Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 25
Le voyage de la Très Sainte Marie de la maison de Zacharie à Nazareth.
3, 25, 314. La Très Sainte Marie, vivant Tabernacle du Dieu vivant (Apoc. 21: 3), sortit pour retourner de la ville de Juda àcelle de Nazareth, cheminant par les montagnes de la Judée en compagnie de son très fidèle époux Joseph. Et quoique les Évangélistes ne disent point la hâte et la diligence avec laquelle Elle fit ce voyage, comme saint Luc le dit du premier (Luc 1: 39) à cause du mystère spécial que cette hâte renfermait: dans ce voyage aussi et ce retour à Nazareth la Princesse du Ciel chemina avec une grande promptitude à cause des événements qui l'attendaient dans sa maison. Et toutes les pérégrinations de cette divine Souveraine furent une démonstration mystique de ses progrès spirituels et
intérieurs: parce qu'Elle était le Tabernacle véritable du Seigneur (1 Par. 17: 5) qui ne se reposait jamais d'une manière stable dans le pèlerinage de cette vie mortelle; au contraire Elle procédait et passait chaque jour d'un état très élevé de sagesse et de grâce à un autre plus élevé et supérieur; elle cheminait toujours et toujours Elle était unique et étrangère dans ce chemin de la terre; et toujours Elle portait avec Elle-même le Propitiatoire (Nom. 7: 89) véritable où Elle sollicitait sans intermission et Elle acquérait notre salut àtous, avec de grands accroissements de ses dons et de ses faveurs propres.
3, 25, 315. Notre grande Raine et saint Joseph mirent quatre autres jours à ce voyage comme en venant, ainsi que je l'ai dit dans le chapitre 16. Et dans la manière de cheminer et dans leurs divins entretiens et leurs conversations en tout le voyage, il arriva les mêmes choses que j'ai dites [a] et il n'est pas nécessaire de le répéter maintenant. Dans les contentions d'humilité qu'ils avaient d'ordinaire, notre Reine remportait toujours la victoire, sauf lorsque son saint époux interposait l'obédience de ses commandements, car sa plus grande humilité consistait à se rendre obéissante. Mais comme Elle était déjà enceinte de trois mois, Elle marchait plus attentive et plus soigneuse, non que sa grossesse lui fût lourde et pesante, car au contraire Elle lui était d'un très doux allégement, cependant la Mère très attentive et très prudente prenait beaucoup de soin de son Trésor; parce qu'Elle le regardait avec les augmentations et les progrès naturels que le corps très saint de son Fils recevait dans son sein virginal. Et nonobstant la facilité et la légèreté de sa grossesse, quelquefois la fatigue du chemin et la chaleur l'accablaient; parce qu'Elle ne se prévalait point des privilèges de Reine et de Maîtresse des créatures pour ne point souffrir, au contraire, Elle donnait lieu aux incommodités et à la fatigue, pour être en tout Maîtresse de la perfection et l'étampe unique de son Très Saint Fils.
3, 25, 316. Comme sa Divine grossesse était si parfaite du côté de la nature et sa personne très élégante et très délicate et tout à fait sans aucun défaut, le changement dans sa personne paraissait naturellement davantage et la Très Discrète Épouse reconnaissait qu'il serait impossible de le cacher plusieurs jours à son époux très chaste et très fidèle. Avec cette considération Elle le regardait déjà avec une tendresse et une compassion plus grandes à cause de la surprise qui le menaçait de près et qu'Elle aurait désiré lui éviter si Elle eût connu la Volonté
Divine. Mais le Seigneur ne répondit point à ses soucis, parce qu'Il disposait les événements par les moyens les plus opportuns pour Sa gloire, le mérite de saint Joseph et celui de Sa Mère Vierge. Néanmoins la grande Dame demandait à Sa Majesté dans son secret de préparer le Coeur du saint époux par la patience et la sagesse dont il avait besoin et de l'assister de Sa grâce, afin qu'il opérât avec le bon plaisir et l'agrément de la Volonté Divine dans la circonstance qu'Elle attendait; parce qu'Elle jugeait toujours qu'il recevrait une grande douleur en la voyant enceinte.
3, 25, 317. Poursuivant son chemin, la Maîtresse du monde y fit quelques oeuvres admirables quoique toujours d'une manière cachée et secrète. Un jour ils arrivèrent en un lieu non loin de Jérusalem, et dans la même hôtellerie où ils se trouvaient arrivèrent des gens venus d'un autre petit endroit qui allaient à la cité sainte et qui amenaient une jeune femme malade, afin de chercher pour elle quelque remède comme en un lieu plus grand et plus populeux. Et quoiqu'ils la connussent très malade, ils ignoraient sa maladie et la cause de ses souffrances. Cette femme avait été très vertueuse; et l'ennemi commun connaissant son naturel et ses vertus précédentes, se tourna contre elle et la poursuivit comme il fait toujours contre les amis de Dieu, ses ennemis, et il la fit tomber en quelques péchés; et afin de l'entraîner d'un abîme dans un autre, il la tenta par de fausses illusions de méfiance et de douleur désordonnée de son propre déshonneur, et lui troublant le jugement, le dragon trouva moyen d'entrer dans la femme affligée et de la posséder avec plusieurs autres démons. J'ai déjà dit dans la première partie que le dragon infernal avait conçu une grande colère contre toutes les femmes vertueuses, depuis qu'il avait vu dans le Ciel cette Femme vêtue du soleil de la génération de laquelle sont les autres qui la suivent comme on peut l'inférer du chapitre 12 de l'Apocalypse, et à cause de cette indignation il était très fier et très orgueilleux de la possession de ce corps et de cette âme de la femme affligée et il la traitait comme un tyran ennemi.
3, 25, 318. Notre divine princesse vit dans son hôtellerie cette femme malade et Elle connut son mal que tous ignoraient; et mue par sa miséricorde maternelle, Elle pria et supplia son Très Saint Fils de lui donner la santé de l'âme et du corps [b. Et connaissant la Volonté Divine qui s'inclinait à la clémence, et usant de la puissance de Reine, Elle commanda aux démons de sortir à l'instant de cette
femme et de la laisser sans jamais plus revenir la molester, et de s'en aller dans les abîmes comme à leur propre et légitime demeure. Ce commandement de notre Grande Reine et Souveraine ne fut pas vocal, mais mental ou imaginaire, de manière que les esprits immondes purent le recevoir; mais il fut si efficace et si puissant que Lucifer et ses compagnons sortirent sans délai de ce corps, et ils furent lancés dans les ténèbres de l'enfer. L'heureuse femme demeura libre et étonnée d'un événement si inopiné; mais elle s'inclina par un mouvement du coeur vers la Très Sainte et Très Pure Souveraine. Elle la regarda avec une admiration et une vénération spéciale, et par cette vue elle reçut deux autres bienfaits. L'un qui lui mouvait le coeur par une intime douleur de ses péchés. L'autre qui lui ôtait ou lui anéantissait les restes et les effets que lui avaient laissés dans le corps ces injustes possesseurs qu'elle avait senti et souffert pendant quelque temps. Elle reconnut que cette divine Étrangère qu'elle avait rencontrée pour sa grande fortune dans le chemin, avait part dans le bien qu'elle éprouvait et qu'elle avait reçu du Ciel. Elle lui parla, et notre Reine lui répondant au coeur, l'exhorta et l'encouragea à la persévérance et aussi Elle la lui mérita pour l'avenir. Les parents qui allaient avec elle connurent aussi le miracle; mais ils l'attribuèrent à la promesse qu'ils accomplissaient de la porter au Temple de Jérusalem en y offrant quelque aumône. Et c'est ce qu'ils firent en louant Dieu; mais ignorant l'Instrument de ce bienfait.
3, 25, 319. Le trouble de Lucifer fut grand et furieux de se voir chassé par le seul commandement de la Très Sainte Marie et dépossédé par cette Femme; et avec une rage pleine d'indignation il disait: «Quelle est cette Femmelette qui nous commande et nous opprime avec tant de force? Quelle est cette nouveauté et comment mon orgueil la souffre-t-elle? Il convient que nous tenions conseil sur cela et que nous traitions de l'anéantir.» Et parce que j'en dirai davantage sur ce point dans le chapitre suivant, je le laisse maintenant. Mais nos divins voyageurs arrivant à une autre hôtellerie dont le maître était un homme de mauvaise vie et de moeurs corrompues; pour commencer son bonheur, Dieu ordonna qu'il reçut la Très Sainte Marie et Joseph son époux d'un air aimable et bienveillant. Il leur fit plus de courtoisie et de services qu'il n'avait coutume d'en faire à d'autres hôtes. Et afin que le retour fût aussi plus avantageux, la grande Reine qui connaissait l'état de la conscience souillée de son hôtelier, pria pour lui et lui laissa le fruit de cette oraison en paiement de l'hospitalité, lui laissant l'âme justifiée, la vie améliorée et la fortune aussi, car pour un léger bienfait qu'il rendit à ses Augustes Hôtes, Dieu la lui augmenta ensuite. La Mère de la grâce fit plusieurs autres
merveilles dans ce voyage; parce que ses émissions étaient divines (Cant. 4: 13), et Elle sanctifiait toutes les âmes si Elle trouvait en elles quelque disposition. Ils mirent fin à leur voyage arrivant à Nazareth où la Princesse du Ciel rangea et nettoya sa maison, avec l'aide et l'assistance de ses saints Anges qui l'accompagnaient toujours en ces humbles ministères comme émules de son humilité et zélés pour sa vénération et son culte. Saint Joseph s'occupait à son travail ordinaire pour sustenter la Reine et Elle ne frustrait (Prov. 31: 11) point l'espérance du Coeur du saint. Elle se ceignait dune force nouvelle (Prov. 31: 17 et 19) pour les mystères qu'Elle attendait et Elle étendait sa main à des choses fortes; et dans son secret Elle jouissait de la vue continuelle du Trésor de son sein et avec cette vue, de faveurs de délices et de consolations incomparables. Elle gagnait de grands mérites et un agrément incomparable de Dieu.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
3, 25, 320. Ma fille, les âmes qui connaissent Dieu par la lumière de la Foi et qui sont filles de l'Église pour user de cette Vertu et de celles qui leur sont infuses avec Elle, ne doivent point faire de distinction de temps, de lieux, ni d'occupations; parce que Dieu est présent dans toutes les choses et Il les remplit de Son Etre infini (Jér. 23: 24): et en tout lieu et en toute occasion se trouve la Foi pour L'adorer et le reconnaître en esprit et en vérité (Jean 4: 23). Et ainsi comme la création par où l'âme reçoit l'être premier est suivie de la conservation et la vie de la respiration en quoi il n'y a jamais d'intervalle, comme non plus dans la nutrition et l'accroissement jusqu'à ce que l'on arrive au terme; de cette manière la créature raisonnable après avoir été régénérée par la Foi et la grâce ne doit jamais interrompre l'accroissement de cette vie spirituelle, opérant toujours des oeuvres de vie par la Foi, l'Espérance et l'Amour en tout temps et en tout lieu. Et par l'oubli et la négligence que les hommes ont en cela et surtout les enfants de l'Église, la vie de la Foi vient à être comme s'ils ne l'avaient pas, parce qu'ils la laissent mourir (Jac. 2: 26) en perdant la charité. Et ce sont ceux-là qui reçoivent en vain cette âme nouvelle (Ps. 23: 4) que dit David parce qu'ils n'en usent pas plus que s'ils ne l'avaient pas reçue.
3, 25, 321. Je veux, ma très chère, que ta vie spirituelle n'ait pas plus de vides ni d'intervalles que ta vie naturelle. Tu dois toujours opérer par la vie de la grâce et les dons du Très-Haut, priant, aimant, louant, croyant, espérant et adorant ce Seigneur en esprit et en vérité sans distinction de temps, d'occupation ni de lieu. Il est présent en tout, et Il veut être aimé et servi de toutes les créatures raisonnables. Pour cela, lorsque les âmes arriveront à toi avec cet oubli ou d'autres fautes et fatiguées du démon, je te charge de prier pour elles avec une foi vive, et une ferme confiance: car si le Seigneur n'opère pas toujours comme tu le désires et elles le demandent, tu l'auras fait secrètement et tu obtiendras de Lui avoir donné de la complaisance en travaillant comme une fille et une épouse fidèle. Et si tu agis en tout comme je le veux de toi, je t'assure qu'Il t'accordera plusieurs privilèges d'Époux pour le bien des âmes. Fais attention en cela à ce que je faisais quand je regardais les âmes en disgrâce avec le Seigneur, et le soin et le zèle avec lesquels je travaillais pour toutes et singulièrement pour quelques-unes. Lorsque le Très-Haut te manifestera l'état de quelques âmes ou qu'elles te le déclareront, travaille à mon imitation et pour m'obliger; prie pour elle, et reprends-les avec prudence, humilité et modestie; car le Tout-Puissant ne veut pas que tu opères avec bruit, ni que les effets de ton travail se manifestent, mais qu'ils soient cachés; car Il se mesure en cela à ta timidité et à ton désir naturel et Il veut en toi le plus sûr. Et quoique tu doives prier pour toutes les âmes, fais-le plus efficacement pour celles que tu connaîtras être plus conforme à la Volonté divine de le faire.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 25, [a]. Livre 3, No. 207.
3, 25, [b. Il est vraisemblable que cela soit arrivé en cette occasion et en plusieurs autres quoique l'Évangile n'en parle point; parce que l'Évangile ne rapporte pas tous les faits concernant Jésus-Christ et encore moins ceux de Marie. Saint Jean dit: «Il y a encore beaucoup d'autres choses que Jésus-Christ a faites; si elles étaient écrites en détail, je ne pense pas que le monde lui-même pût contenir les livres qu'il faudrait écrire.» Jean 21: 25.
Le voyage de la Très Sainte Marie de la maison de Zacharie à Nazareth.
3, 25, 314. La Très Sainte Marie, vivant Tabernacle du Dieu vivant (Apoc. 21: 3), sortit pour retourner de la ville de Juda àcelle de Nazareth, cheminant par les montagnes de la Judée en compagnie de son très fidèle époux Joseph. Et quoique les Évangélistes ne disent point la hâte et la diligence avec laquelle Elle fit ce voyage, comme saint Luc le dit du premier (Luc 1: 39) à cause du mystère spécial que cette hâte renfermait: dans ce voyage aussi et ce retour à Nazareth la Princesse du Ciel chemina avec une grande promptitude à cause des événements qui l'attendaient dans sa maison. Et toutes les pérégrinations de cette divine Souveraine furent une démonstration mystique de ses progrès spirituels et
intérieurs: parce qu'Elle était le Tabernacle véritable du Seigneur (1 Par. 17: 5) qui ne se reposait jamais d'une manière stable dans le pèlerinage de cette vie mortelle; au contraire Elle procédait et passait chaque jour d'un état très élevé de sagesse et de grâce à un autre plus élevé et supérieur; elle cheminait toujours et toujours Elle était unique et étrangère dans ce chemin de la terre; et toujours Elle portait avec Elle-même le Propitiatoire (Nom. 7: 89) véritable où Elle sollicitait sans intermission et Elle acquérait notre salut àtous, avec de grands accroissements de ses dons et de ses faveurs propres.
3, 25, 315. Notre grande Raine et saint Joseph mirent quatre autres jours à ce voyage comme en venant, ainsi que je l'ai dit dans le chapitre 16. Et dans la manière de cheminer et dans leurs divins entretiens et leurs conversations en tout le voyage, il arriva les mêmes choses que j'ai dites [a] et il n'est pas nécessaire de le répéter maintenant. Dans les contentions d'humilité qu'ils avaient d'ordinaire, notre Reine remportait toujours la victoire, sauf lorsque son saint époux interposait l'obédience de ses commandements, car sa plus grande humilité consistait à se rendre obéissante. Mais comme Elle était déjà enceinte de trois mois, Elle marchait plus attentive et plus soigneuse, non que sa grossesse lui fût lourde et pesante, car au contraire Elle lui était d'un très doux allégement, cependant la Mère très attentive et très prudente prenait beaucoup de soin de son Trésor; parce qu'Elle le regardait avec les augmentations et les progrès naturels que le corps très saint de son Fils recevait dans son sein virginal. Et nonobstant la facilité et la légèreté de sa grossesse, quelquefois la fatigue du chemin et la chaleur l'accablaient; parce qu'Elle ne se prévalait point des privilèges de Reine et de Maîtresse des créatures pour ne point souffrir, au contraire, Elle donnait lieu aux incommodités et à la fatigue, pour être en tout Maîtresse de la perfection et l'étampe unique de son Très Saint Fils.
3, 25, 316. Comme sa Divine grossesse était si parfaite du côté de la nature et sa personne très élégante et très délicate et tout à fait sans aucun défaut, le changement dans sa personne paraissait naturellement davantage et la Très Discrète Épouse reconnaissait qu'il serait impossible de le cacher plusieurs jours à son époux très chaste et très fidèle. Avec cette considération Elle le regardait déjà avec une tendresse et une compassion plus grandes à cause de la surprise qui le menaçait de près et qu'Elle aurait désiré lui éviter si Elle eût connu la Volonté
Divine. Mais le Seigneur ne répondit point à ses soucis, parce qu'Il disposait les événements par les moyens les plus opportuns pour Sa gloire, le mérite de saint Joseph et celui de Sa Mère Vierge. Néanmoins la grande Dame demandait à Sa Majesté dans son secret de préparer le Coeur du saint époux par la patience et la sagesse dont il avait besoin et de l'assister de Sa grâce, afin qu'il opérât avec le bon plaisir et l'agrément de la Volonté Divine dans la circonstance qu'Elle attendait; parce qu'Elle jugeait toujours qu'il recevrait une grande douleur en la voyant enceinte.
3, 25, 317. Poursuivant son chemin, la Maîtresse du monde y fit quelques oeuvres admirables quoique toujours d'une manière cachée et secrète. Un jour ils arrivèrent en un lieu non loin de Jérusalem, et dans la même hôtellerie où ils se trouvaient arrivèrent des gens venus d'un autre petit endroit qui allaient à la cité sainte et qui amenaient une jeune femme malade, afin de chercher pour elle quelque remède comme en un lieu plus grand et plus populeux. Et quoiqu'ils la connussent très malade, ils ignoraient sa maladie et la cause de ses souffrances. Cette femme avait été très vertueuse; et l'ennemi commun connaissant son naturel et ses vertus précédentes, se tourna contre elle et la poursuivit comme il fait toujours contre les amis de Dieu, ses ennemis, et il la fit tomber en quelques péchés; et afin de l'entraîner d'un abîme dans un autre, il la tenta par de fausses illusions de méfiance et de douleur désordonnée de son propre déshonneur, et lui troublant le jugement, le dragon trouva moyen d'entrer dans la femme affligée et de la posséder avec plusieurs autres démons. J'ai déjà dit dans la première partie que le dragon infernal avait conçu une grande colère contre toutes les femmes vertueuses, depuis qu'il avait vu dans le Ciel cette Femme vêtue du soleil de la génération de laquelle sont les autres qui la suivent comme on peut l'inférer du chapitre 12 de l'Apocalypse, et à cause de cette indignation il était très fier et très orgueilleux de la possession de ce corps et de cette âme de la femme affligée et il la traitait comme un tyran ennemi.
3, 25, 318. Notre divine princesse vit dans son hôtellerie cette femme malade et Elle connut son mal que tous ignoraient; et mue par sa miséricorde maternelle, Elle pria et supplia son Très Saint Fils de lui donner la santé de l'âme et du corps [b. Et connaissant la Volonté Divine qui s'inclinait à la clémence, et usant de la puissance de Reine, Elle commanda aux démons de sortir à l'instant de cette
femme et de la laisser sans jamais plus revenir la molester, et de s'en aller dans les abîmes comme à leur propre et légitime demeure. Ce commandement de notre Grande Reine et Souveraine ne fut pas vocal, mais mental ou imaginaire, de manière que les esprits immondes purent le recevoir; mais il fut si efficace et si puissant que Lucifer et ses compagnons sortirent sans délai de ce corps, et ils furent lancés dans les ténèbres de l'enfer. L'heureuse femme demeura libre et étonnée d'un événement si inopiné; mais elle s'inclina par un mouvement du coeur vers la Très Sainte et Très Pure Souveraine. Elle la regarda avec une admiration et une vénération spéciale, et par cette vue elle reçut deux autres bienfaits. L'un qui lui mouvait le coeur par une intime douleur de ses péchés. L'autre qui lui ôtait ou lui anéantissait les restes et les effets que lui avaient laissés dans le corps ces injustes possesseurs qu'elle avait senti et souffert pendant quelque temps. Elle reconnut que cette divine Étrangère qu'elle avait rencontrée pour sa grande fortune dans le chemin, avait part dans le bien qu'elle éprouvait et qu'elle avait reçu du Ciel. Elle lui parla, et notre Reine lui répondant au coeur, l'exhorta et l'encouragea à la persévérance et aussi Elle la lui mérita pour l'avenir. Les parents qui allaient avec elle connurent aussi le miracle; mais ils l'attribuèrent à la promesse qu'ils accomplissaient de la porter au Temple de Jérusalem en y offrant quelque aumône. Et c'est ce qu'ils firent en louant Dieu; mais ignorant l'Instrument de ce bienfait.
3, 25, 319. Le trouble de Lucifer fut grand et furieux de se voir chassé par le seul commandement de la Très Sainte Marie et dépossédé par cette Femme; et avec une rage pleine d'indignation il disait: «Quelle est cette Femmelette qui nous commande et nous opprime avec tant de force? Quelle est cette nouveauté et comment mon orgueil la souffre-t-elle? Il convient que nous tenions conseil sur cela et que nous traitions de l'anéantir.» Et parce que j'en dirai davantage sur ce point dans le chapitre suivant, je le laisse maintenant. Mais nos divins voyageurs arrivant à une autre hôtellerie dont le maître était un homme de mauvaise vie et de moeurs corrompues; pour commencer son bonheur, Dieu ordonna qu'il reçut la Très Sainte Marie et Joseph son époux d'un air aimable et bienveillant. Il leur fit plus de courtoisie et de services qu'il n'avait coutume d'en faire à d'autres hôtes. Et afin que le retour fût aussi plus avantageux, la grande Reine qui connaissait l'état de la conscience souillée de son hôtelier, pria pour lui et lui laissa le fruit de cette oraison en paiement de l'hospitalité, lui laissant l'âme justifiée, la vie améliorée et la fortune aussi, car pour un léger bienfait qu'il rendit à ses Augustes Hôtes, Dieu la lui augmenta ensuite. La Mère de la grâce fit plusieurs autres
merveilles dans ce voyage; parce que ses émissions étaient divines (Cant. 4: 13), et Elle sanctifiait toutes les âmes si Elle trouvait en elles quelque disposition. Ils mirent fin à leur voyage arrivant à Nazareth où la Princesse du Ciel rangea et nettoya sa maison, avec l'aide et l'assistance de ses saints Anges qui l'accompagnaient toujours en ces humbles ministères comme émules de son humilité et zélés pour sa vénération et son culte. Saint Joseph s'occupait à son travail ordinaire pour sustenter la Reine et Elle ne frustrait (Prov. 31: 11) point l'espérance du Coeur du saint. Elle se ceignait dune force nouvelle (Prov. 31: 17 et 19) pour les mystères qu'Elle attendait et Elle étendait sa main à des choses fortes; et dans son secret Elle jouissait de la vue continuelle du Trésor de son sein et avec cette vue, de faveurs de délices et de consolations incomparables. Elle gagnait de grands mérites et un agrément incomparable de Dieu.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
3, 25, 320. Ma fille, les âmes qui connaissent Dieu par la lumière de la Foi et qui sont filles de l'Église pour user de cette Vertu et de celles qui leur sont infuses avec Elle, ne doivent point faire de distinction de temps, de lieux, ni d'occupations; parce que Dieu est présent dans toutes les choses et Il les remplit de Son Etre infini (Jér. 23: 24): et en tout lieu et en toute occasion se trouve la Foi pour L'adorer et le reconnaître en esprit et en vérité (Jean 4: 23). Et ainsi comme la création par où l'âme reçoit l'être premier est suivie de la conservation et la vie de la respiration en quoi il n'y a jamais d'intervalle, comme non plus dans la nutrition et l'accroissement jusqu'à ce que l'on arrive au terme; de cette manière la créature raisonnable après avoir été régénérée par la Foi et la grâce ne doit jamais interrompre l'accroissement de cette vie spirituelle, opérant toujours des oeuvres de vie par la Foi, l'Espérance et l'Amour en tout temps et en tout lieu. Et par l'oubli et la négligence que les hommes ont en cela et surtout les enfants de l'Église, la vie de la Foi vient à être comme s'ils ne l'avaient pas, parce qu'ils la laissent mourir (Jac. 2: 26) en perdant la charité. Et ce sont ceux-là qui reçoivent en vain cette âme nouvelle (Ps. 23: 4) que dit David parce qu'ils n'en usent pas plus que s'ils ne l'avaient pas reçue.
3, 25, 321. Je veux, ma très chère, que ta vie spirituelle n'ait pas plus de vides ni d'intervalles que ta vie naturelle. Tu dois toujours opérer par la vie de la grâce et les dons du Très-Haut, priant, aimant, louant, croyant, espérant et adorant ce Seigneur en esprit et en vérité sans distinction de temps, d'occupation ni de lieu. Il est présent en tout, et Il veut être aimé et servi de toutes les créatures raisonnables. Pour cela, lorsque les âmes arriveront à toi avec cet oubli ou d'autres fautes et fatiguées du démon, je te charge de prier pour elles avec une foi vive, et une ferme confiance: car si le Seigneur n'opère pas toujours comme tu le désires et elles le demandent, tu l'auras fait secrètement et tu obtiendras de Lui avoir donné de la complaisance en travaillant comme une fille et une épouse fidèle. Et si tu agis en tout comme je le veux de toi, je t'assure qu'Il t'accordera plusieurs privilèges d'Époux pour le bien des âmes. Fais attention en cela à ce que je faisais quand je regardais les âmes en disgrâce avec le Seigneur, et le soin et le zèle avec lesquels je travaillais pour toutes et singulièrement pour quelques-unes. Lorsque le Très-Haut te manifestera l'état de quelques âmes ou qu'elles te le déclareront, travaille à mon imitation et pour m'obliger; prie pour elle, et reprends-les avec prudence, humilité et modestie; car le Tout-Puissant ne veut pas que tu opères avec bruit, ni que les effets de ton travail se manifestent, mais qu'ils soient cachés; car Il se mesure en cela à ta timidité et à ton désir naturel et Il veut en toi le plus sûr. Et quoique tu doives prier pour toutes les âmes, fais-le plus efficacement pour celles que tu connaîtras être plus conforme à la Volonté divine de le faire.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 25, [a]. Livre 3, No. 207.
3, 25, [b. Il est vraisemblable que cela soit arrivé en cette occasion et en plusieurs autres quoique l'Évangile n'en parle point; parce que l'Évangile ne rapporte pas tous les faits concernant Jésus-Christ et encore moins ceux de Marie. Saint Jean dit: «Il y a encore beaucoup d'autres choses que Jésus-Christ a faites; si elles étaient écrites en détail, je ne pense pas que le monde lui-même pût contenir les livres qu'il faudrait écrire.» Jean 21: 25.
sga- MEDIATEUR
- Messages : 1335
Inscription : 13/06/2014
Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 26
Les démons font un conciliabule dans l'Enfer contre la Très Sainte Marie.
3, 26, 322. J'ai déjà dit en son lieu, chapitre 11, numéro 130, qu'à l'instant où l'ineffable Mystère de l'Incarnation s'exécuta, Lucifer et tout l'enfer sentirent la vertu du bras Puissant du Très-Haut qui les précipita au plus profond des cavernes infernales. Ils demeurèrent là opprimés pendant quelques jours, jusqu'à ce que le même Seigneur leur donnât permission par Son admirable Providence, de sortir de cette oppression dont ils ignoraient la cause. Le grand dragon se leva donc et il sortit dans le monde pour parcourir la terre, cherchant partout s'il n'y avait pas quelque nouveauté à laquelle attribuer celle que lui et tous ses ministres avaient éprouvée en eux-mêmes. Le superbe prince des ténèbres ne confia point cette diligence à ses seuls compagnons, mais il sortit lui-même avec eux, et parcourant
tout le globe avec une astuce et une malignité souveraines, il épiait et s'enquérait de diverses manières pour découvrir ce qu'il cherchait. Il passa trois mois dans ces diligences, et à la fin il revint dans l'enfer aussi ignorant de la vérité qu'il en était sorti; parce que des Mystères si Divins n'étaient pas pour qu'il les comprît alors, sa malignité étant si ténébreuse qu'il ne devait pas goûter de ses effets admirables et il n'avait point à en bénir et à en glorifier leur Auteur comme ceux pour qui fut la Rédemption.
3, 26, 323. L'ennemi de Dieu se trouva plus confus et plus abattu sans savoir à quoi attribuer sa nouvelle infortune; et pour conférer de ce cas, il convoqua tous les escadrons infernaux [a], sans réserver aucun démon. Et placé en un lieu éminent en ce conciliabule, il fit ce raisonnement: «Vous savez bien, mes sujets, la grande sollicitude que j'ai apportée à me venger, depuis que Dieu nous a chassés de Sa maison et destitués de notre puissance, tâchant de détruire la Sienne. Et quoiqu'il me soit pas possible de le toucher Lui, néanmoins dans les hommes qu'Il aime je n'ai perdu ni temps ni occasion pour les attirer à mon empire: et par mes forces (Job 41: 25) j'ai peuplé mon royaume, et j'ai tant de gens et de nations qui me suivent et m'obéissent (Luc 4: 6), et chaque jour je gagne d'innombrables âmes en les éloignant de la connaissance de Dieu et de Son obéissance, afin qu'ils n'arrivent point à jouir de ce qu'ils ont perdu: au contraire je dois les attirer dans ces peines éternelles que nous souffrons puisqu'ils ont suivi ma doctrine et mes traces; et je vengerai en elles la colère que j'ai conçue contre leur Créateur. Mais tout ce que j'ai rapporté me paraît peu et je suis toujours stupéfait de cette nouveauté que nous avons éprouvée, parce qu'il ne nous est jamais arrivé aucune chose comme celle-ci depuis que nous avons été précipités du Ciel, ni jamais une aussi grande force ne nous a ruinés et opprimés; et je reconnais que vos forces et les miennes sont beaucoup diminuées. Cet effet si extraordinaire a sans doute des causes nouvelles, et dans notre faiblesse je sens une grande crainte que notre empire soit ruiné.»
3, 26, 324. «Cette affaire demande notre attention et ma fureur est constante et la colère de ma vengeance n'est pas satisfaite. Je suis sorti et j'ai parcouru tout le globe, reconnu tous ses habitants avec grand soin, et je n'ai rencontré aucune chose notable. Les femmes vertueuses et parfaites du genre de Celle-là, notre ennemie que nous connûmes dans le Ciel, je les ai toutes observées et persécutées, pour voir si je la rencontrerais parmi elles, mais je ne trouve point d'indices qu'Elle
soit née; parce que je n'en trouve aucune avec les conditions qu'il me semble que doit avoir Celle qui doit être Mère du Messie. Une Fille que je craignais à cause de ses grandes vertus et que je poursuivis dans le Temple est déjà mariée; et ainsi Elle ne peut être Celle que nous cherchons; parce qu'Isaïe dit qu'Elle doit être Vierge (Is. 7: 14). Néanmoins je la crains et l'abhorre, parce qu'il sera possible qu'étant si vertueuse, la Mère du Messie ou quelque grand prophète naisse d'Elle; et jusqu'à maintenant je n'ai pu l'assujettir en aucune chose; et je pénètre moins de sa Vie que de celle des autres. Elle a toujours résisté invinciblement, et Elle s'efface facilement de ma mémoire, et lorsque je m'en souviens, je ne peux m'approcher autant d'Elle. Et je n'arrive point à connaître si cette difficulté et cet oubli sont mystérieux, ou s'ils naissent de mon propre mépris que je fais d'une femmelette. Mais je rentrerai en moi-même, parce qu'en deux occasions ces jours-ci Elle m'a commandé, et nous n'avons pu résister à son empire et à sa magnanimité, avec quoi Elle nous a chassés de notre possession que nous avions dans ces personnes d'où Elle nous a bannis. Ceci est très digne de réflexion, et seulement pour ce qu'Elle a montré dans ces circonstances, Elle mérite notre indignation. Je détermine de la persécuter et de la soumettre, et que vous m'aidiez dans cette entreprise de toutes vos forces et de votre malice; car celui qui se signalera dans cette victoire recevra de grandes récompenses de mon pouvoir.»
3, 26, 325. Toute la canaille infernale qui écoutait Lucifer attentivement loua et approuva ses intentions et lui dit de n'être point inquiet, que ses triomphes ne s'évanouiraient point ni ne manqueraient pour cette Femme, puisque son pouvoir était si solidement établi et qu'il avait presque tout le monde sous son empire (Eph. 2: 2). Et ils se mirent ensuite à discuter les moyens qu'ils prendraient pour persécuter la Très Sainte Marie comme personne singulière et signalée en sainteté et en vertus et non comme Mère du Verbe fait homme, car le démon ignorait alors le sacrement caché comme je l'ai dit . De cette résolution, il s'en suivit aussitôt pour la divine souveraine une longue lutte avec Lucifer et ses ministres d'iniquité, afin qu'Elle écrasât plusieurs fois la tête de ce dragon infernal (Gen. 3: 15). Et quoique ce combat fut très grand et très signalé contre lui dans la vie de cette Auguste Reine Elle en eut néanmoins un autre encore plus grand lorsqu'Elle demeura dans le monde après l'Ascension de son Très Saint Fils au Ciel. Et j'en parlerai dans la troisième partie de cette Histoire divine [c] pour où ils m'ont remise, parce qu'il fut très mystérieux, car alors Elle était connue de Lucifer pour
Mère de Dieu, et saint Jean en parla dans le chapitre 12 de l'Apocalypse comme je le dirai en son lieu.
3, 26, 326. La Providence du Très-Haut fut admirable dans la dispensation des Mystères incomparables de l'Incarnation et Elle l'est maintenant dans le gouvernement de l'Église catholique. Et il n'y a pas de doute qu'il convient à cette sage et douce Providence de cacher aux démons beaucoup de choses qu'il n'es pas bien qu'ils pénètrent, pour ce que j'ai déjà dit au numéro 318, comme aussi parce que la Puissance divine doit Se manifester davantage dans ces ennemis et afin qu'ils en soient opprimés. Et outre cela, parce que par l'ignorance des Oeuvres que Dieu leur cache, l'ordre de l'Église a son cours plus suavement ainsi que l'exécution de tous les sacrements que Dieu a opérés en elle; et la colère démesurée du démon se refrène mieux en ce que Sa Majesté ne veut point lui permettre. Et quoiqu'il aurait toujours pu et il peut le retenir et l'opprimer, néanmoins le Très-Haut dispense le tout de la manière la plus convenable à Sa Bonté infinie. Pour cela le Seigneur cacha à Ses ennemis la dignité de la Très Sainte Marie, la manière miraculeuse de sa grossesse, son intégrité Virginale [d] avant et après l'enfantement, et en lui donnant un époux, Il lui dissimula davantage tout cela. Ils ne connurent pas non plus la Divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ d'un jugement ferme et infaillible jusqu'à l'heure de Sa Mort; et alors ils comprirent beaucoup de Mystères de la Rédemption en quoi ils s'étaient hallucinés et embrouillés; parce que s'ils l'eussent connu dans le temps ils eussent au contraire essayé d'empêcher Sa Mort (1 Cor. 2: , comme le dit l'Apôtre, plutôt que d'inciter les Juifs à la lui donner plus cruelle comme nous le déclarerons plus loin en son lieu [e] et ils eussent prétendu empêcher la Rédemption [f] et manifester au monde que le Christ était vrai Dieu; et c'est pour cela que lorsque saint Pierre Le connut et Le confessa, ce divin Maître lui commanda à lui et aux autres Apôtres de ne le dire à personne (Matt. 16: 20). Et quoique par les miracles que faisait le Sauveur et par les démons qu'Il chassait des corps, comme le rapporte saint Luc, ils venaient à soupçonner qu'Il était le Messie et ils L'appelaient Fils du Dieu très-haut (Luc 8: 28); Sa Majesté ne consentit point à ce qu'ils Lui dissent cela (Luc 4: 34-35), ils ne l'affirmaient pas non plus pour la certitude qu'ils en avaient; parce qu'aussitôt leurs soupçons s'évanouissaient en voyant Notre Seigneur Jésus-Christ pauvre méprisé et fatigué; parce qu'ils ne pénétrèrent jamais le mystère de l'humilité du Sauveur. Leur superbe vaniteuse les aveuglaient.
3, 26, 327. Puis comme Lucifer ne connaissait pas la dignité de Mère de Dieu en la Très Sainte Marie quand il lui prépara cette persécution quoiqu'Elle fût terrible comme on le verra; néanmoins Elle en souffrit une autre qui fut plus cruelle, sachant qui Elle était. Et si dans l'occasion dont je parle il eût compris qu'Elle était Celle qu'il avait vue dans le Ciel vêtu du soleil et qu'Elle devait lui écraser la tête, il serait devenu furieux et il se serait défait dans sa propre rage, se convertissant en éclairs de colère. Et si en la considérant seulement femme sainte et parfaite, ils s'indignèrent tous si fort; il est certain que s'ils eussent connu son excellence, ils eussent troublé toute la nature autant qu'ils l'eussent pu, pour la persécuter et en finir avec Elle. Mais comme le dragon et ses alliés ignoraient d'un côté le Mystère caché de la divine Dame et d'un autre ils sentaient en Elle une vertu si achevée; avec cette confusion ils allaient faisant des tentatives et des conjectures, et ils s'interrogeaient les uns les autres se demandant quelle était cette Femme contre laquelle ils reconnaissaient leurs forces si faibles; et si par aventure Elle était Celle qui devait tenir la place la plus éminente parmi les créatures.
3, 26, 328. D'autres répondaient qu'il n'était pas possible que cette Femme fut Mère du Messie que les fidèles attendaient, parce que, outre qu'Elle avait un mari, ils étaient tous les deux très pauvres et très humbles et peu célèbres dans le monde, ils ne se manifestaient point par des miracles et des prodiges et ils ne se faisaient estimer ni craindre des hommes. Et comme Lucifer et ses ministres sont si orgueilleux, ils ne se persuadaient pas qu'une humilité si rare et un mépris de soi-même si extrême fussent compatibles avec la grandeur et la dignité de Mère de Dieu: et tout ce qui l'avait tant mécontenté lui, se voyant avec une moindre excellence, il jugeait que Celui qui était Puissant ne le choisirait pas pour Lui-même. Enfin il fut trompé par sa propre arrogance et par sa superbe remplie de vanité: qui sont les vices les plus ténébreux pour aveugler l'entendement et précipiter la volonté. Salomon dit pour cela que leur propre malice les avait aveuglés (Sag. 2: 21), parce qu'ils ne connurent point que le Verbe Éternel devait choisir de tels moyens pour détruire l'arrogance et la hauteur de ce dragon dont les pensées sont plus distantes des jugements du Seigneur très-haut que le Ciel est distant de la terre (Is. 55: 9); parce qu'il jugeait que le Seigneur descendrait dans le monde contre lui avec un grand apparat et une bruyante ostentation, humiliant avec puissance les superbes, les princes et les monarques que le même démon avait remplis de vanité, comme on le voit en un si grand nombre qui précédèrent la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ si pleins d'orgueil et de présomption qu'ils
semblaient avoir perdu le sens et la connaissance d'êtres mortels et terrestres. Lucifer mesurait tout cela par sa propre tête, et il lui semblait que Dieu devait procéder dans cette venue comme il procède lui-même avec sa fureur et selon son inclination contre les Oeuvres de Notre Seigneur.
3, 26, 329. Mais Sa Majesté qui est la Sagesse infinie fit tout au contraire de ce que jugea Lucifer: afin qu'Il arrivât à le vaincre, non par Sa seule Toute-Puissance, mais par l'humilité, la mansuétude, l'obéissance et la pauvreté, qui sont les armes de Sa milice (2 Cor. 10: 4-5) et non par l'ostentation le faste et la vanité mondaine qui s'alimente avec les richesses de la terre. Il vint dissimulé et caché en apparence, Il choisit une Mère pauvre et Il vint mépriser tout ce que le monde apprécie pour enseigner la Science de la Vie par l'exemple et la Doctrine; par là, le démon se trouva trompé et vaincu par les moyens qui l'oppriment et le tourmentent davantage.
3, 26, 330. Ignorant tous ces Mystères, Lucifer passa quelques jours à épier et à reconnaître la condition naturelle de la Très Sainte Marie, sa complexion, son tempérament, ses inclinations et le calme de ses actions si égales et si mesurées qui était ce qui ne devait pas être caché à cet ennemi. Et connaissant que le tout était si parfait, son caractère était si doux et que tout cela ensemble formait un mur invincible il revint consulter les démons, leur proposant la difficulté qu'il sentait pour tenter cette Femme, ce qui était une entreprise de très grand soin. Ils fabriquèrent tous différentes grandes machines de tentations pour l'attaque, s'aidant les uns les autres dans cette lutte. Et je parlerai dans les chapitres suivants de la manière dont ils l'exécutèrent et du triomphe glorieux que l'Auguste Princesse remporta sur tous ces ennemis et sur leurs malins et damnés conseils fabriqués avec iniquité
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 26, 331. Ma fille, je te désire très attentive et très considérée pour n'être pas possédée de l'ignorance et des ténèbres dont les mortels sont communément obscurcis, oubliant leur salut éternel, sans considérer leur péril, à cause de l'incessante persécution des démons pour les perdre. Ainsi les mortels dorment, se reposent et s'oublient, comme s'ils n'avaient point d'ennemis forts et vigilants. Cette négligence formidable s'origine de deux causes: l'une que les hommes sont si livrés à ce qui est terrestre, animal et sensible qu'ils ne savent pas sentir d'autres blessures que celles qui touchent au sens animal; dans leur estime, tout ce qui est intérieur ne les offense point. L'autre raison est parce que les princes des ténèbres sont invisibles et cachés aux sens, et comme les hommes (1 Cor. 2: 14) charnels ne voient, ne touchent ni ne sentent point ces ennemis, ils oublient de les craindre, tandis que pour cela même ils devraient être plus attentifs et plus soigneux: parce que les ennemis invisibles sont plus adroits et plus astucieux pour offenser en trahison (Eph. 6: 12), et pour cela le danger est d'autant plus certain qu'il est moins manifeste, et les blessures sont d'autant plus mortelles qu'elles sont moins sensibles, plus imperceptibles et moins senties.
3, 26, 332. Écoute donc, ma fille, les vérités les plus importantes pour la Vie véritable et éternelle. Applique-toi à mes conseils, exécute ma Doctrine et reçois mes avertissements, car si tu t'abandonnes à la négligence, je garderai le silence avec toi. Considère donc ce que tu n'as point pénétré jusqu'à présent des conditions de ces ennemis: parce que je te fais savoir que nulle langue et nul entendement humain et angélique ne peuvent manifester la colère et la rage (Apoc. 12: 12) furieuse que Lucifer et ses démons ont conçues contre les mortels, parce qu'ils sont l'image de Dieu même et capables d'en jouir éternellement. Le Seigneur seul comprend l'iniquité et la malice de ce sein orgueilleux et rebelle contre Son saint Nom et Son adoration. Et s'Il ne tenaient pas ces ennemis opprimés par Son bras Puissant, ils détruiraient le monde, ils mettraient tous les hommes en pièces et ils déchireraient leurs chairs plus que des dragons, des bêtes féroces et des loups affamés. Mais le Très Doux Père de Miséricorde les défend, refrène cette colère et garde Ses petits enfants entre Ses bras afin qu'ils ne tombent point dans la fureur de ces loups infernaux.
3, 26, 333. Considère donc maintenant avec la pondération dont tu es capable, s'il y a une douleur aussi lamentable que de voir tant d'hommes aveuglés et oublieux d'un tel danger; et que les uns par légèreté, pour des causes frivoles, pour un plaisir court et momentané, d'autres par négligence et d'autres pour leurs appétits déréglés se soustraient volontairement du refuge où le Très-Haut les met et se livrent aux mains furieuses d'ennemis si impies et si cruels: et cela non pour qu'ils exercent en eux leur fureur pendant une heure, un jour, un mois ou un an, mais pour qu'ils le fassent pendant l'éternité avec des tourments indicibles et impondérables. Étonne-toi, ma fille, et crains de voir une folie si horrible et si formidable dans les mortels impénitents; et que les fidèles qui connaissent cela par la foi aient tellement perdu le sens, et que le démon les ait tant affolés et aveuglés au milieu même de la Lumière que leur administre la Foi véritable et catholique qu'ils professent, qu'ils ne voient ni ne connaissent point le danger et qu'ils ne savent point s'en éloigner.
3, 26, 334. Et afin que tu craignes et que tu t'en gardes davantage, sache que ce dragon t'épie et te connais depuis l'heure que tu fus créée et que tu vins au monde; et il rôde nuit et jour et sans repos autour de toi pour attendre l'occasion de te surprendre; et il observe tes inclinations naturelles et même les Bienfaits du Seigneur afin de te faire la guerre avec tes propres armes. Il fait des consultations avec d'autres démons pour ta ruine, et il promet des récompenses à ceux qui s'y appliqueront davantage: ils pèsent pour cela tes actions avec grand soin ils mesurent tes pas et ils travaillent tous à te lancer des filets et des occasions de péril pour chaque oeuvre et pour chaque action que tu intentes. Je veux que tu voies toutes ces vérités dans le Seigneur, où tu connaîtras jusqu'où elles arrivent; et mesure-les ensuite avec l'expérience que tu as, car en l'envisageant tu comprendras s'il est raisonnable que tu dormes au milieu de tant de dangers. Et quoique ce souci importe à tous les mortels, à toi plus qu'à aucun autre pour des raisons spéciales; car bien que je ne te les manifeste pas toutes maintenant, ne doute point pour cela qu'il te convient de vivre très vigilante et très attentive: et il suffit que tu connaisses ton naturel doux et fragile dont les ennemis profiteraient contre toi.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 26, [a]. "Il convoqua tous les escadrons infernaux..." Ces conciliabules avaient grande raison d'arriver, car le démon chercha à découvrir dans le cours des siècles cette Femme qui devait détruire leur puissance sur la terre, et ils devaient se consulter entre eux à ce sujet. On parle souvent dans la Sainte Écriture de conférences d'Anges ou de démons comme en Job 1: 7; dans 3 Rois 22; en divers Prophètes, Zach. 1: 10; dans l'Évangile Marc 5: 9; Luc 11: 26, etc.
3, 26, [b. Livre 3, No. 130.
3, 26, [c]. Livre 8, No.s 451-527.
3, 26, [d]. Le Seigneur cacha aux démons l'intégrité virginale de Marie. Saint Ignace, martyr, disciple de Saint Jean l'Évangéliste, saint Jérôme et d'autres écrivent la même chose. Il est certain aussi que le diable ne connaissait point la divinité de Jésus-Christ quand il le tenta dans le désert et c'est le sentiment des Pères qu'il ne l'a entièrement connu qu'à la mort de la croix comme l'observe ici la Vénérable.
3, 26, [e]. Livre 6, Nos. 1228, 1251, 1259, 1273.
3, 26, [f]. "Empêcher la Rédemption": c'est-à-dire empêcher que Jésus-Christ mourût et ainsi qu'il rachetât le monde de cette manière; car ils auraient manifesté à Ses ennemis qu'Il était Dieu.
Les démons font un conciliabule dans l'Enfer contre la Très Sainte Marie.
3, 26, 322. J'ai déjà dit en son lieu, chapitre 11, numéro 130, qu'à l'instant où l'ineffable Mystère de l'Incarnation s'exécuta, Lucifer et tout l'enfer sentirent la vertu du bras Puissant du Très-Haut qui les précipita au plus profond des cavernes infernales. Ils demeurèrent là opprimés pendant quelques jours, jusqu'à ce que le même Seigneur leur donnât permission par Son admirable Providence, de sortir de cette oppression dont ils ignoraient la cause. Le grand dragon se leva donc et il sortit dans le monde pour parcourir la terre, cherchant partout s'il n'y avait pas quelque nouveauté à laquelle attribuer celle que lui et tous ses ministres avaient éprouvée en eux-mêmes. Le superbe prince des ténèbres ne confia point cette diligence à ses seuls compagnons, mais il sortit lui-même avec eux, et parcourant
tout le globe avec une astuce et une malignité souveraines, il épiait et s'enquérait de diverses manières pour découvrir ce qu'il cherchait. Il passa trois mois dans ces diligences, et à la fin il revint dans l'enfer aussi ignorant de la vérité qu'il en était sorti; parce que des Mystères si Divins n'étaient pas pour qu'il les comprît alors, sa malignité étant si ténébreuse qu'il ne devait pas goûter de ses effets admirables et il n'avait point à en bénir et à en glorifier leur Auteur comme ceux pour qui fut la Rédemption.
3, 26, 323. L'ennemi de Dieu se trouva plus confus et plus abattu sans savoir à quoi attribuer sa nouvelle infortune; et pour conférer de ce cas, il convoqua tous les escadrons infernaux [a], sans réserver aucun démon. Et placé en un lieu éminent en ce conciliabule, il fit ce raisonnement: «Vous savez bien, mes sujets, la grande sollicitude que j'ai apportée à me venger, depuis que Dieu nous a chassés de Sa maison et destitués de notre puissance, tâchant de détruire la Sienne. Et quoiqu'il me soit pas possible de le toucher Lui, néanmoins dans les hommes qu'Il aime je n'ai perdu ni temps ni occasion pour les attirer à mon empire: et par mes forces (Job 41: 25) j'ai peuplé mon royaume, et j'ai tant de gens et de nations qui me suivent et m'obéissent (Luc 4: 6), et chaque jour je gagne d'innombrables âmes en les éloignant de la connaissance de Dieu et de Son obéissance, afin qu'ils n'arrivent point à jouir de ce qu'ils ont perdu: au contraire je dois les attirer dans ces peines éternelles que nous souffrons puisqu'ils ont suivi ma doctrine et mes traces; et je vengerai en elles la colère que j'ai conçue contre leur Créateur. Mais tout ce que j'ai rapporté me paraît peu et je suis toujours stupéfait de cette nouveauté que nous avons éprouvée, parce qu'il ne nous est jamais arrivé aucune chose comme celle-ci depuis que nous avons été précipités du Ciel, ni jamais une aussi grande force ne nous a ruinés et opprimés; et je reconnais que vos forces et les miennes sont beaucoup diminuées. Cet effet si extraordinaire a sans doute des causes nouvelles, et dans notre faiblesse je sens une grande crainte que notre empire soit ruiné.»
3, 26, 324. «Cette affaire demande notre attention et ma fureur est constante et la colère de ma vengeance n'est pas satisfaite. Je suis sorti et j'ai parcouru tout le globe, reconnu tous ses habitants avec grand soin, et je n'ai rencontré aucune chose notable. Les femmes vertueuses et parfaites du genre de Celle-là, notre ennemie que nous connûmes dans le Ciel, je les ai toutes observées et persécutées, pour voir si je la rencontrerais parmi elles, mais je ne trouve point d'indices qu'Elle
soit née; parce que je n'en trouve aucune avec les conditions qu'il me semble que doit avoir Celle qui doit être Mère du Messie. Une Fille que je craignais à cause de ses grandes vertus et que je poursuivis dans le Temple est déjà mariée; et ainsi Elle ne peut être Celle que nous cherchons; parce qu'Isaïe dit qu'Elle doit être Vierge (Is. 7: 14). Néanmoins je la crains et l'abhorre, parce qu'il sera possible qu'étant si vertueuse, la Mère du Messie ou quelque grand prophète naisse d'Elle; et jusqu'à maintenant je n'ai pu l'assujettir en aucune chose; et je pénètre moins de sa Vie que de celle des autres. Elle a toujours résisté invinciblement, et Elle s'efface facilement de ma mémoire, et lorsque je m'en souviens, je ne peux m'approcher autant d'Elle. Et je n'arrive point à connaître si cette difficulté et cet oubli sont mystérieux, ou s'ils naissent de mon propre mépris que je fais d'une femmelette. Mais je rentrerai en moi-même, parce qu'en deux occasions ces jours-ci Elle m'a commandé, et nous n'avons pu résister à son empire et à sa magnanimité, avec quoi Elle nous a chassés de notre possession que nous avions dans ces personnes d'où Elle nous a bannis. Ceci est très digne de réflexion, et seulement pour ce qu'Elle a montré dans ces circonstances, Elle mérite notre indignation. Je détermine de la persécuter et de la soumettre, et que vous m'aidiez dans cette entreprise de toutes vos forces et de votre malice; car celui qui se signalera dans cette victoire recevra de grandes récompenses de mon pouvoir.»
3, 26, 325. Toute la canaille infernale qui écoutait Lucifer attentivement loua et approuva ses intentions et lui dit de n'être point inquiet, que ses triomphes ne s'évanouiraient point ni ne manqueraient pour cette Femme, puisque son pouvoir était si solidement établi et qu'il avait presque tout le monde sous son empire (Eph. 2: 2). Et ils se mirent ensuite à discuter les moyens qu'ils prendraient pour persécuter la Très Sainte Marie comme personne singulière et signalée en sainteté et en vertus et non comme Mère du Verbe fait homme, car le démon ignorait alors le sacrement caché comme je l'ai dit . De cette résolution, il s'en suivit aussitôt pour la divine souveraine une longue lutte avec Lucifer et ses ministres d'iniquité, afin qu'Elle écrasât plusieurs fois la tête de ce dragon infernal (Gen. 3: 15). Et quoique ce combat fut très grand et très signalé contre lui dans la vie de cette Auguste Reine Elle en eut néanmoins un autre encore plus grand lorsqu'Elle demeura dans le monde après l'Ascension de son Très Saint Fils au Ciel. Et j'en parlerai dans la troisième partie de cette Histoire divine [c] pour où ils m'ont remise, parce qu'il fut très mystérieux, car alors Elle était connue de Lucifer pour
Mère de Dieu, et saint Jean en parla dans le chapitre 12 de l'Apocalypse comme je le dirai en son lieu.
3, 26, 326. La Providence du Très-Haut fut admirable dans la dispensation des Mystères incomparables de l'Incarnation et Elle l'est maintenant dans le gouvernement de l'Église catholique. Et il n'y a pas de doute qu'il convient à cette sage et douce Providence de cacher aux démons beaucoup de choses qu'il n'es pas bien qu'ils pénètrent, pour ce que j'ai déjà dit au numéro 318, comme aussi parce que la Puissance divine doit Se manifester davantage dans ces ennemis et afin qu'ils en soient opprimés. Et outre cela, parce que par l'ignorance des Oeuvres que Dieu leur cache, l'ordre de l'Église a son cours plus suavement ainsi que l'exécution de tous les sacrements que Dieu a opérés en elle; et la colère démesurée du démon se refrène mieux en ce que Sa Majesté ne veut point lui permettre. Et quoiqu'il aurait toujours pu et il peut le retenir et l'opprimer, néanmoins le Très-Haut dispense le tout de la manière la plus convenable à Sa Bonté infinie. Pour cela le Seigneur cacha à Ses ennemis la dignité de la Très Sainte Marie, la manière miraculeuse de sa grossesse, son intégrité Virginale [d] avant et après l'enfantement, et en lui donnant un époux, Il lui dissimula davantage tout cela. Ils ne connurent pas non plus la Divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ d'un jugement ferme et infaillible jusqu'à l'heure de Sa Mort; et alors ils comprirent beaucoup de Mystères de la Rédemption en quoi ils s'étaient hallucinés et embrouillés; parce que s'ils l'eussent connu dans le temps ils eussent au contraire essayé d'empêcher Sa Mort (1 Cor. 2: , comme le dit l'Apôtre, plutôt que d'inciter les Juifs à la lui donner plus cruelle comme nous le déclarerons plus loin en son lieu [e] et ils eussent prétendu empêcher la Rédemption [f] et manifester au monde que le Christ était vrai Dieu; et c'est pour cela que lorsque saint Pierre Le connut et Le confessa, ce divin Maître lui commanda à lui et aux autres Apôtres de ne le dire à personne (Matt. 16: 20). Et quoique par les miracles que faisait le Sauveur et par les démons qu'Il chassait des corps, comme le rapporte saint Luc, ils venaient à soupçonner qu'Il était le Messie et ils L'appelaient Fils du Dieu très-haut (Luc 8: 28); Sa Majesté ne consentit point à ce qu'ils Lui dissent cela (Luc 4: 34-35), ils ne l'affirmaient pas non plus pour la certitude qu'ils en avaient; parce qu'aussitôt leurs soupçons s'évanouissaient en voyant Notre Seigneur Jésus-Christ pauvre méprisé et fatigué; parce qu'ils ne pénétrèrent jamais le mystère de l'humilité du Sauveur. Leur superbe vaniteuse les aveuglaient.
3, 26, 327. Puis comme Lucifer ne connaissait pas la dignité de Mère de Dieu en la Très Sainte Marie quand il lui prépara cette persécution quoiqu'Elle fût terrible comme on le verra; néanmoins Elle en souffrit une autre qui fut plus cruelle, sachant qui Elle était. Et si dans l'occasion dont je parle il eût compris qu'Elle était Celle qu'il avait vue dans le Ciel vêtu du soleil et qu'Elle devait lui écraser la tête, il serait devenu furieux et il se serait défait dans sa propre rage, se convertissant en éclairs de colère. Et si en la considérant seulement femme sainte et parfaite, ils s'indignèrent tous si fort; il est certain que s'ils eussent connu son excellence, ils eussent troublé toute la nature autant qu'ils l'eussent pu, pour la persécuter et en finir avec Elle. Mais comme le dragon et ses alliés ignoraient d'un côté le Mystère caché de la divine Dame et d'un autre ils sentaient en Elle une vertu si achevée; avec cette confusion ils allaient faisant des tentatives et des conjectures, et ils s'interrogeaient les uns les autres se demandant quelle était cette Femme contre laquelle ils reconnaissaient leurs forces si faibles; et si par aventure Elle était Celle qui devait tenir la place la plus éminente parmi les créatures.
3, 26, 328. D'autres répondaient qu'il n'était pas possible que cette Femme fut Mère du Messie que les fidèles attendaient, parce que, outre qu'Elle avait un mari, ils étaient tous les deux très pauvres et très humbles et peu célèbres dans le monde, ils ne se manifestaient point par des miracles et des prodiges et ils ne se faisaient estimer ni craindre des hommes. Et comme Lucifer et ses ministres sont si orgueilleux, ils ne se persuadaient pas qu'une humilité si rare et un mépris de soi-même si extrême fussent compatibles avec la grandeur et la dignité de Mère de Dieu: et tout ce qui l'avait tant mécontenté lui, se voyant avec une moindre excellence, il jugeait que Celui qui était Puissant ne le choisirait pas pour Lui-même. Enfin il fut trompé par sa propre arrogance et par sa superbe remplie de vanité: qui sont les vices les plus ténébreux pour aveugler l'entendement et précipiter la volonté. Salomon dit pour cela que leur propre malice les avait aveuglés (Sag. 2: 21), parce qu'ils ne connurent point que le Verbe Éternel devait choisir de tels moyens pour détruire l'arrogance et la hauteur de ce dragon dont les pensées sont plus distantes des jugements du Seigneur très-haut que le Ciel est distant de la terre (Is. 55: 9); parce qu'il jugeait que le Seigneur descendrait dans le monde contre lui avec un grand apparat et une bruyante ostentation, humiliant avec puissance les superbes, les princes et les monarques que le même démon avait remplis de vanité, comme on le voit en un si grand nombre qui précédèrent la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ si pleins d'orgueil et de présomption qu'ils
semblaient avoir perdu le sens et la connaissance d'êtres mortels et terrestres. Lucifer mesurait tout cela par sa propre tête, et il lui semblait que Dieu devait procéder dans cette venue comme il procède lui-même avec sa fureur et selon son inclination contre les Oeuvres de Notre Seigneur.
3, 26, 329. Mais Sa Majesté qui est la Sagesse infinie fit tout au contraire de ce que jugea Lucifer: afin qu'Il arrivât à le vaincre, non par Sa seule Toute-Puissance, mais par l'humilité, la mansuétude, l'obéissance et la pauvreté, qui sont les armes de Sa milice (2 Cor. 10: 4-5) et non par l'ostentation le faste et la vanité mondaine qui s'alimente avec les richesses de la terre. Il vint dissimulé et caché en apparence, Il choisit une Mère pauvre et Il vint mépriser tout ce que le monde apprécie pour enseigner la Science de la Vie par l'exemple et la Doctrine; par là, le démon se trouva trompé et vaincu par les moyens qui l'oppriment et le tourmentent davantage.
3, 26, 330. Ignorant tous ces Mystères, Lucifer passa quelques jours à épier et à reconnaître la condition naturelle de la Très Sainte Marie, sa complexion, son tempérament, ses inclinations et le calme de ses actions si égales et si mesurées qui était ce qui ne devait pas être caché à cet ennemi. Et connaissant que le tout était si parfait, son caractère était si doux et que tout cela ensemble formait un mur invincible il revint consulter les démons, leur proposant la difficulté qu'il sentait pour tenter cette Femme, ce qui était une entreprise de très grand soin. Ils fabriquèrent tous différentes grandes machines de tentations pour l'attaque, s'aidant les uns les autres dans cette lutte. Et je parlerai dans les chapitres suivants de la manière dont ils l'exécutèrent et du triomphe glorieux que l'Auguste Princesse remporta sur tous ces ennemis et sur leurs malins et damnés conseils fabriqués avec iniquité
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 26, 331. Ma fille, je te désire très attentive et très considérée pour n'être pas possédée de l'ignorance et des ténèbres dont les mortels sont communément obscurcis, oubliant leur salut éternel, sans considérer leur péril, à cause de l'incessante persécution des démons pour les perdre. Ainsi les mortels dorment, se reposent et s'oublient, comme s'ils n'avaient point d'ennemis forts et vigilants. Cette négligence formidable s'origine de deux causes: l'une que les hommes sont si livrés à ce qui est terrestre, animal et sensible qu'ils ne savent pas sentir d'autres blessures que celles qui touchent au sens animal; dans leur estime, tout ce qui est intérieur ne les offense point. L'autre raison est parce que les princes des ténèbres sont invisibles et cachés aux sens, et comme les hommes (1 Cor. 2: 14) charnels ne voient, ne touchent ni ne sentent point ces ennemis, ils oublient de les craindre, tandis que pour cela même ils devraient être plus attentifs et plus soigneux: parce que les ennemis invisibles sont plus adroits et plus astucieux pour offenser en trahison (Eph. 6: 12), et pour cela le danger est d'autant plus certain qu'il est moins manifeste, et les blessures sont d'autant plus mortelles qu'elles sont moins sensibles, plus imperceptibles et moins senties.
3, 26, 332. Écoute donc, ma fille, les vérités les plus importantes pour la Vie véritable et éternelle. Applique-toi à mes conseils, exécute ma Doctrine et reçois mes avertissements, car si tu t'abandonnes à la négligence, je garderai le silence avec toi. Considère donc ce que tu n'as point pénétré jusqu'à présent des conditions de ces ennemis: parce que je te fais savoir que nulle langue et nul entendement humain et angélique ne peuvent manifester la colère et la rage (Apoc. 12: 12) furieuse que Lucifer et ses démons ont conçues contre les mortels, parce qu'ils sont l'image de Dieu même et capables d'en jouir éternellement. Le Seigneur seul comprend l'iniquité et la malice de ce sein orgueilleux et rebelle contre Son saint Nom et Son adoration. Et s'Il ne tenaient pas ces ennemis opprimés par Son bras Puissant, ils détruiraient le monde, ils mettraient tous les hommes en pièces et ils déchireraient leurs chairs plus que des dragons, des bêtes féroces et des loups affamés. Mais le Très Doux Père de Miséricorde les défend, refrène cette colère et garde Ses petits enfants entre Ses bras afin qu'ils ne tombent point dans la fureur de ces loups infernaux.
3, 26, 333. Considère donc maintenant avec la pondération dont tu es capable, s'il y a une douleur aussi lamentable que de voir tant d'hommes aveuglés et oublieux d'un tel danger; et que les uns par légèreté, pour des causes frivoles, pour un plaisir court et momentané, d'autres par négligence et d'autres pour leurs appétits déréglés se soustraient volontairement du refuge où le Très-Haut les met et se livrent aux mains furieuses d'ennemis si impies et si cruels: et cela non pour qu'ils exercent en eux leur fureur pendant une heure, un jour, un mois ou un an, mais pour qu'ils le fassent pendant l'éternité avec des tourments indicibles et impondérables. Étonne-toi, ma fille, et crains de voir une folie si horrible et si formidable dans les mortels impénitents; et que les fidèles qui connaissent cela par la foi aient tellement perdu le sens, et que le démon les ait tant affolés et aveuglés au milieu même de la Lumière que leur administre la Foi véritable et catholique qu'ils professent, qu'ils ne voient ni ne connaissent point le danger et qu'ils ne savent point s'en éloigner.
3, 26, 334. Et afin que tu craignes et que tu t'en gardes davantage, sache que ce dragon t'épie et te connais depuis l'heure que tu fus créée et que tu vins au monde; et il rôde nuit et jour et sans repos autour de toi pour attendre l'occasion de te surprendre; et il observe tes inclinations naturelles et même les Bienfaits du Seigneur afin de te faire la guerre avec tes propres armes. Il fait des consultations avec d'autres démons pour ta ruine, et il promet des récompenses à ceux qui s'y appliqueront davantage: ils pèsent pour cela tes actions avec grand soin ils mesurent tes pas et ils travaillent tous à te lancer des filets et des occasions de péril pour chaque oeuvre et pour chaque action que tu intentes. Je veux que tu voies toutes ces vérités dans le Seigneur, où tu connaîtras jusqu'où elles arrivent; et mesure-les ensuite avec l'expérience que tu as, car en l'envisageant tu comprendras s'il est raisonnable que tu dormes au milieu de tant de dangers. Et quoique ce souci importe à tous les mortels, à toi plus qu'à aucun autre pour des raisons spéciales; car bien que je ne te les manifeste pas toutes maintenant, ne doute point pour cela qu'il te convient de vivre très vigilante et très attentive: et il suffit que tu connaisses ton naturel doux et fragile dont les ennemis profiteraient contre toi.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 26, [a]. "Il convoqua tous les escadrons infernaux..." Ces conciliabules avaient grande raison d'arriver, car le démon chercha à découvrir dans le cours des siècles cette Femme qui devait détruire leur puissance sur la terre, et ils devaient se consulter entre eux à ce sujet. On parle souvent dans la Sainte Écriture de conférences d'Anges ou de démons comme en Job 1: 7; dans 3 Rois 22; en divers Prophètes, Zach. 1: 10; dans l'Évangile Marc 5: 9; Luc 11: 26, etc.
3, 26, [b. Livre 3, No. 130.
3, 26, [c]. Livre 8, No.s 451-527.
3, 26, [d]. Le Seigneur cacha aux démons l'intégrité virginale de Marie. Saint Ignace, martyr, disciple de Saint Jean l'Évangéliste, saint Jérôme et d'autres écrivent la même chose. Il est certain aussi que le diable ne connaissait point la divinité de Jésus-Christ quand il le tenta dans le désert et c'est le sentiment des Pères qu'il ne l'a entièrement connu qu'à la mort de la croix comme l'observe ici la Vénérable.
3, 26, [e]. Livre 6, Nos. 1228, 1251, 1259, 1273.
3, 26, [f]. "Empêcher la Rédemption": c'est-à-dire empêcher que Jésus-Christ mourût et ainsi qu'il rachetât le monde de cette manière; car ils auraient manifesté à Ses ennemis qu'Il était Dieu.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 27
Le Seigneur prévient la Très Sainte Marie pour entrer en combat avec Lucifer et le dragon commence à La persécuter.
3, 27, 335. Le Verbe Éternel incarné dans le sein de Marie, la tenant déjà pour Sa Mère et connaissant les conseils de Lucifer, fut attentif à la défense de Son Tabernacle plus estimable que tout le reste des créatures, et cela non seulement avec Sa Sagesse incréée en tant que Dieu, mais aussi avec Sa Science créée en tant qu'homme. Et pour vêtir de force nouvelle l'invincible Souveraine contre la folle audace de ce perfide dragon et de ses trompes, la Très Sainte Humanité S'émut et Se mit comme sur pied [a] dans le Tabernacle Virginal, comme Celui qui s'oppose et qui accourt au combat, indigné contre les princes des ténèbres. Dans cette posture Il fit une oraison au Père Éternel, Lui demandant de renouveler Ses faveurs et Ses grâces envers Sa propre Mère, afin que fortifiée de nouveau Elle écrasât la tête de l'ancien serpent et que ce grand dragon fût humilié et opprimé par une Femme, que ses intentions demeurassent frustrées et ses forces débilitées et que la Reine des cieux sortît victorieuse et triomphante sur l'enfer à la gloire et à la louange de l'Etre même de Dieu et de Sa Mère Vierge.
3, 27, 336. Comme le demanda Notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi le concéda et le décréta la Bienheureuse Trinité. Et ensuite fut manifesté d'une manière ineffable à la Vierge Mère son Très Saint Fils qu'Elle avait dans son sein; et dans cette vision Il lui communiqua une plénitude très abondante de biens, de grâces et de Dons indicibles, et Elle connut avec une sagesse nouvelle des mystères très cachés et très sublimes que je ne puis déclarer. Elle comprit spécialement que Lucifer avait fabriqué de grandes machines et des pensées superbes contre la gloire du Seigneur même; et que l'arrogance de cet ennemi s'étendait à boire les eaux (Job 40: 18) pures du Jourdain, et le Très-haut lui donnant ces connaissances, Sa Majesté lui dit: «Mon Épouse et Ma Colombe, la fureur altérée du dragon infernal est si insatiable contre Mon Saint Nom et contre ceux qui L'adorent qu'il prétend les renverser tous sans en excepter aucun, et effacer Mon Nom de la terre des vivants avec une audace et une présomption formidables. Je veux, Mon Amie,
que tu prennes Ma cause à coeur et que tu défendes Mon Saint Honneur, combattant en Mon Nom contre ce cruel ennemi; car Je serai avec toi dans le combat, puisque Je suis dans ton sein Virginal. Et avant de venir au monde, Je veux que tu les détruises et les confondes par Ma vertu Divine, parce qu'ils sont persuadés que la Rédemption des hommes approche, et ils désirent arriver auparavant à les détruire tous et à gagner toutes les âmes du monde sans en excepter aucune. Je confie cette victoire à ta fidélité et à ton amour. Tu combattras en Mon Nom et Moi en toi contre ce dragon, cet antique serpent (Apoc. 12: 9).»
3, 27, 337. Cet avis du Seigneur et la reconnaissance de sacrements si cachés firent de tels effets dans le Coeur de la divine Mère que je ne trouve pas de paroles avec quoi manifester ce que je connais. Et sachant que c'était la Volonté se Son Très Saint Fils qu'Elle défendît l'honneur du Très-Haut, cette Reine très zélée s'enflamma toute entière dans son divin Amour et Elle se revêtit d'une force si invincible que si chacun des démons avait été un enfer entier avec la fureur et la malice de tous les autres ils n'eussent été tous que des fourmis très faibles et très débiles pour s'opposer à la vertu incomparable de notre Capitaine; et Elle les eût tous anéantis et vaincus par la moindre de ses vertus et par le zèle de la gloire et de l'honneur du Seigneur. Notre Défenseur et Protecteur divin ordonna de donner à Sa Très Sainte Mère ce glorieux triomphe sur l'enfer, afin que l'orgueil arrogant de ses ennemis ne s'élevât pas davantage lorsqu'ils se hâtaient si fort de perdre le monde avant qu'arrivât son remède et afin que nous, les mortels, nous nous trouvassions obligés, non seulement envers un amour si estimable de Son Très Saint Fils, mais aussi à notre divine Réparatrice et à notre Défense, laquelle entrant en combat avec Lucifer, le retint, le vainquit et l'opprima, afin que le genre humain ne devînt pas encore plus incapable de recevoir son Rédempteur.
3, 27, 338. O enfants des hommes tardifs et pesants de coeur! Comment ne considérons-nous point des bienfaits si admirables? Qu'est-ce que l'homme (Ps. 8: 5) pour que tu l'estimes et le favorises ainsi, ô Roi Très-Haut? Tu offres ta propre Mère et notre Souveraine au combat et au travail pour notre défense? Qui entendit jamais un exemple semblable? Qui a pu trouver une telle force et une telle industrie d'amour? Où avons-nous le jugement? Qui nous a privés du bon usage de la raison? Quelle dureté est la nôtre? Qui nous a introduit une si horrible
ingratitude? Comment les hommes qui aiment tant l'honneur et qui se donnent tant de soins pour l'acquérir, ne se confondent-ils pas en commettant une telle vilenie et une si infâme ingratitude que d'oublier cette obligation? La reconnaître et la payer par la vie même seraient noblesse et honneur véritables dans les mortels enfants d'Adam.
3, 27, 339. L'obéissante Mère s'offrit à ce conflit et àcette bataille contre Lucifer pour l'honneur de son Très Saint Fils et son Dieu et le nôtre. Elle répondit à ce qu'Il lui commandait et dit: «O mon Très-Haut Seigneur et tout mon Bien, de la Bonté infinie de qui j'ai obtenu l'être, la grâce et la Lumière que je reconnais; je suis toute Vôtre, et Vous, Seigneur, Vous êtes mon Fils par Votre bonté, faites de Votre servante ce qui sera de Votre plus grande gloire et de Votre plus grand agrément; car si Vous êtes en moi et moi en Vous, Seigneur, qui sera puissant contre la vertu de Votre Volonté? Je serai l'Instrument de Votre bras invincible: donnez-moi Votre force et venez avec moi; allons conte l'enfer, au combat contre le dragon et tous ses alliés.» Pendant que la divine Reine faisait cette oraison, Lucifer sortit de ses conciliabules si arrogant et si superbe contre Elle, qu'il réputait toutes les âmes de la perdition desquelles il est si altéré comme une chose de très peu de prix. Et si l'on pouvait connaître cette fureur infernale comme elle était, nous comprendrions bien ce que Dieu en dit au saint homme Job, «qu'il estimait et réputait l'acier comme de la paille et le bronze comme du bois vermoulu (Job 41: 18).» Telle était la colère de ce dragon contre la Très Sainte Marie. Et elle n'est pas moindre maintenant contre les âmes respectivement; car son arrogance méprise la plus sainte, la plus invincible et la plus forte comme une feuille sèche. Que ne fera-t-il donc point des pécheurs qui comme des cannes frêles et pourries ne lui résistent pas? Seules la foi vive et l'humilité de coeur sont les doubles armes (Eph. 6: 16) avec lesquelles nous pouvons le vaincre et le soumettre glorieusement.
3, 27, 340. Pour commencer la bataille , Lucifer amena avec lui les sept légions (Apoc. 12: 3) avec leurs principaux chefs qu'il désigna lors de sa chute [c] du Ciel, afin qu'ils tentassent les hommes dans les sept péchés capitaux. Et à chacun de ces sept escadrons il recommanda la lutte contre la Princesse impeccable, afin qu'ils éprouvassent en Elle et contre Elle leurs plus grands efforts. L'invincible Dame était en oraison et le Seigneur le permettant alors, la
première légion entra pour la tenter d'orgueil, ce qui est le ministère spécial de ces ennemis. Pour disposer les passions ou inclinations naturelles en altérant les humeurs du corps, moyen ordinaire de tenter les autres âmes, ils essayèrent de s'approcher de la divine Dame, jugeant qu'Elle était comme les autres créatures de passions désordonnées par le péché; mais ils ne purent s'approcher d'Elle autant qu'ils le désiraient, parce qu'ils sentaient une vertu invincible et un parfum de sa sainteté qui les tourmentaient plus que le feu même dont ils souffraient. Et comme il en était ainsi et que le seul air de la Très Sainte Marie les pénétrait d'une douleur souveraine, toutefois la rage qu'ils concevaient était si furieuse et si démesurée qu'ils méprisaient ce tourment et ils s'efforçaient àl'envi de s'approcher davantage désirant l'offenser et l'altérer.
3, 27, 341. Le nombre des démons était grand et la Très Sainte Marie une pure Femme seule; mais Elle était aussi formidable et aussi terrible contre eux que plusieurs armées bien rangées (Cant. 6: 3). Ces ennemis se présentaient à Elle autant qu'ils le pouvaient avec leurs fables très iniques (Ps. 118: 85). Mais l'Auguste Princesse nous enseignant à vaincre ne s'émut ni ne s'altéra point; Elle ne changea point d'air ni de couleur. Elle ne fit point cas d'eux et Elle n'y prêtait pas plus d'attention que s'ils eussent été des fourmis très débiles: Elle les méprisa avec un Coeur invincible et magnanime; parce que comme cette guerre doit être faite par les vertus, Elle ne doit pas être avec des extrêmes, des agitations et du bruit, mais avec calme, paix intérieure et modestie extérieure. Ils ne purent lui altérer les passions et les appétits; parce que cela ne tombait point sous la juridiction du démon dans notre Reine, car Elle était toute soumise à la raison et Celle-ci à Dieu et le coup du péché n'avait pas touché à l'harmonie de ses puissances et ne les avait point déconcertées, comme dans les autres enfants d'Adam. Et pour cela les flèches de ces ennemis étaient comme dit David des flèches d'enfants (Ps. 63: et leurs machines étaient comme des artilleries sans munitions et ils n'étaient forts que contre eux-mêmes, parce que leur faiblesse leur était un vif tourment. Et quoiqu'ils ignorassent l'innocence et la justice originelle de la Très Sainte Marie et qu'ils ne comprissent point non plus que les tentations communes ne pouvaient l'offenser; mais dans la grandeur de son air et de sa constance, ils conjecturaient leur propre mépris et qu'ils l'offensaient très peu. Et c'était non seulement peu mais point; parce que comme l'Évangéliste dit dans l'Apocalypse et je l'ai rapporté dans la première partie [d], la terre aida la Femme vêtu du soleil lorsque le dragon lança contre Elle les eaux impétueuses des
tentations; parce que le corps terrestre de cette Dame n'était pas vicié dans ses puissances et ses passions comme les autres que le péché toucha.
3, 27, 342. Ces démons prirent des figures corporelles, terribles et épouvantables et ajoutant des hurlements cruels, des voix et des rugissements horribles, feignant de grands bruits, des menaces et des tremblements de la terre et de la maison qui semblait menacer ruine et d'autres paniques semblables pour épouvanter, troubler ou émouvoir la Princesse du monde [e], car pour cela seulement ou pour la retirer de l'oraison ils se fussent tenus pour victorieux. Mais le Coeur grand et invincible de la Très Sainte Marie ne se troubla, ne s'altéra ni ne fît aucune mutation. Et il faut avertir ici que pour ce combat, le Seigneur laissa Sa Très Sainte Mère dans l'état commun de la Foi et des vertus qu'Elle avait et ils suspendait l'influence des autres faveurs et des autres consolations qu'Elle avait coutume de recevoir hors de ces occasions. Le Très-Haut l'ordonna ainsi, afin que le triomphe de Sa Mère fût plus glorieux et plus excellent; outre certaines autres raisons que Dieu a dans ce mode de procéder envers les âmes: car Ses jugements touchant la manière dont Il agit avec elles sont insondables (Rom. 11: 33) et cachés. Quelquefois la grande Dame avait coutume de prononcer et de dire: «Qui est comme Dieu qui vit dans les hauteurs, et qui regarde les humbles dans le Ciel et sur la terre (Ps. 112: 5-6)?» Et par ces paroles Elle ruinait ces armes à doubles tranchants qu'ils lui opposaient.
3, 27, 343. Ces loups affamés changèrent leur peau et prirent celle de brebis, laissant les figures épouvantables et se transformant en Anges de lumière très resplendissants et très beaux. Et s'approchant de la divine Souveraine, ils lui dirent: «Tu as vaincu, tu as vaincu, tu es forte, et nous venons t'assister et récompenser ton invincible valeur;» et avec ces flatteries mensongères, ils l'entourèrent et lui offrirent leur faveur. Mais la Très Prudente Dame recueillit tous ses sens, et s'élevant (Lam. 3: 41) au dessus d'Elle-même par le moyen des Vertus infuses, Elle adora le Seigneur en esprit et en vérité (Jean 4: 23) et méprisant les lacs (Eccli 51: 3) de ces langues iniques et de ces mensonges fabuleux, Elle parla à son Très Saint Fils et lui dit: «Mon Seigneur et mon Maître, ma Force, vraie Lumière de lumière, en Votre seule protection est toute ma confiance et l'exaltation de Votre Saint Nom. J'anathématise, j'abhorre et je déteste tous ceux qui le contredisent.» Les opérations de la méchanceté
persévéraient à proposer ses fausses insanités à la Maîtresse de la science, et à offrir des louanges feintes au-dessus des étoiles à Celle qui s'humiliait plus que les créatures infimes; et ils lui dirent qu'ils voulaient la distinguer parmi les femmes et lui faire une faveur exquise qui était de la choisir au Nom du Seigneur pour la Mère du Messie et que sa sainteté fût au-dessus des Patriarches et des Prophètes.
3, 27, 344. L'auteur de cette tromperie extravagante fut Lucifer lui-même d'où sa malice se découvre afin que les autres âmes la connaissent. Mais il était ridicule pour la Reine du Ciel, de lui offrir ce qu'Elle était, et c'étaient eux qui étaient les trompés et les hallucinés, non seulement en offrant ce qu'ils ne savaient ni ne pouvaient donner, mais en ignorant les sacrements du Roi du Ciel renfermés dans la Femme Très Fortunée qu'ils persécutaient. Cependant, l'iniquité du dragon fut grande, parce qu'il savait qu'il ne pouvait accomplir ce qu'il promettait; mais il voulait savoir si par hasard notre divine Souveraine l'était, ou si Elle donnait quelque indice de le savoir. La prudence de la Très Sainte Marie n'ignora pas cette duplicité de Lucifer, et en la méprisant Elle demeura dans une sévérité et une impassibilité admirables. Et tout ce qu'Elle fit au milieu des fausses adulations fut de continuer l'oraison et d'adorer le Seigneur en se prosternant en terre; et en Le confessant Elle s'humiliait Elle-même et Elle se réputait plus méprisable que toutes les créatures et que la poussière même qu'Elle foulait aux pieds. Par cette oraison et cette humilité Elle décolla la superbe présomptueuse de Lucifer tout le temps que cette tentation lui dura. Et quant au reste de ce qui arriva, la sagacité des démons, leurs cruautés et les fables trompeuses qu'ils inventèrent, il ne me paraît pas à propos de tout rapporter, ni de m'étendre à ce qui m'a été manifesté, car ce que j'ai dit suffit pour notre instruction et tout ne peut être confié à l'ignorance des créatures terrestres et fragiles.
3, 27, 345. Ces ennemis de la première légion découragés et vaincus, ceux de la second arrivèrent pour tenter d'avarice la plus Pauvre du monde. Ils lui offrirent de grandes richesses d'or, d'argent, et de joyaux très spécieux. Et afin que tout cela ne parût pas des promesses en l'air, ils lui présentèrent plusieurs de ces choses, quoique d'une manière apparente seulement, leur semblant que le sens a une grande force pour inciter la volonté au délectable présent. Ils ajoutèrent à cette tromperie plusieurs autres raisons artificieuses et ils lui dirent que Dieu lui envoyait tout cela pour le distribuer aux pauvres. Et comme Elle n'en reçut rien, ils
changèrent de tactique et ils lui dirent que c'était une chose injuste qu'Elle fût si pauvre, puisqu'Elle était si sainte; et qu'il y avait plus de raisons pour qu'Elle fût Maîtresse de toutes ces richesses que les autres pécheurs et les méchants; que le contraire était une injustice et un désordre de la Providence du Seigneur, que les justes fussent pauvres et les méchants et les ennemis riches et prospères.
3, 27, 346. C'est en vain, dit le Sage, que l'on jette le filet devant les yeux des oiseaux agiles (Prov. 1: 17). Cela était vrai dans toutes les tentations contre notre Auguste Princesse; mais en celle de l'avarice, la malice du serpent était plus extravagante, puisqu'il tendait le filet en des choses si terrestres et si viles contre le Phénix de la pauvreté qui avait élevé son vol si loin de la terre, au-dessus des Séraphins mêmes. Quoique la Très Prudente Dame fût remplie de Sagesse divine, Elle ne se mit jamais à raisonner avec ses ennemis, comme on ne doit non plus jamais le faire; puisqu'ils combattent contre la vérité manifeste et qu'ils ne s'en donneraient pas pour convaincus quoiqu'ils la connussent. Et pour cela la Très Sainte Marie se prévalut de quelques paroles de l'Écriture, les prononçant avec une humilité sévère, et Elle dit celle du psaume 118: «Haereditatem acquisivi testimonia tua in aeternum. J'ai choisi pour héritage et pour richesses de garder Ta Loi et Tes témoignages, ô mon Seigneur (Ps. 118: 111).» Et Elle en ajouta d'autres, louant et bénissant le Très-Haut avec action de grâces, parce qu'Il l'avait créée et conservée, la sustentant sans qu'Elle le méritât. Et de cette manière si remplie de Sagesse, Elle vainquit et confondit la seconde tentation, les artisans de la méchanceté demeurant tourmentés et confus.
3, 27, 347. Arriva la troisième légion avec le prince impur qui tente dans la faiblesse de la chair; et en celle-ci ils forcèrent davantage parce qu'ils trouvèrent plus d'impossibilité pour exécuter aucune des choses qu'ils désiraient; et ainsi ils obtinrent moins s'il peut y avoir moins dans les unes que dans les autres. Ils intentèrent de lui introduire certaines suggestions et représentations très laides, et de fabriquer d'autres monstruosités indicibles. Mais tout demeura en l'air; parce que la Très Pure Vierge, ayant connu la nature de ce vice, se recueillit toute à l'intérieur et laissa tout l'usage de ses sens suspendu sans aucune opération; et ainsi il ne peut y avoir en Elle suggestion d'aucune chose, ni entrer d'espèce dans sa pensée, parce que rien n'arriva à ses puissances. Et d'une volonté fervente, Elle renouvela plusieurs fois le voeu de chasteté en la présence intérieure du Seigneur;
et Elle mérita plus dans cette circonstance que toutes les vierges qui ont été et qui seront dans le monde. Et le Tout-Puissant lui donna en cette matière une vertu telle que le feu renfermé dans le bronze ne lance pas avec une pareille force et une pareille vélocité la munition qui s'y trouve qu'étaient précipités les ennemis quand ils intentaient de toucher à la pureté de la Très Sainte Marie par quelque tentation.
3, 27, 348. La quatrième légion et tentation fut contre la mansuétude et la patience, procurant de mouvoir la colère de la Très Douce Colombe. Et cette tentation fut plus incommode, parce que les ennemis mirent toute la maison sans dessus dessous; ils rompirent et détruisirent tout ce qu'il y avait d'une manière et en des circonstances telles qu'ils pussent irriter davantage la Très Douce Dame; et ses saints Anges réparèrent aussitôt tout ce dommage. Les démons vaincus en cela prirent des figures de certaines femmes connues de la sérénissime Princesse; et ils allèrent à Elle avec une plus grande indignation et une plus grande fureur que s'ils eussent été les femmes véritables et ils lui dirent des coutumélies exorbitantes, osant la menacer et lui ôter de sa maison certaines choses des plus nécessaires. Mais toutes ces machinations furent frivoles pour qui les connaissait comme la Très Sainte Marie; puisqu'ils ne firent aucun geste ni aucune action qu'Elle ne pénétrât, quoiqu'Elle s'en retirât totalement, sans s'émouvoir ni s'altérer; mais Elle méprisait tout avec une majesté de Reine. Les malins esprits craignirent d'être connus et pour cela méprisés. Ils prirent un autre instrument d'une femme véritable et de condition accommodée pour leur sujet. Ils émurent celle-ci contre la Princesse du Ciel par un artifice diabolique; parce que le démon prit la forme d'une autre de ses amies, et lui dit que Marie la femme de Joseph l'avait déshonorée en son absence disant d'elle plusieurs faussetés que feignit le démon notre ennemi.
3, 27, 349. Cette femme trompée, qui d'un autre côté se mettait facilement en colère, s'en alla en une très grande fureur trouver notre très douce brebis la Très Sainte Vierge et lui dit en face des injures et des insultes exécrables. Mais la laissant peu à peu répandre le courroux qu'elle avait conçu, son Altesse lui parla avec des paroles si humbles et si douces qu'elle la changea tout-à-fait et lui adoucit le coeur. Et lorsqu'elle fut revenue davantage à elle-même, Elle la consola et la calma, l'avertissant de se garder du démon; et lui donnant quelque aumône parce qu'elle était pauvre, Elle la renvoya en paix; avec quoi cet artifice fut dissipé, comme plusieurs autres qu'imagina Lucifer, le père du mensonge, non-seulement
pour irriter la Très Douce Colombe mais aussi par là même la discréditer. Mais le Très-Haut prépara la défense de l'honneur de Sa Très Sainte Mère par le moyen de sa propre perfection, de son humilité et de sa prudence, de telle sorte que le démon ne put jamais la discréditer en aucune chose; parce qu'Elle opérait et procédait si doucement et si sagement envers tous que la multitude des machinations que le démon fabriquait se détruisaient sans avoir aucun résultat. L'égalité et la mansuétude que l'Auguste Souveraine eut en ce genre de tentations fut un sujet d'admiration pour les Anges, et aussi pour les démons mêmes quoique différemment, de voir une telle manière d'opérer dans une créature humaine et une Femme; parce qu'ils n'en avaient jamais connu de semblable.
3, 27, 350. La cinquième légion entra avec la tentation de gourmandise et quoique le démon ne dit point à notre Reine de changer les pierres en pain (Matt. 4: 3), comme ensuite à Son Très Saint Fils, parce qu'ils ne l'avaient pas vu faire d'aussi grands miracles, parce qu'Elle les avait cachés, il la tenta néanmoins de gourmandise (Gen. 3: 6) comme la première femme. Ils lui présentèrent de grandes douceurs qui en apparence conviaient et excitaient l'appétit, et ils tâchèrent de lui exciter les humeurs naturelles, afin qu'Elle sentît quelque faim bâtarde; et ils se fatiguèrent à l'inciter, afin qu'Elle fît attention à ce qu'ils lui offraient. Mais toutes ces diligences furent vaines et sans aucun effet; parce que le Coeur sublime de notre Princesse et notre Souverain était aussi éloigné de tous ces objets si matériels et si terrestres que le Ciel l'est de la terre. Et Elle n'employa pas ses sens à faire attention à la gourmandise, Elle ne l'aperçut presque point; parce qu'en tout Elle défaisait ce qu'avait fait notre mère Eve qui imprudente et sans faire attention au danger posa la vue sur la beauté de l'arbre de la science et sur son doux fruit, et aussitôt elle étendit la main et en mangea, donnant principe à notre perte. La Très Sainte Marie ne fit point ainsi, car Elle fermait et abstrayait ses sens, quoiqu'Elle n'eût pas le danger d'Eve: et celle-ci demeura vaincue pour notre perte et la grande Reine victorieuse pour notre rachat et notre remède.
3, 27, 351. La sixième tentation de l'envie arriva très découragée, voyant la défaite des ennemis précédents; car bien qu'ils ne connussent point toute la perfection avec laquelle la Mère de la Sainteté opérait, ils sentaient néanmoins sa force invincible; et ils la connaissaient si immobile qu'ils désespéraient de pouvoir la réduire à aucune de leurs intentions dépravées. Néanmoins la haine implacable
du dragon et son orgueil jamais désarmé ne se rendaient point; au contraire, ils ajustèrent de nouvelles inventions pour provoquer la grande Amante du Seigneur et de son prochain à envier dans les autres ce qu'Elle ne possédait pas Elle-même et ce qu'Elle abhorrait comme inutile et dangereux. Ils lui firent une relation très étendue de beaucoup de biens et de grâces naturelles que d'autres avaient; et ils lui disaient que Dieu ne les lui avait pas donnés à Elle. Et supposant que les dons surnaturels devaient lui être un motif plus efficace d'émulation, ils lui rapportèrent de grandes faveurs et de grands bienfaits que la droite du Tout-Puissant avait communiqués à d'autres et non à Elle. Mais comment ces fables menteuses auraient-elles pu embarrasser Celle-là même qui était la Mère de toutes les grâces et de tous les dons du Ciel. Parce que les bienfaits du Seigneur qu'ils pouvaient lui représenter avoir été reçus par toutes les créatures étaient tous moindre qu'être Mère de l'Auteur de la grâce; et par celle que Sa Majesté lui avait communiquée et le feu de la Charité qui brûlait dans son sein, Elle désirait avec de vives anxiétés que la droite du Très-Haut les enrichît et les favorisât librement. Puis comment l'envie pouvait-elle trouver place là où la Charité abondait (1 Cor. 13: 4). Mais les cruels ennemis ne se désistaient point. Ils représentèrent ensuite à la divine Reine la félicité apparente des autres qui par les richesses et les biens de la fortune étaient jugés pour fortunés en cette vie et triomphants dans le monde. Et ils portèrent diverses personnes à aller trouver la Très Sainte Marie et à lui dire en même temps la consolation qu'elles avaient de se trouver riches et favorisées de la fortune. Comme si cette trompeuse félicité des mortels n'avait pas été réprouvée tant de fois dans les divines Écritures (Jér. 17: 11; Eccles. 5: 9; Ps. 48: 18 et 20; Matt. 19: 23-24; 1 Tim. 6: 9); et c'étaient la Science et la Doctrine que la Reine du Ciel et son Très Saint Fils venaient enseigner au monde par leurs exemples.
3, 27, 352. Notre divine Dame enseignait à ces personnes àbien user des dons et des richesses temporelles et à en rendre grâces à leur Auteur: et Elle faisait Elle-même, suppléant au défaut de l'ingratitude ordinaire des hommes. Et quoique la très humble Dame se jugeât indigne du moindre bienfait du Très-Haut; néanmoins en fait de vérité sa dignité et sa sainteté très éminentes attestaient en Elle ce que les Saintes Écritures (Prov. 8: 18-19; Eccli. 24: 25) disent en son nom: «Avec moi sont les richesses et la gloire, les trésors et la justice. Mon fruit est meilleur que l'or, l'argent et les pierres précieuses. En moi est toute la grâce de la voie et de la vérité et toute l'espérance de la vie et de la vertu.» Avec cette excellence et cette supériorité Elle vainquait les ennemis, les laissant comme étourdis et confus de
voir que là où ils déployaient toutes leurs forces et leur astuce, ils obtenaient moins, et ils se trouvaient plus ruinés.
3, 27, 353. Son obstination persista néanmoins jusqu'à arriver avec la septième tentation de paresse, prétendant l'introduire en la Très Sainte Marie, en lui excitant quelques indispositions corporelles de lassitude, de fatigue ou de tristesse, ce qui est un art peu connu, avec lequel le péché de la paresse fait de grands progrès dans plusieurs âmes et leur empêche l'avancement dans la vertu. Ils ajoutèrent à cela plusieurs suggestions qu'étant fatiguée Elle remît certains exercices pour quand Elle serait mieux disposée: ce qui n'est pas une moindre fourberie que lorsqu'il nous trompe par d'autres, et nous ne le percevons pas ni nous ne connaissons ce qui est nécessaire. Outre toute cette malice, ils essayèrent d'empêcher la Très Sainte Marie de faire quelques exercices par le moyen des créatures humaines, prenant soin qu'elles allassent la déranger en des heures intempestives, pour la retarder en quelques-unes de ses actions et de ses saintes occupations qui avaient leurs heures et leurs temps marqués. Mais la très prudente et très diligente Princesse connaissait toutes ces machinations et Elle les dissipait par sa sagesse et sa sollicitude, sans que l'ennemi n'obtînt jamais de l'empêcher en aucune chose afin qu'Elle n'opérât pas avec plénitude de perfection. Ces ennemis demeurèrent comme désespérés et débilités et Lucifer furieux contre eux et contre lui-même. Mais renouvelant leur orgueil enragé, ils déterminèrent tous ensemble, comme je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 27, 354. Ma fille, quoique tu aies résumé en un court compendium la bataille prolixe de mes tentations, je veux que de ce que tu as écrit et du reste que tu as connu en Dieu, tu tires les règles et la Doctrine pour résister à l'enfer et pour le vaincre. Pour cela le meilleur moyen de combattre est de mépriser le démon, le considérant ennemi du Dieu Très-Haut sans la sainte crainte et sans l'espérance d'aucun bien, désespéré du remède et opiniâtre dans son infortune, et sans repentir de son iniquité. Et avec cette vérité infaillible tu dois te montrer contre lui
supérieure, magnanime et immuable, le traitant comme contempteur de l'honneur et du culte de son Dieu. Et sachant que tu défends une si juste cause (Eccli. 5: 33), tu ne dois point t'intimider; au contraire, tu dois lui résister avec tous tes efforts et ta vaillance et le contredire en tout ce qu'il intentera, comme si tu étais à côté du même Seigneur pour le nom duquel tu combats; puisqu'il n'y a point de doute que Sa Majesté assiste celui qui combat légitimement. Tu es en lieu et en état d'espérance et destinée à la gloire éternelle si tu travailles avec fidélité pour ton Dieu et ton Seigneur.
3, 27, 355. Considère donc que les démons abhorrent avec une haine implacable ce que tu aimes et ce que tu désires, qui sont l'honneur de Dieu et la félicité éternelle; et ils voudraient te priver de ce qu'ils ne peuvent retrouver. Et Dieu a réprouvé le démon et Il t'offre à toi Sa grâce, Sa vertu et Sa force pour vaincre Son ennemi et le tien et obtenir ton heureuse fin du Repos éternel, si tu travailles fidèlement et si tu observes les commandements du Seigneur. Et quoique l'arrogance (Is. 16: 6) du démon soit grande, sa faiblesse néanmoins est encore plus grande; et il ne vaut pas plus qu'un atome très débile en présence de la vertu Divine. Mais comme son astuce ingénieuse et sa malice excèdent tant les mortels (Job 41: 24), il ne convient pas à l'âme d'entrer en raisons ni en conversations avec lui, soit visiblement ou invisiblement; parce qu'il sort de son entendement ténébreux, comme d'un fourneau de feu, des ténèbres et de la confusion qui obscurcissent le jugement des hommes; s'ils l'écoutent, il les remplit de faussetés et de ténèbres, afin qu'ils ne connaissent ni la vérité et la beauté de la vertu, ni la laideur de leurs tromperies venimeuses. Et avec cela, les âmes ne savent point séparer ce qui est précieux de ce qui est vil (Jér. 15: 19), la vie de la mort, ni la vérité du mensonge; et ainsi ils tombent aux mains de ce dragon cruel et impie.
3, 27, 356. Que ce soit une règle inviolable pour toi de ne point faire attention à ce qu'il te propose dans les tentations de ne point l'écouter et de ne point y réfléchir. Et si tu pouvais te détourner et t'éloigner de manière à ne point l'apercevoir ni connaître sa mauvaise intention ce serait le plus sûr de le regarder de loin; parce que toujours le démon envoie en avant quelque préparation pour introduire son erreur, spécialement aux âmes où il craint que l'entrée lui sera contestée s'il ne la facilite d'abord. Et ainsi il a coutume de commencer par la
tristesse, l'abattement de coeur ou par quelque mouvement ou quelque force qui distraie l'âme et qui la détourne de l'attention et de l'affection du Seigneur; et ensuite il arrive avec le poison dans un vase d'or, afin qu'il ne cause pas tant d'horreur. Au moment que tu reconnaîtras en toi quelques-uns de ces indices, puisque tu as déjà l'expérience, l'obéissance et la Doctrine, je veux qu'avec des ailes de colombe (Ps. 54: 7), tu élèves ton vol, et tu t'éloignes jusqu'à arriver au refuge du Très-Haut, L'invoquant en ta faveur et Lui présentant les mérites de mon Très Saint Fils. Et tu dois aussi recourir à ma protection comme à ta Mère et ta Maîtresse et à celle de tes Anges gardiens et de tous les autres du Seigneur. Ferme aussi tes sens avec promptitude et juge-toi morte pour eux, ou comme une âme de l'autre vie où n'arrive point la juridiction du serpent et du tyran exacteur. Occupe-toi davantage alors dans l'exercice des actes vertueux contraires aux vices qu'il te propose et spécialement dans les actes de Foi, d'Espérance et de Charité qui chassent la timidité et la crainte (1 Jean 4: 18) avec lesquelles la volonté s'affaiblit pour résister.
3, 27, 357. Tu ne dois chercher qu'en Dieu seul les raisons pour vaincre Lucifer et tu ne dois point les donner à cet ennemi de peur qu'il ne te remplisse de fascinations confuses. Juge comme une chose indigne outre qu'elle est dangereuse de te mettre à raisonner avec lui, ni de prêter attention à l'ennemi de celui que tu aimes et le tien. Montre-toi supérieure et magnanime contre lui et offre-toi à garder toutes les Vertus pour toujours. Et contente avec ce Trésor, retire-toi en lui; car la plus grande adresse des enfants de Dieu dans ce combat est de fuir très loin [f]; parce que le démon est orgueilleux et il ressent qu'on le méprise et il désire qu'on l'écoute, se confiant dans son arrogance et ses embûches. Et de là vient l'envie qu'il y a qu'on l'accueille en quelque chose; parce que le menteur ne peut se fier à la force de la vérité, puisqu'il ne la dit pas; et ainsi il met sa confiance à être importun et à revêtir l'erreur d'une apparence de bien et de vérité. Et tant que ce ministre de méchanceté ne se trouve point méprisé, il ne pense jamais être reconnu, et comme une mouche [g] importune il tourne autour de la partie la plus proche de la corruption.
3, 27, 358. Tu ne dois pas être moins vigilante lorsque l'ennemi se sert contre toi des autres créatures, comme il le fait par deux voies: ou en les portant à un amour trop grand, ou au contraire à la haine. Lorsque tu connaîtras une affection
désordonnée en ceux qui te fréquentes, garde la même doctrine qu'à fuir le démon; mais avec cette différence que lui, tu dois l'abhorrer, et les autres créatures tu les considéreras ouvrages du Seigneur et tu ne leur refuseras point ce que tu leur dois en Sa Majesté et pour Lui. Mais, pour t'en éloigner, regarde-les tous comme ennemis, puisque pour ce que Dieu veut de toi et dans l'état où tu es, ce sera le démon qui voudra induire les autres personnes à t'éloigner du même Seigneur, et de ce que tu Lui dois. Si d'un autre côté elles te persécutent avec haine, corresponds avec amour et mansuétude, priant pour ceux qui t'abhorrent et te persécutent et que cela soit avec une affection intime du coeur. Et s'il était nécessaire de dissiper la colère de quelqu'un par des paroles douces ou de détruire quelque erreur en satisfaction de la vérité tu le feras, non pour ta défense, mais pour calmer tes frères et pour leur bien et leur paix intérieure et extérieure: et avec cela tu vaincras tout à la fois et toi-même et ceux qui te haïssent. Pour fonder tout cela il est nécessaire de couper les vices capitaux par les racines, les arracher tout àfait, mourant aux mouvements de l'appétit dans lequel s'enracinent les sept vices capitaux avec lesquels le démon tente, parce qu'il les sème tous dans les passions et les appétits désordonnés et immortifiés.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 27, [a]. "Se mit comme sur pied". Rien d'impossible en cela. Saint Jean-Baptiste exulta et tressaillit dans le sein de sainte Élisabeth comme le raconte l'Évangile. Il s'agissait ici de prier pour la victoire de Celle qui était créée par Dieu pour écraser la tête du serpent, pour combattre et pour soutenir du côté de l'enfer les plus furieux assauts et leur issue était d'une importance plus grande que l'issue de toutes les batailles du peuple de Dieu même. Moïse se mit à prier longuement sur la montagne les bras élevés pour la victoire d'Israël contre les Amalécites. Combien était-il plus raisonnable que Notre Seigneur Jésus-Christ priât pour la victoire de la grande Antagoniste de l'enfer contre les ennemis bien plus redoutables que les Amalécites qui en étaient la figure!
3, 27, . Si Notre Seigneur Jésus-Christ fut tenté par le diable, Marie, ennemie capitale de ce diable ne devait pas en être exempte. Mais il faut remarquer que cette Auguste Mère de Dieu de pouvait pas souffrir de tentations par suggestion intérieure; parce qu'étant conçue sans péché Elle n'avait point en elle l'aiguillon du péché comme nous, et sa chair immaculée était parfaitement soumise à la raison. C'est pourquoi toutes les tentations en la Très Sainte Marie comme en Jésus-Christ arrivèrent par suggestions externes.
3, 27, [c]. Livre 1, No. 103.
3, 27, [d]. Livre 1, Nos. 129-130.
3, 27, [e]. On voit des artifices semblables employés par les démons contre le grand saint Antoine dans sa vie écrite par saint Athanase: et dernièrement le bienheureux curé d'Ars souffrit de semblables assauts.
3, 27, [f]. Saint Philippe de Néri parlant de la tentation de la chair avait coutume de dire: «Dans cette bataille, ce sont les poltrons et ceux qui fuient qui sont les vainqueurs.»
3, 27, [g]. Saint François d'Assise avait coutume d'appeler le démon du nom de mouche.
Le Seigneur prévient la Très Sainte Marie pour entrer en combat avec Lucifer et le dragon commence à La persécuter.
3, 27, 335. Le Verbe Éternel incarné dans le sein de Marie, la tenant déjà pour Sa Mère et connaissant les conseils de Lucifer, fut attentif à la défense de Son Tabernacle plus estimable que tout le reste des créatures, et cela non seulement avec Sa Sagesse incréée en tant que Dieu, mais aussi avec Sa Science créée en tant qu'homme. Et pour vêtir de force nouvelle l'invincible Souveraine contre la folle audace de ce perfide dragon et de ses trompes, la Très Sainte Humanité S'émut et Se mit comme sur pied [a] dans le Tabernacle Virginal, comme Celui qui s'oppose et qui accourt au combat, indigné contre les princes des ténèbres. Dans cette posture Il fit une oraison au Père Éternel, Lui demandant de renouveler Ses faveurs et Ses grâces envers Sa propre Mère, afin que fortifiée de nouveau Elle écrasât la tête de l'ancien serpent et que ce grand dragon fût humilié et opprimé par une Femme, que ses intentions demeurassent frustrées et ses forces débilitées et que la Reine des cieux sortît victorieuse et triomphante sur l'enfer à la gloire et à la louange de l'Etre même de Dieu et de Sa Mère Vierge.
3, 27, 336. Comme le demanda Notre Seigneur Jésus-Christ, ainsi le concéda et le décréta la Bienheureuse Trinité. Et ensuite fut manifesté d'une manière ineffable à la Vierge Mère son Très Saint Fils qu'Elle avait dans son sein; et dans cette vision Il lui communiqua une plénitude très abondante de biens, de grâces et de Dons indicibles, et Elle connut avec une sagesse nouvelle des mystères très cachés et très sublimes que je ne puis déclarer. Elle comprit spécialement que Lucifer avait fabriqué de grandes machines et des pensées superbes contre la gloire du Seigneur même; et que l'arrogance de cet ennemi s'étendait à boire les eaux (Job 40: 18) pures du Jourdain, et le Très-haut lui donnant ces connaissances, Sa Majesté lui dit: «Mon Épouse et Ma Colombe, la fureur altérée du dragon infernal est si insatiable contre Mon Saint Nom et contre ceux qui L'adorent qu'il prétend les renverser tous sans en excepter aucun, et effacer Mon Nom de la terre des vivants avec une audace et une présomption formidables. Je veux, Mon Amie,
que tu prennes Ma cause à coeur et que tu défendes Mon Saint Honneur, combattant en Mon Nom contre ce cruel ennemi; car Je serai avec toi dans le combat, puisque Je suis dans ton sein Virginal. Et avant de venir au monde, Je veux que tu les détruises et les confondes par Ma vertu Divine, parce qu'ils sont persuadés que la Rédemption des hommes approche, et ils désirent arriver auparavant à les détruire tous et à gagner toutes les âmes du monde sans en excepter aucune. Je confie cette victoire à ta fidélité et à ton amour. Tu combattras en Mon Nom et Moi en toi contre ce dragon, cet antique serpent (Apoc. 12: 9).»
3, 27, 337. Cet avis du Seigneur et la reconnaissance de sacrements si cachés firent de tels effets dans le Coeur de la divine Mère que je ne trouve pas de paroles avec quoi manifester ce que je connais. Et sachant que c'était la Volonté se Son Très Saint Fils qu'Elle défendît l'honneur du Très-Haut, cette Reine très zélée s'enflamma toute entière dans son divin Amour et Elle se revêtit d'une force si invincible que si chacun des démons avait été un enfer entier avec la fureur et la malice de tous les autres ils n'eussent été tous que des fourmis très faibles et très débiles pour s'opposer à la vertu incomparable de notre Capitaine; et Elle les eût tous anéantis et vaincus par la moindre de ses vertus et par le zèle de la gloire et de l'honneur du Seigneur. Notre Défenseur et Protecteur divin ordonna de donner à Sa Très Sainte Mère ce glorieux triomphe sur l'enfer, afin que l'orgueil arrogant de ses ennemis ne s'élevât pas davantage lorsqu'ils se hâtaient si fort de perdre le monde avant qu'arrivât son remède et afin que nous, les mortels, nous nous trouvassions obligés, non seulement envers un amour si estimable de Son Très Saint Fils, mais aussi à notre divine Réparatrice et à notre Défense, laquelle entrant en combat avec Lucifer, le retint, le vainquit et l'opprima, afin que le genre humain ne devînt pas encore plus incapable de recevoir son Rédempteur.
3, 27, 338. O enfants des hommes tardifs et pesants de coeur! Comment ne considérons-nous point des bienfaits si admirables? Qu'est-ce que l'homme (Ps. 8: 5) pour que tu l'estimes et le favorises ainsi, ô Roi Très-Haut? Tu offres ta propre Mère et notre Souveraine au combat et au travail pour notre défense? Qui entendit jamais un exemple semblable? Qui a pu trouver une telle force et une telle industrie d'amour? Où avons-nous le jugement? Qui nous a privés du bon usage de la raison? Quelle dureté est la nôtre? Qui nous a introduit une si horrible
ingratitude? Comment les hommes qui aiment tant l'honneur et qui se donnent tant de soins pour l'acquérir, ne se confondent-ils pas en commettant une telle vilenie et une si infâme ingratitude que d'oublier cette obligation? La reconnaître et la payer par la vie même seraient noblesse et honneur véritables dans les mortels enfants d'Adam.
3, 27, 339. L'obéissante Mère s'offrit à ce conflit et àcette bataille contre Lucifer pour l'honneur de son Très Saint Fils et son Dieu et le nôtre. Elle répondit à ce qu'Il lui commandait et dit: «O mon Très-Haut Seigneur et tout mon Bien, de la Bonté infinie de qui j'ai obtenu l'être, la grâce et la Lumière que je reconnais; je suis toute Vôtre, et Vous, Seigneur, Vous êtes mon Fils par Votre bonté, faites de Votre servante ce qui sera de Votre plus grande gloire et de Votre plus grand agrément; car si Vous êtes en moi et moi en Vous, Seigneur, qui sera puissant contre la vertu de Votre Volonté? Je serai l'Instrument de Votre bras invincible: donnez-moi Votre force et venez avec moi; allons conte l'enfer, au combat contre le dragon et tous ses alliés.» Pendant que la divine Reine faisait cette oraison, Lucifer sortit de ses conciliabules si arrogant et si superbe contre Elle, qu'il réputait toutes les âmes de la perdition desquelles il est si altéré comme une chose de très peu de prix. Et si l'on pouvait connaître cette fureur infernale comme elle était, nous comprendrions bien ce que Dieu en dit au saint homme Job, «qu'il estimait et réputait l'acier comme de la paille et le bronze comme du bois vermoulu (Job 41: 18).» Telle était la colère de ce dragon contre la Très Sainte Marie. Et elle n'est pas moindre maintenant contre les âmes respectivement; car son arrogance méprise la plus sainte, la plus invincible et la plus forte comme une feuille sèche. Que ne fera-t-il donc point des pécheurs qui comme des cannes frêles et pourries ne lui résistent pas? Seules la foi vive et l'humilité de coeur sont les doubles armes (Eph. 6: 16) avec lesquelles nous pouvons le vaincre et le soumettre glorieusement.
3, 27, 340. Pour commencer la bataille , Lucifer amena avec lui les sept légions (Apoc. 12: 3) avec leurs principaux chefs qu'il désigna lors de sa chute [c] du Ciel, afin qu'ils tentassent les hommes dans les sept péchés capitaux. Et à chacun de ces sept escadrons il recommanda la lutte contre la Princesse impeccable, afin qu'ils éprouvassent en Elle et contre Elle leurs plus grands efforts. L'invincible Dame était en oraison et le Seigneur le permettant alors, la
première légion entra pour la tenter d'orgueil, ce qui est le ministère spécial de ces ennemis. Pour disposer les passions ou inclinations naturelles en altérant les humeurs du corps, moyen ordinaire de tenter les autres âmes, ils essayèrent de s'approcher de la divine Dame, jugeant qu'Elle était comme les autres créatures de passions désordonnées par le péché; mais ils ne purent s'approcher d'Elle autant qu'ils le désiraient, parce qu'ils sentaient une vertu invincible et un parfum de sa sainteté qui les tourmentaient plus que le feu même dont ils souffraient. Et comme il en était ainsi et que le seul air de la Très Sainte Marie les pénétrait d'une douleur souveraine, toutefois la rage qu'ils concevaient était si furieuse et si démesurée qu'ils méprisaient ce tourment et ils s'efforçaient àl'envi de s'approcher davantage désirant l'offenser et l'altérer.
3, 27, 341. Le nombre des démons était grand et la Très Sainte Marie une pure Femme seule; mais Elle était aussi formidable et aussi terrible contre eux que plusieurs armées bien rangées (Cant. 6: 3). Ces ennemis se présentaient à Elle autant qu'ils le pouvaient avec leurs fables très iniques (Ps. 118: 85). Mais l'Auguste Princesse nous enseignant à vaincre ne s'émut ni ne s'altéra point; Elle ne changea point d'air ni de couleur. Elle ne fit point cas d'eux et Elle n'y prêtait pas plus d'attention que s'ils eussent été des fourmis très débiles: Elle les méprisa avec un Coeur invincible et magnanime; parce que comme cette guerre doit être faite par les vertus, Elle ne doit pas être avec des extrêmes, des agitations et du bruit, mais avec calme, paix intérieure et modestie extérieure. Ils ne purent lui altérer les passions et les appétits; parce que cela ne tombait point sous la juridiction du démon dans notre Reine, car Elle était toute soumise à la raison et Celle-ci à Dieu et le coup du péché n'avait pas touché à l'harmonie de ses puissances et ne les avait point déconcertées, comme dans les autres enfants d'Adam. Et pour cela les flèches de ces ennemis étaient comme dit David des flèches d'enfants (Ps. 63: et leurs machines étaient comme des artilleries sans munitions et ils n'étaient forts que contre eux-mêmes, parce que leur faiblesse leur était un vif tourment. Et quoiqu'ils ignorassent l'innocence et la justice originelle de la Très Sainte Marie et qu'ils ne comprissent point non plus que les tentations communes ne pouvaient l'offenser; mais dans la grandeur de son air et de sa constance, ils conjecturaient leur propre mépris et qu'ils l'offensaient très peu. Et c'était non seulement peu mais point; parce que comme l'Évangéliste dit dans l'Apocalypse et je l'ai rapporté dans la première partie [d], la terre aida la Femme vêtu du soleil lorsque le dragon lança contre Elle les eaux impétueuses des
tentations; parce que le corps terrestre de cette Dame n'était pas vicié dans ses puissances et ses passions comme les autres que le péché toucha.
3, 27, 342. Ces démons prirent des figures corporelles, terribles et épouvantables et ajoutant des hurlements cruels, des voix et des rugissements horribles, feignant de grands bruits, des menaces et des tremblements de la terre et de la maison qui semblait menacer ruine et d'autres paniques semblables pour épouvanter, troubler ou émouvoir la Princesse du monde [e], car pour cela seulement ou pour la retirer de l'oraison ils se fussent tenus pour victorieux. Mais le Coeur grand et invincible de la Très Sainte Marie ne se troubla, ne s'altéra ni ne fît aucune mutation. Et il faut avertir ici que pour ce combat, le Seigneur laissa Sa Très Sainte Mère dans l'état commun de la Foi et des vertus qu'Elle avait et ils suspendait l'influence des autres faveurs et des autres consolations qu'Elle avait coutume de recevoir hors de ces occasions. Le Très-Haut l'ordonna ainsi, afin que le triomphe de Sa Mère fût plus glorieux et plus excellent; outre certaines autres raisons que Dieu a dans ce mode de procéder envers les âmes: car Ses jugements touchant la manière dont Il agit avec elles sont insondables (Rom. 11: 33) et cachés. Quelquefois la grande Dame avait coutume de prononcer et de dire: «Qui est comme Dieu qui vit dans les hauteurs, et qui regarde les humbles dans le Ciel et sur la terre (Ps. 112: 5-6)?» Et par ces paroles Elle ruinait ces armes à doubles tranchants qu'ils lui opposaient.
3, 27, 343. Ces loups affamés changèrent leur peau et prirent celle de brebis, laissant les figures épouvantables et se transformant en Anges de lumière très resplendissants et très beaux. Et s'approchant de la divine Souveraine, ils lui dirent: «Tu as vaincu, tu as vaincu, tu es forte, et nous venons t'assister et récompenser ton invincible valeur;» et avec ces flatteries mensongères, ils l'entourèrent et lui offrirent leur faveur. Mais la Très Prudente Dame recueillit tous ses sens, et s'élevant (Lam. 3: 41) au dessus d'Elle-même par le moyen des Vertus infuses, Elle adora le Seigneur en esprit et en vérité (Jean 4: 23) et méprisant les lacs (Eccli 51: 3) de ces langues iniques et de ces mensonges fabuleux, Elle parla à son Très Saint Fils et lui dit: «Mon Seigneur et mon Maître, ma Force, vraie Lumière de lumière, en Votre seule protection est toute ma confiance et l'exaltation de Votre Saint Nom. J'anathématise, j'abhorre et je déteste tous ceux qui le contredisent.» Les opérations de la méchanceté
persévéraient à proposer ses fausses insanités à la Maîtresse de la science, et à offrir des louanges feintes au-dessus des étoiles à Celle qui s'humiliait plus que les créatures infimes; et ils lui dirent qu'ils voulaient la distinguer parmi les femmes et lui faire une faveur exquise qui était de la choisir au Nom du Seigneur pour la Mère du Messie et que sa sainteté fût au-dessus des Patriarches et des Prophètes.
3, 27, 344. L'auteur de cette tromperie extravagante fut Lucifer lui-même d'où sa malice se découvre afin que les autres âmes la connaissent. Mais il était ridicule pour la Reine du Ciel, de lui offrir ce qu'Elle était, et c'étaient eux qui étaient les trompés et les hallucinés, non seulement en offrant ce qu'ils ne savaient ni ne pouvaient donner, mais en ignorant les sacrements du Roi du Ciel renfermés dans la Femme Très Fortunée qu'ils persécutaient. Cependant, l'iniquité du dragon fut grande, parce qu'il savait qu'il ne pouvait accomplir ce qu'il promettait; mais il voulait savoir si par hasard notre divine Souveraine l'était, ou si Elle donnait quelque indice de le savoir. La prudence de la Très Sainte Marie n'ignora pas cette duplicité de Lucifer, et en la méprisant Elle demeura dans une sévérité et une impassibilité admirables. Et tout ce qu'Elle fit au milieu des fausses adulations fut de continuer l'oraison et d'adorer le Seigneur en se prosternant en terre; et en Le confessant Elle s'humiliait Elle-même et Elle se réputait plus méprisable que toutes les créatures et que la poussière même qu'Elle foulait aux pieds. Par cette oraison et cette humilité Elle décolla la superbe présomptueuse de Lucifer tout le temps que cette tentation lui dura. Et quant au reste de ce qui arriva, la sagacité des démons, leurs cruautés et les fables trompeuses qu'ils inventèrent, il ne me paraît pas à propos de tout rapporter, ni de m'étendre à ce qui m'a été manifesté, car ce que j'ai dit suffit pour notre instruction et tout ne peut être confié à l'ignorance des créatures terrestres et fragiles.
3, 27, 345. Ces ennemis de la première légion découragés et vaincus, ceux de la second arrivèrent pour tenter d'avarice la plus Pauvre du monde. Ils lui offrirent de grandes richesses d'or, d'argent, et de joyaux très spécieux. Et afin que tout cela ne parût pas des promesses en l'air, ils lui présentèrent plusieurs de ces choses, quoique d'une manière apparente seulement, leur semblant que le sens a une grande force pour inciter la volonté au délectable présent. Ils ajoutèrent à cette tromperie plusieurs autres raisons artificieuses et ils lui dirent que Dieu lui envoyait tout cela pour le distribuer aux pauvres. Et comme Elle n'en reçut rien, ils
changèrent de tactique et ils lui dirent que c'était une chose injuste qu'Elle fût si pauvre, puisqu'Elle était si sainte; et qu'il y avait plus de raisons pour qu'Elle fût Maîtresse de toutes ces richesses que les autres pécheurs et les méchants; que le contraire était une injustice et un désordre de la Providence du Seigneur, que les justes fussent pauvres et les méchants et les ennemis riches et prospères.
3, 27, 346. C'est en vain, dit le Sage, que l'on jette le filet devant les yeux des oiseaux agiles (Prov. 1: 17). Cela était vrai dans toutes les tentations contre notre Auguste Princesse; mais en celle de l'avarice, la malice du serpent était plus extravagante, puisqu'il tendait le filet en des choses si terrestres et si viles contre le Phénix de la pauvreté qui avait élevé son vol si loin de la terre, au-dessus des Séraphins mêmes. Quoique la Très Prudente Dame fût remplie de Sagesse divine, Elle ne se mit jamais à raisonner avec ses ennemis, comme on ne doit non plus jamais le faire; puisqu'ils combattent contre la vérité manifeste et qu'ils ne s'en donneraient pas pour convaincus quoiqu'ils la connussent. Et pour cela la Très Sainte Marie se prévalut de quelques paroles de l'Écriture, les prononçant avec une humilité sévère, et Elle dit celle du psaume 118: «Haereditatem acquisivi testimonia tua in aeternum. J'ai choisi pour héritage et pour richesses de garder Ta Loi et Tes témoignages, ô mon Seigneur (Ps. 118: 111).» Et Elle en ajouta d'autres, louant et bénissant le Très-Haut avec action de grâces, parce qu'Il l'avait créée et conservée, la sustentant sans qu'Elle le méritât. Et de cette manière si remplie de Sagesse, Elle vainquit et confondit la seconde tentation, les artisans de la méchanceté demeurant tourmentés et confus.
3, 27, 347. Arriva la troisième légion avec le prince impur qui tente dans la faiblesse de la chair; et en celle-ci ils forcèrent davantage parce qu'ils trouvèrent plus d'impossibilité pour exécuter aucune des choses qu'ils désiraient; et ainsi ils obtinrent moins s'il peut y avoir moins dans les unes que dans les autres. Ils intentèrent de lui introduire certaines suggestions et représentations très laides, et de fabriquer d'autres monstruosités indicibles. Mais tout demeura en l'air; parce que la Très Pure Vierge, ayant connu la nature de ce vice, se recueillit toute à l'intérieur et laissa tout l'usage de ses sens suspendu sans aucune opération; et ainsi il ne peut y avoir en Elle suggestion d'aucune chose, ni entrer d'espèce dans sa pensée, parce que rien n'arriva à ses puissances. Et d'une volonté fervente, Elle renouvela plusieurs fois le voeu de chasteté en la présence intérieure du Seigneur;
et Elle mérita plus dans cette circonstance que toutes les vierges qui ont été et qui seront dans le monde. Et le Tout-Puissant lui donna en cette matière une vertu telle que le feu renfermé dans le bronze ne lance pas avec une pareille force et une pareille vélocité la munition qui s'y trouve qu'étaient précipités les ennemis quand ils intentaient de toucher à la pureté de la Très Sainte Marie par quelque tentation.
3, 27, 348. La quatrième légion et tentation fut contre la mansuétude et la patience, procurant de mouvoir la colère de la Très Douce Colombe. Et cette tentation fut plus incommode, parce que les ennemis mirent toute la maison sans dessus dessous; ils rompirent et détruisirent tout ce qu'il y avait d'une manière et en des circonstances telles qu'ils pussent irriter davantage la Très Douce Dame; et ses saints Anges réparèrent aussitôt tout ce dommage. Les démons vaincus en cela prirent des figures de certaines femmes connues de la sérénissime Princesse; et ils allèrent à Elle avec une plus grande indignation et une plus grande fureur que s'ils eussent été les femmes véritables et ils lui dirent des coutumélies exorbitantes, osant la menacer et lui ôter de sa maison certaines choses des plus nécessaires. Mais toutes ces machinations furent frivoles pour qui les connaissait comme la Très Sainte Marie; puisqu'ils ne firent aucun geste ni aucune action qu'Elle ne pénétrât, quoiqu'Elle s'en retirât totalement, sans s'émouvoir ni s'altérer; mais Elle méprisait tout avec une majesté de Reine. Les malins esprits craignirent d'être connus et pour cela méprisés. Ils prirent un autre instrument d'une femme véritable et de condition accommodée pour leur sujet. Ils émurent celle-ci contre la Princesse du Ciel par un artifice diabolique; parce que le démon prit la forme d'une autre de ses amies, et lui dit que Marie la femme de Joseph l'avait déshonorée en son absence disant d'elle plusieurs faussetés que feignit le démon notre ennemi.
3, 27, 349. Cette femme trompée, qui d'un autre côté se mettait facilement en colère, s'en alla en une très grande fureur trouver notre très douce brebis la Très Sainte Vierge et lui dit en face des injures et des insultes exécrables. Mais la laissant peu à peu répandre le courroux qu'elle avait conçu, son Altesse lui parla avec des paroles si humbles et si douces qu'elle la changea tout-à-fait et lui adoucit le coeur. Et lorsqu'elle fut revenue davantage à elle-même, Elle la consola et la calma, l'avertissant de se garder du démon; et lui donnant quelque aumône parce qu'elle était pauvre, Elle la renvoya en paix; avec quoi cet artifice fut dissipé, comme plusieurs autres qu'imagina Lucifer, le père du mensonge, non-seulement
pour irriter la Très Douce Colombe mais aussi par là même la discréditer. Mais le Très-Haut prépara la défense de l'honneur de Sa Très Sainte Mère par le moyen de sa propre perfection, de son humilité et de sa prudence, de telle sorte que le démon ne put jamais la discréditer en aucune chose; parce qu'Elle opérait et procédait si doucement et si sagement envers tous que la multitude des machinations que le démon fabriquait se détruisaient sans avoir aucun résultat. L'égalité et la mansuétude que l'Auguste Souveraine eut en ce genre de tentations fut un sujet d'admiration pour les Anges, et aussi pour les démons mêmes quoique différemment, de voir une telle manière d'opérer dans une créature humaine et une Femme; parce qu'ils n'en avaient jamais connu de semblable.
3, 27, 350. La cinquième légion entra avec la tentation de gourmandise et quoique le démon ne dit point à notre Reine de changer les pierres en pain (Matt. 4: 3), comme ensuite à Son Très Saint Fils, parce qu'ils ne l'avaient pas vu faire d'aussi grands miracles, parce qu'Elle les avait cachés, il la tenta néanmoins de gourmandise (Gen. 3: 6) comme la première femme. Ils lui présentèrent de grandes douceurs qui en apparence conviaient et excitaient l'appétit, et ils tâchèrent de lui exciter les humeurs naturelles, afin qu'Elle sentît quelque faim bâtarde; et ils se fatiguèrent à l'inciter, afin qu'Elle fît attention à ce qu'ils lui offraient. Mais toutes ces diligences furent vaines et sans aucun effet; parce que le Coeur sublime de notre Princesse et notre Souverain était aussi éloigné de tous ces objets si matériels et si terrestres que le Ciel l'est de la terre. Et Elle n'employa pas ses sens à faire attention à la gourmandise, Elle ne l'aperçut presque point; parce qu'en tout Elle défaisait ce qu'avait fait notre mère Eve qui imprudente et sans faire attention au danger posa la vue sur la beauté de l'arbre de la science et sur son doux fruit, et aussitôt elle étendit la main et en mangea, donnant principe à notre perte. La Très Sainte Marie ne fit point ainsi, car Elle fermait et abstrayait ses sens, quoiqu'Elle n'eût pas le danger d'Eve: et celle-ci demeura vaincue pour notre perte et la grande Reine victorieuse pour notre rachat et notre remède.
3, 27, 351. La sixième tentation de l'envie arriva très découragée, voyant la défaite des ennemis précédents; car bien qu'ils ne connussent point toute la perfection avec laquelle la Mère de la Sainteté opérait, ils sentaient néanmoins sa force invincible; et ils la connaissaient si immobile qu'ils désespéraient de pouvoir la réduire à aucune de leurs intentions dépravées. Néanmoins la haine implacable
du dragon et son orgueil jamais désarmé ne se rendaient point; au contraire, ils ajustèrent de nouvelles inventions pour provoquer la grande Amante du Seigneur et de son prochain à envier dans les autres ce qu'Elle ne possédait pas Elle-même et ce qu'Elle abhorrait comme inutile et dangereux. Ils lui firent une relation très étendue de beaucoup de biens et de grâces naturelles que d'autres avaient; et ils lui disaient que Dieu ne les lui avait pas donnés à Elle. Et supposant que les dons surnaturels devaient lui être un motif plus efficace d'émulation, ils lui rapportèrent de grandes faveurs et de grands bienfaits que la droite du Tout-Puissant avait communiqués à d'autres et non à Elle. Mais comment ces fables menteuses auraient-elles pu embarrasser Celle-là même qui était la Mère de toutes les grâces et de tous les dons du Ciel. Parce que les bienfaits du Seigneur qu'ils pouvaient lui représenter avoir été reçus par toutes les créatures étaient tous moindre qu'être Mère de l'Auteur de la grâce; et par celle que Sa Majesté lui avait communiquée et le feu de la Charité qui brûlait dans son sein, Elle désirait avec de vives anxiétés que la droite du Très-Haut les enrichît et les favorisât librement. Puis comment l'envie pouvait-elle trouver place là où la Charité abondait (1 Cor. 13: 4). Mais les cruels ennemis ne se désistaient point. Ils représentèrent ensuite à la divine Reine la félicité apparente des autres qui par les richesses et les biens de la fortune étaient jugés pour fortunés en cette vie et triomphants dans le monde. Et ils portèrent diverses personnes à aller trouver la Très Sainte Marie et à lui dire en même temps la consolation qu'elles avaient de se trouver riches et favorisées de la fortune. Comme si cette trompeuse félicité des mortels n'avait pas été réprouvée tant de fois dans les divines Écritures (Jér. 17: 11; Eccles. 5: 9; Ps. 48: 18 et 20; Matt. 19: 23-24; 1 Tim. 6: 9); et c'étaient la Science et la Doctrine que la Reine du Ciel et son Très Saint Fils venaient enseigner au monde par leurs exemples.
3, 27, 352. Notre divine Dame enseignait à ces personnes àbien user des dons et des richesses temporelles et à en rendre grâces à leur Auteur: et Elle faisait Elle-même, suppléant au défaut de l'ingratitude ordinaire des hommes. Et quoique la très humble Dame se jugeât indigne du moindre bienfait du Très-Haut; néanmoins en fait de vérité sa dignité et sa sainteté très éminentes attestaient en Elle ce que les Saintes Écritures (Prov. 8: 18-19; Eccli. 24: 25) disent en son nom: «Avec moi sont les richesses et la gloire, les trésors et la justice. Mon fruit est meilleur que l'or, l'argent et les pierres précieuses. En moi est toute la grâce de la voie et de la vérité et toute l'espérance de la vie et de la vertu.» Avec cette excellence et cette supériorité Elle vainquait les ennemis, les laissant comme étourdis et confus de
voir que là où ils déployaient toutes leurs forces et leur astuce, ils obtenaient moins, et ils se trouvaient plus ruinés.
3, 27, 353. Son obstination persista néanmoins jusqu'à arriver avec la septième tentation de paresse, prétendant l'introduire en la Très Sainte Marie, en lui excitant quelques indispositions corporelles de lassitude, de fatigue ou de tristesse, ce qui est un art peu connu, avec lequel le péché de la paresse fait de grands progrès dans plusieurs âmes et leur empêche l'avancement dans la vertu. Ils ajoutèrent à cela plusieurs suggestions qu'étant fatiguée Elle remît certains exercices pour quand Elle serait mieux disposée: ce qui n'est pas une moindre fourberie que lorsqu'il nous trompe par d'autres, et nous ne le percevons pas ni nous ne connaissons ce qui est nécessaire. Outre toute cette malice, ils essayèrent d'empêcher la Très Sainte Marie de faire quelques exercices par le moyen des créatures humaines, prenant soin qu'elles allassent la déranger en des heures intempestives, pour la retarder en quelques-unes de ses actions et de ses saintes occupations qui avaient leurs heures et leurs temps marqués. Mais la très prudente et très diligente Princesse connaissait toutes ces machinations et Elle les dissipait par sa sagesse et sa sollicitude, sans que l'ennemi n'obtînt jamais de l'empêcher en aucune chose afin qu'Elle n'opérât pas avec plénitude de perfection. Ces ennemis demeurèrent comme désespérés et débilités et Lucifer furieux contre eux et contre lui-même. Mais renouvelant leur orgueil enragé, ils déterminèrent tous ensemble, comme je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 27, 354. Ma fille, quoique tu aies résumé en un court compendium la bataille prolixe de mes tentations, je veux que de ce que tu as écrit et du reste que tu as connu en Dieu, tu tires les règles et la Doctrine pour résister à l'enfer et pour le vaincre. Pour cela le meilleur moyen de combattre est de mépriser le démon, le considérant ennemi du Dieu Très-Haut sans la sainte crainte et sans l'espérance d'aucun bien, désespéré du remède et opiniâtre dans son infortune, et sans repentir de son iniquité. Et avec cette vérité infaillible tu dois te montrer contre lui
supérieure, magnanime et immuable, le traitant comme contempteur de l'honneur et du culte de son Dieu. Et sachant que tu défends une si juste cause (Eccli. 5: 33), tu ne dois point t'intimider; au contraire, tu dois lui résister avec tous tes efforts et ta vaillance et le contredire en tout ce qu'il intentera, comme si tu étais à côté du même Seigneur pour le nom duquel tu combats; puisqu'il n'y a point de doute que Sa Majesté assiste celui qui combat légitimement. Tu es en lieu et en état d'espérance et destinée à la gloire éternelle si tu travailles avec fidélité pour ton Dieu et ton Seigneur.
3, 27, 355. Considère donc que les démons abhorrent avec une haine implacable ce que tu aimes et ce que tu désires, qui sont l'honneur de Dieu et la félicité éternelle; et ils voudraient te priver de ce qu'ils ne peuvent retrouver. Et Dieu a réprouvé le démon et Il t'offre à toi Sa grâce, Sa vertu et Sa force pour vaincre Son ennemi et le tien et obtenir ton heureuse fin du Repos éternel, si tu travailles fidèlement et si tu observes les commandements du Seigneur. Et quoique l'arrogance (Is. 16: 6) du démon soit grande, sa faiblesse néanmoins est encore plus grande; et il ne vaut pas plus qu'un atome très débile en présence de la vertu Divine. Mais comme son astuce ingénieuse et sa malice excèdent tant les mortels (Job 41: 24), il ne convient pas à l'âme d'entrer en raisons ni en conversations avec lui, soit visiblement ou invisiblement; parce qu'il sort de son entendement ténébreux, comme d'un fourneau de feu, des ténèbres et de la confusion qui obscurcissent le jugement des hommes; s'ils l'écoutent, il les remplit de faussetés et de ténèbres, afin qu'ils ne connaissent ni la vérité et la beauté de la vertu, ni la laideur de leurs tromperies venimeuses. Et avec cela, les âmes ne savent point séparer ce qui est précieux de ce qui est vil (Jér. 15: 19), la vie de la mort, ni la vérité du mensonge; et ainsi ils tombent aux mains de ce dragon cruel et impie.
3, 27, 356. Que ce soit une règle inviolable pour toi de ne point faire attention à ce qu'il te propose dans les tentations de ne point l'écouter et de ne point y réfléchir. Et si tu pouvais te détourner et t'éloigner de manière à ne point l'apercevoir ni connaître sa mauvaise intention ce serait le plus sûr de le regarder de loin; parce que toujours le démon envoie en avant quelque préparation pour introduire son erreur, spécialement aux âmes où il craint que l'entrée lui sera contestée s'il ne la facilite d'abord. Et ainsi il a coutume de commencer par la
tristesse, l'abattement de coeur ou par quelque mouvement ou quelque force qui distraie l'âme et qui la détourne de l'attention et de l'affection du Seigneur; et ensuite il arrive avec le poison dans un vase d'or, afin qu'il ne cause pas tant d'horreur. Au moment que tu reconnaîtras en toi quelques-uns de ces indices, puisque tu as déjà l'expérience, l'obéissance et la Doctrine, je veux qu'avec des ailes de colombe (Ps. 54: 7), tu élèves ton vol, et tu t'éloignes jusqu'à arriver au refuge du Très-Haut, L'invoquant en ta faveur et Lui présentant les mérites de mon Très Saint Fils. Et tu dois aussi recourir à ma protection comme à ta Mère et ta Maîtresse et à celle de tes Anges gardiens et de tous les autres du Seigneur. Ferme aussi tes sens avec promptitude et juge-toi morte pour eux, ou comme une âme de l'autre vie où n'arrive point la juridiction du serpent et du tyran exacteur. Occupe-toi davantage alors dans l'exercice des actes vertueux contraires aux vices qu'il te propose et spécialement dans les actes de Foi, d'Espérance et de Charité qui chassent la timidité et la crainte (1 Jean 4: 18) avec lesquelles la volonté s'affaiblit pour résister.
3, 27, 357. Tu ne dois chercher qu'en Dieu seul les raisons pour vaincre Lucifer et tu ne dois point les donner à cet ennemi de peur qu'il ne te remplisse de fascinations confuses. Juge comme une chose indigne outre qu'elle est dangereuse de te mettre à raisonner avec lui, ni de prêter attention à l'ennemi de celui que tu aimes et le tien. Montre-toi supérieure et magnanime contre lui et offre-toi à garder toutes les Vertus pour toujours. Et contente avec ce Trésor, retire-toi en lui; car la plus grande adresse des enfants de Dieu dans ce combat est de fuir très loin [f]; parce que le démon est orgueilleux et il ressent qu'on le méprise et il désire qu'on l'écoute, se confiant dans son arrogance et ses embûches. Et de là vient l'envie qu'il y a qu'on l'accueille en quelque chose; parce que le menteur ne peut se fier à la force de la vérité, puisqu'il ne la dit pas; et ainsi il met sa confiance à être importun et à revêtir l'erreur d'une apparence de bien et de vérité. Et tant que ce ministre de méchanceté ne se trouve point méprisé, il ne pense jamais être reconnu, et comme une mouche [g] importune il tourne autour de la partie la plus proche de la corruption.
3, 27, 358. Tu ne dois pas être moins vigilante lorsque l'ennemi se sert contre toi des autres créatures, comme il le fait par deux voies: ou en les portant à un amour trop grand, ou au contraire à la haine. Lorsque tu connaîtras une affection
désordonnée en ceux qui te fréquentes, garde la même doctrine qu'à fuir le démon; mais avec cette différence que lui, tu dois l'abhorrer, et les autres créatures tu les considéreras ouvrages du Seigneur et tu ne leur refuseras point ce que tu leur dois en Sa Majesté et pour Lui. Mais, pour t'en éloigner, regarde-les tous comme ennemis, puisque pour ce que Dieu veut de toi et dans l'état où tu es, ce sera le démon qui voudra induire les autres personnes à t'éloigner du même Seigneur, et de ce que tu Lui dois. Si d'un autre côté elles te persécutent avec haine, corresponds avec amour et mansuétude, priant pour ceux qui t'abhorrent et te persécutent et que cela soit avec une affection intime du coeur. Et s'il était nécessaire de dissiper la colère de quelqu'un par des paroles douces ou de détruire quelque erreur en satisfaction de la vérité tu le feras, non pour ta défense, mais pour calmer tes frères et pour leur bien et leur paix intérieure et extérieure: et avec cela tu vaincras tout à la fois et toi-même et ceux qui te haïssent. Pour fonder tout cela il est nécessaire de couper les vices capitaux par les racines, les arracher tout àfait, mourant aux mouvements de l'appétit dans lequel s'enracinent les sept vices capitaux avec lesquels le démon tente, parce qu'il les sème tous dans les passions et les appétits désordonnés et immortifiés.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 27, [a]. "Se mit comme sur pied". Rien d'impossible en cela. Saint Jean-Baptiste exulta et tressaillit dans le sein de sainte Élisabeth comme le raconte l'Évangile. Il s'agissait ici de prier pour la victoire de Celle qui était créée par Dieu pour écraser la tête du serpent, pour combattre et pour soutenir du côté de l'enfer les plus furieux assauts et leur issue était d'une importance plus grande que l'issue de toutes les batailles du peuple de Dieu même. Moïse se mit à prier longuement sur la montagne les bras élevés pour la victoire d'Israël contre les Amalécites. Combien était-il plus raisonnable que Notre Seigneur Jésus-Christ priât pour la victoire de la grande Antagoniste de l'enfer contre les ennemis bien plus redoutables que les Amalécites qui en étaient la figure!
3, 27, . Si Notre Seigneur Jésus-Christ fut tenté par le diable, Marie, ennemie capitale de ce diable ne devait pas en être exempte. Mais il faut remarquer que cette Auguste Mère de Dieu de pouvait pas souffrir de tentations par suggestion intérieure; parce qu'étant conçue sans péché Elle n'avait point en elle l'aiguillon du péché comme nous, et sa chair immaculée était parfaitement soumise à la raison. C'est pourquoi toutes les tentations en la Très Sainte Marie comme en Jésus-Christ arrivèrent par suggestions externes.
3, 27, [c]. Livre 1, No. 103.
3, 27, [d]. Livre 1, Nos. 129-130.
3, 27, [e]. On voit des artifices semblables employés par les démons contre le grand saint Antoine dans sa vie écrite par saint Athanase: et dernièrement le bienheureux curé d'Ars souffrit de semblables assauts.
3, 27, [f]. Saint Philippe de Néri parlant de la tentation de la chair avait coutume de dire: «Dans cette bataille, ce sont les poltrons et ceux qui fuient qui sont les vainqueurs.»
3, 27, [g]. Saint François d'Assise avait coutume d'appeler le démon du nom de mouche.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 28
Lucifer persévère à tenter la Très Sainte Marie avec l'aide de sept légions: la tête de ce dragon demeura vaincue et écrasée.
3, 28, 359. Si le prince des ténèbres avait pu rétrograder dans sa méchanceté avec les victoires que le Reine du Ciel avait obtenues, cette superbe exorbitante serait demeurée défaite et humiliée. Mais comme il s'élève toujours (Ps. 73: 23) contre Dieu et que sa malice ne se rassasie jamais, il demeura vaincu mais non soumis de volonté, il brûlait dans les flammes de sa fureur inextinguible, se trouvant vaincu par une humble et tendre Femme, quand lui et ses ministres infernaux avaient soumis tant d'hommes forts et de femmes magnanimes. Cet ennemi arriva à connaître que la Très Sainte Marie était enceinte, Dieu l'ordonnant ainsi, quoiqu'il connût seulement que c'était un Enfant véritable; parce que la Divinité et d'autres Mystères étaient toujours cachés a ces ennemis: avec quoi ils se persuadèrent qu'Il n'était pas le Messie promis, puisqu'Il était Enfant comme les autres hommes. Cette erreur les dissuada aussi que la Très Sainte Marie fût Mère du Verbe, par lesquels ils craignaient d'avoir la tête écrasée, c'est-à-dire par le Fils et la Mère. Ils jugèrent cependant que d'une Femme si forte et si victorieuse devait naître quelque homme insigne en sainteté. Prévoyant cela le grand dragon conçut contre le Fruit de la Très Sainte marie cette fureur que saint Jean dit dans le chapitre 12 de l'Apocalypse que j'ai rapporté d'autres fois [a], attendant qu'Elle l'enfantât pour le dévorer.
3, 28, 360. Lucifer sentit une vertu secrète qui l'opprimait regardant déjà cet Enfant renfermé dans le sein de sa Très Sainte Mère. Et quoiqu'il connût seulement qu'en Sa présence il se trouvait faible de force et comme attaché; cela l'enrageait davantage pour intenter tous les moyens qu'il pouvait en destruction de ce Fils si suspect pour lui et de la Mère qu'il reconnaissait si supérieure dans le combat. Il se manifesta à la divine Dame par divers moyens et prenant des figures visibles épouvantables, comme un taureau très féroce, un dragon épouvantable et d'autres formes, il eût voulu s'approcher d'Elle, et il ne le pouvait. Il luttait et il se trouvait empêché sans savoir par qui ni comment. Il forçait comme une bête
féroce attachée et il jetait des hurlements si épouvantables que si Dieu ne les eût cachés, ils eussent effrayé le monde, et plusieurs fussent morts d'épouvante. Il jetait par la bouche du feu et de la fumée de souffre comme des écumes venimeuses ; et la divine Princesse Marie voyait et entendait tout cela, sans plus s'altérer ni s'émouvoir que si Elle avait vu un moucheron. Il fit d'autres altérations dans les vents, dans la terre et dans la maison, mettant tout sens dessus dessous; mais la Très Sainte Marie ne perdit pas pour cela non plus la sérénité et le calme intérieur et extérieur; car Elle fut toujours invincible et supérieure à tout.
3, 28, 361. Lucifer se trouvant si vaincu, ouvrit sa bouche immonde et mouvant sa langue menteuse et souillée, il vomit la malignité qu'il tenait renfermée au dedans de lui-même, proposant et prononçant en présence de la divine Impératrice toutes les hérésies et les sectes infernales qu'il avait fabriquées avec l'aide de ses ministres dépravés. Parce qu'après qu'ils eurent été tous rejetés du Ciel et qu'il eurent connu que le Verbe Divin devait prendre chair humaine pour être Chef d'un peuple qu'Il comblerait de faveurs et de célestes doctrines, le dragon détermina de fabriquer des erreurs, des sectes et des hérésies contre toutes les vérités qu'il connaissait par rapport à la connaissance, à l'amour, et au culte du Très-Haut. Les démons s'occupèrent à cela plusieurs années qu'ils passèrent jusqu'à la venue de Jésus-Christ notre Seigneur au monde; et Lucifer avait tout ce venin renfermé dans son sein, comme antique serpent. Il répandit tout cela contre la Mère de la Vérité et de la Pureté; et désirant l'infecter, il dit toutes les erreurs qu'il avait fabriquées jusqu'à ce jour-là contre Dieu et Sa Vérité.
3, 28, 362. Il ne convient pas de les rapporter ici, encore moins que les tentations du chapitre précédent, parce que ce souffle pestiféré est non-seulement dangereux pour les faibles, mais les très forts doivent aussi le craindre; et il le rejeta et le répandit tout en cette occasion. Et selon ce que j'ai connu, je crois sans doute qu'il ne demeura point d'erreur, d'idolâtrie, ni d'hérésie de toutes celles qui ont été connues jusqu'aujourd'hui dans le monde, que le dragon ne la représentât à l'Auguste Marie; afin que la Sainte Église put chanter d'Elle en toute vérité, en la congratulant de ses victoires, qu'Elle seule décolla et extermina toutes les hérésies dans le monde entier [c]. Ainsi le fit notre victorieuse Sulamite en qui il n'y avait que des choeurs de Vertus ordonnées en forme d'escadrons (Cant. 7: 1), pour opprimer, décapiter et confondre les armées infernales. Elle contredisait, détestait
et anathématisait avec une Foi invincible et une confession très sublime toutes et chacune de leurs faussetés, attestant les Vérités contraires et magnifiant le Seigneur pour elles comme véritable, juste et saint et formant des Cantiques de louanges dans lesquelles étaient renfermées les Vertus et la Doctrine véritable, sainte, pure et louable. Elle demanda au Seigneur par une fervente oraison d'humilier l'orgueil hautain des démons en cela, et de les refréner, afin qu'ils ne répandissent pas tant de si vénéneuses doctrines dans le monde et que celles qu'il avait répandues ne prévalussent point, ainsi que celles qu'à l'avenir il intenterait de semer parmi les hommes.
3, 28, 363. Pour cette grande victoire de notre divine Reine et pour l'oraison qu'Elle fit, je compris que le Très-Haut empêcha avec justice le démon de semer tant d'ivraies d'erreurs dans le monde comme il le désirait et comme les péchés des hommes le méritaient. Et quoiqu'à cause d'eux, les hérésies et les sectes aient été aussi nombreuses qu'on en a vues jusqu'aujourd'hui; néanmoins il y en aurait eu bien davantage si la Très Sainte Marie n'avait pas écrasé la tête du dragon par tant d'insignes victoires, tant de prières et de supplications. Et ce qui peut nous consoler dans la douleur et l'amertume de voir la Sainte Église si affligée de tant d'ennemis infidèles, c'est un grand mystère qui m'a été donné à entendre ici. Et c'est que dans ce triomphe de la Très Sainte Marie et l'autre qu'Elle eut après l'Ascension de son Très Saint Fils aux Cieux, dont je parlerai dans la troisième partie [d], Sa Majesté concéda à notre Reine en récompense de ces combats que par son intercession et ses vertus devaient être consumées et éteintes les hérésies et les fausses sectes qu'il y a contre la sainte Église dans le monde. Je n'ai point connu le temps destiné et marqué pour ce bienfait; mais quoique cette promesse du Seigneur ait quelque condition tacite ou occulte, je suis certaine que si les princes catholiques et leurs vassaux obligeaient cette grande Reine du Ciel et de la terre et l'invoquaient comme leur unique Patronne et Protectrice, et s'ils appliquaient toutes leurs grandeurs et leurs richesses, leur puissance et leur domaine pour l'exaltation de la Foi et du Nom de Dieu et de la Très Pure Marie [ceci sera peut-être la condition de la promesse], s'ils étaient comme ses instruments pour détruire et désarmer les infidèles, exterminant les sectes et les erreurs qui ont tellement perdu le monde ils obtiendraient mcontre eux d'insignes victoires.
3, 28, 364. Avant que Notre Seigneur Jésus-Christ fût né, il parut au démon que sa venue se retardait à cause des péchés du monde, comme je l'ai insinué au chapitre précédent; et pour l'empêcher tout à fait, il prétendit augmenter cet obstacle et multiplier davantage les erreurs et les péchés parmi les mortels [e]; et le Seigneur confondit cet orgueil très inique par le moyen de la Très Sainte Mère avec les triomphes si grandioses qu'Elle obtint. Après que l'Homme-Dieu fut né et fut mort pour nous, le même dragon prétendit perdre et empêcher le Fruit de Son Sang et l'effet de notre Rédemption; et pour cela il commença à fabriquer et à semer les erreurs qui, depuis les Apôtres, ont affligé et affligent la Sainte Église. Notre Seigneur Jésus-Christ a aussi remis à Sa Très Sainte Mère la victoire contre cette méchanceté infernale, parce que seule Elle la mérita et put la mériter. C'est par Elle que l'idolâtrie s'éteignit par la prédication de l'Évangile; par Elle furent aussi consumées d'autres sectes antiques, comme celles d'Arius, de Nestorius, de Pélage et d'autres; et les rois, les princes, les Pères et les Docteurs de la Sainte Église aussi ont aidé par leur travail et leur sollicitude. Puis, comment peut-on douter que si maintenant les princes catholiques, ecclésiastiques et laïques, faisaient avec un zèle ardent la diligence qui les regarde pour aider, disons-nous, à cette divine Souveraine, Elle laisserait de les assister et de les rendre très heureux en cette vie et en l'autre? et qu'Elle exterminerait toutes les hérésies dans le monde? C'est pour cette fin que le Seigneur a tant enrichi Son Église et les royaumes et le monarchies catholiques; parce que si ce n'eût été pour cela, il eût mieux valu qu'ils fussent pauvres; mais il n'était pas convenable de tout faire par miracles, mais par les moyens naturels dont ils pouvaient se servir avec les richesses. Toutefois s'ils s'acquittent de cette obligation ou s'ils ne s'en acquittent pas, ce n'est pas moi d'en juger. Seulement, il me concerne de dire ce que le Seigneur m'a donné à connaître; qu'ils sont d'injustes possesseurs des titres honorifiques et de la puissance suprême que l'Église leur donne s'ils ne L'aident et ne La défendent, et s'ils ne prennent soin avec leurs richesses que le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ ne Se perde; puisque c'est en cela que les princes chrétiens se distinguent des infidèles [f].
3, 28, 365. Revenant à mon discours, je dis que le Très-Haut, avec la prévision de Sa Science infinie, connut l'iniquité du dragon infernal, et qu'exerçant son indignation contre l'Église par la semence de ses erreurs qu'il avait fabriquées, il troublerait beaucoup de fidèles et renverserait avec son extrémité les étoiles du Ciel (Apoc. 12: 4) militant qui sont les justes; avec quoi la Justice divine serait
plus provoquée et le Fruit de la Rédemption presque empêché. Sa Majesté détermina avec Son immense pitié d'obvier à cette perte qui menaçait le monde. Et pour disposer de tout avec une plus grande équité et une plus grande gloire de Son saint Nom, Il ordonna que la Très Sainte Marie l'obligeât; parce qu'Elle était seule digne des privilèges, des dons et des prérogatives avec lesquels Elle devait vaincre l'enfer; et seule cette Très Éminente Dame était capable pour une entreprise aussi difficile et d'incliner le Coeur de Dieu même par sa sainteté, sa pureté, ses mérites et ses prières. Et parce qu'il y avait une plus grande exaltation de la Vertu divine qu'il fut manifesté pendant toutes les éternités que le Seigneur avait vaincu Lucifer et sa suite par le moyen d'une pure Créature et une Femme, comme ce dragon avait renversé le genre humain par le moyen d'une autre, et que pour tout cela il n'y en avait point de plus compétente que Sa propre Mère à qui l'Église et tout le monde fût redevable. Pour ces raisons et d'autres que nous connaîtrons en Dieu, Sa Majesté remit l'épée de Sa Puissance dans la main de notre victorieuse Capitaine, afin qu'Elle décapitât le dragon infernal et que cette Puissance ne lui fût jamais révoquée, au contraire qu'avec cette même Puissance Elle défendît et protégeât des Cieux l'Église militante selon les travaux et les nécessités qui lui surviendraient dans les temps futurs.
3, 28, 366. Lucifer persévérant donc dans sa malheureuse lutte, en forme visible comme je l'ai dit, avec ses escadrons infernaux, la sérénissime Marie ne tourna jamais la vue vers eux, ni ne leur prêta attention, quoiqu'Elle les entendît, parce qu'il convenait ainsi. Et parce que l'ouïe ne s'empêche ni ne se ferme comme les yeux, Elle faisait en sorte que les espèces de ce qu'ils disaient n'arrivassent point à l'imagination ni à l'intérieur. Elle ne dit pas non plus avec eux plus de paroles que de leur commander quelquefois de se taire dans leurs blasphèmes. Et ce commandement était si efficace qu'Elle les obligeait à se coller la bouche contre terre; et dans l'intérim la divine Dame faisait de grands Cantiques de louange et de gloire du Très-Haut. Et parlant seulement avec sa Majesté et attestant les Vérités divines, ils étaient si opprimés et si tourmentés qu'ils se mordaient les uns les autres comme des loups carnassiers ou comme des chiens enragés. Parce que toute action de l'Impératrice Marie était pour eux une flèche enflammée et chacune de ses paroles un éclair qui les consumait avec un tourment plus grand que l'enfer même. Et ceci n'est point une exagération, puisque le dragon et ses alliés prétendirent fuir et s'éloigner de la présence de la Très Sainte Marie qui les confondait et les tourmentait; mais le Seigneur les retenait par une force cachée
pour exalter le glorieux triomphe de Sa Mère et Son Épouse, et confondre et anéantir davantage l'orgueil de Lucifer. Et pour cela Sa Majesté ordonna et permit que les démons même s'humiliassent à demander àla divine Dame de leur commander de s'en aller et de les précipiter loin de sa présence où Elle voudrait. Et ainsi Elle les envoya impérieusement en enfer [g] où ils furent quelque espace de temps. Et la grande Triomphatrice demeura toute absorbée dans les louanges divines et les actions de grâces.
3, 28, 367. Lorsque le Seigneur donna permission à Lucifer de se relever, il revint au combat prenant pour instrument certains voisins de la maison de saint Joseph et semant parmi eux et leurs femmes une ivraie diabolique de discorde pour les intérêts temporels, le démon prit la forme humaine d'une personne amie d'eux tous et il leur dit de ne point s'inquiéter entre eux; parce que Marie, la Femme de Joseph avait le tort de tout ce différend [h]. La femme qui représentait le démon avait du crédit et de l'autorité et ainsi elle les persuada mieux. Et quoique le Seigneur ne permît pas que le crédit de sa Très Sainte Mère fut violé en chose grave, il permit cependant pour sa gloire et sa plus grande couronne que toutes ces personnes trompées l'exerçassent en cette occasion. Elles se portèrent de concert àla maison de saint Joseph, et en présence du saint époux, elles appelèrent la Très Sainte Marie et lui dirent des paroles aigres, parce que cette divine Vierge disaient-elles les inquiétaient dans leurs maisons et ne les laissaient point vivre en paix. Cet événement fut de quelque douleur pour notre très innocente Dame, à cause de la peine de saint Joseph qui avait déjà commencé dans cette occasion à faire réflexion sur l'accroissement de son sein Virginal, et Elle regardait dans son coeur et Elle voyait les pensées qui commençaient à lui donner quelque souci. Toutefois Elle tâcha comme sage et prudente de vaincre et de racheter son affliction par l'humilité, la patience et la Foi vive. Elle ne se disculpa point ni Elle ne revint sur son procédé innocent; au contraire, Elle s'humilia et Elle demanda avec soumission à ses voisines trompées que si Elle les avait offensées en quelque chose de le lui pardonner et de se calmer; et avec des paroles pleines de douceur et de Science Elle les éclaira et les pacifia en leur faisant entendre qu'ils n'avaient point de fautes les uns contre les autres. Et satisfaits de cela et édifiés de l'humilité avec laquelle Elle leur avait répondu, ils s'en retournèrent à leurs maisons en paix et le démon s'enfuit, parce qu'il ne put souffrir tant de sainteté et de Sagesse céleste.
3, 28, 368. Saint Joseph demeura quelque peu triste et pensif et il donna lieu à la réflexion, comme je le dirai dans les chapitres qui vont suivre. Mais quoique le démon ignorât le principal motif de la peine de saint Joseph, il voulut se servir de l'occasion, car il n'en perd aucune, pour l'inquiéter. Conjecturant surtout que le sujet pouvait être quelque dégoût qu'il avait avec son épouse de se trouver pauvre et avec une si petite fortune; et le démon tira à deux choses, bien qu'il s'y trompa, car il envoya quelques suggestions de désespoir à saint Joseph, afin qu'il se désolât de sa pauvreté et qu'il la reçut avec impatience ou tristesse; et de même il lui représenta que Marie son Épouse s'occupait bien longtemps en ses recueillements et ses oraisons et qu'Elle ne travaillait point; car elle était sans soin et beaucoup oisive pour être si pauvre. Mais saint Joseph de coeur droit et magnanime et d'une haute perfection, méprisa facilement ces suggestions et les éloigna de lui; et quoique sa tristesse n'eût point d'autre excuse que le souci que la grossesse de son Épouse lui donnait secrètement, celle-là seule eût étouffé toutes les autres. Et le Seigneur le laissant dans le commencement de ses doutes le délivra de la tentation du démon par l'intercession de la Très Sainte Marie qui était attentive à tout ce qui se passait dans le coeur de son très fidèle Époux et Elle demanda à son Très Saint Fils de Se donner pour servi et satisfait de la peine qu'Elle lui donnait de la voir enceinte et de lui alléger les autres peines.
3, 28, 369. Le Très-Haut ordonna que la Princesse du Ciel eut cette bataille prolongée avec Lucifer et Celle-ci lui demanda permission pour que ce dragon et ses légions achevassent d'exercer toutes leurs forces et leur malice, afin qu'en tout et pour tout ils demeurassent foulés aux pieds, écrasés et vaincus; et la divine Dame obtint le plus grand triomphe sur l'enfer que jamais aucune créature ne put obtenir. Ces escadron de méchanceté arrivèrent avec leur chef infernal et se présentèrent devant la divine Reine; et avec une fureur indicible, ils renouvelèrent toutes les machinations de tentations ensemble dont ils s'étaient servis auparavant par parties et ils ajoutèrent le peu qu'ils purent, ce qu'il ne me paraît pas nécessaire de rapporter, car presque tout demeure dit déjà dans ces deux chapitres. Elle fut aussi immobile, aussi supérieure et aussi sereine que si c'eût été les suprêmes choeurs des Anges qui eussent entendu ces fables de l'ennemi (Ps. 118: 85) et aucune impression étrangère ne toucha ni n'altéra ce Ciel de la Très Sainte Marie; quoique les épouvantes, les terreurs, les menaces, les flatteries, les fables et les
faussetés fussent comme composées de toute la malice réunie du dragon qui répandit son fleuve contre cette Femme invincible et forte, la Très Sainte Marie.
3, 28, 370. Pendant qu'Elle était dans ce conflit exerçant des actes héroïques de toutes les vertus contre ses ennemis, Elle eut connaissance que le Très-Haut voulait et ordonnait qu'Elle écrasât et humiliât l'orgueil du dragon, usant du pouvoir et de l'empire de Mère de Dieu et de l'autorité d'une si grande dignité. Et se levant avec une valeur très fervente et très invincible, Elle se tourna vers les démons et leur dit: «Qui est comme Dieu qui vit dans les hauteurs (Ps. 112: 5)?» Et répétant ces paroles elle ajouta aussitôt: «Prince des ténèbres (Eph. 6: 12), auteur du péché et de la mort (1 Jean 3: 8; Sag. 2: 24), au nom du Dieu très-haut je te commande de te taire; et avec tes ministres je te précipite dans l'abîme des cavernes infernales pour où vous êtes députés (Jude 6), d'où vous ne sortirez point jusqu'à ce que le Messie promis vous écrase et vous assujettisse ou le permette.» La divine Impératrice était remplie de Lumière et de splendeur céleste, et le superbe dragon prétendit résister quelque peu à ce commandement, et Elle tourna vers lui la force du pouvoir qu'Elle tenait et l'humilia davantage et avec une plus grande peine, car pour cela Elle obtint ce pouvoir sur tous les démons. Ils tombèrent tous ensemble dans l'abîme et ils demeurèrent étendus au fond de l'enfer de la manière que j'ai dite dans le Mystère de l'Incarnation et que je dirai plus loin dans la tentation et la Mort de Notre Seigneur Jésus-Christ [i]. Et lorsque ce dragon revint pour l'autre bataille que j'ai citée pour la troisième partie avec la même Reine du Ciel, Elle le vainquit [j] si admirablement que j'ai connu que par Elle et son Très Saint Fils la tête de Lucifer fut écrasée et qu'il demeura inepte et sans vigueur et ses forces anéanties, de manière que si les créatures humaines ne lui en donnent pas par leur malice, elles peuvent très bien le vaincre et lui résister par la grâce Divine.
3, 28, 371. Ensuite le Seigneur se manifesta à Sa Très Sainte Mère et en récompense d'une victoire si glorieuse, Il lui communiqua de nouveaux Dons et de nouvelles faveurs et ses milles Anges gardiens se firent voir à Elle corporellement avec une multitude innombrable d'autres, et ils lui firent de nouveaux cantiques à la louange du Très-Haut et à la sienne; et ils lui chantèrent avec une céleste harmonie de voix sensibles ces paroles adressées à Judith qui fut la figure de ce triomphe et la Sainte Église les lui applique [k]: «Tu es belle, Marie notre
Souveraine, et il n'y a pas de tache de faute en toi: tu es la gloire de la Jérusalem céleste (Judith 15: 10; 13: 31)! Tu es l'allégresse d'Israël! Tu es l'honneur du peuple du Seigneur! C'est toi qui magnifies Son Saint Nom! Tu es l'Avocate des pécheurs qui les défend de leur superbe ennemi! O Marie, tu es pleine de grâces et de toutes perfections!» La divine Dame demeura remplie de jubilation louant l'Auteur de tout bien et Lui rapportant ceux qu'Elle recevait; et Elle revint au souci de son époux comme je le dirai dans les chapitres suivants du Livre 4.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA MÊME REINE NOTRE SOUVERAINE.
3, 28, 372. Ma fille, la réserve que l'âme doit avoir pour ne point se mettre à raisonner avec les ennemis invisibles ne l'empêche pas de les commander avec une autorité impérieuse au Nom du Très-Haut de se taire, de s'en aller et de se confondre. Ainsi je veux que tu le fasses dans les occasions opportunes où ils te persécuteront; parce qu'il n'y a point d'armes aussi puissantes contre la malice du dragon pour la créature humaine comme de se montrer impérieuse et supérieure en Foi de ce qu'elle est fille de son Père véritable qui est dans les cieux (Matt. 6: 9) et de qui elle reçoit cette vertu et cette confiance contre lui. La cause de ceci est parce que tout le soin de Lucifer depuis qu'il est tombé des cieux est de détourner les âmes de leur Créateur et de semer la zizanie (Matt. 13: 25) et la division entre le Père Céleste et les enfants adoptifs et entre l'épouse et l'Époux des âmes. Et lorsqu'il connaît que quelqu'une est unie avec son Créateur comme membre vivant de son Chef Jésus-Christ, il reprend vigueur et autorité dans la volonté pour la poursuivre avec une fureur pleine de rage et d'envie et il emploie sa malice et ses tromperies pour la détruire: mais comme il voit qu'il ne peut l'obtenir et que son Refuge (Ps. 17: 3) et sa protection véritables et inexpugnables est celle du Très-Haut pour les âmes, il défaille dans ses efforts et il se reconnaît opprimé avec un tourment incomparable. Et si l'épouse généreuse le méprise et le rejette avec magistère et autorité, il n'y a point de vermisseau ni de fourmi plus faible que ce superbe géant.
3, 28, 373. Tu dois t'animer et te fortifier par la vérité de cette Doctrine lorsque le Tout-Puissant ordonnera que la tribulation te trouve et que les douleurs de la mort t'environnent (Ps. 17: 6) dans les grandes tentations, comme celles que j'ai souffertes, parce que c'est l'occasion la plus à propos pour que l'Époux fasse l'expérience de la fidélité de sa véritable épouse. Et si elle l'est, son amour ne doit pas se contenter des affections seulement sans donner d'autre fruit, parce que le désir seul qui ne coûte rien à l'âme n'est pas une preuve suffisante de son amour, ni de l'estime qu'elle fait du bien qu'elle doit aimer et apprécier. La force et la constance dans la souffrance, avec un coeur généreux et magnanime dans les tribulations, tels sont les témoignages de l'amour véritable. Et si tu désires tant faire quelque démonstration et satisfaire à ton Époux, la plus grande sera que lorsque tu te trouveras le plus affligée et sans recours humain, tu te montres alors plus invincible et plus confiante en ton Dieu et ton Seigneur et que tu espères contre l'espérance (Rom. 4: 18) s'il était nécessaire; puisqu'il ne dort point ni ne sommeille celui qui s'appelle le Refuge d'Israël (Ps. 120: 4); et lorsqu'il sera temps il commandera à la mer et aux vents et la tranquillité se fera (Matt. 8: 26).
3, 28, 374. Mais tu dois, ma fille être très considérée dans le commencement des tentations, où il y a un grand danger si l'âme se laisse aussitôt troubler, lâchant la bride aux passions de la concupiscible ou de l'irascible par lesquelles s'obscurcit et s'offusque la lumière de la raison. Car si le démon reconnaît cette altération et s'il s'élève tant de poussière de tempête dans les puissances, comme sa cruauté est si implacable et si insatiable, il prend un courage nouveau et il ajoute feu sur feu, enflammant sa fureur davantage, jugeant et lui semblant que l'âme n'a personne qui la défende et la délivre (Ps. 70: 11) de ses mains: et la rigueur de la tentation s'augmentant davantage, le danger de ne point résister à son plus fort augmente aussi pour celui qui a commencé à se soumettre dès le principe. Je t'avertis de tout cela, afin que tu craignes le risque des premières négligences. N'en aie jamais en une chose qui importe si fort; bien au contraire tu dois persévérer dans l'égalité de tes actions en quelque tentation que tu aies, continuant dans ton intérieur le doux et dévot entretien du Seigneur; et envers le prochain, la douceur, la charité et la prudente affabilité que tu dois avoir envers eux, t'opposant préventivement par l'oraison et la tempérance de tes passions au désordre que l'ennemi prétend y introduire.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 28, [a]. Livre 1, No. 105.
3, 28, . Le démon employa contre saint Antoine et d'autres saints de pareils artifices d'apparitions monstrueuses, de sifflements, de rugissements, etc., comme on le voit dans leurs vies écrites par les saints Pères et d'autres écrivains anciens et modernes; et cela était permis par Dieu à mesure que la sainteté des individus se prêtait mieux à surmonter les assauts de ce malicieux adversaire: c'est pourquoi, avec la Très Sainte Marie plus sainte et plus forte qu'eux tous et plus haïe de Lucifer, comme sa principale ennemie, ces tentations durent être plus grandes et plus violentes.
3, 28, [c]. Voir le huitième réponse de l'office de l'Annonciation de la bienheureuse Vierge Marie.
3, 28, [d]. Livre 8, No. 528.
3, 28, [e]. Il fit tout cela auprès des gentils par tant d'erreurs des différentes sectes philosophiques anciennes, comme aussi chez le peuple Hébreu en introduisant les erreurs, les rites et les coutumes des gentils à l'approche du temps du Messie comme il appert de la Sainte Écriture dans les Livres des Machabées.
3, 28, [f]. Il est certain que si les princes chrétiens au lieu de guerroyer entre eux, avaient tourné leurs forces contre les infidèles de l'Afrique et de l'Asie; ils
auraient à cette heure détruit l'idolâtrie et l'islamisme qui tiennent esclaves de la superstition encore aujourd'hui plus de quatre cent millions de mortels disgraciés.
3, 28, [g]. Nous voyons dans l'Évangile que la légion de démons qui possédaient l'infortuné Gérasénien demandèrent eux aussi à Jésus-Christ de les chasser et de les envoyer dans le grand troupeau de pourceaux qui passaient là, lesquels aussitôt se précipitèrent avec impétuosité dans la mer. Marc 5: 1-3.
3, 28, [h]. Nous lisons des artifices semblables dans la vie de différents saints, et dernièrement la Vénérable Gherzi de Pontedecimo.
3, 28, [i]. Livre 3, No. 130; Livre 5, No. 999; Livre 6, No. 1421.
3, 28, [j]. Livre 8, No. 452.
3, 28, [k]. Office de l'Immaculée Conception.
Lucifer persévère à tenter la Très Sainte Marie avec l'aide de sept légions: la tête de ce dragon demeura vaincue et écrasée.
3, 28, 359. Si le prince des ténèbres avait pu rétrograder dans sa méchanceté avec les victoires que le Reine du Ciel avait obtenues, cette superbe exorbitante serait demeurée défaite et humiliée. Mais comme il s'élève toujours (Ps. 73: 23) contre Dieu et que sa malice ne se rassasie jamais, il demeura vaincu mais non soumis de volonté, il brûlait dans les flammes de sa fureur inextinguible, se trouvant vaincu par une humble et tendre Femme, quand lui et ses ministres infernaux avaient soumis tant d'hommes forts et de femmes magnanimes. Cet ennemi arriva à connaître que la Très Sainte Marie était enceinte, Dieu l'ordonnant ainsi, quoiqu'il connût seulement que c'était un Enfant véritable; parce que la Divinité et d'autres Mystères étaient toujours cachés a ces ennemis: avec quoi ils se persuadèrent qu'Il n'était pas le Messie promis, puisqu'Il était Enfant comme les autres hommes. Cette erreur les dissuada aussi que la Très Sainte Marie fût Mère du Verbe, par lesquels ils craignaient d'avoir la tête écrasée, c'est-à-dire par le Fils et la Mère. Ils jugèrent cependant que d'une Femme si forte et si victorieuse devait naître quelque homme insigne en sainteté. Prévoyant cela le grand dragon conçut contre le Fruit de la Très Sainte marie cette fureur que saint Jean dit dans le chapitre 12 de l'Apocalypse que j'ai rapporté d'autres fois [a], attendant qu'Elle l'enfantât pour le dévorer.
3, 28, 360. Lucifer sentit une vertu secrète qui l'opprimait regardant déjà cet Enfant renfermé dans le sein de sa Très Sainte Mère. Et quoiqu'il connût seulement qu'en Sa présence il se trouvait faible de force et comme attaché; cela l'enrageait davantage pour intenter tous les moyens qu'il pouvait en destruction de ce Fils si suspect pour lui et de la Mère qu'il reconnaissait si supérieure dans le combat. Il se manifesta à la divine Dame par divers moyens et prenant des figures visibles épouvantables, comme un taureau très féroce, un dragon épouvantable et d'autres formes, il eût voulu s'approcher d'Elle, et il ne le pouvait. Il luttait et il se trouvait empêché sans savoir par qui ni comment. Il forçait comme une bête
féroce attachée et il jetait des hurlements si épouvantables que si Dieu ne les eût cachés, ils eussent effrayé le monde, et plusieurs fussent morts d'épouvante. Il jetait par la bouche du feu et de la fumée de souffre comme des écumes venimeuses ; et la divine Princesse Marie voyait et entendait tout cela, sans plus s'altérer ni s'émouvoir que si Elle avait vu un moucheron. Il fit d'autres altérations dans les vents, dans la terre et dans la maison, mettant tout sens dessus dessous; mais la Très Sainte Marie ne perdit pas pour cela non plus la sérénité et le calme intérieur et extérieur; car Elle fut toujours invincible et supérieure à tout.
3, 28, 361. Lucifer se trouvant si vaincu, ouvrit sa bouche immonde et mouvant sa langue menteuse et souillée, il vomit la malignité qu'il tenait renfermée au dedans de lui-même, proposant et prononçant en présence de la divine Impératrice toutes les hérésies et les sectes infernales qu'il avait fabriquées avec l'aide de ses ministres dépravés. Parce qu'après qu'ils eurent été tous rejetés du Ciel et qu'il eurent connu que le Verbe Divin devait prendre chair humaine pour être Chef d'un peuple qu'Il comblerait de faveurs et de célestes doctrines, le dragon détermina de fabriquer des erreurs, des sectes et des hérésies contre toutes les vérités qu'il connaissait par rapport à la connaissance, à l'amour, et au culte du Très-Haut. Les démons s'occupèrent à cela plusieurs années qu'ils passèrent jusqu'à la venue de Jésus-Christ notre Seigneur au monde; et Lucifer avait tout ce venin renfermé dans son sein, comme antique serpent. Il répandit tout cela contre la Mère de la Vérité et de la Pureté; et désirant l'infecter, il dit toutes les erreurs qu'il avait fabriquées jusqu'à ce jour-là contre Dieu et Sa Vérité.
3, 28, 362. Il ne convient pas de les rapporter ici, encore moins que les tentations du chapitre précédent, parce que ce souffle pestiféré est non-seulement dangereux pour les faibles, mais les très forts doivent aussi le craindre; et il le rejeta et le répandit tout en cette occasion. Et selon ce que j'ai connu, je crois sans doute qu'il ne demeura point d'erreur, d'idolâtrie, ni d'hérésie de toutes celles qui ont été connues jusqu'aujourd'hui dans le monde, que le dragon ne la représentât à l'Auguste Marie; afin que la Sainte Église put chanter d'Elle en toute vérité, en la congratulant de ses victoires, qu'Elle seule décolla et extermina toutes les hérésies dans le monde entier [c]. Ainsi le fit notre victorieuse Sulamite en qui il n'y avait que des choeurs de Vertus ordonnées en forme d'escadrons (Cant. 7: 1), pour opprimer, décapiter et confondre les armées infernales. Elle contredisait, détestait
et anathématisait avec une Foi invincible et une confession très sublime toutes et chacune de leurs faussetés, attestant les Vérités contraires et magnifiant le Seigneur pour elles comme véritable, juste et saint et formant des Cantiques de louanges dans lesquelles étaient renfermées les Vertus et la Doctrine véritable, sainte, pure et louable. Elle demanda au Seigneur par une fervente oraison d'humilier l'orgueil hautain des démons en cela, et de les refréner, afin qu'ils ne répandissent pas tant de si vénéneuses doctrines dans le monde et que celles qu'il avait répandues ne prévalussent point, ainsi que celles qu'à l'avenir il intenterait de semer parmi les hommes.
3, 28, 363. Pour cette grande victoire de notre divine Reine et pour l'oraison qu'Elle fit, je compris que le Très-Haut empêcha avec justice le démon de semer tant d'ivraies d'erreurs dans le monde comme il le désirait et comme les péchés des hommes le méritaient. Et quoiqu'à cause d'eux, les hérésies et les sectes aient été aussi nombreuses qu'on en a vues jusqu'aujourd'hui; néanmoins il y en aurait eu bien davantage si la Très Sainte Marie n'avait pas écrasé la tête du dragon par tant d'insignes victoires, tant de prières et de supplications. Et ce qui peut nous consoler dans la douleur et l'amertume de voir la Sainte Église si affligée de tant d'ennemis infidèles, c'est un grand mystère qui m'a été donné à entendre ici. Et c'est que dans ce triomphe de la Très Sainte Marie et l'autre qu'Elle eut après l'Ascension de son Très Saint Fils aux Cieux, dont je parlerai dans la troisième partie [d], Sa Majesté concéda à notre Reine en récompense de ces combats que par son intercession et ses vertus devaient être consumées et éteintes les hérésies et les fausses sectes qu'il y a contre la sainte Église dans le monde. Je n'ai point connu le temps destiné et marqué pour ce bienfait; mais quoique cette promesse du Seigneur ait quelque condition tacite ou occulte, je suis certaine que si les princes catholiques et leurs vassaux obligeaient cette grande Reine du Ciel et de la terre et l'invoquaient comme leur unique Patronne et Protectrice, et s'ils appliquaient toutes leurs grandeurs et leurs richesses, leur puissance et leur domaine pour l'exaltation de la Foi et du Nom de Dieu et de la Très Pure Marie [ceci sera peut-être la condition de la promesse], s'ils étaient comme ses instruments pour détruire et désarmer les infidèles, exterminant les sectes et les erreurs qui ont tellement perdu le monde ils obtiendraient mcontre eux d'insignes victoires.
3, 28, 364. Avant que Notre Seigneur Jésus-Christ fût né, il parut au démon que sa venue se retardait à cause des péchés du monde, comme je l'ai insinué au chapitre précédent; et pour l'empêcher tout à fait, il prétendit augmenter cet obstacle et multiplier davantage les erreurs et les péchés parmi les mortels [e]; et le Seigneur confondit cet orgueil très inique par le moyen de la Très Sainte Mère avec les triomphes si grandioses qu'Elle obtint. Après que l'Homme-Dieu fut né et fut mort pour nous, le même dragon prétendit perdre et empêcher le Fruit de Son Sang et l'effet de notre Rédemption; et pour cela il commença à fabriquer et à semer les erreurs qui, depuis les Apôtres, ont affligé et affligent la Sainte Église. Notre Seigneur Jésus-Christ a aussi remis à Sa Très Sainte Mère la victoire contre cette méchanceté infernale, parce que seule Elle la mérita et put la mériter. C'est par Elle que l'idolâtrie s'éteignit par la prédication de l'Évangile; par Elle furent aussi consumées d'autres sectes antiques, comme celles d'Arius, de Nestorius, de Pélage et d'autres; et les rois, les princes, les Pères et les Docteurs de la Sainte Église aussi ont aidé par leur travail et leur sollicitude. Puis, comment peut-on douter que si maintenant les princes catholiques, ecclésiastiques et laïques, faisaient avec un zèle ardent la diligence qui les regarde pour aider, disons-nous, à cette divine Souveraine, Elle laisserait de les assister et de les rendre très heureux en cette vie et en l'autre? et qu'Elle exterminerait toutes les hérésies dans le monde? C'est pour cette fin que le Seigneur a tant enrichi Son Église et les royaumes et le monarchies catholiques; parce que si ce n'eût été pour cela, il eût mieux valu qu'ils fussent pauvres; mais il n'était pas convenable de tout faire par miracles, mais par les moyens naturels dont ils pouvaient se servir avec les richesses. Toutefois s'ils s'acquittent de cette obligation ou s'ils ne s'en acquittent pas, ce n'est pas moi d'en juger. Seulement, il me concerne de dire ce que le Seigneur m'a donné à connaître; qu'ils sont d'injustes possesseurs des titres honorifiques et de la puissance suprême que l'Église leur donne s'ils ne L'aident et ne La défendent, et s'ils ne prennent soin avec leurs richesses que le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ ne Se perde; puisque c'est en cela que les princes chrétiens se distinguent des infidèles [f].
3, 28, 365. Revenant à mon discours, je dis que le Très-Haut, avec la prévision de Sa Science infinie, connut l'iniquité du dragon infernal, et qu'exerçant son indignation contre l'Église par la semence de ses erreurs qu'il avait fabriquées, il troublerait beaucoup de fidèles et renverserait avec son extrémité les étoiles du Ciel (Apoc. 12: 4) militant qui sont les justes; avec quoi la Justice divine serait
plus provoquée et le Fruit de la Rédemption presque empêché. Sa Majesté détermina avec Son immense pitié d'obvier à cette perte qui menaçait le monde. Et pour disposer de tout avec une plus grande équité et une plus grande gloire de Son saint Nom, Il ordonna que la Très Sainte Marie l'obligeât; parce qu'Elle était seule digne des privilèges, des dons et des prérogatives avec lesquels Elle devait vaincre l'enfer; et seule cette Très Éminente Dame était capable pour une entreprise aussi difficile et d'incliner le Coeur de Dieu même par sa sainteté, sa pureté, ses mérites et ses prières. Et parce qu'il y avait une plus grande exaltation de la Vertu divine qu'il fut manifesté pendant toutes les éternités que le Seigneur avait vaincu Lucifer et sa suite par le moyen d'une pure Créature et une Femme, comme ce dragon avait renversé le genre humain par le moyen d'une autre, et que pour tout cela il n'y en avait point de plus compétente que Sa propre Mère à qui l'Église et tout le monde fût redevable. Pour ces raisons et d'autres que nous connaîtrons en Dieu, Sa Majesté remit l'épée de Sa Puissance dans la main de notre victorieuse Capitaine, afin qu'Elle décapitât le dragon infernal et que cette Puissance ne lui fût jamais révoquée, au contraire qu'avec cette même Puissance Elle défendît et protégeât des Cieux l'Église militante selon les travaux et les nécessités qui lui surviendraient dans les temps futurs.
3, 28, 366. Lucifer persévérant donc dans sa malheureuse lutte, en forme visible comme je l'ai dit, avec ses escadrons infernaux, la sérénissime Marie ne tourna jamais la vue vers eux, ni ne leur prêta attention, quoiqu'Elle les entendît, parce qu'il convenait ainsi. Et parce que l'ouïe ne s'empêche ni ne se ferme comme les yeux, Elle faisait en sorte que les espèces de ce qu'ils disaient n'arrivassent point à l'imagination ni à l'intérieur. Elle ne dit pas non plus avec eux plus de paroles que de leur commander quelquefois de se taire dans leurs blasphèmes. Et ce commandement était si efficace qu'Elle les obligeait à se coller la bouche contre terre; et dans l'intérim la divine Dame faisait de grands Cantiques de louange et de gloire du Très-Haut. Et parlant seulement avec sa Majesté et attestant les Vérités divines, ils étaient si opprimés et si tourmentés qu'ils se mordaient les uns les autres comme des loups carnassiers ou comme des chiens enragés. Parce que toute action de l'Impératrice Marie était pour eux une flèche enflammée et chacune de ses paroles un éclair qui les consumait avec un tourment plus grand que l'enfer même. Et ceci n'est point une exagération, puisque le dragon et ses alliés prétendirent fuir et s'éloigner de la présence de la Très Sainte Marie qui les confondait et les tourmentait; mais le Seigneur les retenait par une force cachée
pour exalter le glorieux triomphe de Sa Mère et Son Épouse, et confondre et anéantir davantage l'orgueil de Lucifer. Et pour cela Sa Majesté ordonna et permit que les démons même s'humiliassent à demander àla divine Dame de leur commander de s'en aller et de les précipiter loin de sa présence où Elle voudrait. Et ainsi Elle les envoya impérieusement en enfer [g] où ils furent quelque espace de temps. Et la grande Triomphatrice demeura toute absorbée dans les louanges divines et les actions de grâces.
3, 28, 367. Lorsque le Seigneur donna permission à Lucifer de se relever, il revint au combat prenant pour instrument certains voisins de la maison de saint Joseph et semant parmi eux et leurs femmes une ivraie diabolique de discorde pour les intérêts temporels, le démon prit la forme humaine d'une personne amie d'eux tous et il leur dit de ne point s'inquiéter entre eux; parce que Marie, la Femme de Joseph avait le tort de tout ce différend [h]. La femme qui représentait le démon avait du crédit et de l'autorité et ainsi elle les persuada mieux. Et quoique le Seigneur ne permît pas que le crédit de sa Très Sainte Mère fut violé en chose grave, il permit cependant pour sa gloire et sa plus grande couronne que toutes ces personnes trompées l'exerçassent en cette occasion. Elles se portèrent de concert àla maison de saint Joseph, et en présence du saint époux, elles appelèrent la Très Sainte Marie et lui dirent des paroles aigres, parce que cette divine Vierge disaient-elles les inquiétaient dans leurs maisons et ne les laissaient point vivre en paix. Cet événement fut de quelque douleur pour notre très innocente Dame, à cause de la peine de saint Joseph qui avait déjà commencé dans cette occasion à faire réflexion sur l'accroissement de son sein Virginal, et Elle regardait dans son coeur et Elle voyait les pensées qui commençaient à lui donner quelque souci. Toutefois Elle tâcha comme sage et prudente de vaincre et de racheter son affliction par l'humilité, la patience et la Foi vive. Elle ne se disculpa point ni Elle ne revint sur son procédé innocent; au contraire, Elle s'humilia et Elle demanda avec soumission à ses voisines trompées que si Elle les avait offensées en quelque chose de le lui pardonner et de se calmer; et avec des paroles pleines de douceur et de Science Elle les éclaira et les pacifia en leur faisant entendre qu'ils n'avaient point de fautes les uns contre les autres. Et satisfaits de cela et édifiés de l'humilité avec laquelle Elle leur avait répondu, ils s'en retournèrent à leurs maisons en paix et le démon s'enfuit, parce qu'il ne put souffrir tant de sainteté et de Sagesse céleste.
3, 28, 368. Saint Joseph demeura quelque peu triste et pensif et il donna lieu à la réflexion, comme je le dirai dans les chapitres qui vont suivre. Mais quoique le démon ignorât le principal motif de la peine de saint Joseph, il voulut se servir de l'occasion, car il n'en perd aucune, pour l'inquiéter. Conjecturant surtout que le sujet pouvait être quelque dégoût qu'il avait avec son épouse de se trouver pauvre et avec une si petite fortune; et le démon tira à deux choses, bien qu'il s'y trompa, car il envoya quelques suggestions de désespoir à saint Joseph, afin qu'il se désolât de sa pauvreté et qu'il la reçut avec impatience ou tristesse; et de même il lui représenta que Marie son Épouse s'occupait bien longtemps en ses recueillements et ses oraisons et qu'Elle ne travaillait point; car elle était sans soin et beaucoup oisive pour être si pauvre. Mais saint Joseph de coeur droit et magnanime et d'une haute perfection, méprisa facilement ces suggestions et les éloigna de lui; et quoique sa tristesse n'eût point d'autre excuse que le souci que la grossesse de son Épouse lui donnait secrètement, celle-là seule eût étouffé toutes les autres. Et le Seigneur le laissant dans le commencement de ses doutes le délivra de la tentation du démon par l'intercession de la Très Sainte Marie qui était attentive à tout ce qui se passait dans le coeur de son très fidèle Époux et Elle demanda à son Très Saint Fils de Se donner pour servi et satisfait de la peine qu'Elle lui donnait de la voir enceinte et de lui alléger les autres peines.
3, 28, 369. Le Très-Haut ordonna que la Princesse du Ciel eut cette bataille prolongée avec Lucifer et Celle-ci lui demanda permission pour que ce dragon et ses légions achevassent d'exercer toutes leurs forces et leur malice, afin qu'en tout et pour tout ils demeurassent foulés aux pieds, écrasés et vaincus; et la divine Dame obtint le plus grand triomphe sur l'enfer que jamais aucune créature ne put obtenir. Ces escadron de méchanceté arrivèrent avec leur chef infernal et se présentèrent devant la divine Reine; et avec une fureur indicible, ils renouvelèrent toutes les machinations de tentations ensemble dont ils s'étaient servis auparavant par parties et ils ajoutèrent le peu qu'ils purent, ce qu'il ne me paraît pas nécessaire de rapporter, car presque tout demeure dit déjà dans ces deux chapitres. Elle fut aussi immobile, aussi supérieure et aussi sereine que si c'eût été les suprêmes choeurs des Anges qui eussent entendu ces fables de l'ennemi (Ps. 118: 85) et aucune impression étrangère ne toucha ni n'altéra ce Ciel de la Très Sainte Marie; quoique les épouvantes, les terreurs, les menaces, les flatteries, les fables et les
faussetés fussent comme composées de toute la malice réunie du dragon qui répandit son fleuve contre cette Femme invincible et forte, la Très Sainte Marie.
3, 28, 370. Pendant qu'Elle était dans ce conflit exerçant des actes héroïques de toutes les vertus contre ses ennemis, Elle eut connaissance que le Très-Haut voulait et ordonnait qu'Elle écrasât et humiliât l'orgueil du dragon, usant du pouvoir et de l'empire de Mère de Dieu et de l'autorité d'une si grande dignité. Et se levant avec une valeur très fervente et très invincible, Elle se tourna vers les démons et leur dit: «Qui est comme Dieu qui vit dans les hauteurs (Ps. 112: 5)?» Et répétant ces paroles elle ajouta aussitôt: «Prince des ténèbres (Eph. 6: 12), auteur du péché et de la mort (1 Jean 3: 8; Sag. 2: 24), au nom du Dieu très-haut je te commande de te taire; et avec tes ministres je te précipite dans l'abîme des cavernes infernales pour où vous êtes députés (Jude 6), d'où vous ne sortirez point jusqu'à ce que le Messie promis vous écrase et vous assujettisse ou le permette.» La divine Impératrice était remplie de Lumière et de splendeur céleste, et le superbe dragon prétendit résister quelque peu à ce commandement, et Elle tourna vers lui la force du pouvoir qu'Elle tenait et l'humilia davantage et avec une plus grande peine, car pour cela Elle obtint ce pouvoir sur tous les démons. Ils tombèrent tous ensemble dans l'abîme et ils demeurèrent étendus au fond de l'enfer de la manière que j'ai dite dans le Mystère de l'Incarnation et que je dirai plus loin dans la tentation et la Mort de Notre Seigneur Jésus-Christ [i]. Et lorsque ce dragon revint pour l'autre bataille que j'ai citée pour la troisième partie avec la même Reine du Ciel, Elle le vainquit [j] si admirablement que j'ai connu que par Elle et son Très Saint Fils la tête de Lucifer fut écrasée et qu'il demeura inepte et sans vigueur et ses forces anéanties, de manière que si les créatures humaines ne lui en donnent pas par leur malice, elles peuvent très bien le vaincre et lui résister par la grâce Divine.
3, 28, 371. Ensuite le Seigneur se manifesta à Sa Très Sainte Mère et en récompense d'une victoire si glorieuse, Il lui communiqua de nouveaux Dons et de nouvelles faveurs et ses milles Anges gardiens se firent voir à Elle corporellement avec une multitude innombrable d'autres, et ils lui firent de nouveaux cantiques à la louange du Très-Haut et à la sienne; et ils lui chantèrent avec une céleste harmonie de voix sensibles ces paroles adressées à Judith qui fut la figure de ce triomphe et la Sainte Église les lui applique [k]: «Tu es belle, Marie notre
Souveraine, et il n'y a pas de tache de faute en toi: tu es la gloire de la Jérusalem céleste (Judith 15: 10; 13: 31)! Tu es l'allégresse d'Israël! Tu es l'honneur du peuple du Seigneur! C'est toi qui magnifies Son Saint Nom! Tu es l'Avocate des pécheurs qui les défend de leur superbe ennemi! O Marie, tu es pleine de grâces et de toutes perfections!» La divine Dame demeura remplie de jubilation louant l'Auteur de tout bien et Lui rapportant ceux qu'Elle recevait; et Elle revint au souci de son époux comme je le dirai dans les chapitres suivants du Livre 4.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA MÊME REINE NOTRE SOUVERAINE.
3, 28, 372. Ma fille, la réserve que l'âme doit avoir pour ne point se mettre à raisonner avec les ennemis invisibles ne l'empêche pas de les commander avec une autorité impérieuse au Nom du Très-Haut de se taire, de s'en aller et de se confondre. Ainsi je veux que tu le fasses dans les occasions opportunes où ils te persécuteront; parce qu'il n'y a point d'armes aussi puissantes contre la malice du dragon pour la créature humaine comme de se montrer impérieuse et supérieure en Foi de ce qu'elle est fille de son Père véritable qui est dans les cieux (Matt. 6: 9) et de qui elle reçoit cette vertu et cette confiance contre lui. La cause de ceci est parce que tout le soin de Lucifer depuis qu'il est tombé des cieux est de détourner les âmes de leur Créateur et de semer la zizanie (Matt. 13: 25) et la division entre le Père Céleste et les enfants adoptifs et entre l'épouse et l'Époux des âmes. Et lorsqu'il connaît que quelqu'une est unie avec son Créateur comme membre vivant de son Chef Jésus-Christ, il reprend vigueur et autorité dans la volonté pour la poursuivre avec une fureur pleine de rage et d'envie et il emploie sa malice et ses tromperies pour la détruire: mais comme il voit qu'il ne peut l'obtenir et que son Refuge (Ps. 17: 3) et sa protection véritables et inexpugnables est celle du Très-Haut pour les âmes, il défaille dans ses efforts et il se reconnaît opprimé avec un tourment incomparable. Et si l'épouse généreuse le méprise et le rejette avec magistère et autorité, il n'y a point de vermisseau ni de fourmi plus faible que ce superbe géant.
3, 28, 373. Tu dois t'animer et te fortifier par la vérité de cette Doctrine lorsque le Tout-Puissant ordonnera que la tribulation te trouve et que les douleurs de la mort t'environnent (Ps. 17: 6) dans les grandes tentations, comme celles que j'ai souffertes, parce que c'est l'occasion la plus à propos pour que l'Époux fasse l'expérience de la fidélité de sa véritable épouse. Et si elle l'est, son amour ne doit pas se contenter des affections seulement sans donner d'autre fruit, parce que le désir seul qui ne coûte rien à l'âme n'est pas une preuve suffisante de son amour, ni de l'estime qu'elle fait du bien qu'elle doit aimer et apprécier. La force et la constance dans la souffrance, avec un coeur généreux et magnanime dans les tribulations, tels sont les témoignages de l'amour véritable. Et si tu désires tant faire quelque démonstration et satisfaire à ton Époux, la plus grande sera que lorsque tu te trouveras le plus affligée et sans recours humain, tu te montres alors plus invincible et plus confiante en ton Dieu et ton Seigneur et que tu espères contre l'espérance (Rom. 4: 18) s'il était nécessaire; puisqu'il ne dort point ni ne sommeille celui qui s'appelle le Refuge d'Israël (Ps. 120: 4); et lorsqu'il sera temps il commandera à la mer et aux vents et la tranquillité se fera (Matt. 8: 26).
3, 28, 374. Mais tu dois, ma fille être très considérée dans le commencement des tentations, où il y a un grand danger si l'âme se laisse aussitôt troubler, lâchant la bride aux passions de la concupiscible ou de l'irascible par lesquelles s'obscurcit et s'offusque la lumière de la raison. Car si le démon reconnaît cette altération et s'il s'élève tant de poussière de tempête dans les puissances, comme sa cruauté est si implacable et si insatiable, il prend un courage nouveau et il ajoute feu sur feu, enflammant sa fureur davantage, jugeant et lui semblant que l'âme n'a personne qui la défende et la délivre (Ps. 70: 11) de ses mains: et la rigueur de la tentation s'augmentant davantage, le danger de ne point résister à son plus fort augmente aussi pour celui qui a commencé à se soumettre dès le principe. Je t'avertis de tout cela, afin que tu craignes le risque des premières négligences. N'en aie jamais en une chose qui importe si fort; bien au contraire tu dois persévérer dans l'égalité de tes actions en quelque tentation que tu aies, continuant dans ton intérieur le doux et dévot entretien du Seigneur; et envers le prochain, la douceur, la charité et la prudente affabilité que tu dois avoir envers eux, t'opposant préventivement par l'oraison et la tempérance de tes passions au désordre que l'ennemi prétend y introduire.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 28, [a]. Livre 1, No. 105.
3, 28, . Le démon employa contre saint Antoine et d'autres saints de pareils artifices d'apparitions monstrueuses, de sifflements, de rugissements, etc., comme on le voit dans leurs vies écrites par les saints Pères et d'autres écrivains anciens et modernes; et cela était permis par Dieu à mesure que la sainteté des individus se prêtait mieux à surmonter les assauts de ce malicieux adversaire: c'est pourquoi, avec la Très Sainte Marie plus sainte et plus forte qu'eux tous et plus haïe de Lucifer, comme sa principale ennemie, ces tentations durent être plus grandes et plus violentes.
3, 28, [c]. Voir le huitième réponse de l'office de l'Annonciation de la bienheureuse Vierge Marie.
3, 28, [d]. Livre 8, No. 528.
3, 28, [e]. Il fit tout cela auprès des gentils par tant d'erreurs des différentes sectes philosophiques anciennes, comme aussi chez le peuple Hébreu en introduisant les erreurs, les rites et les coutumes des gentils à l'approche du temps du Messie comme il appert de la Sainte Écriture dans les Livres des Machabées.
3, 28, [f]. Il est certain que si les princes chrétiens au lieu de guerroyer entre eux, avaient tourné leurs forces contre les infidèles de l'Afrique et de l'Asie; ils
auraient à cette heure détruit l'idolâtrie et l'islamisme qui tiennent esclaves de la superstition encore aujourd'hui plus de quatre cent millions de mortels disgraciés.
3, 28, [g]. Nous voyons dans l'Évangile que la légion de démons qui possédaient l'infortuné Gérasénien demandèrent eux aussi à Jésus-Christ de les chasser et de les envoyer dans le grand troupeau de pourceaux qui passaient là, lesquels aussitôt se précipitèrent avec impétuosité dans la mer. Marc 5: 1-3.
3, 28, [h]. Nous lisons des artifices semblables dans la vie de différents saints, et dernièrement la Vénérable Gherzi de Pontedecimo.
3, 28, [i]. Livre 3, No. 130; Livre 5, No. 999; Livre 6, No. 1421.
3, 28, [j]. Livre 8, No. 452.
3, 28, [k]. Office de l'Immaculée Conception.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
LIVRE QUATRE
Qui contient les doutes de saint Joseph connaissant la grossesse de la Très Sainte Marie, la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, Sa Circoncision, l'Adoration des Rois, la Présentation de L'Enfant Jésus au Temple, la fuite en Égypte, la mort des Innocents et le retour à Nazareth.
CHAPITRE 1
Saint Joseph connaît la grossesse de son Épouse la Vierge Marie et il entre dans une grande inquiétude sachant qu'il n'y avait point de part.
4, 1, 375. C'était déjà le cinquième mois de la Divine grossesse de la Princesse du Ciel, quand le très chaste Joseph, son époux avait commencé à avoir quelque réflexion sur la disposition et la croissance de son sein Virginal; parce qu'avec la perfection naturelle et l'élégance de la divine Épouse, comme je l'ai déjà dit, certain signe et certaine inégalité qu'il y avait pouvait moins se cacher et se découvrait davantage. Un jour, la Très Sainte Marie sortant de son oratoire, Saint Joseph la regarda avec ce souci (Matt. 1: 18) et il connut la nouveauté avec une plus grande certitude, sans que le raisonnement put démentir aux yeux ce qui leur était notoire. L'homme de Dieu demeura le coeur blessé d'une flèche de douleur, qui le pénétra jusqu'au plus intime sans trouver de résistance à la force de ses causes qui se joignirent en même temps dans son âme. La première était l'amour très chaste, mais très intense et très véritable qu'il avait pour sa fidèle Épouse où dès le principe son coeur fut plus qu'en dépôt, et par l'entretien agréable et par la sainteté sans égale de la grande Dame, ce lien de l'âme de Saint Joseph s'était
confirmé davantage à son service. Et comme Elle était si parfaite et si accomplie dans la modestie et l'humble sévérité, ainsi Saint Joseph au milieu de son diligent souci pour la servir, avait un désir comme naturel à son amour de la correspondance de son Épouse. Et le Seigneur l'ordonna ainsi afin que le soin de cette satisfaction réciproque rendît le Saint plus empressé pour servir et estimer la divine Souveraine.
4, 1, 376. Saint Joseph s'acquitta de cette obligation comme très fidèle époux et dispensateur du même sacrement qui lui était caché; et plus il était attentif à servir et à vénérer son Épouse, plus son amour était pur, chaste, saint et juste et plus grand était son désir qu'Elle y correspondît; quoiqu'il ne lui en parlât ni le lui manifestât jamais, tant à cause de la révérence à laquelle l'humble majesté de son Épouse l'obligeait, que parce que cette sollicitude ne l'avait point molesté à la vue de son entretien, de sa conversation et de sa pureté plus qu'angéliques. Mais lorsqu'il se trouva dans cette ouverture, la vue lui attestant la nouveauté qu'il ne pouvait nier, son âme demeura brisée par le choc, et quoiqu'il fût convaincu qu'il y avait ce nouvel accident dans son Épouse, il ne donna point au discours plus que ce qu'il ne put nier aux yeux: car comme il était homme saint et droit (Matt. 1: 19) bien qu'il connût l'effet, il suspendit le jugement de la cause; parce que s'il se fut persuadé que son Épouse avait péché, sans doute le saint en serait mort naturellement de douleur.
4, 1, 377. A cette cause s'ajouta la certitude qu'il n'avait point de part dans cette grossesse qu'il connaissait par ses yeux et que le déshonneur était pour cela inévitable quand elle viendrait à être sue. Et cette inquiétude avait d'autant plus de poids pour Saint Joseph qu'il était d'un coeur plus généreux et plus honoré et qu'avec sa grande prudence il savait pondérer l'affliction de sa propre infamie et de celle de son Épouse s'ils arrivaient à la souffrir. La troisième cause qui donnait une plus grande angoisse au saint époux était le risque de livrer son Épouse, conformément à la Loi, afin qu'elle fût lapidée (Lev. 20: 10), ce qui était le châtiment des adultères, si Elle était convaincue de ce crime. Entre ces trois considérations, comme entre des pointes d'acier, le coeur de Saint Joseph se trouva blessé d'une peine ou de plusieurs ensemble sans trouver sur le moment d'autre remède pour se soulager que la satisfaction consolidée qu'il avait de son Épouse. Mais comme tous les signes attestaient la nouveauté non imaginée et il ne s'offrait
au saint homme aucune sortie contre eux et il n'osait pas non plus confier sa douloureuse affliction à personne, il se trouvait entouré des douleurs (Ps. 17: 5) de la mort et il sentait avec expérience que la jalousie est dure comme l'enfer (Cant. 8: 6).
4, 1, 378. Il voulait discourir avec lui-même et la douleur lui suspendait les puissances. Si la pensée voulait suivre le sens dans les soupçons, elles s'évanouissaient toutes comme la glace à la force du soleil, et comme la fumée au vent, se souvenant de la sainteté expérimentée de sa modeste et prudente Épouse; s'il voulait suspendre l'affection de son très chaste coeur, il ne le pouvait, parce que toujours il la trouvait un objet digne d'être aimé, et la vérité quoique cachée avait plus de force pour l'attirer que l'erreur apparente de l'infidélité pour le détourner. Ce lien si assuré par des noeuds si solides de vérité, de raison et de justice ne se pouvait rompre. Pour se déclarer avec sa divine Épouse, il ne trouvait point de convenance, ni non plus cette égalité sévère et divinement humble qu'il connaissait en Elle ne le lui permettait pas. Et quoiqu'il vît le changement dans son sein, sa conduite si sainte et si pure ne correspondait point à un pareil oubli de ses obligation, comme on eût pu le présumer; parce que cette faute n'était point compatible avec tant de pureté, d'égalité, de sainteté, de discrétion et toutes les grâces réunies dont l'augmentation était manifeste chaque jour en la très sainte Marie.
4, 1, 379. Le saint époux Joseph en appela de ses peines au tribunal du Seigneur par le moyen de l'oraison, et s'étant mis en Sa Présence il dit: «O Dieu Très-Haut et Seigneur Éternel, mes désirs et mes gémissements (Ps. 37: 10) ne sont point cachés en Votre divine Présence. Je me trouve combattu par les ondes violentes qui sont arrivées à blesser mon coeur. Je l'ai livré (Prov. 31: 11) assuré à l'Épouse que j'ai reçu de Votre main. Je me suis confié à sa grande sainteté; et les témoignages de la nouveauté que je vois me mettent dans une torture de douleur et de crainte que mes espérances soient frustrées. Rien de ce que j'ai connu jusqu'aujourd'hui ne peut mettre de doute à sa pudeur et àses vertus excellentes; mais non plus je ne peux nier qu'Elle soit enceinte. Juger qu'Elle ait été infidèle et qu'Elle Vous ait offensé serait témérité, à la vue d'une pureté et d'une sainteté si extraordinaires: nier ce que la vue m'assure est impossible; mais il ne le sera point pour moi de mourir de la force de cette peine, s'il n'y a pas ici quelque mystère
caché que je ne pénètre pas. La raison la disculpe et le sens la condamne. Elle me cache la cause de sa grossesse, je le vois; que dois-je faire? Dès le principe nous avons conféré des voeux de chasteté que nous avions promis tous deux pour Votre gloire; et s'il était possible qu'Elle eût violé Votre foi et la mienne, je défendrais Votre honneur et pour Votre amour je déposerais le mien. Mais comment une telle sainteté et une telle pureté pourraient-elles se conserver et tout le reste, si Elle avait commis un crime si grave? Et comment étant si sainte et si prudente me cache-t-elle cet événement? Je suspends mon jugement et je me retiens, ignorant la cause de ce que je vois. Je répands mon esprit (Ps. 141: 3) affligé en Votre Présence, ô Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Recevez mes larmes en sacrifice acceptable; et si mes péchés méritent Votre indignation, obligez-vous, Seigneur, de Votre propre clémence et de Votre propre bénignité, et ne méprisez point mes peines si vives. Je ne juge pas que Marie Vous ait offensé; mais non plus, moi étant son époux, je ne peux présumer aucun mystère, dont je ne puis être digne. Gouvernez mon entendement et mon coeur par Votre divine Lumière afin que je connaisse et que j'exécute le plus acceptable à Votre Volonté.»
4, 1, 380. Saint Joseph persévéra dans cette oraison avec beaucoup plus d'affections et de demandes: car bien qu'il se représentât qu'il y avait quelque mystère qu'il ignorait dans la grossesse de la Très Sainte Marie, néanmoins il ne se rassurait pas en cela; parce qu'il n'y avait point d'autres raisons que celles qui tout au plus se présentaient à lui pour éviter le jugement de la croire coupable en aucune chose, respectant la sainteté de la divine Dame; et ainsi la pensée qu'Elle pouvait être Mère du Messie n'arriva point à la pensée du Saint. Quelquefois il suspendait les soupçons et d'autres fois les évidences les augmentaient et les suscitaient; et ainsi flottant il souffrait des ondes impétueuses d'un côté et de l'autre; et combattu et vaincu il avait coutume de demeurer dans un calme pénible sans se déterminer à croire aucune chose par laquelle il put surmonter son doute, se tranquilliser le coeur et opérer conformément à la certitude que d'un côté ou de l'autre il eut eu pour se gouverner. Pour cela le tourment de Saint Joseph fut si grand qu'il put être une preuve évidente de sa prudence et de sa sainteté incomparable, et mériter par cette affliction que Dieu le rendit capable du bienfait singulier qu'il lui préparait.
4, 1, 381. Tout ce qui se passait en secret dans le coeur de saint Joseph était manifeste à la Princesse du Ciel qui le regardait avec la Science et la Lumière
divines qu'Elle avait. Et quoique son Coeur très saint fût rempli de tendresse et de compassion de ce que son époux souffrait, Elle ne lui en disait pas un mot; mais Elle le servait avec soumission et avec soin. Et l'homme de Dieu avec l'air de ne point faire attention, la regardait avec une plus grande sollicitude qu'aucun autre homme n'a jamais eu: et comme en le servant à table et en d'autres occupations domestiques, la grande Souveraine faisait certaines actions et certains mouvements dans lesquels il était inévitable que son état parût davantage quoiqu'il ne lui fût pas pesant ni pénible; saint Joseph faisait attention à tout et il se certifiait davantage dans la vérité avec une plus grande affliction de son âme. Et quoiqu'il fût saint et droit, depuis qu'il était marié avec la Très Sainte Marie il se laissait respecter et servir par Elle, gardant en tout l'autorité de chef et de mari, quoiqu'il la tempérât par une rare humilité et une grande prudence. Toutefois tant qu'il ignora le Mystère de son Épouse, il jugea qu'il devait se montrer toujours supérieur avec la modération convenable, à l'imitation des Pères et des Patriarches anciens de qui il ne devait point dégénérer, afin que les femmes fussent obéissantes et soumises à leurs maris. Et il aurait eu raison de se gouverner de cette manière, si la Très Sainte Marie notre Souveraine eût été comme les autres femmes. Mais quoiqu'Elle fût si différente il n'y en aura jamais d'aussi obéissante, d'aussi humble et d'aussi soumise à son mari que le fut la Très Éminente Reine à son époux. Elle le servait avec un respect et une promptitude incomparables et quoiqu'Elle connût ses soucis et son attention à sa grossesse Elle ne s'excusa pas pour cela de faire toutes les actions qui la concernaient et Elle ne fit rien pour dissimuler et cacher cet état, parce que c'eût été un artifice ou une duplicité qui n'aurait pas été compatible avec la vérité et la candeur angélique qu'Elle avait, ni avec la générosité et la grandeur de son Coeur très noble.
4, 1, 382. L'Auguste Souveraine aurait bien pu alléguer pour sa garantie la vérité de son innocence irrépréhensible et le témoignage de sa cousine sainte Élisabeth et de Zacharie; parce que si saint Joseph avait soupçonné quelque faute en Elle, c'était dans ce temps qu'il aurait pu mieux l'attribuer; et par ce moyen et par d'autres, sans lui manifester le Mystère, Elle pouvait se disculper et tirer saint Joseph d'inquiétude. La Maîtresse de la prudence et de l'humilité ne fit rien de cela, parce qu'il ne s'accordait point avec ses vertus de parler en sa faveur et de confier la satisfaction d'une vérité si mystérieuse à son propre témoignage. Elle remit le tout à la disposition Divine avec une grande Sagesse. Et quoique l'amour qu'Elle avait pour son époux la portât à le consoler et à le tirer de peine, Elle ne le
fit pas en se disculpant, ni en lui cachant son état, mais en le servant avec de plus grandes démonstrations de soumission et d'amour. Souvent Elle le servait à genoux; et quoique cela consolât quelque peu saint Joseph, d'un autre côté il en recevait de plus grands motifs de s'affliger, considérant les nombreuses raisons qu'il avait d'aimer et d'estimer Celle dont il n'était pas sûr d'avoir été offensé. La divine Dame faisait pour lui des prières continuelles et Elle demandait à Dieu de le regarder et de le consoler; et Elle se remettait tout entière à la Volonté de Sa Majesté.
4, 1, 383. Saint Joseph ne pouvait cacher tout à fait sa peine très amère, et ainsi il était souvent triste, pensif et en suspens, et accablé de cette douleur il parlait à sa divine Épouse avec quelque sévérité plus que d'ordinaire; parce que Celle-ci était comme un effet inséparable de l'affliction de son coeur, et non par indignation et par vengeance: car cela n'arriva jamais à sa pensée, comme on le verra plus loin. Néanmoins la Très Prudente Dame ne changea point soin air, ni Elle ne fit aucune démonstration de sentiment; au contraire, Elle prenait pour cela plus de soin de la consolation de son époux. Elle le servait à table, Elle lui donnait le siège, Elle lui apportait la nourriture, Elle lui servait à boire; et après qu'Elle avait fait tout avec une grâce incomparable, saint Joseph lui commandait de s'asseoir, et à chaque heure il s'assurait davantage dans la certitude de sa grossesse. Il n'y a point de doute que cette occasion fut l'une de celles qui exercèrent davantage, non seulement saint Joseph, mais la Princesse du Ciel et qu'en Elle se manifestèrent beaucoup la très profonde humilité et la grande Sagesse de son âme très sainte; et le Seigneur donna lieu à exercer et à éprouver toutes ses vertus, car non-seulement Il ne lui commanda point de taire le sacrement de sa grossesse, mais Il ne lui manifesta pas Sa Volonté Divine aussi expressément qu'en d'autres événements. Il semble que Dieu lui remît le tout et le confiât à la Science et aux vertus Divines de son Épouse choisie, la laissant opérer avec ces mêmes vertus sans autre illustration ou faveur spéciale. La Providence de Dieu donnait occasion à la Très Sainte Marie et à son très fidèle époux Joseph d'exercer chacun respectivement les vertus et les Dons qu'Il Leur avait départis, et Il se réjouissait à notre manière de concevoir, de la Foi, de l'Espérance, de l'Amour, de l'humilité, de la patience, de la quiétude et de la sérénité de ces Coeurs candides au milieu d'une si douloureuse affliction. Et pour exalter Sa gloire et donner au monde cet exemple de sainteté et de prudence et entendre les douces clameurs de la Très Sainte Mère et de son très auguste époux, qui Lui étaient acceptables et agréables Il se faisait comme sourd,
selon notre manière de concevoir, afin qu'ils les renouvelassent et Il dissimulait sans leur répondre jusqu'au temps opportun et convenable.
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE REINE, NOTRE SOUVERAINE.
4, 1, 384. Ma très chère fille, les pensées et les fins du Seigneur sont très sublimes et Sa Providence envers les âmes est forte et suave (Sag. 8: 1), et il est admirable dans le gouvernement de tous, spécialement de Ses amis et de Ses élus (Ps. 67: 36). Et si les mortels arrivaient à connaître le soin amoureux avec lequel ce Père des miséricordes est attentif à les guider et à les diriger, ils seraient plus oublieux d'eux-mêmes et ils ne se livreraient point à des soucis si pénibles (Matt. 6: 25), si inutiles et si dangereux avec lesquels ils vivent inquiets et sollicitent divers appuis des autres créatures; parce qu'ils s'abandonneraient assurés à la Sagesse et à l'Amour Infini qui aurait soin (1 Pet. 5: 7) de toutes leurs pensées, paroles et actions et de tout ce qui leur convient avec une douceur et une suavité paternelles. Je ne veux point que tu ignores cette vérité, mais que tu comprennes comment le Seigneur depuis Son éternité a présents dans Son Entendement divin tous les prédestinés qui doivent être en divers temps et en divers âges; et par la force invincible de Sa Sagesse et de Sa Bonté Infinies, Il dispose et dirige tous les biens qui leur conviennent, pour qu'ils obtiennent enfin ce que le Seigneur a déterminé à leur égard.
4, 1, 385. C'est pour cela qu'il importe tant à la créature raisonnable de se laisser diriger par la main du Seigneur, si livrant tout entière à Sa divine disposition; parce que les hommes mortels ignorent (Eccles. 7: 1) leurs voies et la fin à laquelle ils doivent arriver par elles; et ils ne peuvent par eux-mêmes en faire choix, avec leur ignorance, si ce n'est avec une grande témérité et un grand danger de leur perdition. Mais s'ils se livrent de tout coeur à la Providence du Très-Haut, Le reconnaissant pour leur Père et eux-mêmes pour Ses enfants et Ses ouvrages, Sa Majesté se constitue leur Protecteur, leur Refuge et leur Gouverneur avec tant d'amour qu'Il veut que le Ciel et la terre connaissent que c'est un office qui Le regarde Lui-même de gouverner les Siens et ceux qui se confient et s'abandonnent
à Lui. Et si Dieu était capable de recevoir de la peine ou d'avoir de la jalousie comme les hommes, Il en aurait de ce qu'une créature prît part au soin des âmes, ou de ce qu'elles allassent chercher quelqu'une des choses dont elles ont besoin en quelque autre qu'en Lui-même qui a pris tout cela à Sa charge (Sag. 12: 13). Et les mortels ne peuvent ignorer cette vérité s'ils considèrent ce que, même parmi eux, un père fait pour ses enfants, un époux pour son épouse, un ami pour son ami, et un prince pour le favori qu'il aime et qu'il veut honorer. Tout cela n'est rien en comparaison de l'amour que Dieu a pour les siens et ce qu'Il veut et peut faire pour eux.
4, 1, 386. Mais quoique pour la plupart, les hommes croient cette vérité en général, nul ne peut comprendre quel est l'Amour divin et quels sont Ses effets particuliers envers les âmes qui se résignent et s'abandonnent totalement à Sa volonté. Et tu peux, ma fille, manifester ce que tu en connais et il ne convient pas de le faire; mais ne le perds pas de vue dans le Seigneur. Sa Majesté dit qu'il ne périra pas un cheveu (Luc 21: 18) de Ses élus, parce qu'Il les a tous comptés (Luc 12: 7). Il gouverne leurs pas vers la vie et Il les détourne de la mort (Ps. 36: 23). Il considère leurs oeuvres, Il corrige (Prov. 3: 12) leurs défauts avec amour, Il surpasse leurs désirs, Il prévient (Sag. 6: 14) leurs sollicitudes, Il les défend dans le danger (Sag. 5: 17), Il les console dans le calme (Cant. 8: 5), Il les fortifie dans le combat (Ps. 26: 3), Il les assiste dans la tribulation (Ps. 90: 15), Il les défend de l'erreur par Sa Sagesse, Il les sanctifie par Sa Bonté, Il les fortifie par Sa Puissance, et comme infini, à la Volonté de qui personne ne peut résister (Esth. 13: 9) ou s'opposer, Il exécute ce qu'Il peut, Il peut tout ce qu'Il veut et Il veut Se livrer tout entier au juste qui est dans Sa grâce et qui se fie à Lui seul. Qui peut comprendre combien grandes et nombreuses seraient les grâces qu'Il répandrait dans un coeur disposé de cette manière pour les recevoir.
4, 1, 387. Si tu veux, mon amie, que je t'obtienne cette bonne fortune, imite-moi avec une véritable sollicitude et tourne-là tout entière dès aujourd'hui à obtenir efficacement une véritable résignation à la Providence divine. Et si Dieu t'envoie des tribulations, des peines, et des travaux, reçois-les et embrasse-les avec égalité de coeur, avec quiétude de ton esprit avec patience, Foi vive et espérance dans la Bonté du Très-Haut qui te donnera toujours le plus sûr et le plus convenable pour ton salut. Ne fais élection d'aucune chose, car Dieu sait et
connaît tes voies; fie-toi à ton Père et ton Époux céleste qui te protège et te défend avec Son Amour très fidèle. Considère mes oeuvres puisqu'elles ne te sont point cachées et sache qu'après les travaux soutenus par mon Très Saint Fils, la plus grande affliction que je souffris dans ma Vie fut celle des tribulations de mon époux Joseph et ses peines dans l'occasion que tu écris.
Qui contient les doutes de saint Joseph connaissant la grossesse de la Très Sainte Marie, la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, Sa Circoncision, l'Adoration des Rois, la Présentation de L'Enfant Jésus au Temple, la fuite en Égypte, la mort des Innocents et le retour à Nazareth.
CHAPITRE 1
Saint Joseph connaît la grossesse de son Épouse la Vierge Marie et il entre dans une grande inquiétude sachant qu'il n'y avait point de part.
4, 1, 375. C'était déjà le cinquième mois de la Divine grossesse de la Princesse du Ciel, quand le très chaste Joseph, son époux avait commencé à avoir quelque réflexion sur la disposition et la croissance de son sein Virginal; parce qu'avec la perfection naturelle et l'élégance de la divine Épouse, comme je l'ai déjà dit, certain signe et certaine inégalité qu'il y avait pouvait moins se cacher et se découvrait davantage. Un jour, la Très Sainte Marie sortant de son oratoire, Saint Joseph la regarda avec ce souci (Matt. 1: 18) et il connut la nouveauté avec une plus grande certitude, sans que le raisonnement put démentir aux yeux ce qui leur était notoire. L'homme de Dieu demeura le coeur blessé d'une flèche de douleur, qui le pénétra jusqu'au plus intime sans trouver de résistance à la force de ses causes qui se joignirent en même temps dans son âme. La première était l'amour très chaste, mais très intense et très véritable qu'il avait pour sa fidèle Épouse où dès le principe son coeur fut plus qu'en dépôt, et par l'entretien agréable et par la sainteté sans égale de la grande Dame, ce lien de l'âme de Saint Joseph s'était
confirmé davantage à son service. Et comme Elle était si parfaite et si accomplie dans la modestie et l'humble sévérité, ainsi Saint Joseph au milieu de son diligent souci pour la servir, avait un désir comme naturel à son amour de la correspondance de son Épouse. Et le Seigneur l'ordonna ainsi afin que le soin de cette satisfaction réciproque rendît le Saint plus empressé pour servir et estimer la divine Souveraine.
4, 1, 376. Saint Joseph s'acquitta de cette obligation comme très fidèle époux et dispensateur du même sacrement qui lui était caché; et plus il était attentif à servir et à vénérer son Épouse, plus son amour était pur, chaste, saint et juste et plus grand était son désir qu'Elle y correspondît; quoiqu'il ne lui en parlât ni le lui manifestât jamais, tant à cause de la révérence à laquelle l'humble majesté de son Épouse l'obligeait, que parce que cette sollicitude ne l'avait point molesté à la vue de son entretien, de sa conversation et de sa pureté plus qu'angéliques. Mais lorsqu'il se trouva dans cette ouverture, la vue lui attestant la nouveauté qu'il ne pouvait nier, son âme demeura brisée par le choc, et quoiqu'il fût convaincu qu'il y avait ce nouvel accident dans son Épouse, il ne donna point au discours plus que ce qu'il ne put nier aux yeux: car comme il était homme saint et droit (Matt. 1: 19) bien qu'il connût l'effet, il suspendit le jugement de la cause; parce que s'il se fut persuadé que son Épouse avait péché, sans doute le saint en serait mort naturellement de douleur.
4, 1, 377. A cette cause s'ajouta la certitude qu'il n'avait point de part dans cette grossesse qu'il connaissait par ses yeux et que le déshonneur était pour cela inévitable quand elle viendrait à être sue. Et cette inquiétude avait d'autant plus de poids pour Saint Joseph qu'il était d'un coeur plus généreux et plus honoré et qu'avec sa grande prudence il savait pondérer l'affliction de sa propre infamie et de celle de son Épouse s'ils arrivaient à la souffrir. La troisième cause qui donnait une plus grande angoisse au saint époux était le risque de livrer son Épouse, conformément à la Loi, afin qu'elle fût lapidée (Lev. 20: 10), ce qui était le châtiment des adultères, si Elle était convaincue de ce crime. Entre ces trois considérations, comme entre des pointes d'acier, le coeur de Saint Joseph se trouva blessé d'une peine ou de plusieurs ensemble sans trouver sur le moment d'autre remède pour se soulager que la satisfaction consolidée qu'il avait de son Épouse. Mais comme tous les signes attestaient la nouveauté non imaginée et il ne s'offrait
au saint homme aucune sortie contre eux et il n'osait pas non plus confier sa douloureuse affliction à personne, il se trouvait entouré des douleurs (Ps. 17: 5) de la mort et il sentait avec expérience que la jalousie est dure comme l'enfer (Cant. 8: 6).
4, 1, 378. Il voulait discourir avec lui-même et la douleur lui suspendait les puissances. Si la pensée voulait suivre le sens dans les soupçons, elles s'évanouissaient toutes comme la glace à la force du soleil, et comme la fumée au vent, se souvenant de la sainteté expérimentée de sa modeste et prudente Épouse; s'il voulait suspendre l'affection de son très chaste coeur, il ne le pouvait, parce que toujours il la trouvait un objet digne d'être aimé, et la vérité quoique cachée avait plus de force pour l'attirer que l'erreur apparente de l'infidélité pour le détourner. Ce lien si assuré par des noeuds si solides de vérité, de raison et de justice ne se pouvait rompre. Pour se déclarer avec sa divine Épouse, il ne trouvait point de convenance, ni non plus cette égalité sévère et divinement humble qu'il connaissait en Elle ne le lui permettait pas. Et quoiqu'il vît le changement dans son sein, sa conduite si sainte et si pure ne correspondait point à un pareil oubli de ses obligation, comme on eût pu le présumer; parce que cette faute n'était point compatible avec tant de pureté, d'égalité, de sainteté, de discrétion et toutes les grâces réunies dont l'augmentation était manifeste chaque jour en la très sainte Marie.
4, 1, 379. Le saint époux Joseph en appela de ses peines au tribunal du Seigneur par le moyen de l'oraison, et s'étant mis en Sa Présence il dit: «O Dieu Très-Haut et Seigneur Éternel, mes désirs et mes gémissements (Ps. 37: 10) ne sont point cachés en Votre divine Présence. Je me trouve combattu par les ondes violentes qui sont arrivées à blesser mon coeur. Je l'ai livré (Prov. 31: 11) assuré à l'Épouse que j'ai reçu de Votre main. Je me suis confié à sa grande sainteté; et les témoignages de la nouveauté que je vois me mettent dans une torture de douleur et de crainte que mes espérances soient frustrées. Rien de ce que j'ai connu jusqu'aujourd'hui ne peut mettre de doute à sa pudeur et àses vertus excellentes; mais non plus je ne peux nier qu'Elle soit enceinte. Juger qu'Elle ait été infidèle et qu'Elle Vous ait offensé serait témérité, à la vue d'une pureté et d'une sainteté si extraordinaires: nier ce que la vue m'assure est impossible; mais il ne le sera point pour moi de mourir de la force de cette peine, s'il n'y a pas ici quelque mystère
caché que je ne pénètre pas. La raison la disculpe et le sens la condamne. Elle me cache la cause de sa grossesse, je le vois; que dois-je faire? Dès le principe nous avons conféré des voeux de chasteté que nous avions promis tous deux pour Votre gloire; et s'il était possible qu'Elle eût violé Votre foi et la mienne, je défendrais Votre honneur et pour Votre amour je déposerais le mien. Mais comment une telle sainteté et une telle pureté pourraient-elles se conserver et tout le reste, si Elle avait commis un crime si grave? Et comment étant si sainte et si prudente me cache-t-elle cet événement? Je suspends mon jugement et je me retiens, ignorant la cause de ce que je vois. Je répands mon esprit (Ps. 141: 3) affligé en Votre Présence, ô Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Recevez mes larmes en sacrifice acceptable; et si mes péchés méritent Votre indignation, obligez-vous, Seigneur, de Votre propre clémence et de Votre propre bénignité, et ne méprisez point mes peines si vives. Je ne juge pas que Marie Vous ait offensé; mais non plus, moi étant son époux, je ne peux présumer aucun mystère, dont je ne puis être digne. Gouvernez mon entendement et mon coeur par Votre divine Lumière afin que je connaisse et que j'exécute le plus acceptable à Votre Volonté.»
4, 1, 380. Saint Joseph persévéra dans cette oraison avec beaucoup plus d'affections et de demandes: car bien qu'il se représentât qu'il y avait quelque mystère qu'il ignorait dans la grossesse de la Très Sainte Marie, néanmoins il ne se rassurait pas en cela; parce qu'il n'y avait point d'autres raisons que celles qui tout au plus se présentaient à lui pour éviter le jugement de la croire coupable en aucune chose, respectant la sainteté de la divine Dame; et ainsi la pensée qu'Elle pouvait être Mère du Messie n'arriva point à la pensée du Saint. Quelquefois il suspendait les soupçons et d'autres fois les évidences les augmentaient et les suscitaient; et ainsi flottant il souffrait des ondes impétueuses d'un côté et de l'autre; et combattu et vaincu il avait coutume de demeurer dans un calme pénible sans se déterminer à croire aucune chose par laquelle il put surmonter son doute, se tranquilliser le coeur et opérer conformément à la certitude que d'un côté ou de l'autre il eut eu pour se gouverner. Pour cela le tourment de Saint Joseph fut si grand qu'il put être une preuve évidente de sa prudence et de sa sainteté incomparable, et mériter par cette affliction que Dieu le rendit capable du bienfait singulier qu'il lui préparait.
4, 1, 381. Tout ce qui se passait en secret dans le coeur de saint Joseph était manifeste à la Princesse du Ciel qui le regardait avec la Science et la Lumière
divines qu'Elle avait. Et quoique son Coeur très saint fût rempli de tendresse et de compassion de ce que son époux souffrait, Elle ne lui en disait pas un mot; mais Elle le servait avec soumission et avec soin. Et l'homme de Dieu avec l'air de ne point faire attention, la regardait avec une plus grande sollicitude qu'aucun autre homme n'a jamais eu: et comme en le servant à table et en d'autres occupations domestiques, la grande Souveraine faisait certaines actions et certains mouvements dans lesquels il était inévitable que son état parût davantage quoiqu'il ne lui fût pas pesant ni pénible; saint Joseph faisait attention à tout et il se certifiait davantage dans la vérité avec une plus grande affliction de son âme. Et quoiqu'il fût saint et droit, depuis qu'il était marié avec la Très Sainte Marie il se laissait respecter et servir par Elle, gardant en tout l'autorité de chef et de mari, quoiqu'il la tempérât par une rare humilité et une grande prudence. Toutefois tant qu'il ignora le Mystère de son Épouse, il jugea qu'il devait se montrer toujours supérieur avec la modération convenable, à l'imitation des Pères et des Patriarches anciens de qui il ne devait point dégénérer, afin que les femmes fussent obéissantes et soumises à leurs maris. Et il aurait eu raison de se gouverner de cette manière, si la Très Sainte Marie notre Souveraine eût été comme les autres femmes. Mais quoiqu'Elle fût si différente il n'y en aura jamais d'aussi obéissante, d'aussi humble et d'aussi soumise à son mari que le fut la Très Éminente Reine à son époux. Elle le servait avec un respect et une promptitude incomparables et quoiqu'Elle connût ses soucis et son attention à sa grossesse Elle ne s'excusa pas pour cela de faire toutes les actions qui la concernaient et Elle ne fit rien pour dissimuler et cacher cet état, parce que c'eût été un artifice ou une duplicité qui n'aurait pas été compatible avec la vérité et la candeur angélique qu'Elle avait, ni avec la générosité et la grandeur de son Coeur très noble.
4, 1, 382. L'Auguste Souveraine aurait bien pu alléguer pour sa garantie la vérité de son innocence irrépréhensible et le témoignage de sa cousine sainte Élisabeth et de Zacharie; parce que si saint Joseph avait soupçonné quelque faute en Elle, c'était dans ce temps qu'il aurait pu mieux l'attribuer; et par ce moyen et par d'autres, sans lui manifester le Mystère, Elle pouvait se disculper et tirer saint Joseph d'inquiétude. La Maîtresse de la prudence et de l'humilité ne fit rien de cela, parce qu'il ne s'accordait point avec ses vertus de parler en sa faveur et de confier la satisfaction d'une vérité si mystérieuse à son propre témoignage. Elle remit le tout à la disposition Divine avec une grande Sagesse. Et quoique l'amour qu'Elle avait pour son époux la portât à le consoler et à le tirer de peine, Elle ne le
fit pas en se disculpant, ni en lui cachant son état, mais en le servant avec de plus grandes démonstrations de soumission et d'amour. Souvent Elle le servait à genoux; et quoique cela consolât quelque peu saint Joseph, d'un autre côté il en recevait de plus grands motifs de s'affliger, considérant les nombreuses raisons qu'il avait d'aimer et d'estimer Celle dont il n'était pas sûr d'avoir été offensé. La divine Dame faisait pour lui des prières continuelles et Elle demandait à Dieu de le regarder et de le consoler; et Elle se remettait tout entière à la Volonté de Sa Majesté.
4, 1, 383. Saint Joseph ne pouvait cacher tout à fait sa peine très amère, et ainsi il était souvent triste, pensif et en suspens, et accablé de cette douleur il parlait à sa divine Épouse avec quelque sévérité plus que d'ordinaire; parce que Celle-ci était comme un effet inséparable de l'affliction de son coeur, et non par indignation et par vengeance: car cela n'arriva jamais à sa pensée, comme on le verra plus loin. Néanmoins la Très Prudente Dame ne changea point soin air, ni Elle ne fit aucune démonstration de sentiment; au contraire, Elle prenait pour cela plus de soin de la consolation de son époux. Elle le servait à table, Elle lui donnait le siège, Elle lui apportait la nourriture, Elle lui servait à boire; et après qu'Elle avait fait tout avec une grâce incomparable, saint Joseph lui commandait de s'asseoir, et à chaque heure il s'assurait davantage dans la certitude de sa grossesse. Il n'y a point de doute que cette occasion fut l'une de celles qui exercèrent davantage, non seulement saint Joseph, mais la Princesse du Ciel et qu'en Elle se manifestèrent beaucoup la très profonde humilité et la grande Sagesse de son âme très sainte; et le Seigneur donna lieu à exercer et à éprouver toutes ses vertus, car non-seulement Il ne lui commanda point de taire le sacrement de sa grossesse, mais Il ne lui manifesta pas Sa Volonté Divine aussi expressément qu'en d'autres événements. Il semble que Dieu lui remît le tout et le confiât à la Science et aux vertus Divines de son Épouse choisie, la laissant opérer avec ces mêmes vertus sans autre illustration ou faveur spéciale. La Providence de Dieu donnait occasion à la Très Sainte Marie et à son très fidèle époux Joseph d'exercer chacun respectivement les vertus et les Dons qu'Il Leur avait départis, et Il se réjouissait à notre manière de concevoir, de la Foi, de l'Espérance, de l'Amour, de l'humilité, de la patience, de la quiétude et de la sérénité de ces Coeurs candides au milieu d'une si douloureuse affliction. Et pour exalter Sa gloire et donner au monde cet exemple de sainteté et de prudence et entendre les douces clameurs de la Très Sainte Mère et de son très auguste époux, qui Lui étaient acceptables et agréables Il se faisait comme sourd,
selon notre manière de concevoir, afin qu'ils les renouvelassent et Il dissimulait sans leur répondre jusqu'au temps opportun et convenable.
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE REINE, NOTRE SOUVERAINE.
4, 1, 384. Ma très chère fille, les pensées et les fins du Seigneur sont très sublimes et Sa Providence envers les âmes est forte et suave (Sag. 8: 1), et il est admirable dans le gouvernement de tous, spécialement de Ses amis et de Ses élus (Ps. 67: 36). Et si les mortels arrivaient à connaître le soin amoureux avec lequel ce Père des miséricordes est attentif à les guider et à les diriger, ils seraient plus oublieux d'eux-mêmes et ils ne se livreraient point à des soucis si pénibles (Matt. 6: 25), si inutiles et si dangereux avec lesquels ils vivent inquiets et sollicitent divers appuis des autres créatures; parce qu'ils s'abandonneraient assurés à la Sagesse et à l'Amour Infini qui aurait soin (1 Pet. 5: 7) de toutes leurs pensées, paroles et actions et de tout ce qui leur convient avec une douceur et une suavité paternelles. Je ne veux point que tu ignores cette vérité, mais que tu comprennes comment le Seigneur depuis Son éternité a présents dans Son Entendement divin tous les prédestinés qui doivent être en divers temps et en divers âges; et par la force invincible de Sa Sagesse et de Sa Bonté Infinies, Il dispose et dirige tous les biens qui leur conviennent, pour qu'ils obtiennent enfin ce que le Seigneur a déterminé à leur égard.
4, 1, 385. C'est pour cela qu'il importe tant à la créature raisonnable de se laisser diriger par la main du Seigneur, si livrant tout entière à Sa divine disposition; parce que les hommes mortels ignorent (Eccles. 7: 1) leurs voies et la fin à laquelle ils doivent arriver par elles; et ils ne peuvent par eux-mêmes en faire choix, avec leur ignorance, si ce n'est avec une grande témérité et un grand danger de leur perdition. Mais s'ils se livrent de tout coeur à la Providence du Très-Haut, Le reconnaissant pour leur Père et eux-mêmes pour Ses enfants et Ses ouvrages, Sa Majesté se constitue leur Protecteur, leur Refuge et leur Gouverneur avec tant d'amour qu'Il veut que le Ciel et la terre connaissent que c'est un office qui Le regarde Lui-même de gouverner les Siens et ceux qui se confient et s'abandonnent
à Lui. Et si Dieu était capable de recevoir de la peine ou d'avoir de la jalousie comme les hommes, Il en aurait de ce qu'une créature prît part au soin des âmes, ou de ce qu'elles allassent chercher quelqu'une des choses dont elles ont besoin en quelque autre qu'en Lui-même qui a pris tout cela à Sa charge (Sag. 12: 13). Et les mortels ne peuvent ignorer cette vérité s'ils considèrent ce que, même parmi eux, un père fait pour ses enfants, un époux pour son épouse, un ami pour son ami, et un prince pour le favori qu'il aime et qu'il veut honorer. Tout cela n'est rien en comparaison de l'amour que Dieu a pour les siens et ce qu'Il veut et peut faire pour eux.
4, 1, 386. Mais quoique pour la plupart, les hommes croient cette vérité en général, nul ne peut comprendre quel est l'Amour divin et quels sont Ses effets particuliers envers les âmes qui se résignent et s'abandonnent totalement à Sa volonté. Et tu peux, ma fille, manifester ce que tu en connais et il ne convient pas de le faire; mais ne le perds pas de vue dans le Seigneur. Sa Majesté dit qu'il ne périra pas un cheveu (Luc 21: 18) de Ses élus, parce qu'Il les a tous comptés (Luc 12: 7). Il gouverne leurs pas vers la vie et Il les détourne de la mort (Ps. 36: 23). Il considère leurs oeuvres, Il corrige (Prov. 3: 12) leurs défauts avec amour, Il surpasse leurs désirs, Il prévient (Sag. 6: 14) leurs sollicitudes, Il les défend dans le danger (Sag. 5: 17), Il les console dans le calme (Cant. 8: 5), Il les fortifie dans le combat (Ps. 26: 3), Il les assiste dans la tribulation (Ps. 90: 15), Il les défend de l'erreur par Sa Sagesse, Il les sanctifie par Sa Bonté, Il les fortifie par Sa Puissance, et comme infini, à la Volonté de qui personne ne peut résister (Esth. 13: 9) ou s'opposer, Il exécute ce qu'Il peut, Il peut tout ce qu'Il veut et Il veut Se livrer tout entier au juste qui est dans Sa grâce et qui se fie à Lui seul. Qui peut comprendre combien grandes et nombreuses seraient les grâces qu'Il répandrait dans un coeur disposé de cette manière pour les recevoir.
4, 1, 387. Si tu veux, mon amie, que je t'obtienne cette bonne fortune, imite-moi avec une véritable sollicitude et tourne-là tout entière dès aujourd'hui à obtenir efficacement une véritable résignation à la Providence divine. Et si Dieu t'envoie des tribulations, des peines, et des travaux, reçois-les et embrasse-les avec égalité de coeur, avec quiétude de ton esprit avec patience, Foi vive et espérance dans la Bonté du Très-Haut qui te donnera toujours le plus sûr et le plus convenable pour ton salut. Ne fais élection d'aucune chose, car Dieu sait et
connaît tes voies; fie-toi à ton Père et ton Époux céleste qui te protège et te défend avec Son Amour très fidèle. Considère mes oeuvres puisqu'elles ne te sont point cachées et sache qu'après les travaux soutenus par mon Très Saint Fils, la plus grande affliction que je souffris dans ma Vie fut celle des tribulations de mon époux Joseph et ses peines dans l'occasion que tu écris.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 2
Les doutes de saint Joseph augmentent: il se détermine à laisser son Épouse et il fait oraison pour cela.
4, 2, 388. Au milieu de la tourmente de soucis qui combattaient dans le coeur très droit de saint Joseph, il s'efforçait parfois avec sa prudence de chercher quelque calme et de reprendre vigueur dans son affliction, discourant tout seul et tâchant de réduire en doute la grossesse de son Épouse. Mais il était tiré de cette erreur chaque jour davantage par l'augmentation du sein Virginal de la divine Reine, qui avec le temps allait en se manifestant avec plus d'évidence; et le glorieux Saint ne trouvait point d'autres causes auxquelles recourir, la possibilité du doute lui était frustrée et elle était peu constante: aussitôt il passait du doute qu'il cherchait à la certitude véhémente en autant que le temps s'avançait. Dans ces augmentations, la divine Princesse était toujours plus agréable et l'on ne pouvait soupçonner d'autres indispositions; car de toutes manières Elle se perfectionnait en beauté, en santé, en agilité et en grâces; autant de motifs, de soupçons et de filets pour le très chaste amour et la peine de saint Joseph, sans pouvoir s'éloigner de toutes ses affections, en même temps que ces diverses agitations le tourmentaient. A la fin elles le vainquirent de telle sorte qu'il arriva à se persuader tout à fait de l'évidence. Et quoique son esprit se conformât toujours à la Volonté de Dieu; néanmoins la chair infirme sentait le suprême de la douleur de l'âme par laquelle il arriva à un point où il ne trouvait aucune sortie dans la cause de sa tristesse. Il sentit un ébranlement ou une défaillance dans les forces du
corps, laquelle défaillance sans arriver à une maladie déterminée lui débilita néanmoins les forces et le fit maigrir quelque peu; et l'on connaissait à son visage la tristesse et la mélancolie profondes qui l'affligeaient. Et comme il souffrait seul, sans chercher le soulagement de se communiquer et de décharger de quelque manière l'oppression de son coeur, comme le font ordinairement les autres hommes; la tribulation que le saint souffrait venait ainsi à être plus grave et moins réparable naturellement.
4, 2, 389. La douleur de la Très Sainte Marie qui pénétrait son Coeur n'était pas moindre: mais quoiqu'elle fût très grande, l'espace de son Coeur magnanime et généreux était très grand aussi; et ainsi Elle dissimulait ses peines, mais non le souci que celles de son époux saint Joseph lui donnaient, avec quoi Elle détermina de l'assister davantage et de prendre soin de sa santé et de sa consolation. Mais comme c'était une loi inviolable dans la Très Prudente Reine d'opérer toutes ses actions dans la plénitude de la Sagesse et de la Science, Elle taisait toujours la vérité du Mystère [a] qu'Elle n'avait point ordre de manifester et quoiqu'Elle fût la seule qui pût soulager son époux Joseph par cette voie, Elle ne le fit point pour respecter et garder le sacrement du Roi céleste (Tob. 12: 7). Elle faisait par Elle-même tout ce qu'Elle pouvait; Elle lui parlait de sa santé, et Elle lui demandait ce qu'il désirait qu'Elle fit pour son service et le soulagement des indispositions qui le rendaient si languissant. Elle le priait de prendre quelque repos et quelque récréation, puisqu'il était juste de subvenir à la nécessité et de réparer les forces défaillantes du corps pour travailler ensuite pour le Seigneur. Saint Joseph était attentif à tout ce que sa divine Épouse faisait; et pondérant en lui-même cette vertu et cette discrétion et sentant les saints effets de son entretien et de sa présence il disait: "Est-il possible qu'une Femme qui a de telles moeurs et en qui se manifeste si fort la grâce du Seigneur, me mette dans une telle tribulation? Comment cette prudence et cette sainteté sont-elles compatibles avec les signes que je vois d'infidélité à Dieu et à moi qui l'aime de tout coeur. Si je veux la renvoyer ou m'éloigner, je perds sa compagnie désirable, toute ma consolation, ma maison et ma quiétude. Quel bien trouverai-je comme Elle si je me retire? Quelle consolation aurai-je si je suis privé de celle-ci? Mais tout pèse moins que l'infamie d'une si grande infortune et que l'on comprenne de moi que j'aie été complice en quelque délit. Cacher l'événement n'est pas possible parce que le temps doit le manifester, quoique je le dissimule et le taise maintenant. Me faire l'auteur de cette grossesse serait un vil mensonge contre ma propre conscience et
ma réputation. Je ne peux la reconnaître pour mienne ni l'attribuer à une cause que j'ignore. Que ferai-je donc dans une telle angoisse? Le moindre de mes maux sera de m'absenter et de quitter ma demeure, avant que n'arrive l'enfantement dans lequel je me trouverais plus confus et plus affligé, sans savoir quel conseil et quelle détermination prendre, voyant en ma maison un enfant qui ne serait pas le mien.»
4, 2, 390. La Princesse du Ciel qui regardait avec une grande douleur la détermination de son époux saint Joseph de la laisser et de s'absenter, se tourna vers les saint Anges ses gardiens et leur dit: «Esprits bienheureux et ministres du Roi Suprême qui vous éleva à la félicité dont vous jouissez et qui m'accompagnez par Sa Bonté comme mes sentinelles et Ses très fidèles serviteurs, je vous prie, mes amis, de représenter à Sa Clémence les afflictions de mon époux Joseph. Demandez qu'il le console et le regarde comme Dieu et Père véritable. Vous qui obéissez présentement à Ses Paroles, écoutez aussi mes prières; je vous le demande, je vous en prie et vous en supplie par Celui qui étant Infini voulu S'incarner dans mes entrailles, que vous subveniez sans retard à l'opposition où se trouve le coeur très fidèle de mon époux et qu'en le soulageant de ses peines vous lui ôtiez de l'esprit et de la pensée la détermination qu'il a prise de s'absenter.» Les Anges qu'Elle destina pour cette fin obéirent à leur Reine, et ils envoyèrent aussitôt au coeur de saint Joseph de saintes inspirations, le persuadant de nouveau que Marie son Épouse était Très Sainte et Très Parfaite; que l'on ne pouvait croire d'Elle aucune chose indigne, que Dieu est incompréhensible dans Ses Oeuvres (Eccli. 11: 4) et très secret dans Ses Jugements équitables, qu'Il est toujours très fidèle envers ceux qui se confient (Lam. 3: 25) en Lui, qu'Il ne méprise et n'abandonne personne dans la tribulation (Ps. 33: 19).
4, 2, 391. Avec ces saintes inspirations et d'autres encore, l'esprit troublé de saint Joseph se calmait un peu quoiqu'il ne sût point par l'ordre de qui cet apaisement lui venait; mais comme l'objet de sa tristesse ne s'améliorait pas, il y revenait aussitôt, sans trouver aucune issue de quelque chose de fixe et de certain en quoi il put se rassurer, et il revenait à renouveler ses intentions de s'absenter et de quitter son Épouse. La divine Dame connaissant cela, jugea qu'il était déjà nécessaire de prévenir ce danger et de demander le remède au Seigneur avec plus d'instances. Elle se tourna tout entière vers son Très Saint Fils et avec une ferveur
et une affection intime Elle Lui dit: «Seigneur et Bien-Aimé de mon âme, si Vous me donnez permission je parlerai en Votre Royal Présence, quoique je ne sois que poussière et cendre (Gen. 18: 37), et je manifesterai mes gémissements qui ne peuvent Vous être cachés (Ps. 37: 10). Il est juste mon Seigneur, que je ne sois point lente à aider l'époux que Vous m'avez donné de Votre main. Je le vois dans la tribulation où Votre Providence l'a mis et ce ne serait point de la pitié de l'y laisser. Si j'ai trouvé grâce à Vos yeux (Ex. 34: 9), je Vous supplie, Seigneur, et Dieu Éternel pour l'Amour qui Vous obligea à venir dans les entrailles de Votre esclave pour le remède des hommes (1 Jean 4: 9), de bien vouloir consoler Votre serviteur Joseph et de le disposer afin qu'il aide à l'accomplissement de Vos grandes Oeuvres. Votre servante ne sera pas bien sans époux qui l'assiste, la protège et la défende. Ne permettez point mon Seigneur et mon Dieu, qu'il exécute sa détermination et qu'en s'absentant il me quitte.»
4, 2, 392. Le Très-Haut répondit à cette prière: «Ma Colombe et Mon Amie, J'accourrai avec promptitude à la consolation de Mon serviteur Joseph; et après que Je lui aurai déclaré par le moyen de mon Ange le Mystère qu'il ignore, tu pourras lui parler clairement de tout ce que J'ai opéré en toi, sans garder davantage le silence en cela à l'avenir. Je le remplirai de mon Esprit et Je le rendrai capable de ce qu'il doit faire dans ces Mystères. Il t'aidera et t'assistera en tout ce qui t'arrivera.» Avec cette promesse du Seigneur, la Très Sainte Marie demeura confortée et consolée, rendant des actions de grâces très soumises au Seigneur qui, avec un ordre si admirable, disposait toutes les choses avec poids et mesure; parce que, outre la consolation qu'eut la grande Souveraine, demeurant délivré de cette inquiétude, Elle connut combien il était convenable pour son époux d'avoir souffert cette tribulation où son esprit avait été éprouvé et dilaté pour les grandes choses qui devaient lui être confiées.
4, 2, 393. En même temps saint Joseph conférant de ses doutes en lui-même, ayant déjà passé deux mois dans cette grande tribulation; et vaincu par la difficulté, il dit: «Je ne trouve pas de moyen plus opportun dans ma douleur que de m'absenter. Je confesse que mon Épouse est Très Parfaite, et je ne vois rien en Elle qui ne l'accrédite comme Sainte; mais enfin, Elle est enceinte et je ne pénètre pas ce mystère. Je ne veux point offenser sa vertu en la livrant à l'exécution de la Loi, mais non plus je ne peux pas attendre la fin de la grossesse.
Je partirai aussitôt et je m'abandonnerai à la Providence du Seigneur qui me gouverne.» Il détermina de partir cette nuit suivante et il prépara pour son voyage un habit qu'il avait et quelques hardes pour se changer et il en fit un petit paquet. Il avait retiré un peu d'argent qu'on lui devait pour son travail et avec cet équipage il résolut de partir à minuit. Mais à cause de la nouveauté du cas et de la bonne habitude qu'il avait, il fit oraison au Seigneur après s'être retiré pour ce sujet, et il Lui dit: «Dieu Éternel et très haut de nos Pères Abraham, Isaac et Jacob, véritable et unique Refuge des pauvres et des affligés, Votre Clémence connaît la douleur et l'affliction dont mon coeur est affligé. Vous connaissez aussi, ô Seigneur, bien que je sois indigne, mon innocence dans la cause de ma peine et l'infamie et le danger dont me menace l'état de mon Épouse. Je ne la juge point pour adultère, parce que je connais en Elle de grandes vertus et une grande perfection; mais je vois avec certitude qu'Elle est enceinte. J'ignore la cause et le mode de l'événement; mais je ne trouve point d'issue en quoi me tranquilliser. Je me détermine pour le moindre dommage qui est de m'éloigner d'Elle, et d'aller en quelque endroit où personne ne me connaisse, et abandonné à Votre Providence, j'achèverai ma vie dans un désert. Ne m'abandonnez point, mon Seigneur et mon Dieu Éternel, parce que je ne désire que Votre plus grand honneur et Votre service.»
4, 2, 394. Saint Joseph se prosterna en terre, faisant voeu d'aller au Temple de Jérusalem, offrir une partie de ce peu d'argent qu'il avait pour son voyage; et c'était pour demander que Dieu protégeât et défendit Marie, son Épouse des calomnies des hommes et qu'Il la délivrât de tout mal. Telle était la droiture de l'homme de Dieu et l'appréciation qu'il faisait de la divine Reine. Après cette oraison il se coucha pour dormir un peu, afin de sortir à minuit à l'insu de son Épouse, et pendant son sommeil il lui arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant. La grande Princesse du Ciel assurée de la Parole divine, regardait de son oratoire ce que saint Joseph faisait et disposait, car le Tout-Puissant le lui faisait voir. Et connaissant le voeu qu'il avait fait pour Elle et le paquet et le pécule si pauvre qu'il avait préparés, remplie de tendresse et de compassion, Elle fit une nouvelle oraison pour lui avec action de grâce, louant le Seigneur dans Ses Oeuvres, et dans l'ordre avec lequel Il les dispose au-dessus de toute pensée des hommes.
Sa Majesté donna lieu à ce que tous deux, la Très Sainte Marie et saint Joseph arrivassent à la dernière extrémité de la douleur intérieure, afin que le bénéfice de
la consolation Divine fût plus admirable et plus estimable, outre les mérites qu'ils accumulaient par ce martyre prolongé Et quoique la grande Dame fût constante dans la Foi et l'Espérance que le Très-Haut accourrait en temps opportun au remède de tout, et que pour cela Elle se taisait et Elle ne manifestait pas le sacrement du Roi, qu'il ne lui avait pas commandé de déclarer; néanmoins la détermination de saint Joseph l'affligea grandement; parce qu'Elle se représenta les grands inconvénients d'être abandonnée seule, sans appui et sans compagnie pour la défendre et la consoler de la manière commune et ordinaire: puisque tout ne doit pas être cherché par un ordre miraculeux et surnaturel. Néanmoins toutes ces angoisses ne furent pas suffisantes pour qu'Elle manquât d'exercer des vertus aussi excellentes que celle de la magnanimité, supportant les afflictions, les soupçons et les déterminations de saint Joseph; celle de la prudence, considérant que le sacrement était grand et qu'il n'était pas bien de se déterminer par soi à le découvrir; celle du silence, se taisant comme Femme forte, se signalant entre toutes, se retenant pour ne point dire ce qu'Elle avait tant de raisons humaines de déclarer; celle de la patience en souffrant et de l'humilité en donnant lieu aux soupçons de saint Joseph. Elle exerça admirablement plusieurs autres vertus dans cette affliction avec laquelle Elle nous enseigna à attendre le remède du Très-Haut dans les plus grandes tribulations.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL,
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 2, 395. Ma fille, la Doctrine que je te donne avec l'exemplaire que tu as écrit de mon silence est que tu l'aies pour règle afin de te gouverner dans les faveurs et les sacrements du Seigneur, les gardant dans le secret de ton sein. Et quoiqu'il te paraisse convenable pour la consolation de quelque âme de les manifester, tu ne dois point faire ce jugement par toi seule, sans consulter Dieu d'abord et ensuite l'obéissance: parce que ces matières spirituelles ne doivent pas être gouvernées par l'affection humaine où opèrent si fort les passions ou les inclinations de la créature; et avec elles il y a grand danger de juger convenable ce qui est
pernicieux, et pour le service de Dieu, ce qui Lui est une offense; et ce n'est pas par les yeux de la chair et du sang (1 Cor. 2: 14) que se fait le discernement entre les mouvements intérieurs, connaissant lesquels sont Divins et qui naissent de la grâce et lesquels sont humains, engendrés par les affections désordonnées. Et quoique ces deux affections et leurs causes soient très différentes, néanmoins si la créature n'est pas très éclairée et très bien morte aux passions, elle ne peut connaître cette différence ni séparer ce qui est précieux de ce qui est vil (Jér. 15: 19). Et ce danger est très grand lorsqu'il y a quelque motif temporel et humain qui concourt et qui intervient parce qu'alors l'amour propre et naturel a coutume de s'introduire à dispenser et à gouverner les choses divines et spirituelles avec des précipices dangereux et réitérés.
4, 2, 396. Que ce soit donc un document général de ne jamais déclarer aucune chose à personne sans mon ordre, si ce n'est à celui qui te gouverne. Et puisque je me suis constituée ta Maîtresse, je ne manquerai pas de te donner ordre et conseil en cela et en tout le reste, afin que tu ne te détournes point de la Volonté de mon Très Saint Fils. Mais je t'avertis de faire une grande estime des faveurs et des bienfaits du Très-Haut. Traite-les avec magnificence (Eccli. 39: 17-19), et préfère leur estime, leur exécution et la reconnaissance que tu dois en avoir à toutes les choses inférieures et surtout à celles qui sont de ton inclination. Quant à moi, la crainte révérencielle que j'eus m'obligea beaucoup au silence, jugeant, comme je le devais pour si estimable le Trésor qui était déposé en moi. Et nonobstant l'amour et l'obligation naturelle que j'avais pour mon seigneur et mon époux Joseph et la douleur et la compassion de ses afflictions dont je désirais le tirer, je me tus et je dissimulai, posant avant tout l'Agrément du Seigneur et Lui remettant la cause qu'Il se réservait à Lui seul. Apprends aussi par là à ne jamais te disculper, quoique tu te trouves très innocente de ce qu'on t'impute. Incline le Seigneur en te fiant à Son Amour. Remets-Lui ton honneur et ton crédit et en attendant, vaincs par la patience et l'humilité, par les actions et les paroles douces celui qui t'offense. Outre cela je t'avertis de ne jamais juger mal de personne, lors même que tu verrais de tes yeux des indices qui te porteraient à cela: car la charité parfaite et simple t'enseigne à donner une issue prudente à tout et à interpréter en bien les fautes d'autrui. Dieu a mis en cela pour exemple Mon époux Joseph, puisque nul n'eut plus d'indices et nul ne fut plus prudent à retenir son jugement; parce que dans la loi de la charité discrète et sainte c'est une prudence et non une témérité de s'en remettre à des causes supérieures que l'on ne comprend point, plutôt que de
juger et d'inculper le prochain dans ce qui n'est pas un péché manifeste. Je ne te donne pas ici une Doctrine spéciale pour ceux qui sont dans l'état du mariage, parce qu'ils en ont une manifeste dans le cours de ma Vie; et tous peuvent en profiter, quoique je la dirige maintenant à ton avancement; car je le désire avec un amour spécial. Écoute-moi, ma très chère, et exécute mes conseils et mes paroles de Vie.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
4, 2, [a]. «Ces secrets,» écrits Nicolas de Lyre, «ne devaient être révélés qu'en autant qu'il était de la Volonté divine; et pour cela la Vierge fit bien de les taire, tenant fermement que comme ce Mystère avait été révélé à sainte Élisabeth, de même il serait aussi révélé aux autres quand le temps opportun en serait venu selon le bon plaisir Divin.» Et Cornelius a Lapide ajoute «que la Très Sainte Vierge ne révéla point un si Divin secret pour ne point exalter ses propres Dons.» [In Math., I, 19].
4, 2, [b. «O louange inestimable de Marie,» écrit saint Jean Chrysostôme [op. imperf. in Matt. hom. I.], «Joseph croyait plus à sa chasteté qu'à son sein, plus à sa grâce qu'à sa nature. Il croyait qu'il était plus possible qu'une femme pût concevoir sans homme que Marie pût pécher.» Saint Jérôme répète la même chose.
Les doutes de saint Joseph augmentent: il se détermine à laisser son Épouse et il fait oraison pour cela.
4, 2, 388. Au milieu de la tourmente de soucis qui combattaient dans le coeur très droit de saint Joseph, il s'efforçait parfois avec sa prudence de chercher quelque calme et de reprendre vigueur dans son affliction, discourant tout seul et tâchant de réduire en doute la grossesse de son Épouse. Mais il était tiré de cette erreur chaque jour davantage par l'augmentation du sein Virginal de la divine Reine, qui avec le temps allait en se manifestant avec plus d'évidence; et le glorieux Saint ne trouvait point d'autres causes auxquelles recourir, la possibilité du doute lui était frustrée et elle était peu constante: aussitôt il passait du doute qu'il cherchait à la certitude véhémente en autant que le temps s'avançait. Dans ces augmentations, la divine Princesse était toujours plus agréable et l'on ne pouvait soupçonner d'autres indispositions; car de toutes manières Elle se perfectionnait en beauté, en santé, en agilité et en grâces; autant de motifs, de soupçons et de filets pour le très chaste amour et la peine de saint Joseph, sans pouvoir s'éloigner de toutes ses affections, en même temps que ces diverses agitations le tourmentaient. A la fin elles le vainquirent de telle sorte qu'il arriva à se persuader tout à fait de l'évidence. Et quoique son esprit se conformât toujours à la Volonté de Dieu; néanmoins la chair infirme sentait le suprême de la douleur de l'âme par laquelle il arriva à un point où il ne trouvait aucune sortie dans la cause de sa tristesse. Il sentit un ébranlement ou une défaillance dans les forces du
corps, laquelle défaillance sans arriver à une maladie déterminée lui débilita néanmoins les forces et le fit maigrir quelque peu; et l'on connaissait à son visage la tristesse et la mélancolie profondes qui l'affligeaient. Et comme il souffrait seul, sans chercher le soulagement de se communiquer et de décharger de quelque manière l'oppression de son coeur, comme le font ordinairement les autres hommes; la tribulation que le saint souffrait venait ainsi à être plus grave et moins réparable naturellement.
4, 2, 389. La douleur de la Très Sainte Marie qui pénétrait son Coeur n'était pas moindre: mais quoiqu'elle fût très grande, l'espace de son Coeur magnanime et généreux était très grand aussi; et ainsi Elle dissimulait ses peines, mais non le souci que celles de son époux saint Joseph lui donnaient, avec quoi Elle détermina de l'assister davantage et de prendre soin de sa santé et de sa consolation. Mais comme c'était une loi inviolable dans la Très Prudente Reine d'opérer toutes ses actions dans la plénitude de la Sagesse et de la Science, Elle taisait toujours la vérité du Mystère [a] qu'Elle n'avait point ordre de manifester et quoiqu'Elle fût la seule qui pût soulager son époux Joseph par cette voie, Elle ne le fit point pour respecter et garder le sacrement du Roi céleste (Tob. 12: 7). Elle faisait par Elle-même tout ce qu'Elle pouvait; Elle lui parlait de sa santé, et Elle lui demandait ce qu'il désirait qu'Elle fit pour son service et le soulagement des indispositions qui le rendaient si languissant. Elle le priait de prendre quelque repos et quelque récréation, puisqu'il était juste de subvenir à la nécessité et de réparer les forces défaillantes du corps pour travailler ensuite pour le Seigneur. Saint Joseph était attentif à tout ce que sa divine Épouse faisait; et pondérant en lui-même cette vertu et cette discrétion et sentant les saints effets de son entretien et de sa présence il disait: "Est-il possible qu'une Femme qui a de telles moeurs et en qui se manifeste si fort la grâce du Seigneur, me mette dans une telle tribulation? Comment cette prudence et cette sainteté sont-elles compatibles avec les signes que je vois d'infidélité à Dieu et à moi qui l'aime de tout coeur. Si je veux la renvoyer ou m'éloigner, je perds sa compagnie désirable, toute ma consolation, ma maison et ma quiétude. Quel bien trouverai-je comme Elle si je me retire? Quelle consolation aurai-je si je suis privé de celle-ci? Mais tout pèse moins que l'infamie d'une si grande infortune et que l'on comprenne de moi que j'aie été complice en quelque délit. Cacher l'événement n'est pas possible parce que le temps doit le manifester, quoique je le dissimule et le taise maintenant. Me faire l'auteur de cette grossesse serait un vil mensonge contre ma propre conscience et
ma réputation. Je ne peux la reconnaître pour mienne ni l'attribuer à une cause que j'ignore. Que ferai-je donc dans une telle angoisse? Le moindre de mes maux sera de m'absenter et de quitter ma demeure, avant que n'arrive l'enfantement dans lequel je me trouverais plus confus et plus affligé, sans savoir quel conseil et quelle détermination prendre, voyant en ma maison un enfant qui ne serait pas le mien.»
4, 2, 390. La Princesse du Ciel qui regardait avec une grande douleur la détermination de son époux saint Joseph de la laisser et de s'absenter, se tourna vers les saint Anges ses gardiens et leur dit: «Esprits bienheureux et ministres du Roi Suprême qui vous éleva à la félicité dont vous jouissez et qui m'accompagnez par Sa Bonté comme mes sentinelles et Ses très fidèles serviteurs, je vous prie, mes amis, de représenter à Sa Clémence les afflictions de mon époux Joseph. Demandez qu'il le console et le regarde comme Dieu et Père véritable. Vous qui obéissez présentement à Ses Paroles, écoutez aussi mes prières; je vous le demande, je vous en prie et vous en supplie par Celui qui étant Infini voulu S'incarner dans mes entrailles, que vous subveniez sans retard à l'opposition où se trouve le coeur très fidèle de mon époux et qu'en le soulageant de ses peines vous lui ôtiez de l'esprit et de la pensée la détermination qu'il a prise de s'absenter.» Les Anges qu'Elle destina pour cette fin obéirent à leur Reine, et ils envoyèrent aussitôt au coeur de saint Joseph de saintes inspirations, le persuadant de nouveau que Marie son Épouse était Très Sainte et Très Parfaite; que l'on ne pouvait croire d'Elle aucune chose indigne, que Dieu est incompréhensible dans Ses Oeuvres (Eccli. 11: 4) et très secret dans Ses Jugements équitables, qu'Il est toujours très fidèle envers ceux qui se confient (Lam. 3: 25) en Lui, qu'Il ne méprise et n'abandonne personne dans la tribulation (Ps. 33: 19).
4, 2, 391. Avec ces saintes inspirations et d'autres encore, l'esprit troublé de saint Joseph se calmait un peu quoiqu'il ne sût point par l'ordre de qui cet apaisement lui venait; mais comme l'objet de sa tristesse ne s'améliorait pas, il y revenait aussitôt, sans trouver aucune issue de quelque chose de fixe et de certain en quoi il put se rassurer, et il revenait à renouveler ses intentions de s'absenter et de quitter son Épouse. La divine Dame connaissant cela, jugea qu'il était déjà nécessaire de prévenir ce danger et de demander le remède au Seigneur avec plus d'instances. Elle se tourna tout entière vers son Très Saint Fils et avec une ferveur
et une affection intime Elle Lui dit: «Seigneur et Bien-Aimé de mon âme, si Vous me donnez permission je parlerai en Votre Royal Présence, quoique je ne sois que poussière et cendre (Gen. 18: 37), et je manifesterai mes gémissements qui ne peuvent Vous être cachés (Ps. 37: 10). Il est juste mon Seigneur, que je ne sois point lente à aider l'époux que Vous m'avez donné de Votre main. Je le vois dans la tribulation où Votre Providence l'a mis et ce ne serait point de la pitié de l'y laisser. Si j'ai trouvé grâce à Vos yeux (Ex. 34: 9), je Vous supplie, Seigneur, et Dieu Éternel pour l'Amour qui Vous obligea à venir dans les entrailles de Votre esclave pour le remède des hommes (1 Jean 4: 9), de bien vouloir consoler Votre serviteur Joseph et de le disposer afin qu'il aide à l'accomplissement de Vos grandes Oeuvres. Votre servante ne sera pas bien sans époux qui l'assiste, la protège et la défende. Ne permettez point mon Seigneur et mon Dieu, qu'il exécute sa détermination et qu'en s'absentant il me quitte.»
4, 2, 392. Le Très-Haut répondit à cette prière: «Ma Colombe et Mon Amie, J'accourrai avec promptitude à la consolation de Mon serviteur Joseph; et après que Je lui aurai déclaré par le moyen de mon Ange le Mystère qu'il ignore, tu pourras lui parler clairement de tout ce que J'ai opéré en toi, sans garder davantage le silence en cela à l'avenir. Je le remplirai de mon Esprit et Je le rendrai capable de ce qu'il doit faire dans ces Mystères. Il t'aidera et t'assistera en tout ce qui t'arrivera.» Avec cette promesse du Seigneur, la Très Sainte Marie demeura confortée et consolée, rendant des actions de grâces très soumises au Seigneur qui, avec un ordre si admirable, disposait toutes les choses avec poids et mesure; parce que, outre la consolation qu'eut la grande Souveraine, demeurant délivré de cette inquiétude, Elle connut combien il était convenable pour son époux d'avoir souffert cette tribulation où son esprit avait été éprouvé et dilaté pour les grandes choses qui devaient lui être confiées.
4, 2, 393. En même temps saint Joseph conférant de ses doutes en lui-même, ayant déjà passé deux mois dans cette grande tribulation; et vaincu par la difficulté, il dit: «Je ne trouve pas de moyen plus opportun dans ma douleur que de m'absenter. Je confesse que mon Épouse est Très Parfaite, et je ne vois rien en Elle qui ne l'accrédite comme Sainte; mais enfin, Elle est enceinte et je ne pénètre pas ce mystère. Je ne veux point offenser sa vertu en la livrant à l'exécution de la Loi, mais non plus je ne peux pas attendre la fin de la grossesse.
Je partirai aussitôt et je m'abandonnerai à la Providence du Seigneur qui me gouverne.» Il détermina de partir cette nuit suivante et il prépara pour son voyage un habit qu'il avait et quelques hardes pour se changer et il en fit un petit paquet. Il avait retiré un peu d'argent qu'on lui devait pour son travail et avec cet équipage il résolut de partir à minuit. Mais à cause de la nouveauté du cas et de la bonne habitude qu'il avait, il fit oraison au Seigneur après s'être retiré pour ce sujet, et il Lui dit: «Dieu Éternel et très haut de nos Pères Abraham, Isaac et Jacob, véritable et unique Refuge des pauvres et des affligés, Votre Clémence connaît la douleur et l'affliction dont mon coeur est affligé. Vous connaissez aussi, ô Seigneur, bien que je sois indigne, mon innocence dans la cause de ma peine et l'infamie et le danger dont me menace l'état de mon Épouse. Je ne la juge point pour adultère, parce que je connais en Elle de grandes vertus et une grande perfection; mais je vois avec certitude qu'Elle est enceinte. J'ignore la cause et le mode de l'événement; mais je ne trouve point d'issue en quoi me tranquilliser. Je me détermine pour le moindre dommage qui est de m'éloigner d'Elle, et d'aller en quelque endroit où personne ne me connaisse, et abandonné à Votre Providence, j'achèverai ma vie dans un désert. Ne m'abandonnez point, mon Seigneur et mon Dieu Éternel, parce que je ne désire que Votre plus grand honneur et Votre service.»
4, 2, 394. Saint Joseph se prosterna en terre, faisant voeu d'aller au Temple de Jérusalem, offrir une partie de ce peu d'argent qu'il avait pour son voyage; et c'était pour demander que Dieu protégeât et défendit Marie, son Épouse des calomnies des hommes et qu'Il la délivrât de tout mal. Telle était la droiture de l'homme de Dieu et l'appréciation qu'il faisait de la divine Reine. Après cette oraison il se coucha pour dormir un peu, afin de sortir à minuit à l'insu de son Épouse, et pendant son sommeil il lui arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant. La grande Princesse du Ciel assurée de la Parole divine, regardait de son oratoire ce que saint Joseph faisait et disposait, car le Tout-Puissant le lui faisait voir. Et connaissant le voeu qu'il avait fait pour Elle et le paquet et le pécule si pauvre qu'il avait préparés, remplie de tendresse et de compassion, Elle fit une nouvelle oraison pour lui avec action de grâce, louant le Seigneur dans Ses Oeuvres, et dans l'ordre avec lequel Il les dispose au-dessus de toute pensée des hommes.
Sa Majesté donna lieu à ce que tous deux, la Très Sainte Marie et saint Joseph arrivassent à la dernière extrémité de la douleur intérieure, afin que le bénéfice de
la consolation Divine fût plus admirable et plus estimable, outre les mérites qu'ils accumulaient par ce martyre prolongé Et quoique la grande Dame fût constante dans la Foi et l'Espérance que le Très-Haut accourrait en temps opportun au remède de tout, et que pour cela Elle se taisait et Elle ne manifestait pas le sacrement du Roi, qu'il ne lui avait pas commandé de déclarer; néanmoins la détermination de saint Joseph l'affligea grandement; parce qu'Elle se représenta les grands inconvénients d'être abandonnée seule, sans appui et sans compagnie pour la défendre et la consoler de la manière commune et ordinaire: puisque tout ne doit pas être cherché par un ordre miraculeux et surnaturel. Néanmoins toutes ces angoisses ne furent pas suffisantes pour qu'Elle manquât d'exercer des vertus aussi excellentes que celle de la magnanimité, supportant les afflictions, les soupçons et les déterminations de saint Joseph; celle de la prudence, considérant que le sacrement était grand et qu'il n'était pas bien de se déterminer par soi à le découvrir; celle du silence, se taisant comme Femme forte, se signalant entre toutes, se retenant pour ne point dire ce qu'Elle avait tant de raisons humaines de déclarer; celle de la patience en souffrant et de l'humilité en donnant lieu aux soupçons de saint Joseph. Elle exerça admirablement plusieurs autres vertus dans cette affliction avec laquelle Elle nous enseigna à attendre le remède du Très-Haut dans les plus grandes tribulations.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL,
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 2, 395. Ma fille, la Doctrine que je te donne avec l'exemplaire que tu as écrit de mon silence est que tu l'aies pour règle afin de te gouverner dans les faveurs et les sacrements du Seigneur, les gardant dans le secret de ton sein. Et quoiqu'il te paraisse convenable pour la consolation de quelque âme de les manifester, tu ne dois point faire ce jugement par toi seule, sans consulter Dieu d'abord et ensuite l'obéissance: parce que ces matières spirituelles ne doivent pas être gouvernées par l'affection humaine où opèrent si fort les passions ou les inclinations de la créature; et avec elles il y a grand danger de juger convenable ce qui est
pernicieux, et pour le service de Dieu, ce qui Lui est une offense; et ce n'est pas par les yeux de la chair et du sang (1 Cor. 2: 14) que se fait le discernement entre les mouvements intérieurs, connaissant lesquels sont Divins et qui naissent de la grâce et lesquels sont humains, engendrés par les affections désordonnées. Et quoique ces deux affections et leurs causes soient très différentes, néanmoins si la créature n'est pas très éclairée et très bien morte aux passions, elle ne peut connaître cette différence ni séparer ce qui est précieux de ce qui est vil (Jér. 15: 19). Et ce danger est très grand lorsqu'il y a quelque motif temporel et humain qui concourt et qui intervient parce qu'alors l'amour propre et naturel a coutume de s'introduire à dispenser et à gouverner les choses divines et spirituelles avec des précipices dangereux et réitérés.
4, 2, 396. Que ce soit donc un document général de ne jamais déclarer aucune chose à personne sans mon ordre, si ce n'est à celui qui te gouverne. Et puisque je me suis constituée ta Maîtresse, je ne manquerai pas de te donner ordre et conseil en cela et en tout le reste, afin que tu ne te détournes point de la Volonté de mon Très Saint Fils. Mais je t'avertis de faire une grande estime des faveurs et des bienfaits du Très-Haut. Traite-les avec magnificence (Eccli. 39: 17-19), et préfère leur estime, leur exécution et la reconnaissance que tu dois en avoir à toutes les choses inférieures et surtout à celles qui sont de ton inclination. Quant à moi, la crainte révérencielle que j'eus m'obligea beaucoup au silence, jugeant, comme je le devais pour si estimable le Trésor qui était déposé en moi. Et nonobstant l'amour et l'obligation naturelle que j'avais pour mon seigneur et mon époux Joseph et la douleur et la compassion de ses afflictions dont je désirais le tirer, je me tus et je dissimulai, posant avant tout l'Agrément du Seigneur et Lui remettant la cause qu'Il se réservait à Lui seul. Apprends aussi par là à ne jamais te disculper, quoique tu te trouves très innocente de ce qu'on t'impute. Incline le Seigneur en te fiant à Son Amour. Remets-Lui ton honneur et ton crédit et en attendant, vaincs par la patience et l'humilité, par les actions et les paroles douces celui qui t'offense. Outre cela je t'avertis de ne jamais juger mal de personne, lors même que tu verrais de tes yeux des indices qui te porteraient à cela: car la charité parfaite et simple t'enseigne à donner une issue prudente à tout et à interpréter en bien les fautes d'autrui. Dieu a mis en cela pour exemple Mon époux Joseph, puisque nul n'eut plus d'indices et nul ne fut plus prudent à retenir son jugement; parce que dans la loi de la charité discrète et sainte c'est une prudence et non une témérité de s'en remettre à des causes supérieures que l'on ne comprend point, plutôt que de
juger et d'inculper le prochain dans ce qui n'est pas un péché manifeste. Je ne te donne pas ici une Doctrine spéciale pour ceux qui sont dans l'état du mariage, parce qu'ils en ont une manifeste dans le cours de ma Vie; et tous peuvent en profiter, quoique je la dirige maintenant à ton avancement; car je le désire avec un amour spécial. Écoute-moi, ma très chère, et exécute mes conseils et mes paroles de Vie.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
4, 2, [a]. «Ces secrets,» écrits Nicolas de Lyre, «ne devaient être révélés qu'en autant qu'il était de la Volonté divine; et pour cela la Vierge fit bien de les taire, tenant fermement que comme ce Mystère avait été révélé à sainte Élisabeth, de même il serait aussi révélé aux autres quand le temps opportun en serait venu selon le bon plaisir Divin.» Et Cornelius a Lapide ajoute «que la Très Sainte Vierge ne révéla point un si Divin secret pour ne point exalter ses propres Dons.» [In Math., I, 19].
4, 2, [b. «O louange inestimable de Marie,» écrit saint Jean Chrysostôme [op. imperf. in Matt. hom. I.], «Joseph croyait plus à sa chasteté qu'à son sein, plus à sa grâce qu'à sa nature. Il croyait qu'il était plus possible qu'une femme pût concevoir sans homme que Marie pût pécher.» Saint Jérôme répète la même chose.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 3
L'Ange du Seigneur parle à saint Joseph en songe et lui déclare le Mystère de l'Incarnation et les effets de cette Ambassade.
4, 3, 397. La douleur de la jalousie est un si vigilant réveille-matin pour celui qui en souffre que souvent même au lieu de le réveiller elle le tient en veille et lui ôte le sommeil et le repos. Personne ne souffrit cette maladie comme saint Joseph, quoiqu'en vérité personne n'en eut moins de cause, s'il l'eût connu alors. Il était doué d'une grande Science et d'une grande Lumière pour voir et pénétrer la sainteté et les qualités de sa divine Épouse qui étaient inestimables. Et dans cette connaissance se rencontrant les raisons qui l'obligeaient à abandonner la possession de tant de bien, il était inévitable qu'à la science de ce qu'il perdait s'ajoutait la douleur (Eccles. 1: 18) de le quitter. Pour cette raison la peine de saint Joseph surpassa tout ce que les hommes ont souffert en cette matière; parce qu'aucun ne se fit une plus grande idée de sa perte ni personne ne put la connaître et l'estimer comme lui. Mais joint à cela, il y eut une grande différence entre la jalousie ou les soupçons de ce fidèle serviteur et les autres qui ont coutume de souffrir cette affliction. Parce que les jaloux ajoutent à l'amour ardent et véhément un grand souci de ne le point perdre et de conserver ce qu'ils aiment, et cette affection est suivie par nécessité naturelle de la douleur de perdre l'objet aimé et d'imaginer que quelqu'un veut la leur ôter; et cette douleur ou maladie est celle que l'on appelle communément "jalousie". Dans les sujets qui ont les passions désordonnées, par manque de prudence et d'autre vertu, la peine et la douleur ont coutume de causer des effets variés de colère, de fureur, d'envie contre la même personne aimée ou contre celui qui empêche la correspondance de l'amour mal ou bien ordonné, et ainsi s'élèvent les tempêtes d'imaginations et de soupçons anticipés que les mêmes passions engendrent; d'où s'originent les velléités de chérir et d'abhorrer, d'aimer et de s'en repentir; et l'irascible et la concupiscible sont en lutte continuelle, sans qu'il y ait de raison et de prudence pour les assujettir et les dominer, car cette espèce de maladie obscurcit l'entendement, pervertit la raison et éloigne de soi la prudence.
4, 3, 398. Mais saint Joseph n'eut pas ces désordres vicieux, ni il ne put les avoir, non-seulement à cause de son insigne sainteté, mais à cause de celle de son Épouse, car il ne connaissait point de faute qui l'indignât et il n'eut aucune idée qu'Elle eut employé son amour en aucun autre, contre qui ou de qui il eût de l'envie pour le repousser avec colère. Dans la grandeur de son amour, la jalousie de saint Joseph consista seulement en un doute ou un soupçon conditionné, si sa Très Chaste Épouse lui avait correspondu dans l'amour; car il ne trouvait point comment vaincre ce doute en face d'une raison déterminée comme l'étaient les indices du soupçon. Et il ne fut pas nécessaire qu'il y eut plus de certitude concernant l'objet de son inquiétude pour que la douleur fût si véhémente; parce que dans un gage aussi propre que l'épouse, il est juste de ne point admettre de consorts; et pour que les expériences opérassent une telle maladie, le moindre indice d'infidélité et la plus légère crainte de perdre l'objet le plus beau, le plus parfait et le plus agréable de son entendement et de sa volonté suffisaient à l'amour chaste et véhément du saint, qui avait possédé tout son coeur. Car lorsque l'amour a des motifs si justes, les liens et les noeuds qui le retiennent sont grands et efficaces, et les chaînes en sont très fortes, surtout, n'ayant point les contraires des imperfections qui les rompent. Notre Reine n'avait ni dans le Divin, ni dans le naturel, aucune chose qui modérât et tempérât l'amour de son saint époux, au contraire, Elle le fomentait par des titres et des causes répétées.
4, 3, 399. Saint Joseph s'endormit avec cette douleur qui allait jusqu'à la tristesse, un peu après l'oraison que j'ai dite, sûr de se réveiller pour sortir de sa maison à minuit, sans qu'il put être entendu de son épouse, selon sa pensée. La divine Princesse attendait le remède et le sollicitait par ses humbles prières; parce qu'Elle connaissait que la tribulation et le trouble de son époux arrivant à un tel point, au suprême de la douleur, le temps de la Miséricorde et du soulagement de son coeur si affligé s'approchait. Le Très-Haut envoya le saint Archange Gabriel (Matt. 1: 20-21) afin que pendant que saint Joseph était endormi, le mystère de la grossesse de Marie son Épouse lui fut manifesté par révélation Divine. Et l'Archange accomplissant cette ambassade alla vers saint Joseph et lui parla en songe [a], comme dit saint Matthieu, et il lui déclara tout le Mystère de l'Incarnation et de la Rédemption dans les paroles que l'Évangile rapporte. On peut avoir quelque surprise, comme j'en ai eu moi-même, de voir que le saint
Archange parlât à saint Joseph endormi et non éveillé; parce que le Mystère était si haut en non facile à comprendre, et surtout dans la disposition où le saint se trouvait, si troublé et si affligé; et le même sacrement ayant été manifesté à d'autres, non endormis mais éveillés.
4, 3, 400. Dans ces Oeuvres du Seigneur, la raison dernière est celle de Sa Divine Volonté Juste, Sainte et Parfaite en tout. Mais je dirai comme je pourrai quelque chose pour notre instruction. La première raison fut parce que saint Joseph était si prudent, si rempli de Lumière divine et il avait une si haute idée de Marie notre Sainte Reine qu'il ne fut pas nécessaire de le persuader par des moyens plus forts pour qu'il fût assuré de sa dignité et des Mystères de l'Incarnation, car les inspirations Divines portent beaucoup de fruit dans les coeurs bien disposés. La seconde raison fut parce que son trouble b] avait commencé par les sens, voyant la grossesse de son Épouse, et il fut juste qu'ayant donné motif à l'erreur et au soupçon, ils fussent comme mortifiés et privés de la vision angélique et de donner entrée à la désillusion de la vérité. La troisième raison est conséquente à celle-ci, parce que saint Joseph, sans commettre de péché, souffrit ce trouble par lequel les sens demeurèrent comme dans la torpeur et peu propre à la vue et à la communication sensible du saint Ange; et ainsi il lui parla et il lui communiqua l'ambassade dans une occasion où les sens scandalisés auparavant, étaient empêchés par la suspension de leurs opérations; et ensuite le saint homme étant revenu à eux se disposa et se purifia par plusieurs actes, comme je le dirai, pour recevoir l'influence de l'Esprit-Saint: car le trouble était un obstacle à tout cela.
4, 3, 401. Par ces raisons, on comprendra pourquoi Dieu parlait en songe aux anciens Pères, plus que maintenant avec les fidèles enfants de la Loi de l'Évangile, où ce mode de révélation en songe est moins ordinaire, et les paroles des Anges avec une plus grande manifestation et une plus grande communication son plus fréquentes. La raison de cela est parce que selon la disposition Divine, le plus grand obstacle qui empêche que les âmes aient un entretien et une communication très familière avec Dieu et Ses Anges sont les péchés même légers, ainsi que les imperfections. Et depuis que le Verbe Divin s'est fait homme et a conversé avec les hommes, les sens se sont purifiés; et chaque jour nos puissances se purifient, demeurant sanctifiées par le bon usage des sacrements sensibles par lesquels elles
se spiritualisent et s'élèvent en quelque manière, et sortant de leur torpeur, elles deviennent habiles dans leurs opérations pour la participation des influences Divines. Et nous devons ce bienfait plus que les anciens au Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ en vertu duquel nous somme sanctifiés par les Sacrements, recevant en eux des effets Divins de grâces spéciales, et en quelque-uns le caractère spirituel qui nous signale et nous dispose pour de fins plus hautes. Mais quand le Seigneur parlait ou parle encore quelquefois en songe, il exclut les opérations des sens, comme ineptes et indisposés pour entrer aux noces spirituelles de Sa communication ou de Ses influences spirituelles.
4, 3, 402. On infère aussi de cette Doctrine que pour que les âmes reçoivent les faveurs cachées du Seigneur, il est requis qu'elles soient non seulement sans péché et qu'elles aient des mérites et la grâce; mais qu'elles aient aussi la plénitude de la paix et de la tranquillité [c], parce que si la république des puissances est troublé, comme dans saint Joseph, elle n'est pas disposée par des effets si Divins et si délicats, comme ceux que l'âme reçoit par la vue du Seigneur et Ses caresses. Et cela est si ordinaire que lors même que la créature mérite beaucoup par la tribulation et en souffrant des afflictions, comme l'époux de la Reine du Ciel, néanmoins cette altération empêche; parce que dans la souffrance, il y a travail et conflit avec les ténèbres; et la jouissance est de reposer en paix dans la possession de la Lumière, et il n'est pas possible avec elle d'être à la vue des ténèbres, quoique ce soit pour les chasser. Mais au milieu de conflit et du combat des tentations qui est comme en songe et de nuit, on a coutume d'entendre et de percevoir la voix du Seigneur par le moyen des Anges comme il arriva à notre saint Joseph qui écouta et entendit tout ce que disait saint Gabriel: de ne point craindre, de demeurer avec Marie son Épouse (Matt. 1: 20-21) car ce qu'Elle avait conçu dans son sein était l'Oeuvre du Saint-Esprit; qu'Elle aurait un Fils qui s'appellerait Jésus et qui serait Sauveur de Son peuple et qu'en tout ce Mystère s'accomplirait la prophétie d'Isaïe (Is. 7: 14) qui dit: «qu'une Vierge concevrait et enfanterait un Fils qui s'appellerait Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous.» Saint Joseph ne vit pas l'Ange par des espèces imaginaires, il entendit seulement la voix intérieure et il comprit le Mystère. Des paroles qu'il lui dit, on infère que saint Joseph avait déjà quitté la Très Sainte Marie dans sa détermination, puisqu'il lui commanda de la recevoir sans crainte.
4, 3, 403. Saint Joseph s'éveilla instruit du Mystère qui venait de lui être révélé et persuadé que son Épouse était Mère véritable de Dieu même. Et entre la joie de son bonheur non imaginé et la nouvelle douleur de ce qu'il avait fait, il se prosterna en terre et avec un autre trouble d'humilité, craintif et joyeux, il fit des actes héroïques d'humilité et de reconnaissance. Il rendit grâces au Seigneur pour le Mystère qui lui était révélé et de ce que Sa Majesté l'avait fait l'époux de Celle qui était choisie pour être Sa Mère, se reconnaissant lui-même indigne d'être son esclave. Avec cette connaissance et ces actes de vertu, l'esprit de saint Joseph demeura serein et disposé pour recevoir de nouveaux effets de l'Esprit-Saint. Par le doute et le trouble passé s'assurent en lui les fondements très profonds de l'humilité qu'il devait avoir, lui à qui était confiée la disposition des plus hauts Conseils du Seigneur; et la mémoire de cet événement fut une école permanente qui lui dura toute la vie. Cette prière à Dieu étant faite, le saint homme commença à se réprimander lui-même disant: «O ma divine Épouse et ma Très Douce Colombe, élue par le Très-Haut pour Sa Mère et Son Habitation! Comment cet indigne esclave a-t-il eu la hardiesse de douter de Ta fidélité? Comment la poussière et la cendre donna-t-elle lieu àce que la Reine du Ciel et de la terre et la Maîtresse de toutes les créatures la servit? Comment n'ai-je pas baisé le sol que Tes pieds avaient touché? Comment n'ai-je pas mis tous mes soins à Te servir à genoux? Comment lèverai-je les yeux en Ta présence et oserai-je demeurer en Ta compagnie et ouvrir mes lèvres pour Te parler? Seigneur Dieu Éternel, donnez-moi la grâce et les forces pour lui demander pardon; et inclinez son Coeur à user de miséricorde et à ne point mépriser comme il le mérite ce serviteur qui se reconnaît. Hélas! comme Elle était remplie de Lumière et de grâce et qu'Elle renferme en Elle l'Auteur de la Lumière, toutes mes pensées lui étaient découvertes et après en avoir eu de la laisser effectivement, ce sera de l'audace de paraître devant ses yeux? Je connais mon grossier procédé et ma lourde erreur; puisqu'à la vue de tant de sainteté, j'ai admis des pensées et des doutes indignes sur sa très fidèle correspondance que je ne méritais pas. Et si pour mon châtiment, Votre Justice avait permis que j'exécutasse ma détermination erronée, quelle aurait été mon infortune! Je reconnaîtrai éternellement, Très Sublime Seigneur, un bienfait aussi incomparable. Donnez-moi, ô Roi Tout-Puissant, de quoi Vous rendre quelque digne rétribution. J'irai à ma Souveraine et mon Épouse, confiant dans la douceur de sa clémence, et prosterné à ses pieds, je lui demanderai pardon, afin que pour Elle, Vous, mon Dieu et mon Seigneur Éternel, Vous me regardiez comme Père et Vous me pardonniez mon erreur.»
4, 3, 404. Avec cette transformation le saint époux sortit de son appartement se trouvant éveillé aussi heureux que différent de ce qu'il était lorsqu'il s'était endormi. Et comme la Reine du Ciel était toujours dans sa retraite, il ne voulut point la troubler dans la douceur de sa contemplation, jusqu'à ce qu'Elle le voulût (Cant. 2: 7). En attendant, l'homme de Dieu délia le paquet qu'il avait préparé, répandant d'abondantes larmes avec des affections très contraires à celles qu'il avait senties auparavant. Et pleurant et commençant à révérer sa divine Épouse, il prépara la maison, il balaya le sol qui devait être touché de ses pieds sacrés, et il s'employa à d'autres occupations domestiques qu'il avait coutume de remettre à la divine Dame quand il ne connaissait pas sa dignité, et il résolut de changer de méthode et de style dans sa manière d'agir avec Elle, s'appliquant à lui-même l'office de serviteur et à Elle celui de maîtresse. Et sur cela, ils eurent dès ce jour entre eux deux des contentions admirables sur qui devait servir et se montrer plus humble. La Reine des Cieux regardait tout ce qui se passait pour saint Joseph sans qu'aucune pensée, ni aucun mouvement ne lui fût caché. Et lorsqu'il fut l'heure, le Saint arriva à l'appartement de son Altesse qui l'attendait avec la mansuétude, la joie et l'agrément que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE ET
TRÈS SAINTE DAME MARIE.
4, 3, 405. Ma fille, tu as un doux motif de louer le Seigneur et ce que tu as compris dans ce chapitre, connaissant l'ordre admirable de Sa Sagesse en affligeant et en consolant (1 Rois 2: 6) Ses élus et Ses serviteurs; dans l'un et l'autre cas, Il est très Sage et très Pieux pour les tirer de toutes ces épreuves, avec de plus grands accroissements de mérite et de gloire. Outre cet avertissement, je veux que tu en reçoives un autre très important pour ta conduite, et pour l'étroit entretien que le Très-Haut veut avec toi. C'est que tu tâches de te conserver toujours dans la tranquillité et la paix intérieure sans admettre aucun trouble qui te la fasse perdre ou qui l'empêche, et cela pour quelque événement que ce soit de cette vie mortelle: ce qui arriva à mon époux Joseph dans la circonstance que tu as
écrite, te servant d'exemple et d'enseignement. Le Très-Haut ne veut pas que la créature se trouble avec la tribulation, mais qu'elle mérite; qu'elle défaille, mais qu'elle fasse expérience de ce qu'elle peut avec la grâce. Et quoique les vents impétueux de la tentation aient coutume de jeter dans le port de la plus grande paix et de la plus grande connaissance de Dieu, et du trouble même la créature peut tirer sa connaissance et son humiliation: néanmoins si elle ne se réduit pas à la tranquillité et au repos intérieur, elle n'est pas disposée pour que le Seigneur la visite, l'appelle et l'élève à Ses caresses Divines; parce que Sa Majesté ne vient point dans le tourbillon (3 Rois 19: 12), et les rayons de ce suprême Soleil de justice ne peuvent être perçus tant qu'il n'y a point de sérénité dans les âmes.
4, 3, 406. Et si le défaut de calme empêche tant l'entretien intime du Seigneur, il est clair que les péchés sont un plus grand obstacle pour obtenir ce grand bienfait. Je veux que tu sois attentive à cette Doctrine et ne pense pas avoir droit d'user de tes puissances contre elle. Et puisque tu as tant de fois offensé le Seigneur, implore Sa miséricorde, pleure et lave-toi amplement; et sache que tu as l'obligation, à peine d'être condamnée comme infidèle, de garder ton âme et de la conserver pure, nette et sereine pour l'éternelle demeure du Tout-Puissant, afin que son Maître la possède et qu'Il habite (1 Cor. 3: 16) dignement en elle. L'ordre de tes sens et de tes puissances doit être une harmonie comme d'instruments d'une musique très douce et très délicate; et plus il en est ainsi, plus il y a danger de désaccord, et pour cette raison, le soin de les garder et de les conserver intacts de tout le terrestre doit être plus grand; parce que le seul air infect des objets mondains suffit pour déranger, troubler et infecter des puissances si consacrées à Dieu. Travaille donc et vis soigneuse avec toi-même et aie l'empire sur tes puissances et leurs opérations. Et si parfois tu t'altères, te troubles et te déconcertes dans cet ordre, tâche de te retourner aussitôt vers la Lumière divine, la recevant sans altération ni défiance, et opérant avec elle le plus parfait et le plus pur. En cela je te donne pour exemple mon saint époux Joseph qui donna crédit au saint Ange sans soupçon ni retard et qui exécuta ensuite avec une prompte obéissance ce qui lui fut commandé, avec quoi il mérita d'être élevé à de grandes récompenses et à une grande dignité. Et s'il s'est tant humilié sans avoir péché en ce qu'il fit, seulement pour s'être troublé avec tant de fondements quoiqu'apparents , considère toi qui n'es qu'un pauvre vermisseau, combien tu dois te reconnaître et t'humilier jusqu'à la poussière, pleurant tes négligences et tes péchés, jusqu'à ce que le Très-Haut te regarde comme Père et comme Époux.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 3, [a]. Saint Jean Chrysostôme dit aussi: «Pourquoi en songe? Parce que Joseph était un homme très fidèle et il n'avait pas besoin d'une vision plus manifeste.» Silveira se répand encore plus sur ce sujet.
4, 3, [b. Paschase dit aussi que l'Ange lui apparut en songe et non dans une autre révélation plus manifeste, pour désigner le doute de son âme, car pendant qu'il était dans les angoisses et les anxiétés du doute il était opprimé comme d'un sommeil d'infidélité et il ne pouvait voir l'Ange d'une vision plus claire.
4, 3, [c]. Et cette Doctrine est communément admise dans la théologie, et basée sur la Sainte Écriture: "Le Seigneur n'était point dans la commotion."
L'Ange du Seigneur parle à saint Joseph en songe et lui déclare le Mystère de l'Incarnation et les effets de cette Ambassade.
4, 3, 397. La douleur de la jalousie est un si vigilant réveille-matin pour celui qui en souffre que souvent même au lieu de le réveiller elle le tient en veille et lui ôte le sommeil et le repos. Personne ne souffrit cette maladie comme saint Joseph, quoiqu'en vérité personne n'en eut moins de cause, s'il l'eût connu alors. Il était doué d'une grande Science et d'une grande Lumière pour voir et pénétrer la sainteté et les qualités de sa divine Épouse qui étaient inestimables. Et dans cette connaissance se rencontrant les raisons qui l'obligeaient à abandonner la possession de tant de bien, il était inévitable qu'à la science de ce qu'il perdait s'ajoutait la douleur (Eccles. 1: 18) de le quitter. Pour cette raison la peine de saint Joseph surpassa tout ce que les hommes ont souffert en cette matière; parce qu'aucun ne se fit une plus grande idée de sa perte ni personne ne put la connaître et l'estimer comme lui. Mais joint à cela, il y eut une grande différence entre la jalousie ou les soupçons de ce fidèle serviteur et les autres qui ont coutume de souffrir cette affliction. Parce que les jaloux ajoutent à l'amour ardent et véhément un grand souci de ne le point perdre et de conserver ce qu'ils aiment, et cette affection est suivie par nécessité naturelle de la douleur de perdre l'objet aimé et d'imaginer que quelqu'un veut la leur ôter; et cette douleur ou maladie est celle que l'on appelle communément "jalousie". Dans les sujets qui ont les passions désordonnées, par manque de prudence et d'autre vertu, la peine et la douleur ont coutume de causer des effets variés de colère, de fureur, d'envie contre la même personne aimée ou contre celui qui empêche la correspondance de l'amour mal ou bien ordonné, et ainsi s'élèvent les tempêtes d'imaginations et de soupçons anticipés que les mêmes passions engendrent; d'où s'originent les velléités de chérir et d'abhorrer, d'aimer et de s'en repentir; et l'irascible et la concupiscible sont en lutte continuelle, sans qu'il y ait de raison et de prudence pour les assujettir et les dominer, car cette espèce de maladie obscurcit l'entendement, pervertit la raison et éloigne de soi la prudence.
4, 3, 398. Mais saint Joseph n'eut pas ces désordres vicieux, ni il ne put les avoir, non-seulement à cause de son insigne sainteté, mais à cause de celle de son Épouse, car il ne connaissait point de faute qui l'indignât et il n'eut aucune idée qu'Elle eut employé son amour en aucun autre, contre qui ou de qui il eût de l'envie pour le repousser avec colère. Dans la grandeur de son amour, la jalousie de saint Joseph consista seulement en un doute ou un soupçon conditionné, si sa Très Chaste Épouse lui avait correspondu dans l'amour; car il ne trouvait point comment vaincre ce doute en face d'une raison déterminée comme l'étaient les indices du soupçon. Et il ne fut pas nécessaire qu'il y eut plus de certitude concernant l'objet de son inquiétude pour que la douleur fût si véhémente; parce que dans un gage aussi propre que l'épouse, il est juste de ne point admettre de consorts; et pour que les expériences opérassent une telle maladie, le moindre indice d'infidélité et la plus légère crainte de perdre l'objet le plus beau, le plus parfait et le plus agréable de son entendement et de sa volonté suffisaient à l'amour chaste et véhément du saint, qui avait possédé tout son coeur. Car lorsque l'amour a des motifs si justes, les liens et les noeuds qui le retiennent sont grands et efficaces, et les chaînes en sont très fortes, surtout, n'ayant point les contraires des imperfections qui les rompent. Notre Reine n'avait ni dans le Divin, ni dans le naturel, aucune chose qui modérât et tempérât l'amour de son saint époux, au contraire, Elle le fomentait par des titres et des causes répétées.
4, 3, 399. Saint Joseph s'endormit avec cette douleur qui allait jusqu'à la tristesse, un peu après l'oraison que j'ai dite, sûr de se réveiller pour sortir de sa maison à minuit, sans qu'il put être entendu de son épouse, selon sa pensée. La divine Princesse attendait le remède et le sollicitait par ses humbles prières; parce qu'Elle connaissait que la tribulation et le trouble de son époux arrivant à un tel point, au suprême de la douleur, le temps de la Miséricorde et du soulagement de son coeur si affligé s'approchait. Le Très-Haut envoya le saint Archange Gabriel (Matt. 1: 20-21) afin que pendant que saint Joseph était endormi, le mystère de la grossesse de Marie son Épouse lui fut manifesté par révélation Divine. Et l'Archange accomplissant cette ambassade alla vers saint Joseph et lui parla en songe [a], comme dit saint Matthieu, et il lui déclara tout le Mystère de l'Incarnation et de la Rédemption dans les paroles que l'Évangile rapporte. On peut avoir quelque surprise, comme j'en ai eu moi-même, de voir que le saint
Archange parlât à saint Joseph endormi et non éveillé; parce que le Mystère était si haut en non facile à comprendre, et surtout dans la disposition où le saint se trouvait, si troublé et si affligé; et le même sacrement ayant été manifesté à d'autres, non endormis mais éveillés.
4, 3, 400. Dans ces Oeuvres du Seigneur, la raison dernière est celle de Sa Divine Volonté Juste, Sainte et Parfaite en tout. Mais je dirai comme je pourrai quelque chose pour notre instruction. La première raison fut parce que saint Joseph était si prudent, si rempli de Lumière divine et il avait une si haute idée de Marie notre Sainte Reine qu'il ne fut pas nécessaire de le persuader par des moyens plus forts pour qu'il fût assuré de sa dignité et des Mystères de l'Incarnation, car les inspirations Divines portent beaucoup de fruit dans les coeurs bien disposés. La seconde raison fut parce que son trouble b] avait commencé par les sens, voyant la grossesse de son Épouse, et il fut juste qu'ayant donné motif à l'erreur et au soupçon, ils fussent comme mortifiés et privés de la vision angélique et de donner entrée à la désillusion de la vérité. La troisième raison est conséquente à celle-ci, parce que saint Joseph, sans commettre de péché, souffrit ce trouble par lequel les sens demeurèrent comme dans la torpeur et peu propre à la vue et à la communication sensible du saint Ange; et ainsi il lui parla et il lui communiqua l'ambassade dans une occasion où les sens scandalisés auparavant, étaient empêchés par la suspension de leurs opérations; et ensuite le saint homme étant revenu à eux se disposa et se purifia par plusieurs actes, comme je le dirai, pour recevoir l'influence de l'Esprit-Saint: car le trouble était un obstacle à tout cela.
4, 3, 401. Par ces raisons, on comprendra pourquoi Dieu parlait en songe aux anciens Pères, plus que maintenant avec les fidèles enfants de la Loi de l'Évangile, où ce mode de révélation en songe est moins ordinaire, et les paroles des Anges avec une plus grande manifestation et une plus grande communication son plus fréquentes. La raison de cela est parce que selon la disposition Divine, le plus grand obstacle qui empêche que les âmes aient un entretien et une communication très familière avec Dieu et Ses Anges sont les péchés même légers, ainsi que les imperfections. Et depuis que le Verbe Divin s'est fait homme et a conversé avec les hommes, les sens se sont purifiés; et chaque jour nos puissances se purifient, demeurant sanctifiées par le bon usage des sacrements sensibles par lesquels elles
se spiritualisent et s'élèvent en quelque manière, et sortant de leur torpeur, elles deviennent habiles dans leurs opérations pour la participation des influences Divines. Et nous devons ce bienfait plus que les anciens au Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ en vertu duquel nous somme sanctifiés par les Sacrements, recevant en eux des effets Divins de grâces spéciales, et en quelque-uns le caractère spirituel qui nous signale et nous dispose pour de fins plus hautes. Mais quand le Seigneur parlait ou parle encore quelquefois en songe, il exclut les opérations des sens, comme ineptes et indisposés pour entrer aux noces spirituelles de Sa communication ou de Ses influences spirituelles.
4, 3, 402. On infère aussi de cette Doctrine que pour que les âmes reçoivent les faveurs cachées du Seigneur, il est requis qu'elles soient non seulement sans péché et qu'elles aient des mérites et la grâce; mais qu'elles aient aussi la plénitude de la paix et de la tranquillité [c], parce que si la république des puissances est troublé, comme dans saint Joseph, elle n'est pas disposée par des effets si Divins et si délicats, comme ceux que l'âme reçoit par la vue du Seigneur et Ses caresses. Et cela est si ordinaire que lors même que la créature mérite beaucoup par la tribulation et en souffrant des afflictions, comme l'époux de la Reine du Ciel, néanmoins cette altération empêche; parce que dans la souffrance, il y a travail et conflit avec les ténèbres; et la jouissance est de reposer en paix dans la possession de la Lumière, et il n'est pas possible avec elle d'être à la vue des ténèbres, quoique ce soit pour les chasser. Mais au milieu de conflit et du combat des tentations qui est comme en songe et de nuit, on a coutume d'entendre et de percevoir la voix du Seigneur par le moyen des Anges comme il arriva à notre saint Joseph qui écouta et entendit tout ce que disait saint Gabriel: de ne point craindre, de demeurer avec Marie son Épouse (Matt. 1: 20-21) car ce qu'Elle avait conçu dans son sein était l'Oeuvre du Saint-Esprit; qu'Elle aurait un Fils qui s'appellerait Jésus et qui serait Sauveur de Son peuple et qu'en tout ce Mystère s'accomplirait la prophétie d'Isaïe (Is. 7: 14) qui dit: «qu'une Vierge concevrait et enfanterait un Fils qui s'appellerait Emmanuel, ce qui signifie Dieu avec nous.» Saint Joseph ne vit pas l'Ange par des espèces imaginaires, il entendit seulement la voix intérieure et il comprit le Mystère. Des paroles qu'il lui dit, on infère que saint Joseph avait déjà quitté la Très Sainte Marie dans sa détermination, puisqu'il lui commanda de la recevoir sans crainte.
4, 3, 403. Saint Joseph s'éveilla instruit du Mystère qui venait de lui être révélé et persuadé que son Épouse était Mère véritable de Dieu même. Et entre la joie de son bonheur non imaginé et la nouvelle douleur de ce qu'il avait fait, il se prosterna en terre et avec un autre trouble d'humilité, craintif et joyeux, il fit des actes héroïques d'humilité et de reconnaissance. Il rendit grâces au Seigneur pour le Mystère qui lui était révélé et de ce que Sa Majesté l'avait fait l'époux de Celle qui était choisie pour être Sa Mère, se reconnaissant lui-même indigne d'être son esclave. Avec cette connaissance et ces actes de vertu, l'esprit de saint Joseph demeura serein et disposé pour recevoir de nouveaux effets de l'Esprit-Saint. Par le doute et le trouble passé s'assurent en lui les fondements très profonds de l'humilité qu'il devait avoir, lui à qui était confiée la disposition des plus hauts Conseils du Seigneur; et la mémoire de cet événement fut une école permanente qui lui dura toute la vie. Cette prière à Dieu étant faite, le saint homme commença à se réprimander lui-même disant: «O ma divine Épouse et ma Très Douce Colombe, élue par le Très-Haut pour Sa Mère et Son Habitation! Comment cet indigne esclave a-t-il eu la hardiesse de douter de Ta fidélité? Comment la poussière et la cendre donna-t-elle lieu àce que la Reine du Ciel et de la terre et la Maîtresse de toutes les créatures la servit? Comment n'ai-je pas baisé le sol que Tes pieds avaient touché? Comment n'ai-je pas mis tous mes soins à Te servir à genoux? Comment lèverai-je les yeux en Ta présence et oserai-je demeurer en Ta compagnie et ouvrir mes lèvres pour Te parler? Seigneur Dieu Éternel, donnez-moi la grâce et les forces pour lui demander pardon; et inclinez son Coeur à user de miséricorde et à ne point mépriser comme il le mérite ce serviteur qui se reconnaît. Hélas! comme Elle était remplie de Lumière et de grâce et qu'Elle renferme en Elle l'Auteur de la Lumière, toutes mes pensées lui étaient découvertes et après en avoir eu de la laisser effectivement, ce sera de l'audace de paraître devant ses yeux? Je connais mon grossier procédé et ma lourde erreur; puisqu'à la vue de tant de sainteté, j'ai admis des pensées et des doutes indignes sur sa très fidèle correspondance que je ne méritais pas. Et si pour mon châtiment, Votre Justice avait permis que j'exécutasse ma détermination erronée, quelle aurait été mon infortune! Je reconnaîtrai éternellement, Très Sublime Seigneur, un bienfait aussi incomparable. Donnez-moi, ô Roi Tout-Puissant, de quoi Vous rendre quelque digne rétribution. J'irai à ma Souveraine et mon Épouse, confiant dans la douceur de sa clémence, et prosterné à ses pieds, je lui demanderai pardon, afin que pour Elle, Vous, mon Dieu et mon Seigneur Éternel, Vous me regardiez comme Père et Vous me pardonniez mon erreur.»
4, 3, 404. Avec cette transformation le saint époux sortit de son appartement se trouvant éveillé aussi heureux que différent de ce qu'il était lorsqu'il s'était endormi. Et comme la Reine du Ciel était toujours dans sa retraite, il ne voulut point la troubler dans la douceur de sa contemplation, jusqu'à ce qu'Elle le voulût (Cant. 2: 7). En attendant, l'homme de Dieu délia le paquet qu'il avait préparé, répandant d'abondantes larmes avec des affections très contraires à celles qu'il avait senties auparavant. Et pleurant et commençant à révérer sa divine Épouse, il prépara la maison, il balaya le sol qui devait être touché de ses pieds sacrés, et il s'employa à d'autres occupations domestiques qu'il avait coutume de remettre à la divine Dame quand il ne connaissait pas sa dignité, et il résolut de changer de méthode et de style dans sa manière d'agir avec Elle, s'appliquant à lui-même l'office de serviteur et à Elle celui de maîtresse. Et sur cela, ils eurent dès ce jour entre eux deux des contentions admirables sur qui devait servir et se montrer plus humble. La Reine des Cieux regardait tout ce qui se passait pour saint Joseph sans qu'aucune pensée, ni aucun mouvement ne lui fût caché. Et lorsqu'il fut l'heure, le Saint arriva à l'appartement de son Altesse qui l'attendait avec la mansuétude, la joie et l'agrément que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE ET
TRÈS SAINTE DAME MARIE.
4, 3, 405. Ma fille, tu as un doux motif de louer le Seigneur et ce que tu as compris dans ce chapitre, connaissant l'ordre admirable de Sa Sagesse en affligeant et en consolant (1 Rois 2: 6) Ses élus et Ses serviteurs; dans l'un et l'autre cas, Il est très Sage et très Pieux pour les tirer de toutes ces épreuves, avec de plus grands accroissements de mérite et de gloire. Outre cet avertissement, je veux que tu en reçoives un autre très important pour ta conduite, et pour l'étroit entretien que le Très-Haut veut avec toi. C'est que tu tâches de te conserver toujours dans la tranquillité et la paix intérieure sans admettre aucun trouble qui te la fasse perdre ou qui l'empêche, et cela pour quelque événement que ce soit de cette vie mortelle: ce qui arriva à mon époux Joseph dans la circonstance que tu as
écrite, te servant d'exemple et d'enseignement. Le Très-Haut ne veut pas que la créature se trouble avec la tribulation, mais qu'elle mérite; qu'elle défaille, mais qu'elle fasse expérience de ce qu'elle peut avec la grâce. Et quoique les vents impétueux de la tentation aient coutume de jeter dans le port de la plus grande paix et de la plus grande connaissance de Dieu, et du trouble même la créature peut tirer sa connaissance et son humiliation: néanmoins si elle ne se réduit pas à la tranquillité et au repos intérieur, elle n'est pas disposée pour que le Seigneur la visite, l'appelle et l'élève à Ses caresses Divines; parce que Sa Majesté ne vient point dans le tourbillon (3 Rois 19: 12), et les rayons de ce suprême Soleil de justice ne peuvent être perçus tant qu'il n'y a point de sérénité dans les âmes.
4, 3, 406. Et si le défaut de calme empêche tant l'entretien intime du Seigneur, il est clair que les péchés sont un plus grand obstacle pour obtenir ce grand bienfait. Je veux que tu sois attentive à cette Doctrine et ne pense pas avoir droit d'user de tes puissances contre elle. Et puisque tu as tant de fois offensé le Seigneur, implore Sa miséricorde, pleure et lave-toi amplement; et sache que tu as l'obligation, à peine d'être condamnée comme infidèle, de garder ton âme et de la conserver pure, nette et sereine pour l'éternelle demeure du Tout-Puissant, afin que son Maître la possède et qu'Il habite (1 Cor. 3: 16) dignement en elle. L'ordre de tes sens et de tes puissances doit être une harmonie comme d'instruments d'une musique très douce et très délicate; et plus il en est ainsi, plus il y a danger de désaccord, et pour cette raison, le soin de les garder et de les conserver intacts de tout le terrestre doit être plus grand; parce que le seul air infect des objets mondains suffit pour déranger, troubler et infecter des puissances si consacrées à Dieu. Travaille donc et vis soigneuse avec toi-même et aie l'empire sur tes puissances et leurs opérations. Et si parfois tu t'altères, te troubles et te déconcertes dans cet ordre, tâche de te retourner aussitôt vers la Lumière divine, la recevant sans altération ni défiance, et opérant avec elle le plus parfait et le plus pur. En cela je te donne pour exemple mon saint époux Joseph qui donna crédit au saint Ange sans soupçon ni retard et qui exécuta ensuite avec une prompte obéissance ce qui lui fut commandé, avec quoi il mérita d'être élevé à de grandes récompenses et à une grande dignité. Et s'il s'est tant humilié sans avoir péché en ce qu'il fit, seulement pour s'être troublé avec tant de fondements quoiqu'apparents , considère toi qui n'es qu'un pauvre vermisseau, combien tu dois te reconnaître et t'humilier jusqu'à la poussière, pleurant tes négligences et tes péchés, jusqu'à ce que le Très-Haut te regarde comme Père et comme Époux.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 3, [a]. Saint Jean Chrysostôme dit aussi: «Pourquoi en songe? Parce que Joseph était un homme très fidèle et il n'avait pas besoin d'une vision plus manifeste.» Silveira se répand encore plus sur ce sujet.
4, 3, [b. Paschase dit aussi que l'Ange lui apparut en songe et non dans une autre révélation plus manifeste, pour désigner le doute de son âme, car pendant qu'il était dans les angoisses et les anxiétés du doute il était opprimé comme d'un sommeil d'infidélité et il ne pouvait voir l'Ange d'une vision plus claire.
4, 3, [c]. Et cette Doctrine est communément admise dans la théologie, et basée sur la Sainte Écriture: "Le Seigneur n'était point dans la commotion."
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 4
Saint Joseph demande pardon à la Très Sainte Marie son Épouse et la divine Souveraine le console avec une grande prudence.
4, 4, 407. Le ravisé saint Joseph attendait que la Très Sainte Marie son Épouse sortît de sa retraite: et lorsqu'il fut l'heure la Mère du Roi du Ciel ouvrit la porte du pauvre cabinet où Elle habitait et aussitôt le saint époux se jeta à ses pieds avec une humilité et une vénération profondes et dit: «Madame et mon Épouse, Mère véritable du Verbe Éternel, voici Votre serviteur prosterné aux pieds de Votre
clémence. Par le même Dieu et Seigneur que Vous avez dans Votre sein Virginal, je Vous prie de me pardonner mon audace. Je suis sûr, Madame, qu'aucune de mes pensées n'est cachée à Votre Sagesse et à Votre Lumière divine. Grande fut ma hardiesse de tenter de Vous quitter et non moindre la grossièreté avec laquelle je Vous ai traitée jusqu'à présent comme mon inférieure, sans Vous servir comme Mère de mon Seigneur et mon Dieu. Mais Vous savez aussi que j'ai fait tout cela avec ignorance, parce que je ne savais pas le sacrement du Roi du Ciel et la grandeur de Votre dignité, quoique j'aie vénéré en Vous d'autres Dons du Très-Haut. Ne prêtez pas attention, Madame, aux ignorances d'une vile créature qui se reconnaissant, offre désormais son coeur et sa vie à Votre honneur et à Votre service. Je ne me relèverai point de Vos pieds sans savoir que je suis en Votre grâce, que Vous me pardonnez mon désordre et que j'ai obtenu Votre bienveillance et Votre bénédiction.»
4, 4, 408. La Très Sainte Marie entendant les paroles humbles de son saint époux Joseph éprouva divers effets; car Elle se réjouit dans le Seigneur avec une grande tendresse, de le voir instruit des Mystères de l'Incarnation qu'il confessait et vénérait avec une foi et une humilité si sublimes. Mais, un peu affligée de la détermination qu'Elle vit en lui de la traiter à l'avenir avec le respect et la soumission qu'il promettait; car avec cette nouveauté la Très Humble Souveraine se représenta que l'occasion d'obéir et de s'humilier comme servante de son époux s'échappait de ses main. Et comme celui qui se trouve tout à coup dépouillé de quelque riche joyau ou de quelque trésor grandement estimé, ainsi la Très Sainte Marie se contrista en apprenant que saint Joseph ne la traiterait plus comme sujette et inférieure en tout, puisqu'il la reconnaissait Mère du Seigneur. Elle le releva de ses pieds et Elle se mit à genoux devant lui, et quoiqu'il tâchât de l'empêcher il ne le put; parce qu'Elle était invincible en fait d'humilité, et répondant à saint Joseph Elle lui dit: «C'est moi, mon seigneur et mon époux qui dois vous demander pardon, et vous qui devez remettre les peines et les amertumes que vous avez reçues de moi; et ainsi, je vous en supplie à genoux, oubliez vos inquiétudes; puisque le Très-Haut a accepté vos désirs et les afflictions que vous y avez souffertes.»
4, 4, 409. Il sembla à propos à la divine Souveraine de consoler son époux et pour cette raison et non point pour se disculper, Elle ajouta et dit: «Malgré mon
désir je ne pouvais par ma seule inclination vous donner aucune connaissance du Sacrement caché que le Très-Haut a renfermé en moi, parce que comme esclave de Sa Majesté il était juste d'attendre Sa parfaite et Sainte Volonté. Je ne me suis point tue parce que je ne vous estime point comme mon seigneur et mon époux: je suis et serai toujours votre fidèle servante, correspondant à vos désirs et à vos saintes affections. Mais ce que je vous demande de l'intime de mon Coeur pour le Seigneur que j'ai dans mes entrailles, est que vous ne changiez point dans votre conduite et dans votre conversation l'ordre et le style que vous avez gardé jusqu'à présent. Le Seigneur ne m'a point faite Sa Mère pour être servie et être Maîtresse en cette vie, mais pour être la servante de tous et votre esclave, obéissant à votre volonté. Tel est, seigneur, mon office, et sans cela je vivrai affligée et sans consolation. Il est juste que vous me le laissiez, cet office, puisque le Très-Haut l'a ordonné ainsi, me donnant, votre protection et votre sollicitude, afin qu'à votre ombre je sois assurée et que je puisse avec votre aide, élever le fruit de mon sein , mon Seigneur et mon Dieu.» Par ces raisons et d'autres remplies d'une suavité très efficace, la Très Sainte Marie consola et calma saint Joseph, et Elle le releva du sol pour conférer de tout ce qui était nécessaire. Et pour cela, comme la divine Souveraine n'était pas seulement remplie de l'Esprit-Saint, mais qu'Elle avait avec Elle comme Mère le Verbe Divin, duquel et du Père cet Esprit Divin procède, Elle opéra d'une manière spéciale dans l'illustration de saint Joseph et le saint reçut une grande plénitude d'influences Divines. Et tout renouvelé en ferveur et en esprit, il dit:
4, 4, 410. «Madame Vous êtes bénie entre toutes les femmes, heureuse et bienheureuse dans toutes les nations et les générations. Que le Créateur du Ciel et de la terre soit exalté avec une louange éternelle; parce qu'Il Vous a regardée de Son suprême trône royal et Il Vous a choisie pour Son Habitation: et en Vous seule Il a accompli les promesses antiques qu'Il avait faites à nos Pères et aux Prophètes. Que toutes les générations Le bénissent; parce qu'en aucune génération Il ne S'est magnifié autant qu'avec Votre humilité; et Il m'a choisi, moi, le plus vil des vivants, dans sa grande Bonté pour être Votre serviteur.» Dans ces bénédictions et ces paroles que dit saint Joseph, il fut illuminé de l'Esprit Divin de la même manière que sainte Élisabeth lorsqu'elle répondit à la salutation de notre Reine et notre Maîtresse; quoique la Lumière et la Science que le saint époux reçut fussent admirables comme il convenait pour sa dignité et son ministère. Et la divine Souveraine écoutant les paroles du béni saint Joseph, répondit aussi par le
Cantique du Magnificat et en le répétant comme Elle l'avait dit à sainte Élisabeth, Elle en ajouta d'autres nouveaux, et par ces Cantiques Elle fut tout enflammée et élevée en une extase très sublime, et soulevée de terre dans un globe de lumière resplendissante qui l'entourait et Elle demeura toute transformée comme avec des Dons de gloire.
4, 4, 411. A la vue d'un objet si Divin, saint Joseph demeura dans l'admiration et tout rempli d'une jubilation incomparable; parce qu'il n'avait jamais vu sa Très Bénite Épouse avec une gloire semblable et une excellence si éminente. Et alors il la connut avec une grande clarté et une grande plénitude: parce que l'intégrité et la pureté de la Princesse du Ciel et le mystère de sa dignité lui furent conjointement manifestés; il vit et connut dans son sein Virginal l'Humanité Très Sainte et l'Enfant-Dieu, l'union des deux natures dans la Personne du Verbe, il L'adora et Le reconnut pour son Rédempteur véritable avec une révérence et une humilité profondes et il s'offrit à Sa Majesté avec des actes d'amour héroïques. Le Seigneur le regarda avec une bénignité et une clémence telle qu'Il n'en usa de semblable envers aucune autre créature; parce qu'Il l'accepta et lui donna le titre de Père Putatif et pour correspondre à un surnom si nouveau, il lui donna une grande plénitude de Science et de Dons célestes, comme la piété chrétienne peut et doit présumer. Et je ne m'arrêterai pas à déclarer la grandeur des excellences de saint Joseph qui m'a été déclaré, parce qu'il serait nécessaire de me rallonger plus que ne le demande le sujet de cette Histoire.
4, 4, 412. Mais ce fut un argument de la grandeur d'âme du glorieux saint Joseph et un indice de son insigne sainteté de ne point mourir ou défaillir de la jalousie de son Épouse bien-aimée, c'est un sujet de plus grande admiration qu'il n'ait pas été opprimé par la joie inopinée qu'il reçut de ce qui arriva dans cette circonstance où il fut détrompé. Dans le premier cas on découvre sa sainteté; mais dans le second il reçut de telles augmentations et de tels dons du Seigneur que si Dieu ne lui eût point dilaté le coeur il n'eût pu les recevoir ni résister à la jubilation de son esprit. Il fut élevé et renouvelé en tout pour traiter dignement avec Celle qui était Mère de Dieu même et Sa propre Épouse et pour dispenser conjointement avec Elle ce qui était nécessaire au Mystère de l'Incarnation et au soin d'élever Le Verbe Incarné, comme nous le dirons plus loin. Et afin qu'il demeurât en tout plus capable et qu'il reconnût les obligations de servir sa divine Épouse, il lui fut donné
connaissance que tous les dons et les bienfaits qu'il avait reçus de la main du Très-Haut lui étaient venus par Elle et pour Elle: ceux qu'il avait reçus avant d'être son époux, parce que le Seigneur l'avait élu pour cette dignité et ceux qu'Il lui donnait alors, parce qu'Elle les avait gagnés et mérités. Et il connut la prudence incomparable avec laquelle la grande Souveraine avait procédé à son égard, non seulement en le servant avec une obéissance si inviolable et une humilité si profonde, mais en le consolant dans sa tribulation, en sollicitant pour lui la grâce et l'assistance de l'Esprit-Saint, dissimulant avec une discrétion souveraine et ensuite le calmant, le pacifiant et le disposant afin qu'il fût apte à recevoir les influences de l'Esprit Divin. Et comme la Princesse du Ciel avait été l'Instrument de la sanctification du Baptiste et de sa mère sainte Élisabeth, Elle le fut aussi pour la plénitude de grâce que saint Joseph reçut avec une plus grande abondance [a]. Le très heureux époux connut et comprit tout cela et il correspondit à tout comme serviteur très fidèle et très reconnaissant.
4, 4, 413. Les saints Évangélistes ne firent point mémoire de ces grand sacrements et de beaucoup d'autres qui arrivèrent à notre Reine et à son époux saint Joseph, non-seulement parce que ceux-ci les gardèrent dans leur coeur, sans que l'humble Souveraine ni saint Joseph ne les manifestassent à personne; mais aussi parce qu'il ne fut point nécessaire d'introduire ces merveilles dans la Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ qu'ils écrivirent afin que par leur foi se répandit la nouvelle Église et la Loi de grâce; au contraire elles pouvaient être peu convenables pour la gentilité dans sa première conversion. Et l'admirable Providence réserva ces choses par Ses jugements cachés et Ses secrets insondables pour tirer de Ses Trésors les choses anciennes et les nouvelles (Matt. 13: 52) dans le temps le plus opportun prévu par Sa divine Sagesse, quand l'Église déjà fondée et la Foi catholique assise, les fidèles se trouveraient dans le besoin de l'intercession, du Refuge et de la protection de leur grande Reine et Souveraine. Et connaissant avec une nouvelle Lumière, quelle Mère amoureuse et quelle Avocate puissante ils ont dans les Cieux, avec son Très Saint Fils à qui le Père a donné la Puissance de juger (Jean 5: 22), ils accourussent à Elle comme unique Refuge et Asile des pécheurs. Si ces temps affligés sont arrivés pour l'Église, ses larmes et ses tribulations le disent assez: puisqu'elles ne furent jamais plus grandes que lorsque ses propres enfants nourris à son sein l'affligent, la bouleversent et dissipent le Trésor du Sang de son Époux (Héb. 10: 29) et cela avec une plus grande cruauté que les ennemis les plus acharnés. Quand la nécessité réclame, quand le sang
répandu des enfants crie bien haut et beaucoup plus celui de notre Pontife Jésus-Christ (Héb. 12: 22, 24) foulé aux pieds et profané sous différents prétextes de justice, que font les plus fidèles, les enfants les plus catholiques et les plus constants de cette mère si affligée qui est la Sainte Église? Pourquoi gardent-ils tant le silence? Pourquoi n'élèvent-ils point la voix vers la Très Sainte Marie? Pourquoi ne l'invoquent-ils et ne l'obligent-ils point? Qu'y a-t-il d'étonnant si le remède tarde tant à venir quand nous sommes si lâches pour le chercher et pour reconnaître qu'il se trouve en cette Souveraine, la Mère véritable de Dieu même. Je confesse que cette Cité de Dieu renferme des mystères magnifiques (Ps. 86: 3) et nous le confessons et le proclamons avec une foie vive. Ils sont si nombreux que leur plus grande connaissance demeure réservée après la résurrection générale et les saints les connaîtront dans le Très-Haut. Mais en attendant que les coeurs pieux et fidèles considèrent la bonté de leur Maîtresse et leur Mère très aimante, de déployer quelques-uns de ses sacrements si nombreux et si cachés par un instrument très vil, que dans sa faiblesse et sa timidité a pu être encouragé seulement par le précepte et le bon plaisir de la Mère de Pitié, intimés à différentes reprises.
DOCTRINE DE LA DIVINE REINE, NOTRE MAÎTRESSE.
4, 4, 414. Ma fille, à cause de mon désir que je t'ai manifesté: que tu composes ta vie selon le miroir de la mienne et que mes oeuvres soient la règle inviolable des tiennes, je te déclare dans cette Histoire, non-seulement les sacrements et les mystères que tu écris, mais beaucoup d'autres que tu ne peux déclarer ni manifester; et ils doivent tous demeurer gravées sur les tables de ton coeur et pour cela je renouvelle en toi le souvenir de la leçon où tu dois apprendre la Science de la Vie Éternelle, accomplissant mes fonctions de Maîtresse. Sois prompte à obéir et à l'exécuter comme disciple soigneuse et obéissante; et sers-toi maintenant de l'exemple de l'humble sollicitude et du zèle de mon époux saint Joseph, de sa soumission et de l'appréciation qu'il fit de la Lumière et de l'Instruction divine; et comme il avait le coeur bien préparé, il se trouvait dans une bonne disposition pour accomplir avec promptitude la Volonté Divine, il fut changé et réformé tout à fait avec autant de plénitude de grâces qu'il convenait pour le ministère auquel le
Très-Haut le destinait. Que la connaissance de tes péchés serve donc à t'humilier avec soumission et non à empêcher le Seigneur de Se servir de toi en ce qu'Il veut sous prétexte que tu es indigne.
4, 4, 415. Mais en cette occasion je veux te manifester une juste plainte et une grave indignation du Très-Haut contre les mortels, afin que tu la comprennes mieux, aidée de la grâce Divine à la vue de l'humilité et de la mansuétude que j'eus à l'égard de mon époux Joseph. Cette plainte du Seigneur et la mienne est causée par la perversité inhumaine que les hommes ont de se traiter les uns les autres sans charité et sans humilité: en quoi concourent trois péchés qui désobligent beaucoup le Très-Haut et moi aussi et qui Nous empêchent d'user d'autant de Miséricorde envers eux. Le premier est que les hommes connaissant qu'ils sont tous enfants d'un même Père qui est dans les Cieux (Is. 44: , ouvrages de Ses mains, formés d'une même nature (Act. 17: 6), alimentés gracieusement, vérifiés (Matt. 6: 25) par Sa Providence, et nourris à une même table (Ps. 127: 2) des Mystères et des Sacrements divins, spécialement avec Son propre Corps et Son propre Sang, oublient et négligent tout cela dès qu'il intervient un léger intérêt terrestre; et comme des hommes sans raison, ils se troublent, s'indignent et se remplissent de désordres, de rancunes, de trahisons et de murmures, et parfois de vengeances impies et inhumaines et de haines mortelles les uns contre les autres. Le second est que, lorsque par la fragilité humaine et le peu de mortification, troublés par la tentation du démon, ils tombent dans quelqu'un de ces péchés, ils ne tâchent point de le rejeter aussitôt et de se réconcilier entre eux, comme des frères qui sont à la vue du juste Juge et ils refusent de L'avoir pour Père Miséricordieux, Le sollicitant plutôt comme Juge sévère et rigide (Matt. 18: 34) de leurs péchés, puisqu'aucun n'irrite plus Sa justice que la haine et la vengeance. Le troisième qui L'indigne beaucoup est que parfois lorsque quelqu'un veut se réconcilier avec son frère, celui qui se tient pour offensé ne l'accepte pas et demande plus de satisfaction que celle qu'il sait lui-même être suffisante pour satisfaire au Seigneur (Matt. 18: 32-32) et même de celle dont il veut se servir envers Sa Majesté: puisque tous veulent que contrits et humiliés, Dieu même qui a été plus offensé les reçoive, les accepte et les pardonne, et eux qui ne sont que poussière et cendre demandent vengeance de leurs frères et ne se donnent pas pour satisfaits avec ce dont le suprême Seigneur Se contente pour les pardonner.
4, 4, 416. De tous les péchés que les enfants de l'Église commettent, il n'en est aucun qui soit plus horrible que ceux-ci aux yeux du Très-Haut et ainsi tu le connaîtras en Dieu même et dans la force qu'Il a mise dans Sa divine Loi, commandant à chacun de pardonner à son frère lors même qu'il pécherait contre lui soixante dix fois sept fois (Matt. 18: 22); et quoique ce frère dise plusieurs fois par jour qu'il se repent, le Seigneur ordonne que le frère offensé lui pardonne autant de fois sans nombre (Luc 17: 4). Et Sa justice établit des peines très formidables contre celui qui ne le ferait pas, parce qu'il scandalise les autres comme on doit en conclure quand Dieu Lui-même dit cette menace: «Malheur à celui qui aura scandalisé (Matt. 18: 7) et par qui le scandale vient et arrive! Il aurait mieux valu pour lui, tomber au fond de la mer avec une pesante meule de moulin au cou: » ce qui signifie le danger et la difficulté de porter remède à ce péché, comme il serait difficile de se sauver, à celui qui serait tombé dans la mer avec une meule de moulin au cou (Luc 17: 2) Ces paroles marquent aussi le châtiment de ce péché dans l'abîme des peines éternelles; et c'est pourquoi il vaudrait mieux pour les fidèles de s'arracher les yeux (Matt. 18: 8-9) et de se couper les mains, puisque mon Très Saint Fils le commande ainsi, plutôt que de scandaliser les petits par ces péchés.
4, 4, 417. O ma très chère fille, combien ne dois-tu pas pleurer avec des larmes de sang la laideur et les dommages de ce péché, que contriste l'Esprit-Saint (Eph. 4: 30), donne de superbes triomphes au démon, rend les créatures raisonnables monstrueuses et efface en elles l'image (Matt. 5: 44-45) de leur Père Céleste! Quoi de plus impropre, de plus laid et de plus monstrueux que de voir un homme formé de terre, qui n'a que les vers et la corruption, s'élever contre un autre comme lui avec tant d'orgueil et d'arrogance! Il n'y a point de paroles pour décrire cette méchanceté et pour persuader aux mortels de la craindre et de se garder de la colère du Seigneur (Matt. 3: 7). Mais toi, ma très chère, préserve ton coeur de cette contagion, imprimes-y et graves-y une doctrine si utile et si profitable pour l'exécuter. Ne juge jamais qu'en offensant et en scandalisant le prochain il n'y ait q'une petite faute, parce qu'elles pèsent toutes beaucoup en la Présence de Dieu. Sois muette et mets une forte garde à toutes tes puissances et à tes sens (Ps. 140: 3-4) pour l'observation rigoureuse de la charité envers les ouvrages du Très-Haut. Donne-moi cette satisfaction, car je te veux très parfaite dans une vertu si excellente, et je te l'impose comme mon précepte rigoureux; ne pense, ne dis ni ne fais jamais aucune chose pour offenser ton prochain, ne consens par aucun titre
que tes sujettes le fassent, et personne s'il est possible en ta présence. Pèse bien, ma très chère, ce que je te demande; parce que c'est la Science la plus Divine et la moins comprise des mortels. Que mon humilité et ma mansuétude, effets de l'amour sincère avec lequel j'aimais non seulement mon époux, mais tous les enfants de mon Père Céleste, te servent d'exemple qui t'oblige et de remède unique et efficace à tes passions. J'estimais toutes les créatures humaines et je les regardais comme achetées et rachetées à si haut prix (1 Pet. 1: 18-10). Avertis tes religieuses avec vérité, fidélité, délicatesse et charité que bien que tous ceux qui n'accomplissent point ce commandement que mon Fils appela sien et nouveau (Jean 15: 12) offensent gravement la Divine Majesté, Son indignation est sans comparaison plus grande contre les religieux qui devant être les enfants parfaits de leur Père (Matt. 5: 48), le Maître de cette vertu, il y en a beaucoup qui la détruisent comme les mondains devenant plus odieux qu'eux.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 4, [a]. Expression très semblables à celles de Saint Jean Chrysostôme [Hom. IV, in Matt.]; il dit entre autres choses: «Comme Jésus-Christ existant dans le sein de Marie sanctifia saint Jean-Baptiste par Elle; par Elle aussi Il communiqua à saint Joseph une certaine grâce souveraine.» Saint Bernardin de Sienne [Apud A Lapide, in Prov. XXXI, 12,] dit: «Je crois que saint Joseph put recevoir tout le trésor du Coeur de la Bienheureuse Vierge qu'Elle lui dévoilait très lisiblement, parce que tout ce qui est à la femme est au mari... Que d'exhortations, de consolations, de promesses, d'illuminations et de révélations des biens éternels ne reçut-il pas par sa sainte Épouse Marie!... C'est pourquoi je crois que saint Joseph fut très pur dans sa virginité, très profond dans son humilité, très ardent dans sa charité, très sublime dans sa contemplation,» etc.
Saint Joseph demande pardon à la Très Sainte Marie son Épouse et la divine Souveraine le console avec une grande prudence.
4, 4, 407. Le ravisé saint Joseph attendait que la Très Sainte Marie son Épouse sortît de sa retraite: et lorsqu'il fut l'heure la Mère du Roi du Ciel ouvrit la porte du pauvre cabinet où Elle habitait et aussitôt le saint époux se jeta à ses pieds avec une humilité et une vénération profondes et dit: «Madame et mon Épouse, Mère véritable du Verbe Éternel, voici Votre serviteur prosterné aux pieds de Votre
clémence. Par le même Dieu et Seigneur que Vous avez dans Votre sein Virginal, je Vous prie de me pardonner mon audace. Je suis sûr, Madame, qu'aucune de mes pensées n'est cachée à Votre Sagesse et à Votre Lumière divine. Grande fut ma hardiesse de tenter de Vous quitter et non moindre la grossièreté avec laquelle je Vous ai traitée jusqu'à présent comme mon inférieure, sans Vous servir comme Mère de mon Seigneur et mon Dieu. Mais Vous savez aussi que j'ai fait tout cela avec ignorance, parce que je ne savais pas le sacrement du Roi du Ciel et la grandeur de Votre dignité, quoique j'aie vénéré en Vous d'autres Dons du Très-Haut. Ne prêtez pas attention, Madame, aux ignorances d'une vile créature qui se reconnaissant, offre désormais son coeur et sa vie à Votre honneur et à Votre service. Je ne me relèverai point de Vos pieds sans savoir que je suis en Votre grâce, que Vous me pardonnez mon désordre et que j'ai obtenu Votre bienveillance et Votre bénédiction.»
4, 4, 408. La Très Sainte Marie entendant les paroles humbles de son saint époux Joseph éprouva divers effets; car Elle se réjouit dans le Seigneur avec une grande tendresse, de le voir instruit des Mystères de l'Incarnation qu'il confessait et vénérait avec une foi et une humilité si sublimes. Mais, un peu affligée de la détermination qu'Elle vit en lui de la traiter à l'avenir avec le respect et la soumission qu'il promettait; car avec cette nouveauté la Très Humble Souveraine se représenta que l'occasion d'obéir et de s'humilier comme servante de son époux s'échappait de ses main. Et comme celui qui se trouve tout à coup dépouillé de quelque riche joyau ou de quelque trésor grandement estimé, ainsi la Très Sainte Marie se contrista en apprenant que saint Joseph ne la traiterait plus comme sujette et inférieure en tout, puisqu'il la reconnaissait Mère du Seigneur. Elle le releva de ses pieds et Elle se mit à genoux devant lui, et quoiqu'il tâchât de l'empêcher il ne le put; parce qu'Elle était invincible en fait d'humilité, et répondant à saint Joseph Elle lui dit: «C'est moi, mon seigneur et mon époux qui dois vous demander pardon, et vous qui devez remettre les peines et les amertumes que vous avez reçues de moi; et ainsi, je vous en supplie à genoux, oubliez vos inquiétudes; puisque le Très-Haut a accepté vos désirs et les afflictions que vous y avez souffertes.»
4, 4, 409. Il sembla à propos à la divine Souveraine de consoler son époux et pour cette raison et non point pour se disculper, Elle ajouta et dit: «Malgré mon
désir je ne pouvais par ma seule inclination vous donner aucune connaissance du Sacrement caché que le Très-Haut a renfermé en moi, parce que comme esclave de Sa Majesté il était juste d'attendre Sa parfaite et Sainte Volonté. Je ne me suis point tue parce que je ne vous estime point comme mon seigneur et mon époux: je suis et serai toujours votre fidèle servante, correspondant à vos désirs et à vos saintes affections. Mais ce que je vous demande de l'intime de mon Coeur pour le Seigneur que j'ai dans mes entrailles, est que vous ne changiez point dans votre conduite et dans votre conversation l'ordre et le style que vous avez gardé jusqu'à présent. Le Seigneur ne m'a point faite Sa Mère pour être servie et être Maîtresse en cette vie, mais pour être la servante de tous et votre esclave, obéissant à votre volonté. Tel est, seigneur, mon office, et sans cela je vivrai affligée et sans consolation. Il est juste que vous me le laissiez, cet office, puisque le Très-Haut l'a ordonné ainsi, me donnant, votre protection et votre sollicitude, afin qu'à votre ombre je sois assurée et que je puisse avec votre aide, élever le fruit de mon sein , mon Seigneur et mon Dieu.» Par ces raisons et d'autres remplies d'une suavité très efficace, la Très Sainte Marie consola et calma saint Joseph, et Elle le releva du sol pour conférer de tout ce qui était nécessaire. Et pour cela, comme la divine Souveraine n'était pas seulement remplie de l'Esprit-Saint, mais qu'Elle avait avec Elle comme Mère le Verbe Divin, duquel et du Père cet Esprit Divin procède, Elle opéra d'une manière spéciale dans l'illustration de saint Joseph et le saint reçut une grande plénitude d'influences Divines. Et tout renouvelé en ferveur et en esprit, il dit:
4, 4, 410. «Madame Vous êtes bénie entre toutes les femmes, heureuse et bienheureuse dans toutes les nations et les générations. Que le Créateur du Ciel et de la terre soit exalté avec une louange éternelle; parce qu'Il Vous a regardée de Son suprême trône royal et Il Vous a choisie pour Son Habitation: et en Vous seule Il a accompli les promesses antiques qu'Il avait faites à nos Pères et aux Prophètes. Que toutes les générations Le bénissent; parce qu'en aucune génération Il ne S'est magnifié autant qu'avec Votre humilité; et Il m'a choisi, moi, le plus vil des vivants, dans sa grande Bonté pour être Votre serviteur.» Dans ces bénédictions et ces paroles que dit saint Joseph, il fut illuminé de l'Esprit Divin de la même manière que sainte Élisabeth lorsqu'elle répondit à la salutation de notre Reine et notre Maîtresse; quoique la Lumière et la Science que le saint époux reçut fussent admirables comme il convenait pour sa dignité et son ministère. Et la divine Souveraine écoutant les paroles du béni saint Joseph, répondit aussi par le
Cantique du Magnificat et en le répétant comme Elle l'avait dit à sainte Élisabeth, Elle en ajouta d'autres nouveaux, et par ces Cantiques Elle fut tout enflammée et élevée en une extase très sublime, et soulevée de terre dans un globe de lumière resplendissante qui l'entourait et Elle demeura toute transformée comme avec des Dons de gloire.
4, 4, 411. A la vue d'un objet si Divin, saint Joseph demeura dans l'admiration et tout rempli d'une jubilation incomparable; parce qu'il n'avait jamais vu sa Très Bénite Épouse avec une gloire semblable et une excellence si éminente. Et alors il la connut avec une grande clarté et une grande plénitude: parce que l'intégrité et la pureté de la Princesse du Ciel et le mystère de sa dignité lui furent conjointement manifestés; il vit et connut dans son sein Virginal l'Humanité Très Sainte et l'Enfant-Dieu, l'union des deux natures dans la Personne du Verbe, il L'adora et Le reconnut pour son Rédempteur véritable avec une révérence et une humilité profondes et il s'offrit à Sa Majesté avec des actes d'amour héroïques. Le Seigneur le regarda avec une bénignité et une clémence telle qu'Il n'en usa de semblable envers aucune autre créature; parce qu'Il l'accepta et lui donna le titre de Père Putatif et pour correspondre à un surnom si nouveau, il lui donna une grande plénitude de Science et de Dons célestes, comme la piété chrétienne peut et doit présumer. Et je ne m'arrêterai pas à déclarer la grandeur des excellences de saint Joseph qui m'a été déclaré, parce qu'il serait nécessaire de me rallonger plus que ne le demande le sujet de cette Histoire.
4, 4, 412. Mais ce fut un argument de la grandeur d'âme du glorieux saint Joseph et un indice de son insigne sainteté de ne point mourir ou défaillir de la jalousie de son Épouse bien-aimée, c'est un sujet de plus grande admiration qu'il n'ait pas été opprimé par la joie inopinée qu'il reçut de ce qui arriva dans cette circonstance où il fut détrompé. Dans le premier cas on découvre sa sainteté; mais dans le second il reçut de telles augmentations et de tels dons du Seigneur que si Dieu ne lui eût point dilaté le coeur il n'eût pu les recevoir ni résister à la jubilation de son esprit. Il fut élevé et renouvelé en tout pour traiter dignement avec Celle qui était Mère de Dieu même et Sa propre Épouse et pour dispenser conjointement avec Elle ce qui était nécessaire au Mystère de l'Incarnation et au soin d'élever Le Verbe Incarné, comme nous le dirons plus loin. Et afin qu'il demeurât en tout plus capable et qu'il reconnût les obligations de servir sa divine Épouse, il lui fut donné
connaissance que tous les dons et les bienfaits qu'il avait reçus de la main du Très-Haut lui étaient venus par Elle et pour Elle: ceux qu'il avait reçus avant d'être son époux, parce que le Seigneur l'avait élu pour cette dignité et ceux qu'Il lui donnait alors, parce qu'Elle les avait gagnés et mérités. Et il connut la prudence incomparable avec laquelle la grande Souveraine avait procédé à son égard, non seulement en le servant avec une obéissance si inviolable et une humilité si profonde, mais en le consolant dans sa tribulation, en sollicitant pour lui la grâce et l'assistance de l'Esprit-Saint, dissimulant avec une discrétion souveraine et ensuite le calmant, le pacifiant et le disposant afin qu'il fût apte à recevoir les influences de l'Esprit Divin. Et comme la Princesse du Ciel avait été l'Instrument de la sanctification du Baptiste et de sa mère sainte Élisabeth, Elle le fut aussi pour la plénitude de grâce que saint Joseph reçut avec une plus grande abondance [a]. Le très heureux époux connut et comprit tout cela et il correspondit à tout comme serviteur très fidèle et très reconnaissant.
4, 4, 413. Les saints Évangélistes ne firent point mémoire de ces grand sacrements et de beaucoup d'autres qui arrivèrent à notre Reine et à son époux saint Joseph, non-seulement parce que ceux-ci les gardèrent dans leur coeur, sans que l'humble Souveraine ni saint Joseph ne les manifestassent à personne; mais aussi parce qu'il ne fut point nécessaire d'introduire ces merveilles dans la Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ qu'ils écrivirent afin que par leur foi se répandit la nouvelle Église et la Loi de grâce; au contraire elles pouvaient être peu convenables pour la gentilité dans sa première conversion. Et l'admirable Providence réserva ces choses par Ses jugements cachés et Ses secrets insondables pour tirer de Ses Trésors les choses anciennes et les nouvelles (Matt. 13: 52) dans le temps le plus opportun prévu par Sa divine Sagesse, quand l'Église déjà fondée et la Foi catholique assise, les fidèles se trouveraient dans le besoin de l'intercession, du Refuge et de la protection de leur grande Reine et Souveraine. Et connaissant avec une nouvelle Lumière, quelle Mère amoureuse et quelle Avocate puissante ils ont dans les Cieux, avec son Très Saint Fils à qui le Père a donné la Puissance de juger (Jean 5: 22), ils accourussent à Elle comme unique Refuge et Asile des pécheurs. Si ces temps affligés sont arrivés pour l'Église, ses larmes et ses tribulations le disent assez: puisqu'elles ne furent jamais plus grandes que lorsque ses propres enfants nourris à son sein l'affligent, la bouleversent et dissipent le Trésor du Sang de son Époux (Héb. 10: 29) et cela avec une plus grande cruauté que les ennemis les plus acharnés. Quand la nécessité réclame, quand le sang
répandu des enfants crie bien haut et beaucoup plus celui de notre Pontife Jésus-Christ (Héb. 12: 22, 24) foulé aux pieds et profané sous différents prétextes de justice, que font les plus fidèles, les enfants les plus catholiques et les plus constants de cette mère si affligée qui est la Sainte Église? Pourquoi gardent-ils tant le silence? Pourquoi n'élèvent-ils point la voix vers la Très Sainte Marie? Pourquoi ne l'invoquent-ils et ne l'obligent-ils point? Qu'y a-t-il d'étonnant si le remède tarde tant à venir quand nous sommes si lâches pour le chercher et pour reconnaître qu'il se trouve en cette Souveraine, la Mère véritable de Dieu même. Je confesse que cette Cité de Dieu renferme des mystères magnifiques (Ps. 86: 3) et nous le confessons et le proclamons avec une foie vive. Ils sont si nombreux que leur plus grande connaissance demeure réservée après la résurrection générale et les saints les connaîtront dans le Très-Haut. Mais en attendant que les coeurs pieux et fidèles considèrent la bonté de leur Maîtresse et leur Mère très aimante, de déployer quelques-uns de ses sacrements si nombreux et si cachés par un instrument très vil, que dans sa faiblesse et sa timidité a pu être encouragé seulement par le précepte et le bon plaisir de la Mère de Pitié, intimés à différentes reprises.
DOCTRINE DE LA DIVINE REINE, NOTRE MAÎTRESSE.
4, 4, 414. Ma fille, à cause de mon désir que je t'ai manifesté: que tu composes ta vie selon le miroir de la mienne et que mes oeuvres soient la règle inviolable des tiennes, je te déclare dans cette Histoire, non-seulement les sacrements et les mystères que tu écris, mais beaucoup d'autres que tu ne peux déclarer ni manifester; et ils doivent tous demeurer gravées sur les tables de ton coeur et pour cela je renouvelle en toi le souvenir de la leçon où tu dois apprendre la Science de la Vie Éternelle, accomplissant mes fonctions de Maîtresse. Sois prompte à obéir et à l'exécuter comme disciple soigneuse et obéissante; et sers-toi maintenant de l'exemple de l'humble sollicitude et du zèle de mon époux saint Joseph, de sa soumission et de l'appréciation qu'il fit de la Lumière et de l'Instruction divine; et comme il avait le coeur bien préparé, il se trouvait dans une bonne disposition pour accomplir avec promptitude la Volonté Divine, il fut changé et réformé tout à fait avec autant de plénitude de grâces qu'il convenait pour le ministère auquel le
Très-Haut le destinait. Que la connaissance de tes péchés serve donc à t'humilier avec soumission et non à empêcher le Seigneur de Se servir de toi en ce qu'Il veut sous prétexte que tu es indigne.
4, 4, 415. Mais en cette occasion je veux te manifester une juste plainte et une grave indignation du Très-Haut contre les mortels, afin que tu la comprennes mieux, aidée de la grâce Divine à la vue de l'humilité et de la mansuétude que j'eus à l'égard de mon époux Joseph. Cette plainte du Seigneur et la mienne est causée par la perversité inhumaine que les hommes ont de se traiter les uns les autres sans charité et sans humilité: en quoi concourent trois péchés qui désobligent beaucoup le Très-Haut et moi aussi et qui Nous empêchent d'user d'autant de Miséricorde envers eux. Le premier est que les hommes connaissant qu'ils sont tous enfants d'un même Père qui est dans les Cieux (Is. 44: , ouvrages de Ses mains, formés d'une même nature (Act. 17: 6), alimentés gracieusement, vérifiés (Matt. 6: 25) par Sa Providence, et nourris à une même table (Ps. 127: 2) des Mystères et des Sacrements divins, spécialement avec Son propre Corps et Son propre Sang, oublient et négligent tout cela dès qu'il intervient un léger intérêt terrestre; et comme des hommes sans raison, ils se troublent, s'indignent et se remplissent de désordres, de rancunes, de trahisons et de murmures, et parfois de vengeances impies et inhumaines et de haines mortelles les uns contre les autres. Le second est que, lorsque par la fragilité humaine et le peu de mortification, troublés par la tentation du démon, ils tombent dans quelqu'un de ces péchés, ils ne tâchent point de le rejeter aussitôt et de se réconcilier entre eux, comme des frères qui sont à la vue du juste Juge et ils refusent de L'avoir pour Père Miséricordieux, Le sollicitant plutôt comme Juge sévère et rigide (Matt. 18: 34) de leurs péchés, puisqu'aucun n'irrite plus Sa justice que la haine et la vengeance. Le troisième qui L'indigne beaucoup est que parfois lorsque quelqu'un veut se réconcilier avec son frère, celui qui se tient pour offensé ne l'accepte pas et demande plus de satisfaction que celle qu'il sait lui-même être suffisante pour satisfaire au Seigneur (Matt. 18: 32-32) et même de celle dont il veut se servir envers Sa Majesté: puisque tous veulent que contrits et humiliés, Dieu même qui a été plus offensé les reçoive, les accepte et les pardonne, et eux qui ne sont que poussière et cendre demandent vengeance de leurs frères et ne se donnent pas pour satisfaits avec ce dont le suprême Seigneur Se contente pour les pardonner.
4, 4, 416. De tous les péchés que les enfants de l'Église commettent, il n'en est aucun qui soit plus horrible que ceux-ci aux yeux du Très-Haut et ainsi tu le connaîtras en Dieu même et dans la force qu'Il a mise dans Sa divine Loi, commandant à chacun de pardonner à son frère lors même qu'il pécherait contre lui soixante dix fois sept fois (Matt. 18: 22); et quoique ce frère dise plusieurs fois par jour qu'il se repent, le Seigneur ordonne que le frère offensé lui pardonne autant de fois sans nombre (Luc 17: 4). Et Sa justice établit des peines très formidables contre celui qui ne le ferait pas, parce qu'il scandalise les autres comme on doit en conclure quand Dieu Lui-même dit cette menace: «Malheur à celui qui aura scandalisé (Matt. 18: 7) et par qui le scandale vient et arrive! Il aurait mieux valu pour lui, tomber au fond de la mer avec une pesante meule de moulin au cou: » ce qui signifie le danger et la difficulté de porter remède à ce péché, comme il serait difficile de se sauver, à celui qui serait tombé dans la mer avec une meule de moulin au cou (Luc 17: 2) Ces paroles marquent aussi le châtiment de ce péché dans l'abîme des peines éternelles; et c'est pourquoi il vaudrait mieux pour les fidèles de s'arracher les yeux (Matt. 18: 8-9) et de se couper les mains, puisque mon Très Saint Fils le commande ainsi, plutôt que de scandaliser les petits par ces péchés.
4, 4, 417. O ma très chère fille, combien ne dois-tu pas pleurer avec des larmes de sang la laideur et les dommages de ce péché, que contriste l'Esprit-Saint (Eph. 4: 30), donne de superbes triomphes au démon, rend les créatures raisonnables monstrueuses et efface en elles l'image (Matt. 5: 44-45) de leur Père Céleste! Quoi de plus impropre, de plus laid et de plus monstrueux que de voir un homme formé de terre, qui n'a que les vers et la corruption, s'élever contre un autre comme lui avec tant d'orgueil et d'arrogance! Il n'y a point de paroles pour décrire cette méchanceté et pour persuader aux mortels de la craindre et de se garder de la colère du Seigneur (Matt. 3: 7). Mais toi, ma très chère, préserve ton coeur de cette contagion, imprimes-y et graves-y une doctrine si utile et si profitable pour l'exécuter. Ne juge jamais qu'en offensant et en scandalisant le prochain il n'y ait q'une petite faute, parce qu'elles pèsent toutes beaucoup en la Présence de Dieu. Sois muette et mets une forte garde à toutes tes puissances et à tes sens (Ps. 140: 3-4) pour l'observation rigoureuse de la charité envers les ouvrages du Très-Haut. Donne-moi cette satisfaction, car je te veux très parfaite dans une vertu si excellente, et je te l'impose comme mon précepte rigoureux; ne pense, ne dis ni ne fais jamais aucune chose pour offenser ton prochain, ne consens par aucun titre
que tes sujettes le fassent, et personne s'il est possible en ta présence. Pèse bien, ma très chère, ce que je te demande; parce que c'est la Science la plus Divine et la moins comprise des mortels. Que mon humilité et ma mansuétude, effets de l'amour sincère avec lequel j'aimais non seulement mon époux, mais tous les enfants de mon Père Céleste, te servent d'exemple qui t'oblige et de remède unique et efficace à tes passions. J'estimais toutes les créatures humaines et je les regardais comme achetées et rachetées à si haut prix (1 Pet. 1: 18-10). Avertis tes religieuses avec vérité, fidélité, délicatesse et charité que bien que tous ceux qui n'accomplissent point ce commandement que mon Fils appela sien et nouveau (Jean 15: 12) offensent gravement la Divine Majesté, Son indignation est sans comparaison plus grande contre les religieux qui devant être les enfants parfaits de leur Père (Matt. 5: 48), le Maître de cette vertu, il y en a beaucoup qui la détruisent comme les mondains devenant plus odieux qu'eux.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 4, [a]. Expression très semblables à celles de Saint Jean Chrysostôme [Hom. IV, in Matt.]; il dit entre autres choses: «Comme Jésus-Christ existant dans le sein de Marie sanctifia saint Jean-Baptiste par Elle; par Elle aussi Il communiqua à saint Joseph une certaine grâce souveraine.» Saint Bernardin de Sienne [Apud A Lapide, in Prov. XXXI, 12,] dit: «Je crois que saint Joseph put recevoir tout le trésor du Coeur de la Bienheureuse Vierge qu'Elle lui dévoilait très lisiblement, parce que tout ce qui est à la femme est au mari... Que d'exhortations, de consolations, de promesses, d'illuminations et de révélations des biens éternels ne reçut-il pas par sa sainte Épouse Marie!... C'est pourquoi je crois que saint Joseph fut très pur dans sa virginité, très profond dans son humilité, très ardent dans sa charité, très sublime dans sa contemplation,» etc.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 5
Saint Joseph détermine de servir en tout la Très Sainte Marie et ce que fit son Altesse; et certaines choses qu'ils observaient dans leur manière de procéder.
4, 5, 418. Le très fidèle époux Joseph demeura avec une idée si haute et si digne de son Épouse la Très Sainte Marie, après que sa dignité lui eut été révélée en même temps que le Mystère de l'Incarnation, qu'il fut changé en un nouvel homme, quoiqu'il eût toujours été très saint et très parfait: il se détermina alors àagir envers la divine Souveraine avec une manière et une révérence nouvelles, comme je le dirai plus loin. Et cela était conforme àla sagesse du saint et dû à l'excellence de son Épouse; puisqu'il était serviteur et l'Auguste Marie, Maîtresse du Ciel et de la terre; et c'est ce que saint Joseph connut à la Lumière divine. Et pour satisfaire à son affection, honorant et vénérant Celle qu'il connaissait comme Mère de Dieu même, lorsqu'il lui parlait étant seuls tous les deux, ou lorsqu'il passait devant Elle, il lui faisait la génuflexion [a] avec grand respect, et il ne voulait point consentir à ce qu'Elle le servît, voulant qu'Elle songeât à son autorité, il ne voulait pas non plus qu'Elle s'occupât à des offices humbles, comme de balayer la maison, de laver la vaisselle, et d'autres choses semblables: parce que le très heureux époux voulait faire toutes ces oeuvres serviles, afin de ne point déroger à la dignité de la Reine.
4, 5, 419. Mais la divine Souveraine, qui était très humble entre les humbles et que nul ne pouvait vaincre en humilité, disposa les choses de manière que la palme de toutes les vertus demeura toujours entre ses mains. Elle demanda à saint Joseph de ne point lui rendre cette révérence de fléchir le genou en sa présence; car quoiqu'il dût cette révérence au Seigneur qu'Elle portait dans son sein, toutefois pendant qu'Il y était et qu'Il ne se manifestait pas, on ne pouvait distinguer dans cet acte, la personne de Jésus-Christ de la sienne. Et par cette persuasion le saint se conforma au goût de la Reine du Ciel, et il rendait ce culte au Seigneur qu'Elle portait dans ses entrailles seulement lorsqu'Elle ne l'apercevait pas et il faisait de même pour la Mère respectivement, selon ce qui était dû à chacun. Ils eurent ensemble d'humbles disputes pour l'exercice des autres actions et des oeuvres
serviles. Parce que saint Joseph ne pouvait se vaincre à consentir que la grande Reine et Souveraine les fit, et pour cela il tâchait d'anticiper. La divine Épouse faisait la même chose, les lui prenant des mains autant qu'Elle pouvait [b. Mais comme saint Joseph pouvait prévenir plusieurs de ces oeuvres serviles dans le temps qu'Elle passait dans sa retraite, il lui frustrait ses désirs continuels d'être servante et de faire tout le service domestique de sa maison comme telle. Blessée dans ses affections la divine Dame eut recours à Dieu avec d'humbles plaintes et Elle Le pria d'obliger effectivement saint Joseph de ne point l'empêcher d'exercer l'humilité comme Elle le désirait. Et comme cette vertu est si puissante au tribunal Divin et qu'elle y a entrée libre, il n'y a point de demande qui soit petite (Eccli. 35: 21) accompagnée de cette vertu, car elle les rend toutes grandes et elle incline l'Etre immuable de Dieu à la clémence. Il écouta cette prière et il disposa que l'Ange gardien du Saint lui parlât intérieurement et lui dît les paroles suivantes: «Ne frustre point les humbles désirs de Celle qui est supérieure à toutes les créatures du Ciel et de la terre; donne lieu à l'extérieur à ce qu'Elle te serve, et dans l'intérieur garde-lui un respect souverain, et en tout temps et en tout lieu rends l'adoration due au Verbe fait chair, dont la Volonté est de venir servir avec Sa divine Mère et non d'être servi (Matt. 20: 28), pour enseigner au monde la science de la vie et l'excellence de l'humilité. Tu peux l'aider en quelque chose du travail, et vénère toujours en Elle le Seigneur de toutes les créatures.»
4, 5, 420. Avec cette instruction et ce commandement du Très-Haut, saint Joseph donna lieu aux exercices humbles de la divine Princesse et ils eurent tous deux l'occasion d'offrir au Seigneur un sacrifice acceptable de leur volonté: la très sainte Marie en mettant toujours à profit sa très profonde humilité et son obéissance envers son époux dans tous les actes de ces vertus qu'Elle exerçait avec une perfection héroïque, sans en omettre aucun, qu'Elle pût faire; et saint Joseph en obéissant au Très-Haut avec une prudente et sainte confusion, qui lui était occasionnée en ce qu'il se voyait assisté et servi par Celle qu'il reconnaissait pour sa Maîtresse et la Maîtresse de toutes les créatures, la Mère de Dieu, du Créateur même. Le prudent saint Joseph compensait avec ce motif pour l'humilité qu'il ne pouvait exercer en d'autres actes qu'il remettait à son Épouse; parce que cela l'humiliait et l'obligeait davantage à s'abaisser dans son estime avec une plus grande crainte révérencielle; et il regardait avec cette crainte la Très Sainte Marie et en Elle le Seigneur qu'Elle portait dans son sein Virginal, où il L'adorait, Lui donnant gloire et magnificence. Et quelquefois en récompense de sa sainteté et de
son respect, ou pour un plus grand motif de l'une et de l'autre, le même Enfant Dieu Incarné lui était manifesté d'une manière admirable et il Le regardait dans le sein de Sa Très Pure Mère comme à travers un miroir très clair [c]. Et l'Auguste Reine traitait et conférait plus familièrement avec le glorieux saint des Mystères de l'Incarnation, car Elle ne craignait plus de faire ces divines conférences depuis que le très heureux époux avait été illustré et informé des sacrements magnifiques de l'union hypostatique des deux natures Divine et humaine dans le sein Virginal de son Épouse.
4, 5, 421. Aucune langue humaine n'est capable de manifester les conversations et les entretiens célestes que la Très Sainte Marie avait avec le Bienheureux Saint Joseph. J'en dirai quelque chose comme je le pourrai dans les chapitres suivants. Mais qui pourra déclarer les effets que produisaient dans le coeur très doux et très dévot de ce saint, non-seulement d'être l'époux de Celle qui était la vraie Mère de son Créateur, mais aussi de se trouver servi par Elle comme si Elle eût été une humble esclave et la considérant dans un degré de sainteté et de dignité au-dessus des suprêmes Séraphins et inférieure à Dieu seul. Et si la Divine droite enrichit de bénédiction la maison et la personne d'Obédédom (1 Par. 13: 14) pour avoir hospitalisé l'Arche figurative de l'Ancien Testament pendant quelques mois; quelles bénédictions ne furent-elles pas données à saint Joseph à qui avait été confiée l'Arche véritable et le Législateur même qui y était renfermé. Le bonheur et la félicité de ce saint furent incomparables! Et non seulement parce qu'il avait dans sa maison l'Arche vivante et véritable du nouveau Testament, l'autel, le Sacrifice et le Temple, car tout lui fut livré; mais pour qu'il l'eut dignement comme serviteur fidèle et prudent, il fut constitué (Matt. 24: 45) par le Seigneur même sur sa Famille, afin qu'il subvînt à tout en temps opportun, comme dispensateur très fidèle. Que toutes les nations et les générations le connaissent et le bénissent, que tous annoncent ses louanges; puisque le Seigneur n'a fait avec aucune d'elles (Ps. 147: 20) ce qu'il a fait avec saint Joseph. Moi indigne et pauvre vermisseau à la lumière de secrets si vénérables, j'exalte et magnifie ce Seigneur Dieu, le confessant pour Saint, Juste et Miséricordieux, Sage et Admirable dans la disposition de toutes Ses grandes Oeuvres.
4, 5, 422. L'humble mais heureuse maison de saint Joseph était distribuée en trois pièces [d] dans lesquelles elle consistait presque tout entière, pour l'habitation
ordinaire des deux Époux, parce qu'ils n'eurent aucun serviteur ni aucune servante. Dans une pièce, saint Joseph dormait; dans l'autre il travaillait et avait les instruments de son métier de charpentier; dans le troisième demeurait d'ordinaire et dormait la Reine des Cieux et Elle y avait pour cela un petit lit fait de la main de saint Joseph; et ils gardèrent cet ordre depuis le commencement qu'ils se marièrent et vinrent dans leur maison. Avant que le saint époux sut la dignité de son Auguste Dame, il allait très rarement la voir, car tant qu'Elle ne sortait point de sa retraite il s'occupait à ses ouvrages, à moins qu'il n'y eut quelque affaire sur laquelle il fut très nécessaire de la consulter. Mais après qu'il fut informé de la cause de sa félicité, le saint homme était très officieux et pour renouveler sa consolation, il venait d'ordinaire très souvent à la retraite de l'Auguste Souveraine pour la visiter et savoir ce qu'Elle lui commandait. Mais il s'approchait toujours avec une humilité extrême et une crainte révérencielle; et avant de lui parler, il reconnaissait silencieusement l'occupation qu'avait la divine Reine: et souvent il la voyait en extase élevée de terre et remplie de lumière éclatante; d'autres fois en compagnie des ses saints Anges en colloques divins avec eux; d'autres fois prosternée en terre en forme de croix et parlant avec le Seigneur. Le très heureux Joseph fut participant de toutes ces faveurs. Mais quand la grande Reine était dans cette disposition et ces occupations, il ne s'enhardissait pas davantage qu'à la regarder avec un respect profond; et il méritait parfois d'entendre une harmonie et une musique céleste très douce que les Anges faisaient à leur Reine; et de percevoir une odeur admirable qui le confortait et tout cela le remplissait de joie et d'allégresse spirituelle.
4, 5, 423. Les deux saints Époux vivaient seuls dans leur maison; parce qu'ils n'avaient aucun domestique, comme je l'ai dit, non-seulement à cause de leur profonde humilité, mais cela fut aussi convenable, afin qu'il n'y eût point de témoins de merveilles aussi visibles comme celles qui arrivaient entre eux, auxquelles ceux du dehors ne devaient point participer. La Princesse du Ciel ne sortait point non plus de sa maison, si ce n'était pour une cause très urgente du service de Dieu et du bénéfice du prochain; parce que si quelque chose était nécessaire, cette heureuse femme sa voisine l'apportait, la même que j'ai dit [e] qui servit saint Joseph pendant que la Très Sainte Marie fut à la maison de Zacharie: et elle reçu un si bon retour de ses services que non-seulement elle fut sainte et parfaite, mais toute sa maison et sa famille fut bien fortunée par la protection de la Reine et la Maîtresse du monde qui prit beaucoup de soin de cette femme laquelle
étant voisine, l'Auguste Marie vint la soigner dans quelque maladies, et enfin Elle la remplit ainsi que tous les siens des bénédictions du Ciel.
4, 5, 424. Saint Joseph ne vit jamais dormir sa divine Épouse et il ne sut pas par expérience si Elle dormait; quoique le saint la priât de prendre quelque repos, surtout dans le temps de sa grossesse sacrée. Le lieu du repos de la Princesse était le lit que j'ai déjà dit, fait des mains de saint Joseph et Elle y avait deux couvertures entre lesquelles Elle se couchait pour prendre quelque court et saint sommeil. Son vêtement de dessous était une tunique ou chemise de toile comme du coton, plus douce que le linge commun et ordinaire. Après qu'Elle fut sortie du Temple, Elle ne changea jamais cette tunique qui ne vieillit jamais ni ne fut jamais tachée et personne ne la vit, et saint Joseph ne sut pas qu'Elle la portait; parce qu'il ne voyait que le vêtement extérieur qui était manifeste à tous les autres. Ce vêtement extérieur était couleur de cendre comme je l'ai dit [f], et la grande Dame du Ciel ne changeait que celui-ci et les poignets; non qu'ils fussent salis, au contraire parce qu'étant visibles à tous, ceux-ci ne pussent remarquer qu'ils étaient toujours dans une même état. Rien de ce qu'Elle portait sur son corps Virginal et très Pur ne fut taché ni sali car Elle ne transpirait point et Elle n'était point sujette aux incommodités que souffrent les corps sujets au péché des enfants d'Adam. Elle était très pure en tout et les ouvrages de ses mains étaient faits avec une correction et une netteté souveraines, et c'était avec la même propreté qu'Elle préparait les habits et les autres choses nécessaires à saint Joseph. Sa nourriture était très peu de chose et très limitée; mais Elle mangeait chaque jour et avec le Saint. Jamais Elle ne mangeait de viande, quoique son époux en mangeât et Elle lui en préparait. Son aliment consistait en quelques fruits, du poisson, du pain ordinaire et des herbes cuites; mais Elle prenait de tout cela avec poids et mesure et de la chaleur naturelle, sans que rien ne surpassât ou n'excédât en devenant une corruption nuisible, et c'était la même chose du boire, quoiqu'il lui vînt quelque ardeur plus que naturelle de ses actes très fervents. Elle garda toujours cet ordre dans la quantité de la nourriture, mais dans la qualité Elle le varia et le changea selon les différents événements de sa très sainte Vie, comme je le dirai plus loin [g].
4, 5, 425. La Très Pure Marie fut en tout d'une perfection consommée, sans qu'aucune grâce ne lui manquât et toutes étant dans la plénitude de perfection
consommée, dans le naturel et le surnaturel. Seulement les paroles me manquent pour l'expliquer: et elles ne me satisfont jamais, voyant combien elles restent éloignées de ce que je connais, et d'autant plus de ce qu'un objet si souverain renferme en soi-même. Je crains toujours mon insuffisance et je me plains de mes termes limités et de mes paroles impropres, je crains d'être plus audacieuse que je ne le dois en poursuivant ce qui excède tant mes forces; mais celles de l'obéissance me portent je ne sais avec quelle douce violence, qu'elles animent ma pusillanimité et qu'elles m'empêchent de me désister de mon entreprise, comme l'attentive considération de la grandeur de l'oeuvre et de la petitesse de mon discours le conseillerait. J'agis par obéissance et c'est par elle que me viennent tant de biens. Elle viendra la première pour me disculper.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 5, 426. Ma fille, je te veux studieuse et diligente à l'école de l'humilité, comme te l'enseignera tout le progrès de ma Vie; et tel doit être le premier et le dernier de tes soins, si tu veux te préparer pour les doux embrassements du Seigneur, t'assurer Ses faveurs et jouir des trésors de la Lumière cachée aux superbes (Matt. 11: 25); parce que sans la caution de l'humilité, de telles richesses ne peuvent être confiées à aucune créature. Je veux que toutes tes compétitions soient pour t'humilier toujours davantage en ta réputation et ton estime; et que tu sentes ce que tu fais dans les actions extérieures, afin de faire selon ce que tu penses de toi. Ce doit être une instruction et une confusion pour toi et pour toutes les âmes qui ont le Seigneur pour Père et pour Époux de voir que la présomption et l'orgueil sont plus puissants dans les enfants de la sagesse mondaine (Luc 16: que l'humilité et la science véritables dans les enfants de la Lumière. Considère l'étude, la sollicitude et la vigilance infatigables des hommes altiers et arrogants. Regarde leur émulation pour se faire valoir dans le monde, leurs prétentions jamais satisfaites quoique vaines; comment ils opèrent conformément à ce qu'ils présument trompeusement d'eux-mêmes; comment ils présument ce qu'ils ne sont point; et pendant qu'ils ne sont point tels qu'ils se croient, ou justement parce qu'ils ne le sont point; ils opèrent comme s'ils l'étaient, pour acquérir des biens qu'ils ne méritent point quoiqu'ils soient terrestres. Ce serait donc un affront et une
confusion pour les élus que l'erreur puisse faire plus avec les enfants de perdition que la vérité en eux; et qu'ils soient si rares dans le monde ceux qui veulent rivaliser dans le service de leur Dieu et leur Créateur avec ceux qui servent la vanité, et que tous étant appelés il y en ait si peu d'élus (Matt. 20: 16).
4, 5, 427. Tâche donc, Ma fille, de gagner cette science et d'y remporter la palme sur les enfants des ténèbres et considère ce que je fis en contre-apposition de leur orgueil pour le vaincre dans le monde par le désir de l'humilité. En cela le Seigneur et moi Nous te voulons très sage et très capable. Ne perds jamais l'occasion de faire les oeuvres humbles et ne consens jamais à ce que personne te les ravisse; et si les occasions de t'humilier te manquent ou bien si elles ne sont pas assez fréquentes, cherche-les et demande à Dieu qu'Il te les donne; parce que Sa Majesté aime à voir cette sollicitude et cette émulation en ce qu'Il désire. Et seulement pour ce bon plaisir du Seigneur tu dois être très officieuse et très diligente comme fille de Sa maison, Sa domestique et Son épouse: car en cela aussi l'ambition humaine t'enseignera à n'être point négligente. Considère la fatigue qu'une femme prend dans sa maison et sa famille pour accroître et avancer sa fortune, ne perdant aucune occasion pour la faire valoir, rien ne lui paraît de trop, et s'il arrive que quelque chose se perde si petite soit-elle (Luc 15: , elle en sent du déplaisir. Tout cela marque la cupidité mondaine, et il n'est pas raisonnable que la Sagesse du Ciel soit plus stérile par la négligence de celui qui la reçoit. Et ainsi Je veux qu'il ne se trouve en toi ne négligence ni oubli en ce qui t'importe si fort et que tu ne perdes aucune occasion où tu puisses t'humilier et travailler pour la gloire de ton Seigneur, mais que tu les procures et les cherches et que tu fasses ton profit de toutes, comme fille et épouse très fidèle, afin que tu trouves grâce aux yeux du Seigneur et aux miens comme tu le désires.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 5, [a]. C'était se prosterner en même temps devant le Verbe Incarné et présent dans le sein de l'Auguste Vierge-Mère. Du reste, Jacob aussi se prosterna devant Essaü et Esther devant Assuérus, sans que cela doive être taxé d'adoration. C'est un acte de vénération plus ou moins grand selon la dignité que l'on connaît dans la personne que l'on vénère.
4, 5, b]. Ceux qui voudraient trouver à redire à cette description minutieuse de notre Vénérable ressemblerait à cette Michol, fille de Saül, qui regarda d'un oeil de mépris le roi David parce qu'il dansait devant l'Arche du Seigneur. [2 Rois 6: 16].
4, 5, [c]. La vie des saints les plus favorisés de Dieu nous fournit des exemples analogues à celui dont parle ici la Vénérable.
4, 5, [d]. Voir de Geramb, Pèlerinage à Jérusalem, lettre 38.
4, 5, [e]. Livre 3, No. 227.
4, 5, [f]. Livre 4, No. 401.
4, 5, [g]. Livre 6, Nos. 1038, 1109 et ailleurs.
Saint Joseph détermine de servir en tout la Très Sainte Marie et ce que fit son Altesse; et certaines choses qu'ils observaient dans leur manière de procéder.
4, 5, 418. Le très fidèle époux Joseph demeura avec une idée si haute et si digne de son Épouse la Très Sainte Marie, après que sa dignité lui eut été révélée en même temps que le Mystère de l'Incarnation, qu'il fut changé en un nouvel homme, quoiqu'il eût toujours été très saint et très parfait: il se détermina alors àagir envers la divine Souveraine avec une manière et une révérence nouvelles, comme je le dirai plus loin. Et cela était conforme àla sagesse du saint et dû à l'excellence de son Épouse; puisqu'il était serviteur et l'Auguste Marie, Maîtresse du Ciel et de la terre; et c'est ce que saint Joseph connut à la Lumière divine. Et pour satisfaire à son affection, honorant et vénérant Celle qu'il connaissait comme Mère de Dieu même, lorsqu'il lui parlait étant seuls tous les deux, ou lorsqu'il passait devant Elle, il lui faisait la génuflexion [a] avec grand respect, et il ne voulait point consentir à ce qu'Elle le servît, voulant qu'Elle songeât à son autorité, il ne voulait pas non plus qu'Elle s'occupât à des offices humbles, comme de balayer la maison, de laver la vaisselle, et d'autres choses semblables: parce que le très heureux époux voulait faire toutes ces oeuvres serviles, afin de ne point déroger à la dignité de la Reine.
4, 5, 419. Mais la divine Souveraine, qui était très humble entre les humbles et que nul ne pouvait vaincre en humilité, disposa les choses de manière que la palme de toutes les vertus demeura toujours entre ses mains. Elle demanda à saint Joseph de ne point lui rendre cette révérence de fléchir le genou en sa présence; car quoiqu'il dût cette révérence au Seigneur qu'Elle portait dans son sein, toutefois pendant qu'Il y était et qu'Il ne se manifestait pas, on ne pouvait distinguer dans cet acte, la personne de Jésus-Christ de la sienne. Et par cette persuasion le saint se conforma au goût de la Reine du Ciel, et il rendait ce culte au Seigneur qu'Elle portait dans ses entrailles seulement lorsqu'Elle ne l'apercevait pas et il faisait de même pour la Mère respectivement, selon ce qui était dû à chacun. Ils eurent ensemble d'humbles disputes pour l'exercice des autres actions et des oeuvres
serviles. Parce que saint Joseph ne pouvait se vaincre à consentir que la grande Reine et Souveraine les fit, et pour cela il tâchait d'anticiper. La divine Épouse faisait la même chose, les lui prenant des mains autant qu'Elle pouvait [b. Mais comme saint Joseph pouvait prévenir plusieurs de ces oeuvres serviles dans le temps qu'Elle passait dans sa retraite, il lui frustrait ses désirs continuels d'être servante et de faire tout le service domestique de sa maison comme telle. Blessée dans ses affections la divine Dame eut recours à Dieu avec d'humbles plaintes et Elle Le pria d'obliger effectivement saint Joseph de ne point l'empêcher d'exercer l'humilité comme Elle le désirait. Et comme cette vertu est si puissante au tribunal Divin et qu'elle y a entrée libre, il n'y a point de demande qui soit petite (Eccli. 35: 21) accompagnée de cette vertu, car elle les rend toutes grandes et elle incline l'Etre immuable de Dieu à la clémence. Il écouta cette prière et il disposa que l'Ange gardien du Saint lui parlât intérieurement et lui dît les paroles suivantes: «Ne frustre point les humbles désirs de Celle qui est supérieure à toutes les créatures du Ciel et de la terre; donne lieu à l'extérieur à ce qu'Elle te serve, et dans l'intérieur garde-lui un respect souverain, et en tout temps et en tout lieu rends l'adoration due au Verbe fait chair, dont la Volonté est de venir servir avec Sa divine Mère et non d'être servi (Matt. 20: 28), pour enseigner au monde la science de la vie et l'excellence de l'humilité. Tu peux l'aider en quelque chose du travail, et vénère toujours en Elle le Seigneur de toutes les créatures.»
4, 5, 420. Avec cette instruction et ce commandement du Très-Haut, saint Joseph donna lieu aux exercices humbles de la divine Princesse et ils eurent tous deux l'occasion d'offrir au Seigneur un sacrifice acceptable de leur volonté: la très sainte Marie en mettant toujours à profit sa très profonde humilité et son obéissance envers son époux dans tous les actes de ces vertus qu'Elle exerçait avec une perfection héroïque, sans en omettre aucun, qu'Elle pût faire; et saint Joseph en obéissant au Très-Haut avec une prudente et sainte confusion, qui lui était occasionnée en ce qu'il se voyait assisté et servi par Celle qu'il reconnaissait pour sa Maîtresse et la Maîtresse de toutes les créatures, la Mère de Dieu, du Créateur même. Le prudent saint Joseph compensait avec ce motif pour l'humilité qu'il ne pouvait exercer en d'autres actes qu'il remettait à son Épouse; parce que cela l'humiliait et l'obligeait davantage à s'abaisser dans son estime avec une plus grande crainte révérencielle; et il regardait avec cette crainte la Très Sainte Marie et en Elle le Seigneur qu'Elle portait dans son sein Virginal, où il L'adorait, Lui donnant gloire et magnificence. Et quelquefois en récompense de sa sainteté et de
son respect, ou pour un plus grand motif de l'une et de l'autre, le même Enfant Dieu Incarné lui était manifesté d'une manière admirable et il Le regardait dans le sein de Sa Très Pure Mère comme à travers un miroir très clair [c]. Et l'Auguste Reine traitait et conférait plus familièrement avec le glorieux saint des Mystères de l'Incarnation, car Elle ne craignait plus de faire ces divines conférences depuis que le très heureux époux avait été illustré et informé des sacrements magnifiques de l'union hypostatique des deux natures Divine et humaine dans le sein Virginal de son Épouse.
4, 5, 421. Aucune langue humaine n'est capable de manifester les conversations et les entretiens célestes que la Très Sainte Marie avait avec le Bienheureux Saint Joseph. J'en dirai quelque chose comme je le pourrai dans les chapitres suivants. Mais qui pourra déclarer les effets que produisaient dans le coeur très doux et très dévot de ce saint, non-seulement d'être l'époux de Celle qui était la vraie Mère de son Créateur, mais aussi de se trouver servi par Elle comme si Elle eût été une humble esclave et la considérant dans un degré de sainteté et de dignité au-dessus des suprêmes Séraphins et inférieure à Dieu seul. Et si la Divine droite enrichit de bénédiction la maison et la personne d'Obédédom (1 Par. 13: 14) pour avoir hospitalisé l'Arche figurative de l'Ancien Testament pendant quelques mois; quelles bénédictions ne furent-elles pas données à saint Joseph à qui avait été confiée l'Arche véritable et le Législateur même qui y était renfermé. Le bonheur et la félicité de ce saint furent incomparables! Et non seulement parce qu'il avait dans sa maison l'Arche vivante et véritable du nouveau Testament, l'autel, le Sacrifice et le Temple, car tout lui fut livré; mais pour qu'il l'eut dignement comme serviteur fidèle et prudent, il fut constitué (Matt. 24: 45) par le Seigneur même sur sa Famille, afin qu'il subvînt à tout en temps opportun, comme dispensateur très fidèle. Que toutes les nations et les générations le connaissent et le bénissent, que tous annoncent ses louanges; puisque le Seigneur n'a fait avec aucune d'elles (Ps. 147: 20) ce qu'il a fait avec saint Joseph. Moi indigne et pauvre vermisseau à la lumière de secrets si vénérables, j'exalte et magnifie ce Seigneur Dieu, le confessant pour Saint, Juste et Miséricordieux, Sage et Admirable dans la disposition de toutes Ses grandes Oeuvres.
4, 5, 422. L'humble mais heureuse maison de saint Joseph était distribuée en trois pièces [d] dans lesquelles elle consistait presque tout entière, pour l'habitation
ordinaire des deux Époux, parce qu'ils n'eurent aucun serviteur ni aucune servante. Dans une pièce, saint Joseph dormait; dans l'autre il travaillait et avait les instruments de son métier de charpentier; dans le troisième demeurait d'ordinaire et dormait la Reine des Cieux et Elle y avait pour cela un petit lit fait de la main de saint Joseph; et ils gardèrent cet ordre depuis le commencement qu'ils se marièrent et vinrent dans leur maison. Avant que le saint époux sut la dignité de son Auguste Dame, il allait très rarement la voir, car tant qu'Elle ne sortait point de sa retraite il s'occupait à ses ouvrages, à moins qu'il n'y eut quelque affaire sur laquelle il fut très nécessaire de la consulter. Mais après qu'il fut informé de la cause de sa félicité, le saint homme était très officieux et pour renouveler sa consolation, il venait d'ordinaire très souvent à la retraite de l'Auguste Souveraine pour la visiter et savoir ce qu'Elle lui commandait. Mais il s'approchait toujours avec une humilité extrême et une crainte révérencielle; et avant de lui parler, il reconnaissait silencieusement l'occupation qu'avait la divine Reine: et souvent il la voyait en extase élevée de terre et remplie de lumière éclatante; d'autres fois en compagnie des ses saints Anges en colloques divins avec eux; d'autres fois prosternée en terre en forme de croix et parlant avec le Seigneur. Le très heureux Joseph fut participant de toutes ces faveurs. Mais quand la grande Reine était dans cette disposition et ces occupations, il ne s'enhardissait pas davantage qu'à la regarder avec un respect profond; et il méritait parfois d'entendre une harmonie et une musique céleste très douce que les Anges faisaient à leur Reine; et de percevoir une odeur admirable qui le confortait et tout cela le remplissait de joie et d'allégresse spirituelle.
4, 5, 423. Les deux saints Époux vivaient seuls dans leur maison; parce qu'ils n'avaient aucun domestique, comme je l'ai dit, non-seulement à cause de leur profonde humilité, mais cela fut aussi convenable, afin qu'il n'y eût point de témoins de merveilles aussi visibles comme celles qui arrivaient entre eux, auxquelles ceux du dehors ne devaient point participer. La Princesse du Ciel ne sortait point non plus de sa maison, si ce n'était pour une cause très urgente du service de Dieu et du bénéfice du prochain; parce que si quelque chose était nécessaire, cette heureuse femme sa voisine l'apportait, la même que j'ai dit [e] qui servit saint Joseph pendant que la Très Sainte Marie fut à la maison de Zacharie: et elle reçu un si bon retour de ses services que non-seulement elle fut sainte et parfaite, mais toute sa maison et sa famille fut bien fortunée par la protection de la Reine et la Maîtresse du monde qui prit beaucoup de soin de cette femme laquelle
étant voisine, l'Auguste Marie vint la soigner dans quelque maladies, et enfin Elle la remplit ainsi que tous les siens des bénédictions du Ciel.
4, 5, 424. Saint Joseph ne vit jamais dormir sa divine Épouse et il ne sut pas par expérience si Elle dormait; quoique le saint la priât de prendre quelque repos, surtout dans le temps de sa grossesse sacrée. Le lieu du repos de la Princesse était le lit que j'ai déjà dit, fait des mains de saint Joseph et Elle y avait deux couvertures entre lesquelles Elle se couchait pour prendre quelque court et saint sommeil. Son vêtement de dessous était une tunique ou chemise de toile comme du coton, plus douce que le linge commun et ordinaire. Après qu'Elle fut sortie du Temple, Elle ne changea jamais cette tunique qui ne vieillit jamais ni ne fut jamais tachée et personne ne la vit, et saint Joseph ne sut pas qu'Elle la portait; parce qu'il ne voyait que le vêtement extérieur qui était manifeste à tous les autres. Ce vêtement extérieur était couleur de cendre comme je l'ai dit [f], et la grande Dame du Ciel ne changeait que celui-ci et les poignets; non qu'ils fussent salis, au contraire parce qu'étant visibles à tous, ceux-ci ne pussent remarquer qu'ils étaient toujours dans une même état. Rien de ce qu'Elle portait sur son corps Virginal et très Pur ne fut taché ni sali car Elle ne transpirait point et Elle n'était point sujette aux incommodités que souffrent les corps sujets au péché des enfants d'Adam. Elle était très pure en tout et les ouvrages de ses mains étaient faits avec une correction et une netteté souveraines, et c'était avec la même propreté qu'Elle préparait les habits et les autres choses nécessaires à saint Joseph. Sa nourriture était très peu de chose et très limitée; mais Elle mangeait chaque jour et avec le Saint. Jamais Elle ne mangeait de viande, quoique son époux en mangeât et Elle lui en préparait. Son aliment consistait en quelques fruits, du poisson, du pain ordinaire et des herbes cuites; mais Elle prenait de tout cela avec poids et mesure et de la chaleur naturelle, sans que rien ne surpassât ou n'excédât en devenant une corruption nuisible, et c'était la même chose du boire, quoiqu'il lui vînt quelque ardeur plus que naturelle de ses actes très fervents. Elle garda toujours cet ordre dans la quantité de la nourriture, mais dans la qualité Elle le varia et le changea selon les différents événements de sa très sainte Vie, comme je le dirai plus loin [g].
4, 5, 425. La Très Pure Marie fut en tout d'une perfection consommée, sans qu'aucune grâce ne lui manquât et toutes étant dans la plénitude de perfection
consommée, dans le naturel et le surnaturel. Seulement les paroles me manquent pour l'expliquer: et elles ne me satisfont jamais, voyant combien elles restent éloignées de ce que je connais, et d'autant plus de ce qu'un objet si souverain renferme en soi-même. Je crains toujours mon insuffisance et je me plains de mes termes limités et de mes paroles impropres, je crains d'être plus audacieuse que je ne le dois en poursuivant ce qui excède tant mes forces; mais celles de l'obéissance me portent je ne sais avec quelle douce violence, qu'elles animent ma pusillanimité et qu'elles m'empêchent de me désister de mon entreprise, comme l'attentive considération de la grandeur de l'oeuvre et de la petitesse de mon discours le conseillerait. J'agis par obéissance et c'est par elle que me viennent tant de biens. Elle viendra la première pour me disculper.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 5, 426. Ma fille, je te veux studieuse et diligente à l'école de l'humilité, comme te l'enseignera tout le progrès de ma Vie; et tel doit être le premier et le dernier de tes soins, si tu veux te préparer pour les doux embrassements du Seigneur, t'assurer Ses faveurs et jouir des trésors de la Lumière cachée aux superbes (Matt. 11: 25); parce que sans la caution de l'humilité, de telles richesses ne peuvent être confiées à aucune créature. Je veux que toutes tes compétitions soient pour t'humilier toujours davantage en ta réputation et ton estime; et que tu sentes ce que tu fais dans les actions extérieures, afin de faire selon ce que tu penses de toi. Ce doit être une instruction et une confusion pour toi et pour toutes les âmes qui ont le Seigneur pour Père et pour Époux de voir que la présomption et l'orgueil sont plus puissants dans les enfants de la sagesse mondaine (Luc 16: que l'humilité et la science véritables dans les enfants de la Lumière. Considère l'étude, la sollicitude et la vigilance infatigables des hommes altiers et arrogants. Regarde leur émulation pour se faire valoir dans le monde, leurs prétentions jamais satisfaites quoique vaines; comment ils opèrent conformément à ce qu'ils présument trompeusement d'eux-mêmes; comment ils présument ce qu'ils ne sont point; et pendant qu'ils ne sont point tels qu'ils se croient, ou justement parce qu'ils ne le sont point; ils opèrent comme s'ils l'étaient, pour acquérir des biens qu'ils ne méritent point quoiqu'ils soient terrestres. Ce serait donc un affront et une
confusion pour les élus que l'erreur puisse faire plus avec les enfants de perdition que la vérité en eux; et qu'ils soient si rares dans le monde ceux qui veulent rivaliser dans le service de leur Dieu et leur Créateur avec ceux qui servent la vanité, et que tous étant appelés il y en ait si peu d'élus (Matt. 20: 16).
4, 5, 427. Tâche donc, Ma fille, de gagner cette science et d'y remporter la palme sur les enfants des ténèbres et considère ce que je fis en contre-apposition de leur orgueil pour le vaincre dans le monde par le désir de l'humilité. En cela le Seigneur et moi Nous te voulons très sage et très capable. Ne perds jamais l'occasion de faire les oeuvres humbles et ne consens jamais à ce que personne te les ravisse; et si les occasions de t'humilier te manquent ou bien si elles ne sont pas assez fréquentes, cherche-les et demande à Dieu qu'Il te les donne; parce que Sa Majesté aime à voir cette sollicitude et cette émulation en ce qu'Il désire. Et seulement pour ce bon plaisir du Seigneur tu dois être très officieuse et très diligente comme fille de Sa maison, Sa domestique et Son épouse: car en cela aussi l'ambition humaine t'enseignera à n'être point négligente. Considère la fatigue qu'une femme prend dans sa maison et sa famille pour accroître et avancer sa fortune, ne perdant aucune occasion pour la faire valoir, rien ne lui paraît de trop, et s'il arrive que quelque chose se perde si petite soit-elle (Luc 15: , elle en sent du déplaisir. Tout cela marque la cupidité mondaine, et il n'est pas raisonnable que la Sagesse du Ciel soit plus stérile par la négligence de celui qui la reçoit. Et ainsi Je veux qu'il ne se trouve en toi ne négligence ni oubli en ce qui t'importe si fort et que tu ne perdes aucune occasion où tu puisses t'humilier et travailler pour la gloire de ton Seigneur, mais que tu les procures et les cherches et que tu fasses ton profit de toutes, comme fille et épouse très fidèle, afin que tu trouves grâce aux yeux du Seigneur et aux miens comme tu le désires.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 5, [a]. C'était se prosterner en même temps devant le Verbe Incarné et présent dans le sein de l'Auguste Vierge-Mère. Du reste, Jacob aussi se prosterna devant Essaü et Esther devant Assuérus, sans que cela doive être taxé d'adoration. C'est un acte de vénération plus ou moins grand selon la dignité que l'on connaît dans la personne que l'on vénère.
4, 5, b]. Ceux qui voudraient trouver à redire à cette description minutieuse de notre Vénérable ressemblerait à cette Michol, fille de Saül, qui regarda d'un oeil de mépris le roi David parce qu'il dansait devant l'Arche du Seigneur. [2 Rois 6: 16].
4, 5, [c]. La vie des saints les plus favorisés de Dieu nous fournit des exemples analogues à celui dont parle ici la Vénérable.
4, 5, [d]. Voir de Geramb, Pèlerinage à Jérusalem, lettre 38.
4, 5, [e]. Livre 3, No. 227.
4, 5, [f]. Livre 4, No. 401.
4, 5, [g]. Livre 6, Nos. 1038, 1109 et ailleurs.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 6
Quelques conférences et quelques entretiens de la Très Sainte Marie et de saint Joseph sur les choses divines et d'autres événements admirables.
4, 6, 428. Avant que saint Joseph eut connu le Mystère de l'Incarnation, la Princesse du Ciel avait coutume de lui lire en certains moments opportuns les divines Écritures, spécialement les Psaumes et d'autres Prophètes, et Elle les lui expliquait comme Maîtresse très sage et le saint époux qui était aussi capable de cette Sagesse, l'interrogeait sur plusieurs choses, et il avait de l'admiration et de la consolation des réponses divines que son épouse lui donnait, ainsi ils bénissaient et louaient alternativement le Seigneur. Mais après que ce béni saint fut éclairé par la connaissance du Mystère divine, notre Reine lui parlait comme à celui qui était élu pour être le coadjuteur des oeuvres et des mystères admirables de notre réparation et ils conféraient avec une plus grande clarté et de plus grands développements de toutes les Prophètes et de tous les oracles divins touchant la conception du Verbe par une Mère Vierge, Sa naissance, Son éducation et Sa Très Sainte Vie. Son Altesse lui expliquait tout, conférant d'avance sur ce qu'ils devaient faire lorsqu'arriverait le jour si désiré où l'Enfant viendrait au monde, qu'Elle l'aurait dans ses bras et qu'Elle l'alimenterait de son lait Virginal et que le saint époux participerait de cette félicité souveraine entre tous les mortels. Seulement Elle parlait moins de Sa Passion et de Sa Mort et de ce qu'Isaïe et Jérémie écrivirent sur ce sujet (Is. 53: 7; Jér. 11: 19); il semblait à la prudente Reine qu'il n'était pas à propos d'affliger son époux qui était d'un coeur doux et sensible en anticipant ce souvenir, ni de l'informer davantage outre ce qu'il pouvait savoir par les conférences qui se faisaient parmi les anciens sur la venue du Messie et comment Elle devait s'opérer. La Très Prudente Vierge voulut aussi attendre que le Seigneur le manifestât à Son serviteur ou qu'Elle connût Sa Divine Volonté.
4, 6, 429. Et le très fidèle et très heureux Joseph était tout enflammé par ces conférences et ces douces conversations et avec des larmes de joie il disait à sa divine Épouse: «Est-il possible, Madame, que je doive voir mon Dieu et mon Réparateur dans Vos très chastes bras? Que je l'y adorerai, que je l'écouterai et
que je le toucherai! Que mes yeux verront Son Divin visage et que la sueur du mien sera si fortunée que d'être employée à Son entretien et à Son Divin service? que nous Lui parlerons et que nous converserons avec Lui? D'où me vient à moi une fortune si grande, que personne ne peut la mériter? Oh! que je m'afflige d'être si pauvre! Qui aurait de riches palais pour Le recevoir et beaucoup de trésors à Lui offrir?» L'auguste Reine répondait: «Mon seigneur et Mon époux, il est juste que votre affection et votre sollicitude s'étendent à tout ce qui est possible pour le service de votre Créateur. Mais ce grand Dieu et notre Seigneur ne veut pas venir au monde au milieu des richesses et de la majesté royale et pompeuse; parce qu'Il n'a pas besoin d'aucune de ces choses (Ps. 15: 2) et Il ne descendrait pas pour elles des cieux sur la terre. Il vient seulement pour racheter le monde et diriger les hommes par les droits sentiers de la Vie Éternelle (Jean 10: 10); et cela doit être par le moyen de l'humilité et de la pauvreté, et Il veut naître, vivre et mourir dans cette pauvreté, pour déraciner des coeurs la lourde cupidité et l'arrogance qui empêchent leur bonheur. Pour cela Il a choisi notre pauvre et humble maison et Il ne nous veut point riches des biens faux, apparents et transitoires qui sont vanité de vanités et affliction d'esprit (Eccles. 1: 14): qui oppriment et obscurcissent l'entendement pour connaître et pénétrer la Lumière.»
4, 6, 430. D'autres fois, le saint demandait à la très pure Dame de lui enseigner les qualités et l'usage des vertus, spécialement de l'amour de Dieu, pour savoir comment il devait agir envers le Très-Haut fait homme, et pour n'être point réprouvé comme serviteur inutile et incapable de Le servir. La Reine et Maîtresse des vertus condescendait à ces demandes et Elle expliquait ces vertus à son époux, ainsi que la manière de les exercer avec toute plénitude de perfection. Mais en toutes ces instructions elle procédait avec une humilité et une discrétion si rares qu'Elle ne paraissait pas Maîtresse, même de son propre époux, quoiqu'Elle le fût; au contraire Elle disposait cela par manière de conférence, ou en s'adressant au Seigneur et d'autres fois en interrogeant saint Joseph et l'informant avec les questions mêmes; et en tout Elle laissait toujours sauve sa très profonde humilité, sans qu'il s'y trouvât jamais même un geste qui y fût contraire dans la très prudente Souveraine. C'étaient parfois ces entretiens et d'autres fois la lecture des saintes Écritures qui se mêlaient au travail corporel lorsqu'il était indispensable de s'y appliquer. Et quoique saint Joseph eût pu être soulagé par la compassion de la très aimable Dame qui le lui témoignait avec une rare discrétion de le voir travailler et se fatiguer; néanmoins à cette consolation s'ajoutait la céleste Doctrine, avec
l'attention de laquelle l'heureux saint travaillait plus avec les vertus qu'avec les mains. Et la très douce Colombe avec une prudence de Vierge très sage l'assistait de ce divin aliment, lui déclarant le très heureux fruit des travaux. Et comme dans son estime Elle se jugeait indigne de ce que son époux la sustentât par ce moyen, dans cette considération, Elle était toujours humiliée, comme étant débitrice des sueurs de saint Joseph, et Elle les recevait comme une grande aumône et une faveur libérale. Toutes ces raison l'obligeaient comme si Elle eût été la créature la plus inutile de la terre. Et quoiqu'Elle ne pouvait pas aider le saint dans le travail de son métier parce qu'il n'est pas proportionné aux forces des femmes et beaucoup moins à la modestie et à la réserve de la divine Reine, néanmoins en ce qui lui convenait, Elle le servait comme une humble domestique et il n'était pas possible que sa discrète humilité et la reconnaissance qu'Elle avait pour saint Joseph souffrissent une moindre correspondance de son coeur très noble.
4, 6, 431. Entre autres choses visibles miraculeuses qui furent manifestées à saint Joseph avec les conversations de la Très Sainte Marie, il arriva un jour dans ce temps de sa grossesse qu'il vint beaucoup d'oiseaux de différentes sortes fêter la Reine et la Maîtresse des créatures [a] et l'entourant comme en lui faisant un choeur, ils chantèrent avec une harmonie admirable, comme ils avaient coutume d'autres fois; et c'étaient toujours des cantiques miraculeux comme de venir visiter la divine souveraine. Saint Joseph n'avait jamais vu cette merveille jusqu'à ce jour; et rempli d'admiration et de joie il dit à son Auguste Épouse: «Est-il possible, Madame, que les simples oiseaux et les créatures sans raison accomplissent mieux leurs obligations que moi! Car si elles Vous reconnaissent, Vous servent et Vous révèrent en ce qu'elles peuvent, il sera juste que moi j'accomplisse ce que je dois en justice.» La très pure Vierge lui répondit: «Mon seigneur, en ce que font les oiseaux du ciel, leur Auteur nous offre un motif efficace pour que nous qui Le connaissons, nous fassions un digne emploi de toutes nos forces et de toutes no puissances à Sa louange, comme ils viennent Le reconnaître dans mon sein; mais je suis créature et pour cela le respect ne m'est pas dû à moi, il n'est pas juste que je l'accepte; mais je dois tâcher que tous louent le Très-Haut; parce qu'il a regardé Sa servante (Luc 1: 48) et il m'a enrichie des Trésors de Sa Divinité.
4, 6, 432. Il arriva aussi très souvent que la divine Dame et son époux saint Joseph se trouvaient très pauvres et destitués du secours nécessaire pour la vie:
parce qu'ils étaient très libéraux envers les pauvres de ce qu'ils avaient et ils n'étaient jamais soucieux (Matt. 6: 25), comme les enfants de ce siècle, afin de pourvoir à la nourriture et au vêtement avec les diligences anticipées de la cupidité méfiante; et le Seigneur disposait que la foi et la patience de Sa Très Sainte Mère et de saint Joseph ne fussent pas oisives, et comme ces nécessités étaient pour la divine Dame d'une consolation incomparable, non seulement à cause de son amour pour la pauvreté, mais aussi à cause de son humilité prodigieuse, avec laquelle Elle se jugeait indigne du soutien nécessaire pour vivre, et il lui paraissait très juste qu'il manquât à Elle seule comme à Celle qui ne le méritait pas; et avec cette confession Elle bénissait le Seigneur dans sa pauvreté; et seulement pour son époux Joseph qu'Elle réputait digne, comme saint et juste, Elle demandait au Très-Haut de lui donner dans la nécessité le secours qu'il attendait de Sa main. Le Tout-Puissant n'oubliait point Ses pauvres jusqu'à la fin (Ps. 73: 19), parce qu'en donnant lieu au mérite et à l'exercice, Il donnait aussi l'aliment dans le temps le plus opportun (Ps. 144: 15). Et Sa divine Providence le disposait de différentes manières. Quelquefois Il mouvait le coeur des voisins et des connaissances de la Très Sainte Marie et du glorieux saint Joseph et Il les portait à les secourir par quelque don gracieux ou quelque dette. D'autres fois et le plus ordinairement, sainte Élisabeth les secourait de sa maison; car depuis qu'elle avait eu la Reine du Ciel dans sa maison, la très dévote Matrone demeura avec ce souci de les secourir à temps par quelques bienfaits et quelques dons, à quoi l'humble Princesse correspondait toujours par quelque ouvrage de ses mains. En certaines occasions opportunes, Elle se servait aussi pour la plus grande gloire du Très-Haut de la Puissance que comme Maîtresse des créatures Elle avait sur celles-ci et Elle demandait aux oiseaux de l'air, de lui apporter des poissons de la mer ou des fruits des champs et ils l'exécutaient à point: et quelquefois ils lui portaient du pain dans leur bec de là où le Seigneur le disposait. Et souvent le saint et heureux époux était témoin de tout cela.
4, 6, 433. En certaines circonstances ils étaient aussi secourus d'une manière admirable par le moyen des saints Anges: et pour rapporter l'un des nombreux miracles qui arrivèrent à la Très Sainte Marie et à saint Joseph on doit dire d'abord que la grandeur d'âme, la foi et la libéralité du saint étaient si grandes qu'il ne put jamais entrer dans son affection ni mouvement de cupidité, ni aucune sollicitude. Et quoiqu'il travaillât de ses mains et sa divine Épouse aussi, ils ne demandaient jamais le prix de leurs ouvrages ni ils ne disaient: cela vaut tant, ni, vous devez me
donner tant; parce qu'ils faisaient les ouvrages non par intérêt; mais par obéissance et par charité pour ceux qui les demandaient, et ils laissaient à ceux-ci de donner quelque retour, le recevant non pas tant comme prix et paiement que comme aumône gratuite. Telles étaient la sainteté et la perfection que saint Joseph apprenait à l'École du Ciel, qu'il avait dans sa maison. Et de cette manière n'étant pas récompensés de leur travail, ils venaient à être dans la nécessité, et la nourriture et le soutien leur manquaient parfois, jusqu'à ce que le Seigneur y pourvût. Il arriva un jour que l'heure du repas ordinaire étant passée sans qu'ils eussent rien à manger et afin de rendre grâces au Seigneur pour cette affliction en attendant qu'Il ouvrît Sa puissante main (Ps. 144: 16), ils se mirent en oraison jusqu'à très tard, et pendant ce temps les saints Anges leur préparèrent le repas et leur mirent la table [c]; il y avait quelques fruits du pain très blanc et des poissons, et en outre une espèce de desserts ou de conserves d'une suavité et d'une vertu admirable. Puis quelques-uns des Anges allèrent appeler leur Reine et d'autres son époux saint Joseph. Ceux-ci sortirent de leur retraite et reconnaissant le bienfait du Ciel, il rendirent grâces au Très-Haut avec larmes et ferveur puis ils mangèrent; et ensuite ils firent des cantiques de louanges grandioses.
4, 6, 434. Plusieurs autres événements semblables à ceux-ci se passaient entre la Très Sainte Marie et son époux; car comme ils étaient seuls sans témoins, à qui cacher ces merveilles, le Seigneur ne les épargnait pas à leur égard, puisqu'ils étaient les dispensateurs de la plus grande des merveilles de Son bras Puissant. j'avertis seulement que lorsque je dis que la divine Dame faisait des cantiques de louange, ou par elle seule, ou bien ensemble avec saint Joseph et les Anges, on doit toujours entendre que c'étaient des cantiques nouveaux, comme celui (1 Rois 2: 1) que fit Anne, mère de Samuel, et ceux de Moïse (Deut. 32: 1; Ex. 15: 1), d'Ézéchiel (Is. 38: 10) et d'autres Prophètes (Is. 12: 1), lorsqu'ils avaient reçu quelque grand bienfait de la main du Seigneur. Et si ceux que la Reine du Ciel fit et composa étaient demeurés écrits, on pourrait en faire un grand volume qui serait un objet d'admiration incomparable pour le monde.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA MÊME REINE, NOTRE SOUVERAINE.
4, 6, 435. Ma fille très aimée, je veux que la science du Seigneur soit plusieurs fois renouvelée en toi, et qu'il y ait une science de vive voix (Sag. 1: 7) en toi, afin que tu connaisses et que les mortels connaissent la dangereuse erreur et le jugement pervers qu'ils forment, comme amateurs du mensonge (Ps. 4: 3) dans les choses temporelles et visibles. Qui est-ce parmi les hommes qui ne soit pas compris dans la fascination de la cupidité démesurée (Sag. 4: 12)? Tous généralement mettent leur confiance dans l'or (Bar. 3: 18) et les biens temporels, et pour les augmenter ils emploient toutes leurs sollicitudes dans les forces humaines; avec cela ils occupent dans ce pénible labeur la vie et le temps qui leur est donné pour mériter le bonheur et le repos éternel. Et ils se livrent de cette manière à ce labyrinthe et à ce souci, comme s'ils ne connaissaient point Dieu ni Sa Providence; parce qu'ils ne se souviennent pas de Lui demander ce qu'ils désirent, ni non plus ils ne le désirent point de manière qu'ils puissent le demander et l'espérer de Sa main. Et ainsi ils perdent tout, parce qu'ils se fient à la sollicitude du mensonge et de la tromperie (Ps. 48: 7) auxquels ils livrent l'effet de leurs désirs terrestres. Cette cupidité aveugle est la racine de tous les maux (1 Tim. 6: 10), parce que pour leur châtiment, le Seigneur indigné de tant de perversité, abandonne les mortels qui se livrent à un esclavage de cupidité si vilain et si servile où leurs entendements s'aveuglent et où leurs volontés s'endurcissent (Ps. 48: 13). Et ensuite pour leur plus grand châtiment le Très-Haut éloigne d'eux Sa vue, comme d'objets horribles et Il leur refuse Sa protection Paternelle, ce qui est la dernière infortune dans la vie humaine.
4, 6, 436. Et quoiqu'il soit vrai que personne ne peut se cacher (Ps. 138: 7) des yeux du Seigneur, néanmoins lorsque les prévaricateurs et les ennemis de Sa Loi le désobligent, il éloigne d'eux Son amoureux regard et l'attention de Sa Providence de telle manière, qu'ils viennent à rester aux mains de leur propre désir (Ps. 80: 13) et ils ne comprennent point ni n'obtiennent les effets du soin Paternel que le Seigneur a de ceux qui mettent toute leur confiance en Lui. Ceux qui la mettent dans leur propre sollicitude et dans l'or qu'ils touchent et qu'ils palpent cueillent le fruit de ce qu'ils espéraient. Mais autant l'Etre divin et Sa Puissance infinie sont éloignées de la vileté et de la limitation des mortels autant les effets de la cupidité humaine éloignent ceux de la Providence du Très-Haut qui Se constitue
le Refuge et la protection des humbles qui se confient en Lui (Ps. 17: 31), parce que Sa Majesté regarde ceux-ci avec tendresse et amour (Ps. 32: 18), Il Se complaît en eux, Il les place dans Son coeur et Il prête attention à tous leurs désirs et leurs sollicitudes (Ps. 9: 17). Nous étions pauvres, mon saint époux et moi et nous endurions en certains temps de grandes nécessités; mais aucune ne fut assez puissante pour faire entrer dans notre coeur la contagion de l'avarice ni de la cupidité. Nous prenions soin seulement de la gloire du Très-Haut, nous abandonnant à Sa sollicitude très fidèle et très amoureuse. Et Il Se tint pour si obligé de cela comme tu l'as compris et écrit, puisqu'Il remédiait à notre pauvreté de tant de manières différentes, jusqu'à commander aux esprits angéliques de nous assister, de nous pourvoir et de nous préparer le repas.
4, 6, 437. Je ne veux point dire par là que les mortels s'abandonnent à l'oisiveté et à la négligence; au contraire il est juste que tout le monde travaille; et il y a aussi un vice très répréhensible à ne point le faire. Mais ni le repos ni le travail ne doivent être désordonnés et la créature ne doit point mettre sa confiance dans sa propre sollicitude, ni celle-ci ne doit point étouffer ni empêcher l'Amour divin (Luc 8: 14); on ne doit pas non plus vouloir avoir plus que ce qui suffit pour passer la vie (Prov. 30: avec tempérance, ni non plus se persuader que pour l'obtenir la Providence du Créateur leur manquera et lorsqu'il semble tarder, on ne doit pas pour cela s'affliger et perdre confiance (Eccli. 2: 11). Et celui qui a l'abondance ne doit pas espérer en elle (Eccli. 31: ni se livrer à l'oisiveté pour oublier que l'homme est sujet à la peine du travail (Job 5: 7). Et ainsi l'abondance et la pauvreté doivent être attribuées à Dieu (Eccli. 11: 14) pour en user saintement et d'une manière ordonnée à la gloire du Créateur et gouverneur de toutes choses. Si les hommes se conduisaient avec cette science, l'assistance du Seigneur ne manquerait à personne, parce qu'Il est un vrai Père, la nécessité non plus ne serait pas un scandale pour le pauvre, ni la prospérité pour le riche. Je veux de toi, ma fille, l'exécution de cette Doctrine et quoiqu'en toi je la donne à tous, tu dois spécialement l'enseigner à tes sujettes, afin qu'elles ne se troublent point ni qu'elles perdent confiance à cause des nécessités qu'elles souffriront et qu'elles ne soient pas démesurément inquiètes du manger et du vêtement (Matt. 6: 25), mais qu'elles se confient dans le Très-Haut et qu'elles s'abandonnent à Sa Providence; parce que si elles Lui correspondent dans l'amour, je les assure que le nécessaire ne leur manquera jamais. Exhortes-les aussi à ce que leurs conversations et leurs entretiens roulent toujours sur des choses saintes et divines (1 Pet. 1: 15), et pour
la louange et la gloire du Seigneur selon la doctrine de Ses ministres, des Écritures et des Livres Saints, afin que leur conversation soit dans les Cieux (Phil. 3: 20) avec le Très-Haut et avec moi, qui suis leur Mère et leur Supérieure, et avec les esprits angéliques pour qu'elles leur soient semblables dans l'amour.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 6, [a]. Nous avons déjà justifié ailleurs de semblables prodiges par l'Histoire des Saints et les raisons théologiques.
4, 6, [b. Ainsi faisait le corbeau avec saint Paul, premier ermite, lui apportant la moitié d'un pain pendant cinquante ans, comme le racontent saint Jérôme et saint Athanase dans la vie de saint Antoine. Marie et Joseph étaient encore plus précieux aux yeux de Dieu que ce bon saint.
4, 6, [c]. Il n'y a rien d'invraisemblable en cela: les Anges firent la même chose plus tard envers Jésus-Christ dans le désert comme le racontent saint Matthieu et saint Marc.
Quelques conférences et quelques entretiens de la Très Sainte Marie et de saint Joseph sur les choses divines et d'autres événements admirables.
4, 6, 428. Avant que saint Joseph eut connu le Mystère de l'Incarnation, la Princesse du Ciel avait coutume de lui lire en certains moments opportuns les divines Écritures, spécialement les Psaumes et d'autres Prophètes, et Elle les lui expliquait comme Maîtresse très sage et le saint époux qui était aussi capable de cette Sagesse, l'interrogeait sur plusieurs choses, et il avait de l'admiration et de la consolation des réponses divines que son épouse lui donnait, ainsi ils bénissaient et louaient alternativement le Seigneur. Mais après que ce béni saint fut éclairé par la connaissance du Mystère divine, notre Reine lui parlait comme à celui qui était élu pour être le coadjuteur des oeuvres et des mystères admirables de notre réparation et ils conféraient avec une plus grande clarté et de plus grands développements de toutes les Prophètes et de tous les oracles divins touchant la conception du Verbe par une Mère Vierge, Sa naissance, Son éducation et Sa Très Sainte Vie. Son Altesse lui expliquait tout, conférant d'avance sur ce qu'ils devaient faire lorsqu'arriverait le jour si désiré où l'Enfant viendrait au monde, qu'Elle l'aurait dans ses bras et qu'Elle l'alimenterait de son lait Virginal et que le saint époux participerait de cette félicité souveraine entre tous les mortels. Seulement Elle parlait moins de Sa Passion et de Sa Mort et de ce qu'Isaïe et Jérémie écrivirent sur ce sujet (Is. 53: 7; Jér. 11: 19); il semblait à la prudente Reine qu'il n'était pas à propos d'affliger son époux qui était d'un coeur doux et sensible en anticipant ce souvenir, ni de l'informer davantage outre ce qu'il pouvait savoir par les conférences qui se faisaient parmi les anciens sur la venue du Messie et comment Elle devait s'opérer. La Très Prudente Vierge voulut aussi attendre que le Seigneur le manifestât à Son serviteur ou qu'Elle connût Sa Divine Volonté.
4, 6, 429. Et le très fidèle et très heureux Joseph était tout enflammé par ces conférences et ces douces conversations et avec des larmes de joie il disait à sa divine Épouse: «Est-il possible, Madame, que je doive voir mon Dieu et mon Réparateur dans Vos très chastes bras? Que je l'y adorerai, que je l'écouterai et
que je le toucherai! Que mes yeux verront Son Divin visage et que la sueur du mien sera si fortunée que d'être employée à Son entretien et à Son Divin service? que nous Lui parlerons et que nous converserons avec Lui? D'où me vient à moi une fortune si grande, que personne ne peut la mériter? Oh! que je m'afflige d'être si pauvre! Qui aurait de riches palais pour Le recevoir et beaucoup de trésors à Lui offrir?» L'auguste Reine répondait: «Mon seigneur et Mon époux, il est juste que votre affection et votre sollicitude s'étendent à tout ce qui est possible pour le service de votre Créateur. Mais ce grand Dieu et notre Seigneur ne veut pas venir au monde au milieu des richesses et de la majesté royale et pompeuse; parce qu'Il n'a pas besoin d'aucune de ces choses (Ps. 15: 2) et Il ne descendrait pas pour elles des cieux sur la terre. Il vient seulement pour racheter le monde et diriger les hommes par les droits sentiers de la Vie Éternelle (Jean 10: 10); et cela doit être par le moyen de l'humilité et de la pauvreté, et Il veut naître, vivre et mourir dans cette pauvreté, pour déraciner des coeurs la lourde cupidité et l'arrogance qui empêchent leur bonheur. Pour cela Il a choisi notre pauvre et humble maison et Il ne nous veut point riches des biens faux, apparents et transitoires qui sont vanité de vanités et affliction d'esprit (Eccles. 1: 14): qui oppriment et obscurcissent l'entendement pour connaître et pénétrer la Lumière.»
4, 6, 430. D'autres fois, le saint demandait à la très pure Dame de lui enseigner les qualités et l'usage des vertus, spécialement de l'amour de Dieu, pour savoir comment il devait agir envers le Très-Haut fait homme, et pour n'être point réprouvé comme serviteur inutile et incapable de Le servir. La Reine et Maîtresse des vertus condescendait à ces demandes et Elle expliquait ces vertus à son époux, ainsi que la manière de les exercer avec toute plénitude de perfection. Mais en toutes ces instructions elle procédait avec une humilité et une discrétion si rares qu'Elle ne paraissait pas Maîtresse, même de son propre époux, quoiqu'Elle le fût; au contraire Elle disposait cela par manière de conférence, ou en s'adressant au Seigneur et d'autres fois en interrogeant saint Joseph et l'informant avec les questions mêmes; et en tout Elle laissait toujours sauve sa très profonde humilité, sans qu'il s'y trouvât jamais même un geste qui y fût contraire dans la très prudente Souveraine. C'étaient parfois ces entretiens et d'autres fois la lecture des saintes Écritures qui se mêlaient au travail corporel lorsqu'il était indispensable de s'y appliquer. Et quoique saint Joseph eût pu être soulagé par la compassion de la très aimable Dame qui le lui témoignait avec une rare discrétion de le voir travailler et se fatiguer; néanmoins à cette consolation s'ajoutait la céleste Doctrine, avec
l'attention de laquelle l'heureux saint travaillait plus avec les vertus qu'avec les mains. Et la très douce Colombe avec une prudence de Vierge très sage l'assistait de ce divin aliment, lui déclarant le très heureux fruit des travaux. Et comme dans son estime Elle se jugeait indigne de ce que son époux la sustentât par ce moyen, dans cette considération, Elle était toujours humiliée, comme étant débitrice des sueurs de saint Joseph, et Elle les recevait comme une grande aumône et une faveur libérale. Toutes ces raison l'obligeaient comme si Elle eût été la créature la plus inutile de la terre. Et quoiqu'Elle ne pouvait pas aider le saint dans le travail de son métier parce qu'il n'est pas proportionné aux forces des femmes et beaucoup moins à la modestie et à la réserve de la divine Reine, néanmoins en ce qui lui convenait, Elle le servait comme une humble domestique et il n'était pas possible que sa discrète humilité et la reconnaissance qu'Elle avait pour saint Joseph souffrissent une moindre correspondance de son coeur très noble.
4, 6, 431. Entre autres choses visibles miraculeuses qui furent manifestées à saint Joseph avec les conversations de la Très Sainte Marie, il arriva un jour dans ce temps de sa grossesse qu'il vint beaucoup d'oiseaux de différentes sortes fêter la Reine et la Maîtresse des créatures [a] et l'entourant comme en lui faisant un choeur, ils chantèrent avec une harmonie admirable, comme ils avaient coutume d'autres fois; et c'étaient toujours des cantiques miraculeux comme de venir visiter la divine souveraine. Saint Joseph n'avait jamais vu cette merveille jusqu'à ce jour; et rempli d'admiration et de joie il dit à son Auguste Épouse: «Est-il possible, Madame, que les simples oiseaux et les créatures sans raison accomplissent mieux leurs obligations que moi! Car si elles Vous reconnaissent, Vous servent et Vous révèrent en ce qu'elles peuvent, il sera juste que moi j'accomplisse ce que je dois en justice.» La très pure Vierge lui répondit: «Mon seigneur, en ce que font les oiseaux du ciel, leur Auteur nous offre un motif efficace pour que nous qui Le connaissons, nous fassions un digne emploi de toutes nos forces et de toutes no puissances à Sa louange, comme ils viennent Le reconnaître dans mon sein; mais je suis créature et pour cela le respect ne m'est pas dû à moi, il n'est pas juste que je l'accepte; mais je dois tâcher que tous louent le Très-Haut; parce qu'il a regardé Sa servante (Luc 1: 48) et il m'a enrichie des Trésors de Sa Divinité.
4, 6, 432. Il arriva aussi très souvent que la divine Dame et son époux saint Joseph se trouvaient très pauvres et destitués du secours nécessaire pour la vie:
parce qu'ils étaient très libéraux envers les pauvres de ce qu'ils avaient et ils n'étaient jamais soucieux (Matt. 6: 25), comme les enfants de ce siècle, afin de pourvoir à la nourriture et au vêtement avec les diligences anticipées de la cupidité méfiante; et le Seigneur disposait que la foi et la patience de Sa Très Sainte Mère et de saint Joseph ne fussent pas oisives, et comme ces nécessités étaient pour la divine Dame d'une consolation incomparable, non seulement à cause de son amour pour la pauvreté, mais aussi à cause de son humilité prodigieuse, avec laquelle Elle se jugeait indigne du soutien nécessaire pour vivre, et il lui paraissait très juste qu'il manquât à Elle seule comme à Celle qui ne le méritait pas; et avec cette confession Elle bénissait le Seigneur dans sa pauvreté; et seulement pour son époux Joseph qu'Elle réputait digne, comme saint et juste, Elle demandait au Très-Haut de lui donner dans la nécessité le secours qu'il attendait de Sa main. Le Tout-Puissant n'oubliait point Ses pauvres jusqu'à la fin (Ps. 73: 19), parce qu'en donnant lieu au mérite et à l'exercice, Il donnait aussi l'aliment dans le temps le plus opportun (Ps. 144: 15). Et Sa divine Providence le disposait de différentes manières. Quelquefois Il mouvait le coeur des voisins et des connaissances de la Très Sainte Marie et du glorieux saint Joseph et Il les portait à les secourir par quelque don gracieux ou quelque dette. D'autres fois et le plus ordinairement, sainte Élisabeth les secourait de sa maison; car depuis qu'elle avait eu la Reine du Ciel dans sa maison, la très dévote Matrone demeura avec ce souci de les secourir à temps par quelques bienfaits et quelques dons, à quoi l'humble Princesse correspondait toujours par quelque ouvrage de ses mains. En certaines occasions opportunes, Elle se servait aussi pour la plus grande gloire du Très-Haut de la Puissance que comme Maîtresse des créatures Elle avait sur celles-ci et Elle demandait aux oiseaux de l'air, de lui apporter des poissons de la mer ou des fruits des champs et ils l'exécutaient à point: et quelquefois ils lui portaient du pain dans leur bec de là où le Seigneur le disposait. Et souvent le saint et heureux époux était témoin de tout cela.
4, 6, 433. En certaines circonstances ils étaient aussi secourus d'une manière admirable par le moyen des saints Anges: et pour rapporter l'un des nombreux miracles qui arrivèrent à la Très Sainte Marie et à saint Joseph on doit dire d'abord que la grandeur d'âme, la foi et la libéralité du saint étaient si grandes qu'il ne put jamais entrer dans son affection ni mouvement de cupidité, ni aucune sollicitude. Et quoiqu'il travaillât de ses mains et sa divine Épouse aussi, ils ne demandaient jamais le prix de leurs ouvrages ni ils ne disaient: cela vaut tant, ni, vous devez me
donner tant; parce qu'ils faisaient les ouvrages non par intérêt; mais par obéissance et par charité pour ceux qui les demandaient, et ils laissaient à ceux-ci de donner quelque retour, le recevant non pas tant comme prix et paiement que comme aumône gratuite. Telles étaient la sainteté et la perfection que saint Joseph apprenait à l'École du Ciel, qu'il avait dans sa maison. Et de cette manière n'étant pas récompensés de leur travail, ils venaient à être dans la nécessité, et la nourriture et le soutien leur manquaient parfois, jusqu'à ce que le Seigneur y pourvût. Il arriva un jour que l'heure du repas ordinaire étant passée sans qu'ils eussent rien à manger et afin de rendre grâces au Seigneur pour cette affliction en attendant qu'Il ouvrît Sa puissante main (Ps. 144: 16), ils se mirent en oraison jusqu'à très tard, et pendant ce temps les saints Anges leur préparèrent le repas et leur mirent la table [c]; il y avait quelques fruits du pain très blanc et des poissons, et en outre une espèce de desserts ou de conserves d'une suavité et d'une vertu admirable. Puis quelques-uns des Anges allèrent appeler leur Reine et d'autres son époux saint Joseph. Ceux-ci sortirent de leur retraite et reconnaissant le bienfait du Ciel, il rendirent grâces au Très-Haut avec larmes et ferveur puis ils mangèrent; et ensuite ils firent des cantiques de louanges grandioses.
4, 6, 434. Plusieurs autres événements semblables à ceux-ci se passaient entre la Très Sainte Marie et son époux; car comme ils étaient seuls sans témoins, à qui cacher ces merveilles, le Seigneur ne les épargnait pas à leur égard, puisqu'ils étaient les dispensateurs de la plus grande des merveilles de Son bras Puissant. j'avertis seulement que lorsque je dis que la divine Dame faisait des cantiques de louange, ou par elle seule, ou bien ensemble avec saint Joseph et les Anges, on doit toujours entendre que c'étaient des cantiques nouveaux, comme celui (1 Rois 2: 1) que fit Anne, mère de Samuel, et ceux de Moïse (Deut. 32: 1; Ex. 15: 1), d'Ézéchiel (Is. 38: 10) et d'autres Prophètes (Is. 12: 1), lorsqu'ils avaient reçu quelque grand bienfait de la main du Seigneur. Et si ceux que la Reine du Ciel fit et composa étaient demeurés écrits, on pourrait en faire un grand volume qui serait un objet d'admiration incomparable pour le monde.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA MÊME REINE, NOTRE SOUVERAINE.
4, 6, 435. Ma fille très aimée, je veux que la science du Seigneur soit plusieurs fois renouvelée en toi, et qu'il y ait une science de vive voix (Sag. 1: 7) en toi, afin que tu connaisses et que les mortels connaissent la dangereuse erreur et le jugement pervers qu'ils forment, comme amateurs du mensonge (Ps. 4: 3) dans les choses temporelles et visibles. Qui est-ce parmi les hommes qui ne soit pas compris dans la fascination de la cupidité démesurée (Sag. 4: 12)? Tous généralement mettent leur confiance dans l'or (Bar. 3: 18) et les biens temporels, et pour les augmenter ils emploient toutes leurs sollicitudes dans les forces humaines; avec cela ils occupent dans ce pénible labeur la vie et le temps qui leur est donné pour mériter le bonheur et le repos éternel. Et ils se livrent de cette manière à ce labyrinthe et à ce souci, comme s'ils ne connaissaient point Dieu ni Sa Providence; parce qu'ils ne se souviennent pas de Lui demander ce qu'ils désirent, ni non plus ils ne le désirent point de manière qu'ils puissent le demander et l'espérer de Sa main. Et ainsi ils perdent tout, parce qu'ils se fient à la sollicitude du mensonge et de la tromperie (Ps. 48: 7) auxquels ils livrent l'effet de leurs désirs terrestres. Cette cupidité aveugle est la racine de tous les maux (1 Tim. 6: 10), parce que pour leur châtiment, le Seigneur indigné de tant de perversité, abandonne les mortels qui se livrent à un esclavage de cupidité si vilain et si servile où leurs entendements s'aveuglent et où leurs volontés s'endurcissent (Ps. 48: 13). Et ensuite pour leur plus grand châtiment le Très-Haut éloigne d'eux Sa vue, comme d'objets horribles et Il leur refuse Sa protection Paternelle, ce qui est la dernière infortune dans la vie humaine.
4, 6, 436. Et quoiqu'il soit vrai que personne ne peut se cacher (Ps. 138: 7) des yeux du Seigneur, néanmoins lorsque les prévaricateurs et les ennemis de Sa Loi le désobligent, il éloigne d'eux Son amoureux regard et l'attention de Sa Providence de telle manière, qu'ils viennent à rester aux mains de leur propre désir (Ps. 80: 13) et ils ne comprennent point ni n'obtiennent les effets du soin Paternel que le Seigneur a de ceux qui mettent toute leur confiance en Lui. Ceux qui la mettent dans leur propre sollicitude et dans l'or qu'ils touchent et qu'ils palpent cueillent le fruit de ce qu'ils espéraient. Mais autant l'Etre divin et Sa Puissance infinie sont éloignées de la vileté et de la limitation des mortels autant les effets de la cupidité humaine éloignent ceux de la Providence du Très-Haut qui Se constitue
le Refuge et la protection des humbles qui se confient en Lui (Ps. 17: 31), parce que Sa Majesté regarde ceux-ci avec tendresse et amour (Ps. 32: 18), Il Se complaît en eux, Il les place dans Son coeur et Il prête attention à tous leurs désirs et leurs sollicitudes (Ps. 9: 17). Nous étions pauvres, mon saint époux et moi et nous endurions en certains temps de grandes nécessités; mais aucune ne fut assez puissante pour faire entrer dans notre coeur la contagion de l'avarice ni de la cupidité. Nous prenions soin seulement de la gloire du Très-Haut, nous abandonnant à Sa sollicitude très fidèle et très amoureuse. Et Il Se tint pour si obligé de cela comme tu l'as compris et écrit, puisqu'Il remédiait à notre pauvreté de tant de manières différentes, jusqu'à commander aux esprits angéliques de nous assister, de nous pourvoir et de nous préparer le repas.
4, 6, 437. Je ne veux point dire par là que les mortels s'abandonnent à l'oisiveté et à la négligence; au contraire il est juste que tout le monde travaille; et il y a aussi un vice très répréhensible à ne point le faire. Mais ni le repos ni le travail ne doivent être désordonnés et la créature ne doit point mettre sa confiance dans sa propre sollicitude, ni celle-ci ne doit point étouffer ni empêcher l'Amour divin (Luc 8: 14); on ne doit pas non plus vouloir avoir plus que ce qui suffit pour passer la vie (Prov. 30: avec tempérance, ni non plus se persuader que pour l'obtenir la Providence du Créateur leur manquera et lorsqu'il semble tarder, on ne doit pas pour cela s'affliger et perdre confiance (Eccli. 2: 11). Et celui qui a l'abondance ne doit pas espérer en elle (Eccli. 31: ni se livrer à l'oisiveté pour oublier que l'homme est sujet à la peine du travail (Job 5: 7). Et ainsi l'abondance et la pauvreté doivent être attribuées à Dieu (Eccli. 11: 14) pour en user saintement et d'une manière ordonnée à la gloire du Créateur et gouverneur de toutes choses. Si les hommes se conduisaient avec cette science, l'assistance du Seigneur ne manquerait à personne, parce qu'Il est un vrai Père, la nécessité non plus ne serait pas un scandale pour le pauvre, ni la prospérité pour le riche. Je veux de toi, ma fille, l'exécution de cette Doctrine et quoiqu'en toi je la donne à tous, tu dois spécialement l'enseigner à tes sujettes, afin qu'elles ne se troublent point ni qu'elles perdent confiance à cause des nécessités qu'elles souffriront et qu'elles ne soient pas démesurément inquiètes du manger et du vêtement (Matt. 6: 25), mais qu'elles se confient dans le Très-Haut et qu'elles s'abandonnent à Sa Providence; parce que si elles Lui correspondent dans l'amour, je les assure que le nécessaire ne leur manquera jamais. Exhortes-les aussi à ce que leurs conversations et leurs entretiens roulent toujours sur des choses saintes et divines (1 Pet. 1: 15), et pour
la louange et la gloire du Seigneur selon la doctrine de Ses ministres, des Écritures et des Livres Saints, afin que leur conversation soit dans les Cieux (Phil. 3: 20) avec le Très-Haut et avec moi, qui suis leur Mère et leur Supérieure, et avec les esprits angéliques pour qu'elles leur soient semblables dans l'amour.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 6, [a]. Nous avons déjà justifié ailleurs de semblables prodiges par l'Histoire des Saints et les raisons théologiques.
4, 6, [b. Ainsi faisait le corbeau avec saint Paul, premier ermite, lui apportant la moitié d'un pain pendant cinquante ans, comme le racontent saint Jérôme et saint Athanase dans la vie de saint Antoine. Marie et Joseph étaient encore plus précieux aux yeux de Dieu que ce bon saint.
4, 6, [c]. Il n'y a rien d'invraisemblable en cela: les Anges firent la même chose plus tard envers Jésus-Christ dans le désert comme le racontent saint Matthieu et saint Marc.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 7
La Très Sainte Marie prépare la layette et les langes pour l'Enfant-Dieu avec des désirs très ardents de Le voir déjà né de son sein.
4, 7, 438. La divine grossesse de la Mère du Verbe Éternel était déjà très avancée, et pour opérer en tout avec une plénitude de prudence céleste, quoiqu'Elle sût qu'il était nécessaire de préparer le trousseau et les choses indispensables pour son enfantement désiré, néanmoins Elle ne voulut rien disposer sans la Volonté et l'Ordre du Seigneur et de son saint époux pour se conformer en tout aux lois de servante obéissante et très fidèle. Bien qu'en ce qui était de son office de Mère et de Mère seule de son Très Saint Fils, en qui aucune créature n'avait de part, Elle eut pu agir par Elle seule, cependant Elle ne le fit pas sans en parler à son saint époux Joseph et Elle lui dit: «Mon seigneur, il est déjà temps de préparer les choses nécessaires pour la naissance de mon Très Saint Fils. Et quoique Sa majesté infinie veuille être traitée comme les enfants des hommes, en S'humiliant à souffrir leurs pénalités, il est juste néanmoins de notre part que dans Son service et Son honneur dans le soin et l'assistance de Son Enfance nous montrions que nous Le reconnaissons comme notre Dieu, notre Roi et notre Seigneur véritable. Si vous me donnez permission, je commencerai à disposer les langes et les mantilles pour Le recevoir. J'ai une toile filée de mes mains qui servira maintenant pour les premiers langes de lin; et vous, seigneur, vous chercherez une autre étoffe, douce, souple et de couleur humble pour les mantilles; car plus tard je Lui ferai une tunique sans couture et tissée qui sera à propos. Et afin que nous réussissions en tout, faisons une oraison spéciale, demandant à Sa Majesté qu'Elle nous gouverne, nous dirige et nous manifeste Sa Volonté Divine de manière que nous procédions avec Son plus grand agrément.»
4, 7, 439. «Mon Épouse et Madame, répondit saint Joseph, s'il était possible de servir mon Seigneur et mon Dieu avec le propre sang de mon coeur, pour faire ce que Vous me commandez, je me tiendrais pour satisfait de le répandre dans les tourments les plus atroces à défaut des grandes richesses et des brocards que je voudrais avoir pour Vous servir en cette circonstance Disposez ce qui sera convenable, car je veux Vous obéir en tout comme Votre serviteur.» Ils firent une oraison et le Très-Haut répondit par un même langage à chacun en particulier, renouvelant la connaissance que l'Auguste Dame avait eue plusieurs fois auparavant, parce que Sa Majesté lui dit de nouveau à Elle et à son époux Joseph: «Je suis venu du Ciel sur la terre pour élever l'humilité et abaisser l'orgueil, pour honorer la pauvreté et mépriser les richesses, pour détruire la vanité et fonder la vérité et pour faire une digne estime des afflictions. Et pour cela Ma Volonté est que vous Me traitiez à l'extérieur dans l'humilité que j'ai reçue comme si j'étais
l'enfant de vous deux et que vous Me reconnaissiez dans l'intérieur comme vrai Dieu et Fils de Mon Père Éternel, avec la vénération et l'amour qui Me sont dus comme Homme-Dieu.
4, 7, 440. Confirmés par cette Voix divine en la Sagesse avec laquelle ils devaient procéder dans la manière d'élever l'Enfant-Dieu, la Très Sainte Marie et Joseph conférèrent sur le style le plus parfait et le plus sublime de le révérer comme leur vraie Dieu infini, style et manière qui n'avaient jamais été vus dans les pures créatures, et de le traiter conjointement aux yeux du monde, comme s'Il eût été fils des deux, puisque les hommes le penseraient ainsi et que le même Seigneur le voulait. Et ils accomplirent cet accord et ce commandement avec tant de plénitude que ce fut l'admiration du Ciel et j'en dirai davantage plus loin [a] Ils déterminèrent de même que dans la sphère et l'état de leur pauvreté, il était raisonnable de faire pour l'Enfant-Dieu, tout ce qui était possible, sans excès ni défaut; afin que le sacrement du Roi (Tob. 12: 7) fût caché sous le voile de l'humble pauvreté et que l'amour enflammé qu'ils avaient ne demeurât point frustré en ce qu'ils pouvaient faire. Ensuite saint Joseph, en échange de quelques ouvrages de ses mains, chercha des étoffes de laine, comme la divine Épouse avait dit: l'une blanche et l'autre plus violette que beige, les deux étant des meilleurs qu'il put trouver; et la divine Reine en tailla les premiers draps pour envelopper son Très Saint Fils; et de la toile qu'Elle avait filée et tissée, Elle tailla les petites chemises et les bandes pour le couvrir. Cette toile était très délicate, comme sortant de telles mains, et Elle l'avait commencée dès le jour qu'Elle était entrée dans la maison avec saint Joseph, dans l'intention de l'offrir au Temple. Et quoique ce désir fût commué en quelque chose de beaucoup mieux, néanmoins de la toile qui resta, la layette de l'Enfant-Dieu étant faite, l'Auguste Vierge accomplit son offrande dans le Temple de Jérusalem. La grande Souveraine fit de ses mains tous ces préparatifs et les langes nécessaires pour le Divin enfantement, et Elle les cousit et les confectionna étant toujours à genoux et avec des larmes d'une dévotion incomparable. Saint Joseph prépara différentes fleurs et des herbes, de celles qu'il put trouver et d'autres aromates dont la diligente Mère fit une eau plus odorante que si Elle avait été faite par les Anges, et Elle en arrosa les langes consacrés pour l'Hostie et le sacrifice qu'Elle attendait (Eph. 5: 2); Elle les plia, les aligna et les mit dans une cassette dans laquelle Elle les apporta ensuite avec Elle à Bethléem, comme je le dirai plus loin .
4, 7, 441. Toutes ces oeuvres de la Princesse du Ciel, la Très Sainte Marie, doivent être comprises et pesées, non point dénudées et sans âme comme je les raconte, mais revêtues de beauté, pleine de sainteté et de magnificence et dans une plus grande plénitude et un plus grand comble de perfection que le jugement humain peut découvrir; car Elle traitait magnifiquement toutes les oeuvres de la Sagesse (2 Mach. 2: 9) divine, et comme Mère de la même Sagesse et comme Reine de toutes les vertus. Elle offrait le sacrifice de la nouvelle dédicace et du Temple du Dieu vivant dans l'Humanité très sainte de son Fils qui devait naître au monde. L'Auguste Dame connaissait plus que tout le reste des créatures, la hauteur incompréhensible du Mystère d'un Dieu qui S'Incarne et vient au monde; et non incrédule mais remplie d'admiration, de vénération et d'un amour enflammé Elle répétait souvent ces paroles de Salomon (2 Par. 6: 18) en fabriquant le Temple: «Comment sera-t-il possible que Dieu habite avec les hommes sur la terre! Si tout le Ciel et les Cieux des cieux sont étroits pour Vous recevoir, combien plus le sera cette Habitation de l'Humanité qui a été fabriquée dans mes entrailles!» Mais si le Temple qui servit seulement pour que Dieu y écoutât les prières qui y seraient offertes à Sa Majesté fut construit et dédié avec un apparat si splendide (3 Rois 6: 7: 8: ) d'or, d'argent, de trésors et de sacrifices; que devait faire la Mère du vrai Salomon dans la construction et la dédicace du Temple vivant où habitait (Col. 2: 9) corporellement la plénitude de la véritable Divinité du même Dieu éternel et incomparable? La Très Sainte Marie accomplie tout ce que contenaient en figure, ces sacrifices et ces trésors sans nombre qui furent offerts pour le Temple figuratif, et non par des préparatifs d'or, d'argent et de brocard, car en ce temps Dieu ne cherchait point ces offrandes, mais avec les vertus héroïques et les richesses de la grâce et des Dons du Très-Haut, avec lesquelles Elle faisait des cantiques de louange. Elle offrait les holocaustes de son coeur très ardent, Elle discourait par toutes les Écritures saintes, et Elle appliquait et rapportait à ce Mystères les Hymnes, les Psaume et les Cantiques y ajoutant beaucoup plus. Elle opérait véritablement et mystiquement les figures anciennes par l'exercice des vertus et des actes intérieurs et extérieurs. Elle conviait et appelait toutes les créatures, afin qu'elles louassent Dieu et qu'elles rendissent honneur, louange et gloire à leur Créateur et qu'elles l'attendissent pour être sanctifiées par Sa venue au monde. Son très fortuné et très heureux époux l'accompagnait en plusieurs de ces oeuvres.
4, 7, 442. Les mérites très sublimes que la Princesse du Ciel accumulait par ces actes et ces exercices et l'agrément et la complaisance que le Seigneur en recevait ne peuvent être expliqués par aucune langue ni aucun entendement humain. Si le moindre degré de grâce que toute créature reçoit par un acte de vertu qu'elle exerce vaut plus que tout l'univers, quelle est la valeur de la grâce qu'obtint Celle qui excéda non-seulement les ancien sacrifices, les offrandes, les holocaustes et tous les mérites humains, mais ceux mêmes des suprêmes Séraphins en les surpassant beaucoup [c]? Les affections amoureuses de la divine Dame arrivaient à de telles extrémités en attendant son Fils et son Dieu véritable pour Le recevoir dans ses bras, Le nourrir à son sein, L'alimenter de sa main, Le traiter et Le servir, L,adorant fait homme de sa propre chair et de son propre sang, elles arrivaient dis-je à de telles extrémités que la divine Souveraine eût expiré et se fût dissoute dans ce très doux incendie d'amour si Elle n'avait été préservée de la mort par une assistance miraculeuse du même Dieu et si sa vie n'avait été confortée et corroborée. Elle eût perdu la vie plusieurs fois si son Très Saint Fils ne l'avait conservée autant de fois, parce qu'Elle le contemplait d'ordinaire dans son sein Virginal, et Elle voyait avec une clarté divine son Humanité unie à la Divinité et tous les actes intérieurs de cette âme très sainte, le mode et la posture de son corps et les prières qu'Il faisait pour Elle, pour saint Joseph et tout le genre humain et singulièrement pour les prédestinés. Elle connaissait tous ces mystères et d'autres et Elle s'enflammait tout entière dans l'imitation et la louange, comme renfermant dans son sein le feu incandescent qui éclaire et ne consume pas (Ex. 3: 2).
4, 7, 443. Au milieu de tant d'incendie de la Flamme divine, Elle disait quelque fois en parlant à son Très Saint Fils: «Mon très doux Amour. Créateur de l'Univers, quand mes yeux jouiront-ils de la Lumière de Votre divin Visage? Quand mes bras seront-ils consacrés en l'autel de l'Hostie que Votre Père Éternel attend? Quand baiserai-je comme servante les lieux que Vos pas auront foulés et arriverai-je comme Mère au baiser désiré de mon âme (Cant. 1: 1)? afin que je participe avec Votre Souffle divin de Votre propre Esprit? Quand la Lumière inaccessible (Jean 1: 9) qui est Vous-même, Dieu véritable de Dieu véritable et Lumière de la Lumière, se manifestera-t-elle aux hommes (Bar. 3: 38), depuis tant de siècles que Vous avez été caché à notre vue? Quand les enfants d'Adam captifs pour leurs péchés connaîtront-ils leur Rédempteur, verront-ils leur salut (Is. 52: 10), trouveront-ils parmi eux leur Maître (Is. 30: 20); leur Frère et leur Père véritable? O Lumière de mon âme, ma Vertu, mon Bien-Aimé pour qui je vis en
mourant! Fils de mes entrailles, comment fera-t-Elle l'office de Mère, Celle qui ne sait point faire celui d'esclave et qui ne mérite pas un tel titre? Comment Vous traiterai-je dignement, moi qui ne suis qu'un vil et pauvre vermisseau? Comment Vous servirai-je et Vous assisterai-je, Vous, étant la Sainteté et la Bonté Infini, et moi -poussière et cendre? Comment oserai-je parler en Votre présence ou demeurer devant Votre divine Face? Vous, Seigneur de tout mon être, qui m'avez choisie, étant petite, parmi les autres enfants d'Adam, gouvernez mes actions, dirigez mes désirs et enflammez mes affections, afin qu'en tout je réussisse à Vous donner du goût et de l'agrément. Et que ferai-je, mon Bien-Aimé, si Vous sortez de mes entrailles au monde pour souffrir des affronts et mourir pour le genre humain, si je ne meurs avec Vous et si je ne Vous accompagne au sacrifice, Vous qui êtes mon être et ma vie? Que la cause et le motif qui doit Vous ôter la Vôtre ôte aussi la mienne;`puisqu'elles sont si unies. Moins que Votre mort suffira pour racheter le monde et des milliers de mondes; que je meure pour Vous et que je souffre des ignominies;`et Vous avec Votre Amour et Votre Lumière, sanctifiez le monde et éclairez les ténèbres des mortels. Et s'il n'est pas possible de révoquer le décret du Père Éternel, afin que la Rédemption soit abondante (Ps. 129: 7) et que Votre Charité excessive (Eph. 2: 4) demeure satisfaite, recevez mes affections et que j'aie part en tous les travaux de Votre Vie, puisque Vous êtes mon Fils et mon Seigneur.
4, 7, 444. La variété de ces affections et d'autres très douces rendaient la Reine des Cieux très belle aux yeux du Prince (Esth. 2: 9) des éternités qu'Elle avait dans le Tabernacle de son sein Virginal. Et toutes ces affections avaient coutume de se mouvoir conformément aux actions de cette très sainte Humanité déifiée; parce que la divine Mère les regardait pour les imiter. Et parfois l'Enfant-Dieu dans cette Caverne sacrée Se mettait à genoux pour prier le Père, d'autres fois en forme de croix, comme s'essayant pour elle [d]. Et de là, comme du suprême trône des Cieux Il le fait encore, Il regardait et connaissait par la Science de Son âme très sainte tout ce qu'Il connaît maintenant sans qu'aucune créature présente, passée ou future avec toute leurs pensées et leurs mouvements ne Lui fût cachée; et Il était attentif à toutes ces âmes comme Maître et Rédempteur. Et comme tous ces mystères étaient manifestes à Sa divine Mère et que pour correspondre à cette Science Elle était remplie de grâce et de Dons célestes; Elle opérait en tout avec une plénitude et une sainteté si hautes, qu'il n'y a point de paroles pour que la capacité humaine puisse l'expliquer. Mais si notre jugement n'est pas perverti et si
notre coeur n'est pas de pierre insensible et dure il n'est pas possible qu'à la vue et au toucher d'Oeuvres aussi efficaces qu'admirables, il ne se trouvent point blessés d'une douleur amoureuse et d'une reconnaissance soumise.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
4, 7, 445. Par ce chapitre, je veux, ma fille que tu demeures instruite de la décence avec laquelle on doit traiter toutes les choses consacrées et dédiées au culte Divin et de l'irrévérence avec laquelle les ministres mêmes du Seigneur l'offensent par cette négligence. Et ils ne doivent point mépriser ni oublier le courroux de Sa Majesté contre eux pour la grossière malhonnêteté et l'ingratitude avec lesquelles ils traitent les ornements et les choses sacrées qu'ils ont d'ordinaire dans les mains, sans attention et sans aucun respect. Et l'indignation du Très-Haut est beaucoup plus grande envers ceux qui ont les fruits et le salaire de Son Sang très Précieux et qui les perdent et les consument en vanités et en turpitudes ou en choses profanes et moins décentes. Ils cherchent pour leurs douceurs et leurs commodités le plus précieux et le plus estimable et ils appliquent le plus grossier, le plus méprisé et le plus vil pour le culte et l'honneur du Seigneur. Et lorsque ceci arrive, spécialement pour les linges qui touchent au Corps et au Sang de Jésus-Christ mon Très Saint Fils, comme sont les corporaux et les purificatoires, je veux que tu entendes comment les saints Anges qui assistent à l'éminent et sublime sacrifice de la Messe sont comme mortifiés et détournent la vue de semblables ministres; et ils s'étonnent de ce que le Tout-Puissant les supporte si longtemps et qu'Il dissimule leur audace et leur insolence. Et quoique tous ne commettent pas ce péché, il y en a néanmoins plusieurs; et il y en a peu qui se signalent en démonstration et en sollicitude pour le culte Divin et qui traitent extérieurement les choses sacrées avec plus de respect: Ils sont le petit nombre, et même parmi eux, tous ne le font pas avec une intention droite et pour la révérence qui est due, mais par vanité et pour d'autres fins terrestres: de manière que ceux qui adorent le Créateur en esprit et en vérité, purement et avec un coeur sincère viennent à être très rares (Jean 4: 24).
4, 7, 446. Considère, ma très chère fille, ce que nous pouvons éprouver, nous qui sommes à la vue de l'Etre incompréhensible du Très-Haut et qui connaissons que Son immense Bonté créa les hommes pour L'adorer et Lui rendre le respect et la vénération (Eccli. 17: ; et pour cela Il leur a laissé cette loi dans la nature (Eccli. 17: 7) et Il leur a abandonné tout le reste des créatures gratuitement (Eccli. 17: 3); et ensuite nous regardons l'ingratitude avec laquelle ils correspondent à leur Créateur immense; puisqu'ils refusent pour Son honneur les choses mêmes qu'ils reçoivent de Sa main libérale, et pour cela ils choisissent le plus vil et le plus abject (Mal. 1: , et pour leur vanité le plus précieux et le plus estimable. Ce péché est peu considéré et peu connu, et ainsi je veux que non-seulement tu le pleures avec une douleur véritable, mais que tu le compenses en ce qui te sera possible, pendant que tu seras supérieure. Donne le meilleur au Très-Haut et avertis tes religieuses de s'occuper de l'entretien et de la propreté des choses sacrées; et non seulement en celles de leur couvent mais en travaillant à faire la même chose pour les églises pauvres qui manquent de corporaux et d'autres sortes d'ornements. Et qu'elles aient une confiance assurée que le Seigneur leur paiera ce saint zèle de Son culte sacré et Il remédiera à leur pauvreté et Il secourra comme Père les nécessités du couvent qui ne viendra jamais à une plus grande pauvreté pour cela. Tel est l'office le plus propre et le plus légitime des épouses de Jésus-Christ et elles doivent s'y exercer le temps qui leur reste après celui du choeur et les autres obligations de l'obéissance. Et si toutes les religieuses prenaient à coeur ces occupations si honnêtes, si louables et si agréables à Dieu, rien ne leur manquerait pour la vie, et elles formeraient sur la terre un état angélique et céleste. Et parce qu'elles ne veulent pas s'appliquer à ce service du Seigneur, plusieurs abandonnées de la main Divine se tournent vers des légèretés et des distractions si dangereuses qu'étant abominables à mes yeux, je ne veux pas que tu les écrives ni que tu y penses, sauf pour les pleurer de l'intime de ton coeur et demander à Dieu le remède de ces péchés qui L'irritent, L'offensent et Lui déplaisent tant.
4, 7, 447. Mais parce que ma volonté s'incline avec des raisons spéciales à regarder amoureusement les religieuses de ton couvent, je veux que tu les avertisses en mon nom et de ma part et que tu les obliges avec une amoureuse force à vivre toujours retirées et mortes au monde, avec un oubli inviolable de tout ce qu'il y a, et que leurs conversations entre elles soient dans le Ciel (Phil. 3: 20) et les choses Divines; et qu'au-dessus de toute estime, elles conservent intactes la paix et la charité que je leur recommande si souvent. Et si elles m'obéissent en
cela, je leur promets ma protection éternelle et je me constitue leur Mère, leur Protectrice et leur défense, comme je suis la tienne; et je leur promets de même ma continuelle et efficace intercession auprès de mon Très Saint Fils, si elles ne me désobligent point. Pour tout cela, persuade-leur toujours d'avoir pour moi une grande dévotion et un amour spécial, et qu'elles les écrivent dans leur coeur; car avec cette fidélité de leur part elles obtiendront tout ce que tu désires, outre ce que je ferai pour elles. Et afin qu'elles s'occupent joyeusement et promptement des choses du culte Divin, et qu'elles considèrent comme leur affaire propre tout ce qui y appartient, rappelle-leur ce que je faisais pour le service de mon Très Saint Fils et pour le Temple. Je veux que tu comprennes que les saints Anges étaient dans l'admiration du zèle, de la sollicitude, de l'attention et de la propreté avec lesquels je traitais toutes les choses qui devaient servir à mon Fils et mon Seigneur. Et cette sollicitude respectueuse et amoureuse me fit préparer tout ce qui était nécessaire pour Son entretien, sans qu'il me manquât rien, comme quelques-uns le pensent, pour Le couvrir et Le servir, comme tu l'entendras en toute cette Histoire; parce qu'il n'était pas possible à ma prudence et à mon amour d'être négligente ou imprévoyante en cela.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 7, [a]. Livre 4, Nos. 506, 508, 536, 545.
4, 7, [b. Livre 4, No. 452.
4, 7, [c]. On peut voir sur cela Suarez [III p., t 2, disp. 18, sect. 2 et 4].
4, 7, [d]. Lorsque le Verbe prit l'humanité ce fut avec l'usage de la raison, il se peut donc très bien que, dès lors existant dans la prison maternelle, il pliât le
La Très Sainte Marie prépare la layette et les langes pour l'Enfant-Dieu avec des désirs très ardents de Le voir déjà né de son sein.
4, 7, 438. La divine grossesse de la Mère du Verbe Éternel était déjà très avancée, et pour opérer en tout avec une plénitude de prudence céleste, quoiqu'Elle sût qu'il était nécessaire de préparer le trousseau et les choses indispensables pour son enfantement désiré, néanmoins Elle ne voulut rien disposer sans la Volonté et l'Ordre du Seigneur et de son saint époux pour se conformer en tout aux lois de servante obéissante et très fidèle. Bien qu'en ce qui était de son office de Mère et de Mère seule de son Très Saint Fils, en qui aucune créature n'avait de part, Elle eut pu agir par Elle seule, cependant Elle ne le fit pas sans en parler à son saint époux Joseph et Elle lui dit: «Mon seigneur, il est déjà temps de préparer les choses nécessaires pour la naissance de mon Très Saint Fils. Et quoique Sa majesté infinie veuille être traitée comme les enfants des hommes, en S'humiliant à souffrir leurs pénalités, il est juste néanmoins de notre part que dans Son service et Son honneur dans le soin et l'assistance de Son Enfance nous montrions que nous Le reconnaissons comme notre Dieu, notre Roi et notre Seigneur véritable. Si vous me donnez permission, je commencerai à disposer les langes et les mantilles pour Le recevoir. J'ai une toile filée de mes mains qui servira maintenant pour les premiers langes de lin; et vous, seigneur, vous chercherez une autre étoffe, douce, souple et de couleur humble pour les mantilles; car plus tard je Lui ferai une tunique sans couture et tissée qui sera à propos. Et afin que nous réussissions en tout, faisons une oraison spéciale, demandant à Sa Majesté qu'Elle nous gouverne, nous dirige et nous manifeste Sa Volonté Divine de manière que nous procédions avec Son plus grand agrément.»
4, 7, 439. «Mon Épouse et Madame, répondit saint Joseph, s'il était possible de servir mon Seigneur et mon Dieu avec le propre sang de mon coeur, pour faire ce que Vous me commandez, je me tiendrais pour satisfait de le répandre dans les tourments les plus atroces à défaut des grandes richesses et des brocards que je voudrais avoir pour Vous servir en cette circonstance Disposez ce qui sera convenable, car je veux Vous obéir en tout comme Votre serviteur.» Ils firent une oraison et le Très-Haut répondit par un même langage à chacun en particulier, renouvelant la connaissance que l'Auguste Dame avait eue plusieurs fois auparavant, parce que Sa Majesté lui dit de nouveau à Elle et à son époux Joseph: «Je suis venu du Ciel sur la terre pour élever l'humilité et abaisser l'orgueil, pour honorer la pauvreté et mépriser les richesses, pour détruire la vanité et fonder la vérité et pour faire une digne estime des afflictions. Et pour cela Ma Volonté est que vous Me traitiez à l'extérieur dans l'humilité que j'ai reçue comme si j'étais
l'enfant de vous deux et que vous Me reconnaissiez dans l'intérieur comme vrai Dieu et Fils de Mon Père Éternel, avec la vénération et l'amour qui Me sont dus comme Homme-Dieu.
4, 7, 440. Confirmés par cette Voix divine en la Sagesse avec laquelle ils devaient procéder dans la manière d'élever l'Enfant-Dieu, la Très Sainte Marie et Joseph conférèrent sur le style le plus parfait et le plus sublime de le révérer comme leur vraie Dieu infini, style et manière qui n'avaient jamais été vus dans les pures créatures, et de le traiter conjointement aux yeux du monde, comme s'Il eût été fils des deux, puisque les hommes le penseraient ainsi et que le même Seigneur le voulait. Et ils accomplirent cet accord et ce commandement avec tant de plénitude que ce fut l'admiration du Ciel et j'en dirai davantage plus loin [a] Ils déterminèrent de même que dans la sphère et l'état de leur pauvreté, il était raisonnable de faire pour l'Enfant-Dieu, tout ce qui était possible, sans excès ni défaut; afin que le sacrement du Roi (Tob. 12: 7) fût caché sous le voile de l'humble pauvreté et que l'amour enflammé qu'ils avaient ne demeurât point frustré en ce qu'ils pouvaient faire. Ensuite saint Joseph, en échange de quelques ouvrages de ses mains, chercha des étoffes de laine, comme la divine Épouse avait dit: l'une blanche et l'autre plus violette que beige, les deux étant des meilleurs qu'il put trouver; et la divine Reine en tailla les premiers draps pour envelopper son Très Saint Fils; et de la toile qu'Elle avait filée et tissée, Elle tailla les petites chemises et les bandes pour le couvrir. Cette toile était très délicate, comme sortant de telles mains, et Elle l'avait commencée dès le jour qu'Elle était entrée dans la maison avec saint Joseph, dans l'intention de l'offrir au Temple. Et quoique ce désir fût commué en quelque chose de beaucoup mieux, néanmoins de la toile qui resta, la layette de l'Enfant-Dieu étant faite, l'Auguste Vierge accomplit son offrande dans le Temple de Jérusalem. La grande Souveraine fit de ses mains tous ces préparatifs et les langes nécessaires pour le Divin enfantement, et Elle les cousit et les confectionna étant toujours à genoux et avec des larmes d'une dévotion incomparable. Saint Joseph prépara différentes fleurs et des herbes, de celles qu'il put trouver et d'autres aromates dont la diligente Mère fit une eau plus odorante que si Elle avait été faite par les Anges, et Elle en arrosa les langes consacrés pour l'Hostie et le sacrifice qu'Elle attendait (Eph. 5: 2); Elle les plia, les aligna et les mit dans une cassette dans laquelle Elle les apporta ensuite avec Elle à Bethléem, comme je le dirai plus loin .
4, 7, 441. Toutes ces oeuvres de la Princesse du Ciel, la Très Sainte Marie, doivent être comprises et pesées, non point dénudées et sans âme comme je les raconte, mais revêtues de beauté, pleine de sainteté et de magnificence et dans une plus grande plénitude et un plus grand comble de perfection que le jugement humain peut découvrir; car Elle traitait magnifiquement toutes les oeuvres de la Sagesse (2 Mach. 2: 9) divine, et comme Mère de la même Sagesse et comme Reine de toutes les vertus. Elle offrait le sacrifice de la nouvelle dédicace et du Temple du Dieu vivant dans l'Humanité très sainte de son Fils qui devait naître au monde. L'Auguste Dame connaissait plus que tout le reste des créatures, la hauteur incompréhensible du Mystère d'un Dieu qui S'Incarne et vient au monde; et non incrédule mais remplie d'admiration, de vénération et d'un amour enflammé Elle répétait souvent ces paroles de Salomon (2 Par. 6: 18) en fabriquant le Temple: «Comment sera-t-il possible que Dieu habite avec les hommes sur la terre! Si tout le Ciel et les Cieux des cieux sont étroits pour Vous recevoir, combien plus le sera cette Habitation de l'Humanité qui a été fabriquée dans mes entrailles!» Mais si le Temple qui servit seulement pour que Dieu y écoutât les prières qui y seraient offertes à Sa Majesté fut construit et dédié avec un apparat si splendide (3 Rois 6: 7: 8: ) d'or, d'argent, de trésors et de sacrifices; que devait faire la Mère du vrai Salomon dans la construction et la dédicace du Temple vivant où habitait (Col. 2: 9) corporellement la plénitude de la véritable Divinité du même Dieu éternel et incomparable? La Très Sainte Marie accomplie tout ce que contenaient en figure, ces sacrifices et ces trésors sans nombre qui furent offerts pour le Temple figuratif, et non par des préparatifs d'or, d'argent et de brocard, car en ce temps Dieu ne cherchait point ces offrandes, mais avec les vertus héroïques et les richesses de la grâce et des Dons du Très-Haut, avec lesquelles Elle faisait des cantiques de louange. Elle offrait les holocaustes de son coeur très ardent, Elle discourait par toutes les Écritures saintes, et Elle appliquait et rapportait à ce Mystères les Hymnes, les Psaume et les Cantiques y ajoutant beaucoup plus. Elle opérait véritablement et mystiquement les figures anciennes par l'exercice des vertus et des actes intérieurs et extérieurs. Elle conviait et appelait toutes les créatures, afin qu'elles louassent Dieu et qu'elles rendissent honneur, louange et gloire à leur Créateur et qu'elles l'attendissent pour être sanctifiées par Sa venue au monde. Son très fortuné et très heureux époux l'accompagnait en plusieurs de ces oeuvres.
4, 7, 442. Les mérites très sublimes que la Princesse du Ciel accumulait par ces actes et ces exercices et l'agrément et la complaisance que le Seigneur en recevait ne peuvent être expliqués par aucune langue ni aucun entendement humain. Si le moindre degré de grâce que toute créature reçoit par un acte de vertu qu'elle exerce vaut plus que tout l'univers, quelle est la valeur de la grâce qu'obtint Celle qui excéda non-seulement les ancien sacrifices, les offrandes, les holocaustes et tous les mérites humains, mais ceux mêmes des suprêmes Séraphins en les surpassant beaucoup [c]? Les affections amoureuses de la divine Dame arrivaient à de telles extrémités en attendant son Fils et son Dieu véritable pour Le recevoir dans ses bras, Le nourrir à son sein, L'alimenter de sa main, Le traiter et Le servir, L,adorant fait homme de sa propre chair et de son propre sang, elles arrivaient dis-je à de telles extrémités que la divine Souveraine eût expiré et se fût dissoute dans ce très doux incendie d'amour si Elle n'avait été préservée de la mort par une assistance miraculeuse du même Dieu et si sa vie n'avait été confortée et corroborée. Elle eût perdu la vie plusieurs fois si son Très Saint Fils ne l'avait conservée autant de fois, parce qu'Elle le contemplait d'ordinaire dans son sein Virginal, et Elle voyait avec une clarté divine son Humanité unie à la Divinité et tous les actes intérieurs de cette âme très sainte, le mode et la posture de son corps et les prières qu'Il faisait pour Elle, pour saint Joseph et tout le genre humain et singulièrement pour les prédestinés. Elle connaissait tous ces mystères et d'autres et Elle s'enflammait tout entière dans l'imitation et la louange, comme renfermant dans son sein le feu incandescent qui éclaire et ne consume pas (Ex. 3: 2).
4, 7, 443. Au milieu de tant d'incendie de la Flamme divine, Elle disait quelque fois en parlant à son Très Saint Fils: «Mon très doux Amour. Créateur de l'Univers, quand mes yeux jouiront-ils de la Lumière de Votre divin Visage? Quand mes bras seront-ils consacrés en l'autel de l'Hostie que Votre Père Éternel attend? Quand baiserai-je comme servante les lieux que Vos pas auront foulés et arriverai-je comme Mère au baiser désiré de mon âme (Cant. 1: 1)? afin que je participe avec Votre Souffle divin de Votre propre Esprit? Quand la Lumière inaccessible (Jean 1: 9) qui est Vous-même, Dieu véritable de Dieu véritable et Lumière de la Lumière, se manifestera-t-elle aux hommes (Bar. 3: 38), depuis tant de siècles que Vous avez été caché à notre vue? Quand les enfants d'Adam captifs pour leurs péchés connaîtront-ils leur Rédempteur, verront-ils leur salut (Is. 52: 10), trouveront-ils parmi eux leur Maître (Is. 30: 20); leur Frère et leur Père véritable? O Lumière de mon âme, ma Vertu, mon Bien-Aimé pour qui je vis en
mourant! Fils de mes entrailles, comment fera-t-Elle l'office de Mère, Celle qui ne sait point faire celui d'esclave et qui ne mérite pas un tel titre? Comment Vous traiterai-je dignement, moi qui ne suis qu'un vil et pauvre vermisseau? Comment Vous servirai-je et Vous assisterai-je, Vous, étant la Sainteté et la Bonté Infini, et moi -poussière et cendre? Comment oserai-je parler en Votre présence ou demeurer devant Votre divine Face? Vous, Seigneur de tout mon être, qui m'avez choisie, étant petite, parmi les autres enfants d'Adam, gouvernez mes actions, dirigez mes désirs et enflammez mes affections, afin qu'en tout je réussisse à Vous donner du goût et de l'agrément. Et que ferai-je, mon Bien-Aimé, si Vous sortez de mes entrailles au monde pour souffrir des affronts et mourir pour le genre humain, si je ne meurs avec Vous et si je ne Vous accompagne au sacrifice, Vous qui êtes mon être et ma vie? Que la cause et le motif qui doit Vous ôter la Vôtre ôte aussi la mienne;`puisqu'elles sont si unies. Moins que Votre mort suffira pour racheter le monde et des milliers de mondes; que je meure pour Vous et que je souffre des ignominies;`et Vous avec Votre Amour et Votre Lumière, sanctifiez le monde et éclairez les ténèbres des mortels. Et s'il n'est pas possible de révoquer le décret du Père Éternel, afin que la Rédemption soit abondante (Ps. 129: 7) et que Votre Charité excessive (Eph. 2: 4) demeure satisfaite, recevez mes affections et que j'aie part en tous les travaux de Votre Vie, puisque Vous êtes mon Fils et mon Seigneur.
4, 7, 444. La variété de ces affections et d'autres très douces rendaient la Reine des Cieux très belle aux yeux du Prince (Esth. 2: 9) des éternités qu'Elle avait dans le Tabernacle de son sein Virginal. Et toutes ces affections avaient coutume de se mouvoir conformément aux actions de cette très sainte Humanité déifiée; parce que la divine Mère les regardait pour les imiter. Et parfois l'Enfant-Dieu dans cette Caverne sacrée Se mettait à genoux pour prier le Père, d'autres fois en forme de croix, comme s'essayant pour elle [d]. Et de là, comme du suprême trône des Cieux Il le fait encore, Il regardait et connaissait par la Science de Son âme très sainte tout ce qu'Il connaît maintenant sans qu'aucune créature présente, passée ou future avec toute leurs pensées et leurs mouvements ne Lui fût cachée; et Il était attentif à toutes ces âmes comme Maître et Rédempteur. Et comme tous ces mystères étaient manifestes à Sa divine Mère et que pour correspondre à cette Science Elle était remplie de grâce et de Dons célestes; Elle opérait en tout avec une plénitude et une sainteté si hautes, qu'il n'y a point de paroles pour que la capacité humaine puisse l'expliquer. Mais si notre jugement n'est pas perverti et si
notre coeur n'est pas de pierre insensible et dure il n'est pas possible qu'à la vue et au toucher d'Oeuvres aussi efficaces qu'admirables, il ne se trouvent point blessés d'une douleur amoureuse et d'une reconnaissance soumise.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
4, 7, 445. Par ce chapitre, je veux, ma fille que tu demeures instruite de la décence avec laquelle on doit traiter toutes les choses consacrées et dédiées au culte Divin et de l'irrévérence avec laquelle les ministres mêmes du Seigneur l'offensent par cette négligence. Et ils ne doivent point mépriser ni oublier le courroux de Sa Majesté contre eux pour la grossière malhonnêteté et l'ingratitude avec lesquelles ils traitent les ornements et les choses sacrées qu'ils ont d'ordinaire dans les mains, sans attention et sans aucun respect. Et l'indignation du Très-Haut est beaucoup plus grande envers ceux qui ont les fruits et le salaire de Son Sang très Précieux et qui les perdent et les consument en vanités et en turpitudes ou en choses profanes et moins décentes. Ils cherchent pour leurs douceurs et leurs commodités le plus précieux et le plus estimable et ils appliquent le plus grossier, le plus méprisé et le plus vil pour le culte et l'honneur du Seigneur. Et lorsque ceci arrive, spécialement pour les linges qui touchent au Corps et au Sang de Jésus-Christ mon Très Saint Fils, comme sont les corporaux et les purificatoires, je veux que tu entendes comment les saints Anges qui assistent à l'éminent et sublime sacrifice de la Messe sont comme mortifiés et détournent la vue de semblables ministres; et ils s'étonnent de ce que le Tout-Puissant les supporte si longtemps et qu'Il dissimule leur audace et leur insolence. Et quoique tous ne commettent pas ce péché, il y en a néanmoins plusieurs; et il y en a peu qui se signalent en démonstration et en sollicitude pour le culte Divin et qui traitent extérieurement les choses sacrées avec plus de respect: Ils sont le petit nombre, et même parmi eux, tous ne le font pas avec une intention droite et pour la révérence qui est due, mais par vanité et pour d'autres fins terrestres: de manière que ceux qui adorent le Créateur en esprit et en vérité, purement et avec un coeur sincère viennent à être très rares (Jean 4: 24).
4, 7, 446. Considère, ma très chère fille, ce que nous pouvons éprouver, nous qui sommes à la vue de l'Etre incompréhensible du Très-Haut et qui connaissons que Son immense Bonté créa les hommes pour L'adorer et Lui rendre le respect et la vénération (Eccli. 17: ; et pour cela Il leur a laissé cette loi dans la nature (Eccli. 17: 7) et Il leur a abandonné tout le reste des créatures gratuitement (Eccli. 17: 3); et ensuite nous regardons l'ingratitude avec laquelle ils correspondent à leur Créateur immense; puisqu'ils refusent pour Son honneur les choses mêmes qu'ils reçoivent de Sa main libérale, et pour cela ils choisissent le plus vil et le plus abject (Mal. 1: , et pour leur vanité le plus précieux et le plus estimable. Ce péché est peu considéré et peu connu, et ainsi je veux que non-seulement tu le pleures avec une douleur véritable, mais que tu le compenses en ce qui te sera possible, pendant que tu seras supérieure. Donne le meilleur au Très-Haut et avertis tes religieuses de s'occuper de l'entretien et de la propreté des choses sacrées; et non seulement en celles de leur couvent mais en travaillant à faire la même chose pour les églises pauvres qui manquent de corporaux et d'autres sortes d'ornements. Et qu'elles aient une confiance assurée que le Seigneur leur paiera ce saint zèle de Son culte sacré et Il remédiera à leur pauvreté et Il secourra comme Père les nécessités du couvent qui ne viendra jamais à une plus grande pauvreté pour cela. Tel est l'office le plus propre et le plus légitime des épouses de Jésus-Christ et elles doivent s'y exercer le temps qui leur reste après celui du choeur et les autres obligations de l'obéissance. Et si toutes les religieuses prenaient à coeur ces occupations si honnêtes, si louables et si agréables à Dieu, rien ne leur manquerait pour la vie, et elles formeraient sur la terre un état angélique et céleste. Et parce qu'elles ne veulent pas s'appliquer à ce service du Seigneur, plusieurs abandonnées de la main Divine se tournent vers des légèretés et des distractions si dangereuses qu'étant abominables à mes yeux, je ne veux pas que tu les écrives ni que tu y penses, sauf pour les pleurer de l'intime de ton coeur et demander à Dieu le remède de ces péchés qui L'irritent, L'offensent et Lui déplaisent tant.
4, 7, 447. Mais parce que ma volonté s'incline avec des raisons spéciales à regarder amoureusement les religieuses de ton couvent, je veux que tu les avertisses en mon nom et de ma part et que tu les obliges avec une amoureuse force à vivre toujours retirées et mortes au monde, avec un oubli inviolable de tout ce qu'il y a, et que leurs conversations entre elles soient dans le Ciel (Phil. 3: 20) et les choses Divines; et qu'au-dessus de toute estime, elles conservent intactes la paix et la charité que je leur recommande si souvent. Et si elles m'obéissent en
cela, je leur promets ma protection éternelle et je me constitue leur Mère, leur Protectrice et leur défense, comme je suis la tienne; et je leur promets de même ma continuelle et efficace intercession auprès de mon Très Saint Fils, si elles ne me désobligent point. Pour tout cela, persuade-leur toujours d'avoir pour moi une grande dévotion et un amour spécial, et qu'elles les écrivent dans leur coeur; car avec cette fidélité de leur part elles obtiendront tout ce que tu désires, outre ce que je ferai pour elles. Et afin qu'elles s'occupent joyeusement et promptement des choses du culte Divin, et qu'elles considèrent comme leur affaire propre tout ce qui y appartient, rappelle-leur ce que je faisais pour le service de mon Très Saint Fils et pour le Temple. Je veux que tu comprennes que les saints Anges étaient dans l'admiration du zèle, de la sollicitude, de l'attention et de la propreté avec lesquels je traitais toutes les choses qui devaient servir à mon Fils et mon Seigneur. Et cette sollicitude respectueuse et amoureuse me fit préparer tout ce qui était nécessaire pour Son entretien, sans qu'il me manquât rien, comme quelques-uns le pensent, pour Le couvrir et Le servir, comme tu l'entendras en toute cette Histoire; parce qu'il n'était pas possible à ma prudence et à mon amour d'être négligente ou imprévoyante en cela.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 7, [a]. Livre 4, Nos. 506, 508, 536, 545.
4, 7, [b. Livre 4, No. 452.
4, 7, [c]. On peut voir sur cela Suarez [III p., t 2, disp. 18, sect. 2 et 4].
4, 7, [d]. Lorsque le Verbe prit l'humanité ce fut avec l'usage de la raison, il se peut donc très bien que, dès lors existant dans la prison maternelle, il pliât le
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 8
L'édit de l'empereur César Auguste d'enregistrer tout l'empire se publia et ce que fit saint Joseph quand il le sut.
4, 8, 448. Il était déterminé par la Volonté immuable du Très-Haut que le Fils Unique du Père naîtrait dans la cité de Bethléem (Mich. 5: 2); et en vertu de ce décret Divin, plusieurs saints Prophètes anciens (Éz. 34: 23; Jér. 30: 9) le prophétisèrent avant qu'il s'accomplit, parce que la détermination de la Volonté absolue du Seigneur est toujours infaillible et les cieux et la terre manqueraient avant qu'elle manquât de s'accomplir (Matt. 24: 35); puisque personne ne peut y résister. Le Seigneur disposa l'exécution de ce décret immuable par le moyen d'un édit que l'empereur César Auguste publia dans l'empire romain, afin que comme le rapporte saint Luc (Luc 2: 1), tout le globe fût inscrit et dénombré. L'empire romain s'étendait alors à la plus grande partie connue de la terre, et pour cela ils s'appelaient les maîtres de tout le monde, ne faisant point compte du reste [a]. Et cette inscription était de se confesser tous vassaux de l'empereur et de lui payer un tribut, un cens déterminé b], comme à un maître naturel dans les choses temporelles: et pour cette reconnaissance chacun accourait s'inscrire dans le registre commun (Luc 1: 3) de sa propre cité. Cet édit arriva à Nazareth et à la connaissance de saint Joseph qui l'apprit au dehors: il revint à la maison affligé et contristé;`et il rapporta à sa divine Épouse ce qui se passait avec la nouveauté de l'édit. La Très Prudente Vierge répondit à saint Joseph: «Mon seigneur [c] et mon époux, que l'édit de l'empereur terrestre ne vous mette point dans cette inquiétude, car tous les événements qui nous arrivent sont au compte du Seigneur, le Roi du Ciel et de la terre; et Sa Providence nous assistera et nous gouvernera en toute rencontre. Remettons-nous donc à Lui pleins de confiance et nous ne serons pas frustrés.»
4, 8, 449. La Très Saint Marie était instruite de tous les mystères de son Très Saint Fils, et Elle en savait déjà les prophéties et leur accomplissement, et que le Fils Unique du Père Éternel et le sien devait naître à Bethléem comme pauvre pèlerin. Mais Elle ne manifesta rien de tout cela à saint Joseph; parce que sans l'ordre du Seigneur Elle ne déclarait point ses secrets. Et ce qui ne lui était pas commandé de dire, Elle le taisait tout à fait avec une prudence admirable, nonobstant le désir de consoler son très fidèle et très saint époux Joseph, parce qu'Elle voulait s'abandonner à sa conduite et à son obéissance et ne point procéder comme prudente et sage avec Elle-même contre le conseil du Sage (Prov. 3: 7). Ils traitèrent ensuite de ce qu'ils devaient faire; parce que l'Enfantement de la divine Dame s'approchait déjà, sa grossesse étant si avancée, et saint Joseph lui dit: «Reine du Ciel et de la terre et ma Dame, si Vous n'avez point l'ordre du Très-Haut pour d'autre chose, il me semble inévitable que j'aille accomplir cet édit de l'empereur. Et quoiqu'il suffise que j'aille seul, parce que cette obligation concerne les chefs de famille, je n'oserais point Vous laisser, sans assister à Votre service, je ne vivrais point sans Votre présence et je n'aurais pas un moment de repos étant éloigné, il n'est pas possible que mon coeur soit tranquille sans Vous voir. Je vois que Votre divin Enfantement est très proche pour que Vous veniez avec moi à notre cité de Bethléem où nous devons cette profession d'obéissance à l'empereur`et ainsi pour cette raison et à cause de ma grande pauvreté, je crains de Vous mettre dans un risque aussi évident. Si l'Enfantement arrive dans le chemin avec incommodité et que je ne puisse y pourvoir, ce serait pour moi une peine incomparable. Cette inquiétude m'afflige, je Vous supplie, Madame, de la présenter devant le Très-Haut et de Le prier qu'Il écoute mes désirs de ne point m'éloigner de Votre compagnie.»
4, 8, 450. L'humble Épouse obéit à ce que saint Joseph ordonnait; et quoiqu'Elle n'ignorât point la Volonté Divine, Elle ne voulut point non plus omettre cette action de pure obéissance, comme sujette très respectueuse. Elle présenta au Seigneur la volonté et les désirs de son très fidèle époux et Sa Majesté lui répondit: «Mon Amie et Ma Colombe, obéis à mon serviteur Joseph en ce qu'il t'a proposé et ce qu'il désire. Accompagne-le dans le voyage: Je serai avec toi et Je t'assisterai avec un amour et une protection Paternelle dans les travaux et les tribulations que tu souffriras pour Moi; et quoiqu'elles doivent être très grandes,
Mon puissant bras te tirera glorieuse de tout. Tes pas seront beaux (Cant. 7: 1) à Mes yeux; marche et ne crains point, car telle est Ma Volonté.» Ensuite le Seigneur à la vue de la divine Mère commanda aux saints Anges de sa garde avec une nouvelle intimation et un nouveau précepte de la servir en ce voyage avec une assistance spéciale et une sollicitude plus diligente, selon les magnifiques et mystérieux événements qui se présenteraient en tout ce temps. Outre les mille Anges qui la gardaient d'ordinaire, le Seigneur commanda à neuf mille autres d'assister leur Reine et leur Maîtresse et de la servir de manière à l'accompagner tous les dix mille ensemble dès le jour qu'Elle commencerait le voyage. Ils l'accomplirent tous ainsi comme serviteurs et ministres très fidèles du Seigneur et ils la servirent comme je le dirai plus loin [d]. La grande Reine fut renouvelée et préparée par une nouvelle Lumière divine en laquelle Elle connut d'autres mystères nouveaux concernant les afflictions qui se présenteraient, après la Naissance de l'Enfant-Dieu par la persécution d'Hérode et d'autres tribulations et d'autres soucis qui devaient lui survenir. Elle offrit pour tout cela son Coeur invincible, préparé (Ps. 107: 1) et non troublé, et Elle rendit grâces au Seigneur de tout ce qu'Il opérait et disposait en Elle.
4, 8, 451. La grande Reine du Ciel revint avec la réponse à saint Joseph et Elle lui déclara la Volonté du Très-Haut de lui obéir et de l'accompagner dans son voyage à Bethléem. Le saint époux fut rempli d'une joie et d'une consolation nouvelles; et reconnaissant cette grande faveur de la main du Très-Haut, il Lui en rendit grâces avec des actes profonds d'humilité et de révérence, et s'adressant à sa divine Épouse il lui dit: «Madame, Vous êtes la cause de mon allégresse, de ma félicité et de ma fortune! Il ne me reste plus qu'à m'affliger dans ce voyage des travaux que Vous devez y souffrir, parce que je n'ai point de capitaux pour les vaincre et pour Vous y mener avec la commodité que je voudrais Vous préparer pour le voyage. Mais nous trouverons à Bethléem des parents, des amis et des connaissances de notre famille; et j'espère qu'ils nous recevront avec charité, et là, Vous vous reposerez de la fatigue du chemin, si le Très-Haut le dispose, comme moi Votre serviteur je le désire.» Il est vrai que le saint époux Joseph le prévoyait ainsi avec affection; mais le Seigneur avait disposé ce qu'il ignorait alors; et parce que ses désirs furent frustrés, il sentit ensuite une plus grande amertume et une plus grande douleur, comme on le verra. La Très Sainte Marie ne déclara pas à saint Joseph ce qu'Elle avait prévu dans le Seigneur du Mystère de son divin Enfantement, quoiqu'Elle sût bien que les choses n'arriveraient pas comme il le
pensait: mais au contraire Elle lui dit en l'animant: «Mon époux et mon seigneur, je vais avec beaucoup de satisfaction en votre compagnie; et nous ferons le voyage comme pauvres au Nom du Très-Haut: puis Sa Majesté ne méprise pas la pauvreté, car Il vient pour la chercher avec beaucoup d'amour. Et supposé que Sa protection et Sa défense soient (Ps. 17: 31) avec nous dan le besoin et l'affliction, mettons en Elles notre confiance. Et vous, mon seigneur, remettez entre (Ps. 54: 23) Ses mains toutes vos inquiétudes.»
4, 8, 452. Ils déterminèrent ensuite le jour de leur départ et le saint Époux sortit avec diligence par Nazareth, afin de chercher une monture pour porter la Maîtresse du monde et il n'en trouva pas facilement, à cause du grand nombre de personnes qui sortaient des différentes villes pour obéir à ce même édit de l'empereur. Mais après beaucoup de diligence et de soucis pénibles saint Joseph trouva un modeste petit âne que nous appellerions fortuné s'il était possible, car il l'a été entre tous les animaux irraisonnables, puisqu'il ne porta pas seulement la Reine de toutes les créatures et en elle le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, mais aussi il se trouva ensuite à la Naissance de l'Enfant (Is. 1: 3) et il rendit au Créateur le service que les hommes lui refusèrent, comme on le dira plus loin. Ils préparèrent le nécessaire pour le voyage, qui fut de cinq jours et l'équipage des divins Voyageurs fut avec le même apparat qu'ils portèrent dans le premier voyage qu'ils firent à la maison de Zacharie, comme je l'ai déjà dit, Livre 3, Chapitre 15, numéro 196, parce qu'ils portaient seulement des fruits, du pain et quelques poissons, ce qui était la nourriture et le régal ordinaire dont ils usaient. Et comme la Très Prudente Vierge savait que le temps de revenir à leur maison tarderait beaucoup, Elle apporta avec Elle non-seulement les mantilles et les langes pour son Enfantement divin; mais Elle disposa discrètement les choses de manière qu'elles fussent toutes à l'intention des fins du Seigneur et des événements qu'Elle attendait; et Elle confia sa maison à quelqu'un qui en prit soin jusqu'à son retour.
4, 8, 453. Le jour et l'heure de partir pour Bethléem arriva: et comme le très fidèle et très fortuné Joseph traitait déjà avec une nouvelle et souveraine révérence son Auguste Épouse, il allait souvent, comme serviteur soigneux et vigilant, s'enquérir et tâcher de savoir en quoi il pouvait la servir et lui donner de l'agrément: et il la pria avec une grande affection de l'avertir de tout ce qu'Elle désirait et ignorait, pour son repos, son soulagement et son bon plaisir et pour
donner de la complaisance au Seigneur qu'Elle portait dans son sein Virginal. L'humble Reine remercia son époux de ces saintes affections, et les renvoyant à la gloire et à l'honneur de son Très Saint Fils, Elle le consola et l'anima pour la fatigue qu'il éprouverait dans le chemin en l'assurant de nouveau de l'agrément qu'avait Sa Majesté de toutes ses sollicitudes et Elle l'encouragea à recevoir avec égalité et allégresse de coeur les peines qu'ils auraient à ressentir à cause de leur pauvreté. Pour commencer ce voyage, l'Impératrice des Cieux se mit à genoux et demanda à saint Joseph sa bénédiction. Et quoique l'homme de Dieu en fût très confus et qu'il fît difficulté de la donner à cause de la dignité de son Épouse, Elle vainquit néanmoins en humilité et Elle l'obligea à la lui donner. Saint Joseph le fit avec une grande crainte et une grande révérence et aussitôt, il se prosterna en terre avec d'abondantes larmes et il la pria de l'offrir de nouveau à son Très Saint Fils et de lui obtenir le pardon et la grâce Divine. Avec cette préparation ils partirent de Nazareth pour Bethléem au milieu de l'hiver, ce qui rendait le voyage plus pénible et plus incommode. Mais la Mère de la Vie qui La portait dans son sein ne prêtait attention qu'à Ses divins effets et à Ses colloques réciproques, Le regardant toujours dans son sein Virginal, L'imitant dans Ses Oeuvres et Lui donnant plus de complaisances et plus de gloire que tout le reste des créatures ensemble.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
4, 8, 454. Ma fille, en tout le cours de ma vie et en chacun des chapitres et des mystères que tu écris, tu connaîtras la Providence divine et admirable du Très-Haut et Son amour paternel envers moi, Son humble esclave. Et quoique la capacité humaine ne puisse dignement pénétrer et pondérer ces Oeuvres admirables et d'une si haute sagesse, on doit néanmoins les vénérer de toutes ses forces et se disposer pour mon imitation et pour la participation des faveurs que le Seigneur me fit. Parce que les mortels ne doivent point s'imaginer que le Seigneur ait voulu Se montrer infiniment Saint, Puissant et Bon seulement pour moi; et il est certain que si toutes les âmes se livraient tout à fait à la disposition et au gouvernement de ce doux Seigneur, elles connaîtraient aussitôt par expérience cette fidélité, cette suavité et cette ponctualité efficaces avec lesquelles Sa Majesté disposait envers moi toutes les choses qui touchaient à Sa gloire et à Son service: et elles goûteraient aussi ces effets si doux et ces mouvements Divins que je
sentais avec la soumission que j'avais pour Sa Très Sainte volonté; et elles recevraient respectivement l'abondance de Ses Dons qui sont comme réprimés dans l'Océan infini de Sa Divinité. Et de cette manière, si l'on donnait quelque conduit au poids des eaux de la Mer par où elles trouveraient une issue selon leur inclination, elles courraient avec une impétuosité invincible; de même la grâce et les bienfaits du Seigneur procéderaient sur les créatures raisonnables si elles y donnaient lieu et si elles n'empêchaient point leurs cours. Les mortels ignorent cette science; parce qu'ils ne s'arrêtent point à méditer et à considérer les oeuvres du Très-Haut.
4, 8, 455. Je veux de toi que tu l'étudies et que tu l'écrives dans ton coeur et que de même tu apprennes de mes oeuvres le secret que tu dois garder de ton intérieur et de ce qui y est renfermé, ainsi que la prompte obéissance et la soumission à tous, plaçant toujours le sentiment des autres avant ton propre jugement. Mais cela doit être de manière que pour obéir à tes supérieurs et à tes pères spirituels tu dois toujours fermer les yeux, quoique tu connaisses que dans certaines choses qu'ils te commandent il doit arriver le contraire; de même que je savais qu'il n'en serait pas comme mon saint Époux espérait dans le voyage de Bethléem. Et si quelqu'un inférieur ou égal, te le commande, garde silence et dissimule et fais tout ce qui ne sera point péché ou imperfection. Écoute tout le monde avec silence et attention afin d'apprendre. Tu seras plus lente et plus retenue à parler car cela est prudent et avisé. Je te rappelle aussi de nouveau de demander au Seigneur de te donner Sa bénédiction et tout ce que tu feras, afin de ne point t'éloigner de Sa divine Volonté. Et si tu en as l'opportunité, demande aussi permission et bénédiction à ton père et ton maître spirituel, afin de n'être point privée de la perfection et du grand mérite de ces Oeuvres et de me donner à moi-même la satisfaction que je désire de toi.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 8, [a]. D'après le témoignage du Suétone, Corn. A Lapide dit [in Matt. II, 1,] qu'Auguste ne commandait ni aux Goths, ni aux Arméniens, ni aux Indiens. Au contraire une grande partie de l'Afrique, l'Arabie déserte, l'Assyrie, la Sarmatie, la Germanie, etc., n'appartenaient point à l'empire d'Auguste.
4, 8, b]. Cette inscription fut faite, continue A Lapide, soit afin de compter le nombre des sujets d'Auguste, soit pour recueillir le tribut pour suppléer aux fonds publics épuisés par tant de guerres précédentes.
4, 8, [c]. Sara aussi appelait son époux Abraham du nom de son seigneur et en est loué par l'Esprit-Saint par la bouche de l'Apôtre saint Pierre [1 Pet. 3: 6].
4, 8, [d]. Livre 4, Nos. 456-461, 470, 589, 619, 622, 631, 634.
L'édit de l'empereur César Auguste d'enregistrer tout l'empire se publia et ce que fit saint Joseph quand il le sut.
4, 8, 448. Il était déterminé par la Volonté immuable du Très-Haut que le Fils Unique du Père naîtrait dans la cité de Bethléem (Mich. 5: 2); et en vertu de ce décret Divin, plusieurs saints Prophètes anciens (Éz. 34: 23; Jér. 30: 9) le prophétisèrent avant qu'il s'accomplit, parce que la détermination de la Volonté absolue du Seigneur est toujours infaillible et les cieux et la terre manqueraient avant qu'elle manquât de s'accomplir (Matt. 24: 35); puisque personne ne peut y résister. Le Seigneur disposa l'exécution de ce décret immuable par le moyen d'un édit que l'empereur César Auguste publia dans l'empire romain, afin que comme le rapporte saint Luc (Luc 2: 1), tout le globe fût inscrit et dénombré. L'empire romain s'étendait alors à la plus grande partie connue de la terre, et pour cela ils s'appelaient les maîtres de tout le monde, ne faisant point compte du reste [a]. Et cette inscription était de se confesser tous vassaux de l'empereur et de lui payer un tribut, un cens déterminé b], comme à un maître naturel dans les choses temporelles: et pour cette reconnaissance chacun accourait s'inscrire dans le registre commun (Luc 1: 3) de sa propre cité. Cet édit arriva à Nazareth et à la connaissance de saint Joseph qui l'apprit au dehors: il revint à la maison affligé et contristé;`et il rapporta à sa divine Épouse ce qui se passait avec la nouveauté de l'édit. La Très Prudente Vierge répondit à saint Joseph: «Mon seigneur [c] et mon époux, que l'édit de l'empereur terrestre ne vous mette point dans cette inquiétude, car tous les événements qui nous arrivent sont au compte du Seigneur, le Roi du Ciel et de la terre; et Sa Providence nous assistera et nous gouvernera en toute rencontre. Remettons-nous donc à Lui pleins de confiance et nous ne serons pas frustrés.»
4, 8, 449. La Très Saint Marie était instruite de tous les mystères de son Très Saint Fils, et Elle en savait déjà les prophéties et leur accomplissement, et que le Fils Unique du Père Éternel et le sien devait naître à Bethléem comme pauvre pèlerin. Mais Elle ne manifesta rien de tout cela à saint Joseph; parce que sans l'ordre du Seigneur Elle ne déclarait point ses secrets. Et ce qui ne lui était pas commandé de dire, Elle le taisait tout à fait avec une prudence admirable, nonobstant le désir de consoler son très fidèle et très saint époux Joseph, parce qu'Elle voulait s'abandonner à sa conduite et à son obéissance et ne point procéder comme prudente et sage avec Elle-même contre le conseil du Sage (Prov. 3: 7). Ils traitèrent ensuite de ce qu'ils devaient faire; parce que l'Enfantement de la divine Dame s'approchait déjà, sa grossesse étant si avancée, et saint Joseph lui dit: «Reine du Ciel et de la terre et ma Dame, si Vous n'avez point l'ordre du Très-Haut pour d'autre chose, il me semble inévitable que j'aille accomplir cet édit de l'empereur. Et quoiqu'il suffise que j'aille seul, parce que cette obligation concerne les chefs de famille, je n'oserais point Vous laisser, sans assister à Votre service, je ne vivrais point sans Votre présence et je n'aurais pas un moment de repos étant éloigné, il n'est pas possible que mon coeur soit tranquille sans Vous voir. Je vois que Votre divin Enfantement est très proche pour que Vous veniez avec moi à notre cité de Bethléem où nous devons cette profession d'obéissance à l'empereur`et ainsi pour cette raison et à cause de ma grande pauvreté, je crains de Vous mettre dans un risque aussi évident. Si l'Enfantement arrive dans le chemin avec incommodité et que je ne puisse y pourvoir, ce serait pour moi une peine incomparable. Cette inquiétude m'afflige, je Vous supplie, Madame, de la présenter devant le Très-Haut et de Le prier qu'Il écoute mes désirs de ne point m'éloigner de Votre compagnie.»
4, 8, 450. L'humble Épouse obéit à ce que saint Joseph ordonnait; et quoiqu'Elle n'ignorât point la Volonté Divine, Elle ne voulut point non plus omettre cette action de pure obéissance, comme sujette très respectueuse. Elle présenta au Seigneur la volonté et les désirs de son très fidèle époux et Sa Majesté lui répondit: «Mon Amie et Ma Colombe, obéis à mon serviteur Joseph en ce qu'il t'a proposé et ce qu'il désire. Accompagne-le dans le voyage: Je serai avec toi et Je t'assisterai avec un amour et une protection Paternelle dans les travaux et les tribulations que tu souffriras pour Moi; et quoiqu'elles doivent être très grandes,
Mon puissant bras te tirera glorieuse de tout. Tes pas seront beaux (Cant. 7: 1) à Mes yeux; marche et ne crains point, car telle est Ma Volonté.» Ensuite le Seigneur à la vue de la divine Mère commanda aux saints Anges de sa garde avec une nouvelle intimation et un nouveau précepte de la servir en ce voyage avec une assistance spéciale et une sollicitude plus diligente, selon les magnifiques et mystérieux événements qui se présenteraient en tout ce temps. Outre les mille Anges qui la gardaient d'ordinaire, le Seigneur commanda à neuf mille autres d'assister leur Reine et leur Maîtresse et de la servir de manière à l'accompagner tous les dix mille ensemble dès le jour qu'Elle commencerait le voyage. Ils l'accomplirent tous ainsi comme serviteurs et ministres très fidèles du Seigneur et ils la servirent comme je le dirai plus loin [d]. La grande Reine fut renouvelée et préparée par une nouvelle Lumière divine en laquelle Elle connut d'autres mystères nouveaux concernant les afflictions qui se présenteraient, après la Naissance de l'Enfant-Dieu par la persécution d'Hérode et d'autres tribulations et d'autres soucis qui devaient lui survenir. Elle offrit pour tout cela son Coeur invincible, préparé (Ps. 107: 1) et non troublé, et Elle rendit grâces au Seigneur de tout ce qu'Il opérait et disposait en Elle.
4, 8, 451. La grande Reine du Ciel revint avec la réponse à saint Joseph et Elle lui déclara la Volonté du Très-Haut de lui obéir et de l'accompagner dans son voyage à Bethléem. Le saint époux fut rempli d'une joie et d'une consolation nouvelles; et reconnaissant cette grande faveur de la main du Très-Haut, il Lui en rendit grâces avec des actes profonds d'humilité et de révérence, et s'adressant à sa divine Épouse il lui dit: «Madame, Vous êtes la cause de mon allégresse, de ma félicité et de ma fortune! Il ne me reste plus qu'à m'affliger dans ce voyage des travaux que Vous devez y souffrir, parce que je n'ai point de capitaux pour les vaincre et pour Vous y mener avec la commodité que je voudrais Vous préparer pour le voyage. Mais nous trouverons à Bethléem des parents, des amis et des connaissances de notre famille; et j'espère qu'ils nous recevront avec charité, et là, Vous vous reposerez de la fatigue du chemin, si le Très-Haut le dispose, comme moi Votre serviteur je le désire.» Il est vrai que le saint époux Joseph le prévoyait ainsi avec affection; mais le Seigneur avait disposé ce qu'il ignorait alors; et parce que ses désirs furent frustrés, il sentit ensuite une plus grande amertume et une plus grande douleur, comme on le verra. La Très Sainte Marie ne déclara pas à saint Joseph ce qu'Elle avait prévu dans le Seigneur du Mystère de son divin Enfantement, quoiqu'Elle sût bien que les choses n'arriveraient pas comme il le
pensait: mais au contraire Elle lui dit en l'animant: «Mon époux et mon seigneur, je vais avec beaucoup de satisfaction en votre compagnie; et nous ferons le voyage comme pauvres au Nom du Très-Haut: puis Sa Majesté ne méprise pas la pauvreté, car Il vient pour la chercher avec beaucoup d'amour. Et supposé que Sa protection et Sa défense soient (Ps. 17: 31) avec nous dan le besoin et l'affliction, mettons en Elles notre confiance. Et vous, mon seigneur, remettez entre (Ps. 54: 23) Ses mains toutes vos inquiétudes.»
4, 8, 452. Ils déterminèrent ensuite le jour de leur départ et le saint Époux sortit avec diligence par Nazareth, afin de chercher une monture pour porter la Maîtresse du monde et il n'en trouva pas facilement, à cause du grand nombre de personnes qui sortaient des différentes villes pour obéir à ce même édit de l'empereur. Mais après beaucoup de diligence et de soucis pénibles saint Joseph trouva un modeste petit âne que nous appellerions fortuné s'il était possible, car il l'a été entre tous les animaux irraisonnables, puisqu'il ne porta pas seulement la Reine de toutes les créatures et en elle le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, mais aussi il se trouva ensuite à la Naissance de l'Enfant (Is. 1: 3) et il rendit au Créateur le service que les hommes lui refusèrent, comme on le dira plus loin. Ils préparèrent le nécessaire pour le voyage, qui fut de cinq jours et l'équipage des divins Voyageurs fut avec le même apparat qu'ils portèrent dans le premier voyage qu'ils firent à la maison de Zacharie, comme je l'ai déjà dit, Livre 3, Chapitre 15, numéro 196, parce qu'ils portaient seulement des fruits, du pain et quelques poissons, ce qui était la nourriture et le régal ordinaire dont ils usaient. Et comme la Très Prudente Vierge savait que le temps de revenir à leur maison tarderait beaucoup, Elle apporta avec Elle non-seulement les mantilles et les langes pour son Enfantement divin; mais Elle disposa discrètement les choses de manière qu'elles fussent toutes à l'intention des fins du Seigneur et des événements qu'Elle attendait; et Elle confia sa maison à quelqu'un qui en prit soin jusqu'à son retour.
4, 8, 453. Le jour et l'heure de partir pour Bethléem arriva: et comme le très fidèle et très fortuné Joseph traitait déjà avec une nouvelle et souveraine révérence son Auguste Épouse, il allait souvent, comme serviteur soigneux et vigilant, s'enquérir et tâcher de savoir en quoi il pouvait la servir et lui donner de l'agrément: et il la pria avec une grande affection de l'avertir de tout ce qu'Elle désirait et ignorait, pour son repos, son soulagement et son bon plaisir et pour
donner de la complaisance au Seigneur qu'Elle portait dans son sein Virginal. L'humble Reine remercia son époux de ces saintes affections, et les renvoyant à la gloire et à l'honneur de son Très Saint Fils, Elle le consola et l'anima pour la fatigue qu'il éprouverait dans le chemin en l'assurant de nouveau de l'agrément qu'avait Sa Majesté de toutes ses sollicitudes et Elle l'encouragea à recevoir avec égalité et allégresse de coeur les peines qu'ils auraient à ressentir à cause de leur pauvreté. Pour commencer ce voyage, l'Impératrice des Cieux se mit à genoux et demanda à saint Joseph sa bénédiction. Et quoique l'homme de Dieu en fût très confus et qu'il fît difficulté de la donner à cause de la dignité de son Épouse, Elle vainquit néanmoins en humilité et Elle l'obligea à la lui donner. Saint Joseph le fit avec une grande crainte et une grande révérence et aussitôt, il se prosterna en terre avec d'abondantes larmes et il la pria de l'offrir de nouveau à son Très Saint Fils et de lui obtenir le pardon et la grâce Divine. Avec cette préparation ils partirent de Nazareth pour Bethléem au milieu de l'hiver, ce qui rendait le voyage plus pénible et plus incommode. Mais la Mère de la Vie qui La portait dans son sein ne prêtait attention qu'à Ses divins effets et à Ses colloques réciproques, Le regardant toujours dans son sein Virginal, L'imitant dans Ses Oeuvres et Lui donnant plus de complaisances et plus de gloire que tout le reste des créatures ensemble.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
4, 8, 454. Ma fille, en tout le cours de ma vie et en chacun des chapitres et des mystères que tu écris, tu connaîtras la Providence divine et admirable du Très-Haut et Son amour paternel envers moi, Son humble esclave. Et quoique la capacité humaine ne puisse dignement pénétrer et pondérer ces Oeuvres admirables et d'une si haute sagesse, on doit néanmoins les vénérer de toutes ses forces et se disposer pour mon imitation et pour la participation des faveurs que le Seigneur me fit. Parce que les mortels ne doivent point s'imaginer que le Seigneur ait voulu Se montrer infiniment Saint, Puissant et Bon seulement pour moi; et il est certain que si toutes les âmes se livraient tout à fait à la disposition et au gouvernement de ce doux Seigneur, elles connaîtraient aussitôt par expérience cette fidélité, cette suavité et cette ponctualité efficaces avec lesquelles Sa Majesté disposait envers moi toutes les choses qui touchaient à Sa gloire et à Son service: et elles goûteraient aussi ces effets si doux et ces mouvements Divins que je
sentais avec la soumission que j'avais pour Sa Très Sainte volonté; et elles recevraient respectivement l'abondance de Ses Dons qui sont comme réprimés dans l'Océan infini de Sa Divinité. Et de cette manière, si l'on donnait quelque conduit au poids des eaux de la Mer par où elles trouveraient une issue selon leur inclination, elles courraient avec une impétuosité invincible; de même la grâce et les bienfaits du Seigneur procéderaient sur les créatures raisonnables si elles y donnaient lieu et si elles n'empêchaient point leurs cours. Les mortels ignorent cette science; parce qu'ils ne s'arrêtent point à méditer et à considérer les oeuvres du Très-Haut.
4, 8, 455. Je veux de toi que tu l'étudies et que tu l'écrives dans ton coeur et que de même tu apprennes de mes oeuvres le secret que tu dois garder de ton intérieur et de ce qui y est renfermé, ainsi que la prompte obéissance et la soumission à tous, plaçant toujours le sentiment des autres avant ton propre jugement. Mais cela doit être de manière que pour obéir à tes supérieurs et à tes pères spirituels tu dois toujours fermer les yeux, quoique tu connaisses que dans certaines choses qu'ils te commandent il doit arriver le contraire; de même que je savais qu'il n'en serait pas comme mon saint Époux espérait dans le voyage de Bethléem. Et si quelqu'un inférieur ou égal, te le commande, garde silence et dissimule et fais tout ce qui ne sera point péché ou imperfection. Écoute tout le monde avec silence et attention afin d'apprendre. Tu seras plus lente et plus retenue à parler car cela est prudent et avisé. Je te rappelle aussi de nouveau de demander au Seigneur de te donner Sa bénédiction et tout ce que tu feras, afin de ne point t'éloigner de Sa divine Volonté. Et si tu en as l'opportunité, demande aussi permission et bénédiction à ton père et ton maître spirituel, afin de n'être point privée de la perfection et du grand mérite de ces Oeuvres et de me donner à moi-même la satisfaction que je désire de toi.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 8, [a]. D'après le témoignage du Suétone, Corn. A Lapide dit [in Matt. II, 1,] qu'Auguste ne commandait ni aux Goths, ni aux Arméniens, ni aux Indiens. Au contraire une grande partie de l'Afrique, l'Arabie déserte, l'Assyrie, la Sarmatie, la Germanie, etc., n'appartenaient point à l'empire d'Auguste.
4, 8, b]. Cette inscription fut faite, continue A Lapide, soit afin de compter le nombre des sujets d'Auguste, soit pour recueillir le tribut pour suppléer aux fonds publics épuisés par tant de guerres précédentes.
4, 8, [c]. Sara aussi appelait son époux Abraham du nom de son seigneur et en est loué par l'Esprit-Saint par la bouche de l'Apôtre saint Pierre [1 Pet. 3: 6].
4, 8, [d]. Livre 4, Nos. 456-461, 470, 589, 619, 622, 631, 634.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 9
Le voyage que la Très Sainte Marie fit de Nazareth à Bethléem en compagnie du saint époux Joseph et des Anges qui l'assistaient.
4, 9, 456. La Très Pure Marie et le glorieux Joseph partirent de Nazareth pour Bethléem aussi seuls que pauvres et humbles pèlerins aux yeux du monde, sans qu'aucun des mortels les réputât et les estimât plus que ce que l'humilité et la pauvreté obtiennent d'eux. Mais, ô mystères admirables du Très-Haut, cachés aux superbes (Matt. 11: 25) et insondables à la prudence charnelle! Ils ne marchaient
point seuls ni pauvres, ni méprisés, mais prospères, abondants et magnifiques. Ils étaient l'objet le plus digne du Père Éternel et de Son Amour immense et le plus estimable à Ses yeux. Ils portaient avec eux le Trésor (Col. 2: 3) du Ciel et de la Divinité même. Toute la cour des citoyens célestes les vénérait. Toutes les créatures insensibles reconnaissaient l'Arche sainte et véritable du Testament mieux que les eaux du Jourdain reconnurent sa figure et son ombre, quand elles se séparèrent courtoisement pour lui donner libre passage, à elle et à ceux qui la suivaient (Jos. 3: 16). Elle était accompagnée par les dix mille Anges que j'ai déjà dit, numéro 450, qui furent marqués par Dieu même pour servir Sa Majesté et Sa Très Sainte Mère en tout ce voyage. Ces escadrons célestes allaient en forme humaine visible pour la divine Dame, étant chacun plus resplendissant qu'autant de soleils, lui faisant escorte. Et Elle allait au milieu d'eux mieux garnie et défendue que le lit de Salomon (Cant. 3: 7) avec les soixante-dix braves d'Israël qui l'entouraient l'épée à la ceinture. Outre ces dix mille Anges Elle était assistée d'un grand nombre d'autres qui descendaient des Cieux et qui y remontaient, envoyés par le Père Éternel à Son Fils Unique Incarné et à Sa Très Sainte Mère et qui retournaient d'auprès d'eux avec les ambassades qui étaient envoyées et dépêchées.
4, 9, 457. Avec ce royal apparat caché aux mortels, la Très Sainte Marie et saint Joseph cheminaient, assurés que les pierres des tribulations n'offenseraient point leurs pieds; parce que le Seigneur avait commandé à Ses Anges de les porter dans les mains (Ps. 90: 12) de leur défense et de leur garde. Et les ministres très fidèles accomplissaient ce commandement, servant leur grande Reine comme vassaux, avec une admiration de joie et de louange, de voir réunis ensemble en une pure Créature tant de sacrements, de perfection, de grandeurs et de trésors de la Divinité; et le tout avec la dignité et la décence qui surpassait même la propre capacité angélique. Ils faisaient de nouveaux cantiques au Seigneur, et ils contemplaient ce Souverain Roi (Cant. 3: 9) de gloire, reposant sur son dossier d'or; et la divine Mère qui était comme le char incorruptible et vivant; comme l'épi (Lév. 23: 10) fertile de la terre promise qui renfermait le grain vivant; comme le riche navire du marchand (Prov. 31: 14) qui Le portait afin qu'Il naquît dans la maison du pain et que mourant sur la terre Il fût multiplié dans les Cieux (Jean 12: 24-25). Le voyage dura cinq jours; parce qu'à cause de la grossesse de la Vierge-Mère son époux la menait très doucement. Et l'Auguste Reine ne connut point de nuit dans ce voyage; parce qu'en certains jours qu'ils marchèrent une partie de la
nuit, les Anges émettaient une si grande splendeur qu'ils valaient tous les luminaires du ciel ensemble quand ils ont leur plus grande force à midi dans le jour le plus serein. Et saint Joseph jouissait de ce bienfait et de la vue des Anges dans ces heures de nuit; et alors il se formait un choeur céleste de tous ensemble, dans lequel la grande Dame et son époux alternaient; avec quoi les champs se transformaient en nouveaux Cieux. Et la Reine jouit en tout le voyage de la vue et de la splendeur de ses ministres et ses vassaux et des très doux colloques intérieurs qu'Elle avait avec eux.
4, 9, 458. Le Seigneur mêlait quelques peines à ces faveurs et à ces consolations admirables et surtout quelques incommodités qui se présentèrent à la divine Reine dans le voyage. Parce que le grand concours de monde dans les hôtelleries à cause du grand nombre de personnes qui voyageaient à l'occasion de l'édit impérial était très pénible et très incommode à la Très Pure Vierge Mère, vu sa réserve et sa modestie, et ainsi qu'à son époux Joseph; parce qu'ils étaient moins admis que d'autres comme pauvres et timides, et il leur arrivait plus d'incommodités qu'aux riches: car le monde gouverné par l'extérieur sensible distribue d'ordinaire ses faveurs à rebours et avec acception de personnes. Nos saints Pèlerins entendaient plusieurs paroles dures dans les hôtelleries où ils arrivaient fatigués et en certains endroits on les renvoyait comme des gens inutiles et méprisables; et souvent ils recevaient la Reine du Ciel dans un recoin de vestibule, et d'autres fois même nos Saints n'en obtenaient pas autant, et l'auguste Reine et son époux se retiraient en d'autres lieux plus humbles et moins décents selon l'estime du monde; mais en n'importe quel lieu, quelque méprisable qu'il fût, la cour des Citoyens du Ciel était avec leur suprême Roi et leur Auguste Reine: et aussitôt ils l'entouraient tous et ils la renfermaient comme dans un mur impénétrable, avec quoi le Tabernacle de Salomon (Cant. 3: 7) était assuré et défendu des craintes nocturnes. Et son très fidèle époux Joseph voyant la souveraine des Cieux si bien gardée par cette milice Divine, reposait et dormait; parce qu'Elle aussi prenait soin de cela, afin qu'il se reposât quelque peu de la fatigue du chemin et Elle entrait en des colloques célestes avec les dix mille Anges qui l'assistaient.
4, 9, 459. Salomon comprit de grands mystères de la Reine du Ciel par diverses métaphores et similitudes et dans le chapitre 3 il parla plus expressément
de ce qui arriva à la divine Mère dans la grossesse de son Très Sainte Fils et ce voyage qu'Elle fit pour son Enfantement sacré; parce que ce fut alors que s'accomplit à la lettre tout ce qui y est dit du lit de Salomon, de son char et de son dossier d'or, de la garde qu'il lui mit des très vaillants d'Israël qui jouissent de la vision Divine et tout le reste que cette prophétie contient, dont l'intelligence suffit pour l'avoir indiqué en ce qui a été dit, afin de tourner toute mon admiration vers le sacrement de la Sagesse Infinie dans ces Oeuvres si vénérables pour la créature. Y aura-t-il quelqu'un d'assez dur parmi les mortels dont le coeur ne s'attendrisse? ou de si orgueilleux qui ne se confonde? ou de si peu attentif qui ne soit dans l'admiration de voir une merveille composée de tant d'extrêmes variés et contraires? Le Dieu infini et véritablement secret et caché dans le Tabernacle Virginal d'une tendre jeune Vierge remplie de beauté et de grâce, innocente, pure, suave, douce, aimable aux yeux de Dieu et des hommes, au-dessus de tout ce que le même Seigneur a créé et créera jamais! Cette grande Souveraine avec le Trésor de la Divinité méprisée, affligée, mésestimée et rejetée de l'ignorance aveugle et de l'orgueil mondain! Et d'un autre côté, étant relayée dans les lieux les plus contemptibles, Elle était aimée et estimée de la Bienheureuse Trinité, réjouie par Ses caresses, servie par Ses Anges, révérée, défendue et protégée par Sa garde magnifique et vigilante! O enfants des hommes, tardifs et durs (Ps. 4: 3) de coeur, combien vos poids et vos jugements sont trompeurs (Ps. 61: 10), comme dit David, car vous estimez les riches et méprisez les pauvres, vous élevez les orgueilleux et abaissez les humbles, vous rejetez les justes et applaudissez ceux qui sont remplis de vanité! Aveugle est votre dictamen (Jac. 2: 4) et erronée votre élection avec lesquels vous vous trouvez frustrés dans vos propres désirs. O ambitieux qui cherchez des richesses et des trésors, et qui vous trouvez pauvres et n'embrassez que le vent; si vous aviez reçu l'Arche véritable de Dieu, vous auriez reçu et obtenu beaucoup de bénédiction de la Droite divine, comme Obédédom (2 Rois 6: 11); mais parce que vous l'avez méprisée, il vous arrivera à plusieurs ce qui arriva à Osa (2 Rois 6: 7), car vous êtes restés châtiés comme lui.
4, 9, 460 La divine Dame connaissait et regardait en tout cela la variété des âmes qu'il y avait en tous ceux qui allaient et venaient, et Elle pénétrait leurs pensée les plus secrètes [a] et l'état de chacun, de grâce ou de péché et les degrés qu'ils avaient dans ces différentes extrémités; et elle connaissait de plusieurs âmes si elles étaient prédestinées ou réprouvées, si elles devaient persévérer, tomber ou se relever; et toute cette variété lui donnait des motifs d'exercer des actes héroïque
de vertus envers les uns et pour l'avantage des autres; car Elle obtenait la persévérance pour plusieurs , pour d'autres des secours efficaces, afin qu'ils s'élevassent du péché à la grâce; et pour d'autres Elle pleurait et exclamait au Seigneur avec d'intimes affections; et quoiqu'elle ne priât pas aussi efficacement pour les réprouvés, Elle sentait une douleur très intense de leur perdition finale. Et avec ces peines Elle fatiguait souvent incomparablement plus que par le travail du chemin et Elle en éprouvait quelque défaillance dans le corps et les saints Anges, remplis de lumière et d'éclatante beauté l'appuyaient sur leurs bras afin qu'Elle y prît quelque repos et quelque soulagement. Elle consolait les malades, les affligés et les nécessiteux qu'Elle rencontrait par le chemin, seulement en priant pour eux et en demandant à son Très Saint Fils le remède de leurs afflictions et de leurs nécessités; parce qu'en ce voyage à cause de la multitude et du concours du monde, Elle se retirait seule sans parler, étant très attentive à sa Divine grossesse qui se manifestait déjà à tous. Tel était le retour que la Mère de Miséricorde donnait aux mortels pour la mauvaise hospitalité qu'Elle en recevait.
4, 9, 461 Et pour une plus grande confusion de l'ingratitude des hommes, il arriva qu'étant en hiver et arrivant aux hôtelleries par les grands froids, les neiges et les pluies, car le Seigneur ne voulut point que cette peine leur manquât il leur fallait se retirer aux lieux vils où étaient les animaux mêmes; parce que les hommes ne leur en donnaient point d'autres: et la courtoisie et l'humanité qui leur manquaient à eux, les bêtes insensibles les avaient, se retirant et respectant leur Auteur et Sa Mère qui L'avait dans son sein Virginal. La Maîtresse des créatures aurait bien pu commander aux vents, au verglas et à la neige de ne la point offenser: mais Elle ne le faisait pour ne point se priver de l'imitation de Son Très Saint Fils dans la souffrance, même avant qu'Il sortît de son sein Virginal; et ainsi ces intempéries la fatiguèrent quelque peu dans le chemin. Mais le soigneux et fidèle époux saint Joseph était très attentif à la couvrir; et les esprits angéliques le faisaient davantage, spécialement le Prince saint Michel qui assista toujours au côté droit de la Reine sans la quitter un moment dans ce voyage; et souvent il la servait en la soutenant avec le bras, lorsqu'Elle se trouvait fatiguée. Et lorsque c'était la Volonté du Seigneur, il la défendait des tempêtes inclémentes et il rendait beaucoup d'autres offices au service de la divine Dame et du Fruit béni de son sein, Jésus.
4, 9, 462 Avec la variété alternée de ces merveilles, nos pèlerins, la Très Sainte Marie et Joseph arrivèrent à la ville de Bethléem le cinquième jour de leur voyage à quatre heures du soir, le samedi, car en ce temps du solstice d'hiver, à l'heure dite le soleil s'en va déjà et la nuit s'approche. Ils entrèrent dans la ville cherchant quelque maison de pension; et parcourant plusieurs rues, non-seulement pour trouver les maisons de leurs connaissances et de leur famille les plus proches: ils ne furent reçus d'aucun et ils furent refusés de plusieurs avec mauvaise grâce et avec mépris. La Très Modeste Reine suivait son époux, et lui, il frappait de maison en maison et de porte en porte au milieu du tumulte de beaucoup de monde. Et quoique l'Auguste Vierge-Mère n'ignorât point que les coeurs et les maisons des hommes seraient fermés pour eux, néanmoins pour obéir à saint Joseph Elle voulut souffrir cette affliction et cette honte ou pudeur très honnête qu'Elle avait à cause de sa modestie, de son âge et de son état; ce qui fut une peine plus grande que de manquer d'hôtellerie. Et en passant par la ville ils arrivèrent à la maison où étaient le registre et le rôle public; et pour ne point y revenir ils s'inscrivirent et ils payèrent le fisc et la monnaie du tribut royal, avec quoi ils sortirent de cette obligation. Poursuivant leurs recherches, ils arrivèrent à d'autres hôtels; mais ayant demandé à loger en plus de cinquante maisons ils furent partout refusé et rejetés; les esprits célestes étaient dans l'admiration des Mystères sublimes du Seigneur, de la douceur et de la patience de Sa Mère Vierge et de la dureté et de l'insensibilité des hommes. Dans cette admiration, ils bénissaient le Très-Haut de Ses Oeuvres et de Ses Sacrements cachés, parce que dès ce jour Il voulut accréditer et élever à tant de gloire l'humilité et la pauvreté méprisées des mortels.
4, 9, 463 Il était neuf heures du soir lorsque le très fidèle Joseph rempli d'une amertume et d'une douleur intime se tourna vers sa Très Prudente Épouse et lui dit: «Ma très douce Dame, mon coeur défaille de douleur en cette circonstance, voyant que je ne peux Vous accommoder non-seulement comme Vous le méritez et comme mon affection le désirait; mais même Vous trouvant sans l'abri et le repos que l'on refuse rarement ou presque jamais aux plus pauvres mêmes et aux plus méprisés du monde. Cette permission du Ciel a sans doute un mystère, que les coeurs des hommes ne se meuvent point pour nous recevoir dans leurs maisons. Je me souviens, Madame, qu'hors des murs de la ville il y a une caverne qui a coutume de servir d'auberge aux pasteurs et à leurs troupeaux. Avançons vers là, et si par chance elle est désoccupée, Vous aurez là du ciel quelque refuge, puisque
Vous en êtes dépourvue de la terre.» La Très Prudente Vierge lui répondit: «Mon époux et mon seigneur, que votre coeur très compatissant ne s'afflige pas de ce que les désirs très ardents produits par l'affection que vous avez pour le Seigneur ne s'exécutent point. Et puisque je L'ai dans mes entrailles, je vous supplie par Lui-même que nous Lui rendions grâces de ce qu'Il en a ainsi disposé. Le lieu que vous dites sera très à propos pour mon désir. Que vos larmes se changent en joie avec l'amour et la possession de la pauvreté qui est le riche et inestimable trésor de mon Très Saint Fils (Marc 10: 21). Il vient des Cieux pour le chercher (2 Cor. 8: 9), préparons-le-Lui avec jubilation de nos âmes car la mienne n'a pas d'autre consolation, et faites-moi voir que vous vous réjouissez aussi en cela. Allons contents où le Seigneur nous guide.» Les saints Anges dirigèrent par là les divins Époux, leur servant de flambeaux très lumineux; et arrivant à l'antre ou grotte ils la trouvèrent vide et seule. Remplis d'une consolation céleste, ils louèrent le Seigneur pour ce bienfait; et il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL,
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 9, 464. Ma très chère fille, si tu es d'un coeur tendre et docile pour le Seigneur, les Mystères divins que tu as écrits et compris seront puissants pour mouvoir en toi de douces et amoureuses affections envers l'Auteur de tant de sublimes merveilles, en présence desquelles je veux que dès aujourd'hui tu fasses une nouvelle et grande appréciation de te voir rebutée et mésestimée du monde. Et dis-moi, mon amie, si en échange de cet oubli et de ce mépris reçus avec une volonté joyeuse, Dieu place en toi les yeux et la force de Son très doux Amour, pourquoi n'achèteras-tu pas si bon marché ce qui vaut non moins qu'un prix infini? Que te donneront les hommes mêmes quand ils te célébreront et t'estimeront le plus. Et que laisseras-tu si tu les méprises? Tout n'est-il pas que mensonge et vanité (Ps. 4: 3)? N'est-ce pas une ombre fugitive (Sag. 5: 9) et momentanée qui s'évanouit entre les mains de ceux qui travaillent pour la saisir. Puis quand tu trouverais tout dans les tiennes que ferais-tu de grand en les méprisant
gratuitement? Considère bien combien moins tu feras en les rejetant pour acquérir l'Amour de Dieu même, le mien et celui des Anges. Refuse tout cela de tout coeur, ma très chère. Et si le monde ne te méprise pas autant que tu dois le désirer, méprise-le toi, et demeure libre, dégagée et seule, afin d'être accompagnée du souverain Bien, ton Dieu et ton Tout (2 Pet. 1: 4) et de recevoir avec plénitude les très heureux effets de Son amour et d'y correspondre avec liberté.
4, 9, 465. Mon Très Saint Fils est un Amant si fidèle des âmes qu'Il me posa afin que je fusse Maîtresse et Exemplaire vivant pour leur enseigner l'amour de l'humilité et le mépris efficace de la vanité et de l'orgueil. Ce fut aussi par Son ordre que Sa Majesté et moi Sa servante et Sa Mère, Nous fûmes privés de l'abri et de l'accueil parmi les hommes, donnant ainsi par cet abandon un motif aux âmes amoureuses et affectueuses de Lui offrir elles-mêmes un abri dans leur intérieur et afin qu'Il Se tînt pour obligé par une volonté si attentive à venir et à demeurer en elles; Il chercha aussi la solitude et la pauvreté, non parce qu'Il avait besoin de ces moyens pour opérer les vertus dans un degré très parfait, mais pour enseigner aux mortels que c'était le chemin le plus court et le plus sûr pour arriver au plus sublime de l'Amour divin et de l'union avec Dieu même.
4, 9, 466. Tu sais bien, Ma très chère, que tu es sans cesse admonestée et enseignée par la Lumière d'en-haut, afin qu'oublieuse du terrestre et du visible tu te ceignes de force et tu t'élèves à m'imiter, copiant en toi selon tes forces, les actes et les vertus que je te manifeste de ma vie. Et c'est le premier but de la Science que tu reçois pour l'écrire; afin que tu aies en moi cette règle et que tu t'en serves pour composer ta vie et tes oeuvres de la manière que j'imitais celles de mon très doux Fils. Et tu dois modérer la crainte que ce commandement t'a causée, l'imaginant supérieur à tes forces: reprends courage avec cette parole que mon Très Saint Fils a dite par l'Évangéliste saint Matthieu: «Soyez parfaits, comme Mon Père céleste est parfait.» Cette Volonté du Très-Haut qu'Il propose à la Sainte Église n'est pas impossible à Ses enfants, et s'ils s'y disposent de leur côté, Il ne refusera à aucun cette grâce pour obtenir la ressemblance avec le Père Céleste; parce que mon Très Saint Fils la leur a méritée. Mais le pesant oubli et le mépris que les hommes font de leur Rédempteur empêche que Son Fruit soit efficacement obtenu par eux.
4, 9, 467. Ma fille, je veux de toi spécialement cette perfection, et je t'y convie par le moyen de la douce Loi de l'Amour à laquelle ma Doctrine est dirigée. Considère et pèse avec la Lumière divine en quelle obligation je te mets, et travaille à y correspondre avec la prudence d'une fille fidèle et soigneuse, sans que tu sois embarrassée par aucune difficulté ni aucun travail, et que tu n'omettes ni vertu ni acte de perfection quelque difficile qu'il soit. Et tu ne dois pas te contenter de prendre soin d'être dans l'amitié de Dieu et de sauver ton âme propre; mais si tu veux être parfaite à mon imitation et te conformer à ce que l'Évangile enseigne, tu dois procurer le salut des autres âmes et l'exaltation du saint Nom de mon Fils et être un instrument entre Ses mains Puissantes pour les choses fortes et Son plus grand agrément et Sa plus grande gloire.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 9, [a]. Plusieurs saints eurent de Dieu le don de pénétrer les coeurs: et d'en voir plus ou moins les pensées. La Bienheureuse Marie des Anges en donna la raison: «Deux amants passionnés ne peuvent se retenir de se communiquer l'un à l'autre leurs secrets», vie écrite par le p. Anselme c. 39. Mais ce que Dieu accorda à plusieurs saints ne l'aurait-il pas accordé à Sa Mère? Saint Ambroise dit: «Dans les privilèges de la grâce aucun saint des plus illustres ne surpassa Marie.» [De inst. Virg. c. 5]. Et Albert-le-Grand, [Bibl. Mar. in Luc, 13]: «Marie eut toutes les grâces générales et spéciales de toutes les créatures dans le suprême degré.» Voir saint Thomas de Villeneuve, [Ser. 2, de Assumpt., et Suarez, in 3 p. q. 27, 5. 2, disp. 13, sect. 2].
4, 9, [b. On voit que ces dons gratuitement donnés contribuaient aussi beaucoup à la plus grande sanctification de Marie et à l'augmentation de ses mérites, comme aussi au bénéfice d'autrui. Voir Suarez p. 3, t. 2, disp. 13, sect. 3.].
Le voyage que la Très Sainte Marie fit de Nazareth à Bethléem en compagnie du saint époux Joseph et des Anges qui l'assistaient.
4, 9, 456. La Très Pure Marie et le glorieux Joseph partirent de Nazareth pour Bethléem aussi seuls que pauvres et humbles pèlerins aux yeux du monde, sans qu'aucun des mortels les réputât et les estimât plus que ce que l'humilité et la pauvreté obtiennent d'eux. Mais, ô mystères admirables du Très-Haut, cachés aux superbes (Matt. 11: 25) et insondables à la prudence charnelle! Ils ne marchaient
point seuls ni pauvres, ni méprisés, mais prospères, abondants et magnifiques. Ils étaient l'objet le plus digne du Père Éternel et de Son Amour immense et le plus estimable à Ses yeux. Ils portaient avec eux le Trésor (Col. 2: 3) du Ciel et de la Divinité même. Toute la cour des citoyens célestes les vénérait. Toutes les créatures insensibles reconnaissaient l'Arche sainte et véritable du Testament mieux que les eaux du Jourdain reconnurent sa figure et son ombre, quand elles se séparèrent courtoisement pour lui donner libre passage, à elle et à ceux qui la suivaient (Jos. 3: 16). Elle était accompagnée par les dix mille Anges que j'ai déjà dit, numéro 450, qui furent marqués par Dieu même pour servir Sa Majesté et Sa Très Sainte Mère en tout ce voyage. Ces escadrons célestes allaient en forme humaine visible pour la divine Dame, étant chacun plus resplendissant qu'autant de soleils, lui faisant escorte. Et Elle allait au milieu d'eux mieux garnie et défendue que le lit de Salomon (Cant. 3: 7) avec les soixante-dix braves d'Israël qui l'entouraient l'épée à la ceinture. Outre ces dix mille Anges Elle était assistée d'un grand nombre d'autres qui descendaient des Cieux et qui y remontaient, envoyés par le Père Éternel à Son Fils Unique Incarné et à Sa Très Sainte Mère et qui retournaient d'auprès d'eux avec les ambassades qui étaient envoyées et dépêchées.
4, 9, 457. Avec ce royal apparat caché aux mortels, la Très Sainte Marie et saint Joseph cheminaient, assurés que les pierres des tribulations n'offenseraient point leurs pieds; parce que le Seigneur avait commandé à Ses Anges de les porter dans les mains (Ps. 90: 12) de leur défense et de leur garde. Et les ministres très fidèles accomplissaient ce commandement, servant leur grande Reine comme vassaux, avec une admiration de joie et de louange, de voir réunis ensemble en une pure Créature tant de sacrements, de perfection, de grandeurs et de trésors de la Divinité; et le tout avec la dignité et la décence qui surpassait même la propre capacité angélique. Ils faisaient de nouveaux cantiques au Seigneur, et ils contemplaient ce Souverain Roi (Cant. 3: 9) de gloire, reposant sur son dossier d'or; et la divine Mère qui était comme le char incorruptible et vivant; comme l'épi (Lév. 23: 10) fertile de la terre promise qui renfermait le grain vivant; comme le riche navire du marchand (Prov. 31: 14) qui Le portait afin qu'Il naquît dans la maison du pain et que mourant sur la terre Il fût multiplié dans les Cieux (Jean 12: 24-25). Le voyage dura cinq jours; parce qu'à cause de la grossesse de la Vierge-Mère son époux la menait très doucement. Et l'Auguste Reine ne connut point de nuit dans ce voyage; parce qu'en certains jours qu'ils marchèrent une partie de la
nuit, les Anges émettaient une si grande splendeur qu'ils valaient tous les luminaires du ciel ensemble quand ils ont leur plus grande force à midi dans le jour le plus serein. Et saint Joseph jouissait de ce bienfait et de la vue des Anges dans ces heures de nuit; et alors il se formait un choeur céleste de tous ensemble, dans lequel la grande Dame et son époux alternaient; avec quoi les champs se transformaient en nouveaux Cieux. Et la Reine jouit en tout le voyage de la vue et de la splendeur de ses ministres et ses vassaux et des très doux colloques intérieurs qu'Elle avait avec eux.
4, 9, 458. Le Seigneur mêlait quelques peines à ces faveurs et à ces consolations admirables et surtout quelques incommodités qui se présentèrent à la divine Reine dans le voyage. Parce que le grand concours de monde dans les hôtelleries à cause du grand nombre de personnes qui voyageaient à l'occasion de l'édit impérial était très pénible et très incommode à la Très Pure Vierge Mère, vu sa réserve et sa modestie, et ainsi qu'à son époux Joseph; parce qu'ils étaient moins admis que d'autres comme pauvres et timides, et il leur arrivait plus d'incommodités qu'aux riches: car le monde gouverné par l'extérieur sensible distribue d'ordinaire ses faveurs à rebours et avec acception de personnes. Nos saints Pèlerins entendaient plusieurs paroles dures dans les hôtelleries où ils arrivaient fatigués et en certains endroits on les renvoyait comme des gens inutiles et méprisables; et souvent ils recevaient la Reine du Ciel dans un recoin de vestibule, et d'autres fois même nos Saints n'en obtenaient pas autant, et l'auguste Reine et son époux se retiraient en d'autres lieux plus humbles et moins décents selon l'estime du monde; mais en n'importe quel lieu, quelque méprisable qu'il fût, la cour des Citoyens du Ciel était avec leur suprême Roi et leur Auguste Reine: et aussitôt ils l'entouraient tous et ils la renfermaient comme dans un mur impénétrable, avec quoi le Tabernacle de Salomon (Cant. 3: 7) était assuré et défendu des craintes nocturnes. Et son très fidèle époux Joseph voyant la souveraine des Cieux si bien gardée par cette milice Divine, reposait et dormait; parce qu'Elle aussi prenait soin de cela, afin qu'il se reposât quelque peu de la fatigue du chemin et Elle entrait en des colloques célestes avec les dix mille Anges qui l'assistaient.
4, 9, 459. Salomon comprit de grands mystères de la Reine du Ciel par diverses métaphores et similitudes et dans le chapitre 3 il parla plus expressément
de ce qui arriva à la divine Mère dans la grossesse de son Très Sainte Fils et ce voyage qu'Elle fit pour son Enfantement sacré; parce que ce fut alors que s'accomplit à la lettre tout ce qui y est dit du lit de Salomon, de son char et de son dossier d'or, de la garde qu'il lui mit des très vaillants d'Israël qui jouissent de la vision Divine et tout le reste que cette prophétie contient, dont l'intelligence suffit pour l'avoir indiqué en ce qui a été dit, afin de tourner toute mon admiration vers le sacrement de la Sagesse Infinie dans ces Oeuvres si vénérables pour la créature. Y aura-t-il quelqu'un d'assez dur parmi les mortels dont le coeur ne s'attendrisse? ou de si orgueilleux qui ne se confonde? ou de si peu attentif qui ne soit dans l'admiration de voir une merveille composée de tant d'extrêmes variés et contraires? Le Dieu infini et véritablement secret et caché dans le Tabernacle Virginal d'une tendre jeune Vierge remplie de beauté et de grâce, innocente, pure, suave, douce, aimable aux yeux de Dieu et des hommes, au-dessus de tout ce que le même Seigneur a créé et créera jamais! Cette grande Souveraine avec le Trésor de la Divinité méprisée, affligée, mésestimée et rejetée de l'ignorance aveugle et de l'orgueil mondain! Et d'un autre côté, étant relayée dans les lieux les plus contemptibles, Elle était aimée et estimée de la Bienheureuse Trinité, réjouie par Ses caresses, servie par Ses Anges, révérée, défendue et protégée par Sa garde magnifique et vigilante! O enfants des hommes, tardifs et durs (Ps. 4: 3) de coeur, combien vos poids et vos jugements sont trompeurs (Ps. 61: 10), comme dit David, car vous estimez les riches et méprisez les pauvres, vous élevez les orgueilleux et abaissez les humbles, vous rejetez les justes et applaudissez ceux qui sont remplis de vanité! Aveugle est votre dictamen (Jac. 2: 4) et erronée votre élection avec lesquels vous vous trouvez frustrés dans vos propres désirs. O ambitieux qui cherchez des richesses et des trésors, et qui vous trouvez pauvres et n'embrassez que le vent; si vous aviez reçu l'Arche véritable de Dieu, vous auriez reçu et obtenu beaucoup de bénédiction de la Droite divine, comme Obédédom (2 Rois 6: 11); mais parce que vous l'avez méprisée, il vous arrivera à plusieurs ce qui arriva à Osa (2 Rois 6: 7), car vous êtes restés châtiés comme lui.
4, 9, 460 La divine Dame connaissait et regardait en tout cela la variété des âmes qu'il y avait en tous ceux qui allaient et venaient, et Elle pénétrait leurs pensée les plus secrètes [a] et l'état de chacun, de grâce ou de péché et les degrés qu'ils avaient dans ces différentes extrémités; et elle connaissait de plusieurs âmes si elles étaient prédestinées ou réprouvées, si elles devaient persévérer, tomber ou se relever; et toute cette variété lui donnait des motifs d'exercer des actes héroïque
de vertus envers les uns et pour l'avantage des autres; car Elle obtenait la persévérance pour plusieurs , pour d'autres des secours efficaces, afin qu'ils s'élevassent du péché à la grâce; et pour d'autres Elle pleurait et exclamait au Seigneur avec d'intimes affections; et quoiqu'elle ne priât pas aussi efficacement pour les réprouvés, Elle sentait une douleur très intense de leur perdition finale. Et avec ces peines Elle fatiguait souvent incomparablement plus que par le travail du chemin et Elle en éprouvait quelque défaillance dans le corps et les saints Anges, remplis de lumière et d'éclatante beauté l'appuyaient sur leurs bras afin qu'Elle y prît quelque repos et quelque soulagement. Elle consolait les malades, les affligés et les nécessiteux qu'Elle rencontrait par le chemin, seulement en priant pour eux et en demandant à son Très Saint Fils le remède de leurs afflictions et de leurs nécessités; parce qu'en ce voyage à cause de la multitude et du concours du monde, Elle se retirait seule sans parler, étant très attentive à sa Divine grossesse qui se manifestait déjà à tous. Tel était le retour que la Mère de Miséricorde donnait aux mortels pour la mauvaise hospitalité qu'Elle en recevait.
4, 9, 461 Et pour une plus grande confusion de l'ingratitude des hommes, il arriva qu'étant en hiver et arrivant aux hôtelleries par les grands froids, les neiges et les pluies, car le Seigneur ne voulut point que cette peine leur manquât il leur fallait se retirer aux lieux vils où étaient les animaux mêmes; parce que les hommes ne leur en donnaient point d'autres: et la courtoisie et l'humanité qui leur manquaient à eux, les bêtes insensibles les avaient, se retirant et respectant leur Auteur et Sa Mère qui L'avait dans son sein Virginal. La Maîtresse des créatures aurait bien pu commander aux vents, au verglas et à la neige de ne la point offenser: mais Elle ne le faisait pour ne point se priver de l'imitation de Son Très Saint Fils dans la souffrance, même avant qu'Il sortît de son sein Virginal; et ainsi ces intempéries la fatiguèrent quelque peu dans le chemin. Mais le soigneux et fidèle époux saint Joseph était très attentif à la couvrir; et les esprits angéliques le faisaient davantage, spécialement le Prince saint Michel qui assista toujours au côté droit de la Reine sans la quitter un moment dans ce voyage; et souvent il la servait en la soutenant avec le bras, lorsqu'Elle se trouvait fatiguée. Et lorsque c'était la Volonté du Seigneur, il la défendait des tempêtes inclémentes et il rendait beaucoup d'autres offices au service de la divine Dame et du Fruit béni de son sein, Jésus.
4, 9, 462 Avec la variété alternée de ces merveilles, nos pèlerins, la Très Sainte Marie et Joseph arrivèrent à la ville de Bethléem le cinquième jour de leur voyage à quatre heures du soir, le samedi, car en ce temps du solstice d'hiver, à l'heure dite le soleil s'en va déjà et la nuit s'approche. Ils entrèrent dans la ville cherchant quelque maison de pension; et parcourant plusieurs rues, non-seulement pour trouver les maisons de leurs connaissances et de leur famille les plus proches: ils ne furent reçus d'aucun et ils furent refusés de plusieurs avec mauvaise grâce et avec mépris. La Très Modeste Reine suivait son époux, et lui, il frappait de maison en maison et de porte en porte au milieu du tumulte de beaucoup de monde. Et quoique l'Auguste Vierge-Mère n'ignorât point que les coeurs et les maisons des hommes seraient fermés pour eux, néanmoins pour obéir à saint Joseph Elle voulut souffrir cette affliction et cette honte ou pudeur très honnête qu'Elle avait à cause de sa modestie, de son âge et de son état; ce qui fut une peine plus grande que de manquer d'hôtellerie. Et en passant par la ville ils arrivèrent à la maison où étaient le registre et le rôle public; et pour ne point y revenir ils s'inscrivirent et ils payèrent le fisc et la monnaie du tribut royal, avec quoi ils sortirent de cette obligation. Poursuivant leurs recherches, ils arrivèrent à d'autres hôtels; mais ayant demandé à loger en plus de cinquante maisons ils furent partout refusé et rejetés; les esprits célestes étaient dans l'admiration des Mystères sublimes du Seigneur, de la douceur et de la patience de Sa Mère Vierge et de la dureté et de l'insensibilité des hommes. Dans cette admiration, ils bénissaient le Très-Haut de Ses Oeuvres et de Ses Sacrements cachés, parce que dès ce jour Il voulut accréditer et élever à tant de gloire l'humilité et la pauvreté méprisées des mortels.
4, 9, 463 Il était neuf heures du soir lorsque le très fidèle Joseph rempli d'une amertume et d'une douleur intime se tourna vers sa Très Prudente Épouse et lui dit: «Ma très douce Dame, mon coeur défaille de douleur en cette circonstance, voyant que je ne peux Vous accommoder non-seulement comme Vous le méritez et comme mon affection le désirait; mais même Vous trouvant sans l'abri et le repos que l'on refuse rarement ou presque jamais aux plus pauvres mêmes et aux plus méprisés du monde. Cette permission du Ciel a sans doute un mystère, que les coeurs des hommes ne se meuvent point pour nous recevoir dans leurs maisons. Je me souviens, Madame, qu'hors des murs de la ville il y a une caverne qui a coutume de servir d'auberge aux pasteurs et à leurs troupeaux. Avançons vers là, et si par chance elle est désoccupée, Vous aurez là du ciel quelque refuge, puisque
Vous en êtes dépourvue de la terre.» La Très Prudente Vierge lui répondit: «Mon époux et mon seigneur, que votre coeur très compatissant ne s'afflige pas de ce que les désirs très ardents produits par l'affection que vous avez pour le Seigneur ne s'exécutent point. Et puisque je L'ai dans mes entrailles, je vous supplie par Lui-même que nous Lui rendions grâces de ce qu'Il en a ainsi disposé. Le lieu que vous dites sera très à propos pour mon désir. Que vos larmes se changent en joie avec l'amour et la possession de la pauvreté qui est le riche et inestimable trésor de mon Très Saint Fils (Marc 10: 21). Il vient des Cieux pour le chercher (2 Cor. 8: 9), préparons-le-Lui avec jubilation de nos âmes car la mienne n'a pas d'autre consolation, et faites-moi voir que vous vous réjouissez aussi en cela. Allons contents où le Seigneur nous guide.» Les saints Anges dirigèrent par là les divins Époux, leur servant de flambeaux très lumineux; et arrivant à l'antre ou grotte ils la trouvèrent vide et seule. Remplis d'une consolation céleste, ils louèrent le Seigneur pour ce bienfait; et il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL,
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 9, 464. Ma très chère fille, si tu es d'un coeur tendre et docile pour le Seigneur, les Mystères divins que tu as écrits et compris seront puissants pour mouvoir en toi de douces et amoureuses affections envers l'Auteur de tant de sublimes merveilles, en présence desquelles je veux que dès aujourd'hui tu fasses une nouvelle et grande appréciation de te voir rebutée et mésestimée du monde. Et dis-moi, mon amie, si en échange de cet oubli et de ce mépris reçus avec une volonté joyeuse, Dieu place en toi les yeux et la force de Son très doux Amour, pourquoi n'achèteras-tu pas si bon marché ce qui vaut non moins qu'un prix infini? Que te donneront les hommes mêmes quand ils te célébreront et t'estimeront le plus. Et que laisseras-tu si tu les méprises? Tout n'est-il pas que mensonge et vanité (Ps. 4: 3)? N'est-ce pas une ombre fugitive (Sag. 5: 9) et momentanée qui s'évanouit entre les mains de ceux qui travaillent pour la saisir. Puis quand tu trouverais tout dans les tiennes que ferais-tu de grand en les méprisant
gratuitement? Considère bien combien moins tu feras en les rejetant pour acquérir l'Amour de Dieu même, le mien et celui des Anges. Refuse tout cela de tout coeur, ma très chère. Et si le monde ne te méprise pas autant que tu dois le désirer, méprise-le toi, et demeure libre, dégagée et seule, afin d'être accompagnée du souverain Bien, ton Dieu et ton Tout (2 Pet. 1: 4) et de recevoir avec plénitude les très heureux effets de Son amour et d'y correspondre avec liberté.
4, 9, 465. Mon Très Saint Fils est un Amant si fidèle des âmes qu'Il me posa afin que je fusse Maîtresse et Exemplaire vivant pour leur enseigner l'amour de l'humilité et le mépris efficace de la vanité et de l'orgueil. Ce fut aussi par Son ordre que Sa Majesté et moi Sa servante et Sa Mère, Nous fûmes privés de l'abri et de l'accueil parmi les hommes, donnant ainsi par cet abandon un motif aux âmes amoureuses et affectueuses de Lui offrir elles-mêmes un abri dans leur intérieur et afin qu'Il Se tînt pour obligé par une volonté si attentive à venir et à demeurer en elles; Il chercha aussi la solitude et la pauvreté, non parce qu'Il avait besoin de ces moyens pour opérer les vertus dans un degré très parfait, mais pour enseigner aux mortels que c'était le chemin le plus court et le plus sûr pour arriver au plus sublime de l'Amour divin et de l'union avec Dieu même.
4, 9, 466. Tu sais bien, Ma très chère, que tu es sans cesse admonestée et enseignée par la Lumière d'en-haut, afin qu'oublieuse du terrestre et du visible tu te ceignes de force et tu t'élèves à m'imiter, copiant en toi selon tes forces, les actes et les vertus que je te manifeste de ma vie. Et c'est le premier but de la Science que tu reçois pour l'écrire; afin que tu aies en moi cette règle et que tu t'en serves pour composer ta vie et tes oeuvres de la manière que j'imitais celles de mon très doux Fils. Et tu dois modérer la crainte que ce commandement t'a causée, l'imaginant supérieur à tes forces: reprends courage avec cette parole que mon Très Saint Fils a dite par l'Évangéliste saint Matthieu: «Soyez parfaits, comme Mon Père céleste est parfait.» Cette Volonté du Très-Haut qu'Il propose à la Sainte Église n'est pas impossible à Ses enfants, et s'ils s'y disposent de leur côté, Il ne refusera à aucun cette grâce pour obtenir la ressemblance avec le Père Céleste; parce que mon Très Saint Fils la leur a méritée. Mais le pesant oubli et le mépris que les hommes font de leur Rédempteur empêche que Son Fruit soit efficacement obtenu par eux.
4, 9, 467. Ma fille, je veux de toi spécialement cette perfection, et je t'y convie par le moyen de la douce Loi de l'Amour à laquelle ma Doctrine est dirigée. Considère et pèse avec la Lumière divine en quelle obligation je te mets, et travaille à y correspondre avec la prudence d'une fille fidèle et soigneuse, sans que tu sois embarrassée par aucune difficulté ni aucun travail, et que tu n'omettes ni vertu ni acte de perfection quelque difficile qu'il soit. Et tu ne dois pas te contenter de prendre soin d'être dans l'amitié de Dieu et de sauver ton âme propre; mais si tu veux être parfaite à mon imitation et te conformer à ce que l'Évangile enseigne, tu dois procurer le salut des autres âmes et l'exaltation du saint Nom de mon Fils et être un instrument entre Ses mains Puissantes pour les choses fortes et Son plus grand agrément et Sa plus grande gloire.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 9, [a]. Plusieurs saints eurent de Dieu le don de pénétrer les coeurs: et d'en voir plus ou moins les pensées. La Bienheureuse Marie des Anges en donna la raison: «Deux amants passionnés ne peuvent se retenir de se communiquer l'un à l'autre leurs secrets», vie écrite par le p. Anselme c. 39. Mais ce que Dieu accorda à plusieurs saints ne l'aurait-il pas accordé à Sa Mère? Saint Ambroise dit: «Dans les privilèges de la grâce aucun saint des plus illustres ne surpassa Marie.» [De inst. Virg. c. 5]. Et Albert-le-Grand, [Bibl. Mar. in Luc, 13]: «Marie eut toutes les grâces générales et spéciales de toutes les créatures dans le suprême degré.» Voir saint Thomas de Villeneuve, [Ser. 2, de Assumpt., et Suarez, in 3 p. q. 27, 5. 2, disp. 13, sect. 2].
4, 9, [b. On voit que ces dons gratuitement donnés contribuaient aussi beaucoup à la plus grande sanctification de Marie et à l'augmentation de ses mérites, comme aussi au bénéfice d'autrui. Voir Suarez p. 3, t. 2, disp. 13, sect. 3.].
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 10
Jésus-Christ notre Seigneur naît de la Vierge Marie à Bethléem de Juda.
4, 10, 468. Le palais que le suprême Roi des rois et Seigneur des seigneurs avait préparé pour hospitaliser dans le monde Son Fils éternel Incarné pour les hommes était la plus pauvre et la plus humble cabane, ou grotte, où la Très Sainte Marie et Joseph se retirèrent, rejetés des hôtelleries et de la pitié naturelle des mêmes hommes, comme il a été dit dans le chapitre précédent. Ce lieu était si méprisé et si contemptible que la ville de Bethléem étant si remplie d'étrangers qui manquaient d'hôtelleries pour y habiter, personne néanmoins ne daigna l'occuper ni s'y abaisser; parce qu'il est certain qu'il ne leur était pas propre et qu'il ne leur convenait pas bien, sinon aux maîtres de l'humilité et de la pauvreté, Notre-Seigneur Jésus-Christ et Sa Très Pure Mère. Et par ce moyen la Sagesse du Père Éternel le réserva pour eux, le consacrant par les ornements de la nudité, de la solitude et de la pauvreté pour le premier Temple de la Lumière et la Maison du véritable Soleil de justice (Mal. 4: 2) qui devait naître pour les coeurs droits de la très candide aurore Marie, au milieu des ténèbres de la nuit (Ps. 111: 4), symbole de celles du péché qui occupait tout le monde.
4, 10, 469. La Très Sainte Marie et saint Joseph entrèrent dans cet hôtel improvisé et au moyen de la splendeur que les dix mille Anges de leur compagnie émettaient, ils purent facilement le reconnaître pauvre et seul, comme ils le désiraient avec une grande consolation et des larmes de joie. Aussitôt les deux saints Pèlerins à genoux louèrent le Seigneur et Lui rendirent grâces pour ce bienfait, qu'ils n'ignoraient point avoir été disposé par les jugements cachés de la Sagesse éternelle. La divine Princesse Marie fut plus capable de ce grand sacrement parce qu'en sanctifiant de ses pas cette petite grotte, Elle sentit une plénitude de jubilation intérieure qui l'éleva et la vivifia tout entière. Elle demanda au Seigneur de payer d'une main libérale les habitants de la ville qui, en la rejetant de leurs maisons lui avaient occasionné autant de bien qu'Elle en espérait en cette très humble étable. Celle-ci était faite de rochers naturels et bruts sans aucun genre de curiosité ni d'artifice et de telle sorte que les hommes ne la
jugèrent convenable que pour héberger des animaux; mais le Père Éternel l'avait destiné pour l'abri et l'habitation de Son propre Fils.
4, 10, 470. La milice céleste des esprits angéliques qui gardaient leur Reine et leur Souveraine s'ordonna en forme d'escadrons, comme faisant corps de garde dans le palais royal. Et ils se manifestaient aussi au saint époux Joseph dans la forme corporelle et humaine qu'ils avaient; car il était convenable en cette circonstance qu'il jouît de cette faveur, tant pour alléger sa peine, voyant ce pauvre abri si orné et si beau avec les richesses du Ciel, que pour alléger et ranimer son coeur, et l'élever davantage pour les événements que le Seigneur préparait cette nuit-là et dans un lieu si méprisé. La grande Reine et Impératrice du Ciel qui était déjà informée du Mystère qui allait être célébré, détermina de nettoyer de ses mains cette grotte qui devait servir de trône royal et de propitiatoire sacré, afin que l'exercice d'humilité ne lui manquât point à Elle, ni à son Fils ce culte et cette révérence qui était tout ce qu'Elle pouvait Lui préparer en cette circonstance pour l'ornement de Son Temple.
4, 10, 471. Le saint époux Joseph attentif à la majesté de sa divine Épouse, qu'Elle paraissait oublier en présence de l'humilité, la supplia de ne point lui enlever cet office qui le regardait alors et prenant les devants, il commença à nettoyer le sol et les recoins de la grotte, quoique l'humble Souveraine ne laissât pas de le faire conjointement avec lui. Et comme les saints Anges en forme humaine visible semblaient se trouver confondus à la vue d'une si dévote émulation de l'humilité de leur Reine, ils se mirent aussitôt avec une sainte jalousie à aider nos Saints dans cet exercice, ou pour mieux dire en très peu de temps ils nettoyèrent et débarrassèrent cette caverne, la laissant toute disposée et remplie de parfums [a]. Saint Joseph alluma du feu avec les objets nécessaires qu'il portait pour cela [b. Et parce qu'il faisait grand froid, ils s'en approchèrent pour recevoir quelque soulagement; et ils mangèrent ou soupèrent avec les pauvres aliments qu'ils avaient apportés, et tout cela avec une allégresse incomparable de leurs âmes; bien que la Reine du Ciel et de la terre si voisine de son divin Enfantement fût si absorbée et si abstraite dans le Mystère divin qu'Elle n'eût rien mangé si ce n'eût été par obéissance à son époux.
4, 10, 472. Ils rendirent grâces au Seigneur comme ils avaient coutume après les repas. Et ayant passé quelque temps à cela et à conférer des mystères du Verbe Incarné, la Très Prudente Vierge reconnut que le très heureux Enfantement s'approchait. Elle pria son époux Joseph de se coucher pour se reposer et dormir un peu, car la nuit était déjà très avancée. L'homme de Dieu obéit à son Épouse, et il la pria aussi de faire de même; il disposa et prépara pour cela avec les hardes qu'il avait une crèche assez grande qui était dans le sol de la grotte pour le service des animaux qui s'y réfugiaient. Et laissant la Vierge Très Sainte accommodée dans ce lit, saint Joseph se retira dans un recoin de l'entrée, où il se mit en oraison. Il fut ensuite visité par l'Esprit Divin et il sentit une force très douce et très extraordinaire par laquelle il fut ravi et élevé en extase, où il lui fut montré tout ce qui arriva dans l'heureuse grotte cette nuit-là; car il ne revint à ses sens que lorsque sa divine Épouse l'appela. Et tel fut le sommeil que Joseph eut là, plus sublime et plus heureux que celui d'Adam dans le paradis (Gen. 2: 21).
4, 10, 473. La Reine des créatures dans le lieu où Elle était fut dans le même temps mue d'un fort appel du Très-Haut par une transformation douce et efficace qui l'éleva au-dessus de tout ce qui est créé et Elle sentit de nouveaux effets de la Puissance Divine; parce que cette extase fut des plus rares et des plus admirables de sa très sainte Vie. Ensuite Elle s'éleva davantage par de nouvelles Lumières et de nouvelles qualités que le Très-Haut lui donna, de celles que j'ai déclarées en d'autres occasions pour arriver à la claire vision de la Divinité. Avec ces dispositions le voile lui fut ôté et Elle vit intuitivement Dieu même avec tant de gloire et de plénitude de Science que tout entendement angélique et humain ne peut ni l'expliquer, ni le comprendre parfaitement [c]. La connaissance des Mystères de la Divinité et de l'Humanité Très Sainte de son Fils qui lui avait été donnée en d'autres visions lui fut renouvelée en celle-ci et il lui fut manifesté d'autres secrets renfermés dans ces archives inépuisables du sein de Dieu. Et je n'ai point de termes et de paroles suffisantes, adéquates et capables de manifester ce que j'ai connu de ces sacrements par la Lumière divine; car leur abondance et leur fécondité me rendent pauvre de paroles.
4, 10, 474. Le Très-Haut déclara à Sa Mère Vierge qu'il était temps de sortir de sons sein Virginal au monde et la manière dont cela devait être accompli et exécuté. La Très Prudente Souveraine connut, dans cette vision les raisons et les
fins très sublimes de ces Oeuvres et de ces sacrements si admirables, tant du côté du Seigneur même, que de ce qui touchait aux créatures pour qui ils étaient ordonnés immédiatement. Elle se prosterna devant le trône Royal de la Divinité et Lui rendant gloire, magnificence, grâces et louanges pour Elle-même et aussi pour toutes les créatures qui Lui devaient tant de reconnaissance pour une si ineffable Miséricorde et une si grande condescendance de Son Amour; Elle demanda à Sa Majesté une Lumière et une grâce nouvelles pour opérer dignement dans le service, l'honneur et l'éducation du Verbe fait homme qu'elle devait recevoir dans ses bras et nourrir de son lait Virginal. La divine Mère fit cette demande avec une humilité très profonde, comme Celle qui connaissait la sublimité d'un sacrement si nouveau: que de nourrir et de traiter comme Mère, Dieu même fait homme, et parce qu'Elle se jugeait indigne d'un tel office, pour l'accomplissement duquel les suprêmes Séraphins étaient insuffisants. La Mère de la Sagesse (Eccli. 24: 24) y pensait et le pesait prudemment et humblement. Et parce qu'Elle S'humilia (Luc 1: 48) et s'anéantit jusqu'à la poussière en présence du Très-Haut, Sa Majesté l'éleva et lui donna de nouveau le titre de Sa Mère: Il lui commanda comme Mère légitime et véritable d'exercer cet office et ce ministère et de le traiter comme Fils du Père Éternel et conjointement Fils de ses entrailles. Et tout put être confié (Prov. 31: 11) à une telle Mère en qui fut renfermé tout ce que je ne peux expliquer par mes paroles.
4, 10, 475. La Très Sainte Marie demeura plus d'une heure dans ce ravissement et cette vision béatifique immédiatement avant son Enfantement. Et en même temps qu'elle en sortit et qu'Elle revint à ses sens, Elle reconnut et vit que le corps de l'Enfant-Dieu se mouvait dans son sein Virginal, se dégageant et prenant congé de ce lieu naturel où Il avait été neuf mois et qu'Il était pour sortir de ce lit sacré. Ce mouvement de l'Enfant non-seulement ne causa aucune douleur ni aucune peine à la Vierge-Mère, comme il arrive aux autres filles d'Adam et d'Eve dans leurs couches (Gen. 3: 16); mais au contraire il la renouvela tout entière en jubilation et en allégresse incomparable, causant dans son âme et dans son corps de Vierge des effets si Divins et si sublimes qu'ils surpassent toute pensée créée. Elle demeura quant au corps si belle, si resplendissante et si spiritualisée qu'Elle ne paraissait pas créature humaine et terrestre. Son visage émettait des rayons de lumière comme un soleil à travers une très belle couleur incarnat. Son air était très grave avec une majesté admirable et une affection enflammée et fervente. Elle était à genoux dans la crèche, les yeux levés au Ciel, les mains jointes sur la
poitrine, l'esprit élevé dans la Divinité et Elle était toute déifiée [d]. Et avec cette disposition, au terme de ce divin ravissement, la Très éminente Dame donna au monde le Fils Unique du Père et le sien, notre Sauveur Jésus, vrai Dieu et vrai homme, à l'heure de minuit [e] le dimanche [f] et l'an de la création du monde cinq mille cent quatre-vingt-dix-neuf [g] comme l'Église romaine l'enseigne; car il m'a été déclaré que ce compte est le certain et le véritable.
4, 10, 476. Il y a d'autres conditions et circonstances de ce très divin Enfantement, quoique tous les fidèles les supposent miraculeuse; néanmoins comme elles n'eurent point d'autres témoins que la Reine du Ciel Elle-même et ses courtisans, elles ne peuvent être toutes sues en particulier, sauf celles que le même Seigneur a manifestés à Sa Sainte Église en commun, ou à quelques âmes en particulier par différents moyens. Et parce qu'en cela il y a je crois, quelques divergences et la matière est très sublime et en tout vénérable, ayant déclaré aux supérieurs qui me gouvernent ce que j'ai connu de ces Mystères pour les écrire, l'obéissance m'ordonna de consulter de nouveau avec la Lumière divine, et de demander à l'Impératrice du Ciel, ma Mère et ma Maîtresse et aux saints Anges qui m'assistent de résoudre les difficultés qui me sont présentées, quelques particularités qui conviennent à une plus grande déclaration de l'Enfantement très sacré de Marie, Mère de Jésus notre Rédempteur. Et ayant accompli ce commandement, je revins à comprendre la même chose, et il me fut déclaré qu'il arriva de la manière suivante.
4, 10, 477. A la fin de la vision béatifique et du ravissement de la Mère toujours Vierge, que j'ai déclaré, naquit d'Elle le Soleil de justice, Fils du Père Éternel et le sien, net, très beau, resplendissant et pur, la laissant dans son intégrité Virginale et sa pureté plus consacrée et plus divinisée, parce qu'Il ne divisa point, mais Il pénétra le cloître Virginal, comme les rayons du soleil qui sans blesser la vitre cristalline la pénètrent et la laissent plus luisante [h]. Et avant d'expliquer la manière miraculeuse comment cela s'exécuta, je dis que l'Enfant-Dieu naquit seul et pur, sans cette tunique qui s'appelle secondine [i] dans laquelle les autres enfants naissent ordinairement renfermés et y sont enveloppés dans le sein de leur mère. Et je ne m'arrête point à déclarer la cause d'où peut naître et s'originer l'erreur qui s'est introduite du contraire. Il suffit de savoir et de supposer que dans la génération du Verbe Incarné et dans Sa Naissance, le puissant bras du Très-Haut
prît et choisit de la nature tout ce qui appartenait à la vérité et à la substance de la génération humaine pour que le Verbe fait homme véritable s'appelât véritablement conçu, engendré et né comme fils de la substance de Sa Mère toujours Vierge. Mais dans les autres conditions qui ne sont point essentielles, mais accidentelles à la génération et à la naissance, non seulement on doit éloigner de Notre Seigneur Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère, celles qui ont relation et dépendance avec le péché originel ou actuel, mais plusieurs autres qui ne dérogent point à la substance de la génération et de la naissance, et qui contiennent dans les confins même de la nature quelque impureté ou superfluité non nécessaire pour que la Reine du Ciel s'appelât Mère véritable et Notre Seigneur Jésus-Christ son Fils et qu'Il naquît d'Elle. Parce que ces effets du péché ou de la nature n'étaient pas nécessaire pour que la Reine du Ciel s'appelât Mère véritable ni non plus pour l'office de Rédempteur et de Maître, et ce qui ne fut pas nécessaire pour ces trois fins et d'un autre côté leur manquement rejaillissait en plus grande excellence du Christ et de Sa Très Sainte Mère, on doit le nier aux deux. Et les miracles qui furent nécessaires pour cela ne doivent point être épargnés à l'égard de l'Auteur de la nature et de la grâce, et de Celle qui fut Sa digne Mère, préparée, ornée et toujours favorisée et embellie: car la Divine droite l'enrichissait en tous temps de grâce et de Dons, et elle s'étendit avec Son pouvoir à tout ce qui fut possible en une pure créature.
4, 10, 478. Conformément à cette vérité, il ne dérogeait pas à la qualité de Mère véritable qu'Elle fût Vierge, en concevant et en enfantant par l'opération de l'Esprit-Saint, demeurant toujours Vierge. Et quoique la nature eût pu perdre ce privilège sans péché de sa part, néanmoins il eût manqué une excellence très singulière et très rare à la divine Mère; et afin qu'Elle n'en fût point privée, la Puissance de son divin Fils la lui concéda. L'Enfant-Dieu aurait bien pu naître avec cette tunique ou peau comme les autres enfants; mais cela n'était pas nécessaire pour naître comme Fils de Sa Mère légitime; et pour cela il ne la tira pas avec Lui du sein virginal et maternel, comme cet Enfantement ne paya point à la nature d'autres dépendances ou tributs auxquels les autres contribuent par l'ordre ordinaire de la naissance. Il n'était pas juste que le Verbe Incarné passât par les lois communes des enfants d'Adam; au contraire il était comme conséquent à Sa manière de naître miraculeuse qu'Il fut privilégié et libre de tout ce qui aurait pu être matière de corruption ou de moindre limpidité; et cette tunique secondine ne devait pas se corrompre hors du sein Virginal, pour avoir été si contingüe ou
continue avec son Très Saint Corps et une partie du sang et de la substance de Sa Mère; il n'était pas convenable qu'Il la gardât et la conservât, ni que les conditions et les privilèges qui furent communiqués au Corps divin pour sortir en pénétrant celui de Sa Très Sainte Mère, comme je le dirai ensuite, la touchassent. Et le miracle par lequel on eût disposé de cette peau sacrée si elle fût sortie du sein put mieux s'opérer en y demeurant sans sortir dehors.
4, 10, 479. L'Enfant-Dieu naquit donc du sein Virginal seul et sans autre chose matérielle ou corporelle qui L'accompagnât. Mais Il sortit glorieux et transfiguré; parce que la Divinité et la Sagesse infinie disposa et ordonna que la gloire de l'Ame très sainte rédondât et se communiquât au Corps de l'Enfant-Dieu au moment de la Naissance, en participant aux Dons de la gloire [j], comme il arriva ensuite sur le Thabor (Matt. 17: 2) en présence des trois Apôtres. Et cette merveille ne fut pas nécessaire pour pénétrer le cloître Virginal et le laisser illésé dans son intégrité de Vierge; parce que sans ces Dons Dieu eût pu faire d'autres miracles pour que l'Enfant naquît en laissant Sa Mère Vierge, comme le dirent les Saints Docteurs qui ne connurent point d'autre mystère dans cette Nativité. Mais la Volonté Divine fut que la Bienheureuse Mère vît la première fois son Fils Dieu-Homme glorieux dans Son corps pour deux fins. L'une afin qu'avec la vue de cet Objet divin la Très Prudente Mère connût la sublime révérence avec laquelle Elle devait traite son Fils, vrai Dieu et vrai Homme. Et quoiqu'Elle en eût été informée auparavant, le Seigneur ordonna néanmoins que par ce moyen comme expérimental une nouvelle grâce fût répandue en Elle, correspondante à l'expérience qu'Elle prenait de l'excellence Divine de son Très Doux Fils, de Sa majesté et de Sa grandeur. La seconde fin de cette merveille fut comme une récompense de la fidélité et de la sainteté de la divine Mère; afin que ses yeux très purs et très chastes qui s'étaient fermés à toutes les choses terrestres pour l'amour de son Très Saint Fils, le vissent aussitôt naissant avec tant de gloire et reçussent cette joie et cette récompense de leur loyauté et de leur délicatesse.
4, 10, 480. L'Évangéliste saint Luc dit (Luc 2: 7) que la Vierge-Mère ayant enfanté son Fils premier-né L'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche. Et il ne déclara pas qui Le reçut de son sein Virginal et Le mit dans ses mains, parce que cela n'appartenait pas à son sujet. Mais les deux souverains Princes, saint Michel et saint Gabriel furent les ministres de cette action [k] car comme ils
assistaient à ce Mystère en forme humaine et corporelle, au moment que le Verbe humanisé pénétrant par Sa vertu à travers le Tabernacle virginal sortit à la lumière, ils Le reçurent à la distance voulue dans leurs mains avec une révérence incomparable. Et de la manière que le prêtre propose la sainte Hostie au peuple, afin qu'il L'adore, ainsi ces ceux ministres célestes présentèrent aux yeux de la divine Mère son Fils glorieux et resplendissant. Tout cela arriva en un temps bien court. Et au moment où les saints Anges présentèrent l'Enfant-Dieu à Sa Mère, le Fils et la Mère Se regardèrent réciproquement, Celle-ci blessant (Cant. 4: 9) le Coeur du doux Enfant et demeurant conjointement élevée et transformée en Lui. Et des mais des saints Anges, le Prince Céleste parla à Son heureuse Mère et lui dit: «Mère, assimile-toi à Moi, car pour l'être humain que tu m'as donné Je veux dès aujourd'hui te donner un autre être nouveau, de grâce plus élevée, qui étant de pure Créature s'assimile au Mien qui suis Dieu et homme, par imitation parfaite.» La Très Prudente Mère répondit: «Trahe me post te, curremus in odorem unguentorum tuorum. Attire-moi, Seigneur, et nous courrons après Toi à l'odeur de Tes parfums (Cant. 1: 3).» Ici s'accomplirent plusieurs des mystères cachés des Cantiques; et il se passa entre l'Enfant-Dieu et Sa Mère d'autres colloques divins qui y sont rapportés comme: «Mon Bien-Aimé est à moi et moi je suis à Lui, et Lui Il se tourne vers moi (Cant. 7: 10). Tu es vraiment belle, mon amie, et tes yeux sont de colombe (Cant. 1: 14-15). Tu es vraiment beau, mon Bien-Aimé;» et beaucoup d'autres sacrements qui rallongeraient ce chapitre plus qu'il ne convient.
4, 10, 481. Conjointement avec les paroles que la Très Sainte Marie entendit de la bouche de son Fils Bien-Aimé, les actes intérieurs de son âme très sainte unie à la Divinité lui furent manifestés afin qu'en les imitant elle s'assimilât à Lui. Et ce bienfait fut le plus grand que la très fidèle et très heureuse Mère reçut de son Fils vraie Dieu et vrai Homme; non seulement parce qu'Il fut continuel depuis cette heure pendant toute sa vie; mais parce qu'Il fut le vivant Exemplaire d'où Elle copia la sienne avec toute la similitude possible entre Celle qui était pure Créature et le Christ Homme-Dieu véritable en même temps. La divine Souveraine connut et sentit la Présence de la Très Sainte Trinité, et Elle entendit la voix du Père Éternel qui disait: «Celui-ci est Mon Fils Bien-Aimé (Matt. 17: 5) en qui Je prends Mes délices et Mes complaisances.» Et la Très Prudente Mère toute divinisée au milieu de sacrements si sublimes répondit: «Père Éternel et Dieu très haut, Seigneur et Créateur de l'Univers, donnez de nouveau Votre permission et Votre bénédiction afin qu'avec elle je reçoive dans mes bras le Désiré des Nations (Agg.
2: ; et enseignez-moi à accomplir, dans le ministère de Mère indigne et d'esclave fidèle Votre Divine Volonté.» Elle entendit aussitôt une voix qui lui disait: «Reçois ton Fils unique, imite-Le, élève-Le et sache que tu dois me Le sacrifier quand Je te le demanderai. Nourris-Le comme Mère et révère-Le comme ton Dieu véritable.» La divine Mère Lui répondit: «Voici l'ouvrage de Vos mains, ornez-moi de Votre grâce, afin que Votre Fils et mon Dieu m'accepte pour Son esclave; et en me donnant la suffisance de Votre grand pouvoir que je réussisse à Son service; et que ce ne soit pas témérité que l'humble Créature aie dans ses mains et alimente de son lait son propre Créateur et son Seigneur.»
4, 10, 482. Ces colloques si remplis de Mystères divins étant achevés, l'Enfant-Dieu suspendit le miracle ou revint à continuer celui qui suspendait les dots de la gloire de Son très saint Corps, cette gloire demeurant retenue seulement dans l'âme, et Il Se montra sans ces Dons dans Son Etre naturel et passible. Et Sa Très Pure Mère Le vit aussi dans cet état et avec un grand respect et une profonde humilité, Elle Le reçut des mains des saints Anges. Et lorsqu'Elle Le vit dans les siennes Elle Lui parla et Lui dit: «Mon très doux Amour, Lumière de mes yeux et Etre de mon âme, venez à la bonne heure au monde, Soleil de justice (Mal. 4: 2), pour dissiper les ténèbres du péché et de la mort (Is. 9: 2). Vrai Dieu et vrai Homme, rachetez vos serviteurs (Ps. 33: 23) et que toute chair (Is. 40: 5) voie Celui qui lui apporte le salut. Recevez Votre esclave pour Votre service et suppléez à mon insuffisance pour Vous servir. Faites-moi, mon Fils, telle que Vous voulez que je sois envers Vous.» Ensuite la Très Prudente Mère se mit à offrir son Fils unique au Père, et Elle dit: «Très haut Créateur de tout l'Univers voici l'autel et le Sacrifice acceptable (Mal. 3: 4) à Vos yeux. Dès cette heure, regardez le genre humain avec miséricorde, ô mon Seigneur; et quoique nous méritions Votre indignation, il est temps qu'elle s'apaise avec Votre Fils et le mien. Que Votre Justice s'apaise désormais et que Votre Miséricorde Se magnifie; puisque c'est pour cela que le Verbe Divin S'est vêtu de la ressemblance de la chair de péché (Rom. 8: 3) et S'est fait Frère des mortels et des pécheurs (Phil. 2: 7). Par ce titre je les reconnais pour mes enfants (Cant. 8: 1) et je prie de l'intime de mon Coeur pour eux. Vous, Seigneur puissant, Vous m'avez faite Mère de Votre Fils Unique sans que je l'aie mérité, parce que cette dignité est au-dessus de tous les mérites des créatures: mais je dois en partie aux hommes l'occasion qu'ils ont donnée à mon incomparable fortune; puisque pour eux je suis Mère du Verbe fait homme passible et Rédempteur de tous. Je ne leur refuserai point mon amour, ma
sollicitude et mes soins pour leur remède. Recevez, Dieu Éternel, mes désirs et mes prières pour ce qui est de Votre agrément et de Votre Volonté.»
4, 10, 483. La Mère de Miséricorde se tourna aussi vers tous les mortels et s'adressant à eux, Elle dit: «Que les affligés se consolent (Is. 61: 1), que ceux qui sont désolés se réjouissent, que ceux qui sont tombés se relèvent, que ceux qui sont troublés se pacifient, que les morts ressuscitent, que les justes se réjouissent et que les esprits célestes reçoivent une nouvelle jubilation (Ps. 95: 11), que les Prophètes et les Patriarches des Limbes se confortent (Is. 9: 2) et que toutes les générations louent et magnifient le Seigneur (Ps. 71: 18) qui a renouvelé Ses merveilles. Venez, venez, pauvres (Luc 4: 18); approchez, ô enfants sans crainte, parce que j'ai dans mes mains Celui qui S'appelle le Lion (Is. 21: , devenu doux Agneau (Is. 16: 1); le Puissant, faible; l'Invincible, soumis. Venez pour chercher la Vie (55: 1), accourez pour acquérir le Salut, approchez pour obtenir le Repos Éternel; car je L'ai pour tous, Il Vous sera donné gratuitement, et je Le communiquerai sans envie (Sag. 7: 13). Ne veuillez pas être tardifs et pesants (Ps. 4: 3) de coeur, ô enfants des hommes; et Vous, doux Bien de mon âme, donnez-moi permission pour que je reçoive de Vous ce baiser désiré (Cant. 1: 1) de toutes les créatures.» Avec cela la Très Heureuse Mère appliqua ses divines et très chastes lèvres aux tendres et amoureuses caresses de l'Enfant-Dieu qui les attendait comme son Fils véritable.
4, 10, 484. Et sans Le quitter, Le tenant dans ses bras, Elle servit d'Autel et d'ostensoir où les dix mille Anges en forme humaine adorèrent leur Créateur fait homme [l]. Et comme la Bienheureuse Trinité assistait d'une manière spéciale à la Naissance du Verbe Incarné, le Ciel demeura comme désert de Ses habitants; parce que toute cette cour invisible se transporta à l'heureuse grotte de Bethléem et adora aussi son Créateur en habit nouveau (Phil. 2: 7) et étranger. Et les saint Anges entonnèrent ce nouveau Cantique: «Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonae voluntatis.» Et avec une harmonie très sonore et très douce, ils le répétèrent dans l'admiration des nouvelles merveilles qu'il voyaient mises en exécution et de la prudence, de la grâce, de l'humilité et de la beauté d'une tendre, jeune Vierge de quinze ans, Ministre et Dépositaire très digne de sacrements si nombreux et si sublimes.-
4, 10, 485. Il était déjà l'heure que la très attentive et très prudente Dame appelât son très fidèle époux saint Joseph qui était, comme je l'ai déjà dit dans une extase divine, où il connut par révélation, tous les Mystères de l'Enfantement sacré qui furent célébrés en cette nuit. Mais il convenait aussi qu'il vît et touchât le Verbe fait chair par les sens corporels, qu'il L'adorât et Le révérât avant aucun autre mortel; puisqu'il était choisi lui seul entre tous pour être le fidèle dispensateur d'un si haut Mystère. Il revint de l'extase moyennant la volonté de sa divine Épouse et revenu à ses sens, la première chose qu'il vit fut l'Enfant-Dieu dans les bras de Sa Mère-Vierge, appuyé sur son sein et son visage sacrés. Là il L'adora avec une humilité très profonde et avec d'abondantes larmes. Il Lui baisa les pieds avec une jubilation et une admiration nouvelles qui lui auraient fait perdre la vie si la Vertu divine ne l'eût conservée; et il aurait perdu l'usage de ses sens s'il n'avait pas été nécessaire d'en user en cette occasion. Après que saint Joseph eut adoré l'Enfant, la Très Prudente Mère demanda permission à son Fils de s'asseoir; car jusqu'alors Elle était restée à genoux; et saint Joseph lui fournissant les langes et les petits habits qu'ils avaient apportés, Elle L'en enveloppa avec un ordre, une révérence et une dévotion incomparables; ainsi enveloppé et emmailloté, la Très Sainte Mère avec une Sagesse divine Le coucha dans la crèche (Luc 2: 7), comme l'Évangéliste saint Luc dit, mettant quelque peu de paille et de foin sur une pierre, pour L'accommoder dans ce premier lit que l'Homme-Dieu eut dans le monde hors des bras de Sa Mère. Un boeuf vint ensuite des champs par la Volonté Divine avec une vitesse extrême, et entrant dans la grotte, il se joignit à l'âne qui avait porté la Reine. Cette Souveraine leur commanda de reconnaître et d'adorer leur Créateur avec la révérence qu'ils pouvaient. Les humbles animaux obéirent au commandement de leur Maîtresse et se prosternèrent devant l'Enfant, le réchauffèrent de leur haleine, et Lui rendirent le respect et l'honneur que les hommes lui avaient refusés. Ainsi Dieu fait homme fut enveloppé de langes et couché dans la crèche entre deux animaux, et ainsi s'accomplit miraculeusement la prophétie, que «le boeuf connut son Maître, et l'âne la crèche de son Seigneur; et Israël ne le connut pas, et Son peuple n'eut pas d'intelligence (Is. 1: 3).»
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 10, 486. Ma fille, si les mortels avaient le coeur désoccupé et le jugement sain pour considérer dignement ce grand sacrement de piété que le Très-Haut opéra pour eux, Sa mémoire serait Puissante pour les amener au chemin de la Vie et les soumettre à l'Amour de leur Créateur et Réparateur. Parce que si les hommes étant capables de raison en usaient avec la dignité et la liberté qu'ils doivent, qui serait assez insensible et assez dur pour ne point s'attendrir et s'émouvoir à la vue de leur Dieu fait homme et humilié jusqu'à naître pauvre, méprisé, méconnu dans une crèche entre de vils animaux avec le seul patronage d'une Mère pauvre et rejetée de la stupidité et de l'arrogance du monde? En présence d'une Sagesse et d'un Mystère si sublimes, qui osera aimer la vanité et l'orgueil que le Créateur du Ciel et de la terre abhorre et condamne par Son exemple? Il ne pourrait pas non plus abhorrer l'humilité, la pauvreté et la nudité que le même Seigneur aima et choisit pour Lui-même, enseignant le moyen véritable de la Vie Éternelle. Il y en a peu qui s'arrêtent à considérer cette vertu et cet exemple; et avec une si horrible ingratitude, il y en a peu qui obtiennent le Fruit de si grands sacrements.
4, 10, 487. Mais si la bonté de mon Très Saint Fils s'est montrée si libérale envers toi dans la science et la Lumière si claire qu'Il t'a donnée de ces bienfaits si admirables en faveur du genre humain, considère bien ton obligation, ma très chère, et pèse combien et comment tu dois opérer avec la Lumière que tu reçois. Et afin de correspondre à cette dette, Je t'avertis et t'exhorte de nouveau d'oublier tout le terrestre, de le perdre de vue et de ne vouloir ni accepter aucune autre chose du monde que ce qui peut t'en éloigner et te cacher à lui et à ses habitants, afin que le coeur dépouillé de toute affection terrestre, tu te disposes, pour y célébrer les mystères de la pauvreté, de l'humilité et de l'amour de ton Dieu fait homme. Apprends par mon exemple la révérence, la crainte et le respect avec lesquels tu Le dois traiter comme je le faisais quand je L'avais dans mes bras; tu exécuteras cette Doctrine, lorsque tu Le recevra dans ton sein dans le Sacrement vénérable de l'Eucharistie où est le même Dieu-Homme qui naquit de mes entrailles. Et dans ce Sacrement tu Le reçois et tu L'as si proche qu'Il est au dedans de toi-même avec la même vérité que je Le tenais et que je Le traitais quoique d'une manière différente.
4, 10, 488. Dans cette révérence et cette sainte crainte, je veux que tu sois parfaite et insigne; et que tu saches et comprennes aussi que par là même que Dieu entre sacramenté dans ton coeur, Il te dit la même chose qu'Il me dit à moi dans ces paroles: «Que je m'assimilasse à Lui» comme tu l'as entendu et écrit. Descendre du Ciel sur la terre, naître dans la pauvreté et l'humilité, y vivre et y mourir avec un si rare exemple et un si grand enseignement du mépris du monde et de ses tromperies, et la science qu'Il t'a donnée de ces Oeuvres, se signalant envers toi par le Don d'une intelligence et d'une pénétration si sublime: tout cela doit être pour toi une vive voix que tu dois écouter avec une intime attention de ton âme et l'écrire dans ton coeur, afin qu'avec discrétion tu te rendes propres les bienfaits communs et que tu comprennes que mon Très Saint Fils et mon Seigneur veut de ta part que tu les reçoives et les reconnaisses comme si c'était pour toi seule (Gal. 2: 20) qu'Il serait descendu du Ciel pour te racheter, pour opérer toutes Ses merveilles et pour donner la Doctrine qu'Il a laissée dans Sa Sainte Église.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 10, [a]. La Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ, depuis Sa naissance jusqu'à Sa mort selon l'observation des saints Pères, ne fut qu'un tissu d'humiliations et d'hommages, de peines et de joies, de mépris et de prodiges. Il mourut sur une croix; mais le soleil s'obscurcit, la terre trembla, le voile du Temple se déchira, les morts sortirent de leurs sépulcres. Il souffrit dans le Jardin des Olives une agonie mortelle; mais Il fut consolé par un Ange. Il voulut être tenté dans le désert; mais aussitôt après les esprits célestes Lui servirent à manger et Lui firent la cour. Il S'humilia dans le Jourdain, mais la Voix du Père se fit entendre Le proclamant Son Fils. Il s'enfuit en Égypte, mais Il abattit les idoles. Il naquit dans une grotte, mais Il fut honoré par les Anges qui Lui chantèrent gloire, adoré par les bergers et par les rois. On ne voit toujours d'un côté qu'humilité, abjection et mépris et de l'autre qu'hommages et prodiges. On ne doit donc point s'étonner en lisant ce que dit la Vénérable que les Esprits célestes s'occupèrent à nettoyer la grotte de Bethléem,
pour la mettre en état de décente propreté et la rendre tout embaumée. Le Coeur tendre de la divine Mère et le Coeur sensible de saint Joseph devaient le faire aussi.
4, 10, [b. En Palestine dans les mois de décembre et de janvier il fait des temps froids et parfois de la gelée.
4, 10, [c]. Que la Très Sainte Marie ait vu Dieu intuitivement lors de la Nativité de Jésus-Christ, S. Antonin de Florence l'affirme expressément; et c'est la doctrine de presque tous les scolastiques, que la Très Sainte Marie a joui plusieurs fois de la vision intuitive de Dieu comme en passant, étant encore en vie. Que sa science surpassât l'intelligence des Anges mêmes, c'est ce qu'assurent les Pères latins et les Pères Grecs qui écrivent de la Très Sainte Vierge les diverses expressions desquelles furent résumées en quelque manière par le Souverain Pontife pie IX dans sa bulle "ineffabilis" par cette phrase: «Deus.... illam Mariam longe ante omnes angelicos spiritus...»
4, 10, [d]. «Quelle est l'âme qui ne se sente portée vers Dieu en lisant attentivement ce beau passage de notre Vénérable? Où se pouvaient trouver des expressions si belles, sinon dans l'océan de la Divinité où tout est clair, grand, sublime et mystérieux.» [Le Père Séraphin].
4, 10, [e]. C'est-à-dire dans la minuit entre le 24 et le 25 décembre. C'est ce qui fut indiqué par l'Esprit-Saint dans le sens mystique au chapitre 18 (Sag. 18: 14) de la Sagesse: "Lorsqu'un paisible silence régnait sur toutes choses et que la nuit était au milieu de sa course, votre parole toute puissante venant du Ciel, du trône royal... fondit au milieu de cette terre: " «et cela pour signifier,» comme écrit saint Augustin, «que Jésus-Christ, Soleil de vérité et de justice, venait pour éclairer ceux qui étaient assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort.» [Q. 53 inter Quaest. Vet. et Nov. Test.].
4, 10, [f]. «Dans la nuit du dimanche Notre Seigneur Jésus-Christ naquit, harmonisant l'ordre de Ses merveilles, de manière que Lui qui était la Lumière pour les coeurs droits, Il naquit au milieu des ténèbres, dans la nuit de ce jour-là même où Il avait dit: "Que la lumière soit faite" et la lumière avait été faite.» [Rupert, l. 3, de div. off., c. 16].
4, 10, [g]. Et c'est aussi l'année marquée par le Martyrologe romain et conforme au texte grec des Septante et au comput précis de l'historien Eusèbe de Césarée presque identique à celui de l'Hébreu Filon qui porte l'an 5195 et de Saint Isidore de Séville qui en porte 5196. Ce comput est aussi plus conforme aux données de la science moderne, à la géologie et aux chronologies des diverses nations anciennes, comme le remarque aussi Cantu dans son Histoire universelle et Moigno dans ses "Splendeurs de la Foi". Quant au mois où naquit Jésus-Christ qu'il ait été précisément le mois de décembre du 24e au 25e jour ce fut toujours une tradition universelle de l'Église dès le temps des Apôtres; "ab ipso tempore Apostolorum", comme écrivait saint Jean-Chrysostôme. [Hom. de Nativ. Dom. et Hom. 7 in Matt.].
4, 10, [h]. Expression semblable à celle de S. Augustin, [Serm. 3. de Adv.]: «Le rayon du soleil pénètre le verre et il en traverse la solidité avec une subtilité insensible, et on le voit au dedans tel qu'il est au dehors. Ainsi il ne viole pas l'intégrité quand il y entre ni ne la rompt quand il en sort, parce que soit que ce rayon entre ou sorte, le verre demeure entier. Or si le rayon du soleil ne rompt point le verre, l'entrée et la sortie de la Divinité pourra-t-elle vicier l'Intégrité Virginale?»
4, 10, [i]. Cette sentence est la doctrine professée par deux cents Pères du sixième concile de Constantinople dans le Canon 79e: "Absque ullis secundinis ex Virgine partum esse confitentes;" qui est un des Canons acceptés par le 7e concile oecuménique et par le Pape Adrien, comme le note Suarez, [in 3 p., t. 2, disp. 13, sec. 2.].
4, 10, [j]. C'est ce qui fut aussi révélé à sainte Brigitte, [Rev. I. 7, c. 12] et c'est aussi conforme à la raison qu'apporte saint Jean Damascène parlant de la Transfiguration, [serm. de Transf.]: «s'étant transfiguré comme pour faire la division entre l'Ancien et le Nouveau Testament;» ce qui arrivait avec plus de congruité à l'époque de Sa sainte Nativité, vrai point où se séparait le Nouveau Testament de l'Ancien. Du reste si à la naissance du Christ-Dieu, les Anges ses serviteurs étaient tellement brillants, qu'ils éclairaient les pasteurs, et que ceux-ci «étaient environnés de la clarté de Dieu», [Luc 2: 9], pourquoi l'Enfant-Dieu Lui-même, vrai Auteur de cette lumière n'aurait pas été lumineux Lui aussi, puisque son Ame jouissait habituellement de la gloire et de la Lumière de la Divinité par la vision béatifique, laquelle gloire eût redondé dans Son Corps sans un miracle continuel de suspension?
4, 10, [k]. Que les Anges aient été les premiers à prendre dans leurs mains l'Enfant-Dieu et à le mettre dans les mains de la Très Sainte Vierge, saint Grégoire de Nysse, et saint Thomas, [In Catena] l'insinuent; Suarez le tient aussi, [in 3 p., t. 2, disp. 13, sect. 3].
4, 10, [l]. C'est ce que marque l'Apôtre écrivant, [Heb. 1: 6]: «Lorsqu'il introduisit de nouveau son premier-né dans le monde, il dit: "Et que tous les Anges de Dieu l'adorent."» Saint Jean Chrysostôme, Théophilacte, Euthime et d'autres expliquent ainsi ce passage. C'est pourquoi la grotte fut comme changée en un autre Ciel Empirée, remplie d'Anges, de Chérubins et de Séraphins qui ayant quitté le Ciel, étaient descendus pour adorer leur Dieu fait homme. Ainsi A Lapide.
Jésus-Christ notre Seigneur naît de la Vierge Marie à Bethléem de Juda.
4, 10, 468. Le palais que le suprême Roi des rois et Seigneur des seigneurs avait préparé pour hospitaliser dans le monde Son Fils éternel Incarné pour les hommes était la plus pauvre et la plus humble cabane, ou grotte, où la Très Sainte Marie et Joseph se retirèrent, rejetés des hôtelleries et de la pitié naturelle des mêmes hommes, comme il a été dit dans le chapitre précédent. Ce lieu était si méprisé et si contemptible que la ville de Bethléem étant si remplie d'étrangers qui manquaient d'hôtelleries pour y habiter, personne néanmoins ne daigna l'occuper ni s'y abaisser; parce qu'il est certain qu'il ne leur était pas propre et qu'il ne leur convenait pas bien, sinon aux maîtres de l'humilité et de la pauvreté, Notre-Seigneur Jésus-Christ et Sa Très Pure Mère. Et par ce moyen la Sagesse du Père Éternel le réserva pour eux, le consacrant par les ornements de la nudité, de la solitude et de la pauvreté pour le premier Temple de la Lumière et la Maison du véritable Soleil de justice (Mal. 4: 2) qui devait naître pour les coeurs droits de la très candide aurore Marie, au milieu des ténèbres de la nuit (Ps. 111: 4), symbole de celles du péché qui occupait tout le monde.
4, 10, 469. La Très Sainte Marie et saint Joseph entrèrent dans cet hôtel improvisé et au moyen de la splendeur que les dix mille Anges de leur compagnie émettaient, ils purent facilement le reconnaître pauvre et seul, comme ils le désiraient avec une grande consolation et des larmes de joie. Aussitôt les deux saints Pèlerins à genoux louèrent le Seigneur et Lui rendirent grâces pour ce bienfait, qu'ils n'ignoraient point avoir été disposé par les jugements cachés de la Sagesse éternelle. La divine Princesse Marie fut plus capable de ce grand sacrement parce qu'en sanctifiant de ses pas cette petite grotte, Elle sentit une plénitude de jubilation intérieure qui l'éleva et la vivifia tout entière. Elle demanda au Seigneur de payer d'une main libérale les habitants de la ville qui, en la rejetant de leurs maisons lui avaient occasionné autant de bien qu'Elle en espérait en cette très humble étable. Celle-ci était faite de rochers naturels et bruts sans aucun genre de curiosité ni d'artifice et de telle sorte que les hommes ne la
jugèrent convenable que pour héberger des animaux; mais le Père Éternel l'avait destiné pour l'abri et l'habitation de Son propre Fils.
4, 10, 470. La milice céleste des esprits angéliques qui gardaient leur Reine et leur Souveraine s'ordonna en forme d'escadrons, comme faisant corps de garde dans le palais royal. Et ils se manifestaient aussi au saint époux Joseph dans la forme corporelle et humaine qu'ils avaient; car il était convenable en cette circonstance qu'il jouît de cette faveur, tant pour alléger sa peine, voyant ce pauvre abri si orné et si beau avec les richesses du Ciel, que pour alléger et ranimer son coeur, et l'élever davantage pour les événements que le Seigneur préparait cette nuit-là et dans un lieu si méprisé. La grande Reine et Impératrice du Ciel qui était déjà informée du Mystère qui allait être célébré, détermina de nettoyer de ses mains cette grotte qui devait servir de trône royal et de propitiatoire sacré, afin que l'exercice d'humilité ne lui manquât point à Elle, ni à son Fils ce culte et cette révérence qui était tout ce qu'Elle pouvait Lui préparer en cette circonstance pour l'ornement de Son Temple.
4, 10, 471. Le saint époux Joseph attentif à la majesté de sa divine Épouse, qu'Elle paraissait oublier en présence de l'humilité, la supplia de ne point lui enlever cet office qui le regardait alors et prenant les devants, il commença à nettoyer le sol et les recoins de la grotte, quoique l'humble Souveraine ne laissât pas de le faire conjointement avec lui. Et comme les saints Anges en forme humaine visible semblaient se trouver confondus à la vue d'une si dévote émulation de l'humilité de leur Reine, ils se mirent aussitôt avec une sainte jalousie à aider nos Saints dans cet exercice, ou pour mieux dire en très peu de temps ils nettoyèrent et débarrassèrent cette caverne, la laissant toute disposée et remplie de parfums [a]. Saint Joseph alluma du feu avec les objets nécessaires qu'il portait pour cela [b. Et parce qu'il faisait grand froid, ils s'en approchèrent pour recevoir quelque soulagement; et ils mangèrent ou soupèrent avec les pauvres aliments qu'ils avaient apportés, et tout cela avec une allégresse incomparable de leurs âmes; bien que la Reine du Ciel et de la terre si voisine de son divin Enfantement fût si absorbée et si abstraite dans le Mystère divin qu'Elle n'eût rien mangé si ce n'eût été par obéissance à son époux.
4, 10, 472. Ils rendirent grâces au Seigneur comme ils avaient coutume après les repas. Et ayant passé quelque temps à cela et à conférer des mystères du Verbe Incarné, la Très Prudente Vierge reconnut que le très heureux Enfantement s'approchait. Elle pria son époux Joseph de se coucher pour se reposer et dormir un peu, car la nuit était déjà très avancée. L'homme de Dieu obéit à son Épouse, et il la pria aussi de faire de même; il disposa et prépara pour cela avec les hardes qu'il avait une crèche assez grande qui était dans le sol de la grotte pour le service des animaux qui s'y réfugiaient. Et laissant la Vierge Très Sainte accommodée dans ce lit, saint Joseph se retira dans un recoin de l'entrée, où il se mit en oraison. Il fut ensuite visité par l'Esprit Divin et il sentit une force très douce et très extraordinaire par laquelle il fut ravi et élevé en extase, où il lui fut montré tout ce qui arriva dans l'heureuse grotte cette nuit-là; car il ne revint à ses sens que lorsque sa divine Épouse l'appela. Et tel fut le sommeil que Joseph eut là, plus sublime et plus heureux que celui d'Adam dans le paradis (Gen. 2: 21).
4, 10, 473. La Reine des créatures dans le lieu où Elle était fut dans le même temps mue d'un fort appel du Très-Haut par une transformation douce et efficace qui l'éleva au-dessus de tout ce qui est créé et Elle sentit de nouveaux effets de la Puissance Divine; parce que cette extase fut des plus rares et des plus admirables de sa très sainte Vie. Ensuite Elle s'éleva davantage par de nouvelles Lumières et de nouvelles qualités que le Très-Haut lui donna, de celles que j'ai déclarées en d'autres occasions pour arriver à la claire vision de la Divinité. Avec ces dispositions le voile lui fut ôté et Elle vit intuitivement Dieu même avec tant de gloire et de plénitude de Science que tout entendement angélique et humain ne peut ni l'expliquer, ni le comprendre parfaitement [c]. La connaissance des Mystères de la Divinité et de l'Humanité Très Sainte de son Fils qui lui avait été donnée en d'autres visions lui fut renouvelée en celle-ci et il lui fut manifesté d'autres secrets renfermés dans ces archives inépuisables du sein de Dieu. Et je n'ai point de termes et de paroles suffisantes, adéquates et capables de manifester ce que j'ai connu de ces sacrements par la Lumière divine; car leur abondance et leur fécondité me rendent pauvre de paroles.
4, 10, 474. Le Très-Haut déclara à Sa Mère Vierge qu'il était temps de sortir de sons sein Virginal au monde et la manière dont cela devait être accompli et exécuté. La Très Prudente Souveraine connut, dans cette vision les raisons et les
fins très sublimes de ces Oeuvres et de ces sacrements si admirables, tant du côté du Seigneur même, que de ce qui touchait aux créatures pour qui ils étaient ordonnés immédiatement. Elle se prosterna devant le trône Royal de la Divinité et Lui rendant gloire, magnificence, grâces et louanges pour Elle-même et aussi pour toutes les créatures qui Lui devaient tant de reconnaissance pour une si ineffable Miséricorde et une si grande condescendance de Son Amour; Elle demanda à Sa Majesté une Lumière et une grâce nouvelles pour opérer dignement dans le service, l'honneur et l'éducation du Verbe fait homme qu'elle devait recevoir dans ses bras et nourrir de son lait Virginal. La divine Mère fit cette demande avec une humilité très profonde, comme Celle qui connaissait la sublimité d'un sacrement si nouveau: que de nourrir et de traiter comme Mère, Dieu même fait homme, et parce qu'Elle se jugeait indigne d'un tel office, pour l'accomplissement duquel les suprêmes Séraphins étaient insuffisants. La Mère de la Sagesse (Eccli. 24: 24) y pensait et le pesait prudemment et humblement. Et parce qu'Elle S'humilia (Luc 1: 48) et s'anéantit jusqu'à la poussière en présence du Très-Haut, Sa Majesté l'éleva et lui donna de nouveau le titre de Sa Mère: Il lui commanda comme Mère légitime et véritable d'exercer cet office et ce ministère et de le traiter comme Fils du Père Éternel et conjointement Fils de ses entrailles. Et tout put être confié (Prov. 31: 11) à une telle Mère en qui fut renfermé tout ce que je ne peux expliquer par mes paroles.
4, 10, 475. La Très Sainte Marie demeura plus d'une heure dans ce ravissement et cette vision béatifique immédiatement avant son Enfantement. Et en même temps qu'elle en sortit et qu'Elle revint à ses sens, Elle reconnut et vit que le corps de l'Enfant-Dieu se mouvait dans son sein Virginal, se dégageant et prenant congé de ce lieu naturel où Il avait été neuf mois et qu'Il était pour sortir de ce lit sacré. Ce mouvement de l'Enfant non-seulement ne causa aucune douleur ni aucune peine à la Vierge-Mère, comme il arrive aux autres filles d'Adam et d'Eve dans leurs couches (Gen. 3: 16); mais au contraire il la renouvela tout entière en jubilation et en allégresse incomparable, causant dans son âme et dans son corps de Vierge des effets si Divins et si sublimes qu'ils surpassent toute pensée créée. Elle demeura quant au corps si belle, si resplendissante et si spiritualisée qu'Elle ne paraissait pas créature humaine et terrestre. Son visage émettait des rayons de lumière comme un soleil à travers une très belle couleur incarnat. Son air était très grave avec une majesté admirable et une affection enflammée et fervente. Elle était à genoux dans la crèche, les yeux levés au Ciel, les mains jointes sur la
poitrine, l'esprit élevé dans la Divinité et Elle était toute déifiée [d]. Et avec cette disposition, au terme de ce divin ravissement, la Très éminente Dame donna au monde le Fils Unique du Père et le sien, notre Sauveur Jésus, vrai Dieu et vrai homme, à l'heure de minuit [e] le dimanche [f] et l'an de la création du monde cinq mille cent quatre-vingt-dix-neuf [g] comme l'Église romaine l'enseigne; car il m'a été déclaré que ce compte est le certain et le véritable.
4, 10, 476. Il y a d'autres conditions et circonstances de ce très divin Enfantement, quoique tous les fidèles les supposent miraculeuse; néanmoins comme elles n'eurent point d'autres témoins que la Reine du Ciel Elle-même et ses courtisans, elles ne peuvent être toutes sues en particulier, sauf celles que le même Seigneur a manifestés à Sa Sainte Église en commun, ou à quelques âmes en particulier par différents moyens. Et parce qu'en cela il y a je crois, quelques divergences et la matière est très sublime et en tout vénérable, ayant déclaré aux supérieurs qui me gouvernent ce que j'ai connu de ces Mystères pour les écrire, l'obéissance m'ordonna de consulter de nouveau avec la Lumière divine, et de demander à l'Impératrice du Ciel, ma Mère et ma Maîtresse et aux saints Anges qui m'assistent de résoudre les difficultés qui me sont présentées, quelques particularités qui conviennent à une plus grande déclaration de l'Enfantement très sacré de Marie, Mère de Jésus notre Rédempteur. Et ayant accompli ce commandement, je revins à comprendre la même chose, et il me fut déclaré qu'il arriva de la manière suivante.
4, 10, 477. A la fin de la vision béatifique et du ravissement de la Mère toujours Vierge, que j'ai déclaré, naquit d'Elle le Soleil de justice, Fils du Père Éternel et le sien, net, très beau, resplendissant et pur, la laissant dans son intégrité Virginale et sa pureté plus consacrée et plus divinisée, parce qu'Il ne divisa point, mais Il pénétra le cloître Virginal, comme les rayons du soleil qui sans blesser la vitre cristalline la pénètrent et la laissent plus luisante [h]. Et avant d'expliquer la manière miraculeuse comment cela s'exécuta, je dis que l'Enfant-Dieu naquit seul et pur, sans cette tunique qui s'appelle secondine [i] dans laquelle les autres enfants naissent ordinairement renfermés et y sont enveloppés dans le sein de leur mère. Et je ne m'arrête point à déclarer la cause d'où peut naître et s'originer l'erreur qui s'est introduite du contraire. Il suffit de savoir et de supposer que dans la génération du Verbe Incarné et dans Sa Naissance, le puissant bras du Très-Haut
prît et choisit de la nature tout ce qui appartenait à la vérité et à la substance de la génération humaine pour que le Verbe fait homme véritable s'appelât véritablement conçu, engendré et né comme fils de la substance de Sa Mère toujours Vierge. Mais dans les autres conditions qui ne sont point essentielles, mais accidentelles à la génération et à la naissance, non seulement on doit éloigner de Notre Seigneur Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère, celles qui ont relation et dépendance avec le péché originel ou actuel, mais plusieurs autres qui ne dérogent point à la substance de la génération et de la naissance, et qui contiennent dans les confins même de la nature quelque impureté ou superfluité non nécessaire pour que la Reine du Ciel s'appelât Mère véritable et Notre Seigneur Jésus-Christ son Fils et qu'Il naquît d'Elle. Parce que ces effets du péché ou de la nature n'étaient pas nécessaire pour que la Reine du Ciel s'appelât Mère véritable ni non plus pour l'office de Rédempteur et de Maître, et ce qui ne fut pas nécessaire pour ces trois fins et d'un autre côté leur manquement rejaillissait en plus grande excellence du Christ et de Sa Très Sainte Mère, on doit le nier aux deux. Et les miracles qui furent nécessaires pour cela ne doivent point être épargnés à l'égard de l'Auteur de la nature et de la grâce, et de Celle qui fut Sa digne Mère, préparée, ornée et toujours favorisée et embellie: car la Divine droite l'enrichissait en tous temps de grâce et de Dons, et elle s'étendit avec Son pouvoir à tout ce qui fut possible en une pure créature.
4, 10, 478. Conformément à cette vérité, il ne dérogeait pas à la qualité de Mère véritable qu'Elle fût Vierge, en concevant et en enfantant par l'opération de l'Esprit-Saint, demeurant toujours Vierge. Et quoique la nature eût pu perdre ce privilège sans péché de sa part, néanmoins il eût manqué une excellence très singulière et très rare à la divine Mère; et afin qu'Elle n'en fût point privée, la Puissance de son divin Fils la lui concéda. L'Enfant-Dieu aurait bien pu naître avec cette tunique ou peau comme les autres enfants; mais cela n'était pas nécessaire pour naître comme Fils de Sa Mère légitime; et pour cela il ne la tira pas avec Lui du sein virginal et maternel, comme cet Enfantement ne paya point à la nature d'autres dépendances ou tributs auxquels les autres contribuent par l'ordre ordinaire de la naissance. Il n'était pas juste que le Verbe Incarné passât par les lois communes des enfants d'Adam; au contraire il était comme conséquent à Sa manière de naître miraculeuse qu'Il fut privilégié et libre de tout ce qui aurait pu être matière de corruption ou de moindre limpidité; et cette tunique secondine ne devait pas se corrompre hors du sein Virginal, pour avoir été si contingüe ou
continue avec son Très Saint Corps et une partie du sang et de la substance de Sa Mère; il n'était pas convenable qu'Il la gardât et la conservât, ni que les conditions et les privilèges qui furent communiqués au Corps divin pour sortir en pénétrant celui de Sa Très Sainte Mère, comme je le dirai ensuite, la touchassent. Et le miracle par lequel on eût disposé de cette peau sacrée si elle fût sortie du sein put mieux s'opérer en y demeurant sans sortir dehors.
4, 10, 479. L'Enfant-Dieu naquit donc du sein Virginal seul et sans autre chose matérielle ou corporelle qui L'accompagnât. Mais Il sortit glorieux et transfiguré; parce que la Divinité et la Sagesse infinie disposa et ordonna que la gloire de l'Ame très sainte rédondât et se communiquât au Corps de l'Enfant-Dieu au moment de la Naissance, en participant aux Dons de la gloire [j], comme il arriva ensuite sur le Thabor (Matt. 17: 2) en présence des trois Apôtres. Et cette merveille ne fut pas nécessaire pour pénétrer le cloître Virginal et le laisser illésé dans son intégrité de Vierge; parce que sans ces Dons Dieu eût pu faire d'autres miracles pour que l'Enfant naquît en laissant Sa Mère Vierge, comme le dirent les Saints Docteurs qui ne connurent point d'autre mystère dans cette Nativité. Mais la Volonté Divine fut que la Bienheureuse Mère vît la première fois son Fils Dieu-Homme glorieux dans Son corps pour deux fins. L'une afin qu'avec la vue de cet Objet divin la Très Prudente Mère connût la sublime révérence avec laquelle Elle devait traite son Fils, vrai Dieu et vrai Homme. Et quoiqu'Elle en eût été informée auparavant, le Seigneur ordonna néanmoins que par ce moyen comme expérimental une nouvelle grâce fût répandue en Elle, correspondante à l'expérience qu'Elle prenait de l'excellence Divine de son Très Doux Fils, de Sa majesté et de Sa grandeur. La seconde fin de cette merveille fut comme une récompense de la fidélité et de la sainteté de la divine Mère; afin que ses yeux très purs et très chastes qui s'étaient fermés à toutes les choses terrestres pour l'amour de son Très Saint Fils, le vissent aussitôt naissant avec tant de gloire et reçussent cette joie et cette récompense de leur loyauté et de leur délicatesse.
4, 10, 480. L'Évangéliste saint Luc dit (Luc 2: 7) que la Vierge-Mère ayant enfanté son Fils premier-né L'enveloppa de langes et le coucha dans une crèche. Et il ne déclara pas qui Le reçut de son sein Virginal et Le mit dans ses mains, parce que cela n'appartenait pas à son sujet. Mais les deux souverains Princes, saint Michel et saint Gabriel furent les ministres de cette action [k] car comme ils
assistaient à ce Mystère en forme humaine et corporelle, au moment que le Verbe humanisé pénétrant par Sa vertu à travers le Tabernacle virginal sortit à la lumière, ils Le reçurent à la distance voulue dans leurs mains avec une révérence incomparable. Et de la manière que le prêtre propose la sainte Hostie au peuple, afin qu'il L'adore, ainsi ces ceux ministres célestes présentèrent aux yeux de la divine Mère son Fils glorieux et resplendissant. Tout cela arriva en un temps bien court. Et au moment où les saints Anges présentèrent l'Enfant-Dieu à Sa Mère, le Fils et la Mère Se regardèrent réciproquement, Celle-ci blessant (Cant. 4: 9) le Coeur du doux Enfant et demeurant conjointement élevée et transformée en Lui. Et des mais des saints Anges, le Prince Céleste parla à Son heureuse Mère et lui dit: «Mère, assimile-toi à Moi, car pour l'être humain que tu m'as donné Je veux dès aujourd'hui te donner un autre être nouveau, de grâce plus élevée, qui étant de pure Créature s'assimile au Mien qui suis Dieu et homme, par imitation parfaite.» La Très Prudente Mère répondit: «Trahe me post te, curremus in odorem unguentorum tuorum. Attire-moi, Seigneur, et nous courrons après Toi à l'odeur de Tes parfums (Cant. 1: 3).» Ici s'accomplirent plusieurs des mystères cachés des Cantiques; et il se passa entre l'Enfant-Dieu et Sa Mère d'autres colloques divins qui y sont rapportés comme: «Mon Bien-Aimé est à moi et moi je suis à Lui, et Lui Il se tourne vers moi (Cant. 7: 10). Tu es vraiment belle, mon amie, et tes yeux sont de colombe (Cant. 1: 14-15). Tu es vraiment beau, mon Bien-Aimé;» et beaucoup d'autres sacrements qui rallongeraient ce chapitre plus qu'il ne convient.
4, 10, 481. Conjointement avec les paroles que la Très Sainte Marie entendit de la bouche de son Fils Bien-Aimé, les actes intérieurs de son âme très sainte unie à la Divinité lui furent manifestés afin qu'en les imitant elle s'assimilât à Lui. Et ce bienfait fut le plus grand que la très fidèle et très heureuse Mère reçut de son Fils vraie Dieu et vrai Homme; non seulement parce qu'Il fut continuel depuis cette heure pendant toute sa vie; mais parce qu'Il fut le vivant Exemplaire d'où Elle copia la sienne avec toute la similitude possible entre Celle qui était pure Créature et le Christ Homme-Dieu véritable en même temps. La divine Souveraine connut et sentit la Présence de la Très Sainte Trinité, et Elle entendit la voix du Père Éternel qui disait: «Celui-ci est Mon Fils Bien-Aimé (Matt. 17: 5) en qui Je prends Mes délices et Mes complaisances.» Et la Très Prudente Mère toute divinisée au milieu de sacrements si sublimes répondit: «Père Éternel et Dieu très haut, Seigneur et Créateur de l'Univers, donnez de nouveau Votre permission et Votre bénédiction afin qu'avec elle je reçoive dans mes bras le Désiré des Nations (Agg.
2: ; et enseignez-moi à accomplir, dans le ministère de Mère indigne et d'esclave fidèle Votre Divine Volonté.» Elle entendit aussitôt une voix qui lui disait: «Reçois ton Fils unique, imite-Le, élève-Le et sache que tu dois me Le sacrifier quand Je te le demanderai. Nourris-Le comme Mère et révère-Le comme ton Dieu véritable.» La divine Mère Lui répondit: «Voici l'ouvrage de Vos mains, ornez-moi de Votre grâce, afin que Votre Fils et mon Dieu m'accepte pour Son esclave; et en me donnant la suffisance de Votre grand pouvoir que je réussisse à Son service; et que ce ne soit pas témérité que l'humble Créature aie dans ses mains et alimente de son lait son propre Créateur et son Seigneur.»
4, 10, 482. Ces colloques si remplis de Mystères divins étant achevés, l'Enfant-Dieu suspendit le miracle ou revint à continuer celui qui suspendait les dots de la gloire de Son très saint Corps, cette gloire demeurant retenue seulement dans l'âme, et Il Se montra sans ces Dons dans Son Etre naturel et passible. Et Sa Très Pure Mère Le vit aussi dans cet état et avec un grand respect et une profonde humilité, Elle Le reçut des mains des saints Anges. Et lorsqu'Elle Le vit dans les siennes Elle Lui parla et Lui dit: «Mon très doux Amour, Lumière de mes yeux et Etre de mon âme, venez à la bonne heure au monde, Soleil de justice (Mal. 4: 2), pour dissiper les ténèbres du péché et de la mort (Is. 9: 2). Vrai Dieu et vrai Homme, rachetez vos serviteurs (Ps. 33: 23) et que toute chair (Is. 40: 5) voie Celui qui lui apporte le salut. Recevez Votre esclave pour Votre service et suppléez à mon insuffisance pour Vous servir. Faites-moi, mon Fils, telle que Vous voulez que je sois envers Vous.» Ensuite la Très Prudente Mère se mit à offrir son Fils unique au Père, et Elle dit: «Très haut Créateur de tout l'Univers voici l'autel et le Sacrifice acceptable (Mal. 3: 4) à Vos yeux. Dès cette heure, regardez le genre humain avec miséricorde, ô mon Seigneur; et quoique nous méritions Votre indignation, il est temps qu'elle s'apaise avec Votre Fils et le mien. Que Votre Justice s'apaise désormais et que Votre Miséricorde Se magnifie; puisque c'est pour cela que le Verbe Divin S'est vêtu de la ressemblance de la chair de péché (Rom. 8: 3) et S'est fait Frère des mortels et des pécheurs (Phil. 2: 7). Par ce titre je les reconnais pour mes enfants (Cant. 8: 1) et je prie de l'intime de mon Coeur pour eux. Vous, Seigneur puissant, Vous m'avez faite Mère de Votre Fils Unique sans que je l'aie mérité, parce que cette dignité est au-dessus de tous les mérites des créatures: mais je dois en partie aux hommes l'occasion qu'ils ont donnée à mon incomparable fortune; puisque pour eux je suis Mère du Verbe fait homme passible et Rédempteur de tous. Je ne leur refuserai point mon amour, ma
sollicitude et mes soins pour leur remède. Recevez, Dieu Éternel, mes désirs et mes prières pour ce qui est de Votre agrément et de Votre Volonté.»
4, 10, 483. La Mère de Miséricorde se tourna aussi vers tous les mortels et s'adressant à eux, Elle dit: «Que les affligés se consolent (Is. 61: 1), que ceux qui sont désolés se réjouissent, que ceux qui sont tombés se relèvent, que ceux qui sont troublés se pacifient, que les morts ressuscitent, que les justes se réjouissent et que les esprits célestes reçoivent une nouvelle jubilation (Ps. 95: 11), que les Prophètes et les Patriarches des Limbes se confortent (Is. 9: 2) et que toutes les générations louent et magnifient le Seigneur (Ps. 71: 18) qui a renouvelé Ses merveilles. Venez, venez, pauvres (Luc 4: 18); approchez, ô enfants sans crainte, parce que j'ai dans mes mains Celui qui S'appelle le Lion (Is. 21: , devenu doux Agneau (Is. 16: 1); le Puissant, faible; l'Invincible, soumis. Venez pour chercher la Vie (55: 1), accourez pour acquérir le Salut, approchez pour obtenir le Repos Éternel; car je L'ai pour tous, Il Vous sera donné gratuitement, et je Le communiquerai sans envie (Sag. 7: 13). Ne veuillez pas être tardifs et pesants (Ps. 4: 3) de coeur, ô enfants des hommes; et Vous, doux Bien de mon âme, donnez-moi permission pour que je reçoive de Vous ce baiser désiré (Cant. 1: 1) de toutes les créatures.» Avec cela la Très Heureuse Mère appliqua ses divines et très chastes lèvres aux tendres et amoureuses caresses de l'Enfant-Dieu qui les attendait comme son Fils véritable.
4, 10, 484. Et sans Le quitter, Le tenant dans ses bras, Elle servit d'Autel et d'ostensoir où les dix mille Anges en forme humaine adorèrent leur Créateur fait homme [l]. Et comme la Bienheureuse Trinité assistait d'une manière spéciale à la Naissance du Verbe Incarné, le Ciel demeura comme désert de Ses habitants; parce que toute cette cour invisible se transporta à l'heureuse grotte de Bethléem et adora aussi son Créateur en habit nouveau (Phil. 2: 7) et étranger. Et les saint Anges entonnèrent ce nouveau Cantique: «Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonae voluntatis.» Et avec une harmonie très sonore et très douce, ils le répétèrent dans l'admiration des nouvelles merveilles qu'il voyaient mises en exécution et de la prudence, de la grâce, de l'humilité et de la beauté d'une tendre, jeune Vierge de quinze ans, Ministre et Dépositaire très digne de sacrements si nombreux et si sublimes.-
4, 10, 485. Il était déjà l'heure que la très attentive et très prudente Dame appelât son très fidèle époux saint Joseph qui était, comme je l'ai déjà dit dans une extase divine, où il connut par révélation, tous les Mystères de l'Enfantement sacré qui furent célébrés en cette nuit. Mais il convenait aussi qu'il vît et touchât le Verbe fait chair par les sens corporels, qu'il L'adorât et Le révérât avant aucun autre mortel; puisqu'il était choisi lui seul entre tous pour être le fidèle dispensateur d'un si haut Mystère. Il revint de l'extase moyennant la volonté de sa divine Épouse et revenu à ses sens, la première chose qu'il vit fut l'Enfant-Dieu dans les bras de Sa Mère-Vierge, appuyé sur son sein et son visage sacrés. Là il L'adora avec une humilité très profonde et avec d'abondantes larmes. Il Lui baisa les pieds avec une jubilation et une admiration nouvelles qui lui auraient fait perdre la vie si la Vertu divine ne l'eût conservée; et il aurait perdu l'usage de ses sens s'il n'avait pas été nécessaire d'en user en cette occasion. Après que saint Joseph eut adoré l'Enfant, la Très Prudente Mère demanda permission à son Fils de s'asseoir; car jusqu'alors Elle était restée à genoux; et saint Joseph lui fournissant les langes et les petits habits qu'ils avaient apportés, Elle L'en enveloppa avec un ordre, une révérence et une dévotion incomparables; ainsi enveloppé et emmailloté, la Très Sainte Mère avec une Sagesse divine Le coucha dans la crèche (Luc 2: 7), comme l'Évangéliste saint Luc dit, mettant quelque peu de paille et de foin sur une pierre, pour L'accommoder dans ce premier lit que l'Homme-Dieu eut dans le monde hors des bras de Sa Mère. Un boeuf vint ensuite des champs par la Volonté Divine avec une vitesse extrême, et entrant dans la grotte, il se joignit à l'âne qui avait porté la Reine. Cette Souveraine leur commanda de reconnaître et d'adorer leur Créateur avec la révérence qu'ils pouvaient. Les humbles animaux obéirent au commandement de leur Maîtresse et se prosternèrent devant l'Enfant, le réchauffèrent de leur haleine, et Lui rendirent le respect et l'honneur que les hommes lui avaient refusés. Ainsi Dieu fait homme fut enveloppé de langes et couché dans la crèche entre deux animaux, et ainsi s'accomplit miraculeusement la prophétie, que «le boeuf connut son Maître, et l'âne la crèche de son Seigneur; et Israël ne le connut pas, et Son peuple n'eut pas d'intelligence (Is. 1: 3).»
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 10, 486. Ma fille, si les mortels avaient le coeur désoccupé et le jugement sain pour considérer dignement ce grand sacrement de piété que le Très-Haut opéra pour eux, Sa mémoire serait Puissante pour les amener au chemin de la Vie et les soumettre à l'Amour de leur Créateur et Réparateur. Parce que si les hommes étant capables de raison en usaient avec la dignité et la liberté qu'ils doivent, qui serait assez insensible et assez dur pour ne point s'attendrir et s'émouvoir à la vue de leur Dieu fait homme et humilié jusqu'à naître pauvre, méprisé, méconnu dans une crèche entre de vils animaux avec le seul patronage d'une Mère pauvre et rejetée de la stupidité et de l'arrogance du monde? En présence d'une Sagesse et d'un Mystère si sublimes, qui osera aimer la vanité et l'orgueil que le Créateur du Ciel et de la terre abhorre et condamne par Son exemple? Il ne pourrait pas non plus abhorrer l'humilité, la pauvreté et la nudité que le même Seigneur aima et choisit pour Lui-même, enseignant le moyen véritable de la Vie Éternelle. Il y en a peu qui s'arrêtent à considérer cette vertu et cet exemple; et avec une si horrible ingratitude, il y en a peu qui obtiennent le Fruit de si grands sacrements.
4, 10, 487. Mais si la bonté de mon Très Saint Fils s'est montrée si libérale envers toi dans la science et la Lumière si claire qu'Il t'a donnée de ces bienfaits si admirables en faveur du genre humain, considère bien ton obligation, ma très chère, et pèse combien et comment tu dois opérer avec la Lumière que tu reçois. Et afin de correspondre à cette dette, Je t'avertis et t'exhorte de nouveau d'oublier tout le terrestre, de le perdre de vue et de ne vouloir ni accepter aucune autre chose du monde que ce qui peut t'en éloigner et te cacher à lui et à ses habitants, afin que le coeur dépouillé de toute affection terrestre, tu te disposes, pour y célébrer les mystères de la pauvreté, de l'humilité et de l'amour de ton Dieu fait homme. Apprends par mon exemple la révérence, la crainte et le respect avec lesquels tu Le dois traiter comme je le faisais quand je L'avais dans mes bras; tu exécuteras cette Doctrine, lorsque tu Le recevra dans ton sein dans le Sacrement vénérable de l'Eucharistie où est le même Dieu-Homme qui naquit de mes entrailles. Et dans ce Sacrement tu Le reçois et tu L'as si proche qu'Il est au dedans de toi-même avec la même vérité que je Le tenais et que je Le traitais quoique d'une manière différente.
4, 10, 488. Dans cette révérence et cette sainte crainte, je veux que tu sois parfaite et insigne; et que tu saches et comprennes aussi que par là même que Dieu entre sacramenté dans ton coeur, Il te dit la même chose qu'Il me dit à moi dans ces paroles: «Que je m'assimilasse à Lui» comme tu l'as entendu et écrit. Descendre du Ciel sur la terre, naître dans la pauvreté et l'humilité, y vivre et y mourir avec un si rare exemple et un si grand enseignement du mépris du monde et de ses tromperies, et la science qu'Il t'a donnée de ces Oeuvres, se signalant envers toi par le Don d'une intelligence et d'une pénétration si sublime: tout cela doit être pour toi une vive voix que tu dois écouter avec une intime attention de ton âme et l'écrire dans ton coeur, afin qu'avec discrétion tu te rendes propres les bienfaits communs et que tu comprennes que mon Très Saint Fils et mon Seigneur veut de ta part que tu les reçoives et les reconnaisses comme si c'était pour toi seule (Gal. 2: 20) qu'Il serait descendu du Ciel pour te racheter, pour opérer toutes Ses merveilles et pour donner la Doctrine qu'Il a laissée dans Sa Sainte Église.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 10, [a]. La Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ, depuis Sa naissance jusqu'à Sa mort selon l'observation des saints Pères, ne fut qu'un tissu d'humiliations et d'hommages, de peines et de joies, de mépris et de prodiges. Il mourut sur une croix; mais le soleil s'obscurcit, la terre trembla, le voile du Temple se déchira, les morts sortirent de leurs sépulcres. Il souffrit dans le Jardin des Olives une agonie mortelle; mais Il fut consolé par un Ange. Il voulut être tenté dans le désert; mais aussitôt après les esprits célestes Lui servirent à manger et Lui firent la cour. Il S'humilia dans le Jourdain, mais la Voix du Père se fit entendre Le proclamant Son Fils. Il s'enfuit en Égypte, mais Il abattit les idoles. Il naquit dans une grotte, mais Il fut honoré par les Anges qui Lui chantèrent gloire, adoré par les bergers et par les rois. On ne voit toujours d'un côté qu'humilité, abjection et mépris et de l'autre qu'hommages et prodiges. On ne doit donc point s'étonner en lisant ce que dit la Vénérable que les Esprits célestes s'occupèrent à nettoyer la grotte de Bethléem,
pour la mettre en état de décente propreté et la rendre tout embaumée. Le Coeur tendre de la divine Mère et le Coeur sensible de saint Joseph devaient le faire aussi.
4, 10, [b. En Palestine dans les mois de décembre et de janvier il fait des temps froids et parfois de la gelée.
4, 10, [c]. Que la Très Sainte Marie ait vu Dieu intuitivement lors de la Nativité de Jésus-Christ, S. Antonin de Florence l'affirme expressément; et c'est la doctrine de presque tous les scolastiques, que la Très Sainte Marie a joui plusieurs fois de la vision intuitive de Dieu comme en passant, étant encore en vie. Que sa science surpassât l'intelligence des Anges mêmes, c'est ce qu'assurent les Pères latins et les Pères Grecs qui écrivent de la Très Sainte Vierge les diverses expressions desquelles furent résumées en quelque manière par le Souverain Pontife pie IX dans sa bulle "ineffabilis" par cette phrase: «Deus.... illam Mariam longe ante omnes angelicos spiritus...»
4, 10, [d]. «Quelle est l'âme qui ne se sente portée vers Dieu en lisant attentivement ce beau passage de notre Vénérable? Où se pouvaient trouver des expressions si belles, sinon dans l'océan de la Divinité où tout est clair, grand, sublime et mystérieux.» [Le Père Séraphin].
4, 10, [e]. C'est-à-dire dans la minuit entre le 24 et le 25 décembre. C'est ce qui fut indiqué par l'Esprit-Saint dans le sens mystique au chapitre 18 (Sag. 18: 14) de la Sagesse: "Lorsqu'un paisible silence régnait sur toutes choses et que la nuit était au milieu de sa course, votre parole toute puissante venant du Ciel, du trône royal... fondit au milieu de cette terre: " «et cela pour signifier,» comme écrit saint Augustin, «que Jésus-Christ, Soleil de vérité et de justice, venait pour éclairer ceux qui étaient assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort.» [Q. 53 inter Quaest. Vet. et Nov. Test.].
4, 10, [f]. «Dans la nuit du dimanche Notre Seigneur Jésus-Christ naquit, harmonisant l'ordre de Ses merveilles, de manière que Lui qui était la Lumière pour les coeurs droits, Il naquit au milieu des ténèbres, dans la nuit de ce jour-là même où Il avait dit: "Que la lumière soit faite" et la lumière avait été faite.» [Rupert, l. 3, de div. off., c. 16].
4, 10, [g]. Et c'est aussi l'année marquée par le Martyrologe romain et conforme au texte grec des Septante et au comput précis de l'historien Eusèbe de Césarée presque identique à celui de l'Hébreu Filon qui porte l'an 5195 et de Saint Isidore de Séville qui en porte 5196. Ce comput est aussi plus conforme aux données de la science moderne, à la géologie et aux chronologies des diverses nations anciennes, comme le remarque aussi Cantu dans son Histoire universelle et Moigno dans ses "Splendeurs de la Foi". Quant au mois où naquit Jésus-Christ qu'il ait été précisément le mois de décembre du 24e au 25e jour ce fut toujours une tradition universelle de l'Église dès le temps des Apôtres; "ab ipso tempore Apostolorum", comme écrivait saint Jean-Chrysostôme. [Hom. de Nativ. Dom. et Hom. 7 in Matt.].
4, 10, [h]. Expression semblable à celle de S. Augustin, [Serm. 3. de Adv.]: «Le rayon du soleil pénètre le verre et il en traverse la solidité avec une subtilité insensible, et on le voit au dedans tel qu'il est au dehors. Ainsi il ne viole pas l'intégrité quand il y entre ni ne la rompt quand il en sort, parce que soit que ce rayon entre ou sorte, le verre demeure entier. Or si le rayon du soleil ne rompt point le verre, l'entrée et la sortie de la Divinité pourra-t-elle vicier l'Intégrité Virginale?»
4, 10, [i]. Cette sentence est la doctrine professée par deux cents Pères du sixième concile de Constantinople dans le Canon 79e: "Absque ullis secundinis ex Virgine partum esse confitentes;" qui est un des Canons acceptés par le 7e concile oecuménique et par le Pape Adrien, comme le note Suarez, [in 3 p., t. 2, disp. 13, sec. 2.].
4, 10, [j]. C'est ce qui fut aussi révélé à sainte Brigitte, [Rev. I. 7, c. 12] et c'est aussi conforme à la raison qu'apporte saint Jean Damascène parlant de la Transfiguration, [serm. de Transf.]: «s'étant transfiguré comme pour faire la division entre l'Ancien et le Nouveau Testament;» ce qui arrivait avec plus de congruité à l'époque de Sa sainte Nativité, vrai point où se séparait le Nouveau Testament de l'Ancien. Du reste si à la naissance du Christ-Dieu, les Anges ses serviteurs étaient tellement brillants, qu'ils éclairaient les pasteurs, et que ceux-ci «étaient environnés de la clarté de Dieu», [Luc 2: 9], pourquoi l'Enfant-Dieu Lui-même, vrai Auteur de cette lumière n'aurait pas été lumineux Lui aussi, puisque son Ame jouissait habituellement de la gloire et de la Lumière de la Divinité par la vision béatifique, laquelle gloire eût redondé dans Son Corps sans un miracle continuel de suspension?
4, 10, [k]. Que les Anges aient été les premiers à prendre dans leurs mains l'Enfant-Dieu et à le mettre dans les mains de la Très Sainte Vierge, saint Grégoire de Nysse, et saint Thomas, [In Catena] l'insinuent; Suarez le tient aussi, [in 3 p., t. 2, disp. 13, sect. 3].
4, 10, [l]. C'est ce que marque l'Apôtre écrivant, [Heb. 1: 6]: «Lorsqu'il introduisit de nouveau son premier-né dans le monde, il dit: "Et que tous les Anges de Dieu l'adorent."» Saint Jean Chrysostôme, Théophilacte, Euthime et d'autres expliquent ainsi ce passage. C'est pourquoi la grotte fut comme changée en un autre Ciel Empirée, remplie d'Anges, de Chérubins et de Séraphins qui ayant quitté le Ciel, étaient descendus pour adorer leur Dieu fait homme. Ainsi A Lapide.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 11
Comment les saints Ange annoncèrent en divers endroits la Naissance de notre Souverain et les pasteurs vinrent L'adorer.
4, 11, 489. Les courtisans du Ciel ayant célébré dans la grotte de Bethléem la naissance de leur Dieu Incarné et notre Réparateur, quelques-un d'entre eux furent ensuite dépêchés par le même Seigneur en différents endroits, afin d'annoncer ces heureuses nouvelles à ceux qui selon la Volonté Divine étaient disposés pour les entendre. Le saint Prince Michel alla vers les saints Pères des Limbes et il leur annonça comment le Fils Unique du Père Éternel fait homme était déjà né et demeurait dans le monde et dans une crèche, entre des animaux, humble et doux, tel qu'ils l'avaient prophétisé (Is. 7: 14; Mich. 5: 2; Jér. 23: 6; Ez. 34: 23; Dan. 9: 24; Agg. 2: . Et il parla spécialement à saint Joachim, et à sainte Anne de la part de l'heureuse Mère, parce qu'Elle-même leur avait ordonné; et il leur donna des félicitations de ce qu'Elle avait déjà dans ses bras le Désiré des Nations et Celui qui était annoncé par tous les Patriarches et les Prophètes. Ce fut le jour de la plus grande consolation et de la plus grande allégresse que toute cette grande congrégation de justes et de saints eût eues dans son long exil. Et reconnaissant tous le nouvel Homme-Dieu véritable pour Auteur du Salut éternel, ils firent de nouveaux cantiques à Sa louange ils L'adorèrent et Lui rendirent leurs hommages. Saint Joachim et saint Anne demandèrent à la Très Sainte Marie leur Fille, par le moyen du paranymphe céleste saint Michel, de révérer en leur nom l'Enfant-Dieu, le Fruit béni de son sein Virginal (Luc 1: 42): et ainsi la grande Reine du monde le fit aussitôt, en entendant avec une joie extrême tout ce que le saint Prince lui rapporta des Pères des Limbes.
4, 11, 490. Un autre Ange parmi ceux qui gardaient et assistaient la divine Mère fut envoyé à sainte Elisabeth et à son fils Jean. Et leur ayant annoncé la récente Naissance du Rédempteur, la prudente Matrone et son fils, bien qu'il ne fût qu'un si tendre enfant, se prosternèrent en terre et adorèrent leur Dieu fait homme en esprit et en vérité. Et l'enfant qui était consacré pour Son Précurseur fut entièrement renouvelé avec un nouvel esprit plus enflammé que celui d'Elie, ces mystères causant dans les Anges mêmes une admiration et une louange nouvelles.
Saint Jean et sa mère demandèrent aussi à notre Reine par le moyen des Anges, d'adorer son Très Saint Fils en leur nom et de les offrir de nouveau à son service; et la céleste Reine accomplit toutes ces requêtes.
4, 11, 491. Avec cet avis, sainte Elisabeth dépêcha aussitôt un exprès à Bethléem et par lui elle envoya un présent à l'heureuse Mère de l'Enfant-Dieu qui consistait en de l'argent, de la toile et d'autres choses pour couvrir le Nouveau-Né, Sa pauvre Mère et son époux. Le messager partit avec ce seul ordre de visiter sa cousine et Joseph et de faire attention à l'incommodité et au besoin qu'ils avaient et de rapporter des nouvelles certaines de cela et de leur santé. Cet homme n'eut pas plus de connaissance du sacrement que le seul extérieur qu'il vit et reconnut; mais ravi d'admiration et touché d'une force Divine, il revint intérieurement renouvelé, et il raconta à sainte Elisabeth avec une joie admirable la pauvreté et l'affabilité de sa parente, de l'Enfant et de Joseph et les effets qu'il avait éprouvés de les voir, et ceux qu'une relation aussi sincère produisit dans le coeur bien disposé de la pieuse Matrone furent admirables. Et si la Volonté Divine n'était pas intervenue pour garder le secret d'un si haut sacrement, elle n'eût pu se contenir pour ne point visiter la Mère-Vierge et l'Enfant-Dieu nouveau-né. La grande Reine prit quelque partie des choses qu'Elle leur envoya, afin de suppléer en quelque manière à la pauvreté où ils se trouvaient et Elle distribua le reste aux pauvres: car Elle ne voulut point que la compagnie de ceux-ci lui manquât les jours qu'Elle fut dans l'étable ou grotte de la Naissance.
4, 11, 492. D'autres Anges allèrent aussi donner les mêmes nouvelles à Zacharie, à Siméon et à Anne la prophétesse ainsi qu'à d'autres justes et saints à qui le nouveau Mystère de la Rédemption put être confié; parce que le Seigneur les trouvant dignement préparés pour le recevoir avec fruit et louange, il semblait qu'il était dû en quelque sorte à leur vertu de ne point leur cacher le bienfait qui était concédé au genre humain. Et quoique tous les justes de la terre ne connussent point alors ce sacrement, il y eut néanmoins en tous quelques effets Divins à l'heure où naquit le Sauveur du monde; parce que tous ceux qui étaient en grâce sentirent une jubilation nouvelle, intérieure et surnaturelle, bien qu'ils en ignorassent la cause en particulier. Et il y eut cette mutation non seulement dans les Anges et dans les justes, mais aussi dans les autres créatures insensibles [a]; parce que toutes les influences des planètes se renouvelèrent et s'améliorèrent, le
soleil accéléra son cours b], les étoiles donnèrent une plus grande splendeur [c] et en cette nuit fut formée pour les Rois Mages l'étoile (Jean 4: 23) miraculeuse qui les dirigea à Bethléem. Plusieurs arbres donnèrent des fleurs et d'autres des fruits [d]. Certains temples d'idoles furent ruinés; et d'autres idoles tombèrent [e] et les démons en sortirent. Les hommes attribuèrent à différentes causes tous ces miracles et d'autres qui furent manifestés au monde en ce jour-là, en se trompant sur la vérité. Seulement parmi les justes il y en eut beaucoup qui soupçonnèrent ou qui crurent par l'impulsion Divine que Dieu était venu au monde, quoique personne ne le sût avec certitude, hors ceux à qui Il le révéla Lui-même. De ce nombre furent les rois Mages à qui furent envoyés d'autres Anges de la garde de la Reine dans les endroits de l'Orient où ils étaient pour leur révéler à chacun en particulier, intellectuellement par parole intérieure, comment le Rédempteur du genre humain était né dans la pauvreté et l'humilité. Et avec cette révélation intérieure il leur fut communiqué de nouveaux désirs de Le chercher et de L'adorer; et ensuite ils virent l'étoile signalée qui les dirigea à Bethléem, comme je le dirai plus loin.
4, 11, 493. Les pasteurs de cette région qui veillaient et gardaient leurs troupeaux à l'heure même de la Naissance furent très heureux entre tous. Et non seulement parce qu'ils veillaient avec cette honnête sollicitude et ce travail qu'ils enduraient pour Dieu; mais aussi parce qu'ils étaient pauvres, humbles et méprisés du monde, juste et simples de coeur et ils étaient de ceux qui dans le peuple d'Israël attendaient avec ferveur et désiraient la venue du Messie; et ils en parlaient et en conféraient souvent. Ils avaient une plus grande ressemblance avec l'Auteur de la vie, tant parce qu'ils étaient plus éloignés du faste, de la vanité et de l'ostentation mondaine et de son astuce diabolique. Ils représentaient avec ces nobles qualités l'office que le bon Pasteur venait exercer pour reconnaître Ses brebis (Matt. 2: 2) et être reconnu d'elles. Étant dans cette disposition si convenable, ils méritèrent d'être cités et conviés comme prémices des saints par le Seigneur même; afin qu'ils fussent les premiers entre les mortels à qui le Verbe fait chair Se manifestât et Se communiquât et de qui Il Se donnât pour loué, servir et adoré. Pour cela le même Archange saint Gabriel fut envoyé et les trouvant dans leur veille (Jean 10: 14) il leur apparut en forme humaine visible avec une grande splendeur de lumière très éclatante.
4, 11, 494. Les pasteurs se trouvèrent aussitôt entourés et inondés d'un éclat céleste et ils eurent une grande crainte à la vue de l'Ange comme étant peu exercés à de telles révélations. Le saint Prince les ranima et leur dit: «Hommes sincères ne craignez point, car je vous annonce une grande joie et c'est qu'aujourd'hui est né pour vous le Sauveur, notre Seigneur Jésus-Christ dans la cité de David. Et je vous donne pour signe de cette vérité que vous trouverez l'Enfant enveloppé de langes et posé dans une crèche.» A ces paroles du saint Archange une grande multitude (Luc 2: 8 etc.) de la milice céleste survint à l'improviste et avec des voix et une harmonie très douces ils chantèrent au Très-Haut et ils dirent: «Gloire à Dieu dans les hauteurs et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.»
4, 11, 495. Les signes que le saint Ange leur avait donnés ne paraissaient pas très à propos ni très proportionnés pour les yeux de la chair à la grandeur du Nouveau-Né; car être dans une crèche, enveloppé d'humbles et pauvres langes n'étaient point des indices efficaces pour reconnaître la majesté du roi, s'ils ne l'avaient point pénétrée à la lumière Divine, dont ils étaient illustrés et enseignés. Et parce qu'ils étaient dénués de l'arrogance et de la sagesse mondaines, ils furent promptement instruits dans la Sagesse divine. Et conférant entre eux (Luc 2: 15) de ce que chacun éprouvait de la nouvelle ambassade, ils se déterminèrent à aller en toute hâte à Bethléem pour voir la merveille qu'ils avaient entendue de la part du Seigneur (Luc 2: 15). Ils partirent donc sans retard, et entrant dans l'étable ou grotte, ils trouvèrent, comme dit l'Évangéliste saint Luc (Luc 2: 16-17), Marie, Joseph et l'Enfant couché dans la crèche. Et voyant tout cela ils connurent la vérité de ce qu'ils avaient entendu de l'Enfant. Cette expérience et cette vision furent suivies d'une illumination intérieure qu'ils reçurent par la vue du Verbe fait chair; car lorsque les pasteurs posèrent les yeux sur Lui, le même Enfant Divin les regarda aussi, émettant de Son front une grande splendeur dont les rayons et l'éclat frappèrent le coeur simple de ces hommes pauvres et fortunés; et par une efficacité Divine, ils furent changés et renouvelés en un nouvel être de sainteté et de grâce, les laissant élevés et remplis de Science divine touchant les sublimes Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption des hommes.
4, 11, 496. Ils se prosternèrent tous en terre et ils adorèrent le Verbe Incarné, non plus comme des hommes rustiques et ignorants, mais comme sages et prudents; ils Le louèrent, Le confessèrent et L'exaltèrent pour L'Homme-Dieu
véritable, le Réparateur et le Rédempteur du genre humain. La divine Maîtresse, Mère de l'Enfant-Dieu était attentive à tout ce que les pasteurs disaient et opéraient intérieurement et extérieurement, car Elle pénétrait l'intime de leurs coeurs. Avec cette sagesse et cette prudence très sublime, Elle conférait de toutes ces choses et Elle les conservait dans son sein (Luc 2: 19), les confrontant avec les mystères qu'Elle y conservait et avec les Saintes Écritures et les prophéties. Et comme Elle était alors l'organe de l'Esprit-Saint et la langue de l'Enfant, Elle parla aux pasteurs, les instruisit, les admonesta et les exhorta à la persévérance dans l'amour Divin et le service du Très-Haut. Ils l'interrogèrent eux aussi à leur manière et ils répondirent plusieurs choses touchant les mystères qu'ils avaient connus; et ils restèrent dans l'étable depuis le point du jour jusqu'après midi, temps auquel notre grande Reine leur ayant donné à manger, les renvoya remplis de grâces et de consolations célestes.
4, 11, 497. Dans les jours que la Très Sainte Marie, l'Enfant et saint Joseph demeurèrent dans l'étable ces saints pasteurs vinrent quelques fois les visiter et ils leur apportèrent quelques présents de ce que leur pauvreté pouvait offrir. Et ce que l'Évangéliste saint Luc dit que ceux qui entendaient parler les pasteurs de ce qu'ils avaient vu en étaient dans l'admiration (Luc 2: 18), n'arriva qu'après que la Reine et saint Joseph se furent éloignés de Bethléem; parce que la divine Sagesse le disposa ainsi et que les Pasteurs en purent le publier [g] auparavant. Et tous ceux qui les entendirent ne leur donnèrent point crédit, quelques-un les jugeant pour des gens rustiques et ignorants, mais ils furent saints et remplis de Science divine jusqu'à leur mort. Hérode fut l'un de ceux qui leur donnèrent crédit, quoique ce ne fût pas par foi et par piété sainte, mais par crainte mondaine et perverse de perdre son royaume. Et parmi les enfants à qui il ôta la vie il y eut quelques-uns de ces saints hommes qui méritèrent aussi cette grande fortune et leurs pères les offrirent avec allégresse au martyre qu'ils désiraient et à la souffrance pour le Seigneur qu'ils connaissaient.
DOCTRINE DE MARIE LA TRÈS SAINTE REINE DU CIEL.
4, 11, 498. Ma fille, l'oubli des mortels pour les Oeuvres de leur Réparateur et le peu d'attention qu'ils y font est aussi répréhensible qu'ordinaire et commun, quoique ces Oeuvres soient toutes mystérieuses, pleines d'amour, de miséricorde et d'enseignement pour eux. Tu as été appelée et choisie, afin que par la science et la Lumière que tu reçois tu ne tombes point dans cette dangereuse torpeur et cette indigne grossièreté; et ainsi je veux que tu considères et que tu pèses, dans le Mystère que tu écris maintenant, l'amour très ardent de mon très saint Fils que tu écris maintenant, l'amour très ardent de mon Très Saint Fils qui Le porta à Se communiquer aux hommes aussitôt qu'Il fut né dans le monde, afin qu'ils participassent sans délai au Fruit et à l'allégresse de Sa venue. Les hommes ne connaissent point cette obligation, parce qu'il y en a peu qui pénètrent celle qu'ils ont envers des bienfaits si singuliers, comme aussi, il y en eut peu qui virent le Verbe Incarné en naissant et qui Le remercièrent de Sa venue. Mais ils ignorent la cause de leur infortune et de leur aveuglement; car cette cause n'a été ni elle n'est du côté du Seigneur, ni de Son amour, mais des péchés et de la mauvaise disposition des hommes eux-mêmes, parce que si leur mauvais état et leurs démérites ne l'avaient empêché, la même Lumière qui fut donnée aux justes, aux bergers et aux rois aurait aussi été donnée à tous ou à plusieurs. Et par le fait qu'il y en a eu si peu qui ont reçu cette faveur, tu comprendras combien le monde était dans un état malheureux lorsque le Verbe fait homme y naquit, et en quelle infortune il est encore maintenant, quand avec tant d'évidence, il y a si peu de souvenir du retour qui est dû pour de tels bienfaits.
4, 11, 499. Considère maintenant le peu de disposition des mortels dans le siècle présent, où la Lumière de l'Évangile étant si déclarée et si confirmée par les Oeuvres et les merveilles que Dieu a opérées dans Son Église, il y en a néanmoins si peu de parfaits et qui veuillent se disposer pour la plus grande participation des effets et des Fruits de la Rédemption. Et quoique le nombre des insensés soit si grand (Eccles. 1: 15) et les vices si démesurés, quelques-uns pensent que les parfaits sont en grand nombre, parce qu'ils ne les voient pas si audacieux contre Dieu: cependant il n'y en a pas autant qu'on pense et ils le sont beaucoup moins qu'ils devraient l'être, pendant que Dieu est si offensé des infidèles et qu'Il est si désireux de communiquer les Trésors de Sa grâce à la Sainte Église par les Mérites
de Son Fils Unique fait homme. Sache donc, Ma très chère, à quoi t'oblige la connaissance si claire de ces Vérités. Vis attentive, soigneuse et diligente pour correspondre à Celui qui t'oblige tant, sans perdre ni temps, ni lieu, ni occasion pour opérer le plus saint et le plus parfait que tu saches, puisque tu ne l'accompliras pas à moins. Vois que je t'avertis, te presse et te commande de ne point recevoir en vain une faveur si signalée; ne tiens pas la grâce et la Lumière oisive, mais opère avec plénitude de perfection et de reconnaissance.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 11, [a]. A la naissance d'un roi tout son royaume fait fête; combien plus toutes les créatures durent-elles se réjouir à la naissance de leur Créateur, Roi du Ciel et de la terre.
4, 11, b]. C'est ce que saint Ambroise affirme aussi, disant: «Le soleil se hâta, pour le service du dimanche de la Nativité, de porter la Lumière du monde avant que la nuit eût achevé son temps. A la prière de Josué le soleil demeura fixe pendant le jour, pourquoi ne se serait-il pas hâté davantage pendant la nuit à la Naissance du Christ?» [Serm. 6, de Nat. Dom. 4].
4, 11, [c]. Le même saint Ambroise l'atteste du soleil [ibid.,]: «Non seulement le salut du genre humain fut innové par le Sauveur Orient mais aussi la clarté du soleil même. Car si le soleil fut obscurci lorsque le Christ souffrit, il fallait qu'il brillât plus splendidement lorsqu'Il naquit.»
4, 11, [d]. Les saints Pères s'accordent à dire que Jésus-Christ naquit de la Très Sainte Vierge comme la fleur est produite par l'arbre. Ainsi saint Jérôme, [Isaïe XI]; Saint Léon, pape, [Serm. 4, de Nat. Dom.]; saint Ambroise, [De bened. Patrum, c. 4.; de Spirit. Sanct. I. 2, c. 5]; Tertullien, [l. 5, cont.]; Marcion, [c. 8, et lib.. cont. Judeos, c. p]; etc. De là il suit que le miracle des arbres qui fleurirent à
la naissance du Sauveur comme dit la Vénérable était très à propos pour figurer emblématiquement le divin Fils de Marie qui est appelé dans les Écritures la Fleur des champs.
4, 11, [e]. Ceci arriva de même selon les Pères à l'entrée de l'Enfant Jésus en Égypte, pourquoi ne serait-il pas arrivé de même à la naissance. Le Sauveur devant détruire l'idolâtrie et le règne de Satan, il était bien convenable qu'Il commençât déjà à en donner des signes à Son entrée dans le monde, pour commencer en quelque manière à Se manifester selon ce que dit saint Thomas, [3 p., q. 36, a 3 ad 1]: «La manifestation de la Nativité de Jésus-Christ fut une certaine avant-courrière de la pleine manifestation des événements qui devaient arriver plus tard.» Que les démons habitassent dans les idoles pour donner des réponses, c'est le sentiment commun des saints Pères. [Voir Eusèbe, Demonst., Évangl., lib. VI, c 20].
4, 11, [f]. «La première veille,» écrit A Lapide, «commençait le soir ou au commencement de la nuit et elle durait trois heures, lesquelles étant passées commençait la deuxième veille qui finissait à minuit; après quoi commençait la troisième veille qui durait trois heures; ensuite commençait la quatrième qui durait jusqu'à l'aurore ou au lever du soleil.» [in Luc, XII, 38].
4, 11, [g]. En effet, s'ils l'avaient publié avant, étant si proches de Jérusalem, le roi Hérode et le peuple se seraient beaucoup émus d'une telle annonce, comme ils s'émurent après, dès qu'ils en eurent connaissance par les Mages. «Le roi Hérode se troubla et tout Jérusalem avec lui. Matt. 2: 3.» Ce trouble n'étant point arrivé à l'époque de la Naissance, c'est un indice que les pasteurs ne publièrent pas aussitôt le fait, ou à cause d'un avis qu'ils en reçurent de Dieu comme plus tard les Mages eux-mêmes en retournant dans leurs pays, ou par ordre de la Très Sainte Vierge, ou par une autre disposition de la Providence: ce qui fut certainement providentiel, parce qu'autrement Hérode aurait aussitôt cherché l'Enfant-Dieu pour Lui ôter la vie, et il l'aurait facilement trouvé.
Comment les saints Ange annoncèrent en divers endroits la Naissance de notre Souverain et les pasteurs vinrent L'adorer.
4, 11, 489. Les courtisans du Ciel ayant célébré dans la grotte de Bethléem la naissance de leur Dieu Incarné et notre Réparateur, quelques-un d'entre eux furent ensuite dépêchés par le même Seigneur en différents endroits, afin d'annoncer ces heureuses nouvelles à ceux qui selon la Volonté Divine étaient disposés pour les entendre. Le saint Prince Michel alla vers les saints Pères des Limbes et il leur annonça comment le Fils Unique du Père Éternel fait homme était déjà né et demeurait dans le monde et dans une crèche, entre des animaux, humble et doux, tel qu'ils l'avaient prophétisé (Is. 7: 14; Mich. 5: 2; Jér. 23: 6; Ez. 34: 23; Dan. 9: 24; Agg. 2: . Et il parla spécialement à saint Joachim, et à sainte Anne de la part de l'heureuse Mère, parce qu'Elle-même leur avait ordonné; et il leur donna des félicitations de ce qu'Elle avait déjà dans ses bras le Désiré des Nations et Celui qui était annoncé par tous les Patriarches et les Prophètes. Ce fut le jour de la plus grande consolation et de la plus grande allégresse que toute cette grande congrégation de justes et de saints eût eues dans son long exil. Et reconnaissant tous le nouvel Homme-Dieu véritable pour Auteur du Salut éternel, ils firent de nouveaux cantiques à Sa louange ils L'adorèrent et Lui rendirent leurs hommages. Saint Joachim et saint Anne demandèrent à la Très Sainte Marie leur Fille, par le moyen du paranymphe céleste saint Michel, de révérer en leur nom l'Enfant-Dieu, le Fruit béni de son sein Virginal (Luc 1: 42): et ainsi la grande Reine du monde le fit aussitôt, en entendant avec une joie extrême tout ce que le saint Prince lui rapporta des Pères des Limbes.
4, 11, 490. Un autre Ange parmi ceux qui gardaient et assistaient la divine Mère fut envoyé à sainte Elisabeth et à son fils Jean. Et leur ayant annoncé la récente Naissance du Rédempteur, la prudente Matrone et son fils, bien qu'il ne fût qu'un si tendre enfant, se prosternèrent en terre et adorèrent leur Dieu fait homme en esprit et en vérité. Et l'enfant qui était consacré pour Son Précurseur fut entièrement renouvelé avec un nouvel esprit plus enflammé que celui d'Elie, ces mystères causant dans les Anges mêmes une admiration et une louange nouvelles.
Saint Jean et sa mère demandèrent aussi à notre Reine par le moyen des Anges, d'adorer son Très Saint Fils en leur nom et de les offrir de nouveau à son service; et la céleste Reine accomplit toutes ces requêtes.
4, 11, 491. Avec cet avis, sainte Elisabeth dépêcha aussitôt un exprès à Bethléem et par lui elle envoya un présent à l'heureuse Mère de l'Enfant-Dieu qui consistait en de l'argent, de la toile et d'autres choses pour couvrir le Nouveau-Né, Sa pauvre Mère et son époux. Le messager partit avec ce seul ordre de visiter sa cousine et Joseph et de faire attention à l'incommodité et au besoin qu'ils avaient et de rapporter des nouvelles certaines de cela et de leur santé. Cet homme n'eut pas plus de connaissance du sacrement que le seul extérieur qu'il vit et reconnut; mais ravi d'admiration et touché d'une force Divine, il revint intérieurement renouvelé, et il raconta à sainte Elisabeth avec une joie admirable la pauvreté et l'affabilité de sa parente, de l'Enfant et de Joseph et les effets qu'il avait éprouvés de les voir, et ceux qu'une relation aussi sincère produisit dans le coeur bien disposé de la pieuse Matrone furent admirables. Et si la Volonté Divine n'était pas intervenue pour garder le secret d'un si haut sacrement, elle n'eût pu se contenir pour ne point visiter la Mère-Vierge et l'Enfant-Dieu nouveau-né. La grande Reine prit quelque partie des choses qu'Elle leur envoya, afin de suppléer en quelque manière à la pauvreté où ils se trouvaient et Elle distribua le reste aux pauvres: car Elle ne voulut point que la compagnie de ceux-ci lui manquât les jours qu'Elle fut dans l'étable ou grotte de la Naissance.
4, 11, 492. D'autres Anges allèrent aussi donner les mêmes nouvelles à Zacharie, à Siméon et à Anne la prophétesse ainsi qu'à d'autres justes et saints à qui le nouveau Mystère de la Rédemption put être confié; parce que le Seigneur les trouvant dignement préparés pour le recevoir avec fruit et louange, il semblait qu'il était dû en quelque sorte à leur vertu de ne point leur cacher le bienfait qui était concédé au genre humain. Et quoique tous les justes de la terre ne connussent point alors ce sacrement, il y eut néanmoins en tous quelques effets Divins à l'heure où naquit le Sauveur du monde; parce que tous ceux qui étaient en grâce sentirent une jubilation nouvelle, intérieure et surnaturelle, bien qu'ils en ignorassent la cause en particulier. Et il y eut cette mutation non seulement dans les Anges et dans les justes, mais aussi dans les autres créatures insensibles [a]; parce que toutes les influences des planètes se renouvelèrent et s'améliorèrent, le
soleil accéléra son cours b], les étoiles donnèrent une plus grande splendeur [c] et en cette nuit fut formée pour les Rois Mages l'étoile (Jean 4: 23) miraculeuse qui les dirigea à Bethléem. Plusieurs arbres donnèrent des fleurs et d'autres des fruits [d]. Certains temples d'idoles furent ruinés; et d'autres idoles tombèrent [e] et les démons en sortirent. Les hommes attribuèrent à différentes causes tous ces miracles et d'autres qui furent manifestés au monde en ce jour-là, en se trompant sur la vérité. Seulement parmi les justes il y en eut beaucoup qui soupçonnèrent ou qui crurent par l'impulsion Divine que Dieu était venu au monde, quoique personne ne le sût avec certitude, hors ceux à qui Il le révéla Lui-même. De ce nombre furent les rois Mages à qui furent envoyés d'autres Anges de la garde de la Reine dans les endroits de l'Orient où ils étaient pour leur révéler à chacun en particulier, intellectuellement par parole intérieure, comment le Rédempteur du genre humain était né dans la pauvreté et l'humilité. Et avec cette révélation intérieure il leur fut communiqué de nouveaux désirs de Le chercher et de L'adorer; et ensuite ils virent l'étoile signalée qui les dirigea à Bethléem, comme je le dirai plus loin.
4, 11, 493. Les pasteurs de cette région qui veillaient et gardaient leurs troupeaux à l'heure même de la Naissance furent très heureux entre tous. Et non seulement parce qu'ils veillaient avec cette honnête sollicitude et ce travail qu'ils enduraient pour Dieu; mais aussi parce qu'ils étaient pauvres, humbles et méprisés du monde, juste et simples de coeur et ils étaient de ceux qui dans le peuple d'Israël attendaient avec ferveur et désiraient la venue du Messie; et ils en parlaient et en conféraient souvent. Ils avaient une plus grande ressemblance avec l'Auteur de la vie, tant parce qu'ils étaient plus éloignés du faste, de la vanité et de l'ostentation mondaine et de son astuce diabolique. Ils représentaient avec ces nobles qualités l'office que le bon Pasteur venait exercer pour reconnaître Ses brebis (Matt. 2: 2) et être reconnu d'elles. Étant dans cette disposition si convenable, ils méritèrent d'être cités et conviés comme prémices des saints par le Seigneur même; afin qu'ils fussent les premiers entre les mortels à qui le Verbe fait chair Se manifestât et Se communiquât et de qui Il Se donnât pour loué, servir et adoré. Pour cela le même Archange saint Gabriel fut envoyé et les trouvant dans leur veille (Jean 10: 14) il leur apparut en forme humaine visible avec une grande splendeur de lumière très éclatante.
4, 11, 494. Les pasteurs se trouvèrent aussitôt entourés et inondés d'un éclat céleste et ils eurent une grande crainte à la vue de l'Ange comme étant peu exercés à de telles révélations. Le saint Prince les ranima et leur dit: «Hommes sincères ne craignez point, car je vous annonce une grande joie et c'est qu'aujourd'hui est né pour vous le Sauveur, notre Seigneur Jésus-Christ dans la cité de David. Et je vous donne pour signe de cette vérité que vous trouverez l'Enfant enveloppé de langes et posé dans une crèche.» A ces paroles du saint Archange une grande multitude (Luc 2: 8 etc.) de la milice céleste survint à l'improviste et avec des voix et une harmonie très douces ils chantèrent au Très-Haut et ils dirent: «Gloire à Dieu dans les hauteurs et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.»
4, 11, 495. Les signes que le saint Ange leur avait donnés ne paraissaient pas très à propos ni très proportionnés pour les yeux de la chair à la grandeur du Nouveau-Né; car être dans une crèche, enveloppé d'humbles et pauvres langes n'étaient point des indices efficaces pour reconnaître la majesté du roi, s'ils ne l'avaient point pénétrée à la lumière Divine, dont ils étaient illustrés et enseignés. Et parce qu'ils étaient dénués de l'arrogance et de la sagesse mondaines, ils furent promptement instruits dans la Sagesse divine. Et conférant entre eux (Luc 2: 15) de ce que chacun éprouvait de la nouvelle ambassade, ils se déterminèrent à aller en toute hâte à Bethléem pour voir la merveille qu'ils avaient entendue de la part du Seigneur (Luc 2: 15). Ils partirent donc sans retard, et entrant dans l'étable ou grotte, ils trouvèrent, comme dit l'Évangéliste saint Luc (Luc 2: 16-17), Marie, Joseph et l'Enfant couché dans la crèche. Et voyant tout cela ils connurent la vérité de ce qu'ils avaient entendu de l'Enfant. Cette expérience et cette vision furent suivies d'une illumination intérieure qu'ils reçurent par la vue du Verbe fait chair; car lorsque les pasteurs posèrent les yeux sur Lui, le même Enfant Divin les regarda aussi, émettant de Son front une grande splendeur dont les rayons et l'éclat frappèrent le coeur simple de ces hommes pauvres et fortunés; et par une efficacité Divine, ils furent changés et renouvelés en un nouvel être de sainteté et de grâce, les laissant élevés et remplis de Science divine touchant les sublimes Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption des hommes.
4, 11, 496. Ils se prosternèrent tous en terre et ils adorèrent le Verbe Incarné, non plus comme des hommes rustiques et ignorants, mais comme sages et prudents; ils Le louèrent, Le confessèrent et L'exaltèrent pour L'Homme-Dieu
véritable, le Réparateur et le Rédempteur du genre humain. La divine Maîtresse, Mère de l'Enfant-Dieu était attentive à tout ce que les pasteurs disaient et opéraient intérieurement et extérieurement, car Elle pénétrait l'intime de leurs coeurs. Avec cette sagesse et cette prudence très sublime, Elle conférait de toutes ces choses et Elle les conservait dans son sein (Luc 2: 19), les confrontant avec les mystères qu'Elle y conservait et avec les Saintes Écritures et les prophéties. Et comme Elle était alors l'organe de l'Esprit-Saint et la langue de l'Enfant, Elle parla aux pasteurs, les instruisit, les admonesta et les exhorta à la persévérance dans l'amour Divin et le service du Très-Haut. Ils l'interrogèrent eux aussi à leur manière et ils répondirent plusieurs choses touchant les mystères qu'ils avaient connus; et ils restèrent dans l'étable depuis le point du jour jusqu'après midi, temps auquel notre grande Reine leur ayant donné à manger, les renvoya remplis de grâces et de consolations célestes.
4, 11, 497. Dans les jours que la Très Sainte Marie, l'Enfant et saint Joseph demeurèrent dans l'étable ces saints pasteurs vinrent quelques fois les visiter et ils leur apportèrent quelques présents de ce que leur pauvreté pouvait offrir. Et ce que l'Évangéliste saint Luc dit que ceux qui entendaient parler les pasteurs de ce qu'ils avaient vu en étaient dans l'admiration (Luc 2: 18), n'arriva qu'après que la Reine et saint Joseph se furent éloignés de Bethléem; parce que la divine Sagesse le disposa ainsi et que les Pasteurs en purent le publier [g] auparavant. Et tous ceux qui les entendirent ne leur donnèrent point crédit, quelques-un les jugeant pour des gens rustiques et ignorants, mais ils furent saints et remplis de Science divine jusqu'à leur mort. Hérode fut l'un de ceux qui leur donnèrent crédit, quoique ce ne fût pas par foi et par piété sainte, mais par crainte mondaine et perverse de perdre son royaume. Et parmi les enfants à qui il ôta la vie il y eut quelques-uns de ces saints hommes qui méritèrent aussi cette grande fortune et leurs pères les offrirent avec allégresse au martyre qu'ils désiraient et à la souffrance pour le Seigneur qu'ils connaissaient.
DOCTRINE DE MARIE LA TRÈS SAINTE REINE DU CIEL.
4, 11, 498. Ma fille, l'oubli des mortels pour les Oeuvres de leur Réparateur et le peu d'attention qu'ils y font est aussi répréhensible qu'ordinaire et commun, quoique ces Oeuvres soient toutes mystérieuses, pleines d'amour, de miséricorde et d'enseignement pour eux. Tu as été appelée et choisie, afin que par la science et la Lumière que tu reçois tu ne tombes point dans cette dangereuse torpeur et cette indigne grossièreté; et ainsi je veux que tu considères et que tu pèses, dans le Mystère que tu écris maintenant, l'amour très ardent de mon très saint Fils que tu écris maintenant, l'amour très ardent de mon Très Saint Fils qui Le porta à Se communiquer aux hommes aussitôt qu'Il fut né dans le monde, afin qu'ils participassent sans délai au Fruit et à l'allégresse de Sa venue. Les hommes ne connaissent point cette obligation, parce qu'il y en a peu qui pénètrent celle qu'ils ont envers des bienfaits si singuliers, comme aussi, il y en eut peu qui virent le Verbe Incarné en naissant et qui Le remercièrent de Sa venue. Mais ils ignorent la cause de leur infortune et de leur aveuglement; car cette cause n'a été ni elle n'est du côté du Seigneur, ni de Son amour, mais des péchés et de la mauvaise disposition des hommes eux-mêmes, parce que si leur mauvais état et leurs démérites ne l'avaient empêché, la même Lumière qui fut donnée aux justes, aux bergers et aux rois aurait aussi été donnée à tous ou à plusieurs. Et par le fait qu'il y en a eu si peu qui ont reçu cette faveur, tu comprendras combien le monde était dans un état malheureux lorsque le Verbe fait homme y naquit, et en quelle infortune il est encore maintenant, quand avec tant d'évidence, il y a si peu de souvenir du retour qui est dû pour de tels bienfaits.
4, 11, 499. Considère maintenant le peu de disposition des mortels dans le siècle présent, où la Lumière de l'Évangile étant si déclarée et si confirmée par les Oeuvres et les merveilles que Dieu a opérées dans Son Église, il y en a néanmoins si peu de parfaits et qui veuillent se disposer pour la plus grande participation des effets et des Fruits de la Rédemption. Et quoique le nombre des insensés soit si grand (Eccles. 1: 15) et les vices si démesurés, quelques-uns pensent que les parfaits sont en grand nombre, parce qu'ils ne les voient pas si audacieux contre Dieu: cependant il n'y en a pas autant qu'on pense et ils le sont beaucoup moins qu'ils devraient l'être, pendant que Dieu est si offensé des infidèles et qu'Il est si désireux de communiquer les Trésors de Sa grâce à la Sainte Église par les Mérites
de Son Fils Unique fait homme. Sache donc, Ma très chère, à quoi t'oblige la connaissance si claire de ces Vérités. Vis attentive, soigneuse et diligente pour correspondre à Celui qui t'oblige tant, sans perdre ni temps, ni lieu, ni occasion pour opérer le plus saint et le plus parfait que tu saches, puisque tu ne l'accompliras pas à moins. Vois que je t'avertis, te presse et te commande de ne point recevoir en vain une faveur si signalée; ne tiens pas la grâce et la Lumière oisive, mais opère avec plénitude de perfection et de reconnaissance.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 11, [a]. A la naissance d'un roi tout son royaume fait fête; combien plus toutes les créatures durent-elles se réjouir à la naissance de leur Créateur, Roi du Ciel et de la terre.
4, 11, b]. C'est ce que saint Ambroise affirme aussi, disant: «Le soleil se hâta, pour le service du dimanche de la Nativité, de porter la Lumière du monde avant que la nuit eût achevé son temps. A la prière de Josué le soleil demeura fixe pendant le jour, pourquoi ne se serait-il pas hâté davantage pendant la nuit à la Naissance du Christ?» [Serm. 6, de Nat. Dom. 4].
4, 11, [c]. Le même saint Ambroise l'atteste du soleil [ibid.,]: «Non seulement le salut du genre humain fut innové par le Sauveur Orient mais aussi la clarté du soleil même. Car si le soleil fut obscurci lorsque le Christ souffrit, il fallait qu'il brillât plus splendidement lorsqu'Il naquit.»
4, 11, [d]. Les saints Pères s'accordent à dire que Jésus-Christ naquit de la Très Sainte Vierge comme la fleur est produite par l'arbre. Ainsi saint Jérôme, [Isaïe XI]; Saint Léon, pape, [Serm. 4, de Nat. Dom.]; saint Ambroise, [De bened. Patrum, c. 4.; de Spirit. Sanct. I. 2, c. 5]; Tertullien, [l. 5, cont.]; Marcion, [c. 8, et lib.. cont. Judeos, c. p]; etc. De là il suit que le miracle des arbres qui fleurirent à
la naissance du Sauveur comme dit la Vénérable était très à propos pour figurer emblématiquement le divin Fils de Marie qui est appelé dans les Écritures la Fleur des champs.
4, 11, [e]. Ceci arriva de même selon les Pères à l'entrée de l'Enfant Jésus en Égypte, pourquoi ne serait-il pas arrivé de même à la naissance. Le Sauveur devant détruire l'idolâtrie et le règne de Satan, il était bien convenable qu'Il commençât déjà à en donner des signes à Son entrée dans le monde, pour commencer en quelque manière à Se manifester selon ce que dit saint Thomas, [3 p., q. 36, a 3 ad 1]: «La manifestation de la Nativité de Jésus-Christ fut une certaine avant-courrière de la pleine manifestation des événements qui devaient arriver plus tard.» Que les démons habitassent dans les idoles pour donner des réponses, c'est le sentiment commun des saints Pères. [Voir Eusèbe, Demonst., Évangl., lib. VI, c 20].
4, 11, [f]. «La première veille,» écrit A Lapide, «commençait le soir ou au commencement de la nuit et elle durait trois heures, lesquelles étant passées commençait la deuxième veille qui finissait à minuit; après quoi commençait la troisième veille qui durait trois heures; ensuite commençait la quatrième qui durait jusqu'à l'aurore ou au lever du soleil.» [in Luc, XII, 38].
4, 11, [g]. En effet, s'ils l'avaient publié avant, étant si proches de Jérusalem, le roi Hérode et le peuple se seraient beaucoup émus d'une telle annonce, comme ils s'émurent après, dès qu'ils en eurent connaissance par les Mages. «Le roi Hérode se troubla et tout Jérusalem avec lui. Matt. 2: 3.» Ce trouble n'étant point arrivé à l'époque de la Naissance, c'est un indice que les pasteurs ne publièrent pas aussitôt le fait, ou à cause d'un avis qu'ils en reçurent de Dieu comme plus tard les Mages eux-mêmes en retournant dans leurs pays, ou par ordre de la Très Sainte Vierge, ou par une autre disposition de la Providence: ce qui fut certainement providentiel, parce qu'autrement Hérode aurait aussitôt cherché l'Enfant-Dieu pour Lui ôter la vie, et il l'aurait facilement trouvé.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 12
Ce qui fut caché au démon du Mystère de la Naissance du Verbe fait chair et d'autres choses jusqu'à la Circoncision.
4, 12, 500. La venue du Verbe Éternel fait chair dans le monde fut heureuse et très heureuse pour tous les mortels, autant qu'il était du côté du même Seigneur; parce qu'Il vint pour donner la Vie et la Lumière à tous ceux qui étaient dans les ténèbres (Luc 1: 79) et les ombres de la mort. Et si les réprouvés et les incrédules se heurtent et se brisent contre cette pierre angulaire (Rom. 9: 33), cherchant leur ruine là où ils pouvaient et devaient trouver la résurrection et la Vie Éternelle, ce ne fut point la faute de la pierre, mais plutôt de celui qui la fit pierre de scandale, en se heurtant contre elle (Matt. 21: 44). La Nativité de l'Enfant-Dieu ne fut terrible que pour l'enfer, car cet Enfant était le Fort et L'Invincible (Ps. 23: qui venait dépouiller de son empire tyrannique le fort (Jean 12: 31) armé du mensonge qui gardait son château (Luc 11: 21) avec une pacifique mais injuste possession depuis si longtemps. Pour renverser ce prince du monde et des ténèbres, il fut juste que le sacrement de cette venue du Verbe lui fût caché; puisqu'il était non seulement indigne à cause de sa malice de connaître les Mystères de la Sagesse infinie, mais il convenait que la Providence divine donnât lieu à ce que la propre malice de cet ennemi l'aveuglât et l'obscurcit (Sag. 2: 21); puisque par cette malice, il avait introduit l'erreur et l'aveuglement du péché dans le monde (Sag. 2: 24); renversant tout le genre humain dans sa chute.
4, 12, 501. Par cette disposition Divine furent cachées à Lucifer plusieurs choses qu'il eût pu savoir naturellement dans la Nativité du Verbe et dans le cours de sa Très Sainte Vie, comme il est inévitable de le répéter plusieurs fois dans cette Histoire [a]. Car s'il avait su avec certitude que le Christ était vrai Dieu (1 Cor. 2: , il est évident qu'il ne Lui aurait pas procuré la mort, au contraire il l'aurait empêchée, ce dont je parlerai en son lieu . Dans le Mystère de la Nativité il connut seulement que la Très Sainte Marie avait enfanté un Fils dans la pauvreté et dans l'étable abandonnée et qu'Elle n'avait point trouvé d'hôtel ni d'abri; et ensuite la Circoncision de l'Enfant et autres choses qui, supposé son orgueil, pouvaient plutôt lui assombrir davantage la vérité que la lui expliquer.
Mais il ne connut point le mode de la Naissance, ni que l'heureuse Mère demeura Vierge, ni qu'Elle l'était alors, il ne connut point les ambassades des Anges aux Justes, ni aux pasteurs, ni leurs conférences, ni l'adoration qu'ils rendirent à l'Enfant-Dieu et il ne vit point ensuite l'étoile et il ne sut point la cause de la venue de Rois; et quoiqu'il les vit faire le voyage ils jugèrent que c'était pour d'autres fins temporelles. Ils ne pénétrèrent pas non plus la cause de la mutation qu'il y eut dans les éléments, les astres et les planètes, quoiqu'ils la vissent ainsi que ses effets: mais la fin leur en fut cachée et l'entretien que les Mages eurent avec Hérode et leur entrée dans la grotte et l'adoration et les dons qu'ils Lui offrirent. Et quoiqu'ils connussent la fureur d'Hérode à laquelle ils aidèrent contre les enfants; néanmoins ils ne comprirent point alors son intention dépravée; et ainsi ils fomentèrent sa cruauté. Et quoique Lucifer conjecturât qu'il cherchait le Messie; cela néanmoins lui parut disparate, et il faisait dérision d'Hérode; parce que dans son jugement orgueilleux, c'était une erreur de penser que lorsque le Verbe viendrait dominer le monde, ce fût d'une manière cachée et humble, mais plutôt avec ostentation, puissance et majesté dont l'Enfant-Dieu était si éloigné, né d'une Mère pauvre et méprisé des hommes.
4, 12, 502. Avec cette erreur, Lucifer, ayant reconnu quelques-unes des nouveautés qui s'étaient passées à la Nativité, réunit ses ministres dans l'enfer et leur dit: «Je ne trouve point de cause pour craindre les choses que nous avons reconnues dans le monde; car la Femme que nous avons tant persécutée a enfanté un Fils il est vrai; mais cela s'est fait dans une souveraine pauvreté et Elle a été si méconnue qu'Elle n'a point trouvé d'hôtellerie où se réfugier, et nous savons combien tout cela est éloigné de la Puissance et de la Grandeur de Dieu. Et s'Il doit venir contre nous comme nous l'avons compris et comme l'événement nous a été montré d'avance, les forces qu'Il a ne sont pas capables de résister à notre pouvoir. Il n'y a donc pas à craindre que Celui-ci soit le Messie; et surtout voyant qu'on parle de Le circoncire comme les autres hommes; car cela ne convient point au Sauveur du monde, puisqu'il a besoin du remède du péché. Tous ces signes sont contre l'opinion que Dieu soit au monde; et il me semble que nous pouvons être assurés qu'Il n'y est pas venu.» Les ministres de méchanceté approuvèrent satisfaits de penser que le Messie n'était pas venu; parce qu'ils étaient tous complices dans la malice qui les aveuglait (Sag. 2: 21) et les persuadait. La vanité et l'orgueil de Lucifer ne pouvaient point comprendre que la grandeur et la majesté s'humiliât: et comme il désirait l'applaudissement, l'ostentation, la révérence et la
magnificence, et même s'il avait pu obtenir et arriver à se faire adorer par toutes les créatures il les y eût obligées et c'est pourquoi il n'entrait pas dans son jugement que Dieu étant Puissant pour le faire, consentît et S'assujettît au contraire à l'humilité qu'il abhorrait si fort.
4, 12, 503. O enfants de la vanité! quels exemples capables de nous détromper! L'Humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ doit beaucoup nous attirer et nous exciter; mais si elle ne nous émeut pas, que l'orgueil de Lucifer nous retienne et nous intimide. O vice et péché formidable au-dessus de toute imagination humaine! puisque tu as tellement aveuglé un Ange rempli de Science qu'il ne put faire un autre jugement de la Bonté infinie de Dieu même, que celui qu'il fit de lui-même et de sa propre malice! Quel sera donc le jugement de l'homme si, étant ignorant par lui-même, viennent encore se joindre l'orgueil et le péché? O Lucifer malheureux et insensé! comment t'es-tu trompé en une chose si pleine de raison et de beauté? Qu'y a-t-il de plus aimable que l'humilité et la mansuétude jointes à la majesté et à la puissance? Pourquoi ignores-tu, vile créature, que c'est une faiblesse de jugement qui naît de la bassesse de coeur que de ne point savoir s'humilier. Celui qui est magnanime et véritablement grand ne se paye pas de la vanité, il ne sait pas désirer ce qui est si vil et il ne peut être satisfait de ce qui n'est que fausseté. C'est une chose manifeste que tu es aveugle et ténébreux pour la vérité; tu es un guide très aveugle des aveugles (Matt. 15: 14) puisque tu n'es pas arrivé à connaître que la grandeur et la bonté de l'amour Divin (Rom. 5: se manifestent et s'exaltent par l'humilité et l'obéissance jusqu'à la mort de la croix (Phil. 2: .
4, 12, 504. La Mère de la Sagesse, notre Souveraine regardait toutes les erreurs et la démence de Lucifer et de ses ministres; et avec une digne pondération de ces mystères si sublimes, Elle confessait et bénissait le Seigneur, parce qu'Il les cachait aux orgueilleux et aux arrogants (Matt. 11;25) et il les révélait aux humbles et aux pauvres, commençant à vaincre la tyrannie du démon. La pieuse Mère faisait des prières ferventes pour tous les mortels qui étaient indignes à cause de leurs péchés de connaître aussitôt la Lumière (Jean 1: 4) qui était déjà née dans le monde pour leur remède; et Elle présentait le tout à son Très Doux Fils avec un amour et une compassion incomparables pour les pécheurs. Et Elle passa dans ces oeuvres une grande partie du temps qu'Elle demeura dans la grotte de la
Naissance. Mais comme cet endroit était incommode et si exposé aux inclémences du temps, la grande Reine était très soigneuse pour abriter son tendre et doux Enfant; et dans sa prudence elle avait apporté tout prêt un petit manteau pour Le couvrir, outre les langes ordinaires et en L'en couvrant Elle Le tenait continuellement dans le saint tabernacle de ses bras, excepté lorsqu'Elle le donnait à son époux Joseph, car pour le rendre plus heureux, Elle voulut aussi qu'il l'aidât en ceci, et qu'il servît Dieu fait homme dans le ministère de père.
4, 12, 505. La première fois que le Saint reçut l'Enfant-Dieu dans ses bras, la Très Sainte Marie lui dit: «Mon époux et mon refuge, recevez dans vos bras le Créateur du Ciel et de la terre et jouissez de Sa douceur et de Son aimable compagnie; afin que mon Seigneur et mon Dieu aie Ses délices et Ses complaisances en votre service. Prenez le Trésor (Col. 2: 3) du Père Éternel et participez au bienfait du genre humain.» Et s'adressant à l'Enfant-Dieu Elle Lui dit: «Très doux Amour de mon âme et Lumière de mes yeux, reposez dans les bras de Votre serviteur et ami, mon époux Joseph; prenez Vos délices avec lui (Prov. 8: 31 et à cause d'elles dissimulez mes grossièretés. C'est beaucoup que je me prive de Vous un seul instant; mais je veux communiquer sans envie (Sag. 7: 13) le Bien que je reçois véritablement à celui qui en est digne.» Le très fidèle époux reconnaissant sa nouvelle fortune, s'humilia jusqu'à terre et répondit: «Madame, mon Épouse et la Reine du monde, comment indigne que je suis m'hasarderai-je à tenir dans mes bras le même Dieu en présence de qui les colonnes du Ciel tremblent (Job 26: 11). Comment ce vil vermisseau aura-t-il le courage de recevoir une si rare faveur? Je ne suis que cendre et poussière (Gen. 18: 27), mais Vous, Madame, suppléez à mon insuffisance et demandez à Sa Majesté de me regarder avec bonté et de me disposer par Sa grâce.»
4, 12, 506. Entre le désir de recevoir l'Enfant-Dieu et la crainte révérencielle qui retenait le saint époux, il fit des actes héroïques de foi, d'amour, d'humilité et de respect profond, et avec cette révérence et ce tremblement très prudent, il se mit à genoux et Le reçut des mains de Sa Très Sainte Mère, répandant de très douces et très abondantes larmes d'une jubilation et d'une allégresse aussi nouvelle pour le Saint fortuné que l'était le Bienfait. L'Enfant-Dieu le regardait avec un air caressant et en même temps Il le renouvela tout entier dans son intérieur et cela avec des effets si Divins qu'il n'est pas possible de les exprimer par des paroles.
Le saint époux fit de nouveaux cantiques de louanges, se trouvant enrichi par des faveurs et des bienfaits si grands et si magnifiques. Et après que son esprit eût joui pendant quelque temps des très doux effets qu'il reçut ayant dans ses mains le même Seigneur qui renferme dans les Siennes la terre et les Cieux (Is. 40: 12), il se tourna vers la Mère heureuse et fortunée, étant tous deux agenouillés pour Le donner et Le recevoir. Et c'était avec cette révérence que la Très Prudente Souveraine Le prenait et Le quittait toujours, et son époux faisait la même chose lorsque cet heureux sort le touchait. Et avant d'arriver à Sa Majesté Elle faisait trois génuflexions, baisant la terre avec des actes héroïques de respect, d'humilité et d'adoration que la grande Reine et le Bienheureux Joseph exerçaient, quand ils Le donnaient et Le recevaient l'un de l'autre.
4, 12, 507. Lorsque la divine Mère jugea qu'il était déjà temps de Lui donner le sein, Elle en demanda permission à son propre Fils; parce que bien qu'Elle dût L'alimenter comme son Fils et Homme véritable, Elle Le regardait conjointement comme son vraie Dieu et son Seigneur, Elle connaissait la distance de l'Etre Divin et Infini à celui d'une pure Créature comme Elle était. Et comme cette Science était indéfectible dans la Vierge Très Prudente, sans aucun défaut ni intervalle, Elle n'y eut jamais la plus petite inadvertance. Elle était toujours attentive à tout, et Elle comprenait et opérait avec plénitude le plus sublime et le plus parfait; et ainsi Elle prenait soin d'alimenter, de servir et de garder son Enfant; Elle ne se troublait point avec cette sollicitude; mais Elle demeurait avec une attention, une révérence et une prudence incessantes, causant une nouvelle admiration aux Anges mêmes dont la Science n'arrivait point à comprendre les oeuvres héroïques d'une tendre et jeune Vierge. Et comme ils l'assistaient toujours corporellement depuis qu'Elle était dans l'étable de la Naissance, ils la servaient et l'aidaient dans toutes les choses qui étaient nécessaires pour le service de l'Enfant-Dieu et de la Reine Mère. Et tous ces mystères ensemble sont si doux, si admirables et si dignes de notre attention et de notre souvenir qu'il n'est pas possible de nier combien notre grossièreté est répréhensible de les oublier, et combien nous sommes ennemis de nous-mêmes en nous privant de leur souvenir et des effets Divins qu'éprouvent avec ce même souvenir les enfants fidèles et reconnaissants.
4, 12, 508. Je pourrais beaucoup rallonger ce discours avec l'intelligence qui m'a été donnée de la vénération avec laquelle la Très Sainte Marie et le glorieux
Saint Joseph traitaient l'Enfant-Dieu Incarné ainsi que de la révérence des choeurs angéliques. Mais quoique je ne le fasse point, je veux confesser que je me trouve très troublée et très réprimandée au milieu de cette lumière, connaissant le peu de vénération avec laquelle j'ai traité audacieusement avec Dieu jusqu'à présent; et les nombreuses fautes que j'ai commise en cela m'ont été manifestées. Pour assister la Reine en ces oeuvres, tous les saints Anges qui l'accompagnaient demeurèrent en forme humaine visible, depuis la Nativité jusqu'à ce que l'Enfant fût en Égypte, comme je le dirai plus loin. Le soin de l'humble et amoureuse Mère pour son Enfant-Dieu était si incessant qu'Elle ne Le laissait pour Le remettre entre les bras de saint Joseph que quelquefois seulement pour prendre de la nourriture et parfois aussi Elle le confiait aux saints Princes Michel et Gabriel; parce que ces deux Archanges lui avaient demandé que pendant qu'ils mangeaient ou que saint Joseph travaillait de Le leur donner à eux. Et ainsi Il était laissé entre les mains des Anges, ce que David avait dit s'accomplissant admirablement: «Ils te porteront dans leurs mains, etc. (Ps. 90: 12).» La Très Diligente Mère ne dormait point pour garder son Très Saint Fils, jusqu'à ce que Sa Majesté lui eût dit de dormir et de se reposer. Et en récompense de sa sollicitude Il lui donna pour cela une espèce de sommeil plus nouveau et plus miraculeux que celui qu'Elle avait eu jusqu'alors lorsqu'Elle dormait et que son Coeur veillait tout à la fois (Cant. 5: 2), continuant et n'interrompant point les intelligences et la contemplation Divine. Mais dès ce jour le Seigneur ajouta un autre miracle à celui-ci et ce fut que la grande Reine dormait autant qu'il était nécessaire et Elle avait la force dans les bras pour soutenir l'Enfant comme si Elle avait été éveillée; et Elle Le regardait par l'entendement, comme si Elle L'eut vu des yeux du corps, connaissant intellectuellement tout ce qu'Elle et l'Enfant-Dieu faisaient extérieurement. Avec cette merveille s'exécuta ce qui est dit dans les Cantiques: «Je dors et mon Coeur veille.»
4, 12, 509. Je ne peux expliquer avec mes courtes paroles et mes termes limités les cantiques de louange et de gloire du Seigneur que notre céleste Reine faisait à l'Enfant, alternant avec les saints Anges et aussi avec son époux Joseph. Et il y aurait beaucoup à écrire de cela seulement, parce que ces cantiques étaient très continuels; mais leur connaissance est réservée pour la joie spéciale des élus. Le très fidèle Saint Joseph fut grandement heureux et privilégié parmi les mortels, car souvent il les entendait et y participait. Outre cette faveur son âme jouissait d'un privilège et d'une consolation singulière que sa très prudente Épouse lui donnait;
car souvent s'entretenant avec lui de l'Enfant, Elle le nommait notre Fils (Luc 2: 48); non parce que Celui qui était seulement Fils du Père Éternel et de sa seule Mère-Vierge fût fils naturel de Joseph; mais parce que dans le jugement des hommes il était réputé Fils de Joseph. Et cette faveur et ce privilège du Saint était pour lui d'une joie et d'une estime incomparable; et c'était pour cela que la divine Dame son Épouse le lui renouvelait souvent.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE ET LA MAÎTRESSE DU CIEL.
4, 12, 510. Ma fille, je te vois dans une dévote émulation du bonheur de mes oeuvres, de celles de mon époux et de mes Anges en compagnie de mon Très Saint Fils, parce que nous jouissons de Sa vue comme tu le désirerais, s'il était possible. Et je veux te consoler et diriger ton affection en ce que tu dois et peux opérer selon ta condition, pour obtenir dans le degré possible la félicité que tu considères en nous et qui te ravit le coeur. Considère donc, ma très chère, ce que tu as pu connaître suffisamment des différentes voies par où Dieu conduit dans Son Église les âmes qu'Il aime et qu'Il cherche avec une affection paternelle. Tu as pu acquérir cette science par tant d'appels et de lumières particulières que tu as reçus, trouvant toujours le Seigneur aux postes de ton coeur (Sag. 6: 15), t'appelant et t'attendant si longtemps, te sollicitant par des faveurs réitérées et une doctrine très sublime, soit pour t'enseigner et t'assurer que Sa Bonté t'a disposée et choisie pour l'étroit lien (Col. 3: 14) de Son amour et de Son entretien, soit afin que tu tâches d'acquérir avec la plus attentive sollicitude, la grande pureté qui est requise pour cette vocation.
4, 12, 511. Tu n'ignores pas non plus, puisque la Foi te l'enseigne, que Dieu est en tout lieu (Act. 17: 28) par la Présence, l'Essence et la Puissance de Sa Divinité et qu'Il voit à découvert toutes tes pensées, tes désirs et tes gémissements sans qu'aucun ne Lui soit caché (Ps. 37: 10). Et avec cette vérité, si tu travailles comme fidèle servante pour conserver la grâce que tu reçois par le moyen des saints Sacrements et par d'autres conduits de la disposition Divine, le Seigneur sera (Jean 14: 23) avec toi par une autre manière d'assistance spéciale et avec elle Il t'aimera et te caressera comme Son épouse bien-aimée. Puis si tu comprends et connais tout
cela, dis-moi, maintenant, que te reste-t-il à envier et à désirer quand tu as le comble de tes anxiétés et de tes soupirs? Ce qui te reste et ce que je veux de toi, c'est qu'avec cette sainte émulation tu travailles pour imiter la conversation et la qualité des Anges, la pureté de mon époux et copier en toi la forme de ma vie, autant qu'il sera possible, afin que tu sois une digne demeure du Très-Haut (1 Cor. 3: 17). Pour exécuter cette Doctrine tu dois mettre tout l'effort, le désir et l'émulation avec lesquels tu voudrais t'être trouvée où tu aurais pu voir et adorer mon Fils Très Saint dans Sa Nativité et Son enfance; car si tu m'imites, tu peux être assurée, que tu m'auras pour Maîtresse et Refuge et que tu posséderas le Seigneur dans ton âme d'une possession assurée. Dans cette sécurité, tu peux Lui parler, te récréant avec Lui et L'embrassant, comme celle qui L'a avec soi, puisqu'Il a pris chaire humaine et S'est fait Enfant, afin de communiquer Ses délices aux âmes pures et candides. Mais quoiqu'Enfant, regarde-Le toujours comme grand et comme Dieu, afin que tes caresses soient faites avec respect et que l'amour soit uni à la sainte crainte; parce que l'amour Lui est dû et Il daigne accepter les caresses à cause de Son immense bonté et de Sa magnifique Miséricorde.
4, 12, 512. Tu dois continuer dans cet entretien du Seigneur, sans aucun intervalle de tiédeur qui Lui cause du dégoût, parce que ton occupation légitime et assidue doit être l'amour et la louange de Son Etre infini. Je veux que tu prennes tout le reste seulement comme en passant, de manière que les choses terrestres te trouvent à peine pour traiter un moment avec elles. Et dans ce vol tu dois juger qu'il n'y a aucune autre chose à laquelle tu doives faire attention, hors le bien souverain et véritable que tu cherches. Tu ne dois imiter que moi seule et ne servir que Dieu; tout le reste ne doit pas être pour toi ni toi pour cela. Cependant les Dons et les biens que tu reçois, je veux que tu les dispenses et les communiques pour le bienfait de ton prochain selon l'ordre de la charité parfaite (Cant. 2: 4) lesquels par là ne se dissipent point, mais s'augmentent davantage (1 Cor. 13: . En cela tu dois garder le mode qui te convient selon ta condition et ton état, comme je te l'ai montré et enseigné d'autres fois.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 12, [a]. Livre 3, No. 326; Livre 5, Nos. 928, 937, 995.
4, 12, . Livre 6, Nos. 1205, 1251, 1324.
Ce qui fut caché au démon du Mystère de la Naissance du Verbe fait chair et d'autres choses jusqu'à la Circoncision.
4, 12, 500. La venue du Verbe Éternel fait chair dans le monde fut heureuse et très heureuse pour tous les mortels, autant qu'il était du côté du même Seigneur; parce qu'Il vint pour donner la Vie et la Lumière à tous ceux qui étaient dans les ténèbres (Luc 1: 79) et les ombres de la mort. Et si les réprouvés et les incrédules se heurtent et se brisent contre cette pierre angulaire (Rom. 9: 33), cherchant leur ruine là où ils pouvaient et devaient trouver la résurrection et la Vie Éternelle, ce ne fut point la faute de la pierre, mais plutôt de celui qui la fit pierre de scandale, en se heurtant contre elle (Matt. 21: 44). La Nativité de l'Enfant-Dieu ne fut terrible que pour l'enfer, car cet Enfant était le Fort et L'Invincible (Ps. 23: qui venait dépouiller de son empire tyrannique le fort (Jean 12: 31) armé du mensonge qui gardait son château (Luc 11: 21) avec une pacifique mais injuste possession depuis si longtemps. Pour renverser ce prince du monde et des ténèbres, il fut juste que le sacrement de cette venue du Verbe lui fût caché; puisqu'il était non seulement indigne à cause de sa malice de connaître les Mystères de la Sagesse infinie, mais il convenait que la Providence divine donnât lieu à ce que la propre malice de cet ennemi l'aveuglât et l'obscurcit (Sag. 2: 21); puisque par cette malice, il avait introduit l'erreur et l'aveuglement du péché dans le monde (Sag. 2: 24); renversant tout le genre humain dans sa chute.
4, 12, 501. Par cette disposition Divine furent cachées à Lucifer plusieurs choses qu'il eût pu savoir naturellement dans la Nativité du Verbe et dans le cours de sa Très Sainte Vie, comme il est inévitable de le répéter plusieurs fois dans cette Histoire [a]. Car s'il avait su avec certitude que le Christ était vrai Dieu (1 Cor. 2: , il est évident qu'il ne Lui aurait pas procuré la mort, au contraire il l'aurait empêchée, ce dont je parlerai en son lieu . Dans le Mystère de la Nativité il connut seulement que la Très Sainte Marie avait enfanté un Fils dans la pauvreté et dans l'étable abandonnée et qu'Elle n'avait point trouvé d'hôtel ni d'abri; et ensuite la Circoncision de l'Enfant et autres choses qui, supposé son orgueil, pouvaient plutôt lui assombrir davantage la vérité que la lui expliquer.
Mais il ne connut point le mode de la Naissance, ni que l'heureuse Mère demeura Vierge, ni qu'Elle l'était alors, il ne connut point les ambassades des Anges aux Justes, ni aux pasteurs, ni leurs conférences, ni l'adoration qu'ils rendirent à l'Enfant-Dieu et il ne vit point ensuite l'étoile et il ne sut point la cause de la venue de Rois; et quoiqu'il les vit faire le voyage ils jugèrent que c'était pour d'autres fins temporelles. Ils ne pénétrèrent pas non plus la cause de la mutation qu'il y eut dans les éléments, les astres et les planètes, quoiqu'ils la vissent ainsi que ses effets: mais la fin leur en fut cachée et l'entretien que les Mages eurent avec Hérode et leur entrée dans la grotte et l'adoration et les dons qu'ils Lui offrirent. Et quoiqu'ils connussent la fureur d'Hérode à laquelle ils aidèrent contre les enfants; néanmoins ils ne comprirent point alors son intention dépravée; et ainsi ils fomentèrent sa cruauté. Et quoique Lucifer conjecturât qu'il cherchait le Messie; cela néanmoins lui parut disparate, et il faisait dérision d'Hérode; parce que dans son jugement orgueilleux, c'était une erreur de penser que lorsque le Verbe viendrait dominer le monde, ce fût d'une manière cachée et humble, mais plutôt avec ostentation, puissance et majesté dont l'Enfant-Dieu était si éloigné, né d'une Mère pauvre et méprisé des hommes.
4, 12, 502. Avec cette erreur, Lucifer, ayant reconnu quelques-unes des nouveautés qui s'étaient passées à la Nativité, réunit ses ministres dans l'enfer et leur dit: «Je ne trouve point de cause pour craindre les choses que nous avons reconnues dans le monde; car la Femme que nous avons tant persécutée a enfanté un Fils il est vrai; mais cela s'est fait dans une souveraine pauvreté et Elle a été si méconnue qu'Elle n'a point trouvé d'hôtellerie où se réfugier, et nous savons combien tout cela est éloigné de la Puissance et de la Grandeur de Dieu. Et s'Il doit venir contre nous comme nous l'avons compris et comme l'événement nous a été montré d'avance, les forces qu'Il a ne sont pas capables de résister à notre pouvoir. Il n'y a donc pas à craindre que Celui-ci soit le Messie; et surtout voyant qu'on parle de Le circoncire comme les autres hommes; car cela ne convient point au Sauveur du monde, puisqu'il a besoin du remède du péché. Tous ces signes sont contre l'opinion que Dieu soit au monde; et il me semble que nous pouvons être assurés qu'Il n'y est pas venu.» Les ministres de méchanceté approuvèrent satisfaits de penser que le Messie n'était pas venu; parce qu'ils étaient tous complices dans la malice qui les aveuglait (Sag. 2: 21) et les persuadait. La vanité et l'orgueil de Lucifer ne pouvaient point comprendre que la grandeur et la majesté s'humiliât: et comme il désirait l'applaudissement, l'ostentation, la révérence et la
magnificence, et même s'il avait pu obtenir et arriver à se faire adorer par toutes les créatures il les y eût obligées et c'est pourquoi il n'entrait pas dans son jugement que Dieu étant Puissant pour le faire, consentît et S'assujettît au contraire à l'humilité qu'il abhorrait si fort.
4, 12, 503. O enfants de la vanité! quels exemples capables de nous détromper! L'Humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ doit beaucoup nous attirer et nous exciter; mais si elle ne nous émeut pas, que l'orgueil de Lucifer nous retienne et nous intimide. O vice et péché formidable au-dessus de toute imagination humaine! puisque tu as tellement aveuglé un Ange rempli de Science qu'il ne put faire un autre jugement de la Bonté infinie de Dieu même, que celui qu'il fit de lui-même et de sa propre malice! Quel sera donc le jugement de l'homme si, étant ignorant par lui-même, viennent encore se joindre l'orgueil et le péché? O Lucifer malheureux et insensé! comment t'es-tu trompé en une chose si pleine de raison et de beauté? Qu'y a-t-il de plus aimable que l'humilité et la mansuétude jointes à la majesté et à la puissance? Pourquoi ignores-tu, vile créature, que c'est une faiblesse de jugement qui naît de la bassesse de coeur que de ne point savoir s'humilier. Celui qui est magnanime et véritablement grand ne se paye pas de la vanité, il ne sait pas désirer ce qui est si vil et il ne peut être satisfait de ce qui n'est que fausseté. C'est une chose manifeste que tu es aveugle et ténébreux pour la vérité; tu es un guide très aveugle des aveugles (Matt. 15: 14) puisque tu n'es pas arrivé à connaître que la grandeur et la bonté de l'amour Divin (Rom. 5: se manifestent et s'exaltent par l'humilité et l'obéissance jusqu'à la mort de la croix (Phil. 2: .
4, 12, 504. La Mère de la Sagesse, notre Souveraine regardait toutes les erreurs et la démence de Lucifer et de ses ministres; et avec une digne pondération de ces mystères si sublimes, Elle confessait et bénissait le Seigneur, parce qu'Il les cachait aux orgueilleux et aux arrogants (Matt. 11;25) et il les révélait aux humbles et aux pauvres, commençant à vaincre la tyrannie du démon. La pieuse Mère faisait des prières ferventes pour tous les mortels qui étaient indignes à cause de leurs péchés de connaître aussitôt la Lumière (Jean 1: 4) qui était déjà née dans le monde pour leur remède; et Elle présentait le tout à son Très Doux Fils avec un amour et une compassion incomparables pour les pécheurs. Et Elle passa dans ces oeuvres une grande partie du temps qu'Elle demeura dans la grotte de la
Naissance. Mais comme cet endroit était incommode et si exposé aux inclémences du temps, la grande Reine était très soigneuse pour abriter son tendre et doux Enfant; et dans sa prudence elle avait apporté tout prêt un petit manteau pour Le couvrir, outre les langes ordinaires et en L'en couvrant Elle Le tenait continuellement dans le saint tabernacle de ses bras, excepté lorsqu'Elle le donnait à son époux Joseph, car pour le rendre plus heureux, Elle voulut aussi qu'il l'aidât en ceci, et qu'il servît Dieu fait homme dans le ministère de père.
4, 12, 505. La première fois que le Saint reçut l'Enfant-Dieu dans ses bras, la Très Sainte Marie lui dit: «Mon époux et mon refuge, recevez dans vos bras le Créateur du Ciel et de la terre et jouissez de Sa douceur et de Son aimable compagnie; afin que mon Seigneur et mon Dieu aie Ses délices et Ses complaisances en votre service. Prenez le Trésor (Col. 2: 3) du Père Éternel et participez au bienfait du genre humain.» Et s'adressant à l'Enfant-Dieu Elle Lui dit: «Très doux Amour de mon âme et Lumière de mes yeux, reposez dans les bras de Votre serviteur et ami, mon époux Joseph; prenez Vos délices avec lui (Prov. 8: 31 et à cause d'elles dissimulez mes grossièretés. C'est beaucoup que je me prive de Vous un seul instant; mais je veux communiquer sans envie (Sag. 7: 13) le Bien que je reçois véritablement à celui qui en est digne.» Le très fidèle époux reconnaissant sa nouvelle fortune, s'humilia jusqu'à terre et répondit: «Madame, mon Épouse et la Reine du monde, comment indigne que je suis m'hasarderai-je à tenir dans mes bras le même Dieu en présence de qui les colonnes du Ciel tremblent (Job 26: 11). Comment ce vil vermisseau aura-t-il le courage de recevoir une si rare faveur? Je ne suis que cendre et poussière (Gen. 18: 27), mais Vous, Madame, suppléez à mon insuffisance et demandez à Sa Majesté de me regarder avec bonté et de me disposer par Sa grâce.»
4, 12, 506. Entre le désir de recevoir l'Enfant-Dieu et la crainte révérencielle qui retenait le saint époux, il fit des actes héroïques de foi, d'amour, d'humilité et de respect profond, et avec cette révérence et ce tremblement très prudent, il se mit à genoux et Le reçut des mains de Sa Très Sainte Mère, répandant de très douces et très abondantes larmes d'une jubilation et d'une allégresse aussi nouvelle pour le Saint fortuné que l'était le Bienfait. L'Enfant-Dieu le regardait avec un air caressant et en même temps Il le renouvela tout entier dans son intérieur et cela avec des effets si Divins qu'il n'est pas possible de les exprimer par des paroles.
Le saint époux fit de nouveaux cantiques de louanges, se trouvant enrichi par des faveurs et des bienfaits si grands et si magnifiques. Et après que son esprit eût joui pendant quelque temps des très doux effets qu'il reçut ayant dans ses mains le même Seigneur qui renferme dans les Siennes la terre et les Cieux (Is. 40: 12), il se tourna vers la Mère heureuse et fortunée, étant tous deux agenouillés pour Le donner et Le recevoir. Et c'était avec cette révérence que la Très Prudente Souveraine Le prenait et Le quittait toujours, et son époux faisait la même chose lorsque cet heureux sort le touchait. Et avant d'arriver à Sa Majesté Elle faisait trois génuflexions, baisant la terre avec des actes héroïques de respect, d'humilité et d'adoration que la grande Reine et le Bienheureux Joseph exerçaient, quand ils Le donnaient et Le recevaient l'un de l'autre.
4, 12, 507. Lorsque la divine Mère jugea qu'il était déjà temps de Lui donner le sein, Elle en demanda permission à son propre Fils; parce que bien qu'Elle dût L'alimenter comme son Fils et Homme véritable, Elle Le regardait conjointement comme son vraie Dieu et son Seigneur, Elle connaissait la distance de l'Etre Divin et Infini à celui d'une pure Créature comme Elle était. Et comme cette Science était indéfectible dans la Vierge Très Prudente, sans aucun défaut ni intervalle, Elle n'y eut jamais la plus petite inadvertance. Elle était toujours attentive à tout, et Elle comprenait et opérait avec plénitude le plus sublime et le plus parfait; et ainsi Elle prenait soin d'alimenter, de servir et de garder son Enfant; Elle ne se troublait point avec cette sollicitude; mais Elle demeurait avec une attention, une révérence et une prudence incessantes, causant une nouvelle admiration aux Anges mêmes dont la Science n'arrivait point à comprendre les oeuvres héroïques d'une tendre et jeune Vierge. Et comme ils l'assistaient toujours corporellement depuis qu'Elle était dans l'étable de la Naissance, ils la servaient et l'aidaient dans toutes les choses qui étaient nécessaires pour le service de l'Enfant-Dieu et de la Reine Mère. Et tous ces mystères ensemble sont si doux, si admirables et si dignes de notre attention et de notre souvenir qu'il n'est pas possible de nier combien notre grossièreté est répréhensible de les oublier, et combien nous sommes ennemis de nous-mêmes en nous privant de leur souvenir et des effets Divins qu'éprouvent avec ce même souvenir les enfants fidèles et reconnaissants.
4, 12, 508. Je pourrais beaucoup rallonger ce discours avec l'intelligence qui m'a été donnée de la vénération avec laquelle la Très Sainte Marie et le glorieux
Saint Joseph traitaient l'Enfant-Dieu Incarné ainsi que de la révérence des choeurs angéliques. Mais quoique je ne le fasse point, je veux confesser que je me trouve très troublée et très réprimandée au milieu de cette lumière, connaissant le peu de vénération avec laquelle j'ai traité audacieusement avec Dieu jusqu'à présent; et les nombreuses fautes que j'ai commise en cela m'ont été manifestées. Pour assister la Reine en ces oeuvres, tous les saints Anges qui l'accompagnaient demeurèrent en forme humaine visible, depuis la Nativité jusqu'à ce que l'Enfant fût en Égypte, comme je le dirai plus loin. Le soin de l'humble et amoureuse Mère pour son Enfant-Dieu était si incessant qu'Elle ne Le laissait pour Le remettre entre les bras de saint Joseph que quelquefois seulement pour prendre de la nourriture et parfois aussi Elle le confiait aux saints Princes Michel et Gabriel; parce que ces deux Archanges lui avaient demandé que pendant qu'ils mangeaient ou que saint Joseph travaillait de Le leur donner à eux. Et ainsi Il était laissé entre les mains des Anges, ce que David avait dit s'accomplissant admirablement: «Ils te porteront dans leurs mains, etc. (Ps. 90: 12).» La Très Diligente Mère ne dormait point pour garder son Très Saint Fils, jusqu'à ce que Sa Majesté lui eût dit de dormir et de se reposer. Et en récompense de sa sollicitude Il lui donna pour cela une espèce de sommeil plus nouveau et plus miraculeux que celui qu'Elle avait eu jusqu'alors lorsqu'Elle dormait et que son Coeur veillait tout à la fois (Cant. 5: 2), continuant et n'interrompant point les intelligences et la contemplation Divine. Mais dès ce jour le Seigneur ajouta un autre miracle à celui-ci et ce fut que la grande Reine dormait autant qu'il était nécessaire et Elle avait la force dans les bras pour soutenir l'Enfant comme si Elle avait été éveillée; et Elle Le regardait par l'entendement, comme si Elle L'eut vu des yeux du corps, connaissant intellectuellement tout ce qu'Elle et l'Enfant-Dieu faisaient extérieurement. Avec cette merveille s'exécuta ce qui est dit dans les Cantiques: «Je dors et mon Coeur veille.»
4, 12, 509. Je ne peux expliquer avec mes courtes paroles et mes termes limités les cantiques de louange et de gloire du Seigneur que notre céleste Reine faisait à l'Enfant, alternant avec les saints Anges et aussi avec son époux Joseph. Et il y aurait beaucoup à écrire de cela seulement, parce que ces cantiques étaient très continuels; mais leur connaissance est réservée pour la joie spéciale des élus. Le très fidèle Saint Joseph fut grandement heureux et privilégié parmi les mortels, car souvent il les entendait et y participait. Outre cette faveur son âme jouissait d'un privilège et d'une consolation singulière que sa très prudente Épouse lui donnait;
car souvent s'entretenant avec lui de l'Enfant, Elle le nommait notre Fils (Luc 2: 48); non parce que Celui qui était seulement Fils du Père Éternel et de sa seule Mère-Vierge fût fils naturel de Joseph; mais parce que dans le jugement des hommes il était réputé Fils de Joseph. Et cette faveur et ce privilège du Saint était pour lui d'une joie et d'une estime incomparable; et c'était pour cela que la divine Dame son Épouse le lui renouvelait souvent.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE ET LA MAÎTRESSE DU CIEL.
4, 12, 510. Ma fille, je te vois dans une dévote émulation du bonheur de mes oeuvres, de celles de mon époux et de mes Anges en compagnie de mon Très Saint Fils, parce que nous jouissons de Sa vue comme tu le désirerais, s'il était possible. Et je veux te consoler et diriger ton affection en ce que tu dois et peux opérer selon ta condition, pour obtenir dans le degré possible la félicité que tu considères en nous et qui te ravit le coeur. Considère donc, ma très chère, ce que tu as pu connaître suffisamment des différentes voies par où Dieu conduit dans Son Église les âmes qu'Il aime et qu'Il cherche avec une affection paternelle. Tu as pu acquérir cette science par tant d'appels et de lumières particulières que tu as reçus, trouvant toujours le Seigneur aux postes de ton coeur (Sag. 6: 15), t'appelant et t'attendant si longtemps, te sollicitant par des faveurs réitérées et une doctrine très sublime, soit pour t'enseigner et t'assurer que Sa Bonté t'a disposée et choisie pour l'étroit lien (Col. 3: 14) de Son amour et de Son entretien, soit afin que tu tâches d'acquérir avec la plus attentive sollicitude, la grande pureté qui est requise pour cette vocation.
4, 12, 511. Tu n'ignores pas non plus, puisque la Foi te l'enseigne, que Dieu est en tout lieu (Act. 17: 28) par la Présence, l'Essence et la Puissance de Sa Divinité et qu'Il voit à découvert toutes tes pensées, tes désirs et tes gémissements sans qu'aucun ne Lui soit caché (Ps. 37: 10). Et avec cette vérité, si tu travailles comme fidèle servante pour conserver la grâce que tu reçois par le moyen des saints Sacrements et par d'autres conduits de la disposition Divine, le Seigneur sera (Jean 14: 23) avec toi par une autre manière d'assistance spéciale et avec elle Il t'aimera et te caressera comme Son épouse bien-aimée. Puis si tu comprends et connais tout
cela, dis-moi, maintenant, que te reste-t-il à envier et à désirer quand tu as le comble de tes anxiétés et de tes soupirs? Ce qui te reste et ce que je veux de toi, c'est qu'avec cette sainte émulation tu travailles pour imiter la conversation et la qualité des Anges, la pureté de mon époux et copier en toi la forme de ma vie, autant qu'il sera possible, afin que tu sois une digne demeure du Très-Haut (1 Cor. 3: 17). Pour exécuter cette Doctrine tu dois mettre tout l'effort, le désir et l'émulation avec lesquels tu voudrais t'être trouvée où tu aurais pu voir et adorer mon Fils Très Saint dans Sa Nativité et Son enfance; car si tu m'imites, tu peux être assurée, que tu m'auras pour Maîtresse et Refuge et que tu posséderas le Seigneur dans ton âme d'une possession assurée. Dans cette sécurité, tu peux Lui parler, te récréant avec Lui et L'embrassant, comme celle qui L'a avec soi, puisqu'Il a pris chaire humaine et S'est fait Enfant, afin de communiquer Ses délices aux âmes pures et candides. Mais quoiqu'Enfant, regarde-Le toujours comme grand et comme Dieu, afin que tes caresses soient faites avec respect et que l'amour soit uni à la sainte crainte; parce que l'amour Lui est dû et Il daigne accepter les caresses à cause de Son immense bonté et de Sa magnifique Miséricorde.
4, 12, 512. Tu dois continuer dans cet entretien du Seigneur, sans aucun intervalle de tiédeur qui Lui cause du dégoût, parce que ton occupation légitime et assidue doit être l'amour et la louange de Son Etre infini. Je veux que tu prennes tout le reste seulement comme en passant, de manière que les choses terrestres te trouvent à peine pour traiter un moment avec elles. Et dans ce vol tu dois juger qu'il n'y a aucune autre chose à laquelle tu doives faire attention, hors le bien souverain et véritable que tu cherches. Tu ne dois imiter que moi seule et ne servir que Dieu; tout le reste ne doit pas être pour toi ni toi pour cela. Cependant les Dons et les biens que tu reçois, je veux que tu les dispenses et les communiques pour le bienfait de ton prochain selon l'ordre de la charité parfaite (Cant. 2: 4) lesquels par là ne se dissipent point, mais s'augmentent davantage (1 Cor. 13: . En cela tu dois garder le mode qui te convient selon ta condition et ton état, comme je te l'ai montré et enseigné d'autres fois.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 12, [a]. Livre 3, No. 326; Livre 5, Nos. 928, 937, 995.
4, 12, . Livre 6, Nos. 1205, 1251, 1324.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 13
La Très Sainte Marie connaît la Volonté du Seigneur que son Fils Unique soit circoncis, Elle en confère avec saint Joseph: le Très Saint Nom de JÉSUS vient du Ciel.
4, 13, 513. Dès que la Très Prudente Vierge se trouva Mère par l'Incarnation du Verbe dans ses entrailles, Elle commença à conférer avec Elle-même des travaux et des peines que Son Très Doux Fils venait souffrir. Et comme la connaissance qu'Elle avait des saintes Écritures était si profonde, Elle y comprenait tous les mystères que contenaient ces divines Écritures, et par cette Science Elle pesait et prévoyait avec une compassion incomparable tout ce qu'Il devait souffrir pour la Rédemption des hommes. Cette douleur prévue et méditée si savamment, fut un martyre prolongée pour la Très Douce Mère de l'Agneau (Jér. 11: 19) qui devait être sacrifié. Mais quant au Mystère de la Circoncision qui devait suivre la Nativité, la divine Dame n'avait pas d'ordre exprès ni de connaissance de la Volonté du Père Éternel. En cette suspension, la compassion sollicitait les affections et la douce voix de la tendre et amoureuse Mère. Elle considérait avec sa prudence que son Très Saint Fils venait honorer Sa Loi, l'accréditer en l'observant et la confirmer par son exécution (Matt. 5: 17) et son
accomplissement, et qu'Il venait en outre souffrir (Matt. 20: 28) pour les hommes, que Son amour très ardent ne refuserait point la douleur de la Circoncision et qu'il pouvait être convenable de la recevoir pour d'autres fins.
4, 13, 514. D'un autre côté l'amour maternel et la compassion l'inclinaient à exempter son très doux Enfant de souffrir cette peine, s'il était possible; et aussi parce que la Circoncision était un sacrement pour purifier du péché originel [a] dont l'Enfant-Dieu était si libre, ne l'ayant point contracté en Adam. Dans cette indifférence entre l'amour de son Très Saint Fils et l'obéissance au Père Éternel, la Très Prudente Dame fit beaucoup d'actes héroïques de vertus d'un agrément incomparable pour Sa Majesté. Et quoiqu'Elle eût pu sortir de ce doute en interrogeant aussitôt le Seigneur sur ce qu'Elle devait faire, néanmoins comme Elle était également prudente et humble Elle se retint. Elle n'interrogea point ses Anges non plus; parce qu'Elle attendait avec une sagesse admirable le temps opportun et convenable de la Providence divine et toute chose, et Elle ne s'avançait jamais avec anxiété et curiosité à s'enquérir des choses ni à les savoir par un ordre surnaturel et extraordinaire, et encore bien moins lorsque ce devait être pour se soulager de quelque peine. Lorsqu'il arrivait une affaire grave et douteuse qui pouvait donner occasion à quelque offense du Seigneur ou en certain cas urgent pour le bienfait des créatures où il était nécessaire de savoir la Volonté Divine, Elle demandait d'abord permission au Très-Haut de Le supplier de lui déclarer Son agrément et Son bon plaisir.
4, 13, 515. Et ceci n'est pas contraire à ce que j'ai écrit dans une autre partie, tome second chapitre 10, que la Très Sainte Marie ne faisait rien sans demander permission au Seigneur en consultant Sa Majesté, parce que cette conférence sur la Volonté Divine n'était point en s'enquérant avec un désir de révélation extraordinaire, car en cela Elle était, comme je l'ai dit, très retenue et très prudente, et Elle la demandait dans des cas rares; mais sans une nouvelle révélation Elle consultait la Lumière surnaturelle habituelle de l'Esprit-Saint qui la gouvernait et la dirigeait dans toutes ses actions; et en y élevant la vue intérieure, Elle connaissait une plus grande perfection et une plus grande sainteté dans la manière d'opérer les choses et dans les actions communes. Et quoiqu'il soit vrai que la Reine du Ciel avait différentes raisons et comme un droit spécial pour demander au Seigneur la connaissance de Sa Volonté de quelque manière; néanmoins la
grande Dame étant un exemplaire et une règle de sainteté et de discrétion, ne se servait point de cet ordre et de ce gouvernement, sauf lorsqu'il était convenable en certaines choses; et quant au reste Elle accomplissait à la lettre ce que dit David: «Comme les yeux de l'esclave sur les mains de sa maîtresse; ainsi son mes yeux sur celles du Seigneur, jusqu'à se que Sa miséricorde soit avec nous (Ps. 122: 2).» Mais cette Lumière ordinaire dans la Maîtresse du monde était plus grande que dans tous les mortels ensemble, et dans cette Lumière Elle demandait le "fiat" qu'Elle connaissait de la Volonté Divine.
4, 13, 516. Le Mystère de la Circoncision était particulier et unique et il demandait une illustration spéciale du Seigneur: La Très Prudente Mère l'attendait pour le temps opportun et dans l'intérieur s'adressant à la Loi qui ordonnait la circoncision, Elle disait en Elle-même: «O Loi commune! tu es juste et sainte, mais très dure pour mon coeur si tu dois le blesser en Celui qui est sa Vie et son Maître véritable! Que tu sois rigoureuse pour purifier du péché celui qui l'a, cela est juste; mais que tu exerces ta force sur l'Innocent qui ne peut avoir de péché (Héb. 7: 26) me semble un excès de rigueur si Son amour ne t'excuse! Oh! si c'était la Volonté de mon Bien-Aimé d'éviter cette peine! Mais comment Celui qui vient rechercher les peines (Matt. 20: 18), embrasser la croix et accomplir et perfectionner la Loi la refusera-t-il? O cruel instrument! si tu exécutais le coup en ma propre vie et non sur le Maître qui me l'a donnée! O mon Fils, doux Amour et Lumière de mon âme, est-il possible que Vous répandiez si tôt le Sang qui vaut plus que le Ciel et la terre? Mon amoureuse peine m'incline à éviter la Vôtre et à Vous exempter de la Loi commune, car Elle ne s'étend pas à Vous qui êtes Son Auteur. Mais le désir d'accomplir cette Loi m'oblige à Vous livrer à sa rigueur, si Vous ne changez point, ma douce Vie, Votre peine en la mienne, disposant que je la souffre en Votre place. Mon Seigneur, je Vous ai donné l'être humain, que Vous avez d'Adam, mais sans tache de péché; et pour cela Votre Toute-Puissance me dispensa de la Loi commune de la contracter. Puis en tant que Vous êtes le Fils du Père Éternel et la Figure de Sa substance (Héb. 1: 1-3) par la génération éternelle, Vous êtes infiniment éloigné du péché. Comment donc, mon Maître, voulez-Vous Vous assujettir à la Loi de son remède? Mais, je vois déjà, mon Fils, que Vous êtes Maître et Rédempteur des hommes, et que Vous devez confirmer la Doctrine par l'exemple et qu'en cela Vous ne perdrez pas un iota (Matt. 5: 18). O Père Eternel, s'il est possible, faites que le couteau perde sa rigueur et la chair sa sensibilité. Que la douleur s'exécute dans ce vil vermisseau; que Votre Fils
Unique accomplisse la Loi et que je ressente seule la douloureuse peine. O péché cruel et inhumain! que tu donnes bientôt ton acerbité à celui que n'a pu te commettre! O enfants d'Adam! abhorrez et craignez le péché, car pour son remède le Seigneur Dieu Lui-même a eu besoin de souffrir des peines et de répandre du Sang.»
4, 13, 517. La pieuse Mère mêlait cette douleur avec la joie de voir le Fils du Père Éternel né, et dans ses bras, et ainsi Elle passa les jours qu'il y eut jusqu'à la Circoncision, son très chaste époux Joseph l'accompagnant en cela; parce qu'Elle parla de ce Mystère seulement avec lui, quoiqu'avec fort peu de paroles, à cause de leur compassion et de leurs larmes; et avant que les huit jours de la Naissance fussent accomplis, la Très Prudente Reine placée en présence du Très-Haut, parla à Sa Majesté sur ce doute et Lui dit: «Roi Très-Haut, Père de mon Seigneur, voici Votre esclave avec le véritable Sacrifice et l'Hostie (Eph. 5: 2) dans les mains. Mes gémissements et leur cause (Ps. 37: 10) ne sont pas cachés à Votre Sagesse. Que je connaisse, Seigneur, Votre Divine Volonté en ce que je dois faire avec Votre très doux Fils et le mien pour accomplir la Loi. Et si je ne puis racheter mon très doux Enfant et mon Dieu véritable en souffrant moi-même la douleur de sa rigueur et encore de beaucoup plus grandes, mon Coeur est prêt (Ps. 56: , et aussi pour ne point L'épargner si par Votre Volonté Il doit être circoncis.»
4, 13, 518. Le Très-Haut lui répondit disant: «Ma Fille et Ma Colombe, que ton coeur ne s'afflige point de livrer ton Fils au couteau et à la douleur de la Circoncision; puisque Je l'ai envoyé au monde pour donner l'exemple et mettre fin à la Loi de Moïse en l'accomplissant entièrement. Si l'habit de l'humanité que tu Lui as donné comme Mère naturelle doit être rompu par la plaie de Sa chair et conjointement de ton âme; Il souffre aussi dans Son honneur étant mon Fils naturel par l'éternelle génération (Ps. 2: 7), Image de Ma substance, égal à Moi dans la nature (Jean 10: 30), la majesté et la gloire, puisque je Le livre à la Loi et au sacrement qui ôte le péché, sans manifester aux hommes qu'Il ne peut l'avoir (2 Cor. 5: 21). Tu sais déjà, Ma Fille, que tu dois Me livrer ton Fils et le Mien pour cela et pour d'autres afflictions plus grandes. Laisse-Le donc répandre Son Sang et Me donner les prémices du Salut Éternel des hommes.»
4, 13, 519. La divine Souveraine se conforma à cette détermination du Père Éternel comme Coopératrice de notre remède avec tant de plénitude de toute sainteté, qu'on ne peut l'expliquer par aucun raisonnement humain. Elle offrit donc son Fils avec une obéissance soumise et un amour très ardent et elle dit: «Seigneur et Dieu Très-Haut, je Vous offre la Victime et l'Hostie de Votre Sacrifice acceptable et je le fais de tout mon Coeur, bien que rempli de compassion et de douleur de ce que les hommes ont offensé votre Bonté immense de manière que la satisfaction d'une Personne qui est Dieu soit nécessaire. Je Vous loue éternellement de ce que Vous avez regardé la créature avec un amour infini n'épargnant point Votre propre Fils (Rom. 8: 32) pour son remède. Moi qui suis Sa Mère, je dois être soumise à Votre Volonté, au-dessus de tous les mortels et des autres créatures, et ainsi je Vous livre le Très Doux Agneau qui doit ôter les péchés du monde par Son innocence (Jean 1: 29). Mais s'il est possible que la rigueur de ce couteau se tempère en mon très doux Enfant en s'augmentant dans mon Coeur, votre bras est Puissant pour le commuer.»
4, 13, 520. La Très Sainte Marie sortit de cette oraison et sans manifester à saint Joseph ce qu'Elle y avait compris, Elle le prévint avec une rare prudence et de très douces raisons pour disposer la Circoncision de l'Enfant-Dieu. Elle lui dit comme en le consultant et lui demandant son avis: que le temps marquer par la Loi pour la Circoncision du Divin Enfant (Luc 2: 21; Gen. 17: 12)) s'approchait déjà, il semblait inévitable de l'accomplir puisqu'ils n'avaient point d'ordre contraire, qu'étant tous deux plus obligés au Très-Haut que toutes les créatures ensemble, ils devaient être plus ponctuels à accomplir Ses préceptes et plus soumis à souffrir pour Son Amour en retour d'une dette si incomparable et qu'ils devaient être très exacts dans le service de Son Très Saint Fils et en tout dépendants de Son bon plaisir Divin. Le saint époux répondit à ces raisons avec une grande sagesse et une vénération souveraines, disant qu'il se conformait en tout à la Volonté Divine manifestée par la Loi commune, puisqu'il ne savait point autre chose du Seigneur: et que bien que le Verbe Incarné ne fût point sujet à la Loi en tant que Dieu, néanmoins vêtu de l'humanité et étant en tout Maître et Rédempteur très parfait, Il aurait pour agréable de Se conformer aux autres hommes dans son accomplissement. Et il demanda à sa divine Épouse comment la Circoncision devait s'exécuter.
4, 13, 521. La Très Sainte Marie répondit qu'en accomplissant la Loi en substance, il lui semblait que dans la manière ce devait être comme pour les autres enfants que l'on circoncisait: mais qu'Elle ne devait point Le quitter ni Le livrer à aucune autre personne; qu' Elle Le porterait et Le tiendrait dans ses bras. Et parce que la complexion et la délicatesse naturelles de l'Enfant seraient cause qu'Il sentirait plus la douleur que les autres circoncis, il était raisonnable de préparer le remède qu'on avait coutume d'appliquer à la blessure des autres enfants. Elle demanda en outre à saint Joseph de lui chercher une petite carafe de cristal ou de verre pour recevoir la sainte Relique de la Circoncision de l'Enfant-Dieu, afin de la garder avec Elle. Et dans l'intérim la soigneuse Mère prépara des linges pour recueillir le Sang qui allait commencer à couler pour le prix de notre rachat, afin qu'alors il ne s'en perdit point ni il n'en tombât à terre une seule goutte. Tout étant prêt, la divine Souveraine disposa que saint Joseph demandât le prêtre et lui donnât avis de venir à la grotte , afin que l'Enfant n'en sortit point et que la Circoncision se fit de sa main comme ministre plus convenable et plus digne d'un Mystère si grand et si caché.
4, 13, 522. La Très Sainte Marie et saint Joseph traitèrent ensuite du Nom qu'ils devaient donner à l'Enfant-Dieu dans la Circoncision et le saint époux dit: «Madame, quand l'Ange du Très-Haut me déclara ce grand sacrement il m'ordonna d'appeler Votre saint Fils JÉSUS.» La Vierge Mère répondit: «Il me déclara à mois aussi le même Nom lorsque mon Très Saint Fils prit chair dans mon sein; et sachant le Nom par la bouche du Très-Haut et par les Anges Ses ministres, il est juste que nous vénérions avec un humble respect les Jugements cachés et inscrutables de Sa Sagesse infinie dans ce saint Nom et que mon Fils et mon Seigneur soit appelé JÉSUS. Ainsi nous le manifesterons au prêtre, afin qu'il écrive ce Nom divin dans le registre des autres enfants circoncis [c].»
4, 13, 523. La grande Dame du Ciel et saint Joseph étant dans cette conférence, d'innombrables Anges descendirent des hauteurs en forme humaine, avec des vêtements blancs et resplendissants où l'on découvrait certaines broderies de couleur incarnat et tous d'une beauté admirable. Ils portaient des palmes dans leurs mains et des couronnes sur leurs têtes, chacune desquelles émettant une plus grande clarté que plusieurs soleils; et en comparaison de la beauté de ces saints Princes, tout ce qui est visible et beau dans la nature paraît une difformité Mais ce
qui faisait ressortir davantage leur beauté était une devise ou médaille sur leur sein qui paraissait comme gravée ou sculptée sur verre dans laquelle chacun portait écrit le très doux Nom de JÉSUS [d] et la lumière et la splendeur qu'émettait chacun de ces Noms excédait, celle de tous les Anges ensemble; et ainsi cette variété dans une si grande multitude était si rare et si remarquable qu'Elle ne peut être expliquée par des paroles et notre imagination ne peut pas la percevoir. Ces saints Anges se partagèrent en deux choeurs dans la grotte, contemplant tous leur Roi et leur Seigneur dans les bras Virginales de la Très Heureuse Mère. Les deux grands Princes saint Michel et saint Gabriel venaient comme chefs de cette armée avec une plus grande splendeur que les autres Anges; et en plus des autres, ils portaient dans leurs mains le très saint Nom de JÉSUS écrit avec de plus grandes lettres et avec certains petits écussons d'une beauté et d'une splendeur incomparables.
4, 13, 524. Les deux Princes se présentèrent en particulier à leur Reine et ils lui dirent: «Madame, voici le Nom de Votre Fils, tel qu'il est écrit dans l'Entendement de Dieu dès "ab aeterno" et toute la Bienheureuse Trinité l'a donné à Votre Fils unique, notre Seigneur, avec puissance de sauver le genre humain (Matt. 1: 21); et Il L'assied sur le siège et le trône de David (Is. 9: 7); Il y règnera et Il châtia Ses ennemis, et triomphant (Col. 2: 15) d'eux Il les humiliera (Ps. 54: 20) jusqu'à les poser comme escabeau (Ps. 109: 1) de Ses pieds; et jugeant avec équité (Ps. 9: 9) Il élèvera Ses amis, afin de les colloquer dans la gloire de Sa droite (Matt. 25: 33). Mais tout cela doit être au prix de travaux et de Sang, et maintenant Il en répandra avec ce Nom parce qu'il est Sauveur et Rédempteur; et ce sera les prémices de ce qu'Il doit souffrir par obéissance au Père Éternel. Nous tous, ministre et esprits du Très-Haut qui sommes ici, avons été envoyés et destinés par la Divine Trinité pour servir le Fils Unique du Père et le Vôtre et assister présents à tous les Mystères et sacrements de la Loi de grâce, L'assister et L'accompagner jusqu'à ce qu'Il monte triomphant à la Céleste Jérusalem en ouvrant les portes au genre humain; et ensuite nous jouirons de Lui avec une gloire accidentelle spéciale au-dessus de tous les autres bienheureux, à qui cette heureuse commission ne fut pas donnée.» Le très fortuné saint Joseph entendit et vit tout cela avec la Reine du Ciel; mais l'intelligence ne fut pas égale, parce que la Mère de la Sagesse comprit et pénétra de très sublimes Mystères de la Rédemption. Et quoique saint Joseph en connût beaucoup respectivement, il n'en connut pas autant que sa divine Épouse; mais ils furent tous deux remplis de jubilation et d'admiration, et ils glorifièrent le
Seigneur par de nouveaux cantiques. Il n'est pas possible d'exprimer par des paroles tout ce qui se passa en événements admirables et variés, car on n'en trouverait point et je n'ai point de termes adéquats pour dire ce que j'en conçois.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE
NOTRE SOUVERAINE.
4, 13, 525. Ma fille, Je veux renouveler en toi la Doctrine et la Lumière que tu as reçues pour traiter avec une révérence souveraine ton Seigneur et ton Époux; parce que l'humilité et la crainte révérencielle doivent croître dans les âmes à mesure qu'elles reçoivent des faveurs plus particulières et plus extraordinaires. Pour n'avoir point cette science, plusieurs âmes se rendent indignes ou incapables de grands bienfaits; d'autres qui les reçoivent arrivent à tomber dans une dangereuse et honteuse grossièreté avec laquelle elles offensent beaucoup le Seigneur; parce que, à cause de la douce et amoureuse suavité avec laquelle Sa divine Condescendance les caresse et les console souvent, elles ont coutume de prendre une sorte d'audace ou d'enfantillage présomptueux pour traiter la Majesté infinie sans la révérence qu'elles doivent et de scruter et de demander de savoir par des voies surnaturelles avec une vaine curiosité ce qui est au-dessus de leur entendement et ce qui ne leur convient pas de savoir. Cette audace vient de ce qu'elles jugent et agissent avec une ignorance terrestre dans l'entretien familier avec le Très-Haut, leur paraissant qu'il doit être à la manière de celui qu'une créature humaine a coutume d'avoir avec une autre qui lui est égale.
4, 13, 526. Mais dans ce jugement l'âme se trompe beaucoup, mesurant la révérence et le respect que l'on doit à la Majesté Infinie avec la familiarité et l'entretien d'égal à égal que l'amour humain fait parmi les mortels. La nature est égale dans les créatures raisonnables quoique les conditions et les accidents soient divers; et avec l'amitié familière et l'amour, on peut oublier la différence qui les rend inégaux et gouverner l'entretien amical par les mouvements humains. Mais l'amour Divin ne doit jamais oublier l'excellence inestimable de l'Objet Infini:
parce que si cet amour regarde la Bonté immense et pour cela il n'y a rien qui le limite, la révérence néanmoins doit regarder la Majesté de l'Etre Divin et comme la Bonté et la Majesté sont en Dieu inséparables, aussi dans la créature la révérence et l'amour ne doivent point être séparés, et la Lumière de la Foi divine qui révèle à l'amant l'Essence de l'Objet qu'il aime doit toujours précéder, et elle doit réveiller et fomenter la crainte révérencielle, et donner un poids et une mesure aux affections inégales que l'amour aveugle et imprudent a coutume d'engendrer, quand il opère sans se souvenir de l'excellence et de l'inégalité du Bien-Aimé.
4, 13, 527. Lorsque la créature est d'un grand coeur et qu'elle est exercée et habituée à l'amour saint et révérenciel, elle ne court point ce danger d'oublier la révérence due au Très-Haut par la fréquence des faveurs même les plus grandes, car elle ne se livre point imprudemment aux goûts spirituels et elle ne perd point à cause d'eux la prudente attention à la Majesté Suprême, au contraire plus elle L'aime et La connaît, plus elle La respecte et La révère. Et le Seigneur traite avec ces âmes comme un Ami avec Son ami (ex. 33: 11). Que ce soit donc une règle inviolable pour toi, ma fille, que lorsque tu jouiras des plus étroits embrassements et des douceurs du Très-Haut, tu sois d'autant plus attentive à révérer la grandeur de Son Etre infini et immuable, à Le magnifier et à L'aimer conjointement. Et avec cette science tu connaîtras et pèseras mieux le bienfait que tu reçois et tu ne tomberas point dans le danger et l'audace de ceux qui veulent légèrement en tout événement s'enquérir et demander le secret du Seigneur, et que Sa très prudente Providence s'incline et seconde la vaine curiosité qui les meut par quelque passion ou désordre, ce qui naît non du zèle et de l'amour saint, mais des affections humaines et répréhensibles.
4, 13, 528. Considère, Ma fille, le poids avec lequel j'opérais et me retenais dans mes doutes; puis en ce qui est de trouver grâce aux yeux du Seigneur, aucune créature ne peut s'égaler à moi, toutes demeurant à une immense distance. Et cela étant ainsi, et ayant dans mes bras Dieu même, étant Sa Mère véritable, je n'osai jamais Lui demander de me déclarer aucune chose par un moyen extraordinaire, ni pour la savoir, ni pour m'alléger d'aucune peine, ni pour d'autre fin humaine, car tout cela aurait été faiblesse naturelle, curiosité vaine ou vice répréhensible et il ne pouvait y avoir rien de tel en moi. Mais lorsque la nécessité m'obligeait pour la gloire du Seigneur ou lorsque l'occasion était inévitable, je demandais permission
à Sa Majesté de Lui proposer mon désir et quoique je Le trouvasse toujours très propice, et qu'Il me répondît avec caresse, me demandant ce que je voulais de Sa Miséricorde, néanmoins je m'anéantissais et m'humiliais jusqu'à la poussière et je Lui demandais seulement de m'enseigner ce qui était le plus agréable et le plus acceptable à Ses yeux.
4, 13, 529. Ma fille, écris cette instruction dans ton coeur, et garde-toi de ne jamais vouloir t'enquérir par un désir désordonné et curieux pour savoir aucune chose au-dessus de la raison humaine. Car outre que le Seigneur ne répond point à une telle légèreté parce qu'elle Lui déplaît beaucoup, le démon est très attentif à ce vice dans les personnes qui traitent de vie spirituelle; et comme il est d'ordinaire l'auteur de ces affections de curiosité vicieuse et qu'il les meut par son astuce, il a coutume d'y répondre avec cette même astuce, se transfigurant en Ange de Lumière (2 Cor. 11: 14), ainsi il trompe les imparfaits et les imprudents. Et lors même que ces demandes seraient mues seulement par la nature et l'inclination, on ne devrait pas non plus les suivre ni y faire attention; parce que dans une affaire si haute comme l'entretien avec le Seigneur, on ne doit pas suivre le jugement ni la raison à cause de leurs appétits et de leurs passions: car la nature infectée et dépravée par le péché est très désordonnée et elle a des mouvements déréglés et démesurés qu'il n'est pas juste d'écouter et il ne faut pas se gouverner par eux. La créature ne doit pas non plus recourir aux révélations Divines pour s'alléger des peines et des afflictions; car l'épouse de Jésus-Christ et Son véritable serviteur ne doivent point user de Ses faveurs pour fuir la croix, mais pour la chercher et la porter avec le Seigneur (Matt. 16: 24) et s'abandonner en celles que Sa divine Droite lui donnera. Je veux tout cela de toi, avec la timidité de la crainte, inclinant vers cette extrémité pour t'éloigner du contraire. Je veux que tu améliores ton motif dès aujourd'hui et que tu opères en tout par l'amour, comme plus parfait en ses fins. Celui-ci n'a point de bornes ni de limites; c'est pourquoi je veux que tu aimes avec excès (Phil. 1: 9) et que tu craignes avec modération autant qu'il suffit pour ne point violer la Loi du Très-Haut et pour régler toutes les opérations intérieures et tes oeuvres extérieures avec rectitude. En cela sois soigneuse et officieuse, lors même qu'il t'en coûterait beaucoup de travail et de peine, car moi je souffris beaucoup pour circoncire mon Fils Très Saint. Et je le fis parce que la Volonté du Seigneur nous est déclarée et intimée dans les Lois saintes (Gen. 17: 12) et nous devons obéir à cette Volonté Suprême en tout et pour tout
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 13, [a]. Ainsi pensent de très excellents théologiens entre lesquels Billuart, disant que la circoncision n'avait pas en soi la force de produire la grâce comme l'ont les Sacrements de la nouvelle Loi; mais à son imposition Dieu conférait la grâce par la foi dans le Médiateur. Ainsi elle conférait la grâce non activement mais passivement "ex-opere operato". Saint Augustin écrit expressément que la circoncision ôtait le péché originel. [Contr. Jul. Pelag., I. VI. - De pece. or contr. Pelagl, C. 30].
4, 13, . Il n'était pas de précepte que ce fût un prêtre qui fit la cérémonie de la circoncision, mais de pieuses mères préféraient inviter un ministre de Dieu. C'est aussi ce que fit la Très Sainte Vierge. Et ce fut dans la grotte que l'Enfant Jésus fut circoncis, puisque les saints époux y demeurèrent au moins jusqu'après la venue des Mages. Presque tous les Pères affirment que les Mages adorèrent l'Enfant-Dieu dans la grotte.
4, 13, [c]. On sait que chez les Hébreux, le prêtres enregistraient les noms de tous les circoncis, spécialement des premiers-nés, ce qui fonde davantage l'opinion que la circoncision était opérée par un prêtre, étant en cette circonstance que l'on imposait le nom au nouveau-né.
4, 13, [d]. Ce nom avait déjà été révélé par les Anges à saint Joseph: Matt. 1: 20-21; il avait été prédit par les prophètes: Is. 26: 1; 22: 2; Hab. 3: 18, etc. Saint Bernard dit des choses admirables de ce Nom. Sa signification précise vient de l'Hébreu Jeosciuang contracté de Teosciuang. Les Septante traduisirent Jesu, qui signifie Jéhovah portant secours, sauvant, délivrant, arrachant des mains de l'ennemi et conservant; en somme "Dieu Sauveur". Pour cette raison saint Thomas observe que ce Nom coïncide avec l'autre de "Emmanuel", Dieu avec nous, donné aussi par Dieu à Son Fils dans Is. 7: 14. Et le saint docteur observe que Dieu est
avec nous de quatre manière, c'est-à-dire par l'assomption de la nature humaine, par la conformité de nature semblable en tout à la nôtre, parla conversation corporelle et par la conversation spirituelle; "ecco ego vobiscum sum", etc.. De même aussi saint Paschase. [lib. 2 in Matt.].
La Très Sainte Marie connaît la Volonté du Seigneur que son Fils Unique soit circoncis, Elle en confère avec saint Joseph: le Très Saint Nom de JÉSUS vient du Ciel.
4, 13, 513. Dès que la Très Prudente Vierge se trouva Mère par l'Incarnation du Verbe dans ses entrailles, Elle commença à conférer avec Elle-même des travaux et des peines que Son Très Doux Fils venait souffrir. Et comme la connaissance qu'Elle avait des saintes Écritures était si profonde, Elle y comprenait tous les mystères que contenaient ces divines Écritures, et par cette Science Elle pesait et prévoyait avec une compassion incomparable tout ce qu'Il devait souffrir pour la Rédemption des hommes. Cette douleur prévue et méditée si savamment, fut un martyre prolongée pour la Très Douce Mère de l'Agneau (Jér. 11: 19) qui devait être sacrifié. Mais quant au Mystère de la Circoncision qui devait suivre la Nativité, la divine Dame n'avait pas d'ordre exprès ni de connaissance de la Volonté du Père Éternel. En cette suspension, la compassion sollicitait les affections et la douce voix de la tendre et amoureuse Mère. Elle considérait avec sa prudence que son Très Saint Fils venait honorer Sa Loi, l'accréditer en l'observant et la confirmer par son exécution (Matt. 5: 17) et son
accomplissement, et qu'Il venait en outre souffrir (Matt. 20: 28) pour les hommes, que Son amour très ardent ne refuserait point la douleur de la Circoncision et qu'il pouvait être convenable de la recevoir pour d'autres fins.
4, 13, 514. D'un autre côté l'amour maternel et la compassion l'inclinaient à exempter son très doux Enfant de souffrir cette peine, s'il était possible; et aussi parce que la Circoncision était un sacrement pour purifier du péché originel [a] dont l'Enfant-Dieu était si libre, ne l'ayant point contracté en Adam. Dans cette indifférence entre l'amour de son Très Saint Fils et l'obéissance au Père Éternel, la Très Prudente Dame fit beaucoup d'actes héroïques de vertus d'un agrément incomparable pour Sa Majesté. Et quoiqu'Elle eût pu sortir de ce doute en interrogeant aussitôt le Seigneur sur ce qu'Elle devait faire, néanmoins comme Elle était également prudente et humble Elle se retint. Elle n'interrogea point ses Anges non plus; parce qu'Elle attendait avec une sagesse admirable le temps opportun et convenable de la Providence divine et toute chose, et Elle ne s'avançait jamais avec anxiété et curiosité à s'enquérir des choses ni à les savoir par un ordre surnaturel et extraordinaire, et encore bien moins lorsque ce devait être pour se soulager de quelque peine. Lorsqu'il arrivait une affaire grave et douteuse qui pouvait donner occasion à quelque offense du Seigneur ou en certain cas urgent pour le bienfait des créatures où il était nécessaire de savoir la Volonté Divine, Elle demandait d'abord permission au Très-Haut de Le supplier de lui déclarer Son agrément et Son bon plaisir.
4, 13, 515. Et ceci n'est pas contraire à ce que j'ai écrit dans une autre partie, tome second chapitre 10, que la Très Sainte Marie ne faisait rien sans demander permission au Seigneur en consultant Sa Majesté, parce que cette conférence sur la Volonté Divine n'était point en s'enquérant avec un désir de révélation extraordinaire, car en cela Elle était, comme je l'ai dit, très retenue et très prudente, et Elle la demandait dans des cas rares; mais sans une nouvelle révélation Elle consultait la Lumière surnaturelle habituelle de l'Esprit-Saint qui la gouvernait et la dirigeait dans toutes ses actions; et en y élevant la vue intérieure, Elle connaissait une plus grande perfection et une plus grande sainteté dans la manière d'opérer les choses et dans les actions communes. Et quoiqu'il soit vrai que la Reine du Ciel avait différentes raisons et comme un droit spécial pour demander au Seigneur la connaissance de Sa Volonté de quelque manière; néanmoins la
grande Dame étant un exemplaire et une règle de sainteté et de discrétion, ne se servait point de cet ordre et de ce gouvernement, sauf lorsqu'il était convenable en certaines choses; et quant au reste Elle accomplissait à la lettre ce que dit David: «Comme les yeux de l'esclave sur les mains de sa maîtresse; ainsi son mes yeux sur celles du Seigneur, jusqu'à se que Sa miséricorde soit avec nous (Ps. 122: 2).» Mais cette Lumière ordinaire dans la Maîtresse du monde était plus grande que dans tous les mortels ensemble, et dans cette Lumière Elle demandait le "fiat" qu'Elle connaissait de la Volonté Divine.
4, 13, 516. Le Mystère de la Circoncision était particulier et unique et il demandait une illustration spéciale du Seigneur: La Très Prudente Mère l'attendait pour le temps opportun et dans l'intérieur s'adressant à la Loi qui ordonnait la circoncision, Elle disait en Elle-même: «O Loi commune! tu es juste et sainte, mais très dure pour mon coeur si tu dois le blesser en Celui qui est sa Vie et son Maître véritable! Que tu sois rigoureuse pour purifier du péché celui qui l'a, cela est juste; mais que tu exerces ta force sur l'Innocent qui ne peut avoir de péché (Héb. 7: 26) me semble un excès de rigueur si Son amour ne t'excuse! Oh! si c'était la Volonté de mon Bien-Aimé d'éviter cette peine! Mais comment Celui qui vient rechercher les peines (Matt. 20: 18), embrasser la croix et accomplir et perfectionner la Loi la refusera-t-il? O cruel instrument! si tu exécutais le coup en ma propre vie et non sur le Maître qui me l'a donnée! O mon Fils, doux Amour et Lumière de mon âme, est-il possible que Vous répandiez si tôt le Sang qui vaut plus que le Ciel et la terre? Mon amoureuse peine m'incline à éviter la Vôtre et à Vous exempter de la Loi commune, car Elle ne s'étend pas à Vous qui êtes Son Auteur. Mais le désir d'accomplir cette Loi m'oblige à Vous livrer à sa rigueur, si Vous ne changez point, ma douce Vie, Votre peine en la mienne, disposant que je la souffre en Votre place. Mon Seigneur, je Vous ai donné l'être humain, que Vous avez d'Adam, mais sans tache de péché; et pour cela Votre Toute-Puissance me dispensa de la Loi commune de la contracter. Puis en tant que Vous êtes le Fils du Père Éternel et la Figure de Sa substance (Héb. 1: 1-3) par la génération éternelle, Vous êtes infiniment éloigné du péché. Comment donc, mon Maître, voulez-Vous Vous assujettir à la Loi de son remède? Mais, je vois déjà, mon Fils, que Vous êtes Maître et Rédempteur des hommes, et que Vous devez confirmer la Doctrine par l'exemple et qu'en cela Vous ne perdrez pas un iota (Matt. 5: 18). O Père Eternel, s'il est possible, faites que le couteau perde sa rigueur et la chair sa sensibilité. Que la douleur s'exécute dans ce vil vermisseau; que Votre Fils
Unique accomplisse la Loi et que je ressente seule la douloureuse peine. O péché cruel et inhumain! que tu donnes bientôt ton acerbité à celui que n'a pu te commettre! O enfants d'Adam! abhorrez et craignez le péché, car pour son remède le Seigneur Dieu Lui-même a eu besoin de souffrir des peines et de répandre du Sang.»
4, 13, 517. La pieuse Mère mêlait cette douleur avec la joie de voir le Fils du Père Éternel né, et dans ses bras, et ainsi Elle passa les jours qu'il y eut jusqu'à la Circoncision, son très chaste époux Joseph l'accompagnant en cela; parce qu'Elle parla de ce Mystère seulement avec lui, quoiqu'avec fort peu de paroles, à cause de leur compassion et de leurs larmes; et avant que les huit jours de la Naissance fussent accomplis, la Très Prudente Reine placée en présence du Très-Haut, parla à Sa Majesté sur ce doute et Lui dit: «Roi Très-Haut, Père de mon Seigneur, voici Votre esclave avec le véritable Sacrifice et l'Hostie (Eph. 5: 2) dans les mains. Mes gémissements et leur cause (Ps. 37: 10) ne sont pas cachés à Votre Sagesse. Que je connaisse, Seigneur, Votre Divine Volonté en ce que je dois faire avec Votre très doux Fils et le mien pour accomplir la Loi. Et si je ne puis racheter mon très doux Enfant et mon Dieu véritable en souffrant moi-même la douleur de sa rigueur et encore de beaucoup plus grandes, mon Coeur est prêt (Ps. 56: , et aussi pour ne point L'épargner si par Votre Volonté Il doit être circoncis.»
4, 13, 518. Le Très-Haut lui répondit disant: «Ma Fille et Ma Colombe, que ton coeur ne s'afflige point de livrer ton Fils au couteau et à la douleur de la Circoncision; puisque Je l'ai envoyé au monde pour donner l'exemple et mettre fin à la Loi de Moïse en l'accomplissant entièrement. Si l'habit de l'humanité que tu Lui as donné comme Mère naturelle doit être rompu par la plaie de Sa chair et conjointement de ton âme; Il souffre aussi dans Son honneur étant mon Fils naturel par l'éternelle génération (Ps. 2: 7), Image de Ma substance, égal à Moi dans la nature (Jean 10: 30), la majesté et la gloire, puisque je Le livre à la Loi et au sacrement qui ôte le péché, sans manifester aux hommes qu'Il ne peut l'avoir (2 Cor. 5: 21). Tu sais déjà, Ma Fille, que tu dois Me livrer ton Fils et le Mien pour cela et pour d'autres afflictions plus grandes. Laisse-Le donc répandre Son Sang et Me donner les prémices du Salut Éternel des hommes.»
4, 13, 519. La divine Souveraine se conforma à cette détermination du Père Éternel comme Coopératrice de notre remède avec tant de plénitude de toute sainteté, qu'on ne peut l'expliquer par aucun raisonnement humain. Elle offrit donc son Fils avec une obéissance soumise et un amour très ardent et elle dit: «Seigneur et Dieu Très-Haut, je Vous offre la Victime et l'Hostie de Votre Sacrifice acceptable et je le fais de tout mon Coeur, bien que rempli de compassion et de douleur de ce que les hommes ont offensé votre Bonté immense de manière que la satisfaction d'une Personne qui est Dieu soit nécessaire. Je Vous loue éternellement de ce que Vous avez regardé la créature avec un amour infini n'épargnant point Votre propre Fils (Rom. 8: 32) pour son remède. Moi qui suis Sa Mère, je dois être soumise à Votre Volonté, au-dessus de tous les mortels et des autres créatures, et ainsi je Vous livre le Très Doux Agneau qui doit ôter les péchés du monde par Son innocence (Jean 1: 29). Mais s'il est possible que la rigueur de ce couteau se tempère en mon très doux Enfant en s'augmentant dans mon Coeur, votre bras est Puissant pour le commuer.»
4, 13, 520. La Très Sainte Marie sortit de cette oraison et sans manifester à saint Joseph ce qu'Elle y avait compris, Elle le prévint avec une rare prudence et de très douces raisons pour disposer la Circoncision de l'Enfant-Dieu. Elle lui dit comme en le consultant et lui demandant son avis: que le temps marquer par la Loi pour la Circoncision du Divin Enfant (Luc 2: 21; Gen. 17: 12)) s'approchait déjà, il semblait inévitable de l'accomplir puisqu'ils n'avaient point d'ordre contraire, qu'étant tous deux plus obligés au Très-Haut que toutes les créatures ensemble, ils devaient être plus ponctuels à accomplir Ses préceptes et plus soumis à souffrir pour Son Amour en retour d'une dette si incomparable et qu'ils devaient être très exacts dans le service de Son Très Saint Fils et en tout dépendants de Son bon plaisir Divin. Le saint époux répondit à ces raisons avec une grande sagesse et une vénération souveraines, disant qu'il se conformait en tout à la Volonté Divine manifestée par la Loi commune, puisqu'il ne savait point autre chose du Seigneur: et que bien que le Verbe Incarné ne fût point sujet à la Loi en tant que Dieu, néanmoins vêtu de l'humanité et étant en tout Maître et Rédempteur très parfait, Il aurait pour agréable de Se conformer aux autres hommes dans son accomplissement. Et il demanda à sa divine Épouse comment la Circoncision devait s'exécuter.
4, 13, 521. La Très Sainte Marie répondit qu'en accomplissant la Loi en substance, il lui semblait que dans la manière ce devait être comme pour les autres enfants que l'on circoncisait: mais qu'Elle ne devait point Le quitter ni Le livrer à aucune autre personne; qu' Elle Le porterait et Le tiendrait dans ses bras. Et parce que la complexion et la délicatesse naturelles de l'Enfant seraient cause qu'Il sentirait plus la douleur que les autres circoncis, il était raisonnable de préparer le remède qu'on avait coutume d'appliquer à la blessure des autres enfants. Elle demanda en outre à saint Joseph de lui chercher une petite carafe de cristal ou de verre pour recevoir la sainte Relique de la Circoncision de l'Enfant-Dieu, afin de la garder avec Elle. Et dans l'intérim la soigneuse Mère prépara des linges pour recueillir le Sang qui allait commencer à couler pour le prix de notre rachat, afin qu'alors il ne s'en perdit point ni il n'en tombât à terre une seule goutte. Tout étant prêt, la divine Souveraine disposa que saint Joseph demandât le prêtre et lui donnât avis de venir à la grotte , afin que l'Enfant n'en sortit point et que la Circoncision se fit de sa main comme ministre plus convenable et plus digne d'un Mystère si grand et si caché.
4, 13, 522. La Très Sainte Marie et saint Joseph traitèrent ensuite du Nom qu'ils devaient donner à l'Enfant-Dieu dans la Circoncision et le saint époux dit: «Madame, quand l'Ange du Très-Haut me déclara ce grand sacrement il m'ordonna d'appeler Votre saint Fils JÉSUS.» La Vierge Mère répondit: «Il me déclara à mois aussi le même Nom lorsque mon Très Saint Fils prit chair dans mon sein; et sachant le Nom par la bouche du Très-Haut et par les Anges Ses ministres, il est juste que nous vénérions avec un humble respect les Jugements cachés et inscrutables de Sa Sagesse infinie dans ce saint Nom et que mon Fils et mon Seigneur soit appelé JÉSUS. Ainsi nous le manifesterons au prêtre, afin qu'il écrive ce Nom divin dans le registre des autres enfants circoncis [c].»
4, 13, 523. La grande Dame du Ciel et saint Joseph étant dans cette conférence, d'innombrables Anges descendirent des hauteurs en forme humaine, avec des vêtements blancs et resplendissants où l'on découvrait certaines broderies de couleur incarnat et tous d'une beauté admirable. Ils portaient des palmes dans leurs mains et des couronnes sur leurs têtes, chacune desquelles émettant une plus grande clarté que plusieurs soleils; et en comparaison de la beauté de ces saints Princes, tout ce qui est visible et beau dans la nature paraît une difformité Mais ce
qui faisait ressortir davantage leur beauté était une devise ou médaille sur leur sein qui paraissait comme gravée ou sculptée sur verre dans laquelle chacun portait écrit le très doux Nom de JÉSUS [d] et la lumière et la splendeur qu'émettait chacun de ces Noms excédait, celle de tous les Anges ensemble; et ainsi cette variété dans une si grande multitude était si rare et si remarquable qu'Elle ne peut être expliquée par des paroles et notre imagination ne peut pas la percevoir. Ces saints Anges se partagèrent en deux choeurs dans la grotte, contemplant tous leur Roi et leur Seigneur dans les bras Virginales de la Très Heureuse Mère. Les deux grands Princes saint Michel et saint Gabriel venaient comme chefs de cette armée avec une plus grande splendeur que les autres Anges; et en plus des autres, ils portaient dans leurs mains le très saint Nom de JÉSUS écrit avec de plus grandes lettres et avec certains petits écussons d'une beauté et d'une splendeur incomparables.
4, 13, 524. Les deux Princes se présentèrent en particulier à leur Reine et ils lui dirent: «Madame, voici le Nom de Votre Fils, tel qu'il est écrit dans l'Entendement de Dieu dès "ab aeterno" et toute la Bienheureuse Trinité l'a donné à Votre Fils unique, notre Seigneur, avec puissance de sauver le genre humain (Matt. 1: 21); et Il L'assied sur le siège et le trône de David (Is. 9: 7); Il y règnera et Il châtia Ses ennemis, et triomphant (Col. 2: 15) d'eux Il les humiliera (Ps. 54: 20) jusqu'à les poser comme escabeau (Ps. 109: 1) de Ses pieds; et jugeant avec équité (Ps. 9: 9) Il élèvera Ses amis, afin de les colloquer dans la gloire de Sa droite (Matt. 25: 33). Mais tout cela doit être au prix de travaux et de Sang, et maintenant Il en répandra avec ce Nom parce qu'il est Sauveur et Rédempteur; et ce sera les prémices de ce qu'Il doit souffrir par obéissance au Père Éternel. Nous tous, ministre et esprits du Très-Haut qui sommes ici, avons été envoyés et destinés par la Divine Trinité pour servir le Fils Unique du Père et le Vôtre et assister présents à tous les Mystères et sacrements de la Loi de grâce, L'assister et L'accompagner jusqu'à ce qu'Il monte triomphant à la Céleste Jérusalem en ouvrant les portes au genre humain; et ensuite nous jouirons de Lui avec une gloire accidentelle spéciale au-dessus de tous les autres bienheureux, à qui cette heureuse commission ne fut pas donnée.» Le très fortuné saint Joseph entendit et vit tout cela avec la Reine du Ciel; mais l'intelligence ne fut pas égale, parce que la Mère de la Sagesse comprit et pénétra de très sublimes Mystères de la Rédemption. Et quoique saint Joseph en connût beaucoup respectivement, il n'en connut pas autant que sa divine Épouse; mais ils furent tous deux remplis de jubilation et d'admiration, et ils glorifièrent le
Seigneur par de nouveaux cantiques. Il n'est pas possible d'exprimer par des paroles tout ce qui se passa en événements admirables et variés, car on n'en trouverait point et je n'ai point de termes adéquats pour dire ce que j'en conçois.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE
NOTRE SOUVERAINE.
4, 13, 525. Ma fille, Je veux renouveler en toi la Doctrine et la Lumière que tu as reçues pour traiter avec une révérence souveraine ton Seigneur et ton Époux; parce que l'humilité et la crainte révérencielle doivent croître dans les âmes à mesure qu'elles reçoivent des faveurs plus particulières et plus extraordinaires. Pour n'avoir point cette science, plusieurs âmes se rendent indignes ou incapables de grands bienfaits; d'autres qui les reçoivent arrivent à tomber dans une dangereuse et honteuse grossièreté avec laquelle elles offensent beaucoup le Seigneur; parce que, à cause de la douce et amoureuse suavité avec laquelle Sa divine Condescendance les caresse et les console souvent, elles ont coutume de prendre une sorte d'audace ou d'enfantillage présomptueux pour traiter la Majesté infinie sans la révérence qu'elles doivent et de scruter et de demander de savoir par des voies surnaturelles avec une vaine curiosité ce qui est au-dessus de leur entendement et ce qui ne leur convient pas de savoir. Cette audace vient de ce qu'elles jugent et agissent avec une ignorance terrestre dans l'entretien familier avec le Très-Haut, leur paraissant qu'il doit être à la manière de celui qu'une créature humaine a coutume d'avoir avec une autre qui lui est égale.
4, 13, 526. Mais dans ce jugement l'âme se trompe beaucoup, mesurant la révérence et le respect que l'on doit à la Majesté Infinie avec la familiarité et l'entretien d'égal à égal que l'amour humain fait parmi les mortels. La nature est égale dans les créatures raisonnables quoique les conditions et les accidents soient divers; et avec l'amitié familière et l'amour, on peut oublier la différence qui les rend inégaux et gouverner l'entretien amical par les mouvements humains. Mais l'amour Divin ne doit jamais oublier l'excellence inestimable de l'Objet Infini:
parce que si cet amour regarde la Bonté immense et pour cela il n'y a rien qui le limite, la révérence néanmoins doit regarder la Majesté de l'Etre Divin et comme la Bonté et la Majesté sont en Dieu inséparables, aussi dans la créature la révérence et l'amour ne doivent point être séparés, et la Lumière de la Foi divine qui révèle à l'amant l'Essence de l'Objet qu'il aime doit toujours précéder, et elle doit réveiller et fomenter la crainte révérencielle, et donner un poids et une mesure aux affections inégales que l'amour aveugle et imprudent a coutume d'engendrer, quand il opère sans se souvenir de l'excellence et de l'inégalité du Bien-Aimé.
4, 13, 527. Lorsque la créature est d'un grand coeur et qu'elle est exercée et habituée à l'amour saint et révérenciel, elle ne court point ce danger d'oublier la révérence due au Très-Haut par la fréquence des faveurs même les plus grandes, car elle ne se livre point imprudemment aux goûts spirituels et elle ne perd point à cause d'eux la prudente attention à la Majesté Suprême, au contraire plus elle L'aime et La connaît, plus elle La respecte et La révère. Et le Seigneur traite avec ces âmes comme un Ami avec Son ami (ex. 33: 11). Que ce soit donc une règle inviolable pour toi, ma fille, que lorsque tu jouiras des plus étroits embrassements et des douceurs du Très-Haut, tu sois d'autant plus attentive à révérer la grandeur de Son Etre infini et immuable, à Le magnifier et à L'aimer conjointement. Et avec cette science tu connaîtras et pèseras mieux le bienfait que tu reçois et tu ne tomberas point dans le danger et l'audace de ceux qui veulent légèrement en tout événement s'enquérir et demander le secret du Seigneur, et que Sa très prudente Providence s'incline et seconde la vaine curiosité qui les meut par quelque passion ou désordre, ce qui naît non du zèle et de l'amour saint, mais des affections humaines et répréhensibles.
4, 13, 528. Considère, Ma fille, le poids avec lequel j'opérais et me retenais dans mes doutes; puis en ce qui est de trouver grâce aux yeux du Seigneur, aucune créature ne peut s'égaler à moi, toutes demeurant à une immense distance. Et cela étant ainsi, et ayant dans mes bras Dieu même, étant Sa Mère véritable, je n'osai jamais Lui demander de me déclarer aucune chose par un moyen extraordinaire, ni pour la savoir, ni pour m'alléger d'aucune peine, ni pour d'autre fin humaine, car tout cela aurait été faiblesse naturelle, curiosité vaine ou vice répréhensible et il ne pouvait y avoir rien de tel en moi. Mais lorsque la nécessité m'obligeait pour la gloire du Seigneur ou lorsque l'occasion était inévitable, je demandais permission
à Sa Majesté de Lui proposer mon désir et quoique je Le trouvasse toujours très propice, et qu'Il me répondît avec caresse, me demandant ce que je voulais de Sa Miséricorde, néanmoins je m'anéantissais et m'humiliais jusqu'à la poussière et je Lui demandais seulement de m'enseigner ce qui était le plus agréable et le plus acceptable à Ses yeux.
4, 13, 529. Ma fille, écris cette instruction dans ton coeur, et garde-toi de ne jamais vouloir t'enquérir par un désir désordonné et curieux pour savoir aucune chose au-dessus de la raison humaine. Car outre que le Seigneur ne répond point à une telle légèreté parce qu'elle Lui déplaît beaucoup, le démon est très attentif à ce vice dans les personnes qui traitent de vie spirituelle; et comme il est d'ordinaire l'auteur de ces affections de curiosité vicieuse et qu'il les meut par son astuce, il a coutume d'y répondre avec cette même astuce, se transfigurant en Ange de Lumière (2 Cor. 11: 14), ainsi il trompe les imparfaits et les imprudents. Et lors même que ces demandes seraient mues seulement par la nature et l'inclination, on ne devrait pas non plus les suivre ni y faire attention; parce que dans une affaire si haute comme l'entretien avec le Seigneur, on ne doit pas suivre le jugement ni la raison à cause de leurs appétits et de leurs passions: car la nature infectée et dépravée par le péché est très désordonnée et elle a des mouvements déréglés et démesurés qu'il n'est pas juste d'écouter et il ne faut pas se gouverner par eux. La créature ne doit pas non plus recourir aux révélations Divines pour s'alléger des peines et des afflictions; car l'épouse de Jésus-Christ et Son véritable serviteur ne doivent point user de Ses faveurs pour fuir la croix, mais pour la chercher et la porter avec le Seigneur (Matt. 16: 24) et s'abandonner en celles que Sa divine Droite lui donnera. Je veux tout cela de toi, avec la timidité de la crainte, inclinant vers cette extrémité pour t'éloigner du contraire. Je veux que tu améliores ton motif dès aujourd'hui et que tu opères en tout par l'amour, comme plus parfait en ses fins. Celui-ci n'a point de bornes ni de limites; c'est pourquoi je veux que tu aimes avec excès (Phil. 1: 9) et que tu craignes avec modération autant qu'il suffit pour ne point violer la Loi du Très-Haut et pour régler toutes les opérations intérieures et tes oeuvres extérieures avec rectitude. En cela sois soigneuse et officieuse, lors même qu'il t'en coûterait beaucoup de travail et de peine, car moi je souffris beaucoup pour circoncire mon Fils Très Saint. Et je le fis parce que la Volonté du Seigneur nous est déclarée et intimée dans les Lois saintes (Gen. 17: 12) et nous devons obéir à cette Volonté Suprême en tout et pour tout
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 13, [a]. Ainsi pensent de très excellents théologiens entre lesquels Billuart, disant que la circoncision n'avait pas en soi la force de produire la grâce comme l'ont les Sacrements de la nouvelle Loi; mais à son imposition Dieu conférait la grâce par la foi dans le Médiateur. Ainsi elle conférait la grâce non activement mais passivement "ex-opere operato". Saint Augustin écrit expressément que la circoncision ôtait le péché originel. [Contr. Jul. Pelag., I. VI. - De pece. or contr. Pelagl, C. 30].
4, 13, . Il n'était pas de précepte que ce fût un prêtre qui fit la cérémonie de la circoncision, mais de pieuses mères préféraient inviter un ministre de Dieu. C'est aussi ce que fit la Très Sainte Vierge. Et ce fut dans la grotte que l'Enfant Jésus fut circoncis, puisque les saints époux y demeurèrent au moins jusqu'après la venue des Mages. Presque tous les Pères affirment que les Mages adorèrent l'Enfant-Dieu dans la grotte.
4, 13, [c]. On sait que chez les Hébreux, le prêtres enregistraient les noms de tous les circoncis, spécialement des premiers-nés, ce qui fonde davantage l'opinion que la circoncision était opérée par un prêtre, étant en cette circonstance que l'on imposait le nom au nouveau-né.
4, 13, [d]. Ce nom avait déjà été révélé par les Anges à saint Joseph: Matt. 1: 20-21; il avait été prédit par les prophètes: Is. 26: 1; 22: 2; Hab. 3: 18, etc. Saint Bernard dit des choses admirables de ce Nom. Sa signification précise vient de l'Hébreu Jeosciuang contracté de Teosciuang. Les Septante traduisirent Jesu, qui signifie Jéhovah portant secours, sauvant, délivrant, arrachant des mains de l'ennemi et conservant; en somme "Dieu Sauveur". Pour cette raison saint Thomas observe que ce Nom coïncide avec l'autre de "Emmanuel", Dieu avec nous, donné aussi par Dieu à Son Fils dans Is. 7: 14. Et le saint docteur observe que Dieu est
avec nous de quatre manière, c'est-à-dire par l'assomption de la nature humaine, par la conformité de nature semblable en tout à la nôtre, parla conversation corporelle et par la conversation spirituelle; "ecco ego vobiscum sum", etc.. De même aussi saint Paschase. [lib. 2 in Matt.].
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 14
L'Enfant-Dieu est circoncis, et on Lui impose le Nom de Jésus.
4, 14, 530. Dans la cité de Bethléem il y avait une synagogue particulière comme dans les autres d'Israël où le peuple se réunissait (Judith 6: 21) pour prier et qui s'appelait pour cela maison de prière; ils se réunissaient aussi pour entendre la Loi de Moïse (Act. 13: 15) qu'un prêtre lisait et expliquait en chaire [a] à haute voix, afin que le peuple entendît ses préceptes. Mais les sacrifices n'étaient point offerts dans ces synagogues; car ils étaient réservés pour le Temple de Jérusalem, si le Seigneur n'en disposait pas autrement; parce que le lieu n'avait pas été laissé à la liberté du peuple (Deut. 12: 5-6) comme le remarque le Deutéronome, pour fuir le danger de l'idolâtrie. Mais le prêtre qui était docteur ou ministre de la Loi avait coutume de l'être aussi de la circoncision, non par précepte d'obligation, parce que chacun, même ceux qui n'étaient pas prêtres pouvaient circoncire; mais par une dévotion spéciale des mères, à laquelle plusieurs s'inclinaient, pensant que les enfants ne couraient pas autant de danger s'ils étaient circoncis par la main d'un prêtre. Notre grande Reine voulut, non pour cette crainte, mais pour la dignité de l'Enfant, que le ministre de Sa Circoncision, fût le prêtre qui était à Bethléem et l'heureux époux saint Joseph alla l'appeler pour cette fin.
4, 14, 531. Le prêtre vint à l'étable ou grotte de la Nativité où l'attendaient le Verbe fait chair et Sa Mère-Vierge qui Le tenait dans ses bras; et deux autres ministres qui avaient coutume d'aider dans le ministère de la circoncision vinrent avec le prêtre. L'indignité de l'humble lieu étonna et déconcerta un peu le prêtre. Mais la Très Prudente Reine lui parla et le reçut avec une telle modestie et un tel
agrément, qu'Elle l'obligea efficacement à changer sa rigueur en dévotion et en admiration de la modestie et de la majesté très honnêtes de la Mère, qui le murent à la révérence et au respect d'une si rare Créature sans en connaître la cause. Et lorsque le prêtre jeta les yeux sur le visage de la Mère et de l'Enfant qu'Elle avait dans ses bras, il sentit dans son coeur un nouveau mouvement qui l'inclina à une grande dévotion et à une grande tendresse, ravi de ce qu'il voyait au milieu de tant de pauvreté et dans un lieu si humble et si méprisé. Et lorsqu'il au contact de la chair déifiée de l'Enfant-Dieu, il fut tout renouvelé par une autre vertu cachée qui le sanctifia et le perfectionna, et lui donnant un nouvel être de grâce, elle le porta jusqu'à être saint et très agréable au Seigneur.
4, 14, 532. Pour faire la circoncision avec la révérence extérieure qui était possible en ce lieu, saint Joseph alluma des cierge de cire et le prêtre dit à la Vierge-Mère de s'éloigner un peu et de consigner l'Enfant aux ministres, afin que la vue du sacrifice ne l'affligeât point. Ce commandement causa quelque doute à l'Auguste Souveraine; car son humilité et sa soumission l'inclinaient à obéir au prêtre et d'un autre côté la portaient l'amour et la révérence de son Fils unique. Et pour ne point manquer à ces deux vertus, Elle demanda permission au prêtre avec une humble soumission et lui dit qu'Elle eût pour agréable s'il était possible qu'Elle assistât au sacrement de la circoncision, parce qu'elle le vénérait et qu'Elle se trouvait aussi le courage de tenir son Fils dans ses bras, n'y ayant point de place en ce lieu pour le quitter et s'éloigner, et qu'Elle le suppliait seulement de faire la circoncision avec le plus de pitié possible à cause de la délicatesse de l'Enfant. Le prêtre lui promit de le faire et il permit à la divine Mère de tenir l'Enfant dans ses mains pour la circoncision. Et Elle fut l'Autel Sacré où commencèrent à s'accomplir les vérités figurées par les anciens sacrifices (Héb. 9: 7), offrant ce nouveau sacrifice du matin dans ses bras, afin qu'en toutes les conditions il fût accepté par le Père Éternel.
4, 14, 533. La divine Mère développa les langes où était son Très Saint fils et Elle tira de son sein une serviette ou toile qu'elle avait préparée à la chaleur naturelle à cause de la rigueur du froid qu'il faisait alors; et avec cette toile Elle prit l'Enfant dans ses mains de manière à y recevoir la relique et le Sang de la Circoncision. Et le prêtre fit son office et circoncit l'Enfant, Dieu et Homme véritable qui offrit en même temps au Père Éternel avec une immense charité trois
choses d'un si grand prix, que chacune était suffisante pour la rédemption de mille mondes. La première fut d'accepter la forme de pécheur (Phil. 2: 7) étant innocent (2 Cor. 5: 21) et Fils du Dieu vivant; parce qu'Il recevait le sacrement qui était appliqué pour purifier du péché originel et il s'assujettissait à la Loi à laquelle Il n'était point obligé. La seconde fut la douleur qu'Il sentit comme Homme parfait et véritable. La troisième fut l'amour très ardent avec lequel Il commençait à répandre Son Sang en rançon du genre humain en laquelle Il pouvait souffrir pour Sa gloire et Son exaltation.
4, 14, 534. Le Père accepta cette oraison et ce sacrifice de Jésus notre Sauveur, et Il commença à notre manière de concevoir à Se donner pour payé et satisfait de la dette du genre humain. Et le Verbe Incarné offrit les prémices de Son Sang en gage de ce qu'Il le donnerait tout entier pour consommer la Rédemption et éteindre l'obligation (Col. 2: 14) dans laquelle les enfants d'Adam se trouvaient. La Très Sainte Marie regardait toutes les actions et les opérations intérieures de son Fils unique et Elle comprenait avec une profonde sagesse le Mystère de ce sacrement et Elle accompagnait comme il lui convenait respectivement son Fils et son Seigneur en ce qu'Il opérait. L'Enfant-Dieu pleura aussi comme homme véritable; et quoique la douleur de la blessure fût très grave, tant à cause de sa complexion sensible qu'à cause de la dureté du couteau de silex; la douleur et le sentiment ne furent pas tant la cause de Ses larmes que la Science surnaturelle avec laquelle Il regardait la dureté des mortels, plus invincible et plus forte que la pierre pour résister à Son très doux Amour et à la flamme qu'Il venait allumer (Luc 12: 49) dans le monde, et dans les coeurs des professeurs de la Foi. La tendre et amoureuse Mère pleura aussi comme une très candide brebis qui élève son bêlement avec celui de son innocent agneau. Et avec un amour et un compassion réciproques, Il Se retira vers Sa Mère et Elle l'approcha doucement de son sein Virginal avec caresse: Elle recueillit la Relique sacrée et le Sang répandu et Elle la confia alors à saint Joseph pour prendre Elle-même soin de l'Enfant-Dieu et L'envelopper dans Ses langes. Le prêtre trouva les larmes de la Mère un peu étranges; mais quoiqu'il ignorât le Mystère, il lui sembla que la beauté de l'Enfant pouvait avec raison causer autant de douleur, d'amertume et d'amour en Celle qui L'avait enfanté.
4, 14, 535. La Reine du Ciel fut si prudente en toutes ces oeuvres, si prête et si magnanime qu'Elle donna de l'admiration aux choeurs des Anges et une complaisance souveraine au Créateur. La divine Sagesse qui la dirigeait resplendissait en toutes ses oeuvres, donnant à chacune la plénitude de perfection, comme si Elle n'eût eu que celle-là à faire. Elle fut invincible pour tenir l'Enfant dans la Circoncision; soigneuse pour recueillir la Relique, compatissante pour s'attrister et pleurer avec Lui, ressentant Sa douleur, amoureuse pour Le caresser, diligente pour Le servir, fervente pour L'imiter dans Ses Oeuvres, et toujours religieuse pour Le traiter avec une souveraine révérence, sans qu'Elle manquât ou s'interrompît dans ces actes, ni que l'attention et la perfection de l'un la détournât de l'autre. Spectacle admirable dans une jeune fille de quinze ans! et qui fut pour les Anges une sorte d'enseignement et une admiration très nouvelle. Entre cela, le prêtre lui demanda quel nom les parents donnaient à l'Enfant circoncis et la grande Dame toujours attentive au respect de son époux, lui dit de le déclarer. Saint Joseph se tourna vers Elle avec la digne vénération, lui donnant à entendre qu'un Nom si doux sortît de sa bouche. Et par une disposition divine, Marie et Joseph prononcèrent tous les deux en même temps: "Jésus est Son Nom" (Luc 2: 21). Le prêtre répondit: ` «Les parents sont très conformes et le Nom qu'ils imposent à l'Enfant est grand»: et ensuite il L'inscrit dans le mémoire ou registre des autres enfants du peuple. En L'écrivant le prêtre sentit une grande émotion intérieure qui l'obligea a répandre beaucoup de larmes et dans l'admiration de ce qu'il ressentait et ignorait, il dit: «Je tiens pour certain que cet Enfant doit être un grand prophète du Seigneur. Ayez grand soin de son éducation et dites-moi en quoi je peux subvenir à vos nécessités.» La Très Sainte Marie et Joseph répondirent au prêtre avec une humble reconnaissance; et ils prirent congé de lui avec quelques offrandes qu'ils lui firent des cierges et autres choses.
4, 14, 536. La Très Sainte Marie et Joseph demeurèrent seuls avec l'Enfant: et tous deux, ils célébrèrent de nouveau le Mystère de la Circoncision en en conférant avec de douces larmes et des cantiques qu'ils firent au doux Nom de Jésus, dont la connaissance comme celle d'autres merveilles que j'ai dites est réservée pour la gloire accidentelle des saints. La Très Prudente Mère soigna l'Enfant-Dieu de la blessure du couteau avec les remèdes qui avaient coutume d'être appliqués aux autres et Elle ne Le laissa pas un instant de ses bras ni jour ni nuit tout le temps que Lui dura la douleur et la cure. Il n'appartient point à la pondération et à la capacité humaines d'expliquer l'amour plein de sollicitude de la
divine Mère;`parce que son affection naturelle fut la plus grande qu'aucune autre Mère peut avoir pour ses enfants, et son affection surnaturelle surpassait celle de tous les saints et de tous les Anges ensemble. Sa révérence et son adoration ne peut être comparée avec aucune autre chose créée. Telles étaient les délices (Prov. 8: 31) du Verbe Incarné qu'Il désirait et qu'Il avait avec les enfants des hommes. Et au milieu des douleurs qu'Il sentait pour les actions dites ci-dessous, Son Coeur amoureux était réjoui par l'éminente sainteté de Sa Mère-Vierge. Et quoiqu'Il Se complût en Elle seule plus qu'en tous les mortels et qu'Il Se reposât dans son amour, la Très Humble Reine tâchait néanmoins de Le soulager par tous les moyens possibles. Pour cela Elle demanda aux saints Anges qui l'assistaient de faire un concert de musique à leur Dieu Incarné, Enfant et Endolori. Les ministres du Très-Haut obéirent à leur Reine et leur Maîtresse et avec des voix matérielles ils lui chantèrent avec une harmonie céleste les mêmes cantiques qu'Elle avait composés par Elle-même et avec son époux à la louange du nouveau et très doux Nom de Jésus.
4, 14, 537. La divine Souveraine entretenait son Très Doux Fils avec cette musique si douce qu'en sa comparaison toute celle des hommes serait une confusion offensive, et Elle l'entretenait surtout avec la musique qu'Elle-même lui donnait par l'harmonie de ses vertus héroïques que formaient dans son âme très sainte des choeurs (Cant. 7: 1) d'armées, comme le dit le même Seigneur, l'Époux des Cantiques. Le coeur humain est dur et plus que tardif et pesant pour connaître et apprécier des sacrements si vénérables, ordonnés pour leur salut éternel avec un amour immense de leur Créateur et leur Rédempteur. O mon doux Bien-Aimé, Vie de mon âme! quel mauvais retour nous Te donnons pour les délicatesse de Ton amour éternel! O Charité sans terme ni mesure! puisque Tu ne peux T'éteindre (Cant. 8: 7) par les grandes eaux de nos ingratitudes si déloyales et si grossières! La Bonté et la Sainteté par essence ne put descendre plus bas pour notre amour, ni avoir une plus grande délicatesse que de prendre la forme de pécheur, l'Innocent recevant en Soi le remède du péché qui ne pouvait Le toucher. Si les hommes méprisent cet exemple, s'ils oublient ce bienfait, comment oseront-ils dire qu'ils ont du jugement? Comment présumeront-ils d'être sages et se glorifieront-ils d'être prudents et entendus? La prudence serait, homme ingrat, si de telles Oeuvres de Dieu ne t'émouvaient point, de pleurer et de t'affliger d'une folie et d'une dureté de coeur si déplorables et de ce que la glace de ton coeur ne se fond point au feu de l'Amour Divin.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE,
MARIE NOTRE SOUVERAIN.
4, 14, 538. Ma fille, je veux que tu considères avec attention le bienfait et la faveur que tu reçois lorsque je te donne à connaître le souci, la sollicitude et la dévotion caressante avec lesquels je servais mon très saint et très doux Fils dans les Mystères que tu as écrits. Le Très-Haut ne te donne pas une Lumière si spéciale afin que tu t'arrêtes seulement à la consolation que tu reçois de les connaître, mais afin que tu m'imites en tout comme fidèle servante et afin que, comme tu es signalée dans la connaissance des Mystères de Mon Fils, tu le sois aussi dans la reconnaissance de Ses Oeuvres. Considère donc, ma très chère, combien l'Amour de mon Fils et mon Seigneur est mal payé des mortels et même peu reconnu et oublié des justes. Prends pour ton compte en autant que tes faibles forces pourront y atteindre de compenser pour ce tort et cette offense en L'aimant, Le remerciant et Le servant pour toi et pour tous les autres qui ne le font pas. Pour cela tu dois être Ange dans la promptitude, fervente dans le zèle, ponctuelle dans les occasions, et mourir en tous points à ce qui est terrestre, déliant et rompant les chaînes des inclinations humaines, pour élever le vol où le Seigneur t'appelle.
4, 14, 539. N'ignore point, Ma fille, la douce efficacité qu'a le vivant souvenir des Oeuvres que fit mon Très Saint Fils pour les hommes; et quoique tu puisses tant t'aider de cette Lumière pour être reconnaissante; néanmoins afin que tu craignes davantage de tomber dans le péril de l'oubli, je t'avertis que les Bienheureux dans le Ciel, connaissant ces Mystères à la Lumière divine, s'étonnent d'eux-mêmes d'y avoir été si peu attentifs étant voyageurs. Et s'ils pouvaient être capables de peine, ils s'affligeraient extrêmement de la lenteur et de la négligence où ils tombèrent dans l'appréciation des Oeuvres de la Rédemption et l'Imitation de Jésus-Christ. Et tous les Anges et les Saints s'étonnent avec une pondération cachée aux mortels de la cruauté qui a possédé leurs coeurs contre eux-mêmes et contre leur Créateur et leur Sauveur; puisqu'ils n'ont compassion d'aucun, ni de ce que le Seigneur souffrit, ni de ce qui les attend eux-mêmes et qu'ils auront à souffrir. Et lorsque les réprouvés (Sag. 5: 4) connaîtront avec une amertume irrémédiable leur formidable oubli et qu'ils ne firent point attention aux
Oeuvres de Jésus-Christ leur Rédempteur, cette confusion et ce désespoir sera une peine intolérable et elle sera seule un châtiment au-dessus de toute pondération, voyant l'abondante Rédemption qu'ils auront méprisée (Ps. 129: 7). Écoute, ma fille (Ps. 44: 11), et incline ton oreille à mes conseils et à ma Doctrine de Vie Éternelle. Rejette de tes puissances, toute image et toute affection des créatures humaines, et tourne tout ton coeur et ton esprit vers les Mystères et les bienfaits de la Rédemption. Livre-toi à eux tout entière (Gal. 2: 20), pèse-les, médite-les, penses-y et remercie pour eux comme si tu étais seule pour eux, et eux pour toi et pour chacun des hommes. Tu trouveras en eux la Vie (Jean 14: 6), la Vérité et le Chemin de l'éternité et en les suivant tu ne pourras pas errer; au contraire tu trouveras la Lumière (Bar. 3: 14) des yeux et la paix.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 14, [a]. Les Hébreux appelaient cette chaire "Bema".
L'Enfant-Dieu est circoncis, et on Lui impose le Nom de Jésus.
4, 14, 530. Dans la cité de Bethléem il y avait une synagogue particulière comme dans les autres d'Israël où le peuple se réunissait (Judith 6: 21) pour prier et qui s'appelait pour cela maison de prière; ils se réunissaient aussi pour entendre la Loi de Moïse (Act. 13: 15) qu'un prêtre lisait et expliquait en chaire [a] à haute voix, afin que le peuple entendît ses préceptes. Mais les sacrifices n'étaient point offerts dans ces synagogues; car ils étaient réservés pour le Temple de Jérusalem, si le Seigneur n'en disposait pas autrement; parce que le lieu n'avait pas été laissé à la liberté du peuple (Deut. 12: 5-6) comme le remarque le Deutéronome, pour fuir le danger de l'idolâtrie. Mais le prêtre qui était docteur ou ministre de la Loi avait coutume de l'être aussi de la circoncision, non par précepte d'obligation, parce que chacun, même ceux qui n'étaient pas prêtres pouvaient circoncire; mais par une dévotion spéciale des mères, à laquelle plusieurs s'inclinaient, pensant que les enfants ne couraient pas autant de danger s'ils étaient circoncis par la main d'un prêtre. Notre grande Reine voulut, non pour cette crainte, mais pour la dignité de l'Enfant, que le ministre de Sa Circoncision, fût le prêtre qui était à Bethléem et l'heureux époux saint Joseph alla l'appeler pour cette fin.
4, 14, 531. Le prêtre vint à l'étable ou grotte de la Nativité où l'attendaient le Verbe fait chair et Sa Mère-Vierge qui Le tenait dans ses bras; et deux autres ministres qui avaient coutume d'aider dans le ministère de la circoncision vinrent avec le prêtre. L'indignité de l'humble lieu étonna et déconcerta un peu le prêtre. Mais la Très Prudente Reine lui parla et le reçut avec une telle modestie et un tel
agrément, qu'Elle l'obligea efficacement à changer sa rigueur en dévotion et en admiration de la modestie et de la majesté très honnêtes de la Mère, qui le murent à la révérence et au respect d'une si rare Créature sans en connaître la cause. Et lorsque le prêtre jeta les yeux sur le visage de la Mère et de l'Enfant qu'Elle avait dans ses bras, il sentit dans son coeur un nouveau mouvement qui l'inclina à une grande dévotion et à une grande tendresse, ravi de ce qu'il voyait au milieu de tant de pauvreté et dans un lieu si humble et si méprisé. Et lorsqu'il au contact de la chair déifiée de l'Enfant-Dieu, il fut tout renouvelé par une autre vertu cachée qui le sanctifia et le perfectionna, et lui donnant un nouvel être de grâce, elle le porta jusqu'à être saint et très agréable au Seigneur.
4, 14, 532. Pour faire la circoncision avec la révérence extérieure qui était possible en ce lieu, saint Joseph alluma des cierge de cire et le prêtre dit à la Vierge-Mère de s'éloigner un peu et de consigner l'Enfant aux ministres, afin que la vue du sacrifice ne l'affligeât point. Ce commandement causa quelque doute à l'Auguste Souveraine; car son humilité et sa soumission l'inclinaient à obéir au prêtre et d'un autre côté la portaient l'amour et la révérence de son Fils unique. Et pour ne point manquer à ces deux vertus, Elle demanda permission au prêtre avec une humble soumission et lui dit qu'Elle eût pour agréable s'il était possible qu'Elle assistât au sacrement de la circoncision, parce qu'elle le vénérait et qu'Elle se trouvait aussi le courage de tenir son Fils dans ses bras, n'y ayant point de place en ce lieu pour le quitter et s'éloigner, et qu'Elle le suppliait seulement de faire la circoncision avec le plus de pitié possible à cause de la délicatesse de l'Enfant. Le prêtre lui promit de le faire et il permit à la divine Mère de tenir l'Enfant dans ses mains pour la circoncision. Et Elle fut l'Autel Sacré où commencèrent à s'accomplir les vérités figurées par les anciens sacrifices (Héb. 9: 7), offrant ce nouveau sacrifice du matin dans ses bras, afin qu'en toutes les conditions il fût accepté par le Père Éternel.
4, 14, 533. La divine Mère développa les langes où était son Très Saint fils et Elle tira de son sein une serviette ou toile qu'elle avait préparée à la chaleur naturelle à cause de la rigueur du froid qu'il faisait alors; et avec cette toile Elle prit l'Enfant dans ses mains de manière à y recevoir la relique et le Sang de la Circoncision. Et le prêtre fit son office et circoncit l'Enfant, Dieu et Homme véritable qui offrit en même temps au Père Éternel avec une immense charité trois
choses d'un si grand prix, que chacune était suffisante pour la rédemption de mille mondes. La première fut d'accepter la forme de pécheur (Phil. 2: 7) étant innocent (2 Cor. 5: 21) et Fils du Dieu vivant; parce qu'Il recevait le sacrement qui était appliqué pour purifier du péché originel et il s'assujettissait à la Loi à laquelle Il n'était point obligé. La seconde fut la douleur qu'Il sentit comme Homme parfait et véritable. La troisième fut l'amour très ardent avec lequel Il commençait à répandre Son Sang en rançon du genre humain en laquelle Il pouvait souffrir pour Sa gloire et Son exaltation.
4, 14, 534. Le Père accepta cette oraison et ce sacrifice de Jésus notre Sauveur, et Il commença à notre manière de concevoir à Se donner pour payé et satisfait de la dette du genre humain. Et le Verbe Incarné offrit les prémices de Son Sang en gage de ce qu'Il le donnerait tout entier pour consommer la Rédemption et éteindre l'obligation (Col. 2: 14) dans laquelle les enfants d'Adam se trouvaient. La Très Sainte Marie regardait toutes les actions et les opérations intérieures de son Fils unique et Elle comprenait avec une profonde sagesse le Mystère de ce sacrement et Elle accompagnait comme il lui convenait respectivement son Fils et son Seigneur en ce qu'Il opérait. L'Enfant-Dieu pleura aussi comme homme véritable; et quoique la douleur de la blessure fût très grave, tant à cause de sa complexion sensible qu'à cause de la dureté du couteau de silex; la douleur et le sentiment ne furent pas tant la cause de Ses larmes que la Science surnaturelle avec laquelle Il regardait la dureté des mortels, plus invincible et plus forte que la pierre pour résister à Son très doux Amour et à la flamme qu'Il venait allumer (Luc 12: 49) dans le monde, et dans les coeurs des professeurs de la Foi. La tendre et amoureuse Mère pleura aussi comme une très candide brebis qui élève son bêlement avec celui de son innocent agneau. Et avec un amour et un compassion réciproques, Il Se retira vers Sa Mère et Elle l'approcha doucement de son sein Virginal avec caresse: Elle recueillit la Relique sacrée et le Sang répandu et Elle la confia alors à saint Joseph pour prendre Elle-même soin de l'Enfant-Dieu et L'envelopper dans Ses langes. Le prêtre trouva les larmes de la Mère un peu étranges; mais quoiqu'il ignorât le Mystère, il lui sembla que la beauté de l'Enfant pouvait avec raison causer autant de douleur, d'amertume et d'amour en Celle qui L'avait enfanté.
4, 14, 535. La Reine du Ciel fut si prudente en toutes ces oeuvres, si prête et si magnanime qu'Elle donna de l'admiration aux choeurs des Anges et une complaisance souveraine au Créateur. La divine Sagesse qui la dirigeait resplendissait en toutes ses oeuvres, donnant à chacune la plénitude de perfection, comme si Elle n'eût eu que celle-là à faire. Elle fut invincible pour tenir l'Enfant dans la Circoncision; soigneuse pour recueillir la Relique, compatissante pour s'attrister et pleurer avec Lui, ressentant Sa douleur, amoureuse pour Le caresser, diligente pour Le servir, fervente pour L'imiter dans Ses Oeuvres, et toujours religieuse pour Le traiter avec une souveraine révérence, sans qu'Elle manquât ou s'interrompît dans ces actes, ni que l'attention et la perfection de l'un la détournât de l'autre. Spectacle admirable dans une jeune fille de quinze ans! et qui fut pour les Anges une sorte d'enseignement et une admiration très nouvelle. Entre cela, le prêtre lui demanda quel nom les parents donnaient à l'Enfant circoncis et la grande Dame toujours attentive au respect de son époux, lui dit de le déclarer. Saint Joseph se tourna vers Elle avec la digne vénération, lui donnant à entendre qu'un Nom si doux sortît de sa bouche. Et par une disposition divine, Marie et Joseph prononcèrent tous les deux en même temps: "Jésus est Son Nom" (Luc 2: 21). Le prêtre répondit: ` «Les parents sont très conformes et le Nom qu'ils imposent à l'Enfant est grand»: et ensuite il L'inscrit dans le mémoire ou registre des autres enfants du peuple. En L'écrivant le prêtre sentit une grande émotion intérieure qui l'obligea a répandre beaucoup de larmes et dans l'admiration de ce qu'il ressentait et ignorait, il dit: «Je tiens pour certain que cet Enfant doit être un grand prophète du Seigneur. Ayez grand soin de son éducation et dites-moi en quoi je peux subvenir à vos nécessités.» La Très Sainte Marie et Joseph répondirent au prêtre avec une humble reconnaissance; et ils prirent congé de lui avec quelques offrandes qu'ils lui firent des cierges et autres choses.
4, 14, 536. La Très Sainte Marie et Joseph demeurèrent seuls avec l'Enfant: et tous deux, ils célébrèrent de nouveau le Mystère de la Circoncision en en conférant avec de douces larmes et des cantiques qu'ils firent au doux Nom de Jésus, dont la connaissance comme celle d'autres merveilles que j'ai dites est réservée pour la gloire accidentelle des saints. La Très Prudente Mère soigna l'Enfant-Dieu de la blessure du couteau avec les remèdes qui avaient coutume d'être appliqués aux autres et Elle ne Le laissa pas un instant de ses bras ni jour ni nuit tout le temps que Lui dura la douleur et la cure. Il n'appartient point à la pondération et à la capacité humaines d'expliquer l'amour plein de sollicitude de la
divine Mère;`parce que son affection naturelle fut la plus grande qu'aucune autre Mère peut avoir pour ses enfants, et son affection surnaturelle surpassait celle de tous les saints et de tous les Anges ensemble. Sa révérence et son adoration ne peut être comparée avec aucune autre chose créée. Telles étaient les délices (Prov. 8: 31) du Verbe Incarné qu'Il désirait et qu'Il avait avec les enfants des hommes. Et au milieu des douleurs qu'Il sentait pour les actions dites ci-dessous, Son Coeur amoureux était réjoui par l'éminente sainteté de Sa Mère-Vierge. Et quoiqu'Il Se complût en Elle seule plus qu'en tous les mortels et qu'Il Se reposât dans son amour, la Très Humble Reine tâchait néanmoins de Le soulager par tous les moyens possibles. Pour cela Elle demanda aux saints Anges qui l'assistaient de faire un concert de musique à leur Dieu Incarné, Enfant et Endolori. Les ministres du Très-Haut obéirent à leur Reine et leur Maîtresse et avec des voix matérielles ils lui chantèrent avec une harmonie céleste les mêmes cantiques qu'Elle avait composés par Elle-même et avec son époux à la louange du nouveau et très doux Nom de Jésus.
4, 14, 537. La divine Souveraine entretenait son Très Doux Fils avec cette musique si douce qu'en sa comparaison toute celle des hommes serait une confusion offensive, et Elle l'entretenait surtout avec la musique qu'Elle-même lui donnait par l'harmonie de ses vertus héroïques que formaient dans son âme très sainte des choeurs (Cant. 7: 1) d'armées, comme le dit le même Seigneur, l'Époux des Cantiques. Le coeur humain est dur et plus que tardif et pesant pour connaître et apprécier des sacrements si vénérables, ordonnés pour leur salut éternel avec un amour immense de leur Créateur et leur Rédempteur. O mon doux Bien-Aimé, Vie de mon âme! quel mauvais retour nous Te donnons pour les délicatesse de Ton amour éternel! O Charité sans terme ni mesure! puisque Tu ne peux T'éteindre (Cant. 8: 7) par les grandes eaux de nos ingratitudes si déloyales et si grossières! La Bonté et la Sainteté par essence ne put descendre plus bas pour notre amour, ni avoir une plus grande délicatesse que de prendre la forme de pécheur, l'Innocent recevant en Soi le remède du péché qui ne pouvait Le toucher. Si les hommes méprisent cet exemple, s'ils oublient ce bienfait, comment oseront-ils dire qu'ils ont du jugement? Comment présumeront-ils d'être sages et se glorifieront-ils d'être prudents et entendus? La prudence serait, homme ingrat, si de telles Oeuvres de Dieu ne t'émouvaient point, de pleurer et de t'affliger d'une folie et d'une dureté de coeur si déplorables et de ce que la glace de ton coeur ne se fond point au feu de l'Amour Divin.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE,
MARIE NOTRE SOUVERAIN.
4, 14, 538. Ma fille, je veux que tu considères avec attention le bienfait et la faveur que tu reçois lorsque je te donne à connaître le souci, la sollicitude et la dévotion caressante avec lesquels je servais mon très saint et très doux Fils dans les Mystères que tu as écrits. Le Très-Haut ne te donne pas une Lumière si spéciale afin que tu t'arrêtes seulement à la consolation que tu reçois de les connaître, mais afin que tu m'imites en tout comme fidèle servante et afin que, comme tu es signalée dans la connaissance des Mystères de Mon Fils, tu le sois aussi dans la reconnaissance de Ses Oeuvres. Considère donc, ma très chère, combien l'Amour de mon Fils et mon Seigneur est mal payé des mortels et même peu reconnu et oublié des justes. Prends pour ton compte en autant que tes faibles forces pourront y atteindre de compenser pour ce tort et cette offense en L'aimant, Le remerciant et Le servant pour toi et pour tous les autres qui ne le font pas. Pour cela tu dois être Ange dans la promptitude, fervente dans le zèle, ponctuelle dans les occasions, et mourir en tous points à ce qui est terrestre, déliant et rompant les chaînes des inclinations humaines, pour élever le vol où le Seigneur t'appelle.
4, 14, 539. N'ignore point, Ma fille, la douce efficacité qu'a le vivant souvenir des Oeuvres que fit mon Très Saint Fils pour les hommes; et quoique tu puisses tant t'aider de cette Lumière pour être reconnaissante; néanmoins afin que tu craignes davantage de tomber dans le péril de l'oubli, je t'avertis que les Bienheureux dans le Ciel, connaissant ces Mystères à la Lumière divine, s'étonnent d'eux-mêmes d'y avoir été si peu attentifs étant voyageurs. Et s'ils pouvaient être capables de peine, ils s'affligeraient extrêmement de la lenteur et de la négligence où ils tombèrent dans l'appréciation des Oeuvres de la Rédemption et l'Imitation de Jésus-Christ. Et tous les Anges et les Saints s'étonnent avec une pondération cachée aux mortels de la cruauté qui a possédé leurs coeurs contre eux-mêmes et contre leur Créateur et leur Sauveur; puisqu'ils n'ont compassion d'aucun, ni de ce que le Seigneur souffrit, ni de ce qui les attend eux-mêmes et qu'ils auront à souffrir. Et lorsque les réprouvés (Sag. 5: 4) connaîtront avec une amertume irrémédiable leur formidable oubli et qu'ils ne firent point attention aux
Oeuvres de Jésus-Christ leur Rédempteur, cette confusion et ce désespoir sera une peine intolérable et elle sera seule un châtiment au-dessus de toute pondération, voyant l'abondante Rédemption qu'ils auront méprisée (Ps. 129: 7). Écoute, ma fille (Ps. 44: 11), et incline ton oreille à mes conseils et à ma Doctrine de Vie Éternelle. Rejette de tes puissances, toute image et toute affection des créatures humaines, et tourne tout ton coeur et ton esprit vers les Mystères et les bienfaits de la Rédemption. Livre-toi à eux tout entière (Gal. 2: 20), pèse-les, médite-les, penses-y et remercie pour eux comme si tu étais seule pour eux, et eux pour toi et pour chacun des hommes. Tu trouveras en eux la Vie (Jean 14: 6), la Vérité et le Chemin de l'éternité et en les suivant tu ne pourras pas errer; au contraire tu trouveras la Lumière (Bar. 3: 14) des yeux et la paix.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 14, [a]. Les Hébreux appelaient cette chaire "Bema".
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 15
La Très Sainte Marie persévère avec l'Enfant-Dieu dans la grotte de la Naissance jusqu'à la venue des Rois.
4, 15, 540. Par la Science infuse que notre grande Reine avait des divines Écritures (Is. 60: 6) et de ses révélations si suprêmes et si élevées, Elle savait que les Rois-Mages de l'Orient viendraient reconnaître et adorer son Très Saint Fils comme Dieu véritable. Et Elle était demeurée récemment instruite de ce mystère d'une manière spéciale par la notice qui leur avait été envoyée par l'Ange, de la Naissance du Verbe Incarné, comme je l'ai déjà dit dans le chapitre 2, numéro 492, car la Vierge-Mère connut tout cela. Saint Joseph n'eut point connaissance de ce
sacrement, parce qu'il ne lui avait pas été révélé, et la très prudente Épouse ne l'avait pas informé de son secret, parce qu'Elle était sage et prudente en tout, et Elle attendait que la Volonté Divine opérât dans ces mystères par Sa disposition suave (Sag. 8: 1) et opportune. C'est pourquoi la Circoncision étant célébrée, le saint époux proposa à la Souveraine du Ciel qu'il lui semblait nécessaire de quitter ce lieu dépourvu et pauvre, à cause de l'incommodité qu'il y avait pour protéger l'Enfant-Dieu et Elle-même contre le froid et qu'il se trouverait déjà à Bethléem des hôtels inoccupés où ils pouvaient se réfugier en attendant de pouvoir présenter l'Enfant au Temple de Jérusalem. Le très fidèle époux proposa ceci, dans son souci et sa sollicitude de ce que malgré sa pauvreté il ne manquât point de l'abondance et des douceurs qu'il désirait pour servir le Fils et la Mère; et il se remettait en tout à la volonté de sa divine Épouse.
4, 15, 541. L'humble Reine lui répondit sans lui manifester le mystère et Elle lui dit: «Mon époux et mon seigneur, je suis soumise à votre obéissance et je vous suivrai avec beaucoup de plaisir où il sera de votre volonté; disposez ce qui vous paraîtra le meilleur.» La divine Souveraine avait quelque affection pour la grotte à cause de l'humilité et de la pauvreté du lieu, et parce que le Verbe fait chair l'avait consacré par les Mystères de Sa Naissance et de Sa Circoncision, et avec celui qu'Elle attendait des Rois, quoiqu'Elle ne sût point le temps quand ils arriveraient. Cette affection était pieuse pleine de dévotion et de vénération; néanmoins Elle plaça l'obéissance à son époux avant son affection particulière et Elle s'y résigna étant en toute chose un Exemplaire et un Miroir de très sublime perfection. Cette résignation et cette égalité mit saint Joseph dans un plus grand souci; parce qu'il désirait que son Épouse déterminât ce qu'ils devaient faire. Pendant qu'ils étaient dans cette conférence, le Seigneur répondit par les deux saints Princes Michel et Gabriel qui assistaient corporellement au service de leur Dieu et leur Seigneur et à celui de l'Auguste Reine, et ils dirent: «La Volonté Divine a ordonné que les trois rois de la terre adorent le Verbe Divin dans ce lieu même: ces rois viennent de l'Orient à la recherche du Roi du Ciel. Il y a dix jours qu'ils cheminent, parce qu'ils eurent aussitôt avis de la sainte Naissance, et ils se sont mis tout de suite en chemin; ils arriveront bientôt ici, et les annonces des Prophètes s'accompliront, car ils connurent cet événement et ils le prophétisèrent de très loin.»
4, 15, 542. Saint Joseph demeura joyeux et informé de la Volonté du Seigneur par ce nouvel avis et son Épouse la Très Sainte Marie lui dit: «Mon seigneur, quoique ce lieu choisi par le Très-Haut soit pauvre et incommode aux yeux du monde, aux yeux de Sa Sagesse il est le plus riche, le plus précieux, le plus estimable et le meilleur de la terre, puisque le Seigneur des cieux s'en est contenté en le consacrant par Sa royale Présence. Il est Puissant pour faire en sorte que nous jouissions de Sa vue dans ce lieu qui est la vraie terre promise. Et si c'est Sa Volonté, il nous donnera quelque soulagement et quelque abri contre la rigueur du temps pour ce peu de jours que nous demeurerons encore ici.» Saint Joseph fut beaucoup consolé et soulagé par toutes ces raisons de la Très Prudente Reine; et lui répondit que puisque l'Enfant-Dieu allait accomplir la Loi de la Présentation au Temple comme Il avait accompli celle de la Circoncision, ils pouvaient demeurer dans ce lieu sacré jusqu'à ce qu'arrivât le jour, sans retourner à Nazareth, parce qu'ils en étaient éloignés et le temps était mauvais. Et si par cas la rigueur de la saison les obligeait de se retirer à la ville pour sortir de là, il n'y avait que deux lieues.
4, 15, 543. La Très Sainte Marie se conforma en tout à la volonté de son époux, son désir s'inclinant toujours à ne pas abandonner ce tabernacle sacré, plus saint et plus vénérable que le Saint des saints du Temple, pendant qu'arrivait le temps d'y présenter son Fils unique, à qui Elle procura tout l'abri possible, afin de Le défendre des froids et des rigueurs du temps. Elle prépara aussi l'étable pour l'arrivée des rois, la nettoyant de nouveau autant que la rusticité et l'humble pauvreté du lieu le permettaient. Mais la plus grande diligence et la plus grande préparation qu'Elle fit pour l'Enfant-Dieu fut de L'avoir toujours dans ses bras quand Elle n'était pas forcé de Le laisser. Et en outre, Elle usait de la puissance de Reine et de Maîtresse de toutes les créatures quand les intempéries de l'hiver devenaient plus furieuses; car Elle commandait au froid, aux vents, aux neiges et aux gelées de ne point offenser leur Créateur et d'user envers Elle seule des rigueurs et des âpres influences que comme éléments ils émettaient. La divine Souveraine disait: «Retenez votre colère conte votre propre Créateur, votre Auteur, votre Maître et votre Conservateur qui vous donna l'être, la vertu et l'opération Sachez, créatures de mon Bien-Aimé, que vous avez reçu votre rigueur (Sag. 5: 18) pour le péché et qu'elle est dirigée à châtier la désobéissance du premier Adam et de sa race. Mais avec le second qui vient réparer cette chute et ne peut y avoir de part, vous devez être courtois, respectant et n'offensant point
Celui à qui vous devez le service et la soumission. Je vous commande en Son Nom de ne Lui donner aucune incommodité ni aucun désagrément.»
4, 15, 544. C'est une chose digne de notre admiration et de notre imitation que la prompte obéissance des créatures irraisonnables à la Volonté Divine, intimée par la Mère du même Dieu; car à son commandement la neige et la pluie ne s'approchaient d'Elle qu'à une distance de six verges, les vents se retenaient, l'air ambiant, se tempérait et se changeait en une chaleur tempérée. A cette merveille s'en joignait une autre; car en même temps que l'Enfant-Dieu recevait dans ses bras ce service des éléments et sentait quelque abri, la Mère-Vierge en éprouvait les influences: le froid et les intempéries la frappaient dans le moment et le degré qu'elles pouvaient avec leurs forces naturelles. Il en arrivait ainsi en obéissant en tout; parce que cette divine Dame ne voulait pas s'exempter Elle-même de la peine dont Elle préservait son tendre Enfant et son Dieu magnifique, comme Mère amoureuse et Maîtresse des créatures auxquelles Elle commandait. Le privilège du doux Enfant s'étendait à saint Joseph et il connaissait le changement de l'inclémence à la clémence, mais il ne savait pas que ces effets fussent par le commandement de sa divine Épouse et des oeuvres de sa puissance; parce qu'Elle ne manifestait pas ce privilège, n'ayant point l'ordre du Très-Haut pour le faire.
4, 15, 545. Le gouvernement et la manière que la grande Reine du Ciel gardait en aliment son Enfant Jésus était de lui donner son lait Virginal trois fois le jour, et toujours avec tant de révérence qu'Elle Lui en demandait permission et Elle Le suppliait de lui pardonner son indignité, s'humiliant et se reconnaissant inférieure. Et souvent quand Elle Le tenait dans ses bras Elle L'adorait à genoux; et s'il lui était nécessaire de s'asseoir, Elle Lui en demandait toujours permission. Elle Le donnait à saint Joseph et Elle Le recevait toujours avec la même révérence, comme je l'ai déjà dit. Souvent elle Lui baisait les pieds, et lorsqu'Elle désirait Le baiser au visage Elle Lui demandait intérieurement Sa bienveillance et Son consentement. Son Très Doux Fils correspondait à ses caresses de Mère, non seulement avec l'air agréable avec lequel Il les recevait sans quitter la Majesté; mais avec d'autres actions qu'Il faisait à la manière des autres enfants quoiqu'avec une sérénité et un poids différents. Le plus ordinairement c'était de S'incliner amoureusement sur le sein de Sa Très Pure Mère et d'autres fois sur son épaule, lui enlaçant le cou de Ses bras Divins. Et l'Impératrice Marie était si attentive et si
prudente dans ces caresses qu'Elle ne les sollicitait point par des enfantillages comme d'autres mères, et Elle ne s'en retirait point par crainte. En tout Elle était très prudente, très parfaite, sans défaut ni excès répréhensible; et le plus grand amour de son Très Saint Fils et la manifestation de cet amour servait à l'humilier jusqu'à la poussière et lui laissait une révérence plus profonde, laquelle mesurait ses affections et leur donnait de plus grands reliefs de magnificence.
4, 15, 546. L'Enfant-Dieu et la Mère-Vierge avaient un autre genre de caresses; car outre qu'Elle connaissait toujours par la Lumière divine les actes intérieurs de l'âme très sainte de son Fils unique, comme je l'ai déjà dit [a], il arrivait souvent que Le tenant dans ses bras, l'Humanité, par un autre bienfait nouveau, lui était manifestée comme un verre cristallin, et par elle et en elle, l'Auguste Reine contemplait l'union hypostatique et l'âme du même Enfant-Dieu et toutes les opérations qu'elle avait, priant le Père Éternel pour le genre humain. Et la divine Mère imitait ces oeuvres et ces pétitions, demeurant toute transformée et absorbée en son propre Fils. Et Sa Majesté la regardait avec délices et une joie accidentelle comme Se récréant dans la pureté d'une telle Créature, et Se réjouissant de l'avoir créée, et la Divinité de S'être fait Homme pour former une si vive image d'elle-même et de l'Humanité qu'elle avait prise de sa substance Virginale. Dans ce mystère il me fut représenté ce que les capitaines d'Holopherne dirent lorsqu'ils virent la belle Judith dans les camps de Béthulie: «Qui méprisera le peuple des Hébreux et ne jugera pas la guerre contre eux très bien motivée, ayant de si belles femmes (Judith 10: 18)?» Cette parole semble mystérieuse et véritable dans le Verbe fait chair puisqu'il put dire à Son Père Éternel et à tout le reste des créatures la même raison avec une plus juste cause: «Qui ne trouvera pas bien employé et basé sur la raison que Je sois venue du Ciel prendre chair humaine sur la terre et abattre le démon, le monde et la chair en les vainquant et les anéantissant, si parmi les enfants d'Adam il se trouve une Femme telle que ma Mère?» O mon doux Amour, Vertu de ma vertu, Vie de mon âme, mon amoureux Jésus, voyez que c'est en la Très Sainte Marie seule qu'il y a une telle beauté dans la nature humaine! car Elle est unique et élue (Cant. 6: , et si parfaite pour Vos complaisances, mon Seigneur et mon Dieu, qu'Elle n'équivaut pas seulement, mais qu'Elle surpasse sans terme ni limite tout le reste de Votre peuple et Elle seule compense la laideur de tout le genre humain.
4, 15, 547. La Très Douce Mère éprouvait de tels effets parmi ces délices de son Enfant unique se vrai Dieu qu'ils la laissaient toute spiritualisée et toute déifiée de nouveau. Et dans les vols que subissait son très pur esprit, les liens du corps terrestre se fussent rompus plusieurs fois et son âme l'eut abandonnée par l'incendie de son amour, si Elle n'eût été miraculeusement confortée et préservée. Elle disait intérieurement et extérieurement à son Très Saint Fils des paroles si dignes et si pondérées qu'elles ne se trouvent point dans notre grossier langage. Tout ce que je pourrai rapporter sera très inégal selon ce qui m'a été manifesté. Elle Lui disait: «O mon Amour, douce Vie de mon âme, qui êtes-Vous et qui suis-je? Que voulez-Vous faire de moi, Votre grandeur et Votre magnificence s'humiliant si fort à favoriser la poussière inutile? Que fera Votre esclave pour Votre amour et pour la dette que je reconnais Vous devoir? Que Vous rendrai-je pour tout ce que Vous m'avez donné? Mon être, ma vie, mes puissances, mes sens, mes désirs et mes anxiétés, tout est Vôtre. Consolez Votre servante et Votre Mère, afin qu'Elle ne défaille point dans l'affection de Vous servir à la vue de son insuffisance et qu'Elle ne meure point de Votre amour. Oh! que la capacité humaine est limitée! que son pouvoir est abrégé! Que ses affections sont faibles, puisqu'elles ne peuvent arriver à satisfaire Votre amour, avec équité! Mais Vous devez toujours vaincre en étant Magnifique et Miséricordieux envers Vos créatures et chanter des victoires et des triomphes d'amour; et nous remplis de reconnaissance nous devons nous rendre et nous confesser pour vaincus par Votre puissance. Nous demeurerons confus et humiliés jusqu'à la poussière et Votre grandeur magnifiée et exaltée pendant toutes les éternités.» La divine Souveraine connaissait quelquefois dans la Science de son Très Saint Fils les âmes qui se signaleraient en l'amour Divin, au cours de la nouvelle Loi de grâce, les oeuvres qu'elles feraient, les martyrs qu'elles souffriraient pour l'imitation du même Seigneur; et avec cette Science Elle était enflammée dans l'émulation d'un amour si fort que ce martyre de désir de la Reine était plus grand que tous ceux qui ont été soufferts effectivement. Et alors il lui arrivait ce que dit l'Époux dans les Cantiques (Cant. 8: 6) que la «jalousie de l'amour est forte comme la mort et dure comme l'enfer.» A ces affections que l'amoureuse Mère avait de mourir, parce qu'Elle ne mourait pas, son Très Saint Fils lui répondait les paroles qui y sont rapportées: «Mets-moi comme un signe ou comme un sceau sur ton coeur et sur ton bras»; lui en donnant l'effet et l'intelligence conjointement. Par ce divin martyre la Très Sainte Marie fut Martyre plus que tous les martyrs. Et le Très Doux Agneau Jésus passait parmi ces lys et ces douceurs (Cant. 2: 16), pendant
que le jour de la grâce se levait (Cant. 2: 17) et que les ombres de la Loi ancienne déclinaient.
4, 15, 548. L'Enfant-Dieu ne mangea aucune chose pendant qu'Il reçut le sein Virginal de Sa Très Sainte Mère, parce qu'Il S'alimenta seulement de son lait. Et celui-ci était excessivement suave, doux et substantiel, comme engendré dans un corps si pur, si parfait, d'une complexion et d'une mesure si raffinée avec des qualités sans inégalité et sans désordre. Il n'y eut jamais de corps ni de santé semblables à ceux de la Très Sainte Marie et lors même qu'on aurait conservé ce lait sacré pendant longtemps, il se serait préservé de corruption par ses propres qualités; et il se serait jamais altéré ni corrompu par un privilège spécial, tandis que le lait des autres femmes se change et devient aussitôt insipide comme l'expérience l'enseigne.
4, 15, 549. Le très heureux Joseph ne goûtait pas seulement des faveurs et des caresses de l'Enfant-Dieu, comme témoin oculaire de celles qui se passaient entre le Fils et la Mère très saints; mais aussi il fut digne de les recevoir de Jésus même immédiatement; car souvent la divine Épouse Le posait dans ses bras lorsqu'il était nécessaire qu'Elle fit quelque chose pour laquelle Elle ne pouvait L'avoir avec Elle, comme de préparer les repas, de disposer les langes de l'Enfant et de balayer la maison. Dans ces occasions saint Joseph Le tenait, et toujours il sentait des effets Divins dans son âme. Et extérieurement le même Enfant lui montrait un air agréable et Il s'inclinait sur la poitrine du saint, et avec un poids et une majesté de Roi, Il lui faisait certaines caresses avec des démonstrations d'affection comme les autres enfants font ordinairement avec leurs parents; quoiqu'avec saint Joseph cela ne fut pas aussi ordinaire ni avec tant de caresses qu'avec Sa véritable Mère-Vierge. Et lorsqu'Elle Le laissait, Elle avait la Relique de la Circoncision que le glorieux saint Joseph portait d'ordinaire, afin qu'elle lui servît de consolation. Les deux divins époux étaient toujours enrichis: Marie avec son Très Saint Fils et Joseph avec Son précieux Sang et Sa Chair divinisée . Les Reliques de la Circoncision étaient dans une fiole de cristal comme je l'ai déjà dit, que saint Joseph avait cherchée et achetée avec l'argent que sainte Élisabeth lui avait envoyé; et la grande Souveraine y avait renfermé le prépuce et le sang qui avait été versé dans la Circoncision, l'ayant taillé dans la toile qui avait servi pour ce ministère et pour assurer davantage le tout, la fiole étant garnie d'argent à l'orifice, la puissante Reine l'avait fermée par son seul commandement avec lequel s'était joint et soudé les lèvres de la garniture d'argent, bien mieux que si l'artiste qui les avait faites les eût ajustées. Dans cette forme la prudente Mère garda ces Reliques toute sa Vie, et ensuite Elle livra ce Trésor si précieux aux Apôtres et Elle le leur laissa comme attaché à la Sainte Église. Dans l'immense océan de ces mystères je me trouve si submergé et si incapable par l'ignorance féminine et les termes si limités pour les expliquer que j'en remets plusieurs à la Foi et à la Piété chrétienne.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
4, 15, 550. Ma fille, tu as été avertie dans le chapitre précédent de ne point t'enquérir d'aucune chose du Seigneur par un ordre surnaturel, et cela ni pour t'alléger la souffrance, ni par inclination naturelle et encore moins par vaine curiosité. Je t'avertis maintenant que tu ne dois pas donner lieu à tes affections par aucun de ces motifs pour désirer ou exécuter aucune chose naturelle ou extérieure; parce qu'en toutes les opérations de tes puissances et les oeuvres de tes sens tu dois modérer tes inclinations et les soumettre, sans leur donner ce qu'elles demandent, quoique ce soit sous couleur apparente de vertu ou de piété. Je n'avais point de danger d'excéder dans ces affections à cause de mon innocence irrépréhensible; ni non plus la piété ne manquait point au désir que j'avais de rester à la grotte où mon Fils était né et où Il avait reçu la circoncision; mais je ne voulus point manifester mon désir, étant même interrogé par mon époux; car je plaçai l'obéissance avant cette piété et je connu qu'il était plus assuré pour les âmes et d'une plus grande complaisance pour le Seigneur de chercher Sa Sainte Volonté par le conseil et le sentiment d'autrui que par l'inclination propre. Ce fut en Moi d'un plus grand mérite et d'une plus grande perfection; mais en toi et les autres âmes qui avez le danger d'errer par le jugement propre, cette loi doit être plus rigoureuse pour le prévenir et le détourner avec discrétion et diligence; parce que la créature ignorante et de coeur si limité se repose facilement avec ses affections et ses inclinations puériles en de petites choses, et parfois elle s'occupe tout entière avec le peu comme avec le beaucoup et ce qui n'est rien lui semble quelque chose. Et tout cela la rend inhabile et la prive de grands biens spirituels, de grâce, de lumière et de mérite.
4, 15, 551. Tu écriras dans ton coeur cette Doctrine et toute celle que je dois te donner et tâche d'y faire un mémorial de tout ce que j'opérais, afin que tu l'entendes et l'exécutes comme tu le connais. Et considère la révérence, l'amour et la sollicitude, la sainte crainte et la circonspection avec lesquels je traitais mon Très Saint Fils. Et quoique je vécusse toujours avec ce dévouement, néanmoins après que je l'eus conçu dans mon sein je ne Le perdis jamais de vue ni ne me ralentis dans l'amour que Sa Majesté me communiqua alors. Et avec cette ardeur de Lui plaire davantage, mon coeur ne reposait point jusqu'à ce que je fusse unie et absorbée dans la participation de ce Bien souverain et cette fin dernière et là je me reposais un certain temps comme dans mon centre. Mais je retournais aussitôt à ma sollicitude continuelle, comme celui qui poursuit son chemin, sans s'arrêter à ce qui ne l'aide pas et qui retarde son désir. Mon coeur était si éloigné de s'attacher à aucune chose terrestre et de suivre son inclination sensible, que je vivais en cela comme si je n'avais pas été de la commune nature terrestre. Et si les autres créatures ne sont pas libres des passions et si elles ne les vainquent pas dans le degré qu'elles peuvent, qu'elles ne se plaignent point de la nature, mais de leur propre volonté: car alors la nature faible peut se plaindre d'elles, parce qu'elles peuvent avec l'empire de la raison la régir et la diriger et elles ne le font pas; au contraire elles la laissent suivre ses désordres et elles l'aident avec la volonté libre, et par l'entendement elles lui cherchent plus d'occasions et d'objets dangereux où elle se perd. A cause de ces précipices que présente la vie humaines, je t'avertis, ma très chère, de ne pas désirer et ne chercher aucune chose visible, lors même qu'elle paraîtrait nécessaire et juste. Et de tout ce que tu uses par nécessité, la cellule, le vêtement, la nourriture et le reste, que ce soit selon le bon plaisir de tes supérieurs, parce que le Seigneur le veut et que je l'approuve; afin que tu en uses au service du Tout-Puissant. Par tant de registres comme ceux que je t'ai insinués doit passer tout ce que tu feras.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 15, [a]. Livre 4, Nos. 481 et 534.
4, 15, . Cette révélation coïncide avec celle qui fut faite à sainte Brigitte, [l. VI, c. 112], qui ajoute que la sainte relique avait été consignée par la Très Sainte Vierge à saint Jean. "Est-ce que les Reliques du Prépuce du Christ ont été conservées dans l'Église?" Le plus grand nombre des théologiens répondent afirmativement. Innocent III dit qu'un grand nombre de fidèles accouraient à Rome où cette Relique était vénéré dans la basilique de Latran. Plus tard elle fut transférée dans la ville de Calcata et Benoît XIV dit: «C'est une tradition constante que cette relique insigne est conservée dans la ville de Calcata: et cette tradition est consacrée par le poids des miracles.» Une partie de cette Relique fut renfermée dans un reliquaire d'or orné de perles précieuses et déposée à Rome dans l'Église de Sainte Marie des Anges in Thermis où elle se conserve aujourd'hui. Suarez donne la raison de l'existence et de la conservation de cette Relique dans l'Église disant: «Nous disons que ce Prépuce fut conservé avec une diligence et une vénération souveraines par la Très Sainte Vierge; et cela est non seulement vraisemblable en soi, mais aussi très conforme à la Piété et à la Charité de la Vierge Mère.» [3 p, t. 2, disp., 15, sect. 1].
Mais on fait ici une question à savoir, si le Verbe est resté hypostatiquement uni à cette Relique et aussi aux gouttes de Sang tombées du Corps du Christ et qui n'y ont plus été réunies? Et l'on répond négativement parce que le titre et le droit à la conservation de l'union hypostatique dans les différentes parties du Corps dure seulement autant qu'elles sont unies à l'Humanité en acte ou en puissance, comme l'enseignent communément les théologiens avec saint Thomas [in 3 dist., 29. 2, art. 1]. Pour cette raison ces Reliques du Prépuce ou des gouttes de Sang ont cessé de faire partie de l'Humanité, même en puissance, ne supposant point qu'elles aient à Lui être réunies; pour cette raison elles n'ont plus droit à l'union hypostatique. Mais docte Père Calderon, répond: «pour que la Chair et le Sang puissent être appelés divinisés il suffit qu'ils aient eu auparavant l'union hypostatique, de la manière que le Très Saint Bois de la Croix est appelée dans le sixième concile, oecuménique, Can., 73 et VII act. 7, "bois sanctifié, vivifié par le contact du Corps du Christ et pour cela devant être adoré
La Très Sainte Marie persévère avec l'Enfant-Dieu dans la grotte de la Naissance jusqu'à la venue des Rois.
4, 15, 540. Par la Science infuse que notre grande Reine avait des divines Écritures (Is. 60: 6) et de ses révélations si suprêmes et si élevées, Elle savait que les Rois-Mages de l'Orient viendraient reconnaître et adorer son Très Saint Fils comme Dieu véritable. Et Elle était demeurée récemment instruite de ce mystère d'une manière spéciale par la notice qui leur avait été envoyée par l'Ange, de la Naissance du Verbe Incarné, comme je l'ai déjà dit dans le chapitre 2, numéro 492, car la Vierge-Mère connut tout cela. Saint Joseph n'eut point connaissance de ce
sacrement, parce qu'il ne lui avait pas été révélé, et la très prudente Épouse ne l'avait pas informé de son secret, parce qu'Elle était sage et prudente en tout, et Elle attendait que la Volonté Divine opérât dans ces mystères par Sa disposition suave (Sag. 8: 1) et opportune. C'est pourquoi la Circoncision étant célébrée, le saint époux proposa à la Souveraine du Ciel qu'il lui semblait nécessaire de quitter ce lieu dépourvu et pauvre, à cause de l'incommodité qu'il y avait pour protéger l'Enfant-Dieu et Elle-même contre le froid et qu'il se trouverait déjà à Bethléem des hôtels inoccupés où ils pouvaient se réfugier en attendant de pouvoir présenter l'Enfant au Temple de Jérusalem. Le très fidèle époux proposa ceci, dans son souci et sa sollicitude de ce que malgré sa pauvreté il ne manquât point de l'abondance et des douceurs qu'il désirait pour servir le Fils et la Mère; et il se remettait en tout à la volonté de sa divine Épouse.
4, 15, 541. L'humble Reine lui répondit sans lui manifester le mystère et Elle lui dit: «Mon époux et mon seigneur, je suis soumise à votre obéissance et je vous suivrai avec beaucoup de plaisir où il sera de votre volonté; disposez ce qui vous paraîtra le meilleur.» La divine Souveraine avait quelque affection pour la grotte à cause de l'humilité et de la pauvreté du lieu, et parce que le Verbe fait chair l'avait consacré par les Mystères de Sa Naissance et de Sa Circoncision, et avec celui qu'Elle attendait des Rois, quoiqu'Elle ne sût point le temps quand ils arriveraient. Cette affection était pieuse pleine de dévotion et de vénération; néanmoins Elle plaça l'obéissance à son époux avant son affection particulière et Elle s'y résigna étant en toute chose un Exemplaire et un Miroir de très sublime perfection. Cette résignation et cette égalité mit saint Joseph dans un plus grand souci; parce qu'il désirait que son Épouse déterminât ce qu'ils devaient faire. Pendant qu'ils étaient dans cette conférence, le Seigneur répondit par les deux saints Princes Michel et Gabriel qui assistaient corporellement au service de leur Dieu et leur Seigneur et à celui de l'Auguste Reine, et ils dirent: «La Volonté Divine a ordonné que les trois rois de la terre adorent le Verbe Divin dans ce lieu même: ces rois viennent de l'Orient à la recherche du Roi du Ciel. Il y a dix jours qu'ils cheminent, parce qu'ils eurent aussitôt avis de la sainte Naissance, et ils se sont mis tout de suite en chemin; ils arriveront bientôt ici, et les annonces des Prophètes s'accompliront, car ils connurent cet événement et ils le prophétisèrent de très loin.»
4, 15, 542. Saint Joseph demeura joyeux et informé de la Volonté du Seigneur par ce nouvel avis et son Épouse la Très Sainte Marie lui dit: «Mon seigneur, quoique ce lieu choisi par le Très-Haut soit pauvre et incommode aux yeux du monde, aux yeux de Sa Sagesse il est le plus riche, le plus précieux, le plus estimable et le meilleur de la terre, puisque le Seigneur des cieux s'en est contenté en le consacrant par Sa royale Présence. Il est Puissant pour faire en sorte que nous jouissions de Sa vue dans ce lieu qui est la vraie terre promise. Et si c'est Sa Volonté, il nous donnera quelque soulagement et quelque abri contre la rigueur du temps pour ce peu de jours que nous demeurerons encore ici.» Saint Joseph fut beaucoup consolé et soulagé par toutes ces raisons de la Très Prudente Reine; et lui répondit que puisque l'Enfant-Dieu allait accomplir la Loi de la Présentation au Temple comme Il avait accompli celle de la Circoncision, ils pouvaient demeurer dans ce lieu sacré jusqu'à ce qu'arrivât le jour, sans retourner à Nazareth, parce qu'ils en étaient éloignés et le temps était mauvais. Et si par cas la rigueur de la saison les obligeait de se retirer à la ville pour sortir de là, il n'y avait que deux lieues.
4, 15, 543. La Très Sainte Marie se conforma en tout à la volonté de son époux, son désir s'inclinant toujours à ne pas abandonner ce tabernacle sacré, plus saint et plus vénérable que le Saint des saints du Temple, pendant qu'arrivait le temps d'y présenter son Fils unique, à qui Elle procura tout l'abri possible, afin de Le défendre des froids et des rigueurs du temps. Elle prépara aussi l'étable pour l'arrivée des rois, la nettoyant de nouveau autant que la rusticité et l'humble pauvreté du lieu le permettaient. Mais la plus grande diligence et la plus grande préparation qu'Elle fit pour l'Enfant-Dieu fut de L'avoir toujours dans ses bras quand Elle n'était pas forcé de Le laisser. Et en outre, Elle usait de la puissance de Reine et de Maîtresse de toutes les créatures quand les intempéries de l'hiver devenaient plus furieuses; car Elle commandait au froid, aux vents, aux neiges et aux gelées de ne point offenser leur Créateur et d'user envers Elle seule des rigueurs et des âpres influences que comme éléments ils émettaient. La divine Souveraine disait: «Retenez votre colère conte votre propre Créateur, votre Auteur, votre Maître et votre Conservateur qui vous donna l'être, la vertu et l'opération Sachez, créatures de mon Bien-Aimé, que vous avez reçu votre rigueur (Sag. 5: 18) pour le péché et qu'elle est dirigée à châtier la désobéissance du premier Adam et de sa race. Mais avec le second qui vient réparer cette chute et ne peut y avoir de part, vous devez être courtois, respectant et n'offensant point
Celui à qui vous devez le service et la soumission. Je vous commande en Son Nom de ne Lui donner aucune incommodité ni aucun désagrément.»
4, 15, 544. C'est une chose digne de notre admiration et de notre imitation que la prompte obéissance des créatures irraisonnables à la Volonté Divine, intimée par la Mère du même Dieu; car à son commandement la neige et la pluie ne s'approchaient d'Elle qu'à une distance de six verges, les vents se retenaient, l'air ambiant, se tempérait et se changeait en une chaleur tempérée. A cette merveille s'en joignait une autre; car en même temps que l'Enfant-Dieu recevait dans ses bras ce service des éléments et sentait quelque abri, la Mère-Vierge en éprouvait les influences: le froid et les intempéries la frappaient dans le moment et le degré qu'elles pouvaient avec leurs forces naturelles. Il en arrivait ainsi en obéissant en tout; parce que cette divine Dame ne voulait pas s'exempter Elle-même de la peine dont Elle préservait son tendre Enfant et son Dieu magnifique, comme Mère amoureuse et Maîtresse des créatures auxquelles Elle commandait. Le privilège du doux Enfant s'étendait à saint Joseph et il connaissait le changement de l'inclémence à la clémence, mais il ne savait pas que ces effets fussent par le commandement de sa divine Épouse et des oeuvres de sa puissance; parce qu'Elle ne manifestait pas ce privilège, n'ayant point l'ordre du Très-Haut pour le faire.
4, 15, 545. Le gouvernement et la manière que la grande Reine du Ciel gardait en aliment son Enfant Jésus était de lui donner son lait Virginal trois fois le jour, et toujours avec tant de révérence qu'Elle Lui en demandait permission et Elle Le suppliait de lui pardonner son indignité, s'humiliant et se reconnaissant inférieure. Et souvent quand Elle Le tenait dans ses bras Elle L'adorait à genoux; et s'il lui était nécessaire de s'asseoir, Elle Lui en demandait toujours permission. Elle Le donnait à saint Joseph et Elle Le recevait toujours avec la même révérence, comme je l'ai déjà dit. Souvent elle Lui baisait les pieds, et lorsqu'Elle désirait Le baiser au visage Elle Lui demandait intérieurement Sa bienveillance et Son consentement. Son Très Doux Fils correspondait à ses caresses de Mère, non seulement avec l'air agréable avec lequel Il les recevait sans quitter la Majesté; mais avec d'autres actions qu'Il faisait à la manière des autres enfants quoiqu'avec une sérénité et un poids différents. Le plus ordinairement c'était de S'incliner amoureusement sur le sein de Sa Très Pure Mère et d'autres fois sur son épaule, lui enlaçant le cou de Ses bras Divins. Et l'Impératrice Marie était si attentive et si
prudente dans ces caresses qu'Elle ne les sollicitait point par des enfantillages comme d'autres mères, et Elle ne s'en retirait point par crainte. En tout Elle était très prudente, très parfaite, sans défaut ni excès répréhensible; et le plus grand amour de son Très Saint Fils et la manifestation de cet amour servait à l'humilier jusqu'à la poussière et lui laissait une révérence plus profonde, laquelle mesurait ses affections et leur donnait de plus grands reliefs de magnificence.
4, 15, 546. L'Enfant-Dieu et la Mère-Vierge avaient un autre genre de caresses; car outre qu'Elle connaissait toujours par la Lumière divine les actes intérieurs de l'âme très sainte de son Fils unique, comme je l'ai déjà dit [a], il arrivait souvent que Le tenant dans ses bras, l'Humanité, par un autre bienfait nouveau, lui était manifestée comme un verre cristallin, et par elle et en elle, l'Auguste Reine contemplait l'union hypostatique et l'âme du même Enfant-Dieu et toutes les opérations qu'elle avait, priant le Père Éternel pour le genre humain. Et la divine Mère imitait ces oeuvres et ces pétitions, demeurant toute transformée et absorbée en son propre Fils. Et Sa Majesté la regardait avec délices et une joie accidentelle comme Se récréant dans la pureté d'une telle Créature, et Se réjouissant de l'avoir créée, et la Divinité de S'être fait Homme pour former une si vive image d'elle-même et de l'Humanité qu'elle avait prise de sa substance Virginale. Dans ce mystère il me fut représenté ce que les capitaines d'Holopherne dirent lorsqu'ils virent la belle Judith dans les camps de Béthulie: «Qui méprisera le peuple des Hébreux et ne jugera pas la guerre contre eux très bien motivée, ayant de si belles femmes (Judith 10: 18)?» Cette parole semble mystérieuse et véritable dans le Verbe fait chair puisqu'il put dire à Son Père Éternel et à tout le reste des créatures la même raison avec une plus juste cause: «Qui ne trouvera pas bien employé et basé sur la raison que Je sois venue du Ciel prendre chair humaine sur la terre et abattre le démon, le monde et la chair en les vainquant et les anéantissant, si parmi les enfants d'Adam il se trouve une Femme telle que ma Mère?» O mon doux Amour, Vertu de ma vertu, Vie de mon âme, mon amoureux Jésus, voyez que c'est en la Très Sainte Marie seule qu'il y a une telle beauté dans la nature humaine! car Elle est unique et élue (Cant. 6: , et si parfaite pour Vos complaisances, mon Seigneur et mon Dieu, qu'Elle n'équivaut pas seulement, mais qu'Elle surpasse sans terme ni limite tout le reste de Votre peuple et Elle seule compense la laideur de tout le genre humain.
4, 15, 547. La Très Douce Mère éprouvait de tels effets parmi ces délices de son Enfant unique se vrai Dieu qu'ils la laissaient toute spiritualisée et toute déifiée de nouveau. Et dans les vols que subissait son très pur esprit, les liens du corps terrestre se fussent rompus plusieurs fois et son âme l'eut abandonnée par l'incendie de son amour, si Elle n'eût été miraculeusement confortée et préservée. Elle disait intérieurement et extérieurement à son Très Saint Fils des paroles si dignes et si pondérées qu'elles ne se trouvent point dans notre grossier langage. Tout ce que je pourrai rapporter sera très inégal selon ce qui m'a été manifesté. Elle Lui disait: «O mon Amour, douce Vie de mon âme, qui êtes-Vous et qui suis-je? Que voulez-Vous faire de moi, Votre grandeur et Votre magnificence s'humiliant si fort à favoriser la poussière inutile? Que fera Votre esclave pour Votre amour et pour la dette que je reconnais Vous devoir? Que Vous rendrai-je pour tout ce que Vous m'avez donné? Mon être, ma vie, mes puissances, mes sens, mes désirs et mes anxiétés, tout est Vôtre. Consolez Votre servante et Votre Mère, afin qu'Elle ne défaille point dans l'affection de Vous servir à la vue de son insuffisance et qu'Elle ne meure point de Votre amour. Oh! que la capacité humaine est limitée! que son pouvoir est abrégé! Que ses affections sont faibles, puisqu'elles ne peuvent arriver à satisfaire Votre amour, avec équité! Mais Vous devez toujours vaincre en étant Magnifique et Miséricordieux envers Vos créatures et chanter des victoires et des triomphes d'amour; et nous remplis de reconnaissance nous devons nous rendre et nous confesser pour vaincus par Votre puissance. Nous demeurerons confus et humiliés jusqu'à la poussière et Votre grandeur magnifiée et exaltée pendant toutes les éternités.» La divine Souveraine connaissait quelquefois dans la Science de son Très Saint Fils les âmes qui se signaleraient en l'amour Divin, au cours de la nouvelle Loi de grâce, les oeuvres qu'elles feraient, les martyrs qu'elles souffriraient pour l'imitation du même Seigneur; et avec cette Science Elle était enflammée dans l'émulation d'un amour si fort que ce martyre de désir de la Reine était plus grand que tous ceux qui ont été soufferts effectivement. Et alors il lui arrivait ce que dit l'Époux dans les Cantiques (Cant. 8: 6) que la «jalousie de l'amour est forte comme la mort et dure comme l'enfer.» A ces affections que l'amoureuse Mère avait de mourir, parce qu'Elle ne mourait pas, son Très Saint Fils lui répondait les paroles qui y sont rapportées: «Mets-moi comme un signe ou comme un sceau sur ton coeur et sur ton bras»; lui en donnant l'effet et l'intelligence conjointement. Par ce divin martyre la Très Sainte Marie fut Martyre plus que tous les martyrs. Et le Très Doux Agneau Jésus passait parmi ces lys et ces douceurs (Cant. 2: 16), pendant
que le jour de la grâce se levait (Cant. 2: 17) et que les ombres de la Loi ancienne déclinaient.
4, 15, 548. L'Enfant-Dieu ne mangea aucune chose pendant qu'Il reçut le sein Virginal de Sa Très Sainte Mère, parce qu'Il S'alimenta seulement de son lait. Et celui-ci était excessivement suave, doux et substantiel, comme engendré dans un corps si pur, si parfait, d'une complexion et d'une mesure si raffinée avec des qualités sans inégalité et sans désordre. Il n'y eut jamais de corps ni de santé semblables à ceux de la Très Sainte Marie et lors même qu'on aurait conservé ce lait sacré pendant longtemps, il se serait préservé de corruption par ses propres qualités; et il se serait jamais altéré ni corrompu par un privilège spécial, tandis que le lait des autres femmes se change et devient aussitôt insipide comme l'expérience l'enseigne.
4, 15, 549. Le très heureux Joseph ne goûtait pas seulement des faveurs et des caresses de l'Enfant-Dieu, comme témoin oculaire de celles qui se passaient entre le Fils et la Mère très saints; mais aussi il fut digne de les recevoir de Jésus même immédiatement; car souvent la divine Épouse Le posait dans ses bras lorsqu'il était nécessaire qu'Elle fit quelque chose pour laquelle Elle ne pouvait L'avoir avec Elle, comme de préparer les repas, de disposer les langes de l'Enfant et de balayer la maison. Dans ces occasions saint Joseph Le tenait, et toujours il sentait des effets Divins dans son âme. Et extérieurement le même Enfant lui montrait un air agréable et Il s'inclinait sur la poitrine du saint, et avec un poids et une majesté de Roi, Il lui faisait certaines caresses avec des démonstrations d'affection comme les autres enfants font ordinairement avec leurs parents; quoiqu'avec saint Joseph cela ne fut pas aussi ordinaire ni avec tant de caresses qu'avec Sa véritable Mère-Vierge. Et lorsqu'Elle Le laissait, Elle avait la Relique de la Circoncision que le glorieux saint Joseph portait d'ordinaire, afin qu'elle lui servît de consolation. Les deux divins époux étaient toujours enrichis: Marie avec son Très Saint Fils et Joseph avec Son précieux Sang et Sa Chair divinisée . Les Reliques de la Circoncision étaient dans une fiole de cristal comme je l'ai déjà dit, que saint Joseph avait cherchée et achetée avec l'argent que sainte Élisabeth lui avait envoyé; et la grande Souveraine y avait renfermé le prépuce et le sang qui avait été versé dans la Circoncision, l'ayant taillé dans la toile qui avait servi pour ce ministère et pour assurer davantage le tout, la fiole étant garnie d'argent à l'orifice, la puissante Reine l'avait fermée par son seul commandement avec lequel s'était joint et soudé les lèvres de la garniture d'argent, bien mieux que si l'artiste qui les avait faites les eût ajustées. Dans cette forme la prudente Mère garda ces Reliques toute sa Vie, et ensuite Elle livra ce Trésor si précieux aux Apôtres et Elle le leur laissa comme attaché à la Sainte Église. Dans l'immense océan de ces mystères je me trouve si submergé et si incapable par l'ignorance féminine et les termes si limités pour les expliquer que j'en remets plusieurs à la Foi et à la Piété chrétienne.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
4, 15, 550. Ma fille, tu as été avertie dans le chapitre précédent de ne point t'enquérir d'aucune chose du Seigneur par un ordre surnaturel, et cela ni pour t'alléger la souffrance, ni par inclination naturelle et encore moins par vaine curiosité. Je t'avertis maintenant que tu ne dois pas donner lieu à tes affections par aucun de ces motifs pour désirer ou exécuter aucune chose naturelle ou extérieure; parce qu'en toutes les opérations de tes puissances et les oeuvres de tes sens tu dois modérer tes inclinations et les soumettre, sans leur donner ce qu'elles demandent, quoique ce soit sous couleur apparente de vertu ou de piété. Je n'avais point de danger d'excéder dans ces affections à cause de mon innocence irrépréhensible; ni non plus la piété ne manquait point au désir que j'avais de rester à la grotte où mon Fils était né et où Il avait reçu la circoncision; mais je ne voulus point manifester mon désir, étant même interrogé par mon époux; car je plaçai l'obéissance avant cette piété et je connu qu'il était plus assuré pour les âmes et d'une plus grande complaisance pour le Seigneur de chercher Sa Sainte Volonté par le conseil et le sentiment d'autrui que par l'inclination propre. Ce fut en Moi d'un plus grand mérite et d'une plus grande perfection; mais en toi et les autres âmes qui avez le danger d'errer par le jugement propre, cette loi doit être plus rigoureuse pour le prévenir et le détourner avec discrétion et diligence; parce que la créature ignorante et de coeur si limité se repose facilement avec ses affections et ses inclinations puériles en de petites choses, et parfois elle s'occupe tout entière avec le peu comme avec le beaucoup et ce qui n'est rien lui semble quelque chose. Et tout cela la rend inhabile et la prive de grands biens spirituels, de grâce, de lumière et de mérite.
4, 15, 551. Tu écriras dans ton coeur cette Doctrine et toute celle que je dois te donner et tâche d'y faire un mémorial de tout ce que j'opérais, afin que tu l'entendes et l'exécutes comme tu le connais. Et considère la révérence, l'amour et la sollicitude, la sainte crainte et la circonspection avec lesquels je traitais mon Très Saint Fils. Et quoique je vécusse toujours avec ce dévouement, néanmoins après que je l'eus conçu dans mon sein je ne Le perdis jamais de vue ni ne me ralentis dans l'amour que Sa Majesté me communiqua alors. Et avec cette ardeur de Lui plaire davantage, mon coeur ne reposait point jusqu'à ce que je fusse unie et absorbée dans la participation de ce Bien souverain et cette fin dernière et là je me reposais un certain temps comme dans mon centre. Mais je retournais aussitôt à ma sollicitude continuelle, comme celui qui poursuit son chemin, sans s'arrêter à ce qui ne l'aide pas et qui retarde son désir. Mon coeur était si éloigné de s'attacher à aucune chose terrestre et de suivre son inclination sensible, que je vivais en cela comme si je n'avais pas été de la commune nature terrestre. Et si les autres créatures ne sont pas libres des passions et si elles ne les vainquent pas dans le degré qu'elles peuvent, qu'elles ne se plaignent point de la nature, mais de leur propre volonté: car alors la nature faible peut se plaindre d'elles, parce qu'elles peuvent avec l'empire de la raison la régir et la diriger et elles ne le font pas; au contraire elles la laissent suivre ses désordres et elles l'aident avec la volonté libre, et par l'entendement elles lui cherchent plus d'occasions et d'objets dangereux où elle se perd. A cause de ces précipices que présente la vie humaines, je t'avertis, ma très chère, de ne pas désirer et ne chercher aucune chose visible, lors même qu'elle paraîtrait nécessaire et juste. Et de tout ce que tu uses par nécessité, la cellule, le vêtement, la nourriture et le reste, que ce soit selon le bon plaisir de tes supérieurs, parce que le Seigneur le veut et que je l'approuve; afin que tu en uses au service du Tout-Puissant. Par tant de registres comme ceux que je t'ai insinués doit passer tout ce que tu feras.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 15, [a]. Livre 4, Nos. 481 et 534.
4, 15, . Cette révélation coïncide avec celle qui fut faite à sainte Brigitte, [l. VI, c. 112], qui ajoute que la sainte relique avait été consignée par la Très Sainte Vierge à saint Jean. "Est-ce que les Reliques du Prépuce du Christ ont été conservées dans l'Église?" Le plus grand nombre des théologiens répondent afirmativement. Innocent III dit qu'un grand nombre de fidèles accouraient à Rome où cette Relique était vénéré dans la basilique de Latran. Plus tard elle fut transférée dans la ville de Calcata et Benoît XIV dit: «C'est une tradition constante que cette relique insigne est conservée dans la ville de Calcata: et cette tradition est consacrée par le poids des miracles.» Une partie de cette Relique fut renfermée dans un reliquaire d'or orné de perles précieuses et déposée à Rome dans l'Église de Sainte Marie des Anges in Thermis où elle se conserve aujourd'hui. Suarez donne la raison de l'existence et de la conservation de cette Relique dans l'Église disant: «Nous disons que ce Prépuce fut conservé avec une diligence et une vénération souveraines par la Très Sainte Vierge; et cela est non seulement vraisemblable en soi, mais aussi très conforme à la Piété et à la Charité de la Vierge Mère.» [3 p, t. 2, disp., 15, sect. 1].
Mais on fait ici une question à savoir, si le Verbe est resté hypostatiquement uni à cette Relique et aussi aux gouttes de Sang tombées du Corps du Christ et qui n'y ont plus été réunies? Et l'on répond négativement parce que le titre et le droit à la conservation de l'union hypostatique dans les différentes parties du Corps dure seulement autant qu'elles sont unies à l'Humanité en acte ou en puissance, comme l'enseignent communément les théologiens avec saint Thomas [in 3 dist., 29. 2, art. 1]. Pour cette raison ces Reliques du Prépuce ou des gouttes de Sang ont cessé de faire partie de l'Humanité, même en puissance, ne supposant point qu'elles aient à Lui être réunies; pour cette raison elles n'ont plus droit à l'union hypostatique. Mais docte Père Calderon, répond: «pour que la Chair et le Sang puissent être appelés divinisés il suffit qu'ils aient eu auparavant l'union hypostatique, de la manière que le Très Saint Bois de la Croix est appelée dans le sixième concile, oecuménique, Can., 73 et VII act. 7, "bois sanctifié, vivifié par le contact du Corps du Christ et pour cela devant être adoré
Dernière édition par sga le Sam 7 Oct 2017 - 8:51, édité 1 fois (Raison : pb de format que je n'arrive pas à resoudre)
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
vous m'excuserez pour le format du texte mais je ne suis pas arrivé à
le mette à niveau
le mette à niveau
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 16
Les trois Rois Mages viennent de l'Orient et adorent le Verbe fait chair à Bethléem.
4, 16, 552. Les trois rois Mages qui vinrent à la recherche de l'Enfant-Dieu nouveau-né étaient naturels de la Perse, de l'Arabie et de Saba (Ps. 71: 10), régions qui sont à l'orient [a] de la Palestine. Et leur venue fut prophétisée spécialement par David et avant lui par Balaam quand il bénit le peuple Israël par la Volonté Divine, lorsque Balac (Nom. 23 et 24), roi des Moabites, l'avait amené pour le maudire. Entre ces bénédictions (Nom. 24: 17), Balaam dit de lui qu'il verrait le Christ-Roi, mais non bientôt et qu'il le regarderait quoique non de près: parce qu'il ne le vit pas par lui-même, mais par les Mages ses descendants; et ce ne fut pas aussitôt, mais après plusieurs siècles. Il dit aussi qu'il naîtrait une étoile de Jacob; parce qu'elle serait pour signaler Celui qui devait naître pour régner éternellement dans la maison de Jacob (Luc 1: 32).
4, 16, 553. Ces trois Rois étaient très sages dans les sciences naturelles et instruits dans les Écritures du peuple de Dieu; et à cause de leur grande science ils furent appelés Mages. Et par la connaissance des Écritures et les conférences avec quelques-uns des Hébreux, ils arrivèrent à avoir quelque créance de la venue du Messie que ce peuple attendait. Outre cela c'étaient des hommes droits, véritables et d'une grande justice dans le gouvernement de leurs États;`car étant pas si étendus que les royaumes d'à présent ils les gouvernaient facilement par eux-mêmes et ils administraient la justice comme rois sages et prudents; car tel est l'office légitime du roi et pour cela l'Esprit-Saint dit que Dieu tient le coeur du roi
dans Sa main (Prov. 21: 1), pour le diriger comme les divisions des eaux à ce qui est de Sa Volonté. Ils avaient aussi des coeurs grands et magnanimes, sans l'avarice ni la cupidité qui opprime, avilit et abaisse tant l'âme des princes. Et comme ces Mages étaient voisins dans leurs États, ils n'étaient pas éloignés les uns des autres; ils se connaissaient et se communiquaient dans les vertus morales qu'ils avaient et dans les sciences qu'ils professaient; et ils se donnaient connaissance réciproquement des choses les plus grandes et les plus relevées qu'ils arrivaient à pénétrer. Ils étaient amis et correspondants très fidèles en tout.
4, 16, 554. J'ai déjà dit dans le chapitre 11, numéro 492, comment la même nuit que le Verbe Incarné naquit, ils furent avisés de Sa Naissance temporelle par le ministère des saints Anges . Et cela arriva de cette manière: l'un des Anges gardiens de notre Reine, supérieur à ceux qui gardaient ces trois Rois fut envoyé de la grotte; et comme supérieur il illustra les trois Anges des trois Rois, leur déclarant la Volonté et l'Ambassade du Seigneur afin que chacun d'eux manifestât le Mystère de l'Incarnation et de la Naissance de notre Rédempteur Jésus-Christ à celui qu'il gardait. Aussitôt les trois Anges parlèrent en songe, chacun au Mage qui lui était confié et à la même heure. Et tel est l'ordre commun des révélations angéliques de passer du Seigneur aux âmes par les Anges. Cette illustration de Rois sur le Mystère de l'Incarnation fut très abondante et très claire; parce qu'ils furent informés comment le Roi de Juifs était né Dieu et Homme véritable, qu'Il était le Messie et le Rédempteur qu'ils attendaient, Celui qui était promis dans leurs Écritures et leurs prophéties (2 Rois 7: 13) et que cette étoile que Balaam avait prophétisée leur serait donnée pour Le chercher. Les trois Rois comprirent aussi, chacun pour soi comment cet avis était donné aux deux autres; et que ce n'était point un bienfait ou une merveille pour demeurer oisive, mais qu'ils devaient opérer à la Lumière divine ce qu'elle leur enseignait. Ils furent élevés et embrasés dans un amour et des désirs très grands de connaître Dieu fait Homme, de L'adorer comme leur Créateur et leur Rédempteur et de Le servir avec une plus haute perfection, les excellentes vertus morales qu'ils avaient acquises les aidant pour tout cela; car avec elles ils étaient bien disposés pour recevoir la Lumière divine.
4, 16, 555. Après cette révélation du Ciel que les trois Rois Mages eurent en songe ils en sortirent; et aussitôt ils se prosternèrent en terre à la même heure, et
inclinés dans la poussière ils adorèrent en esprit l'Être Immuable de Dieu. Ils exaltèrent Sa Miséricorde et Sa Bonté infinie de ce que le Verbe Divin avait pris chair humaine d'une Vierge (Is. 7: 14) pour racheter le monde et donner le salut éternelle aux hommes (Is. 35: 4). Aussitôt ils déterminèrent tous les trois, singulièrement gouvernés par le même Esprit, de partir sans retard pour la Judée à la recherche de l'Enfant-Dieu pour L'adorer. Ils préparèrent les trois dons à porter, l'or, l'encens et la myrrhe en quantité égalé, parce qu'ils étaient guidés en tout avec mystère; et sans s'être communiqués ils furent uniformes dans leurs dispositions et leurs déterminations. Ils préparèrent le même jour le nécessaire, de chameaux, d'équipage et de serviteurs pour le voyage, afin de partir à la légère et avec promptitude. Et sans considérer la nouveauté qu'ils causeraient dans le peuple, ni qu'ils allaient dans un royaume étranger avec peu d'autorité et d'apparat, sans avoir une connaissance certaine du lieu, ni de signes pour reconnaître l'Enfant, ils déterminèrent avec un zèle et un amour fervent de partir aussitôt pour Le chercher.
4, 16, 556. En même temps le saint Ange qui était allé de Bethléem aux Rois forma de la matière de l'air une étoile resplendissante, quoique non aussi grande que celles du firmament; parce qu'elle ne monta pas plus haut que la fin de sa formation et elle demeura dans la région de l'air pour diriger et guider les saints Rois jusqu'à la grotte où était l'Enfant-Dieu. Mais elle était d'une clarté nouvelle, et différente de celle du soleil et des autres étoiles [c]; et avec sa très belle lumière elle éclairait de nuit comme une torche très brillante, et le jour elle se manifestait dans la splendeur du soleil par une activité extraordinaire. Chacun de ces Rois quoique d'endroits différents vit au sortir de sa maison la nouvelle étoile qu'était une seule, parce qu'elle était placée à une telle distance et à une telle hauteur que tous les trois pouvaient la voir en même temps. Puis se mettant tous les trois en chemins, ils allaient là où la miraculeuse étoile les conviait; ainsi ils se rejoignirent promptement. Alors elle s'approcha d'eux beaucoup plus, baissant et descendant une multitude de degrés dans la région de l'air, avec quoi les Mages jouissaient plus immédiatement de son éclat. Ils conférèrent ensemble des révélations qu'ils avaient eues et de l'intention que chacun avait qui était une seule et la même. Et dans cette conférence ils s'embrasèrent davantage dans la dévotion et les désirs d'adorer l'Enfant-Dieu nouveau-né. Ils demeurèrent ravis d'admiration et ils exaltèrent le Tout-Puissant dans Ses Oeuvres et Ses Mystères sublimes.
4, 16, 557. Les Mages poursuivirent leur chemin dirigés par l'étoile sans la perdre de vue, jusqu'à ce qu'ils arrivassent à Jérusalem. Et pour cette raison, et aussi parce que cette grande cité était la capitale et la métropole des Juifs, ils soupçonnèrent qu'elle serait la patrie où était né leur Roi véritable et légitime. Ils entrèrent dans la ville s'informant de Lui publiquement et disant: «Où est le Roi des Juifs qui est né ? Parce qu'en Orient nous avons vu Son étoile qui manifeste Sa naissance et nous venons Le voir et L'adorer. (Matt. 2: 1-2).» Cette nouvelle arriva aux oreilles d'Hérode [d] qui régnait alors en Judée quoiqu'injustement et qui vivait à Jérusalem; et l'inique roi surpris d'entendre qu'il était né un autre Roi plus légitime se troubla (Matt. 2: 3) et s'attrista beaucoup; et toute la ville s'émut avec lui, les uns pour le flatter et d'autres par la crainte de la nouveauté. Et aussitôt comme saint Matthieu le rapporte, Hérode commanda de faire une assemblée des princes des prêtres (Matt. 2: 4) et des scribes, et il les interrogea sur le lieu où devait naître le Christ qu'ils attendaient selon leurs prophéties et leurs Écritures. Ils lui répondirent que selon l'annonce d'un prophète (Matt. 2: 5), qui est Michée, il devait naître à Bethléem, parce qu'il laissa écrit que de là sortirait le Dominateur qui devait régir le peuple d'Israël.
4, 16, 558. Hérode informé du lieu de la naissance du nouveau Roi d'Israël, et méditant dès lors avec astuce de Le détruire, licencia les prêtres et appela (Matt. 2: 7) secrètement les Rois-Mages pour s'informer du temps où ils avaient vu l'étoile qui annonçait Sa naissance. Et comme ils le lui manifestèrent avec sincérité, il les renvoya à Bethléem et il leur dit avec une malice dissimulée: «Allez et informez-vous de l'Enfant, et en Le trouvant vous m'en donnerez aussitôt avis, afin que j'aille moi aussi Le reconnaître et L'adorer.» Les Mages partirent, laissant le roi hypocrite mal assuré et angoissé avec des signes si infaillibles que le légitime Seigneur des Juifs était né dans le monde. Et quoiqu'il eût pu se tranquilliser dans la possession de sa grandeur de savoir qu'un enfant nouveau-né ne pouvait régner si tôt, néanmoins la prospérité humaine est si faible et si trompeuse qu'un seul enfant la renverse et même un fantôme menaçant, lors même qu'il est éloigné: et la seule imagination empêche toute la consolation et tout le goût qu'elle offre trompeusement à celui qui la possède.
4, 16, 559. En sortant de Jérusalem les Mages trouvèrent l'étoile qu'ils avaient perdue à l'entrée. Et à sa lumière ils arrivèrent jusqu'à Bethléem et à la grotte de la
Naissance, sur laquelle elle arrêta son cours et elle s'inclina entrant par la porte; diminuant sa forme corporelle jusqu'à se placer sur la tête de l'Enfant-Jésus [e] qu'elle inonda de sa lumière et aussitôt elle se défit et se résolut en la matière dont elle avait d'abord été formée. Notre Auguste Souveraine était déjà prévenue de l'arrivée des Rois: et lorsqu'Elle comprit qu'ils étaient près de la grotte Elle en donna connaissance au saint époux Joseph, non pour qu'il s'éloignât, mais pour qu'il assistât à son côté, comme il le fit. Et quoique le texte sacré de l'Évangile ne le dise pas, parce que cela n'était pas nécessaire pour le Mystère, comme les autres choses que les Évangélistes laissèrent dans le silence; néanmoins il est certain que saint Joseph fut présent quand les Rois adorèrent l'Enfant-Jésus. Il n'était pas nécessaire d'user de précaution en cela; parce que les Mages venaient éclairés sur ce que la Mère du Nouveau-Né était Vierge et l'Enfant vrai Dieu et non pas fils de Joseph. Et Dieu n'aurait pas amené les Rois pour L'adorer s'ils avaient été si peu instruits que de manquer en une chose aussi essentielle comme de Le juger fils de Joseph et d'une mère non vierge; ils venaient instruits de tout et avec un sentiment très sublime de tout ce qui appartenait à des Mystères si sublimes et si magnifiques.
4, 16, 560. La divine Mère attendait les dévots et pieux Rois avec l'Enfant-Dieu dans ses bras; et Elle était avec une modestie et une beauté incomparables, découvrant à travers l'humble pauvreté des indices de majesté plus qu'humaine avec quelque splendeur sur le visage. L'Enfant avait une clarté beaucoup plus grande et Il répandait un grand éclat de lumière avec laquelle toute cette caverne devenait un Ciel. Les trois Rois de l'Orient y entrèrent, et à la première vue du Fils et de la Mère, ils demeurèrent émerveillés et en suspens pendant un temps assez long. Ils se prosternèrent en terre et dans cette posture ils révérèrent et adorèrent l'Enfant (Matt. 2: 11) Le reconnaissant vraie Dieu et vraie Homme et Réparateur du genre humain. Et avec la Puissance divine et la vue et la présence du très doux Jésus, ils furent de nouveau illuminés intérieurement. Ils connurent la multitude des esprits angéliques qui assistaient avec révérence et tremblement comme serviteurs et ministres du grand Roi (Héb. 1: 14) des rois et Seigneur des seigneurs. Ensuite ils se levèrent debout et ils félicitèrent leur Reine et la notre d'être Mère du Fils du Père Éternel et ils allèrent jusqu'à la révérer en ployant le genou. Ils lui demandèrent la main pour la lui baiser comme on avait accoutumé de faire dans leurs royaumes à l'égard des reines. La Très Prudente Souveraine retira sa main et offrit celle du Rédempteur du monde et dit: «Mon esprit se réjouit
dans le Seigneur et mon âme Le bénit et Le loue; parce qu'il vous a appelés et vous a choisis entre toutes les nations pour que vous arrivassiez à voir de vos yeux et à reconnaître ce que plusieurs rois (Apoc. 19: 16) et plusieurs prophètes ont désiré et n'ont point obtenu qui est le Verbe Incarné. Magnifions et louons Son Nom pour les sacrements et les miséricordes dont Il use envers Son peuple: baisons la terre qu'Il sanctifie par Sa royale Présence.»
4, 16, 561. A ces raisons de la Très Sainte Marie les trois Rois s'humilièrent de nouveau et adorèrent l'Enfant-Jésus; puis ils reconnurent le grand bienfait de ce que le Soleil de justice (Mal. 4: 2) leur était né si à bonne heure pour illuminer leurs ténèbres (Luc 1: 78-79); cela fait ils s'adressèrent à saint Joseph, exaltant son bonheur d'être l'époux de la Mère de Dieu même, et ils lui donnèrent des félicitations pour Elle, étonnés et attendris de tant de pauvreté où étaient renfermés les plus grands Mystères de la terre et des Cieux. Ils passèrent trois heures à ces choses, et les Rois demandèrent permission à la Très Sainte Marie d'aller prendre un logement à la ville, parce qu'il n'y avait point de place pour s'arrêter dans la grotte et y demeurer. Quelques personnes les suivaient; mais les Mages seuls participèrent aux effets de la lumière de la grâce. Les autres qui regardaient et considéraient seulement l'extérieur et l'état pauvre et méprisable de la Mère et de son époux ne connurent point le mystère bien qu'ils eussent quelque admiration de la nouveauté. Les Rois partirent et s'en allèrent, et la Très Sainte Marie et saint Joseph demeurèrent seuls avec l'Enfant, rendant gloire à Sa Majesté par de nouveaux cantiques de louanges, parce que Son Nom commençait à être connu (Ps. 85: 9) et adoré des Gentils. Puis le reste que firent les Mages je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
4, 16, 562. Ma fille, dans les événements que contient ce chapitre, il y aurait grand fondement d'instruction pour les rois, les princes et les autres enfants de la Sainte Église, dans la prompte dévotion et l'humilité des Mages afin de les imiter et dans la dureté inique d'Hérode pour la craindre: parce que chacun recueillit le fruit de ses oeuvres. Les Rois, celui de leurs grandes vertus et de la justice qu'ils
regardaient: et Hérode de son aveugle ambition et de son orgueil, avec lesquels il régnait injustement: et d'autres péchés dans lesquels le précipita son inclination sans modération et sans frein. Cependant pour ceux qui vivent dans le monde cela suffit avec toutes les autres doctrines qu'ils ont dans la Sainte Église. Mais toi, tu dois t'appliquer l'enseignement de ce que tu as écrit; considérant que toute la perfection de la vie chrétienne doit être fondée sur les vérités Catholiques et dans leur connaissance constante et ferme, comme l'enseigne la sainte Foi de l'Église. Et pour les mieux imprimer dans ton coeur, tu dois profiter de tout ce que tu liras et entendras des divines Écritures et des autres livres de dévotion et de doctrine des vertus. Cette sainte Foi doit être suivie de l'exécution de ces vertus avec une abondance de toutes les bonnes oeuvres, attendant toujours la visite et la venue du Très-Haut (Tit. 2: 13).
4, 16, 563. Avec cette disposition, ta volonté sera prompte comme je la veux, afin que celle du Tout-Puissant trouve en toi la suavité et la soumission nécessaires, pour qu'il n'y ait point de résistance à ce qu'Il te manifestera: mais qu'en le connaissant tu l'exécutes sans autre considération humaine. Et je te promets que si tu le fais comme tu dois, je serai ton Étoile et je te guiderai (Prov. 4: 11) par les sentiers du Seigneur, afin que tu chemines avec vélocité, jusqu'à ce que tu voies la Face de ton Dieu et ton Souverain Bien (Ps. 83: et que tu jouisses de Lui dans Sion. En cette Doctrine et en ce qui arriva aux Rois de l'Orient est renfermée une vérité très essentielle pour le salut des âmes; mais connue de très peu de personnes, et considérée d'un moindre nombre encore. C'est que les appels et les inspirations que Dieu envoie aux créatures ont régulièrement cet ordre: que les premières inspirations meuvent à opérer quelque vertu: et si l'âme y correspond le Très-Haut en envoie d'autres plus grandes pour opérer plus excellemment, et en profitant des unes on se dispose pour les autres, et l'on reçoit de nouveaux et plus grands secours. Et par cet ordre les faveurs du Seigneur vont en croissant, selon que la créature y correspond. D'où tu comprendras deux choses: l'une combien c'est une grande perte de mépriser les oeuvres de quelque vertu que ce soit et de ne point les exécuter selon que les Divines inspirations les dictent; la seconde, que Dieu donnerait souvent de grands secours aux âmes, si elles commençaient par répondre aux moindres; parce qu'Il est prêt et Il attend pour ainsi dire qu'elles Lui donnent lieu d'opérer selon l'équité de Ses jugements et de Sa justice. Et parce qu'elles méprisent cet ordre et qu'elles négligent de suivre leurs vocations, Il suspend le courant de Sa Divinité, et Il ne concède point ce qu'Il
désire et ce que les âmes devraient recevoir si elles ne mettaient point d'obstacle et d'empêchement; et pour cela elles vont d'un abîme à un autre (Ps. 41: .
4, 16, 564. Les Mages et Hérode suivirent deux chemins contraires; car les uns correspondirent par leurs bonnes oeuvres aux premiers secours et aux premières inspirations; et aussi ils se disposèrent par beaucoup de vertus à être appelés et attirés par la révélation Divine à la connaissance des Mystères de l'Incarnation, de la Nativité du Verbe Divin et de la Rédemption du genre humain: et de cette félicité à celle d'être saints et parfaits dans le chemin du Ciel. Mais le contraire arriva à Hérode, car sa dureté et le mépris qu'il fit de bien opérer avec le secours du Seigneur le portèrent à un orgueil et à une ambition si démesurée. Et ces vices l'entraînèrent jusqu'au dernier précipice de cruauté, intentant avant aucun autre des hommes, d'ôter la Vie au Rédempteur même du monde, et pour cela, feignant d'être pieux et dévot d'une piété simulée. Et son indignation furieuse pour le rencontrer débordant, il ôta la vie aux enfants innocents, afin que ses desseins damnés et pervers ne fussent point frustrés.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 16, [a]. En confirmation de ce que rapporte ici la Vénérable au sujet des trois Rois, nous produirons les témoignages des saints Pères et de la tradition. Les Mages étaient trois. Leurs images datent des temps apostoliques, comme le prouve Cromback dans son "Historia trium Regum", [l. C, c. 4]. Saint Athanase appelle l'Épiphanie, «le jour des trois Rois.» C'est le mot et le sens communs qu'ils furent rois, c'est-à-dire avec des royaumes qu'ils gouvernaient. C'est ce qu'affirment saint Cyprien, saint Jean Chrysostôme, saint Jérôme, saint Hilaire, Tertulien, saint Isidore, le Vénérable Bède, etc.. Mais saint Matthieu les appelle Mages. Enfin ils étaient originaires de la Perse, de l'Arabie et de Saba; c'est ce que disent saint Jean Chrysostôme, Euthime, Théophilacte, et saint Justin, martyr. Probablement l'un d'eux était de l'Inde. «On peut croire que l'un d'eux, probablement Melchior,
comme plus noir venait de l'Inde. L'autre appelé Gaspard était un Arabe de Saba; le troisième appelé Balthasar était ou Chaldéen ou Arabe.» [Cromback, opus cit. L. 3, c. 26].
4, 16, [b. Saint Augustin dit la même chose: «Pourquoi les Mages vinrent-ils? Parce qu'ils virent l'étoile. Et comment connurent-ils que c'était celle du Christ? Sans doute par quelque révélation.» [Serm., 67, de Dia., et Serm., 18].
4, 16, [c]. Saint Jean Chrysostôme écrit «que cette étoile surpassait même les rayons du soleil par sa grande splendeur et par tout ce qu'elle avait en propre.» Et saint Ignace, martyr, disciple de l'Apôtre saint Jean écrit aussi: «La lumière de l'étoile était inénarrable... sa clarté surpassait celle de toutes les autres étoiles.» [Epis., 14 ad Ephes.].
4, 16, [d]. Hérode qui était Iduméen s'était introduit dans le royaume de Juda par la fraude et il s'y maintenait par la violence. Il avait d'abord fait mourir Hircan, héritier légitime du royaume et du pontificat; ensuite Aristobule, petit-fils d'Hircan; puis Marianne, fille d'Hircan qu'il avait épousée, ensuite Alexandra mère de Marianne, et Alexandre et Aristobule, ses propres fils qu'il avait eus de Marianne, enfin son autre fils Antipâtre, et tout cela par peur qu'ils lui ôtassent le trône qu'il occupait injustement.
4, 16, [e]. Saint Augustin écrit de même: «Elle demeura sur la tête de l'Enfant, comme pour dire: "Voici le Roi des Juifs". [30 de Temp]. Que l'étoile fut ensuite dissoute, c'est ce que plusieurs affirment: «L'étoile ayant accompli son office en déposant sa matière se réduisit en air.»
Les trois Rois Mages viennent de l'Orient et adorent le Verbe fait chair à Bethléem.
4, 16, 552. Les trois rois Mages qui vinrent à la recherche de l'Enfant-Dieu nouveau-né étaient naturels de la Perse, de l'Arabie et de Saba (Ps. 71: 10), régions qui sont à l'orient [a] de la Palestine. Et leur venue fut prophétisée spécialement par David et avant lui par Balaam quand il bénit le peuple Israël par la Volonté Divine, lorsque Balac (Nom. 23 et 24), roi des Moabites, l'avait amené pour le maudire. Entre ces bénédictions (Nom. 24: 17), Balaam dit de lui qu'il verrait le Christ-Roi, mais non bientôt et qu'il le regarderait quoique non de près: parce qu'il ne le vit pas par lui-même, mais par les Mages ses descendants; et ce ne fut pas aussitôt, mais après plusieurs siècles. Il dit aussi qu'il naîtrait une étoile de Jacob; parce qu'elle serait pour signaler Celui qui devait naître pour régner éternellement dans la maison de Jacob (Luc 1: 32).
4, 16, 553. Ces trois Rois étaient très sages dans les sciences naturelles et instruits dans les Écritures du peuple de Dieu; et à cause de leur grande science ils furent appelés Mages. Et par la connaissance des Écritures et les conférences avec quelques-uns des Hébreux, ils arrivèrent à avoir quelque créance de la venue du Messie que ce peuple attendait. Outre cela c'étaient des hommes droits, véritables et d'une grande justice dans le gouvernement de leurs États;`car étant pas si étendus que les royaumes d'à présent ils les gouvernaient facilement par eux-mêmes et ils administraient la justice comme rois sages et prudents; car tel est l'office légitime du roi et pour cela l'Esprit-Saint dit que Dieu tient le coeur du roi
dans Sa main (Prov. 21: 1), pour le diriger comme les divisions des eaux à ce qui est de Sa Volonté. Ils avaient aussi des coeurs grands et magnanimes, sans l'avarice ni la cupidité qui opprime, avilit et abaisse tant l'âme des princes. Et comme ces Mages étaient voisins dans leurs États, ils n'étaient pas éloignés les uns des autres; ils se connaissaient et se communiquaient dans les vertus morales qu'ils avaient et dans les sciences qu'ils professaient; et ils se donnaient connaissance réciproquement des choses les plus grandes et les plus relevées qu'ils arrivaient à pénétrer. Ils étaient amis et correspondants très fidèles en tout.
4, 16, 554. J'ai déjà dit dans le chapitre 11, numéro 492, comment la même nuit que le Verbe Incarné naquit, ils furent avisés de Sa Naissance temporelle par le ministère des saints Anges . Et cela arriva de cette manière: l'un des Anges gardiens de notre Reine, supérieur à ceux qui gardaient ces trois Rois fut envoyé de la grotte; et comme supérieur il illustra les trois Anges des trois Rois, leur déclarant la Volonté et l'Ambassade du Seigneur afin que chacun d'eux manifestât le Mystère de l'Incarnation et de la Naissance de notre Rédempteur Jésus-Christ à celui qu'il gardait. Aussitôt les trois Anges parlèrent en songe, chacun au Mage qui lui était confié et à la même heure. Et tel est l'ordre commun des révélations angéliques de passer du Seigneur aux âmes par les Anges. Cette illustration de Rois sur le Mystère de l'Incarnation fut très abondante et très claire; parce qu'ils furent informés comment le Roi de Juifs était né Dieu et Homme véritable, qu'Il était le Messie et le Rédempteur qu'ils attendaient, Celui qui était promis dans leurs Écritures et leurs prophéties (2 Rois 7: 13) et que cette étoile que Balaam avait prophétisée leur serait donnée pour Le chercher. Les trois Rois comprirent aussi, chacun pour soi comment cet avis était donné aux deux autres; et que ce n'était point un bienfait ou une merveille pour demeurer oisive, mais qu'ils devaient opérer à la Lumière divine ce qu'elle leur enseignait. Ils furent élevés et embrasés dans un amour et des désirs très grands de connaître Dieu fait Homme, de L'adorer comme leur Créateur et leur Rédempteur et de Le servir avec une plus haute perfection, les excellentes vertus morales qu'ils avaient acquises les aidant pour tout cela; car avec elles ils étaient bien disposés pour recevoir la Lumière divine.
4, 16, 555. Après cette révélation du Ciel que les trois Rois Mages eurent en songe ils en sortirent; et aussitôt ils se prosternèrent en terre à la même heure, et
inclinés dans la poussière ils adorèrent en esprit l'Être Immuable de Dieu. Ils exaltèrent Sa Miséricorde et Sa Bonté infinie de ce que le Verbe Divin avait pris chair humaine d'une Vierge (Is. 7: 14) pour racheter le monde et donner le salut éternelle aux hommes (Is. 35: 4). Aussitôt ils déterminèrent tous les trois, singulièrement gouvernés par le même Esprit, de partir sans retard pour la Judée à la recherche de l'Enfant-Dieu pour L'adorer. Ils préparèrent les trois dons à porter, l'or, l'encens et la myrrhe en quantité égalé, parce qu'ils étaient guidés en tout avec mystère; et sans s'être communiqués ils furent uniformes dans leurs dispositions et leurs déterminations. Ils préparèrent le même jour le nécessaire, de chameaux, d'équipage et de serviteurs pour le voyage, afin de partir à la légère et avec promptitude. Et sans considérer la nouveauté qu'ils causeraient dans le peuple, ni qu'ils allaient dans un royaume étranger avec peu d'autorité et d'apparat, sans avoir une connaissance certaine du lieu, ni de signes pour reconnaître l'Enfant, ils déterminèrent avec un zèle et un amour fervent de partir aussitôt pour Le chercher.
4, 16, 556. En même temps le saint Ange qui était allé de Bethléem aux Rois forma de la matière de l'air une étoile resplendissante, quoique non aussi grande que celles du firmament; parce qu'elle ne monta pas plus haut que la fin de sa formation et elle demeura dans la région de l'air pour diriger et guider les saints Rois jusqu'à la grotte où était l'Enfant-Dieu. Mais elle était d'une clarté nouvelle, et différente de celle du soleil et des autres étoiles [c]; et avec sa très belle lumière elle éclairait de nuit comme une torche très brillante, et le jour elle se manifestait dans la splendeur du soleil par une activité extraordinaire. Chacun de ces Rois quoique d'endroits différents vit au sortir de sa maison la nouvelle étoile qu'était une seule, parce qu'elle était placée à une telle distance et à une telle hauteur que tous les trois pouvaient la voir en même temps. Puis se mettant tous les trois en chemins, ils allaient là où la miraculeuse étoile les conviait; ainsi ils se rejoignirent promptement. Alors elle s'approcha d'eux beaucoup plus, baissant et descendant une multitude de degrés dans la région de l'air, avec quoi les Mages jouissaient plus immédiatement de son éclat. Ils conférèrent ensemble des révélations qu'ils avaient eues et de l'intention que chacun avait qui était une seule et la même. Et dans cette conférence ils s'embrasèrent davantage dans la dévotion et les désirs d'adorer l'Enfant-Dieu nouveau-né. Ils demeurèrent ravis d'admiration et ils exaltèrent le Tout-Puissant dans Ses Oeuvres et Ses Mystères sublimes.
4, 16, 557. Les Mages poursuivirent leur chemin dirigés par l'étoile sans la perdre de vue, jusqu'à ce qu'ils arrivassent à Jérusalem. Et pour cette raison, et aussi parce que cette grande cité était la capitale et la métropole des Juifs, ils soupçonnèrent qu'elle serait la patrie où était né leur Roi véritable et légitime. Ils entrèrent dans la ville s'informant de Lui publiquement et disant: «Où est le Roi des Juifs qui est né ? Parce qu'en Orient nous avons vu Son étoile qui manifeste Sa naissance et nous venons Le voir et L'adorer. (Matt. 2: 1-2).» Cette nouvelle arriva aux oreilles d'Hérode [d] qui régnait alors en Judée quoiqu'injustement et qui vivait à Jérusalem; et l'inique roi surpris d'entendre qu'il était né un autre Roi plus légitime se troubla (Matt. 2: 3) et s'attrista beaucoup; et toute la ville s'émut avec lui, les uns pour le flatter et d'autres par la crainte de la nouveauté. Et aussitôt comme saint Matthieu le rapporte, Hérode commanda de faire une assemblée des princes des prêtres (Matt. 2: 4) et des scribes, et il les interrogea sur le lieu où devait naître le Christ qu'ils attendaient selon leurs prophéties et leurs Écritures. Ils lui répondirent que selon l'annonce d'un prophète (Matt. 2: 5), qui est Michée, il devait naître à Bethléem, parce qu'il laissa écrit que de là sortirait le Dominateur qui devait régir le peuple d'Israël.
4, 16, 558. Hérode informé du lieu de la naissance du nouveau Roi d'Israël, et méditant dès lors avec astuce de Le détruire, licencia les prêtres et appela (Matt. 2: 7) secrètement les Rois-Mages pour s'informer du temps où ils avaient vu l'étoile qui annonçait Sa naissance. Et comme ils le lui manifestèrent avec sincérité, il les renvoya à Bethléem et il leur dit avec une malice dissimulée: «Allez et informez-vous de l'Enfant, et en Le trouvant vous m'en donnerez aussitôt avis, afin que j'aille moi aussi Le reconnaître et L'adorer.» Les Mages partirent, laissant le roi hypocrite mal assuré et angoissé avec des signes si infaillibles que le légitime Seigneur des Juifs était né dans le monde. Et quoiqu'il eût pu se tranquilliser dans la possession de sa grandeur de savoir qu'un enfant nouveau-né ne pouvait régner si tôt, néanmoins la prospérité humaine est si faible et si trompeuse qu'un seul enfant la renverse et même un fantôme menaçant, lors même qu'il est éloigné: et la seule imagination empêche toute la consolation et tout le goût qu'elle offre trompeusement à celui qui la possède.
4, 16, 559. En sortant de Jérusalem les Mages trouvèrent l'étoile qu'ils avaient perdue à l'entrée. Et à sa lumière ils arrivèrent jusqu'à Bethléem et à la grotte de la
Naissance, sur laquelle elle arrêta son cours et elle s'inclina entrant par la porte; diminuant sa forme corporelle jusqu'à se placer sur la tête de l'Enfant-Jésus [e] qu'elle inonda de sa lumière et aussitôt elle se défit et se résolut en la matière dont elle avait d'abord été formée. Notre Auguste Souveraine était déjà prévenue de l'arrivée des Rois: et lorsqu'Elle comprit qu'ils étaient près de la grotte Elle en donna connaissance au saint époux Joseph, non pour qu'il s'éloignât, mais pour qu'il assistât à son côté, comme il le fit. Et quoique le texte sacré de l'Évangile ne le dise pas, parce que cela n'était pas nécessaire pour le Mystère, comme les autres choses que les Évangélistes laissèrent dans le silence; néanmoins il est certain que saint Joseph fut présent quand les Rois adorèrent l'Enfant-Jésus. Il n'était pas nécessaire d'user de précaution en cela; parce que les Mages venaient éclairés sur ce que la Mère du Nouveau-Né était Vierge et l'Enfant vrai Dieu et non pas fils de Joseph. Et Dieu n'aurait pas amené les Rois pour L'adorer s'ils avaient été si peu instruits que de manquer en une chose aussi essentielle comme de Le juger fils de Joseph et d'une mère non vierge; ils venaient instruits de tout et avec un sentiment très sublime de tout ce qui appartenait à des Mystères si sublimes et si magnifiques.
4, 16, 560. La divine Mère attendait les dévots et pieux Rois avec l'Enfant-Dieu dans ses bras; et Elle était avec une modestie et une beauté incomparables, découvrant à travers l'humble pauvreté des indices de majesté plus qu'humaine avec quelque splendeur sur le visage. L'Enfant avait une clarté beaucoup plus grande et Il répandait un grand éclat de lumière avec laquelle toute cette caverne devenait un Ciel. Les trois Rois de l'Orient y entrèrent, et à la première vue du Fils et de la Mère, ils demeurèrent émerveillés et en suspens pendant un temps assez long. Ils se prosternèrent en terre et dans cette posture ils révérèrent et adorèrent l'Enfant (Matt. 2: 11) Le reconnaissant vraie Dieu et vraie Homme et Réparateur du genre humain. Et avec la Puissance divine et la vue et la présence du très doux Jésus, ils furent de nouveau illuminés intérieurement. Ils connurent la multitude des esprits angéliques qui assistaient avec révérence et tremblement comme serviteurs et ministres du grand Roi (Héb. 1: 14) des rois et Seigneur des seigneurs. Ensuite ils se levèrent debout et ils félicitèrent leur Reine et la notre d'être Mère du Fils du Père Éternel et ils allèrent jusqu'à la révérer en ployant le genou. Ils lui demandèrent la main pour la lui baiser comme on avait accoutumé de faire dans leurs royaumes à l'égard des reines. La Très Prudente Souveraine retira sa main et offrit celle du Rédempteur du monde et dit: «Mon esprit se réjouit
dans le Seigneur et mon âme Le bénit et Le loue; parce qu'il vous a appelés et vous a choisis entre toutes les nations pour que vous arrivassiez à voir de vos yeux et à reconnaître ce que plusieurs rois (Apoc. 19: 16) et plusieurs prophètes ont désiré et n'ont point obtenu qui est le Verbe Incarné. Magnifions et louons Son Nom pour les sacrements et les miséricordes dont Il use envers Son peuple: baisons la terre qu'Il sanctifie par Sa royale Présence.»
4, 16, 561. A ces raisons de la Très Sainte Marie les trois Rois s'humilièrent de nouveau et adorèrent l'Enfant-Jésus; puis ils reconnurent le grand bienfait de ce que le Soleil de justice (Mal. 4: 2) leur était né si à bonne heure pour illuminer leurs ténèbres (Luc 1: 78-79); cela fait ils s'adressèrent à saint Joseph, exaltant son bonheur d'être l'époux de la Mère de Dieu même, et ils lui donnèrent des félicitations pour Elle, étonnés et attendris de tant de pauvreté où étaient renfermés les plus grands Mystères de la terre et des Cieux. Ils passèrent trois heures à ces choses, et les Rois demandèrent permission à la Très Sainte Marie d'aller prendre un logement à la ville, parce qu'il n'y avait point de place pour s'arrêter dans la grotte et y demeurer. Quelques personnes les suivaient; mais les Mages seuls participèrent aux effets de la lumière de la grâce. Les autres qui regardaient et considéraient seulement l'extérieur et l'état pauvre et méprisable de la Mère et de son époux ne connurent point le mystère bien qu'ils eussent quelque admiration de la nouveauté. Les Rois partirent et s'en allèrent, et la Très Sainte Marie et saint Joseph demeurèrent seuls avec l'Enfant, rendant gloire à Sa Majesté par de nouveaux cantiques de louanges, parce que Son Nom commençait à être connu (Ps. 85: 9) et adoré des Gentils. Puis le reste que firent les Mages je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
4, 16, 562. Ma fille, dans les événements que contient ce chapitre, il y aurait grand fondement d'instruction pour les rois, les princes et les autres enfants de la Sainte Église, dans la prompte dévotion et l'humilité des Mages afin de les imiter et dans la dureté inique d'Hérode pour la craindre: parce que chacun recueillit le fruit de ses oeuvres. Les Rois, celui de leurs grandes vertus et de la justice qu'ils
regardaient: et Hérode de son aveugle ambition et de son orgueil, avec lesquels il régnait injustement: et d'autres péchés dans lesquels le précipita son inclination sans modération et sans frein. Cependant pour ceux qui vivent dans le monde cela suffit avec toutes les autres doctrines qu'ils ont dans la Sainte Église. Mais toi, tu dois t'appliquer l'enseignement de ce que tu as écrit; considérant que toute la perfection de la vie chrétienne doit être fondée sur les vérités Catholiques et dans leur connaissance constante et ferme, comme l'enseigne la sainte Foi de l'Église. Et pour les mieux imprimer dans ton coeur, tu dois profiter de tout ce que tu liras et entendras des divines Écritures et des autres livres de dévotion et de doctrine des vertus. Cette sainte Foi doit être suivie de l'exécution de ces vertus avec une abondance de toutes les bonnes oeuvres, attendant toujours la visite et la venue du Très-Haut (Tit. 2: 13).
4, 16, 563. Avec cette disposition, ta volonté sera prompte comme je la veux, afin que celle du Tout-Puissant trouve en toi la suavité et la soumission nécessaires, pour qu'il n'y ait point de résistance à ce qu'Il te manifestera: mais qu'en le connaissant tu l'exécutes sans autre considération humaine. Et je te promets que si tu le fais comme tu dois, je serai ton Étoile et je te guiderai (Prov. 4: 11) par les sentiers du Seigneur, afin que tu chemines avec vélocité, jusqu'à ce que tu voies la Face de ton Dieu et ton Souverain Bien (Ps. 83: et que tu jouisses de Lui dans Sion. En cette Doctrine et en ce qui arriva aux Rois de l'Orient est renfermée une vérité très essentielle pour le salut des âmes; mais connue de très peu de personnes, et considérée d'un moindre nombre encore. C'est que les appels et les inspirations que Dieu envoie aux créatures ont régulièrement cet ordre: que les premières inspirations meuvent à opérer quelque vertu: et si l'âme y correspond le Très-Haut en envoie d'autres plus grandes pour opérer plus excellemment, et en profitant des unes on se dispose pour les autres, et l'on reçoit de nouveaux et plus grands secours. Et par cet ordre les faveurs du Seigneur vont en croissant, selon que la créature y correspond. D'où tu comprendras deux choses: l'une combien c'est une grande perte de mépriser les oeuvres de quelque vertu que ce soit et de ne point les exécuter selon que les Divines inspirations les dictent; la seconde, que Dieu donnerait souvent de grands secours aux âmes, si elles commençaient par répondre aux moindres; parce qu'Il est prêt et Il attend pour ainsi dire qu'elles Lui donnent lieu d'opérer selon l'équité de Ses jugements et de Sa justice. Et parce qu'elles méprisent cet ordre et qu'elles négligent de suivre leurs vocations, Il suspend le courant de Sa Divinité, et Il ne concède point ce qu'Il
désire et ce que les âmes devraient recevoir si elles ne mettaient point d'obstacle et d'empêchement; et pour cela elles vont d'un abîme à un autre (Ps. 41: .
4, 16, 564. Les Mages et Hérode suivirent deux chemins contraires; car les uns correspondirent par leurs bonnes oeuvres aux premiers secours et aux premières inspirations; et aussi ils se disposèrent par beaucoup de vertus à être appelés et attirés par la révélation Divine à la connaissance des Mystères de l'Incarnation, de la Nativité du Verbe Divin et de la Rédemption du genre humain: et de cette félicité à celle d'être saints et parfaits dans le chemin du Ciel. Mais le contraire arriva à Hérode, car sa dureté et le mépris qu'il fit de bien opérer avec le secours du Seigneur le portèrent à un orgueil et à une ambition si démesurée. Et ces vices l'entraînèrent jusqu'au dernier précipice de cruauté, intentant avant aucun autre des hommes, d'ôter la Vie au Rédempteur même du monde, et pour cela, feignant d'être pieux et dévot d'une piété simulée. Et son indignation furieuse pour le rencontrer débordant, il ôta la vie aux enfants innocents, afin que ses desseins damnés et pervers ne fussent point frustrés.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 16, [a]. En confirmation de ce que rapporte ici la Vénérable au sujet des trois Rois, nous produirons les témoignages des saints Pères et de la tradition. Les Mages étaient trois. Leurs images datent des temps apostoliques, comme le prouve Cromback dans son "Historia trium Regum", [l. C, c. 4]. Saint Athanase appelle l'Épiphanie, «le jour des trois Rois.» C'est le mot et le sens communs qu'ils furent rois, c'est-à-dire avec des royaumes qu'ils gouvernaient. C'est ce qu'affirment saint Cyprien, saint Jean Chrysostôme, saint Jérôme, saint Hilaire, Tertulien, saint Isidore, le Vénérable Bède, etc.. Mais saint Matthieu les appelle Mages. Enfin ils étaient originaires de la Perse, de l'Arabie et de Saba; c'est ce que disent saint Jean Chrysostôme, Euthime, Théophilacte, et saint Justin, martyr. Probablement l'un d'eux était de l'Inde. «On peut croire que l'un d'eux, probablement Melchior,
comme plus noir venait de l'Inde. L'autre appelé Gaspard était un Arabe de Saba; le troisième appelé Balthasar était ou Chaldéen ou Arabe.» [Cromback, opus cit. L. 3, c. 26].
4, 16, [b. Saint Augustin dit la même chose: «Pourquoi les Mages vinrent-ils? Parce qu'ils virent l'étoile. Et comment connurent-ils que c'était celle du Christ? Sans doute par quelque révélation.» [Serm., 67, de Dia., et Serm., 18].
4, 16, [c]. Saint Jean Chrysostôme écrit «que cette étoile surpassait même les rayons du soleil par sa grande splendeur et par tout ce qu'elle avait en propre.» Et saint Ignace, martyr, disciple de l'Apôtre saint Jean écrit aussi: «La lumière de l'étoile était inénarrable... sa clarté surpassait celle de toutes les autres étoiles.» [Epis., 14 ad Ephes.].
4, 16, [d]. Hérode qui était Iduméen s'était introduit dans le royaume de Juda par la fraude et il s'y maintenait par la violence. Il avait d'abord fait mourir Hircan, héritier légitime du royaume et du pontificat; ensuite Aristobule, petit-fils d'Hircan; puis Marianne, fille d'Hircan qu'il avait épousée, ensuite Alexandra mère de Marianne, et Alexandre et Aristobule, ses propres fils qu'il avait eus de Marianne, enfin son autre fils Antipâtre, et tout cela par peur qu'ils lui ôtassent le trône qu'il occupait injustement.
4, 16, [e]. Saint Augustin écrit de même: «Elle demeura sur la tête de l'Enfant, comme pour dire: "Voici le Roi des Juifs". [30 de Temp]. Que l'étoile fut ensuite dissoute, c'est ce que plusieurs affirment: «L'étoile ayant accompli son office en déposant sa matière se réduisit en air.»
Dernière édition par sga le Sam 18 Nov 2017 - 8:29, édité 1 fois
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 16
Les trois Rois Mages viennent de l'Orient et adorent le Verbe fait chair à Bethléem.
4, 16, 552. Les trois rois Mages qui vinrent à la recherche de l'Enfant-Dieu nouveau-né étaient naturels de la Perse, de l'Arabie et de Saba (Ps. 71: 10), régions qui sont à l'orient [a] de la Palestine. Et leur venue fut prophétisée spécialement par David et avant lui par Balaam quand il bénit le peuple Israël par la Volonté Divine, lorsque Balac (Nom. 23 et 24), roi des Moabites, l'avait amené pour le maudire. Entre ces bénédictions (Nom. 24: 17), Balaam dit de lui qu'il verrait le Christ-Roi, mais non bientôt et qu'il le regarderait quoique non de près: parce qu'il ne le vit pas par lui-même, mais par les Mages ses descendants; et ce ne fut pas aussitôt, mais après plusieurs siècles. Il dit aussi qu'il naîtrait une étoile de Jacob; parce qu'elle serait pour signaler Celui qui devait naître pour régner éternellement dans la maison de Jacob (Luc 1: 32).
4, 16, 553. Ces trois Rois étaient très sages dans les sciences naturelles et instruits dans les Écritures du peuple de Dieu; et à cause de leur grande science ils furent appelés Mages. Et par la connaissance des Écritures et les conférences avec quelques-uns des Hébreux, ils arrivèrent à avoir quelque créance de la venue du Messie que ce peuple attendait. Outre cela c'étaient des hommes droits, véritables et d'une grande justice dans le gouvernement de leurs États;`car étant pas si étendus que les royaumes d'à présent ils les gouvernaient facilement par eux-mêmes et ils administraient la justice comme rois sages et prudents; car tel est l'office légitime du roi et pour cela l'Esprit-Saint dit que Dieu tient le coeur du roi
dans Sa main (Prov. 21: 1), pour le diriger comme les divisions des eaux à ce qui est de Sa Volonté. Ils avaient aussi des coeurs grands et magnanimes, sans l'avarice ni la cupidité qui opprime, avilit et abaisse tant l'âme des princes. Et comme ces Mages étaient voisins dans leurs États, ils n'étaient pas éloignés les uns des autres; ils se connaissaient et se communiquaient dans les vertus morales qu'ils avaient et dans les sciences qu'ils professaient; et ils se donnaient connaissance réciproquement des choses les plus grandes et les plus relevées qu'ils arrivaient à pénétrer. Ils étaient amis et correspondants très fidèles en tout.
4, 16, 554. J'ai déjà dit dans le chapitre 11, numéro 492, comment la même nuit que le Verbe Incarné naquit, ils furent avisés de Sa Naissance temporelle par le ministère des saints Anges . Et cela arriva de cette manière: l'un des Anges gardiens de notre Reine, supérieur à ceux qui gardaient ces trois Rois fut envoyé de la grotte; et comme supérieur il illustra les trois Anges des trois Rois, leur déclarant la Volonté et l'Ambassade du Seigneur afin que chacun d'eux manifestât le Mystère de l'Incarnation et de la Naissance de notre Rédempteur Jésus-Christ à celui qu'il gardait. Aussitôt les trois Anges parlèrent en songe, chacun au Mage qui lui était confié et à la même heure. Et tel est l'ordre commun des révélations angéliques de passer du Seigneur aux âmes par les Anges. Cette illustration de Rois sur le Mystère de l'Incarnation fut très abondante et très claire; parce qu'ils furent informés comment le Roi de Juifs était né Dieu et Homme véritable, qu'Il était le Messie et le Rédempteur qu'ils attendaient, Celui qui était promis dans leurs Écritures et leurs prophéties (2 Rois 7: 13) et que cette étoile que Balaam avait prophétisée leur serait donnée pour Le chercher. Les trois Rois comprirent aussi, chacun pour soi comment cet avis était donné aux deux autres; et que ce n'était point un bienfait ou une merveille pour demeurer oisive, mais qu'ils devaient opérer à la Lumière divine ce qu'elle leur enseignait. Ils furent élevés et embrasés dans un amour et des désirs très grands de connaître Dieu fait Homme, de L'adorer comme leur Créateur et leur Rédempteur et de Le servir avec une plus haute perfection, les excellentes vertus morales qu'ils avaient acquises les aidant pour tout cela; car avec elles ils étaient bien disposés pour recevoir la Lumière divine.
4, 16, 555. Après cette révélation du Ciel que les trois Rois Mages eurent en songe ils en sortirent; et aussitôt ils se prosternèrent en terre à la même heure, et
inclinés dans la poussière ils adorèrent en esprit l'Être Immuable de Dieu. Ils exaltèrent Sa Miséricorde et Sa Bonté infinie de ce que le Verbe Divin avait pris chair humaine d'une Vierge (Is. 7: 14) pour racheter le monde et donner le salut éternelle aux hommes (Is. 35: 4). Aussitôt ils déterminèrent tous les trois, singulièrement gouvernés par le même Esprit, de partir sans retard pour la Judée à la recherche de l'Enfant-Dieu pour L'adorer. Ils préparèrent les trois dons à porter, l'or, l'encens et la myrrhe en quantité égalé, parce qu'ils étaient guidés en tout avec mystère; et sans s'être communiqués ils furent uniformes dans leurs dispositions et leurs déterminations. Ils préparèrent le même jour le nécessaire, de chameaux, d'équipage et de serviteurs pour le voyage, afin de partir à la légère et avec promptitude. Et sans considérer la nouveauté qu'ils causeraient dans le peuple, ni qu'ils allaient dans un royaume étranger avec peu d'autorité et d'apparat, sans avoir une connaissance certaine du lieu, ni de signes pour reconnaître l'Enfant, ils déterminèrent avec un zèle et un amour fervent de partir aussitôt pour Le chercher.
4, 16, 556. En même temps le saint Ange qui était allé de Bethléem aux Rois forma de la matière de l'air une étoile resplendissante, quoique non aussi grande que celles du firmament; parce qu'elle ne monta pas plus haut que la fin de sa formation et elle demeura dans la région de l'air pour diriger et guider les saints Rois jusqu'à la grotte où était l'Enfant-Dieu. Mais elle était d'une clarté nouvelle, et différente de celle du soleil et des autres étoiles [c]; et avec sa très belle lumière elle éclairait de nuit comme une torche très brillante, et le jour elle se manifestait dans la splendeur du soleil par une activité extraordinaire. Chacun de ces Rois quoique d'endroits différents vit au sortir de sa maison la nouvelle étoile qu'était une seule, parce qu'elle était placée à une telle distance et à une telle hauteur que tous les trois pouvaient la voir en même temps. Puis se mettant tous les trois en chemins, ils allaient là où la miraculeuse étoile les conviait; ainsi ils se rejoignirent promptement. Alors elle s'approcha d'eux beaucoup plus, baissant et descendant une multitude de degrés dans la région de l'air, avec quoi les Mages jouissaient plus immédiatement de son éclat. Ils conférèrent ensemble des révélations qu'ils avaient eues et de l'intention que chacun avait qui était une seule et la même. Et dans cette conférence ils s'embrasèrent davantage dans la dévotion et les désirs d'adorer l'Enfant-Dieu nouveau-né. Ils demeurèrent ravis d'admiration et ils exaltèrent le Tout-Puissant dans Ses Oeuvres et Ses Mystères sublimes.
4, 16, 557. Les Mages poursuivirent leur chemin dirigés par l'étoile sans la perdre de vue, jusqu'à ce qu'ils arrivassent à Jérusalem. Et pour cette raison, et aussi parce que cette grande cité était la capitale et la métropole des Juifs, ils soupçonnèrent qu'elle serait la patrie où était né leur Roi véritable et légitime. Ils entrèrent dans la ville s'informant de Lui publiquement et disant: «Où est le Roi des Juifs qui est né ? Parce qu'en Orient nous avons vu Son étoile qui manifeste Sa naissance et nous venons Le voir et L'adorer. (Matt. 2: 1-2).» Cette nouvelle arriva aux oreilles d'Hérode [d] qui régnait alors en Judée quoiqu'injustement et qui vivait à Jérusalem; et l'inique roi surpris d'entendre qu'il était né un autre Roi plus légitime se troubla (Matt. 2: 3) et s'attrista beaucoup; et toute la ville s'émut avec lui, les uns pour le flatter et d'autres par la crainte de la nouveauté. Et aussitôt comme saint Matthieu le rapporte, Hérode commanda de faire une assemblée des princes des prêtres (Matt. 2: 4) et des scribes, et il les interrogea sur le lieu où devait naître le Christ qu'ils attendaient selon leurs prophéties et leurs Écritures. Ils lui répondirent que selon l'annonce d'un prophète (Matt. 2: 5), qui est Michée, il devait naître à Bethléem, parce qu'il laissa écrit que de là sortirait le Dominateur qui devait régir le peuple d'Israël.
4, 16, 558. Hérode informé du lieu de la naissance du nouveau Roi d'Israël, et méditant dès lors avec astuce de Le détruire, licencia les prêtres et appela (Matt. 2: 7) secrètement les Rois-Mages pour s'informer du temps où ils avaient vu l'étoile qui annonçait Sa naissance. Et comme ils le lui manifestèrent avec sincérité, il les renvoya à Bethléem et il leur dit avec une malice dissimulée: «Allez et informez-vous de l'Enfant, et en Le trouvant vous m'en donnerez aussitôt avis, afin que j'aille moi aussi Le reconnaître et L'adorer.» Les Mages partirent, laissant le roi hypocrite mal assuré et angoissé avec des signes si infaillibles que le légitime Seigneur des Juifs était né dans le monde. Et quoiqu'il eût pu se tranquilliser dans la possession de sa grandeur de savoir qu'un enfant nouveau-né ne pouvait régner si tôt, néanmoins la prospérité humaine est si faible et si trompeuse qu'un seul enfant la renverse et même un fantôme menaçant, lors même qu'il est éloigné: et la seule imagination empêche toute la consolation et tout le goût qu'elle offre trompeusement à celui qui la possède.
4, 16, 559. En sortant de Jérusalem les Mages trouvèrent l'étoile qu'ils avaient perdue à l'entrée. Et à sa lumière ils arrivèrent jusqu'à Bethléem et à la grotte de la
Naissance, sur laquelle elle arrêta son cours et elle s'inclina entrant par la porte; diminuant sa forme corporelle jusqu'à se placer sur la tête de l'Enfant-Jésus [e] qu'elle inonda de sa lumière et aussitôt elle se défit et se résolut en la matière dont elle avait d'abord été formée. Notre Auguste Souveraine était déjà prévenue de l'arrivée des Rois: et lorsqu'Elle comprit qu'ils étaient près de la grotte Elle en donna connaissance au saint époux Joseph, non pour qu'il s'éloignât, mais pour qu'il assistât à son côté, comme il le fit. Et quoique le texte sacré de l'Évangile ne le dise pas, parce que cela n'était pas nécessaire pour le Mystère, comme les autres choses que les Évangélistes laissèrent dans le silence; néanmoins il est certain que saint Joseph fut présent quand les Rois adorèrent l'Enfant-Jésus. Il n'était pas nécessaire d'user de précaution en cela; parce que les Mages venaient éclairés sur ce que la Mère du Nouveau-Né était Vierge et l'Enfant vrai Dieu et non pas fils de Joseph. Et Dieu n'aurait pas amené les Rois pour L'adorer s'ils avaient été si peu instruits que de manquer en une chose aussi essentielle comme de Le juger fils de Joseph et d'une mère non vierge; ils venaient instruits de tout et avec un sentiment très sublime de tout ce qui appartenait à des Mystères si sublimes et si magnifiques.
4, 16, 560. La divine Mère attendait les dévots et pieux Rois avec l'Enfant-Dieu dans ses bras; et Elle était avec une modestie et une beauté incomparables, découvrant à travers l'humble pauvreté des indices de majesté plus qu'humaine avec quelque splendeur sur le visage. L'Enfant avait une clarté beaucoup plus grande et Il répandait un grand éclat de lumière avec laquelle toute cette caverne devenait un Ciel. Les trois Rois de l'Orient y entrèrent, et à la première vue du Fils et de la Mère, ils demeurèrent émerveillés et en suspens pendant un temps assez long. Ils se prosternèrent en terre et dans cette posture ils révérèrent et adorèrent l'Enfant (Matt. 2: 11) Le reconnaissant vraie Dieu et vraie Homme et Réparateur du genre humain. Et avec la Puissance divine et la vue et la présence du très doux Jésus, ils furent de nouveau illuminés intérieurement. Ils connurent la multitude des esprits angéliques qui assistaient avec révérence et tremblement comme serviteurs et ministres du grand Roi (Héb. 1: 14) des rois et Seigneur des seigneurs. Ensuite ils se levèrent debout et ils félicitèrent leur Reine et la notre d'être Mère du Fils du Père Éternel et ils allèrent jusqu'à la révérer en ployant le genou. Ils lui demandèrent la main pour la lui baiser comme on avait accoutumé de faire dans leurs royaumes à l'égard des reines. La Très Prudente Souveraine retira sa main et offrit celle du Rédempteur du monde et dit: «Mon esprit se réjouit
dans le Seigneur et mon âme Le bénit et Le loue; parce qu'il vous a appelés et vous a choisis entre toutes les nations pour que vous arrivassiez à voir de vos yeux et à reconnaître ce que plusieurs rois (Apoc. 19: 16) et plusieurs prophètes ont désiré et n'ont point obtenu qui est le Verbe Incarné. Magnifions et louons Son Nom pour les sacrements et les miséricordes dont Il use envers Son peuple: baisons la terre qu'Il sanctifie par Sa royale Présence.»
4, 16, 561. A ces raisons de la Très Sainte Marie les trois Rois s'humilièrent de nouveau et adorèrent l'Enfant-Jésus; puis ils reconnurent le grand bienfait de ce que le Soleil de justice (Mal. 4: 2) leur était né si à bonne heure pour illuminer leurs ténèbres (Luc 1: 78-79); cela fait ils s'adressèrent à saint Joseph, exaltant son bonheur d'être l'époux de la Mère de Dieu même, et ils lui donnèrent des félicitations pour Elle, étonnés et attendris de tant de pauvreté où étaient renfermés les plus grands Mystères de la terre et des Cieux. Ils passèrent trois heures à ces choses, et les Rois demandèrent permission à la Très Sainte Marie d'aller prendre un logement à la ville, parce qu'il n'y avait point de place pour s'arrêter dans la grotte et y demeurer. Quelques personnes les suivaient; mais les Mages seuls participèrent aux effets de la lumière de la grâce. Les autres qui regardaient et considéraient seulement l'extérieur et l'état pauvre et méprisable de la Mère et de son époux ne connurent point le mystère bien qu'ils eussent quelque admiration de la nouveauté. Les Rois partirent et s'en allèrent, et la Très Sainte Marie et saint Joseph demeurèrent seuls avec l'Enfant, rendant gloire à Sa Majesté par de nouveaux cantiques de louanges, parce que Son Nom commençait à être connu (Ps. 85: 9) et adoré des Gentils. Puis le reste que firent les Mages je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
4, 16, 562. Ma fille, dans les événements que contient ce chapitre, il y aurait grand fondement d'instruction pour les rois, les princes et les autres enfants de la Sainte Église, dans la prompte dévotion et l'humilité des Mages afin de les imiter et dans la dureté inique d'Hérode pour la craindre: parce que chacun recueillit le fruit de ses oeuvres. Les Rois, celui de leurs grandes vertus et de la justice qu'ils
regardaient: et Hérode de son aveugle ambition et de son orgueil, avec lesquels il régnait injustement: et d'autres péchés dans lesquels le précipita son inclination sans modération et sans frein. Cependant pour ceux qui vivent dans le monde cela suffit avec toutes les autres doctrines qu'ils ont dans la Sainte Église. Mais toi, tu dois t'appliquer l'enseignement de ce que tu as écrit; considérant que toute la perfection de la vie chrétienne doit être fondée sur les vérités Catholiques et dans leur connaissance constante et ferme, comme l'enseigne la sainte Foi de l'Église. Et pour les mieux imprimer dans ton coeur, tu dois profiter de tout ce que tu liras et entendras des divines Écritures et des autres livres de dévotion et de doctrine des vertus. Cette sainte Foi doit être suivie de l'exécution de ces vertus avec une abondance de toutes les bonnes oeuvres, attendant toujours la visite et la venue du Très-Haut (Tit. 2: 13).
4, 16, 563. Avec cette disposition, ta volonté sera prompte comme je la veux, afin que celle du Tout-Puissant trouve en toi la suavité et la soumission nécessaires, pour qu'il n'y ait point de résistance à ce qu'Il te manifestera: mais qu'en le connaissant tu l'exécutes sans autre considération humaine. Et je te promets que si tu le fais comme tu dois, je serai ton Étoile et je te guiderai (Prov. 4: 11) par les sentiers du Seigneur, afin que tu chemines avec vélocité, jusqu'à ce que tu voies la Face de ton Dieu et ton Souverain Bien (Ps. 83: et que tu jouisses de Lui dans Sion. En cette Doctrine et en ce qui arriva aux Rois de l'Orient est renfermée une vérité très essentielle pour le salut des âmes; mais connue de très peu de personnes, et considérée d'un moindre nombre encore. C'est que les appels et les inspirations que Dieu envoie aux créatures ont régulièrement cet ordre: que les premières inspirations meuvent à opérer quelque vertu: et si l'âme y correspond le Très-Haut en envoie d'autres plus grandes pour opérer plus excellemment, et en profitant des unes on se dispose pour les autres, et l'on reçoit de nouveaux et plus grands secours. Et par cet ordre les faveurs du Seigneur vont en croissant, selon que la créature y correspond. D'où tu comprendras deux choses: l'une combien c'est une grande perte de mépriser les oeuvres de quelque vertu que ce soit et de ne point les exécuter selon que les Divines inspirations les dictent; la seconde, que Dieu donnerait souvent de grands secours aux âmes, si elles commençaient par répondre aux moindres; parce qu'Il est prêt et Il attend pour ainsi dire qu'elles Lui donnent lieu d'opérer selon l'équité de Ses jugements et de Sa justice. Et parce qu'elles méprisent cet ordre et qu'elles négligent de suivre leurs vocations, Il suspend le courant de Sa Divinité, et Il ne concède point ce qu'Il
désire et ce que les âmes devraient recevoir si elles ne mettaient point d'obstacle et d'empêchement; et pour cela elles vont d'un abîme à un autre (Ps. 41: .
4, 16, 564. Les Mages et Hérode suivirent deux chemins contraires; car les uns correspondirent par leurs bonnes oeuvres aux premiers secours et aux premières inspirations; et aussi ils se disposèrent par beaucoup de vertus à être appelés et attirés par la révélation Divine à la connaissance des Mystères de l'Incarnation, de la Nativité du Verbe Divin et de la Rédemption du genre humain: et de cette félicité à celle d'être saints et parfaits dans le chemin du Ciel. Mais le contraire arriva à Hérode, car sa dureté et le mépris qu'il fit de bien opérer avec le secours du Seigneur le portèrent à un orgueil et à une ambition si démesurée. Et ces vices l'entraînèrent jusqu'au dernier précipice de cruauté, intentant avant aucun autre des hommes, d'ôter la Vie au Rédempteur même du monde, et pour cela, feignant d'être pieux et dévot d'une piété simulée. Et son indignation furieuse pour le rencontrer débordant, il ôta la vie aux enfants innocents, afin que ses desseins damnés et pervers ne fussent point frustrés.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 16, [a]. En confirmation de ce que rapporte ici la Vénérable au sujet des trois Rois, nous produirons les témoignages des saints Pères et de la tradition. Les Mages étaient trois. Leurs images datent des temps apostoliques, comme le prouve Cromback dans son "Historia trium Regum", [l. C, c. 4]. Saint Athanase appelle l'Épiphanie, «le jour des trois Rois.» C'est le mot et le sens communs qu'ils furent rois, c'est-à-dire avec des royaumes qu'ils gouvernaient. C'est ce qu'affirment saint Cyprien, saint Jean Chrysostôme, saint Jérôme, saint Hilaire, Tertulien, saint Isidore, le Vénérable Bède, etc.. Mais saint Matthieu les appelle Mages. Enfin ils étaient originaires de la Perse, de l'Arabie et de Saba; c'est ce que disent saint Jean Chrysostôme, Euthime, Théophilacte, et saint Justin, martyr. Probablement l'un d'eux était de l'Inde. «On peut croire que l'un d'eux, probablement Melchior,
comme plus noir venait de l'Inde. L'autre appelé Gaspard était un Arabe de Saba; le troisième appelé Balthasar était ou Chaldéen ou Arabe.» [Cromback, opus cit. L. 3, c. 26].
4, 16, [b. Saint Augustin dit la même chose: «Pourquoi les Mages vinrent-ils? Parce qu'ils virent l'étoile. Et comment connurent-ils que c'était celle du Christ? Sans doute par quelque révélation.» [Serm., 67, de Dia., et Serm., 18].
4, 16, [c]. Saint Jean Chrysostôme écrit «que cette étoile surpassait même les rayons du soleil par sa grande splendeur et par tout ce qu'elle avait en propre.» Et saint Ignace, martyr, disciple de l'Apôtre saint Jean écrit aussi: «La lumière de l'étoile était inénarrable... sa clarté surpassait celle de toutes les autres étoiles.» [Epis., 14 ad Ephes.].
4, 16, [d]. Hérode qui était Iduméen s'était introduit dans le royaume de Juda par la fraude et il s'y maintenait par la violence. Il avait d'abord fait mourir Hircan, héritier légitime du royaume et du pontificat; ensuite Aristobule, petit-fils d'Hircan; puis Marianne, fille d'Hircan qu'il avait épousée, ensuite Alexandra mère de Marianne, et Alexandre et Aristobule, ses propres fils qu'il avait eus de Marianne, enfin son autre fils Antipâtre, et tout cela par peur qu'ils lui ôtassent le trône qu'il occupait injustement.
4, 16, [e]. Saint Augustin écrit de même: «Elle demeura sur la tête de l'Enfant, comme pour dire: "Voici le Roi des Juifs". [30 de Temp]. Que l'étoile fut ensuite dissoute, c'est ce que plusieurs affirment: «L'étoile ayant accompli son office en déposant sa matière se réduisit en air.»
Les trois Rois Mages viennent de l'Orient et adorent le Verbe fait chair à Bethléem.
4, 16, 552. Les trois rois Mages qui vinrent à la recherche de l'Enfant-Dieu nouveau-né étaient naturels de la Perse, de l'Arabie et de Saba (Ps. 71: 10), régions qui sont à l'orient [a] de la Palestine. Et leur venue fut prophétisée spécialement par David et avant lui par Balaam quand il bénit le peuple Israël par la Volonté Divine, lorsque Balac (Nom. 23 et 24), roi des Moabites, l'avait amené pour le maudire. Entre ces bénédictions (Nom. 24: 17), Balaam dit de lui qu'il verrait le Christ-Roi, mais non bientôt et qu'il le regarderait quoique non de près: parce qu'il ne le vit pas par lui-même, mais par les Mages ses descendants; et ce ne fut pas aussitôt, mais après plusieurs siècles. Il dit aussi qu'il naîtrait une étoile de Jacob; parce qu'elle serait pour signaler Celui qui devait naître pour régner éternellement dans la maison de Jacob (Luc 1: 32).
4, 16, 553. Ces trois Rois étaient très sages dans les sciences naturelles et instruits dans les Écritures du peuple de Dieu; et à cause de leur grande science ils furent appelés Mages. Et par la connaissance des Écritures et les conférences avec quelques-uns des Hébreux, ils arrivèrent à avoir quelque créance de la venue du Messie que ce peuple attendait. Outre cela c'étaient des hommes droits, véritables et d'une grande justice dans le gouvernement de leurs États;`car étant pas si étendus que les royaumes d'à présent ils les gouvernaient facilement par eux-mêmes et ils administraient la justice comme rois sages et prudents; car tel est l'office légitime du roi et pour cela l'Esprit-Saint dit que Dieu tient le coeur du roi
dans Sa main (Prov. 21: 1), pour le diriger comme les divisions des eaux à ce qui est de Sa Volonté. Ils avaient aussi des coeurs grands et magnanimes, sans l'avarice ni la cupidité qui opprime, avilit et abaisse tant l'âme des princes. Et comme ces Mages étaient voisins dans leurs États, ils n'étaient pas éloignés les uns des autres; ils se connaissaient et se communiquaient dans les vertus morales qu'ils avaient et dans les sciences qu'ils professaient; et ils se donnaient connaissance réciproquement des choses les plus grandes et les plus relevées qu'ils arrivaient à pénétrer. Ils étaient amis et correspondants très fidèles en tout.
4, 16, 554. J'ai déjà dit dans le chapitre 11, numéro 492, comment la même nuit que le Verbe Incarné naquit, ils furent avisés de Sa Naissance temporelle par le ministère des saints Anges . Et cela arriva de cette manière: l'un des Anges gardiens de notre Reine, supérieur à ceux qui gardaient ces trois Rois fut envoyé de la grotte; et comme supérieur il illustra les trois Anges des trois Rois, leur déclarant la Volonté et l'Ambassade du Seigneur afin que chacun d'eux manifestât le Mystère de l'Incarnation et de la Naissance de notre Rédempteur Jésus-Christ à celui qu'il gardait. Aussitôt les trois Anges parlèrent en songe, chacun au Mage qui lui était confié et à la même heure. Et tel est l'ordre commun des révélations angéliques de passer du Seigneur aux âmes par les Anges. Cette illustration de Rois sur le Mystère de l'Incarnation fut très abondante et très claire; parce qu'ils furent informés comment le Roi de Juifs était né Dieu et Homme véritable, qu'Il était le Messie et le Rédempteur qu'ils attendaient, Celui qui était promis dans leurs Écritures et leurs prophéties (2 Rois 7: 13) et que cette étoile que Balaam avait prophétisée leur serait donnée pour Le chercher. Les trois Rois comprirent aussi, chacun pour soi comment cet avis était donné aux deux autres; et que ce n'était point un bienfait ou une merveille pour demeurer oisive, mais qu'ils devaient opérer à la Lumière divine ce qu'elle leur enseignait. Ils furent élevés et embrasés dans un amour et des désirs très grands de connaître Dieu fait Homme, de L'adorer comme leur Créateur et leur Rédempteur et de Le servir avec une plus haute perfection, les excellentes vertus morales qu'ils avaient acquises les aidant pour tout cela; car avec elles ils étaient bien disposés pour recevoir la Lumière divine.
4, 16, 555. Après cette révélation du Ciel que les trois Rois Mages eurent en songe ils en sortirent; et aussitôt ils se prosternèrent en terre à la même heure, et
inclinés dans la poussière ils adorèrent en esprit l'Être Immuable de Dieu. Ils exaltèrent Sa Miséricorde et Sa Bonté infinie de ce que le Verbe Divin avait pris chair humaine d'une Vierge (Is. 7: 14) pour racheter le monde et donner le salut éternelle aux hommes (Is. 35: 4). Aussitôt ils déterminèrent tous les trois, singulièrement gouvernés par le même Esprit, de partir sans retard pour la Judée à la recherche de l'Enfant-Dieu pour L'adorer. Ils préparèrent les trois dons à porter, l'or, l'encens et la myrrhe en quantité égalé, parce qu'ils étaient guidés en tout avec mystère; et sans s'être communiqués ils furent uniformes dans leurs dispositions et leurs déterminations. Ils préparèrent le même jour le nécessaire, de chameaux, d'équipage et de serviteurs pour le voyage, afin de partir à la légère et avec promptitude. Et sans considérer la nouveauté qu'ils causeraient dans le peuple, ni qu'ils allaient dans un royaume étranger avec peu d'autorité et d'apparat, sans avoir une connaissance certaine du lieu, ni de signes pour reconnaître l'Enfant, ils déterminèrent avec un zèle et un amour fervent de partir aussitôt pour Le chercher.
4, 16, 556. En même temps le saint Ange qui était allé de Bethléem aux Rois forma de la matière de l'air une étoile resplendissante, quoique non aussi grande que celles du firmament; parce qu'elle ne monta pas plus haut que la fin de sa formation et elle demeura dans la région de l'air pour diriger et guider les saints Rois jusqu'à la grotte où était l'Enfant-Dieu. Mais elle était d'une clarté nouvelle, et différente de celle du soleil et des autres étoiles [c]; et avec sa très belle lumière elle éclairait de nuit comme une torche très brillante, et le jour elle se manifestait dans la splendeur du soleil par une activité extraordinaire. Chacun de ces Rois quoique d'endroits différents vit au sortir de sa maison la nouvelle étoile qu'était une seule, parce qu'elle était placée à une telle distance et à une telle hauteur que tous les trois pouvaient la voir en même temps. Puis se mettant tous les trois en chemins, ils allaient là où la miraculeuse étoile les conviait; ainsi ils se rejoignirent promptement. Alors elle s'approcha d'eux beaucoup plus, baissant et descendant une multitude de degrés dans la région de l'air, avec quoi les Mages jouissaient plus immédiatement de son éclat. Ils conférèrent ensemble des révélations qu'ils avaient eues et de l'intention que chacun avait qui était une seule et la même. Et dans cette conférence ils s'embrasèrent davantage dans la dévotion et les désirs d'adorer l'Enfant-Dieu nouveau-né. Ils demeurèrent ravis d'admiration et ils exaltèrent le Tout-Puissant dans Ses Oeuvres et Ses Mystères sublimes.
4, 16, 557. Les Mages poursuivirent leur chemin dirigés par l'étoile sans la perdre de vue, jusqu'à ce qu'ils arrivassent à Jérusalem. Et pour cette raison, et aussi parce que cette grande cité était la capitale et la métropole des Juifs, ils soupçonnèrent qu'elle serait la patrie où était né leur Roi véritable et légitime. Ils entrèrent dans la ville s'informant de Lui publiquement et disant: «Où est le Roi des Juifs qui est né ? Parce qu'en Orient nous avons vu Son étoile qui manifeste Sa naissance et nous venons Le voir et L'adorer. (Matt. 2: 1-2).» Cette nouvelle arriva aux oreilles d'Hérode [d] qui régnait alors en Judée quoiqu'injustement et qui vivait à Jérusalem; et l'inique roi surpris d'entendre qu'il était né un autre Roi plus légitime se troubla (Matt. 2: 3) et s'attrista beaucoup; et toute la ville s'émut avec lui, les uns pour le flatter et d'autres par la crainte de la nouveauté. Et aussitôt comme saint Matthieu le rapporte, Hérode commanda de faire une assemblée des princes des prêtres (Matt. 2: 4) et des scribes, et il les interrogea sur le lieu où devait naître le Christ qu'ils attendaient selon leurs prophéties et leurs Écritures. Ils lui répondirent que selon l'annonce d'un prophète (Matt. 2: 5), qui est Michée, il devait naître à Bethléem, parce qu'il laissa écrit que de là sortirait le Dominateur qui devait régir le peuple d'Israël.
4, 16, 558. Hérode informé du lieu de la naissance du nouveau Roi d'Israël, et méditant dès lors avec astuce de Le détruire, licencia les prêtres et appela (Matt. 2: 7) secrètement les Rois-Mages pour s'informer du temps où ils avaient vu l'étoile qui annonçait Sa naissance. Et comme ils le lui manifestèrent avec sincérité, il les renvoya à Bethléem et il leur dit avec une malice dissimulée: «Allez et informez-vous de l'Enfant, et en Le trouvant vous m'en donnerez aussitôt avis, afin que j'aille moi aussi Le reconnaître et L'adorer.» Les Mages partirent, laissant le roi hypocrite mal assuré et angoissé avec des signes si infaillibles que le légitime Seigneur des Juifs était né dans le monde. Et quoiqu'il eût pu se tranquilliser dans la possession de sa grandeur de savoir qu'un enfant nouveau-né ne pouvait régner si tôt, néanmoins la prospérité humaine est si faible et si trompeuse qu'un seul enfant la renverse et même un fantôme menaçant, lors même qu'il est éloigné: et la seule imagination empêche toute la consolation et tout le goût qu'elle offre trompeusement à celui qui la possède.
4, 16, 559. En sortant de Jérusalem les Mages trouvèrent l'étoile qu'ils avaient perdue à l'entrée. Et à sa lumière ils arrivèrent jusqu'à Bethléem et à la grotte de la
Naissance, sur laquelle elle arrêta son cours et elle s'inclina entrant par la porte; diminuant sa forme corporelle jusqu'à se placer sur la tête de l'Enfant-Jésus [e] qu'elle inonda de sa lumière et aussitôt elle se défit et se résolut en la matière dont elle avait d'abord été formée. Notre Auguste Souveraine était déjà prévenue de l'arrivée des Rois: et lorsqu'Elle comprit qu'ils étaient près de la grotte Elle en donna connaissance au saint époux Joseph, non pour qu'il s'éloignât, mais pour qu'il assistât à son côté, comme il le fit. Et quoique le texte sacré de l'Évangile ne le dise pas, parce que cela n'était pas nécessaire pour le Mystère, comme les autres choses que les Évangélistes laissèrent dans le silence; néanmoins il est certain que saint Joseph fut présent quand les Rois adorèrent l'Enfant-Jésus. Il n'était pas nécessaire d'user de précaution en cela; parce que les Mages venaient éclairés sur ce que la Mère du Nouveau-Né était Vierge et l'Enfant vrai Dieu et non pas fils de Joseph. Et Dieu n'aurait pas amené les Rois pour L'adorer s'ils avaient été si peu instruits que de manquer en une chose aussi essentielle comme de Le juger fils de Joseph et d'une mère non vierge; ils venaient instruits de tout et avec un sentiment très sublime de tout ce qui appartenait à des Mystères si sublimes et si magnifiques.
4, 16, 560. La divine Mère attendait les dévots et pieux Rois avec l'Enfant-Dieu dans ses bras; et Elle était avec une modestie et une beauté incomparables, découvrant à travers l'humble pauvreté des indices de majesté plus qu'humaine avec quelque splendeur sur le visage. L'Enfant avait une clarté beaucoup plus grande et Il répandait un grand éclat de lumière avec laquelle toute cette caverne devenait un Ciel. Les trois Rois de l'Orient y entrèrent, et à la première vue du Fils et de la Mère, ils demeurèrent émerveillés et en suspens pendant un temps assez long. Ils se prosternèrent en terre et dans cette posture ils révérèrent et adorèrent l'Enfant (Matt. 2: 11) Le reconnaissant vraie Dieu et vraie Homme et Réparateur du genre humain. Et avec la Puissance divine et la vue et la présence du très doux Jésus, ils furent de nouveau illuminés intérieurement. Ils connurent la multitude des esprits angéliques qui assistaient avec révérence et tremblement comme serviteurs et ministres du grand Roi (Héb. 1: 14) des rois et Seigneur des seigneurs. Ensuite ils se levèrent debout et ils félicitèrent leur Reine et la notre d'être Mère du Fils du Père Éternel et ils allèrent jusqu'à la révérer en ployant le genou. Ils lui demandèrent la main pour la lui baiser comme on avait accoutumé de faire dans leurs royaumes à l'égard des reines. La Très Prudente Souveraine retira sa main et offrit celle du Rédempteur du monde et dit: «Mon esprit se réjouit
dans le Seigneur et mon âme Le bénit et Le loue; parce qu'il vous a appelés et vous a choisis entre toutes les nations pour que vous arrivassiez à voir de vos yeux et à reconnaître ce que plusieurs rois (Apoc. 19: 16) et plusieurs prophètes ont désiré et n'ont point obtenu qui est le Verbe Incarné. Magnifions et louons Son Nom pour les sacrements et les miséricordes dont Il use envers Son peuple: baisons la terre qu'Il sanctifie par Sa royale Présence.»
4, 16, 561. A ces raisons de la Très Sainte Marie les trois Rois s'humilièrent de nouveau et adorèrent l'Enfant-Jésus; puis ils reconnurent le grand bienfait de ce que le Soleil de justice (Mal. 4: 2) leur était né si à bonne heure pour illuminer leurs ténèbres (Luc 1: 78-79); cela fait ils s'adressèrent à saint Joseph, exaltant son bonheur d'être l'époux de la Mère de Dieu même, et ils lui donnèrent des félicitations pour Elle, étonnés et attendris de tant de pauvreté où étaient renfermés les plus grands Mystères de la terre et des Cieux. Ils passèrent trois heures à ces choses, et les Rois demandèrent permission à la Très Sainte Marie d'aller prendre un logement à la ville, parce qu'il n'y avait point de place pour s'arrêter dans la grotte et y demeurer. Quelques personnes les suivaient; mais les Mages seuls participèrent aux effets de la lumière de la grâce. Les autres qui regardaient et considéraient seulement l'extérieur et l'état pauvre et méprisable de la Mère et de son époux ne connurent point le mystère bien qu'ils eussent quelque admiration de la nouveauté. Les Rois partirent et s'en allèrent, et la Très Sainte Marie et saint Joseph demeurèrent seuls avec l'Enfant, rendant gloire à Sa Majesté par de nouveaux cantiques de louanges, parce que Son Nom commençait à être connu (Ps. 85: 9) et adoré des Gentils. Puis le reste que firent les Mages je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
4, 16, 562. Ma fille, dans les événements que contient ce chapitre, il y aurait grand fondement d'instruction pour les rois, les princes et les autres enfants de la Sainte Église, dans la prompte dévotion et l'humilité des Mages afin de les imiter et dans la dureté inique d'Hérode pour la craindre: parce que chacun recueillit le fruit de ses oeuvres. Les Rois, celui de leurs grandes vertus et de la justice qu'ils
regardaient: et Hérode de son aveugle ambition et de son orgueil, avec lesquels il régnait injustement: et d'autres péchés dans lesquels le précipita son inclination sans modération et sans frein. Cependant pour ceux qui vivent dans le monde cela suffit avec toutes les autres doctrines qu'ils ont dans la Sainte Église. Mais toi, tu dois t'appliquer l'enseignement de ce que tu as écrit; considérant que toute la perfection de la vie chrétienne doit être fondée sur les vérités Catholiques et dans leur connaissance constante et ferme, comme l'enseigne la sainte Foi de l'Église. Et pour les mieux imprimer dans ton coeur, tu dois profiter de tout ce que tu liras et entendras des divines Écritures et des autres livres de dévotion et de doctrine des vertus. Cette sainte Foi doit être suivie de l'exécution de ces vertus avec une abondance de toutes les bonnes oeuvres, attendant toujours la visite et la venue du Très-Haut (Tit. 2: 13).
4, 16, 563. Avec cette disposition, ta volonté sera prompte comme je la veux, afin que celle du Tout-Puissant trouve en toi la suavité et la soumission nécessaires, pour qu'il n'y ait point de résistance à ce qu'Il te manifestera: mais qu'en le connaissant tu l'exécutes sans autre considération humaine. Et je te promets que si tu le fais comme tu dois, je serai ton Étoile et je te guiderai (Prov. 4: 11) par les sentiers du Seigneur, afin que tu chemines avec vélocité, jusqu'à ce que tu voies la Face de ton Dieu et ton Souverain Bien (Ps. 83: et que tu jouisses de Lui dans Sion. En cette Doctrine et en ce qui arriva aux Rois de l'Orient est renfermée une vérité très essentielle pour le salut des âmes; mais connue de très peu de personnes, et considérée d'un moindre nombre encore. C'est que les appels et les inspirations que Dieu envoie aux créatures ont régulièrement cet ordre: que les premières inspirations meuvent à opérer quelque vertu: et si l'âme y correspond le Très-Haut en envoie d'autres plus grandes pour opérer plus excellemment, et en profitant des unes on se dispose pour les autres, et l'on reçoit de nouveaux et plus grands secours. Et par cet ordre les faveurs du Seigneur vont en croissant, selon que la créature y correspond. D'où tu comprendras deux choses: l'une combien c'est une grande perte de mépriser les oeuvres de quelque vertu que ce soit et de ne point les exécuter selon que les Divines inspirations les dictent; la seconde, que Dieu donnerait souvent de grands secours aux âmes, si elles commençaient par répondre aux moindres; parce qu'Il est prêt et Il attend pour ainsi dire qu'elles Lui donnent lieu d'opérer selon l'équité de Ses jugements et de Sa justice. Et parce qu'elles méprisent cet ordre et qu'elles négligent de suivre leurs vocations, Il suspend le courant de Sa Divinité, et Il ne concède point ce qu'Il
désire et ce que les âmes devraient recevoir si elles ne mettaient point d'obstacle et d'empêchement; et pour cela elles vont d'un abîme à un autre (Ps. 41: .
4, 16, 564. Les Mages et Hérode suivirent deux chemins contraires; car les uns correspondirent par leurs bonnes oeuvres aux premiers secours et aux premières inspirations; et aussi ils se disposèrent par beaucoup de vertus à être appelés et attirés par la révélation Divine à la connaissance des Mystères de l'Incarnation, de la Nativité du Verbe Divin et de la Rédemption du genre humain: et de cette félicité à celle d'être saints et parfaits dans le chemin du Ciel. Mais le contraire arriva à Hérode, car sa dureté et le mépris qu'il fit de bien opérer avec le secours du Seigneur le portèrent à un orgueil et à une ambition si démesurée. Et ces vices l'entraînèrent jusqu'au dernier précipice de cruauté, intentant avant aucun autre des hommes, d'ôter la Vie au Rédempteur même du monde, et pour cela, feignant d'être pieux et dévot d'une piété simulée. Et son indignation furieuse pour le rencontrer débordant, il ôta la vie aux enfants innocents, afin que ses desseins damnés et pervers ne fussent point frustrés.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 16, [a]. En confirmation de ce que rapporte ici la Vénérable au sujet des trois Rois, nous produirons les témoignages des saints Pères et de la tradition. Les Mages étaient trois. Leurs images datent des temps apostoliques, comme le prouve Cromback dans son "Historia trium Regum", [l. C, c. 4]. Saint Athanase appelle l'Épiphanie, «le jour des trois Rois.» C'est le mot et le sens communs qu'ils furent rois, c'est-à-dire avec des royaumes qu'ils gouvernaient. C'est ce qu'affirment saint Cyprien, saint Jean Chrysostôme, saint Jérôme, saint Hilaire, Tertulien, saint Isidore, le Vénérable Bède, etc.. Mais saint Matthieu les appelle Mages. Enfin ils étaient originaires de la Perse, de l'Arabie et de Saba; c'est ce que disent saint Jean Chrysostôme, Euthime, Théophilacte, et saint Justin, martyr. Probablement l'un d'eux était de l'Inde. «On peut croire que l'un d'eux, probablement Melchior,
comme plus noir venait de l'Inde. L'autre appelé Gaspard était un Arabe de Saba; le troisième appelé Balthasar était ou Chaldéen ou Arabe.» [Cromback, opus cit. L. 3, c. 26].
4, 16, [b. Saint Augustin dit la même chose: «Pourquoi les Mages vinrent-ils? Parce qu'ils virent l'étoile. Et comment connurent-ils que c'était celle du Christ? Sans doute par quelque révélation.» [Serm., 67, de Dia., et Serm., 18].
4, 16, [c]. Saint Jean Chrysostôme écrit «que cette étoile surpassait même les rayons du soleil par sa grande splendeur et par tout ce qu'elle avait en propre.» Et saint Ignace, martyr, disciple de l'Apôtre saint Jean écrit aussi: «La lumière de l'étoile était inénarrable... sa clarté surpassait celle de toutes les autres étoiles.» [Epis., 14 ad Ephes.].
4, 16, [d]. Hérode qui était Iduméen s'était introduit dans le royaume de Juda par la fraude et il s'y maintenait par la violence. Il avait d'abord fait mourir Hircan, héritier légitime du royaume et du pontificat; ensuite Aristobule, petit-fils d'Hircan; puis Marianne, fille d'Hircan qu'il avait épousée, ensuite Alexandra mère de Marianne, et Alexandre et Aristobule, ses propres fils qu'il avait eus de Marianne, enfin son autre fils Antipâtre, et tout cela par peur qu'ils lui ôtassent le trône qu'il occupait injustement.
4, 16, [e]. Saint Augustin écrit de même: «Elle demeura sur la tête de l'Enfant, comme pour dire: "Voici le Roi des Juifs". [30 de Temp]. Que l'étoile fut ensuite dissoute, c'est ce que plusieurs affirment: «L'étoile ayant accompli son office en déposant sa matière se réduisit en air.»
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 16
Les trois Rois Mages viennent de l'Orient et adorent le Verbe fait chair à Bethléem.
4, 16, 552. Les trois rois Mages qui vinrent à la recherche de l'Enfant-Dieu nouveau-né étaient naturels de la Perse, de l'Arabie et de Saba (Ps. 71: 10), régions qui sont à l'orient [a] de la Palestine. Et leur venue fut prophétisée spécialement par David et avant lui par Balaam quand il bénit le peuple Israël par la Volonté Divine, lorsque Balac (Nom. 23 et 24), roi des Moabites, l'avait amené pour le maudire. Entre ces bénédictions (Nom. 24: 17), Balaam dit de lui qu'il verrait le Christ-Roi, mais non bientôt et qu'il le regarderait quoique non de près: parce qu'il ne le vit pas par lui-même, mais par les Mages ses descendants; et ce ne fut pas aussitôt, mais après plusieurs siècles. Il dit aussi qu'il naîtrait une étoile de Jacob; parce qu'elle serait pour signaler Celui qui devait naître pour régner éternellement dans la maison de Jacob (Luc 1: 32).
4, 16, 553. Ces trois Rois étaient très sages dans les sciences naturelles et instruits dans les Écritures du peuple de Dieu; et à cause de leur grande science ils furent appelés Mages. Et par la connaissance des Écritures et les conférences avec quelques-uns des Hébreux, ils arrivèrent à avoir quelque créance de la venue du Messie que ce peuple attendait. Outre cela c'étaient des hommes droits, véritables et d'une grande justice dans le gouvernement de leurs États;`car étant pas si étendus que les royaumes d'à présent ils les gouvernaient facilement par eux-mêmes et ils administraient la justice comme rois sages et prudents; car tel est l'office légitime du roi et pour cela l'Esprit-Saint dit que Dieu tient le coeur du roi
dans Sa main (Prov. 21: 1), pour le diriger comme les divisions des eaux à ce qui est de Sa Volonté. Ils avaient aussi des coeurs grands et magnanimes, sans l'avarice ni la cupidité qui opprime, avilit et abaisse tant l'âme des princes. Et comme ces Mages étaient voisins dans leurs États, ils n'étaient pas éloignés les uns des autres; ils se connaissaient et se communiquaient dans les vertus morales qu'ils avaient et dans les sciences qu'ils professaient; et ils se donnaient connaissance réciproquement des choses les plus grandes et les plus relevées qu'ils arrivaient à pénétrer. Ils étaient amis et correspondants très fidèles en tout.
4, 16, 554. J'ai déjà dit dans le chapitre 11, numéro 492, comment la même nuit que le Verbe Incarné naquit, ils furent avisés de Sa Naissance temporelle par le ministère des saints Anges . Et cela arriva de cette manière: l'un des Anges gardiens de notre Reine, supérieur à ceux qui gardaient ces trois Rois fut envoyé de la grotte; et comme supérieur il illustra les trois Anges des trois Rois, leur déclarant la Volonté et l'Ambassade du Seigneur afin que chacun d'eux manifestât le Mystère de l'Incarnation et de la Naissance de notre Rédempteur Jésus-Christ à celui qu'il gardait. Aussitôt les trois Anges parlèrent en songe, chacun au Mage qui lui était confié et à la même heure. Et tel est l'ordre commun des révélations angéliques de passer du Seigneur aux âmes par les Anges. Cette illustration de Rois sur le Mystère de l'Incarnation fut très abondante et très claire; parce qu'ils furent informés comment le Roi de Juifs était né Dieu et Homme véritable, qu'Il était le Messie et le Rédempteur qu'ils attendaient, Celui qui était promis dans leurs Écritures et leurs prophéties (2 Rois 7: 13) et que cette étoile que Balaam avait prophétisée leur serait donnée pour Le chercher. Les trois Rois comprirent aussi, chacun pour soi comment cet avis était donné aux deux autres; et que ce n'était point un bienfait ou une merveille pour demeurer oisive, mais qu'ils devaient opérer à la Lumière divine ce qu'elle leur enseignait. Ils furent élevés et embrasés dans un amour et des désirs très grands de connaître Dieu fait Homme, de L'adorer comme leur Créateur et leur Rédempteur et de Le servir avec une plus haute perfection, les excellentes vertus morales qu'ils avaient acquises les aidant pour tout cela; car avec elles ils étaient bien disposés pour recevoir la Lumière divine.
4, 16, 555. Après cette révélation du Ciel que les trois Rois Mages eurent en songe ils en sortirent; et aussitôt ils se prosternèrent en terre à la même heure, et
inclinés dans la poussière ils adorèrent en esprit l'Être Immuable de Dieu. Ils exaltèrent Sa Miséricorde et Sa Bonté infinie de ce que le Verbe Divin avait pris chair humaine d'une Vierge (Is. 7: 14) pour racheter le monde et donner le salut éternelle aux hommes (Is. 35: 4). Aussitôt ils déterminèrent tous les trois, singulièrement gouvernés par le même Esprit, de partir sans retard pour la Judée à la recherche de l'Enfant-Dieu pour L'adorer. Ils préparèrent les trois dons à porter, l'or, l'encens et la myrrhe en quantité égalé, parce qu'ils étaient guidés en tout avec mystère; et sans s'être communiqués ils furent uniformes dans leurs dispositions et leurs déterminations. Ils préparèrent le même jour le nécessaire, de chameaux, d'équipage et de serviteurs pour le voyage, afin de partir à la légère et avec promptitude. Et sans considérer la nouveauté qu'ils causeraient dans le peuple, ni qu'ils allaient dans un royaume étranger avec peu d'autorité et d'apparat, sans avoir une connaissance certaine du lieu, ni de signes pour reconnaître l'Enfant, ils déterminèrent avec un zèle et un amour fervent de partir aussitôt pour Le chercher.
4, 16, 556. En même temps le saint Ange qui était allé de Bethléem aux Rois forma de la matière de l'air une étoile resplendissante, quoique non aussi grande que celles du firmament; parce qu'elle ne monta pas plus haut que la fin de sa formation et elle demeura dans la région de l'air pour diriger et guider les saints Rois jusqu'à la grotte où était l'Enfant-Dieu. Mais elle était d'une clarté nouvelle, et différente de celle du soleil et des autres étoiles [c]; et avec sa très belle lumière elle éclairait de nuit comme une torche très brillante, et le jour elle se manifestait dans la splendeur du soleil par une activité extraordinaire. Chacun de ces Rois quoique d'endroits différents vit au sortir de sa maison la nouvelle étoile qu'était une seule, parce qu'elle était placée à une telle distance et à une telle hauteur que tous les trois pouvaient la voir en même temps. Puis se mettant tous les trois en chemins, ils allaient là où la miraculeuse étoile les conviait; ainsi ils se rejoignirent promptement. Alors elle s'approcha d'eux beaucoup plus, baissant et descendant une multitude de degrés dans la région de l'air, avec quoi les Mages jouissaient plus immédiatement de son éclat. Ils conférèrent ensemble des révélations qu'ils avaient eues et de l'intention que chacun avait qui était une seule et la même. Et dans cette conférence ils s'embrasèrent davantage dans la dévotion et les désirs d'adorer l'Enfant-Dieu nouveau-né. Ils demeurèrent ravis d'admiration et ils exaltèrent le Tout-Puissant dans Ses Oeuvres et Ses Mystères sublimes.
4, 16, 557. Les Mages poursuivirent leur chemin dirigés par l'étoile sans la perdre de vue, jusqu'à ce qu'ils arrivassent à Jérusalem. Et pour cette raison, et aussi parce que cette grande cité était la capitale et la métropole des Juifs, ils soupçonnèrent qu'elle serait la patrie où était né leur Roi véritable et légitime. Ils entrèrent dans la ville s'informant de Lui publiquement et disant: «Où est le Roi des Juifs qui est né ? Parce qu'en Orient nous avons vu Son étoile qui manifeste Sa naissance et nous venons Le voir et L'adorer. (Matt. 2: 1-2).» Cette nouvelle arriva aux oreilles d'Hérode [d] qui régnait alors en Judée quoiqu'injustement et qui vivait à Jérusalem; et l'inique roi surpris d'entendre qu'il était né un autre Roi plus légitime se troubla (Matt. 2: 3) et s'attrista beaucoup; et toute la ville s'émut avec lui, les uns pour le flatter et d'autres par la crainte de la nouveauté. Et aussitôt comme saint Matthieu le rapporte, Hérode commanda de faire une assemblée des princes des prêtres (Matt. 2: 4) et des scribes, et il les interrogea sur le lieu où devait naître le Christ qu'ils attendaient selon leurs prophéties et leurs Écritures. Ils lui répondirent que selon l'annonce d'un prophète (Matt. 2: 5), qui est Michée, il devait naître à Bethléem, parce qu'il laissa écrit que de là sortirait le Dominateur qui devait régir le peuple d'Israël.
4, 16, 558. Hérode informé du lieu de la naissance du nouveau Roi d'Israël, et méditant dès lors avec astuce de Le détruire, licencia les prêtres et appela (Matt. 2: 7) secrètement les Rois-Mages pour s'informer du temps où ils avaient vu l'étoile qui annonçait Sa naissance. Et comme ils le lui manifestèrent avec sincérité, il les renvoya à Bethléem et il leur dit avec une malice dissimulée: «Allez et informez-vous de l'Enfant, et en Le trouvant vous m'en donnerez aussitôt avis, afin que j'aille moi aussi Le reconnaître et L'adorer.» Les Mages partirent, laissant le roi hypocrite mal assuré et angoissé avec des signes si infaillibles que le légitime Seigneur des Juifs était né dans le monde. Et quoiqu'il eût pu se tranquilliser dans la possession de sa grandeur de savoir qu'un enfant nouveau-né ne pouvait régner si tôt, néanmoins la prospérité humaine est si faible et si trompeuse qu'un seul enfant la renverse et même un fantôme menaçant, lors même qu'il est éloigné: et la seule imagination empêche toute la consolation et tout le goût qu'elle offre trompeusement à celui qui la possède.
4, 16, 559. En sortant de Jérusalem les Mages trouvèrent l'étoile qu'ils avaient perdue à l'entrée. Et à sa lumière ils arrivèrent jusqu'à Bethléem et à la grotte de la
Naissance, sur laquelle elle arrêta son cours et elle s'inclina entrant par la porte; diminuant sa forme corporelle jusqu'à se placer sur la tête de l'Enfant-Jésus [e] qu'elle inonda de sa lumière et aussitôt elle se défit et se résolut en la matière dont elle avait d'abord été formée. Notre Auguste Souveraine était déjà prévenue de l'arrivée des Rois: et lorsqu'Elle comprit qu'ils étaient près de la grotte Elle en donna connaissance au saint époux Joseph, non pour qu'il s'éloignât, mais pour qu'il assistât à son côté, comme il le fit. Et quoique le texte sacré de l'Évangile ne le dise pas, parce que cela n'était pas nécessaire pour le Mystère, comme les autres choses que les Évangélistes laissèrent dans le silence; néanmoins il est certain que saint Joseph fut présent quand les Rois adorèrent l'Enfant-Jésus. Il n'était pas nécessaire d'user de précaution en cela; parce que les Mages venaient éclairés sur ce que la Mère du Nouveau-Né était Vierge et l'Enfant vrai Dieu et non pas fils de Joseph. Et Dieu n'aurait pas amené les Rois pour L'adorer s'ils avaient été si peu instruits que de manquer en une chose aussi essentielle comme de Le juger fils de Joseph et d'une mère non vierge; ils venaient instruits de tout et avec un sentiment très sublime de tout ce qui appartenait à des Mystères si sublimes et si magnifiques.
4, 16, 560. La divine Mère attendait les dévots et pieux Rois avec l'Enfant-Dieu dans ses bras; et Elle était avec une modestie et une beauté incomparables, découvrant à travers l'humble pauvreté des indices de majesté plus qu'humaine avec quelque splendeur sur le visage. L'Enfant avait une clarté beaucoup plus grande et Il répandait un grand éclat de lumière avec laquelle toute cette caverne devenait un Ciel. Les trois Rois de l'Orient y entrèrent, et à la première vue du Fils et de la Mère, ils demeurèrent émerveillés et en suspens pendant un temps assez long. Ils se prosternèrent en terre et dans cette posture ils révérèrent et adorèrent l'Enfant (Matt. 2: 11) Le reconnaissant vraie Dieu et vraie Homme et Réparateur du genre humain. Et avec la Puissance divine et la vue et la présence du très doux Jésus, ils furent de nouveau illuminés intérieurement. Ils connurent la multitude des esprits angéliques qui assistaient avec révérence et tremblement comme serviteurs et ministres du grand Roi (Héb. 1: 14) des rois et Seigneur des seigneurs. Ensuite ils se levèrent debout et ils félicitèrent leur Reine et la notre d'être Mère du Fils du Père Éternel et ils allèrent jusqu'à la révérer en ployant le genou. Ils lui demandèrent la main pour la lui baiser comme on avait accoutumé de faire dans leurs royaumes à l'égard des reines. La Très Prudente Souveraine retira sa main et offrit celle du Rédempteur du monde et dit: «Mon esprit se réjouit
dans le Seigneur et mon âme Le bénit et Le loue; parce qu'il vous a appelés et vous a choisis entre toutes les nations pour que vous arrivassiez à voir de vos yeux et à reconnaître ce que plusieurs rois (Apoc. 19: 16) et plusieurs prophètes ont désiré et n'ont point obtenu qui est le Verbe Incarné. Magnifions et louons Son Nom pour les sacrements et les miséricordes dont Il use envers Son peuple: baisons la terre qu'Il sanctifie par Sa royale Présence.»
4, 16, 561. A ces raisons de la Très Sainte Marie les trois Rois s'humilièrent de nouveau et adorèrent l'Enfant-Jésus; puis ils reconnurent le grand bienfait de ce que le Soleil de justice (Mal. 4: 2) leur était né si à bonne heure pour illuminer leurs ténèbres (Luc 1: 78-79); cela fait ils s'adressèrent à saint Joseph, exaltant son bonheur d'être l'époux de la Mère de Dieu même, et ils lui donnèrent des félicitations pour Elle, étonnés et attendris de tant de pauvreté où étaient renfermés les plus grands Mystères de la terre et des Cieux. Ils passèrent trois heures à ces choses, et les Rois demandèrent permission à la Très Sainte Marie d'aller prendre un logement à la ville, parce qu'il n'y avait point de place pour s'arrêter dans la grotte et y demeurer. Quelques personnes les suivaient; mais les Mages seuls participèrent aux effets de la lumière de la grâce. Les autres qui regardaient et considéraient seulement l'extérieur et l'état pauvre et méprisable de la Mère et de son époux ne connurent point le mystère bien qu'ils eussent quelque admiration de la nouveauté. Les Rois partirent et s'en allèrent, et la Très Sainte Marie et saint Joseph demeurèrent seuls avec l'Enfant, rendant gloire à Sa Majesté par de nouveaux cantiques de louanges, parce que Son Nom commençait à être connu (Ps. 85: 9) et adoré des Gentils. Puis le reste que firent les Mages je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
4, 16, 562. Ma fille, dans les événements que contient ce chapitre, il y aurait grand fondement d'instruction pour les rois, les princes et les autres enfants de la Sainte Église, dans la prompte dévotion et l'humilité des Mages afin de les imiter et dans la dureté inique d'Hérode pour la craindre: parce que chacun recueillit le fruit de ses oeuvres. Les Rois, celui de leurs grandes vertus et de la justice qu'ils
regardaient: et Hérode de son aveugle ambition et de son orgueil, avec lesquels il régnait injustement: et d'autres péchés dans lesquels le précipita son inclination sans modération et sans frein. Cependant pour ceux qui vivent dans le monde cela suffit avec toutes les autres doctrines qu'ils ont dans la Sainte Église. Mais toi, tu dois t'appliquer l'enseignement de ce que tu as écrit; considérant que toute la perfection de la vie chrétienne doit être fondée sur les vérités Catholiques et dans leur connaissance constante et ferme, comme l'enseigne la sainte Foi de l'Église. Et pour les mieux imprimer dans ton coeur, tu dois profiter de tout ce que tu liras et entendras des divines Écritures et des autres livres de dévotion et de doctrine des vertus. Cette sainte Foi doit être suivie de l'exécution de ces vertus avec une abondance de toutes les bonnes oeuvres, attendant toujours la visite et la venue du Très-Haut (Tit. 2: 13).
4, 16, 563. Avec cette disposition, ta volonté sera prompte comme je la veux, afin que celle du Tout-Puissant trouve en toi la suavité et la soumission nécessaires, pour qu'il n'y ait point de résistance à ce qu'Il te manifestera: mais qu'en le connaissant tu l'exécutes sans autre considération humaine. Et je te promets que si tu le fais comme tu dois, je serai ton Étoile et je te guiderai (Prov. 4: 11) par les sentiers du Seigneur, afin que tu chemines avec vélocité, jusqu'à ce que tu voies la Face de ton Dieu et ton Souverain Bien (Ps. 83: et que tu jouisses de Lui dans Sion. En cette Doctrine et en ce qui arriva aux Rois de l'Orient est renfermée une vérité très essentielle pour le salut des âmes; mais connue de très peu de personnes, et considérée d'un moindre nombre encore. C'est que les appels et les inspirations que Dieu envoie aux créatures ont régulièrement cet ordre: que les premières inspirations meuvent à opérer quelque vertu: et si l'âme y correspond le Très-Haut en envoie d'autres plus grandes pour opérer plus excellemment, et en profitant des unes on se dispose pour les autres, et l'on reçoit de nouveaux et plus grands secours. Et par cet ordre les faveurs du Seigneur vont en croissant, selon que la créature y correspond. D'où tu comprendras deux choses: l'une combien c'est une grande perte de mépriser les oeuvres de quelque vertu que ce soit et de ne point les exécuter selon que les Divines inspirations les dictent; la seconde, que Dieu donnerait souvent de grands secours aux âmes, si elles commençaient par répondre aux moindres; parce qu'Il est prêt et Il attend pour ainsi dire qu'elles Lui donnent lieu d'opérer selon l'équité de Ses jugements et de Sa justice. Et parce qu'elles méprisent cet ordre et qu'elles négligent de suivre leurs vocations, Il suspend le courant de Sa Divinité, et Il ne concède point ce qu'Il
désire et ce que les âmes devraient recevoir si elles ne mettaient point d'obstacle et d'empêchement; et pour cela elles vont d'un abîme à un autre (Ps. 41: .
4, 16, 564. Les Mages et Hérode suivirent deux chemins contraires; car les uns correspondirent par leurs bonnes oeuvres aux premiers secours et aux premières inspirations; et aussi ils se disposèrent par beaucoup de vertus à être appelés et attirés par la révélation Divine à la connaissance des Mystères de l'Incarnation, de la Nativité du Verbe Divin et de la Rédemption du genre humain: et de cette félicité à celle d'être saints et parfaits dans le chemin du Ciel. Mais le contraire arriva à Hérode, car sa dureté et le mépris qu'il fit de bien opérer avec le secours du Seigneur le portèrent à un orgueil et à une ambition si démesurée. Et ces vices l'entraînèrent jusqu'au dernier précipice de cruauté, intentant avant aucun autre des hommes, d'ôter la Vie au Rédempteur même du monde, et pour cela, feignant d'être pieux et dévot d'une piété simulée. Et son indignation furieuse pour le rencontrer débordant, il ôta la vie aux enfants innocents, afin que ses desseins damnés et pervers ne fussent point frustrés.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 16, [a]. En confirmation de ce que rapporte ici la Vénérable au sujet des trois Rois, nous produirons les témoignages des saints Pères et de la tradition. Les Mages étaient trois. Leurs images datent des temps apostoliques, comme le prouve Cromback dans son "Historia trium Regum", [l. C, c. 4]. Saint Athanase appelle l'Épiphanie, «le jour des trois Rois.» C'est le mot et le sens communs qu'ils furent rois, c'est-à-dire avec des royaumes qu'ils gouvernaient. C'est ce qu'affirment saint Cyprien, saint Jean Chrysostôme, saint Jérôme, saint Hilaire, Tertulien, saint Isidore, le Vénérable Bède, etc.. Mais saint Matthieu les appelle Mages. Enfin ils étaient originaires de la Perse, de l'Arabie et de Saba; c'est ce que disent saint Jean Chrysostôme, Euthime, Théophilacte, et saint Justin, martyr. Probablement l'un d'eux était de l'Inde. «On peut croire que l'un d'eux, probablement Melchior,
comme plus noir venait de l'Inde. L'autre appelé Gaspard était un Arabe de Saba; le troisième appelé Balthasar était ou Chaldéen ou Arabe.» [Cromback, opus cit. L. 3, c. 26].
4, 16, [b. Saint Augustin dit la même chose: «Pourquoi les Mages vinrent-ils? Parce qu'ils virent l'étoile. Et comment connurent-ils que c'était celle du Christ? Sans doute par quelque révélation.» [Serm., 67, de Dia., et Serm., 18].
4, 16, [c]. Saint Jean Chrysostôme écrit «que cette étoile surpassait même les rayons du soleil par sa grande splendeur et par tout ce qu'elle avait en propre.» Et saint Ignace, martyr, disciple de l'Apôtre saint Jean écrit aussi: «La lumière de l'étoile était inénarrable... sa clarté surpassait celle de toutes les autres étoiles.» [Epis., 14 ad Ephes.].
4, 16, [d]. Hérode qui était Iduméen s'était introduit dans le royaume de Juda par la fraude et il s'y maintenait par la violence. Il avait d'abord fait mourir Hircan, héritier légitime du royaume et du pontificat; ensuite Aristobule, petit-fils d'Hircan; puis Marianne, fille d'Hircan qu'il avait épousée, ensuite Alexandra mère de Marianne, et Alexandre et Aristobule, ses propres fils qu'il avait eus de Marianne, enfin son autre fils Antipâtre, et tout cela par peur qu'ils lui ôtassent le trône qu'il occupait injustement.
4, 16, [e]. Saint Augustin écrit de même: «Elle demeura sur la tête de l'Enfant, comme pour dire: "Voici le Roi des Juifs". [30 de Temp]. Que l'étoile fut ensuite dissoute, c'est ce que plusieurs affirment: «L'étoile ayant accompli son office en déposant sa matière se réduisit en air.»
Les trois Rois Mages viennent de l'Orient et adorent le Verbe fait chair à Bethléem.
4, 16, 552. Les trois rois Mages qui vinrent à la recherche de l'Enfant-Dieu nouveau-né étaient naturels de la Perse, de l'Arabie et de Saba (Ps. 71: 10), régions qui sont à l'orient [a] de la Palestine. Et leur venue fut prophétisée spécialement par David et avant lui par Balaam quand il bénit le peuple Israël par la Volonté Divine, lorsque Balac (Nom. 23 et 24), roi des Moabites, l'avait amené pour le maudire. Entre ces bénédictions (Nom. 24: 17), Balaam dit de lui qu'il verrait le Christ-Roi, mais non bientôt et qu'il le regarderait quoique non de près: parce qu'il ne le vit pas par lui-même, mais par les Mages ses descendants; et ce ne fut pas aussitôt, mais après plusieurs siècles. Il dit aussi qu'il naîtrait une étoile de Jacob; parce qu'elle serait pour signaler Celui qui devait naître pour régner éternellement dans la maison de Jacob (Luc 1: 32).
4, 16, 553. Ces trois Rois étaient très sages dans les sciences naturelles et instruits dans les Écritures du peuple de Dieu; et à cause de leur grande science ils furent appelés Mages. Et par la connaissance des Écritures et les conférences avec quelques-uns des Hébreux, ils arrivèrent à avoir quelque créance de la venue du Messie que ce peuple attendait. Outre cela c'étaient des hommes droits, véritables et d'une grande justice dans le gouvernement de leurs États;`car étant pas si étendus que les royaumes d'à présent ils les gouvernaient facilement par eux-mêmes et ils administraient la justice comme rois sages et prudents; car tel est l'office légitime du roi et pour cela l'Esprit-Saint dit que Dieu tient le coeur du roi
dans Sa main (Prov. 21: 1), pour le diriger comme les divisions des eaux à ce qui est de Sa Volonté. Ils avaient aussi des coeurs grands et magnanimes, sans l'avarice ni la cupidité qui opprime, avilit et abaisse tant l'âme des princes. Et comme ces Mages étaient voisins dans leurs États, ils n'étaient pas éloignés les uns des autres; ils se connaissaient et se communiquaient dans les vertus morales qu'ils avaient et dans les sciences qu'ils professaient; et ils se donnaient connaissance réciproquement des choses les plus grandes et les plus relevées qu'ils arrivaient à pénétrer. Ils étaient amis et correspondants très fidèles en tout.
4, 16, 554. J'ai déjà dit dans le chapitre 11, numéro 492, comment la même nuit que le Verbe Incarné naquit, ils furent avisés de Sa Naissance temporelle par le ministère des saints Anges . Et cela arriva de cette manière: l'un des Anges gardiens de notre Reine, supérieur à ceux qui gardaient ces trois Rois fut envoyé de la grotte; et comme supérieur il illustra les trois Anges des trois Rois, leur déclarant la Volonté et l'Ambassade du Seigneur afin que chacun d'eux manifestât le Mystère de l'Incarnation et de la Naissance de notre Rédempteur Jésus-Christ à celui qu'il gardait. Aussitôt les trois Anges parlèrent en songe, chacun au Mage qui lui était confié et à la même heure. Et tel est l'ordre commun des révélations angéliques de passer du Seigneur aux âmes par les Anges. Cette illustration de Rois sur le Mystère de l'Incarnation fut très abondante et très claire; parce qu'ils furent informés comment le Roi de Juifs était né Dieu et Homme véritable, qu'Il était le Messie et le Rédempteur qu'ils attendaient, Celui qui était promis dans leurs Écritures et leurs prophéties (2 Rois 7: 13) et que cette étoile que Balaam avait prophétisée leur serait donnée pour Le chercher. Les trois Rois comprirent aussi, chacun pour soi comment cet avis était donné aux deux autres; et que ce n'était point un bienfait ou une merveille pour demeurer oisive, mais qu'ils devaient opérer à la Lumière divine ce qu'elle leur enseignait. Ils furent élevés et embrasés dans un amour et des désirs très grands de connaître Dieu fait Homme, de L'adorer comme leur Créateur et leur Rédempteur et de Le servir avec une plus haute perfection, les excellentes vertus morales qu'ils avaient acquises les aidant pour tout cela; car avec elles ils étaient bien disposés pour recevoir la Lumière divine.
4, 16, 555. Après cette révélation du Ciel que les trois Rois Mages eurent en songe ils en sortirent; et aussitôt ils se prosternèrent en terre à la même heure, et
inclinés dans la poussière ils adorèrent en esprit l'Être Immuable de Dieu. Ils exaltèrent Sa Miséricorde et Sa Bonté infinie de ce que le Verbe Divin avait pris chair humaine d'une Vierge (Is. 7: 14) pour racheter le monde et donner le salut éternelle aux hommes (Is. 35: 4). Aussitôt ils déterminèrent tous les trois, singulièrement gouvernés par le même Esprit, de partir sans retard pour la Judée à la recherche de l'Enfant-Dieu pour L'adorer. Ils préparèrent les trois dons à porter, l'or, l'encens et la myrrhe en quantité égalé, parce qu'ils étaient guidés en tout avec mystère; et sans s'être communiqués ils furent uniformes dans leurs dispositions et leurs déterminations. Ils préparèrent le même jour le nécessaire, de chameaux, d'équipage et de serviteurs pour le voyage, afin de partir à la légère et avec promptitude. Et sans considérer la nouveauté qu'ils causeraient dans le peuple, ni qu'ils allaient dans un royaume étranger avec peu d'autorité et d'apparat, sans avoir une connaissance certaine du lieu, ni de signes pour reconnaître l'Enfant, ils déterminèrent avec un zèle et un amour fervent de partir aussitôt pour Le chercher.
4, 16, 556. En même temps le saint Ange qui était allé de Bethléem aux Rois forma de la matière de l'air une étoile resplendissante, quoique non aussi grande que celles du firmament; parce qu'elle ne monta pas plus haut que la fin de sa formation et elle demeura dans la région de l'air pour diriger et guider les saints Rois jusqu'à la grotte où était l'Enfant-Dieu. Mais elle était d'une clarté nouvelle, et différente de celle du soleil et des autres étoiles [c]; et avec sa très belle lumière elle éclairait de nuit comme une torche très brillante, et le jour elle se manifestait dans la splendeur du soleil par une activité extraordinaire. Chacun de ces Rois quoique d'endroits différents vit au sortir de sa maison la nouvelle étoile qu'était une seule, parce qu'elle était placée à une telle distance et à une telle hauteur que tous les trois pouvaient la voir en même temps. Puis se mettant tous les trois en chemins, ils allaient là où la miraculeuse étoile les conviait; ainsi ils se rejoignirent promptement. Alors elle s'approcha d'eux beaucoup plus, baissant et descendant une multitude de degrés dans la région de l'air, avec quoi les Mages jouissaient plus immédiatement de son éclat. Ils conférèrent ensemble des révélations qu'ils avaient eues et de l'intention que chacun avait qui était une seule et la même. Et dans cette conférence ils s'embrasèrent davantage dans la dévotion et les désirs d'adorer l'Enfant-Dieu nouveau-né. Ils demeurèrent ravis d'admiration et ils exaltèrent le Tout-Puissant dans Ses Oeuvres et Ses Mystères sublimes.
4, 16, 557. Les Mages poursuivirent leur chemin dirigés par l'étoile sans la perdre de vue, jusqu'à ce qu'ils arrivassent à Jérusalem. Et pour cette raison, et aussi parce que cette grande cité était la capitale et la métropole des Juifs, ils soupçonnèrent qu'elle serait la patrie où était né leur Roi véritable et légitime. Ils entrèrent dans la ville s'informant de Lui publiquement et disant: «Où est le Roi des Juifs qui est né ? Parce qu'en Orient nous avons vu Son étoile qui manifeste Sa naissance et nous venons Le voir et L'adorer. (Matt. 2: 1-2).» Cette nouvelle arriva aux oreilles d'Hérode [d] qui régnait alors en Judée quoiqu'injustement et qui vivait à Jérusalem; et l'inique roi surpris d'entendre qu'il était né un autre Roi plus légitime se troubla (Matt. 2: 3) et s'attrista beaucoup; et toute la ville s'émut avec lui, les uns pour le flatter et d'autres par la crainte de la nouveauté. Et aussitôt comme saint Matthieu le rapporte, Hérode commanda de faire une assemblée des princes des prêtres (Matt. 2: 4) et des scribes, et il les interrogea sur le lieu où devait naître le Christ qu'ils attendaient selon leurs prophéties et leurs Écritures. Ils lui répondirent que selon l'annonce d'un prophète (Matt. 2: 5), qui est Michée, il devait naître à Bethléem, parce qu'il laissa écrit que de là sortirait le Dominateur qui devait régir le peuple d'Israël.
4, 16, 558. Hérode informé du lieu de la naissance du nouveau Roi d'Israël, et méditant dès lors avec astuce de Le détruire, licencia les prêtres et appela (Matt. 2: 7) secrètement les Rois-Mages pour s'informer du temps où ils avaient vu l'étoile qui annonçait Sa naissance. Et comme ils le lui manifestèrent avec sincérité, il les renvoya à Bethléem et il leur dit avec une malice dissimulée: «Allez et informez-vous de l'Enfant, et en Le trouvant vous m'en donnerez aussitôt avis, afin que j'aille moi aussi Le reconnaître et L'adorer.» Les Mages partirent, laissant le roi hypocrite mal assuré et angoissé avec des signes si infaillibles que le légitime Seigneur des Juifs était né dans le monde. Et quoiqu'il eût pu se tranquilliser dans la possession de sa grandeur de savoir qu'un enfant nouveau-né ne pouvait régner si tôt, néanmoins la prospérité humaine est si faible et si trompeuse qu'un seul enfant la renverse et même un fantôme menaçant, lors même qu'il est éloigné: et la seule imagination empêche toute la consolation et tout le goût qu'elle offre trompeusement à celui qui la possède.
4, 16, 559. En sortant de Jérusalem les Mages trouvèrent l'étoile qu'ils avaient perdue à l'entrée. Et à sa lumière ils arrivèrent jusqu'à Bethléem et à la grotte de la
Naissance, sur laquelle elle arrêta son cours et elle s'inclina entrant par la porte; diminuant sa forme corporelle jusqu'à se placer sur la tête de l'Enfant-Jésus [e] qu'elle inonda de sa lumière et aussitôt elle se défit et se résolut en la matière dont elle avait d'abord été formée. Notre Auguste Souveraine était déjà prévenue de l'arrivée des Rois: et lorsqu'Elle comprit qu'ils étaient près de la grotte Elle en donna connaissance au saint époux Joseph, non pour qu'il s'éloignât, mais pour qu'il assistât à son côté, comme il le fit. Et quoique le texte sacré de l'Évangile ne le dise pas, parce que cela n'était pas nécessaire pour le Mystère, comme les autres choses que les Évangélistes laissèrent dans le silence; néanmoins il est certain que saint Joseph fut présent quand les Rois adorèrent l'Enfant-Jésus. Il n'était pas nécessaire d'user de précaution en cela; parce que les Mages venaient éclairés sur ce que la Mère du Nouveau-Né était Vierge et l'Enfant vrai Dieu et non pas fils de Joseph. Et Dieu n'aurait pas amené les Rois pour L'adorer s'ils avaient été si peu instruits que de manquer en une chose aussi essentielle comme de Le juger fils de Joseph et d'une mère non vierge; ils venaient instruits de tout et avec un sentiment très sublime de tout ce qui appartenait à des Mystères si sublimes et si magnifiques.
4, 16, 560. La divine Mère attendait les dévots et pieux Rois avec l'Enfant-Dieu dans ses bras; et Elle était avec une modestie et une beauté incomparables, découvrant à travers l'humble pauvreté des indices de majesté plus qu'humaine avec quelque splendeur sur le visage. L'Enfant avait une clarté beaucoup plus grande et Il répandait un grand éclat de lumière avec laquelle toute cette caverne devenait un Ciel. Les trois Rois de l'Orient y entrèrent, et à la première vue du Fils et de la Mère, ils demeurèrent émerveillés et en suspens pendant un temps assez long. Ils se prosternèrent en terre et dans cette posture ils révérèrent et adorèrent l'Enfant (Matt. 2: 11) Le reconnaissant vraie Dieu et vraie Homme et Réparateur du genre humain. Et avec la Puissance divine et la vue et la présence du très doux Jésus, ils furent de nouveau illuminés intérieurement. Ils connurent la multitude des esprits angéliques qui assistaient avec révérence et tremblement comme serviteurs et ministres du grand Roi (Héb. 1: 14) des rois et Seigneur des seigneurs. Ensuite ils se levèrent debout et ils félicitèrent leur Reine et la notre d'être Mère du Fils du Père Éternel et ils allèrent jusqu'à la révérer en ployant le genou. Ils lui demandèrent la main pour la lui baiser comme on avait accoutumé de faire dans leurs royaumes à l'égard des reines. La Très Prudente Souveraine retira sa main et offrit celle du Rédempteur du monde et dit: «Mon esprit se réjouit
dans le Seigneur et mon âme Le bénit et Le loue; parce qu'il vous a appelés et vous a choisis entre toutes les nations pour que vous arrivassiez à voir de vos yeux et à reconnaître ce que plusieurs rois (Apoc. 19: 16) et plusieurs prophètes ont désiré et n'ont point obtenu qui est le Verbe Incarné. Magnifions et louons Son Nom pour les sacrements et les miséricordes dont Il use envers Son peuple: baisons la terre qu'Il sanctifie par Sa royale Présence.»
4, 16, 561. A ces raisons de la Très Sainte Marie les trois Rois s'humilièrent de nouveau et adorèrent l'Enfant-Jésus; puis ils reconnurent le grand bienfait de ce que le Soleil de justice (Mal. 4: 2) leur était né si à bonne heure pour illuminer leurs ténèbres (Luc 1: 78-79); cela fait ils s'adressèrent à saint Joseph, exaltant son bonheur d'être l'époux de la Mère de Dieu même, et ils lui donnèrent des félicitations pour Elle, étonnés et attendris de tant de pauvreté où étaient renfermés les plus grands Mystères de la terre et des Cieux. Ils passèrent trois heures à ces choses, et les Rois demandèrent permission à la Très Sainte Marie d'aller prendre un logement à la ville, parce qu'il n'y avait point de place pour s'arrêter dans la grotte et y demeurer. Quelques personnes les suivaient; mais les Mages seuls participèrent aux effets de la lumière de la grâce. Les autres qui regardaient et considéraient seulement l'extérieur et l'état pauvre et méprisable de la Mère et de son époux ne connurent point le mystère bien qu'ils eussent quelque admiration de la nouveauté. Les Rois partirent et s'en allèrent, et la Très Sainte Marie et saint Joseph demeurèrent seuls avec l'Enfant, rendant gloire à Sa Majesté par de nouveaux cantiques de louanges, parce que Son Nom commençait à être connu (Ps. 85: 9) et adoré des Gentils. Puis le reste que firent les Mages je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
4, 16, 562. Ma fille, dans les événements que contient ce chapitre, il y aurait grand fondement d'instruction pour les rois, les princes et les autres enfants de la Sainte Église, dans la prompte dévotion et l'humilité des Mages afin de les imiter et dans la dureté inique d'Hérode pour la craindre: parce que chacun recueillit le fruit de ses oeuvres. Les Rois, celui de leurs grandes vertus et de la justice qu'ils
regardaient: et Hérode de son aveugle ambition et de son orgueil, avec lesquels il régnait injustement: et d'autres péchés dans lesquels le précipita son inclination sans modération et sans frein. Cependant pour ceux qui vivent dans le monde cela suffit avec toutes les autres doctrines qu'ils ont dans la Sainte Église. Mais toi, tu dois t'appliquer l'enseignement de ce que tu as écrit; considérant que toute la perfection de la vie chrétienne doit être fondée sur les vérités Catholiques et dans leur connaissance constante et ferme, comme l'enseigne la sainte Foi de l'Église. Et pour les mieux imprimer dans ton coeur, tu dois profiter de tout ce que tu liras et entendras des divines Écritures et des autres livres de dévotion et de doctrine des vertus. Cette sainte Foi doit être suivie de l'exécution de ces vertus avec une abondance de toutes les bonnes oeuvres, attendant toujours la visite et la venue du Très-Haut (Tit. 2: 13).
4, 16, 563. Avec cette disposition, ta volonté sera prompte comme je la veux, afin que celle du Tout-Puissant trouve en toi la suavité et la soumission nécessaires, pour qu'il n'y ait point de résistance à ce qu'Il te manifestera: mais qu'en le connaissant tu l'exécutes sans autre considération humaine. Et je te promets que si tu le fais comme tu dois, je serai ton Étoile et je te guiderai (Prov. 4: 11) par les sentiers du Seigneur, afin que tu chemines avec vélocité, jusqu'à ce que tu voies la Face de ton Dieu et ton Souverain Bien (Ps. 83: et que tu jouisses de Lui dans Sion. En cette Doctrine et en ce qui arriva aux Rois de l'Orient est renfermée une vérité très essentielle pour le salut des âmes; mais connue de très peu de personnes, et considérée d'un moindre nombre encore. C'est que les appels et les inspirations que Dieu envoie aux créatures ont régulièrement cet ordre: que les premières inspirations meuvent à opérer quelque vertu: et si l'âme y correspond le Très-Haut en envoie d'autres plus grandes pour opérer plus excellemment, et en profitant des unes on se dispose pour les autres, et l'on reçoit de nouveaux et plus grands secours. Et par cet ordre les faveurs du Seigneur vont en croissant, selon que la créature y correspond. D'où tu comprendras deux choses: l'une combien c'est une grande perte de mépriser les oeuvres de quelque vertu que ce soit et de ne point les exécuter selon que les Divines inspirations les dictent; la seconde, que Dieu donnerait souvent de grands secours aux âmes, si elles commençaient par répondre aux moindres; parce qu'Il est prêt et Il attend pour ainsi dire qu'elles Lui donnent lieu d'opérer selon l'équité de Ses jugements et de Sa justice. Et parce qu'elles méprisent cet ordre et qu'elles négligent de suivre leurs vocations, Il suspend le courant de Sa Divinité, et Il ne concède point ce qu'Il
désire et ce que les âmes devraient recevoir si elles ne mettaient point d'obstacle et d'empêchement; et pour cela elles vont d'un abîme à un autre (Ps. 41: .
4, 16, 564. Les Mages et Hérode suivirent deux chemins contraires; car les uns correspondirent par leurs bonnes oeuvres aux premiers secours et aux premières inspirations; et aussi ils se disposèrent par beaucoup de vertus à être appelés et attirés par la révélation Divine à la connaissance des Mystères de l'Incarnation, de la Nativité du Verbe Divin et de la Rédemption du genre humain: et de cette félicité à celle d'être saints et parfaits dans le chemin du Ciel. Mais le contraire arriva à Hérode, car sa dureté et le mépris qu'il fit de bien opérer avec le secours du Seigneur le portèrent à un orgueil et à une ambition si démesurée. Et ces vices l'entraînèrent jusqu'au dernier précipice de cruauté, intentant avant aucun autre des hommes, d'ôter la Vie au Rédempteur même du monde, et pour cela, feignant d'être pieux et dévot d'une piété simulée. Et son indignation furieuse pour le rencontrer débordant, il ôta la vie aux enfants innocents, afin que ses desseins damnés et pervers ne fussent point frustrés.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 16, [a]. En confirmation de ce que rapporte ici la Vénérable au sujet des trois Rois, nous produirons les témoignages des saints Pères et de la tradition. Les Mages étaient trois. Leurs images datent des temps apostoliques, comme le prouve Cromback dans son "Historia trium Regum", [l. C, c. 4]. Saint Athanase appelle l'Épiphanie, «le jour des trois Rois.» C'est le mot et le sens communs qu'ils furent rois, c'est-à-dire avec des royaumes qu'ils gouvernaient. C'est ce qu'affirment saint Cyprien, saint Jean Chrysostôme, saint Jérôme, saint Hilaire, Tertulien, saint Isidore, le Vénérable Bède, etc.. Mais saint Matthieu les appelle Mages. Enfin ils étaient originaires de la Perse, de l'Arabie et de Saba; c'est ce que disent saint Jean Chrysostôme, Euthime, Théophilacte, et saint Justin, martyr. Probablement l'un d'eux était de l'Inde. «On peut croire que l'un d'eux, probablement Melchior,
comme plus noir venait de l'Inde. L'autre appelé Gaspard était un Arabe de Saba; le troisième appelé Balthasar était ou Chaldéen ou Arabe.» [Cromback, opus cit. L. 3, c. 26].
4, 16, [b. Saint Augustin dit la même chose: «Pourquoi les Mages vinrent-ils? Parce qu'ils virent l'étoile. Et comment connurent-ils que c'était celle du Christ? Sans doute par quelque révélation.» [Serm., 67, de Dia., et Serm., 18].
4, 16, [c]. Saint Jean Chrysostôme écrit «que cette étoile surpassait même les rayons du soleil par sa grande splendeur et par tout ce qu'elle avait en propre.» Et saint Ignace, martyr, disciple de l'Apôtre saint Jean écrit aussi: «La lumière de l'étoile était inénarrable... sa clarté surpassait celle de toutes les autres étoiles.» [Epis., 14 ad Ephes.].
4, 16, [d]. Hérode qui était Iduméen s'était introduit dans le royaume de Juda par la fraude et il s'y maintenait par la violence. Il avait d'abord fait mourir Hircan, héritier légitime du royaume et du pontificat; ensuite Aristobule, petit-fils d'Hircan; puis Marianne, fille d'Hircan qu'il avait épousée, ensuite Alexandra mère de Marianne, et Alexandre et Aristobule, ses propres fils qu'il avait eus de Marianne, enfin son autre fils Antipâtre, et tout cela par peur qu'ils lui ôtassent le trône qu'il occupait injustement.
4, 16, [e]. Saint Augustin écrit de même: «Elle demeura sur la tête de l'Enfant, comme pour dire: "Voici le Roi des Juifs". [30 de Temp]. Que l'étoile fut ensuite dissoute, c'est ce que plusieurs affirment: «L'étoile ayant accompli son office en déposant sa matière se réduisit en air.»
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 17
Les Rois Mages retournent voir et adorer l'Enfant-Jésus: ils Lui offrent leurs dons, et ayant fait leurs adieux, ils prennent un autre chemin pour leurs terres.
4, 17, 565. Quittant la grotte de la Nativité où les Rois étaient entrés au terme de leur voyage, ils allèrent se reposer dans une hôtellerie à la ville de Bethléem et s'étant retirés cette nuit-là seuls dans un appartement, ils furent longtemps à conférer avec une grande abondance de larmes et de soupirs sur ce qu'ils avaient vu, sur les effets que chacun en avait éprouvés et sur ce qu'ils avaient remarqué dans l'Enfant-Dieu et Sa Très Sainte Mère. Avec cette conférence, ils s'enflammèrent davantage, dans l'amour divin, étant dans l'admiration de la Majesté et de la splendeur de L'Enfant-Jésus, de la prudence, de la gravité et de la pudeur divine de la Mère, de la sainteté de l'époux Joseph et de leur pauvreté à tous trois, de l'humilité du lieu où le Seigneur du Ciel et de la terre avait voulu naître. Les dévots Rois sentaient la flamme de l'incendie Divin qui embrasait leurs coeurs pieux; et sans pouvoir se contenir, ils s'exclamaient en raisons très douces et en actions pleines de vénération et d'amour. Ils disaient: «Quel est ce feu que nous sentons? Quelle est l'efficace de ce grand Roi qui nous meut à de tels désirs et à de telles affections? Que ferons-nous pour traiter avec les hommes? Comment mettrons-nous des bornes et des mesures à nos gémissements et à nos soupirs? Que feront ceux qui on connu un Mystère caché, si nouveau et si auguste? O grandeur du Tout-Puissant cachée (Is. 45: 15) aux hommes et dissimulée sous tant de pauvreté! O humilité jamais imaginée des mortels! Qui pourrait Vous attirer tous ici, afin qu'aucun ne demeure privé de cette félicité!»
4, 17, 566. Au milieu de ces divines conférences, les Mages se souvinrent de l'étroite nécessité où se trouvaient Jésus, Marie et Joseph dans leur grotte, et ils déterminèrent de leur envoyer aussitôt quelques présents pour leur témoigner leur tendresse et pour donner quelque issue à l'affection qu'ils avaient pour les servir, pendant qu'ils ne pouvaient faire autre chose. Ils leur envoyèrent donc par leurs serviteurs beaucoup de présents qu'ils avaient préparés pour eux et d'autres qu'ils cherchèrent. La Très Sainte Marie et Joseph les reçurent avec une humble reconnaissance, et leur retour ne fut pas en actions de grâces sèches, comme font
les autres, mais en plusieurs bénédictions efficaces de consolation spirituelle pour les trois Rois. Avec ce présent, notre grande Reine et Maîtresse eut de quoi faire un repas opulent aux pauvres ses conviés ordinaires qui la cherchaient et la visitaient, accoutumés à ses aumônes et plus affectionnés à la douceur de ses paroles. Les Rois se retirèrent pour dormir, remplis d'une joie incomparable du Seigneur; et l'Ange les instruisit en songe sur leur voyage.
4, 17, 567. Le jour suivant au lever de l'aurore, ils retournèrent à la grotte de la Naissance, pour offrir au Roi du Ciel les dons qu'ils portaient préparés. Ils s'approchèrent et prosternés en terre, ils L'adorèrent avec une nouvelle et très profonde humilité; et ouvrant leurs trésors, comme dit l'Évangile ils Lui offrirent de l'or, de l'encens et de la myrrhe (Matt. 2: 11). Ils parlèrent à la divine Marie et ils la consultèrent sur plusieurs doutes et plusieurs affaires qui touchaient aux mystères de la Foi et sur des choses appartenant à leur conscience et au gouvernement de leurs États; parce qu'ils désiraient retourner informés de tout et capables de se gouverner saintement et parfaitement dans leurs oeuvres. La grande Souveraine les écouta avec beaucoup de complaisance; et pendant qu'ils l'informaient, Elle conférait avec son Enfant dans son intérieur de tout ce qu'Elle devait répondre et enseigner à ces nouveaux enfants de Sa sainte Loi. Et comme Maîtresse et instrument de la Sagesse divine, Elle répondit d'une manière si haute à tous les doutes qu'ils lui proposèrent, les sanctifiant et les enseignant de telle sorte que, ravis d'admiration et attirés par la Science et la douceur de la Reine, ils ne pouvaient se séparer d'Elle: et il fut nécessaire que l'un des Anges du Seigneur leur dît que c'était Sa Volonté et qu'il était nécessaire de retourner dans leurs patries. Ils n'est pas étonnant que cela leur arrivât puisque par les paroles de la Très Sainte Marie ils furent illustrés de l'Esprit-Saint et remplis de Science infuse en tout ce qu'ils lui avaient demandé et en plusieurs autres matières [a].
4, 17, 568. La divine Mère reçut les dons des Rois et Elle les offrit en leur nom à L'Enfant-Jésus. Et Sa Majesté montra par un air agréable qu'Il les acceptait; et Il leur donna Sa bénédiction de manière que les rois eux-mêmes Le virent et connurent qu'Il la donnait en retour des dons offerts, avec l'abondance des Dons du Ciel et plus de cent pour un (Matt. 19: 29). Ils offrirent quelques joyaux de grande valeur à la divine Princesse, selon l'usage de leurs patries; mais cette offrande n'était point du mystère et n'y appartenant pas, son Altesse la rendit aux
Rois, et Elle réserva seulement les trois dons d'or d'encens et de myrrhe. Et afin de les renvoyer plus consolés, Elle leur donna quelques langes qui avaient enveloppé l'Enfant-Dieu; parce qu'Elle n'avait ni ne pouvait avoir d'autres gages visibles avec quoi les renvoyer enrichis de sa présence. Les trois Rois reçurent les Reliques avec tant de vénération et d'estime qu'ils les conservèrent garnis d'or et de pierres précieuses. Et en témoignages de leur grandeur, ils émettaient un parfum si abondant qu'il se percevait presque à une lieue de distance b]. Mais avec cette qualité et cette distinction qu'il se communiquait seulement à ceux qui avaient Foi à la venue de Dieu au monde; et les autres qui étaient incrédules ne participaient point à cette faveur et ils ne sentaient point le parfum de ces Reliques précieuses avec lesquelles ils firent de grands miracles dans leurs patries.
4, 17, 569. Les Rois offrirent aussi à la Mère du Très Doux Jésus de mettre à son service leurs fortunes et leurs possessions; et si Elle ne les voulait point, ou bien si Elle désirait vivre dans ce lieu de la Naissance de son Très Saint Fils, qu'ils lui édifieraient là une maison pour y demeurer avec plus de commodité. La Très Prudente Mère eut ces offres pour agréables sans les accepter. Et en prenant congé d'Elle les Rois lui demandèrent avec une affection intime de leur coeur de ne jamais les oublier, et ainsi Elle le leur promit et l'accomplît; et ils demandèrent la même chose à saint Joseph. Et avec la bénédiction de tous les Trois ils partirent ressentant une affection et une tendresse telles qu'ils semblaient laisser là leurs coeurs convertis en larmes et en soupirs. Ils prirent un chemin différent (Matt. 2: 12) pour ne point retourner à Hérode par Jérusalem: car l'Ange les avait avertis en songe cette nuit-là de ne le point faire. Et au sortir de Bethléem, ils furent guidés par un autre chemin, la même étoile ou une autre [c] leur apparaissant pour ce sujet, les mena jusqu'au lieu où ils s'étaient réunis, et de là chacun retourna à sa patrie.
4, 17, 570. Le reste de la vie de ces heureux Rois fut correspondant à leur divine vocation; parce que dans leurs États ils vécurent et procédèrent comme disciples de la Maîtresse de la sainteté, par la Doctrine de laquelle ils gouvernèrent leurs âmes et leurs royaumes. Et par leurs exemples, leur vie et la connaissance qu'ils donnèrent du Sauveur du monde ils convertirent un grand nombre d'âmes à la connaissance de Dieu et au chemin du salut. Et après cela, pleins de jours et de mérites, ils achevèrent leur carrière dans la sainteté et la justice, étant favorisés
dans leur vie et leur mort par la Mère de Miséricorde. Les Rois étant partis, la divine Souveraine et saint Joseph demeurèrent remplis de joie et ils faisaient des cantiques nouveaux de louange pour les merveilles du Très-Haut. Et ils les conféraient avec les divines Écritures (Ps. 71: 10; Is. 60: 6) et les Prophéties des Patriarches, reconnaissant comment elles s'accomplissaient dans l'Enfant-Jésus. Mais la Très Prudente Mère qui pénétrait profondément ces sacrements très sublimes, conservait le tout et en conférait avec Elle-même dans son Coeur (Luc 2: 10). Les saints Anges qui assistaient à ces Mystères firent leurs félicitations à leur Reine de ce que son Très Saint Fils était connu et Sa Majesté Incarnée adorée par les hommes (Ps. 85: 9); et ils Lui chantèrent de nouveaux cantiques Le magnifiant pour les miséricordes qu'Il opérait en faveur des mortels.
DOCTRINE QUE ME DONNA MARIE LA TRÈS SAINTE
REINE DU CIEL.
4, 17, 571. Ma fille, les dons que les Rois offrirent à mon Très Saint Fils furent grands; mais plus grande était l'affection d'amour avec laquelle ils les donnaient et le mystère qu'ils signifiaient. Pour tout cela ils furent très agréables et très acceptables à Sa Majesté. Je veux que tu Lui offres cette affection, Lui rendant grâce de ce qu'Il t'a faite pauvre par état et par profession: car je t'assure, mon amie, que pour le Très-Haut, il n'y a point d'offrande plus précieuse que la pauvreté volontaire; puisqu'il y en a très peu aujourd'hui dans le monde qui usent bien des richesses temporelles, et qui les offrent à leur Dieu et leur Seigneur avec la largesse et l'affection de ces saints Rois. Les pauvres du Seigneur, en si grand nombre comme ils sont, expérimentent et témoignent combien la nature humaine est devenue cruelle et avare; puisqu'il y a tant d'indigents et qu'il y en a si peu de soulagés par les riches. Cette impiété si discourtoise des hommes offense les Anges et contriste l'Esprit-Saint, voyant la noblesse des âmes si avilie et si abaissée, servant tous la honteuse rapacité (Eccles. 10: 19) de l'argent de toutes leurs forces et de toutes leurs puissances. Ils s'approprient les richesse comme si elles avaient été créées pour eux seuls et ils les refusent à leurs frères les pauvres, de leur propre chair et de leur propre nature; et ils ne les donnent pas à Dieu même
Lui qui les a créées, qui les conserve et qui peut les donner et les ôter à Sa Volonté (1 Rois 2: 7). Et le plus lamentable est que, lorsque les riches peuvent acheter la Vie Éternelle avec la fortune (Luc 16: 9) avec la même ils s'acquièrent la perdition, usant de ce bienfait du Seigneur comme des hommes insensés et stupides.
4, 17, 572. Ce dommage est général dans les enfants d'Adam; c'est pour cela que la pauvreté volontaire est si excellente et si assurée. Et en elle, on fait une grande offrande au Seigneur de l'univers en partageant le peu que l'on a avec le pauvre. Et tu peux le faire de ce qui t'est donné pour ton entretien, en en donnant une partie aux pauvres et en désirant porter secours à tous s'il était possible par ton travail et tes sueurs. Mais ton offrande continuelle doit être les oeuvres de l'amour qui est "l'or", la prière continuelle qui est "l'encens", et l'égalité d'âme dans le support des afflictions et la mortification véritable en tout, qui est "la myrrhe". Et ce que tu feras pour le Seigneur, offre-le avec promptitude et une affection fervente sans crainte ni tiédeur; parce que les oeuvres lâches ou mortes ne sont point un sacrifice acceptable aux yeux de Sa Majesté. Pour offrir incessamment ces dons de tes propres actes, il est nécessaire que la Foi et la Lumière divines soient toujours allumées dans ton coeur, te proposant l'Objet que tu dois louer et magnifier et le stimulant de l'Amour avec lequel tu es toujours obligée de la droite du Très-Haut, afin que tu ne cesses point dans ce doux exercice si propre aux épouses de Sa Majesté, puisque ce titre est une signification d'amour et une dette d'affection continuelle.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 17, [a]. Nul doute que les Mages s'entretinrent avec la Bienheureuse Vierge et qu'ils apprirent d'Elle le mode de sa Conception, de l'Enfantement et de la Nativité et c'est pour cela qu'ils adorèrent le Christ. [A lapide in. 2 Matt.].
4, 17, [b]. Une odeur semblable s'exhala plusieurs fois des corps des saints, comme de celui de sainte Catherine de Bologne; de saint Marcel, pape, même après 700 ans; de sainte Ildegonde, après 800 ans, voir Goerres, [Myst., div., l. 3, c. 1]. Ainsi, il n'est pas étonnant qu'un miracle égal ou plus grand ait eu lieu quant aux langes du Dieu de tous les saints.
4, 17, [c]. Selon les saints Pères, S. Jean Chrysostôme, Théophilacte, Origène, etc., un Ange forma et guida l'étoile qui conduisit les Mages à Bethléem: un Ange aussi selon les Pères, Théophilacte, Euthime, S. Jérôme, S. Jean Chrysostôme, reconduisit les Mages par un autre chemin, à leur pays. Pourquoi donc ne l'aurait-il pas fait également par le moyen d'une étoile? Il est écrit qu'un Ange les avertit en songe de changer de chemin; mais quel chemin prendre et comment le poursuivre sans un indice constant? D'autant plus que dans le retour le péril était plus grand à cause des pièges d'Hérode comme l'observe à propos Crombach. [Opus., cit. 5. 3, l. 2, c. 9].
Voir dans le même Crombach et dans A Lapide, [in 2 Matt,] le reste de la vie des saints Mages, devenus apôtres auprès de leurs peuples qui s'unirent ensuite à saint Thomas et qui moururent saints et même martyrs selon Lucius Destro et autres. Leurs corps furent portés de l'Arabie à Constantinople et de là à Milan et de Milan, quand cette ville fut détruite par Barberousse, à Cologne, où on les vénère jusqu'à présent.
Les Rois Mages retournent voir et adorer l'Enfant-Jésus: ils Lui offrent leurs dons, et ayant fait leurs adieux, ils prennent un autre chemin pour leurs terres.
4, 17, 565. Quittant la grotte de la Nativité où les Rois étaient entrés au terme de leur voyage, ils allèrent se reposer dans une hôtellerie à la ville de Bethléem et s'étant retirés cette nuit-là seuls dans un appartement, ils furent longtemps à conférer avec une grande abondance de larmes et de soupirs sur ce qu'ils avaient vu, sur les effets que chacun en avait éprouvés et sur ce qu'ils avaient remarqué dans l'Enfant-Dieu et Sa Très Sainte Mère. Avec cette conférence, ils s'enflammèrent davantage, dans l'amour divin, étant dans l'admiration de la Majesté et de la splendeur de L'Enfant-Jésus, de la prudence, de la gravité et de la pudeur divine de la Mère, de la sainteté de l'époux Joseph et de leur pauvreté à tous trois, de l'humilité du lieu où le Seigneur du Ciel et de la terre avait voulu naître. Les dévots Rois sentaient la flamme de l'incendie Divin qui embrasait leurs coeurs pieux; et sans pouvoir se contenir, ils s'exclamaient en raisons très douces et en actions pleines de vénération et d'amour. Ils disaient: «Quel est ce feu que nous sentons? Quelle est l'efficace de ce grand Roi qui nous meut à de tels désirs et à de telles affections? Que ferons-nous pour traiter avec les hommes? Comment mettrons-nous des bornes et des mesures à nos gémissements et à nos soupirs? Que feront ceux qui on connu un Mystère caché, si nouveau et si auguste? O grandeur du Tout-Puissant cachée (Is. 45: 15) aux hommes et dissimulée sous tant de pauvreté! O humilité jamais imaginée des mortels! Qui pourrait Vous attirer tous ici, afin qu'aucun ne demeure privé de cette félicité!»
4, 17, 566. Au milieu de ces divines conférences, les Mages se souvinrent de l'étroite nécessité où se trouvaient Jésus, Marie et Joseph dans leur grotte, et ils déterminèrent de leur envoyer aussitôt quelques présents pour leur témoigner leur tendresse et pour donner quelque issue à l'affection qu'ils avaient pour les servir, pendant qu'ils ne pouvaient faire autre chose. Ils leur envoyèrent donc par leurs serviteurs beaucoup de présents qu'ils avaient préparés pour eux et d'autres qu'ils cherchèrent. La Très Sainte Marie et Joseph les reçurent avec une humble reconnaissance, et leur retour ne fut pas en actions de grâces sèches, comme font
les autres, mais en plusieurs bénédictions efficaces de consolation spirituelle pour les trois Rois. Avec ce présent, notre grande Reine et Maîtresse eut de quoi faire un repas opulent aux pauvres ses conviés ordinaires qui la cherchaient et la visitaient, accoutumés à ses aumônes et plus affectionnés à la douceur de ses paroles. Les Rois se retirèrent pour dormir, remplis d'une joie incomparable du Seigneur; et l'Ange les instruisit en songe sur leur voyage.
4, 17, 567. Le jour suivant au lever de l'aurore, ils retournèrent à la grotte de la Naissance, pour offrir au Roi du Ciel les dons qu'ils portaient préparés. Ils s'approchèrent et prosternés en terre, ils L'adorèrent avec une nouvelle et très profonde humilité; et ouvrant leurs trésors, comme dit l'Évangile ils Lui offrirent de l'or, de l'encens et de la myrrhe (Matt. 2: 11). Ils parlèrent à la divine Marie et ils la consultèrent sur plusieurs doutes et plusieurs affaires qui touchaient aux mystères de la Foi et sur des choses appartenant à leur conscience et au gouvernement de leurs États; parce qu'ils désiraient retourner informés de tout et capables de se gouverner saintement et parfaitement dans leurs oeuvres. La grande Souveraine les écouta avec beaucoup de complaisance; et pendant qu'ils l'informaient, Elle conférait avec son Enfant dans son intérieur de tout ce qu'Elle devait répondre et enseigner à ces nouveaux enfants de Sa sainte Loi. Et comme Maîtresse et instrument de la Sagesse divine, Elle répondit d'une manière si haute à tous les doutes qu'ils lui proposèrent, les sanctifiant et les enseignant de telle sorte que, ravis d'admiration et attirés par la Science et la douceur de la Reine, ils ne pouvaient se séparer d'Elle: et il fut nécessaire que l'un des Anges du Seigneur leur dît que c'était Sa Volonté et qu'il était nécessaire de retourner dans leurs patries. Ils n'est pas étonnant que cela leur arrivât puisque par les paroles de la Très Sainte Marie ils furent illustrés de l'Esprit-Saint et remplis de Science infuse en tout ce qu'ils lui avaient demandé et en plusieurs autres matières [a].
4, 17, 568. La divine Mère reçut les dons des Rois et Elle les offrit en leur nom à L'Enfant-Jésus. Et Sa Majesté montra par un air agréable qu'Il les acceptait; et Il leur donna Sa bénédiction de manière que les rois eux-mêmes Le virent et connurent qu'Il la donnait en retour des dons offerts, avec l'abondance des Dons du Ciel et plus de cent pour un (Matt. 19: 29). Ils offrirent quelques joyaux de grande valeur à la divine Princesse, selon l'usage de leurs patries; mais cette offrande n'était point du mystère et n'y appartenant pas, son Altesse la rendit aux
Rois, et Elle réserva seulement les trois dons d'or d'encens et de myrrhe. Et afin de les renvoyer plus consolés, Elle leur donna quelques langes qui avaient enveloppé l'Enfant-Dieu; parce qu'Elle n'avait ni ne pouvait avoir d'autres gages visibles avec quoi les renvoyer enrichis de sa présence. Les trois Rois reçurent les Reliques avec tant de vénération et d'estime qu'ils les conservèrent garnis d'or et de pierres précieuses. Et en témoignages de leur grandeur, ils émettaient un parfum si abondant qu'il se percevait presque à une lieue de distance b]. Mais avec cette qualité et cette distinction qu'il se communiquait seulement à ceux qui avaient Foi à la venue de Dieu au monde; et les autres qui étaient incrédules ne participaient point à cette faveur et ils ne sentaient point le parfum de ces Reliques précieuses avec lesquelles ils firent de grands miracles dans leurs patries.
4, 17, 569. Les Rois offrirent aussi à la Mère du Très Doux Jésus de mettre à son service leurs fortunes et leurs possessions; et si Elle ne les voulait point, ou bien si Elle désirait vivre dans ce lieu de la Naissance de son Très Saint Fils, qu'ils lui édifieraient là une maison pour y demeurer avec plus de commodité. La Très Prudente Mère eut ces offres pour agréables sans les accepter. Et en prenant congé d'Elle les Rois lui demandèrent avec une affection intime de leur coeur de ne jamais les oublier, et ainsi Elle le leur promit et l'accomplît; et ils demandèrent la même chose à saint Joseph. Et avec la bénédiction de tous les Trois ils partirent ressentant une affection et une tendresse telles qu'ils semblaient laisser là leurs coeurs convertis en larmes et en soupirs. Ils prirent un chemin différent (Matt. 2: 12) pour ne point retourner à Hérode par Jérusalem: car l'Ange les avait avertis en songe cette nuit-là de ne le point faire. Et au sortir de Bethléem, ils furent guidés par un autre chemin, la même étoile ou une autre [c] leur apparaissant pour ce sujet, les mena jusqu'au lieu où ils s'étaient réunis, et de là chacun retourna à sa patrie.
4, 17, 570. Le reste de la vie de ces heureux Rois fut correspondant à leur divine vocation; parce que dans leurs États ils vécurent et procédèrent comme disciples de la Maîtresse de la sainteté, par la Doctrine de laquelle ils gouvernèrent leurs âmes et leurs royaumes. Et par leurs exemples, leur vie et la connaissance qu'ils donnèrent du Sauveur du monde ils convertirent un grand nombre d'âmes à la connaissance de Dieu et au chemin du salut. Et après cela, pleins de jours et de mérites, ils achevèrent leur carrière dans la sainteté et la justice, étant favorisés
dans leur vie et leur mort par la Mère de Miséricorde. Les Rois étant partis, la divine Souveraine et saint Joseph demeurèrent remplis de joie et ils faisaient des cantiques nouveaux de louange pour les merveilles du Très-Haut. Et ils les conféraient avec les divines Écritures (Ps. 71: 10; Is. 60: 6) et les Prophéties des Patriarches, reconnaissant comment elles s'accomplissaient dans l'Enfant-Jésus. Mais la Très Prudente Mère qui pénétrait profondément ces sacrements très sublimes, conservait le tout et en conférait avec Elle-même dans son Coeur (Luc 2: 10). Les saints Anges qui assistaient à ces Mystères firent leurs félicitations à leur Reine de ce que son Très Saint Fils était connu et Sa Majesté Incarnée adorée par les hommes (Ps. 85: 9); et ils Lui chantèrent de nouveaux cantiques Le magnifiant pour les miséricordes qu'Il opérait en faveur des mortels.
DOCTRINE QUE ME DONNA MARIE LA TRÈS SAINTE
REINE DU CIEL.
4, 17, 571. Ma fille, les dons que les Rois offrirent à mon Très Saint Fils furent grands; mais plus grande était l'affection d'amour avec laquelle ils les donnaient et le mystère qu'ils signifiaient. Pour tout cela ils furent très agréables et très acceptables à Sa Majesté. Je veux que tu Lui offres cette affection, Lui rendant grâce de ce qu'Il t'a faite pauvre par état et par profession: car je t'assure, mon amie, que pour le Très-Haut, il n'y a point d'offrande plus précieuse que la pauvreté volontaire; puisqu'il y en a très peu aujourd'hui dans le monde qui usent bien des richesses temporelles, et qui les offrent à leur Dieu et leur Seigneur avec la largesse et l'affection de ces saints Rois. Les pauvres du Seigneur, en si grand nombre comme ils sont, expérimentent et témoignent combien la nature humaine est devenue cruelle et avare; puisqu'il y a tant d'indigents et qu'il y en a si peu de soulagés par les riches. Cette impiété si discourtoise des hommes offense les Anges et contriste l'Esprit-Saint, voyant la noblesse des âmes si avilie et si abaissée, servant tous la honteuse rapacité (Eccles. 10: 19) de l'argent de toutes leurs forces et de toutes leurs puissances. Ils s'approprient les richesse comme si elles avaient été créées pour eux seuls et ils les refusent à leurs frères les pauvres, de leur propre chair et de leur propre nature; et ils ne les donnent pas à Dieu même
Lui qui les a créées, qui les conserve et qui peut les donner et les ôter à Sa Volonté (1 Rois 2: 7). Et le plus lamentable est que, lorsque les riches peuvent acheter la Vie Éternelle avec la fortune (Luc 16: 9) avec la même ils s'acquièrent la perdition, usant de ce bienfait du Seigneur comme des hommes insensés et stupides.
4, 17, 572. Ce dommage est général dans les enfants d'Adam; c'est pour cela que la pauvreté volontaire est si excellente et si assurée. Et en elle, on fait une grande offrande au Seigneur de l'univers en partageant le peu que l'on a avec le pauvre. Et tu peux le faire de ce qui t'est donné pour ton entretien, en en donnant une partie aux pauvres et en désirant porter secours à tous s'il était possible par ton travail et tes sueurs. Mais ton offrande continuelle doit être les oeuvres de l'amour qui est "l'or", la prière continuelle qui est "l'encens", et l'égalité d'âme dans le support des afflictions et la mortification véritable en tout, qui est "la myrrhe". Et ce que tu feras pour le Seigneur, offre-le avec promptitude et une affection fervente sans crainte ni tiédeur; parce que les oeuvres lâches ou mortes ne sont point un sacrifice acceptable aux yeux de Sa Majesté. Pour offrir incessamment ces dons de tes propres actes, il est nécessaire que la Foi et la Lumière divines soient toujours allumées dans ton coeur, te proposant l'Objet que tu dois louer et magnifier et le stimulant de l'Amour avec lequel tu es toujours obligée de la droite du Très-Haut, afin que tu ne cesses point dans ce doux exercice si propre aux épouses de Sa Majesté, puisque ce titre est une signification d'amour et une dette d'affection continuelle.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 17, [a]. Nul doute que les Mages s'entretinrent avec la Bienheureuse Vierge et qu'ils apprirent d'Elle le mode de sa Conception, de l'Enfantement et de la Nativité et c'est pour cela qu'ils adorèrent le Christ. [A lapide in. 2 Matt.].
4, 17, [b]. Une odeur semblable s'exhala plusieurs fois des corps des saints, comme de celui de sainte Catherine de Bologne; de saint Marcel, pape, même après 700 ans; de sainte Ildegonde, après 800 ans, voir Goerres, [Myst., div., l. 3, c. 1]. Ainsi, il n'est pas étonnant qu'un miracle égal ou plus grand ait eu lieu quant aux langes du Dieu de tous les saints.
4, 17, [c]. Selon les saints Pères, S. Jean Chrysostôme, Théophilacte, Origène, etc., un Ange forma et guida l'étoile qui conduisit les Mages à Bethléem: un Ange aussi selon les Pères, Théophilacte, Euthime, S. Jérôme, S. Jean Chrysostôme, reconduisit les Mages par un autre chemin, à leur pays. Pourquoi donc ne l'aurait-il pas fait également par le moyen d'une étoile? Il est écrit qu'un Ange les avertit en songe de changer de chemin; mais quel chemin prendre et comment le poursuivre sans un indice constant? D'autant plus que dans le retour le péril était plus grand à cause des pièges d'Hérode comme l'observe à propos Crombach. [Opus., cit. 5. 3, l. 2, c. 9].
Voir dans le même Crombach et dans A Lapide, [in 2 Matt,] le reste de la vie des saints Mages, devenus apôtres auprès de leurs peuples qui s'unirent ensuite à saint Thomas et qui moururent saints et même martyrs selon Lucius Destro et autres. Leurs corps furent portés de l'Arabie à Constantinople et de là à Milan et de Milan, quand cette ville fut détruite par Barberousse, à Cologne, où on les vénère jusqu'à présent.
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CHAPITRE 18
La Très Sainte Marie et Joseph distribuent les dons des Rois Mages; et ils demeurent à Bethléem jusqu'à la Présentation de Jésus au Temple.
4, 18, 573. Les trois Rois Mages étant partis et le grand Mystère de l'Adoration de l'Enfant-Jésus ayant été célébré dans la grotte, il n'y en avait point d'autres à attendre dans ce Lieu pauvre et sacré, et ils résolurent d'en sortir. La Très Prudente Mère dit à saint Joseph: «Mon seigneur et mon époux, cette offrande que
les Rois ont laissé à notre Dieu et notre Enfant ne doit pas être oisive; mais elle doit servir à Sa Majesté, étant employée aussitôt en ce qui sera de Sa Volonté et de Son service. Je ne mérite rien, même des choses temporelles; disposez de tout comme appartenant à mon Fils et à vous.» Le très fidèle époux répondit avec son humilité et sa courtoisie accoutumées, s'en remettant à la volonté de la divine Souveraine, afin que cette offrande fût distribuée par Elle. Son Altesse insista de nouveaux et lui dit: «Si vous voulez par l'humilité, mon seigneur, vous excuser de faire cette distribution, faites-la par charité envers les pauvres qui demandent la partie qui les touche. Puisqu'ils ont droit aux choses que leur Père céleste a créées pour leur aliment.» La Très Pure Marie et saint Joseph conférèrent aussitôt entre eux pour savoir s'ils distribueraient ces dons: ils en firent trois parts, l'une pour porter au Temple de Jérusalem qui fut l'encens et la myrrhe et une partie de l'or, une autre pour offrir au prêtre qui avait circoncis l'Enfant afin qu'il l'employât à son service et à celui de la synagogue ou lieu de prière qu'il y avait à Bethléem; et la troisième pour distribuer aux pauvres. Et ils l'exécutèrent ainsi avec une affection fervente et libérale.
4, 18, 574. Pour sortir de cette étable, le Tout-Puissant ordonna qu'une femme pauvre, honorée et pieuse allât quelquefois voir notre Reine à cette même étable; parce que la maison où elle vivait était attachée aux murs de la ville, non loin de ce Lieu sacré. Cette femme dévote entendant parler des Rois et ignorant ce qu'ils avaient fait, alla un jour parler à la Très Sainte Marie et lui demanda si Elle savait l'événement que certains Mages qu'on disait être rois étaient venus de loin pour chercher le Messie. Profitant de cette occasion, la divine Princesse qui connaissait le bon naturel de cette femme, l'instruisit et la catéchisa dans la foi commune, sans lui déclarer en particulier le sacrement caché (Tob. 12: 7) qu'Elle renfermait en Elle-même et dans le Très Doux Enfant qu'Elle tenait dans ses bras divins. Elle lui donna aussi quelque part de l'or destiné aux pauvres pour la soulager. Avec ces bienfaits, le sort de l'heureuse femme demeura amélioré en tout et elle s'affectionna à sa Maîtresse et sa Bienfaitrice. Elle lui offrit sa maison; et étant pauvre elle était plus accommodée pour le logement des Auteurs et des Fondateurs de la sainte pauvreté. La pauvre femme fit de grandes instances, voyant l'incommodité de la grotte où la Très Sainte Marie et l'heureux Joseph étaient avec l'Enfant. La Reine ne refusa point l'offre;`et Elle répondit avec estime à la femme qu'Elle l'aviserait de sa détermination. Et conférant ensuite avec saint Joseph, ils résolurent de s'en aller et de passer à la maison de la dévote femme, et attendre là
le temps de la Purification et de la Présentation au Temple. Ce qui les inclina davantage à cette détermination fut d'être proche de la grotte de la Naissance; et aussi qu'il commençait à y concourir beaucoup de gens, par la rumeur qui se publiait de l'événement et de la venue des Rois.
4, 18, 575. La Très Sainte Marie, saint Joseph et l'Enfant-Jésus laissèrent la grotte sacrée parce qu'il était nécessaire, quoiqu'avec beaucoup de tendresse et d'affection. Et ils allèrent se loger dans la maison de l'heureuse femme qui les reçut avec une charité souveraine et qui leur laissa libre le meilleur de l'habitation qu'elle avait. Tous les saints Anges, ministres du Très-Haut les accompagnèrent dans la même forme avec laquelle ils les assistaient toujours. Et parce que la divine Mère et son époux fréquentaient les stations de ce sanctuaire la multitude de Princes qui les servait allait et venait avec eux de leur logement. Et outre cela, pour la défense et la garde de la grotte lorsque l'Enfant et la Mère en sortirent Dieu mit un Ange pour la garder (Gen. 3: 24), comme le Paradis terrestre. Et ainsi il a été et est aujourd'hui dans la porte de la grotte de la Naissance avec une épée et il n'entra jamais plus aucun animal dans ce Lieu saint. Et si le saint Ange n'empêche pas l'entrée des ennemis infidèles au pouvoir desquels est ce Lieu saint et d'autres, c'est par les jugements du Très-Haut, qui laisse opérer les hommes pour les fins de Sa Sagesse et de Sa Justice; et parce que ce miracle ne serait point nécessaire si les princes chrétiens avaient un zèle fervent de l'honneur et de la gloire de Jésus-Christ pour procurer la restauration de ces saints Lieux consacrés par le Sang et les pas du même Seigneur et de Sa Très Sainte Mère et par les Oeuvres de notre Rédemption. Et quand même cela ne serait pas possible, il n'y a point d'excuse pour ne point procurer au moins la décence de ces Lieux mystérieux en toute Foi et diligence, parce que celui qui aura cette Foi surmontera de grandes montagnes (Matt. 17: 19); parce que tout est possible à celui qui croit (Marc 9: 22). Et il m'a été donné de comprendre que la pieuse dévotion et la vénération pour la Terre Sainte est un des moyens les plus efficaces et les plus puissants pour établir et assurer les monarchies catholiques; et l'on ne peut nier que celui qui le ferait abhorrerait d'autres dépenses excessives et les éviterait pour les employer dans une aussi pieuse entreprise et qu'il serait agréable à Dieu et aux hommes; puis pour donner un motif honnête à ces dépenses il n'est pas nécessaire de chercher des raisons étrangères.
4, 18, 576. La Très Pure Marie retirée avec son Fils et son Dieu à la maison qui se trouvait près de la grotte, y persévéra jusqu'au temps où Elle devait, conformément à la Loi, se présenter purifiée au Temple avec son Premier-Né. Et pour ce Mystère la Très Sainte entre toutes les pures créatures détermina dans son âme de se disposer dignement par de fervents désirs à porter au Temple son Enfant Jésus pour Le présenter au Père Éternel, L'imitant et se présentant avec Lui ornée et embellie par de grandes oeuvres qui la rendraient une digne Hostie et Offrande pour le Très-Haut. Avec cette intention la divine Dame fit pendant ces jours jusqu'à la Purification des actes si héroïques d'amour et de toutes les vertus qu'il n'y a point de langue humaine ni angélique qui puissent l'expliquer. Combien moins le pourra une femme inutile en tout et remplie d'ignorance? La piété et la dévotion chrétienne méritera de sentir ces mystères et ceux qui s'y disposeront par leur contemplation et leur vénération. Et par quelques faveurs plus intelligibles que reçut la Vierge-Mère, on pourra en recueillir et en inférer d'autres qui ne peuvent être expliquées par des paroles.
4, 18, 577. L'Enfant-Jésus parla dès Sa Naissance d'une voix intelligible à Sa Très Douce Mère, lorsqu'Il lui dit aussitôt qu'Il fut né: «Mon Épouse, imite-Moi et assimile-toi à Moi», comme je l'ai dit en son lieu, chapitre 10. Et quoiqu'Il lui parlât toujours avec une prononciation très parfaite, c'était seul à seul, parce que le saint époux Joseph ne les entendit jamais parler, si ce n'est lorsque l'Enfant ayant grandi, Il lui parla après un an accompli. La divine Dame ne déclara pas non plus cette faveur à son époux; parce qu'Elle connaissait qu'Elle n'était que pour Elle seule. Les paroles de l'Enfant-Dieu étaient d'une majesté digne de Sa grandeur et d'une efficacité digne de Sa puissance infinie et comme avec la plus pure et la plus sainte, la plus sage et la plus prudente des créatures en dehors de Lui-même et comme avec Sa véritable Mère. Quelquefois Il disait: «Ma Colombe (Cant. 2: 10), Ma Chérie! Ma Très Chère Mère!» Et le Fils et la Mère Très Saints s'entretenaient avec ces colloques et ces délices qui sont contenus dans les Cantiques de Salomon, et d'autres intérieurs plus continuels; avec quoi la divine Princesse recevait tant de faveurs et entendait des paroles de si grande suavité et de si grande caresse qu'Elle a excédé celles des Cantiques de Salomon; et plus que n'en on dit et que n'en diront toutes les âmes justes et saintes dès le principe jusqu'à la fin du monde. Entre ces aimables mystères, l'Enfant-Jésus répétait souvent ces paroles: «Assimile-toi à Moi, ma Mère et Ma Colombe.» Et comme c'étaient des paroles de Vertu et de Vie infinies et qu'elles étaient accompagnées
de la Science divine que la Très Sainte Mère avait de toutes les opérations que l'âme de son Fils unique faisait intérieurement, il n'y a point de langue qui puisse expliquer, ni de pensée qui puisse percevoir les effets de cette Oeuvre si parfaite dans le Coeur très candide et très enflammé de la Mère d'un Fils qui était Dieu-Homme.
4, 18, 578. Entre certaines excellences et certains bienfaits plus rares de la Très Pure Marie, le premier est d'être Mère de Dieu, ce qui fut le fondement de tous les autres. Le second est d'être conçue sans péché. Le troisième d'avoir joui plusieurs fois en cette vie de la Vision Béatifique comme en passant. Au quatrième rang vient cette faveur dont Elle jouissait continuellement de voir clairement l'Âme de son Très Saint Fils et toutes Ses opérations pour les imiter. Elle l'avait présente comme un miroir très clair et très pur où Elle se mirait et se regardait, s'ornant des précieux joyaux de cette Âme très sainte copiés en Elle-même. Elle la contemplait unie au Verbe et la voyait se reconnaissant inférieure dans l'humanité avec une humilité profonde. Elle connaissait par une vue très claire les actes de remerciements et de louanges que cette Âme faisait de l'avoir créée de rien, comme toutes les autres âmes, et pour tous les Dons et les bienfaits qu'Elle avait reçus au-dessus de toutes en tant que Créature, et spécialement d'avoir élevé sa nature humaine à l'union inséparable de la Divinité. Elle considérait les demandes, les oraisons et les suppliques incessantes qu'elle faisait et qu'elle présentait au Père Éternel pour le genre humain et comment en toutes les autres Oeuvres elle disposait et dirigeait leur rédemption et leur instruction, comme unique Réparateur et Maître de la Vie Éternelle.
4, 18, 579. La Très Pure Marie imitait toutes ces Oeuvres de la Très Sainte Humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et il y a beaucoup à dire dans toute cette Histoire d'un si grand mystère; car Elle eut toujours ce Miroir et cet Exemplaire à la vue, et selon lequel Elle formait toute ses actions et ses opérations depuis l'Incarnation et la Naissance de son Fils; et comme une diligente abeille Elle composait le très doux miel des délices du Verbe Humanisé. Sa Majesté qui était venu du Ciel pour être notre Rédempteur et notre Maître voulut que Sa Très Sainte Mère, de qui Il avait reçu l'être humain, participât d'une manière très sublime et très singulière aux fruits de la Rédemption générale, et qu'Elle fût Disciple unique et distinguée en qui Sa Doctrine s'étampât au vif, la formant aussi
semblable à Lui-même qu'il était possible en une pure Créature. Par ces bienfaits et ces fins du Verbe Humanisé on doit inférer de la grandeur des oeuvres de Sa Très Sainte Mère et des délices qu'Elle avait avec Lui dans ses bras, l'appuyant sur son sein qui était la chambre nuptiale et le lit fleuri (Cant. 1: 15) de ce véritable Époux.
4, 18, 580. Dans les jours que la Très Sainte Marie passa à Bethléem jusqu'à la purification, il vint beaucoup de monde pour la visiter et lui parler, quoique presque tous fussent des plus pauvres. Les uns pour l'aumône qu'ils recevaient de sa main, les autres pour avoir su que les Mages étaient venus à la grotte. Et tous parlaient de cette nouveauté et de la venue du Messie; car en ces jours, il était très public parmi les Juifs, et non sans une disposition divine, que le temps arrivait où il devait naître au monde; et l'on parlait généralement de cela. A l'occasion de ces entretiens, il se présentait à la Très Prudente Mère des occasions réitérées d' opérer grandiosement, non-seulement en gardant son secret dans son Coeur et en y méditant tout ce qu'Elle voyait et entendait, mais aussi en dirigeant plusieurs âmes à la connaissance de Dieu, les confirmant dans la Foi, les instruisant dans les vertus, les éclairant dans les Mystères du Messie qu'ils attendaient et les tirant des grandes ignorances où ils étaient, comme gens vulgaires et peu capables des choses Divines. Ils lui disaient quelquefois tant d'inepties et de contes de femmes en ces matières, qu'en les entendant le saint et candide époux Joseph avait coutume de sourire et d'admirer les réponses pleines de sagesse et d'efficace Divine avec lesquelles la grande Dame répondait et les enseignait tous; comment Elle les supportait, les souffrait et les conduisait à la Vérité et à la connaissance de la Lumière avec une profonde humilité et une affable gravité, les laissant tous joyeux, consolés et instruits de ce qui leur convenait; parce qu'Elle leur disait des paroles de Vie Éternelle (Jean 6: 69) qui les embrasaient, les animaient et les pénétraient jusqu'au coeur.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE, NOTRE-DAME
4, 18, 581. Ma fille, à la claire vue de la Lumière divine j'ai connu mieux que toutes les créatures le bas prix et le peu d'estime que les dons et les richesse de la terre ont devant le Très-Haut. Et pour cela il fut affligeant et ennuyeux à ma sainte liberté de me trouver chargée des trésors des Rois offerts à mon Très Saint Fils. Mais comme en toutes mes oeuvres, l'humilité et l'obéissance devaient resplendir, je ne voulus point me les approprier ni les dispenser par ma volonté, mais par celle de mon époux Joseph, et dans cette résignation je formai un concept comme si j'eusse été sa servante et comme si aucune chose de ces biens temporels ne m'eut regardée: parce que c'est une chose vilaine, et pour vous créatures faibles très périlleuse de vous attribuer ou de vous approprier quelque chose des biens terrestres, tant de la fortune que de l'honneur, puisque tout cela se fait avec cupidité, ambition et vaine ostentation.
4, 18, 582. Je veux te dire tout cela, ma très chère, afin que tu demeures enseignée en toutes les matières pour ne point accepter de dons et d'honneurs humains comme si quelque chose t'était dû, ni te les approprier à toi-même; et cela encore moins, lorsque tu les reçois de personnes puissantes et qualifiées. Garde ta liberté intérieure et ne fais point ostentation de ce qui ne vaut rien et de ce qui ne peut te justifier devant Dieu. Si l'on te fait quelque présent ne dis jamais: «Ceci m'a été donné, ni cela m'a été apporté,» mais: «Le Seigneur envoie cela pour la communauté; priez pour celui qui a été l'instrument de Sa Miséricorde», en le nommant afin qu'elles le fassent d'une façon spéciale, et que la fin de celui qui fait l'aumône ne soit pas frustrée. Ne la reçois pas non plus de ta main, ce qui est insinuer de l'avidité, mais par les officières désignées pour cette fin. Et si, après que cette aumône sera au dedans du couvent, il était nécessaire à cause de ton office de supérieure, de la donner à qui il appartient pour la distribuer en commun, que ce soit avec un air de mépris, manifestant que ton affection n'est pas là, quoique tu doives remercier le Très-Haut et celui qui t'a fait ce bien, reconnaissant ne pas le mériter. Pour ce qu'on apporte aux autres religieuses tu dois remercier comme supérieure et prendre soin aussitôt en toute sollicitude que ce soit appliqué
au corps de la communauté sans en prendre aucune chose. Ne regarde point avec curiosité ce qui vient au couvent, afin que le sens ne se réjouisse point ni ne s'incline à désirer ou à goûter que l'on te fasse de pareils bienfaits; car le naturel fragile et rempli de passions tombe souvent en beaucoup de défauts et l'on en fait très peu de considération. L'on ne peut se fier en rien à la nature infecte; car elle veut toujours plus que ce qu'elles a et elle ne dit jamais: "c'est assez", lorsqu'elle reçoit davantage, il lui reste une plus grande soif pour avoir davantage.
4, 18, 583. Mais c'est dans l'entretien intime et fréquent avec le Seigneur par la louange, la révérence et l'amour incessant que je te veux le plus attentive. En cela, ma fille, je veux que tu travailles de toutes tes forces et que tu appliques tes puissances et tes sens sans interruption avec vigilance et sollicitude; parce que sans cela, forcément la partie inférieure appesantit l'âme (Sag. 9: 15), l'abat, la renverse, la distrait et la ruine, lui faisant perdre de vue le Souverain Bien. Cet entretien amoureux du Seigneur est si délicat qu'il se perd seulement de prêter attention à l'ennemi dans ses fables. Et c'est pour cela qu'il sollicite avec tant de vigilance qu'on fasse attention à lui, sachant bien que le châtiment de l'âme pour l'avoir écouté sera que l'Objet de son amour lui sera caché (Cant. 5: 6). Et aussitôt, celle qui ignora inconsidérément Sa beauté (Cant. 1: 7) suit les traces de ses négligences, dépossédée de la suavité divine. Et lorsqu'elle expérimente malgré elle la perte qu'elle a faite et que, dans sa douleur (Cant. 5: 7), elle veut se mettre à chercher le Bien perdu, ne le retrouve pas toujours et il ne lui est pas toujours restitué (Cant. 3: 1). Et comme le démon qui la trompa lui présente d'autres délices très viles et très inégales à celles auxquelles elle avait le goût intérieur accoutumé, il lui résulte et il s'origine de là une nouvelle tristesse, accompagnée de trouble, d'abattement, de tiédeur, de dégoût et elle est toute remplie de confusion et de danger.
4, 18, 584. Tu as, ma très chère, quelque expérience de cette vérité à cause de tes négligences et de tes délais à croire les Bienfaits du Seigneur. Il est déjà temps que tu sois prudente dans ta sincérité, et constante à conserver le feu du sanctuaire (Lév. 6: 12), sans perdre de vue un instant le même objet auquel je fus toujours attentive avec la force de toute mon âme et de toutes mes puissances. Et quoique la distance de toi, qui est un vil vermisseau, à ce que je te propose d'imiter en moi soit grande et que tu ne puisses jouir du Bien véritable aussi immédiatement que je
l'avais, ni opérer avec les conditions avec lesquelles je le faisais; néanmoins puisque je t'enseigne et te manifeste ce que j'opérais en imitant mon Très Saint Fils, tu peux, selon tes forces m'imiter, moi aussi, entendant que tu le regardes par le moyen d'un autre cristal. Moi je le regardais par celui de Son Humanité très sainte, et toi tu le regardes par celui de mon âme et de ma personne. Et si le Tout-Puissant appelle et convie toutes les âmes à cette perfection si haute si elles veulent l'obtenir, considère ce que tu dois faire toi-même pour elle, puisque la droite du Tout-Puissant se montre si libérale et si puissante pour t'attirer (Cant. 1: 3) à Lui.
La Très Sainte Marie et Joseph distribuent les dons des Rois Mages; et ils demeurent à Bethléem jusqu'à la Présentation de Jésus au Temple.
4, 18, 573. Les trois Rois Mages étant partis et le grand Mystère de l'Adoration de l'Enfant-Jésus ayant été célébré dans la grotte, il n'y en avait point d'autres à attendre dans ce Lieu pauvre et sacré, et ils résolurent d'en sortir. La Très Prudente Mère dit à saint Joseph: «Mon seigneur et mon époux, cette offrande que
les Rois ont laissé à notre Dieu et notre Enfant ne doit pas être oisive; mais elle doit servir à Sa Majesté, étant employée aussitôt en ce qui sera de Sa Volonté et de Son service. Je ne mérite rien, même des choses temporelles; disposez de tout comme appartenant à mon Fils et à vous.» Le très fidèle époux répondit avec son humilité et sa courtoisie accoutumées, s'en remettant à la volonté de la divine Souveraine, afin que cette offrande fût distribuée par Elle. Son Altesse insista de nouveaux et lui dit: «Si vous voulez par l'humilité, mon seigneur, vous excuser de faire cette distribution, faites-la par charité envers les pauvres qui demandent la partie qui les touche. Puisqu'ils ont droit aux choses que leur Père céleste a créées pour leur aliment.» La Très Pure Marie et saint Joseph conférèrent aussitôt entre eux pour savoir s'ils distribueraient ces dons: ils en firent trois parts, l'une pour porter au Temple de Jérusalem qui fut l'encens et la myrrhe et une partie de l'or, une autre pour offrir au prêtre qui avait circoncis l'Enfant afin qu'il l'employât à son service et à celui de la synagogue ou lieu de prière qu'il y avait à Bethléem; et la troisième pour distribuer aux pauvres. Et ils l'exécutèrent ainsi avec une affection fervente et libérale.
4, 18, 574. Pour sortir de cette étable, le Tout-Puissant ordonna qu'une femme pauvre, honorée et pieuse allât quelquefois voir notre Reine à cette même étable; parce que la maison où elle vivait était attachée aux murs de la ville, non loin de ce Lieu sacré. Cette femme dévote entendant parler des Rois et ignorant ce qu'ils avaient fait, alla un jour parler à la Très Sainte Marie et lui demanda si Elle savait l'événement que certains Mages qu'on disait être rois étaient venus de loin pour chercher le Messie. Profitant de cette occasion, la divine Princesse qui connaissait le bon naturel de cette femme, l'instruisit et la catéchisa dans la foi commune, sans lui déclarer en particulier le sacrement caché (Tob. 12: 7) qu'Elle renfermait en Elle-même et dans le Très Doux Enfant qu'Elle tenait dans ses bras divins. Elle lui donna aussi quelque part de l'or destiné aux pauvres pour la soulager. Avec ces bienfaits, le sort de l'heureuse femme demeura amélioré en tout et elle s'affectionna à sa Maîtresse et sa Bienfaitrice. Elle lui offrit sa maison; et étant pauvre elle était plus accommodée pour le logement des Auteurs et des Fondateurs de la sainte pauvreté. La pauvre femme fit de grandes instances, voyant l'incommodité de la grotte où la Très Sainte Marie et l'heureux Joseph étaient avec l'Enfant. La Reine ne refusa point l'offre;`et Elle répondit avec estime à la femme qu'Elle l'aviserait de sa détermination. Et conférant ensuite avec saint Joseph, ils résolurent de s'en aller et de passer à la maison de la dévote femme, et attendre là
le temps de la Purification et de la Présentation au Temple. Ce qui les inclina davantage à cette détermination fut d'être proche de la grotte de la Naissance; et aussi qu'il commençait à y concourir beaucoup de gens, par la rumeur qui se publiait de l'événement et de la venue des Rois.
4, 18, 575. La Très Sainte Marie, saint Joseph et l'Enfant-Jésus laissèrent la grotte sacrée parce qu'il était nécessaire, quoiqu'avec beaucoup de tendresse et d'affection. Et ils allèrent se loger dans la maison de l'heureuse femme qui les reçut avec une charité souveraine et qui leur laissa libre le meilleur de l'habitation qu'elle avait. Tous les saints Anges, ministres du Très-Haut les accompagnèrent dans la même forme avec laquelle ils les assistaient toujours. Et parce que la divine Mère et son époux fréquentaient les stations de ce sanctuaire la multitude de Princes qui les servait allait et venait avec eux de leur logement. Et outre cela, pour la défense et la garde de la grotte lorsque l'Enfant et la Mère en sortirent Dieu mit un Ange pour la garder (Gen. 3: 24), comme le Paradis terrestre. Et ainsi il a été et est aujourd'hui dans la porte de la grotte de la Naissance avec une épée et il n'entra jamais plus aucun animal dans ce Lieu saint. Et si le saint Ange n'empêche pas l'entrée des ennemis infidèles au pouvoir desquels est ce Lieu saint et d'autres, c'est par les jugements du Très-Haut, qui laisse opérer les hommes pour les fins de Sa Sagesse et de Sa Justice; et parce que ce miracle ne serait point nécessaire si les princes chrétiens avaient un zèle fervent de l'honneur et de la gloire de Jésus-Christ pour procurer la restauration de ces saints Lieux consacrés par le Sang et les pas du même Seigneur et de Sa Très Sainte Mère et par les Oeuvres de notre Rédemption. Et quand même cela ne serait pas possible, il n'y a point d'excuse pour ne point procurer au moins la décence de ces Lieux mystérieux en toute Foi et diligence, parce que celui qui aura cette Foi surmontera de grandes montagnes (Matt. 17: 19); parce que tout est possible à celui qui croit (Marc 9: 22). Et il m'a été donné de comprendre que la pieuse dévotion et la vénération pour la Terre Sainte est un des moyens les plus efficaces et les plus puissants pour établir et assurer les monarchies catholiques; et l'on ne peut nier que celui qui le ferait abhorrerait d'autres dépenses excessives et les éviterait pour les employer dans une aussi pieuse entreprise et qu'il serait agréable à Dieu et aux hommes; puis pour donner un motif honnête à ces dépenses il n'est pas nécessaire de chercher des raisons étrangères.
4, 18, 576. La Très Pure Marie retirée avec son Fils et son Dieu à la maison qui se trouvait près de la grotte, y persévéra jusqu'au temps où Elle devait, conformément à la Loi, se présenter purifiée au Temple avec son Premier-Né. Et pour ce Mystère la Très Sainte entre toutes les pures créatures détermina dans son âme de se disposer dignement par de fervents désirs à porter au Temple son Enfant Jésus pour Le présenter au Père Éternel, L'imitant et se présentant avec Lui ornée et embellie par de grandes oeuvres qui la rendraient une digne Hostie et Offrande pour le Très-Haut. Avec cette intention la divine Dame fit pendant ces jours jusqu'à la Purification des actes si héroïques d'amour et de toutes les vertus qu'il n'y a point de langue humaine ni angélique qui puissent l'expliquer. Combien moins le pourra une femme inutile en tout et remplie d'ignorance? La piété et la dévotion chrétienne méritera de sentir ces mystères et ceux qui s'y disposeront par leur contemplation et leur vénération. Et par quelques faveurs plus intelligibles que reçut la Vierge-Mère, on pourra en recueillir et en inférer d'autres qui ne peuvent être expliquées par des paroles.
4, 18, 577. L'Enfant-Jésus parla dès Sa Naissance d'une voix intelligible à Sa Très Douce Mère, lorsqu'Il lui dit aussitôt qu'Il fut né: «Mon Épouse, imite-Moi et assimile-toi à Moi», comme je l'ai dit en son lieu, chapitre 10. Et quoiqu'Il lui parlât toujours avec une prononciation très parfaite, c'était seul à seul, parce que le saint époux Joseph ne les entendit jamais parler, si ce n'est lorsque l'Enfant ayant grandi, Il lui parla après un an accompli. La divine Dame ne déclara pas non plus cette faveur à son époux; parce qu'Elle connaissait qu'Elle n'était que pour Elle seule. Les paroles de l'Enfant-Dieu étaient d'une majesté digne de Sa grandeur et d'une efficacité digne de Sa puissance infinie et comme avec la plus pure et la plus sainte, la plus sage et la plus prudente des créatures en dehors de Lui-même et comme avec Sa véritable Mère. Quelquefois Il disait: «Ma Colombe (Cant. 2: 10), Ma Chérie! Ma Très Chère Mère!» Et le Fils et la Mère Très Saints s'entretenaient avec ces colloques et ces délices qui sont contenus dans les Cantiques de Salomon, et d'autres intérieurs plus continuels; avec quoi la divine Princesse recevait tant de faveurs et entendait des paroles de si grande suavité et de si grande caresse qu'Elle a excédé celles des Cantiques de Salomon; et plus que n'en on dit et que n'en diront toutes les âmes justes et saintes dès le principe jusqu'à la fin du monde. Entre ces aimables mystères, l'Enfant-Jésus répétait souvent ces paroles: «Assimile-toi à Moi, ma Mère et Ma Colombe.» Et comme c'étaient des paroles de Vertu et de Vie infinies et qu'elles étaient accompagnées
de la Science divine que la Très Sainte Mère avait de toutes les opérations que l'âme de son Fils unique faisait intérieurement, il n'y a point de langue qui puisse expliquer, ni de pensée qui puisse percevoir les effets de cette Oeuvre si parfaite dans le Coeur très candide et très enflammé de la Mère d'un Fils qui était Dieu-Homme.
4, 18, 578. Entre certaines excellences et certains bienfaits plus rares de la Très Pure Marie, le premier est d'être Mère de Dieu, ce qui fut le fondement de tous les autres. Le second est d'être conçue sans péché. Le troisième d'avoir joui plusieurs fois en cette vie de la Vision Béatifique comme en passant. Au quatrième rang vient cette faveur dont Elle jouissait continuellement de voir clairement l'Âme de son Très Saint Fils et toutes Ses opérations pour les imiter. Elle l'avait présente comme un miroir très clair et très pur où Elle se mirait et se regardait, s'ornant des précieux joyaux de cette Âme très sainte copiés en Elle-même. Elle la contemplait unie au Verbe et la voyait se reconnaissant inférieure dans l'humanité avec une humilité profonde. Elle connaissait par une vue très claire les actes de remerciements et de louanges que cette Âme faisait de l'avoir créée de rien, comme toutes les autres âmes, et pour tous les Dons et les bienfaits qu'Elle avait reçus au-dessus de toutes en tant que Créature, et spécialement d'avoir élevé sa nature humaine à l'union inséparable de la Divinité. Elle considérait les demandes, les oraisons et les suppliques incessantes qu'elle faisait et qu'elle présentait au Père Éternel pour le genre humain et comment en toutes les autres Oeuvres elle disposait et dirigeait leur rédemption et leur instruction, comme unique Réparateur et Maître de la Vie Éternelle.
4, 18, 579. La Très Pure Marie imitait toutes ces Oeuvres de la Très Sainte Humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et il y a beaucoup à dire dans toute cette Histoire d'un si grand mystère; car Elle eut toujours ce Miroir et cet Exemplaire à la vue, et selon lequel Elle formait toute ses actions et ses opérations depuis l'Incarnation et la Naissance de son Fils; et comme une diligente abeille Elle composait le très doux miel des délices du Verbe Humanisé. Sa Majesté qui était venu du Ciel pour être notre Rédempteur et notre Maître voulut que Sa Très Sainte Mère, de qui Il avait reçu l'être humain, participât d'une manière très sublime et très singulière aux fruits de la Rédemption générale, et qu'Elle fût Disciple unique et distinguée en qui Sa Doctrine s'étampât au vif, la formant aussi
semblable à Lui-même qu'il était possible en une pure Créature. Par ces bienfaits et ces fins du Verbe Humanisé on doit inférer de la grandeur des oeuvres de Sa Très Sainte Mère et des délices qu'Elle avait avec Lui dans ses bras, l'appuyant sur son sein qui était la chambre nuptiale et le lit fleuri (Cant. 1: 15) de ce véritable Époux.
4, 18, 580. Dans les jours que la Très Sainte Marie passa à Bethléem jusqu'à la purification, il vint beaucoup de monde pour la visiter et lui parler, quoique presque tous fussent des plus pauvres. Les uns pour l'aumône qu'ils recevaient de sa main, les autres pour avoir su que les Mages étaient venus à la grotte. Et tous parlaient de cette nouveauté et de la venue du Messie; car en ces jours, il était très public parmi les Juifs, et non sans une disposition divine, que le temps arrivait où il devait naître au monde; et l'on parlait généralement de cela. A l'occasion de ces entretiens, il se présentait à la Très Prudente Mère des occasions réitérées d' opérer grandiosement, non-seulement en gardant son secret dans son Coeur et en y méditant tout ce qu'Elle voyait et entendait, mais aussi en dirigeant plusieurs âmes à la connaissance de Dieu, les confirmant dans la Foi, les instruisant dans les vertus, les éclairant dans les Mystères du Messie qu'ils attendaient et les tirant des grandes ignorances où ils étaient, comme gens vulgaires et peu capables des choses Divines. Ils lui disaient quelquefois tant d'inepties et de contes de femmes en ces matières, qu'en les entendant le saint et candide époux Joseph avait coutume de sourire et d'admirer les réponses pleines de sagesse et d'efficace Divine avec lesquelles la grande Dame répondait et les enseignait tous; comment Elle les supportait, les souffrait et les conduisait à la Vérité et à la connaissance de la Lumière avec une profonde humilité et une affable gravité, les laissant tous joyeux, consolés et instruits de ce qui leur convenait; parce qu'Elle leur disait des paroles de Vie Éternelle (Jean 6: 69) qui les embrasaient, les animaient et les pénétraient jusqu'au coeur.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE, NOTRE-DAME
4, 18, 581. Ma fille, à la claire vue de la Lumière divine j'ai connu mieux que toutes les créatures le bas prix et le peu d'estime que les dons et les richesse de la terre ont devant le Très-Haut. Et pour cela il fut affligeant et ennuyeux à ma sainte liberté de me trouver chargée des trésors des Rois offerts à mon Très Saint Fils. Mais comme en toutes mes oeuvres, l'humilité et l'obéissance devaient resplendir, je ne voulus point me les approprier ni les dispenser par ma volonté, mais par celle de mon époux Joseph, et dans cette résignation je formai un concept comme si j'eusse été sa servante et comme si aucune chose de ces biens temporels ne m'eut regardée: parce que c'est une chose vilaine, et pour vous créatures faibles très périlleuse de vous attribuer ou de vous approprier quelque chose des biens terrestres, tant de la fortune que de l'honneur, puisque tout cela se fait avec cupidité, ambition et vaine ostentation.
4, 18, 582. Je veux te dire tout cela, ma très chère, afin que tu demeures enseignée en toutes les matières pour ne point accepter de dons et d'honneurs humains comme si quelque chose t'était dû, ni te les approprier à toi-même; et cela encore moins, lorsque tu les reçois de personnes puissantes et qualifiées. Garde ta liberté intérieure et ne fais point ostentation de ce qui ne vaut rien et de ce qui ne peut te justifier devant Dieu. Si l'on te fait quelque présent ne dis jamais: «Ceci m'a été donné, ni cela m'a été apporté,» mais: «Le Seigneur envoie cela pour la communauté; priez pour celui qui a été l'instrument de Sa Miséricorde», en le nommant afin qu'elles le fassent d'une façon spéciale, et que la fin de celui qui fait l'aumône ne soit pas frustrée. Ne la reçois pas non plus de ta main, ce qui est insinuer de l'avidité, mais par les officières désignées pour cette fin. Et si, après que cette aumône sera au dedans du couvent, il était nécessaire à cause de ton office de supérieure, de la donner à qui il appartient pour la distribuer en commun, que ce soit avec un air de mépris, manifestant que ton affection n'est pas là, quoique tu doives remercier le Très-Haut et celui qui t'a fait ce bien, reconnaissant ne pas le mériter. Pour ce qu'on apporte aux autres religieuses tu dois remercier comme supérieure et prendre soin aussitôt en toute sollicitude que ce soit appliqué
au corps de la communauté sans en prendre aucune chose. Ne regarde point avec curiosité ce qui vient au couvent, afin que le sens ne se réjouisse point ni ne s'incline à désirer ou à goûter que l'on te fasse de pareils bienfaits; car le naturel fragile et rempli de passions tombe souvent en beaucoup de défauts et l'on en fait très peu de considération. L'on ne peut se fier en rien à la nature infecte; car elle veut toujours plus que ce qu'elles a et elle ne dit jamais: "c'est assez", lorsqu'elle reçoit davantage, il lui reste une plus grande soif pour avoir davantage.
4, 18, 583. Mais c'est dans l'entretien intime et fréquent avec le Seigneur par la louange, la révérence et l'amour incessant que je te veux le plus attentive. En cela, ma fille, je veux que tu travailles de toutes tes forces et que tu appliques tes puissances et tes sens sans interruption avec vigilance et sollicitude; parce que sans cela, forcément la partie inférieure appesantit l'âme (Sag. 9: 15), l'abat, la renverse, la distrait et la ruine, lui faisant perdre de vue le Souverain Bien. Cet entretien amoureux du Seigneur est si délicat qu'il se perd seulement de prêter attention à l'ennemi dans ses fables. Et c'est pour cela qu'il sollicite avec tant de vigilance qu'on fasse attention à lui, sachant bien que le châtiment de l'âme pour l'avoir écouté sera que l'Objet de son amour lui sera caché (Cant. 5: 6). Et aussitôt, celle qui ignora inconsidérément Sa beauté (Cant. 1: 7) suit les traces de ses négligences, dépossédée de la suavité divine. Et lorsqu'elle expérimente malgré elle la perte qu'elle a faite et que, dans sa douleur (Cant. 5: 7), elle veut se mettre à chercher le Bien perdu, ne le retrouve pas toujours et il ne lui est pas toujours restitué (Cant. 3: 1). Et comme le démon qui la trompa lui présente d'autres délices très viles et très inégales à celles auxquelles elle avait le goût intérieur accoutumé, il lui résulte et il s'origine de là une nouvelle tristesse, accompagnée de trouble, d'abattement, de tiédeur, de dégoût et elle est toute remplie de confusion et de danger.
4, 18, 584. Tu as, ma très chère, quelque expérience de cette vérité à cause de tes négligences et de tes délais à croire les Bienfaits du Seigneur. Il est déjà temps que tu sois prudente dans ta sincérité, et constante à conserver le feu du sanctuaire (Lév. 6: 12), sans perdre de vue un instant le même objet auquel je fus toujours attentive avec la force de toute mon âme et de toutes mes puissances. Et quoique la distance de toi, qui est un vil vermisseau, à ce que je te propose d'imiter en moi soit grande et que tu ne puisses jouir du Bien véritable aussi immédiatement que je
l'avais, ni opérer avec les conditions avec lesquelles je le faisais; néanmoins puisque je t'enseigne et te manifeste ce que j'opérais en imitant mon Très Saint Fils, tu peux, selon tes forces m'imiter, moi aussi, entendant que tu le regardes par le moyen d'un autre cristal. Moi je le regardais par celui de Son Humanité très sainte, et toi tu le regardes par celui de mon âme et de ma personne. Et si le Tout-Puissant appelle et convie toutes les âmes à cette perfection si haute si elles veulent l'obtenir, considère ce que tu dois faire toi-même pour elle, puisque la droite du Tout-Puissant se montre si libérale et si puissante pour t'attirer (Cant. 1: 3) à Lui.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 19
La Très Sainte Marie et Joseph partent de Bethléem avec l'Enfant Jésus pour Le présenter au Temple et accomplir la Loi.
4, 19, 585. Déjà allait s'accomplir la quarantaine de jours pendant lesquels, conformément à la Loi, la femme qui avait enfanté un fils était jugée impure et persévérait dans la purification de l'enfantement jusqu'à ce qu'ensuite elle allât au Temple. Pour accomplir cette Loi et en même temps l'autre de l'Exode dans laquelle Dieu commandait de sanctifier et d'offrir tous les premiers-nés, la Mère de la Pureté même détermina de passer à Jérusalem où Elle devait se présenter au Temple avec le Fils Unique du Père Éternel et le sien et se purifier conformément à ce que faisaient les autres mères. Dans l'accomplissement de ces deux Lois, pour celle que la regardait, Elle n'eut point de doute ni d'hésitation aucune d'obéir comme les autres mères; non qu'Elle ignorât sa propre innocence et sa pureté sans égale, car Elle la connaissait depuis l'Incarnation du Verbe, et Elle savait qu'Elle n'avait point contracté le péché originel commun à tous. Elle n'ignorait point non plus qu'Elle avait conçu par l'opération de l'Esprit-Saint (Luc 1: 35) et qu'Elle avait enfanté sans douleur, demeurant toujours Vierge et plus pure que le soleil. Néanmoins quant à se rendre à la Loi commune, sa prudence n'en doutait point; Elle en était aussi sollicitée par l'ardente affection qui était toujours dans son Coeur de s'humilier et de s'abaisser jusqu'à la poussière.
4, 19, 586. Dans la présentation qui regardait son Très Saint Fils Elle put avoir quelque difficulté comme il arriva dans la Circoncision; parce qu'Elle Le connaissait pour Dieu véritable, supérieur aux Lois qu'Il avait posées Lui-même. Mais Elle fut informée de la Volonté du Seigneur par la Lumière divine et par les actes mêmes de l'âme très sainte du Verbe Incarnée; parce qu'Elle y vit les désirs qu'Il avait de Se sacrifier en S'offrant comme une Hostie vivante au Père Éternel en remerciement d'avoir créé Son Âme très sainte et d'avoir formé Son Corps très pur et le destinant pour être un Sacrifice acceptable (Eph. 5: 2) pour le genre humain et le salut des mortels. Et quoique l'Humanité très sainte du Verbe eut toujours ces actes non seulement comme Compréhenseur Se conformant à la Volonté Divine, mais aussi comme Voyageur, et Rédempteur: néanmoins Il voulut conformément à la Loi faire cette offrande à Son Père dans Son saint Temple (Deut. 12: 6) où tous L'adoraient et Le magnifiaient, comme en une maison de prière, d'oraison et de sacrifice.
4, 19, 587. La grande Dame traita du voyage avec son époux et l'ayant ordonné pour être à Jérusalem, le jour déterminé par la Loi et ayant préparé le nécessaire, ils prirent congé de la pieuse femme leur hôtesse, la laissant remplie des bénédictions du Ciel, dont elle cueillit abondamment les fruits, quoiqu'elle ignorât le Mystère de ses hôtes Divins; ils allèrent ensuite visiter l'étable ou grotte de la Nativité, pour ordonner de là leur voyage, par la dernière vénération de ce Sanctuaire humble, mais riche d'une félicité inconnue alors. La Mère confia l'Enfant-Jésus à saint Joseph pour se prosterner en terre et adorer le sol témoin de mystères si vénérables. Et l'ayant fait avec beaucoup de tendresse et de dévotion, Elle s'adressa à son époux et lui dit: «Seigneur, donnez-moi votre bénédiction pour faire avec elle ce voyage comme vous me l'avez donnée toujours pour sortir de votre maison. Je vous supplie aussi de me permettre de le faire à pied et déchaussée; puisque je dois porter dans mes bras l'Hostie qui doit s'offrir au Père Éternel. Cette oeuvre est mystérieuse et je désire la faire avec les conditions et la magnificence qu'elle demande autant qu'il me sera possible.» Notre Reine usait par honnêteté d'une espèce de chaussure qui lui couvrait les pieds et qui lui servait presque de bas. Elle était d'une herbe dont se servaient les pauvres, comme du chanvre ou de la mauve, tissée grossièrement et fortement, bien que pauvre, nette et d'un arrangement décent et convenable.
4, 19, 588. Saint Joseph la pria de se lever parce qu'Elle était à genoux et il dit: «Le Très-Haut, Fils du Père Éternel que j'ai dans mes bras vous donne Sa bénédiction. Qu'il vous soit aussi accordé de Le porter dans les Vôtre en marchant à pied. Mais vous ne devez pas aller déchaussée, parce que le temps ne le permet point et Votre désir sera acceptable devant le Seigneur qui Vous l'a donné.» Saint Joseph usait, quoiqu'avec grand respect de cette autorité de chef en commandant la Très Saint Marie pour ne point la frustrer de la joie que cette grande Reine avait de s'humilier et d'obéir. Et comme le saint lui obéissait aussi et se mortifiait et s'humiliait en la commandant, tous les deux venaient à être réciproquement obéissants et humbles. Saint Joseph lui fit le refus d'aller déchaussée à Jérusalem, craignant que le froid fît tort à sa santé. Et cette crainte lui venait de ce qu'il ne savait pas l'admirable complexion et composition de son corps Virginal et très parfait, ni d'autres privilèges dont la droite Divine l'avait dotée. L'obéissante Reine, ne répliqua pas davantage à son saint époux et Elle obéit à son ordre en n'allant point nu-pieds. Pour recevoir l'Enfant-Jésus de ses mains Elle se prosterna en terre et Elle lui rendit grâces, L'adorant pour les bienfaits qu'Il avait opérés dans cette Grotte sacré en faveur de tout le genre humain. Elle demanda à Sa Majesté que ce Sanctuaire se conservât avec révérence parmi les Catholiques et qu'il fût toujours estimé et vénéré par eux, et Elle le confia et le recommanda de nouveau au saint Ange destiné pour le gardée. Elle se couvrit d'un manteau pour la route, et recevant le Trésor du Ciel dan ses bras et l'appuyant sur son sein Virginal Elle l'enveloppa avec grande diligence pour le défendre de la rigueur de l'hiver.
4, 19, 589. Ils partirent tous deux de la grotte, demandant la bénédiction à l'Enfant-Dieu et Sa Majesté la leur donna visiblement. Et saint Joseph accommoda sur l'ânon la caisse de langes du divin Enfant, ainsi que la part des dons des Rois qu'ils avaient réservée pour l'offrir au Temple. Alors la procession la plus solennelle qui s'était jamais vue dans le Temple s'ordonna de Bethléem à Jérusalem; parce qu'en compagnie du Prince des éternités, Jésus, et de la Reine Sa Mère avec son époux Joseph, tous les dix mille Anges qui avaient assisté à ces Mystères et les autres qui étaient descendus du Ciel avec le saint et doux Nom de Jésus à la Circoncision partirent de la grotte de la Nativité; et tous ces courtisans du Ciel allaient en forme humaine visible, si beaux et si brillants qu'en comparaison de leur beauté, tout ce qui est précieux et délectable dans le monde était moins que de la fange et des immondices comparées avec de l'or très fin, et ils eussent obscurci le soleil dans sa plus grande force; et à son défaut, ils rendaient
les nuits comme des jours très clairs. La divine Reine et son époux Joseph jouissaient de leur vue et ils célébraient tous le Mystère par de nouveaux et très sublimes cantiques de louanges à l'Enfant-Dieu qui allait Se présenter au Temple. Et ainsi, ils firent les deux lieues qu'il y a de Bethléem à Jérusalem.
4, 19, 590. Dans cette occasion le temps était si inclément par le froid et les gelées, ce qui n'était pas sans une dispensation Divine, que ne pardonnant point à leur propre Créateur Incarné et tendre Enfant, ils l'affligèrent jusqu'au point que tremblant comme homme véritable, il pleura dans les bras de son amoureuse Mère, laissant son Coeur plus blessé de compassion et d'amour que son corps ne l'était par les intempéries. La puissante Impératrice se tourna vers les vents et les éléments; et comme Maîtresse de l'Univers, Elle les reprit avec une divine indignation de ce qu'ils offensaient leur propre Auteur, et Elle leur commanda avec empire de modérer leur rigueur envers l'Enfant-Dieu, mais non envers Elle. Les éléments obéirent à l'ordre de leur Maîtresse véritable et légitime; et l'air froid se convertit en une placidité douce et tempérée pour l'Enfant, mais envers la Mère ils ne corrigèrent point leur rigueur extrême: et ainsi Elle la sentait mais non point son doux Enfant comme je j'ai déjà dit et je le répèterai encore [a] en d'autres circonstances. Elle se tourna aussi contre le péché, Elle qui ne l'avait point contracté, et lui dit: «O péché déréglé et tout à fait inhumain! puisqu'il est nécessaire pour ton remède que le Créateur même de toute chose soit affligé par les créatures à qui Il donna l'être et qu'Il conserve! Tu es terrible, monstrueux et horrible, offenseur de Dieu et destructeur des créatures; tu les changes en abominables et tu les prives de la plus grande félicité qui est d'être les amies de Dieu. O enfants des hommes, jusqu'à quand aurez-vous le coeur appesanti et aimerez-vous la vanité et le mensonge (Ps. 4: 3)? Ne soyez pas si ingrats envers le Dieu très-haut ni si cruels envers vous-mêmes. Ouvrez les yeux et regardez votre danger. Ne méprisez point les préceptes de votre Mère qui vous a engendrés par la Charité; le Fils du Père Éternel m'a faite Mère de toute la nature en prenant chair humaine dans mes entrailles: comme telle je vous aime, et s'il m'était possible et si c'était la Volonté du Très-Haut que je souffrisse toutes les peines qu'il y a eu depuis Adam jusqu'ici, je les accepterais avec plaisir pour votre salut.»
4, 19, 591. Dans le temps que notre divine Dame continuait le voyage avec l'Enfant-Dieu, il arriva qu'à Jérusalem le grand prêtre Siméon fut illustré de
l'Esprit-Saint et connut comment le Verbe faite homme venait se présenter au Temple dans les bras de Sa Mère. La sainte veuve Anne eut la même révélation ainsi que de la pauvreté et de la peine avec laquelle ils venaient accompagnés de Joseph, époux de la Très Pure Dame. Et les deux saints conférant aussitôt de cette révélation et de cette illustration, ils appelèrent le majordome du Temple qui prenait soin du temporel et lui donnant les signes des voyageurs qui venaient, ils lui commandèrent de sortir à la porte du chemin de Bethléem et de les recevoir dans sa maison en toute bienveillance et charité. Ainsi fit le majordome et la Reine et son époux en reçurent beaucoup de consolation à cause du souci qu'ils avaient de chercher une hôtellerie décente pour leur divin Enfant. L'heureux hôte les laissant dans sa maison revint rendre compte au grand prêtre.
4, 19, 592. Ce soir-là avant de se retirer pour dormir, la Très Sainte Marie et Joseph s'entretinrent de ce qu'ils devaient faire. Et la Très Prudente Dame l'avertit de porter aussitôt le même soir au Temple les dons des Rois pour les offrir en silence et sans bruit, comme doivent être faites les aumônes et les offrandes, et que chemin faisant le saint époux apportât les tourterelles (Luc 2: 24) qu'ils devaient offrir le jour suivant en public avec l'Enfant-Jésus. Ainsi saint Joseph l'exécuta. Et comme étranger et peu connu il donna la myrrhe, l'encens et l'or à celui qui recevait les dons dans le Temple, ne laissant point lieu à ce qu'on prît garde qui avait offert une si grande aumône. Et quoiqu'il eût pu en acheter l'agneau (Lév. 12: 6) que les riches offraient avec les premier-nés, il ne le fit point, parce qu'il y eût eu disproportion avec la mise humble et pauvre de la Mère et de l'Enfant, que l'époux offrît les dons des riches en public. Il ne convenait pas de dégénérer en rien de leur pauvreté et de leur humilité, même pour une fin pieuse et honnête, parce que la Mère de la Sagesse (Ecclé. 24: 24) fut Maîtresse en tout de la perfection, et son Très Saint Fils fut le Maître de la pauvreté (Matt. 8: 20) avec laquelle il naquit, vécut et mourut.
4, 19, 593. Siméon était juste (Luc 2: 25) et craignant Dieu, comme dit saint Luc, et il attendait la consolation d'Israël; et l'Esprit Saint qui était en lui, lui avait révélé qu'il ne verrait point la mort sans avoir vu le Christ du Seigneur. Et mû par l'Esprit-Saint il vint au Temple parce que cette nuit-là, outre ce qu'il avait entendu, il fut de nouveau illustré par la Lumière divine et il connut en elle, avec la plus grande clarté, tous les Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption des hommes,
et qu'en la Très Sainte Marie s'étaient accomplies les prophéties d'Isaïe qu'une Vierge concevrait, qu'Elle enfanterait un Fils (Is. 7: 14); et que de la tige de Jessé naîtrait une fleur qui serait le Christ (Is. 11: 1); et tout le reste de ces prophéties et d'autres encore. Il eut une Lumière très claire de l'union des deux natures dans la Personne du Verbe et des Mystères de la Passion et de la Mort du Rédempteur. Avec l'intelligence de choses si hautes saint Siméon demeura élevé et enflammé de désirs de voir le Rédempteur du monde. Et comme il avait déjà les nouvelles qu'Il venait Se présenter au Père, Siméon fut porté en esprit au Temple le jour suivant, c'est-à-dire dans la force de cette divine Lumière. Et il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant. La sainte femme Anne eut aussi la même nuit, révélation de plusieurs de ces mystères respectivement et grande fut la joie de son esprit; car, ainsi que je l'ai dit dans la première partie de cette Histoire , elle avait été maîtresse de notre Reine, quand Celle-ci était dans le Temple. Et l'Évangéliste dit qu'Elle ne le quittait point, servant jour et nuit avec des jeûnes et des prières (Luc 2: 37); et qu'Elle était prophétesse, fille de Samuel, de la tribu d'Aser; et ayant vécu sept ans avec son mari (Luc 2: 36) elle était déjà âgée de quatre-vingt-quatre ans. Et elle parla prophétiquement de l'Enfant-Dieu, comme on le verra.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
4, 19, 594. Ma fille, l'une des misères qui rendent les âmes malheureuses ou peu heureuses est de se contenter de faire les oeuvres de vertu avec négligence et sans ferveur, comme si elles faisaient une chose de peu d'importance. A cause de cette ignorance et de cette vileté de coeur, il y en a peu qui arrivent à l'entretien et à l'amitié intime avec le Seigneur qui ne s'obtient qu'avec l'amour fervent. Et il s'appelle fervent, parce qu'ainsi que l'eau bout par le feu, de même cet amour par la douce violence du divin Incendie de l'Esprit-Saint élève l'âme au-dessus d'elle-même, au-dessus de tout ce qui est créé et au-dessus de ses propres forces. Parce qu'en aimant il s'embrase davantage et il lui vient du même amour une affection insatiable avec laquelle non-seulement il oublie et méprise toutes les choses terrestres, mais même tout ce qui est bon ne peut le satisfaire ni le rassasier. Et comme lorsque le coeur humain n'obtient point ce qu'il aime beaucoup s'embrase davantage, s'il est possible, dans le désir de l'obtenir par de nouveaux moyens;
pour cela si l'âme a une charité fervente, elle trouve toujours en elle-même que désirer et que faire pour le Bien-Aimé, et tout ce qu'elle fait lui paraît peu; et ainsi elle cherche et elle passe de la volonté bonne à la parfaite et de celle-ci à celle du plus grand agrément du Seigneur, jusqu'à ce qu'elle arrive à l'union très intime et très parfaite avec Dieu et jusqu'à la transformation en Lui.
4, 19, 595. D'ici tu comprendras, ma très chère, la raison pourquoi je désirais aller déchaussée au Temple, portant mon Très Saint Fils pour L'y présenter, et accomplir aussi la Loi de la purification, parce que je donnais toute la plénitude de perfection possible à mes oeuvres avec la force de l'amour qui me demandait toujours le plus parfait, et le plus agréable au Seigneur; et j'étais portée à cela par cette fervente anxiété à opérer toutes les vertus dans le comble de la perfection. Travaille à m'imiter avec toute la diligence que tu connais en moi; car je t'avertis, mon amie, que c'est cette sorte d'amour et d'opérations que le Très-Haut désire et attend, regardant à travers les treillis (Cant. 2: 9) comme dit l'épouse, comment elle opère toute chose, et Il est si proche qu'il n'y a qu'un treillis qui L'empêche de jouir de sa vue. Parce que vaincu et enamouré Il suit les âmes qui L'aiment et Le servent ainsi dans toutes leurs oeuvres; comme aussi Il se détourne des tièdes et des négligents et Il ne les secourt qu'avec une providence générale et commune. Aspire toujours au plus pur et au plus parfait des vertus, étudie en elles et invente toujours de nouvelles manières et de nouvelles industries d'amour; de sorte que toutes tes forces et tes puissances intérieures et extérieures soient toujours attentives et occupées dans le sublime et le plus excellent pour l'agrément du Seigneur. Et toutes ces affections communique-les et assujettis-les à l'obéissance et au conseil de ton directeur et ton père spirituel pour faire ce qu'il te commandera; ce qui est le premier et le plus assuré.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 19, [a]. Livre 3, Nos. 20, 21; Livre 4, Nos. 544, 633.
4, 19, . Livre 2, No. 423.
La Très Sainte Marie et Joseph partent de Bethléem avec l'Enfant Jésus pour Le présenter au Temple et accomplir la Loi.
4, 19, 585. Déjà allait s'accomplir la quarantaine de jours pendant lesquels, conformément à la Loi, la femme qui avait enfanté un fils était jugée impure et persévérait dans la purification de l'enfantement jusqu'à ce qu'ensuite elle allât au Temple. Pour accomplir cette Loi et en même temps l'autre de l'Exode dans laquelle Dieu commandait de sanctifier et d'offrir tous les premiers-nés, la Mère de la Pureté même détermina de passer à Jérusalem où Elle devait se présenter au Temple avec le Fils Unique du Père Éternel et le sien et se purifier conformément à ce que faisaient les autres mères. Dans l'accomplissement de ces deux Lois, pour celle que la regardait, Elle n'eut point de doute ni d'hésitation aucune d'obéir comme les autres mères; non qu'Elle ignorât sa propre innocence et sa pureté sans égale, car Elle la connaissait depuis l'Incarnation du Verbe, et Elle savait qu'Elle n'avait point contracté le péché originel commun à tous. Elle n'ignorait point non plus qu'Elle avait conçu par l'opération de l'Esprit-Saint (Luc 1: 35) et qu'Elle avait enfanté sans douleur, demeurant toujours Vierge et plus pure que le soleil. Néanmoins quant à se rendre à la Loi commune, sa prudence n'en doutait point; Elle en était aussi sollicitée par l'ardente affection qui était toujours dans son Coeur de s'humilier et de s'abaisser jusqu'à la poussière.
4, 19, 586. Dans la présentation qui regardait son Très Saint Fils Elle put avoir quelque difficulté comme il arriva dans la Circoncision; parce qu'Elle Le connaissait pour Dieu véritable, supérieur aux Lois qu'Il avait posées Lui-même. Mais Elle fut informée de la Volonté du Seigneur par la Lumière divine et par les actes mêmes de l'âme très sainte du Verbe Incarnée; parce qu'Elle y vit les désirs qu'Il avait de Se sacrifier en S'offrant comme une Hostie vivante au Père Éternel en remerciement d'avoir créé Son Âme très sainte et d'avoir formé Son Corps très pur et le destinant pour être un Sacrifice acceptable (Eph. 5: 2) pour le genre humain et le salut des mortels. Et quoique l'Humanité très sainte du Verbe eut toujours ces actes non seulement comme Compréhenseur Se conformant à la Volonté Divine, mais aussi comme Voyageur, et Rédempteur: néanmoins Il voulut conformément à la Loi faire cette offrande à Son Père dans Son saint Temple (Deut. 12: 6) où tous L'adoraient et Le magnifiaient, comme en une maison de prière, d'oraison et de sacrifice.
4, 19, 587. La grande Dame traita du voyage avec son époux et l'ayant ordonné pour être à Jérusalem, le jour déterminé par la Loi et ayant préparé le nécessaire, ils prirent congé de la pieuse femme leur hôtesse, la laissant remplie des bénédictions du Ciel, dont elle cueillit abondamment les fruits, quoiqu'elle ignorât le Mystère de ses hôtes Divins; ils allèrent ensuite visiter l'étable ou grotte de la Nativité, pour ordonner de là leur voyage, par la dernière vénération de ce Sanctuaire humble, mais riche d'une félicité inconnue alors. La Mère confia l'Enfant-Jésus à saint Joseph pour se prosterner en terre et adorer le sol témoin de mystères si vénérables. Et l'ayant fait avec beaucoup de tendresse et de dévotion, Elle s'adressa à son époux et lui dit: «Seigneur, donnez-moi votre bénédiction pour faire avec elle ce voyage comme vous me l'avez donnée toujours pour sortir de votre maison. Je vous supplie aussi de me permettre de le faire à pied et déchaussée; puisque je dois porter dans mes bras l'Hostie qui doit s'offrir au Père Éternel. Cette oeuvre est mystérieuse et je désire la faire avec les conditions et la magnificence qu'elle demande autant qu'il me sera possible.» Notre Reine usait par honnêteté d'une espèce de chaussure qui lui couvrait les pieds et qui lui servait presque de bas. Elle était d'une herbe dont se servaient les pauvres, comme du chanvre ou de la mauve, tissée grossièrement et fortement, bien que pauvre, nette et d'un arrangement décent et convenable.
4, 19, 588. Saint Joseph la pria de se lever parce qu'Elle était à genoux et il dit: «Le Très-Haut, Fils du Père Éternel que j'ai dans mes bras vous donne Sa bénédiction. Qu'il vous soit aussi accordé de Le porter dans les Vôtre en marchant à pied. Mais vous ne devez pas aller déchaussée, parce que le temps ne le permet point et Votre désir sera acceptable devant le Seigneur qui Vous l'a donné.» Saint Joseph usait, quoiqu'avec grand respect de cette autorité de chef en commandant la Très Saint Marie pour ne point la frustrer de la joie que cette grande Reine avait de s'humilier et d'obéir. Et comme le saint lui obéissait aussi et se mortifiait et s'humiliait en la commandant, tous les deux venaient à être réciproquement obéissants et humbles. Saint Joseph lui fit le refus d'aller déchaussée à Jérusalem, craignant que le froid fît tort à sa santé. Et cette crainte lui venait de ce qu'il ne savait pas l'admirable complexion et composition de son corps Virginal et très parfait, ni d'autres privilèges dont la droite Divine l'avait dotée. L'obéissante Reine, ne répliqua pas davantage à son saint époux et Elle obéit à son ordre en n'allant point nu-pieds. Pour recevoir l'Enfant-Jésus de ses mains Elle se prosterna en terre et Elle lui rendit grâces, L'adorant pour les bienfaits qu'Il avait opérés dans cette Grotte sacré en faveur de tout le genre humain. Elle demanda à Sa Majesté que ce Sanctuaire se conservât avec révérence parmi les Catholiques et qu'il fût toujours estimé et vénéré par eux, et Elle le confia et le recommanda de nouveau au saint Ange destiné pour le gardée. Elle se couvrit d'un manteau pour la route, et recevant le Trésor du Ciel dan ses bras et l'appuyant sur son sein Virginal Elle l'enveloppa avec grande diligence pour le défendre de la rigueur de l'hiver.
4, 19, 589. Ils partirent tous deux de la grotte, demandant la bénédiction à l'Enfant-Dieu et Sa Majesté la leur donna visiblement. Et saint Joseph accommoda sur l'ânon la caisse de langes du divin Enfant, ainsi que la part des dons des Rois qu'ils avaient réservée pour l'offrir au Temple. Alors la procession la plus solennelle qui s'était jamais vue dans le Temple s'ordonna de Bethléem à Jérusalem; parce qu'en compagnie du Prince des éternités, Jésus, et de la Reine Sa Mère avec son époux Joseph, tous les dix mille Anges qui avaient assisté à ces Mystères et les autres qui étaient descendus du Ciel avec le saint et doux Nom de Jésus à la Circoncision partirent de la grotte de la Nativité; et tous ces courtisans du Ciel allaient en forme humaine visible, si beaux et si brillants qu'en comparaison de leur beauté, tout ce qui est précieux et délectable dans le monde était moins que de la fange et des immondices comparées avec de l'or très fin, et ils eussent obscurci le soleil dans sa plus grande force; et à son défaut, ils rendaient
les nuits comme des jours très clairs. La divine Reine et son époux Joseph jouissaient de leur vue et ils célébraient tous le Mystère par de nouveaux et très sublimes cantiques de louanges à l'Enfant-Dieu qui allait Se présenter au Temple. Et ainsi, ils firent les deux lieues qu'il y a de Bethléem à Jérusalem.
4, 19, 590. Dans cette occasion le temps était si inclément par le froid et les gelées, ce qui n'était pas sans une dispensation Divine, que ne pardonnant point à leur propre Créateur Incarné et tendre Enfant, ils l'affligèrent jusqu'au point que tremblant comme homme véritable, il pleura dans les bras de son amoureuse Mère, laissant son Coeur plus blessé de compassion et d'amour que son corps ne l'était par les intempéries. La puissante Impératrice se tourna vers les vents et les éléments; et comme Maîtresse de l'Univers, Elle les reprit avec une divine indignation de ce qu'ils offensaient leur propre Auteur, et Elle leur commanda avec empire de modérer leur rigueur envers l'Enfant-Dieu, mais non envers Elle. Les éléments obéirent à l'ordre de leur Maîtresse véritable et légitime; et l'air froid se convertit en une placidité douce et tempérée pour l'Enfant, mais envers la Mère ils ne corrigèrent point leur rigueur extrême: et ainsi Elle la sentait mais non point son doux Enfant comme je j'ai déjà dit et je le répèterai encore [a] en d'autres circonstances. Elle se tourna aussi contre le péché, Elle qui ne l'avait point contracté, et lui dit: «O péché déréglé et tout à fait inhumain! puisqu'il est nécessaire pour ton remède que le Créateur même de toute chose soit affligé par les créatures à qui Il donna l'être et qu'Il conserve! Tu es terrible, monstrueux et horrible, offenseur de Dieu et destructeur des créatures; tu les changes en abominables et tu les prives de la plus grande félicité qui est d'être les amies de Dieu. O enfants des hommes, jusqu'à quand aurez-vous le coeur appesanti et aimerez-vous la vanité et le mensonge (Ps. 4: 3)? Ne soyez pas si ingrats envers le Dieu très-haut ni si cruels envers vous-mêmes. Ouvrez les yeux et regardez votre danger. Ne méprisez point les préceptes de votre Mère qui vous a engendrés par la Charité; le Fils du Père Éternel m'a faite Mère de toute la nature en prenant chair humaine dans mes entrailles: comme telle je vous aime, et s'il m'était possible et si c'était la Volonté du Très-Haut que je souffrisse toutes les peines qu'il y a eu depuis Adam jusqu'ici, je les accepterais avec plaisir pour votre salut.»
4, 19, 591. Dans le temps que notre divine Dame continuait le voyage avec l'Enfant-Dieu, il arriva qu'à Jérusalem le grand prêtre Siméon fut illustré de
l'Esprit-Saint et connut comment le Verbe faite homme venait se présenter au Temple dans les bras de Sa Mère. La sainte veuve Anne eut la même révélation ainsi que de la pauvreté et de la peine avec laquelle ils venaient accompagnés de Joseph, époux de la Très Pure Dame. Et les deux saints conférant aussitôt de cette révélation et de cette illustration, ils appelèrent le majordome du Temple qui prenait soin du temporel et lui donnant les signes des voyageurs qui venaient, ils lui commandèrent de sortir à la porte du chemin de Bethléem et de les recevoir dans sa maison en toute bienveillance et charité. Ainsi fit le majordome et la Reine et son époux en reçurent beaucoup de consolation à cause du souci qu'ils avaient de chercher une hôtellerie décente pour leur divin Enfant. L'heureux hôte les laissant dans sa maison revint rendre compte au grand prêtre.
4, 19, 592. Ce soir-là avant de se retirer pour dormir, la Très Sainte Marie et Joseph s'entretinrent de ce qu'ils devaient faire. Et la Très Prudente Dame l'avertit de porter aussitôt le même soir au Temple les dons des Rois pour les offrir en silence et sans bruit, comme doivent être faites les aumônes et les offrandes, et que chemin faisant le saint époux apportât les tourterelles (Luc 2: 24) qu'ils devaient offrir le jour suivant en public avec l'Enfant-Jésus. Ainsi saint Joseph l'exécuta. Et comme étranger et peu connu il donna la myrrhe, l'encens et l'or à celui qui recevait les dons dans le Temple, ne laissant point lieu à ce qu'on prît garde qui avait offert une si grande aumône. Et quoiqu'il eût pu en acheter l'agneau (Lév. 12: 6) que les riches offraient avec les premier-nés, il ne le fit point, parce qu'il y eût eu disproportion avec la mise humble et pauvre de la Mère et de l'Enfant, que l'époux offrît les dons des riches en public. Il ne convenait pas de dégénérer en rien de leur pauvreté et de leur humilité, même pour une fin pieuse et honnête, parce que la Mère de la Sagesse (Ecclé. 24: 24) fut Maîtresse en tout de la perfection, et son Très Saint Fils fut le Maître de la pauvreté (Matt. 8: 20) avec laquelle il naquit, vécut et mourut.
4, 19, 593. Siméon était juste (Luc 2: 25) et craignant Dieu, comme dit saint Luc, et il attendait la consolation d'Israël; et l'Esprit Saint qui était en lui, lui avait révélé qu'il ne verrait point la mort sans avoir vu le Christ du Seigneur. Et mû par l'Esprit-Saint il vint au Temple parce que cette nuit-là, outre ce qu'il avait entendu, il fut de nouveau illustré par la Lumière divine et il connut en elle, avec la plus grande clarté, tous les Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption des hommes,
et qu'en la Très Sainte Marie s'étaient accomplies les prophéties d'Isaïe qu'une Vierge concevrait, qu'Elle enfanterait un Fils (Is. 7: 14); et que de la tige de Jessé naîtrait une fleur qui serait le Christ (Is. 11: 1); et tout le reste de ces prophéties et d'autres encore. Il eut une Lumière très claire de l'union des deux natures dans la Personne du Verbe et des Mystères de la Passion et de la Mort du Rédempteur. Avec l'intelligence de choses si hautes saint Siméon demeura élevé et enflammé de désirs de voir le Rédempteur du monde. Et comme il avait déjà les nouvelles qu'Il venait Se présenter au Père, Siméon fut porté en esprit au Temple le jour suivant, c'est-à-dire dans la force de cette divine Lumière. Et il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant. La sainte femme Anne eut aussi la même nuit, révélation de plusieurs de ces mystères respectivement et grande fut la joie de son esprit; car, ainsi que je l'ai dit dans la première partie de cette Histoire , elle avait été maîtresse de notre Reine, quand Celle-ci était dans le Temple. Et l'Évangéliste dit qu'Elle ne le quittait point, servant jour et nuit avec des jeûnes et des prières (Luc 2: 37); et qu'Elle était prophétesse, fille de Samuel, de la tribu d'Aser; et ayant vécu sept ans avec son mari (Luc 2: 36) elle était déjà âgée de quatre-vingt-quatre ans. Et elle parla prophétiquement de l'Enfant-Dieu, comme on le verra.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
4, 19, 594. Ma fille, l'une des misères qui rendent les âmes malheureuses ou peu heureuses est de se contenter de faire les oeuvres de vertu avec négligence et sans ferveur, comme si elles faisaient une chose de peu d'importance. A cause de cette ignorance et de cette vileté de coeur, il y en a peu qui arrivent à l'entretien et à l'amitié intime avec le Seigneur qui ne s'obtient qu'avec l'amour fervent. Et il s'appelle fervent, parce qu'ainsi que l'eau bout par le feu, de même cet amour par la douce violence du divin Incendie de l'Esprit-Saint élève l'âme au-dessus d'elle-même, au-dessus de tout ce qui est créé et au-dessus de ses propres forces. Parce qu'en aimant il s'embrase davantage et il lui vient du même amour une affection insatiable avec laquelle non-seulement il oublie et méprise toutes les choses terrestres, mais même tout ce qui est bon ne peut le satisfaire ni le rassasier. Et comme lorsque le coeur humain n'obtient point ce qu'il aime beaucoup s'embrase davantage, s'il est possible, dans le désir de l'obtenir par de nouveaux moyens;
pour cela si l'âme a une charité fervente, elle trouve toujours en elle-même que désirer et que faire pour le Bien-Aimé, et tout ce qu'elle fait lui paraît peu; et ainsi elle cherche et elle passe de la volonté bonne à la parfaite et de celle-ci à celle du plus grand agrément du Seigneur, jusqu'à ce qu'elle arrive à l'union très intime et très parfaite avec Dieu et jusqu'à la transformation en Lui.
4, 19, 595. D'ici tu comprendras, ma très chère, la raison pourquoi je désirais aller déchaussée au Temple, portant mon Très Saint Fils pour L'y présenter, et accomplir aussi la Loi de la purification, parce que je donnais toute la plénitude de perfection possible à mes oeuvres avec la force de l'amour qui me demandait toujours le plus parfait, et le plus agréable au Seigneur; et j'étais portée à cela par cette fervente anxiété à opérer toutes les vertus dans le comble de la perfection. Travaille à m'imiter avec toute la diligence que tu connais en moi; car je t'avertis, mon amie, que c'est cette sorte d'amour et d'opérations que le Très-Haut désire et attend, regardant à travers les treillis (Cant. 2: 9) comme dit l'épouse, comment elle opère toute chose, et Il est si proche qu'il n'y a qu'un treillis qui L'empêche de jouir de sa vue. Parce que vaincu et enamouré Il suit les âmes qui L'aiment et Le servent ainsi dans toutes leurs oeuvres; comme aussi Il se détourne des tièdes et des négligents et Il ne les secourt qu'avec une providence générale et commune. Aspire toujours au plus pur et au plus parfait des vertus, étudie en elles et invente toujours de nouvelles manières et de nouvelles industries d'amour; de sorte que toutes tes forces et tes puissances intérieures et extérieures soient toujours attentives et occupées dans le sublime et le plus excellent pour l'agrément du Seigneur. Et toutes ces affections communique-les et assujettis-les à l'obéissance et au conseil de ton directeur et ton père spirituel pour faire ce qu'il te commandera; ce qui est le premier et le plus assuré.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 19, [a]. Livre 3, Nos. 20, 21; Livre 4, Nos. 544, 633.
4, 19, . Livre 2, No. 423.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 20
De la Présentation de l'Enfant Jésus dan le Temple et ce qui y arriva.
4, 20, 596. La Très Sainte Humanité de notre Seigneur Jésus-Christ était la chose propre du Père Éternel non seulement en vertu de la création comme les autres créatures; mais par un mode et un droit spécial Il Lui appartenait aussi en vertu de l'union hypostatique avec la Personne du Verbe qui était engendré de Sa propre Substance, comme Fils Unique et vrai Dieu de vrai Dieu. Mais néanmoins, le Père détermina que Son Fils Lui fût présenté dans le Temple, tant pour le Mystère que pour le complément de Sa Sainte Loi dont la fin (Rom. 10: 4) était Notre Seigneur Jésus-Christ. Puis c'était pour cela qu'il avait été ordonné que les Juifs sanctifieraient et offriraient tous leurs premiers-nés (Ex. 13: 2) attendant toujours Celui qui Le devait être du Père Éternel (Héb. 1: 6) et de Sa Très Sainte Mère. Et Sa Majesté Se comporta en cela selon notre manière de concevoir comme il arrive parmi les hommes qui aiment qu'on leur parle souvent de certaines choses pour lesquelles ils ont de l'agrément et de la complaisance; puis quoique le Père connût et sût le tout avec une Sagesse infinie, Il trouvait du goût à l'Offrande du Verbe Incarné qui était Sien par tant de titres.
4, 20, 597. La Mère de la Vie connaissait cette Volonté du Père Éternel qui était la même que celle de son Très Saint Fils en tant que Dieu, ainsi que celle de
l'Humanité de son Fils unique dont Elle regardait l'âme et les opérations conformes en tout avec la Volonté du Père. Avec cette Science la grande Souveraine passa en colloques Divins la nuit qu'ils arrivèrent à Jérusalem avant la Présentation. Et s'adressant au Père Elle disait: «Seigneur Dieu très-haut, Père de mon Seigneur, ce sera un jour de fête pour le Ciel et la terre celui où je Vous offre et j'apporte à Votre saint Temple l'Hostie vivante qui est le Trésor de Votre Divinité. Cette Oblation est riche, mon Seigneur et mon Dieu et Vous pouvez bien pour Elle ouvrir les portes de Votre Miséricorde au genre humain, pardonnant aux pécheurs qui dévient de la voie droite, consolant les affligés, secourant les nécessiteux, enrichissant les pauvres, favorisant ceux qui sont abandonnés, éclairant les aveugles, et acheminant ceux qui sont égarés. Voici, mon Seigneur, ce que je Vous demande en Vous offrant Votre Fils Unique qui est aussi mon Fils, par Votre Bonté et Votre Clémence. Et si Vous me L'avez donné Dieu, je Vous le présente Dieu et Homme tout ensemble; et ce qu'Il vaut est infini; et ce que je Vous demande est beaucoup moins. Je reviens riche à Votre saint Temple d'où je suis sortie pauvre; et mon âme Vous magnifiera éternellement, parce que Votre divine Droite S'est montrée si libérale et si puissante envers moi.»
4, 20, 598. Le matin arriva où le Soleil du Ciel devait sortir à la vue du monde dans les bras de L'aube Très Pure: la divine Souveraine ayant préparé les tourterelles et deux cierges [a], disposa l'Enfant-Jésus dans Ses langes, et avec le saint époux Joseph ils sortirent de l'auberge pour se diriger vers le Temple. La procession s'ordonna et les saints Anges qui étaient venus de bethléem y figuraient dans la même forme corporelle et très belle, comme je l'ai déjà dit [b. Mais en celle-ci les très saints esprits ajoutèrent plusieurs cantiques très doux qu'ils chantaient à l'Enfant-Dieu avec une harmonie de musique très suave et bien concertée, entendue seulement de la Très Sainte Marie. Et outre les dix mille qui allaient en cette forme visible, une multitude innombrable d'autres descendirent du Ciel et joints à ceux qui avaient le chiffre du saint Nom de Jésus ils accompagnèrent le Verbe de Dieu fait homme à cette Présentation. Ces derniers allaient incorporellement comme ils sont, et la divine Princesse seule pouvait les voir. Arrivant à la porte du Temple, la Très Heureuse Mère sentit de nouveaux et très sublimes effets intérieurs d'une dévotion très douce: et poursuivant jusqu'au lieu où les autres s'approchaient, Elle s'inclina et s'étant mise à genoux, Elle adora le Seigneur en esprit et en vérité (Jean 4: 23) dans Son saint Temple, et Elle se présenta devant Sa très sublime et magnifique Majesté avec son Fils dans les bras.
Aussitôt la Très Sainte Trinité lui fut manifestée dans une vision intellectuelle, et il sortit une voix du Père, la Très Pure Marie seule l'entendant, qui disait: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui J'ai mis mes complaisances (Matt. 17: 5).» Saint Joseph le plus fortuné des hommes sentit en même temps une nouvelle émotion de suavité de l'Esprit-Saint qui le remplit de joie et de Lumière divine.
4, 20, 599. Le grand prêtre Siméon, mû aussi par l'Esprit-Saint, comme je l'ai déjà dit au chapitre précédent, entra aussitôt dans le Temple (Luc 2: 27). Et se dirigeant vers le lieu où était la Reine avec son Enfant-Jésus dans les bras, il vit le Fils et la Mère remplis de splendeur et de gloire respectivement. Ce prêtre rempli d'années était en tout vénérable. Et l'était aussi la prophétesse Anne qui vint, comme dit l'Évangile, à la même heure (Luc 2: 38), et qui vit la Mère et le fils avec une lumière Divine et admirable. Remplis d'une jubilation céleste, ils s'approchèrent de la Reine du Ciel, et le prêtre reçut l'Enfant-Jésus de ses mains dans les siennes (Luc 2: 28-29). Puis levant les yeux au Ciel il L'offrit au Père Éternel et prononça ce cantique plein de mystères: «Maintenant, Seigneur, Vous laisserez aller en paix Votre serviteur selon Votre parole; parce que désormais mes yeux ont vu Votre Sauveur; que Vous avez posé devant la face de tous les peuples, Lumière pour la révélation des Gentils et gloire d'Israël Votre peuple.» Et ce fut comme s'il eût dit: Maintenant Seigneur, Vous me délivrerez et Vous me laisserez aller libre et en paix, dégagé des chaînes de ce corps mortel, où me retenaient les espérances de Vos promesses et le désir de voir Votre Fils Unique fait chair. Désormais je goûterai d'une paix assurée et véritable, puisque mes yeux ont vu Votre Sauveur, Votre Fils Unique fait homme, uni à notre nature pour lui donner le Salut Éternel, destiné et décrété avant les siècles dans le secret de Votre divine Sagesse et de Votre Miséricorde infinie. Déjà, Seigneur Vous L'avez préparé et posé devant tous les mortels, Le tirant à la lumière du monde, afin que tous en jouissent si tous en veulent jouir et désirant recevoir de Lui le Salut et la Lumière qui éclairera tout homme dans l'univers (Jean 1: 9, parce qu'Il est la Lumière qui doit être révélée aux nations et pour la gloire de Son peuple choisi, Israël.
4, 20, 600. La Très Sainte Marie et saint Joseph entendirent (Luc 2: 33) ce Cantique de Siméon dans l'admiration de ce qu'il disait avec tant d'esprit. Et l'Évangéliste les appelle parents de l'Enfant-Dieu, selon l'opinion du peuple, parce que ceci arriva en public. Et Siméon, poursuivit, disant à la Très Sainte Mère de
l'Enfant-Jésus, vers qui il se tourna avec intention (Luc 2: 34-35). «Sachez, Madame, que cet Enfant est posé pour la ruine et le salut de plusieurs en Israël; et pour signe ou blanc de grandes contradictions. Et Votre âme qui est Sienne [c] sera transpercée d'un glaive, afin que les pensées de plusieurs coeurs soient découvertes.» Jusqu'ici parla Siméon. Et comme prêtre il donna la bénédiction aux heureux parents de l'Enfant. Ensuite la prophétesse Anne confessa le Verbe fait chair et avec la Lumière de l'Esprit Divin, elle parla de ses Mystères et elle en dit plusieurs choses à ceux qui attendaient la rédemption d'Israël. Et la venue du Messie pour racheter Son peuple demeura annoncée en public par les deux saints vieillards.
4, 20, 601. En même temps que le prêtre Siméon prononçait les paroles prophétiques de la Passion et de la Mort du Seigneur, comprises sous le nom de glaive et de signe de contradiction, le même Enfant baissa la tête. Et par cette action et plusieurs actes d'obéissance intérieure, Il accepta la prophétie du prêtre comme une sentence du Père Éternel déclarée par Son ministre. L'amoureuse Mère vit et connut tout cela; et avec l'intelligence de mystères si douloureux Elle commença dès lors à sentir la vérité de la prophétie de Siméon, son Coeur demeurant désormais blessé par le glaive [d] qui la menaçait pour l'avenir. Parce que tous les mystères que la prophétie contenait lui furent découverts et proposés comme dans un clair miroir devant la vue de son intérieur: comment son Très Saint Fils serait une pierre de scandale (Is. 8: 14) et une ruine pour les incrédules et la Vie pour les fidèles: la chute de la synagogue et l'exaltation de l'Église dans la Gentilité: le triomphe qu'Il remporterait sur les démons (Col. 2: 15) et sur la mort; mais qu'il Lui devait coûter beaucoup, et que ce serait par Sa Mort ignominieuse et douloureuse de la Croix: la contradiction que l'Enfant-Jésus devait souffrir en Lui-même et en Son Église des réprouvés (Jean 15: 20) en si grand nombre et en si grande multitude; et aussi l'excellence des prédestinés. La Très Sainte Marie connut tout cela; et Elle exerça des opérations éminentes entre la joie et la douleur de son âme très pure élevée en des actes très parfaits par les mystères très cachés et la prophétie de Siméon, et il lui demeura dans la mémoire le souvenir de tout ce qu'Elle vit et connut par la Lumière divine et les paroles prophétiques du Vieillard, sans qu'Elle put jamais l'oublier un seul instant. Et Elle regardait toujours son Très Saint Fils avec une vive douleur, renouvelant l'amertume que comme Mère et Mère du Fils de Dieu et Homme, Elle savait seule sentir dignement ce que les hommes et les créatures humaines et de coeurs ingrats, nous ne savons point
sentir. Lorsque le saint époux Joseph entendit ces prophéties il comprit aussi beaucoup des Mystères de la Rédemption et des peines du Très Doux Jésus. Mais le Seigneur ne les lui manifesta pas si copieusement et si expressément que sa divine Épouse les connut et les pénétra; parce qu'il y avait différentes raisons et le saint ne devait pas tout voir dans sa vie.
4, 20, 602. Cette acte achevé, la grande Souveraine baisa la main du prêtre et Elle lui demanda de nouveau la bénédiction. Elle fit la même chose avec Anne son ancienne maîtresse; parce qu'être Mère de Dieu même et avoir la plus grande dignité qu'il y a eu et qu'il y aura entre toutes les femmes, tous les hommes et tous les Anges, ne l'empêchaient point de faire des actes de profonde humilité. Sur cela, Elle retourna vers son auberge; et avec l'Enfant-Dieu, son époux et la compagnie des quatorze mille Anges qui l'assistaient se composa la procession et ils cheminèrent. Ils s'arrêtèrent quelques jours à Jérusalem pour leur dévotion, et pendant ce temps Elle parla quelquefois avec le prêtre des Mystères de la Rédemption et des prophéties qu'il lui avait dites. Et quoique les paroles de la Très Prudente Mère fussent si graves, si mesurées et en si petit nombre, comme elles étaient pondérées et pleines de Sagesse elles laissèrent le prêtre dans l'admiration, et avec de nouvelles joies et des effets très sublimes et très doux dans son âme. La même chose arriva avec la sainte prophétesse Anne. Et ils moururent tous deux dans le Seigneur quelques jours après. Ils furent hospitalisés à l'auberge au compte du prêtre. Et les jours que notre Reine y demeura, Elle fréquentait le Temple et Elle y recevait de nouvelles faveurs et des consolations de la douleur que la prophétie du prêtre lui avait causée. Et afin qu'elles lui fussent plus douces, son Très Saint Fils lui parla une fois et lui dit: «Ma Très Chère Mère et Ma Colombe, essuyez les larmes de vos yeux et dilatez votre Coeur candide, puisque la Volonté de Mon Père est que Je reçoive la Mort de la Croix. Je veux que vous soyez ma compagne dans Mes travaux et Mes peines; et Je veux le souffrir pour les âmes qui sont les ouvrages de Mes mains (Eph. 2: 10), à Mon image et à Ma ressemblance (Gen. 1: 27), pour les conduire à Mon royaume, triomphant de mes ennemis, afin qu'elles vivent (Rom. 6: avec Moi éternellement. C'est cela même que vous désirez avec Moi.» La Mère répondit: «O mon très doux Amour, et Fils de mes entrailles, si je devais Vous accompagner, non seulement pour Vous assister par la vue et la compassion, mais pour mourir conjointement avec Vous, ce me serait d'un plus grand soulagement; parce que ma plus grande douleur sera de vivre en Vous voyant mourir.» Dans ces exercices et ces affections amoureuses
et compatissantes, Elle passa quelques jours, jusqu'à ce que saint Joseph eût l'avis de fuir en Égypte, comme je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
4, 20, 603. Ma fille, l'exemple et la Doctrine de ce que tu as écrit t'enseignent la constance et la magnanimité que tu dois tâcher d'avoir dans ton coeur, étant préparée pour accepter la prospérité et l'adversité, le doux et l'amer avec un égal visage. O ma très chère, combien le coeur humain est étroit et pusillanime pour accepter ce qui est pénible et contraire à ses inclination terrestres! Combien il s'indigne avec les travaux! Avec combien d'impatience il les accueille. Combien il juge intolérable ce qui s'oppose à son goût! Et combien il oublie que son Maître et son Seigneur les a d'abord soufferts (1 Pet. 2: 21), accrédités et sanctifiés en Lui-même! C'est une grande confusion et même une témérité que les fidèles abhorrent la souffrance, depuis que mon Très Saint Fils a souffert pour eux, puisqu'avant qu'Il mourût, il y eut plusieurs saints qui embrassèrent la croix seulement avec l'attente que le Christ y souffrirait, quoiqu'ils ne le vissent point. Et si cette mauvaise correspondance est si laide en tous, pèse bien, ma très chère, combien elle le serait en toi qui te montres si anxieuse d'obtenir l'amitié et la grâce du Très-Haut, de mériter le titre de Son épouse et de Son amie, d'être tout à Lui et que Sa Majesté soit tout à toi, et avec les désirs que tu as d'être ma disciple et que je sois ta Maîtresse, de me suivre et de m'imiter, comme fille fidèle à Sa Mère. Tout cela ne doit pas se terminer en de seules affections et dire souvent: "Seigneur, Seigneur" (Matt. 7: 21); et arrivant l'occasion de goûter le calice et la croix des travaux, te contrister, t'affliger et fuir à la vue des peines dans lesquelles on doit faire preuve de la vérité du coeur affectueux et enamouré.
4, 20, 604. Tout cela serait nier par les oeuvres ce que tu protestes par les promesses et sortir du Chemin de la Vie Éternelle; parce que tu ne peux suivre Jésus-Christ si tu n'embrasses la croix et ne te réjouis (Marc 8: 24) avec elle, et moi, tu ne me trouveras pas par un autre chemin. Si les créatures te manquent, si la tentation te menace, si la tribulation t'afflige et si les douleurs de la mort t'environnent (Ps. 17: 5-6) tu ne dois point te troubler ni te montrer timide pour
aucune de ces choses, puisqu'il me déplaît tant, à Mon très saint Fils et à moi que tu empêches et que tu perdes Sa puissante grâce pour te défendre, parce qu'ainsi tu Lui ôtes le lustre et tu la reçois en vain (2 Cor. 6: 1). Outre cela tu donneras un grand triomphe au démon, car il se glorifie beaucoup d'avoir troublé ou vaincu celle qui se tient pour disciple de Jésus-Christ mon Seigneur et la mienne: et commençant à défaillir dans les petites choses, tu viendras à être opprimée dans les grandes. Confie-toi donc en la protection du Très-Haut, te souvenant que ta cause me regarde. Et avec cette foi, lorsque la tribulation arrivera répond courageusement: «Le Seigneur est mon illumination (Ps. 26: 1) et mon salut; qui craindrais-je? Il est mon protecteur, comment serais-je flottante? J'ai une Mère, une Maîtresse, une Reine et une Souveraine qui me défendra et qui aura souci de mon affliction.
4, 20, 605. Avec cette sécurité tâche de conserver la paix intérieure et ne me perds pas de vue pour imiter mes oeuvres et suivre mes traces. Considère la douleur qui transperça mon Coeur avec les prophéties de Siméon, et dans cette peine je demeurai égale, sans aucun changement ni aucune altération quoique mon Coeur et mon âme fussent transpercés de douleur. Je prenais motif de tout pour glorifier et révérer Son admirable Sagesse. Si les travaux et les peines transitoires sont acceptés avec un coeur joyeux et serein ils spiritualisent la créature, ils l'élèvent et ils lui donnent une science Divine, avec quoi elle fait une digne estime de la souffrance et elle trouve ensuite la consolation et le fruit de la désillusion et de la mortification des passions. Telle est la science de l'école du Rédempteur, cachée (Matt. 11: 25) à ceux qui vivent en Babylone et qui sont amateurs de la vanité. Je veux aussi que tu m'imites en respectant les prêtres et les ministres du Seigneur, qui ont maintenant une plus grande excellence et une plus grande dignité que dans la Loi ancienne, depuis que le Verbe divin s'est uni à la nature humaine, et qu'Il S'est fait Prêtre Éternel selon l'ordre de Melchisédech (Ps. 109: 4). Écoute leur doctrine, et leur enseignement, comme émanés de Sa Majesté, à la place de qui ils sont. Considère la puissance et l'autorité qu'Il leur donne dans l'Évangile, disant: «Qui vous écoute, m'écoute; qui vous obéit, m'obéit (Luc 10: 16).» Exécute le plus saint, comme ils te l'enseigneront: et que ton souvenir continuel soit de méditer ce que mon Très Saint Fils souffrit, de telle manière que ton âme soit participante de Ses douleurs, et que ce souvenir t'engendre de telles nausées et une telle amertume dans les contentements terrestres, que tu rejettes et oublies tout le visible pour suivre (Matt. 19: 27) l'Auteur de la Vie Éternelle
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 20, [a]. Ces cierges pouvaient bien figurer le même Jésus-Christ qui dit de Lui-même: «Je suis la Lumière du monde.» Ce fut d'ailleurs le jour de Sa Présentation au Temple que ce divin Luminaire parut pour la première fois en public.
4, 20, [b]. Livre 4, No. 589.
4, 20, [c]. C'est aussi le sens littéral du latin: "Tuam ipsius animan". Et vraiment l'âme de Marie était de Jésus et celle de Jésus était de Marie aussi étroitement de manière à ne former presque qu'une seule chose.
4, 20, [d]. La même révélation tout à fait fut faite à sainte Thérèse. Additions à sa vie écrite par elle-même: «Un jour le Seigneur me dit ceci: "Quand tu vois ma Mère qui me tient dans ses bras ne pense pas qu'Elle jouissait de ces contentements sans un tourment très grave, depuis le jour que Siméon lui avait dit ces paroles: 'Tuam ipsius animan doloris gladius pertransibit'; mon Père lui donnant une claire Lumière pour qu'Elle vit combien Je devais
De la Présentation de l'Enfant Jésus dan le Temple et ce qui y arriva.
4, 20, 596. La Très Sainte Humanité de notre Seigneur Jésus-Christ était la chose propre du Père Éternel non seulement en vertu de la création comme les autres créatures; mais par un mode et un droit spécial Il Lui appartenait aussi en vertu de l'union hypostatique avec la Personne du Verbe qui était engendré de Sa propre Substance, comme Fils Unique et vrai Dieu de vrai Dieu. Mais néanmoins, le Père détermina que Son Fils Lui fût présenté dans le Temple, tant pour le Mystère que pour le complément de Sa Sainte Loi dont la fin (Rom. 10: 4) était Notre Seigneur Jésus-Christ. Puis c'était pour cela qu'il avait été ordonné que les Juifs sanctifieraient et offriraient tous leurs premiers-nés (Ex. 13: 2) attendant toujours Celui qui Le devait être du Père Éternel (Héb. 1: 6) et de Sa Très Sainte Mère. Et Sa Majesté Se comporta en cela selon notre manière de concevoir comme il arrive parmi les hommes qui aiment qu'on leur parle souvent de certaines choses pour lesquelles ils ont de l'agrément et de la complaisance; puis quoique le Père connût et sût le tout avec une Sagesse infinie, Il trouvait du goût à l'Offrande du Verbe Incarné qui était Sien par tant de titres.
4, 20, 597. La Mère de la Vie connaissait cette Volonté du Père Éternel qui était la même que celle de son Très Saint Fils en tant que Dieu, ainsi que celle de
l'Humanité de son Fils unique dont Elle regardait l'âme et les opérations conformes en tout avec la Volonté du Père. Avec cette Science la grande Souveraine passa en colloques Divins la nuit qu'ils arrivèrent à Jérusalem avant la Présentation. Et s'adressant au Père Elle disait: «Seigneur Dieu très-haut, Père de mon Seigneur, ce sera un jour de fête pour le Ciel et la terre celui où je Vous offre et j'apporte à Votre saint Temple l'Hostie vivante qui est le Trésor de Votre Divinité. Cette Oblation est riche, mon Seigneur et mon Dieu et Vous pouvez bien pour Elle ouvrir les portes de Votre Miséricorde au genre humain, pardonnant aux pécheurs qui dévient de la voie droite, consolant les affligés, secourant les nécessiteux, enrichissant les pauvres, favorisant ceux qui sont abandonnés, éclairant les aveugles, et acheminant ceux qui sont égarés. Voici, mon Seigneur, ce que je Vous demande en Vous offrant Votre Fils Unique qui est aussi mon Fils, par Votre Bonté et Votre Clémence. Et si Vous me L'avez donné Dieu, je Vous le présente Dieu et Homme tout ensemble; et ce qu'Il vaut est infini; et ce que je Vous demande est beaucoup moins. Je reviens riche à Votre saint Temple d'où je suis sortie pauvre; et mon âme Vous magnifiera éternellement, parce que Votre divine Droite S'est montrée si libérale et si puissante envers moi.»
4, 20, 598. Le matin arriva où le Soleil du Ciel devait sortir à la vue du monde dans les bras de L'aube Très Pure: la divine Souveraine ayant préparé les tourterelles et deux cierges [a], disposa l'Enfant-Jésus dans Ses langes, et avec le saint époux Joseph ils sortirent de l'auberge pour se diriger vers le Temple. La procession s'ordonna et les saints Anges qui étaient venus de bethléem y figuraient dans la même forme corporelle et très belle, comme je l'ai déjà dit [b. Mais en celle-ci les très saints esprits ajoutèrent plusieurs cantiques très doux qu'ils chantaient à l'Enfant-Dieu avec une harmonie de musique très suave et bien concertée, entendue seulement de la Très Sainte Marie. Et outre les dix mille qui allaient en cette forme visible, une multitude innombrable d'autres descendirent du Ciel et joints à ceux qui avaient le chiffre du saint Nom de Jésus ils accompagnèrent le Verbe de Dieu fait homme à cette Présentation. Ces derniers allaient incorporellement comme ils sont, et la divine Princesse seule pouvait les voir. Arrivant à la porte du Temple, la Très Heureuse Mère sentit de nouveaux et très sublimes effets intérieurs d'une dévotion très douce: et poursuivant jusqu'au lieu où les autres s'approchaient, Elle s'inclina et s'étant mise à genoux, Elle adora le Seigneur en esprit et en vérité (Jean 4: 23) dans Son saint Temple, et Elle se présenta devant Sa très sublime et magnifique Majesté avec son Fils dans les bras.
Aussitôt la Très Sainte Trinité lui fut manifestée dans une vision intellectuelle, et il sortit une voix du Père, la Très Pure Marie seule l'entendant, qui disait: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui J'ai mis mes complaisances (Matt. 17: 5).» Saint Joseph le plus fortuné des hommes sentit en même temps une nouvelle émotion de suavité de l'Esprit-Saint qui le remplit de joie et de Lumière divine.
4, 20, 599. Le grand prêtre Siméon, mû aussi par l'Esprit-Saint, comme je l'ai déjà dit au chapitre précédent, entra aussitôt dans le Temple (Luc 2: 27). Et se dirigeant vers le lieu où était la Reine avec son Enfant-Jésus dans les bras, il vit le Fils et la Mère remplis de splendeur et de gloire respectivement. Ce prêtre rempli d'années était en tout vénérable. Et l'était aussi la prophétesse Anne qui vint, comme dit l'Évangile, à la même heure (Luc 2: 38), et qui vit la Mère et le fils avec une lumière Divine et admirable. Remplis d'une jubilation céleste, ils s'approchèrent de la Reine du Ciel, et le prêtre reçut l'Enfant-Jésus de ses mains dans les siennes (Luc 2: 28-29). Puis levant les yeux au Ciel il L'offrit au Père Éternel et prononça ce cantique plein de mystères: «Maintenant, Seigneur, Vous laisserez aller en paix Votre serviteur selon Votre parole; parce que désormais mes yeux ont vu Votre Sauveur; que Vous avez posé devant la face de tous les peuples, Lumière pour la révélation des Gentils et gloire d'Israël Votre peuple.» Et ce fut comme s'il eût dit: Maintenant Seigneur, Vous me délivrerez et Vous me laisserez aller libre et en paix, dégagé des chaînes de ce corps mortel, où me retenaient les espérances de Vos promesses et le désir de voir Votre Fils Unique fait chair. Désormais je goûterai d'une paix assurée et véritable, puisque mes yeux ont vu Votre Sauveur, Votre Fils Unique fait homme, uni à notre nature pour lui donner le Salut Éternel, destiné et décrété avant les siècles dans le secret de Votre divine Sagesse et de Votre Miséricorde infinie. Déjà, Seigneur Vous L'avez préparé et posé devant tous les mortels, Le tirant à la lumière du monde, afin que tous en jouissent si tous en veulent jouir et désirant recevoir de Lui le Salut et la Lumière qui éclairera tout homme dans l'univers (Jean 1: 9, parce qu'Il est la Lumière qui doit être révélée aux nations et pour la gloire de Son peuple choisi, Israël.
4, 20, 600. La Très Sainte Marie et saint Joseph entendirent (Luc 2: 33) ce Cantique de Siméon dans l'admiration de ce qu'il disait avec tant d'esprit. Et l'Évangéliste les appelle parents de l'Enfant-Dieu, selon l'opinion du peuple, parce que ceci arriva en public. Et Siméon, poursuivit, disant à la Très Sainte Mère de
l'Enfant-Jésus, vers qui il se tourna avec intention (Luc 2: 34-35). «Sachez, Madame, que cet Enfant est posé pour la ruine et le salut de plusieurs en Israël; et pour signe ou blanc de grandes contradictions. Et Votre âme qui est Sienne [c] sera transpercée d'un glaive, afin que les pensées de plusieurs coeurs soient découvertes.» Jusqu'ici parla Siméon. Et comme prêtre il donna la bénédiction aux heureux parents de l'Enfant. Ensuite la prophétesse Anne confessa le Verbe fait chair et avec la Lumière de l'Esprit Divin, elle parla de ses Mystères et elle en dit plusieurs choses à ceux qui attendaient la rédemption d'Israël. Et la venue du Messie pour racheter Son peuple demeura annoncée en public par les deux saints vieillards.
4, 20, 601. En même temps que le prêtre Siméon prononçait les paroles prophétiques de la Passion et de la Mort du Seigneur, comprises sous le nom de glaive et de signe de contradiction, le même Enfant baissa la tête. Et par cette action et plusieurs actes d'obéissance intérieure, Il accepta la prophétie du prêtre comme une sentence du Père Éternel déclarée par Son ministre. L'amoureuse Mère vit et connut tout cela; et avec l'intelligence de mystères si douloureux Elle commença dès lors à sentir la vérité de la prophétie de Siméon, son Coeur demeurant désormais blessé par le glaive [d] qui la menaçait pour l'avenir. Parce que tous les mystères que la prophétie contenait lui furent découverts et proposés comme dans un clair miroir devant la vue de son intérieur: comment son Très Saint Fils serait une pierre de scandale (Is. 8: 14) et une ruine pour les incrédules et la Vie pour les fidèles: la chute de la synagogue et l'exaltation de l'Église dans la Gentilité: le triomphe qu'Il remporterait sur les démons (Col. 2: 15) et sur la mort; mais qu'il Lui devait coûter beaucoup, et que ce serait par Sa Mort ignominieuse et douloureuse de la Croix: la contradiction que l'Enfant-Jésus devait souffrir en Lui-même et en Son Église des réprouvés (Jean 15: 20) en si grand nombre et en si grande multitude; et aussi l'excellence des prédestinés. La Très Sainte Marie connut tout cela; et Elle exerça des opérations éminentes entre la joie et la douleur de son âme très pure élevée en des actes très parfaits par les mystères très cachés et la prophétie de Siméon, et il lui demeura dans la mémoire le souvenir de tout ce qu'Elle vit et connut par la Lumière divine et les paroles prophétiques du Vieillard, sans qu'Elle put jamais l'oublier un seul instant. Et Elle regardait toujours son Très Saint Fils avec une vive douleur, renouvelant l'amertume que comme Mère et Mère du Fils de Dieu et Homme, Elle savait seule sentir dignement ce que les hommes et les créatures humaines et de coeurs ingrats, nous ne savons point
sentir. Lorsque le saint époux Joseph entendit ces prophéties il comprit aussi beaucoup des Mystères de la Rédemption et des peines du Très Doux Jésus. Mais le Seigneur ne les lui manifesta pas si copieusement et si expressément que sa divine Épouse les connut et les pénétra; parce qu'il y avait différentes raisons et le saint ne devait pas tout voir dans sa vie.
4, 20, 602. Cette acte achevé, la grande Souveraine baisa la main du prêtre et Elle lui demanda de nouveau la bénédiction. Elle fit la même chose avec Anne son ancienne maîtresse; parce qu'être Mère de Dieu même et avoir la plus grande dignité qu'il y a eu et qu'il y aura entre toutes les femmes, tous les hommes et tous les Anges, ne l'empêchaient point de faire des actes de profonde humilité. Sur cela, Elle retourna vers son auberge; et avec l'Enfant-Dieu, son époux et la compagnie des quatorze mille Anges qui l'assistaient se composa la procession et ils cheminèrent. Ils s'arrêtèrent quelques jours à Jérusalem pour leur dévotion, et pendant ce temps Elle parla quelquefois avec le prêtre des Mystères de la Rédemption et des prophéties qu'il lui avait dites. Et quoique les paroles de la Très Prudente Mère fussent si graves, si mesurées et en si petit nombre, comme elles étaient pondérées et pleines de Sagesse elles laissèrent le prêtre dans l'admiration, et avec de nouvelles joies et des effets très sublimes et très doux dans son âme. La même chose arriva avec la sainte prophétesse Anne. Et ils moururent tous deux dans le Seigneur quelques jours après. Ils furent hospitalisés à l'auberge au compte du prêtre. Et les jours que notre Reine y demeura, Elle fréquentait le Temple et Elle y recevait de nouvelles faveurs et des consolations de la douleur que la prophétie du prêtre lui avait causée. Et afin qu'elles lui fussent plus douces, son Très Saint Fils lui parla une fois et lui dit: «Ma Très Chère Mère et Ma Colombe, essuyez les larmes de vos yeux et dilatez votre Coeur candide, puisque la Volonté de Mon Père est que Je reçoive la Mort de la Croix. Je veux que vous soyez ma compagne dans Mes travaux et Mes peines; et Je veux le souffrir pour les âmes qui sont les ouvrages de Mes mains (Eph. 2: 10), à Mon image et à Ma ressemblance (Gen. 1: 27), pour les conduire à Mon royaume, triomphant de mes ennemis, afin qu'elles vivent (Rom. 6: avec Moi éternellement. C'est cela même que vous désirez avec Moi.» La Mère répondit: «O mon très doux Amour, et Fils de mes entrailles, si je devais Vous accompagner, non seulement pour Vous assister par la vue et la compassion, mais pour mourir conjointement avec Vous, ce me serait d'un plus grand soulagement; parce que ma plus grande douleur sera de vivre en Vous voyant mourir.» Dans ces exercices et ces affections amoureuses
et compatissantes, Elle passa quelques jours, jusqu'à ce que saint Joseph eût l'avis de fuir en Égypte, comme je le dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
4, 20, 603. Ma fille, l'exemple et la Doctrine de ce que tu as écrit t'enseignent la constance et la magnanimité que tu dois tâcher d'avoir dans ton coeur, étant préparée pour accepter la prospérité et l'adversité, le doux et l'amer avec un égal visage. O ma très chère, combien le coeur humain est étroit et pusillanime pour accepter ce qui est pénible et contraire à ses inclination terrestres! Combien il s'indigne avec les travaux! Avec combien d'impatience il les accueille. Combien il juge intolérable ce qui s'oppose à son goût! Et combien il oublie que son Maître et son Seigneur les a d'abord soufferts (1 Pet. 2: 21), accrédités et sanctifiés en Lui-même! C'est une grande confusion et même une témérité que les fidèles abhorrent la souffrance, depuis que mon Très Saint Fils a souffert pour eux, puisqu'avant qu'Il mourût, il y eut plusieurs saints qui embrassèrent la croix seulement avec l'attente que le Christ y souffrirait, quoiqu'ils ne le vissent point. Et si cette mauvaise correspondance est si laide en tous, pèse bien, ma très chère, combien elle le serait en toi qui te montres si anxieuse d'obtenir l'amitié et la grâce du Très-Haut, de mériter le titre de Son épouse et de Son amie, d'être tout à Lui et que Sa Majesté soit tout à toi, et avec les désirs que tu as d'être ma disciple et que je sois ta Maîtresse, de me suivre et de m'imiter, comme fille fidèle à Sa Mère. Tout cela ne doit pas se terminer en de seules affections et dire souvent: "Seigneur, Seigneur" (Matt. 7: 21); et arrivant l'occasion de goûter le calice et la croix des travaux, te contrister, t'affliger et fuir à la vue des peines dans lesquelles on doit faire preuve de la vérité du coeur affectueux et enamouré.
4, 20, 604. Tout cela serait nier par les oeuvres ce que tu protestes par les promesses et sortir du Chemin de la Vie Éternelle; parce que tu ne peux suivre Jésus-Christ si tu n'embrasses la croix et ne te réjouis (Marc 8: 24) avec elle, et moi, tu ne me trouveras pas par un autre chemin. Si les créatures te manquent, si la tentation te menace, si la tribulation t'afflige et si les douleurs de la mort t'environnent (Ps. 17: 5-6) tu ne dois point te troubler ni te montrer timide pour
aucune de ces choses, puisqu'il me déplaît tant, à Mon très saint Fils et à moi que tu empêches et que tu perdes Sa puissante grâce pour te défendre, parce qu'ainsi tu Lui ôtes le lustre et tu la reçois en vain (2 Cor. 6: 1). Outre cela tu donneras un grand triomphe au démon, car il se glorifie beaucoup d'avoir troublé ou vaincu celle qui se tient pour disciple de Jésus-Christ mon Seigneur et la mienne: et commençant à défaillir dans les petites choses, tu viendras à être opprimée dans les grandes. Confie-toi donc en la protection du Très-Haut, te souvenant que ta cause me regarde. Et avec cette foi, lorsque la tribulation arrivera répond courageusement: «Le Seigneur est mon illumination (Ps. 26: 1) et mon salut; qui craindrais-je? Il est mon protecteur, comment serais-je flottante? J'ai une Mère, une Maîtresse, une Reine et une Souveraine qui me défendra et qui aura souci de mon affliction.
4, 20, 605. Avec cette sécurité tâche de conserver la paix intérieure et ne me perds pas de vue pour imiter mes oeuvres et suivre mes traces. Considère la douleur qui transperça mon Coeur avec les prophéties de Siméon, et dans cette peine je demeurai égale, sans aucun changement ni aucune altération quoique mon Coeur et mon âme fussent transpercés de douleur. Je prenais motif de tout pour glorifier et révérer Son admirable Sagesse. Si les travaux et les peines transitoires sont acceptés avec un coeur joyeux et serein ils spiritualisent la créature, ils l'élèvent et ils lui donnent une science Divine, avec quoi elle fait une digne estime de la souffrance et elle trouve ensuite la consolation et le fruit de la désillusion et de la mortification des passions. Telle est la science de l'école du Rédempteur, cachée (Matt. 11: 25) à ceux qui vivent en Babylone et qui sont amateurs de la vanité. Je veux aussi que tu m'imites en respectant les prêtres et les ministres du Seigneur, qui ont maintenant une plus grande excellence et une plus grande dignité que dans la Loi ancienne, depuis que le Verbe divin s'est uni à la nature humaine, et qu'Il S'est fait Prêtre Éternel selon l'ordre de Melchisédech (Ps. 109: 4). Écoute leur doctrine, et leur enseignement, comme émanés de Sa Majesté, à la place de qui ils sont. Considère la puissance et l'autorité qu'Il leur donne dans l'Évangile, disant: «Qui vous écoute, m'écoute; qui vous obéit, m'obéit (Luc 10: 16).» Exécute le plus saint, comme ils te l'enseigneront: et que ton souvenir continuel soit de méditer ce que mon Très Saint Fils souffrit, de telle manière que ton âme soit participante de Ses douleurs, et que ce souvenir t'engendre de telles nausées et une telle amertume dans les contentements terrestres, que tu rejettes et oublies tout le visible pour suivre (Matt. 19: 27) l'Auteur de la Vie Éternelle
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 20, [a]. Ces cierges pouvaient bien figurer le même Jésus-Christ qui dit de Lui-même: «Je suis la Lumière du monde.» Ce fut d'ailleurs le jour de Sa Présentation au Temple que ce divin Luminaire parut pour la première fois en public.
4, 20, [b]. Livre 4, No. 589.
4, 20, [c]. C'est aussi le sens littéral du latin: "Tuam ipsius animan". Et vraiment l'âme de Marie était de Jésus et celle de Jésus était de Marie aussi étroitement de manière à ne former presque qu'une seule chose.
4, 20, [d]. La même révélation tout à fait fut faite à sainte Thérèse. Additions à sa vie écrite par elle-même: «Un jour le Seigneur me dit ceci: "Quand tu vois ma Mère qui me tient dans ses bras ne pense pas qu'Elle jouissait de ces contentements sans un tourment très grave, depuis le jour que Siméon lui avait dit ces paroles: 'Tuam ipsius animan doloris gladius pertransibit'; mon Père lui donnant une claire Lumière pour qu'Elle vit combien Je devais
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 21
Le Seigneur prépare la Très Sainte Marie pour la fuite en Égypte: l'Ange parle à saint Joseph et d'autres avertissements en tout cela.
4, 21, 606. La Très Sainte Marie et le glorieux saint Joseph étant revenus du Temple où ils avaient présenté leur Enfant Jésus, déterminèrent de persévérer neuf jours à Jérusalem et de visiter le Temple neuf fois, répétant chaque jour l'offrande
de l'Hostie sacrée de leur Saint Fils qu'ils avaient en dépôt; en remerciement d'un bienfait si singulier qu'ils avaient reçu entre toutes les créatures. La divine Dame vénérait avec une dévotion spéciale le nombre de neuf, en mémoire des neuf jours pendant lesquels Elle avait été préparée et ornée pour l'Incarnation du Verbe divin, comme il a été dit dans les dix premiers chapitres de cette second partie; et aussi pendant les neuf mois qu'Elle Le porta dans son sein Virginal. Et dans cette intention Elle désirait faire la neuvaine avec son Enfant-Dieu, L'offrant autant de fois au Père Éternel, comme Oblation acceptable pour les hautes fins qu'avait l'Auguste Souveraine. Ils commencèrent la neuvaine et chaque jour Ils allaient au Temple avant l'heure de Tierce et ils demeuraient en oraison jusqu'au soir, choisissant le lieu le plus inférieur avec l'Enfant-Jésus, afin d'entendre dignement cet honneur mérité que donna le maître du festin dans l'Évangile à l'humble convive quand il lui dit: «Mon ami, montez plus haut (Luc 14: 10).» Ainsi notre humble Souveraine le mérita et le Père Éternel l'exécuta à son égard, pendant qu'Elle répandait son esprit en Sa présence (Ps. 141: 3). Et l'un de ces jours Elle pria et dit:
4, 21, 607. «O Roi très haut, Seigneur et Créateur Universel de tout ce qui a l'être, voici la poussière et la cendre inutile en Votre divine Présence, et Votre seule Bonté ineffable l'a élevée à la grâce qu'Elle ne sut ni ne put mériter. Je me trouve, mon Seigneur, obligée et comme forcée par le courant impétueux de Vos bienfaits d'être reconnaissante. Mais quelle digne rétribution pourra Vous offrir Celle qui, n'étant rien, reçu l'être et la vie de Votre droite très libérale, et de plus des miséricordes et des faveurs si incomparables. Quel retour, Celle qui n'est qu'une Créature limitée pourra-t-Elle offrir au service de Votre grandeur immense? quelle révérence à Votre Majesté? quel don à Votre Divinité infinie? J'ai tout reçu et je reçois tout de Votre main, mon âme, mon être et mes puissances; je les ai plusieurs fois offerts en sacrifice à Votre gloire. Je confesse ma dette, non seulement pour ce que Vous m'avez donné, mais surtout pour l'amour avec lequel Vous me l'avez donné, et parce qu'entre toutes les créatures Votre Bonté infinie m'a préservée de la contagion du péché et m'a choisie pour donner la forme humaine à Votre Fils Unique et pour L'avoir dans mes entrailles et Le nourrir à mes mamelles, moi qui suis fille d'Adam, formée d'une matière vile et terrestre. Je connais, très haut Seigneur, cette condescendance ineffable de Votre part et mon coeur défaille dans la reconnaissance, ma vie se résout en affections de Votre divin Amour, parce que je vois que je n'ai rien à rendre pour tout ce en quoi Votre grand
pouvoir S'est signalé envers Votre servante. Mais déjà mon Coeur prend courage et se réjouit en ce qu'il a Qui offrir à Votre grandeur qui ne fait qu'un avec Vous-même dans la substance (Jean 10: 30), qui est égal dans la majesté, les perfections et les attributs; qui est la génération de Votre Entendement, l'Image (Col. 1: 15) de Votre propre Être, la Plénitude de Votre agrément, Votre Fils Unique et Bien-Aimé (Matt. 17: 5). Père Éternel et Dieu très haut, tel est le Don que je Vous offre, telle est l'Hostie que je Vous apporte, sûre que Vous La recevrez. Et ayant reçu Votre Fils-Dieu, je Vous Le rends Dieu-Homme. Je n'ai point, Seigneur, et les créatures n'auront point autre chose de plus à donner, ni Votre Majesté un autre Don plus précieux à leur demander. Et il est si grand qu'Il suffit pour la rétribution de ce que j'ai reçu. En Son Nom et au mien je Vous L'offre; je Le présente à Votre grandeur. Et parce qu'étant Mère de Votre Fils Unique, en Lui donnant chair humaine je L'ai fait frère des mortels, et il a voulu venir pour être leur Rédempteur et leur Maître, il me touche d'être Avocate pour eux et de prendre leur cause pour mon compte et de faire entendre mes clameurs pour leur remède. Ainsi donc, Père de mon Fils unique, Dieu des Miséricordes, je Vous L'offre de tout mon coeur; et avec Lui et pour Lui je Vous demande de pardonner aux pécheurs, de répandre sur le genre humain Vos anciennes miséricordes et de réitérer de nouveaux prodiges, et une manière nouvelle d'exécuter Vos merveilles (Eccli. 36: 6). C'est le lion de Juda (Apoc. 5: 5) devenu désormais Agneau, pour ôter les péchés du monde. C'est le Trésor de Votre Divinité.»
4, 21, 608. La Mère de Piété et de Miséricorde fit ces oraisons et d'autres prières semblables dans les premiers jours de la neuvaine qui commença dans le Temple. Et le Père Éternel répondit à toutes, les acceptant avec l'Offrande de Son Fils Unique comme Sacrifice agréable; et s'enamourant de nouveau de la pureté de Sa Fille Unique et choisie et regardant sa sainteté avec complaisance. Et en retour de ces pétitions Sa Majesté invincible lui concéda de grands et nouveaux privilèges et en particulier, que tout ce qu'Elle demanderait pour ses dévots tant que le monde durerait, Elle l'obtiendrait et que les grands pécheurs qui recourraient à son intercession trouveraient le remède; que dans la nouvelle Église et la Loi Évangélique de Jésus-Christ son Très Saint Fils, Elle serait Coopératrice et Maîtresse, spécialement après l'Ascension aux Cieux, la Reine demeurant comme Refuge et Instrument de la Puissance divine en Elle, comme je le dirai dans la troisième partie de cette Histoire. Le Très-Haut communiqua plusieurs
autres faveurs ou mystères à la divine Vierge dans ces pétitions, lesquels ne peuvent être expliqués par des paroles, ni manifestés par mes termes courts et limités.
4, 21, 609. Et en y persévérant arriva le cinquième jour après la Présentation et la Purification; la divine Dame étant dans le Temple avec son Enfant-Dieu dans les bras, la Divinité lui fut manifestée, quoique non intuitivement, et Elle fut tout élevée et remplie de l'Esprit-Saint. Car bien qu'Elle le fût déjà, néanmoins comme Dieu est infini dans Sa Puissance et Ses Trésors, il ne donne jamais tant qu'il ne Lui reste encore plus à donner aux pures créatures. Dans cette vision abstractive, le Très-Haut voulut préparer de nouveau Son unique Épouse, la prévenant des travaux et des afflictions qui l'attendaient. Et lui parlant et la confortant, Il lui dit: «Mon Épouse et Ma Colombe, tes intentions, et tes désirs sont agréables à Mes yeux et j'y prends toujours mes délices. Mais tu ne peux poursuivre les neuf jours de ta dévotion que tu as commencée, parce que Je veux que tu aies un autre exercice de souffrance pour Mon Amour, et que pour élever ton Fils et Lui sauver la Vie tu sortes de ta maison et de ta patrie et que tu t'absentes avec Lui et avec Joseph ton époux, passant en Égypte où tu resteras jusqu'à ce que J'ordonne autre chose; parce qu'Hérode doit intenter de faire mourir l'Enfant. Le voyage est long, pénible et rempli de beaucoup d'incommodités, souffre-les pour Moi, car Je suis et serai toujours avec toi.»
4, 21, 610. Toute autre sainteté et toute autre foi aurait pu souffrir quelque trouble, comme les incrédules en ont ressenti de grands, voyant qu'un Dieu puissant dût fuir devant un homme misérable et terrestre; et qu'Il S'absentât pour sauver Sa Vie humaine, comme s'Il eût été capable de cette crainte et n'eût pas été Dieu et homme tout ensemble. Mais la Très Prudente et Très Obéissante Mère ne répliqua point ni ne douta; Elle ne se troubla point ni ne s'émut avec cette nouveauté inopinée. Et Elle répondit, disant: «Mon Seigneur et mon Dieu, voici Votre servante avec un coeur prêt à mourir s'il était nécessaire, pour Votre Amour. Disposez de moi selon Votre Volonté. Je demande seulement que Votre Bonté immense ne regardant point mon peu de mérite et mes désagréments, ne permette pas que mon Fils et mon Seigneur arrive à être affligé. Et que les afflictions viennent seulement pour moi qui dois les souffrir.» Le Seigneur la remit à saint Joseph afin qu'Elle le suivît dans le voyage. Et avec cela Elle sortit de la vision,
l'ayant eue sans perdre les sens extérieurs, parce qu'Elle avait l'Enfant-Jésus dans les bras, et Elle fut élevée seulement dans la partie supérieure de l'âme; quoique d'autres dons en rejaillirent dans les sens qui en demeurèrent spiritualisés et comme témoignant que l'âme était plus où Elle aimait que là où Elle animait.
4, 21, 611. L'amour incomparable que notre grande Reine avait pour son Très Saint Fils attendrit quelque peu son Coeur maternel et compatissant, considérant les peines de l'Enfant-Dieu qu'Elle avait connues dans la vision. Et répandant beaucoup de larmes, Elle sortit du Temple pour son hôtellerie, sans manifester à son époux la cause de sa douleur; et le Saint comprit que c'était la prophétie de Siméon qu'Elle avait entendue. Mais comme le très fidèle Joseph l'aimait tant et qu'il était de son naturel officieux et plein de sollicitude, il se troubla un peu, voyant son Épouse en larme et si affligée, et qu'Elle ne lui en manifestait point la cause, si par cas Elle en avait une nouvelle. Ce trouble fut une des raisons pourquoi le saint Ange lui parla en songe, comme je l'ai déjà dit dans l'occasion de la grossesse de la Reine. Parce que cette nuit-là même, saint Joseph étant endormi, le même saint Ange lui apparut et lui dit comme le rapporte saint Matthieu: «Lève-toi et fuis en Égypte, et tu y demeureras jusqu'à ce que je revienne te donner un autre avis; parce qu'Hérode doit chercher l'Enfant pour Lui ôter la vie (Matt. 2: 13). A l'instant le saint époux se leva plein d'inquiétude et de peine, prévoyant celle de son Épouse très aimée. Et s'approchant du lieu où Elle était retirée, il lui dit: «Madame, la Volonté du Très-Haut veut que nous soyons affligés; parce que Son saint Ange m'a parlé et m'a déclaré qu'il plaît à Sa Majesté et qu'Il ordonne que nous fuyions avec l'Enfant en Égypte, parce qu'Hérode tente de Lui ôter la vie. Animez-Vous, Madame, pour l'affliction de cet événement et dites-moi ce que je puis faire pour Votre consolation, puisque j'ai l'être et la vie pour le service de notre doux Enfant et le Vôtre.»
4, 21, 612. «Mon époux et mon seigneur,» répondit la Reine, «si nous recevons tant de biens et de grâces de la main très libérale du Très-Haut, il est raisonnable que nous recevions (Job 2: 10) avec allégresse les travaux temporels. Nous porterons avec nous le Créateur du Ciel et de la terre et s'Il nous a placés près de Lui, quelle main sera assez puissante pour nous offense, quand ce serait celle du roi Hérode. Et là où nous portons tout notre bien, le Bien Souverain, le Trésor du Ciel, notre Maître, notre Guide et notre Vraie Lumière ne peut être un
exil; puisqu'il est notre Repos, notre Héritage et notre Patrie. Nous avons tout en Sa compagnie; allons accomplir Sa Volonté.» La Très Sainte Marie et Joseph s'approchèrent de l'Enfant-Jésus dans Son berceau; et non par hasard, Il dormait en cette circonstance. La divine Mère Le découvrit et Il ne se réveilla point; parce qu'Il attendait les tendres et douloureuses paroles de Sa Bien-Aimée: «Fuis, mon Bien-Aimé, sois comme le cerf et le chevreuil sur les montagnes aromatiques (Cant. 8: 14); viens mon Bien-Aimé, sortons dehors, allons vivre dans les villages (Cant. 7: 11). Mon doux Amour, ajouta la tendre Mère, mon Très Doux Agneau, Votre Puissance n'est pas limitée par celle es rois e la terre, mais Vous voulez la cacher avec une très sublime Sagesse par amour pour les mêmes hommes. Qui d'entre les mortels peut penser, mon Bien-Aimé, qu'il Vous ôtera la vie, puisque Votre Puissance anéantie la leur? Si Vous donnez à tous la Vie (Jean 10: 10), pourquoi Vous l'ôtent-ils? Si Vous les cherchez pour leur donner celle qui est éternelle, comment eux veulent-ils Vous donner la mort? Mais qui comprendra les secrets (Rom. 11: 34) cachés de Votre Providence. Or donc, Seigneur et Lumière de mon âme, donnez-moi la permission de Vous éveiller; car si Vous dormez Votre Coeur veille (Cant. 5: 2).»
4, 21, 613. Saint Joseph dit aussi quelques raisons semblables à celles-ci. Et ensuite la divine Mère à genoux réveilla le Très Doux Enfant et Le prit dan ses bras. Et Lui, pour l'attendrir davantage Se montra homme véritable et pleura un peu! O merveilles du Très-Haut en des choses si petites à notre faible jugement! Mais bientôt Il Se tut. Et Sa Très Pure Mère et saint Joseph Lui demandant la bénédiction, l'Enfant la leur donna visiblement à tous deux. Puis recueillant Ses pauvres langes, ils les mirent dans la caisse qu'ils avaient apportée, et ils partirent sans retard, peu après minuit, amenant l'ânon qu'avait porté la Reine de Nazareth, et ils cheminèrent en toute hâte vers l'Égypte, comme je le dirai dans le chapitre suivant.
4, 21, 614. Et pour conclure, il me fut donné de comprendre la concordance des deux Évangélistes saint Matthieu et saint Luc sur ce Mystère. Parce que comme ils écrivirent tous avec l'assistance et la Lumière de l'Esprit-Saint, avec cette même Lumière chacun connaissait ce que les autres écrivaient et ce qu'ils ne disaient point. Et de là vient que par la Volonté Divine, tous les quatre Évangélistes écrivirent quelques-unes des mêmes choses et des mêmes
événements de la Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ et de l'Histoire Évangélique: et en d'autre choses les uns écrivirent ce que d'autres omettaient; comme on le voit dans l'Évangile de saint Jean et des autres. Saint Matthieu écrivit l'adoration des Rois (Matt. 2: 1) et la fuite en Égypte et saint Luc ne l'écrivit pas. Et celui-ci écrivit la Circoncision (Luc 2: 21-38) la Présentation et la Purification que saint Matthieu omit. Et ainsi comme saint Matthieu en rapportant le départ des Rois-Mages (Matt. 2: 13) se met aussitôt à raconter que l'Ange parla à saint Joseph pour lui dire de fuir en Égypte, sans parler de la Présentation; et il ne s'en suit pas qu'ils ne présentèrent pas d'abord l'Enfant-Dieu, parce qu'il est certain que cela se fit après que les Rois furent passés et avant de partir pour l'Égypte, comme saint Luc le raconte (Luc 2: 22): de même aussi, quoique le même saint Luc après la Présentation et la Purification écrit qu'ils allèrent à Nazareth (Luc 2: 39), il ne s'en suit pas pour cela qu'ils n'allèrent pas d'abord en Égypte; parce que sans doute, ils y allèrent, comme l'écrit saint Matthieu (Matt. 2: 14), quoique saint Luc l'omit; car il n'écrivit cette fuite ni avant ni après parce qu'elle avait déjà été écrite par saint Matthieu. Et elle fut immédiatement après la Purification sans que la Très Sainte Marie et Joseph revinssent d'abord à Nazareth. Et saint Luc n'ayant point à écrire ce voyage, était forcé pour continuer le fil de son Histoire d'écrire après la Présentation, le retour à Nazareth; et de dire qu'après avoir achevé ce que commandait la Loi, ils revinrent en Galilée (Luc 2: 39, non pour nier qu'ils allèrent en Égypte, mais pour continuer la narration, laissant de raconter la fuite d'Hérode. Et du même texte de saint Luc, on voit que l'allée à Nazareth fut après qu'ils retournèrent de l'Égypte [a], parce qu'il dit que l'Enfant croissait et Se fortifiait avec Sagesse (Luc 2: 40) et que l'on connaissait en Lui la grâce: ce qui ne pouvait être avant les années de l'enfance accomplies, ce qui fut après le retour d'Égypte, lorsqu'on découvre dans les enfants le commencement de l'usage de la raison.
4, 21, 615. Il m'a été donné à entendre aussi combien a été insensé le scandale des infidèles ou incrédules [b] qui commencèrent à se heurter (1 Pet. 2: sur cette pierre angulaire, Notre Seigneur Jésus-Christ, dès Son enfance en Le voyant fuir en Égypte pour Se défendre d'Hérode, comme si cela eût été par manque de pouvoir et non un Mystère pour d'autres fins plus hautes que de défendre Sa vie de la cruauté d'un homme pécheur. Ce que le même Évangéliste dit (Matt. 2: 15) suffisait pour tranquilliser le coeur bien disposé: que se devait accomplir la prophétie d'Osée qui dit au Nom du Père Éternel: «J'ai rappelé mon Fils d'Égypte.» Et les fins qu'Il eut en L'envoyant là et en Le rapportant sont très mystérieuses et
j'en dirai quelque chose plus loin [c]. Mais lors même que toutes les Oeuvres du Verbe ne seraient pas si admirables ni si pleines de sacrements, il n'y a personne qui, ayant un jugement sain, puisse nier ou ignorer la suave Providence avec laquelle Dieu gouverne les causes secondes, laissant la volonté humaine opérer selon sa liberté (Eccli. 15: 14). C'est pour cette raison et non par manque de pouvoir qu'Il consent à ce qu'Il y ait dans le monde tant d'injures et d'offenses d'idolâtrie, d'hérésies et d'autres péchés qui ne sont pas moindres que celui d'Hérode; et qu'Il permit celui de Judas et de ceux qui de fait maltraitèrent et crucifièrent Sa Majesté. Et il est clair qu'Il aurait pu empêcher tout cela et qu'Il ne l'a pas fait, non-seulement pour opérer la Rédemption, mais encore parce qu'Il obtint ce bien pour nous, laissant opérer les hommes par la liberté de leur volonté, leur donnant la grâce et les secours qui convenaient à Sa divine Providence, afin qu'avec cela ils opérassent le bien si les hommes voulaient user de leur volonté pour le bien, comme ils le font pour le mal.
4, 21, 616. Avec cette même suavité de Sa Providence, Il attend la conversion des pécheurs et Il leur donne le temps comme Il le donna à Hérode. Et s'Il avait usé de Son pouvoir absolu et s'Il avait fait de grands miracles pour arrêter les effets des causes secondes, l'ordre de la nature eût été confondu et il eût été en une certaine manière contraire comme Auteur de la grâce, à Lui-même comme Auteur de la nature. Pour cela les miracles doivent être rares et arriver peu souvent et quand il y a quelque cause ou fin particulière, car pour cela Dieu les réserve pour leurs temps opportuns, dans lesquels Il manifesta Sa Puissance et Se donna à connaître pour l'Auteur de tout, et sans dépendances des mêmes choses auxquelles Il donna l'être et Il donne la conservation. On ne doit pas non plus être étonné qu'Il permit la mort des enfants innocents qu'Hérode fit décapiter, car il ne convenait point de les défendre en cela par miracle puisque cette mort leur gagna la Vie Éternelle avec une abondante récompense: et celle-ci vaut sans comparaison plus que la vie temporelle que l'on doit donner et perdre pour elle: et si tous les enfants avaient vécu et étaient morts de leur mort naturelle, tout n'eussent pas été sauvés. Les Oeuvres du Seigneur sont justifiées et saintes en tout quoique nous n'atteignions pas aussitôt aux raisons de Son équité; mais nous les connaîtrons dans le même Seigneur quand nous Le verrons face à face.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 21, 617. Ma fille, entre les choses que tu dois considérer dans ce chapitre pour ton enseignement, que la première soit l'humble reconnaissance des bienfaits que tu reçois, puisque tu es si signalée et si enrichie entre les générations par ce que mon Très Saint Fils et moi faisons à ton égard, sans que tu l'aies mérité. Je répétais souvent le verset de David: «Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu'Il m'a donné (Ps. 115: 12)?» Et avec cette affection reconnaissante je m'humiliais jusqu'à la poussière, me jugeant inutile entre les créatures. Puis si tu connais que je faisais cela étant Mère véritable de Dieu même, pèse bien quelle est ton obligation, lorsqu'avec tant de vérité tu dois te confesser indigne et non méritante de ce que tu reçois; pauvre pour le reconnaître et le payer. Tu dois suppléer à cette insuffisance de ta misère et de ta débilité en offrant au Père Éternel l'Hostie vivante de Son Fils Incarné, et spécialement quand tu Le reçois Sacramenté et que tu le possèdes dans ton coeur: car en cela tu imiteras aussi David qui après l'interrogation qu'il disait de ce qu'il donnerait au Seigneur pour l'avoir favorisé, répondait: «Je recevrai le calice du salut et j'invoquerai le Nom du Très-Haut (Ps. 115: 13).» Tu dois opérer le salut (Phil. 2: 12) opérant ce qui y conduit, et donner le retour par une conduite parfaite, invoquer le Nom du Seigneur, et Lui offrir Son Fils Unique qui est Celui qui opéra la vertu et le salut (Ps. 73: 12) et qui le mérita et qui peut être le retour adéquat de ce que le genre humain reçut et toi en particulier de Sa main Puissante. Je Lui donnai la forme humaine (Bar. 3: 38) pour qu'Il conversât avec les hommes et qu'Il fût pour tous comme leur chose propre. Et Sa Majesté Se mit sous les espèces du pain et du vin (Jean 6: 57) pour S'approprier davantage à chacun en particulier et afin qu'il en jouît comme sa Chose et L'offrît au Père; les âmes suppléant avec cette Oblation à ce qu'elles ne pourraient Lui donner sans Elle, le Très-Haut demeurant comme satisfait avec Elle, puisqu'Il ne peut vouloir autre chose plus acceptable, ni le demander aux créatures.
4, 21, 618. Une autre chose très acceptable est celle que font les âmes en embrassant et en supportant avec égalité d'âme et avec un support patient, les
travaux et les adversités de la vie mortelle. Mon Très Saint Fils et moi nous fûmes les Maîtres éminents de cette doctrine; et Sa Majesté commença à l'enseigner dès l'instant que je le conçus dans mes entrailles; parce qu'aussitôt nous commençâmes à pérégriner et à souffrir; et dès qu'Il fut né dans le monde nous souffrîmes la persécution dans l'exil à quoi nous obligea Hérode; et la souffrance dura jusqu'à ce que Sa Majesté mourût sur la Croix. Et je travaillai jusqu'à la fin de ma Vie comme tu le connaîtras en écrivant cette Histoire. Et puisque nous avons tant souffert pour les créatures et pour leur remède; je veux que tu Nous imites en cette conformité, comme Son Épouse et ma fille, souffrant avec un grand coeur, et travaillant pour augmenter à ton Seigneur et ton Maître, la fortune si précieuse à Ses yeux des âmes qu'Il acheta avec Sa Vie et Son Sang (1 Cor. 6: 20). Tu ne dois jamais éviter le travail, la difficulté, l'amertume ni les douleurs, si par quelqu'une de ces choses tu peux gagner à Dieu quelque âme et l'aider à sortir du péché et à améliorer sa vie. Et ne sois pas intimidée de te voir si inutile et si pauvre, ni du peu que profitera ton désir et ton travail; puisque tu ne sais pas comment le Très-Haut l'acceptera et s'en donnera pour satisfait. Du moins tu dois travailler diligemment et ne point manger le pain dans Sa maison en demeurant oisive (Prov. 31: 27).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 21, [a]. C'est précisément ce qu'assure aussi saint Augustin, [l. 2, de Cons. Evang., c. 5], et avec lui Luc de Bruges, Calmet et autres.
4, 21, b]. Le premier à se scandaliser de la fuite de Jésus Enfant fut Celse [Orig. Contr. Cels.] suivi par l'impie Voltaire, auxquels la mort de la Croix devait naturellement servir aussi de scandale comme aux Juifs, au dire de l'Apôtre saint Paul. Saint Jean Chrysostôme, [Serm., 13], Saint Pierre Chrysologue, [Serm., 115], et autres donnent d'abondantes raisons de cette fuite.
4, 21, [c]. Livre 4, No. 641.
Le Seigneur prépare la Très Sainte Marie pour la fuite en Égypte: l'Ange parle à saint Joseph et d'autres avertissements en tout cela.
4, 21, 606. La Très Sainte Marie et le glorieux saint Joseph étant revenus du Temple où ils avaient présenté leur Enfant Jésus, déterminèrent de persévérer neuf jours à Jérusalem et de visiter le Temple neuf fois, répétant chaque jour l'offrande
de l'Hostie sacrée de leur Saint Fils qu'ils avaient en dépôt; en remerciement d'un bienfait si singulier qu'ils avaient reçu entre toutes les créatures. La divine Dame vénérait avec une dévotion spéciale le nombre de neuf, en mémoire des neuf jours pendant lesquels Elle avait été préparée et ornée pour l'Incarnation du Verbe divin, comme il a été dit dans les dix premiers chapitres de cette second partie; et aussi pendant les neuf mois qu'Elle Le porta dans son sein Virginal. Et dans cette intention Elle désirait faire la neuvaine avec son Enfant-Dieu, L'offrant autant de fois au Père Éternel, comme Oblation acceptable pour les hautes fins qu'avait l'Auguste Souveraine. Ils commencèrent la neuvaine et chaque jour Ils allaient au Temple avant l'heure de Tierce et ils demeuraient en oraison jusqu'au soir, choisissant le lieu le plus inférieur avec l'Enfant-Jésus, afin d'entendre dignement cet honneur mérité que donna le maître du festin dans l'Évangile à l'humble convive quand il lui dit: «Mon ami, montez plus haut (Luc 14: 10).» Ainsi notre humble Souveraine le mérita et le Père Éternel l'exécuta à son égard, pendant qu'Elle répandait son esprit en Sa présence (Ps. 141: 3). Et l'un de ces jours Elle pria et dit:
4, 21, 607. «O Roi très haut, Seigneur et Créateur Universel de tout ce qui a l'être, voici la poussière et la cendre inutile en Votre divine Présence, et Votre seule Bonté ineffable l'a élevée à la grâce qu'Elle ne sut ni ne put mériter. Je me trouve, mon Seigneur, obligée et comme forcée par le courant impétueux de Vos bienfaits d'être reconnaissante. Mais quelle digne rétribution pourra Vous offrir Celle qui, n'étant rien, reçu l'être et la vie de Votre droite très libérale, et de plus des miséricordes et des faveurs si incomparables. Quel retour, Celle qui n'est qu'une Créature limitée pourra-t-Elle offrir au service de Votre grandeur immense? quelle révérence à Votre Majesté? quel don à Votre Divinité infinie? J'ai tout reçu et je reçois tout de Votre main, mon âme, mon être et mes puissances; je les ai plusieurs fois offerts en sacrifice à Votre gloire. Je confesse ma dette, non seulement pour ce que Vous m'avez donné, mais surtout pour l'amour avec lequel Vous me l'avez donné, et parce qu'entre toutes les créatures Votre Bonté infinie m'a préservée de la contagion du péché et m'a choisie pour donner la forme humaine à Votre Fils Unique et pour L'avoir dans mes entrailles et Le nourrir à mes mamelles, moi qui suis fille d'Adam, formée d'une matière vile et terrestre. Je connais, très haut Seigneur, cette condescendance ineffable de Votre part et mon coeur défaille dans la reconnaissance, ma vie se résout en affections de Votre divin Amour, parce que je vois que je n'ai rien à rendre pour tout ce en quoi Votre grand
pouvoir S'est signalé envers Votre servante. Mais déjà mon Coeur prend courage et se réjouit en ce qu'il a Qui offrir à Votre grandeur qui ne fait qu'un avec Vous-même dans la substance (Jean 10: 30), qui est égal dans la majesté, les perfections et les attributs; qui est la génération de Votre Entendement, l'Image (Col. 1: 15) de Votre propre Être, la Plénitude de Votre agrément, Votre Fils Unique et Bien-Aimé (Matt. 17: 5). Père Éternel et Dieu très haut, tel est le Don que je Vous offre, telle est l'Hostie que je Vous apporte, sûre que Vous La recevrez. Et ayant reçu Votre Fils-Dieu, je Vous Le rends Dieu-Homme. Je n'ai point, Seigneur, et les créatures n'auront point autre chose de plus à donner, ni Votre Majesté un autre Don plus précieux à leur demander. Et il est si grand qu'Il suffit pour la rétribution de ce que j'ai reçu. En Son Nom et au mien je Vous L'offre; je Le présente à Votre grandeur. Et parce qu'étant Mère de Votre Fils Unique, en Lui donnant chair humaine je L'ai fait frère des mortels, et il a voulu venir pour être leur Rédempteur et leur Maître, il me touche d'être Avocate pour eux et de prendre leur cause pour mon compte et de faire entendre mes clameurs pour leur remède. Ainsi donc, Père de mon Fils unique, Dieu des Miséricordes, je Vous L'offre de tout mon coeur; et avec Lui et pour Lui je Vous demande de pardonner aux pécheurs, de répandre sur le genre humain Vos anciennes miséricordes et de réitérer de nouveaux prodiges, et une manière nouvelle d'exécuter Vos merveilles (Eccli. 36: 6). C'est le lion de Juda (Apoc. 5: 5) devenu désormais Agneau, pour ôter les péchés du monde. C'est le Trésor de Votre Divinité.»
4, 21, 608. La Mère de Piété et de Miséricorde fit ces oraisons et d'autres prières semblables dans les premiers jours de la neuvaine qui commença dans le Temple. Et le Père Éternel répondit à toutes, les acceptant avec l'Offrande de Son Fils Unique comme Sacrifice agréable; et s'enamourant de nouveau de la pureté de Sa Fille Unique et choisie et regardant sa sainteté avec complaisance. Et en retour de ces pétitions Sa Majesté invincible lui concéda de grands et nouveaux privilèges et en particulier, que tout ce qu'Elle demanderait pour ses dévots tant que le monde durerait, Elle l'obtiendrait et que les grands pécheurs qui recourraient à son intercession trouveraient le remède; que dans la nouvelle Église et la Loi Évangélique de Jésus-Christ son Très Saint Fils, Elle serait Coopératrice et Maîtresse, spécialement après l'Ascension aux Cieux, la Reine demeurant comme Refuge et Instrument de la Puissance divine en Elle, comme je le dirai dans la troisième partie de cette Histoire. Le Très-Haut communiqua plusieurs
autres faveurs ou mystères à la divine Vierge dans ces pétitions, lesquels ne peuvent être expliqués par des paroles, ni manifestés par mes termes courts et limités.
4, 21, 609. Et en y persévérant arriva le cinquième jour après la Présentation et la Purification; la divine Dame étant dans le Temple avec son Enfant-Dieu dans les bras, la Divinité lui fut manifestée, quoique non intuitivement, et Elle fut tout élevée et remplie de l'Esprit-Saint. Car bien qu'Elle le fût déjà, néanmoins comme Dieu est infini dans Sa Puissance et Ses Trésors, il ne donne jamais tant qu'il ne Lui reste encore plus à donner aux pures créatures. Dans cette vision abstractive, le Très-Haut voulut préparer de nouveau Son unique Épouse, la prévenant des travaux et des afflictions qui l'attendaient. Et lui parlant et la confortant, Il lui dit: «Mon Épouse et Ma Colombe, tes intentions, et tes désirs sont agréables à Mes yeux et j'y prends toujours mes délices. Mais tu ne peux poursuivre les neuf jours de ta dévotion que tu as commencée, parce que Je veux que tu aies un autre exercice de souffrance pour Mon Amour, et que pour élever ton Fils et Lui sauver la Vie tu sortes de ta maison et de ta patrie et que tu t'absentes avec Lui et avec Joseph ton époux, passant en Égypte où tu resteras jusqu'à ce que J'ordonne autre chose; parce qu'Hérode doit intenter de faire mourir l'Enfant. Le voyage est long, pénible et rempli de beaucoup d'incommodités, souffre-les pour Moi, car Je suis et serai toujours avec toi.»
4, 21, 610. Toute autre sainteté et toute autre foi aurait pu souffrir quelque trouble, comme les incrédules en ont ressenti de grands, voyant qu'un Dieu puissant dût fuir devant un homme misérable et terrestre; et qu'Il S'absentât pour sauver Sa Vie humaine, comme s'Il eût été capable de cette crainte et n'eût pas été Dieu et homme tout ensemble. Mais la Très Prudente et Très Obéissante Mère ne répliqua point ni ne douta; Elle ne se troubla point ni ne s'émut avec cette nouveauté inopinée. Et Elle répondit, disant: «Mon Seigneur et mon Dieu, voici Votre servante avec un coeur prêt à mourir s'il était nécessaire, pour Votre Amour. Disposez de moi selon Votre Volonté. Je demande seulement que Votre Bonté immense ne regardant point mon peu de mérite et mes désagréments, ne permette pas que mon Fils et mon Seigneur arrive à être affligé. Et que les afflictions viennent seulement pour moi qui dois les souffrir.» Le Seigneur la remit à saint Joseph afin qu'Elle le suivît dans le voyage. Et avec cela Elle sortit de la vision,
l'ayant eue sans perdre les sens extérieurs, parce qu'Elle avait l'Enfant-Jésus dans les bras, et Elle fut élevée seulement dans la partie supérieure de l'âme; quoique d'autres dons en rejaillirent dans les sens qui en demeurèrent spiritualisés et comme témoignant que l'âme était plus où Elle aimait que là où Elle animait.
4, 21, 611. L'amour incomparable que notre grande Reine avait pour son Très Saint Fils attendrit quelque peu son Coeur maternel et compatissant, considérant les peines de l'Enfant-Dieu qu'Elle avait connues dans la vision. Et répandant beaucoup de larmes, Elle sortit du Temple pour son hôtellerie, sans manifester à son époux la cause de sa douleur; et le Saint comprit que c'était la prophétie de Siméon qu'Elle avait entendue. Mais comme le très fidèle Joseph l'aimait tant et qu'il était de son naturel officieux et plein de sollicitude, il se troubla un peu, voyant son Épouse en larme et si affligée, et qu'Elle ne lui en manifestait point la cause, si par cas Elle en avait une nouvelle. Ce trouble fut une des raisons pourquoi le saint Ange lui parla en songe, comme je l'ai déjà dit dans l'occasion de la grossesse de la Reine. Parce que cette nuit-là même, saint Joseph étant endormi, le même saint Ange lui apparut et lui dit comme le rapporte saint Matthieu: «Lève-toi et fuis en Égypte, et tu y demeureras jusqu'à ce que je revienne te donner un autre avis; parce qu'Hérode doit chercher l'Enfant pour Lui ôter la vie (Matt. 2: 13). A l'instant le saint époux se leva plein d'inquiétude et de peine, prévoyant celle de son Épouse très aimée. Et s'approchant du lieu où Elle était retirée, il lui dit: «Madame, la Volonté du Très-Haut veut que nous soyons affligés; parce que Son saint Ange m'a parlé et m'a déclaré qu'il plaît à Sa Majesté et qu'Il ordonne que nous fuyions avec l'Enfant en Égypte, parce qu'Hérode tente de Lui ôter la vie. Animez-Vous, Madame, pour l'affliction de cet événement et dites-moi ce que je puis faire pour Votre consolation, puisque j'ai l'être et la vie pour le service de notre doux Enfant et le Vôtre.»
4, 21, 612. «Mon époux et mon seigneur,» répondit la Reine, «si nous recevons tant de biens et de grâces de la main très libérale du Très-Haut, il est raisonnable que nous recevions (Job 2: 10) avec allégresse les travaux temporels. Nous porterons avec nous le Créateur du Ciel et de la terre et s'Il nous a placés près de Lui, quelle main sera assez puissante pour nous offense, quand ce serait celle du roi Hérode. Et là où nous portons tout notre bien, le Bien Souverain, le Trésor du Ciel, notre Maître, notre Guide et notre Vraie Lumière ne peut être un
exil; puisqu'il est notre Repos, notre Héritage et notre Patrie. Nous avons tout en Sa compagnie; allons accomplir Sa Volonté.» La Très Sainte Marie et Joseph s'approchèrent de l'Enfant-Jésus dans Son berceau; et non par hasard, Il dormait en cette circonstance. La divine Mère Le découvrit et Il ne se réveilla point; parce qu'Il attendait les tendres et douloureuses paroles de Sa Bien-Aimée: «Fuis, mon Bien-Aimé, sois comme le cerf et le chevreuil sur les montagnes aromatiques (Cant. 8: 14); viens mon Bien-Aimé, sortons dehors, allons vivre dans les villages (Cant. 7: 11). Mon doux Amour, ajouta la tendre Mère, mon Très Doux Agneau, Votre Puissance n'est pas limitée par celle es rois e la terre, mais Vous voulez la cacher avec une très sublime Sagesse par amour pour les mêmes hommes. Qui d'entre les mortels peut penser, mon Bien-Aimé, qu'il Vous ôtera la vie, puisque Votre Puissance anéantie la leur? Si Vous donnez à tous la Vie (Jean 10: 10), pourquoi Vous l'ôtent-ils? Si Vous les cherchez pour leur donner celle qui est éternelle, comment eux veulent-ils Vous donner la mort? Mais qui comprendra les secrets (Rom. 11: 34) cachés de Votre Providence. Or donc, Seigneur et Lumière de mon âme, donnez-moi la permission de Vous éveiller; car si Vous dormez Votre Coeur veille (Cant. 5: 2).»
4, 21, 613. Saint Joseph dit aussi quelques raisons semblables à celles-ci. Et ensuite la divine Mère à genoux réveilla le Très Doux Enfant et Le prit dan ses bras. Et Lui, pour l'attendrir davantage Se montra homme véritable et pleura un peu! O merveilles du Très-Haut en des choses si petites à notre faible jugement! Mais bientôt Il Se tut. Et Sa Très Pure Mère et saint Joseph Lui demandant la bénédiction, l'Enfant la leur donna visiblement à tous deux. Puis recueillant Ses pauvres langes, ils les mirent dans la caisse qu'ils avaient apportée, et ils partirent sans retard, peu après minuit, amenant l'ânon qu'avait porté la Reine de Nazareth, et ils cheminèrent en toute hâte vers l'Égypte, comme je le dirai dans le chapitre suivant.
4, 21, 614. Et pour conclure, il me fut donné de comprendre la concordance des deux Évangélistes saint Matthieu et saint Luc sur ce Mystère. Parce que comme ils écrivirent tous avec l'assistance et la Lumière de l'Esprit-Saint, avec cette même Lumière chacun connaissait ce que les autres écrivaient et ce qu'ils ne disaient point. Et de là vient que par la Volonté Divine, tous les quatre Évangélistes écrivirent quelques-unes des mêmes choses et des mêmes
événements de la Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ et de l'Histoire Évangélique: et en d'autre choses les uns écrivirent ce que d'autres omettaient; comme on le voit dans l'Évangile de saint Jean et des autres. Saint Matthieu écrivit l'adoration des Rois (Matt. 2: 1) et la fuite en Égypte et saint Luc ne l'écrivit pas. Et celui-ci écrivit la Circoncision (Luc 2: 21-38) la Présentation et la Purification que saint Matthieu omit. Et ainsi comme saint Matthieu en rapportant le départ des Rois-Mages (Matt. 2: 13) se met aussitôt à raconter que l'Ange parla à saint Joseph pour lui dire de fuir en Égypte, sans parler de la Présentation; et il ne s'en suit pas qu'ils ne présentèrent pas d'abord l'Enfant-Dieu, parce qu'il est certain que cela se fit après que les Rois furent passés et avant de partir pour l'Égypte, comme saint Luc le raconte (Luc 2: 22): de même aussi, quoique le même saint Luc après la Présentation et la Purification écrit qu'ils allèrent à Nazareth (Luc 2: 39), il ne s'en suit pas pour cela qu'ils n'allèrent pas d'abord en Égypte; parce que sans doute, ils y allèrent, comme l'écrit saint Matthieu (Matt. 2: 14), quoique saint Luc l'omit; car il n'écrivit cette fuite ni avant ni après parce qu'elle avait déjà été écrite par saint Matthieu. Et elle fut immédiatement après la Purification sans que la Très Sainte Marie et Joseph revinssent d'abord à Nazareth. Et saint Luc n'ayant point à écrire ce voyage, était forcé pour continuer le fil de son Histoire d'écrire après la Présentation, le retour à Nazareth; et de dire qu'après avoir achevé ce que commandait la Loi, ils revinrent en Galilée (Luc 2: 39, non pour nier qu'ils allèrent en Égypte, mais pour continuer la narration, laissant de raconter la fuite d'Hérode. Et du même texte de saint Luc, on voit que l'allée à Nazareth fut après qu'ils retournèrent de l'Égypte [a], parce qu'il dit que l'Enfant croissait et Se fortifiait avec Sagesse (Luc 2: 40) et que l'on connaissait en Lui la grâce: ce qui ne pouvait être avant les années de l'enfance accomplies, ce qui fut après le retour d'Égypte, lorsqu'on découvre dans les enfants le commencement de l'usage de la raison.
4, 21, 615. Il m'a été donné à entendre aussi combien a été insensé le scandale des infidèles ou incrédules [b] qui commencèrent à se heurter (1 Pet. 2: sur cette pierre angulaire, Notre Seigneur Jésus-Christ, dès Son enfance en Le voyant fuir en Égypte pour Se défendre d'Hérode, comme si cela eût été par manque de pouvoir et non un Mystère pour d'autres fins plus hautes que de défendre Sa vie de la cruauté d'un homme pécheur. Ce que le même Évangéliste dit (Matt. 2: 15) suffisait pour tranquilliser le coeur bien disposé: que se devait accomplir la prophétie d'Osée qui dit au Nom du Père Éternel: «J'ai rappelé mon Fils d'Égypte.» Et les fins qu'Il eut en L'envoyant là et en Le rapportant sont très mystérieuses et
j'en dirai quelque chose plus loin [c]. Mais lors même que toutes les Oeuvres du Verbe ne seraient pas si admirables ni si pleines de sacrements, il n'y a personne qui, ayant un jugement sain, puisse nier ou ignorer la suave Providence avec laquelle Dieu gouverne les causes secondes, laissant la volonté humaine opérer selon sa liberté (Eccli. 15: 14). C'est pour cette raison et non par manque de pouvoir qu'Il consent à ce qu'Il y ait dans le monde tant d'injures et d'offenses d'idolâtrie, d'hérésies et d'autres péchés qui ne sont pas moindres que celui d'Hérode; et qu'Il permit celui de Judas et de ceux qui de fait maltraitèrent et crucifièrent Sa Majesté. Et il est clair qu'Il aurait pu empêcher tout cela et qu'Il ne l'a pas fait, non-seulement pour opérer la Rédemption, mais encore parce qu'Il obtint ce bien pour nous, laissant opérer les hommes par la liberté de leur volonté, leur donnant la grâce et les secours qui convenaient à Sa divine Providence, afin qu'avec cela ils opérassent le bien si les hommes voulaient user de leur volonté pour le bien, comme ils le font pour le mal.
4, 21, 616. Avec cette même suavité de Sa Providence, Il attend la conversion des pécheurs et Il leur donne le temps comme Il le donna à Hérode. Et s'Il avait usé de Son pouvoir absolu et s'Il avait fait de grands miracles pour arrêter les effets des causes secondes, l'ordre de la nature eût été confondu et il eût été en une certaine manière contraire comme Auteur de la grâce, à Lui-même comme Auteur de la nature. Pour cela les miracles doivent être rares et arriver peu souvent et quand il y a quelque cause ou fin particulière, car pour cela Dieu les réserve pour leurs temps opportuns, dans lesquels Il manifesta Sa Puissance et Se donna à connaître pour l'Auteur de tout, et sans dépendances des mêmes choses auxquelles Il donna l'être et Il donne la conservation. On ne doit pas non plus être étonné qu'Il permit la mort des enfants innocents qu'Hérode fit décapiter, car il ne convenait point de les défendre en cela par miracle puisque cette mort leur gagna la Vie Éternelle avec une abondante récompense: et celle-ci vaut sans comparaison plus que la vie temporelle que l'on doit donner et perdre pour elle: et si tous les enfants avaient vécu et étaient morts de leur mort naturelle, tout n'eussent pas été sauvés. Les Oeuvres du Seigneur sont justifiées et saintes en tout quoique nous n'atteignions pas aussitôt aux raisons de Son équité; mais nous les connaîtrons dans le même Seigneur quand nous Le verrons face à face.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 21, 617. Ma fille, entre les choses que tu dois considérer dans ce chapitre pour ton enseignement, que la première soit l'humble reconnaissance des bienfaits que tu reçois, puisque tu es si signalée et si enrichie entre les générations par ce que mon Très Saint Fils et moi faisons à ton égard, sans que tu l'aies mérité. Je répétais souvent le verset de David: «Que rendrai-je au Seigneur pour tout ce qu'Il m'a donné (Ps. 115: 12)?» Et avec cette affection reconnaissante je m'humiliais jusqu'à la poussière, me jugeant inutile entre les créatures. Puis si tu connais que je faisais cela étant Mère véritable de Dieu même, pèse bien quelle est ton obligation, lorsqu'avec tant de vérité tu dois te confesser indigne et non méritante de ce que tu reçois; pauvre pour le reconnaître et le payer. Tu dois suppléer à cette insuffisance de ta misère et de ta débilité en offrant au Père Éternel l'Hostie vivante de Son Fils Incarné, et spécialement quand tu Le reçois Sacramenté et que tu le possèdes dans ton coeur: car en cela tu imiteras aussi David qui après l'interrogation qu'il disait de ce qu'il donnerait au Seigneur pour l'avoir favorisé, répondait: «Je recevrai le calice du salut et j'invoquerai le Nom du Très-Haut (Ps. 115: 13).» Tu dois opérer le salut (Phil. 2: 12) opérant ce qui y conduit, et donner le retour par une conduite parfaite, invoquer le Nom du Seigneur, et Lui offrir Son Fils Unique qui est Celui qui opéra la vertu et le salut (Ps. 73: 12) et qui le mérita et qui peut être le retour adéquat de ce que le genre humain reçut et toi en particulier de Sa main Puissante. Je Lui donnai la forme humaine (Bar. 3: 38) pour qu'Il conversât avec les hommes et qu'Il fût pour tous comme leur chose propre. Et Sa Majesté Se mit sous les espèces du pain et du vin (Jean 6: 57) pour S'approprier davantage à chacun en particulier et afin qu'il en jouît comme sa Chose et L'offrît au Père; les âmes suppléant avec cette Oblation à ce qu'elles ne pourraient Lui donner sans Elle, le Très-Haut demeurant comme satisfait avec Elle, puisqu'Il ne peut vouloir autre chose plus acceptable, ni le demander aux créatures.
4, 21, 618. Une autre chose très acceptable est celle que font les âmes en embrassant et en supportant avec égalité d'âme et avec un support patient, les
travaux et les adversités de la vie mortelle. Mon Très Saint Fils et moi nous fûmes les Maîtres éminents de cette doctrine; et Sa Majesté commença à l'enseigner dès l'instant que je le conçus dans mes entrailles; parce qu'aussitôt nous commençâmes à pérégriner et à souffrir; et dès qu'Il fut né dans le monde nous souffrîmes la persécution dans l'exil à quoi nous obligea Hérode; et la souffrance dura jusqu'à ce que Sa Majesté mourût sur la Croix. Et je travaillai jusqu'à la fin de ma Vie comme tu le connaîtras en écrivant cette Histoire. Et puisque nous avons tant souffert pour les créatures et pour leur remède; je veux que tu Nous imites en cette conformité, comme Son Épouse et ma fille, souffrant avec un grand coeur, et travaillant pour augmenter à ton Seigneur et ton Maître, la fortune si précieuse à Ses yeux des âmes qu'Il acheta avec Sa Vie et Son Sang (1 Cor. 6: 20). Tu ne dois jamais éviter le travail, la difficulté, l'amertume ni les douleurs, si par quelqu'une de ces choses tu peux gagner à Dieu quelque âme et l'aider à sortir du péché et à améliorer sa vie. Et ne sois pas intimidée de te voir si inutile et si pauvre, ni du peu que profitera ton désir et ton travail; puisque tu ne sais pas comment le Très-Haut l'acceptera et s'en donnera pour satisfait. Du moins tu dois travailler diligemment et ne point manger le pain dans Sa maison en demeurant oisive (Prov. 31: 27).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 21, [a]. C'est précisément ce qu'assure aussi saint Augustin, [l. 2, de Cons. Evang., c. 5], et avec lui Luc de Bruges, Calmet et autres.
4, 21, b]. Le premier à se scandaliser de la fuite de Jésus Enfant fut Celse [Orig. Contr. Cels.] suivi par l'impie Voltaire, auxquels la mort de la Croix devait naturellement servir aussi de scandale comme aux Juifs, au dire de l'Apôtre saint Paul. Saint Jean Chrysostôme, [Serm., 13], Saint Pierre Chrysologue, [Serm., 115], et autres donnent d'abondantes raisons de cette fuite.
4, 21, [c]. Livre 4, No. 641.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 22
Jésus, Marie et Joseph commencent le voyage en Égypte accompagnés des esprits angéliques; et ils arrivent à la ville de Gaza.
4, 22, 619. Nos divins pèlerins partirent de Jérusalem pour leur exil, couverts par le silence et l'obscurité de la nuit, mais remplis de la sollicitude due au gage du Ciel qu'ils portaient avec eux dans une terre étrangère et qui leur était inconnue. Et bien qu'ils fussent animés par la Foi et l'Espérance, car il ne pouvait y en avoir de plus hautes et de plus assurées que celle de notre Reine et de son très fidèle époux; néanmoins le Seigneur donnait lieu à la peine qui était naturellement inévitable dans l'amour qu'ils avaient pour l'Enfant-Jésus, et parce qu'ils ne savaient point en particulier tous les accidents d'un si long voyage, ni la fin qu'il aurait, ni comment ils seraient reçus en Égypte, étant étrangers, ni la commodité qu'ils auraient pour élever l'Enfant et pour Le porter par tout les chemins sans trop de peine. Beaucoup d'afflictions et de soucis assaillirent le Coeur des très saints Parents en partant avec tant de hâte de leur hôtellerie; mais cette douleur se modéra beaucoup par l'assistance des courtisans du Ciel, car aussitôt les dix mille Anges que j'ai déjà dits se manifestèrent en forme humaine visible, avec leur beauté et leur splendeur accoutumée, par laquelle ils firent de la nuit un jour très clair pour les divins Voyageurs. Sortant des portes de la ville, ils s'humilièrent et ils adorèrent le Verbe fait chair dans les bras de Sa Mère-Vierge et ils la consolèrent, s'offrant de nouveau à son service et à son obéissance et promettant de l'accompagner et de la guider dans le chemin selon la Volonté du Seigneur.
4, 22, 620. Tout soulagement paraît estimable au coeur affligé: c'est pourquoi celui-ci qui était grand conforta beaucoup notre Reine et son époux Joseph et ils commencèrent leur trajet avec beaucoup de courage, sortant de Jérusalem par la porte de la voie qui mène à Nazareth. La divine Mère s'inclina avec quelque désir de repasser par le lieu de la Naissance, pour adorer cette grotte et cette crèche sacrée qui avait été le premier asile de son Très Saint Fils dans le monde. Mais les
saints Anges répondirent à sa pensée avant qu'Elle la manifestât et ils lui dirent: «Notre Reine et notre Maîtresse, Mère de notre Créateur, il convient que nous hâtions le voyage et que nous poursuivions le chemin sans nous divertir, car par la diversion des Rois-Mages qui ne sont point retournés par Jérusalem et ensuite par les paroles du prêtre Siméon et d'Anne le peuple s'est ému et quelques-uns ont commencé à dire que Vous êtes Mère du Messie; d'autres que Vous avez connaissance de Lui, et d'autres que Votre Fils est prophète. Et il y a différents sentiments sur ce que les Rois Vous ont visitée à Bethléem, et Hérode est informé de tout cela; et il a commandé de Vous chercher avec un grand soin et il mettra en cela une diligence excessive. Et c'est pour cette cause que le Très-Haut Vous a commandé de partir de nuit et en toute hâte.»
4, 22, 621. La Reine du Ciel obéit à la Volonté du Tout-Puissant déclarée par les saint Anges Ses ministres, et Elle révéra du chemin le lieu sacré de la Naissance de son Fils unique, renouvelant la mémoire des Mystères qui s'y étaient opérés, et des faveurs qu'elles y avait reçues. Et le saint Ange qui était commis à la garde de ce sanctuaire sortit au chemin en forme visible et il adora le Verbe fait homme dans les bras de la divine Mère; ce qui lui causa une consolation et une allégresse nouvelles; parce qu'Elle le vit et lui parla. L'affection de la pieuse Reine s'inclina aussi à prendre le chemin d'Hébron, car il se détournait très peu de celui qu'ils suivaient; et en cette circonstance, sainte Élisabeth son amie et sa cousine était avec son fils Jean dans cette ville. Mais l'inquiétude de saint Joseph qui avait une plus grande crainte empêcha aussi ce détour et ce regard et le saint dit à la divine Souveraine: «Madame, je juge qu'ils nous importe beaucoup de ne point retarder le voyage d'un instant; mais plutôt de le hâter autant que possible, afin de nous retirer du danger. Et pour cela, il ne convient point que nous passions par Hébron où l'on nous chercherait plus facilement qu'en un autre endroit.» «Que votre volonté se fasse,» répondit l'humble Reine, «mais si vous le voulez, je prierai l'un de ces esprits célestes d'aller donner avis à Élisabeth ma cousine de la cause de notre voyage, afin qu'elle mette son enfant à couvert, parce que l'indignation d'Hérode s'étendra jusqu'à eux.»
4, 22, 622. La Reine du Ciel savait l'intention d'Hérode de faire mourir les enfants quoiqu'il ne le manifestât pas alors. Mais ce qui me donne le plus d'admiration est l'humilité et l'obéissance de la Très Sainte Marie, vertus si rares et
si prudentes en tout; puisque non seulement Elle obéit à saint Joseph en ce qui la regardait Elle seule, qui était d'envoyer l'Ange à sainte Élisabeth ce qu'Elle ne voulut point exécuter sans la volonté et l'obéissance de son époux, quoiqu'Elle pût par Elle seule l'envoyer et le commander mentalement. Je confesse ma confusion et ma lenteur; puisque ma soif ne se rassasie point dans la Fontaine très pure que j'ai sous les yeux, et je ne profite point de la Lumière de l'Exemplaire qui m'est proposé, quoiqu'il soit si vif, si suave, si puissant et si doux pour obliger et attirer tous les coeurs à renoncer à leur propre et nuisible volonté. Avec l'assentiment de son époux, notre grande Maîtresse dépêcha l'un des principaux Anges qui l'assistaient, afin de donner connaissance à sainte Élisabeth de ce qui se passait: et comme supérieure aux Anges, dans cette circonstance Elle informa son légat mentalement de ce qu'il devait dire à la sainte Matrone et à l'enfant Jean.
4, 22, 623. Le saint Ange arriva à la bénite et heureuse Élisabeth et conformément à l'ordre et à la volonté de sa Reine, il l'informa de tout ce qui convenait. Il lui dit comment la Mère de Dieu s'en allait avec son Fils fuyant en Égypte devant l'indignation d'Hérode et du souci qu'il mettait à Le chercher pour Lui ôter la vie et qu'il fallait pour la sécurité de Jean le cacher et le mettre à couvert; il lui déclara encore d'autres Mystères du Verbe Incarné, comme la divine Mère le lui avait ordonné. Sainte Élisabeth demeura remplie d'admiration et de joie à cette ambassade et elle dit au saint Ange comment elle désirait sortir au chemin pour adorer l'Enfant-Jésus et voir son heureuse Mère, et elle demanda si elle pouvait les atteindre. Le saint Ange lui répondit que son Roi et son Seigneur fait chair avec Son heureuse Mère étaient déjà loin d'Hébron et qu'il ne convenait point de les retarder; sur ce la sainte abandonna son espérance. Et en donnant à l'Ange de doux saluts pour le Fils et la Mère elle demeura très attendrie et tout en larmes; et le paranymphe revint à la Reine avec la réponse. Saint Élisabeth dépêcha aussitôt un exprès en toute diligence et elle l'envoya à la suite des divins Voyageurs avec quelques présents, des choses à manger, de l'argent et de quoi faire des mantilles pour l'Enfant, prévoyant la nécessité où ils étaient allant vers une terre inconnue. L'envoyé les trouva dans la ville de Gaza qui est éloignée d'un peu moins de vingt heures de chemin de Jérusalem, et qui est sur le bord du fleuve Besor voie de la Palestine pour l'Égypte, non loin de la mer Méditerranée.
4, 22, 624. Dans cette ville de Gaza ils se reposèrent deux jours, parce que saint Joseph s'était fatigué quelque peu, ainsi que l'ânon qui portait notre Reine. De là ils congédièrent le serviteur de sainte Élisabeth et le saint époux ne négligea point de l'avertir de ne dire à personne où ils les avait rencontrés; mais Dieu prévint ce danger avec un plus grand soin; parce qu'il ôta de la mémoire de cet homme ce que saint Joseph l'avait chargé de taire, et il n'eut de mémoire que pour rendre la réponse à sa patronne, saint Élisabeth. Avec le présent que celle-ci envoya aux Voyageurs, la Très Sainte Marie fit un festin aux pauvres; car celle qui était leur Mère ne pouvait les oublier; et des toiles elle confectionna une petite mante pour habiller l'Enfant-Dieu; Elle fit aussi un autre manteau pour saint Joseph, qui fût accommodé pour le chemin et la saison. Elle prépara certaines choses qu'ils pouvaient apporter dans leur pauvre équipage car tout ce que la Très Prudente Souveraine pouvait faire par sa diligence et son travail pour sustenter son Fils et saint Joseph Elle ne le voulait point par voie de miracle; se gouvernant en cela selon l'ordre naturel et ordinaire, jusqu'où arrivaient ses forces. Pendant les deux jours qu'ils demeurèrent dans cette ville, la Très Pure Marie fit quelques oeuvres merveilleuses afin de ne point la quitter sans lui laisser quelques grands biens. Elle délivra deux malades de danger de mort, leur donnant la santé, et Elle rendit saine et bonne une autre femme paralytique. Elle opéra des effets divins touchant la connaissance de Dieu et le changement de vie, et tous sentirent de grands motifs de louer le Créateur. Mais ils ne manifestèrent à personne leur patrie, ni l'intention de leur voyage; parce que si à cette connaissance se fût jointe celle que donnaient ces oeuvres admirables, il eût été possible que les diligences d'Hérode fussent arrivées à s'apercevoir de leur fuite et à les faire poursuivre.
4, 22, 625. Les dignes paroles me manquent pour manifester ce qui m'a été donné à connaître des Oeuvres que l'Enfant-Jésus et Sa Mère-Vierge faisaient par le chemin et beaucoup plus me manquent la dévotion et le poids que demandent des sacrements si admirables et si cachés. Les bras de la Très Pure Marie servaient toujours de lit délicieux (Cant. 3: 7) au nouveau et véritable Roi Salomon. Et cette divine Mère contemplant les secrets de cette Âme très sainte, il arrivait que le Fils et la Mère, le Fils ayant commencé, alternaient tous deux de doux colloques et des cantiques de louanges, exaltant d'abord l'Être infini de Dieu avec tous Ses Attributs et Ses Perfections. Sa Majesté donnait à la Reine-Mère pour ces Oeuvres de nouvelles Lumières et des visions intellectuelles, dans lesquelles Elle connaissait le très sublime Mystère de l'unité de l'Essence dans la trinité des
Personnes, les opérations "ad intra" du Verbe et la procession de l'Esprit-Saint; comment Elles sont toujours et le Verbe engendré par Oeuvre de l'Entendement, et l'Esprit-Saint est inspiré par Oeuvre de la Volonté; non parce qu'il y ait succession de "avant" et "après"; parce que tout est joint dans l'éternité; mais parce que nous le connaissons à la manière de la durée successive du temps. La grande Souveraine entendait aussi comment les trois Personnes Se comprennent réciproquement avec un même Entendement; et comment Elles connaissent la Personne du Verbe unie à l'Humanité et les effets qui résultent à l'Humanité de la Divinité qui Lui est unie.
4, 22, 626. Avec cette Science si haute, l'Auguste Reine descendait de la Divinité à l'humanité; et Elle ordonnait de nouveaux cantiques en louanges et en actions de grâce d'avoir créé cette Âme et cette Humanité très sainte et très parfaite dans l'Âme et dans le Corps; l'Âme remplie de Sagesse, de grâces et de Dons de l'Esprit-Saint avec la plénitude et l'abondance possibles, le Corps très pur, disposé et conformé dans uns suprême degré de perfection. Et ensuite Elle contemplait tous les actes si héroïques et si excellents de Ses Puissances: et les ayant imités tous respectivement, Elle passait à Le bénir et à Lui rendre grâce pour l'avoir faite Sa Mère, conçue sans péché, choisie entre des milliers de mille, exaltée et enrichie de toutes les faveurs et de tous les Dons de Sa puissante Droite qui peuvent se trouver en une pure Créature. Dans l'exaltation et la gloire de ces sacrements et de beaucoup d'autres qui y sont renfermés, l'Enfant parlait et la Mère répondait des choses qui ne peuvent être exprimées par aucune langue d'Ange, ni être conçues dans la pensée d'aucune créature. La divine Souveraine considérait tout cela, sans manquer au soin de couvrir l'Enfant, de Lui donner le sein trois fois par jour, de Le consoler et de Le caresser comme Mère amoureuse et plus attentive que toutes les autres mères ensemble envers leurs enfants.
4, 22, 627. D'autres fois elle Lui parlait et Lui disait: «Mon Très Doux Amour, permettez-moi de Vous interroger et de Vous manifester mon désir, quoique Vous le connaissiez, mon Seigneur. Dites-moi, ô Vie de mon âme et Lumière de mes yeux, si le travail du chemin Vous fatigue et si les inclémences de la saison et du temps Vous affligent et qu'est-ce que je puis faire pour Votre service et le soulagement de Vos peines.» L'Enfant-Dieu répondait: «Ma Mère, les travaux et les fatigues pour l'amour de Mon Père et des hommes que Je viens enseigner et
racheter, Me deviennent très doux et très faciles, surtout en Votre compagnie.» L'Enfant pleurait quelquefois avec une sérénité très grave et d'homme parfait; et la Mère affligée et amoureuse faisait ensuite attention à la cause de Ses pleurs, la cherchant dans Son intérieur qu'Elle voyait et connaissait. Et là Elle comprenait que c'étaient des larmes d'amour et de compassion pour le remède des hommes et pour leurs ingratitudes: et la douce Mère L'accompagnait aussi dans cette peine et ce pleur. Et Elle avait coutume, comme tourterelle compatissante, de L'accompagner dans Ses pleurs, et comme pieuse Mère de Le baiser et de Le caresser avec une révérence incomparable. L'heureux Joseph était plusieurs fois attentif à ces Mystères si Divins: et il en avait quelque Lumière, avec quoi, la fatigue du chemin lui devenait plus légère. D'autres fois Elle s'adressait à son époux, l'interrogeant comment il allait et s'il désirait quelque chose pour lui-même ou pour l'Enfant; et saint Joseph s'approchait de Lui et l'adorait, Lui baisant le pied et Lui demandant la bénédiction; et quelquefois il Le prenait dans ses bras. Avec ces joies si douces le grand Patriarche se reposait doucement des fatigues du voyage: et sa divine Épouse le consolait et l'animait, s'occupant de tout avec un Coeur magnanime, sans que l'attention intérieure l'embarrassât pour le soin du visible, ni celui-ci pour la hauteur de ses sublimes pensées et de ses fréquentes affections; parce qu'Elle était en tout très parfaite.
DOCTRINE DE LA DIVINE MÈRE NOTRE SOUVERAINE.
4, 22, 628. Ma très chère fille, pour l'imitation et la science que je veux en toi, sur ce que tu as écrit, tu auras pour exemplaire l'admiration et les affections que la Lumière divine produisait dans mon âme. Avec cette Lumière je connaissais que mon Très Saint Fils S'assujettissait volontairement à la fureur inhumaine des hommes méchants, comme il arriva à l'égard d'Hérode dans cette circonstance où nous fuyions devant sa colère, et plus tard Il s'assujettit aux mauvais ministres des pontifes et des magistrats. La Grandeur, la Bonté et la Sagesse infinies resplendissent dans toutes Ses Oeuvres. Mais ce qui causait le plus d'admiration dans mon entendement était quand je connaissais en même temps avec une Lumière très sublime l'Être de Dieu dans la Personne du Verbe unie à l'humanité; et que mon Très Saint Fils était Dieu Éternel Puissant, Infini, Créateur et Conservateur de tout l'univers; et que non seulement la vie et l'être de cet inique
Roi dépendait de ce bienfait; mais que la Très Sainte Humanité demandait au Père de lui donner en même temps des inspirations, des secours, et beaucoup de biens; et que Lui étant si facile de le châtier Il ne le fit point: mais au contraire Il obtint par Ses supplications qu'il ne fût pas effectivement selon sa malice. Et quoiqu'à la fin il se perdît comme réprouvé et endurci, il a néanmoins une peine moindre que celle qui lui aurait été donnée si mon Très Saint Fils n'avait point prié pour lui. Tout cela et tout ce qui est renfermé de Miséricorde et de mansuétude incomparables de mon Très Saint Fils, je tâchai de l'imiter; parce que comme Maître Il m'enseignait par ses Oeuvres ce qu'Il devait ensuite admonester de l'amour des ennemis par exemples (Matt. 5: 44), paroles et exécution (Luc 23: 34). Et lorsque je connaissais qu'Il cachait et dissimulait Sa Puissance infinie, et qu'étant Lion (Is. 5: 29) invincible, Il S'abandonnait comme un très doux agneau (Jér. 11: 19) à la fureur des loups carnassiers, mon coeur se fondait et mes forces défaillaient (Ps. 72: 26), désirant L'aimer, L'imiter et Le suivre, dans Son amour, Sa charité, Sa patience et Sa mansuétude.
4, 22, 629. Je te propose cet Exemple afin que tu le portes toujours devant tes yeux et que tu comprennes comment et jusqu'où tu dois souffrir, supporter, pardonner et aimer celui qui t'offense; puisque ni toi ni les autres créatures n'êtes innocentes et sans aucun péché; au contraire plusieurs se trouvent avec des péchés graves et réitérés et méritent ce qu'ils souffrent. Mais si par le moyen des persécutions tu dois mériter le grand bien de cette imitation, quelle raison peut-il y avoir pour ne point l'apprécier comme une grande fortune, aimer ce qui t'occasionne la pratique du souverain degré de la perfection et être reconnaissante de ce bienfait en ne jugeant pas ton ennemi mais ton bienfaiteur, celui qui te met dans l'occasion de ce qui t'importe si fort. Tu seras sans excuse si tu manques en cela après l'Objet qui t'a été proposé, puisque la Lumière divine te le rend comme présent, ainsi que ce que tu en connais et en pénètres.
Jésus, Marie et Joseph commencent le voyage en Égypte accompagnés des esprits angéliques; et ils arrivent à la ville de Gaza.
4, 22, 619. Nos divins pèlerins partirent de Jérusalem pour leur exil, couverts par le silence et l'obscurité de la nuit, mais remplis de la sollicitude due au gage du Ciel qu'ils portaient avec eux dans une terre étrangère et qui leur était inconnue. Et bien qu'ils fussent animés par la Foi et l'Espérance, car il ne pouvait y en avoir de plus hautes et de plus assurées que celle de notre Reine et de son très fidèle époux; néanmoins le Seigneur donnait lieu à la peine qui était naturellement inévitable dans l'amour qu'ils avaient pour l'Enfant-Jésus, et parce qu'ils ne savaient point en particulier tous les accidents d'un si long voyage, ni la fin qu'il aurait, ni comment ils seraient reçus en Égypte, étant étrangers, ni la commodité qu'ils auraient pour élever l'Enfant et pour Le porter par tout les chemins sans trop de peine. Beaucoup d'afflictions et de soucis assaillirent le Coeur des très saints Parents en partant avec tant de hâte de leur hôtellerie; mais cette douleur se modéra beaucoup par l'assistance des courtisans du Ciel, car aussitôt les dix mille Anges que j'ai déjà dits se manifestèrent en forme humaine visible, avec leur beauté et leur splendeur accoutumée, par laquelle ils firent de la nuit un jour très clair pour les divins Voyageurs. Sortant des portes de la ville, ils s'humilièrent et ils adorèrent le Verbe fait chair dans les bras de Sa Mère-Vierge et ils la consolèrent, s'offrant de nouveau à son service et à son obéissance et promettant de l'accompagner et de la guider dans le chemin selon la Volonté du Seigneur.
4, 22, 620. Tout soulagement paraît estimable au coeur affligé: c'est pourquoi celui-ci qui était grand conforta beaucoup notre Reine et son époux Joseph et ils commencèrent leur trajet avec beaucoup de courage, sortant de Jérusalem par la porte de la voie qui mène à Nazareth. La divine Mère s'inclina avec quelque désir de repasser par le lieu de la Naissance, pour adorer cette grotte et cette crèche sacrée qui avait été le premier asile de son Très Saint Fils dans le monde. Mais les
saints Anges répondirent à sa pensée avant qu'Elle la manifestât et ils lui dirent: «Notre Reine et notre Maîtresse, Mère de notre Créateur, il convient que nous hâtions le voyage et que nous poursuivions le chemin sans nous divertir, car par la diversion des Rois-Mages qui ne sont point retournés par Jérusalem et ensuite par les paroles du prêtre Siméon et d'Anne le peuple s'est ému et quelques-uns ont commencé à dire que Vous êtes Mère du Messie; d'autres que Vous avez connaissance de Lui, et d'autres que Votre Fils est prophète. Et il y a différents sentiments sur ce que les Rois Vous ont visitée à Bethléem, et Hérode est informé de tout cela; et il a commandé de Vous chercher avec un grand soin et il mettra en cela une diligence excessive. Et c'est pour cette cause que le Très-Haut Vous a commandé de partir de nuit et en toute hâte.»
4, 22, 621. La Reine du Ciel obéit à la Volonté du Tout-Puissant déclarée par les saint Anges Ses ministres, et Elle révéra du chemin le lieu sacré de la Naissance de son Fils unique, renouvelant la mémoire des Mystères qui s'y étaient opérés, et des faveurs qu'elles y avait reçues. Et le saint Ange qui était commis à la garde de ce sanctuaire sortit au chemin en forme visible et il adora le Verbe fait homme dans les bras de la divine Mère; ce qui lui causa une consolation et une allégresse nouvelles; parce qu'Elle le vit et lui parla. L'affection de la pieuse Reine s'inclina aussi à prendre le chemin d'Hébron, car il se détournait très peu de celui qu'ils suivaient; et en cette circonstance, sainte Élisabeth son amie et sa cousine était avec son fils Jean dans cette ville. Mais l'inquiétude de saint Joseph qui avait une plus grande crainte empêcha aussi ce détour et ce regard et le saint dit à la divine Souveraine: «Madame, je juge qu'ils nous importe beaucoup de ne point retarder le voyage d'un instant; mais plutôt de le hâter autant que possible, afin de nous retirer du danger. Et pour cela, il ne convient point que nous passions par Hébron où l'on nous chercherait plus facilement qu'en un autre endroit.» «Que votre volonté se fasse,» répondit l'humble Reine, «mais si vous le voulez, je prierai l'un de ces esprits célestes d'aller donner avis à Élisabeth ma cousine de la cause de notre voyage, afin qu'elle mette son enfant à couvert, parce que l'indignation d'Hérode s'étendra jusqu'à eux.»
4, 22, 622. La Reine du Ciel savait l'intention d'Hérode de faire mourir les enfants quoiqu'il ne le manifestât pas alors. Mais ce qui me donne le plus d'admiration est l'humilité et l'obéissance de la Très Sainte Marie, vertus si rares et
si prudentes en tout; puisque non seulement Elle obéit à saint Joseph en ce qui la regardait Elle seule, qui était d'envoyer l'Ange à sainte Élisabeth ce qu'Elle ne voulut point exécuter sans la volonté et l'obéissance de son époux, quoiqu'Elle pût par Elle seule l'envoyer et le commander mentalement. Je confesse ma confusion et ma lenteur; puisque ma soif ne se rassasie point dans la Fontaine très pure que j'ai sous les yeux, et je ne profite point de la Lumière de l'Exemplaire qui m'est proposé, quoiqu'il soit si vif, si suave, si puissant et si doux pour obliger et attirer tous les coeurs à renoncer à leur propre et nuisible volonté. Avec l'assentiment de son époux, notre grande Maîtresse dépêcha l'un des principaux Anges qui l'assistaient, afin de donner connaissance à sainte Élisabeth de ce qui se passait: et comme supérieure aux Anges, dans cette circonstance Elle informa son légat mentalement de ce qu'il devait dire à la sainte Matrone et à l'enfant Jean.
4, 22, 623. Le saint Ange arriva à la bénite et heureuse Élisabeth et conformément à l'ordre et à la volonté de sa Reine, il l'informa de tout ce qui convenait. Il lui dit comment la Mère de Dieu s'en allait avec son Fils fuyant en Égypte devant l'indignation d'Hérode et du souci qu'il mettait à Le chercher pour Lui ôter la vie et qu'il fallait pour la sécurité de Jean le cacher et le mettre à couvert; il lui déclara encore d'autres Mystères du Verbe Incarné, comme la divine Mère le lui avait ordonné. Sainte Élisabeth demeura remplie d'admiration et de joie à cette ambassade et elle dit au saint Ange comment elle désirait sortir au chemin pour adorer l'Enfant-Jésus et voir son heureuse Mère, et elle demanda si elle pouvait les atteindre. Le saint Ange lui répondit que son Roi et son Seigneur fait chair avec Son heureuse Mère étaient déjà loin d'Hébron et qu'il ne convenait point de les retarder; sur ce la sainte abandonna son espérance. Et en donnant à l'Ange de doux saluts pour le Fils et la Mère elle demeura très attendrie et tout en larmes; et le paranymphe revint à la Reine avec la réponse. Saint Élisabeth dépêcha aussitôt un exprès en toute diligence et elle l'envoya à la suite des divins Voyageurs avec quelques présents, des choses à manger, de l'argent et de quoi faire des mantilles pour l'Enfant, prévoyant la nécessité où ils étaient allant vers une terre inconnue. L'envoyé les trouva dans la ville de Gaza qui est éloignée d'un peu moins de vingt heures de chemin de Jérusalem, et qui est sur le bord du fleuve Besor voie de la Palestine pour l'Égypte, non loin de la mer Méditerranée.
4, 22, 624. Dans cette ville de Gaza ils se reposèrent deux jours, parce que saint Joseph s'était fatigué quelque peu, ainsi que l'ânon qui portait notre Reine. De là ils congédièrent le serviteur de sainte Élisabeth et le saint époux ne négligea point de l'avertir de ne dire à personne où ils les avait rencontrés; mais Dieu prévint ce danger avec un plus grand soin; parce qu'il ôta de la mémoire de cet homme ce que saint Joseph l'avait chargé de taire, et il n'eut de mémoire que pour rendre la réponse à sa patronne, saint Élisabeth. Avec le présent que celle-ci envoya aux Voyageurs, la Très Sainte Marie fit un festin aux pauvres; car celle qui était leur Mère ne pouvait les oublier; et des toiles elle confectionna une petite mante pour habiller l'Enfant-Dieu; Elle fit aussi un autre manteau pour saint Joseph, qui fût accommodé pour le chemin et la saison. Elle prépara certaines choses qu'ils pouvaient apporter dans leur pauvre équipage car tout ce que la Très Prudente Souveraine pouvait faire par sa diligence et son travail pour sustenter son Fils et saint Joseph Elle ne le voulait point par voie de miracle; se gouvernant en cela selon l'ordre naturel et ordinaire, jusqu'où arrivaient ses forces. Pendant les deux jours qu'ils demeurèrent dans cette ville, la Très Pure Marie fit quelques oeuvres merveilleuses afin de ne point la quitter sans lui laisser quelques grands biens. Elle délivra deux malades de danger de mort, leur donnant la santé, et Elle rendit saine et bonne une autre femme paralytique. Elle opéra des effets divins touchant la connaissance de Dieu et le changement de vie, et tous sentirent de grands motifs de louer le Créateur. Mais ils ne manifestèrent à personne leur patrie, ni l'intention de leur voyage; parce que si à cette connaissance se fût jointe celle que donnaient ces oeuvres admirables, il eût été possible que les diligences d'Hérode fussent arrivées à s'apercevoir de leur fuite et à les faire poursuivre.
4, 22, 625. Les dignes paroles me manquent pour manifester ce qui m'a été donné à connaître des Oeuvres que l'Enfant-Jésus et Sa Mère-Vierge faisaient par le chemin et beaucoup plus me manquent la dévotion et le poids que demandent des sacrements si admirables et si cachés. Les bras de la Très Pure Marie servaient toujours de lit délicieux (Cant. 3: 7) au nouveau et véritable Roi Salomon. Et cette divine Mère contemplant les secrets de cette Âme très sainte, il arrivait que le Fils et la Mère, le Fils ayant commencé, alternaient tous deux de doux colloques et des cantiques de louanges, exaltant d'abord l'Être infini de Dieu avec tous Ses Attributs et Ses Perfections. Sa Majesté donnait à la Reine-Mère pour ces Oeuvres de nouvelles Lumières et des visions intellectuelles, dans lesquelles Elle connaissait le très sublime Mystère de l'unité de l'Essence dans la trinité des
Personnes, les opérations "ad intra" du Verbe et la procession de l'Esprit-Saint; comment Elles sont toujours et le Verbe engendré par Oeuvre de l'Entendement, et l'Esprit-Saint est inspiré par Oeuvre de la Volonté; non parce qu'il y ait succession de "avant" et "après"; parce que tout est joint dans l'éternité; mais parce que nous le connaissons à la manière de la durée successive du temps. La grande Souveraine entendait aussi comment les trois Personnes Se comprennent réciproquement avec un même Entendement; et comment Elles connaissent la Personne du Verbe unie à l'Humanité et les effets qui résultent à l'Humanité de la Divinité qui Lui est unie.
4, 22, 626. Avec cette Science si haute, l'Auguste Reine descendait de la Divinité à l'humanité; et Elle ordonnait de nouveaux cantiques en louanges et en actions de grâce d'avoir créé cette Âme et cette Humanité très sainte et très parfaite dans l'Âme et dans le Corps; l'Âme remplie de Sagesse, de grâces et de Dons de l'Esprit-Saint avec la plénitude et l'abondance possibles, le Corps très pur, disposé et conformé dans uns suprême degré de perfection. Et ensuite Elle contemplait tous les actes si héroïques et si excellents de Ses Puissances: et les ayant imités tous respectivement, Elle passait à Le bénir et à Lui rendre grâce pour l'avoir faite Sa Mère, conçue sans péché, choisie entre des milliers de mille, exaltée et enrichie de toutes les faveurs et de tous les Dons de Sa puissante Droite qui peuvent se trouver en une pure Créature. Dans l'exaltation et la gloire de ces sacrements et de beaucoup d'autres qui y sont renfermés, l'Enfant parlait et la Mère répondait des choses qui ne peuvent être exprimées par aucune langue d'Ange, ni être conçues dans la pensée d'aucune créature. La divine Souveraine considérait tout cela, sans manquer au soin de couvrir l'Enfant, de Lui donner le sein trois fois par jour, de Le consoler et de Le caresser comme Mère amoureuse et plus attentive que toutes les autres mères ensemble envers leurs enfants.
4, 22, 627. D'autres fois elle Lui parlait et Lui disait: «Mon Très Doux Amour, permettez-moi de Vous interroger et de Vous manifester mon désir, quoique Vous le connaissiez, mon Seigneur. Dites-moi, ô Vie de mon âme et Lumière de mes yeux, si le travail du chemin Vous fatigue et si les inclémences de la saison et du temps Vous affligent et qu'est-ce que je puis faire pour Votre service et le soulagement de Vos peines.» L'Enfant-Dieu répondait: «Ma Mère, les travaux et les fatigues pour l'amour de Mon Père et des hommes que Je viens enseigner et
racheter, Me deviennent très doux et très faciles, surtout en Votre compagnie.» L'Enfant pleurait quelquefois avec une sérénité très grave et d'homme parfait; et la Mère affligée et amoureuse faisait ensuite attention à la cause de Ses pleurs, la cherchant dans Son intérieur qu'Elle voyait et connaissait. Et là Elle comprenait que c'étaient des larmes d'amour et de compassion pour le remède des hommes et pour leurs ingratitudes: et la douce Mère L'accompagnait aussi dans cette peine et ce pleur. Et Elle avait coutume, comme tourterelle compatissante, de L'accompagner dans Ses pleurs, et comme pieuse Mère de Le baiser et de Le caresser avec une révérence incomparable. L'heureux Joseph était plusieurs fois attentif à ces Mystères si Divins: et il en avait quelque Lumière, avec quoi, la fatigue du chemin lui devenait plus légère. D'autres fois Elle s'adressait à son époux, l'interrogeant comment il allait et s'il désirait quelque chose pour lui-même ou pour l'Enfant; et saint Joseph s'approchait de Lui et l'adorait, Lui baisant le pied et Lui demandant la bénédiction; et quelquefois il Le prenait dans ses bras. Avec ces joies si douces le grand Patriarche se reposait doucement des fatigues du voyage: et sa divine Épouse le consolait et l'animait, s'occupant de tout avec un Coeur magnanime, sans que l'attention intérieure l'embarrassât pour le soin du visible, ni celui-ci pour la hauteur de ses sublimes pensées et de ses fréquentes affections; parce qu'Elle était en tout très parfaite.
DOCTRINE DE LA DIVINE MÈRE NOTRE SOUVERAINE.
4, 22, 628. Ma très chère fille, pour l'imitation et la science que je veux en toi, sur ce que tu as écrit, tu auras pour exemplaire l'admiration et les affections que la Lumière divine produisait dans mon âme. Avec cette Lumière je connaissais que mon Très Saint Fils S'assujettissait volontairement à la fureur inhumaine des hommes méchants, comme il arriva à l'égard d'Hérode dans cette circonstance où nous fuyions devant sa colère, et plus tard Il s'assujettit aux mauvais ministres des pontifes et des magistrats. La Grandeur, la Bonté et la Sagesse infinies resplendissent dans toutes Ses Oeuvres. Mais ce qui causait le plus d'admiration dans mon entendement était quand je connaissais en même temps avec une Lumière très sublime l'Être de Dieu dans la Personne du Verbe unie à l'humanité; et que mon Très Saint Fils était Dieu Éternel Puissant, Infini, Créateur et Conservateur de tout l'univers; et que non seulement la vie et l'être de cet inique
Roi dépendait de ce bienfait; mais que la Très Sainte Humanité demandait au Père de lui donner en même temps des inspirations, des secours, et beaucoup de biens; et que Lui étant si facile de le châtier Il ne le fit point: mais au contraire Il obtint par Ses supplications qu'il ne fût pas effectivement selon sa malice. Et quoiqu'à la fin il se perdît comme réprouvé et endurci, il a néanmoins une peine moindre que celle qui lui aurait été donnée si mon Très Saint Fils n'avait point prié pour lui. Tout cela et tout ce qui est renfermé de Miséricorde et de mansuétude incomparables de mon Très Saint Fils, je tâchai de l'imiter; parce que comme Maître Il m'enseignait par ses Oeuvres ce qu'Il devait ensuite admonester de l'amour des ennemis par exemples (Matt. 5: 44), paroles et exécution (Luc 23: 34). Et lorsque je connaissais qu'Il cachait et dissimulait Sa Puissance infinie, et qu'étant Lion (Is. 5: 29) invincible, Il S'abandonnait comme un très doux agneau (Jér. 11: 19) à la fureur des loups carnassiers, mon coeur se fondait et mes forces défaillaient (Ps. 72: 26), désirant L'aimer, L'imiter et Le suivre, dans Son amour, Sa charité, Sa patience et Sa mansuétude.
4, 22, 629. Je te propose cet Exemple afin que tu le portes toujours devant tes yeux et que tu comprennes comment et jusqu'où tu dois souffrir, supporter, pardonner et aimer celui qui t'offense; puisque ni toi ni les autres créatures n'êtes innocentes et sans aucun péché; au contraire plusieurs se trouvent avec des péchés graves et réitérés et méritent ce qu'ils souffrent. Mais si par le moyen des persécutions tu dois mériter le grand bien de cette imitation, quelle raison peut-il y avoir pour ne point l'apprécier comme une grande fortune, aimer ce qui t'occasionne la pratique du souverain degré de la perfection et être reconnaissante de ce bienfait en ne jugeant pas ton ennemi mais ton bienfaiteur, celui qui te met dans l'occasion de ce qui t'importe si fort. Tu seras sans excuse si tu manques en cela après l'Objet qui t'a été proposé, puisque la Lumière divine te le rend comme présent, ainsi que ce que tu en connais et en pénètres.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 23
Jésus, Marie et Joseph poursuivent leur voyage de la cité de Gaza jusqu'à Héliopolis d'Égypte.
4, 23, 630. Le troisième jour après l'arrivée de nos Pèlerins à Gaza, Ils partirent de cette ville pour l'Égypte. Et laissant aussitôt les lieux peuplés de la Palestine, ils entrèrent dans les déserts sablonneux qui s'appellent de Bersabée [a], s'acheminant dans un espace de plus de soixante lieues de terre inhabitée pour s'arrêter dans la ville d'Héliopolis, qui s'appelle aujourd'hui le Caire d'Égypte. Ils pérégrinèrent pendant plusieurs jours dan ce désert; parce que les journées étaient courtes, tant à cause de l'incommodité de chemin si sablonneux, qu'à cause de l'affliction qu'ils souffrirent par manque d'abri et de nourriture. Et comme il y eut plusieurs événements qui se passèrent dans cette solitude j'en dirai quelques-uns d'où l'on en comprendra d'autres; parce qu'il n'est pas nécessaire de les rapporter tous. Pour connaître tout ce que Marie et Joseph souffrirent ainsi que l'Enfant-Jésus dans ce voyage, on doit supposer que le Très-Haut donna lieu à ce que Son Fils Unique avec Sa Très Sainte Mère et saint Joseph sentissent les incommodités et les peines de cet exil. Et quoique la divine Dame les souffrit dans la paix, sans la perdre, néanmoins Elle s'affligeait beaucoup et c'était la même chose respectivement de son très fidèle époux, car ils souffrirent beaucoup tous deux, dans leurs personnes des incommodités et des peines et de plus grandes dans leurs Coeurs: la Mère à cause des souffrances de son Fils et de saint Joseph; et saint Joseph à cause de celles de l'Enfant-Dieu et de son Épouse, et parce qu'il ne pouvait y remédier par sa diligence et son travail.
4, 23, 631. Dans ce désert, ils étaient forcés de passer les nuits au serein et sans abri dans toutes les soixante lieues inhabitées; et cela en temps d'hiver, parce que le voyage arriva dans le mois de février, l'ayant commencé six jours après la Purification comme on peut l'inférer de ce qui a été dit dans le chapitre précédent. La première dans laquelle ils se trouvèrent seuls dans ces champs, ils se blottirent au versant d'une colline, seul refuge qu'ils eurent. Et la Reine du Ciel s'assit par terre avec son Enfant dans ses bras, et là ils prirent quelque soulagement et ils
soupèrent de ce qu'ils avaient apporté de Gaza. L'Impératrice du Ciel donna le sein à son Enfant Jésus; et Sa Majesté avec un air affable consola la Mère et son époux; celui-ci par sa diligence forma un tabernacle ou pavillon avec son propre manteau et quelques autres couvertures; afin que le Verbe divin et Sa Très Sainte Mère fussent quelque peu défendus du serein, les couvrant de cette tente de camp si étroite et si humble. La même nuit les dix mille Anges qui assistaient avec admiration auprès des Pèlerins du monde, firent corps de garde à leur Roi et à leur Reine, les renfermant au moyen d'une courbe ou d'un cercle qu'ils formèrent visiblement en corps humain. La grande Dame connut que son Très Saint Fils offrait au Père Éternel cet abandon et ces travaux ainsi que ceux de Sa Mère et de saint Joseph. La Reine l'accompagna la plus grande partie de la nuit dans cette oraison et les autres actes que faisait Son Âme unie à la Divinité. Puis l'Enfant-Dieu dormit un peu dans ses bras; mais cette Auguste Vierge fut toujours en veille et en colloques divins avec le Très-Haut et avec les Anges. Saint Joseph se coucha sur la terre, la tête sur la cassette des langes et des pauvres hardes qu'ils portaient.
4, 23, 632. Le jours suivant ils poursuivirent leur chemin et ensuite la provision de pain et des quelques fruits qu'ils avaient apportée leur manqua dans leur voyage; alors la Reine du Ciel et de la terre et son saint époux arrivèrent à souffrir une nécessité très grande et extrême et à ressentir la faim. Et quoique saint Joseph en souffrît davantage, ils l'éprouvèrent néanmoins tous deux avec beaucoup d'affliction. L'un des premiers jours il arriva qu'ils restèrent jusqu'à neuf heures du soir sans avoir pris aucune nourriture, pas même de ce grossier et pauvre aliment qu'ils prenaient après le travail et la fatigue du chemin, quand la nature avait plus besoin d'être rafraîchie; et comme cette nécessité ne pouvait être secourue par aucune diligence humaine, la divine Dame se tournant vers le Très-Haut Lui dit: «Dieu Éternel, Grand et Puissant, je Vous rends grâces et Vous bénis pour les Oeuvres magnifiques de Votre bon plaisir; et parce que Vous m'avez donné l'être et la vie sans que je l'aie mérité et avec cette vie vous m'avez conservée et élevée, quoique je ne sois qu'une pauvre Créature inutile, je n'ai point donné le digne retour pour ces bienfaits; comment demanderais-je pour moi ce que je ne puis compenser? Mais mon Seigneur et mon Père, regardez votre Fils Unique, et accordez-moi de quoi alimenter Sa vie naturelle, et aussi celle de mon époux afin qu'il serve Votre Majesté et que moi je serve Votre Parole faite chair pour le salut des hommes (Jean 1: 14).»
4, 23, 633. Afin que ces clameurs de la douce Mère vinssent d'une plus grande tribulation, le Très-Haut donna lieu à ce que les éléments les affligeassent par leurs rigueurs, outre la faim; la fatigue et l'abandon qu'Ils souffraient déjà; parce qu'il s'éleva une tempête de pluie accompagnée de vents très impétueux qui les aveuglaient et les fatiguaient beaucoup. Cette peine affligea davantage la pieuse et amoureuse Mère, à cause du souci de l'Enfant-Dieu si délicat et si tendre qui n'avait pas même cinquante jours. Et quoiqu'Elle Le couvrît et l'abritât autant qu'Elle pouvait, cela ne suffisait pas et Il sentit l'inclémence et la rigueur du temps comme homme véritable le manifestant en pleurant et en tremblant de froid comme l'eussent fait d'autres enfants, purs hommes. Alors la soigneuse Mère usant du pouvoir de Reine et de Maîtresse des créatures, commanda avec empire aux éléments de ne point offenser leur propre Créateur. Mais de Lui servir d'abri et de rafraîchissement et d'exercer envers Elle leur rigueur. Il arriva la même chose que dans les circonstances que j'ai déjà dites de la Naissance, ainsi que du voyage à Jérusalem; parce qu'aussitôt le vent se calma et la pluie cessa et n'arriva point où étaient le Fils et la Mère. En retour de cette amoureuse sollicitude, l'Enfant-Jésus commanda à ses Anges d'assister sa Très Aimante Mère et de lui servir d'abri contre la rigueur des éléments. Ils le firent à l'instant, et formant un globe d'une splendeur très dense et extrêmement belle, ils y renfermèrent leur Dieu Incarné, la Mère et son époux, les laissant plus protégés et plus défendus qu'ils ne l'eussent été par les palais et les riches habits des puissants du monde. Ils firent d'autres fois encore la même chose dans ce désert.
4, 23, 634. Mais la nourriture leur manquait et ils étaient affligés par une nécessité irréparable à toute industrie humaine. Et le Seigneur ayant permis qu'il arrivassent à ce point, Se laissa incliner par les justes demandes de Son Épouse, et Il pourvut à leurs besoins par les mains des mêmes Anges; parce qu'ils leur apportèrent un pain très suave et des fruits mûrs et très beaux, et outre cela, une liqueur très douce; et les Anges les servirent. Et ensuite, ils firent ensemble des cantiques de remerciements et de louanges au Seigneur qui donne l'aliment (Ps. 135: 25) à toute chair en temps opportun (Ps. 144: 15) afin que les pauvres mangent et soient rassasiés (Ps. 21: 27); parce que leurs yeux et leurs espérances sont posés en Sa Providence et Ses largesses royales. Tels furent les mets délicats de Sa table avec lesquels le Seigneur régala ses trois Pèlerins exilés dans le désert
de Bersabée (3 Rois 19: 3), le même où Élie fuyant Jézabel fut conforté par le pain cuit dans la cendre (3 Rois 19: 6) que lui donna l'Ange du Seigneur pour arriver jusqu'au mont Horeb (3 Rois 19: . Mais ni ce pain, ni celui que les corbeaux lui avaient servi miraculeusement (3 Rois 17: 6) auparavant avec des viandes à manger matin et soir au torrent de Carith [b, ni la manne (Ex. 17: 13-15) qui tomba du ciel pour les Israélites, quoiqu'elle s'appelât pain des Anges (Ps. 77: 24-25) et pluie du ciel, ni les cailles que le vent d'Afrique (Ps. 77: 26-27) leur apporta, ni la colonne (Nom. 10: 34) de nuée par laquelle ils étaient rafraîchis; aucun de ces aliments et de ces bienfaits ne se peut comparer avec ce que fit le Seigneur dans ce voyage envers Son Fils Incarné, la divine Mère et son époux. Ces faveurs n'étaient pas pour alimenter un prophète et un peuple ingrat et si mal vu, mais pour donner la vie et l'aliment à Dieu même fait homme et à Sa véritable Mère et pour conserver la vie naturelle dont dépendait la Vie Éternelle de tout le genre humain. Et si cet aliment divin était conforme à l'excellence des convives, de même aussi l'agrément et la correspondance étaient très bien selon la grandeur du bienfait. Et afin que tout fût plus opportun, le Seigneur consentit toujours à ce que la nécessité arrivât à l'extrême et qu'Elle-même demandât le secours du Ciel.
4, 23, 635. Que les pauvres se réjouissent à cet exemple, que les affligés ne se découragent point, que les abandonnés espèrent et que personne ne se plaigne de la divine Providence, quelque affligé et nécessiteux que l'on se trouve. Quand le Seigneur manqua-t-Il à celui qui espéra en Lui (Ps. 17: 31)? Quand détourna-t-Il Son visage paternel de Ses enfants contristés et pauvres? Nous sommes frères (Rom. 8: 29) de Son Fils Unique fait homme, enfants et héritiers de Ses biens (Rom. 8: 17) et aussi enfants de Sa Très Pieuse Mère. Or donc, enfants de Dieu et de la Très Sainte Marie, comment vous défiez-vous de Leur sollicitude dans votre pauvreté? Pourquoi Leur refusez-vous à Eux cette gloire et à vous le droit d'être alimentés et secourus par Eux. Approchez, approchez avec humilité et confiance, car Leurs yeux pleins de tendresse (Ps. 10: 5) vous regardent, Leurs oreilles entendent la clameur de votre nécessité, et les mains de cette Dame sont étendues vers le pauvre et ses paumes sont ouvertes à l'indigent (Prov. 31: 20). Et vous, riches de ce siècle, pourquoi ou comment vous confiez-vous (1 Tim. 6: 17) dans vos seules richesses incertaines, avec danger de défaillir dans la Foi et gagnant comptant de très graves soucis et de très grandes douleurs, comme l'Apôtre vous menace (1 Tim. 6: 9-10)? Ne confessez ni ne professez point dans la cupidité d'être enfants de Dieu et de Sa Mère; au contraire vous le niez par les oeuvres et
vous vous réputez pour bâtards ou enfants d'autres parents; parce que seul l'enfant véritable et légitime sait se confier dan la sollicitude et l'amour de ses parents véritables et il leur ferait outrage s'il mettait son espérance en d'autres, non seulement étrangers, mais ennemis. La Lumière divine m'enseigne cette vérité et la charité m'oblige à la dire.
4, 23, 636. Le Père céleste ne prenait pas seulement soin de nourrir nos Pèlerins; mais aussi de les récréer visiblement pour leur alléger la fatigue du chemin et la solitude prolongée. Et il arrivait quelquefois que la divine Mère s'asseyant sur le sol pour se reposer avec l'Enfant-Dieu, un grand nombre d'oiseaux venaient à Elle des montagnes, comme je l'ai dit dans une autre occasion [c]; et avec la suavité de leurs ramages et la variété de leur plumage, ils l'entretenaient et la récréaient, se posant sur ses épaules pour se récréer avec Elle. Et la Très Prudente Reine les recevait et les conviait, leur commandant de reconnaître leur Créateur et de Lui faire des cantiques [d] et des révérences en action de grâces de ce qu'il les avait créés si beaux et vêtus de plumes pour jouir de l'air et de la terre, et de ce qu'avec les fruits de celle-ci Il leur donnait chaque jour la vie et la conservation par le moyen de l'aliment nécessaire. Les oiseaux obéissaient à tout cela avec des mouvements et des cantiques très doux. Et l'amoureuse Mère parlait à l'Enfant-Jésus avec d'autres cantiques plus doux et plus sonores, Le louant, Le bénissant et Le reconnaissant pour son Fils et son Dieu, et L'Auteur de toutes ces merveilles. Les saints Anges aidaient aussi à ces colloques si pleins de suavité, alternant avec la grande Souveraine et avec ces petits oiseaux. Et tout cela faisait une harmonie plus spirituelle que sensible, d'une consonance admirable pour la créature raisonnable.
4, 23, 637. D'autres fois la divine Princesse parlait à l'Enfant et Lui disait: «Mon Amour, Lumière de mon âme, comment allégerai-je Votre peine? Comment éviterai-je que Vous soyez molesté? Comment ferai-je pour que ce chemin si mauvais ne soit pas pénible pour Vous? Oh! si je pouvais Vous porter non dans mes bras, mais dans mon Coeur et Vous en faire un lit bien moelleux où Vous reposeriez sans fatigue!» Le Très Doux Jésus répondait: «Ma Mère chérie, je trouve beaucoup de soulagement dans vos bras, de repos sur votre sein, de goût dans vos affections et de délices dans vos paroles.» D'autres fois le Fils et la Mère se parlaient et se répondaient dans l'intérieur et ces colloques étaient si sublimes et
si Divins qu'ils ne peuvent être exprimés par nos paroles. Le saint époux Joseph participait à plusieurs de ces mystères et de ces consolations, avec lesquels le chemin lui devenait plus facile, et il oubliait ses incommodités, et il sentait la suavité et la douceur de leur désirable compagnie, quoiqu'il ne sût point ni n'entendît que l'Enfant parlât sensiblement avec Sa Mère; parce qu'alors cette faveur était pour Elle seule, comme je l'ai déjà dit [e]. De cette manière nos exilés poursuivaient leur chemin pour l'Égypte.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE NOTRE DAME.
4, 23, 638. Ma fille, de même que ceux qui connaissent (Ps. 9: 11) le Seigneur savent espérer en Lui, de même ceux qui n'espèrent point en Sa bonté et Son amour immense n'ont point une parfaite connaissance de Sa Majesté. Et le défaut de la foi et de l'espérance est suivi de celui de ne point L'aimer; et ensuite de mettre l'amour (Matt. 6: 21) où est la confiance, et une opinion et une estime plus haute. Dans cette erreur consiste tout le dommage et la ruine des mortels; parce qu'ils ont une si basse idée de la Bonté infinie qui leur donna l'être et la conservation, qu'ils ne savent pas mettre en Dieu toute leur confiance; et défaillant en cette confiance, l'amour qu'ils doivent manque aussi et ils le tournent vers les créatures, dans lesquelles ils espèrent trouver et apprécier ce qu'ils désirent; c'est-à-dire, la puissance, les richesses, le faste et la vanité. Et quoique les fidèles puissent obvier à ce dommage par la Foi et l'Espérance infuses; néanmoins ils les laissent mortes, oisives et sans en user, ils s'abaissent vers les choses basses. Et les uns espèrent dans les richesses (Ps. 51: 9) s'ils en ont: d'autres les désirent (Eccles. 5: 9), s'ils ne les possèdent point: d'autres se les procurent (Prov. 28: par des voies et des moyens très pervers: d'autres se confient dans les puissants (Ps. 145: 2) et ils les flattent et les applaudissent; ainsi il y en a très peu qui demeurent au Seigneur et qui méritent d'éprouver Sa vigilante Providence, qui se confient en Elle et qui le reconnaissent pour un Père qui prend soin de Ses enfants, qui les nourrit et les conserve, sans en abandonner aucun dans la nécessité.
4, 23, 639. Cette erreur ténébreuse a donné au monde tant d'amateurs et l'a si fort rempli d'avarice et de concupiscence contre la Volonté et le Goût du Créateur; et il a fait tromper les hommes dans la chose même qu'ils désirent ou qu'ils doivent désirer; parce que tous confessent communément qu'ils désirent les richesses et les biens temporels pour remédier à leurs nécessités; et ils disent cela parce qu'ils ne doivent point désirer autre chose. Mais en fait de vérité, plusieurs mentent, car ils désirent le superflu et le non nécessaire, pour qu'il serve, non à la nécessité naturelle, mais à l'orgueil du monde. Si les hommes désiraient seulement ce dont ils ont besoin véritablement, ce serait une folie de mettre leur confiance dans les créatures et non en Dieu qui subvient même aux petits des corbeaux (Ps. 146: 9), comme si leurs croassements étaient des voix de supplication à leur Créateur. Avec cette sécurité je ne pouvais craindre dans mon exil et mon long pèlerinage. Et parce que je me fiais au Seigneur, Sa Providence m'assistait dans le temps du besoin. Et toi, ma fille, qui connais cette grande Providence, ne t'afflige pas sans mesure dans les nécessités, ne manque pas à tes obligations pour chercher des moyens pour les secourir; ne te confie point dans les diligences humaines, ni dans les créatures; puisqu'ayant fait ce qui te regarde, le moyen efficace, est de te fier au Seigneur sans trouble ni altération; et attendre avec patience quoiqu'Il retarde un peu le remède qui arrivera toujours dans le temps le plus convenable et le plus opportun (Ps. 144: 15) et lorsque l'Amour paternel du Seigneur se manifeste davantage, comme il arriva envers moi et mon époux dans notre pauvreté et notre nécessité.
4, 23, 640. Ceux qui ne souffrent point avec patience, qui ne veulent point endurer de nécessité et qui se tournent vers des citernes desséchées (Jér. 2: 13), se confiant dans le mensonge et dans les puissants; ceux qui ne se contentent point de ce qui est modéré, mais qui désirent avec une ardente cupidité ce dont ils n'ont pas besoin pour la vie et qui gardent avec ténacité ce qu'ils ont, afin qu'ils ne manquent de rien, refusant aux pauvres l'aumône qui leur est due; tous ceux-là peuvent craindre avec raison que ce qu'ils ne peuvent attendre de la Providence divine viennent à leur manquer, si Elle était aussi avare à donner qu'eux à espérer et à donner aux pauvres pour Son amour. Mais le Père véritable qui est dans les cieux fait que le soleil se lève sur les justes et les injustes (Matt. 5: 45) et il donne la pluie aux bons et aux méchants et il les secourt tous leur donnant la vie et la nourriture. De même que les bienfaits sont communs aux bons et aux méchants de même ce n'est point la règle de l'amour de Dieu de donner de plus grands biens
temporels à ceux-là et de les refuser aux autres; car il veut au contraire que les élus et les prédestinés (Jac. 2: 5) soient pauvres; d'abord afin qu'ils acquièrent des mérites et des récompenses plus magnifiques; secondement, parce qu'il y en a peu qui savent bien user des richesses et les posséder sans cupidité désordonnée. Et quoique nous ne fussions point dans ce danger Mon très saint Fils et Moi, Sa Majesté voulut néanmoins enseigner aux hommes par Son exemple cette Science divine où il y va pour eux de la Vie Éternelle.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 23, [a]. Au-delà du torrent de Besor, on trouve un vaste désert qui sépare la ville de Bersabée du midi, de l'Égypte. Ce désert est appelé le désert de Bersabée. Ce fut là qu'un Ange montra à Agar une source pour se désaltérer ainsi que son fils Ismaël. Ce fut aussi là que le Prophète Élie se cacha, fuyant la persécution de Jézabel.
4, 23, [b. Là s'arrêta Élie dans le temps de la sécheresse et les corbeaux lui portaient chaque jour du pain et de la viande matin et soir. Quoi d'étonnant que Dieu ait aussi pourvu miraculeusement là à l'aliment de Son fils et de Sa Mère, s'Il le fournit à l'un de Ses serviteurs comme Élie? Plus tard sainte Hélène fit bâtir une église dans le même lieu.
4, 23, [c]. Livre 3, No. 185.
4, 23, [d]. Cette obéissance et cette domesticité que tous les oiseaux avaient avec Adam et Eve dans l'état d'innocence et dont on trouve des marques dans la Bible même, pourquoi ne l'auraient-ils pas montrée encore plus avec la Très Innocente Reine de toutes les créatures et la Mère de leur Dieu? Serait-il plus difficile au Créateur de rendre les oiseaux domestiques aussi bien que le chien, le
cheval, etc.. Et si un corbeau a pu se montrer affectionné envers Élie en lui portant chaque jour du pain et de la viande, comment quelques innocents oiseaux ne se seraient-ils pas montrés affectionnés à la Mère de Dieu?
4, 23, [e]. Livre 4, No. 577
Jésus, Marie et Joseph poursuivent leur voyage de la cité de Gaza jusqu'à Héliopolis d'Égypte.
4, 23, 630. Le troisième jour après l'arrivée de nos Pèlerins à Gaza, Ils partirent de cette ville pour l'Égypte. Et laissant aussitôt les lieux peuplés de la Palestine, ils entrèrent dans les déserts sablonneux qui s'appellent de Bersabée [a], s'acheminant dans un espace de plus de soixante lieues de terre inhabitée pour s'arrêter dans la ville d'Héliopolis, qui s'appelle aujourd'hui le Caire d'Égypte. Ils pérégrinèrent pendant plusieurs jours dan ce désert; parce que les journées étaient courtes, tant à cause de l'incommodité de chemin si sablonneux, qu'à cause de l'affliction qu'ils souffrirent par manque d'abri et de nourriture. Et comme il y eut plusieurs événements qui se passèrent dans cette solitude j'en dirai quelques-uns d'où l'on en comprendra d'autres; parce qu'il n'est pas nécessaire de les rapporter tous. Pour connaître tout ce que Marie et Joseph souffrirent ainsi que l'Enfant-Jésus dans ce voyage, on doit supposer que le Très-Haut donna lieu à ce que Son Fils Unique avec Sa Très Sainte Mère et saint Joseph sentissent les incommodités et les peines de cet exil. Et quoique la divine Dame les souffrit dans la paix, sans la perdre, néanmoins Elle s'affligeait beaucoup et c'était la même chose respectivement de son très fidèle époux, car ils souffrirent beaucoup tous deux, dans leurs personnes des incommodités et des peines et de plus grandes dans leurs Coeurs: la Mère à cause des souffrances de son Fils et de saint Joseph; et saint Joseph à cause de celles de l'Enfant-Dieu et de son Épouse, et parce qu'il ne pouvait y remédier par sa diligence et son travail.
4, 23, 631. Dans ce désert, ils étaient forcés de passer les nuits au serein et sans abri dans toutes les soixante lieues inhabitées; et cela en temps d'hiver, parce que le voyage arriva dans le mois de février, l'ayant commencé six jours après la Purification comme on peut l'inférer de ce qui a été dit dans le chapitre précédent. La première dans laquelle ils se trouvèrent seuls dans ces champs, ils se blottirent au versant d'une colline, seul refuge qu'ils eurent. Et la Reine du Ciel s'assit par terre avec son Enfant dans ses bras, et là ils prirent quelque soulagement et ils
soupèrent de ce qu'ils avaient apporté de Gaza. L'Impératrice du Ciel donna le sein à son Enfant Jésus; et Sa Majesté avec un air affable consola la Mère et son époux; celui-ci par sa diligence forma un tabernacle ou pavillon avec son propre manteau et quelques autres couvertures; afin que le Verbe divin et Sa Très Sainte Mère fussent quelque peu défendus du serein, les couvrant de cette tente de camp si étroite et si humble. La même nuit les dix mille Anges qui assistaient avec admiration auprès des Pèlerins du monde, firent corps de garde à leur Roi et à leur Reine, les renfermant au moyen d'une courbe ou d'un cercle qu'ils formèrent visiblement en corps humain. La grande Dame connut que son Très Saint Fils offrait au Père Éternel cet abandon et ces travaux ainsi que ceux de Sa Mère et de saint Joseph. La Reine l'accompagna la plus grande partie de la nuit dans cette oraison et les autres actes que faisait Son Âme unie à la Divinité. Puis l'Enfant-Dieu dormit un peu dans ses bras; mais cette Auguste Vierge fut toujours en veille et en colloques divins avec le Très-Haut et avec les Anges. Saint Joseph se coucha sur la terre, la tête sur la cassette des langes et des pauvres hardes qu'ils portaient.
4, 23, 632. Le jours suivant ils poursuivirent leur chemin et ensuite la provision de pain et des quelques fruits qu'ils avaient apportée leur manqua dans leur voyage; alors la Reine du Ciel et de la terre et son saint époux arrivèrent à souffrir une nécessité très grande et extrême et à ressentir la faim. Et quoique saint Joseph en souffrît davantage, ils l'éprouvèrent néanmoins tous deux avec beaucoup d'affliction. L'un des premiers jours il arriva qu'ils restèrent jusqu'à neuf heures du soir sans avoir pris aucune nourriture, pas même de ce grossier et pauvre aliment qu'ils prenaient après le travail et la fatigue du chemin, quand la nature avait plus besoin d'être rafraîchie; et comme cette nécessité ne pouvait être secourue par aucune diligence humaine, la divine Dame se tournant vers le Très-Haut Lui dit: «Dieu Éternel, Grand et Puissant, je Vous rends grâces et Vous bénis pour les Oeuvres magnifiques de Votre bon plaisir; et parce que Vous m'avez donné l'être et la vie sans que je l'aie mérité et avec cette vie vous m'avez conservée et élevée, quoique je ne sois qu'une pauvre Créature inutile, je n'ai point donné le digne retour pour ces bienfaits; comment demanderais-je pour moi ce que je ne puis compenser? Mais mon Seigneur et mon Père, regardez votre Fils Unique, et accordez-moi de quoi alimenter Sa vie naturelle, et aussi celle de mon époux afin qu'il serve Votre Majesté et que moi je serve Votre Parole faite chair pour le salut des hommes (Jean 1: 14).»
4, 23, 633. Afin que ces clameurs de la douce Mère vinssent d'une plus grande tribulation, le Très-Haut donna lieu à ce que les éléments les affligeassent par leurs rigueurs, outre la faim; la fatigue et l'abandon qu'Ils souffraient déjà; parce qu'il s'éleva une tempête de pluie accompagnée de vents très impétueux qui les aveuglaient et les fatiguaient beaucoup. Cette peine affligea davantage la pieuse et amoureuse Mère, à cause du souci de l'Enfant-Dieu si délicat et si tendre qui n'avait pas même cinquante jours. Et quoiqu'Elle Le couvrît et l'abritât autant qu'Elle pouvait, cela ne suffisait pas et Il sentit l'inclémence et la rigueur du temps comme homme véritable le manifestant en pleurant et en tremblant de froid comme l'eussent fait d'autres enfants, purs hommes. Alors la soigneuse Mère usant du pouvoir de Reine et de Maîtresse des créatures, commanda avec empire aux éléments de ne point offenser leur propre Créateur. Mais de Lui servir d'abri et de rafraîchissement et d'exercer envers Elle leur rigueur. Il arriva la même chose que dans les circonstances que j'ai déjà dites de la Naissance, ainsi que du voyage à Jérusalem; parce qu'aussitôt le vent se calma et la pluie cessa et n'arriva point où étaient le Fils et la Mère. En retour de cette amoureuse sollicitude, l'Enfant-Jésus commanda à ses Anges d'assister sa Très Aimante Mère et de lui servir d'abri contre la rigueur des éléments. Ils le firent à l'instant, et formant un globe d'une splendeur très dense et extrêmement belle, ils y renfermèrent leur Dieu Incarné, la Mère et son époux, les laissant plus protégés et plus défendus qu'ils ne l'eussent été par les palais et les riches habits des puissants du monde. Ils firent d'autres fois encore la même chose dans ce désert.
4, 23, 634. Mais la nourriture leur manquait et ils étaient affligés par une nécessité irréparable à toute industrie humaine. Et le Seigneur ayant permis qu'il arrivassent à ce point, Se laissa incliner par les justes demandes de Son Épouse, et Il pourvut à leurs besoins par les mains des mêmes Anges; parce qu'ils leur apportèrent un pain très suave et des fruits mûrs et très beaux, et outre cela, une liqueur très douce; et les Anges les servirent. Et ensuite, ils firent ensemble des cantiques de remerciements et de louanges au Seigneur qui donne l'aliment (Ps. 135: 25) à toute chair en temps opportun (Ps. 144: 15) afin que les pauvres mangent et soient rassasiés (Ps. 21: 27); parce que leurs yeux et leurs espérances sont posés en Sa Providence et Ses largesses royales. Tels furent les mets délicats de Sa table avec lesquels le Seigneur régala ses trois Pèlerins exilés dans le désert
de Bersabée (3 Rois 19: 3), le même où Élie fuyant Jézabel fut conforté par le pain cuit dans la cendre (3 Rois 19: 6) que lui donna l'Ange du Seigneur pour arriver jusqu'au mont Horeb (3 Rois 19: . Mais ni ce pain, ni celui que les corbeaux lui avaient servi miraculeusement (3 Rois 17: 6) auparavant avec des viandes à manger matin et soir au torrent de Carith [b, ni la manne (Ex. 17: 13-15) qui tomba du ciel pour les Israélites, quoiqu'elle s'appelât pain des Anges (Ps. 77: 24-25) et pluie du ciel, ni les cailles que le vent d'Afrique (Ps. 77: 26-27) leur apporta, ni la colonne (Nom. 10: 34) de nuée par laquelle ils étaient rafraîchis; aucun de ces aliments et de ces bienfaits ne se peut comparer avec ce que fit le Seigneur dans ce voyage envers Son Fils Incarné, la divine Mère et son époux. Ces faveurs n'étaient pas pour alimenter un prophète et un peuple ingrat et si mal vu, mais pour donner la vie et l'aliment à Dieu même fait homme et à Sa véritable Mère et pour conserver la vie naturelle dont dépendait la Vie Éternelle de tout le genre humain. Et si cet aliment divin était conforme à l'excellence des convives, de même aussi l'agrément et la correspondance étaient très bien selon la grandeur du bienfait. Et afin que tout fût plus opportun, le Seigneur consentit toujours à ce que la nécessité arrivât à l'extrême et qu'Elle-même demandât le secours du Ciel.
4, 23, 635. Que les pauvres se réjouissent à cet exemple, que les affligés ne se découragent point, que les abandonnés espèrent et que personne ne se plaigne de la divine Providence, quelque affligé et nécessiteux que l'on se trouve. Quand le Seigneur manqua-t-Il à celui qui espéra en Lui (Ps. 17: 31)? Quand détourna-t-Il Son visage paternel de Ses enfants contristés et pauvres? Nous sommes frères (Rom. 8: 29) de Son Fils Unique fait homme, enfants et héritiers de Ses biens (Rom. 8: 17) et aussi enfants de Sa Très Pieuse Mère. Or donc, enfants de Dieu et de la Très Sainte Marie, comment vous défiez-vous de Leur sollicitude dans votre pauvreté? Pourquoi Leur refusez-vous à Eux cette gloire et à vous le droit d'être alimentés et secourus par Eux. Approchez, approchez avec humilité et confiance, car Leurs yeux pleins de tendresse (Ps. 10: 5) vous regardent, Leurs oreilles entendent la clameur de votre nécessité, et les mains de cette Dame sont étendues vers le pauvre et ses paumes sont ouvertes à l'indigent (Prov. 31: 20). Et vous, riches de ce siècle, pourquoi ou comment vous confiez-vous (1 Tim. 6: 17) dans vos seules richesses incertaines, avec danger de défaillir dans la Foi et gagnant comptant de très graves soucis et de très grandes douleurs, comme l'Apôtre vous menace (1 Tim. 6: 9-10)? Ne confessez ni ne professez point dans la cupidité d'être enfants de Dieu et de Sa Mère; au contraire vous le niez par les oeuvres et
vous vous réputez pour bâtards ou enfants d'autres parents; parce que seul l'enfant véritable et légitime sait se confier dan la sollicitude et l'amour de ses parents véritables et il leur ferait outrage s'il mettait son espérance en d'autres, non seulement étrangers, mais ennemis. La Lumière divine m'enseigne cette vérité et la charité m'oblige à la dire.
4, 23, 636. Le Père céleste ne prenait pas seulement soin de nourrir nos Pèlerins; mais aussi de les récréer visiblement pour leur alléger la fatigue du chemin et la solitude prolongée. Et il arrivait quelquefois que la divine Mère s'asseyant sur le sol pour se reposer avec l'Enfant-Dieu, un grand nombre d'oiseaux venaient à Elle des montagnes, comme je l'ai dit dans une autre occasion [c]; et avec la suavité de leurs ramages et la variété de leur plumage, ils l'entretenaient et la récréaient, se posant sur ses épaules pour se récréer avec Elle. Et la Très Prudente Reine les recevait et les conviait, leur commandant de reconnaître leur Créateur et de Lui faire des cantiques [d] et des révérences en action de grâces de ce qu'il les avait créés si beaux et vêtus de plumes pour jouir de l'air et de la terre, et de ce qu'avec les fruits de celle-ci Il leur donnait chaque jour la vie et la conservation par le moyen de l'aliment nécessaire. Les oiseaux obéissaient à tout cela avec des mouvements et des cantiques très doux. Et l'amoureuse Mère parlait à l'Enfant-Jésus avec d'autres cantiques plus doux et plus sonores, Le louant, Le bénissant et Le reconnaissant pour son Fils et son Dieu, et L'Auteur de toutes ces merveilles. Les saints Anges aidaient aussi à ces colloques si pleins de suavité, alternant avec la grande Souveraine et avec ces petits oiseaux. Et tout cela faisait une harmonie plus spirituelle que sensible, d'une consonance admirable pour la créature raisonnable.
4, 23, 637. D'autres fois la divine Princesse parlait à l'Enfant et Lui disait: «Mon Amour, Lumière de mon âme, comment allégerai-je Votre peine? Comment éviterai-je que Vous soyez molesté? Comment ferai-je pour que ce chemin si mauvais ne soit pas pénible pour Vous? Oh! si je pouvais Vous porter non dans mes bras, mais dans mon Coeur et Vous en faire un lit bien moelleux où Vous reposeriez sans fatigue!» Le Très Doux Jésus répondait: «Ma Mère chérie, je trouve beaucoup de soulagement dans vos bras, de repos sur votre sein, de goût dans vos affections et de délices dans vos paroles.» D'autres fois le Fils et la Mère se parlaient et se répondaient dans l'intérieur et ces colloques étaient si sublimes et
si Divins qu'ils ne peuvent être exprimés par nos paroles. Le saint époux Joseph participait à plusieurs de ces mystères et de ces consolations, avec lesquels le chemin lui devenait plus facile, et il oubliait ses incommodités, et il sentait la suavité et la douceur de leur désirable compagnie, quoiqu'il ne sût point ni n'entendît que l'Enfant parlât sensiblement avec Sa Mère; parce qu'alors cette faveur était pour Elle seule, comme je l'ai déjà dit [e]. De cette manière nos exilés poursuivaient leur chemin pour l'Égypte.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE NOTRE DAME.
4, 23, 638. Ma fille, de même que ceux qui connaissent (Ps. 9: 11) le Seigneur savent espérer en Lui, de même ceux qui n'espèrent point en Sa bonté et Son amour immense n'ont point une parfaite connaissance de Sa Majesté. Et le défaut de la foi et de l'espérance est suivi de celui de ne point L'aimer; et ensuite de mettre l'amour (Matt. 6: 21) où est la confiance, et une opinion et une estime plus haute. Dans cette erreur consiste tout le dommage et la ruine des mortels; parce qu'ils ont une si basse idée de la Bonté infinie qui leur donna l'être et la conservation, qu'ils ne savent pas mettre en Dieu toute leur confiance; et défaillant en cette confiance, l'amour qu'ils doivent manque aussi et ils le tournent vers les créatures, dans lesquelles ils espèrent trouver et apprécier ce qu'ils désirent; c'est-à-dire, la puissance, les richesses, le faste et la vanité. Et quoique les fidèles puissent obvier à ce dommage par la Foi et l'Espérance infuses; néanmoins ils les laissent mortes, oisives et sans en user, ils s'abaissent vers les choses basses. Et les uns espèrent dans les richesses (Ps. 51: 9) s'ils en ont: d'autres les désirent (Eccles. 5: 9), s'ils ne les possèdent point: d'autres se les procurent (Prov. 28: par des voies et des moyens très pervers: d'autres se confient dans les puissants (Ps. 145: 2) et ils les flattent et les applaudissent; ainsi il y en a très peu qui demeurent au Seigneur et qui méritent d'éprouver Sa vigilante Providence, qui se confient en Elle et qui le reconnaissent pour un Père qui prend soin de Ses enfants, qui les nourrit et les conserve, sans en abandonner aucun dans la nécessité.
4, 23, 639. Cette erreur ténébreuse a donné au monde tant d'amateurs et l'a si fort rempli d'avarice et de concupiscence contre la Volonté et le Goût du Créateur; et il a fait tromper les hommes dans la chose même qu'ils désirent ou qu'ils doivent désirer; parce que tous confessent communément qu'ils désirent les richesses et les biens temporels pour remédier à leurs nécessités; et ils disent cela parce qu'ils ne doivent point désirer autre chose. Mais en fait de vérité, plusieurs mentent, car ils désirent le superflu et le non nécessaire, pour qu'il serve, non à la nécessité naturelle, mais à l'orgueil du monde. Si les hommes désiraient seulement ce dont ils ont besoin véritablement, ce serait une folie de mettre leur confiance dans les créatures et non en Dieu qui subvient même aux petits des corbeaux (Ps. 146: 9), comme si leurs croassements étaient des voix de supplication à leur Créateur. Avec cette sécurité je ne pouvais craindre dans mon exil et mon long pèlerinage. Et parce que je me fiais au Seigneur, Sa Providence m'assistait dans le temps du besoin. Et toi, ma fille, qui connais cette grande Providence, ne t'afflige pas sans mesure dans les nécessités, ne manque pas à tes obligations pour chercher des moyens pour les secourir; ne te confie point dans les diligences humaines, ni dans les créatures; puisqu'ayant fait ce qui te regarde, le moyen efficace, est de te fier au Seigneur sans trouble ni altération; et attendre avec patience quoiqu'Il retarde un peu le remède qui arrivera toujours dans le temps le plus convenable et le plus opportun (Ps. 144: 15) et lorsque l'Amour paternel du Seigneur se manifeste davantage, comme il arriva envers moi et mon époux dans notre pauvreté et notre nécessité.
4, 23, 640. Ceux qui ne souffrent point avec patience, qui ne veulent point endurer de nécessité et qui se tournent vers des citernes desséchées (Jér. 2: 13), se confiant dans le mensonge et dans les puissants; ceux qui ne se contentent point de ce qui est modéré, mais qui désirent avec une ardente cupidité ce dont ils n'ont pas besoin pour la vie et qui gardent avec ténacité ce qu'ils ont, afin qu'ils ne manquent de rien, refusant aux pauvres l'aumône qui leur est due; tous ceux-là peuvent craindre avec raison que ce qu'ils ne peuvent attendre de la Providence divine viennent à leur manquer, si Elle était aussi avare à donner qu'eux à espérer et à donner aux pauvres pour Son amour. Mais le Père véritable qui est dans les cieux fait que le soleil se lève sur les justes et les injustes (Matt. 5: 45) et il donne la pluie aux bons et aux méchants et il les secourt tous leur donnant la vie et la nourriture. De même que les bienfaits sont communs aux bons et aux méchants de même ce n'est point la règle de l'amour de Dieu de donner de plus grands biens
temporels à ceux-là et de les refuser aux autres; car il veut au contraire que les élus et les prédestinés (Jac. 2: 5) soient pauvres; d'abord afin qu'ils acquièrent des mérites et des récompenses plus magnifiques; secondement, parce qu'il y en a peu qui savent bien user des richesses et les posséder sans cupidité désordonnée. Et quoique nous ne fussions point dans ce danger Mon très saint Fils et Moi, Sa Majesté voulut néanmoins enseigner aux hommes par Son exemple cette Science divine où il y va pour eux de la Vie Éternelle.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 23, [a]. Au-delà du torrent de Besor, on trouve un vaste désert qui sépare la ville de Bersabée du midi, de l'Égypte. Ce désert est appelé le désert de Bersabée. Ce fut là qu'un Ange montra à Agar une source pour se désaltérer ainsi que son fils Ismaël. Ce fut aussi là que le Prophète Élie se cacha, fuyant la persécution de Jézabel.
4, 23, [b. Là s'arrêta Élie dans le temps de la sécheresse et les corbeaux lui portaient chaque jour du pain et de la viande matin et soir. Quoi d'étonnant que Dieu ait aussi pourvu miraculeusement là à l'aliment de Son fils et de Sa Mère, s'Il le fournit à l'un de Ses serviteurs comme Élie? Plus tard sainte Hélène fit bâtir une église dans le même lieu.
4, 23, [c]. Livre 3, No. 185.
4, 23, [d]. Cette obéissance et cette domesticité que tous les oiseaux avaient avec Adam et Eve dans l'état d'innocence et dont on trouve des marques dans la Bible même, pourquoi ne l'auraient-ils pas montrée encore plus avec la Très Innocente Reine de toutes les créatures et la Mère de leur Dieu? Serait-il plus difficile au Créateur de rendre les oiseaux domestiques aussi bien que le chien, le
cheval, etc.. Et si un corbeau a pu se montrer affectionné envers Élie en lui portant chaque jour du pain et de la viande, comment quelques innocents oiseaux ne se seraient-ils pas montrés affectionnés à la Mère de Dieu?
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