Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
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CHAPITRE 24
Qui poursuit le même sujet par l'explication du reste du chapitre trente-et-un des Proverbes.
2, 24, 785. Aucune des qualités de la Femme forte ne put manquer à notre Souveraine, parce qu'Elle fut Reine des vertus et fontaine de la grâce. «Elle considéra le champ,» poursuit le texte, «et l'acheta; du fruit de ses mains elle planta une vigne (Prov. 31: 16).» Le champ de la perfection la plus élevée où se nourrit le fertile et l'odorant des vertus, fut celui que considéra notre Femme forte la Très Sainte Marie, et le considérant et le pondérant à la clarté de la Lumière divine Elle connut le Trésor qu'il renfermait. Et pour acheter ce champ Elle vendit tout le terrestre dont Elle était véritablement Reine et Maîtresse, préférant à tout la possession du champ qu'Elle acheta en se refusant l'usage de ce qu'Elle pouvait avoir. Seule cette Dame put vendre le tout, parce qu'Elle était Maîtresse de tout, pour acheter le champ spacieux de la sainteté; seule Elle le considéra et le connut adéquatement, et Elle s'appropria à Elle-même, après Dieu, le champ de la Divinité et de Ses Attributs infinis, dont les autres saints reçurent quelque part. «Du fruit de ses mains elle planta la vigne.» Elle planta la Sainte Eglise non seulement en nous donnant à son Très Saint Fils pour qu'Il la formât et la fabriquât; mais aussi en étant sa Coadjutrice et en demeurant après Son Ascension Maîtresse de l'Église, comme je le dirai dans la troisième partie de cette Histoire. Elle planta la vigne de son coeur spacieux et magnanime des germes des vertus, de la vigne très fertile Jésus-Christ, qui distilla dans le pressoir de la Croix le très doux vin le l'Amour (Cant. 5: 1) dont sont alimentés Ses amis et enivrées Ses très chers [a].
2, 24, 786. «Elle ceignit son corps de force et elle affermit son bras (Prov. 31: 17». La plus grande force de ceux que l'on appelle forts consiste dans le bras, avec lequel on fait les oeuvres ardues et difficiles; et comme la plus grande difficulté de la créature terrestre est de se ceindre dans ses passions et ses inclinations, les ajustant à la raison, pour cela le texte sacré joint ensemble dans la Femme forte les actions de se ceindre et de corroborer son bras. Notre Reine n'avait pas de passions, ni de mouvements désordonnés à ceindre dans sa très innocente personne; mais Elle ne laissa pas pour cela d'être plus forte à se ceindre que tous les enfants d'Adam qui
furent déréglés par l'aiguillon du péché. Il fallait une vertu plus grande et un amour plus fort pour faire des oeuvres de mortification et de pénitence lorsqu'ils n'étaient pas nécessaires, que s'ils eussent été faits par nécessité. Aucun de ceux qui sont malades du péché et obligés à sa satisfaction ne mit tant de peine à mortifier ses passions désordonnées que notre Princesse Marie à gouverner et à sanctifier davantage toutes ses puissances et tous ses sens. Elle châtiait son corps très chaste et virginal par des pénitences incessantes, des veilles, des jeûnes, des prosternations en croix, comme je le dirai plus loin [b, et Elle refusait toujours à ses sens le plaisir et le repos, non parce qu'ils se seraient déréglés, mais pour opérer le plus saint et le plus agréable au Seigneur, sans tiédeur, sans retard et sans négligence; parce que toutes ses oeuvres furent avec toute l'efficace et la force de la grâce.
2, 24, 787. «Elle goûta et connut combien son commerce était bon; sa lumière ne sera pas éteinte pendant la nuit (Prov. 31: 18).» Le Seigneur est si bénin et si fidèle envers Ses créatures que lorsqu'Il commande de nous ceindre par la mortification et la pénitence parce que le royaume des cieux souffre violence (Math. 11: 12) et qu'il doit s'acquérir par force, à cette même violence de nos inclinations, il a attaché en cette vie un goût et une consolation qui remplissent tout notre coeur d'allégresse. On connaît dans cette joie combien bon est le commerce du Souverain Bien par le moyen de la mortification avec laquelle nous ceignons les inclinations à d'autres goûts terrestres; parce que nous recevons comptant la joie de la vérité chrétienne et en elle un gage de celle que nous espérons dans la Vie Éternelle; et celui qui négocie le plus la goûte davantage et plus il gagne par elle, plus il estime le commerce.
2, 24, 788. Nous qui sommes sujets à péchés, nous connaissons cette vérité par expérience, or combien notre Femme forte Marie devait-Elle la connaître et la goûter. Et si l'on peut conserver en nous-mêmes la Lumière divine de la grâce par le moyen de la pénitence et de la mortification des passions, combien cette Lumière devait être ardente dans le coeur de cette Créature très pure? L'insipidité de la nature pesante et corrompue ne l'opprimait pas; le remords de la mauvaise conscience ne la troublait pas, ni la crainte des péchés passés; et outre cela sa Lumière était au-dessus de toute pensée humaine et angélique; par laquelle Elle dût très bien connaître et goûter ce commerce, sans que la Lampe de l'Agneau (Apoc. 21: 23) qui l'illuminait put s'éteindre dans la nuit de ses travaux et des dangers de la vie.
2, 24, 789. «Elle étendit sa main à des choses fortes et ses doigts prirent le fuseau (Prov. 31: 19).» La Femme forte qui, par l'oeuvre et le travail de ses mains, accroît ses vertus et les biens de sa famille et se ceint de force contre ses passions, goûte et connaît le commerce de la vertu, Elle peut bien étendre et allonger le bras vers de grandes choses. La Très Sainte Marie le fit sans embarras de son état et de ses obligations; parce qu'en s'élevant au-dessus d'Elle-même et de toutes les choses de la terre, Elle étendit ses désirs et ses oeuvres au plus grand et au plus fort de l'Amour divin et de la connaissance de Dieu, au-dessus de toute la nature humaine et angélique. Et comme depuis ses Épousailles Elle allait en s'avançant vers la dignité et l'office de Mère, Elle allait aussi en étendant son coeur et en allongeant le bras de ses oeuvres saintes, jusqu'à arriver à coopérer à l'oeuvre la plus ardue et la plus forte de la Toute Puissance divine, qui fut l'Incarnation du Verbe. De tout cela j'en dirai davantage dans la seconde partie [c], en déclarant la préparation que notre Reine eut pour ce grand mystère. Et parce que la détermination et le propos des choses grandes qui n'arriveraient pas à l'exécution ne seraient que des apparences sans effet, pour cela il dit: «Que les doigts de cette Femme forte prirent le fuseau»; et c'est dire que notre Reine exécuta tout le grand, l'ardu et le difficile comme Elle l'entendit et se le proposa dans son intention très droite. Elle fut en tout véritable et non bruyante et ostentatrice, comme le serait la femme qui se tiendrait avec la quenouille à la ceinture, mais oisive et sans prendre le fuseau [d]; et ainsi il ajoute:
2, 24, 790. «Elle ouvrit sa main au nécessiteux et elle étendit ses mains vers le pauvre (Prov. 31: 20).» C'est une grande force de la femme prudente et ménagère d'être libérale envers les pauvres et de ne point s'abandonner avec faiblesse de courage et avec défiance à la crainte timide de ce que le nécessaire doive pour cela manquer à sa famille; puisque le moyen le plus puissant pour multiplier tous les biens consiste à répartir libéralement ceux de la fortune avec les pauvres de Jésus-Christ qui même en cette vie présente sait donner cent pour un (Marc 10: 29: 30). La Très Sainte Marie distribua aux pauvres et au Temple la fortune dont Elle avait hérité de ses parents, comme je l'ai déjà dit [e]: et outre cela elle travaillait de ses mains pour aider à cette miséricorde; parce que si Elle ne leur eût donné de sa propre sueur et de son propre travail, elle n'eût pas satisfait son pieux et libéral amour envers les pauvres. Il n'est pas étonnant que l'avarice du monde sente aujourd'hui le manque et la pauvreté qu'il souffre dans les biens temporels, puisque
les hommes sont si pauvres de piété et de miséricorde envers les nécessiteux, dissipant au service de la vanité immodérée ce que Dieu fit et créa pour le soutien des pauvres et le remède des riches.
2, 24, 791. Notre pieuse Reine et Maîtresse ne déploya pas seulement ses propres mains au pauvre, mais Elle déploya aussi celles du Puissant bras de Dieu Tout-Puissant car il semble qu'Il les tenait fermées retenant le Verbe Divin; parce que les mortels ne le méritaient pas ou parce qu'ils déméritaient de l'avoir. Cette Femme forte Lui donna des mains étendues et ouvertes pour les pauvres captifs et affligés dans la misère du péché; et parce que cette nécessité et cette pauvreté étant générale à tous, elle l'était de chacun, l'Écriture les appelle pauvre au singulier; puisque tout le genre humain était un pauvre et il ne pouvait pas plus que s'il eût été un seul. Ces mains de Notre Seigneur Jésus-Christ étendues pour opérer notre Rédemption et ouvertes pour répandre les Trésors de Ses mérites et de Ses dons, furent les propres mains de la Très Sainte Marie, parce qu'elles étaient de Son Fils, et parce que sans Elle le pauvre genre humain ne les aurait jamais connues ouvertes; et pour beaucoup d'autres titres.
2, 24, 792. «Elle ne craindra pas pour sa maison le froid de la neige; parce que tous ses domestiques ont double vêtement (Prov. 31: 21).» Ayant perdu le Soleil de justice et la chaleur de la grâce et la justice originelle, notre nature demeura sous la neige gelée du péché qui restreint, empêche et alourdit pour les bonnes oeuvres. De là, naît la difficulté dans la vertu, la tiédeur dans les actions, l'inadvertance et la négligence, l'instabilité et d'autres effets innombrables, surtout de nous trouver gelés dans l'Amour divin, après le péché, sans abri ni refuge pour les tentations. Notre divine Reine fut libre de tous ces empêchements et de toutes ces pertes dans sa maison et dans son âme; parce que tous ses domestiques, ses puissances intérieures et extérieures, furent défendues du froid du péché par de doubles vêtements. L'un fut celui de la justice originelle et des vertus infuses; l'autre celui des vertus acquises par Elle-mêmes depuis le premier instant qu'Elle commença à opérer. Ce furent aussi de doubles vêtements que la grâce commune qu'Elle eut comme personne particulière, et celle que lui donna le Très-Haut, grâce très spéciale pour la dignité de Mère du Verbe. Je ne m'arrêterai pas sur la prévoyance dans le gouvernement de sa maison; parce que ce soin peut être louable et nécessaire dans les autres femmes; mais dans la maison de la Reine du Ciel et de la terre, la Très Sainte Marie, il ne fut
pas nécessaire de doubler les vêtements pour son Très Saint Fils, car il n'en avait qu'un seul, ni non plus pour Elle et pour son époux, saint Joseph, où la pauvreté était tout l'abri et l'ornement.
2, 24, 793. "Elle s'est fait un vêtement très tissé et elle s'est ornée de pourpre et de fin lin (Prov. 31: 22).» Cette métaphore déclare aussi l'ornement spirituel de cette Femme forte; et ce fût un vêtement tissé avec force et variété pour se couvrir toute entière et se défendre des inclémences et des rigueurs des pluies, car pour cela on tisse les draps forts et les feutres et autres choses semblables. La longue robe des vertus et des dons de Marie fut impénétrable à la rigueur des tentations et aux débordements de ce fleuve que répandit contre Elle le grand dragon roux ou sanguinolant que saint Jean vit dans l'Apocalypse (Apoc. 12: 15); et outre la force de ce vêtement, grande était sa beauté et la variété de ses vertus, entretissées et non postiches; parce qu'elles étaient comme inviscerées et substantiées dans sa propre nature dès qu'Elle fut formée en grâce et en justice originelle. Là se trouvaient la pourpre de la charité, le blanc de la chasteté et de la pureté, le céleste de l'espérance, avec toute la variété des dons et des vertus qui tout en la revêtant l'ornaient et l'embellissaient. L'ornement de Marie fut aussi cette couleur blanche et colorée (Cant. 5: 10) que l'épouse entendait pour l'humanité et la Divinité, les donnant pour signes de son époux; car Marie ayant donné au Verbe le vermeil de Son Humanité Très Sainte, Il lui donna en retour la Divinité, non seulement en les unissant dans son sein virginal; mais en laissant dans Sa Mère certains aspects et certains rayons de Divinité plus qu'en toutes les créatures ensemble.
2, 24, 794. «Son mari sera noble dans les portes, lorsqu'il s'assiéra avec les sénateurs de la terre (Prov. 31: 23).» Dans les portes de la Vie Éternelle se fait le jugement particulier de chacun et ensuite se fera le jugement général que nous attendons, comme les anciennes républiques le faisaient aux portes de la cité. Saint Joseph, l'un des hommes de la Très Sainte Marie, aura une place au jugement universel parmi les nobles du royaume de Dieu, car il aura un siège entre les Apôtres pour juger le monde, et il jouira de ce privilège comme époux de cette Femme forte qui est Reine de l'Univers, et comme père putatif qu'il fut du Juge suprême [f]. L'autre Homme de cette Souveraine qui est Son Très Saint Fils, comme je l'ai déjà dit [g] est tenu et reconnu comme suprême Seigneur ou Juge véritable dans le jugement qu'Il fait et dans celui qu'Il fera de tous les Anges et de tous les hommes.
Et Il donne une part de cette excellence à la Très Sainte Marie; parce qu'Elle lui donna la chair humaine avec laquelle Il racheta le monde et le sang qu'Il répandit en prix et rachat des hommes; et l'on connaîtra tout cela lorsqu'Il viendra avec une grande puissance au jugement universel, sans qu'il en reste alors aucun qui ne Le connaisse et Le confesse.
2, 24, 795. «Elle fit un linceul et le vendit et elle donna une ceinture au Chananéen (Prov. 31: 24).» Dans cette sollicitude de la Femme forte sont contenues deux grandeurs de notre Reine; l'une qu'Elle fit le linceul si pur, si grand et si spacieux qu'Elle put renfermer le Verbe Éternel, quoiqu'abrégé et rétréci; et Elle le vendit non à d'autre, mais au Seigneur même qui lui donna en retour Son propre Fils; car il ne se trouvait pas parmi toutes les choses créées un digne prix pour acheter ce linceul de la pureté et de la sainteté de Marie, ni personne qui eût pu dignement être son fils, hors le Fils de Dieu. Elle livra aussi, Elle ne vendit pas, mais Elle donna gratuitement la ceinture au Chananéen, fils de Chanaan (Gen. 9: 25) maudit de son père, parce que tous ceux qui participèrent à la première malédiction et demeurèrent non ceints, les passions déliées et les appétits désordonnées purent se ceindre de nouveau avec la ceinture que la Très Sainte Marie leur livra dans son Fils unique et premier-né et dans Sa Loi de grâce pour se renouveler, se ceindre et se réformer. Les damnés et les réprouvés, anges et hommes, n'auront point d'excuse, puisqu'ils eurent tous de quoi se ceindre et se contenir dans leurs affections désordonnées, comme le font les prédestinés, se servant de cette grâce qu'ils eurent gratuitement par la Très Sainte Marie, et sans qu'Elle leur demandât de prix pour la mériter ou l'acheter.
2, 24, 796. «La force et la beauté lui servent de vêtement et elle se rira au dernier jour (Prov. 31: 25).» Un autre nouvel ornement et vêtement de la Femme forte est la force et la beauté. La force la rend invincible dans la souffrance et dans l'opération contre les puissances infernales; la beauté lui donne la grâce extérieure et un decorum admirable dans toutes ses actions. Avec ces deux excellences ou qualités, notre Reine était aimable aux yeux de Dieu, des Anges et du monde; non seulement Elle n'avait point de péché ni de défaut qui pût lui être reproché, mais Elle avait ce double ornement de grâce et de beauté avec lequel elle plut tant à l'Époux et Il l'estima si fort qu'Il répétait qu'Elle était Très Belle (Cant. 4: 1) et Très Gracieuses. Et là où il ne se peut trouver de défaut répréhensible, il n'y a point non plus de cause
pour pleurer au dernier jour, lorsqu'aucun des mortels ne laissera d'en avoir, excepté cette Souveraine et son Très Saint Fils. Tous seront et paraîtront avec quelque péché dont ils auront à s'affliger, et les damnés pleureront alors de ne les avoir pas pleurés dignement plus tôt. En ce jour cette Femme forte sera joyeuse et riante avec l'agrément de son incomparable félicité et de ce que la Justice divine s'exécutera contre les méchants et les rebelles à son Très Saint Fils.
2, 24, 797. «Elle a ouvert sa bouche à la sagesse et la loi de la clémence est sur ses lèvres (Prov. 31: 26).» Grande excellence de la Femme forte de n'ouvrir la bouche que pour enseigner la sainte crainte du Seigneur et exécuter quelque oeuvre de clémence. Notre Reine et notre Souveraine accomplit cela avec une souveraine perfection; Elle ouvrit sa bouche comme Maîtresse de la divine Sagesse, lorsqu'Elle dit au saint Archange: "Fiat mihi secundum verbum tuum (Luc 1: 38)", et lorsqu'elle parlait c'était toujours comme vierge très prudente et remplie de la science du Très-Haut pour l'enseigner à tous et pour intercéder pour les misérables enfants d'Eve. La loi de la clémence était et est toujours dans sa langue, comme en une pieuse Mère de Miséricorde; parce que seule son intercession et sa parole est la loi inviolable d'où dépend notre remède dans toutes les nécessités, si nous savons l'obliger à ouvrir sa bouche et à mouvoir sa langue pour le demander.
2, 24, 798. «Elle considéra les sentiers de sa maison et elle ne mangea point son pain dans l'oisiveté (Prov. 31: 27).» Ce n'est pas une petite louange de la mère de famille de considérer ainsi attentivement toutes les voies les plus assurées pour augmenter beaucoup ses biens; mais dans cette divine prudence, Marie seule fut Celle qui donne une règle aux mortels; parce que seule Elle sut considérer et scruter toutes les voies de la justice, tous les sentiers et les raccourcis par où Elle pourrait arriver à la Divinité avec plus de sécurité et de brièveté. Elle parvint à cette science d'une manière si haute qu'Elle laissa derrière Elle tous les mortels, et les Chérubins et les Séraphins même. Elle connut et considéra le bien et le mal, le profond et le caché de la sainteté, la condition de la faiblesse humaine, l'astuce des ennemis, le danger du monde et de toutes les choses de la terre; et comme Elle connut tout cela; Elle opéra selon ce qu'Elle connaissait sans manger son pain oisive, et sans recevoir en vain l'âme, ni la grâce divine; et Elle mérita ce qui suit:
2, 24, 799. «Ses enfants se levèrent et la proclamèrent bienheureuse et son homme se leva pour la louer (Prov. 31: 28).» Les véritables enfants de cette Femme forte on dit de grandes et glorieuses choses dans l'Église militante, la proclamant bienheureuse entre les femmes; et ceux qui ne se lèvent pas et ne la proclament pas ne sont pas tenus pour ses enfants ni pour des savants, des sages, et des dévots. Mais quoique tous aient parlé, inspirés et mus par son Homme, son Époux Jésus-Christ et l'Esprit-Saint, néanmoins il semble qu'il se soit tût jusqu'à présent et qu'Il ne se soit pas levé pour la prêcher, vu les nombreux et sublimes sacrements de Sa Très Sainte Mère qu'Il a tenus cachés. Et ils sont si nombreux que le Seigneur m'a donné à entendre qu'Il les réserve pour les manifester dans l'Église triomphante après le jugement universel; parce qu'il n'est pas convenable de les manifester tous maintenant au monde indigne et qui n'est point capable de tant de merveilles. Là Jésus-Christ, Époux de Marie, parlera, manifestant pour leur gloire à tous Deux et pour la joie des saints les prérogatives et les excellences de cette Souveraine, et là nous les connaîtrons; maintenant il suffit que nous les croyions avec vénération sous le voile de la foi et de l'espérance de tant de biens.
2, 24, 800. «Plusieurs filles ont amassé des richesses, mais tu les as toutes surpassées (Prov. 31: 29).» Toutes les âmes qui sont arrivées à obtenir la grâce du Très-Haut s'appellent ses filles; et tous les mérites, les dons et les vertus qu'elles purent gagner avec cette grâce, sont des richesses véritables; car tout le reste des choses terrestres a injustement usurpé le nom de richesse. Le nombre des prédestinés sera très grand; celui-là les connaît qui compte les étoiles (Ps. 146: 4) les appelant par leurs noms. Mais Marie seule amassa plus que toutes ces créatures, filles du Très-Haut et les siennes, et seule Elle les surpassera toutes, non seulement par l'excellence qu'Elle a d'être leur Mère, et elles ses filles selon la grâce et la gloire, mais aussi comme Mère de Dieu même; parce que selon cette dignité Elle surpasse toute l'excellence des plus grands saints; ainsi la grâce et la gloire de cette Reine surpassa toute celle qu'ont et qu'auront tous les prédestinés. Et parce qu'en comparaison de ces richesses et de ces dons de la grâce intérieure et de la gloire qui y correspond, la grâce extérieure et apparente est vaine dans les femmes qui l'apprécient tant, Il ajoute et dit:
2, 24, 801. «La grâce est trompeuse et la beauté est vaine; la femme qui craint Dieu, celle-ci sera louée; qu'on lui donne du fruit de ses mains et que ses oeuvres la louent dans les portes (Prov. 31: 30-31).» Le monde répute faussement pour grâce plusieurs choses visibles qui ne le sont pas, et qui n'ont pas plus de grâce et de beauté que celle que leur accorde l'erreur des ignorants, comme sont l'apparence des bonnes oeuvres dans la vertu; l'agrément dans les paroles douces ou éloquentes; l'élégance dans les paroles et les mouvements; et l'on appelle aussi grâce la bienveillance des grands et du peuple. Tout cela est tromperie et fausseté, comme la beauté de la femme qui s'évanouit en peu de temps. Celle qui craint Dieu et qui enseigne à Le craindre, celle-ci mérite dignement la louange des hommes et du Seigneur même. Et parce qu'Il veut Lui-même la louer, Il dit: «Qu'on lui donne du fruit de ses mains;» et Il remit sa louange à ses grandes oeuvres placées en public à la vue de tous, afin qu'elles mêmes soient des langues à sa louange; car il importe très peu que les hommes louent la femme que ses propres oeuvres blâmeraient. Pour cela le Seigneur veut que les oeuvres de Sa Très Sainte Mère soient manifestées dans les portes de la Sainte Église, en autant qu'il est possible et convenable, comme je l'ai déjà dit [h], réservant la plus grande gloire et la plus grande louange pour qu'elle demeure ensuite pendant tous les siècles des siècles. Amen.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL.
2, 24, 802. Ma fille tu as un grand enseignement pour ta conduite dans ce chapitre; et quoique tu n'aies pas écrit tout ce qu'il contient, cependant, je veux que tu écrives tout, tant ce que tu as déclaré, que ce que tu laisses caché, dans l'intime de ton coeur et que tu l'exécutes en toi-même avec une loi inviolable. Pour cela il est nécessaire d'être retirée au dedans de ton intérieur, ayant oublié toutes les choses visibles et terrestres; de défendre tes puissances de doubles vêtements pour ne point sentir le froid et la tiédeur dans la perfection et pour résister aux mouvements déréglés des passions. Ceins-les et mortifie-les par la ceinture de la crainte divine; puis étant éloigné de tout ce qui est apparent et trompeur élève ton esprit à considérer et à comprendre les voies de ton intérieur et les sentiers que Dieu t'a enseignés pour Le chercher dans ton secret et pour Le trouver sans danger d'erreur. Et ayant goûté au commerce du ciel, ne permets pas que par ta négligence s'éteigne en ton esprit la Lumière divine qui t'embrase et t'éclaire dans les ténèbres. Ne mange point le pain en étant oisive; mais travaille sans donner trêve à tes soins et tu mangeras le fruit de tes diligences et fortifiée dans le Seigneur tu feras des oeuvres
dignes de Sa Volonté et de Son agrément, et tu courras à l'odeur de Ses parfums jusqu'à arriver à Le posséder éternellement. Amen.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
2, 24, [a]. «Elle planta le champ et la vigne,» écrit ici A. Lapide, «quand Elle habitua son corps à l'exercice de toutes les vertus. En second lieu Elle planta le champ et la vigne de la primitive Église avec sa sagesse, sa prévoyance, ses mérites et ses exemples; et Elle la rendit tellement fertile, que florissant en toute manière de sainteté, Elle produisit les hommes apostoliques, les martyrs et les vierges; et même Elle fit tant que tous les fidèles vivaient une vie non seulement de chrétiens, mais aussi de religieux dans la pauvreté, la chasteté et l'obéissance comme firent les Esséniens sous saint Marc à Alexandrie et les Chrétiens à Jérusalem sous saint Pierre, comme on le voit dans les Actes des Apôtres.
De plus dans le cours des siècles Elle agrandit le champ de l'Église de nation en nation et Elle y planta les vignes des congrégations saintes et choisies, spécialement des Religieux des divers Ordres qui enivrèrent l'Église avec le doux vin de leur dévotion, de leur chasteté et de leur charité. Et outre son champ et sa vigne, Elle extrait et offre aux fidèles dans l'Eucharistie le froment des élus et le vin qui fait germer les vierges comme dit l'Écriture.
En troisième lieu, Elle cultive tous et chacun des Fidèles comme de nouveaux champs et de nouvelles vignes dans la foi et dans la sainteté; parce qu'il n'y a pas un fidèle ni un saint qui ne soit débiteur envers la Sainte Vierge, de sa foi et de sa sainteté. En effet, la Très Sainte Marie fut constituée par Jésus-Christ Mère de toute la famille chrétienne, c'est pourquoi tous les fidèles et tous les justes sont de droit ses enfants car Elle les a tous enfantés à Jésus-Christ, puis Elle les alimente et les fait grandir en sainteté et en perfection.
2, 24, b]. Livre 3, Nos. 12, 232; Livre 4, Nos. 442, 658; Livre 5, Nos. 898, 990, 991; Livre 8, Nos. 581 et ailleurs.
2, 24, [c]. Livre 3, Nos. 1 à 106.
2, 24, [d]. Travailler la laine et le lin et autres choses semblables est l'oeuvre la plus louable de la femme.
2, 24, [e]. Livre 2, No. 764.
2, 24, [f]. «Saint Joseph époux de la Bienheureuse Vierge sera noble, parce qu'au jour du jugement il siégera parmi les Prophètes et les Apôtres, il apparaîtra même illustre et distingué entre les premiers choeurs des Anges.» [A. Lapide].
2, 24, [g]. Livre 2, No. 776.
2, 24, [h]. Livre 2, No. 799.
Qui poursuit le même sujet par l'explication du reste du chapitre trente-et-un des Proverbes.
2, 24, 785. Aucune des qualités de la Femme forte ne put manquer à notre Souveraine, parce qu'Elle fut Reine des vertus et fontaine de la grâce. «Elle considéra le champ,» poursuit le texte, «et l'acheta; du fruit de ses mains elle planta une vigne (Prov. 31: 16).» Le champ de la perfection la plus élevée où se nourrit le fertile et l'odorant des vertus, fut celui que considéra notre Femme forte la Très Sainte Marie, et le considérant et le pondérant à la clarté de la Lumière divine Elle connut le Trésor qu'il renfermait. Et pour acheter ce champ Elle vendit tout le terrestre dont Elle était véritablement Reine et Maîtresse, préférant à tout la possession du champ qu'Elle acheta en se refusant l'usage de ce qu'Elle pouvait avoir. Seule cette Dame put vendre le tout, parce qu'Elle était Maîtresse de tout, pour acheter le champ spacieux de la sainteté; seule Elle le considéra et le connut adéquatement, et Elle s'appropria à Elle-même, après Dieu, le champ de la Divinité et de Ses Attributs infinis, dont les autres saints reçurent quelque part. «Du fruit de ses mains elle planta la vigne.» Elle planta la Sainte Eglise non seulement en nous donnant à son Très Saint Fils pour qu'Il la formât et la fabriquât; mais aussi en étant sa Coadjutrice et en demeurant après Son Ascension Maîtresse de l'Église, comme je le dirai dans la troisième partie de cette Histoire. Elle planta la vigne de son coeur spacieux et magnanime des germes des vertus, de la vigne très fertile Jésus-Christ, qui distilla dans le pressoir de la Croix le très doux vin le l'Amour (Cant. 5: 1) dont sont alimentés Ses amis et enivrées Ses très chers [a].
2, 24, 786. «Elle ceignit son corps de force et elle affermit son bras (Prov. 31: 17». La plus grande force de ceux que l'on appelle forts consiste dans le bras, avec lequel on fait les oeuvres ardues et difficiles; et comme la plus grande difficulté de la créature terrestre est de se ceindre dans ses passions et ses inclinations, les ajustant à la raison, pour cela le texte sacré joint ensemble dans la Femme forte les actions de se ceindre et de corroborer son bras. Notre Reine n'avait pas de passions, ni de mouvements désordonnés à ceindre dans sa très innocente personne; mais Elle ne laissa pas pour cela d'être plus forte à se ceindre que tous les enfants d'Adam qui
furent déréglés par l'aiguillon du péché. Il fallait une vertu plus grande et un amour plus fort pour faire des oeuvres de mortification et de pénitence lorsqu'ils n'étaient pas nécessaires, que s'ils eussent été faits par nécessité. Aucun de ceux qui sont malades du péché et obligés à sa satisfaction ne mit tant de peine à mortifier ses passions désordonnées que notre Princesse Marie à gouverner et à sanctifier davantage toutes ses puissances et tous ses sens. Elle châtiait son corps très chaste et virginal par des pénitences incessantes, des veilles, des jeûnes, des prosternations en croix, comme je le dirai plus loin [b, et Elle refusait toujours à ses sens le plaisir et le repos, non parce qu'ils se seraient déréglés, mais pour opérer le plus saint et le plus agréable au Seigneur, sans tiédeur, sans retard et sans négligence; parce que toutes ses oeuvres furent avec toute l'efficace et la force de la grâce.
2, 24, 787. «Elle goûta et connut combien son commerce était bon; sa lumière ne sera pas éteinte pendant la nuit (Prov. 31: 18).» Le Seigneur est si bénin et si fidèle envers Ses créatures que lorsqu'Il commande de nous ceindre par la mortification et la pénitence parce que le royaume des cieux souffre violence (Math. 11: 12) et qu'il doit s'acquérir par force, à cette même violence de nos inclinations, il a attaché en cette vie un goût et une consolation qui remplissent tout notre coeur d'allégresse. On connaît dans cette joie combien bon est le commerce du Souverain Bien par le moyen de la mortification avec laquelle nous ceignons les inclinations à d'autres goûts terrestres; parce que nous recevons comptant la joie de la vérité chrétienne et en elle un gage de celle que nous espérons dans la Vie Éternelle; et celui qui négocie le plus la goûte davantage et plus il gagne par elle, plus il estime le commerce.
2, 24, 788. Nous qui sommes sujets à péchés, nous connaissons cette vérité par expérience, or combien notre Femme forte Marie devait-Elle la connaître et la goûter. Et si l'on peut conserver en nous-mêmes la Lumière divine de la grâce par le moyen de la pénitence et de la mortification des passions, combien cette Lumière devait être ardente dans le coeur de cette Créature très pure? L'insipidité de la nature pesante et corrompue ne l'opprimait pas; le remords de la mauvaise conscience ne la troublait pas, ni la crainte des péchés passés; et outre cela sa Lumière était au-dessus de toute pensée humaine et angélique; par laquelle Elle dût très bien connaître et goûter ce commerce, sans que la Lampe de l'Agneau (Apoc. 21: 23) qui l'illuminait put s'éteindre dans la nuit de ses travaux et des dangers de la vie.
2, 24, 789. «Elle étendit sa main à des choses fortes et ses doigts prirent le fuseau (Prov. 31: 19).» La Femme forte qui, par l'oeuvre et le travail de ses mains, accroît ses vertus et les biens de sa famille et se ceint de force contre ses passions, goûte et connaît le commerce de la vertu, Elle peut bien étendre et allonger le bras vers de grandes choses. La Très Sainte Marie le fit sans embarras de son état et de ses obligations; parce qu'en s'élevant au-dessus d'Elle-même et de toutes les choses de la terre, Elle étendit ses désirs et ses oeuvres au plus grand et au plus fort de l'Amour divin et de la connaissance de Dieu, au-dessus de toute la nature humaine et angélique. Et comme depuis ses Épousailles Elle allait en s'avançant vers la dignité et l'office de Mère, Elle allait aussi en étendant son coeur et en allongeant le bras de ses oeuvres saintes, jusqu'à arriver à coopérer à l'oeuvre la plus ardue et la plus forte de la Toute Puissance divine, qui fut l'Incarnation du Verbe. De tout cela j'en dirai davantage dans la seconde partie [c], en déclarant la préparation que notre Reine eut pour ce grand mystère. Et parce que la détermination et le propos des choses grandes qui n'arriveraient pas à l'exécution ne seraient que des apparences sans effet, pour cela il dit: «Que les doigts de cette Femme forte prirent le fuseau»; et c'est dire que notre Reine exécuta tout le grand, l'ardu et le difficile comme Elle l'entendit et se le proposa dans son intention très droite. Elle fut en tout véritable et non bruyante et ostentatrice, comme le serait la femme qui se tiendrait avec la quenouille à la ceinture, mais oisive et sans prendre le fuseau [d]; et ainsi il ajoute:
2, 24, 790. «Elle ouvrit sa main au nécessiteux et elle étendit ses mains vers le pauvre (Prov. 31: 20).» C'est une grande force de la femme prudente et ménagère d'être libérale envers les pauvres et de ne point s'abandonner avec faiblesse de courage et avec défiance à la crainte timide de ce que le nécessaire doive pour cela manquer à sa famille; puisque le moyen le plus puissant pour multiplier tous les biens consiste à répartir libéralement ceux de la fortune avec les pauvres de Jésus-Christ qui même en cette vie présente sait donner cent pour un (Marc 10: 29: 30). La Très Sainte Marie distribua aux pauvres et au Temple la fortune dont Elle avait hérité de ses parents, comme je l'ai déjà dit [e]: et outre cela elle travaillait de ses mains pour aider à cette miséricorde; parce que si Elle ne leur eût donné de sa propre sueur et de son propre travail, elle n'eût pas satisfait son pieux et libéral amour envers les pauvres. Il n'est pas étonnant que l'avarice du monde sente aujourd'hui le manque et la pauvreté qu'il souffre dans les biens temporels, puisque
les hommes sont si pauvres de piété et de miséricorde envers les nécessiteux, dissipant au service de la vanité immodérée ce que Dieu fit et créa pour le soutien des pauvres et le remède des riches.
2, 24, 791. Notre pieuse Reine et Maîtresse ne déploya pas seulement ses propres mains au pauvre, mais Elle déploya aussi celles du Puissant bras de Dieu Tout-Puissant car il semble qu'Il les tenait fermées retenant le Verbe Divin; parce que les mortels ne le méritaient pas ou parce qu'ils déméritaient de l'avoir. Cette Femme forte Lui donna des mains étendues et ouvertes pour les pauvres captifs et affligés dans la misère du péché; et parce que cette nécessité et cette pauvreté étant générale à tous, elle l'était de chacun, l'Écriture les appelle pauvre au singulier; puisque tout le genre humain était un pauvre et il ne pouvait pas plus que s'il eût été un seul. Ces mains de Notre Seigneur Jésus-Christ étendues pour opérer notre Rédemption et ouvertes pour répandre les Trésors de Ses mérites et de Ses dons, furent les propres mains de la Très Sainte Marie, parce qu'elles étaient de Son Fils, et parce que sans Elle le pauvre genre humain ne les aurait jamais connues ouvertes; et pour beaucoup d'autres titres.
2, 24, 792. «Elle ne craindra pas pour sa maison le froid de la neige; parce que tous ses domestiques ont double vêtement (Prov. 31: 21).» Ayant perdu le Soleil de justice et la chaleur de la grâce et la justice originelle, notre nature demeura sous la neige gelée du péché qui restreint, empêche et alourdit pour les bonnes oeuvres. De là, naît la difficulté dans la vertu, la tiédeur dans les actions, l'inadvertance et la négligence, l'instabilité et d'autres effets innombrables, surtout de nous trouver gelés dans l'Amour divin, après le péché, sans abri ni refuge pour les tentations. Notre divine Reine fut libre de tous ces empêchements et de toutes ces pertes dans sa maison et dans son âme; parce que tous ses domestiques, ses puissances intérieures et extérieures, furent défendues du froid du péché par de doubles vêtements. L'un fut celui de la justice originelle et des vertus infuses; l'autre celui des vertus acquises par Elle-mêmes depuis le premier instant qu'Elle commença à opérer. Ce furent aussi de doubles vêtements que la grâce commune qu'Elle eut comme personne particulière, et celle que lui donna le Très-Haut, grâce très spéciale pour la dignité de Mère du Verbe. Je ne m'arrêterai pas sur la prévoyance dans le gouvernement de sa maison; parce que ce soin peut être louable et nécessaire dans les autres femmes; mais dans la maison de la Reine du Ciel et de la terre, la Très Sainte Marie, il ne fut
pas nécessaire de doubler les vêtements pour son Très Saint Fils, car il n'en avait qu'un seul, ni non plus pour Elle et pour son époux, saint Joseph, où la pauvreté était tout l'abri et l'ornement.
2, 24, 793. "Elle s'est fait un vêtement très tissé et elle s'est ornée de pourpre et de fin lin (Prov. 31: 22).» Cette métaphore déclare aussi l'ornement spirituel de cette Femme forte; et ce fût un vêtement tissé avec force et variété pour se couvrir toute entière et se défendre des inclémences et des rigueurs des pluies, car pour cela on tisse les draps forts et les feutres et autres choses semblables. La longue robe des vertus et des dons de Marie fut impénétrable à la rigueur des tentations et aux débordements de ce fleuve que répandit contre Elle le grand dragon roux ou sanguinolant que saint Jean vit dans l'Apocalypse (Apoc. 12: 15); et outre la force de ce vêtement, grande était sa beauté et la variété de ses vertus, entretissées et non postiches; parce qu'elles étaient comme inviscerées et substantiées dans sa propre nature dès qu'Elle fut formée en grâce et en justice originelle. Là se trouvaient la pourpre de la charité, le blanc de la chasteté et de la pureté, le céleste de l'espérance, avec toute la variété des dons et des vertus qui tout en la revêtant l'ornaient et l'embellissaient. L'ornement de Marie fut aussi cette couleur blanche et colorée (Cant. 5: 10) que l'épouse entendait pour l'humanité et la Divinité, les donnant pour signes de son époux; car Marie ayant donné au Verbe le vermeil de Son Humanité Très Sainte, Il lui donna en retour la Divinité, non seulement en les unissant dans son sein virginal; mais en laissant dans Sa Mère certains aspects et certains rayons de Divinité plus qu'en toutes les créatures ensemble.
2, 24, 794. «Son mari sera noble dans les portes, lorsqu'il s'assiéra avec les sénateurs de la terre (Prov. 31: 23).» Dans les portes de la Vie Éternelle se fait le jugement particulier de chacun et ensuite se fera le jugement général que nous attendons, comme les anciennes républiques le faisaient aux portes de la cité. Saint Joseph, l'un des hommes de la Très Sainte Marie, aura une place au jugement universel parmi les nobles du royaume de Dieu, car il aura un siège entre les Apôtres pour juger le monde, et il jouira de ce privilège comme époux de cette Femme forte qui est Reine de l'Univers, et comme père putatif qu'il fut du Juge suprême [f]. L'autre Homme de cette Souveraine qui est Son Très Saint Fils, comme je l'ai déjà dit [g] est tenu et reconnu comme suprême Seigneur ou Juge véritable dans le jugement qu'Il fait et dans celui qu'Il fera de tous les Anges et de tous les hommes.
Et Il donne une part de cette excellence à la Très Sainte Marie; parce qu'Elle lui donna la chair humaine avec laquelle Il racheta le monde et le sang qu'Il répandit en prix et rachat des hommes; et l'on connaîtra tout cela lorsqu'Il viendra avec une grande puissance au jugement universel, sans qu'il en reste alors aucun qui ne Le connaisse et Le confesse.
2, 24, 795. «Elle fit un linceul et le vendit et elle donna une ceinture au Chananéen (Prov. 31: 24).» Dans cette sollicitude de la Femme forte sont contenues deux grandeurs de notre Reine; l'une qu'Elle fit le linceul si pur, si grand et si spacieux qu'Elle put renfermer le Verbe Éternel, quoiqu'abrégé et rétréci; et Elle le vendit non à d'autre, mais au Seigneur même qui lui donna en retour Son propre Fils; car il ne se trouvait pas parmi toutes les choses créées un digne prix pour acheter ce linceul de la pureté et de la sainteté de Marie, ni personne qui eût pu dignement être son fils, hors le Fils de Dieu. Elle livra aussi, Elle ne vendit pas, mais Elle donna gratuitement la ceinture au Chananéen, fils de Chanaan (Gen. 9: 25) maudit de son père, parce que tous ceux qui participèrent à la première malédiction et demeurèrent non ceints, les passions déliées et les appétits désordonnées purent se ceindre de nouveau avec la ceinture que la Très Sainte Marie leur livra dans son Fils unique et premier-né et dans Sa Loi de grâce pour se renouveler, se ceindre et se réformer. Les damnés et les réprouvés, anges et hommes, n'auront point d'excuse, puisqu'ils eurent tous de quoi se ceindre et se contenir dans leurs affections désordonnées, comme le font les prédestinés, se servant de cette grâce qu'ils eurent gratuitement par la Très Sainte Marie, et sans qu'Elle leur demandât de prix pour la mériter ou l'acheter.
2, 24, 796. «La force et la beauté lui servent de vêtement et elle se rira au dernier jour (Prov. 31: 25).» Un autre nouvel ornement et vêtement de la Femme forte est la force et la beauté. La force la rend invincible dans la souffrance et dans l'opération contre les puissances infernales; la beauté lui donne la grâce extérieure et un decorum admirable dans toutes ses actions. Avec ces deux excellences ou qualités, notre Reine était aimable aux yeux de Dieu, des Anges et du monde; non seulement Elle n'avait point de péché ni de défaut qui pût lui être reproché, mais Elle avait ce double ornement de grâce et de beauté avec lequel elle plut tant à l'Époux et Il l'estima si fort qu'Il répétait qu'Elle était Très Belle (Cant. 4: 1) et Très Gracieuses. Et là où il ne se peut trouver de défaut répréhensible, il n'y a point non plus de cause
pour pleurer au dernier jour, lorsqu'aucun des mortels ne laissera d'en avoir, excepté cette Souveraine et son Très Saint Fils. Tous seront et paraîtront avec quelque péché dont ils auront à s'affliger, et les damnés pleureront alors de ne les avoir pas pleurés dignement plus tôt. En ce jour cette Femme forte sera joyeuse et riante avec l'agrément de son incomparable félicité et de ce que la Justice divine s'exécutera contre les méchants et les rebelles à son Très Saint Fils.
2, 24, 797. «Elle a ouvert sa bouche à la sagesse et la loi de la clémence est sur ses lèvres (Prov. 31: 26).» Grande excellence de la Femme forte de n'ouvrir la bouche que pour enseigner la sainte crainte du Seigneur et exécuter quelque oeuvre de clémence. Notre Reine et notre Souveraine accomplit cela avec une souveraine perfection; Elle ouvrit sa bouche comme Maîtresse de la divine Sagesse, lorsqu'Elle dit au saint Archange: "Fiat mihi secundum verbum tuum (Luc 1: 38)", et lorsqu'elle parlait c'était toujours comme vierge très prudente et remplie de la science du Très-Haut pour l'enseigner à tous et pour intercéder pour les misérables enfants d'Eve. La loi de la clémence était et est toujours dans sa langue, comme en une pieuse Mère de Miséricorde; parce que seule son intercession et sa parole est la loi inviolable d'où dépend notre remède dans toutes les nécessités, si nous savons l'obliger à ouvrir sa bouche et à mouvoir sa langue pour le demander.
2, 24, 798. «Elle considéra les sentiers de sa maison et elle ne mangea point son pain dans l'oisiveté (Prov. 31: 27).» Ce n'est pas une petite louange de la mère de famille de considérer ainsi attentivement toutes les voies les plus assurées pour augmenter beaucoup ses biens; mais dans cette divine prudence, Marie seule fut Celle qui donne une règle aux mortels; parce que seule Elle sut considérer et scruter toutes les voies de la justice, tous les sentiers et les raccourcis par où Elle pourrait arriver à la Divinité avec plus de sécurité et de brièveté. Elle parvint à cette science d'une manière si haute qu'Elle laissa derrière Elle tous les mortels, et les Chérubins et les Séraphins même. Elle connut et considéra le bien et le mal, le profond et le caché de la sainteté, la condition de la faiblesse humaine, l'astuce des ennemis, le danger du monde et de toutes les choses de la terre; et comme Elle connut tout cela; Elle opéra selon ce qu'Elle connaissait sans manger son pain oisive, et sans recevoir en vain l'âme, ni la grâce divine; et Elle mérita ce qui suit:
2, 24, 799. «Ses enfants se levèrent et la proclamèrent bienheureuse et son homme se leva pour la louer (Prov. 31: 28).» Les véritables enfants de cette Femme forte on dit de grandes et glorieuses choses dans l'Église militante, la proclamant bienheureuse entre les femmes; et ceux qui ne se lèvent pas et ne la proclament pas ne sont pas tenus pour ses enfants ni pour des savants, des sages, et des dévots. Mais quoique tous aient parlé, inspirés et mus par son Homme, son Époux Jésus-Christ et l'Esprit-Saint, néanmoins il semble qu'il se soit tût jusqu'à présent et qu'Il ne se soit pas levé pour la prêcher, vu les nombreux et sublimes sacrements de Sa Très Sainte Mère qu'Il a tenus cachés. Et ils sont si nombreux que le Seigneur m'a donné à entendre qu'Il les réserve pour les manifester dans l'Église triomphante après le jugement universel; parce qu'il n'est pas convenable de les manifester tous maintenant au monde indigne et qui n'est point capable de tant de merveilles. Là Jésus-Christ, Époux de Marie, parlera, manifestant pour leur gloire à tous Deux et pour la joie des saints les prérogatives et les excellences de cette Souveraine, et là nous les connaîtrons; maintenant il suffit que nous les croyions avec vénération sous le voile de la foi et de l'espérance de tant de biens.
2, 24, 800. «Plusieurs filles ont amassé des richesses, mais tu les as toutes surpassées (Prov. 31: 29).» Toutes les âmes qui sont arrivées à obtenir la grâce du Très-Haut s'appellent ses filles; et tous les mérites, les dons et les vertus qu'elles purent gagner avec cette grâce, sont des richesses véritables; car tout le reste des choses terrestres a injustement usurpé le nom de richesse. Le nombre des prédestinés sera très grand; celui-là les connaît qui compte les étoiles (Ps. 146: 4) les appelant par leurs noms. Mais Marie seule amassa plus que toutes ces créatures, filles du Très-Haut et les siennes, et seule Elle les surpassera toutes, non seulement par l'excellence qu'Elle a d'être leur Mère, et elles ses filles selon la grâce et la gloire, mais aussi comme Mère de Dieu même; parce que selon cette dignité Elle surpasse toute l'excellence des plus grands saints; ainsi la grâce et la gloire de cette Reine surpassa toute celle qu'ont et qu'auront tous les prédestinés. Et parce qu'en comparaison de ces richesses et de ces dons de la grâce intérieure et de la gloire qui y correspond, la grâce extérieure et apparente est vaine dans les femmes qui l'apprécient tant, Il ajoute et dit:
2, 24, 801. «La grâce est trompeuse et la beauté est vaine; la femme qui craint Dieu, celle-ci sera louée; qu'on lui donne du fruit de ses mains et que ses oeuvres la louent dans les portes (Prov. 31: 30-31).» Le monde répute faussement pour grâce plusieurs choses visibles qui ne le sont pas, et qui n'ont pas plus de grâce et de beauté que celle que leur accorde l'erreur des ignorants, comme sont l'apparence des bonnes oeuvres dans la vertu; l'agrément dans les paroles douces ou éloquentes; l'élégance dans les paroles et les mouvements; et l'on appelle aussi grâce la bienveillance des grands et du peuple. Tout cela est tromperie et fausseté, comme la beauté de la femme qui s'évanouit en peu de temps. Celle qui craint Dieu et qui enseigne à Le craindre, celle-ci mérite dignement la louange des hommes et du Seigneur même. Et parce qu'Il veut Lui-même la louer, Il dit: «Qu'on lui donne du fruit de ses mains;» et Il remit sa louange à ses grandes oeuvres placées en public à la vue de tous, afin qu'elles mêmes soient des langues à sa louange; car il importe très peu que les hommes louent la femme que ses propres oeuvres blâmeraient. Pour cela le Seigneur veut que les oeuvres de Sa Très Sainte Mère soient manifestées dans les portes de la Sainte Église, en autant qu'il est possible et convenable, comme je l'ai déjà dit [h], réservant la plus grande gloire et la plus grande louange pour qu'elle demeure ensuite pendant tous les siècles des siècles. Amen.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL.
2, 24, 802. Ma fille tu as un grand enseignement pour ta conduite dans ce chapitre; et quoique tu n'aies pas écrit tout ce qu'il contient, cependant, je veux que tu écrives tout, tant ce que tu as déclaré, que ce que tu laisses caché, dans l'intime de ton coeur et que tu l'exécutes en toi-même avec une loi inviolable. Pour cela il est nécessaire d'être retirée au dedans de ton intérieur, ayant oublié toutes les choses visibles et terrestres; de défendre tes puissances de doubles vêtements pour ne point sentir le froid et la tiédeur dans la perfection et pour résister aux mouvements déréglés des passions. Ceins-les et mortifie-les par la ceinture de la crainte divine; puis étant éloigné de tout ce qui est apparent et trompeur élève ton esprit à considérer et à comprendre les voies de ton intérieur et les sentiers que Dieu t'a enseignés pour Le chercher dans ton secret et pour Le trouver sans danger d'erreur. Et ayant goûté au commerce du ciel, ne permets pas que par ta négligence s'éteigne en ton esprit la Lumière divine qui t'embrase et t'éclaire dans les ténèbres. Ne mange point le pain en étant oisive; mais travaille sans donner trêve à tes soins et tu mangeras le fruit de tes diligences et fortifiée dans le Seigneur tu feras des oeuvres
dignes de Sa Volonté et de Son agrément, et tu courras à l'odeur de Ses parfums jusqu'à arriver à Le posséder éternellement. Amen.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
2, 24, [a]. «Elle planta le champ et la vigne,» écrit ici A. Lapide, «quand Elle habitua son corps à l'exercice de toutes les vertus. En second lieu Elle planta le champ et la vigne de la primitive Église avec sa sagesse, sa prévoyance, ses mérites et ses exemples; et Elle la rendit tellement fertile, que florissant en toute manière de sainteté, Elle produisit les hommes apostoliques, les martyrs et les vierges; et même Elle fit tant que tous les fidèles vivaient une vie non seulement de chrétiens, mais aussi de religieux dans la pauvreté, la chasteté et l'obéissance comme firent les Esséniens sous saint Marc à Alexandrie et les Chrétiens à Jérusalem sous saint Pierre, comme on le voit dans les Actes des Apôtres.
De plus dans le cours des siècles Elle agrandit le champ de l'Église de nation en nation et Elle y planta les vignes des congrégations saintes et choisies, spécialement des Religieux des divers Ordres qui enivrèrent l'Église avec le doux vin de leur dévotion, de leur chasteté et de leur charité. Et outre son champ et sa vigne, Elle extrait et offre aux fidèles dans l'Eucharistie le froment des élus et le vin qui fait germer les vierges comme dit l'Écriture.
En troisième lieu, Elle cultive tous et chacun des Fidèles comme de nouveaux champs et de nouvelles vignes dans la foi et dans la sainteté; parce qu'il n'y a pas un fidèle ni un saint qui ne soit débiteur envers la Sainte Vierge, de sa foi et de sa sainteté. En effet, la Très Sainte Marie fut constituée par Jésus-Christ Mère de toute la famille chrétienne, c'est pourquoi tous les fidèles et tous les justes sont de droit ses enfants car Elle les a tous enfantés à Jésus-Christ, puis Elle les alimente et les fait grandir en sainteté et en perfection.
2, 24, b]. Livre 3, Nos. 12, 232; Livre 4, Nos. 442, 658; Livre 5, Nos. 898, 990, 991; Livre 8, Nos. 581 et ailleurs.
2, 24, [c]. Livre 3, Nos. 1 à 106.
2, 24, [d]. Travailler la laine et le lin et autres choses semblables est l'oeuvre la plus louable de la femme.
2, 24, [e]. Livre 2, No. 764.
2, 24, [f]. «Saint Joseph époux de la Bienheureuse Vierge sera noble, parce qu'au jour du jugement il siégera parmi les Prophètes et les Apôtres, il apparaîtra même illustre et distingué entre les premiers choeurs des Anges.» [A. Lapide].
2, 24, [g]. Livre 2, No. 776.
2, 24, [h]. Livre 2, No. 799.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
LIVRE III
INTRODUCTION À LA SECONDE PARTIE
De l'Histoire Divine, la Vie Très Sainte de Marie Mère de Dieu.
3, Intro, 1. Le temps était venu de présenter devant la face de Dieu le léger service, le petit travail d'avoir écrit la première partie de la Très Sainte Vie de Marie Mère de Dieu, pour soumettre à la correction et au registre de la Lumière divine ce que j'avais copié avec cette même Lumière, mais toutefois, avec mon peu de capacité; parce que je voulus pour ma consolation savoir de nouveau si l'écrit était selon la Volonté du Très-Haut, et s'Il me commandait de continuer ou de suspendre cette Oeuvre si supérieure à mon insuffisance. A cette proposition le Seigneur me répondit: «Tu as bien écrit et selon Notre goût; mais Nous voulons que tu entendes que pour manifester les mystères et les sacrements très sublimes que renferme le reste de la Vie de Notre Épouse unique et bien-aimée, Mère de Notre Fils Unique, tu as besoin d'une préparation nouvelle et plus grande. Nous voulons que tu meures tout à fait à tout ce qui est imparfait et visible, que tu vives selon l'esprit, que tu renonces à toutes les opérations et à toutes les habitudes de créature terrestre, et que les tiennes soient angéliques, pour une plus grande pureté et une plus grande conformité à ce que tu dois connaître et écrire.»
3, Intro, 2. Dans cette réponse du Très-Haut, je compris qu'il m'était intimé et demandé une manière si nouvelle d'opérer les vertus et une perfection de vie et de moeurs si haute que, me défiant de moi, je demeurai troublée et craintive d'entreprendre une affaire si ardue et si difficile pour une créature terrestre. Je sentis de grandes luttes en moi-même entre la chair et l'esprit (Gal. 5: 17). Celui-ci m'appelait avec une force intérieure et m'obligeait à procurer la grande disposition qui m'était demandée, me fournissant les raisons de la grande complaisance du Seigneur et de mon avantage spirituel. Et au contraire, la loi du péché (Rom. 7: 23) que je sentais dans mes membres me contredisait et répugnait à la divine Lumière, et je perdais confiance, craignant moi-même mon inconstance. Je sentais dans ce conflit une forte contrainte qui me retenait, une timidité qui m'atterrait; et avec ce trouble, l'idée que je n'étais point compétente pour traiter de choses si sublimes me devenait plus croyable, surtout parce qu'elles sont si éloignée de la condition et de la profession des femmes.
3, Intro, 3. Vaincue par la crainte et la difficulté, je me déterminai de ne point poursuivre cette Oeuvre, et d'employer tous les moyens possibles pour l'obtenir. L'ennemi commun connut ma crainte et ma lâcheté, et comme sa cruauté très inique s'enrage davantage contre les plus faibles et les plus abattus, il profita de l'occasion et m'assaillit avec une fureur incroyable, lui semblant qu'il me trouvait abandonnée de Celui qui pouvait me délivrer de ses mains. Et pour dissimuler sa malice, il tâchait de se transformer en Ange de lumière, feignant d'être très zélé pour mon âme et pour ma sécurité: et sous ce faux prétexte, il m'insinuait perfidement des suggestions et des pensées continuelles, m'exagérant le danger de ma damnation, me menaçant d'un châtiment semblable à celui du premier Ange (Is. 14: 12); parce qu'il me représentait que j'avais voulu entreprendre avec orgueil ce qui était au-dessus de mes forces et contre Dieu même.
3, Intro, 4. Il me proposait plusieurs âmes, qui professant la vertu avaient été trompées par une certaine présomption cachée et pour avoir donné lieu aux tromperies des serpents, et que pour moi, ce ne pouvait être sans un orgueil très présomptueux dans lequel j'étais plongée que je scrutais les secrets de la Majesté. Il m'exagéra beaucoup que les temps présents étaient infortunés pour ces matières; et il le confirmait par quelques événements de personnes connues en qui se trouvèrent la fourberie et l'erreur. Par l'inconvénient que d'autres ont éprouvé pour avoir entrepris la vie spirituelle, par le discrédit qu'occasionnerait quelque chose mal sonnant en moi, l'effet que cela causerait en ceux qui ont peu de piété: car je connaîtrais tout cela par expérience et pour ma perte, si je continuais à écrire sur cette matière. Tant il est vrai que toute la contradiction que souffre la vie spirituelle et la raison de ce que la vertu dans le mystique est moins reçue dans le monde est l'oeuvre de ce mortel ennemi qui, pour éteindre la dévotion et la piété chrétienne dans un grand nombre, tâche d'en tromper quelques-uns et de semer sa zizanie (Matt. 13: 25) parmi la pure semence du Seigneur pour l'étouffer et renverser le sens du vrai, afin qu'il soit plus difficile de séparer les ténèbres de la Lumière, et je ne m'étonne point, parce que cette séparation est l'office de Dieu même et de celui qui participe à la véritable Sagesse et qui ne se gouverne pas seulement par la sagesse terrestre.
3, Intro, 5. Il n'est pas facile dans la vie mortelle de discerner entre la prudence véritable et la fausse; car parfois la bonne intention et le zèle équivoquent le jugement humain, si la connaissance et la lumière d'en haut viennent à manquer. Et j'ai eu occasion de connaître cela dans la circonstance dont je parle; parce que certaines personnes dévotes que je connaissais; d'autres qui à cause de leur piété m'aimaient et désiraient mon bien; d'autres avec mépris et moins d'affection: toutes en même temps tâchaient de me détourner de cette occupation et même de la voie où j'étais, comme si c'eût été mon propre choix et l'ennemi me troubla beaucoup par le moyen de ces personnes; parce que la crainte de quelque confusion ou discrédit qui aurait pu résulter à ceux qui exerçaient leur piété envers moi, à la religion et àmes proches, et singulièrement au couvent où je vis, leur donnait du souci et à moi de l'affliction. La sécurité qui m'était représentée en suivant le chemin ordinaire des autres religieuses m'attirait beaucoup. Je confesse qu'elle était plus conforme àmon jugement ou à mon inclination, à mon désir naturel et beaucoup plus a ma timidité et à mes grandes craintes.
3, Intro, 6. Mon coeur flottant au milieu de ces vagues impétueuses, je tâchai d'arriver au port de l'obéissance qui me rassurait dans l'océan amer de ma confusion. Et pour que ma confusion fût plus grande, il arriva que dans cette circonstance on parlait dans le couvent d'occuper dans les offices supérieurs mon prélat, mon père spirituel, qui avait gouverné mon esprit pendant plusieurs années, et qui avait compris mon intérieur et mes persécutions, et qui m'avait ordonné d'écrire tout ce qui s'était passé, car avec sa direction je me promettais la sécurité, la tranquillité et la consolation. Ce projet n'eut point son effet, néanmoins il s'absenta dans cette occasion pendant plusieurs jours, et le grand dragon se servait de tout pour répandre contre moi le fleuve furieux de ses tentations (Apoc. 12: 15); et ainsi dans cette circonstance comme en beaucoup d'autres, il travaille avec une souveraine malice à me détourner de l'obéissance et de la doctrine de mon supérieur et mon directeur, bien que ce fût en vain.
3, Intro, 7. A toutes les tentations et les contradictions que j'ai dites et d'autres que je ne puis rapporter, le démon ajouta de m'ôter la santé du corps, me causant beaucoup d'indispositions et de troubles, et en me déconcertant tout entière. Il me porta à une tristesse invincible, il me troubla la tête et il sembla vouloir m'obscurcir l'entendement, m'empêcher le raisonnement, débiliter ma volonté et me bouleverser toute entière dans l'âme et dans le corps. Ainsi, il arriva qu'au moyen de cette confusion je vins à commettre certaines fautes et certains péchés, assez graves pour moi, quoiqu'ils ne fussent pas tant de malice que de fragilité humaine; mais le serpent s'en servit pour me détruire, plus que d'aucun autre moyen, car m'ayant troublé le cours des bonnes opérations, afin de me faire tomber, il déchaîna toute sa fureur, me laissant débarrassée pour me faire connaître avec plus de pondération les fautes que j'avais commises. Il m'aida à cela avec des suggestions impies et très sagaces, voulant me persuader que tout ce qui s'était passé pour moi dans la voie où je marche était faux et mensonger.
3, Intro, 8. Comme cette tentation avait une couleur si apparente, tant à cause de mes fautes commises qu'à cause de mes soubresaults et de mes craintes continuelles, j'y résistai moins qu'à d'autres: et ce me fut une miséricorde singulière du Seigneur de ne point défaillir tout à fait dans l'espérance et dans la foi du remède. Cependant je me trouvai si possédée de la confusion et si submergée dans les ténèbres, que je peux dire que les gémissements de la mort m'environnèrent et que je fus entourée par les douleurs de l'enfer (Ps. 17: 6) qui me portèrent à croire que j'étais dans le dernier péril: je déterminai de brûler les papiers où j'avais écrit la première partie de cette Histoire divine pour ne point poursuivre la second. Et à cette détermination, l'ange de Satan qui me la proposait ajouta aussi de me retirer de tout: de ne point traiter de voie ni de vie spirituelle, de ne pas être attentive à mon intérieur, ni d'en communiquer avec personne; et qu'avec cela je pouvais faire pénitence de mes péchés, apaiser le Seigneur et calmer Son courroux qui était excité contre moi. Et pour assurer davantage son iniquité dissimulée, il me proposa de faire le voeu de ne point écrire, à cause du danger d'être trompée et de tromper; mais de m'appliquer plutôt à amender ma vie, à corriger mes imperfections et à embrasser la pénitence.
3, Intro, 9. Avec ce masque de vertu apparente le dragon prétendait accréditer ses mauvais conseils et se couvrir avec la peau de brebis, lui qui n'était qu'un loup sanguinaire et carnassier. Il persévéra quelque temps dans cette tempête, et je fus en particulier pendant quinze jours dans une nuit ténébreuse, sans paix ni consolation aucune, ni divine ni humaine; sans consolation humaine parce que le conseil et le remède de l'obéissance me manquaient; et sans consolation divine, parce que le seigneur avait suspendu l'influence de Ses faveurs, des intelligences et de la lumière continuelle. Et outre tout cela, la perte de ma santé m'angoissait et aussi la persuasion de ce que la mort s'approchait et le danger de ma damnation; parce que l'ennemi machinait et me représentait tout cela.
3, Intro, 10. Mais comme ses suggestions sont si amères et qu'elles conduisent toutes au désespoir, le trouble même par lequel il altérait toute la république de mes puissances et mes habitudes acquises me rendit plus attentive à ne rien exécuter de ce à quoi il m'inclinait, ou de ce que je proposais. Il se servit de la crainte continuelle qui me tenait crucifiée si je n'offenserais point Dieu et si je ne perdrais point Son Amitié, et il me l'appliqua par mon ignorance aux choses divines pour m'en donner de la défiance. Et cette même crainte me faisait douter si ce n'était point l'astucieux dragon qui me la persuadait, et doutant je me retenais pour n'y point donner assentiment. Le respect de l'obéissance m'aidait aussi, car elle m'avait commandé d'écrire et de faire tout le contraire de ce que je sentais dans mes suggestions et mes persuasions, de leur résister et de les anathématiser. Outre tout cela il y avait la protection secrète du Très-Haut qui me défendait, et il ne voulait point livrer aux bêtes l'âme qui au milieu de telles tribulations Le confessait, quoique avec gémissements et soupirs. Je ne puis dire par des paroles les tentations, les combats, les désolations, les douleurs et les afflictions que je souffris dans ce combat; car je me vis dans un état tel qu'à mon jugement, de là à l'état des damnés il n'y avait point dans l'intérieure plus de différence, si ce n'est que dans l'enfer il n'y a point de rédemption et dans l'autre il peut y en avoir.
3, Intro, 11. L'un de ces jours pour respirer un peu, je m'exclamai du profond de mon coeur disant: «Malheur à moi qui suis venue à un tel état, et malheur à l'âme qui s'y trouvera! où irai-je, car toutes les portes de mon salut sont fermées?»
Aussitôt une voix forte et douce me répondit dans mon intérieur: «A qui veux-tu aller si ce n'est à Dieu même?» Je connus par cette réponse que mon remède était proche dans le Seigneur. Je repris haleine avec cette Lumière et je commençai à me relever du confus abattement dans lequel j'étais opprimée, et je sentis une force qui m'enflammait dans les désirs et dans les actes de foi, d'espérance et de charité. Je m'humiliai en présence du Très-Haut, et avec une confiance assurée en Son infinie Bonté je pleurai mes péchés avec une amère contrition; je m'en confessai plusieurs fois, et avec des soupirs de l'intime de mon âme j'allai à la recherche de mon ancienne Lumière et de mon ancienne Vérité. Et comme la Sagesse divine vient au-devant de celui qui L'invoque (Sag. 6: 14), Elle vint aussitôt à ma rencontre avec un air agréable, et Elle rasséréna la nuit de ma confuse et douloureuse tourmente.
3, Intro, 12. Le clair jour que je désirais se leva ensuite et je revins en possession de ma quiétude, goûtant la douceur de l'Amour et de la vue de mon Seigneur et mon Maître, et avec cela je connus la raison que j'avais de croire, d'accepter et de révérer les bienfaits et les faveurs de Son bras Tout-Puissant qui opérait en moi. Je L'en remerciai autant que je pus; et je connus qui je suis et qui est Dieu et ce que peut la créature par elle seule qui n'est rien, parce que le péché n'est rien, et ce qu'elle peut, portée et assistée par la divine Droite, qui est sans doute beaucoup plus que ce que l'imagine notre capacité terrestre; et abattue dans la connaissance de ces vérités et en présence de la Lumière inaccessible qui est grande, forte, sans erreur ni artifice, et avec cette intelligence mon coeur se fondait en de douce affections d'amour, de louange et d'actions de grâces; parce qu'Il m'avait gardée et défendue, afin que ma lampe (Prov. 31: 18) ne s'éteignît point dans la nuit de mes tentations et dans ce remerciement je me collais à la poussière et je m'humiliais jusqu'à terre.
3, Intro, 13. Pour ratifier ce bienfait j'eus ensuite une exhortation intérieure, sans connaître clairement qui me la donnait: mais en même temps qu'Il me réprimandait avec sévérité de ma déloyauté et du mauvais procédé que j'avais eu, avec une aimable majesté Il m'admonestait et m'éclairait, me laissant corrigée et enseignée. Il me donna de nouvelles intelligences du bien et du mal, de la vertu et du vice, de l'assuré, de l'utile et du bon, et aussi du contraire: me découvrant le chemin de l'éternité, me donnant connaissance des principes, des milieux et des fins, du prix de la Vie Éternelle de la misère malheureuse et de l'infortune peu considérée de la perdition sans fin.
3, Intro, 14. Dans la profonde connaissance de ces deux extrêmes, je confesse que je demeurai muette et comme troublée entre la crainte de ma fragilité qui me décourageait, et le désir d'obtenir ce dont je n'était pas digne: parce que je me trouvais sans mérites. La Pitié et la Miséricorde du Très-Haut m'animaient et la crainte de Le perdre m'affligeait: je regardais les deux fins si distantes de la créature, la gloire éternelle ou la peine éternelle; et pour obtenir l'une et me détourner de l'autre, toutes les peines et les tourments du monde, du purgatoire et de l'enfer me paraissaient légers. Et quoique je connusse que la créature a la faveur divine certaine et assurée si elle veut en profiter; néanmoins je connaissais aussi dans cette Lumière que la mort et la vie sont entre nos mains (Eccli. 15: , et que notre faiblesse ou notre malice peuvent abuser de la grâce et que l'arbre doit demeurer du côté où il tombe (Eccles. 11: 3) et pour toute une éternité; ici je défaillais d'une douleur qui pénétrait amèrement mon coeur et mon âme.
3, Intro, 15. Une réponse ou interrogation très sévère que j'eus du Seigneur augmenta souverainement cette affliction; car comme je me trouvais si anéantie dans la connaissance de ma faiblesse et de mon danger, et de ce que j'avais désobligé Sa justice, je n'osais lever les yeux en Sa présence: et étant sans parole, j'exhalai mes gémissements vers Sa Miséricorde. Il y répondit et me dit: «Que veux-tu, ô âme? Que cherches-tu? Lequel de ces chemins choisis-tu? Quelle est ta détermination?» Cette réponse fut une flèche pour mon coeur: et bien que je susse certainement que le Seigneur connaissait mon désir mieux que moi-même, néanmoins le délai de la demande à la réponse était une douleur incroyable: parce que j'eusse voulu s'il était possible qu'elle eût été anticipée et que le Seigneur ne Se fût pas montré comme ignorant de ce que j'avait à répondre. Mais mue d'une grande force je répondis à haute voix de l'intime de mon âme, et je dis: «Seigneur Dieu Tout-Puissant, le sentier de la vertu! le chemin de la Vie Éternelle! c'est ce que je veux, c'est ce que je choisis, afin que Vous m'y portiez; et si je ne le mérite pas de Votre justice, j'en appelle à votre Miséricorde et je présente en ma faveur les Mérites Infinis de Votre Très Saint Fils, mon Rédempteur Jésus-Christ.
3, Intro, 16. Je connus alors que ce souverain Juge se souvenait de la parole qu'Il donna à Son Église qu'Il accorderait tout ce que Lui serait demandé au Nom (Jean 16: 23) de Son Fils Unique et qu'en Lui et pour Lui Il exauçait et accordait ma demande, selon mon pauvre désir; ce qui me fut intimé avec certaines conditions que me déclara une voix intellectuelle, qui me dit dans l'intérieur: «Ame créée par la main du Dieu Tout-Puissant, si tu prétends comme élue suivre le chemin de la véritable Lumière et arriver à être la très chaste épouse du Seigneur qui t'appelle, il convient que tu gardes les Lois et les Préceptes de l'Amour qu'Il veut de toi. Le premier doit être, qu'avec affection tu renonces tout à fait à toi-même et à toutes tes inclinations terrestres, renonçant à tout amour quel qu'il soit de ce qui est momentané, afin que tu n'aimes et que tu n'acceptes l'amour d'aucune créature visible quelque utile, belle ou agréable qu'elle te paraisse: tu ne dois accepter d'aucune ni espèce, ni caresse, ni affection, et non plus l'affection de ta volonté ne doit pas être terminée à aucune chose créée si ce n'est en autant que ton Seigneur et ton Époux te le commandera pour l'usage de la charité bien ordonnée ou en tant qu'elles peuvent t'aider pour n'aimer que lui seul.»
3, Intro, 17. «Et lorsque, ayant accompli parfaitement cette abnégation et cette inclination, tu demeureras libre et seule, éloignée de toutes les choses terrestres, le Seigneur veut qu'avec des ailes de colombe tu élèves ton vol avec vélocité à une haute habitation dans laquelle Sa bonté veut colloquer ton esprit afin que tu y habites et que tu y aies ta demeure. Ce grand Seigneur est un Époux très jaloux (Ex. 20: 5), et Sa jalousie et Son amour sont forts comme la mort (Cant. 8: 6); et aussi Il veut te fortifier et te mettre en lieu sûr, afin que tu n'en sortes point et que tu ne t'en éloignes point, où tu ne serais plus en sûreté et où tu ne saurais recevoir Ses caresses. Il veut aussi te signaler de Sa main ceux avec qui tu dois converser sans crainte, et c'est une loi très juste que doivent observer les épouses d'un si grand Roi, lorsque pour être fidèles celles du monde le font; c'est dû à la noblesse de ton Époux que tu gardes la correspondance décente à la dignité et au titre que tu reçois de Lui, sans prêter attention à aucune chose indigne de ton état et qui te rende incapable de l'ornement qu'Il te donnera pour entrer dans son Lit Nuptial.»
3, Intro, 18. «Le second qu'Il veut de toi doit être, que tu te dépouilles avec diligence de la vileté de tes vêtements déchirés par tes péchés et tes imperfections, immondes par les effets du péché, et horribles par l'inclination de la nature. Sa Majesté veut laver tes taches, te purifier et te renouveler par Sa beauté, mais avec l'avis de ne jamais perdre de vue les vêtements pauvres et vils dont tu te dépouilles, afin que par le souvenir et la connaissance de ce bienfait, le nard (Cant. 1: 11) de ton humilité exhale une odeur de suavité pour ce grand Roi, et que tu ne mettes jamais en oubli le retour que tu dois à l'Auteur de ton salut qui veut avec le précieux Baume de Son Sang, te purifier, guérir tes plaies et t'illuminer abondamment.»
3, Intro, 19. «Outre tout cela, ajouta cette voix, après que tu aura oublié toutes les choses terrestres, afin que le Roi désire (Ps. 44: 11-12) ta beauté, Il veut que tu sois ornée des joyaux de Son agrément qu'Il te tient préparés: le vêtement qui te couvrira tout entière doit être plus blanc que la neige, plus brillant que le diamant, plus resplendissant que le soleil; mais si délicat que tu le tacheras facilement si tu es négligente; et si tu le faisais tu serais horrible à ton Époux; et au contraire si tu le conserves dans la pureté qu'Il désire, tes pas seront très beaux, comme ceux de fille du Prince, et Sa Majesté sera satisfaite de tes affections et de tes oeuvres. Comme ceinture de ce vêtement Il te pose la connaissance de Sa Puissance divine et la sainte crainte, afin que tes affections étant ceintes, tu t'ajustes et te mesures avec son goût. Les joyaux et le collier qui orneront le col de ton humble soumission seront les riches marguerites de la foi, de l'espérance et de la charité. La sagesse et la science infuses qu'il te communique serviront de lien aux cheveux sublimes et éminents de tes pensées et des intelligences divines; et toute la beauté et la richesse des vertus seront la broderie qui orne ton vêtement. Tu auras pour sandales, la diligence soigneuse à opérer le plus parfait; et les lacets de cette chaussure seront la retenue et la violence à toi-même qui doivent t'empêcher de faire le mal. Les sept Dons du Divin Esprit seront les anneaux qui rendront tes mains agréables: et pour splendeur de ton visage il y aura la participation de la Divinité qui t'illuminera par le moyen du saint Amour et tu ajouteras la couleur de la confusion de l'avoir offensé, qui te serve de pudeur pour ne plus le faire désormais, confrontant le grossier et honteux vêtement que tu as quitté avec le très beau que tu reçois.»
3, Intro, 20. «Et parce que tu étais misérable et pauvrette pour de si hautes épousailles, le Très-Haut veut rendre ce contrat plus ferme, te signalant pour dot les Mérites Infinis de ton Époux Jésus-Christ, comme s'Ils étaient pour toi seule; et Il te rend participante de Ses richesses et de Ses Trésors, qui contiennent tout ce que le Ciel et la terre renferment. Tout cela est la fortune de ce suprême Seigneur (Esth. 13: 11), et tu seras maîtresse de tout comme épouse pour en user en Lui-même, et pour L'aimer davantage. Mais, sache, ô âme, que pour jouir d'un bienfait si rare, ton Seigneur et ton Époux veut que tu te recueilles toute au dedans de toi-même, sans jamais perdre ton secret; car je t'avertis du danger de tacher cette beauté par quelque petite imperfection; mais si tu en commets à cause de ta faiblesse, relève-toi aussitôt comme forte, et pleure ta petite faute avec un coeur reconnaissant, comme si elle était des plus graves.»
3, Intro, 21. «Et afin que tu aies aussi une habitation et un lieu convenable à un tel état, ton Époux ne veut pas rétrécir ta demeure; au contraire, il Lui plaît de te désigner pour que tu y habites toujours, les espaces interminables de Sa Divinité, afin que tu te dilates et que tu prennes tes ébats dans les immenses champs de Ses attributs et de Ses perfections, où la vue s'étend sans trouver de limite, la volonté se réjouit sans inquiétude, le goût se rassasie sans amertume. Tel est le paradis toujours agréable où se récréent les épouses très chères de Jésus-Christ, où elles cueillent les fleurs et la myrrhe odorantes, et où elles trouvent le tout infini pour avoir renoncé au néant imparfait. Ici sera ton habitation assurée et afin que ta conversation et ta compagnie y correspondent, Je veux qu'elles soient avec les Anges et tu les auras pour amis et compagnons, et par leur conversation et leur entretien fréquent, copie leurs vertus en toi-même et imite-les.»
3, Intro, 22. «Considère, ô âme, l'ampleur de ce bienfait; parce que la Mère de ton Époux, la Reine des cieux t'adopte pour sa fille, t'accepte pour sa disciple, et se constitue ta Mère et ta Maîtresse, et c'est par son intercession que tu reçois des faveurs si singulières et elles te sont toutes accordées afin que tu écrives sa Très Sainte Vie, et par ce moyen, il t'a été pardonnée ce que tu ne méritais point, il t'a été accordé ce que tu n'obtiendrais point sans cette occupation. Que serait-ce de toi, ô âme, sans la Mère de Pitié? Tu aurais déjà péri si son intercession t'avait manqué, et si tu n'avais pas été choisie pauvre et inutile dans tes oeuvres; mais le Père Éternel t'a choisie pour Sa fille et pour l'épouse de Son Fils Unique eu égard à cette fin; et le Fils t'a admise afin que tu participes à Ses étroits embrassements et l'Esprit-Saint, à Ses illuminations. L'écrit de ce contrat et de ces épousailles est étampé et imprimé sur le papier blanc de la pureté de la Très Sainte Marie; le doigt du Très-Haut et Son pouvoir l'a écrit, l'encre est le Sang de l'Agneau, l'exécuteur, le Père Éternel, le lien qui t'unira avec Jésus-Christ est l'Esprit-Saint; et la caution sera les mérites du même Jésus-Christ et de Sa Mère: puisque tu n'es qu'un vil vermisseau et que tu n'as rien à offrir, et l'on ne te demande que ta volonté.»
3, Intro, 23. Jusqu'ici arriva la voix de l'admonestation que me fut donnée. Et quoique je jugeasse que c'était un Ange, néanmoins je ne le connus pas clairement alors, parce que je ne le voyais pas comme d'autres fois; car ou pour se manifester ou pour se cacher ils accommodent ces bienfaits à la disposition de l'âme pour les recevoir, comme il arriva aux disciples (Luc 24: 16) d'Émmaüs. Il se passa d'autres événements pour m'aider à vaincre la contradiction du serpent en écrivant cette Histoire divine, mais ce qui rallongerait trop le discours de les rapporter maintenant; cependant je continuai l'oraison pendant quelques jours, demandant au Seigneur de me gouverner et de m'enseigner pour ne point errer, lui représentant mon insuffisance et ma timidité. Sa Majesté me répondait toujours d'ordonner ma vie avec toute pureté et avec grande perfection et de continuer ce qui était commencé: et la Reine des Anges m'intima spécialement sa volonté plusieurs fois avec une douceur et une tendresse très grandes, me commandant de lui obéir comme sa fille en écrivant sa Très Sainte Vie, comme je l'avais commencé.
3, Intro, 24. Je voulus joindre à tout cela la sécurité de l'obéissance d'écrire et de continuer cette seconde partie. Me trouvant désormais obligée par le Seigneur et par l'obéissance, je retournai de nouveau en la présence du Très-Haut où je fus présentée un jour pendant l'oraison, et me dépouillant de toute mon affection, connaissant ma petitesse et le danger d'errer, prosternée devant le trône divin, je dis à Sa Majesté: «Mon Seigneur! mon Seigneur! que voulez-Vous faire de moi?» Et àcette proposition j'eus l'intelligence suivante:
3, Intro, 25. Il me sembla que la Lumière divine de la Bienheureuse Trinité me manifestait pauvre et remplie de défauts, et m'en réprimandant avec sévérité, Il m'avertissait, me donnant une très haute Doctrine et des enseignements salutaires pour la perfection de ma vie: et pour cela je fus purifiée et illuminée de nouveau. Je connus que la Mère de la Grâce, la Très Sainte Marie était présente devant le trône de la divinité et qu'Elle priait et intercédait pour moi. Avec cette protection, ma confiance se ranima, et me servant de la clémence d'une telle Mère, je me tournai vers Elle et je lui dis ces seules paroles: «Ma Maîtresse et mon Refuge, soyez attentive comme Mère véritable à la pauvreté de votre esclave.» Il me sembla qu'Elle exauçait ma demande et que parlant au Très-Haut Elle Lui disait: «Mon Seigneur, je veux recevoir de nouveau pour ma fille cette pauvre et inutile créature, et l'adopter pour moi.» Action de Reine puissante et très libérale! Mais le Très-Haut lui répondit: «Mon Épouse, qu'est-ce que cette âme offre de son côté pour une aussi grande faveur, puisqu'elle ne la mérite pas, qu'elle n'est qu'un vermisseau inutile et pauvre et ingrate pour Nos dons.»
3, Intro, 26. O force incomparable de la Parole divine! Comment dirai-je les effets que cette réponse du Très-Haut causa en moi? je m'humiliai jusque dans mon néant, et je connus la misère de la créature et mes ingratitudes envers Dieu. Mon coeur se brisait entre la douleur de mes péchés et le désir d'obtenir cette grande fortune que je ne méritais pas d'être fille de cette Auguste Souveraine. J'élevais les yeux avec crainte vers le trône du Très-Haut et mon visage s'altérait par le trouble et l'espérance; et je me tournai vers mon Avocate, désirant être reçue pour esclave puisque je ne méritais point le titre de fille, je lui parlais de l'intime de l'âme sans formuler de paroles, et j'entendis que la grande Reine disait au Très-Haut:
3, Intro, 27. «Mon divin Roi et mon Dieu, il est vrai que cette pauvre créature n'a rien à offrir de son côté à Votre justice, mais je présente de sa part les Mérites et le Sang répandu de mon Très Saint Fils, et avec Eux je présente la dignité de Mère que j'ai reçue de Votre Bonté Infinie, toutes les oeuvres que j'ai faites à Votre Service, de Vous avoir porté dans mes entrailles et nourri du lait de mes mamelles et surtout je Vous présente Votre propre Divinité et Votre propre Bonté; et je Vous supplie de bien vouloir que cette créature reste désormais adoptée pour ma fille et ma disciple, car je cautionne pour elle. Par mes instructions je corrigerai ses défauts et je perfectionnerai ses oeuvres à Votre goût.»
3, Intro, 28. Le Très-Haut concéda cette pétition, qu'Il en soit éternellement loué, car Il exauça la grande Reine, intercédant pour la moindre des créatures; et je sentis ensuite de grands effets avec jubilation de mon âme, qu'il n'est pas possible d'exprimer, mais je me tournai avec affection vers toutes les créatures du ciel et de la terre, et sans pouvoir contenir mes transports je les conviai toutes à louer pour moi et avec moi l'Auteur de la Grâce. Il me semblait que je leur disais à haute voix: «O habitants et courtisans du ciel, et vous toutes créatures vivantes, formées de la main du Très-Haut, regardez cette merveille de Sa miséricorde libérale et pour elle bénissez-Le et louez-Le éternellement; puisqu'Il a relevé de la poussière la plus vile de toutes les créatures, Il a enrichi la plus pauvre, Il a honoré la plus indigne comme Dieu Souverain et Roi puissant. Et vous, enfants d'Adam, si vous voyez la plus orpheline protégé, la plus pécheresse pardonnée, sortez donc de votre ignorance, levez-vous de votre abattement, et ranimez votre espérance; car si le Puissant Bras m'a favorisée, s'Il m'a appelée et pardonnée, vous pouvez tous espérer votre salut: et si vous voulez l'assurer, cherchez, cherchez le secours de la Très Sainte Marie, sollicitez son intercession, et vous sentirez qu'Elle est une Mère de Clémence et de Miséricorde ineffables.»
3, Intro, 29. Je me tournai aussi vers cette Reine très sublime et je lui dis: «Désormais, ô ma Souveraine, je ne m'appellerai plus orpheline, puisque j'ai une Mère, Reine de toutes les créatures; désormais je ne serai plus ignorante, sinon par ma faute, puisque j'ai la Maîtresse de la Sagesse divine, ni pauvre puisque j'ai pour Seigneur Celui qui L'est de tous les Trésors du Ciel et de la terre; désormais j'ai une Mère qui me protège; une Maîtresse qui m'enseigne et me corrige; une Souveraine qui me commande et me gouverne. Vous êtes bénie entre toutes les femmes, merveilleuse entre toutes les créatures, admirable dans les cieux et sur la terre, et tous confessent Votre grandeur avec des louanges éternelles. Il n'est pas facile que la moindre des créatures, le plus vil ver de terre Vous rende le retour, recevez-le de la Droite divine et à la vue béatifique où Vous êtes en Dieu où Vous jouissez pour toutes les éternités. Je demeurerai Votre esclave reconnaissante et obligée, louant le Tout-Puissant tant que j'aurai la vie; parce que Sa miséricorde libérale me favorisa en me donnant à Vous ma Reine pour que Vous soyez ma Mère et ma Maîtresse. Que mon silence affectueux Vous loue, car ma langue n'a pas de raisons ni de termes adéquats pour le faire, ils sont tous insuffisants et limités.»
3, Intro, 30. Il n'est pas possible d'expliquer ce que l'âme éprouve en de tels mystères et de tels bienfaits. Et ceux-ci apportèrent en effet de grands biens à mon âme, car il me fut aussitôt intimé une telle perfection de vie et d'oeuvres que les termes me manquent pour le dire comme je l'entends; mais le Très-Haut m'a dit que tout cela m'a été concédé pour la Très Sainte Marie et pour écrire sa Vie. Et je connus que le Père Éternel en confirmant ce bienfait me choisissait pour manifester les sacrements de Sa Fille; et l'Esprit-Saint pour déclarer avec Son influence et Sa Lumière les dons cachés de Son Épouse et le Très Saint Fils pour découvrir les mystères de Sa très pure Mère Marie. Et pour me disposer à cette Oeuvre, je connus que la Bienheureuse Trinité illuminait et réchauffait mon esprit avec une Lumière spéciale de la Divinité et que la Puissance divine touchait mes puissances comme avec un pinceau, et les illuminait avec de nouvelles habitudes, pour les opérations parfaites dans cette matière.
3, Intro, 31. Le Très-Haut me commanda aussi de tâcher d'imiter avec toute sollicitude selon que mes faibles forces pourraient y arriver, tout ce que je comprendrais et écrirais des vertus héroïques et des opérations très saintes de la divine Reine, ajustant ma vie à cet Exemplaire. Et me reconnaissant si inepte que je suis pour satisfaire à cette obligation, la même Reine très clémente m'offrit de nouveau sa faveur et son enseignement pour tout ce que le Très-Haut me commandait et me destinait. Je demandai ensuite la bénédiction à la Très Sainte Trinité, pour commencer la seconde partie de cette Histoire, et je connus que toutes les Trois Personnes divines me la donnaient: et sortant de cette vision je tâchai de laver mon âme par les Sacrements et la contrition de mes péchés, et au Nom du Seigneur et de l'obéissance je mis la main à cette Oeuvre pour la gloire du Très-Haut et de Sa Très Sainte Mère, la toujours Immaculée Vierge Marie.
3, Intro, 32. Cette seconde partie comprend la Vie de la Reine des Anges, depuis le mystère de l'Incarnation jusqu'à l'Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ aux cieux inclusivement, qui est le plus long et le principal de cette divine Histoire; parce qu'elle embrasse toute la Vie et les Mystères du même Seigneur, avec Sa Passion et Sa très sainte Mort. Et je veux seulement avertir ici que les bienfaits et les grâces accordés à la Très Sainte Marie pour la préparer au Mystère de l'Incarnation prirent leur cours dès l'instant de son Immaculée Conception; parce qu'alors dans l'Entendement et le décret du même Dieu, Elle était déjà Mère du Verbe Éternel. Mais comme l'effet de l'Incarnation s'approchait, les dons et les faveurs de la grâce allaient aussi en croissant. Et quoiqu'ils semblent tous d'une même espèce et d'un même genre depuis le principe, ils allaient néanmoins en croissant et en augmentant; et je n'ai point de termes nouveaux et différents qui rendent parfaitement ces augmentations et ces faveurs nouvelles; et ainsi il est nécessaire de nous remettre en toute cette Histoire au pouvoir infini du Seigneur, qui donnant beaucoup, Lui reste infiniment à donner de nouveau, et la capacité de l'âme, et davantage dans la Reine du Ciel a une espèce d'infinité pour recevoir toujours plus, comme il arriva, jusqu'à atteindre au comble de la sainteté et de la participation de la Divinité, où aucune autre pure créature n'est arrivée et n'arrivera éternellement. Le même Seigneur m'illustre afin de poursuivre cette oeuvre avec Son bon plaisir divin. Amen.
INTRODUCTION À LA SECONDE PARTIE
De l'Histoire Divine, la Vie Très Sainte de Marie Mère de Dieu.
3, Intro, 1. Le temps était venu de présenter devant la face de Dieu le léger service, le petit travail d'avoir écrit la première partie de la Très Sainte Vie de Marie Mère de Dieu, pour soumettre à la correction et au registre de la Lumière divine ce que j'avais copié avec cette même Lumière, mais toutefois, avec mon peu de capacité; parce que je voulus pour ma consolation savoir de nouveau si l'écrit était selon la Volonté du Très-Haut, et s'Il me commandait de continuer ou de suspendre cette Oeuvre si supérieure à mon insuffisance. A cette proposition le Seigneur me répondit: «Tu as bien écrit et selon Notre goût; mais Nous voulons que tu entendes que pour manifester les mystères et les sacrements très sublimes que renferme le reste de la Vie de Notre Épouse unique et bien-aimée, Mère de Notre Fils Unique, tu as besoin d'une préparation nouvelle et plus grande. Nous voulons que tu meures tout à fait à tout ce qui est imparfait et visible, que tu vives selon l'esprit, que tu renonces à toutes les opérations et à toutes les habitudes de créature terrestre, et que les tiennes soient angéliques, pour une plus grande pureté et une plus grande conformité à ce que tu dois connaître et écrire.»
3, Intro, 2. Dans cette réponse du Très-Haut, je compris qu'il m'était intimé et demandé une manière si nouvelle d'opérer les vertus et une perfection de vie et de moeurs si haute que, me défiant de moi, je demeurai troublée et craintive d'entreprendre une affaire si ardue et si difficile pour une créature terrestre. Je sentis de grandes luttes en moi-même entre la chair et l'esprit (Gal. 5: 17). Celui-ci m'appelait avec une force intérieure et m'obligeait à procurer la grande disposition qui m'était demandée, me fournissant les raisons de la grande complaisance du Seigneur et de mon avantage spirituel. Et au contraire, la loi du péché (Rom. 7: 23) que je sentais dans mes membres me contredisait et répugnait à la divine Lumière, et je perdais confiance, craignant moi-même mon inconstance. Je sentais dans ce conflit une forte contrainte qui me retenait, une timidité qui m'atterrait; et avec ce trouble, l'idée que je n'étais point compétente pour traiter de choses si sublimes me devenait plus croyable, surtout parce qu'elles sont si éloignée de la condition et de la profession des femmes.
3, Intro, 3. Vaincue par la crainte et la difficulté, je me déterminai de ne point poursuivre cette Oeuvre, et d'employer tous les moyens possibles pour l'obtenir. L'ennemi commun connut ma crainte et ma lâcheté, et comme sa cruauté très inique s'enrage davantage contre les plus faibles et les plus abattus, il profita de l'occasion et m'assaillit avec une fureur incroyable, lui semblant qu'il me trouvait abandonnée de Celui qui pouvait me délivrer de ses mains. Et pour dissimuler sa malice, il tâchait de se transformer en Ange de lumière, feignant d'être très zélé pour mon âme et pour ma sécurité: et sous ce faux prétexte, il m'insinuait perfidement des suggestions et des pensées continuelles, m'exagérant le danger de ma damnation, me menaçant d'un châtiment semblable à celui du premier Ange (Is. 14: 12); parce qu'il me représentait que j'avais voulu entreprendre avec orgueil ce qui était au-dessus de mes forces et contre Dieu même.
3, Intro, 4. Il me proposait plusieurs âmes, qui professant la vertu avaient été trompées par une certaine présomption cachée et pour avoir donné lieu aux tromperies des serpents, et que pour moi, ce ne pouvait être sans un orgueil très présomptueux dans lequel j'étais plongée que je scrutais les secrets de la Majesté. Il m'exagéra beaucoup que les temps présents étaient infortunés pour ces matières; et il le confirmait par quelques événements de personnes connues en qui se trouvèrent la fourberie et l'erreur. Par l'inconvénient que d'autres ont éprouvé pour avoir entrepris la vie spirituelle, par le discrédit qu'occasionnerait quelque chose mal sonnant en moi, l'effet que cela causerait en ceux qui ont peu de piété: car je connaîtrais tout cela par expérience et pour ma perte, si je continuais à écrire sur cette matière. Tant il est vrai que toute la contradiction que souffre la vie spirituelle et la raison de ce que la vertu dans le mystique est moins reçue dans le monde est l'oeuvre de ce mortel ennemi qui, pour éteindre la dévotion et la piété chrétienne dans un grand nombre, tâche d'en tromper quelques-uns et de semer sa zizanie (Matt. 13: 25) parmi la pure semence du Seigneur pour l'étouffer et renverser le sens du vrai, afin qu'il soit plus difficile de séparer les ténèbres de la Lumière, et je ne m'étonne point, parce que cette séparation est l'office de Dieu même et de celui qui participe à la véritable Sagesse et qui ne se gouverne pas seulement par la sagesse terrestre.
3, Intro, 5. Il n'est pas facile dans la vie mortelle de discerner entre la prudence véritable et la fausse; car parfois la bonne intention et le zèle équivoquent le jugement humain, si la connaissance et la lumière d'en haut viennent à manquer. Et j'ai eu occasion de connaître cela dans la circonstance dont je parle; parce que certaines personnes dévotes que je connaissais; d'autres qui à cause de leur piété m'aimaient et désiraient mon bien; d'autres avec mépris et moins d'affection: toutes en même temps tâchaient de me détourner de cette occupation et même de la voie où j'étais, comme si c'eût été mon propre choix et l'ennemi me troubla beaucoup par le moyen de ces personnes; parce que la crainte de quelque confusion ou discrédit qui aurait pu résulter à ceux qui exerçaient leur piété envers moi, à la religion et àmes proches, et singulièrement au couvent où je vis, leur donnait du souci et à moi de l'affliction. La sécurité qui m'était représentée en suivant le chemin ordinaire des autres religieuses m'attirait beaucoup. Je confesse qu'elle était plus conforme àmon jugement ou à mon inclination, à mon désir naturel et beaucoup plus a ma timidité et à mes grandes craintes.
3, Intro, 6. Mon coeur flottant au milieu de ces vagues impétueuses, je tâchai d'arriver au port de l'obéissance qui me rassurait dans l'océan amer de ma confusion. Et pour que ma confusion fût plus grande, il arriva que dans cette circonstance on parlait dans le couvent d'occuper dans les offices supérieurs mon prélat, mon père spirituel, qui avait gouverné mon esprit pendant plusieurs années, et qui avait compris mon intérieur et mes persécutions, et qui m'avait ordonné d'écrire tout ce qui s'était passé, car avec sa direction je me promettais la sécurité, la tranquillité et la consolation. Ce projet n'eut point son effet, néanmoins il s'absenta dans cette occasion pendant plusieurs jours, et le grand dragon se servait de tout pour répandre contre moi le fleuve furieux de ses tentations (Apoc. 12: 15); et ainsi dans cette circonstance comme en beaucoup d'autres, il travaille avec une souveraine malice à me détourner de l'obéissance et de la doctrine de mon supérieur et mon directeur, bien que ce fût en vain.
3, Intro, 7. A toutes les tentations et les contradictions que j'ai dites et d'autres que je ne puis rapporter, le démon ajouta de m'ôter la santé du corps, me causant beaucoup d'indispositions et de troubles, et en me déconcertant tout entière. Il me porta à une tristesse invincible, il me troubla la tête et il sembla vouloir m'obscurcir l'entendement, m'empêcher le raisonnement, débiliter ma volonté et me bouleverser toute entière dans l'âme et dans le corps. Ainsi, il arriva qu'au moyen de cette confusion je vins à commettre certaines fautes et certains péchés, assez graves pour moi, quoiqu'ils ne fussent pas tant de malice que de fragilité humaine; mais le serpent s'en servit pour me détruire, plus que d'aucun autre moyen, car m'ayant troublé le cours des bonnes opérations, afin de me faire tomber, il déchaîna toute sa fureur, me laissant débarrassée pour me faire connaître avec plus de pondération les fautes que j'avais commises. Il m'aida à cela avec des suggestions impies et très sagaces, voulant me persuader que tout ce qui s'était passé pour moi dans la voie où je marche était faux et mensonger.
3, Intro, 8. Comme cette tentation avait une couleur si apparente, tant à cause de mes fautes commises qu'à cause de mes soubresaults et de mes craintes continuelles, j'y résistai moins qu'à d'autres: et ce me fut une miséricorde singulière du Seigneur de ne point défaillir tout à fait dans l'espérance et dans la foi du remède. Cependant je me trouvai si possédée de la confusion et si submergée dans les ténèbres, que je peux dire que les gémissements de la mort m'environnèrent et que je fus entourée par les douleurs de l'enfer (Ps. 17: 6) qui me portèrent à croire que j'étais dans le dernier péril: je déterminai de brûler les papiers où j'avais écrit la première partie de cette Histoire divine pour ne point poursuivre la second. Et à cette détermination, l'ange de Satan qui me la proposait ajouta aussi de me retirer de tout: de ne point traiter de voie ni de vie spirituelle, de ne pas être attentive à mon intérieur, ni d'en communiquer avec personne; et qu'avec cela je pouvais faire pénitence de mes péchés, apaiser le Seigneur et calmer Son courroux qui était excité contre moi. Et pour assurer davantage son iniquité dissimulée, il me proposa de faire le voeu de ne point écrire, à cause du danger d'être trompée et de tromper; mais de m'appliquer plutôt à amender ma vie, à corriger mes imperfections et à embrasser la pénitence.
3, Intro, 9. Avec ce masque de vertu apparente le dragon prétendait accréditer ses mauvais conseils et se couvrir avec la peau de brebis, lui qui n'était qu'un loup sanguinaire et carnassier. Il persévéra quelque temps dans cette tempête, et je fus en particulier pendant quinze jours dans une nuit ténébreuse, sans paix ni consolation aucune, ni divine ni humaine; sans consolation humaine parce que le conseil et le remède de l'obéissance me manquaient; et sans consolation divine, parce que le seigneur avait suspendu l'influence de Ses faveurs, des intelligences et de la lumière continuelle. Et outre tout cela, la perte de ma santé m'angoissait et aussi la persuasion de ce que la mort s'approchait et le danger de ma damnation; parce que l'ennemi machinait et me représentait tout cela.
3, Intro, 10. Mais comme ses suggestions sont si amères et qu'elles conduisent toutes au désespoir, le trouble même par lequel il altérait toute la république de mes puissances et mes habitudes acquises me rendit plus attentive à ne rien exécuter de ce à quoi il m'inclinait, ou de ce que je proposais. Il se servit de la crainte continuelle qui me tenait crucifiée si je n'offenserais point Dieu et si je ne perdrais point Son Amitié, et il me l'appliqua par mon ignorance aux choses divines pour m'en donner de la défiance. Et cette même crainte me faisait douter si ce n'était point l'astucieux dragon qui me la persuadait, et doutant je me retenais pour n'y point donner assentiment. Le respect de l'obéissance m'aidait aussi, car elle m'avait commandé d'écrire et de faire tout le contraire de ce que je sentais dans mes suggestions et mes persuasions, de leur résister et de les anathématiser. Outre tout cela il y avait la protection secrète du Très-Haut qui me défendait, et il ne voulait point livrer aux bêtes l'âme qui au milieu de telles tribulations Le confessait, quoique avec gémissements et soupirs. Je ne puis dire par des paroles les tentations, les combats, les désolations, les douleurs et les afflictions que je souffris dans ce combat; car je me vis dans un état tel qu'à mon jugement, de là à l'état des damnés il n'y avait point dans l'intérieure plus de différence, si ce n'est que dans l'enfer il n'y a point de rédemption et dans l'autre il peut y en avoir.
3, Intro, 11. L'un de ces jours pour respirer un peu, je m'exclamai du profond de mon coeur disant: «Malheur à moi qui suis venue à un tel état, et malheur à l'âme qui s'y trouvera! où irai-je, car toutes les portes de mon salut sont fermées?»
Aussitôt une voix forte et douce me répondit dans mon intérieur: «A qui veux-tu aller si ce n'est à Dieu même?» Je connus par cette réponse que mon remède était proche dans le Seigneur. Je repris haleine avec cette Lumière et je commençai à me relever du confus abattement dans lequel j'étais opprimée, et je sentis une force qui m'enflammait dans les désirs et dans les actes de foi, d'espérance et de charité. Je m'humiliai en présence du Très-Haut, et avec une confiance assurée en Son infinie Bonté je pleurai mes péchés avec une amère contrition; je m'en confessai plusieurs fois, et avec des soupirs de l'intime de mon âme j'allai à la recherche de mon ancienne Lumière et de mon ancienne Vérité. Et comme la Sagesse divine vient au-devant de celui qui L'invoque (Sag. 6: 14), Elle vint aussitôt à ma rencontre avec un air agréable, et Elle rasséréna la nuit de ma confuse et douloureuse tourmente.
3, Intro, 12. Le clair jour que je désirais se leva ensuite et je revins en possession de ma quiétude, goûtant la douceur de l'Amour et de la vue de mon Seigneur et mon Maître, et avec cela je connus la raison que j'avais de croire, d'accepter et de révérer les bienfaits et les faveurs de Son bras Tout-Puissant qui opérait en moi. Je L'en remerciai autant que je pus; et je connus qui je suis et qui est Dieu et ce que peut la créature par elle seule qui n'est rien, parce que le péché n'est rien, et ce qu'elle peut, portée et assistée par la divine Droite, qui est sans doute beaucoup plus que ce que l'imagine notre capacité terrestre; et abattue dans la connaissance de ces vérités et en présence de la Lumière inaccessible qui est grande, forte, sans erreur ni artifice, et avec cette intelligence mon coeur se fondait en de douce affections d'amour, de louange et d'actions de grâces; parce qu'Il m'avait gardée et défendue, afin que ma lampe (Prov. 31: 18) ne s'éteignît point dans la nuit de mes tentations et dans ce remerciement je me collais à la poussière et je m'humiliais jusqu'à terre.
3, Intro, 13. Pour ratifier ce bienfait j'eus ensuite une exhortation intérieure, sans connaître clairement qui me la donnait: mais en même temps qu'Il me réprimandait avec sévérité de ma déloyauté et du mauvais procédé que j'avais eu, avec une aimable majesté Il m'admonestait et m'éclairait, me laissant corrigée et enseignée. Il me donna de nouvelles intelligences du bien et du mal, de la vertu et du vice, de l'assuré, de l'utile et du bon, et aussi du contraire: me découvrant le chemin de l'éternité, me donnant connaissance des principes, des milieux et des fins, du prix de la Vie Éternelle de la misère malheureuse et de l'infortune peu considérée de la perdition sans fin.
3, Intro, 14. Dans la profonde connaissance de ces deux extrêmes, je confesse que je demeurai muette et comme troublée entre la crainte de ma fragilité qui me décourageait, et le désir d'obtenir ce dont je n'était pas digne: parce que je me trouvais sans mérites. La Pitié et la Miséricorde du Très-Haut m'animaient et la crainte de Le perdre m'affligeait: je regardais les deux fins si distantes de la créature, la gloire éternelle ou la peine éternelle; et pour obtenir l'une et me détourner de l'autre, toutes les peines et les tourments du monde, du purgatoire et de l'enfer me paraissaient légers. Et quoique je connusse que la créature a la faveur divine certaine et assurée si elle veut en profiter; néanmoins je connaissais aussi dans cette Lumière que la mort et la vie sont entre nos mains (Eccli. 15: , et que notre faiblesse ou notre malice peuvent abuser de la grâce et que l'arbre doit demeurer du côté où il tombe (Eccles. 11: 3) et pour toute une éternité; ici je défaillais d'une douleur qui pénétrait amèrement mon coeur et mon âme.
3, Intro, 15. Une réponse ou interrogation très sévère que j'eus du Seigneur augmenta souverainement cette affliction; car comme je me trouvais si anéantie dans la connaissance de ma faiblesse et de mon danger, et de ce que j'avais désobligé Sa justice, je n'osais lever les yeux en Sa présence: et étant sans parole, j'exhalai mes gémissements vers Sa Miséricorde. Il y répondit et me dit: «Que veux-tu, ô âme? Que cherches-tu? Lequel de ces chemins choisis-tu? Quelle est ta détermination?» Cette réponse fut une flèche pour mon coeur: et bien que je susse certainement que le Seigneur connaissait mon désir mieux que moi-même, néanmoins le délai de la demande à la réponse était une douleur incroyable: parce que j'eusse voulu s'il était possible qu'elle eût été anticipée et que le Seigneur ne Se fût pas montré comme ignorant de ce que j'avait à répondre. Mais mue d'une grande force je répondis à haute voix de l'intime de mon âme, et je dis: «Seigneur Dieu Tout-Puissant, le sentier de la vertu! le chemin de la Vie Éternelle! c'est ce que je veux, c'est ce que je choisis, afin que Vous m'y portiez; et si je ne le mérite pas de Votre justice, j'en appelle à votre Miséricorde et je présente en ma faveur les Mérites Infinis de Votre Très Saint Fils, mon Rédempteur Jésus-Christ.
3, Intro, 16. Je connus alors que ce souverain Juge se souvenait de la parole qu'Il donna à Son Église qu'Il accorderait tout ce que Lui serait demandé au Nom (Jean 16: 23) de Son Fils Unique et qu'en Lui et pour Lui Il exauçait et accordait ma demande, selon mon pauvre désir; ce qui me fut intimé avec certaines conditions que me déclara une voix intellectuelle, qui me dit dans l'intérieur: «Ame créée par la main du Dieu Tout-Puissant, si tu prétends comme élue suivre le chemin de la véritable Lumière et arriver à être la très chaste épouse du Seigneur qui t'appelle, il convient que tu gardes les Lois et les Préceptes de l'Amour qu'Il veut de toi. Le premier doit être, qu'avec affection tu renonces tout à fait à toi-même et à toutes tes inclinations terrestres, renonçant à tout amour quel qu'il soit de ce qui est momentané, afin que tu n'aimes et que tu n'acceptes l'amour d'aucune créature visible quelque utile, belle ou agréable qu'elle te paraisse: tu ne dois accepter d'aucune ni espèce, ni caresse, ni affection, et non plus l'affection de ta volonté ne doit pas être terminée à aucune chose créée si ce n'est en autant que ton Seigneur et ton Époux te le commandera pour l'usage de la charité bien ordonnée ou en tant qu'elles peuvent t'aider pour n'aimer que lui seul.»
3, Intro, 17. «Et lorsque, ayant accompli parfaitement cette abnégation et cette inclination, tu demeureras libre et seule, éloignée de toutes les choses terrestres, le Seigneur veut qu'avec des ailes de colombe tu élèves ton vol avec vélocité à une haute habitation dans laquelle Sa bonté veut colloquer ton esprit afin que tu y habites et que tu y aies ta demeure. Ce grand Seigneur est un Époux très jaloux (Ex. 20: 5), et Sa jalousie et Son amour sont forts comme la mort (Cant. 8: 6); et aussi Il veut te fortifier et te mettre en lieu sûr, afin que tu n'en sortes point et que tu ne t'en éloignes point, où tu ne serais plus en sûreté et où tu ne saurais recevoir Ses caresses. Il veut aussi te signaler de Sa main ceux avec qui tu dois converser sans crainte, et c'est une loi très juste que doivent observer les épouses d'un si grand Roi, lorsque pour être fidèles celles du monde le font; c'est dû à la noblesse de ton Époux que tu gardes la correspondance décente à la dignité et au titre que tu reçois de Lui, sans prêter attention à aucune chose indigne de ton état et qui te rende incapable de l'ornement qu'Il te donnera pour entrer dans son Lit Nuptial.»
3, Intro, 18. «Le second qu'Il veut de toi doit être, que tu te dépouilles avec diligence de la vileté de tes vêtements déchirés par tes péchés et tes imperfections, immondes par les effets du péché, et horribles par l'inclination de la nature. Sa Majesté veut laver tes taches, te purifier et te renouveler par Sa beauté, mais avec l'avis de ne jamais perdre de vue les vêtements pauvres et vils dont tu te dépouilles, afin que par le souvenir et la connaissance de ce bienfait, le nard (Cant. 1: 11) de ton humilité exhale une odeur de suavité pour ce grand Roi, et que tu ne mettes jamais en oubli le retour que tu dois à l'Auteur de ton salut qui veut avec le précieux Baume de Son Sang, te purifier, guérir tes plaies et t'illuminer abondamment.»
3, Intro, 19. «Outre tout cela, ajouta cette voix, après que tu aura oublié toutes les choses terrestres, afin que le Roi désire (Ps. 44: 11-12) ta beauté, Il veut que tu sois ornée des joyaux de Son agrément qu'Il te tient préparés: le vêtement qui te couvrira tout entière doit être plus blanc que la neige, plus brillant que le diamant, plus resplendissant que le soleil; mais si délicat que tu le tacheras facilement si tu es négligente; et si tu le faisais tu serais horrible à ton Époux; et au contraire si tu le conserves dans la pureté qu'Il désire, tes pas seront très beaux, comme ceux de fille du Prince, et Sa Majesté sera satisfaite de tes affections et de tes oeuvres. Comme ceinture de ce vêtement Il te pose la connaissance de Sa Puissance divine et la sainte crainte, afin que tes affections étant ceintes, tu t'ajustes et te mesures avec son goût. Les joyaux et le collier qui orneront le col de ton humble soumission seront les riches marguerites de la foi, de l'espérance et de la charité. La sagesse et la science infuses qu'il te communique serviront de lien aux cheveux sublimes et éminents de tes pensées et des intelligences divines; et toute la beauté et la richesse des vertus seront la broderie qui orne ton vêtement. Tu auras pour sandales, la diligence soigneuse à opérer le plus parfait; et les lacets de cette chaussure seront la retenue et la violence à toi-même qui doivent t'empêcher de faire le mal. Les sept Dons du Divin Esprit seront les anneaux qui rendront tes mains agréables: et pour splendeur de ton visage il y aura la participation de la Divinité qui t'illuminera par le moyen du saint Amour et tu ajouteras la couleur de la confusion de l'avoir offensé, qui te serve de pudeur pour ne plus le faire désormais, confrontant le grossier et honteux vêtement que tu as quitté avec le très beau que tu reçois.»
3, Intro, 20. «Et parce que tu étais misérable et pauvrette pour de si hautes épousailles, le Très-Haut veut rendre ce contrat plus ferme, te signalant pour dot les Mérites Infinis de ton Époux Jésus-Christ, comme s'Ils étaient pour toi seule; et Il te rend participante de Ses richesses et de Ses Trésors, qui contiennent tout ce que le Ciel et la terre renferment. Tout cela est la fortune de ce suprême Seigneur (Esth. 13: 11), et tu seras maîtresse de tout comme épouse pour en user en Lui-même, et pour L'aimer davantage. Mais, sache, ô âme, que pour jouir d'un bienfait si rare, ton Seigneur et ton Époux veut que tu te recueilles toute au dedans de toi-même, sans jamais perdre ton secret; car je t'avertis du danger de tacher cette beauté par quelque petite imperfection; mais si tu en commets à cause de ta faiblesse, relève-toi aussitôt comme forte, et pleure ta petite faute avec un coeur reconnaissant, comme si elle était des plus graves.»
3, Intro, 21. «Et afin que tu aies aussi une habitation et un lieu convenable à un tel état, ton Époux ne veut pas rétrécir ta demeure; au contraire, il Lui plaît de te désigner pour que tu y habites toujours, les espaces interminables de Sa Divinité, afin que tu te dilates et que tu prennes tes ébats dans les immenses champs de Ses attributs et de Ses perfections, où la vue s'étend sans trouver de limite, la volonté se réjouit sans inquiétude, le goût se rassasie sans amertume. Tel est le paradis toujours agréable où se récréent les épouses très chères de Jésus-Christ, où elles cueillent les fleurs et la myrrhe odorantes, et où elles trouvent le tout infini pour avoir renoncé au néant imparfait. Ici sera ton habitation assurée et afin que ta conversation et ta compagnie y correspondent, Je veux qu'elles soient avec les Anges et tu les auras pour amis et compagnons, et par leur conversation et leur entretien fréquent, copie leurs vertus en toi-même et imite-les.»
3, Intro, 22. «Considère, ô âme, l'ampleur de ce bienfait; parce que la Mère de ton Époux, la Reine des cieux t'adopte pour sa fille, t'accepte pour sa disciple, et se constitue ta Mère et ta Maîtresse, et c'est par son intercession que tu reçois des faveurs si singulières et elles te sont toutes accordées afin que tu écrives sa Très Sainte Vie, et par ce moyen, il t'a été pardonnée ce que tu ne méritais point, il t'a été accordé ce que tu n'obtiendrais point sans cette occupation. Que serait-ce de toi, ô âme, sans la Mère de Pitié? Tu aurais déjà péri si son intercession t'avait manqué, et si tu n'avais pas été choisie pauvre et inutile dans tes oeuvres; mais le Père Éternel t'a choisie pour Sa fille et pour l'épouse de Son Fils Unique eu égard à cette fin; et le Fils t'a admise afin que tu participes à Ses étroits embrassements et l'Esprit-Saint, à Ses illuminations. L'écrit de ce contrat et de ces épousailles est étampé et imprimé sur le papier blanc de la pureté de la Très Sainte Marie; le doigt du Très-Haut et Son pouvoir l'a écrit, l'encre est le Sang de l'Agneau, l'exécuteur, le Père Éternel, le lien qui t'unira avec Jésus-Christ est l'Esprit-Saint; et la caution sera les mérites du même Jésus-Christ et de Sa Mère: puisque tu n'es qu'un vil vermisseau et que tu n'as rien à offrir, et l'on ne te demande que ta volonté.»
3, Intro, 23. Jusqu'ici arriva la voix de l'admonestation que me fut donnée. Et quoique je jugeasse que c'était un Ange, néanmoins je ne le connus pas clairement alors, parce que je ne le voyais pas comme d'autres fois; car ou pour se manifester ou pour se cacher ils accommodent ces bienfaits à la disposition de l'âme pour les recevoir, comme il arriva aux disciples (Luc 24: 16) d'Émmaüs. Il se passa d'autres événements pour m'aider à vaincre la contradiction du serpent en écrivant cette Histoire divine, mais ce qui rallongerait trop le discours de les rapporter maintenant; cependant je continuai l'oraison pendant quelques jours, demandant au Seigneur de me gouverner et de m'enseigner pour ne point errer, lui représentant mon insuffisance et ma timidité. Sa Majesté me répondait toujours d'ordonner ma vie avec toute pureté et avec grande perfection et de continuer ce qui était commencé: et la Reine des Anges m'intima spécialement sa volonté plusieurs fois avec une douceur et une tendresse très grandes, me commandant de lui obéir comme sa fille en écrivant sa Très Sainte Vie, comme je l'avais commencé.
3, Intro, 24. Je voulus joindre à tout cela la sécurité de l'obéissance d'écrire et de continuer cette seconde partie. Me trouvant désormais obligée par le Seigneur et par l'obéissance, je retournai de nouveau en la présence du Très-Haut où je fus présentée un jour pendant l'oraison, et me dépouillant de toute mon affection, connaissant ma petitesse et le danger d'errer, prosternée devant le trône divin, je dis à Sa Majesté: «Mon Seigneur! mon Seigneur! que voulez-Vous faire de moi?» Et àcette proposition j'eus l'intelligence suivante:
3, Intro, 25. Il me sembla que la Lumière divine de la Bienheureuse Trinité me manifestait pauvre et remplie de défauts, et m'en réprimandant avec sévérité, Il m'avertissait, me donnant une très haute Doctrine et des enseignements salutaires pour la perfection de ma vie: et pour cela je fus purifiée et illuminée de nouveau. Je connus que la Mère de la Grâce, la Très Sainte Marie était présente devant le trône de la divinité et qu'Elle priait et intercédait pour moi. Avec cette protection, ma confiance se ranima, et me servant de la clémence d'une telle Mère, je me tournai vers Elle et je lui dis ces seules paroles: «Ma Maîtresse et mon Refuge, soyez attentive comme Mère véritable à la pauvreté de votre esclave.» Il me sembla qu'Elle exauçait ma demande et que parlant au Très-Haut Elle Lui disait: «Mon Seigneur, je veux recevoir de nouveau pour ma fille cette pauvre et inutile créature, et l'adopter pour moi.» Action de Reine puissante et très libérale! Mais le Très-Haut lui répondit: «Mon Épouse, qu'est-ce que cette âme offre de son côté pour une aussi grande faveur, puisqu'elle ne la mérite pas, qu'elle n'est qu'un vermisseau inutile et pauvre et ingrate pour Nos dons.»
3, Intro, 26. O force incomparable de la Parole divine! Comment dirai-je les effets que cette réponse du Très-Haut causa en moi? je m'humiliai jusque dans mon néant, et je connus la misère de la créature et mes ingratitudes envers Dieu. Mon coeur se brisait entre la douleur de mes péchés et le désir d'obtenir cette grande fortune que je ne méritais pas d'être fille de cette Auguste Souveraine. J'élevais les yeux avec crainte vers le trône du Très-Haut et mon visage s'altérait par le trouble et l'espérance; et je me tournai vers mon Avocate, désirant être reçue pour esclave puisque je ne méritais point le titre de fille, je lui parlais de l'intime de l'âme sans formuler de paroles, et j'entendis que la grande Reine disait au Très-Haut:
3, Intro, 27. «Mon divin Roi et mon Dieu, il est vrai que cette pauvre créature n'a rien à offrir de son côté à Votre justice, mais je présente de sa part les Mérites et le Sang répandu de mon Très Saint Fils, et avec Eux je présente la dignité de Mère que j'ai reçue de Votre Bonté Infinie, toutes les oeuvres que j'ai faites à Votre Service, de Vous avoir porté dans mes entrailles et nourri du lait de mes mamelles et surtout je Vous présente Votre propre Divinité et Votre propre Bonté; et je Vous supplie de bien vouloir que cette créature reste désormais adoptée pour ma fille et ma disciple, car je cautionne pour elle. Par mes instructions je corrigerai ses défauts et je perfectionnerai ses oeuvres à Votre goût.»
3, Intro, 28. Le Très-Haut concéda cette pétition, qu'Il en soit éternellement loué, car Il exauça la grande Reine, intercédant pour la moindre des créatures; et je sentis ensuite de grands effets avec jubilation de mon âme, qu'il n'est pas possible d'exprimer, mais je me tournai avec affection vers toutes les créatures du ciel et de la terre, et sans pouvoir contenir mes transports je les conviai toutes à louer pour moi et avec moi l'Auteur de la Grâce. Il me semblait que je leur disais à haute voix: «O habitants et courtisans du ciel, et vous toutes créatures vivantes, formées de la main du Très-Haut, regardez cette merveille de Sa miséricorde libérale et pour elle bénissez-Le et louez-Le éternellement; puisqu'Il a relevé de la poussière la plus vile de toutes les créatures, Il a enrichi la plus pauvre, Il a honoré la plus indigne comme Dieu Souverain et Roi puissant. Et vous, enfants d'Adam, si vous voyez la plus orpheline protégé, la plus pécheresse pardonnée, sortez donc de votre ignorance, levez-vous de votre abattement, et ranimez votre espérance; car si le Puissant Bras m'a favorisée, s'Il m'a appelée et pardonnée, vous pouvez tous espérer votre salut: et si vous voulez l'assurer, cherchez, cherchez le secours de la Très Sainte Marie, sollicitez son intercession, et vous sentirez qu'Elle est une Mère de Clémence et de Miséricorde ineffables.»
3, Intro, 29. Je me tournai aussi vers cette Reine très sublime et je lui dis: «Désormais, ô ma Souveraine, je ne m'appellerai plus orpheline, puisque j'ai une Mère, Reine de toutes les créatures; désormais je ne serai plus ignorante, sinon par ma faute, puisque j'ai la Maîtresse de la Sagesse divine, ni pauvre puisque j'ai pour Seigneur Celui qui L'est de tous les Trésors du Ciel et de la terre; désormais j'ai une Mère qui me protège; une Maîtresse qui m'enseigne et me corrige; une Souveraine qui me commande et me gouverne. Vous êtes bénie entre toutes les femmes, merveilleuse entre toutes les créatures, admirable dans les cieux et sur la terre, et tous confessent Votre grandeur avec des louanges éternelles. Il n'est pas facile que la moindre des créatures, le plus vil ver de terre Vous rende le retour, recevez-le de la Droite divine et à la vue béatifique où Vous êtes en Dieu où Vous jouissez pour toutes les éternités. Je demeurerai Votre esclave reconnaissante et obligée, louant le Tout-Puissant tant que j'aurai la vie; parce que Sa miséricorde libérale me favorisa en me donnant à Vous ma Reine pour que Vous soyez ma Mère et ma Maîtresse. Que mon silence affectueux Vous loue, car ma langue n'a pas de raisons ni de termes adéquats pour le faire, ils sont tous insuffisants et limités.»
3, Intro, 30. Il n'est pas possible d'expliquer ce que l'âme éprouve en de tels mystères et de tels bienfaits. Et ceux-ci apportèrent en effet de grands biens à mon âme, car il me fut aussitôt intimé une telle perfection de vie et d'oeuvres que les termes me manquent pour le dire comme je l'entends; mais le Très-Haut m'a dit que tout cela m'a été concédé pour la Très Sainte Marie et pour écrire sa Vie. Et je connus que le Père Éternel en confirmant ce bienfait me choisissait pour manifester les sacrements de Sa Fille; et l'Esprit-Saint pour déclarer avec Son influence et Sa Lumière les dons cachés de Son Épouse et le Très Saint Fils pour découvrir les mystères de Sa très pure Mère Marie. Et pour me disposer à cette Oeuvre, je connus que la Bienheureuse Trinité illuminait et réchauffait mon esprit avec une Lumière spéciale de la Divinité et que la Puissance divine touchait mes puissances comme avec un pinceau, et les illuminait avec de nouvelles habitudes, pour les opérations parfaites dans cette matière.
3, Intro, 31. Le Très-Haut me commanda aussi de tâcher d'imiter avec toute sollicitude selon que mes faibles forces pourraient y arriver, tout ce que je comprendrais et écrirais des vertus héroïques et des opérations très saintes de la divine Reine, ajustant ma vie à cet Exemplaire. Et me reconnaissant si inepte que je suis pour satisfaire à cette obligation, la même Reine très clémente m'offrit de nouveau sa faveur et son enseignement pour tout ce que le Très-Haut me commandait et me destinait. Je demandai ensuite la bénédiction à la Très Sainte Trinité, pour commencer la seconde partie de cette Histoire, et je connus que toutes les Trois Personnes divines me la donnaient: et sortant de cette vision je tâchai de laver mon âme par les Sacrements et la contrition de mes péchés, et au Nom du Seigneur et de l'obéissance je mis la main à cette Oeuvre pour la gloire du Très-Haut et de Sa Très Sainte Mère, la toujours Immaculée Vierge Marie.
3, Intro, 32. Cette seconde partie comprend la Vie de la Reine des Anges, depuis le mystère de l'Incarnation jusqu'à l'Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ aux cieux inclusivement, qui est le plus long et le principal de cette divine Histoire; parce qu'elle embrasse toute la Vie et les Mystères du même Seigneur, avec Sa Passion et Sa très sainte Mort. Et je veux seulement avertir ici que les bienfaits et les grâces accordés à la Très Sainte Marie pour la préparer au Mystère de l'Incarnation prirent leur cours dès l'instant de son Immaculée Conception; parce qu'alors dans l'Entendement et le décret du même Dieu, Elle était déjà Mère du Verbe Éternel. Mais comme l'effet de l'Incarnation s'approchait, les dons et les faveurs de la grâce allaient aussi en croissant. Et quoiqu'ils semblent tous d'une même espèce et d'un même genre depuis le principe, ils allaient néanmoins en croissant et en augmentant; et je n'ai point de termes nouveaux et différents qui rendent parfaitement ces augmentations et ces faveurs nouvelles; et ainsi il est nécessaire de nous remettre en toute cette Histoire au pouvoir infini du Seigneur, qui donnant beaucoup, Lui reste infiniment à donner de nouveau, et la capacité de l'âme, et davantage dans la Reine du Ciel a une espèce d'infinité pour recevoir toujours plus, comme il arriva, jusqu'à atteindre au comble de la sainteté et de la participation de la Divinité, où aucune autre pure créature n'est arrivée et n'arrivera éternellement. Le même Seigneur m'illustre afin de poursuivre cette oeuvre avec Son bon plaisir divin. Amen.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
LIVRE TROIS
Qui contient la disposition très sublime que le Tout-Puissant opéra en la Très Sainte Marie pour l'Incarnation du Verbe. Ce qui touche à ce Mystère. L'état très éminent dans lequel l'heureuse Mère demeura. La Visitation de saint Élisabeth et la sanctification de saint Jean Baptiste. Le retour à Nazareth et une bataille mémorable qu'Elle eût avec Lucifer.
CHAPITRE 1
Le Très-Haut commence à disposer en la Très Sainte Marie le Mystère de l'Incarnation pendant les neuf jours précédents. On déclare ce qui arrive le premier jour.
3, 1, 1. Le Très-Haut mit notre Reine et notre Souveraine dans les obligations d'Épouse de saint Joseph, et dans l'occasion de converser davantage avec le prochain, afin que sa vie irréprochable fut pour tous un exemplaire de sainteté souveraine. La divine Reine se trouvant dans ce nouvel état, pensa et raisonna d'une façon si sublime, et ordonna les opérations de sa vie avec une telle sagesse que ce fut une émulation admirable pour la nature angélique et un magistère qui n'avait jamais été vu pour la nature humaine. Peu de personnes la connaissaient, il y en avait encore moins que communiquaient avec Elle, mais celles-ci plus fortunées recevaient des influences si divines de ce Ciel de Marie, qu'avec une jubilation admirable et des concepts extraordinaires, elles eussent voulu parler et publier la lumière qui embrasait leurs coeurs, connaissant qu'elle dérivait de la présence de la Très Pure Marie [a]. La prudente Reine n'ignorait point ces effets de la main du Très-Haut, mais il n'était pas encore temps de les confier au monde, et sa très profonde humilité n'y consentait point. Elle demandait continuellement au Seigneur de la cacher, de permettre qu'Elle fut ignorée et méprisée de tous les
mortels, de faire en sorte que toutes les faveurs de Sa Droite tournassent à Sa seule louange; pourvu que Sa Bonté infinie ne fût point offensée.
3, 1, 2. Le Seigneur recevait en grande partie ces demandes de Son Épouse, et Sa Providence disposait que la Lumière divine rendît muets ceux qui par cette même Lumière étaient inclinés àl'exalter: et mus par la vertu divine ils s'en désistaient et ils rentraient dans leur intérieur, louant le Seigneur pour la lumière qu'ils y sentaient; et remplis d'admiration ils suspendaient leur jugement et laissant la créature, ils se tournaient vers le Créateur. Plusieurs sortaient du péché seulement pour l'avoir regardée et d'autres amélioraient leur vie [b et tous se composaient à sa vue, parce qu'ils recevaient de célestes influences dans leurs âmes; mais aussitôt ils oubliaient la même Original d'où ils se copiaient, car s'ils l'eussent eu présent ou s'ils eussent conservé son Image, nul n'aurait souffert d'être éloigné d'Elle et tous l'eussent cherché passionnément, si Dieu ne l'eût empêché avec mystère.
3, 1, 3. Notre Reine, Épouse de saint Joseph, s'occupa à des oeuvres où l'on cueillait de tels fruits et à l'augmentation des mérites et des grâces d'où tout procédait pendant l'intervalle de six mois et dix-sept jours qui se passèrent depuis ses Épousailles jusqu'à l'Incarnation du Verbe. Et je ne puis m'arrêter àrapporter en détail les actes si héroïques qu'Elle fit de toutes les vertus intérieures et extérieures, de charité, d'humilité, de religion, d'aumônes, de bienfaits et d'autres oeuvres de miséricorde; parce que tout cela excède la plume et la capacité. La meilleure manière de le manifester est de dire que le Très-Haut trouva dans la Très Sainte Marie la plénitude de Ses complaisances, le comble de Son désir et la correspondance de pure créature due à son Créateur. Avec cette sainteté et ces mérites Dieu étendit le bras de Sa toute puissance à la plus grande des oeuvres qui fut connue jusqu'alors et qu'on ne verra plus, le Fils Unique du Père prenant chair humaine dans les entrailles virginales de cette divine Souverain.
3, 1, 4. Pour exécuter cette oeuvre avec la convenance digne de Dieu même Il prévint singulièrement la Très Sainte Marie pendant les neuf jours qui précédèrent immédiatement le Mystère et laissant libre cours au fleuve de la Divinité pour inonder de Ses influences cette Cité de Dieu (Ps. 45: 5), Il lui communiqua tant de
dons, de grâces et de faveurs que je me tais dans la connaissance qui m'a été donnée de cette merveille, et ma bassesse s'intimide pour raconter ce que je comprends: parce que la langue, la plume, toutes les puissances des créatures sont des instruments non proportionnés pour révéler des sacrements si sublimes [c]. Et ainsi je veux que l'on entende que tout ce que je pourrai dire ne sera qu'une ombre obscur de la moindre partie de cette merveille et de ce prodige inexplicable [d], que l'on ne doit pas mesurer avec nos termes limités, mais avec le pouvoir divin qui n'a point de bornes.
3, 1, 5. Le premier jour de cette très heureuse neuvaine, il arriva que la divine Princesse Marie, après le petit repos qu'Elle prenait, se leva à minuit à l'imitation de son père David (Ps. 118: 62), car tel était l'ordre et le règlement que lui avait donné le Seigneur [e], et prosternée en la présence du Très-Haut, Elle commença ses saints exercices et son oraison accoutumée. Les Anges qui l'assistaient lui parlèrent et lui dirent: «Épouse de notre Roi et Seigneur, levez-Vous, car Sa Majesté Vous appelle.» Elle se leva de ferventes affections et répondit: «Le Seigneur commande que la poussière se lève de la poussière.» Et se tournant vers la Face du même Seigneur qui l'appelait, Elle continua, disant: «Mon très-haut et puissant Maître, que voulez-Vous faire de moi?» Dans ces paroles son âme très sainte fut élevée en esprit à une autre habitation nouvelle et plus haute, plus immédiate au même Seigneur et plus éloigné de tout le terrestre et le momentané.
3, 1, 6. Elle sentit aussitôt que là on la disposait avec ces illuminations et ces dispositions qu'Elle recevait d'autres fois pour quelque vision plus élevée de la Divinité. Et je ne m'arrête point à les rapporter, parce que je l'ai fait dans la première partie [f]. Avec cela la Divinité lui fut manifestée par vision, non intuitive, mais abstractive; et avec tant d'évidence et de clarté que cette Dame comprit plus de cet Objet incompréhensible par ce moyen que les bienheureux qui le connaissent et le goûtent intuitivement [g]. Cette vision fut plus haute et plus profonde que les autres de ce genre; parce que chaque jour la divine Souveraine en devenait plus capable, et certains bienfaits dont Elle usait parfaitement la disposait pour d'autres et les connaissances et les visions répétées de la Divinité la rendait plus robuste pour opérer avec une plus grande force à l'égard de cet Objet infini.
3, 1, 7. Notre Princesse Marie connut dans cette vision de très sublimes secrets de la Divinité et de Ses perfections, et spécialement de Sa communication "ad extra", pour l'Oeuvre de la création, comment elle procéda de la bonté et de la libéralité de Dieu, et comment Il n'avait pas besoin des créatures pour son Etre divin et Sa gloire infinie, car Il était glorieux sans elles dans Ses interminables éternités, avant la création du monde. Beaucoup de sacrements et de secrets qui ne peuvent ni ne doivent être communiqués à tous furent manifestés à notre Reine; parce que seule Elle fut l'Unique et l'Élue (Cant. 6: 8; 7: 6) pour les délices du suprême Roi et Seigneur des créatures. Mais son Altesse connaissant dans cette vision ce poids et cette inclination de la Divinité pour Se communiquer "ad extra", inclination plus grande que celle qu'ont tous les éléments chacun vers leur centre: et comme Elle était si inviscérée dans la sphère de ce feu du divin Amour, toute consumée de Ses flammes Elle demanda au Père Éternel d'envoyer Son Fils Unique au monde et de donner aux hommes leur remède, et, selon notre manière de concevoir, à Sa propre divinité et à Ses perfections la satisfaction et l'exécution qu'elles demandaient.
3, 1, 8. Ces paroles de Son Épouse étaient très douces pour le Seigneur: c'était la bandelette empourprée (Cant. 4: 3) avec laquelle Elle liait et contraignait son Amour. Et pour venir àl'exécution de Ses désirs, Il voulut préparer de près le Tabernacle ou le Temple où il voulait descendre du sein de Son Père Éternel (1 Par. 29: 1). Il détermina de donner à Sa Bien-Aimée, à l'Élue pour être Sa Mère une connaissance claire de toutes Ses Oeuvres "ad extra", comme Sa Toute-Puissance les avait formées. Et Il lui manifesta en ce jour dans la même vision tout ce qu'Il avait fait le premier jour de la création du monde, qui est rapporté dans la Genèse, et Elle les connut toutes avec plus de clarté et de compréhension que si Elle les eût eues présentes à ses yeux corporels: parce qu'Elle les connut d'abord en Dieu et ensuite en elles-mêmes [h].
3, 1, 9. Elle connut et comprit comment le Seigneur créa le ciel et la terre dans le principe (Gen. 1: 1-5), combien et comment la terre était vide; Elle connut aussi les ténèbres qui étaient sur la face de l'abîme, comment l'Esprit du Seigneur était porté sur les eaux, comment la lumière fut faite au commandement de Dieu, et sa qualité et que divisant les ténèbres, celles-ci s'appelèrent nuit et la lumière, jour: et qu'en cela se passa le premier jour. Elle connut la grandeur de la terre, sa longueur, sa largeur et sa profondeur, ses cavernes, l'Enfer, les Limbes et le Purgatoire avec leurs habitants, les régions, les climats, les méridiens et la division du monde en quatre parties et tous ceux qui les occupent et qui y habitent. Elle connut avec la même clarté les globes inférieurs et le ciel empirée, et quand les Anges furent créés dans le premier jour; et Elle comprit leur nature, leurs qualités, leurs différences, leurs hiérarchies, leurs offices, leurs degrés et leurs vertus. La révolte des mauvais anges et leur chute lui fut manifestée avec les causes et les occasions qu'elle eut; le Seigneur lui cachait toujours ce qui la regardait. Elle comprit les effets et le châtiment du péché dans les démons, les connaissant comme ils sont en eux-mêmes [i], et pour fin de cette faveur du premier jour le Seigneur lui manifesta de nouveau, comment Elle était formée de cette basse matière de la terre et de la nature de tous ceux qui retournent en poussière, mais Il ne lui dit pas qu'Elle serait convertie en poussière, mais Il lui donna une si haute connaissance de l'être terrestre que la grande Reine s'humilia jusqu'au profond du néant; et étant sans faute Elle s'abaissa plus que tous les enfants d'Adam ensemble et pleins de misères.
3, 1, 10. Le Très-Haut ordonnait toute cette vision et Ses effets pour ouvrir dans le coeur de Marie les fondations si profondes que l'édifice qu'Il voulait construire requérait, édifice qui touchait jusqu'à l'union substantielle et hypostatique de la Divinité même [j]. Et comme la dignité de Mère de Dieu était sans terme et de quelque infinité [k], il convenait qu'elle fût fondée en une humilité proportionnée, et qui fût illimitée sans passer les limites de la raison; mais arrivant au suprême de la vertu, Celle qui était bénie entre toutes les femmes s'humilia tellement, que la Très Sainte Trinité demeura comme payée et satisfaite, et, selon notre manière de concevoir, obligée àl'élever au degré et à la dignité la plus éminente entre les créatures, et la plus immédiate à la Divinité; et avec cette complaisance, Sa Majesté lui parla et lui dit:
3, 1, 11. «Mon Épouse et Ma Colombe, mes désirs de racheter l'homme du péché sont grands et Ma piété immense est comme violentée tant qu'Elle ne descend point pour réparer le monde: demande-Moi continuellement pendant ces jours avec une grande affection l'exécution de ces désirs, et prosternée en Ma royale présence que tes prières et tes clameurs ne cessent point pour que le Fils Unique du Père descende effectivement pour S'unir à la nature humaine.» La divine Princesse répondit à ce commandement: «O mon Seigneur et mon Dieu Éternel à qui appartient toute Sagesse et toute Puissance, et personne ne peut résister à Votre Volonté (Esth. 13: 9), qu'est-ce qui retient le cours impétueux de Votre Divinité, pour ne point exécuter l'Oeuvre de Vos complaisances au bénéfice de tout le genre humain? Si c'était le cas, mon Bien-Aimé que je serais l'obstacle de cet empêchement pour un bienfait si immense, que je meure plutôt que de résister à Votre goût; cette faveur ne peut arriver pour les mérites d'aucune créature: donc veuillez ne pas attendre, ô mon Maître et mon Seigneur, que nous venions à nous en rendre plus indignes. Les péchés des hommes se multiplient et ils croissent en offenses contre Vous; ainsi comment arriverons-nous à mériter le même bien dont nous nous rendons chaque jour plus indignes. La raison et le motif de notre remède sont en Vous-même, mon Seigneur: Votre Bonté infinie, Vos Miséricordes sans nombre Vous obligent, les gémissements des Prophètes et des Pères de Votre peuple Vous sollicitent, les saints Vous désirent, les pécheurs Vous attendent, et tous ensemble crient après Vous, et si moi, vil vermisseau de terre, je ne suis pas déméritante de Vos bontés par mes ingratitudes, je Vous supplie de l'intime de mon âme de hâter le pas et d'avancer notre remède pour Votre propre gloire.»
3, 1, 12. La Princesse du Ciel acheva cette oraison, et revint ensuite à son état ordinaire et plus naturel; mais avec le commandement qu'Elle avait du Seigneur, Elle continua tout ce jour-là les prières pour l'Incarnation du Verbe, et avec une très profonde humilité Elle réitéra ses exercices de se prosterner en terre et de prier en forme de croix; parce que l'Esprit-Saint qui la gouvernait lui avait enseigné cette posture dont la Bienheureuse Trinité devait tant se complaire comme si Elle eût regardé de Son trône royal la Personne de Jésus-Christ crucifiée dans le corps de la future Mère du Verbe; ainsi Elle recevait ce sacrifice du matin de la Très Pure Vierge en laquelle il préparait Celui de Son Très Saint Fils.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
3, 1, 13. Ma fille, les mortels ne sont pas capables de comprendre les Oeuvres indicibles que le bras de la Toute-Puissance opéra en moi en me disposant pour l'Incarnation du Verbe Éternel; spécialement les neuf jours qui précédèrent un si haut Sacrement, mon esprit fut élevé et uni avec l'Etre Immuable de la Divinité, et il demeura absorbé dans cette Mer de perfections infinies, participant de chacune d'elles des effets éminents et divins qui ne peuvent venir dans un coeur humain. La science des créatures qu'Il me communiqua pénétrait jusqu'à l'intime de toutes ces mêmes créatures avec une plus grande clarté et de plus grands privilèges que celle de tous les esprits angéliques, quoiqu'ils soient si admirables dans cette connaissance après avoir vu Dieu: et les espèces de tout ce que je compris me demeurèrent imprimées, pour en user ensuite à ma volonté.
3, 1, 14. Ce que je veux de toi maintenant doit être qu'étant attentive à ce que je fis avec cette science, tu m'imites selon tes forces par la Lumière infuse que tu as reçue pour cela: profite de la science des créatures, t'en formant une échelle qui t'achemine à ton Créateur; de sorte qu'en toutes ces créatures tu cherches le principe d'où elles s'originent et la fin à laquelle elles sont ordonnées: sers toi de toutes ces choses comme de miroirs où se réfléchit Sa Divinité, de souvenirs de Sa Tout-Puissance et de stimulants à l'amour qu'Il veut de toi. Admire et loue la grandeur et la magnificence du Créateur et humilie-toi en Sa Présence jusqu'à l'infime de la poussière et ne trouve rien de difficile à faire et à souffrir pour arriver à être douce et humble de coeur. Considère, ma très chère, comment cette vertu fut le fondement très ferme de toutes les merveilles que le Tout-Puissant opéra envers moi; et afin que tu apprécies cette vertu, réfléchis qu'elle est très précieuse entre toutes; mais elle est aussi très délicate et il est très dangereux de la perdre; et si tu la perds en quelque chose, si tu n'es pas humble en tout sans distinction tu ne le sera véritablement en rien. Reconnais l'être terrestre et corruptible que tu as et n'ignore point que le Très-Haut forma l'homme avec une grande Providence, de manière que son être propre et sa formation lui intimât, lui enseignât et lui répétât l'importante leçon de l'humilité et que ce magistère ne lui manquât jamais; pour cela il ne le forma point d'une matière plus noble, et il lui laissa le poids du sanctuaire (Ex. 30.24) dans son intérieur, afin qu'il posât dans
une balance l'Etre infini du Dieu et Seigneur Éternel; et dans l'autre celui de sa matière très vile; et qu'avec cela il rendît à Dieu ce qui est àDieu (Math 22: 21) et qu'il se donnât à lui-même ce qui lui appartient.
3, 1, 15. Je fis ce jugement avec perfection pour l'exemple et l'instruction des mortels, et je veux que tu le fasses à mon imitation, et que ton soin et ton étude soient d'être humble: ainsi tu donneras de la complaisance au Très-Haut et à moi qui veux ta véritable perfection et qu'elle soit basée sur les fondations très profondes de ta propre connaissance; et plus elles seront profondes plus l'édifice de la vertu s'élèvera haut et sublime et plus ta volonté trouvera une place intime dans Celle du Seigneur car Il regard de la hauteur de Son trône les humbles de la terre (Ps. 112: 6).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 1, [a]. Saint Thomas de Villeneuve écrit de Marie: «Comme Elle était très belle et sa face gracieuse Elle donnait de l'honnêteté et de la sainteté à ceux qui la regardaient.» [Conc. 2, de Ann.]. Et saint Ambroise: La grâce de Marie fut telle qu'Elle «conférait l'innocence à ceux qui la regardaient.» [De Inst. Virg., c. VII].
3, 1, [b. Saint Thomas d'Aquin écrit d'Elle: «Quoiqu'Elle fut belle de corps, Elle n'excita jamais de désir de concupiscence à personne.» [Sent. d. 3, q. 1, a 2]. Et Alexandre d'Halès ajoute: «et c'était parce que la vertu de sa chasteté et de sa sainteté éteignait tout mouvement charnel dans ceux qui la regardaient.» [Par. 3, Summ. théol. quaes. 9, memb. 3, a 1].
3, 1, [c]. «Et il n'y a rien d'étonnant puisque ces "sacrements" si sublimes étaient comme des fondements et comme un certain sanctuaire de la Cité du
Souverain Bien et de Son habitacle qui était posé en Elle --- ainsi était préparée la Maison corporelle de la Lumière Éternelle, où devait habiter corporellement l'Esprit incorporel et incirconscrit qui crée et vivifie toutes choses.» [Saint Anselme, De conc. B. M. c. 1].
3, 1, [d]. «La Vierge Marie est vraiment le grand miracle du monde!» [S. Jean Chrys., Hom. in hipopant Dom.]. «O Marie, miracle des miracles et chef d'oeuvre qui doit être admiré plus que tout ce qu'il y a d'admirable!» [S. Jean Damasc., Or. 1, de Nat. Mar.].
3, 1, [e]. Il est vraisemblable que la Vierge Marie passait la plus grande partie de la nuit dans la contemplation divine. Voir Suarez, [3 p. q. 30, a 4, disp. 9, sect. 5. -- et q. 37; art. 4 disp. 18, sect. 2.]. Voir aussi A. Lapide, [in Cant., c. V, 2.]. La Très Sainte Marie révéla la même chose à sainte Elisabeth vierge: «Je me levais toujours au milieu de la nuit...et je présentais mes prières...[Voir S. Bon. ad vit. Chr. c. 3]; et saint Liguori, [Gloires de Marie.].
3, 1, [f]. Livre 2, Nos. 623-629, 632.
3, 1, [g]. Ce qui doit être entendu au moins quant à la multitude des objets, comme saint Thomas le tient de la science infuse du Christ comparée à la science béatifique des Anges, [3 p. q. 11, a. 4]; et pour la raison que De Lugo tient aussi, «que la Très Sainte Marie encore voyageuse surpassa dans l'amour de Dieu les Anges mêmes et les bienheureux qui voient Dieu.» [disp. 20, de Incarn., sect. 5].
3, 1, [h]. Qu'est-ce autre chose sinon de donner à la Très Sainte Marie la "connaissance matutinale" et la "connaissance vespertinale" qu'Albert-le-grand lui attribue, [super Misus, c. 149], et que saint Augustin reconnaît dans les Anges, [De Gen. ad lit. l. 4, c. 23, 24]; parce qu'il attribue à ceux-ci deux espèces de science infuse, c'est-à-dire la matutinale par laquelle ils voient les choses dans le Verbe de Dieu, et la vespertinale par laquelle ils les voient en elles-mêmes. C'est ce qui arrivait aussi à la Très Sainte Marie, connaissant les créatures d'abord en Dieu, par la science matutinale; et ensuite en elles-mêmes, comme le dit notre Vénérable, par la science vespertinale.
3, 1, [i]. «Marie eut la connaissance de toutes les créatures... Elle vit les anges, les âmes et les démons.» Saint Antonin, [4 p. 15 c. 15, 1].
3, 1, [j]. «Marie éleva le sommet de ses mérites jusqu'au seuil de la Divinité.» Saint Grégoire le Grand, [in l. I Rois, c. 1.].
3, 1, [k]. «Marie est plus haute que tous, Dieu seul excepté.» Saint André de Crète, [Serm. de dormit. Deip.].[/b]
Qui contient la disposition très sublime que le Tout-Puissant opéra en la Très Sainte Marie pour l'Incarnation du Verbe. Ce qui touche à ce Mystère. L'état très éminent dans lequel l'heureuse Mère demeura. La Visitation de saint Élisabeth et la sanctification de saint Jean Baptiste. Le retour à Nazareth et une bataille mémorable qu'Elle eût avec Lucifer.
CHAPITRE 1
Le Très-Haut commence à disposer en la Très Sainte Marie le Mystère de l'Incarnation pendant les neuf jours précédents. On déclare ce qui arrive le premier jour.
3, 1, 1. Le Très-Haut mit notre Reine et notre Souveraine dans les obligations d'Épouse de saint Joseph, et dans l'occasion de converser davantage avec le prochain, afin que sa vie irréprochable fut pour tous un exemplaire de sainteté souveraine. La divine Reine se trouvant dans ce nouvel état, pensa et raisonna d'une façon si sublime, et ordonna les opérations de sa vie avec une telle sagesse que ce fut une émulation admirable pour la nature angélique et un magistère qui n'avait jamais été vu pour la nature humaine. Peu de personnes la connaissaient, il y en avait encore moins que communiquaient avec Elle, mais celles-ci plus fortunées recevaient des influences si divines de ce Ciel de Marie, qu'avec une jubilation admirable et des concepts extraordinaires, elles eussent voulu parler et publier la lumière qui embrasait leurs coeurs, connaissant qu'elle dérivait de la présence de la Très Pure Marie [a]. La prudente Reine n'ignorait point ces effets de la main du Très-Haut, mais il n'était pas encore temps de les confier au monde, et sa très profonde humilité n'y consentait point. Elle demandait continuellement au Seigneur de la cacher, de permettre qu'Elle fut ignorée et méprisée de tous les
mortels, de faire en sorte que toutes les faveurs de Sa Droite tournassent à Sa seule louange; pourvu que Sa Bonté infinie ne fût point offensée.
3, 1, 2. Le Seigneur recevait en grande partie ces demandes de Son Épouse, et Sa Providence disposait que la Lumière divine rendît muets ceux qui par cette même Lumière étaient inclinés àl'exalter: et mus par la vertu divine ils s'en désistaient et ils rentraient dans leur intérieur, louant le Seigneur pour la lumière qu'ils y sentaient; et remplis d'admiration ils suspendaient leur jugement et laissant la créature, ils se tournaient vers le Créateur. Plusieurs sortaient du péché seulement pour l'avoir regardée et d'autres amélioraient leur vie [b et tous se composaient à sa vue, parce qu'ils recevaient de célestes influences dans leurs âmes; mais aussitôt ils oubliaient la même Original d'où ils se copiaient, car s'ils l'eussent eu présent ou s'ils eussent conservé son Image, nul n'aurait souffert d'être éloigné d'Elle et tous l'eussent cherché passionnément, si Dieu ne l'eût empêché avec mystère.
3, 1, 3. Notre Reine, Épouse de saint Joseph, s'occupa à des oeuvres où l'on cueillait de tels fruits et à l'augmentation des mérites et des grâces d'où tout procédait pendant l'intervalle de six mois et dix-sept jours qui se passèrent depuis ses Épousailles jusqu'à l'Incarnation du Verbe. Et je ne puis m'arrêter àrapporter en détail les actes si héroïques qu'Elle fit de toutes les vertus intérieures et extérieures, de charité, d'humilité, de religion, d'aumônes, de bienfaits et d'autres oeuvres de miséricorde; parce que tout cela excède la plume et la capacité. La meilleure manière de le manifester est de dire que le Très-Haut trouva dans la Très Sainte Marie la plénitude de Ses complaisances, le comble de Son désir et la correspondance de pure créature due à son Créateur. Avec cette sainteté et ces mérites Dieu étendit le bras de Sa toute puissance à la plus grande des oeuvres qui fut connue jusqu'alors et qu'on ne verra plus, le Fils Unique du Père prenant chair humaine dans les entrailles virginales de cette divine Souverain.
3, 1, 4. Pour exécuter cette oeuvre avec la convenance digne de Dieu même Il prévint singulièrement la Très Sainte Marie pendant les neuf jours qui précédèrent immédiatement le Mystère et laissant libre cours au fleuve de la Divinité pour inonder de Ses influences cette Cité de Dieu (Ps. 45: 5), Il lui communiqua tant de
dons, de grâces et de faveurs que je me tais dans la connaissance qui m'a été donnée de cette merveille, et ma bassesse s'intimide pour raconter ce que je comprends: parce que la langue, la plume, toutes les puissances des créatures sont des instruments non proportionnés pour révéler des sacrements si sublimes [c]. Et ainsi je veux que l'on entende que tout ce que je pourrai dire ne sera qu'une ombre obscur de la moindre partie de cette merveille et de ce prodige inexplicable [d], que l'on ne doit pas mesurer avec nos termes limités, mais avec le pouvoir divin qui n'a point de bornes.
3, 1, 5. Le premier jour de cette très heureuse neuvaine, il arriva que la divine Princesse Marie, après le petit repos qu'Elle prenait, se leva à minuit à l'imitation de son père David (Ps. 118: 62), car tel était l'ordre et le règlement que lui avait donné le Seigneur [e], et prosternée en la présence du Très-Haut, Elle commença ses saints exercices et son oraison accoutumée. Les Anges qui l'assistaient lui parlèrent et lui dirent: «Épouse de notre Roi et Seigneur, levez-Vous, car Sa Majesté Vous appelle.» Elle se leva de ferventes affections et répondit: «Le Seigneur commande que la poussière se lève de la poussière.» Et se tournant vers la Face du même Seigneur qui l'appelait, Elle continua, disant: «Mon très-haut et puissant Maître, que voulez-Vous faire de moi?» Dans ces paroles son âme très sainte fut élevée en esprit à une autre habitation nouvelle et plus haute, plus immédiate au même Seigneur et plus éloigné de tout le terrestre et le momentané.
3, 1, 6. Elle sentit aussitôt que là on la disposait avec ces illuminations et ces dispositions qu'Elle recevait d'autres fois pour quelque vision plus élevée de la Divinité. Et je ne m'arrête point à les rapporter, parce que je l'ai fait dans la première partie [f]. Avec cela la Divinité lui fut manifestée par vision, non intuitive, mais abstractive; et avec tant d'évidence et de clarté que cette Dame comprit plus de cet Objet incompréhensible par ce moyen que les bienheureux qui le connaissent et le goûtent intuitivement [g]. Cette vision fut plus haute et plus profonde que les autres de ce genre; parce que chaque jour la divine Souveraine en devenait plus capable, et certains bienfaits dont Elle usait parfaitement la disposait pour d'autres et les connaissances et les visions répétées de la Divinité la rendait plus robuste pour opérer avec une plus grande force à l'égard de cet Objet infini.
3, 1, 7. Notre Princesse Marie connut dans cette vision de très sublimes secrets de la Divinité et de Ses perfections, et spécialement de Sa communication "ad extra", pour l'Oeuvre de la création, comment elle procéda de la bonté et de la libéralité de Dieu, et comment Il n'avait pas besoin des créatures pour son Etre divin et Sa gloire infinie, car Il était glorieux sans elles dans Ses interminables éternités, avant la création du monde. Beaucoup de sacrements et de secrets qui ne peuvent ni ne doivent être communiqués à tous furent manifestés à notre Reine; parce que seule Elle fut l'Unique et l'Élue (Cant. 6: 8; 7: 6) pour les délices du suprême Roi et Seigneur des créatures. Mais son Altesse connaissant dans cette vision ce poids et cette inclination de la Divinité pour Se communiquer "ad extra", inclination plus grande que celle qu'ont tous les éléments chacun vers leur centre: et comme Elle était si inviscérée dans la sphère de ce feu du divin Amour, toute consumée de Ses flammes Elle demanda au Père Éternel d'envoyer Son Fils Unique au monde et de donner aux hommes leur remède, et, selon notre manière de concevoir, à Sa propre divinité et à Ses perfections la satisfaction et l'exécution qu'elles demandaient.
3, 1, 8. Ces paroles de Son Épouse étaient très douces pour le Seigneur: c'était la bandelette empourprée (Cant. 4: 3) avec laquelle Elle liait et contraignait son Amour. Et pour venir àl'exécution de Ses désirs, Il voulut préparer de près le Tabernacle ou le Temple où il voulait descendre du sein de Son Père Éternel (1 Par. 29: 1). Il détermina de donner à Sa Bien-Aimée, à l'Élue pour être Sa Mère une connaissance claire de toutes Ses Oeuvres "ad extra", comme Sa Toute-Puissance les avait formées. Et Il lui manifesta en ce jour dans la même vision tout ce qu'Il avait fait le premier jour de la création du monde, qui est rapporté dans la Genèse, et Elle les connut toutes avec plus de clarté et de compréhension que si Elle les eût eues présentes à ses yeux corporels: parce qu'Elle les connut d'abord en Dieu et ensuite en elles-mêmes [h].
3, 1, 9. Elle connut et comprit comment le Seigneur créa le ciel et la terre dans le principe (Gen. 1: 1-5), combien et comment la terre était vide; Elle connut aussi les ténèbres qui étaient sur la face de l'abîme, comment l'Esprit du Seigneur était porté sur les eaux, comment la lumière fut faite au commandement de Dieu, et sa qualité et que divisant les ténèbres, celles-ci s'appelèrent nuit et la lumière, jour: et qu'en cela se passa le premier jour. Elle connut la grandeur de la terre, sa longueur, sa largeur et sa profondeur, ses cavernes, l'Enfer, les Limbes et le Purgatoire avec leurs habitants, les régions, les climats, les méridiens et la division du monde en quatre parties et tous ceux qui les occupent et qui y habitent. Elle connut avec la même clarté les globes inférieurs et le ciel empirée, et quand les Anges furent créés dans le premier jour; et Elle comprit leur nature, leurs qualités, leurs différences, leurs hiérarchies, leurs offices, leurs degrés et leurs vertus. La révolte des mauvais anges et leur chute lui fut manifestée avec les causes et les occasions qu'elle eut; le Seigneur lui cachait toujours ce qui la regardait. Elle comprit les effets et le châtiment du péché dans les démons, les connaissant comme ils sont en eux-mêmes [i], et pour fin de cette faveur du premier jour le Seigneur lui manifesta de nouveau, comment Elle était formée de cette basse matière de la terre et de la nature de tous ceux qui retournent en poussière, mais Il ne lui dit pas qu'Elle serait convertie en poussière, mais Il lui donna une si haute connaissance de l'être terrestre que la grande Reine s'humilia jusqu'au profond du néant; et étant sans faute Elle s'abaissa plus que tous les enfants d'Adam ensemble et pleins de misères.
3, 1, 10. Le Très-Haut ordonnait toute cette vision et Ses effets pour ouvrir dans le coeur de Marie les fondations si profondes que l'édifice qu'Il voulait construire requérait, édifice qui touchait jusqu'à l'union substantielle et hypostatique de la Divinité même [j]. Et comme la dignité de Mère de Dieu était sans terme et de quelque infinité [k], il convenait qu'elle fût fondée en une humilité proportionnée, et qui fût illimitée sans passer les limites de la raison; mais arrivant au suprême de la vertu, Celle qui était bénie entre toutes les femmes s'humilia tellement, que la Très Sainte Trinité demeura comme payée et satisfaite, et, selon notre manière de concevoir, obligée àl'élever au degré et à la dignité la plus éminente entre les créatures, et la plus immédiate à la Divinité; et avec cette complaisance, Sa Majesté lui parla et lui dit:
3, 1, 11. «Mon Épouse et Ma Colombe, mes désirs de racheter l'homme du péché sont grands et Ma piété immense est comme violentée tant qu'Elle ne descend point pour réparer le monde: demande-Moi continuellement pendant ces jours avec une grande affection l'exécution de ces désirs, et prosternée en Ma royale présence que tes prières et tes clameurs ne cessent point pour que le Fils Unique du Père descende effectivement pour S'unir à la nature humaine.» La divine Princesse répondit à ce commandement: «O mon Seigneur et mon Dieu Éternel à qui appartient toute Sagesse et toute Puissance, et personne ne peut résister à Votre Volonté (Esth. 13: 9), qu'est-ce qui retient le cours impétueux de Votre Divinité, pour ne point exécuter l'Oeuvre de Vos complaisances au bénéfice de tout le genre humain? Si c'était le cas, mon Bien-Aimé que je serais l'obstacle de cet empêchement pour un bienfait si immense, que je meure plutôt que de résister à Votre goût; cette faveur ne peut arriver pour les mérites d'aucune créature: donc veuillez ne pas attendre, ô mon Maître et mon Seigneur, que nous venions à nous en rendre plus indignes. Les péchés des hommes se multiplient et ils croissent en offenses contre Vous; ainsi comment arriverons-nous à mériter le même bien dont nous nous rendons chaque jour plus indignes. La raison et le motif de notre remède sont en Vous-même, mon Seigneur: Votre Bonté infinie, Vos Miséricordes sans nombre Vous obligent, les gémissements des Prophètes et des Pères de Votre peuple Vous sollicitent, les saints Vous désirent, les pécheurs Vous attendent, et tous ensemble crient après Vous, et si moi, vil vermisseau de terre, je ne suis pas déméritante de Vos bontés par mes ingratitudes, je Vous supplie de l'intime de mon âme de hâter le pas et d'avancer notre remède pour Votre propre gloire.»
3, 1, 12. La Princesse du Ciel acheva cette oraison, et revint ensuite à son état ordinaire et plus naturel; mais avec le commandement qu'Elle avait du Seigneur, Elle continua tout ce jour-là les prières pour l'Incarnation du Verbe, et avec une très profonde humilité Elle réitéra ses exercices de se prosterner en terre et de prier en forme de croix; parce que l'Esprit-Saint qui la gouvernait lui avait enseigné cette posture dont la Bienheureuse Trinité devait tant se complaire comme si Elle eût regardé de Son trône royal la Personne de Jésus-Christ crucifiée dans le corps de la future Mère du Verbe; ainsi Elle recevait ce sacrifice du matin de la Très Pure Vierge en laquelle il préparait Celui de Son Très Saint Fils.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
3, 1, 13. Ma fille, les mortels ne sont pas capables de comprendre les Oeuvres indicibles que le bras de la Toute-Puissance opéra en moi en me disposant pour l'Incarnation du Verbe Éternel; spécialement les neuf jours qui précédèrent un si haut Sacrement, mon esprit fut élevé et uni avec l'Etre Immuable de la Divinité, et il demeura absorbé dans cette Mer de perfections infinies, participant de chacune d'elles des effets éminents et divins qui ne peuvent venir dans un coeur humain. La science des créatures qu'Il me communiqua pénétrait jusqu'à l'intime de toutes ces mêmes créatures avec une plus grande clarté et de plus grands privilèges que celle de tous les esprits angéliques, quoiqu'ils soient si admirables dans cette connaissance après avoir vu Dieu: et les espèces de tout ce que je compris me demeurèrent imprimées, pour en user ensuite à ma volonté.
3, 1, 14. Ce que je veux de toi maintenant doit être qu'étant attentive à ce que je fis avec cette science, tu m'imites selon tes forces par la Lumière infuse que tu as reçue pour cela: profite de la science des créatures, t'en formant une échelle qui t'achemine à ton Créateur; de sorte qu'en toutes ces créatures tu cherches le principe d'où elles s'originent et la fin à laquelle elles sont ordonnées: sers toi de toutes ces choses comme de miroirs où se réfléchit Sa Divinité, de souvenirs de Sa Tout-Puissance et de stimulants à l'amour qu'Il veut de toi. Admire et loue la grandeur et la magnificence du Créateur et humilie-toi en Sa Présence jusqu'à l'infime de la poussière et ne trouve rien de difficile à faire et à souffrir pour arriver à être douce et humble de coeur. Considère, ma très chère, comment cette vertu fut le fondement très ferme de toutes les merveilles que le Tout-Puissant opéra envers moi; et afin que tu apprécies cette vertu, réfléchis qu'elle est très précieuse entre toutes; mais elle est aussi très délicate et il est très dangereux de la perdre; et si tu la perds en quelque chose, si tu n'es pas humble en tout sans distinction tu ne le sera véritablement en rien. Reconnais l'être terrestre et corruptible que tu as et n'ignore point que le Très-Haut forma l'homme avec une grande Providence, de manière que son être propre et sa formation lui intimât, lui enseignât et lui répétât l'importante leçon de l'humilité et que ce magistère ne lui manquât jamais; pour cela il ne le forma point d'une matière plus noble, et il lui laissa le poids du sanctuaire (Ex. 30.24) dans son intérieur, afin qu'il posât dans
une balance l'Etre infini du Dieu et Seigneur Éternel; et dans l'autre celui de sa matière très vile; et qu'avec cela il rendît à Dieu ce qui est àDieu (Math 22: 21) et qu'il se donnât à lui-même ce qui lui appartient.
3, 1, 15. Je fis ce jugement avec perfection pour l'exemple et l'instruction des mortels, et je veux que tu le fasses à mon imitation, et que ton soin et ton étude soient d'être humble: ainsi tu donneras de la complaisance au Très-Haut et à moi qui veux ta véritable perfection et qu'elle soit basée sur les fondations très profondes de ta propre connaissance; et plus elles seront profondes plus l'édifice de la vertu s'élèvera haut et sublime et plus ta volonté trouvera une place intime dans Celle du Seigneur car Il regard de la hauteur de Son trône les humbles de la terre (Ps. 112: 6).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 1, [a]. Saint Thomas de Villeneuve écrit de Marie: «Comme Elle était très belle et sa face gracieuse Elle donnait de l'honnêteté et de la sainteté à ceux qui la regardaient.» [Conc. 2, de Ann.]. Et saint Ambroise: La grâce de Marie fut telle qu'Elle «conférait l'innocence à ceux qui la regardaient.» [De Inst. Virg., c. VII].
3, 1, [b. Saint Thomas d'Aquin écrit d'Elle: «Quoiqu'Elle fut belle de corps, Elle n'excita jamais de désir de concupiscence à personne.» [Sent. d. 3, q. 1, a 2]. Et Alexandre d'Halès ajoute: «et c'était parce que la vertu de sa chasteté et de sa sainteté éteignait tout mouvement charnel dans ceux qui la regardaient.» [Par. 3, Summ. théol. quaes. 9, memb. 3, a 1].
3, 1, [c]. «Et il n'y a rien d'étonnant puisque ces "sacrements" si sublimes étaient comme des fondements et comme un certain sanctuaire de la Cité du
Souverain Bien et de Son habitacle qui était posé en Elle --- ainsi était préparée la Maison corporelle de la Lumière Éternelle, où devait habiter corporellement l'Esprit incorporel et incirconscrit qui crée et vivifie toutes choses.» [Saint Anselme, De conc. B. M. c. 1].
3, 1, [d]. «La Vierge Marie est vraiment le grand miracle du monde!» [S. Jean Chrys., Hom. in hipopant Dom.]. «O Marie, miracle des miracles et chef d'oeuvre qui doit être admiré plus que tout ce qu'il y a d'admirable!» [S. Jean Damasc., Or. 1, de Nat. Mar.].
3, 1, [e]. Il est vraisemblable que la Vierge Marie passait la plus grande partie de la nuit dans la contemplation divine. Voir Suarez, [3 p. q. 30, a 4, disp. 9, sect. 5. -- et q. 37; art. 4 disp. 18, sect. 2.]. Voir aussi A. Lapide, [in Cant., c. V, 2.]. La Très Sainte Marie révéla la même chose à sainte Elisabeth vierge: «Je me levais toujours au milieu de la nuit...et je présentais mes prières...[Voir S. Bon. ad vit. Chr. c. 3]; et saint Liguori, [Gloires de Marie.].
3, 1, [f]. Livre 2, Nos. 623-629, 632.
3, 1, [g]. Ce qui doit être entendu au moins quant à la multitude des objets, comme saint Thomas le tient de la science infuse du Christ comparée à la science béatifique des Anges, [3 p. q. 11, a. 4]; et pour la raison que De Lugo tient aussi, «que la Très Sainte Marie encore voyageuse surpassa dans l'amour de Dieu les Anges mêmes et les bienheureux qui voient Dieu.» [disp. 20, de Incarn., sect. 5].
3, 1, [h]. Qu'est-ce autre chose sinon de donner à la Très Sainte Marie la "connaissance matutinale" et la "connaissance vespertinale" qu'Albert-le-grand lui attribue, [super Misus, c. 149], et que saint Augustin reconnaît dans les Anges, [De Gen. ad lit. l. 4, c. 23, 24]; parce qu'il attribue à ceux-ci deux espèces de science infuse, c'est-à-dire la matutinale par laquelle ils voient les choses dans le Verbe de Dieu, et la vespertinale par laquelle ils les voient en elles-mêmes. C'est ce qui arrivait aussi à la Très Sainte Marie, connaissant les créatures d'abord en Dieu, par la science matutinale; et ensuite en elles-mêmes, comme le dit notre Vénérable, par la science vespertinale.
3, 1, [i]. «Marie eut la connaissance de toutes les créatures... Elle vit les anges, les âmes et les démons.» Saint Antonin, [4 p. 15 c. 15, 1].
3, 1, [j]. «Marie éleva le sommet de ses mérites jusqu'au seuil de la Divinité.» Saint Grégoire le Grand, [in l. I Rois, c. 1.].
3, 1, [k]. «Marie est plus haute que tous, Dieu seul excepté.» Saint André de Crète, [Serm. de dormit. Deip.].[/b]
Dernière édition par sga le Sam 29 Oct 2016 - 9:47, édité 1 fois
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 2
Le Seigneur continue au second jour les faveurs et la disposition pour l'Incarnation du Verbe dans la Très Sainte Marie.
3, 2, 16. Dans la première partie de cette Histoire divine j'ai dit comment le corps très pur de la Très Sainte Marie fut conçu et formé en toute perfection dans l'espace de sept jours le Très-Haut opérant ce miracle, afin que cette âme très sainte n'attendît point le temps ordinaire des autres enfants mais qu'Elle fut créée et unie d'avance, comme il arriva en effet, afin que ce principe de la réparation du monde eût une due correspondance à celui de sa création. La consonance de ces oeuvres se répéta une autre fois au temps immédiat à celui où Son Réparateur descendit au monde, afin que Le nouvel Adam, Jésus-Christ, étant formé, Dieu Se reposât, comme Celui qui avait fait le premier usage de toutes les forces de Sa Toute-Puissance dans la plus grande de Ses productions: et dans ce repos fut célébré le sabbat délicat de toutes Ses délices. Et comme pour ces merveilles devait intervenir la Mère du Verbe divin, Lui donnant forme humain visible, il était nécessaire qu'étant entre les deux extrémités de Dieu et des hommes, Elle touchât aux deux, demeurant en dignité inférieure à Dieu seul, et supérieure à tout le reste qui n'est pas Dieu [a], et à cette dignité appartenaient la science et la connaissance proportionnées [b, tant de la Divinité suprême, que de toutes les créatures inférieures.
3, 2, 17. Dans la poursuite de cette intention, le suprême Seigneur continua les faveurs par lesquelles Il disposa la Très Sainte Marie les neuf jours immédiats à l'Incarnation dont je fais mention; et arrivant le second jour à la même heure de minuit, son Altesse fut visitée de la même manière que j'ai dite dans le chapitre précédant, la Puissance divine l'élevant avec ces dispositions, ces qualités ou illuminations qui la préparaient pour les visions de la Divinité. Elle lui fut manifestée ce jour-là abstractivement comme au premier, et Elle vit les oeuvres qui appartenaient au second jour de la création du monde: Elle connut quand et comment Dieu fit la division des eaux (Gen. 1: 6), les unes au-dessus du firmament; et des eaux supérieures, le ciel cristallin que l'on appelle aqueux [c]. Elle pénétra la grandeur, l'ordre, les conditions, les mouvements et toutes les qualités et les conditions des cieux.
3, 2, 18. Cette science n'était point oiseuse ni stérile dans la Très Prudente Vierge; parce qu'Elle se réfléchissait en Elle presque immédiatement de la très claire Lumière de la Divinité, et ainsi Elle l'enflammait et l'embrasait dans l'admiration, la louange et l'amour de la Bonté et de la Puissance divine; et transformée dans le même Dieu Elle faisait des actes héroïques de toutes les vertus, complaisant à Sa Majesté avec plénitude de Son agrément. Et comme le premier jour précédent, Dieu la fit participer de l'attribut de Sa Sagesse, ainsi ce second jour Il lui communiqua dans Sa manière celui de la Toute-Puissance et Il lui donna pouvoir sur les influences des cieux, des planètes et des éléments; et Il leur commanda à tous de lui obéir. Cette grande Reine demeura avec l'empire et le domaine sur la mer, la terre, les éléments et les globes célestes avec toutes les créatures qui y sont contenues.
3, 2, 19. Ce domaine et cette puissance appartenait aussi à la dignité de la Très Sainte Marie pour la raison que j'ai déjà dite et outre cela pour deux autres spécialement: l'une, parce que cette Dame était Reine et privilégiée et exempte de la loi commune du péché originel et de ses effets; et pour cela Elle ne devait pas être comprise dans le sort universel des insensés enfants d'Adam, contre lesquels le Tout-Puissant donna des armes aux créatures, pour venger Ses injures (Sag. 5: 18) et châtier la folie des mortels; parce que s'ils n'avaient pas été désobéissants et s'ils ne s'étaient pas tournés contre le Créateur, Ses créatures et les éléments non plus ne leur seraient pas désobéissants ni nuisibles et ils ne tourneraient pas contre eux la rigueur de leur activité et de leurs inclémences. Et si cette révolte des créatures fut le châtiment du péché, il ne doit pas être entendu à l'égard de la Très Sainte Marie irréprochable et Immaculée: et elle ne devait pas être inférieure dans ce privilège à la nature angélique que cette peine du péché n'atteint pas et la vertu des éléments n'a sur eux aucune juridiction. Quoique la Très Sainte Marie fût de nature corporelle et terrestre; néanmoins ce privilège fut en Elle plus estimable, comme plus rare et plus coûteux de monter à la hauteur de toutes les créatures terrestres et spirituelles, et de se rendre par ses mérites Reine et Souveraine condigne de tout l'univers: et outre qu'il devait être plus concédé à la Reine qu'aux vassaux plus à la Dame et la Maîtresse qu'aux serviteurs.
3, 2, 20. La seconde partie était parce qu'à cette divine Reine son Très Saint Fils devait obéir comme à une Mère; et puis Lui, étant Créateur des éléments et de toutes les choses, il était raisonnable qu'elles obéissent toutes à la Reine, à qui le même Créateur, donnait Son obéissance et qu'Elle leur commandât àtoutes; puisque la personne de Jésus-Christ en tant qu'homme devait être gouvernée par Sa Mère, par une obligation et une loi de la nature. Et ce privilège avait une grande convenance pour rehausser les vertus et les mérites de la Très Sainte Marie parce que ce qui en nous est forcé et contre notre volonté d'ordinaire, était en Elle volontaire et méritoire. La Très Prudente Reine n'usait point de cet empire sur les éléments et les créatures indistinctement et au service de son propre sentiment et de son propre soulagement; Elle commanda au contraire à toutes les créatures d'exercer envers Elle les opérations et les actions qui pouvaient lui être pénibles et nuisibles naturellement; parce qu'en cela Elle devait être semblable à son Très Sainte Fils et souffrir avec Lui. L'amour et l'humilité de cette grande Reine n'eut
pas souffert que les inclémences des créatures s'arrêtassent et se suspendissent, la privant du prix de la souffrance qu'Elle connaissait si inestimable aux yeux du Seigneur.
3, 2, 21. Seulement en certaines occasions qu'Elle connaissait n'être pas pour son service, mais pour celui de son Fils et son Créateur, la douce Mère commandait à la force des éléments et à leurs opérations, comme nous le verrons plus loin [d], dans les voyages en Egypte et en d'autres circonstances; où Elle jugeait très prudemment qu'il convenait ainsi, afin que les créatures reconnussent leur Créateur et Lui rendissent révérence, le couvrant et le servant en quelque nécessité. Qui d'entre les mortels ne sera dans l'admiration par la connaissance d'une merveille si nouvelle? Voir une pure créature terrestre et une Femme avec l'empire et le domaine de toutes les créatures; et que dans son estime et à ses yeux Elle se répute pour la plus indigne et la plus vile de toutes et avec cette considération commander àla colère des vents et à la rigueur de leurs opérations de se tourner contre Elle, et qu'étant obéissants elles l'accomplissaient! mais comme craintives et courtoises envers une telle Dame, elles agissaient plus en témoignage de leur soumission, que pour venger la cause de leur Créateur, comme elles le font envers les autres enfants d'Adam.
3, 2, 22. En présence de cette humilité de notre invincible Reine, nous, les mortels, nous ne pouvons nier notre très vaine arrogance, si je ne l'appelle pas plutôt audace, que lorsque nous méritons que tous les éléments et les forces offensives de tout l'univers se révoltent contre nos insanités; nous nous plaignons même de leur rigueur comme si c'était de leur part un tort de nous nuire. Nous condamnons la rigueur du froid, nous ne voulons point souffrir que la chaleur nous fatigue; nous abhorrons tout ce qui est pénible, et nous mettons toute notre étude à inculper ces ministres de la Justice divine et à chercher pour nos sens le confort des commodités et des plaisirs, comme si nous pouvions nous en prévaloir à jamais, et comme si nous ne devions pas certainement en sortir pour un plus dur châtiment de nos péchés.
3, 2, 23. Revenons à ces dons de science et de puissance qui furent accordés à la Princesse du Ciel, et aux autres dons qui la disposaient pour être la digne Mère
[e] du Fils Unique du Père, on comprendra leur excellence, considérant en eux une sorte d'infinité ou de compréhension participée de Dieu même, et semblable à celle qu'eut ensuite l'âme Très Sainte de Jésus-Christ; parce que non seulement elle connut toutes les créatures en Dieu même; mais Elle les comprit de sorte qu'Elle les renfermait dans sa capacité et Elle eut pu s'étendre à en connaître beaucoup d'autres s'il y en avait eu à connaître. Et j'appelle cela une infinité, parce qu'il me semble qu'Elle est de la nature de la Science infinie, et parce qu'Elle considérait et Elle connaissait tout à la fois, le nombre des cieux, leur largeur, leur profondeur, leur ordre, leurs mouvements, leurs qualités, leur matière et leur forme; les éléments avec toutes leurs conditions et leurs accidents, Elle connaissait tout cela ensemble; et la Vierge Très Sage n'ignorait que la fin prochaine de toutes ces faveurs, jusqu'à ce qu'arrivât l'heure de son consentement et de l'ineffable Miséricorde du Très-Haut; mais Elle continuait pendant ces jours ses ferventes prières pour la venue du Messie, parce que le même Seigneur le lui commandait et lui donnait à connaître que cette venue ne tarderait pas, car le temps destiné s'approchait.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
3, 2, 24. Ma fille, par ce que tu découvres de mes faveurs et de mes bienfaits, pour me mettre dans la dignité de Mère du Très-Haut, Je veux que tu connaisses l'ordre admirable de Sa sagesse dans la création de l'homme. Considère donc comment Son Créateur le fit de rien, non pour qu'il fût serviteur mais pour être roi et le seigneur de toutes les choses et pour qu'il s'en servît avec empire, mandat et souveraineté, mais cependant en se reconnaissant l'ouvrage et l'image de leur propre Auteur, Lui-même étant plus soumis et plus attentif à Sa volonté que les créatures ne le sont à celle de l'homme; car l'ordre de la raison le demande ainsi. Et enfin que ne manquât point à l'homme la notion et la connaissance du Créateur et des moyens pour connaître et exécuter Sa volonté, Il lui donna outre la lumière naturelle, une autre plus grande, plus courte, plus facile, plus certaine, plus gratuite et plus générale pour tous, qui fut la lumière de la Foi divine, par laquelle il connut l'Etre immuable de Dieu et Ses perfections ainsi que Ses oeuvres. Avec
cette science et cette suprématie, l'homme demeura bien ordonné, honoré et enrichi, et sans excuse s'il ne se dédiait tout entier à la Volonté divine.
3, 2, 25. Mais la folie des mortels trouble tout cet ordre et détruit cette harmonie, quand celui qui fut crée pour être seigneur et roi des créatures s'en rend le vil esclave et s'assujettit à leur servitude, déshonorant sa dignité et usant des choses visibles, non comme seigneur prudent, mais comme inférieur indigne, et ne se reconnaissant pas supérieur lorsqu'il se constitue et se rend très inférieur à la plus infime des créatures. Toute cette perversité naît de ce qu'il use des choses visibles, non pour le service du Créateur en les ordonnant à Lui par la foi mais en abusant de tout, s'en servant seulement pour satisfaire ses passions et ses sens par ce que les créatures ont de délectable, et c'est pour cela qu'il abhorre tant celles qui sont dépourvues de ces jouissances.
3, 2, 26. Toi, ma très chère, regarde par la foi ton Créateur et ton Seigneur et tâche de copier en ton âme l'image de Ses divines perfections: ne perds point l'empire et le domaine des créatures, afin qu'aucune ne soit supérieure à ta liberté, au contraire, je veux que tu triomphes de toutes et qu'aucune ne s'interpose entre ton âme et Dieu. Tu n'as qu'à t'assujettir avec joie, non au délectable des créatures, parce qu'elles obscurciraient ton entendement et elles affaibliraient ta volonté, mais à leurs inclémences et à leurs opérations molestantes et pénibles, souffrant ces choses avec une volonté joyeuse, puisque je l'ai fait pour imiter mon très saint Fils; quoique j'eusse la puissance pour choisir le repos et que je n'eusse point de péchés à expier.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 2, [a]. «Marie est supérieure à tous, Dieu seul excepté.» Saint Epiphane, [Orat. de Laud. Deip.].
3, 2, [b. «Selon l'ordre parfait la plus grande science devait suivre la plus grande puissance.» Albert-le-Grand, [in Marial. c. 149].
3, 2, [c]. A l'appui de tout ce qu'écrit ici notre Vénérable sur le firmament et sur les eaux supérieures en conformité avec la Sainte Écriture, on peut voir ce qu'en dit le fameux François Marie Moigno dans son ouvrage intitulé: [La Vérité absolue des Livres Saints].
3, 2, [d]. Livre 4, Nos. 543, 590, 633.
3, 2, [e]. Digne Mère. Saint Augustin et l'Église aussi, se servant de ses paroles dans l'Action de Grâces après la sainte Messe, disent à la Très Sainte Vierge: «O sacratissima, o serenissima, et inclyta gloriosa virgo Maria...» qui avec été "digne" de porter dans vos entrailles très saintes le Créateur de toutes les créatures, etc.
Le Seigneur continue au second jour les faveurs et la disposition pour l'Incarnation du Verbe dans la Très Sainte Marie.
3, 2, 16. Dans la première partie de cette Histoire divine j'ai dit comment le corps très pur de la Très Sainte Marie fut conçu et formé en toute perfection dans l'espace de sept jours le Très-Haut opérant ce miracle, afin que cette âme très sainte n'attendît point le temps ordinaire des autres enfants mais qu'Elle fut créée et unie d'avance, comme il arriva en effet, afin que ce principe de la réparation du monde eût une due correspondance à celui de sa création. La consonance de ces oeuvres se répéta une autre fois au temps immédiat à celui où Son Réparateur descendit au monde, afin que Le nouvel Adam, Jésus-Christ, étant formé, Dieu Se reposât, comme Celui qui avait fait le premier usage de toutes les forces de Sa Toute-Puissance dans la plus grande de Ses productions: et dans ce repos fut célébré le sabbat délicat de toutes Ses délices. Et comme pour ces merveilles devait intervenir la Mère du Verbe divin, Lui donnant forme humain visible, il était nécessaire qu'étant entre les deux extrémités de Dieu et des hommes, Elle touchât aux deux, demeurant en dignité inférieure à Dieu seul, et supérieure à tout le reste qui n'est pas Dieu [a], et à cette dignité appartenaient la science et la connaissance proportionnées [b, tant de la Divinité suprême, que de toutes les créatures inférieures.
3, 2, 17. Dans la poursuite de cette intention, le suprême Seigneur continua les faveurs par lesquelles Il disposa la Très Sainte Marie les neuf jours immédiats à l'Incarnation dont je fais mention; et arrivant le second jour à la même heure de minuit, son Altesse fut visitée de la même manière que j'ai dite dans le chapitre précédant, la Puissance divine l'élevant avec ces dispositions, ces qualités ou illuminations qui la préparaient pour les visions de la Divinité. Elle lui fut manifestée ce jour-là abstractivement comme au premier, et Elle vit les oeuvres qui appartenaient au second jour de la création du monde: Elle connut quand et comment Dieu fit la division des eaux (Gen. 1: 6), les unes au-dessus du firmament; et des eaux supérieures, le ciel cristallin que l'on appelle aqueux [c]. Elle pénétra la grandeur, l'ordre, les conditions, les mouvements et toutes les qualités et les conditions des cieux.
3, 2, 18. Cette science n'était point oiseuse ni stérile dans la Très Prudente Vierge; parce qu'Elle se réfléchissait en Elle presque immédiatement de la très claire Lumière de la Divinité, et ainsi Elle l'enflammait et l'embrasait dans l'admiration, la louange et l'amour de la Bonté et de la Puissance divine; et transformée dans le même Dieu Elle faisait des actes héroïques de toutes les vertus, complaisant à Sa Majesté avec plénitude de Son agrément. Et comme le premier jour précédent, Dieu la fit participer de l'attribut de Sa Sagesse, ainsi ce second jour Il lui communiqua dans Sa manière celui de la Toute-Puissance et Il lui donna pouvoir sur les influences des cieux, des planètes et des éléments; et Il leur commanda à tous de lui obéir. Cette grande Reine demeura avec l'empire et le domaine sur la mer, la terre, les éléments et les globes célestes avec toutes les créatures qui y sont contenues.
3, 2, 19. Ce domaine et cette puissance appartenait aussi à la dignité de la Très Sainte Marie pour la raison que j'ai déjà dite et outre cela pour deux autres spécialement: l'une, parce que cette Dame était Reine et privilégiée et exempte de la loi commune du péché originel et de ses effets; et pour cela Elle ne devait pas être comprise dans le sort universel des insensés enfants d'Adam, contre lesquels le Tout-Puissant donna des armes aux créatures, pour venger Ses injures (Sag. 5: 18) et châtier la folie des mortels; parce que s'ils n'avaient pas été désobéissants et s'ils ne s'étaient pas tournés contre le Créateur, Ses créatures et les éléments non plus ne leur seraient pas désobéissants ni nuisibles et ils ne tourneraient pas contre eux la rigueur de leur activité et de leurs inclémences. Et si cette révolte des créatures fut le châtiment du péché, il ne doit pas être entendu à l'égard de la Très Sainte Marie irréprochable et Immaculée: et elle ne devait pas être inférieure dans ce privilège à la nature angélique que cette peine du péché n'atteint pas et la vertu des éléments n'a sur eux aucune juridiction. Quoique la Très Sainte Marie fût de nature corporelle et terrestre; néanmoins ce privilège fut en Elle plus estimable, comme plus rare et plus coûteux de monter à la hauteur de toutes les créatures terrestres et spirituelles, et de se rendre par ses mérites Reine et Souveraine condigne de tout l'univers: et outre qu'il devait être plus concédé à la Reine qu'aux vassaux plus à la Dame et la Maîtresse qu'aux serviteurs.
3, 2, 20. La seconde partie était parce qu'à cette divine Reine son Très Saint Fils devait obéir comme à une Mère; et puis Lui, étant Créateur des éléments et de toutes les choses, il était raisonnable qu'elles obéissent toutes à la Reine, à qui le même Créateur, donnait Son obéissance et qu'Elle leur commandât àtoutes; puisque la personne de Jésus-Christ en tant qu'homme devait être gouvernée par Sa Mère, par une obligation et une loi de la nature. Et ce privilège avait une grande convenance pour rehausser les vertus et les mérites de la Très Sainte Marie parce que ce qui en nous est forcé et contre notre volonté d'ordinaire, était en Elle volontaire et méritoire. La Très Prudente Reine n'usait point de cet empire sur les éléments et les créatures indistinctement et au service de son propre sentiment et de son propre soulagement; Elle commanda au contraire à toutes les créatures d'exercer envers Elle les opérations et les actions qui pouvaient lui être pénibles et nuisibles naturellement; parce qu'en cela Elle devait être semblable à son Très Sainte Fils et souffrir avec Lui. L'amour et l'humilité de cette grande Reine n'eut
pas souffert que les inclémences des créatures s'arrêtassent et se suspendissent, la privant du prix de la souffrance qu'Elle connaissait si inestimable aux yeux du Seigneur.
3, 2, 21. Seulement en certaines occasions qu'Elle connaissait n'être pas pour son service, mais pour celui de son Fils et son Créateur, la douce Mère commandait à la force des éléments et à leurs opérations, comme nous le verrons plus loin [d], dans les voyages en Egypte et en d'autres circonstances; où Elle jugeait très prudemment qu'il convenait ainsi, afin que les créatures reconnussent leur Créateur et Lui rendissent révérence, le couvrant et le servant en quelque nécessité. Qui d'entre les mortels ne sera dans l'admiration par la connaissance d'une merveille si nouvelle? Voir une pure créature terrestre et une Femme avec l'empire et le domaine de toutes les créatures; et que dans son estime et à ses yeux Elle se répute pour la plus indigne et la plus vile de toutes et avec cette considération commander àla colère des vents et à la rigueur de leurs opérations de se tourner contre Elle, et qu'étant obéissants elles l'accomplissaient! mais comme craintives et courtoises envers une telle Dame, elles agissaient plus en témoignage de leur soumission, que pour venger la cause de leur Créateur, comme elles le font envers les autres enfants d'Adam.
3, 2, 22. En présence de cette humilité de notre invincible Reine, nous, les mortels, nous ne pouvons nier notre très vaine arrogance, si je ne l'appelle pas plutôt audace, que lorsque nous méritons que tous les éléments et les forces offensives de tout l'univers se révoltent contre nos insanités; nous nous plaignons même de leur rigueur comme si c'était de leur part un tort de nous nuire. Nous condamnons la rigueur du froid, nous ne voulons point souffrir que la chaleur nous fatigue; nous abhorrons tout ce qui est pénible, et nous mettons toute notre étude à inculper ces ministres de la Justice divine et à chercher pour nos sens le confort des commodités et des plaisirs, comme si nous pouvions nous en prévaloir à jamais, et comme si nous ne devions pas certainement en sortir pour un plus dur châtiment de nos péchés.
3, 2, 23. Revenons à ces dons de science et de puissance qui furent accordés à la Princesse du Ciel, et aux autres dons qui la disposaient pour être la digne Mère
[e] du Fils Unique du Père, on comprendra leur excellence, considérant en eux une sorte d'infinité ou de compréhension participée de Dieu même, et semblable à celle qu'eut ensuite l'âme Très Sainte de Jésus-Christ; parce que non seulement elle connut toutes les créatures en Dieu même; mais Elle les comprit de sorte qu'Elle les renfermait dans sa capacité et Elle eut pu s'étendre à en connaître beaucoup d'autres s'il y en avait eu à connaître. Et j'appelle cela une infinité, parce qu'il me semble qu'Elle est de la nature de la Science infinie, et parce qu'Elle considérait et Elle connaissait tout à la fois, le nombre des cieux, leur largeur, leur profondeur, leur ordre, leurs mouvements, leurs qualités, leur matière et leur forme; les éléments avec toutes leurs conditions et leurs accidents, Elle connaissait tout cela ensemble; et la Vierge Très Sage n'ignorait que la fin prochaine de toutes ces faveurs, jusqu'à ce qu'arrivât l'heure de son consentement et de l'ineffable Miséricorde du Très-Haut; mais Elle continuait pendant ces jours ses ferventes prières pour la venue du Messie, parce que le même Seigneur le lui commandait et lui donnait à connaître que cette venue ne tarderait pas, car le temps destiné s'approchait.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
3, 2, 24. Ma fille, par ce que tu découvres de mes faveurs et de mes bienfaits, pour me mettre dans la dignité de Mère du Très-Haut, Je veux que tu connaisses l'ordre admirable de Sa sagesse dans la création de l'homme. Considère donc comment Son Créateur le fit de rien, non pour qu'il fût serviteur mais pour être roi et le seigneur de toutes les choses et pour qu'il s'en servît avec empire, mandat et souveraineté, mais cependant en se reconnaissant l'ouvrage et l'image de leur propre Auteur, Lui-même étant plus soumis et plus attentif à Sa volonté que les créatures ne le sont à celle de l'homme; car l'ordre de la raison le demande ainsi. Et enfin que ne manquât point à l'homme la notion et la connaissance du Créateur et des moyens pour connaître et exécuter Sa volonté, Il lui donna outre la lumière naturelle, une autre plus grande, plus courte, plus facile, plus certaine, plus gratuite et plus générale pour tous, qui fut la lumière de la Foi divine, par laquelle il connut l'Etre immuable de Dieu et Ses perfections ainsi que Ses oeuvres. Avec
cette science et cette suprématie, l'homme demeura bien ordonné, honoré et enrichi, et sans excuse s'il ne se dédiait tout entier à la Volonté divine.
3, 2, 25. Mais la folie des mortels trouble tout cet ordre et détruit cette harmonie, quand celui qui fut crée pour être seigneur et roi des créatures s'en rend le vil esclave et s'assujettit à leur servitude, déshonorant sa dignité et usant des choses visibles, non comme seigneur prudent, mais comme inférieur indigne, et ne se reconnaissant pas supérieur lorsqu'il se constitue et se rend très inférieur à la plus infime des créatures. Toute cette perversité naît de ce qu'il use des choses visibles, non pour le service du Créateur en les ordonnant à Lui par la foi mais en abusant de tout, s'en servant seulement pour satisfaire ses passions et ses sens par ce que les créatures ont de délectable, et c'est pour cela qu'il abhorre tant celles qui sont dépourvues de ces jouissances.
3, 2, 26. Toi, ma très chère, regarde par la foi ton Créateur et ton Seigneur et tâche de copier en ton âme l'image de Ses divines perfections: ne perds point l'empire et le domaine des créatures, afin qu'aucune ne soit supérieure à ta liberté, au contraire, je veux que tu triomphes de toutes et qu'aucune ne s'interpose entre ton âme et Dieu. Tu n'as qu'à t'assujettir avec joie, non au délectable des créatures, parce qu'elles obscurciraient ton entendement et elles affaibliraient ta volonté, mais à leurs inclémences et à leurs opérations molestantes et pénibles, souffrant ces choses avec une volonté joyeuse, puisque je l'ai fait pour imiter mon très saint Fils; quoique j'eusse la puissance pour choisir le repos et que je n'eusse point de péchés à expier.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 2, [a]. «Marie est supérieure à tous, Dieu seul excepté.» Saint Epiphane, [Orat. de Laud. Deip.].
3, 2, [b. «Selon l'ordre parfait la plus grande science devait suivre la plus grande puissance.» Albert-le-Grand, [in Marial. c. 149].
3, 2, [c]. A l'appui de tout ce qu'écrit ici notre Vénérable sur le firmament et sur les eaux supérieures en conformité avec la Sainte Écriture, on peut voir ce qu'en dit le fameux François Marie Moigno dans son ouvrage intitulé: [La Vérité absolue des Livres Saints].
3, 2, [d]. Livre 4, Nos. 543, 590, 633.
3, 2, [e]. Digne Mère. Saint Augustin et l'Église aussi, se servant de ses paroles dans l'Action de Grâces après la sainte Messe, disent à la Très Sainte Vierge: «O sacratissima, o serenissima, et inclyta gloriosa virgo Maria...» qui avec été "digne" de porter dans vos entrailles très saintes le Créateur de toutes les créatures, etc.
Dernière édition par sga le Sam 29 Oct 2016 - 9:46, édité 1 fois
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 3
Où l'on continue ce que le Très-Haut accorda à la Très Sainte Marie au troisième jour de la neuvaine avant l'Incarnation.
3, 3, 27. La droite du Dieu Tout-Puissant qui rendit l'accès à Sa Divinité libre à la Très Sainte Marie, continuait à enrichir et à orner aux dépens de Ses attributs infinis cet Esprit très pur et ce Corps virginal qu'Il avait choisis pour Son Tabernacle, Son Temple et la Sainte Cité de Son habitation; et l'Auguste Souveraine avançait dans cet océan de la Divinité et Elle s'éloignait chaque jour davantage de l'être terrestre et se transformait en un autre céleste, découvrant des sacrements nouveaux que le Très-Haut lui manifestait: parce que, comme il est un objet infini et volontaire, quoique l'appétit se rassasie avec ce qu'il reçoit, il reste toujours plus à désirer et à comprendre. Aucune pure créature n'est arrivée ni n'arrivera où la Très Sainte Marie pénétra dans la connaissance de Dieu et des créatures. Et dans ces bienfaits, ces grandes profondeurs, ces sacrements et ces secrets, toutes les hiérarchies des Anges, ni tous les hommes ensemble, n'arriveraient au moindre degré de ce que cette Princesse du Ciel reçut pour être Mère du Créateur.
3, 3, 28. Le troisième des neuf jours que je déclare, les mêmes préparations que j'ai dites dans le premier chapitre ayant précédé, la Divinité lui fut manifesté dans une vision abstractive comme aux deux autres jours. Mais notre capacité est lente et insuffisante pour comprendre les augmentations que recevaient ces dons et ces grâces que le Très-Haut accumulait en la divine Marie: et les termes nouveaux me manquent à moi pour expliquer quelque chose de ce qui m'a été manifesté. Je m'expliquerai en disant que la Sagesse et la Puissance divine proportionnaient Celle qui devait être Mère du Verbe, afin qu'en autant qu'il était possible, une pure Créature arrivât à avoir la similitude et la proportion convenable avec les Personnes divines. Et celui qui comprendra le mieux la distance de ces deux extrêmes: Dieu infini, et, créature humaine limitée, pourra atteindre davantage aux moyens nécessaires pour les joindre et les proportionner.
3, 3, 29. L'Auguste Souveraine allait en copiant de ces originaux de la Divinité de nouveaux portraits de Ses attributs infinis et de Ses vertus; sa beauté allait aussi en croissant par les retouches, les teintes et les jeux de lumière que lui donnait le pinceau de la divine Sagesse. Et en ce troisième jour les oeuvres de la création du troisième jour de monde lui furent manifestées comme elles arrivèrent alors. Elle connut quand et comment les eaux qui étaient sous le ciel se réunirent au commandement divin en un seul lieu (Gen. 1: 9), dépouillant l'aride que le Seigneur appela terre, et la réunion des eaux Il les appela mers. Elle connut comment la terre germa l'herbe fraîche ayant sa semence, et toutes sortes de plantes et d'arbres fruitiers avec leurs semences aussi, chacun dans sa propre espèce. Elle connut et pénétra la grandeur de la mer, sa profondeur et see divisions, la correspondance des fleuves et des fontaines qui s'originent d'elle et qui y reviennent, les espèces de plantes et d'herbes, de fleurs, d'arbres, de racines, de fruits et de semences, et que toutes et chacun de ces choses servissent pour quelque effet au service de l'homme. Notre Reine entendit et pénétra tout cela, plus clairement, plus distinctement et plus largement qu'Adam même et Salomon; et tous les médecins du monde en sa comparaison sont ignorants, après leurs longues études et leurs expériences. La Très Sainte Marie apprit tout l'imprévu comme dit la Sagesse chapitre sept (Sag. 7: 21); et comme Elle l'apprit sans fiction, Elle la communiqua aussi sans envie: et tout ce que Salomon dit là se vérifia en Elle avec une éminence incomparable.
3, 3, 30. Notre Reine usa de cette science en certaines occasions pour exercer la charité envers les pauvres et les nécessiteux, comme on le dira dans le reste de cete Histoire [a] puis Elle l'avait en sa liberta. et il lui était aussi facile d'en user qu'il l'est pour un musicien de toucher un instrument de son art en quoi il serait très savant: et il en aurait été de même de toutes les autres sciences si Elle avait voulu, ou si leur exercice avait été nécessaire pour le service du Très-Haut, car Elle pouvait user de toutes ces sciences comme Maîtresse en qui elles étaient réunies mieux qu'en aucun des mortels qui a eu quelque art ou quelque science spéciale. Elle avait aussi une supériorité sur les vertus, les qualités et les opérations des pierres, des herbes et des plantes et ce que Notre Seigneur Jésus-Christ promit à ses Apôtres et aux premiers fidèles, que les poisons (Marc 16: 18) ne leur feraient aucun mal lors même qu'ils en boiraient. La Reine avait ce
privilège avec empire et ni le poison ni aucune autre chose ne peuvent lui faire de mal ni l'offenser sans sa volonté.
3, 3, 31. La très prudente Princesse garda toujours très secrets ces privilèges et ces faveurs, et Elle n'en usait point pour Elle-même, comme je l'ai déjà dit, afin de ne point se priver de la souffrance que son Très Saint Fils choisit, et avant de Le concevoir et d'être Mère, Elle était gouvernée en cela par la Lumière divine et la connaissance qu'Elle avait de la passibilité que le Verbe fait chair devait recevoir. Et après qu'Elle fut Sa Mère, Elle vit et expérimenta cette vérité dans son propre Fils et son Seigneur, alors Elle donna plus de liberté aux créatures ou pour mieux dire Elle leur commandait le l'affliger par leurs forces et leurs opérations, comme elles le faisaient envers leur propre Créateur. Et parce que le Très-Haut ne voulait pas toujours que Son Épouse unique et choisie fût molestée des créatures, souvent Il les retenait et les empêchait afin que sans ces passions, il y eût quelque temps où la divine Princesse jouît des délices du Souverain Roi.
3, 3, 32. La Très Sainte Marie reçut un autre privilège singulier en faveur des mortels dans la vision de la Divinité qu'Elle eut le troisième jour; parce que Dieu lui manifesta d'une manière spéciale l'inclination de l'Amour divin vers le remède des hommes, tendant à les relever tous de leurs misères. Et dans la connaissance de cette Miséricorde Infinie et de ce qu'Il devait opérer bénignement avec Elle, le Très-Haut donna à la Très Sainte Marie un certain genre de participation plus haute des Ses propres attributs, afin qu'ensuite elle intercédât pour eux comme Mère et Avocate des pécheurs. Cette influence en laquelle la Très Sainte Marie participa de l'Amour de Dieu pour les hommes et de Son inclination à leur porter remède fut si divine et si puissante, que si depuis lors la vertu du Seigneur ne l'eût assitée pour la corroborer Elle n'eut pu souffrir l'affection impétueuse qu'Elle avait de sauver tous les pécheurs [b et de leur porter secours. Avec cet amour et cette charité, Elle se serait livrée aux flammes, au couteau, aux tourments les plus vifs et à la mort un nombre infini de fois s'il eut été nécessaire ou convenable; et Elle eût souffert et Elle n'eût pas refusé tous les martyrs, toutes les angoisses, les tribulations, les douleurs et les infirmités, au contraire Elle eût enduré tout cela avec une grande joie pour le salut des mortels. Et tout ce qu'ils ont souffert depuis le commencement du monde jusqu'à présent et ce qu'ils souffriront jusqu'à la fin,
tout cela aurait été peu pour l'amour de cette Mère Très Miséricordieuse [c]. Que les mortels et les pécheurs voient donc ce qu'ils doivent à la Très Sainte Marie.
3, 3, 33. Nous pouvons dire que depuis ce jour cette Souveraine demeura instituée Mère de Pitié et de Miséricorde et de grande miséricorde, pour deux raisons: parce que dès lors Elle voulut avec une affection et un désir spécial communiquer sans envie les Trésors de la grâce qu'Elle avait connus et reçus; et ainsi il lui résulta de ce bienfait une douceur si admirable et un coeur si bénin qu'Elle eût voulu donner cette douceur et cette bonté à tous et les déposer en chacun, afin que tous fussent participants de l'Amour divin dont elle brûlait. La second raison est que cet amour pour le salut des hommes que la Très Pure Marie conçut, fut une des plus grandes dispositons qui la proportionnèrent pour concevoir le Verbe Éternel dans ses entrailles virginales, et il convenait qu'Elle fût toute miséricorde, bénignité, piété et clémence, Celle qui seule devait engendrer et enfanter le Verbe incarné qui par Sa miséricorde, Sa clémence et Son amour voulut S'humilier jusqu'à notre nature et naître dans cette nature passible pour les hommes. On dit que l'enfant tient de sa mère, parce qu'il apporte ses qualités, comme l'eau apporte les qualités des minéraux par où elle a passé: et quoique ce Fils vînt au monde avec les avantages de la Divinité, Il avait néanmoins aussi les qualités de Sa Mère dans le degré possible; et Elle n'eut pas été proportionnée pour concourir avec l'Esprit-Saint à cette Conception, la seule où l'homme manque, si Elle n'eût pas eu de correspondance avec le Fils dans les qualités de l'humanité
3, 3, 34. La Très Sainte Marie sortit de cette vision et Elle passa tout le reste du jour dans les oraisons et les demandes que le Seigneur lui ordonnait, sa ferveur allant en croissant et le coeur de Son Époux demeurant plus blessé; de sorte qu'à notre manière de concevoir, il Lui tardait qu'arrivât le jour et l'heure où Il Se verrait dans les bras et le sein de Sa Bien-Aimée.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 3, 35. Ma très chère fille, grandes furent les faveurs que le bras du Très-Haut opéra à mon égard dans les visions de Sa Divinité qu'Il me communiqua en ces jours, avant que je Le conçusse dans mes entrailles. Et quoiqu'il ne m'était pas manifesté clairement sans voile, ce fut néanmoins d'une manière très sublime et avec des effets réservés à Sa Sagesse. Et lorsque j'en renouvelais la connaissance par les espèces qui m'étaient restées de ce que j'avais vu, je m'élevais en esprit et je connaissais ce qu'est Dieu pour les hommes et ce qu'ils sont pour Sa Majesté: ici mon coeur s'enflammait dans l'amour et se brisait dans la douleur; parce que je connaissais en même temps le poids de l'Amour immense envers les mortels et l'oubli très ingrat d'une Bonté si incompréhensible. Je serai morte plusieurs fois dans cette considération si Dieu même ne m'eut conservée et confortée. Et ce sacrifice de Sa servante fut très agréable à Sa Majesté, et Il l'accepta avec plus de complaisance que tous les holocaustes de l'ancienne Loi. Et lorsque je m'exerçais dans ces actes, il faisait de grandes miséricordes pour moi et pour mon peuple.
3, 3, 36. Je te manifeste ces sacrements, ma très chère, afin que tu t'élèves à m'imiter, selon tes faibles forces aidées de la grâce et que tu puisses y atteindre, regardant les oeuvres que tu as connues comme dans un miroir ou un exemplaire. Pèse donc et considère souvent avec la lumière et la raison combien les mortels doivent correspondre à une piété si immense et à cette inclination que Dieu a pour les secourir. Et tu dois contre-poser à cette vérité le coeur endurci et appesanti des mêmes enfants d'Adam. Et je veux que ton coeur se fonde et se convertisse en affections de reconnaissance pour le Seigneur et de compassion de ces infortunes des hommes. Et je t'assure, ma fille, qu'au jour du rendement de compte général, la plus grande indignation du juste Juge sera de ce que les hommes très ingrats ont oublié cette vérité, et elle sera si puissante et elle les reprendra en ce jour avec une telle confusion pour eux, qu'à cause de cela ils se précipiteraient d'eux-mêmes dans l'abîme des peines lors même qu'il n'y aurait pas de ministres de la justice pour l'exécuter.
3, 3, 37. Afin de te détourner d'un péché si laid et de prévenir cet horrible châtiment, renouvelle dans ta mémoire les bienfaits que tu as reçus de cet Amour et de cette Clémence infinis et sache qu'Il s'est signalé envers toi entre plusieurs générations. Et ne crois pas que tant de faveurs et de dons singuliers aient été pour toi seule, mais aussi pour tes frères: puisque la Miséricorde divine s'étend à tous. Et pour cela le retour que tu dois au Seigneur doit être pour toi d'abord et ensuite pour eux. Et parce que tu es pauvre, présente la Vie et les Mérites de mon Très Saint Fils avec tout ce que je souffris par la force de l'Amour pour être reconnaissante envers Dieu et faire ainsi quelque compensation pour l'ingratitude des mortels; et en tout cela tu t'exerceras souvent, te souvenant de ce que je ressentais dans les mêmes actes et les mêmes exercices.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 3, [a]. Livre 4, No. 668; Livre 5, Nos. 867-868; Livre 6, No. 1048; Livre 7, No. 159; Livre 8, No. 423.
3, 3, [b. Marie fut très avid du salut du genre humain. [Doct. Antonin. Part. 4, lit. 15, c. 41].
3, 3, [c]. Ipsa, si opportuisset, pro salute humani generis propriis manibus Filium cruci affixisset. [Doct. Antonon. Part 4, lit. 15, cap. 17].[/b]
Où l'on continue ce que le Très-Haut accorda à la Très Sainte Marie au troisième jour de la neuvaine avant l'Incarnation.
3, 3, 27. La droite du Dieu Tout-Puissant qui rendit l'accès à Sa Divinité libre à la Très Sainte Marie, continuait à enrichir et à orner aux dépens de Ses attributs infinis cet Esprit très pur et ce Corps virginal qu'Il avait choisis pour Son Tabernacle, Son Temple et la Sainte Cité de Son habitation; et l'Auguste Souveraine avançait dans cet océan de la Divinité et Elle s'éloignait chaque jour davantage de l'être terrestre et se transformait en un autre céleste, découvrant des sacrements nouveaux que le Très-Haut lui manifestait: parce que, comme il est un objet infini et volontaire, quoique l'appétit se rassasie avec ce qu'il reçoit, il reste toujours plus à désirer et à comprendre. Aucune pure créature n'est arrivée ni n'arrivera où la Très Sainte Marie pénétra dans la connaissance de Dieu et des créatures. Et dans ces bienfaits, ces grandes profondeurs, ces sacrements et ces secrets, toutes les hiérarchies des Anges, ni tous les hommes ensemble, n'arriveraient au moindre degré de ce que cette Princesse du Ciel reçut pour être Mère du Créateur.
3, 3, 28. Le troisième des neuf jours que je déclare, les mêmes préparations que j'ai dites dans le premier chapitre ayant précédé, la Divinité lui fut manifesté dans une vision abstractive comme aux deux autres jours. Mais notre capacité est lente et insuffisante pour comprendre les augmentations que recevaient ces dons et ces grâces que le Très-Haut accumulait en la divine Marie: et les termes nouveaux me manquent à moi pour expliquer quelque chose de ce qui m'a été manifesté. Je m'expliquerai en disant que la Sagesse et la Puissance divine proportionnaient Celle qui devait être Mère du Verbe, afin qu'en autant qu'il était possible, une pure Créature arrivât à avoir la similitude et la proportion convenable avec les Personnes divines. Et celui qui comprendra le mieux la distance de ces deux extrêmes: Dieu infini, et, créature humaine limitée, pourra atteindre davantage aux moyens nécessaires pour les joindre et les proportionner.
3, 3, 29. L'Auguste Souveraine allait en copiant de ces originaux de la Divinité de nouveaux portraits de Ses attributs infinis et de Ses vertus; sa beauté allait aussi en croissant par les retouches, les teintes et les jeux de lumière que lui donnait le pinceau de la divine Sagesse. Et en ce troisième jour les oeuvres de la création du troisième jour de monde lui furent manifestées comme elles arrivèrent alors. Elle connut quand et comment les eaux qui étaient sous le ciel se réunirent au commandement divin en un seul lieu (Gen. 1: 9), dépouillant l'aride que le Seigneur appela terre, et la réunion des eaux Il les appela mers. Elle connut comment la terre germa l'herbe fraîche ayant sa semence, et toutes sortes de plantes et d'arbres fruitiers avec leurs semences aussi, chacun dans sa propre espèce. Elle connut et pénétra la grandeur de la mer, sa profondeur et see divisions, la correspondance des fleuves et des fontaines qui s'originent d'elle et qui y reviennent, les espèces de plantes et d'herbes, de fleurs, d'arbres, de racines, de fruits et de semences, et que toutes et chacun de ces choses servissent pour quelque effet au service de l'homme. Notre Reine entendit et pénétra tout cela, plus clairement, plus distinctement et plus largement qu'Adam même et Salomon; et tous les médecins du monde en sa comparaison sont ignorants, après leurs longues études et leurs expériences. La Très Sainte Marie apprit tout l'imprévu comme dit la Sagesse chapitre sept (Sag. 7: 21); et comme Elle l'apprit sans fiction, Elle la communiqua aussi sans envie: et tout ce que Salomon dit là se vérifia en Elle avec une éminence incomparable.
3, 3, 30. Notre Reine usa de cette science en certaines occasions pour exercer la charité envers les pauvres et les nécessiteux, comme on le dira dans le reste de cete Histoire [a] puis Elle l'avait en sa liberta. et il lui était aussi facile d'en user qu'il l'est pour un musicien de toucher un instrument de son art en quoi il serait très savant: et il en aurait été de même de toutes les autres sciences si Elle avait voulu, ou si leur exercice avait été nécessaire pour le service du Très-Haut, car Elle pouvait user de toutes ces sciences comme Maîtresse en qui elles étaient réunies mieux qu'en aucun des mortels qui a eu quelque art ou quelque science spéciale. Elle avait aussi une supériorité sur les vertus, les qualités et les opérations des pierres, des herbes et des plantes et ce que Notre Seigneur Jésus-Christ promit à ses Apôtres et aux premiers fidèles, que les poisons (Marc 16: 18) ne leur feraient aucun mal lors même qu'ils en boiraient. La Reine avait ce
privilège avec empire et ni le poison ni aucune autre chose ne peuvent lui faire de mal ni l'offenser sans sa volonté.
3, 3, 31. La très prudente Princesse garda toujours très secrets ces privilèges et ces faveurs, et Elle n'en usait point pour Elle-même, comme je l'ai déjà dit, afin de ne point se priver de la souffrance que son Très Saint Fils choisit, et avant de Le concevoir et d'être Mère, Elle était gouvernée en cela par la Lumière divine et la connaissance qu'Elle avait de la passibilité que le Verbe fait chair devait recevoir. Et après qu'Elle fut Sa Mère, Elle vit et expérimenta cette vérité dans son propre Fils et son Seigneur, alors Elle donna plus de liberté aux créatures ou pour mieux dire Elle leur commandait le l'affliger par leurs forces et leurs opérations, comme elles le faisaient envers leur propre Créateur. Et parce que le Très-Haut ne voulait pas toujours que Son Épouse unique et choisie fût molestée des créatures, souvent Il les retenait et les empêchait afin que sans ces passions, il y eût quelque temps où la divine Princesse jouît des délices du Souverain Roi.
3, 3, 32. La Très Sainte Marie reçut un autre privilège singulier en faveur des mortels dans la vision de la Divinité qu'Elle eut le troisième jour; parce que Dieu lui manifesta d'une manière spéciale l'inclination de l'Amour divin vers le remède des hommes, tendant à les relever tous de leurs misères. Et dans la connaissance de cette Miséricorde Infinie et de ce qu'Il devait opérer bénignement avec Elle, le Très-Haut donna à la Très Sainte Marie un certain genre de participation plus haute des Ses propres attributs, afin qu'ensuite elle intercédât pour eux comme Mère et Avocate des pécheurs. Cette influence en laquelle la Très Sainte Marie participa de l'Amour de Dieu pour les hommes et de Son inclination à leur porter remède fut si divine et si puissante, que si depuis lors la vertu du Seigneur ne l'eût assitée pour la corroborer Elle n'eut pu souffrir l'affection impétueuse qu'Elle avait de sauver tous les pécheurs [b et de leur porter secours. Avec cet amour et cette charité, Elle se serait livrée aux flammes, au couteau, aux tourments les plus vifs et à la mort un nombre infini de fois s'il eut été nécessaire ou convenable; et Elle eût souffert et Elle n'eût pas refusé tous les martyrs, toutes les angoisses, les tribulations, les douleurs et les infirmités, au contraire Elle eût enduré tout cela avec une grande joie pour le salut des mortels. Et tout ce qu'ils ont souffert depuis le commencement du monde jusqu'à présent et ce qu'ils souffriront jusqu'à la fin,
tout cela aurait été peu pour l'amour de cette Mère Très Miséricordieuse [c]. Que les mortels et les pécheurs voient donc ce qu'ils doivent à la Très Sainte Marie.
3, 3, 33. Nous pouvons dire que depuis ce jour cette Souveraine demeura instituée Mère de Pitié et de Miséricorde et de grande miséricorde, pour deux raisons: parce que dès lors Elle voulut avec une affection et un désir spécial communiquer sans envie les Trésors de la grâce qu'Elle avait connus et reçus; et ainsi il lui résulta de ce bienfait une douceur si admirable et un coeur si bénin qu'Elle eût voulu donner cette douceur et cette bonté à tous et les déposer en chacun, afin que tous fussent participants de l'Amour divin dont elle brûlait. La second raison est que cet amour pour le salut des hommes que la Très Pure Marie conçut, fut une des plus grandes dispositons qui la proportionnèrent pour concevoir le Verbe Éternel dans ses entrailles virginales, et il convenait qu'Elle fût toute miséricorde, bénignité, piété et clémence, Celle qui seule devait engendrer et enfanter le Verbe incarné qui par Sa miséricorde, Sa clémence et Son amour voulut S'humilier jusqu'à notre nature et naître dans cette nature passible pour les hommes. On dit que l'enfant tient de sa mère, parce qu'il apporte ses qualités, comme l'eau apporte les qualités des minéraux par où elle a passé: et quoique ce Fils vînt au monde avec les avantages de la Divinité, Il avait néanmoins aussi les qualités de Sa Mère dans le degré possible; et Elle n'eut pas été proportionnée pour concourir avec l'Esprit-Saint à cette Conception, la seule où l'homme manque, si Elle n'eût pas eu de correspondance avec le Fils dans les qualités de l'humanité
3, 3, 34. La Très Sainte Marie sortit de cette vision et Elle passa tout le reste du jour dans les oraisons et les demandes que le Seigneur lui ordonnait, sa ferveur allant en croissant et le coeur de Son Époux demeurant plus blessé; de sorte qu'à notre manière de concevoir, il Lui tardait qu'arrivât le jour et l'heure où Il Se verrait dans les bras et le sein de Sa Bien-Aimée.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 3, 35. Ma très chère fille, grandes furent les faveurs que le bras du Très-Haut opéra à mon égard dans les visions de Sa Divinité qu'Il me communiqua en ces jours, avant que je Le conçusse dans mes entrailles. Et quoiqu'il ne m'était pas manifesté clairement sans voile, ce fut néanmoins d'une manière très sublime et avec des effets réservés à Sa Sagesse. Et lorsque j'en renouvelais la connaissance par les espèces qui m'étaient restées de ce que j'avais vu, je m'élevais en esprit et je connaissais ce qu'est Dieu pour les hommes et ce qu'ils sont pour Sa Majesté: ici mon coeur s'enflammait dans l'amour et se brisait dans la douleur; parce que je connaissais en même temps le poids de l'Amour immense envers les mortels et l'oubli très ingrat d'une Bonté si incompréhensible. Je serai morte plusieurs fois dans cette considération si Dieu même ne m'eut conservée et confortée. Et ce sacrifice de Sa servante fut très agréable à Sa Majesté, et Il l'accepta avec plus de complaisance que tous les holocaustes de l'ancienne Loi. Et lorsque je m'exerçais dans ces actes, il faisait de grandes miséricordes pour moi et pour mon peuple.
3, 3, 36. Je te manifeste ces sacrements, ma très chère, afin que tu t'élèves à m'imiter, selon tes faibles forces aidées de la grâce et que tu puisses y atteindre, regardant les oeuvres que tu as connues comme dans un miroir ou un exemplaire. Pèse donc et considère souvent avec la lumière et la raison combien les mortels doivent correspondre à une piété si immense et à cette inclination que Dieu a pour les secourir. Et tu dois contre-poser à cette vérité le coeur endurci et appesanti des mêmes enfants d'Adam. Et je veux que ton coeur se fonde et se convertisse en affections de reconnaissance pour le Seigneur et de compassion de ces infortunes des hommes. Et je t'assure, ma fille, qu'au jour du rendement de compte général, la plus grande indignation du juste Juge sera de ce que les hommes très ingrats ont oublié cette vérité, et elle sera si puissante et elle les reprendra en ce jour avec une telle confusion pour eux, qu'à cause de cela ils se précipiteraient d'eux-mêmes dans l'abîme des peines lors même qu'il n'y aurait pas de ministres de la justice pour l'exécuter.
3, 3, 37. Afin de te détourner d'un péché si laid et de prévenir cet horrible châtiment, renouvelle dans ta mémoire les bienfaits que tu as reçus de cet Amour et de cette Clémence infinis et sache qu'Il s'est signalé envers toi entre plusieurs générations. Et ne crois pas que tant de faveurs et de dons singuliers aient été pour toi seule, mais aussi pour tes frères: puisque la Miséricorde divine s'étend à tous. Et pour cela le retour que tu dois au Seigneur doit être pour toi d'abord et ensuite pour eux. Et parce que tu es pauvre, présente la Vie et les Mérites de mon Très Saint Fils avec tout ce que je souffris par la force de l'Amour pour être reconnaissante envers Dieu et faire ainsi quelque compensation pour l'ingratitude des mortels; et en tout cela tu t'exerceras souvent, te souvenant de ce que je ressentais dans les mêmes actes et les mêmes exercices.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 3, [a]. Livre 4, No. 668; Livre 5, Nos. 867-868; Livre 6, No. 1048; Livre 7, No. 159; Livre 8, No. 423.
3, 3, [b. Marie fut très avid du salut du genre humain. [Doct. Antonin. Part. 4, lit. 15, c. 41].
3, 3, [c]. Ipsa, si opportuisset, pro salute humani generis propriis manibus Filium cruci affixisset. [Doct. Antonon. Part 4, lit. 15, cap. 17].[/b]
Dernière édition par sga le Sam 29 Oct 2016 - 9:45, édité 1 fois
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 4
Le Très-Haut continue les bienfaits de la Très Sainte Marie le quatrième jour.
3, 4, 38. Les faveurs du Très-Haut se continuaient envers notre Reine et notre Maîtresse avec les sacrements éminents par lesquels le bras du Tout-Puissant la disposait pour la prochaine dignité de Sa Mère. Le quatrième jour de cette préparation arriva et comme dans les précédents, Elle fut élevée à la même heure à la vision de la Divinité dans la forme abstractive que j'ai dite, mais avec de nouveaux effets et une illumination plus haute de ce Très Pur Esprit. Il n'y a point de limite ni de terme dans la Puissance et la Sagesse divine, seulement là se pose notre volonté avec ses oeuvres, et la petite capacité qu'elle a, comme créature finie. Mais dans la Très Sainte Marie la Puissance divine ne trouvait point d'empêchement du côté des oeuvres, au contraire elles furent toutes avec plénitude de sainteté et d'agrément du Seigneur l'obligeant et blessant Son Coeur d'amour (Cant. 4: 9) comme Il le dit Lui-même. Le bras du Très-Haut put seulement trouver quelque mesure en ce qu'Elle était pure créature, mais en dehors de la sphère de pure créature, Il opéra en Elle sans borne, ni mesure, ni limite, lui communiquant les eaux de la Sagesse afin qu'Elle les bût très pures et cristallines, de la fontaine de la Divinité
3, 4, 39. Le Très-Haut lui manifesta dans cette vision et Il lui déclara avec une Lumière spéciale la nouvelle Loi de grâce que le Sauveur du monde devait fonder avec les Sept Sacrements qu'elle contient et la fin pour laquelle Il les établirait et les laisserait dans la Nouvelle Église de l'Évangile, et les secours, les dons et les faveurs qu'Il préparait pour les hommes avec le désir que tous fussent sauvés et que le fruit de la Rédemption fut profitable à tous. Et la sagesse que la Très Sainte Marie apprit dans ces visions enseignée par le Maître Souverain, le Correcteur de sages (Sag. 7: 15), fut telle que si par impossible un homme ou un Ange eut pu l'écrire on aurait pu former de sa seule science plus de livre que tous ceux qui ont été écrits dans le monde de tous les arts, de toutes les sciences et de toutes les facultés inventées [a]. Et ce n'est pas étonnant, sa science étant la plus grande de toutes en une pure créature; parce que l'océan de la Divinité que les péchés et le
peu de disposition des créatures tenaient embarrassé et réprimé en elle-même se transvasa et se répandit dans le coeur et l'esprit de notre Princesse. Seulement il lui était toujours caché jusqu'à son temps qu'Elle était élue pour être Mère du Fils Unique du Père.
3, 4, 40. Au milieu des douceurs de cette Science divine notre Reine eut en ce jour une amoureuse mais intime douleur que la même Science lui renouvela. Elle connut de la part du Très-Haut les Trésors de grâce et les bienfaits indicibles qu'Il préparait pour les mortels, et le poids de la Divinité si inclinée à ce que tous jouissent de Lui éternellement: et joint à cela Elle connut et considéra le mauvais état du monde et combien les mortels empêchent aveuglément leur participation de la Divinité et s'en privent par leur faute. Il lui résulta de là un nouveau genre de martyre de la force avec laquelle Elle se plaignait de la perte des hommes et du désir de réparer une ruine si lamentable. Elle fit à ce sujet des oraisons très sublimes, des prières, des demandes, des offrandes, des sacrifices, des humiliations et des actes héroïques d'amour de Dieu et des hommes, afin qu'aucun ne se perdît désormais s'il était possible, et que tous connussent leur Créateur et leur Réparateur, le confessant, L'adorant et L'aimant. Tout cela se passait dans la même vision de la Divinité. Et parce que ces prières furent du mode des autres que j'ai dites je ne m'attarderai point à les rapporter.
3, 4, 41. Ensuite le Seigneur lui manifesta dans la même occasion les oeuvres de la création du quatrième jour (Gen. 1: 14), et la divine Princesse Marie connut quand et comment furent formés les luminaires du ciel dans le firmament, afin de séparer le jour de la nuit, et de marquer les temps, les jours et les années; et le plus grand luminaire du ciel qu'est le soleil eût l'être pour cette fin, comme président et seigneur du jour; et avec lui fut formée la lune, luminaire moindre qui éclaire dans les ténèbres de la nuit: l'Auguste Vierge connut que les étoiles furent formées dans le huitième ciel b], afin que par leur brillante lumière, elles réjouissent la nuit et qu'elles président pendant le jour et la nuit par leurs influences diverses. Elle connut la matière de ces globes lumineux, leurs formes, leurs qualités, leur grandeur, leurs mouvements variés avec l'uniforme inégalité des planètes. Elle connut le nombre des étoiles et toutes les influences qu'elles communiquent à la terre, à ses vivants et non vivants, les effets qu'elles causent en eux, comment elles les altèrent et les meuvent.
3, 4, 42. Et ce n'est pas contraire à ce que dit le Prophète, Psaume 146 (Ps. 146: 4), que Dieu connaît le nombre des étoiles et qu'Il les appelle par leurs noms; parce que David ne nie pas que Sa Majesté peut concéder par Son Pouvoir infini à la créature, comme grâce ce que Sa Majesté a par nature. Et il est clair qu'étant possible pour lui de communiquer cette science, et cette communication devant tourner à la plus grande excellence de Marie Notre Dame, Il ne devait point lui refuser ce bienfait, puisqu'Il lui en accorda d'autres plus grands et Il la fit Reine et Souveraine des Étoiles comme des autres créatures. Et ce bienfait venait à être comme conséquent au domaine qu'Il lui donna sur les vertus, les influences et les opérations de tous les globes célestes, leur commandant à tous de lui obéir comme à leur Reine et leur Maîtresse.
3, 4, 43. Par ce précepte que le Seigneur posa aux créatures célestes et par le domaine qu'Il donna à la Très Sainte Marie sur elles, son Altesse demeura avec tant d'autorité que si Elle eût commandé aux étoiles de laisser leur place dans le ciel, celles-ci lui eussent obéi à l'instant et se fussent placées là où cette Dame leur aurait ordonné. Le soleil et les planètes eussent fait la même chose et ils eussent tous retenu leur cours et leurs mouvements, suspendu leurs influences et cessé d'opérer au commandement de Marie. J'ai déjà dit plus haut que son Altesse usait de cet empire [c] parce qu'il lui arriva quelquefois en Egypte, comme nous le verrons plus loin, les chaleurs étant très fortes, de commander au soleil de ne point donner une ardeur si véhémente et de ne point molester ni fatiguer par ses rayons l'Enfant-Dieu, leur Seigneur, et le soleil lui obéissait en cela, affligeant et molestant cette Dame, parce qu'Elle le voulait ainsi, et respectant le Soleil de justice qu'Elle tenait dans ses bras. La même chose arrivait avec les autres planètes, et Elle arrêtait quelquefois le soleil, comme je le dirai en son lieu.
3, 4, 44. Le Très-Haut manifesta beaucoup d'autres sacrements cachés à notre grande Reine dans cette vision et tout ce que j'ai dit et tout ce que je dirai de ces choses me laisse le coeur comme violenté; car je ne peux dire que peu de choses de ce que je comprends et je connais que j'entends beaucoup moins que ce qui arriva à cette divine Souveraine; et il y a beaucoup de ces mystères qui sont réservés pour être manifestés par son Très Saint Fils au jour du jugement
universel, car maintenant nous ne sommes pas capables de les connaître tous. La Très Sainte Marie sortit de cette vision plus enflammée et plus transformée en cet Objet infini et dans Ses attributs et Ses perfections qu'Elle avait connus; et avec le progrès des faveurs divines il y avait aussi le progrès de ses vertus, et Elle multipliait les prières, les anxiétés, les ferveurs, et les mérites par lesquels Elle accélérait l'Incarnation du Verbe divin et notre salut.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
3, 4, 45. Ma très chère fille, je veux que tu fasses beaucoup de pondération et d'estime de ce que tu as entendu que je fis et souffrir, lorsque le Très-Haut me donna une connaissance si haute de Sa volonté, inclinée avec un poids infini à enrichir les mortels, et la mauvaise correspondance, la ténébreuse ingratitude de leur part. Quand je descendis de cette Bonté très libérale àconnaître et à pénétrer la dureté stupide des pécheurs, mon coeur fut transpercé d'une flèche de mortelle amertume qui me dura toute la vie. Et je veux te manifester un autre mystère: c'est que souvent le Très-Haut, pour guérir la contrition et le brisement de mon coeur dans cette peine, avait coutume de me répondre et de me dire: «Reçois toi-même, Mon Épouse, ce que le monde ignorant et aveugle méprise comme indigne de le recevoir et de la connaître.» Et dans cette réponse et cette promesse le Très-Haut donnait libre cours à Ses trésors qui réjouissaient mon âme plus que la capacité humaine ne peut le comprendre et qu'aucune langue ne peut l'exprimer.
3, 4, 46. Je veux donc, maintenant que toi, mon amie, tu sois ma compagne dans cette douleur si peu considérée des vivants que je souffris pour eux. Et afin que tu m'imites en elle et dans les effets que te causera une si juste peine, tu dois te renoncer, t'oublier toi-même en tout, et couronner ton coeur d'épines et de douleurs contre ce que font les mortels. Pleure, toi sur ce pourquoi ils rient et se réjouissent à leur éternelle damnation, car c'est l'office le plus légitime de celles qui sont véritablement les épouses de mon Très Saint Fils; et il ne leur est permis que de se réjouir dans les larmes qu'elles répandent pour leur péchés et ceux du monde ignorant. Prépare ton coeur avec cette disposition afin que le Seigneur te rende participante de Ses trésors: et cela non tant pour devenir riche, que parce que
Sa Majesté satisfait Son amour libéral en te les communiquant et en justifiant les âmes. Imite-moi en tout ce que je t'enseigne, puisque tu connais que telle est ma volonté envers toi.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
3, 4, [a]. L'Évangéliste saint Jean, parlant de Jésus-Christ employa une expression encore plus hardie.
3, 4, [b. Les astronomes du temps de la Vénérable divisaient l'espace céleste en douze parties qu'ils appelaient les cieux, c'est-à-dire l'empirée et onze parties sous l'empirée. Le huitième de ces espaces ou cieux aurait été celui qui était occupé par les étoiles fixes. Voir la note [d] du Livre 3, Ch. 11, No. 128.
3, 4, [c]. Livre 3, No. 21.
Le Très-Haut continue les bienfaits de la Très Sainte Marie le quatrième jour.
3, 4, 38. Les faveurs du Très-Haut se continuaient envers notre Reine et notre Maîtresse avec les sacrements éminents par lesquels le bras du Tout-Puissant la disposait pour la prochaine dignité de Sa Mère. Le quatrième jour de cette préparation arriva et comme dans les précédents, Elle fut élevée à la même heure à la vision de la Divinité dans la forme abstractive que j'ai dite, mais avec de nouveaux effets et une illumination plus haute de ce Très Pur Esprit. Il n'y a point de limite ni de terme dans la Puissance et la Sagesse divine, seulement là se pose notre volonté avec ses oeuvres, et la petite capacité qu'elle a, comme créature finie. Mais dans la Très Sainte Marie la Puissance divine ne trouvait point d'empêchement du côté des oeuvres, au contraire elles furent toutes avec plénitude de sainteté et d'agrément du Seigneur l'obligeant et blessant Son Coeur d'amour (Cant. 4: 9) comme Il le dit Lui-même. Le bras du Très-Haut put seulement trouver quelque mesure en ce qu'Elle était pure créature, mais en dehors de la sphère de pure créature, Il opéra en Elle sans borne, ni mesure, ni limite, lui communiquant les eaux de la Sagesse afin qu'Elle les bût très pures et cristallines, de la fontaine de la Divinité
3, 4, 39. Le Très-Haut lui manifesta dans cette vision et Il lui déclara avec une Lumière spéciale la nouvelle Loi de grâce que le Sauveur du monde devait fonder avec les Sept Sacrements qu'elle contient et la fin pour laquelle Il les établirait et les laisserait dans la Nouvelle Église de l'Évangile, et les secours, les dons et les faveurs qu'Il préparait pour les hommes avec le désir que tous fussent sauvés et que le fruit de la Rédemption fut profitable à tous. Et la sagesse que la Très Sainte Marie apprit dans ces visions enseignée par le Maître Souverain, le Correcteur de sages (Sag. 7: 15), fut telle que si par impossible un homme ou un Ange eut pu l'écrire on aurait pu former de sa seule science plus de livre que tous ceux qui ont été écrits dans le monde de tous les arts, de toutes les sciences et de toutes les facultés inventées [a]. Et ce n'est pas étonnant, sa science étant la plus grande de toutes en une pure créature; parce que l'océan de la Divinité que les péchés et le
peu de disposition des créatures tenaient embarrassé et réprimé en elle-même se transvasa et se répandit dans le coeur et l'esprit de notre Princesse. Seulement il lui était toujours caché jusqu'à son temps qu'Elle était élue pour être Mère du Fils Unique du Père.
3, 4, 40. Au milieu des douceurs de cette Science divine notre Reine eut en ce jour une amoureuse mais intime douleur que la même Science lui renouvela. Elle connut de la part du Très-Haut les Trésors de grâce et les bienfaits indicibles qu'Il préparait pour les mortels, et le poids de la Divinité si inclinée à ce que tous jouissent de Lui éternellement: et joint à cela Elle connut et considéra le mauvais état du monde et combien les mortels empêchent aveuglément leur participation de la Divinité et s'en privent par leur faute. Il lui résulta de là un nouveau genre de martyre de la force avec laquelle Elle se plaignait de la perte des hommes et du désir de réparer une ruine si lamentable. Elle fit à ce sujet des oraisons très sublimes, des prières, des demandes, des offrandes, des sacrifices, des humiliations et des actes héroïques d'amour de Dieu et des hommes, afin qu'aucun ne se perdît désormais s'il était possible, et que tous connussent leur Créateur et leur Réparateur, le confessant, L'adorant et L'aimant. Tout cela se passait dans la même vision de la Divinité. Et parce que ces prières furent du mode des autres que j'ai dites je ne m'attarderai point à les rapporter.
3, 4, 41. Ensuite le Seigneur lui manifesta dans la même occasion les oeuvres de la création du quatrième jour (Gen. 1: 14), et la divine Princesse Marie connut quand et comment furent formés les luminaires du ciel dans le firmament, afin de séparer le jour de la nuit, et de marquer les temps, les jours et les années; et le plus grand luminaire du ciel qu'est le soleil eût l'être pour cette fin, comme président et seigneur du jour; et avec lui fut formée la lune, luminaire moindre qui éclaire dans les ténèbres de la nuit: l'Auguste Vierge connut que les étoiles furent formées dans le huitième ciel b], afin que par leur brillante lumière, elles réjouissent la nuit et qu'elles président pendant le jour et la nuit par leurs influences diverses. Elle connut la matière de ces globes lumineux, leurs formes, leurs qualités, leur grandeur, leurs mouvements variés avec l'uniforme inégalité des planètes. Elle connut le nombre des étoiles et toutes les influences qu'elles communiquent à la terre, à ses vivants et non vivants, les effets qu'elles causent en eux, comment elles les altèrent et les meuvent.
3, 4, 42. Et ce n'est pas contraire à ce que dit le Prophète, Psaume 146 (Ps. 146: 4), que Dieu connaît le nombre des étoiles et qu'Il les appelle par leurs noms; parce que David ne nie pas que Sa Majesté peut concéder par Son Pouvoir infini à la créature, comme grâce ce que Sa Majesté a par nature. Et il est clair qu'étant possible pour lui de communiquer cette science, et cette communication devant tourner à la plus grande excellence de Marie Notre Dame, Il ne devait point lui refuser ce bienfait, puisqu'Il lui en accorda d'autres plus grands et Il la fit Reine et Souveraine des Étoiles comme des autres créatures. Et ce bienfait venait à être comme conséquent au domaine qu'Il lui donna sur les vertus, les influences et les opérations de tous les globes célestes, leur commandant à tous de lui obéir comme à leur Reine et leur Maîtresse.
3, 4, 43. Par ce précepte que le Seigneur posa aux créatures célestes et par le domaine qu'Il donna à la Très Sainte Marie sur elles, son Altesse demeura avec tant d'autorité que si Elle eût commandé aux étoiles de laisser leur place dans le ciel, celles-ci lui eussent obéi à l'instant et se fussent placées là où cette Dame leur aurait ordonné. Le soleil et les planètes eussent fait la même chose et ils eussent tous retenu leur cours et leurs mouvements, suspendu leurs influences et cessé d'opérer au commandement de Marie. J'ai déjà dit plus haut que son Altesse usait de cet empire [c] parce qu'il lui arriva quelquefois en Egypte, comme nous le verrons plus loin, les chaleurs étant très fortes, de commander au soleil de ne point donner une ardeur si véhémente et de ne point molester ni fatiguer par ses rayons l'Enfant-Dieu, leur Seigneur, et le soleil lui obéissait en cela, affligeant et molestant cette Dame, parce qu'Elle le voulait ainsi, et respectant le Soleil de justice qu'Elle tenait dans ses bras. La même chose arrivait avec les autres planètes, et Elle arrêtait quelquefois le soleil, comme je le dirai en son lieu.
3, 4, 44. Le Très-Haut manifesta beaucoup d'autres sacrements cachés à notre grande Reine dans cette vision et tout ce que j'ai dit et tout ce que je dirai de ces choses me laisse le coeur comme violenté; car je ne peux dire que peu de choses de ce que je comprends et je connais que j'entends beaucoup moins que ce qui arriva à cette divine Souveraine; et il y a beaucoup de ces mystères qui sont réservés pour être manifestés par son Très Saint Fils au jour du jugement
universel, car maintenant nous ne sommes pas capables de les connaître tous. La Très Sainte Marie sortit de cette vision plus enflammée et plus transformée en cet Objet infini et dans Ses attributs et Ses perfections qu'Elle avait connus; et avec le progrès des faveurs divines il y avait aussi le progrès de ses vertus, et Elle multipliait les prières, les anxiétés, les ferveurs, et les mérites par lesquels Elle accélérait l'Incarnation du Verbe divin et notre salut.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
3, 4, 45. Ma très chère fille, je veux que tu fasses beaucoup de pondération et d'estime de ce que tu as entendu que je fis et souffrir, lorsque le Très-Haut me donna une connaissance si haute de Sa volonté, inclinée avec un poids infini à enrichir les mortels, et la mauvaise correspondance, la ténébreuse ingratitude de leur part. Quand je descendis de cette Bonté très libérale àconnaître et à pénétrer la dureté stupide des pécheurs, mon coeur fut transpercé d'une flèche de mortelle amertume qui me dura toute la vie. Et je veux te manifester un autre mystère: c'est que souvent le Très-Haut, pour guérir la contrition et le brisement de mon coeur dans cette peine, avait coutume de me répondre et de me dire: «Reçois toi-même, Mon Épouse, ce que le monde ignorant et aveugle méprise comme indigne de le recevoir et de la connaître.» Et dans cette réponse et cette promesse le Très-Haut donnait libre cours à Ses trésors qui réjouissaient mon âme plus que la capacité humaine ne peut le comprendre et qu'aucune langue ne peut l'exprimer.
3, 4, 46. Je veux donc, maintenant que toi, mon amie, tu sois ma compagne dans cette douleur si peu considérée des vivants que je souffris pour eux. Et afin que tu m'imites en elle et dans les effets que te causera une si juste peine, tu dois te renoncer, t'oublier toi-même en tout, et couronner ton coeur d'épines et de douleurs contre ce que font les mortels. Pleure, toi sur ce pourquoi ils rient et se réjouissent à leur éternelle damnation, car c'est l'office le plus légitime de celles qui sont véritablement les épouses de mon Très Saint Fils; et il ne leur est permis que de se réjouir dans les larmes qu'elles répandent pour leur péchés et ceux du monde ignorant. Prépare ton coeur avec cette disposition afin que le Seigneur te rende participante de Ses trésors: et cela non tant pour devenir riche, que parce que
Sa Majesté satisfait Son amour libéral en te les communiquant et en justifiant les âmes. Imite-moi en tout ce que je t'enseigne, puisque tu connais que telle est ma volonté envers toi.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
3, 4, [a]. L'Évangéliste saint Jean, parlant de Jésus-Christ employa une expression encore plus hardie.
3, 4, [b. Les astronomes du temps de la Vénérable divisaient l'espace céleste en douze parties qu'ils appelaient les cieux, c'est-à-dire l'empirée et onze parties sous l'empirée. Le huitième de ces espaces ou cieux aurait été celui qui était occupé par les étoiles fixes. Voir la note [d] du Livre 3, Ch. 11, No. 128.
3, 4, [c]. Livre 3, No. 21.
Dernière édition par sga le Sam 29 Oct 2016 - 9:45, édité 2 fois
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 5
Le Très-Haut manifeste à la Très Sainte Marie de nouveaux mystères et de nouveaux sacrements avec les Oeuvres du cinquième jour de la Création, et son Altesse demande de nouveau l'Incarnation du Verbe.
3, 5, 47. Arriva le cinquième jour de la neuvaine que la bienheureuse Trinité célébrait dans le Temple de la Très Sainte Marie, afin que le Verbe prît en Elle notre forme humaine; et tirant davantage le voile des secrets cachés de la Sagesse Infinie, en ce jour il lui fut de nouveau découvert d'autres, l'élevant à la vision abstractive de la Divinité, comme il a été déclaré dans les jours précédents, et les illuminations et les dispositions se renouvelaient toujours avec de plus grands rayons de lumière et de "charismas" qui se dérivaient des Trésors de l'infinité dans son âme très sainte et ses puissances, avec lesquels la divine Souveraine s'approchait davantage de l'Etre de Dieu et s'y assimilait, se transformant de plus en plus en Lui, pour arriver à être digne Mère du même Dieu.
3, 5, 48. Le Très-Haut parla à cette divine Reine dans cette vision pour lui manifester d'autres secrets, et Se montrant à Elle avec une tendresse incroyable, Il lui dit: «Mon Épouse et Ma Colombe, tu as connu dans le secret de Mon sein l'immense libéralité à laquelle M'incline l'Amour que J'ai pour le genre humain, et les Trésors cachés que J'ai préparés pour le bonheur des hommes: et cet amour peut tant avec Moi, que je veux leur donner Mon Fils Unique pour leur enseignement et leur remède. Tu as aussi connu quelque chose de leur mauvaise correspondance et de leur honteuse ingratitude, ainsi que du mépris qu'ils font de Ma clémence et de Mon amour. Mais quoique Je t'aie manifesté une partie de leur malice, Je veux Mon Amie, que tu connaisses de nouveau dans Mon Etre le petit nombre de ceux qui Me connaîtront et M'aimeront comme élus. Et combien grand et multiplié est le nombre des ingrats et des réprouvés. Les péchés sans nombre et les abominations de tant d'hommes impurs et ténébreux que J'ai prévus par Ma Science infinie, retiennent Ma libérale Miséricorde, et ont posé comme de forts cadenas aux portes par où doivent sortir les Trésors de Ma Divinité et rendent le monde indigne de les recevoir.»
3, 5, 49. La Princesse Marie connut dans ces paroles du Très-Haut de grands sacrements du nombre des prédestinés et des réprouvés: et aussi la résistance et l'obstacle que causaient tous les péchés des hommes ensemble dans l'entendement divin pour que le Verbe Éternel Incarné vînt au monde. Et la Très Prudente Souveraine était dans l'admiration et l'étonnement à la vue de la Bonté infinie et de l'équité du Créateur; et de l'iniquité et de la malice immense des hommes, et tout embrasée dans la flamme de l'amour divin, elle parla à Sa Majesté et Lui dit:
3, 5, 50. «Mon Seigneur et mon Dieu, infini en Sagesse et incompréhensible en Sainteté! quel est ce mystère que Vous m'avez manifesté! Les méchancetés des hommes n'ont ni mesure ni terme, Votre seule Sagesse les comprend; mais toutes ces méchancetés et beaucoup d'autres plus grandes peuvent-elles par aventure éteindre Votre bonté et Votre amour, ou intervenir avec Lui? Non, mon Seigneur et mon Maître, il ne doit pas en être ainsi; la malice des mortels ne doit pas retenir Votre Miséricorde. Je suis la plus inutile de tout le genre humain; néanmoins de sa part je Vous pose la demande de Votre fidélité. C'est une vérité infaillible que le ciel et la terre manqueraient plutôt que la vérité de Vos paroles: et c'est aussi la vérité que Vous avez donné Votre parole plusieurs fois au monde par la bouche de Vos saints Prophètes et par la Vôtre à eux-mêmes que Vous leur donneriez leur Rédempteur et notre salut. Comment donc, mon Dieu, ces promesses accréditées par Votre Sagesse infinie laisseraient-elles de s'accomplir, pour n'être point trompé; et par Votre bonté pour ne point tromper l'homme? Pour leur faire cette promesse et leur offrir leur félicité éternelle en Votre Verbe Incarné, de la part des mortels et il n'y eut point de mérites, ni aucune créature n'a pu Vous obliger; et si cela pouvait bien se mériter, Votre Clémence infinie et libérale ne demeurerait pas si exaltée: de Vous-même seul Vous vous êtes obligé, car pour qu'un Dieu se fasse homme, il ne peut y avoir de raison qui l'oblige qu'en Dieu seul: en Vous seul est la raison et le motif de nous avoir crées, et d'avoir à nous réparer après que nous sommes tombés. Ne cherchez point pour l'Incarnation ô mon Dieu et mon Roi très haut, plus de mérites, ni plus de raison que Votre Miséricorde et l'exaltation de Votre gloire.»
3, 5, 51. «Il est vrai, Mon Épouse,» répondit le Très-Haut, «que par Mon immense bonté, Je M'obligeai à promettre aux hommes que Je Me revêtirais de leur nature et que J'habiterais avec eux, et que nul ne put mériter auprès de Moi cette promesse, mais l'exécution n'en est pas méritée par le procédé très ingrat des hommes, si odieux en Mon équité et Ma présence; puis lorsque Je ne prétends que
l'intérêt de leur félicité éternelle, en retour de Mon amour Je connais et Je trouve leur dureté et qu'avec elle ils perdront et mépriseront les Trésors de Ma grâce et de Ma gloire; et leur correspondance sera de donner des épines au lieu de fruit, de grandes offenses pour les bienfaits et une ingratitude honteuse pour Mes larges et libérales miséricordes; et la fin de tous ces maux sera pour eux la privation de Ma vue dans les tourments éternels. Considère, Mon Amie, ces vérités écrites dans le secret de Ma Sagesse et pèse ces grands sacrements; car pour toi est ouvert Mon coeur où tu connais la raison de Ma justice.»
3, 5, 52. Il n'est pas possible de manifester les mystères cachés que la Très Sainte Marie connut dans le Seigneur, parce qu'Elle vit en Lui toutes les créatures présentes, passées et futures, avec l'ordre que toutes les âmes devaient avoir, les oeuvres bonnes et mauvaises qu'elles devaient faire, la fin qu'elles auraient: et si Marie n'eût pas été confortée par la Vertu divine, elle n'eût pu conserver la vie parmi les effets et les affections que causaient en Elle cette science et cette vue de tant de sacrements et de mystères cachés. Mais comme dans ces miracles et ces bienfaits nouveaux, Sa Majesté disposait des fins si sublimes, Il n'était pas parcimonieux, mais très libéral envers Sa Bien-Aimée, l'Élue pour être Sa Mère. Et comme notre Reine apprenait cette Science au sein de Dieu même, avec celle-ci se dérivait le feu de la Charité Éternelle qui l'embrasait dans l'amour de Dieu et du prochain, et continuant ses prières, Elle dit:
3, 5, 53. «Seigneur Dieu Éternel, immortel et invisible, je confesse Votre Justice, j'exalte Vos Oeuvres, j'adore Votre Etre infini et je révère Vos jugements. Mon coeur se fond tout en affections amoureuses, connaissant Votre bonté sans limites pour les hommes, et leur ingratitude et leur grossièreté si lourdes pour Vous. Vous voulez pour tous, ô mon Dieu, la Vie Éternelle; mais il y en aura peu qui reconnaîtront ce bienfait inestimable et beaucoup le perdront par leur malice. Mon bien-Aimé, si Vous vous désobligez de ce côté, nous les mortels, nous sommes perdus; mais si Vous avez prévu par Votre Science divine les péchés et la malice des hommes qui Vous désobligent tant, Vous regardez par la même Science Votre Fils Unique Incarné et Ses Oeuvres d'une valeur et d'un prix infini en Votre acceptation et celles-ci surabondent aux péchés et les excèdent sans comparaison. Votre équité doit S'obliger de cet Homme-Dieu et ensuite pour Lui-même, nous le donner Lui-même et pour le demander encore une fois an nom du genre humain, je
me revêts de l'Esprit même du Verbe fait homme dans Votre Entendement, et je demande Son exécution et la Vie Éternelle par Sa main pour tous les hommes [a].»
3, 5, 54. Dans cette pétition de la Très Pure Marie, elle représenta au Père Éternel, selon notre manière de dire, comment Son Fils Unique devait descendre dans le sein virginal de cette grande Reine et Il fut incliné par ses humbles et amoureuses supplications. Et quoiqu'Il se montrât toujours indécis, c'était une industrie de Son tendre Amour, afin d'entendre davantage la voix de Sa Bien-Aimée, que ses douces lèvres distillassent un miel plus suave et que ses émissions fussent de paradis (Cant. 4: 11). Et pour prolonger davantage cette douce lutte, le Seigneur lui dit: «Ma Très Douce Épouse et Ma Colombe choisie, c'est beaucoup ce que tu me demandes, et les hommes m'obligent très peu; puis comment accorder à des indignes un Bienfait si rare? Laisse-Moi, Mon Amie, les traiter selon leur mauvaise correspondance.» Notre pieuse et puissante Avocate répondait: «Mon, Seigneur, je ne cesserai point mes instances: si ce que je demande est beaucoup, je le demande à Vous qui êtes riche en Miséricordes, puissant en Oeuvres, véritable en Paroles. Mon père David dit de Vous (Ps. 109.4) et du Verbe Éternel: "Le Seigneur a juré et Il ne se repentira pas d'avoir juré: tu es prêtre selon l'ordre de Melchisédech." Qu'Il vienne donc ce prêtre, qui doit être aussi sacrifice pour notre rachat; qu'Il vienne parce que Vous ne pouvez Vous repentir de la promesse; parce que Vous n'avez pas promis avec ignorance: mon doux Amour, je suis revêtue de la Vertu de Cet Homme-Dieu et ma lutte ne cessera pas, si Vous ne me donnez Votre bénédiction (Gen. 32: 26) comme à mon père Jacob.»
3, 5, 55. Il fut demandé à notre Reine et notre Souveraine dans cette lutte divine, comme à Jacob, quel était son nom; et Elle dit: «Je suis fille d'Adam, formée de Vos mains de l'humble matière de la terre.» Et le Très-Haut lui répondit: «Dès aujourd'hui ton nom sera l'Élue pour Mère du Fils Unique du Père.» Mais ces dernières paroles furent entendues des courtisans du Ciel et elles furent cachées à Marie jusqu'à son temps, comprenant seulement le mot Élue. Et cette lutte amoureuse ayant persévéré le temps que la Sagesse divine disposait et qui convenait pour embraser le coeur fervent de l'Élue, toute la Très Sainte Trinité donna Sa loyale Parole à la Très Pure Marie notre Reine, d'envoyer bientôt au monde le Verbe Éternel fait homme. Avec ce "fiat", joyeuse et pleine d'une incomparable jubilation, Elle demanda la bénédiction et le Très-Haut La lui donna.
Cette Femme forte sortit plus victorieuse que Jacob de la lutte avec Dieu, parce qu'Elle demeura riche forte et remplie de dépouilles et le même Dieu, blessé et affaibli selon notre manière de concevoir demeurant déjà vaincu par l'amour de cette Souveraine, pour Se vêtir dans son Tabernacle sacré de la faiblesse humaine de notre chair passible, dans laquelle Se dissimula et Se couvrit la force de Sa Divinité, pour vaincre étant vaincu, et nous donner la Vie par Sa Mort. Que les mortels voient et reconnaissent comment la Très Sainte Marie est la cause de leur salut après son Très Béni Fils.
3, 5, 56. Ensuite les Oeuvres du cinquième jour de la création du monde furent manifestées à notre Reine dans cette même vision dans la même forme qu'elles arrivèrent; et Elle connut comment par la force de la Parole divine furent engendrés et produits, des eaux de dessous le firmament (Gen. 1: 20), les imparfaits animaux reptiles qui rampent sur la terre, les volatiles qui courent par les airs et les natatiles qui nagent et habitent dans les eaux; et elle connut le principe, la matière, la forme et la figure de toutes ces créatures dans leur genre, toutes les espèces des animaux sauvages, leurs conditions, leurs qualités, leur utilité et leur harmonie, les oiseaux du ciel que nous appelons aussi de l'air, avec la variété et la forme de chaque espèce, leurs ornements, leurs plumes, leur légèreté; les innombrables poissons de la mer et des rivières; la variété des baleines, leur structure, leurs qualités, leurs cavernes, l'aliment que la mer leur fournit, les fins auxquelles elles servent, la forme et l'utilité que chacune a dans le monde. Et Sa Majesté commanda d'une façon particulière à toute cette armée de créatures de reconnaître la Très Sainte Marie et de lui obéir, lui donnant puissance de leur commander, et de s'en servir comme il arriva en plusieurs circonstances et je parlerai de quelques unes en leurs lieux [b. Et avec cela Elle sortit de la vision de ce jour et Elle le passa dans les exercices et les demandes que le Seigneur lui commanda.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE SOUVERAINE.
3, 5, 57. Ma fille, la connaissance plus copieuse des oeuvres merveilleuses que le bras du Très-Haut opéra avec moi, pour m'élever par les visions abstractives de la Divinité à la dignité de Mère de Dieu, est réservée pour que les prédestinés le connaissent dans la Jérusalem céleste. Là ils le comprendront et ils le verront dans le Seigneur avec une jouissance et une admiration spéciale, comme les Anges l'eurent, lorsque le Très-Haut le leur manifesta pour en être exalté et loué. Et parce que Sa Majesté S'est montrée si libérale et si amoureuse envers toi, te donnant la connaissance et la Lumière que tu reçois de ces sacrements si cachés, je veux, mon amie, que tu te signales au-dessus de toutes les créatures dans la louange et l'exaltation de Son saint Nom, pour ce que la Puissance de Son bras opéra envers Moi.
3, 5, 58. Tu dois t'appliquer ensuite en toute sollicitude à m'imiter dans les oeuvres que je faisais avec ces grandes et admirables faveurs. Prie et intercède pour le salut éternel de tes frères et pour que le Nom de mon Très Saint Fils soit exalté de tous et connu de tout le monde. Et pour ces prières, tu dois t'approcher avec une détermination constante fondée dans une foi vive et une confiance assurée, sans perdre de vue ta misère, avec une humilité profonde et avec abaissement. Avec cette préparation tu dois combattre avec l'Amour divin même pour le bien de ton peuple, sachant que Ses victoires les plus glorieuses sont de Se laisser vaincre par les humbles qui L'aiment avec droiture: élève-toi au-dessus de toi-même et rends-Lui grâces pour tes bienfaits spécieux et pour ceux du genre humain; et convertie à cet Amour divin tu mériteras d'en recevoir de nouveaux bienfaits pour toi et pour tes frères; et demande toujours au Seigneur Sa bénédiction lorsque tu te trouveras en Sa divine Présence.»
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 5, [a]. Si tous les anciens Pères et les Justes se sauvèrent uniquement par la foi dans les mérites futurs du Messie promis comme le dit l'Apôtre, Hébreux, 11: 13; ne durent-ils pas aussi avoir présents les mérites futurs de la Très Sainte Marie et s'en servir en les présentant à Dieu pour le genre humain, même avant l'Incarnation.
3, 5, [b. Livre 3, No. 185; Livre 4, Nos. 431, 636; Livre 8, No. 372.
Le Très-Haut manifeste à la Très Sainte Marie de nouveaux mystères et de nouveaux sacrements avec les Oeuvres du cinquième jour de la Création, et son Altesse demande de nouveau l'Incarnation du Verbe.
3, 5, 47. Arriva le cinquième jour de la neuvaine que la bienheureuse Trinité célébrait dans le Temple de la Très Sainte Marie, afin que le Verbe prît en Elle notre forme humaine; et tirant davantage le voile des secrets cachés de la Sagesse Infinie, en ce jour il lui fut de nouveau découvert d'autres, l'élevant à la vision abstractive de la Divinité, comme il a été déclaré dans les jours précédents, et les illuminations et les dispositions se renouvelaient toujours avec de plus grands rayons de lumière et de "charismas" qui se dérivaient des Trésors de l'infinité dans son âme très sainte et ses puissances, avec lesquels la divine Souveraine s'approchait davantage de l'Etre de Dieu et s'y assimilait, se transformant de plus en plus en Lui, pour arriver à être digne Mère du même Dieu.
3, 5, 48. Le Très-Haut parla à cette divine Reine dans cette vision pour lui manifester d'autres secrets, et Se montrant à Elle avec une tendresse incroyable, Il lui dit: «Mon Épouse et Ma Colombe, tu as connu dans le secret de Mon sein l'immense libéralité à laquelle M'incline l'Amour que J'ai pour le genre humain, et les Trésors cachés que J'ai préparés pour le bonheur des hommes: et cet amour peut tant avec Moi, que je veux leur donner Mon Fils Unique pour leur enseignement et leur remède. Tu as aussi connu quelque chose de leur mauvaise correspondance et de leur honteuse ingratitude, ainsi que du mépris qu'ils font de Ma clémence et de Mon amour. Mais quoique Je t'aie manifesté une partie de leur malice, Je veux Mon Amie, que tu connaisses de nouveau dans Mon Etre le petit nombre de ceux qui Me connaîtront et M'aimeront comme élus. Et combien grand et multiplié est le nombre des ingrats et des réprouvés. Les péchés sans nombre et les abominations de tant d'hommes impurs et ténébreux que J'ai prévus par Ma Science infinie, retiennent Ma libérale Miséricorde, et ont posé comme de forts cadenas aux portes par où doivent sortir les Trésors de Ma Divinité et rendent le monde indigne de les recevoir.»
3, 5, 49. La Princesse Marie connut dans ces paroles du Très-Haut de grands sacrements du nombre des prédestinés et des réprouvés: et aussi la résistance et l'obstacle que causaient tous les péchés des hommes ensemble dans l'entendement divin pour que le Verbe Éternel Incarné vînt au monde. Et la Très Prudente Souveraine était dans l'admiration et l'étonnement à la vue de la Bonté infinie et de l'équité du Créateur; et de l'iniquité et de la malice immense des hommes, et tout embrasée dans la flamme de l'amour divin, elle parla à Sa Majesté et Lui dit:
3, 5, 50. «Mon Seigneur et mon Dieu, infini en Sagesse et incompréhensible en Sainteté! quel est ce mystère que Vous m'avez manifesté! Les méchancetés des hommes n'ont ni mesure ni terme, Votre seule Sagesse les comprend; mais toutes ces méchancetés et beaucoup d'autres plus grandes peuvent-elles par aventure éteindre Votre bonté et Votre amour, ou intervenir avec Lui? Non, mon Seigneur et mon Maître, il ne doit pas en être ainsi; la malice des mortels ne doit pas retenir Votre Miséricorde. Je suis la plus inutile de tout le genre humain; néanmoins de sa part je Vous pose la demande de Votre fidélité. C'est une vérité infaillible que le ciel et la terre manqueraient plutôt que la vérité de Vos paroles: et c'est aussi la vérité que Vous avez donné Votre parole plusieurs fois au monde par la bouche de Vos saints Prophètes et par la Vôtre à eux-mêmes que Vous leur donneriez leur Rédempteur et notre salut. Comment donc, mon Dieu, ces promesses accréditées par Votre Sagesse infinie laisseraient-elles de s'accomplir, pour n'être point trompé; et par Votre bonté pour ne point tromper l'homme? Pour leur faire cette promesse et leur offrir leur félicité éternelle en Votre Verbe Incarné, de la part des mortels et il n'y eut point de mérites, ni aucune créature n'a pu Vous obliger; et si cela pouvait bien se mériter, Votre Clémence infinie et libérale ne demeurerait pas si exaltée: de Vous-même seul Vous vous êtes obligé, car pour qu'un Dieu se fasse homme, il ne peut y avoir de raison qui l'oblige qu'en Dieu seul: en Vous seul est la raison et le motif de nous avoir crées, et d'avoir à nous réparer après que nous sommes tombés. Ne cherchez point pour l'Incarnation ô mon Dieu et mon Roi très haut, plus de mérites, ni plus de raison que Votre Miséricorde et l'exaltation de Votre gloire.»
3, 5, 51. «Il est vrai, Mon Épouse,» répondit le Très-Haut, «que par Mon immense bonté, Je M'obligeai à promettre aux hommes que Je Me revêtirais de leur nature et que J'habiterais avec eux, et que nul ne put mériter auprès de Moi cette promesse, mais l'exécution n'en est pas méritée par le procédé très ingrat des hommes, si odieux en Mon équité et Ma présence; puis lorsque Je ne prétends que
l'intérêt de leur félicité éternelle, en retour de Mon amour Je connais et Je trouve leur dureté et qu'avec elle ils perdront et mépriseront les Trésors de Ma grâce et de Ma gloire; et leur correspondance sera de donner des épines au lieu de fruit, de grandes offenses pour les bienfaits et une ingratitude honteuse pour Mes larges et libérales miséricordes; et la fin de tous ces maux sera pour eux la privation de Ma vue dans les tourments éternels. Considère, Mon Amie, ces vérités écrites dans le secret de Ma Sagesse et pèse ces grands sacrements; car pour toi est ouvert Mon coeur où tu connais la raison de Ma justice.»
3, 5, 52. Il n'est pas possible de manifester les mystères cachés que la Très Sainte Marie connut dans le Seigneur, parce qu'Elle vit en Lui toutes les créatures présentes, passées et futures, avec l'ordre que toutes les âmes devaient avoir, les oeuvres bonnes et mauvaises qu'elles devaient faire, la fin qu'elles auraient: et si Marie n'eût pas été confortée par la Vertu divine, elle n'eût pu conserver la vie parmi les effets et les affections que causaient en Elle cette science et cette vue de tant de sacrements et de mystères cachés. Mais comme dans ces miracles et ces bienfaits nouveaux, Sa Majesté disposait des fins si sublimes, Il n'était pas parcimonieux, mais très libéral envers Sa Bien-Aimée, l'Élue pour être Sa Mère. Et comme notre Reine apprenait cette Science au sein de Dieu même, avec celle-ci se dérivait le feu de la Charité Éternelle qui l'embrasait dans l'amour de Dieu et du prochain, et continuant ses prières, Elle dit:
3, 5, 53. «Seigneur Dieu Éternel, immortel et invisible, je confesse Votre Justice, j'exalte Vos Oeuvres, j'adore Votre Etre infini et je révère Vos jugements. Mon coeur se fond tout en affections amoureuses, connaissant Votre bonté sans limites pour les hommes, et leur ingratitude et leur grossièreté si lourdes pour Vous. Vous voulez pour tous, ô mon Dieu, la Vie Éternelle; mais il y en aura peu qui reconnaîtront ce bienfait inestimable et beaucoup le perdront par leur malice. Mon bien-Aimé, si Vous vous désobligez de ce côté, nous les mortels, nous sommes perdus; mais si Vous avez prévu par Votre Science divine les péchés et la malice des hommes qui Vous désobligent tant, Vous regardez par la même Science Votre Fils Unique Incarné et Ses Oeuvres d'une valeur et d'un prix infini en Votre acceptation et celles-ci surabondent aux péchés et les excèdent sans comparaison. Votre équité doit S'obliger de cet Homme-Dieu et ensuite pour Lui-même, nous le donner Lui-même et pour le demander encore une fois an nom du genre humain, je
me revêts de l'Esprit même du Verbe fait homme dans Votre Entendement, et je demande Son exécution et la Vie Éternelle par Sa main pour tous les hommes [a].»
3, 5, 54. Dans cette pétition de la Très Pure Marie, elle représenta au Père Éternel, selon notre manière de dire, comment Son Fils Unique devait descendre dans le sein virginal de cette grande Reine et Il fut incliné par ses humbles et amoureuses supplications. Et quoiqu'Il se montrât toujours indécis, c'était une industrie de Son tendre Amour, afin d'entendre davantage la voix de Sa Bien-Aimée, que ses douces lèvres distillassent un miel plus suave et que ses émissions fussent de paradis (Cant. 4: 11). Et pour prolonger davantage cette douce lutte, le Seigneur lui dit: «Ma Très Douce Épouse et Ma Colombe choisie, c'est beaucoup ce que tu me demandes, et les hommes m'obligent très peu; puis comment accorder à des indignes un Bienfait si rare? Laisse-Moi, Mon Amie, les traiter selon leur mauvaise correspondance.» Notre pieuse et puissante Avocate répondait: «Mon, Seigneur, je ne cesserai point mes instances: si ce que je demande est beaucoup, je le demande à Vous qui êtes riche en Miséricordes, puissant en Oeuvres, véritable en Paroles. Mon père David dit de Vous (Ps. 109.4) et du Verbe Éternel: "Le Seigneur a juré et Il ne se repentira pas d'avoir juré: tu es prêtre selon l'ordre de Melchisédech." Qu'Il vienne donc ce prêtre, qui doit être aussi sacrifice pour notre rachat; qu'Il vienne parce que Vous ne pouvez Vous repentir de la promesse; parce que Vous n'avez pas promis avec ignorance: mon doux Amour, je suis revêtue de la Vertu de Cet Homme-Dieu et ma lutte ne cessera pas, si Vous ne me donnez Votre bénédiction (Gen. 32: 26) comme à mon père Jacob.»
3, 5, 55. Il fut demandé à notre Reine et notre Souveraine dans cette lutte divine, comme à Jacob, quel était son nom; et Elle dit: «Je suis fille d'Adam, formée de Vos mains de l'humble matière de la terre.» Et le Très-Haut lui répondit: «Dès aujourd'hui ton nom sera l'Élue pour Mère du Fils Unique du Père.» Mais ces dernières paroles furent entendues des courtisans du Ciel et elles furent cachées à Marie jusqu'à son temps, comprenant seulement le mot Élue. Et cette lutte amoureuse ayant persévéré le temps que la Sagesse divine disposait et qui convenait pour embraser le coeur fervent de l'Élue, toute la Très Sainte Trinité donna Sa loyale Parole à la Très Pure Marie notre Reine, d'envoyer bientôt au monde le Verbe Éternel fait homme. Avec ce "fiat", joyeuse et pleine d'une incomparable jubilation, Elle demanda la bénédiction et le Très-Haut La lui donna.
Cette Femme forte sortit plus victorieuse que Jacob de la lutte avec Dieu, parce qu'Elle demeura riche forte et remplie de dépouilles et le même Dieu, blessé et affaibli selon notre manière de concevoir demeurant déjà vaincu par l'amour de cette Souveraine, pour Se vêtir dans son Tabernacle sacré de la faiblesse humaine de notre chair passible, dans laquelle Se dissimula et Se couvrit la force de Sa Divinité, pour vaincre étant vaincu, et nous donner la Vie par Sa Mort. Que les mortels voient et reconnaissent comment la Très Sainte Marie est la cause de leur salut après son Très Béni Fils.
3, 5, 56. Ensuite les Oeuvres du cinquième jour de la création du monde furent manifestées à notre Reine dans cette même vision dans la même forme qu'elles arrivèrent; et Elle connut comment par la force de la Parole divine furent engendrés et produits, des eaux de dessous le firmament (Gen. 1: 20), les imparfaits animaux reptiles qui rampent sur la terre, les volatiles qui courent par les airs et les natatiles qui nagent et habitent dans les eaux; et elle connut le principe, la matière, la forme et la figure de toutes ces créatures dans leur genre, toutes les espèces des animaux sauvages, leurs conditions, leurs qualités, leur utilité et leur harmonie, les oiseaux du ciel que nous appelons aussi de l'air, avec la variété et la forme de chaque espèce, leurs ornements, leurs plumes, leur légèreté; les innombrables poissons de la mer et des rivières; la variété des baleines, leur structure, leurs qualités, leurs cavernes, l'aliment que la mer leur fournit, les fins auxquelles elles servent, la forme et l'utilité que chacune a dans le monde. Et Sa Majesté commanda d'une façon particulière à toute cette armée de créatures de reconnaître la Très Sainte Marie et de lui obéir, lui donnant puissance de leur commander, et de s'en servir comme il arriva en plusieurs circonstances et je parlerai de quelques unes en leurs lieux [b. Et avec cela Elle sortit de la vision de ce jour et Elle le passa dans les exercices et les demandes que le Seigneur lui commanda.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE SOUVERAINE.
3, 5, 57. Ma fille, la connaissance plus copieuse des oeuvres merveilleuses que le bras du Très-Haut opéra avec moi, pour m'élever par les visions abstractives de la Divinité à la dignité de Mère de Dieu, est réservée pour que les prédestinés le connaissent dans la Jérusalem céleste. Là ils le comprendront et ils le verront dans le Seigneur avec une jouissance et une admiration spéciale, comme les Anges l'eurent, lorsque le Très-Haut le leur manifesta pour en être exalté et loué. Et parce que Sa Majesté S'est montrée si libérale et si amoureuse envers toi, te donnant la connaissance et la Lumière que tu reçois de ces sacrements si cachés, je veux, mon amie, que tu te signales au-dessus de toutes les créatures dans la louange et l'exaltation de Son saint Nom, pour ce que la Puissance de Son bras opéra envers Moi.
3, 5, 58. Tu dois t'appliquer ensuite en toute sollicitude à m'imiter dans les oeuvres que je faisais avec ces grandes et admirables faveurs. Prie et intercède pour le salut éternel de tes frères et pour que le Nom de mon Très Saint Fils soit exalté de tous et connu de tout le monde. Et pour ces prières, tu dois t'approcher avec une détermination constante fondée dans une foi vive et une confiance assurée, sans perdre de vue ta misère, avec une humilité profonde et avec abaissement. Avec cette préparation tu dois combattre avec l'Amour divin même pour le bien de ton peuple, sachant que Ses victoires les plus glorieuses sont de Se laisser vaincre par les humbles qui L'aiment avec droiture: élève-toi au-dessus de toi-même et rends-Lui grâces pour tes bienfaits spécieux et pour ceux du genre humain; et convertie à cet Amour divin tu mériteras d'en recevoir de nouveaux bienfaits pour toi et pour tes frères; et demande toujours au Seigneur Sa bénédiction lorsque tu te trouveras en Sa divine Présence.»
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 5, [a]. Si tous les anciens Pères et les Justes se sauvèrent uniquement par la foi dans les mérites futurs du Messie promis comme le dit l'Apôtre, Hébreux, 11: 13; ne durent-ils pas aussi avoir présents les mérites futurs de la Très Sainte Marie et s'en servir en les présentant à Dieu pour le genre humain, même avant l'Incarnation.
3, 5, [b. Livre 3, No. 185; Livre 4, Nos. 431, 636; Livre 8, No. 372.
Dernière édition par sga le Sam 29 Oct 2016 - 9:48, édité 2 fois
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
bonjour,
pourriez-vous me dire ou je pourrai trouver l' œuvre de Marie d' Agreda en anglais?
Cordialement
monsieur Soucolline
pourriez-vous me dire ou je pourrai trouver l' œuvre de Marie d' Agreda en anglais?
Cordialement
monsieur Soucolline
Monsieur Soucolline- Aime le chapelet
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
Bonjour Monsieur Soucolline,
Sga poste ici ses oeuvres, peut-être pourra t-il vous renseigner quant à la version Anglaise, ou un membre de ce forum?
De mon côté je vais faire des recherches mais le résultat n'est pas garanti!!
Amitiés!!
Sga poste ici ses oeuvres, peut-être pourra t-il vous renseigner quant à la version Anglaise, ou un membre de ce forum?
De mon côté je vais faire des recherches mais le résultat n'est pas garanti!!
Amitiés!!
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
Bonjour,
@Monsieur Soucolline
Je ne connais pas de lien vers une version anglaise
voici celui en français qui figure au début du sujet:http://lepaternoster.com/cariboost_files/Cit_C3_A9_20mystique_20final.pdf
Fraternellement,
Bonne journée
SGA
@Monsieur Soucolline
Je ne connais pas de lien vers une version anglaise
voici celui en français qui figure au début du sujet:http://lepaternoster.com/cariboost_files/Cit_C3_A9_20mystique_20final.pdf
Fraternellement,
Bonne journée
SGA
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 6
Le Très-Haut manifeste à Marie notre Souveraine d'autres mystères avec les Oeuvres du sixième jour de la Création.
3, 6, 59. Le Très-Haut persévère à disposer prochainement notre Princesse à recevoir le Verbe Éternel dans son sein virginal; et Elle continuait sans intervalle ses ferventes affections et ses oraisons, afin qu'Il vînt au monde: et arrivant la nuit du sixième jour que je déclare, Elle fut appelée par la même voix et avec la même force que j'ai déjà dites, et des degrés d'illuminations plus intenses ayant précédé, la Divinité lui fut manifestée dans une vision abstractive selon l'ordre des autres fois, mais toujours avec des effets plus divins et une connaissance des attributs du Très-Haut plus profonde. Elle passait neuf heures dans cette oraison, et Elle en sortait à l'heure de Tierce. Et quoique cette vision élevée de l'Etre de Dieu cessât alors, la Très Sainte Marie ne sortait pas pour cela de Sa vue et de son oraison; au contraire Elle demeurait dans une autre qui était inférieure à l'égard de celle qu'Elle laissait, mais qui était, absolument parlant, très sublime et plus grande que
la plus élevée de tous les Saints et de tous les Justes.
Et toutes ces faveurs et tous ces dons étaient plus déifiés dans les derniers jours prochains à l'Incarnation, sans que les occupations actives de son état l'en empêchassent; parce que là Marthe ne se plaignait point (Luc 10: 40) que Marie la lassât seule [a].
3, 6, 60. Ayant connue la Divinité dans cette vision, les Oeuvres du sixième jour de la création du monde lui furent ensuite manifestées; Elle connut comme si Elle s'y fût trouvée présente, dans le Seigneur, comment à Sa divine Parole la terre produisit l'âme (Gen. 1: 24) vivante dans son genre, selon que le dit Moïse; entendant par ce nom les animaux terrestres, qui pour être plus parfaits que les poissons et les oiseaux dans les opérations et la vie animale, s'appellent par la partie principale âme vivante. Elle connut et pénétra tous ces genres et ces espèces d'animaux qui furent créés dans ce sixième jour et comment ils s'appellent les uns bêtes de somme, parce qu'ils servent et aident les hommes; et d'autres bêtes féroces, comme plus sauvages; et d'autres reptiles parce qu'elle ne s'élèvent que peu ou point; et elle connut et pénétra les qualités, la férocité, les forces, les ministères, les fins et les conditions de toutes ces bêtes, distinctement et singulièrement. Il lui fut donné empire et domaine sur tous ces animaux, et à ceux-ci fut imposé le précepte de lui obéir; et Elle eût pu sans crainte fouler au pied l'aspic et le basilic, car tous se seraient soumis sous ses pieds, et certains animaux le firent souvent à son ordre, comme il arriva à la naissance de son Très Saint Fils, que le boeuf et l'âne se prosternèrent et réchauffèrent de leur haleine l'Enfant Dieu parce que la divine Mère le leur avait commandé [b.
3, 6, 61. Dans cette plénitude de science, notre divine Reine connut et comprit avec une perfection souveraine la manière cachée dont Dieu dirigea tout ce qu'Il a créé au service et au bienfait du genre humain et dans la dette qu'il contractait dans ce bienfait envers son Auteur. Et il fut très convenable que la Très Sainte Marie eût ce genre de sagesse et de compréhension, afin qu'avec cette sagesse, cette Souveraine donnât le digne retour de reconnaissance pour de tels bienfaits, ce que ni les hommes, ni les Anges ne Lui donnèrent, manquant à la due correspondance, ou bien les créatures n'arrivant point à tout ce qu'elles devaient. La Reine de l'univers remplit tous ces vides et Elle satisfit pour tout ce que nous ne pouvons ou ne voulons point. Et avec la correspondance qu'Elle donna, Elle laissa l'équité divine comme satisfaite, intervenant entre Dieu et les créatures; et par son innocence et sa reconnaissance, Elle se rendit plus acceptable que toutes les autres: et le Très-Haut Se donna pour plus obligé de la seule Très Sainte Marie que de tout le reste des créatures. Par cette manière si mystérieuse, la venue de Dieu au monde se disposait, l'obstacle, s'écartant par la sainteté de Celle qui devait être Sa Mère.
3, 6, 62. Après la création de tous les êtres incapables de raison, Elle connut dans la même vision comment la Très Sainte Trinité dit pour le complément et la perfection du monde: "Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance (Gen. 1: 26)"; et comment par la vertu de ce divin décret fut formé de terre le premier homme pour origine des autres. Elle connut profondément l'harmonie du corps humain, et l'âme et ses puissances, sa création et son infusion dans le corps, l'union qu'elle a avec lui pour composer le tout; et dans la structure du corps humain, Elle connut toutes les parties une à une, le nombre des os, des veines, des artères, des nerfs et les ligaments, avec le concours des quatre humeurs dans le tempérament convenable, la faculté de s'alimenter, de se nourrir et de se mouvoir localement, et comment par l'inégalité ou le changement de toute cette harmonie se causaient les maladies, et comment elles se guérissaient. La Vierge très prudente comprit et pénétra tout cela sans erreur plus que tous les philosophes du monde et plus que les Anges mêmes.
3, 6, 63. Le Seigneur lui manifesta l'heureux état de la justice originelle dans laquelle Il posa nos premiers parents Adam et Eve; Elle connut les conditions, la beauté et la perfection de l'innocence et de la grâce, et le peu de temps qu'ils y persévérèrent: Elle comprit la manière dont ils furent tentés (Gen. 3: 1) et vaincus par l'astuce du serpent, et les effets que produisit le péché; la fureur et la haine des démons contre le genre humain. A la vue de tous ces objets, notre Reine fit des actes grands et héroïques de complaisance souveraine pour le Très-Haut: Elle reconnut être la fille de ces premiers parents, descendante d'une nature si ingrate envers son Créateur. Et dans cette connaissance Elle s'humilia en la Présence divine, blessant le Coeur de Dieu et L'obligeant à l'élever au-dessus de toutes les créatures. Elle prit pour son compte de pleurer ce premier péché avec tous les autres qui en résultèrent comme si Elle eût été la délinquante. Pour cela on peut déjà appeler heureuse faute celle qui mérita d'être pleurée avec des larmes si précieuses dans l'estimation du Seigneur, qui commencèrent à être des cautions et des gages certains de notre Rédempteur.
3, 6, 64. Elle fit de dignes actions de grâces au Créateur pour l'Oeuvre magnifique de la création de l'homme. Elle considéra attentivement sa désobéissance et la séduction et la tromperie d'Eve, et dans son entendement, elle fit le propos de la perpétuelle obéissance que ces premiers parents refusèrent à leur Dieu et leur Seigneur: et cette soumission fut si agréable à Ses yeux que Sa Majesté ordonna que s'accomplît et s'exécutât ce jour-là même en présence des courtisans du Ciel, le vérité figurée dans l'histoire du roi Assuérus (Esth. 1: 12), de qui la reine Vasthi fut réprouvée et privée de la dignité royale par sa désobéissance, et en sa place fut élevée pour reine l'humble et gracieuse Esther.
3, 6, 65. Ces mystères se correspondent en tout avec une admirable consonance; parce que le véritable souverain Roi, pour manifester la grandeur de Son pouvoir et les Trésors de Sa Divinité, fit le grand festin de la création et la table libre à toutes les créatures étant préparée, Il appela au banquet le genre humain dans la création de ses premiers parents. Vasthi désobéit, notre mère Eve ne se soumit pas au précepte divin; et le véritable Assuérus commanda en ce jour, avec un approbation et une louange admirable des Anges que fut élevée à la dignité de Reine de toutes les créatures la très humble Esther, la Très Sainte Marie, pleine de grâce et de beauté, choisie entre toutes les filles du genre humain pour sa Restauratrice et la Mère de son Créateur.
3, 6, 66. Et pour la plénitude de ce mystère, le Très-Haut répandit dans le coeur de notre Reine durant cette vision une nouvelle horreur contre le démon, comme l'eut Esther contre Aman (Esth. 7: 6): et ainsi il arriva qu'Elle le renversa de son poste, c'est-à-dire de l'empire et du commandement qu'il avait dans le monde et Elle écrasa la tête de son orgueil, le menant jusqu'au bois de la croix où il avait prétendu détruire et vaincre l'Homme-Dieu, afin que là il fût châtié et vaincu; car la Très Sainte Marie intervint en tout, comme nous le dirons dans son lieu [c]. Et ainsi comme l'envie de ce grand dragon commença depuis le Ciel contre la Femme (Apoc. 12: 4) qu'il y vit vêtue du soleil, car nous avons dit que c'était cette divine Dame [d]; de même aussi la lutte dura jusqu'à ce que par Elle il
fût privé de son empire tyrannique: et comme au lieu du superbe Aman fut honoré le très fidèle Mardochée (Esth. 6: 10); ainsi fut posé le très chaste et très fidèle Joseph qui prenait soin du salut de notre divine Esther, et il lui demandait de prier continuellement pour la liberté de son peuple, car tels étaient les entretiens continuels de saint Joseph et de sa Très Pure Épouse et à cause d'Elle il fut élevé à la grandeur de sainteté qu'il atteignit et à une dignité si excellente que le suprême Roi lui donna l'anneau de Son sceau (Esth. 8: 2), afin qu'avec cela il commandât au même Dieu fait homme qui lui fut assujetti, comme dit l'Évangile (Luc 2: 51). Avec cela notre Reine sortit de vision.
DOCTRINE QUE NOUS DONNA LA DIVINE SOUVERAINE.
3, 6, 67. Ma fille le don de l'humilité que le Très-Haut me concéda dans cet événement que tu as écrit fut admirable: et puisque Sa Majesté ne rebute point celui qui l'invoque et qu'il ne refuse point Sa faveur à Celui qui se dispose à la recevoir, je veux que tu m'imites et que tu sois ma compagne dans l'exercice de cette vertu. Je n'avais point de part dans le péché d'Adam, car je fus exempte de sa désobéissance; mais parce que j'eus part à sa nature, et que par elle seule j'étais sa fille, je m'humiliai jusqu'à m'anéantir dans mon estime. Puis avec cet exemple, jusqu'où doit s'humilier celui qui eut part non-seulement dans le premier péché, mais qui en a commis ensuite beaucoup d'autres? Et le motif et la fin de cette humble connaissance ne doit pas être seulement pour faire pénitence de ces péchés, mais pour restaurer et compenser l'Honneur que par elle on a ôté et refusé au Créateur et Seigneur de tous.
3, 6, 68. Si ton frère avait offensé gravement ton père naturel, tu ne serais pas une fille reconnaissante et loyale envers ton père, ni une soeur véritable de ton frère, si tu ne t'affligeais pas de l'offense et si tu ne pleurais point le dommage comme le tien propre, parce qu'au père est due toute révérence et au frère tu dois l'amour comme à toi-même; puis considère, ma très chère, et examine à la lumière véritable combien de différence il y a entre votre Père véritable qui est dans les cieux et le père naturel, que vous êtes tous Ses enfants et unis par le lien d'étroite obligation de frères et de serviteurs d'un Seigneur véritable: et comme tu pleurerais avec une grande confusion et avec une grande honte, si tes frères naturels commettaient quelque faute humiliante; ainsi je veux que tu le fasses pour celles que les mortels commettent contre Dieu, t'en affligeant avec honte comme si elles étaient attribuées à toi-même. C'est ce que je fis connaissant la désobéissance d'Adam et d'Eve, et les maux qui s'en suivirent pour le genre humain: et le Très-Haut se complut dans ma reconnaissance et ma charité; parce que celui qui pleure les péchés de celui qui oublie ceux qu'il commet est très agréable à Ses yeux.
3, 6, 69. Avec cela je veux que tu sois avertie que quelque grandes et élevées que soient les faveurs que tu reçois du Très-Haut, tu ne dois pas pour cela être insouciante du danger, ni non plus que tu méprises de descendre et de t'appliquer aux oeuvres d'obligation et de charité. Et cela n'est point quitter Dieu; mais la Foi t'enseigne et la Lumière te gouverne pour savoir que tu Le portes avec toi en tout lieu et en toute occupation; mais que tu ne quittes que toi-même et ton goût pour accomplir Celui de ton Seigneur et ton Époux. Ne te laisse point aller dans ces affections au poids de l'inclination ni de la bonne intention et du goût intérieur, car souvent sous ce manteau se cachent les plus grands dangers; et dans ces doutes ou ces ignorances, sers toi toujours du contrôle et de la maîtrise de la sainte obéissance par laquelle tu gouverneras tes actions sûrement sans faire d'autre élection, parce que de grandes victoires et de grands progrès dans les mérites sont attachés à la véritable soumission et à la sujétion du jugement propre à celui d'autrui. Tu ne dois jamais avoir de vouloir ou de non vouloir, et avec cela tu chanteras des victoires (Prov. 21: 28) et tu vaincras les ennemis.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 6, [a]. Les occupations actives n'empêchaient point Marie de s'appliquer aux illuminations intérieures; car l'âme étant en une vision intellectuelle très sublime peut toutefois s'occuper aux offices de la vie active. [Voir saint Thérèse dans le Château intérieur. Demeure I, c. I].
3, 6, [b. Si l'âne de Balaam obéit à un Ange et si tous les animaux obéissaient à Adam tant qu'il fut innocent, et si tant de saints eurent des services de ces mêmes bêtes comme il est raconté dans leurs vies [voir la vie de saint Antoine écrite par saint Athanase, etc.] qu'est-ce qu'il y aurait d'étonnant que ces créatures dussent être obéissantes à la Très Sainte Marie, supérieure à tous les Anges, plus innocente qu'Adam et certainement plus privilégiée de Dieu que tous les saints.
3, 6, [c]. Livre 6, No. 1364.
3, 6, [d]. Livre 1, No. 95
Le Très-Haut manifeste à Marie notre Souveraine d'autres mystères avec les Oeuvres du sixième jour de la Création.
3, 6, 59. Le Très-Haut persévère à disposer prochainement notre Princesse à recevoir le Verbe Éternel dans son sein virginal; et Elle continuait sans intervalle ses ferventes affections et ses oraisons, afin qu'Il vînt au monde: et arrivant la nuit du sixième jour que je déclare, Elle fut appelée par la même voix et avec la même force que j'ai déjà dites, et des degrés d'illuminations plus intenses ayant précédé, la Divinité lui fut manifestée dans une vision abstractive selon l'ordre des autres fois, mais toujours avec des effets plus divins et une connaissance des attributs du Très-Haut plus profonde. Elle passait neuf heures dans cette oraison, et Elle en sortait à l'heure de Tierce. Et quoique cette vision élevée de l'Etre de Dieu cessât alors, la Très Sainte Marie ne sortait pas pour cela de Sa vue et de son oraison; au contraire Elle demeurait dans une autre qui était inférieure à l'égard de celle qu'Elle laissait, mais qui était, absolument parlant, très sublime et plus grande que
la plus élevée de tous les Saints et de tous les Justes.
Et toutes ces faveurs et tous ces dons étaient plus déifiés dans les derniers jours prochains à l'Incarnation, sans que les occupations actives de son état l'en empêchassent; parce que là Marthe ne se plaignait point (Luc 10: 40) que Marie la lassât seule [a].
3, 6, 60. Ayant connue la Divinité dans cette vision, les Oeuvres du sixième jour de la création du monde lui furent ensuite manifestées; Elle connut comme si Elle s'y fût trouvée présente, dans le Seigneur, comment à Sa divine Parole la terre produisit l'âme (Gen. 1: 24) vivante dans son genre, selon que le dit Moïse; entendant par ce nom les animaux terrestres, qui pour être plus parfaits que les poissons et les oiseaux dans les opérations et la vie animale, s'appellent par la partie principale âme vivante. Elle connut et pénétra tous ces genres et ces espèces d'animaux qui furent créés dans ce sixième jour et comment ils s'appellent les uns bêtes de somme, parce qu'ils servent et aident les hommes; et d'autres bêtes féroces, comme plus sauvages; et d'autres reptiles parce qu'elle ne s'élèvent que peu ou point; et elle connut et pénétra les qualités, la férocité, les forces, les ministères, les fins et les conditions de toutes ces bêtes, distinctement et singulièrement. Il lui fut donné empire et domaine sur tous ces animaux, et à ceux-ci fut imposé le précepte de lui obéir; et Elle eût pu sans crainte fouler au pied l'aspic et le basilic, car tous se seraient soumis sous ses pieds, et certains animaux le firent souvent à son ordre, comme il arriva à la naissance de son Très Saint Fils, que le boeuf et l'âne se prosternèrent et réchauffèrent de leur haleine l'Enfant Dieu parce que la divine Mère le leur avait commandé [b.
3, 6, 61. Dans cette plénitude de science, notre divine Reine connut et comprit avec une perfection souveraine la manière cachée dont Dieu dirigea tout ce qu'Il a créé au service et au bienfait du genre humain et dans la dette qu'il contractait dans ce bienfait envers son Auteur. Et il fut très convenable que la Très Sainte Marie eût ce genre de sagesse et de compréhension, afin qu'avec cette sagesse, cette Souveraine donnât le digne retour de reconnaissance pour de tels bienfaits, ce que ni les hommes, ni les Anges ne Lui donnèrent, manquant à la due correspondance, ou bien les créatures n'arrivant point à tout ce qu'elles devaient. La Reine de l'univers remplit tous ces vides et Elle satisfit pour tout ce que nous ne pouvons ou ne voulons point. Et avec la correspondance qu'Elle donna, Elle laissa l'équité divine comme satisfaite, intervenant entre Dieu et les créatures; et par son innocence et sa reconnaissance, Elle se rendit plus acceptable que toutes les autres: et le Très-Haut Se donna pour plus obligé de la seule Très Sainte Marie que de tout le reste des créatures. Par cette manière si mystérieuse, la venue de Dieu au monde se disposait, l'obstacle, s'écartant par la sainteté de Celle qui devait être Sa Mère.
3, 6, 62. Après la création de tous les êtres incapables de raison, Elle connut dans la même vision comment la Très Sainte Trinité dit pour le complément et la perfection du monde: "Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance (Gen. 1: 26)"; et comment par la vertu de ce divin décret fut formé de terre le premier homme pour origine des autres. Elle connut profondément l'harmonie du corps humain, et l'âme et ses puissances, sa création et son infusion dans le corps, l'union qu'elle a avec lui pour composer le tout; et dans la structure du corps humain, Elle connut toutes les parties une à une, le nombre des os, des veines, des artères, des nerfs et les ligaments, avec le concours des quatre humeurs dans le tempérament convenable, la faculté de s'alimenter, de se nourrir et de se mouvoir localement, et comment par l'inégalité ou le changement de toute cette harmonie se causaient les maladies, et comment elles se guérissaient. La Vierge très prudente comprit et pénétra tout cela sans erreur plus que tous les philosophes du monde et plus que les Anges mêmes.
3, 6, 63. Le Seigneur lui manifesta l'heureux état de la justice originelle dans laquelle Il posa nos premiers parents Adam et Eve; Elle connut les conditions, la beauté et la perfection de l'innocence et de la grâce, et le peu de temps qu'ils y persévérèrent: Elle comprit la manière dont ils furent tentés (Gen. 3: 1) et vaincus par l'astuce du serpent, et les effets que produisit le péché; la fureur et la haine des démons contre le genre humain. A la vue de tous ces objets, notre Reine fit des actes grands et héroïques de complaisance souveraine pour le Très-Haut: Elle reconnut être la fille de ces premiers parents, descendante d'une nature si ingrate envers son Créateur. Et dans cette connaissance Elle s'humilia en la Présence divine, blessant le Coeur de Dieu et L'obligeant à l'élever au-dessus de toutes les créatures. Elle prit pour son compte de pleurer ce premier péché avec tous les autres qui en résultèrent comme si Elle eût été la délinquante. Pour cela on peut déjà appeler heureuse faute celle qui mérita d'être pleurée avec des larmes si précieuses dans l'estimation du Seigneur, qui commencèrent à être des cautions et des gages certains de notre Rédempteur.
3, 6, 64. Elle fit de dignes actions de grâces au Créateur pour l'Oeuvre magnifique de la création de l'homme. Elle considéra attentivement sa désobéissance et la séduction et la tromperie d'Eve, et dans son entendement, elle fit le propos de la perpétuelle obéissance que ces premiers parents refusèrent à leur Dieu et leur Seigneur: et cette soumission fut si agréable à Ses yeux que Sa Majesté ordonna que s'accomplît et s'exécutât ce jour-là même en présence des courtisans du Ciel, le vérité figurée dans l'histoire du roi Assuérus (Esth. 1: 12), de qui la reine Vasthi fut réprouvée et privée de la dignité royale par sa désobéissance, et en sa place fut élevée pour reine l'humble et gracieuse Esther.
3, 6, 65. Ces mystères se correspondent en tout avec une admirable consonance; parce que le véritable souverain Roi, pour manifester la grandeur de Son pouvoir et les Trésors de Sa Divinité, fit le grand festin de la création et la table libre à toutes les créatures étant préparée, Il appela au banquet le genre humain dans la création de ses premiers parents. Vasthi désobéit, notre mère Eve ne se soumit pas au précepte divin; et le véritable Assuérus commanda en ce jour, avec un approbation et une louange admirable des Anges que fut élevée à la dignité de Reine de toutes les créatures la très humble Esther, la Très Sainte Marie, pleine de grâce et de beauté, choisie entre toutes les filles du genre humain pour sa Restauratrice et la Mère de son Créateur.
3, 6, 66. Et pour la plénitude de ce mystère, le Très-Haut répandit dans le coeur de notre Reine durant cette vision une nouvelle horreur contre le démon, comme l'eut Esther contre Aman (Esth. 7: 6): et ainsi il arriva qu'Elle le renversa de son poste, c'est-à-dire de l'empire et du commandement qu'il avait dans le monde et Elle écrasa la tête de son orgueil, le menant jusqu'au bois de la croix où il avait prétendu détruire et vaincre l'Homme-Dieu, afin que là il fût châtié et vaincu; car la Très Sainte Marie intervint en tout, comme nous le dirons dans son lieu [c]. Et ainsi comme l'envie de ce grand dragon commença depuis le Ciel contre la Femme (Apoc. 12: 4) qu'il y vit vêtue du soleil, car nous avons dit que c'était cette divine Dame [d]; de même aussi la lutte dura jusqu'à ce que par Elle il
fût privé de son empire tyrannique: et comme au lieu du superbe Aman fut honoré le très fidèle Mardochée (Esth. 6: 10); ainsi fut posé le très chaste et très fidèle Joseph qui prenait soin du salut de notre divine Esther, et il lui demandait de prier continuellement pour la liberté de son peuple, car tels étaient les entretiens continuels de saint Joseph et de sa Très Pure Épouse et à cause d'Elle il fut élevé à la grandeur de sainteté qu'il atteignit et à une dignité si excellente que le suprême Roi lui donna l'anneau de Son sceau (Esth. 8: 2), afin qu'avec cela il commandât au même Dieu fait homme qui lui fut assujetti, comme dit l'Évangile (Luc 2: 51). Avec cela notre Reine sortit de vision.
DOCTRINE QUE NOUS DONNA LA DIVINE SOUVERAINE.
3, 6, 67. Ma fille le don de l'humilité que le Très-Haut me concéda dans cet événement que tu as écrit fut admirable: et puisque Sa Majesté ne rebute point celui qui l'invoque et qu'il ne refuse point Sa faveur à Celui qui se dispose à la recevoir, je veux que tu m'imites et que tu sois ma compagne dans l'exercice de cette vertu. Je n'avais point de part dans le péché d'Adam, car je fus exempte de sa désobéissance; mais parce que j'eus part à sa nature, et que par elle seule j'étais sa fille, je m'humiliai jusqu'à m'anéantir dans mon estime. Puis avec cet exemple, jusqu'où doit s'humilier celui qui eut part non-seulement dans le premier péché, mais qui en a commis ensuite beaucoup d'autres? Et le motif et la fin de cette humble connaissance ne doit pas être seulement pour faire pénitence de ces péchés, mais pour restaurer et compenser l'Honneur que par elle on a ôté et refusé au Créateur et Seigneur de tous.
3, 6, 68. Si ton frère avait offensé gravement ton père naturel, tu ne serais pas une fille reconnaissante et loyale envers ton père, ni une soeur véritable de ton frère, si tu ne t'affligeais pas de l'offense et si tu ne pleurais point le dommage comme le tien propre, parce qu'au père est due toute révérence et au frère tu dois l'amour comme à toi-même; puis considère, ma très chère, et examine à la lumière véritable combien de différence il y a entre votre Père véritable qui est dans les cieux et le père naturel, que vous êtes tous Ses enfants et unis par le lien d'étroite obligation de frères et de serviteurs d'un Seigneur véritable: et comme tu pleurerais avec une grande confusion et avec une grande honte, si tes frères naturels commettaient quelque faute humiliante; ainsi je veux que tu le fasses pour celles que les mortels commettent contre Dieu, t'en affligeant avec honte comme si elles étaient attribuées à toi-même. C'est ce que je fis connaissant la désobéissance d'Adam et d'Eve, et les maux qui s'en suivirent pour le genre humain: et le Très-Haut se complut dans ma reconnaissance et ma charité; parce que celui qui pleure les péchés de celui qui oublie ceux qu'il commet est très agréable à Ses yeux.
3, 6, 69. Avec cela je veux que tu sois avertie que quelque grandes et élevées que soient les faveurs que tu reçois du Très-Haut, tu ne dois pas pour cela être insouciante du danger, ni non plus que tu méprises de descendre et de t'appliquer aux oeuvres d'obligation et de charité. Et cela n'est point quitter Dieu; mais la Foi t'enseigne et la Lumière te gouverne pour savoir que tu Le portes avec toi en tout lieu et en toute occupation; mais que tu ne quittes que toi-même et ton goût pour accomplir Celui de ton Seigneur et ton Époux. Ne te laisse point aller dans ces affections au poids de l'inclination ni de la bonne intention et du goût intérieur, car souvent sous ce manteau se cachent les plus grands dangers; et dans ces doutes ou ces ignorances, sers toi toujours du contrôle et de la maîtrise de la sainte obéissance par laquelle tu gouverneras tes actions sûrement sans faire d'autre élection, parce que de grandes victoires et de grands progrès dans les mérites sont attachés à la véritable soumission et à la sujétion du jugement propre à celui d'autrui. Tu ne dois jamais avoir de vouloir ou de non vouloir, et avec cela tu chanteras des victoires (Prov. 21: 28) et tu vaincras les ennemis.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 6, [a]. Les occupations actives n'empêchaient point Marie de s'appliquer aux illuminations intérieures; car l'âme étant en une vision intellectuelle très sublime peut toutefois s'occuper aux offices de la vie active. [Voir saint Thérèse dans le Château intérieur. Demeure I, c. I].
3, 6, [b. Si l'âne de Balaam obéit à un Ange et si tous les animaux obéissaient à Adam tant qu'il fut innocent, et si tant de saints eurent des services de ces mêmes bêtes comme il est raconté dans leurs vies [voir la vie de saint Antoine écrite par saint Athanase, etc.] qu'est-ce qu'il y aurait d'étonnant que ces créatures dussent être obéissantes à la Très Sainte Marie, supérieure à tous les Anges, plus innocente qu'Adam et certainement plus privilégiée de Dieu que tous les saints.
3, 6, [c]. Livre 6, No. 1364.
3, 6, [d]. Livre 1, No. 95
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 7
Le Très-Haut célèbre avec la Princesse du Ciel de nouvelles Épousailles pour les noces de l'Incarnation et Il l'orne pour ces Noces.
3, 7, 70. Les oeuvres du Très-Haut sont grandes, parce qu'elles furent et elles sont toutes faites avec plénitude de science et de bonté, dans l'équité et la mesure (Sag. 11: 21). Aucune n'est dépourvue, inutile, défectueuse, superflue ou vaine: elles sont toutes exquises et magnifiques, comme le même Seigneur voulut les faire et les conserver avec la mesure de Sa Volonté; et Il les voulut comme il le convenait, pour être connu et exalté en elles. Mais toutes les Oeuvres de Dieu "ad extra" hors le Mystère de l'Incarnation quoiqu'elles soient grandes, étonnantes et admirables, et plus admirables que compréhensibles, ne sont pas plus qu'une petite étincelle émanée de l'immense abîme de la Divinité. Seul ce grand sacrement que Dieu se soit fait homme passible et mortel est l'Oeuvre la plus grande de toute la Puissance et de toute la Sagesse infinie, et celle qui excède sans mesure toutes les autres oeuvres et les autres merveilles de Son bras tout puissant; parce que dans ce Mystère, il n'y a pas seulement qu'une étincelle de la Divinité, mais tout le volcan de l'Incendie infini, car Dieu est descendu et il S'est communiqué aux hommes, s'unissant d'une union indissoluble et éternelle à notre nature humaine et terrestre.
3, 7, 71. Si cette merveille, ce sacrement du Roi doit être mesuré avec Sa propre grandeur, il était conséquent que la Femme dans le sein de laquelle Il devait prendre la forme humaine fût si parfaite et si ornée de toutes ses richesses, que rien ne lui manquât des dons et des grâces possibles et qu'elles fussent toutes si abondantes qu'aucune ne souffrît de manque ou de défaut. Puis comme cela était fondé en raison et convenait à la grandeur du Tout-Puissant, ainsi Il l'accomplit envers la Très Sainte Marie mieux que le roi Assuérus envers la gracieuse Esther (Esth. 2: 9) pour l'élever au trône de Sa grandeur. Le Très-Haut prévint notre Reine Marie de faveurs, de privilèges et de Dons non imaginés des créatures tels, que lorsqu'Elle sortit à la vue des courtisans de ce grand Roi Immortel des siècles (1 Tim. 1: 17), ils connurent tous le pouvoir Divin, et ils Le louèrent de ce que s'Il avait choisi une Femme pour Mère, Il avait su et pu la rendre digne pour Se faire son Fils.
3, 7, 72. Le septième jour voisin de ce mystère arriva, et à la même heure que dans les jours passées que j'ai dit, la divine Souveraine fut appelée et élevée en esprit, mais avec une différence des jours précédents; parce que dans celui-ci Elle fut portée corporellement par les mains de ses saints Anges au ciel empirée, l'un d'eux demeurant en sa place pour la représenter en corps apparent. Posée dans ce suprême Ciel, Elle vit la Divinité par une vision abstractive comme les autres jours; mais toujours avec une Lumière nouvelle et plus grande et des mystères plus profonds que cet Objet volontaire sait et peut cacher ou manifester. Elle entendit ensuite une voix qui sortait du trône royal et qui disait: «Viens, Épouse et Colombe choisie! Notre Gracieuse et Notre Bien-Aimée, car tu as trouvé grâce à Nos yeux; tu es élue entre des milliers et nous voulons de nouveau t'admettre pour Notre unique Épouse et pour cela Nous voulons te donner l'ornement et la beauté digne de nos désirs.»
3, 7, 73. A cette voix et à ces raisons, la très humble entre les humbles s'abaissa et s'anéantit en la Présence du Très-Haut, au-dessus de tout ce que la
capacité humaine peut atteindre, et toute soumise à la Volonté divine avec une agréable timidité Elle répondit: «Voici, Seigneur, la poussière, voici ce vil vermisseau, voici Votre pauvre esclave, afin que s'accomplisse en Elle Votre plus grand agrément. Servez-Vous, mon Bien-Aimé de cet humble instrument de Votre Volonté, gouvernez-le par Votre droite.» Le Très-Haut commanda à deux Séraphins des plus rapprochés du trône, et des plus excellents en dignité, d'assister auprès de cette divine Femme; et accompagnés de quelques autres, ils se placèrent en forme visible auprès du trône où était la Très Sainte Marie, plus enflammée qu'eux tous dans l'Amour divin.
3, 7, 74. C'était un spectacle d'une admiration et d'une jubilation nouvelle pour tous les esprits angéliques de voir dans ce lieu céleste qui n'avait jamais été foulé auparavant par aucune autre, une humble jeune Fille consacrée pour être leur Reine et de voir cette Femme que le monde ignorait et méprisait ne la connaissant pas, si appréciée et si estimée dans le Ciel: et de voir la nature humaine avec les arrhes et les principes de son élévation au-dessus des choeurs célestes et déjà placée au milieu d'eux. Oh! quelle sainte et juste émulation cette merveille étrange ne causait-elle pas aux anciens courtisans de la Jérusalem supérieure! Oh! quelles conceptions ne formaient-ils point à la louange de leur Auteur! Oh! quelles affections d'humilité ne répétaient-ils pas en assujettissant leur sublimes entendements à la Volonté et à la Disposition divine! Ils reconnaissaient juste et saint que Dieu élevât les humbles et qu'Il favorisât l'humilité humaine la plaçant avant la nature angélique.
3, 7, 75. Les habitants du Ciel étant dans cette louable admiration, la Bienheureuse Trinité conférait en Elle-même selon notre basse manière de concevoir et de dire combien la Princesse Marie était agréable à leurs yeux, combien Elle avait correspondu parfaitement et entièrement aux Bienfaits et aux Dons qui lui avaient été confiés, combien avec eux Elle avait augmenté la gloire qu'Elle rendait entièrement au Seigneur, et qu'Elle n'avait ni manquement, ni défaut, ni obstacle pour la dignité de Mère du Verbe à laquelle Elle était destinée. Et dans le même temps les Trois Divines Personnes déterminèrent que cette créature serait élevée au suprême degré de grâce et d'amitié du même Dieu, qu'aucune autre créature n'avait eu ni n'aura jamais; et dans cet instant, il lui fut plus donné à Elle qu'à toutes les autres créatures ensemble. Avec cette détermination la Bienheureuse Trinité Se complut et fut satisfaite de la suprême sainteté de Marie idéalisée et conçue dans Son Entendement divin.
3, 7, 76. En correspondance et en exécution de cette sainteté, et en témoignage de la bienveillance avec laquelle le même Seigneur lui communiquait de nouvelles influences de Sa nature Divine, Il ordonna et commanda que la Très Sainte Marie fût ornée visiblement d'un vêtement et de joyaux mystérieux qui marquassent les Dons intérieurs des grâces et des privilèges qui lui étaient donnés comme à une Reine et à un Épouse. Et quoique ces Ornements et ces Épousailles lui eussent été concédés d'autres fois, comme je l'ai déjà dit [a] lorsqu'Elle fut présenté au Temple; néanmoins dans cette circonstance ce fut avec une excellence et une admiration nouvelles, parce que ces Faveurs servaient de dispositions plus prochaines pour le miracle de l'Incarnation.
3, 7, 77. Aussitôt les deux Séraphins vêtirent par le commandement du Seigneur la Très Sainte Marie d'une tunique ou long vêtement, lequel, comme symbole de sa pureté et de sa grâce était si beau, d'une blancheur si rare et d'un éclat si resplendissant qu'un seul des rayons de lumière sans nombre qu'il émettait eût donné plus de clarté tout seul, s'il eût apparu au monde, que si toutes les étoiles eussent été des soleils, parce qu'en sa comparaison toute la lumière que nous connaissons ne nous eût paru qu'obscurité. En même temps que les Séraphins la vêtaient, le Très-Haut lui donna une intelligence profonde de l'obligation dans laquelle ce Bienfait la laissait de corresponde à Sa Majesté en tout avec la fidélité, l'amour et la sublime et excellente manière d'opérer qu'Elle connaissait; mais le Seigneur lui cachait toujours la fin qu'Il avait de prendre chair dans son sein virginal. Notre grande Reine connaissait tout le reste et pour tout Elle s'humiliait avec une prudence indicible, et Elle demandait la grâce divine pour correspondre à un tel Bienfait et une telle Faveur.
3, 7, 78. Sur le vêtement les Séraphins lui mirent une ceinture, symbole de la sainte crainte qui lui était communiquée; cette ceinture était très riche comme de pierres variées d'un éclat extrême qui l'embellissait beaucoup et la rendait gracieuse. Aussitôt la Source de la Lumière que la divine Princesse avait présente l'illumina et l'illustra, afin qu'Elle connût et comprît d'une façon très sublime les raisons pour lesquelles Dieu doit être craint de toute créature. Et avec ce Don de crainte du Seigneur, Elle demeura parfaitement ceinte comme il convenait à une pure Créature qui devait traiter et converser si familièrement avec le Créateur même, étant Sa véritable Mère.
3, 7, 79. Elle connut ensuite qu'ils l'ornaient de très beaux et très grands cheveux, attachés avec un lien très riche; et ils étaient plus brillants que l'or pur et tout étincelants. Et dans cet ornement Elle comprit qu'il lui était concédé que toutes ses pensées de toute la vie seraient sublimes et divines et enflammée d'une très ardente charité signifiée par l'or. Et joint à cela, il lui fut communiqué de nouvelles habitudes de sagesse et de science très claires avec lesquelles ses cheveux demeuraient retenus et attachés d'une façon très belle et variée, dans une participation inexplicable des attributs de Science et de Sagesse de Dieu même. Ils lui concédèrent aussi pour sandales ou chaussure que tous ses pas (Cant. 7: 1) et ses mouvements fussent très beaux, et toujours dirigés vers les fins les plus élevées et les plus saintes de la gloire du Très-Haut. Et ils attachèrent cette chaussure avec une grâce spéciale de sollicitude et de diligence dans les bonnes oeuvres envers Dieu et envers le prochain, de la manière qu'il arriva lorsqu'Elle alla avec hâte visiter (Luc 1: 39) sainte Elisabeth et saint Jean; avec quoi cette Fille de prince fut très belle dans ses pas.
3, 7, 80. Ils lui ornèrent les mains de bracelets lui communiquant une nouvelle magnanimité pour de grandes oeuvres, avec la participation de l'attribut de la magnificence et ainsi Elle les étendit toujours pour des choses fortes (Prov. 31: 19). Ils l'embellirent d'anneaux dans les doigts, afin qu'avec les nouveaux Dons de l'Esprit Divin dans les choses moindres ou les matières les plus inférieures, Elle opérât supérieurement et d'une façon sublime, avec une intention et des circonstances qui rendissent toutes ses oeuvres grandioses et admirables. En même temps ils ajoutèrent à cela un collier ou bande qu'ils lui mirent rempli de pierres précieuses inestimables et brillantes, d'où pendait un chiffre des trois plus excellentes vertus, la Foi, l'Espérance et la Charité qui correspondaient aux Trois Personnes Divines. Dans cet ornement, les habitudes de ces Vertus très nobles lui furent renouvelées pour l'usage de ces mêmes Vertus dont Elle avait besoin dans les Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption.
3, 7, 81. Aux oreilles ils lui mirent des pendants d'or marquetés d'argent (Cant. 1: 10), préparant ses oreilles par cet ornement pour l'ambassade qu'Elle devait entendre du saint Archange Gabriel, et il lui fut donné une science spéciale, afin qu'Elle l'écoutât avec attention et qu'Elle répondit avec discrétion, formant des raisons très prudentes et agréables à la Volonté Divine, et en particulier afin que du métal sonore et pur de sa candeur, ces paroles saintes et désirées résonnassent aux oreilles du Seigneur et demeurassent dans le sein de la Divinité: "Fiat mihi secundum verbum tuum (Luc 1: 38)."
3, 7, 82. Ils semèrent ensuite le vêtement de certains chiffres qui servaient comme de reliefs et de broderies très fines couleur d'or et éclatantes, et quelques'uns disaient: "Marie, Mère de Dieu", et d'autres "Marie Vierge et Mère"; mais ces chiffres mystérieux ne lui furent pas alors manifestés ni déchiffrés à Elle-même, mais aux saints Anges: les couleurs éclatantes étaient les habitudes excellentes de toutes les vertus dans un degré très éminent et les actes qui y correspondaient au-dessus de tout ce qu'ont opéré toutes les autres créatures intellectuelles. Et pour complément de toute cette beauté, il lui fut donné pour eau de visage plusieurs illuminations qui se dérivaient pour cette divine Dame de la proximité et de la participation de l'Etre infini et des perfections de Dieu même: car pour Le recevoir royalement et véritablement dans son sein virginal, il convenait de L'avoir reçu par grâce dans le suprême degré possible à une pure Créature.
3, 7, 83. Avec cet ornement et cette beauté notre Princesse Marie demeurera aussi belle et aussi agréable que le suprême Roi put la désirer (Ps. 44: 12). Et parce que j'ai parlé de ses vertus b] en d'autres endroits et qu'il sera nécessaire de le répéter en toute cette Histoire, je ne m'arrêterai point à expliquer cet ornement qui fut avec de nouvelles qualités et des effets plus divins. Et tout cela tombe dans la puissance infinie et le champ immense de la perfection et de la sainteté, où il y a toujours beaucoup à ajouter et à comprendre outre ce que nous arrivons à connaître. Et en nous approchant de la Mer de la Très Pure Marie, nous demeurons toujours aux derniers confins de sa grandeur, et dans ce que j'ai connu, mon entendement demeure toujours plus rempli de concepts que je ne peux expliquer.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
3, 7, 84. Ma fille, les garde-robe et les laboratoires secrets du Très-Haut sont dignes d'un Roi divin et d'un Seigneur tout-puissant et pour cela les riches joyaux qu'Il tient enfermés pour composer l'ornement de Ses épouses et de Ses élus sont sans nombre et sans mesure. Et comme Il enrichit mon âme, Il pourrait faire la même chose à d'autres sans nombre, et Il demeurerait toujours Infini. Et quoique Sa main libérale ne donnerait à aucune créature autant qu'à moi, et ce ne serait point parce qu'Il ne le peut ou ne le veut pas; mais parce qu'aucune ne se disposera pour la grâce comme je le fis; néanmoins le Tout-Puissant est très libéral envers plusieurs et Il les enrichit grandement, parce qu'elles l'empêchent moins et qu'elles se disposent plus que d'autres.
3, 7, 85. Je désire, ma très chère que tu ne mettes point d'empêchement à l'Amour du Seigneur envers toi; au contraire je veux que tu te disposes pour recevoir les dons et les pierres précieuses avec lesquels Il veut te préparer, afin que tu sois digne de Son cabinet nuptial. Et sache que toutes les âmes justes reçoivent cet ornement de Sa main; mais chacune dans le degré d'amitié et de grâce dont elle se rend capable. Et si tu désires arriver au plus haut point de cette perfection et être digne de la Présence de ton Seigneur et ton Époux, tâche de croître et d'être robuste dans l'amour; mais cet amour croît en proportion que l'abnégation et la mortification augmentent. Tu dois refuser et oublier tout ce qui est terrestre; éteindre en toi toutes les inclinations à toi-même et aux choses visibles et t'avancer et croître seulement dans l'amour Divin. Lave-toi et purifie-toi dans le Sang de Jésus-Christ ton Réparateur, et applique-toi très souvent ce bain, renouvelant l'amoureuse douleur de la contrition de tes péchés. Avec cela tu trouveras grâce à Ses yeux, ta beauté sera l'objet de Son désir et ton ornement sera rempli de toute perfection.
3, 7, 86. Et ayant été si favorisée et si distinguée du Seigneur dans ces bienfaits, il est juste que tu sois reconnaissante au-dessus de plusieurs générations et que tu L'exaltes par une louange incessante pour ce qu'Il a daigné faire à ton égard. Et si le vice de l'ingratitude est si laid dans les créatures qui doivent moins lorsqu'elles oublient ensuite avec mépris, les bienfaits du Seigneur, comme terrestres et grossières, la faute de cette vileté dans tes obligations serait plus grande. Et ne te trompe point sous le prétexte de t'humilier; parce qu'il y aura une grande différence entre l'humilité reconnaissante et l'ingratitude trompeusement humiliée: tu dois savoir que le Seigneur fait souvent de grandes faveurs aux indignes, pour manifester Sa bonté et sa grandeur, et afin que personne ne s'élève, connaissant sa propre indignité qui doit être le contre-poids et le contre-poison pour le venin de la présomption, mais la reconnaissance est toujours compatible avec cela, connaissant que tout don parfait est, et vient du Père des lumières (Jac. 1: 17), et personne ne peut le mériter pour demeurer soumise et captive de la reconnaissance.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 7, [a]. Livre 2, No. 435
3, 7, [b]. Livre 1, Nos. 226-235; Livre 2, Nos. 482-611.
Le Très-Haut célèbre avec la Princesse du Ciel de nouvelles Épousailles pour les noces de l'Incarnation et Il l'orne pour ces Noces.
3, 7, 70. Les oeuvres du Très-Haut sont grandes, parce qu'elles furent et elles sont toutes faites avec plénitude de science et de bonté, dans l'équité et la mesure (Sag. 11: 21). Aucune n'est dépourvue, inutile, défectueuse, superflue ou vaine: elles sont toutes exquises et magnifiques, comme le même Seigneur voulut les faire et les conserver avec la mesure de Sa Volonté; et Il les voulut comme il le convenait, pour être connu et exalté en elles. Mais toutes les Oeuvres de Dieu "ad extra" hors le Mystère de l'Incarnation quoiqu'elles soient grandes, étonnantes et admirables, et plus admirables que compréhensibles, ne sont pas plus qu'une petite étincelle émanée de l'immense abîme de la Divinité. Seul ce grand sacrement que Dieu se soit fait homme passible et mortel est l'Oeuvre la plus grande de toute la Puissance et de toute la Sagesse infinie, et celle qui excède sans mesure toutes les autres oeuvres et les autres merveilles de Son bras tout puissant; parce que dans ce Mystère, il n'y a pas seulement qu'une étincelle de la Divinité, mais tout le volcan de l'Incendie infini, car Dieu est descendu et il S'est communiqué aux hommes, s'unissant d'une union indissoluble et éternelle à notre nature humaine et terrestre.
3, 7, 71. Si cette merveille, ce sacrement du Roi doit être mesuré avec Sa propre grandeur, il était conséquent que la Femme dans le sein de laquelle Il devait prendre la forme humaine fût si parfaite et si ornée de toutes ses richesses, que rien ne lui manquât des dons et des grâces possibles et qu'elles fussent toutes si abondantes qu'aucune ne souffrît de manque ou de défaut. Puis comme cela était fondé en raison et convenait à la grandeur du Tout-Puissant, ainsi Il l'accomplit envers la Très Sainte Marie mieux que le roi Assuérus envers la gracieuse Esther (Esth. 2: 9) pour l'élever au trône de Sa grandeur. Le Très-Haut prévint notre Reine Marie de faveurs, de privilèges et de Dons non imaginés des créatures tels, que lorsqu'Elle sortit à la vue des courtisans de ce grand Roi Immortel des siècles (1 Tim. 1: 17), ils connurent tous le pouvoir Divin, et ils Le louèrent de ce que s'Il avait choisi une Femme pour Mère, Il avait su et pu la rendre digne pour Se faire son Fils.
3, 7, 72. Le septième jour voisin de ce mystère arriva, et à la même heure que dans les jours passées que j'ai dit, la divine Souveraine fut appelée et élevée en esprit, mais avec une différence des jours précédents; parce que dans celui-ci Elle fut portée corporellement par les mains de ses saints Anges au ciel empirée, l'un d'eux demeurant en sa place pour la représenter en corps apparent. Posée dans ce suprême Ciel, Elle vit la Divinité par une vision abstractive comme les autres jours; mais toujours avec une Lumière nouvelle et plus grande et des mystères plus profonds que cet Objet volontaire sait et peut cacher ou manifester. Elle entendit ensuite une voix qui sortait du trône royal et qui disait: «Viens, Épouse et Colombe choisie! Notre Gracieuse et Notre Bien-Aimée, car tu as trouvé grâce à Nos yeux; tu es élue entre des milliers et nous voulons de nouveau t'admettre pour Notre unique Épouse et pour cela Nous voulons te donner l'ornement et la beauté digne de nos désirs.»
3, 7, 73. A cette voix et à ces raisons, la très humble entre les humbles s'abaissa et s'anéantit en la Présence du Très-Haut, au-dessus de tout ce que la
capacité humaine peut atteindre, et toute soumise à la Volonté divine avec une agréable timidité Elle répondit: «Voici, Seigneur, la poussière, voici ce vil vermisseau, voici Votre pauvre esclave, afin que s'accomplisse en Elle Votre plus grand agrément. Servez-Vous, mon Bien-Aimé de cet humble instrument de Votre Volonté, gouvernez-le par Votre droite.» Le Très-Haut commanda à deux Séraphins des plus rapprochés du trône, et des plus excellents en dignité, d'assister auprès de cette divine Femme; et accompagnés de quelques autres, ils se placèrent en forme visible auprès du trône où était la Très Sainte Marie, plus enflammée qu'eux tous dans l'Amour divin.
3, 7, 74. C'était un spectacle d'une admiration et d'une jubilation nouvelle pour tous les esprits angéliques de voir dans ce lieu céleste qui n'avait jamais été foulé auparavant par aucune autre, une humble jeune Fille consacrée pour être leur Reine et de voir cette Femme que le monde ignorait et méprisait ne la connaissant pas, si appréciée et si estimée dans le Ciel: et de voir la nature humaine avec les arrhes et les principes de son élévation au-dessus des choeurs célestes et déjà placée au milieu d'eux. Oh! quelle sainte et juste émulation cette merveille étrange ne causait-elle pas aux anciens courtisans de la Jérusalem supérieure! Oh! quelles conceptions ne formaient-ils point à la louange de leur Auteur! Oh! quelles affections d'humilité ne répétaient-ils pas en assujettissant leur sublimes entendements à la Volonté et à la Disposition divine! Ils reconnaissaient juste et saint que Dieu élevât les humbles et qu'Il favorisât l'humilité humaine la plaçant avant la nature angélique.
3, 7, 75. Les habitants du Ciel étant dans cette louable admiration, la Bienheureuse Trinité conférait en Elle-même selon notre basse manière de concevoir et de dire combien la Princesse Marie était agréable à leurs yeux, combien Elle avait correspondu parfaitement et entièrement aux Bienfaits et aux Dons qui lui avaient été confiés, combien avec eux Elle avait augmenté la gloire qu'Elle rendait entièrement au Seigneur, et qu'Elle n'avait ni manquement, ni défaut, ni obstacle pour la dignité de Mère du Verbe à laquelle Elle était destinée. Et dans le même temps les Trois Divines Personnes déterminèrent que cette créature serait élevée au suprême degré de grâce et d'amitié du même Dieu, qu'aucune autre créature n'avait eu ni n'aura jamais; et dans cet instant, il lui fut plus donné à Elle qu'à toutes les autres créatures ensemble. Avec cette détermination la Bienheureuse Trinité Se complut et fut satisfaite de la suprême sainteté de Marie idéalisée et conçue dans Son Entendement divin.
3, 7, 76. En correspondance et en exécution de cette sainteté, et en témoignage de la bienveillance avec laquelle le même Seigneur lui communiquait de nouvelles influences de Sa nature Divine, Il ordonna et commanda que la Très Sainte Marie fût ornée visiblement d'un vêtement et de joyaux mystérieux qui marquassent les Dons intérieurs des grâces et des privilèges qui lui étaient donnés comme à une Reine et à un Épouse. Et quoique ces Ornements et ces Épousailles lui eussent été concédés d'autres fois, comme je l'ai déjà dit [a] lorsqu'Elle fut présenté au Temple; néanmoins dans cette circonstance ce fut avec une excellence et une admiration nouvelles, parce que ces Faveurs servaient de dispositions plus prochaines pour le miracle de l'Incarnation.
3, 7, 77. Aussitôt les deux Séraphins vêtirent par le commandement du Seigneur la Très Sainte Marie d'une tunique ou long vêtement, lequel, comme symbole de sa pureté et de sa grâce était si beau, d'une blancheur si rare et d'un éclat si resplendissant qu'un seul des rayons de lumière sans nombre qu'il émettait eût donné plus de clarté tout seul, s'il eût apparu au monde, que si toutes les étoiles eussent été des soleils, parce qu'en sa comparaison toute la lumière que nous connaissons ne nous eût paru qu'obscurité. En même temps que les Séraphins la vêtaient, le Très-Haut lui donna une intelligence profonde de l'obligation dans laquelle ce Bienfait la laissait de corresponde à Sa Majesté en tout avec la fidélité, l'amour et la sublime et excellente manière d'opérer qu'Elle connaissait; mais le Seigneur lui cachait toujours la fin qu'Il avait de prendre chair dans son sein virginal. Notre grande Reine connaissait tout le reste et pour tout Elle s'humiliait avec une prudence indicible, et Elle demandait la grâce divine pour correspondre à un tel Bienfait et une telle Faveur.
3, 7, 78. Sur le vêtement les Séraphins lui mirent une ceinture, symbole de la sainte crainte qui lui était communiquée; cette ceinture était très riche comme de pierres variées d'un éclat extrême qui l'embellissait beaucoup et la rendait gracieuse. Aussitôt la Source de la Lumière que la divine Princesse avait présente l'illumina et l'illustra, afin qu'Elle connût et comprît d'une façon très sublime les raisons pour lesquelles Dieu doit être craint de toute créature. Et avec ce Don de crainte du Seigneur, Elle demeura parfaitement ceinte comme il convenait à une pure Créature qui devait traiter et converser si familièrement avec le Créateur même, étant Sa véritable Mère.
3, 7, 79. Elle connut ensuite qu'ils l'ornaient de très beaux et très grands cheveux, attachés avec un lien très riche; et ils étaient plus brillants que l'or pur et tout étincelants. Et dans cet ornement Elle comprit qu'il lui était concédé que toutes ses pensées de toute la vie seraient sublimes et divines et enflammée d'une très ardente charité signifiée par l'or. Et joint à cela, il lui fut communiqué de nouvelles habitudes de sagesse et de science très claires avec lesquelles ses cheveux demeuraient retenus et attachés d'une façon très belle et variée, dans une participation inexplicable des attributs de Science et de Sagesse de Dieu même. Ils lui concédèrent aussi pour sandales ou chaussure que tous ses pas (Cant. 7: 1) et ses mouvements fussent très beaux, et toujours dirigés vers les fins les plus élevées et les plus saintes de la gloire du Très-Haut. Et ils attachèrent cette chaussure avec une grâce spéciale de sollicitude et de diligence dans les bonnes oeuvres envers Dieu et envers le prochain, de la manière qu'il arriva lorsqu'Elle alla avec hâte visiter (Luc 1: 39) sainte Elisabeth et saint Jean; avec quoi cette Fille de prince fut très belle dans ses pas.
3, 7, 80. Ils lui ornèrent les mains de bracelets lui communiquant une nouvelle magnanimité pour de grandes oeuvres, avec la participation de l'attribut de la magnificence et ainsi Elle les étendit toujours pour des choses fortes (Prov. 31: 19). Ils l'embellirent d'anneaux dans les doigts, afin qu'avec les nouveaux Dons de l'Esprit Divin dans les choses moindres ou les matières les plus inférieures, Elle opérât supérieurement et d'une façon sublime, avec une intention et des circonstances qui rendissent toutes ses oeuvres grandioses et admirables. En même temps ils ajoutèrent à cela un collier ou bande qu'ils lui mirent rempli de pierres précieuses inestimables et brillantes, d'où pendait un chiffre des trois plus excellentes vertus, la Foi, l'Espérance et la Charité qui correspondaient aux Trois Personnes Divines. Dans cet ornement, les habitudes de ces Vertus très nobles lui furent renouvelées pour l'usage de ces mêmes Vertus dont Elle avait besoin dans les Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption.
3, 7, 81. Aux oreilles ils lui mirent des pendants d'or marquetés d'argent (Cant. 1: 10), préparant ses oreilles par cet ornement pour l'ambassade qu'Elle devait entendre du saint Archange Gabriel, et il lui fut donné une science spéciale, afin qu'Elle l'écoutât avec attention et qu'Elle répondit avec discrétion, formant des raisons très prudentes et agréables à la Volonté Divine, et en particulier afin que du métal sonore et pur de sa candeur, ces paroles saintes et désirées résonnassent aux oreilles du Seigneur et demeurassent dans le sein de la Divinité: "Fiat mihi secundum verbum tuum (Luc 1: 38)."
3, 7, 82. Ils semèrent ensuite le vêtement de certains chiffres qui servaient comme de reliefs et de broderies très fines couleur d'or et éclatantes, et quelques'uns disaient: "Marie, Mère de Dieu", et d'autres "Marie Vierge et Mère"; mais ces chiffres mystérieux ne lui furent pas alors manifestés ni déchiffrés à Elle-même, mais aux saints Anges: les couleurs éclatantes étaient les habitudes excellentes de toutes les vertus dans un degré très éminent et les actes qui y correspondaient au-dessus de tout ce qu'ont opéré toutes les autres créatures intellectuelles. Et pour complément de toute cette beauté, il lui fut donné pour eau de visage plusieurs illuminations qui se dérivaient pour cette divine Dame de la proximité et de la participation de l'Etre infini et des perfections de Dieu même: car pour Le recevoir royalement et véritablement dans son sein virginal, il convenait de L'avoir reçu par grâce dans le suprême degré possible à une pure Créature.
3, 7, 83. Avec cet ornement et cette beauté notre Princesse Marie demeurera aussi belle et aussi agréable que le suprême Roi put la désirer (Ps. 44: 12). Et parce que j'ai parlé de ses vertus b] en d'autres endroits et qu'il sera nécessaire de le répéter en toute cette Histoire, je ne m'arrêterai point à expliquer cet ornement qui fut avec de nouvelles qualités et des effets plus divins. Et tout cela tombe dans la puissance infinie et le champ immense de la perfection et de la sainteté, où il y a toujours beaucoup à ajouter et à comprendre outre ce que nous arrivons à connaître. Et en nous approchant de la Mer de la Très Pure Marie, nous demeurons toujours aux derniers confins de sa grandeur, et dans ce que j'ai connu, mon entendement demeure toujours plus rempli de concepts que je ne peux expliquer.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
3, 7, 84. Ma fille, les garde-robe et les laboratoires secrets du Très-Haut sont dignes d'un Roi divin et d'un Seigneur tout-puissant et pour cela les riches joyaux qu'Il tient enfermés pour composer l'ornement de Ses épouses et de Ses élus sont sans nombre et sans mesure. Et comme Il enrichit mon âme, Il pourrait faire la même chose à d'autres sans nombre, et Il demeurerait toujours Infini. Et quoique Sa main libérale ne donnerait à aucune créature autant qu'à moi, et ce ne serait point parce qu'Il ne le peut ou ne le veut pas; mais parce qu'aucune ne se disposera pour la grâce comme je le fis; néanmoins le Tout-Puissant est très libéral envers plusieurs et Il les enrichit grandement, parce qu'elles l'empêchent moins et qu'elles se disposent plus que d'autres.
3, 7, 85. Je désire, ma très chère que tu ne mettes point d'empêchement à l'Amour du Seigneur envers toi; au contraire je veux que tu te disposes pour recevoir les dons et les pierres précieuses avec lesquels Il veut te préparer, afin que tu sois digne de Son cabinet nuptial. Et sache que toutes les âmes justes reçoivent cet ornement de Sa main; mais chacune dans le degré d'amitié et de grâce dont elle se rend capable. Et si tu désires arriver au plus haut point de cette perfection et être digne de la Présence de ton Seigneur et ton Époux, tâche de croître et d'être robuste dans l'amour; mais cet amour croît en proportion que l'abnégation et la mortification augmentent. Tu dois refuser et oublier tout ce qui est terrestre; éteindre en toi toutes les inclinations à toi-même et aux choses visibles et t'avancer et croître seulement dans l'amour Divin. Lave-toi et purifie-toi dans le Sang de Jésus-Christ ton Réparateur, et applique-toi très souvent ce bain, renouvelant l'amoureuse douleur de la contrition de tes péchés. Avec cela tu trouveras grâce à Ses yeux, ta beauté sera l'objet de Son désir et ton ornement sera rempli de toute perfection.
3, 7, 86. Et ayant été si favorisée et si distinguée du Seigneur dans ces bienfaits, il est juste que tu sois reconnaissante au-dessus de plusieurs générations et que tu L'exaltes par une louange incessante pour ce qu'Il a daigné faire à ton égard. Et si le vice de l'ingratitude est si laid dans les créatures qui doivent moins lorsqu'elles oublient ensuite avec mépris, les bienfaits du Seigneur, comme terrestres et grossières, la faute de cette vileté dans tes obligations serait plus grande. Et ne te trompe point sous le prétexte de t'humilier; parce qu'il y aura une grande différence entre l'humilité reconnaissante et l'ingratitude trompeusement humiliée: tu dois savoir que le Seigneur fait souvent de grandes faveurs aux indignes, pour manifester Sa bonté et sa grandeur, et afin que personne ne s'élève, connaissant sa propre indignité qui doit être le contre-poids et le contre-poison pour le venin de la présomption, mais la reconnaissance est toujours compatible avec cela, connaissant que tout don parfait est, et vient du Père des lumières (Jac. 1: 17), et personne ne peut le mériter pour demeurer soumise et captive de la reconnaissance.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 7, [a]. Livre 2, No. 435
3, 7, [b]. Livre 1, Nos. 226-235; Livre 2, Nos. 482-611.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 8
Notre grande Reine demande en Présence du Seigneur l'exécution de l'Incarnation et de la Rédemption des hommes et Sa Majesté Lui accorda Sa demande.
3, 8, 87. La divine Princesse, la Très Sainte Marie était si remplie de grâce et de beauté et le coeur de Dieu était si blessé (Cant. 4: 9) de ses tendres affections et de ses désirs qu'ils L'obligeaient déjà à voler du sein du Père Éternel au Tabernacle de son sein virginal et à rompre cette longue suspension où Il était retenu depuis plus de cinq mille ans [a] pour ne point venir au monde. Mais comme cette nouvelle merveille devait s'exécuter avec plénitude de sagesse et d'équité, le Seigneur la disposa de telle sorte que la même Princesse des Cieux fut digne Mère du Verbe Incarné et conjointement Médiatrice efficace de Sa venue, beaucoup plus que ne le fut Esther (Esth. 7: 3) pour le rachat de son peuple. Dans le coeur de la Très Sainte Marie brûlait le feu que Dieu même y avait allumé et Elle demandait sans cesse son salut pour le genre humain; mais la Très Sainte Dame se confondait en Elle-même, sachant que par le péché d'Adam (Gen. 3: 19), la sentence de mort et de la privation éternelle de la vision de la Face de Dieu était promulguée pour les mortels.
3, 8, 88. Il y avait une divine lutte entre l'amour et l'humilité dans le coeur Très Pur de Marie et Elle répétait souvent avec d'amoureuses et humbles affections: «Oh! qui sera assez puissante pour obtenir le remède de mes frères! Oh! qui tirera du sein du Père Son Fils Unique et Le transportera à notre mortalité! Oh! qui L'obligera à donner à notre nature ce baiser de Sa bouche (Cant. 1: 1) que Lui demandait l'Épouse! Mais comment pouvons-nous Le solliciter nous, enfants mêmes et descendants de celui qui commit le péché? Comment pourrons-nous attirer à nous Le Même que nos pères ont tant éloigné? O mon Amour! si je Vous voyais au sein de notre mère (Cant. 8: 1) la nature! O Lumière de Lumière! vrai Dieu de vrai Dieu! si Vous descendiez (Ps. 143: 5) inclinant vos cieux et donnant la Lumière à ceux qui vivent assis dans les ténèbres! si Vous apaisiez Votre Père! et si Vous, ô Père céleste! abattiez le superbe Aman (Esth. 14: 13), notre ennemi le démon par Votre bras Divin qui est Votre Fils Unique! Qui sera médiatrice pour prendre de l'autel céleste, comme les pincettes d'or (Is. 6: 6-7), cette Braise de la Divinité, de même que le Séraphin tira du feu que nous dit Votre prophète pour purifier le monde?»
3, 8, 89. La Très Sainte Marie répétait cette oraison le huitième jour que je déclare, et à l'heure de minuit, élevée et attirée dans le Seigneur, j'entendis que Sa Majesté lui répondait: «Mon Épouse, Ma Colombe et Mon Élue, viens, car la loi commune ne s'étend pas à toi (Esth. 15: 13); tu es exempte du péché, et tu es libre de ses effets dès l'instant de ta Conception; et lorsque Je te donnai l'être Je
détournai de toi la verge de Ma Justice et J'étendis sur ton cou celle de Ma grande Miséricorde, afin que l'édit général du péché ne s'étendit pas jusqu'à toi. Viens à Moi et ne t'intimide point dans ton humilité et la connaissance de ta nature: J'élève l'humble, Je remplis de richesses celui qui est pauvre, tu M'as de ton côté, et Ma miséricorde libérale sera favorable envers toi.»
3, 8, 90. Notre Reine entendit intellectuellement ces paroles et ensuite Elle connut qu'Elle était élevée corporellement au Ciel par les mains de ses saints Anges, comme le jour précédent et que l'un de sa garde demeurait en sa place. Elle monta de nouveau en la présence du Très-Haut, si riche des Trésors de Sa grâce et de Ses Dons, si prospère et si belle que dans cette occasion en particulier les esprits célestes se disaient les uns aux autres dans l'admiration, à la louange du Très-Haut: «Quelle est Celle-ci qui monte du désert si remplie de délices (Cant. 8: 5)! Quelle est Celle-ci qui ravit et qui force son Bien-Aimé pour l'amener avec Elle à l'habitation terrestre! Quelle-est Celle-ci qui s'élève comme l'aurore (Cant. 6: 9), plus belle que la lune, choisie comme le soleil! Comment monte-t-Elle si resplendissante de la terre remplie de ténèbres? Comme est-Elle si forte et si courageuse dans une nature si fragile? Comment est-Elle si puissante qu'Elle veut vaincre le Tout-Puissant? Et comment le ciel étant fermé aux enfants d'Adam, l'entrée en est-elle libre à cette Femme singulière de la même descendance?»
3, 8, 91. Le Très-Haut reçut Son Élue et Son unique Épouse la Très Sainte Marie en Sa présence et quoique ce ne fût point par une vision intuitive de la Divinité, mais une vision abstractive, néanmoins ce fut avec des faveurs incomparables d'illuminations et de purifications que le Seigneur lui donna, et qu'Il avait réservées jusqu'à ce jour; car ces dispositions furent si divines qu'à notre manière de concevoir, le même Dieu qui les opérait en fut dans l'admiration, exaltant le propre ouvrage de Son bras Tout-Puissant et comme épris de Son amour, Il lui parla et lui dit: «Reviens, reviens (Cant. 6: 12); ô Sulamite, afin que Nous te regardions: Mon Épouse, Ma colombe très parfaite et Mon Amie agréable à Mes yeux, reviens, tourne-toi vers Nous, pour que Nous te regardions et que Nous jouissions de ta beauté: Je ne Me repens point d'avoir créé l'homme, Je me réjouis de sa formation, puisque tu es née de lui: que mes esprits célestes voient combien dignement J'ai voulu et Je veux te choisir pour Mon Épouse et la Reine de toutes Mes créatures: qu'ils connaissent comment Je me délecte avec raison dans ton Tabernacle, où Mon Fils, après la gloire de Mon sein, sera le plus glorifié. Qu'ils entendent tous que si J'ai répudié justement Eve, la première reine de la terre, à cause de sa désobéissance, Je t'élève et te place en la suprême dignité, Me montrant Magnifique et Puissant envers ton humilité très pure et ton mépris de toi-même.»
3, 8, 92. Ce jour fut pour les Anges d'une plus grande jubilation et d'une plus grande joie accidentelle que ne l'avait été aucun autre depuis leur création. Et lorsque la Bienheureuse Trinité élut et déclara pour Reine et Maîtresse des créatures, Son Épouse, la Mère du Verbe, les Anges et les esprits célestes la reconnurent et l'acceptèrent pour leur Supérieure et leur Souveraine, et ils lui chantèrent de douces hymnes de gloire et de louange de l'Auteur. Dans ces mystères cachés et admirables, la divine Reine Marie était absorbée dans l'abîme de la Divinité et la Lumière de Ses Perfections infinies: et avec cette admiration le Seigneur disposait qu'Elle ne fît point attention à tout ce qui se passait: et ainsi le sacrement de son élection de Mère du Fils Unique du Père lui fut toujours caché jusqu'à son temps. Le Seigneur ne fit jamais de telles choses en aucune nation (Ps. 147: 20); ni envers aucune autre créature il ne Se montra jamais si grand ni si Puissant, comme ce jour envers la Très Sainte Marie.
3, 8, 93. Le Très-Haut ajouta encore et lui dit avec une extrême bonté: «Mon Épouse et Mon Élue, puisque tu as trouvé grâce à Mes yeux, demande Moi sans crainte ce que tu désires; et Je t'assure comme Dieu très fidèle et Roi puissant que Je ne rejetterai point tes prières et Je ne te refuserai point ce que tu demanderas.» Notre grande Princesse s'humilia profondément et sous la promesse et la parole royale du Seigneur, Elle s'éleva avec une confiance assurée, et Elle Lui répondit et Lui dit: "Mon Seigneur et mon Dieu Très-Haut, si j'ai trouvé grâce à Vos yeux, quoique je ne sois que poussière et que cendre (Gen. 18: 3 et 27), je parlerai en Votre Présence Royale et je répandrai mon coeur (Ps. 61: 9).» Sa Majesté l'assura de nouveau et lui commanda de demander tout ce qui serait de sa volonté en présence de tous les courtisans du Ciel, quand ce serait une partie de son royaume (Esth. 5: 3). «Je ne demande point, mon Seigneur, répondit la Très Pure Marie, une partie de Votre royaume pour moi, mais je le demande tout entier pour tout le genre humain qui son mes frères. Je demande, Roi puissant et très-haut, que par Votre bonté immense, Vous nous envoyiez Votre Fils Unique, notre Rédempteur, afin que satisfaisant pour tous les péchés du monde, Votre peuple obtienne la liberté qu'il désire, et Votre justice demeurant satisfaite, que la paix aux hommes soit publiée (Ez. 34: 25) sur la terre et que l'entrée des cieux qui sont fermés par leurs péchés leur soit ouverte. Que toute chair voie (Is. 52: 10) Votre salut; que la paix et la justice se donnent ce baiser (Ps. 84: 11) et cet étroit embrassement que demandait David, et que nous ayons, nous les mortels, un Maître (Is. 30: 20), un Guide, un Réparateur et un Chef qui vive et converse (Bar. 3: 38) avec nous: qu'Il arrive donc bientôt, mon Dieu, le jour de Vos promesses, que Vos paroles s'accomplissent et qu'Il vienne enfin, Votre Messie désiré depuis tant de siècles. Tel est mon désir ardent et pour cela s'exaltent mes prières vers la bonté de Votre Clémence infinie.»
3, 8, 94. Le Très-Haut qui pour S'obliger disposait et excitait les demandes de Son Épouse bien-aimée, S'inclina bénignement vers Elle et lui répondit avec une clémence singulière: «Tes prières sont agréables à Ma Volonté et tes demandes me sont acceptables: qu'il soit fait comme tu le demandes; je veux, ma Fille et Mon Épouse, ce que tu désires; et en foi de cette vérité, Je te donne ma Parole et Je te promets que bientôt Mon Fils Unique descendra sur la terre et Il se vêtira et S'unira avec la nature humaine et tes désirs acceptables auront leur exécution et leur accomplissement [b.»
3, 8, 95. Avec cette certification de la Parole divine, notre grande Princesse sentit dans son intérieur une lumière et une sécurité nouvelles de ce que s'approchait déjà la fin de cette si longue nuit du péché et des anciennes lois et que la nouvelle Clarté de la Rédemption des hommes s'approchait. Et comme Elle était touchée par une si grande proximité et une si grande plénitude des rayons du Soleil de justice qui s'approchait pour naître de ses entrailles, Elle était comme une aurore très belle, embrasée et brillante des couleurs vermeilles, pour ainsi dire, de la Divinité même qui la transformait tout entière en Elle-même; et Elle rendait d'incessantes louanges au Seigneur en son nom et en celui de tous les mortels, avec des affections d'amour et de reconnaissance du bienfait de la Rédemption prochaine. Elle passa ce jour dans cette occupation après qu'Elle fut restituée à la terre par les mêmes Anges. Je me plains toujours de mon ignorance et de mon peu de capacité pour expliquer ces Mystères si élevés: et si les docteurs et les grands savants ne peuvent le faire adéquatement, comment y arrivera une femme pauvre et vile? Que la lumière de la piété chrétienne supplée à mon ignorance et que l'obéissance disculpe ma hardiesse.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
3, 8, 96. O ma très chère fille, combien les oeuvres admirables que la Puissance divine opéra envers moi, dans ces sacrements de l'Incarnation du Verbe Éternel dans mon sein sont éloignés de la sagesse mondaine. Ni la chair ni le sang ne peuvent les scruter; les Anges mêmes et les Séraphins les plus sublimes ne peuvent connaître par eux-mêmes des mystères si cachés et si en dehors de l'ordre de la grâce des autres créatures. Loue le Seigneur pour eux, mon amie, avec un amour et une reconnaissance incessante; et ne sois pas si lente à comprendre la grandeur de Son divin Amour, et les grandes choses qu'Il fait pour ses amis et ses très chers, désirant les élever de la poussière et les enrichir de diverses manières. Si tu pénètres cette vérité, elle t'obligera à la reconnaissance et elle te portera à opérer de grandes choses comme fille et épouse très fidèle.
3, 8, 97. Et afin que tu te disposes et que tu t'encourages davantage, je t'avertis que le Seigneur dit souvent ces paroles àses bien-aimées: "Reviens, reviens, afin que Nous te regardions"; car Il reçoit tant d'agrément de Ses ouvrages qu'Il Se récrée et Se complaît avec ces âmes qu'Il choisit pour Ses délices, incomparablement plus qu'un père se réjouit avec son fils unique très reconnaissant et très beau en le regardant souvent avec tendresse; qu'un ouvrier avec l'oeuvre parfaite de ses mains, qu'un roi avec la riche cité qu'il a conquise et qu'un ami avec son amie qu'il aime beaucoup; et selon que ces âmes se disposent et s'avancent, ainsi les faveurs et les complaisances du Seigneur croissent aussi. Si les mortels qui ont la lumière de la Foi acquéraient cette science, ils devraient non seulement ne point pécher pour cette seule complaisance du Très-Haut, mais faire aussi de grandes oeuvres jusqu'à mourir, pour aimer et servir Celui qui est si libéral à récompenser, à consoler et à favoriser.
3, 8, 98. En ce huitième jour que tu as écrit, lorsque le Seigneur me dit ces paroles dan le Ciel: «Reviens, reviens», pour que je le regardasse, afin que les esprits célestes me vissent, je connus que la complaisance que Sa divine Majesté en recevait était telle, qu'Il excéda toutes les complaisances que Lui ont données toutes les âmes saintes dans le suprême degré de leur sainteté; et Sa Bonté se complut en moi plus qu'en tous les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges et tous les autres Saints. Et de cet agrément et de cette acceptation du Très-Haut rejaillirent en mon esprit tant d'influences de grâce et une telle participation de la Divinité que tu ne peux le connaître ni l'expliquer parfaitement, étant en chair mortelle. Mais je te déclare ce secret mystérieux afin que tu en loues son Auteur, que tu travailles en te disposant tant que te durera l'exil de la Patrie, que tu étendes ton bras vers des choses fortes (Prov. 31: 19) en ma place et en mon nom et que tu donnes au Seigneur l'agrément qu'Il désire de toi, en tâchant toujours de gagner Ses bienfaits et de les solliciter pour toi et pour ton prochain avec une parfaite charité
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 8, [a]. La Vénérable suit la chronologie des Septantes qui est aussi celle suivie par l'Église dans le martyrologe romain au 25 décembre qui se trouve également dans Eusèbe de Césarée et qui est appuyée par le calcul de Philon et de saint Isidore de Séville. Elle est du reste la seule désormais qui s'accorde avec le progrès des sciences modernes selon Cautu et d'autres. [Stor. Univ. Cronologia].
3, 8, [b. Voici qu'enfin Marie, Médiatrice des hommes remporte la victoire sur le Coeur de Dieu. Vraie Abigaïl, Elle devient Maîtresse du Coeur du grand Roi, elle apaise Sa colère, Elle L'incline à la clémence envers le genre humain plus prévaricateur et plus digne de mort que Nabal. Elle est la première qui entendit de la bouche du Très-Haut ces belles paroles que David adressait à la vertueuse femme de ce Nabal: «J'ai écouté ta demande et je l'ai fait par amour pour toi.» [1 Rois 25: 35]. C'est ainsi que Dieu hâta l'Incarnation par la médiation de Marie, non dans le sens qu'Elle ait apporté quelque changement dans les décrets éternels de Dieu, mais dans le sens que Dieu avait disposé l'exécution de ce Mystère de manière qu'Il voulut que les prières de Marie y contribuassent puissamment et qu'en vertu de telles prières un tel Bienfait ne pouvait plus être retardé. Et c'est ainsi que les théologiens expliquent cette accélération. [Voir Suarez III Par. q. a 12 disp. 10 sect. 6].
Notre grande Reine demande en Présence du Seigneur l'exécution de l'Incarnation et de la Rédemption des hommes et Sa Majesté Lui accorda Sa demande.
3, 8, 87. La divine Princesse, la Très Sainte Marie était si remplie de grâce et de beauté et le coeur de Dieu était si blessé (Cant. 4: 9) de ses tendres affections et de ses désirs qu'ils L'obligeaient déjà à voler du sein du Père Éternel au Tabernacle de son sein virginal et à rompre cette longue suspension où Il était retenu depuis plus de cinq mille ans [a] pour ne point venir au monde. Mais comme cette nouvelle merveille devait s'exécuter avec plénitude de sagesse et d'équité, le Seigneur la disposa de telle sorte que la même Princesse des Cieux fut digne Mère du Verbe Incarné et conjointement Médiatrice efficace de Sa venue, beaucoup plus que ne le fut Esther (Esth. 7: 3) pour le rachat de son peuple. Dans le coeur de la Très Sainte Marie brûlait le feu que Dieu même y avait allumé et Elle demandait sans cesse son salut pour le genre humain; mais la Très Sainte Dame se confondait en Elle-même, sachant que par le péché d'Adam (Gen. 3: 19), la sentence de mort et de la privation éternelle de la vision de la Face de Dieu était promulguée pour les mortels.
3, 8, 88. Il y avait une divine lutte entre l'amour et l'humilité dans le coeur Très Pur de Marie et Elle répétait souvent avec d'amoureuses et humbles affections: «Oh! qui sera assez puissante pour obtenir le remède de mes frères! Oh! qui tirera du sein du Père Son Fils Unique et Le transportera à notre mortalité! Oh! qui L'obligera à donner à notre nature ce baiser de Sa bouche (Cant. 1: 1) que Lui demandait l'Épouse! Mais comment pouvons-nous Le solliciter nous, enfants mêmes et descendants de celui qui commit le péché? Comment pourrons-nous attirer à nous Le Même que nos pères ont tant éloigné? O mon Amour! si je Vous voyais au sein de notre mère (Cant. 8: 1) la nature! O Lumière de Lumière! vrai Dieu de vrai Dieu! si Vous descendiez (Ps. 143: 5) inclinant vos cieux et donnant la Lumière à ceux qui vivent assis dans les ténèbres! si Vous apaisiez Votre Père! et si Vous, ô Père céleste! abattiez le superbe Aman (Esth. 14: 13), notre ennemi le démon par Votre bras Divin qui est Votre Fils Unique! Qui sera médiatrice pour prendre de l'autel céleste, comme les pincettes d'or (Is. 6: 6-7), cette Braise de la Divinité, de même que le Séraphin tira du feu que nous dit Votre prophète pour purifier le monde?»
3, 8, 89. La Très Sainte Marie répétait cette oraison le huitième jour que je déclare, et à l'heure de minuit, élevée et attirée dans le Seigneur, j'entendis que Sa Majesté lui répondait: «Mon Épouse, Ma Colombe et Mon Élue, viens, car la loi commune ne s'étend pas à toi (Esth. 15: 13); tu es exempte du péché, et tu es libre de ses effets dès l'instant de ta Conception; et lorsque Je te donnai l'être Je
détournai de toi la verge de Ma Justice et J'étendis sur ton cou celle de Ma grande Miséricorde, afin que l'édit général du péché ne s'étendit pas jusqu'à toi. Viens à Moi et ne t'intimide point dans ton humilité et la connaissance de ta nature: J'élève l'humble, Je remplis de richesses celui qui est pauvre, tu M'as de ton côté, et Ma miséricorde libérale sera favorable envers toi.»
3, 8, 90. Notre Reine entendit intellectuellement ces paroles et ensuite Elle connut qu'Elle était élevée corporellement au Ciel par les mains de ses saints Anges, comme le jour précédent et que l'un de sa garde demeurait en sa place. Elle monta de nouveau en la présence du Très-Haut, si riche des Trésors de Sa grâce et de Ses Dons, si prospère et si belle que dans cette occasion en particulier les esprits célestes se disaient les uns aux autres dans l'admiration, à la louange du Très-Haut: «Quelle est Celle-ci qui monte du désert si remplie de délices (Cant. 8: 5)! Quelle est Celle-ci qui ravit et qui force son Bien-Aimé pour l'amener avec Elle à l'habitation terrestre! Quelle-est Celle-ci qui s'élève comme l'aurore (Cant. 6: 9), plus belle que la lune, choisie comme le soleil! Comment monte-t-Elle si resplendissante de la terre remplie de ténèbres? Comme est-Elle si forte et si courageuse dans une nature si fragile? Comment est-Elle si puissante qu'Elle veut vaincre le Tout-Puissant? Et comment le ciel étant fermé aux enfants d'Adam, l'entrée en est-elle libre à cette Femme singulière de la même descendance?»
3, 8, 91. Le Très-Haut reçut Son Élue et Son unique Épouse la Très Sainte Marie en Sa présence et quoique ce ne fût point par une vision intuitive de la Divinité, mais une vision abstractive, néanmoins ce fut avec des faveurs incomparables d'illuminations et de purifications que le Seigneur lui donna, et qu'Il avait réservées jusqu'à ce jour; car ces dispositions furent si divines qu'à notre manière de concevoir, le même Dieu qui les opérait en fut dans l'admiration, exaltant le propre ouvrage de Son bras Tout-Puissant et comme épris de Son amour, Il lui parla et lui dit: «Reviens, reviens (Cant. 6: 12); ô Sulamite, afin que Nous te regardions: Mon Épouse, Ma colombe très parfaite et Mon Amie agréable à Mes yeux, reviens, tourne-toi vers Nous, pour que Nous te regardions et que Nous jouissions de ta beauté: Je ne Me repens point d'avoir créé l'homme, Je me réjouis de sa formation, puisque tu es née de lui: que mes esprits célestes voient combien dignement J'ai voulu et Je veux te choisir pour Mon Épouse et la Reine de toutes Mes créatures: qu'ils connaissent comment Je me délecte avec raison dans ton Tabernacle, où Mon Fils, après la gloire de Mon sein, sera le plus glorifié. Qu'ils entendent tous que si J'ai répudié justement Eve, la première reine de la terre, à cause de sa désobéissance, Je t'élève et te place en la suprême dignité, Me montrant Magnifique et Puissant envers ton humilité très pure et ton mépris de toi-même.»
3, 8, 92. Ce jour fut pour les Anges d'une plus grande jubilation et d'une plus grande joie accidentelle que ne l'avait été aucun autre depuis leur création. Et lorsque la Bienheureuse Trinité élut et déclara pour Reine et Maîtresse des créatures, Son Épouse, la Mère du Verbe, les Anges et les esprits célestes la reconnurent et l'acceptèrent pour leur Supérieure et leur Souveraine, et ils lui chantèrent de douces hymnes de gloire et de louange de l'Auteur. Dans ces mystères cachés et admirables, la divine Reine Marie était absorbée dans l'abîme de la Divinité et la Lumière de Ses Perfections infinies: et avec cette admiration le Seigneur disposait qu'Elle ne fît point attention à tout ce qui se passait: et ainsi le sacrement de son élection de Mère du Fils Unique du Père lui fut toujours caché jusqu'à son temps. Le Seigneur ne fit jamais de telles choses en aucune nation (Ps. 147: 20); ni envers aucune autre créature il ne Se montra jamais si grand ni si Puissant, comme ce jour envers la Très Sainte Marie.
3, 8, 93. Le Très-Haut ajouta encore et lui dit avec une extrême bonté: «Mon Épouse et Mon Élue, puisque tu as trouvé grâce à Mes yeux, demande Moi sans crainte ce que tu désires; et Je t'assure comme Dieu très fidèle et Roi puissant que Je ne rejetterai point tes prières et Je ne te refuserai point ce que tu demanderas.» Notre grande Princesse s'humilia profondément et sous la promesse et la parole royale du Seigneur, Elle s'éleva avec une confiance assurée, et Elle Lui répondit et Lui dit: "Mon Seigneur et mon Dieu Très-Haut, si j'ai trouvé grâce à Vos yeux, quoique je ne sois que poussière et que cendre (Gen. 18: 3 et 27), je parlerai en Votre Présence Royale et je répandrai mon coeur (Ps. 61: 9).» Sa Majesté l'assura de nouveau et lui commanda de demander tout ce qui serait de sa volonté en présence de tous les courtisans du Ciel, quand ce serait une partie de son royaume (Esth. 5: 3). «Je ne demande point, mon Seigneur, répondit la Très Pure Marie, une partie de Votre royaume pour moi, mais je le demande tout entier pour tout le genre humain qui son mes frères. Je demande, Roi puissant et très-haut, que par Votre bonté immense, Vous nous envoyiez Votre Fils Unique, notre Rédempteur, afin que satisfaisant pour tous les péchés du monde, Votre peuple obtienne la liberté qu'il désire, et Votre justice demeurant satisfaite, que la paix aux hommes soit publiée (Ez. 34: 25) sur la terre et que l'entrée des cieux qui sont fermés par leurs péchés leur soit ouverte. Que toute chair voie (Is. 52: 10) Votre salut; que la paix et la justice se donnent ce baiser (Ps. 84: 11) et cet étroit embrassement que demandait David, et que nous ayons, nous les mortels, un Maître (Is. 30: 20), un Guide, un Réparateur et un Chef qui vive et converse (Bar. 3: 38) avec nous: qu'Il arrive donc bientôt, mon Dieu, le jour de Vos promesses, que Vos paroles s'accomplissent et qu'Il vienne enfin, Votre Messie désiré depuis tant de siècles. Tel est mon désir ardent et pour cela s'exaltent mes prières vers la bonté de Votre Clémence infinie.»
3, 8, 94. Le Très-Haut qui pour S'obliger disposait et excitait les demandes de Son Épouse bien-aimée, S'inclina bénignement vers Elle et lui répondit avec une clémence singulière: «Tes prières sont agréables à Ma Volonté et tes demandes me sont acceptables: qu'il soit fait comme tu le demandes; je veux, ma Fille et Mon Épouse, ce que tu désires; et en foi de cette vérité, Je te donne ma Parole et Je te promets que bientôt Mon Fils Unique descendra sur la terre et Il se vêtira et S'unira avec la nature humaine et tes désirs acceptables auront leur exécution et leur accomplissement [b.»
3, 8, 95. Avec cette certification de la Parole divine, notre grande Princesse sentit dans son intérieur une lumière et une sécurité nouvelles de ce que s'approchait déjà la fin de cette si longue nuit du péché et des anciennes lois et que la nouvelle Clarté de la Rédemption des hommes s'approchait. Et comme Elle était touchée par une si grande proximité et une si grande plénitude des rayons du Soleil de justice qui s'approchait pour naître de ses entrailles, Elle était comme une aurore très belle, embrasée et brillante des couleurs vermeilles, pour ainsi dire, de la Divinité même qui la transformait tout entière en Elle-même; et Elle rendait d'incessantes louanges au Seigneur en son nom et en celui de tous les mortels, avec des affections d'amour et de reconnaissance du bienfait de la Rédemption prochaine. Elle passa ce jour dans cette occupation après qu'Elle fut restituée à la terre par les mêmes Anges. Je me plains toujours de mon ignorance et de mon peu de capacité pour expliquer ces Mystères si élevés: et si les docteurs et les grands savants ne peuvent le faire adéquatement, comment y arrivera une femme pauvre et vile? Que la lumière de la piété chrétienne supplée à mon ignorance et que l'obéissance disculpe ma hardiesse.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
3, 8, 96. O ma très chère fille, combien les oeuvres admirables que la Puissance divine opéra envers moi, dans ces sacrements de l'Incarnation du Verbe Éternel dans mon sein sont éloignés de la sagesse mondaine. Ni la chair ni le sang ne peuvent les scruter; les Anges mêmes et les Séraphins les plus sublimes ne peuvent connaître par eux-mêmes des mystères si cachés et si en dehors de l'ordre de la grâce des autres créatures. Loue le Seigneur pour eux, mon amie, avec un amour et une reconnaissance incessante; et ne sois pas si lente à comprendre la grandeur de Son divin Amour, et les grandes choses qu'Il fait pour ses amis et ses très chers, désirant les élever de la poussière et les enrichir de diverses manières. Si tu pénètres cette vérité, elle t'obligera à la reconnaissance et elle te portera à opérer de grandes choses comme fille et épouse très fidèle.
3, 8, 97. Et afin que tu te disposes et que tu t'encourages davantage, je t'avertis que le Seigneur dit souvent ces paroles àses bien-aimées: "Reviens, reviens, afin que Nous te regardions"; car Il reçoit tant d'agrément de Ses ouvrages qu'Il Se récrée et Se complaît avec ces âmes qu'Il choisit pour Ses délices, incomparablement plus qu'un père se réjouit avec son fils unique très reconnaissant et très beau en le regardant souvent avec tendresse; qu'un ouvrier avec l'oeuvre parfaite de ses mains, qu'un roi avec la riche cité qu'il a conquise et qu'un ami avec son amie qu'il aime beaucoup; et selon que ces âmes se disposent et s'avancent, ainsi les faveurs et les complaisances du Seigneur croissent aussi. Si les mortels qui ont la lumière de la Foi acquéraient cette science, ils devraient non seulement ne point pécher pour cette seule complaisance du Très-Haut, mais faire aussi de grandes oeuvres jusqu'à mourir, pour aimer et servir Celui qui est si libéral à récompenser, à consoler et à favoriser.
3, 8, 98. En ce huitième jour que tu as écrit, lorsque le Seigneur me dit ces paroles dan le Ciel: «Reviens, reviens», pour que je le regardasse, afin que les esprits célestes me vissent, je connus que la complaisance que Sa divine Majesté en recevait était telle, qu'Il excéda toutes les complaisances que Lui ont données toutes les âmes saintes dans le suprême degré de leur sainteté; et Sa Bonté se complut en moi plus qu'en tous les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges et tous les autres Saints. Et de cet agrément et de cette acceptation du Très-Haut rejaillirent en mon esprit tant d'influences de grâce et une telle participation de la Divinité que tu ne peux le connaître ni l'expliquer parfaitement, étant en chair mortelle. Mais je te déclare ce secret mystérieux afin que tu en loues son Auteur, que tu travailles en te disposant tant que te durera l'exil de la Patrie, que tu étendes ton bras vers des choses fortes (Prov. 31: 19) en ma place et en mon nom et que tu donnes au Seigneur l'agrément qu'Il désire de toi, en tâchant toujours de gagner Ses bienfaits et de les solliciter pour toi et pour ton prochain avec une parfaite charité
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 8, [a]. La Vénérable suit la chronologie des Septantes qui est aussi celle suivie par l'Église dans le martyrologe romain au 25 décembre qui se trouve également dans Eusèbe de Césarée et qui est appuyée par le calcul de Philon et de saint Isidore de Séville. Elle est du reste la seule désormais qui s'accorde avec le progrès des sciences modernes selon Cautu et d'autres. [Stor. Univ. Cronologia].
3, 8, [b. Voici qu'enfin Marie, Médiatrice des hommes remporte la victoire sur le Coeur de Dieu. Vraie Abigaïl, Elle devient Maîtresse du Coeur du grand Roi, elle apaise Sa colère, Elle L'incline à la clémence envers le genre humain plus prévaricateur et plus digne de mort que Nabal. Elle est la première qui entendit de la bouche du Très-Haut ces belles paroles que David adressait à la vertueuse femme de ce Nabal: «J'ai écouté ta demande et je l'ai fait par amour pour toi.» [1 Rois 25: 35]. C'est ainsi que Dieu hâta l'Incarnation par la médiation de Marie, non dans le sens qu'Elle ait apporté quelque changement dans les décrets éternels de Dieu, mais dans le sens que Dieu avait disposé l'exécution de ce Mystère de manière qu'Il voulut que les prières de Marie y contribuassent puissamment et qu'en vertu de telles prières un tel Bienfait ne pouvait plus être retardé. Et c'est ainsi que les théologiens expliquent cette accélération. [Voir Suarez III Par. q. a 12 disp. 10 sect. 6].
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 9
Le Très-Haut renouvelle les faveurs et les bienfaits dans la Très Sainte Marie et Il lui donne de nouveau la possession de Reine de l'Univers pour la dernière disposition à l'Incarnation.
3, 9, 99. Le neuvième et dernier jour de ceux où le Très-Haut préparait Son Tabernacle (Ps. 45: 5) d'une manière plus prochaine pour le sanctifier par Sa venue, Il détermina de renouveler Ses merveilles et de multiplier les miracles, renouvelant les faveurs et les bienfaits qu'Il avait communiqués jusqu'à ce jour à la Princesse Marie. Mais le Seigneur opérait en Elle de telle sorte que lorsqu'Il tirait de Ses Trésors infinis des choses anciennes, Il en ajoutait toujours de nouvelles [a]; et tous ces degrés et ces merveilles se rapportaient à ce que Dieu S'humiliât jusqu'à Se faire homme et à ce qu'Il élevât une Femme jusqu'à être Sa Mère. Pour que Dieu descendit à l'autre extrême de Se faire homme Il ne put changer en Lui-même et il n'en avait pas besoin, parce que demeurant immuable, Il put unir notre nature à Sa personne; mais pour qu'une Femme de corps terrestre arrivât à donner sa propre substance, avec laquelle Dieu S'unit et fut homme, il semblait nécessaire de passer un espace infini et de venir se poser si distante des autres créatures qu'Elle arrivât à s'avoisiner avec Dieu même.
3, 9, 100. Arriva donc le jour où la Très Sainte Marie devait demeurer dans cette dernière disposition si proche de Dieu que d'être Sa Mère. Et cette nuit-là, à la bonne heure du plus grand silence, Elle fut appelée par le même Seigneur, comme j'ai dit les autres jours. L'humble et prudente Reine répondit: «Mon coeur est prêt, Seigneur et Roi Très-Haut, afin qu'en moi se fasse Votre divine Volonté.» Ensuite Elle fut élevée en corps et en âme, comme les jours précédents par les mains de ses Anges au Ciel Empiré, et mise en présence du trône royal du Très-Haut: et Sa puissante Majesté l'éleva et la plaça à Son côté, lui désignant le siège et la place qu'Elle devait avoir pour toujours en Sa Présence. Et ce fut le plus haut et le plus immédiat au même Dieu, hors celui qui était réservé pour l'humanité du Verbe; parce que ce siège excédait sans comparaison celui de tous les autres bienheureux et de tous ensemble «b].
3, 9, 101. De cette place Elle vit aussitôt la Divinité par vision abstractive comme les autres fois antécédentes; Sa Majesté, tout en lui cachant la dignité de Mère de Dieu, lui manifesta des sacrements si sublimes et si nouveaux que je ne peux les déclarer [c] à cause de leur profondeur et de mon ignorance. Elle vit de nouveau dans la Divinité toutes les choses créées et plusieurs possibles et futures. Et les corporelles lui furent manifestées, Dieu les lui donnant à connaître en elles-mêmes par espèces corporelles et sensibles, comme si Elle les eût eues toutes présentes aux sens extérieurs, et comme si dans la sphère de la puissance visive elle les eût perçues par les yeux corporels. Elle connut toute jointe la fabrique de l'univers qu'Elle avait connue par ses parties, et aussi les créatures qui y sont contenus distinctement, comme si Elle les avait eues présentes dans un cadre. Elle vit toute leur harmonie, leur ordre, la connexion et la dépendance qu'elles ont entre elles et comment elles dépendent toutes de la Volonté divine qui les crée, les gouverne et les conserve chacune dans sa place et dans son être. Elle vit de nouveau tous les cieux et les étoiles, les éléments et leurs habitants, le Purgatoire, les Limbes, l'Enfer, avec tous ceux qui vivaient dans ces cavernes. Et comme le poste où était la Reine des créatures était éminent et au-dessus de toutes; de même le fut aussi la science qui lui fut donnée, parce qu'Elle était inférieure seulement à celle du Seigneur et supérieure à toute chose créée.
3, 9, 102. La divine Dame étant absorbée dans l'admiration de ce que le Très-Haut lui manifestait et lui donnant pour tout le retour de louanges et de gloire qui était dû à un tel Seigneur, Sa Majesté lui parla et lui dit: «Mon Élue et Ma colombe, toutes les créatures visibles que tu connais, Je les ai créées et Je les conserve par ma Providence en tant de variété et de beauté, seulement pour l'amour que J'ai pour les hommes. Et de toutes les âmes que J'ai créées jusqu'à présent et de celles que J'ai déterminé de créer jusqu'à la fin doit être élue et tirée une congrégation (Apoc. 7: 14) de fidèles qui soient séparés et lavés dans le Sang de l'Agneau qui ôtera les péchés du monde. Ils seront le fruit spécial de la Rédemption qui doit être opéré et ils goûteront de ses effets par le moyen de la nouvelle Loi de grâce, et des sacrements que leur donnera en elle leur Réparateur; et ceux qui persévéreront arriveront ensuite à la participation de Ma gloire et de Mon Amitié éternelle. C'est pour ces élus en première intention que J'ai crée des Oeuvres si merveilleuses et si nombreuse; et si tous voulaient Me servir, M'adorer et connaître Mon saint Nom, autant qu'il est de Moi, Je créerais autant de Trésors pour tous et pour chacun en particulier et Je les ordonnerais à la possession de chacun.»
3, 9, 103. «Et quand Je n'aurais créé qu'une seule des créatures qui sont capables de Ma grâce et de Ma gloire, Je la ferais elle seule maîtresse et dame de toutes les créatures; puisque tout cela est moins que de la faire participante de Mon Amitié et de Ma Félicité éternelle. Toi, Mon Épouse, tu es Mon Élue et tu as trouvé grâce dans Mon Coeur: et ainsi Je te fais Dame de tous ces biens et Je te donne la possession et le domaine de tous, afin que si tu es Mon Épouse fidèle comme Je le veux, tu les distribues et les dispenses à qui Me les demandera par ta main ou ton intercession; car pour cela Je les dépose dans les tiennes.» La Très Sainte Trinité posa une couronne sur la tête de notre Princesse, la consacrant suprême Reine de toutes les créatures, et cette couronne était sculptée et semée de certains chiffres qui disaient: "Mère de Dieu"; mais Elle ne le comprit pas alors, car les esprits divins seuls les connurent, dans l'admiration de la magnificence du Seigneur envers cette jeune Fille fortunée et bénie entre toutes les femmes, qu'ils révérèrent et vénérèrent pour leur Reine et leur Souveraine légitime et Celle de toutes les créatures.
3, 9, 104. La droite du Tout-Puissant opérait toutes ces merveilles avec un ordre très convenable de Son infinie Sagesse; parce qu'avant de descendre pour prendre chair humaine dans le sein virginal de cette Dame, il convenait que tous les courtisans de ce grand Roi reconnussent Sa Mère pour Reine et Maîtresse et pour cela qu'ils lui rendissent la révérence due. Et il était juste et convenable au bon ordre, que Dieu la fit premièrement Reine et ensuite Mère du Prince des éternités: puisqu'Elle devait enfanter le Prince, Elle devait nécessairement être Reine et reconnue par ses vassaux; puisqu'il n'y avait point d'inconvénient que les Anges la reconnussent, il n'était pas nécessaire de la leur cacher; c'était au contraire comme une dette du Très-Haut envers la majesté de Sa Divinité que Son Tabernacle choisi pour Sa demeure fût prévenu et qualifié avec toutes sortes d'excellences, de dignité, de perfection, de sublimité et de magnificence qui pussent lui être communiquées, sans lui en refuser aucune; ainsi les saints Anges la reçurent et la reconnurent lui donnant l'honneur de Reine et de Souveraine.
3, 9, 105. Pour mettre la dernière main à cette Oeuvre prodigieuse de la Très Sainte Marie, le Seigneur étendit Son bras Puissant et Il renouvela par Lui-même l'esprit et les puissances de cet Auguste Dame, lui donnant de nouvelles illuminations, de nouvelles habitudes et de nouvelles qualités, dont la grandeur et les conditions ne peuvent être comprises dans nos termes terrestres. C'était la dernière retouche et le dernier coup de pinceau à cette vivante Image [d] de Dieu, afin de former en Elle-même et d'Elle-même la forme dont devait Se vêtir le Verbe Éternel qui était par essence l'Image du Père Éternel et la Figure de sa substance (Heb. 1: 3). Tout ce Temple de la Très Sainte Marie demeura mieux que celui de Salomon vêtu au dedans et au dedans et au dehors de l'or très pur de la Divinité, sans qu'en aucune partie on put découvrir en Elle aucun atôme de fille terrestre d'Adam. Elle demeura toute déifiée avec des devises de la Divinité; car le Verbe divin devant sortir du sein du Père Éternel pour descendre en celui de Marie, Il la prépara de telle sorte qu'il se trouvât en Elle la similitude possible entre Mère et Père [e].
3, 9, 106. Il ne me reste point de raisons nouvelles pour dire comme je le voudrais les effets que toutes ces faveurs produisirent dans le Coeur de notre grande Reine et Souveraine. Le jugement humain n'arrive point à les concevoir; comment les paroles arriveraient-elles à les expliquer. Mais ce qui me fait le plus d'admiration de la lumière qui m'a été donnée dans ces Mystères sublimes est l'humilité de cette divine Femme et l'émulation entre Elle et le pouvoir Divin. C'est un rare prodige et un miracle d'humilité de voir cette jeune Fille, la Très Sainte Marie élevée à la suprême dignité et à la suprême sainteté après Dieu, et qu'alors Elle s'humiliât et s'anéantit au plus infime de toutes les créatures et qu'à force de cette humilité, il n'entrât point dans la pensée de cette Souveraine qu'Elle put être Mère du Messie! Et non seulement cela, mais Elle s'imagina aucune chose grande ou admirable (Ps. 130: 1) d'Elle-même. Ni ses yeux ni son coeur ne s'élevèrent; bien au contraire, quand les Oeuvres du bras du Seigneur l'exaltaient davantage, Elle éprouvait d'aussi humbles sentiments d'Elle-même. Il fut juste certainement que le Dieu tout-puissant considérât son humilité, et qu'à cause d'Elle toutes les générations l'appelassent Fortunée et Bienheureuse.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE ET MAÎTRESSE DU CIEL.
3, 9, 107. Ma fille, celle qui a un amour intéressé et servile n'est pas une digne épouse du Très-Haut; parce que l'épouse ne doit pas aimer ni craindre comme l'esclave: elle ne doit pas non plus servir pour la récompense journalière. Mais quoique son amour doive être filial et généreux à cause du grade et de l'immense bonté de son Époux, néanmoins elle doit être beaucoup obligée à cela de le voir si riche et si libéral et de ce qu'il a créé tant de variété de biens visibles, afin qu'ils servissent tous à celui qui sert sa Majesté; et surtout pour les trésors cachés qu'ils tient, réservés (Ps. 30: 20) en abondance de douceur pour ceux qui le craignent comme enfants persuadés de cette vérité. Je veux que tu te montres très obligée à ton Seigneur, ton Père, ton Époux et ton Ami, connaissant combien sont riches les âmes qui arrivent par grâce à être ses filles et ses très chères; puisqu'il a préparé tant de biens divers pour ses enfants comme Père plein de puissance, et tous ces biens pour chacun s'il était nécessaire. Le peu d'amour des hommes j'ai pas d'excuse en comparaison de tant de motifs de l'aimer, ni leur ingratitude non plus à la vue de tant de bienfaits, dans le même temps qu'ils les reçoivent sans mesure.
3, 9, 108. Considère donc, ma très chère fille que tu n'es pas arrivante ni étrangère (Eph. 2: 19) dans cette maison du Seigneur qui est la Sainte Église, mais que tu es domestique et épouse de Jésus-Christ parmi les saints, alimentée par Ses faveurs et Ses caresses d'épouse. Et parce que tous les trésors et les richesses qui sont à l'Époux appartiennent à la légitime épouse, considère de combien Il te rend participante et maîtresse. Jouis-en comme domestique et aie du zèle pour Son honneur comme s'ils avaient été créés par ton Seigneur pour toi seule; aime-Le et révère-Le pour les autres, pour qui Il fut si libéral. Et en tout cela imite avec tes faibles forces ce que tu as compris que je faisais, et sache ma fille, qu'il sera beaucoup de mon agrément que tu exaltes le Tout-Puissant et que tu Le loues avec de ferventes affections de ce que Sa divine Droite me favorisa et m'enrichit pendant cette semaine au-dessus de toute pondération humaine.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 9, [a]. Expression scripturale. Les choses anciennes et les nouvelles, écrit Calmet, signifient l'affluence des biens et des choses mise en réserve depuis longtemps et en grande quantité, de manière qu'il ne reste qu'à choisir. La Vénérable veut dire ici que Dieu voulant enrichir la Très Sainte Marie de toutes sortes de biens en vue de sa divine maternité et de l'Incarnation du Verbe, ne mit aucune limite à Sa libéralité; et qu'Il versa sur Marie avec une abondance vraiment prodigieuse les Dons qu'Il tenait en réserve dans Ses Trésors éternels. Ce que l'Épouse de Cantiques disait à son Bien-Aimé, Dieu peut le dire à son tour en un sens plus sublime à la Très Sainte Marie Son Épouse: «Nova et vetera servari tibi. Les choses nouvelles et les anciennes Je les ai gardées pour toi, Ma Bien-Aimée.» [Cant. 7: 13].
3, 9, [b. «Il est facile à comprendre que la Bienheureuse Vierge surpasse tous les Anges par la place qu'Elle occupe.» [Cajetan 3 p., q. 57, art. 5]. Et Suarez dit que dans l'empirée, l'éminence du lieu ne doit pas être mesurée par sa hauteur plus ou moins grande, mais par la dignité de celui qui l'occupe, et comme la dignité de Marie fut supérieure à celle des Anges, pour cette raison, Elle resta assignée à une place plus haute. [Suarez, tom. 2, in 3 parte cad. quaest.]. Du rest, saint Jean dans l'Apocalypse et aussi Daniel parlent des trônes et des sièges dans le Ciel.
3, 9, [c]. Il n'y a aucun mortel qui puisse expliquer les Mystères par des paroles qui soient suffisantes.
3, 9, [d]. "Cette vivante Image de Dieu". Saint André a écrit de Marie qu'Elle est l'Image expresse et excellente du divin "Original". Du reste, les expressions des autres saints Pères s'accordent à dépeindre Marie comme la plus parfaite Image créée, non substantielle de la Divinité. Elle est nommée par eux: «Très semblable à Dieu, la forme de Dieu, quelque chose de divin et de très divin, plus que splendide, plus grande que toute admiration, plus sainte que les saints, la sainte des saints, plus excellente que les Anges, plus sainte que la sainteté, la pureté et la beauté même, un abîme de miracles, etc.» [Voir Passaglia, De Immac. Deip. concepu, p. I, sect. 2, c. 10, a. 1].
3, 9, [e]. Il est certain, comme le remarque la Vénérable, qu'entre Marie, Mère du Verbe en tant qu'homme et le Père Éternel, Père du même Verbe en tant que Dieu, il devait se trouver toute la ressemblance possible.
Le Très-Haut renouvelle les faveurs et les bienfaits dans la Très Sainte Marie et Il lui donne de nouveau la possession de Reine de l'Univers pour la dernière disposition à l'Incarnation.
3, 9, 99. Le neuvième et dernier jour de ceux où le Très-Haut préparait Son Tabernacle (Ps. 45: 5) d'une manière plus prochaine pour le sanctifier par Sa venue, Il détermina de renouveler Ses merveilles et de multiplier les miracles, renouvelant les faveurs et les bienfaits qu'Il avait communiqués jusqu'à ce jour à la Princesse Marie. Mais le Seigneur opérait en Elle de telle sorte que lorsqu'Il tirait de Ses Trésors infinis des choses anciennes, Il en ajoutait toujours de nouvelles [a]; et tous ces degrés et ces merveilles se rapportaient à ce que Dieu S'humiliât jusqu'à Se faire homme et à ce qu'Il élevât une Femme jusqu'à être Sa Mère. Pour que Dieu descendit à l'autre extrême de Se faire homme Il ne put changer en Lui-même et il n'en avait pas besoin, parce que demeurant immuable, Il put unir notre nature à Sa personne; mais pour qu'une Femme de corps terrestre arrivât à donner sa propre substance, avec laquelle Dieu S'unit et fut homme, il semblait nécessaire de passer un espace infini et de venir se poser si distante des autres créatures qu'Elle arrivât à s'avoisiner avec Dieu même.
3, 9, 100. Arriva donc le jour où la Très Sainte Marie devait demeurer dans cette dernière disposition si proche de Dieu que d'être Sa Mère. Et cette nuit-là, à la bonne heure du plus grand silence, Elle fut appelée par le même Seigneur, comme j'ai dit les autres jours. L'humble et prudente Reine répondit: «Mon coeur est prêt, Seigneur et Roi Très-Haut, afin qu'en moi se fasse Votre divine Volonté.» Ensuite Elle fut élevée en corps et en âme, comme les jours précédents par les mains de ses Anges au Ciel Empiré, et mise en présence du trône royal du Très-Haut: et Sa puissante Majesté l'éleva et la plaça à Son côté, lui désignant le siège et la place qu'Elle devait avoir pour toujours en Sa Présence. Et ce fut le plus haut et le plus immédiat au même Dieu, hors celui qui était réservé pour l'humanité du Verbe; parce que ce siège excédait sans comparaison celui de tous les autres bienheureux et de tous ensemble «b].
3, 9, 101. De cette place Elle vit aussitôt la Divinité par vision abstractive comme les autres fois antécédentes; Sa Majesté, tout en lui cachant la dignité de Mère de Dieu, lui manifesta des sacrements si sublimes et si nouveaux que je ne peux les déclarer [c] à cause de leur profondeur et de mon ignorance. Elle vit de nouveau dans la Divinité toutes les choses créées et plusieurs possibles et futures. Et les corporelles lui furent manifestées, Dieu les lui donnant à connaître en elles-mêmes par espèces corporelles et sensibles, comme si Elle les eût eues toutes présentes aux sens extérieurs, et comme si dans la sphère de la puissance visive elle les eût perçues par les yeux corporels. Elle connut toute jointe la fabrique de l'univers qu'Elle avait connue par ses parties, et aussi les créatures qui y sont contenus distinctement, comme si Elle les avait eues présentes dans un cadre. Elle vit toute leur harmonie, leur ordre, la connexion et la dépendance qu'elles ont entre elles et comment elles dépendent toutes de la Volonté divine qui les crée, les gouverne et les conserve chacune dans sa place et dans son être. Elle vit de nouveau tous les cieux et les étoiles, les éléments et leurs habitants, le Purgatoire, les Limbes, l'Enfer, avec tous ceux qui vivaient dans ces cavernes. Et comme le poste où était la Reine des créatures était éminent et au-dessus de toutes; de même le fut aussi la science qui lui fut donnée, parce qu'Elle était inférieure seulement à celle du Seigneur et supérieure à toute chose créée.
3, 9, 102. La divine Dame étant absorbée dans l'admiration de ce que le Très-Haut lui manifestait et lui donnant pour tout le retour de louanges et de gloire qui était dû à un tel Seigneur, Sa Majesté lui parla et lui dit: «Mon Élue et Ma colombe, toutes les créatures visibles que tu connais, Je les ai créées et Je les conserve par ma Providence en tant de variété et de beauté, seulement pour l'amour que J'ai pour les hommes. Et de toutes les âmes que J'ai créées jusqu'à présent et de celles que J'ai déterminé de créer jusqu'à la fin doit être élue et tirée une congrégation (Apoc. 7: 14) de fidèles qui soient séparés et lavés dans le Sang de l'Agneau qui ôtera les péchés du monde. Ils seront le fruit spécial de la Rédemption qui doit être opéré et ils goûteront de ses effets par le moyen de la nouvelle Loi de grâce, et des sacrements que leur donnera en elle leur Réparateur; et ceux qui persévéreront arriveront ensuite à la participation de Ma gloire et de Mon Amitié éternelle. C'est pour ces élus en première intention que J'ai crée des Oeuvres si merveilleuses et si nombreuse; et si tous voulaient Me servir, M'adorer et connaître Mon saint Nom, autant qu'il est de Moi, Je créerais autant de Trésors pour tous et pour chacun en particulier et Je les ordonnerais à la possession de chacun.»
3, 9, 103. «Et quand Je n'aurais créé qu'une seule des créatures qui sont capables de Ma grâce et de Ma gloire, Je la ferais elle seule maîtresse et dame de toutes les créatures; puisque tout cela est moins que de la faire participante de Mon Amitié et de Ma Félicité éternelle. Toi, Mon Épouse, tu es Mon Élue et tu as trouvé grâce dans Mon Coeur: et ainsi Je te fais Dame de tous ces biens et Je te donne la possession et le domaine de tous, afin que si tu es Mon Épouse fidèle comme Je le veux, tu les distribues et les dispenses à qui Me les demandera par ta main ou ton intercession; car pour cela Je les dépose dans les tiennes.» La Très Sainte Trinité posa une couronne sur la tête de notre Princesse, la consacrant suprême Reine de toutes les créatures, et cette couronne était sculptée et semée de certains chiffres qui disaient: "Mère de Dieu"; mais Elle ne le comprit pas alors, car les esprits divins seuls les connurent, dans l'admiration de la magnificence du Seigneur envers cette jeune Fille fortunée et bénie entre toutes les femmes, qu'ils révérèrent et vénérèrent pour leur Reine et leur Souveraine légitime et Celle de toutes les créatures.
3, 9, 104. La droite du Tout-Puissant opérait toutes ces merveilles avec un ordre très convenable de Son infinie Sagesse; parce qu'avant de descendre pour prendre chair humaine dans le sein virginal de cette Dame, il convenait que tous les courtisans de ce grand Roi reconnussent Sa Mère pour Reine et Maîtresse et pour cela qu'ils lui rendissent la révérence due. Et il était juste et convenable au bon ordre, que Dieu la fit premièrement Reine et ensuite Mère du Prince des éternités: puisqu'Elle devait enfanter le Prince, Elle devait nécessairement être Reine et reconnue par ses vassaux; puisqu'il n'y avait point d'inconvénient que les Anges la reconnussent, il n'était pas nécessaire de la leur cacher; c'était au contraire comme une dette du Très-Haut envers la majesté de Sa Divinité que Son Tabernacle choisi pour Sa demeure fût prévenu et qualifié avec toutes sortes d'excellences, de dignité, de perfection, de sublimité et de magnificence qui pussent lui être communiquées, sans lui en refuser aucune; ainsi les saints Anges la reçurent et la reconnurent lui donnant l'honneur de Reine et de Souveraine.
3, 9, 105. Pour mettre la dernière main à cette Oeuvre prodigieuse de la Très Sainte Marie, le Seigneur étendit Son bras Puissant et Il renouvela par Lui-même l'esprit et les puissances de cet Auguste Dame, lui donnant de nouvelles illuminations, de nouvelles habitudes et de nouvelles qualités, dont la grandeur et les conditions ne peuvent être comprises dans nos termes terrestres. C'était la dernière retouche et le dernier coup de pinceau à cette vivante Image [d] de Dieu, afin de former en Elle-même et d'Elle-même la forme dont devait Se vêtir le Verbe Éternel qui était par essence l'Image du Père Éternel et la Figure de sa substance (Heb. 1: 3). Tout ce Temple de la Très Sainte Marie demeura mieux que celui de Salomon vêtu au dedans et au dedans et au dehors de l'or très pur de la Divinité, sans qu'en aucune partie on put découvrir en Elle aucun atôme de fille terrestre d'Adam. Elle demeura toute déifiée avec des devises de la Divinité; car le Verbe divin devant sortir du sein du Père Éternel pour descendre en celui de Marie, Il la prépara de telle sorte qu'il se trouvât en Elle la similitude possible entre Mère et Père [e].
3, 9, 106. Il ne me reste point de raisons nouvelles pour dire comme je le voudrais les effets que toutes ces faveurs produisirent dans le Coeur de notre grande Reine et Souveraine. Le jugement humain n'arrive point à les concevoir; comment les paroles arriveraient-elles à les expliquer. Mais ce qui me fait le plus d'admiration de la lumière qui m'a été donnée dans ces Mystères sublimes est l'humilité de cette divine Femme et l'émulation entre Elle et le pouvoir Divin. C'est un rare prodige et un miracle d'humilité de voir cette jeune Fille, la Très Sainte Marie élevée à la suprême dignité et à la suprême sainteté après Dieu, et qu'alors Elle s'humiliât et s'anéantit au plus infime de toutes les créatures et qu'à force de cette humilité, il n'entrât point dans la pensée de cette Souveraine qu'Elle put être Mère du Messie! Et non seulement cela, mais Elle s'imagina aucune chose grande ou admirable (Ps. 130: 1) d'Elle-même. Ni ses yeux ni son coeur ne s'élevèrent; bien au contraire, quand les Oeuvres du bras du Seigneur l'exaltaient davantage, Elle éprouvait d'aussi humbles sentiments d'Elle-même. Il fut juste certainement que le Dieu tout-puissant considérât son humilité, et qu'à cause d'Elle toutes les générations l'appelassent Fortunée et Bienheureuse.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE ET MAÎTRESSE DU CIEL.
3, 9, 107. Ma fille, celle qui a un amour intéressé et servile n'est pas une digne épouse du Très-Haut; parce que l'épouse ne doit pas aimer ni craindre comme l'esclave: elle ne doit pas non plus servir pour la récompense journalière. Mais quoique son amour doive être filial et généreux à cause du grade et de l'immense bonté de son Époux, néanmoins elle doit être beaucoup obligée à cela de le voir si riche et si libéral et de ce qu'il a créé tant de variété de biens visibles, afin qu'ils servissent tous à celui qui sert sa Majesté; et surtout pour les trésors cachés qu'ils tient, réservés (Ps. 30: 20) en abondance de douceur pour ceux qui le craignent comme enfants persuadés de cette vérité. Je veux que tu te montres très obligée à ton Seigneur, ton Père, ton Époux et ton Ami, connaissant combien sont riches les âmes qui arrivent par grâce à être ses filles et ses très chères; puisqu'il a préparé tant de biens divers pour ses enfants comme Père plein de puissance, et tous ces biens pour chacun s'il était nécessaire. Le peu d'amour des hommes j'ai pas d'excuse en comparaison de tant de motifs de l'aimer, ni leur ingratitude non plus à la vue de tant de bienfaits, dans le même temps qu'ils les reçoivent sans mesure.
3, 9, 108. Considère donc, ma très chère fille que tu n'es pas arrivante ni étrangère (Eph. 2: 19) dans cette maison du Seigneur qui est la Sainte Église, mais que tu es domestique et épouse de Jésus-Christ parmi les saints, alimentée par Ses faveurs et Ses caresses d'épouse. Et parce que tous les trésors et les richesses qui sont à l'Époux appartiennent à la légitime épouse, considère de combien Il te rend participante et maîtresse. Jouis-en comme domestique et aie du zèle pour Son honneur comme s'ils avaient été créés par ton Seigneur pour toi seule; aime-Le et révère-Le pour les autres, pour qui Il fut si libéral. Et en tout cela imite avec tes faibles forces ce que tu as compris que je faisais, et sache ma fille, qu'il sera beaucoup de mon agrément que tu exaltes le Tout-Puissant et que tu Le loues avec de ferventes affections de ce que Sa divine Droite me favorisa et m'enrichit pendant cette semaine au-dessus de toute pondération humaine.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 9, [a]. Expression scripturale. Les choses anciennes et les nouvelles, écrit Calmet, signifient l'affluence des biens et des choses mise en réserve depuis longtemps et en grande quantité, de manière qu'il ne reste qu'à choisir. La Vénérable veut dire ici que Dieu voulant enrichir la Très Sainte Marie de toutes sortes de biens en vue de sa divine maternité et de l'Incarnation du Verbe, ne mit aucune limite à Sa libéralité; et qu'Il versa sur Marie avec une abondance vraiment prodigieuse les Dons qu'Il tenait en réserve dans Ses Trésors éternels. Ce que l'Épouse de Cantiques disait à son Bien-Aimé, Dieu peut le dire à son tour en un sens plus sublime à la Très Sainte Marie Son Épouse: «Nova et vetera servari tibi. Les choses nouvelles et les anciennes Je les ai gardées pour toi, Ma Bien-Aimée.» [Cant. 7: 13].
3, 9, [b. «Il est facile à comprendre que la Bienheureuse Vierge surpasse tous les Anges par la place qu'Elle occupe.» [Cajetan 3 p., q. 57, art. 5]. Et Suarez dit que dans l'empirée, l'éminence du lieu ne doit pas être mesurée par sa hauteur plus ou moins grande, mais par la dignité de celui qui l'occupe, et comme la dignité de Marie fut supérieure à celle des Anges, pour cette raison, Elle resta assignée à une place plus haute. [Suarez, tom. 2, in 3 parte cad. quaest.]. Du rest, saint Jean dans l'Apocalypse et aussi Daniel parlent des trônes et des sièges dans le Ciel.
3, 9, [c]. Il n'y a aucun mortel qui puisse expliquer les Mystères par des paroles qui soient suffisantes.
3, 9, [d]. "Cette vivante Image de Dieu". Saint André a écrit de Marie qu'Elle est l'Image expresse et excellente du divin "Original". Du reste, les expressions des autres saints Pères s'accordent à dépeindre Marie comme la plus parfaite Image créée, non substantielle de la Divinité. Elle est nommée par eux: «Très semblable à Dieu, la forme de Dieu, quelque chose de divin et de très divin, plus que splendide, plus grande que toute admiration, plus sainte que les saints, la sainte des saints, plus excellente que les Anges, plus sainte que la sainteté, la pureté et la beauté même, un abîme de miracles, etc.» [Voir Passaglia, De Immac. Deip. concepu, p. I, sect. 2, c. 10, a. 1].
3, 9, [e]. Il est certain, comme le remarque la Vénérable, qu'entre Marie, Mère du Verbe en tant qu'homme et le Père Éternel, Père du même Verbe en tant que Dieu, il devait se trouver toute la ressemblance possible.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 10
La Très Sainte Trinité dépêche le saint Archange Gabriel pour annoncer et évangéliser à la Très Sainte Marie comment elle est élue pour Mère de Dieu.
3, 10, 109. Le temps et l'heure convenable dans lequel devait opportunément se manifester dans la chair le grand sacrement de piété (1 Tim. 3: 16), justifié dans l'esprit, prêché aux hommes, déclaré aux Anges et cru dans le monde, était déterminé depuis de siècles infinis, mais caché dans les secrets de la Sagesse éternelle. Arriva donc la plénitude (Gal. 4: 4) de ce temps qui se trouvait très vide jusqu'alors quoiqu'il fut plein de prophéties et de promesses, parce qu'il lui manquait la plénitude de la Très Sainte Marie par le vouloir et le consentement de laquelle tous les siècles devaient recevoir leur complément, qui était le Verbe Éternel Incarné, passible et réparateur. Ce Mystère était prédestiné avant les siècles (1 Cor. 2: 7), afin qu'il s'exécuta dans le temps par le moyen de notre divine Fille; et comme Elle était dans le monde, la rédemption des hommes et la venue du Fils Unique du Père ne devait pas tarder: puisque désormais Il n'irait point dans des (2 Rois 7: 6) tabernacles d'emprunt ou des maisons étrangères; mais qu'Il vivrait assis dans Son Temple et Sa propre Maison, édifiée et enrichie par Ses propres dépenses (1 Par. 22: 5) anticipées, mieux que le Temple de Salomon par celles de son père David.
3, 10, 110. Dans cette plénitude de temps prédéfini, le Très-Haut détermina d'envoyer Son Fils Unique au monde. Et conférant selon notre manière de concevoir et de dire, les décrets de Son éternité avec les prophéties et les testifications faites aux hommes dès le commencement du monde, et tout cela avec l'âge et la sainteté où la Très Sainte Marie était arrivée, Il jugea que tout cela convenait ainsi pour l'exaltation de Son saint Nom, et qu'Il manifestât aux saints Anges l'exécution de Sa Volonté et de Son décret éternel et qu'elle commençât par eux à être mise en oeuvre [a]. Sa Majesté parla au saint Archange Gabriel avec cette voix ou parole qui leur intime Sa sainte Volonté. Et quoique l'ordre ordinaire que Dieu garde pour illustrer ces esprits divins est de commencer par les supérieurs, et ceux-ci purifient et illuminent les inférieurs, selon leur ordre, jusqu'à arriver aux derniers, manifestant les uns aux autres ce que Dieu révèle aux premiers; néanmoins dans cette circonstance, il n'en fut pas ainsi, car le saint Archange reçut l'Ambassade du Seigneur même [b.
3, 10, 111. A l'insinuation de la Volonté divine, saint Gabriel fut prêt, comme au pied du trône, et attentif à l'Etre immuable du Très-Haut, et Sa Majesté lui demanda et déclara par Lui-même la légation qu'il devait faire à la Très Sainte Marie et les Paroles mêmes avec lesquelles il devait la saluer et lui parler: de manière que Son premier Auteur fut Dieu même qui les forma dans Son Entendement divin et de là, Elles passèrent au saint Archange, et par lui à la Très Sainte Marie. Joint avec ces Paroles, le Seigneur renouvela au saint Prince Gabriel plusieurs Mystères cachés de l'Incarnation: et la Très Sainte Trinité lui commanda d'aller annoncer à la divine Fille comment Il la choisissait entre les femmes pour être Mère du Verbe Éternel et pour le concevoir dans son sein virginal par l'opération du Saint-Esprit, et demeurant toujours Vierge et tout le reste que le paranymphe divin devait manifester et dire à sa grande Reine et Souveraine.
3, 10, 112. Sa Majesté déclara ensuite à tout le reste des Anges comment le temps de la Rédemption des hommes était arrivé et qu'Il Se disposait à descendre au monde sans délai: puisque la Très Sainte marie était déjà préparée et ornée pour Sa Mère, comme Il l'avait fait en leur présence, lui donnant cette suprême Dignité. Les esprits divins entendirent la voix de leur Créateur, et ils chantèrent de nouveaux cantiques de louanges avec une joie et des actions de grâces incomparables pour l'accomplissement de Son éternelle et parfaite Volonté, répétant toujours dans leurs chants cette hymne de Sion: «Saint, Saint, Saint êtes-Vous, Dieu et Seigneur des armées (Is. 6: 3). Vous êtes juste et puissant, Seigneur notre Dieu qui vivez dans les hauteurs (Ps. 112: 6) et qui regardez les humbles de la terre. Toutes Vos Oeuvres sont admirables, ô Très-Haut, sublime dans Vos pensées.»
3, 10, 113. Le souverain Prince Gabriel obéissant avec une joie spécial au Commandement divin descendit du suprême Ciel accompagné de plusieurs milliers d'Anges très beaux qui le suivaient en forme visible [c]. Celle de ce grand Prince et de ce légat était comme la stature d'un petit homme très élégant et d'une rare beauté; son front était brillant et il projetait des rayons de lumière; son air était grave et majestueux; ses pas mesurés, ses actions composées, ses paroles pesées et efficaces, et tout en lui représentait par le sévère et le gracieux, plus de divin que les autres Anges que l'Auguste Reine avait vus jusqu'alors dans cette forme. Il portait un diadème d'une splendeur singulière et ses vêtements longs et majestueux présentaient des couleurs variées; mais toutes très brillantes et très resplendissantes, et sur sa poitrine il portait une très belle Croix comme enchâssée qui découvrait le Mystère de l'Incarnation à laquelle son Ambassade se rapportait, et toutes ces circonstances sollicitèrent davantage l'attention et l'affection de la Reine très prudente.
3, 10, 114. Toute cette armée céleste avec son Chef et son Prince saint Gabriel dirigea son vol vers Nazareth, ville de la province de Galilée et vers la demeure de la Très Sainte Marie qui était une maison très humble, et sa retraite, un appartement étroit, dénué des ornements que le monde emploie pour dissimuler sa vileté et sa nudité de plus grands biens. La divine Souveraine avait en cette occasion quatorze ans, six mois et dix-sept jours; parce qu'Elle avait accompli ses années le huit septembre et les six mois et dix-sept jours s'écoulèrent depuis ce jour jusqu'à celui où s'opéra le plus grand des Mystères que Dieu accomplit dans le monde.
3, 10, 115. La personne de cette divine Reine était bien disposée et de stature plus haute que celle des autres femmes à cet âge: mais très élégante de corps avec une proportion et une perfection souveraines: le visage plutôt long que rond, mais gracieux et ni maigre ni gras: la couleur claire et un peu brune; le front large avec proportion, les sourcils en arcs très parfaits, les yeux grands et graves avec une agrément de colombe et une beauté indicible, de couleur entre le noir et le vert foncé, le nez suivi et parfait, la bouche petite et les lèvres colorées, mais non très subtiles ni très grosses; et dans ces dons de nature Elle était tout entière, si proportionnée et si belle, que nulle créature humaine ne le fut autant. A la regarder, on éprouvait tout à la fois de l'allégresse et du respect, de l'affection et de la crainte révérencielle; Elle attirait le coeur et Elle le retenait dans une douce vénération: on était excité à la louer, et sa grandeur, ses grâces et ses perfections rendaient muets: sa vue causait en tous ceux qui la considéraient des effets divins que l'on ne peut facilement expliquer; mais qui remplissaient le coeur de célestes influences et de mouvements divins qui dirigeaient vers Dieu.
3, 10, 116. Son vêtement était humble, pauvre et net, de couleur argentine obscure ou beige qui tirait sur la couleur de cendre, composé et aligné sans curiosité; mais avec une modestie et une honnêteté souveraines. Lorsque l'Ambassade du Ciel s'approchait, Elle, l'ignorant, était dans une contemplation très sublime sur les mystères que le Seigneur avait renouvelés en Elle par des faveurs si réitérées les neuf jours précédents. Et parce que le même Seigneur lui avait assuré, comme nous l'avons déjà dit que Son Fils Unique descendrait bientôt pour prendre forme humaine. La grande Reine était fervente et joyeuse dans la foi de cette Parole, et renouvelant ses affections humbles et enflammées, Elle disait dans son coeur: «Est-il possible que soit arrivé le temps si heureux où le Verbe doit descendre du Père Éternel pour naître et converser (Bar. 3: 38) avec les hommes? que le monde doive L'avoir en possession? que les mortels Le voient (Is. 40: 5) de leurs yeux de chair? que cette Lumière inaccessible doive naître pour éclairer ceux qui sont possédés des ténèbres (Is. 9: 2)? Oh! qui méritera de Le voir et de Le connaître! Oh! qui pourra baiser la terre où Ses pieds Divins auront posé!
3, 10, 117. «Réjouissez-vous, Cieux (Ps. 95: 11), et que la terre se console, et que tous Le bénissent et Le louent, puisque déjà Sa félicité éternelle est proche. O enfants d'Adam affligés par le péché, mais ouvrages de mon bien-Aimé, bientôt vous lèverez la tête et vous secouerez le joug (Is. 14: 25) de votre ancienne captivité. Déjà s'approche votre rédemption, déjà vient votre salut. O Pères et Prophètes anciens et vous tous les justes qui attendez dans le sein d'Abraham détenus dans les Limbes, bientôt arrivera votre consolation, votre Rédempteur désiré et promis ne tardera pas! Exaltons-Le tous et chantons des hymnes de louange! Oh! qui sera esclave de Celle qu'Isaïe Lui a signalée pour Mère (Is. 7: 14)! O Emmanuel, vraie Dieu et vrai Homme! O Clef de David qui devez ouvrir les cieux (Is. 22: 22)! O Sagesse éternelle! O Législateur de la nouvelle Église! Venez, Seigneur, venez à nous, délivrez Votre peuple de la captivité: que toute chair voie Votre salut!»
3, 10, 118. La Très Sainte Marie était dans ces prières et ces oeuvres et beaucoup d'autres que ma langue n'arrive pas à expliquer à l'heure où l'Ange Gabriel arriva. Elle était très pure dans l'âme, très parfaite dans le corps, très noble dans les pensées, très éminente dans la sainteté pleine de grâce et de rayons de la Divinité et si agréable aux yeux de Dieu qu'Elle put être Sa digne Mère et l'Instrument efficace pour Le tirer du sein du Père et L'attirer en son sein virginal. Elle fut le puissant moyen de notre Rédemption et nous la lui devons à plusieurs titres, et pour cela Elle mérite que toutes les nations et les générations la bénissent et la louent éternellement. Je dirai dans le chapitre suivant ce qui arriva à l'entrée de l'Ambassadeur céleste.
3, 10, 119. Je mentionne seulement maintenant une chose digne d'admiration, que pour recevoir l'Annonciation du saint Archange et pour effectuer un Mystère
aussi sublime que celui qui devait s'opérer en cette divine Dame, Sa Majesté la laissa dans l'être et l'état commun des vertus que j'ai dit dans la première partie [d]. Et le Très-Haut le disposa ainsi; parce que ce Mystère devait s'opérer comme sacrement de Foi, les opérations de cette vertu intervenant avec celles de l'Espérance et de la Charité; et ainsi le Seigneur la laissa dans ses vertus, afin qu'Elle crût et qu'Elle espérât dans les Paroles divines. Et ces actes ayant précédé, il arriva ce que je dirai ensuite avec l'insuffisance de mes termes et de mes raisons limitées; et la grandeur des sacrements me rend plus pauvre d'expressions pour les expliquer.
DOCTRINE DE LA REINE ET LA SOUVERAINE DU CIEL.
3, 10, 120. Ma fille, je te manifeste maintenant avec une affection spéciale, ma volonté et le désir que j'ai de ce que tu te rendes digne de l'entretien intime et familier avec Dieu, et que tu te disposes pour cela avec beaucoup de zèle et de sollicitude, pleurant les péchés et oubliant et refusant tout le reste, de sorte que pour toi tu ne t'imagines pas qu'il y ait autre chose hors de Dieu. Pour cela il te convient de mettre à exécution toute la Doctrine que je t'ai enseignée jusqu'à présent; et ce que tu auras à écrire à l'avenir comme je te le manifesterai. Je te guiderai et te dirigerai afin que tu saches comment tu dois te gouverner dans cette familiarité et cette conversation avec Lui, usant des faveurs que tu reçois de Sa Bonté, le concevant dans ton sein par la Foi, la Lumière et la Grâce qu'Il te donnera. Et si tu ne te dispose pas d'abord avec cet avertissement tu n'obtiendras point l'accomplissement de tes désirs, ni moi, le fruit de ma Doctrine que je te donne comme Maîtresse.
3, 10, 121. Puisque tu as trouvé sans l'avoir mérité le Trésor caché et la marguerite précieuse (Matt. 13: 44-45) de mon enseignement et de ma Doctrine, méprise tout ce que tu peux avoir pour t'approprier ce seul joyau d'un prix inestimable, parce qu'avec lui tu recevras tous les biens ensemble et tu deviendras digne de l'amitié intime du Seigneur et de Son habitation éternelle dans ton coeur. En retour de cette grande fortune, je veux que tu meures à toutes les choses terrestres et que tu offres ta volonté dissoute en affections d'amour reconnaissant; et qu'à mon imitation tu sois si humble que de ton côté, tu sois persuadé et tu reconnaisses que tu ne vaux rien, que tu ne peux rien, que tu ne mérites rien et que tu n'es pas digne d'être admise comme esclave des servantes de mon Fils.
3, 10, 122. Considère que j'étais loin d'imaginer la dignité que le Très-Haut me préparait d'être Sa Mère; et c'était dans l'occasion qu'il m'avait déjà promis qu'Il viendrait bientôt au monde et qu'Il m'obligeait à Le désirer avec tant d'affections d'amour, que le jour avant ce merveilleux sacrement, il me semblait que j'allais mourir, mon coeur se brisant dans ces angoisses amoureuses, si La divine Providence ne m'eût confortée. Mon esprit se dilatait avec la certitude que le Fils Unique du Père descendrait bientôt du Ciel; et d'un autre côté mon humilité m'inclinait à penser si en vivant dans ce monde, je ne retarderais point Sa venue. Considère, donc, ma très chère, le sacrement de mon coeur et quel Exemplaire c'est pour toi et pour tous les autres mortels. Et parce qu'il est difficile que tu reçoives et que tu écrives une si haute Sagesse, regarde-moi dans le Seigneur, ou à Sa divine Lumière tu méditeras et tu comprendras mes actions très parfaites; suis-moi par leur imitation et marche sur mes traces.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 10, [a]. Cette manifestation successive aux Anges touchant les Mystères de la Rédemption, etc, est pleinement en conformité avec la doctrine de saint Thomas. [I p. q. 37, a. 5 et alibi].
3, 10, [b. Cela montre que l'Archange saint Gabriel n'est pas des plus élevés des esprits angéliques, puisque Dieu, pour l'illuminer sans le moyen des autres eut besoin de recourir à une exception.
3, 10, [c]. Les rois de la terre envoyant leurs ambassadeurs aux cours étrangères déploient plus ou moins de pompe selon l'importance plus ou moins grande des intérêts qui doivent être traités entre les deux puissances et selon la puissance plus ou moins grande du monarque qui expédie le message et de celui à qui il est expédié. En cela ces dieux de la terre ne font qu'imiter le Dieu du Ciel. Si les hommes savent faire cette distinction à plus forte raison Dieu doit savoir faire les Siennes, déployant à propos la pompe convenable quand il s'agit d'affaires d'une très haute importance. On traitait ici du Mystère de l'Incarnation du Verbe Éternel, le plus grand de tous les mystères, "operum Dei consummatio, la consommation des Oeuvres de Dieu", comme l'appelle saint Thomas, et l'effusion de la Bonté divine au delà de toute mesure.
L'Ambassade donc devait être relativement digne de la magnificence divine, et devait se faire avec une pompe extraordinaire. Il convenait donc que l'Archange Gabriel fût escorté par un grand nombre de ces esprits qui devaient former la cour de la Reine Mère de Dieu: ils devaient être témoins de tout ce qui se passerait dans ce divin colloque, comme traité conclu entre le Ciel et la terre, entre Dieu et Marie: ils devaient entendre ce Fiat très puissant qui devait récréer Dieu et Le faire descendre dans le sein de la Vierge, et ils devaient se trouver là prêts à L'adorer sur la terre comme ils L'adoraient dans le Ciel. Tous ces esprits célestes ne sont-ils point "administrateurs dans ce ministère et envoyés pour l'exercer en faveur de ceux qui reçoivent l'héritage du salut?» [Heb. 1: 14]. D'ailleurs comme écrit saint Thomas: «L'Incarnation est un certain principe général auquel tous les offices des Anges sont ordonnés.» [I p., q. 37, a. 1].
3, 10, [d]. Livre 2, Nos. 677, 717.
La Très Sainte Trinité dépêche le saint Archange Gabriel pour annoncer et évangéliser à la Très Sainte Marie comment elle est élue pour Mère de Dieu.
3, 10, 109. Le temps et l'heure convenable dans lequel devait opportunément se manifester dans la chair le grand sacrement de piété (1 Tim. 3: 16), justifié dans l'esprit, prêché aux hommes, déclaré aux Anges et cru dans le monde, était déterminé depuis de siècles infinis, mais caché dans les secrets de la Sagesse éternelle. Arriva donc la plénitude (Gal. 4: 4) de ce temps qui se trouvait très vide jusqu'alors quoiqu'il fut plein de prophéties et de promesses, parce qu'il lui manquait la plénitude de la Très Sainte Marie par le vouloir et le consentement de laquelle tous les siècles devaient recevoir leur complément, qui était le Verbe Éternel Incarné, passible et réparateur. Ce Mystère était prédestiné avant les siècles (1 Cor. 2: 7), afin qu'il s'exécuta dans le temps par le moyen de notre divine Fille; et comme Elle était dans le monde, la rédemption des hommes et la venue du Fils Unique du Père ne devait pas tarder: puisque désormais Il n'irait point dans des (2 Rois 7: 6) tabernacles d'emprunt ou des maisons étrangères; mais qu'Il vivrait assis dans Son Temple et Sa propre Maison, édifiée et enrichie par Ses propres dépenses (1 Par. 22: 5) anticipées, mieux que le Temple de Salomon par celles de son père David.
3, 10, 110. Dans cette plénitude de temps prédéfini, le Très-Haut détermina d'envoyer Son Fils Unique au monde. Et conférant selon notre manière de concevoir et de dire, les décrets de Son éternité avec les prophéties et les testifications faites aux hommes dès le commencement du monde, et tout cela avec l'âge et la sainteté où la Très Sainte Marie était arrivée, Il jugea que tout cela convenait ainsi pour l'exaltation de Son saint Nom, et qu'Il manifestât aux saints Anges l'exécution de Sa Volonté et de Son décret éternel et qu'elle commençât par eux à être mise en oeuvre [a]. Sa Majesté parla au saint Archange Gabriel avec cette voix ou parole qui leur intime Sa sainte Volonté. Et quoique l'ordre ordinaire que Dieu garde pour illustrer ces esprits divins est de commencer par les supérieurs, et ceux-ci purifient et illuminent les inférieurs, selon leur ordre, jusqu'à arriver aux derniers, manifestant les uns aux autres ce que Dieu révèle aux premiers; néanmoins dans cette circonstance, il n'en fut pas ainsi, car le saint Archange reçut l'Ambassade du Seigneur même [b.
3, 10, 111. A l'insinuation de la Volonté divine, saint Gabriel fut prêt, comme au pied du trône, et attentif à l'Etre immuable du Très-Haut, et Sa Majesté lui demanda et déclara par Lui-même la légation qu'il devait faire à la Très Sainte Marie et les Paroles mêmes avec lesquelles il devait la saluer et lui parler: de manière que Son premier Auteur fut Dieu même qui les forma dans Son Entendement divin et de là, Elles passèrent au saint Archange, et par lui à la Très Sainte Marie. Joint avec ces Paroles, le Seigneur renouvela au saint Prince Gabriel plusieurs Mystères cachés de l'Incarnation: et la Très Sainte Trinité lui commanda d'aller annoncer à la divine Fille comment Il la choisissait entre les femmes pour être Mère du Verbe Éternel et pour le concevoir dans son sein virginal par l'opération du Saint-Esprit, et demeurant toujours Vierge et tout le reste que le paranymphe divin devait manifester et dire à sa grande Reine et Souveraine.
3, 10, 112. Sa Majesté déclara ensuite à tout le reste des Anges comment le temps de la Rédemption des hommes était arrivé et qu'Il Se disposait à descendre au monde sans délai: puisque la Très Sainte marie était déjà préparée et ornée pour Sa Mère, comme Il l'avait fait en leur présence, lui donnant cette suprême Dignité. Les esprits divins entendirent la voix de leur Créateur, et ils chantèrent de nouveaux cantiques de louanges avec une joie et des actions de grâces incomparables pour l'accomplissement de Son éternelle et parfaite Volonté, répétant toujours dans leurs chants cette hymne de Sion: «Saint, Saint, Saint êtes-Vous, Dieu et Seigneur des armées (Is. 6: 3). Vous êtes juste et puissant, Seigneur notre Dieu qui vivez dans les hauteurs (Ps. 112: 6) et qui regardez les humbles de la terre. Toutes Vos Oeuvres sont admirables, ô Très-Haut, sublime dans Vos pensées.»
3, 10, 113. Le souverain Prince Gabriel obéissant avec une joie spécial au Commandement divin descendit du suprême Ciel accompagné de plusieurs milliers d'Anges très beaux qui le suivaient en forme visible [c]. Celle de ce grand Prince et de ce légat était comme la stature d'un petit homme très élégant et d'une rare beauté; son front était brillant et il projetait des rayons de lumière; son air était grave et majestueux; ses pas mesurés, ses actions composées, ses paroles pesées et efficaces, et tout en lui représentait par le sévère et le gracieux, plus de divin que les autres Anges que l'Auguste Reine avait vus jusqu'alors dans cette forme. Il portait un diadème d'une splendeur singulière et ses vêtements longs et majestueux présentaient des couleurs variées; mais toutes très brillantes et très resplendissantes, et sur sa poitrine il portait une très belle Croix comme enchâssée qui découvrait le Mystère de l'Incarnation à laquelle son Ambassade se rapportait, et toutes ces circonstances sollicitèrent davantage l'attention et l'affection de la Reine très prudente.
3, 10, 114. Toute cette armée céleste avec son Chef et son Prince saint Gabriel dirigea son vol vers Nazareth, ville de la province de Galilée et vers la demeure de la Très Sainte Marie qui était une maison très humble, et sa retraite, un appartement étroit, dénué des ornements que le monde emploie pour dissimuler sa vileté et sa nudité de plus grands biens. La divine Souveraine avait en cette occasion quatorze ans, six mois et dix-sept jours; parce qu'Elle avait accompli ses années le huit septembre et les six mois et dix-sept jours s'écoulèrent depuis ce jour jusqu'à celui où s'opéra le plus grand des Mystères que Dieu accomplit dans le monde.
3, 10, 115. La personne de cette divine Reine était bien disposée et de stature plus haute que celle des autres femmes à cet âge: mais très élégante de corps avec une proportion et une perfection souveraines: le visage plutôt long que rond, mais gracieux et ni maigre ni gras: la couleur claire et un peu brune; le front large avec proportion, les sourcils en arcs très parfaits, les yeux grands et graves avec une agrément de colombe et une beauté indicible, de couleur entre le noir et le vert foncé, le nez suivi et parfait, la bouche petite et les lèvres colorées, mais non très subtiles ni très grosses; et dans ces dons de nature Elle était tout entière, si proportionnée et si belle, que nulle créature humaine ne le fut autant. A la regarder, on éprouvait tout à la fois de l'allégresse et du respect, de l'affection et de la crainte révérencielle; Elle attirait le coeur et Elle le retenait dans une douce vénération: on était excité à la louer, et sa grandeur, ses grâces et ses perfections rendaient muets: sa vue causait en tous ceux qui la considéraient des effets divins que l'on ne peut facilement expliquer; mais qui remplissaient le coeur de célestes influences et de mouvements divins qui dirigeaient vers Dieu.
3, 10, 116. Son vêtement était humble, pauvre et net, de couleur argentine obscure ou beige qui tirait sur la couleur de cendre, composé et aligné sans curiosité; mais avec une modestie et une honnêteté souveraines. Lorsque l'Ambassade du Ciel s'approchait, Elle, l'ignorant, était dans une contemplation très sublime sur les mystères que le Seigneur avait renouvelés en Elle par des faveurs si réitérées les neuf jours précédents. Et parce que le même Seigneur lui avait assuré, comme nous l'avons déjà dit que Son Fils Unique descendrait bientôt pour prendre forme humaine. La grande Reine était fervente et joyeuse dans la foi de cette Parole, et renouvelant ses affections humbles et enflammées, Elle disait dans son coeur: «Est-il possible que soit arrivé le temps si heureux où le Verbe doit descendre du Père Éternel pour naître et converser (Bar. 3: 38) avec les hommes? que le monde doive L'avoir en possession? que les mortels Le voient (Is. 40: 5) de leurs yeux de chair? que cette Lumière inaccessible doive naître pour éclairer ceux qui sont possédés des ténèbres (Is. 9: 2)? Oh! qui méritera de Le voir et de Le connaître! Oh! qui pourra baiser la terre où Ses pieds Divins auront posé!
3, 10, 117. «Réjouissez-vous, Cieux (Ps. 95: 11), et que la terre se console, et que tous Le bénissent et Le louent, puisque déjà Sa félicité éternelle est proche. O enfants d'Adam affligés par le péché, mais ouvrages de mon bien-Aimé, bientôt vous lèverez la tête et vous secouerez le joug (Is. 14: 25) de votre ancienne captivité. Déjà s'approche votre rédemption, déjà vient votre salut. O Pères et Prophètes anciens et vous tous les justes qui attendez dans le sein d'Abraham détenus dans les Limbes, bientôt arrivera votre consolation, votre Rédempteur désiré et promis ne tardera pas! Exaltons-Le tous et chantons des hymnes de louange! Oh! qui sera esclave de Celle qu'Isaïe Lui a signalée pour Mère (Is. 7: 14)! O Emmanuel, vraie Dieu et vrai Homme! O Clef de David qui devez ouvrir les cieux (Is. 22: 22)! O Sagesse éternelle! O Législateur de la nouvelle Église! Venez, Seigneur, venez à nous, délivrez Votre peuple de la captivité: que toute chair voie Votre salut!»
3, 10, 118. La Très Sainte Marie était dans ces prières et ces oeuvres et beaucoup d'autres que ma langue n'arrive pas à expliquer à l'heure où l'Ange Gabriel arriva. Elle était très pure dans l'âme, très parfaite dans le corps, très noble dans les pensées, très éminente dans la sainteté pleine de grâce et de rayons de la Divinité et si agréable aux yeux de Dieu qu'Elle put être Sa digne Mère et l'Instrument efficace pour Le tirer du sein du Père et L'attirer en son sein virginal. Elle fut le puissant moyen de notre Rédemption et nous la lui devons à plusieurs titres, et pour cela Elle mérite que toutes les nations et les générations la bénissent et la louent éternellement. Je dirai dans le chapitre suivant ce qui arriva à l'entrée de l'Ambassadeur céleste.
3, 10, 119. Je mentionne seulement maintenant une chose digne d'admiration, que pour recevoir l'Annonciation du saint Archange et pour effectuer un Mystère
aussi sublime que celui qui devait s'opérer en cette divine Dame, Sa Majesté la laissa dans l'être et l'état commun des vertus que j'ai dit dans la première partie [d]. Et le Très-Haut le disposa ainsi; parce que ce Mystère devait s'opérer comme sacrement de Foi, les opérations de cette vertu intervenant avec celles de l'Espérance et de la Charité; et ainsi le Seigneur la laissa dans ses vertus, afin qu'Elle crût et qu'Elle espérât dans les Paroles divines. Et ces actes ayant précédé, il arriva ce que je dirai ensuite avec l'insuffisance de mes termes et de mes raisons limitées; et la grandeur des sacrements me rend plus pauvre d'expressions pour les expliquer.
DOCTRINE DE LA REINE ET LA SOUVERAINE DU CIEL.
3, 10, 120. Ma fille, je te manifeste maintenant avec une affection spéciale, ma volonté et le désir que j'ai de ce que tu te rendes digne de l'entretien intime et familier avec Dieu, et que tu te disposes pour cela avec beaucoup de zèle et de sollicitude, pleurant les péchés et oubliant et refusant tout le reste, de sorte que pour toi tu ne t'imagines pas qu'il y ait autre chose hors de Dieu. Pour cela il te convient de mettre à exécution toute la Doctrine que je t'ai enseignée jusqu'à présent; et ce que tu auras à écrire à l'avenir comme je te le manifesterai. Je te guiderai et te dirigerai afin que tu saches comment tu dois te gouverner dans cette familiarité et cette conversation avec Lui, usant des faveurs que tu reçois de Sa Bonté, le concevant dans ton sein par la Foi, la Lumière et la Grâce qu'Il te donnera. Et si tu ne te dispose pas d'abord avec cet avertissement tu n'obtiendras point l'accomplissement de tes désirs, ni moi, le fruit de ma Doctrine que je te donne comme Maîtresse.
3, 10, 121. Puisque tu as trouvé sans l'avoir mérité le Trésor caché et la marguerite précieuse (Matt. 13: 44-45) de mon enseignement et de ma Doctrine, méprise tout ce que tu peux avoir pour t'approprier ce seul joyau d'un prix inestimable, parce qu'avec lui tu recevras tous les biens ensemble et tu deviendras digne de l'amitié intime du Seigneur et de Son habitation éternelle dans ton coeur. En retour de cette grande fortune, je veux que tu meures à toutes les choses terrestres et que tu offres ta volonté dissoute en affections d'amour reconnaissant; et qu'à mon imitation tu sois si humble que de ton côté, tu sois persuadé et tu reconnaisses que tu ne vaux rien, que tu ne peux rien, que tu ne mérites rien et que tu n'es pas digne d'être admise comme esclave des servantes de mon Fils.
3, 10, 122. Considère que j'étais loin d'imaginer la dignité que le Très-Haut me préparait d'être Sa Mère; et c'était dans l'occasion qu'il m'avait déjà promis qu'Il viendrait bientôt au monde et qu'Il m'obligeait à Le désirer avec tant d'affections d'amour, que le jour avant ce merveilleux sacrement, il me semblait que j'allais mourir, mon coeur se brisant dans ces angoisses amoureuses, si La divine Providence ne m'eût confortée. Mon esprit se dilatait avec la certitude que le Fils Unique du Père descendrait bientôt du Ciel; et d'un autre côté mon humilité m'inclinait à penser si en vivant dans ce monde, je ne retarderais point Sa venue. Considère, donc, ma très chère, le sacrement de mon coeur et quel Exemplaire c'est pour toi et pour tous les autres mortels. Et parce qu'il est difficile que tu reçoives et que tu écrives une si haute Sagesse, regarde-moi dans le Seigneur, ou à Sa divine Lumière tu méditeras et tu comprendras mes actions très parfaites; suis-moi par leur imitation et marche sur mes traces.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 10, [a]. Cette manifestation successive aux Anges touchant les Mystères de la Rédemption, etc, est pleinement en conformité avec la doctrine de saint Thomas. [I p. q. 37, a. 5 et alibi].
3, 10, [b. Cela montre que l'Archange saint Gabriel n'est pas des plus élevés des esprits angéliques, puisque Dieu, pour l'illuminer sans le moyen des autres eut besoin de recourir à une exception.
3, 10, [c]. Les rois de la terre envoyant leurs ambassadeurs aux cours étrangères déploient plus ou moins de pompe selon l'importance plus ou moins grande des intérêts qui doivent être traités entre les deux puissances et selon la puissance plus ou moins grande du monarque qui expédie le message et de celui à qui il est expédié. En cela ces dieux de la terre ne font qu'imiter le Dieu du Ciel. Si les hommes savent faire cette distinction à plus forte raison Dieu doit savoir faire les Siennes, déployant à propos la pompe convenable quand il s'agit d'affaires d'une très haute importance. On traitait ici du Mystère de l'Incarnation du Verbe Éternel, le plus grand de tous les mystères, "operum Dei consummatio, la consommation des Oeuvres de Dieu", comme l'appelle saint Thomas, et l'effusion de la Bonté divine au delà de toute mesure.
L'Ambassade donc devait être relativement digne de la magnificence divine, et devait se faire avec une pompe extraordinaire. Il convenait donc que l'Archange Gabriel fût escorté par un grand nombre de ces esprits qui devaient former la cour de la Reine Mère de Dieu: ils devaient être témoins de tout ce qui se passerait dans ce divin colloque, comme traité conclu entre le Ciel et la terre, entre Dieu et Marie: ils devaient entendre ce Fiat très puissant qui devait récréer Dieu et Le faire descendre dans le sein de la Vierge, et ils devaient se trouver là prêts à L'adorer sur la terre comme ils L'adoraient dans le Ciel. Tous ces esprits célestes ne sont-ils point "administrateurs dans ce ministère et envoyés pour l'exercer en faveur de ceux qui reçoivent l'héritage du salut?» [Heb. 1: 14]. D'ailleurs comme écrit saint Thomas: «L'Incarnation est un certain principe général auquel tous les offices des Anges sont ordonnés.» [I p., q. 37, a. 1].
3, 10, [d]. Livre 2, Nos. 677, 717.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 11
Marie entend l'Ambassade de l'Archange; le Mystère de l'Incarnation s'exécute, la Vierge concevant le Verbe Éternel dans son sein.
3, 11, 123. Je veux confesser en la présence du ciel et de la terre et de leurs habitants, ainsi qu'en celle du Dieu Créature de l'Univers, qu'arrivant à prendre la plume pour écrire le sublime Mystère de l'Incarnation, mes faibles forces défaillent, ma langue devient muette, mes pensées se glacent, mes puissances se pâment, et mon esprit se trouve tout arrêté et submergé, en le dirigeant à la Lumière divine qui me gouverne et m'enseigne. En cette Lumière, tout se connaît sans erreur, tout s'entend sans détour; et je vois mon incapacité, le vide des paroles et l'insuffisance des expressions pour exprimer les concepts d'un sacrement qui, en épilogue, comprend Dieu même et l'Oeuvre et la Merveille la plus grande de Sa Toute-Puissance. Je vois dans ce Mystère la divine et admirable harmonie de la Puissance et de la Sagesse infinies avec lesquelles Il L'a préparé et ordonné dès Son éternité; et Il L'a dirigé dès la création du monde, afin que toutes Ses Oeuvres et Ses créatures vinssent à être un moyen adapté à la fin très sublime de la descente au monde de Dieu fait homme.
3, 11, 124. Je vois comment pour descendre du sein de Son Père le Verbe Éternel attendit et choisit pour Son temps et Son heure la plus opportune le silence de la minuit (Sag. 18: 14) de l'ignorance des mortels, lorsque toute la postérité d'Adam était ensevelie et absorbée dans le sommeil de l'oubli et dans l'ignorance de son Dieu véritable (Rom. 1: 21), sans qu'il n'y eût personne qui ouvrît la bouche pour Le confesser et Le bénir, sauf quelques uns de Son peuple, en petit nombre. Tout le reste du monde était dans le silence et couvert de ténèbres, une longue nuit de cinq mille et presque deux cents ans s'étant écoulée, les siècles et les générations se succédant les unes aux autres, chacune dans le temps prédéfini et déterminé par la Sagesse éternelle, afin que tous pussent connaître leur Créateur et Le rencontrer, puisqu'ils L'avaient si proche, qu'Il leur donnait en Lui-même la vie, l'être et le mouvement (Act. 17: 28). Mais comme le clair jour de la Lumière inaccessible n'arrivait pas, quelques-uns des mortels allaient comme aveugles, touchant les créatures, mais sans apercevoir la Divinité; et sans La connaître ils L'attribuaient aux choses sensibles de la terre et même aux plus viles (Rom. 1: 23).
3, 11, 125. Arriva donc l'heureux jour où le Très-Haut méprisant les longs siècles d'une si lourde ignorance (Act. 17: 30), détermina de Se manifester aux hommes et de donner principe à la rédemption du genre humain, prenant Sa nature dans les entrailles de la Très Sainte Marie préparée pour ce Mystère comme il a été dit. Et pour mieux déclarer ce qui m'en a été manifesté, il est nécessaire d'anticiper quelques sacrements cachés qui arrivèrent au temps où le Fils Unique descendit du sein de Son Père Éternel. Je rappelle d'abord les prémisses qu'entre les trois Personnes divines il y a une distinction personnelle comme la foi nous l'enseigne, mais il n'y a pas d'inégalité dans la Sagesse, la Toute-Puissance et les autres Attributs comme il ne peut y en avoir non plus dans la substance de la nature divine; et comme elles sont égales dans la dignité et la perfection infinie, de même elles le sont aussi dans les opérations qui s'appellent "ad extra", parce qu'elles sortent hors de Dieu pour produire quelque créature ou chose temporelle. Ces opérations sont indivisibles entre les trois Personnes divines; parce qu'elles ne sont faites par une seule Personne mais par toutes les Trois en tant qu'elles sont un même Dieu et qu'elles ont une même Sagesse, un même Entendement et une même Volonté; et comme le Fils sait, veut et opère ce que sait, veut et opère le Père; de même aussi l'Esprit-Saint sait, veut et opère la même chose que le Père et le Fils.
3, 11, 126. Avec cette indivision, toutes les trois Personnes exécutèrent et opérèrent par une même action l'Oeuvre de l'Incarnation, quoique seule la Personne du Verbe reçut en Soi la nature de l'homme, l'unissant hypostatiquement à Lui-même [a]; et pour cela nous disons que le Fils fut envoyé par le Père Éternel, de l'Entendement duquel Il procède et que le Père l'envoya par l'opération de l'Esprit-Saint qui intervint dans cette mission. Et Comme la Personne du Fils était Celle qui venait S'incarner au monde, sans sortir du sein du Père, avant qu'Il descendît des Cieux, et dans ce divin Consistoire, au nom de la même humanité qu'Il devait recevoir dans Sa Personne Il fit une proposition et une pétition [b, représentant Ses mérites prévus, afin que par eux fussent accordés à tout le genre humain la Rédemption et le pardon des péchés pour lesquels Il devait satisfaire à Sa Justice divine. Il demanda le "fiat" de la Bienheureuse Volonté du Père qui L'envoyait, pour accepter le rachat par le moyen de Ses Oeuvres et de Sa Très
Sainte Passion et des Mystères qu'Il voulait opérer dans la nouvelle Église et la Loi de grâce.
3, 11, 127. Le Père Éternel accepta cette pétition et les mérites prévus du Verbe et Il Lui concéda tout ce qu'Il proposa et demanda pour les mortels, et Lui-même Il Lui recommanda Ses élus et Ses prédestinés, comme Son héritage et Sa fortune; et pour cela le même Jésus-Christ Notre Seigneur dit par saint Jean qu'Il ne perdit point ceux que Son Père Lui avait donnés (Jean 17: 12) et qu'ils ne périrent point, parce qu'Il les garda tous, sauf le fils de perdition qui fut Judas. Et une autre fois Il dit: Que personne ne Lui arracherait aucune de Ses brebis de Ses mains (Jean 10: 28) ni de Celles de Son Père. Et ce serait la même chose pour tous ceux qui sont nés s'ils s'aidaient, afin que la Rédemption étant suffisante, Elle fut efficace en tous et pour tous; puisqu'Il n'exclut personne de Sa divine Miséricorde si tous L'acceptaient par le moyen de leur Réparateur.
3, 11, 128. Tout cela se passa dans le Ciel selon notre manière de concevoir dans le trône de la bienheureuse Trinité, avant le "fiat" de la Très Sainte Marie que je dirai ensuite. Et au temps où le Fils Unique du Père descendit dans ses entrailles virginales, les cieux et toutes les créatures s'émurent. Et par l'union inséparable des trois Personnes divines, Elles descendirent toutes avec celles du Verbe, qui seul devait S'incarner. Et avec le Dieu et le Seigneur des armées toutes celles de la milice céleste sortirent, pleines d'une force et d'une splendeur invincible [c]. Et quoiqu'il ne fût pas nécessaire de débarrasser le chemin, parce que la Divinité le remplit tout et qu'Elle est en tout lieu, et que rien ne peut L'empêcher; néanmoins les cieux matériels, respectant leur propre Créateur, Lui firent révérence et tous les onze s'ouvrirent et se divisèrent [d] avec les éléments inférieurs: les étoiles se renouvelèrent dans leur lumière, le soleil, la lune et les autres planètes hâtèrent leur cours au service de leur Auteur, afin d'être présents à la plus grande de Ses Oeuvres et de Ses Merveilles.
3, 11, 129. Les mortels ne connurent point cette commotion et cette nouveauté de toutes les créatures; tant parce qu'elle arriva de nuit que parce que le même Seigneur voulut qu'elle fut manifeste seulement aux Anges qui le louèrent avec admiration, connaissant ces Mystères aussi cachés que vénérables et inconnus aux
hommes qui étaient loin de telles merveilles et de tels bienfaits admirables aux esprits angéliques eux-mêmes à qui seuls pour lors il était remis d'en rendre gloire, louange et vénération à leur Auteur. Le Très-Haut répandit dans le coeur de quelques justes seulement en cette heure un mouvement nouveau et une influence de jubilation extraordinaire, duquel sentiment ils s'aperçurent tous et ils furent portés à y faire attention: ils formèrent de nouveaux et grands concepts du Seigneur; et quelques-uns furent inspirés, soupçonnant si cette nouveauté qu'ils sentaient était l'effet de la venue du Messie pour racheter le monde: mais tous le turent; parce que chacun imaginait que cette nouveauté et cette pensée avait été pour lui seul, la Puissance divine le disposant ainsi.
3, 11, 130. Les autres créatures eurent aussi leur rénovation et leur changement. Les oiseaux se murent par des chants et des réjouissances extraordinaires: les plantes et les arbres s'améliorèrent dans leurs fruits et leurs parfums et toutes les créatures éprouvèrent et reçurent respectivement quelque vivification et quelque changement caché. Mais ceux qui en éprouvèrent le plus furent les pères et les saints dans les Limbes, où l'Archange Michel fut envoyé pour leur donner des nouvelles si joyeuses, et avec elles il les consola et les laissa remplis de jubilation et de louanges nouvelles. Il y eut seulement pour l'Enfer de la douleur et des peines nouvelles; parce qu'à la descente du Verbe Éternel des hauteurs, les démons sentirent une force impétueuse de la Puissance divine, qui leur survint comme les vagues de la mer et les rejeta tous dans le plus profond de ces cavernes ténébreuses, sans pouvoir y résister ni se relever. Et après que la Volonté divine l'eut permis, ils sortirent dans le monde et ils le parcoururent, s'enquérant s'il n'y avait pas de nouveauté à quoi attribuer ce qu'ils avaient senti en eux-mêmes; mais ils ne purent en découvrir la cause, quoiqu'il fissent quelques assemblées pour en conférer; parce que la Puissance divine leur cacha le sacrement de l'Incarnation et la manière dont la Très Sainte Marie avait conçu le Verbe fait chair, comme nous le verrons plus loin [e], et ce ne fut qu'à la mort de Jésus-Christ sur la Croix qu'ils achevèrent de connaître que Jésus-Christ était Dieu et homme véritable comme nous le dirons là [f].
3, 11, 131. Le Très-Haut voulant exécuter ce Mystère, le saint Archange Gabriel entra sous la forme que j'ai dite dans le chapitre précédent [g] dans la retraite où la Très Sainte Marie était en prière, accompagnée d'innombrables Anges en forme humaine visible et tous resplendissaient respectivement d'une beauté incomparable. C'était le jeudi à sept heures du soir à la tombée de la nuit. La divine Princesse des cieux le vit et le regarda avec une modestie et une tempérance souveraines, pas plus que ce qui suffisait pour le reconnaître pour l'Ange du Seigneur. Et le connaissant, Elle voulut dans son humilité accoutumée lui faire la révérence; le saint Prince n'y consentit point; au contraire, il la lui fit profondément comme à sa Reine et à sa Maîtresse, en qui il adorait les divins Mystères de son Créateur, et joint à cela il reconnaissait que désormais dès ce jour allaient être changés les anciens temps et les anciennes coutumes où les hommes se prosternaient devant les Anges, comme le fit Abraham (Gen. 18: 2), parce que la nature humaine étant élevée à la dignité de Dieu même dans la Personne du Verbe, désormais les hommes demeuraient adoptés pour Ses enfants, et compagnons ou frères des Anges mêmes, comme le dit à l'Évangéliste saint Jean celui qui ne consentit point à tant de vénération (Apoc. 19: 10).
3, 11, 132. Le saint Archange salua notre Reine et la sienne et lui dit: «Ave gratia plena, dominus tecum, benedicta tu in mulieribus (Luc 1: 28).» La plus humble des créatures se troubla sans altération, entendant cette salutation nouvelle de l'Ange. Et le trouble eut en Elle deux causes: l'une sa profonde humilité avec laquelle Elle se réputait inférieure à tous les mortels, et entendant, en même temps qu'Elle avait une si basse estime d'Elle-même, qu'il la saluait et l'appelait bénie entre toutes les femmes, Elle en éprouva de la nouveauté. La seconde cause fut qu'en même temps qu'Elle entendit la salutation et qu'en l'entendant Elle en conférait dans son coeur, elle eut du Seigneur l'intelligence qu'Il la choisissait pour Sa Mère et cela la troubla beaucoup plus, vu l'idée qu'Elle s'était formée d'Elle-même. Et à cause de ce trouble, l'Ange poursuivit lui déclarant l'ordre du Seigneur et lui disant: «Ne crains point, Marie, parce que tu as trouvé grâce devant le Seigneur; sache que tu concevras un Fils dans ton sein, et tu L'enfanteras et tu Lui donneras le nom de Jésus: Il sera grand et Il sera appelé Fils du Très-Haut.» Et le reste que poursuivit le saint Archange.
3, 11, 133. Notre très prudente et très humble Reine entre toutes les pures créatures put seule donner la pondération et la magnificence due à un sacrement si nouveau et si singulier: et comme Elle en connaissait la grandeur, Elle en fut dignement étonnée et troublée. Mais Elle tourna son humble coeur vers le Seigneur qui ne pouvait Lui refuser ses demandes et dans son secret Elle Lui demanda une lumière et une assistance nouvelle pour se gouverner dans une affaire si ardue, parce que, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent [h] le Très-Haut la laissa pour opérer ce Mystère dans l'état ordinaire de la Foi, de l'Espérance et de la Charité, suspendant d'autres genres de faveurs et d'élévations intérieures qu'Elle recevait fréquemment ou continuellement. Dans cette disposition elle répliqua et dit à saint Gabriel ce que poursuit saint Luc: «Comment cela doit-il être que je conçoive et que j'enfante un fils?» En même temps Elle représentait au Seigneur dans son intérieur le voeu de chasteté qu'Elle avait fait et les épousailles que Sa Majesté avait célébrées avec Elle.
3, 11, 134. Le saint Prince Gabriel lui répondit: «Madame, sans connaître aucun homme, il est facile à la Puissance divine de Vous faire Mère; et l'Esprit-Saint viendra par Sa Présence et Il sera de nouveau avec Vous et la Vertu du Très-Haut Vous fera ombre; afin que de Vous puisse naître le Saint des saints qui s'appellera Fils de Dieu. Et sachez que Votre cousine Élisabeth aussi a conçu un fils dans sa vieillesse stérile, et c'est le sixième mois de sa conception, parce que rien n'est impossible à Dieu: et Le Même qui fait concevoir et enfanter celle qui était stérile peut faire que Vous, Madame, arriviez à être Sa Mère, demeurant toujours Vierge et Votre grande pureté étant plus consacrée: et Dieu donnera au Fils qui naîtra de Vous le trône de David Son père et Son royaume sera éternel dans la maison de Jacob. Vous n'ignorez point, Madame, la prophétie d'Isaïe, qu'une vierge concevra et enfantera un fils qui s'appellera Emmanuel (Is. 7: 14), qui est "Dieu avec nous". Cette prophétie est infaillible et elle doit s'accomplir dans Votre personne. De même Vous savez le grand mystère du buisson (Ex. 3: 2) que Moïse vit ardent sans être offensé par le feu, pour signifier en cela les deux natures, divine et humaine, sans que celle-ci soit consumée par la divine, et que la Mère Le concevra et L'enfantera sans que sa pureté virginale demeure violée. Souvenez-Vous aussi, Madame, de la promesse que notre Dieu éternel fit au Patriarche Abraham que depuis la captivité de sa postérité en Égypte à la quatrième génération (Gen. 15: 16) il reviendraient dans cette terre; et le mystère de cette promesse était que dans cette quatrième génération [i], par votre moyen, Dieu humanisé rachèterait toute la race d'Adam de l'oppression du démon. Et cette échelle (Gen. 28: 12) que vit Jacob endormi fut une figure expresse du chemin royal que le Verbe Éternel en chair humaine ouvrirait, afin que les mortels montassent aux cieux et que les Anges descendissent sur la terre, où descendrait le Fils Unique du Père pour y converser avec les hommes, et leur communiquer les Trésors de Sa Divinité avec la participation des vertus et des perfections qui sont dans Son Etre immuable éternel.»
3, 11, 135. L'Ambassadeur du Ciel informa la Très Sainte Marie avec ces raisons et d'autres encore, pour lui ôter le trouble de son ambassade par la connaissance des anciennes promesses et des prophéties de l'Écriture et par la foi et la connaissance de ces mêmes prophéties et du Pouvoir infini du Très-Haut. Mais comme la divine Souveraine surpassait les Anges même en sagesse, en prudence et en toute sainteté; Elle se détenait dans la réponse, pour la donner avec la maturité avec laquelle Elle la donna: parce qu'Elle fut telle qu'il convenait au plus grand des Mystères et des sacrements de la Puissance divine. Cette grande Dame pesa que de sa réponse dépendaient le dégagement de la Bienheureuse Trinité, l'accomplissement de Ses promesses et de Ses prophéties, le Sacrifice le plus agréable et le plus acceptable de tous ceux qui Lui avaient été offerts, l'ouverture des portes du Paradis, la victoire et le triomphe sur l'Enfer, la Rédemption de tout le genre humain, la satisfaction et la compensation de la Justice divine, la fondation de la nouvelle Loi de grâce, la gloire des hommes, la joie des Anges et tout ce qui est contenu dans cet acte du Fils Unique du Père de se faire homme et de prendre la forme de serviteur dans ses entrailles virginales (Phil. 2: 7).
3, 11, 136. C'est certainement une grande merveille digne de notre admiration que le Très-Haut laissât tous ces Mystères et ceux que chacun renferme entre les mains d'une humble Fille et que tout dépendît de son "fiat". Mais Il le remit dignement et sûrement à la sagesse et à la force de cette Femme forte qui en y pensant avec tant de magnificence et de hauteur ne laissa point frustrée la confiance qu'Il avait en Elle. Les Oeuvres qui demeurent au dedans de Dieu même n'ont pas besoin de la coopération des créatures qui ne peuvent y avoir part, ni Dieu ne peut pas les attendre pour opérer "ad intra"; mais dans les Oeuvres "ad extra" contingentes, parmi lesquelles la plus grande et la plus excellente fut de Se faire homme, Il ne voulut point l'exécuter sans la coopération de la Très Sainte Marie et sans qu'Elle donnât son libre consentement, afin qu'avec Elle et par Elle Il donnât ce complément à toutes Ses Oeuvres qu'Il tira à la lumière hors de Lui-même, et afin que nous dussions ce bienfait àla Mère de La Sagesse notre Réparatrice.
3, 11, 137. Cette grande Dame considéra et pénétra profondément le champ si spacieux (Prov. 31: 16) de la dignité de Mère de Dieu pour l'acheter par un "fiat"; Elle se vêtit de force plus qu'humaine et elle goûta (Prov. 31: 17-18) et vit combien le négoce et le commerce de la Divinité était bon. Elle comprit les sentiers de Ses Bienfaits cachés, Elle s'orna de force et de beauté. Et ayant conféré avec Elle-même et avec le paranymphe céleste, Gabriel, de la grandeur de ces sacrements si sublimes et si Divins; étant très capable de l'ambassade qu'Elle recevait, son très pur esprit fut absorbé et élevé dans l'admiration, le respect et l'Amour souverain et très intense de Dieu: et par la force de ces mouvements et de ces affections sublimes, comme par leur effet conaturel, son coeur très chaste fut comme pressé et comprimé par une force qui lui fit distiller trois gouttes de son sang très pur, et mises dans le lieu naturel pour la conception du Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ, Il en fut formé par la vertu du Saint et Divin Esprit; de sorte que la matière dont l'humanité très sainte du Verbe fut fabriquée pour notre rédemption fut donnée et administrée par le Coeur de la Très Pure Mère à force d'amour, réellement et véritablement. Et en même temps avec l'humilité que l'on ne peut jamais assez louer, inclinant un peu la tête et les mains jointes, elle prononça ces paroles qui furent le principe de notre rédemption: «Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum.»
3, 11, 138. A la prononciation de ce "fiat" si doux pour les oreilles de Dieu et si heureux pour nous, en un instant quatre choses s'opérèrent: la première, la formation du corps Très Saint de Notre Seigneur Jésus-Christ, de ces trois gouttes de sang que fournit le Coeur de la Très Sainte Marie. La seconde, la création de l'âme très sainte du même Seigneur qui fut aussi créée comme les autres. La troisième l'union de l'âme et du corps, composant son humanité très parfaite. La quatrième l'union de la Divinité dans la Personne du Verbe avec l'humanité, qui unie avec elle hypostatiquement fit l'Incarnation en un suppôt; et ainsi fut formé Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme, Notre Seigneur et notre Rédempteur. Ceci arriva le vendredi, le vingt-cinq mars au lever de l'aube, ou au crépuscules de la lumière, à la même heure que notre premier père Adam fut formé et en l'année de la création du monde, cinq mille cent quatre-vingt dix-neuf, comme l'Église romaine gouvernée par l'Esprit-Saint le compte dans le Martyrologe. Ce compte est le véritable et le certain; et ainsi il m'a été déclaré, le demandant par l'ordre de l'obéissance. Et conformément à cela le monde fut créé au mois de mars, mois qui correspond au principe de la création: et parce que toutes les Oeuvres du Dieu très haut sont toutes parfaites (Deut. 32: 4) et achevées, les plantes et les arbres sortirent des mains de Sa Majesté avec des fruits et ils les eussent eus toujours sans les perdre si le péché n'avait point altéré toute la nature, comme je le dirai à ce sujet dans un autre traité, si c'est la Volonté du Seigneur et je le laisse maintenant: le sujet n'appartenant point à celui-ci.
3, 11, 139. Dans le même instant de temps où le Tout-Puissant célébra les noces de l'union hypostatique dans le sein virginal de la Très Sainte Marie, la divine Dame fut élevée à la vision béatifique, et la Divinité lui fut manifestée intuitivement et clairement, et Elle y connut de très sublimes sacrements dont je parlerai dans le chapitre suivant. Spécialement il lui fut montré à découvert les secrets de ces chiffres qu'Elle reçut dans l'ornement que j'ai dit qu'ils lui mirent dans le chapitre sept, et aussi ceux que portaient ses Anges. Le divin Enfant allait en croissant naturellement dans le lieu du sein par l'aliment la substance et le sang de la Très Sainte Mère, comme les autres hommes; quoique plus libre et exempt des imperfections dont les autres enfants d'Adam souffrent dans ce lieu et cet état; parce que l'Impératrice du Ciel fut libre de certains accidents non appartenant à la substance de la génération qui sont les effets du péché, et des superfluités infectes qui sont naturelles et ordinaires aux autres femmes, dont les autres enfants se forment, se sustentent et croissent: pour donner la matière qui Lui manquait de la nature infecte des descendants d'Eve, il arriva qu'elle la Lui administrait exerçant des actes héroïques des vertus et en particulier de la Charité. Et comme les opérations ferventes de l'âme et les affections amoureuses produisent une altération des humeurs et du sang; la divine Providence l'acheminait au sustentement de l'Enfant divin avec quoi l'humanité de notre Rédempteur était alimentée naturellement, et la Divinité était récréée avec les complaisances de vertus héroïques. De manière que la Très Sainte Marie administra à l'Esprit-Saint pour la formation du corps, un sang pur et net, étant conçue sans péché et libre de ses tributs. Et dans les autres mères, le sang qui fait croître les enfants est impur et imparfait; mais la Reine du Ciel donnait le plus pur, le plus substantiel et le plus délicat parce qu'Elle le Lui communiquait à force d'affections d'amour et des autres vertus; et aussi la substance de ce que la divine Reine mangeait. Et comme Elle savait que l'exercice de se sustenter Elle-même était pour donner l'aliment au Fils de Dieu et le sien, Elle le prenait toujours avec des actes si héroïques que les esprits angéliques admiraient que dans des actions humaines si communes il pût y avoir des reliefs si souverains de mérites et d'agrément du Seigneur.
3, 11, 140. Cette divine Souveraine demeura en la possession de Mère de Dieu même avec de tels privilèges que tout ce que j'ai dit jusqu'à présent et ce que je dirai plus loin ne sont pas même le moindre de leur excellence, ni ma langue ne peut le manifester, parce qu'il n'est pas dûment possible à l'entendement de le concevoir et les plus savants et les plus sages ne trouveront point de termes adéquats pour les expliquer. Les humbles qui entendent l'art de l'amour divin le connaîtront par la Lumière infuse et par le goût et la saveur intérieure par lesquels se perçoivent de tels sacrements. La Très Sainte Marie ne demeura pas seulement faite Ciel, Temple et Habitation de la Très Sainte Trinité et transformée, élevée et déifiée par l'assistance nouvelle et spéciale de la Divinité dans son sein très pur; mais aussi cette humble Maison, ce pauvre Oratoire demeura divinisé et consacré en un nouveau Sanctuaire du Seigneur. Et les divins esprits qui témoins de cette merveille étaient à le contempler, exaltaient le Tout-Puissant avec de nouveaux cantiques de louanges et avec une jubilation indicible, et en compagnie de la divine Mère ils Le bénissaient en leur nom et en celui du genre humain qui ignorait le plus grand de Ses Bienfaits et de Ses Miséricordes.
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 11, 141. Ma fille, je te vois dans l'admiration et avec sujet, pour avoir connu avec une lumière nouvelle le Mystère d'un Dieu qui s'humilie à S'unir avec la nature humaine dans le sein d'une pauvre Fille comme je l'étais. Je veux donc, ma très chère que tu tournes ton attention vers toi-même et que tu pèses que Dieu S'humilia en venant dans mes entrailles non pour moi seule, mais aussi pour toi-même comme pour moi. Le Seigneur est infini en Miséricorde, et Son Amour n'a point de limites, Il est attentif et Il Se rend présent à chacune des âmes qui Le reçoivent et Il prend Ses complaisances en elles de la manière que s'Il n'avait créé que celle-là seulement, et qu'Il se fût fait homme (Gal. 11: 20) que pour elle seule. Pour cette raison tu dois te considérer comme seule dans le monde pour reconnaître avec toutes tes forces d'affection la venue du Seigneur sur la terre: et ensuite tu Lui rendras grâce, parce qu'Il est venu pour tous conjointement. Et si tu comprends et confesses avec une foi vive que c'est le même Dieu infini en Attributs et Éternel en la Majesté qui descendit prendre chair humaine dans mes entrailles, qui te cherche, t'appelle, te console, te caresse, et se tourne tout entier vers toi, comme si tu étais Sa seule créature; pèse bien et considère à quoi t'oblige une Bonté si admirable, et convertis cette admiration en vifs actes de foi et d'amour; puisque tu dois tout cela à un tel Roi et un tel Seigneur qui daigna venir à toi lorsque tu ne pouvais ni Le chercher ni L'atteindre.
3, 11, 142. Tout ce que ce Seigneur peut te donner hors de Lui-même te paraîtrait beaucoup en Le regardant avec la lumière et l'affection humaine sans te servir de la Lumière supérieure. Et il est vrai que tout Don venant de la main d'un Roi si suprême et si éminent est digne d'estime. Mais si tu considères Dieu même, si tu Le connais à la Lumière divine, si tu sais qu'Il t'a faite capable de Sa Divinité; alors tu verras que si Elle ne se communiquait pas à toi, et si Dieu ne venait pas à toi, tout l'univers ne serait rien et paraîtrait méprisable à tes yeux; et tu ne te réjouirais et tu n'aurais de repos qu'en sachant que tu possèdes un tel Dieu, si amoureux, si aimable, si puissant, si doux, si riche; et qu'étant tel et si Infini Il daigne S'humilier à ta bassesse pour t'élever de la poussière, enrichir ta pauvreté et faire envers toi l'office de Pasteur, de Père, d'Époux et d'Ami très fidèle.
3, 11, 143. Considère donc, ma fille, dans ton secret les effets de cette vérité. Reconnais et pèse bien l'Amour très doux de ce grand Roi envers toi dans Sa ponctualité, Ses consolations, Ses caresses, les faveurs que tu reçois, les afflictions qu'Il te confie, la Lampe que Sa divine Science a allumée dans ton coeur pour connaître hautement la Grandeur infinie de Son Etre propre l'admirable de Ses Oeuvres et de Ses Mystères les plus cachés, la vérité de tout, et le néant du visible. Cette Science est le premier être et le principe, la base et la fondation de la doctrine que je t'ai donnée afin que tu arrives à connaître le décorum et la magnificence avec lesquels tu dois traiter les faveurs et les bienfaits de ce Dieu et
Seigneur, ton Trésor, ta Lumière, ton Guide et ton Bien véritable. Regarde-Le comme Dieu Infini, amoureux et terrible. Écoute, ma très chère, mes paroles, mon enseignement et ma discipline, car en elle est la paix et la Lumière des yeux.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 11, [a]. La cause efficiente de l'union hypostatique et de l'Incarnation fut toute la Trinité, parce qu'Elle fut une Oeuvre "ad extra"; ces Oeuvres sont toujours indivises comme procédant des Trois Personnes divines en tant qu'Elles sont une seule et même chose en Essence, en Puissance et en Volonté. C'est pourquoi l'Incarnation est attribuée tant au Père, qu'au Fils et au Saint-Esprit selon ces paroles de l'Écriture: «Dieu a envoyé Son Fils; Il S'est anéanti Lui-même; ce qui est né d'Elle est de l'Esprit-Saint.» Mais le terme de cette union hypostatique est seulement la Personne du Verbe; parce que l'humanité de Jésus-Christ fut unie par la Sainte Trinité à la seule Personne du Verbe qui la prit à Soi comme terme immédiat. Il est vrai qu'ainsi l'humanité acquit aussi une union avec toute la Très Sainte Trinité, mais seulement une union médiate, parce que l'union immédiate est seulement avec le Verbe.
3, 11, [b. A celui qui opposerait que le Verbe avant de S'incarner ne pouvait faire de pétition au Père, parce que prier regarde seulement les inférieurs et le Verbe avant de S'incarner était Dieu seulement, égal en tout au Père, on doit répondre que le Verbe ne pouvait point prier en Son propre Nom; mais il le pouvait "au nom de l'humanité qu'Il devait unir à Lui-même", comme le dit la Vénérable. Voir Bellarmin, [t. 1, contr. l. IV, de Christ. Med.]. Puis ce n'était qu'offrir au Père par avance ce que le Verbe devait opérer, mériter et faire dans l'humanité; c'était une offrande des mérites "prévus", comme le dit aussi la Vénérable; et les mérites ne furent point prévus dans le Verbe en tant qu'hypostase de la nature divine, mais en tant que la nature humaine est supposée; manière de parler très propre selon le concile d'Ephèse [Can. 4, le sixième concile général Act. 11 et 18, le Concile de Latran sub Mart. I, concl. 5, can. 4, etc.]. Ces mérites prévus portèrent le Père à accorder au Fils la Rédemption du genre humain; c'est ce que saint Anselme explique par un exemple très approprié, [L. 2. Cur Deus Homo? c. 16].
On pourrait dire encore que même la pétition étant faite par le Verbe comme subsistant dans la nature divine, il pouvait bien la faire au nom de l'humanité sinon par propriété, au moins par appropriation comme l'Esprit-Saint "qui prie par nous avec des gémissements inénarrables", c'est-a-dire S'appropriant nos gémissements pour les présenter à la Très Sainte Trinité
3, 11, [c]. C'est ce que Saint Jean Chrysostôme, Enthyme, Théophilacte, etc., affirment être arrivé à l'occasion de l'entrée du Verbe Incarné dans le monde, que tous les Anges accompagnèrent Jésus-Christ, leur dieu et leur Seigneur, quand Il vint au monde, comme tous les courtisans suivent leur Roi, s'appuyant pour cela sur ces paroles de la Sainte Écriture: «Et lorsqu'Il introduisit Son Premier-Né dans le monde, Il dit: "Et que tous les Anges de Dieu L'adorent."» Ce qui est dit pour le temps de la naissance du Sauveur peut se dire surtout pour le temps de Son Incarnation étant proprement alors qu'Il fit Sa première entrée dans le monde.
3, 11, [d]. Il est souvent parlé dans la Sainte Écriture de l'ouverture des cieux, "Et les cieux Lui furent ouverts". Voir A. Lapide qui explique ce verset. Quant au nombre des cieux, il est certain que l'Écriture en mentionne plusieurs. Saint Paul dit avoir été ravi au troisième ciel: en plusieurs endroits on trouve nommés les cieux des cieux. Qu'il y ait autant de cieux outre l'empirée et le ciel de notre atmosphère qu'il y a de choeurs d'Anges, saint Ignace martyr semble le marquer. [Ad Trall. n. 5,] et d'autres.
Notre Vénérable ayant écrit un traité sur les sphères célestes comme il est noté au chapitre 15 de sa Vie, y explique probablement comment elle entend ces onze cieux. La Vénérable peut aussi se rapporter à la division des cieux que faisaient communément les astronomes de son temps, desquels Lorino sur le Ps. 148, écrit: «Les astronomes démontrent qu'il y a onze cieux outre le douzième qui est
l'empirée. Et A. Lapide, in 2 Cor. 12. Les modernes soutiennent qu'il y a onze cieux.
3, 11, [e]. Livre 3, No. 326.
3, 11, [f]. Livre 6, No. 1416.
3, 11, [g]. Livre 3, No. 113.
3, 11, [h]. Livre 3, No. 119.
3, 11, [i]. Dans son manuscrit, Marie d'Agreda explique cette quatrième génération comme suit: «Le mystère de cette quatrième génération est qu'il y a quatre générations: 1. Celle d'Adam sans père ou mère; 2. Celle d'Eve sans mère; 3. La nôtre d'un père et d'une mère; 4. Celle de notre Seigneur Jésus-Christ d'une Mère sans père.»
Marie entend l'Ambassade de l'Archange; le Mystère de l'Incarnation s'exécute, la Vierge concevant le Verbe Éternel dans son sein.
3, 11, 123. Je veux confesser en la présence du ciel et de la terre et de leurs habitants, ainsi qu'en celle du Dieu Créature de l'Univers, qu'arrivant à prendre la plume pour écrire le sublime Mystère de l'Incarnation, mes faibles forces défaillent, ma langue devient muette, mes pensées se glacent, mes puissances se pâment, et mon esprit se trouve tout arrêté et submergé, en le dirigeant à la Lumière divine qui me gouverne et m'enseigne. En cette Lumière, tout se connaît sans erreur, tout s'entend sans détour; et je vois mon incapacité, le vide des paroles et l'insuffisance des expressions pour exprimer les concepts d'un sacrement qui, en épilogue, comprend Dieu même et l'Oeuvre et la Merveille la plus grande de Sa Toute-Puissance. Je vois dans ce Mystère la divine et admirable harmonie de la Puissance et de la Sagesse infinies avec lesquelles Il L'a préparé et ordonné dès Son éternité; et Il L'a dirigé dès la création du monde, afin que toutes Ses Oeuvres et Ses créatures vinssent à être un moyen adapté à la fin très sublime de la descente au monde de Dieu fait homme.
3, 11, 124. Je vois comment pour descendre du sein de Son Père le Verbe Éternel attendit et choisit pour Son temps et Son heure la plus opportune le silence de la minuit (Sag. 18: 14) de l'ignorance des mortels, lorsque toute la postérité d'Adam était ensevelie et absorbée dans le sommeil de l'oubli et dans l'ignorance de son Dieu véritable (Rom. 1: 21), sans qu'il n'y eût personne qui ouvrît la bouche pour Le confesser et Le bénir, sauf quelques uns de Son peuple, en petit nombre. Tout le reste du monde était dans le silence et couvert de ténèbres, une longue nuit de cinq mille et presque deux cents ans s'étant écoulée, les siècles et les générations se succédant les unes aux autres, chacune dans le temps prédéfini et déterminé par la Sagesse éternelle, afin que tous pussent connaître leur Créateur et Le rencontrer, puisqu'ils L'avaient si proche, qu'Il leur donnait en Lui-même la vie, l'être et le mouvement (Act. 17: 28). Mais comme le clair jour de la Lumière inaccessible n'arrivait pas, quelques-uns des mortels allaient comme aveugles, touchant les créatures, mais sans apercevoir la Divinité; et sans La connaître ils L'attribuaient aux choses sensibles de la terre et même aux plus viles (Rom. 1: 23).
3, 11, 125. Arriva donc l'heureux jour où le Très-Haut méprisant les longs siècles d'une si lourde ignorance (Act. 17: 30), détermina de Se manifester aux hommes et de donner principe à la rédemption du genre humain, prenant Sa nature dans les entrailles de la Très Sainte Marie préparée pour ce Mystère comme il a été dit. Et pour mieux déclarer ce qui m'en a été manifesté, il est nécessaire d'anticiper quelques sacrements cachés qui arrivèrent au temps où le Fils Unique descendit du sein de Son Père Éternel. Je rappelle d'abord les prémisses qu'entre les trois Personnes divines il y a une distinction personnelle comme la foi nous l'enseigne, mais il n'y a pas d'inégalité dans la Sagesse, la Toute-Puissance et les autres Attributs comme il ne peut y en avoir non plus dans la substance de la nature divine; et comme elles sont égales dans la dignité et la perfection infinie, de même elles le sont aussi dans les opérations qui s'appellent "ad extra", parce qu'elles sortent hors de Dieu pour produire quelque créature ou chose temporelle. Ces opérations sont indivisibles entre les trois Personnes divines; parce qu'elles ne sont faites par une seule Personne mais par toutes les Trois en tant qu'elles sont un même Dieu et qu'elles ont une même Sagesse, un même Entendement et une même Volonté; et comme le Fils sait, veut et opère ce que sait, veut et opère le Père; de même aussi l'Esprit-Saint sait, veut et opère la même chose que le Père et le Fils.
3, 11, 126. Avec cette indivision, toutes les trois Personnes exécutèrent et opérèrent par une même action l'Oeuvre de l'Incarnation, quoique seule la Personne du Verbe reçut en Soi la nature de l'homme, l'unissant hypostatiquement à Lui-même [a]; et pour cela nous disons que le Fils fut envoyé par le Père Éternel, de l'Entendement duquel Il procède et que le Père l'envoya par l'opération de l'Esprit-Saint qui intervint dans cette mission. Et Comme la Personne du Fils était Celle qui venait S'incarner au monde, sans sortir du sein du Père, avant qu'Il descendît des Cieux, et dans ce divin Consistoire, au nom de la même humanité qu'Il devait recevoir dans Sa Personne Il fit une proposition et une pétition [b, représentant Ses mérites prévus, afin que par eux fussent accordés à tout le genre humain la Rédemption et le pardon des péchés pour lesquels Il devait satisfaire à Sa Justice divine. Il demanda le "fiat" de la Bienheureuse Volonté du Père qui L'envoyait, pour accepter le rachat par le moyen de Ses Oeuvres et de Sa Très
Sainte Passion et des Mystères qu'Il voulait opérer dans la nouvelle Église et la Loi de grâce.
3, 11, 127. Le Père Éternel accepta cette pétition et les mérites prévus du Verbe et Il Lui concéda tout ce qu'Il proposa et demanda pour les mortels, et Lui-même Il Lui recommanda Ses élus et Ses prédestinés, comme Son héritage et Sa fortune; et pour cela le même Jésus-Christ Notre Seigneur dit par saint Jean qu'Il ne perdit point ceux que Son Père Lui avait donnés (Jean 17: 12) et qu'ils ne périrent point, parce qu'Il les garda tous, sauf le fils de perdition qui fut Judas. Et une autre fois Il dit: Que personne ne Lui arracherait aucune de Ses brebis de Ses mains (Jean 10: 28) ni de Celles de Son Père. Et ce serait la même chose pour tous ceux qui sont nés s'ils s'aidaient, afin que la Rédemption étant suffisante, Elle fut efficace en tous et pour tous; puisqu'Il n'exclut personne de Sa divine Miséricorde si tous L'acceptaient par le moyen de leur Réparateur.
3, 11, 128. Tout cela se passa dans le Ciel selon notre manière de concevoir dans le trône de la bienheureuse Trinité, avant le "fiat" de la Très Sainte Marie que je dirai ensuite. Et au temps où le Fils Unique du Père descendit dans ses entrailles virginales, les cieux et toutes les créatures s'émurent. Et par l'union inséparable des trois Personnes divines, Elles descendirent toutes avec celles du Verbe, qui seul devait S'incarner. Et avec le Dieu et le Seigneur des armées toutes celles de la milice céleste sortirent, pleines d'une force et d'une splendeur invincible [c]. Et quoiqu'il ne fût pas nécessaire de débarrasser le chemin, parce que la Divinité le remplit tout et qu'Elle est en tout lieu, et que rien ne peut L'empêcher; néanmoins les cieux matériels, respectant leur propre Créateur, Lui firent révérence et tous les onze s'ouvrirent et se divisèrent [d] avec les éléments inférieurs: les étoiles se renouvelèrent dans leur lumière, le soleil, la lune et les autres planètes hâtèrent leur cours au service de leur Auteur, afin d'être présents à la plus grande de Ses Oeuvres et de Ses Merveilles.
3, 11, 129. Les mortels ne connurent point cette commotion et cette nouveauté de toutes les créatures; tant parce qu'elle arriva de nuit que parce que le même Seigneur voulut qu'elle fut manifeste seulement aux Anges qui le louèrent avec admiration, connaissant ces Mystères aussi cachés que vénérables et inconnus aux
hommes qui étaient loin de telles merveilles et de tels bienfaits admirables aux esprits angéliques eux-mêmes à qui seuls pour lors il était remis d'en rendre gloire, louange et vénération à leur Auteur. Le Très-Haut répandit dans le coeur de quelques justes seulement en cette heure un mouvement nouveau et une influence de jubilation extraordinaire, duquel sentiment ils s'aperçurent tous et ils furent portés à y faire attention: ils formèrent de nouveaux et grands concepts du Seigneur; et quelques-uns furent inspirés, soupçonnant si cette nouveauté qu'ils sentaient était l'effet de la venue du Messie pour racheter le monde: mais tous le turent; parce que chacun imaginait que cette nouveauté et cette pensée avait été pour lui seul, la Puissance divine le disposant ainsi.
3, 11, 130. Les autres créatures eurent aussi leur rénovation et leur changement. Les oiseaux se murent par des chants et des réjouissances extraordinaires: les plantes et les arbres s'améliorèrent dans leurs fruits et leurs parfums et toutes les créatures éprouvèrent et reçurent respectivement quelque vivification et quelque changement caché. Mais ceux qui en éprouvèrent le plus furent les pères et les saints dans les Limbes, où l'Archange Michel fut envoyé pour leur donner des nouvelles si joyeuses, et avec elles il les consola et les laissa remplis de jubilation et de louanges nouvelles. Il y eut seulement pour l'Enfer de la douleur et des peines nouvelles; parce qu'à la descente du Verbe Éternel des hauteurs, les démons sentirent une force impétueuse de la Puissance divine, qui leur survint comme les vagues de la mer et les rejeta tous dans le plus profond de ces cavernes ténébreuses, sans pouvoir y résister ni se relever. Et après que la Volonté divine l'eut permis, ils sortirent dans le monde et ils le parcoururent, s'enquérant s'il n'y avait pas de nouveauté à quoi attribuer ce qu'ils avaient senti en eux-mêmes; mais ils ne purent en découvrir la cause, quoiqu'il fissent quelques assemblées pour en conférer; parce que la Puissance divine leur cacha le sacrement de l'Incarnation et la manière dont la Très Sainte Marie avait conçu le Verbe fait chair, comme nous le verrons plus loin [e], et ce ne fut qu'à la mort de Jésus-Christ sur la Croix qu'ils achevèrent de connaître que Jésus-Christ était Dieu et homme véritable comme nous le dirons là [f].
3, 11, 131. Le Très-Haut voulant exécuter ce Mystère, le saint Archange Gabriel entra sous la forme que j'ai dite dans le chapitre précédent [g] dans la retraite où la Très Sainte Marie était en prière, accompagnée d'innombrables Anges en forme humaine visible et tous resplendissaient respectivement d'une beauté incomparable. C'était le jeudi à sept heures du soir à la tombée de la nuit. La divine Princesse des cieux le vit et le regarda avec une modestie et une tempérance souveraines, pas plus que ce qui suffisait pour le reconnaître pour l'Ange du Seigneur. Et le connaissant, Elle voulut dans son humilité accoutumée lui faire la révérence; le saint Prince n'y consentit point; au contraire, il la lui fit profondément comme à sa Reine et à sa Maîtresse, en qui il adorait les divins Mystères de son Créateur, et joint à cela il reconnaissait que désormais dès ce jour allaient être changés les anciens temps et les anciennes coutumes où les hommes se prosternaient devant les Anges, comme le fit Abraham (Gen. 18: 2), parce que la nature humaine étant élevée à la dignité de Dieu même dans la Personne du Verbe, désormais les hommes demeuraient adoptés pour Ses enfants, et compagnons ou frères des Anges mêmes, comme le dit à l'Évangéliste saint Jean celui qui ne consentit point à tant de vénération (Apoc. 19: 10).
3, 11, 132. Le saint Archange salua notre Reine et la sienne et lui dit: «Ave gratia plena, dominus tecum, benedicta tu in mulieribus (Luc 1: 28).» La plus humble des créatures se troubla sans altération, entendant cette salutation nouvelle de l'Ange. Et le trouble eut en Elle deux causes: l'une sa profonde humilité avec laquelle Elle se réputait inférieure à tous les mortels, et entendant, en même temps qu'Elle avait une si basse estime d'Elle-même, qu'il la saluait et l'appelait bénie entre toutes les femmes, Elle en éprouva de la nouveauté. La seconde cause fut qu'en même temps qu'Elle entendit la salutation et qu'en l'entendant Elle en conférait dans son coeur, elle eut du Seigneur l'intelligence qu'Il la choisissait pour Sa Mère et cela la troubla beaucoup plus, vu l'idée qu'Elle s'était formée d'Elle-même. Et à cause de ce trouble, l'Ange poursuivit lui déclarant l'ordre du Seigneur et lui disant: «Ne crains point, Marie, parce que tu as trouvé grâce devant le Seigneur; sache que tu concevras un Fils dans ton sein, et tu L'enfanteras et tu Lui donneras le nom de Jésus: Il sera grand et Il sera appelé Fils du Très-Haut.» Et le reste que poursuivit le saint Archange.
3, 11, 133. Notre très prudente et très humble Reine entre toutes les pures créatures put seule donner la pondération et la magnificence due à un sacrement si nouveau et si singulier: et comme Elle en connaissait la grandeur, Elle en fut dignement étonnée et troublée. Mais Elle tourna son humble coeur vers le Seigneur qui ne pouvait Lui refuser ses demandes et dans son secret Elle Lui demanda une lumière et une assistance nouvelle pour se gouverner dans une affaire si ardue, parce que, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent [h] le Très-Haut la laissa pour opérer ce Mystère dans l'état ordinaire de la Foi, de l'Espérance et de la Charité, suspendant d'autres genres de faveurs et d'élévations intérieures qu'Elle recevait fréquemment ou continuellement. Dans cette disposition elle répliqua et dit à saint Gabriel ce que poursuit saint Luc: «Comment cela doit-il être que je conçoive et que j'enfante un fils?» En même temps Elle représentait au Seigneur dans son intérieur le voeu de chasteté qu'Elle avait fait et les épousailles que Sa Majesté avait célébrées avec Elle.
3, 11, 134. Le saint Prince Gabriel lui répondit: «Madame, sans connaître aucun homme, il est facile à la Puissance divine de Vous faire Mère; et l'Esprit-Saint viendra par Sa Présence et Il sera de nouveau avec Vous et la Vertu du Très-Haut Vous fera ombre; afin que de Vous puisse naître le Saint des saints qui s'appellera Fils de Dieu. Et sachez que Votre cousine Élisabeth aussi a conçu un fils dans sa vieillesse stérile, et c'est le sixième mois de sa conception, parce que rien n'est impossible à Dieu: et Le Même qui fait concevoir et enfanter celle qui était stérile peut faire que Vous, Madame, arriviez à être Sa Mère, demeurant toujours Vierge et Votre grande pureté étant plus consacrée: et Dieu donnera au Fils qui naîtra de Vous le trône de David Son père et Son royaume sera éternel dans la maison de Jacob. Vous n'ignorez point, Madame, la prophétie d'Isaïe, qu'une vierge concevra et enfantera un fils qui s'appellera Emmanuel (Is. 7: 14), qui est "Dieu avec nous". Cette prophétie est infaillible et elle doit s'accomplir dans Votre personne. De même Vous savez le grand mystère du buisson (Ex. 3: 2) que Moïse vit ardent sans être offensé par le feu, pour signifier en cela les deux natures, divine et humaine, sans que celle-ci soit consumée par la divine, et que la Mère Le concevra et L'enfantera sans que sa pureté virginale demeure violée. Souvenez-Vous aussi, Madame, de la promesse que notre Dieu éternel fit au Patriarche Abraham que depuis la captivité de sa postérité en Égypte à la quatrième génération (Gen. 15: 16) il reviendraient dans cette terre; et le mystère de cette promesse était que dans cette quatrième génération [i], par votre moyen, Dieu humanisé rachèterait toute la race d'Adam de l'oppression du démon. Et cette échelle (Gen. 28: 12) que vit Jacob endormi fut une figure expresse du chemin royal que le Verbe Éternel en chair humaine ouvrirait, afin que les mortels montassent aux cieux et que les Anges descendissent sur la terre, où descendrait le Fils Unique du Père pour y converser avec les hommes, et leur communiquer les Trésors de Sa Divinité avec la participation des vertus et des perfections qui sont dans Son Etre immuable éternel.»
3, 11, 135. L'Ambassadeur du Ciel informa la Très Sainte Marie avec ces raisons et d'autres encore, pour lui ôter le trouble de son ambassade par la connaissance des anciennes promesses et des prophéties de l'Écriture et par la foi et la connaissance de ces mêmes prophéties et du Pouvoir infini du Très-Haut. Mais comme la divine Souveraine surpassait les Anges même en sagesse, en prudence et en toute sainteté; Elle se détenait dans la réponse, pour la donner avec la maturité avec laquelle Elle la donna: parce qu'Elle fut telle qu'il convenait au plus grand des Mystères et des sacrements de la Puissance divine. Cette grande Dame pesa que de sa réponse dépendaient le dégagement de la Bienheureuse Trinité, l'accomplissement de Ses promesses et de Ses prophéties, le Sacrifice le plus agréable et le plus acceptable de tous ceux qui Lui avaient été offerts, l'ouverture des portes du Paradis, la victoire et le triomphe sur l'Enfer, la Rédemption de tout le genre humain, la satisfaction et la compensation de la Justice divine, la fondation de la nouvelle Loi de grâce, la gloire des hommes, la joie des Anges et tout ce qui est contenu dans cet acte du Fils Unique du Père de se faire homme et de prendre la forme de serviteur dans ses entrailles virginales (Phil. 2: 7).
3, 11, 136. C'est certainement une grande merveille digne de notre admiration que le Très-Haut laissât tous ces Mystères et ceux que chacun renferme entre les mains d'une humble Fille et que tout dépendît de son "fiat". Mais Il le remit dignement et sûrement à la sagesse et à la force de cette Femme forte qui en y pensant avec tant de magnificence et de hauteur ne laissa point frustrée la confiance qu'Il avait en Elle. Les Oeuvres qui demeurent au dedans de Dieu même n'ont pas besoin de la coopération des créatures qui ne peuvent y avoir part, ni Dieu ne peut pas les attendre pour opérer "ad intra"; mais dans les Oeuvres "ad extra" contingentes, parmi lesquelles la plus grande et la plus excellente fut de Se faire homme, Il ne voulut point l'exécuter sans la coopération de la Très Sainte Marie et sans qu'Elle donnât son libre consentement, afin qu'avec Elle et par Elle Il donnât ce complément à toutes Ses Oeuvres qu'Il tira à la lumière hors de Lui-même, et afin que nous dussions ce bienfait àla Mère de La Sagesse notre Réparatrice.
3, 11, 137. Cette grande Dame considéra et pénétra profondément le champ si spacieux (Prov. 31: 16) de la dignité de Mère de Dieu pour l'acheter par un "fiat"; Elle se vêtit de force plus qu'humaine et elle goûta (Prov. 31: 17-18) et vit combien le négoce et le commerce de la Divinité était bon. Elle comprit les sentiers de Ses Bienfaits cachés, Elle s'orna de force et de beauté. Et ayant conféré avec Elle-même et avec le paranymphe céleste, Gabriel, de la grandeur de ces sacrements si sublimes et si Divins; étant très capable de l'ambassade qu'Elle recevait, son très pur esprit fut absorbé et élevé dans l'admiration, le respect et l'Amour souverain et très intense de Dieu: et par la force de ces mouvements et de ces affections sublimes, comme par leur effet conaturel, son coeur très chaste fut comme pressé et comprimé par une force qui lui fit distiller trois gouttes de son sang très pur, et mises dans le lieu naturel pour la conception du Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ, Il en fut formé par la vertu du Saint et Divin Esprit; de sorte que la matière dont l'humanité très sainte du Verbe fut fabriquée pour notre rédemption fut donnée et administrée par le Coeur de la Très Pure Mère à force d'amour, réellement et véritablement. Et en même temps avec l'humilité que l'on ne peut jamais assez louer, inclinant un peu la tête et les mains jointes, elle prononça ces paroles qui furent le principe de notre rédemption: «Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum.»
3, 11, 138. A la prononciation de ce "fiat" si doux pour les oreilles de Dieu et si heureux pour nous, en un instant quatre choses s'opérèrent: la première, la formation du corps Très Saint de Notre Seigneur Jésus-Christ, de ces trois gouttes de sang que fournit le Coeur de la Très Sainte Marie. La seconde, la création de l'âme très sainte du même Seigneur qui fut aussi créée comme les autres. La troisième l'union de l'âme et du corps, composant son humanité très parfaite. La quatrième l'union de la Divinité dans la Personne du Verbe avec l'humanité, qui unie avec elle hypostatiquement fit l'Incarnation en un suppôt; et ainsi fut formé Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme, Notre Seigneur et notre Rédempteur. Ceci arriva le vendredi, le vingt-cinq mars au lever de l'aube, ou au crépuscules de la lumière, à la même heure que notre premier père Adam fut formé et en l'année de la création du monde, cinq mille cent quatre-vingt dix-neuf, comme l'Église romaine gouvernée par l'Esprit-Saint le compte dans le Martyrologe. Ce compte est le véritable et le certain; et ainsi il m'a été déclaré, le demandant par l'ordre de l'obéissance. Et conformément à cela le monde fut créé au mois de mars, mois qui correspond au principe de la création: et parce que toutes les Oeuvres du Dieu très haut sont toutes parfaites (Deut. 32: 4) et achevées, les plantes et les arbres sortirent des mains de Sa Majesté avec des fruits et ils les eussent eus toujours sans les perdre si le péché n'avait point altéré toute la nature, comme je le dirai à ce sujet dans un autre traité, si c'est la Volonté du Seigneur et je le laisse maintenant: le sujet n'appartenant point à celui-ci.
3, 11, 139. Dans le même instant de temps où le Tout-Puissant célébra les noces de l'union hypostatique dans le sein virginal de la Très Sainte Marie, la divine Dame fut élevée à la vision béatifique, et la Divinité lui fut manifestée intuitivement et clairement, et Elle y connut de très sublimes sacrements dont je parlerai dans le chapitre suivant. Spécialement il lui fut montré à découvert les secrets de ces chiffres qu'Elle reçut dans l'ornement que j'ai dit qu'ils lui mirent dans le chapitre sept, et aussi ceux que portaient ses Anges. Le divin Enfant allait en croissant naturellement dans le lieu du sein par l'aliment la substance et le sang de la Très Sainte Mère, comme les autres hommes; quoique plus libre et exempt des imperfections dont les autres enfants d'Adam souffrent dans ce lieu et cet état; parce que l'Impératrice du Ciel fut libre de certains accidents non appartenant à la substance de la génération qui sont les effets du péché, et des superfluités infectes qui sont naturelles et ordinaires aux autres femmes, dont les autres enfants se forment, se sustentent et croissent: pour donner la matière qui Lui manquait de la nature infecte des descendants d'Eve, il arriva qu'elle la Lui administrait exerçant des actes héroïques des vertus et en particulier de la Charité. Et comme les opérations ferventes de l'âme et les affections amoureuses produisent une altération des humeurs et du sang; la divine Providence l'acheminait au sustentement de l'Enfant divin avec quoi l'humanité de notre Rédempteur était alimentée naturellement, et la Divinité était récréée avec les complaisances de vertus héroïques. De manière que la Très Sainte Marie administra à l'Esprit-Saint pour la formation du corps, un sang pur et net, étant conçue sans péché et libre de ses tributs. Et dans les autres mères, le sang qui fait croître les enfants est impur et imparfait; mais la Reine du Ciel donnait le plus pur, le plus substantiel et le plus délicat parce qu'Elle le Lui communiquait à force d'affections d'amour et des autres vertus; et aussi la substance de ce que la divine Reine mangeait. Et comme Elle savait que l'exercice de se sustenter Elle-même était pour donner l'aliment au Fils de Dieu et le sien, Elle le prenait toujours avec des actes si héroïques que les esprits angéliques admiraient que dans des actions humaines si communes il pût y avoir des reliefs si souverains de mérites et d'agrément du Seigneur.
3, 11, 140. Cette divine Souveraine demeura en la possession de Mère de Dieu même avec de tels privilèges que tout ce que j'ai dit jusqu'à présent et ce que je dirai plus loin ne sont pas même le moindre de leur excellence, ni ma langue ne peut le manifester, parce qu'il n'est pas dûment possible à l'entendement de le concevoir et les plus savants et les plus sages ne trouveront point de termes adéquats pour les expliquer. Les humbles qui entendent l'art de l'amour divin le connaîtront par la Lumière infuse et par le goût et la saveur intérieure par lesquels se perçoivent de tels sacrements. La Très Sainte Marie ne demeura pas seulement faite Ciel, Temple et Habitation de la Très Sainte Trinité et transformée, élevée et déifiée par l'assistance nouvelle et spéciale de la Divinité dans son sein très pur; mais aussi cette humble Maison, ce pauvre Oratoire demeura divinisé et consacré en un nouveau Sanctuaire du Seigneur. Et les divins esprits qui témoins de cette merveille étaient à le contempler, exaltaient le Tout-Puissant avec de nouveaux cantiques de louanges et avec une jubilation indicible, et en compagnie de la divine Mère ils Le bénissaient en leur nom et en celui du genre humain qui ignorait le plus grand de Ses Bienfaits et de Ses Miséricordes.
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 11, 141. Ma fille, je te vois dans l'admiration et avec sujet, pour avoir connu avec une lumière nouvelle le Mystère d'un Dieu qui s'humilie à S'unir avec la nature humaine dans le sein d'une pauvre Fille comme je l'étais. Je veux donc, ma très chère que tu tournes ton attention vers toi-même et que tu pèses que Dieu S'humilia en venant dans mes entrailles non pour moi seule, mais aussi pour toi-même comme pour moi. Le Seigneur est infini en Miséricorde, et Son Amour n'a point de limites, Il est attentif et Il Se rend présent à chacune des âmes qui Le reçoivent et Il prend Ses complaisances en elles de la manière que s'Il n'avait créé que celle-là seulement, et qu'Il se fût fait homme (Gal. 11: 20) que pour elle seule. Pour cette raison tu dois te considérer comme seule dans le monde pour reconnaître avec toutes tes forces d'affection la venue du Seigneur sur la terre: et ensuite tu Lui rendras grâce, parce qu'Il est venu pour tous conjointement. Et si tu comprends et confesses avec une foi vive que c'est le même Dieu infini en Attributs et Éternel en la Majesté qui descendit prendre chair humaine dans mes entrailles, qui te cherche, t'appelle, te console, te caresse, et se tourne tout entier vers toi, comme si tu étais Sa seule créature; pèse bien et considère à quoi t'oblige une Bonté si admirable, et convertis cette admiration en vifs actes de foi et d'amour; puisque tu dois tout cela à un tel Roi et un tel Seigneur qui daigna venir à toi lorsque tu ne pouvais ni Le chercher ni L'atteindre.
3, 11, 142. Tout ce que ce Seigneur peut te donner hors de Lui-même te paraîtrait beaucoup en Le regardant avec la lumière et l'affection humaine sans te servir de la Lumière supérieure. Et il est vrai que tout Don venant de la main d'un Roi si suprême et si éminent est digne d'estime. Mais si tu considères Dieu même, si tu Le connais à la Lumière divine, si tu sais qu'Il t'a faite capable de Sa Divinité; alors tu verras que si Elle ne se communiquait pas à toi, et si Dieu ne venait pas à toi, tout l'univers ne serait rien et paraîtrait méprisable à tes yeux; et tu ne te réjouirais et tu n'aurais de repos qu'en sachant que tu possèdes un tel Dieu, si amoureux, si aimable, si puissant, si doux, si riche; et qu'étant tel et si Infini Il daigne S'humilier à ta bassesse pour t'élever de la poussière, enrichir ta pauvreté et faire envers toi l'office de Pasteur, de Père, d'Époux et d'Ami très fidèle.
3, 11, 143. Considère donc, ma fille, dans ton secret les effets de cette vérité. Reconnais et pèse bien l'Amour très doux de ce grand Roi envers toi dans Sa ponctualité, Ses consolations, Ses caresses, les faveurs que tu reçois, les afflictions qu'Il te confie, la Lampe que Sa divine Science a allumée dans ton coeur pour connaître hautement la Grandeur infinie de Son Etre propre l'admirable de Ses Oeuvres et de Ses Mystères les plus cachés, la vérité de tout, et le néant du visible. Cette Science est le premier être et le principe, la base et la fondation de la doctrine que je t'ai donnée afin que tu arrives à connaître le décorum et la magnificence avec lesquels tu dois traiter les faveurs et les bienfaits de ce Dieu et
Seigneur, ton Trésor, ta Lumière, ton Guide et ton Bien véritable. Regarde-Le comme Dieu Infini, amoureux et terrible. Écoute, ma très chère, mes paroles, mon enseignement et ma discipline, car en elle est la paix et la Lumière des yeux.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 11, [a]. La cause efficiente de l'union hypostatique et de l'Incarnation fut toute la Trinité, parce qu'Elle fut une Oeuvre "ad extra"; ces Oeuvres sont toujours indivises comme procédant des Trois Personnes divines en tant qu'Elles sont une seule et même chose en Essence, en Puissance et en Volonté. C'est pourquoi l'Incarnation est attribuée tant au Père, qu'au Fils et au Saint-Esprit selon ces paroles de l'Écriture: «Dieu a envoyé Son Fils; Il S'est anéanti Lui-même; ce qui est né d'Elle est de l'Esprit-Saint.» Mais le terme de cette union hypostatique est seulement la Personne du Verbe; parce que l'humanité de Jésus-Christ fut unie par la Sainte Trinité à la seule Personne du Verbe qui la prit à Soi comme terme immédiat. Il est vrai qu'ainsi l'humanité acquit aussi une union avec toute la Très Sainte Trinité, mais seulement une union médiate, parce que l'union immédiate est seulement avec le Verbe.
3, 11, [b. A celui qui opposerait que le Verbe avant de S'incarner ne pouvait faire de pétition au Père, parce que prier regarde seulement les inférieurs et le Verbe avant de S'incarner était Dieu seulement, égal en tout au Père, on doit répondre que le Verbe ne pouvait point prier en Son propre Nom; mais il le pouvait "au nom de l'humanité qu'Il devait unir à Lui-même", comme le dit la Vénérable. Voir Bellarmin, [t. 1, contr. l. IV, de Christ. Med.]. Puis ce n'était qu'offrir au Père par avance ce que le Verbe devait opérer, mériter et faire dans l'humanité; c'était une offrande des mérites "prévus", comme le dit aussi la Vénérable; et les mérites ne furent point prévus dans le Verbe en tant qu'hypostase de la nature divine, mais en tant que la nature humaine est supposée; manière de parler très propre selon le concile d'Ephèse [Can. 4, le sixième concile général Act. 11 et 18, le Concile de Latran sub Mart. I, concl. 5, can. 4, etc.]. Ces mérites prévus portèrent le Père à accorder au Fils la Rédemption du genre humain; c'est ce que saint Anselme explique par un exemple très approprié, [L. 2. Cur Deus Homo? c. 16].
On pourrait dire encore que même la pétition étant faite par le Verbe comme subsistant dans la nature divine, il pouvait bien la faire au nom de l'humanité sinon par propriété, au moins par appropriation comme l'Esprit-Saint "qui prie par nous avec des gémissements inénarrables", c'est-a-dire S'appropriant nos gémissements pour les présenter à la Très Sainte Trinité
3, 11, [c]. C'est ce que Saint Jean Chrysostôme, Enthyme, Théophilacte, etc., affirment être arrivé à l'occasion de l'entrée du Verbe Incarné dans le monde, que tous les Anges accompagnèrent Jésus-Christ, leur dieu et leur Seigneur, quand Il vint au monde, comme tous les courtisans suivent leur Roi, s'appuyant pour cela sur ces paroles de la Sainte Écriture: «Et lorsqu'Il introduisit Son Premier-Né dans le monde, Il dit: "Et que tous les Anges de Dieu L'adorent."» Ce qui est dit pour le temps de la naissance du Sauveur peut se dire surtout pour le temps de Son Incarnation étant proprement alors qu'Il fit Sa première entrée dans le monde.
3, 11, [d]. Il est souvent parlé dans la Sainte Écriture de l'ouverture des cieux, "Et les cieux Lui furent ouverts". Voir A. Lapide qui explique ce verset. Quant au nombre des cieux, il est certain que l'Écriture en mentionne plusieurs. Saint Paul dit avoir été ravi au troisième ciel: en plusieurs endroits on trouve nommés les cieux des cieux. Qu'il y ait autant de cieux outre l'empirée et le ciel de notre atmosphère qu'il y a de choeurs d'Anges, saint Ignace martyr semble le marquer. [Ad Trall. n. 5,] et d'autres.
Notre Vénérable ayant écrit un traité sur les sphères célestes comme il est noté au chapitre 15 de sa Vie, y explique probablement comment elle entend ces onze cieux. La Vénérable peut aussi se rapporter à la division des cieux que faisaient communément les astronomes de son temps, desquels Lorino sur le Ps. 148, écrit: «Les astronomes démontrent qu'il y a onze cieux outre le douzième qui est
l'empirée. Et A. Lapide, in 2 Cor. 12. Les modernes soutiennent qu'il y a onze cieux.
3, 11, [e]. Livre 3, No. 326.
3, 11, [f]. Livre 6, No. 1416.
3, 11, [g]. Livre 3, No. 113.
3, 11, [h]. Livre 3, No. 119.
3, 11, [i]. Dans son manuscrit, Marie d'Agreda explique cette quatrième génération comme suit: «Le mystère de cette quatrième génération est qu'il y a quatre générations: 1. Celle d'Adam sans père ou mère; 2. Celle d'Eve sans mère; 3. La nôtre d'un père et d'une mère; 4. Celle de notre Seigneur Jésus-Christ d'une Mère sans père.»
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 12
Des opérations que fit l'Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ dans le premier instant de Sa conception; et ce qu'opéra alors Sa Très Pure Mère.
3, 12, 144. Pour mieux comprendre les premières opérations de l'Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ, supposons ce qui a été dit dans le chapitre précédent, numéro 138, que tout le substantiel de ce divin Mystère, comme la formation du corps, la création et l'infusion de l'Ame et l'union de l'Humanité individuée avec la Personne du Verbe, arriva et s'opéra en un instant; de manière que nous ne pouvons dire qu'en aucun instant de temps Notre Seigneur Jésus-Christ fut pur homme, parce qu'Il fut toujours vraie Dieu et vrai homme: puisque lorsque l'Humanité devait arriver à S'appeler homme, Il était déjà et Se trouvait Dieu; et ainsi Il ne put s'appeler homme seulement un seul instant; mais Home-Dieu et Dieu-Homme. Et comme l'être naturel étant opératif, peut être suivi aussitôt de l'opération et de l'action de ses puissances; pour cela, dans l'instant même où l'Incarnation s'exécuta, l'Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ fut béatifiée par la Vision et l'Amour béatifiques, Ses puissances de l'Entendement et de la Volonté rencontrant aussitôt, à notre manière de concevoir, la même Divinité que Son être de nature avait rencontrée, S'unissant à elle par Sa Substance, et les puissances par leurs opérations très parfaites au même Etre de Dieu, afin que dans l'être et l'opération Il demeurât tout déifié.
3, 12, 145. La grande admiration de ce sacrement est que tant de gloire, et ce qui plus est, toute la grandeur de la Divinité immense fussent résumées en un si petit épilogue qu'un corpuscule pas plus grand que celui d'une abeille ou d'une amande pas très grande; parce que la quantité du corps très saint de Notre Seigneur Jésus-Christ n'était pas plus grande que cela lorsque fut célébrée la conception et l'union hypostatique, et que cette grande petitesse demeurât en même temps avec la gloire Souveraine et la passibilité; parce que Son humanité fut conjointement glorieuse et passible, Elle fut compréhenseur et voyageuse. Mais le même Dieu qui est infini dans Sa Puissance et Sa Sagesse put tellement rétrécir et rapetisser Sa propre Divinité toujours infinie, que sans laisser de l'être Il la renferma dans la sphère exiguë d'un corps si petit par une admirable et nouvelle manière d'être en Lui. Et avec la même Toute-Puissance, Il fit que cette Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la partie supérieure des plus nobles opérations fut compréhenseur et glorieuse et que toute cette gloire sans mesure demeurât comme réprimée dans le suprême de Son Ame et suspendus les effets et les dots qui devaient se communiquer conséquemment à Son corps; afin que selon cette manière, il fût conjointement passible et voyageur, seulement pour donner lieu à notre Rédemption par le moyen de Sa Croix, de Sa Passion et de Sa Mort.
3, 12, 146. Pour faire toutes ces opérations et les autres que devait faire la Très Sainte Humanité, il Lui fut communiqué dans l'instant même de Sa conception, toutes les habitudes qui convenaient à Ses puissances et qui étaient nécessaires pour les actions et les opérations tant de compréhenseur, que de passible et voyageur: et ainsi Il eut la Science bienheureuse et infuse; Il eut la grâce sanctifiante et les Dons de l'Esprit-Saint qui reposèrent dans le Christ (Is. 11: 2) comme dit Isaïe. Il eut toutes les Vertus, excepté la Foi et l'Espérance, qui ne sont pas compatibles avec la Vision et la Possession béatifiques. Et s'il y a quelque vertu qui suppose quelque imperfection en celui qui l'a, elle ne put être dans le Saint des saints, qui ne put faire aucun péché, et dans la bouche de Qui il ne se trouva aucun artifice (1 Pet. 2: 22). Il n'est pas nécessaire de faire ici plus de relation de la dignité et de l'excellence de la Science et de la Grâce, des Vertus et des Perfections de Notre Seigneur Jésus-Christ; parce que les saints Docteurs et les théologiens l'enseignent largement. Il suffit pour moi de savoir que tout fut aussi parfait que put s'étendre la Puissance divine, où le jugement humain n'arrive point; parce que là où était la Source même qui est la Divinité, cette Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ devait boire du torrent sans limite ni mesure (Ps. 35: 10; 109: 7), comme dit David. Et aussi Il eut une plénitude de toutes les Vertus et de toutes les Perfections.
3, 12, 147. Après que l'Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ eut été ornée et déifiée par la Divinité et Ses Dons, l'ordre de Ses opérations fut celui-ci: La première, voir et connaître la Divinité intuitivement comme Elle est en Elle-même et comment Elle était unie à Sa Très Sainte Humanité. Ensuite L'aimer avec un souverain Amour béatifique. Après cela Elle reconnut l'être de l'Humanité inférieur à Celui de Dieu; et Elle s'humilia très profondément: et avec cette humiliation Elle rendit grâce à l'Etre Immuable de Dieu de Sa Création et du bienfait de l'union hypostatique par laquelle Il L'avait élevée à l'Etre de Dieu, étant conjointement homme. Elle connut aussi comment son Humanité très sainte était passible et la fin de la Rédemption; et avec cette connaissance le Sauveur S'offrit en Sacrifice acceptable (Heb. 10: 5) pour être le Rédempteur du genre humain, et recevant l'être passible en Son Nom et en celui des hommes Il rendit grâces au Père Éternel. Il reconnut la composition de Son humanité très sainte, la matière dont Elle avait été formée, et comment la Très Pure Marie la Lui avait fournie à force de Charité et d'exercice des Vertus héroïques. Il prit possession de ce saint Tabernacle et de cette Demeure, agréa Sa beauté très éminente, s'y complut et s'adjugea pour Sa propriété éternelle l'âme de la Créature la plus pure et la plus parfaite. Il loua le Père Éternel de l'avoir créée avec de si excellents reliefs de grâce et de dons, de ce qu'Il l'avait faite exempte et libre de la commune loi du péché en laquelle tous les descendants d'Adam étaient compris (Rom. 5: 18), étant Sa Fille. Il pria pour la Très Pure Souveraine et saint Joseph, Il demanda le salut éternel pour eux. Toutes ces Oeuvres et d'autres qu'Il fit, furent très sublimes, étant d'un Homme-Dieu véritable, et hors de celles qui touchent à la Vision et à l'Amour béatifiques, Il mérita tellement avec toutes ces Oeuvres et avec chacune que par leur valeur et leur prix eussent pu être rachetés des mondes infinis s'il y en avait eu.
3, 12, 148. Et par le seul acte d'obéissance que fit la sainte Humanité unie au Verbe d'accepter la passibilité et que la gloire de Son Ame ne s'étendît point à Son corps, notre Rédemption eût été surabondante. Mais quoiqu'il surabondât pour notre remède, le Sauveur n'eût pas satisfait Son amour immense pour les hommes s'Il ne nous eût pas aimé avec une Volonté effective jusqu'à la fin de l'Amour, qui était la fin même de Sa vie, la livrant pour nous avec les conditions et les démonstrations d'une affection plus grande que l'entendement humain ou l'angélique ne peuvent imaginer (Rom. 5: 18). Et s'Il nous a tant enrichis au premier instant qu'Il entra dans le monde, quels trésors! quelle richesse de mérites ne nous a-t-Il pas laissés quand Il en sortit par Sa passion et Sa mort, après trente-trois ans de travaux et d'opérations si divines! O immense Amour! ô Charité sans terme, ô Miséricorde sans mesure! ô Piété très libérale! ô ingratitude et oubli très honteux des mortels à la vue d'un Bienfait aussi inouï qu'important! Qu'en aurait-il été de nous sans Lui? Et qu'aurions-nous fait envers ce Seigneur notre Rédempteur s'Il eut fait moins pour nous, puisque nous ne sommes pas émus ni touchés après qu'Il a fait tout ce qu'Il a pu? Si nous ne Lui correspondons point comme au Rédempteur qui nous donne la Vie et la Liberté éternelles, écoutons-Le au moins comme notre Maître, suivons-Le comme notre Capitaine, comme la Lumière et le Chef qui nous enseigne le chemin de notre véritable félicité.
3, 12, 149. Ce Seigneur et ce Maître ne travailla pas pour Lui-même, ni pour mériter la récompense de Son Ame très sainte ni les augmentations de Sa grâce, méritant tout cela pour nous, parce qu'Il n'en avait pas besoin, ni Il ne pouvait point recevoir d'augmentation de grâce ni de gloire, car Il en était tout rempli comme dit L'Évangéliste; parce qu'Il était le Fils Unique du Père, étant en même temps homme. Il n'eut point de semblable en cela il ne put en avoir; parce que tous les saints et toutes les pures créatures méritèrent pour elles-mêmes et travaillèrent pour la fin de leur récompense: seul L'Amour du Christ fut sans intérêt, tout pour nous. Et s'Il étudia et profita (Luc 2: 52) à l'école de l'expérience [a], Il fit encore cela pour nous enseigner et nous enrichir par l'expérience de l'obéissance (Heb. 5: et par les Mérites infinis qu'Il acquit, et par l'exemple qu'Il nous donna, afin que nous fussions doctes et sages (1 Pet. 2: 21) dans l'art de l'amour que l'on n'apprend point parfaitement par les seuls affections et les seuls désirs, si on ne les met en pratique par les oeuvres véritables et affectives. Je ne m'étendrai point dans les Mystères de la Très Sainte Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ à cause de mon incapacité, et je m'en remettrai aux Évangélistes, prenant seulement ce qui sera nécessaire pour cette divine Histoire de Sa Mère et Notre-Dame; parce que les Vies du Fils et de la Mère étant si jointes et si enchaînées qu'on ne peut éviter de prendre quelque chose des Évangélistes et d'y ajouter aussi d'autres choses qu'ils ne dirent point, parce que ce n'était pas nécessaire pour leur Histoire, ni pour les premiers temps de l'Église Catholique.
3, 12, 150. Toutes les opérations que j'ai dites que Notre Seigneur Jésus-Christ opéra dans l'instant de Sa conception furent suivies dans un autre instant de nature de la Vision béatifique de la Divinité qu'eut sa Très Sainte Mère, comme je l'ai déjà dit dans le chapitre précédent, numéro 139, et dans cet instant de temps il peut y en avoir plusieurs qui s'appellent de nature [b. La divine Souveraine connut clairement et distinctement dans cette vision le Mystère de l'union hypostatique des deux natures Divine et humaine dans la Personne du Verbe Éternel: et la Bienheureuse Trinité la confirma dans le Nom et le droit de Mère de Dieu, comme Elle l'était en toute rigueur et vérité, étant Mère naturelle d'un Fils qui était Dieu Éternel, avec la même certitude et la même vérité qu'Il était homme. Et quoique cette grande Dame ne coopérât point immédiatement à l'union de la Divinité avec l'Humanité, Elle ne perdait pas pour cela le droit de Mère du vrai Dieu; puisqu'Elle concourut en Lui fournissant la matière et coopérant avec ses puissances et autant qu'il la touchait comme Mère, et plus Mère que les autres: puisqu'en cette conception et cette génération Elle concourut seule sans l'opération d'un homme. Et comme dans les autres générations, on appelle père et mère les agents qui opèrent avec le concours naturel que la nature donne à chacun, bien qu'ils ne coopèrent pas immédiatement à la création de l'âme, ni à l'infusion de l'âme dans le corps de l'enfant; de même aussi et avec une plus grande raison la Très Sainte Mère devait s'appeler et s'appelle Mère de Dieu, puisqu'en la génération de Jésus-
Christ, vrai Dieu et vrai homme, Elle seule concourut comme Mère, sans autre cause naturelle; et moyennant ce concours et cette génération naquit le Christ Dieu-Homme [c].
3, 12, 151. Dans cette vision la Vierge Mère de Dieu connut de même tous les mystères futurs de la Vie et de la Mort de son Très doux Fils, de la Rédemption du genre humain et de la nouvelle Loi de l'Évangile qu'Il devait fonder avec Elle; et d'autres secrets grandioses et cachés qui ne furent manifestés à aucun autre saint. La Très Prudente Reine se voyant dans la claire Présence de la Divinité, et avec la plénitude de Science et de Dons qui lui furent donnés comme Mère du Verbe Elle s'humilia devant le trône de la Majesté immense et tout abîmée dans son humilité et son amour, Elle adora le Seigneur dans Son Etre infini et ensuite dans l'union de l'Humanité très sainte. Elle Lui rendit grâces pour le Bienfait et la Dignité de Mère qu'Elle avait reçue et pour la faveur que Sa Majesté faisait à tout le genre humain. Elle Lui donna louange et gloire pour tous les mortels. Elle s'offrit en sacrifice acceptable pour servir, élever et nourrir son Très Doux Fils et pour coopérer et L'assister autant qu'il était possible de son côté à l'Oeuvre de la Rédemption: et la Très Sainte Trinité l'accepta et la signala comme Coadjutrice pour ce sacrement [d]. Elle demanda une nouvelle grâce et une Lumière divine pour cela, et pour se gouverner dans la dignité et le ministère de Mère du Verbe Incarné, et Le traiter avec la vénération et la magnificence due au même Dieu. Elle offrit à son Très Saint Fils tous les futurs enfants d'Adam avec les pères des Limbes et au nom de tous et d'Elle-même, Elle fit beaucoup d'actes héroïques des vertus et de grandes prières que je ne m'arrêterai point à rapporter pour en avoir dit d'autres en différentes circonstances, d'où l'on peut inférer ce que devait faire la divine Reine en celle-ci qui surpassait tant tout le reste jusqu'à ce jour heureux et fortuné.
3, 12, 152. Dans la prière qu'Elle fit pour se gouverner dignement comme Mère du Fils Unique du Père, Elle fut plus instante et plus affectueuse avec le Très-Haut; parce que son humble Coeur l'obligeait à cela, et la raison de sa crainte était plus prochaine et Elle désirait être gouvernée dans cet office de Mère pour toutes ses actions. Le Très-Haut lui répondit: «Ma Colombe, ne crains point, car Je t'assisterai et te gouvernerai, ordonnant tout ce que tu auras à faire envers Mon Très Saint Fils.» Avec cette promesse, Elle revint et sortit de l'extase dans laquelle était arrivé tout ce que j'ai dit; et ce fut la plus admirable qu'Elle eut. Restituée à ses sens, la première chose qu'Elle fit fut de se prosterner en terre et d'adorer son Très Saint Fils, Dieu et homme, conçu dans son sein virginal; parce qu'Elle n'avait point fait cette action avec les sens corporels et extérieurs et cette Très Prudente Mère ne laissa passer ni ne manqua d'exécuter aucune de celles qu'Elle put faire en hommage àson Créateur. Dès lors Elle reconnut et sentit des effets divins et nouveaux dans son âme très sainte et dans toutes ses puissances intérieures et extérieures. Et quoique toute sa Vie Elle avait eu un état très noble dans la disposition de son âme et de son corps très saints; néanmoins depuis ce jour de l'Incarnation du Verbe, Elle demeura plus spiritualisée et plus divinisée, avec de nouvelles splendeurs de grâce et de dons indicibles.
3, 12, 153. Mais que personne ne pense que la Très Pure Mère reçut toutes ces faveurs et cette union avec la Divinité et l'Humanité de son Très Saint Fils, afin qu'Elle vécût toujours en délices spirituelles, jouissant et ne souffrant point. Il n'en fut pas ainsi; parce qu'à l'imitation de son Très Doux Fils dans la manière possible, cette Dame vécut jouissant et souffrant conjointement; la mémoire et la connaissance si sublime qu'Elle avait reçues des travaux et de la mort de son Très Saint Fils lui servant d'instrument tranchant pour son Coeur. Et cette douleur se mesure avec la science et l'amour qu'une telle Mère avait pour un tel Fils et qu'Elle devait avoir et qui lui étaient renouvelés fréquemment par Sa présence et Sa conversation. Et quoique toute la Vie de Jésus-Christ et celle de Sa Très Sainte Mère fussent un martyre continuel et un exercice de la Croix, souffrant des peines et des afflictions incessantes, néanmoins dans le Coeur très candide et très amoureux de notre divine Dame il y eut ce genre spécial de souffrances qu'Elle portait toujours présents les tourments, la Passion, la Mort, les ignominies de son Fils. Et par la douleur de trente-trois ans continus, Elle célébra la longue vigile de notre Rédemption; ce sacrement étant caché dans son Coeur seul, sans compagnie ni soulagement des créatures.
3, 12, 154. Avec cet amour douloureux, remplie d'une amère douceur, Elle avait coutume de considérer souvent son Très Saint Fils et Lui parlant de l'intime de son Coeur avant et après Sa naissance, Elle Lui répétait ces paroles: «O Maître et Seigneur de mon âme, Très Doux Fils de mes entrailles, comment m'avez-Vous donné la possession de Mère avec la douloureuse suspension de Vous perdre demeurant orpheline? A peine avez-Vous un corps où recevoir la vie que Vous connaissez déjà la sentence de Votre douloureuse Mort le rachat des hommes. La première de Vos Oeuvres serait déjà d'un prix et d'une satisfaction surabondante de leurs péchés! Oh! si la Justice du Père Éternel se donnait pour satisfaite avec cela, et si la mort et les tourments s'exécutaient en moi! Vous avez pris de mon sang et de mon être un corps sans lequel il ne Vous serait pas possible de souffrir, Vous qui êtes Dieu impassible et immortel. Puis si j'ai fourni l'instrument et le sujet des douleurs, que je souffre aussi avec Vous la même Mort. Oh! péché inhumain! Comment étant si cruel et la cause de tant de maux, as-tu mérité d'arriver à tant de fortune que ton Réparateur fût le même qui étant le Souverain Bien peut te rendre heureux [e]! O mon Très Doux Fils et mon Amour! qui pourrait Te servir de garde pour Te défendre de Tes ennemis! Oh! si c'était la Volonté du Père que je Te garderais et que je T'éloignerais de la mort, ou que je mourrais en ta compagnie et que Tu ne Te séparerais pas de la mienne! Mais il n'arrivera pas maintenant ce qui arriva au Patriarche Abraham, parce que ce qui est déterminé s'exécutera. Que la Volonté du Seigneur s'accomplisse.» Notre Reine répétait souvent ces soupirs amoureux comme je le dirai plus loin, le Père Éternel les acceptant comme sacrifice agréable et étant une douce récréation pour le Très Saint Fils.
DOCTRINE QUE ME DONNA NOTRE REINE ET NOTRE DAME.
3, 12, 155. Ma fille, puisque par la Foi et la Lumière divine tu arrives à connaître la grandeur de la Divinité et Sa Bonté ineffable d'être descendu du Ciel pour toi et pour tous les mortels, ne reçois point ces bienfaits pour qu'ils soient oisifs et sans fruit en toi. Adore l'Etre de Dieu avec un profond respect et loue-Le pour ce que tu connais de Sa Bonté. Ne reçois point la Lumière et la grâce en vain (2 Cor. 6: 1), et que ce que fit Mon Très Saint Fils et ce que je fis moi-même à Son imitation, comme tu l'as connu, te serve d'exemplaire et de stimulant; puisque, Lui étant Dieu véritable et moi Sa Mère, parce qu'en tant qu'homme Son Humanité très sainte était créée, nous reconnûmes notre être humain, nous nous humiliâmes et nous confessâmes la Divinité plus qu'aucune créature ne peut le comprendre. Cette révérence et ce culte tu dois l'offrir à Dieu en tout temps et en tout lieu sans distinction; mais plus spécialement lorsque tu reçois le même Seigneur sacramenté. Dans ce sacrement admirable, la Divinité et l'Humanité de mon Très Saint Fils viennent et demeurent en toi par une manière nouvelle et incompréhensible, et là se manifeste Sa Bonté magnifique peu considérée et peu respectée des mortels qui ne donnent point de retour à un Amour si grand.
3, 12, 156. Que ta reconnaissance soit donc accompagnée d'une humilité, d'un respect et d'un culte aussi profonds que toutes tes forces et tes puissances pourront y atteindre, puisque tout ce à quoi elles pourront s'avancer et s'étendre sera moins que ce que tu dois et ce que Dieu mérite. Et afin de suppléer autant que possible à ton insuffisance, offre ce que mon Très Saint Fils et moi avons fait et tu uniras ton esprit et ton affection avec ceux de l'Église triomphante et de l'Église militante: et avec eux tu demanderas que toutes les nations viennent à connaître, à confesser et à adorer leur vrai Dieu fait homme pour tous, offrant pour cela ta propre vie: et remercie pour les bienfaits qu'Il a accordés et qu'Il accorde à tous ceux qui Le connaissent et qui Le confessent et aussi à ceux qui L'ignorent et qui Le nient. Et ce que je veux surtout de toi, ma très chère, et ce qui sera très acceptable au Seigneur et à moi, très agréable, c'est que tu t'affliges et que tu gémisses avec une douce affection sur la grossièreté et l'ignorance, les délais et les dangers des enfants des hommes, et sur l'ingratitude des fidèles enfants de l'Église qui ont reçu la Lumière de la Foi divine et qui vivent si oublieux dans leur intérieur de ces Oeuvres et de ces Bienfaits de l'Incarnation, et même de Dieu; qui ne semblent se distinguer des infidèles que par quelques cérémonies et quelques oeuvres de culte extérieur; mais ils les font sans âme et sans sentiment du coeur, et souvent ils y offensent et provoquent la Justice divine qu'ils devraient apaiser.
3, 12, 157. Cette ignorance et cette torpeur viennent de ce qu'ils ne se disposent point pour obtenir et acquérir la vraie Science du Très-Haut; et ainsi ils méritent que la Lumière divine s'éloigne d'eux et les laisse dans la possession de leurs lourdes ténèbres, avec quoi ils se rendent plus indignes que les infidèles mêmes et leur châtiment sera sans comparaison plus grand. Afflige-toi d'une si grande perte de ton prochain et demandes-en le remède de l'intime de ton coeur. Et afin de t'éloigner davantage d'un danger si formidable ne nie point les faveurs et les bienfaits que tu reçois; ne les méprise point non plus et ne les oublie point avec un semblant d'humilité; souviens-toi et confère dans ton coeur de combien loin la
grâce du Très-Haut prit son cours pour t'appeler. Considère comment Il t'a attendue, te consolant, te rassurant dans tes doutes, pacifiant tes craintes, dissimulant et pardonnant tes fautes, multipliant les caresses, les faveurs et les bienfaits. Et je t'assure, ma fille, que tu dois confesser de coeur que le Très-Haut n'en a pas agi ainsi avec aucune autre génération, parce que tu ne valais ni ne pouvais rien, au contraire tu étais plus pauvre et plus inutile que les autres. Que ta reconnaissance soit plus grande que celle de toutes les créatures.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 12, [a]. "Il croissait en grâce", écrit l'Évangéliste saint Luc, sur quoi Suarez s'exprime ainsi: «Il croissait dans les effets, faisant des Oeuvres plus excellentes de Sa propre grâce, et quoiqu'Il ne devînt point plus Juste ni plus Saint, àcause de la Dignité infinie de Sa Personne et parce que dès le principe Il avait une grâce consommée, néanmoins Ses Oeuvres étaient suffisantes pour l'augmentation de la grâce, en tant qu'Elles contenaient un nouveau mérite.» [Voir son commentaire sur saint Thomas, III, p., q. 7, a. 12. Voir aussi saint Thomas, III, p. q. 19, a. 3 et 4].
3, 12, [b. Ces instants sont semblables aux instants angéliques qui ne consistent point dans la succession du temps, mais dans la succession des opérations, comme disent les théologiens. «Ils peut se faire» dit Billuart, «qu'un instant angélique corresponde à plusieurs instants de notre temps si la même opération continue quelque peu.» D'un autre côté plusieurs instants angéliques peuvent correspondre à un seul instant de notre temps, c'est-à-dire si en ce seul instant de temps ils passent d'une opération à une autre.
3, 12, [c]. Suarez parlant de la première cause efficiente de ce Mystère de l'Incarnation dit qu'elle ne pouvait vraisemblablement être faite que par Dieu seul, ne se trouvant aucune créature qui principalement ou instrumentalement put arriver à cette action surnaturelle par laquelle eût été faite l'union de l'humanité au Verbe; et la Bienheureuse Vierge concourut seulement à l'union naturelle de l'Ame et du corps et pour cela Elle est Mère de Dieu-Homme. [Suarez in III p., p. 2, disp. 10, sect. 1].
3, 12, [d]. Voici pourquoi les saints Pères l'appellent notre Corédemptrice. Et c'est aussi pourquoi saint Bernard disait: «Ceux qui habitent dans le Ciel et ceux qui sont dans l'Enfer, ceux qui nous ont précédés, nous qui sommes et ceux qui nous suivront, tous nous regardons Marie comme le "medium", comme l'Arche de Dieu, comme la cause des choses, comme l'affaire des siècles.» [Serm. 2, in Pentec.]. Voir Passoglia, [de Imm. Deip. conc. p. 3, c. 5].
3, 12, [e]. L'Église dans l'Éxultet de samedi saint chante du péché originel: "O heureuse faute qui a mérité un tel Rédempteur!"[/b]
[/b]
Des opérations que fit l'Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ dans le premier instant de Sa conception; et ce qu'opéra alors Sa Très Pure Mère.
3, 12, 144. Pour mieux comprendre les premières opérations de l'Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ, supposons ce qui a été dit dans le chapitre précédent, numéro 138, que tout le substantiel de ce divin Mystère, comme la formation du corps, la création et l'infusion de l'Ame et l'union de l'Humanité individuée avec la Personne du Verbe, arriva et s'opéra en un instant; de manière que nous ne pouvons dire qu'en aucun instant de temps Notre Seigneur Jésus-Christ fut pur homme, parce qu'Il fut toujours vraie Dieu et vrai homme: puisque lorsque l'Humanité devait arriver à S'appeler homme, Il était déjà et Se trouvait Dieu; et ainsi Il ne put s'appeler homme seulement un seul instant; mais Home-Dieu et Dieu-Homme. Et comme l'être naturel étant opératif, peut être suivi aussitôt de l'opération et de l'action de ses puissances; pour cela, dans l'instant même où l'Incarnation s'exécuta, l'Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ fut béatifiée par la Vision et l'Amour béatifiques, Ses puissances de l'Entendement et de la Volonté rencontrant aussitôt, à notre manière de concevoir, la même Divinité que Son être de nature avait rencontrée, S'unissant à elle par Sa Substance, et les puissances par leurs opérations très parfaites au même Etre de Dieu, afin que dans l'être et l'opération Il demeurât tout déifié.
3, 12, 145. La grande admiration de ce sacrement est que tant de gloire, et ce qui plus est, toute la grandeur de la Divinité immense fussent résumées en un si petit épilogue qu'un corpuscule pas plus grand que celui d'une abeille ou d'une amande pas très grande; parce que la quantité du corps très saint de Notre Seigneur Jésus-Christ n'était pas plus grande que cela lorsque fut célébrée la conception et l'union hypostatique, et que cette grande petitesse demeurât en même temps avec la gloire Souveraine et la passibilité; parce que Son humanité fut conjointement glorieuse et passible, Elle fut compréhenseur et voyageuse. Mais le même Dieu qui est infini dans Sa Puissance et Sa Sagesse put tellement rétrécir et rapetisser Sa propre Divinité toujours infinie, que sans laisser de l'être Il la renferma dans la sphère exiguë d'un corps si petit par une admirable et nouvelle manière d'être en Lui. Et avec la même Toute-Puissance, Il fit que cette Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ dans la partie supérieure des plus nobles opérations fut compréhenseur et glorieuse et que toute cette gloire sans mesure demeurât comme réprimée dans le suprême de Son Ame et suspendus les effets et les dots qui devaient se communiquer conséquemment à Son corps; afin que selon cette manière, il fût conjointement passible et voyageur, seulement pour donner lieu à notre Rédemption par le moyen de Sa Croix, de Sa Passion et de Sa Mort.
3, 12, 146. Pour faire toutes ces opérations et les autres que devait faire la Très Sainte Humanité, il Lui fut communiqué dans l'instant même de Sa conception, toutes les habitudes qui convenaient à Ses puissances et qui étaient nécessaires pour les actions et les opérations tant de compréhenseur, que de passible et voyageur: et ainsi Il eut la Science bienheureuse et infuse; Il eut la grâce sanctifiante et les Dons de l'Esprit-Saint qui reposèrent dans le Christ (Is. 11: 2) comme dit Isaïe. Il eut toutes les Vertus, excepté la Foi et l'Espérance, qui ne sont pas compatibles avec la Vision et la Possession béatifiques. Et s'il y a quelque vertu qui suppose quelque imperfection en celui qui l'a, elle ne put être dans le Saint des saints, qui ne put faire aucun péché, et dans la bouche de Qui il ne se trouva aucun artifice (1 Pet. 2: 22). Il n'est pas nécessaire de faire ici plus de relation de la dignité et de l'excellence de la Science et de la Grâce, des Vertus et des Perfections de Notre Seigneur Jésus-Christ; parce que les saints Docteurs et les théologiens l'enseignent largement. Il suffit pour moi de savoir que tout fut aussi parfait que put s'étendre la Puissance divine, où le jugement humain n'arrive point; parce que là où était la Source même qui est la Divinité, cette Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ devait boire du torrent sans limite ni mesure (Ps. 35: 10; 109: 7), comme dit David. Et aussi Il eut une plénitude de toutes les Vertus et de toutes les Perfections.
3, 12, 147. Après que l'Ame très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ eut été ornée et déifiée par la Divinité et Ses Dons, l'ordre de Ses opérations fut celui-ci: La première, voir et connaître la Divinité intuitivement comme Elle est en Elle-même et comment Elle était unie à Sa Très Sainte Humanité. Ensuite L'aimer avec un souverain Amour béatifique. Après cela Elle reconnut l'être de l'Humanité inférieur à Celui de Dieu; et Elle s'humilia très profondément: et avec cette humiliation Elle rendit grâce à l'Etre Immuable de Dieu de Sa Création et du bienfait de l'union hypostatique par laquelle Il L'avait élevée à l'Etre de Dieu, étant conjointement homme. Elle connut aussi comment son Humanité très sainte était passible et la fin de la Rédemption; et avec cette connaissance le Sauveur S'offrit en Sacrifice acceptable (Heb. 10: 5) pour être le Rédempteur du genre humain, et recevant l'être passible en Son Nom et en celui des hommes Il rendit grâces au Père Éternel. Il reconnut la composition de Son humanité très sainte, la matière dont Elle avait été formée, et comment la Très Pure Marie la Lui avait fournie à force de Charité et d'exercice des Vertus héroïques. Il prit possession de ce saint Tabernacle et de cette Demeure, agréa Sa beauté très éminente, s'y complut et s'adjugea pour Sa propriété éternelle l'âme de la Créature la plus pure et la plus parfaite. Il loua le Père Éternel de l'avoir créée avec de si excellents reliefs de grâce et de dons, de ce qu'Il l'avait faite exempte et libre de la commune loi du péché en laquelle tous les descendants d'Adam étaient compris (Rom. 5: 18), étant Sa Fille. Il pria pour la Très Pure Souveraine et saint Joseph, Il demanda le salut éternel pour eux. Toutes ces Oeuvres et d'autres qu'Il fit, furent très sublimes, étant d'un Homme-Dieu véritable, et hors de celles qui touchent à la Vision et à l'Amour béatifiques, Il mérita tellement avec toutes ces Oeuvres et avec chacune que par leur valeur et leur prix eussent pu être rachetés des mondes infinis s'il y en avait eu.
3, 12, 148. Et par le seul acte d'obéissance que fit la sainte Humanité unie au Verbe d'accepter la passibilité et que la gloire de Son Ame ne s'étendît point à Son corps, notre Rédemption eût été surabondante. Mais quoiqu'il surabondât pour notre remède, le Sauveur n'eût pas satisfait Son amour immense pour les hommes s'Il ne nous eût pas aimé avec une Volonté effective jusqu'à la fin de l'Amour, qui était la fin même de Sa vie, la livrant pour nous avec les conditions et les démonstrations d'une affection plus grande que l'entendement humain ou l'angélique ne peuvent imaginer (Rom. 5: 18). Et s'Il nous a tant enrichis au premier instant qu'Il entra dans le monde, quels trésors! quelle richesse de mérites ne nous a-t-Il pas laissés quand Il en sortit par Sa passion et Sa mort, après trente-trois ans de travaux et d'opérations si divines! O immense Amour! ô Charité sans terme, ô Miséricorde sans mesure! ô Piété très libérale! ô ingratitude et oubli très honteux des mortels à la vue d'un Bienfait aussi inouï qu'important! Qu'en aurait-il été de nous sans Lui? Et qu'aurions-nous fait envers ce Seigneur notre Rédempteur s'Il eut fait moins pour nous, puisque nous ne sommes pas émus ni touchés après qu'Il a fait tout ce qu'Il a pu? Si nous ne Lui correspondons point comme au Rédempteur qui nous donne la Vie et la Liberté éternelles, écoutons-Le au moins comme notre Maître, suivons-Le comme notre Capitaine, comme la Lumière et le Chef qui nous enseigne le chemin de notre véritable félicité.
3, 12, 149. Ce Seigneur et ce Maître ne travailla pas pour Lui-même, ni pour mériter la récompense de Son Ame très sainte ni les augmentations de Sa grâce, méritant tout cela pour nous, parce qu'Il n'en avait pas besoin, ni Il ne pouvait point recevoir d'augmentation de grâce ni de gloire, car Il en était tout rempli comme dit L'Évangéliste; parce qu'Il était le Fils Unique du Père, étant en même temps homme. Il n'eut point de semblable en cela il ne put en avoir; parce que tous les saints et toutes les pures créatures méritèrent pour elles-mêmes et travaillèrent pour la fin de leur récompense: seul L'Amour du Christ fut sans intérêt, tout pour nous. Et s'Il étudia et profita (Luc 2: 52) à l'école de l'expérience [a], Il fit encore cela pour nous enseigner et nous enrichir par l'expérience de l'obéissance (Heb. 5: et par les Mérites infinis qu'Il acquit, et par l'exemple qu'Il nous donna, afin que nous fussions doctes et sages (1 Pet. 2: 21) dans l'art de l'amour que l'on n'apprend point parfaitement par les seuls affections et les seuls désirs, si on ne les met en pratique par les oeuvres véritables et affectives. Je ne m'étendrai point dans les Mystères de la Très Sainte Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ à cause de mon incapacité, et je m'en remettrai aux Évangélistes, prenant seulement ce qui sera nécessaire pour cette divine Histoire de Sa Mère et Notre-Dame; parce que les Vies du Fils et de la Mère étant si jointes et si enchaînées qu'on ne peut éviter de prendre quelque chose des Évangélistes et d'y ajouter aussi d'autres choses qu'ils ne dirent point, parce que ce n'était pas nécessaire pour leur Histoire, ni pour les premiers temps de l'Église Catholique.
3, 12, 150. Toutes les opérations que j'ai dites que Notre Seigneur Jésus-Christ opéra dans l'instant de Sa conception furent suivies dans un autre instant de nature de la Vision béatifique de la Divinité qu'eut sa Très Sainte Mère, comme je l'ai déjà dit dans le chapitre précédent, numéro 139, et dans cet instant de temps il peut y en avoir plusieurs qui s'appellent de nature [b. La divine Souveraine connut clairement et distinctement dans cette vision le Mystère de l'union hypostatique des deux natures Divine et humaine dans la Personne du Verbe Éternel: et la Bienheureuse Trinité la confirma dans le Nom et le droit de Mère de Dieu, comme Elle l'était en toute rigueur et vérité, étant Mère naturelle d'un Fils qui était Dieu Éternel, avec la même certitude et la même vérité qu'Il était homme. Et quoique cette grande Dame ne coopérât point immédiatement à l'union de la Divinité avec l'Humanité, Elle ne perdait pas pour cela le droit de Mère du vrai Dieu; puisqu'Elle concourut en Lui fournissant la matière et coopérant avec ses puissances et autant qu'il la touchait comme Mère, et plus Mère que les autres: puisqu'en cette conception et cette génération Elle concourut seule sans l'opération d'un homme. Et comme dans les autres générations, on appelle père et mère les agents qui opèrent avec le concours naturel que la nature donne à chacun, bien qu'ils ne coopèrent pas immédiatement à la création de l'âme, ni à l'infusion de l'âme dans le corps de l'enfant; de même aussi et avec une plus grande raison la Très Sainte Mère devait s'appeler et s'appelle Mère de Dieu, puisqu'en la génération de Jésus-
Christ, vrai Dieu et vrai homme, Elle seule concourut comme Mère, sans autre cause naturelle; et moyennant ce concours et cette génération naquit le Christ Dieu-Homme [c].
3, 12, 151. Dans cette vision la Vierge Mère de Dieu connut de même tous les mystères futurs de la Vie et de la Mort de son Très doux Fils, de la Rédemption du genre humain et de la nouvelle Loi de l'Évangile qu'Il devait fonder avec Elle; et d'autres secrets grandioses et cachés qui ne furent manifestés à aucun autre saint. La Très Prudente Reine se voyant dans la claire Présence de la Divinité, et avec la plénitude de Science et de Dons qui lui furent donnés comme Mère du Verbe Elle s'humilia devant le trône de la Majesté immense et tout abîmée dans son humilité et son amour, Elle adora le Seigneur dans Son Etre infini et ensuite dans l'union de l'Humanité très sainte. Elle Lui rendit grâces pour le Bienfait et la Dignité de Mère qu'Elle avait reçue et pour la faveur que Sa Majesté faisait à tout le genre humain. Elle Lui donna louange et gloire pour tous les mortels. Elle s'offrit en sacrifice acceptable pour servir, élever et nourrir son Très Doux Fils et pour coopérer et L'assister autant qu'il était possible de son côté à l'Oeuvre de la Rédemption: et la Très Sainte Trinité l'accepta et la signala comme Coadjutrice pour ce sacrement [d]. Elle demanda une nouvelle grâce et une Lumière divine pour cela, et pour se gouverner dans la dignité et le ministère de Mère du Verbe Incarné, et Le traiter avec la vénération et la magnificence due au même Dieu. Elle offrit à son Très Saint Fils tous les futurs enfants d'Adam avec les pères des Limbes et au nom de tous et d'Elle-même, Elle fit beaucoup d'actes héroïques des vertus et de grandes prières que je ne m'arrêterai point à rapporter pour en avoir dit d'autres en différentes circonstances, d'où l'on peut inférer ce que devait faire la divine Reine en celle-ci qui surpassait tant tout le reste jusqu'à ce jour heureux et fortuné.
3, 12, 152. Dans la prière qu'Elle fit pour se gouverner dignement comme Mère du Fils Unique du Père, Elle fut plus instante et plus affectueuse avec le Très-Haut; parce que son humble Coeur l'obligeait à cela, et la raison de sa crainte était plus prochaine et Elle désirait être gouvernée dans cet office de Mère pour toutes ses actions. Le Très-Haut lui répondit: «Ma Colombe, ne crains point, car Je t'assisterai et te gouvernerai, ordonnant tout ce que tu auras à faire envers Mon Très Saint Fils.» Avec cette promesse, Elle revint et sortit de l'extase dans laquelle était arrivé tout ce que j'ai dit; et ce fut la plus admirable qu'Elle eut. Restituée à ses sens, la première chose qu'Elle fit fut de se prosterner en terre et d'adorer son Très Saint Fils, Dieu et homme, conçu dans son sein virginal; parce qu'Elle n'avait point fait cette action avec les sens corporels et extérieurs et cette Très Prudente Mère ne laissa passer ni ne manqua d'exécuter aucune de celles qu'Elle put faire en hommage àson Créateur. Dès lors Elle reconnut et sentit des effets divins et nouveaux dans son âme très sainte et dans toutes ses puissances intérieures et extérieures. Et quoique toute sa Vie Elle avait eu un état très noble dans la disposition de son âme et de son corps très saints; néanmoins depuis ce jour de l'Incarnation du Verbe, Elle demeura plus spiritualisée et plus divinisée, avec de nouvelles splendeurs de grâce et de dons indicibles.
3, 12, 153. Mais que personne ne pense que la Très Pure Mère reçut toutes ces faveurs et cette union avec la Divinité et l'Humanité de son Très Saint Fils, afin qu'Elle vécût toujours en délices spirituelles, jouissant et ne souffrant point. Il n'en fut pas ainsi; parce qu'à l'imitation de son Très Doux Fils dans la manière possible, cette Dame vécut jouissant et souffrant conjointement; la mémoire et la connaissance si sublime qu'Elle avait reçues des travaux et de la mort de son Très Saint Fils lui servant d'instrument tranchant pour son Coeur. Et cette douleur se mesure avec la science et l'amour qu'une telle Mère avait pour un tel Fils et qu'Elle devait avoir et qui lui étaient renouvelés fréquemment par Sa présence et Sa conversation. Et quoique toute la Vie de Jésus-Christ et celle de Sa Très Sainte Mère fussent un martyre continuel et un exercice de la Croix, souffrant des peines et des afflictions incessantes, néanmoins dans le Coeur très candide et très amoureux de notre divine Dame il y eut ce genre spécial de souffrances qu'Elle portait toujours présents les tourments, la Passion, la Mort, les ignominies de son Fils. Et par la douleur de trente-trois ans continus, Elle célébra la longue vigile de notre Rédemption; ce sacrement étant caché dans son Coeur seul, sans compagnie ni soulagement des créatures.
3, 12, 154. Avec cet amour douloureux, remplie d'une amère douceur, Elle avait coutume de considérer souvent son Très Saint Fils et Lui parlant de l'intime de son Coeur avant et après Sa naissance, Elle Lui répétait ces paroles: «O Maître et Seigneur de mon âme, Très Doux Fils de mes entrailles, comment m'avez-Vous donné la possession de Mère avec la douloureuse suspension de Vous perdre demeurant orpheline? A peine avez-Vous un corps où recevoir la vie que Vous connaissez déjà la sentence de Votre douloureuse Mort le rachat des hommes. La première de Vos Oeuvres serait déjà d'un prix et d'une satisfaction surabondante de leurs péchés! Oh! si la Justice du Père Éternel se donnait pour satisfaite avec cela, et si la mort et les tourments s'exécutaient en moi! Vous avez pris de mon sang et de mon être un corps sans lequel il ne Vous serait pas possible de souffrir, Vous qui êtes Dieu impassible et immortel. Puis si j'ai fourni l'instrument et le sujet des douleurs, que je souffre aussi avec Vous la même Mort. Oh! péché inhumain! Comment étant si cruel et la cause de tant de maux, as-tu mérité d'arriver à tant de fortune que ton Réparateur fût le même qui étant le Souverain Bien peut te rendre heureux [e]! O mon Très Doux Fils et mon Amour! qui pourrait Te servir de garde pour Te défendre de Tes ennemis! Oh! si c'était la Volonté du Père que je Te garderais et que je T'éloignerais de la mort, ou que je mourrais en ta compagnie et que Tu ne Te séparerais pas de la mienne! Mais il n'arrivera pas maintenant ce qui arriva au Patriarche Abraham, parce que ce qui est déterminé s'exécutera. Que la Volonté du Seigneur s'accomplisse.» Notre Reine répétait souvent ces soupirs amoureux comme je le dirai plus loin, le Père Éternel les acceptant comme sacrifice agréable et étant une douce récréation pour le Très Saint Fils.
DOCTRINE QUE ME DONNA NOTRE REINE ET NOTRE DAME.
3, 12, 155. Ma fille, puisque par la Foi et la Lumière divine tu arrives à connaître la grandeur de la Divinité et Sa Bonté ineffable d'être descendu du Ciel pour toi et pour tous les mortels, ne reçois point ces bienfaits pour qu'ils soient oisifs et sans fruit en toi. Adore l'Etre de Dieu avec un profond respect et loue-Le pour ce que tu connais de Sa Bonté. Ne reçois point la Lumière et la grâce en vain (2 Cor. 6: 1), et que ce que fit Mon Très Saint Fils et ce que je fis moi-même à Son imitation, comme tu l'as connu, te serve d'exemplaire et de stimulant; puisque, Lui étant Dieu véritable et moi Sa Mère, parce qu'en tant qu'homme Son Humanité très sainte était créée, nous reconnûmes notre être humain, nous nous humiliâmes et nous confessâmes la Divinité plus qu'aucune créature ne peut le comprendre. Cette révérence et ce culte tu dois l'offrir à Dieu en tout temps et en tout lieu sans distinction; mais plus spécialement lorsque tu reçois le même Seigneur sacramenté. Dans ce sacrement admirable, la Divinité et l'Humanité de mon Très Saint Fils viennent et demeurent en toi par une manière nouvelle et incompréhensible, et là se manifeste Sa Bonté magnifique peu considérée et peu respectée des mortels qui ne donnent point de retour à un Amour si grand.
3, 12, 156. Que ta reconnaissance soit donc accompagnée d'une humilité, d'un respect et d'un culte aussi profonds que toutes tes forces et tes puissances pourront y atteindre, puisque tout ce à quoi elles pourront s'avancer et s'étendre sera moins que ce que tu dois et ce que Dieu mérite. Et afin de suppléer autant que possible à ton insuffisance, offre ce que mon Très Saint Fils et moi avons fait et tu uniras ton esprit et ton affection avec ceux de l'Église triomphante et de l'Église militante: et avec eux tu demanderas que toutes les nations viennent à connaître, à confesser et à adorer leur vrai Dieu fait homme pour tous, offrant pour cela ta propre vie: et remercie pour les bienfaits qu'Il a accordés et qu'Il accorde à tous ceux qui Le connaissent et qui Le confessent et aussi à ceux qui L'ignorent et qui Le nient. Et ce que je veux surtout de toi, ma très chère, et ce qui sera très acceptable au Seigneur et à moi, très agréable, c'est que tu t'affliges et que tu gémisses avec une douce affection sur la grossièreté et l'ignorance, les délais et les dangers des enfants des hommes, et sur l'ingratitude des fidèles enfants de l'Église qui ont reçu la Lumière de la Foi divine et qui vivent si oublieux dans leur intérieur de ces Oeuvres et de ces Bienfaits de l'Incarnation, et même de Dieu; qui ne semblent se distinguer des infidèles que par quelques cérémonies et quelques oeuvres de culte extérieur; mais ils les font sans âme et sans sentiment du coeur, et souvent ils y offensent et provoquent la Justice divine qu'ils devraient apaiser.
3, 12, 157. Cette ignorance et cette torpeur viennent de ce qu'ils ne se disposent point pour obtenir et acquérir la vraie Science du Très-Haut; et ainsi ils méritent que la Lumière divine s'éloigne d'eux et les laisse dans la possession de leurs lourdes ténèbres, avec quoi ils se rendent plus indignes que les infidèles mêmes et leur châtiment sera sans comparaison plus grand. Afflige-toi d'une si grande perte de ton prochain et demandes-en le remède de l'intime de ton coeur. Et afin de t'éloigner davantage d'un danger si formidable ne nie point les faveurs et les bienfaits que tu reçois; ne les méprise point non plus et ne les oublie point avec un semblant d'humilité; souviens-toi et confère dans ton coeur de combien loin la
grâce du Très-Haut prit son cours pour t'appeler. Considère comment Il t'a attendue, te consolant, te rassurant dans tes doutes, pacifiant tes craintes, dissimulant et pardonnant tes fautes, multipliant les caresses, les faveurs et les bienfaits. Et je t'assure, ma fille, que tu dois confesser de coeur que le Très-Haut n'en a pas agi ainsi avec aucune autre génération, parce que tu ne valais ni ne pouvais rien, au contraire tu étais plus pauvre et plus inutile que les autres. Que ta reconnaissance soit plus grande que celle de toutes les créatures.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 12, [a]. "Il croissait en grâce", écrit l'Évangéliste saint Luc, sur quoi Suarez s'exprime ainsi: «Il croissait dans les effets, faisant des Oeuvres plus excellentes de Sa propre grâce, et quoiqu'Il ne devînt point plus Juste ni plus Saint, àcause de la Dignité infinie de Sa Personne et parce que dès le principe Il avait une grâce consommée, néanmoins Ses Oeuvres étaient suffisantes pour l'augmentation de la grâce, en tant qu'Elles contenaient un nouveau mérite.» [Voir son commentaire sur saint Thomas, III, p., q. 7, a. 12. Voir aussi saint Thomas, III, p. q. 19, a. 3 et 4].
3, 12, [b. Ces instants sont semblables aux instants angéliques qui ne consistent point dans la succession du temps, mais dans la succession des opérations, comme disent les théologiens. «Ils peut se faire» dit Billuart, «qu'un instant angélique corresponde à plusieurs instants de notre temps si la même opération continue quelque peu.» D'un autre côté plusieurs instants angéliques peuvent correspondre à un seul instant de notre temps, c'est-à-dire si en ce seul instant de temps ils passent d'une opération à une autre.
3, 12, [c]. Suarez parlant de la première cause efficiente de ce Mystère de l'Incarnation dit qu'elle ne pouvait vraisemblablement être faite que par Dieu seul, ne se trouvant aucune créature qui principalement ou instrumentalement put arriver à cette action surnaturelle par laquelle eût été faite l'union de l'humanité au Verbe; et la Bienheureuse Vierge concourut seulement à l'union naturelle de l'Ame et du corps et pour cela Elle est Mère de Dieu-Homme. [Suarez in III p., p. 2, disp. 10, sect. 1].
3, 12, [d]. Voici pourquoi les saints Pères l'appellent notre Corédemptrice. Et c'est aussi pourquoi saint Bernard disait: «Ceux qui habitent dans le Ciel et ceux qui sont dans l'Enfer, ceux qui nous ont précédés, nous qui sommes et ceux qui nous suivront, tous nous regardons Marie comme le "medium", comme l'Arche de Dieu, comme la cause des choses, comme l'affaire des siècles.» [Serm. 2, in Pentec.]. Voir Passoglia, [de Imm. Deip. conc. p. 3, c. 5].
3, 12, [e]. L'Église dans l'Éxultet de samedi saint chante du péché originel: "O heureuse faute qui a mérité un tel Rédempteur!"[/b]
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sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 13
Dans lequel est déclaré l'état où la Très Sainte Marie demeura après l'Incarnation du Verbe Divin dans son sein virginal.
3, 13, 158. Plus je vais en découvrant les effets divins et les dispositions qui résultèrent dans la Reine du Ciel après avoir conçu le Verbe Éternel, plus j'éprouve de difficultés pour continuer cette oeuvre, parce que je me trouve submergée en des mystères si sublimes et si profonds et avec des raisons et des termes si inégaux à ce que j'en conçois. Mais mon âme sent une telle suavité et une telle douceur dans ce propre défaut qu'elle ne me laisse point me repentir de tout ce que j'ai entrepris, et l'obéissance m'anime et m'oblige même à vaincre ce qui serait très violent dans un faible courage de femme, si la sécurité et la force de cet appui me manquait pour m'expliquer; et surtout dans ce chapitre où les dons de la gloire que les bienheureux goûtent dans le Ciel m'ont été proposés, avec lequel exemple je manifesterai ce que j'entends de l'état que la divine Impératrice Marie eut après qu'Elle fut Mère du même Dieu.
3, 13, 159. Je considère deux choses pour mon sujet dans les bienheureux: l'une de leur côté, l'autre du côté de Dieu même. De ce côté du Seigneur, il y a la Divinité claire et manifeste avec toutes Ses perfections et tous Ses attributs, ce qui s'appelle objet béatifique, gloire, félicité objective et dernière fin où se termine et se repose toute créature. Du côté des saints se trouvent les opérations béatifique de la vision et de l'amour, et d'autres qui suivent celles-ci dans cet état très heureux que ni les yeux n'ont vu, ni les oreilles n'ont entendu, et qui ne peut venir en la pensée des hommes (1 Cor. 2: 9). Parmi les dons et les effets de cette gloire qu'ont les saints, il y en a que l'on appelle dots et ils leur sont donnés comme à l'épouse pour l'état du mariage spirituel qu'ils doivent consommer dans la joie de la félicité éternelle. Et comme l'épouse temporelle acquiert le domaine et la possession de sa dot et l'usufruit est commun àelle et à l'époux; de même aussi dans la gloire ces dons sont donnés aux saints comme à eux en propre, et l'usage est commun àDieu, en tant qu'ils jouissent de ces dons ineffables, lesquels sont plus ou moins excellents, selon les mérites et la dignité de chacun. Mais il n'y a que les saints, qui sont de la nature de l'Époux Jésus-Christ notre Bien-Aimé, qui reçoivent ces dons, c'est-à-dire les hommes et non les Anges [a]; parce que le Verbe Incarné ne fit pas avec les Anges (Heb. 2: 16) les épousailles qu'Il célébra avec la nature humaine, S'unissant avec elle dans ce grand sacrement que dit l'Apôtre, dans le Christ et dans l'Église (Eph. 5: 32). Et comme l'Époux Jésus-Christ en tant qu'homme est composé comme les autres d'âme et de corps, et tout doit être glorifié en Sa présence; pour cela les dons de gloire appartiennent à l'âme et au corps. Il y en a trois qui se rapportent à l'âme et on les appelle: "Vision, Compréhension et Fruition" [b; et quatre au corps: "la Clarté, l'Impassibilité, la Subtilité et l'Agilité" [c]; et ils sont proprement les effets de la gloire que l'âme possède [d].
3, 13, 160. Notre Reine Marie eut en cette vie une participation de tous ces dons, spécialement après l'Incarnation du Verbe Éternel dans son sein virginal. Et quoiqu'il soit vrai que les dots sont données aux bienheureux comme compréhenseurs, en gage et en arrhes de l'éternelle et inamissible félicité, et comme en fermeté de cet état qui ne doit jamais changer; et pour cela elles ne sont pas concédées aux voyageurs; cependant elles furent concédées à la Très Sainte Marie dans une certaine manière, non comme compréhenseur, mais comme voyageuse, ni d'une manière stable, mais de temps en temps et de passage, et avec la différence que nous dirons. Et afin que l'on comprenne mieux l'excellence de ce rare bienfait envers la Souveraine Reine, il faut revenir à ce que nous avons dit dans le chapitre sept et dans les autres jusqu'à celui de l'Incarnation, où l'on déclare les dispositions et les épousailles avec lesquelles le Très-Haut prépara Sa Très Sainte Mère pour l'élever à cette dignité. Et le jour où le Verbe Divin prit chair humaine dans son sein virginal fut consommé ce mariage spirituel de quelque manière quant à cette Divine Dame, par la vision béatifique si excellente et si élevée qui lui fut accordée en ce jour, comme il a été dit, quoique pour tous les autres fidèles, ce fut comme des épousailles (Os. 2: 19) qui seront consommées en leur temps dans la céleste Patrie [e].
3, 13, 161. Notre grande Reine et Souveraine avait pour ces privilèges une autre condition; car Elle était exempte de tout péché actuel et de tout péché originel et confirmée en grâce avec une impeccabilité actuelle [f]: et avec ces conditions Elle était capable de célébrer ce mariage au nom de l'Église militante (Eph. 5: 33) et nous représenter tous en Elle, afin que dans le même moment
qu'Elle fut Mère du Rédempteur Ses mérites prévus s'appliquant à Elle, Elle demeura avec cette gloire et cette vision transitoire de la Divinité, comme caution que la même récompense ne serait refusée à aucun des enfants d'Adam, s'ils se disposaient à la mériter avec la grâce de leur Rédempteur. C'était en même temps un sujet de beaucoup d'agrément pour le Verbe divin fait homme que Son amour très ardent et Ses mérites infinis profitassent sitôt en Celle qui était tout à la fois Sa Mère, Sa première Épouse et le Tabernacle de la Divinité, et que là où il n'y avait point d'empêchement la récompense accompagnât le mérite. Et avec ces privilèges et ces faveurs que le Christ notre Bien-Aimé faisait à Sa Très Sainte Mère, Il satisfaisait et rassasiait en partie l'amour qu'Il avait pour Elle et pour tous les mortels; parce que c'était pour l'Amour Divin un trop long délai d'attendre trente-trois ans pour manifester Sa Divinité à Sa propre Mère. Et quoiqu'Il lui eût accordé d'autres fois ce bienfait, comme je l'ai dit dans la première partie, néanmoins dans cette occasion de l'Incarnation ce fut avec des conditions différentes, comme en imitation et en correspondance de la gloire que reçut l'âme Très Sainte de son Fils, quoique ce ne fût pas d'une manière permanente, mais de passage, en tant qu'il était compatible avec l'état commun de voyageur.
3, 13, 162. Conformément à cela, le jour que la Très Sainte Marie prit la royale possession de Mère du Verbe Éternel, le concevant dans ses entrailles, dans les épousailles que Dieu célébra avec notre nature, il nous donna droit à notre Rédemption, et dans la consommation de ce mariage spirituel, béatifiant Sa Très Sainte Mère et lui donnant les dots de la gloire, il nous fut promis la même chose pour récompense de nos mérites en vertu de ceux de son Très Saint Fils, notre Réparateur. Mais le Seigneur éleva de telle sorte Sa Mère au-dessus de toute la gloire des saints dans ce bienfait qu'Il lui fit en ce jour, que tous les Anges et les hommes ne pourront arriver dans le plus haut degré de leur vision et de leur amour béatifiques à celui qu'eut cette Divine Dame: et ce fut la même chose dans les dots qui rejaillirent de la gloire de l'âme au corps, parce que tout correspondait à l'innocence, à la sainteté et aux mérites qu'Elle avait; et ceux-ci correspondaient à la dignité suprême entre les créatures d'être Mère de leur créateur.
3, 13, 163. En revenant aux dots en particulier, la première de l'âme est la claire vision béatifique, qui correspond à la connaissance obscure de la foi des voyageurs. Cette vision fut accordée à la Très Sainte Marie dans les circonstances et dans les degrés que j'ai déclarés et que je dirai plus loin [g]. Hors cette vision intuitive, Elle en eut beaucoup d'autres abstractives de la Divinité, comme je l'ai déjà dit [h]. Et bien qu'Elles fussent toutes de passage, il en demeurait néanmoins dans son entendement des espèces si claires quoique différentes, qu'Elle jouissait avec ces espèces d'une connaissance et d'une Lumière de la Divinité si sublime qu'il n'y a point de termes pour l'expliquer; parce qu'en cela cette Dame fut singulière entre les créatures: et de cette manière l'effet de cette dot demeurait compatible avec son état de voyageuse. Et lorsque le Seigneur Se cachait parfois à Elle, suspendant l'effet de ces espèces pour d'autres fins sublimes, Elle usait de la seule Foi infuse, qui était surexcellente en Elle et très efficace. De sorte que d'une façon ou d'une autre, Elle ne perdait jamais de vue cet Objet divin et ce Bien suprême, ni les yeux de son âme ne s'en détournèrent jamais un seul instant; mais pendant le temps qu'Elle eut le Verbe fait chair dans son sein, Elle jouit beaucoup plus de la vue et des caresses de la Divinité.
3, 13, 164. La seconde dot est la "compréhension" ou "possession", ou "appréhension", qui est d'avoir obtenu la fin, qui correspond à l'espérance, et nous le cherchons par Elle, afin d'arriver à le posséder inamissiblement. La Très Sainte Marie eut cette possession ou compréhension dans les modes qui correspondent aux visions ou j'ai dites; parce que comme Elle voyait la Divinité, ainsi Elle la possédait. Et lorsqu'Elle demeurait dans la foi seule et pure, l'espérance était en Elle plus ferme et plus assurée qu'elle ne le fut et ne le sera en aucune pure créature: comme aussi sa foi était plus grande. Et outre cela, comme la fermeté et la possession se fondent beaucoup de la part de la créature dans la sainteté assurée et l'impeccabilité; de ce côté notre divine Dame était si privilégiée que sa fermeté et sa sécurité à posséder Dieu rivalisaient en quelque sorte, étant voyageuse avec la fermeté et la sécurité des bienheureux; parce que du côté de la sainteté irrépréhensible et impeccable, Elle était assurée de ne pouvoir jamais perdre Dieu, quoique la cause de cette sécurité en Elle voyageuse n'était pas la même qu'en eux glorieux. Dans le temps de sa grossesse, Elle eut cette possession de Dieu par diverses manières de grâces spéciales et miraculeuses par lesquelles le Très-Haut Se manifestait et S'unissait à son âme très pure.
3, 13, 165. La troisième dot est la "fruition" et elle correspond à la charité qui ne finit point, mais qui se perfectionne dans la gloire (1 Cor. 13: ; parce que la fruition consiste à aimer le Souverain Bien possédé; et c'est ce que fait la charité dans la Patrie, où de même qu'elle Le connaît et Le possède comme Il est en Lui-même, de même aussi elle L'aime pour Lui-même. Et quoique maintenant, pendant que nous sommes voyageurs nous L'aimons aussi pour Lui-même; néanmoins la différence est grande: car maintenant nous L'aimons avec désir et nous Le connaissons non comme Il est en Lui-même, mais comme Il nous est représenté dans des espèces étrangères ou en énigmes ((1 Cor. 13: 12); et ainsi notre amour n'est pas perfectionné; avec lui nous ne reposons point, ni ne recevons la plénitude de la joie, quoique nous en ayons beaucoup en L'aimant. Mais dans Sa claire Vue et Sa possession, nous Le verrons tel qu'Il est (1 Jean 3: 2) en Lui-même et par Lui-même, et non par énigmes; et pour cela nous L'aimerons comme Il doit être aimé et autant que nous pouvons L'aimer respectivement; et Il perfectionnera notre amour, satisfaisant tous nos désirs par Sa fruition sans nous laisser rien de plus à désirer.
3, 13, 166. La Très Sainte Marie eut cette dot avec de plus grandes qualités que tous en quelque manière; parce que son amour très ardent [étant donné qu'il ne fut inférieur en aucune condition à celui des bienheureux, même pendant qu'Elle était sans la claire vision de la Divinité] fut supérieur en plusieurs autres excellences, même dans l'état commun qu'Elle avait. Personne n'eut la Science divine de cette Souveraine, et avec cette science Elle connut comment Dieu doit être aimé pour Lui-même; et cette Science divine s'aidait des espèces et du souvenir de la même Divinité qu'Elle avait vue et dont Elle avait joui dans un plus haut degré que les Anges. Et comme son amour se mesurait avec cette connaissance de Dieu, il était conséquent qu'il surpassât celui de tous les bienheureux en tout ce qui n'est point la possession immédiate, et être dans le terme pour ne point croître ni s'augmenter [i]. Et si pour sa très profonde humilité, Le Seigneur permettait ou condescendait à donner lieu à ce qu'opérant comme voyageuse, Elle craignît avec révérence et travaillât pour ne point dégoûter son Bien-Aimé; néanmoins cet amour craintif était très parfait et pour Dieu même, et il causait en Elle une joie et une délectation incomparables, correspondant à la condition et à l'excellence du même amour Divin qu'Elle avait.
3, 13, 167. Quant aux dots du corps qui rejaillissent en lui de la gloire et des dots de l'âme, et qui sont une partie de la gloire accidentelle des bienheureux, je dis qu'elles servent pour la perfection des corps glorieux dans le sentiment et le mouvement; afin que tout ce qui est possible ils l'assimilent aux âmes, et que sans empêchement de leur matérialité terrestre, ils soient disposés pour obéir à la volonté des saints, qui dans ce très heureux état ne peut être imparfaite ni contraire à la Volonté divine. Les sens ont besoin de deux dots: l'une qui dispose à recevoir les espèces sensitives: et la dot de la "clarté" perfectionne ceci; une autre pour que le corps ne reçoive point les actions ou les passions nuisibles et corruptibles et "l'impassibilité" sert à cela. Il en faut d'autres pour le mouvement: l'une pour vaincre la résistance ou la lenteur de la part de sa propre gravité, et pour cela lui est accordée la dot de "l'agilité"; il en faut une autre pour vaincre la résistance étrangère des autres corps, et pour cela sert la "subtilité". Et avec ces dots les corps glorieux viennent à demeurer clairs, incorruptibles, agiles et subtils.
3, 13, 168. Notre grande Reine et Souveraine eut part en cette vie à tous ces privilèges. Parce que la dot de la clarté rend le corps glorieux capable de recevoir la lumière et de la projeter de soi-même conjointement, lui ôtant cette obscurité opaque et impure et le laissant plus transparent qu'un cristal très clair. Et lorsque la Très Sainte Marie jouissait de la vision claire et béatifique, son corps virginal participait à ce privilège au-dessus de tout ce que peut comprendre l'entendement humain. Et après ces visions il lui restait un genre de cette clarté et de cette pureté qui aurait fait un sujet d'admiration rare et étrange s'il eût été possible de la percevoir par les sens. Quelque chose s'en manifestait sur son très beau visage, comme je le dirai plus loin, et particulièrement dans la troisième partie, quoique tous ceux qui l'approchaient ne le vissent ni ne le connussent; parce que le Seigneur lui mettait un voile, afin que cette clarté ne se communiquât pas toujours ni indifféremment. Mais Elle sentait Elle-même le privilège de cette dot qui était pour d'autres cachée, dissimulée et suspendue; et Elle ne connaissait point l'embarras de l'opacité terrestre que nous autres, nous sentons.
3, 13, 169. Sainte Elisabeth connut quelque chose de cette clarté lorsque voyant la Très Sainte Marie elle s'exclama avec admiration et dit: «D'où me vient à moi que la Mère de mon Créateur vienne où je suis (Luc 1: 43)?» Le monde n'était point capable de connaître ce sacrement du Roi et ce n'était point le temps de le manifester: néanmoins Elle avait toujours le visage plus clair et plus lustré que les autres créatures; et pour le reste Elle avait une disposition au-dessus de tout ordre naturel des autres corps, ce qui causait en Elle comme une complexion très délicate et très spiritualisée, et comme un doux cristal animé qui n'avait point pour le tact l'aspérité de la chair, mais une suavité comme celle d'une soie floche très blanche et très fine, car je ne trouve point d'autres exemples pour me faire comprendre. Mais cela semblera peu dans la Mère de Dieu même puisqu'Elle Le portait dans son sein et Elle L'avait vu tant de fois et souvent Face à face, puisque Moïse à cause de la communication qu'il avait eue sur la montagne (Ex. 34: 29, 33) avec Dieu, communication de beaucoup inférieure à celle de la Très Sainte Marie, ne pouvait pas être regardé en face par les Hébreux et ceux-ci ne pouvaient supporter sa splendeur lorsqu'il descendit de la montagne. Et il n'y a point de doute que si par une Providence spéciale, le Seigneur n'avait caché et retenu la clarté qu'émettait la face et le corps de Sa Très Pure Mère, Elle eût illuminé le monde plus que mille soleils ensemble; et aucun des mortels n'eût pu supporter naturellement ses brillantes splendeurs, puisque même étant cachées et retenues on découvrait dans son Divin visage ce qui eût suffi pour causer en tous ceux qui la regardaient le même effet qu'en saint Denys l'Aréopagite lorsqu'il la vit [j].
3, 13, 170. L'impassibilité cause dans le corps glorieux une disposition par laquelle aucun agent, hors Dieu-même, ne peut l'altérer, ni le changer, quelque puissante que soit sa vertu active. Notre Reine participa à ce privilège de deux manières: l'une quant au tempérament du corps et de ses humeurs; car Elle les eut avec un poids et une mesure tels qu'Elle ne pouvait contracter ni souffrir de maladies, ni d'autres infirmités humaines qui naissent de l'inégalité des quatre humeurs; et de ce côté elle était presque impassible. L'autre fut par le domaine et l'empire puissant qu'Elle eut sur toutes les créatures, comme je l'ai déjà dit; parce qu'aucune ne l'eût offensée sans son consentement et sa volonté. Et nous pouvons ajouter une troisième participation de l'impassibilité, qui fut l'assistance de la vertu divine correspondante à son innocence. Parce que nos premiers parents dans le paradis n'eussent point souffert de mort violente s'ils avaient persévéré dans la justice originelle; [et ils eussent joui de ce privilège, non par une vertu intrinsèque ou inhérente parce que si une lance les eût blessés ils eussent pu mourir], mais par vertu assistante du Seigneur qui les eût gardés de n'être point blessés; avec plus de titre cette protection était due à l'innocence de l'Auguste Marie; et ainsi Elle en jouissait comme Souveraine, et les premiers parents l'eussent eue, ainsi que leurs descendants comme serviteurs et vassaux.
3, 13, 171. Notre humble Reine n'usa point de ces privilèges, parce qu'Elle y renonça pour imiter son Très Saint Fils, pour mériter et pour coopérer à notre Rédemption; car pour tout cela Elle voulut souffrir et Elle souffrit plus que les martyrs. On ne peut peser avec la raison humaine quelles furent ses afflictions dont nous parlerons en toute cette divine Histoire en en laissant beaucoup plus, parce que les raisons et les termes ordinaires n'arrivent point à les pondérer. Mais j'avertis de deux choses: l'une que les souffrances de notre Reine n'avaient point de relation aux péchés propres, puisqu'Elle n'en avait point; et ainsi Elle souffrait sans l'amertume et l'acerbité dont sont imprégnées les peines que nous souffrons par le souvenir et l'attention à nos propres péchés comme des sujets qui en ont commis. L'autre chose est que pour souffrir la Très Sainte Marie fut confortée divinement en correspondance de son très ardent amour; parce qu'Elle n'aurait pu supporter naturellement la souffrance autant que son amour le demandait et que le Très-Haut lui concédait pour ce même amour.
3, 13, 172. La subtilité est un privilège qui éloigne du corps glorieux la densité ou l'empêchement qu'il a par sa matière quantitative pour se pénétrer avec un autre semblable et être dans un même lieu avec lui; et ainsi le corps subtilisé du bienheureux demeure avec les conditions de l'esprit, car il peut sans difficulté pénétrer un autre corps quantitatif; et sans le diviser ni l'éloigner il se met dans le même lieu; comme le fit le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ en sortant du tombeau et en entrant où étaient les Apôtres, les portes étant fermées (Matt. 28: 2), et pénétrant les corps qui fermaient ces lieux. La Très Sainte Marie participa à cette dot non seulement pendant qu'Elle jouissait des visions béatifique; mais Elle l'eût ensuite comme à sa volonté pour en user souvent, comme il arriva en certaines apparitions qu'Elle fit corporellement dans sa Vie, comme nous le dirons plus loin, parce qu'en toutes ces apparitions Elle usa de la subtilité, pénétrant d'autres corps.
3, 13, 173. La dernière dot de l'agilité sert au corps glorieux de vertu si puissante pour se mouvoir d'un lieu à un autre, que sans empêchement de la gravité terrestre il se porterait d'un instant à l'autre en différents lieux, à la manière des esprits qui n'ont point de corps, et qui se meuvent par leur propre volonté. La Très Sainte Marie eut une admirable et continuelle participation de cette agilité qui lui résulta spécialement des visions Divines; parce qu'Elle ne sentait point dans son corps la gravité terrestre et pesante des autres, et ainsi Elle marchait sans la lenteur propre des autres, et sans fatigue Elle aurait pu se mouvoir très promptement sans ressentir d'accablement ni de fatigue comme nous. Et tout cela était conséquent à l'état et aux conditions de son corps si spiritualisé et si bien formé, et dans le temps qu'Elle portait dans son sein le Verbe Incarné Elle sentit moins le poids du corps quoique pour souffrir ce qui convenait Elle donnât lieu aux incommodités afin qu'elles opérassent en Elle et qu'elles la fatiguassent. Elle avait tous ces privilèges dans une manière si admirable et Elle en usait avec tant de perfection que je me trouve sans parole pour expliquer ce qui m'en a été manifesté; parce que c'est beaucoup plus que ce que j'ai dit et ce que je peux dire.
3, 13, 174. Reine du Ciel et ma Souveraine, après que Votre bonté m'a adoptée pour sa fille, Votre parole demeura en engagement d'être mon guide et ma Maîtresse. Avec cette foi, je m'enhardis à Vous proposer un doute dans lequel je me trouve. Comment ma Mère et ma Maîtresse Votre âme très sainte étant arrivée à voir Dieu et à jouir de Lui toutes les fois que Sa Majesté très sublime le disposa, n'étiez-Vous point toujours bienheureuse? Et comment ne disons-nous pas que Vous l'avez toujours été; puisqu'il n'y avait en Vous aucun péché ni aucun obstacle pour l'être, selon la Lumière qui m'à été donnée de Votre dignité et de Votre sainteté excellentes?
RÉPONSE ET DOCTRINE DE LA MÊME REINE ET SOUVERAINE.
3, 13, 175. Ma très chère fille, tu doutes comme celle qui m'aime et tu interroges comme celle qui ignore. Sache donc que la perpétuité et la durée est une des parties de la félicité et de la béatitude destinée pour les saints; parce qu'elle doit être tout à fait parfaite: et si elle n'était que pour quelque temps, il lui manquerait le complément et l'adéquation nécessaires pour être une souveraine et parfaite félicité. Il n'est pas non plus compatible, à cause de la loi commune et ordinaire, que la création soit glorieuse (1 Jean 4: 12) et qu'elle soit en même temps sujette à souffrir, quoiqu'elle n'ait point de péché. Et si mon Très Saint Fils S'en dispensa (Jean 1: 18) ce fut parce qu'étant vrai Dieu et vrai homme, son âme très sainte hypostatiquement unie à la Divinité ne devait point être privée de la vision béatifique (Jean 6: 46), et étant conjointement Rédempteur du genre humain, Il n'aurait pu souffrir ni payer la dette du péché qui est la peine, s'Il n'eût été passible dans son Corps. Mais moi, j'étais pure Créature et je ne devais pas toujours jouir de la vision due à Celui qui était Dieu. On ne pouvait pas non plus m'appeler toujours bienheureuse, parce que je ne l'étais qu'en passant. Et avec ces conditions j'étais bien disposée pour souffrir en certains temps et pour jouir en d'autres et la souffrance et le mérite furent plus continuels que cette jouissance, parce que j'étais voyageuse et non compréhenseur.
3, 13, 176. Et le Très-Haut a disposé par une Loi juste qu'on ne jouirait point des conditions de la Vie Éternel en cette vie mortelle (Ex. 33: 20) et que ce serait en passant par la mort corporelle que l'on viendrait à l'immortalité et les mérites ayant précédé dans l'état passible qui est celui de la vie présente des hommes. Et quoique la mort dans tous les enfants d'Adam soit le salaire (Rom. 6: 23) et le châtiment du péché et que par ce titre je n'avais point de part ni dans les autres effets ou châtiments du péché; néanmoins le Très-Haut ordonna que j'entrasse moi aussi dans la Vie et la félicité éternelles par le moyen de la mort corporelle comme le fit mon Très Saint Fils (Luc 24: 26); parce qu'Il n'y avait point en cela d'inconvénient pour moi, et il y avait plusieurs convenances à suivre le chemin royal de tous et à gagner de grands fruits de mérite et de gloire par le moyen de la souffrance et de la mort. Il y avait en cela une autre convenance pour les hommes, afin qu'ils connussent comment mon Très Saint Fils et moi qui étais Sa Mère nous étions de la véritable nature humaine comme les autres, puisque nous étions mortels comme eux. Et avec cette connaissance l'exemple que nous laissions aux hommes venait à être plus efficace pour imiter en chair passible les oeuvres que nous avions faites en elle, et tout rejaillissait en une plus grande gloire et une plus grande exaltation de mon Fils et mon Seigneur et de moi-même. Et tout cela se fût dissipé en vain si les visions de la Divinité eussent été continuelles en moi. Mais après que j'eus conçu le Verbe Éternel, les bienfaits et les faveurs furent plus fréquentes et plus grandes comme venant de Celui que j'avais plus proche et plus voisin.
3, 13, 177. Avec cela je réponds à ton doute. Et quoique tu aies compris et travaillé beaucoup pour manifester les privilèges et les effets que je goûtais dans la vie mortelle, il ne sera pas possible que tu pénètres tout ce qu'opérait en moi le bras puissant du Très-Haut. Et tu pourras en comprendre beaucoup plus que tu ne pourras en déclarer par des paroles matérielles. Sois attentive maintenant à la Doctrine conséquente à celle que je t'ai enseignée dans les chapitres précédents. Si je fus l'Exemplaire que tu dois imiter, recevant la venue de Dieu aux âmes et au monde, avec le respect, le culte, l'humilité, la reconnaissance et l'amour qu'on Lui doit; il sera conséquent que si tu le fais à mon imitation et la même chose des autres âmes, que le Très-Haut vienne à toi (Sag. 6: 15) pour opérer et te communiquer des effets Divins, comme Il le fit en moi: quoiqu'en toi et dans les autres ces effets soient inférieurs et moins efficaces. Parce que si la créature dès le commencement de l'usage de la raison, commençait à cheminer vers le Seigneur comme elle doit, dirigeant ses pas dans les droits sentiers du salut et de la vie, sa très sublime Majesté qui aime ces Ouvrages viendrait à sa rencontre (Sag. 6: 14), anticipant Ses faveurs et Sa communication; car le délai d'attendre la fin du pèlerinage Lui paraît trop long pour Se communiquer à Ses amis.
3, 13, 178. Et de là vient que par le moyen de la Foi, de l'Espérance et de la Charité, et par l'usage des sacrements dignement reçus, Il est communiqué aux âmes plusieurs effets divins que Sa Bonté leur donne. Les uns par le moyen commun de la grâce et d'autres par un ordre plus surnaturel et plus miraculeux, et chacun plus ou moins conformément à sa disposition et aux fins du même Seigneur, que l'on ne connaît point aussitôt. Et si les âmes ne mettaient point d'obstacle de leur côté, l'Amour divin serait aussi libéral envers elles qu'Il L'est avec quelques-uns qui se disposent, à qui Il donne une plus grande Lumière et une plus grande connaissance de Son Etre immuable, et avec une influence divine et très douce Il les transforme en Lui-même et Il leur communique plusieurs effets de la béatitude; parce qu'Il Se laisse tenir et Il permet qu'un âme jouisse de Lui par cet embrassement caché que senti l'épouse quand elle dit: «Je le tiens et ne le laisserai point (Cant 3: 4).» Et le Seigneur lui donne plusieurs gages et plusieurs signes de cette présence et de cette possession pour qu'elle Le possède dans un amour de quiétude comme les saints, quoique ce soit pour un temps limité. Car Il est très libéral, notre Dieu, notre Maître et notre Seigneur à rémunérer les objets d'amour et les travaux que la créature reçoit pour L'obliger, Le tenir et ne Le point perdre.
3, 13, 179. Et par cette douce violence de l'Amour, la créature défaut et meurt à tout ce qui est terrestre; car pour cela l'Amour s'appelle fort comme la mort (Cant. 8: 6). Et de cette mort, elle ressuscite à une vie spirituelle, où elle se rend capable de recevoir une nouvelle participation de la béatitude et de ses dots; parce qu'elle jouit plus fréquemment de l'ombre (Cant. 2: 3) et des doux fruits du Souverain Bien qu'elle aime. Et de ces mystères cachés il rejaillit à la partie inférieure et animale un genre de clarté qui la purifie des effets des ténèbres spirituelles, qui la rend forte et comme impassible pour souffrir et supporter tout ce qui est contraire à la nature de la chair; et elle désire avec une soif très subtile toutes les violences et les difficultés que souffre le royaume des cieux (Matt. 11: 12); elle demeure agile et sans la gravité terrestre; de sorte que souvent le corps même qui de soi est pesant, sent ce privilège, et avec cela lui deviennent faciles les travaux qui auparavant lui paraissaient lourds. Ma fille, tu as la science et l'expérience de tous ces effets, et je te les ai déclarés et représentés afin que tu disposes, que tu travailles davantage, et que tu procèdes de manière à ce que le Très-Haut, comme agent puissant et Divin te trouve une matière disposée et sans résistance ni obstacle pour opérer en toi Son bon plaisir.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 13, [a]. Saint Thomas prouve directement cette thèse: La raison des dots ne convient pas si proprement aux Anges qu'aux hommes. [Suppl. q. 95, a 4].
3, 13, [b. Selon saint Thomas la vision correspond à la Foi, la compréhension à l'Espérance et la fruition à la Charité. [I, q. 12, a 7-I, et supp. q. 95. a. 5].
3, 13, [c]. Ainsi parlent tous les théologiens, spécialement Suarez. [3 p., supp. q. 54, disp. 48].
3, 13, [d]. Ces dons du corps glorieux, écrit saint Thomas proviennent au corps de la rédondance de la gloire de l'âme. [3 p., q. 28, a. 2, ad 3].
3, 13, [e]. Les épousailles que le Verbe Éternel contracte avec la nature humaine moyennant l'Incarnation de doit pas passer à être un mariage spirituel consommé pour tous et pour chacun des fidèles sinon dans la céleste Patrie; excepté pour la Très Sainte Marie, ce mariage commença à se consommer dès le jour même de l'Incarnation moyennant la vision béatifique qu'Elle obtint alors.
3, 13, [f]. Voir Suarez [in III, q. 27, diss. 4, sect. 4].
3, 13, [g]. Livre 4, No. 473; Livre 5, No. 956; Livre 6, Nos. 1471, 1523; Livre 7, No. 62; Livre 8, Nos. 494, 603, 616, 654, 685.
3, 13, [h]. Livre 3, No. 161.
3, 13, [i]. Cela veut dire que la Très Sainte Marie surpassait les bienheureux dans l'amour Divin, avec cette différence qu'Elle n'était pas encore parvenue comme eux à la possession immédiate de Dieu, et que son amour était encore capable d'augmentation, pendant que celui des bienheureux dans le Ciel se trouve déjà à son terme. L'on a déjà expliqué ailleurs comment la Très Sainte Marie encore voyageuse put aimer Dieu plus que les compréhenseurs eux-mêmes, et c'est ainsi que saint François de Sales écrit dans son Théotime, appuyé de plusieurs autres.
3, 13, [j]. Saint Denys dans son épître à saint Paul.
Dans lequel est déclaré l'état où la Très Sainte Marie demeura après l'Incarnation du Verbe Divin dans son sein virginal.
3, 13, 158. Plus je vais en découvrant les effets divins et les dispositions qui résultèrent dans la Reine du Ciel après avoir conçu le Verbe Éternel, plus j'éprouve de difficultés pour continuer cette oeuvre, parce que je me trouve submergée en des mystères si sublimes et si profonds et avec des raisons et des termes si inégaux à ce que j'en conçois. Mais mon âme sent une telle suavité et une telle douceur dans ce propre défaut qu'elle ne me laisse point me repentir de tout ce que j'ai entrepris, et l'obéissance m'anime et m'oblige même à vaincre ce qui serait très violent dans un faible courage de femme, si la sécurité et la force de cet appui me manquait pour m'expliquer; et surtout dans ce chapitre où les dons de la gloire que les bienheureux goûtent dans le Ciel m'ont été proposés, avec lequel exemple je manifesterai ce que j'entends de l'état que la divine Impératrice Marie eut après qu'Elle fut Mère du même Dieu.
3, 13, 159. Je considère deux choses pour mon sujet dans les bienheureux: l'une de leur côté, l'autre du côté de Dieu même. De ce côté du Seigneur, il y a la Divinité claire et manifeste avec toutes Ses perfections et tous Ses attributs, ce qui s'appelle objet béatifique, gloire, félicité objective et dernière fin où se termine et se repose toute créature. Du côté des saints se trouvent les opérations béatifique de la vision et de l'amour, et d'autres qui suivent celles-ci dans cet état très heureux que ni les yeux n'ont vu, ni les oreilles n'ont entendu, et qui ne peut venir en la pensée des hommes (1 Cor. 2: 9). Parmi les dons et les effets de cette gloire qu'ont les saints, il y en a que l'on appelle dots et ils leur sont donnés comme à l'épouse pour l'état du mariage spirituel qu'ils doivent consommer dans la joie de la félicité éternelle. Et comme l'épouse temporelle acquiert le domaine et la possession de sa dot et l'usufruit est commun àelle et à l'époux; de même aussi dans la gloire ces dons sont donnés aux saints comme à eux en propre, et l'usage est commun àDieu, en tant qu'ils jouissent de ces dons ineffables, lesquels sont plus ou moins excellents, selon les mérites et la dignité de chacun. Mais il n'y a que les saints, qui sont de la nature de l'Époux Jésus-Christ notre Bien-Aimé, qui reçoivent ces dons, c'est-à-dire les hommes et non les Anges [a]; parce que le Verbe Incarné ne fit pas avec les Anges (Heb. 2: 16) les épousailles qu'Il célébra avec la nature humaine, S'unissant avec elle dans ce grand sacrement que dit l'Apôtre, dans le Christ et dans l'Église (Eph. 5: 32). Et comme l'Époux Jésus-Christ en tant qu'homme est composé comme les autres d'âme et de corps, et tout doit être glorifié en Sa présence; pour cela les dons de gloire appartiennent à l'âme et au corps. Il y en a trois qui se rapportent à l'âme et on les appelle: "Vision, Compréhension et Fruition" [b; et quatre au corps: "la Clarté, l'Impassibilité, la Subtilité et l'Agilité" [c]; et ils sont proprement les effets de la gloire que l'âme possède [d].
3, 13, 160. Notre Reine Marie eut en cette vie une participation de tous ces dons, spécialement après l'Incarnation du Verbe Éternel dans son sein virginal. Et quoiqu'il soit vrai que les dots sont données aux bienheureux comme compréhenseurs, en gage et en arrhes de l'éternelle et inamissible félicité, et comme en fermeté de cet état qui ne doit jamais changer; et pour cela elles ne sont pas concédées aux voyageurs; cependant elles furent concédées à la Très Sainte Marie dans une certaine manière, non comme compréhenseur, mais comme voyageuse, ni d'une manière stable, mais de temps en temps et de passage, et avec la différence que nous dirons. Et afin que l'on comprenne mieux l'excellence de ce rare bienfait envers la Souveraine Reine, il faut revenir à ce que nous avons dit dans le chapitre sept et dans les autres jusqu'à celui de l'Incarnation, où l'on déclare les dispositions et les épousailles avec lesquelles le Très-Haut prépara Sa Très Sainte Mère pour l'élever à cette dignité. Et le jour où le Verbe Divin prit chair humaine dans son sein virginal fut consommé ce mariage spirituel de quelque manière quant à cette Divine Dame, par la vision béatifique si excellente et si élevée qui lui fut accordée en ce jour, comme il a été dit, quoique pour tous les autres fidèles, ce fut comme des épousailles (Os. 2: 19) qui seront consommées en leur temps dans la céleste Patrie [e].
3, 13, 161. Notre grande Reine et Souveraine avait pour ces privilèges une autre condition; car Elle était exempte de tout péché actuel et de tout péché originel et confirmée en grâce avec une impeccabilité actuelle [f]: et avec ces conditions Elle était capable de célébrer ce mariage au nom de l'Église militante (Eph. 5: 33) et nous représenter tous en Elle, afin que dans le même moment
qu'Elle fut Mère du Rédempteur Ses mérites prévus s'appliquant à Elle, Elle demeura avec cette gloire et cette vision transitoire de la Divinité, comme caution que la même récompense ne serait refusée à aucun des enfants d'Adam, s'ils se disposaient à la mériter avec la grâce de leur Rédempteur. C'était en même temps un sujet de beaucoup d'agrément pour le Verbe divin fait homme que Son amour très ardent et Ses mérites infinis profitassent sitôt en Celle qui était tout à la fois Sa Mère, Sa première Épouse et le Tabernacle de la Divinité, et que là où il n'y avait point d'empêchement la récompense accompagnât le mérite. Et avec ces privilèges et ces faveurs que le Christ notre Bien-Aimé faisait à Sa Très Sainte Mère, Il satisfaisait et rassasiait en partie l'amour qu'Il avait pour Elle et pour tous les mortels; parce que c'était pour l'Amour Divin un trop long délai d'attendre trente-trois ans pour manifester Sa Divinité à Sa propre Mère. Et quoiqu'Il lui eût accordé d'autres fois ce bienfait, comme je l'ai dit dans la première partie, néanmoins dans cette occasion de l'Incarnation ce fut avec des conditions différentes, comme en imitation et en correspondance de la gloire que reçut l'âme Très Sainte de son Fils, quoique ce ne fût pas d'une manière permanente, mais de passage, en tant qu'il était compatible avec l'état commun de voyageur.
3, 13, 162. Conformément à cela, le jour que la Très Sainte Marie prit la royale possession de Mère du Verbe Éternel, le concevant dans ses entrailles, dans les épousailles que Dieu célébra avec notre nature, il nous donna droit à notre Rédemption, et dans la consommation de ce mariage spirituel, béatifiant Sa Très Sainte Mère et lui donnant les dots de la gloire, il nous fut promis la même chose pour récompense de nos mérites en vertu de ceux de son Très Saint Fils, notre Réparateur. Mais le Seigneur éleva de telle sorte Sa Mère au-dessus de toute la gloire des saints dans ce bienfait qu'Il lui fit en ce jour, que tous les Anges et les hommes ne pourront arriver dans le plus haut degré de leur vision et de leur amour béatifiques à celui qu'eut cette Divine Dame: et ce fut la même chose dans les dots qui rejaillirent de la gloire de l'âme au corps, parce que tout correspondait à l'innocence, à la sainteté et aux mérites qu'Elle avait; et ceux-ci correspondaient à la dignité suprême entre les créatures d'être Mère de leur créateur.
3, 13, 163. En revenant aux dots en particulier, la première de l'âme est la claire vision béatifique, qui correspond à la connaissance obscure de la foi des voyageurs. Cette vision fut accordée à la Très Sainte Marie dans les circonstances et dans les degrés que j'ai déclarés et que je dirai plus loin [g]. Hors cette vision intuitive, Elle en eut beaucoup d'autres abstractives de la Divinité, comme je l'ai déjà dit [h]. Et bien qu'Elles fussent toutes de passage, il en demeurait néanmoins dans son entendement des espèces si claires quoique différentes, qu'Elle jouissait avec ces espèces d'une connaissance et d'une Lumière de la Divinité si sublime qu'il n'y a point de termes pour l'expliquer; parce qu'en cela cette Dame fut singulière entre les créatures: et de cette manière l'effet de cette dot demeurait compatible avec son état de voyageuse. Et lorsque le Seigneur Se cachait parfois à Elle, suspendant l'effet de ces espèces pour d'autres fins sublimes, Elle usait de la seule Foi infuse, qui était surexcellente en Elle et très efficace. De sorte que d'une façon ou d'une autre, Elle ne perdait jamais de vue cet Objet divin et ce Bien suprême, ni les yeux de son âme ne s'en détournèrent jamais un seul instant; mais pendant le temps qu'Elle eut le Verbe fait chair dans son sein, Elle jouit beaucoup plus de la vue et des caresses de la Divinité.
3, 13, 164. La seconde dot est la "compréhension" ou "possession", ou "appréhension", qui est d'avoir obtenu la fin, qui correspond à l'espérance, et nous le cherchons par Elle, afin d'arriver à le posséder inamissiblement. La Très Sainte Marie eut cette possession ou compréhension dans les modes qui correspondent aux visions ou j'ai dites; parce que comme Elle voyait la Divinité, ainsi Elle la possédait. Et lorsqu'Elle demeurait dans la foi seule et pure, l'espérance était en Elle plus ferme et plus assurée qu'elle ne le fut et ne le sera en aucune pure créature: comme aussi sa foi était plus grande. Et outre cela, comme la fermeté et la possession se fondent beaucoup de la part de la créature dans la sainteté assurée et l'impeccabilité; de ce côté notre divine Dame était si privilégiée que sa fermeté et sa sécurité à posséder Dieu rivalisaient en quelque sorte, étant voyageuse avec la fermeté et la sécurité des bienheureux; parce que du côté de la sainteté irrépréhensible et impeccable, Elle était assurée de ne pouvoir jamais perdre Dieu, quoique la cause de cette sécurité en Elle voyageuse n'était pas la même qu'en eux glorieux. Dans le temps de sa grossesse, Elle eut cette possession de Dieu par diverses manières de grâces spéciales et miraculeuses par lesquelles le Très-Haut Se manifestait et S'unissait à son âme très pure.
3, 13, 165. La troisième dot est la "fruition" et elle correspond à la charité qui ne finit point, mais qui se perfectionne dans la gloire (1 Cor. 13: ; parce que la fruition consiste à aimer le Souverain Bien possédé; et c'est ce que fait la charité dans la Patrie, où de même qu'elle Le connaît et Le possède comme Il est en Lui-même, de même aussi elle L'aime pour Lui-même. Et quoique maintenant, pendant que nous sommes voyageurs nous L'aimons aussi pour Lui-même; néanmoins la différence est grande: car maintenant nous L'aimons avec désir et nous Le connaissons non comme Il est en Lui-même, mais comme Il nous est représenté dans des espèces étrangères ou en énigmes ((1 Cor. 13: 12); et ainsi notre amour n'est pas perfectionné; avec lui nous ne reposons point, ni ne recevons la plénitude de la joie, quoique nous en ayons beaucoup en L'aimant. Mais dans Sa claire Vue et Sa possession, nous Le verrons tel qu'Il est (1 Jean 3: 2) en Lui-même et par Lui-même, et non par énigmes; et pour cela nous L'aimerons comme Il doit être aimé et autant que nous pouvons L'aimer respectivement; et Il perfectionnera notre amour, satisfaisant tous nos désirs par Sa fruition sans nous laisser rien de plus à désirer.
3, 13, 166. La Très Sainte Marie eut cette dot avec de plus grandes qualités que tous en quelque manière; parce que son amour très ardent [étant donné qu'il ne fut inférieur en aucune condition à celui des bienheureux, même pendant qu'Elle était sans la claire vision de la Divinité] fut supérieur en plusieurs autres excellences, même dans l'état commun qu'Elle avait. Personne n'eut la Science divine de cette Souveraine, et avec cette science Elle connut comment Dieu doit être aimé pour Lui-même; et cette Science divine s'aidait des espèces et du souvenir de la même Divinité qu'Elle avait vue et dont Elle avait joui dans un plus haut degré que les Anges. Et comme son amour se mesurait avec cette connaissance de Dieu, il était conséquent qu'il surpassât celui de tous les bienheureux en tout ce qui n'est point la possession immédiate, et être dans le terme pour ne point croître ni s'augmenter [i]. Et si pour sa très profonde humilité, Le Seigneur permettait ou condescendait à donner lieu à ce qu'opérant comme voyageuse, Elle craignît avec révérence et travaillât pour ne point dégoûter son Bien-Aimé; néanmoins cet amour craintif était très parfait et pour Dieu même, et il causait en Elle une joie et une délectation incomparables, correspondant à la condition et à l'excellence du même amour Divin qu'Elle avait.
3, 13, 167. Quant aux dots du corps qui rejaillissent en lui de la gloire et des dots de l'âme, et qui sont une partie de la gloire accidentelle des bienheureux, je dis qu'elles servent pour la perfection des corps glorieux dans le sentiment et le mouvement; afin que tout ce qui est possible ils l'assimilent aux âmes, et que sans empêchement de leur matérialité terrestre, ils soient disposés pour obéir à la volonté des saints, qui dans ce très heureux état ne peut être imparfaite ni contraire à la Volonté divine. Les sens ont besoin de deux dots: l'une qui dispose à recevoir les espèces sensitives: et la dot de la "clarté" perfectionne ceci; une autre pour que le corps ne reçoive point les actions ou les passions nuisibles et corruptibles et "l'impassibilité" sert à cela. Il en faut d'autres pour le mouvement: l'une pour vaincre la résistance ou la lenteur de la part de sa propre gravité, et pour cela lui est accordée la dot de "l'agilité"; il en faut une autre pour vaincre la résistance étrangère des autres corps, et pour cela sert la "subtilité". Et avec ces dots les corps glorieux viennent à demeurer clairs, incorruptibles, agiles et subtils.
3, 13, 168. Notre grande Reine et Souveraine eut part en cette vie à tous ces privilèges. Parce que la dot de la clarté rend le corps glorieux capable de recevoir la lumière et de la projeter de soi-même conjointement, lui ôtant cette obscurité opaque et impure et le laissant plus transparent qu'un cristal très clair. Et lorsque la Très Sainte Marie jouissait de la vision claire et béatifique, son corps virginal participait à ce privilège au-dessus de tout ce que peut comprendre l'entendement humain. Et après ces visions il lui restait un genre de cette clarté et de cette pureté qui aurait fait un sujet d'admiration rare et étrange s'il eût été possible de la percevoir par les sens. Quelque chose s'en manifestait sur son très beau visage, comme je le dirai plus loin, et particulièrement dans la troisième partie, quoique tous ceux qui l'approchaient ne le vissent ni ne le connussent; parce que le Seigneur lui mettait un voile, afin que cette clarté ne se communiquât pas toujours ni indifféremment. Mais Elle sentait Elle-même le privilège de cette dot qui était pour d'autres cachée, dissimulée et suspendue; et Elle ne connaissait point l'embarras de l'opacité terrestre que nous autres, nous sentons.
3, 13, 169. Sainte Elisabeth connut quelque chose de cette clarté lorsque voyant la Très Sainte Marie elle s'exclama avec admiration et dit: «D'où me vient à moi que la Mère de mon Créateur vienne où je suis (Luc 1: 43)?» Le monde n'était point capable de connaître ce sacrement du Roi et ce n'était point le temps de le manifester: néanmoins Elle avait toujours le visage plus clair et plus lustré que les autres créatures; et pour le reste Elle avait une disposition au-dessus de tout ordre naturel des autres corps, ce qui causait en Elle comme une complexion très délicate et très spiritualisée, et comme un doux cristal animé qui n'avait point pour le tact l'aspérité de la chair, mais une suavité comme celle d'une soie floche très blanche et très fine, car je ne trouve point d'autres exemples pour me faire comprendre. Mais cela semblera peu dans la Mère de Dieu même puisqu'Elle Le portait dans son sein et Elle L'avait vu tant de fois et souvent Face à face, puisque Moïse à cause de la communication qu'il avait eue sur la montagne (Ex. 34: 29, 33) avec Dieu, communication de beaucoup inférieure à celle de la Très Sainte Marie, ne pouvait pas être regardé en face par les Hébreux et ceux-ci ne pouvaient supporter sa splendeur lorsqu'il descendit de la montagne. Et il n'y a point de doute que si par une Providence spéciale, le Seigneur n'avait caché et retenu la clarté qu'émettait la face et le corps de Sa Très Pure Mère, Elle eût illuminé le monde plus que mille soleils ensemble; et aucun des mortels n'eût pu supporter naturellement ses brillantes splendeurs, puisque même étant cachées et retenues on découvrait dans son Divin visage ce qui eût suffi pour causer en tous ceux qui la regardaient le même effet qu'en saint Denys l'Aréopagite lorsqu'il la vit [j].
3, 13, 170. L'impassibilité cause dans le corps glorieux une disposition par laquelle aucun agent, hors Dieu-même, ne peut l'altérer, ni le changer, quelque puissante que soit sa vertu active. Notre Reine participa à ce privilège de deux manières: l'une quant au tempérament du corps et de ses humeurs; car Elle les eut avec un poids et une mesure tels qu'Elle ne pouvait contracter ni souffrir de maladies, ni d'autres infirmités humaines qui naissent de l'inégalité des quatre humeurs; et de ce côté elle était presque impassible. L'autre fut par le domaine et l'empire puissant qu'Elle eut sur toutes les créatures, comme je l'ai déjà dit; parce qu'aucune ne l'eût offensée sans son consentement et sa volonté. Et nous pouvons ajouter une troisième participation de l'impassibilité, qui fut l'assistance de la vertu divine correspondante à son innocence. Parce que nos premiers parents dans le paradis n'eussent point souffert de mort violente s'ils avaient persévéré dans la justice originelle; [et ils eussent joui de ce privilège, non par une vertu intrinsèque ou inhérente parce que si une lance les eût blessés ils eussent pu mourir], mais par vertu assistante du Seigneur qui les eût gardés de n'être point blessés; avec plus de titre cette protection était due à l'innocence de l'Auguste Marie; et ainsi Elle en jouissait comme Souveraine, et les premiers parents l'eussent eue, ainsi que leurs descendants comme serviteurs et vassaux.
3, 13, 171. Notre humble Reine n'usa point de ces privilèges, parce qu'Elle y renonça pour imiter son Très Saint Fils, pour mériter et pour coopérer à notre Rédemption; car pour tout cela Elle voulut souffrir et Elle souffrit plus que les martyrs. On ne peut peser avec la raison humaine quelles furent ses afflictions dont nous parlerons en toute cette divine Histoire en en laissant beaucoup plus, parce que les raisons et les termes ordinaires n'arrivent point à les pondérer. Mais j'avertis de deux choses: l'une que les souffrances de notre Reine n'avaient point de relation aux péchés propres, puisqu'Elle n'en avait point; et ainsi Elle souffrait sans l'amertume et l'acerbité dont sont imprégnées les peines que nous souffrons par le souvenir et l'attention à nos propres péchés comme des sujets qui en ont commis. L'autre chose est que pour souffrir la Très Sainte Marie fut confortée divinement en correspondance de son très ardent amour; parce qu'Elle n'aurait pu supporter naturellement la souffrance autant que son amour le demandait et que le Très-Haut lui concédait pour ce même amour.
3, 13, 172. La subtilité est un privilège qui éloigne du corps glorieux la densité ou l'empêchement qu'il a par sa matière quantitative pour se pénétrer avec un autre semblable et être dans un même lieu avec lui; et ainsi le corps subtilisé du bienheureux demeure avec les conditions de l'esprit, car il peut sans difficulté pénétrer un autre corps quantitatif; et sans le diviser ni l'éloigner il se met dans le même lieu; comme le fit le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ en sortant du tombeau et en entrant où étaient les Apôtres, les portes étant fermées (Matt. 28: 2), et pénétrant les corps qui fermaient ces lieux. La Très Sainte Marie participa à cette dot non seulement pendant qu'Elle jouissait des visions béatifique; mais Elle l'eût ensuite comme à sa volonté pour en user souvent, comme il arriva en certaines apparitions qu'Elle fit corporellement dans sa Vie, comme nous le dirons plus loin, parce qu'en toutes ces apparitions Elle usa de la subtilité, pénétrant d'autres corps.
3, 13, 173. La dernière dot de l'agilité sert au corps glorieux de vertu si puissante pour se mouvoir d'un lieu à un autre, que sans empêchement de la gravité terrestre il se porterait d'un instant à l'autre en différents lieux, à la manière des esprits qui n'ont point de corps, et qui se meuvent par leur propre volonté. La Très Sainte Marie eut une admirable et continuelle participation de cette agilité qui lui résulta spécialement des visions Divines; parce qu'Elle ne sentait point dans son corps la gravité terrestre et pesante des autres, et ainsi Elle marchait sans la lenteur propre des autres, et sans fatigue Elle aurait pu se mouvoir très promptement sans ressentir d'accablement ni de fatigue comme nous. Et tout cela était conséquent à l'état et aux conditions de son corps si spiritualisé et si bien formé, et dans le temps qu'Elle portait dans son sein le Verbe Incarné Elle sentit moins le poids du corps quoique pour souffrir ce qui convenait Elle donnât lieu aux incommodités afin qu'elles opérassent en Elle et qu'elles la fatiguassent. Elle avait tous ces privilèges dans une manière si admirable et Elle en usait avec tant de perfection que je me trouve sans parole pour expliquer ce qui m'en a été manifesté; parce que c'est beaucoup plus que ce que j'ai dit et ce que je peux dire.
3, 13, 174. Reine du Ciel et ma Souveraine, après que Votre bonté m'a adoptée pour sa fille, Votre parole demeura en engagement d'être mon guide et ma Maîtresse. Avec cette foi, je m'enhardis à Vous proposer un doute dans lequel je me trouve. Comment ma Mère et ma Maîtresse Votre âme très sainte étant arrivée à voir Dieu et à jouir de Lui toutes les fois que Sa Majesté très sublime le disposa, n'étiez-Vous point toujours bienheureuse? Et comment ne disons-nous pas que Vous l'avez toujours été; puisqu'il n'y avait en Vous aucun péché ni aucun obstacle pour l'être, selon la Lumière qui m'à été donnée de Votre dignité et de Votre sainteté excellentes?
RÉPONSE ET DOCTRINE DE LA MÊME REINE ET SOUVERAINE.
3, 13, 175. Ma très chère fille, tu doutes comme celle qui m'aime et tu interroges comme celle qui ignore. Sache donc que la perpétuité et la durée est une des parties de la félicité et de la béatitude destinée pour les saints; parce qu'elle doit être tout à fait parfaite: et si elle n'était que pour quelque temps, il lui manquerait le complément et l'adéquation nécessaires pour être une souveraine et parfaite félicité. Il n'est pas non plus compatible, à cause de la loi commune et ordinaire, que la création soit glorieuse (1 Jean 4: 12) et qu'elle soit en même temps sujette à souffrir, quoiqu'elle n'ait point de péché. Et si mon Très Saint Fils S'en dispensa (Jean 1: 18) ce fut parce qu'étant vrai Dieu et vrai homme, son âme très sainte hypostatiquement unie à la Divinité ne devait point être privée de la vision béatifique (Jean 6: 46), et étant conjointement Rédempteur du genre humain, Il n'aurait pu souffrir ni payer la dette du péché qui est la peine, s'Il n'eût été passible dans son Corps. Mais moi, j'étais pure Créature et je ne devais pas toujours jouir de la vision due à Celui qui était Dieu. On ne pouvait pas non plus m'appeler toujours bienheureuse, parce que je ne l'étais qu'en passant. Et avec ces conditions j'étais bien disposée pour souffrir en certains temps et pour jouir en d'autres et la souffrance et le mérite furent plus continuels que cette jouissance, parce que j'étais voyageuse et non compréhenseur.
3, 13, 176. Et le Très-Haut a disposé par une Loi juste qu'on ne jouirait point des conditions de la Vie Éternel en cette vie mortelle (Ex. 33: 20) et que ce serait en passant par la mort corporelle que l'on viendrait à l'immortalité et les mérites ayant précédé dans l'état passible qui est celui de la vie présente des hommes. Et quoique la mort dans tous les enfants d'Adam soit le salaire (Rom. 6: 23) et le châtiment du péché et que par ce titre je n'avais point de part ni dans les autres effets ou châtiments du péché; néanmoins le Très-Haut ordonna que j'entrasse moi aussi dans la Vie et la félicité éternelles par le moyen de la mort corporelle comme le fit mon Très Saint Fils (Luc 24: 26); parce qu'Il n'y avait point en cela d'inconvénient pour moi, et il y avait plusieurs convenances à suivre le chemin royal de tous et à gagner de grands fruits de mérite et de gloire par le moyen de la souffrance et de la mort. Il y avait en cela une autre convenance pour les hommes, afin qu'ils connussent comment mon Très Saint Fils et moi qui étais Sa Mère nous étions de la véritable nature humaine comme les autres, puisque nous étions mortels comme eux. Et avec cette connaissance l'exemple que nous laissions aux hommes venait à être plus efficace pour imiter en chair passible les oeuvres que nous avions faites en elle, et tout rejaillissait en une plus grande gloire et une plus grande exaltation de mon Fils et mon Seigneur et de moi-même. Et tout cela se fût dissipé en vain si les visions de la Divinité eussent été continuelles en moi. Mais après que j'eus conçu le Verbe Éternel, les bienfaits et les faveurs furent plus fréquentes et plus grandes comme venant de Celui que j'avais plus proche et plus voisin.
3, 13, 177. Avec cela je réponds à ton doute. Et quoique tu aies compris et travaillé beaucoup pour manifester les privilèges et les effets que je goûtais dans la vie mortelle, il ne sera pas possible que tu pénètres tout ce qu'opérait en moi le bras puissant du Très-Haut. Et tu pourras en comprendre beaucoup plus que tu ne pourras en déclarer par des paroles matérielles. Sois attentive maintenant à la Doctrine conséquente à celle que je t'ai enseignée dans les chapitres précédents. Si je fus l'Exemplaire que tu dois imiter, recevant la venue de Dieu aux âmes et au monde, avec le respect, le culte, l'humilité, la reconnaissance et l'amour qu'on Lui doit; il sera conséquent que si tu le fais à mon imitation et la même chose des autres âmes, que le Très-Haut vienne à toi (Sag. 6: 15) pour opérer et te communiquer des effets Divins, comme Il le fit en moi: quoiqu'en toi et dans les autres ces effets soient inférieurs et moins efficaces. Parce que si la créature dès le commencement de l'usage de la raison, commençait à cheminer vers le Seigneur comme elle doit, dirigeant ses pas dans les droits sentiers du salut et de la vie, sa très sublime Majesté qui aime ces Ouvrages viendrait à sa rencontre (Sag. 6: 14), anticipant Ses faveurs et Sa communication; car le délai d'attendre la fin du pèlerinage Lui paraît trop long pour Se communiquer à Ses amis.
3, 13, 178. Et de là vient que par le moyen de la Foi, de l'Espérance et de la Charité, et par l'usage des sacrements dignement reçus, Il est communiqué aux âmes plusieurs effets divins que Sa Bonté leur donne. Les uns par le moyen commun de la grâce et d'autres par un ordre plus surnaturel et plus miraculeux, et chacun plus ou moins conformément à sa disposition et aux fins du même Seigneur, que l'on ne connaît point aussitôt. Et si les âmes ne mettaient point d'obstacle de leur côté, l'Amour divin serait aussi libéral envers elles qu'Il L'est avec quelques-uns qui se disposent, à qui Il donne une plus grande Lumière et une plus grande connaissance de Son Etre immuable, et avec une influence divine et très douce Il les transforme en Lui-même et Il leur communique plusieurs effets de la béatitude; parce qu'Il Se laisse tenir et Il permet qu'un âme jouisse de Lui par cet embrassement caché que senti l'épouse quand elle dit: «Je le tiens et ne le laisserai point (Cant 3: 4).» Et le Seigneur lui donne plusieurs gages et plusieurs signes de cette présence et de cette possession pour qu'elle Le possède dans un amour de quiétude comme les saints, quoique ce soit pour un temps limité. Car Il est très libéral, notre Dieu, notre Maître et notre Seigneur à rémunérer les objets d'amour et les travaux que la créature reçoit pour L'obliger, Le tenir et ne Le point perdre.
3, 13, 179. Et par cette douce violence de l'Amour, la créature défaut et meurt à tout ce qui est terrestre; car pour cela l'Amour s'appelle fort comme la mort (Cant. 8: 6). Et de cette mort, elle ressuscite à une vie spirituelle, où elle se rend capable de recevoir une nouvelle participation de la béatitude et de ses dots; parce qu'elle jouit plus fréquemment de l'ombre (Cant. 2: 3) et des doux fruits du Souverain Bien qu'elle aime. Et de ces mystères cachés il rejaillit à la partie inférieure et animale un genre de clarté qui la purifie des effets des ténèbres spirituelles, qui la rend forte et comme impassible pour souffrir et supporter tout ce qui est contraire à la nature de la chair; et elle désire avec une soif très subtile toutes les violences et les difficultés que souffre le royaume des cieux (Matt. 11: 12); elle demeure agile et sans la gravité terrestre; de sorte que souvent le corps même qui de soi est pesant, sent ce privilège, et avec cela lui deviennent faciles les travaux qui auparavant lui paraissaient lourds. Ma fille, tu as la science et l'expérience de tous ces effets, et je te les ai déclarés et représentés afin que tu disposes, que tu travailles davantage, et que tu procèdes de manière à ce que le Très-Haut, comme agent puissant et Divin te trouve une matière disposée et sans résistance ni obstacle pour opérer en toi Son bon plaisir.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 13, [a]. Saint Thomas prouve directement cette thèse: La raison des dots ne convient pas si proprement aux Anges qu'aux hommes. [Suppl. q. 95, a 4].
3, 13, [b. Selon saint Thomas la vision correspond à la Foi, la compréhension à l'Espérance et la fruition à la Charité. [I, q. 12, a 7-I, et supp. q. 95. a. 5].
3, 13, [c]. Ainsi parlent tous les théologiens, spécialement Suarez. [3 p., supp. q. 54, disp. 48].
3, 13, [d]. Ces dons du corps glorieux, écrit saint Thomas proviennent au corps de la rédondance de la gloire de l'âme. [3 p., q. 28, a. 2, ad 3].
3, 13, [e]. Les épousailles que le Verbe Éternel contracte avec la nature humaine moyennant l'Incarnation de doit pas passer à être un mariage spirituel consommé pour tous et pour chacun des fidèles sinon dans la céleste Patrie; excepté pour la Très Sainte Marie, ce mariage commença à se consommer dès le jour même de l'Incarnation moyennant la vision béatifique qu'Elle obtint alors.
3, 13, [f]. Voir Suarez [in III, q. 27, diss. 4, sect. 4].
3, 13, [g]. Livre 4, No. 473; Livre 5, No. 956; Livre 6, Nos. 1471, 1523; Livre 7, No. 62; Livre 8, Nos. 494, 603, 616, 654, 685.
3, 13, [h]. Livre 3, No. 161.
3, 13, [i]. Cela veut dire que la Très Sainte Marie surpassait les bienheureux dans l'amour Divin, avec cette différence qu'Elle n'était pas encore parvenue comme eux à la possession immédiate de Dieu, et que son amour était encore capable d'augmentation, pendant que celui des bienheureux dans le Ciel se trouve déjà à son terme. L'on a déjà expliqué ailleurs comment la Très Sainte Marie encore voyageuse put aimer Dieu plus que les compréhenseurs eux-mêmes, et c'est ainsi que saint François de Sales écrit dans son Théotime, appuyé de plusieurs autres.
3, 13, [j]. Saint Denys dans son épître à saint Paul.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 14
De l'attention et du soin que le Très Sainte Marie avait de sa grossesse et de certaines choses qui s'y passèrent.
3, 14, 180. Aussitôt que notre Reine et notre Souveraine fut revenue à ses sens de l'extase qu'Elle avait eue dans la Conception du Verbe fait chair, Elle se prosterna en terre et L'adora dans son sein comme il a été dit dans le chapitre 12, numéro 152. Elle continua cette adoration toute sa Vie, la commençant chaque jour à minuit et jusqu'à l'autre minuit suivant, Elle avait coutume de répéter les génuflexions trois cents fois [a], et plus si Elle en avait l'opportunité; et Elle fut plus diligente en cela pendant qu'Elle portait en Elle le Verbe Incarné. Et pour accomplir avec plénitude les nouvelles obligations où Elle se trouvait sans manquer à celles de son état, avec le nouveau dépôt du Père Éternel qu'Elle avait dans son sein virginal, Elle mit toute son attention et Elle fit plusieurs prières ferventes pour garder le Trésor du Ciel qui lui avait été confié. Elle dédia pour cela de nouveau son âme très sainte et ses puissances, exerçant toutes les actions des vertus dans un degré si héroïque et si suprême, qu'Elle causait une nouvelle admiration aux Anges mêmes. Elle dédia aussi et consacra toutes ses autres actions corporelles à la révérence et au service du Dieu-Homme enfant. Si Elle mangeait, dormait, travaillait et se reposait, Elle dirigeait tout cela à la nourriture et à la conservation de son Très Doux Fils, et en toutes ses oeuvres Elle s'embrasait dans l'Amour divin.
3, 14, 181. Le jour suivant l'Incarnation, les milles Anges qui l'assistaient se manifestèrent à Elle en forme corporelle, et avec une profonde humilité ils adorèrent leur Roi fait homme dans le sein de Sa Mère, et Elle, ils la reconnurent de nouveau pour leur Reine et leur Souveraine, et lui rendant le culte et la révérence qui lui étaient dus, ils lui dirent: «Maintenant, ônotre Reine, Vous êtes l'Arche véritable qui renfermez, et le Législateur et la Loi (Deut. 10: 5) et Vous gardez la Manne du Ciel qui est notre Pain véritable (Heb. 9: 4).Recevez, ô notre Reine, les félicitations de Votre dignité et de Votre suprême bonne fortune dont nous exaltons le Très-Haut, parce qu'Il Vous a justement choisie pour Sa Mère et Son Tabernacle. Nous Vous offrons de nouveau à Votre honneur et à Votre service pour Vous obéir comme des vassaux et des serviteurs du suprême Roi le Tout-Puissant dont Vous êtes la Mère véritable.» Cette offrande et cette nouvelle vénération des saints Anges renouvelèrent dans la Mère de la Sagesse des effets d'humilité, de connaissance et d'amour Divin incomparables. Parce que dans ce Coeur Très Prudent où était le poids du sanctuaire pour donner à toutes les choses la valeur et le prix qui leur est dû, Elle fit une grande pondération de se voir révérée et reconnue Reine et Souveraine des esprits angéliques et quoiqu'Elle le fût davantage d'être Mère du Roi et du Seigneur même de toutes les créatures; néanmoins tous ces bienfaits et toute cette dignité lui étaient manifestés davantage par les démonstrations et les égards des saints Anges.
3, 14, 182. Ils accomplissaient tous ces ministères comme ministres (Heb. 1: 14) du Très-Haut et exécuteurs de Sa Volonté. Et lorsque leur Reine, notre Souveraine était seule, ils l'assistaient tous en forme humaine et ils la suivaient dans ses actions et ses occupations corporelles: et si Elle travaillait de ses mains, ils lui fournissaient ce qui était nécessaire. Si par occasion Elle mangeait en l'absence de saint Joseph, ils lui servaient de valets en sa pauvre table et ses humbles aliments. Ils l'accompagnaient en tous lieux et ils lui faisaient escorte, et ils l'aidaient dans le service de saint Joseph. Avec toutes ces faveurs et tous ces secours la divine Dame n'oubliait point de demander permission au Maître des maîtres pour toutes les actions et les oeuvres qu'Elle devait faire et de solliciter Sa direction et Son assistance. Et tous ses exercices étaient si bien concertés et si bien gouvernés avec toute plénitude que le même Seigneur seul peut le comprendre et le pondérer.
3, 14, 183. Outre cet enseignement ordinaire dans le temps qu'Elle eut le Verbe Incarné dans ses entrailles très saintes, Elle sentait Sa divine Présence de diverse manières toutes admirables et très douces. Parfois Il lui était manifesté par vision abstractive, comme je l'ai déjà dit. D'autres fois Elle Le connaissait et Le voyait de la manière qu'Il était en Elle, uni hypostatiquement à la nature humaine. D'autres fois la Très Sainte Humanité lui était manifestée, comme s'Il l'eût regardée àtravers un cristal, le corps très pur de la Mère servant pour cela: et ce genre de vision était d'une jubilation et d'une consolation spéciale pour la grande Reine. D'autres fois Elle connaissait que de la Divinité il résultait dans le corps de l'Enfant-Dieu quelque influence de la gloire de Son âme très sainte par laquelle elle lui communiquait certains effets de béatitude et de gloire, spécialement la clarté et la lumière qui du corps naturel de l'Enfant résultait dans la Mère comme une irradiation ineffable et Divine. Et cette faveur la transformait tout entière en un autre être, enflammant son Coeur, et causant en elle des effets tels qu'aucune capacité de créature ne le peut expliquer. Que le jugement le plus élevé des suprêmes Séraphins s'étende et se dilate, et il demeurera opprimé de cette gloire (Prov. 25: 27), car toute cette divine Reine était un ciel intellectuel et animé, et en Elle seule était épiloguées la grandeur et la gloire que les amples confins des cieux mêmes ne peuvent embrasser ni ceindre (3 Rois 8: 27).
3, 14, 184. Ces bienfaits et d'autres s'alternaient et se succédaient selon les exercices de la divine Mère, avec la variété et la différence des opérations qu'Elle exerçait: les unes spirituelles, d'autres manuelles et corporelles: les unes pour servir son époux, d'autres en bienfaits du prochain; et cela joint et gouverné par la Sagesse d'une jeune Vierge faisait une harmonie admirable et très douce pour les oreilles du Seigneur, et admirable pour tous les esprits angéliques. Et lorsqu'au milieu de cette variété, la Maîtresse du monde demeurait davantage dans son état naturel, parce que le Très-Haut le disposait ainsi; Elle souffrait une langueur causée par la force et la violence de son amour même; car Elle peut dire en vérité ce que Salomon dit pour Elle au nom de l'Épouse: «Confortez-moi avec des fleurs, car je suis défaillante d'amour (Cant. 2: 5);» et il arrivait ainsi qu'avec la blessure pénétrante de cette très douce flèche, Elle arrivait à l'extrémité de la vie. Mais aussitôt le puissant bras du Très-Haut la confortait d'une manière surnaturelle.
3, 14, 185. Et parfois pour lui donner quelque soulagement sensible, par le commandement du même Seigneur, plusieurs petits oiseaux venaient la visiter; et comme s'ils eussent eu la raison, ils la saluaient avec leurs gestes, ils lui faisaient en choeur une musique très harmonieuse, et ils attendaient sa bénédiction pour prendre congé d'Elle. Ceci arriva spécialement aussitôt qu'Elle eût conçu le Verbe divin, comme lui faisant leurs félicitations de sa dignité après que les eurent faites les saints Anges. Et ce jour la Maîtresse des créatures leur parla, commandant à différentes sortes d'oiseaux qui étaient avec Elle de reconnaître leur Créateur, de Le chanter et de Le louer en reconnaissance de l'être et de la beauté qu'Il leur avait donnés. Et ils lui obéirent aussitôt comme à leur Maîtresse, ils firent des coeurs nouveaux et ils chantèrent avec une plus douce harmonie, et s'humiliant jusqu'à terre ils firent révérence au Créateur et à Sa Mère qui L'avait dans son sein. D'autres fois ils avaient coutume de lui porter des fleurs dans leurs becs, et ils les lui mettaient dans les mains, attendant qu'Elle leur commandât de chanter ou de se taire à sa volonté. Il arrivait ainsi que par les intempéries des saisons, certains petits oiseaux venaient au refuge de leur divine Maîtresse; et son Altesse les recevait et les nourrissait avec une affection admirable de leur innocence, glorifiant le Créateur de toutes choses [b.
3, 14, 186. Et ces merveilles ne doivent pas étonner notre tiédeur ignorante, car bien que la matière dans laquelle elles s'opéraient peut être estimée minime, cependant les Oeuvres du Très-Haut son toutes grandes et vénérables dans leurs fins; et aussi les oeuvres de notre Très Prudente Reine étaient grandioses en quelque matière qu'Elle les fit. Et se trouver-t-il quelqu'un assez ignorant ou assez téméraire, qui ne connaisse combien c'est un action digne de la créature raisonnable de connaître la participation de l'Etre de Dieu et de Ses perfections dans toutes Ses créatures, de Le chercher et de Le trouver, de Le bénir et de L'exalter en chacune d'elles, comme admirable, puissant, saint, libéral, comme la Très Sainte Marie le faisait, sans qu'il y eût ni temps, ni lieu, ni créature visible qui fût oiseuse pour elle? Et comment aussi ne se confondra point notre oubli très ingrat? Comment ne s'amollira pas notre dureté? Comment ne s'embrasera pas notre coeur tiède, nous trouvant repris et enseignés par les créatures irraisonnables qui pour cette seule participation de leur être reçu de l'Etre de Dieu, Le louaient sans L'offenser; et les hommes qui ont participé à l'Image et à la Ressemblance du même Dieu avec la capacité de Le connaître et de Le goûter éternellement, L'oublient sans Le connaître; s'ils Le connaissent ils ne Le louent point et sans vouloir Le servir ils L'offensent. De par aucun droit on ne doit les préférer aux brutes puisqu'ils sont pires qu'elles (Ps. 48: 13).
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE REINE NOTRE SOUVERAIN.
3, 14, 187. Ma fille, tu es prévenue de ma Doctrine jusqu'à présent pour désirer te procurer la science Divine que je désire beaucoup que tu apprennes, afin qu'avec elle tu entendes et connaisses profondément le décorum et la révérence avec laquelle tu dois traiter avec Dieu. Et je t'avertis de nouveau que cette science est très difficile parmi les mortels et qu'elle est désirée de bien peu, à leur très grand dommage et à cause de leur ignorance, parce que de là vient que lorsqu'ils arrivent à traiter avec le Très-Haut et de Son culte et de Son service, ils ne se font point une idée digne de Sa Grandeur infinie et ils ne se dépouillent point des images ténébreuses et des opérations terrestres qui les rendent endormis et charnels, indignes et improportionnées pour le commerce magnifique de la Divinité Souveraine. Et cette grossièreté est suivie d'un autre désordre, car s'ils traitent avec le prochain, ils se livrent sans ordre, sans mesure et sans mode aux actions sensitives, perdant totalement la mémoire et l'attention due à leur Créateur; et avec la même fureur de leurs passions, ils se livrent à toutes les choses terrestres.
3, 14, 188. Je veux donc, ma très chère, que tu t'éloignes de ce danger et que tu apprennes la science dont l'objet est l'Etre immuable de Dieu et Ses Attributs infinis; et tu dois Le connaître et t'unir avec Lui de telle manière qu'aucune chose créée ne s'interpose entre ton esprit et ton âme [c] et le véritable et Souverain Bien.
Tu dois L'avoir en vue en tout temps, en tout lieu et en toute occupation et opération, sans Le dégager (Cant. 3: 4) de cet intime embrassement de ton coeur. Et pour cela, je t'avertis et te commande de Le traiter avec magnificence, décorum, respect, accompagnés d'une crainte intime de ton coeur. Et je veux que tu traites avec estime et attention toutes les choses qui touchent à Son culte Divin. Et surtout pour entrer en Sa Présence par l'oraison et la prière, dépouille-toi de tout image sensible et terrestre. Et parce que la fragilité humaine ne peut toujours être stable dans la force de l'amour, ni souffrir ses mouvements violents à cause de l'être terrestre, reçois quelque soulagement décent et tel que tu puisses y trouver aussi le même Dieu: comme de Le louer dans la beauté des cieux et des étoiles, la variété des herbes, la paisible vue des champs, la force des éléments et surtout dans la nature des Anges et la gloire des Saints.
3, 14, 189. Mais tu seras toujours attentive sans jamais oublier cet enseignement, qu'en aucun cas ni en aucun travail tu ne cherches de soulagement et que tu n'acceptes de divertissement avec les créatures humaines; et parmi elles encore moins avec les hommes, parce que dans ton naturel faible et incliné à ne point donner de peine, tu rencontres du danger d'excéder et de passer la limite de ce qui est juste et permis, s'introduisant plus de goût sensible qu'il ne convient aux religieuses, aux épouses de mon Très Saint Fils. Cette négligence court risque dans toutes les créatures humaines parce que si l'on abandonne les rênes à la nature fragile, elle ne fait pas attention à la raison ni à la véritable Lumière de l'esprit; mais oubliant tout, elle suit àl'aveugle l'impétuosité de la passion et celle-ci son plaisir. La retraite et la clôture fut ordonnée pour les âmes consacrées àmon Fils et mon Seigneur contre ce danger général, afin de couper par la racine les malheureuse occasions de ces religieuses qui les cherchent par leur volonté et qui s'y livrent. Tes récréations, ma très chère, et celles de tes soeurs, ne doivent pas être si pleines de péril et de mortel venin; et tu dois toujours chercher de propos délibéré celles que tu trouveras dans le secret de ton coeur et dans la retraite de ton Époux, qui est fidèle à consoler celui qui est affligé et à assister celui qui est dans la tribulation (Ps. 90: 15).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 14, [a]. Saint Patrice, apôtre de l'Irlande faisait chaque jour trois cents génuflexions malgré ses grandes occupations épiscopales et apostoliques et il récitait tout le Psautier comme le rapporte le Bréviaire Romain dans sa vie. L'on ne doit donc point s'étonner que la Très Sainte Marie certainement plus fervente que lui en ait fait autant.
3, 14, [b. On lit des choses semblables de saint François d'Assise, de saint Joseph de Cupertino et d'autres saints.
3, 14, [c]. Les auteurs de mystique et spécialement sainte Thérèse, [Château int. 7e Dem.,] et sainte Catherine de Gênes mettent une différence notable entre l'esprit et l'âme de l'homme.
De l'attention et du soin que le Très Sainte Marie avait de sa grossesse et de certaines choses qui s'y passèrent.
3, 14, 180. Aussitôt que notre Reine et notre Souveraine fut revenue à ses sens de l'extase qu'Elle avait eue dans la Conception du Verbe fait chair, Elle se prosterna en terre et L'adora dans son sein comme il a été dit dans le chapitre 12, numéro 152. Elle continua cette adoration toute sa Vie, la commençant chaque jour à minuit et jusqu'à l'autre minuit suivant, Elle avait coutume de répéter les génuflexions trois cents fois [a], et plus si Elle en avait l'opportunité; et Elle fut plus diligente en cela pendant qu'Elle portait en Elle le Verbe Incarné. Et pour accomplir avec plénitude les nouvelles obligations où Elle se trouvait sans manquer à celles de son état, avec le nouveau dépôt du Père Éternel qu'Elle avait dans son sein virginal, Elle mit toute son attention et Elle fit plusieurs prières ferventes pour garder le Trésor du Ciel qui lui avait été confié. Elle dédia pour cela de nouveau son âme très sainte et ses puissances, exerçant toutes les actions des vertus dans un degré si héroïque et si suprême, qu'Elle causait une nouvelle admiration aux Anges mêmes. Elle dédia aussi et consacra toutes ses autres actions corporelles à la révérence et au service du Dieu-Homme enfant. Si Elle mangeait, dormait, travaillait et se reposait, Elle dirigeait tout cela à la nourriture et à la conservation de son Très Doux Fils, et en toutes ses oeuvres Elle s'embrasait dans l'Amour divin.
3, 14, 181. Le jour suivant l'Incarnation, les milles Anges qui l'assistaient se manifestèrent à Elle en forme corporelle, et avec une profonde humilité ils adorèrent leur Roi fait homme dans le sein de Sa Mère, et Elle, ils la reconnurent de nouveau pour leur Reine et leur Souveraine, et lui rendant le culte et la révérence qui lui étaient dus, ils lui dirent: «Maintenant, ônotre Reine, Vous êtes l'Arche véritable qui renfermez, et le Législateur et la Loi (Deut. 10: 5) et Vous gardez la Manne du Ciel qui est notre Pain véritable (Heb. 9: 4).Recevez, ô notre Reine, les félicitations de Votre dignité et de Votre suprême bonne fortune dont nous exaltons le Très-Haut, parce qu'Il Vous a justement choisie pour Sa Mère et Son Tabernacle. Nous Vous offrons de nouveau à Votre honneur et à Votre service pour Vous obéir comme des vassaux et des serviteurs du suprême Roi le Tout-Puissant dont Vous êtes la Mère véritable.» Cette offrande et cette nouvelle vénération des saints Anges renouvelèrent dans la Mère de la Sagesse des effets d'humilité, de connaissance et d'amour Divin incomparables. Parce que dans ce Coeur Très Prudent où était le poids du sanctuaire pour donner à toutes les choses la valeur et le prix qui leur est dû, Elle fit une grande pondération de se voir révérée et reconnue Reine et Souveraine des esprits angéliques et quoiqu'Elle le fût davantage d'être Mère du Roi et du Seigneur même de toutes les créatures; néanmoins tous ces bienfaits et toute cette dignité lui étaient manifestés davantage par les démonstrations et les égards des saints Anges.
3, 14, 182. Ils accomplissaient tous ces ministères comme ministres (Heb. 1: 14) du Très-Haut et exécuteurs de Sa Volonté. Et lorsque leur Reine, notre Souveraine était seule, ils l'assistaient tous en forme humaine et ils la suivaient dans ses actions et ses occupations corporelles: et si Elle travaillait de ses mains, ils lui fournissaient ce qui était nécessaire. Si par occasion Elle mangeait en l'absence de saint Joseph, ils lui servaient de valets en sa pauvre table et ses humbles aliments. Ils l'accompagnaient en tous lieux et ils lui faisaient escorte, et ils l'aidaient dans le service de saint Joseph. Avec toutes ces faveurs et tous ces secours la divine Dame n'oubliait point de demander permission au Maître des maîtres pour toutes les actions et les oeuvres qu'Elle devait faire et de solliciter Sa direction et Son assistance. Et tous ses exercices étaient si bien concertés et si bien gouvernés avec toute plénitude que le même Seigneur seul peut le comprendre et le pondérer.
3, 14, 183. Outre cet enseignement ordinaire dans le temps qu'Elle eut le Verbe Incarné dans ses entrailles très saintes, Elle sentait Sa divine Présence de diverse manières toutes admirables et très douces. Parfois Il lui était manifesté par vision abstractive, comme je l'ai déjà dit. D'autres fois Elle Le connaissait et Le voyait de la manière qu'Il était en Elle, uni hypostatiquement à la nature humaine. D'autres fois la Très Sainte Humanité lui était manifestée, comme s'Il l'eût regardée àtravers un cristal, le corps très pur de la Mère servant pour cela: et ce genre de vision était d'une jubilation et d'une consolation spéciale pour la grande Reine. D'autres fois Elle connaissait que de la Divinité il résultait dans le corps de l'Enfant-Dieu quelque influence de la gloire de Son âme très sainte par laquelle elle lui communiquait certains effets de béatitude et de gloire, spécialement la clarté et la lumière qui du corps naturel de l'Enfant résultait dans la Mère comme une irradiation ineffable et Divine. Et cette faveur la transformait tout entière en un autre être, enflammant son Coeur, et causant en elle des effets tels qu'aucune capacité de créature ne le peut expliquer. Que le jugement le plus élevé des suprêmes Séraphins s'étende et se dilate, et il demeurera opprimé de cette gloire (Prov. 25: 27), car toute cette divine Reine était un ciel intellectuel et animé, et en Elle seule était épiloguées la grandeur et la gloire que les amples confins des cieux mêmes ne peuvent embrasser ni ceindre (3 Rois 8: 27).
3, 14, 184. Ces bienfaits et d'autres s'alternaient et se succédaient selon les exercices de la divine Mère, avec la variété et la différence des opérations qu'Elle exerçait: les unes spirituelles, d'autres manuelles et corporelles: les unes pour servir son époux, d'autres en bienfaits du prochain; et cela joint et gouverné par la Sagesse d'une jeune Vierge faisait une harmonie admirable et très douce pour les oreilles du Seigneur, et admirable pour tous les esprits angéliques. Et lorsqu'au milieu de cette variété, la Maîtresse du monde demeurait davantage dans son état naturel, parce que le Très-Haut le disposait ainsi; Elle souffrait une langueur causée par la force et la violence de son amour même; car Elle peut dire en vérité ce que Salomon dit pour Elle au nom de l'Épouse: «Confortez-moi avec des fleurs, car je suis défaillante d'amour (Cant. 2: 5);» et il arrivait ainsi qu'avec la blessure pénétrante de cette très douce flèche, Elle arrivait à l'extrémité de la vie. Mais aussitôt le puissant bras du Très-Haut la confortait d'une manière surnaturelle.
3, 14, 185. Et parfois pour lui donner quelque soulagement sensible, par le commandement du même Seigneur, plusieurs petits oiseaux venaient la visiter; et comme s'ils eussent eu la raison, ils la saluaient avec leurs gestes, ils lui faisaient en choeur une musique très harmonieuse, et ils attendaient sa bénédiction pour prendre congé d'Elle. Ceci arriva spécialement aussitôt qu'Elle eût conçu le Verbe divin, comme lui faisant leurs félicitations de sa dignité après que les eurent faites les saints Anges. Et ce jour la Maîtresse des créatures leur parla, commandant à différentes sortes d'oiseaux qui étaient avec Elle de reconnaître leur Créateur, de Le chanter et de Le louer en reconnaissance de l'être et de la beauté qu'Il leur avait donnés. Et ils lui obéirent aussitôt comme à leur Maîtresse, ils firent des coeurs nouveaux et ils chantèrent avec une plus douce harmonie, et s'humiliant jusqu'à terre ils firent révérence au Créateur et à Sa Mère qui L'avait dans son sein. D'autres fois ils avaient coutume de lui porter des fleurs dans leurs becs, et ils les lui mettaient dans les mains, attendant qu'Elle leur commandât de chanter ou de se taire à sa volonté. Il arrivait ainsi que par les intempéries des saisons, certains petits oiseaux venaient au refuge de leur divine Maîtresse; et son Altesse les recevait et les nourrissait avec une affection admirable de leur innocence, glorifiant le Créateur de toutes choses [b.
3, 14, 186. Et ces merveilles ne doivent pas étonner notre tiédeur ignorante, car bien que la matière dans laquelle elles s'opéraient peut être estimée minime, cependant les Oeuvres du Très-Haut son toutes grandes et vénérables dans leurs fins; et aussi les oeuvres de notre Très Prudente Reine étaient grandioses en quelque matière qu'Elle les fit. Et se trouver-t-il quelqu'un assez ignorant ou assez téméraire, qui ne connaisse combien c'est un action digne de la créature raisonnable de connaître la participation de l'Etre de Dieu et de Ses perfections dans toutes Ses créatures, de Le chercher et de Le trouver, de Le bénir et de L'exalter en chacune d'elles, comme admirable, puissant, saint, libéral, comme la Très Sainte Marie le faisait, sans qu'il y eût ni temps, ni lieu, ni créature visible qui fût oiseuse pour elle? Et comment aussi ne se confondra point notre oubli très ingrat? Comment ne s'amollira pas notre dureté? Comment ne s'embrasera pas notre coeur tiède, nous trouvant repris et enseignés par les créatures irraisonnables qui pour cette seule participation de leur être reçu de l'Etre de Dieu, Le louaient sans L'offenser; et les hommes qui ont participé à l'Image et à la Ressemblance du même Dieu avec la capacité de Le connaître et de Le goûter éternellement, L'oublient sans Le connaître; s'ils Le connaissent ils ne Le louent point et sans vouloir Le servir ils L'offensent. De par aucun droit on ne doit les préférer aux brutes puisqu'ils sont pires qu'elles (Ps. 48: 13).
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE REINE NOTRE SOUVERAIN.
3, 14, 187. Ma fille, tu es prévenue de ma Doctrine jusqu'à présent pour désirer te procurer la science Divine que je désire beaucoup que tu apprennes, afin qu'avec elle tu entendes et connaisses profondément le décorum et la révérence avec laquelle tu dois traiter avec Dieu. Et je t'avertis de nouveau que cette science est très difficile parmi les mortels et qu'elle est désirée de bien peu, à leur très grand dommage et à cause de leur ignorance, parce que de là vient que lorsqu'ils arrivent à traiter avec le Très-Haut et de Son culte et de Son service, ils ne se font point une idée digne de Sa Grandeur infinie et ils ne se dépouillent point des images ténébreuses et des opérations terrestres qui les rendent endormis et charnels, indignes et improportionnées pour le commerce magnifique de la Divinité Souveraine. Et cette grossièreté est suivie d'un autre désordre, car s'ils traitent avec le prochain, ils se livrent sans ordre, sans mesure et sans mode aux actions sensitives, perdant totalement la mémoire et l'attention due à leur Créateur; et avec la même fureur de leurs passions, ils se livrent à toutes les choses terrestres.
3, 14, 188. Je veux donc, ma très chère, que tu t'éloignes de ce danger et que tu apprennes la science dont l'objet est l'Etre immuable de Dieu et Ses Attributs infinis; et tu dois Le connaître et t'unir avec Lui de telle manière qu'aucune chose créée ne s'interpose entre ton esprit et ton âme [c] et le véritable et Souverain Bien.
Tu dois L'avoir en vue en tout temps, en tout lieu et en toute occupation et opération, sans Le dégager (Cant. 3: 4) de cet intime embrassement de ton coeur. Et pour cela, je t'avertis et te commande de Le traiter avec magnificence, décorum, respect, accompagnés d'une crainte intime de ton coeur. Et je veux que tu traites avec estime et attention toutes les choses qui touchent à Son culte Divin. Et surtout pour entrer en Sa Présence par l'oraison et la prière, dépouille-toi de tout image sensible et terrestre. Et parce que la fragilité humaine ne peut toujours être stable dans la force de l'amour, ni souffrir ses mouvements violents à cause de l'être terrestre, reçois quelque soulagement décent et tel que tu puisses y trouver aussi le même Dieu: comme de Le louer dans la beauté des cieux et des étoiles, la variété des herbes, la paisible vue des champs, la force des éléments et surtout dans la nature des Anges et la gloire des Saints.
3, 14, 189. Mais tu seras toujours attentive sans jamais oublier cet enseignement, qu'en aucun cas ni en aucun travail tu ne cherches de soulagement et que tu n'acceptes de divertissement avec les créatures humaines; et parmi elles encore moins avec les hommes, parce que dans ton naturel faible et incliné à ne point donner de peine, tu rencontres du danger d'excéder et de passer la limite de ce qui est juste et permis, s'introduisant plus de goût sensible qu'il ne convient aux religieuses, aux épouses de mon Très Saint Fils. Cette négligence court risque dans toutes les créatures humaines parce que si l'on abandonne les rênes à la nature fragile, elle ne fait pas attention à la raison ni à la véritable Lumière de l'esprit; mais oubliant tout, elle suit àl'aveugle l'impétuosité de la passion et celle-ci son plaisir. La retraite et la clôture fut ordonnée pour les âmes consacrées àmon Fils et mon Seigneur contre ce danger général, afin de couper par la racine les malheureuse occasions de ces religieuses qui les cherchent par leur volonté et qui s'y livrent. Tes récréations, ma très chère, et celles de tes soeurs, ne doivent pas être si pleines de péril et de mortel venin; et tu dois toujours chercher de propos délibéré celles que tu trouveras dans le secret de ton coeur et dans la retraite de ton Époux, qui est fidèle à consoler celui qui est affligé et à assister celui qui est dans la tribulation (Ps. 90: 15).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 14, [a]. Saint Patrice, apôtre de l'Irlande faisait chaque jour trois cents génuflexions malgré ses grandes occupations épiscopales et apostoliques et il récitait tout le Psautier comme le rapporte le Bréviaire Romain dans sa vie. L'on ne doit donc point s'étonner que la Très Sainte Marie certainement plus fervente que lui en ait fait autant.
3, 14, [b. On lit des choses semblables de saint François d'Assise, de saint Joseph de Cupertino et d'autres saints.
3, 14, [c]. Les auteurs de mystique et spécialement sainte Thérèse, [Château int. 7e Dem.,] et sainte Catherine de Gênes mettent une différence notable entre l'esprit et l'âme de l'homme.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 15
La Très Sainte Marie connaît que la Volonté du Seigneur est qu'Elle aille visiter sainte Élisabeth: Elle demande permission à saint Joseph sans lui manifester autre chose.
3, 15, 190. Par la relation de l'Ambassadeur céleste saint Gabriel, la Très Sainte Marie connue que sa cousine Élisabeth que l'on connaissait pour sterile
avait conçu un fils et qu'elle était dans le sixième mois de sa grossesse (Luc 1: 36). Et ensuite dans l'une des visions intellectuelles qu'Elle eut, le Très-Haut lui révéla que le fils miraculeux qu'enfanterait Élisabeth serait grand devant le Seigneur même et qu'il serait Prophète et Précurseur du Verbe fait chair qu'Elle portait dans son sein virginal; et d'autres grands secrets de la sainteté et des mystères de saint Jean. Dans cette même vision et d'autres, la divine Reine connut aussi l'agrément et la Volonté du Seigneur qu'Elle allât visiter sa cousine Élisabeth, afin qu'elle et son fils demeurassent sanctifiés par la Présence de leur Réparateur; parce que Sa Majesté disposait d'étrenner Ses mérites et les effets de Sa venue au monde dans Son propre Précurseur lui communiquant le courant de Sa grâce Divine, avec laquelle il fût comme un fruit hâtif et anticipé de la Rédemption des hommes.
3, 15, 191. Par ce nouveau sacrement que la Très Prudente Vierge connut, Elle rendit grâces au Seigneur avec une jubilation admirable de son esprit, de ce qu'Il daignait faire cette faveur à l'âme de celui qui devait être Son Prophète et Son Précurseur et à sainte Élisabeth. Puis s'offrant pour l'accomplissement de la Volonté divine, Elle parla à Sa Majesté et Lui dit: «Très-Haut Seigneur, principe et cause de tout bien que Votre Nom soit éternellement glorifié et qu'Il soit connu et loué de toutes les nations. Je Vous rends d'humbles actions de grâces, moi la moindre des Créatures, pour la Miséricorde que Vous voulez montrer si libéralement envers Votre servant Élisabeth et envers son fils. S'il est agréable à Votre Volonté, veuillez m'enseigner ce en quoi je puis Vous servir aujourd'hui en cette Oeuvre, me voici prête, mon Seigneur à obéir avec promptitude à Vos divins commandements.» Le Très-Haut lui répondit: «Mon Amie et Ma Colombe choisie entre les créatures, Je te dis en vérité que par ton intercession et ton amour, J'assisterai comme Père et Dieu très libéral ta cousine Élisabeth et le fils qui naîtra d'elle, le choisissant pour Mon Prophète et le Précurseur du Verbe fait homme en toi; et Je les regarde comme tes choses propres et tes alliés. Et aussi Je veux que Mon Fils Unique et toi alliez visiter la Mère et racheter l'enfant des liens du premier péché, afin qu'avant le temps commun et ordinaire des autres hommes résonne la voix (Cant. 2: 14) de ses paroles et de sa louange à Mes oreilles, et qu'en sanctifiant son âme, les Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption lui soient révélés. Et pour cela, Je veux, Mon Épouse, que tu ailles visiter Élisabeth; parce que toutes les trois Personnes divines, nous choisissons son fils pour de grandes Oeuvres de Notre Volonté.»
3, 15, 192. A ce commandement du Seigneur, la Très Obéissante Mère répondit: «Vous savez bien, mon Maître et mon Seigneur, que tout mon Coeur et tous mes désirs sont dirigés vers Votre divine Volonté, et je veux accomplir avec diligence ce que Vous commandez à Votre humble servante. Donnez-moi, mon Bien-Aimé, Votre permission pour que je demande celle de mon époux Joseph et que je fasse ce voyage avec son obéissance et son agrément. Et afin que je ne m'éloigne point du Vôtre, gouvernez toutes mes actions et dirigez mes pas (Ps. 118: 133) à la plus grande gloire de Votre saint Nom; recevez pour cela mon sacrifice de sortir en public et de quitter ma solitude retirée. Et je voudrais, ô Roi et Dieu de mon âme, Vous offrir plus que mes désirs en cela, trouvant à souffrir pour Votre Amour, tout ce qui sera de Votre plus grand service et de Votre plus grand agrément; afin que l'affection de mon âme ne soi pas oisive.»
3, 15, 193. Notre grand Reine sortit de cette vision, et appelant les mille Anges de sa garde qui se manifestèrent à Elle en formes corporelles, Elle leur déclara le commandement du Très-Haut, leur demandant de l'assister dans ce voyage avec beaucoup de soin et de sollicitude, afin de lui enseigner à accomplir cette obédience avec le plus grand agrément du Seigneur et de la défendre et de la garder des dangers, afin qu'en tout ce qui se présenterait dans ce voyage Elle opérât parfaitement. Les saint Princes s'offrirent à lui obéir et à la servir avec une admirable soumission. C'est ce qu'avait coutume de faire en d'autres occasions la Maîtresse de toute prudence et de toute humilité, car étant plus sage et plus parfaite dans l'opération_que les Anges même, néanmoins à cause de son état de voyageuse et de la condition de la nature inférieure qu'Elle avait, pour donner toute plénitude de perfection à ses oeuvres, Elle consultait et invoquait ses saints Anges qui, étant inférieurs en sainteté, la gardaient et l'assistaient, et avec leur direction Elle disposait les actions humaines toutes gouvernées d'un autre côté par l'instinct de l'Esprit-Saint. Et les divins Esprits lui obéissaient avec la promptitude et la ponctualité propres à leur nature et due à leur Reine et leur Souveraine. Et ils lui parlaient et avaient avec Elle de très doux colloques qu'ils alternaient par des cantiques de souverain honneur et de sublimes louanges du Très-Haut. D'autres fois Elle traitait des Mystères très sublimes du Verbe Incarné, de l'union hypostatique, du sacrement de la Rédemption des hommes, des triomphes qu'Il remporterait, des fruits et des bienfaits que les mortels recevraient de Ses Oeuvres.
Et ce serait me rallonger beaucoup si je devais écrire tout ce qui m'a été manifesté dans cette partie.
3, 15, 194. L'humble Épouse détermina aussitôt de demander permission à saint Joseph pour mettre en oeuvre ce que le Très-Haut lui commandait, et sans lui manifester ce commandement, étant très prudente en tout, Elle lui dit un jour ces paroles: «Mon seigneur, et mon époux, j'ai connu par la Lumière divine comment la Bonté du Très-Haut a favorisé ma cousine Élisabeth, femme de Zacharie, lui donnant le fruit qu'elle demandait dans un fils qu'elle a conçu, et j'espère en Sa Bonté immense que ma cousine étant stérile et ce bienfait singulier lui ayant été concédé, le tout sera d'une complaisance et d'une gloire très grandes pour le Seigneur. Je juge que dans une circonstance telle que celle-ci, il me revient une obligation de convenance d'aller la visiter et de traiter avec elle de certaines choses convenables à sa consolation et à son bien spirituel. Si cette oeuvre est de votre goût, mon seigneur, je la ferai avec votre permission, étant soumise en tout à votre disposition et à votre volonté. Considérez vous-même ce qui est le meilleur et commandez-moi ce que je dois faire.»
3, 15, 195. Cette discrétion et ce silence remplis d'une si humble soumission dans la Très Sainte Marie furent très agréables au Seigneur, comme dignes de la capacité de cette divine Reine pour qu'Il put déposer dans son Coeur les plus grands sacrements du Roi (Tob. 12: 7). Et à cause de cela et de la confiance en sa fidélité avec laquelle cette grande Dame agissait, Sa Majesté disposa le coeur très pur de saint Joseph, lui donnant Sa divine Lumière pour ce qu'il devait faire conformément à la Volonté du même Seigneur. Telle est la récompense de l'humble qui demande conseil (Eccli. 32: 24) de le trouver sûr et avec une heureuse réussite. Et le zèle saint et discret pour le donner prudent quand on le demande en est aussi une conséquence. Avec cette discrétion, le saint époux répondit à notre Reine: «Vous savez, Madame et mon Épouse, que tous mes désirs sont de Vous servir avec toute mon attention et ma diligence; parce qu'à cause de Votre grande vertu je me fie, comme je le dois, que Votre volonté très droite ne s'inclinera à aucune chose qui ne soit pour le plus grand agrément et la plus grande gloire du Très-Haut, comme je crois que le sera ce voyage. Et afin que l'on ne trouve pas étrange que vous y alliez sans la compagnie de Votre époux, j'irai avec
beaucoup de plaisir pour prendre soin de Vous dans le chemin. Déterminez le jour afin que nous y allions ensemble.»
3, 15, 196. La Très Sainte Marie remercia son très prudent époux Joseph de sa soigneuse affection et de ce qu'il coopérait si attentivement à la Volonté divine en ce qu'il savait être de Son service et de Sa gloire: et ils déterminèrent tous deux de partir pour la maison d'Élisabeth, préparant sans retard tout le nécessaire pour le voyage, qui se résuma tout en un peu de fruits, du pain et quelques petits poissons que saint Joseph porta, et en une humble petite bête qu'il chercha à titre d'emprunt pour porter tout l'équipage et son Épouse la Reine de toutes les créatures. Et avec ces préparatifs ils partirent de Nazareth pour la Judée (Luc 1: 39) et je poursuivrai le voyage dans le chapitre suivant. Mais au sortir de sa pauvre maison, la grande Dame se mit à genoux aux pieds de saint Joseph et lui demanda sa bénédiction, afin de commencer le voyage au Nom du Seigneur. Le saint se recueillit en lui-même voyant l'humilité si rare de son Épouse qu'il connaissait déjà par tant d'expériences, et il tardait à la bénir. Marie le vainquirent et il la bénit au Nom du Très-Haut. Aux premiers pas la divine Souveraine leva les yeux aux Ciel et le Coeur à Dieu, les dirigeant à accomplir la Volonté divine, portant dans son sein le Fils Unique du Père et le sien pour sanctifier Jean dans celui de sa Mère Élisabeth.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE REINE ET MAÎTRESSE.
3, 15, 197. Ma très chère fille, je t'ai confié et manifesté plusieurs fois l'amour de mon coeur; parce que je désire grandement qu'il s'allume dans le tien et que tu profites de la doctrine que je te donne. Heureuse est l'âme à qui Dieu manifeste Sa volonté sainte et parfaite; mais plus heureuse et plus fortunée est celle qui la connaissant met en exécution ce qu'elle a connu. Dieu enseigne aux mortels le chemin et les sentiers de la Vie Éternelle par plusieurs moyens; par les Évangiles et les saintes Écritures, par les sacrements et les lois de la Sainte Église, par d'autres livres et les exemples des saints, et spécialement par le moyen de la doctrine et de l'obéissance de Ses ministres, de qui Sa Majesté a dit: «Qui vous écoute M'écoute (Luc 10: 16)», que de leur obéir est obéir au Seigneur même. Lorsque tu arriveras par quelques-unes de ces voies à connaître la Volonté divine,
je veux de toi qu'avec un vol très rapide, l'humilité et l'obéissance te servant d'ailes, ou avec la vivacité de l'éclair, tu sois prompte à l'exécuter et à accomplir la Volonté divine.
3, 15, 198. Outre ces manières d'enseignement, le Très-Haut en a d'autres pour diriger les âmes, leur intimant Sa Volonté très parfaite surnaturellement, où Il leur révèle plusieurs sacrements. Cet ordre a ses différents degrés; et tous ne sont pas ordinaires ni communs aux âmes; parce que le Très-Haut dispense Sa Lumière avec mesure et poids; parfois Il parle au coeur et aux sens intérieurs avec empire, d'autres fois en corrigeant, d'autres fois en avertissant et en enseignant, d'autres fois Il meut le coeur afin que celui-ci Le cherche; d'autres fois Il lui propose clairement ce que le même Seigneur désire, afin que l'âme se meuve à l'exécuter; et d'autres fois enfin Il a coutume de présenter en soi-même, comme dans un clair miroir de grands mystères que l'entendement voit et connaît et que la volonté aime. Mais toujours ce grand Dieu et ce Bien suprême est très doux àcommander, très puissant à donner des forces pour obéir, très Juste dans Ses ordres, très prompt à disposer les choses pour être obéi et très efficace à vaincre les empêchements afin que Sa Très Sainte Volonté s'accomplisse.
3, 15, 199. Je veux, ma fille, que tu sois très attentive à recevoir la Lumière divine et à L'exécuter très promptement et très diligemment: et pour écouter le Seigneur et pour percevoir cette Voix si délicate et si spiritualisée, il faut que les puissances de l'âme soient purgées de la grossièreté terrestre et que toute la créature vive selon l'esprit; parce que l'homme animal (1 Cor. 2: 14) ne perçoit pas les choses élevées et divines. Sois donc attentive à Son secret et oublie tout ce qui est du dehors; écoute, ma fille, et incline ton oreille (Ps. 44: 11), débarrassée de tout ce qui est visible. Et aime afin d'être diligente; car l'amour est un feu qui ne sait point retarder ses effets là où il trouve la matière disposée; et je veux que ton coeur soit toujours disposé et préparé. Et lorsque le Très-Haut te commandera ou t'enseignera quelque chose au bénéfice des âmes, et surtout pour leur salut éternel, offre-toi avec soumission, parce qu'elles sont le prix le plus estimable du Sang de l'Agneau (1 Pet. 1: 18-19) et de l'amour Divin. Ne sois pas empêchée pour cela par ta propre bassesse et ta timidité; mais vaincs la crainte qui te rend pusillanime: car si tu vaux peu et si tu es inutile pour tout, le Très-Haut est riche (Rom. 10: 12), puissant, grand et il fait toutes les choses (Is. 44: 24) par Lui-même et ta
promptitude et ton affection ne sera pas privée de récompense bien que je veuille que tu ne te meuves que pour plaire au Seigneur
La Très Sainte Marie connaît que la Volonté du Seigneur est qu'Elle aille visiter sainte Élisabeth: Elle demande permission à saint Joseph sans lui manifester autre chose.
3, 15, 190. Par la relation de l'Ambassadeur céleste saint Gabriel, la Très Sainte Marie connue que sa cousine Élisabeth que l'on connaissait pour sterile
avait conçu un fils et qu'elle était dans le sixième mois de sa grossesse (Luc 1: 36). Et ensuite dans l'une des visions intellectuelles qu'Elle eut, le Très-Haut lui révéla que le fils miraculeux qu'enfanterait Élisabeth serait grand devant le Seigneur même et qu'il serait Prophète et Précurseur du Verbe fait chair qu'Elle portait dans son sein virginal; et d'autres grands secrets de la sainteté et des mystères de saint Jean. Dans cette même vision et d'autres, la divine Reine connut aussi l'agrément et la Volonté du Seigneur qu'Elle allât visiter sa cousine Élisabeth, afin qu'elle et son fils demeurassent sanctifiés par la Présence de leur Réparateur; parce que Sa Majesté disposait d'étrenner Ses mérites et les effets de Sa venue au monde dans Son propre Précurseur lui communiquant le courant de Sa grâce Divine, avec laquelle il fût comme un fruit hâtif et anticipé de la Rédemption des hommes.
3, 15, 191. Par ce nouveau sacrement que la Très Prudente Vierge connut, Elle rendit grâces au Seigneur avec une jubilation admirable de son esprit, de ce qu'Il daignait faire cette faveur à l'âme de celui qui devait être Son Prophète et Son Précurseur et à sainte Élisabeth. Puis s'offrant pour l'accomplissement de la Volonté divine, Elle parla à Sa Majesté et Lui dit: «Très-Haut Seigneur, principe et cause de tout bien que Votre Nom soit éternellement glorifié et qu'Il soit connu et loué de toutes les nations. Je Vous rends d'humbles actions de grâces, moi la moindre des Créatures, pour la Miséricorde que Vous voulez montrer si libéralement envers Votre servant Élisabeth et envers son fils. S'il est agréable à Votre Volonté, veuillez m'enseigner ce en quoi je puis Vous servir aujourd'hui en cette Oeuvre, me voici prête, mon Seigneur à obéir avec promptitude à Vos divins commandements.» Le Très-Haut lui répondit: «Mon Amie et Ma Colombe choisie entre les créatures, Je te dis en vérité que par ton intercession et ton amour, J'assisterai comme Père et Dieu très libéral ta cousine Élisabeth et le fils qui naîtra d'elle, le choisissant pour Mon Prophète et le Précurseur du Verbe fait homme en toi; et Je les regarde comme tes choses propres et tes alliés. Et aussi Je veux que Mon Fils Unique et toi alliez visiter la Mère et racheter l'enfant des liens du premier péché, afin qu'avant le temps commun et ordinaire des autres hommes résonne la voix (Cant. 2: 14) de ses paroles et de sa louange à Mes oreilles, et qu'en sanctifiant son âme, les Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption lui soient révélés. Et pour cela, Je veux, Mon Épouse, que tu ailles visiter Élisabeth; parce que toutes les trois Personnes divines, nous choisissons son fils pour de grandes Oeuvres de Notre Volonté.»
3, 15, 192. A ce commandement du Seigneur, la Très Obéissante Mère répondit: «Vous savez bien, mon Maître et mon Seigneur, que tout mon Coeur et tous mes désirs sont dirigés vers Votre divine Volonté, et je veux accomplir avec diligence ce que Vous commandez à Votre humble servante. Donnez-moi, mon Bien-Aimé, Votre permission pour que je demande celle de mon époux Joseph et que je fasse ce voyage avec son obéissance et son agrément. Et afin que je ne m'éloigne point du Vôtre, gouvernez toutes mes actions et dirigez mes pas (Ps. 118: 133) à la plus grande gloire de Votre saint Nom; recevez pour cela mon sacrifice de sortir en public et de quitter ma solitude retirée. Et je voudrais, ô Roi et Dieu de mon âme, Vous offrir plus que mes désirs en cela, trouvant à souffrir pour Votre Amour, tout ce qui sera de Votre plus grand service et de Votre plus grand agrément; afin que l'affection de mon âme ne soi pas oisive.»
3, 15, 193. Notre grand Reine sortit de cette vision, et appelant les mille Anges de sa garde qui se manifestèrent à Elle en formes corporelles, Elle leur déclara le commandement du Très-Haut, leur demandant de l'assister dans ce voyage avec beaucoup de soin et de sollicitude, afin de lui enseigner à accomplir cette obédience avec le plus grand agrément du Seigneur et de la défendre et de la garder des dangers, afin qu'en tout ce qui se présenterait dans ce voyage Elle opérât parfaitement. Les saint Princes s'offrirent à lui obéir et à la servir avec une admirable soumission. C'est ce qu'avait coutume de faire en d'autres occasions la Maîtresse de toute prudence et de toute humilité, car étant plus sage et plus parfaite dans l'opération_que les Anges même, néanmoins à cause de son état de voyageuse et de la condition de la nature inférieure qu'Elle avait, pour donner toute plénitude de perfection à ses oeuvres, Elle consultait et invoquait ses saints Anges qui, étant inférieurs en sainteté, la gardaient et l'assistaient, et avec leur direction Elle disposait les actions humaines toutes gouvernées d'un autre côté par l'instinct de l'Esprit-Saint. Et les divins Esprits lui obéissaient avec la promptitude et la ponctualité propres à leur nature et due à leur Reine et leur Souveraine. Et ils lui parlaient et avaient avec Elle de très doux colloques qu'ils alternaient par des cantiques de souverain honneur et de sublimes louanges du Très-Haut. D'autres fois Elle traitait des Mystères très sublimes du Verbe Incarné, de l'union hypostatique, du sacrement de la Rédemption des hommes, des triomphes qu'Il remporterait, des fruits et des bienfaits que les mortels recevraient de Ses Oeuvres.
Et ce serait me rallonger beaucoup si je devais écrire tout ce qui m'a été manifesté dans cette partie.
3, 15, 194. L'humble Épouse détermina aussitôt de demander permission à saint Joseph pour mettre en oeuvre ce que le Très-Haut lui commandait, et sans lui manifester ce commandement, étant très prudente en tout, Elle lui dit un jour ces paroles: «Mon seigneur, et mon époux, j'ai connu par la Lumière divine comment la Bonté du Très-Haut a favorisé ma cousine Élisabeth, femme de Zacharie, lui donnant le fruit qu'elle demandait dans un fils qu'elle a conçu, et j'espère en Sa Bonté immense que ma cousine étant stérile et ce bienfait singulier lui ayant été concédé, le tout sera d'une complaisance et d'une gloire très grandes pour le Seigneur. Je juge que dans une circonstance telle que celle-ci, il me revient une obligation de convenance d'aller la visiter et de traiter avec elle de certaines choses convenables à sa consolation et à son bien spirituel. Si cette oeuvre est de votre goût, mon seigneur, je la ferai avec votre permission, étant soumise en tout à votre disposition et à votre volonté. Considérez vous-même ce qui est le meilleur et commandez-moi ce que je dois faire.»
3, 15, 195. Cette discrétion et ce silence remplis d'une si humble soumission dans la Très Sainte Marie furent très agréables au Seigneur, comme dignes de la capacité de cette divine Reine pour qu'Il put déposer dans son Coeur les plus grands sacrements du Roi (Tob. 12: 7). Et à cause de cela et de la confiance en sa fidélité avec laquelle cette grande Dame agissait, Sa Majesté disposa le coeur très pur de saint Joseph, lui donnant Sa divine Lumière pour ce qu'il devait faire conformément à la Volonté du même Seigneur. Telle est la récompense de l'humble qui demande conseil (Eccli. 32: 24) de le trouver sûr et avec une heureuse réussite. Et le zèle saint et discret pour le donner prudent quand on le demande en est aussi une conséquence. Avec cette discrétion, le saint époux répondit à notre Reine: «Vous savez, Madame et mon Épouse, que tous mes désirs sont de Vous servir avec toute mon attention et ma diligence; parce qu'à cause de Votre grande vertu je me fie, comme je le dois, que Votre volonté très droite ne s'inclinera à aucune chose qui ne soit pour le plus grand agrément et la plus grande gloire du Très-Haut, comme je crois que le sera ce voyage. Et afin que l'on ne trouve pas étrange que vous y alliez sans la compagnie de Votre époux, j'irai avec
beaucoup de plaisir pour prendre soin de Vous dans le chemin. Déterminez le jour afin que nous y allions ensemble.»
3, 15, 196. La Très Sainte Marie remercia son très prudent époux Joseph de sa soigneuse affection et de ce qu'il coopérait si attentivement à la Volonté divine en ce qu'il savait être de Son service et de Sa gloire: et ils déterminèrent tous deux de partir pour la maison d'Élisabeth, préparant sans retard tout le nécessaire pour le voyage, qui se résuma tout en un peu de fruits, du pain et quelques petits poissons que saint Joseph porta, et en une humble petite bête qu'il chercha à titre d'emprunt pour porter tout l'équipage et son Épouse la Reine de toutes les créatures. Et avec ces préparatifs ils partirent de Nazareth pour la Judée (Luc 1: 39) et je poursuivrai le voyage dans le chapitre suivant. Mais au sortir de sa pauvre maison, la grande Dame se mit à genoux aux pieds de saint Joseph et lui demanda sa bénédiction, afin de commencer le voyage au Nom du Seigneur. Le saint se recueillit en lui-même voyant l'humilité si rare de son Épouse qu'il connaissait déjà par tant d'expériences, et il tardait à la bénir. Marie le vainquirent et il la bénit au Nom du Très-Haut. Aux premiers pas la divine Souveraine leva les yeux aux Ciel et le Coeur à Dieu, les dirigeant à accomplir la Volonté divine, portant dans son sein le Fils Unique du Père et le sien pour sanctifier Jean dans celui de sa Mère Élisabeth.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE REINE ET MAÎTRESSE.
3, 15, 197. Ma très chère fille, je t'ai confié et manifesté plusieurs fois l'amour de mon coeur; parce que je désire grandement qu'il s'allume dans le tien et que tu profites de la doctrine que je te donne. Heureuse est l'âme à qui Dieu manifeste Sa volonté sainte et parfaite; mais plus heureuse et plus fortunée est celle qui la connaissant met en exécution ce qu'elle a connu. Dieu enseigne aux mortels le chemin et les sentiers de la Vie Éternelle par plusieurs moyens; par les Évangiles et les saintes Écritures, par les sacrements et les lois de la Sainte Église, par d'autres livres et les exemples des saints, et spécialement par le moyen de la doctrine et de l'obéissance de Ses ministres, de qui Sa Majesté a dit: «Qui vous écoute M'écoute (Luc 10: 16)», que de leur obéir est obéir au Seigneur même. Lorsque tu arriveras par quelques-unes de ces voies à connaître la Volonté divine,
je veux de toi qu'avec un vol très rapide, l'humilité et l'obéissance te servant d'ailes, ou avec la vivacité de l'éclair, tu sois prompte à l'exécuter et à accomplir la Volonté divine.
3, 15, 198. Outre ces manières d'enseignement, le Très-Haut en a d'autres pour diriger les âmes, leur intimant Sa Volonté très parfaite surnaturellement, où Il leur révèle plusieurs sacrements. Cet ordre a ses différents degrés; et tous ne sont pas ordinaires ni communs aux âmes; parce que le Très-Haut dispense Sa Lumière avec mesure et poids; parfois Il parle au coeur et aux sens intérieurs avec empire, d'autres fois en corrigeant, d'autres fois en avertissant et en enseignant, d'autres fois Il meut le coeur afin que celui-ci Le cherche; d'autres fois Il lui propose clairement ce que le même Seigneur désire, afin que l'âme se meuve à l'exécuter; et d'autres fois enfin Il a coutume de présenter en soi-même, comme dans un clair miroir de grands mystères que l'entendement voit et connaît et que la volonté aime. Mais toujours ce grand Dieu et ce Bien suprême est très doux àcommander, très puissant à donner des forces pour obéir, très Juste dans Ses ordres, très prompt à disposer les choses pour être obéi et très efficace à vaincre les empêchements afin que Sa Très Sainte Volonté s'accomplisse.
3, 15, 199. Je veux, ma fille, que tu sois très attentive à recevoir la Lumière divine et à L'exécuter très promptement et très diligemment: et pour écouter le Seigneur et pour percevoir cette Voix si délicate et si spiritualisée, il faut que les puissances de l'âme soient purgées de la grossièreté terrestre et que toute la créature vive selon l'esprit; parce que l'homme animal (1 Cor. 2: 14) ne perçoit pas les choses élevées et divines. Sois donc attentive à Son secret et oublie tout ce qui est du dehors; écoute, ma fille, et incline ton oreille (Ps. 44: 11), débarrassée de tout ce qui est visible. Et aime afin d'être diligente; car l'amour est un feu qui ne sait point retarder ses effets là où il trouve la matière disposée; et je veux que ton coeur soit toujours disposé et préparé. Et lorsque le Très-Haut te commandera ou t'enseignera quelque chose au bénéfice des âmes, et surtout pour leur salut éternel, offre-toi avec soumission, parce qu'elles sont le prix le plus estimable du Sang de l'Agneau (1 Pet. 1: 18-19) et de l'amour Divin. Ne sois pas empêchée pour cela par ta propre bassesse et ta timidité; mais vaincs la crainte qui te rend pusillanime: car si tu vaux peu et si tu es inutile pour tout, le Très-Haut est riche (Rom. 10: 12), puissant, grand et il fait toutes les choses (Is. 44: 24) par Lui-même et ta
promptitude et ton affection ne sera pas privée de récompense bien que je veuille que tu ne te meuves que pour plaire au Seigneur
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
désolé, je n'arrive pas à corriger la mise en forme pour l'instant
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 16
Le voyage de la Très Sainte Marie pour visiter sainte Élisabeth et son entrée dans la maison de Zacharie.
3, 16, 200. La Très Sainte Marie «se leva» en ces jours, dit le Texte Sacré, et «Elle alla en toute diligence vers les montagnes et la cité de Juda (Luc 1: 39).» Cette action de se lever de notre divine Reine et Souveraine ne fut pas seulement de se lever extérieurement et de se disposer à partir de Nazareth pour son voyage; mais elle signifie aussi le mouvement de son esprit et de sa volonté avec lequel Elle se leva intérieurement par ce commandement et cette impulsion Divine, de son humble retraite et de son lieu si bas qu'Elle occupait dans le vil concept et la vile estime qu'Elle avait d'Elle-même. Elle se leva de là comme des pieds du Très-Haut, dont Elle attendait la Volonté et l'Agrément, afin de l'accomplir, comme la plus humble servante que dit David, qui a les yeux posés sur les mains de sa maîtresse (Ps. 122: 2), attendant qu'elle lui commande. Et se levant à la voix du Seigneur, Elle dirigea sa très douce affection à accomplir Sa Très Sainte Volonté pour hâter sans délai la sanctification du Précurseur du Verbe fait chair, lequel Précurseur était dans le sein d'Élisabeth comme prisonnier dans les chaînes du péché. Tel était le terme, la fin de cet heureux voyage. Pour cela la Princesse des Cieux se leva et se dirigea avec la promptitude et la diligence que dit l'Évangéliste saint Luc.
3, 16, 201. Laissant donc la maison de leur père (Ps. 44: 11) et oubliant leur peuple, les chastes époux Marie et Joseph se dirigèrent vers la maison de Zacharie dans les montagnes de Judée qui étaient éloignées de vingt-sept lieues de Nazareth et une grande partie du chemin était âpre et difficile pour une jeune Fille si délicate et si tendre. Tout le confort pour un travail si grave consistait en une humble bête sur laquelle Marie commença et poursuivit ce voyage et quoiqu'il fût
destiné seulement à son soulagement et à son service, toutefois la plus humble et la plus modeste des créatures en descendait souvent et Elle priait son époux Joseph de partager avec Elle le travail et la commodité, afin que le saint eût quelque soulagement, se servant pour cela de la bestiole. Le prudent époux ne l'accepta jamais et pour condescendre en quelque chose aux prières de la divine Dame, il consentait qu'en certains intervalles Elle allât avec lui à pied en autant qu'il lui semblait que sa délicatesse pouvait le souffrir sans trop se fatiguer. Et ensuite avec beaucoup d'égards et de respect il la priait de ne point refuser d'accepter ce petit soulagement et la céleste Reine obéissait, poursuivant le chemin sur l'humble monture.
3, 16, 202. Avec ces humbles compétitions la Très Sainte Marie et saint Joseph continuaient leur voyage et ils en distribuaient le temps sans en laisser un seule moment perdu. Ils cheminaient dans la solitude, sans compagnie de créature humaine; mais les mille Anges qui gardaient le lit de Salomon (Cant. 3: 7) la Très Sainte Marie, les assistaient; et quoiqu'ils allassent en forme visible, servant leur grande Reine et son Très Saint Fils, Elle seule les voyait; et prêtant attention aux Anges et à Joseph son époux, la Mère de la Grâce cheminait remplissant les champs et les monts d'un parfum très suave par sa présence, et par les louanges divines auxquelles Elle s'occupait sans aucun intervalle. Elle parlait parfois avec ses Anges et ils faisaient alternativement de divins cantiques, avec des motifs différents des Mystères de la Divinité et des Oeuvres de la Création et de l'Incarnation dans lesquels le Coeur très candide de la Très Pure Dame s'embrasait en effets Divins. Et saint Joseph aidait son épouse en tout cela par le silence tempéré qu'il gardait, recueillant son esprit en lui-même dans une sublime contemplation et donnant lieu à ce que sa dévote Épouse pût faire la même chose, selon qu'il croyait.
3, 16, 203. D'autres fois, ils parlaient tous deux et ils conféraient souvent du salut de leurs âmes et des Miséricordes du Seigneur, de la venue du Messie et des prophéties qui avaient été annoncées de Lui par les anciens Pères, et d'autres Mystères et Secrets du Très-Haut. Il arriva dans ce voyage une chose digne d'admiration pour le saint époux Joseph; il aimait tendrement son épouse d'un amour très saint et très chaste, ordonné (Tob. 12: 7) par une grâce spéciale et une dispensation de l'Amour divin Lui-même et outre ce privilège, le saint était, par un
autre grand privilège, noble, courtois, agréable et paisible; et tout cela produisait en lui une sollicitude très prudente et très amoureuse à laquelle le portaient des le principe la sainteté et la grandeur même qu'il connaissait en sa divine Épouse, comme objet prochain de ces Dons du Ciel. Avec cela le saint prenait soin de la Très Sainte Marie, et il lui demandait souvent si Elle était lasse et fatiguée et en quoi il pouvait la soulager et la servir. Et comme la Reine du Ciel avait déjà en Elle le Feu Divin du Verbe fait chair, saint Joseph ignorant la cause sentait des effets nouveaux dans son âme par les paroles et la conversation de son Épouse bien-aimée, avec lesquels ils se reconnaissait plus enflammée dans l'Amour divin, ayant une Flamme intérieure et une Lumière nouvelle et très sublime qui le spiritualisait et le renouvelait tout entier, et plus ils continuaient les entretiens célestes dans le chemin, plus ces faveurs croissaient, et il connaissait que les paroles de son Épouse en étaient l'instrument, paroles qui pénétraient son coeur et qui enflammaient sa volonté dans l'Amour de Dieu.
3, 16, 204. Cette nouveauté était si grande que le discret époux Joseph ne put manquer d'y prêter beaucoup d'attention: et quoiqu'il connût que le tout lui venait par le moyen de la Très Sainte Marie et que dans son admiration, il eût été consolé d'en connaître la cause et de s'en acquérir sans curiosité; néanmoins avec sa grande modestie, il ne s'hasarda point à demander aucune chose, le Seigneur le disposant ainsi, parce que ce n'était pas alors le temps de connaître le sacrement du Roi (Tob. 12: 7) caché dans son sein virginal. La divine Princesse regardait son époux, connaissant tout ce qui se passait dans le secret de son coeur: et raisonnant avec sa prudence, il lui fut représenté qu'il était naturellement inévitable que sa grossesse vînt à se manifester et qu'Elle ne pourrait la cacher à son très cher et très chaste époux. La grande Souveraine ne savait pas alors la manière dont Dieu gouvernerait ce sacrement; mais quoiqu'Elle n'eût point reçu de commandement pour le lui cacher, sa prudence et sa discrétion divines lui enseignèrent combien il était bon de le cacher comme un grand Sacrement et le plus grand des Mystères; et ainsi Elle le tint caché et secret sans en dire un mot à son époux, ni en cette circonstance, ni auparavant à l'Annonciation de l'Ange, ni ensuite dans les doutes que nous dirons plus loin, lorsqu'arriva le cas où saint Joseph s'aperçut du Mystère.
3, 16, 205. O discrétion admirable et prudence plus qu'humaine! La grande Reine s'abandonna tout entière à la divine Providence, attendant ce qu'Elle disposait; mais Elle éprouva quelque inquiétude et quelque peine, prévoyant celle que son saint époux devait recevoir et considérant qu'Elle ne pouvait l'en tirer d'avance ni l'en divertir. Et ce souci s'augmentait en considérant la peine que le saint prenait pour la servir et prendre soin d'Elle avec tant d'amour et de sollicitude, lui à qui une égale correspondance était due en tout ce qui serait prudemment possible. Pour cela Elle fit une oraison spéciale au Seigneur, Lui représentant son anxieuse affection, et ses désirs d'agir avec sécurité, et cette sécurité dont saint Joseph avait besoin aussi dans la circonstance qu'Elle attendait, demandant pour tout l'assistance et la direction Divine. Dans cette suspension, son Altesse opéra et exerça des actes grands et héroïques de Foi, d'Espérance et de Charité, de prudence, d'humilité, de patience et de force, donnant une plénitude de sainteté à tout ce qui se présentait, parce qu'Elle opérait le plus parfait en chaque chose.
3, 16, 206. Ce voyage fut le premier pèlerinage que le Verbe fait chair fit dans le monde, quatre jours après y être entré; car Son ardent Amour ne put souffrir de plus grands délais ni de plus grands retards pour commencer à allumer le Feu qu'Il venait y répandre (Luc 12: 49), donnant principe à la Justification des mortels dans Son divin Précurseur. Et Il communiqua Sa promptitude à Sa Très Sainte Mère, afin qu'Elle se levât en hâte et qu'Elle allât visiter sainte Élisabeth. Et la Très Divine Souveraine servit de Char au véritable Salomon (Cant. 3: 9); mais plus riche, plus orné et plus léger que celui du premier auquel le même Salomon la compara dans ses Cantiques: et ainsi ce voyage du Fils Unique du Père fut plus glorieux et avec une plus grande jubilation et une plus grande magnificence; parce qu'Il cheminait avec repos dans le sein virginal de Sa Mère, jouissait de ses amoureuses délices avec lesquelles Elle L'adorait, Le bénissait, Le regardait, Lui parlait, L'écoutait et Lui répondait; et Elle seule qui était alors les Archives Royales de ce Trésor et la Secrétaire d'un Sacrement si magnifique Le vénérait et en rendait grâces pour Elle et pour tout le genre humain, beaucoup plus que les Anges et les hommes ensemble.
3, 16, 207. Dans le cours du trajet qui leur dura quatre jours, les pèlerins, la Très Sainte Marie et Joseph, exercèrent non seulement les vertus qui regardent
Dieu comme objet et d'autres intérieures, mais beaucoup d'actes de charité envers le prochain, parce que leur charité ne pouvait rester oisive en présence de ceux qui avaient besoin de secours. Ils ne trouvèrent point un égal accueil en toutes les hôtelleries; parce que quelques-uns comme rustiques, les congédiaient avec leur inadvertance naturelle; et d'autres les accueillaient avec amour, mus par la grâce Divine. Mais la Mère de Miséricorde ne refusait à aucun celle qu'Elle pouvait exercer: et pour cela Elle était attentive si Elle pouvait convenablement visiter ou rencontrer les pauvres, les malades et les affligés, et Elle les secourait et les consolait tous, ou Elle guérissait leurs maux. Je ne m'arrête pas à rapporter tous les cas qui arrivèrent en cela. Je dis seulement la bonne fortune d'une pauvre fille malade qui rencontra notre grande Reine dans un endroit par où Elle passait le premier jour du voyage. Son Altesse a vit et sa tendresse et sa compassion s'émurent de la maladie très grave de cette personne et usant de la puissance de Maîtresse des créatures, elle commanda à la fièvre de quitter cette femme et aux humeurs de se composer et de s'ordonner, réduites à leur état naturel et à leur tempérament. Et par ce commandement et la très douce présence de la Mère Très Pure, la malade demeura à l'instant guérie et délivrée de sa maladie dans le corps et amélioré dans l'esprit [a]: et ensuite elle alla en croissant jusqu'à arriver à être parfaite et sainte, parce qu'il lui resta imprimés dans son intérieur le souvenir et les espèces imaginaires de l'Auteur de son bien et dans son coeur il lui resta un amour intime, quoiqu'elle ne vît plus la divine Dame et que le miracle ne fût pas divulgué.
3, 16, 208. Poursuivant leur voyage, la Très Sainte Marie et Joseph son époux arrivèrent le quatrième jour à la ville de Juda, qui était le lieu de la demeure d'Élisabeth et de Zacharie. Et ceci est le nom propre et particulier du lieu où ils vivaient alors et l'Évangéliste saint Luc le spécifia en l'appelant Judas, quoique les Expositeurs de l'Évangile aient cru communément que ce nom n'était point celui de la propre ville où Élisabeth et Joachim vivaient, mais le nom commun de la province qui s'appelait Juda ou Judée; comme ils appellent aussi montagnes de Judée, ces monts qui de la partie australe s'étendent jusqu'au midi. Mais ce qui m'a été manifesté à moi est que la ville s'appelait Judas, et que l'Évangéliste la nomma par son propre nom; quoique les Docteurs et les Expositeurs aient entendu par le nom de Juda la province où elle appartenait. Et la raison en est que cette ville qui s'appelait Juda fut ruinée quelques années après la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ, et n'en ayant point trouvé de souvenir, les Expositeurs comprirent que par
le nom de Juda saint Luc avait dit la province et non le lieu: et d'ici a résulté la variété d'opinions sur la ville où arriva la Visitation de la Très Sainte Marie à sainte Élisabeth.
3, 16, 209. Et parce que l'obéissance m'a ordonné de déclarer plus exactement ce point, à cause de la nouveauté qu'il peut causer; ayant fait ce qui m'a été commandé en cela, je dis que la maison de Zacharie et d'Élisabeth où arriva la Visitation fut dans le même lieu où ces mystères Divins sont vénérés maintenant par les fidèles et les pèlerins qui vivent dans les lieux saints de la Palestine ou qui viennent les visiter. Et quoique la ville de Juda où était la maison de Zacharie fut ruinée, le Seigneur ne permit point que fût oublié et effacé le souvenir des lieux si vénérables où s'étaient opérés tant de mystères, demeurant consacrés par les pas de la Très Sainte Marie, par Notre Seigneur Jésus-Christ et saint Jean Baptiste ainsi que ses parents. Et les anciens fidèles qui édifièrent ces églises et qui réparèrent les lieux saints eurent une Lumière divine pour reconnaître avec cette Lumière et quelque tradition la vérité de tout, et renouveler le souvenir de ces sacrements si admirables, afin que nous jouissions, nous les fidèles qui vivons maintenant, du bienfait de les vénérer et de les adorer dans les lieux sacrés de notre Rédemption [b.
3, 16, 210. Pour une plus grande connaissance de cela, on doit savoir que le démon après la Mort de Notre Seigneur Jésus-Christ connut qu'Il était Dieu et Rédempteur des hommes et il prétendit avec une fureur incroyable effacer Sa mémoire de la terre des vivants (Jer. 11: 19) comme dit Jérémie, et la même chose de Sa Très Sainte Mère. Et ainsi il procura une fois que la Sainte Croix fut cachée et enterrée; une autre fois qu'Elle fut captive en Perse; et avec cette intention, il essaya de faire en sorte que plusieurs des Lieux Saints fussent ruinés et éteints. De là vint que les saints Anges transportèrent tant de fois la vénérable et sainte Maison de Lorette; parce que le même dragon qui persécutait cette divine Dame (Apoc. 12: 13) avait déjà réduit les sentiments des habitants de la terre à éteindre et à ruiner cet oratoire sacré qui avait été l'officine où s'était opéré le très sublime Mystère de l'Incarnation. Et c'est par cette même astuce de l'ennemi que l'antique cité de Juda fut ruinée, en partie par la négligence des habitants qui allèrent en s'éteignant, et en partie par des disgrâces et des événements malheureux qui étaient
survenus: quoique le Seigneur ne donnât point lieu à ce que la maison de Zacharie pérît et fût ruinée tout-à-fait, à cause des sacrements qui y avaient été célébrés [c].
3, 16, 211. Cette ville était éloignée comme je l'ai dit, de vingt-six lieues de Nazareth, et de Jérusalem d'environ deux lieues; elle était située à l'endroit où commence le torrent de Sorec, dans les montagnes de Judée. Et après la naissance de saint Jean, la Très Sainte Marie et Joseph étant partis pour retourner à Nazareth, sainte Élisabeth eut une révélation Divine qu'une grande ruine et une grande calamité menaçait prochainement les enfants de Bethléem (Matt. 2: 16) et de ses environs. Et quoique cette révélation fût avec cette généralité, sans plus de clarté et de spécification, la Mère de saint Jean s'émut, de sorte qu'elle se retira à Hébron avec son mari saint Zacharie: cette ville était à environ huit lieues de Jérusalem; et c'est ce qu'ils firent parce qu'ils étaient riches et nobles et ils avaient des maisons et des propriétés non seulement à Juda et à Hébron, mais aussi en d'autres lieux. Et lorsque la Très Sainte Marie et Joseph, fuyant Hérode (Matt. 2: 14), s'en allèrent pérégrinant en Égypte, quelque mois après la Nativité du Verbe et plus de celle de saint Jean-Baptiste, alors sainte Élisabeth et Zacharie étaient à Hébron; et Zacharie mourut quatre mois après la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce qui faisait dix mois après la naissance de son fils saint Jean. Cela me paraît suffisant maintenant pour expliquer ce doute: et que la maison de la Visitation ne fut ni à Bethléem ni à Hébron, mais dans la ville qui s'appelait Juda. Et je l'ai compris ainsi avec la Lumière du Seigneur, comme les autres mystères de cette Histoire divine; et ensuite le saint Ange me le déclara de nouveau en vertu de la nouvelle obédience que j'eus de le lui demander une autre fois.
3, 16, 212. La Très Sainte Marie et Joseph arrivèrent à cette ville de Juda et à cette maison de Zacharie. Et pour le prévenir, le saint époux s'avança quelque pas, et ayant appelé il en salua les habitants, disant: «Le Seigneur soit avec vous et remplisse vos âmes de Sa Divine grâce.» Sainte Élisabeth était prévenue; parce que le Seigneur même lui avait révélé que Marie de Nazareth sa cousine partait pour la visiter; quoiqu'elle eût seulement connu dans cette vision que cette divine Dame était très agréable aux yeux du Très-Haut; mais le Mystère de Mère de Dieu ne lui avait pas été révélé jusqu'à ce que les deux se saluèrent seules. Sainte Élisabeth sortit aussitôt avec quelques-uns de sa famille pour recevoir la Très Sainte Marie, laquelle prévint sa cousine dans la salutation, comme plus humble et
d'un âge moins avancé et Elle lui dit: «Le Seigneur soit avec vous, ma très chère cousine.» «Le Seigneur,» répondit Élisabeth, «vous récompense d'être venue me donner cette consolation.» Avec cette salutation, elles montèrent à la maison de Zacharie, et les deux cousines se retirant seules, il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA NOTRE REINE ET NOTRE SOUVERAINE.
3, 16, 213. Ma fille, lorsque la créature fait une digne appréciation des bonnes oeuvres et de l'obéissance du Seigneur qui les lui commande pour Sa gloire, il lui vient une grande facilité à les opérer, une très grande et très suave douceur à les entreprendre et une diligente promptitude à les continuer et à les poursuivre; et ces effets rendent témoignage de la vérité et de l'utilité qu'il y a en elles. Mais l'âme ne peut sentir cet effet et cette expérience si elle n'est pas très souvent soumise au Seigneur regardant et levant les yeux vers la Volonté divine pour L'écouter avec allégresse et L'exécuter avec promptitude oubliant sa propre inclination et sa propre commodité comme le serviteur fidèle qui ne veut que faire la volonté de son maître et non la sienne. Telle est la manière fructueuse d'obéir que toutes les créatures doivent à Dieu et beaucoup plus les religieuses qui le promirent ainsi. Et afin, Ma très chère, que tu suives cette manière parfaitement, considère avec quelle estime David parle en plusieurs endroits (Ps. 118; Ps. 18 et ailleurs) des préceptes du Seigneur, de Ses paroles et de Sa justification et des effets qu'ils causèrent dans le Prophète et maintenant dans les âmes: puis confesse qu'ils rendent les enfants sages (Ps. 18: , qu'ils réjouissent le coeur humain (Ps. 18: 9), qu'ils illuminent les yeux de l'âme (Ps. 18: 9), qu'ils sont une lumière très claire pour ses pieds (Ps. 118: 105) et qu'ils sont plus doux que le miel, plus désirables et plus estimables que l'or et les pierres précieuses (Ps. 18: 11). Cette promptitude et cette soumission à la volonté et à la loi divine rendit David conforme au coeur de Dieu (Act. 13: 22), parce que Sa Majesté veut que tels soient Ses serviteurs et Ses amis.
3, 16, 214. Applique-toi donc, ma fille, avec toute appréciation aux oeuvres de vertu et de perfection que tu connais être de la Volonté de ton Seigneur et tu n'en
dois mépriser aucune, ni résister, ni manquer de les entreprendre, quelle que soit la violence que tu éprouves dans ton inclination et ta faiblesse. Fie-toi au Seigneur et applique toi à l'exécution, car bientôt Sa puissance vaincra toutes les difficultés; et ensuite tu connaîtras par une heureuse expérience combien le joug du Seigneur est doux et combien Son fardeau est léger (Matt. 11: 30), et qu'en Le disant Sa Majesté ne nous trompa point, comme veulent le supposer les tièdes et les négligents qui nient tacitement cette vérité par leur torpeur et leur manque de confiance. Je veux aussi que pour m'imiter dans cette perfection, tu considères le bienfait que m'accorda la Bonté divine, en me donnant une piété et une affection très suaves envers les créatures, ouvrages et participantes de la Bonté et de l'Etre de Dieu. Avec cette affection, je désirais consoler, soulager et animer toutes les âmes, et je leur procurais avec une compassion naturelle tout bien spirituel et corporel; et je ne désirais de mal à aucun quelque grand pécheur qu'il fût, au contraire, je m'inclinais vers ceux-ci avec une plus grande force de mon Coeur compatissant pour leur obtenir le salut éternel. Et de là me résulta le souci de la peine que mon époux Joseph devait recevoir de mon état, parce que je lui devais plus qu'à tous les autres. J'avais aussi cette douce compassion d'une manière très particulière envers les affligés et les malades et je tâchais de procurer à tous quelque soulagement. Et je veux qu'en usant prudemment de cette qualité, tu m'imites selon la connaissance que tu as.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 16, [a]. Saint Bernard dit qu'il n'est pas permis de douter qu'il ait été accordé à la Très Sainte Vierge ce qui fut aussi accordé à un très petit nombre parmi les mortels. Ainsi Dieu ayant accordé à tant de saints le pouvoir de faire des miracles, comment l'aurait-Il refusé à Sa Mère, la Reine de tous les saints?
3, 16, [b. Qui aurait cru qu'après plus de deux siècles de la mort de la Vénérable, la science moderne dût rendre raison à ses révélations sur ce point, où
les commentaires de l'Écriture ne sont point d'accord? Cependant, le Père Bassi-Alexandra dans son ouvrage: «Pèlerinages historiques et descriptifs de la Terre Sainte», publié par lui à Turin en 1857, écrit pouvoir fixer aux alentours de la bourgade moderne d'Aem-Carem la situation de l'antique cité appelée "Juda", dont parle notre Vénérable. Cet écrivain qui visita les lieux saints reconnaît cette cité sous le nom de "Jota" comme Josué l'appelle au chapitre 15, 55, où il énumère les cités possédées par la tribu de Juda dans les montagnes. Et le texte hébreu l'appelle "Juta", mot qui se rapproche beaucoup à Juda et dans lequel il fut facilement changé par le peuple.
3, 16, [c]. De fait, il demeure encore la partie inférieure de cette maison. [Mgr. Mislin, Lieux Saints, t. 3].
Le voyage de la Très Sainte Marie pour visiter sainte Élisabeth et son entrée dans la maison de Zacharie.
3, 16, 200. La Très Sainte Marie «se leva» en ces jours, dit le Texte Sacré, et «Elle alla en toute diligence vers les montagnes et la cité de Juda (Luc 1: 39).» Cette action de se lever de notre divine Reine et Souveraine ne fut pas seulement de se lever extérieurement et de se disposer à partir de Nazareth pour son voyage; mais elle signifie aussi le mouvement de son esprit et de sa volonté avec lequel Elle se leva intérieurement par ce commandement et cette impulsion Divine, de son humble retraite et de son lieu si bas qu'Elle occupait dans le vil concept et la vile estime qu'Elle avait d'Elle-même. Elle se leva de là comme des pieds du Très-Haut, dont Elle attendait la Volonté et l'Agrément, afin de l'accomplir, comme la plus humble servante que dit David, qui a les yeux posés sur les mains de sa maîtresse (Ps. 122: 2), attendant qu'elle lui commande. Et se levant à la voix du Seigneur, Elle dirigea sa très douce affection à accomplir Sa Très Sainte Volonté pour hâter sans délai la sanctification du Précurseur du Verbe fait chair, lequel Précurseur était dans le sein d'Élisabeth comme prisonnier dans les chaînes du péché. Tel était le terme, la fin de cet heureux voyage. Pour cela la Princesse des Cieux se leva et se dirigea avec la promptitude et la diligence que dit l'Évangéliste saint Luc.
3, 16, 201. Laissant donc la maison de leur père (Ps. 44: 11) et oubliant leur peuple, les chastes époux Marie et Joseph se dirigèrent vers la maison de Zacharie dans les montagnes de Judée qui étaient éloignées de vingt-sept lieues de Nazareth et une grande partie du chemin était âpre et difficile pour une jeune Fille si délicate et si tendre. Tout le confort pour un travail si grave consistait en une humble bête sur laquelle Marie commença et poursuivit ce voyage et quoiqu'il fût
destiné seulement à son soulagement et à son service, toutefois la plus humble et la plus modeste des créatures en descendait souvent et Elle priait son époux Joseph de partager avec Elle le travail et la commodité, afin que le saint eût quelque soulagement, se servant pour cela de la bestiole. Le prudent époux ne l'accepta jamais et pour condescendre en quelque chose aux prières de la divine Dame, il consentait qu'en certains intervalles Elle allât avec lui à pied en autant qu'il lui semblait que sa délicatesse pouvait le souffrir sans trop se fatiguer. Et ensuite avec beaucoup d'égards et de respect il la priait de ne point refuser d'accepter ce petit soulagement et la céleste Reine obéissait, poursuivant le chemin sur l'humble monture.
3, 16, 202. Avec ces humbles compétitions la Très Sainte Marie et saint Joseph continuaient leur voyage et ils en distribuaient le temps sans en laisser un seule moment perdu. Ils cheminaient dans la solitude, sans compagnie de créature humaine; mais les mille Anges qui gardaient le lit de Salomon (Cant. 3: 7) la Très Sainte Marie, les assistaient; et quoiqu'ils allassent en forme visible, servant leur grande Reine et son Très Saint Fils, Elle seule les voyait; et prêtant attention aux Anges et à Joseph son époux, la Mère de la Grâce cheminait remplissant les champs et les monts d'un parfum très suave par sa présence, et par les louanges divines auxquelles Elle s'occupait sans aucun intervalle. Elle parlait parfois avec ses Anges et ils faisaient alternativement de divins cantiques, avec des motifs différents des Mystères de la Divinité et des Oeuvres de la Création et de l'Incarnation dans lesquels le Coeur très candide de la Très Pure Dame s'embrasait en effets Divins. Et saint Joseph aidait son épouse en tout cela par le silence tempéré qu'il gardait, recueillant son esprit en lui-même dans une sublime contemplation et donnant lieu à ce que sa dévote Épouse pût faire la même chose, selon qu'il croyait.
3, 16, 203. D'autres fois, ils parlaient tous deux et ils conféraient souvent du salut de leurs âmes et des Miséricordes du Seigneur, de la venue du Messie et des prophéties qui avaient été annoncées de Lui par les anciens Pères, et d'autres Mystères et Secrets du Très-Haut. Il arriva dans ce voyage une chose digne d'admiration pour le saint époux Joseph; il aimait tendrement son épouse d'un amour très saint et très chaste, ordonné (Tob. 12: 7) par une grâce spéciale et une dispensation de l'Amour divin Lui-même et outre ce privilège, le saint était, par un
autre grand privilège, noble, courtois, agréable et paisible; et tout cela produisait en lui une sollicitude très prudente et très amoureuse à laquelle le portaient des le principe la sainteté et la grandeur même qu'il connaissait en sa divine Épouse, comme objet prochain de ces Dons du Ciel. Avec cela le saint prenait soin de la Très Sainte Marie, et il lui demandait souvent si Elle était lasse et fatiguée et en quoi il pouvait la soulager et la servir. Et comme la Reine du Ciel avait déjà en Elle le Feu Divin du Verbe fait chair, saint Joseph ignorant la cause sentait des effets nouveaux dans son âme par les paroles et la conversation de son Épouse bien-aimée, avec lesquels ils se reconnaissait plus enflammée dans l'Amour divin, ayant une Flamme intérieure et une Lumière nouvelle et très sublime qui le spiritualisait et le renouvelait tout entier, et plus ils continuaient les entretiens célestes dans le chemin, plus ces faveurs croissaient, et il connaissait que les paroles de son Épouse en étaient l'instrument, paroles qui pénétraient son coeur et qui enflammaient sa volonté dans l'Amour de Dieu.
3, 16, 204. Cette nouveauté était si grande que le discret époux Joseph ne put manquer d'y prêter beaucoup d'attention: et quoiqu'il connût que le tout lui venait par le moyen de la Très Sainte Marie et que dans son admiration, il eût été consolé d'en connaître la cause et de s'en acquérir sans curiosité; néanmoins avec sa grande modestie, il ne s'hasarda point à demander aucune chose, le Seigneur le disposant ainsi, parce que ce n'était pas alors le temps de connaître le sacrement du Roi (Tob. 12: 7) caché dans son sein virginal. La divine Princesse regardait son époux, connaissant tout ce qui se passait dans le secret de son coeur: et raisonnant avec sa prudence, il lui fut représenté qu'il était naturellement inévitable que sa grossesse vînt à se manifester et qu'Elle ne pourrait la cacher à son très cher et très chaste époux. La grande Souveraine ne savait pas alors la manière dont Dieu gouvernerait ce sacrement; mais quoiqu'Elle n'eût point reçu de commandement pour le lui cacher, sa prudence et sa discrétion divines lui enseignèrent combien il était bon de le cacher comme un grand Sacrement et le plus grand des Mystères; et ainsi Elle le tint caché et secret sans en dire un mot à son époux, ni en cette circonstance, ni auparavant à l'Annonciation de l'Ange, ni ensuite dans les doutes que nous dirons plus loin, lorsqu'arriva le cas où saint Joseph s'aperçut du Mystère.
3, 16, 205. O discrétion admirable et prudence plus qu'humaine! La grande Reine s'abandonna tout entière à la divine Providence, attendant ce qu'Elle disposait; mais Elle éprouva quelque inquiétude et quelque peine, prévoyant celle que son saint époux devait recevoir et considérant qu'Elle ne pouvait l'en tirer d'avance ni l'en divertir. Et ce souci s'augmentait en considérant la peine que le saint prenait pour la servir et prendre soin d'Elle avec tant d'amour et de sollicitude, lui à qui une égale correspondance était due en tout ce qui serait prudemment possible. Pour cela Elle fit une oraison spéciale au Seigneur, Lui représentant son anxieuse affection, et ses désirs d'agir avec sécurité, et cette sécurité dont saint Joseph avait besoin aussi dans la circonstance qu'Elle attendait, demandant pour tout l'assistance et la direction Divine. Dans cette suspension, son Altesse opéra et exerça des actes grands et héroïques de Foi, d'Espérance et de Charité, de prudence, d'humilité, de patience et de force, donnant une plénitude de sainteté à tout ce qui se présentait, parce qu'Elle opérait le plus parfait en chaque chose.
3, 16, 206. Ce voyage fut le premier pèlerinage que le Verbe fait chair fit dans le monde, quatre jours après y être entré; car Son ardent Amour ne put souffrir de plus grands délais ni de plus grands retards pour commencer à allumer le Feu qu'Il venait y répandre (Luc 12: 49), donnant principe à la Justification des mortels dans Son divin Précurseur. Et Il communiqua Sa promptitude à Sa Très Sainte Mère, afin qu'Elle se levât en hâte et qu'Elle allât visiter sainte Élisabeth. Et la Très Divine Souveraine servit de Char au véritable Salomon (Cant. 3: 9); mais plus riche, plus orné et plus léger que celui du premier auquel le même Salomon la compara dans ses Cantiques: et ainsi ce voyage du Fils Unique du Père fut plus glorieux et avec une plus grande jubilation et une plus grande magnificence; parce qu'Il cheminait avec repos dans le sein virginal de Sa Mère, jouissait de ses amoureuses délices avec lesquelles Elle L'adorait, Le bénissait, Le regardait, Lui parlait, L'écoutait et Lui répondait; et Elle seule qui était alors les Archives Royales de ce Trésor et la Secrétaire d'un Sacrement si magnifique Le vénérait et en rendait grâces pour Elle et pour tout le genre humain, beaucoup plus que les Anges et les hommes ensemble.
3, 16, 207. Dans le cours du trajet qui leur dura quatre jours, les pèlerins, la Très Sainte Marie et Joseph, exercèrent non seulement les vertus qui regardent
Dieu comme objet et d'autres intérieures, mais beaucoup d'actes de charité envers le prochain, parce que leur charité ne pouvait rester oisive en présence de ceux qui avaient besoin de secours. Ils ne trouvèrent point un égal accueil en toutes les hôtelleries; parce que quelques-uns comme rustiques, les congédiaient avec leur inadvertance naturelle; et d'autres les accueillaient avec amour, mus par la grâce Divine. Mais la Mère de Miséricorde ne refusait à aucun celle qu'Elle pouvait exercer: et pour cela Elle était attentive si Elle pouvait convenablement visiter ou rencontrer les pauvres, les malades et les affligés, et Elle les secourait et les consolait tous, ou Elle guérissait leurs maux. Je ne m'arrête pas à rapporter tous les cas qui arrivèrent en cela. Je dis seulement la bonne fortune d'une pauvre fille malade qui rencontra notre grande Reine dans un endroit par où Elle passait le premier jour du voyage. Son Altesse a vit et sa tendresse et sa compassion s'émurent de la maladie très grave de cette personne et usant de la puissance de Maîtresse des créatures, elle commanda à la fièvre de quitter cette femme et aux humeurs de se composer et de s'ordonner, réduites à leur état naturel et à leur tempérament. Et par ce commandement et la très douce présence de la Mère Très Pure, la malade demeura à l'instant guérie et délivrée de sa maladie dans le corps et amélioré dans l'esprit [a]: et ensuite elle alla en croissant jusqu'à arriver à être parfaite et sainte, parce qu'il lui resta imprimés dans son intérieur le souvenir et les espèces imaginaires de l'Auteur de son bien et dans son coeur il lui resta un amour intime, quoiqu'elle ne vît plus la divine Dame et que le miracle ne fût pas divulgué.
3, 16, 208. Poursuivant leur voyage, la Très Sainte Marie et Joseph son époux arrivèrent le quatrième jour à la ville de Juda, qui était le lieu de la demeure d'Élisabeth et de Zacharie. Et ceci est le nom propre et particulier du lieu où ils vivaient alors et l'Évangéliste saint Luc le spécifia en l'appelant Judas, quoique les Expositeurs de l'Évangile aient cru communément que ce nom n'était point celui de la propre ville où Élisabeth et Joachim vivaient, mais le nom commun de la province qui s'appelait Juda ou Judée; comme ils appellent aussi montagnes de Judée, ces monts qui de la partie australe s'étendent jusqu'au midi. Mais ce qui m'a été manifesté à moi est que la ville s'appelait Judas, et que l'Évangéliste la nomma par son propre nom; quoique les Docteurs et les Expositeurs aient entendu par le nom de Juda la province où elle appartenait. Et la raison en est que cette ville qui s'appelait Juda fut ruinée quelques années après la mort de Notre Seigneur Jésus-Christ, et n'en ayant point trouvé de souvenir, les Expositeurs comprirent que par
le nom de Juda saint Luc avait dit la province et non le lieu: et d'ici a résulté la variété d'opinions sur la ville où arriva la Visitation de la Très Sainte Marie à sainte Élisabeth.
3, 16, 209. Et parce que l'obéissance m'a ordonné de déclarer plus exactement ce point, à cause de la nouveauté qu'il peut causer; ayant fait ce qui m'a été commandé en cela, je dis que la maison de Zacharie et d'Élisabeth où arriva la Visitation fut dans le même lieu où ces mystères Divins sont vénérés maintenant par les fidèles et les pèlerins qui vivent dans les lieux saints de la Palestine ou qui viennent les visiter. Et quoique la ville de Juda où était la maison de Zacharie fut ruinée, le Seigneur ne permit point que fût oublié et effacé le souvenir des lieux si vénérables où s'étaient opérés tant de mystères, demeurant consacrés par les pas de la Très Sainte Marie, par Notre Seigneur Jésus-Christ et saint Jean Baptiste ainsi que ses parents. Et les anciens fidèles qui édifièrent ces églises et qui réparèrent les lieux saints eurent une Lumière divine pour reconnaître avec cette Lumière et quelque tradition la vérité de tout, et renouveler le souvenir de ces sacrements si admirables, afin que nous jouissions, nous les fidèles qui vivons maintenant, du bienfait de les vénérer et de les adorer dans les lieux sacrés de notre Rédemption [b.
3, 16, 210. Pour une plus grande connaissance de cela, on doit savoir que le démon après la Mort de Notre Seigneur Jésus-Christ connut qu'Il était Dieu et Rédempteur des hommes et il prétendit avec une fureur incroyable effacer Sa mémoire de la terre des vivants (Jer. 11: 19) comme dit Jérémie, et la même chose de Sa Très Sainte Mère. Et ainsi il procura une fois que la Sainte Croix fut cachée et enterrée; une autre fois qu'Elle fut captive en Perse; et avec cette intention, il essaya de faire en sorte que plusieurs des Lieux Saints fussent ruinés et éteints. De là vint que les saints Anges transportèrent tant de fois la vénérable et sainte Maison de Lorette; parce que le même dragon qui persécutait cette divine Dame (Apoc. 12: 13) avait déjà réduit les sentiments des habitants de la terre à éteindre et à ruiner cet oratoire sacré qui avait été l'officine où s'était opéré le très sublime Mystère de l'Incarnation. Et c'est par cette même astuce de l'ennemi que l'antique cité de Juda fut ruinée, en partie par la négligence des habitants qui allèrent en s'éteignant, et en partie par des disgrâces et des événements malheureux qui étaient
survenus: quoique le Seigneur ne donnât point lieu à ce que la maison de Zacharie pérît et fût ruinée tout-à-fait, à cause des sacrements qui y avaient été célébrés [c].
3, 16, 211. Cette ville était éloignée comme je l'ai dit, de vingt-six lieues de Nazareth, et de Jérusalem d'environ deux lieues; elle était située à l'endroit où commence le torrent de Sorec, dans les montagnes de Judée. Et après la naissance de saint Jean, la Très Sainte Marie et Joseph étant partis pour retourner à Nazareth, sainte Élisabeth eut une révélation Divine qu'une grande ruine et une grande calamité menaçait prochainement les enfants de Bethléem (Matt. 2: 16) et de ses environs. Et quoique cette révélation fût avec cette généralité, sans plus de clarté et de spécification, la Mère de saint Jean s'émut, de sorte qu'elle se retira à Hébron avec son mari saint Zacharie: cette ville était à environ huit lieues de Jérusalem; et c'est ce qu'ils firent parce qu'ils étaient riches et nobles et ils avaient des maisons et des propriétés non seulement à Juda et à Hébron, mais aussi en d'autres lieux. Et lorsque la Très Sainte Marie et Joseph, fuyant Hérode (Matt. 2: 14), s'en allèrent pérégrinant en Égypte, quelque mois après la Nativité du Verbe et plus de celle de saint Jean-Baptiste, alors sainte Élisabeth et Zacharie étaient à Hébron; et Zacharie mourut quatre mois après la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce qui faisait dix mois après la naissance de son fils saint Jean. Cela me paraît suffisant maintenant pour expliquer ce doute: et que la maison de la Visitation ne fut ni à Bethléem ni à Hébron, mais dans la ville qui s'appelait Juda. Et je l'ai compris ainsi avec la Lumière du Seigneur, comme les autres mystères de cette Histoire divine; et ensuite le saint Ange me le déclara de nouveau en vertu de la nouvelle obédience que j'eus de le lui demander une autre fois.
3, 16, 212. La Très Sainte Marie et Joseph arrivèrent à cette ville de Juda et à cette maison de Zacharie. Et pour le prévenir, le saint époux s'avança quelque pas, et ayant appelé il en salua les habitants, disant: «Le Seigneur soit avec vous et remplisse vos âmes de Sa Divine grâce.» Sainte Élisabeth était prévenue; parce que le Seigneur même lui avait révélé que Marie de Nazareth sa cousine partait pour la visiter; quoiqu'elle eût seulement connu dans cette vision que cette divine Dame était très agréable aux yeux du Très-Haut; mais le Mystère de Mère de Dieu ne lui avait pas été révélé jusqu'à ce que les deux se saluèrent seules. Sainte Élisabeth sortit aussitôt avec quelques-uns de sa famille pour recevoir la Très Sainte Marie, laquelle prévint sa cousine dans la salutation, comme plus humble et
d'un âge moins avancé et Elle lui dit: «Le Seigneur soit avec vous, ma très chère cousine.» «Le Seigneur,» répondit Élisabeth, «vous récompense d'être venue me donner cette consolation.» Avec cette salutation, elles montèrent à la maison de Zacharie, et les deux cousines se retirant seules, il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA NOTRE REINE ET NOTRE SOUVERAINE.
3, 16, 213. Ma fille, lorsque la créature fait une digne appréciation des bonnes oeuvres et de l'obéissance du Seigneur qui les lui commande pour Sa gloire, il lui vient une grande facilité à les opérer, une très grande et très suave douceur à les entreprendre et une diligente promptitude à les continuer et à les poursuivre; et ces effets rendent témoignage de la vérité et de l'utilité qu'il y a en elles. Mais l'âme ne peut sentir cet effet et cette expérience si elle n'est pas très souvent soumise au Seigneur regardant et levant les yeux vers la Volonté divine pour L'écouter avec allégresse et L'exécuter avec promptitude oubliant sa propre inclination et sa propre commodité comme le serviteur fidèle qui ne veut que faire la volonté de son maître et non la sienne. Telle est la manière fructueuse d'obéir que toutes les créatures doivent à Dieu et beaucoup plus les religieuses qui le promirent ainsi. Et afin, Ma très chère, que tu suives cette manière parfaitement, considère avec quelle estime David parle en plusieurs endroits (Ps. 118; Ps. 18 et ailleurs) des préceptes du Seigneur, de Ses paroles et de Sa justification et des effets qu'ils causèrent dans le Prophète et maintenant dans les âmes: puis confesse qu'ils rendent les enfants sages (Ps. 18: , qu'ils réjouissent le coeur humain (Ps. 18: 9), qu'ils illuminent les yeux de l'âme (Ps. 18: 9), qu'ils sont une lumière très claire pour ses pieds (Ps. 118: 105) et qu'ils sont plus doux que le miel, plus désirables et plus estimables que l'or et les pierres précieuses (Ps. 18: 11). Cette promptitude et cette soumission à la volonté et à la loi divine rendit David conforme au coeur de Dieu (Act. 13: 22), parce que Sa Majesté veut que tels soient Ses serviteurs et Ses amis.
3, 16, 214. Applique-toi donc, ma fille, avec toute appréciation aux oeuvres de vertu et de perfection que tu connais être de la Volonté de ton Seigneur et tu n'en
dois mépriser aucune, ni résister, ni manquer de les entreprendre, quelle que soit la violence que tu éprouves dans ton inclination et ta faiblesse. Fie-toi au Seigneur et applique toi à l'exécution, car bientôt Sa puissance vaincra toutes les difficultés; et ensuite tu connaîtras par une heureuse expérience combien le joug du Seigneur est doux et combien Son fardeau est léger (Matt. 11: 30), et qu'en Le disant Sa Majesté ne nous trompa point, comme veulent le supposer les tièdes et les négligents qui nient tacitement cette vérité par leur torpeur et leur manque de confiance. Je veux aussi que pour m'imiter dans cette perfection, tu considères le bienfait que m'accorda la Bonté divine, en me donnant une piété et une affection très suaves envers les créatures, ouvrages et participantes de la Bonté et de l'Etre de Dieu. Avec cette affection, je désirais consoler, soulager et animer toutes les âmes, et je leur procurais avec une compassion naturelle tout bien spirituel et corporel; et je ne désirais de mal à aucun quelque grand pécheur qu'il fût, au contraire, je m'inclinais vers ceux-ci avec une plus grande force de mon Coeur compatissant pour leur obtenir le salut éternel. Et de là me résulta le souci de la peine que mon époux Joseph devait recevoir de mon état, parce que je lui devais plus qu'à tous les autres. J'avais aussi cette douce compassion d'une manière très particulière envers les affligés et les malades et je tâchais de procurer à tous quelque soulagement. Et je veux qu'en usant prudemment de cette qualité, tu m'imites selon la connaissance que tu as.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 16, [a]. Saint Bernard dit qu'il n'est pas permis de douter qu'il ait été accordé à la Très Sainte Vierge ce qui fut aussi accordé à un très petit nombre parmi les mortels. Ainsi Dieu ayant accordé à tant de saints le pouvoir de faire des miracles, comment l'aurait-Il refusé à Sa Mère, la Reine de tous les saints?
3, 16, [b. Qui aurait cru qu'après plus de deux siècles de la mort de la Vénérable, la science moderne dût rendre raison à ses révélations sur ce point, où
les commentaires de l'Écriture ne sont point d'accord? Cependant, le Père Bassi-Alexandra dans son ouvrage: «Pèlerinages historiques et descriptifs de la Terre Sainte», publié par lui à Turin en 1857, écrit pouvoir fixer aux alentours de la bourgade moderne d'Aem-Carem la situation de l'antique cité appelée "Juda", dont parle notre Vénérable. Cet écrivain qui visita les lieux saints reconnaît cette cité sous le nom de "Jota" comme Josué l'appelle au chapitre 15, 55, où il énumère les cités possédées par la tribu de Juda dans les montagnes. Et le texte hébreu l'appelle "Juta", mot qui se rapproche beaucoup à Juda et dans lequel il fut facilement changé par le peuple.
3, 16, [c]. De fait, il demeure encore la partie inférieure de cette maison. [Mgr. Mislin, Lieux Saints, t. 3].
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 17
La salutation que la Reine du Ciel fit à sainte Élisabeth et la sanctification de Jean.
3, 17, 215. Le sixième mois de la grossesse de sainte Élisabeth étant accompli, le futur Précurseur de notre Seigneur Jésus-Christ était dans le réceptacle de son sein lorsque la Très Sainte Marie arriva à la maison de Zacharie. La condition du corps de l'enfant était très parfaite dans l'ordre naturel; et plus que les autres par le miracle qui intervint dans la conception d'une Mère stérile, et parce que ce miracle était ordonné afin de déposer en lui la plus grande sainteté (Matt. 11: 11) entre les enfants des hommes que Dieu lui avait préparée. Mais son âme était alors possédée des ténèbres du péché qu'il avait contacté en Adam (Rom. 5: 12), comme les autres enfants de ce premier et commun père du genre humain. Et comme par une loi commune et générale les mortels ne peuvent recevoir la Lumière de la grâce avant de sortir à cette lumière matérielle du soleil; pour cela après le premier péché qui se contracte par la nature, le sein maternel vient à servir comme de
prison ou de cachot pour nous tous qui fûmes coupables en notre chef et notre premier père Adam. Notre Seigneur Jésus-Christ détermina d'avancer Son Prophète et Son Précurseur dans ce grand bienfait, lui anticipant la Lumière de la grâce et la Justification après six mois que sainte Élisabeth l'avait conçu, afin que sa sainteté fut privilégiée comme le devait être l'office de Précurseur et de Baptiste.
3, 17, 216. Apres la première salutation que la Très Sainte Marie fit à sa cousine sainte Élisabeth, elles se retirèrent seules toutes les deux, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent. Et aussitôt la Mère de la grâce salua (Luc 1: 40) de nouveau sa cousine et lui dit: «Dieu te salue, ma cousine et ma très chère, et sa divine Lumière te communique la grâce et la Vie.» A cette voix de la Très Sainte Marie, sainte Élisabeth demeura remplie de l'Esprit-Saint, et son intérieur fut si illuminé qu'elle connut en un instant des mystères et des sacrements très sublimes [a]. Tous ces effets et ceux que l'enfant Jean éprouva dans le sein de sa mère résultèrent de la Présence du Verbe fait chair dans les entrailles de Marie: de là se servant de sa voix comme d'un instrument, il commença à user de la puissance que le Père Éternel lui avait donnée pour sauver et justifier les âmes (Matt. 9: 6) comme Réparateur. Et l'exécutant comme homme, étant dans le sein de Sa Mère, ce petit corps conçu de huit jours, chose merveilleuse, se mit en forme et en posture humble de prière et de supplication au Père; et Il pria et demanda la justification de son futur Précurseur, et Il l'obtint de la Très Sainte Trinité.
3, 17, 217. Saint Jean dans le sein maternel fut le troisième pour que notre Rédempteur étant aussi dans le sein de la Très Sainte Marie fit oraison en particulier; car Marie fut la première pour qui Il pria le Père et lui rendit grâce; le saint époux Joseph vint en second lieu dans les demandes que fit Le Verbe Incarné, comme nous l'avons dit dans le chapitre 12; et le précurseur Jean fut le troisième dans les prières du Seigneur pour des personnes nommées et déterminées. Tels furent les privilèges de la félicité de saint Jean. Notre Seigneur Jésus-Christ présenta au Père Éternel Ses mérites, la Passion et la Mort qu'Il venait souffrir pour les hommes; et en vertu de tout cela Il demanda la sanctification de cette âme; et Il nomma et signala l'enfant qui devait naître saint pour être Son Précurseur, pour rendre témoignage de Sa venue au monde (Jean 1: 7) et pour préparer les coeurs de Son peuple (Luc 1: 17) à Le connaître et à Le recevoir; et
qu'il fut accordé à cet élu toutes les grâces, tous les dons et toutes les faveurs convenables et proportionnés; et le Père Éternel accorda tout comme Son Fils Unique le demandait.
3, 17, 218. Ceci précéda la salutation et la voix de la Très Sainte Marie, et lorsque la divine Dame prononça les paroles rapportées. Dieu regarda l'enfant dans le sein de sainte Élisabeth et Il lui donna l'usage très parfait de la raison; l'illustrant avec des secours spéciaux de la Lumière divine, afin qu'il se préparât, connaissant le bien qui lui était fait. Avec cette disposition il fut sanctifié du péché originel, et constitué fils adoptif du Seigneur et rempli du Saint-Esprit, avec une grâce très abondante et une plénitude de dons et de vertus; ses puissances demeurèrent sanctifiées, assujetties et subordonnées àla raison, s'accomplissant ainsi ce que l'Archange saint Gabriel avait dit à Zacharie, que son fils serait rempli de l'Esprit-Saint dès le sein de sa mère (Luc 1: 15). L'heureux enfant vit en même temps de son lieu le Verbe Incarné, les parois de la caverne utérine lui servant comme de vitre et le Tabernacle des entrailles virginales de la Très Sainte Marie comme de cristaux très purs; et il adora à genoux son Créateur et son Rédempteur. Tels furent le mouvement et la jubilation (Luc 1: 44) que sa mère sainte Élisabeth reconnut et ressentit dans son enfant et dans son sein. Le petit saint Jean fit plusieurs autres actes dans ce bienfait, exerçant toutes les vertus de Foi, d'Espérance, de Charité, d'adoration, de reconnaissance, d'humilité, de dévotion et les autres qu'il pouvait opérer là. Et depuis cet instant il commença à mériter et à croître dans la sainteté sans la perdre jamais, ni manquer d'opérer avec toute la vigueur de la grâce [b.
3, 17, 219. Sainte Élisabeth connut en même temps le Mystère de l'Incarnation, la sanctification de son propre fils et les sacrements et le but de cette nouvelle merveille. Elle connut aussi la pureté virginal et la dignité de la Très Sainte Marie. Et cette divine Reine absorbé dans la vision de ces mystères et de la Divinité qui les opérait dans son Très Saint Fils, demeura en cette occasion toute divinisée et remplie de Lumière et de Clarté des dots auxquelles Elle participait: sainte Élisabeth la vit avec cette majesté et elle vit le Verbe Incarné comme à travers un verre très pur dans le Tabernacle Virginal, comme dans une litière de cristal enflammé et animé. L'instrument efficace de tous ces admirables effets fut la voix de la Très Sainte Marie, aussi forte et puissante que douce aux oreilles du
Très-Haut; et toute cette vertu était comme participée de celle qu'avait eue cette parole puissante: «Fiat mihi secundum verbum (Luc 1: 38),» par laquelle Elle attira le Verbe Éternel du sein du Père dans son esprit et dans son sein.
3, 17, 220. Sainte Élisabeth dans l'admiration de ce qu'elle éprouvait et connaissait de ces sacrements si Divins fut toute transportée d'une joie spirituelle de l'Esprit-Saint, et regardant la Reine du monde et ce qu'elle voyait en Elle, s'exclama à haute voix par ces paroles que rapporte saint Luc (Luc 1: 42): «Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de votre sein est béni. Vous êtes bien heureuse d'avoir cru, parce que toutes les choses que le Seigneur vous a dites s'accompliront en vous.» Sainte Élisabeth résuma dans ces paroles prophétiques de grandes excellences de la Très Sainte Marie, connaissant par la divine Lumière ce que le pouvoir Divin avait opéré en Elle, ce qu'Il opérait présentement et ce qui devait arriver ensuite dans l'avenir. Le petit saint Jean entendit et connut tout cela, car dans le sein de sa mère il percevait ses paroles; et elle était illustrée pour l'occasion de sa sanctification, et elle exalta la Très Sainte Marie pour elle-même et aussi pour son fils comme instrument de sa félicité, puisque dans son sein il ne pouvait la bénir et la louer de bouche.
3, 17, 221. Aux paroles de sainte Élisabeth, qui exaltaient notre grande Reine, cette Maîtresse de la Sagesse et de l'Humilité répondit en les remettant toutes à Son Auteur, et Elle entonna d'une voix très douce et très suave le Cantique du Magnificat que rapporte saint Luc (Luc 1: 47) et Elle dit: «Mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit se réjouit en Dieu qui est mon salut: parce qu'Il a regardé l'humilité de Sa servante, et pour cela toutes les générations me diront bienheureuse. Parce que le Tout-Puissant a fait à mon égard de grandes choses, et Son Nom est Saint. Et Sa Miséricorde s'étendra de génération en génération pour ceux qui Le craignent. Par Son bras Il a manifesté Sa Puissance: Il a détruit les superbes par l'esprit de leur coeur. Il a précipité les puissants de leur siège, et Il a élevé les humbles. Il a rempli de biens ceux qui avaient faim et Il a laissé vides ceux qui étaient riches. Il a reçu Son serviteur Israël et Il S'est souvenu de Sa Miséricorde, comme Il l'a dit à nos pères Abraham et ses descendants pour tous les siècles.»
3, 17, 222. Comme sainte Élisabeth fut la première qui entendit ce doux Cantique de la bouche de la Très Sainte Marie, de même aussi elle fut la première qui le comprit et qui le commenta avec son intelligence infuse. Elle y comprit de grands Mystères d'entre ceux que son Auteur renferma en si peu de paroles. L'esprit de la Très Sainte Marie magnifia le Seigneur pour l'excellence de Son Etre Infini: Elle Lui rapporta et Lui rendit toute la gloire et la louange (1 Tim. 1: 17) comme principe et fin de toutes ces Oeuvres; connaissant et confessant que toute créature ne doit se glorifier et se réjouir qu'en Dieu seul (2 Cor. 10: 17); puisqu'Il est seul tout son bien et son salut. Elle confessa de même l'équité et la magnificence du Très-Haut d'être attentif aux humbles (Ps. 137: 6) et de déposer en eux Son divin Amour et Son Esprit avec abondance; et combien c'est une chose digne que les mortels voient, connaissent et considèrent que par cette humilité Elle obtint que toutes les nations l'appelassent bienheureuse; et tous les humbles avec Elle mériteront aussi cette bonne fortune, chacun dans son degré. Elle manifesta aussi dans une seule parole toutes les Miséricordes, tous les Bienfaits et toutes le Faveurs que fit à son égard le Tout-Puissant et Son Saint et admirable Nom; et Elle appelle ces Bienfaits et ces Miséricordes "de grandes choses", parce qu'aucune ne fut petite dans une capacité et une disposition aussi immense que celle de cette grande Reine et Maîtresse.
3, 17, 223. Et comme les Miséricordes du Très-Haut rejaillirent de la plénitude de la Très Sainte Marie pour tout le genre humain, et Elle est la Porte par où sont sorties et sortent ces Miséricordes et par où nous avons tous entrée à la participation de la Divinité; pour cela Elle confessa que les Miséricordes du Seigneur s'étendraient par Elle à toutes les générations pour se communiquer à ceux qui le craignent. Et comme les Miséricordes Infinies élèvent les humbles et cherchent ceux qui craignent; ainsi le Bras puissant de Sa Justice dissipe et détruit les superbes par l'esprit de leur coeur et les renverse de leur siège pour y placer les pauvres et les humbles. Cette Justice du Seigneur eut son premier effet avec gloire et admiration dans le chef des superbes, Lucifer et dans ses alliés, lorsque le puissant Bras du Très-Haut les dissipa et les renversa (Is. 14: 12) [parce qu'ils se précipitèrent eux-mêmes] de ce lieu et de ce siège élevé de la nature et de la grâce qu'ils avaient dans la Volonté première de l'Entendement divin et de Son amour, avec lesquels Il veut que tous soient sauvés (1 Tim. 2: 4): et leur précipitation fut leur vanité (Is. 14: 13-14) avec laquelle ils intentèrent de monter là où ils ne pouvaient ni ne devaient monter; et avec cette arrogance ils se heurtèrent contre
les justes et insondables jugements du Seigneur qui dissipèrent et renversèrent l'ange superbe et tous ceux de sa suite (Apoc. 12: 9), et à leur place les humbles furent colloqués par le moyen de la Très Sainte Marie, Mère et Archives des antiques Miséricordes.
3, 17, 224. Pour cette même raison cette divine Dame dit aussi et confesse que Dieu enrichit les pauvres, les remplissant de l'abondance de Ses Trésors de grâce et de gloire; et les riches d'estime propre, de présomption et d'arrogance et ceux que remplissent leur coeur des faux biens que le monde tient pour des richesses et de la félicité; ceux-là le Très-Haut les éloigna et les éloigne de Lui-même, vides de la vérité qui ne peut entrer en des coeurs si occupés et si remplis de mensonge et de fausseté. Il reçut son serviteur et Son fils Israël Se souvenant de Sa Miséricorde, pour lui enseigner où est la prudence (Bar. 3: 14), où est la vérité, et l'entendement, où est la vie longue et son aliment, où est la lumière des yeux et la paix. A celui-là Il enseigna le chemin de la prudence et les sentiers occultes de la sagesse et de la discipline, qui furent cachés aux princes des nations; et les puissants qui dominent sur les bêtes de la terre, qui se divertissent et se jouent avec les oiseaux du ciel, qui amassent des trésors d'or et d'argent ne les connurent pas. Les enfants d'Agar et les habitants de Théman qui sont les sages et les prudents superbes de ce monde n'arrivèrent point à les trouver. Mais le Très-Haut les confia à ceux qui sont enfants de lumière et d'Abraham (Gal. 3: 7) par la Foi, l'Espérance et l'Obéissance; parce qu'ainsi Il les lui promit à lui et à sa postérité et sa génération spirituelle par le fruit béni et heureux du sein virginal de la Très Sainte Marie.
3, 17, 225. Sainte Élisabeth comprit ces mystères cachés en écoutant le Reine des créatures; et l'heureuse Matrone comprit non-seulement ce que je peux manifester; mais plusieurs grands sacrements auxquels mon entendement n'arrive point; et je ne veux point non plus m'étendre en tout ce qui m'a été déclaré, parce que je rallongerais trop ce discours. Mais dans les doux entretiens et les conférences divines qu'eurent ces deux Dames, ces Femmes saintes et prudentes, la Très Sainte Marie et sa cousine Élisabeth me rappelèrent les deux Séraphins qu'Isaïe vit sur le trône du Très-Haut, alternant ce divin Cantique toujours nouveau, "Saint, Saint, etc. (Is. 6: 2), couvrant de deux de leurs ailes leur tête, de deux autres leurs pieds, et volant avec les deux autres. Il est clair que l'amour
enflammé de ces deux Dames surpassait tous les Séraphins [c]; et seule, la Très Pure Marie aimait plus qu'eux tous. Elles s'embrasaient dans cet incendie Divin, étendant les ailes de leurs seins pour les manifester l'une à l'autre et pour voler à l'intelligence la plus sublime des Mystères du Très-Haut. Avec deux autres ailes d'une rare sagesse elles couvraient leur tête (Is. 6: 2). Et aussi parce qu'Elles proposèrent et concertèrent toutes deux de garder pour Elles seules toute la vie le secret du sacrement du Roi (Tob. 12: 7). Et aussi parce qu'Elles captivèrent et assujettirent leur jugement, croyant avec soumission, sans orgueil ni curiosité. Elles couvrirent aussi les pieds du Seigneur et les leurs avec des ailes de Séraphins, étant humiliées et assujetties dans leur basse estime à la vue de tant de Majesté. Et si la Très Sainte Marie renfermait dan son sein virginal le Dieu même de Majesté, nous dirons avec raison et en toute vérité qu'Elle couvrait le trône où le Seigneur avait Son siège.
3, 17, 226. Lorsqu'il fut l'heure pour ces deux Dames de sortir de leur appartement, sainte Élisabeth offrit à la Reine du Ciel sa personne pour esclave et toute sa famille et sa maison pour son service, et elle la pria d'accepter pour sa tranquillité et son recueillement une pièce dont elle usait elle-même pour l'oraison, comme étant plus retirée et plus accommodée pour cette occupation. La divine Princesse accepta cette chambre avec une reconnaissance soumise et Elle la désigna pour son recueillement et son sommeil; et personne n'y entra, excepté les deux cousines. Et pour le reste Elle s'offrit à servir et à assister sainte Élisabeth comme sa servante, puisque c'était pour cela qu'Elle était venue la visiter et la consoler, comme je l'ai dit. Oh! quelle amitié douce, véritable et inséparable, unie par le plus grand lien de l'amour Divin! Je vois que le Seigneur a été admirable dans la manifestation de ce grand sacrement de Son Incarnation à trois Femmes avant aucune autre du genre humain: car la première fut saint Anne, comme je l'ai dit en son lieu, la seconde fut Sa Fille, la Mère du Verbe, la troisième fut sainte Élisabeth et son fils [d] avec elle, mais dans le sein de sa mère, qui n'est point réputée pour une autre personne à qui le Mystère ait été manifesté; car ce qui est folie en Dieu (1 Cor. 1: 25) est plus sage que les hommes, comme dit saint Paul.
3, 17, 227. La Très Sainte Marie et Élisabeth sortirent de leur retraite à l'entrée de la nuit, y étant restées longtemps; et la Reine vit Zacharie qui était avec son mutisme, et Elle lui demanda sa bénédiction comme à un prêtre du Seigneur; et le
saint la lui donna. Mais quoiqu'Elle vît avec pitié et tendresse qu'il était muet, comme Elle savait le sacrement qui était renfermé dans cette affliction, Elle ne s'émut point à lui porter remède alors; mais Elle pria pour lui. Sainte Élisabeth qui connaissait désormais la bonne fortune du très chaste époux Joseph, quoiqu'il ignorât lui-même alors, le complimenta et le félicita avec une grande estime et une grande révérence. Et après trois jours passés dans la maison de Zacharie, il demanda permission à sa divine Épouse Marie de retourner à Nazareth, la laissant en compagnie de sainte Élisabeth pour l'assister dans sa grossesse. Saint Joseph partit avec la décision de revenir chercher la Reine quand on lui en donnerait avis; et sainte Élisabeth lui offrit quelques dons pour apporter à sa maison; mais il n'accepta que très peu de ces choses, et cela à cause de l'instance qu'elle lui fit, parce que l'homme de Dieu était non-seulement amateur de la pauvreté, mais d'un coeur généreux et magnanime. Ainsi il revint à Nazareth avec la bestiole qu'il avait amenée, et une femme voisine et parente le servit dans sa maison en l'absence de son Épouse; et cette femme avait coutume d'apporter du dehors les choses nécessaires quand la Très Sainte Marie Notre-Dame était dans sa maison.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA MÊME REINE NOTRE SOUVERAINE.
3, 17, 228. Ma fille, afin d'embraser davantage la flamme du désir que je vois toujours en toi d'obtenir la grâce et l'amitié de Dieu, je désire beaucoup que tu connaisses la dignité, l'excellence et la grande félicité d'une âme lorsqu'elle arrive à recevoir cette beauté; mais elle est si admirable et de tant de valeur que tu ne pourras la comprendre quoique je te la manifeste, et il est beaucoup moins possible que tu l'expliques par tes paroles. Considère le Seigneur et regarde-Le avec Sa divine Lumière que tu reçois et tu connaîtras en Elle combien c'est une Oeuvre plus glorieuse pour le Seigneur de justifier une seule âme que d'avoir créé tous les globes du ciel et de la terre avec le complément et la perfection naturelle qu'ils ont. Et si les créatures connaissent Dieu pour grand et puissant par ces merveilles qu'elles perçoivent en grande partie par les sens corporels (Rom. 1: 20), qu'est-ce qu'elles diraient et penseraient si elles voyaient des yeux de l'âme le prix et l'importance de la beauté de la grâce en tant de créatures capables de la recevoir?
3, 17, 229. Il n'y a point de termes ni de paroles qui puissent égaler ce qu'est en soi cette participation du Seigneur et des perfections Divines que la grâce sanctifiante contient: c'est peu de l'appeler plus pure et plus blanche que la neige, plus resplendissante que le soleil, plus précieuse que l'or et les pierres précieuses, plus tranquille, plus aimable et plus agréables que toutes les consolations et les caresses les plus délectables, et plus belle que tout ce que le désir des créatures peut imaginer. Considère de même la laideur du péché, afin de venir à une plus grande connaissance de la grâce par son contraire; car ni les ténèbres, ni la corruption, ni tout ce qu'il y a de plus horrible, de plus épouvantable et de plus hideux ne peut être comparé à la laideur du péché et à sa mauvaise odeur. Les martyrs et les saints ont eu beaucoup de connaissance de cela, car pour obtenir cette beauté et pour ne point tomber dans cette ruine malheureuse, ils ne craignirent ni le feu (Heb. 11: 36-37), ni les bêtes féroces, ni les rasoirs, ni les tourments, ni les prisons, ni les ignominies, ni les peines, ni les douleurs, ni la mort même, ni la souffrance perpétuelle et prolongée; car tout cela est peu de chose, pèse, et vaut très peu et ne doit point être estimé lorsqu'il s'agit d'acquérir un seul degré de grâce. Et une âme peut avoir ce degré et plusieurs autres, fut-elle la plus rejetée du monde. Et les hommes ignorent tout cela, car ils n'estiment et ne désirent que la beauté fugitive et apparente des créatures, et ce qui n'a pas cette beauté éphémère est pour eux vil et méprisable.
3, 17, 230. Par là tu connaîtras quelque chose du bienfait que le Verbe Incarné fit à Jean Son Précurseur dans le sein de sa Mère, et l'heureux enfant Le connut et il tressaillit d'allégresse et de jubilation avec cette connaissance. Tu connaîtras aussi tout ce que tu dois faire et souffrir pour obtenir cette félicité et ne point perdre une beauté si estimable, ni la tacher par aucun péché quelque léger qu'il soit, ni la retarder par aucune imperfection. A l'imitation de ce que je fis avec ma cousine Élisabeth, je veux que tu n'acceptes ni n'introduises d'amitié avec aucune créature humaine et que tu n'aies de relations qu'avec ceux avec qui tu peux et dois parler des Oeuvres et des Mystères du Très-Haut et à qui tu puisses enseigner le Chemin véritable de Son bon plaisir. Et quoique tu aies de grandes occupations et de grands soucis, n'abandonne ni n'oublie point les exercices spirituels et l'ordre de la vie parfaite; parce que ceci ne doit pas être seulement gardé et conservé dans la commodité, mais aussi dans les contradictions, les difficultés et les occupations les plus grandes, parce que la nature imparfaite se relâche avec peu d'occasion
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 17, [a]. Ce ne fut donc point en public mais bien en secret, quand les deux cousines furent seules ensemble qu'arriva la révélation à sainte Élisabeth de la Maternité divine de Marie et le Cantique de Celle-ci. En effet, si elle était arrivée en public, saint Joseph aurait connu le Mystère, mais au contraire il est certain par l'Évangile qu'il ne le connut que beaucoup plus tard. Et saint Zacharie l'aurait connu aussi, mais on sait qu'il n'en eut connaissance qu'à l'imposition du nom à saint Jean, quand il entonna le Benedictus. Notre Vénérable en exposera les raisons aux numéros 296 et 297.
3, 17, [b. Suarez dans ses commentaires sur la Somme de S. Thomas [in III, 2, 38], parle au long du saint Précurseur et prouve par l'autorité presque tout ce que dit ici la Vénérable.
3, 17, [c]. Il est clair que l'amour enflammé de ces deux Dames surpassait celui de tous les Séraphins, puisque celui de Marie seule les surpassait de beaucoup.
3, 17, [d]. La Vénérable ne tient pas compte de la révélation faite à saint Joachim et racontée dans Livre 2, No. 669; parce que cette révélation fut faite à l'article de la mort et elle fut comme si elle n'eût pas été.
La salutation que la Reine du Ciel fit à sainte Élisabeth et la sanctification de Jean.
3, 17, 215. Le sixième mois de la grossesse de sainte Élisabeth étant accompli, le futur Précurseur de notre Seigneur Jésus-Christ était dans le réceptacle de son sein lorsque la Très Sainte Marie arriva à la maison de Zacharie. La condition du corps de l'enfant était très parfaite dans l'ordre naturel; et plus que les autres par le miracle qui intervint dans la conception d'une Mère stérile, et parce que ce miracle était ordonné afin de déposer en lui la plus grande sainteté (Matt. 11: 11) entre les enfants des hommes que Dieu lui avait préparée. Mais son âme était alors possédée des ténèbres du péché qu'il avait contacté en Adam (Rom. 5: 12), comme les autres enfants de ce premier et commun père du genre humain. Et comme par une loi commune et générale les mortels ne peuvent recevoir la Lumière de la grâce avant de sortir à cette lumière matérielle du soleil; pour cela après le premier péché qui se contracte par la nature, le sein maternel vient à servir comme de
prison ou de cachot pour nous tous qui fûmes coupables en notre chef et notre premier père Adam. Notre Seigneur Jésus-Christ détermina d'avancer Son Prophète et Son Précurseur dans ce grand bienfait, lui anticipant la Lumière de la grâce et la Justification après six mois que sainte Élisabeth l'avait conçu, afin que sa sainteté fut privilégiée comme le devait être l'office de Précurseur et de Baptiste.
3, 17, 216. Apres la première salutation que la Très Sainte Marie fit à sa cousine sainte Élisabeth, elles se retirèrent seules toutes les deux, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent. Et aussitôt la Mère de la grâce salua (Luc 1: 40) de nouveau sa cousine et lui dit: «Dieu te salue, ma cousine et ma très chère, et sa divine Lumière te communique la grâce et la Vie.» A cette voix de la Très Sainte Marie, sainte Élisabeth demeura remplie de l'Esprit-Saint, et son intérieur fut si illuminé qu'elle connut en un instant des mystères et des sacrements très sublimes [a]. Tous ces effets et ceux que l'enfant Jean éprouva dans le sein de sa mère résultèrent de la Présence du Verbe fait chair dans les entrailles de Marie: de là se servant de sa voix comme d'un instrument, il commença à user de la puissance que le Père Éternel lui avait donnée pour sauver et justifier les âmes (Matt. 9: 6) comme Réparateur. Et l'exécutant comme homme, étant dans le sein de Sa Mère, ce petit corps conçu de huit jours, chose merveilleuse, se mit en forme et en posture humble de prière et de supplication au Père; et Il pria et demanda la justification de son futur Précurseur, et Il l'obtint de la Très Sainte Trinité.
3, 17, 217. Saint Jean dans le sein maternel fut le troisième pour que notre Rédempteur étant aussi dans le sein de la Très Sainte Marie fit oraison en particulier; car Marie fut la première pour qui Il pria le Père et lui rendit grâce; le saint époux Joseph vint en second lieu dans les demandes que fit Le Verbe Incarné, comme nous l'avons dit dans le chapitre 12; et le précurseur Jean fut le troisième dans les prières du Seigneur pour des personnes nommées et déterminées. Tels furent les privilèges de la félicité de saint Jean. Notre Seigneur Jésus-Christ présenta au Père Éternel Ses mérites, la Passion et la Mort qu'Il venait souffrir pour les hommes; et en vertu de tout cela Il demanda la sanctification de cette âme; et Il nomma et signala l'enfant qui devait naître saint pour être Son Précurseur, pour rendre témoignage de Sa venue au monde (Jean 1: 7) et pour préparer les coeurs de Son peuple (Luc 1: 17) à Le connaître et à Le recevoir; et
qu'il fut accordé à cet élu toutes les grâces, tous les dons et toutes les faveurs convenables et proportionnés; et le Père Éternel accorda tout comme Son Fils Unique le demandait.
3, 17, 218. Ceci précéda la salutation et la voix de la Très Sainte Marie, et lorsque la divine Dame prononça les paroles rapportées. Dieu regarda l'enfant dans le sein de sainte Élisabeth et Il lui donna l'usage très parfait de la raison; l'illustrant avec des secours spéciaux de la Lumière divine, afin qu'il se préparât, connaissant le bien qui lui était fait. Avec cette disposition il fut sanctifié du péché originel, et constitué fils adoptif du Seigneur et rempli du Saint-Esprit, avec une grâce très abondante et une plénitude de dons et de vertus; ses puissances demeurèrent sanctifiées, assujetties et subordonnées àla raison, s'accomplissant ainsi ce que l'Archange saint Gabriel avait dit à Zacharie, que son fils serait rempli de l'Esprit-Saint dès le sein de sa mère (Luc 1: 15). L'heureux enfant vit en même temps de son lieu le Verbe Incarné, les parois de la caverne utérine lui servant comme de vitre et le Tabernacle des entrailles virginales de la Très Sainte Marie comme de cristaux très purs; et il adora à genoux son Créateur et son Rédempteur. Tels furent le mouvement et la jubilation (Luc 1: 44) que sa mère sainte Élisabeth reconnut et ressentit dans son enfant et dans son sein. Le petit saint Jean fit plusieurs autres actes dans ce bienfait, exerçant toutes les vertus de Foi, d'Espérance, de Charité, d'adoration, de reconnaissance, d'humilité, de dévotion et les autres qu'il pouvait opérer là. Et depuis cet instant il commença à mériter et à croître dans la sainteté sans la perdre jamais, ni manquer d'opérer avec toute la vigueur de la grâce [b.
3, 17, 219. Sainte Élisabeth connut en même temps le Mystère de l'Incarnation, la sanctification de son propre fils et les sacrements et le but de cette nouvelle merveille. Elle connut aussi la pureté virginal et la dignité de la Très Sainte Marie. Et cette divine Reine absorbé dans la vision de ces mystères et de la Divinité qui les opérait dans son Très Saint Fils, demeura en cette occasion toute divinisée et remplie de Lumière et de Clarté des dots auxquelles Elle participait: sainte Élisabeth la vit avec cette majesté et elle vit le Verbe Incarné comme à travers un verre très pur dans le Tabernacle Virginal, comme dans une litière de cristal enflammé et animé. L'instrument efficace de tous ces admirables effets fut la voix de la Très Sainte Marie, aussi forte et puissante que douce aux oreilles du
Très-Haut; et toute cette vertu était comme participée de celle qu'avait eue cette parole puissante: «Fiat mihi secundum verbum (Luc 1: 38),» par laquelle Elle attira le Verbe Éternel du sein du Père dans son esprit et dans son sein.
3, 17, 220. Sainte Élisabeth dans l'admiration de ce qu'elle éprouvait et connaissait de ces sacrements si Divins fut toute transportée d'une joie spirituelle de l'Esprit-Saint, et regardant la Reine du monde et ce qu'elle voyait en Elle, s'exclama à haute voix par ces paroles que rapporte saint Luc (Luc 1: 42): «Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de votre sein est béni. Vous êtes bien heureuse d'avoir cru, parce que toutes les choses que le Seigneur vous a dites s'accompliront en vous.» Sainte Élisabeth résuma dans ces paroles prophétiques de grandes excellences de la Très Sainte Marie, connaissant par la divine Lumière ce que le pouvoir Divin avait opéré en Elle, ce qu'Il opérait présentement et ce qui devait arriver ensuite dans l'avenir. Le petit saint Jean entendit et connut tout cela, car dans le sein de sa mère il percevait ses paroles; et elle était illustrée pour l'occasion de sa sanctification, et elle exalta la Très Sainte Marie pour elle-même et aussi pour son fils comme instrument de sa félicité, puisque dans son sein il ne pouvait la bénir et la louer de bouche.
3, 17, 221. Aux paroles de sainte Élisabeth, qui exaltaient notre grande Reine, cette Maîtresse de la Sagesse et de l'Humilité répondit en les remettant toutes à Son Auteur, et Elle entonna d'une voix très douce et très suave le Cantique du Magnificat que rapporte saint Luc (Luc 1: 47) et Elle dit: «Mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit se réjouit en Dieu qui est mon salut: parce qu'Il a regardé l'humilité de Sa servante, et pour cela toutes les générations me diront bienheureuse. Parce que le Tout-Puissant a fait à mon égard de grandes choses, et Son Nom est Saint. Et Sa Miséricorde s'étendra de génération en génération pour ceux qui Le craignent. Par Son bras Il a manifesté Sa Puissance: Il a détruit les superbes par l'esprit de leur coeur. Il a précipité les puissants de leur siège, et Il a élevé les humbles. Il a rempli de biens ceux qui avaient faim et Il a laissé vides ceux qui étaient riches. Il a reçu Son serviteur Israël et Il S'est souvenu de Sa Miséricorde, comme Il l'a dit à nos pères Abraham et ses descendants pour tous les siècles.»
3, 17, 222. Comme sainte Élisabeth fut la première qui entendit ce doux Cantique de la bouche de la Très Sainte Marie, de même aussi elle fut la première qui le comprit et qui le commenta avec son intelligence infuse. Elle y comprit de grands Mystères d'entre ceux que son Auteur renferma en si peu de paroles. L'esprit de la Très Sainte Marie magnifia le Seigneur pour l'excellence de Son Etre Infini: Elle Lui rapporta et Lui rendit toute la gloire et la louange (1 Tim. 1: 17) comme principe et fin de toutes ces Oeuvres; connaissant et confessant que toute créature ne doit se glorifier et se réjouir qu'en Dieu seul (2 Cor. 10: 17); puisqu'Il est seul tout son bien et son salut. Elle confessa de même l'équité et la magnificence du Très-Haut d'être attentif aux humbles (Ps. 137: 6) et de déposer en eux Son divin Amour et Son Esprit avec abondance; et combien c'est une chose digne que les mortels voient, connaissent et considèrent que par cette humilité Elle obtint que toutes les nations l'appelassent bienheureuse; et tous les humbles avec Elle mériteront aussi cette bonne fortune, chacun dans son degré. Elle manifesta aussi dans une seule parole toutes les Miséricordes, tous les Bienfaits et toutes le Faveurs que fit à son égard le Tout-Puissant et Son Saint et admirable Nom; et Elle appelle ces Bienfaits et ces Miséricordes "de grandes choses", parce qu'aucune ne fut petite dans une capacité et une disposition aussi immense que celle de cette grande Reine et Maîtresse.
3, 17, 223. Et comme les Miséricordes du Très-Haut rejaillirent de la plénitude de la Très Sainte Marie pour tout le genre humain, et Elle est la Porte par où sont sorties et sortent ces Miséricordes et par où nous avons tous entrée à la participation de la Divinité; pour cela Elle confessa que les Miséricordes du Seigneur s'étendraient par Elle à toutes les générations pour se communiquer à ceux qui le craignent. Et comme les Miséricordes Infinies élèvent les humbles et cherchent ceux qui craignent; ainsi le Bras puissant de Sa Justice dissipe et détruit les superbes par l'esprit de leur coeur et les renverse de leur siège pour y placer les pauvres et les humbles. Cette Justice du Seigneur eut son premier effet avec gloire et admiration dans le chef des superbes, Lucifer et dans ses alliés, lorsque le puissant Bras du Très-Haut les dissipa et les renversa (Is. 14: 12) [parce qu'ils se précipitèrent eux-mêmes] de ce lieu et de ce siège élevé de la nature et de la grâce qu'ils avaient dans la Volonté première de l'Entendement divin et de Son amour, avec lesquels Il veut que tous soient sauvés (1 Tim. 2: 4): et leur précipitation fut leur vanité (Is. 14: 13-14) avec laquelle ils intentèrent de monter là où ils ne pouvaient ni ne devaient monter; et avec cette arrogance ils se heurtèrent contre
les justes et insondables jugements du Seigneur qui dissipèrent et renversèrent l'ange superbe et tous ceux de sa suite (Apoc. 12: 9), et à leur place les humbles furent colloqués par le moyen de la Très Sainte Marie, Mère et Archives des antiques Miséricordes.
3, 17, 224. Pour cette même raison cette divine Dame dit aussi et confesse que Dieu enrichit les pauvres, les remplissant de l'abondance de Ses Trésors de grâce et de gloire; et les riches d'estime propre, de présomption et d'arrogance et ceux que remplissent leur coeur des faux biens que le monde tient pour des richesses et de la félicité; ceux-là le Très-Haut les éloigna et les éloigne de Lui-même, vides de la vérité qui ne peut entrer en des coeurs si occupés et si remplis de mensonge et de fausseté. Il reçut son serviteur et Son fils Israël Se souvenant de Sa Miséricorde, pour lui enseigner où est la prudence (Bar. 3: 14), où est la vérité, et l'entendement, où est la vie longue et son aliment, où est la lumière des yeux et la paix. A celui-là Il enseigna le chemin de la prudence et les sentiers occultes de la sagesse et de la discipline, qui furent cachés aux princes des nations; et les puissants qui dominent sur les bêtes de la terre, qui se divertissent et se jouent avec les oiseaux du ciel, qui amassent des trésors d'or et d'argent ne les connurent pas. Les enfants d'Agar et les habitants de Théman qui sont les sages et les prudents superbes de ce monde n'arrivèrent point à les trouver. Mais le Très-Haut les confia à ceux qui sont enfants de lumière et d'Abraham (Gal. 3: 7) par la Foi, l'Espérance et l'Obéissance; parce qu'ainsi Il les lui promit à lui et à sa postérité et sa génération spirituelle par le fruit béni et heureux du sein virginal de la Très Sainte Marie.
3, 17, 225. Sainte Élisabeth comprit ces mystères cachés en écoutant le Reine des créatures; et l'heureuse Matrone comprit non-seulement ce que je peux manifester; mais plusieurs grands sacrements auxquels mon entendement n'arrive point; et je ne veux point non plus m'étendre en tout ce qui m'a été déclaré, parce que je rallongerais trop ce discours. Mais dans les doux entretiens et les conférences divines qu'eurent ces deux Dames, ces Femmes saintes et prudentes, la Très Sainte Marie et sa cousine Élisabeth me rappelèrent les deux Séraphins qu'Isaïe vit sur le trône du Très-Haut, alternant ce divin Cantique toujours nouveau, "Saint, Saint, etc. (Is. 6: 2), couvrant de deux de leurs ailes leur tête, de deux autres leurs pieds, et volant avec les deux autres. Il est clair que l'amour
enflammé de ces deux Dames surpassait tous les Séraphins [c]; et seule, la Très Pure Marie aimait plus qu'eux tous. Elles s'embrasaient dans cet incendie Divin, étendant les ailes de leurs seins pour les manifester l'une à l'autre et pour voler à l'intelligence la plus sublime des Mystères du Très-Haut. Avec deux autres ailes d'une rare sagesse elles couvraient leur tête (Is. 6: 2). Et aussi parce qu'Elles proposèrent et concertèrent toutes deux de garder pour Elles seules toute la vie le secret du sacrement du Roi (Tob. 12: 7). Et aussi parce qu'Elles captivèrent et assujettirent leur jugement, croyant avec soumission, sans orgueil ni curiosité. Elles couvrirent aussi les pieds du Seigneur et les leurs avec des ailes de Séraphins, étant humiliées et assujetties dans leur basse estime à la vue de tant de Majesté. Et si la Très Sainte Marie renfermait dan son sein virginal le Dieu même de Majesté, nous dirons avec raison et en toute vérité qu'Elle couvrait le trône où le Seigneur avait Son siège.
3, 17, 226. Lorsqu'il fut l'heure pour ces deux Dames de sortir de leur appartement, sainte Élisabeth offrit à la Reine du Ciel sa personne pour esclave et toute sa famille et sa maison pour son service, et elle la pria d'accepter pour sa tranquillité et son recueillement une pièce dont elle usait elle-même pour l'oraison, comme étant plus retirée et plus accommodée pour cette occupation. La divine Princesse accepta cette chambre avec une reconnaissance soumise et Elle la désigna pour son recueillement et son sommeil; et personne n'y entra, excepté les deux cousines. Et pour le reste Elle s'offrit à servir et à assister sainte Élisabeth comme sa servante, puisque c'était pour cela qu'Elle était venue la visiter et la consoler, comme je l'ai dit. Oh! quelle amitié douce, véritable et inséparable, unie par le plus grand lien de l'amour Divin! Je vois que le Seigneur a été admirable dans la manifestation de ce grand sacrement de Son Incarnation à trois Femmes avant aucune autre du genre humain: car la première fut saint Anne, comme je l'ai dit en son lieu, la seconde fut Sa Fille, la Mère du Verbe, la troisième fut sainte Élisabeth et son fils [d] avec elle, mais dans le sein de sa mère, qui n'est point réputée pour une autre personne à qui le Mystère ait été manifesté; car ce qui est folie en Dieu (1 Cor. 1: 25) est plus sage que les hommes, comme dit saint Paul.
3, 17, 227. La Très Sainte Marie et Élisabeth sortirent de leur retraite à l'entrée de la nuit, y étant restées longtemps; et la Reine vit Zacharie qui était avec son mutisme, et Elle lui demanda sa bénédiction comme à un prêtre du Seigneur; et le
saint la lui donna. Mais quoiqu'Elle vît avec pitié et tendresse qu'il était muet, comme Elle savait le sacrement qui était renfermé dans cette affliction, Elle ne s'émut point à lui porter remède alors; mais Elle pria pour lui. Sainte Élisabeth qui connaissait désormais la bonne fortune du très chaste époux Joseph, quoiqu'il ignorât lui-même alors, le complimenta et le félicita avec une grande estime et une grande révérence. Et après trois jours passés dans la maison de Zacharie, il demanda permission à sa divine Épouse Marie de retourner à Nazareth, la laissant en compagnie de sainte Élisabeth pour l'assister dans sa grossesse. Saint Joseph partit avec la décision de revenir chercher la Reine quand on lui en donnerait avis; et sainte Élisabeth lui offrit quelques dons pour apporter à sa maison; mais il n'accepta que très peu de ces choses, et cela à cause de l'instance qu'elle lui fit, parce que l'homme de Dieu était non-seulement amateur de la pauvreté, mais d'un coeur généreux et magnanime. Ainsi il revint à Nazareth avec la bestiole qu'il avait amenée, et une femme voisine et parente le servit dans sa maison en l'absence de son Épouse; et cette femme avait coutume d'apporter du dehors les choses nécessaires quand la Très Sainte Marie Notre-Dame était dans sa maison.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA MÊME REINE NOTRE SOUVERAINE.
3, 17, 228. Ma fille, afin d'embraser davantage la flamme du désir que je vois toujours en toi d'obtenir la grâce et l'amitié de Dieu, je désire beaucoup que tu connaisses la dignité, l'excellence et la grande félicité d'une âme lorsqu'elle arrive à recevoir cette beauté; mais elle est si admirable et de tant de valeur que tu ne pourras la comprendre quoique je te la manifeste, et il est beaucoup moins possible que tu l'expliques par tes paroles. Considère le Seigneur et regarde-Le avec Sa divine Lumière que tu reçois et tu connaîtras en Elle combien c'est une Oeuvre plus glorieuse pour le Seigneur de justifier une seule âme que d'avoir créé tous les globes du ciel et de la terre avec le complément et la perfection naturelle qu'ils ont. Et si les créatures connaissent Dieu pour grand et puissant par ces merveilles qu'elles perçoivent en grande partie par les sens corporels (Rom. 1: 20), qu'est-ce qu'elles diraient et penseraient si elles voyaient des yeux de l'âme le prix et l'importance de la beauté de la grâce en tant de créatures capables de la recevoir?
3, 17, 229. Il n'y a point de termes ni de paroles qui puissent égaler ce qu'est en soi cette participation du Seigneur et des perfections Divines que la grâce sanctifiante contient: c'est peu de l'appeler plus pure et plus blanche que la neige, plus resplendissante que le soleil, plus précieuse que l'or et les pierres précieuses, plus tranquille, plus aimable et plus agréables que toutes les consolations et les caresses les plus délectables, et plus belle que tout ce que le désir des créatures peut imaginer. Considère de même la laideur du péché, afin de venir à une plus grande connaissance de la grâce par son contraire; car ni les ténèbres, ni la corruption, ni tout ce qu'il y a de plus horrible, de plus épouvantable et de plus hideux ne peut être comparé à la laideur du péché et à sa mauvaise odeur. Les martyrs et les saints ont eu beaucoup de connaissance de cela, car pour obtenir cette beauté et pour ne point tomber dans cette ruine malheureuse, ils ne craignirent ni le feu (Heb. 11: 36-37), ni les bêtes féroces, ni les rasoirs, ni les tourments, ni les prisons, ni les ignominies, ni les peines, ni les douleurs, ni la mort même, ni la souffrance perpétuelle et prolongée; car tout cela est peu de chose, pèse, et vaut très peu et ne doit point être estimé lorsqu'il s'agit d'acquérir un seul degré de grâce. Et une âme peut avoir ce degré et plusieurs autres, fut-elle la plus rejetée du monde. Et les hommes ignorent tout cela, car ils n'estiment et ne désirent que la beauté fugitive et apparente des créatures, et ce qui n'a pas cette beauté éphémère est pour eux vil et méprisable.
3, 17, 230. Par là tu connaîtras quelque chose du bienfait que le Verbe Incarné fit à Jean Son Précurseur dans le sein de sa Mère, et l'heureux enfant Le connut et il tressaillit d'allégresse et de jubilation avec cette connaissance. Tu connaîtras aussi tout ce que tu dois faire et souffrir pour obtenir cette félicité et ne point perdre une beauté si estimable, ni la tacher par aucun péché quelque léger qu'il soit, ni la retarder par aucune imperfection. A l'imitation de ce que je fis avec ma cousine Élisabeth, je veux que tu n'acceptes ni n'introduises d'amitié avec aucune créature humaine et que tu n'aies de relations qu'avec ceux avec qui tu peux et dois parler des Oeuvres et des Mystères du Très-Haut et à qui tu puisses enseigner le Chemin véritable de Son bon plaisir. Et quoique tu aies de grandes occupations et de grands soucis, n'abandonne ni n'oublie point les exercices spirituels et l'ordre de la vie parfaite; parce que ceci ne doit pas être seulement gardé et conservé dans la commodité, mais aussi dans les contradictions, les difficultés et les occupations les plus grandes, parce que la nature imparfaite se relâche avec peu d'occasion
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 17, [a]. Ce ne fut donc point en public mais bien en secret, quand les deux cousines furent seules ensemble qu'arriva la révélation à sainte Élisabeth de la Maternité divine de Marie et le Cantique de Celle-ci. En effet, si elle était arrivée en public, saint Joseph aurait connu le Mystère, mais au contraire il est certain par l'Évangile qu'il ne le connut que beaucoup plus tard. Et saint Zacharie l'aurait connu aussi, mais on sait qu'il n'en eut connaissance qu'à l'imposition du nom à saint Jean, quand il entonna le Benedictus. Notre Vénérable en exposera les raisons aux numéros 296 et 297.
3, 17, [b. Suarez dans ses commentaires sur la Somme de S. Thomas [in III, 2, 38], parle au long du saint Précurseur et prouve par l'autorité presque tout ce que dit ici la Vénérable.
3, 17, [c]. Il est clair que l'amour enflammé de ces deux Dames surpassait celui de tous les Séraphins, puisque celui de Marie seule les surpassait de beaucoup.
3, 17, [d]. La Vénérable ne tient pas compte de la révélation faite à saint Joachim et racontée dans Livre 2, No. 669; parce que cette révélation fut faite à l'article de la mort et elle fut comme si elle n'eût pas été.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 18
La Très Sainte Marie ordonne ses exercices dans la maison de Zacharie et quelques événements avec sainte Élisabeth.
3, 18, 231. Le précurseur Jean était déjà sanctifié et sa mère sainte Élisabeth renouvelée par les dons et les bienfaits les plus grands: ce qui fut le but principal de la Visitation de la Très Sainte Marie; la grande Reine détermina d'ordonner les occupations auxquelles Elle devait vaquer dans la maison de Zacharie; parce qu'elles ne pouvaient être uniformes en tout à celles qu'Elle avait dans sa maison. Pour acheminer son désir avec la direction de l'Esprit divin, elle se recueillit et se prosterna en la Présence du Très-Haut, et Elle Lui demanda, comme Elle avait coutume, de la gouverner et d'ordonner ce qu'Elle devait faire le temps qu'Elle serait dans la maison de Ses serviteurs Élisabeth et Zacharie; afin qu'Elle Lui fût agréable en tout et qu'Elle accomplît entièrement le plus grand agrément de Sa très haute Majesté. Le Seigneur écouta sa prière et lui répondit disant: «Mon Épouse et Ma Colombe, Je gouvernerai toutes tes actions et Je dirigerai tes pas à Mon plus grand service et selon Mon bon plaisir, et Je te marquerai le jour que Je veux que tu retournes à ta maison: et pendant que tu seras chez Ma servante Élisabeth tu converseras et tu t'entretiendras avec elle; pour le reste continue tes exercices et tes prières, spécialement pour le salut des hommes et afin que Je n'use point envers eux de Ma justice pour les offenses incessantes qu'ils multiplient contre Ma Bonté. ET dans cette prière tu m'offriras pour eux l'Agneau sans tache (1 Pet. 1: 18-19). Telles sont maintenant tes occupations.
3, 18, 232. Avec ce magistère et ce nouveau commandement du Très-Haut, la Princesse des Cieux ordonna toutes les occupations qu'Elle devait avoir dans la maison de sa cousine Élisabeth. Elle se levait à minuit, continuant toujours cet exercice; et Elle y vaquait à la contemplation incessante des Mystères divins, donnant à la veille et au sommeil ce qui correspondait très parfaitement et avec proportion à l'état naturel du corps. En tous et chacun de ces temps, Elle recevait des consolations, des faveurs, des illustrations et des élévations nouvelles du Très-Haut. Elle eut pendant ces trois mois plusieurs visions de la Divinité de la manière
abstractive, qui était très fréquente, et encore plus la vision de l'Humanité très Sainte du Verbe avec l'union hypostatique: parce que son sein virginal où Elle Le portait était son autel et son oratoire perpétuel. Elle Le contemplait avec les accroissements que son corps sacré recevait chaque jour; et l'esprit de cette Auguste Souveraine croissait aussi par cette vue et les sacrements qui lui étaient manifestés chaque jour dans le champ interminable de la Divinité et de la Puissance divine; et souvent Elle serait arrivée à défaillir et à mourir par l'incendie de son amour et de ses ardentes affections si Elle n'eût été confortée par la vertu du Seigneur. Parmi tous ces offices dissimulés, Elle accourait à tout ce qui s'offrait du service et de la consolation de sa cousine sainte Élisabeth, sans toutefois y donner un moment de plus que ce que demandait la charité. Elle revenait aussitôt à sa retraite et à sa solitude où Elle répandait son esprit avec une plus grande liberté en présence du Seigneur.
3, 18, 233. Elle n'était pas non plus oisive pour s'occuper dans son intérieur tandis qu'Elle travaillait à certains ouvrages manuels pendant un temps assez long. Et le précurseur Jean fut si heureux en tout, que cette Dame lui fit et lui travailla les petits langes et les robes où il devait être enveloppé et élevé; parce que cette bonne fortune lui fut sollicitée par la dévotion et l'attention de sa mère sainte Élisabeth qui en supplia la divine Reine avec l'humilité de servante qu'elle avait; et la Vierge très pure le fit avec un amour et une obéissance incroyables pour s'exercer dans ces Vertus et pour obéir à celle qui voulait servir comme la moindre de ses servantes, car toujours la Très Sainte Marie les vainquait tous dans l'humilité et l'obéissance. Et quoique sainte Élisabeth tâchât d'anticiper en plusieurs choses pour la servir; néanmoins Elle la devançait avec sa rare prudence et sa sagesse incomparable, et Elle prévenait toute chose, pour gagner toujours le triomphe de la vertu.
3, 18, 234. Les deux cousines avaient à ce sujet de grandes et douces compétitions de souveraine complaisance pour le Très-Haut et d'admiration pour les Anges; parce que sainte Élisabeth était rempli de sollicitude et de soins pour servir notre grande Reine et notre Souveraine et pour que tous ceux de sa famille fissent la même chose; mais celle qui était Maîtresse des vertus, la Très Sainte Marie plus attentive et plus officieuse prévenait et détournait les soins de sa cousine, et lui disait: «Mon amie et ma cousine, ma consolation consiste à obéir et
à être commandée toute ma Vie; il n'est pas bien que votre amour me prive de celle que je reçois en cela, puisque je suis la moindre de tous: la raison même demande que je vous serve comme ma mère, ainsi que tous ceux de votre maison: traitez-moi comme votre servante pendant que je serai en votre compagnie.» Sainte Élisabeth répondit: «Madame et mon amie, c'est à moi au contraire de Vous obéir, et à Vous de me commander et de me gouverner en toutes choses; et je Vous le demande avec plus de justice: parce que si Vous, Madame, Vous voulez exercer l'humilité, moi, je dois le culte et la révérence à mon Dieu et mon Seigneur que Vous avez dans Votre sein virginal et je reconnais que Votre dignité requiert tout honneur et tout respect.» La Très Prudente Vierge répondait: «Mon Fils et mon Seigneur ne m'a pas choisie pour Mère afin qu'en cette vie un tel respect me soit dû comme à une Maîtresse; parce que Son royaume n'est pas de ce monde (Jean 18: 36) et Il ne vient pas Lui-même pour être servi, mais pour servir (Matt. 20: 28) et souffrir et enseigner aux mortels à obéir et à s'humilier (Matt. 11: 29), condamnant l'orgueil et le faste. Puis, si Sa très haute Majesté m'enseigne cela et S'appelle l'opprobre (Ps. 21: 7) des hommes, comment moi qui suis Son esclave et qui ne mérite point la compagnie des créatures, consentirai-je que celles qui sont formées à Son Image et à Sa ressemblance (Gen. 1: 27) me servent?»
3, 18, 235. Sainte Élisabeth insistait toujours et disait: «Madame et mon refuge, cela sera pour celui qui ignore le sacrement qui est renfermé en Vous; mais moi qui ai reçu cette connaissance du Seigneur sans le mériter, je serai très répréhensible en Sa présence si je ne Lui donne en Vous la vénération que je dois à Dieu, et à Vous comme à Sa Mère; car il est juste que je Vous serve tous deux comme une esclave sert ses seigneurs.» La Très Sainte Marie répondit à cela: «Mon amie et ma soeur, cette révérence que vous devez et que vous désirez donner est due au Seigneur que j'ai dans mes entrailles qui est le Sauveur et Le véritable et Souverain Bien: mais à moi qui suis pure Créature et parmi les autres un pauvre vermisseau, regardez-moi comme je suis par moi-même, bien que vous adoriez le Créateur qui m'a choisie comme pauvre pour Sa demeure et avec la même Lumière de la vérité, vous donnerez à Dieu ce qui Lui est dû et àmoi ce qui me regarde, qui est de servir et d'être inférieure àtous, et cela, je vous le demande pour ma consolation et pour le même Seigneur que je porte dans mon sein.»
3, 18, 236. La Très Sainte Marie et sainte Élisabeth sa cousine passèrent quelque temps dans ces émulations très heureuses et très fortunées. Mais la Sagesse divine de notre Reine la rendît si ingénieuse et si studieuse en matières d'humilité et d'obéissance qu'Elle demeurait toujours victorieuse trouvant des moyens et des voies pour obéir et être commandée: et Elle fit ainsi avec sainte Élisabeth tout le temps qu'Elles furent ensemble; mais de telle sorte que toutes les deux respectivement traitaient avec magnificence le sacrement du Seigneur qui était caché dans leur sein, et déposé en la Très Sainte Marie comme Mère et Maîtresse des vertus et de la grâce, et en sa cousine Élisabeth comme Matrone très prudente et remplie de la divine Lumière de l'Esprit-Saint. Et avec cette Lumière elle disposa comment procéder avec la Mère de Dieu même, lui donnant de la satisfaction et lui obéissant en ce qu'Elle demandait, et conjointement en révérant sa dignité et en Elle son Créateur. Elle proposa dans son coeur que si elle ordonnait quelque chose à la Mère de Dieu, ce serait pour lui obéir et pour satisfaire à sa volonté, et lorsqu'elle le faisait elle demandait pardon et permission au Seigneur, et joint à cela elle ne lui ordonnait aucune chose avec empire, mais en la priant, et seulement en ce qui était pour quelque soulagement de la Reine comme pour qu'Elle mangeât et dormît elle le faisait avec une plus grande force. Elle lui demanda aussi de faire quelque travail des mains pour elle, et la Très Sainte Marie les fit; cependant sainte Élisabeth n'en usa jamais, parce qu'elle garde ces objets avec vénération.
3, 18, 237. La très sainte Marie obtenait par ces moyens la pratique de la Doctrine que le Verbe Incarné venait enseigner, S'humiliant, Lui qui était la forme du Père (Heb. 1: 3) Éternel et la figure de Sa substance et vrai Dieu de vrai Dieu, pour prendre la forme et le ministère de serviteur (Phil. 2: 6-7). Cette Dame était Mère de Dieu même, Reine de toutes les créatures, supérieure en excellence et en dignité à toutes les créatures, et toujours Elle fut l'humble servante de toutes; et jamais Elle ne reçut leurs égards et leurs services comme s'ils lui eussent été dus, ni Elle ne se loua jamais, ni ne laissa de faire d'Elle-même un très humble jugement. Que dira ici notre orgueil et notre présomption exécrables? puisque plusieurs d'entre nous remplis de péchés abominables, nous sommes assez insensés que nous jugeons avec une démence horrible que le service et la vénération de tout le monde nous sont dus. Et s'ils nous sont refusés, nous perdons bientôt le peu de sens que nos passions nous ont laissé. Toute cette Histoire divine est un portrait de l'humilité et une sentence contre notre orgueil. Et
parce qu'il ne me touche point d'office, à moi, d'enseigner et de corriger, mais d'être enseignée et gouvernée, je supplie tous les fidèles, enfants de lumière, et je leur demande à tous de mettre cet Exemplaire devant nos yeux pour nous humilier en sa présence.
3, 18, 238. Il n'aurait pas été difficile au Seigneur de retirer Sa Très Sainte Mère de tant d'extrêmes d'humilité et de tant d'actions par lesquelles Elle exerçait cette vertu; et Il eût pu l'exalter parmi les créatures, ordonnant qu'Elle fût acclamée, honorée et respectée de tous avec les démonstrations que le monde sait faire envers ceux qu'Il veut honorer et célébrer, comme le fit Assuérus à l'égard de Mardochée (Esth. 6: 7-. Et si par hasard le jugement des hommes avait eu à gouverner cela, Il eût ordonné qu'une Femme plus sainte que tous les Choeurs du Ciel et qui avait dans son sein le Créateur des Anges mêmes et des cieux eût toujours été gardée, retirée [a] et honorée de tous; et il Lui eût paru une chose indigne qu'Elle se fût occupée à des choses humbles et serviles et qu'Elle eût laissé de commander en tout et d'accepter toute révérence et toute autorité. Jusqu'ici arrive la sagesse humaine, si l'on peut appeler sagesse celle qui comprend si peu. Mais cette erreur n'est point dans la véritable science des saints, participée de la science infinie du Créateur qui impose le nom et le juste prix aux honneurs et qui ne change point le sort des créatures. Le Très-Haut aurait beaucoup ôté et peu donné à Sa Mère chérie en cette vie, s'Il l'avait privée et retirée des oeuvres de très profonde humilité et s'Il l'avait élevée dans l'applaudissement extérieur des hommes: et Il aurait beaucoup manqué au monde s'il n'avait point eu cette Doctrine et cette école pour y apprendre, et cet exemple avec quoi s'humilier et confondre son orgueil.
3, 18, 239. Sainte Élisabeth fut très favorisée du Seigneur dès qu'elle L'eut pour Hôte dans sa maison, dans le sein de Sa Mère Vierge. Et par les colloques continuels et les entretiens familiers de cette divine Reine, comme elle savait et connaissait les Mystères de l'Incarnation, la grande Matrone alla en croissant en tout genre de sainteté comme celle qui la buvait dans sa source. Quelquefois elle méritait de voir la Très Sainte Marie en oraison ravie et élevée du sol et tout entière si remplie de beauté et de splendeur divines qu'elle ne pouvait lui voir le visage et qu'elle n'aurait pu supporter sa présence si la vertu Divine ne l'eût confortée. En ces occasions et d'autres, quand à l'insu de la Très Sainte Marie elle
pouvait La regarder, elle se prosternait et se mettait à genoux devant Elle, et en sa présence elle adorait le Verbe Incarné dans le Temple du sein virginal de la Bienheureuse Mère. Tous les mystères que sainte Élisabeth connut par la Lumière divine et par les entretiens avec la grande Reine, elle les garda tous dans son coeur, comme dépositaire très fidèle et secrétaire très prudente de ce qui lui avait été confié. Ce ne fut qu'avec son fils Jean et avec Zacharie dans le temps qu'il vécut après la naissance de l'enfant que sainte Élisabeth put conférer de quelque chose des sacrements que tous connurent, mais en tout elle fut une femme forte, sage et très sainte.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 18, 240. Ma fille, les bienfaits du Très-Haut et la connaissance de Ses divins Mystères engendrent dans les âmes une sorte d'inclination et d'appréciation pour l'humilité qui les portent avec une force efficace et douce comme la légèreté porte le feu et la gravité la pierre à leur lieu légitime et naturel. C'est ce que fait la véritable lumière qui place et établit la créature dans la claire connaissance d'elle-même; et elle ramène les oeuvres de la grâce à leur Origine d'où vient tout don parfait (Jac. 1: 17); et ainsi elle constitue chacun dans son centre. Et tel est l'ordre très droit de la bonne raison, qui trouble et violente presque la fausse présomption des mortels. Pour cela l'orgueil et le coeur où il vit ne sait point désirer le mépris ni y consentir, ni souffrir de supérieur, et même il s'offense des égaux et il fait violence à tout pour être seul et au-dessus de tous. Mais le coeur humble s'anéantit davantage avec les plus grands bienfaits. Et il lui naît de ces bienfaits une avidité et une anxiété ardente quoique tranquille, pour s'abaisser et chercher la dernière place, et il se trouve violenté quand il ne se trouve pas inférieur à tous et quand l'humiliation lui manque.
3, 18, 241. Tu connaîtras en moi, ma très chère, la pratique véritable de cette Doctrine; puis aucune des faveurs et aucun des bienfaits que la Divine droite opéra envers moi ne furent petits; mais mon coeur ne s'éleva jamais avec présomption (Ps. 131: 1) et il ne sut jamais désirer plus que l'abaissement et la dernière place
des créatures. Je veux de toi cette imitation avec un désir spécial et que ta sollicitude soit d'être la moindre entre tous et d'être commandée, abaissée et réputée inutile, et tu dois te juger en la présence du Seigneur et des hommes moindre que la poussière même de la terre. Tu ne peux nier qu'aucune génération n'a été plus bénéficiée que tu l'es et aucune ne l'a moins mérité: puis comment compenseras-tu cette grande dette si tu ne t'humilies envers tous, et plus que tous les enfants d'Adam et si tu n'engendres point de sublimes concepts et d'amoureuses affections de l'humilité? Il est bon d'obéir à tes prélats et à tes directeurs et tu dois toujours faire ainsi. Mais je veux de toi que tu t'avances davantage et que tu obéisses au plus petit en tout ce qui ne sera point répréhensible comme tu obéirais au plus grand supérieur, et ma volonté en cela est que tu sois très studieuse, comme je l'était.
3, 18, 242. Seulement, avec tes sujettes tu prendras garde de dispenser cette soumission avec plus de soin; afin que, connaissant ton désir d'obéir elles ne veuillent quelquefois que tu le fasses en ce qui ne convient pas. Mais tu peux gagner beaucoup sans qu'elles perdent leur soumission, leur donnant l'exemple en ce qui est juste de te soumettre toujours sans déroger à l'autorité de supérieure. Accepte avec une grande appréciation tout dégoût ou toute injure qui ne sera faite qu'à toi seule, sans mouvoir tes lèvres pour te défendre ou te plaindre; et celles qui seront contre Dieu, reprends-les sans mêler ta cause avec celle de Sa Majesté: parce que tu ne dois jamais trouver de cause pour te défendre, et pour l'honneur de Dieu toujours. Mais ni pour l'un ni pour l'autre tu ne dois te mouvoir avec colère ni avec un courroux désordonné. Je veux aussi que tu aies une grande prudence pour dissimuler et cacher les faveurs du Seigneur; parce que le sacrement du Roi (Tob. 12: 7) ne doit pas être manifesté légèrement et les hommes charnels ne sont pas capables (1 Cor. 2: 14) ni dignes des mystères de l'Esprit-Saint. Imite-moi et suis-moi en tout, puisque tu désires être ma fille très-chère, car en m'obéissant tu l'obtiendras et tu obligeras le Tout-Puissant à te fortifier et à diriger tes pas en ce qu'Il veut opérer en toi. Ne Lui résiste point, mais dispose et prépare ton coeur doux et prompt à obéir à Sa Lumière et à Sa Grâce. Que celle-ci ne soit pas oisive (2 Cor. 6: 1) en toi, mais opère avec diligence et que tes actions procèdent pleines de perfection.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 18, [a]. «Une révérence plus grande et de plus loin» écrivait un historien romain. Et pour cela les anciens monarques se tenaient plutôt de la conversation avec leurs sujets, afin que ceux-ci eussent pour eux une plus grande révérence.
La Très Sainte Marie ordonne ses exercices dans la maison de Zacharie et quelques événements avec sainte Élisabeth.
3, 18, 231. Le précurseur Jean était déjà sanctifié et sa mère sainte Élisabeth renouvelée par les dons et les bienfaits les plus grands: ce qui fut le but principal de la Visitation de la Très Sainte Marie; la grande Reine détermina d'ordonner les occupations auxquelles Elle devait vaquer dans la maison de Zacharie; parce qu'elles ne pouvaient être uniformes en tout à celles qu'Elle avait dans sa maison. Pour acheminer son désir avec la direction de l'Esprit divin, elle se recueillit et se prosterna en la Présence du Très-Haut, et Elle Lui demanda, comme Elle avait coutume, de la gouverner et d'ordonner ce qu'Elle devait faire le temps qu'Elle serait dans la maison de Ses serviteurs Élisabeth et Zacharie; afin qu'Elle Lui fût agréable en tout et qu'Elle accomplît entièrement le plus grand agrément de Sa très haute Majesté. Le Seigneur écouta sa prière et lui répondit disant: «Mon Épouse et Ma Colombe, Je gouvernerai toutes tes actions et Je dirigerai tes pas à Mon plus grand service et selon Mon bon plaisir, et Je te marquerai le jour que Je veux que tu retournes à ta maison: et pendant que tu seras chez Ma servante Élisabeth tu converseras et tu t'entretiendras avec elle; pour le reste continue tes exercices et tes prières, spécialement pour le salut des hommes et afin que Je n'use point envers eux de Ma justice pour les offenses incessantes qu'ils multiplient contre Ma Bonté. ET dans cette prière tu m'offriras pour eux l'Agneau sans tache (1 Pet. 1: 18-19). Telles sont maintenant tes occupations.
3, 18, 232. Avec ce magistère et ce nouveau commandement du Très-Haut, la Princesse des Cieux ordonna toutes les occupations qu'Elle devait avoir dans la maison de sa cousine Élisabeth. Elle se levait à minuit, continuant toujours cet exercice; et Elle y vaquait à la contemplation incessante des Mystères divins, donnant à la veille et au sommeil ce qui correspondait très parfaitement et avec proportion à l'état naturel du corps. En tous et chacun de ces temps, Elle recevait des consolations, des faveurs, des illustrations et des élévations nouvelles du Très-Haut. Elle eut pendant ces trois mois plusieurs visions de la Divinité de la manière
abstractive, qui était très fréquente, et encore plus la vision de l'Humanité très Sainte du Verbe avec l'union hypostatique: parce que son sein virginal où Elle Le portait était son autel et son oratoire perpétuel. Elle Le contemplait avec les accroissements que son corps sacré recevait chaque jour; et l'esprit de cette Auguste Souveraine croissait aussi par cette vue et les sacrements qui lui étaient manifestés chaque jour dans le champ interminable de la Divinité et de la Puissance divine; et souvent Elle serait arrivée à défaillir et à mourir par l'incendie de son amour et de ses ardentes affections si Elle n'eût été confortée par la vertu du Seigneur. Parmi tous ces offices dissimulés, Elle accourait à tout ce qui s'offrait du service et de la consolation de sa cousine sainte Élisabeth, sans toutefois y donner un moment de plus que ce que demandait la charité. Elle revenait aussitôt à sa retraite et à sa solitude où Elle répandait son esprit avec une plus grande liberté en présence du Seigneur.
3, 18, 233. Elle n'était pas non plus oisive pour s'occuper dans son intérieur tandis qu'Elle travaillait à certains ouvrages manuels pendant un temps assez long. Et le précurseur Jean fut si heureux en tout, que cette Dame lui fit et lui travailla les petits langes et les robes où il devait être enveloppé et élevé; parce que cette bonne fortune lui fut sollicitée par la dévotion et l'attention de sa mère sainte Élisabeth qui en supplia la divine Reine avec l'humilité de servante qu'elle avait; et la Vierge très pure le fit avec un amour et une obéissance incroyables pour s'exercer dans ces Vertus et pour obéir à celle qui voulait servir comme la moindre de ses servantes, car toujours la Très Sainte Marie les vainquait tous dans l'humilité et l'obéissance. Et quoique sainte Élisabeth tâchât d'anticiper en plusieurs choses pour la servir; néanmoins Elle la devançait avec sa rare prudence et sa sagesse incomparable, et Elle prévenait toute chose, pour gagner toujours le triomphe de la vertu.
3, 18, 234. Les deux cousines avaient à ce sujet de grandes et douces compétitions de souveraine complaisance pour le Très-Haut et d'admiration pour les Anges; parce que sainte Élisabeth était rempli de sollicitude et de soins pour servir notre grande Reine et notre Souveraine et pour que tous ceux de sa famille fissent la même chose; mais celle qui était Maîtresse des vertus, la Très Sainte Marie plus attentive et plus officieuse prévenait et détournait les soins de sa cousine, et lui disait: «Mon amie et ma cousine, ma consolation consiste à obéir et
à être commandée toute ma Vie; il n'est pas bien que votre amour me prive de celle que je reçois en cela, puisque je suis la moindre de tous: la raison même demande que je vous serve comme ma mère, ainsi que tous ceux de votre maison: traitez-moi comme votre servante pendant que je serai en votre compagnie.» Sainte Élisabeth répondit: «Madame et mon amie, c'est à moi au contraire de Vous obéir, et à Vous de me commander et de me gouverner en toutes choses; et je Vous le demande avec plus de justice: parce que si Vous, Madame, Vous voulez exercer l'humilité, moi, je dois le culte et la révérence à mon Dieu et mon Seigneur que Vous avez dans Votre sein virginal et je reconnais que Votre dignité requiert tout honneur et tout respect.» La Très Prudente Vierge répondait: «Mon Fils et mon Seigneur ne m'a pas choisie pour Mère afin qu'en cette vie un tel respect me soit dû comme à une Maîtresse; parce que Son royaume n'est pas de ce monde (Jean 18: 36) et Il ne vient pas Lui-même pour être servi, mais pour servir (Matt. 20: 28) et souffrir et enseigner aux mortels à obéir et à s'humilier (Matt. 11: 29), condamnant l'orgueil et le faste. Puis, si Sa très haute Majesté m'enseigne cela et S'appelle l'opprobre (Ps. 21: 7) des hommes, comment moi qui suis Son esclave et qui ne mérite point la compagnie des créatures, consentirai-je que celles qui sont formées à Son Image et à Sa ressemblance (Gen. 1: 27) me servent?»
3, 18, 235. Sainte Élisabeth insistait toujours et disait: «Madame et mon refuge, cela sera pour celui qui ignore le sacrement qui est renfermé en Vous; mais moi qui ai reçu cette connaissance du Seigneur sans le mériter, je serai très répréhensible en Sa présence si je ne Lui donne en Vous la vénération que je dois à Dieu, et à Vous comme à Sa Mère; car il est juste que je Vous serve tous deux comme une esclave sert ses seigneurs.» La Très Sainte Marie répondit à cela: «Mon amie et ma soeur, cette révérence que vous devez et que vous désirez donner est due au Seigneur que j'ai dans mes entrailles qui est le Sauveur et Le véritable et Souverain Bien: mais à moi qui suis pure Créature et parmi les autres un pauvre vermisseau, regardez-moi comme je suis par moi-même, bien que vous adoriez le Créateur qui m'a choisie comme pauvre pour Sa demeure et avec la même Lumière de la vérité, vous donnerez à Dieu ce qui Lui est dû et àmoi ce qui me regarde, qui est de servir et d'être inférieure àtous, et cela, je vous le demande pour ma consolation et pour le même Seigneur que je porte dans mon sein.»
3, 18, 236. La Très Sainte Marie et sainte Élisabeth sa cousine passèrent quelque temps dans ces émulations très heureuses et très fortunées. Mais la Sagesse divine de notre Reine la rendît si ingénieuse et si studieuse en matières d'humilité et d'obéissance qu'Elle demeurait toujours victorieuse trouvant des moyens et des voies pour obéir et être commandée: et Elle fit ainsi avec sainte Élisabeth tout le temps qu'Elles furent ensemble; mais de telle sorte que toutes les deux respectivement traitaient avec magnificence le sacrement du Seigneur qui était caché dans leur sein, et déposé en la Très Sainte Marie comme Mère et Maîtresse des vertus et de la grâce, et en sa cousine Élisabeth comme Matrone très prudente et remplie de la divine Lumière de l'Esprit-Saint. Et avec cette Lumière elle disposa comment procéder avec la Mère de Dieu même, lui donnant de la satisfaction et lui obéissant en ce qu'Elle demandait, et conjointement en révérant sa dignité et en Elle son Créateur. Elle proposa dans son coeur que si elle ordonnait quelque chose à la Mère de Dieu, ce serait pour lui obéir et pour satisfaire à sa volonté, et lorsqu'elle le faisait elle demandait pardon et permission au Seigneur, et joint à cela elle ne lui ordonnait aucune chose avec empire, mais en la priant, et seulement en ce qui était pour quelque soulagement de la Reine comme pour qu'Elle mangeât et dormît elle le faisait avec une plus grande force. Elle lui demanda aussi de faire quelque travail des mains pour elle, et la Très Sainte Marie les fit; cependant sainte Élisabeth n'en usa jamais, parce qu'elle garde ces objets avec vénération.
3, 18, 237. La très sainte Marie obtenait par ces moyens la pratique de la Doctrine que le Verbe Incarné venait enseigner, S'humiliant, Lui qui était la forme du Père (Heb. 1: 3) Éternel et la figure de Sa substance et vrai Dieu de vrai Dieu, pour prendre la forme et le ministère de serviteur (Phil. 2: 6-7). Cette Dame était Mère de Dieu même, Reine de toutes les créatures, supérieure en excellence et en dignité à toutes les créatures, et toujours Elle fut l'humble servante de toutes; et jamais Elle ne reçut leurs égards et leurs services comme s'ils lui eussent été dus, ni Elle ne se loua jamais, ni ne laissa de faire d'Elle-même un très humble jugement. Que dira ici notre orgueil et notre présomption exécrables? puisque plusieurs d'entre nous remplis de péchés abominables, nous sommes assez insensés que nous jugeons avec une démence horrible que le service et la vénération de tout le monde nous sont dus. Et s'ils nous sont refusés, nous perdons bientôt le peu de sens que nos passions nous ont laissé. Toute cette Histoire divine est un portrait de l'humilité et une sentence contre notre orgueil. Et
parce qu'il ne me touche point d'office, à moi, d'enseigner et de corriger, mais d'être enseignée et gouvernée, je supplie tous les fidèles, enfants de lumière, et je leur demande à tous de mettre cet Exemplaire devant nos yeux pour nous humilier en sa présence.
3, 18, 238. Il n'aurait pas été difficile au Seigneur de retirer Sa Très Sainte Mère de tant d'extrêmes d'humilité et de tant d'actions par lesquelles Elle exerçait cette vertu; et Il eût pu l'exalter parmi les créatures, ordonnant qu'Elle fût acclamée, honorée et respectée de tous avec les démonstrations que le monde sait faire envers ceux qu'Il veut honorer et célébrer, comme le fit Assuérus à l'égard de Mardochée (Esth. 6: 7-. Et si par hasard le jugement des hommes avait eu à gouverner cela, Il eût ordonné qu'une Femme plus sainte que tous les Choeurs du Ciel et qui avait dans son sein le Créateur des Anges mêmes et des cieux eût toujours été gardée, retirée [a] et honorée de tous; et il Lui eût paru une chose indigne qu'Elle se fût occupée à des choses humbles et serviles et qu'Elle eût laissé de commander en tout et d'accepter toute révérence et toute autorité. Jusqu'ici arrive la sagesse humaine, si l'on peut appeler sagesse celle qui comprend si peu. Mais cette erreur n'est point dans la véritable science des saints, participée de la science infinie du Créateur qui impose le nom et le juste prix aux honneurs et qui ne change point le sort des créatures. Le Très-Haut aurait beaucoup ôté et peu donné à Sa Mère chérie en cette vie, s'Il l'avait privée et retirée des oeuvres de très profonde humilité et s'Il l'avait élevée dans l'applaudissement extérieur des hommes: et Il aurait beaucoup manqué au monde s'il n'avait point eu cette Doctrine et cette école pour y apprendre, et cet exemple avec quoi s'humilier et confondre son orgueil.
3, 18, 239. Sainte Élisabeth fut très favorisée du Seigneur dès qu'elle L'eut pour Hôte dans sa maison, dans le sein de Sa Mère Vierge. Et par les colloques continuels et les entretiens familiers de cette divine Reine, comme elle savait et connaissait les Mystères de l'Incarnation, la grande Matrone alla en croissant en tout genre de sainteté comme celle qui la buvait dans sa source. Quelquefois elle méritait de voir la Très Sainte Marie en oraison ravie et élevée du sol et tout entière si remplie de beauté et de splendeur divines qu'elle ne pouvait lui voir le visage et qu'elle n'aurait pu supporter sa présence si la vertu Divine ne l'eût confortée. En ces occasions et d'autres, quand à l'insu de la Très Sainte Marie elle
pouvait La regarder, elle se prosternait et se mettait à genoux devant Elle, et en sa présence elle adorait le Verbe Incarné dans le Temple du sein virginal de la Bienheureuse Mère. Tous les mystères que sainte Élisabeth connut par la Lumière divine et par les entretiens avec la grande Reine, elle les garda tous dans son coeur, comme dépositaire très fidèle et secrétaire très prudente de ce qui lui avait été confié. Ce ne fut qu'avec son fils Jean et avec Zacharie dans le temps qu'il vécut après la naissance de l'enfant que sainte Élisabeth put conférer de quelque chose des sacrements que tous connurent, mais en tout elle fut une femme forte, sage et très sainte.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 18, 240. Ma fille, les bienfaits du Très-Haut et la connaissance de Ses divins Mystères engendrent dans les âmes une sorte d'inclination et d'appréciation pour l'humilité qui les portent avec une force efficace et douce comme la légèreté porte le feu et la gravité la pierre à leur lieu légitime et naturel. C'est ce que fait la véritable lumière qui place et établit la créature dans la claire connaissance d'elle-même; et elle ramène les oeuvres de la grâce à leur Origine d'où vient tout don parfait (Jac. 1: 17); et ainsi elle constitue chacun dans son centre. Et tel est l'ordre très droit de la bonne raison, qui trouble et violente presque la fausse présomption des mortels. Pour cela l'orgueil et le coeur où il vit ne sait point désirer le mépris ni y consentir, ni souffrir de supérieur, et même il s'offense des égaux et il fait violence à tout pour être seul et au-dessus de tous. Mais le coeur humble s'anéantit davantage avec les plus grands bienfaits. Et il lui naît de ces bienfaits une avidité et une anxiété ardente quoique tranquille, pour s'abaisser et chercher la dernière place, et il se trouve violenté quand il ne se trouve pas inférieur à tous et quand l'humiliation lui manque.
3, 18, 241. Tu connaîtras en moi, ma très chère, la pratique véritable de cette Doctrine; puis aucune des faveurs et aucun des bienfaits que la Divine droite opéra envers moi ne furent petits; mais mon coeur ne s'éleva jamais avec présomption (Ps. 131: 1) et il ne sut jamais désirer plus que l'abaissement et la dernière place
des créatures. Je veux de toi cette imitation avec un désir spécial et que ta sollicitude soit d'être la moindre entre tous et d'être commandée, abaissée et réputée inutile, et tu dois te juger en la présence du Seigneur et des hommes moindre que la poussière même de la terre. Tu ne peux nier qu'aucune génération n'a été plus bénéficiée que tu l'es et aucune ne l'a moins mérité: puis comment compenseras-tu cette grande dette si tu ne t'humilies envers tous, et plus que tous les enfants d'Adam et si tu n'engendres point de sublimes concepts et d'amoureuses affections de l'humilité? Il est bon d'obéir à tes prélats et à tes directeurs et tu dois toujours faire ainsi. Mais je veux de toi que tu t'avances davantage et que tu obéisses au plus petit en tout ce qui ne sera point répréhensible comme tu obéirais au plus grand supérieur, et ma volonté en cela est que tu sois très studieuse, comme je l'était.
3, 18, 242. Seulement, avec tes sujettes tu prendras garde de dispenser cette soumission avec plus de soin; afin que, connaissant ton désir d'obéir elles ne veuillent quelquefois que tu le fasses en ce qui ne convient pas. Mais tu peux gagner beaucoup sans qu'elles perdent leur soumission, leur donnant l'exemple en ce qui est juste de te soumettre toujours sans déroger à l'autorité de supérieure. Accepte avec une grande appréciation tout dégoût ou toute injure qui ne sera faite qu'à toi seule, sans mouvoir tes lèvres pour te défendre ou te plaindre; et celles qui seront contre Dieu, reprends-les sans mêler ta cause avec celle de Sa Majesté: parce que tu ne dois jamais trouver de cause pour te défendre, et pour l'honneur de Dieu toujours. Mais ni pour l'un ni pour l'autre tu ne dois te mouvoir avec colère ni avec un courroux désordonné. Je veux aussi que tu aies une grande prudence pour dissimuler et cacher les faveurs du Seigneur; parce que le sacrement du Roi (Tob. 12: 7) ne doit pas être manifesté légèrement et les hommes charnels ne sont pas capables (1 Cor. 2: 14) ni dignes des mystères de l'Esprit-Saint. Imite-moi et suis-moi en tout, puisque tu désires être ma fille très-chère, car en m'obéissant tu l'obtiendras et tu obligeras le Tout-Puissant à te fortifier et à diriger tes pas en ce qu'Il veut opérer en toi. Ne Lui résiste point, mais dispose et prépare ton coeur doux et prompt à obéir à Sa Lumière et à Sa Grâce. Que celle-ci ne soit pas oisive (2 Cor. 6: 1) en toi, mais opère avec diligence et que tes actions procèdent pleines de perfection.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 18, [a]. «Une révérence plus grande et de plus loin» écrivait un historien romain. Et pour cela les anciens monarques se tenaient plutôt de la conversation avec leurs sujets, afin que ceux-ci eussent pour eux une plus grande révérence.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 19
Certaines conférences que la Très Sainte Marie avait avec ses saints Anges dans la maison de sainte Élisabeth et d'autres avec cette sainte.
3, 19, 243. Avec l'immense capacité de la Très Sainte Marie, la plénitude de sa sagesse et de sa grâce ne pouvait laisser vides ni temps, ni lieu, ni occasion où Elle ne donnât le comble de la plus grande perfection, opérant en tout temps et en toute opportunité ce qui était demandé et possible, sans manquer au plus saint et au plus excellent de la vertu. Et comme Elle était partout étrangère sur la terre et d'habitude dans le Ciel, et Elle était Elle-même le Ciel intellectuel le plus glorieux et le Temple vivant et l'Habitation de Dieu même; Elle portait toujours avec Elle l'oratoire et le sanctuaire; et il n'y avait point en cela de différence entre sa propre maison et celle de sa cousine Élisabeth et rien ne l'empêchait, ni lieu, ni temps, ni occupation. Elle était supérieure à tout, et Elle vaquait incessamment et sans embarras à la vue et à la force de l'amour; et entre tout cela, Elle conférait ne temps opportun avec les créatures et Elle traitait avec ces mêmes créatures selon que l'occasion le demandait, et ce que la Très Prudente Dame pouvait donner à chaque chose et ce qu'il convenait. Et parce que sa conversation la plus habituelle
dans ces trois mois qu'Elle fut dans la maison de Zacharie était avec sainte Élisabeth et avec les saint Anges de sa garde, je dirai dans ce chapitre quelque chose de ce dont Elle conférait avec eux, et d'autres choses qui lui arrivèrent avec la même sainte.
3, 19, 244. Notre divine Princesse, se trouvant seule et libre, passait beaucoup de temps abstraite et élevée dans les contemplations et les visions qu'Elle avait. Et parfois dans ces visions et d'autres fois en dehors, Elle avait coutume de conférer avec ses Anges des mystères et des sacrements de son Coeur amoureux. Un jour donc, peu après qu'Elle fut dans la maison de Zacharie, Elle leur parla et leur dit: «Esprits célestes, mes gardiens et mes compagnons, ambassadeurs du Très-Haut et flambeaux de Sa Divinité venez et soulagez mon coeur pris et blessé de Son divin Amour, car sa propre limitation l'afflige, parce qu'il ne peut correspondre en oeuvre à la dette qu'il reconnaît due, et où s'étendent ses désirs. Venez, augustes Princes, et louez avec moi l'admirable Nom du Seigneur, et exaltons-Le pour Ses pensées et Ses Oeuvres très Saintes. Aidez ce pauvre vermisseau afin qu'Il bénisse son Auteur qui daigna miséricordieusement regarder cette petitesse. Parlons des merveilles de mon Époux, entretenons-nous de la beauté de mon Seigneur, de mon Fils très aimant, que ce coeur se décharge, trouvant à qui manifester ses soupirs intimes avec vous mes amis et mes compagnons, qui connaissez mon secret et mon Trésor que le Très-Haut déposa dans l'étroitesse de ce vase fragile et limité. Ces sacrements divins sont grands et ces mystères sont admirables: et quoique je les contemple avec une douce affection, néanmoins leur grandeur souveraine m'anéantit, leur profondeur me submerge, l'efficacité même de mon amour me fait défaillir et me renouvelle. Jamais mon coeur embrasé ne se satisfait; ni ne trouve un repos entier; parce que mon désir surpasse mes oeuvres et mon obligation surpasse mes désirs; et je me plains de moi-même, parce que je n'opère point ce que je désir, et je ne désire point tout ce que je dois, et toujours je me trouve limitée dans le retour. Séraphins sublimes écoutez mes anxiétés amoureuses, je suis malade d'amour (Cant. 2: 5), ouvrez-moi vos seins où se réverbère la beauté de mon Bien-Aimé, afin que les splendeurs de Sa Lumière, les signes de Sa beauté entretiennent ma Vie qui défaille par son Amour.»
3, 19, 245. «Mère de notre Créateur et notre Souveraine, répondirent les saints Anges, Vous avez en possession véritable le Tout-Puissant, le Souverain Bien, et
puisque Vous Le tenez par un lien si étroit que Vous êtes Son Épouse et Sa Mère véritable, goûtez-Le et gardez Le éternellement. Vous êtes l'Épouse et la Mère du Dieu d'Amour, et si la Cause Unique et la Fontaine de la Vie est en Vous, personne n'en vivra comme Vous, ô notre Reine et notre Maîtresse. Mais ne veuillez point trouver de repos en Votre amour si embrasé; puisque la condition et l'état de voyageuse ne permet point maintenant que Vos affections arrivent à leur terme, ni qu'elles se ralentissent en acquérant de nouvelles augmentations de couronne et de mérites plus grands. Vos obligations excèdent sans comparaison celles de toutes les nations; mais elles doivent toujours croître et grandir: et jamais Votre amour si embrasé ne s'égalera avec son Objet, parce qu'Il est éternel, sans mesure et Infini en perfection, et Vous demeurerez toujours heureusement vaincue par Sa Grandeur; puisque personne ne peut le comprendre, mais Il Se comprend et Il S'aime Lui-même autant qu'Il doit être aimé. Et Vous, Madame, Vous trouverez toujours en Lui de quoi désirer davantage et de quoi aimer davantage, et cela appartient à Sa Grandeur et à notre gloire.»
3, 19, 246. Avec ces colloques et ces conférences le feu de l'Amour divin s'enflammait davantage dans le Coeur de la Très Sainte Marie, parce qu'en Elle s'accomplit légitimement le commandement du Seigneur: que dans Son Tabernacle et sur Son Autel brûlât (Lev. 6: 12) continuellement le feu de l'holocauste et que l'antique prêtre l'alimentât, afin qu'il fût perpétuel. Cette vérité s'exécuta dans la Très Sainte Marie, où étaient joints le Tabernacle, l'Autel et le Souverain et nouveau Prêtre, Jésus-Christ Notre Seigneur, qui conservait de divin Incendie, et qui L'accroissait chaque jour, administrant nouvelle matière de faveurs, de bienfaits et d'influences de Sa Divinité; et la Très Excellente Dame fournissait de même ses oeuvres continuelles sur l'incomparable valeur desquelles tombaient les nouveaux Dons du Seigneur, qui augmentaient sa sainteté et sa grâce. Et dès que cette Dame fut entrée dans le monde, le feu de son amour Divin s'alluma pour ne plus s'éteindre dans cet Autel pendant toute l'éternité du même Dieu. Si perpétuel et si continuel a été et sera le feu de ce Sanctuaire vivant.
3, 19, 247. D'autres fois Elle parlait et conversait avec les saints Anges qui se manifestaient à Elle en forme humaine, comme je l'ai dit en divers endroits; et sa conversation le plus réitérée était des Mystères du Verbe Incarné, et Elle était si profonde en cela, parlant des Écritures et des Prophètes, qu'Elle causait de
l'admiration aux Anges mêmes. Dans une de ces occasions, conférant avec eux de ces sacrements vénérables, Elle leur dit: «Mes seigneurs, serviteurs du Très-Haut et Ses amis, mon coeur est contristé et pénétré de dards douloureux, considérant ce que les Saintes Écritures disent (Gen. 22: 2; Nom. 21: 8-9; Ps. 21 entier) de mon Très Saint Fils, et ce qu'Isaïe et Jérémie écrivirent (Is. 53: 3-5; Jér. 11: 19), et les douleurs et les tourments aigus qui L'attendent: et Salomon dit qu'ils Le condamneront à un genre de mort honteuse (Sag. 2: 20), et les Prophètes parlent toujours avec une grande pondération et avec des termes très graves de Sa Passion et de Sa Mort, et tout devra s'exécuter en Lui. Oh! si c'était la Volonté de Sa Majesté que je vécusse alors, afin de me livrer à la mort pour l'Auteur de ma Vie! Mon esprit s'afflige conférant dans mon coeur ces vérités infaillibles et que mon Bien et mon Seigneur doit sortir de mes entrailles pour souffrir. Oh! qui Le gardera et Le défendra de Ses ennemis! Dites-moi, suprêmes Princes, avec quelles oeuvres ou par quel moyen obligerai-je le Père Éternel pour qu'Il tourne contre moi la rigueur de Sa Justice et que L'innocent qui ne peut avoir de péché reste libre? Je connais bien que pour satisfaire à un Dieu Infini, offensé par les hommes, il faut les Oeuvres d'un Dieu Incarné; mais par la première que fit mon Très Saint Fils, Il a plus mérité que le genre humain n'a pu perdre et offenser. Puis si cela est suffisant, dites-moi: sera-t-il possible que je meure pour éviter Sa mort et Ses tourments? Mes humbles désirs ne Lui déplairont-ils point? Mes angoisses ne le dégoûteront-elles point? Mais que dis-je? et où me portent la peine et l'affection? Puisque je veux que s'accomplisse en tout la Divine Volonté àlaquelle je suis soumise.»
3, 19, 248. La Très Sainte Marie avait ces colloques et d'autres semblables avec ses Anges, spécialement dans le temps de sa grossesse. Et les esprits Divins répondaient à tous ses soucis avec une grande révérence et ils la confortaient et la consolaient, lui renouvelant la mémoire des même sacrements qu'Elle connaissait et lui proposant les raisons et les convenances que Notre Seigneur Jésus-Christ mourût pour racheter (Tit. 2: 14) le genre humain, pour vaincre (Jean 12: 31) le démon et le priver de sa tyrannie, et pour la gloire du Père Éternel et l'exaltation du Très Saint et Très-Haut Seigneur son Fils. Les mystères de cette grande Reine avec ses Anges furent si nombreux et si sublimes qu'aucune langue humaine ne peut les rapporter, ni notre capacité ne peut percevoir en cette vie tant de choses. Nous verrons dans le Seigneur celles que nous ne comprenons pas maintenant
lorsque nous jouirons de Lui. Et par le peu que j'ai dit, notre piété peut venir à la considération d'autres choses plus grandes.
3, 19, 249. Sainte Élisabeth était aussi très capable et très illustrée dans les Divine Écritures, et elle le fut davantage dès l'heure de la Visitation; et ainsi notre Reine conférait avec elle des mystères Divins que la sainte Matrone connaissait et comprenait; et elle fut plus informée et plus enseignée par la Doctrine de la Très Sainte Marie; par l'intercession de laquelle elle reçut de grands bienfaits et de grands Dons du Ciel. Souvent elle était dans l'admiration de voir et d'entendre la profonde sagesse de la Mère de Dieu, et elle la bénissait de nouveau et lui disait: «Vous êtes bénie (Luc 1: 42), Madame et Mère de mon Seigneur, entre toutes les femmes, que toues les nations connaissent et exaltent votre dignité. Vous êtes très fortunée pour le Très Riche Trésor que Vous portez dans Votre sein: je Vous donne d'humbles et affectueuses félicitations de la joie que Vous aurez dans Votre esprit, lorsque le Soleil de justice sera dans Vos bras et que Vous le nourrirez à Vos mamelles virginales. Alors, souvenez-Vous, Madame, de Votre servante, et offrez-moi àVotre Très Saint Fils et mon Dieu véritable dans la chair humaine, afin qu'Il reçoive mon coeur en sacrifice. Oh! qui mériterait de Vous servir, maintenant et de Vous assister! Mais si je démérite d'obtenir cette fortune, que j'aie celle que Vous portiez toujours mon coeur dans Votre sein; puisque je crains non sans cause qu'il se brise lorsque Vous vous séparerez de moi.» Sainte Élisabeth avait d'autres affections très douces dans la compagnie et la présence de la Très Sainte Marie, et la Très Prudente Reine la consolait, la renouvelait et la vivifiait de ses raisons Divines et efficaces. Et parmi ces actions si excellentes et si élevées Elle en interposait plusieurs autres d'humilité et d'abaissement, servant non-seulement sa cousine sainte Élisabeth, mais les servantes de sa maison. Et lorsqu'Elle en obtenait l'occasion, Elle balayait la maison de sa cousine et toujours l'oratoire où Elle était d'ordinaire, et Elle lavait la vaisselle avec les servantes, et Elle opérait d'autres choses de profonde humilité. Et que l'on ne s'étonne pas que je particularise ces actions si petites, parce que la grandeur de notre Reine les exalta pour notre instruction, et qu'à sa vue notre orgueil s'évanouisse et notre rusticité s'abaisse. Lorsque sainte Élisabeth savait les humbles offices que la Mère de piété exerçait, elle s'en affligeait et l'empêchait; et pour cela la divine Dame se cachait de sa cousine autant qu'il lui était possible.
3, 19, 250. O Reine et Maîtresse de la terre et des cieux, notre Refuge et notre Avocate, quoique Vous soyez Maîtresse de toute sainteté et de toute perfection, je m'enhardis, ô ma Mère, à Vous interroger avec admiration sur Votre humilité. Comment sachant que le Fils Unique du Père Éternel incarné était dans Votre sein virginal et que Vous deviez Vous gouverner en tout comme Sa Mère, comment, dis-je, Votre grandeur s'humiliait-Elle à des actions si basses comme de balayer le sol et aux autres oeuvres, puisqu'à votre sentiment, à cause de la révérence de Votre Très Saint Fils, Vous pouviez les éviter sans manquer à Votre désir. Le mien, Madame, est de connaître comment Votre Majesté se gouvernait en cela.
RÉPONSE ET DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL.
3, 19, 251. Ma fille, pour répondre à ton doute, outre ce que tu as écrit dans le chapitre précédent, tu dois savoir qu'aucune occupation ou aucun acte extérieur en matière de vertu, si humble soit-il ne peut empêcher, s'il est bien ordonné de rendre l'adoration, la révérence et la louange au Créateur de toutes choses; parce que ces vertus ne s'excluent pas les unes les autres; au contraire, elles sont toutes compatibles dans la créature, et davantage en moi qui fus toujours présente au Souverain Bien, sans Le perdre de vue par un moyen ou par un autre. Et ainsi je L'adorais et Le respectais dans toutes mes actions, les rapportant toujours à Sa plus grande gloire; et Le même Seigneur qui fit et ordonna toutes les choses n'en méprise aucune, et les choses infimes non plus ne L'offensent point ni ne Le touchent. Et l'âme qui l'aime véritablement ne s'éloigne d'aucune de ces choses humbles en Sa divine Présence, parce que toutes Le cherchent et Le trouvent comme principe et fin de toute créature. Et parce que celle qui est terrestre ne peut vivre sans ces actions humbles et d'autres qui sont inséparables de la condition fragile et de la conservation de la nature; il est nécessaire de bien comprendre cette Doctrine pour se bien gouverner, parce que si en s'occupant à ces besoins et à ces actions, la créature ne s'appliquait pas à son Créateur, elle ferait plusieurs longs intervalles dans les vertus et les mérites et dans l'exercice des vertus intérieures; et tout cela est un manquement et un défaut répréhensible et peu considéré des créatures terrestres.
3, 19, 252. Par cette Doctrine tu dois régler tes actions terrestres quelles qu'elles soient, afin de ne point perdre le temps qui ne se retrouve jamais; et ainsi, mangeant, travaillant, reposant, dormant, et veillant (1 Cor. 10: 31), en tout temps, en tout lieu, et en toute occupation, adore, révère et regarde ton Seigneur grand et puissant, qui remplit et conserve tout. Et je veux que tu saches maintenant que ce qui me mouvait et me portait davantage à faire tous les actes d'humilité, c'était la considérations que mon Très Saint Fils venait humble pour enseigner (Matt. 11: 29) par Sa Doctrine et par Ses exemples cette vertu dans le monde, détruire la vanité et l'orgueil des hommes et arracher cette semence que Lucifer répandit parmi les mortels par le premier péché. Et Sa Majesté Me donna une si haute connaissance de la complaisance qu'Il prend en cette vertu, que pour faire un seul de ces actes que tu as rapportés, comme de balayer le sol ou de baiser les pieds à un pauvre, j'aurais souffert les plus grands tourments du monde. Et tu ne trouveras point de paroles pour exprimer cette affection que j'eus, ni non plus l'excellence et la noblesse de l'humilité. Tu le connaîtras dans le Seigneur, et tu comprendras ce que tu ne peux manifester par des paroles.
3, 19, 253. Mais écris cette Doctrine dans ton coeur et garde-la pour être la Règle de ta vie, et en t'exerçant toujours à tout ce que la vanité humaine méprise, méprise-la elle-même comme exécrable et odieuse aux yeux du Très-Haut. Et avec cet humble procédé, que tes pensées soient toujours très nobles, et ta conversation dans les Cieux (Phil. 3: 20) et avec les esprits angéliques; traite et converse avec eux, car ils te donneront de nouvelles lumières de la Divinité et des mystères de Jésus-Christ mon Très Saint Fils. Que tes conversations avec les créatures soient telles qu'elles en demeurent toujours plus ferventes et toi à ton tour, réveille et excite les autres à l'humilité et à l'amour Divin. Prends la dernière place dans ton intérieur parmi toutes les créatures; et lorsqu'arrivent l'occasion et le temps d'exercer les actes d'humilité, tu t'y trouveras prête; et tu seras maîtresse de tes passions si tu t'es reconnue d'abord dans ton concept pour la moindre, la plus faible et la plus inutile des créatures.
Certaines conférences que la Très Sainte Marie avait avec ses saints Anges dans la maison de sainte Élisabeth et d'autres avec cette sainte.
3, 19, 243. Avec l'immense capacité de la Très Sainte Marie, la plénitude de sa sagesse et de sa grâce ne pouvait laisser vides ni temps, ni lieu, ni occasion où Elle ne donnât le comble de la plus grande perfection, opérant en tout temps et en toute opportunité ce qui était demandé et possible, sans manquer au plus saint et au plus excellent de la vertu. Et comme Elle était partout étrangère sur la terre et d'habitude dans le Ciel, et Elle était Elle-même le Ciel intellectuel le plus glorieux et le Temple vivant et l'Habitation de Dieu même; Elle portait toujours avec Elle l'oratoire et le sanctuaire; et il n'y avait point en cela de différence entre sa propre maison et celle de sa cousine Élisabeth et rien ne l'empêchait, ni lieu, ni temps, ni occupation. Elle était supérieure à tout, et Elle vaquait incessamment et sans embarras à la vue et à la force de l'amour; et entre tout cela, Elle conférait ne temps opportun avec les créatures et Elle traitait avec ces mêmes créatures selon que l'occasion le demandait, et ce que la Très Prudente Dame pouvait donner à chaque chose et ce qu'il convenait. Et parce que sa conversation la plus habituelle
dans ces trois mois qu'Elle fut dans la maison de Zacharie était avec sainte Élisabeth et avec les saint Anges de sa garde, je dirai dans ce chapitre quelque chose de ce dont Elle conférait avec eux, et d'autres choses qui lui arrivèrent avec la même sainte.
3, 19, 244. Notre divine Princesse, se trouvant seule et libre, passait beaucoup de temps abstraite et élevée dans les contemplations et les visions qu'Elle avait. Et parfois dans ces visions et d'autres fois en dehors, Elle avait coutume de conférer avec ses Anges des mystères et des sacrements de son Coeur amoureux. Un jour donc, peu après qu'Elle fut dans la maison de Zacharie, Elle leur parla et leur dit: «Esprits célestes, mes gardiens et mes compagnons, ambassadeurs du Très-Haut et flambeaux de Sa Divinité venez et soulagez mon coeur pris et blessé de Son divin Amour, car sa propre limitation l'afflige, parce qu'il ne peut correspondre en oeuvre à la dette qu'il reconnaît due, et où s'étendent ses désirs. Venez, augustes Princes, et louez avec moi l'admirable Nom du Seigneur, et exaltons-Le pour Ses pensées et Ses Oeuvres très Saintes. Aidez ce pauvre vermisseau afin qu'Il bénisse son Auteur qui daigna miséricordieusement regarder cette petitesse. Parlons des merveilles de mon Époux, entretenons-nous de la beauté de mon Seigneur, de mon Fils très aimant, que ce coeur se décharge, trouvant à qui manifester ses soupirs intimes avec vous mes amis et mes compagnons, qui connaissez mon secret et mon Trésor que le Très-Haut déposa dans l'étroitesse de ce vase fragile et limité. Ces sacrements divins sont grands et ces mystères sont admirables: et quoique je les contemple avec une douce affection, néanmoins leur grandeur souveraine m'anéantit, leur profondeur me submerge, l'efficacité même de mon amour me fait défaillir et me renouvelle. Jamais mon coeur embrasé ne se satisfait; ni ne trouve un repos entier; parce que mon désir surpasse mes oeuvres et mon obligation surpasse mes désirs; et je me plains de moi-même, parce que je n'opère point ce que je désir, et je ne désire point tout ce que je dois, et toujours je me trouve limitée dans le retour. Séraphins sublimes écoutez mes anxiétés amoureuses, je suis malade d'amour (Cant. 2: 5), ouvrez-moi vos seins où se réverbère la beauté de mon Bien-Aimé, afin que les splendeurs de Sa Lumière, les signes de Sa beauté entretiennent ma Vie qui défaille par son Amour.»
3, 19, 245. «Mère de notre Créateur et notre Souveraine, répondirent les saints Anges, Vous avez en possession véritable le Tout-Puissant, le Souverain Bien, et
puisque Vous Le tenez par un lien si étroit que Vous êtes Son Épouse et Sa Mère véritable, goûtez-Le et gardez Le éternellement. Vous êtes l'Épouse et la Mère du Dieu d'Amour, et si la Cause Unique et la Fontaine de la Vie est en Vous, personne n'en vivra comme Vous, ô notre Reine et notre Maîtresse. Mais ne veuillez point trouver de repos en Votre amour si embrasé; puisque la condition et l'état de voyageuse ne permet point maintenant que Vos affections arrivent à leur terme, ni qu'elles se ralentissent en acquérant de nouvelles augmentations de couronne et de mérites plus grands. Vos obligations excèdent sans comparaison celles de toutes les nations; mais elles doivent toujours croître et grandir: et jamais Votre amour si embrasé ne s'égalera avec son Objet, parce qu'Il est éternel, sans mesure et Infini en perfection, et Vous demeurerez toujours heureusement vaincue par Sa Grandeur; puisque personne ne peut le comprendre, mais Il Se comprend et Il S'aime Lui-même autant qu'Il doit être aimé. Et Vous, Madame, Vous trouverez toujours en Lui de quoi désirer davantage et de quoi aimer davantage, et cela appartient à Sa Grandeur et à notre gloire.»
3, 19, 246. Avec ces colloques et ces conférences le feu de l'Amour divin s'enflammait davantage dans le Coeur de la Très Sainte Marie, parce qu'en Elle s'accomplit légitimement le commandement du Seigneur: que dans Son Tabernacle et sur Son Autel brûlât (Lev. 6: 12) continuellement le feu de l'holocauste et que l'antique prêtre l'alimentât, afin qu'il fût perpétuel. Cette vérité s'exécuta dans la Très Sainte Marie, où étaient joints le Tabernacle, l'Autel et le Souverain et nouveau Prêtre, Jésus-Christ Notre Seigneur, qui conservait de divin Incendie, et qui L'accroissait chaque jour, administrant nouvelle matière de faveurs, de bienfaits et d'influences de Sa Divinité; et la Très Excellente Dame fournissait de même ses oeuvres continuelles sur l'incomparable valeur desquelles tombaient les nouveaux Dons du Seigneur, qui augmentaient sa sainteté et sa grâce. Et dès que cette Dame fut entrée dans le monde, le feu de son amour Divin s'alluma pour ne plus s'éteindre dans cet Autel pendant toute l'éternité du même Dieu. Si perpétuel et si continuel a été et sera le feu de ce Sanctuaire vivant.
3, 19, 247. D'autres fois Elle parlait et conversait avec les saints Anges qui se manifestaient à Elle en forme humaine, comme je l'ai dit en divers endroits; et sa conversation le plus réitérée était des Mystères du Verbe Incarné, et Elle était si profonde en cela, parlant des Écritures et des Prophètes, qu'Elle causait de
l'admiration aux Anges mêmes. Dans une de ces occasions, conférant avec eux de ces sacrements vénérables, Elle leur dit: «Mes seigneurs, serviteurs du Très-Haut et Ses amis, mon coeur est contristé et pénétré de dards douloureux, considérant ce que les Saintes Écritures disent (Gen. 22: 2; Nom. 21: 8-9; Ps. 21 entier) de mon Très Saint Fils, et ce qu'Isaïe et Jérémie écrivirent (Is. 53: 3-5; Jér. 11: 19), et les douleurs et les tourments aigus qui L'attendent: et Salomon dit qu'ils Le condamneront à un genre de mort honteuse (Sag. 2: 20), et les Prophètes parlent toujours avec une grande pondération et avec des termes très graves de Sa Passion et de Sa Mort, et tout devra s'exécuter en Lui. Oh! si c'était la Volonté de Sa Majesté que je vécusse alors, afin de me livrer à la mort pour l'Auteur de ma Vie! Mon esprit s'afflige conférant dans mon coeur ces vérités infaillibles et que mon Bien et mon Seigneur doit sortir de mes entrailles pour souffrir. Oh! qui Le gardera et Le défendra de Ses ennemis! Dites-moi, suprêmes Princes, avec quelles oeuvres ou par quel moyen obligerai-je le Père Éternel pour qu'Il tourne contre moi la rigueur de Sa Justice et que L'innocent qui ne peut avoir de péché reste libre? Je connais bien que pour satisfaire à un Dieu Infini, offensé par les hommes, il faut les Oeuvres d'un Dieu Incarné; mais par la première que fit mon Très Saint Fils, Il a plus mérité que le genre humain n'a pu perdre et offenser. Puis si cela est suffisant, dites-moi: sera-t-il possible que je meure pour éviter Sa mort et Ses tourments? Mes humbles désirs ne Lui déplairont-ils point? Mes angoisses ne le dégoûteront-elles point? Mais que dis-je? et où me portent la peine et l'affection? Puisque je veux que s'accomplisse en tout la Divine Volonté àlaquelle je suis soumise.»
3, 19, 248. La Très Sainte Marie avait ces colloques et d'autres semblables avec ses Anges, spécialement dans le temps de sa grossesse. Et les esprits Divins répondaient à tous ses soucis avec une grande révérence et ils la confortaient et la consolaient, lui renouvelant la mémoire des même sacrements qu'Elle connaissait et lui proposant les raisons et les convenances que Notre Seigneur Jésus-Christ mourût pour racheter (Tit. 2: 14) le genre humain, pour vaincre (Jean 12: 31) le démon et le priver de sa tyrannie, et pour la gloire du Père Éternel et l'exaltation du Très Saint et Très-Haut Seigneur son Fils. Les mystères de cette grande Reine avec ses Anges furent si nombreux et si sublimes qu'aucune langue humaine ne peut les rapporter, ni notre capacité ne peut percevoir en cette vie tant de choses. Nous verrons dans le Seigneur celles que nous ne comprenons pas maintenant
lorsque nous jouirons de Lui. Et par le peu que j'ai dit, notre piété peut venir à la considération d'autres choses plus grandes.
3, 19, 249. Sainte Élisabeth était aussi très capable et très illustrée dans les Divine Écritures, et elle le fut davantage dès l'heure de la Visitation; et ainsi notre Reine conférait avec elle des mystères Divins que la sainte Matrone connaissait et comprenait; et elle fut plus informée et plus enseignée par la Doctrine de la Très Sainte Marie; par l'intercession de laquelle elle reçut de grands bienfaits et de grands Dons du Ciel. Souvent elle était dans l'admiration de voir et d'entendre la profonde sagesse de la Mère de Dieu, et elle la bénissait de nouveau et lui disait: «Vous êtes bénie (Luc 1: 42), Madame et Mère de mon Seigneur, entre toutes les femmes, que toues les nations connaissent et exaltent votre dignité. Vous êtes très fortunée pour le Très Riche Trésor que Vous portez dans Votre sein: je Vous donne d'humbles et affectueuses félicitations de la joie que Vous aurez dans Votre esprit, lorsque le Soleil de justice sera dans Vos bras et que Vous le nourrirez à Vos mamelles virginales. Alors, souvenez-Vous, Madame, de Votre servante, et offrez-moi àVotre Très Saint Fils et mon Dieu véritable dans la chair humaine, afin qu'Il reçoive mon coeur en sacrifice. Oh! qui mériterait de Vous servir, maintenant et de Vous assister! Mais si je démérite d'obtenir cette fortune, que j'aie celle que Vous portiez toujours mon coeur dans Votre sein; puisque je crains non sans cause qu'il se brise lorsque Vous vous séparerez de moi.» Sainte Élisabeth avait d'autres affections très douces dans la compagnie et la présence de la Très Sainte Marie, et la Très Prudente Reine la consolait, la renouvelait et la vivifiait de ses raisons Divines et efficaces. Et parmi ces actions si excellentes et si élevées Elle en interposait plusieurs autres d'humilité et d'abaissement, servant non-seulement sa cousine sainte Élisabeth, mais les servantes de sa maison. Et lorsqu'Elle en obtenait l'occasion, Elle balayait la maison de sa cousine et toujours l'oratoire où Elle était d'ordinaire, et Elle lavait la vaisselle avec les servantes, et Elle opérait d'autres choses de profonde humilité. Et que l'on ne s'étonne pas que je particularise ces actions si petites, parce que la grandeur de notre Reine les exalta pour notre instruction, et qu'à sa vue notre orgueil s'évanouisse et notre rusticité s'abaisse. Lorsque sainte Élisabeth savait les humbles offices que la Mère de piété exerçait, elle s'en affligeait et l'empêchait; et pour cela la divine Dame se cachait de sa cousine autant qu'il lui était possible.
3, 19, 250. O Reine et Maîtresse de la terre et des cieux, notre Refuge et notre Avocate, quoique Vous soyez Maîtresse de toute sainteté et de toute perfection, je m'enhardis, ô ma Mère, à Vous interroger avec admiration sur Votre humilité. Comment sachant que le Fils Unique du Père Éternel incarné était dans Votre sein virginal et que Vous deviez Vous gouverner en tout comme Sa Mère, comment, dis-je, Votre grandeur s'humiliait-Elle à des actions si basses comme de balayer le sol et aux autres oeuvres, puisqu'à votre sentiment, à cause de la révérence de Votre Très Saint Fils, Vous pouviez les éviter sans manquer à Votre désir. Le mien, Madame, est de connaître comment Votre Majesté se gouvernait en cela.
RÉPONSE ET DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL.
3, 19, 251. Ma fille, pour répondre à ton doute, outre ce que tu as écrit dans le chapitre précédent, tu dois savoir qu'aucune occupation ou aucun acte extérieur en matière de vertu, si humble soit-il ne peut empêcher, s'il est bien ordonné de rendre l'adoration, la révérence et la louange au Créateur de toutes choses; parce que ces vertus ne s'excluent pas les unes les autres; au contraire, elles sont toutes compatibles dans la créature, et davantage en moi qui fus toujours présente au Souverain Bien, sans Le perdre de vue par un moyen ou par un autre. Et ainsi je L'adorais et Le respectais dans toutes mes actions, les rapportant toujours à Sa plus grande gloire; et Le même Seigneur qui fit et ordonna toutes les choses n'en méprise aucune, et les choses infimes non plus ne L'offensent point ni ne Le touchent. Et l'âme qui l'aime véritablement ne s'éloigne d'aucune de ces choses humbles en Sa divine Présence, parce que toutes Le cherchent et Le trouvent comme principe et fin de toute créature. Et parce que celle qui est terrestre ne peut vivre sans ces actions humbles et d'autres qui sont inséparables de la condition fragile et de la conservation de la nature; il est nécessaire de bien comprendre cette Doctrine pour se bien gouverner, parce que si en s'occupant à ces besoins et à ces actions, la créature ne s'appliquait pas à son Créateur, elle ferait plusieurs longs intervalles dans les vertus et les mérites et dans l'exercice des vertus intérieures; et tout cela est un manquement et un défaut répréhensible et peu considéré des créatures terrestres.
3, 19, 252. Par cette Doctrine tu dois régler tes actions terrestres quelles qu'elles soient, afin de ne point perdre le temps qui ne se retrouve jamais; et ainsi, mangeant, travaillant, reposant, dormant, et veillant (1 Cor. 10: 31), en tout temps, en tout lieu, et en toute occupation, adore, révère et regarde ton Seigneur grand et puissant, qui remplit et conserve tout. Et je veux que tu saches maintenant que ce qui me mouvait et me portait davantage à faire tous les actes d'humilité, c'était la considérations que mon Très Saint Fils venait humble pour enseigner (Matt. 11: 29) par Sa Doctrine et par Ses exemples cette vertu dans le monde, détruire la vanité et l'orgueil des hommes et arracher cette semence que Lucifer répandit parmi les mortels par le premier péché. Et Sa Majesté Me donna une si haute connaissance de la complaisance qu'Il prend en cette vertu, que pour faire un seul de ces actes que tu as rapportés, comme de balayer le sol ou de baiser les pieds à un pauvre, j'aurais souffert les plus grands tourments du monde. Et tu ne trouveras point de paroles pour exprimer cette affection que j'eus, ni non plus l'excellence et la noblesse de l'humilité. Tu le connaîtras dans le Seigneur, et tu comprendras ce que tu ne peux manifester par des paroles.
3, 19, 253. Mais écris cette Doctrine dans ton coeur et garde-la pour être la Règle de ta vie, et en t'exerçant toujours à tout ce que la vanité humaine méprise, méprise-la elle-même comme exécrable et odieuse aux yeux du Très-Haut. Et avec cet humble procédé, que tes pensées soient toujours très nobles, et ta conversation dans les Cieux (Phil. 3: 20) et avec les esprits angéliques; traite et converse avec eux, car ils te donneront de nouvelles lumières de la Divinité et des mystères de Jésus-Christ mon Très Saint Fils. Que tes conversations avec les créatures soient telles qu'elles en demeurent toujours plus ferventes et toi à ton tour, réveille et excite les autres à l'humilité et à l'amour Divin. Prends la dernière place dans ton intérieur parmi toutes les créatures; et lorsqu'arrivent l'occasion et le temps d'exercer les actes d'humilité, tu t'y trouveras prête; et tu seras maîtresse de tes passions si tu t'es reconnue d'abord dans ton concept pour la moindre, la plus faible et la plus inutile des créatures.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 20
Quelques bienfaits que la Très Sainte Marie fit à plusieurs femmes dans la maison de Zacharie.
3, 20, 254. C'est une propriété bien connue de l'Amour Divin d'être officieux et actif comme le feu s'il trouve une matière sur laquelle il puisse opérer; et c'est ce que fait encore plus le Feu spirituel, tellement que s'Il n'a pas de matière Il la cherche. Ce Maître a enseigné tant d'arts et d'inventions de vertus aux amateurs de Jésus-Christ qu'Il ne les laisse point demeurer oisifs. Et comme Il n'est pas aveugle ni insensé, Il connaît bien la condition de son objet très noble, et Il sait seulement avoir de la jalousie de ce que tous ne L'aiment pas; et ainsi Il tâche de la communiquer sans émulation et sans envie. Et si dans l'amour bien limité qu'en comparaison de la Très Sainte Marie tous ont pour Dieu, fût-ce même le plus fervent et le plus saint, le zèle des âmes fut si admirable et si puissant comme nous savons par ce qu'ils firent pour elles, que sera-ce si l'on considère ce que cette grande Reine a opéré au bénéfice du prochain, puisqu'Elle était Mère de l'Amour (Eccli. 24: 24) Divin et qu'Elle portait avec Elle le même Feu vivant et véritable qui venait pour embraser (Luc 12: 49) le monde? Les mortels connaîtront en toute cette Histoire divine combien ils doivent à cette Souveraine. Et quoiqu'il soit impossible de rapporter les cas particuliers et les bienfaits qu'Elle fit à plusieurs âmes; néanmoins, afin que par quelques-uns l'on connaisse les autres, je dirai dans ce chapitre quelque chose de ce qui arriva dans cette matière, la Reine étant dans la maison de sa cousine Élisabeth.
3, 20, 255. Il y avait une domestique qui servait dans cette maison ayant des inclinations sinistres, une nature colère, et qui était accoutumée à jurer et à maudire. Avec ces vices et d'autres désordres qu'elle commettait, gardant de la haine pour ses maîtres, elle était si soumise au démon que ce tyran la portait facilement à toute sorte de misère et de dérèglement. Et depuis quatorze ans, plusieurs démons l'assistaient et l'accompagnaient sans la quitter un seul moment, pour assurer la prise de son âme. Seulement lorsque cette femme était en présence de la Reine du Ciel, la Très Sainte Marie, les ennemis se retiraient; parce que
comme je l'ai dit d'autres fois la vertu de notre Reine les tourmentait, et surtout dans cette circonstance qu'Elle avait en son reliquaire virginal le Puissant Seigneur, le Dieu des vertus. Et ces cruels exacteurs s'éloignant, la servante ne sentait point les mauvais effets de leur compagnie; et d'un autre côté la douce vue et l'entretien de la Reine opérait en elle des bienfaits nouveaux, la femme commença à s'incliner et à s'affectionner beaucoup à sa Réparatrice et elle tâchait de l'assister avec beaucoup d'affection et de s'offrir à Elle pour son service et de gagner tout le temps qu'elle pouvait pour se tenir où était son Altesse, et elle la regardait avec respect: parce que parmi toutes ses inclinations dépravées elle en avait une bonne qui était une sorte de pitié naturelle et de compassion pour les nécessiteux et les humbles, et elle s'inclinait vers eux et elle tâchait de leur faire du bien [a.
3, 20, 256. La divine Princesse qui connaissait et voyait toutes les inclinations de cette femme, l'état de sa conscience, le danger de son âme et la malice des démons contre elle, tourna les yeux de sa miséricorde et la regarda avec une pieuse affection de Mère; et connaissant que cette assistance et cet empire des esprits infernaux était une juste peine de ses péchées, son Altesse fit cependant oraison pour elle et lui obtint le remède, le pardon et le salut. Ensuite avec le pouvoir qu'Elle avait, cette Auguste Reine commanda aux dragons de l'enfer de laisser cette créature libre et de ne plus revenir la troubler et la molester. Et comme ils ne pouvaient résister à l'empire de notre Souveraine ils se soumirent et s'enfuirent tout craintifs, ignorant la cause de ce pouvoir de la Très Sainte Marie; mais ils conféraient entre eux avec un étonnement indigné et ils disaient: «Quelle est cette Femme qui a un empire si extraordinaire sur nous? D'où lui vient un pouvoir si rare qu'Elle opère tout ce qu'Elle veut?» Les ennemis conçurent pour cela une nouvelle indignation et une nouvelle rage contre Celle qui leur écrasait la tête (Gen. 3: 15). Mais cette heureuse pécheresse demeura délivré de leurs griffes; et la Très Sainte Marie l'avertit, la corrigea et lui enseigna le chemin du salut, et la changea en une autre femme douce de coeur et sans orgueil. Elle persévéra dans ce renouvellement toute sa vie, reconnaissant que tout lui était venu par la main de notre Reine, quoiqu'elle ne sût ni ne pénétrât le mystère de sa dignité; néanmoins elle fut humble, reconnaissante et elle acheva sa vie saintement.
3, 20, 257. Une autre femme voisine de la maison de Zacharie n'était pas dans de meilleures conditions que cette servante. Cette voisine avait coutume d'entrer dans la maison et de converser avec ceux de la famille de sainte Élisabeth. Elle vivait licencieusement sous le rapport de l'honnêteté, et ayant appris l'arrivée de notre Reine dans cette ville, sa modestie et sa réserve, elle dit avec légèreté et curiosité: «Quelle est cette étrangère qui nous est venue comme hôtesse et voisine, à l'air si saint et si retiré?» Et avec le vain et curieux désir de savoir des nouvelles; désir que de telles personnes ont coutume d'avoir, elle tâcha de voir la divine Dame pour remarquer la mise et la figure qu'Elle avait. Cette fin était impertinente et oiseuse, mais elle ne le fut point dans l'effet; parce que l'ayant obtenue cette femme demeura le coeur si frappé que par la présence et la vue de la Très Sainte Marie elle fut changée en une autre et transformée en une nouvelle être. Elle changea ses inclinations; et sans connaître la vertu de cet Instrument efficace elle la sentit, ses yeux produisant des larmes très abondantes avec une douleur intime de ses péchés. Et seulement d'avoir posé la vue avec une attention curieuse sur la Mère de la Pureté Virginal, cette heureuse femme en retira en échange la vertu de chasteté, demeurant libre des habitudes et des inclinations sensuelles. Elle se retira alors avec cette douleur pour pleurer sa mauvaise vie; et ensuite elle sollicita la faveur de voir la Mère de la Grâce, sachant l'événement et ayant dans ses divines entrailles l'Origine de la grâce qui rend saints et qui justifie en vertu de laquelle l'Avocate des pécheurs opérait. Elle reçut celle-ci avec une affection de piété maternelle, l'admonesta et la catéchisa dans la vertu; et avec cela Elle la laissa meilleure et fortifiée pour la persévérance.
3, 20, 258. De cette manière notre grande Souveraine fit beaucoup d'oeuvres de conversions admirables d'un grand nombre d'âmes, quoique toujours avec un grand silence et un rare secret. Toute la famille de sainte Élisabeth et de Zacharie demeura sanctifiée par son entretien et sa conversation. Ceux qui étaient justes Elles les améliora et les fit croître en de nouveaux dons et de nouvelles faveurs: ceux qui ne l'étaient point, son intercession les justifia et les éclaira; et son révérenciel amour les soumit tous avec tant de force, que chacun lui obéissait àl'envi et la reconnaissait pour Mère, Refuge et consolation en toutes les nécessités. Et sa vue opérait ces effets et avec peu de paroles; quoiqu'Elle ne refusât jamais celles qui étaient nécessaires pour de telles oeuvres. Comme Elle pénétrait le secret du coeur de chacun [b et Elle connaissait l'état de la conscience, Elle appliquait à chacun son remède le plus opportun. Quelquefois, quoique ce ne
fût pas toujours, le Seigneur lui manifestait si ceux qu'Elle voyait étaient des élus ou des réprouvés, du nombre des prédestinés ou des damnés. Mais l'un et l'autre produisaient dans son Coeur des effets admirables de vertu très parfaite; parce qu'Elle donnait beaucoup de bénédiction àceux qu'Elle connaissait justes et prédestinés, ce qu'Elle fait encore du Ciel maintenant, et Elle en félicitait le Seigneur, Lui demandait de les conserver dans Sa grâce et Son amitié; et Elle faisait pour cela des diligences et des prières incomparables. Lorsqu'Elle voyait quelqu'un en péché, Elle priait avec une affection intime pour sa justification et Elle l'obtenait d'ordinaire; et s'il était réprouvé Elle pleurait amèrement et Elle s'humiliait en présence du Très-Haut pour la perte de cette image et de cet ouvrage de la Divinité et Elle faisait des oraisons, des offrandes et des humiliations profondes, afin que d'autres ne fussent pas damnés, et tout était une flamme de l'amour Divin qui ne se reposait et qui ne cessait jamais dans l'opération de grandes choses.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE REINE NOTRE SOUVERAINE.
3, 20, 259. Ma très chère fille, toute l'harmonie de tes soins et de tes puissances doit se mouvoir sur deux points comme deux pôles: et c'est d'être dans l'amitié et la grâce du Très-Haut et de procurer la même chose pour les autres âmes. Toute ta vie et toutes tes occupations consistent en cela. Et pour obtenir de si hautes fins, je ne veux pas que tu refuses s'il est nécessaire aucun travail, ni aucune diligence, le demandant au Seigneur et t'offrant à souffrir jusqu'à la mort et souffrant effectivement tout ce qui se présentera et selon tes forces. Et quoique tu ne doives pas, pour prendre soin des âmes faire des démonstrations extérieures avec les créatures, parce qu'elles ne seraient pas convenables à ton sexe; néanmoins tu dois chercher et appliquer prudemment tous les moyens cachés et efficaces que tu connaîtras. Considère, si tu es ma fille et l'épouse de mon Très Saint Fils que la fortune de notre maison sont les âmes raisonnables qu'Il acheta (1 Cor. 6: 20) comme de riches dépouilles au prix de Sa Vie, de Sa Mort et de Son propre Sang (1 Pet. 1: 19); parce que le même Seigneur les ayant créées et dirigées pour Lui-même, elles se perdirent (Gen. 3: 6) par leur désobéissance.
3, 20, 260. Mais lorsque le Seigneur t'enverra, ou dirigera vers toi quelque âme nécessiteuse et qu'Il te donnera à connaître son état, travaille fidèlement pour son remède, pleure et prie avec une affection intime et fervente pour obtenir de Dieu la réparation de tant de pertes et de dangers; et n'épargne aucun moyen humain et Divin dans la manière qui te regarde pour obtenir le salut et la vie de l'âme qui te sera confiée. Et avec la prudence et la mesure que je t'ai recommandée, ne sois point timide pour reprendre et pour prier lorsque tu comprendras qu'il convient; et travaille en tout secret au bien de cette âme. Et je veux même lorsqu'il sera nécessaire que tu commandes au démon avec empire au Nom du Dieu Tout-Puissant et en mon Nom, de s'éloigner et de se détourner des âmes que tu connaîtras opprimées par eux; et cela se passant en secret, tu peux bien t'enhardir et t'étendre pour l'exécuter. Et considère que le Seigneur t'a mise et te mettra dans des occasions où tu peux opérer cette doctrine. Ne l'oublie point et ne la perds point, car Sa Majesté te tient obligée comme fille à prendre soin de la richesse et de la maison de ton Père et tu ne sois point avoir de repos que tu ne l'aies fait en toute diligence. Ne crains point, car tu le pourras en celui qui te fortifie (Phil. 4: 13) et Son pouvoir Divin fortifiera ton bras (Prov. 31: 17) pour de grandes oeuvres.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 20, [a]. La charité de Marie fut telle qu'au dire de saint Ildefonce, [Orat. I. Assump.], «comme le feu réduit le fer, ainsi l'Esprit-Saint l'avait toute fondue et réduite dans un état d'incandescence et de combustion» et si le zèle qu'Elle avait pour le salut des âmes était en proportion de sa charité, comme il devait l'être naturellement, il est impossible de supposer qu'Elle n'ait pas usé de ce zèle dans tous les cas particuliers qui se présentèrent. S'il en avait été autrement, sa science et sa grâce Souveraine eussent été inutiles et oisives et Elle n'eût pu dire d'Elle-
même comme saint Paul: «La grâce de Dieu n'a pas été inutile en moi.» Tout ce que la Vénérable raconte ici ne peut être que la moindre partie de tout ce que la Très Sainte Marie opéra pour sauver les pécheurs.
3, 20, [b. "Elle pénétrait le secret du coeur de chacun". La connaissance du secret des coeurs fut accordée à plusieurs saints en cette vie, comme il appert de l'Histoire; et ce serait une témérité et un ignorance d'assurer le contraire. Il n'est donc pas permis de douter qu'il ait aussi été accordé à la Très Sainte Marie Mère de Dieu et Reine de tous les saints, selon ce que dit saint Bernard [Épis. 174].
Quelques bienfaits que la Très Sainte Marie fit à plusieurs femmes dans la maison de Zacharie.
3, 20, 254. C'est une propriété bien connue de l'Amour Divin d'être officieux et actif comme le feu s'il trouve une matière sur laquelle il puisse opérer; et c'est ce que fait encore plus le Feu spirituel, tellement que s'Il n'a pas de matière Il la cherche. Ce Maître a enseigné tant d'arts et d'inventions de vertus aux amateurs de Jésus-Christ qu'Il ne les laisse point demeurer oisifs. Et comme Il n'est pas aveugle ni insensé, Il connaît bien la condition de son objet très noble, et Il sait seulement avoir de la jalousie de ce que tous ne L'aiment pas; et ainsi Il tâche de la communiquer sans émulation et sans envie. Et si dans l'amour bien limité qu'en comparaison de la Très Sainte Marie tous ont pour Dieu, fût-ce même le plus fervent et le plus saint, le zèle des âmes fut si admirable et si puissant comme nous savons par ce qu'ils firent pour elles, que sera-ce si l'on considère ce que cette grande Reine a opéré au bénéfice du prochain, puisqu'Elle était Mère de l'Amour (Eccli. 24: 24) Divin et qu'Elle portait avec Elle le même Feu vivant et véritable qui venait pour embraser (Luc 12: 49) le monde? Les mortels connaîtront en toute cette Histoire divine combien ils doivent à cette Souveraine. Et quoiqu'il soit impossible de rapporter les cas particuliers et les bienfaits qu'Elle fit à plusieurs âmes; néanmoins, afin que par quelques-uns l'on connaisse les autres, je dirai dans ce chapitre quelque chose de ce qui arriva dans cette matière, la Reine étant dans la maison de sa cousine Élisabeth.
3, 20, 255. Il y avait une domestique qui servait dans cette maison ayant des inclinations sinistres, une nature colère, et qui était accoutumée à jurer et à maudire. Avec ces vices et d'autres désordres qu'elle commettait, gardant de la haine pour ses maîtres, elle était si soumise au démon que ce tyran la portait facilement à toute sorte de misère et de dérèglement. Et depuis quatorze ans, plusieurs démons l'assistaient et l'accompagnaient sans la quitter un seul moment, pour assurer la prise de son âme. Seulement lorsque cette femme était en présence de la Reine du Ciel, la Très Sainte Marie, les ennemis se retiraient; parce que
comme je l'ai dit d'autres fois la vertu de notre Reine les tourmentait, et surtout dans cette circonstance qu'Elle avait en son reliquaire virginal le Puissant Seigneur, le Dieu des vertus. Et ces cruels exacteurs s'éloignant, la servante ne sentait point les mauvais effets de leur compagnie; et d'un autre côté la douce vue et l'entretien de la Reine opérait en elle des bienfaits nouveaux, la femme commença à s'incliner et à s'affectionner beaucoup à sa Réparatrice et elle tâchait de l'assister avec beaucoup d'affection et de s'offrir à Elle pour son service et de gagner tout le temps qu'elle pouvait pour se tenir où était son Altesse, et elle la regardait avec respect: parce que parmi toutes ses inclinations dépravées elle en avait une bonne qui était une sorte de pitié naturelle et de compassion pour les nécessiteux et les humbles, et elle s'inclinait vers eux et elle tâchait de leur faire du bien [a.
3, 20, 256. La divine Princesse qui connaissait et voyait toutes les inclinations de cette femme, l'état de sa conscience, le danger de son âme et la malice des démons contre elle, tourna les yeux de sa miséricorde et la regarda avec une pieuse affection de Mère; et connaissant que cette assistance et cet empire des esprits infernaux était une juste peine de ses péchées, son Altesse fit cependant oraison pour elle et lui obtint le remède, le pardon et le salut. Ensuite avec le pouvoir qu'Elle avait, cette Auguste Reine commanda aux dragons de l'enfer de laisser cette créature libre et de ne plus revenir la troubler et la molester. Et comme ils ne pouvaient résister à l'empire de notre Souveraine ils se soumirent et s'enfuirent tout craintifs, ignorant la cause de ce pouvoir de la Très Sainte Marie; mais ils conféraient entre eux avec un étonnement indigné et ils disaient: «Quelle est cette Femme qui a un empire si extraordinaire sur nous? D'où lui vient un pouvoir si rare qu'Elle opère tout ce qu'Elle veut?» Les ennemis conçurent pour cela une nouvelle indignation et une nouvelle rage contre Celle qui leur écrasait la tête (Gen. 3: 15). Mais cette heureuse pécheresse demeura délivré de leurs griffes; et la Très Sainte Marie l'avertit, la corrigea et lui enseigna le chemin du salut, et la changea en une autre femme douce de coeur et sans orgueil. Elle persévéra dans ce renouvellement toute sa vie, reconnaissant que tout lui était venu par la main de notre Reine, quoiqu'elle ne sût ni ne pénétrât le mystère de sa dignité; néanmoins elle fut humble, reconnaissante et elle acheva sa vie saintement.
3, 20, 257. Une autre femme voisine de la maison de Zacharie n'était pas dans de meilleures conditions que cette servante. Cette voisine avait coutume d'entrer dans la maison et de converser avec ceux de la famille de sainte Élisabeth. Elle vivait licencieusement sous le rapport de l'honnêteté, et ayant appris l'arrivée de notre Reine dans cette ville, sa modestie et sa réserve, elle dit avec légèreté et curiosité: «Quelle est cette étrangère qui nous est venue comme hôtesse et voisine, à l'air si saint et si retiré?» Et avec le vain et curieux désir de savoir des nouvelles; désir que de telles personnes ont coutume d'avoir, elle tâcha de voir la divine Dame pour remarquer la mise et la figure qu'Elle avait. Cette fin était impertinente et oiseuse, mais elle ne le fut point dans l'effet; parce que l'ayant obtenue cette femme demeura le coeur si frappé que par la présence et la vue de la Très Sainte Marie elle fut changée en une autre et transformée en une nouvelle être. Elle changea ses inclinations; et sans connaître la vertu de cet Instrument efficace elle la sentit, ses yeux produisant des larmes très abondantes avec une douleur intime de ses péchés. Et seulement d'avoir posé la vue avec une attention curieuse sur la Mère de la Pureté Virginal, cette heureuse femme en retira en échange la vertu de chasteté, demeurant libre des habitudes et des inclinations sensuelles. Elle se retira alors avec cette douleur pour pleurer sa mauvaise vie; et ensuite elle sollicita la faveur de voir la Mère de la Grâce, sachant l'événement et ayant dans ses divines entrailles l'Origine de la grâce qui rend saints et qui justifie en vertu de laquelle l'Avocate des pécheurs opérait. Elle reçut celle-ci avec une affection de piété maternelle, l'admonesta et la catéchisa dans la vertu; et avec cela Elle la laissa meilleure et fortifiée pour la persévérance.
3, 20, 258. De cette manière notre grande Souveraine fit beaucoup d'oeuvres de conversions admirables d'un grand nombre d'âmes, quoique toujours avec un grand silence et un rare secret. Toute la famille de sainte Élisabeth et de Zacharie demeura sanctifiée par son entretien et sa conversation. Ceux qui étaient justes Elles les améliora et les fit croître en de nouveaux dons et de nouvelles faveurs: ceux qui ne l'étaient point, son intercession les justifia et les éclaira; et son révérenciel amour les soumit tous avec tant de force, que chacun lui obéissait àl'envi et la reconnaissait pour Mère, Refuge et consolation en toutes les nécessités. Et sa vue opérait ces effets et avec peu de paroles; quoiqu'Elle ne refusât jamais celles qui étaient nécessaires pour de telles oeuvres. Comme Elle pénétrait le secret du coeur de chacun [b et Elle connaissait l'état de la conscience, Elle appliquait à chacun son remède le plus opportun. Quelquefois, quoique ce ne
fût pas toujours, le Seigneur lui manifestait si ceux qu'Elle voyait étaient des élus ou des réprouvés, du nombre des prédestinés ou des damnés. Mais l'un et l'autre produisaient dans son Coeur des effets admirables de vertu très parfaite; parce qu'Elle donnait beaucoup de bénédiction àceux qu'Elle connaissait justes et prédestinés, ce qu'Elle fait encore du Ciel maintenant, et Elle en félicitait le Seigneur, Lui demandait de les conserver dans Sa grâce et Son amitié; et Elle faisait pour cela des diligences et des prières incomparables. Lorsqu'Elle voyait quelqu'un en péché, Elle priait avec une affection intime pour sa justification et Elle l'obtenait d'ordinaire; et s'il était réprouvé Elle pleurait amèrement et Elle s'humiliait en présence du Très-Haut pour la perte de cette image et de cet ouvrage de la Divinité et Elle faisait des oraisons, des offrandes et des humiliations profondes, afin que d'autres ne fussent pas damnés, et tout était une flamme de l'amour Divin qui ne se reposait et qui ne cessait jamais dans l'opération de grandes choses.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE REINE NOTRE SOUVERAINE.
3, 20, 259. Ma très chère fille, toute l'harmonie de tes soins et de tes puissances doit se mouvoir sur deux points comme deux pôles: et c'est d'être dans l'amitié et la grâce du Très-Haut et de procurer la même chose pour les autres âmes. Toute ta vie et toutes tes occupations consistent en cela. Et pour obtenir de si hautes fins, je ne veux pas que tu refuses s'il est nécessaire aucun travail, ni aucune diligence, le demandant au Seigneur et t'offrant à souffrir jusqu'à la mort et souffrant effectivement tout ce qui se présentera et selon tes forces. Et quoique tu ne doives pas, pour prendre soin des âmes faire des démonstrations extérieures avec les créatures, parce qu'elles ne seraient pas convenables à ton sexe; néanmoins tu dois chercher et appliquer prudemment tous les moyens cachés et efficaces que tu connaîtras. Considère, si tu es ma fille et l'épouse de mon Très Saint Fils que la fortune de notre maison sont les âmes raisonnables qu'Il acheta (1 Cor. 6: 20) comme de riches dépouilles au prix de Sa Vie, de Sa Mort et de Son propre Sang (1 Pet. 1: 19); parce que le même Seigneur les ayant créées et dirigées pour Lui-même, elles se perdirent (Gen. 3: 6) par leur désobéissance.
3, 20, 260. Mais lorsque le Seigneur t'enverra, ou dirigera vers toi quelque âme nécessiteuse et qu'Il te donnera à connaître son état, travaille fidèlement pour son remède, pleure et prie avec une affection intime et fervente pour obtenir de Dieu la réparation de tant de pertes et de dangers; et n'épargne aucun moyen humain et Divin dans la manière qui te regarde pour obtenir le salut et la vie de l'âme qui te sera confiée. Et avec la prudence et la mesure que je t'ai recommandée, ne sois point timide pour reprendre et pour prier lorsque tu comprendras qu'il convient; et travaille en tout secret au bien de cette âme. Et je veux même lorsqu'il sera nécessaire que tu commandes au démon avec empire au Nom du Dieu Tout-Puissant et en mon Nom, de s'éloigner et de se détourner des âmes que tu connaîtras opprimées par eux; et cela se passant en secret, tu peux bien t'enhardir et t'étendre pour l'exécuter. Et considère que le Seigneur t'a mise et te mettra dans des occasions où tu peux opérer cette doctrine. Ne l'oublie point et ne la perds point, car Sa Majesté te tient obligée comme fille à prendre soin de la richesse et de la maison de ton Père et tu ne sois point avoir de repos que tu ne l'aies fait en toute diligence. Ne crains point, car tu le pourras en celui qui te fortifie (Phil. 4: 13) et Son pouvoir Divin fortifiera ton bras (Prov. 31: 17) pour de grandes oeuvres.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 20, [a]. La charité de Marie fut telle qu'au dire de saint Ildefonce, [Orat. I. Assump.], «comme le feu réduit le fer, ainsi l'Esprit-Saint l'avait toute fondue et réduite dans un état d'incandescence et de combustion» et si le zèle qu'Elle avait pour le salut des âmes était en proportion de sa charité, comme il devait l'être naturellement, il est impossible de supposer qu'Elle n'ait pas usé de ce zèle dans tous les cas particuliers qui se présentèrent. S'il en avait été autrement, sa science et sa grâce Souveraine eussent été inutiles et oisives et Elle n'eût pu dire d'Elle-
même comme saint Paul: «La grâce de Dieu n'a pas été inutile en moi.» Tout ce que la Vénérable raconte ici ne peut être que la moindre partie de tout ce que la Très Sainte Marie opéra pour sauver les pécheurs.
3, 20, [b. "Elle pénétrait le secret du coeur de chacun". La connaissance du secret des coeurs fut accordée à plusieurs saints en cette vie, comme il appert de l'Histoire; et ce serait une témérité et un ignorance d'assurer le contraire. Il n'est donc pas permis de douter qu'il ait aussi été accordé à la Très Sainte Marie Mère de Dieu et Reine de tous les saints, selon ce que dit saint Bernard [Épis. 174].
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 21
Sainte Élisabeth demande à la Reine du Ciel de l'assister à son enfantement, et cette Souveraine reçoit une Lumière touchant la naissance de Jean.
3, 21, 261. Deux mois s'étaient déjà écoulés depuis que la Princesse du Ciel était venue à la maison de sainte Élisabeth; et la discrète Matrone prévoyait déjà sa propre douleur qu'elle devait ressentir du départ et de l'absence de la grande Souveraine du monde. Elle craignait avec raison de perdre la possession de tant de fortune, et elle connaissait que cette possession ne pouvait être acquise par aucun mérite humain; et comme humble et sainte, elle pesait dans son coeur ses propres péchés, s'épouvantant de ce que peut-être pour leur propre punition, cette belle Lune s'éloignerait d'elle avec le Soleil de justice qu'Elle renfermait dans son sein virginal. Elle pleurait parfois à l'écart avec des sanglots, parce qu'elle ne trouvait point de moyens pour retenir le Soleil qu'un jour si clair de grâce et de Lumière lui avait causé. Elle suppliait le Seigneur avec des larmes abondantes de mettre au Coeur de sa cousine et sa Maîtresse, la Très Sainte Marie, de ne point la laisser seule; au moins, de ne point la priver sitôt de son aimable compagnie. Elle la servait avec une grande vénération et avec beaucoup d'assistance et de soin. Elle méditait qu'est-ce qu'elle ferait pour l'obliger: et il n'est pas étonnant qu'une si
grande sainte et une femme si considérée et si prudente sollicitât ce qui pourrait être désiré par les Anges mêmes; mais outre la Lumière divine qu'elle avait reçue de l'Esprit-Saint avec une grande plénitude, pour connaître la suprême sainteté et la suprême dignité de la Vierge-Mère, Celle-ci par Elle-même lui avait ravi le coeur par sa conversation très douce et très Divine et les effets que sainte Élisabeth ressentait de son entretien; de sorte qu'elle ne pouvait vivre sans une faveur spéciale en s'éloignant de cette Auguste Reine depuis qu'elle l'avait connue et qu'elle avait vécu dans son intimité.
3, 21, 262. Mais pour se consoler de cette peine, sainte Élisabeth détermina de la manifester à la divine Dame qui n'en était point ignorante; et avec une vénération et une soumission très grandes, elle lui dit: «Ma cousine et ma Maîtresse, je n'ai point osé jusqu'à présent Vous manifester mon désir et une peine qui a dominé mon coeur, à cause du respect et de l'attention avec lesquels je dois Vous servir: je les rapporterai, me permettant de chercher le soulagement en Vous manifestant mes soucis, puisque je ne vis qu'avec l'espérance de ce que je désire. Le Seigneur par Sa divine Bonté m'a fait une Miséricorde singulière de Vous attirer ici, afin que j'eusse la fortune que je n'ai pu mériter de traiter avec Vous et de connaître les Mystères qu'en Vous, Madame, la divine Providence a renfermés. Quoiqu'indigne je Le loue éternellement pour ce Bienfait. Vous êtes le Temple vivant (Dan. 3: 53) de la gloire du Très-Haut, l'Arche du testament (Heb. 9: 4) qui gardez la Manne (Ps. 77: 25) dont vivent les Anges mêmes; Vous êtes les Tables (Ex. 31: 18) de la Loi véritable, écrite avec l'Etre même de Dieu. Je considère ma bassesse et combien Sa Majesté m'a rendue riche en un instant, me trouvant sans le mériter, avec le Trésor des Cieux dans ma maison, et avec Celle qu'Il choisit pour Sa Mère entre toutes les femmes: je crains désormais avec raison que désobligée par mes péchés, Vous ainsi que le Fruit de Votre sein, Vous abandonniez cette pauvre esclave, me laissant seule et déserte de tant de biens que je goûte maintenant. Il est possible au Seigneur, s'il était aussi de Votre volonté que j'obtienne le bonheur de Vous servir et que Vous ne m'éloigniez point de Vous en ce que me reste de vie: et s'il y a plus de difficulté d'aller à Votre maison, il sera plus facile que Vous demeuriez dans la mienne, et d'appeler Votre saint époux Joseph, afin que tous deux Vous y viviez comme Maîtres et Seigneurs que je servirai comme servante et avec l'affection qui meut mon désir. Et quoique je ne mérite point ce que je demande, je Vous prie de ne point mépriser mon humble pétition, puisque le Très-Haut surpassa par Ses faveurs mes mérites et mes désirs.»
3, 21, 263. La Très Sainte Marie écouta avec une très douce complaisance la proposition et la supplique de sa cousine sainte Élisabeth et Elle lui répondit en disant: «Très chère amie de mon âme, vos saintes et pieuses affections seront acceptées par le Très-Haut et vos désirs sont agréables à Ses yeux. Je vous en remercie de coeur; mais en tous nos soins et nos propos, il es dû de nous appliquer à la Volonté Divine et d'y subordonner en tout la nôtre. Et quoique telle soit l'obligation de tous les mortels, vous savez bien, mon amie, que je suis plus redevable que tous; puisque par la Puissance de Son bras (Luc 1: 51) Il m'éleva de la poussière et Il regarda ma bassesse avec une piété immense. Toutes mes paroles et tous mes mouvements doivent être gouvernés par la Volonté de mon Fils et mon Seigneur; il ne m'appartient pas de vouloir ou de ne point vouloir plus que Sa divine Disposition. Nous présenterons vos désirs à Sa Majesté et ce qu'Il ordonnera de Son plus grand Agrément, nous l'exécuterons. Je dois aussi obéir à mon époux Joseph, et je ne peux, ma très chère, sans son ordre et sa disposition, choisir mes occupations, ni le lieu et la maison pour y vivre; et il est raisonnable que nous soyons à l'obéissance (Eph. 5: 22) de ceux qui sont nos chefs et nos supérieurs.»
3, 21, 264. A ces raisons si efficaces de la Princesse du Ciel, sainte Élisabeth assujettit son jugement et ses désir, et avec une humble soumission elle lui dit: «Madame, je veux obéir à Votre volonté et je révère Votre Doctrine. Seulement, je Vous représente de nouveau l'amour intime de mon coeur soumis à Votre service: et si ce que j'ai proposé de mes désirs n'est pas conforme à la Volonté Divine et si je ne peux l'exécuter; au moins, je désire, ma Reine, que Vous ne m'abandonniez point avant que le fils que j'ai dans mes entrailles ne sorte à la lumière; afin que comme en elles il a connu et adoré Son Rédempteur dans les vôtres, il jouisse de Sa divine Présence et de Sa Lumière avant celles d'aucune autre créature; et qu'il reçoive Votre bénédiction qui donna principe aux pas de sa vie, à la vue de Celui qui doit les diriger dans la droiture (Prov. 16: 9). Et Vous qui êtes la Mère de la Grâce, Vous le présenterez à son Créateur et Vous lui obtiendrez de Sa Bonté immense la persévérance de cette grâce qu'il reçut par le moyen de Votre voix très douce, lorsque sans le mériter je l'entendis de mes oreilles. Permettez donc, ô mon Refuge, que je voie mon fils dans Vos bras où doit reposer le même Dieu qui créa et forma le ciel et la terre et ils demeurent par
son ordre (Is. 42: 5). Que la grandeur de Votre bonté maternelle ne se rétrécisse ni ne s'abrège à cause de mes péchés, et ne me refusez point à moi cette consolation, ni à mon fils une si grande fortune que je sollicite comme mère et que je désire pour lui sans la mériter.»
3, 21, 265. La Très Sainte Marie ne voulut point refuser cette dernière demande à sa sainte cousine, et Elle promit de demander au Seigneur l'accomplissement de son désir, et Elle la chargea de faire la même chose pour savoir Sa Très Sainte Volonté. Avec cet accord, les deux Mères des deux meilleurs enfants qui soient nés dans le monde se retirèrent à l'oratoire de la divine Princesse et s'étant mises en oraison, elles présentèrent leur pétition au Très-Haut. La Très Pure Marie eut une extase où Elle connut avec une nouvelle Lumière divine, le Mystère, la vie et les mérites du précurseur saint Jean et ce qu'il devait opérer, préparant par sa prédication les voies (Jean 1: 23) des coeurs des hommes pour recevoir leur Rédempteur et leur Maître, et de ces grands sacrements Elle manifesta à sainte Élisabeth seulement ce qu'il convenait qu'elle comprit. Elle connut aussi la grande sainteté de la même sainte et que sa mort arriverait bientôt, et celle de Zacharie auparavant. Et avec l'amour que notre pieuse Mère avait pour sa parente, Elle la présenta au Seigneur, et Elle Lui demanda de l'assister à sa mort; Elle présenta aussi ses désirs en ce qu'elle avait demandé pour l'enfantement de son fils. Pour ce qui était que son Altesse demeurât dans la maison de Zacharie, la Très Prudente Vierge ne demanda rien; car Elle connut aussitôt par la Science divine qu'Elle avait, qu'il n'était point convenable ni de la Volonté du Très-Haut qu'Elle vécût toujours dans la maison de sa cousine, comme celle-ci le désirait.
3, 21, 266. Sa Majesté répondit à ces pétitions: «Mon Épouse et Ma Colombe, Mon bon plaisir est que tu assistes Ma servante Élisabeth et que tu la consoles dans son enfantement qui est déjà très proche; parce qu'il n'y manque plus que huit jours; et après que l'enfant qui doit naître sera circoncis tu retourneras [a] avec Joseph ton époux. Et tu Me présenteras Mon serviteur Jean après qu'il sera né, car ce sera un sacrifice acceptable pour Moi; et tu persévéreras, Mon Amie, à Me demander le salut éternel pour les âmes.» En même temps, sainte Élisabeth accompagnait de ses prières celles de la Reine du Ciel et de la terre, et elle suppliait le Seigneur de commander à Sa Très Sainte Mère et Son Épouse de ne la point abandonner dans son enfantement: et il lui fut révélé qu'il était déjà très
proche, et d'autres choses de grand soulagement et de grande consolation dans ses inquiétudes.
3, 21, 267. La Très Sainte Marie revint de son ravissement, et l'oraison achevée, les deux Mères conférèrent de ce que l'enfantement de sainte Élisabeth s'approchait déjà, selon l'avis du Seigneur qu'elles avaient eu toutes deux, et avec l'ardent désir de sa bonne fortune, la sainte Matrone interrogea aussitôt notre Reine: «Madame, dites-moi, je Vous supplie, si j'ai mérité le bien que je Vous ai demandé de Vous avoir avec moi à l'événement de mon enfantement, déjà si immédiat.» Son Altesse lui répondit: «Mon amie, et ma cousine, le Très-Haut a écouté et reçu nos prières et Il a daigné me commander d'accomplir votre désir, et que je vous serve dans cette occasion, comme je le ferai, attendant non seulement votre enfantement, mais aussi que votre enfant soit circoncis selon la Loi; car tout s'exécutera en quinze jours." Avec cette détermination de la Très Sainte Marie, la jubilation de sa sainte cousine Élisabeth se renouvela; et reconnaissant ce grand bienfait elle en rendit d'humbles actions de grâces au Seigneur, et aussi à la Très Sainte Reine. Et s'étant récréée et vivifiée par Leurs avis et Leurs avertissements, la sainte Matrone traita de se préparer pour l'enfantement et pour le départ de son Auguste Cousine.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE REINE,
NOTRE MAÎTRESSE, LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 21, 268. Ma fille, quand le désir de la créature naît d'une affection pieuse et dévote, dirigée par une intention droite à de saintes fins, il ne déplaît pas au Très-Haut qu'on le Lui propose, pourvu que ce soit avec résignation à Son plus grand agrément et à Sa Volonté, pour exécuter ce que Sa divine Providence disposera sur tout. Et lorsque les âmes se mettent en la présence du Seigneur avec cette conformité et cette égalité d'âme, Il les regarde (Ps. 33: 16) comme Père miséricordieux et leur accorde toujours ce qui est juste; Il ne leur refuse et ne
détourne d'eux que ce qui ne l'est pas ou ce qui ne leur convient point pour leur salut véritable. Le désir que Ma cousine Élisabeth avait de ne point s'éloigner de moi et de m'accompagner toute sa vie naquit d'un zèle pieux et bon, mais cela n'était pas convenable, conformément à la détermination que le Très-Haut avait de toutes mes opérations, de tous mes voyages et de tous les événements qui m'attendaient. Et quoique cette prière lui fût refusée elle ne déplut point au Seigneur; néanmoins Il lui accorda ce qui n'empêchait pas les décrets de Sa sainte Volonté et de Sa Sagesse infinie et ce qui résultait en bénéfice pour elle et pour son fils Jean. Et par mon intercession et pour l'amour que le fils et la mère eurent pour moi, le Tout-Puissant les enrichit de grands biens et de grandes faveurs. C'est toujours un moyen très efficace à l'égard de Sa Majesté de Le prier avec une bonne volonté et une bonne intention par mon intercession et ma dévotion.
3, 21, 269. Je veux que tu offres toutes tes demandes et tes prières au nom de mon Très Saint Fils et au mien; et fie-toi, sans crainte, qu'elles seront reçues si tu les diriges avec une intention très droite de l'agrément de Dieu. Regarde-moi avec une amoureuse affection, comme ta Mère, ton Refuge et ta protection et livre-toi à ma dévotion et à mon amour; et sache, ma très chère, que le désir que j'ai de ton plus grand bien m'oblige à t'enseigner le moyen le plus puissant et le plus efficace par où tu puisses arriver avec la grâce Divine à obtenir de grand trésors et de grands bienfaits de la main très libérale du Seigneur. Ne t'indispose point pour eux et ne les retarde point par tes délais craintifs. Et si tu désires me gagner afin que je t'aime comme une fille très chère, efforce-toi d'imiter ce que je t'enseigne et te manifeste de moi; et en cela emploie toutes tes forces et tes soins croyant bien employé tout ce en quoi tu auras travaillé pour obtenir l'effet de ma Doctrine et de mon enseignement.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 21, [a]. Que la Très Sainte Vierge ait assisté à la circoncision de saint Jean-Baptiste, s'arrêtant à la maison de Zacharie jusqu'à cette époque, c'est une chose très vraisemblable et conforme même au sens de l'Église qui célèbre la fête de la Visitation le 2 juillet, aussitôt après la circoncision du précurseur qui fut circoncis le premier jour de juillet, c'est-à-dire huit jours après sa naissance selon la Loi. L'Église célébrant la visitation le 2 juillet marque la fin de cette visite. Du reste si la Très Sainte Marie n'avait point assisté à ce Mystère et n'avait point pris part à la joie de la circoncision du Baptiste et du recouvrement de la parole de Zacharie Elle eût manqué en une certaine manière à cette délicatesse d'affection dont on use envers les parents et les amis intimes telles qu'étaient cette divine Vierge et sainte Élisabeth, qu'Elle était venu tout exprès visiter et assister.
Sainte Élisabeth demande à la Reine du Ciel de l'assister à son enfantement, et cette Souveraine reçoit une Lumière touchant la naissance de Jean.
3, 21, 261. Deux mois s'étaient déjà écoulés depuis que la Princesse du Ciel était venue à la maison de sainte Élisabeth; et la discrète Matrone prévoyait déjà sa propre douleur qu'elle devait ressentir du départ et de l'absence de la grande Souveraine du monde. Elle craignait avec raison de perdre la possession de tant de fortune, et elle connaissait que cette possession ne pouvait être acquise par aucun mérite humain; et comme humble et sainte, elle pesait dans son coeur ses propres péchés, s'épouvantant de ce que peut-être pour leur propre punition, cette belle Lune s'éloignerait d'elle avec le Soleil de justice qu'Elle renfermait dans son sein virginal. Elle pleurait parfois à l'écart avec des sanglots, parce qu'elle ne trouvait point de moyens pour retenir le Soleil qu'un jour si clair de grâce et de Lumière lui avait causé. Elle suppliait le Seigneur avec des larmes abondantes de mettre au Coeur de sa cousine et sa Maîtresse, la Très Sainte Marie, de ne point la laisser seule; au moins, de ne point la priver sitôt de son aimable compagnie. Elle la servait avec une grande vénération et avec beaucoup d'assistance et de soin. Elle méditait qu'est-ce qu'elle ferait pour l'obliger: et il n'est pas étonnant qu'une si
grande sainte et une femme si considérée et si prudente sollicitât ce qui pourrait être désiré par les Anges mêmes; mais outre la Lumière divine qu'elle avait reçue de l'Esprit-Saint avec une grande plénitude, pour connaître la suprême sainteté et la suprême dignité de la Vierge-Mère, Celle-ci par Elle-même lui avait ravi le coeur par sa conversation très douce et très Divine et les effets que sainte Élisabeth ressentait de son entretien; de sorte qu'elle ne pouvait vivre sans une faveur spéciale en s'éloignant de cette Auguste Reine depuis qu'elle l'avait connue et qu'elle avait vécu dans son intimité.
3, 21, 262. Mais pour se consoler de cette peine, sainte Élisabeth détermina de la manifester à la divine Dame qui n'en était point ignorante; et avec une vénération et une soumission très grandes, elle lui dit: «Ma cousine et ma Maîtresse, je n'ai point osé jusqu'à présent Vous manifester mon désir et une peine qui a dominé mon coeur, à cause du respect et de l'attention avec lesquels je dois Vous servir: je les rapporterai, me permettant de chercher le soulagement en Vous manifestant mes soucis, puisque je ne vis qu'avec l'espérance de ce que je désire. Le Seigneur par Sa divine Bonté m'a fait une Miséricorde singulière de Vous attirer ici, afin que j'eusse la fortune que je n'ai pu mériter de traiter avec Vous et de connaître les Mystères qu'en Vous, Madame, la divine Providence a renfermés. Quoiqu'indigne je Le loue éternellement pour ce Bienfait. Vous êtes le Temple vivant (Dan. 3: 53) de la gloire du Très-Haut, l'Arche du testament (Heb. 9: 4) qui gardez la Manne (Ps. 77: 25) dont vivent les Anges mêmes; Vous êtes les Tables (Ex. 31: 18) de la Loi véritable, écrite avec l'Etre même de Dieu. Je considère ma bassesse et combien Sa Majesté m'a rendue riche en un instant, me trouvant sans le mériter, avec le Trésor des Cieux dans ma maison, et avec Celle qu'Il choisit pour Sa Mère entre toutes les femmes: je crains désormais avec raison que désobligée par mes péchés, Vous ainsi que le Fruit de Votre sein, Vous abandonniez cette pauvre esclave, me laissant seule et déserte de tant de biens que je goûte maintenant. Il est possible au Seigneur, s'il était aussi de Votre volonté que j'obtienne le bonheur de Vous servir et que Vous ne m'éloigniez point de Vous en ce que me reste de vie: et s'il y a plus de difficulté d'aller à Votre maison, il sera plus facile que Vous demeuriez dans la mienne, et d'appeler Votre saint époux Joseph, afin que tous deux Vous y viviez comme Maîtres et Seigneurs que je servirai comme servante et avec l'affection qui meut mon désir. Et quoique je ne mérite point ce que je demande, je Vous prie de ne point mépriser mon humble pétition, puisque le Très-Haut surpassa par Ses faveurs mes mérites et mes désirs.»
3, 21, 263. La Très Sainte Marie écouta avec une très douce complaisance la proposition et la supplique de sa cousine sainte Élisabeth et Elle lui répondit en disant: «Très chère amie de mon âme, vos saintes et pieuses affections seront acceptées par le Très-Haut et vos désirs sont agréables à Ses yeux. Je vous en remercie de coeur; mais en tous nos soins et nos propos, il es dû de nous appliquer à la Volonté Divine et d'y subordonner en tout la nôtre. Et quoique telle soit l'obligation de tous les mortels, vous savez bien, mon amie, que je suis plus redevable que tous; puisque par la Puissance de Son bras (Luc 1: 51) Il m'éleva de la poussière et Il regarda ma bassesse avec une piété immense. Toutes mes paroles et tous mes mouvements doivent être gouvernés par la Volonté de mon Fils et mon Seigneur; il ne m'appartient pas de vouloir ou de ne point vouloir plus que Sa divine Disposition. Nous présenterons vos désirs à Sa Majesté et ce qu'Il ordonnera de Son plus grand Agrément, nous l'exécuterons. Je dois aussi obéir à mon époux Joseph, et je ne peux, ma très chère, sans son ordre et sa disposition, choisir mes occupations, ni le lieu et la maison pour y vivre; et il est raisonnable que nous soyons à l'obéissance (Eph. 5: 22) de ceux qui sont nos chefs et nos supérieurs.»
3, 21, 264. A ces raisons si efficaces de la Princesse du Ciel, sainte Élisabeth assujettit son jugement et ses désir, et avec une humble soumission elle lui dit: «Madame, je veux obéir à Votre volonté et je révère Votre Doctrine. Seulement, je Vous représente de nouveau l'amour intime de mon coeur soumis à Votre service: et si ce que j'ai proposé de mes désirs n'est pas conforme à la Volonté Divine et si je ne peux l'exécuter; au moins, je désire, ma Reine, que Vous ne m'abandonniez point avant que le fils que j'ai dans mes entrailles ne sorte à la lumière; afin que comme en elles il a connu et adoré Son Rédempteur dans les vôtres, il jouisse de Sa divine Présence et de Sa Lumière avant celles d'aucune autre créature; et qu'il reçoive Votre bénédiction qui donna principe aux pas de sa vie, à la vue de Celui qui doit les diriger dans la droiture (Prov. 16: 9). Et Vous qui êtes la Mère de la Grâce, Vous le présenterez à son Créateur et Vous lui obtiendrez de Sa Bonté immense la persévérance de cette grâce qu'il reçut par le moyen de Votre voix très douce, lorsque sans le mériter je l'entendis de mes oreilles. Permettez donc, ô mon Refuge, que je voie mon fils dans Vos bras où doit reposer le même Dieu qui créa et forma le ciel et la terre et ils demeurent par
son ordre (Is. 42: 5). Que la grandeur de Votre bonté maternelle ne se rétrécisse ni ne s'abrège à cause de mes péchés, et ne me refusez point à moi cette consolation, ni à mon fils une si grande fortune que je sollicite comme mère et que je désire pour lui sans la mériter.»
3, 21, 265. La Très Sainte Marie ne voulut point refuser cette dernière demande à sa sainte cousine, et Elle promit de demander au Seigneur l'accomplissement de son désir, et Elle la chargea de faire la même chose pour savoir Sa Très Sainte Volonté. Avec cet accord, les deux Mères des deux meilleurs enfants qui soient nés dans le monde se retirèrent à l'oratoire de la divine Princesse et s'étant mises en oraison, elles présentèrent leur pétition au Très-Haut. La Très Pure Marie eut une extase où Elle connut avec une nouvelle Lumière divine, le Mystère, la vie et les mérites du précurseur saint Jean et ce qu'il devait opérer, préparant par sa prédication les voies (Jean 1: 23) des coeurs des hommes pour recevoir leur Rédempteur et leur Maître, et de ces grands sacrements Elle manifesta à sainte Élisabeth seulement ce qu'il convenait qu'elle comprit. Elle connut aussi la grande sainteté de la même sainte et que sa mort arriverait bientôt, et celle de Zacharie auparavant. Et avec l'amour que notre pieuse Mère avait pour sa parente, Elle la présenta au Seigneur, et Elle Lui demanda de l'assister à sa mort; Elle présenta aussi ses désirs en ce qu'elle avait demandé pour l'enfantement de son fils. Pour ce qui était que son Altesse demeurât dans la maison de Zacharie, la Très Prudente Vierge ne demanda rien; car Elle connut aussitôt par la Science divine qu'Elle avait, qu'il n'était point convenable ni de la Volonté du Très-Haut qu'Elle vécût toujours dans la maison de sa cousine, comme celle-ci le désirait.
3, 21, 266. Sa Majesté répondit à ces pétitions: «Mon Épouse et Ma Colombe, Mon bon plaisir est que tu assistes Ma servante Élisabeth et que tu la consoles dans son enfantement qui est déjà très proche; parce qu'il n'y manque plus que huit jours; et après que l'enfant qui doit naître sera circoncis tu retourneras [a] avec Joseph ton époux. Et tu Me présenteras Mon serviteur Jean après qu'il sera né, car ce sera un sacrifice acceptable pour Moi; et tu persévéreras, Mon Amie, à Me demander le salut éternel pour les âmes.» En même temps, sainte Élisabeth accompagnait de ses prières celles de la Reine du Ciel et de la terre, et elle suppliait le Seigneur de commander à Sa Très Sainte Mère et Son Épouse de ne la point abandonner dans son enfantement: et il lui fut révélé qu'il était déjà très
proche, et d'autres choses de grand soulagement et de grande consolation dans ses inquiétudes.
3, 21, 267. La Très Sainte Marie revint de son ravissement, et l'oraison achevée, les deux Mères conférèrent de ce que l'enfantement de sainte Élisabeth s'approchait déjà, selon l'avis du Seigneur qu'elles avaient eu toutes deux, et avec l'ardent désir de sa bonne fortune, la sainte Matrone interrogea aussitôt notre Reine: «Madame, dites-moi, je Vous supplie, si j'ai mérité le bien que je Vous ai demandé de Vous avoir avec moi à l'événement de mon enfantement, déjà si immédiat.» Son Altesse lui répondit: «Mon amie, et ma cousine, le Très-Haut a écouté et reçu nos prières et Il a daigné me commander d'accomplir votre désir, et que je vous serve dans cette occasion, comme je le ferai, attendant non seulement votre enfantement, mais aussi que votre enfant soit circoncis selon la Loi; car tout s'exécutera en quinze jours." Avec cette détermination de la Très Sainte Marie, la jubilation de sa sainte cousine Élisabeth se renouvela; et reconnaissant ce grand bienfait elle en rendit d'humbles actions de grâces au Seigneur, et aussi à la Très Sainte Reine. Et s'étant récréée et vivifiée par Leurs avis et Leurs avertissements, la sainte Matrone traita de se préparer pour l'enfantement et pour le départ de son Auguste Cousine.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE REINE,
NOTRE MAÎTRESSE, LA TRÈS SAINTE MARIE.
3, 21, 268. Ma fille, quand le désir de la créature naît d'une affection pieuse et dévote, dirigée par une intention droite à de saintes fins, il ne déplaît pas au Très-Haut qu'on le Lui propose, pourvu que ce soit avec résignation à Son plus grand agrément et à Sa Volonté, pour exécuter ce que Sa divine Providence disposera sur tout. Et lorsque les âmes se mettent en la présence du Seigneur avec cette conformité et cette égalité d'âme, Il les regarde (Ps. 33: 16) comme Père miséricordieux et leur accorde toujours ce qui est juste; Il ne leur refuse et ne
détourne d'eux que ce qui ne l'est pas ou ce qui ne leur convient point pour leur salut véritable. Le désir que Ma cousine Élisabeth avait de ne point s'éloigner de moi et de m'accompagner toute sa vie naquit d'un zèle pieux et bon, mais cela n'était pas convenable, conformément à la détermination que le Très-Haut avait de toutes mes opérations, de tous mes voyages et de tous les événements qui m'attendaient. Et quoique cette prière lui fût refusée elle ne déplut point au Seigneur; néanmoins Il lui accorda ce qui n'empêchait pas les décrets de Sa sainte Volonté et de Sa Sagesse infinie et ce qui résultait en bénéfice pour elle et pour son fils Jean. Et par mon intercession et pour l'amour que le fils et la mère eurent pour moi, le Tout-Puissant les enrichit de grands biens et de grandes faveurs. C'est toujours un moyen très efficace à l'égard de Sa Majesté de Le prier avec une bonne volonté et une bonne intention par mon intercession et ma dévotion.
3, 21, 269. Je veux que tu offres toutes tes demandes et tes prières au nom de mon Très Saint Fils et au mien; et fie-toi, sans crainte, qu'elles seront reçues si tu les diriges avec une intention très droite de l'agrément de Dieu. Regarde-moi avec une amoureuse affection, comme ta Mère, ton Refuge et ta protection et livre-toi à ma dévotion et à mon amour; et sache, ma très chère, que le désir que j'ai de ton plus grand bien m'oblige à t'enseigner le moyen le plus puissant et le plus efficace par où tu puisses arriver avec la grâce Divine à obtenir de grand trésors et de grands bienfaits de la main très libérale du Seigneur. Ne t'indispose point pour eux et ne les retarde point par tes délais craintifs. Et si tu désires me gagner afin que je t'aime comme une fille très chère, efforce-toi d'imiter ce que je t'enseigne et te manifeste de moi; et en cela emploie toutes tes forces et tes soins croyant bien employé tout ce en quoi tu auras travaillé pour obtenir l'effet de ma Doctrine et de mon enseignement.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 21, [a]. Que la Très Sainte Vierge ait assisté à la circoncision de saint Jean-Baptiste, s'arrêtant à la maison de Zacharie jusqu'à cette époque, c'est une chose très vraisemblable et conforme même au sens de l'Église qui célèbre la fête de la Visitation le 2 juillet, aussitôt après la circoncision du précurseur qui fut circoncis le premier jour de juillet, c'est-à-dire huit jours après sa naissance selon la Loi. L'Église célébrant la visitation le 2 juillet marque la fin de cette visite. Du reste si la Très Sainte Marie n'avait point assisté à ce Mystère et n'avait point pris part à la joie de la circoncision du Baptiste et du recouvrement de la parole de Zacharie Elle eût manqué en une certaine manière à cette délicatesse d'affection dont on use envers les parents et les amis intimes telles qu'étaient cette divine Vierge et sainte Élisabeth, qu'Elle était venu tout exprès visiter et assister.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 22
La Nativité du Précurseur de Jésus-Christ et ce que l'Auguste Souveraine la Très Sainte Marie fit à sa naissance.
3, 22, 270. Arriva l'heure où devait naître au monde le luminaire (Jean 5: 35) qui annonçait le clair Soleil de justice et le jour désiré de la Loi de la grâce. C'était pour Jean, le grand (Luc 1: 15) Prophète du Très-Haut et le plus que prophète (Luc 7: 26), le temps opportun de sortir au monde et à la lumière, afin de préparer les coeurs (Luc 1: 76) des hommes et de montrer de son doigt (Jean 1: 29) l'Agneau qui devait réparer et sanctifier le monde. Avant qu'il sortit du sein maternel, le Seigneur manifesta à cet enfant béni que l'heure de sa naissance approchait, pour commencer la carrière des mortels dans la lumière commune de tous. L'enfant
avait l'usage parfait de la raison, élevé par la Lumière divine et la Science infuse qu'il avait reçue de la Présence du Verbe Incarné; et avec cette Lumière il connut et comprit qu'il arrivait à prendre port dans une terre maudite (Gen. 3: 17) et pleine de dangereuses épines, et à poser les pieds dans un monde plein d'embûches et semé de méchanceté où plusieurs font naufrage et périssent.
3, 22, 271. Entre cette connaissance et l'ordre naturel de naître, le Grand enfant était douteux et comme en suspens; parce que d'un côté les causes naturelles avaient obtenu leur terme dans la formation et l'alimentation du corps, jusqu'à sa perfection, avec quoi il était naturellement obligé de naître par force et il le savait; et il sentait que la demeure maternelle l'expédiait et le rejetait. A l'efficacité de la nature se joignait la Volonté expresse du Seigneur qui le lui commandait; et d'un autre côté, il connaissait et pondérait le risque de la périlleuse carrière de la vie mortelle; et entre la crainte et l'obéissance il se retenait avec peur et il se mouvait avec promptitude. Il aurait voulu résister, et il voulait obéir, et il se disait à lui-même: «Où vais-je? si j'entre dans le conflit du danger de perdre Dieu? Comment me livrerai-je à la conversation des mortels, où il y en a tant qui perdent la Lumière, le sens et le chemin de la Vie? Je suis dans les ténèbres dans le sein de ma mère; mais à d'autres pas que je ferai dans le monde il y aura de plus grands dangers. J'étais opprimé depuis que j'ai reçu la lumière de la raison, mais la liberté et l'indépendance des mortels m'affligent davantage. Mais nous allons, Seigneur, par Votre Volonté au monde, car l'exécuter est toujours le meilleur; et si ma vie et mes puissances, ô Roi très haut, peuvent être employées à Votre service, cela seul me facilitera ma sortie à la lumière et mon acceptation de la carrière. Donnez-moi, Seigneur, Votre bénédiction pour passer dans le monde.»
3, 22, 272. Le Précurseur de Jésus-Christ mérita par cette prière que Sa Majesté lui donnât de nouveau, au moment de naître Sa Bénédiction et Sa grâce. Et ainsi l'heureux enfant le connut, parce qu'il eut Dieu présent dans son esprit et il connut que le Seigneur l'envoyait pour opérer de grandes choses à Son service [a], lui promettant Sa grâce pour les exécuter. Et avant de raconter l'heureux enfantement de sainte Élisabeth, pour ajuster le temps où il arriva avec le texte des saints Évangélistes, j'avertis que la grossesse de cette admirable conception dura neuf mois moins neuf jours; parce qu'en vertu du miracle par lequel la fécondité fut donnée à la mère stérile, le conçu se perfectionna dans ce temps et arriva à
l'état de la naissance: et lorsque saint Gabriel dit à la Très Sainte Marie que sa cousine Élisabeth était enceinte dans le sixième mois (Luc 1: 36), on doit comprendre qu'il n'était pas accompli, parce qu'il y manquait huit ou neuf jours. J'ai déjà dit aussi, au chapitre 16, qu'au quatrième jour après l'Incarnation du Verbe la divine Souveraine partit pour visiter saint Élisabeth: et parce qu'Elle n'y alla pas immédiatement aussitôt, saint Luc dit que la Très Sainte Marie sortit en ces jours et Elle alla avec diligence à la montagne, et dans le chemin ils passèrent quatre autres jours, comme je l'ai dit dans le même lieu, numéro 207.
3, 22, 273. J'avertis de même que lorsque le même Évangéliste dit que la Très Sainte Marie fut presque trois mois (Luc 1: 56) dans la maison de sainte Élisabeth, il ne manquait que deux ou trois jours pour qu'ils fussent complets; parce que le texte de l'Évangile fut en tout exact. Et conformément à ce compte, il faut que la Très Sainte Marie Notre Dame se trouvât non seulement à l'enfantement de sainte Élisabeth et à la naissance de saint Jean; mais aussi à sa circoncision et à la détermination de son Nom mystérieux, comme je le dirai ensuite. Parce que comptant huit jours après l'Incarnation du Verbe, notre Souveraine arriva avec saint Joseph à la maison de Zacharie le deux avril selon notre compte des mois solaires, et Elle arriva ce jour-là vers le soir; ajoutant maintenant trois autres mois moins deux jour qui commencent au trois d'avril, ce terme s'accomplit au premier juillet inclusivement qui est l'octave de la nativité de saint Jean, le jour de sa circoncision; le lendemain matin la Très Sainte Marie partit pour revenir à Nazareth. Et quoique l'Évangéliste saint Luc raconte et dit le retour de notre Reine à sa maison avant l'enfantement de sainte Élisabeth, il ne fut pourtant qu'après; et le texte sacré anticipa la narration [b du voyage de la divine Reine pour achever tout ce qui la concernait et poursuivre l'histoire de la naissance du précurseur, sans interrompre une autre fois le fil de son discours; et c'est ce qui m'a été donné à entendre pour l'écrire.
3, 22, 274. L'heure de l'enfantement désiré s'approchant donc, la sainte mère Élisabeth sentit que l'enfant se mouvait dans son sein, comme s'il se mettait debout; et tout cela était l'effet de la nature même et de l'obéissance de l'enfant. Et avec quelque douleurs modérées qui survinrent à la mère, elle donna avis à la Princesse Marie; mais elle ne l'appela point pour assister présente à l'enfantement: parce que la digne révérence due à l'excellence de Marie et au Fruit qu'Elle avait
dans son sein virginal la retint prudemment pour ne point demander ce qui ne semblait pas décence. La grande Dame n'alla pas non plus en personne où était sa cousine; mais Elle envoya les mantilles et les langes qu'Elle avait préparés pour envelopper l'heureux enfant. Il naquit aussitôt très parfait et développé, attestant par la netteté de son corps celle qu'il portait dans son âme; parce qu'il n'eut pas autant d'impuretés que les autres enfants. Ils l'enveloppèrent dans les langes qui étaient au contraire de grandes reliques dignes de vénération. Et dans un certain temps convenable, sainte Élisabeth étant déjà composée et disposée, la Très Sainte Marie sortit de son oratoire, le Seigneur le lui commandant, et Elle alla visiter l'enfant et la mère et lui donner ses félicitations.
3, 22, 275. La Reine reçut le nouveau-né dans ses bras à la demande de sa mère, et Elle l'offrit comme une nouvelle oblation au Père Éternel; et Sa Majesté la reçut avec approbation et agrément, et comme prémices des Oeuvres du Verbe Incarné et de l'exécution de Ses divins Décrets. Le très heureux enfant rempli de l'Esprit-Saint connut sa Reine légitime, lui fit révérence, non-seulement intérieurement, mais extérieurement par une inclination dissimulée de la tête et il adora de nouveau le Verbe Divin fait homme dans le sein de Sa Mère très pure, d'où il lui fut alors manifesté avec une lumière très spéciale. Et comme il connaissait aussi le bienfait qu'il avait reçu parmi les mortels, l'enfant reconnaissant fit de grands actes de remerciements, d'amour, d'humilité et de vénération à l'Homme-Dieu et à Sa Mère Vierge. Et la divine Souveraine l'offrant au Père Éternel fit cette prière: «Très-Haut Seigneur et notre Père Saint et Puissant, recevez à Votre service les étrennes et les primeurs de Votre Très Saint Fils et mon Seigneur. Voici le sanctifié et le racheté par Votre Fils Unique du pouvoir et des effets du péché et de Vos antiques ennemis. Recevez ce sacrifice du matin et répandez en lui Votre Esprit Divin avec Votre sainte Bénédiction, afin qu'il soit fidèle dispensateur du ministère auquel Vous le destinez en Votre Honneur et en celui de Votre Fils Unique.» Cette oraison de notre Reine et notre Souveraine fut efficace en tout, et Elle connut comment le Très-Haut enrichissait l'enfant marqué et choisi pour Son Précurseur, et lui aussi, il sentit dans son esprit l'effet de ces bienfaits si admirables.
3, 22, 276. Pendant que la grande Reine et Souveraine de l'Univers eut dans ses bras l'enfant Jean, Elle fut d'une manière dissimulée dans une extase très douce
pendant quelque court espace; et Elle y fit oraison et Elle offrit l'enfant, le tenant appuyé sur son sein où devait être appuyé bientôt le fils Unique du Père et le sien. Ce fut une prérogative et une excellence très singulière du grand Précurseur non obtenue d'aucun autre saint. Et il n'est pas étonnant que l'Ange l'annonçât comme grand en la Présence du Seigneur; puisqu'avant de naître il le visita et le sanctifia; et en naissant, il fut élevé et placé sur le Trône de la Grâce; et il étrenna les bras dans lesquels devait se reposer Dieu Incarné lui-même et il donna motif à Sa Très Douce Mère de désirer y recevoir son propre Fils et son Seigneur et que cette pensée Lui causât de douces affections avec Son précurseur nouveau-né. Sainte Élisabeth connut ces divins sacrements parce que le Seigneur les lui manifestait, regardant son fils miraculeux dans les bras de Celle qui était plus Mère qu'elle-même, puisque sainte Élisabeth lui donnait la nature et la Très Pure Marie l'être d'une grâce si excellente. Tout cela faisait une très suave consonance dans le sein des deux Mères très fortunées et très heureuses et dans celui de l'enfant qui avait aussi Lumière de ces Mystères; et avec les démonstrations enfantines de ses tendres membres, il déclarait la jubilation de son esprit et il s'inclinait vers la divine Dame sollicitant ses caresses et la faveur qu'Elle ne l'éloignât pas d'Elle. La Très Douce Dame le caressait, mais avec tant de majesté et de tempérance qu'Elle ne le baisa jamais comme cet âge a coutume de le permettre; parce qu'Elle garda et réserva ses très chastes lèvres intactes pour son Très Saint Fils. Elle ne regarda pas non plus avec attention la face de l'enfant, mais Elle la posa toute dans la sainteté de son âme; et Elle l'eût à peine reconnu par les espèces de ses yeux. Telles étaient la prudence et la modestie de la grande Reine du Ciel.
3, 22, 277. La naissance de Jean se divulgua aussitôt, comme le dit saint Luc (Luc 1: 58), et toute la parenté et le voisinage vinrent féliciter Zacharie et saint Élisabeth; parce que leur maison était riche, noble et estimée dans tous les environs; et la sainteté des deux époux avait gagné le coeur de tous ceux qui les connaissaient. Et pour ces raisons et pour les avoir vus tant d'années sans succession d'enfants et parce qu'Élisabeth était stérile et arrivée à un âge avancé, elle causa en tous une plus grande nouveauté, une plus grande admiration et une allégresse souveraine, connaissant que celui-ci était plus fils de miracle que de nature. Le saint prêtre Zacharie était toujours muet pour manifester sa jubilation; parce que l'heure n'était point arrivée où sa langue devait se délier si mystérieusement. Mais avec d'autres démonstrations il donnait des signes de la joie intérieure qu'il avait, et il offrait au Très-Haut d'affectueuses louanges et des
actions de grâces réitérées pour le bienfait si rare qu'il reconnaissait désormais après son incrédulité dont je parlerai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE ET SOUVERAINE DU CIEL.
3, 22, 278. Ma très chère fille, ne t'étonne pas que mon serviteur Jean craignît et fit difficulté de sortir dans le monde; parce que les enfants ignorants du siècle ne savent pas tant l'aimer que les sages savent l'abhorrer et craindre ses dangers avec la Science divine et la Lumière d'en haut. Celui qui naissait pour être le Précurseur de mon Très Saint Fils avait cette Lumière; et de ce côté, connaissant le détriment, était conséquente la crainte de ce qu'il connaissait. Mais elle lui servit pour entrer heureusement dans le monde; parce que celui qui le connaît et l'abhorre davantage, navigue plus sûrement dans ses vagues élevées et son golfe profond. L'heureux enfant commença sa carrière avec tant de dégoût, de contradiction et de haine des choses terrestres qu'il ne donna jamais trêve à cette inimitié. Il ne fit point de convention, il n'accepta point les flatteries vénéneuses de la chair, il ne donna point ses sens à la vanité et ses yeux ne s'ouvrirent pas pour la voir; et dans cette entreprise d'abhorrer le monde et tout ce qu'il y a en lui, il donna sa vie pour la justice. Il ne pouvait être allié ni en paix avec Babylone, ce citoyen de la céleste Jérusalem; et il n'est pas compatible de solliciter la grâce du Très-Haut et de demeurer dans cette grâce et conjointement dans l'amitié de Ses ennemis (Matt. 6: 24; Jac. 4: 4; 2 Cor. 6: 14-15) déclarés; parce que personne n'a pu ni ne peut servir deux maîtres contraires, ni être unies la Lumière et les ténèbres, Jésus-Christ et Bélial.
3, 22, 279. Garde-toi, ma fille, plus que du feu de ceux qui vivent possédés par les ténèbres et qui sont amateurs du monde; parce que la sagesse (Rom. 8: 6-7) des enfants du siècle est charnelle et diabolique et leurs chemins ténébreux mènent à la mort. Et lorsqu'il sera nécessaire de diriger quelqu'un vers la vie véritable, quoique tu doives offrir pour cela ta vie naturelle, tu dois toujours conserver la paix de ton intérieur. Je te marque trois lieux pour que tu y vives et d'où tu ne sortes jamais avec intention: et si quelquefois le Seigneur te commande de secourir
les nécessités des créatures, je veux que ce soit sans perdre ce refuge; comme celui qui vit dans un château entouré d'ennemis, qui sort à sa porte pour négocier le plus nécessaire et de là dispose ce qui convient avec tant de circonspection, qu'il fait plus d'attention au chemin par où retourner pour se retirer et se cacher, qu'aux affaires du dehors, et il est toujours soucieux et aux aguets du danger. Tu dois être attentive de la même manière si tu veux vivre en sécurité; parce que tu ne doutes point que tu es entourée d'ennemis plus cruels et plus venimeux que des aspics et des basilics.
3, 22, 280. Les lieux de ton habitation doivent être la Divinité du Très-Haut, l'Humanité de mon Très Saint Fils et le secret de ton intérieur. Tu dois vivre dans la Divinité comme la perle enfermée dans sa nacre et le poisson dans la mer, dans les espaces interminables de laquelle tu étendras tes affections et tes désirs. L'Humanité très Sainte sera le mur qui te défendra; et Son sein ouvert le Tabernacle où tu te reposeras et te délasseras à l'ombre de Ses ailes (Ps. 16: . Ton intérieur te donnera une allégresse paisible avec le témoignage de la conscience (2 Cor. 1: 12), et elle te facilitera, si tu la conserves pure, l'entretien doux et amical de ton Époux. Afin que tu t'aides à tout cela par la retraite corporelle et sensible, il me plaît et je veux que tu la gardes dans ta tribune ou ta cellule, et que tu n'en sortes que lorsque la force de l'obéissance ou l'exercice de la charité t'y obligeront. Et je te manifeste un secret: et c'est qu'il y a des démons destinés par Lucifer avec un ordre exprès de lui pour attendre les religieux et les religieuses quand ils sortent hors de leur retraite pour les investir aussitôt et leur dresser des embûches avec des tentations pour les renverser. Et ceux-ci n'entrent point facilement dans les cellules; parce que là il n'y a point tant d'occasions de parler, de voir et de mal user des sens, dans lesquels ils font d'ordinaire leur proie et ils dévorent comme des loups carnassiers. C'est pour cela que la retraite et la circonspection que les religieux y gardent les tourmentent et ils les abhorrent; parce qu'ils perdent confiance de vaincre ces religieux tant qu'ils ne les trouvent pas dans le péril de la conversation humaine.
3, 22, 281. Et il est généralement certain que les démons n'ont point pouvoir sur les âmes quand elles ne s'assujettissent pas à eux et qu'elles ne leur donnent pas entrée par quelque péché véniel ou mortel respectivement; parce que le péché mortel leur donne un droit comme exprès sur celui qui le commet, pour l'entraîner
en d'autres, et le péché véniel affaiblit les forces de l'âme et augmente celle de l'ennemi pour tenter; et par les imperfections on retarde le mérite et le progrès de la vertu au plus parfait, et ceci encore anime l'adversaire. Et lorsqu'il connaît que l'âme supporte et tolère sa propre tiédeur ou qu'elle s'expose légèrement au danger avec une légèreté oiseuse et l'oubli de son dommage, alors le serpent astucieux l'épie et la suit pour la toucher de son venin mortel; et comme un simple petit oiseau, il l'entraîne inconsciente, jusqu'à ce qu'elle tombe dans quelqu'un des nombreux filets qu'il sème à cette fin.
3, 22, 282. Sois donc stupéfaite, ma fille, de ce que tu connais par la Lumière divine, et pleure avec une intime douleur, la ruine de tant d'âmes absorbées dans ce périlleux sommeil. Elles vivent aveuglées par leurs passions et leur inclinations dépravées, oublieuses du péril, insensibles à leur perte, imprudentes dans les occasions; et au lieu de les prévenir et de les craindre, elles les cherchent avec une ignorance aveugle; elles suivent avec une impétuosité furieuse leurs inclinations déréglées pour ce qui est délectable, elles ne mettent point de frein aux passions et aux désirs; elles ne considèrent point où elles mettent les pieds; et elles se jettent dans toutes sortes de périls et de précipices. Les ennemis sont innombrables, leur astuce diabolique est insatiable, leur vigilance sans trêve, leur fureur infatigable, leur diligence incroyable; puis, qu'y a-t-il d'étonnant si de semblables extrêmes, ou pour mieux dire, si dissemblables et si inégaux sont suivis de pertes aussi irréparables dans les vivants; et que le nombre des insensés étant infini (Eccles. 1: 15), celui des réprouvés soit innombrable et que le démon s'enorgueillisse avec tant de triomphes que lui donnent les mortels pour leur propre et formidable perdition? Que le Dieu éternel te préserve de tant d'infortune; pleure et afflige-toi de celle de tes frères, et demandes-en toujours le remède autant qu'il sera possible.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 22, [a]. Il est vraisemblable que Jean qui avait été sanctifié et qui avait l'usage de la raison, [voir A. Lapide in Lucam], ait eu avant de naître des communications avec Dieu et qu'il en ait reçu des révélations spéciales.
3, 22, [b. Il y a plusieurs exemples dans la Sainte Écriture de ces anticipations de narration. A. Lapide assure la même chose
La Nativité du Précurseur de Jésus-Christ et ce que l'Auguste Souveraine la Très Sainte Marie fit à sa naissance.
3, 22, 270. Arriva l'heure où devait naître au monde le luminaire (Jean 5: 35) qui annonçait le clair Soleil de justice et le jour désiré de la Loi de la grâce. C'était pour Jean, le grand (Luc 1: 15) Prophète du Très-Haut et le plus que prophète (Luc 7: 26), le temps opportun de sortir au monde et à la lumière, afin de préparer les coeurs (Luc 1: 76) des hommes et de montrer de son doigt (Jean 1: 29) l'Agneau qui devait réparer et sanctifier le monde. Avant qu'il sortit du sein maternel, le Seigneur manifesta à cet enfant béni que l'heure de sa naissance approchait, pour commencer la carrière des mortels dans la lumière commune de tous. L'enfant
avait l'usage parfait de la raison, élevé par la Lumière divine et la Science infuse qu'il avait reçue de la Présence du Verbe Incarné; et avec cette Lumière il connut et comprit qu'il arrivait à prendre port dans une terre maudite (Gen. 3: 17) et pleine de dangereuses épines, et à poser les pieds dans un monde plein d'embûches et semé de méchanceté où plusieurs font naufrage et périssent.
3, 22, 271. Entre cette connaissance et l'ordre naturel de naître, le Grand enfant était douteux et comme en suspens; parce que d'un côté les causes naturelles avaient obtenu leur terme dans la formation et l'alimentation du corps, jusqu'à sa perfection, avec quoi il était naturellement obligé de naître par force et il le savait; et il sentait que la demeure maternelle l'expédiait et le rejetait. A l'efficacité de la nature se joignait la Volonté expresse du Seigneur qui le lui commandait; et d'un autre côté, il connaissait et pondérait le risque de la périlleuse carrière de la vie mortelle; et entre la crainte et l'obéissance il se retenait avec peur et il se mouvait avec promptitude. Il aurait voulu résister, et il voulait obéir, et il se disait à lui-même: «Où vais-je? si j'entre dans le conflit du danger de perdre Dieu? Comment me livrerai-je à la conversation des mortels, où il y en a tant qui perdent la Lumière, le sens et le chemin de la Vie? Je suis dans les ténèbres dans le sein de ma mère; mais à d'autres pas que je ferai dans le monde il y aura de plus grands dangers. J'étais opprimé depuis que j'ai reçu la lumière de la raison, mais la liberté et l'indépendance des mortels m'affligent davantage. Mais nous allons, Seigneur, par Votre Volonté au monde, car l'exécuter est toujours le meilleur; et si ma vie et mes puissances, ô Roi très haut, peuvent être employées à Votre service, cela seul me facilitera ma sortie à la lumière et mon acceptation de la carrière. Donnez-moi, Seigneur, Votre bénédiction pour passer dans le monde.»
3, 22, 272. Le Précurseur de Jésus-Christ mérita par cette prière que Sa Majesté lui donnât de nouveau, au moment de naître Sa Bénédiction et Sa grâce. Et ainsi l'heureux enfant le connut, parce qu'il eut Dieu présent dans son esprit et il connut que le Seigneur l'envoyait pour opérer de grandes choses à Son service [a], lui promettant Sa grâce pour les exécuter. Et avant de raconter l'heureux enfantement de sainte Élisabeth, pour ajuster le temps où il arriva avec le texte des saints Évangélistes, j'avertis que la grossesse de cette admirable conception dura neuf mois moins neuf jours; parce qu'en vertu du miracle par lequel la fécondité fut donnée à la mère stérile, le conçu se perfectionna dans ce temps et arriva à
l'état de la naissance: et lorsque saint Gabriel dit à la Très Sainte Marie que sa cousine Élisabeth était enceinte dans le sixième mois (Luc 1: 36), on doit comprendre qu'il n'était pas accompli, parce qu'il y manquait huit ou neuf jours. J'ai déjà dit aussi, au chapitre 16, qu'au quatrième jour après l'Incarnation du Verbe la divine Souveraine partit pour visiter saint Élisabeth: et parce qu'Elle n'y alla pas immédiatement aussitôt, saint Luc dit que la Très Sainte Marie sortit en ces jours et Elle alla avec diligence à la montagne, et dans le chemin ils passèrent quatre autres jours, comme je l'ai dit dans le même lieu, numéro 207.
3, 22, 273. J'avertis de même que lorsque le même Évangéliste dit que la Très Sainte Marie fut presque trois mois (Luc 1: 56) dans la maison de sainte Élisabeth, il ne manquait que deux ou trois jours pour qu'ils fussent complets; parce que le texte de l'Évangile fut en tout exact. Et conformément à ce compte, il faut que la Très Sainte Marie Notre Dame se trouvât non seulement à l'enfantement de sainte Élisabeth et à la naissance de saint Jean; mais aussi à sa circoncision et à la détermination de son Nom mystérieux, comme je le dirai ensuite. Parce que comptant huit jours après l'Incarnation du Verbe, notre Souveraine arriva avec saint Joseph à la maison de Zacharie le deux avril selon notre compte des mois solaires, et Elle arriva ce jour-là vers le soir; ajoutant maintenant trois autres mois moins deux jour qui commencent au trois d'avril, ce terme s'accomplit au premier juillet inclusivement qui est l'octave de la nativité de saint Jean, le jour de sa circoncision; le lendemain matin la Très Sainte Marie partit pour revenir à Nazareth. Et quoique l'Évangéliste saint Luc raconte et dit le retour de notre Reine à sa maison avant l'enfantement de sainte Élisabeth, il ne fut pourtant qu'après; et le texte sacré anticipa la narration [b du voyage de la divine Reine pour achever tout ce qui la concernait et poursuivre l'histoire de la naissance du précurseur, sans interrompre une autre fois le fil de son discours; et c'est ce qui m'a été donné à entendre pour l'écrire.
3, 22, 274. L'heure de l'enfantement désiré s'approchant donc, la sainte mère Élisabeth sentit que l'enfant se mouvait dans son sein, comme s'il se mettait debout; et tout cela était l'effet de la nature même et de l'obéissance de l'enfant. Et avec quelque douleurs modérées qui survinrent à la mère, elle donna avis à la Princesse Marie; mais elle ne l'appela point pour assister présente à l'enfantement: parce que la digne révérence due à l'excellence de Marie et au Fruit qu'Elle avait
dans son sein virginal la retint prudemment pour ne point demander ce qui ne semblait pas décence. La grande Dame n'alla pas non plus en personne où était sa cousine; mais Elle envoya les mantilles et les langes qu'Elle avait préparés pour envelopper l'heureux enfant. Il naquit aussitôt très parfait et développé, attestant par la netteté de son corps celle qu'il portait dans son âme; parce qu'il n'eut pas autant d'impuretés que les autres enfants. Ils l'enveloppèrent dans les langes qui étaient au contraire de grandes reliques dignes de vénération. Et dans un certain temps convenable, sainte Élisabeth étant déjà composée et disposée, la Très Sainte Marie sortit de son oratoire, le Seigneur le lui commandant, et Elle alla visiter l'enfant et la mère et lui donner ses félicitations.
3, 22, 275. La Reine reçut le nouveau-né dans ses bras à la demande de sa mère, et Elle l'offrit comme une nouvelle oblation au Père Éternel; et Sa Majesté la reçut avec approbation et agrément, et comme prémices des Oeuvres du Verbe Incarné et de l'exécution de Ses divins Décrets. Le très heureux enfant rempli de l'Esprit-Saint connut sa Reine légitime, lui fit révérence, non-seulement intérieurement, mais extérieurement par une inclination dissimulée de la tête et il adora de nouveau le Verbe Divin fait homme dans le sein de Sa Mère très pure, d'où il lui fut alors manifesté avec une lumière très spéciale. Et comme il connaissait aussi le bienfait qu'il avait reçu parmi les mortels, l'enfant reconnaissant fit de grands actes de remerciements, d'amour, d'humilité et de vénération à l'Homme-Dieu et à Sa Mère Vierge. Et la divine Souveraine l'offrant au Père Éternel fit cette prière: «Très-Haut Seigneur et notre Père Saint et Puissant, recevez à Votre service les étrennes et les primeurs de Votre Très Saint Fils et mon Seigneur. Voici le sanctifié et le racheté par Votre Fils Unique du pouvoir et des effets du péché et de Vos antiques ennemis. Recevez ce sacrifice du matin et répandez en lui Votre Esprit Divin avec Votre sainte Bénédiction, afin qu'il soit fidèle dispensateur du ministère auquel Vous le destinez en Votre Honneur et en celui de Votre Fils Unique.» Cette oraison de notre Reine et notre Souveraine fut efficace en tout, et Elle connut comment le Très-Haut enrichissait l'enfant marqué et choisi pour Son Précurseur, et lui aussi, il sentit dans son esprit l'effet de ces bienfaits si admirables.
3, 22, 276. Pendant que la grande Reine et Souveraine de l'Univers eut dans ses bras l'enfant Jean, Elle fut d'une manière dissimulée dans une extase très douce
pendant quelque court espace; et Elle y fit oraison et Elle offrit l'enfant, le tenant appuyé sur son sein où devait être appuyé bientôt le fils Unique du Père et le sien. Ce fut une prérogative et une excellence très singulière du grand Précurseur non obtenue d'aucun autre saint. Et il n'est pas étonnant que l'Ange l'annonçât comme grand en la Présence du Seigneur; puisqu'avant de naître il le visita et le sanctifia; et en naissant, il fut élevé et placé sur le Trône de la Grâce; et il étrenna les bras dans lesquels devait se reposer Dieu Incarné lui-même et il donna motif à Sa Très Douce Mère de désirer y recevoir son propre Fils et son Seigneur et que cette pensée Lui causât de douces affections avec Son précurseur nouveau-né. Sainte Élisabeth connut ces divins sacrements parce que le Seigneur les lui manifestait, regardant son fils miraculeux dans les bras de Celle qui était plus Mère qu'elle-même, puisque sainte Élisabeth lui donnait la nature et la Très Pure Marie l'être d'une grâce si excellente. Tout cela faisait une très suave consonance dans le sein des deux Mères très fortunées et très heureuses et dans celui de l'enfant qui avait aussi Lumière de ces Mystères; et avec les démonstrations enfantines de ses tendres membres, il déclarait la jubilation de son esprit et il s'inclinait vers la divine Dame sollicitant ses caresses et la faveur qu'Elle ne l'éloignât pas d'Elle. La Très Douce Dame le caressait, mais avec tant de majesté et de tempérance qu'Elle ne le baisa jamais comme cet âge a coutume de le permettre; parce qu'Elle garda et réserva ses très chastes lèvres intactes pour son Très Saint Fils. Elle ne regarda pas non plus avec attention la face de l'enfant, mais Elle la posa toute dans la sainteté de son âme; et Elle l'eût à peine reconnu par les espèces de ses yeux. Telles étaient la prudence et la modestie de la grande Reine du Ciel.
3, 22, 277. La naissance de Jean se divulgua aussitôt, comme le dit saint Luc (Luc 1: 58), et toute la parenté et le voisinage vinrent féliciter Zacharie et saint Élisabeth; parce que leur maison était riche, noble et estimée dans tous les environs; et la sainteté des deux époux avait gagné le coeur de tous ceux qui les connaissaient. Et pour ces raisons et pour les avoir vus tant d'années sans succession d'enfants et parce qu'Élisabeth était stérile et arrivée à un âge avancé, elle causa en tous une plus grande nouveauté, une plus grande admiration et une allégresse souveraine, connaissant que celui-ci était plus fils de miracle que de nature. Le saint prêtre Zacharie était toujours muet pour manifester sa jubilation; parce que l'heure n'était point arrivée où sa langue devait se délier si mystérieusement. Mais avec d'autres démonstrations il donnait des signes de la joie intérieure qu'il avait, et il offrait au Très-Haut d'affectueuses louanges et des
actions de grâces réitérées pour le bienfait si rare qu'il reconnaissait désormais après son incrédulité dont je parlerai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE ET SOUVERAINE DU CIEL.
3, 22, 278. Ma très chère fille, ne t'étonne pas que mon serviteur Jean craignît et fit difficulté de sortir dans le monde; parce que les enfants ignorants du siècle ne savent pas tant l'aimer que les sages savent l'abhorrer et craindre ses dangers avec la Science divine et la Lumière d'en haut. Celui qui naissait pour être le Précurseur de mon Très Saint Fils avait cette Lumière; et de ce côté, connaissant le détriment, était conséquente la crainte de ce qu'il connaissait. Mais elle lui servit pour entrer heureusement dans le monde; parce que celui qui le connaît et l'abhorre davantage, navigue plus sûrement dans ses vagues élevées et son golfe profond. L'heureux enfant commença sa carrière avec tant de dégoût, de contradiction et de haine des choses terrestres qu'il ne donna jamais trêve à cette inimitié. Il ne fit point de convention, il n'accepta point les flatteries vénéneuses de la chair, il ne donna point ses sens à la vanité et ses yeux ne s'ouvrirent pas pour la voir; et dans cette entreprise d'abhorrer le monde et tout ce qu'il y a en lui, il donna sa vie pour la justice. Il ne pouvait être allié ni en paix avec Babylone, ce citoyen de la céleste Jérusalem; et il n'est pas compatible de solliciter la grâce du Très-Haut et de demeurer dans cette grâce et conjointement dans l'amitié de Ses ennemis (Matt. 6: 24; Jac. 4: 4; 2 Cor. 6: 14-15) déclarés; parce que personne n'a pu ni ne peut servir deux maîtres contraires, ni être unies la Lumière et les ténèbres, Jésus-Christ et Bélial.
3, 22, 279. Garde-toi, ma fille, plus que du feu de ceux qui vivent possédés par les ténèbres et qui sont amateurs du monde; parce que la sagesse (Rom. 8: 6-7) des enfants du siècle est charnelle et diabolique et leurs chemins ténébreux mènent à la mort. Et lorsqu'il sera nécessaire de diriger quelqu'un vers la vie véritable, quoique tu doives offrir pour cela ta vie naturelle, tu dois toujours conserver la paix de ton intérieur. Je te marque trois lieux pour que tu y vives et d'où tu ne sortes jamais avec intention: et si quelquefois le Seigneur te commande de secourir
les nécessités des créatures, je veux que ce soit sans perdre ce refuge; comme celui qui vit dans un château entouré d'ennemis, qui sort à sa porte pour négocier le plus nécessaire et de là dispose ce qui convient avec tant de circonspection, qu'il fait plus d'attention au chemin par où retourner pour se retirer et se cacher, qu'aux affaires du dehors, et il est toujours soucieux et aux aguets du danger. Tu dois être attentive de la même manière si tu veux vivre en sécurité; parce que tu ne doutes point que tu es entourée d'ennemis plus cruels et plus venimeux que des aspics et des basilics.
3, 22, 280. Les lieux de ton habitation doivent être la Divinité du Très-Haut, l'Humanité de mon Très Saint Fils et le secret de ton intérieur. Tu dois vivre dans la Divinité comme la perle enfermée dans sa nacre et le poisson dans la mer, dans les espaces interminables de laquelle tu étendras tes affections et tes désirs. L'Humanité très Sainte sera le mur qui te défendra; et Son sein ouvert le Tabernacle où tu te reposeras et te délasseras à l'ombre de Ses ailes (Ps. 16: . Ton intérieur te donnera une allégresse paisible avec le témoignage de la conscience (2 Cor. 1: 12), et elle te facilitera, si tu la conserves pure, l'entretien doux et amical de ton Époux. Afin que tu t'aides à tout cela par la retraite corporelle et sensible, il me plaît et je veux que tu la gardes dans ta tribune ou ta cellule, et que tu n'en sortes que lorsque la force de l'obéissance ou l'exercice de la charité t'y obligeront. Et je te manifeste un secret: et c'est qu'il y a des démons destinés par Lucifer avec un ordre exprès de lui pour attendre les religieux et les religieuses quand ils sortent hors de leur retraite pour les investir aussitôt et leur dresser des embûches avec des tentations pour les renverser. Et ceux-ci n'entrent point facilement dans les cellules; parce que là il n'y a point tant d'occasions de parler, de voir et de mal user des sens, dans lesquels ils font d'ordinaire leur proie et ils dévorent comme des loups carnassiers. C'est pour cela que la retraite et la circonspection que les religieux y gardent les tourmentent et ils les abhorrent; parce qu'ils perdent confiance de vaincre ces religieux tant qu'ils ne les trouvent pas dans le péril de la conversation humaine.
3, 22, 281. Et il est généralement certain que les démons n'ont point pouvoir sur les âmes quand elles ne s'assujettissent pas à eux et qu'elles ne leur donnent pas entrée par quelque péché véniel ou mortel respectivement; parce que le péché mortel leur donne un droit comme exprès sur celui qui le commet, pour l'entraîner
en d'autres, et le péché véniel affaiblit les forces de l'âme et augmente celle de l'ennemi pour tenter; et par les imperfections on retarde le mérite et le progrès de la vertu au plus parfait, et ceci encore anime l'adversaire. Et lorsqu'il connaît que l'âme supporte et tolère sa propre tiédeur ou qu'elle s'expose légèrement au danger avec une légèreté oiseuse et l'oubli de son dommage, alors le serpent astucieux l'épie et la suit pour la toucher de son venin mortel; et comme un simple petit oiseau, il l'entraîne inconsciente, jusqu'à ce qu'elle tombe dans quelqu'un des nombreux filets qu'il sème à cette fin.
3, 22, 282. Sois donc stupéfaite, ma fille, de ce que tu connais par la Lumière divine, et pleure avec une intime douleur, la ruine de tant d'âmes absorbées dans ce périlleux sommeil. Elles vivent aveuglées par leurs passions et leur inclinations dépravées, oublieuses du péril, insensibles à leur perte, imprudentes dans les occasions; et au lieu de les prévenir et de les craindre, elles les cherchent avec une ignorance aveugle; elles suivent avec une impétuosité furieuse leurs inclinations déréglées pour ce qui est délectable, elles ne mettent point de frein aux passions et aux désirs; elles ne considèrent point où elles mettent les pieds; et elles se jettent dans toutes sortes de périls et de précipices. Les ennemis sont innombrables, leur astuce diabolique est insatiable, leur vigilance sans trêve, leur fureur infatigable, leur diligence incroyable; puis, qu'y a-t-il d'étonnant si de semblables extrêmes, ou pour mieux dire, si dissemblables et si inégaux sont suivis de pertes aussi irréparables dans les vivants; et que le nombre des insensés étant infini (Eccles. 1: 15), celui des réprouvés soit innombrable et que le démon s'enorgueillisse avec tant de triomphes que lui donnent les mortels pour leur propre et formidable perdition? Que le Dieu éternel te préserve de tant d'infortune; pleure et afflige-toi de celle de tes frères, et demandes-en toujours le remède autant qu'il sera possible.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 22, [a]. Il est vraisemblable que Jean qui avait été sanctifié et qui avait l'usage de la raison, [voir A. Lapide in Lucam], ait eu avant de naître des communications avec Dieu et qu'il en ait reçu des révélations spéciales.
3, 22, [b. Il y a plusieurs exemples dans la Sainte Écriture de ces anticipations de narration. A. Lapide assure la même chose
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 23
Les avis et la Doctrine que la Très Sainte Marie donna à sainte Élisabeth à sa prière; Jean est circoncis, et on lui impose son nom; Zacharie prophétise.
3, 23, 283. Le retour de la Très Sainte Marie à Nazareth était inévitable, le Précurseur de Jésus-Christ étant déjà né: et quoique Élisabeth se conformât en cela avec la disposition divine, comme prudente et sage et qu'elle modérât en partie sa douleur; elle désirait néanmoins compenser en quelque chose sa solitude par l'enseignement et Doctrine de la Mère de la Sagesse. Dans cette intention elle lui parla et lui dit: «Madame, et Mère de mon Créateur, je connais que Vous disposez déjà Votre départ et ma solitude où me manqueront Votre Refuge, Votre protection et Votre aimable compagnie. Je Vous supplie, ma cousine, qu'en Votre absence, je mérite de demeurer avec quelque instruction qui m'aide à gouverner toutes mes actions pour le plus grand agrément du Très-Haut. Vous avez dans Votre sein virginal le Maître qui corrige les sages (Sag. 7: 15) et la Source même de la Lumière (Eccli. 1: 5), et par Son moyen Vous venez la communiquer à tous: communiquez donc à Votre servante quelqu'un des rayons qui réverbèrent dans Votre très pur esprit, afin que le mien soit illustré et dirigé par les droits sentiers de la Justice (Ps. 22: 3), jusqu'à arriver à voir le Dieu des dieux (Ps. 83: en Sion.»
3, 23, 284. Ces paroles de sainte Élisabeth produisirent dans la Très Sainte Marie quelque tendresse et quelque compassion: et avec cela Elle lui répondit lui donnant de célestes enseignements pour se gouverner en ce qui lui restait de vie,
qui devait être courte; mais que le Très-Haut prendrait soin de l'enfant, et qu'Elle le demanderait aussi à Sa Majesté. Et quoiqu'il ne soit pas possible de rapporter tout ce que la divine Dame enseigna et conseilla à sainte Élisabeth dans ses très doux entretiens avant son départ, je dirai quelque chose de ce que j'ai compris, comme il m'a été manifesté et comme le pourront mes termes insuffisants. La Très Sainte Marie dit: «Ma cousine et mon amie, le Seigneur vous a choisie pour Ses Oeuvres et Ses sacrements très sublimes, c'est pourquoi Il daigna vous communiquer tant de Lumière et Il voulut que je vous manifestasse mon Coeur. Je vous y porte écrite pour vous présenter à Sa Majesté et je n'oublierai pas l'humble piété que vous avez montrée envers la plus inutile des créatures; mais j'espère que vous recevrez de mon Fils et mon Seigneur une copieuse rémunération.»
3, 23, 285. «Élevez toujours votre esprit et votre entendement dans les hauteurs et avec la Lumière de la grâce que vous avez, ne perdez point de vue l'Etre immuable de Dieu éternel et infini, et la condescendance de Sa bonté immense avec laquelle Il voulut créer (Eccli. 32: 17) et faire de rien les créatures, pour les élever à Sa gloire et les enrichir de Ses Dons. Cette dette commune à toute créature, la Miséricorde du Très-Haut la fit plus propre pour nous, lorsqu'Il nous avança dans cette connaissance et dans cette Lumière, afin que nous nous étendions jusqu'à compenser par notre reconnaissance l'aveugle ingratitude des mortels qui sont avec elle plus éloignées de connaître et d'exalter leur Créateur. Et tel doit être notre office, débarrassant notre coeur, afin que libre et dégagée, il chemine vers son heureuse fin. Pour cela, mon amie, je vous engage beaucoup à l'éloigner et à le détourner de tout ce qui est terrestre, même des choses qui vous sont propres, afin que vous étant dessaisie des empêchements de la terre vous vous éleviez aux appels Divins et que vous attendiez la venue du Seigneur et lorsqu'Il arrivera (Luc 12: 35-36, que vous répondiez avec allégresse et sans la violence douloureuse que l'âme éprouve quand il est temps de se séparer du corps et de tout le reste qu'il aime démesurément. Maintenant qu'ils est temps de souffrir et d'acquérir la couronne, tâchons de la mériter et de marcher avec rapidité pour arriver à l'union intime de notre Bien souverain et véritable.»
3, 23, 286. Procurez d'obéir à Zacharie, votre mari et votre chef, le temps qui lui reste de vie avec une soumission spéciale, de l'aimer et de le servir. Offrez toujours votre fils miraculeux à son Créateur, et vous pouvez l'aimer comme mère
en Dieu et pour Dieu; parce qu'il sera Grand Prophète, et avec le zèle d'Élie (Mal. 4: 5) que le Très-Haut lui donnera, il défendra Sa Loi et Son Honneur procurant l'exaltation de Son saint Nom. Et mon Très Saint Fils qui l'a choisi pour Son Précurseur (Jean 1: 7) et l'Ambassadeur de Sa venue et de Sa Doctrine, le favorisera comme Son familier (Jean 3: 29) et le comblera de dons de Sa droite, et Il le fera Grand (Luc 1: 15) et admirable dans les générations des générations et il manifestera au monde sa grandeur et sa sainteté.»
3, 23, 287. «Procurez avec un zèle ardent que le saint Nom de notre Dieu et le Seigneur d'Abraham, d'Isaac et de Jacob soit craint, révéré et vénéré dans toute votre famille et votre maison. Et outre ce soin vous en prendrez un grand de favoriser (Tob. 4: 17) les pauvres et les nécessiteux autant qu'il sera possible: enrichissez-les des biens temporels que le Très-Haut vous concéda avec une main abondante, afin que vous les dispensiez avec la même libéralité (2 Cor. 8: 14) à ceux qui sont dans le besoin, puisque ces biens sont plus à eux qu'à vous, quand nous sommes tous enfant d'un même Père qui est dans les cieux et à qui appartient tout ce qui est créé; et il n'est pas raisonnable que le Père étant riche, un enfant veuille être et demeurer dans le superflu et que son frère vive pauvre et abandonné: et en cela vous serez très acceptable au Dieu des miséricordes immortelles. Continuez ce que vous faites et exécutez ce que vous avez pensé, puisque Zacharie le remet à votre dispensation. Avec cette permission vous pouvez être libérale. Vous confirmerez votre espérance par toutes les afflictions que le Seigneur vous donnera, et avec les créatures vous serez bénigne, douce, humble, paisible et très patiente, avec une jubilation intérieure de votre âme, bien que quelques-uns soient des instruments pour votre exercice et votre couronne. Bénissez le Seigneur éternellement pour les mystères très sublimes qu'Il vous a manifestés, demandez-Lui le salut des âmes avec un amour et un zèle incessant; et vous demanderez pour moi à Sa Majesté de me gouverner et de me diriger, afin que je dispense dignement et avec Son agrément le Sacrement que Sa bonté immense a confié à une si humble et si pauvre Servante. Envoyez chercher mon époux, afin qu'il m'accompagne. Et dans l'intérim disposez la circoncision de votre fils et imposez-lui le nom de Jean, parce que c'est celui que le Très-Haut lui a donné (Luc 1: 13), et c'est un Décret de Sa Volonté immuable.»
3, 23, 288. Ce raisonnement et d'autres paroles de Vie Éternelle que dit la Très Sainte Marie firent des effets si divins dans le coeur de sainte Élisabeth, que la sainte Matrone demeura un laps de temps absorbée et muette par la force de l'Esprit qui l'éclairait, l'enseignait et l'élevait en des pensées et des affections d'une Doctrine si céleste, parce que le Très-Haut vivifiait et renouvelait le coeur de Sa servante moyennant les paroles de Sa Très Pure Mère comme Instrument vivant. Et après avoir modéré quelque chose de ses larmes elle parla et dit: «Madame et Reine de toutes les créatures, je demeure muette entre ma douleur et ma consolation. Entendez les paroles de l'intime de mon coeur, car là se forment celles que je ne peux manifester. Mes affections Vous diront ce que ma langue ne peut prononcer. Je remets au Tout-Puissant le retour des faveurs que Vous me faites, car il est le Rémunérateur de ce que nous, les pauvres, nous recevons. Je Vous demande seulement, puisque Vous êtes en tout mon Refuge et la cause de mon bien, que Vous m'obteniez la grâce et les forces pour exécuter Votre Doctrine et supporter l'absence de Votre douce compagnie, car ma douleur est grande.»
3, 23, 289. Elles parlèrent ensuite de la circoncision de l'enfant (Luc 1: 50) d'Élisabeth, parce que le temps déterminé par la Loi s'approchait déjà. Et conformément à la coutume des Juifs et spécialement des nobles, plusieurs parents de leur lignée et de leurs connaissances se réunirent dans la maison de Zacharie, et ils arrivèrent à conférer quel nom serait donné à l'enfant; car outre qu'il était ordinaire de faire en cela beaucoup de réflexion et de consultations et que c'était l'habitude parmi eux de discuter le nom que l'on devait imposer aux enfants; dans cette circonstance la raison était extraordinaire à cause de la qualité de Zacharie et de sainte Élisabeth et parce que tous considéraient beaucoup la merveille qu'il y avait en elle d'avoir conçu et enfanté étant vieille et stérile, et ils supposaient en cela quelque grand mystère. Zacharie était muet et ainsi il fut nécessaire que sa femme sainte Élisabeth présidât à cette assemblée; et outre l'idée et la vénération qu'ils en avaient tous, elle était si renouvelée et si relevée en sainteté après la visite et la connaissance de la Reine du Ciel et de ses mystères ainsi que de sa longue conversation, que tous les parents et les voisins et plusieurs autres connurent ce changement, parce qu'elle avait une espèce de splendeur qui se manifestait jusque sur son front et qui la rendait vénérable et admirable; et l'on connaissait en elle la réverbération des rayons de la Divinité dans le voisinage de laquelle elle vivait.
3, 23, 290. La divine Dame la Très Sainte Marie se trouva présente à cette réunion; parce que sainte Élisabeth le lui avait demandé avec beaucoup d'instances, et elle la vainquit pour cela, interposant un genre de commandement très révérenciel et très humble. La grande Dame obéit; mais obtenant d'abord du Très-Haut qu'Il ne la ferait point connaître ni qu'Il ne Se manifesterait aucune chose de Ses bienfaits cachés par où Elle fut applaudie et célébrée. La très humble entre les humbles obtint son désir. Et comme les gens du monde laissent humiliés ceux qui ne se manifestent et qui ne se distinguent point avec ostentation; ainsi il n'y eut personne qui pensât à Elle avec une attention particulière, sauf sainte Élisabeth seule qui la regardait avec une vénération intérieure et extérieure et qui reconnaissait que la bonne réussite de cette détermination était réglée par sa direction très prudente. Il arriva ensuite ce qui est rapporté dans l'Évangile de saint Luc, savoir que quelques-uns appelaient l'enfant Zacharie comme son père (Luc 1: 59). Mais la prudente mère, assistée de la Très Sainte Maîtresse dit: «Mon fils doit s'appeler Jean.» Les parents répliquèrent qu'il n'y en avait aucun de leur famille qui portait un tel nom; car il est toujours fait une grande estime des noms des plus illustres ancêtres pour les imiter en quelque chose. Sainte Élisabeth fit une nouvelle instance pour que son enfant s'appelât Jean.
3, 23, 291. Quoique Zacharie fût muet, les parents désirèrent savoir par signes ce qu'il pensait de cela, et demandant la plume par signe il écrivit: «Joannes est nomen ejus.» En même temps qu'il l'écrivait, la Très Sainte Marie usant de la puissance de Reine qui lui avait été concédée par Dieu sur les choses naturelles et créées, commande au mutisme de Zacharie de le laisser libre, et à sa langue de se détacher et de bénir le Seigneur, car il en était déjà temps. Et à ce divin Commandement il se trouva libre [a] et il commença à parler à l'admiration et à la crainte de tous ceux qui étaient présents, comme l'Évangile le dit. Et quoiqu'il soit vrai comme il appert du même Évangile que le saint Archange Gabriel avait dit à Zacharie qu'il demeurerait muet (Luc 1: 20) à cause de son incrédulité jusqu'à ce que ce qu'il lui annonçait fût accompli; toutefois cela n'est point contraire à ce que je dis ici, car lorsque le Seigneur révèle quelque secret de Sa divine Volonté quoiqu'il soit efficace et absolu, il ne déclare pas toujours les moyens par lesquels Il doit l'exécuter comme Il les a prévus dans Sa Science infinie; et ainsi l'Ange déclara à Zacharie la peine de son incrédulité dans le mutisme; mais il ne lui dit point qu'Il le lui ôterait par le moyen de l'intercession de la Très Sainte Marie, bien qu'Il l'eût ainsi prévu et déterminé.
3, 23, 292. Puis, de même que la voix de Marie notre souveraine fut l'instrument pour sanctifier l'enfant Jean et sa mère Élisabeth, son empire caché et son oraison furent l'instrument du bénéfice de Zacharie pour délier sa langue; et aussi pour le remplir de l'Esprit-Saint et du Don de Prophétie avec lequel il parla et dit (Luc 1: 68-79):
«Béni est le Seigneur Dieu d'Israël; parce qu'il a visité son peuple et il en a fait la rédemption:
Et il a exalté pour nous la force du salut dans la maison de son serviteur David.
Ainsi qu'il l'avait dit par la bouche de ses saints qui furent ses prophètes des siècles passés.
Le salut de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous abhorrent.
Pour user de sa miséricorde envers nos pères et faire mémoire de son saint testament.
Le jurement qu'il jura à notre père Abraham, qu'il se donnerait à nous:
Afin que sans crainte, demeurant libres des mains de nos ennemis, nous le servions.
Dans la sainteté et la justice, en sa présence, tous les jours de notre vie.
Et toi, enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut; parce que tu iras devant sa face pour préparer ses voies:
Pour donner la science et la connaissance du salut à son peuple dans la rémission de leurs péchés:
Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, dans laquelle il nous a visités naissant d'en haut:
Pour donner lumière à ceux qui vivent assis dans les ténèbres et les ombres de la mort: et diriger nos pas dans les voies de la paix.»
3, 23, 293. Zacharie résuma dans ce divin Cantique les mystères très sublimes que les anciens Prophètes avaient dits avec plus d'étendue de la Divinité, de
l'Humanité et de la Rédemption de Jésus-Christ que tous prophétisèrent; et il renferma plusieurs grands sacrements en peu de paroles et il les comprit avec la grâce abondante qui illuminait son esprit et l'élevait avec une ferveur très ardente en présence de tous ceux qui avaient concouru à cet acte de la circoncision de son fils, parce que tous avaient vu le miracle par lequel sa langue s'était déliée et l'avaient entendu prophétiser des mystères si Divins que je ne peux facilement en expliquer l'intelligence qu'en avait le saint prêtre.
3, 23, 294. "Béni soit le Seigneur Dieu d'Israël", dit-il, connaissant que le Très-Haut pouvait par Sa seule Volonté ou Sa parole opérer la Rédemption de Son peuple et lui donner le salut éternel; cependant Il ne Se servit pas seulement de Sa Puissance, mais aussi de Sa Bonté et de Sa Miséricorde immenses, le Fils même du Père Éternel descendant pour visiter Son peuple et faire l'office de Frère, dans la nature humaine: de Maître, dans la Doctrine et l'exemple, et de Rédemption dans la Vie, la Passion et la Mort de la Croix. Zacharie connut l'union des deux natures dans la Personne du Verbe, et il vit avec une clarté surnaturelle ce Mystère exécuté dans le sein virginal de la Très Sainte Marie. Il comprit de même l'exaltation de l'Humanité du Verbe par le triomphe que le Christ Dieu et Homme devait obtenir en donnant le salut éternel au genre humain, conformément aux promesses Divines faites à David, son père et son ascendant (2 Rois 7: 12). Et que cette même promesse avait été faite au monde dès son premier principe et son premier être, par les prophéties des Saints et des Prophètes; parce que Dieu commença dès la création et la première formation à diriger la nature et la grâce pour Sa venue au monde, acheminant toutes Ses Oeuvres depuis Adam pour cette heureuse fin.
3, 23, 295. Il comprit comment le Très-Haut ordonna que nous obtinssions par ces moyens le salut de la grâce et la Vie Éternelle que nos ennemis perdirent par leur superbe et leur désobéissance opiniâtre, pour lesquelles ils furent précipités dans l'abîme; et les places qui leur étaient réservées s'ils eussent été obéissants demeurèrent destinées pour ceux qui le seraient parmi les mortels. Et dès lors se tourna contre eux l'inimitié et la haine que l'ancien serpent (Apoc. 12: 17) avait conçue contre Dieu même, dans l'Entendement divin duquel nous étions alors enfermés et décrétés par Son Éternelle et Sainte Volonté: et que nos premiers parents Adam et Eve étant déchus de Son Amitié et de Sa grâce, Il les releva et Il
les mit dans un lieu et un état d'espérance (Sag. 10: 2), et Il ne les laissa ni ne les châtia comme les Anges rebelles; au contraire, pour assurer leurs descendants de la Miséricorde dont il usait envers eux, Il destina et envoya les Prophètes et les figures avec lesquels Il disposa l'Ancien Testament qu'Il devait ratifier et accomplir dans le Nouveau par la venue du Réparateur et Rédempteur.. Et afin que cette espérance eût une plus grande fermeté, Il promit à notre Père Abraham avec la fermeté de Son jurement (Gen. 22: 16-17), qu'Il le ferait père de Son peuple et de la Foi. Afin qu'assurés d'un si admirable et si puissant bienfait, que de nous permettre et de nous donner Son propre Fils fait homme, avec la liberté des enfants d'adoption (Gal. 5: 5) dans laquelle régénérés par Lui nous servions le même Dieu sans crainte de nos ennemis qui étaient déjà soumis et vaincus par notre Rédempteur.
3, 23, 296. Et afin que nous comprissions ce que le Verbe Éternel nous avait acquis par Sa venue pour servir le Très-Haut avec liberté, il dit: Que ce fut par la Sainteté et la Justice qu'Il renouvela le monde et qu'Il fonda Sa Nouvelle Loi de grâce pour tous les jours du siècle présent, et pour tous les jours de chacun des enfants de l'Église, dans laquelle ceux-ci doivent vivre dans la sainteté et la justice, si tous le faisaient, puisque tous le peuvent! Et parce que Zacharie connut dans son fils Jean le commencement de l'exécution de tant de sacrements que la Lumière divine lui montrait, se tournant vers lui, il le félicita, lui intimant et lui prophétisant sa sainteté, sa dignité et son ministère; et il lui dit: "Et toi, enfant, tu t'appelleras prophète du Très-Haut"; parce que tu iras devant Sa face, qui est Sa Divinité, préparant les voies par la lumière que tu donneras à Son peuple touchant la venue de Son réparateur, afin que par ta prédication, les Juifs aient la connaissance et la science de leur salut éternel qui est Notre Seigneur Jésus-Christ, leur Messie promis, et le reçoivent se disposant par le baptême de la pénitence et par la rémission des péchés (Marc 1: 4), et connaissent qu'Il vient pardonner les leurs (Jean 1: 29) et ceux de tout le monde; puisqu'à tout cela le murent les entrailles de Sa Miséricorde, pour laquelle et non pour nos mérites (Tit. 3: 5) Il daigna nous visiter, naissant et descendant d'en haut du sein de Son Père Éternel pour éclairer ceux qui ignorant la Vérité pendant tant de longs siècles, ont été et sont comme assis dans les ténèbres et l'ombre de la mort éternelle, et diriger leurs pas et les nôtres dans le chemin de la véritable paix que nous attendons.
3, 23, 297. Zacharie comprit tous ces mystères avec une plus grande plénitude et une plus grande profondeur par révélation Divine, et il les renferma dans sa prophétie. Et quelques-uns de ceux qui étaient présents et qui l'entendirent furent aussi illustrés par les rayons de la Lumière du Très-Haut pour connaître que le temps du Messie et de l'accomplissement des prophéties anciennes était déjà arrivé. Et dans la connaissance et la vue de tant de merveilles et de prodiges nouveaux, ils disaient dans l'admiration: «Que sera cet enfant (Luc 1: 66) envers qui la main du Très-Haut se montre si admirable et si Puissante?» L'enfant fut circoncis et ils lui imposèrent le nom de Jean en quoi son père et sa mère concoururent miraculeusement; et ils se conformèrent en tout aux prescriptions de la Loi: et ces merveilles se divulguèrent dans les montagnes de la Judée.
3, 23, 298. Reine et Maîtresse de toutes les créatures, je suis dans l'admiration des Oeuvres merveilleuses que le bras Tout-Puissant du Très-Haut opéra par Votre intervention dans Vos serviteurs, Jean, Élisabeth et Zacharie; je considère les manières différentes que tinrent en elles la Providence divine et Votre rare discrétion. Parce que Votre très douce parole servit d'instrument afin que le fils et la mère fussent sanctifiées avec plénitude de l'Esprit-Saint: et cette oeuvre fut caché et secrète; mais pour faire parler Zacharie et en même temps l'illustrer, il n'y eut que Votre prière et Votre commandement caché qui intervinrent; et ce bienfait fut manifeste aux assistants qui connurent la grâce du Seigneur dans le saint prêtre. J'ignore la raison de ces prodiges, et je présente toutes mes ignorances à Votre bonté, afin que vous me gouverniez comme Maîtresse.
RÉPONSE ET DOCTRINE DE LA REINE ET MAÎTRESSE DU MONDE.
3, 23, 299. Ma fille, les effets Divins que mon Très Saint Fils opéra par moi en saint Jean et en sa mère Élisabeth furent cachés et non ceux de Zacharie, pour deux raisons. L'une afin qu'Élisabeth ma servante s'exclamât et parlât clairement à la louange du Verbe Incarné dans mes entrailles et à la mienne, et il convenait alors que ni le Mystère ni ma dignité ne fussent manifestés plus clairement; parce que la venue du Messie devait être annoncée par des moyens plus convenables.
L'autre raison fut parce que tous les coeurs n'étaient pas disposés comme celui d'Élisabeth pour recevoir une semence si précieuse et si nouvelle et ils n'eussent point perçu des sacrements si sublimes avec la due vénération. Et outre cela, le prêtre Zacharie était plus propre pour manifester alors ce qui convenait à cause de sa dignité, et on pouvait recevoir de lui le principe de la Lumière avec plus d'acceptation que de sainte Élisabeth en présence de son mari, et ce qu'elle dit fut réservé pour son temps. Et quoique les paroles du Seigneur portent la force avec elles-mêmes; néanmoins ce moyen du prêtre était plus doux et plus accommodé pour les ignorants et ceux qui étaient peu exercés dans les Mystères divins.
3, 23, 300. Il convenait aussi d'accréditer et d'honorer la dignité du prêtre de qui le Très-Haut fait tant d'estime que s'Il trouve en eux la due disposition, Il les exalte toujours et Il leur communique Son Esprit, afin que le monde les ait en vénération comme Ses élus et Ses oints (Ps. 104: 15) et en eux les merveilles du Seigneur ont moins de péril lors-même qu'elles sont très manifestes. Et s'ils correspondaient à leur dignité, ils auraient des oeuvres de Séraphins et des visages d'Anges parmi les autres créatures. Leur visage devrait resplendir comme celui de Moïse (Ex. 34: 29) quand il sortit de la présence et de l'entretien du Seigneur. Et du moins ils doivent communiquer avec les autres hommes de manière à se faire respecter et vénérer après Dieu même. Et je veux que tu saches, ma très chère, que le Très-Haut est aujourd'hui très indigné contre le monde, entre autres offenses, pour celles qu'Il reçoit en cela, tant des prêtres que des laïques. Contre les prêtres: parce qu'oublieux de leur dignité très sublime, ils l'outragent en se rendant vils, méprisables et familiers, et plusieurs même scandaleux, donnant des mauvais exemples au monde, occasionnés par le mépris de leur sanctification. Et contre les laïcs parce qu'ils sont téméraires et audacieux contre les oints du seigneur qu'ils doivent honorer et révérer quoiqu'ils soient imparfaits et que leur conversation ne soit pas louable, parce qu'ils tiennent la place de Jésus-Christ Mon Très Saint Fils sur la terre.
3, 23, 301. A cause de cette vénération du prêtre, je procédai aussi différemment qu'avec sainte Élisabeth. Parce que si le Très-Haut ordonna que je fusse le conduit ou l'instrument pour leur communiquer Son Divin Esprit; je saluai néanmoins Élisabeth de telle sorte que par la voix de ma salutation je montrai quelque supériorité pour commander au péché originel que son fils avait; et dès
lors il devait lui être pardonné par le moyen de mes paroles, laissant le fils et la mère remplis de l'Esprit-Saint. Et comme je n'avais pas contracté le péché originel, mais que j'en avais été libre et exempte, j'eus pouvoir et empire dans cette circonstance, commandant au péché, comme Maîtresse qui avait triomphé de lui (Gen. 3: 15) par la préservation du Très-Haut, et non comme esclave comme le sont tous les enfants d'Adam qui péchèrent en lui (Rom. 5: 12). Puis pour délivrer Jean de cette servitude et des chaînes du péché, le Seigneur voulut que je commandasse comme ne lui ayant jamais été assujettie. Je ne commandai pas à Zacharie avec cette manière de domination; mais je priai pour lui, gardant la révérence et les égards qui demandaient sa dignité et ma modestie. Et même je n'aurais pas fait le commandement à sa langue de se détacher, quoique ce commandement fut caché et mental si le Très-Haut ne me l'eût commandé, me donnant aussi à connaître que la personne du prêtre n'était pas bien disposée avec l'imperfection et le défaut du mutisme; parce qu'il doit être prompt et dispos avec toutes ses puissances pour le service et la louange du Seigneur. Et cela suffit maintenant pour répondre au doute que tu avais, parce que je te dirai davantage dans une autre occasion dans cette matière de respecter les prêtres.
3, 23, 302. La doctrine que je te donne maintenant est que tu tâches
d'être enseignée dans le chemin de la vertu et de la vie éternelle de toutes les personnes, supérieures ou inférieures, avec qui tu as à traiter. Tu imiteras en cela ce que je fis avec ma cousine Élisabeth, demandant à tous, avec la manière et la prudence que tu dois, d'être redressée et dirigée; car le Seigneur dispose parfois par cette humilité la bonne direction et le bon succès et Il envoie Sa Lumière divine et Il fera avec toi si tu agis avec une discrétion sincère et un vrai zèle pour la vertu. Tâche aussi de rejeter de toi ou de ne point recevoir aucune sorte ou aucune ombre de flatterie des créatures et les conversations où tu peux les entendre; parce que cette fascination (Sag. 4: 12) obscurcit la Lumière et pervertit les sens imprévoyant. Et le Seigneur est si jaloux des âmes qu'Il aime beaucoup, qu'Il se retire à l'instant si elles acceptent les louanges des hommes et si elles se complaisent dans leurs adulations; parce qu'avec cette légèreté elles se rendent indignes de Ses faveurs. Et il n'est pas possible que l'adulation du monde et les consolations du Très-Haut concourent ensemble dans une âme; car les consolations du Très-Haut sont véritables, saintes, pures, stables; elles humilient, purifient, pacifient et illustrent le coeur; au contraire les caresses et les flatteries des créatures sont vaines, inconstantes, fausses, impures et mensongères, comme
sorties de la bouche de ceux dont aucun ne laisse de mentir (Ps. 115: 11); et tout ce qui es mensonge est oeuvre de l'ennemi (Jean 8: 44).
3, 23, 303. Ton Époux, ma très chère fille, ne veut point que tes oreilles s'appliquent à écouter ni à accueillir des fables fausses et terrestres, ni que les adulations du monde les corrompent et les souillent; ainsi je veux que tu les aies fermées pour toutes ces tromperies empoisonnées, et qu'elles soient défendues par une forte garde, afin de ne point les percevoir. Et si ton Maître et ton Seigneur Se plaît à te parler au coeur et àte dire des paroles de Vie Éternelle, Il sera juste que pour entendre Sa voix caressante et être attentive à Son amour tu deviennes sourde, muette et insensible à tout ce qui est terrestre et que tout soit tourment et mort pour toi. Considère que tu Lui dois une grande délicatesse et que tout l'enfer conjuré, se servant de la douceur de ton naturel, veut le pervertir afin que tu l'aies doux envers les créatures et ingrat envers le Dieu éternel. Veille et sois soigneuse pour lui résister, demeurant forte (1 Pet. 5: 9) dans la foi de ton Seigneur et ton Époux bien-aimé.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 23, [a]. Marie est la Médiatrice et la Trésorière des grâces et Dieu a coutume de n'en faire que par son moyen, comme dit saint Bernard.
3, 23, [b. La Vénérable met ici le mot "Rédemption" au lieu de "délivrance", parce que délivrer de l'esclavage même par sa seule parole sans payer de prix équivaut dans l'effet à la Rédemption proprement dite. C'est une doctrine commune des théologiens que Dieu pouvait sauver l'homme sans avoir besoin du Sang du Christ. Mais nous fûmes vendus, et nous fûmes rachetés par le Sang de Jésus-Christ. Cependant, le prix de notre Rédemption ne fut pas payé au diable,
mais à la Justice divine par laquelle nous étions détenus comme sujets à la peine et réellement soumis au joug du diable en châtiment de notre désobéissance pour avoir rejeté le joug de Dieu. Ainsi c'était la Justice divine qui nous tenait captifs et le diable était comme Son exécuteur et Son instrument contre nous, mais non proprement notre maître
Les avis et la Doctrine que la Très Sainte Marie donna à sainte Élisabeth à sa prière; Jean est circoncis, et on lui impose son nom; Zacharie prophétise.
3, 23, 283. Le retour de la Très Sainte Marie à Nazareth était inévitable, le Précurseur de Jésus-Christ étant déjà né: et quoique Élisabeth se conformât en cela avec la disposition divine, comme prudente et sage et qu'elle modérât en partie sa douleur; elle désirait néanmoins compenser en quelque chose sa solitude par l'enseignement et Doctrine de la Mère de la Sagesse. Dans cette intention elle lui parla et lui dit: «Madame, et Mère de mon Créateur, je connais que Vous disposez déjà Votre départ et ma solitude où me manqueront Votre Refuge, Votre protection et Votre aimable compagnie. Je Vous supplie, ma cousine, qu'en Votre absence, je mérite de demeurer avec quelque instruction qui m'aide à gouverner toutes mes actions pour le plus grand agrément du Très-Haut. Vous avez dans Votre sein virginal le Maître qui corrige les sages (Sag. 7: 15) et la Source même de la Lumière (Eccli. 1: 5), et par Son moyen Vous venez la communiquer à tous: communiquez donc à Votre servante quelqu'un des rayons qui réverbèrent dans Votre très pur esprit, afin que le mien soit illustré et dirigé par les droits sentiers de la Justice (Ps. 22: 3), jusqu'à arriver à voir le Dieu des dieux (Ps. 83: en Sion.»
3, 23, 284. Ces paroles de sainte Élisabeth produisirent dans la Très Sainte Marie quelque tendresse et quelque compassion: et avec cela Elle lui répondit lui donnant de célestes enseignements pour se gouverner en ce qui lui restait de vie,
qui devait être courte; mais que le Très-Haut prendrait soin de l'enfant, et qu'Elle le demanderait aussi à Sa Majesté. Et quoiqu'il ne soit pas possible de rapporter tout ce que la divine Dame enseigna et conseilla à sainte Élisabeth dans ses très doux entretiens avant son départ, je dirai quelque chose de ce que j'ai compris, comme il m'a été manifesté et comme le pourront mes termes insuffisants. La Très Sainte Marie dit: «Ma cousine et mon amie, le Seigneur vous a choisie pour Ses Oeuvres et Ses sacrements très sublimes, c'est pourquoi Il daigna vous communiquer tant de Lumière et Il voulut que je vous manifestasse mon Coeur. Je vous y porte écrite pour vous présenter à Sa Majesté et je n'oublierai pas l'humble piété que vous avez montrée envers la plus inutile des créatures; mais j'espère que vous recevrez de mon Fils et mon Seigneur une copieuse rémunération.»
3, 23, 285. «Élevez toujours votre esprit et votre entendement dans les hauteurs et avec la Lumière de la grâce que vous avez, ne perdez point de vue l'Etre immuable de Dieu éternel et infini, et la condescendance de Sa bonté immense avec laquelle Il voulut créer (Eccli. 32: 17) et faire de rien les créatures, pour les élever à Sa gloire et les enrichir de Ses Dons. Cette dette commune à toute créature, la Miséricorde du Très-Haut la fit plus propre pour nous, lorsqu'Il nous avança dans cette connaissance et dans cette Lumière, afin que nous nous étendions jusqu'à compenser par notre reconnaissance l'aveugle ingratitude des mortels qui sont avec elle plus éloignées de connaître et d'exalter leur Créateur. Et tel doit être notre office, débarrassant notre coeur, afin que libre et dégagée, il chemine vers son heureuse fin. Pour cela, mon amie, je vous engage beaucoup à l'éloigner et à le détourner de tout ce qui est terrestre, même des choses qui vous sont propres, afin que vous étant dessaisie des empêchements de la terre vous vous éleviez aux appels Divins et que vous attendiez la venue du Seigneur et lorsqu'Il arrivera (Luc 12: 35-36, que vous répondiez avec allégresse et sans la violence douloureuse que l'âme éprouve quand il est temps de se séparer du corps et de tout le reste qu'il aime démesurément. Maintenant qu'ils est temps de souffrir et d'acquérir la couronne, tâchons de la mériter et de marcher avec rapidité pour arriver à l'union intime de notre Bien souverain et véritable.»
3, 23, 286. Procurez d'obéir à Zacharie, votre mari et votre chef, le temps qui lui reste de vie avec une soumission spéciale, de l'aimer et de le servir. Offrez toujours votre fils miraculeux à son Créateur, et vous pouvez l'aimer comme mère
en Dieu et pour Dieu; parce qu'il sera Grand Prophète, et avec le zèle d'Élie (Mal. 4: 5) que le Très-Haut lui donnera, il défendra Sa Loi et Son Honneur procurant l'exaltation de Son saint Nom. Et mon Très Saint Fils qui l'a choisi pour Son Précurseur (Jean 1: 7) et l'Ambassadeur de Sa venue et de Sa Doctrine, le favorisera comme Son familier (Jean 3: 29) et le comblera de dons de Sa droite, et Il le fera Grand (Luc 1: 15) et admirable dans les générations des générations et il manifestera au monde sa grandeur et sa sainteté.»
3, 23, 287. «Procurez avec un zèle ardent que le saint Nom de notre Dieu et le Seigneur d'Abraham, d'Isaac et de Jacob soit craint, révéré et vénéré dans toute votre famille et votre maison. Et outre ce soin vous en prendrez un grand de favoriser (Tob. 4: 17) les pauvres et les nécessiteux autant qu'il sera possible: enrichissez-les des biens temporels que le Très-Haut vous concéda avec une main abondante, afin que vous les dispensiez avec la même libéralité (2 Cor. 8: 14) à ceux qui sont dans le besoin, puisque ces biens sont plus à eux qu'à vous, quand nous sommes tous enfant d'un même Père qui est dans les cieux et à qui appartient tout ce qui est créé; et il n'est pas raisonnable que le Père étant riche, un enfant veuille être et demeurer dans le superflu et que son frère vive pauvre et abandonné: et en cela vous serez très acceptable au Dieu des miséricordes immortelles. Continuez ce que vous faites et exécutez ce que vous avez pensé, puisque Zacharie le remet à votre dispensation. Avec cette permission vous pouvez être libérale. Vous confirmerez votre espérance par toutes les afflictions que le Seigneur vous donnera, et avec les créatures vous serez bénigne, douce, humble, paisible et très patiente, avec une jubilation intérieure de votre âme, bien que quelques-uns soient des instruments pour votre exercice et votre couronne. Bénissez le Seigneur éternellement pour les mystères très sublimes qu'Il vous a manifestés, demandez-Lui le salut des âmes avec un amour et un zèle incessant; et vous demanderez pour moi à Sa Majesté de me gouverner et de me diriger, afin que je dispense dignement et avec Son agrément le Sacrement que Sa bonté immense a confié à une si humble et si pauvre Servante. Envoyez chercher mon époux, afin qu'il m'accompagne. Et dans l'intérim disposez la circoncision de votre fils et imposez-lui le nom de Jean, parce que c'est celui que le Très-Haut lui a donné (Luc 1: 13), et c'est un Décret de Sa Volonté immuable.»
3, 23, 288. Ce raisonnement et d'autres paroles de Vie Éternelle que dit la Très Sainte Marie firent des effets si divins dans le coeur de sainte Élisabeth, que la sainte Matrone demeura un laps de temps absorbée et muette par la force de l'Esprit qui l'éclairait, l'enseignait et l'élevait en des pensées et des affections d'une Doctrine si céleste, parce que le Très-Haut vivifiait et renouvelait le coeur de Sa servante moyennant les paroles de Sa Très Pure Mère comme Instrument vivant. Et après avoir modéré quelque chose de ses larmes elle parla et dit: «Madame et Reine de toutes les créatures, je demeure muette entre ma douleur et ma consolation. Entendez les paroles de l'intime de mon coeur, car là se forment celles que je ne peux manifester. Mes affections Vous diront ce que ma langue ne peut prononcer. Je remets au Tout-Puissant le retour des faveurs que Vous me faites, car il est le Rémunérateur de ce que nous, les pauvres, nous recevons. Je Vous demande seulement, puisque Vous êtes en tout mon Refuge et la cause de mon bien, que Vous m'obteniez la grâce et les forces pour exécuter Votre Doctrine et supporter l'absence de Votre douce compagnie, car ma douleur est grande.»
3, 23, 289. Elles parlèrent ensuite de la circoncision de l'enfant (Luc 1: 50) d'Élisabeth, parce que le temps déterminé par la Loi s'approchait déjà. Et conformément à la coutume des Juifs et spécialement des nobles, plusieurs parents de leur lignée et de leurs connaissances se réunirent dans la maison de Zacharie, et ils arrivèrent à conférer quel nom serait donné à l'enfant; car outre qu'il était ordinaire de faire en cela beaucoup de réflexion et de consultations et que c'était l'habitude parmi eux de discuter le nom que l'on devait imposer aux enfants; dans cette circonstance la raison était extraordinaire à cause de la qualité de Zacharie et de sainte Élisabeth et parce que tous considéraient beaucoup la merveille qu'il y avait en elle d'avoir conçu et enfanté étant vieille et stérile, et ils supposaient en cela quelque grand mystère. Zacharie était muet et ainsi il fut nécessaire que sa femme sainte Élisabeth présidât à cette assemblée; et outre l'idée et la vénération qu'ils en avaient tous, elle était si renouvelée et si relevée en sainteté après la visite et la connaissance de la Reine du Ciel et de ses mystères ainsi que de sa longue conversation, que tous les parents et les voisins et plusieurs autres connurent ce changement, parce qu'elle avait une espèce de splendeur qui se manifestait jusque sur son front et qui la rendait vénérable et admirable; et l'on connaissait en elle la réverbération des rayons de la Divinité dans le voisinage de laquelle elle vivait.
3, 23, 290. La divine Dame la Très Sainte Marie se trouva présente à cette réunion; parce que sainte Élisabeth le lui avait demandé avec beaucoup d'instances, et elle la vainquit pour cela, interposant un genre de commandement très révérenciel et très humble. La grande Dame obéit; mais obtenant d'abord du Très-Haut qu'Il ne la ferait point connaître ni qu'Il ne Se manifesterait aucune chose de Ses bienfaits cachés par où Elle fut applaudie et célébrée. La très humble entre les humbles obtint son désir. Et comme les gens du monde laissent humiliés ceux qui ne se manifestent et qui ne se distinguent point avec ostentation; ainsi il n'y eut personne qui pensât à Elle avec une attention particulière, sauf sainte Élisabeth seule qui la regardait avec une vénération intérieure et extérieure et qui reconnaissait que la bonne réussite de cette détermination était réglée par sa direction très prudente. Il arriva ensuite ce qui est rapporté dans l'Évangile de saint Luc, savoir que quelques-uns appelaient l'enfant Zacharie comme son père (Luc 1: 59). Mais la prudente mère, assistée de la Très Sainte Maîtresse dit: «Mon fils doit s'appeler Jean.» Les parents répliquèrent qu'il n'y en avait aucun de leur famille qui portait un tel nom; car il est toujours fait une grande estime des noms des plus illustres ancêtres pour les imiter en quelque chose. Sainte Élisabeth fit une nouvelle instance pour que son enfant s'appelât Jean.
3, 23, 291. Quoique Zacharie fût muet, les parents désirèrent savoir par signes ce qu'il pensait de cela, et demandant la plume par signe il écrivit: «Joannes est nomen ejus.» En même temps qu'il l'écrivait, la Très Sainte Marie usant de la puissance de Reine qui lui avait été concédée par Dieu sur les choses naturelles et créées, commande au mutisme de Zacharie de le laisser libre, et à sa langue de se détacher et de bénir le Seigneur, car il en était déjà temps. Et à ce divin Commandement il se trouva libre [a] et il commença à parler à l'admiration et à la crainte de tous ceux qui étaient présents, comme l'Évangile le dit. Et quoiqu'il soit vrai comme il appert du même Évangile que le saint Archange Gabriel avait dit à Zacharie qu'il demeurerait muet (Luc 1: 20) à cause de son incrédulité jusqu'à ce que ce qu'il lui annonçait fût accompli; toutefois cela n'est point contraire à ce que je dis ici, car lorsque le Seigneur révèle quelque secret de Sa divine Volonté quoiqu'il soit efficace et absolu, il ne déclare pas toujours les moyens par lesquels Il doit l'exécuter comme Il les a prévus dans Sa Science infinie; et ainsi l'Ange déclara à Zacharie la peine de son incrédulité dans le mutisme; mais il ne lui dit point qu'Il le lui ôterait par le moyen de l'intercession de la Très Sainte Marie, bien qu'Il l'eût ainsi prévu et déterminé.
3, 23, 292. Puis, de même que la voix de Marie notre souveraine fut l'instrument pour sanctifier l'enfant Jean et sa mère Élisabeth, son empire caché et son oraison furent l'instrument du bénéfice de Zacharie pour délier sa langue; et aussi pour le remplir de l'Esprit-Saint et du Don de Prophétie avec lequel il parla et dit (Luc 1: 68-79):
«Béni est le Seigneur Dieu d'Israël; parce qu'il a visité son peuple et il en a fait la rédemption:
Et il a exalté pour nous la force du salut dans la maison de son serviteur David.
Ainsi qu'il l'avait dit par la bouche de ses saints qui furent ses prophètes des siècles passés.
Le salut de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous abhorrent.
Pour user de sa miséricorde envers nos pères et faire mémoire de son saint testament.
Le jurement qu'il jura à notre père Abraham, qu'il se donnerait à nous:
Afin que sans crainte, demeurant libres des mains de nos ennemis, nous le servions.
Dans la sainteté et la justice, en sa présence, tous les jours de notre vie.
Et toi, enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut; parce que tu iras devant sa face pour préparer ses voies:
Pour donner la science et la connaissance du salut à son peuple dans la rémission de leurs péchés:
Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, dans laquelle il nous a visités naissant d'en haut:
Pour donner lumière à ceux qui vivent assis dans les ténèbres et les ombres de la mort: et diriger nos pas dans les voies de la paix.»
3, 23, 293. Zacharie résuma dans ce divin Cantique les mystères très sublimes que les anciens Prophètes avaient dits avec plus d'étendue de la Divinité, de
l'Humanité et de la Rédemption de Jésus-Christ que tous prophétisèrent; et il renferma plusieurs grands sacrements en peu de paroles et il les comprit avec la grâce abondante qui illuminait son esprit et l'élevait avec une ferveur très ardente en présence de tous ceux qui avaient concouru à cet acte de la circoncision de son fils, parce que tous avaient vu le miracle par lequel sa langue s'était déliée et l'avaient entendu prophétiser des mystères si Divins que je ne peux facilement en expliquer l'intelligence qu'en avait le saint prêtre.
3, 23, 294. "Béni soit le Seigneur Dieu d'Israël", dit-il, connaissant que le Très-Haut pouvait par Sa seule Volonté ou Sa parole opérer la Rédemption de Son peuple et lui donner le salut éternel; cependant Il ne Se servit pas seulement de Sa Puissance, mais aussi de Sa Bonté et de Sa Miséricorde immenses, le Fils même du Père Éternel descendant pour visiter Son peuple et faire l'office de Frère, dans la nature humaine: de Maître, dans la Doctrine et l'exemple, et de Rédemption dans la Vie, la Passion et la Mort de la Croix. Zacharie connut l'union des deux natures dans la Personne du Verbe, et il vit avec une clarté surnaturelle ce Mystère exécuté dans le sein virginal de la Très Sainte Marie. Il comprit de même l'exaltation de l'Humanité du Verbe par le triomphe que le Christ Dieu et Homme devait obtenir en donnant le salut éternel au genre humain, conformément aux promesses Divines faites à David, son père et son ascendant (2 Rois 7: 12). Et que cette même promesse avait été faite au monde dès son premier principe et son premier être, par les prophéties des Saints et des Prophètes; parce que Dieu commença dès la création et la première formation à diriger la nature et la grâce pour Sa venue au monde, acheminant toutes Ses Oeuvres depuis Adam pour cette heureuse fin.
3, 23, 295. Il comprit comment le Très-Haut ordonna que nous obtinssions par ces moyens le salut de la grâce et la Vie Éternelle que nos ennemis perdirent par leur superbe et leur désobéissance opiniâtre, pour lesquelles ils furent précipités dans l'abîme; et les places qui leur étaient réservées s'ils eussent été obéissants demeurèrent destinées pour ceux qui le seraient parmi les mortels. Et dès lors se tourna contre eux l'inimitié et la haine que l'ancien serpent (Apoc. 12: 17) avait conçue contre Dieu même, dans l'Entendement divin duquel nous étions alors enfermés et décrétés par Son Éternelle et Sainte Volonté: et que nos premiers parents Adam et Eve étant déchus de Son Amitié et de Sa grâce, Il les releva et Il
les mit dans un lieu et un état d'espérance (Sag. 10: 2), et Il ne les laissa ni ne les châtia comme les Anges rebelles; au contraire, pour assurer leurs descendants de la Miséricorde dont il usait envers eux, Il destina et envoya les Prophètes et les figures avec lesquels Il disposa l'Ancien Testament qu'Il devait ratifier et accomplir dans le Nouveau par la venue du Réparateur et Rédempteur.. Et afin que cette espérance eût une plus grande fermeté, Il promit à notre Père Abraham avec la fermeté de Son jurement (Gen. 22: 16-17), qu'Il le ferait père de Son peuple et de la Foi. Afin qu'assurés d'un si admirable et si puissant bienfait, que de nous permettre et de nous donner Son propre Fils fait homme, avec la liberté des enfants d'adoption (Gal. 5: 5) dans laquelle régénérés par Lui nous servions le même Dieu sans crainte de nos ennemis qui étaient déjà soumis et vaincus par notre Rédempteur.
3, 23, 296. Et afin que nous comprissions ce que le Verbe Éternel nous avait acquis par Sa venue pour servir le Très-Haut avec liberté, il dit: Que ce fut par la Sainteté et la Justice qu'Il renouvela le monde et qu'Il fonda Sa Nouvelle Loi de grâce pour tous les jours du siècle présent, et pour tous les jours de chacun des enfants de l'Église, dans laquelle ceux-ci doivent vivre dans la sainteté et la justice, si tous le faisaient, puisque tous le peuvent! Et parce que Zacharie connut dans son fils Jean le commencement de l'exécution de tant de sacrements que la Lumière divine lui montrait, se tournant vers lui, il le félicita, lui intimant et lui prophétisant sa sainteté, sa dignité et son ministère; et il lui dit: "Et toi, enfant, tu t'appelleras prophète du Très-Haut"; parce que tu iras devant Sa face, qui est Sa Divinité, préparant les voies par la lumière que tu donneras à Son peuple touchant la venue de Son réparateur, afin que par ta prédication, les Juifs aient la connaissance et la science de leur salut éternel qui est Notre Seigneur Jésus-Christ, leur Messie promis, et le reçoivent se disposant par le baptême de la pénitence et par la rémission des péchés (Marc 1: 4), et connaissent qu'Il vient pardonner les leurs (Jean 1: 29) et ceux de tout le monde; puisqu'à tout cela le murent les entrailles de Sa Miséricorde, pour laquelle et non pour nos mérites (Tit. 3: 5) Il daigna nous visiter, naissant et descendant d'en haut du sein de Son Père Éternel pour éclairer ceux qui ignorant la Vérité pendant tant de longs siècles, ont été et sont comme assis dans les ténèbres et l'ombre de la mort éternelle, et diriger leurs pas et les nôtres dans le chemin de la véritable paix que nous attendons.
3, 23, 297. Zacharie comprit tous ces mystères avec une plus grande plénitude et une plus grande profondeur par révélation Divine, et il les renferma dans sa prophétie. Et quelques-uns de ceux qui étaient présents et qui l'entendirent furent aussi illustrés par les rayons de la Lumière du Très-Haut pour connaître que le temps du Messie et de l'accomplissement des prophéties anciennes était déjà arrivé. Et dans la connaissance et la vue de tant de merveilles et de prodiges nouveaux, ils disaient dans l'admiration: «Que sera cet enfant (Luc 1: 66) envers qui la main du Très-Haut se montre si admirable et si Puissante?» L'enfant fut circoncis et ils lui imposèrent le nom de Jean en quoi son père et sa mère concoururent miraculeusement; et ils se conformèrent en tout aux prescriptions de la Loi: et ces merveilles se divulguèrent dans les montagnes de la Judée.
3, 23, 298. Reine et Maîtresse de toutes les créatures, je suis dans l'admiration des Oeuvres merveilleuses que le bras Tout-Puissant du Très-Haut opéra par Votre intervention dans Vos serviteurs, Jean, Élisabeth et Zacharie; je considère les manières différentes que tinrent en elles la Providence divine et Votre rare discrétion. Parce que Votre très douce parole servit d'instrument afin que le fils et la mère fussent sanctifiées avec plénitude de l'Esprit-Saint: et cette oeuvre fut caché et secrète; mais pour faire parler Zacharie et en même temps l'illustrer, il n'y eut que Votre prière et Votre commandement caché qui intervinrent; et ce bienfait fut manifeste aux assistants qui connurent la grâce du Seigneur dans le saint prêtre. J'ignore la raison de ces prodiges, et je présente toutes mes ignorances à Votre bonté, afin que vous me gouverniez comme Maîtresse.
RÉPONSE ET DOCTRINE DE LA REINE ET MAÎTRESSE DU MONDE.
3, 23, 299. Ma fille, les effets Divins que mon Très Saint Fils opéra par moi en saint Jean et en sa mère Élisabeth furent cachés et non ceux de Zacharie, pour deux raisons. L'une afin qu'Élisabeth ma servante s'exclamât et parlât clairement à la louange du Verbe Incarné dans mes entrailles et à la mienne, et il convenait alors que ni le Mystère ni ma dignité ne fussent manifestés plus clairement; parce que la venue du Messie devait être annoncée par des moyens plus convenables.
L'autre raison fut parce que tous les coeurs n'étaient pas disposés comme celui d'Élisabeth pour recevoir une semence si précieuse et si nouvelle et ils n'eussent point perçu des sacrements si sublimes avec la due vénération. Et outre cela, le prêtre Zacharie était plus propre pour manifester alors ce qui convenait à cause de sa dignité, et on pouvait recevoir de lui le principe de la Lumière avec plus d'acceptation que de sainte Élisabeth en présence de son mari, et ce qu'elle dit fut réservé pour son temps. Et quoique les paroles du Seigneur portent la force avec elles-mêmes; néanmoins ce moyen du prêtre était plus doux et plus accommodé pour les ignorants et ceux qui étaient peu exercés dans les Mystères divins.
3, 23, 300. Il convenait aussi d'accréditer et d'honorer la dignité du prêtre de qui le Très-Haut fait tant d'estime que s'Il trouve en eux la due disposition, Il les exalte toujours et Il leur communique Son Esprit, afin que le monde les ait en vénération comme Ses élus et Ses oints (Ps. 104: 15) et en eux les merveilles du Seigneur ont moins de péril lors-même qu'elles sont très manifestes. Et s'ils correspondaient à leur dignité, ils auraient des oeuvres de Séraphins et des visages d'Anges parmi les autres créatures. Leur visage devrait resplendir comme celui de Moïse (Ex. 34: 29) quand il sortit de la présence et de l'entretien du Seigneur. Et du moins ils doivent communiquer avec les autres hommes de manière à se faire respecter et vénérer après Dieu même. Et je veux que tu saches, ma très chère, que le Très-Haut est aujourd'hui très indigné contre le monde, entre autres offenses, pour celles qu'Il reçoit en cela, tant des prêtres que des laïques. Contre les prêtres: parce qu'oublieux de leur dignité très sublime, ils l'outragent en se rendant vils, méprisables et familiers, et plusieurs même scandaleux, donnant des mauvais exemples au monde, occasionnés par le mépris de leur sanctification. Et contre les laïcs parce qu'ils sont téméraires et audacieux contre les oints du seigneur qu'ils doivent honorer et révérer quoiqu'ils soient imparfaits et que leur conversation ne soit pas louable, parce qu'ils tiennent la place de Jésus-Christ Mon Très Saint Fils sur la terre.
3, 23, 301. A cause de cette vénération du prêtre, je procédai aussi différemment qu'avec sainte Élisabeth. Parce que si le Très-Haut ordonna que je fusse le conduit ou l'instrument pour leur communiquer Son Divin Esprit; je saluai néanmoins Élisabeth de telle sorte que par la voix de ma salutation je montrai quelque supériorité pour commander au péché originel que son fils avait; et dès
lors il devait lui être pardonné par le moyen de mes paroles, laissant le fils et la mère remplis de l'Esprit-Saint. Et comme je n'avais pas contracté le péché originel, mais que j'en avais été libre et exempte, j'eus pouvoir et empire dans cette circonstance, commandant au péché, comme Maîtresse qui avait triomphé de lui (Gen. 3: 15) par la préservation du Très-Haut, et non comme esclave comme le sont tous les enfants d'Adam qui péchèrent en lui (Rom. 5: 12). Puis pour délivrer Jean de cette servitude et des chaînes du péché, le Seigneur voulut que je commandasse comme ne lui ayant jamais été assujettie. Je ne commandai pas à Zacharie avec cette manière de domination; mais je priai pour lui, gardant la révérence et les égards qui demandaient sa dignité et ma modestie. Et même je n'aurais pas fait le commandement à sa langue de se détacher, quoique ce commandement fut caché et mental si le Très-Haut ne me l'eût commandé, me donnant aussi à connaître que la personne du prêtre n'était pas bien disposée avec l'imperfection et le défaut du mutisme; parce qu'il doit être prompt et dispos avec toutes ses puissances pour le service et la louange du Seigneur. Et cela suffit maintenant pour répondre au doute que tu avais, parce que je te dirai davantage dans une autre occasion dans cette matière de respecter les prêtres.
3, 23, 302. La doctrine que je te donne maintenant est que tu tâches
d'être enseignée dans le chemin de la vertu et de la vie éternelle de toutes les personnes, supérieures ou inférieures, avec qui tu as à traiter. Tu imiteras en cela ce que je fis avec ma cousine Élisabeth, demandant à tous, avec la manière et la prudence que tu dois, d'être redressée et dirigée; car le Seigneur dispose parfois par cette humilité la bonne direction et le bon succès et Il envoie Sa Lumière divine et Il fera avec toi si tu agis avec une discrétion sincère et un vrai zèle pour la vertu. Tâche aussi de rejeter de toi ou de ne point recevoir aucune sorte ou aucune ombre de flatterie des créatures et les conversations où tu peux les entendre; parce que cette fascination (Sag. 4: 12) obscurcit la Lumière et pervertit les sens imprévoyant. Et le Seigneur est si jaloux des âmes qu'Il aime beaucoup, qu'Il se retire à l'instant si elles acceptent les louanges des hommes et si elles se complaisent dans leurs adulations; parce qu'avec cette légèreté elles se rendent indignes de Ses faveurs. Et il n'est pas possible que l'adulation du monde et les consolations du Très-Haut concourent ensemble dans une âme; car les consolations du Très-Haut sont véritables, saintes, pures, stables; elles humilient, purifient, pacifient et illustrent le coeur; au contraire les caresses et les flatteries des créatures sont vaines, inconstantes, fausses, impures et mensongères, comme
sorties de la bouche de ceux dont aucun ne laisse de mentir (Ps. 115: 11); et tout ce qui es mensonge est oeuvre de l'ennemi (Jean 8: 44).
3, 23, 303. Ton Époux, ma très chère fille, ne veut point que tes oreilles s'appliquent à écouter ni à accueillir des fables fausses et terrestres, ni que les adulations du monde les corrompent et les souillent; ainsi je veux que tu les aies fermées pour toutes ces tromperies empoisonnées, et qu'elles soient défendues par une forte garde, afin de ne point les percevoir. Et si ton Maître et ton Seigneur Se plaît à te parler au coeur et àte dire des paroles de Vie Éternelle, Il sera juste que pour entendre Sa voix caressante et être attentive à Son amour tu deviennes sourde, muette et insensible à tout ce qui est terrestre et que tout soit tourment et mort pour toi. Considère que tu Lui dois une grande délicatesse et que tout l'enfer conjuré, se servant de la douceur de ton naturel, veut le pervertir afin que tu l'aies doux envers les créatures et ingrat envers le Dieu éternel. Veille et sois soigneuse pour lui résister, demeurant forte (1 Pet. 5: 9) dans la foi de ton Seigneur et ton Époux bien-aimé.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
3, 23, [a]. Marie est la Médiatrice et la Trésorière des grâces et Dieu a coutume de n'en faire que par son moyen, comme dit saint Bernard.
3, 23, [b. La Vénérable met ici le mot "Rédemption" au lieu de "délivrance", parce que délivrer de l'esclavage même par sa seule parole sans payer de prix équivaut dans l'effet à la Rédemption proprement dite. C'est une doctrine commune des théologiens que Dieu pouvait sauver l'homme sans avoir besoin du Sang du Christ. Mais nous fûmes vendus, et nous fûmes rachetés par le Sang de Jésus-Christ. Cependant, le prix de notre Rédemption ne fut pas payé au diable,
mais à la Justice divine par laquelle nous étions détenus comme sujets à la peine et réellement soumis au joug du diable en châtiment de notre désobéissance pour avoir rejeté le joug de Dieu. Ainsi c'était la Justice divine qui nous tenait captifs et le diable était comme Son exécuteur et Son instrument contre nous, mais non proprement notre maître
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 24
La Très Sainte Marie part de la maison de Zacharie pour retourner à la sienne propre à Nazareth.
3, 24, 304. Pour le retour de la Très Sainte Marie à sa maison de Nazareth son très heureux époux vint, appelé par ordre de sainte Élisabeth. Et arrivant à la maison de Zacharie où on l'attendait, il fut reçu et respecté avec une dévotion et une révérence incomparables de la part d'Élisabeth et de Zacharie; car le saint prêtre connaissait que le Patriarche Joseph était dépositaire des Trésors et des sacrements du Ciel, quoiqu'ils ne fussent pas encore manifestés au saint époux de la Vierge. Celle-ci le reçut avec une humble et prudente joie, et s'agenouillant en sa présence Elle lui demanda la bénédiction, comme Elle avait coutume, le priant de la pardonner de ce qu'Elle avait manqué de le servir pendant ces trois mois qu'Elle avait assisté sainte Élisabeth sa cousine. Et quoiqu'Elle n'eut point de faute ni d'imperfection en cela, mais au contraire Elle avait accompli la Volonté Divine avec l'agrément et le bon plaisir du même Seigneur et l'assentiment de son époux; cependant par cette courtoisie et cette caressante humilité la Très Pure Dame voulut compenser à son époux ce qu'il lui avait manqué de consolation par son absence. Saint Joseph lui répondit qu'en la voyant il restait consolé de la peine de son absence et compensé pour la consolation que sa présence lui eût donnée. Et s'étant reposé quelque jours, ils déterminèrent celui de leur départ.
3, 24, 305. Ensuite la Très Sainte Marie prit congé du prêtre Zacharie qui étant déjà illustré par la science du Seigneur et connaissant la dignité de Sa Mère Vierge lui parla avec une révérence souveraine comme au Tabernacle vivant de la
Divinité et de l'Humanité du Verbe Éternel: «Madame,» lui dit-il, «louez et bénissez éternellement Votre Auteur qui daigna par Sa Miséricorde Infinie Vous choisir entre toutes les créatures pour Sa Mère, la Dépositaire unique de tous Ses grands biens et Ses sacrements; et souvenez-Vous de moi Votre serviteur pour demander à notre Dieu et Seigneur de m'envoyer en paix de cet exil à la sécurité du véritable bien que nous espérons; et que par Vous je mérite d'arriver à voir Sa divine Face qui est la gloire des saints. Et souvenez-Vous aussi, Madame, de ma famille et de ma maison, spécialement de mon fils Jean, et priez le Très-Haut pour Votre peuple.»
3, 24, 306. La grande Reine se mit à genoux devant le prêtre et lui demanda avec une profonde humilité de la bénir. Zacharie s'excusait de le faire et au contraire il la suppliait de lui donner Elle-même sa bénédiction. Mais personne ne pouvait vaincre en humilité Celle qui était Maîtresse et Mère de cette vertu et de toute la sainteté; et ainsi Elle obligea le prêtre à lui donner sa bénédiction et il la lui donna mû par la Lumière divine. Et prenant les paroles de l'Écriture Sainte, il lui dit: "La droite du Dieu véritable et Tout-Puissant T'assiste toujours et Te délivre de tout mal (Ps. 120: 7); que Tu aies la grâce de Sa protection efficace et qu'Il Te remplisse de la rosée du Ciel et de la graisse de la terre (Gen. 27: 28-29), et qu'Il Te donne une abondance de pain et de vin; que les peuples Te servent et que les tribus Te révèrent; parce que Tu es le Tabernacle de Dieu (Eccli. 24: 112), Tu seras la maîtresse de Tes frères et les enfants de Ta mère s'agenouilleront en Ta présence. Celui que Te magnifiera et Te bénira sera exalté et béni, et celui qui ne Te louera point sera maudit. Que toutes les nations connaissent Dieu en Toi et que le Nom du Dieu très haut de Jacob soit par Toi exalté (Judith 13: 31).»
3, 24, 307. En retour de cette bénédiction prophétique, la Très Sainte Marie baisa la main du prêtre Zacharie et Elle lui demanda de la pardonner en ce qu'Elle aurait pu l'avoir fatigué et du peu de service qu'Elle lui avait rendu dans sa maison. Le saint vieillard s'attendrit beaucoup dans ce départ et par les paroles de la plus pure et de la plus aimable des créatures, et il garda toujours dans son sein le secret [a] des mystères qui avaient été révélés en sa présence de la Très Sainte Marie. Une seule fois qu'il se trouva dans une assemblée ou congrégation de prêtres qui avaient coutume de se réunir dans le Temple, le félicitant de son fils et de ce que l'épreuve de son mutisme était finie avec sa naissance, mû par la force de son
esprit et répondant à ce dont il s'agissait, il dit: «Je crois avec une fermeté infaillible que le Très-Haut nous a visités en nous envoyant déjà au monde le Messie promis qui doit racheter Son peuple.» Mais il ne déclara pas ce qu'il savait du Mystère. Néanmoins en entendant ces paroles, le saint prêtre Siméon qui était présent conçut une grande affection de l'esprit et avec cette impulsion il dit: «Ne permettez point, seigneur Dieu d'Israël que Votre serviteur sorte de cette vallée de misères avant qu'il voie Votre salut, le Réparateur de Son peuple.» Et c'est à ces paroles que fit allusion ensuite ce qu'il dit dans le Temple, lorsqu'il reçut dans ses mains l'Enfant-Dieu présenté comme nous le dirons plus loin . Et depuis cette occasion s'enflamma davantage son affectueux désir de voir le Verbe Divin Incarné.
3, 24, 308. Laissant Joachim rempli de larmes et de tendresse, Marie notre Souveraine alla prendre congé de sa cousine sainte Élisabeth. Peu s'en fallut que celle-ci ne défaillit par la douleur, comme femme et comme parente de coeur plus tendre, et qui avait goûté pendant tant de jours de la douce conversation de la Mère de la Grâce et ayant reçu tant de grâces de la main du Seigneur par son intercession et s'absentant la cause de tant de biens reçus en sa présence ainsi que l'espérance d'en recevoir beaucoup d'autres. Le coeur de la sainte Matrone se brisait de voir partir la Reine du Ciel et de la terre qu'elle aimait plus que sa propre vie, et elle lui découvrait l'intime de son coeur avec peu de paroles, parce qu'elle ne pouvait en former, mais avec des soupirs et des larmes abondantes. La sérénissime Reine invincible et supérieure à tous les mouvements des passions naturelles, demeura avec une sévérité agréable, maîtresse d'elle-même, et parlant à sainte Élisabeth elle lui dit: «Mon ami et ma cousine, veuillez ne point tant vous affliger pour mon départ, puisque la charité du Très-Haut en qui je vous aime véritablement ne connaît point de division ni de distance de temps ni de lieu. Je vous regarde en Sa Majesté et je vous aurai présente en Lui, et vous aussi vous m'y trouverez toujours. Le temps où nous nous séparons corporellement est court puisque tous les jours de la vie humaine sont si courts (Job 14: 5), et obtenant par la grâce Divine la victoire sur nos ennemis, bientôt nous nous reverrons et nous jouirons de Lui éternellement dans la Jérusalem céleste, où il n'y a ni pleur, ni douleur (Apoc. 21: 4), ni séparation. En attendant, ma très chère, nous trouverons tout bien dans le Seigneur et aussi vous m'aurez et me verrez en Lui: qu'Il demeure dans votre coeur et qu'Il vous console.» Notre Très Prudente Reine ne prolongea pas l'entretien davantage pour faire cesser les pleurs d'Élisabeth; et s'étant mise à
genoux, Elle lui demanda la bénédiction et le pardon de ce qu'Elle pouvait l'avoir molestée par sa compagnie. Elle fit des instances jusqu'à ce qu'Élisabeth la lui donnât; et celle-ci fit la même chose, afin que la divine Reine lui rendît le retour par une autre bénédiction, et pour ne point refuser la Très Sainte Marie la lui donna.
3, 24, 309. La Reine arriva aussi à voir l'enfant Jean et le recevant dans ses bras Elle lui donna plusieurs bénédictions efficaces et mystérieuse. Le miraculeux enfant parla à la Vierge par dispense Divine [c] quoique d'une voix basse et enfantine: «Vous êtes Mère de Dieu même,» lui dit-il, «et Reine de toutes les créatures: Dépositaire du Trésor inestimable du Ciel, Refuge et protection de moi Votre serviteur, donnez-moi Votre bénédiction et que Votre intercession et Votre grâce ne me manquent point. L'enfant baisa trois fois la main de la Reine et il adora le Verbe fait chair dans son sein virginal; il lui demanda Sa bénédiction et Sa grâce et il s'offrit à Son service avec une révérence souveraine. L'Enfant-Dieu Se montra agréable et bienveillant à Son Précurseur: et la Très Heureuse Mère la Très Sainte Marie connaissait et regardait tout cela. Et Elle agissait et opérait en tout avec une plénitude de Science divine, donnant à chacun de ces grands mystères la vénération et l'estime qu'il demandait; parce qu'Elle traitait magnifiquement la Sagesse ( 2 Mach. 2: 9) de Dieu et Ses Oeuvres.
3, 24, 310. Toute la maison de Zacharie demeura sanctifiée par la présence de la Très Sainte Marie et du Verbe fait chair dans ses entrailles, édifiée par son exemple, enseignée par sa conversation et sa Doctrine, affectionnée à sa modestie et à son très doux entretien. Et emportant les coeurs de toute cette heureuse famille, Elle les laissa tous remplis de Dons célestes qu'Elle leur mérita et leur obtint de son Très Saint Fils. Son saint époux Joseph demeura en grande vénération auprès de Zacharie, d'Élisabeth et de Jean qui connurent sa dignité avant qu'elle lui fût manifestée à lui-même. Et le fortuné Patriarche prenant congé de tous, partit pour Nazareth joyeux avec son Trésor non pourtant tout à fait connu de lui; et je dirai dans le chapitre suivant ce qui arriva dans le voyage. Mais avant de le commencer la Très Sainte Marie demanda à genoux la bénédiction à son époux, comme Elle le faisait en de telles circonstances et la lui ayant donnée, ils commencèrent le voyage.
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
3, 24, 311. Ma fille, l'âme heureuse que Dieu choisit pour Son entretien intime et pour une perfection élevée doit toujours avoir le coeur préparé et non troublé, pour tout ce que Sa Majesté voudra faire et disposer à son égard sans résistance et de son côté elle doit exécuter tout avec promptitude. Je fis ainsi lorsque le Seigneur me commanda de sortir de ma maison et de quitter mon aimable retraite pour venir en celle d'Élisabeth ma servante; et la même chose lorsqu'Il m'ordonna de la laisser. J'exécutai le tout avec une prompte allégresse, et quoique je reçusse tant de bienfaits d'Élisabeth et de sa famille avec l'amour et la bienveillance que tu as connus; cependant connaissant la Volonté du Seigneur, quoique je me trouvasse obligée, je mis de côté toute affection propre, sans admettre plus de charité et de compassion que ce qui était compatible avec la promptitude de l'obéissance que je devais au commandement Divin.
3, 24, 312. Ma très chère fille, combien tu procurerais cette véritable et parfaite résignation si tu en connaissais tout à fait la valeur et combien elle est agréable aux yeux du Seigneur et utile et profitable pour l'âme! Travaille donc pour l'obtenir par mon imitation à laquelle je t'ai conviée et excitée si souvent. Le plus grand empêchement pour arriver à ce degré de perfection est d'admettre des affections ou des inclinations particulières pour les choses terrestres: parce que celles-ci rendent l'âme indigne que le Seigneur la choisisse pour Ses délices et qu'Il lui manifeste Sa Volonté. Et si les âmes la connaissent, l'amour vil qu'elles mettent en d'autres choses les retient; et avec une telle affection, elles ne sont point capables de la promptitude et de l'allégresse avec lesquelles elles doivent obéir au goût de leur Seigneur. Reconnais ce danger, ma fille, et n'accepte dans ton coeur aucune affection particulière: parce que je te désire très parfaite et très savante dans cet art de l'amour Divin, et que ton obéissance soit angélique et ton amour séraphique. Je veux que tu sois telle en toutes tes actions, puisque mon amour t'y oblige et que la Science et la Lumière que tu reçois te l'enseignent.
3, 24, 313. Je ne veux point te dire d'être insensible, car cela n'est pas possible à la créature naturellement; mais lorsqu'il t'arrivera quelque contrariété ou qu'il te
manquera ce qui te semble utile, nécessaire ou désirable, alors je veux que tu t'abandonnes tout entière au Seigneur avec une égalité joyeuse et que tu fasses un sacrifice de louange; parce que Sa sainte Volonté se fait en ce qui te concerne. Et en t'appliquant seulement au bon plaisir de Sa divine Disposition, car tout le reste est momentané, tu te trouveras prompte et facile dans la victoire sur toi-même et tu profiteras de toutes les occasions de t'humilier sous le pouvoir de la main (1 Pet. 5: 6) du Seigneur. Je t'avertis aussi de m'imiter dans le respect et la vénération pour les prêtres et de leur demander toujours la bénédiction pour leur parler et prendre congé d'eux; et tu feras la même chose à l'égard du Très-Haut pour commencer quelque oeuvre que ce soit. Montre-toi toujours résignée et soumise envers les supérieurs. Quant aux femmes qui viendront te demander conseil, avertis-les si elles sont mariées d'être obéissantes à leurs maris (Tit. 2: 4-5), soumises et pacifiques dans leurs maisons et leurs familles, y vivant recueillies et soigneuses pour s'acquitter de leurs obligations. Mais qu'elles ne s'absorbent point dans leurs soucis et qu'elles ne s'y livrent pas totalement sous prétexte de nécessité, puisque cette nécessité doit être secourue plus par la bonté et la libéralité du Très-Haut que par leurs négociations démesurées. Dans les événements qui me concernèrent dans mon état, tu trouveras pour cela la Doctrine et l'Exemplaire véritables; et toute ma Vie le sera, afin que les âmes composent la perfection qu'elles doivent dans tous leurs états: c'est pourquoi je ne te donne point d'avis pour chacun.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
3, 24, [a]. Si Dieu voulut que la Très Sainte Marie maintint le secret de l'Incarnation avec son propre époux, comme on le relève du fait même du silence qu'Elle garda avec lui, il voulut de même que sainte Élisabeth et Zacharie fissent la même chose.
3, 24, [b. Livre 4, No. 599.
3, 24, [c]. Nous savons par l'histoire que la même chose est arrivée à d'autres saints, donc on ne doit donc pas s'étonner que Dieu l'ait accordée dans une occasion si solennelle au plus grand des saints, qui devait avoir un ministère public et de qui il fut dit par Jésus-Christ même: «Il ne s'en est point élevé de plus grand.» Se montrer trop étroit à admettre au moins comme probables ces faits miraculeux en des personnages qui étaient eux-mêmes des miracles vivants et un composé de miracles, comme la Très Sainte Vierge et saint Jean-Baptiste, ce serait se montrer très dénués de critérium et infectés de cette plaie d'infidélité que les incrédules ont réussi en partie à entacher aussi plusieurs catholiques, les rendant très défiants en fait de miracles, les inclinant ainsi presque insensiblement au modernisme, sans prendre garde que la Sainte Écriture que l'on doit croire aussi est pleine de miracles encore plus étonnants. L'ânesse de Balaam ne parla-t-elle pas par la vertu Divine? Saint Philippe Béniti à l'âge de cinq mois seulement parla à sa mère pour l'avertir de faire l'aumône: Ste Julienne de Falconieri était encore vagissante quand elle prononça la première fois les Noms de Jésus et de Marie et ainsi de plusieurs autres.
La Très Sainte Marie part de la maison de Zacharie pour retourner à la sienne propre à Nazareth.
3, 24, 304. Pour le retour de la Très Sainte Marie à sa maison de Nazareth son très heureux époux vint, appelé par ordre de sainte Élisabeth. Et arrivant à la maison de Zacharie où on l'attendait, il fut reçu et respecté avec une dévotion et une révérence incomparables de la part d'Élisabeth et de Zacharie; car le saint prêtre connaissait que le Patriarche Joseph était dépositaire des Trésors et des sacrements du Ciel, quoiqu'ils ne fussent pas encore manifestés au saint époux de la Vierge. Celle-ci le reçut avec une humble et prudente joie, et s'agenouillant en sa présence Elle lui demanda la bénédiction, comme Elle avait coutume, le priant de la pardonner de ce qu'Elle avait manqué de le servir pendant ces trois mois qu'Elle avait assisté sainte Élisabeth sa cousine. Et quoiqu'Elle n'eut point de faute ni d'imperfection en cela, mais au contraire Elle avait accompli la Volonté Divine avec l'agrément et le bon plaisir du même Seigneur et l'assentiment de son époux; cependant par cette courtoisie et cette caressante humilité la Très Pure Dame voulut compenser à son époux ce qu'il lui avait manqué de consolation par son absence. Saint Joseph lui répondit qu'en la voyant il restait consolé de la peine de son absence et compensé pour la consolation que sa présence lui eût donnée. Et s'étant reposé quelque jours, ils déterminèrent celui de leur départ.
3, 24, 305. Ensuite la Très Sainte Marie prit congé du prêtre Zacharie qui étant déjà illustré par la science du Seigneur et connaissant la dignité de Sa Mère Vierge lui parla avec une révérence souveraine comme au Tabernacle vivant de la
Divinité et de l'Humanité du Verbe Éternel: «Madame,» lui dit-il, «louez et bénissez éternellement Votre Auteur qui daigna par Sa Miséricorde Infinie Vous choisir entre toutes les créatures pour Sa Mère, la Dépositaire unique de tous Ses grands biens et Ses sacrements; et souvenez-Vous de moi Votre serviteur pour demander à notre Dieu et Seigneur de m'envoyer en paix de cet exil à la sécurité du véritable bien que nous espérons; et que par Vous je mérite d'arriver à voir Sa divine Face qui est la gloire des saints. Et souvenez-Vous aussi, Madame, de ma famille et de ma maison, spécialement de mon fils Jean, et priez le Très-Haut pour Votre peuple.»
3, 24, 306. La grande Reine se mit à genoux devant le prêtre et lui demanda avec une profonde humilité de la bénir. Zacharie s'excusait de le faire et au contraire il la suppliait de lui donner Elle-même sa bénédiction. Mais personne ne pouvait vaincre en humilité Celle qui était Maîtresse et Mère de cette vertu et de toute la sainteté; et ainsi Elle obligea le prêtre à lui donner sa bénédiction et il la lui donna mû par la Lumière divine. Et prenant les paroles de l'Écriture Sainte, il lui dit: "La droite du Dieu véritable et Tout-Puissant T'assiste toujours et Te délivre de tout mal (Ps. 120: 7); que Tu aies la grâce de Sa protection efficace et qu'Il Te remplisse de la rosée du Ciel et de la graisse de la terre (Gen. 27: 28-29), et qu'Il Te donne une abondance de pain et de vin; que les peuples Te servent et que les tribus Te révèrent; parce que Tu es le Tabernacle de Dieu (Eccli. 24: 112), Tu seras la maîtresse de Tes frères et les enfants de Ta mère s'agenouilleront en Ta présence. Celui que Te magnifiera et Te bénira sera exalté et béni, et celui qui ne Te louera point sera maudit. Que toutes les nations connaissent Dieu en Toi et que le Nom du Dieu très haut de Jacob soit par Toi exalté (Judith 13: 31).»
3, 24, 307. En retour de cette bénédiction prophétique, la Très Sainte Marie baisa la main du prêtre Zacharie et Elle lui demanda de la pardonner en ce qu'Elle aurait pu l'avoir fatigué et du peu de service qu'Elle lui avait rendu dans sa maison. Le saint vieillard s'attendrit beaucoup dans ce départ et par les paroles de la plus pure et de la plus aimable des créatures, et il garda toujours dans son sein le secret [a] des mystères qui avaient été révélés en sa présence de la Très Sainte Marie. Une seule fois qu'il se trouva dans une assemblée ou congrégation de prêtres qui avaient coutume de se réunir dans le Temple, le félicitant de son fils et de ce que l'épreuve de son mutisme était finie avec sa naissance, mû par la force de son
esprit et répondant à ce dont il s'agissait, il dit: «Je crois avec une fermeté infaillible que le Très-Haut nous a visités en nous envoyant déjà au monde le Messie promis qui doit racheter Son peuple.» Mais il ne déclara pas ce qu'il savait du Mystère. Néanmoins en entendant ces paroles, le saint prêtre Siméon qui était présent conçut une grande affection de l'esprit et avec cette impulsion il dit: «Ne permettez point, seigneur Dieu d'Israël que Votre serviteur sorte de cette vallée de misères avant qu'il voie Votre salut, le Réparateur de Son peuple.» Et c'est à ces paroles que fit allusion ensuite ce qu'il dit dans le Temple, lorsqu'il reçut dans ses mains l'Enfant-Dieu présenté comme nous le dirons plus loin . Et depuis cette occasion s'enflamma davantage son affectueux désir de voir le Verbe Divin Incarné.
3, 24, 308. Laissant Joachim rempli de larmes et de tendresse, Marie notre Souveraine alla prendre congé de sa cousine sainte Élisabeth. Peu s'en fallut que celle-ci ne défaillit par la douleur, comme femme et comme parente de coeur plus tendre, et qui avait goûté pendant tant de jours de la douce conversation de la Mère de la Grâce et ayant reçu tant de grâces de la main du Seigneur par son intercession et s'absentant la cause de tant de biens reçus en sa présence ainsi que l'espérance d'en recevoir beaucoup d'autres. Le coeur de la sainte Matrone se brisait de voir partir la Reine du Ciel et de la terre qu'elle aimait plus que sa propre vie, et elle lui découvrait l'intime de son coeur avec peu de paroles, parce qu'elle ne pouvait en former, mais avec des soupirs et des larmes abondantes. La sérénissime Reine invincible et supérieure à tous les mouvements des passions naturelles, demeura avec une sévérité agréable, maîtresse d'elle-même, et parlant à sainte Élisabeth elle lui dit: «Mon ami et ma cousine, veuillez ne point tant vous affliger pour mon départ, puisque la charité du Très-Haut en qui je vous aime véritablement ne connaît point de division ni de distance de temps ni de lieu. Je vous regarde en Sa Majesté et je vous aurai présente en Lui, et vous aussi vous m'y trouverez toujours. Le temps où nous nous séparons corporellement est court puisque tous les jours de la vie humaine sont si courts (Job 14: 5), et obtenant par la grâce Divine la victoire sur nos ennemis, bientôt nous nous reverrons et nous jouirons de Lui éternellement dans la Jérusalem céleste, où il n'y a ni pleur, ni douleur (Apoc. 21: 4), ni séparation. En attendant, ma très chère, nous trouverons tout bien dans le Seigneur et aussi vous m'aurez et me verrez en Lui: qu'Il demeure dans votre coeur et qu'Il vous console.» Notre Très Prudente Reine ne prolongea pas l'entretien davantage pour faire cesser les pleurs d'Élisabeth; et s'étant mise à
genoux, Elle lui demanda la bénédiction et le pardon de ce qu'Elle pouvait l'avoir molestée par sa compagnie. Elle fit des instances jusqu'à ce qu'Élisabeth la lui donnât; et celle-ci fit la même chose, afin que la divine Reine lui rendît le retour par une autre bénédiction, et pour ne point refuser la Très Sainte Marie la lui donna.
3, 24, 309. La Reine arriva aussi à voir l'enfant Jean et le recevant dans ses bras Elle lui donna plusieurs bénédictions efficaces et mystérieuse. Le miraculeux enfant parla à la Vierge par dispense Divine [c] quoique d'une voix basse et enfantine: «Vous êtes Mère de Dieu même,» lui dit-il, «et Reine de toutes les créatures: Dépositaire du Trésor inestimable du Ciel, Refuge et protection de moi Votre serviteur, donnez-moi Votre bénédiction et que Votre intercession et Votre grâce ne me manquent point. L'enfant baisa trois fois la main de la Reine et il adora le Verbe fait chair dans son sein virginal; il lui demanda Sa bénédiction et Sa grâce et il s'offrit à Son service avec une révérence souveraine. L'Enfant-Dieu Se montra agréable et bienveillant à Son Précurseur: et la Très Heureuse Mère la Très Sainte Marie connaissait et regardait tout cela. Et Elle agissait et opérait en tout avec une plénitude de Science divine, donnant à chacun de ces grands mystères la vénération et l'estime qu'il demandait; parce qu'Elle traitait magnifiquement la Sagesse ( 2 Mach. 2: 9) de Dieu et Ses Oeuvres.
3, 24, 310. Toute la maison de Zacharie demeura sanctifiée par la présence de la Très Sainte Marie et du Verbe fait chair dans ses entrailles, édifiée par son exemple, enseignée par sa conversation et sa Doctrine, affectionnée à sa modestie et à son très doux entretien. Et emportant les coeurs de toute cette heureuse famille, Elle les laissa tous remplis de Dons célestes qu'Elle leur mérita et leur obtint de son Très Saint Fils. Son saint époux Joseph demeura en grande vénération auprès de Zacharie, d'Élisabeth et de Jean qui connurent sa dignité avant qu'elle lui fût manifestée à lui-même. Et le fortuné Patriarche prenant congé de tous, partit pour Nazareth joyeux avec son Trésor non pourtant tout à fait connu de lui; et je dirai dans le chapitre suivant ce qui arriva dans le voyage. Mais avant de le commencer la Très Sainte Marie demanda à genoux la bénédiction à son époux, comme Elle le faisait en de telles circonstances et la lui ayant donnée, ils commencèrent le voyage.
DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE REINE MARIE.
3, 24, 311. Ma fille, l'âme heureuse que Dieu choisit pour Son entretien intime et pour une perfection élevée doit toujours avoir le coeur préparé et non troublé, pour tout ce que Sa Majesté voudra faire et disposer à son égard sans résistance et de son côté elle doit exécuter tout avec promptitude. Je fis ainsi lorsque le Seigneur me commanda de sortir de ma maison et de quitter mon aimable retraite pour venir en celle d'Élisabeth ma servante; et la même chose lorsqu'Il m'ordonna de la laisser. J'exécutai le tout avec une prompte allégresse, et quoique je reçusse tant de bienfaits d'Élisabeth et de sa famille avec l'amour et la bienveillance que tu as connus; cependant connaissant la Volonté du Seigneur, quoique je me trouvasse obligée, je mis de côté toute affection propre, sans admettre plus de charité et de compassion que ce qui était compatible avec la promptitude de l'obéissance que je devais au commandement Divin.
3, 24, 312. Ma très chère fille, combien tu procurerais cette véritable et parfaite résignation si tu en connaissais tout à fait la valeur et combien elle est agréable aux yeux du Seigneur et utile et profitable pour l'âme! Travaille donc pour l'obtenir par mon imitation à laquelle je t'ai conviée et excitée si souvent. Le plus grand empêchement pour arriver à ce degré de perfection est d'admettre des affections ou des inclinations particulières pour les choses terrestres: parce que celles-ci rendent l'âme indigne que le Seigneur la choisisse pour Ses délices et qu'Il lui manifeste Sa Volonté. Et si les âmes la connaissent, l'amour vil qu'elles mettent en d'autres choses les retient; et avec une telle affection, elles ne sont point capables de la promptitude et de l'allégresse avec lesquelles elles doivent obéir au goût de leur Seigneur. Reconnais ce danger, ma fille, et n'accepte dans ton coeur aucune affection particulière: parce que je te désire très parfaite et très savante dans cet art de l'amour Divin, et que ton obéissance soit angélique et ton amour séraphique. Je veux que tu sois telle en toutes tes actions, puisque mon amour t'y oblige et que la Science et la Lumière que tu reçois te l'enseignent.
3, 24, 313. Je ne veux point te dire d'être insensible, car cela n'est pas possible à la créature naturellement; mais lorsqu'il t'arrivera quelque contrariété ou qu'il te
manquera ce qui te semble utile, nécessaire ou désirable, alors je veux que tu t'abandonnes tout entière au Seigneur avec une égalité joyeuse et que tu fasses un sacrifice de louange; parce que Sa sainte Volonté se fait en ce qui te concerne. Et en t'appliquant seulement au bon plaisir de Sa divine Disposition, car tout le reste est momentané, tu te trouveras prompte et facile dans la victoire sur toi-même et tu profiteras de toutes les occasions de t'humilier sous le pouvoir de la main (1 Pet. 5: 6) du Seigneur. Je t'avertis aussi de m'imiter dans le respect et la vénération pour les prêtres et de leur demander toujours la bénédiction pour leur parler et prendre congé d'eux; et tu feras la même chose à l'égard du Très-Haut pour commencer quelque oeuvre que ce soit. Montre-toi toujours résignée et soumise envers les supérieurs. Quant aux femmes qui viendront te demander conseil, avertis-les si elles sont mariées d'être obéissantes à leurs maris (Tit. 2: 4-5), soumises et pacifiques dans leurs maisons et leurs familles, y vivant recueillies et soigneuses pour s'acquitter de leurs obligations. Mais qu'elles ne s'absorbent point dans leurs soucis et qu'elles ne s'y livrent pas totalement sous prétexte de nécessité, puisque cette nécessité doit être secourue plus par la bonté et la libéralité du Très-Haut que par leurs négociations démesurées. Dans les événements qui me concernèrent dans mon état, tu trouveras pour cela la Doctrine et l'Exemplaire véritables; et toute ma Vie le sera, afin que les âmes composent la perfection qu'elles doivent dans tous leurs états: c'est pourquoi je ne te donne point d'avis pour chacun.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
3, 24, [a]. Si Dieu voulut que la Très Sainte Marie maintint le secret de l'Incarnation avec son propre époux, comme on le relève du fait même du silence qu'Elle garda avec lui, il voulut de même que sainte Élisabeth et Zacharie fissent la même chose.
3, 24, [b. Livre 4, No. 599.
3, 24, [c]. Nous savons par l'histoire que la même chose est arrivée à d'autres saints, donc on ne doit donc pas s'étonner que Dieu l'ait accordée dans une occasion si solennelle au plus grand des saints, qui devait avoir un ministère public et de qui il fut dit par Jésus-Christ même: «Il ne s'en est point élevé de plus grand.» Se montrer trop étroit à admettre au moins comme probables ces faits miraculeux en des personnages qui étaient eux-mêmes des miracles vivants et un composé de miracles, comme la Très Sainte Vierge et saint Jean-Baptiste, ce serait se montrer très dénués de critérium et infectés de cette plaie d'infidélité que les incrédules ont réussi en partie à entacher aussi plusieurs catholiques, les rendant très défiants en fait de miracles, les inclinant ainsi presque insensiblement au modernisme, sans prendre garde que la Sainte Écriture que l'on doit croire aussi est pleine de miracles encore plus étonnants. L'ânesse de Balaam ne parla-t-elle pas par la vertu Divine? Saint Philippe Béniti à l'âge de cinq mois seulement parla à sa mère pour l'avertir de faire l'aumône: Ste Julienne de Falconieri était encore vagissante quand elle prononça la première fois les Noms de Jésus et de Marie et ainsi de plusieurs autres.
sga- MEDIATEUR
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