fente. Elles perçoivent un rayon des choses par le magnétisme, et Dieu veuille que cette lumière soit pure, c'est-à-dire sainte. C'est un bienfait de Dieu de nous avoir séparés et voilés les uns devant les autres et d'avoir élevé des murs entre nous, depuis que nous sommes remplis de péchés et dépendant les uns des autres ; il est bon que nous soyons forcés d'agir préalablement avant de nous séduire réciproquement et de nous communiquer l'influence contagieuse du mauvais esprit. Mais en Jésus-Christ, Dieu lui-même fait homme nous est donné comme notre chef dans lequel, purifiés et sanctifiés, nous pouvons devenir une seule chose, un seul corps, sans apporter dans cette union nos péchés et nos mauvais penchants. Quiconque veut faire cesser d'une autre manière cette séparation établie par Dieu s'unit d'une façon très dangereuse à la nature déchue, dans laquelle règne avec ses séductions celui qui l'a entraînée à sa chute.
" Je vois l'essence propre du magnétisme comme vraie ; mais il y a un larron qui est déchaîné dans cette lumière voilée. Toute union entre des pécheurs est dangereuse ; la pénétration mutuelle l'est encore davantage. Mais quand cela arrive pour une âme tout à fait ouverte ; quand un état qui ne devient clairvoyant que parce qu'il implique la simplicité et l'absence de calcul devient la proie de l'artifice et de l'intrigue, alors une des facultés de l'homme avant la chute, faculté qui n'est pas entièrement morte, est ressuscitée d'une certaine manière, pour le laisser plus désarmé et dans un état plus mystérieux, exposé intérieurement aux attaques du démon. Cet état est réel, il existe ; mais il est couvert d'un voile, parce que c'est une source empoisonnée pour tous, excepté pour les saints.
" Je sens que l'état de ces personnes suit, à certains égards, une marche parallèle au mien, mais allant d'un autre côté, venant d'ailleurs et ayant d'autres conséquences. Le péché de l'homme doué de la faculté commune de voir est un acte accompli avec ses sens, devant ses sens ; la lumière du dedans n'est pas obscurcie pour cela, mais elle exhorte dans la conscience, elle pousse comme un juge intérieur à d'autres actes sensibles de repentir et de pénitence ; elle conduit aux remèdes surnaturels que l'Église administre sous une forme sensible, aux sacrements. C'est alors le sens qui est pécheur et la lumière intérieure qui est l'accusatrice.
" Mais dans l'état magnétique, quand les sens s'ont morts, quand la lumière intérieure reçoit et rend des impressions, alors ce qu'il y a de plus saint dans l'homme, le surveillant intime, est exposé à des influences pernicieuses, à des infections contagieuses de l'esprit mauvais, dont l'âme, à l'état de veille ordinaire, ne peut pas avoir la conscience au moyen des sens, assujettis comme ils le sont aux lois du temps et de l'espace ; de même aussi elle ne peut pas se défaire de ces péchés à l'aide des remèdes purificateurs de l'Église. Je vois à la vérité qu'une âme tout à fait pure et réconciliée avec Dieu, même dans cet état ou la vie intérieure est ouverte, peut n'être pas blessée par le diable. Mais je vois aussi que si auparavant, ce qui arrive bien facilement, surtout pour le sexe féminin, elle a consenti à la moindre tentation, Satan joue librement son jeu dans l'intérieur de cette âme, ce qu'il fait toujours de manière à éblouir et avec les apparences de la sainteté. Les visions deviennent des mensonges, et, si elle y voit par hasard quelque moyen de guérir le corps mortel, elle l'achète bien cher au prix d'une infection secrète de l'âme immortelle. Elle est fréquemment souillée par un rapport magique avec les penchants mauvais du magnétiseur.
" Les gestes des magnétiseurs devant les yeux, leurs passes et leur manière de prendre la main avaient pour moi quelque chose de si repoussant que je ne puis l'exprimer, parce que je voyais à la fois l'intérieur du magnétiseur et celui de la somnambule, l'influence de l'un sur l'autre, la communication de la nature et des mauvais penchants du premier à la seconde. Je voyais toujours là Satan eu personne dirigeant tous les mouvements du magnétiseur et les faisant avec lui.
" Ces personnes sont dans leurs visions tout autrement que moi dans les miennes ; quand, avant d'entrer dans l'état d'intuition, elles ont en elles si peu que ce soit d'impur, elles ne voient que fausseté et mensonge, car le démon leur présente des tableaux et donne à tout une belle apparence. Quand une telle personne se dit seulement à l'avance qu'elle désirerait ce jour-là dire quelque chose d'intéressant, ou quand elle a en elle la moindre convoitise sensuelle, elle se trouve aussitôt exposée au plus grand danger de pécher. Plusieurs, à la vérité, reçoivent un soulagement corporel ; mais la plupart en ressentent des effets pernicieux pour l'âme, sans le savoir et sans reconnaître d'où cela leur est venu. Je ne puis comparer l'horreur que ces choses me font éprouver qu'à celle que m'inspirent une certaine association secrète et ses pratiques. Il y a aussi là une corruption que je vois sans pouvoir bien la décrire.
" La pratique du magnétisme confine à la magie ; seulement on n'y invoque pas le diable, mais il vient de lui-même. Quiconque s'y livre prend à la nature quelque chose qui ne peut être conquis légitimement que dans l'Église de Jésus-Christ et qui ne peut se conserver avec le pouvoir de guérir et de sanctifier que dans son sein ; or la nature, pour tous ceux qui ne sont pas en union vivante avec Jésus-Christ par la vraie foi et la grâce sanctifiante, est pleine des influences de Satan. Les personnes magnétiques ne voient aucune chose dans son essence et dans sa dépendance de Dieu ; elles voient tout isolé et séparé, comme à travers un trou ou une fente. Elles perçoivent un rayon des choses par le magnétisme, et Dieu veuille que cette lumière soit pure, c'est-à-dire sainte. C'est un bienfait de Dieu de nous avoir séparés et voilés les uns devant les autres et d'avoir élevé des murs entre nous, depuis que nous sommes remplis de péchés et dépendant les uns des autres ; il est bon que nous soyons forcés d'agir préalablement avant de nous séduire réciproquement et de nous communiquer l'influence contagieuse du mauvais esprit. Mais en Jésus-Christ, Dieu lui-même fait homme nous est donné comme notre chef dans lequel, purifiés et sanctifiés, nous pouvons devenir une seule chose, un seul corps, sans apporter dans cette union nos péchés et nos mauvais penchants. Quiconque veut faire cesser d'une autre manière cette séparation établie par Dieu s'unit d'une façon très dangereuse à la nature déchue, dans laquelle règne avec ses séductions celui qui l'a entraînée à sa chute.
" Je vois l'essence propre du magnétisme comme vraie ; mais il y a un larron qui est déchaîné dans cette lumière voilée. Toute union entre des pécheurs est dangereuse ; la pénétration mutuelle l'est encore davantage. Mais quand cela arrive pour une âme tout à fait ouverte ; quand un état qui ne devient clairvoyant que parce qu'il implique la simplicité et l'absence de calcul devient la proie de l'artifice et de l'intrigue, alors une des facultés de l'homme avant la chute, faculté qui n'est pas entièrement morte, est ressuscitée d'une certaine manière, pour le laisser plus désarmé et dans un état plus mystérieux, exposé intérieurement aux attaques du démon. Cet état est réel, il existe ; mais il est couvert d'un voile, parce que c'est une source empoisonnée pour tous, excepté pour les saints.
" Je sens que l'état de ces personnes suit, à certains égards, une marche parallèle au mien, mais allant d'un autre côté, venant d'ailleurs et ayant d'autres conséquences. Le péché de l'homme doué de la faculté commune de voir est un acte accompli avec ses sens, devant ses sens ; la lumière du dedans n'est pas obscurcie pour cela, mais elle exhorte dans la conscience, elle pousse comme un juge intérieur à d'autres actes sensibles de repentir et de pénitence ; elle conduit aux remèdes surnaturels que l'Église administre sous une forme sensible, aux sacrements. C'est alors le sens qui est pécheur et la lumière intérieure qui est l'accusatrice.
" Mais dans l'état magnétique, quand les sens s'ont morts, quand la lumière intérieure reçoit et rend des impressions, alors ce qu'il y a de plus saint dans l'homme, le surveillant intime, est exposé à des influences pernicieuses, à des infections contagieuses de l'esprit mauvais, dont l'âme, à l'état de veille ordinaire, ne peut pas avoir la conscience au moyen des sens, assujettis comme ils le sont aux lois du temps et de l'espace ; de même aussi elle ne peut pas se défaire de ces péchés à l'aide des remèdes purificateurs de l'Église. Je vois à la vérité qu'une âme tout à fait pure et réconciliée avec Dieu, même dans cet état ou la vie intérieure est ouverte, peut n'être pas blessée par le diable. Mais je vois aussi que si auparavant, ce qui arrive bien facilement, surtout pour le sexe féminin, elle a consenti à la moindre tentation, Satan joue librement son jeu dans l'intérieur de cette âme, ce qu'il fait toujours de manière à éblouir et avec les apparences de la sainteté. Les visions deviennent des mensonges, et, si elle y voit par hasard quelque moyen de guérir le corps mortel, elle l'achète bien cher au prix d'une infection secrète de l'âme immortelle. Elle est fréquemment souillée par un rapport magique avec les penchants mauvais du magnétiseur.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
14. Il arrivait souvent aussi que des femmes magnétisées étaient montrées en vision à Anne Catherine, afin qu'elle priât pour leur salut ou qu'elle travaillât à prévenir les conséquences ultérieures de ces pratiques par des souffrances expiatoires. Elle disait ordinairement en pareil cas qu'elle était prête à porter secours à ces infortunées ; toutefois, elle priait ardemment pour être dispensée de se trouver en contact avec elles, même dans l'état naturel de veille. Une fois seulement, comme le docteur de Francfort vantait beaucoup les visions soi-disant pures et la piété de sa somnambule clairvoyante, elle lui dit très nettement :
" Je voudrais qu'elle fût ici en face de moi, car ses belles et agréables visions cesseraient bientôt, et elle-même en viendrait à voir par qui elle est trompée. Elle m'a été souvent montrée en vision et j'ai toujours vu que, pendant qu'elle était sous l'influence magnétique, le démon aussi usait de tous ses prestiges avec elle, et qu'elle le prenait pour un ange de lumière."
Wesener, pendant un voyage, s'étant trouvé par hasard en rapport avec le docteur Neeff qui magnétisait cette personne, lui signala le danger. Celui-ci en prit occasion de venir lui-même à Dulmen, afin d'étudier la prétendue ressemblance avec Anne Catherine. Il raconta alors que cette femme avait le don de voir des remèdes pour tous les maux et toutes les maladies possibles, qu'elle frayait avec des esprits bienheureux, qu'elle était conduite par son ange et par celui du magnétiseur à travers des mondes de lumière et recevait une espèce de sacrement provenant" du saint Gral.". Tout cela fit frissonner Anne Catherine ; cependant elle s'efforça, avec toute la douceur que sa charité pouvait lui inspirer, d'appeler l'attention de cet homme infatué sur les grands dangers qu'il courait et sur les illusions dans lesquelles ils vivaient, lui et sa somnambule (tous deux étaient protestants) ; mais cela ne lui réussit pas. L'homme était comme ensorcelé : il invoquait la pureté d'intention avec laquelle la somnambule et lui, avant de commencer leurs opérations, priaient Dieu de les préserver de toutes les embûches et de tous les prestiges du diable. Il assurait que sa somnambule suivait une voie qui devenait chaque jour plus lumineuse et plus sublime, et, avec toutes ces protestations, il éluda tout examen plus approfondi de la nature intime de ses pratiques. Ce fut en vain qu'Anne Catherine déclara que la prétendue nourriture céleste et les mondes de lumière de la somnambule étaient des tromperies et des prestiges au moyen desquels l'esprit malin la tenait enchaînée dans ses filets ; le docteur n'en crut rien et ne voulut pas prendre la main qui lui était tendue pour le sauver.
" Lorsque ces deux personnes me sont montrées, dit un jour Anne Catherine, je le vois tirer de sa somnambule un fil qu'il dévide et où il fait comme un noeud qu'il avale, en sorte qu'elle le tire partout et le tient lié par là. Je vois ce peloton de fil dans son intérieur comme un nuage ténébreux qui pèse sur tout et étouffe tout. Bien des fois il lui vient à l'esprit qu'il devrait rejeter quelque chose hors de lui, mais il n'y parvient jamais.
" Je voudrais qu'elle fût ici en face de moi, car ses belles et agréables visions cesseraient bientôt, et elle-même en viendrait à voir par qui elle est trompée. Elle m'a été souvent montrée en vision et j'ai toujours vu que, pendant qu'elle était sous l'influence magnétique, le démon aussi usait de tous ses prestiges avec elle, et qu'elle le prenait pour un ange de lumière."
Wesener, pendant un voyage, s'étant trouvé par hasard en rapport avec le docteur Neeff qui magnétisait cette personne, lui signala le danger. Celui-ci en prit occasion de venir lui-même à Dulmen, afin d'étudier la prétendue ressemblance avec Anne Catherine. Il raconta alors que cette femme avait le don de voir des remèdes pour tous les maux et toutes les maladies possibles, qu'elle frayait avec des esprits bienheureux, qu'elle était conduite par son ange et par celui du magnétiseur à travers des mondes de lumière et recevait une espèce de sacrement provenant" du saint Gral.". Tout cela fit frissonner Anne Catherine ; cependant elle s'efforça, avec toute la douceur que sa charité pouvait lui inspirer, d'appeler l'attention de cet homme infatué sur les grands dangers qu'il courait et sur les illusions dans lesquelles ils vivaient, lui et sa somnambule (tous deux étaient protestants) ; mais cela ne lui réussit pas. L'homme était comme ensorcelé : il invoquait la pureté d'intention avec laquelle la somnambule et lui, avant de commencer leurs opérations, priaient Dieu de les préserver de toutes les embûches et de tous les prestiges du diable. Il assurait que sa somnambule suivait une voie qui devenait chaque jour plus lumineuse et plus sublime, et, avec toutes ces protestations, il éluda tout examen plus approfondi de la nature intime de ses pratiques. Ce fut en vain qu'Anne Catherine déclara que la prétendue nourriture céleste et les mondes de lumière de la somnambule étaient des tromperies et des prestiges au moyen desquels l'esprit malin la tenait enchaînée dans ses filets ; le docteur n'en crut rien et ne voulut pas prendre la main qui lui était tendue pour le sauver.
" Lorsque ces deux personnes me sont montrées, dit un jour Anne Catherine, je le vois tirer de sa somnambule un fil qu'il dévide et où il fait comme un noeud qu'il avale, en sorte qu'elle le tire partout et le tient lié par là. Je vois ce peloton de fil dans son intérieur comme un nuage ténébreux qui pèse sur tout et étouffe tout. Bien des fois il lui vient à l'esprit qu'il devrait rejeter quelque chose hors de lui, mais il n'y parvient jamais.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
15. Il arriva plusieurs fois que des gens poussés par la curiosité et par une intention malveillante eurent recours à une somnambule pour obtenir des révélations sur Anne Catherine. Ainsi, pendant l'enquête dont il sera parlé plus au long dans le second volume, on lui enleva sa coiffe pour la faire servir à mettre en rapport avec elle une somnambule de M. , à qui l'on voulait faire dire toutes sortes de choses touchant Anne Catherine.
" Cette personne, raconta-t-elle plus tard, me fut montrée par mon conducteur céleste, et je vis qu'elle se tourmentait beaucoup sans pouvoir arriver à rien savoir de moi. Je vis toujours le diable là-dedans. Quand je fus délivrée de mon emprisonnement, il me fut montré en vision que mon confesseur se trouvait auprès de cette personne. A l'un de ses côtés se tenait le diable ; un autre esprit était d'un autre côté. L'intention de l'ennemi était qu'elle dit de moi des choses infâmes en présence de tout le monde et devant mon confesseur ; mais, malgré toutes les peines qu'elle se donna pour cela, elle ne put rien voir. Enfin, quand elle prit la main du père Limberg, elle dit : " La soeur Emmerich est en prière. Elle est très malade. Ce n'est pas une trompeuse, si personne ne l'est dans son entourage." Lorsque mon confesseur revint de M. et me raconta la chose, j'eus encore une vision à ce sujet et je fus saisie de crainte à la pensée de recevoir de lui la sainte communion le lendemain, parce que je croyais qu'il avait participé par curiosité à une chose dans laquelle il devait savoir que le diable avait la main. Mais je fus consolée en apprenant que c'était sans l'avoir voulu qu'il s'était trouvé auprès de cette femme. Je la vis dire des mensonges à propos d'autres personnes, et je vis comment le diable lui suscitait des visions.
Dans l'enquête dont il vient d'être parlé, on fit, en outre, une tentative en sens inverse, en voulant forcer Anne Catherine à porter sur elle un conducteur magnétique qui devait la mettre en rapport avec un magnétiseur. On lui pendit au cou un petit flacon enveloppé dans de la soie qui excita aussitôt en elle un tel dégoût et de si violentes palpitations de coeur qu'elle le lança loin d'elle et rejeta avec énergie comme un impudent mensonge l'allégation que cette affreuse chose lui était envoyée par Overberg, le directeur de sa conscience.
16. Une femme de Dulmen se laissa un jour persuader d'aller chez une tireuse de cartes à Warendorf. Elle savait que cette personne avait coutume de prédire, d'après ses cartes, des mariages et des choses de ce genre, et elle se proposa de la mettre à l'épreuve par des questions touchant la soeur Emmerich." Que se passe-t-il chez la Emmerich ?" lui demanda-t-elle. La femme étala ses cartes en trahissant une irritation intérieure, et dit : " Chose curieuse, tout est là confit dans la dévotion ! Voilà un homme âgé qui est assez gros, en voilà un plus jeune ! Voilà une vieille femme qui se meurt (c'était la vieille mère d'Anne Catherine qui mourait alors auprès d'elle) ! La personne elle-même est malade ! Étrange maladie !" La questionneuse en eut assez et s'en alla tout effrayée. Quand Anne Catherine entendit parler de cette affaire, elle dit à ce sujet des observations dignes de remarque. " Ce ne sont pas les cartes, dit-elle, qui montrent ou font voir quelque chose à ces sortes de personnes, mais c'est leur foi aux cartes qui les rend voyantes. Elles disent ce qu'elles voient et non ce que montre la carte. La carte est le simulacre du faux dieu, mais c'est le diable qui est ce faux dieu. Souvent il est forcé de dire la vérité, et alors la voyante l'annonce avec colère."
" Cette personne, raconta-t-elle plus tard, me fut montrée par mon conducteur céleste, et je vis qu'elle se tourmentait beaucoup sans pouvoir arriver à rien savoir de moi. Je vis toujours le diable là-dedans. Quand je fus délivrée de mon emprisonnement, il me fut montré en vision que mon confesseur se trouvait auprès de cette personne. A l'un de ses côtés se tenait le diable ; un autre esprit était d'un autre côté. L'intention de l'ennemi était qu'elle dit de moi des choses infâmes en présence de tout le monde et devant mon confesseur ; mais, malgré toutes les peines qu'elle se donna pour cela, elle ne put rien voir. Enfin, quand elle prit la main du père Limberg, elle dit : " La soeur Emmerich est en prière. Elle est très malade. Ce n'est pas une trompeuse, si personne ne l'est dans son entourage." Lorsque mon confesseur revint de M. et me raconta la chose, j'eus encore une vision à ce sujet et je fus saisie de crainte à la pensée de recevoir de lui la sainte communion le lendemain, parce que je croyais qu'il avait participé par curiosité à une chose dans laquelle il devait savoir que le diable avait la main. Mais je fus consolée en apprenant que c'était sans l'avoir voulu qu'il s'était trouvé auprès de cette femme. Je la vis dire des mensonges à propos d'autres personnes, et je vis comment le diable lui suscitait des visions.
Dans l'enquête dont il vient d'être parlé, on fit, en outre, une tentative en sens inverse, en voulant forcer Anne Catherine à porter sur elle un conducteur magnétique qui devait la mettre en rapport avec un magnétiseur. On lui pendit au cou un petit flacon enveloppé dans de la soie qui excita aussitôt en elle un tel dégoût et de si violentes palpitations de coeur qu'elle le lança loin d'elle et rejeta avec énergie comme un impudent mensonge l'allégation que cette affreuse chose lui était envoyée par Overberg, le directeur de sa conscience.
16. Une femme de Dulmen se laissa un jour persuader d'aller chez une tireuse de cartes à Warendorf. Elle savait que cette personne avait coutume de prédire, d'après ses cartes, des mariages et des choses de ce genre, et elle se proposa de la mettre à l'épreuve par des questions touchant la soeur Emmerich." Que se passe-t-il chez la Emmerich ?" lui demanda-t-elle. La femme étala ses cartes en trahissant une irritation intérieure, et dit : " Chose curieuse, tout est là confit dans la dévotion ! Voilà un homme âgé qui est assez gros, en voilà un plus jeune ! Voilà une vieille femme qui se meurt (c'était la vieille mère d'Anne Catherine qui mourait alors auprès d'elle) ! La personne elle-même est malade ! Étrange maladie !" La questionneuse en eut assez et s'en alla tout effrayée. Quand Anne Catherine entendit parler de cette affaire, elle dit à ce sujet des observations dignes de remarque. " Ce ne sont pas les cartes, dit-elle, qui montrent ou font voir quelque chose à ces sortes de personnes, mais c'est leur foi aux cartes qui les rend voyantes. Elles disent ce qu'elles voient et non ce que montre la carte. La carte est le simulacre du faux dieu, mais c'est le diable qui est ce faux dieu. Souvent il est forcé de dire la vérité, et alors la voyante l'annonce avec colère."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
17. En janvier 1821, lorsqu'Anne Catherine, dans ses visions quotidiennes sur la prédication de Jésus, contempla la guérison d'un possédé, elle eut de nouveau une vision d'ensemble sur le caractère et les effets moraux du magnétisme, où les relations générales et les liaisons diverses du royaume des ténèbres avec les hommes lui furent représentées dans trois sphères ou trois mondes. La sphère inférieure, qui était la plus ténébreuse, renfermait tout ce qui tient à la magie et au culte formel du diable ; la seconde, ce qui se rapporte à la superstition et aux convoitises sensuelles ; la troisième était celle de la libre pensée, de la franc-maçonnerie, du libéralisme. Elle vit toutes ces sphères reliées entre elles par des fils innombrables entrelacés les uns avec les autres, qui, comme des degrés, conduisaient des plus élevées aux plus basses. Dans l'enceinte de la sphère inférieure et dans celle du milieu, elle vit les remèdes et les états magnétiques au nombre des moyens les plus puissants par lesquels le royaume des ténèbres attire les hommes à lui. " Je vis, raconta-t-elle, dans la sphère la plus ténébreuse certains états et certaines relations qui, dans la vie ordinaire, ne sont pas considérés comme absolument illicites ; il y avait spécialement beaucoup de personnes magnétisées. Je vis quelque chose d'abominable entre elles et le magnétiseur : c'étaient comme des nuages noirs de toutes les formes qui allaient des uns aux autres. Je n'ai presque jamais vu personne sous l'influence du magnétisme sans qu'il s'y mêlât au moins une impureté charnelle très subtile. Toujours aussi je vois leur clairvoyance ayant pour agents de mauvais esprits. Je vis des gens tomber de la région lumineuse située plus haut dans la région ténébreuse par suite de leur participation à ces procédés magiques qu'ils appliquaient au traitement des malades, prenant pour prétexte l'intérêt de la science. Je les vis alors magnétiser et ; égarés par des succès trompeurs, attirer beaucoup de personnes hors de la région lumineuse. Je vis qu'ils voulaient confondre ces guérisons d'origine infernale et ces reflets du miroir des ténèbres avec les guérisons opérées par la lumière et avec la clairvoyance des personnes favorisées du ciel. Je vis, à cet étage inférieur, des hommes très distingués travailler à leur insu dans la sphère de l'Église infernale.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
XXXIII
NOUVELLES TENTATIVES POUR AMENER ANNE CATHERINE À MUNSTER ET LA SOUMETTRE À DE NOUVELLES EXPÉRIENCES - MORT DE SA VIEILLE MÈRE
1. En juin 1815, Overberg vint passer quelques jours à Dulmen.
" N'ayant pas vu la malade depuis quatre mois, dit-il, je l'ai visitée aujourd'hui 8 juin. Son visage exprima une grande joie lorsqu'elle me vit, et elle me parla pendant prés d'une heure et demie de ce qui la concernait. Je m'étais proposé de rester près d'elle aussi longtemps que possible. Le lendemain, à sept heures et demie du matin, je lui portai la sainte communion. Depuis le moment où elle acheva son action de grâces, je ne la quittai plus jusqu'à midi. Je la revis à quatre heures de l'après-midi. Elle était excessivement faible et agitée d'un fort tremblement. Comme je lui en demandais la cause, elle répondit " C'est la douleur de mes plaies qui fait cela ; mais j'en suis contente." Elle me raconta que le temps ne lui paraissait jamais long, même quand elle passait des nuits entières sans sommeil. Depuis ma dernière visite au mois de janvier, on lui avait donné deux fois les derniers sacrements, parce qu'on la croyait à toute extrémité. Ce qui l'avait fait croire, c'est qu'il n'y avait plus ni pouls, ni respiration perceptibles, que ses lèvres étaient livides, son visage tiré, enfin qu'elle ressemblait plus à une morte qu'à une vivante. Mais on lui avait donné la sainte communion, et la vie et les forces étaient revenues aussitôt. Elle me confessa que, les deux fois, c'était l'ardent désir de la sainte Eucharistie qui l'avait réduite à cet état de faiblesse voisin de la mort. Quand elle s'abstient de communier par obéissance, bien que son désir du sacrement devienne aussi très ardent, elle est plus en état de le supporter ; mais si c'est par sa propre faute qu'elle ne communie pas, toute force s'éteint en elle et elle est comme une mourante.
" Le vendredi, dans l'après-midi, je la vis en défaillance (en extase) et, comme je lui tendais la main, elle prit seulement le pouce et l'index qui sont les doigts consacrés dans l'ordination du prêtre et les tint fortement serrés. Je les retirai au bout d'un peu de temps et je lui présentai le doigt du milieu, duquel elle éloigna sa main avec un mouvement d'effroi. Elle reprit de nouveau le pouce et l'index en disant : " Ce sont eux qui me nourrissent."
NOUVELLES TENTATIVES POUR AMENER ANNE CATHERINE À MUNSTER ET LA SOUMETTRE À DE NOUVELLES EXPÉRIENCES - MORT DE SA VIEILLE MÈRE
1. En juin 1815, Overberg vint passer quelques jours à Dulmen.
" N'ayant pas vu la malade depuis quatre mois, dit-il, je l'ai visitée aujourd'hui 8 juin. Son visage exprima une grande joie lorsqu'elle me vit, et elle me parla pendant prés d'une heure et demie de ce qui la concernait. Je m'étais proposé de rester près d'elle aussi longtemps que possible. Le lendemain, à sept heures et demie du matin, je lui portai la sainte communion. Depuis le moment où elle acheva son action de grâces, je ne la quittai plus jusqu'à midi. Je la revis à quatre heures de l'après-midi. Elle était excessivement faible et agitée d'un fort tremblement. Comme je lui en demandais la cause, elle répondit " C'est la douleur de mes plaies qui fait cela ; mais j'en suis contente." Elle me raconta que le temps ne lui paraissait jamais long, même quand elle passait des nuits entières sans sommeil. Depuis ma dernière visite au mois de janvier, on lui avait donné deux fois les derniers sacrements, parce qu'on la croyait à toute extrémité. Ce qui l'avait fait croire, c'est qu'il n'y avait plus ni pouls, ni respiration perceptibles, que ses lèvres étaient livides, son visage tiré, enfin qu'elle ressemblait plus à une morte qu'à une vivante. Mais on lui avait donné la sainte communion, et la vie et les forces étaient revenues aussitôt. Elle me confessa que, les deux fois, c'était l'ardent désir de la sainte Eucharistie qui l'avait réduite à cet état de faiblesse voisin de la mort. Quand elle s'abstient de communier par obéissance, bien que son désir du sacrement devienne aussi très ardent, elle est plus en état de le supporter ; mais si c'est par sa propre faute qu'elle ne communie pas, toute force s'éteint en elle et elle est comme une mourante.
" Le vendredi, dans l'après-midi, je la vis en défaillance (en extase) et, comme je lui tendais la main, elle prit seulement le pouce et l'index qui sont les doigts consacrés dans l'ordination du prêtre et les tint fortement serrés. Je les retirai au bout d'un peu de temps et je lui présentai le doigt du milieu, duquel elle éloigna sa main avec un mouvement d'effroi. Elle reprit de nouveau le pouce et l'index en disant : " Ce sont eux qui me nourrissent."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
2. Overberg profita du temps de son séjour pour engager Anne Catherine à se séparer quelque temps de son entourage et à se laisser conduire à Munster où elle pourrait être examinée de nouveau par des personnes dignes de foi ; il ne s'agissait pas en cela, affirma-t-il à plusieurs reprises, de certifier à l'autorité ecclésiastique la réalité des grâces reçues par elle, mais de convaincre les douteurs et les incroyants. Overberg s'était laissé persuader par ses pénitents de Munster et par les raisonnements de plusieurs prêtres qu'il dépendait uniquement d'Anne Catherine de réduire pour toujours au silence les imputations calomnieuses, selon lesquelles l'autorité ecclésiastique n'aurait pas fait son enquête avec toute la rigueur nécessaire pour découvrir la fraude. Mais, disait-il, si elle venait à Munster pour y être encore une fois soigneusement examinée par des médecins, ceux-ci pourraient confirmer la réalité de son état et constateraient la sévérité et l'impartialité de l'enquête ecclésiastique ; puis ce serait une grande consolation pour les bons catholiques de trouver une merveilleuse garantie de leur foi dans les stigmates de l'amie de Dieu. Overberg était pleinement convaincu qu'un observateur sans prévention reconnaîtrait la vérité au premier coup d'oeil, si bien que le vendredi, 9 juin, lorsque les plaies commencèrent à saigner, il s'écria involontairement : " Non ! Personne ne peut produire artificiellement pareille chose, et elle moins que personne." Il espérait qu'une nouvelle enquête aurait un résultat complètement décisif, et il ne pouvait pas comprendre qu'Anne Catherine ne fit pas pour ainsi dire la moitié du chemin à sa rencontre, lorsqu'il cherchait à lui persuader de se laisser conduire à Munster dans l'intérêt de la bonne cause. Loin de là, elle lui déclara qu'elle obéirait sans résistance aucune à un ordre de l'autorité ecclésiastique, mais qu'elle ne pouvait pas, de son propre mouvement se résoudre à un voyage qui lui était physiquement impossible. Toutefois Overberg n'osa pas donner un ordre ; le voyage à Munster ne devait avoir lieu que sur la décision libre et spontanée d'Anne Catherine, ce qui fit qu'Overberg n'autorisa pas non plus son confesseur ordinaire, le père Limberg, à agir sur elle par la voie de l'autorité. Mais il s'efforça d'amener Wesener à son opinion, afin que celui-ci persuadât à l'abbé Lambert de ne pas se montrer contraire à son projet non plus qu'à la libre détermination qu'il espérait obtenir d'Anne Catherine. On lit dans le journal de Wesener :
" M. Overberg m'a fait l'honneur de me rendre visite pour m'expliquer combien il était nécessaire que la malade se laissât conduire à Munster pour y être soumise à un examen rigoureux. Cet homme respectable m'a si bien parlé qu'il m'a fait partager entièrement sa manière de voir. Dès le soir de ce même jour, j'en parlai à l'abbé Lambert afin de l'amener à la même persuasion. Il ne trouva rien à objecter à mes raisons ; mais il me dit : " Eh bien soit ! Si la malade, d'elle-même et sans y être contrainte, consent à l'arrangement projeté, que la chose se fasse dans l'intérêt du bien ! Toutefois je crains bien que mes inquiétudes pour elle, jointes au manque de soins, ne me fassent peut-être mourir. Mais si elle ne consent pas, je m'efforcerai jusqu'à mon dernier soupir de la défendre contre toute violence qu'on voudrait lui faire. Je suis prêt à faire toute espèce de sacrifices à la bonne cause ; mais à quoi bon martyriser si cruellement cette pauvre fille dans son corps et dans son âme ? Qu'on choisisse une voie plus courte et plus douce ! Je ne demande pas mieux que de m'éloigner de Dulmen pour un temps plus ou moins long, et pendant ce temps-là on pourra l'examiner aussi rigoureusement qu'on voudra."
" M. Overberg m'a fait l'honneur de me rendre visite pour m'expliquer combien il était nécessaire que la malade se laissât conduire à Munster pour y être soumise à un examen rigoureux. Cet homme respectable m'a si bien parlé qu'il m'a fait partager entièrement sa manière de voir. Dès le soir de ce même jour, j'en parlai à l'abbé Lambert afin de l'amener à la même persuasion. Il ne trouva rien à objecter à mes raisons ; mais il me dit : " Eh bien soit ! Si la malade, d'elle-même et sans y être contrainte, consent à l'arrangement projeté, que la chose se fasse dans l'intérêt du bien ! Toutefois je crains bien que mes inquiétudes pour elle, jointes au manque de soins, ne me fassent peut-être mourir. Mais si elle ne consent pas, je m'efforcerai jusqu'à mon dernier soupir de la défendre contre toute violence qu'on voudrait lui faire. Je suis prêt à faire toute espèce de sacrifices à la bonne cause ; mais à quoi bon martyriser si cruellement cette pauvre fille dans son corps et dans son âme ? Qu'on choisisse une voie plus courte et plus douce ! Je ne demande pas mieux que de m'éloigner de Dulmen pour un temps plus ou moins long, et pendant ce temps-là on pourra l'examiner aussi rigoureusement qu'on voudra."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
A ces paroles, le bon vieillard fut vaincu par la douleur et ce ne fut qu'en pleurant qu'il put dire encore : " Je ne sais pas ce qui peut résulter de là. Mais c'est une chose affreuse que de martyriser ainsi cette pauvre malade."
" Le jour suivant, la malade elle-même dirigea devant moi la conversation sur les projets d'Overberg . Je cherchai à exposer mes raisons. Elle m'écouta tranquillement ; mais combien je fus surpris lorsqu'elle m'annonça sa ferme résolution de ne jamais se laisser emmener de Dulmen de son libre consentement." M. Overberg, me dit-elle, a une bonté excessive dont on abuse. Il veut me sacrifier, afin, m'a-t-il dit lui-même, de prouver à quelques bonnes personnes que les phénomènes qui se montrent chez moi ne sont pas une oeuvre artificielle. Mais comment ces braves gens qui sont ses enfants spirituels peuvent-ils avoir si peu de confiance dans les saintes affirmations de ce vénérable prêtre qui s'est convaincu par lui-même de la vérité de la chose et peut à chaque instant se procurer de nouvelles preuves à ce sujet ? Pourraient-ils trouver un témoin plus sûr et plus irrécusable ? - Comme je lui répliquai qu'on attendait de la constatation de son état quelque chose de beaucoup plus considérable et de beaucoup plus important encore, elle reprit : " Si cinq mille personnes ne croient pas dix personnes d'une loyauté avérée qui rendent témoignage à la vérité en ce qui me touche, vingt millions ne croiront pas non plus au témoignage de quelques centaines." Je lui demandai alors si elle ne consentirait pas à donner sa vie pour ramener dans le bon chemin, ne fût-ce qu'une seule personne, et elle répondit :
" Certainement, mais comment puis-je savoir si cela peut ou doit résulter de mon changement de résidence, quand ce changement ne m'est pas ordonné par une voix intérieure qui jusqu'à présent m'a toujours bien guidée, et quand, d'un autre côté, mon sentiment intime se révolte contre ! Je voudrais en dire davantage à ce sujet, mais le moment n'est pas encore venu. Si, en dépit de cette voix, j'entreprends le voyage et que je vienne à mourir en route, ne sera-ce pas agir au préjudice de mon âme et aller contre les vues de Dieu sur moi ? Et qui peut me garantir qu'il n'en sera pas ainsi, si la voix qui me parle à l'intérieur ne me l'assure ? En vérité, si mon juge intérieur me dit : " Tu dois partir, " je suis prête à le faire à l'instant. M. Overberg me dit que je devrais m'y résoudre pour contenter le bon professeur Druffel dont on a publiquement attaqué l'honneur à mon sujet. Je ferais volontiers tout au monde pour sauvegarder son honneur et celui de toute autre personne qui sera jugée injustement à cause de moi, pourvu que ce soit par des moyens permis ; du reste, j'aurais désiré de tout mon coeur qu'il ne fit rien imprimer sur moi et sur ma maladie. Combien je vous ai prié souvent vous-même de ne rien publier sur moi de mon vivant ! Mais pourquoi devrais-je risquer ma vie et plus que ma vie pour sauver à un homme un peu de son honneur selon le monde ? Où est ici l'humilité, la patience, la charité chrétienne ? Et après tout, on ne persuadera jamais le grand nombre, car la paresse, l'avarice, la méfiance, l'amour-propre, l'incrédulité, et chez beaucoup la crainte d'avoir à échanger leurs convictions contre de meilleures rendent la plupart des hommes aveugles en face de vérités claires comme le jour. Si l'on attache tant de prix à la constatation de ce qui se passe en moi, les gens bien portants peuvent venir me voir sans danger ; je ne puis sans danger aller à eux. Je consens à toutes les épreuves et à toutes les enquêtes qui ne sont pas contre ma conscience. Si un plus grand nombre de personnes veut se convaincre, elles peuvent faire comme ceux qui se sont convaincus ; elles peuvent se placer devant mon lit et faire sur moi leurs observations ; Je ne puis aux dépens de ma conscience épargner aux curieux leur peine et leur argent. Que ceux qui peuvent voyager viennent me voir ; si je voulais aller à eux, il y aurait de ma part présomption ; vanité ou quelque chose de pire encore, puisque, selon toute vraisemblance, il est impossible que je fasse le plus petit voyage sans risquer beaucoup. Je ne puis certainement me livrer en proie à tous les curieux ; mais qu'on envoie des hommes, clairvoyants, jouissant de l'estime publique ; je me prêterai à tout ce qu'ils voudront ordonner, en tant qu'il n'en résultera pas de dommage pour mon âme. Du reste, je ne désire rien ! Je ne me donne que pour un néant ! Je suis une pauvre pécheresse et je ne demande rien que le repos et d'être oubliée du monde entier, afin de pouvoir souffrir et prier en paix pour mes péchés et, s'il est possible, pour le bien de tous les hommes. M. le vicaire général est revenu de Rome, il y a peu de temps ; n'a-t-il rien dit de moi au saint Père ? Grâce à Dieu, il me laisse en repos maintenant. Oh ! Soyez tranquilles, vous tous qui êtes bons et croyants, le Seigneur vous manifestera ses oeuvres : si c'est de Dieu, cela subsistera ; si c'est chose humaine, cela disparaîtra." Elle disait tout cela d'un ton résolu et animé. Son confesseur vint se joindre à moi, mais il conserva une attitude passive ; seulement, lorsqu'elle fit allusion à des paroles du Nouveau Testament, comme en dernier lieu, par exemple, il fit cette remarque : " Ce que Gamaliel a dit, elle le pense."
" Le jour suivant, la malade elle-même dirigea devant moi la conversation sur les projets d'Overberg . Je cherchai à exposer mes raisons. Elle m'écouta tranquillement ; mais combien je fus surpris lorsqu'elle m'annonça sa ferme résolution de ne jamais se laisser emmener de Dulmen de son libre consentement." M. Overberg, me dit-elle, a une bonté excessive dont on abuse. Il veut me sacrifier, afin, m'a-t-il dit lui-même, de prouver à quelques bonnes personnes que les phénomènes qui se montrent chez moi ne sont pas une oeuvre artificielle. Mais comment ces braves gens qui sont ses enfants spirituels peuvent-ils avoir si peu de confiance dans les saintes affirmations de ce vénérable prêtre qui s'est convaincu par lui-même de la vérité de la chose et peut à chaque instant se procurer de nouvelles preuves à ce sujet ? Pourraient-ils trouver un témoin plus sûr et plus irrécusable ? - Comme je lui répliquai qu'on attendait de la constatation de son état quelque chose de beaucoup plus considérable et de beaucoup plus important encore, elle reprit : " Si cinq mille personnes ne croient pas dix personnes d'une loyauté avérée qui rendent témoignage à la vérité en ce qui me touche, vingt millions ne croiront pas non plus au témoignage de quelques centaines." Je lui demandai alors si elle ne consentirait pas à donner sa vie pour ramener dans le bon chemin, ne fût-ce qu'une seule personne, et elle répondit :
" Certainement, mais comment puis-je savoir si cela peut ou doit résulter de mon changement de résidence, quand ce changement ne m'est pas ordonné par une voix intérieure qui jusqu'à présent m'a toujours bien guidée, et quand, d'un autre côté, mon sentiment intime se révolte contre ! Je voudrais en dire davantage à ce sujet, mais le moment n'est pas encore venu. Si, en dépit de cette voix, j'entreprends le voyage et que je vienne à mourir en route, ne sera-ce pas agir au préjudice de mon âme et aller contre les vues de Dieu sur moi ? Et qui peut me garantir qu'il n'en sera pas ainsi, si la voix qui me parle à l'intérieur ne me l'assure ? En vérité, si mon juge intérieur me dit : " Tu dois partir, " je suis prête à le faire à l'instant. M. Overberg me dit que je devrais m'y résoudre pour contenter le bon professeur Druffel dont on a publiquement attaqué l'honneur à mon sujet. Je ferais volontiers tout au monde pour sauvegarder son honneur et celui de toute autre personne qui sera jugée injustement à cause de moi, pourvu que ce soit par des moyens permis ; du reste, j'aurais désiré de tout mon coeur qu'il ne fit rien imprimer sur moi et sur ma maladie. Combien je vous ai prié souvent vous-même de ne rien publier sur moi de mon vivant ! Mais pourquoi devrais-je risquer ma vie et plus que ma vie pour sauver à un homme un peu de son honneur selon le monde ? Où est ici l'humilité, la patience, la charité chrétienne ? Et après tout, on ne persuadera jamais le grand nombre, car la paresse, l'avarice, la méfiance, l'amour-propre, l'incrédulité, et chez beaucoup la crainte d'avoir à échanger leurs convictions contre de meilleures rendent la plupart des hommes aveugles en face de vérités claires comme le jour. Si l'on attache tant de prix à la constatation de ce qui se passe en moi, les gens bien portants peuvent venir me voir sans danger ; je ne puis sans danger aller à eux. Je consens à toutes les épreuves et à toutes les enquêtes qui ne sont pas contre ma conscience. Si un plus grand nombre de personnes veut se convaincre, elles peuvent faire comme ceux qui se sont convaincus ; elles peuvent se placer devant mon lit et faire sur moi leurs observations ; Je ne puis aux dépens de ma conscience épargner aux curieux leur peine et leur argent. Que ceux qui peuvent voyager viennent me voir ; si je voulais aller à eux, il y aurait de ma part présomption ; vanité ou quelque chose de pire encore, puisque, selon toute vraisemblance, il est impossible que je fasse le plus petit voyage sans risquer beaucoup. Je ne puis certainement me livrer en proie à tous les curieux ; mais qu'on envoie des hommes, clairvoyants, jouissant de l'estime publique ; je me prêterai à tout ce qu'ils voudront ordonner, en tant qu'il n'en résultera pas de dommage pour mon âme. Du reste, je ne désire rien ! Je ne me donne que pour un néant ! Je suis une pauvre pécheresse et je ne demande rien que le repos et d'être oubliée du monde entier, afin de pouvoir souffrir et prier en paix pour mes péchés et, s'il est possible, pour le bien de tous les hommes. M. le vicaire général est revenu de Rome, il y a peu de temps ; n'a-t-il rien dit de moi au saint Père ? Grâce à Dieu, il me laisse en repos maintenant. Oh ! Soyez tranquilles, vous tous qui êtes bons et croyants, le Seigneur vous manifestera ses oeuvres : si c'est de Dieu, cela subsistera ; si c'est chose humaine, cela disparaîtra." Elle disait tout cela d'un ton résolu et animé. Son confesseur vint se joindre à moi, mais il conserva une attitude passive ; seulement, lorsqu'elle fit allusion à des paroles du Nouveau Testament, comme en dernier lieu, par exemple, il fit cette remarque : " Ce que Gamaliel a dit, elle le pense."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
3. Wesener ayant fait là-dessus un rapport détaillé à Overberg, celui-ci ne put s'empêcher de donner son plein assentiment aux raisons d'Anne Catherine et il s'abstint pour le moment de lui rien demander. Pourtant, un an et demi plus tard, quand le professeur B. . . , répétant ses calomnies dans des feuilles publiques, accusa Anne Catherine d'imposture et traita l'enquête ecclésiastique d'affaire manquée, Overberg se laissa pousser à exprimer de nouveau son désir ; mais il put se convaincre dans ses visites à Dulmen que la faiblesse physique de la malade rendait impossible un voyage à Munster. Sur ces entrefaites, le doyen Rensing, malgré les supplications d'Anne Catherine pour l'en empêcher, essaya de réfuter publiquement les attaques du professeur, ce qui eut tout juste le résultat qu'avait prédit Anne Catherine et qui se reproduira toujours en pareil cas. B. . . en prit seulement occasion de répéter ses injures et même de les amplifier, pendant qu'aux yeux de tous ceux qui ne fermaient pas volontairement les yeux à la lumière, ses grossières calomnies tombaient d'elles-mêmes. Rensing ne put pas voir sans chagrin qu'Anne Catherine n'accordait pas à ses efforts pour sauver son honneur la sympathie qu'il s'était attendu à trouver chez elle, et depuis ce temps il y eut un refroidissement marqué dans ses relations avec elle. On entendit aussi beaucoup de personnes assurer que c'était un devoir pour Anne Catherine de se soumettre à une nouvelle enquête à Munster, afin de laver définitivement l'autorité ecclésiastique du reproche de ne s'être pas acquittée de sa tâche avec assez de prudence et de sévérité. Cependant aucun des supérieurs ne prit sur lui d'adresser à la malade un appel ou un ordre formel, parce qu'on ne pouvait se défendre de la crainte qu'une nouvelle enquête n'eut sa mort pour conséquence. Telle était la disposition des esprits quand, dans l'automne de 1818, Michel Sailer vint à Munster et exprima en présence d'Overberg le désir d'aller à Dulmen. Ce désir causa une grande satisfaction à Overberg, parce qu'il voyait dans Sailer un arbitre aux décisions duquel tout le monde se soumettrait. Il lui procura les pouvoirs nécessaires pour entendre Anne Catherine et avisa le père Limberg de faire à celle-ci un devoir d'exposer en détail à Sailer l'état de sa conscience. Anne Catherine obéit avec plaisir. Sailer put prendre une connaissance assez complète de son intérieur et de toute sa situation extérieure pour déclarer avec une pleine conviction, soit à elle-même, soit au père Limberg et à Overberg, qu'elle était en droit, devant Dieu et devant sa conscience, de se refuser au voyage à Munster, évidemment dangereux pour sa vie, ainsi qu'à la répétition d'une enquête que rien ne justifiait en soi, puisque l'autorité ecclésiastique s'était convaincue depuis longtemps de la réalité de son état à la suite du traitement rigoureux, auquel on l'avait soumise dans l'année 1813. Anne Catherine garda de cette décision une reconnaissance qui dura tout le reste de sa vie ; elle déclara souvent que la visite de Sailer avait eu pour elle les résultats les plus heureux, d'autant plus que le père Limberg, si prompt à tomber dans l'hésitation, en avait retiré la fermeté nécessaire pour approuver pleinement le refus de sa fille spirituelle. Depuis lors, Anne Catherine fut parfaitement en repos de ce côté.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
4. Sa mère octogénaire était morte près d'elle à Dülmen le 12 mars 1817. Depuis la suppression du couvent, elle n'avait visité sa fille à Dulmen qu'une seule fois, lorsqu'était arrivée à Flamske la première nouvelle de l'enquête ecclésiastique dont Anne Catherine était menacée. Mais quand elle sentit approcher la mort, elle voulut mourir dans le voisinage de son enfant. Elle se fit conduire le 3 janvier 1817 à Dulmen, où Anne Catherine lui avait préparé un lit de mort prés de son propre lit de douleurs. La pieuse malade, dont les prières et les souffrances expiatoires avaient déjà apporté à tant de mourants la consolation et le salut, n'avait jamais cessé de se préoccuper de la position de sa vieille mère, et elle avait demandé à Dieu l'assurance qu'elle pourrait lui rendre à sa dernière heure tous les services auxquels la portaient si vivement l'amour filial et la reconnaissance. Une seule chose avait inquiété et tourmenté son humble simplicité, c'était la crainte qu'à cause de son état de souffrances extraordinaires, elle ne put pas prendre envers sa mère la position d'une simple et innocente enfant et lui rendre les soins physiques nécessités par son état. Mais encore en cela elle eut la consolation que, tant que sa mère resta près d'elle, l'impression de ses souffrances fut adoucie et qu'elle-même se trouva capable de remplir tous les devoirs d'une fille reconnaissante.
Le 28 décembre 1817, Wesener, à son grand étonnement, trouva Anne Catherine assise sur son séant dans son lit, et, comme il demandait la cause de ce retour de forces tout à fait inexplicable pour lui, le père Limberg lui raconta ce qui suit :
" La veille de la fête des saints Innocents, elle a été deux heures en extase et elle est revenue à elle sans que je lui en aie donné l'ordre. Elle m'a demandé alors d'un ton très animé si elle pouvait se lever, et, quand je le lui eus permis, elle se mit sur son séant si résolument et si lestement que j'en fus effrayé. Elle put même se tenir droite sans aide, jusqu'au moment où je lui ordonnai de se recoucher. Elle me dit alors : " Mon guide m'a menée à un endroit où j'ai pu voir le meurtre des saints Innocents et la grande magnificence avec laquelle Dieu récompensa ces victimes d'un âge si tendre, quoiqu'elles n'eussent pu coopérer activement à la confession du saint nom de Jésus. J'admirais l'immensité de leur récompense, et je me demandais ce que je pouvais donc espérer, moi qui, depuis si longtemps déjà, avais eu à souffrir bien des affronts et bien des peines et à pratiquer la patience pour l'amour de mon Sauveur ? Là-dessus, mon conducteur me dit : " Dans ce qui t'appartient, bien des choses ont été dissipées, et toi-même en as laissé perdre beaucoup ; toutefois, persévère et sois vigilante ; car ta récompense aussi sera grande." Cela m'enhardit à lui demander si je ne pourrais pas recouvrer l'usage de mes membres et même prendre de la nourriture ?
" Ce que tu désires te sera donné pour ton soulagement, me fut-il répondu, et tu en viendras même à pouvoir manger quelque chose. Seulement sois patiente
" Comment ! répliquai-je, ne puis-je pas dès à présent quitter mon lit ?
" Assieds-toi dans ton lit, en présence de ton confesseur, me fut-il dit, et attends pour le reste ! Ce que tu as et ce que tu souffres n'est pas pour toi, mais pour beaucoup d'autres."
Là-dessus, je m'éveillai, et je pus me redresser dans mon lit."
Le 28 décembre 1817, Wesener, à son grand étonnement, trouva Anne Catherine assise sur son séant dans son lit, et, comme il demandait la cause de ce retour de forces tout à fait inexplicable pour lui, le père Limberg lui raconta ce qui suit :
" La veille de la fête des saints Innocents, elle a été deux heures en extase et elle est revenue à elle sans que je lui en aie donné l'ordre. Elle m'a demandé alors d'un ton très animé si elle pouvait se lever, et, quand je le lui eus permis, elle se mit sur son séant si résolument et si lestement que j'en fus effrayé. Elle put même se tenir droite sans aide, jusqu'au moment où je lui ordonnai de se recoucher. Elle me dit alors : " Mon guide m'a menée à un endroit où j'ai pu voir le meurtre des saints Innocents et la grande magnificence avec laquelle Dieu récompensa ces victimes d'un âge si tendre, quoiqu'elles n'eussent pu coopérer activement à la confession du saint nom de Jésus. J'admirais l'immensité de leur récompense, et je me demandais ce que je pouvais donc espérer, moi qui, depuis si longtemps déjà, avais eu à souffrir bien des affronts et bien des peines et à pratiquer la patience pour l'amour de mon Sauveur ? Là-dessus, mon conducteur me dit : " Dans ce qui t'appartient, bien des choses ont été dissipées, et toi-même en as laissé perdre beaucoup ; toutefois, persévère et sois vigilante ; car ta récompense aussi sera grande." Cela m'enhardit à lui demander si je ne pourrais pas recouvrer l'usage de mes membres et même prendre de la nourriture ?
" Ce que tu désires te sera donné pour ton soulagement, me fut-il répondu, et tu en viendras même à pouvoir manger quelque chose. Seulement sois patiente
" Comment ! répliquai-je, ne puis-je pas dès à présent quitter mon lit ?
" Assieds-toi dans ton lit, en présence de ton confesseur, me fut-il dit, et attends pour le reste ! Ce que tu as et ce que tu souffres n'est pas pour toi, mais pour beaucoup d'autres."
Là-dessus, je m'éveillai, et je pus me redresser dans mon lit."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
5. Le mieux se soutint, et une semaine après Wesener put écrire dans son journal :
" La malade est toujours en état de se redresser seule ; elle a même déjà pu une fois s'habiller sans l'aide d'autrui et quitter son lit. Je me suis décidé alors à essayer de lui faire prendre quelque nourriture ; en le lui annonçant, je fis cette observation : " Que dira le professeur B. . . quand il apprendra que vous pouvez vous lever et manger ?" A quoi elle répondit : " Je ne sais pas ce qui adviendra encore de moi ; mais je ne me suis jamais inquiétée de l'approbation des hommes. Leurs opinions me sont indifférentes, sauf le cas où je ne puis m'empêcher d'avoir pitié de leur aveuglement. Dois-je souffrir des affronts ? Je le veux bien, pourvu que cela tourne à la gloire de Dieu ; si j'ai quelque chose à manifester comme son indigne instrument, le Seigneur le confirmera." Elle se refusa encore à essayer de prendre de la nourriture, jusqu'à ce que son confesseur en eût décidé."
Wesener rapporte à la date du 16 janvier : " Elle peut maintenant, sans malaise et sans vomissements, prendre chaque jour quelques cuillerées d'eau et de lait mêlés en parties égales. Je crois qu'elle aurait déjà recouvré encore plus de force, si elle ne se consacrait pas à soigner sa vieille mère malade. Cependant elle est toute joyeuse de ce que l'extrême bonté de Dieu la met maintenant en état de s'acquitter dans une certaine mesure envers sa bonne mère pour la tendresse que celle-ci lui a prodiguée dans son enfance. Le vendredi 17 janvier, les plaies n'ayant pas saigné, elle s'est livrée entièrement à l'espérance que les stigmates disparaîtraient. Mais cette espérance ne s'est pas réalisée. - Vers la fin de janvier, elle a pu plusieurs fois prendre et garder un peu de bouillon de viande très léger.
" 14 février. Elle continue à être pleine de sérénité et de contentement, quoique jour et nuit elle souffre cruellement de la douleur que lui cause le spectacle de sa mère bien-aimée attendant la mort à tout moment.
" 21 février. Le mieux qui s'était manifesté ne se soutient pas. La compassion que lui inspire sa mère malade me semble en être cause Sa mère est morte dans la soirée du 12 mars. La malade en est très affectée et tout inquiète, parce qu'elle craint de n'avoir pas soigné sa mère comme elle l'aurait dû.
" 20 mars. Elle est aussi faible et dans un état aussi précaire qu'auparavant ; cependant elle exprime une reconnaissance touchante envers Dieu dont la main secourable lui a rendu de la force pendant tout le temps qu'a duré la maladie de sa mère."
" La malade est toujours en état de se redresser seule ; elle a même déjà pu une fois s'habiller sans l'aide d'autrui et quitter son lit. Je me suis décidé alors à essayer de lui faire prendre quelque nourriture ; en le lui annonçant, je fis cette observation : " Que dira le professeur B. . . quand il apprendra que vous pouvez vous lever et manger ?" A quoi elle répondit : " Je ne sais pas ce qui adviendra encore de moi ; mais je ne me suis jamais inquiétée de l'approbation des hommes. Leurs opinions me sont indifférentes, sauf le cas où je ne puis m'empêcher d'avoir pitié de leur aveuglement. Dois-je souffrir des affronts ? Je le veux bien, pourvu que cela tourne à la gloire de Dieu ; si j'ai quelque chose à manifester comme son indigne instrument, le Seigneur le confirmera." Elle se refusa encore à essayer de prendre de la nourriture, jusqu'à ce que son confesseur en eût décidé."
Wesener rapporte à la date du 16 janvier : " Elle peut maintenant, sans malaise et sans vomissements, prendre chaque jour quelques cuillerées d'eau et de lait mêlés en parties égales. Je crois qu'elle aurait déjà recouvré encore plus de force, si elle ne se consacrait pas à soigner sa vieille mère malade. Cependant elle est toute joyeuse de ce que l'extrême bonté de Dieu la met maintenant en état de s'acquitter dans une certaine mesure envers sa bonne mère pour la tendresse que celle-ci lui a prodiguée dans son enfance. Le vendredi 17 janvier, les plaies n'ayant pas saigné, elle s'est livrée entièrement à l'espérance que les stigmates disparaîtraient. Mais cette espérance ne s'est pas réalisée. - Vers la fin de janvier, elle a pu plusieurs fois prendre et garder un peu de bouillon de viande très léger.
" 14 février. Elle continue à être pleine de sérénité et de contentement, quoique jour et nuit elle souffre cruellement de la douleur que lui cause le spectacle de sa mère bien-aimée attendant la mort à tout moment.
" 21 février. Le mieux qui s'était manifesté ne se soutient pas. La compassion que lui inspire sa mère malade me semble en être cause Sa mère est morte dans la soirée du 12 mars. La malade en est très affectée et tout inquiète, parce qu'elle craint de n'avoir pas soigné sa mère comme elle l'aurait dû.
" 20 mars. Elle est aussi faible et dans un état aussi précaire qu'auparavant ; cependant elle exprime une reconnaissance touchante envers Dieu dont la main secourable lui a rendu de la force pendant tout le temps qu'a duré la maladie de sa mère."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
XXXIV
CLÉMENT BRENTANO A DULMEN.
- L'INFLUENCE D'ANNE CATHERINE SUR SA VIE INTÉRIEURE.
1. Wesener a noté un entretien très significatif qu'il eut avec Anne Catherine le 26 septembre 1815. Il la trouva très attristée à cause d'une lotion d'eau-de-vie que sa soeur, sur l'ordre du confesseur, lui avait administrée sans aucun ménagement, et il chercha à la consoler en lui insinuant que Dieu se servait de cette soeur comme d'un instrument pour l'amener à la perfection et que, par conséquent, il ne permettrait pas que ladite soeur se perdit, malgré ses nombreux défauts. Il s'ensuivit un long entretien dans lequel Anne Catherine s'exprima ainsi
" J'ai toujours regardé l'assistance du prochain comme une vertu particulièrement agréable à Dieu ; dès ma plus tendre jeunesse, j'ai prié Dieu de me donner la force de servir mes semblables et de leur être utile. Je sais maintenant qu'il a exaucé cette prière. Mais j'ai encore une autre tache à remplir avant ma mort. Je dois encore révéler beaucoup de choses avant de mourir ; je sais et je sens bien que j'ai cela à faire, mais je ne le puis pas, et la raison principale est la crainte que ce que j'ai à dire ne m'attire des louanges. Je sens aussi très bien que cette crainte est répréhensible ; je devrais communiquer ce que j'ai a dire en toute simplicité, pour l'amour de Dieu et de la vérité ; mais je ne suis pas encore arrivée au véritable point de vue ; je dois encore rester couchée jusqu'à ce que j'aie appris à me surmonter entièrement." Wesener lui répondit qu'il ne pouvait croire que la prolongation, incompréhensible pour lui, de la vie d'Anne Catherine eût pour but unique sa personne même, c'est-à-dire l'accroissement de sa perfection personnelle, car autrement elle serait déjà en purgatoire ; alors elle reprit : " Plût à Dieu que j'y fusse ! Néanmoins il est certain que ce n'est pas pour moi seule qui je suis ici couchée sur un lit de douleurs ; et je sais pourquoi je souffre. Vous ne devez rien faire connaître sur moi avant ma mort. Ce que j'ai ne me vient pas de moi. Je ne suis qu'un outil dans la main du Seigneur. De même que je puis à ma volonté poser ici où là mon petit crucifix, il faut aussi que je trouve bon tout ce que Dieu veut et fait de moi, et que je le fasse avec joie. En réalité, je sais bien pourquoi je suis ici couchée, et la dernière nuit j'ai reçu de nouveau des informations à ce sujet. J'ai toujours demandé à Dieu, comme une grâce particulière, de souffrir, et, si c'est possible, de satisfaire pour ceux qui s'égarent par erreur et par faiblesse. Mais, comme cette ville et le couvent qui y existait m'ont accueillie, moi, pauvre fille de la campagne, que plusieurs couvents avaient déjà repoussée, je me suis tout particulièrement offerte pour Dulmen. J'ai eu la consolation de voir que Dieu a agréé ma prière ; j'ai déjà détourné de cette ville quelque chose dont elle était menacée et j'espère que je pourrai encore lui être utile par la suite."
CLÉMENT BRENTANO A DULMEN.
- L'INFLUENCE D'ANNE CATHERINE SUR SA VIE INTÉRIEURE.
1. Wesener a noté un entretien très significatif qu'il eut avec Anne Catherine le 26 septembre 1815. Il la trouva très attristée à cause d'une lotion d'eau-de-vie que sa soeur, sur l'ordre du confesseur, lui avait administrée sans aucun ménagement, et il chercha à la consoler en lui insinuant que Dieu se servait de cette soeur comme d'un instrument pour l'amener à la perfection et que, par conséquent, il ne permettrait pas que ladite soeur se perdit, malgré ses nombreux défauts. Il s'ensuivit un long entretien dans lequel Anne Catherine s'exprima ainsi
" J'ai toujours regardé l'assistance du prochain comme une vertu particulièrement agréable à Dieu ; dès ma plus tendre jeunesse, j'ai prié Dieu de me donner la force de servir mes semblables et de leur être utile. Je sais maintenant qu'il a exaucé cette prière. Mais j'ai encore une autre tache à remplir avant ma mort. Je dois encore révéler beaucoup de choses avant de mourir ; je sais et je sens bien que j'ai cela à faire, mais je ne le puis pas, et la raison principale est la crainte que ce que j'ai à dire ne m'attire des louanges. Je sens aussi très bien que cette crainte est répréhensible ; je devrais communiquer ce que j'ai a dire en toute simplicité, pour l'amour de Dieu et de la vérité ; mais je ne suis pas encore arrivée au véritable point de vue ; je dois encore rester couchée jusqu'à ce que j'aie appris à me surmonter entièrement." Wesener lui répondit qu'il ne pouvait croire que la prolongation, incompréhensible pour lui, de la vie d'Anne Catherine eût pour but unique sa personne même, c'est-à-dire l'accroissement de sa perfection personnelle, car autrement elle serait déjà en purgatoire ; alors elle reprit : " Plût à Dieu que j'y fusse ! Néanmoins il est certain que ce n'est pas pour moi seule qui je suis ici couchée sur un lit de douleurs ; et je sais pourquoi je souffre. Vous ne devez rien faire connaître sur moi avant ma mort. Ce que j'ai ne me vient pas de moi. Je ne suis qu'un outil dans la main du Seigneur. De même que je puis à ma volonté poser ici où là mon petit crucifix, il faut aussi que je trouve bon tout ce que Dieu veut et fait de moi, et que je le fasse avec joie. En réalité, je sais bien pourquoi je suis ici couchée, et la dernière nuit j'ai reçu de nouveau des informations à ce sujet. J'ai toujours demandé à Dieu, comme une grâce particulière, de souffrir, et, si c'est possible, de satisfaire pour ceux qui s'égarent par erreur et par faiblesse. Mais, comme cette ville et le couvent qui y existait m'ont accueillie, moi, pauvre fille de la campagne, que plusieurs couvents avaient déjà repoussée, je me suis tout particulièrement offerte pour Dulmen. J'ai eu la consolation de voir que Dieu a agréé ma prière ; j'ai déjà détourné de cette ville quelque chose dont elle était menacée et j'espère que je pourrai encore lui être utile par la suite."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
2. Trois années s'écoulèrent encore avant que se présentât pour Anne Catherine la possibilité matérielle de communiquer ses contemplations à quelqu'un qui pût employer ses forces et son temps à les rédiger. Ce devait être Clément Brentano, lequel, ne se doutant guère que sa personne, présente en esprit depuis des années à la pieuse voyante, était l'objet de ses prières et de ses souffrances expiatoires, fut conduit à Dulmen par une occasion toute fortuite. Sailer, alors professeur à Landshut, avec lequel Brentano entretenait une correspondance touchant les affaires de sa conscience, lui avait fait connaître son projet d'aller, pendant les vacances d'automne, à Munster et à Sondermuhlen, chez le comte Frédéric de Stolberg, et il l'avait engagé à se rendre de Berlin en Westphalie pour s'y rencontrer avec lui. Comme Sailer avait pour compagnon de voyage Christian Brentano, qui avait fait connaissance avec Anne Catherine l'année précédente et qui avait aussi intéressé à elle son frère Clément, celui-ci eut l'idée de profiter de sa rencontre avec Sailer pour faire une courte visite à Dulmen. A cela se bornaient les vues de Clément, et, en entreprenant ce voyage, rien n'était plus éloigné de sa pensée que de faire un séjour tant soit peu prolongé dans la petite ville de Dolmen, fort dénuée d'attrait pour lui. Sondermuhlen avait été désigné comme le lieu du rendez-vous ; mais, lorsque Clément y arriva, Sailer n'avait pas encore fait savoir quel jour il viendrait. Là-dessus, Brentano se décida à se rendre à Munster pour y voir Overberg, puis de là à Dulmen.
" Le jeudi 21 septembre 1818, dit son journal, j'arrivai à Dulmen vers dix heures. Wesener annonça ma visite à la soeur Emmerich, afin qu'elle ne s'en émut pas trop. Elle m'accueillit amicalement. Nous arrivâmes, en passant par une grange et par de vieux celliers, à l'escalier en pierre qui conduit chez elle. Nous frappâmes à la porte. Sa soeur, ouvrit, et nous entrâmes par la petite cuisine dans la pièce du fond où elle est couchée. Elle me salua et me dit d'un air aimable qu'on me reconnaissait à ma ressemblance avec mon frère. Son visage empreint de pureté et d'innocence excita en moi une joie intérieure, ainsi que la vivacité et l'aimable enjouement de sa conversation. Je ne trouvai ni dans sa physionomie, ni dans toute sa personne, aucune trace d'effort ou d'exaltation. Quand elle parle, ce n'est pas pour faire une leçon de morale ou un lourd sermon sur le renoncement ; son langage n'a point cette fadeur doucereuse qui rebute. Tout ce qu'elle dit est bref, simple, uni, mais plein de profondeur, plein de charité, plein de vie. Je fus tout de suite à mon aise ; je comprenais tout ; j'avais le sentiment de tout."
Nous savons pourquoi il fut accueilli si promptement et si amicalement. Anne Catherine voyait enfin arriver près d'elle l'instrument depuis longtemps désiré au moyen duquel devaient être recueillies les communications que Dieu lui avait ordonné de faire ; mais il était encore, par rapport aux services qu'il devait rendre, ce que la souche de la forêt est à l'oeuvre de sculpture que l'art du maître doit en faire sortir. Par quels moyens Anne Catherine fixera-t-elle près d'elle cet étranger qui par ses tendances et ses instincts vit dans un monde tout différent ? Comment occupera-t-elle cet esprit encore plein d'agitation, n'obéissant qu'à ses impulsions et à ses caprices, lequel, après de longs et dangereux égarements, a commencé depuis quelques mois à peine à chercher la voie qui conduit au salut ? Au bout de quelques semaines, elle put déjà lui faire cet aveu
" Bien souvent je suis toute surprise de ce que j'en suis venue à vous parler avec tant de confiance et à vous communiquer bien des choses sur lesquelles je n'ai pas coutume de m'ouvrir avec d'autres personnes. Dès le premier moment, vous n'étiez pas un étranger pour moi ; je vous connaissais avant que vous vinssiez me voir. Souvent, dans les visions où des événements futurs de ma vie me sont indiqués, j'ai vu un homme d'un teint très brun écrivant prés de moi : c'est pourquoi quand vous êtes entré pour la première fois dans ma chambre, je n'ai pu m'empêcher de me dire : " Ah ! Le voilà !"
Clément, toutefois, n'avait alors d'autre pensée que de faire de la vie d'Anne Catherine le sujet d'une narration plutôt romanesque qu'historique.
" Je m'efforcerai, écrivait-il dans son journal, de noter pour moi ce que j'apprends de la malade ; j'ai l'espoir de devenir son biographe."
Ses idées à ce sujet ne s'élevaient pas encore au-dessus d'un travail purement poétique, comme le prouvent son journal et les lettres qu'il écrivait à des amis éloignés pendant les premières semaines de son séjour à Dulmen.
" Elle parle (c'est ainsi qu'il célèbre les louanges d'Anne Catherine) comme une fleur des champs et comme un oiseau des bois dont le chant a un son merveilleusement profond et souvent même prophétique." Tantôt elle est pour lui" l'amie merveilleuse, bienheureuse, aimable, digne d'être aimée, rustique, naïve, enjouée, malade à la mort, existant sans nourriture, vivant d'une vie surnaturelle." Tantôt c'est" une âme pleine de sagesse, délicate, fraîche, chaste, éprouvée, complètement saine, et avec cela toute campagnarde. A qui, à chaque minute, le surprend par la ressemblance de caractère, de langage et de manières qu'il croit lui trouver avec une personne qui le touche de prés ; tantôt enfin il espère changer d'un seul coup toute sa position extérieure.
" Tout ici, dit-il, pourrait être remis en bon état au moyen d'une créature fidèle, intelligente et pieuse qui la déchargerait des soins domestiques et, assise prés de son lit, ce qui est le plus beau siège du monde, dirigerait le petit ménage et éloignerait tout ce qui peut troubler."
" Le jeudi 21 septembre 1818, dit son journal, j'arrivai à Dulmen vers dix heures. Wesener annonça ma visite à la soeur Emmerich, afin qu'elle ne s'en émut pas trop. Elle m'accueillit amicalement. Nous arrivâmes, en passant par une grange et par de vieux celliers, à l'escalier en pierre qui conduit chez elle. Nous frappâmes à la porte. Sa soeur, ouvrit, et nous entrâmes par la petite cuisine dans la pièce du fond où elle est couchée. Elle me salua et me dit d'un air aimable qu'on me reconnaissait à ma ressemblance avec mon frère. Son visage empreint de pureté et d'innocence excita en moi une joie intérieure, ainsi que la vivacité et l'aimable enjouement de sa conversation. Je ne trouvai ni dans sa physionomie, ni dans toute sa personne, aucune trace d'effort ou d'exaltation. Quand elle parle, ce n'est pas pour faire une leçon de morale ou un lourd sermon sur le renoncement ; son langage n'a point cette fadeur doucereuse qui rebute. Tout ce qu'elle dit est bref, simple, uni, mais plein de profondeur, plein de charité, plein de vie. Je fus tout de suite à mon aise ; je comprenais tout ; j'avais le sentiment de tout."
Nous savons pourquoi il fut accueilli si promptement et si amicalement. Anne Catherine voyait enfin arriver près d'elle l'instrument depuis longtemps désiré au moyen duquel devaient être recueillies les communications que Dieu lui avait ordonné de faire ; mais il était encore, par rapport aux services qu'il devait rendre, ce que la souche de la forêt est à l'oeuvre de sculpture que l'art du maître doit en faire sortir. Par quels moyens Anne Catherine fixera-t-elle près d'elle cet étranger qui par ses tendances et ses instincts vit dans un monde tout différent ? Comment occupera-t-elle cet esprit encore plein d'agitation, n'obéissant qu'à ses impulsions et à ses caprices, lequel, après de longs et dangereux égarements, a commencé depuis quelques mois à peine à chercher la voie qui conduit au salut ? Au bout de quelques semaines, elle put déjà lui faire cet aveu
" Bien souvent je suis toute surprise de ce que j'en suis venue à vous parler avec tant de confiance et à vous communiquer bien des choses sur lesquelles je n'ai pas coutume de m'ouvrir avec d'autres personnes. Dès le premier moment, vous n'étiez pas un étranger pour moi ; je vous connaissais avant que vous vinssiez me voir. Souvent, dans les visions où des événements futurs de ma vie me sont indiqués, j'ai vu un homme d'un teint très brun écrivant prés de moi : c'est pourquoi quand vous êtes entré pour la première fois dans ma chambre, je n'ai pu m'empêcher de me dire : " Ah ! Le voilà !"
Clément, toutefois, n'avait alors d'autre pensée que de faire de la vie d'Anne Catherine le sujet d'une narration plutôt romanesque qu'historique.
" Je m'efforcerai, écrivait-il dans son journal, de noter pour moi ce que j'apprends de la malade ; j'ai l'espoir de devenir son biographe."
Ses idées à ce sujet ne s'élevaient pas encore au-dessus d'un travail purement poétique, comme le prouvent son journal et les lettres qu'il écrivait à des amis éloignés pendant les premières semaines de son séjour à Dulmen.
" Elle parle (c'est ainsi qu'il célèbre les louanges d'Anne Catherine) comme une fleur des champs et comme un oiseau des bois dont le chant a un son merveilleusement profond et souvent même prophétique." Tantôt elle est pour lui" l'amie merveilleuse, bienheureuse, aimable, digne d'être aimée, rustique, naïve, enjouée, malade à la mort, existant sans nourriture, vivant d'une vie surnaturelle." Tantôt c'est" une âme pleine de sagesse, délicate, fraîche, chaste, éprouvée, complètement saine, et avec cela toute campagnarde. A qui, à chaque minute, le surprend par la ressemblance de caractère, de langage et de manières qu'il croit lui trouver avec une personne qui le touche de prés ; tantôt enfin il espère changer d'un seul coup toute sa position extérieure.
" Tout ici, dit-il, pourrait être remis en bon état au moyen d'une créature fidèle, intelligente et pieuse qui la déchargerait des soins domestiques et, assise prés de son lit, ce qui est le plus beau siège du monde, dirigerait le petit ménage et éloignerait tout ce qui peut troubler."
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
3. Anne Catherine supporta avec une patience infinie cet homme dont toute la manière d'être formait un tel contraste avec la sienne ; elle le traita avec cette bonté attrayante qu'elle témoignait d'ailleurs aux plus pauvres et aux plus humbles de ceux qui s'approchaient de son lit ;
Mais elle lui montra, en outre, une confiance pleine d'abandon dont il fut touché jusqu'au fond du coeur. Il se décida donc plus facilement à attendre, dans la localité fort peu attrayante pour lui de Dulmen, l'arrivée impatiemment désirée, mais retardée d'une semaine à l'autre, de Sailer et de son frère. La première impression que lui fit la petite ville est plaisamment décrite dans son journal.
" Cet endroit, dit-il, offre beaucoup de ces choses que peuvent goûter les âmes simples. C'est une petite ville agricole où il n'y a ni art, ni science, où l'on n'a nulle idée de la littérature, où l'on ne sait rien d'aucun poète, et où, le soir, on trait les vaches devant la porte de la plupart des maisons. Presque tous les habitants portent des sabots, y compris malheureusement les servants de messe. Les enfants courent dans la rue au-devant de tout passant qui a un peu d'apparence et lui font des baisemains. Maint pauvre promet à celui qui lui fait une aumône de faire pour lui le chemin de la croix dans la soirée avec ses enfants, et, en réalité, la veille des fêtes, ce chemin avec ses représentations de Jésus portant sa croix est toujours fréquenté par des familles en prière. Les travaux délicats du beau sexe consistent à cultiver les champs et les jardins, à préparer le lin, à le briser, à l'affiner, à le filer, à blanchir la toile, etc. ; même les filles de bourgeois aisés sont habillées comme les servantes le sont ailleurs. Dans tout l'endroit, on ne trouve pas un roman, et jusqu'à un certain point aussi la mode n'y existe pas ; chacun porte le vêtement qu'il a, jusqu'à ce qu'il tombe en lambeaux ; et, pourtant, il y a ici une grande route de poste, un hôtel de la poste et la résidence d'été d'un duc médiatisé de Croy-Dulmen lequel a une maison de trente personnes au moins. Avec tout cela, chacun parle des progrès inouïs qu'ont fait depuis dix ans le luxe et la corruption des moeurs."
Mais la bienveillance amicale avec laquelle Anne Catherine, d'après le désir de son confesseur, le laissait chaque jour venir plusieurs fois prés de sa couche de malade et écoutait tout ce qu'il lui disait des incidents de sa vie et des choses qui l'intéressaient, le réconcilia de plus en plus avec les privations que lui imposait le séjour de Dulmen. Il vit, dans l'intérêt que prenait Anne Catherine à sa vie passée, la preuve irréfragable que maintenant elle était uniquement préoccupée de ce qui le touchait de plus près et de ce qu'il y avait de plus important pour lui. Cet homme, habitué à agir d'après ses premiers mouvements les plus irréfléchis, se trouva chaque jour plus fortement attiré par là ; mais, pendant que sa seule pensée était de prêter l'oreille" au chant prophétique d'un petit oiseau des bois, " Anne Catherine travaillait très sérieusement au progrès de son âme et cachait ses propres souffrances et ses sacrifices sous une profusion de douceur et de bonté afin de ne pas faire reculer ce novice dans la vie spirituelle. Toute sa manière d'agir, jusqu'à la plus simple parole, était dirigée avec le tact merveilleux qui la caractérisait vers un but unique, qui était de le réconcilier pleinement avec Dieu, et de renouveler à fond son intérieur par une soumission filiale à l'Église et par une pleine et sincère adhésion à la sainte foi catholique. Ses visions prophétiques ne lui semblaient devoir être réalisées que quand elle aurait amené l'étranger à courber son esprit sous le joug de l'obéissance aux préceptes divins et à adopter les prescriptions de la religion comme l'unique et suprême règle de toutes ses actions et de toutes ses pensées. Elle savait dire au moment opportun ce qui pouvait le mieux porter coup, et ainsi ses paroles tombaient comme des semences dans le coeur de Brentano où elles germaient et prenaient racine avant qu'il eût pu s'apercevoir qu'il s'agissait de quelque chose de bien autrement élevé qu'un butin poétique à recueillir ou que l'attrait de la nouveauté et de l'extraordinaire pour cette nature richement douée, mais blasée sur toutes les jouissances de l'art.
Mais elle lui montra, en outre, une confiance pleine d'abandon dont il fut touché jusqu'au fond du coeur. Il se décida donc plus facilement à attendre, dans la localité fort peu attrayante pour lui de Dulmen, l'arrivée impatiemment désirée, mais retardée d'une semaine à l'autre, de Sailer et de son frère. La première impression que lui fit la petite ville est plaisamment décrite dans son journal.
" Cet endroit, dit-il, offre beaucoup de ces choses que peuvent goûter les âmes simples. C'est une petite ville agricole où il n'y a ni art, ni science, où l'on n'a nulle idée de la littérature, où l'on ne sait rien d'aucun poète, et où, le soir, on trait les vaches devant la porte de la plupart des maisons. Presque tous les habitants portent des sabots, y compris malheureusement les servants de messe. Les enfants courent dans la rue au-devant de tout passant qui a un peu d'apparence et lui font des baisemains. Maint pauvre promet à celui qui lui fait une aumône de faire pour lui le chemin de la croix dans la soirée avec ses enfants, et, en réalité, la veille des fêtes, ce chemin avec ses représentations de Jésus portant sa croix est toujours fréquenté par des familles en prière. Les travaux délicats du beau sexe consistent à cultiver les champs et les jardins, à préparer le lin, à le briser, à l'affiner, à le filer, à blanchir la toile, etc. ; même les filles de bourgeois aisés sont habillées comme les servantes le sont ailleurs. Dans tout l'endroit, on ne trouve pas un roman, et jusqu'à un certain point aussi la mode n'y existe pas ; chacun porte le vêtement qu'il a, jusqu'à ce qu'il tombe en lambeaux ; et, pourtant, il y a ici une grande route de poste, un hôtel de la poste et la résidence d'été d'un duc médiatisé de Croy-Dulmen lequel a une maison de trente personnes au moins. Avec tout cela, chacun parle des progrès inouïs qu'ont fait depuis dix ans le luxe et la corruption des moeurs."
Mais la bienveillance amicale avec laquelle Anne Catherine, d'après le désir de son confesseur, le laissait chaque jour venir plusieurs fois prés de sa couche de malade et écoutait tout ce qu'il lui disait des incidents de sa vie et des choses qui l'intéressaient, le réconcilia de plus en plus avec les privations que lui imposait le séjour de Dulmen. Il vit, dans l'intérêt que prenait Anne Catherine à sa vie passée, la preuve irréfragable que maintenant elle était uniquement préoccupée de ce qui le touchait de plus près et de ce qu'il y avait de plus important pour lui. Cet homme, habitué à agir d'après ses premiers mouvements les plus irréfléchis, se trouva chaque jour plus fortement attiré par là ; mais, pendant que sa seule pensée était de prêter l'oreille" au chant prophétique d'un petit oiseau des bois, " Anne Catherine travaillait très sérieusement au progrès de son âme et cachait ses propres souffrances et ses sacrifices sous une profusion de douceur et de bonté afin de ne pas faire reculer ce novice dans la vie spirituelle. Toute sa manière d'agir, jusqu'à la plus simple parole, était dirigée avec le tact merveilleux qui la caractérisait vers un but unique, qui était de le réconcilier pleinement avec Dieu, et de renouveler à fond son intérieur par une soumission filiale à l'Église et par une pleine et sincère adhésion à la sainte foi catholique. Ses visions prophétiques ne lui semblaient devoir être réalisées que quand elle aurait amené l'étranger à courber son esprit sous le joug de l'obéissance aux préceptes divins et à adopter les prescriptions de la religion comme l'unique et suprême règle de toutes ses actions et de toutes ses pensées. Elle savait dire au moment opportun ce qui pouvait le mieux porter coup, et ainsi ses paroles tombaient comme des semences dans le coeur de Brentano où elles germaient et prenaient racine avant qu'il eût pu s'apercevoir qu'il s'agissait de quelque chose de bien autrement élevé qu'un butin poétique à recueillir ou que l'attrait de la nouveauté et de l'extraordinaire pour cette nature richement douée, mais blasée sur toutes les jouissances de l'art.
Re: Vie d'Anne Catherine Emmerich - Tome1
4. Cette direction donnée au pèlerin (note) pour le préparer graduellement à une intelligence plus profonde de la mission d'Anne Catherine et à la rédaction de ses visions est un fait décisif dans la vie de la servante de Dieu, et elle mérite d'autant plus d'être étudiée attentivement que la correspondance de Clément Brentano, incomplètement publiée, ne suffit pas pour donner une idée juste et claire de la manière dont les choses se passèrent. Il semblait n'avoir été conduit à Dulmen que par un enchaînement de circonstances fortuites ; mais Anne Catherine y reconnaissait la direction de la divine providence, et, au bout de quelque temps, elle éveilla dans le pèlerin lui-même le pressentiment que la prolongation involontaire de son séjour pouvait devenir d'une grande importance pour sa vie tout entière. Il est généralement difficile à l'homme de comprendre l'appel que Dieu lui adresse et de s'affranchir de ses penchants et de ses habitudes invétérés pour répondre à cet appel et pour accomplir la tâche qu'il lui assigne ; mais, d'un autre côté, il y avait dans la riche nature du pèlerin, avec sa vie passée si pleine de vicissitudes, bien des choses qui, à en juger humainement, devaient le faire paraître, malgré ses rares facultés, moins propre qu'un autre à remplir les vues de Dieu. Lors de son arrivée à Dulmen, il venait d'accomplir sa quarantième année, et il n'y avait que peu de temps qu'il avait donné suite à sa résolution de se réconcilier avec Dieu et avec l'Église, à laquelle il était devenu complètement étranger et qu'il connaissait encore assez mal.
(note) C'est ainsi que, plus tard, Clément Brentano fut nommé par Anne Catherine, et nous devons ici lui conserver cette désignation.
" Les formes du culte catholique, écrivait-il, peu de temps auparavant à un ami, sont devenues pour moi aussi inintelligibles et aussi déplaisantes que celles de la synagogue. Je sens que je ne suis pas heureux ; mais je sens aussi que si je cherche le repos de mon âme dans le christianisme catholique, je me trouverai dans une telle perplexité et dans un tel embarras que mon état sera encore pire qu'auparavant. Il y a à chaque pas mille choses qui me déconcertent quand je m'approche de l'Église catholique." Au contraire, il se sentait tellement attiré par le cercle piétiste d'un pasteur protestant de Berlin qu'il disait : " L'Église de l'excellent H. . . m'a pour la première fois de ma vie fait ressentir l'impression d'une communauté. Il n'y a rien là qui me trouble ; tout, au contraire, m'attire. Quoique dans l'Église catholique il n'y ait plus rien pour moi qui me rattache intérieurement à elle, je ne vais pourtant pas chez H. . . par suite d'une certaine répugnance à me séparer d'elle entièrement." Cette répugnance qu'il ne pouvait pas s'expliquer lui-même, l'empêchait encore de faire le dernier pas ; mais il avait bien montré combien large et profond était devenu l'abîme qui le séparait intérieurement de l'Église, en écrivant ces tristes paroles : " La transmission magique de l'esprit de Dieu par l'imposition des mains ne peut pas avoir plus de réalité à mes yeux que la dispensation du génie poétique par le couronnement du poeta laureatus, " et ailleurs : " Quel abîme entre la Cène du Seigneur et l'hostie dans notre ostensoir (1(note) Correspondance, t. I, p. 180, etc.
Dans une semblable disposition, il n'y avait pas de voix à laquelle l'oreille du pèlerin ne s'ouvrît plus facilement qu'à celle de la vérité. Il se plongeait dans les écrits de Jacob Boehme et de Saint-Martin ; il s'enthousiasmait pour la secte pseudo-mystique de Boos et de Gossner, où il voyait" la fidèle image des temps apostoliques et une manifestation très redoutable pour le siège de Rome" ; il se laissait volontiers entraîner sur ces sortes de voies, et il en arrivait à proférer contre l'Église ces paroles pleines d'injustice et d'amertume
" Chez quels peuples la doctrine de Jésus s'est-elle le mieux manifestée ? Chez les chrétiens purement papistes, chez les protestants, les réformés, les grecs, les mennonites, les herrnhutes ? Où donc ? Où donc ? Que chacun en juge comme il peut. Si l'on me dit que ce sont les catholiques qui sont dans le vrai, je demande pourquoi il faut leur retirer la Bible afin qu'ils restent catholiques ? Celui qui est dans le vrai, c'est Jésus ; lui seul est le médiateur ; entre lui et l'homme il n'y en a pas. L'unique connaissance qu'on puisse avoir de lui vient de sa doctrine, de la nature et du coeur humain en rapport avec celle-ci, et dans le rapport le plus immédiat. Je dois éviter tout ce qui me trouble et m'éloigne de lui en voulant m'amener maladroitement à lui. Quand on me crie d'une voir impérieuse" C'est ici, c'est ici qu'est la vraie voie ; tu dois faire telle et telle chose ; ainsi le veut la véritable Église !" cela me déconcerte, me jette dans la confusion et me met à la torture."
Le pèlerin, il est vrai, poussé par l'inquiétude de son âme qui aspirait à la paix, s'était approché des sacrements ; mais, lors de son arrivée à Dulmen, les vues contraires à la foi n'étaient pas surmontées en lui. Il se trouvait dans un état de fermentation dont il ne put sortir en véritable converti que dans le voisinage d'Anne Catherine et sous l'influence de la bénédiction qui émanait d'elle.
(note) C'est ainsi que, plus tard, Clément Brentano fut nommé par Anne Catherine, et nous devons ici lui conserver cette désignation.
" Les formes du culte catholique, écrivait-il, peu de temps auparavant à un ami, sont devenues pour moi aussi inintelligibles et aussi déplaisantes que celles de la synagogue. Je sens que je ne suis pas heureux ; mais je sens aussi que si je cherche le repos de mon âme dans le christianisme catholique, je me trouverai dans une telle perplexité et dans un tel embarras que mon état sera encore pire qu'auparavant. Il y a à chaque pas mille choses qui me déconcertent quand je m'approche de l'Église catholique." Au contraire, il se sentait tellement attiré par le cercle piétiste d'un pasteur protestant de Berlin qu'il disait : " L'Église de l'excellent H. . . m'a pour la première fois de ma vie fait ressentir l'impression d'une communauté. Il n'y a rien là qui me trouble ; tout, au contraire, m'attire. Quoique dans l'Église catholique il n'y ait plus rien pour moi qui me rattache intérieurement à elle, je ne vais pourtant pas chez H. . . par suite d'une certaine répugnance à me séparer d'elle entièrement." Cette répugnance qu'il ne pouvait pas s'expliquer lui-même, l'empêchait encore de faire le dernier pas ; mais il avait bien montré combien large et profond était devenu l'abîme qui le séparait intérieurement de l'Église, en écrivant ces tristes paroles : " La transmission magique de l'esprit de Dieu par l'imposition des mains ne peut pas avoir plus de réalité à mes yeux que la dispensation du génie poétique par le couronnement du poeta laureatus, " et ailleurs : " Quel abîme entre la Cène du Seigneur et l'hostie dans notre ostensoir (1(note) Correspondance, t. I, p. 180, etc.
Dans une semblable disposition, il n'y avait pas de voix à laquelle l'oreille du pèlerin ne s'ouvrît plus facilement qu'à celle de la vérité. Il se plongeait dans les écrits de Jacob Boehme et de Saint-Martin ; il s'enthousiasmait pour la secte pseudo-mystique de Boos et de Gossner, où il voyait" la fidèle image des temps apostoliques et une manifestation très redoutable pour le siège de Rome" ; il se laissait volontiers entraîner sur ces sortes de voies, et il en arrivait à proférer contre l'Église ces paroles pleines d'injustice et d'amertume
" Chez quels peuples la doctrine de Jésus s'est-elle le mieux manifestée ? Chez les chrétiens purement papistes, chez les protestants, les réformés, les grecs, les mennonites, les herrnhutes ? Où donc ? Où donc ? Que chacun en juge comme il peut. Si l'on me dit que ce sont les catholiques qui sont dans le vrai, je demande pourquoi il faut leur retirer la Bible afin qu'ils restent catholiques ? Celui qui est dans le vrai, c'est Jésus ; lui seul est le médiateur ; entre lui et l'homme il n'y en a pas. L'unique connaissance qu'on puisse avoir de lui vient de sa doctrine, de la nature et du coeur humain en rapport avec celle-ci, et dans le rapport le plus immédiat. Je dois éviter tout ce qui me trouble et m'éloigne de lui en voulant m'amener maladroitement à lui. Quand on me crie d'une voir impérieuse" C'est ici, c'est ici qu'est la vraie voie ; tu dois faire telle et telle chose ; ainsi le veut la véritable Église !" cela me déconcerte, me jette dans la confusion et me met à la torture."
Le pèlerin, il est vrai, poussé par l'inquiétude de son âme qui aspirait à la paix, s'était approché des sacrements ; mais, lors de son arrivée à Dulmen, les vues contraires à la foi n'étaient pas surmontées en lui. Il se trouvait dans un état de fermentation dont il ne put sortir en véritable converti que dans le voisinage d'Anne Catherine et sous l'influence de la bénédiction qui émanait d'elle.
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