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Vie d'Anne-Catherine Emmerich tome 2

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:47

« Je vis le saint Père dans une grande tribulation et une grande angoisse touchant l'Église. Je le vis très entouré de trahisons. Je vis que, dans certains cas d'extrême détresse, il a des visions et des apparitions. Je vis beaucoup de bons et pieux évêques, mais ils étaient mous et faibles, et le mauvais parti prenait souvent le dessus. Je vis de nouveau les manèges de l'homme noir. J'eus encore le tableau des démolisseurs s'attaquant à l'église de saint Pierre ; je vis encore, comment, à la fin, Marie étendit son manteau au-dessus de l'église et comment les ennemis de Dieu furent chassés. Je vis saint Pierre et saint Paul travaillant activement pour l'Église. Je vis l'église des apostats prendre de grands accroissements. Je vis les ténèbres qui en partaient se répandre à l'entour et je vis beaucoup de gens délaisser l'Église légitime et se diriger vers l'autre, disant : « Là tout est plus beau, plus naturel et mieux ordonné. » Je ne vis pas encore d'ecclésiastiques parmi eux. Je vis le Pape continuant à tenir ferme, mais très tourmenté. Je vis que le traité dont on attend du bien pour nous ne nous sera d'aucun secours, et que tout ira de mal en pis. Je vis que le Pape montre maintenant plus de vigueur et qu'il lui est recommandé d'être énergique jusqu'à la mort. Je vis qu'il a gagné cela par la constance dont il a fait preuve en dernier lieu ; mais ses derniers ordres n'auront pas d'effet parce qu'il y a trop faiblement insisté. J'ai vu sur cette ville de terribles menaces venant du nord.

« Partant de là, je traversai l'eau, touchant à des îles où il y a un mélange de bien et de mal et je trouvai que les plus isolées étaient les plus heureuses et les plus lumineuses : puis j'allai dans la patrie de François Xavier, car je voyageais dans la direction du couchant. J'y vis beaucoup de saints et je vis le pays occupé par des soldats rouges. Son maître était vers le midi au-delà de la mer. Je vis ce pays passablement tranquille en comparaison de la patrie de Saint-Ignace où j'entrai ensuite et que je vis dans un état effrayant. Je vis des ténèbres répandues par toute cette contrée sur laquelle reposait un trésor de mérites et de grâces venant du saint. Je me trouvais au point central du pays. Je reconnus l'endroit où, longtemps auparavant, j'avais vu dans une vision des innocents jetés dans une fournaise ardente (note) et je vis enfin les ennemis du dedans s'avançant de tous les côtés et ceux qui attisaient le feu jetés eux-mêmes dans la fournaise. Je vis d'énormes abominations se répandre sur le pays. Mon guide me dit : « Aujourd'hui Babel est ici. » Et je vis par tout le pays une longue chaîne de sociétés secrètes, avec un travail comme à Babel, et je vis l'enchaînement de ces choses, jusqu'à la construction de la tour, dans un tissu, fin comme une toile d'araignée, s'étendant à travers tous les lieux et toute l'histoire : toutefois le produit suprême de cette floraison était Sémiramis, la femme diabolique. Je vis tout aller de mal en pis dans ce pays. Je vis détruire tout ce qui était sacré et l'impiété et l'hérésie faire irruption. On était aussi menacé d'une guerre civile prochaine et d'une crise intérieure qui allait tout détruire. Je vis là les anciens travaux de saints innombrables et ces saints eux-mêmes. Je citerai seulement saint Isidore, saint Jean de la Croix, sainte Jeanne de Jésus et spécialement sainte Thérèse dont je vis beaucoup de visions ainsi que l'action exercée par elle. On m'a montré les effets de l’intercession de saint Jacques dont le tombeau est sur une montagne et je vis quelle quantité de pèlerins y avaient trouvé leur guérison.

(note) Le mois de mars d'auparavant, elle avait vu, sous la figure d'une fournaise ardente où l'on jetait des innocente, la condamnation de gens irréprochables et la destruction de la foi et des bonnes moeurs dans la patrie de S. Ignare : sur quoi elle fut informée que ceux qui chauffaient la fournaise, les satellites et les juges iniques auraient un sort pareil à celui qu'ils préparaient maintenant aux innocents.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:47

Mon conducteur me montra aussi la montagne de Montserrat et les vieux ermites qui habitaient là dans les premiers temps : j'eus une vision très touchante où je vis qu'ils ne savaient jamais quel jour de la semaine on était, qu'ils partageaient un pain en sept portions, en mangeaient une chaque jour et faisaient d'après cela le compte des jours mais souvent, étant ravis en extase, ils se trompaient dans leur calcul d'un jour entier : je vis aussi que la Mère de Dieu leur apparaissait et leur disait ce qu'ils devaient annoncer aux hommes. C'était une vision très touchante. Je vis dans ce pays de telles misères, j'y vis tant de grâces foulées aux pieds, et en même temps tant de saints et de choses qui les concernaient que je me disais : « Pourquoi faut-il que je voie tout cela, moi, misérable pécheresse qui ne puis le raconter et n'en comprends presque rien ? » Alors mon guide me dit : « Tu diras ce que tu pourras. Tu ne peux pas calculer le nombre de gens qui liront cela un jour, et dont les âmes seront par là consolées, ranimées et portées au bien. Il existe beaucoup d'histoires où sont racontées des grâces semblables, mais souvent elles ne sont pas composées comme il faudrait, puis les choses anciennes sont peu familières aux lecteurs et elles ont été dénaturées par des allégations mensongères. Ce que tu pourras raconter sera mis en oeuvre d'une façon suffisante et pourra faire beaucoup de bien dont tu n'as pas l'idée. » Cela me consola, car dans les derniers jours j'étais de nouveau fatiguée et il m'était venu des scrupules. - De ce malheureux pays je fus conduite par-dessus la mer, à peu près vers le nord, dans une île où a été saint Patrice. Il n'y avait guère que des catholiques, mais ils étaient très opprimés : ils avaient pourtant des rapports avec le Pape, mais en secret. Il y avait encore beaucoup de bon dans ce pays parce que les gens étaient unis entre eux. J'eus aussi une instruction sur la manière dont tout se tient dans l’Église.

Je vis saint Patrice et beaucoup d'opérations de la grâce par son ministère. J'appris beaucoup sur lui et je vis aussi quelques tableaux de sa grande vision du purgatoire dans une grotte ; comment il reconnut dans le purgatoire beaucoup de personnes qu'il délivra et comment la Sainte-Vierge lui apparut et lui indiqua ce qu'il devait faire. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:47

« De l’île de saint Patrice j'arrivai par-dessus un bras de mer à une autre grande île. Elle était toute sombre, brumeuse et froide. Je vis çà et là quelques groupes de pieux sectaires, du reste tout y était dans une grande fermentation. Presque tout le peuple était divisé en deux partis, et ils étaient occupés d'intrigues ténébreuses et dégoûtantes. Le parti le plus nombreux était le plus mauvais : le moins nombreux avait les soldats à ses ordres ; il ne valait pas non plus grand'chose, mais pourtant il valait mieux. Je vis une grande confusion et une lutte qui approchait et je vis le parti le moins nombreux avoir le dessus. Il y avait dans tout cela d'abominables manœuvres : on se trahissait mutuellement, tous se surveillaient les uns les autres et chacun semblait être l'espion de son voisin. Au-dessus de ce pays je vis une grande quantité d'amis de Dieu appartenant aux temps passés : combien de saints rois, d'évêques, de propagateurs du christianisme qui étaient venus de là en Allemagne travailler à notre profit ! Je vis sainte Walburge, le roi Edouard, Edgar et aussi sainte Ursule : j'appris que l'histoire des onze mille vierges, telle qu'on la raconte en disant que c'était une armée de vierges guerrières, n'est pas véritable, mais qu'il y avait entre elles une espèce d'union, comme une confraternité, semblable à celle qui existe aujourd'hui dans les associations charitables de femmes et de filles. Elles n'allèrent pas non plus toutes en même temps à Cologne. Leurs habitations étaient dispersées à d'assez grandes distances : plusieurs cependant demeuraient ensemble. J'ai vu beaucoup de misère dans le pays froid et brumeux : j'y ai vu de l'opulence, des vices et de nombreux vaisseaux. »

« De là, j'allai au levant, par delà la mer, dans une contrée froide où je vis sainte Brigitte, saint Canut et saint Eric. Ce pays était plus tranquille et plus pauvre que le précédent, mais il était aussi froid, brumeux et sombre. Il y avait beaucoup de fer et peu de fertilité. Je ne sais plus ce que j'y ai fait ou vu. Tout le monde y était protestant. De là j'allai dans une immense contrée tout à fait ténébreuse et pleine de méchanceté, il y montait de grands orages. Les habitants étaient d'un orgueil inouï ; ils bâtissaient de grandes églises et croyaient avoir la raison pour eux. Je vis qu'on armait et qu'on travaillait de tous les côtés : tout était sombre et menaçant. Je vis là saint Basile et d'autres encore. Je vis sur le château aux toits étincelants le malin qui se tenait aux aguets, alors je me dirigeai vers le midi et le levant. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:48

Elle va ensuite en Chine, comme on peut en juger par sa description, et y voit les premiers propagateurs du christianisme et les religieux martyrisés ; elle voit pourtant quelque bien se faire de nouveau dans ce pays et cela par des Dominicains. Elle voit la terre de saint Thomas et de saint François Xavier, traverse toutes les îles où le christianisme est prêché, voit spécialement une grande île où le bien est en grand progrès : les habitants y sont très bons et accueillent l'enseignement avec joie. Il y a là des protestants et des catholiques. Les protestants sont vraiment bons et semblent incliner du côté du catholicisme : le peuple vient en foule à l'église. Il n'y a plus de place dans la ville, on élève des cabanes à l'entour : ce sont d'excellentes gens. Ils sont bruns et plusieurs d'entre eux tout à fait noirs : ils allaient presque nus, mais ils ont accepté de bon coeur tout ce qu'on a voulu et se sont vêtus comme on le leur avait prescrit. Elle a vu aussi leurs idoles et les a décrites. Cette île semble être celle pour laquelle, pendant son grand voyage, elle a spécialement prié dans la nuit de Noël. Elle parcourt encore l'Inde et rencontre les gens qu'elle avait vus dans une autre occasion puiser de l'eau sacrée du Gange et s'agenouiller ensuite isolément devant la croix : elle les trouve dans de meilleures conditions. Ils avaient quelqu'un qui les instruisait et ils pensaient à se réunir et à former une communauté. Elle voit l'endroit où a séjourné saint Thomas et tout ce qu'a fait cet apôtre : elle voit aussi ce qu'ont fait saint François Xavier et ses compagnons. Elle alla aussi dans le voisinage de la montagne des prophètes, et traversa le pays de Sémiramis où elle vit saint Simon, saint Jude et d'autres encore : du reste tout y était dans les ténèbres. Elle vit les grandes colonnes de la ville ruinée, le pays habité par Jean-Baptiste et celui où Jean l'Évangéliste écrivit son évangile. Elle traversa la terre promise et y vit la dévastation partout : presqu'aucun des saints lieux n'était plus reconnaissable, la grâce y opérait pourtant encore çà et là. Ici elle eut des visions générales, vit avec quelle profusion les moyens de salut avaient été prodigués et comment tout se perdait par la malice des hommes. Elle alla sur le Carmel où elle eut une vision touchant saint Berthold et la découverte de la sainte lance à Antioche : elle vit encore sur la montagne quelques pieux religieux des deux sexes.

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:48

« Je vis que la relique du chevalier croisé que je possède est de Berthold. L'ermite Pierre de Provence l’entraîna avec lui à la croisade. Il fut assiégé dans Antioche avec ce même Pierre et l'armée chrétienne. Lorsque tout espoir parut perdu, il se dit : « Si nous avions la lance qui a blessé Notre-Seigneur, nous vaincrions certainement. » Et lui, Pierre et encore un autre se mirent en prière, chacun de leur côté et sans qu'ils se fussent rien communiqué les uns aux autres, pour demander à Dieu son secours. Et la Sainte-Vierge apparut à tous les trois ; elle leur dit que la lance de Longin était dans l'église, cachée dans un mur derrière l'autel, et elle leur ordonna de se le dire les uns aux autres. Ils lui obéirent, se recherchèrent, quoiqu'ils ne se connussent pas auparavant, puis ils racontèrent leur vision et trouvèrent la sainte lance, le fer qui n'était pas très grand et la hampe qui était brisée en plusieurs morceaux, le tout renfermé dans un coffre placé derrière l'autel et recouvert de maçonnerie : après quoi les chrétiens remportèrent la victoire en portant devant eux la sainte lance. Berthold dans sa prière avait fait voeu, si la ville était sauvée, d'aller servir la Sainte-Vierge sur le mont Carmel. Il se fit donc anachorète, et fut plus tard général et fondateur de l'ordre des Carmes. »

Elle vit là encore plusieurs saints moines et ermites, elle en vit dans le reste de la Terre sainte et tout ce qu'ils avaient fait. Elle vit aussi beaucoup de personnes qui y avaient été ravies corporellement étant en extase. Elle continua alors son voyage à travers le pays où avaient séjourné les enfants d'Israël. Tout y était sombre et dévasté ; il y avait quelques moines ignorants appartenant à une secte, mais qui avaient de la piété. Elle vit plusieurs pyramides à moitié ruinées, d'autres pyramides et des murs énormes remontant à la plus haute antiquité. Elle y vit saint Sabbas et plusieurs autres anachorètes. Elle alla ensuite au pays de saint Augustin, de sainte Perpétue et d'autres saints des premiers siècles, poussa fort loin au midi à travers d'affreuses ténèbres, visita Judith et la trouva pensive dans sa chambre. Elle a le projet de s'enfuir et de se faire instruire dans la religion chrétienne. Elle est intérieurement tout à fait chrétienne : il faut prier Dieu de lui venir en aide. Elle alla ensuite au Brésil, vit des saints là aussi, visita les îles de la mer du sud et vit plusieurs jeunes plantations chrétiennes. Elle parcourt l'Amérique, y trouve aussi un réveil du christianisme, voit sainte Rose de Lima et d'autres saints. Elle revient en traversant la mer, arrive en Sardaigne, trouve la stigmatisée Rose Marie Serra encore vivante à Ozieri, très vieille et gardant le lit ; et tout le monde étonné qu'elle puisse vivre encore. Elle voit la stigmatisée qu'elle avait vue, peu de temps auparavant, dans une ville maritime du midi, en Sicile. Elle trouve les gens de ce pays dans un état encore assez tolérable. Elle revient à Rome, y voit aussi beaucoup de choses et va en Suisse. Elle voit Einsiedeln et les anciennes habitations des ermites, Nicolas de Flue et un autre anachorète beaucoup plus ancien dans un pays très abandonné. Elle vit aussi, en passant, saint François de Sales et le couvent de sainte Chantal et les ténèbres qui règnent aujourd'hui. Elle alla de là en Allemagne, vit sainte Walburge, saint Kilian, l'empereur saint Henri et saint Boniface, reconnut Francfort, vit l'enfant martyr (note) et le vieux marchand dans son tombeau, passa le Rhin, vit saint Boniface, saint Goar, sainte Hildegarde et eut des visions touchant celle-ci. Il lui fut dit qu'elle avait reçu du Saint-Esprit le don de tout mettre par écrit quoiqu'elle ne pût ni lire ni écrire. C'était à elle qu'il avait été donné d'appeler le châtiment et de prophétiser contre l'empire de la méchante femme de Babylone. Personne n'a reçu autant de grâces qu'elle, beaucoup de ses révélations ont trouvé aujourd'hui leur accomplissement. Elle vit Elisabeth de Schoenau, alla en France, vit sainte Geneviève, saint Denys, saint Martin et beaucoup d'autres saints : mais elle vit une affreuse corruption, de grandes misères et des abominations horribles dans la capitale. Il lui sembla qu'elle était près de s'engloutir ; elle eut l'impression qu'il n'y resterait pas pierre sur pierre.

(note) Il en sera parlé ailleurs plus en détail

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:49

Elle alla à Liège, vit sainte Julienne, Odélienne, vit en Brabant sainte Lidwine et plusieurs tableaux de la vie de celle-ci, comment elle ne s'était aperçue ni de la putréfaction qui gagnait son corps, ni des incommodités de sa misérable couche, ni de ses larmes qui gelaient à mesure qu'elles coulaient ; comme quoi Marie se tenait près de son lit et étendait son manteau sur elle. Elle vit sainte Marie d'Oignies, dans le pays de laquelle il y avait encore une grande quantité de gens pieux. Elle revint enfin par la contrée de Bockholt et trouva sur la frontière hollandaise beaucoup de bons chrétiens. Elle avait vu aussi sainte Gertrude et sainte Mechtilde en passant par la Saxe, au commencement de son voyage, et spécialement, combien de dons et de grâces elles avaient reçus et ce qu'elles avaient fait pour l'église. Dans la contrée de l'enfant martyr, elle fit peur à deux hommes qui voulaient assassiner un pauvre et honnête courrier pour s'emparer des papiers dont il était porteur.

Elle est toute bouleversée de ce voyage et comme près de mourir. Une foule de tableaux affligeants dans l'ensemble et dans le détail se remue dans son âme comme les flots d'une mer agitée. Elle dit que, sans l'assistance de la grâce divine, il serait impossible de supporter la vue de la centième partie des misères qui ont passé sous ses yeux. Elle a vu en même temps quelque chose comme un millier de saints et, pour une centaine d'entre eux, plusieurs de leurs visions et divers traits de leur vie. Elle a vu les douze apôtres futurs, chacun encore en leur lieu et place. Elle n'a pas vu de somnambules aujourd'hui : elle n'en a jamais vu aucune sous des couleurs favorables, mais toutes lui ont paru fort suspectes et elle en a aperçu dans le cortège de l'abominable fiancée de la maison des noces. Elle a vu plus distinctement que les autres tous les saints dont elle a des ossements et présume qu'il y a dans ce nombre des reliques d'apôtres et de disciples qu'elle découvrira plus tard.

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:49

3. Dans ces pérégrinations lointaines s’entremêlaient aussi des souffrances expiatoires pour toutes les espèces d'outrages faits à son divin époux dans le saint Sacrement de l'autel : car ce n'était pas seulement dans les églises de son pays natal, mais dans celles de toute la catholicité qu'elle était conduite par son guide afin de satisfaire par ses souffrances et ses prières pour des affronts innombrables, faits à Jésus présent sur ses autels par la tiédeur, l'indifférence et l'incrédulité dans l'oblation du saint sacrifice comme dans la réception de la sainte communion. La première communication que le Pèlerin put recevoir d'Anne-Catherine à ce sujet se rapporte à la célébration de la Fête-Dieu à laquelle elle avait pris part en 1819. Voici ce qu'elle raconta :

« Pendant toute la nuit j'ai fait la ronde près de beaucoup de personnes malheureuses et affligées, les unes connues, les autres inconnues, et j'ai prié Dieu de me faire porter le fardeau de tous ceux qui ne pouvaient pas, s'approcher du saint Sacrement, le coeur léger et joyeux. Je vis alors leurs souffrances, je les reçus et les portai sur mon épaule droite. C'était un si pesant fardeau que mon côté droit en fut accablé et plia jusqu'à terre. Je pris à chacun une partie ou la totalité de ce qu'il souffrait, selon que je pouvais l'obtenir. Les personnes me furent présentées en vision. »

« Je reconnus dans la poitrine de chacun ce qui causait sa souffrance et je pus l'en retirer sous la forme d'un rouleau mince et mobile. Chaque rouleau me semblait aussi léger qu'une baguette mince et flexible : mais il y en avait une telle quantité que le tout fit un énorme paquet. Je pris alors mon propre supplice sous la forme d'une longue ceinture de cuir de la largeur de la main, blanche et rayée de rouge : je liai ensemble tous ces rouleaux que je pliai en deux et j'attachai ce gros et lourd paquet au-dessus de ma croix avec les deux bouts de ma ceinture. Les rouleaux étaient de couleurs différentes suivant le genre de souffrance de chacun : en cherchant bien dans ma mémoire, je pourrais encore désigner les couleurs de plusieurs personnes de ma connaissance. Je pris alors le paquet sur mon épaule et je fis une visite au Saint-Sacrement afin de l’offrir devant lui pour les souffrances des pauvres hommes qui dans leur aveuglement ne reconnaissent pas avec une foi vive ce trésor infini de consolation. J'allai d'abord dans une chapelle inachevée et sans ornements : mais pourtant Dieu y était déjà présent sur l’autel ; j'offris mon paquet et j'adorai le Saint-Sacrement. Il me sembla que cette chapelle était apparue pour me donner des forces : car je succombais presque sous mon fardeau. Je le portais plus volontiers sur l'épaule droite, en souvenir de la croix de Notre-Seigneur et de la blessure qu'elle avait faite à son épaule. J'ai souvent vu cette blessure, elle était la plus douloureuse de toutes celles qui furent faites à son corps sacré. J'arrivai enfin à un endroit où on faisait une procession et je vis en même temps en divers endroits d'autres processions semblables. Dans celle à laquelle je me joignis figuraient la plupart de ceux dont je portais les souffrances dans mon paquet : et je vis avec étonnement sortir de leur bouche, lorsqu'ils chantaient, les mêmes couleurs que portaient les rouleaux sortis de leur poitrine et qui formaient mon fardeau. Je vis le Saint-Sacrement entouré d'anges et d'esprits bienheureux revêtus d'une grande splendeur et d'une grande magnificence : lui même avait la figure d'un petit enfant lumineux et transparent au milieu d'un soleil resplendissant. Ce que je vis était inexprimable et, si ceux qui accompagnaient et portaient le Saint-Sacrement avaient pu le voir comme moi, ils seraient tombés à terre et n'auraient pu le porter plus loin, tant leur épouvante et leur stupeur eussent été grandes. J'adorai et j'offris mon fardeau. Alors ce fut comme si la procession entrait dans une église qui sembla sortir de l'air, entourée d'un jardin ou d'un cimetière. Il y avait toute sorte de fleurs rares sur les tombes, des lis, des roses rouges et blanches et des asters blancs. Du côté oriental de cette église s'avança avec une splendeur infinie une figure sacerdotale : c'était comme si c'eût été le Seigneur. Bientôt se montrèrent autour de lui douze hommes lumineux et autour de ceux-ci beaucoup d'autres encore. Moi-même j'étais bien placée, je pouvais bien voir. Mais alors sortit de la bouche du Seigneur un petit corps lumineux qui, étant sorti, devint plus grand et d'une forme plus arrêtée, puis, se rapetissant de nouveau, entra comme une figure d'enfant resplendissant dans la bouche des douze qui entouraient le Seigneur, puis dans celle des autres. Ce n'était pas le tableau historique du Seigneur faisant la cène avec ses disciples, tel que je le vois le jeudi saint, pourtant ce que je vis là me le rappela. Ici tous étaient lumineux et rayonnants, c'était un office divin, c'était comme une solennité ecclésiastique. L'église était remplie de troupes innombrables d'assistants qui étaient assis, ou debout, ou planant en l'air, ou portés sur des sièges et des gradins s'élevant les uns au-dessus des autres que je ne puis pourtant décrire comme réels et matériels, car chacun pouvait tout voir. Je vis alors entre les mains du Seigneur comme une forme indistincte dans laquelle entra le petit corps lumineux sortant de sa bouche. Et je vis cette forme devenir resplendissante, prendre des contours, arrêtés et comme environnée d'une maison ornée à la façon d'une église. C'était le Sacrement de l’autel dans l’ostensoir comme objet d'adoration : le Seigneur continuait toujours à y parler sa parole vivante, et le corps lumineux, toujours le même et toujours un, allait une infinité de fois dans la bouche de tous les assistants. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:49

« J'avais déposé mon fardeau pour un moment et j'avais aussi reçu la nourriture céleste : lorsque je le repris de nouveau, je vis une troupe de personnes dont les paquets étaient tellement sales que je ne voulus rien accepter d'elles. On me dit que ces gens devaient encore être rudement châtiés, puis jugés selon la pénitence qu'ils auraient faite. Je ne ressentais aucune compassion. Je vis la fête ecclésiastique prendre fin et ce fut pour moi comme si j'avais vu là de ces hommes qui devaient réveiller et animer d'une ferveur nouvelle le sentiment très assoupi de l’admirable mystère de la présence de Dieu se multipliant sur la terre. Cette chapelle, où je m'étais d'abord reposée avec mon fardeau, était dans une montagne, de même que j'y avais vu, étant enfant, les premiers autels et les tabernacles des chrétiens. C'était la représentation du Saint-Sacrement au temps des persécutions. Le cimetière signifiait que les autels du sacrifice non sanglant étaient placés au-dessus des tombeaux et des reliques des martyrs et qu'alors les églises elles-mêmes étaient bâties sur ces tombeaux. Je vis l’Église sous la forme d'Église céleste célébrant une fête. Le chandelier à quatre branches, était aussi placé en face de l’autel. Je vis la fête du Saint-Sacrement immédiatement par Jésus, puis par le Sacrement même, comme le trésor de l’Église. Je la vis célébrée par les premiers chrétiens, par ceux d'aujourd'hui et par ceux de l’avenir qui étaient en grand nombre et j'eus la certitude qu'elle refleurirait dans l’Église avec une nouvelle vie.

« Le jour de la fête du saint laboureur Isidore, beaucoup de choses me furent montrées touchant l'importance de la célébration de la messe et de l'assistance à la messe ; il me fut dit, à cette occasion, combien c'était un grand bonheur que tant de messes fussent dites, même par des prêtres ignorants et indignes, parce que des dangers, des châtiments et des calamités de toute espèce étaient détournés par là. Il est bon que beaucoup de prêtres ne sachent pas bien ce qu'ils font, car s'ils le savaient, ils seraient terrifiés au point de ne pouvoir plus célébrer le saint sacrifice. Je vis la merveilleuse bénédiction qu'attire l’assistance à la messe, comme quoi elle donne au travail son effet, produit toute espèce de bien fait que rien ne se perd, et comme quoi souvent un membre d'une famille qui revient de la messe rapporte pour ce jour-là une bénédiction pour toute la maison. Je vis combien la bénédiction était plus abondante pour ceux qui assistent à la messe que pour ceux qui la font dire et y font assister à leur place. Je vis comment il était suppléé par une assistance surnaturelle à ce qu'il pouvait y avoir de défectueux dans la célébration de la messe. »

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Vie d'Anne-Catherine Emmerich tome 2 - Page 8 Empty Re: Vie d'Anne-Catherine Emmerich tome 2

Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:49

4. La semaine d'avant la Pentecôte de 1820, Anne-Catherine se trouva en proie à de très grandes souffrances que son état de délaissement intérieur lui rendait presque impossibles à supporter.

« Aujourd'hui (17 mai 1820), dit le Pèlerin ; je la trouvai toute en larmes. Clara Soentgen voulait lui amener quelques femmes étrangères qu'elle ne voulait pas recevoir. « Je suis dans un tel état, dit-elle en gémissant, qu'à chaque instant je crois que je vais mourir, et pourtant on ne me laisse pas en repos. Sa maladie (rétention d'urine et toux suffocante) est arrivée à un degré qui la rend intolérable. Elle ressent des douleurs cruelles et des élancements violents dans la plaie du côté ; en outre le désir qu'elle a du Saint-Sacrement la consume, elle est accablée d'une tristesse indicible et verse des torrents de larmes.
Elle souffre également dans le corps et dans l’âme, et elle fait pitié à voir. Elle a prié l'enfant (sa nièce) de dire trois Pater noster afin que Dieu lui donne la force suffisante pour vivre, s'il est vrai qu'elle ne doive pas mourir. L'enfant pria et elle s'unit à sa prière : après quoi elle se trouva calmée.

18 mai. « La faim du Saint-Sacrement devient de plus en plus violente. Elle est toute languissante. Elle se lamente sur la privation de son aliment quotidien, et tombant en extase, elle crie vers son fiancé céleste : « Pourquoi mi laisses-tu ainsi languir ? sans toi je ne puis plus vivre. Toi, seul peux me secourir. Si je dois vivre, donne-moi la vie ! Quand elle sortit de l'extase, elle dit : « Mon Seigneur m'a dit que maintenant je puis voir ce que je suis sans lui. A présent les choses sont changées : il faut que je devienne sa nourriture : toute ma chair doit se consumer dans l'ardeur du désir. » Elle a en outre une quantité de tristes visions qu'elle ne veut pas raconter. Elle voit tant de détresse, tant de misères, tant d’oeuvres de ténèbres par lesquelles Dieu est tellement offensé dans ce saint temps ! »

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:50

Dimanche de la Pentecôte, 21 mai. Le Pèlerin, qui l'avait vue hier soir semblable à une personne qui meurt de faim et versant des larmes arrachées par un ardent désir, la trouva fortifiée et rassérénée ; elle était rajeunie en quelque sorte et radieuse comme une épouse du Christ. Tout en elle respirait la joie et la sainteté. « Je me suis trouvée avec les apôtres, dit-elle, dans la salle du Cénacle. J'ai été réconfortée d'une manière que je ne puis exprimer. Une nourriture semblable à un fleuve de lumière coula dans ma bouche. Je la savourai : mais je ne savais pas d'où elle venait, je ne vis pas de main qui me la présentât : elle avait un goût d'une douceur infinie et je craignais de n'être plus à jeun pour recevoir la sainte Eucharistie le lendemain matin. Je n'étais pas ici et pourtant j'entendis très distinctement la cloche sonner minuit : je comptai chaque coup. Je vis la descente du Saint-Esprit sur les disciples et comment l'Esprit-Saint, en ce jour anniversaire, se répand encore partout sur la terre comme une rosée, là où il trouve un vase pur et désireux de le recevoir. Je ne puis décrire cela qu'en disant que je vois çà et là une paroisse, une église, une ville, une ou plusieurs personnes éclairées tout à coup dans l'obscurité, et cela, comme si le monde entier était sous mes yeux et comme si je voyais par le jet de lumière d'une lanterne, tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, un carré de fleurs, un arbre, un buisson, une ou plusieurs fleurs, ou bien encore une fontaine, une petite île dans un étang, illuminés ou plutôt pénétrés par une lumière descendant du ciel, au milieu des ténèbres environnantes. Or cette nuit, grâce à la bonté de Dieu, je n'ai rien vu que de bon : les oeuvres et l'état de ténèbres ne m'ont pas été montrés. Je vis sur toute la terre une grande quantité d'effusions de l'esprit quelquefois c'était comme un éclair qui descendait sur une église ; je voyais les fidèles dans l'église, et parmi eux ceux qui avaient reçu la grâce : ou bien j'en voyais priant isolément dans leurs demeures ou dans les églises auxquels arrivaient la lumière et la force. Cela me causait une grande joie et me donnait la confiance, qu'au milieu de ses tribulations toujours croissantes, l’Église ne succombera pas, puisque j'ai vu dans tous les pays du monde l'Esprit-Saint lui susciter des instruments. Oui, j'ai senti que l'oppression extérieure que lui font subir les pouvoirs de ce monde la prépare toujours davantage à recevoir une force intérieure. Je vis dans l'église de Saint-Pierre, à Rome, une grande fête avec beaucoup de lumières et je vis que le saint Père, ainsi que beaucoup d'autres, a été fortifié par le Saint-Esprit. Je n'ai pas vu là cette nuit l’église ténébreuse (protestante) qui me fait toujours horreur. Je vis aussi, en divers lieux du monde, la lumière descendre sur les douze hommes que je vois si souvent comme douze nouveaux apôtres ou prophètes de l'Église. J'ai encore le sentiment que je connais l'un d'eux et qu'il est dans mon voisinage. Je vis aussi dans notre pays quelques personnes recevoir de la force. Je connais tous ces hommes pendant la vision, mais ensuite il est rare que je puisse les nommer. Je crois avoir vu le sévère supérieur. J'ai la vive persuasion que l'oppression de l'Église dans notre pays tournera aussi à bien, mais que la tribulation grandira encore. »

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:50

5. Le lundi de la Pentecôte, il lui fut annoncé qu’elle aurait une pénible tâche à remplir pour le Saint-Sacrement : « J'étais seule dans une grande église, accompagnée seulement de mon conducteur, et je me tenais à genoux devant le Saint-Sacrement, lequel était entouré d'une gloire au-dessus de toute description. J'y vis la figure resplendissante de l'Enfant-Jésus, devant lequel depuis mon jeune âge, j'ai toujours pu décharger mon coeur et porter toutes mes plaintes. Sur chaque point, la réponse me venait du Saint-Sacrement par un rayon qui entrait en moi : je reçus d'abondantes consolations et aussi de doux reproches pour mes fautes. J'ai passé presque toute la nuit devant le Saint-Sacrement, ayant mon ange à mes côtés. » Son humilité ne lui permit pas de donner plus de détails sur ce qui s'était passé dans cette vision : mais elle eut immédiatement après l'apparition de saint Augustin et celle de deux saintes religieuses de son ordre ; Rita de Cassia et Claire de Montefalco, par lesquelles elle fut préparée à des travaux par la souffrance, semblables à ceux qu'elles-mêmes autrefois avaient eu à faire pour le Saint-Sacrement. A peine Anne-Catherine avait-elle terminé son court récit de la vision du Saint-Sacrement qu'elle tomba en extase, puis pendant que le Pèlerin s'entretenait avec le confesseur dans l'antichambre, elle se leva tout-à-coup dans son lit, le visage rayonnant de joie. Elle se tenait ferme sur ses pieds, ce que personne ne lui avait vu faire depuis quatre ans. Elle leva les mains au ciel et, dans cette surprenante attitude, elle récita tranquillement et dévotement le Te Deum tout entier. Son visage était défait et un peu jaunâtre : cependant ses joues étaient colorées et ses traits animés par l'enthousiasme. Sa voix était douce et agréable, tout autre que sa voix ordinaire : il y avait quelque chose de caressant et de tendre comme dans la voix d'un enfant aimant qui récite à son père des vers, en son honneur. A certaines paroles, elle joignait ses mains et baissait la tête d'un air suppliant. Elle se tenait debout, ferme et assurée dans sa pose. Son ample robe qui lui tombait jusqu'aux chevilles lui donnait un aspect très imposant. Sa prière, dite à haute voix, était émouvante et excitait à la piété, à la reconnaissance, à la confiance ; ses gestes étaient solennels, son visage illuminé par l'enthousiasme. « Saint Augustin, raconta-t-elle le jour suivant, était près de moi avec tous ses ornements épiscopaux et il se montrait très affectueux. Sa présence me causa tant d'émotion et de joie que je m'accusai de ne lui avoir jamais rendu un culte particulier, mais il me dit : « Je te connais pourtant et tu es mon enfant : » Et comme je lui demandais quelque soulagement dans ma maladie, il me présenta un petit bouquet où il y avait une fleur bleue. Aussitôt, je ressentis intérieurement une saveur particulière et un sentiment de force et de bien-être pénétra tout mon corps. Le saint me dit : « Tu ne seras jamais entièrement délivrée, car ta voie est la voie de la souffrance : mais quand tu demanderas des consolations et du secours, souviens-toi de moi, je te les donnerai toujours. Maintenant lève-toi et dis le Te Deum pour remercier de ta guérison la très-sainte Trinité.

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:50

Alors je me mis debout et je priai. J'étais pleine de force et ma joie était très grande. Puis je vis saint Augustin dans sa gloire céleste : Je vis d'abord la très-sainte Trinité et la Sainte-Vierge : j'aurais peine à dire comment. Il me semblait voir comme une figure de vieillard sur un trône. De son front, de sa poitrine et de la région de l'estomac partaient des rayons, formant devant lui une croix de laquelle partaient dans toutes les directions de nouveaux rayons qui se répandaient sur des choeurs et des hiérarchies d'anges et de saints. A quelque distance parmi plusieurs choeurs d'esprits bienheureux, je vis la gloire céleste de saint Augustin. Je le vis assis sur un trône, recevant de la sainte Trinité certains courants de lumière qu'il répandait ensuite sur plusieurs choeurs et plusieurs figures dont il était entouré. Je vis autour de lui des figures de prêtres revêtus des costumes les plus divers et je vis d'un coté, comme sur la pente d'une montagne, une grande quantité d'églises planer dans le ciel, semblables à ces petits nuages qu'on voit dans l'air les uns derrière les autres ; et toutes étaient sorties de lui. Cette gloire était un tableau de sa grandeur céleste.

La lumière qu'il recevait de la Trinité était l'illumination qui lui était personnelle et les choeurs qui l'entouraient étaient les divers vaisseaux, les diverses âmes qui recevaient la lumière par son intermédiaire, la versaient d'eux-mêmes sur d'autres comme des vases et pourtant recevaient aussi une lumière qui leur venait immédiatement de Dieu. Quand on voit ces choses, c'est indiciblement beau et consolant, et cela paraît naturel ; oui, plus naturel et plus intelligible que ne l'est sur la terre la vue d'un arbre ou d'une fleur. Je vis dans les choeurs qui étaient autour de lui tous les prêtres et les docteurs, tous les ordres religieux et les communautés qui étaient sortis de lui et qui sont devenus bienheureux, qui sont devenus des vases vivants de la grâce divine des réservoirs distribuant la source d'eau vive qui a jailli en lui. Je le vis ensuite dans un jardin céleste. Ce tableau était plus bas. Le premier était une vision de sa gloire, de la sphère occupée par lui dans le ciel étoilé de la sainte Trinité : celui-ci était plutôt une image de son action se continuant sur la terre, de l'assistance donnée par lui à l'Église militante, aux hommes vivants. Toutes les visions des jardins célestes sont placées plus bas que celles des saints vus en Dieu et dans la gloire. Je le vis ici dans un beau jardin plein d'arbres, d'arbrisseaux et de fleurs d'une beauté merveilleuse : je vis avec lui plusieurs autres saints parmi lesquels je me rappelle particulièrement saint François Xavier et saint François de Sales. Je ne les vis pas là assis et rangés en ordre comme pour une fête, mais agissant, opérant, distribuant et répandant des fruits et des fleurs du jardin, qui étaient toutes les grâces et toutes les oeuvres de leur vie. Je vis aussi dans ce jardin un très grand nombre de personnes vivantes, dont plusieurs à moi connues, et qui recevaient divers dons de différentes manières. Cette apparition des vivants dans ce jardin est quelque chose de tout particulier et comme la contrepartie de l'apparition des saints sur la terre : car je vois les vivants apparaître dans le jardin des saints comme des esprits et sous une certaine forme indéterminée, et je les vois recevoir là des fleurs et des fruits de toute espèce. J'en vois quelques-uns qui semblent élevés par la prière dans cette sphère où se distribuent les grâces : d'autres semblent les recevoir sans en avoir conscience, comme des vases choisis faits pour cela. Il y a la même différence qu'entre celui qui dans un jardin se donne de la peine pour recueillir des fruits et un autre qui les voit tomber à ses pieds, quand il passe, ou auquel ils sont donnés, suivant la volonté de Dieu, par l'intermédiaire de tel ou tel saint. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:50

« Après cela mon conducteur m’accompagna sur mon propre chemin, se dirigeant vers la Jérusalem céleste. Je vis que j'avais déjà beaucoup dépassé l’endroit où j'avais une fois vu de nombreux écriteaux avec des avertissements. J'eus une montagne à gravir, puis j'arrivai dans un jardin où Claire de Montefalco était jardinière. Je vis à ses mains des stigmates lumineux et autour de sa tête une couronne d'épines également lumineuse. Quoi qu'elle n'eût pas eu les marques extérieures des plaies, elle en avait ressenti la douleur. Elle me dit que c'était son jardin et que, puisque j'avais du goût pour le jardinage, elle me montrerait comment celui-ci devait être cultivé. Ce jardin avait comme un mur d'enceinte, qui toutefois n'était qu'une image symbolique, car on pouvait passer et voir au travers. Il était fait uniquement de pierres rondes, placées les unes au-dessus des autres et de couleurs variées et brillantes. Le jardin était régulièrement divisé de tous côtés en huit jolis compartiments se dirigeant vers le centre : il s'y trouvait quelques grands et beaux arbres en pleine floraison. Il y avait une fontaine et l'on pouvait faire en sorte qu'elle lançât des jets d'eau pour arroser tout le jardin. Tout contre le mur d'enceinte, s'élevaient à l’entour des ceps de vigne. Je marchai presque toute la nuit dans le jardin avec sainte Claire : elle m’enseigna la signification et la vertu de chaque plante ainsi que la manière dont je devais m'en servir. Elle passait, en disant cela, d'une planche à une autre et je ne sais plus bien d'où elle recevait les racines. Il semblait qu'elle les reçût par une voie surnaturelle, venant d'en haut ou apportées par une apparition. J'eus beaucoup de choses à faire avec elle auprès d'un figuier : je ne sais plus ce que c'était. Je me rappelle seulement qu'il y avait dans les planches du jardin beaucoup de cresson d'eau et de cerfeuil. Elle me dit que, si je sentais un goût trop doux dans la bouche, il fallait la remplir de cresson d'eau et la remplir au contraire de cerfeuil, si je sentais un goût trop amer. Ce sont des herbes que j'aimais beaucoup et que je mâchais volontiers dans mon enfance : j'aurais même voulu m'en nourrir uniquement. Ce qui me parut surtout difficile à saisir, ce fut son explication de la manière dont il fallait traiter la vigne, l’attacher, répartir les branches et les tailler : je ne pouvais pas y réussir. Ce fut aussi la dernière chose qu'elle m'enseigna dans le jardin. Pendant ce travail, beaucoup d'oiseaux voltigeaient autour de nous, se perchaient sur mes épaules et se montraient très familiers avec moi, comme autrefois dans le jardin du couvent. Elle me montra aussi qu'elle avait les instruments de la Passion gravés dans le coeur et qu'après sa mort on avait trouvé trois pierres dans son fiel. Elle me parla des grâces qu'elle avait reçues le jour de la fête de la sainte Trinité, et me dit qu'il fallait me préparer à un nouveau travail pour cette fête. Sainte Claire m'apparut très maigre, très pâle et toute défaite par suite de ses mortifications. J'ai vu aussi Rita de Cassia. Priant un jour devant une croix, elle demanda par humilité une seule épine de la couronne du Sauveur crucifié. Un rayon de lumière partit de là couronne et la blessa au front. Elle y souffrit toute sa vie des douleurs indicibles. Il en sortait constamment du pus en sorte qu'on s'enfuyait loin d'elle. Je vis aussi quelle avait été sa dévotion envers le saint Sacrement. Elle m'a raconté beaucoup de choses.

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:50

6. L'avant-veille de la fête de la sainte Trinité, le travail annoncé par sainte Claire de Montefalco prit commencement. Voici ce que raconta Anne-Catherine : « Lorsque je vis tant de gens aller se confesser si mal préparés, je renouvelai ma prière à Dieu afin qu'il voulût bien me faire souffrir quelque chose pour leur amendement. Alors la souffrance me vint du dehors. Il me sembla que des rayons de douleur très déliés tombaient sur moi comme des flèches et cela ne cessait pas. Enfin dans la nuit, je fus prise de souffrances si cruelles que je n'en avais jamais éprouvées de plus fortes. Elles commencèrent autour de mon coeur que je sentis comme un foyer de douleur enserré dans une flamme qui l'environnait. De ce feu dont l'impression était celle d'instruments tranchants et perçants partaient des traits qui, à travers toutes les parties de mon corps et à travers la moelle des os, arrivaient jusqu'au bout des doigts et à la pointe des ongles et des cheveux. Je sentais dans ces douleurs comme un écoulement suivi d'une réaction. Je les sentais partant d'abord du coeur, passant dans les mains, dans les pieds et autour de la tête, et de là réagissant dans le coeur, en sorte que les endroits des stigmates en étaient les points principaux. Et ce supplice alla croissant jusqu'à minuit avec une violence toujours plus grande. Avec cela j'étais éveillée, trempée de sueur, et je ne pouvais pas faire un mouvement. J'avais une seule consolation, c'était qu'il m'arrivait un sentiment obscur de la forme de la croix déterminée par les points où étaient les sièges principaux de cette douleur qui me broyait en quelque sorte. A minuit, il ne fut plus en mon pouvoir d'en supporter davantage, car dans l’état d'étourdissement où j'étais, je ne savais plus la cause de ces souffrances : alors je me tournai à la manière d'un enfant vers mon père saint Augustin et je l'implorai en toute simplicité : « Ah ! cher père, saint Augustin, tu m'as promis du soulagement, je l’invoque à mon aide : vois quelle est ma détresse ! » Le saint ne se laissa pas implorer en vain : il se présenta à moi de l'air le plus affectueux et il me dit pourquoi je souffrais. Il ajouta qu'il ne pouvait me retirer ces souffrances parce qu'elles devaient être endurées dans la Passion de Jésus-Christ, mais que je devais me consoler et que je souffrirais encore jusqu'à trois heures. Mon supplice continua alors sans interruption, mais en même temps j'eus une grande consolation parce que je sentais que je souffrais par amour dans la Passion de Jésus et qu'en lui je satisfaisais pour d'autres à la justice divine. Je sentis que je portais secours : animée de ce sentiment, je mis dans ces souffrances tout ce qui me tenait au coeur, et je profitai de la grâce de la souffrance expiatoire avec une confiance cordiale dans la miséricorde du père céleste. Saint Augustin me dit encore que je devais me souvenir qu'il y a trois ans, le matin de la Toussaint, j'avais été à la dernière extrémité, qu'alors mon époux céleste m'était apparu et qu'il m'avait laissé le choix, ou de mourir et de souffrir encore dans le purgatoire, ou de continuer à vivre dans les souffrances : sur quoi je lui avais dit : « Seigneur, dans le purgatoire je ne puis servir à rien avec mes souffrances ; si donc cela n'est pas contraire à votre volonté, laissez-moi vivre et souffrir tous les martyres possibles, pourvu que je puisse secourir par là, ne fût-ce qu'une seule âme. » Alors, comme j'avais d'abord prié pour ma dissolution, mon Sauveur m'avait accordé ma seconde demande d'une vie prolongée dans les souffrances. Je me souvins distinctement de ce voeu que me rappelait le saint patriarche de mon ordre et, depuis ce moment jusqu'à trois heures, j'endurai avec calme et action de grâces les tortures les plus atroces. L'excès de la douleur excita chez moi des sueurs comme celles de l’agonie et m'arracha les larmes les plus amères.

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:50

7. « J'eus après cela une vision de la très-sainte Trinité. Je vis une figure de vieillard resplendissant sur un trône. De son front émanait une lumière d'une pureté indescriptible et sans aucune coloration, de sa bouche sortait : un fleuve de lumière qui déjà était un peu plus coloré, plus jaune et plus couleur de feu ; du milieu de sa poitrine, de la région du coeur, rayonnait une lumière colorée. Tous ces rayons de lumière, se croisant, produisaient une croix de lumière qui semblait se former dans l'air devant la poitrine du vieillard, et qui brillait comme un arc-en-ciel. Et c'était comme si le vieillard posait ses deux mains sur les bras de la croix. Je vis partir de cette croix d'innombrables rayons qui tombaient sur les choeurs célestes et sur la terre : tout en était rempli et vivifié. Un peu plus bas à droite, je vis le trône de la très-Sainte-Vierge Marie et je vis un rayon allant du vieillard à elle et un rayon allant d'elle à la croix. Tout cela est absolument impossible à exprimer ; mais dans la vision, quoiqu'on soit tout ébloui et comme noyé dans la lumière, cela devient par là même parfaitement intelligible : cela est un et triple, vivifie tout, éclaire tout et suffit à tout d'une manière infinie. Je vis les anges sous le trône dans un monde de lumière tout à fait incolore. Plus haut je vis les vingt-quatre vieillards avec une chevelure argentée, entourant la très-sainte Trinité. Je vis tout le reste de l'espace infini rempli de différents saints dont chacun formait comme un centre entouré de ses choeurs. Je vis saint Augustin à la droite de la Trinité, beaucoup plus bas que Marie et entouré de tous ses choeurs de saints. Parmi tout cela se voient de tous les côtés des jardins, des demeures lumineuses et des images d'églises. C'est, comme si l'on passait au milieu des astres du ciel, s'en rapprochant et s'en éloignant tour à tour : ces vases de la gloire divine présentent la plus grande diversité, dans leur forme et dans leur aspect, mais tous sont remplis de tout par Jésus-Christ : c'est partout la même loi, la même substance et pourtant une forme différente, mais à travers chacune passe la voie droite allant vers la lumière du Père par la croix du Fils. Je vis aussi, procédant de la Mère de Dieu, une longue série de figures royales féminines. C'étaient des vierges qui portaient des couronnes et des sceptres, mais elles ne semblaient pas être des reines de la terre ; elles paraissaient des esprits ou des âmes qui s'étaient efforcées de suivre Marie où qui l'avaient précédée. Elles semblaient ses servantes de même que les vingt-quatre vieillards étaient les serviteurs dé la Trinité. Tout ce monde célébra la fête par un mouvement merveilleusement solennel des parties entre elles et du tout ensemble ; je ne peux comparer cela qu'à de la belle musique. Je vis dans ce mouvement solennel tous les saints et les bienheureux avancer comme en procession ou former plusieurs processions au-dessous du trône de la très-sainte Trinité. C'était comme les étoiles tournant dans le ciel autour du soleil : et je vis alors en bas sur la terre d'innombrables célébrations de la fête de ce jour et des processions correspondant à la fête céleste. Mais comme tout cela apparaissait misérable, sombre, décousu, plein de lacunes ! Quand on le regardait d'en haut, c'était comme si l'on eût regardé dans un profond bourbier. Cependant il s'y trouvait encore beaucoup de bon par endroits. Je vis aussi de là, entre autres choses, la procession qui avait lieu ici, à Dulmen ; j'y remarquai un pauvre enfant misérablement vêtu et sa demeure. Il faudra que je l'habille (note).

(note) « Il est singulièrement touchant ; dit à ce propos le Pèlerin, de voir sa bonté compatissante, après toutes ces impressions d'une merveilleuse grandeur, fixer les yeux de l'âme sur ce pauvre enfant mal vêtu et le chercher jusque dans sa demeure. Elle le vit passer devant chez-elle. « Ah ! disait-elle, combien j'aurais aimé à enlever tout de suite cette pauvre créature en haillons et à l'habiller en haut prés de moi ; il marchait d’un air si triste au milieu des autres enfants en habits de fête ! » Si une personne placée dans de pareilles circonstances voit et sent ainsi, combien grande doit être la compassion des anges, des saints nos frères qui sont dans le ciel ; de Marie, de Jésus et de Dieu qui aiment davantage et voient plus clair ! Comment celui qui prie avec foi désespérerait-il ? »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:51

8. Le soir du dimanche de la sainte Trinité, on dansa au son des instruments dans la partie antérieure de la maison. Le jour d'après, elle raconta ce qui suit : « J'ai eu cette nuit le grand chagrin de voir continuellement dans la maison des danses indécentes et un affreux vacarme. Je vois alors en premier lieu le rassemblement tumultueux dans son ensemble et toujours le diable y figurant sous forme corporelle : je vois ensuite les individus, comment l’ennemi les pousse et leur inspire des désirs de toute espèce, comment leur ange gardien les appelle de loin, et comment ils se tournent du côté de l’esprit malin. Je ne vois rien de bon venir de là, et personne ne s'en va sans avoir éprouvé quelque dommage. Je vois des animaux de toute espèce les accompagner et je vois leur intérieur plein de taches noires. Il m'a fallu aussi cette nuit aller souvent là et faire peur aux gens pour empêcher du mal. Pour ma consolation, j'ai eu des visions touchant la vie de saint François de Sales et de sainte Françoise de Chantal, et spécialement touchant leur union spirituelle. Je vis là combien souvent François de Sales fut consolé et conseillé par elle. A l’occasion d'une odieuse calomnie qui lui fut très pénible, je le vis consolé par Françoise qui s'affligeait de voir qu'il en était trop vivement affecté. Ils me montrèrent la fondation, la propagation et la décadence de l’ordre de la Visitation et me parlèrent de la rénovation des familles de l’ordre. J'entendais leurs paroles comme si elles m'arrivaient de loin. Ils disaient que l'époque actuelle était bien triste, mais qu'après beaucoup de tribulations, il viendrait un temps de paix où la religion reprendrait son empire et où il y aurait parmi les hommes beaucoup de cordialité et de charité, et qu'alors beaucoup de couvents refleuriraient dans le vrai sens du mot. Je vis aussi une image de ce temps éloigné que je ne puis décrire, mais je vis sur toute la terre la nuit se retirer et la lumière et l’amour répandre une nouvelle vie. J'eus à cette occasion des visions de toute espèce sur la renaissance des ordres religieux (note). Le temps de l’Antéchrist n'est pas si proche que quelques-uns le croient. Il aura encore des précurseurs. J'ai vu dans deux villes des docteurs, de l’école desquels pourraient sortir de ces précurseurs.

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:51

9. Le 30 mai, veille de la Fête-Dieu, ses souffrances recommencèrent comme pour la fête de la sainte Trinité. « Je sentis encore une fois les douleurs, fondre sur moi comme des rayons très déliés. Ils me transperçaient intérieurement dans toutes les directions comme des fils d'argent très fins. J'ai en outre tant de personnes à porter et à traîner, que j'en suis toute brisée, et qu'il n'y a pas un os dans mon corps qui ne soit comme broyé. Quand je me réveille, les doigts du milieu de mes deux mains sont toujours raides, paralysés et recourbés : j'ai en outre, toute la nuit, à l'endroit des plaies, des douleurs extrêmement vives.

(note) Il n'est pas sans intérêt de rechercher comment sainte Hildegarde aussi, caractérisant le temps actuel par des traits extrêmement frappants, prédit le renouvellement de la vie de l'Église qui doit le suivre. Après avoir décrit le déchirement de l'empire germanique et l'hostilité croissante contre le chef de l'Église de la part des pouvoirs séculiers, elle parle ainsi :

« En ce temps-là le Pape ne maintiendra sous la souveraineté de la tiare que Rome seule et quelques faibles parties des territoires adjacents. Cette spoliation s'accomplira en partie par des invasions à main armée, en partie par des conventions et des mesures concertées entre les peuples… Après cela l'impiété aura le dessous pendant un certain temps. Elle essayera, il est vrai, de relever la tête, mais la justice se maintiendra si ferme et si forte que les hommes de ce temps reviendront en toute honnêteté aux anciennes moeurs et à la sage discipline des temps anciens, et qu'ils les pratiqueront fidèlement comme ç'avait été la coutume de leurs ancêtres. Bien plus, les princes et les puissants, comme les évêques et les supérieurs ecclésiastiques prendront exemple sur ceux d'entre eux qui observeront la justice et mèneront une vie louable. Il en sera de même parmi les peuples qui travailleront à s'améliorer les uns les autres parce que chacun considérera comment celui-ci on celui-là s'élève à la pratique de la justice et de la piété. Liber divirorum operum, pars III, Visio X, c. 25, 26.

J'ai eu beaucoup de visions sur l’irrévérence et la froideur envers le saint Sacrement et sur le mauvais accueil qu'on lui fait souvent en le recevant par pure routine : j'ai vu aussi bien des gens aller à confesse très mal préparés. A chaque vision particulière qui m'était montrée, j'adressais mes supplications au très-saint Sacrement, demandant au Seigneur de pardonner à ces personnes et de les éclairer. Je fus aussi conduite par mon guide dans toutes les églises principales de mon pays natal et je vis partout où en est le culte rendu au saint Sacrement. C'était dans l’église d'Ueberwasser, à Munster, que les choses allaient encore le mieux. J'aperçus souvent autour des églises comme des bourbiers et des marécages dans lesquels je voyais les gens enfoncés : il me fallait les en retirer, les laver, puis souvent les traîner après moi au confessionnal. Mon guide me présentait toujours de nouvelles misères, et me disait : « Allons ! souffre encore pour celui-ci, etc. » Au milieu de tout cela, j'étais tellement malheureuse que je pleurais souvent comme un enfant. Mais je n'étais pas non plus sans consolation. Je vis sous des formes variées la grâce opérer merveilleusement par le saint Sacrement ; je vis comment une lumière se répandait sur tous ses adorateurs ; bien plus, comment ceux mêmes qui n'y pensaient pas tiraient profit de son voisinage. En dernier lieu j'allai dans l'église d'ici et j'y vis le Pèlerin traverser le cimetière et se souvenir des morts. Cela me réjouit et je me dis : « Il vient donc à moi (note). » Saint François de Sales, sainte Chantal, saint Augustin et d'autres encore me consolèrent : je vis aussi que je soulageais des maux, que je guérissais des maladies et que mes souffrances étaient unies à la Passion de Jésus. »

(note) C'était vers six heures du matin, au moment où en effet le Pèlerin allait à la messe. Pourquoi tout le reste de ce qu'elle a vu serait-il moins vrai que ce fait très réel ? (Note du Pèlerin.)

« J'eus aussi une vision sur l’abbé Lambert qui accomplit aujourd'hui sa soixantième année. Je le vis se traîner dans sa chambre avec son pied malade et je vis que lui-même rapetissait toujours. Je le vis ensuite ne pouvant plus se lever et obligé de garder constamment le lit, et avec cela devenant toujours plus petit, si bien que plusieurs fois je le perdis de vue. Il me fut dit que, s'il ne devient pas tout à fait comme un innocent petit entant, il ne pourra pas, entrer dans le ciel, et cette maladie lui est avantageuse pour cela. Or, comme je le croyais déjà devenu très petit, je vis tout à coup un bel enfant lumineux se placer à ses côtés comme s'il voulait se mesurer avec lui. Mais il était toujours plus grand que l'enfant. Et j'appris qu'il devait devenir précisément de la taille de cet enfant pour arriver à la béatitude.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:51

10. Au milieu de ces souffrances qui se succédaient sans interruption, elle eut, à la Fête-Dieu, des visions très riches sur l’institution du saint Sacrement et sur toute l’histoire de son culte jusqu'au temps présent, mais elle était tellement épuisée qu'elle put seulement communiquer ce qui suit :

« J'eus une vision sur l’institution du saint Sacrement. Le Seigneur était assis au milieu d'une table, du côté le plus long : à sa droite était Jean, à sa gauche un apôtre d'une figure agréable et d'une taille élancée qui avait beaucoup de ressemblance avec Jean, près de celui-ci était assis Pierre qui se penchait souvent en avant sur lui. Au commencement je vis le Seigneur s'asseoir et enseigner pendant quelque temps. Ensuite il se leva et tous firent de même. Tous le regardaient en silence, désireux de savoir ce qu'il ferait. Mais je vis qu'il éleva le plat avec le pain, leva les yeux au ciel, et rompit le pain en morceaux, après y avoir fait des entailles avec le couteau en os. Je le vis ensuite remuer la main droite au-dessus, comme pour bénir. Comme il faisait cela, il sortit de lui une lumière éclatante ; le pain devint lumineux, lui-même devint resplendissant et comme perdu dans la lumière : cette lumière se répandit sur tous ceux qui étaient présents et entra pour ainsi dire en eux. Alors tous devinrent plus recueillis et plus fervents. Je vis Judas seul dans les ténèbres et repoussant cette lumière. Jésus éleva le calice, il leva aussi les yeux au ciel et bénit le calice. Pour rendre ce que je vis se passer en lui pendant cette sainte cérémonie, je ne puis trouver qu'une seule expression : je vis et je sentis qu'il se transformait. Après cela le pain et le calice furent de la lumière. Je vis qu'il tenait les morceaux posés sur une assiette plate, semblable à une patène, et qu'il mit ces morceaux avec la main droite dans la bouche de chacun des assistants : il commença, à ce que je crois, par sa mère qui s'avança vers la table entre les apôtres, lesquels se tenaient debout vis-à-vis Jésus. Je vis alors de la lumière sortir de la bouche du Seigneur ; je vis le pain resplendir et entrer dans la bouche des apôtres comme une figure humaine lumineuse. Je les vis tous comme pénétrés de lumière, je vis Judas seul sombre et ténébreux. Le Seigneur prit aussi le calice et les y fit boire. Ici encore je vis la lumière se répandre dans les apôtres. Après la cérémonie, je les vis tous se tenir debout quelque temps, pleins d'émotion, puis la vision disparut. Les morceaux que le Seigneur donna avaient pris deux compartiments dans la largeur du pain, en sorte qu'ils avaient comme un sillon au milieu. »

Elle eut ensuite une longue série de visions sur les changements survenus dans la forme du sacrement, dans sa distribution et dans son culte. Malheureusement les fatigues et les souffrances de la nuit l'avaient réduite à un tel état de faiblesse qu'elle ne put raconter que ce qui suit :

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:51

« Je vis le pain dont on faisait usage pour la cène devenir toujours plus blanc et plus mince. Je le vis déjà, à Jérusalem, devenir plus petit, dès le temps des apôtres, en sorte que Pierre ne donnait aux communiants qu'une portion moindre de moitié que celles qui avaient été données lors de l'institution. Dans la suite je vis ces parcelles de forme carrée et enfin plus tard de forme ronde. Lorsque les apôtres se furent dispersés dans des contrées éloignées, les chrétiens n'ayant pas encore d'églises, mais seulement des salles où ils se rassemblaient, je vis que les apôtres avaient le sacrement chez eux et que quand ils le portaient à l’église, les fidèles le suivaient pleins de vénération, ce qui fut l’origine des processions et du culte public. Au commencement je vis les églises comme des lieux de réunion d'une grande simplicité. Plus tard les chrétiens obtinrent, même des païens, des temples spacieux et ces édifices reçurent une consécration. Alors déjà le Saint-Sacrement y était conservé. Je vis aussi que les chrétiens recevaient les saintes espèces dans la main et les mangeaient ensuite. Je vis que les femmes devaient les recevoir dans un petit linge. Je vis aussi qu'à une certaine époque, les chrétiens pouvaient emporter le Sacrement chez eux : ils le suspendaient à leur cou dans une botte ou une petite cassette à coulisse où il reposait dans un petit linge. Je vis que, lorsque cette coutume cessa d'être générale, on permit encore longtemps de la suivre à diverses personnes pieuses. J'eus ainsi successivement plusieurs visions touchant le Saint-Sacrement, la manière de le recevoir, le culte qui lui était rendu : j'en eus aussi sur la communion sous les deux espèces. Je vis au commencement et à certaines époques les chrétiens animés d'une foi vive, ayant beaucoup de simplicité et beaucoup de lumières ; dans d'autres temps je les vis séduits, égarés, persécutés. Je vis l'Église, lors que la dévotion et la vénération envers le Saint-Sacrement s'affaiblirent, poussée par l’Esprit-Saint à introduire divers changements dans ses usages chez ceux qui se séparaient de l’Église, je vis la cessation du sacrement lui-même. J'appris aussi les causes de chaque changement. Je vis instituer la Fête-Dieu avec les honneurs rendus publiquement au Saint-Sacrement, à une époque de grande décadence, et je vis par là des grâces incalculables arriver aux fidèles et à toute l’Église. Parmi plusieurs autres tableaux, je vis une grande solennité dans une ville à moi connue, Liège, si je ne me trompe. Je vis ensuite dans un pays éloigné où il fait très chaud et où viennent des fruits qui ressemblent à des dattes, les chrétiens rassemblés dans l'église d'une ville et, pendant que le prêtre était à l’autel, un effroyable tumulte devant cette église. Un tyran farouche s'avançait monté sur un cheval blanc et plusieurs hommes l’entouraient, conduisant un animal des plus sauvages qui était comme enragé et qui jetait partout l’épouvante. Il semblait que le tyran voulût, par manière d'insulte, faire entrer cet animal dans l’église. Et je crus l’entendre dire que maintenant les chrétiens allaient voir si leur Dieu de pain était vraiment un Dieu. Ceux qui étaient dans l’église étaient terrifiés : mais je vis le prêtre donner la bénédiction avec le Saint-Sacrement du côté par lequel venait le tyran avec la bête féroce. Au même instant, je vis l’animal furieux frappé d'immobilité et comme ayant pris racine dans le sol. Alors le prêtre s'approcha de la porte avec le Sacrement et à peine fut-il en face de l’animal que celui-ci s'avança humblement et tomba sur ses genoux, sur quoi je vis le tyran et ceux qui l'accompagnaient entièrement changés. Ils s'agenouillèrent aussi, entrèrent dans l’église tout bouleversés, avec une contenance très humble, et se convertirent. - J'eus aussi à endurer cette nuit des tourments intérieurs d'une violence inexprimable, au point que souvent j'étais prête à pousser des cris. Cette douleur se fait sentir à travers tous les membres et je vois en même temps des visions de toute espèce qui m'apprennent pourquoi je suis ainsi torturée. C'est pour toutes les fautes commises par les fidèles des paroisses et en général par les membres de l'Église, dans la réception du Très-Saint Sacrement et dans le culte qui lui est rendu. J'ai eu aussi une vision que je ne puis rapporter clairement et où j'ai vu comment le Seigneur lui-même dans les endroits où il y a de mauvais prêtres, protège les paroisses par des voies merveilleuses et réveille la piété chez les particuliers.

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:52

11. Le 2 juin le Pèlerin la trouva le visage serein, mais toute brisée par les souffrances. Elle pouvait à peine faire un mouvement et ne savait plus rien de toutes les visions de la nuit, sinon qu'elle avait été tout le temps en proie à un supplice qui allait toujours croissant et se faisait sentir dans tous ses membres, jusqu'au bout des doigts, par des douleurs poignantes. Ces douleurs avaient toujours une signification déterminée et étaient destinées à expier ou à détourner telle ou telle chose. Elle savait aussi tout le temps pourquoi elle souffrait et, à l’entrée de la nuit, elle avait eu de nouveau la vision du jardin de sainte Claire de Montefalco, qui lui avait montré que les huit compartiments de ce jardin signifiant les huit jours de la fête du Saint-Sacrement et qu'elle en avait déjà mis trois en culture. Elle eut encore des explications mystiques sur la signification des plantes et le genre de souffrance qu'elles indiquent.

3 Juin. « Je la trouvai de nouveau toute brisée par la souffrance. Elle a enduré cette nuit des peines indicibles elle a aussi vu bien des misères particulières dans des visions où diverses personnes se recommandaient à ses prières. Elle ne peut presque pas parler et me prie de penser dans la prière à deux cas où il s'agit de maux très grands. Elle a d'abord vu une famille habitant la campagne, plongée dans l’inquiétude et l'angoisse à cause d'un malheur qui la menaçait. L'autre fois, il s'agissait de chagrins et de misères qui vont assaillir une famille de la ville à cause de ses péchés. Ces affaires lui sont recommandées intérieurement d'une façon toute particulière. Le dimanche dans l'octave de la Fête-Dieu, le Pèlerin la trouva comme elle était depuis la veille de la fête, mais dans un état de prostration encore plus grande, si c'était possible, par suite des tortures endurées afin de satisfaire de diverses manières pour certains pécheurs et pour l’Église. « Je passe la nuit, dit-elle, dans un martyre inexprimable, parfaitement éveillée et avec la pleine conscience de moi-même : mes douleurs ne sont interrompues que par la vision de diverses personnes dans la détresse et ayant besoin de secours, lesquelles s'approchent de mon lit comme les gens qui me visitent pendant le jour et se recommandent à mes prières, racontant ou montrant leur détresse. » Elle est tellement fatiguée de son travail qu'elle croit d'abord n'avoir eu aucune vision ; cependant elle raconte plus tard ce qui suit : « Je me trouvai dans une grande église : je vis préparer la table de communion qui était d'une longueur incroyable. Il y avait au dehors beaucoup de maisons et de palais ; je vis des prêtres et des laïques entrer dans les maisons pour convoquer ceux qui les habitaient à la réception du Sacrement : mais je vis qu'on s'excusait de mille manières et partout les motifs étaient différents ainsi je vis dans une de ces maisons des jeunes gens badiner et s'amuser à des bagatelles, etc. Je vis les serviteurs sortir de nouveau et inviter sur les chemins toute espèce de pauvres, d'impotents, de boiteux et d'aveugles. Je vis alors entrer un très grand nombre de ces infirmes ; les aveugles étaient conduits et les paralytiques portés par ceux qui priaient pour eux. J'eus tant de travail à faire que je succombais presque à la peine. Je reconnus beaucoup de ces impotents que cependant, lorsque je suis à l’état de veille, je sais être en parfaite santé. Je demandai à un bourgeois aveugle comment il avait perdu la vue, car je l'avais cru jusque-là sans infirmité. Mais il ne voulait pas admettre qu'il fut aveugle. Je trouvai aussi une femme que j'avais connue toute petite et que je n'avais pas vue depuis, et je lui demandai si ce n'était pas après son mariage qu'elle était devenue impotente : mais elle aussi ne croyait pas l'être. Il se passa encore beaucoup de temps avant que l'église fût pleine. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:52

Dans l’après-midi, Anne-Catherine fit appeler un bourgeois pour l'exhorter à la douceur envers sa femme qu'il avait maltraitée. Il pleura beaucoup : la femme doit aussi venir. Elle fit cela par suite d'un avertissement intérieur. - Les enfants qu'elle avait habillés pour la fête vinrent aussi près d'elle et la remercièrent les larmes aux yeux. Après cela elle retomba dans ses douleurs morales, elle tremblait de tout son corps ; ce n'est pas assez dire, ses membres s'agitaient convulsivement par l'excès de la douleur. En outre les doigts du milieu étaient de nouveau contractés et recourbés, les plaies devenaient rouges. Son visage avec cela était toujours serein et aimable, bien plus, animé par la joie de souffrir avec Jésus : mais ses souffrances devinrent bientôt de plus en plus violentes. Elle dit, étant en extase, qu'elle subissait maintenant une rude épreuve ; qu'elle était venue vers midi, près du figuier qui est dans le jardin et qu'elle avait mangé une figue, mais que ces fruits ne renfermaient que des tourments. Maintenant il lui reste quatre planches à mettre en culture (quatre jours de l'octave). Il y a encore près de la fontaine un rosier couvert de roses qui est tout entouré d'épines. Elle n'a pas d'ossement de sainte Claire de Montefalco : celle-ci est venue vers elle d'elle-même comme étant du même ordre et aussi parce qu'elle a souffert de la même manière : elle veut lui rendre plus facile le travail dans le jardin qui est sa tâche pendant cette octave. La souffrance redouble. « Oh ! que ces quatre jours ne sont-ils passés ! » dit en soupirant le Pèlerin.

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:52

12. Ces souffrances continuèrent sans interruption jusqu'au soir du 7 juin. Ce n'étaient pas des douleurs locales, mais des souffrances terribles dans tous les os et tous les nerfs, accompagnées de sueurs abondantes qui, en se refroidissant, amenaient fréquemment des accès de toux avec crachements de sang. Souvent la langue, pendant des heures entières, se contractait convulsivement et rentrait dans le gosier. Sainte Claire de Montefalco continuait à l'accompagner lors de ses travaux dans le jardin spirituel. Aux approches du matin, elle vit pourtant finir avec regret cette nuit, malgré les tourments qu'elle avait eus à subir pendant sa durée et qui avaient traversé ses os comme des éclairs, de la grêle, des tourmentes de neige et des jets de flamme : car, pendant le jour, elle avait en outre à supporter toute sorte de dérangements extérieurs qui mettaient sa patience à la plus rude épreuve.

Le 5 juin, elle eut une vision touchant saint Boniface. « J'étais, dit-elle, dans une église au milieu de laquelle étaient des gradins élevés où j'aperçus le saint évêque. Ces gradins étaient occupés par des personnes de tout âge et de tout sexe, portant des costumes antiques, quelques-unes même vêtues de peaux de bêtes. Ils écoutaient, la bouche ouverte, avec beaucoup de simplicité et d'innocence, et je vis descendre sur le saint évêque une lumière semblable à des rayons partant de l'Esprit saint qui se répandit autour de lui sur ses auditeurs dans une mesure différente. Boniface était un homme robuste, de grande taille et plein d'enthousiasme. Je l’entendis expliquer comment le Seigneur choisissait ceux qui étaient à lui et leur donnait de bonne heure sa grâce et son saint Esprit : « mais, ajouta-t-il, des hommes devaient coopérer, maintenir les grâces vivantes en eux et en faire usage : car elles sont données à chacun, disait-il, pour qu'il devienne un instrument dans la main de Dieu. La force et l’aptitude sont données à chaque membre afin qu'il agisse, non seulement pour lui-même, mais pour le corps tout entier. Le Seigneur nous donne notre vocation dès l'enfance, celui qui ne coopère pas à entretenir la vie de la grâce, qui ne la fait pas fructifier en lui-même ou ne vient pas en aide à son action dans les autres, celui-là dérobe au corps un secours qu'il lui doit et devient par là coupable de vol envers la communauté. L'homme doit donc considérer que ce qu'il a à aimer et à assister dans autrui, c'est un membre du même corps, un instrument de l’Esprit saint que le Seigneur s'est choisi. C'est là ce que les parents doivent surtout voir dans leurs enfants : ils ne doivent pas les rendre incapables de devenir les instruments dont le Seigneur veut se servir dans l'intérêt de son corps qui est l'Église, mais maintenir et développer la vie en eux et les amener à donner leur coopération : ils ne peuvent pas se faire une idée du grand tort qu'ils font à la communauté en agissant en sens contraire. » Il me fut aussi montré intérieurement comment, malgré la méchanceté des hommes et la décadence de la religion, l'Église n'a jamais manqué à aucune époque de membres vivants, agissants, que l’Esprit saint suscite afin qu'ils prient pour les manquements de toute la communauté, et qu'ils souffrent en esprit de charité. Et dans les temps où ces membres vivants ne sont pas connus, ils ont une action cachée d'autant plus efficace ; et c'est aussi le cas au temps présent. Je vis alors dans toutes les parties du monde, au milieu de contrées plongées dans les ténèbres, des scènes où figuraient des gens pieux priant, enseignant, souffrant travaillant pour l'Église. Parmi toutes ces visions qui me donnaient de la joie et me fortifiaient au milieu de mes souffrances, celles qui suivent m'ont particulièrement fait du bien. »
« Je vis dans une grande ville maritime, très éloigné d'ici dans la direction du midi, une religieuse malade logée chez une pieuse veuve pleine d'activité. Elle me fut montrée comme une personne pieuse, choisie de Dieu afin de souffrir pour l'Église et pour des nécessités de toute espèce. Je vis qu'elle avait les stigmates, mais cela n'était pas connu. Elle était grande, d'une maigreur extrême : elle était venue là d'un couvent supprimé dans un autre endroit et elle avait été accueillie par la veuve qui partageait tout ce qu'elle avait avec elle et avec quelques prêtres. La religion des autres habitants de la ville, ne me plaisait pas. Ils avaient beaucoup de pratiques extérieures de dévotion et ne s'en livraient pas moins ardemment au péché et à toute espèce de débauches. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:53

« Loin de ce lieu, plus au couchant, je vis dans un ancien couvent supprimé un vieux frère très faible qui ne pouvait plus faire que quelques pas dans sa chambre. Il me fut aussi montré comme un instrument de prière et de souffrance pour le prochain et pour l'Église. Je vis beaucoup de gens affligés, et aussi des malades et des pauvres, trouver auprès de lui consolation et assistance. Il me fut dit que de tels instruments n'ont jamais manqué ne manqueront jamais à l'Église de Dieu et qu'ils sont toujours placés par la Providence là où ils sont le plus nécessaires, tout près de la plus grande corruption.

Le mercredi 7 juin, à 9 heures du soir, comme le mal était arrivé à son apogée, les douleurs tombèrent et se retirèrent sensiblement de ses os. Dans les derniers jours, après que tout avait été torturé en elle, c'était surtout la peau qui souffrait sur tous les points des douleurs intolérables. Avec la cessation des grandes souffrances commença une prostration semblable à la mort. Elle ne pouvait ni remuer un membre, ni faire un signe, ni émettre un son, ni donner une marque quelconque de son existence. Son confesseur en fut très inquiet et lui adressa plusieurs questions : elle le comprit bien, mais ce fut seulement au bout de quelques heures qu'elle put dire, en versant des larmes et en balbutiant, qu'il lui était impossible de répondre, qu'elle était comme morte, que toutefois les douleurs étaient passées. Le lendemain matin, jeudi, le Pèlerin la trouva pâle comme un cadavre, mais sans souffrance. Suivant ce qu'elle disait, elle s'était affaissée sur le chemin après avoir atteint le but ; on ne pouvait pas dire qu'elle fût morte à la peine, mais il n'était pas certain qu'elle se relevât des suites de cet état. Elle dit plus tard que le médecin avait parlé de quinquina, mais qu'elle lui avait fait entendre qu'elle n'avait nullement la fièvre pour le moment, et que dans les douleurs de cette espèce, elle éprouvait toujours un grand froid. Dieu seul, ajouta-t-elle, pouvait lui porter secours (note). Elle dit que Jésus, son époux céleste, l'avait seul secourue, qu'elle avait senti son approche, ce qu'il lui communiquait, le soulagement qu'il lui apportait ; qu'il s'était montré d'une douceur et d'une bonté ineffables.

(note) Aucun remède n'a jamais pu faire obstacle aux desseins de Dieu sur elle. Ainsi, nous autres hommes, nous sommes aveugles en tout et toute science parait être seulement un aveuglement spécifique.
(note du Pèlerin.)


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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:53

Claire de Montefalco avait été aussi près d'elle et lui avait dit que maintenant le travail était achevé, que le jardin était ce martyre qu'elle avait enduré, que le cep de vigne était le sang de Jésus-Christ, que la fontaine jaillissante était le saint Sacrement, que le vin et l'eau devaient être mêlés ensemble : Quant au rosier près de la fontaine qui avait tant d'épines, on ne devait y arriver que tout à fait à la fin. La malade est trop faible pour donner plus de détails, cependant elle avoue qu'au point du jour elle a récité en action de grâces le Te Deum et les Psaumes de la pénitence avec leurs litanies : mais maintenant il faut qu'elle ait quatre jours de repos, qu'elle ne s'occupe de rien, qu'elle s'abandonne à Dieu seul, autrement il lui faudrait mourir par suite des tourments qu'elle a endurés. Lorsqu'elle pense à ses cruelles douleurs, elle ne peut s'empêcher de pleurer au souvenir de leur violence et de la miséricorde exercée envers elle. Son entourage ne peut se défendre d'une vive compassion à la vue de son effrayant état de maigreur.

Ce repos si instamment demandé ne lui fut point accordé. Il ne vint dans l'esprit à personne de son entourage, pas même au Pèlerin, de prendre ses paroles à la lettre quoique ledit Pèlerin fût obligé de dire, à la date du 9 juin : « Je l'ai trouvée pâle comme une morte et très faible. Elle ne peut trouver de repos, personne ne détourne d'elle ce qui peut la troubler. Elle a dit qu'après avoir accompli son martyre en union avec la Passion de Jésus, elle doit aussi maintenant avoir trois jours de repos pour son corps, de même que le corps de Jésus a reposé dans le tombeau. Elle ne sait pas si elle se tirera de là. Le médecin voulait la frictionner avec un spiritueux : mais son confesseur, qui s'attendait à la voir mourir, a pris sur lui de faire des représentations et la chose en est restée, là. » Pourtant elle pouvait à peine se défendre contre les interrogations et les enquêtes du Pèlerin, parce «qu'il voulait conclure de son état intérieur et de la continuation de ses visions que ce n'était pas encore la fin, quoique le confesseur doutât fort qu'elle revînt de là. » Ce dernier se tenait près du lit de la malade et il se dit qu'il pourrait la réconforter en lui tendant les doigts consacrés par l'onction sacerdotale : à peine cette pensée lui était-elle venue à l'esprit qu'elle releva tout à coup la tête et la porta vers la main du prêtre.

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:53

13. Dans cet état de délaissement le secours lui vint de sainte Claire de Montefalco, de la bienheureuse Julienne de Liège, de saint Antoine de Padoue et de Saint-Ignace de Loyola. La première lui apparut et lui dit : « Tu as bien cultivé le jardin du saint Sacrement et maintenant ton travail est fait. Mais tu es bien affaiblie ; je veux t'apporter de quoi te réconforter. » « Au même instant, raconta Anne-Catherine, je vis la sainte toute resplendissante descendre vers moi : elle m'apporta un petit aliment de forme triangulaire sur les deux côtés duquel litait imprimée une image, puis elle disparut. Je mangeai ce morceau qui me fit grand bien : je suis sure que c'est quelque chose dont j'ai mangé plus d'une fois : le goût en était très agréable et j'en fus très réconfortée. La vie m’a été donnée de nouveau : je ne la conserve que par une grâce de Dieu. Je vis encore : je puis encore aimer mon Sauveur, souffrir encore avec lui, lui adresser encore des actions de grâce et des louanges ! J'ai vu aussi les huit carrés auxquels j'ai eu à travailler ces derniers jours dans le jardin de sainte Claire ; ce travail m'eut été absolument impossible sans la grâce de Dieu. Le figuier signifiait la recherche des consolations, la condescendance provenant de la faiblesse, la trop grande indulgence. Toutes les fois que j'avais à m'occuper du cep de vigne qui était dans le jardin, je m'y trouvais attachée, les bras étendus en croix. Je vis aussi le travail que j'avais fait pendant ces huit jours, pour quelles fautes j'avais donné satisfaction et quels châtiments j'avais détournés par la pénitence. Je vis cela à une procession du très-saint Sacrement. C'était une fête spirituelle de l'Église du ciel où les bienheureux louaient Dieu pour les trésors de grâces conférés à l'Église par l’adoration du saint Sacrement. Ces grâces étaient représentées sous la forme de vases sacrés très précieux, de pierres fines, de perles, de fleurs, de grappes de raisin, de fruits. En tête de la procession marchaient des enfants vêtus de blanc, suivis de religieuses de tout ordre qui s'étaient distinguées par une dévotion particulière au saint Sacrement. Toutes avaient un insigne ; quelque chose comme la figure du saint Sacrement brodée sur leur habit. Julienne de Lige marchait à leur tête. Je vis aussi saint Norbert avec ses moines auxquels se joignaient d’innombrables membres du clergé régulier et séculier. Il y avait une joie, une douceur, une concorde inexprimables dans tout ce qui se faisait là. »

« J'eus aussi une vision sur les défectuosités du culte divin sur la terre et sur la manière dont il y est suppléé par des voies surnaturelles. Il m'est difficile ou plutôt impossible de dire comment je vois tout cela, comment tous ces tableaux se pénètrent mutuellement et s'harmonisent, comment une chose passe à travers l'autre et comment une vision explique l'autre. Chose particulièrement remarquable les manquements et les omissions dans le culte rendu à Dieu sur la terre augmentent seulement la dette de ceux qui se rendent coupables de négligence, mais Dieu n'en reçoit pas moins l'honneur qui lui est dû au moyen de compensations d'un ordre supérieur. Ainsi, entre autres choses, je vois d'une manière très positive les distractions qu'ont les prêtres pendant les saintes cérémonies, pendant la messe par exemple, car je vois la personne là où sont ses pensées ; or pendant ce temps, je vois un saint qui la remplace à l'autel. Ces visions qui montrent à quel point est coupable l'absence de dévotion dans la célébration des saints mystères me font vraiment frémir. Ainsi je vois, par exemple, un prêtre sortir de la sacristie en habits sacerdotaux : mais il ne va pas à l'autel, il sort de l'église, va dans un cabaret, dans un jardin, près d'un chasseur, près d'une jeune fille, va chercher un livre, se joint à une compagnie ; je le vois tantôt ici, tantôt là, selon le cours que prennent ses pensées, comme s'il y était en personne, et cela paraît bien pitoyable et bien honteux. Mais il est singulièrement touchant de voir que, pendant ce temps-là, un saint prêtre, à l'autel, accomplit les cérémonies à sa place. Je vois souvent aussi le prêtre, pendant la fonction, revenir un moment à l'autel, puis tout à coup courir de nouveau à quelque endroit où il ne devrait pas être. Bien des fois je vois ces divagations se prolonger pendant de longues périodes. Quand il y a un amendement, je le vois se manifester par une assistance pieuse et recueillie à l'autel, etc., etc. J'ai vu dans plusieurs paroisses balayer une quantité de poussière et d'ordures qui salissaient les vases sacrés et toutes choses nettoyées et remises à neuf. »

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:54

14. Dans la nuit du 12 au 13 juin, elle eut des visions consolantes tirées de la vie de saint Antoine de Padoue.

Je vis ce bon saint, dit-elle, avec de beaux traits et un air très noble. Il était très leste et très adroit : il me rappelait saint François Xavier. Il avait des cheveux noirs, un beau nez effilé, des yeux bruns très doux et à son menton bien conformé une petite barbe fourchue. Son teint était blanc et pâle. Son vêtement était brun : il portait aussi un petit manteau, mais ce n'était pas tout à fait le costume des franciscains actuels. Il était vif, plein de feu et pourtant plein de douceur. »

« Je vis saint Antoine entrer, tout rempli de zèle, dans un bois au bord de la mer : quand il y fut, il monta sur un arbre dont les branches inférieures s'étendaient au loin. Je le vis monter de branche en branche : mais à peine y était-il que la mer inonda le bosquet et tous les arbres se trouvèrent dans l'eau. Je vis alors qu'une incroyable quantité de grands et petits poissons de formes très diverses et d'animaux marins de toute espèce étaient venus avec les flots, et levant la tête hors de l'eau, regardaient tranquillement le saint et l'écoutaient. Au bout de quelque temps il les bénit et la mer s'en retourna avec les poissons. Mais il en resta beaucoup sur le rivage que le saint, descendu de l'arbre, remit dans les vagues qui se retiraient. J'eus à cette occasion le sentiment que j'étais couchée dans ce bois sur un lit de mousse très doux et qu'il resta près de moi sur ce lit un étrange animal marin, plat et large, avec une tête semblable à une hache arrondie, ayant la bouche placée en dessous ; il avait le dos vert avec une raie dorée, des yeux d'or, des taches d'or sur le ventre. Il se jetait d'un côté sur l'autre, je voulus le chasser avec mon mouchoir et je frappai dessus. Je vis aussi une énorme araignée qui courait après lui et je la mis en fuite. Tout ce qui se passait dans ce petit bois était comme plongé dans la nuit, tout était sombre à l'entour ; il ne faisait clair que là où allait Antoine et autour de lui.

« Je vis de nouveau saint Antoine au sortir du petit bois aller au bord de la mer. Il s'agenouilla et se tourna du côté d'une église très éloignée ; son âme s'élançait vers le Saint-Sacrement. Je vis en même temps à une grande distance cette église où le Saint-Sacrement était sur l'autel dans un tabernacle et je vis sa prière arriver là. Je vis alors un petit vieillard contrefait, très laid de visage, qui accourait derrière Antoine. Il avait une jolie corbeille ronde, faite de tresses blanches, mais ayant sur les bords, en haut et en bas, des tresses d'une autre couleur, peut-être des tresses d'osier brun. La corbeille était pleine de belles fleurs bien disposées. Il voulut les donner au saint ; il le secoua, mais celui-ci ne voyait et n'entendait rien : il était toujours agenouillé, immobile dans la prière et les yeux tournés vers le Saint-Sacrement. Je vis alors le vieil homme poser là sa corbeille de fleurs et se retirer. Je vis ensuite comme si l'église éloignée s'approchait d'Antoine et je vis que du Saint-Sacrement il sortit comme un petit ostensoir qui, attiré par la prière extatique du saint, se dirigea vers lui comme dans un courant de lumière et s'arrêta, planant dans l'air, à quelque distance devant lui. J'en vis alors sortir un petit Enfant-Jésus tout aimable et d'une incroyable splendeur qui se plaça sur l'épaule du saint et le caressa. Au bout de quelque temps cet enfant rentra dans l'ostensoir et celui-ci dans le Saint-Sacrement placé sur l'autel de cette église, naguère éloignée, et qui était maintenant tout près. Puis je vis le saint laisser là les fleurs et ce fut comme s'il se trouvait tout à coup dans la ville près de laquelle était cette église. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:54

Je vis saint Antoine comme dans une lice devant une ville située au bord de la mer, disputer avec plusieurs personnes. Il y avait là particulièrement un homme ardent, emporté, qui combattait le saint avec des paroles acerbes. Je vis alors que tous les deux convinrent ensemble de quelque chose, qu'Antoine, animé d'un saint zèle, s'avança, ayant les deux bras sous son petit manteau, comme s'il affirmait quelque chose et que, s'ouvrant un passage à travers la foule, il sortit de la lice. C'était une grande prairie plantée d'arbres et entourée d'un mur : elle s'étendait en avant de la ville le long de la mer. Elle était remplie de personnes qui allaient de côté et d'autre ou qui écoutaient le saint. Après cela j'eus une autre vision. Je vis Antoine dire la messe dans une église et je vis un large chemin, allant de cette église à la porte de la ville, occupé par une foule de peuple. Or, je vis cet homme qui s'était disputé si vivement avec saint Antoine conduire à la ville un grand boeuf à longues cornes. Pendant ce temps, le saint avait fini sa messe et il se rendit solennellement à la porte de l'église, tenant une hostie consacrée. Au moment où il faisait cela, le boeuf qui était à la porte de la ville se débattit entre les mains de son conducteur, puis s'échappa tout à coup et courut très rapidement vers l'église à travers les rues. L'homme courut après ainsi que beaucoup de gens, si bien qu'on vit tomber les uns sur les autres des femmes et des enfants, mais ils ne purent le reprendre et lorsqu'ils arrivèrent, le boeuf était couché à terre, allongeant le cou et se courbant humblement devant le Saint-Sacrement qu'Antoine, debout à la porte de l'église, tenait en face de lui. L'homme qui l'avait poursuivi lui présenta du fourrage, mais le boeuf n'y toucha pas et ne quitta pas sa position. Alors l'homme et tout le peuple se prosternèrent humblement devant le Saint-Sacrement, et le confessèrent en l'adorant. Antoine rentra dans l'église avec le Saint-Sacrement et la foule l'y suivit : ce ne fut qu'alors que je vis le boeuf se relever et, ramené à la porte de la ville, manger la nourriture qui lui était présentée. »

« Je vis un homme qui s'accusait à Antoine d'avoir donné un coup de pied à sa mère. Je vis ensuite dans une autre vision, cet homme, tellement contrit à la suite de l'exhortation du saint, qu'il voulait se couper la jambe avec laquelle il avait frappé sa mère. Je vis Antoine lui apparaître en ce moment et lui retenir le bras. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:54

« Je me tournai en priant vers le Saint-Sacrement et je fus ravie en esprit dans l'église où la Fête-Dieu fut célébrée pour la première fois sur la terre. L'église était à l'ancienne mode et avec de vieilles images : elle ne paraissait pourtant pas dans un état de vétusté et de délabrement : il y régnait une agréable clarté. Je me mis à genoux devant le grand autel. Le sacrement n'était pas dans un ostensoir, mais dans le tabernacle, renfermé dans un ciboire rond d'une assez grande hauteur, qui était surmonté d'une croix. On pouvait tirer de ce ciboire un appareil à trois compartiments. Le compartiment supérieur contenait plusieurs petits vases renfermant les saintes huiles : le second plusieurs hosties consacrées ; l'inférieur un flacon brillant comme s'il eût été en nacre de perle et où il me sembla qu'il y avait du vin. Attenant à cette église était un cloître dans lequel habitaient plusieurs pieuses vierges. Sur l'un des côtés était bâtie une maisonnette adossée à l'église où demeurait une vierge très pieuse qui s'appelait Eve. Sa chambre avait une petite fenêtre fermée par un châssis et par laquelle, quand elle l'ouvrait, soit le jour, soit la nuit, elle avait vue du côté où était le Saint-Sacrement sur le maître autel. Elle avait une grande dévotion au Saint-Sacrement, dévotion que je voyais se manifester dans toute sa personne. Elle était d'un extérieur agréable et n'était pas tout à fait habillée comme une religieuse, mais plutôt comme une pèlerine. Elle n'était pas de cette ville, mais elle appartenait à la classe riche et était venue d'ailleurs, uniquement pour mener près de l'église une vie consacrée à la prière. Je vis aussi dans le voisinage de cette ville un couvent situé sur une hauteur. Il n'était pas bâti comme un couvent ordinaire : il se composait de plusieurs petites maisons construites successivement et réunies ensemble. J'y vis en qualité de religieuse la bienheureuse Julienne qui a été la cause de l’institution de la Fête-Dieu. Je la vis, portant le vêtement gris de son ordre, se promener dans le jardin, pleine d'une innocente simplicité, et en contemplation devant les fleurs. Je la vis s'agenouiller près d'un lis et méditer attentivement sur la vertu de pureté. Je la vis aussi en prière à l’occasion de la mission qu'elle avait reçue d'introduire la fête du Saint-Sacrement. Elle était très soucieuse et je vis qu'un prêtre lui fut montré auquel elle devait faire connaître la révélation qui lui avait été faite parce que le premier auquel elle s'était adressée n'avait pas bien accueilli ses communications. Puis, pendant qu'elle priait, je vis prier aussi dans le lointain, un pape, près duquel était le chiffre IV, et je vis que ce pape, poussé à cela par une vision et à la suite d'une grâce qu'une autre personne avait reçue par le Saint-Sacrement, prenait la résolution d'établir la fête dans l’Église. Entre ces deux visions, je me trouvai de nouveau dans l’église devant l'autel et le Saint-Sacrement et j'en vis sortir un doigt lumineux qui devint ensuite une main ; puis je vis debout, devant moi, la figure d'un homme resplendissant de lumière, qui était tout couvert de perles et qui me dit : « Vois toutes ces perles ! aucune ne se perd et tous peuvent les recueillir. » Les rayons qui partaient de ce jeune homme illuminaient le monde. Alors je continuai à me répandre en actions de grâces et je reconnus dans cette vision comment le Très-Saint-Sacrement avec toutes ses grâces est devenu successivement l’objet d'un culte particulier pour les fidèles. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:54

Le même jour elle raconta encore ce qui suit : « Vers l'heure de midi, je vis à l’horizon, au-dessus d'une belle campagne très fertile, cinq larges bandes de lumière, de la couleur du soleil, former une grande coupole. Ces bandes de lumière, partant de cinq grandes villes éloignées, montaient comme des portions d'arc-en-ciel à travers le ciel bleu, et se réunissaient au-dessus d'une belle campagne, formant une coupole sur laquelle le Très Saint-Sacrement apparut avec une splendeur indescriptible, placé sur un trône, dans un ostensoir merveilleusement orné. Je vis au-dessus et au-dessous des cinq arcs planer des anges innombrables qui semblaient aller de ces villes au sacrement et de celui-ci revenir aux villes. Je ne puis exprimer tout ce qu'il y avait de solennel, de consolant et d'édifiant dans cette vision. »

17 Juin. «, Comme je tombais presqu'en défaillance, tant le désir du Très-Saint-Sacrement me pressait, une religieuse mourante (Julienne Falconieri) me fut montrée : elle ne pouvait pas recevoir le Saint Viatique parce qu'elle avait des vomissements continuels. Mais pour sa consolation, elle se faisait mettre sur la poitrine par le prêtre la sainte Eucharistie enveloppée dans un corporal et cela la soulageait toujours beaucoup. Maintenant, comme l’heure de sa mort était proche, je vis qu'on lui porta l’auguste Sacrement et elle pria le prêtre de le placer sur sa poitrine sans le tenir renfermé dans le corporal empesé, mais seulement recouvert d'un petit linge. Il fit ce qu'elle désirait : d'autres religieuses s'agenouillèrent autour de la malade. Je vis celle-ci sourire doucement, son visage se colorer d'un beau vermeil, puis briller ; elle était morte. Lorsque le prêtre voulut reprendre la sainte Eucharistie avec le petit linge, ce linge était vide : il chercha et reconnut que l’hostie était entrée dans le corps de la malade par la poitrine, y laissant un cercle dans lequel était tracée en rouge une croix où le Sauveur était suspendu. Je vis beaucoup de gens accourir pour voir le miracle. Je ressentis un ardent désir d'être ainsi assistée, mais ce ne sera pas mon partage.

« Je vis aussi une petite église placée sur un cep de vigne. Elle avait poussé ainsi. Les branches l'entouraient et entraient dedans. Au milieu se trouvait une tige qui y avait poussé et sur laquelle se tenaient Jésus, Marie et Joseph, entourés de tous les saints stigmatisés en adoration. Parmi eux se distinguait tout particulièrement une tertiaire de l'ordre de saint Dominique : son nom était Osanna. Elle n'était pas dans un couvent, elle vivait chez-elle. »

Je vis aussi une personne de petite taille que j'entendis appeler Marie d'Oignies. Elle habitait à peu de distance de Liège : je vis dans le voisinage cette ville qu'habitait Julienne. Je vis au commencement un homme près d'elle : je ne savais pas qu'elle eût été mariée. Je vis que la nuit elle reposait sur des planches fort dures : plus tard je la vis servir les malades dans un autre endroit où il y avait des petites maisons se tenant ensemble et entourées de murs. Puis je la revis la nuit dans un autre lieu s'agenouiller devant le Saint-Sacrement dans une église où elle était toute seule. Je la vis longtemps très malade sur sa couche : il y avait autour d'elle beaucoup de gens qui ne comprenaient rien à son étrange maladie ni aux fréquentes variations qui s'y produisaient : ils parlaient notamment à tort et à travers de son abstention de toute nourriture et en faisaient un sujet de railleries. »

« Il me fut aussi montré combien elle a souffert pour autrui et combien elle a secouru de pauvres âmes. Je vis ensuite un tableau de sa gloire dans le ciel. Cette vision me fut donnée comme une consolation pour l'état où je suis, pour me montrer que l'Église avait toujours eu des personnes dans des états semblables. »

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Message par Charles-Edouard Lun 3 Sep 2012 - 5:55

18 Juin. Consolation et assistance données par Saint-Ignace.

« J'avais, près de moi, pendant mes grandes souffrances, la relique que m'a envoyée Overberg. Je la vis briller et, comme je priais pour savoir de qui elle était, je vis un saint brillant de lumière et entouré d'une auréole blanche descendre vers moi d'en haut : je vis, comme toujours, la lumière de l'ossement se fondre avec la lumière de l'apparition et je sentis ou j'entendis intérieurement ces paroles : « Ceci est un ossement de moi. Je suis Ignace. » J'eus encore après cela une longue nuit pleine d'horribles tortures, mais sous la forme de douleurs expiatoires. Il semblait qu'on m'enfonçât lentement un couteau dans la poitrine, qu'on fît avec ce couteau des incisions en forme de croix et qu'on le retournât en tout sens. J'avais au même moment aux plaies des douleurs extrêmement violentes. Je ne pus m'empêcher de gémir et de me plaindre tout haut : je finis par crier miséricorde et priai le Seigneur de ne pas me faire souffrir au delà de ce que je pouvais supporter. Je craignais d'avoir souffert avec impatience. Mais mes prières me valurent une apparition du Seigneur sous la figure de jeune homme, avec laquelle il se montra à moi comme mon époux et je reçus une consolation inexprimable. Il me dit en peu de mots que je ne puis pas répéter textuellement : « Je t'ai placée sur mon lit nuptial qui est un lit de souffrances, je t'ai prodigué les grâces de la souffrance, les trésors de la réconciliation et les joyaux de l'action efficace. Tu dois souffrir. Je ne t'abandonne pas. Tu es attachée au cep de vigne, tu ne dois pas te perdre. » Ce fut à peu près en ces termes que le Sauveur, venant à moi, m'apporta une si grande consolation ; après cela, je souffris patiemment et tranquillement le reste de la nuit jusqu'au matin où j'eus encore une vision de Saint-Ignace. Je vis de nouveau sa relique briller, j'invoquai le bon saint que maintenant je connaissais et je tins sa relique avec amour et respect. Je m'adressai à lui par le doux coeur de Jésus : je le vis apparaître et descendre comme la première fois, je vis les deux lumières s'unir et j'entendis les paroles : « Ceci est un ossement de moi. » Je reçus aussi de lui des consolations ; il me dit comment il avait tout reçu de Jésus, et il me promit d'être mon ami, de m'aider dans mon travail et de me soulager dans mes maladies corporelles : puis il m'ordonna de faire des dévotions en son honneur le mois suivant. Après cette apparition consolante, le saint, s'élevant en l'air, disparut et je vis quelques scènes de sa vie. »

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