Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 24
Les Pèlerins Jésus, Marie et Joseph arrivent avec quelques détours jusqu'à la ville d'Héliopolis et il s'y passe de grandes merveilles.
4, 24, 641. J'ai déjà touché que la fuite du Verbe fait homme eut d'autres mystères et des fins plus hautes que de Se retirer d'Hérode et de Se défendre de sa colère; par ce que ce fut au contraire le moyen que le Seigneur prit pour aller en Égypte et y opérer les merveilles qu'il fit, dont les anciens Prophètes parlèrent (Éz. 30: 13; Os. 11: 1) et très expressément Isaïe (Is. 19: 1) quand il dit: que le Seigneur monterait sur une nuée légère et qu'Il entrerait en Égypte, et que les simulacres [a] de l'Égypte seraient émus devant Sa face et que le coeur des Égyptiens se troublerait au milieu d'eux; et d'autres choses que contient cette prophétie et qui arrivèrent dans le temps de la Naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais laissant ce qui n'appartient point à mon sujet, je dis que Jésus, Marie et Joseph poursuivant leurs pérégrinations dans la forme que nous avons déclarée, arrivèrent après plusieurs jours de marche à la terre et aux endroits peuplés de l'Égypte. Et pour arriver à S'établir à Héliopolis, Ils furent guidés par les Anges pour faire quelque détour, le Seigneur l'ordonnant ainsi, afin qu'Ils entrassent d'abord en plusieurs autres lieux où Sa Majesté voulait opérer certaines merveilles et certains bienfaits dont Il devait enrichir l'Égypte. Et ainsi Ils passèrent plus de cinquante jours, et Ils marchèrent plus de deux cents lieues; quoiqu'il n'eût pas été nécessaire de tant marcher pour arriver là où ils prirent siège et domicile [b.
4, 24, 642. Les Égyptiens étaient très adonnés à l'idolâtrie et aux superstitions qui l'accompagnent d'ordinaire et il y avait jusqu'aux petits endroits de cette
province qui étaient pleins d'idoles. En plusieurs il y avait des temples et dans ces temples différents démons [c] auxquels les malheureux habitants accouraient pour les adorer par des sacrifices et des cérémonies ordonnées par les mêmes démons qui donnaient des réponses et des oracles à leurs demandes, par lesquels les gens insensés et superstitieux se laissaient conduire aveuglément. Avec ces erreurs ils vivaient dans une si grande démence et si attachés à l'adoration des démons qu'il fallait le bras fort (Luc 1: 51) du Seigneur qui est le Verbe fait chair pour racheter ce peuple abandonné et le tirer de l'oppression dans laquelle Lucifer le tenait, oppression plus dure et plus dangereuse que celle en laquelle ils mirent (Ex. 1: 11) le peuple de Dieu. Pour obtenir cette victoire sur le démon et pour éclairer ceux qui vivaient dans la région et l'ombre de la mort (Luc 1: 79), et afin que ce peuple vît la grande Lumière que dit Isaïe, le Très-Haut détermina que le Soleil de justice (Mal. 4: 2) Jésus-Christ, peu de jours après Sa Naissance apparût en Égypte dans les bras de Sa Très Heureuse Mère et qu'Il allât faisant des détours et des circuits dans cette terre pour l'éclairer tout entière par la vertu de Sa Lumière divine.
4, 24, 643. L'Enfant-Jésus arriva donc avec Sa Mère et saint Joseph à la terre habitée de l'Égypte. Et en entrant dans les différents endroits, l'Enfant-Dieu dans les bras de Sa Mère, levant les yeux au Ciel et les mains jointes, priait le Père et demandait le salut de ces habitants esclaves du démon. Et aussitôt Il usait de la Puissance divine et royale sur ceux qui étaient là dans les idoles, et Il les lançait et les précipitait dans l'abîme et ces démons sortaient comme des éclairs chassés des nues, et ils descendaient jusqu'au fond le plus éloigné des cavernes infernales (Luc 10: 18) et ténébreuses. En même temps les idoles tombaient avec un grand fracas, les temples s'écroulaient et les autels de l'idolâtrie étaient ruinés. La cause de ces effets prodigieux était notoire à la divine Souveraine qui accompagnait son Très Saint Fils dans Ses prières, comme coopératrice en tout du salut des hommes. Saint Joseph aussi connaissait que toutes ces Oeuvres étaient opérées par le Verbe Incarné et il Le bénissait et Le louait pour ces merveilles avec une sainte admiration. Mais quoique les démons sentissent la force de la Puissance de Dieu, ils ne connaissaient point d'où venait cette vertu.
4, 24, 644. Les peuples de l'Égypte furent étonnés d'une nouveauté si imprévue; quoique parmi les plus savants il y eût une certaine lumière ou tradition reçue des anciens dès le temps que Jérémie [d] fut en Égypte, de ce qu'un roi des
Juifs viendrait dans ce royaume et que les temples des idoles de l'Égypte seraient détruits. Mais ceux du peuple n'avaient point de connaissance de cette venue, ni non plus les savants de la manière dont cela devait arriver, et ainsi grande fut la crainte et la confusion de tous, parce qu'ils se troublèrent et ils craignirent, conformément à la prophétie d'Isaïe. A cause de cette nouveauté, s'interrogeant les uns les autres, quelques-uns s'approchèrent de notre grande Reine et Souveraine, et de saint Joseph, et avec la curiosité de voir les étrangers ils raisonnaient avec eux de la ruine de leurs temples et des dieux qu'ils adoraient. Et la Mère de la Sagesse prenant motif de ces demandes, commença à détromper ces peuples, leur donnant connaissance du vrai Dieu et leur enseignant qu'Il était L'unique Dieu et Créateur du Ciel et de la terre (Eccli. 1: et Celui qui seul devait être adoré et reconnu pour Dieu (Deut. 6: 13); et que les autres étaient faux et menteurs (Bar. 6: 44) et qu'ils ne se distinguaient pas du bois, de la fange ou des métaux dont ils étaient formés, qu'ils n'avaient point de yeux ni d'oreilles, ni aucun pouvoir (Ps. 113: 4); et que les artistes mêmes pouvaient les défaire et les détruire comme ils les avait faits, et aussi tout autre homme, parce que tous étaient plus nobles et plus puissants; et que les réponses qu'ils donnaient venaient des démons trompeurs et menteurs qui étaient en eux, et qu'ils n'avaient aucune vertu véritable, parce que Dieu seul est véritable.
4, 24, 645. Comme la divine Dame était si suave et si douce dans ses paroles, et celles-ci si vives et si efficaces; son air si paisible et si aimable et les effets de ses entretiens étaient si salutaires, la renommée des Étrangers et des Pèlerins s'étendait dans les endroits où ils arrivaient et il y avait un grand concours de gens qui venaient pour Les voir et Les entendre. Et comme l'oraison et la prière du Verbe Incarné opérait en même temps et qu'Il leur gagnait de grands secours, arrivant la nouveauté de la ruine des idoles, l'émotion des gens était incroyable, ainsi que le changement des coeurs, se convertissant à la connaissance du vrai Dieu et faisant pénitence de leurs péchés, sans savoir d'où ni comment leur venait ce bien. Jésus et Marie poursuivirent parmi plusieurs peuples de l'Égypte opérant ces merveilles et beaucoup d'autres, chassant les démons, non-seulement des idoles, mais aussi de plusieurs corps qu'ils avaient possédés, guérissant plusieurs malades de grandes et dangereuses maladies, illuminant les coeurs de différentes personnes, et la divine Dame et saint Joseph, catéchisant et enseignant le chemin de la vérité et de la Vie Éternelle. Par ces bienfaits temporels et d'autres qui
émeuvent tant le vulgaire ignorant et terrestre, un grand nombre était attiré à entendre l'enseignement et la Doctrine de la Vie et le Salut de leurs âmes.
4, 24, 646. Ils arrivèrent à la cité d'Hermopolis qui était vers la Thébaïde et quelques-uns l'appellent ville de Mercure. Il y avait beaucoup d'idoles et de démons très puissants et ils assistaient en particulier dans un arbre qui était à l'entrée de la ville; parce que comme les gens d'alentour l'avaient vénéré à cause de sa grandeur et de sa beauté, le démon prit occasion d'usurper cette adoration, plaçant son siège dans cet arbre. Mais quand le Verbe fait chair arriva à sa vue, le démon renversé dans l'abîme, non-seulement laissa ce siège, mais l'arbre s'inclina jusqu'au sol, comme reconnaissant de son sort; parce que même les créatures insensibles témoignent combien la domination de cet ennemi est tyrannique. Le miracle des arbres qui s'inclinent arriva d'autres fois dans le chemin où leur Créateur passait, quoiqu'il ne demeurât point de souvenir de toutes ces choses. Néanmoins cette merveille d'Hermopolis persévéra plusieurs siècles, car ensuite les feuilles et les fruits de cet arbre guérissaient de différentes infirmités. Quelques auteurs écrivirent au sujet de ce miracle [e], comme aussi d'autres qui arrivèrent dans les villes par où ils passaient, parlant de la venue et de l'habitation du Verbe Humanisé et de Sa Très Sainte Mère dans cette terre. Comme aussi d'une fontaine qui est près du Caire [f] où la divine Dame puisait de l'eau, et Elle en but ainsi que l'Enfant, et Elle y lava les mantilles, car tout cela fut vrai, et la tradition et la vénération de ces merveilles ont duré jusqu'à présent, non-seulement parmi les fidèles qui visitent les Lieux Saints, mais parmi les infidèles mêmes qui reçoivent parfois certains bienfaits temporels de la main du Seigneur, ou pour justifier davantage Sa cause envers eux, ou pour que ce souvenir se conserve. Semblable souvenir existe encore en d'autres endroits où Ils demeurèrent et opérèrent de grandes merveilles [g]. Mais il n'est pas nécessaire d'en faire relation ici parce que leur principal séjour pendant qu'Ils demeurèrent en Égypte fut dans la cité d'Héliopolis, qui s'appelle non sans mystère Cité du Soleil et maintenant on l'appelle le grand Caire.
4, 24, 647. En écrivant ces merveilles, je demandai avec admiration à la grande Reine du Ciel, comment Elle avait pérégriné avec l'Enfant-Dieu en tant de terres et de lieux non connus, me semblant que pour cette raison ils avaient augmenté beaucoup leurs travaux et leurs peines. Son Altesse me répondit: «Ne sois pas
étonnée de ce que pour gagner tant d'âmes mon Très Saint Fils et moi, nous ayons si longtemps pérégriné, puisque pour une seule nous eussions fait le tour du monde, s'il avait été nécessaire et s'il n'y avait pas eu d'autre remède.» Mais s'il nous semble qu'Ils firent beaucoup pour le salut des hommes, c'est parce que nous ignorons l'immense amour avec lequel Ils nous aimèrent et parce que nous ne savons pas non plus aimer en retour de cette dette.
4, 24, 648. Avec la nouveauté que l'enfer ressentit en y voyant descendre un si grand nombre de démons, précipités par une nouvelle vertu étrange pour eux, Lucifer s'altéra beaucoup. Et s'embrasant dans le feu de sa fureur, il sortit dans le monde, le parcourant en divers endroits pour découvrir la cause d'événements si nouveaux. Il passa par toute l'Égypte où les temples et les autels étaient tombés avec leurs idoles; et arrivant à Héliopolis qui était une plus grande ville et où la destruction de son empire avait été plus notable, il tâcha de savoir et d'examiner avec grande attention quelle sorte de gens il y avait. Il ne rencontra point d'autre nouveauté sinon que la Très Sainte Marie était venue en cette cité et cette terre; car il ne fit point de considération de l'Enfant-Jésus, Le jugeant un enfant comme les autres sans différence; parce qu'il ne Le connaissait pas. Mais comme il avait été vaincu tant de fois par les vertus et la sainteté de la Prudente Mère-Vierge, il entra en de nouveaux soupçons, parce qu'il lui semblait qu'une femme était peu pour de si grandes oeuvres: mais néanmoins il détermina de nouveau de la poursuivre et de se servir pour cela de ses ministres d'iniquité.
4, 24, 649. Il revint aussitôt en enfer et convoquant un conciliabule des princes des ténèbres, il leur rendit compte de la ruine des idoles et des temples d'Égypte; car lorsque les démons en sortirent, ils furent précipités par la Puissance divine avec tant de promptitude, de peine et de confusion qu'ils ne s'aperçurent point de ce qui arrivait aux idoles et aux lieux qu'ils quittaient. Mais Lucifer les informa de tout ce qui se passait et de ce que son empire se détruisait dans toute l'Égypte, et il leur dit qu'il ne comprenait point ni qu'il ne découvrait la cause de sa ruine; parce qu'il n'avait rencontré dans cette terre que la Femme son ennemie, c'était ainsi que le dragon appelait la Très Sainte Marie; et bien qu'il connût que sa vertu était très signalée, il ne présumait pas qu'Elle eût toute la force qu'il avait expérimentée en cette circonstance. Néanmoins qu'il déterminait de lui faire une nouvelle guerre et que tous eussent à s'y préparer. Les ministres de Lucifer répondirent qu'ils étaient
prêts à lui obéir; et le consolant dans sa fureur désespérée, ils lui promirent la victoire, comme si leurs forces eussent été égales à leur arrogance (Is. 16: 6).
4, 24, 650. Plusieurs légions sortirent de l'enfer ensemble et se dirigèrent vers l'Égypte où était la Reine des Cieux; leur semblant que s'ils la vainquaient, ils répareraient leurs pertes seulement avec ce triomphe et ils recouvreraient tout ce que la Puissance de Dieu leur avait ôté dans ce misérable royaume, car ils soupçonnaient que la Très Sainte Marie était l'Instrument de tout cela. Et prétendant s'approcher pour la tenter conformément à leurs intentions diaboliques, ce fut une chose merveilleuse qu'ils ne leur fut pas possible de s'en approcher à plus de deux mille pas de distance; parce que la vertu Divine les retenait d'une façon cachée et ils comprenaient que cette vertu sortait de vers la même Dame. Et quoique Lucifer et les autres ennemis s'efforçassent et s'excitassent, ils étaient débilités et retenus comme par de fortes chaînes qui les tourmentaient sans pouvoir s'étendre vers le lieu où était la Très Invincible Reine qui regardait tout cela avec la Puissance de Dieu même dans ses bras. Et Lucifer, persévérant dans cette lutte, fut tout à coup précipité une autre fois dans l'abîme avec tous ses escadrons d'iniquité. Cette oppression et cette ruine donna un grand tourment et un grand souci au dragon. Et comme la même chose s'était répétée plusieurs fois en ces jours, depuis l'Incarnation, comme je l'ai déjà dit [h], ceci lui donna à soupçonner que le Messie était venu au monde. Mais comme le Mystère lui était caché et qu'il l'attendait plus manifeste et plus bruyant il demeurait toujours confus et équivoqué, rempli de la fureur et de la rage qui le tourmentait et il s'affolait à chercher la cause de son malheur; et plus il la ruminait dans son esprit, plus il l'ignorait et moins il la connaissait.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 24, 651. Ma fille, la consolation des mes fidèles et amies de mon Très Saint Fils est grande et estimable au-dessus de tout bien lorsqu'elles considèrent qu'elles servent un Seigneur qui est Dieu de Dieu et Seigneur des seigneur, Celui qui a seul l'empire (1 Tim. 6: 16), la puissance et le domaine sur toutes les créatures, Celui qui règne et qui triomphe de Ses ennemis. Dans cette vérité l'entendement se
délecte, la mémoire se récrée, la volonté jouit, et toutes les puissances de l'âme dévote se livrent sans crainte à la suavité qu'elles éprouvent avec de si nobles opérations, regardant cet Objet de Bonté, de Sainteté et de Puissance Infinie qui n'a besoin de personne (2 Mach. 14: 35) et de la Volonté de qui dépend tout ce qui est créé (Apoc. 4: 11). Oh! que de biens ensemble les créatures perdent lorsqu'elles oublient leur félicité et qu'elles emploient toute leur vie et toutes leurs puissances à s'occuper des choses visibles, à aimer ce qui est momentané et à chercher les biens apparents et faux! Avec la science et la Lumière que tu as, je veux, ma fille que tu te rachètes de ce danger et que ton entendement et ta mémoire s'occupent toujours avec la vérité de l'Être de Dieu. Plonge-toi et submerge-toi dans cette mer interminable, répétant continuellement: «Qui est comme Dieu (Ps. 112: 5-6) notre Seigneur qui ne dépend de personne, qui humilie les superbes et qui renverse ceux que le monde aveugle appelle puissants; qui triomphe du démon et qui l'opprime jusqu'au profond de l'enfer.»
4, 24, 652. Et afin que tu puisses mieux dilater ton coeur dans ces Vérités, et acquérir avec elles une plus grande supériorité sur les ennemis du Très-Haut et les tiens, je veux que tu m'imites selon ton possible, te glorifiant dans les victoires et les triomphes de Son bras Tout-Puissant et tâchant d'avoir quelque part en ceux qu'Il veut toujours remporter sur ce cruel dragon. Il n'est pas possible qu'aucune langue de créature, quand ce serait celle des séraphins, déclare ce que mon âme éprouvait quand je regardais dans mes bras mon Très Saint Fils qui opérait tant de merveilles contre Ses ennemis, et dans le bienfait de ces âmes aveuglées et tyrannisées par leurs erreurs, et que l'exaltation du Nom du Très-Haut croissait et se dilatait par Son Fils Unique Incarné. Dans cette jubilation mon âme exaltait le Seigneur et je faisais avec mon Très Saint Fils de nouveaux cantiques de louanges, comme Sa Mère et l'Épouse de l'Esprit Divin. Tu es fille de la Sainte Église, épouse de mon Fils très béni, et favorisée de Sa grâce; Il est juste que tu sois diligente et zélé à Lui acquérir cette gloire et cette exaltation, travaillant contre Ses ennemis et combattant avec eux, afin que ton Époux aie ce triomphe.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 24, [a]. Prophétie vérifiée littéralement quand les Assyriens et les Chaldéens combattirent contre l'Église sous Sennachérib et Nabuchodonosor, mais vérifiée ensuite d'une manière plus sublime à l'arrivée de l'Enfant-Dieu en Égypte, fuyant devant Hérode. Ce fut alors que le Seigneur visita l'Égypte en personne, sur la nuée légère, c'est-à-dire dans son Humanité et sur les bras de Marie, comparée à une nuée légère par sa pureté et la plénitude de grâces qu'Elle fait pleuvoir sur la terre. A une telle vue les idoles des Égyptiens tombèrent, et les coeurs des Égyptiens se troublèrent, plusieurs se convertissant au culte du vrai Dieu. Dom Calmet écrit, [Isaïe, XIII, 1]: «Plusieurs anciens enseignèrent qu'à l'arrivée de Jésus-Christ en Égypte, les idoles furent miraculeusement renversées et fracassées contre terre en exécution de cette prophétie.» Tostado ajoute [Isaïe, IX, 60]: «Qu'il y avait en Égypte un temple dans la cité d'Héliopolis où il y avait autant d'idoles que de jours dans l'année et que ces idoles tombèrent à l'entrée du Sauveur en Égypte.» Silveira en donne la raison [L. 2, c. 7, q. 13, n. 53] disant: «Il fut très convenable qu'à l'entrée du Fils de Dieu fait chair toutes les idoles tombassent, puisqu'à l'entrée de l'Arche dans le temple de Dagon, cette idole tomba aussi.» Ruffin atteste la même chose, [L. 2, c. 7]: «En Thébaïde, dans les confins d'Hermopolis, nous avons vu un temple dans lequel tous les simulacres tombèrent par terre à l'entrée du Sauveur dans cette ville.» Voir Cornelius A Lapide, [in Isaïe, XIX, 1 et In Hierem., XLIV, 30].
4, 24, [b. Si Marie et Joseph avaient été à Héliopolis de Jérusalem directement par le chemin d'Égypte, il n'y aurait pais eu plus de 60 lieues ou heures. Mais comme Dieu voulut conduire Israël dans le déserts sous Moïse non par une voie direct, mais avec divers détours vers la terre promise, ainsi il voulut conduire en Égypte la Sainte Famille par diverses stations, selon Ses hautes fins. Un Ange guidait Israël et plusieurs Anges escortaient le vraie Israël, Fils de Dieu dans ce chemin et ce désert.
4, 24, [c]. Selon le témoignage des écrivains païens et des chrétiens, il y avait dans les idoles des démons qui donnaient des réponses. Il y a de cela des preuves irréfragables dans les écrits non seulement des Pères, mais aussi des ennemis du Christianism. Saint Jean Chrysostôme, raconte sur cela, [de S. Bab., Tom, 1, in Gent.], des faits dont il fut lui-même témoin et les témoignages de plusieurs de ses auditeurs auxquels il en appelle; mais il est confirmé en ceci par l'empereur Julien l'Apostat [Nisop.] et par les paiëns Libanius [Orat., 61], et Ammiamis Marcellinus dans son [Histoire, Lib., 22], et par d'autres encore. A l'arrivée des reliques de Saint Babile, l'oracle d'Apollon devint muet et ne put plus donner de réponse jusqu'à ce que l'impie Julien eût fait ôter ces reliques, afin que, écrit Libanius, le favori de Julien, Apollon, délivré de ce mort, put prononcer ses prédictions selon son talent. De même, on lit dans la vie de saint Grégoire le Thaumaturge, ce qui arriva de l'oracle devenu forcément muet par sa présence; et dans Eusèbe, [Praep. Evang. 1 v.], et en d'autres on lit plusieurs témoignages de ce fait.
Puis il est reconnu que l'Égypte était le siège des superstitions idolâtriques et des plus anciens oracles. Là on adorait comme divinités, des chiens, des chats, des crocodiles, le boeuf Apis, le bélier, les légumes des jardins, etc. De sorte que Juvenal raillait les Égyptiens, écrivant que pour eux les dieux naissaient jusque dans les jardins. Il est aussi reconnu que l'un des sièges principaux de tant de superstitions était la ville d'Héliopolis, ou cité du Soleil, ou l'on adorait spécialement le soleil avec une grande multitude d'autres dieux, comme écrit Strabon [Lib., 17]. De l'Égypte, tant de superstitions se propagèrent en Grèce et à Rome. Or par l'entrée du Fils de Dieu Enfant dans l'Égypte, le Très-Haut voulut commencer à guérir le mal dans sa source. Eusèbe atteste qu'à l'approche de la sainte Famille, les démons cachés depuis tant de siècles dans les idoles où ils se jouaient des Égyptiens par leurs réponses ambigües, sentirent l'approche d'une Puissance inconnue dont ils furent secoués et atterrés; c'est pourquoi ils prirent la fuite comme les ténèbres fuient à l'approche de la lumière. Selon saint Athanase et Origène qui vivaient sur les lieux où ces événements s'étaient accomplis et selon plusieurs autres docteurs, les idoles furent alors ébranlés et les oracles, réduits au silence. Evagre, ou l'auteur de la Vie des Pères, affirme avoir vu un temple où toutes les fausses divinités avaient été renversées par terre à l'arrivée du Fils de Dieu. Voir Pallade [in Lausiaca, 52, Ruffin, lib. 27], etc.
4, 24, [d]. Voir saint Dorothée, [In Synopsi de vita prophet in Jerem.]. Saint Epiphane écrit, [apud A. Lapide in Jerem., XLIV], que ce Prophète prophétisa en Égypte et donna aux prêtres d'Égypte un signe et il dit que toutes leurs idoles tomberaient quand viendrait en Égypte une Mère Vierge avec son Enfant. Isaïe prédit la même chose comme l'explique saint Jérôme et Procope, [ibide., saint Chrysostôme, in Matt., 2] etc. Enfin saint Epiphane, saint Dorothée et autres écrivirent que pour cette prophétie le Prophète Jérémie fut lapidé peu après à Tanis, et mourut ainsi martyr.
4, 24, [e]. S'agissant du voyage d'un Dieu, il aurait été étonnant s'il ne s'était point opéré de merveilles et si ses créatures ne lui eussent pas fait hommage. C'est pourquoi le fait d'un arbre qui s'incline devant lui n'est point surprenant puisqu'il y avait jusqu'aux montagnes qui auraient dû s'incliner devant leur Créateur, leur Roi et leur Seigneur. Jésus-Christ même a dit: «Si vous aviez la foi vous diriez à cet arbre: ôte-toi d'ici et transporte-toi dans la mer; et Je vous assure que cela arriverait.» Du reste le fait des arbres dont parle ici la Vénérable est confirmé par plusieurs graves théologiens et par une solide tradition. Il suffit de lire Nicéphore [l. 10, c. 31]; Sozomène [l. 5, c. 21]; Brocard [in descript. Terrae sanctae], et autres. Voici les paroles de Sozomène: «Il existe à Hermopolis, ville de la Thébaïde, un arbre appelé Persis, dont les feuilles, les fruits et l'écorce même opèrent sur les malades beaucoup de guérisons. Selon la tradition il arriva que comme Joseph, le Sauveur et Sa sainte Mère fuyant devant Hérode s'approchaient des portes de la ville d'Hermopolis, cet arbre quoique très haut se courba devant le Sauveur et L'adora ployant ses rameaux jusqu'à terre. Je rapporte ce que j'ai appris de plusieurs personnes. Ce prodige fut ordonné pour signifier que Celui qui apparaissait dans cette ville était le Fils de Dieu, ou bien comme il est encore plus vraisemblable que ce bel et grand arbre, objet du culte idolâtrique des païens était secoué à la vue de Celui qui venait renverser la puissance de l'enfer déjà frappé de terreur, ou bien aussi que toutes les autres idoles d'Égypte seraient émues à l'arrivée du Messie, selon l'oracle d'Isaïe. Délivré de l'hôte infernal, qui y habitait pour y être adoré, cet arbre demeura comme monument perpétuel et il délivrait ceux qui avaient la foi, des maladies dont ils souffraient.» A Matarieh, l'on voit encore un antique sycomore que les étrangers vont visiter.
Voici ce qu'en dit le Père Géramb qui l'a vu de ses yeux [Pèlerinages à Jérusalem, t. II, lett., 48]: «Ce sycomore est très cher aux chrétiens, parce que
selon la tradition, la Sainte Famille dans Sa fuite Se reposa sous son ombre. Cet arbre universellement vénéré en Orient se trouve au milieu d'un vaste jardin. Il offre des phénomènes de végétation extraordinaires. J'ai mesuré sa grosseur: il a plus de six brasses de circonférence. Grand nombre de personnes prennent plaisir à sculpter leur nom sur l'écorce de cet arbre majestueux, dont l'aspect produit des impressions d'autant plus vives qu'il rappelle à la piété chrétienne les faits les plus propres à l'émouvoir: la persécution d'un tyran contre l'Enfant-Dieu, les angoisses maternelles de Marie, les sollicitudes et les soins de Joseph.
4, 24, [f]. Baronius [Annal. an. 1. No. 47] et Brocard [Descript. Terrae Sanctae, p. 2, c. 4] écrivant ainsi de cette fontaine: «Entre Héliopolis et Babylone d'Égypte se trouve le Jardin appelé "du Baume". Ce jardin est baigné d'une source, petite mais abondante. On tient que la Sainte Vierge allant en Égypte, y lava plusieurs fois son Divin Fils et aussi les langes consacrés à l'usage du Sauveur Enfant. Près de cette fontaine est une pierre où Marie exposait les langes au soleil. Ces objets sont en vénération auprès des Chrétiens et même auprès des Sarrasins.» Le Père Géramb dit à ce sujet: «Nous vîmes la fontaine qui, selon la tradition est due à un miracle. Dieu la fit surgir de terre pour désaltérer l'Enfant-Jésus, Marie et Joseph dans ce pays brûlé par les ardeurs du soleil, où le plus grand tourment des voyageurs est la chaleur et la soif. L'eau de cette fontaine est douce et agréable: celle de toutes les autres est saumâtre et de mauvais goût. Il était très naturel que Dieu fît pour Son Fils ce qu'Il n'avait point dédaigné de faire à l'intercession de Moïse pour un peuple murmurateur et ingrat à la montagne d'Horeb. L'idée de la Sainte Famille qui, accablée de fatigue, se restaure à l'onde pure d'une fontaine qu'Elle doit à a Bonté de Celui qui la fit avertir miraculeusement par un Ange de fuir en Égypte, pénètre si profondément mon coeur que je ne saurais résister au mouvement qui me porte à y croire. Mon âme se sent attirée et élevée vers le Ciel à la considération d'un tel bienfait, et trouve meilleur d'écouter la voix d'une tradition qui ne fut jamais démentie par aucun récit contraire, que le vain raisonnement d'une incrédulité orgueilleuse et aride; mon âme, je le répète, se répand en actes d'admiration, de bénédictions et de remerciements.
4, 24, [g]. On peut dire avec Maldonat [in c. 2 Jean] et avec Suarez [in 3 p., q. 37, disp. 18, sect. 3], que le miracle de Cana ne fut pas absolument le premier, mais seulement le premier dirigé à la manifestation publique de la gloire et de la Divinité de Jésus-Christ, comme le remarque le même Évangile de saint Jean qui
ajoute: "et il manifesta Sa gloire". Mais cela ne prouve point que Jésus-Christ n'ait point fait plusieurs autres prodiges auparavant d'une façon privée. D'autant plus, dit Suarez, que «dans ces oeuvres qui ont été accomplies pendant l'Enfance de Jésus-Christ, elles se faisaient de manière que l'Enfant lui-même ne s'en montrait pas l'Auteur; mais elles étaient faites par Dieu pour Son amour singulier et Sa bienveillance envers Lui.»
4, 24, [h]. Livre 3, Nos. 130, 318, 370; Livre 4, No. 643.
Les Pèlerins Jésus, Marie et Joseph arrivent avec quelques détours jusqu'à la ville d'Héliopolis et il s'y passe de grandes merveilles.
4, 24, 641. J'ai déjà touché que la fuite du Verbe fait homme eut d'autres mystères et des fins plus hautes que de Se retirer d'Hérode et de Se défendre de sa colère; par ce que ce fut au contraire le moyen que le Seigneur prit pour aller en Égypte et y opérer les merveilles qu'il fit, dont les anciens Prophètes parlèrent (Éz. 30: 13; Os. 11: 1) et très expressément Isaïe (Is. 19: 1) quand il dit: que le Seigneur monterait sur une nuée légère et qu'Il entrerait en Égypte, et que les simulacres [a] de l'Égypte seraient émus devant Sa face et que le coeur des Égyptiens se troublerait au milieu d'eux; et d'autres choses que contient cette prophétie et qui arrivèrent dans le temps de la Naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais laissant ce qui n'appartient point à mon sujet, je dis que Jésus, Marie et Joseph poursuivant leurs pérégrinations dans la forme que nous avons déclarée, arrivèrent après plusieurs jours de marche à la terre et aux endroits peuplés de l'Égypte. Et pour arriver à S'établir à Héliopolis, Ils furent guidés par les Anges pour faire quelque détour, le Seigneur l'ordonnant ainsi, afin qu'Ils entrassent d'abord en plusieurs autres lieux où Sa Majesté voulait opérer certaines merveilles et certains bienfaits dont Il devait enrichir l'Égypte. Et ainsi Ils passèrent plus de cinquante jours, et Ils marchèrent plus de deux cents lieues; quoiqu'il n'eût pas été nécessaire de tant marcher pour arriver là où ils prirent siège et domicile [b.
4, 24, 642. Les Égyptiens étaient très adonnés à l'idolâtrie et aux superstitions qui l'accompagnent d'ordinaire et il y avait jusqu'aux petits endroits de cette
province qui étaient pleins d'idoles. En plusieurs il y avait des temples et dans ces temples différents démons [c] auxquels les malheureux habitants accouraient pour les adorer par des sacrifices et des cérémonies ordonnées par les mêmes démons qui donnaient des réponses et des oracles à leurs demandes, par lesquels les gens insensés et superstitieux se laissaient conduire aveuglément. Avec ces erreurs ils vivaient dans une si grande démence et si attachés à l'adoration des démons qu'il fallait le bras fort (Luc 1: 51) du Seigneur qui est le Verbe fait chair pour racheter ce peuple abandonné et le tirer de l'oppression dans laquelle Lucifer le tenait, oppression plus dure et plus dangereuse que celle en laquelle ils mirent (Ex. 1: 11) le peuple de Dieu. Pour obtenir cette victoire sur le démon et pour éclairer ceux qui vivaient dans la région et l'ombre de la mort (Luc 1: 79), et afin que ce peuple vît la grande Lumière que dit Isaïe, le Très-Haut détermina que le Soleil de justice (Mal. 4: 2) Jésus-Christ, peu de jours après Sa Naissance apparût en Égypte dans les bras de Sa Très Heureuse Mère et qu'Il allât faisant des détours et des circuits dans cette terre pour l'éclairer tout entière par la vertu de Sa Lumière divine.
4, 24, 643. L'Enfant-Jésus arriva donc avec Sa Mère et saint Joseph à la terre habitée de l'Égypte. Et en entrant dans les différents endroits, l'Enfant-Dieu dans les bras de Sa Mère, levant les yeux au Ciel et les mains jointes, priait le Père et demandait le salut de ces habitants esclaves du démon. Et aussitôt Il usait de la Puissance divine et royale sur ceux qui étaient là dans les idoles, et Il les lançait et les précipitait dans l'abîme et ces démons sortaient comme des éclairs chassés des nues, et ils descendaient jusqu'au fond le plus éloigné des cavernes infernales (Luc 10: 18) et ténébreuses. En même temps les idoles tombaient avec un grand fracas, les temples s'écroulaient et les autels de l'idolâtrie étaient ruinés. La cause de ces effets prodigieux était notoire à la divine Souveraine qui accompagnait son Très Saint Fils dans Ses prières, comme coopératrice en tout du salut des hommes. Saint Joseph aussi connaissait que toutes ces Oeuvres étaient opérées par le Verbe Incarné et il Le bénissait et Le louait pour ces merveilles avec une sainte admiration. Mais quoique les démons sentissent la force de la Puissance de Dieu, ils ne connaissaient point d'où venait cette vertu.
4, 24, 644. Les peuples de l'Égypte furent étonnés d'une nouveauté si imprévue; quoique parmi les plus savants il y eût une certaine lumière ou tradition reçue des anciens dès le temps que Jérémie [d] fut en Égypte, de ce qu'un roi des
Juifs viendrait dans ce royaume et que les temples des idoles de l'Égypte seraient détruits. Mais ceux du peuple n'avaient point de connaissance de cette venue, ni non plus les savants de la manière dont cela devait arriver, et ainsi grande fut la crainte et la confusion de tous, parce qu'ils se troublèrent et ils craignirent, conformément à la prophétie d'Isaïe. A cause de cette nouveauté, s'interrogeant les uns les autres, quelques-uns s'approchèrent de notre grande Reine et Souveraine, et de saint Joseph, et avec la curiosité de voir les étrangers ils raisonnaient avec eux de la ruine de leurs temples et des dieux qu'ils adoraient. Et la Mère de la Sagesse prenant motif de ces demandes, commença à détromper ces peuples, leur donnant connaissance du vrai Dieu et leur enseignant qu'Il était L'unique Dieu et Créateur du Ciel et de la terre (Eccli. 1: et Celui qui seul devait être adoré et reconnu pour Dieu (Deut. 6: 13); et que les autres étaient faux et menteurs (Bar. 6: 44) et qu'ils ne se distinguaient pas du bois, de la fange ou des métaux dont ils étaient formés, qu'ils n'avaient point de yeux ni d'oreilles, ni aucun pouvoir (Ps. 113: 4); et que les artistes mêmes pouvaient les défaire et les détruire comme ils les avait faits, et aussi tout autre homme, parce que tous étaient plus nobles et plus puissants; et que les réponses qu'ils donnaient venaient des démons trompeurs et menteurs qui étaient en eux, et qu'ils n'avaient aucune vertu véritable, parce que Dieu seul est véritable.
4, 24, 645. Comme la divine Dame était si suave et si douce dans ses paroles, et celles-ci si vives et si efficaces; son air si paisible et si aimable et les effets de ses entretiens étaient si salutaires, la renommée des Étrangers et des Pèlerins s'étendait dans les endroits où ils arrivaient et il y avait un grand concours de gens qui venaient pour Les voir et Les entendre. Et comme l'oraison et la prière du Verbe Incarné opérait en même temps et qu'Il leur gagnait de grands secours, arrivant la nouveauté de la ruine des idoles, l'émotion des gens était incroyable, ainsi que le changement des coeurs, se convertissant à la connaissance du vrai Dieu et faisant pénitence de leurs péchés, sans savoir d'où ni comment leur venait ce bien. Jésus et Marie poursuivirent parmi plusieurs peuples de l'Égypte opérant ces merveilles et beaucoup d'autres, chassant les démons, non-seulement des idoles, mais aussi de plusieurs corps qu'ils avaient possédés, guérissant plusieurs malades de grandes et dangereuses maladies, illuminant les coeurs de différentes personnes, et la divine Dame et saint Joseph, catéchisant et enseignant le chemin de la vérité et de la Vie Éternelle. Par ces bienfaits temporels et d'autres qui
émeuvent tant le vulgaire ignorant et terrestre, un grand nombre était attiré à entendre l'enseignement et la Doctrine de la Vie et le Salut de leurs âmes.
4, 24, 646. Ils arrivèrent à la cité d'Hermopolis qui était vers la Thébaïde et quelques-uns l'appellent ville de Mercure. Il y avait beaucoup d'idoles et de démons très puissants et ils assistaient en particulier dans un arbre qui était à l'entrée de la ville; parce que comme les gens d'alentour l'avaient vénéré à cause de sa grandeur et de sa beauté, le démon prit occasion d'usurper cette adoration, plaçant son siège dans cet arbre. Mais quand le Verbe fait chair arriva à sa vue, le démon renversé dans l'abîme, non-seulement laissa ce siège, mais l'arbre s'inclina jusqu'au sol, comme reconnaissant de son sort; parce que même les créatures insensibles témoignent combien la domination de cet ennemi est tyrannique. Le miracle des arbres qui s'inclinent arriva d'autres fois dans le chemin où leur Créateur passait, quoiqu'il ne demeurât point de souvenir de toutes ces choses. Néanmoins cette merveille d'Hermopolis persévéra plusieurs siècles, car ensuite les feuilles et les fruits de cet arbre guérissaient de différentes infirmités. Quelques auteurs écrivirent au sujet de ce miracle [e], comme aussi d'autres qui arrivèrent dans les villes par où ils passaient, parlant de la venue et de l'habitation du Verbe Humanisé et de Sa Très Sainte Mère dans cette terre. Comme aussi d'une fontaine qui est près du Caire [f] où la divine Dame puisait de l'eau, et Elle en but ainsi que l'Enfant, et Elle y lava les mantilles, car tout cela fut vrai, et la tradition et la vénération de ces merveilles ont duré jusqu'à présent, non-seulement parmi les fidèles qui visitent les Lieux Saints, mais parmi les infidèles mêmes qui reçoivent parfois certains bienfaits temporels de la main du Seigneur, ou pour justifier davantage Sa cause envers eux, ou pour que ce souvenir se conserve. Semblable souvenir existe encore en d'autres endroits où Ils demeurèrent et opérèrent de grandes merveilles [g]. Mais il n'est pas nécessaire d'en faire relation ici parce que leur principal séjour pendant qu'Ils demeurèrent en Égypte fut dans la cité d'Héliopolis, qui s'appelle non sans mystère Cité du Soleil et maintenant on l'appelle le grand Caire.
4, 24, 647. En écrivant ces merveilles, je demandai avec admiration à la grande Reine du Ciel, comment Elle avait pérégriné avec l'Enfant-Dieu en tant de terres et de lieux non connus, me semblant que pour cette raison ils avaient augmenté beaucoup leurs travaux et leurs peines. Son Altesse me répondit: «Ne sois pas
étonnée de ce que pour gagner tant d'âmes mon Très Saint Fils et moi, nous ayons si longtemps pérégriné, puisque pour une seule nous eussions fait le tour du monde, s'il avait été nécessaire et s'il n'y avait pas eu d'autre remède.» Mais s'il nous semble qu'Ils firent beaucoup pour le salut des hommes, c'est parce que nous ignorons l'immense amour avec lequel Ils nous aimèrent et parce que nous ne savons pas non plus aimer en retour de cette dette.
4, 24, 648. Avec la nouveauté que l'enfer ressentit en y voyant descendre un si grand nombre de démons, précipités par une nouvelle vertu étrange pour eux, Lucifer s'altéra beaucoup. Et s'embrasant dans le feu de sa fureur, il sortit dans le monde, le parcourant en divers endroits pour découvrir la cause d'événements si nouveaux. Il passa par toute l'Égypte où les temples et les autels étaient tombés avec leurs idoles; et arrivant à Héliopolis qui était une plus grande ville et où la destruction de son empire avait été plus notable, il tâcha de savoir et d'examiner avec grande attention quelle sorte de gens il y avait. Il ne rencontra point d'autre nouveauté sinon que la Très Sainte Marie était venue en cette cité et cette terre; car il ne fit point de considération de l'Enfant-Jésus, Le jugeant un enfant comme les autres sans différence; parce qu'il ne Le connaissait pas. Mais comme il avait été vaincu tant de fois par les vertus et la sainteté de la Prudente Mère-Vierge, il entra en de nouveaux soupçons, parce qu'il lui semblait qu'une femme était peu pour de si grandes oeuvres: mais néanmoins il détermina de nouveau de la poursuivre et de se servir pour cela de ses ministres d'iniquité.
4, 24, 649. Il revint aussitôt en enfer et convoquant un conciliabule des princes des ténèbres, il leur rendit compte de la ruine des idoles et des temples d'Égypte; car lorsque les démons en sortirent, ils furent précipités par la Puissance divine avec tant de promptitude, de peine et de confusion qu'ils ne s'aperçurent point de ce qui arrivait aux idoles et aux lieux qu'ils quittaient. Mais Lucifer les informa de tout ce qui se passait et de ce que son empire se détruisait dans toute l'Égypte, et il leur dit qu'il ne comprenait point ni qu'il ne découvrait la cause de sa ruine; parce qu'il n'avait rencontré dans cette terre que la Femme son ennemie, c'était ainsi que le dragon appelait la Très Sainte Marie; et bien qu'il connût que sa vertu était très signalée, il ne présumait pas qu'Elle eût toute la force qu'il avait expérimentée en cette circonstance. Néanmoins qu'il déterminait de lui faire une nouvelle guerre et que tous eussent à s'y préparer. Les ministres de Lucifer répondirent qu'ils étaient
prêts à lui obéir; et le consolant dans sa fureur désespérée, ils lui promirent la victoire, comme si leurs forces eussent été égales à leur arrogance (Is. 16: 6).
4, 24, 650. Plusieurs légions sortirent de l'enfer ensemble et se dirigèrent vers l'Égypte où était la Reine des Cieux; leur semblant que s'ils la vainquaient, ils répareraient leurs pertes seulement avec ce triomphe et ils recouvreraient tout ce que la Puissance de Dieu leur avait ôté dans ce misérable royaume, car ils soupçonnaient que la Très Sainte Marie était l'Instrument de tout cela. Et prétendant s'approcher pour la tenter conformément à leurs intentions diaboliques, ce fut une chose merveilleuse qu'ils ne leur fut pas possible de s'en approcher à plus de deux mille pas de distance; parce que la vertu Divine les retenait d'une façon cachée et ils comprenaient que cette vertu sortait de vers la même Dame. Et quoique Lucifer et les autres ennemis s'efforçassent et s'excitassent, ils étaient débilités et retenus comme par de fortes chaînes qui les tourmentaient sans pouvoir s'étendre vers le lieu où était la Très Invincible Reine qui regardait tout cela avec la Puissance de Dieu même dans ses bras. Et Lucifer, persévérant dans cette lutte, fut tout à coup précipité une autre fois dans l'abîme avec tous ses escadrons d'iniquité. Cette oppression et cette ruine donna un grand tourment et un grand souci au dragon. Et comme la même chose s'était répétée plusieurs fois en ces jours, depuis l'Incarnation, comme je l'ai déjà dit [h], ceci lui donna à soupçonner que le Messie était venu au monde. Mais comme le Mystère lui était caché et qu'il l'attendait plus manifeste et plus bruyant il demeurait toujours confus et équivoqué, rempli de la fureur et de la rage qui le tourmentait et il s'affolait à chercher la cause de son malheur; et plus il la ruminait dans son esprit, plus il l'ignorait et moins il la connaissait.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 24, 651. Ma fille, la consolation des mes fidèles et amies de mon Très Saint Fils est grande et estimable au-dessus de tout bien lorsqu'elles considèrent qu'elles servent un Seigneur qui est Dieu de Dieu et Seigneur des seigneur, Celui qui a seul l'empire (1 Tim. 6: 16), la puissance et le domaine sur toutes les créatures, Celui qui règne et qui triomphe de Ses ennemis. Dans cette vérité l'entendement se
délecte, la mémoire se récrée, la volonté jouit, et toutes les puissances de l'âme dévote se livrent sans crainte à la suavité qu'elles éprouvent avec de si nobles opérations, regardant cet Objet de Bonté, de Sainteté et de Puissance Infinie qui n'a besoin de personne (2 Mach. 14: 35) et de la Volonté de qui dépend tout ce qui est créé (Apoc. 4: 11). Oh! que de biens ensemble les créatures perdent lorsqu'elles oublient leur félicité et qu'elles emploient toute leur vie et toutes leurs puissances à s'occuper des choses visibles, à aimer ce qui est momentané et à chercher les biens apparents et faux! Avec la science et la Lumière que tu as, je veux, ma fille que tu te rachètes de ce danger et que ton entendement et ta mémoire s'occupent toujours avec la vérité de l'Être de Dieu. Plonge-toi et submerge-toi dans cette mer interminable, répétant continuellement: «Qui est comme Dieu (Ps. 112: 5-6) notre Seigneur qui ne dépend de personne, qui humilie les superbes et qui renverse ceux que le monde aveugle appelle puissants; qui triomphe du démon et qui l'opprime jusqu'au profond de l'enfer.»
4, 24, 652. Et afin que tu puisses mieux dilater ton coeur dans ces Vérités, et acquérir avec elles une plus grande supériorité sur les ennemis du Très-Haut et les tiens, je veux que tu m'imites selon ton possible, te glorifiant dans les victoires et les triomphes de Son bras Tout-Puissant et tâchant d'avoir quelque part en ceux qu'Il veut toujours remporter sur ce cruel dragon. Il n'est pas possible qu'aucune langue de créature, quand ce serait celle des séraphins, déclare ce que mon âme éprouvait quand je regardais dans mes bras mon Très Saint Fils qui opérait tant de merveilles contre Ses ennemis, et dans le bienfait de ces âmes aveuglées et tyrannisées par leurs erreurs, et que l'exaltation du Nom du Très-Haut croissait et se dilatait par Son Fils Unique Incarné. Dans cette jubilation mon âme exaltait le Seigneur et je faisais avec mon Très Saint Fils de nouveaux cantiques de louanges, comme Sa Mère et l'Épouse de l'Esprit Divin. Tu es fille de la Sainte Église, épouse de mon Fils très béni, et favorisée de Sa grâce; Il est juste que tu sois diligente et zélé à Lui acquérir cette gloire et cette exaltation, travaillant contre Ses ennemis et combattant avec eux, afin que ton Époux aie ce triomphe.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 24, [a]. Prophétie vérifiée littéralement quand les Assyriens et les Chaldéens combattirent contre l'Église sous Sennachérib et Nabuchodonosor, mais vérifiée ensuite d'une manière plus sublime à l'arrivée de l'Enfant-Dieu en Égypte, fuyant devant Hérode. Ce fut alors que le Seigneur visita l'Égypte en personne, sur la nuée légère, c'est-à-dire dans son Humanité et sur les bras de Marie, comparée à une nuée légère par sa pureté et la plénitude de grâces qu'Elle fait pleuvoir sur la terre. A une telle vue les idoles des Égyptiens tombèrent, et les coeurs des Égyptiens se troublèrent, plusieurs se convertissant au culte du vrai Dieu. Dom Calmet écrit, [Isaïe, XIII, 1]: «Plusieurs anciens enseignèrent qu'à l'arrivée de Jésus-Christ en Égypte, les idoles furent miraculeusement renversées et fracassées contre terre en exécution de cette prophétie.» Tostado ajoute [Isaïe, IX, 60]: «Qu'il y avait en Égypte un temple dans la cité d'Héliopolis où il y avait autant d'idoles que de jours dans l'année et que ces idoles tombèrent à l'entrée du Sauveur en Égypte.» Silveira en donne la raison [L. 2, c. 7, q. 13, n. 53] disant: «Il fut très convenable qu'à l'entrée du Fils de Dieu fait chair toutes les idoles tombassent, puisqu'à l'entrée de l'Arche dans le temple de Dagon, cette idole tomba aussi.» Ruffin atteste la même chose, [L. 2, c. 7]: «En Thébaïde, dans les confins d'Hermopolis, nous avons vu un temple dans lequel tous les simulacres tombèrent par terre à l'entrée du Sauveur dans cette ville.» Voir Cornelius A Lapide, [in Isaïe, XIX, 1 et In Hierem., XLIV, 30].
4, 24, [b. Si Marie et Joseph avaient été à Héliopolis de Jérusalem directement par le chemin d'Égypte, il n'y aurait pais eu plus de 60 lieues ou heures. Mais comme Dieu voulut conduire Israël dans le déserts sous Moïse non par une voie direct, mais avec divers détours vers la terre promise, ainsi il voulut conduire en Égypte la Sainte Famille par diverses stations, selon Ses hautes fins. Un Ange guidait Israël et plusieurs Anges escortaient le vraie Israël, Fils de Dieu dans ce chemin et ce désert.
4, 24, [c]. Selon le témoignage des écrivains païens et des chrétiens, il y avait dans les idoles des démons qui donnaient des réponses. Il y a de cela des preuves irréfragables dans les écrits non seulement des Pères, mais aussi des ennemis du Christianism. Saint Jean Chrysostôme, raconte sur cela, [de S. Bab., Tom, 1, in Gent.], des faits dont il fut lui-même témoin et les témoignages de plusieurs de ses auditeurs auxquels il en appelle; mais il est confirmé en ceci par l'empereur Julien l'Apostat [Nisop.] et par les paiëns Libanius [Orat., 61], et Ammiamis Marcellinus dans son [Histoire, Lib., 22], et par d'autres encore. A l'arrivée des reliques de Saint Babile, l'oracle d'Apollon devint muet et ne put plus donner de réponse jusqu'à ce que l'impie Julien eût fait ôter ces reliques, afin que, écrit Libanius, le favori de Julien, Apollon, délivré de ce mort, put prononcer ses prédictions selon son talent. De même, on lit dans la vie de saint Grégoire le Thaumaturge, ce qui arriva de l'oracle devenu forcément muet par sa présence; et dans Eusèbe, [Praep. Evang. 1 v.], et en d'autres on lit plusieurs témoignages de ce fait.
Puis il est reconnu que l'Égypte était le siège des superstitions idolâtriques et des plus anciens oracles. Là on adorait comme divinités, des chiens, des chats, des crocodiles, le boeuf Apis, le bélier, les légumes des jardins, etc. De sorte que Juvenal raillait les Égyptiens, écrivant que pour eux les dieux naissaient jusque dans les jardins. Il est aussi reconnu que l'un des sièges principaux de tant de superstitions était la ville d'Héliopolis, ou cité du Soleil, ou l'on adorait spécialement le soleil avec une grande multitude d'autres dieux, comme écrit Strabon [Lib., 17]. De l'Égypte, tant de superstitions se propagèrent en Grèce et à Rome. Or par l'entrée du Fils de Dieu Enfant dans l'Égypte, le Très-Haut voulut commencer à guérir le mal dans sa source. Eusèbe atteste qu'à l'approche de la sainte Famille, les démons cachés depuis tant de siècles dans les idoles où ils se jouaient des Égyptiens par leurs réponses ambigües, sentirent l'approche d'une Puissance inconnue dont ils furent secoués et atterrés; c'est pourquoi ils prirent la fuite comme les ténèbres fuient à l'approche de la lumière. Selon saint Athanase et Origène qui vivaient sur les lieux où ces événements s'étaient accomplis et selon plusieurs autres docteurs, les idoles furent alors ébranlés et les oracles, réduits au silence. Evagre, ou l'auteur de la Vie des Pères, affirme avoir vu un temple où toutes les fausses divinités avaient été renversées par terre à l'arrivée du Fils de Dieu. Voir Pallade [in Lausiaca, 52, Ruffin, lib. 27], etc.
4, 24, [d]. Voir saint Dorothée, [In Synopsi de vita prophet in Jerem.]. Saint Epiphane écrit, [apud A. Lapide in Jerem., XLIV], que ce Prophète prophétisa en Égypte et donna aux prêtres d'Égypte un signe et il dit que toutes leurs idoles tomberaient quand viendrait en Égypte une Mère Vierge avec son Enfant. Isaïe prédit la même chose comme l'explique saint Jérôme et Procope, [ibide., saint Chrysostôme, in Matt., 2] etc. Enfin saint Epiphane, saint Dorothée et autres écrivirent que pour cette prophétie le Prophète Jérémie fut lapidé peu après à Tanis, et mourut ainsi martyr.
4, 24, [e]. S'agissant du voyage d'un Dieu, il aurait été étonnant s'il ne s'était point opéré de merveilles et si ses créatures ne lui eussent pas fait hommage. C'est pourquoi le fait d'un arbre qui s'incline devant lui n'est point surprenant puisqu'il y avait jusqu'aux montagnes qui auraient dû s'incliner devant leur Créateur, leur Roi et leur Seigneur. Jésus-Christ même a dit: «Si vous aviez la foi vous diriez à cet arbre: ôte-toi d'ici et transporte-toi dans la mer; et Je vous assure que cela arriverait.» Du reste le fait des arbres dont parle ici la Vénérable est confirmé par plusieurs graves théologiens et par une solide tradition. Il suffit de lire Nicéphore [l. 10, c. 31]; Sozomène [l. 5, c. 21]; Brocard [in descript. Terrae sanctae], et autres. Voici les paroles de Sozomène: «Il existe à Hermopolis, ville de la Thébaïde, un arbre appelé Persis, dont les feuilles, les fruits et l'écorce même opèrent sur les malades beaucoup de guérisons. Selon la tradition il arriva que comme Joseph, le Sauveur et Sa sainte Mère fuyant devant Hérode s'approchaient des portes de la ville d'Hermopolis, cet arbre quoique très haut se courba devant le Sauveur et L'adora ployant ses rameaux jusqu'à terre. Je rapporte ce que j'ai appris de plusieurs personnes. Ce prodige fut ordonné pour signifier que Celui qui apparaissait dans cette ville était le Fils de Dieu, ou bien comme il est encore plus vraisemblable que ce bel et grand arbre, objet du culte idolâtrique des païens était secoué à la vue de Celui qui venait renverser la puissance de l'enfer déjà frappé de terreur, ou bien aussi que toutes les autres idoles d'Égypte seraient émues à l'arrivée du Messie, selon l'oracle d'Isaïe. Délivré de l'hôte infernal, qui y habitait pour y être adoré, cet arbre demeura comme monument perpétuel et il délivrait ceux qui avaient la foi, des maladies dont ils souffraient.» A Matarieh, l'on voit encore un antique sycomore que les étrangers vont visiter.
Voici ce qu'en dit le Père Géramb qui l'a vu de ses yeux [Pèlerinages à Jérusalem, t. II, lett., 48]: «Ce sycomore est très cher aux chrétiens, parce que
selon la tradition, la Sainte Famille dans Sa fuite Se reposa sous son ombre. Cet arbre universellement vénéré en Orient se trouve au milieu d'un vaste jardin. Il offre des phénomènes de végétation extraordinaires. J'ai mesuré sa grosseur: il a plus de six brasses de circonférence. Grand nombre de personnes prennent plaisir à sculpter leur nom sur l'écorce de cet arbre majestueux, dont l'aspect produit des impressions d'autant plus vives qu'il rappelle à la piété chrétienne les faits les plus propres à l'émouvoir: la persécution d'un tyran contre l'Enfant-Dieu, les angoisses maternelles de Marie, les sollicitudes et les soins de Joseph.
4, 24, [f]. Baronius [Annal. an. 1. No. 47] et Brocard [Descript. Terrae Sanctae, p. 2, c. 4] écrivant ainsi de cette fontaine: «Entre Héliopolis et Babylone d'Égypte se trouve le Jardin appelé "du Baume". Ce jardin est baigné d'une source, petite mais abondante. On tient que la Sainte Vierge allant en Égypte, y lava plusieurs fois son Divin Fils et aussi les langes consacrés à l'usage du Sauveur Enfant. Près de cette fontaine est une pierre où Marie exposait les langes au soleil. Ces objets sont en vénération auprès des Chrétiens et même auprès des Sarrasins.» Le Père Géramb dit à ce sujet: «Nous vîmes la fontaine qui, selon la tradition est due à un miracle. Dieu la fit surgir de terre pour désaltérer l'Enfant-Jésus, Marie et Joseph dans ce pays brûlé par les ardeurs du soleil, où le plus grand tourment des voyageurs est la chaleur et la soif. L'eau de cette fontaine est douce et agréable: celle de toutes les autres est saumâtre et de mauvais goût. Il était très naturel que Dieu fît pour Son Fils ce qu'Il n'avait point dédaigné de faire à l'intercession de Moïse pour un peuple murmurateur et ingrat à la montagne d'Horeb. L'idée de la Sainte Famille qui, accablée de fatigue, se restaure à l'onde pure d'une fontaine qu'Elle doit à a Bonté de Celui qui la fit avertir miraculeusement par un Ange de fuir en Égypte, pénètre si profondément mon coeur que je ne saurais résister au mouvement qui me porte à y croire. Mon âme se sent attirée et élevée vers le Ciel à la considération d'un tel bienfait, et trouve meilleur d'écouter la voix d'une tradition qui ne fut jamais démentie par aucun récit contraire, que le vain raisonnement d'une incrédulité orgueilleuse et aride; mon âme, je le répète, se répand en actes d'admiration, de bénédictions et de remerciements.
4, 24, [g]. On peut dire avec Maldonat [in c. 2 Jean] et avec Suarez [in 3 p., q. 37, disp. 18, sect. 3], que le miracle de Cana ne fut pas absolument le premier, mais seulement le premier dirigé à la manifestation publique de la gloire et de la Divinité de Jésus-Christ, comme le remarque le même Évangile de saint Jean qui
ajoute: "et il manifesta Sa gloire". Mais cela ne prouve point que Jésus-Christ n'ait point fait plusieurs autres prodiges auparavant d'une façon privée. D'autant plus, dit Suarez, que «dans ces oeuvres qui ont été accomplies pendant l'Enfance de Jésus-Christ, elles se faisaient de manière que l'Enfant lui-même ne s'en montrait pas l'Auteur; mais elles étaient faites par Dieu pour Son amour singulier et Sa bienveillance envers Lui.»
4, 24, [h]. Livre 3, Nos. 130, 318, 370; Livre 4, No. 643.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 25
Jésus, Marie et Joseph établissent Leur domicile dans la cité d'Héliopolis par la Volonté de Dieu: Ils ordonnent là Leur vie pour le temps de Leur exil.
4, 25, 653. Les souvenirs qui demeurèrent dans plusieurs lieux de l'Égypte de certaines merveilles que le Verbe Incarné y opéra, ont pu donner occasion aux saints et aux autres auteurs d'écrire, les uns que les très saints Exilés habitèrent dans une cité, et que les autres affirmèrent qu'ils habitèrent dans une autre. Mais tous peuvent dire vrai et se concorder, distinguant les temps où ils arrêtèrent à Hermopolis, à Memphis ou Babylone d'Égypte, et à Matarieh; puis ils furent non-seulement dans ces cités mais en d'autres encore. Ce que j'ai compris est que, les ayant parcourues, ils arrivèrent à Héliopolis et y fixèrent leur demeure; parce que les saints Anges qui les guidaient dirent à la divine Reine et à saint Joseph qu'ils devaient s'arrêter dans cette ville; car outre la ruine des idoles et de leurs temples qui eut lieu à leur arrivée, comme partout ailleurs, le Seigneur déterminait de faire dans cette ville d'autres merveilles pour Sa gloire et pour le rachat de plusieurs âmes; et que selon l'heureux pronostic de son nom qui était, "cité du soleil", le Soleil de justice (Mal. 4: 2) et de grâce apparût aux habitants de cette ville, afin de les illuminer plus abondamment. A cet avis ils établirent là leur demeure ordinaire; et aussitôt saint Joseph sortit pour la chercher, offrant le paiement qui serait juste; et le Seigneur disposa qu'il trouvât une maison humble et pauvre, mais
suffisante pour leur habitation, et un peu retirée de la ville, comme la Reine du Ciel le désirait [a].
4, 25, 654. Ayant donc trouvé ce domicile à Héliopolis, ils y établirent leur résidence permanente. Et la divine Dame se retirant aussitôt dans ce lieu écarté avec son Très Saint Fils et son époux Joseph, se prosterna en terre et la baisa avec une profonde humilité et une affectueuse reconnaissance et Elle rendit grâces au Très-Haut pour avoir trouvé ce lieu de repos après un si pénible et si long voyage. Elle remercia la terre même et les éléments de l'y avoir sustenté; parce qu'à cause de son incomparable humilité Elle se jugeait toujours indigne de tout ce qu'Elle recevait. Elle adora l'Être Immuable de Dieu dans ce lieu, dirigeant à Son culte et à Sa révérence tout ce qu'Elle devait y opérer. Elle Lui fit intérieurement hommage et sacrifice de ses puissances et de ses sens et Elle s'offrit à souffrir promptement, allégrement et diligemment autant de peines que le Tout-Puissant voudrait lui en envoyer dans cet exil; car sa prudence les prévoyait et son affection les embrassait. Elle les appréciait par la science que les peines et les afflictions sont bien reçues au tribunal Divin, et que son Très Saint Fils devait les avoir pour héritage et pour très riche trésor. De cet exercice élevé et de cette sublime habitation, Elle s'humilia à nettoyer et à disposer la pauvre maisonnette avec l'aide des saints Anges, étant allée emprunter jusqu'à l'instrument pour la balayer. Et quoique nos divins Étrangers se trouvassent suffisamment accommodés des pauvres murailles de la maison, il leur manquait tout le reste du ménage et de la nourriture nécessaires pour la vie. Et parce qu'ils étaient déjà en pays habité, les provisions miraculeuses dont ils avaient été secourus dans la solitude par la main des Anges vinrent à cesser; et le Seigneur les remit à la table ordinaire des plus pauvres qui est l'aumône mendiée. Et étant arrivés à sentir la nécessité et à souffrir de la faim, saint Joseph sortit pour la demander pour l'amour de Dieu: afin qu'avec un tel exemple les pauvres ne se plaignent point de leur affliction, qui ne soient confus d'y remédier par ce moyen quand ils n'en trouveront pas d'autres; puisque la mendicité fut si tôt mise en pratique pour sustenter la vie du Seigneur même de toutes les créatures, afin qu'Il fut obligé par cette voie à donner comptant cent pour un.
4, 25, 655. Les trois premiers jours de Leur arrivée à Héliopolis, comme aussi dans les autres endroits de l'Egypte, la Reine du Ciel n'eut pas d'autre aliment pour
Elle et pour son Divin Fils que ceux que son Père putatif Joseph demanda en aumône, jusqu'à ce qu'il commençât à gagner quelque secours par son travail. Et avec cela il fit un lit nu dans lequel la Mère se couchait et un berceau pour l'Enfant, et le saint Époux n'en avait point d'autre que la terre nue et la maison sans meuble, jusqu'à ce que par ses propres sueurs il pût acquérir quelques-uns des plus indispensables pour vivre tous les trois. Et je ne veux pas passer sous silence ce qui m'a été donné de connaître: qu'au milieu d'une telle pauvreté et de nécessités si extrêmes, la Très Sainte Marie et saint Joseph ne firent point mémoire de leur maison de Nazareth, ni de leurs parents, ni de leurs amis, ni des présents des Rois qu'ils avaient distribués et qu'ils auraient pu garder. Ils parlèrent de toute autre chose que cela, ils ne se plaignirent point de se trouver si à l'étroit et si abandonnés en tournant leur attention vers le passé et vers la crainte de l'avenir. Au contraire, ils demeurèrent en tout dans une égalité, une allégresse et une quiétude incomparables, s'abandonnant à la divine Providence dans leur dénuement et leur plus grande indigence. O petitesse de nos coeurs infidèles! et que d'angoisses et de troubles pénibles n'ont-ils pas coutume de souffrir en se trouvant pauvres et avec quelque nécessité! Ensuite nous nous plaignons d'avoir perdu telle occasion d'avoir pu prévenir ou gagner ce remède-ci ou celui-là; que si nous avions fait ceci ou cela nous ne nous puissions pas trouvés dans cette nécessité ou dans celle-là. Toutes ces angoisses sont vaines et insensées, parce qu'elles ne sont d'aucun remède. Et quoiqu'il eût été bon de n'avoir point donné cause à nos afflictions par nos péchés, car plusieurs fois nous nous les attirons; cependant nous sentons d'ordinaire le dommage temporel acquis et non le péché par où nous le méritons. Nous sommes lents et insensés de coeur pour percevoir les choses spirituelles (1 Cor. 2: 14) de notre justification et de nos accroissements de la grâce; et sensibles, terrestres et audacieux pour nous livrer aux choses terrestres et à leurs inquiétudes. La vie de nos Pèlerins est une réprimande sévère de notre grossièreté et de notre rusticité.
4, 25, 656. La Très Prudente Dame et son époux s'accommodèrent avec allégresse, seuls et dénués de toutes les choses temporelles dans la pauvre maisonnette qu'ils trouvèrent. Et des trois appartements qu'il y avait, l'un fut consacré pour le temple ou sanctuaire où serait l'Enfant-Jésus et avec Lui Sa Très Pure Mère. Là furent mis le berceau et le lit nu, jusqu'à ce qu'ils arrivassent après quelques jours, par le travail du saint époux et la piété de certaines femmes dévotes qui s'affectionnèrent à la Reine, à avoir quelques couvertures pour se
couvrir tous. Un autre appartement fut destiné pour le saint époux, où il dormait et se retirait pour prier. Et le troisième servait d'officine et d'atelier pour travailler de son métier. La grande Dame voyant l'extrême pauvreté où ils étaient et que le travail de saint Joseph devait être plus grand pour subsister dans une terre où ils n'étaient pas connus, détermina d'aider, travaillant Elle aussi de ses mains pour le soulager en ce qu'elle pouvait. Et comme Elle l'avait déterminé, Elle l'exécuta, cherchant des travaux des mains par le moyen de ces pieuses femmes qui commencèrent à la fréquenter, affectionnées à sa modestie et à sa douceur. Et comme tout ce qu'Elle faisait et touchait sortait si parfait de ses mains, la renommée de la propreté de ses ouvrages se répandit aussitôt et Elle ne manqua jamais de travail pour nourrir son Fils vrai Dieu et vrai Homme.
4, 25, 657. Il parut à notre Reine qu'il était bien de passer tout le jour dans le travail, afin de gagner tout ce qui était nécessaire pour manger, vêtir saint Joseph, meubler sa maison quoique pauvrement et en payer la location, et de passer la nuit dans ses exercices spirituels. Elle détermina cela, non qu'Elle eut quelque cupidité ni non plus qu'Elle manquât un seul moment du jour à la contemplation car Elle y était toujours en présence de l'Enfant-Dieu, comme je l'ai déjà dit et le dirai tant de fois. Mais Elle voulut remettre à la nuit certaines heures qu'Elle vaquait de jour à des exercices spéciaux; afin de travailler davantage et ne point demander ni espérer que Dieu opérât des miracles en ce qu'Elle pouvait obtenir pas sa diligence et en ajoutant plus de travail; car en de tels cas nous demanderions plus de miracle pour la commodité que pour la nécessité. La Très Prudente Reine demandant au Père Éternel que Sa Miséricorde les pourvut du nécessaire pour alimenter Son Fils Unique; mais Elle travaillait en même temps. Et comme quelqu'un qui ne se fiait ni à Elle-même ni à sa diligence, Elle demandait au Seigneur en travaillant ce qu'Il nous concède par ce moyen, à nous les autres créatures.
4, 25, 658. L'Enfant-Dieu se complut beaucoup dans cette prudence de Sa Mère et dans la conformité qu'Elle avait avec son étroite pauvreté; et en retour de cette fidélité de Mère, Il voulut lui alléger en quelque chose le travail qu'Elle avait commencé. Et un jour, il lui parla de Son berceau et lui dit: «Ma Mère, Je veux disposer l'ordre de votre vie et de votre travail corporel.» La divine Mère s'agenouilla aussitôt et répondit: «Mon doux Amour, Seigneur de tout mon être, je Vous loue et je Vous exalte pour avoir condescendu à mon désir et à mes pensées
qui s'acheminaient à ce que Votre Divine Volonté réglât mes oeuvres et dirigeât mes pas (Ps. 118: 133) selon Votre bon plaisir, et qu'elle ordonnât l'occupation que je dois avoir en chaque heure du jour, selon Votre agrément. Et puisque Votre Divinité a pris chair humaine et que Votre Grandeur a daigné condescendre à mes ardents désirs, parlez, Lumière de mes yeux, car Votre servante Vous écoute». Le Seigneur lui dit: «Ma très chère Mère, dès l'entrée de la nuit, [c'est-à-dire vers les neuf heures], vous dormirez et vous vous reposerez quelque peu. De minuit jusqu'au lever du jour, vous vous occuperez dans les exercices de la contemplation avec Moi, et Nous louerons Mon Père Éternel. Ensuite vous vous appliquerez à préparer le nécessaire pour votre nourriture et celle de saint Joseph. Puis vous Me donnerez à Moi l'aliment et vous Me tiendrez dans vos bras jusqu'à l'heure de Tierce, où vous me mettrez dans les bras de votre époux pour le soulagement de son travail. Et parce qu'ici vous n'avez point les Saintes Écritures dont la lecture vous était une consolation, vous lirez dans Ma Science la Doctrine de la Vie Éternelle, afin que vous Me suiviez en tout par une imitation parfaite. Et priez toujours Mon Père Éternel, pour les pécheurs [b.»
4, 25, 659. La Très Sainte Marie se gouverna selon cette règle tout le temps qu'Elle fut en Égypte. Et chaque jour Elle donnait le sein à l'Enfant-Dieu trois fois; car lorsqu'Il lui marqua la première fois qu'elle avait à le Lui donner, Il ne lui commanda point de ne point le Lui donner d'autres fois, comme Elle le fit dès la Naissance. Lorsque la divine Souveraine travaillait Elle était toujours à genoux en présence de l'Enfant-Jésus; et parmi les colloques et les conférences qu'ils avaient, il était très ordinaire que le Roi de Son berceau et la Reine de son travail faisaient des cantiques mystérieux de louange. Et s'ils eussent été écrits, il y en aurait plus que tous les Psaumes et les cantiques que l'Église célèbre, et plus que tous ceux qu'on y conserve écrits maintenant; puis il n'y a point de doute que Dieu par l'instrument de Son Humanité et de la Très Sainte Marie ait parlé avec une plus grande élévation et plus d'admiration que par David, Moïse, Marie, Anne et tous les prophètes. Dans ces cantiques la divine Mère demeurait toujours renouvelée et remplie de nouvelles affections envers la Divinité et d'aspirations efficaces à l'union envers son Être immuable, parce que seule Elle était le Phénix qui renaissait dans cet incendie et l'Aigle royale qui pouvait regarder fixement le Soleil de l'ineffable Lumière et de si près, où aucune autre créature ne put jamais élever jusque là son vol. Elle accomplissait la fin pour laquelle le Verbe Divin prit chair dans ses entrailles Virginales et qui fut de diriger et de porter les créatures
raisonnables à Son Père Éternel. Et entre toutes Elle était la seule que l'obstacle du péché n'empêchassent point, ni ses effets, ni les passions et les appétits, mais qui était libre de tout le terrestre et de tout le poids de la nature; Elle voulait à la suite de son Bien-Aimé, Elle s'élevait à une habitation sublime, et Elle ne s'arrêtait point jusqu'à ce qu'Elle fût arrivé à son centre qui était la Divinité. Et comme Elle avait toujours à la vue la Voie (Jean 14: 6) et la Lumière qui est le Verbe Incarné, et que son désir et son affection étaient toujours dirigés vers l'Être Immuable du Très-Haut, Elle courait à Lui avec ferveur, et Elle était plus dans la fin que dans les moyens, plus où Elle aimait que là où Elle animait.
4, 25, 660. Quelquefois aussi l'Enfant-Dieu dormait en présence de Sa Mère heureuse et fortunée, afin que ce qu'il dit en cela fût vrai aussi: «Je dors mais Mon Coeur veille (Cant. 5: 2).» Et comme ce corps très saint de son Fils était pour Elle un cristal très pur et très clair par où Elle regardait et pénétrait le secret de Son Âme déifiée et Ses opérations, ainsi, Elle se mirait et se remirait dans ce Miroir Immaculé (Sag. 7: 26); et c'était une consolation spéciale pour la divine Souveraine de voir la partie supérieure de l'Âme très sainte de son Fils si vigilante dans les Oeuvres héroïques de Voyageur et de Compréhenseur conjointement; et en même temps de voir les sens dormir avec tant de quiétude et une si rare beauté de l'Enfant, tout l'humain étant hypostatiquement uni à la Divinité. Notre langue ne peut pas suffire pour parler sans nuire à la matière des douces affections, des élévations enflammées et des oeuvres héroïques que faisait la Reine du Ciel dans ces circonstances. Mais là où les paroles manquent, la Foi et le coeur opèrent.
4, 25, 661. Lorsqu'il était temps de donner à saint Joseph le soulagement de tenir l'Enfant-Jésus, la divine Mère lui disait: «Mon Fils et mon Seigneur, regardez Votre fidèle serviteur avec un amour de Fils et de Père, et prenez Vos délices dans la pureté de son âme si droite et si agréable à Vos yeux.» Et Elle disait au Saint: «Mon époux, recevez dans vos bras le Seigneur qui tient dans Sa main tous les globes du ciel et de la terre à qui Il donna l'être par Sa seule Bonté infinie. Reposez-vous de vos fatigues avec Celui qui est la gloire de toutes les créatures.» Le Saint remerciait pour cette ferveur avec une profonde humilité; et il demandait parfois à sa divine Épouse si ce ne serait pas une témérité de sa part de faire quelque caresse à l'Enfant. Et rassuré par la prudente Mère il lui en faisait; et ainsi avec ce soulagement, il oubliait la fatigue de son travail et tout lui revenait très
facile et très doux. Lorsque la Très Sainte Marie et saint Joseph mangeaient ils avaient toujours avec eux l'Enfant-Dieu. La divine Dame Le prenait dans ses bras en mangeant et en servant la table; ce qu'Elle faisait avec un décorum parfait; et Elle donnait à son âme très pure un plus grand aliment qu'à son corps, Le révérant, L'adorant et L'aimant comme Dieu Éternel; et Le sustentant dans ses bras comme Enfant, Elle Le caressait avec l'affection d'une tendre mère pour son fils chéri. Il n'est pas possible de peser l'attention avec laquelle Elle s'exerçait dans les deux offices: de Créature envers son Créateur, Le regardant selon la Divinité, Fils du Père Éternel, comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs (Apoc. 19: 16), Auteur et Conservateur de tout l'Univers et comme homme véritable dans son Enfance pour Le servir et L'élever en qualité de Mère. Dans ces deux extrêmes et ces deux motifs d'amour, Elle était tout embrasée et enflammée en des actes héroïques d'admiration, de louange et d'affectueux amour. En tout le reste que les deux divins Époux opéraient, je ne peux dire seulement qu'ils étaient un sujet d'admiration pour les Anges et qu'ils donnaient la plénitude à la sainteté et à l'agrément du Seigneur.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 25, 662. Ma fille, étant vrai, comme il l'est que j'entrai en Egypte avec mon Très Saint Fils et mon époux, où nous ne connaissions ni amis, ni parents dans un pays de religion étrangère, sans défense, sans protection ni secours humains pour nourrir un Fils que j'aimais tant; tout cela laisse bien entendre la tribulation et les travaux que nous souffrîmes, puisque le Seigneur donnait lieu à ce que Nous fussions affligés. Et il ne t'est pas possible de faire une juste considération de la patience et de la constance avec lesquelles Nous les supportâmes; et les Anges mêmes sont incapables de peser la récompense que me donna le Très-Haut pour l'amour et la conformité avec lesquels je supportai tout, plus que si j'avais été dans la plus grande prospérité. Il est vrai qu'il me peinait beaucoup de voir mon Époux dans une si grande nécessité et une si grande gêne; mais dans cette même peine, je bénissais même le Seigneur d'avoir à la souffrir. Dans cette très noble patience et cette pacifique longanimité, je veux, ma fille, que tu m'imites dans les occasions où le Seigneur te placera; et qu'en elles tu saches dispenser avec prudence les vertus de l'intérieur et celles de l'extérieur donnant à chacune ce que tu dois, dans l'action et la contemplation, sans que l'une empêche l'autre.
4, 25, 663. Lorsque le nécessaire à la vie manquera à tes inférieures, travaille dûment à le chercher. Et laisser quelquefois ta propre quiétude pour cette obligation n'est pas la perdre, d'autant plus que tu observeras l'avis que je t'ai donné plusieurs fois, de ne point perdre de vue le Seigneur pour aucune occupation: puisque si tu es soigneuse tout peut se faire avec Sa divine Lumière et sa grâce sans te troubler. Et lorsque les choses peuvent être dûment gagnées par des moyens humains, l'on ne doit pas attendre des miracles, ni s'éviter la peine de travailler, pensant que Dieu pourvoira et assistera surnaturellement; parce que Sa Majesté concourt avec les moyens doux, communs et convenables, et que le travail du corps est un moyen opportun pour qu'il serve l'âme et qu'il fasse son sacrifice au Seigneur, et qu'il acquière son mérite de la manière qu'il peut. Et en travaillant la créature raisonnable peut louer Dieu et L'adorer en esprit et en vérité. Et pour le faire, ordonne toutes tes actions à son actuel bon plaisir, consulte Sa Majesté pour les faire, les pesant au poids du sanctuaire ayant l'attention fixée sur la Lumière divine que le Tout-Puissant répandra en toi.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 25, [a]. La maison de la Sainte Famille à Héliopolis était donc un peu à côté de la ville. Et ce devait être vers Matarieh, parce que c'était là selon Adricomius que se trouve le "jardin des baumes" et la "Fontaine de la Vierge". «Matarieh ou Matarea,» écrit D. Rodriguaer Sabrino, [Stor. della Ter. San. Tom. II no. Il Cairo] «est un lieu où la Vierge séjourna deux mois. Il y a en cette maison une pierre sur laquelle on dit que le Divin Enfant S'asseyait pendant que Sa Mère s'occupait à travailler. Là tout près se trouve la fontaine où la Vierge lavait et prenait l'eau pour boire. Et c'est justement avec cette eau qu'est arrosé aujourd'hui le "jardin des baumes" qui y est contigu et que l'on appelle le jardin de Jésus.
4, 25, [b. Il suffit de lire le Lévitique et aussi l'Exode c. 25 et 46, pour voir à combien de détails minutieux Dieu descendit pour la construction de l'Arche et du Tabernacle. On ne doit donc pas être surpris que le Divin Enfant Se soit occupé Lui aussi de prescrire à Sa Mère, véritable Arche et Tabernacle vivant de l'Esprit-Saint, de ce qu'Elle devait faire dans le cours de la journée, même quant aux occupations les plus minutieuses.
Jésus, Marie et Joseph établissent Leur domicile dans la cité d'Héliopolis par la Volonté de Dieu: Ils ordonnent là Leur vie pour le temps de Leur exil.
4, 25, 653. Les souvenirs qui demeurèrent dans plusieurs lieux de l'Égypte de certaines merveilles que le Verbe Incarné y opéra, ont pu donner occasion aux saints et aux autres auteurs d'écrire, les uns que les très saints Exilés habitèrent dans une cité, et que les autres affirmèrent qu'ils habitèrent dans une autre. Mais tous peuvent dire vrai et se concorder, distinguant les temps où ils arrêtèrent à Hermopolis, à Memphis ou Babylone d'Égypte, et à Matarieh; puis ils furent non-seulement dans ces cités mais en d'autres encore. Ce que j'ai compris est que, les ayant parcourues, ils arrivèrent à Héliopolis et y fixèrent leur demeure; parce que les saints Anges qui les guidaient dirent à la divine Reine et à saint Joseph qu'ils devaient s'arrêter dans cette ville; car outre la ruine des idoles et de leurs temples qui eut lieu à leur arrivée, comme partout ailleurs, le Seigneur déterminait de faire dans cette ville d'autres merveilles pour Sa gloire et pour le rachat de plusieurs âmes; et que selon l'heureux pronostic de son nom qui était, "cité du soleil", le Soleil de justice (Mal. 4: 2) et de grâce apparût aux habitants de cette ville, afin de les illuminer plus abondamment. A cet avis ils établirent là leur demeure ordinaire; et aussitôt saint Joseph sortit pour la chercher, offrant le paiement qui serait juste; et le Seigneur disposa qu'il trouvât une maison humble et pauvre, mais
suffisante pour leur habitation, et un peu retirée de la ville, comme la Reine du Ciel le désirait [a].
4, 25, 654. Ayant donc trouvé ce domicile à Héliopolis, ils y établirent leur résidence permanente. Et la divine Dame se retirant aussitôt dans ce lieu écarté avec son Très Saint Fils et son époux Joseph, se prosterna en terre et la baisa avec une profonde humilité et une affectueuse reconnaissance et Elle rendit grâces au Très-Haut pour avoir trouvé ce lieu de repos après un si pénible et si long voyage. Elle remercia la terre même et les éléments de l'y avoir sustenté; parce qu'à cause de son incomparable humilité Elle se jugeait toujours indigne de tout ce qu'Elle recevait. Elle adora l'Être Immuable de Dieu dans ce lieu, dirigeant à Son culte et à Sa révérence tout ce qu'Elle devait y opérer. Elle Lui fit intérieurement hommage et sacrifice de ses puissances et de ses sens et Elle s'offrit à souffrir promptement, allégrement et diligemment autant de peines que le Tout-Puissant voudrait lui en envoyer dans cet exil; car sa prudence les prévoyait et son affection les embrassait. Elle les appréciait par la science que les peines et les afflictions sont bien reçues au tribunal Divin, et que son Très Saint Fils devait les avoir pour héritage et pour très riche trésor. De cet exercice élevé et de cette sublime habitation, Elle s'humilia à nettoyer et à disposer la pauvre maisonnette avec l'aide des saints Anges, étant allée emprunter jusqu'à l'instrument pour la balayer. Et quoique nos divins Étrangers se trouvassent suffisamment accommodés des pauvres murailles de la maison, il leur manquait tout le reste du ménage et de la nourriture nécessaires pour la vie. Et parce qu'ils étaient déjà en pays habité, les provisions miraculeuses dont ils avaient été secourus dans la solitude par la main des Anges vinrent à cesser; et le Seigneur les remit à la table ordinaire des plus pauvres qui est l'aumône mendiée. Et étant arrivés à sentir la nécessité et à souffrir de la faim, saint Joseph sortit pour la demander pour l'amour de Dieu: afin qu'avec un tel exemple les pauvres ne se plaignent point de leur affliction, qui ne soient confus d'y remédier par ce moyen quand ils n'en trouveront pas d'autres; puisque la mendicité fut si tôt mise en pratique pour sustenter la vie du Seigneur même de toutes les créatures, afin qu'Il fut obligé par cette voie à donner comptant cent pour un.
4, 25, 655. Les trois premiers jours de Leur arrivée à Héliopolis, comme aussi dans les autres endroits de l'Egypte, la Reine du Ciel n'eut pas d'autre aliment pour
Elle et pour son Divin Fils que ceux que son Père putatif Joseph demanda en aumône, jusqu'à ce qu'il commençât à gagner quelque secours par son travail. Et avec cela il fit un lit nu dans lequel la Mère se couchait et un berceau pour l'Enfant, et le saint Époux n'en avait point d'autre que la terre nue et la maison sans meuble, jusqu'à ce que par ses propres sueurs il pût acquérir quelques-uns des plus indispensables pour vivre tous les trois. Et je ne veux pas passer sous silence ce qui m'a été donné de connaître: qu'au milieu d'une telle pauvreté et de nécessités si extrêmes, la Très Sainte Marie et saint Joseph ne firent point mémoire de leur maison de Nazareth, ni de leurs parents, ni de leurs amis, ni des présents des Rois qu'ils avaient distribués et qu'ils auraient pu garder. Ils parlèrent de toute autre chose que cela, ils ne se plaignirent point de se trouver si à l'étroit et si abandonnés en tournant leur attention vers le passé et vers la crainte de l'avenir. Au contraire, ils demeurèrent en tout dans une égalité, une allégresse et une quiétude incomparables, s'abandonnant à la divine Providence dans leur dénuement et leur plus grande indigence. O petitesse de nos coeurs infidèles! et que d'angoisses et de troubles pénibles n'ont-ils pas coutume de souffrir en se trouvant pauvres et avec quelque nécessité! Ensuite nous nous plaignons d'avoir perdu telle occasion d'avoir pu prévenir ou gagner ce remède-ci ou celui-là; que si nous avions fait ceci ou cela nous ne nous puissions pas trouvés dans cette nécessité ou dans celle-là. Toutes ces angoisses sont vaines et insensées, parce qu'elles ne sont d'aucun remède. Et quoiqu'il eût été bon de n'avoir point donné cause à nos afflictions par nos péchés, car plusieurs fois nous nous les attirons; cependant nous sentons d'ordinaire le dommage temporel acquis et non le péché par où nous le méritons. Nous sommes lents et insensés de coeur pour percevoir les choses spirituelles (1 Cor. 2: 14) de notre justification et de nos accroissements de la grâce; et sensibles, terrestres et audacieux pour nous livrer aux choses terrestres et à leurs inquiétudes. La vie de nos Pèlerins est une réprimande sévère de notre grossièreté et de notre rusticité.
4, 25, 656. La Très Prudente Dame et son époux s'accommodèrent avec allégresse, seuls et dénués de toutes les choses temporelles dans la pauvre maisonnette qu'ils trouvèrent. Et des trois appartements qu'il y avait, l'un fut consacré pour le temple ou sanctuaire où serait l'Enfant-Jésus et avec Lui Sa Très Pure Mère. Là furent mis le berceau et le lit nu, jusqu'à ce qu'ils arrivassent après quelques jours, par le travail du saint époux et la piété de certaines femmes dévotes qui s'affectionnèrent à la Reine, à avoir quelques couvertures pour se
couvrir tous. Un autre appartement fut destiné pour le saint époux, où il dormait et se retirait pour prier. Et le troisième servait d'officine et d'atelier pour travailler de son métier. La grande Dame voyant l'extrême pauvreté où ils étaient et que le travail de saint Joseph devait être plus grand pour subsister dans une terre où ils n'étaient pas connus, détermina d'aider, travaillant Elle aussi de ses mains pour le soulager en ce qu'elle pouvait. Et comme Elle l'avait déterminé, Elle l'exécuta, cherchant des travaux des mains par le moyen de ces pieuses femmes qui commencèrent à la fréquenter, affectionnées à sa modestie et à sa douceur. Et comme tout ce qu'Elle faisait et touchait sortait si parfait de ses mains, la renommée de la propreté de ses ouvrages se répandit aussitôt et Elle ne manqua jamais de travail pour nourrir son Fils vrai Dieu et vrai Homme.
4, 25, 657. Il parut à notre Reine qu'il était bien de passer tout le jour dans le travail, afin de gagner tout ce qui était nécessaire pour manger, vêtir saint Joseph, meubler sa maison quoique pauvrement et en payer la location, et de passer la nuit dans ses exercices spirituels. Elle détermina cela, non qu'Elle eut quelque cupidité ni non plus qu'Elle manquât un seul moment du jour à la contemplation car Elle y était toujours en présence de l'Enfant-Dieu, comme je l'ai déjà dit et le dirai tant de fois. Mais Elle voulut remettre à la nuit certaines heures qu'Elle vaquait de jour à des exercices spéciaux; afin de travailler davantage et ne point demander ni espérer que Dieu opérât des miracles en ce qu'Elle pouvait obtenir pas sa diligence et en ajoutant plus de travail; car en de tels cas nous demanderions plus de miracle pour la commodité que pour la nécessité. La Très Prudente Reine demandant au Père Éternel que Sa Miséricorde les pourvut du nécessaire pour alimenter Son Fils Unique; mais Elle travaillait en même temps. Et comme quelqu'un qui ne se fiait ni à Elle-même ni à sa diligence, Elle demandait au Seigneur en travaillant ce qu'Il nous concède par ce moyen, à nous les autres créatures.
4, 25, 658. L'Enfant-Dieu se complut beaucoup dans cette prudence de Sa Mère et dans la conformité qu'Elle avait avec son étroite pauvreté; et en retour de cette fidélité de Mère, Il voulut lui alléger en quelque chose le travail qu'Elle avait commencé. Et un jour, il lui parla de Son berceau et lui dit: «Ma Mère, Je veux disposer l'ordre de votre vie et de votre travail corporel.» La divine Mère s'agenouilla aussitôt et répondit: «Mon doux Amour, Seigneur de tout mon être, je Vous loue et je Vous exalte pour avoir condescendu à mon désir et à mes pensées
qui s'acheminaient à ce que Votre Divine Volonté réglât mes oeuvres et dirigeât mes pas (Ps. 118: 133) selon Votre bon plaisir, et qu'elle ordonnât l'occupation que je dois avoir en chaque heure du jour, selon Votre agrément. Et puisque Votre Divinité a pris chair humaine et que Votre Grandeur a daigné condescendre à mes ardents désirs, parlez, Lumière de mes yeux, car Votre servante Vous écoute». Le Seigneur lui dit: «Ma très chère Mère, dès l'entrée de la nuit, [c'est-à-dire vers les neuf heures], vous dormirez et vous vous reposerez quelque peu. De minuit jusqu'au lever du jour, vous vous occuperez dans les exercices de la contemplation avec Moi, et Nous louerons Mon Père Éternel. Ensuite vous vous appliquerez à préparer le nécessaire pour votre nourriture et celle de saint Joseph. Puis vous Me donnerez à Moi l'aliment et vous Me tiendrez dans vos bras jusqu'à l'heure de Tierce, où vous me mettrez dans les bras de votre époux pour le soulagement de son travail. Et parce qu'ici vous n'avez point les Saintes Écritures dont la lecture vous était une consolation, vous lirez dans Ma Science la Doctrine de la Vie Éternelle, afin que vous Me suiviez en tout par une imitation parfaite. Et priez toujours Mon Père Éternel, pour les pécheurs [b.»
4, 25, 659. La Très Sainte Marie se gouverna selon cette règle tout le temps qu'Elle fut en Égypte. Et chaque jour Elle donnait le sein à l'Enfant-Dieu trois fois; car lorsqu'Il lui marqua la première fois qu'elle avait à le Lui donner, Il ne lui commanda point de ne point le Lui donner d'autres fois, comme Elle le fit dès la Naissance. Lorsque la divine Souveraine travaillait Elle était toujours à genoux en présence de l'Enfant-Jésus; et parmi les colloques et les conférences qu'ils avaient, il était très ordinaire que le Roi de Son berceau et la Reine de son travail faisaient des cantiques mystérieux de louange. Et s'ils eussent été écrits, il y en aurait plus que tous les Psaumes et les cantiques que l'Église célèbre, et plus que tous ceux qu'on y conserve écrits maintenant; puis il n'y a point de doute que Dieu par l'instrument de Son Humanité et de la Très Sainte Marie ait parlé avec une plus grande élévation et plus d'admiration que par David, Moïse, Marie, Anne et tous les prophètes. Dans ces cantiques la divine Mère demeurait toujours renouvelée et remplie de nouvelles affections envers la Divinité et d'aspirations efficaces à l'union envers son Être immuable, parce que seule Elle était le Phénix qui renaissait dans cet incendie et l'Aigle royale qui pouvait regarder fixement le Soleil de l'ineffable Lumière et de si près, où aucune autre créature ne put jamais élever jusque là son vol. Elle accomplissait la fin pour laquelle le Verbe Divin prit chair dans ses entrailles Virginales et qui fut de diriger et de porter les créatures
raisonnables à Son Père Éternel. Et entre toutes Elle était la seule que l'obstacle du péché n'empêchassent point, ni ses effets, ni les passions et les appétits, mais qui était libre de tout le terrestre et de tout le poids de la nature; Elle voulait à la suite de son Bien-Aimé, Elle s'élevait à une habitation sublime, et Elle ne s'arrêtait point jusqu'à ce qu'Elle fût arrivé à son centre qui était la Divinité. Et comme Elle avait toujours à la vue la Voie (Jean 14: 6) et la Lumière qui est le Verbe Incarné, et que son désir et son affection étaient toujours dirigés vers l'Être Immuable du Très-Haut, Elle courait à Lui avec ferveur, et Elle était plus dans la fin que dans les moyens, plus où Elle aimait que là où Elle animait.
4, 25, 660. Quelquefois aussi l'Enfant-Dieu dormait en présence de Sa Mère heureuse et fortunée, afin que ce qu'il dit en cela fût vrai aussi: «Je dors mais Mon Coeur veille (Cant. 5: 2).» Et comme ce corps très saint de son Fils était pour Elle un cristal très pur et très clair par où Elle regardait et pénétrait le secret de Son Âme déifiée et Ses opérations, ainsi, Elle se mirait et se remirait dans ce Miroir Immaculé (Sag. 7: 26); et c'était une consolation spéciale pour la divine Souveraine de voir la partie supérieure de l'Âme très sainte de son Fils si vigilante dans les Oeuvres héroïques de Voyageur et de Compréhenseur conjointement; et en même temps de voir les sens dormir avec tant de quiétude et une si rare beauté de l'Enfant, tout l'humain étant hypostatiquement uni à la Divinité. Notre langue ne peut pas suffire pour parler sans nuire à la matière des douces affections, des élévations enflammées et des oeuvres héroïques que faisait la Reine du Ciel dans ces circonstances. Mais là où les paroles manquent, la Foi et le coeur opèrent.
4, 25, 661. Lorsqu'il était temps de donner à saint Joseph le soulagement de tenir l'Enfant-Jésus, la divine Mère lui disait: «Mon Fils et mon Seigneur, regardez Votre fidèle serviteur avec un amour de Fils et de Père, et prenez Vos délices dans la pureté de son âme si droite et si agréable à Vos yeux.» Et Elle disait au Saint: «Mon époux, recevez dans vos bras le Seigneur qui tient dans Sa main tous les globes du ciel et de la terre à qui Il donna l'être par Sa seule Bonté infinie. Reposez-vous de vos fatigues avec Celui qui est la gloire de toutes les créatures.» Le Saint remerciait pour cette ferveur avec une profonde humilité; et il demandait parfois à sa divine Épouse si ce ne serait pas une témérité de sa part de faire quelque caresse à l'Enfant. Et rassuré par la prudente Mère il lui en faisait; et ainsi avec ce soulagement, il oubliait la fatigue de son travail et tout lui revenait très
facile et très doux. Lorsque la Très Sainte Marie et saint Joseph mangeaient ils avaient toujours avec eux l'Enfant-Dieu. La divine Dame Le prenait dans ses bras en mangeant et en servant la table; ce qu'Elle faisait avec un décorum parfait; et Elle donnait à son âme très pure un plus grand aliment qu'à son corps, Le révérant, L'adorant et L'aimant comme Dieu Éternel; et Le sustentant dans ses bras comme Enfant, Elle Le caressait avec l'affection d'une tendre mère pour son fils chéri. Il n'est pas possible de peser l'attention avec laquelle Elle s'exerçait dans les deux offices: de Créature envers son Créateur, Le regardant selon la Divinité, Fils du Père Éternel, comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs (Apoc. 19: 16), Auteur et Conservateur de tout l'Univers et comme homme véritable dans son Enfance pour Le servir et L'élever en qualité de Mère. Dans ces deux extrêmes et ces deux motifs d'amour, Elle était tout embrasée et enflammée en des actes héroïques d'admiration, de louange et d'affectueux amour. En tout le reste que les deux divins Époux opéraient, je ne peux dire seulement qu'ils étaient un sujet d'admiration pour les Anges et qu'ils donnaient la plénitude à la sainteté et à l'agrément du Seigneur.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 25, 662. Ma fille, étant vrai, comme il l'est que j'entrai en Egypte avec mon Très Saint Fils et mon époux, où nous ne connaissions ni amis, ni parents dans un pays de religion étrangère, sans défense, sans protection ni secours humains pour nourrir un Fils que j'aimais tant; tout cela laisse bien entendre la tribulation et les travaux que nous souffrîmes, puisque le Seigneur donnait lieu à ce que Nous fussions affligés. Et il ne t'est pas possible de faire une juste considération de la patience et de la constance avec lesquelles Nous les supportâmes; et les Anges mêmes sont incapables de peser la récompense que me donna le Très-Haut pour l'amour et la conformité avec lesquels je supportai tout, plus que si j'avais été dans la plus grande prospérité. Il est vrai qu'il me peinait beaucoup de voir mon Époux dans une si grande nécessité et une si grande gêne; mais dans cette même peine, je bénissais même le Seigneur d'avoir à la souffrir. Dans cette très noble patience et cette pacifique longanimité, je veux, ma fille, que tu m'imites dans les occasions où le Seigneur te placera; et qu'en elles tu saches dispenser avec prudence les vertus de l'intérieur et celles de l'extérieur donnant à chacune ce que tu dois, dans l'action et la contemplation, sans que l'une empêche l'autre.
4, 25, 663. Lorsque le nécessaire à la vie manquera à tes inférieures, travaille dûment à le chercher. Et laisser quelquefois ta propre quiétude pour cette obligation n'est pas la perdre, d'autant plus que tu observeras l'avis que je t'ai donné plusieurs fois, de ne point perdre de vue le Seigneur pour aucune occupation: puisque si tu es soigneuse tout peut se faire avec Sa divine Lumière et sa grâce sans te troubler. Et lorsque les choses peuvent être dûment gagnées par des moyens humains, l'on ne doit pas attendre des miracles, ni s'éviter la peine de travailler, pensant que Dieu pourvoira et assistera surnaturellement; parce que Sa Majesté concourt avec les moyens doux, communs et convenables, et que le travail du corps est un moyen opportun pour qu'il serve l'âme et qu'il fasse son sacrifice au Seigneur, et qu'il acquière son mérite de la manière qu'il peut. Et en travaillant la créature raisonnable peut louer Dieu et L'adorer en esprit et en vérité. Et pour le faire, ordonne toutes tes actions à son actuel bon plaisir, consulte Sa Majesté pour les faire, les pesant au poids du sanctuaire ayant l'attention fixée sur la Lumière divine que le Tout-Puissant répandra en toi.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 25, [a]. La maison de la Sainte Famille à Héliopolis était donc un peu à côté de la ville. Et ce devait être vers Matarieh, parce que c'était là selon Adricomius que se trouve le "jardin des baumes" et la "Fontaine de la Vierge". «Matarieh ou Matarea,» écrit D. Rodriguaer Sabrino, [Stor. della Ter. San. Tom. II no. Il Cairo] «est un lieu où la Vierge séjourna deux mois. Il y a en cette maison une pierre sur laquelle on dit que le Divin Enfant S'asseyait pendant que Sa Mère s'occupait à travailler. Là tout près se trouve la fontaine où la Vierge lavait et prenait l'eau pour boire. Et c'est justement avec cette eau qu'est arrosé aujourd'hui le "jardin des baumes" qui y est contigu et que l'on appelle le jardin de Jésus.
4, 25, [b. Il suffit de lire le Lévitique et aussi l'Exode c. 25 et 46, pour voir à combien de détails minutieux Dieu descendit pour la construction de l'Arche et du Tabernacle. On ne doit donc pas être surpris que le Divin Enfant Se soit occupé Lui aussi de prescrire à Sa Mère, véritable Arche et Tabernacle vivant de l'Esprit-Saint, de ce qu'Elle devait faire dans le cours de la journée, même quant aux occupations les plus minutieuses.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 26
Des merveilles que l'Enfant-Jésus, Sa Très Sainte Mère et saint Joseph opérèrent à Héliopolis d'Égypte.
4, 26, 664. Lorsqu'Isaïe (Is. 19: 1) dit que le Seigneur entrerait en Égypte sur une nuée légère pour les merveilles qu'Il voulait opérer dans ce royaume, en appelant nuée Sa Très Sainte Mère, ou comme d'autres disent, l'Humanité qu'Il avait reçue d'Elle, il n'y a pas de doute que par cette métaphore il voulût signifier qu'au moyen de cette Nuée divine [a] il devait fertiliser et féconder cette terre stérile des coeurs des habitants, afin que désormais Elle produisît de nouveaux fruits de sainteté et de connaissance de Dieu, comme il arriva après que cette Nuée céleste y fut entrée. Parce qu'aussitôt la Foi du vrai Dieu se répandit en Égypte, l'idolâtrie fut détruite et le chemin de la Vie Éternelle s'ouvrit, car jusqu'alors le démon l'avait tenu tellement fermé qu'à peine y avait-il dans cette province quelqu'un qui connût la vraie Divinité lorsque le Verbe Incarné y entra. Et quoiqu'il y en eût quelques-uns qui avaient acquis cette connaissance par la communication avec les Hébreux qu'il y avait dans cette contrée; néanmoins ils mêlaient avec cette connaissance de grandes erreurs, des superstitions et le culte des démons, comme le firent en d'autres temps les Babyloniens qui vinrent vivre à Samarie (4 Rois 17: 24-25). Mais après que le Soleil de justice eût illuminé l'Égypte et que l'eût fertilisée la Nuée allégée de tout péché, la Très Sainte Marie, elle demeura si féconde en sainteté et en grâce qu'elle donna des fruits abondants pendant tant de siècles, comme on le voit dans les saints qu'elle produisit ensuite, et dans les ermites en si grand nombre que firent distiller ces montagnes (Joël 3: 18), travaillant le très doux miel ce la sainteté et de la perfection chrétienne b].
4, 26, 665. Afin de disposer ce bienfait que le Seigneur préparait pour les Égyptiens Il prit Son siège dans la cité d'Héliopolis, comme je l'ai dit. Et en y entrant, comme elle était si peuplée et si pleine d'idoles, de temples et d'autels du démon et que tous s'écroulèrent avec grand bruit, frappant de terreur tous ceux qui se trouvaient voisins, grande fut la commotion et le trouble que toute la ville souffrit de cette nouveauté inouïe. Ils allaient tous comme atterrés et hors d'eux-mêmes, et joint à cela la curiosité de voir les étrangers nouvellement arrivés fit qu'ils venaient en très grand nombre, hommes et femmes, parler à notre grande Reine et au glorieux Joseph. La divine Mère qui savait le mystère et la Volonté du Très-Haut, répondit à tous prudemment, sagement et doucement, leur parlant beaucoup au coeur et les laissant dans l'admiration de Sa grâce incomparable, illustrés par la très sublime Doctrine qu'Elle leur disait et en les détrompant des erreurs où ils étaient: et prenant occasion de guérir quelques-uns des malades qui allaient à Elle, Elle les aidait et les consolait de toutes manières. Ces miracles allèrent en se divulguant de telle sorte qu'en très peu de temps il vint un si grand concours de monde qui cherchaient la divine Étrangère que la Très Prudente Dame fut obligée de prier Son Très Saint Fils de lui ordonner ce qui était de Sa Volonté qu'Elle fît à l'égard de ces gens. L'Enfant-Dieu lui répondit: de les informer tous de la Vérité et de la connaissance de la Divinité et de leur enseigner Son culte et comment ils devaient sortir du péché.
4, 26, 666. Notre céleste Princesse exerça cet office de Prédicateur et de Docteur des Égyptiens, comme Instrument de son Très Saint Fils qui donnait de la vertu à ses paroles. Et le fruit qui se fit dans ces âmes fut tel qu'il faudrait plusieurs livres s'il fallait rapporter les merveilles qui arrivèrent et les âmes qui se convertirent à la Vérité dans les sept années qu'Ils furent dans cette province; parce qu'elle demeura toute sanctifié et remplie de bénédictions de douceur (Ps. 20: 4). Lorsque la divine Dame écoutait et répondait à ceux qui venait à Elle, Elle prenait toujours l'Enfant-Jésus, comme Celui qui était l'Auteur de cette grâce et de toutes celles que les pécheurs recevaient. Elle parlait à tous selon le besoin de chacun et selon sa capacité pour entendre et percevoir la Doctrine de la Vie Éternelle. Elle leur donna Lumière et connaissance, non seulement de la Divinité, mais de ce qu'il n'y avait qu'un seule Dieu et qu'il était impossible qu'il y en eût plusieurs. Elle leur enseigna aussi tous les articles et toutes les vérités qui touchaient à la Divinité et à la création du monde. Et ensuite Elle leur déclara comment le même Dieu devait le racheter et le réparer; et Elle leur enseigna tous
les commandements qui touchent au Décalogue qui sont de la loi naturelle même, la manière avec laquelle ils devaient rendre leur culte à Dieu, L'adorer et espérer la Rédemption du genre humain.
4, 26, 667. Elle leur donna à entendre comment il y avait des démons, ennemis du vraie Dieu et des hommes, et Elle les détrompa des erreurs qu'ils avaient en cela par leurs idoles et par les réponses fabuleuses qu'ils leur donnaient et les péchés très horribles auxquels ils les induisaient et les provoquaient pour aller les consulter et comment ils les tentaient ensuite secrètement par des suggestions et des mouvements désordonnés. Et quoique la Reine du Ciel fût si libre de tout ce qui était imparfait; néanmoins pour la gloire du Très-Haut et le remède de ces âmes, Elle ne dédaignait pas de les dissuader des péchés impurs et très honteux dans lesquels toutes l'Égypte était plongée. Elle lui déclara aussi comment le Réparateur de tant de maux qui devait vaincre le démon, conformément à ce qui était écrit de Lui était déjà venu, quoiqu'Elle ne leur dît pas qu'Elle L'avait dans les bras. Et afin qu'ils reçussent mieux toute cette Doctrine et qu'ils s'affectionnassent à la Vérité Elle la confirmait par quelques miracles guérissant toute espèce d'infirmités et des démoniaques qui venaient de divers endroits. Et la même Reine allait aux hôpitaux [c] et là Elle consolait ceux qui étaient tristes et Elle soulageait ceux qui étaient affligés, Elle donnait des secours aux nécessiteux; et Elle les réduisait tous avec son suave amour, les avertissant avec une aimable sévérité, et les obligeant en se faisant leur bienfaitrice.
4, 26, 668. Dans le soin des infirmes qui avaient des plaies, la divine Souveraine se trouva balancée entre deux affections: l'une de la charité qui l'obligeait à soigner les plaies de ses propres mains, l'autre de sa réserve de ne toucher personne. Et afin qu'Elle gardât cette réserve comme il convenait, son Très Saint Fils lui répondit de soigner les hommes seulement par ses paroles et en les avertissant; qu'ainsi ils demeureraient sains; et les femmes qu'Elle pouvait les guérir de ses mains, touchant et nettoyant leurs plaies. Et c'est ce qu'Elle fit dès lors, exerçant les offices de mère et d'infirmière, respectivement, jusqu'à ce qu'ensuite au bout de deux ans, saint Joseph commençât aussi à guérir les malades, comme je le dirai. La Reine assistait surtout les femmes avec une charité si incomparable, qu'étant la pureté même et si délicate, si libre d'infirmités et d'incommodités Elle soignait néanmoins leurs plaies si ulcérées qu'elles fussent et
Elle leur appliquait de ses mains les linges et les bandages nécessaires, et ainsi Elle compatissait comme si Elle eût enduré les maux de chacun de ces malades. Il arrivait quelquefois que pour les guérir Elle demandait permission à son Très Saint Fils de Le quitter de ses bras, et Elle Le couchait dans le berceau et Elle assistait les pauvres; et le Seigneur même des pauvres était dans cette assistance (Matt. 25: 40) par un autre moyen avec la charitable et humble Souveraine. Mais dan ces soins et ces oeuvres, chose admirable! la Très Modeste Reine ne regardait jamais au visage aucun homme ni aucune femme. Et lors même que leur plaie s'y trouvait, sa réserve était si extrême qu'ensuite Elle n'aurait pu reconnaître personne au visage, si Elle ne les avait pas reconnus tous avec la Lumière intérieure.
4, 26, 669. Avec les fortes chaleurs de l'Égypte et beaucoup de désordres de ce misérable peuple, les maladies étaient graves et ordinaires dans ces contrées; et pendant que l'Enfant-Jésus et Sa Très Sainte Mère étaient là, la peste éclata à Héliopolis et en d'autres endroits. Pour ces raisons et à cause de la renommée des merveilles qu'ils opéraient, un grand nombre de personnes accouraient à eux de tout le pays et tous s'en retournaient sains de corps et d'âme. Et afin que la grâce du Seigneur se répandit en eux avec une plus grande abondance et que la Très Pieuse Mère eût un coadjuteur dans les miséricordes qu'Elle opérait comme vivant Instrument de son Fils unique, Sa Majesté détermina à la prière de la divine Souveraine que saint Joseph aussi eût part au ministère de l'enseignement et de la guérison des malades; et pour cela Elle lui obtint une nouvelle Lumière intérieure et une nouvelle grâce de sainteté. Et vers la troisième année qu'ils étaient en Égypte, le saint époux commença à exercer ces Dons du Ciel; il enseignait, guérissait et catéchisait d'ordinaire les hommes et la grande Souveraine les femmes. Avec ces bienfaits si continuels et la grâce et l'efficace [d] qui étaient répandues sur les lèvres de notre Reine, le fruit qu'Elle faisait était incroyable à cause de l'affection que tous éprouvaient, soumis à sa modestie et attirés par la vertu de sa sainteté. Ils lui offraient beaucoup de dons et de richesses, afin qu'Elle s'en servît: mais Elle n'acceptait ni ne réservait jamais aucune chose pour Elle, parce qu'ils se nourrirent toujours de son travail des mains et de celui de saint Joseph. Et lorsque parfois Elle recevait quelque présent de la part de ceux dont son Altesse connaissait qu'il était juste et convenable de recevoir, Elle distribuait le tout aux pauvres et aux nécessiteux. Et pour cette fin seulement Elle consentait à la piété et à la consolation de quelques dévots; et même à ceux-là Elle donnait souvent en retour quelque chose des ouvrages qu'Elle faisait. De ces oeuvres
merveilleuses on peut inférer toutes celles qu'ils firent en Égypte pendant l'espace de sept ans qu'ils furent à Héliopolis; parce qu'il est impossible de les rapporter toutes dans leur nombre et leurs détails.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 26, 670. Ma fille, tu as éprouvé de l'admiration de connaître les oeuvres de miséricorde que j'exerçais en Égypte, assistant les pauvres et les malades de tant d'infirmités pour leur donner la santé, de l'âme et du corps. Mais tu comprendras combien tout cela était compatible avec ma réserve et mon affection pour la retraite, si tu considères l'immense amour avec lequel mon Très Saint Fils voulut aller aussitôt en naissant porter le remède à ce royaume et faire en faveur de ses habitants le premier essai du feu de charité qui brûlait dans son sein pour le salut des mortels. Il me communiqua à moi cette charité et il me rendit l'Instrument de la Sienne et de Sa Puissance, sans laquelle je ne me serais pas hasardée en tant d'oeuvres par moi-même; parce que j'était toujours inclinée à ne parler ni à me communiquer à personne: mais la Volonté de mon Fils et mon Seigneur était mon gouvernement en tout. Je veux de toi, mon amie, que tu travailles à mon imitation pour le bien et le salut de tes proches, tâchant de me suivre en cela avec la perfection et les conditions avec lesquelles j'agissais. Tu ne dois point chercher les occasions toi-même; mais le Seigneur te les enverras; sauf lorsque pour quelque grande raison il sera nécessaire que tu t'offres à ces oeuvres de toi-même. Mais en toutes ces circonstances, travaille, avertis et éclaire ceux que tu pourras avec la lumière que tu possèdes, non comme prenant l'office de maîtresse, mais comme celle qui veut consoler et compatir aux afflictions de ses frères et qui veut apprendre la patience en eux, usant de beaucoup d'humilité et de prudente retenue, jointes à la pratique de la charité.
4, 26, 671. Avertis, corrige et gouverne tes inférieures, les dirigeant dans le chemin de la plus grande vertu et de l'agrément du Seigneur; parce qu'après avoir opéré la vertu toi-même avec perfection, le plus grand service pour Sa Majesté sera que tu l'enseigne aux autres, selon tes forces et la grâce que tu as reçue. Et pour ceux à qui tu ne peux parler, demande et implore leur remède incessamment; et avec cela tu étendras ta charité à tous. Et parce que tu ne peux pas servir les malades du dehors, compense-le en servant celles de ta maison, accourant à leur service, à leur récréation et à leur propreté par toi-même. Et en cela ne t'imagine pas supérieure à cause de ton office d'abbesse puisque par cela tu es mère et tu dois le montrer dans le soin et l'amour de toutes tes religieuses, et pour le reste tu dois toujours être la moindre dans ton estime. Et comme le monde occupe ordinairement les plus pauvres et les plus méprisés à servir les malades parce que comme ignorant il ne connaît point la sublimité de ce ministère; pour cela, je te donne à toi comme à la plus pauvre et à la dernière de toutes l'office d'infirmière, afin que tu l'exerces en m'imitant.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 26, [a]. Suarez écrit à ce propos [I. P., t. II, disp. 17, sect. 1]: «Procope, dans Isaïe, comprend par la nuée légère la Vierge sacrée, dans les bras de laquelle le Sauveur du monde fut porté en Égypte. Celle-ci fut appelée nuée; parce que c'est par Elle que Dieu fit pleuvoir la grâce du Christ sur la terre comme le dit saint Ambroise [De Instit. Virg.]. Elle est nommée légère parce qu'Elle ne fut pas alourdie par la semence virile, comme le dit le même saint Ambroise et saint Jérôme sur Isaïe, ou parce qu'Elle n'avait aucun poids de péché, ni de passion ou de concupiscence, ou parce qu'Elle volait au-dessus de toutes ces choses, comme le dit Procope.»
4, 26, b]. A ce même propos, saint Jean Chrysostôme put dire que Jésus-Christ changea l'Égypte en un espèce de Paradis: «Non vraiment, le ciel ne
resplendit pas autant avec le choeur de ses astres variés que l'Égypte est distinguée et illustré de pour avoir été la demeure de tant de moines et de Vierges.» [Tom. VIII, in Matt]. Trimégiste en saint Augustin [De Civit. l. VIII, c. 14] dit aussi: «Égypte, image du ciel et temple de tout le monde.»
Ce ne serait pas connaître le Coeur de Jésus ni Celui de Marie que de supposer qu'Ils pussent parcourir l'Égypte sans y faire de grands biens aux âmes.
4, 26, [c]. Les anciens Égyptiens qui avaient établi une caste spéciale de médecins, avaient aussi un soin très particulier des malades.
4, 26, [d]. On a parlé ailleurs de la Science infuse dont la Très Sainte Marie avait été favorisé par Dieu, certainement plus que toute autre créature. Elle avait cette Science que saint Augustin appelle "matutinale" par laquelle Elle voyait les créatures en Dieu; et celle que les saints appellent "vespertinale" par laquelle Elle les voyait en elles-mêmes, sans avoir besoin des sens extérieurs. C'est à celle-ci que la Vénérable fait allusion en ce lieu
Des merveilles que l'Enfant-Jésus, Sa Très Sainte Mère et saint Joseph opérèrent à Héliopolis d'Égypte.
4, 26, 664. Lorsqu'Isaïe (Is. 19: 1) dit que le Seigneur entrerait en Égypte sur une nuée légère pour les merveilles qu'Il voulait opérer dans ce royaume, en appelant nuée Sa Très Sainte Mère, ou comme d'autres disent, l'Humanité qu'Il avait reçue d'Elle, il n'y a pas de doute que par cette métaphore il voulût signifier qu'au moyen de cette Nuée divine [a] il devait fertiliser et féconder cette terre stérile des coeurs des habitants, afin que désormais Elle produisît de nouveaux fruits de sainteté et de connaissance de Dieu, comme il arriva après que cette Nuée céleste y fut entrée. Parce qu'aussitôt la Foi du vrai Dieu se répandit en Égypte, l'idolâtrie fut détruite et le chemin de la Vie Éternelle s'ouvrit, car jusqu'alors le démon l'avait tenu tellement fermé qu'à peine y avait-il dans cette province quelqu'un qui connût la vraie Divinité lorsque le Verbe Incarné y entra. Et quoiqu'il y en eût quelques-uns qui avaient acquis cette connaissance par la communication avec les Hébreux qu'il y avait dans cette contrée; néanmoins ils mêlaient avec cette connaissance de grandes erreurs, des superstitions et le culte des démons, comme le firent en d'autres temps les Babyloniens qui vinrent vivre à Samarie (4 Rois 17: 24-25). Mais après que le Soleil de justice eût illuminé l'Égypte et que l'eût fertilisée la Nuée allégée de tout péché, la Très Sainte Marie, elle demeura si féconde en sainteté et en grâce qu'elle donna des fruits abondants pendant tant de siècles, comme on le voit dans les saints qu'elle produisit ensuite, et dans les ermites en si grand nombre que firent distiller ces montagnes (Joël 3: 18), travaillant le très doux miel ce la sainteté et de la perfection chrétienne b].
4, 26, 665. Afin de disposer ce bienfait que le Seigneur préparait pour les Égyptiens Il prit Son siège dans la cité d'Héliopolis, comme je l'ai dit. Et en y entrant, comme elle était si peuplée et si pleine d'idoles, de temples et d'autels du démon et que tous s'écroulèrent avec grand bruit, frappant de terreur tous ceux qui se trouvaient voisins, grande fut la commotion et le trouble que toute la ville souffrit de cette nouveauté inouïe. Ils allaient tous comme atterrés et hors d'eux-mêmes, et joint à cela la curiosité de voir les étrangers nouvellement arrivés fit qu'ils venaient en très grand nombre, hommes et femmes, parler à notre grande Reine et au glorieux Joseph. La divine Mère qui savait le mystère et la Volonté du Très-Haut, répondit à tous prudemment, sagement et doucement, leur parlant beaucoup au coeur et les laissant dans l'admiration de Sa grâce incomparable, illustrés par la très sublime Doctrine qu'Elle leur disait et en les détrompant des erreurs où ils étaient: et prenant occasion de guérir quelques-uns des malades qui allaient à Elle, Elle les aidait et les consolait de toutes manières. Ces miracles allèrent en se divulguant de telle sorte qu'en très peu de temps il vint un si grand concours de monde qui cherchaient la divine Étrangère que la Très Prudente Dame fut obligée de prier Son Très Saint Fils de lui ordonner ce qui était de Sa Volonté qu'Elle fît à l'égard de ces gens. L'Enfant-Dieu lui répondit: de les informer tous de la Vérité et de la connaissance de la Divinité et de leur enseigner Son culte et comment ils devaient sortir du péché.
4, 26, 666. Notre céleste Princesse exerça cet office de Prédicateur et de Docteur des Égyptiens, comme Instrument de son Très Saint Fils qui donnait de la vertu à ses paroles. Et le fruit qui se fit dans ces âmes fut tel qu'il faudrait plusieurs livres s'il fallait rapporter les merveilles qui arrivèrent et les âmes qui se convertirent à la Vérité dans les sept années qu'Ils furent dans cette province; parce qu'elle demeura toute sanctifié et remplie de bénédictions de douceur (Ps. 20: 4). Lorsque la divine Dame écoutait et répondait à ceux qui venait à Elle, Elle prenait toujours l'Enfant-Jésus, comme Celui qui était l'Auteur de cette grâce et de toutes celles que les pécheurs recevaient. Elle parlait à tous selon le besoin de chacun et selon sa capacité pour entendre et percevoir la Doctrine de la Vie Éternelle. Elle leur donna Lumière et connaissance, non seulement de la Divinité, mais de ce qu'il n'y avait qu'un seule Dieu et qu'il était impossible qu'il y en eût plusieurs. Elle leur enseigna aussi tous les articles et toutes les vérités qui touchaient à la Divinité et à la création du monde. Et ensuite Elle leur déclara comment le même Dieu devait le racheter et le réparer; et Elle leur enseigna tous
les commandements qui touchent au Décalogue qui sont de la loi naturelle même, la manière avec laquelle ils devaient rendre leur culte à Dieu, L'adorer et espérer la Rédemption du genre humain.
4, 26, 667. Elle leur donna à entendre comment il y avait des démons, ennemis du vraie Dieu et des hommes, et Elle les détrompa des erreurs qu'ils avaient en cela par leurs idoles et par les réponses fabuleuses qu'ils leur donnaient et les péchés très horribles auxquels ils les induisaient et les provoquaient pour aller les consulter et comment ils les tentaient ensuite secrètement par des suggestions et des mouvements désordonnés. Et quoique la Reine du Ciel fût si libre de tout ce qui était imparfait; néanmoins pour la gloire du Très-Haut et le remède de ces âmes, Elle ne dédaignait pas de les dissuader des péchés impurs et très honteux dans lesquels toutes l'Égypte était plongée. Elle lui déclara aussi comment le Réparateur de tant de maux qui devait vaincre le démon, conformément à ce qui était écrit de Lui était déjà venu, quoiqu'Elle ne leur dît pas qu'Elle L'avait dans les bras. Et afin qu'ils reçussent mieux toute cette Doctrine et qu'ils s'affectionnassent à la Vérité Elle la confirmait par quelques miracles guérissant toute espèce d'infirmités et des démoniaques qui venaient de divers endroits. Et la même Reine allait aux hôpitaux [c] et là Elle consolait ceux qui étaient tristes et Elle soulageait ceux qui étaient affligés, Elle donnait des secours aux nécessiteux; et Elle les réduisait tous avec son suave amour, les avertissant avec une aimable sévérité, et les obligeant en se faisant leur bienfaitrice.
4, 26, 668. Dans le soin des infirmes qui avaient des plaies, la divine Souveraine se trouva balancée entre deux affections: l'une de la charité qui l'obligeait à soigner les plaies de ses propres mains, l'autre de sa réserve de ne toucher personne. Et afin qu'Elle gardât cette réserve comme il convenait, son Très Saint Fils lui répondit de soigner les hommes seulement par ses paroles et en les avertissant; qu'ainsi ils demeureraient sains; et les femmes qu'Elle pouvait les guérir de ses mains, touchant et nettoyant leurs plaies. Et c'est ce qu'Elle fit dès lors, exerçant les offices de mère et d'infirmière, respectivement, jusqu'à ce qu'ensuite au bout de deux ans, saint Joseph commençât aussi à guérir les malades, comme je le dirai. La Reine assistait surtout les femmes avec une charité si incomparable, qu'étant la pureté même et si délicate, si libre d'infirmités et d'incommodités Elle soignait néanmoins leurs plaies si ulcérées qu'elles fussent et
Elle leur appliquait de ses mains les linges et les bandages nécessaires, et ainsi Elle compatissait comme si Elle eût enduré les maux de chacun de ces malades. Il arrivait quelquefois que pour les guérir Elle demandait permission à son Très Saint Fils de Le quitter de ses bras, et Elle Le couchait dans le berceau et Elle assistait les pauvres; et le Seigneur même des pauvres était dans cette assistance (Matt. 25: 40) par un autre moyen avec la charitable et humble Souveraine. Mais dan ces soins et ces oeuvres, chose admirable! la Très Modeste Reine ne regardait jamais au visage aucun homme ni aucune femme. Et lors même que leur plaie s'y trouvait, sa réserve était si extrême qu'ensuite Elle n'aurait pu reconnaître personne au visage, si Elle ne les avait pas reconnus tous avec la Lumière intérieure.
4, 26, 669. Avec les fortes chaleurs de l'Égypte et beaucoup de désordres de ce misérable peuple, les maladies étaient graves et ordinaires dans ces contrées; et pendant que l'Enfant-Jésus et Sa Très Sainte Mère étaient là, la peste éclata à Héliopolis et en d'autres endroits. Pour ces raisons et à cause de la renommée des merveilles qu'ils opéraient, un grand nombre de personnes accouraient à eux de tout le pays et tous s'en retournaient sains de corps et d'âme. Et afin que la grâce du Seigneur se répandit en eux avec une plus grande abondance et que la Très Pieuse Mère eût un coadjuteur dans les miséricordes qu'Elle opérait comme vivant Instrument de son Fils unique, Sa Majesté détermina à la prière de la divine Souveraine que saint Joseph aussi eût part au ministère de l'enseignement et de la guérison des malades; et pour cela Elle lui obtint une nouvelle Lumière intérieure et une nouvelle grâce de sainteté. Et vers la troisième année qu'ils étaient en Égypte, le saint époux commença à exercer ces Dons du Ciel; il enseignait, guérissait et catéchisait d'ordinaire les hommes et la grande Souveraine les femmes. Avec ces bienfaits si continuels et la grâce et l'efficace [d] qui étaient répandues sur les lèvres de notre Reine, le fruit qu'Elle faisait était incroyable à cause de l'affection que tous éprouvaient, soumis à sa modestie et attirés par la vertu de sa sainteté. Ils lui offraient beaucoup de dons et de richesses, afin qu'Elle s'en servît: mais Elle n'acceptait ni ne réservait jamais aucune chose pour Elle, parce qu'ils se nourrirent toujours de son travail des mains et de celui de saint Joseph. Et lorsque parfois Elle recevait quelque présent de la part de ceux dont son Altesse connaissait qu'il était juste et convenable de recevoir, Elle distribuait le tout aux pauvres et aux nécessiteux. Et pour cette fin seulement Elle consentait à la piété et à la consolation de quelques dévots; et même à ceux-là Elle donnait souvent en retour quelque chose des ouvrages qu'Elle faisait. De ces oeuvres
merveilleuses on peut inférer toutes celles qu'ils firent en Égypte pendant l'espace de sept ans qu'ils furent à Héliopolis; parce qu'il est impossible de les rapporter toutes dans leur nombre et leurs détails.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 26, 670. Ma fille, tu as éprouvé de l'admiration de connaître les oeuvres de miséricorde que j'exerçais en Égypte, assistant les pauvres et les malades de tant d'infirmités pour leur donner la santé, de l'âme et du corps. Mais tu comprendras combien tout cela était compatible avec ma réserve et mon affection pour la retraite, si tu considères l'immense amour avec lequel mon Très Saint Fils voulut aller aussitôt en naissant porter le remède à ce royaume et faire en faveur de ses habitants le premier essai du feu de charité qui brûlait dans son sein pour le salut des mortels. Il me communiqua à moi cette charité et il me rendit l'Instrument de la Sienne et de Sa Puissance, sans laquelle je ne me serais pas hasardée en tant d'oeuvres par moi-même; parce que j'était toujours inclinée à ne parler ni à me communiquer à personne: mais la Volonté de mon Fils et mon Seigneur était mon gouvernement en tout. Je veux de toi, mon amie, que tu travailles à mon imitation pour le bien et le salut de tes proches, tâchant de me suivre en cela avec la perfection et les conditions avec lesquelles j'agissais. Tu ne dois point chercher les occasions toi-même; mais le Seigneur te les enverras; sauf lorsque pour quelque grande raison il sera nécessaire que tu t'offres à ces oeuvres de toi-même. Mais en toutes ces circonstances, travaille, avertis et éclaire ceux que tu pourras avec la lumière que tu possèdes, non comme prenant l'office de maîtresse, mais comme celle qui veut consoler et compatir aux afflictions de ses frères et qui veut apprendre la patience en eux, usant de beaucoup d'humilité et de prudente retenue, jointes à la pratique de la charité.
4, 26, 671. Avertis, corrige et gouverne tes inférieures, les dirigeant dans le chemin de la plus grande vertu et de l'agrément du Seigneur; parce qu'après avoir opéré la vertu toi-même avec perfection, le plus grand service pour Sa Majesté sera que tu l'enseigne aux autres, selon tes forces et la grâce que tu as reçue. Et pour ceux à qui tu ne peux parler, demande et implore leur remède incessamment; et avec cela tu étendras ta charité à tous. Et parce que tu ne peux pas servir les malades du dehors, compense-le en servant celles de ta maison, accourant à leur service, à leur récréation et à leur propreté par toi-même. Et en cela ne t'imagine pas supérieure à cause de ton office d'abbesse puisque par cela tu es mère et tu dois le montrer dans le soin et l'amour de toutes tes religieuses, et pour le reste tu dois toujours être la moindre dans ton estime. Et comme le monde occupe ordinairement les plus pauvres et les plus méprisés à servir les malades parce que comme ignorant il ne connaît point la sublimité de ce ministère; pour cela, je te donne à toi comme à la plus pauvre et à la dernière de toutes l'office d'infirmière, afin que tu l'exerces en m'imitant.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 26, [a]. Suarez écrit à ce propos [I. P., t. II, disp. 17, sect. 1]: «Procope, dans Isaïe, comprend par la nuée légère la Vierge sacrée, dans les bras de laquelle le Sauveur du monde fut porté en Égypte. Celle-ci fut appelée nuée; parce que c'est par Elle que Dieu fit pleuvoir la grâce du Christ sur la terre comme le dit saint Ambroise [De Instit. Virg.]. Elle est nommée légère parce qu'Elle ne fut pas alourdie par la semence virile, comme le dit le même saint Ambroise et saint Jérôme sur Isaïe, ou parce qu'Elle n'avait aucun poids de péché, ni de passion ou de concupiscence, ou parce qu'Elle volait au-dessus de toutes ces choses, comme le dit Procope.»
4, 26, b]. A ce même propos, saint Jean Chrysostôme put dire que Jésus-Christ changea l'Égypte en un espèce de Paradis: «Non vraiment, le ciel ne
resplendit pas autant avec le choeur de ses astres variés que l'Égypte est distinguée et illustré de pour avoir été la demeure de tant de moines et de Vierges.» [Tom. VIII, in Matt]. Trimégiste en saint Augustin [De Civit. l. VIII, c. 14] dit aussi: «Égypte, image du ciel et temple de tout le monde.»
Ce ne serait pas connaître le Coeur de Jésus ni Celui de Marie que de supposer qu'Ils pussent parcourir l'Égypte sans y faire de grands biens aux âmes.
4, 26, [c]. Les anciens Égyptiens qui avaient établi une caste spéciale de médecins, avaient aussi un soin très particulier des malades.
4, 26, [d]. On a parlé ailleurs de la Science infuse dont la Très Sainte Marie avait été favorisé par Dieu, certainement plus que toute autre créature. Elle avait cette Science que saint Augustin appelle "matutinale" par laquelle Elle voyait les créatures en Dieu; et celle que les saints appellent "vespertinale" par laquelle Elle les voyait en elles-mêmes, sans avoir besoin des sens extérieurs. C'est à celle-ci que la Vénérable fait allusion en ce lieu
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 27
Hérode détermine la mort des Innocents; la Très Sainte Marie le connaît et ils cachent saint Jean pour le soustraire à la mort.
4, 27, 672. Laissons maintenant l'Enfant-Jésus avec Sa Très Sainte Mère et saint Joseph sanctifiant ce royaume par leur présence et leurs bienfaits que la Judée ne mérita point, et retournons pour savoir à quoi s'arrêta l'astuce et l'hypocrisie diabolique d'Hérode. L'inique roi attendit le retour des Mages et le rapport qu'ils lui feraient d'avoir trouvé et adoré le Roi des Juifs nouveau-né pour Lui ôter la vie inhumainement. Il demeura trompé, sachant que les Mages avaient été à Bethléem avec Marie et Joseph; et que prenant un autre chemin ils étaient déjà hors des confins de la Palestine, car il fut informé de tout cela ainsi que de certaines choses qui s'étaient passées dans le Temple; parce que se trompant par sa
propre astuce, il attendit quelques jours jusqu'à ce qu'il lui semblât que déjà les Rois de l'Orient tardaient; et le souci de son ambition l'obligea à s'informer d'eux. Il consulta de nouveau quelques docteurs de la Loi, et comme ce qu'ils disaient de Bethléem conformément aux Écritures concordait avec ce qui était arrivé, il commanda de chercher notre Reine et son très doux Enfant ainsi que le glorieux saint Joseph avec de grandes perquisitions. Mais le Seigneur qui leur avait commandé de sortir de nuit de Jérusalem, avait conséquemment caché leur voyage, afin que personne ne le sût ni ne trouvât aucune trace de leur fuite. Et les ministres d'Hérode ni aucun autre n'ayant pu les découvrir, ils lui répondirent que cet homme, cette Femme et cet Enfant ne se trouvaient pas dans tout le pays.
4, 27, 673. Sur cela, l'indignation d'Hérode s'enflamma (Matt. 2: 16) sans lui laisser un instant de repos et sans qu'il put trouver aucun moyen ni aucun remède pour empêcher le dommage qu'il craignait du nouveau Roi. Mais le démon qui le connaissait prêt à toute méchanceté lui envoya dans la pensée de grandes suggestions pour le consoler, lui proposant d'user de sa puissance royale et de décapiter tous les enfants de cette contrée, qui ne passeraient pas deux ans; parce qu'il était inévitable d'envelopper aussi parmi eux le Roi des Juifs [a] qui était né dans ce temps. Le roi tyran se réjouit à cette pensée qui n'était jamais venue à aucun autre barbare, et il l'embrassa sans la crainte et l'horreur qu'une action si sanglante aurait pu causer à tout homme raisonnable. Et pensant et discourant comment l'exécuter à la satisfaction de son goût et de sa colère, il fit réunir quelques troupes de soldats sous la conduite de quelques-uns de ses ministres en qui il avait le plus de confiance et il leur commanda, sous peine de châtiments très graves, de tuer tous les enfants qui n'auraient pas plus de deux ans, dans Bethléem et ses environs. Et cela fut exécuté comme Hérode l'avait commandé, remplissant toute la contrée de confusion, de gémissements et de larmes des parents de ces innocents condamnés à mort, sans que personne ne put résister ni les secourir.
4, 27, 674. Ce commandement impie d'Hérode sortit six mois après la Naissance du Rédempteur [b. Et lorsqu'il commença à s'exécuter, il arriva que notre grande Reine était un jour avec son Très Saint Fils dans les bras; et regardant Son Âme et Ses opérations, Elle y connut comme dans un clair miroir tout ce qui se passait à Bethléem, plus clairement que si Elle eût été présent aux clameurs des enfants et de leurs parents. La divine Dame vit aussi comment son Très Saint Fils
priait le Père Éternel pour les pères et les mères des Innocents, et qu'Il Lui offrait les défunts comme prémices de Sa mort; et parce qu'ils étaient sacrifiés à cause de leur propre Rédempteur (Apoc. 14: 4) Il demandait que l'usage de la raison leur fût donné [c], afin qu'ils offrissent leur vie volontairement et qu'ils reçussent la mort pour la gloire du même Seigneur et qu'Il leur payât ce qu'ils souffraient par des récompenses et des couronnes de martyrs. Le Père Éternel Lui concéda tout cela et notre Reine le connut dans son Fils unique et Elle L'accompagna et L'imita dans l'offrande et les prières qu'Il faisait. Elle accompagna aussi les pères et les mères des martyrs dans la douleur, la compassion et les larmes pour la mort de leurs enfants. Et Elle fut la véritable et première Rachel qui pleura (Jér. 31: 15) les enfants de Bethléem et les siens: et aucune autre mère ne sut les pleurer comme Elle, parce qu'aucune ne sut être Mère comme l'était notre Reine et notre Souveraine.
4, 27, 675. Elle ne savait point alors ce que sainte Élisabeth avait fait pour préserver son fils Jean, conformément à l'avis que la même Reine lui avait donné par l'Ange quand ils sortirent de Jérusalem pour l'Égypte, comme je l'ai déjà dit, chapitre 22, numéro 623. Et quoiqu'Elle ne doutât point que tous les mystères qu'Elle avait connus par la Lumière divine, de son office de Précurseur, s'accompliraient en lui; néanmoins Elle ne savait point le souci et l'affliction dans lesquels la cruauté d'Hérode avait mis la sainte Matrone Élisabeth et son fils, ni par quels moyens ils s'en étaient défendus. La Très Douce Mère n'osa point interroger son Divin Fils sur cet événement, à cause de la révérence et de la prudence avec lesquelles Elle Le traitait dans ces révélations, et Elle se retirait et s'anéantissait en Elle-même avec patience et humilité. Mais Sa Majesté répondit à son pieux et compatissant désir et Il lui déclara comment Zacharie, père de saint Jean mourut quatre mois après son Enfantement Virginal et presque trois mois après que leurs Majestés étaient sorties de Jérusalem: et que sainte Élisabeth n'avait point d'autre compagnie que celle de son fils, l'enfant Jean, qu'avec lui elle passait sa solitude et son abandon retirée dans un lieu écart; parce qu'avec l'avis qu'elle eut de l'Ange et voyant ensuite la cruauté qu'Hérode commençait à exercer, elle s'était résolue à fuir au désert avec son enfant [d] et à habiter parmi les bêtes féroces pour s'éloigner de la persécution d'Hérode; et que sainte Élisabeth avait pris cette détermination par l'impulsion et l'approbation du Très-Haut, et qu'elle était cachée dans une grotte ou rocher où elle se sustentait elle-même avec son fils Jean [e] avec une grande affliction et une grande incommodité.
4, 27, 676. La divine Souveraine connut de même qu'après trois mois de cette vie solitaire saint Élisabeth mourrait dans le Seigneur, et que Jean demeurerait dans ce lieu solitaire et, qu'il ne s'en éloignerait pas jusqu'à ce que par l'ordre du Très-Haut, il sortît pour prêcher la pénitence comme Son Précurseur. L'Enfant-Jésus manifesta tous ces mystères en ces sacrements à Sa Très Sainte Mère ainsi que d'autres bienfaits profonds et cachés que sainte Élisabeth et son fils reçurent dans ce désert. Elle connut tout cela de la même manière qu'Il lui apprit la mort des enfants innocents. A cette connaissance la divine Dame demeura remplie de joie et de compassion: l'une de savoir que l'enfant Jean était en sûreté, l'autre des afflictions qu'ils souffraient dans cette solitude. Ensuite Elle demanda permission à son Très Saint Fils de prendre soin dès lors de sa cousine Élisabeth et de l'enfant Jean. Et depuis, selon la Volonté du même Seigneur Elle les envoyait visiter fréquemment par les Anges qui la servaient et Elle leur envoyait par eux certaines choses à manger, ce qui était le plus grand régal que ces ermites, le fils et la mère, eussent dans ce désert. De l'Égypte notre grande Souveraine eut avec eux par le moyen des Anges une correspondance continuelle et cachée. Et lorsqu'arriva pour sainte Élisabeth l'heure de mourir, Elle lui envoya un grand nombre de ces esprits célestes pour l'assister et l'aider ainsi que son enfant Jean qui avait alors quatre ans; et avec ces mêmes Anges il enterra sa mère défunte dans ce désert. Dès lors, la Reine envoyait chaque jour la nourriture [f] à saint Jean, jusqu'à ce qu'il eût l'âge de se sustenter par son travail et son industrie, avec des herbes (Marc 1: 6), des racines et du miel sauvage, avec quoi il vécut dans une si grande abstinence dont je dirai plus loin quelque chose [g].,
4, 27, 677. Il n'y a aucune langue ni aucune pensée des créatures qui puissent arriver à concevoir et à exprimer les mérites et les augmentations de sainteté et de grâce que la Très Sainte Marie amassait et accumulait au milieu de toutes ces oeuvres si admirables; parce qu'Elle usait de tout avec une prudence plus qu'angélique. Et ce qui lui donna motif de louange, de tendresse et d'admiration envers le Tout-Puissant fut de voir combien Sa divine Providence fut libérale à l'égard des Innocents lorsque Son Très Saint Fils et Elle-même prièrent pour eux; Elle connut comme si Elle eût été présente le nombre excessif de ceux qui moururent, les plus grands n'ayant pas plus de deux ans, d'autres huit jours, d'autres deux mois, d'autres six; qu'il leur fut accordé à tous plus ou moins l'usage
de la raison et une connaissance infuse très sublime de l'Être de Dieu, et une Foi, une Espérance et une Charité parfaites, avec lesquelles ils exercèrent des actes héroïques de Foi, d'adoration, de révérence, d'amour et de compassion pour leurs parents. Ils prièrent pour eux; et en rémunération de leurs sentiments, le Seigneur leur donna la Lumière et la grâce pour acquérir les Biens Éternels. Ils acceptèrent volontairement le martyre, la nature demeurant dans la faiblesse de son âge puéril, avec laquelle ils éprouvaient une douleur plus sensible et leur mérite s'augmentait. Une multitude d'Anges les assistaient et les portaient aux Limbes au sein d'Abraham. Ils réjouirent les saints Pères par leur présence parce qu'ils leur confirmèrent l'espérance qu'ils avaient déjà que désormais l'attente de leur liberté ne serait pas longue. Tout cela fut l'effet des prières de l'Enfant-Dieu et de celles de Sa Très Sainte Mère. Et Celle-ci connaissant ces merveilles s'embrasa d'amour et dit (Ps. 112: 1): «Laudate, pueri, Dominum.» Et l'Impératrice du Ciel, accompagnant les enfants, loua l'Auteur de ces Oeuvres si magnifiques et si dignes de Sa Bonté et de Sa Toute-Puissance. La Très Pure Marie seule les connaissait et les traitait avec la sagesse et le poids qu'elles demandaient. Mais Elle fut la seule aussi qui sans exemple, étant si alliée à Dieu même, connut le degré et le point de l'humilité et qui l'eut dans sa perfection; parce qu'étant la Mère de la pureté, de l'innocence et de la sainteté, Elle s'humilia plus que ne surent s'humilier toutes les créatures profondément humiliées par leurs propres péchés. Seule la Très Sainte Marie entre toutes les créatures atteignit à cette manière de s'humilier à la vue même de bienfaits et de dons plus hauts que toutes les créatures ensemble ne purent recevoir; parce que seule Elle pénétra dignement que la créature ne peut donner le retour proportionné (Ps. 115: 12) aux bienfaits et encore moins à l'Amour Infini d'où ils s'originent en Dieu: et la divine Souveraine se humiliant avec cette Science y mesura son amour, sa reconnaissance et son humilité; et Elle donnait la plénitude à tout, en autant qu'une pure Créature était capable de donner la digne rétribution, seulement en reconnaissant qu'aucune d'elles n'est digne par un autre moyen.
4, 27, 678. A la fin de ce chapitre, je veux avertir qu'en plusieurs des choses que j'écris, il me paraît y avoir une grande diversité d'opinions entre les saints Pères et les auteurs: comme celle qu'il y a concernant le temps où Hérode exécuta sa cruauté [h] contre les enfants innocents, et si cette cruauté s'étendit aux enfants nés d'alors et qui n'avaient que quelques jours ou qui ne passaient pas deux ans; et d'autres doutes à la déclaration desquels je ne m'arrête pas, parce que cela n'est pas
nécessaire à mon sujet, et parce que je n'écris que ce qui m'a été enseigné et dicté, ou ce que l'obéissance m'ordonne quelquefois de demander, afin de tisser cette divine Histoire. Et dans les choses que j'écris il ne convient point d'introduire de dispute; parce que j'ai compris dès le principe comme je l'ai dit [i] alors que le Seigneur voulait que j'écrivisse toute cette Oeuvre sans opinions; mais avec la vérité que la Lumière divine m'enseignerait. Et quant au jugement qu'il y a à faire si ce que j'écris a de la convenance avec le vérité de l'Écriture et avec la majesté et la grandeur du sujet que je traite, et si les choses ont entre elles-mêmes une suite et une connexion convenables; tout cela je le remets à la doctrine de mes directeurs et de mes supérieurs et au jugement des sages et des dévots. La variété des opinions est presque inévitable parmi ceux qui écrivent, les auteurs se réglant les uns sur les autres, et les derniers suivant ceux des anciens qui les satisfont les mieux; mais le plus grand nombre des uns et des autres à part des histoires canoniques se fondent sur des conjectures, ou sur des auteurs douteux, et je ne peux écrire selon cet ordre, parce que je suis une femme ignorante.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 27, 679. Ma fille, quant à ce que tu as écrit dans ce chapitre, je veux que la douleur et la crainte avec lesquelles tu l'as écrit te servent de doctrine. La douleur pour reconnaître que la créature noble et créée par la main du Seigneur à Son image et à Sa ressemblance (Sag. 2: 23) avec des conditions si excellentes et si Divines, comme de connaître Dieu, de L'aimer, d'être capable de Le voir et d'En jouir éternellement, oublie tant cette dignité et se laisse avilir et abaisser à des appétits brutaux et horribles, comme de répandre le Sang innocent de Celui qui ne pouvait faire de mal à personne. Cette compassion doit t'obliger à pleurer la ruine de tant d'âmes, et surtout dans le siècle où tu vis, où la même ambition que celle d'Hérode a enflammé tant de haines et d'inimitiés cruelles parmi les enfants de l'Église, causant la perte d'un nombre infini d'âmes et que le Sang de mon Très Saint Fils qui fut répandu pour leur prix et leur rachat (Eph. 1: 7) est perdu et ne profite pas. Pleure amèrement cette perte.
4, 27, 680. Mais instruis-toi par les autres et pèse bien ce que peut faire une passion aveugle reçue dans la concupiscible; parce que si le coeur l'accepte de plein gré, ou elle brûle au feu de la concupiscence si son désir s'exécute, ou dans celui de la colère si elle ne peut l'obtenir. Crains ce danger, ma fille, non seulement en ce qu'Hérode fit; mais aussi en ce que tu comprends et connais à chaque heure des autres. Prends bien garde de t'affectionner à aucune chose si petite qu'elle paraisse; parce que pour allumer un grand feu il suffit d'une très petite étincelle. Et dans cette matière de mortification des inclinations, je te répète souvent cette Doctrine et je le ferai davantage en ce qui reste, parce que la plus grande difficulté de la vertu consiste à mourir à tout ce qui est délectable et sensible, et parce que tu ne peux être un instrument dans les mains du Seigneur comme Sa Majesté le veut si tu n'effaces de tes puissances jusqu'aux espèces de toute créature, afin qu'elles ne trouvent point entrée dans la volonté. Et je veux que ce soit pour toi une loi inviolable que tout ce qui a l'être hors de Dieu, de Ses Anges et de Ses Saints soit pour toi comme s'il n'était pas. Telle doit être ta possession, et c'est pour cela que le Seigneur te découvre Ses secrets et t'invite à Sa conversation familière, et intime, et moi avec la mienne; afin que tu ne puisses ni vivre ni vouloir sans Sa Majesté.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 27, [a]. "De deux ans et au-dessus", dit saint Matthieu. De là quelques-uns prirent occasion de dire qu'Hérode tarda environ deux ans à ordonner cette tragédie. [Lucius Dexter, in chron. ecc.]; autres que l'étoile était apparue aux Mages deux ans après. [Chrysostôme, ecc.]. Mais ces opinions n'ont point de base historique et elles ne sont pas conformes à la raison.
4, 27, [b. L'on peut concevoir qu'Hérode ne se détermina pas tout à fait aussitôt à ce carnage, parce qu'après le départ des Rois jusqu'à la Purification, tout était fini en silence et comme l'observe saint Augustin [De Ev. Con., 1, 2, c. 11], il supposa naturellement que les Mages n'ayant rien trouvé avaient pris un autre chemin par honte de retourner à Jérusalem pour dire qu'ils s'étaient trompés; et après la Purification, quand il y eut rumeur d'un Enfant présenté dans le Temple et confessé par Siméon et par Anne, certainement il ne se décida pas non plus à ce massacre aussitôt, mais il commanda d'abord de chercher de diverses manières si l'on trouverait cet Enfant; mais sans faire connaître qu'il le faisait avec un dessein coupable, au contraire avec le désir de L'adorer; mais quand il vit ensuite qu'il ne réussissait pas à en trouver des traces, il médita avec maturité la meilleure manière de s'en défaire; car les politiques n'agissent pas avec précipitation; enfin il se décida à donner un ordre imprévu, afin de réussir plus sûrement. Et pour le même but il ne se contenta point de faire tuer les enfants de sept mois, mais pour ôter aux soldats tout lieu d'erreur touchant l'âge des enfants, et aux parents tout moyen de faire passer leurs enfants pour plus grands que sept mois [Tirin. in c. II, Matt.], il voulut que le massacre comprit tous ceux qui ne dépassaient pas deux ans. L'Abbé Rupert [lib. I, de Vict., c. 2, apud A. Lapide], ajoute qu'Hérode, conformément au dire de Joseph Flavius [Antiq. et de Bello Ind.], avant de faire justicier Antipâtre eut besoin d'en demander permission à Auguste, dut en faire autant avant de faire massacrer tant d'enfants, acte bien plus grave; et cela demandait du temps.
4, 27, [c]. Si Dieu donna l'usage de la raison à saint Jean-Baptiste avant de naître et c'est une sentence de saint Augustin [op., 57, ad Dardan], il put le donner aussi aux enfants de Bethléem qui furent ses précurseurs en mourant, comme saint Jean-Baptiste le fut en prêchant. Saint Thomas admet que l'usage de la raison dans l'enfance ne doit pas être nié avoir été donné à d'autres qu'à Jésus-Christ [3. p. q. 27, a. 3]. Saint Bernard l'affirme de saint Victor [Serm. 2 de sa fête]; Surius et Denys le Chartreux l'écrivent de saint Nicolas: et on lit la même chose de saint Benoît, de saint Robert, de saint Jacques de la Marque. Saint Grégoire de Tours [l. 3, His, Franc.,] et Sophrone [in Prat. spir., c 14] le racontent au sujet d'autres saints. Qu'y aurai-il d'étonnant que Dieu l'eût accordé aux "prémices des Martyrs"?
C'est pourquoi saint Cyprien [Serm. de Stella et Magis], accorde aux saints Innocents l'usage de la raison, écrivant d'eux: «Aussitôt les enfants deviennent
Martyrs. Leurs âmes promptement dépouillées de leur enveloppe enfantine, ornées de la plénitude de l'intelligence, s'empresse à la rencontre du Christ, cherchant la récompense promise à ceux de Sa milice, arrivent avec joie à la paix et à la Lumière éternelle.»
Du reste on ne doit pas nier aux premiers Martyrs de Jésus-Christ "la parfaite auréole du Martyre"; or ils ne pouvaient l'avoir sans l'usage anticipé de la raison, parce que l'auréole suppose le combat.
4, 27, [d]. Que saint Jean-Baptiste ait été soustrait à Hérode, par sainte Élisabeth, et porté dans le désert, c'est ce qu'écrivent: [Nicéphore L. I His., c. 14; A Lapide, in Matt. II; Baronius. Ann. I. n. 28].
4, 27, [e]. Tous ceux qui voyagent en Terre Sainte nous parlent de cette grotte où sainte Élisabeth se retira avec l'enfant Jean, appelée par Nicéphore "une certaine caverne dans la montagne". Mgr. Mislin [Les Saints Lieux, Let. 31] écrit: «La grotte du Baptiste est située sous une haute colline qui domine la vallée du Thérébinthe. Elle est d'un accès très difficile; mais quand on est dedans, elle se trouve ainsi appropriée à la destination qu'elle eut pour la vie d'ermite; elle semble faite de main d'homme et l'on sent le désir d'y demeurer.
C'est une cellule naturelle, longue de dix à douze pieds, large de six. Elle a deux ouvertures: l'une sert de porte, l'autre de fenêtre. Celle-ci regarde sur la vallée et a une très belle vue. Au fond de la grotte, il y a un rocher taillé à propos pour servir de siège et de lit. On l'appelle le lit de saint Jean. Une source d'eau fraîche et limpide surgit d'une fissure de la montagne: elle vient former un petit bassin au pied de la grotte et elle va se répandre en bas sur la vallée, traçant une marge étroite de son passage. Et c'est là que le saint Précurseur passa son enfance dont l'Évangile dit qu'il croissait et se fortifiait dans l'esprit; et il demeura dans le désert jusqu'au jour de sa manifestation en Israël.
4, 27, [f]. Saint Jean était un enfant extraordinaire; c'est pourquoi il était bien convenable que Dieu usât de moyens extraordinaires pour conserver la vie à celui qui devait plus tard Lui préparer la voie. D'ailleurs comment aurait pu vivre autrement un enfant seul dans un désert après la mort de sa mère?
4, 27, [g]. Livre 5, No. 943.
4, 27, [h]. La Vénérable ayant dit au numéro 674 que le massacre fut ordonnée six mois après la Nativité de Notre-Seigneur, montre qu'il arriva aussitôt en juin suivant. Et il est probable qu'Hérode mourut dans le mois de Casleu suivant, c'est-à-dire de novembre, comme le porte le calendrier des Juifs qui célèbrent toujours le jour de leur délivrance de ce tyran, qui arriva par sa mort.
4, 27, [i]. Livre 3, No. 10.
4, 27, [j]. D'autres éditions au lieu de possession disent profession.
Hérode détermine la mort des Innocents; la Très Sainte Marie le connaît et ils cachent saint Jean pour le soustraire à la mort.
4, 27, 672. Laissons maintenant l'Enfant-Jésus avec Sa Très Sainte Mère et saint Joseph sanctifiant ce royaume par leur présence et leurs bienfaits que la Judée ne mérita point, et retournons pour savoir à quoi s'arrêta l'astuce et l'hypocrisie diabolique d'Hérode. L'inique roi attendit le retour des Mages et le rapport qu'ils lui feraient d'avoir trouvé et adoré le Roi des Juifs nouveau-né pour Lui ôter la vie inhumainement. Il demeura trompé, sachant que les Mages avaient été à Bethléem avec Marie et Joseph; et que prenant un autre chemin ils étaient déjà hors des confins de la Palestine, car il fut informé de tout cela ainsi que de certaines choses qui s'étaient passées dans le Temple; parce que se trompant par sa
propre astuce, il attendit quelques jours jusqu'à ce qu'il lui semblât que déjà les Rois de l'Orient tardaient; et le souci de son ambition l'obligea à s'informer d'eux. Il consulta de nouveau quelques docteurs de la Loi, et comme ce qu'ils disaient de Bethléem conformément aux Écritures concordait avec ce qui était arrivé, il commanda de chercher notre Reine et son très doux Enfant ainsi que le glorieux saint Joseph avec de grandes perquisitions. Mais le Seigneur qui leur avait commandé de sortir de nuit de Jérusalem, avait conséquemment caché leur voyage, afin que personne ne le sût ni ne trouvât aucune trace de leur fuite. Et les ministres d'Hérode ni aucun autre n'ayant pu les découvrir, ils lui répondirent que cet homme, cette Femme et cet Enfant ne se trouvaient pas dans tout le pays.
4, 27, 673. Sur cela, l'indignation d'Hérode s'enflamma (Matt. 2: 16) sans lui laisser un instant de repos et sans qu'il put trouver aucun moyen ni aucun remède pour empêcher le dommage qu'il craignait du nouveau Roi. Mais le démon qui le connaissait prêt à toute méchanceté lui envoya dans la pensée de grandes suggestions pour le consoler, lui proposant d'user de sa puissance royale et de décapiter tous les enfants de cette contrée, qui ne passeraient pas deux ans; parce qu'il était inévitable d'envelopper aussi parmi eux le Roi des Juifs [a] qui était né dans ce temps. Le roi tyran se réjouit à cette pensée qui n'était jamais venue à aucun autre barbare, et il l'embrassa sans la crainte et l'horreur qu'une action si sanglante aurait pu causer à tout homme raisonnable. Et pensant et discourant comment l'exécuter à la satisfaction de son goût et de sa colère, il fit réunir quelques troupes de soldats sous la conduite de quelques-uns de ses ministres en qui il avait le plus de confiance et il leur commanda, sous peine de châtiments très graves, de tuer tous les enfants qui n'auraient pas plus de deux ans, dans Bethléem et ses environs. Et cela fut exécuté comme Hérode l'avait commandé, remplissant toute la contrée de confusion, de gémissements et de larmes des parents de ces innocents condamnés à mort, sans que personne ne put résister ni les secourir.
4, 27, 674. Ce commandement impie d'Hérode sortit six mois après la Naissance du Rédempteur [b. Et lorsqu'il commença à s'exécuter, il arriva que notre grande Reine était un jour avec son Très Saint Fils dans les bras; et regardant Son Âme et Ses opérations, Elle y connut comme dans un clair miroir tout ce qui se passait à Bethléem, plus clairement que si Elle eût été présent aux clameurs des enfants et de leurs parents. La divine Dame vit aussi comment son Très Saint Fils
priait le Père Éternel pour les pères et les mères des Innocents, et qu'Il Lui offrait les défunts comme prémices de Sa mort; et parce qu'ils étaient sacrifiés à cause de leur propre Rédempteur (Apoc. 14: 4) Il demandait que l'usage de la raison leur fût donné [c], afin qu'ils offrissent leur vie volontairement et qu'ils reçussent la mort pour la gloire du même Seigneur et qu'Il leur payât ce qu'ils souffraient par des récompenses et des couronnes de martyrs. Le Père Éternel Lui concéda tout cela et notre Reine le connut dans son Fils unique et Elle L'accompagna et L'imita dans l'offrande et les prières qu'Il faisait. Elle accompagna aussi les pères et les mères des martyrs dans la douleur, la compassion et les larmes pour la mort de leurs enfants. Et Elle fut la véritable et première Rachel qui pleura (Jér. 31: 15) les enfants de Bethléem et les siens: et aucune autre mère ne sut les pleurer comme Elle, parce qu'aucune ne sut être Mère comme l'était notre Reine et notre Souveraine.
4, 27, 675. Elle ne savait point alors ce que sainte Élisabeth avait fait pour préserver son fils Jean, conformément à l'avis que la même Reine lui avait donné par l'Ange quand ils sortirent de Jérusalem pour l'Égypte, comme je l'ai déjà dit, chapitre 22, numéro 623. Et quoiqu'Elle ne doutât point que tous les mystères qu'Elle avait connus par la Lumière divine, de son office de Précurseur, s'accompliraient en lui; néanmoins Elle ne savait point le souci et l'affliction dans lesquels la cruauté d'Hérode avait mis la sainte Matrone Élisabeth et son fils, ni par quels moyens ils s'en étaient défendus. La Très Douce Mère n'osa point interroger son Divin Fils sur cet événement, à cause de la révérence et de la prudence avec lesquelles Elle Le traitait dans ces révélations, et Elle se retirait et s'anéantissait en Elle-même avec patience et humilité. Mais Sa Majesté répondit à son pieux et compatissant désir et Il lui déclara comment Zacharie, père de saint Jean mourut quatre mois après son Enfantement Virginal et presque trois mois après que leurs Majestés étaient sorties de Jérusalem: et que sainte Élisabeth n'avait point d'autre compagnie que celle de son fils, l'enfant Jean, qu'avec lui elle passait sa solitude et son abandon retirée dans un lieu écart; parce qu'avec l'avis qu'elle eut de l'Ange et voyant ensuite la cruauté qu'Hérode commençait à exercer, elle s'était résolue à fuir au désert avec son enfant [d] et à habiter parmi les bêtes féroces pour s'éloigner de la persécution d'Hérode; et que sainte Élisabeth avait pris cette détermination par l'impulsion et l'approbation du Très-Haut, et qu'elle était cachée dans une grotte ou rocher où elle se sustentait elle-même avec son fils Jean [e] avec une grande affliction et une grande incommodité.
4, 27, 676. La divine Souveraine connut de même qu'après trois mois de cette vie solitaire saint Élisabeth mourrait dans le Seigneur, et que Jean demeurerait dans ce lieu solitaire et, qu'il ne s'en éloignerait pas jusqu'à ce que par l'ordre du Très-Haut, il sortît pour prêcher la pénitence comme Son Précurseur. L'Enfant-Jésus manifesta tous ces mystères en ces sacrements à Sa Très Sainte Mère ainsi que d'autres bienfaits profonds et cachés que sainte Élisabeth et son fils reçurent dans ce désert. Elle connut tout cela de la même manière qu'Il lui apprit la mort des enfants innocents. A cette connaissance la divine Dame demeura remplie de joie et de compassion: l'une de savoir que l'enfant Jean était en sûreté, l'autre des afflictions qu'ils souffraient dans cette solitude. Ensuite Elle demanda permission à son Très Saint Fils de prendre soin dès lors de sa cousine Élisabeth et de l'enfant Jean. Et depuis, selon la Volonté du même Seigneur Elle les envoyait visiter fréquemment par les Anges qui la servaient et Elle leur envoyait par eux certaines choses à manger, ce qui était le plus grand régal que ces ermites, le fils et la mère, eussent dans ce désert. De l'Égypte notre grande Souveraine eut avec eux par le moyen des Anges une correspondance continuelle et cachée. Et lorsqu'arriva pour sainte Élisabeth l'heure de mourir, Elle lui envoya un grand nombre de ces esprits célestes pour l'assister et l'aider ainsi que son enfant Jean qui avait alors quatre ans; et avec ces mêmes Anges il enterra sa mère défunte dans ce désert. Dès lors, la Reine envoyait chaque jour la nourriture [f] à saint Jean, jusqu'à ce qu'il eût l'âge de se sustenter par son travail et son industrie, avec des herbes (Marc 1: 6), des racines et du miel sauvage, avec quoi il vécut dans une si grande abstinence dont je dirai plus loin quelque chose [g].,
4, 27, 677. Il n'y a aucune langue ni aucune pensée des créatures qui puissent arriver à concevoir et à exprimer les mérites et les augmentations de sainteté et de grâce que la Très Sainte Marie amassait et accumulait au milieu de toutes ces oeuvres si admirables; parce qu'Elle usait de tout avec une prudence plus qu'angélique. Et ce qui lui donna motif de louange, de tendresse et d'admiration envers le Tout-Puissant fut de voir combien Sa divine Providence fut libérale à l'égard des Innocents lorsque Son Très Saint Fils et Elle-même prièrent pour eux; Elle connut comme si Elle eût été présente le nombre excessif de ceux qui moururent, les plus grands n'ayant pas plus de deux ans, d'autres huit jours, d'autres deux mois, d'autres six; qu'il leur fut accordé à tous plus ou moins l'usage
de la raison et une connaissance infuse très sublime de l'Être de Dieu, et une Foi, une Espérance et une Charité parfaites, avec lesquelles ils exercèrent des actes héroïques de Foi, d'adoration, de révérence, d'amour et de compassion pour leurs parents. Ils prièrent pour eux; et en rémunération de leurs sentiments, le Seigneur leur donna la Lumière et la grâce pour acquérir les Biens Éternels. Ils acceptèrent volontairement le martyre, la nature demeurant dans la faiblesse de son âge puéril, avec laquelle ils éprouvaient une douleur plus sensible et leur mérite s'augmentait. Une multitude d'Anges les assistaient et les portaient aux Limbes au sein d'Abraham. Ils réjouirent les saints Pères par leur présence parce qu'ils leur confirmèrent l'espérance qu'ils avaient déjà que désormais l'attente de leur liberté ne serait pas longue. Tout cela fut l'effet des prières de l'Enfant-Dieu et de celles de Sa Très Sainte Mère. Et Celle-ci connaissant ces merveilles s'embrasa d'amour et dit (Ps. 112: 1): «Laudate, pueri, Dominum.» Et l'Impératrice du Ciel, accompagnant les enfants, loua l'Auteur de ces Oeuvres si magnifiques et si dignes de Sa Bonté et de Sa Toute-Puissance. La Très Pure Marie seule les connaissait et les traitait avec la sagesse et le poids qu'elles demandaient. Mais Elle fut la seule aussi qui sans exemple, étant si alliée à Dieu même, connut le degré et le point de l'humilité et qui l'eut dans sa perfection; parce qu'étant la Mère de la pureté, de l'innocence et de la sainteté, Elle s'humilia plus que ne surent s'humilier toutes les créatures profondément humiliées par leurs propres péchés. Seule la Très Sainte Marie entre toutes les créatures atteignit à cette manière de s'humilier à la vue même de bienfaits et de dons plus hauts que toutes les créatures ensemble ne purent recevoir; parce que seule Elle pénétra dignement que la créature ne peut donner le retour proportionné (Ps. 115: 12) aux bienfaits et encore moins à l'Amour Infini d'où ils s'originent en Dieu: et la divine Souveraine se humiliant avec cette Science y mesura son amour, sa reconnaissance et son humilité; et Elle donnait la plénitude à tout, en autant qu'une pure Créature était capable de donner la digne rétribution, seulement en reconnaissant qu'aucune d'elles n'est digne par un autre moyen.
4, 27, 678. A la fin de ce chapitre, je veux avertir qu'en plusieurs des choses que j'écris, il me paraît y avoir une grande diversité d'opinions entre les saints Pères et les auteurs: comme celle qu'il y a concernant le temps où Hérode exécuta sa cruauté [h] contre les enfants innocents, et si cette cruauté s'étendit aux enfants nés d'alors et qui n'avaient que quelques jours ou qui ne passaient pas deux ans; et d'autres doutes à la déclaration desquels je ne m'arrête pas, parce que cela n'est pas
nécessaire à mon sujet, et parce que je n'écris que ce qui m'a été enseigné et dicté, ou ce que l'obéissance m'ordonne quelquefois de demander, afin de tisser cette divine Histoire. Et dans les choses que j'écris il ne convient point d'introduire de dispute; parce que j'ai compris dès le principe comme je l'ai dit [i] alors que le Seigneur voulait que j'écrivisse toute cette Oeuvre sans opinions; mais avec la vérité que la Lumière divine m'enseignerait. Et quant au jugement qu'il y a à faire si ce que j'écris a de la convenance avec le vérité de l'Écriture et avec la majesté et la grandeur du sujet que je traite, et si les choses ont entre elles-mêmes une suite et une connexion convenables; tout cela je le remets à la doctrine de mes directeurs et de mes supérieurs et au jugement des sages et des dévots. La variété des opinions est presque inévitable parmi ceux qui écrivent, les auteurs se réglant les uns sur les autres, et les derniers suivant ceux des anciens qui les satisfont les mieux; mais le plus grand nombre des uns et des autres à part des histoires canoniques se fondent sur des conjectures, ou sur des auteurs douteux, et je ne peux écrire selon cet ordre, parce que je suis une femme ignorante.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 27, 679. Ma fille, quant à ce que tu as écrit dans ce chapitre, je veux que la douleur et la crainte avec lesquelles tu l'as écrit te servent de doctrine. La douleur pour reconnaître que la créature noble et créée par la main du Seigneur à Son image et à Sa ressemblance (Sag. 2: 23) avec des conditions si excellentes et si Divines, comme de connaître Dieu, de L'aimer, d'être capable de Le voir et d'En jouir éternellement, oublie tant cette dignité et se laisse avilir et abaisser à des appétits brutaux et horribles, comme de répandre le Sang innocent de Celui qui ne pouvait faire de mal à personne. Cette compassion doit t'obliger à pleurer la ruine de tant d'âmes, et surtout dans le siècle où tu vis, où la même ambition que celle d'Hérode a enflammé tant de haines et d'inimitiés cruelles parmi les enfants de l'Église, causant la perte d'un nombre infini d'âmes et que le Sang de mon Très Saint Fils qui fut répandu pour leur prix et leur rachat (Eph. 1: 7) est perdu et ne profite pas. Pleure amèrement cette perte.
4, 27, 680. Mais instruis-toi par les autres et pèse bien ce que peut faire une passion aveugle reçue dans la concupiscible; parce que si le coeur l'accepte de plein gré, ou elle brûle au feu de la concupiscence si son désir s'exécute, ou dans celui de la colère si elle ne peut l'obtenir. Crains ce danger, ma fille, non seulement en ce qu'Hérode fit; mais aussi en ce que tu comprends et connais à chaque heure des autres. Prends bien garde de t'affectionner à aucune chose si petite qu'elle paraisse; parce que pour allumer un grand feu il suffit d'une très petite étincelle. Et dans cette matière de mortification des inclinations, je te répète souvent cette Doctrine et je le ferai davantage en ce qui reste, parce que la plus grande difficulté de la vertu consiste à mourir à tout ce qui est délectable et sensible, et parce que tu ne peux être un instrument dans les mains du Seigneur comme Sa Majesté le veut si tu n'effaces de tes puissances jusqu'aux espèces de toute créature, afin qu'elles ne trouvent point entrée dans la volonté. Et je veux que ce soit pour toi une loi inviolable que tout ce qui a l'être hors de Dieu, de Ses Anges et de Ses Saints soit pour toi comme s'il n'était pas. Telle doit être ta possession, et c'est pour cela que le Seigneur te découvre Ses secrets et t'invite à Sa conversation familière, et intime, et moi avec la mienne; afin que tu ne puisses ni vivre ni vouloir sans Sa Majesté.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 27, [a]. "De deux ans et au-dessus", dit saint Matthieu. De là quelques-uns prirent occasion de dire qu'Hérode tarda environ deux ans à ordonner cette tragédie. [Lucius Dexter, in chron. ecc.]; autres que l'étoile était apparue aux Mages deux ans après. [Chrysostôme, ecc.]. Mais ces opinions n'ont point de base historique et elles ne sont pas conformes à la raison.
4, 27, [b. L'on peut concevoir qu'Hérode ne se détermina pas tout à fait aussitôt à ce carnage, parce qu'après le départ des Rois jusqu'à la Purification, tout était fini en silence et comme l'observe saint Augustin [De Ev. Con., 1, 2, c. 11], il supposa naturellement que les Mages n'ayant rien trouvé avaient pris un autre chemin par honte de retourner à Jérusalem pour dire qu'ils s'étaient trompés; et après la Purification, quand il y eut rumeur d'un Enfant présenté dans le Temple et confessé par Siméon et par Anne, certainement il ne se décida pas non plus à ce massacre aussitôt, mais il commanda d'abord de chercher de diverses manières si l'on trouverait cet Enfant; mais sans faire connaître qu'il le faisait avec un dessein coupable, au contraire avec le désir de L'adorer; mais quand il vit ensuite qu'il ne réussissait pas à en trouver des traces, il médita avec maturité la meilleure manière de s'en défaire; car les politiques n'agissent pas avec précipitation; enfin il se décida à donner un ordre imprévu, afin de réussir plus sûrement. Et pour le même but il ne se contenta point de faire tuer les enfants de sept mois, mais pour ôter aux soldats tout lieu d'erreur touchant l'âge des enfants, et aux parents tout moyen de faire passer leurs enfants pour plus grands que sept mois [Tirin. in c. II, Matt.], il voulut que le massacre comprit tous ceux qui ne dépassaient pas deux ans. L'Abbé Rupert [lib. I, de Vict., c. 2, apud A. Lapide], ajoute qu'Hérode, conformément au dire de Joseph Flavius [Antiq. et de Bello Ind.], avant de faire justicier Antipâtre eut besoin d'en demander permission à Auguste, dut en faire autant avant de faire massacrer tant d'enfants, acte bien plus grave; et cela demandait du temps.
4, 27, [c]. Si Dieu donna l'usage de la raison à saint Jean-Baptiste avant de naître et c'est une sentence de saint Augustin [op., 57, ad Dardan], il put le donner aussi aux enfants de Bethléem qui furent ses précurseurs en mourant, comme saint Jean-Baptiste le fut en prêchant. Saint Thomas admet que l'usage de la raison dans l'enfance ne doit pas être nié avoir été donné à d'autres qu'à Jésus-Christ [3. p. q. 27, a. 3]. Saint Bernard l'affirme de saint Victor [Serm. 2 de sa fête]; Surius et Denys le Chartreux l'écrivent de saint Nicolas: et on lit la même chose de saint Benoît, de saint Robert, de saint Jacques de la Marque. Saint Grégoire de Tours [l. 3, His, Franc.,] et Sophrone [in Prat. spir., c 14] le racontent au sujet d'autres saints. Qu'y aurai-il d'étonnant que Dieu l'eût accordé aux "prémices des Martyrs"?
C'est pourquoi saint Cyprien [Serm. de Stella et Magis], accorde aux saints Innocents l'usage de la raison, écrivant d'eux: «Aussitôt les enfants deviennent
Martyrs. Leurs âmes promptement dépouillées de leur enveloppe enfantine, ornées de la plénitude de l'intelligence, s'empresse à la rencontre du Christ, cherchant la récompense promise à ceux de Sa milice, arrivent avec joie à la paix et à la Lumière éternelle.»
Du reste on ne doit pas nier aux premiers Martyrs de Jésus-Christ "la parfaite auréole du Martyre"; or ils ne pouvaient l'avoir sans l'usage anticipé de la raison, parce que l'auréole suppose le combat.
4, 27, [d]. Que saint Jean-Baptiste ait été soustrait à Hérode, par sainte Élisabeth, et porté dans le désert, c'est ce qu'écrivent: [Nicéphore L. I His., c. 14; A Lapide, in Matt. II; Baronius. Ann. I. n. 28].
4, 27, [e]. Tous ceux qui voyagent en Terre Sainte nous parlent de cette grotte où sainte Élisabeth se retira avec l'enfant Jean, appelée par Nicéphore "une certaine caverne dans la montagne". Mgr. Mislin [Les Saints Lieux, Let. 31] écrit: «La grotte du Baptiste est située sous une haute colline qui domine la vallée du Thérébinthe. Elle est d'un accès très difficile; mais quand on est dedans, elle se trouve ainsi appropriée à la destination qu'elle eut pour la vie d'ermite; elle semble faite de main d'homme et l'on sent le désir d'y demeurer.
C'est une cellule naturelle, longue de dix à douze pieds, large de six. Elle a deux ouvertures: l'une sert de porte, l'autre de fenêtre. Celle-ci regarde sur la vallée et a une très belle vue. Au fond de la grotte, il y a un rocher taillé à propos pour servir de siège et de lit. On l'appelle le lit de saint Jean. Une source d'eau fraîche et limpide surgit d'une fissure de la montagne: elle vient former un petit bassin au pied de la grotte et elle va se répandre en bas sur la vallée, traçant une marge étroite de son passage. Et c'est là que le saint Précurseur passa son enfance dont l'Évangile dit qu'il croissait et se fortifiait dans l'esprit; et il demeura dans le désert jusqu'au jour de sa manifestation en Israël.
4, 27, [f]. Saint Jean était un enfant extraordinaire; c'est pourquoi il était bien convenable que Dieu usât de moyens extraordinaires pour conserver la vie à celui qui devait plus tard Lui préparer la voie. D'ailleurs comment aurait pu vivre autrement un enfant seul dans un désert après la mort de sa mère?
4, 27, [g]. Livre 5, No. 943.
4, 27, [h]. La Vénérable ayant dit au numéro 674 que le massacre fut ordonnée six mois après la Nativité de Notre-Seigneur, montre qu'il arriva aussitôt en juin suivant. Et il est probable qu'Hérode mourut dans le mois de Casleu suivant, c'est-à-dire de novembre, comme le porte le calendrier des Juifs qui célèbrent toujours le jour de leur délivrance de ce tyran, qui arriva par sa mort.
4, 27, [i]. Livre 3, No. 10.
4, 27, [j]. D'autres éditions au lieu de possession disent profession.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 28
L'Enfant-Jésus parle à saint Joseph après un an accompli, et la Très Sainte Mère traite de Le mettre sur pied et de Le chausser; et Elle commence à célébrer les jours de l'Incarnation et de la Nativité.
4, 28, 681. Dans l'une des conférences ou conversations que la Très sainte Marie avait avec son époux Joseph sur les Mystères du Seigneur, il arriva qu'un jour, l'Enfant-Jésus ayant accompli Sa première année, Sa Majesté détermina de rompre le silence et de parler d'une voix claire et formée au très fidèle Joseph, qui faisait l'office de père vigilant, comme il avait parlé à la divine Mère dès Sa Naissance, ainsi que je l'ai déjà dit, chapitre 10, numéro 480, et chapitre 18 numéro 577. Et les deux saints Époux traitaient de l'Être Infini de Dieu et de la Bonté qui L'avait porté à un amour si excessif (Jean 3: 16) qui Le fit envoyer du Ciel Son Fils Unique pour être Maître (Is. 55: 4) et Rédempteur des hommes, Lui donnant la forme (Phil. 2: 7) humaine en laquelle Il put converser avec eux (Bar. 3: 28) et souffrir les peines de la nature déchue; dans cette méditation, saint Joseph
éprouvait beaucoup d'admiration et il s'embrasait en affections de reconnaissance et de louange de Son amour. Dans cette circonstance, l'Enfant-Dieu étant dans les bras de Sa Mère et faisant d'eux sa première chaire de Docteur, parla à saint Joseph d'une voix intelligible et lui dit: «Mon Père, je suis venu du Ciel (Jean 18: 37) sur la terre pour être la Lumière (Jean 8: 12) du monde et le racheter des ténèbres du péché; pour chercher et connaître (Jean 10: 4 et 14) mes brebis comme Bon Pasteur et leur donner le pâturage et l'aliment de la Vie Éternelle (Jean 6: 69), leur enseigner le chemin qui y conduit et leur en ouvrir les portes (Ps. 23: 7) qui étaient fermées: Je veux que vous soyez, tous deux, enfants (Jean 12: 36) de la Lumière, puisque vous l'avez si proche.»
4, 28, 682. Ces paroles de l'Enfant-Jésus pleines de Vie et d'efficace Divine répandirent un amour, une révérence et une allégresse nouvelles dans le coeur du Patriarch Joseph. Il se mit à genoux aux pieds de l'Enfant-Dieu avec une humilité très profonde, et il Lui rendit grâces de ce que la première parole qu'il Lui avait entendu prononcer avait été de l'appeler "père". Il demanda à sa Majesté avec beaucoup de larmes, de l'éclairer et de le porter à l'accomplissement de Sa très parfaite Volonté et de lui enseigner à être reconnaissant pour les bienfaits si incomparables qu'il recevait de Sa main libérale. Les parents qui aiment beaucoup leurs enfants reçoivent de la gloire et une grande consolation quand ils découvrent quelques pronostics qui annoncent que ces êtres chéris seront sages ou grands dans les vertus: et quoique ceux-ci ne le soient point: néanmoins à cause de leur inclination, ils exaltent et célèbrent beaucoup ordinairement les puérilités que leurs enfants font et disent; parce que la tendre affection qu'ils ont pour leurs petits enfants peut faire faire tout cela. Quoique saint Joseph ne fut pas le père de l'Enfant-Dieu selon la nature, mais père putatif, néanmoins l'amour naturel qu'il avait excédait sans mesure tout l'amour avec lequel les pères naturels aiment leurs enfants; parce qu'en lui la grâce et même la nature furent plus puissantes qu'en tous les pères de la terre, et plus qu'en tous les pères ensemble; et par cet amour et l'estime qu'il faisait d'être père putatif de l'Enfant-Jésus, on doit mesurer la jubilation de son âme si pure en s'entendant appeler père par le Fils de Dieu même, du Père Éternel, en Le voyant si beau et si plein de grâce et qu'il commençait à parler avec une Doctrine et une Sagesse si hautes.
4, 28, 683. Pendant toute cette première année de l'Enfant-Dieu, Sa Très Douce Mère L'avait porté enveloppé dans les langes et le maillot où les autres enfants ont coutume d'être, parce qu'Il ne voulut point Se montrer différent en cela, en témoignage de Son Humanité véritable et aussi de l'amour qu'Il avait pour les mortels pour qui Il souffrait cette gêne qu'Il eût pu éviter. La Très Prudente Mère jugeant qu'il était déjà temps de Le sortir du maillot, et de Le mettre sur pied, ou de Le chausser, comme on dit, se mit à genoux devant l'Enfant-Dieu qui était dans le berceau et Elle Lui dit: «Mon Fils, très doux Amour de mon âme et mon Seigneur, je désire comme Votre esclave être ponctuelle à Vous donner du goût. O Lumière de mes yeux, Vous avez déjà été beaucoup de temps opprimé dans les liens de Vos langes et en cela Vous avez fait une grande délicatesse d'amour envers les hommes: il est désormais temps que Vous changiez d'habillement. Dites-moi, mon Seigneur, que ferai-je pour Vous mettre sur pied».
4, 28, 684. «Ma Mère, répondit l'Enfant, les liens de Mon enfance, ne M'ont pas paru gênants, à cause de l'amour que J'ai pour les âmes que J'ai créées et que Je viens racheter; puisque dans Mon âge parfait Je dois être pris, lié et livré (Matt. 20: 18) à Mes ennemis et par eux à la mort; et si ce souvenir M'est doux à cause de l'Agrément (Héb. 10: 7) de Mon Père éternel, tout le reste Me sera facile. Mon vêtement dans ce monde doit être seul et unique: parce que Je ne veux de lui qu'une seule chose c'est qu'il Me couvre; quoique tout l'univers (Ps. 23: 1) M'appartienne, parce que Je lui ai donné l'être, Je l'abandonne néanmoins aux hommes, afin qu'ils Me doivent davantage et afin de leur enseigner aussi comment ils doivent pour Mon Amour et pour imiter Mon Exemple, refuser et mépriser tout ce qui est superflu pour la vie naturelle. Vous Me vêtirez, Ma Mère, d'une longue tunique de couleur humble et commune. Je ne porterai que celle-là et elle croîtra avec Moi. Et ce sera sur celle-là qu'ils jetteront (Ps. 21: 19) le sort à Ma mort; parce qu'elle ne doit pas même rester à Ma disposition, mais à celle des autres; afin que les hommes voient que Je suis né et que J'ai voulu vivre pauvre et dénué des choses visibles, car elles oppriment et obscurcissent le coeur humain étant terrestres. Dès le moment que Je fus conçu dans Votre sein Virginal, Je fis cet abandon et cette renonciation de tout ce que le monde contient et renferme, quoique tout soit mien par l'union de Ma nature humaine à la Personne divine; et Je n'ai pas eu d'autre action en ce qui regarde les choses visibles, outre que de les offrir toutes à Mon Père Céleste, y renonçant pour Son Amour et ne recevant pour la vie naturelle que ce qu'elle demandait afin de la donner (Jean 10: 15) ensuite
pour les hommes. Je veux enseigner et reprendre le monde par cet exemple, afin qu'il aime la pauvreté et qu'il ne la méprise point; puisque Moi qui suis le Seigneur de tout, J'ai refusé tout et J'ai renoncé à tout, ce sera une confusion pour ceux qui Me connaissent par la Foi de désirer ce que J'ai enseigné à mépriser».
4, 28, 685. Les paroles de l'Enfant-Dieu firent dans la divine Mère divers effets admirables; parce que la mémoire ou la représentation de la mort et des liens de Son Très Saint Fils transperça Son Coeur très candide et très compatissant; et Elle admira la Doctrine et l'Exemple d'une pauvreté et d'une nudité si extrêmes qui la porta à l'imiter. L'amour immense du Seigneur pour les mortels l'enflamma aussi à Le remercier pour tous; et Elle fit en cela des actes héroïques de plusieurs vertus. Et connaissant que l'Enfant-Jésus ne voulait point d'autre vêtement ni aucune chaussure, Elle dit à Sa Majesté: «Mon Fils et mon Seigneur, Votre Mère n'aura pas le coeur ni le courage de Vous mettre sur le sol les pieds nus dans un âge si tendre. Mon Amour, acceptez pour Vos pieds quelque protection qui les défende. Je connais aussi que le vêtement âpre que vous Me demandez sans user d'autre linge dessous, affligera beaucoup Votre âge et Votre nature délicate». L'Enfant-Jésus Lui répondit: «Ma Mère, J'accepte pour Mes pieds quelque chose de pauvre, jusqu'à ce qu'arrive le temps de Ma prédication; parce qu'alors Je dois la faire déchaussé. Mais Je ne veux pas user de linge, parce que c'est un foment de la chair et de plusieurs vices dans les hommes, et Je veux enseigner à plusieurs à y renoncer pour Mon amour et Mon imitation».
4, 28, 686. La céleste Reine mit aussitôt une grande diligence à accomplir la Volonté de son Très Saint Fils. Et cherchant de la laine naturelle et non teinte Elle la fila de ses mains très délicatement et Elle en tissa une petite tunique toute d'une pièce sans couture, à la manière de ce qui se fait à l'aiguille, elle ressemblait plus proprement au tricot, parce qu'elle faisait un petit cordonnet, et elle n'était pas comme du drap lisse. Elle la tissa sur un petit métier comme se font les ouvrages que l'on appelle de tulle, la tissant mystérieusement toute d'une pièce (Jean 19: 23) sans couture. Et il y eut deux choses miraculeuses, l'une qu'elle sortit toute égale et sans pli, l'autre que la couleur naturelle de la laine s'améliora et se changea à la prière et à la volonté de la divine Reine, en une couleur très parfaite entre le violet et l'argenté, demeurant en un milieu qui ne se pouvait déterminer à aucune couleur; parce qu'elle n'était ni violette, ni argentée, ni beige et elle avait de tout
cela. Elle fit aussi des sandales, comme celles que l'on appelle espadrilles, [alpargatas], d'un fil fort, avec lesquelles Elle chaussa l'Enfant-Dieu. Outre cela, Elle Lui fit une demi-tunique de toile, afin qu'elle Lui servît de linge autour de Ses reins. Je dirai dans le chapitre suivant ce qui arriva à la vêture de l'Enfant-Dieu.
4, 28, 687. Depuis les Mystères de l'Incarnation et de la Nativité du Verbe Divin il y eut une année accomplie respectivement pour chacun après qu'ils furent en Égypte. Ces jours si solennels pour la céleste Reine furent célébrés par Elle; commençant cette coutume dès la première année, Elle l'observa toute sa Vie, comme on le verra dans la troisième partie [a], touchant les Mystères qui furent ensuite célébrés. Pour celui de l'Incarnation, Elle commençait de grands exercices neuf jours avant, en correspondance des neuf jours qui précédèrent dans les dispositions et les bienfaits si grands et si admirables qu'Elle reçut, comme je l'ai dit dans le commencement de cette seconde partie. Le jour qui correspondait à celui de l'Incarnation et de l'Annonciation, Elle conviait les saints Anges du Ciel b] avec ceux de sa garde, afin qu'ils l'aidassent à célébrer ces Mystères magnifiques, à les reconnaître et à en rendre de dignes actions de grâces au Très-Haut. Et prosternée en terre en forme de croix, Elle priait le même Enfant-Jésus de louer le Père Éternel pour elle et de Le remercier de ce que Sa divine Droite l'avait favorisée et de ce qu'Il avait fait pour le genre humain, lui donnant Son propre Fils Unique. Elle répétait la même chose lorsque s'accomplissait l'année de son Enfantement Virginal. Et la divine Souveraine était très consolée et très favorisée du Très-Haut en ces jours-là; parce qu'Elle renouvelait la reconnaissance et la mémoire continuelle de ces sacrements, si sublimes. Et parce qu'Elle avait eu l'intelligence de ce qui était agréable au Père Éternel et de ce qu'Il Se complaisait dans le sacrifice de douleur qu'elle faisait prosternée en terre en forme de croix en souvenir de ce que son divin Agneau devait être cloué sur une croix Elle usait de cet exercice dans toutes les fêtes, demandant que la Justice divine s'apaisât et sollicitant miséricorde pour les pécheurs. Et embrasée dans le feu de la Charité, Elle se levait et donnait fin à la célébration des fêtes par des cantiques admirables qu'Elle disait alternativement avec les saints Anges; lesquels s'organisaient en choeur de musique céleste et sonore avec laquelle ils disaient leur verset et la Reine répondait; ce qu'Elle faisait plus doucement (Cant. 2: 14) pour les oreilles de Dieu et avec une plus grande acceptation que tous les choeurs des Séraphins sublimes et bienheureux; parce que les échos de ses vertus excellentes résonnaient
jusqu'en la Présence de la Bienheureuse Trinité et devant le tribunal de l'Être du Dieu Éternel.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE ET LA SOUVERAINE DU CIEL.
4, 28, 688. Ma fille, ta capacité ne peut comprendre parfaitement, ni non plus celle de toutes les créatures ensemble, quel fut l'esprit de pauvreté de Mon Très Saint Fils et celui qu'Il m'enseigna à moi. Mais de tout ce que je t'ai manifesté tu peux comprendre beaucoup de l'excellence de cette vertu que Son Auteur et Son Maître aima tant et combien Il abhorra le vice de la cupidité. Le Créateur ne pouvait (Sag. 11: 25) abhorrer les mêmes choses auxquels Il avait donné l'être: mais avec Son immense Sagesse Il connut le dommage incomparable que les mortels devaient recevoir de l'avarice et de l'avidité désordonnée des choses visibles et que cet amour insensé devait pervertir la plus grande partie de la nature humaine. Et selon la science que j'eus du grand nombre des pécheurs et des réprouvés que le vice de l'avarice et de la cupidité perdrait, ainsi en proportion fut la haine que j'en eus.
4, 28, 689. Pour obvier à ce dommage et lui préparer quelque remède et quelque antidote, mon Très Saint Fils choisit la pauvreté et l'enseigna par les paroles et par l'exemple d'un si admirable dénuement; et afin que si les mortels ne profitaient point de ce médicament, le médecin qui leur prépara le salut et le remède eût Sa cause justifiée, J'enseignai et exerçai cette Doctrine toute ma Vie et avec elle les Apôtres fondèrent l'Église; et les Patriarches et les Saints qui l'ont réformée et qui la sustentent ont fait et enseigné la même chose; parce que tous ont aimé la pauvreté comme moyen unique et efficace de la sainteté et ils ont abhorré les richesses, comme brandon de tous les maux et racine (1 Tim. 6: 10) de tous les vices. Je veux que tu aimes cette pauvreté et que tu la cherches avec toute diligence; parce qu'elle est l'ornement des épouses de mon Très Doux Fils, sans laquelle je t'assure, ma très chère, qu'Il les méconnaît et les répudie comme monstrueusement inégales et dissemblables; parce qu'il n'y a pas de proportion entre l'épouse riche et abondante en superfluités et l'époux très pauvre et destitué de tout; il ne peut y avoir d'amour réciproque avec tant d'inégalité.
4, 28, 690. Et si, étant fille légitime tu veux m'imiter parfaitement selon tes forces comme tu dois le faire, il est clair que moi pauvre, je ne te reconnaîtrai pas pour ma fille, si tu ne l'es point et je n'aimerai pas en toi ce que j'ai abhorré pour moi-même. Aussi je t'avertis que tu ne dois pas oublier les bienfaits du Très-Haut que tu reçois si largement, et si tu n'es pas très attentive et très reconnaissante en cela, tu viendras facilement à tomber dans cet oubli et cette grossièreté par la gravité et la lenteur même de la nature. Renouvelle ce souvenir plusieurs fois chaque jour rendant toujours grâces au Seigneur avec une humble et amoureuse affection. Et parmi tous les bienfaits, les plus admirables sont de t'avoir appelée et attendue; d'avoir dissimulé et couvert tes fautes et outre cela d'avoir multiplié des faveurs réitérées. Ce souvenir causera dans ton coeur de fortes et douces affections d'amour pour travailler avec diligence: et tu trouveras dans le Seigneur une nouvelle grâce et une nouvelle rémunération parce qu'Il S'incline beaucoup vers un coeur fidèle et reconnaissant; au contraire, Il S'offense grandement de ce que Ses bienfaits et Ses Oeuvres ne soient pas estimés et remerciés; parce que comme Il les fait avec une grande plénitude d'Amour Il veut que l'on y corresponde par un retour officieux, loyal et affectueux.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 28, [a]. Livre 8, No. 642.
4, 28, [b. Voici ce que disent les Bollandistes au 25 mars, parlant de la fête de l'Annonciation: «Cette fête solennelle est si antique que l'on doit en assigner l'origine à la très reconnaissante Affection de la Vierge Mère de Dieu, qui avait coutume de la célébrer chaque année, avec une vénération singulière et un culte très dévot en reconnaissance de ce bienfait Divine qui lui fut accordé en ce jour à Elle-même comme à tout le genre humain; etc..
L'Enfant-Jésus parle à saint Joseph après un an accompli, et la Très Sainte Mère traite de Le mettre sur pied et de Le chausser; et Elle commence à célébrer les jours de l'Incarnation et de la Nativité.
4, 28, 681. Dans l'une des conférences ou conversations que la Très sainte Marie avait avec son époux Joseph sur les Mystères du Seigneur, il arriva qu'un jour, l'Enfant-Jésus ayant accompli Sa première année, Sa Majesté détermina de rompre le silence et de parler d'une voix claire et formée au très fidèle Joseph, qui faisait l'office de père vigilant, comme il avait parlé à la divine Mère dès Sa Naissance, ainsi que je l'ai déjà dit, chapitre 10, numéro 480, et chapitre 18 numéro 577. Et les deux saints Époux traitaient de l'Être Infini de Dieu et de la Bonté qui L'avait porté à un amour si excessif (Jean 3: 16) qui Le fit envoyer du Ciel Son Fils Unique pour être Maître (Is. 55: 4) et Rédempteur des hommes, Lui donnant la forme (Phil. 2: 7) humaine en laquelle Il put converser avec eux (Bar. 3: 28) et souffrir les peines de la nature déchue; dans cette méditation, saint Joseph
éprouvait beaucoup d'admiration et il s'embrasait en affections de reconnaissance et de louange de Son amour. Dans cette circonstance, l'Enfant-Dieu étant dans les bras de Sa Mère et faisant d'eux sa première chaire de Docteur, parla à saint Joseph d'une voix intelligible et lui dit: «Mon Père, je suis venu du Ciel (Jean 18: 37) sur la terre pour être la Lumière (Jean 8: 12) du monde et le racheter des ténèbres du péché; pour chercher et connaître (Jean 10: 4 et 14) mes brebis comme Bon Pasteur et leur donner le pâturage et l'aliment de la Vie Éternelle (Jean 6: 69), leur enseigner le chemin qui y conduit et leur en ouvrir les portes (Ps. 23: 7) qui étaient fermées: Je veux que vous soyez, tous deux, enfants (Jean 12: 36) de la Lumière, puisque vous l'avez si proche.»
4, 28, 682. Ces paroles de l'Enfant-Jésus pleines de Vie et d'efficace Divine répandirent un amour, une révérence et une allégresse nouvelles dans le coeur du Patriarch Joseph. Il se mit à genoux aux pieds de l'Enfant-Dieu avec une humilité très profonde, et il Lui rendit grâces de ce que la première parole qu'il Lui avait entendu prononcer avait été de l'appeler "père". Il demanda à sa Majesté avec beaucoup de larmes, de l'éclairer et de le porter à l'accomplissement de Sa très parfaite Volonté et de lui enseigner à être reconnaissant pour les bienfaits si incomparables qu'il recevait de Sa main libérale. Les parents qui aiment beaucoup leurs enfants reçoivent de la gloire et une grande consolation quand ils découvrent quelques pronostics qui annoncent que ces êtres chéris seront sages ou grands dans les vertus: et quoique ceux-ci ne le soient point: néanmoins à cause de leur inclination, ils exaltent et célèbrent beaucoup ordinairement les puérilités que leurs enfants font et disent; parce que la tendre affection qu'ils ont pour leurs petits enfants peut faire faire tout cela. Quoique saint Joseph ne fut pas le père de l'Enfant-Dieu selon la nature, mais père putatif, néanmoins l'amour naturel qu'il avait excédait sans mesure tout l'amour avec lequel les pères naturels aiment leurs enfants; parce qu'en lui la grâce et même la nature furent plus puissantes qu'en tous les pères de la terre, et plus qu'en tous les pères ensemble; et par cet amour et l'estime qu'il faisait d'être père putatif de l'Enfant-Jésus, on doit mesurer la jubilation de son âme si pure en s'entendant appeler père par le Fils de Dieu même, du Père Éternel, en Le voyant si beau et si plein de grâce et qu'il commençait à parler avec une Doctrine et une Sagesse si hautes.
4, 28, 683. Pendant toute cette première année de l'Enfant-Dieu, Sa Très Douce Mère L'avait porté enveloppé dans les langes et le maillot où les autres enfants ont coutume d'être, parce qu'Il ne voulut point Se montrer différent en cela, en témoignage de Son Humanité véritable et aussi de l'amour qu'Il avait pour les mortels pour qui Il souffrait cette gêne qu'Il eût pu éviter. La Très Prudente Mère jugeant qu'il était déjà temps de Le sortir du maillot, et de Le mettre sur pied, ou de Le chausser, comme on dit, se mit à genoux devant l'Enfant-Dieu qui était dans le berceau et Elle Lui dit: «Mon Fils, très doux Amour de mon âme et mon Seigneur, je désire comme Votre esclave être ponctuelle à Vous donner du goût. O Lumière de mes yeux, Vous avez déjà été beaucoup de temps opprimé dans les liens de Vos langes et en cela Vous avez fait une grande délicatesse d'amour envers les hommes: il est désormais temps que Vous changiez d'habillement. Dites-moi, mon Seigneur, que ferai-je pour Vous mettre sur pied».
4, 28, 684. «Ma Mère, répondit l'Enfant, les liens de Mon enfance, ne M'ont pas paru gênants, à cause de l'amour que J'ai pour les âmes que J'ai créées et que Je viens racheter; puisque dans Mon âge parfait Je dois être pris, lié et livré (Matt. 20: 18) à Mes ennemis et par eux à la mort; et si ce souvenir M'est doux à cause de l'Agrément (Héb. 10: 7) de Mon Père éternel, tout le reste Me sera facile. Mon vêtement dans ce monde doit être seul et unique: parce que Je ne veux de lui qu'une seule chose c'est qu'il Me couvre; quoique tout l'univers (Ps. 23: 1) M'appartienne, parce que Je lui ai donné l'être, Je l'abandonne néanmoins aux hommes, afin qu'ils Me doivent davantage et afin de leur enseigner aussi comment ils doivent pour Mon Amour et pour imiter Mon Exemple, refuser et mépriser tout ce qui est superflu pour la vie naturelle. Vous Me vêtirez, Ma Mère, d'une longue tunique de couleur humble et commune. Je ne porterai que celle-là et elle croîtra avec Moi. Et ce sera sur celle-là qu'ils jetteront (Ps. 21: 19) le sort à Ma mort; parce qu'elle ne doit pas même rester à Ma disposition, mais à celle des autres; afin que les hommes voient que Je suis né et que J'ai voulu vivre pauvre et dénué des choses visibles, car elles oppriment et obscurcissent le coeur humain étant terrestres. Dès le moment que Je fus conçu dans Votre sein Virginal, Je fis cet abandon et cette renonciation de tout ce que le monde contient et renferme, quoique tout soit mien par l'union de Ma nature humaine à la Personne divine; et Je n'ai pas eu d'autre action en ce qui regarde les choses visibles, outre que de les offrir toutes à Mon Père Céleste, y renonçant pour Son Amour et ne recevant pour la vie naturelle que ce qu'elle demandait afin de la donner (Jean 10: 15) ensuite
pour les hommes. Je veux enseigner et reprendre le monde par cet exemple, afin qu'il aime la pauvreté et qu'il ne la méprise point; puisque Moi qui suis le Seigneur de tout, J'ai refusé tout et J'ai renoncé à tout, ce sera une confusion pour ceux qui Me connaissent par la Foi de désirer ce que J'ai enseigné à mépriser».
4, 28, 685. Les paroles de l'Enfant-Dieu firent dans la divine Mère divers effets admirables; parce que la mémoire ou la représentation de la mort et des liens de Son Très Saint Fils transperça Son Coeur très candide et très compatissant; et Elle admira la Doctrine et l'Exemple d'une pauvreté et d'une nudité si extrêmes qui la porta à l'imiter. L'amour immense du Seigneur pour les mortels l'enflamma aussi à Le remercier pour tous; et Elle fit en cela des actes héroïques de plusieurs vertus. Et connaissant que l'Enfant-Jésus ne voulait point d'autre vêtement ni aucune chaussure, Elle dit à Sa Majesté: «Mon Fils et mon Seigneur, Votre Mère n'aura pas le coeur ni le courage de Vous mettre sur le sol les pieds nus dans un âge si tendre. Mon Amour, acceptez pour Vos pieds quelque protection qui les défende. Je connais aussi que le vêtement âpre que vous Me demandez sans user d'autre linge dessous, affligera beaucoup Votre âge et Votre nature délicate». L'Enfant-Jésus Lui répondit: «Ma Mère, J'accepte pour Mes pieds quelque chose de pauvre, jusqu'à ce qu'arrive le temps de Ma prédication; parce qu'alors Je dois la faire déchaussé. Mais Je ne veux pas user de linge, parce que c'est un foment de la chair et de plusieurs vices dans les hommes, et Je veux enseigner à plusieurs à y renoncer pour Mon amour et Mon imitation».
4, 28, 686. La céleste Reine mit aussitôt une grande diligence à accomplir la Volonté de son Très Saint Fils. Et cherchant de la laine naturelle et non teinte Elle la fila de ses mains très délicatement et Elle en tissa une petite tunique toute d'une pièce sans couture, à la manière de ce qui se fait à l'aiguille, elle ressemblait plus proprement au tricot, parce qu'elle faisait un petit cordonnet, et elle n'était pas comme du drap lisse. Elle la tissa sur un petit métier comme se font les ouvrages que l'on appelle de tulle, la tissant mystérieusement toute d'une pièce (Jean 19: 23) sans couture. Et il y eut deux choses miraculeuses, l'une qu'elle sortit toute égale et sans pli, l'autre que la couleur naturelle de la laine s'améliora et se changea à la prière et à la volonté de la divine Reine, en une couleur très parfaite entre le violet et l'argenté, demeurant en un milieu qui ne se pouvait déterminer à aucune couleur; parce qu'elle n'était ni violette, ni argentée, ni beige et elle avait de tout
cela. Elle fit aussi des sandales, comme celles que l'on appelle espadrilles, [alpargatas], d'un fil fort, avec lesquelles Elle chaussa l'Enfant-Dieu. Outre cela, Elle Lui fit une demi-tunique de toile, afin qu'elle Lui servît de linge autour de Ses reins. Je dirai dans le chapitre suivant ce qui arriva à la vêture de l'Enfant-Dieu.
4, 28, 687. Depuis les Mystères de l'Incarnation et de la Nativité du Verbe Divin il y eut une année accomplie respectivement pour chacun après qu'ils furent en Égypte. Ces jours si solennels pour la céleste Reine furent célébrés par Elle; commençant cette coutume dès la première année, Elle l'observa toute sa Vie, comme on le verra dans la troisième partie [a], touchant les Mystères qui furent ensuite célébrés. Pour celui de l'Incarnation, Elle commençait de grands exercices neuf jours avant, en correspondance des neuf jours qui précédèrent dans les dispositions et les bienfaits si grands et si admirables qu'Elle reçut, comme je l'ai dit dans le commencement de cette seconde partie. Le jour qui correspondait à celui de l'Incarnation et de l'Annonciation, Elle conviait les saints Anges du Ciel b] avec ceux de sa garde, afin qu'ils l'aidassent à célébrer ces Mystères magnifiques, à les reconnaître et à en rendre de dignes actions de grâces au Très-Haut. Et prosternée en terre en forme de croix, Elle priait le même Enfant-Jésus de louer le Père Éternel pour elle et de Le remercier de ce que Sa divine Droite l'avait favorisée et de ce qu'Il avait fait pour le genre humain, lui donnant Son propre Fils Unique. Elle répétait la même chose lorsque s'accomplissait l'année de son Enfantement Virginal. Et la divine Souveraine était très consolée et très favorisée du Très-Haut en ces jours-là; parce qu'Elle renouvelait la reconnaissance et la mémoire continuelle de ces sacrements, si sublimes. Et parce qu'Elle avait eu l'intelligence de ce qui était agréable au Père Éternel et de ce qu'Il Se complaisait dans le sacrifice de douleur qu'elle faisait prosternée en terre en forme de croix en souvenir de ce que son divin Agneau devait être cloué sur une croix Elle usait de cet exercice dans toutes les fêtes, demandant que la Justice divine s'apaisât et sollicitant miséricorde pour les pécheurs. Et embrasée dans le feu de la Charité, Elle se levait et donnait fin à la célébration des fêtes par des cantiques admirables qu'Elle disait alternativement avec les saints Anges; lesquels s'organisaient en choeur de musique céleste et sonore avec laquelle ils disaient leur verset et la Reine répondait; ce qu'Elle faisait plus doucement (Cant. 2: 14) pour les oreilles de Dieu et avec une plus grande acceptation que tous les choeurs des Séraphins sublimes et bienheureux; parce que les échos de ses vertus excellentes résonnaient
jusqu'en la Présence de la Bienheureuse Trinité et devant le tribunal de l'Être du Dieu Éternel.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE ET LA SOUVERAINE DU CIEL.
4, 28, 688. Ma fille, ta capacité ne peut comprendre parfaitement, ni non plus celle de toutes les créatures ensemble, quel fut l'esprit de pauvreté de Mon Très Saint Fils et celui qu'Il m'enseigna à moi. Mais de tout ce que je t'ai manifesté tu peux comprendre beaucoup de l'excellence de cette vertu que Son Auteur et Son Maître aima tant et combien Il abhorra le vice de la cupidité. Le Créateur ne pouvait (Sag. 11: 25) abhorrer les mêmes choses auxquels Il avait donné l'être: mais avec Son immense Sagesse Il connut le dommage incomparable que les mortels devaient recevoir de l'avarice et de l'avidité désordonnée des choses visibles et que cet amour insensé devait pervertir la plus grande partie de la nature humaine. Et selon la science que j'eus du grand nombre des pécheurs et des réprouvés que le vice de l'avarice et de la cupidité perdrait, ainsi en proportion fut la haine que j'en eus.
4, 28, 689. Pour obvier à ce dommage et lui préparer quelque remède et quelque antidote, mon Très Saint Fils choisit la pauvreté et l'enseigna par les paroles et par l'exemple d'un si admirable dénuement; et afin que si les mortels ne profitaient point de ce médicament, le médecin qui leur prépara le salut et le remède eût Sa cause justifiée, J'enseignai et exerçai cette Doctrine toute ma Vie et avec elle les Apôtres fondèrent l'Église; et les Patriarches et les Saints qui l'ont réformée et qui la sustentent ont fait et enseigné la même chose; parce que tous ont aimé la pauvreté comme moyen unique et efficace de la sainteté et ils ont abhorré les richesses, comme brandon de tous les maux et racine (1 Tim. 6: 10) de tous les vices. Je veux que tu aimes cette pauvreté et que tu la cherches avec toute diligence; parce qu'elle est l'ornement des épouses de mon Très Doux Fils, sans laquelle je t'assure, ma très chère, qu'Il les méconnaît et les répudie comme monstrueusement inégales et dissemblables; parce qu'il n'y a pas de proportion entre l'épouse riche et abondante en superfluités et l'époux très pauvre et destitué de tout; il ne peut y avoir d'amour réciproque avec tant d'inégalité.
4, 28, 690. Et si, étant fille légitime tu veux m'imiter parfaitement selon tes forces comme tu dois le faire, il est clair que moi pauvre, je ne te reconnaîtrai pas pour ma fille, si tu ne l'es point et je n'aimerai pas en toi ce que j'ai abhorré pour moi-même. Aussi je t'avertis que tu ne dois pas oublier les bienfaits du Très-Haut que tu reçois si largement, et si tu n'es pas très attentive et très reconnaissante en cela, tu viendras facilement à tomber dans cet oubli et cette grossièreté par la gravité et la lenteur même de la nature. Renouvelle ce souvenir plusieurs fois chaque jour rendant toujours grâces au Seigneur avec une humble et amoureuse affection. Et parmi tous les bienfaits, les plus admirables sont de t'avoir appelée et attendue; d'avoir dissimulé et couvert tes fautes et outre cela d'avoir multiplié des faveurs réitérées. Ce souvenir causera dans ton coeur de fortes et douces affections d'amour pour travailler avec diligence: et tu trouveras dans le Seigneur une nouvelle grâce et une nouvelle rémunération parce qu'Il S'incline beaucoup vers un coeur fidèle et reconnaissant; au contraire, Il S'offense grandement de ce que Ses bienfaits et Ses Oeuvres ne soient pas estimés et remerciés; parce que comme Il les fait avec une grande plénitude d'Amour Il veut que l'on y corresponde par un retour officieux, loyal et affectueux.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 28, [a]. Livre 8, No. 642.
4, 28, [b. Voici ce que disent les Bollandistes au 25 mars, parlant de la fête de l'Annonciation: «Cette fête solennelle est si antique que l'on doit en assigner l'origine à la très reconnaissante Affection de la Vierge Mère de Dieu, qui avait coutume de la célébrer chaque année, avec une vénération singulière et un culte très dévot en reconnaissance de ce bienfait Divine qui lui fut accordé en ce jour à Elle-même comme à tout le genre humain; etc..
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 29
La Très Sainte Vierge revêt l'Enfant-Jésus de la tunique sans couture et Elle Le chausse; et les Actes et les Exercices que le même Seigneur faisait.
4, 29, 691. Pour vêtir l'Enfant-Dieu de la petite tunique tissée ainsi que du linge et des sandales que Sa Mère Lui avait travaillés de ses mains, la Très Prudente Reine se mit à genoux en présence de son Très Doux Fils et Elle Lui parla de cette manière: «Seigneur très-haut, Créateur du Ciel et de la terre, je désirerais Vous vêtir, s'il était possible, selon la dignité de Votre divine Personne: je voudrais aussi avoir pu faire le vêtement que je Vous apporte du sang de mon Coeur; mais je juge qu'il sera de Votre agrément, pour ce qu'il a de pauvre et d'humble. Pardonnez, mon Seigneur et mon Dieu les fautes, et recevez l'affection de cette poussière et cette cendre inutile et donnez-moi permission de Vous habiller.» L'Enfant-Jésus reçut le service et l'hommage de Sa Très Pure Mère, et ensuite Elle Le vêtit, Le chaussa et Le mit sur pied. La petite tunique Lui vint à Sa mesure, jusqu'à Lui couvrir les pieds sans L'embrasser, et les manches Le couvraient jusqu'à la moitié des mains et Elle n'avait pris aucune mesure auparavant. Le col de la tunique était rond sans être ouvert par devant, et quelque peu élevé et ajusté presque jusqu'à la gorge, et étant ainsi la divine Mère la mit par la tête de l'Enfant, sans l'ouvrir; parce que le vêtement Lui obéissait pour l'accommoder gracieusement à Sa Volonté. Et Il ne l'ôta jamais jusqu'à ce que les bourreaux Le dépouillassent pour Le flageller, et ensuite pour Le crucifier; parce qu'elle alla toujours en croissant avec le Corps sacré autant qu'il était nécessaire. La même chose arriva des sandales et des linges intérieurs que la Très Prudente Mère lui mit. Et rien ne s'usa ni ne vieillit en trente-deux ans, et la tunique ne perdit point sa couleur ni son lustre avec lesquels elle sortit des mains de la grande Dame; et elle ne se tacha point ni ne se salit, encore moins, parce qu'elle fut toujours dans le même état. Les vêtements que le Rédempteur déposa pour laver les pieds à Ses Apôtres (Jean 13: 4) était un manteau ou chape qu'Il portait sur les épaules: et ce fut aussi la même Vierge qui le fit après qu'ils revinrent à Nazareth; et Il alla en croissant avec la tunique et de la même couleur quelque peu plus obscur, tissé de la même manière [a].
4, 29, 692. L'Enfant et Seigneur des éternités demeura sur pied, car depuis Sa Naissance Il avait été enveloppé de langes et d'ordinaire dans les bras de Sa Très Sainte Mère. Il parut très beau (Ps. 44: 3), au-dessus des enfants des hommes. Et les Anges étaient dans l'admiration du choix qu'Il avait fait d'un habillement si pauvre, lui qui revêt les cieux de lumière et les champs de beauté. Il marcha ensuite très parfaitement en présence de Ses parents; mais avec ceux du dehors, il dissimula cette merveille pendant quelque temps, la Reine Le prenant dans ses bras, lorsqu'il arrivait des étrangers du dehors, ou quand ils partaient de la maison. Grand fut la jubilation de la divine Dame et du saint époux Joseph de voir marcher leur Enfant de si rare beauté. Il reçut le sein de Sa Mère jusqu'à ce qu'Il eut accompli un an et demi et Il le laissa. Et du reste Il mangea toujours peu dans la quantité et dans la qualité. Sa nourriture était au commencement quelques petites soupes à l'huile et aux fruits ou au poisson. Et jusqu'à ce qu'Il fût grand, la Vierge-Mère Lui donnait à manger trois fois par jour, comme Elle Lui donnait le lait auparavant; le matin, après-midi et à la nuit. L'Enfant-Dieu ne le demanda jamais; mais l'amoureuse Mère prenait soin, avec une rare advertance de Lui donner la nourriture à ses heures; jusqu'à ce qu'ayant grandi, Il mangeait en même temps que les divins Époux et pas plus. Il persévéra ainsi jusqu'à l'âge parfait dont je parlerai plus loin. Et lorsqu'Il mangeait avec Ses parents, ceux-ci attendaient toujours que l'Enfant Divin donnât la bénédiction au commencement et les grâces à la fin du repas.
4, 29, 693. Après que l'Enfant-Jésus allait par Lui-même, Il commança à Se retirer et à demeurer seul quelque temps dans l'oratoire de Sa Mère. Et la Très Prudente Dame désirant savoir la Volonté de son Très Saint Fils d'être seul ou avec Elle, le même Seigneur répondit à sa pensée, et lui dit: «Ma Mère, entrez et soyez toujours avec Moi, afin que vous m'imitiez et que vous copiiez Mes Oeuvres; parce que Je veux que la sublime perfection que J'ai désirée (1 Tim. 2: 4), pour les âmes s'étampe et se copie en vous. Parce que si elles n'avaient pas résisté à Ma Volonté première, elles eussent été remplies de sainteté et de Dons, et elles eussent reçu ces Dons très copieux et très abondants. Mais le genre humain ayant empêché Ma Volonté première, Je veux que Mon bon plaisir s'accomplisse en vous seule et que les Trésors et les biens de Ma Droite que les autres créatures ont perdus et dont elles n'ont pas profité, soient déposés dans votre âme. Prêtez donc attention à Mes Oeuvres, afin de M'imiter en elles.»
4, 29, 694. Par cette ordre la divine Dame fut de nouveau constituée Disciple de son Très Saint Fils. Et il se passa dès lors entre eux Deux tant de mystères si cachés qu'il n'est pas possible de les dire et qui ne seront connus qu'au jour de l'Éternité. L'Enfant-Dieu Se prosternait souvent en terre, d'autres fois il Se tenait en l'air en forme de croix, élevé au-dessus du sol, et toujours Il priait le Père pour le salut des mortels. Et Sa Très Sainte Mère Le suivait et L'imitait en tout; parce que les opérations intérieures de l'Âme très sainte de son Très Doux Fils lui étaient manifestes comme les opérations extérieures du Corps. J'ai parlé quelquefois dans cette Histoire de cette Science et de cette connaissance de la Très Pure Marie [b et il est indispensable d'en renouveler plusieurs fois la mémoire, car telle fut la Lumière et l'Exemplaire par où Elle copia sa sainteté; et ce fut un bienfait si singulier pour son Altesse que toutes les créatures ensemble ne peuvent ni le comprendre ni le manifester. La divine Souveraine n'avait pas toujours des visions de la Divinité; mais Elle avait toujours celle de l'Humanité et de l'Âme très sainte de son Très Saint Fils et de toutes Ses Oeuvres; et Elle regardait d'une manière spéciale les effets qui résultaient en elles des unions hypostatique et béatifique. Quoiqu'en substance Elle ne vit pas toujours la gloire ni l'union, néanmoins Elle connaissait les actes intérieurs avec lesquels l'Humanité révérait, magnifiait et aimait la Divinité à laquelle Elle était unie; et cette faveur fut singulière dans la Mère-Vierge.
4, 29, 695. Il arrivait souvent dans ces exercices que l'Enfant-Jésus pleurait et suait du Sang [c] à la vue de Sa Très Sainte Mère, ce qui arriva plusieurs fois avant l'Agonie du jardin [d] et la divine Vierge Lui essuyait le Visage, et Elle regardait dans Son intérieur et Elle connaissait la cause de cette angoisse qui était toujours la perte des réprouvés et des ingrats pour les bienfaits de leur Créateur et leur Réparateur, et parce que les Oeuvres de la Puissance et de la Bonté infinie du Seigneur ne devaient pas être profitables en eux. D'autres fois la Très Heureuse Mère Le trouvait tout brillant et rempli de splendeur et les Anges Lui chantaient de doux cantiques de louanges. Et Elle connaissait aussi que le Père Éternel Se complaisait dans Son Fils Unique et Bien-Aimé (Matt. 17: 5). Toutes ces merveilles commencèrent dès que l'Enfant-Dieu eut commencé à marcher après avoir accompli Sa première année. Et le seul témoin de toutes Ses Oeuvres fut Sa Très Sainte Mère, dans le Coeur (Luc 2: 19) de laquelle elles devaient être
déposées comme en Celle qui était seule l'Unique (Cant. 6: et l'Élue pour son Fils et son Créateur. Les prières qu'Elle faisait pour le genre humain, les oeuvres de louange, de révérence et de gratitude avec lesquelles Elle accompagnait l'Enfant-Jésus: tout cela excède ma capacité et je ne puis dire ce que je connais. Je m'en remets à la foi et à la piété chrétiennes.
4, 29, 696. L'Enfant-Jésus croissait avec l'admiration et l'agrément de tous ceux qui Le connaissaient. Et arrivant à toucher Ses six ans, Il commença à sortir de Sa maison quelquefois pour aller aux malades et aux hôpitaux, où Il visitait les nécessiteux et Il les consolait et les confortait mystérieusement dans leurs afflictions. Plusieurs Le connaissaient à Héliopolis et Il attirait à Lui tous les coeurs par la force de Sa Divinité et de Sa Sainteté, et plusieurs personnes Lui offraient des présents; et selon les raisons et les motifs qu'Il connaissait par Sa Science Il les acceptait ou les refusait et Il les distribuait parmi les pauvres. Mais dans l'admiration que causaient Ses raisons pleines de Sagesse et Son maintien grave et très modeste, plusieurs allaient donner des félicitations et des bénédictions à Ses parents d'avoir un tel Fils. Néanmoins le monde ignorait les Mystères du Fils et de la Mère; mais le Seigneur du monde donnait lieu à tout cela pour l'honneur de Sa Très Sainte Mère, afin que les hommes la vénérassent en Lui et pour Lui autant qu'il était possible alors, sans connaître la raison particulière de Lui donner une plus grande révérence.
4, 29, 697. Plusieurs enfants d'Héliopolis s'approchaient de notre Enfant Jésus, comme il est ordinaire dans un âge égal et une similitude extérieure. Et comme il n'y avait pas grand raisonnement en eux ni grand malice pour scruter ou juger s'Il était plus qu'homme ou pour empêcher la Lumière, le Maître de la sainteté la donnait à tous ceux qu'il convenait. Il les instruisait de la connaissance de la Divinité et des vertus; Il les instruisait et les catéchisait dans le chemin de la Vie Éternelle plus abondamment que les plus grands. Et comme Ses paroles étaient vives et efficaces (Héb. 4: 12), Il les attirait et les excitait, les leur imprimait dans le coeur, de manière que tous ceux qui eurent cette fortune furent ensuite de grands hommes et des saints; parce qu'avec le temps ils donnèrent le fruit de cette semence céleste (Luc 8: semée de si bonne heure dans leurs âmes.
4, 29, 698. La divine Mère avait connaissance de toutes ces Oeuvres admirables. Et lorsque son Très Saint Fils revenait de faire (Jean 6: 39) la Volonté de Son Père Éternel, concernant les brebis qu'Il Lui avait recommandées, la Reine des Anges, étant seule avec Lui, se prosternait en terre, afin de Lui rendre grâces pour les Bienfaits qu'Il faisait aux petits et aux innocents qui ne Le connaissaient point pour leur Dieu véritable; et Elle Lui baisait le pied comme Souverain Pontife (Héb. 4: 14) de la terre et des Cieux. Elle faisait la même chose lorsque l'Enfant sortait, et Sa Majesté la relevait de terre avec un agrément et une bienveillance de Fils. Sa Mère Lui demandait aussi Sa bénédiction pour toutes les oeuvres qu'Elle faisait; et Elle ne perdait jamais d'occasion d'exercer toutes les vertus avec l'affection et la force de la grâce. Et Elle ne l'eut jamais vide, augmentant cette grâce qui lui était donnée et opérant toujours avec toute plénitude. Cette grande Reine cherchait des manières et des moyens pour s'humilier, adorant le Verbe Incarné par de très profondes génuflexions, des prosternations affectueuses et d'autres cérémonies pleines de sainteté et de prudence. Et ce fut avec une telle Sagesse qu'Elle causait de l'admiration aux Anges mêmes qui l'assistaient; et alternant des louanges divines, ils se disaient les uns aux autres: «Quelle est cette pure Créature si abondante en délices (Cant. 8: 5) pour notre Créateur et Son Fils? Quelle est Celle-ci qui est si prudente et si sage à donner l'honneur et la révérence dus au Très-Haut, qu'Elle nous devance tous avec une affection incomparable dans son attention et sa promptitude?»
4, 29, 699. Après que cet admirable et très bel Enfant eut commencé à grandir et à marcher Il gardait dans l'entretien et la conversation avec Ses parents plus de sévérité que lorsqu'Il était plus jeune; et les caresses les plus tendres qui avaient toujours été dans la mesure que J'ai dite [e] cessèrent tout à fait; parce que l'Enfant-Dieu montrait dans son air tant de majesté et de déité cachée que s'Il ne l'eût pas tempérée par quelque suavité et quelque agrément, Il eût causé une si grande crainte révérencielle que souvent Ses parents mêmes n'eussent pas osé Lui parler. Néanmoins la divine Mère et aussi saint Joseph éprouvaient à Sa vue des effets efficaces et divins dans lesquels se manifestaient la Vertu et la Puissance de la Divinité: et Il était en même temps Père bénin et très compatissant. Avec cette majesté et cette magnificence très graves, Il Se montrait Fils de la divine Mère, et Il traitait saint Joseph comme celui qui avait le nom et l'office de père; et ainsi Il leur obéissait (Luc 2: 51) comme un enfant très humble obéit à ses parents. Tous ces offices et toutes ces actions de sévérité, d'obéissance, de majesté, d'humilité,
de gravité divine et d'affabilité humaine, le Verbe Incarné les dispensait avec une Sagesse infinie, donnant à chacune ce qu'elle demandait sans que la grandeur se confondit ou se contrariât avec la petitesse. La céleste Dame était très attentive à tous ces sacrements et seule Elle pénétrait hautement et dignement, comme il était possible à une pure Créature, les Oeuvres de son Très Saint Fils et la manière que Son immense Sagesse gardait en elles. Et ce serait tenter l'impossible de vouloir déclarer par des paroles les effets que tout cela produisait dans son esprit très pur et très prudent, et comment Elle imitait son très doux Fils, copiant en Elle-même une Image vivante de Son ineffable sainteté. Il n'est pas possible de compter les âmes qu'Ils réformèrent et qu'Ils sauvèrent à Héliopolis et dans toute l'Égypte, les malades qu'ils guérirent, les merveilles qu'il opérèrent dans les sept années qu'Ils y habitèrent. La cruauté d'Hérode fut une si heureuse faute pour l'Égypte! Et la Bonté et la Sagesse infinies ont une force telle que des péchés même et des maux elles ordonnent de grands biens et elles les tirent de ces mêmes péchés. Et si d'un côté ces péchés refusent ces miséricordes et leur ferment la porte d'un autre côté cette bonté élève la voix (Job 34: 24) et fait qu'on lui ouvre et qu'on lui donne entrée, parce que son ardente charité (Cant. 8: 7) et la propension qu'elle a à favoriser le genre humain ne peuvent être éteintes par les grandes eaux de nos fautes et de nos ingratitudes.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DES CIEUX
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 29, 700. Ma fille, dès le premier commandement que tu eus d'écrire cette Histoire de ma vie, tu as connu qu'entre autres fins du Seigneur, l'une d'elles est de faire connaître au monde ce que les mortels doivent à Son Amour et au mien, pour lesquels ils sont si insensibles et si oublieux. Il est vrai que tout est compris et tous se manifeste en ce qu'Il est mort sur la croix (Jean 3: 16) pour eux, car ce fut le dernier terme auquel purent arriver les affections de Son immense Charité. Mais la mémoire de ce Bienfait donne du dégoût à plusieurs qui sont très ingrats. Et ce sera pour eux et pour tous un nouveau stimulant de connaître quelque chose de ce que Sa Majesté fit pour eux pendant trente-trois ans; puisque chacune de Ses
Oeuvres est d'un prix infini et mérite une reconnaissance éternelle. La Puissance divine me plaça afin que j'en fusse témoin; et je t'assure, ma très chère, que dès le premier instant qu'il fut conçu en mon sein Il ne Se reposa, ni ne cessa de faire entendre Ses clameurs à Son Père et de demander le salut des hommes. Et dès lors Il commença à embrasser la Croix (Héb. 10: 5), non seulement par l'affection, mais aussi effectivement de la manière qui Lui était possible, usant de la posture de crucifié dans Son Enfance, et continuant ces exercices pendant toute Sa Vie. Je L'imitai en cela, L'accompagnant dans les oeuvres et les prières qu'Il faisait pour les hommes, depuis le premier Acte qu'Il fit de remercier pour les Bienfaits de Sa Très Sainte Humanité.
4, 29, 701. Que les mortels voient maintenant que si je fus témoin et coopératrice de leur salut, je ne le serai pas aussi au jour du jugement de ce que Dieu a justifié si abondamment Sa cause envers eux; et si je ne refuserai pas très justement mon intercession à ceux qui ont follement méprisé et oublié tant de faveurs et de Bienfaits si suffisants, effets de l'Amour divin de Mon Très Saint Fils et du mien. Quelle réponse, quelle décharge et quelle excuse auront-ils étant si bien avertis et si éclairés de la Vérité? Comment les ingrats et les endurcis peuvent-ils espérer la Miséricorde d'un Dieu très juste et très équitable qui leur a donné le temps opportun et déterminé, qui les y a conviés, appelés, attendus et favorisés avec des bienfaits immenses et qui les ont tous refusés et perdus pour suivre la vanité? Crains, ma fille, cette ingratitude qui est le plus grand des périls et des aveuglements; renouvelle dans ta mémoire les Ouvres de mon Très Saint Fils et les miennes, et imite-les en toute ferveur. Continue les exercices de la croix avec l'ordre de l'obéissance, afin que tu aies présents en eux ce que tu dois imiter et reconnaître. Mais sache que mon Fils et mon Seigneur pouvait racheter le genre humain sans souffrir autant, mais Il voulut accroître Ses peines avec un Amour immense pour les âmes. La correspondance due à une telle Bonté doit être pour la créature de ne point se contenter de peu, comme les hommes le font d'ordinaire avec une ignorance infortunée. Ajoute une vertu à une autre vertu et un travail à un autre travail, pour correspondre à ton obligation et pour Nous accompagner, Mon Seigneur et moi en ce que Nous avons tant travaillé dans le monde. Et offre le tout pour les âmes, l'unissant à mes mérites en la Présence du Père Éternel.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 29, [a]. Au sujet de la tunique de Jésus-Christ il faut remarquer "premièrement", qu'elle fut faite des mais de Marie Elle-même. Euthime, [in Joan, c. 12] écrit: «Cette tunique selon la tradition que nous avons reçue des Pères fut l'oeuvre de la Mère de Dieu.» La Très Sainte Marie révéla la même chose à sainte Brigitte [lib. 7. Rev. c. 8]. "Deuxièmement", elle crût avec l'Enfant-Dieu. C'est une tradition très antique approuvée par [A Lapide, in Matt. XXVII, 35]. Ce n'est pas étonnant que Dieu ait fait pour Son Fils ce qu'Il avait déjà fait dans le désert en faveur des enfants de Son peuple Israël et cela pendant quarante ans. Saint Justin [Dial. cum Tryph.] écrit des mêmes Israélites: «Leurs vêtements ne vieillirent point ni ne s'usèrent et même ceux des plus jeunes crurent avec eux.» Cornelius A Lapide répète la même chose et elle est conséquente avec le texte de l'Écriture. "Troisièmement": le Sauveur n'eut pas d'autre vêtement, plus un manteau que les soldats se partagèrent entre eux sur le Calvaire en en faisant quatre parts; plus une petite tunique ou linge de dessous pour la décence. Il pratiqua le premier, tout ce qu'Il prescrivit aux Apôtres: «Ne possédez ni deux tuniques, ni chaussures» et aussi ce que le Baptiste avait dit auparavant: «Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a pas.» "Quatrièmement": La tunique du Sauveur est conservée à Trèves dans la cathédrale. Voir M. I. Marx: [Histoire de la robe de Jésus-Christ, Bruxelles, 1845]; Calmet [Dictionnaire de la Bible, Tom. IV, au mot vêtements]; A Lapide [in Matt., XXVII, 35], etc..
Dans l'église des Bénédictins d'Argenteuil, près Paris, on vénère aussi un manteau couleur pourpre, comme affirme Calmet qui l'a vu des ses yeux, et que l'on croit une partie du manteau extérieur que les quatre soldats se partagèrent. Mais la tunique véritable et sans couture est à Trèves. Ainsi le Père Séraphin.
4, 29, [b]. Livre 4, Nos. 481, 534, 546.
4, 29, [c]. Ce qui arriva dans le Jardin des Olives put arriver plusieurs fois. D'ailleurs suer le sang n'est pas une chose tout à fait inouïe. On a vu quelquefois des vieillards, des jeunes gens et des enfants suer le sang. On peut voir la dissertation sur la sueur de sang dans la Bible de Vence, Rosino Lentilio enregistra, dans les Éphémérides d'Allemagne, le fait d'un enfant qui sua le sang à la vue de deux de ses frères massacrés pour un délit dont l'enfant avait été innocemment complice. Et Jésus-Christ enfant avait bien d'autres causes plus grandes de suer plusieurs fois le sang avec Sa Science et Sa Charité infinies, puisqu'Il portait sur Lui tous les péchés du monde qu'il S'était assumés pour les expier!
4, 29, [d]. Livre 5, Nos. 848, 912.
4, 29, [e]. Livre 4, Nos. 545, 549.
La Très Sainte Vierge revêt l'Enfant-Jésus de la tunique sans couture et Elle Le chausse; et les Actes et les Exercices que le même Seigneur faisait.
4, 29, 691. Pour vêtir l'Enfant-Dieu de la petite tunique tissée ainsi que du linge et des sandales que Sa Mère Lui avait travaillés de ses mains, la Très Prudente Reine se mit à genoux en présence de son Très Doux Fils et Elle Lui parla de cette manière: «Seigneur très-haut, Créateur du Ciel et de la terre, je désirerais Vous vêtir, s'il était possible, selon la dignité de Votre divine Personne: je voudrais aussi avoir pu faire le vêtement que je Vous apporte du sang de mon Coeur; mais je juge qu'il sera de Votre agrément, pour ce qu'il a de pauvre et d'humble. Pardonnez, mon Seigneur et mon Dieu les fautes, et recevez l'affection de cette poussière et cette cendre inutile et donnez-moi permission de Vous habiller.» L'Enfant-Jésus reçut le service et l'hommage de Sa Très Pure Mère, et ensuite Elle Le vêtit, Le chaussa et Le mit sur pied. La petite tunique Lui vint à Sa mesure, jusqu'à Lui couvrir les pieds sans L'embrasser, et les manches Le couvraient jusqu'à la moitié des mains et Elle n'avait pris aucune mesure auparavant. Le col de la tunique était rond sans être ouvert par devant, et quelque peu élevé et ajusté presque jusqu'à la gorge, et étant ainsi la divine Mère la mit par la tête de l'Enfant, sans l'ouvrir; parce que le vêtement Lui obéissait pour l'accommoder gracieusement à Sa Volonté. Et Il ne l'ôta jamais jusqu'à ce que les bourreaux Le dépouillassent pour Le flageller, et ensuite pour Le crucifier; parce qu'elle alla toujours en croissant avec le Corps sacré autant qu'il était nécessaire. La même chose arriva des sandales et des linges intérieurs que la Très Prudente Mère lui mit. Et rien ne s'usa ni ne vieillit en trente-deux ans, et la tunique ne perdit point sa couleur ni son lustre avec lesquels elle sortit des mains de la grande Dame; et elle ne se tacha point ni ne se salit, encore moins, parce qu'elle fut toujours dans le même état. Les vêtements que le Rédempteur déposa pour laver les pieds à Ses Apôtres (Jean 13: 4) était un manteau ou chape qu'Il portait sur les épaules: et ce fut aussi la même Vierge qui le fit après qu'ils revinrent à Nazareth; et Il alla en croissant avec la tunique et de la même couleur quelque peu plus obscur, tissé de la même manière [a].
4, 29, 692. L'Enfant et Seigneur des éternités demeura sur pied, car depuis Sa Naissance Il avait été enveloppé de langes et d'ordinaire dans les bras de Sa Très Sainte Mère. Il parut très beau (Ps. 44: 3), au-dessus des enfants des hommes. Et les Anges étaient dans l'admiration du choix qu'Il avait fait d'un habillement si pauvre, lui qui revêt les cieux de lumière et les champs de beauté. Il marcha ensuite très parfaitement en présence de Ses parents; mais avec ceux du dehors, il dissimula cette merveille pendant quelque temps, la Reine Le prenant dans ses bras, lorsqu'il arrivait des étrangers du dehors, ou quand ils partaient de la maison. Grand fut la jubilation de la divine Dame et du saint époux Joseph de voir marcher leur Enfant de si rare beauté. Il reçut le sein de Sa Mère jusqu'à ce qu'Il eut accompli un an et demi et Il le laissa. Et du reste Il mangea toujours peu dans la quantité et dans la qualité. Sa nourriture était au commencement quelques petites soupes à l'huile et aux fruits ou au poisson. Et jusqu'à ce qu'Il fût grand, la Vierge-Mère Lui donnait à manger trois fois par jour, comme Elle Lui donnait le lait auparavant; le matin, après-midi et à la nuit. L'Enfant-Dieu ne le demanda jamais; mais l'amoureuse Mère prenait soin, avec une rare advertance de Lui donner la nourriture à ses heures; jusqu'à ce qu'ayant grandi, Il mangeait en même temps que les divins Époux et pas plus. Il persévéra ainsi jusqu'à l'âge parfait dont je parlerai plus loin. Et lorsqu'Il mangeait avec Ses parents, ceux-ci attendaient toujours que l'Enfant Divin donnât la bénédiction au commencement et les grâces à la fin du repas.
4, 29, 693. Après que l'Enfant-Jésus allait par Lui-même, Il commança à Se retirer et à demeurer seul quelque temps dans l'oratoire de Sa Mère. Et la Très Prudente Dame désirant savoir la Volonté de son Très Saint Fils d'être seul ou avec Elle, le même Seigneur répondit à sa pensée, et lui dit: «Ma Mère, entrez et soyez toujours avec Moi, afin que vous m'imitiez et que vous copiiez Mes Oeuvres; parce que Je veux que la sublime perfection que J'ai désirée (1 Tim. 2: 4), pour les âmes s'étampe et se copie en vous. Parce que si elles n'avaient pas résisté à Ma Volonté première, elles eussent été remplies de sainteté et de Dons, et elles eussent reçu ces Dons très copieux et très abondants. Mais le genre humain ayant empêché Ma Volonté première, Je veux que Mon bon plaisir s'accomplisse en vous seule et que les Trésors et les biens de Ma Droite que les autres créatures ont perdus et dont elles n'ont pas profité, soient déposés dans votre âme. Prêtez donc attention à Mes Oeuvres, afin de M'imiter en elles.»
4, 29, 694. Par cette ordre la divine Dame fut de nouveau constituée Disciple de son Très Saint Fils. Et il se passa dès lors entre eux Deux tant de mystères si cachés qu'il n'est pas possible de les dire et qui ne seront connus qu'au jour de l'Éternité. L'Enfant-Dieu Se prosternait souvent en terre, d'autres fois il Se tenait en l'air en forme de croix, élevé au-dessus du sol, et toujours Il priait le Père pour le salut des mortels. Et Sa Très Sainte Mère Le suivait et L'imitait en tout; parce que les opérations intérieures de l'Âme très sainte de son Très Doux Fils lui étaient manifestes comme les opérations extérieures du Corps. J'ai parlé quelquefois dans cette Histoire de cette Science et de cette connaissance de la Très Pure Marie [b et il est indispensable d'en renouveler plusieurs fois la mémoire, car telle fut la Lumière et l'Exemplaire par où Elle copia sa sainteté; et ce fut un bienfait si singulier pour son Altesse que toutes les créatures ensemble ne peuvent ni le comprendre ni le manifester. La divine Souveraine n'avait pas toujours des visions de la Divinité; mais Elle avait toujours celle de l'Humanité et de l'Âme très sainte de son Très Saint Fils et de toutes Ses Oeuvres; et Elle regardait d'une manière spéciale les effets qui résultaient en elles des unions hypostatique et béatifique. Quoiqu'en substance Elle ne vit pas toujours la gloire ni l'union, néanmoins Elle connaissait les actes intérieurs avec lesquels l'Humanité révérait, magnifiait et aimait la Divinité à laquelle Elle était unie; et cette faveur fut singulière dans la Mère-Vierge.
4, 29, 695. Il arrivait souvent dans ces exercices que l'Enfant-Jésus pleurait et suait du Sang [c] à la vue de Sa Très Sainte Mère, ce qui arriva plusieurs fois avant l'Agonie du jardin [d] et la divine Vierge Lui essuyait le Visage, et Elle regardait dans Son intérieur et Elle connaissait la cause de cette angoisse qui était toujours la perte des réprouvés et des ingrats pour les bienfaits de leur Créateur et leur Réparateur, et parce que les Oeuvres de la Puissance et de la Bonté infinie du Seigneur ne devaient pas être profitables en eux. D'autres fois la Très Heureuse Mère Le trouvait tout brillant et rempli de splendeur et les Anges Lui chantaient de doux cantiques de louanges. Et Elle connaissait aussi que le Père Éternel Se complaisait dans Son Fils Unique et Bien-Aimé (Matt. 17: 5). Toutes ces merveilles commencèrent dès que l'Enfant-Dieu eut commencé à marcher après avoir accompli Sa première année. Et le seul témoin de toutes Ses Oeuvres fut Sa Très Sainte Mère, dans le Coeur (Luc 2: 19) de laquelle elles devaient être
déposées comme en Celle qui était seule l'Unique (Cant. 6: et l'Élue pour son Fils et son Créateur. Les prières qu'Elle faisait pour le genre humain, les oeuvres de louange, de révérence et de gratitude avec lesquelles Elle accompagnait l'Enfant-Jésus: tout cela excède ma capacité et je ne puis dire ce que je connais. Je m'en remets à la foi et à la piété chrétiennes.
4, 29, 696. L'Enfant-Jésus croissait avec l'admiration et l'agrément de tous ceux qui Le connaissaient. Et arrivant à toucher Ses six ans, Il commença à sortir de Sa maison quelquefois pour aller aux malades et aux hôpitaux, où Il visitait les nécessiteux et Il les consolait et les confortait mystérieusement dans leurs afflictions. Plusieurs Le connaissaient à Héliopolis et Il attirait à Lui tous les coeurs par la force de Sa Divinité et de Sa Sainteté, et plusieurs personnes Lui offraient des présents; et selon les raisons et les motifs qu'Il connaissait par Sa Science Il les acceptait ou les refusait et Il les distribuait parmi les pauvres. Mais dans l'admiration que causaient Ses raisons pleines de Sagesse et Son maintien grave et très modeste, plusieurs allaient donner des félicitations et des bénédictions à Ses parents d'avoir un tel Fils. Néanmoins le monde ignorait les Mystères du Fils et de la Mère; mais le Seigneur du monde donnait lieu à tout cela pour l'honneur de Sa Très Sainte Mère, afin que les hommes la vénérassent en Lui et pour Lui autant qu'il était possible alors, sans connaître la raison particulière de Lui donner une plus grande révérence.
4, 29, 697. Plusieurs enfants d'Héliopolis s'approchaient de notre Enfant Jésus, comme il est ordinaire dans un âge égal et une similitude extérieure. Et comme il n'y avait pas grand raisonnement en eux ni grand malice pour scruter ou juger s'Il était plus qu'homme ou pour empêcher la Lumière, le Maître de la sainteté la donnait à tous ceux qu'il convenait. Il les instruisait de la connaissance de la Divinité et des vertus; Il les instruisait et les catéchisait dans le chemin de la Vie Éternelle plus abondamment que les plus grands. Et comme Ses paroles étaient vives et efficaces (Héb. 4: 12), Il les attirait et les excitait, les leur imprimait dans le coeur, de manière que tous ceux qui eurent cette fortune furent ensuite de grands hommes et des saints; parce qu'avec le temps ils donnèrent le fruit de cette semence céleste (Luc 8: semée de si bonne heure dans leurs âmes.
4, 29, 698. La divine Mère avait connaissance de toutes ces Oeuvres admirables. Et lorsque son Très Saint Fils revenait de faire (Jean 6: 39) la Volonté de Son Père Éternel, concernant les brebis qu'Il Lui avait recommandées, la Reine des Anges, étant seule avec Lui, se prosternait en terre, afin de Lui rendre grâces pour les Bienfaits qu'Il faisait aux petits et aux innocents qui ne Le connaissaient point pour leur Dieu véritable; et Elle Lui baisait le pied comme Souverain Pontife (Héb. 4: 14) de la terre et des Cieux. Elle faisait la même chose lorsque l'Enfant sortait, et Sa Majesté la relevait de terre avec un agrément et une bienveillance de Fils. Sa Mère Lui demandait aussi Sa bénédiction pour toutes les oeuvres qu'Elle faisait; et Elle ne perdait jamais d'occasion d'exercer toutes les vertus avec l'affection et la force de la grâce. Et Elle ne l'eut jamais vide, augmentant cette grâce qui lui était donnée et opérant toujours avec toute plénitude. Cette grande Reine cherchait des manières et des moyens pour s'humilier, adorant le Verbe Incarné par de très profondes génuflexions, des prosternations affectueuses et d'autres cérémonies pleines de sainteté et de prudence. Et ce fut avec une telle Sagesse qu'Elle causait de l'admiration aux Anges mêmes qui l'assistaient; et alternant des louanges divines, ils se disaient les uns aux autres: «Quelle est cette pure Créature si abondante en délices (Cant. 8: 5) pour notre Créateur et Son Fils? Quelle est Celle-ci qui est si prudente et si sage à donner l'honneur et la révérence dus au Très-Haut, qu'Elle nous devance tous avec une affection incomparable dans son attention et sa promptitude?»
4, 29, 699. Après que cet admirable et très bel Enfant eut commencé à grandir et à marcher Il gardait dans l'entretien et la conversation avec Ses parents plus de sévérité que lorsqu'Il était plus jeune; et les caresses les plus tendres qui avaient toujours été dans la mesure que J'ai dite [e] cessèrent tout à fait; parce que l'Enfant-Dieu montrait dans son air tant de majesté et de déité cachée que s'Il ne l'eût pas tempérée par quelque suavité et quelque agrément, Il eût causé une si grande crainte révérencielle que souvent Ses parents mêmes n'eussent pas osé Lui parler. Néanmoins la divine Mère et aussi saint Joseph éprouvaient à Sa vue des effets efficaces et divins dans lesquels se manifestaient la Vertu et la Puissance de la Divinité: et Il était en même temps Père bénin et très compatissant. Avec cette majesté et cette magnificence très graves, Il Se montrait Fils de la divine Mère, et Il traitait saint Joseph comme celui qui avait le nom et l'office de père; et ainsi Il leur obéissait (Luc 2: 51) comme un enfant très humble obéit à ses parents. Tous ces offices et toutes ces actions de sévérité, d'obéissance, de majesté, d'humilité,
de gravité divine et d'affabilité humaine, le Verbe Incarné les dispensait avec une Sagesse infinie, donnant à chacune ce qu'elle demandait sans que la grandeur se confondit ou se contrariât avec la petitesse. La céleste Dame était très attentive à tous ces sacrements et seule Elle pénétrait hautement et dignement, comme il était possible à une pure Créature, les Oeuvres de son Très Saint Fils et la manière que Son immense Sagesse gardait en elles. Et ce serait tenter l'impossible de vouloir déclarer par des paroles les effets que tout cela produisait dans son esprit très pur et très prudent, et comment Elle imitait son très doux Fils, copiant en Elle-même une Image vivante de Son ineffable sainteté. Il n'est pas possible de compter les âmes qu'Ils réformèrent et qu'Ils sauvèrent à Héliopolis et dans toute l'Égypte, les malades qu'ils guérirent, les merveilles qu'il opérèrent dans les sept années qu'Ils y habitèrent. La cruauté d'Hérode fut une si heureuse faute pour l'Égypte! Et la Bonté et la Sagesse infinies ont une force telle que des péchés même et des maux elles ordonnent de grands biens et elles les tirent de ces mêmes péchés. Et si d'un côté ces péchés refusent ces miséricordes et leur ferment la porte d'un autre côté cette bonté élève la voix (Job 34: 24) et fait qu'on lui ouvre et qu'on lui donne entrée, parce que son ardente charité (Cant. 8: 7) et la propension qu'elle a à favoriser le genre humain ne peuvent être éteintes par les grandes eaux de nos fautes et de nos ingratitudes.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DES CIEUX
LA TRÈS SAINTE MARIE.
4, 29, 700. Ma fille, dès le premier commandement que tu eus d'écrire cette Histoire de ma vie, tu as connu qu'entre autres fins du Seigneur, l'une d'elles est de faire connaître au monde ce que les mortels doivent à Son Amour et au mien, pour lesquels ils sont si insensibles et si oublieux. Il est vrai que tout est compris et tous se manifeste en ce qu'Il est mort sur la croix (Jean 3: 16) pour eux, car ce fut le dernier terme auquel purent arriver les affections de Son immense Charité. Mais la mémoire de ce Bienfait donne du dégoût à plusieurs qui sont très ingrats. Et ce sera pour eux et pour tous un nouveau stimulant de connaître quelque chose de ce que Sa Majesté fit pour eux pendant trente-trois ans; puisque chacune de Ses
Oeuvres est d'un prix infini et mérite une reconnaissance éternelle. La Puissance divine me plaça afin que j'en fusse témoin; et je t'assure, ma très chère, que dès le premier instant qu'il fut conçu en mon sein Il ne Se reposa, ni ne cessa de faire entendre Ses clameurs à Son Père et de demander le salut des hommes. Et dès lors Il commença à embrasser la Croix (Héb. 10: 5), non seulement par l'affection, mais aussi effectivement de la manière qui Lui était possible, usant de la posture de crucifié dans Son Enfance, et continuant ces exercices pendant toute Sa Vie. Je L'imitai en cela, L'accompagnant dans les oeuvres et les prières qu'Il faisait pour les hommes, depuis le premier Acte qu'Il fit de remercier pour les Bienfaits de Sa Très Sainte Humanité.
4, 29, 701. Que les mortels voient maintenant que si je fus témoin et coopératrice de leur salut, je ne le serai pas aussi au jour du jugement de ce que Dieu a justifié si abondamment Sa cause envers eux; et si je ne refuserai pas très justement mon intercession à ceux qui ont follement méprisé et oublié tant de faveurs et de Bienfaits si suffisants, effets de l'Amour divin de Mon Très Saint Fils et du mien. Quelle réponse, quelle décharge et quelle excuse auront-ils étant si bien avertis et si éclairés de la Vérité? Comment les ingrats et les endurcis peuvent-ils espérer la Miséricorde d'un Dieu très juste et très équitable qui leur a donné le temps opportun et déterminé, qui les y a conviés, appelés, attendus et favorisés avec des bienfaits immenses et qui les ont tous refusés et perdus pour suivre la vanité? Crains, ma fille, cette ingratitude qui est le plus grand des périls et des aveuglements; renouvelle dans ta mémoire les Ouvres de mon Très Saint Fils et les miennes, et imite-les en toute ferveur. Continue les exercices de la croix avec l'ordre de l'obéissance, afin que tu aies présents en eux ce que tu dois imiter et reconnaître. Mais sache que mon Fils et mon Seigneur pouvait racheter le genre humain sans souffrir autant, mais Il voulut accroître Ses peines avec un Amour immense pour les âmes. La correspondance due à une telle Bonté doit être pour la créature de ne point se contenter de peu, comme les hommes le font d'ordinaire avec une ignorance infortunée. Ajoute une vertu à une autre vertu et un travail à un autre travail, pour correspondre à ton obligation et pour Nous accompagner, Mon Seigneur et moi en ce que Nous avons tant travaillé dans le monde. Et offre le tout pour les âmes, l'unissant à mes mérites en la Présence du Père Éternel.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 29, [a]. Au sujet de la tunique de Jésus-Christ il faut remarquer "premièrement", qu'elle fut faite des mais de Marie Elle-même. Euthime, [in Joan, c. 12] écrit: «Cette tunique selon la tradition que nous avons reçue des Pères fut l'oeuvre de la Mère de Dieu.» La Très Sainte Marie révéla la même chose à sainte Brigitte [lib. 7. Rev. c. 8]. "Deuxièmement", elle crût avec l'Enfant-Dieu. C'est une tradition très antique approuvée par [A Lapide, in Matt. XXVII, 35]. Ce n'est pas étonnant que Dieu ait fait pour Son Fils ce qu'Il avait déjà fait dans le désert en faveur des enfants de Son peuple Israël et cela pendant quarante ans. Saint Justin [Dial. cum Tryph.] écrit des mêmes Israélites: «Leurs vêtements ne vieillirent point ni ne s'usèrent et même ceux des plus jeunes crurent avec eux.» Cornelius A Lapide répète la même chose et elle est conséquente avec le texte de l'Écriture. "Troisièmement": le Sauveur n'eut pas d'autre vêtement, plus un manteau que les soldats se partagèrent entre eux sur le Calvaire en en faisant quatre parts; plus une petite tunique ou linge de dessous pour la décence. Il pratiqua le premier, tout ce qu'Il prescrivit aux Apôtres: «Ne possédez ni deux tuniques, ni chaussures» et aussi ce que le Baptiste avait dit auparavant: «Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a pas.» "Quatrièmement": La tunique du Sauveur est conservée à Trèves dans la cathédrale. Voir M. I. Marx: [Histoire de la robe de Jésus-Christ, Bruxelles, 1845]; Calmet [Dictionnaire de la Bible, Tom. IV, au mot vêtements]; A Lapide [in Matt., XXVII, 35], etc..
Dans l'église des Bénédictins d'Argenteuil, près Paris, on vénère aussi un manteau couleur pourpre, comme affirme Calmet qui l'a vu des ses yeux, et que l'on croit une partie du manteau extérieur que les quatre soldats se partagèrent. Mais la tunique véritable et sans couture est à Trèves. Ainsi le Père Séraphin.
4, 29, [b]. Livre 4, Nos. 481, 534, 546.
4, 29, [c]. Ce qui arriva dans le Jardin des Olives put arriver plusieurs fois. D'ailleurs suer le sang n'est pas une chose tout à fait inouïe. On a vu quelquefois des vieillards, des jeunes gens et des enfants suer le sang. On peut voir la dissertation sur la sueur de sang dans la Bible de Vence, Rosino Lentilio enregistra, dans les Éphémérides d'Allemagne, le fait d'un enfant qui sua le sang à la vue de deux de ses frères massacrés pour un délit dont l'enfant avait été innocemment complice. Et Jésus-Christ enfant avait bien d'autres causes plus grandes de suer plusieurs fois le sang avec Sa Science et Sa Charité infinies, puisqu'Il portait sur Lui tous les péchés du monde qu'il S'était assumés pour les expier!
4, 29, [d]. Livre 5, Nos. 848, 912.
4, 29, [e]. Livre 4, Nos. 545, 549.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 30
Jésus, Marie et Joseph reviennent de l'Égypte à Nazareth par la Volonté du Très-Haut.
4, 30, 702. L'Enfant Jésus accomplit en Égypte [a] Ses sept ans d'âge, qui étaient le temps de ce mystérieux exil déterminé par la Sagesse éternelle: et afin d'accomplir les prophéties il était nécessaire de retourner à Nazareth. Un jour le Père Éternel intima cette Volonté à Son Très Saint Fils en présence de Sa divine Mère, pendant qu'Ils étaient ensemble dans leurs exercices, et la divine Reine la connut dans le miroir de cette âme déifiée, et Elle vit comment Il acceptait l'obédience du Père Éternel pour l'exécuter. La grande Dame fit la même chose, quoiqu'Elle eut déjà plus de connaissances et de dévots en Égypte qu'à Nazareth. Le Fils et la Mère ne manifestèrent point à saint Joseph le nouvel ordre du Ciel. Mais cette nuit-là l'Ange du Seigneur lui parla en songe, comme dit saint Matthieu et il l'avisa de prendre l'Enfant (Matt. 2: 19) et la Mère et de retourner dans la terre d'Israël, parce qu'Hérode était déjà mort ainsi que ceux qui avec lui voulaient ôter
la Vie à l'Enfant-Dieu. Le Très-Haut aime tant le bon ordre dans toutes les choses créées, que, l'Enfant-Jésus étant Dieu véritable et Sa Mère si supérieure en sainteté à son époux, Il ne voulut pas néanmoins que la disposition du voyage en Galilée vînt ni du Fils ni de la Mère; mais Il remit le tout à saint Joseph qui avait l'office de chef en cette famille si Divine; et cela afin de donner à tous les mortels la règle et l'exemplaire de ce qui plaît au Seigneur: que toutes les choses soient gouvernées par l'ordre naturel et disposées par Sa Providence; et que les inférieurs et les sujets dans le corps mystique, lors même qu'ils sont plus excellentes en d'autres qualités et d'autres vertus, doivent obéir et se soumettre à ceux qui sont supérieurs et prélats dans l'office visible.
4, 30, 703. Saint Joseph alla aussitôt rendre compte du commandement du Seigneur à l'Enfant-Jésus et à Sa Très Pure Mère; et ils répondirent tous deux que la Volonté du Père céleste se fît. Sur cela ils déterminèrent leur voyage sans retard; ils distribuèrent aux pauvres les quelques meubles qu'ils avaient dans leur maison. Et cela se fit par la main de l'Enfant-Dieu; parce que la divine Mère Lui donnait souvent les aumônes qu'Elle avait, pour les porter aux nécessiteux, connaissant que l'Enfant, comme Dieu de Miséricorde voulait l'exécuter par Ses mains. Et lorsque Sa Très Sainte Mère Lui donnait ces aumônes, Elle s'agenouillait et Lui disait: «Prenez mon Fils et mon Seigneur ce que Vous voulez pour les répartir entre Vos amis et Vos frères (Matt. 24: 40) les pauvres.» Dans cette heureuse maison qui demeura consacrée et sanctifiée en Temple par l'habitation de sept années du Souverain Prêtre Jésus, il entra quelques personnes des plus dévotes et des plus pieuses qui restaient à Héliopolis; parce que leur sainteté et leurs vertus leur gagnèrent le bonheur qu'ils ne connaissaient point, quoiqu'à cause de ce qu'elles avaient vu et expérimenté, elles se réputassent bien fortunées de vivre où leurs dévots étrangers avaient habité tant d'années. Cette piété et cette dévote affection leur fut payée par une Lumière abondante et des secours pour obtenir la Vie Éternelle.
4, 30, 704. Ils partirent d'Héliopolis pour la Palestine avec la même compagnie des Anges qui les avaient menés dans l'autre voyage. La grande Reine allait sur l'ânon, avec l'Enfant-Jésus sur ses genoux et saint Joseph marchait à pied très proche du Fils et de la Mère. La séparation des connaissances et des amis qu'ils avaient fut très douloureuse pour tous ceux qui perdaient de si grands bienfaiteurs;
et ils prirent congé d'eux avec des sanglots et des larmes incroyables connaissant et confessant qu'ils perdaient toute leur consolation, leur défense et le remède à leur nécessités. Et avec l'amour que les Égyptiens avaient pour les Trois, il paraît très difficile qu'ils leur eussent permis de sortir d'Héliopolis, si la Puissance divine ne l'eût facilité; parce qu'ils sentaient secrètement dans leurs coeurs la nuit de leurs misères, en voyant s'éloigner d'eux Celui qui les éclairait (Jean 1: 9) et les consolait. Avant d'entrer dans les endroits non peuplés, ils passèrent par certains lieux de l'Égypte et partout ils répandaient des bienfaits et des grâces, parce que les merveilles qu'ils avaient faites jusqu'alors n'étaient pas si cachées qu'il n'y en eût une grande connaissance dans tout le pays, les malades, les affligés et les nécessiteux sortaient pour chercher leur remède et tous le rapportaient pour l'âme et le corps. Beaucoup de malades furent guéris et une grande multitude de démons furent chassés, sans qu'ils connussent qui les précipitait dans l'abîme; quoiqu'ils sentissent la Vertu divine qui les contraignait et qui faisait tant de bien aux hommes.
4, 30, 705. Je ne m'arrête point à rapporter les événements particuliers que l'Enfant-Jésus et Sa Bienheureuse Mère eurent dans ce voyage et cette sortie de l'Égypte parce que cela n'est pas nécessaire et ne serait pas possible, sans m'arrêter beaucoup dans cette Histoire. Il suffit de dire que tous ceux qui s'approchèrent d'eux avec quelque affection plus ou moins pieuse sortirent de leur présence éclairés de la Vérité, secourus de la grâce et blessés d'amour Divin; et ils sentaient une force cachée qui les mouvait et les obligeait à suivre le bien, et laissant le chemin de la mort, à chercher celui de la Vie Éternelle. Ils venaient au Fils attirés (Jean 6: 44) par le Père; et ils revenaient au Père envoyés par le Fils (Jean 14: 6) avec la Lumière divine qui brillait dans leurs entendements pour connaître la Divinité du Père, bien qu'Il la cachât en Lui-même parce qu'il n'était pas temps de la manifester, quoiqu'il opérât toujours des effets Divins de ce Feu (Luc 12: 49) qu'Il venait répandre et allumer sur la terre.
4, 30, 706. Les mystères que la Volonté divine avait déterminés étant accomplis en Égypte, nos divins Pèlerins sortirent de la terre peuplée, laissant ce royaume plein de miracles et de merveilles; et ils entrèrent dans les déserts par où ils étaient venus. Et ils y souffrirent d'autres afflictions nouvelles, semblables à celles qu'ils avaient supportées en venant de la Palestine: parce que le Seigneur
donnait toujours temps et lieu à la nécessité et à la tribulation, afin que le remède fût opportun (Ps. 144: 15). Et Il le leur envoyait Lui-même par le moyen de Ses saints Anges, dans ces épreuves: parfois c'était de la même manière que dans le premier voyage, et d'autres fois l'Enfant-Jésus Lui-même leur commandait d'apporter de la nourriture à Sa Très Sainte Mère et à son époux, lequel, pour jouir davantage de cette faveur, écoutait l'ordre donné aux ministres spirituels et il voyait comment ils obéissaient et se montraient prompts, et ensuite, ce qu'ils apportaient; alors le saint Patriarche reprenait courage et se consolait de la peine de n'avoir point l'aliment nécessaire pour le Roi et la Reine des Cieux. D'autres fois aussi l'Enfant-Dieu usait de Sa Puissance divine et faisait que de quelques petits morceaux de pain se multipliât tout ce qui était nécessaire. Le reste de ce voyage fut comme j'ai dit au chapitre 22 de ce livre, et pour cela il ne me paraît pas nécessaire de le rapporter. Mais quand ils arrivèrent aux confins de la Palestine, le soigneux époux eut connaissance qu'Archélaüs avait succédé dans le royaume de Judée (Matt. 2: 22) à Hérode son père. Et craignant qu'avec le royaume il eût aussi hérité de sa cruauté contre l'Enfant-Jésus, le Saint détourna son chemin, sans monter à Jérusalem, ni passer par la Judée, il traversa par la terre des tribus de Dan et d'Issachar, à la Galilée inférieure, cheminant par le côté de la mer Méditerranée, laissant Jérusalem à main droite.
4, 30, 707. Ils passèrent à Nazareth leur patrie, car l'Enfant devant être appelé Nazaréen(Matt. 2: 23). Et ils trouvèrent leur antique et pauvre maison à la garde de cette sainte femme, parente de saint Joseph au troisième degré, qui vint le servir quand notre Reine était absente dans la maison de sainte Élisabeth, comme je l'ai dit dans le troisième livre, chapitre 17, no. 227. Avant de sortir de la Judée, lorsqu'ils partirent pour l'Égypte, le saint époux lui avait écrit de prendre soin de la maison et de ce qu'ils y laissaient. Ils trouvèrent tout très bien gardé et cette parente qui les reçut avec grande consolation, à cause de l'amour qu'elle avait pour notre grande Reine, quoiqu'elle ne sût point alors sa dignité. La divine Dame entra avec son Très Saint Fils et son époux Joseph: et aussitôt Elle se prosterna en terre, adorant le Seigneur et Lui rendant grâces de les avoir amenés à leur repos, libres de la cruauté d'Hérode, et de les avoir défendu des dangers de leur exil et pendant des voyages si longs et si pénibles, surtout de ce qu'ils revenait avec leur Très Saint Fils si grand et si rempli de grâce et de vertu (Luc 2: 40).
4, 30, 708. La Bienheureuse Mère ordonna aussitôt sa vie et ses exercices avec la disposition de l'Enfant-Dieu; non pas qu'Elle se fut désordonnée en aucune chose dans le chemin, car la Très Prudente Dame continuait toujours respectivement ses actions très parfaites dans le chemin, à l'imitation de son Très Saint Fils; mais étant désormais tranquille dans sa maison, Elle avait la disposition pour faire beaucoup de choses qui n'étaient pas possibles au dehors. Quoique sa plus grande sollicitude fût partout de coopérer avec son Très Saint Fils au salut des âmes, qui était l'oeuvre recommandée par le Père Éternel. Notre Reine ordonna ses exercices avec le même Rédempteur pour cette fin très sublime, et ils s'y occupaient comme nous le verrons dans le cours de cette seconde partie. Le saint époux disposa aussi ce qui regardait son office et ses occupations, afin de gagner par son travail la vie de l'Enfant-Dieu, celle de la Mère, et la sienne. Telle fut la félicité de ce saint Patriarche; car si ce fut un châtiment et une peine pour les autres enfants d'Adam d'être condamnés au travail des mains et à la sueur de leur visage pour obtenir l'aliment de leur vie naturelle (Gen. 3: 19) par ce moyen, ce fut pour saint Joseph une bénédiction, un bienfait et une consolation sans égale d'avoir été choisi pour alimenter par son travail et ses sueurs le même Dieu à qui appartiennent (Esth. 13: 10-11) le Ciel et la terre et tout ce qu'ils renferment, ainsi que Sa Très Sainte Mère.
4, 30, 709. La Reine des anges prit à coeur de reconnaître ce souci et ce travail de saint Joseph. Et en cette correspondance, Elle le servait et Elle prenait soin de sa pauvre nourriture et de sa récréation, avec un soin, une attention, une reconnaissance et une bienveillance admirable. Elle lui était obéissante en tout et Elle était humiliée dans son estime, comme si Elle eût été servante et non Épouse, et ce qui plus est, Mère du Créateur et du Seigneur de tout Lui-même. Elle se réputait indigne de tout ce qui a l'être, et même de la terre qui la soutenait; parce qu'Elle jugeait qu'en justice toutes les choses devaient lui manquer. Et dans la connaissance de ce qu'Elle avait été créée de rien sans pouvoir obliger Dieu à lui accorder ce bienfait ni aucun autre à son avis: Elle avait tellement fondé sa rare humilité qu'Elle vivait toujours humiliée jusqu'à la poussière et plus vile en sa propre estime que cette même poussière. Pour tout bienfait si petit fut-il, Elle remerciait le Seigneur avec une admirable sagesse, comme Origine et Cause Première de tout bien; Elle remerciait aussi les créatures comme instruments de Sa Puissance et de Sa Bonté: les uns parce qu'ils lui faisaient des bienfaits; d'autres, parce qu'ils lui en refusaient; d'autres parce qu'ils la souffraient; en un mot Elle se
reconnaissait endettée et Elle les comblait de bénédictions, de douceur, et Elle se mettait aux pieds de tous; cherchant des moyens, des artifices, des expédients et des industries, afin qu'aucun temps ni aucune occasion ne se passât sans opérer en tout le plus saint, le plus parfait et le plus élevé des vertus avec l'admiration des Anges, et l'Agrément et les Complaisances du Très-Haut.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DES CIEUX.
4, 30, 710. Ma fille, dans les oeuvres que le Très-Haut opéra envers moi, me commandant de pérégriner de certains pays ou royaumes en d'autres, mon Coeur ne se troubla jamais, mon esprit ne se contrista point; parce que j'étais toujours prête à exécuter en tout la Volonté Divine. Et quoique Sa Majesté me donnât à connaître la fin très sublime de Ses Oeuvres, néanmoins ce n'était pas toujours dans les principes, afin que je souffrisse davantage; parce qu'on ne doit pas chercher d'autres raisons dans la soumission de la créature, si ce n'est que c'est le Seigneur qui commande et que c'est Lui qui dispose tout. Et les âmes qui désirent uniquement plaire au Seigneur, se soumettent par cette seule connaissance, sans aucune distinction d'événements prospères ou contraires et sans faire attention aux sentiments de leurs propres inclinations. Je veux de toi que tu t'avances dans cette sagesse; à mon imitation, et pour l'obligation que tu as envers mon Très Saint Fils, reçois la prospérité et l'adversité de la vie mortelle avec un visage égal et avec sérénité d'âme, sans que l'une te contriste et que l'autre t'élève en une vaine joie; mais considère seulement que le Très-Haut ordonne le tout pour Son bon plaisir.
4, 30, 711. La vie humaine est tissée de cette variété d'événements, les uns de joie et d'autres de peine pour les mortels; les uns qu'ils abhorrent et d'autres qu'ils désirent. Et comme la créature est d'un coeur étroit et limité, de là vient qu'elle s'incline avec inégalité vers ces extrêmes; parce qu'elle reçoit avec trop de plaisir ce qu'elle désire et ce qu'elle aime. Et au contraire, elle se désole et se contriste quand il lui arrive ce qu'elle abhorre et ne voulait pas. Ces changements et ces vicissitudes font péricliter toutes les vertus ou plusieurs; parce que l'amour désordonné de quelque chose qu'elle n'obtient pas la porte aussitôt à en désirer une autre, cherchant en de nouveaux désirs l'allégement de la peine ressentie pour ceux
qu'elle n'a pas obtenus; et si elle les obtient, elle se dérègle et s'enivre dans la joie d'avoir ce qu'elle désirait; et avec ces velléités elle se jette dans de plus grands désordres de mouvements et de passions différentes. Considère donc ce péril, ma très chère, et coupe-le par la racine, en conservant ton coeur indépendant et attentif à la seule Providence divine, sans le laisser incliner à ce que tu désireras ou à ce qui te plaira; ni à abhorrer ce qui te sera pénible. Réjouis-toi et délecte-toi seulement dans la Volonté de ton Seigneur; que tes désirs ne te précipitent point, ni tes craintes de quelque événement que ce soit ne t'abattent point: que les occupations extérieures ne te divertissent point de tes saints exercices, ni ne t'en empêchent, encore moins le respect et l'attention aux créatures, et considère en tout ce que je faisais. Suis mes traces avec diligence et affection.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 30, [a]. C'est une sentence commune du peuple chrétien que Joseph demeura sept ans en Égypte avec l'Enfant et la Vierge et ce fut aussi révélé à sainte Brigitte, [S. 6, c. 59]. Cela est conforme à l'Évangile qui dit qu'alors, «non seulement Hérode était mort; mais aussi les autres qui cherchaient à faire mourir l'Enfant.» Il n'est pas probable que tous soient morts en un an ou deux seulement, saint Jérôme écrivant: «Les prêtres et les scribes méditaient en même temps de faire mourir le Seigneur,» et «Hérode y consentait avec ardeur," ajoute Denys le Chartreux; outre que la cour d'Hérode était suffisamment fournie d'impies de sa marque.
Jésus, Marie et Joseph reviennent de l'Égypte à Nazareth par la Volonté du Très-Haut.
4, 30, 702. L'Enfant Jésus accomplit en Égypte [a] Ses sept ans d'âge, qui étaient le temps de ce mystérieux exil déterminé par la Sagesse éternelle: et afin d'accomplir les prophéties il était nécessaire de retourner à Nazareth. Un jour le Père Éternel intima cette Volonté à Son Très Saint Fils en présence de Sa divine Mère, pendant qu'Ils étaient ensemble dans leurs exercices, et la divine Reine la connut dans le miroir de cette âme déifiée, et Elle vit comment Il acceptait l'obédience du Père Éternel pour l'exécuter. La grande Dame fit la même chose, quoiqu'Elle eut déjà plus de connaissances et de dévots en Égypte qu'à Nazareth. Le Fils et la Mère ne manifestèrent point à saint Joseph le nouvel ordre du Ciel. Mais cette nuit-là l'Ange du Seigneur lui parla en songe, comme dit saint Matthieu et il l'avisa de prendre l'Enfant (Matt. 2: 19) et la Mère et de retourner dans la terre d'Israël, parce qu'Hérode était déjà mort ainsi que ceux qui avec lui voulaient ôter
la Vie à l'Enfant-Dieu. Le Très-Haut aime tant le bon ordre dans toutes les choses créées, que, l'Enfant-Jésus étant Dieu véritable et Sa Mère si supérieure en sainteté à son époux, Il ne voulut pas néanmoins que la disposition du voyage en Galilée vînt ni du Fils ni de la Mère; mais Il remit le tout à saint Joseph qui avait l'office de chef en cette famille si Divine; et cela afin de donner à tous les mortels la règle et l'exemplaire de ce qui plaît au Seigneur: que toutes les choses soient gouvernées par l'ordre naturel et disposées par Sa Providence; et que les inférieurs et les sujets dans le corps mystique, lors même qu'ils sont plus excellentes en d'autres qualités et d'autres vertus, doivent obéir et se soumettre à ceux qui sont supérieurs et prélats dans l'office visible.
4, 30, 703. Saint Joseph alla aussitôt rendre compte du commandement du Seigneur à l'Enfant-Jésus et à Sa Très Pure Mère; et ils répondirent tous deux que la Volonté du Père céleste se fît. Sur cela ils déterminèrent leur voyage sans retard; ils distribuèrent aux pauvres les quelques meubles qu'ils avaient dans leur maison. Et cela se fit par la main de l'Enfant-Dieu; parce que la divine Mère Lui donnait souvent les aumônes qu'Elle avait, pour les porter aux nécessiteux, connaissant que l'Enfant, comme Dieu de Miséricorde voulait l'exécuter par Ses mains. Et lorsque Sa Très Sainte Mère Lui donnait ces aumônes, Elle s'agenouillait et Lui disait: «Prenez mon Fils et mon Seigneur ce que Vous voulez pour les répartir entre Vos amis et Vos frères (Matt. 24: 40) les pauvres.» Dans cette heureuse maison qui demeura consacrée et sanctifiée en Temple par l'habitation de sept années du Souverain Prêtre Jésus, il entra quelques personnes des plus dévotes et des plus pieuses qui restaient à Héliopolis; parce que leur sainteté et leurs vertus leur gagnèrent le bonheur qu'ils ne connaissaient point, quoiqu'à cause de ce qu'elles avaient vu et expérimenté, elles se réputassent bien fortunées de vivre où leurs dévots étrangers avaient habité tant d'années. Cette piété et cette dévote affection leur fut payée par une Lumière abondante et des secours pour obtenir la Vie Éternelle.
4, 30, 704. Ils partirent d'Héliopolis pour la Palestine avec la même compagnie des Anges qui les avaient menés dans l'autre voyage. La grande Reine allait sur l'ânon, avec l'Enfant-Jésus sur ses genoux et saint Joseph marchait à pied très proche du Fils et de la Mère. La séparation des connaissances et des amis qu'ils avaient fut très douloureuse pour tous ceux qui perdaient de si grands bienfaiteurs;
et ils prirent congé d'eux avec des sanglots et des larmes incroyables connaissant et confessant qu'ils perdaient toute leur consolation, leur défense et le remède à leur nécessités. Et avec l'amour que les Égyptiens avaient pour les Trois, il paraît très difficile qu'ils leur eussent permis de sortir d'Héliopolis, si la Puissance divine ne l'eût facilité; parce qu'ils sentaient secrètement dans leurs coeurs la nuit de leurs misères, en voyant s'éloigner d'eux Celui qui les éclairait (Jean 1: 9) et les consolait. Avant d'entrer dans les endroits non peuplés, ils passèrent par certains lieux de l'Égypte et partout ils répandaient des bienfaits et des grâces, parce que les merveilles qu'ils avaient faites jusqu'alors n'étaient pas si cachées qu'il n'y en eût une grande connaissance dans tout le pays, les malades, les affligés et les nécessiteux sortaient pour chercher leur remède et tous le rapportaient pour l'âme et le corps. Beaucoup de malades furent guéris et une grande multitude de démons furent chassés, sans qu'ils connussent qui les précipitait dans l'abîme; quoiqu'ils sentissent la Vertu divine qui les contraignait et qui faisait tant de bien aux hommes.
4, 30, 705. Je ne m'arrête point à rapporter les événements particuliers que l'Enfant-Jésus et Sa Bienheureuse Mère eurent dans ce voyage et cette sortie de l'Égypte parce que cela n'est pas nécessaire et ne serait pas possible, sans m'arrêter beaucoup dans cette Histoire. Il suffit de dire que tous ceux qui s'approchèrent d'eux avec quelque affection plus ou moins pieuse sortirent de leur présence éclairés de la Vérité, secourus de la grâce et blessés d'amour Divin; et ils sentaient une force cachée qui les mouvait et les obligeait à suivre le bien, et laissant le chemin de la mort, à chercher celui de la Vie Éternelle. Ils venaient au Fils attirés (Jean 6: 44) par le Père; et ils revenaient au Père envoyés par le Fils (Jean 14: 6) avec la Lumière divine qui brillait dans leurs entendements pour connaître la Divinité du Père, bien qu'Il la cachât en Lui-même parce qu'il n'était pas temps de la manifester, quoiqu'il opérât toujours des effets Divins de ce Feu (Luc 12: 49) qu'Il venait répandre et allumer sur la terre.
4, 30, 706. Les mystères que la Volonté divine avait déterminés étant accomplis en Égypte, nos divins Pèlerins sortirent de la terre peuplée, laissant ce royaume plein de miracles et de merveilles; et ils entrèrent dans les déserts par où ils étaient venus. Et ils y souffrirent d'autres afflictions nouvelles, semblables à celles qu'ils avaient supportées en venant de la Palestine: parce que le Seigneur
donnait toujours temps et lieu à la nécessité et à la tribulation, afin que le remède fût opportun (Ps. 144: 15). Et Il le leur envoyait Lui-même par le moyen de Ses saints Anges, dans ces épreuves: parfois c'était de la même manière que dans le premier voyage, et d'autres fois l'Enfant-Jésus Lui-même leur commandait d'apporter de la nourriture à Sa Très Sainte Mère et à son époux, lequel, pour jouir davantage de cette faveur, écoutait l'ordre donné aux ministres spirituels et il voyait comment ils obéissaient et se montraient prompts, et ensuite, ce qu'ils apportaient; alors le saint Patriarche reprenait courage et se consolait de la peine de n'avoir point l'aliment nécessaire pour le Roi et la Reine des Cieux. D'autres fois aussi l'Enfant-Dieu usait de Sa Puissance divine et faisait que de quelques petits morceaux de pain se multipliât tout ce qui était nécessaire. Le reste de ce voyage fut comme j'ai dit au chapitre 22 de ce livre, et pour cela il ne me paraît pas nécessaire de le rapporter. Mais quand ils arrivèrent aux confins de la Palestine, le soigneux époux eut connaissance qu'Archélaüs avait succédé dans le royaume de Judée (Matt. 2: 22) à Hérode son père. Et craignant qu'avec le royaume il eût aussi hérité de sa cruauté contre l'Enfant-Jésus, le Saint détourna son chemin, sans monter à Jérusalem, ni passer par la Judée, il traversa par la terre des tribus de Dan et d'Issachar, à la Galilée inférieure, cheminant par le côté de la mer Méditerranée, laissant Jérusalem à main droite.
4, 30, 707. Ils passèrent à Nazareth leur patrie, car l'Enfant devant être appelé Nazaréen(Matt. 2: 23). Et ils trouvèrent leur antique et pauvre maison à la garde de cette sainte femme, parente de saint Joseph au troisième degré, qui vint le servir quand notre Reine était absente dans la maison de sainte Élisabeth, comme je l'ai dit dans le troisième livre, chapitre 17, no. 227. Avant de sortir de la Judée, lorsqu'ils partirent pour l'Égypte, le saint époux lui avait écrit de prendre soin de la maison et de ce qu'ils y laissaient. Ils trouvèrent tout très bien gardé et cette parente qui les reçut avec grande consolation, à cause de l'amour qu'elle avait pour notre grande Reine, quoiqu'elle ne sût point alors sa dignité. La divine Dame entra avec son Très Saint Fils et son époux Joseph: et aussitôt Elle se prosterna en terre, adorant le Seigneur et Lui rendant grâces de les avoir amenés à leur repos, libres de la cruauté d'Hérode, et de les avoir défendu des dangers de leur exil et pendant des voyages si longs et si pénibles, surtout de ce qu'ils revenait avec leur Très Saint Fils si grand et si rempli de grâce et de vertu (Luc 2: 40).
4, 30, 708. La Bienheureuse Mère ordonna aussitôt sa vie et ses exercices avec la disposition de l'Enfant-Dieu; non pas qu'Elle se fut désordonnée en aucune chose dans le chemin, car la Très Prudente Dame continuait toujours respectivement ses actions très parfaites dans le chemin, à l'imitation de son Très Saint Fils; mais étant désormais tranquille dans sa maison, Elle avait la disposition pour faire beaucoup de choses qui n'étaient pas possibles au dehors. Quoique sa plus grande sollicitude fût partout de coopérer avec son Très Saint Fils au salut des âmes, qui était l'oeuvre recommandée par le Père Éternel. Notre Reine ordonna ses exercices avec le même Rédempteur pour cette fin très sublime, et ils s'y occupaient comme nous le verrons dans le cours de cette seconde partie. Le saint époux disposa aussi ce qui regardait son office et ses occupations, afin de gagner par son travail la vie de l'Enfant-Dieu, celle de la Mère, et la sienne. Telle fut la félicité de ce saint Patriarche; car si ce fut un châtiment et une peine pour les autres enfants d'Adam d'être condamnés au travail des mains et à la sueur de leur visage pour obtenir l'aliment de leur vie naturelle (Gen. 3: 19) par ce moyen, ce fut pour saint Joseph une bénédiction, un bienfait et une consolation sans égale d'avoir été choisi pour alimenter par son travail et ses sueurs le même Dieu à qui appartiennent (Esth. 13: 10-11) le Ciel et la terre et tout ce qu'ils renferment, ainsi que Sa Très Sainte Mère.
4, 30, 709. La Reine des anges prit à coeur de reconnaître ce souci et ce travail de saint Joseph. Et en cette correspondance, Elle le servait et Elle prenait soin de sa pauvre nourriture et de sa récréation, avec un soin, une attention, une reconnaissance et une bienveillance admirable. Elle lui était obéissante en tout et Elle était humiliée dans son estime, comme si Elle eût été servante et non Épouse, et ce qui plus est, Mère du Créateur et du Seigneur de tout Lui-même. Elle se réputait indigne de tout ce qui a l'être, et même de la terre qui la soutenait; parce qu'Elle jugeait qu'en justice toutes les choses devaient lui manquer. Et dans la connaissance de ce qu'Elle avait été créée de rien sans pouvoir obliger Dieu à lui accorder ce bienfait ni aucun autre à son avis: Elle avait tellement fondé sa rare humilité qu'Elle vivait toujours humiliée jusqu'à la poussière et plus vile en sa propre estime que cette même poussière. Pour tout bienfait si petit fut-il, Elle remerciait le Seigneur avec une admirable sagesse, comme Origine et Cause Première de tout bien; Elle remerciait aussi les créatures comme instruments de Sa Puissance et de Sa Bonté: les uns parce qu'ils lui faisaient des bienfaits; d'autres, parce qu'ils lui en refusaient; d'autres parce qu'ils la souffraient; en un mot Elle se
reconnaissait endettée et Elle les comblait de bénédictions, de douceur, et Elle se mettait aux pieds de tous; cherchant des moyens, des artifices, des expédients et des industries, afin qu'aucun temps ni aucune occasion ne se passât sans opérer en tout le plus saint, le plus parfait et le plus élevé des vertus avec l'admiration des Anges, et l'Agrément et les Complaisances du Très-Haut.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DES CIEUX.
4, 30, 710. Ma fille, dans les oeuvres que le Très-Haut opéra envers moi, me commandant de pérégriner de certains pays ou royaumes en d'autres, mon Coeur ne se troubla jamais, mon esprit ne se contrista point; parce que j'étais toujours prête à exécuter en tout la Volonté Divine. Et quoique Sa Majesté me donnât à connaître la fin très sublime de Ses Oeuvres, néanmoins ce n'était pas toujours dans les principes, afin que je souffrisse davantage; parce qu'on ne doit pas chercher d'autres raisons dans la soumission de la créature, si ce n'est que c'est le Seigneur qui commande et que c'est Lui qui dispose tout. Et les âmes qui désirent uniquement plaire au Seigneur, se soumettent par cette seule connaissance, sans aucune distinction d'événements prospères ou contraires et sans faire attention aux sentiments de leurs propres inclinations. Je veux de toi que tu t'avances dans cette sagesse; à mon imitation, et pour l'obligation que tu as envers mon Très Saint Fils, reçois la prospérité et l'adversité de la vie mortelle avec un visage égal et avec sérénité d'âme, sans que l'une te contriste et que l'autre t'élève en une vaine joie; mais considère seulement que le Très-Haut ordonne le tout pour Son bon plaisir.
4, 30, 711. La vie humaine est tissée de cette variété d'événements, les uns de joie et d'autres de peine pour les mortels; les uns qu'ils abhorrent et d'autres qu'ils désirent. Et comme la créature est d'un coeur étroit et limité, de là vient qu'elle s'incline avec inégalité vers ces extrêmes; parce qu'elle reçoit avec trop de plaisir ce qu'elle désire et ce qu'elle aime. Et au contraire, elle se désole et se contriste quand il lui arrive ce qu'elle abhorre et ne voulait pas. Ces changements et ces vicissitudes font péricliter toutes les vertus ou plusieurs; parce que l'amour désordonné de quelque chose qu'elle n'obtient pas la porte aussitôt à en désirer une autre, cherchant en de nouveaux désirs l'allégement de la peine ressentie pour ceux
qu'elle n'a pas obtenus; et si elle les obtient, elle se dérègle et s'enivre dans la joie d'avoir ce qu'elle désirait; et avec ces velléités elle se jette dans de plus grands désordres de mouvements et de passions différentes. Considère donc ce péril, ma très chère, et coupe-le par la racine, en conservant ton coeur indépendant et attentif à la seule Providence divine, sans le laisser incliner à ce que tu désireras ou à ce qui te plaira; ni à abhorrer ce qui te sera pénible. Réjouis-toi et délecte-toi seulement dans la Volonté de ton Seigneur; que tes désirs ne te précipitent point, ni tes craintes de quelque événement que ce soit ne t'abattent point: que les occupations extérieures ne te divertissent point de tes saints exercices, ni ne t'en empêchent, encore moins le respect et l'attention aux créatures, et considère en tout ce que je faisais. Suis mes traces avec diligence et affection.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
4, 30, [a]. C'est une sentence commune du peuple chrétien que Joseph demeura sept ans en Égypte avec l'Enfant et la Vierge et ce fut aussi révélé à sainte Brigitte, [S. 6, c. 59]. Cela est conforme à l'Évangile qui dit qu'alors, «non seulement Hérode était mort; mais aussi les autres qui cherchaient à faire mourir l'Enfant.» Il n'est pas probable que tous soient morts en un an ou deux seulement, saint Jérôme écrivant: «Les prêtres et les scribes méditaient en même temps de faire mourir le Seigneur,» et «Hérode y consentait avec ardeur," ajoute Denys le Chartreux; outre que la cour d'Hérode était suffisamment fournie d'impies de sa marque.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
LIVRE CINQ
Qui contient la perfection avec laquelle la Très Sainte Marie copiait et imitait les opérations de l'Âme de son Très Saint Fils, comment Il l'informait de la Loi de grâce, des articles de la Foi, des Sacrements, des dix Commandements; promptitude et hauteur avec laquelle Elle l'observait; mort de saint Joseph, prédication de saint Jean-Baptiste; jeûne et baptême de notre Rédempeur; vocation des premiers Disciples et baptême de Marie, notre Souveraine.
CHAPITRE 1
Le Seigneur dispose la Très Sainte Marie par quelque sévérité et quelque absence étant à Nazareth, et des fins qu'Il eut dans cet exercice
5, 1, 712. Jésus, Marie et Joseph vinrent demeurer à Nazareth et cette humble et pauvre demeure où ils vivaient se convertit en un nouveau Ciel. Il serait nécessaire de faire beaucoup de livres et de chapitres pour dire les mystères et les sacrements qui se passèrent entre l`Enfant-Dieu et Sa Très Pure Mère, jusqu'à ce que Sa Majesté accomplit les douze ans de Son âge et ensuite jusqu'à Sa prédication; et en tout cela, je ne dirais encore que peu de chose, à cause de la grandeur ineffable de l'objet et de la petitesse de femme ignorante avec laquelle je suis. Je dirai quelque chose avec la Lumière que cette Auguste Souveraine m'a donnée, et je laisserai toujours le plus de ce qu'il y aurait à dire, parce qu'il n'est pas possible ni convenable d'y atteindre en cette vie, et le reste est réservé pour celle que nous attendons.
5, 1, 713. Peu de jours après le retour de l'Égypte à Nazareth, le Seigneur détermina d'exercer Sa Très Sainte Mère, de la manière qu'Il fit dans Son enfance,
comme il a été dit dans le second livre de la première partie, chapitre 27, quoique maintenant Elle soit plus robuste dans l'usage de l'Amour et de la plénitude de la Sagesse. Mais comme la Puissance de Dieu est infinie et la matière de Son divin Amour immense, et aussi la capacité de la Reine était supérieure à toutes les créatures, le même Seigneur ordonna de l'élever au plus grand état de sainteté et de mérites. Et joint à cela, comme véritable Maître spirituel, Il voulut former une Disciple si sage et si excellente qu'ensuite Elle put être une Maîtresse consommée et un Exemplaire vivant de la Doctrine de son Maître, comme la Très Sainte Marie le fut après l'Ascension de son Fils, Notre Seigneur aux Cieux et j'en parlerai dans la troisième partie [a]. Il était nécessaire et convenable aussi pour l'honneur de notre Rédempteur Jésus-Christ que la Doctrine Évangélique, avec laquelle et en laquelle Il devait fonder la nouvelle Loi de grâce très sainte, sans tache (Eph. 5: 27) et sans ride, demeurât accréditée dans son efficace et sa vertu, formant quelque pure créature en qui ses effets se trouvassent adéquatement et complètement et qui fût le plus parfait en ce genre sur laquelle toutes les autres créatures pussent se régler et se mesurer. Et c'était fondé sur la raison que cette Créature fût la Bienheureuse Marie, comme Mère du Seigneur même de la sainteté et Celle qui Lui était la plus proche.
5, 1, 714. Le Très-Haut détermina que la divine Dame serait la première Disciple de Son école et l'Aînée de la nouvelle Loi de grâce l'Étampe adéquate de Son Idée et la Matière disposée où s'imprimerait le sceau de Sa Doctrine et de Sa Sainteté comme dans une cire molle; afin que le Fils et la Mère fussent les deux tables véritables (Ex. 31: 18) de la nouvelle Loi qu'Il venait enseigner au monde. Et pour obtenir cette fin très sublime préparée dans la divine Sagesse, Il lui manifesta tous les Mystères de Sa Doctrine et de la Loi de l'Évangile; le Rédempteur traita de tout et Il en conférait avec Elle, depuis qu'ils furent revenus de l'Égypte jusqu'à ce qu'Il sortît pour prêcher, comme nous le verrons dans le discours ci-après. Le Verbe Incarné et Sa Sainte Mère s'occupèrent à ces sacrements cachés pendant les vingt-trois ans qu'Ils furent à Nazareth avant la prédication, et comme tout cela regardait la divine Mère dont les Évangélistes n'écrivirent pas la Vie, pour cela ils le passèrent sous silence, sauf ce qui arriva à douze ans, quand l'Enfant-Jésus voulut se faire perdre à dessein comme le rapporte saint Luc (Luc 2: 43) et comme je le dirai ci-après. La Très Sainte Marie seule fut pendant ce temps Disciple de son Fils unique. Et outre les dons ineffables de sainteté et de grâce qu'Il lui avait communiqués jusqu'à cette heure, Il répandit en
Elle une nouvelle Lumière et Il la fit participante de Sa Science divine en déposant en Elle et en gravant dans son Coeur toute la Loi de grâce et toute la Doctrine qu'Il devait enseigner dans Son Église jusqu'à la fin du monde. Et Il le fit d'une manière si haute qu'on ne peut l'exprimer par aucun terme ni aucune parole; et l'Auguste Souveraine demeura si docte et si sage qu'Elle seule eût suffi pour illuminer plusieurs mondes s'il y en avait eu, par son enseignement.
5, 1, 715. Pour élever cet édifice dans le Coeur très pur de Sa Très Sainte Mère au-dessus de tout ce qui n'était pas Dieu, le Seigneur en jeta les fondements en l'éprouvant dans la force de l'amour et de toutes les vertus. Pour cela le Seigneur s'absenta intérieurement en lui retirant cette vue ordinaire qui lui causait une continuelle jubilation et une joie spirituelle correspondante à ce bienfait. Je ne dis point que le Seigneur la laissa; mais qu'étant avec Elle et en Elle d'une manière ineffable par Sa grâce, Il lui cachait Sa vue et Il suspendait les effets très doux qu'Elle en recevait, tandis que cette divine Reine en ignorait la cause et le mode parce que Sa Majesté ne lui avait rien manifesté. Outre cela, sans rien lui donner à entendre, son propre Fils, son Enfant-Dieu Se montra plus sévère que de coutume envers Elle et Il Se tenait moins avec Elle corporellement; parce qu'il Se retirait souvent et Il lui disait peu de paroles et c'était avec une gravité et une majesté très grandes. Et ce qui pouvait le plus l'affliger était de trouver éclipsé ce Soleil qui Se reflétait dans le miroir cristallin de la Très Sainte Humanité, où Elle avait coutume de voir les opérations de Son Âme très pure, de sorte que désormais Elle ne pouvait point les voir comme à l'ordinaire, pour copier cette Image vivante comme Elle le faisait auparavant [b.
5, 1, 716. Cette nouveauté sans aucun autre avis fut le creuset où l'or très pur du saint amour de notre grande Reine se renouvela et monta de carat. Car étonnée de ce qui arrivait sans se trouver prévenue, Elle recourut aussitôt à l'humble concept qu'Elle avait d'Elle-même, se jugeant indigne de la vue du Seigneur qui Se cachait à Elle; et Elle attribua tout cela à ce que son ingratitude et son peu de correspondance n'avaient point donné au Très-Haut, au Père des Miséricordes, le retour qu'Elle Lui devait pour les Bienfaits de Sa main très libérale. La Très Prudente Reine ne ressentait point que les consolations très douces et les caresses ordinaires du Seigneur lui manquassent; mais le doute si Elle L'avait dégoûté, ou si Elle avait manqué en quelque chose de Son service et
de Son bon plaisir, transperçait son Coeur très candide d'une flèche de grande douleur. L'amour ne sait point penser moins lorsqu'il est si véritable et si noble; parce qu'il s'emploie tout entier à l'agrément et au bien de celui qu'il aime; mais lorsqu'il s'imagine l'avoir dégoûté ou qu'il le croit mécontent, il ne sait point reposer hors de l'agrément et de la satisfaction de son bien-aimé. Ces angoisses amoureuses de la divine Mère étaient pour son Très Saint Fils d'un souverain agrément, parce qu'elles l'enamouraient de nouveau et les tendres affections de Son Unique et Son Élue Lui blessaient (Cant. 4: 9) le Coeur. Mais avec une amoureuse industrie, quand la douce Mère Le cherchait et voulait Lui parler (Cant. 3: 1) Il Se montrait toujours sévère et Il dissimulait Ses complaisances. Et avec cette sévérité mystérieuse, l'incendie du Coeur très chaste de la Mère élevait sa flamme comme la fournaise ou le bûcher ardent frappé d'une petite goutte d'eau.
5, 1, 717. La candide Colombe faisait des actes héroïques de toutes les vertus. Elle s'humiliait plus bas que la poussière;`Elle révérait son Très Saint Fils avec une adoration profonde; Elle bénissait le Père et Lui rendait grâces pour Ses Bienfaits et Ses Oeuvres admirables, se conformant à Sa divine disposition et à Son bon plaisir; Elle cherchait Sa Volonté Sainte et Parfaite pour l'accomplir en tout; Elle s'enflammait dans l'Amour, la Foi et l'Espérance; et dans toutes les oeuvres et les événements (Cant. 1: 11), ce nard très odorant émettait une odeur de suavité pour le Roi de rois qui reposait dans le Coeur de la Très Sainte Marie (Cant. 1: 15), comme dans Son Lit et Son Tabernacle fleuri et parfumé. Elle persévérait en des prières continuelles avec des larmes, des gémissements et des soupirs réitérés de l'intime du Coeur; Elle répandait sa prière (Ps. 141: 3) en la Présence du Seigneur et Elle prononçait sa tribulation devant la Face divine. Et souvent Elle Lui disait vocalement des paroles d'une douceur incomparable et d'une douleur amoureuse:
5, 1, 718. «Créateur de tout l'Univers,» disait-Elle, «Dieu Éternel et Tout-Puissant, infini en Sagesse et en Bonté, incompréhensible dans Votre être et Vos perfections; je sais bien que mon gémissement n'est point caché à Votre Sagesse, et vous savez, mon Bien-Aimé, la blessure qui transperce mon Coeur. Si j'ai manqué comme servante inutile, à Votre service et à Votre goût; pourquoi, ô Vie de mon âme, ne m'affligez-Vous et ne me châtiez-Vous point par toutes les douleurs et les peines de la vie mortelle où je me trouve? et que je ne voie point la sévérité de Votre Visage que mérite celui qui Vous a offensé? Toutes les
afflictions seraient moindres: mais mon Coeur ne peut pas supporter de Vous voir indigné; parce que Vous êtes seul, Seigneur, ma Vie, mon Bien, ma Gloire et mon Trésor. Mon Coeur ne fait aucune estime ni aucun compte de tout ce que Vous avez créé (Ps. 72: 20), ni leurs espèces n'entrèrent jamais dans mon âme, outre que pour magnifier Votre grandeur et Vous reconnaître pour Maître et Créateur de tout. Que ferai-je donc, mon Bien et mon Seigneur, si la Lumière de mes yeux (Ps. 37: 11), le But de mes désirs, la Boussole de mon pèlerinage, la Vie que me donne l'être et tout l'Être qui m'alimente et me donne la Vie me manquent (Jér. 9: 1)? Qui donnera des fontaines de larmes à mes yeux, afin qu'ils pleurent de ce que je n'ai point profité de tant de Biens reçus, d'avoir été si ingrate dans le retour que je devais? Mon Seigneur, ma Lumière, mon Guide, ma Vie et mon Maître, qui gouverniez par Vos Oeuvres plus que très parfaites et très excellentes, les miennes fragiles et tièdes: si Vous me cachez cet Exemplaire, comment réglerai-je ma vie selon Votre goût? Qui me conduira dans cet exil obscur? Que ferai-je? Vers qui me tournerai-je si Vous me refusez Votre patronage?»
5, 1, 719. La biche blessée ne reposait pas avec tout cela (Ps. 41: 3); mais altérée des fontaines très pures de la grâce, Elle recourait aussi à ses saint Anges, et Elle avait avec eux de longues conférences et de longs colloques, et Elle leur disait: «Augustes Princes, favoris intimes du suprême Roi, Ses amis et aussi mes gardiens, par votre félicité assurée de voir toujours Son (Matt. 18: 10) divin Visage dans la Lumière (1 Tim. 6: 16) inaccessible, je vous prie de me dire la cause de Son courroux, s'il y en a une. Priez aussi pour moi en Sa royale Présence, afin qu'Il me pardonne par votre intercession, si par hasard je L'ai offensé. Rappelez-Lui, mes amis, que je suis pauvre quoique formée (Job 10: 9) de Ses mains et scellée de Son Image; et qu'Il n'oublie point cette pauvresse (Ps. 73: 19) jusqu'à la fin; puisque je Le confesse et L'exalte humblement. Demandez qu'Il donne du courage à ma crainte et la Vie à Celle qui ne l'a pas sans L'aimer. Dites-moi comment et avec quoi je Lui donnerai de l'agrément et je mériterai l'allégresse de Sa Face?» Les Anges lui répondirent: «Notre Reine et notre Souveraine, Votre Coeur est assez grand (Ps. 4: 2) pour qu'il ne reste point vaincu par la tribulation; et nul ne connaît plus que Vous combien le Seigneur est proche de l'affligé qui L'invoque (Ps. 90: 14). Sans doute Il a Son attention tournée vers Votre affection et Il ne méprise point Vos amoureux (Ps. 37: 10) gémissements. Vous le trouverez toujours un Père compatissant et Votre affectueux Fils unique regarde Vos larmes.» «Sera-ce paraventure de la témérité,» répliquait la Très Aimante Mère,
«de m'approcher de Sa Présence? Sera-ce trop d'audace de Lui demander prosternée, qu'Il me pardonne si je Lui ai déplu par quelque faute? Que ferai-je? Quel remède trouverai-je dans mes craintes?» Les saint Princes répondaient: «Le coeur humble ne (Ps. 50: 19) déplaît pas à notre Roi; Il pose en lui les yeux (Ps. 101: 18) de Son Amour et Il ne Se (Prov. 8: 31) dégoûte jamais des clameurs de celui qui L'aime en tout ce qu'Il opère amoureusement.»
5, 1, 720. Les saints Anges entretenaient et consolaient quelque peu leur Reine et leur Souveraine par ces colloques et ces réponses, lui signifiant en elle par des termes généraux l'amour singulier et l'agrément du Très-Haut dans Ses douces angoisses. Et ils ne se déclaraient pas davantage parce que le même Seigneur voulait avoir en Elle Ses délices (1 Pet. 2: 21). Et quoique son Très Saint Fils en tant qu'homme véritable, avec l'amour naturel qu'Il lui portait, comme à Sa Mère et Mère seule et sans père, arrivât souvent à s'attendrir avec la compassion naturelle de la voir si affligé et si douloureuse; mais cependant Il conservait et cachait Sa compassion avec la sévérité de Son air. Et quelquefois lorsque la Très Aimante Mère L'appelait pour qu'Il allât manger, Il S'arrêtait, et d'autres fois Il allait sans la regarder et sans lui dire une parole. Mais quoiqu'en toutes ces occasions la grande Reine répandît beaucoup de larmes et qu'Elle représentât àson Fils les amoureuses angoisses de son Coeur, Elle faisait cela avec tant de poids et de mesure, et avec des actions si prudentes et si pleines de Sagesse, que si l'admiration eût pu se trouver en Dieu, car Elle ne le peut, il est certain que Sa Majesté en aurait eu de trouver un si grand comble de sainteté et de perfections. Mais l'Enfant-Jésus en tant qu'homme recevait une jouissance et une complaisance spéciales de voir les effets de Son divin Amour et de Sa grâce si bien mis à profit dans Sa Mère-Vierge. Et les saints Anges Lui donnaient une nouvelle gloire et ils Lui faisaient de nouveaux cantiques de louange pour ce prodige de vertus admirables et inouïes.
5, 1, 721. Afin que l'Enfant-Jésus dormît et Se reposât, Son amoureuse Mère Lui avait préparé une couchette par les mains du Patriarche Joseph et une seule couverture, car dès qu'Il sortit du berceau, quand ils étaient encore en Egypte, Il ne voulut point en accepter d'autre, ni plus d'abri. Et même dans cette couchette, Il ne se couchait point toujours; mais quelquefois, étant assis sur ce lit dur, Il S'y inclinait sur un pauvre oreiller de laine que la même Souveraine Lui
avait fait. Et lorsque Son Altesse voulut Lui préparer un meilleur lit, Son Très Saint Fils Lui répondit que le lit où Il devait s'étendre serait seulement le lit nuptial de la Croix, pour enseigner au monde par l'exemple qu'on ne doit pas passer au repos éternel par ces repos qui sont aimés dans la Babylone de ce monde, et qu'en la vie mortelle souffrir est un soulagement. Dès lors la divine Dame L'imita dans cette manière de se coucher avec une nouvelle sollicitude et une nouvelle attention. Quand il était déjà tard et qu'il était temps de se retirer, la céleste Maîtresse de l'humilité avait coutume de se prosterner devant son Très Saint Fils qui était dans ce petit lit de repos; et là Elle Lui demandait chaque soir de lui pardonner de ne s'être pas employée à Le servir pendant ce jour avec plus de soin ni à être aussi reconnaissante à Ses bienfaits comme Elle le devait. Elle Lui rendait grâces de nouveau pour tout, et Elle Le confessait avec beaucoup de larmes pour le vrai Dieu et le Rédempteur du monde; et Elle ne se levait point du sol jusqu'à ce que son Fils unique le lui eût commandé et l'eût bénie. Elle répétait ce même exercice le matin, afin que son divin Maître et son Précepteur lui ordonnât ce qu'Elle devait opérer tout le jour à Son service, et c'est ce que son Altesse accomplissait avec beaucoup d'amour.
5, 1, 722. Mais en cette occasion de sa sévérité, Il changea aussi Son style et Son air. Et lorsque la Très Candide Mère arrivait pour L'adorer et Le révérer dans son exercice accoutumé, quoiqu'Elle accrût ses larmes et ses gémissements de l'intime de son Coeur, Il ne lui répondait pas une parole, outre qu'Il l'écoutait avec sévérité et qu'Il lui commandait de s'en aller. Et il n'y a pas d'expression qui arrive à manifester les effets qui s'opéraient dans le Coeur Très Pur de l'amoureuse Mère et la Très Douce Colombe de voir son fils, vrai Dieu et vrai homme si changé dans Son air, si grave dans Son Visage et si parcimonieux dans Ses paroles, et dans tout Son extérieur, si différent de ce qu'Il avait coutume de Se montrer envers Elle. La divine Reine examinait son intérieur, reconnaissait l'ordre de ses oeuvres, leurs conditions et leurs circonstances, et faisait plusieurs fois la revue, par l'attention et la mémoire, de cette officine céleste de son âme et de ses puissances; et quoiqu'Elle ne pût y trouver de ténèbres en aucune part parce que tout était Lumière, Sainteté, Pureté et Grâce; néanmoins comme Elle savait que devant les yeux de Dieu, ni les Cieux, ni les Étoiles ne sont pas purs comme dit Job (Job 15: 15) et qu'Il trouvent à reprendre dans les esprits (Job 4: 18) angéliques eux-mêmes, la grande Reine craignait que par hasard Elle ignorât quelque défaut qui fût manifeste au Seigneur. Et avec ce doute Elle souffrait des
défaillances d'amour; car comme l'amour est fort comme la mort (Cant. 8: 6) il cause des douleurs d'une peine inextinguible dans cette très noble émulation remplie de toute Sagesse. Cet exercice dura plusieurs jours ànotre Reine, dans lesquels son Très Saint Fils l'éprouva avec une joie incomparable et Il l'éleva à l'état de Maîtresse Universelle des créatures rémunérant la loyauté et la délicatesse de son amour par une grâce abondante et copieuse outre l'éminente grâce qu'Elle avait déjà. Ensuite il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 1, 723. Ma fille, je te vois désireuse d'être disciple de mon Très Saint Fils, parce que tu as entendu et écrit comment je le fus. Et je veux pour ta consolation que tu considères et que tu connaisses que Sa Majesté n'exerça par l'office de Maître qu'une seule fois, ni seulement dans le temps qu'Il enseigna (Matt. 28: 20) Sa Doctrine en forme humaine, comme elle est contenue dans les Évangiles et dans Son Église; mais qu'Il fait toujours le même office en faveur des âmes et Il le fera jusqu'à la fin du monde, les avertissant, leur dictant et leur inspirant le meilleur et le plus saint, afin qu'elles le mettent en oeuvre. Et Il fait cela envers toutes les âmes absolument, quoique selon Sa Divine Volonté ou la disposition et l'attention de chacune, elles reçoivent une plus ou moins grande instruction. Si tu as toujours profité de cette vérité, tu as une longue expérience de ce que le très haut Seigneur ne dédaigne point d'être Maître du pauvre (Matt. 11: 5), ni d'enseigner le méprisé et le pécheur s'ils veulent prêter attention à Sa Doctrine intérieure. Et parce que tu désires savoir maintenant la disposition que Sa Majesté veut que tu aies de ton côté pour faire envers toi l'office de Maître dans le degré que ton coeur désire, je veux te le dire de la part du même Seigneur et t'assurer que s'Il te trouve une matière disposée, Il mettra dans ton âme, comme Auteur et Maître véritable et sage, Sa Sagesse, Sa Lumière et Son Instruction avec une grande plénitude.
5, 1, 724. En premier lieu, tu dois avoir la conscience pure, nette, sereine et tranquille, et une sollicitude incessante afin de ne point tomber en aucune faute ni
aucune imperfection, pour aucun événement du monde. En outre tu dois t'éloigner et te dégager en même temps de tout ce qui est terrestre de manière qu'il ne demeure en toi, comme je t'en ai déjà avertie, ni espèce ni souvenir d'aucune chose humaine ou visible, mais seulement le coeur sincère, serein et clair. Et lorsque ton intérieur sera ainsi dégagé et libre des ténèbres et des espèces terrestres qui les causent; alors tu seras attentive au Seigneur (Ps. 44: 11), inclinant ton oreille comme une fille chérie qui oublie son peuple de cette vaine Babylone et la maison de son père Adam et tous les restes du péché: et je t'assure qu'Il te dira des paroles de Vie Éternelle (Jean 6: 69). Ensuite il te convient de L'écouter avec révérence et avec une humble reconnaissance, de faire une digne appréciation de Sa Doctrine et de l'exécuter avec toute promptitude et diligence; parce que rien ne peut être caché (Héb. 4: 13) à ce grand Seigneur et Maître des âmes, et Il se détourne et Se retire avec dégoût lorsque la créature est ingrate et négligente à obéir et à reconnaître un si haut Bienfait. Les âmes ne doivent point penser que ces éloignements du Seigneur leur arrive toujours comme celui qu'Il eut envers moi; parce qu'en moi il fut sans péché de ma part et avec amour excessif; mais dans la créature où il y a tant de péchés, de grossièreté, d'ingratitude et de négligence, c'est ordinairement une peine et un châtiment mérité.
5, 1, 725. Examine donc maintenant, ma fille et considère tes omissions et tes fautes en ne faisant point la digne estime que tu dois de la Doctrine et de la Lumière que tu as reçues avec une instruction particulière du divin Maître et de mes avertissements. Modère tes craintes excessives désormais et ne doute plus que c'est le Seigneur qui te parle et t'enseigne; puisque la Doctrine même rend témoignage de sa vérité et t'assure de son Auteur; parce qu'elle est sainte, parfaite, pure et sans tache. Elle t'enseigne le meilleur et elle te reprend de tout défaut, quelque petit qu'il soit; et outre cela tes directeurs et tes pères spirituels l'approuvent. Je veux aussi que tu aies toujours soin de m'imiter en ce que tu as écrit et de venir inviolablement chaque matin et chaque soir me dire avec humilité tes péchés, puisque je suis ta Maîtresse, les reconnaissant avec une douleur et une contrition parfaite afin que j'intercède pour toi auprès du Seigneur, et, comme Mère, que j'obtienne de Lui qu'Il te pardonne. Aussitôt que tu apercevras quelque faute ou quelque imperfection, reconnais-la et pleure-la sans retard et demandes-en pardon au Seigneur avec le désir de t'amender. Si tu es attentive et fidèle en ce que je te commande, tu seras la disciple du Très-Haut et la mienne comme tu le désires; parce que la grâce et la pureté de l'âme est la disposition la plus éminente
et la plus adéquate pour recevoir les influences de la Lumière divine et de la Science infuse que le Rédempteur du monde communique à ceux qui sont Ses véritables disciples.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 1, [a]. Livre 7, Nos. 106, 183, 209.
5, 1, [b. Nous lisons dans l'Évangile d'autres exemples des manières quelque peu sévères que le Seigneur montra envers Sa Très Aimante Mère, non par manque d'amour ou de respect, mais pour Ses fins très sublimes, entre lesquelles les saints Pères notent celle de manifester comment Il était supérieur en tant que Dieu à Sa Mère Elle-même. Ainsi quand Il dit: «Ne savez-vous pas qu'il faut que Je sois aux choses qui regardent mon Père?» [Luc 2: 49]. Et quand de nouveau Il répondit à Sa Mère: «Femme, qu'y a-t-il entre vous et Moi? mon heure n'est pas encore venue;» comme feignant de la repousser. Mais Il Se servait de ces traitements un peu sévères, comme de disposition pour exalter encore plus Sa Mère, lui accordant de plus grandes faveurs. Aussi après ces paroles dites dans le Temple, voici qu'Il S'assujettit totalement à Elle pendant vingt ans environ: «et Il leur était soumis»; et après les paroles dites aux noces, il opère en faveur de sa Mère, le premier de Ses miracles d'une manière publique. Ainsi ces humiliations apparentes et d'autres faites à Sa Mère étaient ordonnées à lui procurer une exaltation et des faveurs nouvelles d'autant plus signalées. Du reste la sévérité apparente que l'Enfant montra envers Sa Mère dans la circonstance rapportée ici par la Vénérable d'Agreda ne dura qu'environ trente jours; et le Seigneur S'en servit pour lui départir les faveurs les plus admirables et la rendre non seulement théoriquement, mais aussi pratiquement, Maîtresse consommée de toute vertu et de toute perfection. Ce que le Seigneur devait opérer envers les disciples les plus chers devait précéder expérimentalement dans la Maîtresse, les privant de temps en temps de Sa Présence sensible, de Ses caresses et de Ses douceurs spirituelles,
pour les perfectionner de plus en plus, comme Il le fit envers tous les principaux saints, saint François d'Assise, saint François de Sales, sainte Thérèse d'Avila et tant d'autres, etc. Ainsi Canisius écrit, [de Mar. disp., lib. IV, c. 22]: «Il a plu àJésus-Christ d'exercer la patience singulière de Sa Mère avant de l'exalter et de la préférer aux autres, tentant de l'éprouver, l'éprouvant comme avec mésestime.»
Du reste pour qui aurait encore difficulté d'admettre de telles épreuves de Jésus à l'égard de Sa Mère, comme ne pouvant être conciliés avec Son amour pour Elle et avec la sainteté de cette divine Vierge, il suffirait d'observer que l'absence des trois jours, quand Il voulut rester dans le Temple à son insu et lui causer tant d'appréhensions, fut une épreuve encore plus dure: c'est pourquoi, si le Sauveur voulut éprouver Sa Mère en cela afin de la perfectionner davantage, Il put l'éprouver en d'autres circonstances, et par des manières différentes pour des fins également sublimes.
Qui contient la perfection avec laquelle la Très Sainte Marie copiait et imitait les opérations de l'Âme de son Très Saint Fils, comment Il l'informait de la Loi de grâce, des articles de la Foi, des Sacrements, des dix Commandements; promptitude et hauteur avec laquelle Elle l'observait; mort de saint Joseph, prédication de saint Jean-Baptiste; jeûne et baptême de notre Rédempeur; vocation des premiers Disciples et baptême de Marie, notre Souveraine.
CHAPITRE 1
Le Seigneur dispose la Très Sainte Marie par quelque sévérité et quelque absence étant à Nazareth, et des fins qu'Il eut dans cet exercice
5, 1, 712. Jésus, Marie et Joseph vinrent demeurer à Nazareth et cette humble et pauvre demeure où ils vivaient se convertit en un nouveau Ciel. Il serait nécessaire de faire beaucoup de livres et de chapitres pour dire les mystères et les sacrements qui se passèrent entre l`Enfant-Dieu et Sa Très Pure Mère, jusqu'à ce que Sa Majesté accomplit les douze ans de Son âge et ensuite jusqu'à Sa prédication; et en tout cela, je ne dirais encore que peu de chose, à cause de la grandeur ineffable de l'objet et de la petitesse de femme ignorante avec laquelle je suis. Je dirai quelque chose avec la Lumière que cette Auguste Souveraine m'a donnée, et je laisserai toujours le plus de ce qu'il y aurait à dire, parce qu'il n'est pas possible ni convenable d'y atteindre en cette vie, et le reste est réservé pour celle que nous attendons.
5, 1, 713. Peu de jours après le retour de l'Égypte à Nazareth, le Seigneur détermina d'exercer Sa Très Sainte Mère, de la manière qu'Il fit dans Son enfance,
comme il a été dit dans le second livre de la première partie, chapitre 27, quoique maintenant Elle soit plus robuste dans l'usage de l'Amour et de la plénitude de la Sagesse. Mais comme la Puissance de Dieu est infinie et la matière de Son divin Amour immense, et aussi la capacité de la Reine était supérieure à toutes les créatures, le même Seigneur ordonna de l'élever au plus grand état de sainteté et de mérites. Et joint à cela, comme véritable Maître spirituel, Il voulut former une Disciple si sage et si excellente qu'ensuite Elle put être une Maîtresse consommée et un Exemplaire vivant de la Doctrine de son Maître, comme la Très Sainte Marie le fut après l'Ascension de son Fils, Notre Seigneur aux Cieux et j'en parlerai dans la troisième partie [a]. Il était nécessaire et convenable aussi pour l'honneur de notre Rédempteur Jésus-Christ que la Doctrine Évangélique, avec laquelle et en laquelle Il devait fonder la nouvelle Loi de grâce très sainte, sans tache (Eph. 5: 27) et sans ride, demeurât accréditée dans son efficace et sa vertu, formant quelque pure créature en qui ses effets se trouvassent adéquatement et complètement et qui fût le plus parfait en ce genre sur laquelle toutes les autres créatures pussent se régler et se mesurer. Et c'était fondé sur la raison que cette Créature fût la Bienheureuse Marie, comme Mère du Seigneur même de la sainteté et Celle qui Lui était la plus proche.
5, 1, 714. Le Très-Haut détermina que la divine Dame serait la première Disciple de Son école et l'Aînée de la nouvelle Loi de grâce l'Étampe adéquate de Son Idée et la Matière disposée où s'imprimerait le sceau de Sa Doctrine et de Sa Sainteté comme dans une cire molle; afin que le Fils et la Mère fussent les deux tables véritables (Ex. 31: 18) de la nouvelle Loi qu'Il venait enseigner au monde. Et pour obtenir cette fin très sublime préparée dans la divine Sagesse, Il lui manifesta tous les Mystères de Sa Doctrine et de la Loi de l'Évangile; le Rédempteur traita de tout et Il en conférait avec Elle, depuis qu'ils furent revenus de l'Égypte jusqu'à ce qu'Il sortît pour prêcher, comme nous le verrons dans le discours ci-après. Le Verbe Incarné et Sa Sainte Mère s'occupèrent à ces sacrements cachés pendant les vingt-trois ans qu'Ils furent à Nazareth avant la prédication, et comme tout cela regardait la divine Mère dont les Évangélistes n'écrivirent pas la Vie, pour cela ils le passèrent sous silence, sauf ce qui arriva à douze ans, quand l'Enfant-Jésus voulut se faire perdre à dessein comme le rapporte saint Luc (Luc 2: 43) et comme je le dirai ci-après. La Très Sainte Marie seule fut pendant ce temps Disciple de son Fils unique. Et outre les dons ineffables de sainteté et de grâce qu'Il lui avait communiqués jusqu'à cette heure, Il répandit en
Elle une nouvelle Lumière et Il la fit participante de Sa Science divine en déposant en Elle et en gravant dans son Coeur toute la Loi de grâce et toute la Doctrine qu'Il devait enseigner dans Son Église jusqu'à la fin du monde. Et Il le fit d'une manière si haute qu'on ne peut l'exprimer par aucun terme ni aucune parole; et l'Auguste Souveraine demeura si docte et si sage qu'Elle seule eût suffi pour illuminer plusieurs mondes s'il y en avait eu, par son enseignement.
5, 1, 715. Pour élever cet édifice dans le Coeur très pur de Sa Très Sainte Mère au-dessus de tout ce qui n'était pas Dieu, le Seigneur en jeta les fondements en l'éprouvant dans la force de l'amour et de toutes les vertus. Pour cela le Seigneur s'absenta intérieurement en lui retirant cette vue ordinaire qui lui causait une continuelle jubilation et une joie spirituelle correspondante à ce bienfait. Je ne dis point que le Seigneur la laissa; mais qu'étant avec Elle et en Elle d'une manière ineffable par Sa grâce, Il lui cachait Sa vue et Il suspendait les effets très doux qu'Elle en recevait, tandis que cette divine Reine en ignorait la cause et le mode parce que Sa Majesté ne lui avait rien manifesté. Outre cela, sans rien lui donner à entendre, son propre Fils, son Enfant-Dieu Se montra plus sévère que de coutume envers Elle et Il Se tenait moins avec Elle corporellement; parce qu'il Se retirait souvent et Il lui disait peu de paroles et c'était avec une gravité et une majesté très grandes. Et ce qui pouvait le plus l'affliger était de trouver éclipsé ce Soleil qui Se reflétait dans le miroir cristallin de la Très Sainte Humanité, où Elle avait coutume de voir les opérations de Son Âme très pure, de sorte que désormais Elle ne pouvait point les voir comme à l'ordinaire, pour copier cette Image vivante comme Elle le faisait auparavant [b.
5, 1, 716. Cette nouveauté sans aucun autre avis fut le creuset où l'or très pur du saint amour de notre grande Reine se renouvela et monta de carat. Car étonnée de ce qui arrivait sans se trouver prévenue, Elle recourut aussitôt à l'humble concept qu'Elle avait d'Elle-même, se jugeant indigne de la vue du Seigneur qui Se cachait à Elle; et Elle attribua tout cela à ce que son ingratitude et son peu de correspondance n'avaient point donné au Très-Haut, au Père des Miséricordes, le retour qu'Elle Lui devait pour les Bienfaits de Sa main très libérale. La Très Prudente Reine ne ressentait point que les consolations très douces et les caresses ordinaires du Seigneur lui manquassent; mais le doute si Elle L'avait dégoûté, ou si Elle avait manqué en quelque chose de Son service et
de Son bon plaisir, transperçait son Coeur très candide d'une flèche de grande douleur. L'amour ne sait point penser moins lorsqu'il est si véritable et si noble; parce qu'il s'emploie tout entier à l'agrément et au bien de celui qu'il aime; mais lorsqu'il s'imagine l'avoir dégoûté ou qu'il le croit mécontent, il ne sait point reposer hors de l'agrément et de la satisfaction de son bien-aimé. Ces angoisses amoureuses de la divine Mère étaient pour son Très Saint Fils d'un souverain agrément, parce qu'elles l'enamouraient de nouveau et les tendres affections de Son Unique et Son Élue Lui blessaient (Cant. 4: 9) le Coeur. Mais avec une amoureuse industrie, quand la douce Mère Le cherchait et voulait Lui parler (Cant. 3: 1) Il Se montrait toujours sévère et Il dissimulait Ses complaisances. Et avec cette sévérité mystérieuse, l'incendie du Coeur très chaste de la Mère élevait sa flamme comme la fournaise ou le bûcher ardent frappé d'une petite goutte d'eau.
5, 1, 717. La candide Colombe faisait des actes héroïques de toutes les vertus. Elle s'humiliait plus bas que la poussière;`Elle révérait son Très Saint Fils avec une adoration profonde; Elle bénissait le Père et Lui rendait grâces pour Ses Bienfaits et Ses Oeuvres admirables, se conformant à Sa divine disposition et à Son bon plaisir; Elle cherchait Sa Volonté Sainte et Parfaite pour l'accomplir en tout; Elle s'enflammait dans l'Amour, la Foi et l'Espérance; et dans toutes les oeuvres et les événements (Cant. 1: 11), ce nard très odorant émettait une odeur de suavité pour le Roi de rois qui reposait dans le Coeur de la Très Sainte Marie (Cant. 1: 15), comme dans Son Lit et Son Tabernacle fleuri et parfumé. Elle persévérait en des prières continuelles avec des larmes, des gémissements et des soupirs réitérés de l'intime du Coeur; Elle répandait sa prière (Ps. 141: 3) en la Présence du Seigneur et Elle prononçait sa tribulation devant la Face divine. Et souvent Elle Lui disait vocalement des paroles d'une douceur incomparable et d'une douleur amoureuse:
5, 1, 718. «Créateur de tout l'Univers,» disait-Elle, «Dieu Éternel et Tout-Puissant, infini en Sagesse et en Bonté, incompréhensible dans Votre être et Vos perfections; je sais bien que mon gémissement n'est point caché à Votre Sagesse, et vous savez, mon Bien-Aimé, la blessure qui transperce mon Coeur. Si j'ai manqué comme servante inutile, à Votre service et à Votre goût; pourquoi, ô Vie de mon âme, ne m'affligez-Vous et ne me châtiez-Vous point par toutes les douleurs et les peines de la vie mortelle où je me trouve? et que je ne voie point la sévérité de Votre Visage que mérite celui qui Vous a offensé? Toutes les
afflictions seraient moindres: mais mon Coeur ne peut pas supporter de Vous voir indigné; parce que Vous êtes seul, Seigneur, ma Vie, mon Bien, ma Gloire et mon Trésor. Mon Coeur ne fait aucune estime ni aucun compte de tout ce que Vous avez créé (Ps. 72: 20), ni leurs espèces n'entrèrent jamais dans mon âme, outre que pour magnifier Votre grandeur et Vous reconnaître pour Maître et Créateur de tout. Que ferai-je donc, mon Bien et mon Seigneur, si la Lumière de mes yeux (Ps. 37: 11), le But de mes désirs, la Boussole de mon pèlerinage, la Vie que me donne l'être et tout l'Être qui m'alimente et me donne la Vie me manquent (Jér. 9: 1)? Qui donnera des fontaines de larmes à mes yeux, afin qu'ils pleurent de ce que je n'ai point profité de tant de Biens reçus, d'avoir été si ingrate dans le retour que je devais? Mon Seigneur, ma Lumière, mon Guide, ma Vie et mon Maître, qui gouverniez par Vos Oeuvres plus que très parfaites et très excellentes, les miennes fragiles et tièdes: si Vous me cachez cet Exemplaire, comment réglerai-je ma vie selon Votre goût? Qui me conduira dans cet exil obscur? Que ferai-je? Vers qui me tournerai-je si Vous me refusez Votre patronage?»
5, 1, 719. La biche blessée ne reposait pas avec tout cela (Ps. 41: 3); mais altérée des fontaines très pures de la grâce, Elle recourait aussi à ses saint Anges, et Elle avait avec eux de longues conférences et de longs colloques, et Elle leur disait: «Augustes Princes, favoris intimes du suprême Roi, Ses amis et aussi mes gardiens, par votre félicité assurée de voir toujours Son (Matt. 18: 10) divin Visage dans la Lumière (1 Tim. 6: 16) inaccessible, je vous prie de me dire la cause de Son courroux, s'il y en a une. Priez aussi pour moi en Sa royale Présence, afin qu'Il me pardonne par votre intercession, si par hasard je L'ai offensé. Rappelez-Lui, mes amis, que je suis pauvre quoique formée (Job 10: 9) de Ses mains et scellée de Son Image; et qu'Il n'oublie point cette pauvresse (Ps. 73: 19) jusqu'à la fin; puisque je Le confesse et L'exalte humblement. Demandez qu'Il donne du courage à ma crainte et la Vie à Celle qui ne l'a pas sans L'aimer. Dites-moi comment et avec quoi je Lui donnerai de l'agrément et je mériterai l'allégresse de Sa Face?» Les Anges lui répondirent: «Notre Reine et notre Souveraine, Votre Coeur est assez grand (Ps. 4: 2) pour qu'il ne reste point vaincu par la tribulation; et nul ne connaît plus que Vous combien le Seigneur est proche de l'affligé qui L'invoque (Ps. 90: 14). Sans doute Il a Son attention tournée vers Votre affection et Il ne méprise point Vos amoureux (Ps. 37: 10) gémissements. Vous le trouverez toujours un Père compatissant et Votre affectueux Fils unique regarde Vos larmes.» «Sera-ce paraventure de la témérité,» répliquait la Très Aimante Mère,
«de m'approcher de Sa Présence? Sera-ce trop d'audace de Lui demander prosternée, qu'Il me pardonne si je Lui ai déplu par quelque faute? Que ferai-je? Quel remède trouverai-je dans mes craintes?» Les saint Princes répondaient: «Le coeur humble ne (Ps. 50: 19) déplaît pas à notre Roi; Il pose en lui les yeux (Ps. 101: 18) de Son Amour et Il ne Se (Prov. 8: 31) dégoûte jamais des clameurs de celui qui L'aime en tout ce qu'Il opère amoureusement.»
5, 1, 720. Les saints Anges entretenaient et consolaient quelque peu leur Reine et leur Souveraine par ces colloques et ces réponses, lui signifiant en elle par des termes généraux l'amour singulier et l'agrément du Très-Haut dans Ses douces angoisses. Et ils ne se déclaraient pas davantage parce que le même Seigneur voulait avoir en Elle Ses délices (1 Pet. 2: 21). Et quoique son Très Saint Fils en tant qu'homme véritable, avec l'amour naturel qu'Il lui portait, comme à Sa Mère et Mère seule et sans père, arrivât souvent à s'attendrir avec la compassion naturelle de la voir si affligé et si douloureuse; mais cependant Il conservait et cachait Sa compassion avec la sévérité de Son air. Et quelquefois lorsque la Très Aimante Mère L'appelait pour qu'Il allât manger, Il S'arrêtait, et d'autres fois Il allait sans la regarder et sans lui dire une parole. Mais quoiqu'en toutes ces occasions la grande Reine répandît beaucoup de larmes et qu'Elle représentât àson Fils les amoureuses angoisses de son Coeur, Elle faisait cela avec tant de poids et de mesure, et avec des actions si prudentes et si pleines de Sagesse, que si l'admiration eût pu se trouver en Dieu, car Elle ne le peut, il est certain que Sa Majesté en aurait eu de trouver un si grand comble de sainteté et de perfections. Mais l'Enfant-Jésus en tant qu'homme recevait une jouissance et une complaisance spéciales de voir les effets de Son divin Amour et de Sa grâce si bien mis à profit dans Sa Mère-Vierge. Et les saints Anges Lui donnaient une nouvelle gloire et ils Lui faisaient de nouveaux cantiques de louange pour ce prodige de vertus admirables et inouïes.
5, 1, 721. Afin que l'Enfant-Jésus dormît et Se reposât, Son amoureuse Mère Lui avait préparé une couchette par les mains du Patriarche Joseph et une seule couverture, car dès qu'Il sortit du berceau, quand ils étaient encore en Egypte, Il ne voulut point en accepter d'autre, ni plus d'abri. Et même dans cette couchette, Il ne se couchait point toujours; mais quelquefois, étant assis sur ce lit dur, Il S'y inclinait sur un pauvre oreiller de laine que la même Souveraine Lui
avait fait. Et lorsque Son Altesse voulut Lui préparer un meilleur lit, Son Très Saint Fils Lui répondit que le lit où Il devait s'étendre serait seulement le lit nuptial de la Croix, pour enseigner au monde par l'exemple qu'on ne doit pas passer au repos éternel par ces repos qui sont aimés dans la Babylone de ce monde, et qu'en la vie mortelle souffrir est un soulagement. Dès lors la divine Dame L'imita dans cette manière de se coucher avec une nouvelle sollicitude et une nouvelle attention. Quand il était déjà tard et qu'il était temps de se retirer, la céleste Maîtresse de l'humilité avait coutume de se prosterner devant son Très Saint Fils qui était dans ce petit lit de repos; et là Elle Lui demandait chaque soir de lui pardonner de ne s'être pas employée à Le servir pendant ce jour avec plus de soin ni à être aussi reconnaissante à Ses bienfaits comme Elle le devait. Elle Lui rendait grâces de nouveau pour tout, et Elle Le confessait avec beaucoup de larmes pour le vrai Dieu et le Rédempteur du monde; et Elle ne se levait point du sol jusqu'à ce que son Fils unique le lui eût commandé et l'eût bénie. Elle répétait ce même exercice le matin, afin que son divin Maître et son Précepteur lui ordonnât ce qu'Elle devait opérer tout le jour à Son service, et c'est ce que son Altesse accomplissait avec beaucoup d'amour.
5, 1, 722. Mais en cette occasion de sa sévérité, Il changea aussi Son style et Son air. Et lorsque la Très Candide Mère arrivait pour L'adorer et Le révérer dans son exercice accoutumé, quoiqu'Elle accrût ses larmes et ses gémissements de l'intime de son Coeur, Il ne lui répondait pas une parole, outre qu'Il l'écoutait avec sévérité et qu'Il lui commandait de s'en aller. Et il n'y a pas d'expression qui arrive à manifester les effets qui s'opéraient dans le Coeur Très Pur de l'amoureuse Mère et la Très Douce Colombe de voir son fils, vrai Dieu et vrai homme si changé dans Son air, si grave dans Son Visage et si parcimonieux dans Ses paroles, et dans tout Son extérieur, si différent de ce qu'Il avait coutume de Se montrer envers Elle. La divine Reine examinait son intérieur, reconnaissait l'ordre de ses oeuvres, leurs conditions et leurs circonstances, et faisait plusieurs fois la revue, par l'attention et la mémoire, de cette officine céleste de son âme et de ses puissances; et quoiqu'Elle ne pût y trouver de ténèbres en aucune part parce que tout était Lumière, Sainteté, Pureté et Grâce; néanmoins comme Elle savait que devant les yeux de Dieu, ni les Cieux, ni les Étoiles ne sont pas purs comme dit Job (Job 15: 15) et qu'Il trouvent à reprendre dans les esprits (Job 4: 18) angéliques eux-mêmes, la grande Reine craignait que par hasard Elle ignorât quelque défaut qui fût manifeste au Seigneur. Et avec ce doute Elle souffrait des
défaillances d'amour; car comme l'amour est fort comme la mort (Cant. 8: 6) il cause des douleurs d'une peine inextinguible dans cette très noble émulation remplie de toute Sagesse. Cet exercice dura plusieurs jours ànotre Reine, dans lesquels son Très Saint Fils l'éprouva avec une joie incomparable et Il l'éleva à l'état de Maîtresse Universelle des créatures rémunérant la loyauté et la délicatesse de son amour par une grâce abondante et copieuse outre l'éminente grâce qu'Elle avait déjà. Ensuite il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 1, 723. Ma fille, je te vois désireuse d'être disciple de mon Très Saint Fils, parce que tu as entendu et écrit comment je le fus. Et je veux pour ta consolation que tu considères et que tu connaisses que Sa Majesté n'exerça par l'office de Maître qu'une seule fois, ni seulement dans le temps qu'Il enseigna (Matt. 28: 20) Sa Doctrine en forme humaine, comme elle est contenue dans les Évangiles et dans Son Église; mais qu'Il fait toujours le même office en faveur des âmes et Il le fera jusqu'à la fin du monde, les avertissant, leur dictant et leur inspirant le meilleur et le plus saint, afin qu'elles le mettent en oeuvre. Et Il fait cela envers toutes les âmes absolument, quoique selon Sa Divine Volonté ou la disposition et l'attention de chacune, elles reçoivent une plus ou moins grande instruction. Si tu as toujours profité de cette vérité, tu as une longue expérience de ce que le très haut Seigneur ne dédaigne point d'être Maître du pauvre (Matt. 11: 5), ni d'enseigner le méprisé et le pécheur s'ils veulent prêter attention à Sa Doctrine intérieure. Et parce que tu désires savoir maintenant la disposition que Sa Majesté veut que tu aies de ton côté pour faire envers toi l'office de Maître dans le degré que ton coeur désire, je veux te le dire de la part du même Seigneur et t'assurer que s'Il te trouve une matière disposée, Il mettra dans ton âme, comme Auteur et Maître véritable et sage, Sa Sagesse, Sa Lumière et Son Instruction avec une grande plénitude.
5, 1, 724. En premier lieu, tu dois avoir la conscience pure, nette, sereine et tranquille, et une sollicitude incessante afin de ne point tomber en aucune faute ni
aucune imperfection, pour aucun événement du monde. En outre tu dois t'éloigner et te dégager en même temps de tout ce qui est terrestre de manière qu'il ne demeure en toi, comme je t'en ai déjà avertie, ni espèce ni souvenir d'aucune chose humaine ou visible, mais seulement le coeur sincère, serein et clair. Et lorsque ton intérieur sera ainsi dégagé et libre des ténèbres et des espèces terrestres qui les causent; alors tu seras attentive au Seigneur (Ps. 44: 11), inclinant ton oreille comme une fille chérie qui oublie son peuple de cette vaine Babylone et la maison de son père Adam et tous les restes du péché: et je t'assure qu'Il te dira des paroles de Vie Éternelle (Jean 6: 69). Ensuite il te convient de L'écouter avec révérence et avec une humble reconnaissance, de faire une digne appréciation de Sa Doctrine et de l'exécuter avec toute promptitude et diligence; parce que rien ne peut être caché (Héb. 4: 13) à ce grand Seigneur et Maître des âmes, et Il se détourne et Se retire avec dégoût lorsque la créature est ingrate et négligente à obéir et à reconnaître un si haut Bienfait. Les âmes ne doivent point penser que ces éloignements du Seigneur leur arrive toujours comme celui qu'Il eut envers moi; parce qu'en moi il fut sans péché de ma part et avec amour excessif; mais dans la créature où il y a tant de péchés, de grossièreté, d'ingratitude et de négligence, c'est ordinairement une peine et un châtiment mérité.
5, 1, 725. Examine donc maintenant, ma fille et considère tes omissions et tes fautes en ne faisant point la digne estime que tu dois de la Doctrine et de la Lumière que tu as reçues avec une instruction particulière du divin Maître et de mes avertissements. Modère tes craintes excessives désormais et ne doute plus que c'est le Seigneur qui te parle et t'enseigne; puisque la Doctrine même rend témoignage de sa vérité et t'assure de son Auteur; parce qu'elle est sainte, parfaite, pure et sans tache. Elle t'enseigne le meilleur et elle te reprend de tout défaut, quelque petit qu'il soit; et outre cela tes directeurs et tes pères spirituels l'approuvent. Je veux aussi que tu aies toujours soin de m'imiter en ce que tu as écrit et de venir inviolablement chaque matin et chaque soir me dire avec humilité tes péchés, puisque je suis ta Maîtresse, les reconnaissant avec une douleur et une contrition parfaite afin que j'intercède pour toi auprès du Seigneur, et, comme Mère, que j'obtienne de Lui qu'Il te pardonne. Aussitôt que tu apercevras quelque faute ou quelque imperfection, reconnais-la et pleure-la sans retard et demandes-en pardon au Seigneur avec le désir de t'amender. Si tu es attentive et fidèle en ce que je te commande, tu seras la disciple du Très-Haut et la mienne comme tu le désires; parce que la grâce et la pureté de l'âme est la disposition la plus éminente
et la plus adéquate pour recevoir les influences de la Lumière divine et de la Science infuse que le Rédempteur du monde communique à ceux qui sont Ses véritables disciples.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 1, [a]. Livre 7, Nos. 106, 183, 209.
5, 1, [b. Nous lisons dans l'Évangile d'autres exemples des manières quelque peu sévères que le Seigneur montra envers Sa Très Aimante Mère, non par manque d'amour ou de respect, mais pour Ses fins très sublimes, entre lesquelles les saints Pères notent celle de manifester comment Il était supérieur en tant que Dieu à Sa Mère Elle-même. Ainsi quand Il dit: «Ne savez-vous pas qu'il faut que Je sois aux choses qui regardent mon Père?» [Luc 2: 49]. Et quand de nouveau Il répondit à Sa Mère: «Femme, qu'y a-t-il entre vous et Moi? mon heure n'est pas encore venue;» comme feignant de la repousser. Mais Il Se servait de ces traitements un peu sévères, comme de disposition pour exalter encore plus Sa Mère, lui accordant de plus grandes faveurs. Aussi après ces paroles dites dans le Temple, voici qu'Il S'assujettit totalement à Elle pendant vingt ans environ: «et Il leur était soumis»; et après les paroles dites aux noces, il opère en faveur de sa Mère, le premier de Ses miracles d'une manière publique. Ainsi ces humiliations apparentes et d'autres faites à Sa Mère étaient ordonnées à lui procurer une exaltation et des faveurs nouvelles d'autant plus signalées. Du reste la sévérité apparente que l'Enfant montra envers Sa Mère dans la circonstance rapportée ici par la Vénérable d'Agreda ne dura qu'environ trente jours; et le Seigneur S'en servit pour lui départir les faveurs les plus admirables et la rendre non seulement théoriquement, mais aussi pratiquement, Maîtresse consommée de toute vertu et de toute perfection. Ce que le Seigneur devait opérer envers les disciples les plus chers devait précéder expérimentalement dans la Maîtresse, les privant de temps en temps de Sa Présence sensible, de Ses caresses et de Ses douceurs spirituelles,
pour les perfectionner de plus en plus, comme Il le fit envers tous les principaux saints, saint François d'Assise, saint François de Sales, sainte Thérèse d'Avila et tant d'autres, etc. Ainsi Canisius écrit, [de Mar. disp., lib. IV, c. 22]: «Il a plu àJésus-Christ d'exercer la patience singulière de Sa Mère avant de l'exalter et de la préférer aux autres, tentant de l'éprouver, l'éprouvant comme avec mésestime.»
Du reste pour qui aurait encore difficulté d'admettre de telles épreuves de Jésus à l'égard de Sa Mère, comme ne pouvant être conciliés avec Son amour pour Elle et avec la sainteté de cette divine Vierge, il suffirait d'observer que l'absence des trois jours, quand Il voulut rester dans le Temple à son insu et lui causer tant d'appréhensions, fut une épreuve encore plus dure: c'est pourquoi, si le Sauveur voulut éprouver Sa Mère en cela afin de la perfectionner davantage, Il put l'éprouver en d'autres circonstances, et par des manières différentes pour des fins également sublimes.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 2
Les opérations de l'âme de Notre Rédempteur Jésus-Christ sont de nouveau manifestées à la Très Sainte Marie, ainsi que tout ce qui lui avait été caché; Il commence à l'informer de la Loi de grâce.
5, 2, 726. L'intelligence humaine a fait de grands et longs raisonnements sur la nature et la qualité de l'amour, de ses causes et des ses effets. Et il faudrait beaucoup ajouter à tout ce qui est dit en matière d'amour pour expliquer l'amour saint et divin de la Très Sainte Marie, Notre-Dame; parce qu'après celui de l'âme très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ, il n'y a eut point d'aussi noble ni d'aussi excellent en toutes les créatures humaines et angéliques que celui que la divine Souveraine a eu et a encore, puisqu'Elle a mérité d'être appelée Mère du Bel Amour (Eccli 24: 24). La matière ou objet du saint Amour est unique et la même en tous, qui est Dieu pour Lui-même et les autres choses créées pour Lui; mais le sujet où cet amour est reçu, les causes par où il s'engendre et les effets qu'il produit sont très inégaux et ils furent en notre grande Reine dans le suprême degré d'une pure Créature. En elle furent sans mesure et sans borne la pureté du Coeur, la Foi, l'Espérance, la crainte sainte et filiale, la Science et la Sagesse, les Bienfaits, leur souvenir et leur estime et toutes les autres causes que peut avoir le saint et divin
Amour. Cette flamme ne s'engendre ni ne s'allume point de la manière de l'amour insensé et aveugle qui entre par la stupidité des sens et ensuite on ne lui trouve ni raison ni voie. Mais le saint et pur Amour entre par la connaissance très noble, par la force de Sa Bonté infinie et de Sa Suavité inexplicable; car comme Dieu est Sagesse et Bonté, Il ne veut pas seulement être aimé avec douceur, mais aussi avec sagesse et avec connaissance de ce que l'on aime.
5, 2, 727. Ces amours ont quelque ressemblance de plus dans les effets que dans les causes; parce que s'ils viennent à soumettre le coeur et à s'en rendre maîtres, ils en sortent difficilement. Et d'ici vient la douleur que le coeur humain ressent quand il rencontre le refus, la froideur ou moins de correspondance en ce qu'il aime; parce que c'est la même chose que de l'obliger à rejeter de soi l'amour; et comme il s'empare tant du coeur et qu'il ne trouve point la sortie facile, quoique la raison le lui propose parfois, cette dure violence qu'il souffre vient à causer des douleur mortelles. Tout cela est folie et aveuglement dans l'amour mondain et aveugle. Mais dans l'Amour divin, c'est une souveraine Sagesse: parce que là où il ne peut se trouver de raisons de cesser d'aimer, la plus grande prudence est d'en chercher pour aimer plus intimement et pour obliger le Bien-Aimé. Et comme la volonté emploie toute sa liberté dans cette occupation, elle aime d'autant plus librement le Souverain Bien qu'elle vient à être moins portée à aimer autre chose: et dans cette glorieuse émulation, la volonté qui est la maîtresse et la reine de l'âme, vient à demeurer l'heureuse esclave de son propre amour et elle ne veut point, ni elle ne peut presque point se refuser à cette libre servitude. Et avec cette libre violence, si elle trouve du refus ou de la froideur dans le Souverain Bien qu'elle aime, elle souffre des douleurs et des défaillances mortelles, comme celle à qui manque l'Objet de la Vie: parce qu'elle ne vit que pour aimer et savoir qu'elle est aimée.
5, 2, 728. D'ici on comprendra quelque chose de tout ce que le Coeur très pur et très ardent de notre Reine souffrit par l'absence du Seigneur, l'Objet de son amour lui étant caché, les craintes qu'Elle avait de Lui avoir déplu la laissant souffrir tant de jours. Parce qu'étant un compendium presque immense d'humilité et d'Amour divin, et ne sachant point la cause de cette sévérité et de ces éloignements de son Bien-Aimé, Elle vint à souffrir un martyre, martyre le plus doux et le plus rigoureux qu'ait jamais inventé ni le génie humain ni l'angélique.
Seule la Très Sainte Marie qui fut la Mère du Saint Amour et qui arriva au suprême Amour qui peut se trouver dans une pure Créature, sut et put souffrir ce martyre dans lequel Elle surpassa toutes les peines des martyrs et les pénitences des confesseurs. Et dans son Altesse s'accomplit ce que l'Époux des Cantiques dit: «Si un homme donne tout le bien de sa maison pour l'amour, il le méprisera comme si ce n'était rien.» Parce qu'en cette circonstance, Elle oublia tout le visible et le créé et aussi sa propre vie: et Elle compta tout cela pour rien, jusqu'à ce qu'Elle eût trouvé la grâce et l'amour de son Très Saint Fils et son Dieu qu'Elle craignait d'avoir perdu, quoiqu'Elle Le possédât toujours. On ne peut expliquer par des paroles son souci, sa sollicitude, sa vigilance et les diligences qu'Elle fit pour se rendre favorable son Très Doux Fils et le Père Éternel.
5, 2, 729. Il y avait déjà trente jours que ce combat lui durait; et c'étaient plusieurs siècles pour Celle qui paraissait ne pouvoir vivre un seul instant sans la satisfaction de son Amour et de son Bien-Aimé. Et selon notre manière de concevoir, le Coeur de notre Enfant-Jésus ne pouvait plus Se contenir, ni la force de l'Amour qu'Il avait pour Sa Très Douce Mère ne pouvait pas non plus résister davantage; parce que le Seigneur Lui-même souffrait une admirable et douce violence de l'avoir tant affligée et de l'avoir tant laissée en suspens. Il arriva qu'un jour l'humble et Auguste Reine entra en la Présence de l'Enfant-Dieu et se jetant à Ses pieds avec des larmes et des soupirs de l'intime de son âme, Elle Lui parla et Lui dit: «Mon Bien-Aimé et mon Très Doux Amour, qu'est-ce que vaut la petitesse de cette poussière et de cette cendre comparée à Votre pouvoir immense. Qu'est-ce que peut faire pour Votre Bonté infinie toute la misère de la créature. Vous surpassez notre bassesse en tout et nos imperfections et nos défauts sont anéantis par la Mer immense de Votre Miséricorde. Si je n'ai point réussi à Vous servir comme je confesse que je le dois, châtiez mes négligences et pardonnez-les; mais, ô mon Fils et mon Seigneur, que je voie l'allégresse de Votre Face qui est mon Salut, et cette Lumière désirée qui me donnait l'être et la Vie. Voici la pauvresse humiliée jusqu'à la poussière, et je ne me relèverai point de Vos pieds jusqu'à ce que je voie clairement le Miroir où mon âme se mirait.»
5, 2, 730. Notre Reine humiliée devant son Très Saint Fils dit ces raisons et d'autres pleines de sagesse et d'un amour très ardent. Et comme Sa Majesté désirait plus de la restituer à Ses délices que l'Auguste Reine Elle-même, Il lui
répondit avec beaucoup de complaisances ces paroles: «Ma Mère, levez-vous.» Et comme ces mots étaient prononcées par Celui-là même qui était la Parole du Père Éternel, ils eurent tant d'efficace, que la divine Mère demeura instantanément toute transformée et élevée en une extase très sublime, en laquelle Elle vit la Divinité abstractivement. Dans cette vision le Seigneur la reçut avec de très doux embrassements et de très douces paroles de Père et d'Époux, par lesquelles Elle passa des larmes à la jubilation, de la peine à la joie et de l'amertume à une très suave douceur. Sa Majesté lui manifesta de grands mystères de Ses fins sublimes dans la nouvelle Loi de l'Évangile. Et pour l'écrire tout entière dans son Coeur très candide la Bienheureuse Trinité la signala et la distingua pour être l'Aînée et la Première Disciple du Verbe fait chair, afin de former en Elle comme le patron et l'exemplaire sur lequel devaient se copier tous les saints: Apôtres, Martyrs, Docteurs, Confesseurs, Vierges, et tous les autres justes de la nouvelle Église et de la Loi de grâce que le Verbe devait fonder dans la rédemption des hommes.
5, 2, 731. Tout ce que la divine Dame dit d'Elle-même, comme la Sainte Église le lui applique dans le chapitre 24 de l'Ecclésiastique sous le type de la Sagesse divine correspond à ce mystère. Et je ne m'arrêterai point à la déclaration de ce chapitre; parce que le mystère que j'écris étant su, on comprendra comment tout ce que l'Esprit-Saint dit là en son nom convient à notre grande Reine. Il suffit de rapporter quelque chose de la lettre, afin que tous entendent une partie d'un sacrement si admirable. «Je suis sortie,» dit cette Auguste Souveraine, «de la bouche du Très-Haut (Eccli 24: 5-16), Première-Née avant toutes les créatures; j'ai fait naître dans le Ciel la Lumière indéfectible, et comme une nuée j'ai couvert toute la terre; j'ai habité dans les hauteurs, et mon trône est dans la colonne de la nuée. Moi seule j'ai fait le tour des Cieux, et j'ai pénétré le profond de l'abîme, et j'ai marché sur les ondes de la mer et j'ai demeuré dans toute la terre; et j'ai eu la primauté dans tous les peuples et toutes le nations, et par ma vertu j'ai subjugué les coeurs de tous les grands et de tous les humbles et dans toutes ces choses j'ai cherché le repos; et dans l'héritage du Seigneur j'ai fixé ma demeure. Alors le Créateur de l'Univers me commanda et me dit: et Celui qui me créa reposa dans mon tabernacle, et Il me dit: "Habite en Jacob et hérite en Israël et étends tes racines dans Mes élus." Dès "ab initio" et avant les siècles j'ai été créée, et jusqu'au siècle futur je demeurerai et dans l'habitation sainte j'ai exercé mon ministère devant Lui. Et ainsi j'ai été affermie dans Sion, et en même temps je me suis reposée dans la cité sanctifiée et j'ai eu puissance en Jérusalem. Et j'ai pris
racine dans le peuple honoré et son héritage est dans la part de mon Dieu et mon séjour est dans la plénitude des saints.»
5, 2, 732. L'Ecclésiastique continue ensuite d'autres excellences de la Très Sainte Marie et il revient à dire: «J'ai étendu mes rameaux comme le thérébinthe et mes rameaux sont d'honneur et de grâce. J'ai donné un fruit de suave odeur, comme la vigne: et mes fleurs sont des fruits d'honneur et d'honnêteté. Je suis la Mère du Bel Amour et de la crainte et de la connaissance et de la sainte Espérance. En moi est la grâce de toute voie et de toute vérité: En moi toute l'espérance de la Vie et de la Vertu. Venez à moi, vous tous, ceux que me désirez, et vous serez remplis de mes générations: parce que mon esprit est plus doux que le miel et mon héritage au-dessus du rayon de miel: ma mémoire demeurera dans toutes les générations des siècles. Ceux qui me goûteront auront encore faim; et ceux qui me boiront auront encore soif. Celui qui m'écoutera ne sera point confondu: ceux qui agissent par moi ne pécheront pas. Et ceux qui m'illustreront obtiendront la Vie Éternelle.» Jusqu'ici c'est assez de la lettre du chapitre de l'Ecclésiastique, dans lequel le coeur humain et pieux sentira aussitôt tant de concepts des mystères et des sacrements de la Très Sainte Marie que leur vertu cachée portera son coeur à cette Souveraine, cette Mère de la grâce et lui donnera à comprendre dans ces paroles sa grandeur inexplicable et son excellence en laquelle la Doctrine et le magistère de son Fils la constituèrent par décret de la Bienheureuse Trinité. L'éminente Princesse fut l'Arche véritable (Apoc. 11: 19) du Nouveau Testament; et du surplus de sa sagesse et de sa grâce, comme d'une mer immense rédonda tout ce qu'ont reçu et tout ce que recevront les autres Saints jusqu'à la fin du monde.
5, 2, 733. La divine Mère revint de son extase et Elle adora de nouveau son Très Saint Fils, et Elle Lui demanda de lui pardonner si Elle avait commis quelque négligence à Son service. Sa Majesté lui répondit en la relevant d'où Elle était prosternée et lui dit: «Ma Mère, j'ai beaucoup de complaisance de vos affections et de votre Coeur, et Je veux que vous le dilatiez et que vous le prépariez de nouveau pour recevoir Mes témoignages. J'accomplirai la Volonté de Mon Père et J'écrirai dans votre Coeur la Doctrine évangélique que Je viens enseigner au monde. Et vous, Ma Mère; vous la mettrez en exécution comme Je le désire et le veux.» La Très Pure Reine Lui répondit: «Mon Fils et mon Seigneur, que je trouve grâces à Vos yeux; et gouvernez mes puissances par les droits sentiers (Ps. 26: 11) de Votre
bon plaisir. Et, parlez, mon Maître, car Votre servante écoute (1 Rois 3: 10) et Elle Vous suivra jusqu'à la mort.» Dans cette conférence que l'Enfant-Dieu et Sa Très Sainte Mère eurent ensemble, tout l'intérieur de l'âme très sainte du Christ et Ses opérations furent de nouveau découvertes et manifestées à la grande Souveraine, et ce bienfait s'accrut depuis cette occasion, tant du côté du sujet qui était la divine Disciple que de celui de l'Objet; parce qu'Elle reçut une Lumière plus claire et plus haute, et Elle vit dans son Très Saint Fils toute la Loi évangélique avec tous ses mystères, ses secrets et sa Doctrine, selon que le divin Architecte l'avait idéalisée dans Son Entendement et déterminée dans Sa Volonté de Réparateur et de Maître des hommes. Outre ce magistère qui était pour la Très Sainte Marie seule Il en ajoutait un autre; parce qu'Il lui enseignait en paroles et Il lui déclarait le caché (Ps. 50: de Sa Sagesse et ce à quoi ni les hommes ni les Anges ne purent atteindre. De cette Sagesse que la Très Pure Marie apprit sans fiction (Sag. 7: 13), Elle communiqua sans envie toute la Lumière qu'Elle répandit avant et surtout après l'Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ.
5, 2, 734. Je connais bien qu'il appartient à cette Histoire de manifester ici les mystères très cachés qui se passèrent entre Notre Seigneur Jésus-Christ et Sa Mère dans ces années de Son enfance et de Sa jeunesse jusqu'à Sa prédication; parce que toutes ces choses se passèrent a l'égard de la divine Mère et dans son enseignement: mais je confesse de nouveau ce que j'ai déjà dit au numéros 711, 712, 713, de mon incapacité et de celle de toutes les créatures pour un si haut sujet. Et il serait nécessaire aussi pour cette déclaration d'écrire tous les mystères et les secrets de la divine Écriture, toute la Doctrine Chrétienne, les vertus, toutes les Traditions de la Sainte Église, la réfutation des erreurs et des fausses sectes, les déterminations de tous les saints Conciles et tout ce qui sustente l'Église et la conservera jusqu'à la fin du monde, et ensuite d'autres grands mystères de la vie et de la gloire des Saints; la Lumière que les Docteurs ont eue, ce que les Martyrs et les Vierges ont souffert, et la grâce qu'ils ont reçu pour le faire et le souffrir. La Très Sainte Marie connut individuellement tout cela et beaucoup plus que je ne peux expliquer, avec une pénétration, une compréhension et une évidence très grandes: et Elle en rendit grâces et Elle opéra en tout ce qui était possible à une pure Créature, à l'égard du Père Éternel comme Auteur de tout et à l'égard de son Fils unique comme Chef de l'Église. Je parlerai de tout cela plus loin, en autant qu'il me sera possible.
5, 2, 735. Et quoiqu'Elle fut occupée à de telles Oeuvres avec la plénitude qu'elles demandaient, tenant son attention fixée à son Fils et son Maître, Elle ne manqua jamais aux choses qui regardaient Son service corporel, le soin de Sa vie et de celle de saint Joseph; parce qu'Elle subvenait à tout sans manquement ni défaut, Elle leur donnait leurs repas et Elle les servait, et à son Très Saint Fils, Elle les présentait toujours à genoux avec une révérence incomparable. Elle prenait soin aussi de ce que l'Enfant-Jésus assistât à la consolation de son père putatif comme s'il eût été son père naturel. Et l'Enfant-Dieu obéissait à Sa Mère en tout cela et Il Se tenait en différents intervalles de temps auprès de saint Joseph dans son travail corporel, en quoi le Saint était assidu, pour sustenter à la sueur de son visage le Fils du Père Éternel, et Sa Mère. Et après que l'Enfant-Jésus eut grandi, Il aidait quelquefois saint Joseph en ce qui paraissait possible à Son âge; et d'autres fois Il faisait quelques miracles sans avoir égard aux forces naturelles, afin de soulager le Saint et de lui faciliter davantage le travail; parce qu'en ces matières ces merveilles étaient entre eux trois seulement.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
5, 2, 736. Ma fille, je t'appelle de nouveau dès ce jour pour être ma disciple et ma compagne dans la pratique de la Doctrine céleste que mon Très Saint Fils a enseignée à Son Église par le moyen des saints Évangiles et des divines Écritures. Je veux de toi que tu prépares ton coeur avec une diligence et une attention nouvelle, afin que tu reçoives la semence sainte et vivante (Luc 8: de la parole du Seigneur comme une terre choisie et que son fruit soit cent pour un. Que ton coeur soit attentif à mes paroles; et joint à cela que ta lecture continuelle soit les Évangiles, et médite et pèse dans ton secret la Doctrine et les mystères que tu y comprendras. Écoute la voix de ton Maître et ton Époux. Il vous convie et vous appelle (Jean 6: 69) tous à entendre Ses paroles de Vie Eternelle. Mais l'erreur dangereuse de la vie mortelle est si grande qu'il y a très peu d'âmes qui veuillent écouter et comprendre (Matt. 7: 14) le chemin de la lumière. Plusieurs suivent le délectable que le prince des ténèbres leur présente; et marchent avec ces ténèbres ne sachant pas où ils dirigent leur fin. Le Très-Haut t'appelle, toi, par la voie et les sentiers de la Lumière véritable ; suis-la par mon imitation et tu obtiendras ton désir. Refuse-toi à tout ce qui est terrestre et visible; ne le connais ni ne le regarde
point, ne l'aime point et n'y fais point attention: évite d'être connue; que les créatures n'aient en toi aucune part, garde ton secret et ton trésor de la fascination humaine et diabolique. Tu obtiendras tout cela si tu mets à exécution la Doctrine de l'Évangile que nous t'enseignons avec la perfection que tu dois, comme disciple de mon Très Saint Fils et la mienne. Et afin de t'obliger à une fin si haute, aie présent à la mémoire le bienfait que la disposition Divine t'a accordé en t'appelant pour être novice et ensuite professe de l'imitation de ma Vie, de ma Doctrine et de mes vertus en suivant mes traces; et de cet état passe au noviciat plus élevé et à la profession plus parfaite de la religion Catholique, t'ajustant à la Doctrine de l'Évangile et à l'imitation du Rédempteur du monde, courant après l'odeur de Ses vertus et par les droits sentiers de Sa vérité. Le premier état de ma disciple doit être une disposition pour l'être de mon Très Saint Fils et ces deux, pour obtenir le dernier état de l'union avec l'Être Immuable de Dieu. Et tous les trois sont des bienfaits d'une valeur incomparable qui te mettent dans l'obligation d'être plus parfaite que les sublimes Séraphins. Et la divine Droite te les a accordés pour te disposer, te préparer et te rendre compétente et capable de recevoir l'instruction, l'intelligence et la Lumière de Vie, de mes oeuvres, de mes vertus, de mes mystères et de mes sacrements, afin que tu les écrives. Et le Très-Haut Seigneur a daigné t'accorder cette Miséricorde libérale sans que tu l'aies méritée à cause de mon intercession et de mes prières. Et je les ai rendues efficaces en rémunération de ce que tu as soumis ton jugement craintif et pusillanime à la Volonté du Très-Haut et à l'obéissance de tes supérieurs qui t'ont manifesté et intimé à tant de reprises différentes l'ordre d'écrire ma Vie. La récompense la plus utile et la plus avantageuse pour ton âme est celle qui t'a été donnée dans ces trois états ou voies mystiques, très sublimes, mystérieuses, cachées à la prudence (Matt. 11: 25) charnelle et agréables à l'acceptation Divine. Elles contiennent des Doctrines très abondantes comme il t'a été enseigné et comme tu l'as expérimenté pour arriver à leur fin. Écris-les à part et fais-en un traité, car c'est la Volonté de mon Très Saint Fils. Que son titre soit celui que tu as promis dans l'introduction de cette Histoire et qui dit: «Les loi de l'épouse, le plus haut degré de son chaste amour et le fruit cueilli de l'Arbre de Vie de cette Histoire [a].
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 2, [a]. Livre 1, Intro, 9; voir aussi Livre 8, No. 808 concernant l'Arbre de Vie.
Les opérations de l'âme de Notre Rédempteur Jésus-Christ sont de nouveau manifestées à la Très Sainte Marie, ainsi que tout ce qui lui avait été caché; Il commence à l'informer de la Loi de grâce.
5, 2, 726. L'intelligence humaine a fait de grands et longs raisonnements sur la nature et la qualité de l'amour, de ses causes et des ses effets. Et il faudrait beaucoup ajouter à tout ce qui est dit en matière d'amour pour expliquer l'amour saint et divin de la Très Sainte Marie, Notre-Dame; parce qu'après celui de l'âme très sainte de Notre Seigneur Jésus-Christ, il n'y a eut point d'aussi noble ni d'aussi excellent en toutes les créatures humaines et angéliques que celui que la divine Souveraine a eu et a encore, puisqu'Elle a mérité d'être appelée Mère du Bel Amour (Eccli 24: 24). La matière ou objet du saint Amour est unique et la même en tous, qui est Dieu pour Lui-même et les autres choses créées pour Lui; mais le sujet où cet amour est reçu, les causes par où il s'engendre et les effets qu'il produit sont très inégaux et ils furent en notre grande Reine dans le suprême degré d'une pure Créature. En elle furent sans mesure et sans borne la pureté du Coeur, la Foi, l'Espérance, la crainte sainte et filiale, la Science et la Sagesse, les Bienfaits, leur souvenir et leur estime et toutes les autres causes que peut avoir le saint et divin
Amour. Cette flamme ne s'engendre ni ne s'allume point de la manière de l'amour insensé et aveugle qui entre par la stupidité des sens et ensuite on ne lui trouve ni raison ni voie. Mais le saint et pur Amour entre par la connaissance très noble, par la force de Sa Bonté infinie et de Sa Suavité inexplicable; car comme Dieu est Sagesse et Bonté, Il ne veut pas seulement être aimé avec douceur, mais aussi avec sagesse et avec connaissance de ce que l'on aime.
5, 2, 727. Ces amours ont quelque ressemblance de plus dans les effets que dans les causes; parce que s'ils viennent à soumettre le coeur et à s'en rendre maîtres, ils en sortent difficilement. Et d'ici vient la douleur que le coeur humain ressent quand il rencontre le refus, la froideur ou moins de correspondance en ce qu'il aime; parce que c'est la même chose que de l'obliger à rejeter de soi l'amour; et comme il s'empare tant du coeur et qu'il ne trouve point la sortie facile, quoique la raison le lui propose parfois, cette dure violence qu'il souffre vient à causer des douleur mortelles. Tout cela est folie et aveuglement dans l'amour mondain et aveugle. Mais dans l'Amour divin, c'est une souveraine Sagesse: parce que là où il ne peut se trouver de raisons de cesser d'aimer, la plus grande prudence est d'en chercher pour aimer plus intimement et pour obliger le Bien-Aimé. Et comme la volonté emploie toute sa liberté dans cette occupation, elle aime d'autant plus librement le Souverain Bien qu'elle vient à être moins portée à aimer autre chose: et dans cette glorieuse émulation, la volonté qui est la maîtresse et la reine de l'âme, vient à demeurer l'heureuse esclave de son propre amour et elle ne veut point, ni elle ne peut presque point se refuser à cette libre servitude. Et avec cette libre violence, si elle trouve du refus ou de la froideur dans le Souverain Bien qu'elle aime, elle souffre des douleurs et des défaillances mortelles, comme celle à qui manque l'Objet de la Vie: parce qu'elle ne vit que pour aimer et savoir qu'elle est aimée.
5, 2, 728. D'ici on comprendra quelque chose de tout ce que le Coeur très pur et très ardent de notre Reine souffrit par l'absence du Seigneur, l'Objet de son amour lui étant caché, les craintes qu'Elle avait de Lui avoir déplu la laissant souffrir tant de jours. Parce qu'étant un compendium presque immense d'humilité et d'Amour divin, et ne sachant point la cause de cette sévérité et de ces éloignements de son Bien-Aimé, Elle vint à souffrir un martyre, martyre le plus doux et le plus rigoureux qu'ait jamais inventé ni le génie humain ni l'angélique.
Seule la Très Sainte Marie qui fut la Mère du Saint Amour et qui arriva au suprême Amour qui peut se trouver dans une pure Créature, sut et put souffrir ce martyre dans lequel Elle surpassa toutes les peines des martyrs et les pénitences des confesseurs. Et dans son Altesse s'accomplit ce que l'Époux des Cantiques dit: «Si un homme donne tout le bien de sa maison pour l'amour, il le méprisera comme si ce n'était rien.» Parce qu'en cette circonstance, Elle oublia tout le visible et le créé et aussi sa propre vie: et Elle compta tout cela pour rien, jusqu'à ce qu'Elle eût trouvé la grâce et l'amour de son Très Saint Fils et son Dieu qu'Elle craignait d'avoir perdu, quoiqu'Elle Le possédât toujours. On ne peut expliquer par des paroles son souci, sa sollicitude, sa vigilance et les diligences qu'Elle fit pour se rendre favorable son Très Doux Fils et le Père Éternel.
5, 2, 729. Il y avait déjà trente jours que ce combat lui durait; et c'étaient plusieurs siècles pour Celle qui paraissait ne pouvoir vivre un seul instant sans la satisfaction de son Amour et de son Bien-Aimé. Et selon notre manière de concevoir, le Coeur de notre Enfant-Jésus ne pouvait plus Se contenir, ni la force de l'Amour qu'Il avait pour Sa Très Douce Mère ne pouvait pas non plus résister davantage; parce que le Seigneur Lui-même souffrait une admirable et douce violence de l'avoir tant affligée et de l'avoir tant laissée en suspens. Il arriva qu'un jour l'humble et Auguste Reine entra en la Présence de l'Enfant-Dieu et se jetant à Ses pieds avec des larmes et des soupirs de l'intime de son âme, Elle Lui parla et Lui dit: «Mon Bien-Aimé et mon Très Doux Amour, qu'est-ce que vaut la petitesse de cette poussière et de cette cendre comparée à Votre pouvoir immense. Qu'est-ce que peut faire pour Votre Bonté infinie toute la misère de la créature. Vous surpassez notre bassesse en tout et nos imperfections et nos défauts sont anéantis par la Mer immense de Votre Miséricorde. Si je n'ai point réussi à Vous servir comme je confesse que je le dois, châtiez mes négligences et pardonnez-les; mais, ô mon Fils et mon Seigneur, que je voie l'allégresse de Votre Face qui est mon Salut, et cette Lumière désirée qui me donnait l'être et la Vie. Voici la pauvresse humiliée jusqu'à la poussière, et je ne me relèverai point de Vos pieds jusqu'à ce que je voie clairement le Miroir où mon âme se mirait.»
5, 2, 730. Notre Reine humiliée devant son Très Saint Fils dit ces raisons et d'autres pleines de sagesse et d'un amour très ardent. Et comme Sa Majesté désirait plus de la restituer à Ses délices que l'Auguste Reine Elle-même, Il lui
répondit avec beaucoup de complaisances ces paroles: «Ma Mère, levez-vous.» Et comme ces mots étaient prononcées par Celui-là même qui était la Parole du Père Éternel, ils eurent tant d'efficace, que la divine Mère demeura instantanément toute transformée et élevée en une extase très sublime, en laquelle Elle vit la Divinité abstractivement. Dans cette vision le Seigneur la reçut avec de très doux embrassements et de très douces paroles de Père et d'Époux, par lesquelles Elle passa des larmes à la jubilation, de la peine à la joie et de l'amertume à une très suave douceur. Sa Majesté lui manifesta de grands mystères de Ses fins sublimes dans la nouvelle Loi de l'Évangile. Et pour l'écrire tout entière dans son Coeur très candide la Bienheureuse Trinité la signala et la distingua pour être l'Aînée et la Première Disciple du Verbe fait chair, afin de former en Elle comme le patron et l'exemplaire sur lequel devaient se copier tous les saints: Apôtres, Martyrs, Docteurs, Confesseurs, Vierges, et tous les autres justes de la nouvelle Église et de la Loi de grâce que le Verbe devait fonder dans la rédemption des hommes.
5, 2, 731. Tout ce que la divine Dame dit d'Elle-même, comme la Sainte Église le lui applique dans le chapitre 24 de l'Ecclésiastique sous le type de la Sagesse divine correspond à ce mystère. Et je ne m'arrêterai point à la déclaration de ce chapitre; parce que le mystère que j'écris étant su, on comprendra comment tout ce que l'Esprit-Saint dit là en son nom convient à notre grande Reine. Il suffit de rapporter quelque chose de la lettre, afin que tous entendent une partie d'un sacrement si admirable. «Je suis sortie,» dit cette Auguste Souveraine, «de la bouche du Très-Haut (Eccli 24: 5-16), Première-Née avant toutes les créatures; j'ai fait naître dans le Ciel la Lumière indéfectible, et comme une nuée j'ai couvert toute la terre; j'ai habité dans les hauteurs, et mon trône est dans la colonne de la nuée. Moi seule j'ai fait le tour des Cieux, et j'ai pénétré le profond de l'abîme, et j'ai marché sur les ondes de la mer et j'ai demeuré dans toute la terre; et j'ai eu la primauté dans tous les peuples et toutes le nations, et par ma vertu j'ai subjugué les coeurs de tous les grands et de tous les humbles et dans toutes ces choses j'ai cherché le repos; et dans l'héritage du Seigneur j'ai fixé ma demeure. Alors le Créateur de l'Univers me commanda et me dit: et Celui qui me créa reposa dans mon tabernacle, et Il me dit: "Habite en Jacob et hérite en Israël et étends tes racines dans Mes élus." Dès "ab initio" et avant les siècles j'ai été créée, et jusqu'au siècle futur je demeurerai et dans l'habitation sainte j'ai exercé mon ministère devant Lui. Et ainsi j'ai été affermie dans Sion, et en même temps je me suis reposée dans la cité sanctifiée et j'ai eu puissance en Jérusalem. Et j'ai pris
racine dans le peuple honoré et son héritage est dans la part de mon Dieu et mon séjour est dans la plénitude des saints.»
5, 2, 732. L'Ecclésiastique continue ensuite d'autres excellences de la Très Sainte Marie et il revient à dire: «J'ai étendu mes rameaux comme le thérébinthe et mes rameaux sont d'honneur et de grâce. J'ai donné un fruit de suave odeur, comme la vigne: et mes fleurs sont des fruits d'honneur et d'honnêteté. Je suis la Mère du Bel Amour et de la crainte et de la connaissance et de la sainte Espérance. En moi est la grâce de toute voie et de toute vérité: En moi toute l'espérance de la Vie et de la Vertu. Venez à moi, vous tous, ceux que me désirez, et vous serez remplis de mes générations: parce que mon esprit est plus doux que le miel et mon héritage au-dessus du rayon de miel: ma mémoire demeurera dans toutes les générations des siècles. Ceux qui me goûteront auront encore faim; et ceux qui me boiront auront encore soif. Celui qui m'écoutera ne sera point confondu: ceux qui agissent par moi ne pécheront pas. Et ceux qui m'illustreront obtiendront la Vie Éternelle.» Jusqu'ici c'est assez de la lettre du chapitre de l'Ecclésiastique, dans lequel le coeur humain et pieux sentira aussitôt tant de concepts des mystères et des sacrements de la Très Sainte Marie que leur vertu cachée portera son coeur à cette Souveraine, cette Mère de la grâce et lui donnera à comprendre dans ces paroles sa grandeur inexplicable et son excellence en laquelle la Doctrine et le magistère de son Fils la constituèrent par décret de la Bienheureuse Trinité. L'éminente Princesse fut l'Arche véritable (Apoc. 11: 19) du Nouveau Testament; et du surplus de sa sagesse et de sa grâce, comme d'une mer immense rédonda tout ce qu'ont reçu et tout ce que recevront les autres Saints jusqu'à la fin du monde.
5, 2, 733. La divine Mère revint de son extase et Elle adora de nouveau son Très Saint Fils, et Elle Lui demanda de lui pardonner si Elle avait commis quelque négligence à Son service. Sa Majesté lui répondit en la relevant d'où Elle était prosternée et lui dit: «Ma Mère, j'ai beaucoup de complaisance de vos affections et de votre Coeur, et Je veux que vous le dilatiez et que vous le prépariez de nouveau pour recevoir Mes témoignages. J'accomplirai la Volonté de Mon Père et J'écrirai dans votre Coeur la Doctrine évangélique que Je viens enseigner au monde. Et vous, Ma Mère; vous la mettrez en exécution comme Je le désire et le veux.» La Très Pure Reine Lui répondit: «Mon Fils et mon Seigneur, que je trouve grâces à Vos yeux; et gouvernez mes puissances par les droits sentiers (Ps. 26: 11) de Votre
bon plaisir. Et, parlez, mon Maître, car Votre servante écoute (1 Rois 3: 10) et Elle Vous suivra jusqu'à la mort.» Dans cette conférence que l'Enfant-Dieu et Sa Très Sainte Mère eurent ensemble, tout l'intérieur de l'âme très sainte du Christ et Ses opérations furent de nouveau découvertes et manifestées à la grande Souveraine, et ce bienfait s'accrut depuis cette occasion, tant du côté du sujet qui était la divine Disciple que de celui de l'Objet; parce qu'Elle reçut une Lumière plus claire et plus haute, et Elle vit dans son Très Saint Fils toute la Loi évangélique avec tous ses mystères, ses secrets et sa Doctrine, selon que le divin Architecte l'avait idéalisée dans Son Entendement et déterminée dans Sa Volonté de Réparateur et de Maître des hommes. Outre ce magistère qui était pour la Très Sainte Marie seule Il en ajoutait un autre; parce qu'Il lui enseignait en paroles et Il lui déclarait le caché (Ps. 50: de Sa Sagesse et ce à quoi ni les hommes ni les Anges ne purent atteindre. De cette Sagesse que la Très Pure Marie apprit sans fiction (Sag. 7: 13), Elle communiqua sans envie toute la Lumière qu'Elle répandit avant et surtout après l'Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ.
5, 2, 734. Je connais bien qu'il appartient à cette Histoire de manifester ici les mystères très cachés qui se passèrent entre Notre Seigneur Jésus-Christ et Sa Mère dans ces années de Son enfance et de Sa jeunesse jusqu'à Sa prédication; parce que toutes ces choses se passèrent a l'égard de la divine Mère et dans son enseignement: mais je confesse de nouveau ce que j'ai déjà dit au numéros 711, 712, 713, de mon incapacité et de celle de toutes les créatures pour un si haut sujet. Et il serait nécessaire aussi pour cette déclaration d'écrire tous les mystères et les secrets de la divine Écriture, toute la Doctrine Chrétienne, les vertus, toutes les Traditions de la Sainte Église, la réfutation des erreurs et des fausses sectes, les déterminations de tous les saints Conciles et tout ce qui sustente l'Église et la conservera jusqu'à la fin du monde, et ensuite d'autres grands mystères de la vie et de la gloire des Saints; la Lumière que les Docteurs ont eue, ce que les Martyrs et les Vierges ont souffert, et la grâce qu'ils ont reçu pour le faire et le souffrir. La Très Sainte Marie connut individuellement tout cela et beaucoup plus que je ne peux expliquer, avec une pénétration, une compréhension et une évidence très grandes: et Elle en rendit grâces et Elle opéra en tout ce qui était possible à une pure Créature, à l'égard du Père Éternel comme Auteur de tout et à l'égard de son Fils unique comme Chef de l'Église. Je parlerai de tout cela plus loin, en autant qu'il me sera possible.
5, 2, 735. Et quoiqu'Elle fut occupée à de telles Oeuvres avec la plénitude qu'elles demandaient, tenant son attention fixée à son Fils et son Maître, Elle ne manqua jamais aux choses qui regardaient Son service corporel, le soin de Sa vie et de celle de saint Joseph; parce qu'Elle subvenait à tout sans manquement ni défaut, Elle leur donnait leurs repas et Elle les servait, et à son Très Saint Fils, Elle les présentait toujours à genoux avec une révérence incomparable. Elle prenait soin aussi de ce que l'Enfant-Jésus assistât à la consolation de son père putatif comme s'il eût été son père naturel. Et l'Enfant-Dieu obéissait à Sa Mère en tout cela et Il Se tenait en différents intervalles de temps auprès de saint Joseph dans son travail corporel, en quoi le Saint était assidu, pour sustenter à la sueur de son visage le Fils du Père Éternel, et Sa Mère. Et après que l'Enfant-Jésus eut grandi, Il aidait quelquefois saint Joseph en ce qui paraissait possible à Son âge; et d'autres fois Il faisait quelques miracles sans avoir égard aux forces naturelles, afin de soulager le Saint et de lui faciliter davantage le travail; parce qu'en ces matières ces merveilles étaient entre eux trois seulement.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
5, 2, 736. Ma fille, je t'appelle de nouveau dès ce jour pour être ma disciple et ma compagne dans la pratique de la Doctrine céleste que mon Très Saint Fils a enseignée à Son Église par le moyen des saints Évangiles et des divines Écritures. Je veux de toi que tu prépares ton coeur avec une diligence et une attention nouvelle, afin que tu reçoives la semence sainte et vivante (Luc 8: de la parole du Seigneur comme une terre choisie et que son fruit soit cent pour un. Que ton coeur soit attentif à mes paroles; et joint à cela que ta lecture continuelle soit les Évangiles, et médite et pèse dans ton secret la Doctrine et les mystères que tu y comprendras. Écoute la voix de ton Maître et ton Époux. Il vous convie et vous appelle (Jean 6: 69) tous à entendre Ses paroles de Vie Eternelle. Mais l'erreur dangereuse de la vie mortelle est si grande qu'il y a très peu d'âmes qui veuillent écouter et comprendre (Matt. 7: 14) le chemin de la lumière. Plusieurs suivent le délectable que le prince des ténèbres leur présente; et marchent avec ces ténèbres ne sachant pas où ils dirigent leur fin. Le Très-Haut t'appelle, toi, par la voie et les sentiers de la Lumière véritable ; suis-la par mon imitation et tu obtiendras ton désir. Refuse-toi à tout ce qui est terrestre et visible; ne le connais ni ne le regarde
point, ne l'aime point et n'y fais point attention: évite d'être connue; que les créatures n'aient en toi aucune part, garde ton secret et ton trésor de la fascination humaine et diabolique. Tu obtiendras tout cela si tu mets à exécution la Doctrine de l'Évangile que nous t'enseignons avec la perfection que tu dois, comme disciple de mon Très Saint Fils et la mienne. Et afin de t'obliger à une fin si haute, aie présent à la mémoire le bienfait que la disposition Divine t'a accordé en t'appelant pour être novice et ensuite professe de l'imitation de ma Vie, de ma Doctrine et de mes vertus en suivant mes traces; et de cet état passe au noviciat plus élevé et à la profession plus parfaite de la religion Catholique, t'ajustant à la Doctrine de l'Évangile et à l'imitation du Rédempteur du monde, courant après l'odeur de Ses vertus et par les droits sentiers de Sa vérité. Le premier état de ma disciple doit être une disposition pour l'être de mon Très Saint Fils et ces deux, pour obtenir le dernier état de l'union avec l'Être Immuable de Dieu. Et tous les trois sont des bienfaits d'une valeur incomparable qui te mettent dans l'obligation d'être plus parfaite que les sublimes Séraphins. Et la divine Droite te les a accordés pour te disposer, te préparer et te rendre compétente et capable de recevoir l'instruction, l'intelligence et la Lumière de Vie, de mes oeuvres, de mes vertus, de mes mystères et de mes sacrements, afin que tu les écrives. Et le Très-Haut Seigneur a daigné t'accorder cette Miséricorde libérale sans que tu l'aies méritée à cause de mon intercession et de mes prières. Et je les ai rendues efficaces en rémunération de ce que tu as soumis ton jugement craintif et pusillanime à la Volonté du Très-Haut et à l'obéissance de tes supérieurs qui t'ont manifesté et intimé à tant de reprises différentes l'ordre d'écrire ma Vie. La récompense la plus utile et la plus avantageuse pour ton âme est celle qui t'a été donnée dans ces trois états ou voies mystiques, très sublimes, mystérieuses, cachées à la prudence (Matt. 11: 25) charnelle et agréables à l'acceptation Divine. Elles contiennent des Doctrines très abondantes comme il t'a été enseigné et comme tu l'as expérimenté pour arriver à leur fin. Écris-les à part et fais-en un traité, car c'est la Volonté de mon Très Saint Fils. Que son titre soit celui que tu as promis dans l'introduction de cette Histoire et qui dit: «Les loi de l'épouse, le plus haut degré de son chaste amour et le fruit cueilli de l'Arbre de Vie de cette Histoire [a].
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 2, [a]. Livre 1, Intro, 9; voir aussi Livre 8, No. 808 concernant l'Arbre de Vie.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 3
La Très Sainte Marie et Saint Joseph montent à Jérusalem tous les ans conformément à la Loi et ils amènent avec eux l'Enfant-Jésus.
5, 3, 737. Quelques jours après que notre Reine et notre Dame fut de retour à Nazareth avec son Très Saint Fils et son époux Joseph, le temps arriva où le précepte de la Loi de Moïse obligeait les Israélites de se présenter à Jérusalem devant le Seigneur. Ce commandement obligeait trois fois l'année (Ex. 23: 14) comme on le voit dans l'Exode et le Deutéronome (Deut. 16: 1). Cependant, il n'obligeait point les femmes, mais les hommes (Ex. 23: 17); et pour cette raison elles pouvaient y aller par dévotion, ou n'y pas aller; parce qu'elles n'avaient pas de commandement ni non plus de prohibition. La divine Dame et son époux conférèrent de ce qu'ils devaient faire dans ces occasions. Le Saint était incliné à amener avec lui la grande Reine son Épouse et le divin Enfant, pour L'offrir de nouveau au Père Éternel, comme il le faisait toujours dans le Temple. Et la piété et le culte du Seigneur attiraient aussi la Très Pure Mère: mais comme Elle ne se décidait pas facilement en de semblables choses sans le conseil et la Doctrine de son Maître, le Verbe fait chair, Elle Le consulta sur cette détermination. Et celle qu'Ils prirent fut que saint Joseph irait deux fois l'année seul à Jérusalem, et que la troisième fois Ils monteraient tous Trois ensemble. Ces solennités auxquelles les Israélites allaient au Temple étaient: l'une celle des Tabernacles (Deut. 16: 13), l'autre celle des Semaines qui était pour la Pentecôte (Deut. 16: 9-10), et enfin celle des Azymes (Deut. 16: qui était la Pâque de parasceve. Et à celle-ci ils montaient tous ensemble, le Très Doux Jésus, la Très Pure Marie et saint Joseph.
Elle durait sept jours et il y arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant. Et aux deux autres fêtes, saint Joseph montait seul, sans l'Enfant ni la Mère.
5, 3, 738. Les deux fois dans l'année que le saint époux Joseph montait seul à Jérusalem, il faisait ce voyage pour lui et sa divine Épouse et au Nom du Verbe Incarné, avec la Doctrine et la faveur duquel le Saint allait rempli de grâces, de dévotion et de Dons célestes, offrir au Père Éternel l'offrande qui était réservée comme en dépôt pour son temps. Et dans l'intérim, comme substitut du Fils et de la Mère qui restaient, priant pour lui, il faisait dans le Temple de mystérieuses oraisons, offrant le sacrifice de ses lèvres. Et comme il y offrait et présentait Jésus et la Très Sainte Marie, son oblation était acceptable pour le Père Éternel au-dessus de tout ce que le reste du peuple Israélite offrait. Mais lorsque le Verbe fait homme et la Vierge-Mère montaient pour la fête de la Pâque en compagnie de saint Joseph, ce voyage était plus admirable pour lui et les courtisans du Ciel: parce que toujours cette procession solennelle que j'ai dite d'autres fois en de semblables occasion se formait composée des trois Voyageurs, Jésus, Marie et Joseph et les dix mille Anges qui les accompagnaient en forme humaine visible: et tous allaient avec la beauté resplendissante et la profonde révérence qu'ils avaient d'habitude, servant leur Créateur et leur Reine, comme je l'ai dit en d'autres voyages. Celui-ci était de presque trente lieues, distance de Nazareth à Jérusalem. Et le même ordre était gardé dans l'aller et le retour dans cet accompagnement et ce service des saints Anges, selon la nécessité et la disposition du Verbe fait chair.
5, 3, 739. Ils étaient plus longtemps dans ces voyages qu'en d'autres, car après qu'ils furent de retour de l'Égypte à Nazareth, l'Enfant-Jésus voulut les faire à pied: et ainsi Ils marchaient tous Trois, le Fils et les très saint Parents. Et il fallait aller lentement; parce que l'Enfant-Jésus, commença aussitôt à Se fatiguer pour le service du Père Éternel et pour notre bienfait; et Il ne voulait pas user de Sa Puissance immense pour éviter la fatigue du chemin; au contraire Il procédait comme homme passible donnant lieu ou permission aux causes naturelles d'avoir leurs effets propres, comme la fatigue était l'effet de la marche. Et quoique la première année qu'ils firent ce trajet la divine Mère et son époux eurent soin de soulager quelque peu l'Enfant-Dieu en Le prenant quelquefois dans leurs bras; néanmoins ce repos était très court, et ensuite Il alla toujours à pied. La Très Douce Mère ne Lui évitait pas cette peine; parce qu'Elle connaissait Sa Volonté de
souffrir; mais Elle Le menait d'ordinaire par la main et d'autres fois c'était le saint Patriarche Joseph. Et comme l'Enfant Se fatiguait et souffrait de la chaleur, la Très Prudente et Très Amoureuse Mère s'attendrissait et pleurait souvent par la compassion naturelle. Elle L'interrogeait sur le malaise qu'Il éprouvait et s'Il Se trouvait fatigué, et Elle essuyait Son divin Visage plus beau que les cieux et leurs luminaires. La Reine faisait tout cela à genoux avec une révérence incomparable. Et le divin Enfant lui répondait avec amabilité, et Il lui manifestait la complaisance avec laquelle Il acceptait ces travaux pour la gloire de Son Père Éternel et le bien des hommes. Ils s'occupaient à ces conférences et ces entretiens entremêlés de chants et de louanges divines une grande partie du chemin, comme je l'ai dit en d'autres voyages [a].
5, 3, 740. D'autres fois comme l'Auguste Reine et Souveraine regardait d'un côté les actions intérieures de son Très Saint Fils et d'un autre la perfection de Sa sainte Humanité déifiée, Sa beauté et Ses opérations dans lesquelles Sa grâce Divine allait en se manifestant; la manière dont Il allait en croissant dans l'Être et les opérations d'Homme parfait: et la Très Prudente Dame conférait (Luc 2: 19) de tout cela dans son Coeur, Elle faisait des actes héroïques de toutes les vertus et Elle s'enflammait et s'embrasait dans l'Amour Divin. Elle regardait aussi l'Enfant-Dieu comme Fils du Père Éternel et vrai Dieu, et sans manquer à l'amour de Mère naturelle et véritable, Elle était attentive à la révérence qu'Elle Lui devait comme à son Dieu et son Créateur: et tout cela se trouvait conjointement dans son Coeur très candide et très pur. L'Enfant allait souvent les cheveux flottant au vent, lesquels ne croissaient pas plus que le nécessaire et aucun ne Lui tomba jusqu'à ce que les bourreaux les Lui arrachèrent: et à cette vue de l'Enfant-Jésus, la Très Douce Mère sentait d'autres effets et des affections pleines de suavité et de sagesse. Et tout ce qu'Elle faisait intérieurement et extérieurement était un sujet d'admiration pour les Anges et très agréable à son Très Saint Fils et son Créateur.
5, 3, 741. En tous ces voyages que le Fils et la Mère firent au Temple, ils opéraient des Oeuvres héroïques pour le bien des âmes; car Ils en convertissaient plusieurs à la connaissance de Dieu, Ils les tiraient du péché et Ils les justifiaient, les ramenant au chemin de la Vie Éternelle; quoiqu'ils opérassent tout cela d'une manière cachée, parce qu'il n'était pas encore temps pour le Maître de la sainteté, de Se manifester. Mais comme la divine Mère connaissait que ces Oeuvres étaient
celles que le Père Éternel avait recommandées (Jean 12: 49) à Son Fils et qu'elles devaient alors s'exécuter en secret, Elle y concourait comme instrument de la Volonté du Rédempteur du monde; mais couvert et dissimulé. Et afin de se gouverner en tout avec plénitude de Sagesse, la Très Prudente Reine consultait et interrogeait toujours l'Enfant-Dieu sur tout ce qu'ils devaient faire dans ces pérégrinations, en quel lieu et en quelles hôtelleries ils devaient aller; parce que la Princesse du Ciel connaissait que dans ces résolutions son Très Saint Fils disposait les moyens opportuns pour les Oeuvres admirables que Sa Sagesse avait prévues et déterminées.
5, 3, 742. Ils passaient parfois les nuits dans les hôtelleries et d'autres fois dans les champs, car ils y demeurèrent quelque fois; mais en quelque lieu que ce fût, l'Enfant-Dieu et Sa Très Pure Mère ne se séparaient point L'un de L'autre. La grande Dame assistait toujours auprès de son Fils et son Maître et Elle était attentive à Ses actions pour les imiter et les suivre en tout. Elle faisait la même chose dans le Temple où Elle connaissait et regardait les oraisons et les demandes que le Verbe Incarné faisait à Son Père Éternel, et comment, Il S'humiliait selon l'Humanité en laquelle Il était inférieur et comment Il reconnaissait les Dons qu'Il recevait de la Divinité avec une révérence profonde. Et parfois la Bienheureuse Mère entendait la voix du Père qui disait: «Celui-ci est Mon Fils bien-aimé en qui J'ai mes délices et mes complaisances (Matt. 17: 5).» D'autres fois l'Auguste Souveraine regardait et connaissait que son Très Saint Fils priait le Père Éternel pour Elle et la présentait comme Sa vraie Mère; et cette connaissance lui causait une jubilation incomparable. Elle connaissait aussi comment Il priait pour le genre humain et qu'Il offrait Ses Oeuvres et Ses travaux au Père Éternel pour toutes ces fins. Elle L'imitait, Le suivait et L'accompagnait dans ces prières.
5, 3, 743. Il arrivait aussi d'autres fois que les saint Anges faisaient des cantiques et une musique très suave au Verbe fait homme quand Ils entraient dans le Temple, comme aussi dans les chemins; et l'heureuse Mère les écoutait et les voyait, et Elle comprenait tous ces mystères, étant remplie d'une Lumière et d'une Sagesse nouvelles; et son Coeur très pur s'embrasait et s'enflammait dans l'Amour Divin. Et le Très-Haut lui communiquait de nouveaux Dons et de nouvelles faveurs, et il n'est pas possible de les comprendre dans mes courtes raisons. Mais par ces Dons le Seigneur la prévenait et la préparait pour les afflictions qu'Elle
devait souffrir; parce que souvent, après de tels Bienfaits, les affronts, les ignominies et les douleurs que son Très Saint Fils devait souffrir dans cette cité de Jérusalem lui étaient représentés comme dans une mappemonde. Et afin qu'elle pût considérer aussitôt tout cela en Lui avec plus de douleur, Sa Majesté avait coutume de Se mettre en même temps à prier devant sa Très Douce Mère et en sa présence; et comme Celle-ci Le regardait avec la Lumière de la Sagesse divine et L'aimait conjointement comme son Dieu et son Fils véritable, Elle était transpercée du glaive pénétrant (Luc 2: 35) que Siméon lui avait prédit; et Elle répandait beaucoup de larmes en prévoyant les injures que son Très Doux Fils devait recevoir (Is. 53: 3), les peines et la mort ignominieuse (Sag. 2: 20) qu'ils devaient Lui donner; et que cette beauté au-dessus de tous les enfants des hommes (Ps. 44: 3) serait enlaidie plus que celle d'un lépreux (Is. 53: 4) et que ses yeux verraient tout cela. Pour apaiser quelque peu sa douleur, l'Enfant-Dieu avait coutume de Se tourner vers Elle et de lui dire de dilater son Coeur par la Charité qu'Elle avait pour le genre humain, et d'offrir ces peines qu'Ils souffriraient tous deux au Père Éternel pour le remède des hommes. Le Très Saint Fils et la Très Sainte Mère faisaient cette offrande ensemble, la Bienheureuse Trinité y prenant Ses complaisances; et Ils les appliquaient plus spécialement pour les fidèles et en particulier pour les prédestinés qui devaient profiter des mérites et de la Rédemption du Verbe Incarné. Dans ces occupations Jésus et Marie passaient très doucement les jours en particulier où ils montaient pour visiter le Temple de Jérusalem.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 3, 744. Ma fille, si tu considères le poids de tes obligations avec une pondération profonde et attentive, le travail que tu auras pour accomplir les commandements et la sainte Loi du Seigneur dont je t'ai chargée plusieurs fois te paraîtra très facile et très doux (Matt. 11: 30). Ce doit être le premier pas de ton pèlerinage, comme le principe et le fondement de toute la perfection chrétienne. Mais je t'ai enseigné plusieurs fois que l'accomplissement des préceptes du Seigneur doit être non avec froideur et tiédeur, mais avec toute ferveur et dévotion, parce que cette dévotion t'obligera et te portera à ne point te contenter seulement d'une vertu commune, mais à t'avancer à plusieurs oeuvres volontaires, ajoutant par amour ce que Dieu n'impose point par obligation: car c'est une
industrie de Sa sagesse, afin de Se donner pour obligé à l'égard de Ses amis et de Ses serviteurs, comme Il veut l'être de toi. Considère, ma très chère, que le chemin de la vie mortelle à l'éternelle est long, pénible et dangereux, long par la distance (3 Rois 19: 7); pénible par la difficulté (Matt. 7: 14), dangereux par la fragilité humaine et l'astuce des ennemis. Et surtout le temps (1 Cor. 7: 29) est court, la fin incertaine (Eccles. 9: 2) et cette fin est, bienheureuse et fortunée (Matt. 25: 34 et 41) ou malheureuse et infortunée: et l'une et l'autre sont irrévocables (Eccles. 11: 3). Et depuis le péché d'Adam, la vie animale et terrestre des mortels est puissante (Job 7: 20) contre ceux qui la suivent; les chaînes des passions sont fortes, la guerre est (Job 7: 1) continuelle; le délectable est présent aux sens et les fascine (Sag. 4: 12) facilement; l'honnête est plus caché dans ses effets et sa connaissance: et tout cela ensemble rend ce pèlerinage douteux dans son résultat et plein de péril et de difficultés.
5, 3, 745. Parmi tous ces dangers, celui de la chair n'est pas le moindre à cause de la faiblesse humaine; et pour cela et aussi parce qu'il est plus continuel et plus domestique il en renverse plusieurs de la grâce. Le moyen le plus court et le plus sûr pour le vaincre doit être pour toi comme pour tous les autres de disposer ta vie dans l'amertume et la douleur sans y accepter aucun repos ni aucun délice des sens, et de faire un pacte inviolable avec eux de ne point se dérégler ni s'incliner (Job 31: 1) plus que la force et la règle de la raison ne le permettent. A ce soin tu dois en ajouter un autre, qui est de tendre toujours par de fervents désirs au bon plaisir du Seigneur et à la fin dernière où tu désires arriver. Pour tout cela il te convient d'être toujours attentive à l'imitation de ce que je faisais, imitation à laquelle je te convie et t'appelle, avec le désir que tu arrives à la plénitude de la vertu et de la sainteté. Fais attention à la ponctualité et à la ferveur avec lesquelles j'opérais tant de choses; non parce que le Seigneur me les commandait, mais parce que je connaissais qu'elles étaient de Son plus grand agrément. Multiplie tes actes fervents, tes dévotions, tes exercices spirituels, et en tout cela les prières et les offrandes au Père Éternel pour le remède des hommes. Aide-les aussi par les exemples et les exhortations que tu pourras donner. Console les affligés, ranime les faibles, aide ceux qui sont tombés, et offre ton sang et ta vie pour tous s'il est nécessaire. Surtout, remercie mon Très Saint Fils de ce qu'Il souffre si bénignement la honteuse ingratitude des hommes sans manquer à leur bienfait et à leur conservation. Considère l'Amour invincible qu'Il a eu et qu'Il a, et comment je L'ai accompagné, et je L'accompagne encore maintenant dans cette Charité. Et
je veux que tu suives ton Époux et moi qui suis ta Maîtresse et une vertu si excellente.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 3, [a]. Livre 4, No. 627 et 637.
La Très Sainte Marie et Saint Joseph montent à Jérusalem tous les ans conformément à la Loi et ils amènent avec eux l'Enfant-Jésus.
5, 3, 737. Quelques jours après que notre Reine et notre Dame fut de retour à Nazareth avec son Très Saint Fils et son époux Joseph, le temps arriva où le précepte de la Loi de Moïse obligeait les Israélites de se présenter à Jérusalem devant le Seigneur. Ce commandement obligeait trois fois l'année (Ex. 23: 14) comme on le voit dans l'Exode et le Deutéronome (Deut. 16: 1). Cependant, il n'obligeait point les femmes, mais les hommes (Ex. 23: 17); et pour cette raison elles pouvaient y aller par dévotion, ou n'y pas aller; parce qu'elles n'avaient pas de commandement ni non plus de prohibition. La divine Dame et son époux conférèrent de ce qu'ils devaient faire dans ces occasions. Le Saint était incliné à amener avec lui la grande Reine son Épouse et le divin Enfant, pour L'offrir de nouveau au Père Éternel, comme il le faisait toujours dans le Temple. Et la piété et le culte du Seigneur attiraient aussi la Très Pure Mère: mais comme Elle ne se décidait pas facilement en de semblables choses sans le conseil et la Doctrine de son Maître, le Verbe fait chair, Elle Le consulta sur cette détermination. Et celle qu'Ils prirent fut que saint Joseph irait deux fois l'année seul à Jérusalem, et que la troisième fois Ils monteraient tous Trois ensemble. Ces solennités auxquelles les Israélites allaient au Temple étaient: l'une celle des Tabernacles (Deut. 16: 13), l'autre celle des Semaines qui était pour la Pentecôte (Deut. 16: 9-10), et enfin celle des Azymes (Deut. 16: qui était la Pâque de parasceve. Et à celle-ci ils montaient tous ensemble, le Très Doux Jésus, la Très Pure Marie et saint Joseph.
Elle durait sept jours et il y arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant. Et aux deux autres fêtes, saint Joseph montait seul, sans l'Enfant ni la Mère.
5, 3, 738. Les deux fois dans l'année que le saint époux Joseph montait seul à Jérusalem, il faisait ce voyage pour lui et sa divine Épouse et au Nom du Verbe Incarné, avec la Doctrine et la faveur duquel le Saint allait rempli de grâces, de dévotion et de Dons célestes, offrir au Père Éternel l'offrande qui était réservée comme en dépôt pour son temps. Et dans l'intérim, comme substitut du Fils et de la Mère qui restaient, priant pour lui, il faisait dans le Temple de mystérieuses oraisons, offrant le sacrifice de ses lèvres. Et comme il y offrait et présentait Jésus et la Très Sainte Marie, son oblation était acceptable pour le Père Éternel au-dessus de tout ce que le reste du peuple Israélite offrait. Mais lorsque le Verbe fait homme et la Vierge-Mère montaient pour la fête de la Pâque en compagnie de saint Joseph, ce voyage était plus admirable pour lui et les courtisans du Ciel: parce que toujours cette procession solennelle que j'ai dite d'autres fois en de semblables occasion se formait composée des trois Voyageurs, Jésus, Marie et Joseph et les dix mille Anges qui les accompagnaient en forme humaine visible: et tous allaient avec la beauté resplendissante et la profonde révérence qu'ils avaient d'habitude, servant leur Créateur et leur Reine, comme je l'ai dit en d'autres voyages. Celui-ci était de presque trente lieues, distance de Nazareth à Jérusalem. Et le même ordre était gardé dans l'aller et le retour dans cet accompagnement et ce service des saints Anges, selon la nécessité et la disposition du Verbe fait chair.
5, 3, 739. Ils étaient plus longtemps dans ces voyages qu'en d'autres, car après qu'ils furent de retour de l'Égypte à Nazareth, l'Enfant-Jésus voulut les faire à pied: et ainsi Ils marchaient tous Trois, le Fils et les très saint Parents. Et il fallait aller lentement; parce que l'Enfant-Jésus, commença aussitôt à Se fatiguer pour le service du Père Éternel et pour notre bienfait; et Il ne voulait pas user de Sa Puissance immense pour éviter la fatigue du chemin; au contraire Il procédait comme homme passible donnant lieu ou permission aux causes naturelles d'avoir leurs effets propres, comme la fatigue était l'effet de la marche. Et quoique la première année qu'ils firent ce trajet la divine Mère et son époux eurent soin de soulager quelque peu l'Enfant-Dieu en Le prenant quelquefois dans leurs bras; néanmoins ce repos était très court, et ensuite Il alla toujours à pied. La Très Douce Mère ne Lui évitait pas cette peine; parce qu'Elle connaissait Sa Volonté de
souffrir; mais Elle Le menait d'ordinaire par la main et d'autres fois c'était le saint Patriarche Joseph. Et comme l'Enfant Se fatiguait et souffrait de la chaleur, la Très Prudente et Très Amoureuse Mère s'attendrissait et pleurait souvent par la compassion naturelle. Elle L'interrogeait sur le malaise qu'Il éprouvait et s'Il Se trouvait fatigué, et Elle essuyait Son divin Visage plus beau que les cieux et leurs luminaires. La Reine faisait tout cela à genoux avec une révérence incomparable. Et le divin Enfant lui répondait avec amabilité, et Il lui manifestait la complaisance avec laquelle Il acceptait ces travaux pour la gloire de Son Père Éternel et le bien des hommes. Ils s'occupaient à ces conférences et ces entretiens entremêlés de chants et de louanges divines une grande partie du chemin, comme je l'ai dit en d'autres voyages [a].
5, 3, 740. D'autres fois comme l'Auguste Reine et Souveraine regardait d'un côté les actions intérieures de son Très Saint Fils et d'un autre la perfection de Sa sainte Humanité déifiée, Sa beauté et Ses opérations dans lesquelles Sa grâce Divine allait en se manifestant; la manière dont Il allait en croissant dans l'Être et les opérations d'Homme parfait: et la Très Prudente Dame conférait (Luc 2: 19) de tout cela dans son Coeur, Elle faisait des actes héroïques de toutes les vertus et Elle s'enflammait et s'embrasait dans l'Amour Divin. Elle regardait aussi l'Enfant-Dieu comme Fils du Père Éternel et vrai Dieu, et sans manquer à l'amour de Mère naturelle et véritable, Elle était attentive à la révérence qu'Elle Lui devait comme à son Dieu et son Créateur: et tout cela se trouvait conjointement dans son Coeur très candide et très pur. L'Enfant allait souvent les cheveux flottant au vent, lesquels ne croissaient pas plus que le nécessaire et aucun ne Lui tomba jusqu'à ce que les bourreaux les Lui arrachèrent: et à cette vue de l'Enfant-Jésus, la Très Douce Mère sentait d'autres effets et des affections pleines de suavité et de sagesse. Et tout ce qu'Elle faisait intérieurement et extérieurement était un sujet d'admiration pour les Anges et très agréable à son Très Saint Fils et son Créateur.
5, 3, 741. En tous ces voyages que le Fils et la Mère firent au Temple, ils opéraient des Oeuvres héroïques pour le bien des âmes; car Ils en convertissaient plusieurs à la connaissance de Dieu, Ils les tiraient du péché et Ils les justifiaient, les ramenant au chemin de la Vie Éternelle; quoiqu'ils opérassent tout cela d'une manière cachée, parce qu'il n'était pas encore temps pour le Maître de la sainteté, de Se manifester. Mais comme la divine Mère connaissait que ces Oeuvres étaient
celles que le Père Éternel avait recommandées (Jean 12: 49) à Son Fils et qu'elles devaient alors s'exécuter en secret, Elle y concourait comme instrument de la Volonté du Rédempteur du monde; mais couvert et dissimulé. Et afin de se gouverner en tout avec plénitude de Sagesse, la Très Prudente Reine consultait et interrogeait toujours l'Enfant-Dieu sur tout ce qu'ils devaient faire dans ces pérégrinations, en quel lieu et en quelles hôtelleries ils devaient aller; parce que la Princesse du Ciel connaissait que dans ces résolutions son Très Saint Fils disposait les moyens opportuns pour les Oeuvres admirables que Sa Sagesse avait prévues et déterminées.
5, 3, 742. Ils passaient parfois les nuits dans les hôtelleries et d'autres fois dans les champs, car ils y demeurèrent quelque fois; mais en quelque lieu que ce fût, l'Enfant-Dieu et Sa Très Pure Mère ne se séparaient point L'un de L'autre. La grande Dame assistait toujours auprès de son Fils et son Maître et Elle était attentive à Ses actions pour les imiter et les suivre en tout. Elle faisait la même chose dans le Temple où Elle connaissait et regardait les oraisons et les demandes que le Verbe Incarné faisait à Son Père Éternel, et comment, Il S'humiliait selon l'Humanité en laquelle Il était inférieur et comment Il reconnaissait les Dons qu'Il recevait de la Divinité avec une révérence profonde. Et parfois la Bienheureuse Mère entendait la voix du Père qui disait: «Celui-ci est Mon Fils bien-aimé en qui J'ai mes délices et mes complaisances (Matt. 17: 5).» D'autres fois l'Auguste Souveraine regardait et connaissait que son Très Saint Fils priait le Père Éternel pour Elle et la présentait comme Sa vraie Mère; et cette connaissance lui causait une jubilation incomparable. Elle connaissait aussi comment Il priait pour le genre humain et qu'Il offrait Ses Oeuvres et Ses travaux au Père Éternel pour toutes ces fins. Elle L'imitait, Le suivait et L'accompagnait dans ces prières.
5, 3, 743. Il arrivait aussi d'autres fois que les saint Anges faisaient des cantiques et une musique très suave au Verbe fait homme quand Ils entraient dans le Temple, comme aussi dans les chemins; et l'heureuse Mère les écoutait et les voyait, et Elle comprenait tous ces mystères, étant remplie d'une Lumière et d'une Sagesse nouvelles; et son Coeur très pur s'embrasait et s'enflammait dans l'Amour Divin. Et le Très-Haut lui communiquait de nouveaux Dons et de nouvelles faveurs, et il n'est pas possible de les comprendre dans mes courtes raisons. Mais par ces Dons le Seigneur la prévenait et la préparait pour les afflictions qu'Elle
devait souffrir; parce que souvent, après de tels Bienfaits, les affronts, les ignominies et les douleurs que son Très Saint Fils devait souffrir dans cette cité de Jérusalem lui étaient représentés comme dans une mappemonde. Et afin qu'elle pût considérer aussitôt tout cela en Lui avec plus de douleur, Sa Majesté avait coutume de Se mettre en même temps à prier devant sa Très Douce Mère et en sa présence; et comme Celle-ci Le regardait avec la Lumière de la Sagesse divine et L'aimait conjointement comme son Dieu et son Fils véritable, Elle était transpercée du glaive pénétrant (Luc 2: 35) que Siméon lui avait prédit; et Elle répandait beaucoup de larmes en prévoyant les injures que son Très Doux Fils devait recevoir (Is. 53: 3), les peines et la mort ignominieuse (Sag. 2: 20) qu'ils devaient Lui donner; et que cette beauté au-dessus de tous les enfants des hommes (Ps. 44: 3) serait enlaidie plus que celle d'un lépreux (Is. 53: 4) et que ses yeux verraient tout cela. Pour apaiser quelque peu sa douleur, l'Enfant-Dieu avait coutume de Se tourner vers Elle et de lui dire de dilater son Coeur par la Charité qu'Elle avait pour le genre humain, et d'offrir ces peines qu'Ils souffriraient tous deux au Père Éternel pour le remède des hommes. Le Très Saint Fils et la Très Sainte Mère faisaient cette offrande ensemble, la Bienheureuse Trinité y prenant Ses complaisances; et Ils les appliquaient plus spécialement pour les fidèles et en particulier pour les prédestinés qui devaient profiter des mérites et de la Rédemption du Verbe Incarné. Dans ces occupations Jésus et Marie passaient très doucement les jours en particulier où ils montaient pour visiter le Temple de Jérusalem.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 3, 744. Ma fille, si tu considères le poids de tes obligations avec une pondération profonde et attentive, le travail que tu auras pour accomplir les commandements et la sainte Loi du Seigneur dont je t'ai chargée plusieurs fois te paraîtra très facile et très doux (Matt. 11: 30). Ce doit être le premier pas de ton pèlerinage, comme le principe et le fondement de toute la perfection chrétienne. Mais je t'ai enseigné plusieurs fois que l'accomplissement des préceptes du Seigneur doit être non avec froideur et tiédeur, mais avec toute ferveur et dévotion, parce que cette dévotion t'obligera et te portera à ne point te contenter seulement d'une vertu commune, mais à t'avancer à plusieurs oeuvres volontaires, ajoutant par amour ce que Dieu n'impose point par obligation: car c'est une
industrie de Sa sagesse, afin de Se donner pour obligé à l'égard de Ses amis et de Ses serviteurs, comme Il veut l'être de toi. Considère, ma très chère, que le chemin de la vie mortelle à l'éternelle est long, pénible et dangereux, long par la distance (3 Rois 19: 7); pénible par la difficulté (Matt. 7: 14), dangereux par la fragilité humaine et l'astuce des ennemis. Et surtout le temps (1 Cor. 7: 29) est court, la fin incertaine (Eccles. 9: 2) et cette fin est, bienheureuse et fortunée (Matt. 25: 34 et 41) ou malheureuse et infortunée: et l'une et l'autre sont irrévocables (Eccles. 11: 3). Et depuis le péché d'Adam, la vie animale et terrestre des mortels est puissante (Job 7: 20) contre ceux qui la suivent; les chaînes des passions sont fortes, la guerre est (Job 7: 1) continuelle; le délectable est présent aux sens et les fascine (Sag. 4: 12) facilement; l'honnête est plus caché dans ses effets et sa connaissance: et tout cela ensemble rend ce pèlerinage douteux dans son résultat et plein de péril et de difficultés.
5, 3, 745. Parmi tous ces dangers, celui de la chair n'est pas le moindre à cause de la faiblesse humaine; et pour cela et aussi parce qu'il est plus continuel et plus domestique il en renverse plusieurs de la grâce. Le moyen le plus court et le plus sûr pour le vaincre doit être pour toi comme pour tous les autres de disposer ta vie dans l'amertume et la douleur sans y accepter aucun repos ni aucun délice des sens, et de faire un pacte inviolable avec eux de ne point se dérégler ni s'incliner (Job 31: 1) plus que la force et la règle de la raison ne le permettent. A ce soin tu dois en ajouter un autre, qui est de tendre toujours par de fervents désirs au bon plaisir du Seigneur et à la fin dernière où tu désires arriver. Pour tout cela il te convient d'être toujours attentive à l'imitation de ce que je faisais, imitation à laquelle je te convie et t'appelle, avec le désir que tu arrives à la plénitude de la vertu et de la sainteté. Fais attention à la ponctualité et à la ferveur avec lesquelles j'opérais tant de choses; non parce que le Seigneur me les commandait, mais parce que je connaissais qu'elles étaient de Son plus grand agrément. Multiplie tes actes fervents, tes dévotions, tes exercices spirituels, et en tout cela les prières et les offrandes au Père Éternel pour le remède des hommes. Aide-les aussi par les exemples et les exhortations que tu pourras donner. Console les affligés, ranime les faibles, aide ceux qui sont tombés, et offre ton sang et ta vie pour tous s'il est nécessaire. Surtout, remercie mon Très Saint Fils de ce qu'Il souffre si bénignement la honteuse ingratitude des hommes sans manquer à leur bienfait et à leur conservation. Considère l'Amour invincible qu'Il a eu et qu'Il a, et comment je L'ai accompagné, et je L'accompagne encore maintenant dans cette Charité. Et
je veux que tu suives ton Époux et moi qui suis ta Maîtresse et une vertu si excellente.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 3, [a]. Livre 4, No. 627 et 637.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 4
A l'âge de douze ans Jésus monte avec Ses parents à Jérusalem et Il y demeure caché d'eux dans le Temple.
5, 4, 746. Les très saints, Jésus, Marie et Joseph continuaient leurs voyages qu'ils faisaient au Temple, comme je l'ai déjà dit et la station qu'ils y faisaient dans le temps de la Pâque des Azymes: et l'Enfant-Dieu arrivant à Sa douzième année, lorsqu'il convenait déjà que les splendeurs de Son inaccessible Lumière commençassent à paraître, ils montèrent ensemble à Jérusalem comme ils avaient coutume. Cette solennité des Azymes durait sept jours, conformément à la disposition de la Loi; et le premier et le dernier étaient les plus célèbres. Pour cela nos Divins et Célestes Pèlerins s'arrêtaient à Jérusalem tout ce septénaire, célébrant la fête par le culte du Seigneur et les oraisons en usage chez les autres Israélites; bien que dans le sacrement caché ils fussent si singuliers et si différents de tous les autres. L'heureuse Mère et son saint époux recevaient respectivement en ces jours de la main du Seigneur des faveurs et des bienfaits au-dessus de toute pensée humaine.
5, 4, 747. Le septième jour de la solennité étant passé, ils se mirent en chemin pour retourner à Nazareth. Et au sortir de la cité de Jérusalem l'Enfant-Dieu quitta Ses parents sans qu'ils pussent y prendre garde (Luc 2: 43) et Il resta caché pendant qu'ils poursuivaient leur chemin, ignorant l'événement. Pour exécuter cela, le Seigneur Se servit de la coutume et du concours du peuple. Comme ce concours était si grand dans ces solennités, les étrangers avaient coutume de se diviser par bandes, les femmes se séparant des hommes pour la décence et la réserve convenables. Les enfants qu'ils amenaient à ces fêtes accompagnaient leurs pères ou leurs mères [a] indistinctement; parce qu'en cela il n'y avait pas de danger d'inconvenance: ainsi saint Joseph put penser que l'Enfant-Jésus allait en compagnie de Sa Très Sainte Mère avec laquelle il était d'habitude; et il ne pouvait pas imaginer qu'Elle irait sans Lui; parce que la divine Reine L'aimait, et Le connaissait au-dessus de toute créature humaine et angélique. L'Auguste Dame n'avait pas tant de raisons pour juger que son Très Saint Fils allât avec le Patriarche saint Joseph; mais le Seigneur même la divertit par d'autres pensées divines et saintes, afin qu'elle n'y fit pas attention au commencement, et qu'ensuite lorsqu'elle se reconnut seule et sans son bien-aimé et Très Doux Fils, Elle pensât que le glorieux saint Joseph le menait avec lui et que le Seigneur des Cieux l'accompagnait pour sa consolation.
5, 4, 748. Les très saint époux, Marie et Joseph cheminèrent tout un jour (Luc 2: 44) avec cette présomption, comme dit saint Luc. Et lorsque les étrangers sortaient et s'éloignaient de la ville, chacun se réunissait ensuite à sa femme ou à sa famille. La Très Sainte Marie et son époux se retrouvèrent dans le lieu où ils devaient se réunir et passer la première nuit ensemble, après la sortie de Jérusalem. Et la grande Dame voyant que l'Enfant-Dieu ne venait pas avec saint Joseph comme Elle l'avait pensé et le saint Patriarche ne le trouvant point avec Sa Mère, ils demeurèrent tous deux presque muets d'épouvante et d'étonnement sans pouvoir même parler pendant quelque temps. Et chacun, gouvernant respectivement son jugement par sa très profonde humilité, se donnait la faute à soi-même de n'avoir pas été attentif en laissant leur Très Saint Fils se perdre de vue; parce qu'ils ignoraient le Mystère et la manière dont Sa Majesté l'avait exécuté. Les divins Époux reprirent un peu haleine et ils conférèrent de ce qu'ils devaient faire avec une douleur souveraine. Et l'amoureuse Mère dit à saint Joseph: «Mon époux et mon seigneur, mon Coeur n'aura point de repos si nous ne retournons en toute diligence chercher mon Très Saint Fils.» C'est ce qu'ils firent,
commençant leurs recherches parmi leurs parents et leurs amis; et nul ne put leur en donner de nouvelles, ni adoucir leur douleur; bien au contraire, elle fut augmentée de nouveau par leurs réponses qu'ils ne L'avaient point vu dans le chemin depuis Jérusalem.
5, 4, 749. La Mère affligée se tourna vers ses saints Anges. Et ceux qui portaient cet insigne du Très Saint Nom de Jésus dont j'ai parlé dans la Circoncision étaient demeurés avec le même Seigneur, et les autres accompagnaient Sa Très Pure Mère; et cela arrivait toujours lorsqu'ils se séparaient. A ceux-ci qui étaient au nombre de dix mille, leur Reine demanda et dit: «Mes amis et mes compagnons, vous savez bien la juste cause de ma douleur; je vous prie d'être ma consolation dans cette affliction amère, en me donnant connaissance de mon Bien-Aimé (Cant. 3: 2), afin que je Le cherche et que je Le trouve. Donnez quelque soulagement à mon Coeur affligé qui, étant absent de son Bien et de sa Vie se sort de son lieu pour Le chercher.» Les saints Anges qui savaient la Volonté du Seigneur de donner à Sa Très Sainte Mère cette occasion de si grand mérite, et qu'il n'était point temps de lui manifester le sacrement, quoiqu'ils ne perdissent point de vue leur Créateur et notre Réparateur, lui répondirent en la consolant par d'autres raisons`mais ils ne lui dirent point alors où était son Très Saint Fils, ni les occupations qu'Il avait. Par cette réponse et par de nouveaux doutes qu'ils causèrent à la Très Prudente Dame, ses inquiétudes, ses larmes et ses soupirs s'accrurent avec une douleur souveraine, pour chercher avec diligence, non la drachme perdue (Luc 15: , comme l'autre femme de l'Évangile, mais tout le Trésor du Ciel et de la terre.
5, 4, 750. La Mère de la Sagesse discourait avec Elle-même, formant dans son Coeur diverses pensées. Et la première qui se présenta fut si Archélaüs [b, imitant la cruauté de son père Hérode, avait eu connaissance de l'Enfant-Jésus et l'avait pris. Et quoiqu'Elle sût par les divines Écritures (Sag. 2: 13; Is. 53: 2; Dan. 9: 26), les révélations et la Doctrine (Jean 7: 30) de son Très Saint Fils et son Maître divin que le temps de la Passion et de la Mort de son Rédempteur et le nôtre n'était pas arrivé et qu'ils ne Lui ôteraient pas alors la vie; Elle arriva néanmoins à soupçonner et à craindre qu'ils L'eussent mis en prison et qu'ils Le maltraitassent. Elle soupçonna aussi avec une humilité très profonde si par aventure Elle ne L'avait point dégoûté par son service et son assistance; et s'Il
S'était retiré au désert avec Son futur précurseur saint Jean. D'autres fois parlant avec son Bien-Aimé absent, Elle Lui disait: «Doux Amour et gloire de mon âme, avec le désir que Vous avez de souffrir pour les hommes, vous n'éviterez aucun travail, ni aucune peine (Héb. 10: 5) par Votre immense Charité; au contraire, je pense, ô mon Maître et mon Seigneur, que Vous les cherchez intentionnellement (Is. 53: 7). Où irai-je? Où Vous trouverai-je, Lumière de mes yeux (Tob. 10: 4)? Voulez-Vous que ma vie défaille par le glaive qui le sépare de Votre présence? Mais je ne m'étonne pas, mon Bien-Aimé, que Vous châtiiez par Votre absence Celle qui ne sut point profiter du bienfait de Votre compagnie. Pourquoi, Seigneur, m'avez-Vous enrichie des douces joies de Votre enfance, si je devais manquer sitôt de Votre aimable assistance et de Votre Doctrine? Mais, hélas! si je n'ai pu mériter de Vous avoir pour Fils et de jouir de Vous pendant ce temps, je confesse que je dois Vous remercier de ce que Votre bonté a voulu m'accepter pour esclave (Luc 1: 48). Puis étant Votre indigne Mère, si je puis me prévaloir de ce titre pour Vous chercher comme mon Dieu et mon Bien, donnez-moi, Seigneur, permission de le faire et accordez-moi ce qui me manque pour être digne de Vous trouver, car avec Vous je vivrais dans le désert, dans les travaux, les peines, les tribulations en quelque part que Vous soyez. O mon Maître, mon âme désire que par les douleurs et les tourments Vous me laissiez mériter en partie, ou de mourir si je ne Vous trouve, ou de vivre à Votre service et en Votre compagnie. Lorsque Votre Être divin se cacha de mon intérieur, la présence de Votre aimable Humanité me resta, et quoique sévère et moins caressante que de coutume, je trouvais Vos pieds pour m'y prosterner; mais à présent je suis privée de ce bonheur, et le Soleil qui m'illuminait m'a été caché de toute manière et il ne me reste que les angoisses et les gémissements. Ah! Vie de mon âme, que de soupirs je peux exhaler vers Vous de l'intime de mon Coeur, mais ils ne sont pas dignes de Votre grande clémence, puisque je n'ai point connaissance où mes yeux Vous trouveront.»
5, 4, 751. La Très Candide Colombe persévéra dans les larmes et les gémissements, sans se reposer, sans se calmer, sans dormir ni manger le trois jours continus. Et quoique les dix mille Anges l'accompagnassent en forme humaine et la regardassent si affligée et si douloureuse, néanmoins ils ne lui manifestaient pas où Elle trouverait l'Enfant perdu. Le troisième jour la grande Reine se résolut d'aller Le chercher au désert où était saint Jean, parce qu'Elle était inclinée à croire que son Très Saint Fils était avec lui, puisqu'Elle ne trouvait point d'indice qu'Archélaüs L'eut fait arrêter. Et lorsqu'Elle voulut exécuter cette détermination
et diriger ses pas à cette fin, les saints Anges la retinrent et lui dirent de ne point aller au désert, parce que le Verbe divin Incarné n'y était pas. Elle détermina aussi d'aller à Bethléem, pensant peut-être qu'Il était dans la campagne où Il était né. Les saints Anges la détournèrent encore de faire cette diligence, disant que le Seigneur n'était pas si loin. Et quoique la Bienheureuse Mère écoutât ces réponses, et connût que ces sublimes esprits n'ignoraient point où était l'Enfant-Jésus, Elle fut si prudente, si humble et si retenue avec sa rare prudence qu'Elle ne leur répliqua point ni Elle ne leur demanda pas davantage où Elle Le trouverait, parce qu'Elle en inféra qu'ils le lui cachaient par la Volonté du Seigneur (2 Mach. 2: 9). C'était avec cette vénération que la Reine des Anges traitait les sacrements du Très-Haut et Ses ministres et Ses ambassadeurs. Et cet événement fut l'un de ceux qui se présentèrent et dans lesquels on pouvait découvrir davantage la grandeur de son Coeur royal et magnanime.
5, 4, 752. Tout ce que les Martyrs ont éprouvé et souffert n'arrive point à la douleur que la Très Sainte Marie eu dans cette occasion; la patience, la conformité et la souffrance de cette Dame n'eurent point d'égal ni ne peuvent en avoir; parce que la perte de son Très Saint Fils était au-dessus de toute chose créée. Sa connaissance, son amour et son estime surpassaient toute considération imaginable. Son doute était si grand, sans connaître la cause, comme je l'ai dit déjà. En outre le Seigneur la laissa pendant ces trois jours dans l'état commun qu'Elle avait coutume d'avoir lorsqu'Elle était privée des faveurs particulières et Elle se trouvait presque dans l'état ordinaire de la grâce, car, hors la vue et les entretiens des saint Anges, Il lui suspendit d'autres Dons et d'autres Bienfaits qu'Il communiquait fréquemment à son âme très sainte. De tout cela on connaîtra en partie quelle devait être la douleur de la divine et amoureuse Mère. Mais, ô prodige de sainteté, de prudence, de force et de perfection! avec une peine et une tribulation si excessives et si inouïes, elle ne se troubla point, Elle ne perdit point la paix intérieure ni l'extérieure, Elle n'eut point de pensée de colère, ni de désespoir, ni aucun mouvement ni aucune parole inégale, ni de tristesse ou de courroux désordonné, comme il arrive d'ordinaire aux autres enfants d'Adam dans les grandes afflictions; et même sans cela toutes leurs puissances et leurs passions se déconcertent! Malgré toutes ses afflictions la Maîtresse des vertus opéra avec une harmonie et une consonance céleste. Et quoique sa douleur lui eût blessé le Coeur, et que cette douleur fût sans mesure, Elle eut pourtant une mesure dans toutes ses actions et Elle n'eut point de cesse ni de manquement dans la révérence
et la louange du Seigneur, Elle ne fit point d'intervalle dans ses oraisons et ses prières pour le genre humain et pour qu'il lui fût concédé de trouver son Très Saint Fils.
5, 4, 753. Elle Le chercha pendant trois jours continus avec cette Sagesse divine et cette diligence souveraine, interrogeant différentes personnes et discourant et donnant des signes de son Bien-Aimé aux filles de Jérusalem (Cant. 5: 10-11), parcourant la cité par les rues et les places (Cant. 3: 2), accomplissant dans cette occasion ce que Salomon dit de cette Dame dans les Cantiques. Certaines femmes l'interrogeaient pour savoir quels étaient les signes (Cant. 5: 9) de son unique Enfant qui était perdu; et Elle répondait avec ceux que l'Épouse dit en son Nom: «Mon Bien-Aimé est blanc et coloré, choisi entre mille.» Une femme entre autres l'ayant entendue lui dit: «Cet Enfant avec les mêmes signes arriva hier à ma porte pour demander l'aumône et je la lui donnai; et Sa grâce et Sa beauté m'ont ravi le coeur. Et lorsque je Lui donnai l'aumône, je sentis dans mon intérieur une douce force et une compassion bien vive de voir un enfant si gracieux pauvre et abandonné.» Telles furent les premières nouvelles que la douloureuse Mère reçut de son Fils unique à Jérusalem. Et respirant un peu dans sa douleur Elle poursuivit ses recherches, et quelques autres femmes lui dirent, presque la même chose. Avec ces indices, Elle dirigea ses pas vers l'hôpital de la cité, jugeant qu'Elle trouverait avec les pauvres l'Artisan et l'Époux de la pauvreté, comme parmi ses frères et ses amis légitimes (Matt. 25: 40). Et s'informant de Lui, ils répondirent que l'Enfant qui avait ces signes les avait visités ces jours-là, leur apportant quelques aumônes et les laissant très consolés dans leurs afflictions [c].
5, 4, 754. Tous ces indices et ces signes causaient dans la divine Souveraine des affections très douces et très tendres qu'Elle envoyait de l'intime de son Coeur à son Fils secret et caché. Et il lui vint ensuite en pensé que puisqu'Il n'était point avec les pauvres Il devait êtres sans doute dans le Temple comme dans la maison de Dieu et de l'oraison. A cette pensée les saints Anges lui répondirent: «Notre Reine et notre souveraine, Votre consolation est très proche; bientôt Vous verrez la Lumière de Vos yeux, pressez le pas et arrivez au Temple.» Le glorieux Patriarche saint Joseph vint en la présence de son épouse dans cette circonstance; car pour doubler les diligences il avait pris un autre chemin pour chercher l'Enfant-
Dieu. Et il avait aussi été avisé par un autre Ange d'aller au Temple. Il avait souffert une affliction et une douleur incomparables et excessives pendant ces trois jours, courant d'un côté et de l'autre, parfois avec sa divine Épouse, d'autres fois sans Elle et avec une peine très grave. Et sa vie eût été dans un danger manifeste, si la main du Seigneur ne l'eût point confortée et si la Très Prudente Reine ne l'eût consolé et si Elle n'eût pris soin qu'il prît quelque nourriture et quelques moments de repos de sa grande fatigue; parce que son affection si vive et si véritable pour l'Enfant-Dieu le portait avec véhémence à Le chercher avec anxiété, sans se souvenir d'alimenter sa vie ni de se secourir la nature. Sur cet avis des saints Princes la Très Sainte marie et saint Joseph allèrent au Temple où il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE
5, 4, 755. Ma fille, les mortels savent par une expérience très souvent répétée que l'on ne perd point sans douleur ce que l'on aime et ce que l'on possède avec plaisir. Cette vérité si connue par les preuves doit réprouver les mondains et leur faire connaître le peu d'amour qu'ils ont envers leur Dieu et leur Créateur, puisqu'il y en a tant qui Le perdent et si peu qui se plaignent de cette perte; parce qu'ils ne méritent jamais de L'aimer ni de Le posséder par la force de la grâce. Et comme ils ne s'affligent point de perdre le Bien qu'ils n'aiment pas et qu'ils ne possédaient pas; c'est pourquoi, L'ayant perdu ils négligent de Le chercher. Mais il y a une grande différence dans ces pertes ou ces absences du Bien véritable; parce que ce n'est pas la même chose que Dieu Se cache pour l'examen de l'amour et l'augmentation des vertus, ou qu'Il s'en éloigne en punition des fautes. La première est une industrie de l'Amour divin et un moyen pour se communiquer davantage à la créature qui Le désire et Le mérite. La seconde est un juste châtiment de l'indignation Divine. Dans la première absence du Seigneur, l'âme s'humilie par la sainte crainte, l'amour filial et le doute où elle est de la cause de cette absence. Et quoique la conscience ne lui reproche rien, le coeur tendre et rempli d'amour connaît le danger, sent la perte et vient à être bienheureux, comme
dit le Sage; parce qu'il est toujours craintif (Eccles. 9: 1-2) au sujet de cette perte, et l'homme ne sait pas s'il est digne d'amour ou de haine de la part de Dieu et tout est réservé pour la fin. Et dans le temps de cette vie mortelle les mêmes choses arrivent communément au juste et au pécheur sans différence.
5, 4, 756. Ce danger, dit le Sage, est le pire et le plus grand de toutes les choses qui arrivent sous le soleil; parce que les impies et les réprouvés se remplissent de malice et de dureté de coeur avec une fausse et dangereuse sécurité voyant que les choses arrivent à eux et aux autres, sans différence et qu'on ne peut connaître avec certitude qui est l'élu ou le réprouvé, l'ami ou l'ennemi, le juste ou le pécheur; qui mérite la haine et qui, l'amour. Mais si les hommes recouraient sans passion et sans erreur à la conscience, elle répondrait à chacun la vérité qui lui convient de savoir; puis lorsqu'elle réclame (Luc 12: 57) contre les péchés commis, c'est une folie très honteuse de ne point s'attribuer à soi-même les maux et les dommages que l'on souffre et de ne point se reconnaître abandonné et sans la présence de la grâce et avec la perte du Tout et du Souverain Bien. Et si la raison était libre, le plus grand argument serait de ne pas sentir avec une intime douleur la perte ou le manque de la joie spirituelle et des effets de la grâce. Parce que le manque de ce sentiment dans une âme créée et ordonnée pour la félicité éternelle est un fort indice qu'elle ne la désire ni ne l'aime, puisqu'elle ne la cherche point avec diligence jusqu'à arriver à avoir quelque satisfaction et quelque prudente sécurité à laquelle elle peut arriver dans cette vie mortelle de n'avoir pas perdu le Souverain Bien par sa faute.
5, 4, 757. Je perdis mon Très Saint Fils quant à la présence corporelle et quoique je demeurasse avec l'espérance de Le retrouver, l'amour et le doute de la cause de Son absence ne me donnèrent point de repos jusqu'à ce que je vinsse à Le trouver. Je veux que tu imites cela, ma très chère, soit que tu Le perdes par ta faute ou par une industrie de Sa part. Et afin que ce ne soit pas par châtiment, tu dois te Le procurer avec tant de force que ni la tribulation, ni l'angoisse, ni la nécessité, ni le péril, ni la persécution, ni le glaive, ni le sublime, ni le profond ne puissent s'interposer (Rom. 8: 35) entre toi et ton Bien; puis si tu es fidèle comme tu le dois et si tu ne veux point Le perdre, nul ne sera assez puissant pour t'en priver, ni les Anges, ni les Principautés, ni les Puissances, ni aucune autre créature. Si fort est
le lien de Son amour et si fortes sont ses chaînes que nul ne peut les rompre si ce n'est la propre volonté de la créature.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5,
A l'âge de douze ans Jésus monte avec Ses parents à Jérusalem et Il y demeure caché d'eux dans le Temple.
5, 4, 746. Les très saints, Jésus, Marie et Joseph continuaient leurs voyages qu'ils faisaient au Temple, comme je l'ai déjà dit et la station qu'ils y faisaient dans le temps de la Pâque des Azymes: et l'Enfant-Dieu arrivant à Sa douzième année, lorsqu'il convenait déjà que les splendeurs de Son inaccessible Lumière commençassent à paraître, ils montèrent ensemble à Jérusalem comme ils avaient coutume. Cette solennité des Azymes durait sept jours, conformément à la disposition de la Loi; et le premier et le dernier étaient les plus célèbres. Pour cela nos Divins et Célestes Pèlerins s'arrêtaient à Jérusalem tout ce septénaire, célébrant la fête par le culte du Seigneur et les oraisons en usage chez les autres Israélites; bien que dans le sacrement caché ils fussent si singuliers et si différents de tous les autres. L'heureuse Mère et son saint époux recevaient respectivement en ces jours de la main du Seigneur des faveurs et des bienfaits au-dessus de toute pensée humaine.
5, 4, 747. Le septième jour de la solennité étant passé, ils se mirent en chemin pour retourner à Nazareth. Et au sortir de la cité de Jérusalem l'Enfant-Dieu quitta Ses parents sans qu'ils pussent y prendre garde (Luc 2: 43) et Il resta caché pendant qu'ils poursuivaient leur chemin, ignorant l'événement. Pour exécuter cela, le Seigneur Se servit de la coutume et du concours du peuple. Comme ce concours était si grand dans ces solennités, les étrangers avaient coutume de se diviser par bandes, les femmes se séparant des hommes pour la décence et la réserve convenables. Les enfants qu'ils amenaient à ces fêtes accompagnaient leurs pères ou leurs mères [a] indistinctement; parce qu'en cela il n'y avait pas de danger d'inconvenance: ainsi saint Joseph put penser que l'Enfant-Jésus allait en compagnie de Sa Très Sainte Mère avec laquelle il était d'habitude; et il ne pouvait pas imaginer qu'Elle irait sans Lui; parce que la divine Reine L'aimait, et Le connaissait au-dessus de toute créature humaine et angélique. L'Auguste Dame n'avait pas tant de raisons pour juger que son Très Saint Fils allât avec le Patriarche saint Joseph; mais le Seigneur même la divertit par d'autres pensées divines et saintes, afin qu'elle n'y fit pas attention au commencement, et qu'ensuite lorsqu'elle se reconnut seule et sans son bien-aimé et Très Doux Fils, Elle pensât que le glorieux saint Joseph le menait avec lui et que le Seigneur des Cieux l'accompagnait pour sa consolation.
5, 4, 748. Les très saint époux, Marie et Joseph cheminèrent tout un jour (Luc 2: 44) avec cette présomption, comme dit saint Luc. Et lorsque les étrangers sortaient et s'éloignaient de la ville, chacun se réunissait ensuite à sa femme ou à sa famille. La Très Sainte Marie et son époux se retrouvèrent dans le lieu où ils devaient se réunir et passer la première nuit ensemble, après la sortie de Jérusalem. Et la grande Dame voyant que l'Enfant-Dieu ne venait pas avec saint Joseph comme Elle l'avait pensé et le saint Patriarche ne le trouvant point avec Sa Mère, ils demeurèrent tous deux presque muets d'épouvante et d'étonnement sans pouvoir même parler pendant quelque temps. Et chacun, gouvernant respectivement son jugement par sa très profonde humilité, se donnait la faute à soi-même de n'avoir pas été attentif en laissant leur Très Saint Fils se perdre de vue; parce qu'ils ignoraient le Mystère et la manière dont Sa Majesté l'avait exécuté. Les divins Époux reprirent un peu haleine et ils conférèrent de ce qu'ils devaient faire avec une douleur souveraine. Et l'amoureuse Mère dit à saint Joseph: «Mon époux et mon seigneur, mon Coeur n'aura point de repos si nous ne retournons en toute diligence chercher mon Très Saint Fils.» C'est ce qu'ils firent,
commençant leurs recherches parmi leurs parents et leurs amis; et nul ne put leur en donner de nouvelles, ni adoucir leur douleur; bien au contraire, elle fut augmentée de nouveau par leurs réponses qu'ils ne L'avaient point vu dans le chemin depuis Jérusalem.
5, 4, 749. La Mère affligée se tourna vers ses saints Anges. Et ceux qui portaient cet insigne du Très Saint Nom de Jésus dont j'ai parlé dans la Circoncision étaient demeurés avec le même Seigneur, et les autres accompagnaient Sa Très Pure Mère; et cela arrivait toujours lorsqu'ils se séparaient. A ceux-ci qui étaient au nombre de dix mille, leur Reine demanda et dit: «Mes amis et mes compagnons, vous savez bien la juste cause de ma douleur; je vous prie d'être ma consolation dans cette affliction amère, en me donnant connaissance de mon Bien-Aimé (Cant. 3: 2), afin que je Le cherche et que je Le trouve. Donnez quelque soulagement à mon Coeur affligé qui, étant absent de son Bien et de sa Vie se sort de son lieu pour Le chercher.» Les saints Anges qui savaient la Volonté du Seigneur de donner à Sa Très Sainte Mère cette occasion de si grand mérite, et qu'il n'était point temps de lui manifester le sacrement, quoiqu'ils ne perdissent point de vue leur Créateur et notre Réparateur, lui répondirent en la consolant par d'autres raisons`mais ils ne lui dirent point alors où était son Très Saint Fils, ni les occupations qu'Il avait. Par cette réponse et par de nouveaux doutes qu'ils causèrent à la Très Prudente Dame, ses inquiétudes, ses larmes et ses soupirs s'accrurent avec une douleur souveraine, pour chercher avec diligence, non la drachme perdue (Luc 15: , comme l'autre femme de l'Évangile, mais tout le Trésor du Ciel et de la terre.
5, 4, 750. La Mère de la Sagesse discourait avec Elle-même, formant dans son Coeur diverses pensées. Et la première qui se présenta fut si Archélaüs [b, imitant la cruauté de son père Hérode, avait eu connaissance de l'Enfant-Jésus et l'avait pris. Et quoiqu'Elle sût par les divines Écritures (Sag. 2: 13; Is. 53: 2; Dan. 9: 26), les révélations et la Doctrine (Jean 7: 30) de son Très Saint Fils et son Maître divin que le temps de la Passion et de la Mort de son Rédempteur et le nôtre n'était pas arrivé et qu'ils ne Lui ôteraient pas alors la vie; Elle arriva néanmoins à soupçonner et à craindre qu'ils L'eussent mis en prison et qu'ils Le maltraitassent. Elle soupçonna aussi avec une humilité très profonde si par aventure Elle ne L'avait point dégoûté par son service et son assistance; et s'Il
S'était retiré au désert avec Son futur précurseur saint Jean. D'autres fois parlant avec son Bien-Aimé absent, Elle Lui disait: «Doux Amour et gloire de mon âme, avec le désir que Vous avez de souffrir pour les hommes, vous n'éviterez aucun travail, ni aucune peine (Héb. 10: 5) par Votre immense Charité; au contraire, je pense, ô mon Maître et mon Seigneur, que Vous les cherchez intentionnellement (Is. 53: 7). Où irai-je? Où Vous trouverai-je, Lumière de mes yeux (Tob. 10: 4)? Voulez-Vous que ma vie défaille par le glaive qui le sépare de Votre présence? Mais je ne m'étonne pas, mon Bien-Aimé, que Vous châtiiez par Votre absence Celle qui ne sut point profiter du bienfait de Votre compagnie. Pourquoi, Seigneur, m'avez-Vous enrichie des douces joies de Votre enfance, si je devais manquer sitôt de Votre aimable assistance et de Votre Doctrine? Mais, hélas! si je n'ai pu mériter de Vous avoir pour Fils et de jouir de Vous pendant ce temps, je confesse que je dois Vous remercier de ce que Votre bonté a voulu m'accepter pour esclave (Luc 1: 48). Puis étant Votre indigne Mère, si je puis me prévaloir de ce titre pour Vous chercher comme mon Dieu et mon Bien, donnez-moi, Seigneur, permission de le faire et accordez-moi ce qui me manque pour être digne de Vous trouver, car avec Vous je vivrais dans le désert, dans les travaux, les peines, les tribulations en quelque part que Vous soyez. O mon Maître, mon âme désire que par les douleurs et les tourments Vous me laissiez mériter en partie, ou de mourir si je ne Vous trouve, ou de vivre à Votre service et en Votre compagnie. Lorsque Votre Être divin se cacha de mon intérieur, la présence de Votre aimable Humanité me resta, et quoique sévère et moins caressante que de coutume, je trouvais Vos pieds pour m'y prosterner; mais à présent je suis privée de ce bonheur, et le Soleil qui m'illuminait m'a été caché de toute manière et il ne me reste que les angoisses et les gémissements. Ah! Vie de mon âme, que de soupirs je peux exhaler vers Vous de l'intime de mon Coeur, mais ils ne sont pas dignes de Votre grande clémence, puisque je n'ai point connaissance où mes yeux Vous trouveront.»
5, 4, 751. La Très Candide Colombe persévéra dans les larmes et les gémissements, sans se reposer, sans se calmer, sans dormir ni manger le trois jours continus. Et quoique les dix mille Anges l'accompagnassent en forme humaine et la regardassent si affligée et si douloureuse, néanmoins ils ne lui manifestaient pas où Elle trouverait l'Enfant perdu. Le troisième jour la grande Reine se résolut d'aller Le chercher au désert où était saint Jean, parce qu'Elle était inclinée à croire que son Très Saint Fils était avec lui, puisqu'Elle ne trouvait point d'indice qu'Archélaüs L'eut fait arrêter. Et lorsqu'Elle voulut exécuter cette détermination
et diriger ses pas à cette fin, les saints Anges la retinrent et lui dirent de ne point aller au désert, parce que le Verbe divin Incarné n'y était pas. Elle détermina aussi d'aller à Bethléem, pensant peut-être qu'Il était dans la campagne où Il était né. Les saints Anges la détournèrent encore de faire cette diligence, disant que le Seigneur n'était pas si loin. Et quoique la Bienheureuse Mère écoutât ces réponses, et connût que ces sublimes esprits n'ignoraient point où était l'Enfant-Jésus, Elle fut si prudente, si humble et si retenue avec sa rare prudence qu'Elle ne leur répliqua point ni Elle ne leur demanda pas davantage où Elle Le trouverait, parce qu'Elle en inféra qu'ils le lui cachaient par la Volonté du Seigneur (2 Mach. 2: 9). C'était avec cette vénération que la Reine des Anges traitait les sacrements du Très-Haut et Ses ministres et Ses ambassadeurs. Et cet événement fut l'un de ceux qui se présentèrent et dans lesquels on pouvait découvrir davantage la grandeur de son Coeur royal et magnanime.
5, 4, 752. Tout ce que les Martyrs ont éprouvé et souffert n'arrive point à la douleur que la Très Sainte Marie eu dans cette occasion; la patience, la conformité et la souffrance de cette Dame n'eurent point d'égal ni ne peuvent en avoir; parce que la perte de son Très Saint Fils était au-dessus de toute chose créée. Sa connaissance, son amour et son estime surpassaient toute considération imaginable. Son doute était si grand, sans connaître la cause, comme je l'ai dit déjà. En outre le Seigneur la laissa pendant ces trois jours dans l'état commun qu'Elle avait coutume d'avoir lorsqu'Elle était privée des faveurs particulières et Elle se trouvait presque dans l'état ordinaire de la grâce, car, hors la vue et les entretiens des saint Anges, Il lui suspendit d'autres Dons et d'autres Bienfaits qu'Il communiquait fréquemment à son âme très sainte. De tout cela on connaîtra en partie quelle devait être la douleur de la divine et amoureuse Mère. Mais, ô prodige de sainteté, de prudence, de force et de perfection! avec une peine et une tribulation si excessives et si inouïes, elle ne se troubla point, Elle ne perdit point la paix intérieure ni l'extérieure, Elle n'eut point de pensée de colère, ni de désespoir, ni aucun mouvement ni aucune parole inégale, ni de tristesse ou de courroux désordonné, comme il arrive d'ordinaire aux autres enfants d'Adam dans les grandes afflictions; et même sans cela toutes leurs puissances et leurs passions se déconcertent! Malgré toutes ses afflictions la Maîtresse des vertus opéra avec une harmonie et une consonance céleste. Et quoique sa douleur lui eût blessé le Coeur, et que cette douleur fût sans mesure, Elle eut pourtant une mesure dans toutes ses actions et Elle n'eut point de cesse ni de manquement dans la révérence
et la louange du Seigneur, Elle ne fit point d'intervalle dans ses oraisons et ses prières pour le genre humain et pour qu'il lui fût concédé de trouver son Très Saint Fils.
5, 4, 753. Elle Le chercha pendant trois jours continus avec cette Sagesse divine et cette diligence souveraine, interrogeant différentes personnes et discourant et donnant des signes de son Bien-Aimé aux filles de Jérusalem (Cant. 5: 10-11), parcourant la cité par les rues et les places (Cant. 3: 2), accomplissant dans cette occasion ce que Salomon dit de cette Dame dans les Cantiques. Certaines femmes l'interrogeaient pour savoir quels étaient les signes (Cant. 5: 9) de son unique Enfant qui était perdu; et Elle répondait avec ceux que l'Épouse dit en son Nom: «Mon Bien-Aimé est blanc et coloré, choisi entre mille.» Une femme entre autres l'ayant entendue lui dit: «Cet Enfant avec les mêmes signes arriva hier à ma porte pour demander l'aumône et je la lui donnai; et Sa grâce et Sa beauté m'ont ravi le coeur. Et lorsque je Lui donnai l'aumône, je sentis dans mon intérieur une douce force et une compassion bien vive de voir un enfant si gracieux pauvre et abandonné.» Telles furent les premières nouvelles que la douloureuse Mère reçut de son Fils unique à Jérusalem. Et respirant un peu dans sa douleur Elle poursuivit ses recherches, et quelques autres femmes lui dirent, presque la même chose. Avec ces indices, Elle dirigea ses pas vers l'hôpital de la cité, jugeant qu'Elle trouverait avec les pauvres l'Artisan et l'Époux de la pauvreté, comme parmi ses frères et ses amis légitimes (Matt. 25: 40). Et s'informant de Lui, ils répondirent que l'Enfant qui avait ces signes les avait visités ces jours-là, leur apportant quelques aumônes et les laissant très consolés dans leurs afflictions [c].
5, 4, 754. Tous ces indices et ces signes causaient dans la divine Souveraine des affections très douces et très tendres qu'Elle envoyait de l'intime de son Coeur à son Fils secret et caché. Et il lui vint ensuite en pensé que puisqu'Il n'était point avec les pauvres Il devait êtres sans doute dans le Temple comme dans la maison de Dieu et de l'oraison. A cette pensée les saints Anges lui répondirent: «Notre Reine et notre souveraine, Votre consolation est très proche; bientôt Vous verrez la Lumière de Vos yeux, pressez le pas et arrivez au Temple.» Le glorieux Patriarche saint Joseph vint en la présence de son épouse dans cette circonstance; car pour doubler les diligences il avait pris un autre chemin pour chercher l'Enfant-
Dieu. Et il avait aussi été avisé par un autre Ange d'aller au Temple. Il avait souffert une affliction et une douleur incomparables et excessives pendant ces trois jours, courant d'un côté et de l'autre, parfois avec sa divine Épouse, d'autres fois sans Elle et avec une peine très grave. Et sa vie eût été dans un danger manifeste, si la main du Seigneur ne l'eût point confortée et si la Très Prudente Reine ne l'eût consolé et si Elle n'eût pris soin qu'il prît quelque nourriture et quelques moments de repos de sa grande fatigue; parce que son affection si vive et si véritable pour l'Enfant-Dieu le portait avec véhémence à Le chercher avec anxiété, sans se souvenir d'alimenter sa vie ni de se secourir la nature. Sur cet avis des saints Princes la Très Sainte marie et saint Joseph allèrent au Temple où il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE
5, 4, 755. Ma fille, les mortels savent par une expérience très souvent répétée que l'on ne perd point sans douleur ce que l'on aime et ce que l'on possède avec plaisir. Cette vérité si connue par les preuves doit réprouver les mondains et leur faire connaître le peu d'amour qu'ils ont envers leur Dieu et leur Créateur, puisqu'il y en a tant qui Le perdent et si peu qui se plaignent de cette perte; parce qu'ils ne méritent jamais de L'aimer ni de Le posséder par la force de la grâce. Et comme ils ne s'affligent point de perdre le Bien qu'ils n'aiment pas et qu'ils ne possédaient pas; c'est pourquoi, L'ayant perdu ils négligent de Le chercher. Mais il y a une grande différence dans ces pertes ou ces absences du Bien véritable; parce que ce n'est pas la même chose que Dieu Se cache pour l'examen de l'amour et l'augmentation des vertus, ou qu'Il s'en éloigne en punition des fautes. La première est une industrie de l'Amour divin et un moyen pour se communiquer davantage à la créature qui Le désire et Le mérite. La seconde est un juste châtiment de l'indignation Divine. Dans la première absence du Seigneur, l'âme s'humilie par la sainte crainte, l'amour filial et le doute où elle est de la cause de cette absence. Et quoique la conscience ne lui reproche rien, le coeur tendre et rempli d'amour connaît le danger, sent la perte et vient à être bienheureux, comme
dit le Sage; parce qu'il est toujours craintif (Eccles. 9: 1-2) au sujet de cette perte, et l'homme ne sait pas s'il est digne d'amour ou de haine de la part de Dieu et tout est réservé pour la fin. Et dans le temps de cette vie mortelle les mêmes choses arrivent communément au juste et au pécheur sans différence.
5, 4, 756. Ce danger, dit le Sage, est le pire et le plus grand de toutes les choses qui arrivent sous le soleil; parce que les impies et les réprouvés se remplissent de malice et de dureté de coeur avec une fausse et dangereuse sécurité voyant que les choses arrivent à eux et aux autres, sans différence et qu'on ne peut connaître avec certitude qui est l'élu ou le réprouvé, l'ami ou l'ennemi, le juste ou le pécheur; qui mérite la haine et qui, l'amour. Mais si les hommes recouraient sans passion et sans erreur à la conscience, elle répondrait à chacun la vérité qui lui convient de savoir; puis lorsqu'elle réclame (Luc 12: 57) contre les péchés commis, c'est une folie très honteuse de ne point s'attribuer à soi-même les maux et les dommages que l'on souffre et de ne point se reconnaître abandonné et sans la présence de la grâce et avec la perte du Tout et du Souverain Bien. Et si la raison était libre, le plus grand argument serait de ne pas sentir avec une intime douleur la perte ou le manque de la joie spirituelle et des effets de la grâce. Parce que le manque de ce sentiment dans une âme créée et ordonnée pour la félicité éternelle est un fort indice qu'elle ne la désire ni ne l'aime, puisqu'elle ne la cherche point avec diligence jusqu'à arriver à avoir quelque satisfaction et quelque prudente sécurité à laquelle elle peut arriver dans cette vie mortelle de n'avoir pas perdu le Souverain Bien par sa faute.
5, 4, 757. Je perdis mon Très Saint Fils quant à la présence corporelle et quoique je demeurasse avec l'espérance de Le retrouver, l'amour et le doute de la cause de Son absence ne me donnèrent point de repos jusqu'à ce que je vinsse à Le trouver. Je veux que tu imites cela, ma très chère, soit que tu Le perdes par ta faute ou par une industrie de Sa part. Et afin que ce ne soit pas par châtiment, tu dois te Le procurer avec tant de force que ni la tribulation, ni l'angoisse, ni la nécessité, ni le péril, ni la persécution, ni le glaive, ni le sublime, ni le profond ne puissent s'interposer (Rom. 8: 35) entre toi et ton Bien; puis si tu es fidèle comme tu le dois et si tu ne veux point Le perdre, nul ne sera assez puissant pour t'en priver, ni les Anges, ni les Principautés, ni les Puissances, ni aucune autre créature. Si fort est
le lien de Son amour et si fortes sont ses chaînes que nul ne peut les rompre si ce n'est la propre volonté de la créature.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5,
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 5
Après trois jours la Très Sainte Marie et Joseph trouvent l'Enfant-Jésus dans le Temple disputant avec les docteurs.
5, 5, 758. Dans le chapitre précédent il a été répondu en partie au doute que quelques-uns peuvent avoir, comment notre Auguste Reine et Souveraine étant si attentive et si diligent à accompagner et à servir son Très Saint Fils Le perdit de vue pour qu'Il demeurât à Jérusalem. Et quoiqu'il suffise pour réponse que le Seigneur Lui-même le disposa ainsi, je dirai ici néanmoins quelque chose de plus de la manière dont la chose arriva sans négligence ni inadvertance volontaire de l'amoureuse Mère. Il est certain que bien que l'Enfant-Dieu Se servît du concours du peuple, Il usa d'un autre moyen surnaturel qui était presque nécessaire pour divertir l'attention de Sa soigneuse Mère et Sa compagne; parce que sans ce moyen Elle n'eût pas laissé de faire attention à ce que le Soleil qui la guidait dans toutes ses voies s'éloignait d'Elle. Il arriva qu'au moment où les hommes se séparaient des femmes, comme je l'ai déjà dit, le puissant Seigneur répandit en Sa divine Mère une vision intellectuelle de la Divinité avec laquelle la force de ce divine Objet l'appela et l'éleva toute à l'intérieur; et Elle demeura si abstraite, si embrasée et si élevée au-dessus des sens qu'Elle ne put en user pendant un très long intervalle de temps que pour poursuivre son chemin: et le reste du temps Elle demeura tout enivrée dans la suavité de la consolation Divine et de la vue du Seigneur (Cant 5: 1). Saint Joseph eut la cause que j'ai dite [a], quoique son intérieur aussi fût élevé dans une autre contemplation très sublime qui lui rendit l'erreur que l'Enfant allait avec Sa Mère plus facile et plus mystérieuse. Par ce moyen le Très Doux Jésus S'absenta de Ses parents et demeura à Jérusalem. Et lorsque la Reine revint à Elle longtemps après, se trouvant seule et, sans son Très Saint Fils Elle soupçonna qu'Il était avec son père putatif (Luc 2: 44).
5, 5, 759. Cela arriva très proche des portes de la cité où l'Enfant-Dieu retourna aussitôt, allant par les rues, et regardant avec la vue de Sa Science divine tout ce qui devait Lui arriver en cette ville, Il l'offrit à Son Père Éternel pour le salut des âmes. Il demanda l'aumône pendant ces trois jours pour ennoblir dès lors l'humble mendicité comme première-née de la sainte Pauvreté. Il visita les
hôpitaux des pauvres, les consolant tous, et Il partagea avec eux les aumônes qu'Il avait reçues; Il donna secrètement à quelques malades la santé du corps et à plusieurs celle de l'âme, les illustrant intérieurement et les ramenant au chemin de la Vie Éternelle. Et Il fit ces merveilles avec une plus grande abondance de grâce et de Lumière envers quelques-uns des bienfaiteurs qui Lui donnèrent l'aumône, commençant dès lors à accomplir la promesse qu'Il devait faire ensuite à Son Église: que celui qui reçoit le juste (Matt. 10: 41) et le prophète en qualité de prophète, recevra la solde et la récompense du juste et du prophète.
5, 5, 760. S'étant occupé à ces oeuvres et d'autres de la Volonté du Père Éternel, Il alla au Temple. Et le jour, que dit l'Évangéliste saint Luc, les rabbins qui étaient maîtres et docteurs de la Loi (Luc 2: 46), se réunirent dans un lieu où l'on conférait de certains doutes et de certains points des Écritures. En cette circonstance l'on disputait de la venue du Messie, car depuis quelques années la rumeur s'était répandue parmi le peuple que déjà le temps de Sa venue était accompli et qu'Il était dans le monde, quoiqu'inconnu; cette croyance s'était accrue surtout par les nouveautés et les merveilles qui s'étaient accomplies à la naissance du Baptiste et aussi par la visite des Rois de l'Orient. Ils étaient tous assis à leurs places avec l'autorité que les maîtres et ceux qui se tiennent pour savants ont coutume de représenter. L'Enfant-Jésus s'approcha de l'assemblée de ces magnats; et celui qui était Roi des rois et Seigneur des seigneurs (Apoc. 19: 16), la Sagesse infinie (1 Cor. 1: 24) Elle-même et Celui qui corrige les Sages (Sag. 7: 15) Se présenta devant les docteurs du monde comme humble disciple manifestant qu'Il S'approchait pour écouter ce qui se disputait et Se rendre capable de la matière dont on y conférait: qui était de savoir si le Messie promis était venu, ou si le temps où Il devait venir au monde était arrivé.
5, 5, 761. Les opinions des lettrés variaient beaucoup sur cet article, les uns affirmant et les autres niant. Et ceux qui niaient alléguaient certains témoignages des Écritures et des prophéties entendues avec la grossièreté que dit l'Apôtre: «La lettre tue lorsqu'elle est entendue sans l'esprit (2 Cor. 3: 6).» Parce que ces sages avec eux-mêmes affirmaient que le Messie devait venir dans une majesté et une grandeur royale et donner la liberté à Son peuple par la force et Sa grande Puissance, le rachetant temporellement de toute servitude des Gentils, et il n'y avait point d'indice de cette Puissance et de cette liberté dans l'état où étaient les
Hébreux, incapables de secouer le joug et la domination des Romains. Ce sentiment eut une grande force dans ce peuple charnel et aveugle; parce qu'ils entendaient pour eux seuls la majesté et la grandeur du Messie promis et la rédemption qu'Il venait accorder à Son peuple avec Sa grande Puissance qu'ils croyaient devoir être temporelle et terrestre comme toutefois les Juifs aveuglés (Is. 6: 10) par le voile (2 Cor. 3: 15) qui obscurcit leurs coeurs l'attendent encore aujourd'hui. Et ils n'arrivent point à connaître que la gloire, la majesté et la Puissance de notre Rédempteur et la liberté qu'Il vint donner au monde n'est pas terrestre, temporelle et périssable; mais céleste, spirituelle et éternelle; et non seulement pour les Juifs quoiqu'elle leur ait d'abord été offert, mais pour tout le genre humain d'Adam sans distinction.
5, 5, 762. Jésus, le Maître de la Vérité reconnut que la dispute se concluait à cette erreur; car bien que quelques-uns s'inclinassent vers la raison contraire, ils étaient peu nombreux et ils restaient opprimés par les raisons et l'autorité des autres. Et comme Sa divine Majesté était venue au monde pour rendre témoignage à la Vérité (Jean 18: 37) qui est Lui-même, Il ne voulut point consentir à ce que la tromperie et l'erreur contraire demeurât établie par l'autorité des sages dans cette circonstance où il importait si fort de la manifester Sa Charité immense ne souffrit point de voir cette ignorance de Ses Oeuvres et de Ses Fins très sublimes dans les docteurs qui devaient être des ministres compétents de la Doctrine véritable afin d'enseigner au peuple le chemin de la Vie et de faire connaître l'Auteur de cette Vie, notre Réparateur. L'Enfant-Dieu S'approcha davantage de la discussion pour manifester la grâce qui était répandue (Ps. 44: 3) sur Ses lèvres. Il entra au milieu de tous ces docteurs avec une majesté et une beauté très rares, comme désirant interroger sur quelque doute. Et par son air agréable, il éveilla dans ces sages le désir de L'écouter avec attention.
5, 5, 763. L'Enfant-Dieu parla et dit: «J'ai écouté et entendu entièrement le doute dont il a été traité touchant la venue du Messie et la solution qu'on y a donnée. Et afin de proposer ma difficulté au sujet de cette détermination Je rappelle que les Prophètes disent que Sa venue sera avec une grande Puissance et une grande Majesté, comme il a été rapporté ici avec les témoignages allégués. Parce qu'Isaïe dit qu'Il sera notre Législateur et notre Roi (Is. 33: 22), qu'Il sauvera Son peuple; et Il affirme en un autre endroit qu'Il viendra de loin (Is. 30: 7) avec
une grande fureur; David assure qu'Il embrassera tous Ses ennemis (Ps. 96: 3); Daniel affirme (Dan. 7: 14) que toutes les tribus et les nations le serviront. L'Ecclésiastique dit qu'Il viendra avec Lui une grande multitude de saints (Eccli. 24: 3). Et les Prophètes et les autres Écritures sont remplies de semblables promesses, pour manifester Sa venue avec des signes très clairs et très patents si on les regarde avec Lumière et attention. Mais le doute se fonde en ces endroits et en d'autres des Prophètes, car tous doivent être également véritables, quoiqu'ils paraissent contraires en apparence. Et ainsi il est nécessaire qu'ils s'accordent donnant à chacun le sens dans lequel il peut et doit convenir avec l'autre. Ainsi donc, comment entendrons-nous maintenant ce que dit le même Isaïe, qu'Il viendra de la terre des vivants et que personne ne pourra raconter Sa génération (Is. 53: . Qu'Il sera rassasié d'opprobres, qu'Il sera conduit à la mort, comme la brebis à la boucherie et qu'Il n'ouvrira pas la bouche (Is. 53: 7). Jérémie affirme que les ennemis du Messie se réuniront pour Le persécuter et jeter du poison dans son pain (Jér. 11: 19) et effacer Son Nom de la terre, quoiqu'ils ne prévaudront point. David dit qu'Il sera L'opprobre du peuple et des hommes et qu'Il sera foulé aux pieds et méprisé (Ps. 21: 7) comme un ver de terre. Zacharie annonce qu'Il viendra doux et humble assis sur une humble bête (Zach. 9: 9). Et tous les Prophètes disent la même chose des signes que doit porter le Messie promis.»
5, 5, 764. «Mais comment sera-t-il possible» ajouta l'Enfant-Dieu, «d'ajuster ces prophéties les unes avec les autres, si nous supposons que le Messie doit venir avec la Majesté et la Puissance des armes pour vaincre tous les rois et les monarques avec violence et en répandant le sang d'autrui? Nous ne pouvons nier que devant venir deux fois, la première, pour racheter le monde et l'autre, pour le juger; les prophéties doivent être appliquées à ces deux avènements, donnant à chacun ce qui le regarde. Et comme les fins de ces deux avènements doivent être différents, les conditions le seront aussi, puisqu'Il ne doit pas faire le même office dans les deux, mais des offices très divers et contraires. Dans le premier Il doit vaincre le démon, le renverser de l'empire qu'il a acquis sur les âmes par le premier péché. Et pour cela Il doit en premier lieu satisfaire à Dieu pour tout le genre humain; et ensuite enseigner aux hommes le chemin de la Vie Éternelle par Ses paroles et Ses exemples et la manière de vaincre leurs ennemis et de servir et d'adorer leur Créateur et Rédempteur; de correspondre aux Dons et aux Bienfaits de Sa main et de bien en user. Il doit ajuster Sa Vie et Sa Doctrine à toutes ces fins dans Son premier avènement. Le second doit être pour demander un compte
exact à tous dans le jugement universel et donner à chacun la rétribution de Ses oeuvres bonnes ou mauvaises, châtiant Ses ennemis avec fureur et indignation. Et les Prophètes disent cela du second avènement.»
5, 5, 765. «Conformément à tout ceci, si nous voulons entendre que le premier avènement sera avec Puissance et Majesté, qu'Il régnera d'une mer à l'autre (Ps. 71: , comme dit David, et que Son royaume sera glorieux, comme le disent d'autres Prophètes (Is. 52: 13; Jér. 30: 9; Ez. 37: 28; Zach. 9: 9), tout cela ne se peut entendre matériellement du royaume et de l'apparat sensible, majestueux et corporel, mais du nouveau royaume spirituel qu'Il fondera dans la nouvelle Église qui s'étendra par tout le globe avec Majesté, Puissance, richesse de Grâce et de Vertu contre le démon. Avec cette concordance toutes les Écritures demeurent uniformes, et sans quoi elles ne peuvent s'accorder entre elles. Et de ce que le peuple de Dieu est soumis aux Romains sans pouvoir rétablir son empire, non-seulement ce n'est pas un signe que le Messie n'est pas venu, mais c'est au contraire un témoignage infaillible qu'Il est déjà dans le monde, puisque notre Patriarche Jacob laissa ce signe afin que ses descendants Le connussent, lorsqu'ils verraient la tribu de Juda privée du sceptre (Gen. 44: 10) et du gouvernement d'Israël; et maintenant vous confessez que ni cette tribu de Juda, ni aucune autre n'espère avoir le gouvernement ni le recouvrer. Les semaines de Daniel (Dan. 9: 25) prouvent aussi tout cela, car il est indubitable qu'elles sont déjà accomplies. Et celui qui a mémoire se souviendra de ce que J'ai entendu dire, qu'il y a peu d'années on vit à Bethléem une grande splendeur; et il fut annoncé à de pauvres bergers (Luc : 9 et 11) que le Rédempteur était né; et ensuite des Rois guidées par une étoile (Matt. 2: 1), vinrent de l'Orient, cherchant le Roi des Juifs pour L'adorer. Et tout cela était ainsi prophétisé (Mich. 5: 2; Ps. 71: 10; Is. 60: 6). Et le roi Hérode, père d'Archélaüs le croyant infailliblement, fit mourir tant d'enfants, seulement pour ôter la vie entre tous au Roi qui était né (Matt. 2: 16) car il craignait qu'Il lui succédât dans le royaume d'Israël.»
5, 5, 766. L'Enfant-Jésus dit encore d'autres raisons, avec l'efficace de Celui qui en interrogeant enseignait avec une Puissance (Luc 4: 32) divine. Et les scribes et les lettrées qui L'écoutaient gardèrent tous le silence, et convaincus, ils se regardaient les uns les autres; et ils se demandaient avec une grande admiration (Luc 2: 47): «Quelle est cette merveille? Quel Enfant prodigieux! D'où vient-Il et
de qui est-Il le Fils?» Mais demeurant dans cette admiration, ils ne connurent ni ne soupçonnèrent point qui était Celui qui les enseignait ainsi et les éclairait sur une vérité si importante. Dans cette circonstance et avant que l'Enfant-Dieu eut achevé Son raisonnement arrivèrent Sa Très Sainte Mère et le saint époux, juste à temps pour entendre Ses dernières paroles. Et l'argument concluant, tous les docteurs de la Loi se levèrent avec étonnement et remplis d'admiration. La divine Dame absorbée dans la joie qu'Elle éprouvait, s'approcha de son Fils très aimant et Lui dit en présence de tous les assistants ce que saint Luc rapporte (Luc 2: 48): «Mon Fils, pourquoi en avez-Vous agi ainsi? Voyez que Votre père et moi, nous Vous cherchions remplis de douleur.» La divine Mère fit cette amoureuse plainte avec une affection et une révérence égales, L'adorant comme Dieu et Lui représentant son affliction comme à son Fils. Sa Majesté lui répondit (Luc 2: 49): «Mais pourquoi me cherchiez-vous? Ne savez-vous point qu'il Me faut prendre soin des choses qui regardent Mon Père?»
5, 5, 767. L'Évangéliste dit qu'ils ne comprirent point le mystère de ces paroles; parce qu'Il le cacha alors à la Très Sainte Marie et à saint Joseph. Et cela procéda de deux causes; l'une parce que la joie intérieure qu'ils eurent de cueillir ce qu'ils avait semé avec larmes les transporta beaucoup, se voyant en la présence de leur riche Trésor qu'ils avaient trouvé. L'autre raison fut parce qu'ils n'arrivèrent pas à temps pour comprendre la matière qui avait été traitée dans cette dispute. Outre ces raisons, il y en eut une autre pour notre Reine si attentive, et ce fut parce qu'il y avait un rideau qui lui cachait l'intérieur de son Très Saint Fils, dans lequel sans cela Elle aurait pu tout connaître; et ceci ne lui fut donc pas manifesté aussitôt, mais seulement plus tard. Les docteurs se retirèrent, conférant entre eux de la stupéfaction qu'ils avaient d'avoir entendu la Sagesse Éternelle, quoiqu'ils ne la connussent pas. Et la Très Heureuse Mère, demeurant presque seule avec son Très Saint Fils, Lui dit avec une affection maternelle et en Lui tendant les bras: «Permettez, mon Fils, à mon Coeur défaillant de Vous manifester sa douleur, et sa peine afin que ma vie ne se brise pas au milieu de cette peine si toutefois elle est utile pour Vous servir. Ne me rejetez point de Votre Face, recevez-moi digne de Vous, et ne me châtiez point par Votre absence.» L'Enfant-Dieu la reçut avec un air agréable et Il S'offrit à être son Maître et son Compagnon jusqu'au temps opportun et convenable. Avec cela le Coeur candide et enflammé de l'Auguste Souveraine se tranquillisa et ils cheminèrent vers Nazareth.
5, 5, 768. Mais s'étant un peu éloignés de Jérusalem, lorsqu'ils se trouvèrent seuls dans le chemin, la Très Prudente Reine se prosterna en terre, adora son Très Saint Fils et Lui demanda Sa bénédiction; parce qu'Elle ne l'avait point fait extérieurement lorsqu'Elle L'avait trouvé dans le Temple parmi le peuple, si avisée et si attentive Elle était pour ne perdre aucune occasion de pratiquer la plénitude de la sainteté. L'Enfant-Jésus la releva de terre et lui parla avec un air agréable et de douces raisons. Et ensuite Il lui tira le voile et lui manifesta de nouveau Son Âme très sainte et Ses opérations avec une profondeur et une clarté plus grandes qu'auparavant. Et la divine Mère connut dans l'intérieur du Fils de Dieu tous les Mystères et toutes les Oeuvres que le même Seigneur avait opérés dans ces trois jours d'absence. Elle comprit aussi tout ce qui s'était passé dans la dispute des docteurs et ce que L'Enfant leur avait dit et les raisons qu'Il avait eues pour ne point Se manifester plus clairement pour le véritable Messie; et Il révéla et manifesta à Sa Mère-Vierge plusieurs autres secrets et plusieurs sacrements cachés, et cette céleste Reine servait d'archives où étaient déposés et conservés tous les Trésors du Verbe Incarné afin qu'Elle donnât en tout et pour tout le retour de louange et de gloire qui était dû à l'Auteur de tant de merveilles. Et la Vierge-Mère fit tout cela avec l'agrément et l'approbation du même Seigneur. Ensuite Elle pria Sa Majesté de Se reposer un peu dans le champ et d'accepter quelque nourriture. Et Il la reçut de la main de Notre Dame, car Elle prenait soin de tout comme Mère de la Sagesse même (Eccli. 24: 24).
5, 5, 769. Dans le cours du voyage la divine Mère conféra avec son Très Doux Fils des Mystères qu'Il lui avait manifestés dans Son intérieur, touchant la dispute des rabbins. Et le Maître céleste L'informa de nouveau verbalement de ce qu'Il lui avait montré par l'intelligence; et Il lui déclara en particulier que ces scribes et ces savants n'arrivèrent point à connaître que Sa Majesté était le Messie à cause de la présomption et de l'arrogance qu'ils avaient de leur propre science; parce que leurs entendements étaient obscurcis par les ténèbres de l'orgueil qui les empêchaient de percevoir la Lumière divine, quoique celle que l'Enfant-Dieu leur proposa fût très grande et Ses raisons les eussent convaincus suffisamment s'ils eussent eu l'affection de leur volonté disposée par l'humilité et le désir de la Vérité. Et à cause de l'obstacle qu'ils mirent, ils ne la découvrirent pas quoiqu'elle fût si patente à leurs yeux. Notre Rédempteur convertit au Chemin du Salut
plusieurs âmes pendant ce voyage. Et Il prenait Sa Très Sainte Mère qui était présente pour Instrument de Ses merveilles; Il éclairait les coeurs de tous ceux à qui la divine Souveraine parlait par le moyen même de ses saintes admonitions et de ses raisons très prudentes. Ils donnèrent la santé à plusieurs malades, Ils consolèrent ceux qui étaient tristes et affligés et Ils répandirent de tous côtés la grâce et la miséricorde sans perdre aucun lieu ni aucune occasion opportune. Et parce que j'ai écrit certaines merveilles particulières semblables à celles-ci [b], en d'autres voyages qu'Ils firent, je ne me rallongerai pas maintenant à en rapporter d'autres, car il faudrait écrire plusieurs chapitres et passer beaucoup de temps pour les raconter toutes, tandis que d'autres choses plus précises de cette Histoire m'appellent.
5, 5, 770. Ils revinrent à Nazareth où ils s'occupèrent à ce que je dirai plus loin. L'Évangéliste saint Luc abrégeant, renferma en peu de paroles les Mystères de son Histoire en disant que l'Enfant-Jésus était soumis (Luc 2: 51) à Ses parents, ce qui s'entend de la Très Sainte Marie et de saint Joseph, et que Sa divine Mère conférait de tous ces événements les notant et les conservant dans son Coeur; et que Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâce (Luc 2: 52) devant Dieu et devant les hommes et je parlerai plus loin de tout cela selon ce que j'en ai compris. Seulement, je rapporterai maintenant que l'obéissance et l'humilité de notre Maître et notre Dieu envers Ses parents furent un sujet d'admiration nouvelle pour les Anges. Et la dignité et l'excellence de Sa Très Sainte Mère le fut aussi, car Elle mérita que le même Dieu fait homme lui fût confié et assujetti, afin qu'avec le patronage de saint Joseph Elle disposât de Lui et Le gouvernât comme sa Chose propre. Et quoique cette sujétion et cette obéissance fût comme conséquente à la maternité naturelle, néanmoins pour user de ce droit de Mère dans le gouvernement de son Fils comme supérieure dans ce genre, il lui fut nécessaire d'avoir une grâce différente de celle qu'il fallait pour Le concevoir et L'enfanter. Et la Très Sainte Marie eut avec plénitude ces grâces convenables et proportionnées pour tous ces offices et ces ministères: et Elle eut cette plénitude si pleine et si abondante qu'Elle débordait sur le très heureux époux saint Joseph, afin qu'il fût lui aussi le digne père putatif du Très Doux Jésus et le chef de cette Famille.
5, 5, 771. La grande Reine correspondait de son côté par des actes héroïques. Et entre autres excellences, Elle eut une humilité presque incompréhensible et une reconnaissance remplie de dévotion de ce que Sa Majesté daignât demeurer en sa compagnie et revenir avec Elle. Ce bienfait que la divine Souveraine jugeait être si nouveau, d'autant qu'Elle s'en croyait indigne, augmenta dans son Coeur très fidèle la sollicitude et l'amour pour servir son Fils-Dieu. Et Elle était si incessante à Le remercier, si ponctuelle, si attentive et si soigneuse à Le servir toujours à genoux et égalée à la terre, que les sublimes Séraphins en étaient dans l'admiration. Outre cela Elle était très officieuse pour L'imiter dans toutes Ses actions comme Elle les connaissait, et Elle mettait toute son attention à les dépeindre et à les exécuter respectivement. Et avec cette plénitude de sainteté Elle avait blessé (Cant. 4: 9) le Coeur de Notre Seigneur Jésus-Christ, et Elle L'avait lié, selon notre manière de concevoir, par des chaînes (Os. 11: 4) d'un amour invincible. Et ce Seigneur étant obligé comme Dieu et comme Fils véritable de cette divine Princesse, il se trouvait à y avoir entre le Fils et la Mère une correspondance réciproque et un cercle divin d'Amour et d'Oeuvres qui s'élevait au-dessus de tout entendement créé. Parce que dans l'Océan de Marie entraient tous les riches courants de la grâce et des faveurs du Verbe Incarné; et cet océan ne débordait pas, parce qu'il avait la capacité et l'espace pour les recevoir, mais ces courants retournaient à leur Principe, l'heureuse Mère de la Sagesse les Lui renvoyant afin qu'ils revinssent une autre fois, comme si ces flux et reflux de la Divinité allassent entre le Fils et la Mère seulement. Tel est le mystère de ces humbles remerciements si souvent répétés de l'Épouse (Cant. 2: 16-17): «Mon Bien-Aimé est à moi et je suis à Lui, qui se repait parmi les lis, pendant que le jour s'approche et que les ombres s'enfuient.» Et d'autres fois (Cant. 6: 2): «Je suis à mon bien-Aimé et mon Bien-Aimé est à moi: Je suis à mon Bien-Aimé et Il se tourne vers moi.»
5, 5, 772. Le feu de l'Amour divin qui brûlait dans le coeur de notre Rédempteur, lequel était venu pour embraser la terre (Luc 12: 49), trouvant une matière proche et disposée, qui était le Coeur très pur de Sa Mère, accomplit et opéra avec une activité souveraine des effets si illimités que le même Seigneur seul peut les connaître comme Il a pu les opérer. J'avertis d'une seule chose dont l'intelligence m'a été donnée, et c'est que dans les démonstrations extérieures de l'Amour que le Verbe fait homme avait pour Sa Très Sainte Mère, Il mesurait les oeuvres et les signes, non par Son inclination naturelle de Fils, mais par l'état que
la grande Reine avait pour mériter comme Voyageuse; parce que Sa Majesté savait que si dans les démonstrations et les faveurs Il l'eût consolée autant que l'inclination de Son amour naturel de Fils pour une telle Mère le demandait, Il l'eût empêchée en quelque chose de mériter autant qu'il convenait par la jouissance continuelle des délices de son Bien-Aimé. Et pour cela le Seigneur retint en partie cette force naturelle de Sa propre Humanité, et Il donna lieu à ce que Sa divine Mère, bien que très sainte, opérât et méritât en souffrant étant privée de la douce et continuelle récompense qu'Elle eût pu avoir avec les faveurs visibles de son Très Saint Fils. Et pour cette raison, l'Enfant-Dieu gardait dans la conversation ordinaire plus de retenue et de gravité. Et bien que la Très Diligente Reine fût si soigneuse à Le servir et à Lui fournir et Lui préparer tout ce qui était nécessaire, et cela avec une révérence incomparable; néanmoins en cela son Très Saint Fils ne faisait pas autant de démonstrations que la sollicitude de Sa Mère en méritait de Lui.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 5, 773. Ma fille, toutes les Oeuvres de mon Très Saint Fils et les miennes sont remplies d'une Doctrine mystérieuse et d'un enseignement Divin pour les mortels qui les considèrent avec une révérence attentive. Sa Majesté s'absenta de moi, afin que Le cherchant avec douleur et avec larmes (Ps. 125: 5) je Le trouvasse avec allégresse et fruit de mon esprit. Et je veux que tu m'imites dans ce mystère, Le cherchant avec une amertume telle, qu'elle excite en toi une sollicitude incessante, sans te reposer toute ta vie en aucune chose, jusqu'à ce que tu Le possèdes (Cant. 3: 4) et que tu ne Le quittes plus. Afin que tu comprennes mieux les sacrements du Seigneur, sache que Sa Sagesse infinie créa d'une telle manière les créatures capables de Son éternelle félicité, qu'Elle les posa dans la voie, mais absentes et douteuses d'elles-mêmes, afin qu'elles vivent toujours dans les sollicitudes et les douleurs jusqu'à ce qu'elles arrivent à Le posséder; et cette sollicitude engendre dans la même créature une crainte continuelle et une grande haine du péché ce par quoi seul elle peut perdre Dieu: afin que dans le tourbillon de la conversation humaine elle ne se laisse point enlacer ni envelopper dans les choses visibles et terrestres. Le Créateur aide cette sollicitude, ajoutant à la raison naturelle les vertus de Foi et d'Espérance qui sont le stimulant de l'amour par lequel la créature cherche et trouve sa dernière fin. Outre ces vertus et d'autres
qu'Il répand par le sacrement de Baptême, Il envoie des inspirations et des secours par lesquels Il excite et meut l'âme absente du même Seigneur, afin qu'elle ne L'oublie point et qu'elle ne s'oublie point elle-même tant qu'elle est privée de Son aimable Présence; mais au contraire, qu'elle poursuive sa carrière jusqu'à arriver à la fin désirée où elle trouvera tout le comble (Ps. 16: 15) de son inclination et de ses désirs.
5, 5, 774. De là tu comprendras l'ignorance honteuse des mortels et combien il y en a peu qui s'arrêtent à considérer l'ordre mystérieux de leur création et de leur justification et les Oeuvres du Très-Haut dirigées à une si haute fin. De cet oubli il s'ensuit tant de maux dont souffrent les créatures, prenant possession des biens terrestres et des plaisirs trompeurs, comme s'ils étaient leur félicité et leur fin dernière. Ceci est la souveraine perversité contre l'ordre du Créateur; parce que les mortels veulent jouir des choses visibles dans cette vie courte et transitoire comme si elles étaient leur dernière fin; tandis qu'ils doivent user des créatures que pour obtenir le Créateur et non pour le perdre. Considère donc, ma très chère, ce risque de la folie humaine; et tout le délectable, sa joie, son ris, juge tout cela pour une erreur (Eccles. 2: 2); et dis au consentement sensible qu'il se laisse tromper vainement, qu'il engendre la folie, qu'il enivre le coeur, qu'il empêche et détruit toute sagesse véritable. Vis toujours dans la sainte crainte de perdre la Vie Éternelle et ne te réjouis point hors du Seigneur jusqu'à ce que tu L'aies obtenue. Fuis la conversation humaine, crains ses dangers; et si Dieu te met en quelqu'un de ces dangers pour Sa gloire par le moyen de l'obéissance, quoique tu doives te fier à Sa protection, tu ne dois point cependant être lente et négligente à t'en préserver. Ne confie point ton naturel à l'amitié et à l'entretien des créatures; c'est en cela que consiste ton plus grand péril; parce que le Seigneur t'a donné une nature agréable et tendre, afin que tu t'inclines facilement à ne point Lui résister dans Ses Oeuvres et que tu emploies à Son Amour ce bien qu'Il t'a fait. Mais si tu donnes entrée à l'amour des créatures, elles te porteront sans doute à t'éloigner du Souverain Bien et à pervertir l'ordre et les Oeuvres de Sa Sagesse infinie. Et c'est une chose indigne d'employer le plus grand bienfait de la nature dans un objet qui ne soit pas le plus noble de cette même nature. Élève-toi au-dessus de tout ce qui est créé et au-dessus de toi-même (Lam. 3: 41). Relève les opérations de tes puissances et représente-leur le très noble Objet de l'Être de Dieu, celui de mon Fils Bien-Aimé et ton Époux qui est beau et agréable (Ps. 44: 3) entre tous les
enfants des hommes; et aime-Le de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 5, [a]. Livre 5, No. 747.
5, 5, [b. Livre 4, Nos. 624, 645, 667, 669, 704.
Après trois jours la Très Sainte Marie et Joseph trouvent l'Enfant-Jésus dans le Temple disputant avec les docteurs.
5, 5, 758. Dans le chapitre précédent il a été répondu en partie au doute que quelques-uns peuvent avoir, comment notre Auguste Reine et Souveraine étant si attentive et si diligent à accompagner et à servir son Très Saint Fils Le perdit de vue pour qu'Il demeurât à Jérusalem. Et quoiqu'il suffise pour réponse que le Seigneur Lui-même le disposa ainsi, je dirai ici néanmoins quelque chose de plus de la manière dont la chose arriva sans négligence ni inadvertance volontaire de l'amoureuse Mère. Il est certain que bien que l'Enfant-Dieu Se servît du concours du peuple, Il usa d'un autre moyen surnaturel qui était presque nécessaire pour divertir l'attention de Sa soigneuse Mère et Sa compagne; parce que sans ce moyen Elle n'eût pas laissé de faire attention à ce que le Soleil qui la guidait dans toutes ses voies s'éloignait d'Elle. Il arriva qu'au moment où les hommes se séparaient des femmes, comme je l'ai déjà dit, le puissant Seigneur répandit en Sa divine Mère une vision intellectuelle de la Divinité avec laquelle la force de ce divine Objet l'appela et l'éleva toute à l'intérieur; et Elle demeura si abstraite, si embrasée et si élevée au-dessus des sens qu'Elle ne put en user pendant un très long intervalle de temps que pour poursuivre son chemin: et le reste du temps Elle demeura tout enivrée dans la suavité de la consolation Divine et de la vue du Seigneur (Cant 5: 1). Saint Joseph eut la cause que j'ai dite [a], quoique son intérieur aussi fût élevé dans une autre contemplation très sublime qui lui rendit l'erreur que l'Enfant allait avec Sa Mère plus facile et plus mystérieuse. Par ce moyen le Très Doux Jésus S'absenta de Ses parents et demeura à Jérusalem. Et lorsque la Reine revint à Elle longtemps après, se trouvant seule et, sans son Très Saint Fils Elle soupçonna qu'Il était avec son père putatif (Luc 2: 44).
5, 5, 759. Cela arriva très proche des portes de la cité où l'Enfant-Dieu retourna aussitôt, allant par les rues, et regardant avec la vue de Sa Science divine tout ce qui devait Lui arriver en cette ville, Il l'offrit à Son Père Éternel pour le salut des âmes. Il demanda l'aumône pendant ces trois jours pour ennoblir dès lors l'humble mendicité comme première-née de la sainte Pauvreté. Il visita les
hôpitaux des pauvres, les consolant tous, et Il partagea avec eux les aumônes qu'Il avait reçues; Il donna secrètement à quelques malades la santé du corps et à plusieurs celle de l'âme, les illustrant intérieurement et les ramenant au chemin de la Vie Éternelle. Et Il fit ces merveilles avec une plus grande abondance de grâce et de Lumière envers quelques-uns des bienfaiteurs qui Lui donnèrent l'aumône, commençant dès lors à accomplir la promesse qu'Il devait faire ensuite à Son Église: que celui qui reçoit le juste (Matt. 10: 41) et le prophète en qualité de prophète, recevra la solde et la récompense du juste et du prophète.
5, 5, 760. S'étant occupé à ces oeuvres et d'autres de la Volonté du Père Éternel, Il alla au Temple. Et le jour, que dit l'Évangéliste saint Luc, les rabbins qui étaient maîtres et docteurs de la Loi (Luc 2: 46), se réunirent dans un lieu où l'on conférait de certains doutes et de certains points des Écritures. En cette circonstance l'on disputait de la venue du Messie, car depuis quelques années la rumeur s'était répandue parmi le peuple que déjà le temps de Sa venue était accompli et qu'Il était dans le monde, quoiqu'inconnu; cette croyance s'était accrue surtout par les nouveautés et les merveilles qui s'étaient accomplies à la naissance du Baptiste et aussi par la visite des Rois de l'Orient. Ils étaient tous assis à leurs places avec l'autorité que les maîtres et ceux qui se tiennent pour savants ont coutume de représenter. L'Enfant-Jésus s'approcha de l'assemblée de ces magnats; et celui qui était Roi des rois et Seigneur des seigneurs (Apoc. 19: 16), la Sagesse infinie (1 Cor. 1: 24) Elle-même et Celui qui corrige les Sages (Sag. 7: 15) Se présenta devant les docteurs du monde comme humble disciple manifestant qu'Il S'approchait pour écouter ce qui se disputait et Se rendre capable de la matière dont on y conférait: qui était de savoir si le Messie promis était venu, ou si le temps où Il devait venir au monde était arrivé.
5, 5, 761. Les opinions des lettrés variaient beaucoup sur cet article, les uns affirmant et les autres niant. Et ceux qui niaient alléguaient certains témoignages des Écritures et des prophéties entendues avec la grossièreté que dit l'Apôtre: «La lettre tue lorsqu'elle est entendue sans l'esprit (2 Cor. 3: 6).» Parce que ces sages avec eux-mêmes affirmaient que le Messie devait venir dans une majesté et une grandeur royale et donner la liberté à Son peuple par la force et Sa grande Puissance, le rachetant temporellement de toute servitude des Gentils, et il n'y avait point d'indice de cette Puissance et de cette liberté dans l'état où étaient les
Hébreux, incapables de secouer le joug et la domination des Romains. Ce sentiment eut une grande force dans ce peuple charnel et aveugle; parce qu'ils entendaient pour eux seuls la majesté et la grandeur du Messie promis et la rédemption qu'Il venait accorder à Son peuple avec Sa grande Puissance qu'ils croyaient devoir être temporelle et terrestre comme toutefois les Juifs aveuglés (Is. 6: 10) par le voile (2 Cor. 3: 15) qui obscurcit leurs coeurs l'attendent encore aujourd'hui. Et ils n'arrivent point à connaître que la gloire, la majesté et la Puissance de notre Rédempteur et la liberté qu'Il vint donner au monde n'est pas terrestre, temporelle et périssable; mais céleste, spirituelle et éternelle; et non seulement pour les Juifs quoiqu'elle leur ait d'abord été offert, mais pour tout le genre humain d'Adam sans distinction.
5, 5, 762. Jésus, le Maître de la Vérité reconnut que la dispute se concluait à cette erreur; car bien que quelques-uns s'inclinassent vers la raison contraire, ils étaient peu nombreux et ils restaient opprimés par les raisons et l'autorité des autres. Et comme Sa divine Majesté était venue au monde pour rendre témoignage à la Vérité (Jean 18: 37) qui est Lui-même, Il ne voulut point consentir à ce que la tromperie et l'erreur contraire demeurât établie par l'autorité des sages dans cette circonstance où il importait si fort de la manifester Sa Charité immense ne souffrit point de voir cette ignorance de Ses Oeuvres et de Ses Fins très sublimes dans les docteurs qui devaient être des ministres compétents de la Doctrine véritable afin d'enseigner au peuple le chemin de la Vie et de faire connaître l'Auteur de cette Vie, notre Réparateur. L'Enfant-Dieu S'approcha davantage de la discussion pour manifester la grâce qui était répandue (Ps. 44: 3) sur Ses lèvres. Il entra au milieu de tous ces docteurs avec une majesté et une beauté très rares, comme désirant interroger sur quelque doute. Et par son air agréable, il éveilla dans ces sages le désir de L'écouter avec attention.
5, 5, 763. L'Enfant-Dieu parla et dit: «J'ai écouté et entendu entièrement le doute dont il a été traité touchant la venue du Messie et la solution qu'on y a donnée. Et afin de proposer ma difficulté au sujet de cette détermination Je rappelle que les Prophètes disent que Sa venue sera avec une grande Puissance et une grande Majesté, comme il a été rapporté ici avec les témoignages allégués. Parce qu'Isaïe dit qu'Il sera notre Législateur et notre Roi (Is. 33: 22), qu'Il sauvera Son peuple; et Il affirme en un autre endroit qu'Il viendra de loin (Is. 30: 7) avec
une grande fureur; David assure qu'Il embrassera tous Ses ennemis (Ps. 96: 3); Daniel affirme (Dan. 7: 14) que toutes les tribus et les nations le serviront. L'Ecclésiastique dit qu'Il viendra avec Lui une grande multitude de saints (Eccli. 24: 3). Et les Prophètes et les autres Écritures sont remplies de semblables promesses, pour manifester Sa venue avec des signes très clairs et très patents si on les regarde avec Lumière et attention. Mais le doute se fonde en ces endroits et en d'autres des Prophètes, car tous doivent être également véritables, quoiqu'ils paraissent contraires en apparence. Et ainsi il est nécessaire qu'ils s'accordent donnant à chacun le sens dans lequel il peut et doit convenir avec l'autre. Ainsi donc, comment entendrons-nous maintenant ce que dit le même Isaïe, qu'Il viendra de la terre des vivants et que personne ne pourra raconter Sa génération (Is. 53: . Qu'Il sera rassasié d'opprobres, qu'Il sera conduit à la mort, comme la brebis à la boucherie et qu'Il n'ouvrira pas la bouche (Is. 53: 7). Jérémie affirme que les ennemis du Messie se réuniront pour Le persécuter et jeter du poison dans son pain (Jér. 11: 19) et effacer Son Nom de la terre, quoiqu'ils ne prévaudront point. David dit qu'Il sera L'opprobre du peuple et des hommes et qu'Il sera foulé aux pieds et méprisé (Ps. 21: 7) comme un ver de terre. Zacharie annonce qu'Il viendra doux et humble assis sur une humble bête (Zach. 9: 9). Et tous les Prophètes disent la même chose des signes que doit porter le Messie promis.»
5, 5, 764. «Mais comment sera-t-il possible» ajouta l'Enfant-Dieu, «d'ajuster ces prophéties les unes avec les autres, si nous supposons que le Messie doit venir avec la Majesté et la Puissance des armes pour vaincre tous les rois et les monarques avec violence et en répandant le sang d'autrui? Nous ne pouvons nier que devant venir deux fois, la première, pour racheter le monde et l'autre, pour le juger; les prophéties doivent être appliquées à ces deux avènements, donnant à chacun ce qui le regarde. Et comme les fins de ces deux avènements doivent être différents, les conditions le seront aussi, puisqu'Il ne doit pas faire le même office dans les deux, mais des offices très divers et contraires. Dans le premier Il doit vaincre le démon, le renverser de l'empire qu'il a acquis sur les âmes par le premier péché. Et pour cela Il doit en premier lieu satisfaire à Dieu pour tout le genre humain; et ensuite enseigner aux hommes le chemin de la Vie Éternelle par Ses paroles et Ses exemples et la manière de vaincre leurs ennemis et de servir et d'adorer leur Créateur et Rédempteur; de correspondre aux Dons et aux Bienfaits de Sa main et de bien en user. Il doit ajuster Sa Vie et Sa Doctrine à toutes ces fins dans Son premier avènement. Le second doit être pour demander un compte
exact à tous dans le jugement universel et donner à chacun la rétribution de Ses oeuvres bonnes ou mauvaises, châtiant Ses ennemis avec fureur et indignation. Et les Prophètes disent cela du second avènement.»
5, 5, 765. «Conformément à tout ceci, si nous voulons entendre que le premier avènement sera avec Puissance et Majesté, qu'Il régnera d'une mer à l'autre (Ps. 71: , comme dit David, et que Son royaume sera glorieux, comme le disent d'autres Prophètes (Is. 52: 13; Jér. 30: 9; Ez. 37: 28; Zach. 9: 9), tout cela ne se peut entendre matériellement du royaume et de l'apparat sensible, majestueux et corporel, mais du nouveau royaume spirituel qu'Il fondera dans la nouvelle Église qui s'étendra par tout le globe avec Majesté, Puissance, richesse de Grâce et de Vertu contre le démon. Avec cette concordance toutes les Écritures demeurent uniformes, et sans quoi elles ne peuvent s'accorder entre elles. Et de ce que le peuple de Dieu est soumis aux Romains sans pouvoir rétablir son empire, non-seulement ce n'est pas un signe que le Messie n'est pas venu, mais c'est au contraire un témoignage infaillible qu'Il est déjà dans le monde, puisque notre Patriarche Jacob laissa ce signe afin que ses descendants Le connussent, lorsqu'ils verraient la tribu de Juda privée du sceptre (Gen. 44: 10) et du gouvernement d'Israël; et maintenant vous confessez que ni cette tribu de Juda, ni aucune autre n'espère avoir le gouvernement ni le recouvrer. Les semaines de Daniel (Dan. 9: 25) prouvent aussi tout cela, car il est indubitable qu'elles sont déjà accomplies. Et celui qui a mémoire se souviendra de ce que J'ai entendu dire, qu'il y a peu d'années on vit à Bethléem une grande splendeur; et il fut annoncé à de pauvres bergers (Luc : 9 et 11) que le Rédempteur était né; et ensuite des Rois guidées par une étoile (Matt. 2: 1), vinrent de l'Orient, cherchant le Roi des Juifs pour L'adorer. Et tout cela était ainsi prophétisé (Mich. 5: 2; Ps. 71: 10; Is. 60: 6). Et le roi Hérode, père d'Archélaüs le croyant infailliblement, fit mourir tant d'enfants, seulement pour ôter la vie entre tous au Roi qui était né (Matt. 2: 16) car il craignait qu'Il lui succédât dans le royaume d'Israël.»
5, 5, 766. L'Enfant-Jésus dit encore d'autres raisons, avec l'efficace de Celui qui en interrogeant enseignait avec une Puissance (Luc 4: 32) divine. Et les scribes et les lettrées qui L'écoutaient gardèrent tous le silence, et convaincus, ils se regardaient les uns les autres; et ils se demandaient avec une grande admiration (Luc 2: 47): «Quelle est cette merveille? Quel Enfant prodigieux! D'où vient-Il et
de qui est-Il le Fils?» Mais demeurant dans cette admiration, ils ne connurent ni ne soupçonnèrent point qui était Celui qui les enseignait ainsi et les éclairait sur une vérité si importante. Dans cette circonstance et avant que l'Enfant-Dieu eut achevé Son raisonnement arrivèrent Sa Très Sainte Mère et le saint époux, juste à temps pour entendre Ses dernières paroles. Et l'argument concluant, tous les docteurs de la Loi se levèrent avec étonnement et remplis d'admiration. La divine Dame absorbée dans la joie qu'Elle éprouvait, s'approcha de son Fils très aimant et Lui dit en présence de tous les assistants ce que saint Luc rapporte (Luc 2: 48): «Mon Fils, pourquoi en avez-Vous agi ainsi? Voyez que Votre père et moi, nous Vous cherchions remplis de douleur.» La divine Mère fit cette amoureuse plainte avec une affection et une révérence égales, L'adorant comme Dieu et Lui représentant son affliction comme à son Fils. Sa Majesté lui répondit (Luc 2: 49): «Mais pourquoi me cherchiez-vous? Ne savez-vous point qu'il Me faut prendre soin des choses qui regardent Mon Père?»
5, 5, 767. L'Évangéliste dit qu'ils ne comprirent point le mystère de ces paroles; parce qu'Il le cacha alors à la Très Sainte Marie et à saint Joseph. Et cela procéda de deux causes; l'une parce que la joie intérieure qu'ils eurent de cueillir ce qu'ils avait semé avec larmes les transporta beaucoup, se voyant en la présence de leur riche Trésor qu'ils avaient trouvé. L'autre raison fut parce qu'ils n'arrivèrent pas à temps pour comprendre la matière qui avait été traitée dans cette dispute. Outre ces raisons, il y en eut une autre pour notre Reine si attentive, et ce fut parce qu'il y avait un rideau qui lui cachait l'intérieur de son Très Saint Fils, dans lequel sans cela Elle aurait pu tout connaître; et ceci ne lui fut donc pas manifesté aussitôt, mais seulement plus tard. Les docteurs se retirèrent, conférant entre eux de la stupéfaction qu'ils avaient d'avoir entendu la Sagesse Éternelle, quoiqu'ils ne la connussent pas. Et la Très Heureuse Mère, demeurant presque seule avec son Très Saint Fils, Lui dit avec une affection maternelle et en Lui tendant les bras: «Permettez, mon Fils, à mon Coeur défaillant de Vous manifester sa douleur, et sa peine afin que ma vie ne se brise pas au milieu de cette peine si toutefois elle est utile pour Vous servir. Ne me rejetez point de Votre Face, recevez-moi digne de Vous, et ne me châtiez point par Votre absence.» L'Enfant-Dieu la reçut avec un air agréable et Il S'offrit à être son Maître et son Compagnon jusqu'au temps opportun et convenable. Avec cela le Coeur candide et enflammé de l'Auguste Souveraine se tranquillisa et ils cheminèrent vers Nazareth.
5, 5, 768. Mais s'étant un peu éloignés de Jérusalem, lorsqu'ils se trouvèrent seuls dans le chemin, la Très Prudente Reine se prosterna en terre, adora son Très Saint Fils et Lui demanda Sa bénédiction; parce qu'Elle ne l'avait point fait extérieurement lorsqu'Elle L'avait trouvé dans le Temple parmi le peuple, si avisée et si attentive Elle était pour ne perdre aucune occasion de pratiquer la plénitude de la sainteté. L'Enfant-Jésus la releva de terre et lui parla avec un air agréable et de douces raisons. Et ensuite Il lui tira le voile et lui manifesta de nouveau Son Âme très sainte et Ses opérations avec une profondeur et une clarté plus grandes qu'auparavant. Et la divine Mère connut dans l'intérieur du Fils de Dieu tous les Mystères et toutes les Oeuvres que le même Seigneur avait opérés dans ces trois jours d'absence. Elle comprit aussi tout ce qui s'était passé dans la dispute des docteurs et ce que L'Enfant leur avait dit et les raisons qu'Il avait eues pour ne point Se manifester plus clairement pour le véritable Messie; et Il révéla et manifesta à Sa Mère-Vierge plusieurs autres secrets et plusieurs sacrements cachés, et cette céleste Reine servait d'archives où étaient déposés et conservés tous les Trésors du Verbe Incarné afin qu'Elle donnât en tout et pour tout le retour de louange et de gloire qui était dû à l'Auteur de tant de merveilles. Et la Vierge-Mère fit tout cela avec l'agrément et l'approbation du même Seigneur. Ensuite Elle pria Sa Majesté de Se reposer un peu dans le champ et d'accepter quelque nourriture. Et Il la reçut de la main de Notre Dame, car Elle prenait soin de tout comme Mère de la Sagesse même (Eccli. 24: 24).
5, 5, 769. Dans le cours du voyage la divine Mère conféra avec son Très Doux Fils des Mystères qu'Il lui avait manifestés dans Son intérieur, touchant la dispute des rabbins. Et le Maître céleste L'informa de nouveau verbalement de ce qu'Il lui avait montré par l'intelligence; et Il lui déclara en particulier que ces scribes et ces savants n'arrivèrent point à connaître que Sa Majesté était le Messie à cause de la présomption et de l'arrogance qu'ils avaient de leur propre science; parce que leurs entendements étaient obscurcis par les ténèbres de l'orgueil qui les empêchaient de percevoir la Lumière divine, quoique celle que l'Enfant-Dieu leur proposa fût très grande et Ses raisons les eussent convaincus suffisamment s'ils eussent eu l'affection de leur volonté disposée par l'humilité et le désir de la Vérité. Et à cause de l'obstacle qu'ils mirent, ils ne la découvrirent pas quoiqu'elle fût si patente à leurs yeux. Notre Rédempteur convertit au Chemin du Salut
plusieurs âmes pendant ce voyage. Et Il prenait Sa Très Sainte Mère qui était présente pour Instrument de Ses merveilles; Il éclairait les coeurs de tous ceux à qui la divine Souveraine parlait par le moyen même de ses saintes admonitions et de ses raisons très prudentes. Ils donnèrent la santé à plusieurs malades, Ils consolèrent ceux qui étaient tristes et affligés et Ils répandirent de tous côtés la grâce et la miséricorde sans perdre aucun lieu ni aucune occasion opportune. Et parce que j'ai écrit certaines merveilles particulières semblables à celles-ci [b], en d'autres voyages qu'Ils firent, je ne me rallongerai pas maintenant à en rapporter d'autres, car il faudrait écrire plusieurs chapitres et passer beaucoup de temps pour les raconter toutes, tandis que d'autres choses plus précises de cette Histoire m'appellent.
5, 5, 770. Ils revinrent à Nazareth où ils s'occupèrent à ce que je dirai plus loin. L'Évangéliste saint Luc abrégeant, renferma en peu de paroles les Mystères de son Histoire en disant que l'Enfant-Jésus était soumis (Luc 2: 51) à Ses parents, ce qui s'entend de la Très Sainte Marie et de saint Joseph, et que Sa divine Mère conférait de tous ces événements les notant et les conservant dans son Coeur; et que Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâce (Luc 2: 52) devant Dieu et devant les hommes et je parlerai plus loin de tout cela selon ce que j'en ai compris. Seulement, je rapporterai maintenant que l'obéissance et l'humilité de notre Maître et notre Dieu envers Ses parents furent un sujet d'admiration nouvelle pour les Anges. Et la dignité et l'excellence de Sa Très Sainte Mère le fut aussi, car Elle mérita que le même Dieu fait homme lui fût confié et assujetti, afin qu'avec le patronage de saint Joseph Elle disposât de Lui et Le gouvernât comme sa Chose propre. Et quoique cette sujétion et cette obéissance fût comme conséquente à la maternité naturelle, néanmoins pour user de ce droit de Mère dans le gouvernement de son Fils comme supérieure dans ce genre, il lui fut nécessaire d'avoir une grâce différente de celle qu'il fallait pour Le concevoir et L'enfanter. Et la Très Sainte Marie eut avec plénitude ces grâces convenables et proportionnées pour tous ces offices et ces ministères: et Elle eut cette plénitude si pleine et si abondante qu'Elle débordait sur le très heureux époux saint Joseph, afin qu'il fût lui aussi le digne père putatif du Très Doux Jésus et le chef de cette Famille.
5, 5, 771. La grande Reine correspondait de son côté par des actes héroïques. Et entre autres excellences, Elle eut une humilité presque incompréhensible et une reconnaissance remplie de dévotion de ce que Sa Majesté daignât demeurer en sa compagnie et revenir avec Elle. Ce bienfait que la divine Souveraine jugeait être si nouveau, d'autant qu'Elle s'en croyait indigne, augmenta dans son Coeur très fidèle la sollicitude et l'amour pour servir son Fils-Dieu. Et Elle était si incessante à Le remercier, si ponctuelle, si attentive et si soigneuse à Le servir toujours à genoux et égalée à la terre, que les sublimes Séraphins en étaient dans l'admiration. Outre cela Elle était très officieuse pour L'imiter dans toutes Ses actions comme Elle les connaissait, et Elle mettait toute son attention à les dépeindre et à les exécuter respectivement. Et avec cette plénitude de sainteté Elle avait blessé (Cant. 4: 9) le Coeur de Notre Seigneur Jésus-Christ, et Elle L'avait lié, selon notre manière de concevoir, par des chaînes (Os. 11: 4) d'un amour invincible. Et ce Seigneur étant obligé comme Dieu et comme Fils véritable de cette divine Princesse, il se trouvait à y avoir entre le Fils et la Mère une correspondance réciproque et un cercle divin d'Amour et d'Oeuvres qui s'élevait au-dessus de tout entendement créé. Parce que dans l'Océan de Marie entraient tous les riches courants de la grâce et des faveurs du Verbe Incarné; et cet océan ne débordait pas, parce qu'il avait la capacité et l'espace pour les recevoir, mais ces courants retournaient à leur Principe, l'heureuse Mère de la Sagesse les Lui renvoyant afin qu'ils revinssent une autre fois, comme si ces flux et reflux de la Divinité allassent entre le Fils et la Mère seulement. Tel est le mystère de ces humbles remerciements si souvent répétés de l'Épouse (Cant. 2: 16-17): «Mon Bien-Aimé est à moi et je suis à Lui, qui se repait parmi les lis, pendant que le jour s'approche et que les ombres s'enfuient.» Et d'autres fois (Cant. 6: 2): «Je suis à mon bien-Aimé et mon Bien-Aimé est à moi: Je suis à mon Bien-Aimé et Il se tourne vers moi.»
5, 5, 772. Le feu de l'Amour divin qui brûlait dans le coeur de notre Rédempteur, lequel était venu pour embraser la terre (Luc 12: 49), trouvant une matière proche et disposée, qui était le Coeur très pur de Sa Mère, accomplit et opéra avec une activité souveraine des effets si illimités que le même Seigneur seul peut les connaître comme Il a pu les opérer. J'avertis d'une seule chose dont l'intelligence m'a été donnée, et c'est que dans les démonstrations extérieures de l'Amour que le Verbe fait homme avait pour Sa Très Sainte Mère, Il mesurait les oeuvres et les signes, non par Son inclination naturelle de Fils, mais par l'état que
la grande Reine avait pour mériter comme Voyageuse; parce que Sa Majesté savait que si dans les démonstrations et les faveurs Il l'eût consolée autant que l'inclination de Son amour naturel de Fils pour une telle Mère le demandait, Il l'eût empêchée en quelque chose de mériter autant qu'il convenait par la jouissance continuelle des délices de son Bien-Aimé. Et pour cela le Seigneur retint en partie cette force naturelle de Sa propre Humanité, et Il donna lieu à ce que Sa divine Mère, bien que très sainte, opérât et méritât en souffrant étant privée de la douce et continuelle récompense qu'Elle eût pu avoir avec les faveurs visibles de son Très Saint Fils. Et pour cette raison, l'Enfant-Dieu gardait dans la conversation ordinaire plus de retenue et de gravité. Et bien que la Très Diligente Reine fût si soigneuse à Le servir et à Lui fournir et Lui préparer tout ce qui était nécessaire, et cela avec une révérence incomparable; néanmoins en cela son Très Saint Fils ne faisait pas autant de démonstrations que la sollicitude de Sa Mère en méritait de Lui.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 5, 773. Ma fille, toutes les Oeuvres de mon Très Saint Fils et les miennes sont remplies d'une Doctrine mystérieuse et d'un enseignement Divin pour les mortels qui les considèrent avec une révérence attentive. Sa Majesté s'absenta de moi, afin que Le cherchant avec douleur et avec larmes (Ps. 125: 5) je Le trouvasse avec allégresse et fruit de mon esprit. Et je veux que tu m'imites dans ce mystère, Le cherchant avec une amertume telle, qu'elle excite en toi une sollicitude incessante, sans te reposer toute ta vie en aucune chose, jusqu'à ce que tu Le possèdes (Cant. 3: 4) et que tu ne Le quittes plus. Afin que tu comprennes mieux les sacrements du Seigneur, sache que Sa Sagesse infinie créa d'une telle manière les créatures capables de Son éternelle félicité, qu'Elle les posa dans la voie, mais absentes et douteuses d'elles-mêmes, afin qu'elles vivent toujours dans les sollicitudes et les douleurs jusqu'à ce qu'elles arrivent à Le posséder; et cette sollicitude engendre dans la même créature une crainte continuelle et une grande haine du péché ce par quoi seul elle peut perdre Dieu: afin que dans le tourbillon de la conversation humaine elle ne se laisse point enlacer ni envelopper dans les choses visibles et terrestres. Le Créateur aide cette sollicitude, ajoutant à la raison naturelle les vertus de Foi et d'Espérance qui sont le stimulant de l'amour par lequel la créature cherche et trouve sa dernière fin. Outre ces vertus et d'autres
qu'Il répand par le sacrement de Baptême, Il envoie des inspirations et des secours par lesquels Il excite et meut l'âme absente du même Seigneur, afin qu'elle ne L'oublie point et qu'elle ne s'oublie point elle-même tant qu'elle est privée de Son aimable Présence; mais au contraire, qu'elle poursuive sa carrière jusqu'à arriver à la fin désirée où elle trouvera tout le comble (Ps. 16: 15) de son inclination et de ses désirs.
5, 5, 774. De là tu comprendras l'ignorance honteuse des mortels et combien il y en a peu qui s'arrêtent à considérer l'ordre mystérieux de leur création et de leur justification et les Oeuvres du Très-Haut dirigées à une si haute fin. De cet oubli il s'ensuit tant de maux dont souffrent les créatures, prenant possession des biens terrestres et des plaisirs trompeurs, comme s'ils étaient leur félicité et leur fin dernière. Ceci est la souveraine perversité contre l'ordre du Créateur; parce que les mortels veulent jouir des choses visibles dans cette vie courte et transitoire comme si elles étaient leur dernière fin; tandis qu'ils doivent user des créatures que pour obtenir le Créateur et non pour le perdre. Considère donc, ma très chère, ce risque de la folie humaine; et tout le délectable, sa joie, son ris, juge tout cela pour une erreur (Eccles. 2: 2); et dis au consentement sensible qu'il se laisse tromper vainement, qu'il engendre la folie, qu'il enivre le coeur, qu'il empêche et détruit toute sagesse véritable. Vis toujours dans la sainte crainte de perdre la Vie Éternelle et ne te réjouis point hors du Seigneur jusqu'à ce que tu L'aies obtenue. Fuis la conversation humaine, crains ses dangers; et si Dieu te met en quelqu'un de ces dangers pour Sa gloire par le moyen de l'obéissance, quoique tu doives te fier à Sa protection, tu ne dois point cependant être lente et négligente à t'en préserver. Ne confie point ton naturel à l'amitié et à l'entretien des créatures; c'est en cela que consiste ton plus grand péril; parce que le Seigneur t'a donné une nature agréable et tendre, afin que tu t'inclines facilement à ne point Lui résister dans Ses Oeuvres et que tu emploies à Son Amour ce bien qu'Il t'a fait. Mais si tu donnes entrée à l'amour des créatures, elles te porteront sans doute à t'éloigner du Souverain Bien et à pervertir l'ordre et les Oeuvres de Sa Sagesse infinie. Et c'est une chose indigne d'employer le plus grand bienfait de la nature dans un objet qui ne soit pas le plus noble de cette même nature. Élève-toi au-dessus de tout ce qui est créé et au-dessus de toi-même (Lam. 3: 41). Relève les opérations de tes puissances et représente-leur le très noble Objet de l'Être de Dieu, celui de mon Fils Bien-Aimé et ton Époux qui est beau et agréable (Ps. 44: 3) entre tous les
enfants des hommes; et aime-Le de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 5, [a]. Livre 5, No. 747.
5, 5, [b. Livre 4, Nos. 624, 645, 667, 669, 704.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 6
Vision qu'eut la Très Sainte Marie lorsque l'Enfant-Jésus avait douze ans, pour continuer en Elle l'image et la doctrine de la Loi de l'Évangile.
5, 6, 775. Dans les chapitres 1 et 2 de ce livre, j'ai commencé ce que je dois poursuivre dans celui-ci et les suivants, non sans une juste crainte de mon discours embarrassé et insuffisant et beaucoup plus de la tiédeur de mon coeur pour traiter des sacrements cachés qui arrivèrent entre le Verbe Incarné et Sa Bienheureuse Mère pendant les dix-huit ans qu'ils furent à Nazareth, de retour de Jérusalem et de la dispute des docteurs, jusqu'à la trentième année du Seigneur lorsqu'Il sortit pour la prédication. Sur le rivage de cette mer de Mystères je me trouve toute troublée et intimidée, suppliant le très haut et très sublime Seigneur, avec une intime affection de mon âme de commander à un Ange de prendre la plume afin que ce sujet ne demeure point offensé; ou que Sa Majesté comme Puissant et Sage parle pour moi, qu'Il m'éclaire et qu'Il dirige mes puissances, afin que gouvernées par Sa divine Lumière, elles soient un instrument de Sa Volonté et de Sa Vérité seules et que la fragilité humaine n'y ait point de part dans l'insuffisance d'une femme ignorante.
5, 6, 776. J'ai déjà dit dans les chapitres cités comment notre grande Souveraine fut l'unique et première Disciple de son Très Saint Fils, Disciple élue entre toutes les créatures pour être l'Image choisie où s'estampât la nouvelle Loi de l'Évangile et de son Auteur et pour servir dans Sa nouvelle Église comme de Patron et d'Original unique, à l'imitation de laquelle tous les autres Saints pussent se former ainsi que les effets de la Rédemption des hommes. Le Verbe fait chair procéda dans cette Oeuvre comme un excellent artiste qui a compris l'art de la peinture dans toutes ses parties et ses conditions: car entre plusieurs Oeuvres de ses mains, Il tâche d'en achever une en toute perfection et habileté qui l'accrédite d'elle-même, qui publie la grandeur de son Auteur et qui soit comme un Exemplaire de toutes Ses Oeuvres. Il est certain que toute la sainteté et la gloire des Saints furent l'Oeuvre (Eph. 1: 3; Jean 1: 16) de l'Amour de Jésus-Christ et de Ses mérites; et tous ces Saints furent des Oeuvres parfaites de Ses mains: mais comparées avec la grandeur de la Très Sainte Marie, elles semblent petites et des imperfections de l'art: parce que tous les Saints en eurent quelques-unes. Seule cette vivante Image de son Fils Unique n'en eut point et le premier coup de pinceau qui fut donné dans sa formation fut de plus haute perfection que les dernières retouches des suprêmes esprits et des Saints. Elle est le modèle de toute la sainteté et de toutes les vertus des autres et le terme où arriva l'Amour de Jésus-Christ en une pure Créature; parce que la grâce et la gloire que la Très Sainte Marie put recevoir ne furent données à aucune et Elle reçut toutes celles qui purent être données à d'autres et son Très Béni Fils lui donna toutes celles qu'Elle put recevoir et qu'Il put lui communiquer [a].
5, 6, 777. La variété des saints et leurs degrés (Ps. 18: 1) exaltent en silence l'Artiste de toute sainteté, et les moindres et les petits rendent les grands plus grands, et ils exaltent tous ensemble la Très Sainte Marie, demeurant glorieusement surpassés par sa sainteté incomparable, et heureusement fortunés de la part en laquelle ils l'imitent, entrant dans cet ordre dont la perfection rejaillit sur tous. Et si la Très Pure Marie est la suprême Créature qui éleva au plus haut point l'ordre des Justes, par cela même Elle vient à être comme un Instrument ou un Motif de la gloire que les Saints ont en tel ou tel degré. Et dans la manière que Notre-Seigneur Jésus-Christ garda en formant cette Image de Sa sainteté, on voit quoique de loin sa perfection, si l'on prend garde combien Il travailla en Elle et
combien Il travailla dans tout le reste de l'Église. Pour fonder et enrichir cette Sainte Église, appeler les Apôtres, prêcher à Son peuple, établir la nouvelle Loi de l'Évangile, pour tout cela la prédication de trois ans suffit et pendant ce temps Il accomplit surabondamment cette Oeuvre que son Père Éternel lui avait recommandée (Jean 6: 38) et Il justifia et sanctifia tous les croyants: et pour imprimer dans Sa Bienheureuse Mère l'Image de Sa sainteté, il ne s'employa pas seulement trois ans, mais trois fois dix ans, opérant sans cesse en Elle avec la force de Sa Puissance et de Son Amour divin sans faire aucun intervalle où Il manquât d'ajouter à chaque heure grâces sur grâces, Dons sur Dons, Bienfaits sur Bienfaits, Sainteté sur Sainteté. Et après tout cela Elle resta en état de pouvoir être retouchée de nouveau par Lui avec ce qu'Elle reçut, après que son Très Saint Fils Jésus-Christ fut remonté vers Son Père, comme je le dirai dans la troisième partie. La raison se trouble, le discours défaille à la vue de cette Auguste Reine; parce qu'Elle fut élue comme le soleil (Cant. 6: 9), et sa splendeur ne permet pas d'être examinée par des yeux terrestres ou par aucune autre créature [b].
5, 6, 778. Notre Rédempteur Jésus-Christ commença à manifester cette Volonté envers cette divine Mère après qu'Ils furent revenus de l'Égypte à Nazareth comme je l'ai déjà dit [c], et toujours Il poursuivait Son office de Maître en l'enseignement et par le pouvoir Divin qui l'illustrait avec de nouvelles intelligences des Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption. Après qu'ils furent revenus de Jérusalem lorsque l'Enfant-Dieu avait douze ans, la grande Reine eut une vision de la Divinité non intuitive, mais par espèces; néanmoins très sublime et remplie de nouvelles influences de la même Divinité et de connaissances des secrets du Très-Haut. Elle connut spécialement les décrets de l'Entendement et de la Volonté du Seigneur par rapport à la Loi de grâce (Eph. 2: 14-15) que le Verbe fait chair devait fonder et la Puissance qui Lui avait été donnée (Matt. 28: 18) dans le consistoire de la Bienheureuse Trinité. Elle vit conjointement que le Père Éternel consignait pour cette fin à Son Fils fait homme ce Livre fermé que saint Jean rapporte dans le chapitre 5 de l'Apocalypse, scellé de sept sceaux, car il ne se trouva personne ni dans le Ciel ni sur la terre qui ouvrît ou déliât les sceaux (Apoc. 5: 1) jusqu'à ce que l'Agneau le fît par Sa Passion, Sa Mort, Sa Doctrine et Ses Mérites; avec quoi Il déclara et manifesta aux hommes le secret de ce Livre qui était toute la nouvelle Loi de l'Évangile et l'Église qui devait être fondée dans le monde avec cet Évangile.
5, 6, 779. La divine Dame connut ensuite comment la Très Sainte Trinité décrétait qu'Elle serait la première d'entre tout le genre humain qui lirait ce Livre et qui le comprendrait; et que son Fils unique le lui ouvrirait et le lui manifesterait tout en entier et que tout ce qui y était contenu s'accomplirait, qu'Elle serait la première qui accompagnerait le Verbe comme Lui ayant donné chair humaine, qui Le suivrait et qui aurait sa place légitime immédiatement après Lui dans les sentiers qu'Il avait manifestés dans ce Livre en descendant du Ciel; afin que les mortels montassent à Lui de la terre et que ce Testament serait déposé en Celle qui était Sa Mère véritable. Elle vit comment le Fils du Père Éternel et le sien acceptait ce décret avec beaucoup d'agrément et de bon plaisir; et que Son Humanité très sainte lui obéissait avec une joie indicible parce qu'Elle était Sa Mère; et le Père Éternel Se tourna vers la Très Pure Dame et lui dit:
5, 6, 780. «Mon Épouse et Ma Colombe prépare ton Coeur afin que Nous te rendions participante de la plénitude de Notre Science, selon Notre bon plaisir et afin que le Nouveau Testament et la Sainte Loi de Mon Fils Unique soient écrits dans ton âme. Enflamme tes désirs et applique ton esprit à la connaissance et à l'exécution de Notre Doctrine et de Nos Préceptes. Reçois les Dons de Notre Puissance libérale et de Notre Amour envers toi. Et afin que Nous revienne la digne rétribution, sache que Nous avons déterminé par la disposition de Notre Sagesse infinie, que Mon Fils Unique en l'Humanité qu'il a prise de toi aie l'image et la ressemblance possible en une pure Créature, qui soit comme un effet et un fruit proportionné à Ses mérites et que Son saint Nom y soit exalté et magnifié avec une digne rétribution. Sache donc, Ma fille et Mon Élue qu'il est demandé de ta part une grande disposition. Prépare-toi pour les Oeuvres et les Mystères de Notre puissante Droite.»
5, 6, 781. «Seigneur Éternel et Dieu Immense,» répondit l'humble Dame, «je suis prosternée en Votre divine et royale Présence, connaissant à la vue de Votre Être infini le mien si vil qui est le néant même. Je reconnais Votre grandeur et ma petitesse. Je me trouve indigne du nom de Votre esclave et pour la bénignité avec laquelle Votre clémence m'a regardée, j'offre le fruit de mon sein Votre Fils Unique et je supplie Sa Majesté de répondre pour Sa Mère et Sa servante indigne.
Mon Coeur est prêt (Ps. 56: et dans la reconnaissance de Vos Miséricordes, il défaille (Ps. 72: 26) et se fond en affections parce qu'il ne peut exécuter les véhémences de ses désirs. Mais si j'ai trouvé grâces (Esth. 7: 3) à Vos yeux, je parlerai, mon Seigneur et mon Dieu, en Votre Présence, pour demander seulement avec supplication à Votre royale Majesté de faire en Votre esclave tout ce que Vous demandez et commandez, puisque nul ne peut le faire, hors Vous-même, Seigneur et Roi très haut. Et si Vous demandez de mon côté le Coeur libre et soumis je Vous l'offre pour souffrir et obéir à Votre Volonté jusqu'à la mort.» Aussitôt la divine Princesse fut remplie de nouvelles influences de la Divinité, illuminée, purifiée, spiritualisée et préparée avec une plus grande plénitude de l'Esprit-Saint qu'Elle n'avait reçue jusqu'à ce jour; parce que ce Bienfait fut très mémorable pour l'Impératrice des Hauteurs. Et quoique tous ses Bienfaits fussent très sublimes, sans exemple et sans aucun autre semblable dans les autres créatures, pour cette raison chacun d'eux paraissait le suprême et marquait le "nec plus ultra"; mais dans la participation des perfections Divines, il n'y a point de limitation de leur côté, si la capacité de la créature ne faisait point défaut. Et comme celle-ci était grande dans la Reine du Ciel et qu'Elle croissait avec les faveurs mêmes, les Bienfaits qui étaient sublimes la disposaient pour d'autres encore plus sublimes. Et comme la Puissance divine ne trouvait point d'obstacle qui L'empêchât, Elle acheminait tous Ses Trésors pour les déposer dans les Archives assurées et très fidèles de la Très Sainte Marie Notre-Dame.
5, 6, 782. Elle sortit toute renouvelée de cette vision extatique et Elle alla en la Présence de son Très Saint Fils, et prosternée à Ses pieds Elle Lui dit: «Mon Seigneur, ma Lumière et mon Maître, voici Votre Mère indigne préparée pour l'accomplissement de Votre Sainte Volonté. Recevez-moi de nouveau pour Votre Disciple et Votre Servante, et prenez dans Votre puissante main l'Instrument de Votre Sagesse et de Votre Volonté. Exécutez en moi le bon plaisir du Père Éternel et le Vôtre.» Le Très Saint Fils reçut Sa Mère avec une majesté et une autorité de Maître et lui fit une admonition très sublime. Il lui enseigna avec de puissantes raisons et un grand poids la valeur et la profondeur que contenaient les Oeuvres mystérieuses que le Père Éternel lui avait recommandées touchant l'affaire de la Rédemption des hommes et la fondation de la nouvelle Église et de la Loi de l'Évangile qui avaient été déterminées dans l'Entendement divin. Il lui déclara et lui manifesta de nouveau comment Elle devait être Sa Compagne et Sa Coadjutrice dans l'exécution de mystères si hauts et si cachés en recevant les prémices de la
grâce et en en faisant le premier usage; et que pour cela la Très Pure Souveraine devait L'assister dans Ses travaux jusqu'à la Mort de la Croix, Le suivant avec un Coeur préparé, grand, constant, dilaté et invincible. Il lui donna une Doctrine céleste, afin qu'Elle se préparât à recevoir toute la Loi de l'Évangile, à la comprendre et à la pénétrer, et à exécuter tous ses préceptes et ses conseils avec une perfection très sublime. L'Enfant-Jésus déclara d'autres grands sacrements à Sa Bienheureuse Mère en cette circonstance, touchant les Oeuvres qu'Il ferait dans le monde. Et la divine Dame s'offrit à tout avec une humilité profonde, en toute obéissance, révérence et reconnaissance, et avec un amour très véhément et très affectueux.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE SOUVERAINE.
5, 6, 783. Ma fille, je t'ai appelée et conviée à me suivre par la plus grande imitation que pourront tes forces, aidées de la grâce Divine, et cela plusieurs fois dans le cours de ta vie, surtout en ce temps que tu écris la mienne. Maintenant je t'intime de nouveau cet appel et cette obligation, depuis que la Bonté du Très-Haut t'a donné une Lumière et une intelligence si claire du sacrement que Son Puissant bras opéra dans mon Coeur, en y écrivant toute la Loi de grâce et la Doctrine de Son Évangile et l'effet que cette faveur produisit en moi, la manière dont je L'en remerciai et comment je correspondis dans l'imitation adéquate et très parfaite de mon Très Saint Fils et mon Maître. Tu dois réputer la connaissance que tu as de tout cela comme l'une des plus grandes faveurs et l'un des plus grands bienfaits que Sa Majesté t'a accordés, puisque tu y trouvera comme dans un Miroir très clair la somme et l'épilogue de la plus grande sainteté et de la perfection la plus sublime et tu verras à découvert dans ton esprit les sentiers de la Lumière (Prov. 4: 18) divine, par où tu chemineras assurée (Jean 12: 35) et sans les ténèbres de l'ignorance qui aveuglent tous les mortels.
5, 6, 784. Viens donc, ma fille, viens à ma suite; et afin que tu m'imites comme je le veux de toi et que tu sois illuminée dans ton entendement, l'esprit élevé, le coeur préparé et la volonté fervente, dispose-toi par la liberté et la séparation de toutes choses, comme ton Époux te le demande; éloigne-toi de tout ce qui est terrestre et visible; quitte toute créature; renonce à toi-même (Matt. 16:
24), ferme les yeux aux fables trompeuses (Ps. 39: 5) du monde et du démon. Et dans ses tentations je t'avertis de ne point t'embarrasser ni t'affliger beaucoup. Parce que s'il obtient de te retenir de manière à ce que tu ne puisses pas t'avancer, avec cela il aura remporté sur toi une grande victoire et tu n'arrivera pas à être robuste dans la perfection. Sois donc attentive au Seigneur désireux de la beauté de ton âme, libéral pour te l'accorder, puissant pour déposer en elle les Trésors de Sa Sagesse et plein de sollicitude pour t'obliger à les recevoir. Laisse-Le écrire dans ton coeur Sa divine Loi de l'Évangile et que cette Loi soit ton étude, ta méditation de jour (Ps. 1: 1-2) et de nuit, ton souvenir et ton aliment, la Vie de ton âme et le nectar de ton goût spirituel avec quoi tu obtiendras ce que le Très-Haut veut de toi et moi ce que je désire.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 6, [a]. «Image parfaite et excellente du divin Architecte.» Saint André de Crète. «Son seul Auteur surpassa cet ouvrage.» S. Pierre-Damien «Oeuvre admirable du Seigneur.» Saint Bonaventure.
5, 6, [b]. «Il est réservé à Dieu seul de la connaître.» Saint Bernardin de Sienne. «Elle est plus grande qu'on peut le penser ou que le regard de l'esprit peut le découvrir.» Saint Thomas de Villeneuve. «Couronne inaccessible à tous les Saints à cause de son éclat.» Saint Grégoire de Nazianze, [in tra., de Chirs, patient., in fine]. «Ce qu'Elle a fait est incomparable, ce qu'Elle a reçu est ineffable, ce qu'Elle a mérité est incompréhensible.» Saint Ildephonse, [Serm. de Assumpt.]. «Je vous le demande, y a-t-il quelqu'un des hommes ou des Anges qui puisse pénétrer l'immensité de cet Amour?» Saint Anselme, [De excell. Virg. Mar., c. 4].
5, 6, [c]. Livre 5, No. 713
Vision qu'eut la Très Sainte Marie lorsque l'Enfant-Jésus avait douze ans, pour continuer en Elle l'image et la doctrine de la Loi de l'Évangile.
5, 6, 775. Dans les chapitres 1 et 2 de ce livre, j'ai commencé ce que je dois poursuivre dans celui-ci et les suivants, non sans une juste crainte de mon discours embarrassé et insuffisant et beaucoup plus de la tiédeur de mon coeur pour traiter des sacrements cachés qui arrivèrent entre le Verbe Incarné et Sa Bienheureuse Mère pendant les dix-huit ans qu'ils furent à Nazareth, de retour de Jérusalem et de la dispute des docteurs, jusqu'à la trentième année du Seigneur lorsqu'Il sortit pour la prédication. Sur le rivage de cette mer de Mystères je me trouve toute troublée et intimidée, suppliant le très haut et très sublime Seigneur, avec une intime affection de mon âme de commander à un Ange de prendre la plume afin que ce sujet ne demeure point offensé; ou que Sa Majesté comme Puissant et Sage parle pour moi, qu'Il m'éclaire et qu'Il dirige mes puissances, afin que gouvernées par Sa divine Lumière, elles soient un instrument de Sa Volonté et de Sa Vérité seules et que la fragilité humaine n'y ait point de part dans l'insuffisance d'une femme ignorante.
5, 6, 776. J'ai déjà dit dans les chapitres cités comment notre grande Souveraine fut l'unique et première Disciple de son Très Saint Fils, Disciple élue entre toutes les créatures pour être l'Image choisie où s'estampât la nouvelle Loi de l'Évangile et de son Auteur et pour servir dans Sa nouvelle Église comme de Patron et d'Original unique, à l'imitation de laquelle tous les autres Saints pussent se former ainsi que les effets de la Rédemption des hommes. Le Verbe fait chair procéda dans cette Oeuvre comme un excellent artiste qui a compris l'art de la peinture dans toutes ses parties et ses conditions: car entre plusieurs Oeuvres de ses mains, Il tâche d'en achever une en toute perfection et habileté qui l'accrédite d'elle-même, qui publie la grandeur de son Auteur et qui soit comme un Exemplaire de toutes Ses Oeuvres. Il est certain que toute la sainteté et la gloire des Saints furent l'Oeuvre (Eph. 1: 3; Jean 1: 16) de l'Amour de Jésus-Christ et de Ses mérites; et tous ces Saints furent des Oeuvres parfaites de Ses mains: mais comparées avec la grandeur de la Très Sainte Marie, elles semblent petites et des imperfections de l'art: parce que tous les Saints en eurent quelques-unes. Seule cette vivante Image de son Fils Unique n'en eut point et le premier coup de pinceau qui fut donné dans sa formation fut de plus haute perfection que les dernières retouches des suprêmes esprits et des Saints. Elle est le modèle de toute la sainteté et de toutes les vertus des autres et le terme où arriva l'Amour de Jésus-Christ en une pure Créature; parce que la grâce et la gloire que la Très Sainte Marie put recevoir ne furent données à aucune et Elle reçut toutes celles qui purent être données à d'autres et son Très Béni Fils lui donna toutes celles qu'Elle put recevoir et qu'Il put lui communiquer [a].
5, 6, 777. La variété des saints et leurs degrés (Ps. 18: 1) exaltent en silence l'Artiste de toute sainteté, et les moindres et les petits rendent les grands plus grands, et ils exaltent tous ensemble la Très Sainte Marie, demeurant glorieusement surpassés par sa sainteté incomparable, et heureusement fortunés de la part en laquelle ils l'imitent, entrant dans cet ordre dont la perfection rejaillit sur tous. Et si la Très Pure Marie est la suprême Créature qui éleva au plus haut point l'ordre des Justes, par cela même Elle vient à être comme un Instrument ou un Motif de la gloire que les Saints ont en tel ou tel degré. Et dans la manière que Notre-Seigneur Jésus-Christ garda en formant cette Image de Sa sainteté, on voit quoique de loin sa perfection, si l'on prend garde combien Il travailla en Elle et
combien Il travailla dans tout le reste de l'Église. Pour fonder et enrichir cette Sainte Église, appeler les Apôtres, prêcher à Son peuple, établir la nouvelle Loi de l'Évangile, pour tout cela la prédication de trois ans suffit et pendant ce temps Il accomplit surabondamment cette Oeuvre que son Père Éternel lui avait recommandée (Jean 6: 38) et Il justifia et sanctifia tous les croyants: et pour imprimer dans Sa Bienheureuse Mère l'Image de Sa sainteté, il ne s'employa pas seulement trois ans, mais trois fois dix ans, opérant sans cesse en Elle avec la force de Sa Puissance et de Son Amour divin sans faire aucun intervalle où Il manquât d'ajouter à chaque heure grâces sur grâces, Dons sur Dons, Bienfaits sur Bienfaits, Sainteté sur Sainteté. Et après tout cela Elle resta en état de pouvoir être retouchée de nouveau par Lui avec ce qu'Elle reçut, après que son Très Saint Fils Jésus-Christ fut remonté vers Son Père, comme je le dirai dans la troisième partie. La raison se trouble, le discours défaille à la vue de cette Auguste Reine; parce qu'Elle fut élue comme le soleil (Cant. 6: 9), et sa splendeur ne permet pas d'être examinée par des yeux terrestres ou par aucune autre créature [b].
5, 6, 778. Notre Rédempteur Jésus-Christ commença à manifester cette Volonté envers cette divine Mère après qu'Ils furent revenus de l'Égypte à Nazareth comme je l'ai déjà dit [c], et toujours Il poursuivait Son office de Maître en l'enseignement et par le pouvoir Divin qui l'illustrait avec de nouvelles intelligences des Mystères de l'Incarnation et de la Rédemption. Après qu'ils furent revenus de Jérusalem lorsque l'Enfant-Dieu avait douze ans, la grande Reine eut une vision de la Divinité non intuitive, mais par espèces; néanmoins très sublime et remplie de nouvelles influences de la même Divinité et de connaissances des secrets du Très-Haut. Elle connut spécialement les décrets de l'Entendement et de la Volonté du Seigneur par rapport à la Loi de grâce (Eph. 2: 14-15) que le Verbe fait chair devait fonder et la Puissance qui Lui avait été donnée (Matt. 28: 18) dans le consistoire de la Bienheureuse Trinité. Elle vit conjointement que le Père Éternel consignait pour cette fin à Son Fils fait homme ce Livre fermé que saint Jean rapporte dans le chapitre 5 de l'Apocalypse, scellé de sept sceaux, car il ne se trouva personne ni dans le Ciel ni sur la terre qui ouvrît ou déliât les sceaux (Apoc. 5: 1) jusqu'à ce que l'Agneau le fît par Sa Passion, Sa Mort, Sa Doctrine et Ses Mérites; avec quoi Il déclara et manifesta aux hommes le secret de ce Livre qui était toute la nouvelle Loi de l'Évangile et l'Église qui devait être fondée dans le monde avec cet Évangile.
5, 6, 779. La divine Dame connut ensuite comment la Très Sainte Trinité décrétait qu'Elle serait la première d'entre tout le genre humain qui lirait ce Livre et qui le comprendrait; et que son Fils unique le lui ouvrirait et le lui manifesterait tout en entier et que tout ce qui y était contenu s'accomplirait, qu'Elle serait la première qui accompagnerait le Verbe comme Lui ayant donné chair humaine, qui Le suivrait et qui aurait sa place légitime immédiatement après Lui dans les sentiers qu'Il avait manifestés dans ce Livre en descendant du Ciel; afin que les mortels montassent à Lui de la terre et que ce Testament serait déposé en Celle qui était Sa Mère véritable. Elle vit comment le Fils du Père Éternel et le sien acceptait ce décret avec beaucoup d'agrément et de bon plaisir; et que Son Humanité très sainte lui obéissait avec une joie indicible parce qu'Elle était Sa Mère; et le Père Éternel Se tourna vers la Très Pure Dame et lui dit:
5, 6, 780. «Mon Épouse et Ma Colombe prépare ton Coeur afin que Nous te rendions participante de la plénitude de Notre Science, selon Notre bon plaisir et afin que le Nouveau Testament et la Sainte Loi de Mon Fils Unique soient écrits dans ton âme. Enflamme tes désirs et applique ton esprit à la connaissance et à l'exécution de Notre Doctrine et de Nos Préceptes. Reçois les Dons de Notre Puissance libérale et de Notre Amour envers toi. Et afin que Nous revienne la digne rétribution, sache que Nous avons déterminé par la disposition de Notre Sagesse infinie, que Mon Fils Unique en l'Humanité qu'il a prise de toi aie l'image et la ressemblance possible en une pure Créature, qui soit comme un effet et un fruit proportionné à Ses mérites et que Son saint Nom y soit exalté et magnifié avec une digne rétribution. Sache donc, Ma fille et Mon Élue qu'il est demandé de ta part une grande disposition. Prépare-toi pour les Oeuvres et les Mystères de Notre puissante Droite.»
5, 6, 781. «Seigneur Éternel et Dieu Immense,» répondit l'humble Dame, «je suis prosternée en Votre divine et royale Présence, connaissant à la vue de Votre Être infini le mien si vil qui est le néant même. Je reconnais Votre grandeur et ma petitesse. Je me trouve indigne du nom de Votre esclave et pour la bénignité avec laquelle Votre clémence m'a regardée, j'offre le fruit de mon sein Votre Fils Unique et je supplie Sa Majesté de répondre pour Sa Mère et Sa servante indigne.
Mon Coeur est prêt (Ps. 56: et dans la reconnaissance de Vos Miséricordes, il défaille (Ps. 72: 26) et se fond en affections parce qu'il ne peut exécuter les véhémences de ses désirs. Mais si j'ai trouvé grâces (Esth. 7: 3) à Vos yeux, je parlerai, mon Seigneur et mon Dieu, en Votre Présence, pour demander seulement avec supplication à Votre royale Majesté de faire en Votre esclave tout ce que Vous demandez et commandez, puisque nul ne peut le faire, hors Vous-même, Seigneur et Roi très haut. Et si Vous demandez de mon côté le Coeur libre et soumis je Vous l'offre pour souffrir et obéir à Votre Volonté jusqu'à la mort.» Aussitôt la divine Princesse fut remplie de nouvelles influences de la Divinité, illuminée, purifiée, spiritualisée et préparée avec une plus grande plénitude de l'Esprit-Saint qu'Elle n'avait reçue jusqu'à ce jour; parce que ce Bienfait fut très mémorable pour l'Impératrice des Hauteurs. Et quoique tous ses Bienfaits fussent très sublimes, sans exemple et sans aucun autre semblable dans les autres créatures, pour cette raison chacun d'eux paraissait le suprême et marquait le "nec plus ultra"; mais dans la participation des perfections Divines, il n'y a point de limitation de leur côté, si la capacité de la créature ne faisait point défaut. Et comme celle-ci était grande dans la Reine du Ciel et qu'Elle croissait avec les faveurs mêmes, les Bienfaits qui étaient sublimes la disposaient pour d'autres encore plus sublimes. Et comme la Puissance divine ne trouvait point d'obstacle qui L'empêchât, Elle acheminait tous Ses Trésors pour les déposer dans les Archives assurées et très fidèles de la Très Sainte Marie Notre-Dame.
5, 6, 782. Elle sortit toute renouvelée de cette vision extatique et Elle alla en la Présence de son Très Saint Fils, et prosternée à Ses pieds Elle Lui dit: «Mon Seigneur, ma Lumière et mon Maître, voici Votre Mère indigne préparée pour l'accomplissement de Votre Sainte Volonté. Recevez-moi de nouveau pour Votre Disciple et Votre Servante, et prenez dans Votre puissante main l'Instrument de Votre Sagesse et de Votre Volonté. Exécutez en moi le bon plaisir du Père Éternel et le Vôtre.» Le Très Saint Fils reçut Sa Mère avec une majesté et une autorité de Maître et lui fit une admonition très sublime. Il lui enseigna avec de puissantes raisons et un grand poids la valeur et la profondeur que contenaient les Oeuvres mystérieuses que le Père Éternel lui avait recommandées touchant l'affaire de la Rédemption des hommes et la fondation de la nouvelle Église et de la Loi de l'Évangile qui avaient été déterminées dans l'Entendement divin. Il lui déclara et lui manifesta de nouveau comment Elle devait être Sa Compagne et Sa Coadjutrice dans l'exécution de mystères si hauts et si cachés en recevant les prémices de la
grâce et en en faisant le premier usage; et que pour cela la Très Pure Souveraine devait L'assister dans Ses travaux jusqu'à la Mort de la Croix, Le suivant avec un Coeur préparé, grand, constant, dilaté et invincible. Il lui donna une Doctrine céleste, afin qu'Elle se préparât à recevoir toute la Loi de l'Évangile, à la comprendre et à la pénétrer, et à exécuter tous ses préceptes et ses conseils avec une perfection très sublime. L'Enfant-Jésus déclara d'autres grands sacrements à Sa Bienheureuse Mère en cette circonstance, touchant les Oeuvres qu'Il ferait dans le monde. Et la divine Dame s'offrit à tout avec une humilité profonde, en toute obéissance, révérence et reconnaissance, et avec un amour très véhément et très affectueux.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE SOUVERAINE.
5, 6, 783. Ma fille, je t'ai appelée et conviée à me suivre par la plus grande imitation que pourront tes forces, aidées de la grâce Divine, et cela plusieurs fois dans le cours de ta vie, surtout en ce temps que tu écris la mienne. Maintenant je t'intime de nouveau cet appel et cette obligation, depuis que la Bonté du Très-Haut t'a donné une Lumière et une intelligence si claire du sacrement que Son Puissant bras opéra dans mon Coeur, en y écrivant toute la Loi de grâce et la Doctrine de Son Évangile et l'effet que cette faveur produisit en moi, la manière dont je L'en remerciai et comment je correspondis dans l'imitation adéquate et très parfaite de mon Très Saint Fils et mon Maître. Tu dois réputer la connaissance que tu as de tout cela comme l'une des plus grandes faveurs et l'un des plus grands bienfaits que Sa Majesté t'a accordés, puisque tu y trouvera comme dans un Miroir très clair la somme et l'épilogue de la plus grande sainteté et de la perfection la plus sublime et tu verras à découvert dans ton esprit les sentiers de la Lumière (Prov. 4: 18) divine, par où tu chemineras assurée (Jean 12: 35) et sans les ténèbres de l'ignorance qui aveuglent tous les mortels.
5, 6, 784. Viens donc, ma fille, viens à ma suite; et afin que tu m'imites comme je le veux de toi et que tu sois illuminée dans ton entendement, l'esprit élevé, le coeur préparé et la volonté fervente, dispose-toi par la liberté et la séparation de toutes choses, comme ton Époux te le demande; éloigne-toi de tout ce qui est terrestre et visible; quitte toute créature; renonce à toi-même (Matt. 16:
24), ferme les yeux aux fables trompeuses (Ps. 39: 5) du monde et du démon. Et dans ses tentations je t'avertis de ne point t'embarrasser ni t'affliger beaucoup. Parce que s'il obtient de te retenir de manière à ce que tu ne puisses pas t'avancer, avec cela il aura remporté sur toi une grande victoire et tu n'arrivera pas à être robuste dans la perfection. Sois donc attentive au Seigneur désireux de la beauté de ton âme, libéral pour te l'accorder, puissant pour déposer en elle les Trésors de Sa Sagesse et plein de sollicitude pour t'obliger à les recevoir. Laisse-Le écrire dans ton coeur Sa divine Loi de l'Évangile et que cette Loi soit ton étude, ta méditation de jour (Ps. 1: 1-2) et de nuit, ton souvenir et ton aliment, la Vie de ton âme et le nectar de ton goût spirituel avec quoi tu obtiendras ce que le Très-Haut veut de toi et moi ce que je désire.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 6, [a]. «Image parfaite et excellente du divin Architecte.» Saint André de Crète. «Son seul Auteur surpassa cet ouvrage.» S. Pierre-Damien «Oeuvre admirable du Seigneur.» Saint Bonaventure.
5, 6, [b]. «Il est réservé à Dieu seul de la connaître.» Saint Bernardin de Sienne. «Elle est plus grande qu'on peut le penser ou que le regard de l'esprit peut le découvrir.» Saint Thomas de Villeneuve. «Couronne inaccessible à tous les Saints à cause de son éclat.» Saint Grégoire de Nazianze, [in tra., de Chirs, patient., in fine]. «Ce qu'Elle a fait est incomparable, ce qu'Elle a reçu est ineffable, ce qu'Elle a mérité est incompréhensible.» Saint Ildephonse, [Serm. de Assumpt.]. «Je vous le demande, y a-t-il quelqu'un des hommes ou des Anges qui puisse pénétrer l'immensité de cet Amour?» Saint Anselme, [De excell. Virg. Mar., c. 4].
5, 6, [c]. Livre 5, No. 713
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 7
On déclare plus expressément les fins du Seigneur dans la Doctrine qu'Il enseigna à la Très Sainte Marie et la manière dont Elle la mettait en pratique.
5, 7, 785. Toute cause qui opère avec liberté et connaissance de ses actions doit nécessairement avoir en elles quelque fin, quelque raison ou quelque motif, par la connaissance desquels elle se détermine et se meut pour les faire: et la connaissance des fins est suivie de la consultation ou de l'élection des moyens pour les obtenir. Cet ordre est plus certain dans les Oeuvres de Dieu qui est la Cause première et suprême d'une Sagesse infinie par laquelle Il dispose et exécute toute chose (Ps. 103: 24), atteignant d'une extrémité à l'autre (Sag. 8: 1) avec force et suavité, comme dit le Sage; et Il ne prétend en aucune le néant et la mort (Sag. 1: 13-14); bien au contraire, il les fait toutes afin qu'elles aient l'être et la vie. Et autant les Oeuvres de Dieu sont admirables, autant les fins qu'Il prétend y obtenir sont plus particulières et plus élevées. Et quoique la fin dernière de toutes soient Sa propre gloire et Sa manifestation (Prov. 16: 4); néanmoins toutes ces choses sont ordonnées par Sa Science infinie, comme une chaîne d'anneaux variés qui, se succédant les uns aux autres, arrivent depuis l'infime créature jusqu'à la Suprême et la plus immédiate à Dieu même, Auteur et Fin Universelle de toutes choses (Apoc. 22: 13).
5, 7, 786. Toute l'excellence de la sainteté de notre grande Souveraine est comprise en ce que Dieu l'a faite l'Étampe ou l'Image vivante de Son propre Fils très saint; et si bien ajustée et si semblable dans la grâce et les opérations qu'Elle paraissait être un autre Christ par communication et privilège. Et ce fut un commerce singulier et Divin entre le Fils et la Mère; parce qu'Elle Lui donna la forme et l'être de la nature humaine (Gal. 4: 4), et le même Seigneur lui donna à Elle un autre être de grâce et spirituel, dans lequel ils eurent respectivement une similitude et une ressemblance comme celle de Son humanité. Les fins que le Très-Haut eut, furent dignes d'une merveille si rare, la plus grande de Ses Oeuvres en une pure Créature. Et dans les chapitres précédents, le premier, le second et le sixième [a], j'ai dit quelque chose de cette convenance du côté de l'honneur de notre Rédempteur Jésus-Christ et de l'efficace de Sa Doctrine et de ses mérites: car
pour le crédit de tout, il était comme nécessaire que la sainteté et la pureté de la Doctrine de Notre Seigneur Jésus-Christ et Son Auteur et Son Maître, l'efficace de la Loi de l'Évangile et le fruit de la Rédemption fussent connus en Sa Très Sainte Mère; et que tout tournât à la gloire souveraine qui pour cela était due au même Seigneur. Et tout cela se trouva en Sa Mère seule avec plus d'intensité et de perfection qu'en tout le reste de la Sainte Église et de ses prédestinés.
5, 7, 787. La seconde fin que le Seigneur eut dans cette Oeuvre regarde aussi le ministère de Rédempteur; parce que les Oeuvres de notre réparation devaient correspondre à celles de la création du monde et le remède du péché à son introduction: et ainsi il convenait que le premier Adam ayant eu une compagne dans le péché en notre mère Eve qui l'avait aidé et porté à le commettre et que le genre humain avait été perdu en lui comme dans son chef; il en arriva de même aussi dans la réparation d'une si grande ruine; que le second et céleste Adam (1 Cor. 15: 47), Notre-Seigneur Jésus-Christ, eut une Compagne et une Coadjutrice dans la Rédemption, Sa Très Pure Mère qui concourut et coopéra au remède, quoique la vertu et la cause adéquate de la rédemption générale se trouvassent seulement dans le Christ, notre Chef (Col. 1: 18). Et afin que ce Mystère fût exécuté avec la dignité et la proportion qui convenait, il fut nécessaire que ce que dit le Très-Haut dans la formation de nos premiers parents s'accomplît en Notre-Seigneur Jésus-Christ et la Très Sainte Marie: «Il n'est pas bien que l'homme soit seul; faisons-lui une autre semblable qui l'aide (Gen. 2: 18).» Et ainsi le Seigneur le fit, comme Il pouvait le faire; de telle sorte qu'Adam parlant déjà pour le second Adam, Jésus-Christ, put dire: «Voici l'os de mes os et la chair de ma chair et elle s'appellera femme [virago]; parce qu'elle a été formée de l'homme (Gen. 2: 23).» Je ne m'arrêterai pas dans une plus grande déclaration de ce sacrement, puisqu'elle vient aussitôt aux yeux de la raison illustrée par la Foi et la Lumière divine, et l'on reconnaît la similitude de Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère.
5, 7, 788. Un autre motif concourut aussi à ce mystère; et quoique je le place ici le troisième dans l'exécution, il fut le premier dans l'intention; parce qu'il regarde la prédestination éternelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, conformément à ce que j'ai dit dans la première partie [b. Parce que le motif de l'Incarnation du Verbe Éternel et de Sa venue au monde pour être l'Exemplaire [c] et le Maître des créatures, qui fut le premier de cette merveille, devait avoir proportion et
convenance à la grandeur d'une telle Oeuvre, la plus grande de toutes et la fin immédiate à laquelle toutes les autres devaient se rapporter. Et afin que la Sagesse divine gardât cet ordre et cette proportion, il était convenable que parmi les pures créatures il y en eût quelqu'une qui fût adéquate à la Volonté divine dans Sa détermination de venir pour être Maître, et nous adopter dans la dignité d'enfants (Gal. 4: 5) par Sa Doctrine et Sa grâce. Et si Dieu n'avait pas fait la Très Sainte Marie, en la prédestinant parmi les créatures avec son degré de sainteté, et semblable à l'Humanité de son Très Saint Fils, il eût manqué à Dieu ce motif dans le monde, par lequel, selon notre grossière manière de dire, Il justifiait, rendait digne ou disculpait Sa détermination de Se faire homme, conformément à l'ordre et à la manière de Sa Toute-Puissance qui nous est manifeste. Je considère en cela ce qui arriva à Moïse avec ses tables de la Loi (Ex. 31: 18), écrites du doigt de Dieu; lorsqu'il vit le peuple adorer l'idole, il les rompit (Ex. 32: 19), jugeant ses frères déloyaux et indignes de ce Bienfait. Mais ensuite la Loi fut écrite sur d'autres tables, fabriquées par des mains humaines (Ex. 34: 1); et celles-ci demeurèrent dans le monde. Les premières tables formées de la main du Seigneur furent rompues par le premier péché; et il n'y aurait pas eu de Loi Évangélique s'il n'y eût eu d'autres tables, Jésus-Christ et Marie formés d'une autre manière, celle-ci selon la voie commune et ordinaire, et Jésus-Christ par le concours de la volonté et de la substance de Marie (Luc 1: 38). Et si cette Dame n'avait pas concouru et coopéré à la détermination de cette Loi, nous serions demeurés sans elle, nous les autres mortels.
5, 7, 789. La Volonté de notre bien-aimé Seigneur Jésus-Christ embrassait avec la plénitude de Sa Science divine et de Sa grâce toutes ces fins si sublimes en enseignant les Mystères de la Loi de l'Évangile à Sa Bienheureuse Mère. Et afin qu'Elle ne demeurât pas seulement capable de tous ces Mystères, mais aussi des différentes manières d'entendre la Loi; et afin qu'Elle devînt si sage Disciple qu'Elle put ensuite être Elle-même Maîtresse consommée et Mère de la Sagesse (Eccli. 24: 24), le Seigneur usait de différents moyens de l'illustrer. Parfois c'était avec cette vision abstractive de la Divinité qu'Elle eut plus fréquemment en ces temps-là; et d'autres fois quand Elle ne l'avait pas, il lui restait une certaine vision intellectuelle, plus habituelle et moins claire. Et dans l'une et l'autre, Elle connaissait expressément toute l'Église militante, avec l'ordre et la succession qu'elle avait eus depuis le commencement du monde jusqu'à l'Incarnation et qu'elle devait avoir depuis lors jusqu'à la fin du monde et ensuite dans la béatitude. Cette
notion était si claire, si distincte, si compréhensive, qu'elle s'étendait à connaître tous les Saints et les Justes et ceux qui devaient se signaler davantage dans l'Église, les Apôtres, les Martyrs, les Patriarches des religions, les Docteurs, les Confesseurs et les Vierges. Notre Reine les connaissait tous en particulier avec leurs oeuvres, les mérites et les grâces qu'ils devaient obtenir et la récompense qui devait y correspondre.
5, 7, 790. Elle connut ensuite les Sacrements que son Très Saint Fils voulait établir dans la Sainte Église; l'efficacité qu'ils auraient, les effets qu'ils produiraient en ceux qui les recevraient (Jean 1: 16) selon leurs dispositions différentes, et comment tout dépendait de la sainteté; et des mérites de son Très Saint Fils, notre Réparateur. Elle eut de même une notion claire de la Doctrine qu'Il devait prêcher et enseigner, des Écritures anciennes et des futures et de tous les mystères qu'elles contiennent dans les quatre sens, littéral, moral, allégorique et anagogique, et tout ce que les expositeurs devaient en écrire. Et sur cela la divine Disciple en comprenait beaucoup plus. Et Elle connut que cette Science lui était donnée pour être Maîtresse de la Sainte Église, comme en effet Elle le fut en l'absence de son Très Saint Fils, après qu'Il fut monté aux Cieux: et afin que ces nouveaux enfants, les fidèles régénérés dans la grâce eussent dans la divine Dame une Mère amoureuse et soigneuse qui les élevât aux mamelles de Sa Doctrine comme avec un lait très suave, aliment propre des enfants. Et ce fut ainsi que la divine Dame, pendant ces dix-huit ans qu'Elle demeura avec son Fils, reçut et digéra pour ainsi dire la substance Évangélique, qui est la Doctrine de notre Sauveur Jésus-Christ, la recevant du Seigneur Lui-même. Et l'ayant goûtée, et ayant connu son commerce (Prov. 31: 18), Elle en tira le doux aliment (1 Pet. 2: 2), avec quoi élever la primitive Église qui était tendre dans ses fidèles et incapable de la nourriture solide et forte de la Doctrine et des Écritures, et de l'imitation parfaite de leur Maître et leur Rédempteur. Et parce que je parlerai de ce point dans la troisième partie qui est son lieu propre, je ne me rallongerai pas davantage.
5, 7, 791. Hors ces visions et cet enseignement, la grande Reine avait l'enseignement de son Très Saint Fils et de Son Humanité de deux manières que j'ai répétées jusqu'à présent [d]. L'une dans le miroir de Son Âme très sainte et de Ses opérations intérieures qui était en une certaine manière la même Science qui
était de toutes les choses [e]; et là Elle était informée par une autre manière des conseils du Rédempteur, le divin Artisan de la sainteté et des décrets qu'Il avait touchant la sainteté qu'Il devait opérer dans Son Église, par Lui-même et par Ses ministres. L'autre manière était par l'instruction extérieure et verbale; parce que le Seigneur conférait avec Sa digne Mère de toutes les choses qu'Il lui avait manifestées en Lui et en la Divinité. Et Il Se communiquait à Elle en tout ce qui appartenait à L'Église, depuis le plus haut jusqu'au plus bas. Et non seulement cela, mais aussi Il lui dévoilait les choses qui devaient correspondre aux temps et aux événements de la Loi de l'Évangile avec la gentilité et les fausses sectes. Le Seigneur instruisit de tout Sa divine Disciple et notre Maîtresse; et avant qu'Il eût commencé Sa prédication, la Très Sainte Marie était exercée dans Sa Doctrine, et Il la laissait pratiquée en Elle avec une souveraine perfection; parce que la plénitude des oeuvres de notre Auguste Reine correspondait à celle de sa Science et de sa Sagesse immense; et cette Science fut si profonde et avec des espèces si claires, que de même qu'Elle n'ignorait rien Elle ne souffrait point non plus d'équivoque ni dans les espèces ni dans les paroles; et les paroles nécessaires ne lui manquaient jamais, et Elle n'en ajouta jamais une seule de superflue; Elle ne changeait jamais un mot pour l'autre et Elle n'avait pas besoin de discourir pour parler et pour expliquer les Mystères les plus cachés des Écritures dans les circonstances où il était nécessaire de le faire dans la primitive Église.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE MÈRE, NOTRE-DAME.
5, 7, 792. Ma fille, la bonté et la clémence du Très-Haut qui donna l'être à toute créature pour Lui-même et qui ne refuse à aucune Sa grande Providence, est très fidèle à donner Sa Lumière (Jean 1: 9) à toutes les âmes, afin qu'elles puissent entrer dans le chemin de Sa connaissance et par elle dans celui de la Vie Éternelle si cette âme n'empêche et n'obscurcit point cette Lumière par ses péchés et n'abandonne la conquête du Royaume des Cieux (Matt. 11: 12). Mais envers les âmes qu'Il appelle à Son Église par Ses secrets jugements, Il Se montre plus libéral; parce que dans le Baptême, Il répand en elles avec la grâce d'autres vertus qui s'appellent essentiellement infuses, parce que la créature ne peut pas les acquérir par elle-même; et d'autres infuses accidentellement qu'elle pourrait acquérir par ses oeuvres en travaillant; mais le Seigneur les lui anticipe, afin que
l'âme se montre plus dévote et plus prompte à garder Sa sainte Loi. Outre cette Lumière commune de la Foi, Sa clémence ajoute en faveur d'autres âmes des Dons surnaturels spéciaux de plus grande intelligence et de plus grande vertu, pour connaître et opérer les mystères de la Loi de l'Évangile. Et dans ce bienfait Il S'est montré envers toi plus libéral qu'envers plusieurs générations; et Il t'a favorisée afin que tu te signales, dans l'amour et la correspondance que tu Lui dois, étant toujours humiliée jusqu'à la poussière.
5, 7, 793. Et afin que tu sois avertie de tout par ma sollicitude et mon amour de Mère, je veux te faire connaître comme Maîtresse l'astuce avec laquelle Satan tâche de détruire ces Oeuvres du Seigneur; parce que dès l'heure que les créatures entrent dans l'usage de la raison, chacune est suivie par plusieurs démons vigilants et assidus. Afin que lorsque vient le temps où les âmes doivent élever leur esprit vers la connaissance de Dieu et commencer les opérations des vertus infuses dans le Baptême, alors ces démons tâchent d'arracher cette divine Semence avec une fureur et une astuce incroyable, et s'ils ne peuvent y réussir, ils l'empêchent, afin qu'elle ne donne point de fruit, inclinant les hommes à des oeuvres vicieuses, inutiles ou puériles. Ils les détournent avec cette iniquité afin que ces âmes n'usent point de la Foi, ni de l'Espérance, ni des autres vertus, qu'ils ne se souviennent point qu''ils sont chrétiens, qu'ils ne fassent pas attention à la connaissance de leur Dieu et aux Mystères de la Rédemption et de la Vie Éternelle. Outre cela le même ennemi introduit dans les parents une lâche inadvertance ou un amour aveugle et charnel envers leurs enfants; et il incite les maîtres à d'autres négligences, afin qu'ils ne réfléchissent point à leur mauvaise éducation et ils les laissent se dépraver, acquérir plusieurs habitudes vicieuses, perdre les vertus et leurs bonnes inclinations, et avec cela ils vont en cheminant vers la perdition.
5, 7, 794. Mais le très pieux Seigneur n'oublie pas d'obvier à ce danger en renouvelant la lumière intérieure par de nouveaux secours et de saintes inspirations, par la doctrine de la sainte Église, par ses prédicateurs et ses ministres, par l'usage et le remède efficace des sacrements et par d'autres moyens qu'Il applique pour les réduire au Chemin de la Vie. Et s'il y en a si peu qui reviennent à la santé spirituelle avec tant de remèdes, la cause la plus puissante pour l'empêcher est le mauvais lait des vices et des coutumes dépravées qu'ils sucèrent dans leur enfance. Parce que cette sentence du Deutéronome est véritable:
«Tels furent les jours de la jeunesse telle sera la vieillesse (Deut. 33: 25).» Avec cela les démons recouvrent un plus grand courage et un empire tyrannique sur les âmes, jugeant que comme ils se les assujettirent quand ils avaient moins de fautes et des fautes moindres, ils le feront plus facilement quand ils en commettent de plus nombreuses et de plus grandes. C'est pourquoi ils les y excitent et ils mettent en elles une plus folle hardiesse; parce qu'il arrive qu'avec chaque péché que commet la créature, elle perd davantage ses forces spirituelles et elle se soumet au démon, lequel, comme un tyran ennemi, prend de l'empire sur elle, et l'assujettit dans l'iniquité et la misère, avec quoi elle arrive à être sous les pieds de son iniquité, et il la mène où il veut, de précipice en précipice et d'abîme en abîme; châtiment mérité par celui qui s'est assujetti à lui par le premier péché. Par ces moyens Lucifer a renversé un grand nombre d'âmes dans l'abîme et il en entraîne chaque jour, s'élevant dans son orgueil (Ps. 73: 23) contre Dieu. Et par là il a introduit sa tyrannie dans le monde et l'oublie des fins dernières des hommes; la mort, le jugement, l'enfer et la gloire; et il a précipité tant de nations d'abîme en abîme (Ps. 41: , jusqu'à tomber en des erreurs si aveugles et si bestiales comme les hérésies et les fausses sectes des infidèles en contiennent. Réfléchis donc, ma fille, à un danger si formidable et que la Loi de Dieu ne s'efface jamais de ta mémoire, ainsi que Ses préceptes, et Ses commandements, les vérités Catholiques et la Doctrine de l'Évangile. Ne passe pas un jour sans méditer sur eux (Ps. 118: 92) beaucoup de temps; et conseille la même chose à tes religieuses et à tous ceux qui t'écouteront, parce que leur adversaire le démon veille (1 Pet. 5: et travaille pour obscurcir leur entendement et le détourner de la loi divine, afin qu'elle ne dirige point la volonté qui est une puissance aveugle vers les actes de sa justification, laquelle s'obtient par la Foi vive, l'Espérance certaine, l'Amour fervent, et un coeur contrit et humilié (Ps. 50: 19).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 7, [a]. Livre 5, Nos. 713, 730, 782.
5, 7, [b]. Livre 1, No. 39.
5, 7, [c]. Jésus-Christ S'incarna pour nous élever à la participation de la nature divine afin que l'homme devînt Dieu, comme s'exprime saint Augustin. Pour cela il fallait qu'il se fît notre Exemplaire et notre Maître; car nous ne pouvions devenir semblables à Dieu sinon en imitant Dieu volontairement d'abord, en Ses vertus et Ses perfections. Voici pourquoi la Vénérable dit que le premier motif pourquoi le Verbe S'incarna fut de Se faire notre Exemplaire et notre Maître.
5, 7, [d]. Livre 4, Nos. 481, 694
5, 7, [e]. Livre 5, Nos. 733, 782.
On déclare plus expressément les fins du Seigneur dans la Doctrine qu'Il enseigna à la Très Sainte Marie et la manière dont Elle la mettait en pratique.
5, 7, 785. Toute cause qui opère avec liberté et connaissance de ses actions doit nécessairement avoir en elles quelque fin, quelque raison ou quelque motif, par la connaissance desquels elle se détermine et se meut pour les faire: et la connaissance des fins est suivie de la consultation ou de l'élection des moyens pour les obtenir. Cet ordre est plus certain dans les Oeuvres de Dieu qui est la Cause première et suprême d'une Sagesse infinie par laquelle Il dispose et exécute toute chose (Ps. 103: 24), atteignant d'une extrémité à l'autre (Sag. 8: 1) avec force et suavité, comme dit le Sage; et Il ne prétend en aucune le néant et la mort (Sag. 1: 13-14); bien au contraire, il les fait toutes afin qu'elles aient l'être et la vie. Et autant les Oeuvres de Dieu sont admirables, autant les fins qu'Il prétend y obtenir sont plus particulières et plus élevées. Et quoique la fin dernière de toutes soient Sa propre gloire et Sa manifestation (Prov. 16: 4); néanmoins toutes ces choses sont ordonnées par Sa Science infinie, comme une chaîne d'anneaux variés qui, se succédant les uns aux autres, arrivent depuis l'infime créature jusqu'à la Suprême et la plus immédiate à Dieu même, Auteur et Fin Universelle de toutes choses (Apoc. 22: 13).
5, 7, 786. Toute l'excellence de la sainteté de notre grande Souveraine est comprise en ce que Dieu l'a faite l'Étampe ou l'Image vivante de Son propre Fils très saint; et si bien ajustée et si semblable dans la grâce et les opérations qu'Elle paraissait être un autre Christ par communication et privilège. Et ce fut un commerce singulier et Divin entre le Fils et la Mère; parce qu'Elle Lui donna la forme et l'être de la nature humaine (Gal. 4: 4), et le même Seigneur lui donna à Elle un autre être de grâce et spirituel, dans lequel ils eurent respectivement une similitude et une ressemblance comme celle de Son humanité. Les fins que le Très-Haut eut, furent dignes d'une merveille si rare, la plus grande de Ses Oeuvres en une pure Créature. Et dans les chapitres précédents, le premier, le second et le sixième [a], j'ai dit quelque chose de cette convenance du côté de l'honneur de notre Rédempteur Jésus-Christ et de l'efficace de Sa Doctrine et de ses mérites: car
pour le crédit de tout, il était comme nécessaire que la sainteté et la pureté de la Doctrine de Notre Seigneur Jésus-Christ et Son Auteur et Son Maître, l'efficace de la Loi de l'Évangile et le fruit de la Rédemption fussent connus en Sa Très Sainte Mère; et que tout tournât à la gloire souveraine qui pour cela était due au même Seigneur. Et tout cela se trouva en Sa Mère seule avec plus d'intensité et de perfection qu'en tout le reste de la Sainte Église et de ses prédestinés.
5, 7, 787. La seconde fin que le Seigneur eut dans cette Oeuvre regarde aussi le ministère de Rédempteur; parce que les Oeuvres de notre réparation devaient correspondre à celles de la création du monde et le remède du péché à son introduction: et ainsi il convenait que le premier Adam ayant eu une compagne dans le péché en notre mère Eve qui l'avait aidé et porté à le commettre et que le genre humain avait été perdu en lui comme dans son chef; il en arriva de même aussi dans la réparation d'une si grande ruine; que le second et céleste Adam (1 Cor. 15: 47), Notre-Seigneur Jésus-Christ, eut une Compagne et une Coadjutrice dans la Rédemption, Sa Très Pure Mère qui concourut et coopéra au remède, quoique la vertu et la cause adéquate de la rédemption générale se trouvassent seulement dans le Christ, notre Chef (Col. 1: 18). Et afin que ce Mystère fût exécuté avec la dignité et la proportion qui convenait, il fut nécessaire que ce que dit le Très-Haut dans la formation de nos premiers parents s'accomplît en Notre-Seigneur Jésus-Christ et la Très Sainte Marie: «Il n'est pas bien que l'homme soit seul; faisons-lui une autre semblable qui l'aide (Gen. 2: 18).» Et ainsi le Seigneur le fit, comme Il pouvait le faire; de telle sorte qu'Adam parlant déjà pour le second Adam, Jésus-Christ, put dire: «Voici l'os de mes os et la chair de ma chair et elle s'appellera femme [virago]; parce qu'elle a été formée de l'homme (Gen. 2: 23).» Je ne m'arrêterai pas dans une plus grande déclaration de ce sacrement, puisqu'elle vient aussitôt aux yeux de la raison illustrée par la Foi et la Lumière divine, et l'on reconnaît la similitude de Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère.
5, 7, 788. Un autre motif concourut aussi à ce mystère; et quoique je le place ici le troisième dans l'exécution, il fut le premier dans l'intention; parce qu'il regarde la prédestination éternelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ, conformément à ce que j'ai dit dans la première partie [b. Parce que le motif de l'Incarnation du Verbe Éternel et de Sa venue au monde pour être l'Exemplaire [c] et le Maître des créatures, qui fut le premier de cette merveille, devait avoir proportion et
convenance à la grandeur d'une telle Oeuvre, la plus grande de toutes et la fin immédiate à laquelle toutes les autres devaient se rapporter. Et afin que la Sagesse divine gardât cet ordre et cette proportion, il était convenable que parmi les pures créatures il y en eût quelqu'une qui fût adéquate à la Volonté divine dans Sa détermination de venir pour être Maître, et nous adopter dans la dignité d'enfants (Gal. 4: 5) par Sa Doctrine et Sa grâce. Et si Dieu n'avait pas fait la Très Sainte Marie, en la prédestinant parmi les créatures avec son degré de sainteté, et semblable à l'Humanité de son Très Saint Fils, il eût manqué à Dieu ce motif dans le monde, par lequel, selon notre grossière manière de dire, Il justifiait, rendait digne ou disculpait Sa détermination de Se faire homme, conformément à l'ordre et à la manière de Sa Toute-Puissance qui nous est manifeste. Je considère en cela ce qui arriva à Moïse avec ses tables de la Loi (Ex. 31: 18), écrites du doigt de Dieu; lorsqu'il vit le peuple adorer l'idole, il les rompit (Ex. 32: 19), jugeant ses frères déloyaux et indignes de ce Bienfait. Mais ensuite la Loi fut écrite sur d'autres tables, fabriquées par des mains humaines (Ex. 34: 1); et celles-ci demeurèrent dans le monde. Les premières tables formées de la main du Seigneur furent rompues par le premier péché; et il n'y aurait pas eu de Loi Évangélique s'il n'y eût eu d'autres tables, Jésus-Christ et Marie formés d'une autre manière, celle-ci selon la voie commune et ordinaire, et Jésus-Christ par le concours de la volonté et de la substance de Marie (Luc 1: 38). Et si cette Dame n'avait pas concouru et coopéré à la détermination de cette Loi, nous serions demeurés sans elle, nous les autres mortels.
5, 7, 789. La Volonté de notre bien-aimé Seigneur Jésus-Christ embrassait avec la plénitude de Sa Science divine et de Sa grâce toutes ces fins si sublimes en enseignant les Mystères de la Loi de l'Évangile à Sa Bienheureuse Mère. Et afin qu'Elle ne demeurât pas seulement capable de tous ces Mystères, mais aussi des différentes manières d'entendre la Loi; et afin qu'Elle devînt si sage Disciple qu'Elle put ensuite être Elle-même Maîtresse consommée et Mère de la Sagesse (Eccli. 24: 24), le Seigneur usait de différents moyens de l'illustrer. Parfois c'était avec cette vision abstractive de la Divinité qu'Elle eut plus fréquemment en ces temps-là; et d'autres fois quand Elle ne l'avait pas, il lui restait une certaine vision intellectuelle, plus habituelle et moins claire. Et dans l'une et l'autre, Elle connaissait expressément toute l'Église militante, avec l'ordre et la succession qu'elle avait eus depuis le commencement du monde jusqu'à l'Incarnation et qu'elle devait avoir depuis lors jusqu'à la fin du monde et ensuite dans la béatitude. Cette
notion était si claire, si distincte, si compréhensive, qu'elle s'étendait à connaître tous les Saints et les Justes et ceux qui devaient se signaler davantage dans l'Église, les Apôtres, les Martyrs, les Patriarches des religions, les Docteurs, les Confesseurs et les Vierges. Notre Reine les connaissait tous en particulier avec leurs oeuvres, les mérites et les grâces qu'ils devaient obtenir et la récompense qui devait y correspondre.
5, 7, 790. Elle connut ensuite les Sacrements que son Très Saint Fils voulait établir dans la Sainte Église; l'efficacité qu'ils auraient, les effets qu'ils produiraient en ceux qui les recevraient (Jean 1: 16) selon leurs dispositions différentes, et comment tout dépendait de la sainteté; et des mérites de son Très Saint Fils, notre Réparateur. Elle eut de même une notion claire de la Doctrine qu'Il devait prêcher et enseigner, des Écritures anciennes et des futures et de tous les mystères qu'elles contiennent dans les quatre sens, littéral, moral, allégorique et anagogique, et tout ce que les expositeurs devaient en écrire. Et sur cela la divine Disciple en comprenait beaucoup plus. Et Elle connut que cette Science lui était donnée pour être Maîtresse de la Sainte Église, comme en effet Elle le fut en l'absence de son Très Saint Fils, après qu'Il fut monté aux Cieux: et afin que ces nouveaux enfants, les fidèles régénérés dans la grâce eussent dans la divine Dame une Mère amoureuse et soigneuse qui les élevât aux mamelles de Sa Doctrine comme avec un lait très suave, aliment propre des enfants. Et ce fut ainsi que la divine Dame, pendant ces dix-huit ans qu'Elle demeura avec son Fils, reçut et digéra pour ainsi dire la substance Évangélique, qui est la Doctrine de notre Sauveur Jésus-Christ, la recevant du Seigneur Lui-même. Et l'ayant goûtée, et ayant connu son commerce (Prov. 31: 18), Elle en tira le doux aliment (1 Pet. 2: 2), avec quoi élever la primitive Église qui était tendre dans ses fidèles et incapable de la nourriture solide et forte de la Doctrine et des Écritures, et de l'imitation parfaite de leur Maître et leur Rédempteur. Et parce que je parlerai de ce point dans la troisième partie qui est son lieu propre, je ne me rallongerai pas davantage.
5, 7, 791. Hors ces visions et cet enseignement, la grande Reine avait l'enseignement de son Très Saint Fils et de Son Humanité de deux manières que j'ai répétées jusqu'à présent [d]. L'une dans le miroir de Son Âme très sainte et de Ses opérations intérieures qui était en une certaine manière la même Science qui
était de toutes les choses [e]; et là Elle était informée par une autre manière des conseils du Rédempteur, le divin Artisan de la sainteté et des décrets qu'Il avait touchant la sainteté qu'Il devait opérer dans Son Église, par Lui-même et par Ses ministres. L'autre manière était par l'instruction extérieure et verbale; parce que le Seigneur conférait avec Sa digne Mère de toutes les choses qu'Il lui avait manifestées en Lui et en la Divinité. Et Il Se communiquait à Elle en tout ce qui appartenait à L'Église, depuis le plus haut jusqu'au plus bas. Et non seulement cela, mais aussi Il lui dévoilait les choses qui devaient correspondre aux temps et aux événements de la Loi de l'Évangile avec la gentilité et les fausses sectes. Le Seigneur instruisit de tout Sa divine Disciple et notre Maîtresse; et avant qu'Il eût commencé Sa prédication, la Très Sainte Marie était exercée dans Sa Doctrine, et Il la laissait pratiquée en Elle avec une souveraine perfection; parce que la plénitude des oeuvres de notre Auguste Reine correspondait à celle de sa Science et de sa Sagesse immense; et cette Science fut si profonde et avec des espèces si claires, que de même qu'Elle n'ignorait rien Elle ne souffrait point non plus d'équivoque ni dans les espèces ni dans les paroles; et les paroles nécessaires ne lui manquaient jamais, et Elle n'en ajouta jamais une seule de superflue; Elle ne changeait jamais un mot pour l'autre et Elle n'avait pas besoin de discourir pour parler et pour expliquer les Mystères les plus cachés des Écritures dans les circonstances où il était nécessaire de le faire dans la primitive Église.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE MÈRE, NOTRE-DAME.
5, 7, 792. Ma fille, la bonté et la clémence du Très-Haut qui donna l'être à toute créature pour Lui-même et qui ne refuse à aucune Sa grande Providence, est très fidèle à donner Sa Lumière (Jean 1: 9) à toutes les âmes, afin qu'elles puissent entrer dans le chemin de Sa connaissance et par elle dans celui de la Vie Éternelle si cette âme n'empêche et n'obscurcit point cette Lumière par ses péchés et n'abandonne la conquête du Royaume des Cieux (Matt. 11: 12). Mais envers les âmes qu'Il appelle à Son Église par Ses secrets jugements, Il Se montre plus libéral; parce que dans le Baptême, Il répand en elles avec la grâce d'autres vertus qui s'appellent essentiellement infuses, parce que la créature ne peut pas les acquérir par elle-même; et d'autres infuses accidentellement qu'elle pourrait acquérir par ses oeuvres en travaillant; mais le Seigneur les lui anticipe, afin que
l'âme se montre plus dévote et plus prompte à garder Sa sainte Loi. Outre cette Lumière commune de la Foi, Sa clémence ajoute en faveur d'autres âmes des Dons surnaturels spéciaux de plus grande intelligence et de plus grande vertu, pour connaître et opérer les mystères de la Loi de l'Évangile. Et dans ce bienfait Il S'est montré envers toi plus libéral qu'envers plusieurs générations; et Il t'a favorisée afin que tu te signales, dans l'amour et la correspondance que tu Lui dois, étant toujours humiliée jusqu'à la poussière.
5, 7, 793. Et afin que tu sois avertie de tout par ma sollicitude et mon amour de Mère, je veux te faire connaître comme Maîtresse l'astuce avec laquelle Satan tâche de détruire ces Oeuvres du Seigneur; parce que dès l'heure que les créatures entrent dans l'usage de la raison, chacune est suivie par plusieurs démons vigilants et assidus. Afin que lorsque vient le temps où les âmes doivent élever leur esprit vers la connaissance de Dieu et commencer les opérations des vertus infuses dans le Baptême, alors ces démons tâchent d'arracher cette divine Semence avec une fureur et une astuce incroyable, et s'ils ne peuvent y réussir, ils l'empêchent, afin qu'elle ne donne point de fruit, inclinant les hommes à des oeuvres vicieuses, inutiles ou puériles. Ils les détournent avec cette iniquité afin que ces âmes n'usent point de la Foi, ni de l'Espérance, ni des autres vertus, qu'ils ne se souviennent point qu''ils sont chrétiens, qu'ils ne fassent pas attention à la connaissance de leur Dieu et aux Mystères de la Rédemption et de la Vie Éternelle. Outre cela le même ennemi introduit dans les parents une lâche inadvertance ou un amour aveugle et charnel envers leurs enfants; et il incite les maîtres à d'autres négligences, afin qu'ils ne réfléchissent point à leur mauvaise éducation et ils les laissent se dépraver, acquérir plusieurs habitudes vicieuses, perdre les vertus et leurs bonnes inclinations, et avec cela ils vont en cheminant vers la perdition.
5, 7, 794. Mais le très pieux Seigneur n'oublie pas d'obvier à ce danger en renouvelant la lumière intérieure par de nouveaux secours et de saintes inspirations, par la doctrine de la sainte Église, par ses prédicateurs et ses ministres, par l'usage et le remède efficace des sacrements et par d'autres moyens qu'Il applique pour les réduire au Chemin de la Vie. Et s'il y en a si peu qui reviennent à la santé spirituelle avec tant de remèdes, la cause la plus puissante pour l'empêcher est le mauvais lait des vices et des coutumes dépravées qu'ils sucèrent dans leur enfance. Parce que cette sentence du Deutéronome est véritable:
«Tels furent les jours de la jeunesse telle sera la vieillesse (Deut. 33: 25).» Avec cela les démons recouvrent un plus grand courage et un empire tyrannique sur les âmes, jugeant que comme ils se les assujettirent quand ils avaient moins de fautes et des fautes moindres, ils le feront plus facilement quand ils en commettent de plus nombreuses et de plus grandes. C'est pourquoi ils les y excitent et ils mettent en elles une plus folle hardiesse; parce qu'il arrive qu'avec chaque péché que commet la créature, elle perd davantage ses forces spirituelles et elle se soumet au démon, lequel, comme un tyran ennemi, prend de l'empire sur elle, et l'assujettit dans l'iniquité et la misère, avec quoi elle arrive à être sous les pieds de son iniquité, et il la mène où il veut, de précipice en précipice et d'abîme en abîme; châtiment mérité par celui qui s'est assujetti à lui par le premier péché. Par ces moyens Lucifer a renversé un grand nombre d'âmes dans l'abîme et il en entraîne chaque jour, s'élevant dans son orgueil (Ps. 73: 23) contre Dieu. Et par là il a introduit sa tyrannie dans le monde et l'oublie des fins dernières des hommes; la mort, le jugement, l'enfer et la gloire; et il a précipité tant de nations d'abîme en abîme (Ps. 41: , jusqu'à tomber en des erreurs si aveugles et si bestiales comme les hérésies et les fausses sectes des infidèles en contiennent. Réfléchis donc, ma fille, à un danger si formidable et que la Loi de Dieu ne s'efface jamais de ta mémoire, ainsi que Ses préceptes, et Ses commandements, les vérités Catholiques et la Doctrine de l'Évangile. Ne passe pas un jour sans méditer sur eux (Ps. 118: 92) beaucoup de temps; et conseille la même chose à tes religieuses et à tous ceux qui t'écouteront, parce que leur adversaire le démon veille (1 Pet. 5: et travaille pour obscurcir leur entendement et le détourner de la loi divine, afin qu'elle ne dirige point la volonté qui est une puissance aveugle vers les actes de sa justification, laquelle s'obtient par la Foi vive, l'Espérance certaine, l'Amour fervent, et un coeur contrit et humilié (Ps. 50: 19).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 7, [a]. Livre 5, Nos. 713, 730, 782.
5, 7, [b]. Livre 1, No. 39.
5, 7, [c]. Jésus-Christ S'incarna pour nous élever à la participation de la nature divine afin que l'homme devînt Dieu, comme s'exprime saint Augustin. Pour cela il fallait qu'il se fît notre Exemplaire et notre Maître; car nous ne pouvions devenir semblables à Dieu sinon en imitant Dieu volontairement d'abord, en Ses vertus et Ses perfections. Voici pourquoi la Vénérable dit que le premier motif pourquoi le Verbe S'incarna fut de Se faire notre Exemplaire et notre Maître.
5, 7, [d]. Livre 4, Nos. 481, 694
5, 7, [e]. Livre 5, Nos. 733, 782.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 8
Où l'on déclare la manière dont notre grande Reine exécutait la Doctrine de l'Évangile que son Très Saint Fils lui enseignait.
5, 8, 795. Notre Sauveur croissait en âge et en Oeuvres, sortant déjà de l'Enfance; consommant en toutes et en chacune de ces Oeuvres celle que le Père Éternel Lui avait commise pour le bienfait des hommes. Il ne prêchait point en public; Il ne faisait point non plus en Galilée des miracles aussi patents comme Il en fit ensuite et comme il en avait déjà fait quelques-uns auparavant en Égypte. Mais Il opérait toujours secrètement et d'une façon dissimulée de grands effets dans les âmes et dans les corps de plusieurs Il visitait les pauvres et les malades: Il
consolait les affligés et les opprimés et Il ramenait ceux-ci et plusieurs autres dans le Chemin du Salut, les éclairant par des conseils particuliers et les excitant par des inspirations et des faveurs intimes à se convertir à leur Créateur et à s'éloigner du démon et de la mort. Ces Bienfaits étaient continuels, et pour les faire Il sortait de la maison de Sa Bienheureuse Mère. Et quoique les hommes connussent qu'ils étaient mus et renouvelés par les paroles et la présence de Jésus, néanmoins, ignorant le mystère, ils gardaient le silence ne sachant à qui l'attribuer si ce n'était à Dieu même L'Auguste Souveraine du monde connaissait dans le miroir de l'Âme de son Fils et par d'autres moyens toutes ces merveilles qu'Il faisait, et Elle L'adorait et Lui en rendait grâces lorsqu'Ils étaient ensemble, étant pour cela toujours prosternée à Ses pieds.
5, 8, 796. Le Très Saint Fils passait le reste du temps avec Sa Mère, soit en oraison, soit à l'enseigner et à conférer avec Elle des soucis qu'Il avait de son cher troupeau (Jean 10: 14), des mérites qu'Il voulait accumuler pour leur remède et des moyens qu'Il déterminait d'appliquer pour leur salut éternel. La Très Prudente Mère était attentive à tout et Elle coopérait avec Sa divine Sagesse et Son Amour, L'assistant dans les offices de Père, de Frère, d'Ami, de Maître, d'Avocat, de Protecteur et de Réparateur du genre humain. Ils avaient ces conférences ou par paroles, ou même par les opérations intérieures, au moyen desquelles le Fils et la Mère aussi se parlaient et s'entendaient. Le Très Saint Fils lui disait: «Ma Mère, le fruit de Mes oeuvres dans lequel Je veux fonder l'Église doit être une Doctrine et une Science qui étant crue et exécutée, soit la vie et le salut des hommes: une Loi sainte, efficace et puissante pour éteindre le venin mortel que Lucifer a répandu dans le coeur des hommes par le premier péché. Je veux que par le moyen de Mes préceptes et de Mes conseils ils se spiritualisent et s'élèvent à Ma participation et à Ma ressemblance, et qu'ils soient des dépôts de Mes Trésors vivant dans la chair mortelle et qu'ils arrivent ensuite à la participation de Ma gloire éternelle. Je veux donner au monde la Loi que J'ai donnée à Moïse, mais renouvelée, améliorée et avec une efficacité et une Lumière nouvelle, afin qu'elle comprenne des préceptes et des conseils.»
5, 8, 797. La divine Mère connaissait toutes ces intentions du Maître de la Vie avec une Science très profonde et avec un égal amour Elle les acceptait, les révérait et en rendait grâces au nom de tout le genre humain. Et comme le
Seigneur lui manifestait tous et chacun de ces sacrements, son Altesse connaissait l'efficacité qu'Il leur donnerait ainsi qu'à la loi et à la Doctrine de l'Évangile, et les effets qu'elles produiraient dans les âmes qui les observeraient et la récompense qui y correspondrait; et Elle opéra d'avance en tout comme si Elle l'eût exécutée pour chacune des créatures. Elle connut expressément les quatre Évangiles avec les paroles formelles et les Mystères que les Évangélistes devaient écrire. Elle en comprit en Elle-même toute la Doctrine; parce que sa Science surpassait celle des écrivains eux-mêmes; et Elle aurait pu être leur Maîtresse en les leur déclarant sans se servir de leurs paroles. Elle connut de même que cette Science était comme copiée de celle du Christ, et que les Évangiles qui devaient être écrits étaient comme transcrits et copiés avec cette Science, et qu'ils demeuraient en dépôt dans son âme comme les tables (Héb. 9: 4) de la Loi dans l'Arche du Testament, afin qu'ils servissent d'originaux légitimes et véritables à tous les Saints et les Justes de la Loi de grâce; parce qu'ils devaient tous copier la sainteté et les vertus de celles qui étaient dans les Archives de la grâce, la Très Sainte Marie.
5, 8, 798. Son divin Maître lui donna aussi à connaître l'obligation dans laquelle Il la mettait d'exécuter toute cette Doctrine avec une perfection souveraine pour les fins très sublimes qu'Il avait dans ce bienfait et cette faveur si rare et si insigne. Et si nous avions à raconter ici combien notre grande Reine et Souveraine l'accomplit adéquatement et parfaitement, il serait nécessaire de répéter dans ce chapitre toute sa Vie; puisqu'elle fut toute une somme de l'Évangile, copiée de son propre Fils et son Maître. Quant à savoir ce que cette Doctrine a opéré dans les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges et les autres Saints et les Justes qui ont été et qui seront jusqu'à la fin du monde: nul ne peut le dire et encore moins le comprendre hors le Seigneur Lui-même. Puis considérons que tous les Saints et les Justes furent conçus dans le péché et ils mirent tous (Rom. 5: 12) quelque obstacle: et néanmoins ils crûrent en sainteté, en vertu et en grâce tout en y laissant quelque vide. Mais notre divine Souveraine ne souffrit point ces manquements et ces défauts dans la sainteté; et seule Elle fut une matière adéquatement disposée, n'ayant point de formes qui répugnât à l'activité et aux Dons du bras du Tout-Puissant: Elle reçut sans embarras ni résistance le torrent (Ps. 45: 5) impétueux de la Divinité qui lui était communiqué par son Fils vrai Dieu Lui-même. De là nous comprendrons que ce ne sera que dans la claire vision du Seigneur et dans la Félicité Éternelle que nous arriverons à connaître ce qui
sera convenable de la sainteté et de l'excellence de cette merveille de Sa Toute Puissance.
5, 8, 799. Et quand je voudrais maintenant expliquer quelque chose de ce qui m'a été manifesté, parlant en général et ne disant seulement que le plus gros, je ne trouve point de terme pour le dire; parce que notre Auguste Reine et Maîtresse gardait les préceptes et la Doctrine des Conseils Évangéliques selon la profonde intelligence qui lui en avait été donnée; et il n'y a aucune créature qui soit capable de connaître jusqu'où arrivait la Science et l'Intelligence de la Mère de la Sagesse dans la Doctrine de Jésus-Christ, et ce que l'on en comprend surpasse les termes et les paroles avec lesquels nous nous expliquons. Prenons par exemple la Doctrine de ce premier sermon que le Maître de la Vie fit à Ses disciples sur la montagne, comme saint Luc le rapporte dans le chapitre 5 (Luc 6: 20 etc.), où est renfermée la somme de la perfection Évangélique dans laquelle Il fondait Son Église, déclarant bienheureux tous ceux qui la suivraient.
5, 8, 800. «Bienheureux,» dit notre Maître et Seigneur, «les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux (Matt. 5: 3).» Tel fut le premier et solide fondement de toute la vie Évangélique. Et quoique les Apôtres et avec eux notre Père saint François l'entendissent d'une façon sublime; cependant la Très Sainte Marie seule arriva à pénétrer et à peser la grandeur de la pauvreté d'esprit; et Elle l'exécuta comme Elle la comprit jusqu'au dernier point du possible. L'image des richesses temporelles n'entra point dans son Coeur, Elle ne connut point cette inclination; mais aimant les choses comme ouvrages du Seigneur, Elle les abhorrait en tant qu'elles étaient des obstacles et des empêchements à l'amour Divin. Elle en usa très parcimonieusement et seulement en tant qu'elles la mouvaient ou l'aidaient à glorifier le Créateur. La possession de Reine de tous les Cieux et de toutes les créatures était comme due à cette pauvreté très parfaite et admirable. Tout cela est vrai, mais tout cela est très peu comparé à ce que Notre Dame comprit, apprécia et opéra du Trésor de la pauvreté d'esprit, qui est la première béatitude.
5, 8, 801. La seconde: «Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la terre.» Par sa très douce mansuétude la Très Sainte Marie surpassa
dans cette Doctrine et son exécution, non seulement tous les mortels, comme Moïse (Nom. 12: 3) surpassa dans son temps tous ceux qui vivaient alors, mais même les Anges et les Séraphins; parce que cette Très Candide Colombe en chair mortelle fut plus libre de trouble et de colère dans son intérieur et ses puissances que les esprits qui n'ont point de sensibilité, comme nous. Et ce fut dans ce degré inexplicable qu'Elle fut maîtresse de ses puissances et des opérations du corps terrestre, ainsi que des coeurs de tous ceux qui avaient à traiter avec Elle: et Elle possédait la terre de toutes manières, celle-ci s'assujettissant à son placide commandement. La troisième: «Bienheureux ceux qui pleurent; parce qu'ils seront consolés.» La Très Sainte Marie comprit l'excellence des larmes (Ps. 125: 5) et leur valeur et aussi la folie et le danger des rires (Prov. 14: 13) de joie mondaine plus qu'aucune langue ne peut expliquer; puis lorsque les enfants d'Adam conçus dans le péché originel et ensuite souillés par les péchés actuels se livrent aux rires et aux plaisirs, cette divine Mère, sans avoir aucune faute et sans en avoir eu, connut que la vie mortelle était pour pleurer l'absence du Souverain Bien et les péchés qui ont été et qui sont commis contre Lui: Elle les pleura douloureusement pour tous, et ces larmes très innocentes méritèrent les consolations et les faveurs qu'Elle reçut du Seigneur. Son Coeur très pur fut toujours sous le pressoir à la vue des offenses faites à son Bien-Aimé et son Dieu Éternel et ainsi son Coeur serré (Jér. 9: 1) distillait l'eau que ses yeux répandaient et son pain (Ps. 41: 4) était de pleurer jour et nuit les ingratitudes des pécheurs contre leur Créateur et leur Rédempteur. Aucune pure créature, ni même toutes les créatures ensemble ne pleurèrent plus que la Reine des Anges, pendant que la cause de ce pleur et de ces larmes était dans ces mêmes créatures par le péché et que dans la Très Sainte Marie était celle de la joie et de l'allégresse par la grâce.
5, 8, 802. Dans la quatrième bénédiction qui fait «Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de la Justice,» notre divine Souveraine la souffrit plus grande que le dégoût qu'en ont eu et qu'en auront tous les ennemis de Dieu. Parce qu'arrivant au suprême degré de la justice et de la sainteté, Elle fut toujours altérée de faire plus pour Elle; et à cette soif correspondait la plénitude de grâce avec laquelle le Seigneur la rassasiait, lui appliquant le torrent de Ses trésors et la suavité de Sa Divinité. La cinquième béatitude «des miséricordieux parce qu'ils obtiendront miséricorde de Dieu» eut un degré si excellent et si noble qu'il ne put se trouver qu'en Elle et pour cela Elle s'appelle Mère de Miséricorde, comme le Seigneur s'appelle Père des Miséricordes. Et ce fut qu'en étant très innocente et
sans aucune faute dont Elle eut à demander à Dieu miséricorde Elle eut Elle-même cette miséricorde dans un suprême degré pour tout le genre humain et Elle lui porta remède. Et parce qu'Elle connut avec une Science très sublime l'excellence de cette Vertu, Elle ne l'a jamais refusée, ni ne la refusera jamais à aucun de ceux qui la lui demanderont, imitant en cela Dieu (Is. 30: 18) même très parfaitement, comme aussi à s'avancer et à aller à la rencontre (Ps. 58: 11) des pauvres et des nécessiteux pour leur offrir le remède.
5, 8, 803. La sixième bénédiction qui regarde «ceux qui ont le coeur pur pour voir Dieu» fut sans pareille en la Très Sainte Marie. Parce qu'Elle était élue comme le soleil (Cant. 6: 9), imitant le véritable Soleil de justice ainsi que le soleil matériel qui nous éclaire, lequel n'est point souillé des choses inférieures et impures: il n'entra jamais aucune image des choses impures dans le Coeur et les puissances de notre Très Pure Princesse, au contraire Elle se trouvait en cela comme dans l'impossibilité, par la pureté de ses pensées très limpides: et c'est à cette pureté que put correspondre dès le premier instant la vision qu'Elle eut alors de la Divinité ainsi que les autres qui sont rapportées dans cette Histoire [a], quoiqu'elles ne fussent, qu'en passant et non perpétuelles à cause de son état de Voyageuse. La septième «des pacifiques qui seront appelés enfants de Dieu,» fut accordée à notre Reine avec une sagesse admirable, comme Elle en avait besoin pour conserver la paix de son Coeur et de ses puissances dans les soubresauts et les tribulations de la vie, de la Passion et de la Mort de son Très Saint Fils. Et en toutes ces circonstances et les autres Elle fut un portrait vivant de Sa pacification. Elle ne se troubla jamais désordonnément et Elle sut accepter les plus grandes peines avec la suprême paix, demeurant en tout la Fille parfaite du Père Céleste. Et ce titre de Fille du Père Éternel lui était singulièrement dû pour cette excellence. La huitième qui béatifie «ceux qui souffrent pour la justice» arriva en la Très Sainte Marie au suprême degré possible; puisque l'injure que les hommes lui firent en ôtant l'honneur et la vie à Son Très Saint Fils, le Seigneur du monde parce qu'Il leur avait prêché et enseigné la justice, et avec les circonstances dont Elle fut accompagnée fut soufferte seulement par Marie et Dieu même avec quelque égalité: parce qu'Elle était vraie Mère, comme le Seigneur était le Père de Son Fils Unique. Seule cette Dame imita Sa Majesté en souffrant cette persécution et Elle connut qu'Elle devait exécuter jusque-là la Doctrine que son divin Maître était pour enseigner dans l'Évangile.
5, 8, 804. De cette manière je peux déclarer quelque chose de ce que j'ai connu de la Science de notre Auguste Souveraine en comprenant la Doctrine de L'Évangile et en l'opérant. Et la même chose que j'ai déclarée dans les béatitudes je peux le dire des autres préceptes ou des conseils de l'Évangile et de Ses paraboles; comme sont les Préceptes d'aimer (Matt. 5: 44) ses ennemis, de pardonner les injures (Luc 17: 4), de faire des oeuvres d'une manière cachée (Matt. 6: 3) ou sans vaine gloire, de fuir l'hypocrisie (Matt. 6: 5): et outre cette Doctrine toute celle des conseils de perfection; les paraboles du trésor (Matt. 13: 44), de la perle précieuse (Matt. 13: 45), des Vierges (Matt. 25: 1), de la semence (Matt. 13: 3-4), des talents (Matt. 25: 15) et tout ce que contiennent les quatre Évangélistes. Parce qu'Elle comprit toutes ces choses avec la Doctrine qu'elles contenaient et les fins sublimes vers lesquelles le divin Maître les dirigeait: et Elle comprit comment devait être opéré tout le plus saint et le plus conforme à Sa divine Volonté: et ainsi Elle l'accomplit sans en omettre une seule lettre ni un seul accent (Matt. 5: 18). Nous pouvons dire de cette Souveraine la même chose que dit Notre Seigneur Jésus-Christ, qu'Il n'était pas venu pour abolir (Matt. 5: 17) la Loi, mais pour l'accomplir.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 8, 805. Ma fille, il convient au véritable Maître de la Vertu d'enseigner ce qu'Il opère et d'opérer ce qu'Il enseigne (Matt. 5: 19); parce que le dire et le faire sont deux parties du magistère, car les paroles enseignent et l'exemple meut et accrédite, ce qui est enseigné, afin qu'il soit admis et exécuté. Mon Très Saint Fils fit tout cela et moi à Son imitation. Et parce que Sa Majesté ne devait pas toujours être dans le monde, Il voulut laisser les saints Évangiles comme copie de Sa Vie et aussi de la mienne, afin que les enfants de la Lumière (Jean 12: 46), croyant en elle et la suivant, modelassent leur vie sur celle de leur Maître, par l'observance de la Doctrine de l'Évangile qu'Il leur laissait: puis la Doctrine que le même Seigneur m'enseigna et m'ordonna à moi, afin de L'imiter demeurait pratiquée sur la terre. Les saints Évangiles pèsent autant que cela et nous devons autant les estimer et les avoir en vénération. Et je t'avertis que c'est un sujet de très grande gloire et de très
grande complaisance pour mon Très Saint Fils et pour moi de voir que Ses paroles et celles qui contiennent Sa Vie sont dignement respectées et estimées des hommes. Et au contraire le Seigneur répute pour une grande injure que les Évangiles et Sa Doctrine soient oubliés des enfants de l'Église; parce qu'Il s'en trouve tant qui ne les comprennent pas, qui n'y font pas attention, qui ne remercient point pour ce Bienfait et qui n'en font pas plus mémoire que s'ils étaient païens ou qu'ils n'eussent point la Lumière de la Foi.
5, 8, 806. Ta dette est grande de ce côté; parce que je t'ai donné la science de la vénération et de l'appréciation que je fis de la Doctrine de l'Évangile et de ce que je travaillai pour la mettre en oeuvres, et si tu n'as pu connaître en cela tout ce que j'opérais et comprenais, ce qui n'est pas possible à ta capacité; néanmoins je n'ai montré ma bonté envers aucune nation plus qu'envers toi dans ce Bienfait. Considère donc soigneusement comment tu dois y correspondre et ne point faire un mauvais usage de l'amour que tu as conçu pour les divines Écritures et surtout pour les Évangiles et leur très sublime Doctrine. Elle doit être ta lampe (Ps. 118: 105) allumée dans ton coeur; et ma vie, ton Exemplaire et ton Miroir qui te serve pour former la tienne. Pèse combien il t'importe de le faire en toute diligence et combien vaut la complaisance qu'en recevra Mon Fils et Mon Seigneur; car je me donnerai de nouveau pour obligée de faire envers toi l'office de Mère et de Maîtresse. Crains le danger de n'être point attentive aux appels Divins, car d'innombrables âmes se perdent par cet oubli. Et les appels que tu as de la Miséricorde libérale du Tout-Puissant étant si fréquents et si admirables, si tu n'y correspondais pas, ta grossièreté serait très répréhensible et horrible même au Seigneur, à moi et à tous Ses Saints.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 8, [a]. Livre 1, No. 333; Livre 2, No. 430. Livre 3, No. 138; Livre 4,
No. 473; Livre 5, No. 956; Livre 6, No. 1523; Livre 7, No. 62; Livre 8, No. 494.
Où l'on déclare la manière dont notre grande Reine exécutait la Doctrine de l'Évangile que son Très Saint Fils lui enseignait.
5, 8, 795. Notre Sauveur croissait en âge et en Oeuvres, sortant déjà de l'Enfance; consommant en toutes et en chacune de ces Oeuvres celle que le Père Éternel Lui avait commise pour le bienfait des hommes. Il ne prêchait point en public; Il ne faisait point non plus en Galilée des miracles aussi patents comme Il en fit ensuite et comme il en avait déjà fait quelques-uns auparavant en Égypte. Mais Il opérait toujours secrètement et d'une façon dissimulée de grands effets dans les âmes et dans les corps de plusieurs Il visitait les pauvres et les malades: Il
consolait les affligés et les opprimés et Il ramenait ceux-ci et plusieurs autres dans le Chemin du Salut, les éclairant par des conseils particuliers et les excitant par des inspirations et des faveurs intimes à se convertir à leur Créateur et à s'éloigner du démon et de la mort. Ces Bienfaits étaient continuels, et pour les faire Il sortait de la maison de Sa Bienheureuse Mère. Et quoique les hommes connussent qu'ils étaient mus et renouvelés par les paroles et la présence de Jésus, néanmoins, ignorant le mystère, ils gardaient le silence ne sachant à qui l'attribuer si ce n'était à Dieu même L'Auguste Souveraine du monde connaissait dans le miroir de l'Âme de son Fils et par d'autres moyens toutes ces merveilles qu'Il faisait, et Elle L'adorait et Lui en rendait grâces lorsqu'Ils étaient ensemble, étant pour cela toujours prosternée à Ses pieds.
5, 8, 796. Le Très Saint Fils passait le reste du temps avec Sa Mère, soit en oraison, soit à l'enseigner et à conférer avec Elle des soucis qu'Il avait de son cher troupeau (Jean 10: 14), des mérites qu'Il voulait accumuler pour leur remède et des moyens qu'Il déterminait d'appliquer pour leur salut éternel. La Très Prudente Mère était attentive à tout et Elle coopérait avec Sa divine Sagesse et Son Amour, L'assistant dans les offices de Père, de Frère, d'Ami, de Maître, d'Avocat, de Protecteur et de Réparateur du genre humain. Ils avaient ces conférences ou par paroles, ou même par les opérations intérieures, au moyen desquelles le Fils et la Mère aussi se parlaient et s'entendaient. Le Très Saint Fils lui disait: «Ma Mère, le fruit de Mes oeuvres dans lequel Je veux fonder l'Église doit être une Doctrine et une Science qui étant crue et exécutée, soit la vie et le salut des hommes: une Loi sainte, efficace et puissante pour éteindre le venin mortel que Lucifer a répandu dans le coeur des hommes par le premier péché. Je veux que par le moyen de Mes préceptes et de Mes conseils ils se spiritualisent et s'élèvent à Ma participation et à Ma ressemblance, et qu'ils soient des dépôts de Mes Trésors vivant dans la chair mortelle et qu'ils arrivent ensuite à la participation de Ma gloire éternelle. Je veux donner au monde la Loi que J'ai donnée à Moïse, mais renouvelée, améliorée et avec une efficacité et une Lumière nouvelle, afin qu'elle comprenne des préceptes et des conseils.»
5, 8, 797. La divine Mère connaissait toutes ces intentions du Maître de la Vie avec une Science très profonde et avec un égal amour Elle les acceptait, les révérait et en rendait grâces au nom de tout le genre humain. Et comme le
Seigneur lui manifestait tous et chacun de ces sacrements, son Altesse connaissait l'efficacité qu'Il leur donnerait ainsi qu'à la loi et à la Doctrine de l'Évangile, et les effets qu'elles produiraient dans les âmes qui les observeraient et la récompense qui y correspondrait; et Elle opéra d'avance en tout comme si Elle l'eût exécutée pour chacune des créatures. Elle connut expressément les quatre Évangiles avec les paroles formelles et les Mystères que les Évangélistes devaient écrire. Elle en comprit en Elle-même toute la Doctrine; parce que sa Science surpassait celle des écrivains eux-mêmes; et Elle aurait pu être leur Maîtresse en les leur déclarant sans se servir de leurs paroles. Elle connut de même que cette Science était comme copiée de celle du Christ, et que les Évangiles qui devaient être écrits étaient comme transcrits et copiés avec cette Science, et qu'ils demeuraient en dépôt dans son âme comme les tables (Héb. 9: 4) de la Loi dans l'Arche du Testament, afin qu'ils servissent d'originaux légitimes et véritables à tous les Saints et les Justes de la Loi de grâce; parce qu'ils devaient tous copier la sainteté et les vertus de celles qui étaient dans les Archives de la grâce, la Très Sainte Marie.
5, 8, 798. Son divin Maître lui donna aussi à connaître l'obligation dans laquelle Il la mettait d'exécuter toute cette Doctrine avec une perfection souveraine pour les fins très sublimes qu'Il avait dans ce bienfait et cette faveur si rare et si insigne. Et si nous avions à raconter ici combien notre grande Reine et Souveraine l'accomplit adéquatement et parfaitement, il serait nécessaire de répéter dans ce chapitre toute sa Vie; puisqu'elle fut toute une somme de l'Évangile, copiée de son propre Fils et son Maître. Quant à savoir ce que cette Doctrine a opéré dans les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges et les autres Saints et les Justes qui ont été et qui seront jusqu'à la fin du monde: nul ne peut le dire et encore moins le comprendre hors le Seigneur Lui-même. Puis considérons que tous les Saints et les Justes furent conçus dans le péché et ils mirent tous (Rom. 5: 12) quelque obstacle: et néanmoins ils crûrent en sainteté, en vertu et en grâce tout en y laissant quelque vide. Mais notre divine Souveraine ne souffrit point ces manquements et ces défauts dans la sainteté; et seule Elle fut une matière adéquatement disposée, n'ayant point de formes qui répugnât à l'activité et aux Dons du bras du Tout-Puissant: Elle reçut sans embarras ni résistance le torrent (Ps. 45: 5) impétueux de la Divinité qui lui était communiqué par son Fils vrai Dieu Lui-même. De là nous comprendrons que ce ne sera que dans la claire vision du Seigneur et dans la Félicité Éternelle que nous arriverons à connaître ce qui
sera convenable de la sainteté et de l'excellence de cette merveille de Sa Toute Puissance.
5, 8, 799. Et quand je voudrais maintenant expliquer quelque chose de ce qui m'a été manifesté, parlant en général et ne disant seulement que le plus gros, je ne trouve point de terme pour le dire; parce que notre Auguste Reine et Maîtresse gardait les préceptes et la Doctrine des Conseils Évangéliques selon la profonde intelligence qui lui en avait été donnée; et il n'y a aucune créature qui soit capable de connaître jusqu'où arrivait la Science et l'Intelligence de la Mère de la Sagesse dans la Doctrine de Jésus-Christ, et ce que l'on en comprend surpasse les termes et les paroles avec lesquels nous nous expliquons. Prenons par exemple la Doctrine de ce premier sermon que le Maître de la Vie fit à Ses disciples sur la montagne, comme saint Luc le rapporte dans le chapitre 5 (Luc 6: 20 etc.), où est renfermée la somme de la perfection Évangélique dans laquelle Il fondait Son Église, déclarant bienheureux tous ceux qui la suivraient.
5, 8, 800. «Bienheureux,» dit notre Maître et Seigneur, «les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux (Matt. 5: 3).» Tel fut le premier et solide fondement de toute la vie Évangélique. Et quoique les Apôtres et avec eux notre Père saint François l'entendissent d'une façon sublime; cependant la Très Sainte Marie seule arriva à pénétrer et à peser la grandeur de la pauvreté d'esprit; et Elle l'exécuta comme Elle la comprit jusqu'au dernier point du possible. L'image des richesses temporelles n'entra point dans son Coeur, Elle ne connut point cette inclination; mais aimant les choses comme ouvrages du Seigneur, Elle les abhorrait en tant qu'elles étaient des obstacles et des empêchements à l'amour Divin. Elle en usa très parcimonieusement et seulement en tant qu'elles la mouvaient ou l'aidaient à glorifier le Créateur. La possession de Reine de tous les Cieux et de toutes les créatures était comme due à cette pauvreté très parfaite et admirable. Tout cela est vrai, mais tout cela est très peu comparé à ce que Notre Dame comprit, apprécia et opéra du Trésor de la pauvreté d'esprit, qui est la première béatitude.
5, 8, 801. La seconde: «Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la terre.» Par sa très douce mansuétude la Très Sainte Marie surpassa
dans cette Doctrine et son exécution, non seulement tous les mortels, comme Moïse (Nom. 12: 3) surpassa dans son temps tous ceux qui vivaient alors, mais même les Anges et les Séraphins; parce que cette Très Candide Colombe en chair mortelle fut plus libre de trouble et de colère dans son intérieur et ses puissances que les esprits qui n'ont point de sensibilité, comme nous. Et ce fut dans ce degré inexplicable qu'Elle fut maîtresse de ses puissances et des opérations du corps terrestre, ainsi que des coeurs de tous ceux qui avaient à traiter avec Elle: et Elle possédait la terre de toutes manières, celle-ci s'assujettissant à son placide commandement. La troisième: «Bienheureux ceux qui pleurent; parce qu'ils seront consolés.» La Très Sainte Marie comprit l'excellence des larmes (Ps. 125: 5) et leur valeur et aussi la folie et le danger des rires (Prov. 14: 13) de joie mondaine plus qu'aucune langue ne peut expliquer; puis lorsque les enfants d'Adam conçus dans le péché originel et ensuite souillés par les péchés actuels se livrent aux rires et aux plaisirs, cette divine Mère, sans avoir aucune faute et sans en avoir eu, connut que la vie mortelle était pour pleurer l'absence du Souverain Bien et les péchés qui ont été et qui sont commis contre Lui: Elle les pleura douloureusement pour tous, et ces larmes très innocentes méritèrent les consolations et les faveurs qu'Elle reçut du Seigneur. Son Coeur très pur fut toujours sous le pressoir à la vue des offenses faites à son Bien-Aimé et son Dieu Éternel et ainsi son Coeur serré (Jér. 9: 1) distillait l'eau que ses yeux répandaient et son pain (Ps. 41: 4) était de pleurer jour et nuit les ingratitudes des pécheurs contre leur Créateur et leur Rédempteur. Aucune pure créature, ni même toutes les créatures ensemble ne pleurèrent plus que la Reine des Anges, pendant que la cause de ce pleur et de ces larmes était dans ces mêmes créatures par le péché et que dans la Très Sainte Marie était celle de la joie et de l'allégresse par la grâce.
5, 8, 802. Dans la quatrième bénédiction qui fait «Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de la Justice,» notre divine Souveraine la souffrit plus grande que le dégoût qu'en ont eu et qu'en auront tous les ennemis de Dieu. Parce qu'arrivant au suprême degré de la justice et de la sainteté, Elle fut toujours altérée de faire plus pour Elle; et à cette soif correspondait la plénitude de grâce avec laquelle le Seigneur la rassasiait, lui appliquant le torrent de Ses trésors et la suavité de Sa Divinité. La cinquième béatitude «des miséricordieux parce qu'ils obtiendront miséricorde de Dieu» eut un degré si excellent et si noble qu'il ne put se trouver qu'en Elle et pour cela Elle s'appelle Mère de Miséricorde, comme le Seigneur s'appelle Père des Miséricordes. Et ce fut qu'en étant très innocente et
sans aucune faute dont Elle eut à demander à Dieu miséricorde Elle eut Elle-même cette miséricorde dans un suprême degré pour tout le genre humain et Elle lui porta remède. Et parce qu'Elle connut avec une Science très sublime l'excellence de cette Vertu, Elle ne l'a jamais refusée, ni ne la refusera jamais à aucun de ceux qui la lui demanderont, imitant en cela Dieu (Is. 30: 18) même très parfaitement, comme aussi à s'avancer et à aller à la rencontre (Ps. 58: 11) des pauvres et des nécessiteux pour leur offrir le remède.
5, 8, 803. La sixième bénédiction qui regarde «ceux qui ont le coeur pur pour voir Dieu» fut sans pareille en la Très Sainte Marie. Parce qu'Elle était élue comme le soleil (Cant. 6: 9), imitant le véritable Soleil de justice ainsi que le soleil matériel qui nous éclaire, lequel n'est point souillé des choses inférieures et impures: il n'entra jamais aucune image des choses impures dans le Coeur et les puissances de notre Très Pure Princesse, au contraire Elle se trouvait en cela comme dans l'impossibilité, par la pureté de ses pensées très limpides: et c'est à cette pureté que put correspondre dès le premier instant la vision qu'Elle eut alors de la Divinité ainsi que les autres qui sont rapportées dans cette Histoire [a], quoiqu'elles ne fussent, qu'en passant et non perpétuelles à cause de son état de Voyageuse. La septième «des pacifiques qui seront appelés enfants de Dieu,» fut accordée à notre Reine avec une sagesse admirable, comme Elle en avait besoin pour conserver la paix de son Coeur et de ses puissances dans les soubresauts et les tribulations de la vie, de la Passion et de la Mort de son Très Saint Fils. Et en toutes ces circonstances et les autres Elle fut un portrait vivant de Sa pacification. Elle ne se troubla jamais désordonnément et Elle sut accepter les plus grandes peines avec la suprême paix, demeurant en tout la Fille parfaite du Père Céleste. Et ce titre de Fille du Père Éternel lui était singulièrement dû pour cette excellence. La huitième qui béatifie «ceux qui souffrent pour la justice» arriva en la Très Sainte Marie au suprême degré possible; puisque l'injure que les hommes lui firent en ôtant l'honneur et la vie à Son Très Saint Fils, le Seigneur du monde parce qu'Il leur avait prêché et enseigné la justice, et avec les circonstances dont Elle fut accompagnée fut soufferte seulement par Marie et Dieu même avec quelque égalité: parce qu'Elle était vraie Mère, comme le Seigneur était le Père de Son Fils Unique. Seule cette Dame imita Sa Majesté en souffrant cette persécution et Elle connut qu'Elle devait exécuter jusque-là la Doctrine que son divin Maître était pour enseigner dans l'Évangile.
5, 8, 804. De cette manière je peux déclarer quelque chose de ce que j'ai connu de la Science de notre Auguste Souveraine en comprenant la Doctrine de L'Évangile et en l'opérant. Et la même chose que j'ai déclarée dans les béatitudes je peux le dire des autres préceptes ou des conseils de l'Évangile et de Ses paraboles; comme sont les Préceptes d'aimer (Matt. 5: 44) ses ennemis, de pardonner les injures (Luc 17: 4), de faire des oeuvres d'une manière cachée (Matt. 6: 3) ou sans vaine gloire, de fuir l'hypocrisie (Matt. 6: 5): et outre cette Doctrine toute celle des conseils de perfection; les paraboles du trésor (Matt. 13: 44), de la perle précieuse (Matt. 13: 45), des Vierges (Matt. 25: 1), de la semence (Matt. 13: 3-4), des talents (Matt. 25: 15) et tout ce que contiennent les quatre Évangélistes. Parce qu'Elle comprit toutes ces choses avec la Doctrine qu'elles contenaient et les fins sublimes vers lesquelles le divin Maître les dirigeait: et Elle comprit comment devait être opéré tout le plus saint et le plus conforme à Sa divine Volonté: et ainsi Elle l'accomplit sans en omettre une seule lettre ni un seul accent (Matt. 5: 18). Nous pouvons dire de cette Souveraine la même chose que dit Notre Seigneur Jésus-Christ, qu'Il n'était pas venu pour abolir (Matt. 5: 17) la Loi, mais pour l'accomplir.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 8, 805. Ma fille, il convient au véritable Maître de la Vertu d'enseigner ce qu'Il opère et d'opérer ce qu'Il enseigne (Matt. 5: 19); parce que le dire et le faire sont deux parties du magistère, car les paroles enseignent et l'exemple meut et accrédite, ce qui est enseigné, afin qu'il soit admis et exécuté. Mon Très Saint Fils fit tout cela et moi à Son imitation. Et parce que Sa Majesté ne devait pas toujours être dans le monde, Il voulut laisser les saints Évangiles comme copie de Sa Vie et aussi de la mienne, afin que les enfants de la Lumière (Jean 12: 46), croyant en elle et la suivant, modelassent leur vie sur celle de leur Maître, par l'observance de la Doctrine de l'Évangile qu'Il leur laissait: puis la Doctrine que le même Seigneur m'enseigna et m'ordonna à moi, afin de L'imiter demeurait pratiquée sur la terre. Les saints Évangiles pèsent autant que cela et nous devons autant les estimer et les avoir en vénération. Et je t'avertis que c'est un sujet de très grande gloire et de très
grande complaisance pour mon Très Saint Fils et pour moi de voir que Ses paroles et celles qui contiennent Sa Vie sont dignement respectées et estimées des hommes. Et au contraire le Seigneur répute pour une grande injure que les Évangiles et Sa Doctrine soient oubliés des enfants de l'Église; parce qu'Il s'en trouve tant qui ne les comprennent pas, qui n'y font pas attention, qui ne remercient point pour ce Bienfait et qui n'en font pas plus mémoire que s'ils étaient païens ou qu'ils n'eussent point la Lumière de la Foi.
5, 8, 806. Ta dette est grande de ce côté; parce que je t'ai donné la science de la vénération et de l'appréciation que je fis de la Doctrine de l'Évangile et de ce que je travaillai pour la mettre en oeuvres, et si tu n'as pu connaître en cela tout ce que j'opérais et comprenais, ce qui n'est pas possible à ta capacité; néanmoins je n'ai montré ma bonté envers aucune nation plus qu'envers toi dans ce Bienfait. Considère donc soigneusement comment tu dois y correspondre et ne point faire un mauvais usage de l'amour que tu as conçu pour les divines Écritures et surtout pour les Évangiles et leur très sublime Doctrine. Elle doit être ta lampe (Ps. 118: 105) allumée dans ton coeur; et ma vie, ton Exemplaire et ton Miroir qui te serve pour former la tienne. Pèse combien il t'importe de le faire en toute diligence et combien vaut la complaisance qu'en recevra Mon Fils et Mon Seigneur; car je me donnerai de nouveau pour obligée de faire envers toi l'office de Mère et de Maîtresse. Crains le danger de n'être point attentive aux appels Divins, car d'innombrables âmes se perdent par cet oubli. Et les appels que tu as de la Miséricorde libérale du Tout-Puissant étant si fréquents et si admirables, si tu n'y correspondais pas, ta grossièreté serait très répréhensible et horrible même au Seigneur, à moi et à tous Ses Saints.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 8, [a]. Livre 1, No. 333; Livre 2, No. 430. Livre 3, No. 138; Livre 4,
No. 473; Livre 5, No. 956; Livre 6, No. 1523; Livre 7, No. 62; Livre 8, No. 494.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 9
On déclare comment la Très Sainte Marie connut les Articles de Foi que la Sainte Église devait croire et ce qu'Elle fit avec cette faveur.
5, 9, 807. Le fondement immuable de notre justification et la raison de toute la sainteté est la Foi des vérités que Dieu révéla à Sa Sainte Église: et ainsi Il la fonda sur cette fermeté (1 Tim. 3: 15) comme un architecte très prudent qui édifie sa maison sur la pierre ferme (Luc 6: 48) afin que les eaux furieuses des inondations et des déluges ne puissent la mouvoir. Telle est la stabilité invincible de l'Église de l'Évangile qui seule est une, Catholique, Romaine. Une (Eph. 4: 5) dans l'unité de la Foi, de l'Espérance et de la Charité qui se fondent en elle. Une sans division (1 Cor. 1: 13) ni contradiction comme il s'en trouve dans toutes les synagogues de Satan (Apoc. 2: 9), qui sont toutes les fausses sectes, les erreurs et les hérésies si obscures et si ténébreuses que non-seulement elles se heurtent les unes contre les autres et toutes contre la raison; mais chacune se heurte avec elle-même dans ses erreurs, affirmant et croyant des choses répugnantes et contraires entre elles et que les unes prévalent sur les autres et les renversent. Notre sainte Foi demeure toujours invincible contre toutes ces sectes, sans que les portes de l'enfer (Matt. 16: 18) ne prévalent d'un seul point contre elle; quoiqu'il ait prétendu et qu'il prétende l'investir pour la cribler (Luc 22: 31) comme le blé, de la manière qu'il tenta Pierre son Vicaire et en lui tous ses successeurs. Ainsi que le leur dit le Maître de la Vie.
5, 9, 808. Afin que notre Reine et notre Maîtresse reçût une connaissance adéquate de toute la Doctrine Évangélique et de la Loi de grâce, il fallait que dans l'océan de ces merveilles et des ces grâces entrât la notion de toutes les vérités catholiques qui devaient être crues des fidèles dans le temps de l'Évangile et en particulier des articles auxquels elles se rapportent comme à leurs principes et à leurs origines. Parce que tout cela entrait dans la capacité de la Très Sainte Marie et tout put être confié à sa Sagesse incomparable, même jusqu'aux articles et aux vérités catholiques qui la regardaient et qui devaient être crus dans l'Église; parce qu'elle connut tout cela comme je le dirai plus loin, avec les circonstances de temps, de lieux, de moyens et de manières selon lesquelles tout devait arriver opportunément dans les siècles futurs, quand il serait nécessaire, Pour informer spécialement la Bienheureuse Mère de ces Articles, le Seigneur lui donna une vision de la Divinité dans la vision abstractive que j'ai dite d'autres fois, et dans cette vision il lui fut manifesté des sacrements très cachés des jugements inscrutables du Très-Haut et de Sa Providence; et Elle connut la clémence de la Bonté infinie avec laquelle il avait ordonné le bienfait de la sainte Foi infuse, afin que les créatures absentes de la vue de la Divinité pussent la connaître brièvement et facilement et sans attendre ni chercher cette Science par la science naturelle que très peu arrivent à acquérir et ceux-ci même ne l'acquièrent que d'une manière très limitée: mais notre Foi Catholique nous élève aussitôt dès le premier usage de la raison à la connaissance de la Divinité en trois Personnes, mais de l'Humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ et des moyens pour acquérir la Vie Éternelle; les sciences humaines infécondes et stériles n'atteignent point à tout cela, si elles ne sont relevées par la force et la vertu de la Foi divine.
5, 9, 809. Notre grande Reine connut profondément dans cette vision tous ces mystères et ce qu'ils contiennent; que la très sainte Église aurait les quatorze Articles [a] de la Foi Catholique dès son principe; et qu'ensuite elle déterminerait en divers temps plusieurs propositions et plusieurs vérités qui y étaient renfermées ainsi que dans les diverses Écritures, comme dans leur racine, laquelle étant cultivée produit son fruit. Dans le premier des sept Articles qui appartiennent à la Divinité, croyant, Elle connut comment le vrai Dieu étant Un, Indépendant, Nécessaire, Infini, Immense dans Ses Attributs et Ses Perfections, Immuable et Éternel, et combien il était dû, juste et nécessaire aux créatures de croire cette Vérité et de la confesser. Elle rendit grâces pour la révélation de cet Article et Elle demanda à son Très Saint Fils de continuer cette faveur envers le genre humain, et
de donner aux hommes la grâce d'admettre la véritable Divinité et de La connaître. Avec cette Lumière infaillible, quoiqu'obscure, Elle connut le péché de l'idolâtrie qui ignore cette vérité et Elle la pleura avec une douleur et une amertume incomparables. Et dans son opposition, Elle fit des actes grandioses de Foi et de révérence au Dieu Unique et Véritable; et plusieurs autres de toutes les Vertus que demandait cette connaissance.
5, 9, 810. Elle crut le second Article, «croire qu'il est Père;» et elle connut que cet article était donné aux mortels afin que ceux-ci passassent, de la connaissance de la Divinité à celle de la trinité des Personnes qu'il y a en elle et des autres Articles qui l'expliquent et qui la supposent; afin qu'ils arrivassent à connaître parfaitement leur dernière fin, comment ils devaient en jouir et les moyens pour l'obtenir. Elle comprit comment la Personne du Père ne pouvait naître ni procéder d'une autre, et qu'Elle était comme l'Origine de tout; et ainsi on Lui attribue la création du Ciel et de la terre et de toutes les créatures, comme à Celui qui est sans principe et qui l'est de tout ce qui a l'être. Notre Dame rendit grâce pour cet Article au nom de tout le genre humain, et Elle opéra tout ce que demandait cette vérité, Le troisième Article de «croire qu'il y a le Fils,» la Mère de la grâce le crut avec une Lumière très spéciale et avec la connaissance des processions "ad intra", desquelles la première en ordre d'origine est la génération éternelle du Fils qui est engendré par Oeuvres de l'Entendement et qui le fut "ab aeterno" du Père seul, non étant postérieur, mais égal dans la Divinité, l'Éternité, l'Infinité et les Attributs. Le quatrième Article «croire qu'il y a le Saint-Esprit,» Elle le crut et le comprit, connaissant que la troisième Personne, l'Esprit-Saint procède du Père et du Fils comme d'un seul Principe, par acte de Volonté, demeurant égal avec les deux Personnes sans autre différence entre Elles, outre la distinction personnelle qui résulte des émanations et des processions de l'Entendement et de la Volonté infinis. Et quoique la Très Sainte Marie eût eu de ces Mystères les connaissances et les visions que j'ai déclarées en d'autres occasions [b], ils lui furent renouvelés en celle-ci avec les conditions et les circonstances de devoir être des Articles de Foi dans la future Église et avec l'intelligence des hérésies que Lucifer sèmerait contre ces Articles, comme il les avait fabriqués dans sa tête depuis qu'il était tombé du Ciel et qu'il avait connu l'Incarnation du Verbe. L'auguste Souveraine fit de grands actes contre toutes ces erreurs, de la manière que j'ai dite.
5, 9, 811. Le cinquième Article que le Seigneur «est Créateur,» la Très Sainte Marie le crut, connaissant que quoiqu'on attribue au Père la connaissance de toutes les choses, elle est commune à toutes les trois Personnes, en tant qu'elles sont un seul Dieu infini, Puissant et de qui Seul dépendent les créatures dans leur être et leur conservation, et qu'aucune n'a de vertu pour en créer une autre la produisant de rien, ce en quoi consiste la création, quand ce serait un Ange et que Celui-là seul qui est indépendant dans Son Être peut opérer sans dépendance d'une autre cause inférieure ou supérieure. Je compris la nécessité de cet Article dans la Sainte Église contre les erreurs de Lucifer, afin que Dieu fût connu et respecté comme Auteur de toutes les créatures. Le sixième Article «qu'il est Sauveur,» Elle le comprit de nouveau avec tous les Mystères qu'il renferme de la prédestination, de la vocation et de la justification finale; et des réprouvés, qui pour n'avoir point profité des moyens opportuns que la Miséricorde Divine leur avait promis et leur aurait donnés, perdraient la félicité éternelle. La Très Fidèle Vierge connut aussi comment il convenait aux trois divines Personnes d'être Sauveur; et comment il convenait à celle du Verbe, spécialement en tant qu'homme, parce qu'Il devait Se livrer comme prix et rachat et le même Dieu Le devait accepter, Se donnant pour satisfait pour les péchés originels et actuels. Cette grande Dame considérait attentivement tous les sacrements et les mystères que la Sainte Église devait recevoir et croire et Elle faisait des actes héroïques de plusieurs vertus dans l'intelligence de tous ces Mystères. Dans le septième Article «qu'Il est Glorificateur,» Elle entendit ce qu'il leur était préparée dans la fruition et la vision béatifiques; et combien il leur importe d'avoir la Foi de cette Vérité pour se disposer à l'obtenir et se réputer non citoyens de la terre, mais pèlerins ici-bas et citoyens du Ciel, et qu'en cette Foi et cette Espérance ils vécussent consolés dans cet exil.
5, 9, 812. Notre Auguste Reine eut une égale connaissance des sept Articles qui appartiennent à l'Humanité, mais avec des effets nouveaux dans son Coeur très candide et très humble. Parce que dans le premier que son Très Saint Fils «fut conçu en tant qu'homme par l'opération du Saint-Esprit,» comme ce Mystère avait été opéré dans son sein Virginal avec les autres qui s'en suivent, les affections que cette connaissance excita dans la Très Prudente Reine furent inexplicables. Elle s'humilia jusqu'à l'infime des créatures et jusqu'au profond de la terre: Elle
approfondit la connaissance qu'Elle avait été créée de rien: Elle creusa les fosses et Elle y jeta les fondements de l'humilité pour le sublime et très haut édifice de la plénitude de Science infuse et de perfection excellente que la droite du Très-Haut édifiait en Sa Très Sainte Mère. Elle loua le Tout-Puissant et Elle Lui rendit grâces pour Elle-même et pour tout le genre humain; parce que le Seigneur avait choisi un moyen aussi admirable et aussi efficace pour attirer à Lui tous les coeurs, en opérant ce Bienfait et en les obligeant à l'avoir présent par la Foi Chrétienne. Elle fit la même chose dans le second Article, que Notre-Seigneur «Jésus-Christ naquit de Marie, Vierge avant, pendant et après l'Enfantement.» Dans ce Mystère de son intacte Virginité que la divine Reine avait tant estimée et de ce que le Seigneur l'avait choisie pour Mère, avec ces conditions parmi toutes les créatures, dans la décence et la dignité de ce privilège, tant pour la gloire du Seigneur que pour la sienne, et que la Sainte Église devait croire et professer tout cela avec la certitude de la Foi Catholique; en tout cela et le reste que l'Auguste Reine crut et connut, il n'est pas possible de manifester par des paroles la hauteur de ses opérations et des oeuvres qu'Elle fit, donnant à chacun de ces Mystères la plénitude de magnificence, d'adoration, de créance, de louange et de remerciement qu'il demandait; demeurant humiliée d'autant plus profondément qu'Elle était plus élevée, Elle s'anéantissait et s'abaissait jusqu'à la poussière.
5, 9, 813. Le troisième Article est que Notre-Seigneur «Jésus-Christ souffrit Mort et Passion.» Le quatrième «qu'Il descendit aux enfers et qu'Il en tira les âmes des saints Pères qui étaient dans les limbes attendant Sa venue.» Le cinquième qu'Il «ressuscita d'entre les morts.» Le sixième «qu'Il monta aux cieux et S'assit à la droite du Père Éternel.» Le septième que «de là Il doit venir juger les vivants et les morts dans le jugement universel, pour donner à chacun la rétribution des oeuvres qu'il aura faites.» La Très Sainte Marie crut, connut et comprit tous ces Articles quant à la substance, à l'ordre, aux convenances et à la nécessité que les mortels avaient de cette Foi. Et seule Elle remplit leurs vides et Elle suppléa au défaut de tous ceux qui n'avaient point cru et qui ne croiraient point dans l'avenir, et aux manquements de notre tiédeur à croire les vérités divines, à leur donner le poids, la vénération et les effets de reconnaissance qu'elles demandent. Toute l'Église appelle notre Reine Très Fortunée et Bienheureuse (Luc 1: 45), parce qu'Elle crut non seulement l'ambassadeur du Ciel, mais aussi parce qu'après cette Foi, Elle crut encore les Articles qui se formèrent et se déterminèrent dans son sein Virginal, et Elle les crut pour Elle et pour tous les enfants d'Adam. Elle fut la
Maîtresse de la Foi divine et Celle qui arbora l'étendard de la Foi dans le monde, à la vue des courtisans du Ciel. Elle fut la première Reine Catholique du globe, et Celle qui n'aura point de seconde. Mais les vrais Catholiques auront en Elle une Mère assurée; et par ce titre spécial ils sont ses enfants s'ils l'invoquent; parce que sans doute cette pieuse Mère et Capitaine de la Foi Catholique regarde avec un amour spécial ceux qui la suivent dans cette Vertu et dans sa propagation et sa défense.
5, 9, 814. Ce discours serait trop long si je devais y manifester tout ce qui m'a été déclaré de la Foi de notre Auguste Souveraine, des conditions et des circonstances avec lesquelles Elle pénétrait chacun des quatorze Articles et chacune des vérités Catholiques qui y sont renfermées. Les conférences qu'Elle avait sur cela avec son divine Maître Jésus, les demandes qu'Elle faisait à leur sujet avec une humilité et une prudence inouïes, les réponses que son Très Doux Fils lui donnait, les profonds secrets qu'Il lui déclarait d'une façon excessivement aimante et d'autres sacrements vénérables qui étaient manifestes seulement au Fils et à la Mère: je n'ai point de paroles pour des Mystères si Divins. Il m'a été donné de comprendre aussi qu'il ne convient pas de les manifester tous dans cette vie mortelle. Mais tout ce Nouveau et Divin Testament fut déposé en la Très Sainte Marie, et Elle seule le garde très fidèlement pour dispenser en leurs temps ce que les nécessités de la Sainte Église demandent de ce Trésor (Matt. 13: 52). O Mère fortunée et Bienheureuse! Si donc le fils sage est l'allégresse (Prov. 10: 1) de son père, qui pourra expliquer ce que cette grande Reine reçut de la gloire qui résultait au Père Éternel de Son Fils Unique dont Elle était Mère, par les mystères de Ses Oeuvres qu'Elle connut dans les vérités de la sainte Foi de l'Église.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE DAME
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 9, 815. Ma fille, l'état de la vie mortelle ne permet pas qu'on puisse y connaître ce que je sentis par la Foi et la connaissance infuse des Articles que mon Très Saint Fils disposait pour la Sainte Église et ce que mes puissances opérèrent dans cette créance. Il est inévitable que les termes te manquent, à toi, pour
déclarer ce que tu as compris; parce que tous ceux qui arrivent à en comprendre le sens sont courts pour entendre le concept de ce Mystère et le manifester. Mais ce que je veux de toi et ce que je te commande est ce que tu peux faire par la faveur Divine; c'est-à-dire que tu gardes avec toute révérence et sollicitude le Trésor (Matt. 13: 44) que tu as trouvé de la Doctrine et de la Science de sacrements si vénérables. Parce que je t'avise et t'avertis, comme Mère, de la cruauté si sagace avec laquelle tes ennemis s'efforcent de te la ravir. Sois toujours vigilante et attentive, afin qu'ils te trouvent vêtue de force (Prov. 31;17) et que tes domestiques qui sont tes puissances et tes sens aient de doubles vêtements (Prov. 31: 21) de garde-intérieure et extérieure qui résistent à la batterie de tes tentations. Les Armes offensives et puissantes pour vaincre (1 Pet. 5: 9) ceux qui te font la guerre doivent être les Articles de la Foi Catholique; parce que leur exercice continuel, leur ferme créance, leur méditation et l'attention qu'on y fait illumine les âmes, dissipe les erreurs, découvre les tromperies de Satan, et les défait comme les rayons du soleil défont les nuées légères: et outre cela, ils servent d'aliment (Rom. 1: 17) et de substance spirituelle qui rend les âmes robustes pour les combats du Seigneur.
5, 9, 816. Et si les fidèles ne sentent point ces effets et d'autres plus grands et plus admirables, ce n'est point parce que les Articles de la Foi Catholique manquent d'efficace et de vertu pour les faire; mais parce que du côté des croyants il y a tant d'oubli et de négligence en quelques-uns et d'autres se livrent si aveuglément à la vie charnelle et bestiale (1 Cor. 2: 14) qu'ils ne profitent point de ce Bienfait de la Foi, et à peine se souviennent-ils d'en user plus que s'ils ne l'avaient point reçue. Et voyant que les infidèles ne l'ont point et pondérant leur infortune et leur infidélité, comme de raison, ils viennent à être bien pires qu'eux par cette horrible ingratitude et ce mépris d'un Don si sublime et si souverain. Je veux de toi, ma chère fille, que tu le reconnaisses avec une humilité profonde et de ferventes affections, que tu l'exerces par des actes incessants et héroïques, que tu médites toujours les Mystères que la Foi t'enseigne, afin que tu jouisses sans embarras terrestre des effets Divins et très doux qu'elle cause. Et ils seront d'autant plus efficaces et plus puissants en toi que la connaissance que la Foi te donnera sera plus vive et plus pénétrante. Et concourant de ton côté avec la diligence qui te regarde, croîtront la lumière et l'intelligence des Mystères et des sacrements sublimes et admirables de l'Être de Dieu Un et Trine; de l'union hypostatique des deux Natures, divine et humaine; de la Vie, de la Mort et de la
Résurrection de mon Très Saint Fils et de tous les autres qu'Il opéra. Avec cela tu goûteras à leur douceur (Ps. 33: 9) et tu cueilleras un fruit très abondant, digne du repos et de la Félicité Éternelle.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 9, [a]. Il y a douze Articles de Foi selon le nombre des Apôtres; mais si nous les considérons dans l'ordre des objets que nous devons croire, il y en a quatorze. Voir saint Thomas, [2-2, q. 1, a. 8].
5, 9, [b. Livre 1, Nos. 123, 229, 312.
On déclare comment la Très Sainte Marie connut les Articles de Foi que la Sainte Église devait croire et ce qu'Elle fit avec cette faveur.
5, 9, 807. Le fondement immuable de notre justification et la raison de toute la sainteté est la Foi des vérités que Dieu révéla à Sa Sainte Église: et ainsi Il la fonda sur cette fermeté (1 Tim. 3: 15) comme un architecte très prudent qui édifie sa maison sur la pierre ferme (Luc 6: 48) afin que les eaux furieuses des inondations et des déluges ne puissent la mouvoir. Telle est la stabilité invincible de l'Église de l'Évangile qui seule est une, Catholique, Romaine. Une (Eph. 4: 5) dans l'unité de la Foi, de l'Espérance et de la Charité qui se fondent en elle. Une sans division (1 Cor. 1: 13) ni contradiction comme il s'en trouve dans toutes les synagogues de Satan (Apoc. 2: 9), qui sont toutes les fausses sectes, les erreurs et les hérésies si obscures et si ténébreuses que non-seulement elles se heurtent les unes contre les autres et toutes contre la raison; mais chacune se heurte avec elle-même dans ses erreurs, affirmant et croyant des choses répugnantes et contraires entre elles et que les unes prévalent sur les autres et les renversent. Notre sainte Foi demeure toujours invincible contre toutes ces sectes, sans que les portes de l'enfer (Matt. 16: 18) ne prévalent d'un seul point contre elle; quoiqu'il ait prétendu et qu'il prétende l'investir pour la cribler (Luc 22: 31) comme le blé, de la manière qu'il tenta Pierre son Vicaire et en lui tous ses successeurs. Ainsi que le leur dit le Maître de la Vie.
5, 9, 808. Afin que notre Reine et notre Maîtresse reçût une connaissance adéquate de toute la Doctrine Évangélique et de la Loi de grâce, il fallait que dans l'océan de ces merveilles et des ces grâces entrât la notion de toutes les vérités catholiques qui devaient être crues des fidèles dans le temps de l'Évangile et en particulier des articles auxquels elles se rapportent comme à leurs principes et à leurs origines. Parce que tout cela entrait dans la capacité de la Très Sainte Marie et tout put être confié à sa Sagesse incomparable, même jusqu'aux articles et aux vérités catholiques qui la regardaient et qui devaient être crus dans l'Église; parce qu'elle connut tout cela comme je le dirai plus loin, avec les circonstances de temps, de lieux, de moyens et de manières selon lesquelles tout devait arriver opportunément dans les siècles futurs, quand il serait nécessaire, Pour informer spécialement la Bienheureuse Mère de ces Articles, le Seigneur lui donna une vision de la Divinité dans la vision abstractive que j'ai dite d'autres fois, et dans cette vision il lui fut manifesté des sacrements très cachés des jugements inscrutables du Très-Haut et de Sa Providence; et Elle connut la clémence de la Bonté infinie avec laquelle il avait ordonné le bienfait de la sainte Foi infuse, afin que les créatures absentes de la vue de la Divinité pussent la connaître brièvement et facilement et sans attendre ni chercher cette Science par la science naturelle que très peu arrivent à acquérir et ceux-ci même ne l'acquièrent que d'une manière très limitée: mais notre Foi Catholique nous élève aussitôt dès le premier usage de la raison à la connaissance de la Divinité en trois Personnes, mais de l'Humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ et des moyens pour acquérir la Vie Éternelle; les sciences humaines infécondes et stériles n'atteignent point à tout cela, si elles ne sont relevées par la force et la vertu de la Foi divine.
5, 9, 809. Notre grande Reine connut profondément dans cette vision tous ces mystères et ce qu'ils contiennent; que la très sainte Église aurait les quatorze Articles [a] de la Foi Catholique dès son principe; et qu'ensuite elle déterminerait en divers temps plusieurs propositions et plusieurs vérités qui y étaient renfermées ainsi que dans les diverses Écritures, comme dans leur racine, laquelle étant cultivée produit son fruit. Dans le premier des sept Articles qui appartiennent à la Divinité, croyant, Elle connut comment le vrai Dieu étant Un, Indépendant, Nécessaire, Infini, Immense dans Ses Attributs et Ses Perfections, Immuable et Éternel, et combien il était dû, juste et nécessaire aux créatures de croire cette Vérité et de la confesser. Elle rendit grâces pour la révélation de cet Article et Elle demanda à son Très Saint Fils de continuer cette faveur envers le genre humain, et
de donner aux hommes la grâce d'admettre la véritable Divinité et de La connaître. Avec cette Lumière infaillible, quoiqu'obscure, Elle connut le péché de l'idolâtrie qui ignore cette vérité et Elle la pleura avec une douleur et une amertume incomparables. Et dans son opposition, Elle fit des actes grandioses de Foi et de révérence au Dieu Unique et Véritable; et plusieurs autres de toutes les Vertus que demandait cette connaissance.
5, 9, 810. Elle crut le second Article, «croire qu'il est Père;» et elle connut que cet article était donné aux mortels afin que ceux-ci passassent, de la connaissance de la Divinité à celle de la trinité des Personnes qu'il y a en elle et des autres Articles qui l'expliquent et qui la supposent; afin qu'ils arrivassent à connaître parfaitement leur dernière fin, comment ils devaient en jouir et les moyens pour l'obtenir. Elle comprit comment la Personne du Père ne pouvait naître ni procéder d'une autre, et qu'Elle était comme l'Origine de tout; et ainsi on Lui attribue la création du Ciel et de la terre et de toutes les créatures, comme à Celui qui est sans principe et qui l'est de tout ce qui a l'être. Notre Dame rendit grâce pour cet Article au nom de tout le genre humain, et Elle opéra tout ce que demandait cette vérité, Le troisième Article de «croire qu'il y a le Fils,» la Mère de la grâce le crut avec une Lumière très spéciale et avec la connaissance des processions "ad intra", desquelles la première en ordre d'origine est la génération éternelle du Fils qui est engendré par Oeuvres de l'Entendement et qui le fut "ab aeterno" du Père seul, non étant postérieur, mais égal dans la Divinité, l'Éternité, l'Infinité et les Attributs. Le quatrième Article «croire qu'il y a le Saint-Esprit,» Elle le crut et le comprit, connaissant que la troisième Personne, l'Esprit-Saint procède du Père et du Fils comme d'un seul Principe, par acte de Volonté, demeurant égal avec les deux Personnes sans autre différence entre Elles, outre la distinction personnelle qui résulte des émanations et des processions de l'Entendement et de la Volonté infinis. Et quoique la Très Sainte Marie eût eu de ces Mystères les connaissances et les visions que j'ai déclarées en d'autres occasions [b], ils lui furent renouvelés en celle-ci avec les conditions et les circonstances de devoir être des Articles de Foi dans la future Église et avec l'intelligence des hérésies que Lucifer sèmerait contre ces Articles, comme il les avait fabriqués dans sa tête depuis qu'il était tombé du Ciel et qu'il avait connu l'Incarnation du Verbe. L'auguste Souveraine fit de grands actes contre toutes ces erreurs, de la manière que j'ai dite.
5, 9, 811. Le cinquième Article que le Seigneur «est Créateur,» la Très Sainte Marie le crut, connaissant que quoiqu'on attribue au Père la connaissance de toutes les choses, elle est commune à toutes les trois Personnes, en tant qu'elles sont un seul Dieu infini, Puissant et de qui Seul dépendent les créatures dans leur être et leur conservation, et qu'aucune n'a de vertu pour en créer une autre la produisant de rien, ce en quoi consiste la création, quand ce serait un Ange et que Celui-là seul qui est indépendant dans Son Être peut opérer sans dépendance d'une autre cause inférieure ou supérieure. Je compris la nécessité de cet Article dans la Sainte Église contre les erreurs de Lucifer, afin que Dieu fût connu et respecté comme Auteur de toutes les créatures. Le sixième Article «qu'il est Sauveur,» Elle le comprit de nouveau avec tous les Mystères qu'il renferme de la prédestination, de la vocation et de la justification finale; et des réprouvés, qui pour n'avoir point profité des moyens opportuns que la Miséricorde Divine leur avait promis et leur aurait donnés, perdraient la félicité éternelle. La Très Fidèle Vierge connut aussi comment il convenait aux trois divines Personnes d'être Sauveur; et comment il convenait à celle du Verbe, spécialement en tant qu'homme, parce qu'Il devait Se livrer comme prix et rachat et le même Dieu Le devait accepter, Se donnant pour satisfait pour les péchés originels et actuels. Cette grande Dame considérait attentivement tous les sacrements et les mystères que la Sainte Église devait recevoir et croire et Elle faisait des actes héroïques de plusieurs vertus dans l'intelligence de tous ces Mystères. Dans le septième Article «qu'Il est Glorificateur,» Elle entendit ce qu'il leur était préparée dans la fruition et la vision béatifiques; et combien il leur importe d'avoir la Foi de cette Vérité pour se disposer à l'obtenir et se réputer non citoyens de la terre, mais pèlerins ici-bas et citoyens du Ciel, et qu'en cette Foi et cette Espérance ils vécussent consolés dans cet exil.
5, 9, 812. Notre Auguste Reine eut une égale connaissance des sept Articles qui appartiennent à l'Humanité, mais avec des effets nouveaux dans son Coeur très candide et très humble. Parce que dans le premier que son Très Saint Fils «fut conçu en tant qu'homme par l'opération du Saint-Esprit,» comme ce Mystère avait été opéré dans son sein Virginal avec les autres qui s'en suivent, les affections que cette connaissance excita dans la Très Prudente Reine furent inexplicables. Elle s'humilia jusqu'à l'infime des créatures et jusqu'au profond de la terre: Elle
approfondit la connaissance qu'Elle avait été créée de rien: Elle creusa les fosses et Elle y jeta les fondements de l'humilité pour le sublime et très haut édifice de la plénitude de Science infuse et de perfection excellente que la droite du Très-Haut édifiait en Sa Très Sainte Mère. Elle loua le Tout-Puissant et Elle Lui rendit grâces pour Elle-même et pour tout le genre humain; parce que le Seigneur avait choisi un moyen aussi admirable et aussi efficace pour attirer à Lui tous les coeurs, en opérant ce Bienfait et en les obligeant à l'avoir présent par la Foi Chrétienne. Elle fit la même chose dans le second Article, que Notre-Seigneur «Jésus-Christ naquit de Marie, Vierge avant, pendant et après l'Enfantement.» Dans ce Mystère de son intacte Virginité que la divine Reine avait tant estimée et de ce que le Seigneur l'avait choisie pour Mère, avec ces conditions parmi toutes les créatures, dans la décence et la dignité de ce privilège, tant pour la gloire du Seigneur que pour la sienne, et que la Sainte Église devait croire et professer tout cela avec la certitude de la Foi Catholique; en tout cela et le reste que l'Auguste Reine crut et connut, il n'est pas possible de manifester par des paroles la hauteur de ses opérations et des oeuvres qu'Elle fit, donnant à chacun de ces Mystères la plénitude de magnificence, d'adoration, de créance, de louange et de remerciement qu'il demandait; demeurant humiliée d'autant plus profondément qu'Elle était plus élevée, Elle s'anéantissait et s'abaissait jusqu'à la poussière.
5, 9, 813. Le troisième Article est que Notre-Seigneur «Jésus-Christ souffrit Mort et Passion.» Le quatrième «qu'Il descendit aux enfers et qu'Il en tira les âmes des saints Pères qui étaient dans les limbes attendant Sa venue.» Le cinquième qu'Il «ressuscita d'entre les morts.» Le sixième «qu'Il monta aux cieux et S'assit à la droite du Père Éternel.» Le septième que «de là Il doit venir juger les vivants et les morts dans le jugement universel, pour donner à chacun la rétribution des oeuvres qu'il aura faites.» La Très Sainte Marie crut, connut et comprit tous ces Articles quant à la substance, à l'ordre, aux convenances et à la nécessité que les mortels avaient de cette Foi. Et seule Elle remplit leurs vides et Elle suppléa au défaut de tous ceux qui n'avaient point cru et qui ne croiraient point dans l'avenir, et aux manquements de notre tiédeur à croire les vérités divines, à leur donner le poids, la vénération et les effets de reconnaissance qu'elles demandent. Toute l'Église appelle notre Reine Très Fortunée et Bienheureuse (Luc 1: 45), parce qu'Elle crut non seulement l'ambassadeur du Ciel, mais aussi parce qu'après cette Foi, Elle crut encore les Articles qui se formèrent et se déterminèrent dans son sein Virginal, et Elle les crut pour Elle et pour tous les enfants d'Adam. Elle fut la
Maîtresse de la Foi divine et Celle qui arbora l'étendard de la Foi dans le monde, à la vue des courtisans du Ciel. Elle fut la première Reine Catholique du globe, et Celle qui n'aura point de seconde. Mais les vrais Catholiques auront en Elle une Mère assurée; et par ce titre spécial ils sont ses enfants s'ils l'invoquent; parce que sans doute cette pieuse Mère et Capitaine de la Foi Catholique regarde avec un amour spécial ceux qui la suivent dans cette Vertu et dans sa propagation et sa défense.
5, 9, 814. Ce discours serait trop long si je devais y manifester tout ce qui m'a été déclaré de la Foi de notre Auguste Souveraine, des conditions et des circonstances avec lesquelles Elle pénétrait chacun des quatorze Articles et chacune des vérités Catholiques qui y sont renfermées. Les conférences qu'Elle avait sur cela avec son divine Maître Jésus, les demandes qu'Elle faisait à leur sujet avec une humilité et une prudence inouïes, les réponses que son Très Doux Fils lui donnait, les profonds secrets qu'Il lui déclarait d'une façon excessivement aimante et d'autres sacrements vénérables qui étaient manifestes seulement au Fils et à la Mère: je n'ai point de paroles pour des Mystères si Divins. Il m'a été donné de comprendre aussi qu'il ne convient pas de les manifester tous dans cette vie mortelle. Mais tout ce Nouveau et Divin Testament fut déposé en la Très Sainte Marie, et Elle seule le garde très fidèlement pour dispenser en leurs temps ce que les nécessités de la Sainte Église demandent de ce Trésor (Matt. 13: 52). O Mère fortunée et Bienheureuse! Si donc le fils sage est l'allégresse (Prov. 10: 1) de son père, qui pourra expliquer ce que cette grande Reine reçut de la gloire qui résultait au Père Éternel de Son Fils Unique dont Elle était Mère, par les mystères de Ses Oeuvres qu'Elle connut dans les vérités de la sainte Foi de l'Église.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE DAME
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 9, 815. Ma fille, l'état de la vie mortelle ne permet pas qu'on puisse y connaître ce que je sentis par la Foi et la connaissance infuse des Articles que mon Très Saint Fils disposait pour la Sainte Église et ce que mes puissances opérèrent dans cette créance. Il est inévitable que les termes te manquent, à toi, pour
déclarer ce que tu as compris; parce que tous ceux qui arrivent à en comprendre le sens sont courts pour entendre le concept de ce Mystère et le manifester. Mais ce que je veux de toi et ce que je te commande est ce que tu peux faire par la faveur Divine; c'est-à-dire que tu gardes avec toute révérence et sollicitude le Trésor (Matt. 13: 44) que tu as trouvé de la Doctrine et de la Science de sacrements si vénérables. Parce que je t'avise et t'avertis, comme Mère, de la cruauté si sagace avec laquelle tes ennemis s'efforcent de te la ravir. Sois toujours vigilante et attentive, afin qu'ils te trouvent vêtue de force (Prov. 31;17) et que tes domestiques qui sont tes puissances et tes sens aient de doubles vêtements (Prov. 31: 21) de garde-intérieure et extérieure qui résistent à la batterie de tes tentations. Les Armes offensives et puissantes pour vaincre (1 Pet. 5: 9) ceux qui te font la guerre doivent être les Articles de la Foi Catholique; parce que leur exercice continuel, leur ferme créance, leur méditation et l'attention qu'on y fait illumine les âmes, dissipe les erreurs, découvre les tromperies de Satan, et les défait comme les rayons du soleil défont les nuées légères: et outre cela, ils servent d'aliment (Rom. 1: 17) et de substance spirituelle qui rend les âmes robustes pour les combats du Seigneur.
5, 9, 816. Et si les fidèles ne sentent point ces effets et d'autres plus grands et plus admirables, ce n'est point parce que les Articles de la Foi Catholique manquent d'efficace et de vertu pour les faire; mais parce que du côté des croyants il y a tant d'oubli et de négligence en quelques-uns et d'autres se livrent si aveuglément à la vie charnelle et bestiale (1 Cor. 2: 14) qu'ils ne profitent point de ce Bienfait de la Foi, et à peine se souviennent-ils d'en user plus que s'ils ne l'avaient point reçue. Et voyant que les infidèles ne l'ont point et pondérant leur infortune et leur infidélité, comme de raison, ils viennent à être bien pires qu'eux par cette horrible ingratitude et ce mépris d'un Don si sublime et si souverain. Je veux de toi, ma chère fille, que tu le reconnaisses avec une humilité profonde et de ferventes affections, que tu l'exerces par des actes incessants et héroïques, que tu médites toujours les Mystères que la Foi t'enseigne, afin que tu jouisses sans embarras terrestre des effets Divins et très doux qu'elle cause. Et ils seront d'autant plus efficaces et plus puissants en toi que la connaissance que la Foi te donnera sera plus vive et plus pénétrante. Et concourant de ton côté avec la diligence qui te regarde, croîtront la lumière et l'intelligence des Mystères et des sacrements sublimes et admirables de l'Être de Dieu Un et Trine; de l'union hypostatique des deux Natures, divine et humaine; de la Vie, de la Mort et de la
Résurrection de mon Très Saint Fils et de tous les autres qu'Il opéra. Avec cela tu goûteras à leur douceur (Ps. 33: 9) et tu cueilleras un fruit très abondant, digne du repos et de la Félicité Éternelle.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 9, [a]. Il y a douze Articles de Foi selon le nombre des Apôtres; mais si nous les considérons dans l'ordre des objets que nous devons croire, il y en a quatorze. Voir saint Thomas, [2-2, q. 1, a. 8].
5, 9, [b. Livre 1, Nos. 123, 229, 312.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 10
La Très Sainte Marie eut une nouvelle Lumière des Dix Commandements et ce qu'Elle opéra avec ce Bienfait.
5, 10, 817. Comme les actes de la Foi Catholique appartiennent aux actes de l'entendement dont ils sont l'objet: ainsi les Commandements regardent les actes de la volonté. Et quoique tous les actes libres dépendent de la volonté en toutes les vertus infuses et acquises; néanmoins ils n'en sortent pas également; parce que les actes de la Foi libre naissent immédiatement de l'entendement qui les produit et ils dépendant de la volonté seulement en tant qu'elle les commande avec une affection pure, sainte, pieuse et révérencielle [a]; parce que les objets et les vérités obscures ne nécessitent point l'entendement, pour qu'il les croie sans la
consulte de la volonté, et ainsi il attend ce que veut la volonté. Mais dans les autres vertus la même volonté opère par soi, et elle demande seulement de l'entendement qu'il lui propose ce qu'elle doit faire, comme celui qui porte la lumière devant elle. Mais celle-ci est si maîtresse et si libre qu'elle n'accepte point l'empire de l'entendement, ni aucune violence de personne. Le Très-Haut Seigneur l'ordonna ainsi, afin que nul ne Le serve avec tristesse ou par nécessité, par force ou par violence; mais ingénument, librement (2 Cor. 19: 7) et avec allégresse, comme l'Apôtre l'enseigne.
5, 10, 818. Étant illustrée si divinement dans les Articles et les Vérités de la Foi Catholique, la Très Sainte Marie eut une autre vision de la Divinité de la même manière que j'ai dite dans le chapitre précédent afin qu'Elle fût renouvelée dans la science des dix Préceptes du Décalogue. Et dans cette vision, tous les Mystères des divins Commandements lui furent manifestés avec une plus grande plénitude et une plus grande clarté, comment ils étaient décrétés dans l'Entendement divin pour diriger les mortels jusqu'à la Vie Éternelle et comment ils avaient été donnés à Moïse dans les deux (Deut. 5: 22) tables: dans la première, les trois qui regardent l'honneur du même Dieu, et dans la seconde les sept qui s'exercent envers le prochain; et que le Rédempteur du monde, son Très Saint Fils, devait les renouveler dans les coeurs des hommes, l'observance de tous ces préceptes et de tout ce qu'ils comprennent en eux commençant par la même Reine, Notre Dame. Elle connut aussi l'ordre qu'ils avaient et la nécessité que les hommes en avaient pour arriver à la participation (2 Pet. 1: 4) de la Divinité. Elle eut une claire intelligence de l'Équité, de la Sagesse et de la Justice avec lesquelles les Commandements étaient ordonnés par la Volonté Divine; et que c'était une Loi sainte (Rom. 7: 12), immaculée (Ps. 18: , suave (Matt. 11: 30), légère, pure, véritable (Ps. 118: 142) et très convenable pour les créatures; et qu'elles pouvaient et devaient l'embrasser avec estime et avec goût (Ps. 18: 9), parce qu'elle était si juste et si conforme à la nature capable de raison (Jér. 31: 33); et que son Auteur avait préparé Sa grâce pour aider à son observance. Notre grande Reine connut dans cette vision plusieurs secrets et plusieurs Mystères cachés et très sublimes sur l'état de la Sainte Église; ceux qui en elle garderaient ces Divins préceptes et ceux qui les violeraient et les mépriseraient en ne les acceptant ni ne les observant.
5, 10, 819. La Très Candide Colombe sortit de cette vision enflammée et transformée dans l'amour et le zèle de la Loi divine. Et ensuite Elle alla à son Très Saint Fils dans l'intérieur duquel Elle connut de nouveau cette même Loi, comme Il l'avait disposée dans les décrets de Sa Sagesse et de Sa Volonté pour la renouveler dans la Loi de grâce (Matt. 5: 17). Elle connut de même avec une Lumière abondante le bon plaisir de Sa Majesté et de Son désir qu'Elle fut l'Étampe vivante de tous les préceptes qu'elle contenait. Il est vrai que l'Auguste Souveraine avait comme je l'ai dit [b une Science habituelle et perpétuelle de tous ces mystères et de tous ces sacrements afin qu'Elle en usât continuellement; cependant ces habitudes se renouvelaient en Elle et recevaient chaque jour une plus grande intensité. Et comme l'étendue et la profondeur des objets étaient presque immenses, il restait toujours un champ comme infini où étendre la vue de son intérieur et connaître de nouveaux secrets et de nouveaux mystères. Et ceux que le divin Maître lui enseignait de nouveau dans cette occasion étaient nombreux, lui proposant Sa sainte Loi et ses préceptes avec l'ordre et la manière très convenables qu'ils auraient dans l'Église militante de Son Évangile. Et Il lui donnait des intelligences copieuses et singulières de chacun en particulier avec des circonstances nouvelles. Et quoique notre capacité et notre connaissance limitée ne puissent atteindre à des sacrements si sublimes et si augustes, aucun ne fut caché à la divine Reine, ni sa très profonde Science ne doit pas être mesurée d'après la règle de notre court entendement.
5, 10, 820. Elle s'offrit humiliée à son Très Saint Fils; et Elle Lui demanda avec un Coeur préparé pour Lui obéir dans l'observance de Ses Commandements, de l'enseigner et de lui donner Sa divine faveur pour exécuter tout ce qu'Il lui commandait en eux. Sa Majesté lui répondit disant: «Ma Mère, élue et prédestinée par Ma Volonté et Ma Sagesse éternelle pour le bon plaisir et le plus grand agrément de Mon Père, lequel, quant à Ma Divinité, est le même Dieu que Moi; Notre Amour éternel qui nous obligea à communiquer Notre Divinité aux créatures, les élevant à la participation de Notre gloire et de Notre félicité, ordonna cette Loi sainte et pure par laquelle les hommes pussent arriver à obtenir la fin (Ez. 20: 11) pour laquelle ils ont été créés par Notre clémence. Et ce désir que Nous avons reposera on toi, Ma Colombe et Mon Amie, laissant Notre Loi gravée dans ton Coeur avec tant d'efficacité et de clarté, qu'elle ne puisse être obscurcie ni effacée de ton être pendant toute l'éternité, que son efficacité ne soit point empêchée et qu'elle ne demeure vide en aucune chose comme dans les autres
enfants d'Adam. Considère, ô Sulamite, Ma très chère, que cette Loi est toute pure et immaculée; et Nous voulons la déposer dans un sujet Immaculé et Très Pur en qui Nos pensées et Nos Oeuvres soient glorifiées.»
5, 10, 821. Ces paroles qui eurent dans la divine Mère l'efficace qu'elles contenaient, la renouvelèrent et la déifièrent par l'intelligence et la pratique de dix Préceptes et de tous leurs Mystères un à un. Et tournant son attention vers la Lumière céleste et son Coeur vers l'obéissance de son divin Maître, Elle comprit ce premier Commandement qui est le plus grand: «Tu aimeras Dieu par dessus toutes choses, de tout ton coeur, de tout ton esprit, de toutes tes forces et de toute ta capacité;» comme les Évangélistes l'écrivirent ensuite et comme Moïse avant eux l'avait écrit dans le Deutéronome (Matt. 22: 37; Marc 12: 29; Luc 10: 27; Deut. 6: 5-, avec les conditions que le Seigneur y posa, commandant de le garder dans le coeur, aux parents de l'enseigner à leurs enfants, à tous de le méditer dans la maison et au dehors, quand ils seraient assis et qu'ils marcheraient, en dormant et en veillant, et de le porter toujours devant les yeux intérieurs de l'âme. Et comme notre Reine comprit ce Commandement de la Loi de Dieu, de même Elle l'accomplit avec toutes les conditions et l'efficacité que Sa Majesté lui commanda. Et si aucun des enfants des hommes n'arriva en cette vie à l'accomplir en toute plénitude, la Très Sainte Marie en chair mortelle lui donna cette plénitude plus que les Saints et les Bienheureux dans le Ciel, plus que les Séraphins suprêmes et embrasés. Je ne me retarderai pas davantage en ceci parce que j'en ai dit quelque chose dans la première partie en parlant de ses vertus [c]. Néanmoins dans cette occasion spéciale, elle pleura avec amertume les péchés qui seraient commis dans le monde contre ce grand Commandement; et Elle prit pour son compte de compenser par son amour les manquements et les défauts dans lesquels les mortels devaient tomber à ce sujet.
5, 10, 822. Le premier Précepte de l'amour est suivi des deux autres qui sont: le second de ne point le déshonorer en jurant vainement; et de L'honorer dans Ses fêtes en les gardent et les sanctifiant qui est le troisième. La Mère de la Sagesse comprit et pénétra ces Commandements et Elle les mit dans Son Coeur humble et pieux, et Elle leur donna le suprême degré de vénération et de culte de la Divinité. Elle pesa dignement l'injure de la créature contre l'Etre immuable de Dieu et Sa Bonté infini en jurant par Lui vainement ou faussement, ou en
blasphémant, contre la vénération due à Dieu en Lui-même ou en Ses Saints. Et avec la douleur qu'Elle eut de connaître les péchés que les hommes faisaient et feraient audacieusement contre ce Commandement, Elle demanda aux saints Anges qui l'assistaient de charger de sa part tous les autres gardiens des enfants de la Sainte Église d'empêcher les créatures que chacun gardait de commettre cette irrévérence contre Dieu; et de leur donner pour les modérer des inspirations et des lumières, et par d'autres moyens de les transpercer (Ps. 118: 120) et de les intimider par la crainte de Dieu, afin qu'ils ne jurassent, ni ne blasphémassent point son saint Nom. Et outre cela, de demander au Très-Haut de leur donner plusieurs bénédictions de douceurs s'ils s'abstenaient de jurer en vain et s'ils révéraient son Être immuable. Et la Très Pure Souveraine faisait cette même supplique avec une grande ferveur et une grande affection. Quand à la sanctification des fêtes qui est le troisième Commandement, l'Auguste Reine des Anges eut connaissance dans ses visions de toutes les fêtes qui seraient de précepte dans la Sainte Église et de la manière dont elles devaient être célébrées celles qui touchaient aux Mystères précédents depuis qu'elle avait été en Egypte, comme je l'ai dit en son lieu [d]; cependant depuis cette connaissance Elle célébrait d'autres fêtes, comme celle de la Très Sainte Trinité et celles qui appartenaient à son Fils et celle des Anges; et Elle les conviait pour ces solennités et pour les autres que la Sainte Église devait ordonner; Elle faisait des cantiques de louanges et d'actions de grâces au Seigneur pour toutes ces fêtes. Elle occupait tout entiers au culte Divin ces jours marqués particulièrement pour cela; non que les occupations extérieures embarrassassent son admirable attention intérieure ni n'empêchassent son esprit, mais pour exécuter ce qu'Elle entendait qui devait se faire en sanctifiant les fêtes du Seigneur, et regardant au futur de la Loi de grâce Elle voulut s'avancer avec une sainte émulation et une prompte obéissance à opérer tout ce qu'elle contenait, comme Première Disciple du Rédempteur du monde.
5, 10, 823. La Très Sainte Marie eut la même Science et la même compréhension respectivement des sept autres Commandements qui nous ordonnent à l'égard de notre prochain et qui le regardent. Dans le quatrième d'honorer les parents, Elle connut tout ce qu'il comprenait sous le nom de parents et comment après l'honneur Divin, l'honneur que les enfants doivent à leurs parents tient le second lieu, et comment ils doivent le leur rendre en les révérant et les aidant, et aussi l'obligation du côté des parents envers leurs enfants. Dans le
cinquième Commandement de ne point tuer, la Très Clémente Mère connut la justification de ce précepte; parce que le Seigneur est l'Auteur de la vie et de l'être des hommes: et Il ne voulut point donner le domaine à celui-même qui l'a, encore moins à un autre prochain, pour qu'il lui ôte ou qu'il lui fasse injure en elle. Et comme la vie est le premier des biens de la nature et le fondement de la grâce, notre grande Reine loua le Seigneur d'avoir ordonné ainsi ce Commandement au bien des mortels, et comme Elle les regardait ouvrages du même Dieu (Sag. 2: 23), capables de Sa grâce et de Sa gloire et le prix du Sang (1 Pet. 1: 18-19) que Son Fils devait offrir pour eux, Elle fit de grandes prières pour la garde de ce précepte dans l'Église.
5, 10, 824. Notre Très Pure Reine connut la condition du sixième Commandement comme les Bienheureux qui ne regardent point le danger de la faiblesse humaine en eux-mêmes, mais dans les mortels, et qui le connaissent sans l'aiguillon du péché qu'Elle ne put contracter à cause de sa préservation. Et telles furent les affections de cette grande honoratrice de la chasteté, en l'aimant et en pleurant les péchés des mortels contre elle, qu'Elle blessa (Cant. 4: 9) de nouveau le Coeur du Très-Haut: et Elle consola pour ainsi dire son Très Saint Fils de ce que les mortels l'offenseraient contre ce Précepte. Et parce qu'Elle connut que dans la Loi de l'Évangile son observance s'étendrait à instituer des congrégations de Vierges et de Religieux qui promettraient cette vertu de chasteté, Elle demanda au Seigneur d'y attacher Sa bénédiction. Et Sa Majesté le fit à l'instance de Sa Très Pure Mère et Il signala la récompense spéciale qui correspond à la virginité, pour avoir suivi (Ps. 44: 15) en elle Celle qui fut Vierge et Mère de l'Agneau. Et parce que cette vertu devait tant s'étendre dans la Loi de l'Évangile à son imitation, Elle rendit au Seigneur des actions de grâces incomparables avec une joie affectueuse. Je ne m'arrêterai pas davantage à rapporter combien Elle estimait cette vertu, parce que j'en ai dit quelque chose en en parlant dans la première partie et en d'autres occasions [e].
5, 10, 825. La Très Sainte Marie eut l'intelligence de chacun des autres préceptes comme des précédents: le septième, «tu ne voleras point;» le huitième, «tu ne porteras point de faux témoignage;» le neuvième, «tu ne désireras point la femme de ton prochain;» le dixième, « tu ne désireras point les biens et les choses d'autrui.» En chacun d'eux la Très Sainte Marie faisait de grands actes de ce que
leur accomplissement demandait et de louange au Seigneur, remerciant pour tout le genre humain de ce que la Bonté divine l'avait dirigé si sagement et si efficacement à Sa Félicité Éternelle, par une Loi si bien ordonnée au bienfait des mêmes hommes. Puisque par son observance, non seulement ils s'assuraient la récompense qui leur était promise pour l'éternité mais aussi qu'en cette vie présente, ils pouvaient jouir de la paix et de la tranquillité qui les rendraient à leur manière respectivement bienheureux. Parce que si toutes les créatures raisonnables s'ajustaient à l'équité de la Loi divine et se déterminaient à garder et à observer Ses Commandements, elles goûteraient une félicité très savoureuse et très aimable qui est le témoignage de la bonne conscience (2 Cor. 1: 12); car tous les goûts et les plaisirs humains ne peuvent être comparés à la consolation que l'on se procure en étant fidèles à la Loi dans les petites choses comme dans les grandes (Matt. 25: 21). Nous devons surtout ce Bienfait à notre Rédempteur Jésus-Christ qui attache à la bonne conduite le repos, la satisfaction, la consolation et plusieurs félicités réunies dans cette vie présente. Et si nous ne l'obtenons pas tous, cela vient de ce que nous ne gardons pas Ses Commandements. Et les travaux, les calamités et les infortunes du peuple sont comme des effets inséparables du désordre des mortels: et en y donnant cause chacun de notre côté, nous sommes si insensés que lorsque l'affliction arrive nous allons chercher à qui l'imputer, tandis qu'elle se trouve au dedans de chacun.
5, 10, 826. Qui pourra peser suffisamment les dommages qui naissent dans la vie présente de voler le bien d'autrui et de ne point garder le Commandement qui le défend, chacun se contentant de son sort et espérant en cela le secours du Seigneur, qui ne méprise point les oiseaux (Matt. 6: 26) du ciel et qui n'oublie point les vermisseaux infimes. Quelles ne sont point les misères et les afflictions que le peuple chrétien souffre, parce que les princes ne se contentent pas des royaumes que leur donna le Souverain Roi? Au contraire, en prétendant étendre leur puissance et leur couronne, ils n'ont laissé dans le monde ni repos, ni paix, ni vies, ni fortunes, ni âmes pour leur Créateur, Les faux témoignages et les mensonges qui offensent la souveraine Vérité et la communication humaine ne cause pas moins de dommages et de discordes, par lesquels sont troublées la paix et la tranquillité des coeurs des mortels. Et l'un et l'autre les indisposent pour être le siège et la demeure de leur Créateur (1 Cor. 3: 17), qui est ce qu'Il veut d'eux tous. Le désir de l'adultère et de la femme d'autrui contre la justice, la violation de la sainte Loi du mariage confirmée et sanctifiée par Notre Seigneur Jésus-Christ
(Matt. 19: 6) avec le Sacrement, combien n'a-t-il pas causé et ne cause-t-il pas de maux cachés et de maux manifestes parmi les Catholiques. Et si nous pensons que plusieurs sont cachés aux yeux du monde, quand ils le seraient encore davantage; aux yeux de Dieu qui est un Juge très juste et équitable (Ps. 7: 12), ils ne se passent point sans châtiment dès à présent; et ensuite sa Majesté sera d'autant plus sévère qu'Elle a plus dissimulé (Rom. 2: 5), pour ne point détruire la République chrétienne en châtiant dignement ce péché dès à présent.
5, 10, 827. Et quoiqu'Elle connût la vileté des hommes qui perdent si légèrement et pour des choses si infimes le décorum et le respect envers Dieu même, Elle comprit combien Sa Majesté avait prévu bénignement la nécessité de leur imposer tant de lois et de préceptes; toutefois la Très Prudente Souveraine ne se scandalisa point de la fragilité humaine et Elle ne s'étonna point de nos ingratitudes; bien au contraire, Elle compatissait comme pieuse Mère à tous les mortels, Elle les aimait d'un amour très ardent, Elle remerciait pour eux le Très-Haut de Ses Oeuvres, Elle compensait pour les transgressions qu'ils devaient commettre contre la Loi de l'Évangile et Elle priait et demandait pour tous la perfection et l'observance de cette même Loi. La Très Sainte Marie connut profondément que les dix Préceptes sont contenus dans les deux qui sont d'aimer Dieu et le prochain (Rom. 13: 10) comme soi-même; et que dans ces deux objets bien entendus et bien pratiqués se résout toute la véritable Sagesse (Matt. 22: 40) puisque celui qui arrive à l'exécuter n'est pas loin du royaume de Dieu (Marc 12: 34), comme le Seigneur même le dit dans l'Évangile et que la garde de ces deux préceptes vaut plus que les sacrifices et les holocaustes (Marc. 12: 33). Et dans le degré que notre grande Maîtresse eut cette Science, Elle mit en pratique la Doctrine de cette sainte Loi, comme Elle est contenue dans les Évangiles, sans manquer à l'observance de tous leurs préceptes et de tous leurs conseils, ni en omettre la moindre chose. Et cette divine Princesse seule opéra plus la Doctrine du Rédempteur du monde, Son Très Saint Fils, que tout le reste des Saints et des fidèles de la Sainte Église.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE MAÎTRESSE
ET REINE DU CIEL.
5, 10, 828. Ma fille, si le Verbe du Père Éternel descendit de Son sein pour prendre dans le mien l'Humanité et racheter en elle le genre humain, il était nécessaire que pour donner lumière à ceux qui étaient dans les ténèbres et les ombres de la mort et les reconduire à la félicité éternelle (Luc 1: 79), qu'ils avaient perdue, Sa Majesté vînt pour être leur Lumière, leur Voie, leur Vérité et leur Vie (Jean 14: 6), et qu'Il leur donnât une Loi si sainte qui les justifiât, si claire qui les illustrât, si sûre qui leur donnât confiance; si puissante qui les excitât, si efficace qui les aidât et si véritable qu'elle donnât la joie et la sagesse à tous ceux qui la garderaient. La Loi immaculée de L'Évangile a dans ses préceptes et ses conseils la force d'opérer ces effets et d'autres qui sont admirables; et elle compose et ordonne de telle manière les créatures raisonnables que toute leur félicité spirituelle et corporelle, temporelle et éternelle consiste à la garder (Prov. 29: 18). Par là tu comprendras l'ignorance aveugle des mortels qui sont trompés par la fascination (Gal. 3: 1) de leurs mortels ennemis; puis les hommes s'inclinant si fort vers leur propre félicité et tous la désirant, il y en a si peu qui y arrivent, parce qu'ils ne la cherchent point dans la Loi divine, là où seulement ils peuvent la trouver.
5, 10, 829. Prépare ton coeur avec cette Science afin que le Seigneur y écrive Sa sainte Loi (Jér. 31: 33), à l'imitation de ce qu'Il fit pour moi. Éloigne de toi tout ce qui est visible et terrestre et oublie-le de telle sorte que toutes tes puissances demeurent libres et dépouillées d'images et d'espèces étrangères, et qu'il ne s'y trouve que celle que le Seigneur y fixera de Sa doctrine et de Son bon plaisir, comme elles sont contenues dans les vérités de l'Évangile. Et afin que tes désirs ne soient point frustrés ni stériles, demande continuellement, jour et nuit, au Seigneur qu'Il te rende digne de ce Bienfait et de cette promesse de mon Très Saint Fils. Considère avec attention que cette négligence serait plus horrible en toi qu'en tous les autres vivants; parce que nul plus que toi n'a autant d'obligation, et n'a été appelé avec autant de force et n'a reçu des Bienfaits semblables à ceux que le Seigneur a employés pour toi. Au jour de cette abondance et dans la nuit de la
tentation et de la tribulation tu auras cette dette et ce zèle du Seigneur toujours présents, afin que les faveurs ne t'élèvent point, ni les peines et les afflictions ne t'abattent: et c'est ce que tu obtiendras si dans l'un ou l'autre état tu te tournes vers la Loi divine écrite dans ton coeur pour la garder inviolablement et sans retard ni négligence, en toute perfection et attention. Quant à l'amour du prochain, applique toujours cette première règle avec laquelle on doit se mesurer pour l'accomplir; de vouloir pour eux ce que tu veux pour toi-même (Matt. 22: 39). Si tu désires et cherches qu'ils pensent et parlent bien et qu'ils agissent de même à ton égard, tu dois le faire aussi envers tes frères. Si tu te sens affligée quand ils t'offensent en quelque chose légère, évite de leur donner un semblable déplaisir. S'il te semble mauvais dans les autres qu'ils déplaisent à leur prochain, garde-toi de le faire, puisque tu sais déjà que cela ne s'accorde pas avec la règle et la mesure de l'amour qui leur est dû et à ce que le Très-Haut commande. Pleur aussi tes péchés et ceux du prochain, parce qu'ils sont contre Dieu et Sa saint Loi: et telle est la bonne Charité envers Dieu et envers eux. Afflige-toi des peines d'autrui comme des tiennes propres, m'imitant dans cet amour.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 10, [a]. «Croire est l'acte de l'entendement donnant son assentiment à la Vérité divine par le commandement de la volonté mue par la grâce ce Dieu, et ainsi il est soumis au libre arbitre à cause de Dieu. Saint Thomas, [2-2, q. 2, a. 9].
5, 10, [b. Livre 2, Nos. 499, 636.
5, 10, [c]. Livre 2, No. 521.
5, 10, [d]. Livre 4, No. 687.
5, 10, [e]. Livre 2, No. 434; Livre 3, No. 133, 347.
La Très Sainte Marie eut une nouvelle Lumière des Dix Commandements et ce qu'Elle opéra avec ce Bienfait.
5, 10, 817. Comme les actes de la Foi Catholique appartiennent aux actes de l'entendement dont ils sont l'objet: ainsi les Commandements regardent les actes de la volonté. Et quoique tous les actes libres dépendent de la volonté en toutes les vertus infuses et acquises; néanmoins ils n'en sortent pas également; parce que les actes de la Foi libre naissent immédiatement de l'entendement qui les produit et ils dépendant de la volonté seulement en tant qu'elle les commande avec une affection pure, sainte, pieuse et révérencielle [a]; parce que les objets et les vérités obscures ne nécessitent point l'entendement, pour qu'il les croie sans la
consulte de la volonté, et ainsi il attend ce que veut la volonté. Mais dans les autres vertus la même volonté opère par soi, et elle demande seulement de l'entendement qu'il lui propose ce qu'elle doit faire, comme celui qui porte la lumière devant elle. Mais celle-ci est si maîtresse et si libre qu'elle n'accepte point l'empire de l'entendement, ni aucune violence de personne. Le Très-Haut Seigneur l'ordonna ainsi, afin que nul ne Le serve avec tristesse ou par nécessité, par force ou par violence; mais ingénument, librement (2 Cor. 19: 7) et avec allégresse, comme l'Apôtre l'enseigne.
5, 10, 818. Étant illustrée si divinement dans les Articles et les Vérités de la Foi Catholique, la Très Sainte Marie eut une autre vision de la Divinité de la même manière que j'ai dite dans le chapitre précédent afin qu'Elle fût renouvelée dans la science des dix Préceptes du Décalogue. Et dans cette vision, tous les Mystères des divins Commandements lui furent manifestés avec une plus grande plénitude et une plus grande clarté, comment ils étaient décrétés dans l'Entendement divin pour diriger les mortels jusqu'à la Vie Éternelle et comment ils avaient été donnés à Moïse dans les deux (Deut. 5: 22) tables: dans la première, les trois qui regardent l'honneur du même Dieu, et dans la seconde les sept qui s'exercent envers le prochain; et que le Rédempteur du monde, son Très Saint Fils, devait les renouveler dans les coeurs des hommes, l'observance de tous ces préceptes et de tout ce qu'ils comprennent en eux commençant par la même Reine, Notre Dame. Elle connut aussi l'ordre qu'ils avaient et la nécessité que les hommes en avaient pour arriver à la participation (2 Pet. 1: 4) de la Divinité. Elle eut une claire intelligence de l'Équité, de la Sagesse et de la Justice avec lesquelles les Commandements étaient ordonnés par la Volonté Divine; et que c'était une Loi sainte (Rom. 7: 12), immaculée (Ps. 18: , suave (Matt. 11: 30), légère, pure, véritable (Ps. 118: 142) et très convenable pour les créatures; et qu'elles pouvaient et devaient l'embrasser avec estime et avec goût (Ps. 18: 9), parce qu'elle était si juste et si conforme à la nature capable de raison (Jér. 31: 33); et que son Auteur avait préparé Sa grâce pour aider à son observance. Notre grande Reine connut dans cette vision plusieurs secrets et plusieurs Mystères cachés et très sublimes sur l'état de la Sainte Église; ceux qui en elle garderaient ces Divins préceptes et ceux qui les violeraient et les mépriseraient en ne les acceptant ni ne les observant.
5, 10, 819. La Très Candide Colombe sortit de cette vision enflammée et transformée dans l'amour et le zèle de la Loi divine. Et ensuite Elle alla à son Très Saint Fils dans l'intérieur duquel Elle connut de nouveau cette même Loi, comme Il l'avait disposée dans les décrets de Sa Sagesse et de Sa Volonté pour la renouveler dans la Loi de grâce (Matt. 5: 17). Elle connut de même avec une Lumière abondante le bon plaisir de Sa Majesté et de Son désir qu'Elle fut l'Étampe vivante de tous les préceptes qu'elle contenait. Il est vrai que l'Auguste Souveraine avait comme je l'ai dit [b une Science habituelle et perpétuelle de tous ces mystères et de tous ces sacrements afin qu'Elle en usât continuellement; cependant ces habitudes se renouvelaient en Elle et recevaient chaque jour une plus grande intensité. Et comme l'étendue et la profondeur des objets étaient presque immenses, il restait toujours un champ comme infini où étendre la vue de son intérieur et connaître de nouveaux secrets et de nouveaux mystères. Et ceux que le divin Maître lui enseignait de nouveau dans cette occasion étaient nombreux, lui proposant Sa sainte Loi et ses préceptes avec l'ordre et la manière très convenables qu'ils auraient dans l'Église militante de Son Évangile. Et Il lui donnait des intelligences copieuses et singulières de chacun en particulier avec des circonstances nouvelles. Et quoique notre capacité et notre connaissance limitée ne puissent atteindre à des sacrements si sublimes et si augustes, aucun ne fut caché à la divine Reine, ni sa très profonde Science ne doit pas être mesurée d'après la règle de notre court entendement.
5, 10, 820. Elle s'offrit humiliée à son Très Saint Fils; et Elle Lui demanda avec un Coeur préparé pour Lui obéir dans l'observance de Ses Commandements, de l'enseigner et de lui donner Sa divine faveur pour exécuter tout ce qu'Il lui commandait en eux. Sa Majesté lui répondit disant: «Ma Mère, élue et prédestinée par Ma Volonté et Ma Sagesse éternelle pour le bon plaisir et le plus grand agrément de Mon Père, lequel, quant à Ma Divinité, est le même Dieu que Moi; Notre Amour éternel qui nous obligea à communiquer Notre Divinité aux créatures, les élevant à la participation de Notre gloire et de Notre félicité, ordonna cette Loi sainte et pure par laquelle les hommes pussent arriver à obtenir la fin (Ez. 20: 11) pour laquelle ils ont été créés par Notre clémence. Et ce désir que Nous avons reposera on toi, Ma Colombe et Mon Amie, laissant Notre Loi gravée dans ton Coeur avec tant d'efficacité et de clarté, qu'elle ne puisse être obscurcie ni effacée de ton être pendant toute l'éternité, que son efficacité ne soit point empêchée et qu'elle ne demeure vide en aucune chose comme dans les autres
enfants d'Adam. Considère, ô Sulamite, Ma très chère, que cette Loi est toute pure et immaculée; et Nous voulons la déposer dans un sujet Immaculé et Très Pur en qui Nos pensées et Nos Oeuvres soient glorifiées.»
5, 10, 821. Ces paroles qui eurent dans la divine Mère l'efficace qu'elles contenaient, la renouvelèrent et la déifièrent par l'intelligence et la pratique de dix Préceptes et de tous leurs Mystères un à un. Et tournant son attention vers la Lumière céleste et son Coeur vers l'obéissance de son divin Maître, Elle comprit ce premier Commandement qui est le plus grand: «Tu aimeras Dieu par dessus toutes choses, de tout ton coeur, de tout ton esprit, de toutes tes forces et de toute ta capacité;» comme les Évangélistes l'écrivirent ensuite et comme Moïse avant eux l'avait écrit dans le Deutéronome (Matt. 22: 37; Marc 12: 29; Luc 10: 27; Deut. 6: 5-, avec les conditions que le Seigneur y posa, commandant de le garder dans le coeur, aux parents de l'enseigner à leurs enfants, à tous de le méditer dans la maison et au dehors, quand ils seraient assis et qu'ils marcheraient, en dormant et en veillant, et de le porter toujours devant les yeux intérieurs de l'âme. Et comme notre Reine comprit ce Commandement de la Loi de Dieu, de même Elle l'accomplit avec toutes les conditions et l'efficacité que Sa Majesté lui commanda. Et si aucun des enfants des hommes n'arriva en cette vie à l'accomplir en toute plénitude, la Très Sainte Marie en chair mortelle lui donna cette plénitude plus que les Saints et les Bienheureux dans le Ciel, plus que les Séraphins suprêmes et embrasés. Je ne me retarderai pas davantage en ceci parce que j'en ai dit quelque chose dans la première partie en parlant de ses vertus [c]. Néanmoins dans cette occasion spéciale, elle pleura avec amertume les péchés qui seraient commis dans le monde contre ce grand Commandement; et Elle prit pour son compte de compenser par son amour les manquements et les défauts dans lesquels les mortels devaient tomber à ce sujet.
5, 10, 822. Le premier Précepte de l'amour est suivi des deux autres qui sont: le second de ne point le déshonorer en jurant vainement; et de L'honorer dans Ses fêtes en les gardent et les sanctifiant qui est le troisième. La Mère de la Sagesse comprit et pénétra ces Commandements et Elle les mit dans Son Coeur humble et pieux, et Elle leur donna le suprême degré de vénération et de culte de la Divinité. Elle pesa dignement l'injure de la créature contre l'Etre immuable de Dieu et Sa Bonté infini en jurant par Lui vainement ou faussement, ou en
blasphémant, contre la vénération due à Dieu en Lui-même ou en Ses Saints. Et avec la douleur qu'Elle eut de connaître les péchés que les hommes faisaient et feraient audacieusement contre ce Commandement, Elle demanda aux saints Anges qui l'assistaient de charger de sa part tous les autres gardiens des enfants de la Sainte Église d'empêcher les créatures que chacun gardait de commettre cette irrévérence contre Dieu; et de leur donner pour les modérer des inspirations et des lumières, et par d'autres moyens de les transpercer (Ps. 118: 120) et de les intimider par la crainte de Dieu, afin qu'ils ne jurassent, ni ne blasphémassent point son saint Nom. Et outre cela, de demander au Très-Haut de leur donner plusieurs bénédictions de douceurs s'ils s'abstenaient de jurer en vain et s'ils révéraient son Être immuable. Et la Très Pure Souveraine faisait cette même supplique avec une grande ferveur et une grande affection. Quand à la sanctification des fêtes qui est le troisième Commandement, l'Auguste Reine des Anges eut connaissance dans ses visions de toutes les fêtes qui seraient de précepte dans la Sainte Église et de la manière dont elles devaient être célébrées celles qui touchaient aux Mystères précédents depuis qu'elle avait été en Egypte, comme je l'ai dit en son lieu [d]; cependant depuis cette connaissance Elle célébrait d'autres fêtes, comme celle de la Très Sainte Trinité et celles qui appartenaient à son Fils et celle des Anges; et Elle les conviait pour ces solennités et pour les autres que la Sainte Église devait ordonner; Elle faisait des cantiques de louanges et d'actions de grâces au Seigneur pour toutes ces fêtes. Elle occupait tout entiers au culte Divin ces jours marqués particulièrement pour cela; non que les occupations extérieures embarrassassent son admirable attention intérieure ni n'empêchassent son esprit, mais pour exécuter ce qu'Elle entendait qui devait se faire en sanctifiant les fêtes du Seigneur, et regardant au futur de la Loi de grâce Elle voulut s'avancer avec une sainte émulation et une prompte obéissance à opérer tout ce qu'elle contenait, comme Première Disciple du Rédempteur du monde.
5, 10, 823. La Très Sainte Marie eut la même Science et la même compréhension respectivement des sept autres Commandements qui nous ordonnent à l'égard de notre prochain et qui le regardent. Dans le quatrième d'honorer les parents, Elle connut tout ce qu'il comprenait sous le nom de parents et comment après l'honneur Divin, l'honneur que les enfants doivent à leurs parents tient le second lieu, et comment ils doivent le leur rendre en les révérant et les aidant, et aussi l'obligation du côté des parents envers leurs enfants. Dans le
cinquième Commandement de ne point tuer, la Très Clémente Mère connut la justification de ce précepte; parce que le Seigneur est l'Auteur de la vie et de l'être des hommes: et Il ne voulut point donner le domaine à celui-même qui l'a, encore moins à un autre prochain, pour qu'il lui ôte ou qu'il lui fasse injure en elle. Et comme la vie est le premier des biens de la nature et le fondement de la grâce, notre grande Reine loua le Seigneur d'avoir ordonné ainsi ce Commandement au bien des mortels, et comme Elle les regardait ouvrages du même Dieu (Sag. 2: 23), capables de Sa grâce et de Sa gloire et le prix du Sang (1 Pet. 1: 18-19) que Son Fils devait offrir pour eux, Elle fit de grandes prières pour la garde de ce précepte dans l'Église.
5, 10, 824. Notre Très Pure Reine connut la condition du sixième Commandement comme les Bienheureux qui ne regardent point le danger de la faiblesse humaine en eux-mêmes, mais dans les mortels, et qui le connaissent sans l'aiguillon du péché qu'Elle ne put contracter à cause de sa préservation. Et telles furent les affections de cette grande honoratrice de la chasteté, en l'aimant et en pleurant les péchés des mortels contre elle, qu'Elle blessa (Cant. 4: 9) de nouveau le Coeur du Très-Haut: et Elle consola pour ainsi dire son Très Saint Fils de ce que les mortels l'offenseraient contre ce Précepte. Et parce qu'Elle connut que dans la Loi de l'Évangile son observance s'étendrait à instituer des congrégations de Vierges et de Religieux qui promettraient cette vertu de chasteté, Elle demanda au Seigneur d'y attacher Sa bénédiction. Et Sa Majesté le fit à l'instance de Sa Très Pure Mère et Il signala la récompense spéciale qui correspond à la virginité, pour avoir suivi (Ps. 44: 15) en elle Celle qui fut Vierge et Mère de l'Agneau. Et parce que cette vertu devait tant s'étendre dans la Loi de l'Évangile à son imitation, Elle rendit au Seigneur des actions de grâces incomparables avec une joie affectueuse. Je ne m'arrêterai pas davantage à rapporter combien Elle estimait cette vertu, parce que j'en ai dit quelque chose en en parlant dans la première partie et en d'autres occasions [e].
5, 10, 825. La Très Sainte Marie eut l'intelligence de chacun des autres préceptes comme des précédents: le septième, «tu ne voleras point;» le huitième, «tu ne porteras point de faux témoignage;» le neuvième, «tu ne désireras point la femme de ton prochain;» le dixième, « tu ne désireras point les biens et les choses d'autrui.» En chacun d'eux la Très Sainte Marie faisait de grands actes de ce que
leur accomplissement demandait et de louange au Seigneur, remerciant pour tout le genre humain de ce que la Bonté divine l'avait dirigé si sagement et si efficacement à Sa Félicité Éternelle, par une Loi si bien ordonnée au bienfait des mêmes hommes. Puisque par son observance, non seulement ils s'assuraient la récompense qui leur était promise pour l'éternité mais aussi qu'en cette vie présente, ils pouvaient jouir de la paix et de la tranquillité qui les rendraient à leur manière respectivement bienheureux. Parce que si toutes les créatures raisonnables s'ajustaient à l'équité de la Loi divine et se déterminaient à garder et à observer Ses Commandements, elles goûteraient une félicité très savoureuse et très aimable qui est le témoignage de la bonne conscience (2 Cor. 1: 12); car tous les goûts et les plaisirs humains ne peuvent être comparés à la consolation que l'on se procure en étant fidèles à la Loi dans les petites choses comme dans les grandes (Matt. 25: 21). Nous devons surtout ce Bienfait à notre Rédempteur Jésus-Christ qui attache à la bonne conduite le repos, la satisfaction, la consolation et plusieurs félicités réunies dans cette vie présente. Et si nous ne l'obtenons pas tous, cela vient de ce que nous ne gardons pas Ses Commandements. Et les travaux, les calamités et les infortunes du peuple sont comme des effets inséparables du désordre des mortels: et en y donnant cause chacun de notre côté, nous sommes si insensés que lorsque l'affliction arrive nous allons chercher à qui l'imputer, tandis qu'elle se trouve au dedans de chacun.
5, 10, 826. Qui pourra peser suffisamment les dommages qui naissent dans la vie présente de voler le bien d'autrui et de ne point garder le Commandement qui le défend, chacun se contentant de son sort et espérant en cela le secours du Seigneur, qui ne méprise point les oiseaux (Matt. 6: 26) du ciel et qui n'oublie point les vermisseaux infimes. Quelles ne sont point les misères et les afflictions que le peuple chrétien souffre, parce que les princes ne se contentent pas des royaumes que leur donna le Souverain Roi? Au contraire, en prétendant étendre leur puissance et leur couronne, ils n'ont laissé dans le monde ni repos, ni paix, ni vies, ni fortunes, ni âmes pour leur Créateur, Les faux témoignages et les mensonges qui offensent la souveraine Vérité et la communication humaine ne cause pas moins de dommages et de discordes, par lesquels sont troublées la paix et la tranquillité des coeurs des mortels. Et l'un et l'autre les indisposent pour être le siège et la demeure de leur Créateur (1 Cor. 3: 17), qui est ce qu'Il veut d'eux tous. Le désir de l'adultère et de la femme d'autrui contre la justice, la violation de la sainte Loi du mariage confirmée et sanctifiée par Notre Seigneur Jésus-Christ
(Matt. 19: 6) avec le Sacrement, combien n'a-t-il pas causé et ne cause-t-il pas de maux cachés et de maux manifestes parmi les Catholiques. Et si nous pensons que plusieurs sont cachés aux yeux du monde, quand ils le seraient encore davantage; aux yeux de Dieu qui est un Juge très juste et équitable (Ps. 7: 12), ils ne se passent point sans châtiment dès à présent; et ensuite sa Majesté sera d'autant plus sévère qu'Elle a plus dissimulé (Rom. 2: 5), pour ne point détruire la République chrétienne en châtiant dignement ce péché dès à présent.
5, 10, 827. Et quoiqu'Elle connût la vileté des hommes qui perdent si légèrement et pour des choses si infimes le décorum et le respect envers Dieu même, Elle comprit combien Sa Majesté avait prévu bénignement la nécessité de leur imposer tant de lois et de préceptes; toutefois la Très Prudente Souveraine ne se scandalisa point de la fragilité humaine et Elle ne s'étonna point de nos ingratitudes; bien au contraire, Elle compatissait comme pieuse Mère à tous les mortels, Elle les aimait d'un amour très ardent, Elle remerciait pour eux le Très-Haut de Ses Oeuvres, Elle compensait pour les transgressions qu'ils devaient commettre contre la Loi de l'Évangile et Elle priait et demandait pour tous la perfection et l'observance de cette même Loi. La Très Sainte Marie connut profondément que les dix Préceptes sont contenus dans les deux qui sont d'aimer Dieu et le prochain (Rom. 13: 10) comme soi-même; et que dans ces deux objets bien entendus et bien pratiqués se résout toute la véritable Sagesse (Matt. 22: 40) puisque celui qui arrive à l'exécuter n'est pas loin du royaume de Dieu (Marc 12: 34), comme le Seigneur même le dit dans l'Évangile et que la garde de ces deux préceptes vaut plus que les sacrifices et les holocaustes (Marc. 12: 33). Et dans le degré que notre grande Maîtresse eut cette Science, Elle mit en pratique la Doctrine de cette sainte Loi, comme Elle est contenue dans les Évangiles, sans manquer à l'observance de tous leurs préceptes et de tous leurs conseils, ni en omettre la moindre chose. Et cette divine Princesse seule opéra plus la Doctrine du Rédempteur du monde, Son Très Saint Fils, que tout le reste des Saints et des fidèles de la Sainte Église.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA DIVINE MAÎTRESSE
ET REINE DU CIEL.
5, 10, 828. Ma fille, si le Verbe du Père Éternel descendit de Son sein pour prendre dans le mien l'Humanité et racheter en elle le genre humain, il était nécessaire que pour donner lumière à ceux qui étaient dans les ténèbres et les ombres de la mort et les reconduire à la félicité éternelle (Luc 1: 79), qu'ils avaient perdue, Sa Majesté vînt pour être leur Lumière, leur Voie, leur Vérité et leur Vie (Jean 14: 6), et qu'Il leur donnât une Loi si sainte qui les justifiât, si claire qui les illustrât, si sûre qui leur donnât confiance; si puissante qui les excitât, si efficace qui les aidât et si véritable qu'elle donnât la joie et la sagesse à tous ceux qui la garderaient. La Loi immaculée de L'Évangile a dans ses préceptes et ses conseils la force d'opérer ces effets et d'autres qui sont admirables; et elle compose et ordonne de telle manière les créatures raisonnables que toute leur félicité spirituelle et corporelle, temporelle et éternelle consiste à la garder (Prov. 29: 18). Par là tu comprendras l'ignorance aveugle des mortels qui sont trompés par la fascination (Gal. 3: 1) de leurs mortels ennemis; puis les hommes s'inclinant si fort vers leur propre félicité et tous la désirant, il y en a si peu qui y arrivent, parce qu'ils ne la cherchent point dans la Loi divine, là où seulement ils peuvent la trouver.
5, 10, 829. Prépare ton coeur avec cette Science afin que le Seigneur y écrive Sa sainte Loi (Jér. 31: 33), à l'imitation de ce qu'Il fit pour moi. Éloigne de toi tout ce qui est visible et terrestre et oublie-le de telle sorte que toutes tes puissances demeurent libres et dépouillées d'images et d'espèces étrangères, et qu'il ne s'y trouve que celle que le Seigneur y fixera de Sa doctrine et de Son bon plaisir, comme elles sont contenues dans les vérités de l'Évangile. Et afin que tes désirs ne soient point frustrés ni stériles, demande continuellement, jour et nuit, au Seigneur qu'Il te rende digne de ce Bienfait et de cette promesse de mon Très Saint Fils. Considère avec attention que cette négligence serait plus horrible en toi qu'en tous les autres vivants; parce que nul plus que toi n'a autant d'obligation, et n'a été appelé avec autant de force et n'a reçu des Bienfaits semblables à ceux que le Seigneur a employés pour toi. Au jour de cette abondance et dans la nuit de la
tentation et de la tribulation tu auras cette dette et ce zèle du Seigneur toujours présents, afin que les faveurs ne t'élèvent point, ni les peines et les afflictions ne t'abattent: et c'est ce que tu obtiendras si dans l'un ou l'autre état tu te tournes vers la Loi divine écrite dans ton coeur pour la garder inviolablement et sans retard ni négligence, en toute perfection et attention. Quant à l'amour du prochain, applique toujours cette première règle avec laquelle on doit se mesurer pour l'accomplir; de vouloir pour eux ce que tu veux pour toi-même (Matt. 22: 39). Si tu désires et cherches qu'ils pensent et parlent bien et qu'ils agissent de même à ton égard, tu dois le faire aussi envers tes frères. Si tu te sens affligée quand ils t'offensent en quelque chose légère, évite de leur donner un semblable déplaisir. S'il te semble mauvais dans les autres qu'ils déplaisent à leur prochain, garde-toi de le faire, puisque tu sais déjà que cela ne s'accorde pas avec la règle et la mesure de l'amour qui leur est dû et à ce que le Très-Haut commande. Pleur aussi tes péchés et ceux du prochain, parce qu'ils sont contre Dieu et Sa saint Loi: et telle est la bonne Charité envers Dieu et envers eux. Afflige-toi des peines d'autrui comme des tiennes propres, m'imitant dans cet amour.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 10, [a]. «Croire est l'acte de l'entendement donnant son assentiment à la Vérité divine par le commandement de la volonté mue par la grâce ce Dieu, et ainsi il est soumis au libre arbitre à cause de Dieu. Saint Thomas, [2-2, q. 2, a. 9].
5, 10, [b. Livre 2, Nos. 499, 636.
5, 10, [c]. Livre 2, No. 521.
5, 10, [d]. Livre 4, No. 687.
5, 10, [e]. Livre 2, No. 434; Livre 3, No. 133, 347.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 11
De l'intelligence que la Très Sainte Marie eut des Sept Sacrements que Notre Seigneur Jésus-Christ devait instituer et des Cinq Préceptes de l'Église.
5, 11, 830. Pour le complément de la beauté et des richesses de la Sainte Église, il fut convenable que Son Architecte, Notre Réparateur Jésus-Christ y ordonnât les Sept Sacrements qu'Elle possède où les Trésors infinis de Ses mérites demeurassent comme en un dépôt commun ainsi que l'Auteur même de toutes choses, par une manière d'assistance ineffable, mais réelle et véritable, afin que les enfants fidèles fussent alimentés de Ses Biens et consolés de Sa Présence, en gage de celle dont ils espèrent jouir éternellement et face à face. Il était nécessaire aussi pour la plénitude de Science et de grâce de la Très Sainte Marie que tous ces Mystères et ces Trésors fussent transcrits dans son Coeur ardent et magnanime, afin que toute la Loi de grâce y demeurât déposée et étampée de la manière possible, comme elle l'était dans son Très Saint Fils; puisqu'Elle devait être Maîtresse de l'Église, en Son absence et enseigner à Ses premier-nés la rigueur et la ponctualité avec lesquelles tous ces sacrements devaient être reçus et révérés.
5, 11, 831. Tout cela fut manifeste à la grande Reine par une Lumière nouvelle dans l'intérieur même de son Très Saint Fils, avec la distinction de chaque Mystère en particulier. Elle connut d'abord comment l'antique Loi de la dure circoncision devait être ensevelie avec honneur, le très doux et très admirable Sacrement de Baptême entrant à sa place. Elle eut l'intelligence de la matière de ce Sacrement qui serait l'eau pure élémentaire, et que la forme consisterait dans les paroles mêmes avec lesquelles il fut déterminé, exprimant les trois divines
Personnes, par les Noms de Père, Fils et Saint-Esprit, afin que les fidèles, professassent la Foi explicite de la Très Sainte Trinité. Elle comprit la vertu que Notre Seigneur devait communiquer au Baptême, demeurant avec l'efficace pour nous sanctifier très parfaitement de tous les péchés et nous délivrer des peines qui leur sont dues. Elle vit les effets admirables qu'il devait causer en tous ceux qui le recevraient, les régénérant et les restaurant dans l'être d'enfants adoptifs et héritiers du Royaume de Son Père, et répandant en eux les vertus de Foi, d'Espérance et de Charité et plusieurs autres, le caractère surnaturel et spirituel qui devait être imprimé comme un sceau royal dans les âmes par la vertu du Baptême pour distinguer les enfants de la Sainte Église; et tout le reste qui regarde ce saint Sacrement et ses effets, la Très Sainte Marie le connut. Et Elle le demanda aussitôt à son Très Saint Fils avec un très ardent désir de le recevoir en son temps; et Sa Majesté le lui promit et Il le lui donna plus tard, comme je le dirai en son lieu [a].
5, 11, 832. La grande Dame eut la même connaissance du Sacrement de Confirmation qui est le second, et comment il serait donné dans la Sainte Église après le Baptême; parce que ce premier Sacrement engendre les enfants de la grâce et le Sacrement de la Confirmation les rend robustes et courageux pour confesser la sainte Foi reçue dans le Baptême et leur augmentant la première grâce, il ajoute sa grâce particulière pour sa propre fin. Elle connut la forme, la matière et les ministres de ce Sacrement et les effets de grâce et le caractère qu'il imprime dans l'âme; et comment par le chrême du baume et de l'huile qui font la matière de ce Sacrement sont représentées la Lumière des bonnes Oeuvres et l'Odeur de Jésus-Christ (2 Cor. 2: 15) que les fidèles répandent en Le confessant, et les paroles de la forme disent la même chose, chaque chose à sa manière. Notre Auguste Reine faisait des actes héroïques, de l'intime de son Coeur, de louanges, de remerciements et de prières ferventes; afin que tous les hommes vinssent puiser l'Eau (Is. 12: 3) de ces fontaines du Sauveur et jouissent de tant de Trésors incomparables, Le connaissant et Le confessant pour leur Dieu véritable et leur Rédempteur. Elle pleurait avec amertume la perte de tant d'âmes qui à la vue de l'Évangile devaient être privées de tant de remèdes efficaces à cause de leurs péchés.
5, 11, 833. Dans le troisième Sacrement qui est la Pénitence, la divine Reine connut la convenance et la nécessité de ce moyen pour que les âmes pussent être restituées en la grâce et en l'amitié de Dieu, supposé la fragilité humaine avec laquelle on la perd tant de fois. Elle comprit quelles sont les parties et quels seraient les ministres de ce Sacrement et la facilité avec laquelle les enfants de l'Église pourraient en user avec des effets si admirables. Et pour ce qu'Elle connut de ce Bienfait Elle rendit des actions de grâces spéciales au Seigneur avec une jubilation incroyable comme vraie Mère de Miséricorde et de ses enfants les fidèles de voir un remède si facile pour une maladie si souvent répétée comme les péchés ordinaires des hommes. Elle se prosterna en terre et Elle admit et révéra au nom de l'Église le saint Tribunal de la confession où le Seigneur ordonna avec une clémence ineffable que serait résolue et déterminée la cause de tant de poids pour les âmes comme la Justification et la Vie Éternelle ou la mort et la damnation, remettant à l'arbitre des prêtres d'absoudre des péchés (Matt. 18: 18) ou de refuser l'absolution.
5, 11, 834. La Très Prudente Dame arriva à l'intelligence particulière de l'auguste Mystère et Sacrement de l'Eucharistie; et Elle comprit et connut avec une grande pénétration plus de secrets de cette merveille que les suprêmes Séraphins parce qu'Elle vit clairement la manière surnaturelle selon laquelle l'Humanité et la Divinité de son Très Saint Fils demeureraient sous les espèces du pain et du vin, la vertu des paroles pour consacrer le Corps et le Sang, une substance passant et se convertissant en une autre, les accidents demeurant sans sujet; comment Jésus-Christ serait en même temps en tant d'endroits différents; comment le très saint Mystère de la Messe serait ordonné pour le consacrer et l'offrir en Sacrifice au Père Éternel jusqu'à la fin des siècles; comment Il serait adoré et vénéré dans la Sainte Église Catholique en tant de temples par tout le monde; quels effets Il causeraient en ceux qui Le recevraient dignement plus ou moins disposés et préparés, et combien ces effets seraient funestes en ceux qui Le recevraient indignement. Elle eut l'intelligence de la Foi des Catholiques et des erreurs des hérétiques contre ce bienfait incomparable et surtout de l'Amour immense avec lequel son Très Saint Fils avait déterminé de Se donner en Nourriture et en Aliment de Vie Éternelle à chacun des mortels.
5, 11, 835. Dans ces intelligences très sublimes et plusieurs autres que la Très Sainte Marie eut de cet auguste Sacrement son Coeur très chaste s'enflamma en de nouveaux incendies d'amour, au-dessus de tout le jugement des hommes; et quoiqu'Elle fît de nouveaux cantiques en chacun des Articles de Foi et des Sacrement qu'Elle connut, néanmoins dans ce grand Mystère Elle déploya son Coeur davantage, et prosternée en terre Elle fit de nouvelles démonstrations d'amour, d'adoration, de louange, de remerciement et d'humiliation pour un si haut Bienfait, et de douleur et d'amertume pour ceux qui devaient Le rendre inutile et Le tourner à leur propre condamnation. Elle s'embrasa en d'ardents désirs de voir ce Sacrement instituée: et si la force du Très-Haut ne l'eût confortée, celle de ses affections lui eût détruit la vie naturelle; quoique le bonheur d'être à la vue de son Très Saint Fils rassasiât la soif de ces angoisses et l'entretînt jusqu'au temps opportun. Mais Elle se prépara dès lors, demandant à Sa Majesté la communion de Son Corps sacramenté pour quand arriverait l'heure où Il devait être consacré et la divine Reine Lui dit: «Mon très haut Seigneur et la véritable Vie de mon âme, est-ce que par aventure ce vil vermisseau et l'opprobre des hommes méritera de Vous recevoir dans son Coeur? Serai-je si fortunée que de revenir à Vous recevoir dans mon corps et dans mon âme? Mon Coeur sera-t-il Votre demeure et Votre Tabernacle où Vous Vous reposerez et où je Vous posséderai, jouissant de Vos étroits embrassements, et Vous, mon Bien-Aimé, de ceux de Votre Servante?»
5, 11, 836. Le divin Maître lui répondit: «Ma Mère et Ma Colombe, vous Me recevrez plusieurs fois sacramenté, et après Ma mort et Mon Ascension dans les Cieux, vous jouirez de cette consolation; parce que Mon habitation sera continuelle dans le repos de votre Coeur très candide et très amoureux que J'ai choisi pour la demeure de Mes complaisances et de Mon bon plaisir.» Avec cette promesse du Seigneur, la grande Reine s'humilia de nouveau, et prosternée jusqu'en terre, Elle Lui en rendit grâces à l'admiration du Ciel. Depuis cette heure, Elle dirigea toutes ses affections et toutes ses oeuvres à l'intention, de se préparer et de se disposer pour recevoir en son temps la sacrée Communion de son Fils sacramenté, et dans toutes les années qui se passèrent depuis cette occasion, Elle n'oublia ni Elle n'interrompit les actes de volonté. Sa mémoire était, comme je l'ai dit d'autres fois [b, tenace et constante comme celle d'un Ange, et sa Science plus sublime que celle d'eux tous; et comme toujours Elle se souvenait de ce Mystère et des autres, Elle opérait toujours conformément à la mémoire et à la Science qu'Elle avait. Elle fit aussi dès lors de grandes demandes au Seigneur de donner la
Lumière aux mortels pour connaître et révérer ce Sacrement très sublime et Le recevoir dignement. Si quelquefois nous arrivons à Le recevoir avec cette disposition, que le Seigneur veuille que ce soit toujours, hors les mérites de Sa Majesté, nous le devons aux larmes et à l'intercession de cette divine Mère qui nous le gagna et le mérita. Lorsque quelqu'un a l'effronterie de Le recevoir hardiment et audacieusement en péché qu'il sache bien qu'outre l'injure sacrilège qu'il commet contre son Dieu et son Rédempteur, il offense aussi Sa Très Sainte Mère, parce qu'il méprise et rend inutiles son amour, ses pieux désirs, ses prières, ses larmes et ses soupirs. Travaillons pour nous éloigner d'un délit si horrible.
5, 11, 837. Dans le cinquième Sacrement de l'Extrême-Onction, la Très Sainte Marie eut l'intelligence de la fin admirable à laquelle le Seigneur l'ordonna, et de sa matière, de sa forme et de son ministre. Elle connut que sa matière serait de l'huile d'olive bénite pour être le symbole de la Miséricorde; la forme, les paroles des prières accompagnant l'onction des sens avec lesquels nous péchons, et le ministre le prêtre seul, et non quelqu'un qui ne le serait pas. Elle connut les fins et les effets de ce Sacrement qui serait le secours des fidèles malades en danger et à la fin de la vie, contre les ruses et les tentations de l'ennemi qui sont nombreuses et terribles en cette dernière heure, et par ce Sacrement il est ainsi donné à celui qui le reçoit dignement une grâce pour recouvrer les forces spirituelles que les péchés commis avaient débilitées et il lui est aussi accordé pour cela s'il est convenable le soulagement dans la santé du corps. L'intérieur est mû en même temps à une nouvelle dévotion et à des désirs de voir Dieu, et les péchés véniels lui sont pardonnées avec certains restes et certains effets des péchés mortels; et le corps du malade reste marqué, non que ce Sacrement donne un caractère, mais il laisse comme un sceau, afin que le démon craigne de s'approcher de celui en qui le Seigneur a été comme dans son tabernacle, par Sa grâce et sacramentellement. Par ce privilège sont ôtés à Lucifer dans le Sacrement de l'Extrême-Onction la supériorité et le droit qu'il a acquis contre nous par les péchés originel et actuels; afin que le corps du juste qui doit ressusciter et jouir de Dieu dans son âme propre revienne marqué et défendu par ce Sacrement pour s'unir avec son âme. Notre Dame et notre Mère très fidèle connut tout cela et en rendit des actions de grâce au nom des fidèles.
5, 11, 838. Du sixième Sacrement de l'Ordre Elle comprit comment la Providence de son Très Saint Fils, Architecte très prudent de la grâce et de l'Église, ordonnait en Elle des ministres proportionnés avec les Sacrements qu'Il instituait, afin que par eux ils sanctifiassent le corps mystique des fidèles et qu'ils consacrassent le Corps et le Sang du même Seigneur, et Il ordonna un autre nouveau Sacrement d'Ordre et de consécration pour leur donner cette dignité supérieure à tous les autres hommes et aux Anges mêmes. Avec cette connaissance il lui fut répandu une révérence si extrême envers les prêtres à cause de leur dignité, que dès lors Elle commença à les respecter et à les vénérer, et Elle pria le Très-Haut de les rendre de dignes ministres et très idoines pour leur office et de donner aux autres fidèles la connaissance pour les révérer. Elle pleura les offenses de Dieu que les uns et les autres devaient commettre, chacun contre son obligation; et parce que j'ai déjà parlé et que je parlerai encore du grand respect que notre Auguste Reine avait pour les prêtres [c] je ne m'y arrêterai pas maintenant. La Très Sainte Marie connut tout le reste qui touche à la matière et à la forme de ce Sacrement, ses effets et les ministres qu'il doit avoir.
5, 11, 839. Dans le dernier et septième Sacrement du mariage [d], notre Auguste Souveraine fut informée de même des grandes fins que le Rédempteur du monde avait en instituant de Sacrement par lequel la propagation des fidèles demeura bénie et sanctifiée dans la Loi de l'Évangile, et le Mystère du mariage spirituel du même Christ avec la Saint Église (Eph. 5: 32) demeura signifié avec plus d'efficacité qu'avant elle (Luc 10: 22). Elle comprit comment ce Sacrement devait se continuer, quelle forme et quelle matière il avait, et quels grands biens résulteraient par lui dans les enfants de la Sainte Église et tout le reste qui appartient à ses effets, à sa nécessité et à sa vertu; et Elle fit des cantiques de louanges et d'actions de grâces pour tout cela au nom des Catholiques qui devaient recevoir ce Bienfait. Ensuite les saintes cérémonies et les rites avec lesquels on devait gouverner l'Église dans les temps futurs pour le culte Divin et l'ordre des bonnes moeurs lui furent manifestés. Elle connut aussi toutes les lois que l'Église devait établir pour cela, en particulier les Cinq Commandements: «d'entendre la Messe les jours de fêtes, de se confesser en temps opportun et de communier au Très Saint Corps de Jésus-Christ sacramenté; de jeûner les jours qui sont marqués;`de payer les dîmes et les prémices des fruits de la terre que donne le Seigneur.»
5, 11, 840. La Très Sainte Marie connut de très sublimes mystères de la justification en tous ces préceptes de l'Église, ainsi que les raisons qu'ils avaient, les effets qu'ils causeraient dans les fidèles, le besoin qu'on en avait dans cette nouvelle et Sainte Église, afin que ses enfants gardassent le premier de tous les Commandements, qu'ils eussent des jours marqués pour chercher Dieu et assister en ces jours au saint mystère et sacrifice de la Messe qui devait être offert pour les vivants et les défunts; qu'ils renouvelassent dans ce même Sacrifice leur profession de Foi et la mémoire de la Passion et de la Mort de Jésus-Christ par qui nous avons été rachetés; qu'ils coopérassent de la manière possible à la grandeur et à l'offrande d'un si suprême Sacrifice et qu'ils en obtinssent tant de fruits et de biens, comme la Sainte Église en reçoit du mystère très saint de la Messe. Elle connut aussi combien il était nécessaire d'obliger notre déloyauté et notre négligence à ne point mépriser longtemps de se restituer en la grâce et l'amitié de Dieu par le moyen de la confession sacramentelle et de confirmer cette grâce par la sainte Communion; car outre le danger et le dommage auxquels se risquent ceux qui commettent cet oubli et cette négligence dans l'usage de ces deux Sacrements, ils font une autre injure à leur Auteur en frustrant Ses désirs et l'Amour avec lequel Il les ordonna pour notre remède, et comme cela ne peut se faire sans un grand mépris tacite ou exprès, cette injure vient à être très lourde pour celui qui la commet.
5, 11, 841. Elle eut la même intelligence des deux derniers Préceptes de jeûner et de payer la dîme, et de la grande nécessité pour les enfants de l'Église de tâcher de vaincre leurs ennemis qui peuvent empêcher leur salut, comme il arrive à tant de malheureux négligents pour n'avoir point mortifié et soumis leurs passions, qui se fomentent d'ordinaire par le vice de la chair; et celle-ci se mortifie par le jeûne, en quoi le Maître de la Vie nous donna singulièrement l'exemple, quoiqu'Il n'eût pas l'aiguillon du péché à vaincre comme nous. Dans l'obligation de payer les dîmes, la Très Sainte Marie comprit que c'était l'ordre spécial du Seigneur que les enfants de la Sainte Église Lui payassent ce tribut des biens temporels de la terre; Le reconnaissant le suprême Seigneur et le Créateur de tout; et Le remerciant pour ces fruits que Sa Providence leur donnait pour conserver la vie, et que ces dîmes offertes au Seigneur fussent converties en bienfait et en aliment des prêtres et des ministres de l'Église, afin qu'ils fusent plus reconnaissants au même
Seigneur de la table de qui ils sont pourvus si abondamment, et joint à cela, qu'ils entendissent leur obligation de prendre soin du salut spirituel des fidèles et de leurs nécessités; puisque la sueur du peuple se convertit pour eux en soutien et en bienfait; afin que toute leur vie soit employée au culte Divin et à l'utilité de l'Église.
5, 11, 842. Je me suis beaucoup restreint dans la déclaration succincte de ces Mystères si cachés et si grandioses, comme ils arrivèrent à notre divine Impératrice et comme ils opérèrent dans son Coeur enflammé et magnanime avec la connaissance que le Très-Haut lui donna de la Loi et de la nouvelle Église de l'Évangile. La crainte m'a retenue pour n'être pas très prolixe et beaucoup plus celle d'errer, en manifestant mon intérieur et tout ce qui y a été déposé de cela; la Lumière de la sainte Foi que nous professons, gouvernée par la prudence et la piété chrétiennes, dirigera le coeur Catholique qui s'appliquera, avec attention à la vénération de ces Sacrements si sublimes; et considérant avec une Foi vive l'harmonie merveilleuse des Lois, des Sacrements, de la Doctrine et de tant de Mystères que l'Église Catholique renferme, qu'elle s'est gouvernée par eux admirablement dès son principe et qu'elle se gouvernera ferme et stable jusqu'à la fin du monde. Tout cela fut joint d'une manière admirable dans l'intérieur de notre Reine et notre Souveraine et c'est dans son Coeur que le Christ Rédempteur du monde S'essaya, selon notre manière de concevoir, pour fabriquer la Sainte Église et Il la dépose tout entière en Sa Très Pure Mère afin qu'Elle jouît de ses Trésors avec surabondance, et qu'en les goûtant Elle les opérât, les aimât, les crût, les espérât et qu'Elle en rendît grâce pour tous les autres mortels et qu'elle pleurât leurs péchés afin que le flot de tant de Miséricorde pour le genre humain ne fût pas empêché à cause d'eux; et afin que la Très Sainte Marie fût le registre public où devait être inscrit tout ce que Dieu devait opérer pour la rédemption des hommes, et qu'Elle demeurât comme obligée à l'accomplir, la prenant pour Coadjutrice et laissant écrit dan son Coeur le mémorial des merveilles qu'Il voulait opérer.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
5, 11, 843. Ma fille, Je t'ai représenté plusieurs fois combien il est injurieux au Très-Haut et dangereux pour les mortels d'oublier et de négliger les Oeuvres mystérieuses et admirables que Sa clémence Divine ordonna pour votre remède, oubli avec lequel vous venez à Le mépriser. Mon amour maternel me sollicite à renouveler en toi quelque chose de ce souvenir et de la douleur d'une perte si lamentable. Où est le jugement et le sens des hommes qui méprisent si dangereusement leur salut éternel et la gloire de leur Créateur et leur Réparateur? Les portes de la grâce et de la gloire sont ouvertes et non seulement ils ne veulent pas y entrer, mais la Vie et la Lumière même sortant à leur rencontre, ils Lui ferment la porte, afin qu'elle n'entre point dans leurs coeurs pleins de ténèbres et de mort. O cruauté plus qu'inhumaine du pécheur, puisque ta maladie étant mortelle et la plus dangereuse de toutes, tu ne veux pas accepter le remède lorsqu'il t'est gracieusement offerte! Quel serait le mort qui ne remercierait pas le médecin qui le guérirait de sa maladie? Puis si les enfants des hommes connaissent cela et savent être reconnaissants à celui qui leur donne la santé et la vie qu'ils doivent perdre aussitôt et qui ne sert qu'à leur restituer de nouveaux dangers et de nouvelles afflictions, comment sont-ils si insensés et si appesantis de coeur qu'ils ne remercient point ni ne reconnaissent Celui qui leur donne le Salut et la Vie de Repos Éternel et qui veut les racheter des peines qui n'auront point de fin et pour lesquelles il n'y a point de pondération suffisante.
5, 11, 844. O Ma très chère, comment puis-je les reconnaître pour mes enfants et être la Mère de ceux qui méprisent ainsi mon unique et très aimant Fils et Seigneur et Sa clémence libérale? Les Anges et les Saints la connaissent dans le Ciel et ils s'étonnent de la grossièreté, de l'ingratitude et du danger des vivants et la rectitude de la Justice divine se justifie en leur présence. Je t'ai donné à connaître de ces secrets dans cette Histoire; maintenant je t'en déclare davantage, afin que tu m'imites et que tu m'accompagnes dans ces pleurs amers que j'ai versés sur cette calamité malheureuse en laquelle Dieu a été et est offensé si grandement. Et toi pleurant leurs offenses, tâche de ton côté de les réparer. Je veux de toi que tu ne passes pas un jour sans rendre d'humbles actions de grâces à Sa grandeur; parce qu'Il ordonna les saints Sacrements et qu'Il souffre le mauvais usage qu'en font les mauvais fidèles. Reçois-les avec une révérence profonde, avec une Foi et
une Espérance ferme; et à cause de l'amour que tu as pour le saint Sacrement de la Pénitence, tu dois tâcher de t'en approcher avec la disposition et les parties que la Sainte Église et ses docteurs enseignent pour le recevoir fructueusement. Fréquente-le avec un coeur humble et reconnaissant, tous les jours, et lorsque tu te trouveras en quelque péché, ne retarde point le remède de ce Sacrement. Lave et nettoie ton âme, car c'est une négligence très honteuse de se reconnaître taché du péché et de demeurer beaucoup de temps et même un seul instant dans cette laideur.
5, 11, 845. Je veux en particulier que tu comprennes l'indignation du Dieu Tout-Puissant, quoique tu ne puisses la connaître dignement et entièrement, contre les téméraires qui reçoivent indignement ces saints Sacrements avec une folle audace et surtout le Très Auguste de l'Autel. O ma chère, combien ce péché pèse dans l'estimation du Seigneur et des Saints! Et non seulement quand il est reçu indignement, mais aussi les irrévérences commises dans les églises en Sa Présence réelle! Comment les enfants de l'Église peuvent-ils dire qu'ils ont la Foi de cette Vérité et qu'ils la respectent si Jésus-Christ sacramenté étant en tant de lieux différents, non seulement ils ne Le visitent ni ne Le révèrent point, mais ils commettent en Sa Présence des sacrilèges tels que les païens n'oseraient point les commettre dans leurs fausses sectes? C'est une cause qui demande plusieurs avis et plusieurs livres; et je t'avertis, ma fille, que les hommes ont beaucoup désobligé l'équité du Seigneur, pour que je ne leur déclare point ce que ma pitié désire pour leur remède. Mais ce qu'ils doivent savoir maintenant est que leur jugement sera formidable et sans Miséricorde, comme des serviteurs mauvais et infidèles, condamnés par leur propre bouche. Tu pourras avertir de cela tous ceux qui voudront l'écouter; et conseille-leur d'aller, chaque jour au moins, rendre à Dieu un culte d'adoration et de révérence là où Il demeure sacramenté; et qu'ils tâchent d'assister à la Messe avec respect, car les hommes ne savent pas tout ce qu'ils perdent par cette négligence.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 11, [a]. Livre 5, No. 1030.
5, 11, [b. Livre 2, Nos. 537, 604.
5, 11, [c]. Livre 2, No. 467; Livre 4, Nos. 532, 602; Livre 6, No. 1455; Livre 7, Nos. 92, 151.
5, 11, [d]. Même avant Jésus-Christ, le mariage fut toujours considéré comme un contrat sacré qui était scellé par des prières et des rites religieux, et cela aussi chez les peuples gentils. C'est une assertion suffisamment démontrée. Jésus-Christ l'éleva ensuite à la dignité de Sacrement de la nouvelle Loi.
De l'intelligence que la Très Sainte Marie eut des Sept Sacrements que Notre Seigneur Jésus-Christ devait instituer et des Cinq Préceptes de l'Église.
5, 11, 830. Pour le complément de la beauté et des richesses de la Sainte Église, il fut convenable que Son Architecte, Notre Réparateur Jésus-Christ y ordonnât les Sept Sacrements qu'Elle possède où les Trésors infinis de Ses mérites demeurassent comme en un dépôt commun ainsi que l'Auteur même de toutes choses, par une manière d'assistance ineffable, mais réelle et véritable, afin que les enfants fidèles fussent alimentés de Ses Biens et consolés de Sa Présence, en gage de celle dont ils espèrent jouir éternellement et face à face. Il était nécessaire aussi pour la plénitude de Science et de grâce de la Très Sainte Marie que tous ces Mystères et ces Trésors fussent transcrits dans son Coeur ardent et magnanime, afin que toute la Loi de grâce y demeurât déposée et étampée de la manière possible, comme elle l'était dans son Très Saint Fils; puisqu'Elle devait être Maîtresse de l'Église, en Son absence et enseigner à Ses premier-nés la rigueur et la ponctualité avec lesquelles tous ces sacrements devaient être reçus et révérés.
5, 11, 831. Tout cela fut manifeste à la grande Reine par une Lumière nouvelle dans l'intérieur même de son Très Saint Fils, avec la distinction de chaque Mystère en particulier. Elle connut d'abord comment l'antique Loi de la dure circoncision devait être ensevelie avec honneur, le très doux et très admirable Sacrement de Baptême entrant à sa place. Elle eut l'intelligence de la matière de ce Sacrement qui serait l'eau pure élémentaire, et que la forme consisterait dans les paroles mêmes avec lesquelles il fut déterminé, exprimant les trois divines
Personnes, par les Noms de Père, Fils et Saint-Esprit, afin que les fidèles, professassent la Foi explicite de la Très Sainte Trinité. Elle comprit la vertu que Notre Seigneur devait communiquer au Baptême, demeurant avec l'efficace pour nous sanctifier très parfaitement de tous les péchés et nous délivrer des peines qui leur sont dues. Elle vit les effets admirables qu'il devait causer en tous ceux qui le recevraient, les régénérant et les restaurant dans l'être d'enfants adoptifs et héritiers du Royaume de Son Père, et répandant en eux les vertus de Foi, d'Espérance et de Charité et plusieurs autres, le caractère surnaturel et spirituel qui devait être imprimé comme un sceau royal dans les âmes par la vertu du Baptême pour distinguer les enfants de la Sainte Église; et tout le reste qui regarde ce saint Sacrement et ses effets, la Très Sainte Marie le connut. Et Elle le demanda aussitôt à son Très Saint Fils avec un très ardent désir de le recevoir en son temps; et Sa Majesté le lui promit et Il le lui donna plus tard, comme je le dirai en son lieu [a].
5, 11, 832. La grande Dame eut la même connaissance du Sacrement de Confirmation qui est le second, et comment il serait donné dans la Sainte Église après le Baptême; parce que ce premier Sacrement engendre les enfants de la grâce et le Sacrement de la Confirmation les rend robustes et courageux pour confesser la sainte Foi reçue dans le Baptême et leur augmentant la première grâce, il ajoute sa grâce particulière pour sa propre fin. Elle connut la forme, la matière et les ministres de ce Sacrement et les effets de grâce et le caractère qu'il imprime dans l'âme; et comment par le chrême du baume et de l'huile qui font la matière de ce Sacrement sont représentées la Lumière des bonnes Oeuvres et l'Odeur de Jésus-Christ (2 Cor. 2: 15) que les fidèles répandent en Le confessant, et les paroles de la forme disent la même chose, chaque chose à sa manière. Notre Auguste Reine faisait des actes héroïques, de l'intime de son Coeur, de louanges, de remerciements et de prières ferventes; afin que tous les hommes vinssent puiser l'Eau (Is. 12: 3) de ces fontaines du Sauveur et jouissent de tant de Trésors incomparables, Le connaissant et Le confessant pour leur Dieu véritable et leur Rédempteur. Elle pleurait avec amertume la perte de tant d'âmes qui à la vue de l'Évangile devaient être privées de tant de remèdes efficaces à cause de leurs péchés.
5, 11, 833. Dans le troisième Sacrement qui est la Pénitence, la divine Reine connut la convenance et la nécessité de ce moyen pour que les âmes pussent être restituées en la grâce et en l'amitié de Dieu, supposé la fragilité humaine avec laquelle on la perd tant de fois. Elle comprit quelles sont les parties et quels seraient les ministres de ce Sacrement et la facilité avec laquelle les enfants de l'Église pourraient en user avec des effets si admirables. Et pour ce qu'Elle connut de ce Bienfait Elle rendit des actions de grâces spéciales au Seigneur avec une jubilation incroyable comme vraie Mère de Miséricorde et de ses enfants les fidèles de voir un remède si facile pour une maladie si souvent répétée comme les péchés ordinaires des hommes. Elle se prosterna en terre et Elle admit et révéra au nom de l'Église le saint Tribunal de la confession où le Seigneur ordonna avec une clémence ineffable que serait résolue et déterminée la cause de tant de poids pour les âmes comme la Justification et la Vie Éternelle ou la mort et la damnation, remettant à l'arbitre des prêtres d'absoudre des péchés (Matt. 18: 18) ou de refuser l'absolution.
5, 11, 834. La Très Prudente Dame arriva à l'intelligence particulière de l'auguste Mystère et Sacrement de l'Eucharistie; et Elle comprit et connut avec une grande pénétration plus de secrets de cette merveille que les suprêmes Séraphins parce qu'Elle vit clairement la manière surnaturelle selon laquelle l'Humanité et la Divinité de son Très Saint Fils demeureraient sous les espèces du pain et du vin, la vertu des paroles pour consacrer le Corps et le Sang, une substance passant et se convertissant en une autre, les accidents demeurant sans sujet; comment Jésus-Christ serait en même temps en tant d'endroits différents; comment le très saint Mystère de la Messe serait ordonné pour le consacrer et l'offrir en Sacrifice au Père Éternel jusqu'à la fin des siècles; comment Il serait adoré et vénéré dans la Sainte Église Catholique en tant de temples par tout le monde; quels effets Il causeraient en ceux qui Le recevraient dignement plus ou moins disposés et préparés, et combien ces effets seraient funestes en ceux qui Le recevraient indignement. Elle eut l'intelligence de la Foi des Catholiques et des erreurs des hérétiques contre ce bienfait incomparable et surtout de l'Amour immense avec lequel son Très Saint Fils avait déterminé de Se donner en Nourriture et en Aliment de Vie Éternelle à chacun des mortels.
5, 11, 835. Dans ces intelligences très sublimes et plusieurs autres que la Très Sainte Marie eut de cet auguste Sacrement son Coeur très chaste s'enflamma en de nouveaux incendies d'amour, au-dessus de tout le jugement des hommes; et quoiqu'Elle fît de nouveaux cantiques en chacun des Articles de Foi et des Sacrement qu'Elle connut, néanmoins dans ce grand Mystère Elle déploya son Coeur davantage, et prosternée en terre Elle fit de nouvelles démonstrations d'amour, d'adoration, de louange, de remerciement et d'humiliation pour un si haut Bienfait, et de douleur et d'amertume pour ceux qui devaient Le rendre inutile et Le tourner à leur propre condamnation. Elle s'embrasa en d'ardents désirs de voir ce Sacrement instituée: et si la force du Très-Haut ne l'eût confortée, celle de ses affections lui eût détruit la vie naturelle; quoique le bonheur d'être à la vue de son Très Saint Fils rassasiât la soif de ces angoisses et l'entretînt jusqu'au temps opportun. Mais Elle se prépara dès lors, demandant à Sa Majesté la communion de Son Corps sacramenté pour quand arriverait l'heure où Il devait être consacré et la divine Reine Lui dit: «Mon très haut Seigneur et la véritable Vie de mon âme, est-ce que par aventure ce vil vermisseau et l'opprobre des hommes méritera de Vous recevoir dans son Coeur? Serai-je si fortunée que de revenir à Vous recevoir dans mon corps et dans mon âme? Mon Coeur sera-t-il Votre demeure et Votre Tabernacle où Vous Vous reposerez et où je Vous posséderai, jouissant de Vos étroits embrassements, et Vous, mon Bien-Aimé, de ceux de Votre Servante?»
5, 11, 836. Le divin Maître lui répondit: «Ma Mère et Ma Colombe, vous Me recevrez plusieurs fois sacramenté, et après Ma mort et Mon Ascension dans les Cieux, vous jouirez de cette consolation; parce que Mon habitation sera continuelle dans le repos de votre Coeur très candide et très amoureux que J'ai choisi pour la demeure de Mes complaisances et de Mon bon plaisir.» Avec cette promesse du Seigneur, la grande Reine s'humilia de nouveau, et prosternée jusqu'en terre, Elle Lui en rendit grâces à l'admiration du Ciel. Depuis cette heure, Elle dirigea toutes ses affections et toutes ses oeuvres à l'intention, de se préparer et de se disposer pour recevoir en son temps la sacrée Communion de son Fils sacramenté, et dans toutes les années qui se passèrent depuis cette occasion, Elle n'oublia ni Elle n'interrompit les actes de volonté. Sa mémoire était, comme je l'ai dit d'autres fois [b, tenace et constante comme celle d'un Ange, et sa Science plus sublime que celle d'eux tous; et comme toujours Elle se souvenait de ce Mystère et des autres, Elle opérait toujours conformément à la mémoire et à la Science qu'Elle avait. Elle fit aussi dès lors de grandes demandes au Seigneur de donner la
Lumière aux mortels pour connaître et révérer ce Sacrement très sublime et Le recevoir dignement. Si quelquefois nous arrivons à Le recevoir avec cette disposition, que le Seigneur veuille que ce soit toujours, hors les mérites de Sa Majesté, nous le devons aux larmes et à l'intercession de cette divine Mère qui nous le gagna et le mérita. Lorsque quelqu'un a l'effronterie de Le recevoir hardiment et audacieusement en péché qu'il sache bien qu'outre l'injure sacrilège qu'il commet contre son Dieu et son Rédempteur, il offense aussi Sa Très Sainte Mère, parce qu'il méprise et rend inutiles son amour, ses pieux désirs, ses prières, ses larmes et ses soupirs. Travaillons pour nous éloigner d'un délit si horrible.
5, 11, 837. Dans le cinquième Sacrement de l'Extrême-Onction, la Très Sainte Marie eut l'intelligence de la fin admirable à laquelle le Seigneur l'ordonna, et de sa matière, de sa forme et de son ministre. Elle connut que sa matière serait de l'huile d'olive bénite pour être le symbole de la Miséricorde; la forme, les paroles des prières accompagnant l'onction des sens avec lesquels nous péchons, et le ministre le prêtre seul, et non quelqu'un qui ne le serait pas. Elle connut les fins et les effets de ce Sacrement qui serait le secours des fidèles malades en danger et à la fin de la vie, contre les ruses et les tentations de l'ennemi qui sont nombreuses et terribles en cette dernière heure, et par ce Sacrement il est ainsi donné à celui qui le reçoit dignement une grâce pour recouvrer les forces spirituelles que les péchés commis avaient débilitées et il lui est aussi accordé pour cela s'il est convenable le soulagement dans la santé du corps. L'intérieur est mû en même temps à une nouvelle dévotion et à des désirs de voir Dieu, et les péchés véniels lui sont pardonnées avec certains restes et certains effets des péchés mortels; et le corps du malade reste marqué, non que ce Sacrement donne un caractère, mais il laisse comme un sceau, afin que le démon craigne de s'approcher de celui en qui le Seigneur a été comme dans son tabernacle, par Sa grâce et sacramentellement. Par ce privilège sont ôtés à Lucifer dans le Sacrement de l'Extrême-Onction la supériorité et le droit qu'il a acquis contre nous par les péchés originel et actuels; afin que le corps du juste qui doit ressusciter et jouir de Dieu dans son âme propre revienne marqué et défendu par ce Sacrement pour s'unir avec son âme. Notre Dame et notre Mère très fidèle connut tout cela et en rendit des actions de grâce au nom des fidèles.
5, 11, 838. Du sixième Sacrement de l'Ordre Elle comprit comment la Providence de son Très Saint Fils, Architecte très prudent de la grâce et de l'Église, ordonnait en Elle des ministres proportionnés avec les Sacrements qu'Il instituait, afin que par eux ils sanctifiassent le corps mystique des fidèles et qu'ils consacrassent le Corps et le Sang du même Seigneur, et Il ordonna un autre nouveau Sacrement d'Ordre et de consécration pour leur donner cette dignité supérieure à tous les autres hommes et aux Anges mêmes. Avec cette connaissance il lui fut répandu une révérence si extrême envers les prêtres à cause de leur dignité, que dès lors Elle commença à les respecter et à les vénérer, et Elle pria le Très-Haut de les rendre de dignes ministres et très idoines pour leur office et de donner aux autres fidèles la connaissance pour les révérer. Elle pleura les offenses de Dieu que les uns et les autres devaient commettre, chacun contre son obligation; et parce que j'ai déjà parlé et que je parlerai encore du grand respect que notre Auguste Reine avait pour les prêtres [c] je ne m'y arrêterai pas maintenant. La Très Sainte Marie connut tout le reste qui touche à la matière et à la forme de ce Sacrement, ses effets et les ministres qu'il doit avoir.
5, 11, 839. Dans le dernier et septième Sacrement du mariage [d], notre Auguste Souveraine fut informée de même des grandes fins que le Rédempteur du monde avait en instituant de Sacrement par lequel la propagation des fidèles demeura bénie et sanctifiée dans la Loi de l'Évangile, et le Mystère du mariage spirituel du même Christ avec la Saint Église (Eph. 5: 32) demeura signifié avec plus d'efficacité qu'avant elle (Luc 10: 22). Elle comprit comment ce Sacrement devait se continuer, quelle forme et quelle matière il avait, et quels grands biens résulteraient par lui dans les enfants de la Sainte Église et tout le reste qui appartient à ses effets, à sa nécessité et à sa vertu; et Elle fit des cantiques de louanges et d'actions de grâces pour tout cela au nom des Catholiques qui devaient recevoir ce Bienfait. Ensuite les saintes cérémonies et les rites avec lesquels on devait gouverner l'Église dans les temps futurs pour le culte Divin et l'ordre des bonnes moeurs lui furent manifestés. Elle connut aussi toutes les lois que l'Église devait établir pour cela, en particulier les Cinq Commandements: «d'entendre la Messe les jours de fêtes, de se confesser en temps opportun et de communier au Très Saint Corps de Jésus-Christ sacramenté; de jeûner les jours qui sont marqués;`de payer les dîmes et les prémices des fruits de la terre que donne le Seigneur.»
5, 11, 840. La Très Sainte Marie connut de très sublimes mystères de la justification en tous ces préceptes de l'Église, ainsi que les raisons qu'ils avaient, les effets qu'ils causeraient dans les fidèles, le besoin qu'on en avait dans cette nouvelle et Sainte Église, afin que ses enfants gardassent le premier de tous les Commandements, qu'ils eussent des jours marqués pour chercher Dieu et assister en ces jours au saint mystère et sacrifice de la Messe qui devait être offert pour les vivants et les défunts; qu'ils renouvelassent dans ce même Sacrifice leur profession de Foi et la mémoire de la Passion et de la Mort de Jésus-Christ par qui nous avons été rachetés; qu'ils coopérassent de la manière possible à la grandeur et à l'offrande d'un si suprême Sacrifice et qu'ils en obtinssent tant de fruits et de biens, comme la Sainte Église en reçoit du mystère très saint de la Messe. Elle connut aussi combien il était nécessaire d'obliger notre déloyauté et notre négligence à ne point mépriser longtemps de se restituer en la grâce et l'amitié de Dieu par le moyen de la confession sacramentelle et de confirmer cette grâce par la sainte Communion; car outre le danger et le dommage auxquels se risquent ceux qui commettent cet oubli et cette négligence dans l'usage de ces deux Sacrements, ils font une autre injure à leur Auteur en frustrant Ses désirs et l'Amour avec lequel Il les ordonna pour notre remède, et comme cela ne peut se faire sans un grand mépris tacite ou exprès, cette injure vient à être très lourde pour celui qui la commet.
5, 11, 841. Elle eut la même intelligence des deux derniers Préceptes de jeûner et de payer la dîme, et de la grande nécessité pour les enfants de l'Église de tâcher de vaincre leurs ennemis qui peuvent empêcher leur salut, comme il arrive à tant de malheureux négligents pour n'avoir point mortifié et soumis leurs passions, qui se fomentent d'ordinaire par le vice de la chair; et celle-ci se mortifie par le jeûne, en quoi le Maître de la Vie nous donna singulièrement l'exemple, quoiqu'Il n'eût pas l'aiguillon du péché à vaincre comme nous. Dans l'obligation de payer les dîmes, la Très Sainte Marie comprit que c'était l'ordre spécial du Seigneur que les enfants de la Sainte Église Lui payassent ce tribut des biens temporels de la terre; Le reconnaissant le suprême Seigneur et le Créateur de tout; et Le remerciant pour ces fruits que Sa Providence leur donnait pour conserver la vie, et que ces dîmes offertes au Seigneur fussent converties en bienfait et en aliment des prêtres et des ministres de l'Église, afin qu'ils fusent plus reconnaissants au même
Seigneur de la table de qui ils sont pourvus si abondamment, et joint à cela, qu'ils entendissent leur obligation de prendre soin du salut spirituel des fidèles et de leurs nécessités; puisque la sueur du peuple se convertit pour eux en soutien et en bienfait; afin que toute leur vie soit employée au culte Divin et à l'utilité de l'Église.
5, 11, 842. Je me suis beaucoup restreint dans la déclaration succincte de ces Mystères si cachés et si grandioses, comme ils arrivèrent à notre divine Impératrice et comme ils opérèrent dans son Coeur enflammé et magnanime avec la connaissance que le Très-Haut lui donna de la Loi et de la nouvelle Église de l'Évangile. La crainte m'a retenue pour n'être pas très prolixe et beaucoup plus celle d'errer, en manifestant mon intérieur et tout ce qui y a été déposé de cela; la Lumière de la sainte Foi que nous professons, gouvernée par la prudence et la piété chrétiennes, dirigera le coeur Catholique qui s'appliquera, avec attention à la vénération de ces Sacrements si sublimes; et considérant avec une Foi vive l'harmonie merveilleuse des Lois, des Sacrements, de la Doctrine et de tant de Mystères que l'Église Catholique renferme, qu'elle s'est gouvernée par eux admirablement dès son principe et qu'elle se gouvernera ferme et stable jusqu'à la fin du monde. Tout cela fut joint d'une manière admirable dans l'intérieur de notre Reine et notre Souveraine et c'est dans son Coeur que le Christ Rédempteur du monde S'essaya, selon notre manière de concevoir, pour fabriquer la Sainte Église et Il la dépose tout entière en Sa Très Pure Mère afin qu'Elle jouît de ses Trésors avec surabondance, et qu'en les goûtant Elle les opérât, les aimât, les crût, les espérât et qu'Elle en rendît grâce pour tous les autres mortels et qu'elle pleurât leurs péchés afin que le flot de tant de Miséricorde pour le genre humain ne fût pas empêché à cause d'eux; et afin que la Très Sainte Marie fût le registre public où devait être inscrit tout ce que Dieu devait opérer pour la rédemption des hommes, et qu'Elle demeurât comme obligée à l'accomplir, la prenant pour Coadjutrice et laissant écrit dan son Coeur le mémorial des merveilles qu'Il voulait opérer.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
5, 11, 843. Ma fille, Je t'ai représenté plusieurs fois combien il est injurieux au Très-Haut et dangereux pour les mortels d'oublier et de négliger les Oeuvres mystérieuses et admirables que Sa clémence Divine ordonna pour votre remède, oubli avec lequel vous venez à Le mépriser. Mon amour maternel me sollicite à renouveler en toi quelque chose de ce souvenir et de la douleur d'une perte si lamentable. Où est le jugement et le sens des hommes qui méprisent si dangereusement leur salut éternel et la gloire de leur Créateur et leur Réparateur? Les portes de la grâce et de la gloire sont ouvertes et non seulement ils ne veulent pas y entrer, mais la Vie et la Lumière même sortant à leur rencontre, ils Lui ferment la porte, afin qu'elle n'entre point dans leurs coeurs pleins de ténèbres et de mort. O cruauté plus qu'inhumaine du pécheur, puisque ta maladie étant mortelle et la plus dangereuse de toutes, tu ne veux pas accepter le remède lorsqu'il t'est gracieusement offerte! Quel serait le mort qui ne remercierait pas le médecin qui le guérirait de sa maladie? Puis si les enfants des hommes connaissent cela et savent être reconnaissants à celui qui leur donne la santé et la vie qu'ils doivent perdre aussitôt et qui ne sert qu'à leur restituer de nouveaux dangers et de nouvelles afflictions, comment sont-ils si insensés et si appesantis de coeur qu'ils ne remercient point ni ne reconnaissent Celui qui leur donne le Salut et la Vie de Repos Éternel et qui veut les racheter des peines qui n'auront point de fin et pour lesquelles il n'y a point de pondération suffisante.
5, 11, 844. O Ma très chère, comment puis-je les reconnaître pour mes enfants et être la Mère de ceux qui méprisent ainsi mon unique et très aimant Fils et Seigneur et Sa clémence libérale? Les Anges et les Saints la connaissent dans le Ciel et ils s'étonnent de la grossièreté, de l'ingratitude et du danger des vivants et la rectitude de la Justice divine se justifie en leur présence. Je t'ai donné à connaître de ces secrets dans cette Histoire; maintenant je t'en déclare davantage, afin que tu m'imites et que tu m'accompagnes dans ces pleurs amers que j'ai versés sur cette calamité malheureuse en laquelle Dieu a été et est offensé si grandement. Et toi pleurant leurs offenses, tâche de ton côté de les réparer. Je veux de toi que tu ne passes pas un jour sans rendre d'humbles actions de grâces à Sa grandeur; parce qu'Il ordonna les saints Sacrements et qu'Il souffre le mauvais usage qu'en font les mauvais fidèles. Reçois-les avec une révérence profonde, avec une Foi et
une Espérance ferme; et à cause de l'amour que tu as pour le saint Sacrement de la Pénitence, tu dois tâcher de t'en approcher avec la disposition et les parties que la Sainte Église et ses docteurs enseignent pour le recevoir fructueusement. Fréquente-le avec un coeur humble et reconnaissant, tous les jours, et lorsque tu te trouveras en quelque péché, ne retarde point le remède de ce Sacrement. Lave et nettoie ton âme, car c'est une négligence très honteuse de se reconnaître taché du péché et de demeurer beaucoup de temps et même un seul instant dans cette laideur.
5, 11, 845. Je veux en particulier que tu comprennes l'indignation du Dieu Tout-Puissant, quoique tu ne puisses la connaître dignement et entièrement, contre les téméraires qui reçoivent indignement ces saints Sacrements avec une folle audace et surtout le Très Auguste de l'Autel. O ma chère, combien ce péché pèse dans l'estimation du Seigneur et des Saints! Et non seulement quand il est reçu indignement, mais aussi les irrévérences commises dans les églises en Sa Présence réelle! Comment les enfants de l'Église peuvent-ils dire qu'ils ont la Foi de cette Vérité et qu'ils la respectent si Jésus-Christ sacramenté étant en tant de lieux différents, non seulement ils ne Le visitent ni ne Le révèrent point, mais ils commettent en Sa Présence des sacrilèges tels que les païens n'oseraient point les commettre dans leurs fausses sectes? C'est une cause qui demande plusieurs avis et plusieurs livres; et je t'avertis, ma fille, que les hommes ont beaucoup désobligé l'équité du Seigneur, pour que je ne leur déclare point ce que ma pitié désire pour leur remède. Mais ce qu'ils doivent savoir maintenant est que leur jugement sera formidable et sans Miséricorde, comme des serviteurs mauvais et infidèles, condamnés par leur propre bouche. Tu pourras avertir de cela tous ceux qui voudront l'écouter; et conseille-leur d'aller, chaque jour au moins, rendre à Dieu un culte d'adoration et de révérence là où Il demeure sacramenté; et qu'ils tâchent d'assister à la Messe avec respect, car les hommes ne savent pas tout ce qu'ils perdent par cette négligence.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 11, [a]. Livre 5, No. 1030.
5, 11, [b. Livre 2, Nos. 537, 604.
5, 11, [c]. Livre 2, No. 467; Livre 4, Nos. 532, 602; Livre 6, No. 1455; Livre 7, Nos. 92, 151.
5, 11, [d]. Même avant Jésus-Christ, le mariage fut toujours considéré comme un contrat sacré qui était scellé par des prières et des rites religieux, et cela aussi chez les peuples gentils. C'est une assertion suffisamment démontrée. Jésus-Christ l'éleva ensuite à la dignité de Sacrement de la nouvelle Loi.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 12
Notre Rédempteur Jésus-Christ continuait les oraisons et les demandes pour nous; Sa Très Sainte Mère L'assistait et Elle avait de nouvelles intelligences.
5, 12, 846. Quoique notre esprit limité tâche de s'étendre à manifester et à glorifier les Oeuvres mystérieuses de notre Rédempteur Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère, il demeure toujours vaincu et très loin d'atteindre à la grandeur de ces sacrements; parce qu'ils sont plus grands que notre louange, comme dit l'Ecclésiastique (Eccli 43: 33), et nous ne les verrons ni ne les comprendrons
jamais et toujours il restera caché des choses plus grandes que celles que nous dirons; parce qu'il y en a très peu que nous comprenons, et celles-ci même nous ne méritons point de les comprendre ni d'expliquer ce que nous comprenons. L'entendement du plus sublime Séraphin est insuffisant pour peser et approfondir les secrets qui se passèrent entre Jésus et la Très Sainte Mère dans les années qu'Ils vécurent ensemble; particulièrement ceux dont je parle, quand le Maître de la Lumière l'informait de tout ce qu'Il devait faire dans la Loi de la grâce et de tout ce qui devait être compris dans ce sixième âge du monde, où la Loi de l'Évangile devait durer jusqu'à la fin; et ce qui s'est passé en mil six cent cinquante-sept ans et plus, et le reste que nous ignorons jusqu'au jour du jugement. Notre divine Reine connut tout cela à l'école de son Très Saint Fils; parce que Sa Majesté lui déclara tout et en conféra avec Elle, lui signalant les temps, les lieux, les royaumes et les provinces et ce qui devait se passer en chacune dans le cours de l'Église; et ce fut avec une si grande clarté que si cette Auguste Dame avait vécu ensuite en chair mortelle, Elle aurait connu tous les individus de la Sainte Église par leurs personnes et leurs noms, comme il arrivait avec ceux qu'Elle voyait et avec qui Elle communiqua pendant sa Vie; car lorsqu'ils arrivaient en sa présence Elle ne commençait pas à les connaître de nouveau, si ce n'est quant au sens extérieur qui correspondait à la connaissance intérieure dans laquelle Elle était déjà informée.
5, 12, 847. Lorsque la Bienheureuse Mère entendait et connaissait ces mystères dans l'intérieur de son Très Saint Fils et dans les actes de Ses puissances, Elle n'arrivait pas à pénétrer autant que la même Âme du Christ unie à la Divinité hypostatiquement et béatifiquement; parce que l'Auguste Souveraine était pure Créature, et non bienheureuse par une vision continuelle; Elle ne connaissait pas toujours non plus les espèces et la Lumière Béatifique de cette Âme Bienheureuse, excepté lorsque cette Reine jouissait aussi Elle de la claire vision de la Divinité. Mais dans les autres visions qu'Elle avait des mystères de l'Église militante, Elle connaissait les espèces imaginaires des Puissances intérieures de Notre-Seigneur Jésus-Christ et Elle connaissait aussi comment elles dépendaient de Sa Volonté très sainte et qu'Il décrétait et ordonnait toutes ces Oeuvres pour tels temps, tels lieux et telles occasions; et Elle connaissait de cette manière comment la volonté humaine du Sauveur se conformait avec la Divine, et était gouvernée par Elle en tout ce qu'Il ordonnait et disposait. Toute cette Divine harmonie s'étendait à mouvoir la volonté et le puissances de la même Reine, afin qu'Elle opérât et coopérât avec la même Volonté de son Très Saint Fils, et moyennant celle-ci avec
la Divine. Par ce moyen il y avait une similitude ineffable entre Jésus-Christ et la Très Sainte Marie, et elle concourait comme Coadjutrice dans la fabrique de la Loi de l'Évangile et de la Sainte Église.
5, 12, 848. Tous ces sacrements très occultes s'exécutaient d'ordinaire dans cet humble oratoire de la Reine où le plus grand des Mystères de l'Incarnation du Verbe divin dans son sein Virginal fut célébré; car bien qu'il fut si étroit et si pauvre qu'il consistait seulement en des murailles nues et très étroites, il renfermait néanmoins en lui toute la grandeur infinie de Celui qui est immense, et de là sortit tout ce qui a donné et ce qui donne la majesté et la déité que tous les riches temples de la terre et leurs innombrables sanctuaires ont aujourd'hui. Dans ce "sancta sanctorum" (Lév. 16: 12), le Souverain Prêtre de la nouvelle Loi, Notre-Seigneur Jésus-Christ priait d'ordinaire, et Son oraison continuelle se concluait à faire au Père des prières ferventes pour les hommes et à conférer avec Sa Mère-Vierge de toutes les Oeuvres de la Rédemption, et des riches Dons et des inestimables Trésors de grâce qu'Il préparait pour les laisser aux enfants de la Lumière et de la Sainte Église, attachés dans cette Église dans le Nouveau Testament. Il demandait souvent au Père Éternel que les péchés des hommes et leur très dure ingratitude ne fussent pas une cause pour empêcher leur rédemption; et comme le Christ avait toujours également prévus et présents dans sa Science les péchés du genre humain et la damnation de tant d'âmes ingrates envers ce Bienfait; et la pensée qu'Il devait mourir pour eux mit toujours le Verbe fait chair dans une grande agonie et L'obligea souvent à suer le sang. Et quoique les Évangélistes n'en fassent mention qu'une seule fois (Luc 22: 44) avant la Passion, parce qu'ils n'écrivirent pas tous les événements de Sa très Sainte Vie, il n'y a pas de doute qu'Il eut cette sueur de Sang plusieurs fois et que Sa Très Sainte Mère le vit. C'est ce qui m'a été déclaré en certaines intelligences.
5, 12, 849. La posture en laquelle notre Maître Bien-aimé priait était parfois agenouillé, d'autres fois prosterné et en forme de Croix, d'autres fois en l'air dans la même posture qu'Il aimait beaucoup. Il avait coutume de dire en priant et en présence de Sa Mère: «O Croix très fortunée, quand Me trouverai-Je dans tes bras et recevras-tu les Miens, afin qu'élevés en toi, ils soient ouverts pour recevoir tous les pécheurs. Et en effet, si Je suis descendu du Ciel pour les appeler (Matt. 9: 12) au chemin de Mon imitation et de Ma participation, ils sont toujours ouverts pour
les embrasser et les enrichir tous. Venez donc, vous tous qui êtes aveugles à la Lumière. Venez, pauvres, aux Trésors de Ma grâce. Venez, enfants, aux caresses et aux tendresses de votre Père véritable. Venez, affligés et fatigués (Matt. 11: 28), car Je vous soulagerai et vous rafraîchirai. Venez, justes, car vous êtes Ma possession et Mon héritage. Venez tous, enfants d'Adam, car Je vous appelle tous (1 Tim. 2: 4). Je suis la Voie (Jean 14: 6), la Vérité et la Vie, et Je ne la refuserai à personne, si vous voulez la recevoir. O mon Père Éternel, ce sont des ouvrages de Vos mains (Ps. 137: , ne les méprisez pas, car je m'offre pour eux à la Mort de la Croix pour Vous les remettre justifiés et libres, s'ils le veulent, et restitués au giron de Vos élus et de Votre royaume Céleste, où Votre Nom soit glorifié.»
5, 12, 850. La pieuse Mère se trouvait présente à cela et dans la pureté de Son âme comme dans un cristal sans tache se reflétait la Lumière de Son Fils unique; et comme écho de Ses voix intérieures et extérieures Elle les répétait et les imitait en tout, accompagnant le Sauveur dans Ses oraisons et Ses prières et dans la même posture qu'Il les faisait. Lorsque la grande Reine Le vit pour la première fois suer le Sang Elle demeura le Coeur transpercé de douleur comme amoureuse Mère, et dans la stupéfaction de l'effet que les péchés des hommes et leur ingratitude prévue causaient en Notre-Seigneur Jésus-Christ, car la divine Mère connaissait tout, et avec une douloureuse angoisse, tournée vers les mortels, Elle leur disait: «O enfants des hommes, que vous comprenez peu combien le Créateur estime en vous Son image et Sa ressemblance; puisqu'Il offre Son propre Sang pour le prix de votre rachat et Il fait plus compte de vous que de le répandre! Oh! si je tenais votre volonté dans la mienne pour vous réduire à Son amour et à Son obéissance! Bénis soient de Sa droite les justes et les reconnaissants, qui doivent être de fidèles enfants de leur Père. Qu'ils soient remplis de Sa Lumière et des Trésors de Sa grâce ceux qui doivent correspondre aux désirs ardents de mon Seigneur, pour leur donner leur Salut Éternel. Oh! puisse-je être l'humble Esclave des enfants d'Adam pour les obliger, en les servant, à mettre un terme à leurs péchés et à leur propre perte! Mon Seigneur et mon Maître, Vie et Lumière de mon âme, qui aura le coeur assez dur et assez ennemi de soi-même pour ne point se reconnaître obligé et enchaîné par Vos bienfaits? Qui sera assez ingrat et assez méconnaissant pour ignorer Votre très ardent Amour? Comment mon Coeur souffrira-t-il que les hommes si bénéficiés de Vos mains soient si rebelles et si grossiers? O enfants d'Adam, tournez votre impiété inhumaine contre moi. Affligez-moi et méprisez-moi pourvu que vous payiez à mon Maître chéri l'amour
et la révérence que vous devez aux délicatesses de Son Amour. O mon Fils et mon Seigneur, Vous êtes Lumière de Lumière, le Fils du Père Éternel, la Figure (Héb. 1: 3) de Sa Substance, aussi éternel et aussi infini que Lui, égal en l'Essence et les Attributs du côté par lequel Vous êtes avec Lui un seul Dieu (Jean 10: 30) et une seule suprême Majesté. Vous êtes choisi entre mille (Cant. 5: 10), très beau entre les enfants des hommes, Saint, Innocent et sans aucun défaut, comment donc, ô Bien Éternel, les mortels ignorent-ils le très noble Objet de leur amour? Le Principe qui leur donna l'être, et la Fin en laquelle consiste leur félicité véritable? Oh! si je pouvais donner ma Vie afin que tous sortissent de leur erreur!»
5, 12, 851. La divine Dame ajoutait plusieurs autres raisons à celle-ci dans la connaissance desquelles mon coeur et ma langue défaillent pour expliquer les affections si ardentes qu'avait cette Colombe très candide; et avec cet amour et cette révérence très profonde Elle essuyait le Sang qui couvrait le Visage de son Très Doux Fils. D'autres fois Elle Le trouvait en une disposition différente et contraire, rempli de gloire et de splendeur, transfiguré comme Il le fut ensuite sur le Thabor (Matt. 17: 2) et accompagné d'une grande multitude d'Anges en formes humaines qui L'adoraient et qui chantaient avec des voix douces et sonores des hymnes et des cantiques nouveaux de louange au Fils Unique du Père fait homme. Et notre Souveraine entendait ces musiques célestes et d'autres fois Elle y assistait, quoique notre Sauveur Jésus-Christ ne fût pas transfiguré; parce que la Volonté Divine ordonnait en certaines occasions que la partie sensitive de l'Humanité du Verbe reçut ce soulagement, comme en d'autres fois Il L'avait transfiguré par la redondance de la gloire de l'Âme qui se communiquait au Corps, quoique ce fût assez rare. Mais lorsque la divine Mère Le trouvait dans cette forme glorieuse, ou lorsqu'Elle entendait les musiques des Anges, Elle participait avec tant d'abondance à cette jubilation et à ce délice céleste que si son esprit n'eût pas été si robuste et si son propre Fils et son Seigneur ne l'eût pas confortée, toutes ses forces naturelles eussent défailli; et les saints Anges aussi la confortaient dans les défaillances corporelles qu'Elle avait coutume d'éprouver en de telles circonstances.
5, 12, 852. Il arrivait souvent que son Très Saint Fils étant en quelqu'une de ces dispositions d'angoisse ou de joie priant Son Père Éternel et comme conférant des Mystères très sublimes de la Rédemption, la même Personne du Père Lui
répondait, approuvant ou concédant ce que Son Fils demandait pour le remède des hommes, ou représentant à l'Humanité très sainte les décrets cachés de la prédestination ou de la réprobation et de la condamnation de quelques-uns. Notre grande Reine et Souveraine comprenait et entendait tout cela et Elle s'humiliait jusqu'à terre. Elle adorait le Tout-Puissant avec une crainte révérencielle incomparable et Elle accompagnait son Fils unique dans les oraisons, les prières, les remerciements qu'Il offrait au Père pour Ses grandes Oeuvres et Sa Bonté envers les hommes et Elle louait Ses Jugements inscrutables. La Très Prudente Dame conférait de tous ces Bienfaits et de tous ces Mystères dans le conseil de son sein et Elle les gardait dans les Archives de son Coeur magnanime, et Elle se servait de tout comme de foment et de matière pour conserver et embraser davantage le feu du sanctuaire qui brûlait dans son intérieur, parce qu'aucune de ces faveurs secrètes ni aucun de ces Bienfaits qu'Elle recevait ne demeuraient oisifs et sans fruits en Elle. Elle correspondait à tous selon le goût et le plus grand agrément du Seigneur. Elle donnait à tous la plénitude et la correspondance qui convenaient, afin que les Fins du Seigneur eussent leur effet et que toutes Ses Oeuvres demeurassent connues et remerciées, autant qu'il était possible d'une pure Créature.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 12, 853. Ma fille, l'une des raisons pourquoi les mortels doivent m'appeler Mère de Miséricorde, est pour l'amour pieux avec lequel je désire intimement que tous arrivent à être rassasiés du torrent de la grâce et à goûter la suavité du Seigneur (Ps. 33: 9), comme je le fis. Je les convie et les appelle tous afin qu'altérés, ils arrivent avec moi aux eaux de la Divinité. Que les plus pauvres et les plus affligés s'approchent, car s'ils me répondent et me suivent, je leur offre ma puissante protection et mon refuge, et j'intercéderai auprès de mon Fils, et je leur obtiendrai la manne cachée (Apoc. 2: 17) qui leur donnera l'Aliment et la Vie. Viens, ô toi mon amie, viens et approche, ma très chère, afin que tu me suives et que tu reçoives le Nom nouveau que seul connaît celui qui Le reçoit. Élève-toi de la poussière, secoue et rejette toutes les choses terrestres et momentanées, et approche-toi des choses célestes. Refuse-toi à toi-même et à toutes les opérations de la fragilité humaine; et avec la véritable Lumière que tu as de celles que fit mon
très saint Fils et moi aussi à son imitation, contemple la beauté que le Roi suprême (Ps. 44: 12) veut et désire en toi.
5, 12, 854. Et parce que ce moyen est le plus puissant pour obtenir la perfection que tu désires et la plénitude de tes oeuvres, je veux que tu écrives dans ton coeur cet avertissement pour régler toutes tes actions; lorsque tu auras quelque oeuvre intérieure ou extérieure à faire, avant que de l'exécuter confère avec toi-même si mon Fils et moi nous eussions fait ce que tu vas dire ou faire, et avec quelle intention si droite nous l'eussions ordonnée à la gloire du Très-Haut et au bien du prochain; et si tu connais que nous le faisions, ou que nous l'eussions fait avec cette fin, exécute-le pour nous imiter; mais si tu entends le contraire, suspends-le et ne le fais pas, car j'eus cette attention envers mon Seigneur et mon Maître, quoique je n'eusse pas de contradiction comme toi pour le bien; mais je désirais L'imiter très parfaitement; et dans cette imitation consiste la participation fructueuse de Sa sainteté, parce qu'Il enseigne et oblige en tout le plus parfait et le plus agréable à Dieu. Outre cela je t'avertis que dès aujourd'hui, tu ne dois faire aucune oeuvre, tu ne dois point parler ni accepter aucune pensée sans me demander permission avant que de te déterminer, conférant de cette oeuvre avec moi qui suis ta Mère et Maîtresse; et si je te réponds, tu en rendras grâces au Seigneur, et si je ne te réponds pas et que tu persévères dans cette fidélité, je t'assure et te promets de la part du Seigneur de te donner la Lumière de ce qui sera le plus conforme à Sa Très Parfaite Volonté; mais exécute le tout avec l'obéissance de tes pères spirituels, et n'oublie jamais cet exercice.
Notre Rédempteur Jésus-Christ continuait les oraisons et les demandes pour nous; Sa Très Sainte Mère L'assistait et Elle avait de nouvelles intelligences.
5, 12, 846. Quoique notre esprit limité tâche de s'étendre à manifester et à glorifier les Oeuvres mystérieuses de notre Rédempteur Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère, il demeure toujours vaincu et très loin d'atteindre à la grandeur de ces sacrements; parce qu'ils sont plus grands que notre louange, comme dit l'Ecclésiastique (Eccli 43: 33), et nous ne les verrons ni ne les comprendrons
jamais et toujours il restera caché des choses plus grandes que celles que nous dirons; parce qu'il y en a très peu que nous comprenons, et celles-ci même nous ne méritons point de les comprendre ni d'expliquer ce que nous comprenons. L'entendement du plus sublime Séraphin est insuffisant pour peser et approfondir les secrets qui se passèrent entre Jésus et la Très Sainte Mère dans les années qu'Ils vécurent ensemble; particulièrement ceux dont je parle, quand le Maître de la Lumière l'informait de tout ce qu'Il devait faire dans la Loi de la grâce et de tout ce qui devait être compris dans ce sixième âge du monde, où la Loi de l'Évangile devait durer jusqu'à la fin; et ce qui s'est passé en mil six cent cinquante-sept ans et plus, et le reste que nous ignorons jusqu'au jour du jugement. Notre divine Reine connut tout cela à l'école de son Très Saint Fils; parce que Sa Majesté lui déclara tout et en conféra avec Elle, lui signalant les temps, les lieux, les royaumes et les provinces et ce qui devait se passer en chacune dans le cours de l'Église; et ce fut avec une si grande clarté que si cette Auguste Dame avait vécu ensuite en chair mortelle, Elle aurait connu tous les individus de la Sainte Église par leurs personnes et leurs noms, comme il arrivait avec ceux qu'Elle voyait et avec qui Elle communiqua pendant sa Vie; car lorsqu'ils arrivaient en sa présence Elle ne commençait pas à les connaître de nouveau, si ce n'est quant au sens extérieur qui correspondait à la connaissance intérieure dans laquelle Elle était déjà informée.
5, 12, 847. Lorsque la Bienheureuse Mère entendait et connaissait ces mystères dans l'intérieur de son Très Saint Fils et dans les actes de Ses puissances, Elle n'arrivait pas à pénétrer autant que la même Âme du Christ unie à la Divinité hypostatiquement et béatifiquement; parce que l'Auguste Souveraine était pure Créature, et non bienheureuse par une vision continuelle; Elle ne connaissait pas toujours non plus les espèces et la Lumière Béatifique de cette Âme Bienheureuse, excepté lorsque cette Reine jouissait aussi Elle de la claire vision de la Divinité. Mais dans les autres visions qu'Elle avait des mystères de l'Église militante, Elle connaissait les espèces imaginaires des Puissances intérieures de Notre-Seigneur Jésus-Christ et Elle connaissait aussi comment elles dépendaient de Sa Volonté très sainte et qu'Il décrétait et ordonnait toutes ces Oeuvres pour tels temps, tels lieux et telles occasions; et Elle connaissait de cette manière comment la volonté humaine du Sauveur se conformait avec la Divine, et était gouvernée par Elle en tout ce qu'Il ordonnait et disposait. Toute cette Divine harmonie s'étendait à mouvoir la volonté et le puissances de la même Reine, afin qu'Elle opérât et coopérât avec la même Volonté de son Très Saint Fils, et moyennant celle-ci avec
la Divine. Par ce moyen il y avait une similitude ineffable entre Jésus-Christ et la Très Sainte Marie, et elle concourait comme Coadjutrice dans la fabrique de la Loi de l'Évangile et de la Sainte Église.
5, 12, 848. Tous ces sacrements très occultes s'exécutaient d'ordinaire dans cet humble oratoire de la Reine où le plus grand des Mystères de l'Incarnation du Verbe divin dans son sein Virginal fut célébré; car bien qu'il fut si étroit et si pauvre qu'il consistait seulement en des murailles nues et très étroites, il renfermait néanmoins en lui toute la grandeur infinie de Celui qui est immense, et de là sortit tout ce qui a donné et ce qui donne la majesté et la déité que tous les riches temples de la terre et leurs innombrables sanctuaires ont aujourd'hui. Dans ce "sancta sanctorum" (Lév. 16: 12), le Souverain Prêtre de la nouvelle Loi, Notre-Seigneur Jésus-Christ priait d'ordinaire, et Son oraison continuelle se concluait à faire au Père des prières ferventes pour les hommes et à conférer avec Sa Mère-Vierge de toutes les Oeuvres de la Rédemption, et des riches Dons et des inestimables Trésors de grâce qu'Il préparait pour les laisser aux enfants de la Lumière et de la Sainte Église, attachés dans cette Église dans le Nouveau Testament. Il demandait souvent au Père Éternel que les péchés des hommes et leur très dure ingratitude ne fussent pas une cause pour empêcher leur rédemption; et comme le Christ avait toujours également prévus et présents dans sa Science les péchés du genre humain et la damnation de tant d'âmes ingrates envers ce Bienfait; et la pensée qu'Il devait mourir pour eux mit toujours le Verbe fait chair dans une grande agonie et L'obligea souvent à suer le sang. Et quoique les Évangélistes n'en fassent mention qu'une seule fois (Luc 22: 44) avant la Passion, parce qu'ils n'écrivirent pas tous les événements de Sa très Sainte Vie, il n'y a pas de doute qu'Il eut cette sueur de Sang plusieurs fois et que Sa Très Sainte Mère le vit. C'est ce qui m'a été déclaré en certaines intelligences.
5, 12, 849. La posture en laquelle notre Maître Bien-aimé priait était parfois agenouillé, d'autres fois prosterné et en forme de Croix, d'autres fois en l'air dans la même posture qu'Il aimait beaucoup. Il avait coutume de dire en priant et en présence de Sa Mère: «O Croix très fortunée, quand Me trouverai-Je dans tes bras et recevras-tu les Miens, afin qu'élevés en toi, ils soient ouverts pour recevoir tous les pécheurs. Et en effet, si Je suis descendu du Ciel pour les appeler (Matt. 9: 12) au chemin de Mon imitation et de Ma participation, ils sont toujours ouverts pour
les embrasser et les enrichir tous. Venez donc, vous tous qui êtes aveugles à la Lumière. Venez, pauvres, aux Trésors de Ma grâce. Venez, enfants, aux caresses et aux tendresses de votre Père véritable. Venez, affligés et fatigués (Matt. 11: 28), car Je vous soulagerai et vous rafraîchirai. Venez, justes, car vous êtes Ma possession et Mon héritage. Venez tous, enfants d'Adam, car Je vous appelle tous (1 Tim. 2: 4). Je suis la Voie (Jean 14: 6), la Vérité et la Vie, et Je ne la refuserai à personne, si vous voulez la recevoir. O mon Père Éternel, ce sont des ouvrages de Vos mains (Ps. 137: , ne les méprisez pas, car je m'offre pour eux à la Mort de la Croix pour Vous les remettre justifiés et libres, s'ils le veulent, et restitués au giron de Vos élus et de Votre royaume Céleste, où Votre Nom soit glorifié.»
5, 12, 850. La pieuse Mère se trouvait présente à cela et dans la pureté de Son âme comme dans un cristal sans tache se reflétait la Lumière de Son Fils unique; et comme écho de Ses voix intérieures et extérieures Elle les répétait et les imitait en tout, accompagnant le Sauveur dans Ses oraisons et Ses prières et dans la même posture qu'Il les faisait. Lorsque la grande Reine Le vit pour la première fois suer le Sang Elle demeura le Coeur transpercé de douleur comme amoureuse Mère, et dans la stupéfaction de l'effet que les péchés des hommes et leur ingratitude prévue causaient en Notre-Seigneur Jésus-Christ, car la divine Mère connaissait tout, et avec une douloureuse angoisse, tournée vers les mortels, Elle leur disait: «O enfants des hommes, que vous comprenez peu combien le Créateur estime en vous Son image et Sa ressemblance; puisqu'Il offre Son propre Sang pour le prix de votre rachat et Il fait plus compte de vous que de le répandre! Oh! si je tenais votre volonté dans la mienne pour vous réduire à Son amour et à Son obéissance! Bénis soient de Sa droite les justes et les reconnaissants, qui doivent être de fidèles enfants de leur Père. Qu'ils soient remplis de Sa Lumière et des Trésors de Sa grâce ceux qui doivent correspondre aux désirs ardents de mon Seigneur, pour leur donner leur Salut Éternel. Oh! puisse-je être l'humble Esclave des enfants d'Adam pour les obliger, en les servant, à mettre un terme à leurs péchés et à leur propre perte! Mon Seigneur et mon Maître, Vie et Lumière de mon âme, qui aura le coeur assez dur et assez ennemi de soi-même pour ne point se reconnaître obligé et enchaîné par Vos bienfaits? Qui sera assez ingrat et assez méconnaissant pour ignorer Votre très ardent Amour? Comment mon Coeur souffrira-t-il que les hommes si bénéficiés de Vos mains soient si rebelles et si grossiers? O enfants d'Adam, tournez votre impiété inhumaine contre moi. Affligez-moi et méprisez-moi pourvu que vous payiez à mon Maître chéri l'amour
et la révérence que vous devez aux délicatesses de Son Amour. O mon Fils et mon Seigneur, Vous êtes Lumière de Lumière, le Fils du Père Éternel, la Figure (Héb. 1: 3) de Sa Substance, aussi éternel et aussi infini que Lui, égal en l'Essence et les Attributs du côté par lequel Vous êtes avec Lui un seul Dieu (Jean 10: 30) et une seule suprême Majesté. Vous êtes choisi entre mille (Cant. 5: 10), très beau entre les enfants des hommes, Saint, Innocent et sans aucun défaut, comment donc, ô Bien Éternel, les mortels ignorent-ils le très noble Objet de leur amour? Le Principe qui leur donna l'être, et la Fin en laquelle consiste leur félicité véritable? Oh! si je pouvais donner ma Vie afin que tous sortissent de leur erreur!»
5, 12, 851. La divine Dame ajoutait plusieurs autres raisons à celle-ci dans la connaissance desquelles mon coeur et ma langue défaillent pour expliquer les affections si ardentes qu'avait cette Colombe très candide; et avec cet amour et cette révérence très profonde Elle essuyait le Sang qui couvrait le Visage de son Très Doux Fils. D'autres fois Elle Le trouvait en une disposition différente et contraire, rempli de gloire et de splendeur, transfiguré comme Il le fut ensuite sur le Thabor (Matt. 17: 2) et accompagné d'une grande multitude d'Anges en formes humaines qui L'adoraient et qui chantaient avec des voix douces et sonores des hymnes et des cantiques nouveaux de louange au Fils Unique du Père fait homme. Et notre Souveraine entendait ces musiques célestes et d'autres fois Elle y assistait, quoique notre Sauveur Jésus-Christ ne fût pas transfiguré; parce que la Volonté Divine ordonnait en certaines occasions que la partie sensitive de l'Humanité du Verbe reçut ce soulagement, comme en d'autres fois Il L'avait transfiguré par la redondance de la gloire de l'Âme qui se communiquait au Corps, quoique ce fût assez rare. Mais lorsque la divine Mère Le trouvait dans cette forme glorieuse, ou lorsqu'Elle entendait les musiques des Anges, Elle participait avec tant d'abondance à cette jubilation et à ce délice céleste que si son esprit n'eût pas été si robuste et si son propre Fils et son Seigneur ne l'eût pas confortée, toutes ses forces naturelles eussent défailli; et les saints Anges aussi la confortaient dans les défaillances corporelles qu'Elle avait coutume d'éprouver en de telles circonstances.
5, 12, 852. Il arrivait souvent que son Très Saint Fils étant en quelqu'une de ces dispositions d'angoisse ou de joie priant Son Père Éternel et comme conférant des Mystères très sublimes de la Rédemption, la même Personne du Père Lui
répondait, approuvant ou concédant ce que Son Fils demandait pour le remède des hommes, ou représentant à l'Humanité très sainte les décrets cachés de la prédestination ou de la réprobation et de la condamnation de quelques-uns. Notre grande Reine et Souveraine comprenait et entendait tout cela et Elle s'humiliait jusqu'à terre. Elle adorait le Tout-Puissant avec une crainte révérencielle incomparable et Elle accompagnait son Fils unique dans les oraisons, les prières, les remerciements qu'Il offrait au Père pour Ses grandes Oeuvres et Sa Bonté envers les hommes et Elle louait Ses Jugements inscrutables. La Très Prudente Dame conférait de tous ces Bienfaits et de tous ces Mystères dans le conseil de son sein et Elle les gardait dans les Archives de son Coeur magnanime, et Elle se servait de tout comme de foment et de matière pour conserver et embraser davantage le feu du sanctuaire qui brûlait dans son intérieur, parce qu'aucune de ces faveurs secrètes ni aucun de ces Bienfaits qu'Elle recevait ne demeuraient oisifs et sans fruits en Elle. Elle correspondait à tous selon le goût et le plus grand agrément du Seigneur. Elle donnait à tous la plénitude et la correspondance qui convenaient, afin que les Fins du Seigneur eussent leur effet et que toutes Ses Oeuvres demeurassent connues et remerciées, autant qu'il était possible d'une pure Créature.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 12, 853. Ma fille, l'une des raisons pourquoi les mortels doivent m'appeler Mère de Miséricorde, est pour l'amour pieux avec lequel je désire intimement que tous arrivent à être rassasiés du torrent de la grâce et à goûter la suavité du Seigneur (Ps. 33: 9), comme je le fis. Je les convie et les appelle tous afin qu'altérés, ils arrivent avec moi aux eaux de la Divinité. Que les plus pauvres et les plus affligés s'approchent, car s'ils me répondent et me suivent, je leur offre ma puissante protection et mon refuge, et j'intercéderai auprès de mon Fils, et je leur obtiendrai la manne cachée (Apoc. 2: 17) qui leur donnera l'Aliment et la Vie. Viens, ô toi mon amie, viens et approche, ma très chère, afin que tu me suives et que tu reçoives le Nom nouveau que seul connaît celui qui Le reçoit. Élève-toi de la poussière, secoue et rejette toutes les choses terrestres et momentanées, et approche-toi des choses célestes. Refuse-toi à toi-même et à toutes les opérations de la fragilité humaine; et avec la véritable Lumière que tu as de celles que fit mon
très saint Fils et moi aussi à son imitation, contemple la beauté que le Roi suprême (Ps. 44: 12) veut et désire en toi.
5, 12, 854. Et parce que ce moyen est le plus puissant pour obtenir la perfection que tu désires et la plénitude de tes oeuvres, je veux que tu écrives dans ton coeur cet avertissement pour régler toutes tes actions; lorsque tu auras quelque oeuvre intérieure ou extérieure à faire, avant que de l'exécuter confère avec toi-même si mon Fils et moi nous eussions fait ce que tu vas dire ou faire, et avec quelle intention si droite nous l'eussions ordonnée à la gloire du Très-Haut et au bien du prochain; et si tu connais que nous le faisions, ou que nous l'eussions fait avec cette fin, exécute-le pour nous imiter; mais si tu entends le contraire, suspends-le et ne le fais pas, car j'eus cette attention envers mon Seigneur et mon Maître, quoique je n'eusse pas de contradiction comme toi pour le bien; mais je désirais L'imiter très parfaitement; et dans cette imitation consiste la participation fructueuse de Sa sainteté, parce qu'Il enseigne et oblige en tout le plus parfait et le plus agréable à Dieu. Outre cela je t'avertis que dès aujourd'hui, tu ne dois faire aucune oeuvre, tu ne dois point parler ni accepter aucune pensée sans me demander permission avant que de te déterminer, conférant de cette oeuvre avec moi qui suis ta Mère et Maîtresse; et si je te réponds, tu en rendras grâces au Seigneur, et si je ne te réponds pas et que tu persévères dans cette fidélité, je t'assure et te promets de la part du Seigneur de te donner la Lumière de ce qui sera le plus conforme à Sa Très Parfaite Volonté; mais exécute le tout avec l'obéissance de tes pères spirituels, et n'oublie jamais cet exercice.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 13
Marie accomplit ses trente-trois ans et son corps Virginal demeure dans cette disposition; et Elle dispose comment sustenter par son travail son Très Saint Fils et Joseph.
5, 13, 855. Notre grande Reine et Maîtresse s'occupait dans les mystères et les exercices Divins que j'ai plus insinués que déclarés jusqu'à présent, spécialement après que son Très Saint Fils eut passé Ses douze ans. Le temps s'écoula et notre Sauveur ayant accompli les dix-huit ans de son adolescence selon le compte de Son Incarnation et de Sa Naissance qui a été fait plus haut [a], Sa Bienheureuse Mère arrive à accomplir les trente-trois ans de son âge parfait et juvénile; et je l'appelle ainsi parce que selon les parties dans lesquelles l'âge des hommes est communément divisé, que ce soit six ou sept, celui de trente-trois ans est celui de leur perfection et de leur développement naturel et il appartient à la fin de la jeunesse, comme les uns disent, ou à son commencement, comme d'autres comptent, mais quelle que soit la division des âges, trente-trois ans est le terme de la perfection naturelle dans laquelle la créature demeure très peu; parce qu'aussitôt la nature corruptible commence à décliner, car Elle ne demeure jamais en un même état, comme la lune en arrivant au point de son plein (Job 14: 2). A ce déclin depuis l'âge moyen, non seulement le corps ne croît plus en grandeur; mais quoiqu'il reçoive quelque augmentation dans la profondeur et la grosseur, ce n'est pas une augmentation de perfection, au contraire, c'est d'ordinaire un vice de la nature [b. Pour cette raison, Notre-Seigneur Jésus-Christ mourut ayant accompli l'âge de trente-trois ans; parce que Son très ardent Amour voulut attendre que Son Corps sacré arrivât au terme de Sa perfection et de Sa vigueur naturelle et en tout proportionné pour offrir pour nous Sa Très Sainte Humanité avec tous les dons de nature et de grâce; non que celle-ci crût en Lui, mais afin que la nature y correspondît et qu'il n'y manquât rien à donner et à sacrifier pour le genre humain. Pour cette même raison, il est dit que le Très-Haut créa nos premiers parents Adam et Eve dans la perfection qu'ils auraient eue à trente-trois ans. Néanmoins dans ce premier âge du monde et dans le second, quand la vie était plus longue, divisant les âges des hommes, en six ou sept parties, ou plus ou moins, il devait y avoir dans chacune beaucoup plus d'années que maintenant, où la vieillesse commence à soixante-dix ans d'après David (Ps. 89: 10).
5, 13, 856. L'Impératrice du Ciel arriva à trente-trois ans et dans leur accomplissement, son corps Virginal se trouva à la perfection naturelle, si proportionnée et si belle qu'Elle était l'admiration, non seulement de la nature humaine, mais même des esprits angéliques. Elle avait crû dans la taille et dans la forme de grosseur proportionnément dans tous les membres jusqu'au terme de la souveraine perfection d'une Créature humaine; et Elle demeura semblable à la Très Sainte Humanité de son Fils, lorsqu'ensuite Celle-ci fut à cet âge; et ils se ressemblaient extrêmement dans le visage et la couleur, différence gardée que le Christ était Homme très parfait et Sa Mère, avec proportion, était Femme très parfaite. Quoique le déclin et la chute de la perfection naturelle commencent régulièrement dès cet âge dans les autres mortels, parce que l'humide radical [c] et la chaleur innée défaillent quelque peu, les humeurs s'altèrent et les plus terrestres abondent, les cheveux ont coutume de commencer à blanchir, le visage à se rider, le sang à se refroidir, les forces à se débiliter quelque peu; et tout le composé humain commence à décliner vers la vieillesse et la corruption sans que l'industrie ne puisse l'empêcher du tout. Mais il n'en fut pas ainsi de la Très Sainte Mère parce que sa vigueur et sa composition admirable se conservèrent dans cette perfection et cet état qu'Elle acquit à trente-trois ans sans y rétrograder ni défaillir et lorsqu'Elle arriva à ses soixante-dix ans qu'Elle vécut, comme je le dirai en son lieu, Elle était dans la même intégrité qu'à trente-trois ans [d], et avec les mêmes forces et la même disposition de son corps Virginal.
5, 13, 857. La grande Dame connut ce bienfait et ce privilège que le Très-Haut lui accordait et elle Lui rendit grâces. Elle comprit aussi que c'était afin que la ressemblance de l'Humanité de son Très Saint Fils se conservât en Elle-même dans cette perfection de la nature, bien que ce fût avec différence dans la vie parce que le Seigneur devait la donner à cet âge et la divine Souveraine la conserver plus longtemps; mais toujours avec cette correspondance. Quoique saint Joseph ne fût pas très vieux, il était cependant très ébranlé dans les forces de son corps lorsque la Reine du monde arriva à ses trente-trois ans; parce que les soucis, les voyages et le travail continuel qu'il avait eus pour sustenter son Épouse et le Seigneur du monde les lui avaient plus affaiblies que l'âge. Et le même Seigneur qui voulait l'avancer dans l'exercice de la patience et des autres vertus, donna lieu à ce qu'il souffrît quelques maladies et quelques douleurs, comme je le dirai dans le chapitre
suivant, ce qui l'empêchait beaucoup pour le travail corporel. La Très Prudente Épouse connaissant cela, et l'ayant toujours estimé, chéri et servi plus qu'aucune autre du monde ne l'à fait pour son mari, Elle lui parla et lui dit: «Mon époux et mon seigneur, je me trouve très obligée de votre fidélité, de votre travail, de votre vigilance et des soins que vous avez toujours eus envers moi; puisque jusqu'à maintenant vous avez dépensé dans cette sollicitude vos forces et le meilleur de votre santé et de votre vie, nous protégeant, moi et mon Très Saint Fils et vraie Dieu à la sueur de votre front; vous recevrez du Très-Haut la rétribution de ces oeuvres et les bénédictions de douceurs que vous méritez (Ps. 20: 4). Je vous supplie, mon seigneur, de vous reposer maintenant du travail puisque vos forces diminuées ne le peuvent plus supporter. Je veux être reconnaissante et travailler maintenant pour votre service en ce que le Seigneur nous donnera de vie.»
5, 13, 858. Le Saint écouta les raisons de sa Très Douce Épouse, versant de très abondantes larmes de consolation et d'humble reconnaissance; et quoiqu'il fît quelques instances lui demandant de permettre qu'il continuât toujours son travail, néanmoins à la fin il se rendit à ses prières, obéissant à son Épouse, la Maîtresse du monde. Depuis lors il cessa le travail corporel de ses mains par lequel il gagnait la nourriture pour tous les Trois; et ils donnèrent en aumône les instruments de son office de charpentier, afin que rien ne fût inutile et superflu dans cette maison et cette Famille. Saint Joseph étant désormais désoccupé de ce soin, se tourna tout entier à la contemplation des mystères qu'il gardait en dépôt et à l'exercice des vertus. Comme il était en cala si heureux et si fortuné que de jouir de la vue et de la conversation de la Sagesse divine Incarné et de Celle qui était Sa Mère, l'homme de Dieu arrive à un tel comble de sainteté en ce qui le regardait lui-même, qu'après sa divine Épouse il surpassa tous les saints et il ne fut surpassé par aucun [e]. Comme la Dame du ciel Elle-même et aussi son Très Saint Fils servaient et assistaient le très fidèle Saint dans ses maladies, le consolaient et le soulageaient avec tant de ponctualité, il n'y a point de termes pour manifester les effets d'humilité, de révérence et d'amour que ce Bienfait causait dans le coeur sincère et reconnaissant de saint Joseph et ce fut sans doute un sujet de joie et d'admiration pour les esprits angéliques et d'un agrément et d'un bon plaisir suprême pour le Très-Haut.
5, 13, 859. La Souveraine du monde prit pour son compte de sustenter dès lors par son travail Son Très saint Fils et son époux, la Sagesse éternelle le disposant ainsi pour le comble de toutes sortes de vertus et de mérites, et pour l'exemple et la confusion des enfants d'Adam et d'Eve. Cette Femme Forte vêtue de force et de beauté (Prov. 31: 10) nous fut alors proposée pour modèle. A cet âge, Elle se ceignit de vaillance et Elle affermit son bras pour étendre ses mains vers les pauvres, pour acheter le champ et planter la vigne avec le fruit de ses mains. «Le coeur de son mari [paroles des Proverbes] se confia en Elle», non seulement celui de saint Joseph, mais le Coeur de son Fils vrai Dieu et vrai homme, Maître de la pauvreté et le Pauvre des pauvres, et ils ne se trouvèrent points frustrés. La grand Dame commença à travailler davantage, filant et tissant le lin, et exécutant mystérieusement tout ce que Salomon dit d'Elle dans les Proverbes, chapitre 31: et parce que j'ai déclaré ce chapitre à la fin de la première Partie, il ne me semble pas devoir le répéter maintenant quoique plusieurs des choses que j'ai dites là fussent pour cette occasion, lorsque notre Reine les opéra d'une manière spéciale, ainsi que les actions extérieures et matérielles.
5, 13, 860. Les moyens n'eussent pas manqué au Seigneur pour entretenir Sa vie humaine, celles de Sa Très Sainte Mère et de saint Joseph, puisque l'homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais Il pouvait le faire par Sa parole, comme Lui-même le dit (Matt. 4: 4). Il pouvait aussi fournir miraculeusement la nourriture; mais le monde aurait manqué de cet exemple de voir Sa Très Sainte Mère, la Maîtresse de toutes les créatures, travailler pour acquérir l'aliment et cette récompense eût manqué à la même Vierge, si Elle n'avait pas eu ces mérites. Le Maître de notre salut ordonna tout cela avec une Providence admirable pour la gloire de notre grande Reine et pour notre enseignement. La diligence et la sollicitude avec laquelle Elle subvenait prudemment à tout ne peut être expliquée par des paroles. Elle travaillait beaucoup; et comme Elle gardait toujours la retraite, la très heureuse femme sa voisine dont j'ai parlé d'autres fois, l'assistait; elle emportait les ouvrages de l'Auguste Dame et lui rapportait le nécessaire. Lorsqu'Elle lui disait ce qu'elle devait faire ou apporter, ce n'était jamais en commandant, mais en la priant et le lui demandant avec une humilité souveraine, s'enquérant d'abord de sa volonté; et pour le connaître d'abord Elle lui disait si elle le voulait ou si elle aurait du plaisir à le faire. La diligente Dame dormait peu, et Elle passait quelquefois une grande partie de la nuit dans le travail et le Seigneur le permettait plus que lorsqu'Elle était en Egypte, comme je l'ai dit alors [f].
Quelquefois le travail et le labeur ne suffisaient point pour se procurer tout ce qui était nécessaire; parce que saint Joseph avait besoin de plus de délicatesse que pour le reste de leur vie et de leur vêtement. Alors la Puissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ multipliait les choses qu'il y avait dans la maison, ou Il commandait aux Anges de les apporter; mais Il exerçait le plus souvent ces merveilles envers Sa Très Sainte Mère, disposant qu'Elle travaillât beaucoup en peu de temps, et que ses ouvrages se multipliassent entre ses mains.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 13, 861. Ma fille, tu as compris une Doctrine très sublime pour ton gouvernement et mon imitation en ce que tu as écrit de mon travail; et afin que tu ne l'oublies pas du tout je te la réduirai à ces documents. Je veux que tu m'imites en trois vertus que tu as reconnu que j'avais en ce que tu as écrit: la Prudence, la Charité et la Justice, vertus auxquelles les mortels réfléchissent peu. Par la Prudence tu dois prévenir les nécessités de ton prochain et la manière de les secourir qui est possible à ton état. Par la Charité tu dois te mouvoir amoureusement et diligemment à y porter remède. La Justice t'enseigne que c'est une obligation d'en agir ainsi, puisque tu le désirerais pour toi et que le nécessiteux le désire. Tes yeux doivent être pour celui qui n'en a point (Job 39: 15); tes mains doivent servir à travailler pour celui qui est manchot. Et quoique tu doives exercer cette Doctrine quant au spirituel selon ton état, néanmoins je veux que tu l'entendes aussi quant au temporel, et qu'en tout tu sois fidèle à m'imiter: puisque je prévins la nécessité de mon époux et que je me disposai à le servir et à le nourrir, jugeant que je le devais; et je le fis avec une ardente Charité par le moyen de mon travail jusqu'à ce qu'il mourût. Et quoique le Seigneur me l'eût donné afin qu'il me sustentât moi-même, et qu'il le fît avec une fidélité souveraine tout le temps qu'il en eut les forces; néanmoins quand elles lui manquèrent cette obligation me touchait, puisque le Seigneur me donnait de telles forces; et d'eût été un grand manquement de n'y point correspondre avec tendresse et avec Charité.
5, 13, 862. Les enfants de l'Église ne considèrent point cet exemple; et il s'est ainsi introduit parmi eux une perversité impie qui incline grandement le juste
Juge à les châtier sévèrement: puisque tous les mortels naissent pour travailler (Job 5: 7), non seulement depuis le péché, quand ils l'ont mérité pour leur châtiment: mais même depuis la création du premier homme (Gen. 2: 15), le travail n'est pas réparti entre tous, car les plus puissants et les plus riches et ceux que le monde appelle seigneurs et nobles: tous tâchent de s'exempter de cette Loi commune et font en sorte que le travail tombe sur les humbles et les pauvres de la république: et que ceux-ci soutiennent par leur propre sueur le faste et l'orgueil des riches; le faible et le débile sert le fort et le puissant. Cette perversité est si forte en plusieurs orgueilleux qu'ils arrivent à penser que ce service leur est dû; et avec cette opinion, ils les foulent aux pieds, les oppriment et les méprisent (Jac. 2: 6); et ils présument qu'eux seuls vivent pour eux-mêmes et pour jouir de l'oisiveté et des délices du monde et de leurs biens, et ils ne leur payent pas le pauvre salaire de leur travail. Dans cette matière de ne point satisfaire les pauvres et les serviteurs et le reste que tu as connu en cela, tu pourrais écrire de très graves méchancetés qui se font contre l'Ordre et la Volonté du Très-Haut; mais il suffit de savoir que comme ils pervertissent la Justice et la raison et ne veulent point participer au travail des hommes de même aussi sera changé pour eux l'Ordre de la Miséricorde qui sera accordée aux petits et aux méprisés (Sag. 6: 7); et ceux que l'orgueil aura retenus dans leur lourde oisiveté seront châtiés avec les démons qu'ils auront imités.
5, 13, 863. Ma très chère fille, sois attentive pour reconnaître cette erreur, et que ton travail ainsi que mon exemple soient toujours devant toi; éloigne-toi des enfants de Bélial (2 Par. 13: 7) qui cherchent dans l'oisiveté l'applaudissement de la vanité pour travailler en vain (Ps. 4: 3). Ne te juge pas abbesse ni supérieure, mais esclave de tes inférieures et spécialement des plus faibles et des plus humbles, et sois la servante diligente de toutes sans distinction. Secours-les en travaillant pour les nourrir, s'il était nécessaire, et tu dois comprendre que cela te regarde, non seulement comme abbesse, mais aussi parce que la religieuse est ta soeur, fille de ton Père céleste et ouvrage du Seigneur qui est ton époux. Ayant plus reçu de Sa main libérale tu es aussi plus obligée à travailler qu'aucune autre puisque tu le méritais moins. Soulage les infirmes et les faibles du travail corporel et prends-le à leur place. Je ne veux pas seulement que tu ne charges point les autres du travail que tu peux soutenir et qui te regarde, mais au contraire, charge sur tes épaules autant qu'il te sera possible celui de tes soeurs comme étant la moindre de toutes et leur servante, comme je veux que tu le comprennes et que tu
le croies. Et parce qu'il ne t'est pas possible de le faire tout et qu'il convient que tu distribues les travaux corporels à tes inférieures; fais attention à l'égalité et à l'ordre en cela, ne chargeant pas celles qui résistent le moins par humilité ou qui sont les plus faibles; je veux au contraire que tu prennes soin d'humilier celles qui seront plus hautaines et plus superbes et qui s'appliquent au travail de mauvais gré; mais que ce soit sans les irriter par beaucoup de rigueur; au contraire tu dois obliger par une humble prudence et une douce sévérité les tièdes et celles qui sont d'humeur difficile à entrer sous le joug de la sainte obéissance, et en cela tu leur rends le plus grand service possible et tu satisfais à ta conscience et à ton obligation et c'est ce que tu dois tâcher de leur faire entendre. Tu l'obtiendras si tu ne fais point acception des personnes et si tu donnes à chacune le travail qu'elle peut faire, ce qu'il lui faut et ce qui lui est nécessaire pour elle-même; et cela avec équité et égalité, les obligeant et les contraignant à abhorrer l'oisiveté et la paresse en te voyant travailler la première en ce qui est le plus difficile. Avec cela tu acquerras une humble liberté pour les commander; mais ce que tu peux faire ne le commande à personne, afin de jouir du fruit et de la récompense de ton travail à mon imitation, et en obéissant à mes avertissements et à mes ordres.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 13, [a]. Livre 3, No. 138; Livre 4, No. 475.
5, 13, [b]. En cela tous les physiologistes s'accordent avec la Vénérable Marie d'Agreda.
5, 13, [c]. Expressions des anciens sanitaires. Saint Thomas en parle [I p., q. 119, a. 1, 2, 3]. Lachat ajoute: "Humide radical" ainsi appelé, comme racine et fondement de la vie, lequel manquant la vie manque: ou radical comme principe inné du corps, comme racine de l'arbre, qui nourrit la vie de celui-ci, l'augmente, le
conserve. De là les médecins l'appellent "primigenium", qui a été produit le premier; et ils le comparent avec l'huile qui étant infuse nourrit les lampes et étant répandue elles s'éteignent. [Introduc. Sum. S. Thom.].
5, 13, [d]. Si Dieu accorda un pareil privilège à Sara, femme d'Abraham, comme on le voit dans la Sainte Écriture et comme le vante saint Jean Chrysostôme, [in 12 Gen., hom. 32], et s'il fut accordé à d'autres saintes, comme à sainte Aselle qui était pour cela la merveille de Rome, comme écrit saint Jérôme dans la vie de sainte Aselle, combien plus devons-nous admettre que Dieu l'ait concédé à Sa Très Sainte Mère qui fut privilégiée au-dessus de toutes les créatures!
5, 13, [e]. Notre saint Père Pie X a confirmé ce que dit ici notre Vénérable en décernant à saint Joseph le culte de "protodulie", c'est-à-dire le reconnaissant au-dessus de tous les autres saints, après la Très Sainte Vierge à qui appartient le culte de "hyperdulie".
5, 13, [f]. Livre 4, No. 658.
Marie accomplit ses trente-trois ans et son corps Virginal demeure dans cette disposition; et Elle dispose comment sustenter par son travail son Très Saint Fils et Joseph.
5, 13, 855. Notre grande Reine et Maîtresse s'occupait dans les mystères et les exercices Divins que j'ai plus insinués que déclarés jusqu'à présent, spécialement après que son Très Saint Fils eut passé Ses douze ans. Le temps s'écoula et notre Sauveur ayant accompli les dix-huit ans de son adolescence selon le compte de Son Incarnation et de Sa Naissance qui a été fait plus haut [a], Sa Bienheureuse Mère arrive à accomplir les trente-trois ans de son âge parfait et juvénile; et je l'appelle ainsi parce que selon les parties dans lesquelles l'âge des hommes est communément divisé, que ce soit six ou sept, celui de trente-trois ans est celui de leur perfection et de leur développement naturel et il appartient à la fin de la jeunesse, comme les uns disent, ou à son commencement, comme d'autres comptent, mais quelle que soit la division des âges, trente-trois ans est le terme de la perfection naturelle dans laquelle la créature demeure très peu; parce qu'aussitôt la nature corruptible commence à décliner, car Elle ne demeure jamais en un même état, comme la lune en arrivant au point de son plein (Job 14: 2). A ce déclin depuis l'âge moyen, non seulement le corps ne croît plus en grandeur; mais quoiqu'il reçoive quelque augmentation dans la profondeur et la grosseur, ce n'est pas une augmentation de perfection, au contraire, c'est d'ordinaire un vice de la nature [b. Pour cette raison, Notre-Seigneur Jésus-Christ mourut ayant accompli l'âge de trente-trois ans; parce que Son très ardent Amour voulut attendre que Son Corps sacré arrivât au terme de Sa perfection et de Sa vigueur naturelle et en tout proportionné pour offrir pour nous Sa Très Sainte Humanité avec tous les dons de nature et de grâce; non que celle-ci crût en Lui, mais afin que la nature y correspondît et qu'il n'y manquât rien à donner et à sacrifier pour le genre humain. Pour cette même raison, il est dit que le Très-Haut créa nos premiers parents Adam et Eve dans la perfection qu'ils auraient eue à trente-trois ans. Néanmoins dans ce premier âge du monde et dans le second, quand la vie était plus longue, divisant les âges des hommes, en six ou sept parties, ou plus ou moins, il devait y avoir dans chacune beaucoup plus d'années que maintenant, où la vieillesse commence à soixante-dix ans d'après David (Ps. 89: 10).
5, 13, 856. L'Impératrice du Ciel arriva à trente-trois ans et dans leur accomplissement, son corps Virginal se trouva à la perfection naturelle, si proportionnée et si belle qu'Elle était l'admiration, non seulement de la nature humaine, mais même des esprits angéliques. Elle avait crû dans la taille et dans la forme de grosseur proportionnément dans tous les membres jusqu'au terme de la souveraine perfection d'une Créature humaine; et Elle demeura semblable à la Très Sainte Humanité de son Fils, lorsqu'ensuite Celle-ci fut à cet âge; et ils se ressemblaient extrêmement dans le visage et la couleur, différence gardée que le Christ était Homme très parfait et Sa Mère, avec proportion, était Femme très parfaite. Quoique le déclin et la chute de la perfection naturelle commencent régulièrement dès cet âge dans les autres mortels, parce que l'humide radical [c] et la chaleur innée défaillent quelque peu, les humeurs s'altèrent et les plus terrestres abondent, les cheveux ont coutume de commencer à blanchir, le visage à se rider, le sang à se refroidir, les forces à se débiliter quelque peu; et tout le composé humain commence à décliner vers la vieillesse et la corruption sans que l'industrie ne puisse l'empêcher du tout. Mais il n'en fut pas ainsi de la Très Sainte Mère parce que sa vigueur et sa composition admirable se conservèrent dans cette perfection et cet état qu'Elle acquit à trente-trois ans sans y rétrograder ni défaillir et lorsqu'Elle arriva à ses soixante-dix ans qu'Elle vécut, comme je le dirai en son lieu, Elle était dans la même intégrité qu'à trente-trois ans [d], et avec les mêmes forces et la même disposition de son corps Virginal.
5, 13, 857. La grande Dame connut ce bienfait et ce privilège que le Très-Haut lui accordait et elle Lui rendit grâces. Elle comprit aussi que c'était afin que la ressemblance de l'Humanité de son Très Saint Fils se conservât en Elle-même dans cette perfection de la nature, bien que ce fût avec différence dans la vie parce que le Seigneur devait la donner à cet âge et la divine Souveraine la conserver plus longtemps; mais toujours avec cette correspondance. Quoique saint Joseph ne fût pas très vieux, il était cependant très ébranlé dans les forces de son corps lorsque la Reine du monde arriva à ses trente-trois ans; parce que les soucis, les voyages et le travail continuel qu'il avait eus pour sustenter son Épouse et le Seigneur du monde les lui avaient plus affaiblies que l'âge. Et le même Seigneur qui voulait l'avancer dans l'exercice de la patience et des autres vertus, donna lieu à ce qu'il souffrît quelques maladies et quelques douleurs, comme je le dirai dans le chapitre
suivant, ce qui l'empêchait beaucoup pour le travail corporel. La Très Prudente Épouse connaissant cela, et l'ayant toujours estimé, chéri et servi plus qu'aucune autre du monde ne l'à fait pour son mari, Elle lui parla et lui dit: «Mon époux et mon seigneur, je me trouve très obligée de votre fidélité, de votre travail, de votre vigilance et des soins que vous avez toujours eus envers moi; puisque jusqu'à maintenant vous avez dépensé dans cette sollicitude vos forces et le meilleur de votre santé et de votre vie, nous protégeant, moi et mon Très Saint Fils et vraie Dieu à la sueur de votre front; vous recevrez du Très-Haut la rétribution de ces oeuvres et les bénédictions de douceurs que vous méritez (Ps. 20: 4). Je vous supplie, mon seigneur, de vous reposer maintenant du travail puisque vos forces diminuées ne le peuvent plus supporter. Je veux être reconnaissante et travailler maintenant pour votre service en ce que le Seigneur nous donnera de vie.»
5, 13, 858. Le Saint écouta les raisons de sa Très Douce Épouse, versant de très abondantes larmes de consolation et d'humble reconnaissance; et quoiqu'il fît quelques instances lui demandant de permettre qu'il continuât toujours son travail, néanmoins à la fin il se rendit à ses prières, obéissant à son Épouse, la Maîtresse du monde. Depuis lors il cessa le travail corporel de ses mains par lequel il gagnait la nourriture pour tous les Trois; et ils donnèrent en aumône les instruments de son office de charpentier, afin que rien ne fût inutile et superflu dans cette maison et cette Famille. Saint Joseph étant désormais désoccupé de ce soin, se tourna tout entier à la contemplation des mystères qu'il gardait en dépôt et à l'exercice des vertus. Comme il était en cala si heureux et si fortuné que de jouir de la vue et de la conversation de la Sagesse divine Incarné et de Celle qui était Sa Mère, l'homme de Dieu arrive à un tel comble de sainteté en ce qui le regardait lui-même, qu'après sa divine Épouse il surpassa tous les saints et il ne fut surpassé par aucun [e]. Comme la Dame du ciel Elle-même et aussi son Très Saint Fils servaient et assistaient le très fidèle Saint dans ses maladies, le consolaient et le soulageaient avec tant de ponctualité, il n'y a point de termes pour manifester les effets d'humilité, de révérence et d'amour que ce Bienfait causait dans le coeur sincère et reconnaissant de saint Joseph et ce fut sans doute un sujet de joie et d'admiration pour les esprits angéliques et d'un agrément et d'un bon plaisir suprême pour le Très-Haut.
5, 13, 859. La Souveraine du monde prit pour son compte de sustenter dès lors par son travail Son Très saint Fils et son époux, la Sagesse éternelle le disposant ainsi pour le comble de toutes sortes de vertus et de mérites, et pour l'exemple et la confusion des enfants d'Adam et d'Eve. Cette Femme Forte vêtue de force et de beauté (Prov. 31: 10) nous fut alors proposée pour modèle. A cet âge, Elle se ceignit de vaillance et Elle affermit son bras pour étendre ses mains vers les pauvres, pour acheter le champ et planter la vigne avec le fruit de ses mains. «Le coeur de son mari [paroles des Proverbes] se confia en Elle», non seulement celui de saint Joseph, mais le Coeur de son Fils vrai Dieu et vrai homme, Maître de la pauvreté et le Pauvre des pauvres, et ils ne se trouvèrent points frustrés. La grand Dame commença à travailler davantage, filant et tissant le lin, et exécutant mystérieusement tout ce que Salomon dit d'Elle dans les Proverbes, chapitre 31: et parce que j'ai déclaré ce chapitre à la fin de la première Partie, il ne me semble pas devoir le répéter maintenant quoique plusieurs des choses que j'ai dites là fussent pour cette occasion, lorsque notre Reine les opéra d'une manière spéciale, ainsi que les actions extérieures et matérielles.
5, 13, 860. Les moyens n'eussent pas manqué au Seigneur pour entretenir Sa vie humaine, celles de Sa Très Sainte Mère et de saint Joseph, puisque l'homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais Il pouvait le faire par Sa parole, comme Lui-même le dit (Matt. 4: 4). Il pouvait aussi fournir miraculeusement la nourriture; mais le monde aurait manqué de cet exemple de voir Sa Très Sainte Mère, la Maîtresse de toutes les créatures, travailler pour acquérir l'aliment et cette récompense eût manqué à la même Vierge, si Elle n'avait pas eu ces mérites. Le Maître de notre salut ordonna tout cela avec une Providence admirable pour la gloire de notre grande Reine et pour notre enseignement. La diligence et la sollicitude avec laquelle Elle subvenait prudemment à tout ne peut être expliquée par des paroles. Elle travaillait beaucoup; et comme Elle gardait toujours la retraite, la très heureuse femme sa voisine dont j'ai parlé d'autres fois, l'assistait; elle emportait les ouvrages de l'Auguste Dame et lui rapportait le nécessaire. Lorsqu'Elle lui disait ce qu'elle devait faire ou apporter, ce n'était jamais en commandant, mais en la priant et le lui demandant avec une humilité souveraine, s'enquérant d'abord de sa volonté; et pour le connaître d'abord Elle lui disait si elle le voulait ou si elle aurait du plaisir à le faire. La diligente Dame dormait peu, et Elle passait quelquefois une grande partie de la nuit dans le travail et le Seigneur le permettait plus que lorsqu'Elle était en Egypte, comme je l'ai dit alors [f].
Quelquefois le travail et le labeur ne suffisaient point pour se procurer tout ce qui était nécessaire; parce que saint Joseph avait besoin de plus de délicatesse que pour le reste de leur vie et de leur vêtement. Alors la Puissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ multipliait les choses qu'il y avait dans la maison, ou Il commandait aux Anges de les apporter; mais Il exerçait le plus souvent ces merveilles envers Sa Très Sainte Mère, disposant qu'Elle travaillât beaucoup en peu de temps, et que ses ouvrages se multipliassent entre ses mains.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 13, 861. Ma fille, tu as compris une Doctrine très sublime pour ton gouvernement et mon imitation en ce que tu as écrit de mon travail; et afin que tu ne l'oublies pas du tout je te la réduirai à ces documents. Je veux que tu m'imites en trois vertus que tu as reconnu que j'avais en ce que tu as écrit: la Prudence, la Charité et la Justice, vertus auxquelles les mortels réfléchissent peu. Par la Prudence tu dois prévenir les nécessités de ton prochain et la manière de les secourir qui est possible à ton état. Par la Charité tu dois te mouvoir amoureusement et diligemment à y porter remède. La Justice t'enseigne que c'est une obligation d'en agir ainsi, puisque tu le désirerais pour toi et que le nécessiteux le désire. Tes yeux doivent être pour celui qui n'en a point (Job 39: 15); tes mains doivent servir à travailler pour celui qui est manchot. Et quoique tu doives exercer cette Doctrine quant au spirituel selon ton état, néanmoins je veux que tu l'entendes aussi quant au temporel, et qu'en tout tu sois fidèle à m'imiter: puisque je prévins la nécessité de mon époux et que je me disposai à le servir et à le nourrir, jugeant que je le devais; et je le fis avec une ardente Charité par le moyen de mon travail jusqu'à ce qu'il mourût. Et quoique le Seigneur me l'eût donné afin qu'il me sustentât moi-même, et qu'il le fît avec une fidélité souveraine tout le temps qu'il en eut les forces; néanmoins quand elles lui manquèrent cette obligation me touchait, puisque le Seigneur me donnait de telles forces; et d'eût été un grand manquement de n'y point correspondre avec tendresse et avec Charité.
5, 13, 862. Les enfants de l'Église ne considèrent point cet exemple; et il s'est ainsi introduit parmi eux une perversité impie qui incline grandement le juste
Juge à les châtier sévèrement: puisque tous les mortels naissent pour travailler (Job 5: 7), non seulement depuis le péché, quand ils l'ont mérité pour leur châtiment: mais même depuis la création du premier homme (Gen. 2: 15), le travail n'est pas réparti entre tous, car les plus puissants et les plus riches et ceux que le monde appelle seigneurs et nobles: tous tâchent de s'exempter de cette Loi commune et font en sorte que le travail tombe sur les humbles et les pauvres de la république: et que ceux-ci soutiennent par leur propre sueur le faste et l'orgueil des riches; le faible et le débile sert le fort et le puissant. Cette perversité est si forte en plusieurs orgueilleux qu'ils arrivent à penser que ce service leur est dû; et avec cette opinion, ils les foulent aux pieds, les oppriment et les méprisent (Jac. 2: 6); et ils présument qu'eux seuls vivent pour eux-mêmes et pour jouir de l'oisiveté et des délices du monde et de leurs biens, et ils ne leur payent pas le pauvre salaire de leur travail. Dans cette matière de ne point satisfaire les pauvres et les serviteurs et le reste que tu as connu en cela, tu pourrais écrire de très graves méchancetés qui se font contre l'Ordre et la Volonté du Très-Haut; mais il suffit de savoir que comme ils pervertissent la Justice et la raison et ne veulent point participer au travail des hommes de même aussi sera changé pour eux l'Ordre de la Miséricorde qui sera accordée aux petits et aux méprisés (Sag. 6: 7); et ceux que l'orgueil aura retenus dans leur lourde oisiveté seront châtiés avec les démons qu'ils auront imités.
5, 13, 863. Ma très chère fille, sois attentive pour reconnaître cette erreur, et que ton travail ainsi que mon exemple soient toujours devant toi; éloigne-toi des enfants de Bélial (2 Par. 13: 7) qui cherchent dans l'oisiveté l'applaudissement de la vanité pour travailler en vain (Ps. 4: 3). Ne te juge pas abbesse ni supérieure, mais esclave de tes inférieures et spécialement des plus faibles et des plus humbles, et sois la servante diligente de toutes sans distinction. Secours-les en travaillant pour les nourrir, s'il était nécessaire, et tu dois comprendre que cela te regarde, non seulement comme abbesse, mais aussi parce que la religieuse est ta soeur, fille de ton Père céleste et ouvrage du Seigneur qui est ton époux. Ayant plus reçu de Sa main libérale tu es aussi plus obligée à travailler qu'aucune autre puisque tu le méritais moins. Soulage les infirmes et les faibles du travail corporel et prends-le à leur place. Je ne veux pas seulement que tu ne charges point les autres du travail que tu peux soutenir et qui te regarde, mais au contraire, charge sur tes épaules autant qu'il te sera possible celui de tes soeurs comme étant la moindre de toutes et leur servante, comme je veux que tu le comprennes et que tu
le croies. Et parce qu'il ne t'est pas possible de le faire tout et qu'il convient que tu distribues les travaux corporels à tes inférieures; fais attention à l'égalité et à l'ordre en cela, ne chargeant pas celles qui résistent le moins par humilité ou qui sont les plus faibles; je veux au contraire que tu prennes soin d'humilier celles qui seront plus hautaines et plus superbes et qui s'appliquent au travail de mauvais gré; mais que ce soit sans les irriter par beaucoup de rigueur; au contraire tu dois obliger par une humble prudence et une douce sévérité les tièdes et celles qui sont d'humeur difficile à entrer sous le joug de la sainte obéissance, et en cela tu leur rends le plus grand service possible et tu satisfais à ta conscience et à ton obligation et c'est ce que tu dois tâcher de leur faire entendre. Tu l'obtiendras si tu ne fais point acception des personnes et si tu donnes à chacune le travail qu'elle peut faire, ce qu'il lui faut et ce qui lui est nécessaire pour elle-même; et cela avec équité et égalité, les obligeant et les contraignant à abhorrer l'oisiveté et la paresse en te voyant travailler la première en ce qui est le plus difficile. Avec cela tu acquerras une humble liberté pour les commander; mais ce que tu peux faire ne le commande à personne, afin de jouir du fruit et de la récompense de ton travail à mon imitation, et en obéissant à mes avertissements et à mes ordres.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 13, [a]. Livre 3, No. 138; Livre 4, No. 475.
5, 13, [b]. En cela tous les physiologistes s'accordent avec la Vénérable Marie d'Agreda.
5, 13, [c]. Expressions des anciens sanitaires. Saint Thomas en parle [I p., q. 119, a. 1, 2, 3]. Lachat ajoute: "Humide radical" ainsi appelé, comme racine et fondement de la vie, lequel manquant la vie manque: ou radical comme principe inné du corps, comme racine de l'arbre, qui nourrit la vie de celui-ci, l'augmente, le
conserve. De là les médecins l'appellent "primigenium", qui a été produit le premier; et ils le comparent avec l'huile qui étant infuse nourrit les lampes et étant répandue elles s'éteignent. [Introduc. Sum. S. Thom.].
5, 13, [d]. Si Dieu accorda un pareil privilège à Sara, femme d'Abraham, comme on le voit dans la Sainte Écriture et comme le vante saint Jean Chrysostôme, [in 12 Gen., hom. 32], et s'il fut accordé à d'autres saintes, comme à sainte Aselle qui était pour cela la merveille de Rome, comme écrit saint Jérôme dans la vie de sainte Aselle, combien plus devons-nous admettre que Dieu l'ait concédé à Sa Très Sainte Mère qui fut privilégiée au-dessus de toutes les créatures!
5, 13, [e]. Notre saint Père Pie X a confirmé ce que dit ici notre Vénérable en décernant à saint Joseph le culte de "protodulie", c'est-à-dire le reconnaissant au-dessus de tous les autres saints, après la Très Sainte Vierge à qui appartient le culte de "hyperdulie".
5, 13, [f]. Livre 4, No. 658.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 14
Les afflictions et les maladies dont souffrit saint Joseph dans les dernières années de sa vie; et comment la Reine du Ciel son Épouse le servait.
5, 14, 864. C'est une commune inadvertance de nous tous qui fûmes appelés à la Lumière et à la profession de la sainte Foi, à l'école et à la suite de Notre-Seigneur Jésus-Christ de Le chercher comme notre Rédempteur et non pas tant comme Maître des afflictions (Luc 24: 26). Nous cherchons tous à jouir du fruit de la Réparation et de la Rédemption humaine et que les portes de la grâce et de la
gloire nous soient ouvertes; mais nous ne sommes pas si soigneux de Le suivre dans le chemin de la Croix par où Il entra dans la sienne et Il nous convia à chercher la nôtre (Matt. 16: 24). Et quoique nous, les Catholiques nous ne soyons pas à ce sujet dans l'erreur insensée des hérétiques, parce que nous confessons que sans oeuvres et sans travail il n'y a point de récompense et de couronne (2 Tim. 2: 5), et que c'est un blasphème très sacrilège de nous servir de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour pécher sans crainte et sans frein: néanmoins avec toute cette vérité, dans la pratique des oeuvres qui correspondent à la Foi, certains Catholiques, enfants de la Sainte Église, veulent se distinguer bien peu de ceux qui sont dans les ténèbres, puisqu'ils fuient les oeuvres pénibles et méritoires comme s'ils croyaient que sans elles ils peuvent suivre leur Maître et arriver à être participants de Sa gloire.
5, 14, 865. Sortons de cette erreur pratique et comprenons bien que la souffrance ne fut pas seulement pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais aussi pour nous; et que s'Il souffrit la mort et les travaux comme Rédempteur du monde, Il fut aussi un Maître qui nous enseigna et nous convia à porter sa croix et Il la communiqua à Ses amis, de manière qu'au plus privilégié Il donna un plus grand motif et une plus grande part dans la souffrance, et nul n'entra dans le Ciel s'il put le mériter, sans le mériter par ses oeuvres: et depuis Sa Très Sainte Mère et les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs et les Vierges, tous cheminèrent par les travaux, et celui qui se dispose davantage à souffrir, a une couronne et une récompense plus abondante. Et parce que le Seigneur même étant l'Exemplaire le plus vif et le plus admirable, nous avons la témérité et l'audace de dire que s'Il souffrit comme homme Il était conjointement Dieu puissant et véritable, et qu'Il le fit plus pour l'admiration de la faiblesse humaine que pour Son imitation; Sa Majesté vient à l'encontre de cette excuse par l'exemple de Sa Mère, notre Très Pure et Très Innocente Reine, et par celui de Son très saint époux, ainsi que celui de tant d'hommes et de femmes faibles et débiles comme nous, qui L'imitèrent et Le suivirent avec moins de péchés que nous, par le chemin de la Croix; parce que le Seigneur ne souffrit pas seulement pour notre admiration, mais pour être un exemple admirable que nous imitions; et Il n'était pas empêché de souffrir et de sentir les travaux parce qu'Il était vrai Dieu; au contraire étant innocent et irrépréhensible Sa douleur fut plus grande et Ses peines plus sensibles.
5, 14, 866. Notre Seigneur Jésus-Christ mena par ce chemin royal des afflictions l'époux de Sa Très Sainte Mère, Joseph, que Sa Majesté aimait au-dessus de tous les enfants des hommes; et pour accroître ses mérites et sa couronne avant que s'achevât le temps de la mériter, Il lui donna dans les dernières années de sa vie certaines maladies de fièvres et de véhémentes et très sensibles douleurs de tête et des jointures du corps qui l'affligèrent et l'exténuèrent beaucoup; outre cela il eut une autre manière de souffrir plus douce, mais très douloureuse qui lui résultait de la force de l'amour très ardent qu'il avait; cet amour était tel qu'il avait souvent des extases et des vols si forts et si impétueux que son très pur esprit eût rompu les chaînes de son corps si le même Seigneur qui les lui donnait ne l'eut assisté en lui donnant la vertu et les forces pour ne point défaillir par la douleur. Mais dans cette douce violence sa Majesté le laissait souffrir jusqu'à son temps; et à cause de la faiblesse naturelle d'un corps si exténué et si débilité, cet exercice venait à être d'une mérite incomparable pour l'heureux Saint, non seulement dans les effets de douleur qu'il souffrit, mais aussi dans la cause de l'amour d'où ils lui résultaient.
5, 14, 867. Notre grande Reine, son Épouse, était témoin de tous ces mystères; et comme je l'ai dit en d'autres endroits [a] Elle connaissait l'intérieur de saint Joseph, afin qu'Elle ne fut pas privée de la joie d'avoir un époux si saint et si aimé du Seigneur. Elle regardait et pénétrait la candeur et la pureté de cet âme, ses affections enflammées, ses hautes et divines pensées, la patience et la mansuétude de colombe qui ornaient son coeur dans les douleurs et les infirmités, leur gravité et leur poids; et qu'il ne se plaignait ni ne soupirait jamais ni pour ces infirmités ni pour d'autres afflictions; il ne demandait pas non plus de soulagement dans la faiblesse et la nécessité qu'il souffrait; car le grand Patriarch supportait tout avec une patience et une grandeur d'âme admirables. Mais la Très Prudente Épouse était attentive à tout et Elle y donnait le poids et la digne estime et ainsi Elle vint à avoir tant de vénération pour saint Joseph qu'on ne peut l'expliquer par aucune expression. Elle travaillait avec une joie incroyable pour le sustenter et le régaler, quoique le plus grand des régals était de lui préparer et de lui servir les aliments savoureux de ses Virginal et saintes mains; et comme tout paraissait peu de chose à la divine Dame eu égard à la nécessité de son époux et en comparaison moindre que l'amour qu'elle avait pour lui; Elle avait coutume d'user de sa Puissance de Reine et de Maîtresse de toutes les créatures et avec cette Puissance Elle commandait quelquefois aux aliments qu'Elle préparait pour son saint malade de
lui donner une vertu et une force spéciale et aussi de la saveur au goût, puisque c'était pour conserver la vie du Saint, le Juste et l'Élu du Très-Haut.
5, 14, 868. Tout arrivait selon le commandement de la grande Reine, car toutes les créatures lui obéissaient et lorsque saint Joseph prenait l'aliment qui portait ces bénédictions de douceur et qu'il sentait ces effets, il avait coutume de dire à la Reine: «Madame et mon Épouse, quel aliment et quelle nourriture de vie est celle-ci qui me vivifie de la sorte, qui récrée le goût, restaure les forces et remplit tout mon esprit et mon intérieur d'une joie nouvelle.» L'Impératrice du Ciel lui servait à manger à genoux; et lorsqu'il était plus empêché et plus souffrant Elle le déchaussait dans la même posture et dans ses faiblesses Elle le soutenait dans ses bras. Et quoique l'humble saint Joseph tâchât de s'efforcer beaucoup et d'éviter à son Épouse quelques-uns de ces travaux, il ne lui était pas possible de l'en empêcher à cause de la connaissance qu'Elle avait de toutes les douleurs et de toute la faiblesse du plus heureux des hommes; Elle savait aussi l'heure, le temps et les occasions de le secourir: et la divine Infirmière accourait aussitôt et Elle veillait à tout ce dont son malade avait besoin. Elle lui disait aussi plusieurs raisons d'un soulagement et d'une consolation singulière comme Maîtresse de la Sagesse et des Vertus. Dans les trois dernières années de la vie du Saint, lorsque ses infirmités s'aggravèrent davantage, la Reine l'assistait jour et nuit, n'y manquant que lorsqu'Elle s'occupait à servir et à assister son Très Saint Fils, bien que le même Seigneur l'accompagnât et l'aidât aussi à servir le saint époux, sauf lorsqu'il était nécessaire d'accourir à d'autres Oeuvres. Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de malade si bien servi, si bien assisté et si caressé. Tels furent les mérites et la bonne fortune de l'homme de Dieu Joseph; parce que lui seul mérita d'avoir pour Épouse Celle-là même qui fut l'Épouse de l'Esprit-Saint.
5, 14, 869. La divine Dame ne satisfaisait pas encore sa propre piété envers saint Joseph en le servant comme j'ai dit; mais Elle cherchait d'autres moyens pour le soulager et le consoler. Parfois Elle demandait au Seigneur avec une piété très ardente de lui donner à Elle-même les douleurs que son époux souffrait et de l'en soulager. Pour cela Elle se réputait digne et méritante de toutes les afflictions des créatures, comme leur étant inférieure; et c'était ce que la Mère et la Maîtresse de la sainteté alléguait en présence du Très-Haut; et Elle représentait sa dette plus grande que celle de tous les vivants et qu'Elle ne Lui donnait point le digne retour
qu'Elle Lui devait; mais Elle offrait son Coeur préparé à toutes sortes d'afflictions et de douleurs. Elle alléguait aussi la sainteté de saint Joseph, sa pureté, sa candeur et les délices que le Seigneur prenait dans ce coeur conforme à celui de Sa Majesté. Elle demandait beaucoup de bénédictions pour lui et Elle rendait des actions de grâces reconnaissantes pour avoir créé un homme si digne de Ses faveurs, si rempli de sainteté et de droiture. Elle conviait les Anges à Le louer et à L'exalter pour lui: et considérant la gloire et la Sagesse du Très-Haut dans Ses Oeuvres, Elle le bénissait avec de nouveaux cantiques parce qu'Elle regardait d'un côté les peines et les douleurs de son époux bien-aimé, et pour cela Elle compatissait et s'affligeait; et d'un autre côté Elle connaissait ses mérites et la complaisance que le Seigneur y prenait, Elle se réjouissait dans la patience du Saint, puis Elle exaltait le Seigneur. Au milieu de toutes ces oeuvres et des connaissances qu'Elle en avait, la divine Dame exécutait diverses actions et opérations des vertus qui appartenaient à chacune; mais toutes dans un degré si sublime et si éminent qu'Elle causait de l'admiration aux esprits angéliques. Elle aurait pu en occasionner une plus grande à l'ignorance des mortels de voir une Créature humaine donner la plénitude à tant de choses ensemble et que la sollicitude de Marthe ne s'opposât point à la contemplation (Luc 10: 41-42) et au loisir de Marie; s'assimilant en cela aux Anges et aux sublimes esprits qui nous assistent et qui nous gardent sans perdre de vue le Très-Haut (Matt. 18: 10): mais la Très Pure Marie les surpassait dans l'attention à Dieu et jointe à cela Elle travaillait avec les sens corporels dont ils étaient privés: étant fille d'Adam terrestre Elle était esprit Céleste, étant dans la partie supérieure de l'âme dans les hauteurs et l'exercice des vertus et par la partie inférieure, exerçant envers son saint époux.
5, 14, 870. Il arrivait parfois que la pieuse Reine connaissait l'acerbité et la rigueur des graves souffrances que son époux saint Joseph souffrait, et mue d'une tendre compassion Elle demandait la permission à son Très Saint Fils avec une grande humilité de commander aux accidents douloureux et à leurs causes naturelles de suspendre leur activité et de ne point tant affliger le Juste, le Bien-Aimé du Seigneur. Toutes les créatures obéissant à leur grande Reine, le saint époux demeurait avec ce soulagement quelquefois pendant tout un jour et d'autres fois plus, pour recommencer à souffrir de nouveau quand le Seigneur l'ordonnait. En d'autres occasions, Elle commandait aussi aux saints Anges, comme étant leur Reine, non avec empire, mais en priant, de consoler saint Joseph et de l'animer
dans ses douleurs et ses afflictions, comme la condition fragile de la chair le demandait. Avec cet ordre les Anges se manifestaient à l'heureux malade en forme humaine visible, pleins de beauté et de splendeur, et ils lui parlaient de la Divinité et de Ses Perfections infinies. Parfois ils lui faisaient une musique céleste et avec des voix très douces et très harmonieuses ils lui chantaient des hymnes et des cantiques Divins, avec quoi ils le confortaient dans son corps et ils embrasaient l'amour de son âme très pure. Pour le comble de la sainteté et de la jubilation de cet heureux mortel, il avait une connaissance et une Lumière spéciales, non seulement de ces Bienfaits et de ces faveurs si Divines, mais de la sainteté de sa Virginale Épouse, de l'amour qu'Elle avait pour lui, de la Charité intérieure avec laquelle Elle le traitait et le servait, ainsi que d'autres excellences et d'autres prérogatives de la grande Souveraine du monde. Tout cela ensemble causait de tels effets à saint Joseph et le réduisait à un tel état de mérite qu'aucune langue ne peut l'expliquer, ni aucun entendement humain ne peut le concevoir ni le comprendre en la vie mortelle.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 14, 871. Ma fille, l'une des oeuvres vertueuses les plus agréables au Seigneur et les plus fructueuses pour les âmes est l'exercice de la charité envers les malades; parce qu'avec lui on accomplie une grande partie de cette Loi naturelle que chacun fasse envers son frère ce qu'il désire que l'on fasse envers lui. Dans l'Évangile, on pose cette raison comme l'une de celles que le Seigneur alléguera pour donner la récompense aux justes et le non-accomplissement de cette Loi se pose pour une (Matt. 25: 37) des causes de la condamnation des réprouvés; et là la raison en est donnée; parce que tous les hommes sont enfants d'un même Père céleste, pour cela Sa Majesté répute comme un bienfait ou un tort fait à Lui-même le bienfait ou le tort fait à ses enfants qui Le représentent, comme il arrive parmi les mortels. Et outre ce lien de fraternité, tu en as d'autres envers les religieuses, car tu es leur mère et elles sont les épouses de Jésus-Christ, mon Très Saint Fils et mon Seigneur comme toi, et elles ont reçu de Lui moins de Bienfaits. De manière
qu'ayant plus de titres tu es obligée de les servir et de prendre soin d'elles dans leurs infirmités; et pour cela je t'ai commandé en un autre endroit de te juger l'infirmière de toutes, comme la moindre et la plus obligée; et je veux que tu te montres très reconnaissante de ce commandement; parce que je te donne en cela un office aussi estimable qu'il est grand dans la maison du Seigneur. Pour l'accomplir, ne charge personne de faire ce que tu peux accomplir par toi-même pour le service des malades. Et ce que tu ne peux faire à cause d'autres occupations de ton office d'abbesse, recommande-le et confie-le avec instances à celles qui sont chargées de ce ministère par l'obéissance. Outre l'accomplissement en tout cela de la charité commune, il y a une autre raison pour que les religieuses soient assistées dans leurs infirmités avec tout le soin et la ponctualité possibles; de peur qu'affligées dans le besoin, elles ne tournent les yeux et le coeur vers le monde, et qu'elles se souviennent de la maison de leurs pères. Crois que par ce chemin il entre de graves dommages dans les communautés religieuses; parce que la nature humaine est si rebelle à la souffrance que lorsqu'elle en est opprimée, si ce qui lui est dû lui manque, elle se jette dans les plus grands précipices.
5, 14, 872. Et afin de réussir dans la pratique et l'exécution de cette Doctrine, la charité que j'ai montrée envers mon époux Joseph dans ses infirmités te servira de stimulant et de miroir pour tout cela. La charité et même l'urbanité qui attend que le nécessiteux demande ce qui lui manque est très tardive. Je n'attendais pas cela, parce que j'accourais avant que l'on me demandât le nécessaire; et mon affection et ma connaissance prévenaient la demande, et ainsi je le consolais non seulement par le bienfait, mais aussi par mon attention et mon affection si soigneuses. Je ressentais ses douleurs et ses afflictions avec une compassion intime; mais joint à cela je louais le Très-Haut et je Lui rendais grâces pour le bienfait qu'il faisait à Son serviteur. Si quelquefois je tâchais de le soulager, ce n'était pas pour lui ôter l'occasion de souffrir; mais afin qu'il s'animât davantage par ce secours et qu'il glorifiât l'Auteur de tout ce qui est bon et saint; et je l'exhortais et l'animais à ces vertus. On doit exercer une vertu si noble avec une semblable délicatesse, prévenant la nécessité du faible et de l'infirme autant que possible, l'animant par la compassion et l'exhortation, lui désirant ce bien sans qu'il perde le plus grand de souffrir. Que l'amour sensible ne te trouble pas lorsque tes soeurs sont malades, lors même que ce serait celles dont tu as le plus besoin ou que tu aimes davantage; parce que plusieurs âmes dans le monde et la religion perdent en cela le mérite de l'affliction, car sous couler de compassion, la
douleur les décompose quand elles voient leurs amis ou leurs proches malades ou en danger; et elles veulent corriger en quelque manière les Oeuvres du Seigneur en ne s'y conformant point. Je leur ai donné l'exemple pour tout et je veux de toi que tu m'imites parfaitement en suivant mes traces.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 14, [a]. Livre 3, No. 368; Livre 4, Nos. 381, 394, 404.
Les afflictions et les maladies dont souffrit saint Joseph dans les dernières années de sa vie; et comment la Reine du Ciel son Épouse le servait.
5, 14, 864. C'est une commune inadvertance de nous tous qui fûmes appelés à la Lumière et à la profession de la sainte Foi, à l'école et à la suite de Notre-Seigneur Jésus-Christ de Le chercher comme notre Rédempteur et non pas tant comme Maître des afflictions (Luc 24: 26). Nous cherchons tous à jouir du fruit de la Réparation et de la Rédemption humaine et que les portes de la grâce et de la
gloire nous soient ouvertes; mais nous ne sommes pas si soigneux de Le suivre dans le chemin de la Croix par où Il entra dans la sienne et Il nous convia à chercher la nôtre (Matt. 16: 24). Et quoique nous, les Catholiques nous ne soyons pas à ce sujet dans l'erreur insensée des hérétiques, parce que nous confessons que sans oeuvres et sans travail il n'y a point de récompense et de couronne (2 Tim. 2: 5), et que c'est un blasphème très sacrilège de nous servir de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour pécher sans crainte et sans frein: néanmoins avec toute cette vérité, dans la pratique des oeuvres qui correspondent à la Foi, certains Catholiques, enfants de la Sainte Église, veulent se distinguer bien peu de ceux qui sont dans les ténèbres, puisqu'ils fuient les oeuvres pénibles et méritoires comme s'ils croyaient que sans elles ils peuvent suivre leur Maître et arriver à être participants de Sa gloire.
5, 14, 865. Sortons de cette erreur pratique et comprenons bien que la souffrance ne fut pas seulement pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais aussi pour nous; et que s'Il souffrit la mort et les travaux comme Rédempteur du monde, Il fut aussi un Maître qui nous enseigna et nous convia à porter sa croix et Il la communiqua à Ses amis, de manière qu'au plus privilégié Il donna un plus grand motif et une plus grande part dans la souffrance, et nul n'entra dans le Ciel s'il put le mériter, sans le mériter par ses oeuvres: et depuis Sa Très Sainte Mère et les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs et les Vierges, tous cheminèrent par les travaux, et celui qui se dispose davantage à souffrir, a une couronne et une récompense plus abondante. Et parce que le Seigneur même étant l'Exemplaire le plus vif et le plus admirable, nous avons la témérité et l'audace de dire que s'Il souffrit comme homme Il était conjointement Dieu puissant et véritable, et qu'Il le fit plus pour l'admiration de la faiblesse humaine que pour Son imitation; Sa Majesté vient à l'encontre de cette excuse par l'exemple de Sa Mère, notre Très Pure et Très Innocente Reine, et par celui de Son très saint époux, ainsi que celui de tant d'hommes et de femmes faibles et débiles comme nous, qui L'imitèrent et Le suivirent avec moins de péchés que nous, par le chemin de la Croix; parce que le Seigneur ne souffrit pas seulement pour notre admiration, mais pour être un exemple admirable que nous imitions; et Il n'était pas empêché de souffrir et de sentir les travaux parce qu'Il était vrai Dieu; au contraire étant innocent et irrépréhensible Sa douleur fut plus grande et Ses peines plus sensibles.
5, 14, 866. Notre Seigneur Jésus-Christ mena par ce chemin royal des afflictions l'époux de Sa Très Sainte Mère, Joseph, que Sa Majesté aimait au-dessus de tous les enfants des hommes; et pour accroître ses mérites et sa couronne avant que s'achevât le temps de la mériter, Il lui donna dans les dernières années de sa vie certaines maladies de fièvres et de véhémentes et très sensibles douleurs de tête et des jointures du corps qui l'affligèrent et l'exténuèrent beaucoup; outre cela il eut une autre manière de souffrir plus douce, mais très douloureuse qui lui résultait de la force de l'amour très ardent qu'il avait; cet amour était tel qu'il avait souvent des extases et des vols si forts et si impétueux que son très pur esprit eût rompu les chaînes de son corps si le même Seigneur qui les lui donnait ne l'eut assisté en lui donnant la vertu et les forces pour ne point défaillir par la douleur. Mais dans cette douce violence sa Majesté le laissait souffrir jusqu'à son temps; et à cause de la faiblesse naturelle d'un corps si exténué et si débilité, cet exercice venait à être d'une mérite incomparable pour l'heureux Saint, non seulement dans les effets de douleur qu'il souffrit, mais aussi dans la cause de l'amour d'où ils lui résultaient.
5, 14, 867. Notre grande Reine, son Épouse, était témoin de tous ces mystères; et comme je l'ai dit en d'autres endroits [a] Elle connaissait l'intérieur de saint Joseph, afin qu'Elle ne fut pas privée de la joie d'avoir un époux si saint et si aimé du Seigneur. Elle regardait et pénétrait la candeur et la pureté de cet âme, ses affections enflammées, ses hautes et divines pensées, la patience et la mansuétude de colombe qui ornaient son coeur dans les douleurs et les infirmités, leur gravité et leur poids; et qu'il ne se plaignait ni ne soupirait jamais ni pour ces infirmités ni pour d'autres afflictions; il ne demandait pas non plus de soulagement dans la faiblesse et la nécessité qu'il souffrait; car le grand Patriarch supportait tout avec une patience et une grandeur d'âme admirables. Mais la Très Prudente Épouse était attentive à tout et Elle y donnait le poids et la digne estime et ainsi Elle vint à avoir tant de vénération pour saint Joseph qu'on ne peut l'expliquer par aucune expression. Elle travaillait avec une joie incroyable pour le sustenter et le régaler, quoique le plus grand des régals était de lui préparer et de lui servir les aliments savoureux de ses Virginal et saintes mains; et comme tout paraissait peu de chose à la divine Dame eu égard à la nécessité de son époux et en comparaison moindre que l'amour qu'elle avait pour lui; Elle avait coutume d'user de sa Puissance de Reine et de Maîtresse de toutes les créatures et avec cette Puissance Elle commandait quelquefois aux aliments qu'Elle préparait pour son saint malade de
lui donner une vertu et une force spéciale et aussi de la saveur au goût, puisque c'était pour conserver la vie du Saint, le Juste et l'Élu du Très-Haut.
5, 14, 868. Tout arrivait selon le commandement de la grande Reine, car toutes les créatures lui obéissaient et lorsque saint Joseph prenait l'aliment qui portait ces bénédictions de douceur et qu'il sentait ces effets, il avait coutume de dire à la Reine: «Madame et mon Épouse, quel aliment et quelle nourriture de vie est celle-ci qui me vivifie de la sorte, qui récrée le goût, restaure les forces et remplit tout mon esprit et mon intérieur d'une joie nouvelle.» L'Impératrice du Ciel lui servait à manger à genoux; et lorsqu'il était plus empêché et plus souffrant Elle le déchaussait dans la même posture et dans ses faiblesses Elle le soutenait dans ses bras. Et quoique l'humble saint Joseph tâchât de s'efforcer beaucoup et d'éviter à son Épouse quelques-uns de ces travaux, il ne lui était pas possible de l'en empêcher à cause de la connaissance qu'Elle avait de toutes les douleurs et de toute la faiblesse du plus heureux des hommes; Elle savait aussi l'heure, le temps et les occasions de le secourir: et la divine Infirmière accourait aussitôt et Elle veillait à tout ce dont son malade avait besoin. Elle lui disait aussi plusieurs raisons d'un soulagement et d'une consolation singulière comme Maîtresse de la Sagesse et des Vertus. Dans les trois dernières années de la vie du Saint, lorsque ses infirmités s'aggravèrent davantage, la Reine l'assistait jour et nuit, n'y manquant que lorsqu'Elle s'occupait à servir et à assister son Très Saint Fils, bien que le même Seigneur l'accompagnât et l'aidât aussi à servir le saint époux, sauf lorsqu'il était nécessaire d'accourir à d'autres Oeuvres. Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de malade si bien servi, si bien assisté et si caressé. Tels furent les mérites et la bonne fortune de l'homme de Dieu Joseph; parce que lui seul mérita d'avoir pour Épouse Celle-là même qui fut l'Épouse de l'Esprit-Saint.
5, 14, 869. La divine Dame ne satisfaisait pas encore sa propre piété envers saint Joseph en le servant comme j'ai dit; mais Elle cherchait d'autres moyens pour le soulager et le consoler. Parfois Elle demandait au Seigneur avec une piété très ardente de lui donner à Elle-même les douleurs que son époux souffrait et de l'en soulager. Pour cela Elle se réputait digne et méritante de toutes les afflictions des créatures, comme leur étant inférieure; et c'était ce que la Mère et la Maîtresse de la sainteté alléguait en présence du Très-Haut; et Elle représentait sa dette plus grande que celle de tous les vivants et qu'Elle ne Lui donnait point le digne retour
qu'Elle Lui devait; mais Elle offrait son Coeur préparé à toutes sortes d'afflictions et de douleurs. Elle alléguait aussi la sainteté de saint Joseph, sa pureté, sa candeur et les délices que le Seigneur prenait dans ce coeur conforme à celui de Sa Majesté. Elle demandait beaucoup de bénédictions pour lui et Elle rendait des actions de grâces reconnaissantes pour avoir créé un homme si digne de Ses faveurs, si rempli de sainteté et de droiture. Elle conviait les Anges à Le louer et à L'exalter pour lui: et considérant la gloire et la Sagesse du Très-Haut dans Ses Oeuvres, Elle le bénissait avec de nouveaux cantiques parce qu'Elle regardait d'un côté les peines et les douleurs de son époux bien-aimé, et pour cela Elle compatissait et s'affligeait; et d'un autre côté Elle connaissait ses mérites et la complaisance que le Seigneur y prenait, Elle se réjouissait dans la patience du Saint, puis Elle exaltait le Seigneur. Au milieu de toutes ces oeuvres et des connaissances qu'Elle en avait, la divine Dame exécutait diverses actions et opérations des vertus qui appartenaient à chacune; mais toutes dans un degré si sublime et si éminent qu'Elle causait de l'admiration aux esprits angéliques. Elle aurait pu en occasionner une plus grande à l'ignorance des mortels de voir une Créature humaine donner la plénitude à tant de choses ensemble et que la sollicitude de Marthe ne s'opposât point à la contemplation (Luc 10: 41-42) et au loisir de Marie; s'assimilant en cela aux Anges et aux sublimes esprits qui nous assistent et qui nous gardent sans perdre de vue le Très-Haut (Matt. 18: 10): mais la Très Pure Marie les surpassait dans l'attention à Dieu et jointe à cela Elle travaillait avec les sens corporels dont ils étaient privés: étant fille d'Adam terrestre Elle était esprit Céleste, étant dans la partie supérieure de l'âme dans les hauteurs et l'exercice des vertus et par la partie inférieure, exerçant envers son saint époux.
5, 14, 870. Il arrivait parfois que la pieuse Reine connaissait l'acerbité et la rigueur des graves souffrances que son époux saint Joseph souffrait, et mue d'une tendre compassion Elle demandait la permission à son Très Saint Fils avec une grande humilité de commander aux accidents douloureux et à leurs causes naturelles de suspendre leur activité et de ne point tant affliger le Juste, le Bien-Aimé du Seigneur. Toutes les créatures obéissant à leur grande Reine, le saint époux demeurait avec ce soulagement quelquefois pendant tout un jour et d'autres fois plus, pour recommencer à souffrir de nouveau quand le Seigneur l'ordonnait. En d'autres occasions, Elle commandait aussi aux saints Anges, comme étant leur Reine, non avec empire, mais en priant, de consoler saint Joseph et de l'animer
dans ses douleurs et ses afflictions, comme la condition fragile de la chair le demandait. Avec cet ordre les Anges se manifestaient à l'heureux malade en forme humaine visible, pleins de beauté et de splendeur, et ils lui parlaient de la Divinité et de Ses Perfections infinies. Parfois ils lui faisaient une musique céleste et avec des voix très douces et très harmonieuses ils lui chantaient des hymnes et des cantiques Divins, avec quoi ils le confortaient dans son corps et ils embrasaient l'amour de son âme très pure. Pour le comble de la sainteté et de la jubilation de cet heureux mortel, il avait une connaissance et une Lumière spéciales, non seulement de ces Bienfaits et de ces faveurs si Divines, mais de la sainteté de sa Virginale Épouse, de l'amour qu'Elle avait pour lui, de la Charité intérieure avec laquelle Elle le traitait et le servait, ainsi que d'autres excellences et d'autres prérogatives de la grande Souveraine du monde. Tout cela ensemble causait de tels effets à saint Joseph et le réduisait à un tel état de mérite qu'aucune langue ne peut l'expliquer, ni aucun entendement humain ne peut le concevoir ni le comprendre en la vie mortelle.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 14, 871. Ma fille, l'une des oeuvres vertueuses les plus agréables au Seigneur et les plus fructueuses pour les âmes est l'exercice de la charité envers les malades; parce qu'avec lui on accomplie une grande partie de cette Loi naturelle que chacun fasse envers son frère ce qu'il désire que l'on fasse envers lui. Dans l'Évangile, on pose cette raison comme l'une de celles que le Seigneur alléguera pour donner la récompense aux justes et le non-accomplissement de cette Loi se pose pour une (Matt. 25: 37) des causes de la condamnation des réprouvés; et là la raison en est donnée; parce que tous les hommes sont enfants d'un même Père céleste, pour cela Sa Majesté répute comme un bienfait ou un tort fait à Lui-même le bienfait ou le tort fait à ses enfants qui Le représentent, comme il arrive parmi les mortels. Et outre ce lien de fraternité, tu en as d'autres envers les religieuses, car tu es leur mère et elles sont les épouses de Jésus-Christ, mon Très Saint Fils et mon Seigneur comme toi, et elles ont reçu de Lui moins de Bienfaits. De manière
qu'ayant plus de titres tu es obligée de les servir et de prendre soin d'elles dans leurs infirmités; et pour cela je t'ai commandé en un autre endroit de te juger l'infirmière de toutes, comme la moindre et la plus obligée; et je veux que tu te montres très reconnaissante de ce commandement; parce que je te donne en cela un office aussi estimable qu'il est grand dans la maison du Seigneur. Pour l'accomplir, ne charge personne de faire ce que tu peux accomplir par toi-même pour le service des malades. Et ce que tu ne peux faire à cause d'autres occupations de ton office d'abbesse, recommande-le et confie-le avec instances à celles qui sont chargées de ce ministère par l'obéissance. Outre l'accomplissement en tout cela de la charité commune, il y a une autre raison pour que les religieuses soient assistées dans leurs infirmités avec tout le soin et la ponctualité possibles; de peur qu'affligées dans le besoin, elles ne tournent les yeux et le coeur vers le monde, et qu'elles se souviennent de la maison de leurs pères. Crois que par ce chemin il entre de graves dommages dans les communautés religieuses; parce que la nature humaine est si rebelle à la souffrance que lorsqu'elle en est opprimée, si ce qui lui est dû lui manque, elle se jette dans les plus grands précipices.
5, 14, 872. Et afin de réussir dans la pratique et l'exécution de cette Doctrine, la charité que j'ai montrée envers mon époux Joseph dans ses infirmités te servira de stimulant et de miroir pour tout cela. La charité et même l'urbanité qui attend que le nécessiteux demande ce qui lui manque est très tardive. Je n'attendais pas cela, parce que j'accourais avant que l'on me demandât le nécessaire; et mon affection et ma connaissance prévenaient la demande, et ainsi je le consolais non seulement par le bienfait, mais aussi par mon attention et mon affection si soigneuses. Je ressentais ses douleurs et ses afflictions avec une compassion intime; mais joint à cela je louais le Très-Haut et je Lui rendais grâces pour le bienfait qu'il faisait à Son serviteur. Si quelquefois je tâchais de le soulager, ce n'était pas pour lui ôter l'occasion de souffrir; mais afin qu'il s'animât davantage par ce secours et qu'il glorifiât l'Auteur de tout ce qui est bon et saint; et je l'exhortais et l'animais à ces vertus. On doit exercer une vertu si noble avec une semblable délicatesse, prévenant la nécessité du faible et de l'infirme autant que possible, l'animant par la compassion et l'exhortation, lui désirant ce bien sans qu'il perde le plus grand de souffrir. Que l'amour sensible ne te trouble pas lorsque tes soeurs sont malades, lors même que ce serait celles dont tu as le plus besoin ou que tu aimes davantage; parce que plusieurs âmes dans le monde et la religion perdent en cela le mérite de l'affliction, car sous couler de compassion, la
douleur les décompose quand elles voient leurs amis ou leurs proches malades ou en danger; et elles veulent corriger en quelque manière les Oeuvres du Seigneur en ne s'y conformant point. Je leur ai donné l'exemple pour tout et je veux de toi que tu m'imites parfaitement en suivant mes traces.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 14, [a]. Livre 3, No. 368; Livre 4, Nos. 381, 394, 404.
sga- MEDIATEUR
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 15
Du très heureux trépas de saint Joseph et ce qui y arriva: et Jésus notre Sauveur et la Très Sainte Marie Notre-Dame L'assistèrent.
5, 15, 873. Il y avait déjà huit ans que les infirmités et les maladies du plus que fortuné saint Joseph l'exerçaient, en purifiant chaque jour davantage son généreux esprit dans le creuset de la patience et de l'Amour divin et les années croissant aussi avec les accidents, ses faibles forces allaient en diminuant, le corps en défaillant et le terme inévitable de la vie en s'approchant, terme où l'on paye le commun tribut de la mort que nous devons tous, les enfants d'Adam (Héb. 9: 27); le soin et la sollicitude de sa divine Épouse et notre Reine à l'assister et à le servir avec une ponctualité inviolable croissait aussi: la Très Aimante Dame, connaissant par sa rare prudence que la dernière heure ou le dernier jour de son très chaste époux pour sortir de ce long exil était (Ps. 112: déjà très proche, alla en présence de son Très Saint Fils et elle Lui parla disant: «Seigneur et Dieu très haut, Fils du Père Éternel et Sauveur du monde, le temps déterminé par Votre
Volonté Éternelle pour la mort de Votre Serviteur Joseph s'approche, comme je le connais dans Votre divine Lumière. Je Vous supplie par Vos anciennes Miséricordes et Votre Bonté infinie que le Puissant bras de Votre Majesté l'assiste en cette heure, afin que sa mort soit précieuse à vos yeux comme la droiture de sa vie Vous fut si agréable; afin qu'il s'en aille en paix avec l'espérance certaine des récompenses éternelles, pour le jour où Votre bonté ouvrira les ports des Cieux à tous les croyants. Souvenez-Vous, mon Fils, de l'amour et de l'humilité de Votre Serviteur; du comble de ses mérites et de ses vertus; de sa fidélité et de sa sollicitude envers moi, et que ce Juste nous alimenta, Votre Grandeur et moi, à la sueur de son visage.»
5, 15, 874. Notre Sauveur lui répondit: «Ma Mère, vos demandes sont acceptables à Mon bon plaisir et les mérites de Joseph sont en Ma Présence. Je l'assisterai maintenant et Je lui assignerai une place et un siège en son temps parmi les Princes de Mon peuple (Ps. 112: , et si éminent, que ce sera l'admiration des Anges et un motif de louanges pour eux et les hommes, et Je ne ferai pour aucune génération ce que Je ferai en faveur de Votre époux.» L'Auguste Souveraine rendit grâces à son Très Doux Fils pour cette promesse; et neuf jours avant la mort de saint Joseph, le Fils et la Mère très saints l'assistèrent nuit et jour, ne le laissant point seul sans l'un des deux. Et pendant ces neuf jours les saints Anges faisaient par le commandement du même Seigneur une musique céleste à l'heureux malade avec des cantiques de louanges du Très-Haut et des bénédictions du même Saint. Outre cela, on sentait dans toute cette humble mais inestimable maison un très doux parfum d'odeurs si admirables qu'elles confortaient non seulement le saint homme Joseph, mais tous ceux qui s'approchaient assez pour le sentir, parmi lesquels il y en eut plusieurs du dehors où il se répandait.
5, 15, 875. Un jour avant sa mort, il arriva que tout enflammé de l'Amour divin par ces Bienfaits il eut une extase très sublime qui lui dura vingt-quatre heures, le Seigneur lui conservant les forces et la vie par un secours miraculeux; et dans ce long ravissement, il vit clairement l'Essence divine et en Elle, il lui fut manifesté sans voile et sans ombre ce qu'il avait cru par la Foi, tant de la Divinité incompréhensible que du Mystère de l'Incarnation et de celui de la Rédemption des hommes, ainsi que de l'Église militante avec tous les Sacrements qui lui appartiennent. La Bienheureuse Trinité le signala et le destina pour le précurseur
de notre Sauveur Jésus-Christ auprès des saints Pères et des Prophètes des Limbes; et Il lui commanda de leur évangéliser de nouveau leur Rédempteur et de les préparer pour attendre la venue et la visite que leur ferait le même Seigneur, afin de les tirer de ce sein d'Abraham pour le repos et l'éternelle Félicité. La Très Sainte Marie connut tout cela dans l'âme de son Très Saint Fils et dans son intérieur de la même manière que d'autres mystères et comment c'était arrivé à son époux très aimant; et la grande Princesse fit de dignes actions de grâces au Seigneur pour toutes ces merveilles.
5, 15, 876. Saint Joseph revint de ce ravissement le visage rempli d'une splendeur et d'une beauté admirable, et son esprit tout déifié par la vue de l'Être de Dieu et s'adressant à sa Très Saint Épouse il lui demanda sa bénédiction et cette divine Reine pria son Très Béni Fils de la lui donner, et Sa Majesté le fit. Ensuite la grande Reine, Maîtresse de l'humilité, s'étant mise à genoux demanda à saint Joseph de la bénir aussi, comme époux et comme chef, et l'homme de Dieu non sans une impulsion Divine lui donna sa bénédiction en prenant congé d'Elle pour la consoler; et Elle lui baisa la main avec laquelle il l'avait bénie, puis Elle le pria de saluer de sa part les saints Pères des Limbes; et afin que le très humble Joseph fermât le testament de sa vie par le sceau de cette vertu d'humilité, il demanda pardon à sa digne Épouse de ce en quoi il avait manqué dans son service et son estime, comme homme faible et terrestre, la suppliant que son assistance et l'intercession de ses prières ne lui manquassent point en cette heure. Le saint époux remercia aussi son Très Saint Fils des Bienfaits qu'il avait reçus de Sa main très libérale toute sa vie et spécialement dans cette maladie; et les dernières paroles que saint Joseph dit s'adressant à son Épouse furent celles-ci: «Soyez bénie entre toutes les femmes et élue entre toutes les créatures. Que les Anges et les hommes Vous louent: que toutes les générations connaissent, magnifient et exaltent Votre dignité et que par Vous le Nom du Très-Haut soit connu, adoré et exalté pendant tous les siècles futurs et qu'Il soit loué éternellement de Vous avoir créée si agréable à Ses yeux et à ceux de tous les esprits bienheureux. J'espère jouir de Votre vue dans la céleste Patrie.»
5, 15, 877. L'homme de Dieu se tourna vers Notre-Seigneur Jésus-Christ, et en cette heure il voulut se mettre à genoux sur le sol pour parler à Sa Majesté avec une plus profonde révérence; mais le Très Doux Jésus l'approcha de Lui et le reçut
dan Ses bras, puis ayant la tête inclinée sur ces bras Divins, il dit: «Mon Seigneur et Dieu très haut, Fils du Père Éternel, Créateur et Rédempteur du monde, donnez Votre Bénédiction éternelle à Votre esclave, ouvrage de Vos mains: pardonnez, Roi très pieux, les fautes que comme indigne, j'ai commise à Votre service et dans Votre compagnie. Je Vous confesse, Vous exalte et Vous rends grâces éternellement avec un coeur soumis; parce que Votre Bonté ineffable m'a choisi parmi les hommes pour être l'époux de Votre vraie Mère; que Votre Grandeur et Votre gloire soient mon remerciement pendant toutes les éternités.» Le Rédempteur du monde lui donna Sa bénédiction et lui dit: «Mon Père, reposez en paix dans la grâce de mon Père Céleste et la Mienne; et vous donnerez à mes Prophètes et à mes Saints qui vous attendent dans les Limbes de joyeuses nouvelles de ce que leur rédemption est proche [a]. Le saint et très heureux Joseph expira à ces paroles de Jésus et dans Ses bras; et Sa Majesté lui ferma les yeux. Au même instant la multitude d'Anges qui assistaient auprès de leur suprême Roi et de leur Reine firent de doux cantiques de louanges avec des voix célestes et sonores. Ils portèrent aussitôt par le commandement de Sa Majesté la très sainte âme de saint Joseph aux Limbes des Pères et des Prophètes où tous la connurent; et elle était remplie de splendeurs de grâces incomparables, comme Père putatif du Rédempteur du monde et son grand Favori digne d'une vénération singulière; et conformément à la Volonté et au Commandement du Seigneur qu'il apportait, il causa une nouvelle allégresse dans cette innombrable congrégation de Saints, par les nouvelles qu'il leur annonça de ce que leur rachat s'approchait déjà.
5, 15, 878. On ne doit pas passer sous silence que bien que la précieuse mort de saint Joseph fut précédée d'une longue maladie et de tant de douleurs, celles-ci n'en furent pas les seules causes et les seuls accidents qu'elle eut; parce qu'avec toutes ses infirmités, le dernier terme de sa vie eût pu se prolonger naturellement davantage si les effets et les accidents que lui causait le feu très ardent de l'amour qui brûlait dans son coeur très droit ne fussent venus s'y ajouter; et afin que cette mort très heureuse fût plus un triomphe de l'amour qu'une peine des péchés, le Seigneur suspendit le concours spécial et miraculeux avec lequel il conservait les forces naturelles de Son Serviteur pour qu'elles ne fussent pas vaincues par la violence de l'amour; et ce concours manquant, la nature céda et le lien qui retenait cette âme très sainte dans les chaînes de la mortalité du corps fut rompu, notre mort consistant dans cette division. Ainsi l'amour fut sa dernière peine et la dernière de ses infirmités que j'ai déjà dites [b, et celle-ci fut aussi la
plus glorieuse et la plus grande, puisqu'avec elle la mort est le sommeil du corps et le principe de la Vie indéfectible.
5, 15, 879. L'Auguste Reine des Cieux voyant son époux défunt, prépara son corps pour la sépulture, et Elle le revêtit conformément à la coutume des autres, sans qu'il ne fût touché par aucune autre main que les siennes et celles des saint Anges qui l'aidèrent en forme humaine, et afin que rien ne manquât à la très honnête modestie de la Vierge-Mère, le Seigneur vêtit le corps mort de saint Joseph d'une splendeur admirable qui le couvrait pour n'être vu, excepté le visage; et ainsi la Très Pure Épouse ne le vit point quoiqu'Elle l'ensevelît pour l'enterrement. Beaucoup de personnes accoururent au parfum qui s'en échappait et ce parfum joint à l'étonnement de le voir si beau, et aussi flexible que s'il eût été vivant furent un sujet qui causa à tous une grande admiration; et le corps sacré du Glorieux Saint Joseph fut porté à la sépulture commune avec l'assistance des parents, des connaissances et de beaucoup d'autres, et spécialement du Rédempteur du Monde, de Sa Bienheureuse Mère et d'une grande multitude d'Anges. Mais en toutes ces occasions et ces actions la Très Prudente Reine garda son immuable modestie et sa gravité, sans changer d'air, sans manières légères et féminines; ni la peine ne l'empêcha point de pourvoir à toutes les choses nécessaires au service de son époux défunt et de son Très Saint Fils. Le Coeur royal et magnanime de la Maîtresse des Nations donnait lieu à tout. Ensuite Elle rendit grâces à son propre Fils, son Dieu véritable pour les faveurs qu'Il avait faites à son saint époux; et ajoutant de plus grandes éminences et de plus grand rehauts d'humilité, prosternée devant son Très Saint Fils, Elle Lui dit ces paroles: «Seigneur et Maître de tout ce que je suis, mon vrai Fils et mon Maître, la sainteté de Joseph mon époux a pu Vous retenir jusqu'à présent pour que nous méritions Votre compagnie si désirable; mais par la mort de Votre cher Serviteur, je peux craindre de perdre le Bien que je ne mérite pas: obligez-Vous, Seigneur, de Votre propre Bonté pour ne point m'abandonner; recevez-moi de nouveau pour votre Servante, acceptant les humbles désirs et les anxiétés du Coeur qui Vous aime.» Le Sauveur du monde reçut cette nouvelle offre de Sa Très Sainte Mère et Il lui promit de nouveau de ne point la laisser seule, jusqu'à ce qu'il fût temps de sortir par obéissance au Père Éternel, pour commencer la prédication.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 15, 880. Ma très chère fille, ce n'a pas été sans une cause particulière que ton coeur se soit ému d'une compassion et d'une piété spéciale pour ceux qui sont à l'article de la mort, pour désirer de les aider en cette heure; car il est vrai comme tu l'as connu que les âmes souffrent alors des afflictions dangereuses et incroyables des embûches du démon, de la nature même et des objets visibles. C'est en ce moment que se conclut le procès de la vie, afin que sur lui tombe la dernière sentence de mort ou de Vie Éternelle, de peine ou de gloire sans fin; et parce que le Très-Haut qui t'a donné cette affection veut y correspondre, afin qu'ainsi tu l'exécutes, je te confirme dans cette même affection et je t'avertis de concourir de ton côté de toutes tes forces et de tous tes efforts à nous obéir. Sache donc, mon amie, que lorsque Lucifer et ses ministres de ténèbres reconnaissent par les accidents et les causes naturelles que les hommes ont une maladie dangereuse et mortelle, au même moment ils se préparent avec toute leur malice et leur astuce à investir le pauvre et ignorant malade, et à le renverser s'ils le peuvent avec des tentations variées; et comme le temps de poursuivre les âmes s'achève pour les ennemis, ils veulent compenser par leur colère, ajoutant par leur méchanceté ce qui leur manque par le temps.
5, 15, 881. Pour cela ils s'unissent comme des loups carnassier et ils tâchent de reconnaître de nouveau l'état du malade dans le naturel et l'acquis, considérant ses inclinations, ses habitudes et ses moeurs, et par quel côté de ses inclinations il a une plus grande faiblesse pour lui faire par là plus de guerre et de batterie. A ceux qui aiment désordonnément la vie, il leur persuade que le danger n'est pas si grand, ou il empêche que personne ne les détrompe; ceux qui ont été lâches et négligents dans l'usage des Sacrements, il les attiédit de nouveau et il leur met de plus grandes difficultés et de plus grands retards; afin qu'ils meurent sans les recevoir, ou qu'ils les reçoivent sans fruit et avec une mauvaise disposition. Il propose à d'autres des suggestions de confusion, afin qu'ils ne découvrent point leur conscience et leurs péchés. Il en embarrasse et en retarde d'autres, afin qu'ils ne déclarent point leurs obligations et qu'ils ne mettent point ordre à leur conscience. Il propose à d'autres qui aiment la vanité d'ordonner, même en cette dernière heure, plusieurs choses très vaines et très orgueilleuses pour après leur mort. Il incline d'autres avares et sensuels, avec beaucoup de force vers ce qu'ils
ont aimé aveuglément; le cruel ennemi se sert de toutes les mauvaises habitudes pour les attirer après les objets et leur rendre le remède difficile ou impossible. Et lorsqu'ils firent des actes peccamineux dans la vie par lesquels ils acquirent des habitudes vicieuses, ils donnèrent des gages et des armes offensives à l'ennemi commun pour leur faire la guerre en cette heure terrible de la mort; et pour chaque appétit satisfait il lui fut ouvert un chemin et un sentier pour entrer au château de l'âme; il lance son haleine pestiférée dans l'intérieur de celle-ci et il soulève d'épaisses ténèbres qui sont ses propres effets, afin que les Divines inspirations ne soient pas admises, qu'ils n'aient point une véritable douleur de leurs péchés et qu'ils ne fassent pas pénitence de leur mauvaise vie.
5, 15, 882. Ces ennemis font généralement un grand ravage en cette heure par l'espérance trompeuse des malades qu'ils vivront plus longtemps et qu'avec le temps ils pourront exécuter ce que Dieu leur inspire alors par le moyen de Ses anges, et avec cette erreur, ils se trouvent trompés et perdus. Le danger de ceux qui ont méprisé pendant la vie le remède des saints Sacrements est grand aussi alors; car la Justice divine a coutume de châtier ce mépris qui est une grande offense pour le Seigneur et les Saints, laissant ces âmes aux mains de leur mauvais conseil, puisqu'ils ne voulurent point profiter du remède opportun en son temps, et pour l'avoir méprisé ils méritèrent d'être méprisés à leur dernière heure par Ses justes Jugements, heure pour laquelle ils avaient attendu avec une folle témérité de chercher le Salut Éternel. Il y a très peu de Saints que cet antique serpent n'assaille point avec une rage incroyable dans ce dernier danger. Et s'il prétend renverser alors les Très Saints, que peuvent espérer les vicieux, les négligents, ceux qui sont remplis de péchés, qui ont employé toute leur vie à démériter d'avoir la grâce et la faveur Divine et qui ne se trouvent point avec des oeuvres qui puissent leur valoir contre l'ennemi? Mon saint époux Joseph fut l'un de ceux qui jouirent de ce privilège de ne point voir ni sentir le démon dans ce passage; parce qu'à peine ces malins esprits tentèrent-ils de le faire qu'ils sentirent contre eux une force puissante qui les retint éloignés, et les saints Anges les précipitèrent et les lancèrent dans l'abîme. Ils demeurèrent troublés, en suspens et comme étourdis selon notre manière de concevoir de se sentir si opprimés et si atterrés; et ce fut l'occasion que Lucifer fit une assemblée ou conciliabule dans l'enfer pour consulter sur cet événement et parcourir le monde, cherchant si par hasard le Messie ne s'y trouvait pas déjà; et il arriva ce que je dirai en son lieu [c].
5, 15, 883. De là tu comprendras le danger suprême de la mort et combien d'âmes périssent en cette heure, lorsque les mérites et les péchés commencent à opérer. Je ne te déclare pas combien il y en a qui se perdent et qui se damnent, afin que tu ne meures pas de peine, le sachant et ayant un amour véritable pour le Seigneur: mais la règle générale est qu'une bonne vie attend une bonne mort: le reste est douteux, très rare et contingent. Le remède assuré est de prendre la course de loin; et ainsi je t'avertis qu'à chaque jour qui se lève pour toi, pense en voyant la lumière si ce sera le dernier de ta vie; et fais comme s'il devait l'être, puisque tu ne sais point s'il le sera: compose ton âme de manière à recevoir la mort avec un visage joyeux si elle vient. Ne retarde pas un moment à t'affliger de tes péchés et à te proposer de les confesser si tu en as, et à corriger jusqu'à la moindre imperfection; de manière que tu ne laisses aucun défaut à reprendre sans le pleurer et t'en laver avec le Sang de mon Très Saint Fils; afin que tu sois en état de pouvoir paraître devant le Juste Juge qui doit examiner et juger jusqu'à la moindre pensée et le plus léger mouvement de tes puissances.
5, 15, 884. Et afin d'aider comme tu le désires ceux qui sont dans ce péril extrême, conseille en premier lieu à tous ceux que tu pourras la même chose que je t'ai dite, et dis-leur de vivre avec le souci de leurs âmes, afin d'avoir une heureuse mort. Outre cela tu feras oraison chaque jour à cette intention sans en laisser aucun, et demande au Tout-Puissant avec des clameurs et des affections ferventes, de dissiper les tromperies du démon, de rompre ses filets et de détruire ses conseils dont il s'arme contre ceux qui agonisent et qui sont à ce dernier article, afin qu'ils soient tous confondus par Sa divine Droite. Tu sais que je faisais cette oraison pour les mortels et je veux que tu m'imites en cela. De même je t'ordonne pour mieux aider les mourants de commander et d'intimer aux mêmes démons de s'éloigner et de ne plus les opprimer; et tu peux bien user de cette vertu, quoique tu ne sois pas présente, puisque le Seigneur l'est au Nom de qui tu dois les commander et les contraindre pour Sa plus grande gloire et Son plus grand honneur.
5, 15, 885. Dans ces occasions, donne à tes religieuses la lumière de ce qu'elles doivent faire sans les troubler. Avertis-les et assiste-les, afin qu'elles
reçoivent aussitôt les saints Sacrements et qu'elles les fréquentent toujours. Efforce-toi de les animer et de les consoler, leur parlant des choses de Dieu, de Ses Mystères et de Ses Écritures, afin qu'elles excitent leurs bons désirs et leurs affections, et qu'elles se disposent à recevoir la Lumière et les influences d'en Haut. Encourage-les dans l'Espérance, fortifie-les contre les tentations et enseigne-leur comment elles doivent y résister et les vaincre, tâchant de les connaître avant qu'elles te les manifestent elles-mêmes; et si non, le Seigneur te donnera la Lumière afin que tu les comprennes; et applique à chacune le remède qui convient; parce que les infirmités spirituelles sont difficiles à connaître et à guérir. Tu dois exécuter tout ce que je t'inculque, comme une fille très chère, pour le service du Seigneur, et je t'obtiendrai de Sa grandeur certains privilèges pour toi et pour ceux que tu désires aider dans cette heure terrible. Ne sois pas avare dans la Charité, car tu ne dois pas opérer en cela par ce que tu es, mais par ce que le Très-Haut veut opérer en toi par Lui-même.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
5, 15, [a]. Saint Joseph aussi est donc le précurseur du Christ; pendant que saint Jean-Baptiste était sur la terre, saint Joseph l'était dans les limbes auprès d'un peuple incomparablement plus noble et plus nombreux qui était celui des Patriarches, des Prophètes et de tous les Justes de plus de quatre mille ans, depuis Adam jusqu'à Jésus-Christ. Mais saint Joseph a une autre prérogative, à la Naissance et à l'éducation du Verbe Incarné, lui donnant une certaine part active et quasi immédiate dans l'Oeuvre ou dans l'ordre de l'union hypostatique, le met dans un ordre supérieur à celui de toutes les autres créatures purement humaines à l'exception de la très Sainte Marie. Voir Suarez [in 3 p., t. 2, disp. 8, sect. 8].
5, 15, [b]. Livre 5, No. 866.
5, 15, [c]. Livre 5, No. 933.
Du très heureux trépas de saint Joseph et ce qui y arriva: et Jésus notre Sauveur et la Très Sainte Marie Notre-Dame L'assistèrent.
5, 15, 873. Il y avait déjà huit ans que les infirmités et les maladies du plus que fortuné saint Joseph l'exerçaient, en purifiant chaque jour davantage son généreux esprit dans le creuset de la patience et de l'Amour divin et les années croissant aussi avec les accidents, ses faibles forces allaient en diminuant, le corps en défaillant et le terme inévitable de la vie en s'approchant, terme où l'on paye le commun tribut de la mort que nous devons tous, les enfants d'Adam (Héb. 9: 27); le soin et la sollicitude de sa divine Épouse et notre Reine à l'assister et à le servir avec une ponctualité inviolable croissait aussi: la Très Aimante Dame, connaissant par sa rare prudence que la dernière heure ou le dernier jour de son très chaste époux pour sortir de ce long exil était (Ps. 112: déjà très proche, alla en présence de son Très Saint Fils et elle Lui parla disant: «Seigneur et Dieu très haut, Fils du Père Éternel et Sauveur du monde, le temps déterminé par Votre
Volonté Éternelle pour la mort de Votre Serviteur Joseph s'approche, comme je le connais dans Votre divine Lumière. Je Vous supplie par Vos anciennes Miséricordes et Votre Bonté infinie que le Puissant bras de Votre Majesté l'assiste en cette heure, afin que sa mort soit précieuse à vos yeux comme la droiture de sa vie Vous fut si agréable; afin qu'il s'en aille en paix avec l'espérance certaine des récompenses éternelles, pour le jour où Votre bonté ouvrira les ports des Cieux à tous les croyants. Souvenez-Vous, mon Fils, de l'amour et de l'humilité de Votre Serviteur; du comble de ses mérites et de ses vertus; de sa fidélité et de sa sollicitude envers moi, et que ce Juste nous alimenta, Votre Grandeur et moi, à la sueur de son visage.»
5, 15, 874. Notre Sauveur lui répondit: «Ma Mère, vos demandes sont acceptables à Mon bon plaisir et les mérites de Joseph sont en Ma Présence. Je l'assisterai maintenant et Je lui assignerai une place et un siège en son temps parmi les Princes de Mon peuple (Ps. 112: , et si éminent, que ce sera l'admiration des Anges et un motif de louanges pour eux et les hommes, et Je ne ferai pour aucune génération ce que Je ferai en faveur de Votre époux.» L'Auguste Souveraine rendit grâces à son Très Doux Fils pour cette promesse; et neuf jours avant la mort de saint Joseph, le Fils et la Mère très saints l'assistèrent nuit et jour, ne le laissant point seul sans l'un des deux. Et pendant ces neuf jours les saints Anges faisaient par le commandement du même Seigneur une musique céleste à l'heureux malade avec des cantiques de louanges du Très-Haut et des bénédictions du même Saint. Outre cela, on sentait dans toute cette humble mais inestimable maison un très doux parfum d'odeurs si admirables qu'elles confortaient non seulement le saint homme Joseph, mais tous ceux qui s'approchaient assez pour le sentir, parmi lesquels il y en eut plusieurs du dehors où il se répandait.
5, 15, 875. Un jour avant sa mort, il arriva que tout enflammé de l'Amour divin par ces Bienfaits il eut une extase très sublime qui lui dura vingt-quatre heures, le Seigneur lui conservant les forces et la vie par un secours miraculeux; et dans ce long ravissement, il vit clairement l'Essence divine et en Elle, il lui fut manifesté sans voile et sans ombre ce qu'il avait cru par la Foi, tant de la Divinité incompréhensible que du Mystère de l'Incarnation et de celui de la Rédemption des hommes, ainsi que de l'Église militante avec tous les Sacrements qui lui appartiennent. La Bienheureuse Trinité le signala et le destina pour le précurseur
de notre Sauveur Jésus-Christ auprès des saints Pères et des Prophètes des Limbes; et Il lui commanda de leur évangéliser de nouveau leur Rédempteur et de les préparer pour attendre la venue et la visite que leur ferait le même Seigneur, afin de les tirer de ce sein d'Abraham pour le repos et l'éternelle Félicité. La Très Sainte Marie connut tout cela dans l'âme de son Très Saint Fils et dans son intérieur de la même manière que d'autres mystères et comment c'était arrivé à son époux très aimant; et la grande Princesse fit de dignes actions de grâces au Seigneur pour toutes ces merveilles.
5, 15, 876. Saint Joseph revint de ce ravissement le visage rempli d'une splendeur et d'une beauté admirable, et son esprit tout déifié par la vue de l'Être de Dieu et s'adressant à sa Très Saint Épouse il lui demanda sa bénédiction et cette divine Reine pria son Très Béni Fils de la lui donner, et Sa Majesté le fit. Ensuite la grande Reine, Maîtresse de l'humilité, s'étant mise à genoux demanda à saint Joseph de la bénir aussi, comme époux et comme chef, et l'homme de Dieu non sans une impulsion Divine lui donna sa bénédiction en prenant congé d'Elle pour la consoler; et Elle lui baisa la main avec laquelle il l'avait bénie, puis Elle le pria de saluer de sa part les saints Pères des Limbes; et afin que le très humble Joseph fermât le testament de sa vie par le sceau de cette vertu d'humilité, il demanda pardon à sa digne Épouse de ce en quoi il avait manqué dans son service et son estime, comme homme faible et terrestre, la suppliant que son assistance et l'intercession de ses prières ne lui manquassent point en cette heure. Le saint époux remercia aussi son Très Saint Fils des Bienfaits qu'il avait reçus de Sa main très libérale toute sa vie et spécialement dans cette maladie; et les dernières paroles que saint Joseph dit s'adressant à son Épouse furent celles-ci: «Soyez bénie entre toutes les femmes et élue entre toutes les créatures. Que les Anges et les hommes Vous louent: que toutes les générations connaissent, magnifient et exaltent Votre dignité et que par Vous le Nom du Très-Haut soit connu, adoré et exalté pendant tous les siècles futurs et qu'Il soit loué éternellement de Vous avoir créée si agréable à Ses yeux et à ceux de tous les esprits bienheureux. J'espère jouir de Votre vue dans la céleste Patrie.»
5, 15, 877. L'homme de Dieu se tourna vers Notre-Seigneur Jésus-Christ, et en cette heure il voulut se mettre à genoux sur le sol pour parler à Sa Majesté avec une plus profonde révérence; mais le Très Doux Jésus l'approcha de Lui et le reçut
dan Ses bras, puis ayant la tête inclinée sur ces bras Divins, il dit: «Mon Seigneur et Dieu très haut, Fils du Père Éternel, Créateur et Rédempteur du monde, donnez Votre Bénédiction éternelle à Votre esclave, ouvrage de Vos mains: pardonnez, Roi très pieux, les fautes que comme indigne, j'ai commise à Votre service et dans Votre compagnie. Je Vous confesse, Vous exalte et Vous rends grâces éternellement avec un coeur soumis; parce que Votre Bonté ineffable m'a choisi parmi les hommes pour être l'époux de Votre vraie Mère; que Votre Grandeur et Votre gloire soient mon remerciement pendant toutes les éternités.» Le Rédempteur du monde lui donna Sa bénédiction et lui dit: «Mon Père, reposez en paix dans la grâce de mon Père Céleste et la Mienne; et vous donnerez à mes Prophètes et à mes Saints qui vous attendent dans les Limbes de joyeuses nouvelles de ce que leur rédemption est proche [a]. Le saint et très heureux Joseph expira à ces paroles de Jésus et dans Ses bras; et Sa Majesté lui ferma les yeux. Au même instant la multitude d'Anges qui assistaient auprès de leur suprême Roi et de leur Reine firent de doux cantiques de louanges avec des voix célestes et sonores. Ils portèrent aussitôt par le commandement de Sa Majesté la très sainte âme de saint Joseph aux Limbes des Pères et des Prophètes où tous la connurent; et elle était remplie de splendeurs de grâces incomparables, comme Père putatif du Rédempteur du monde et son grand Favori digne d'une vénération singulière; et conformément à la Volonté et au Commandement du Seigneur qu'il apportait, il causa une nouvelle allégresse dans cette innombrable congrégation de Saints, par les nouvelles qu'il leur annonça de ce que leur rachat s'approchait déjà.
5, 15, 878. On ne doit pas passer sous silence que bien que la précieuse mort de saint Joseph fut précédée d'une longue maladie et de tant de douleurs, celles-ci n'en furent pas les seules causes et les seuls accidents qu'elle eut; parce qu'avec toutes ses infirmités, le dernier terme de sa vie eût pu se prolonger naturellement davantage si les effets et les accidents que lui causait le feu très ardent de l'amour qui brûlait dans son coeur très droit ne fussent venus s'y ajouter; et afin que cette mort très heureuse fût plus un triomphe de l'amour qu'une peine des péchés, le Seigneur suspendit le concours spécial et miraculeux avec lequel il conservait les forces naturelles de Son Serviteur pour qu'elles ne fussent pas vaincues par la violence de l'amour; et ce concours manquant, la nature céda et le lien qui retenait cette âme très sainte dans les chaînes de la mortalité du corps fut rompu, notre mort consistant dans cette division. Ainsi l'amour fut sa dernière peine et la dernière de ses infirmités que j'ai déjà dites [b, et celle-ci fut aussi la
plus glorieuse et la plus grande, puisqu'avec elle la mort est le sommeil du corps et le principe de la Vie indéfectible.
5, 15, 879. L'Auguste Reine des Cieux voyant son époux défunt, prépara son corps pour la sépulture, et Elle le revêtit conformément à la coutume des autres, sans qu'il ne fût touché par aucune autre main que les siennes et celles des saint Anges qui l'aidèrent en forme humaine, et afin que rien ne manquât à la très honnête modestie de la Vierge-Mère, le Seigneur vêtit le corps mort de saint Joseph d'une splendeur admirable qui le couvrait pour n'être vu, excepté le visage; et ainsi la Très Pure Épouse ne le vit point quoiqu'Elle l'ensevelît pour l'enterrement. Beaucoup de personnes accoururent au parfum qui s'en échappait et ce parfum joint à l'étonnement de le voir si beau, et aussi flexible que s'il eût été vivant furent un sujet qui causa à tous une grande admiration; et le corps sacré du Glorieux Saint Joseph fut porté à la sépulture commune avec l'assistance des parents, des connaissances et de beaucoup d'autres, et spécialement du Rédempteur du Monde, de Sa Bienheureuse Mère et d'une grande multitude d'Anges. Mais en toutes ces occasions et ces actions la Très Prudente Reine garda son immuable modestie et sa gravité, sans changer d'air, sans manières légères et féminines; ni la peine ne l'empêcha point de pourvoir à toutes les choses nécessaires au service de son époux défunt et de son Très Saint Fils. Le Coeur royal et magnanime de la Maîtresse des Nations donnait lieu à tout. Ensuite Elle rendit grâces à son propre Fils, son Dieu véritable pour les faveurs qu'Il avait faites à son saint époux; et ajoutant de plus grandes éminences et de plus grand rehauts d'humilité, prosternée devant son Très Saint Fils, Elle Lui dit ces paroles: «Seigneur et Maître de tout ce que je suis, mon vrai Fils et mon Maître, la sainteté de Joseph mon époux a pu Vous retenir jusqu'à présent pour que nous méritions Votre compagnie si désirable; mais par la mort de Votre cher Serviteur, je peux craindre de perdre le Bien que je ne mérite pas: obligez-Vous, Seigneur, de Votre propre Bonté pour ne point m'abandonner; recevez-moi de nouveau pour votre Servante, acceptant les humbles désirs et les anxiétés du Coeur qui Vous aime.» Le Sauveur du monde reçut cette nouvelle offre de Sa Très Sainte Mère et Il lui promit de nouveau de ne point la laisser seule, jusqu'à ce qu'il fût temps de sortir par obéissance au Père Éternel, pour commencer la prédication.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 15, 880. Ma très chère fille, ce n'a pas été sans une cause particulière que ton coeur se soit ému d'une compassion et d'une piété spéciale pour ceux qui sont à l'article de la mort, pour désirer de les aider en cette heure; car il est vrai comme tu l'as connu que les âmes souffrent alors des afflictions dangereuses et incroyables des embûches du démon, de la nature même et des objets visibles. C'est en ce moment que se conclut le procès de la vie, afin que sur lui tombe la dernière sentence de mort ou de Vie Éternelle, de peine ou de gloire sans fin; et parce que le Très-Haut qui t'a donné cette affection veut y correspondre, afin qu'ainsi tu l'exécutes, je te confirme dans cette même affection et je t'avertis de concourir de ton côté de toutes tes forces et de tous tes efforts à nous obéir. Sache donc, mon amie, que lorsque Lucifer et ses ministres de ténèbres reconnaissent par les accidents et les causes naturelles que les hommes ont une maladie dangereuse et mortelle, au même moment ils se préparent avec toute leur malice et leur astuce à investir le pauvre et ignorant malade, et à le renverser s'ils le peuvent avec des tentations variées; et comme le temps de poursuivre les âmes s'achève pour les ennemis, ils veulent compenser par leur colère, ajoutant par leur méchanceté ce qui leur manque par le temps.
5, 15, 881. Pour cela ils s'unissent comme des loups carnassier et ils tâchent de reconnaître de nouveau l'état du malade dans le naturel et l'acquis, considérant ses inclinations, ses habitudes et ses moeurs, et par quel côté de ses inclinations il a une plus grande faiblesse pour lui faire par là plus de guerre et de batterie. A ceux qui aiment désordonnément la vie, il leur persuade que le danger n'est pas si grand, ou il empêche que personne ne les détrompe; ceux qui ont été lâches et négligents dans l'usage des Sacrements, il les attiédit de nouveau et il leur met de plus grandes difficultés et de plus grands retards; afin qu'ils meurent sans les recevoir, ou qu'ils les reçoivent sans fruit et avec une mauvaise disposition. Il propose à d'autres des suggestions de confusion, afin qu'ils ne découvrent point leur conscience et leurs péchés. Il en embarrasse et en retarde d'autres, afin qu'ils ne déclarent point leurs obligations et qu'ils ne mettent point ordre à leur conscience. Il propose à d'autres qui aiment la vanité d'ordonner, même en cette dernière heure, plusieurs choses très vaines et très orgueilleuses pour après leur mort. Il incline d'autres avares et sensuels, avec beaucoup de force vers ce qu'ils
ont aimé aveuglément; le cruel ennemi se sert de toutes les mauvaises habitudes pour les attirer après les objets et leur rendre le remède difficile ou impossible. Et lorsqu'ils firent des actes peccamineux dans la vie par lesquels ils acquirent des habitudes vicieuses, ils donnèrent des gages et des armes offensives à l'ennemi commun pour leur faire la guerre en cette heure terrible de la mort; et pour chaque appétit satisfait il lui fut ouvert un chemin et un sentier pour entrer au château de l'âme; il lance son haleine pestiférée dans l'intérieur de celle-ci et il soulève d'épaisses ténèbres qui sont ses propres effets, afin que les Divines inspirations ne soient pas admises, qu'ils n'aient point une véritable douleur de leurs péchés et qu'ils ne fassent pas pénitence de leur mauvaise vie.
5, 15, 882. Ces ennemis font généralement un grand ravage en cette heure par l'espérance trompeuse des malades qu'ils vivront plus longtemps et qu'avec le temps ils pourront exécuter ce que Dieu leur inspire alors par le moyen de Ses anges, et avec cette erreur, ils se trouvent trompés et perdus. Le danger de ceux qui ont méprisé pendant la vie le remède des saints Sacrements est grand aussi alors; car la Justice divine a coutume de châtier ce mépris qui est une grande offense pour le Seigneur et les Saints, laissant ces âmes aux mains de leur mauvais conseil, puisqu'ils ne voulurent point profiter du remède opportun en son temps, et pour l'avoir méprisé ils méritèrent d'être méprisés à leur dernière heure par Ses justes Jugements, heure pour laquelle ils avaient attendu avec une folle témérité de chercher le Salut Éternel. Il y a très peu de Saints que cet antique serpent n'assaille point avec une rage incroyable dans ce dernier danger. Et s'il prétend renverser alors les Très Saints, que peuvent espérer les vicieux, les négligents, ceux qui sont remplis de péchés, qui ont employé toute leur vie à démériter d'avoir la grâce et la faveur Divine et qui ne se trouvent point avec des oeuvres qui puissent leur valoir contre l'ennemi? Mon saint époux Joseph fut l'un de ceux qui jouirent de ce privilège de ne point voir ni sentir le démon dans ce passage; parce qu'à peine ces malins esprits tentèrent-ils de le faire qu'ils sentirent contre eux une force puissante qui les retint éloignés, et les saints Anges les précipitèrent et les lancèrent dans l'abîme. Ils demeurèrent troublés, en suspens et comme étourdis selon notre manière de concevoir de se sentir si opprimés et si atterrés; et ce fut l'occasion que Lucifer fit une assemblée ou conciliabule dans l'enfer pour consulter sur cet événement et parcourir le monde, cherchant si par hasard le Messie ne s'y trouvait pas déjà; et il arriva ce que je dirai en son lieu [c].
5, 15, 883. De là tu comprendras le danger suprême de la mort et combien d'âmes périssent en cette heure, lorsque les mérites et les péchés commencent à opérer. Je ne te déclare pas combien il y en a qui se perdent et qui se damnent, afin que tu ne meures pas de peine, le sachant et ayant un amour véritable pour le Seigneur: mais la règle générale est qu'une bonne vie attend une bonne mort: le reste est douteux, très rare et contingent. Le remède assuré est de prendre la course de loin; et ainsi je t'avertis qu'à chaque jour qui se lève pour toi, pense en voyant la lumière si ce sera le dernier de ta vie; et fais comme s'il devait l'être, puisque tu ne sais point s'il le sera: compose ton âme de manière à recevoir la mort avec un visage joyeux si elle vient. Ne retarde pas un moment à t'affliger de tes péchés et à te proposer de les confesser si tu en as, et à corriger jusqu'à la moindre imperfection; de manière que tu ne laisses aucun défaut à reprendre sans le pleurer et t'en laver avec le Sang de mon Très Saint Fils; afin que tu sois en état de pouvoir paraître devant le Juste Juge qui doit examiner et juger jusqu'à la moindre pensée et le plus léger mouvement de tes puissances.
5, 15, 884. Et afin d'aider comme tu le désires ceux qui sont dans ce péril extrême, conseille en premier lieu à tous ceux que tu pourras la même chose que je t'ai dite, et dis-leur de vivre avec le souci de leurs âmes, afin d'avoir une heureuse mort. Outre cela tu feras oraison chaque jour à cette intention sans en laisser aucun, et demande au Tout-Puissant avec des clameurs et des affections ferventes, de dissiper les tromperies du démon, de rompre ses filets et de détruire ses conseils dont il s'arme contre ceux qui agonisent et qui sont à ce dernier article, afin qu'ils soient tous confondus par Sa divine Droite. Tu sais que je faisais cette oraison pour les mortels et je veux que tu m'imites en cela. De même je t'ordonne pour mieux aider les mourants de commander et d'intimer aux mêmes démons de s'éloigner et de ne plus les opprimer; et tu peux bien user de cette vertu, quoique tu ne sois pas présente, puisque le Seigneur l'est au Nom de qui tu dois les commander et les contraindre pour Sa plus grande gloire et Son plus grand honneur.
5, 15, 885. Dans ces occasions, donne à tes religieuses la lumière de ce qu'elles doivent faire sans les troubler. Avertis-les et assiste-les, afin qu'elles
reçoivent aussitôt les saints Sacrements et qu'elles les fréquentent toujours. Efforce-toi de les animer et de les consoler, leur parlant des choses de Dieu, de Ses Mystères et de Ses Écritures, afin qu'elles excitent leurs bons désirs et leurs affections, et qu'elles se disposent à recevoir la Lumière et les influences d'en Haut. Encourage-les dans l'Espérance, fortifie-les contre les tentations et enseigne-leur comment elles doivent y résister et les vaincre, tâchant de les connaître avant qu'elles te les manifestent elles-mêmes; et si non, le Seigneur te donnera la Lumière afin que tu les comprennes; et applique à chacune le remède qui convient; parce que les infirmités spirituelles sont difficiles à connaître et à guérir. Tu dois exécuter tout ce que je t'inculque, comme une fille très chère, pour le service du Seigneur, et je t'obtiendrai de Sa grandeur certains privilèges pour toi et pour ceux que tu désires aider dans cette heure terrible. Ne sois pas avare dans la Charité, car tu ne dois pas opérer en cela par ce que tu es, mais par ce que le Très-Haut veut opérer en toi par Lui-même.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
5, 15, [a]. Saint Joseph aussi est donc le précurseur du Christ; pendant que saint Jean-Baptiste était sur la terre, saint Joseph l'était dans les limbes auprès d'un peuple incomparablement plus noble et plus nombreux qui était celui des Patriarches, des Prophètes et de tous les Justes de plus de quatre mille ans, depuis Adam jusqu'à Jésus-Christ. Mais saint Joseph a une autre prérogative, à la Naissance et à l'éducation du Verbe Incarné, lui donnant une certaine part active et quasi immédiate dans l'Oeuvre ou dans l'ordre de l'union hypostatique, le met dans un ordre supérieur à celui de toutes les autres créatures purement humaines à l'exception de la très Sainte Marie. Voir Suarez [in 3 p., t. 2, disp. 8, sect. 8].
5, 15, [b]. Livre 5, No. 866.
5, 15, [c]. Livre 5, No. 933.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 16
De l'âge que la Reine du Ciel avait lorsque saint Joseph mourut et certains privilèges du Saint.
5, 16, 886. Tout le cours de la vie du plus heureux des hommes saint Joseph arriva à soixante ans, plus quelques jours; à trente ans il épouse la Très sainte Marie, et il vécut un peu plus de vingt-sept ans en sa compagnie; et lorsque le Saint époux mourut la grande Souveraine était âgée de quarante et un ans et entrée presque de la moitié d'un an dans sa quarante-deuxième année: parce qu'Elle épousa saint Joseph à quatorze ans, comme je l'ai dit dans la première partie, livre second, chapitre 22, avec les vingt-sept ans qu'ils vécurent ensemble font quarante et un ans, plus ce qui s'écoula du huit septembre jusqu'à l'heureuse mort du très saint époux. La Reine du Ciel se trouvait à cet âge avec la même disposition et la même perfection naturelle qu'Elle obtint à trente-trois ans; parce qu'Elle ne rétrograda, ne vieillit ni ne défaillit de cet état très parfait; comme je l'ai dit dans le chapitre 13, No. 856 de ce livre. Elle eut une douleur et un sentiment naturels de la mort de saint Joseph; parce qu'Elle l'aimait comme son époux, son protecteur et son bienfaiteur et comme Saint si excellent dans la perfection. Quoique cette douleur fût ordonnée et très parfaite dans la Très Prudente Vierge, néanmoins Elle ne fut pas petite, parce que son amour était grand, et d'autant plus grand qu'Elle connaissait le degré de sainteté que son époux avait entre les plus grands saints qui sont écrits dans le livre de la Vie et dans l'Entendement du Très-Haut. Et si ce qui est aimé de coeur n'est point perdu sans douleur et sans peine, la douleur de le perdre sera d'autant plus grande qu'on l'aimait davantage.
5, 16, 887. Il n'appartient point au sujet de cette Histoire d'écrire explicitement les excellences de la sainteté de saint Joseph, et je n'ai point ordre de le faire, si ce n'est ce qui est suffisant en général pour manifester davantage la dignité de son Épouse et notre Reine, aux mérites de laquelle, après son Très Saint Fils, on doit attribuer les Dons et les grâces que le Très-Haut déposa dans le glorieux
Patriarche. Et quand même la divine Dame n'aurait pas été la cause méritoire ou l'Instrument de la sainteté de son époux, Elle était pour le moins la fin immédiate à laquelle cette sainteté était ordonnée; parce que tout le comble des vertus et des grâces que le Seigneur communiqua à son Serviteur Joseph lui fut donné pour qu'il devînt le digne époux et le gardien de Celle que Dieu avait choisie pour Sa Mère. On doit mesurer la sainteté de saint Joseph avec cette règle et avec l'amour et l'appréciation que Dieu même fit de Sa Très Sainte Mère; et selon le concept que j'ai, je dois dire que s'il y avait eu dans le monde un homme plus parfait et avec de meilleures qualités, le Seigneur l'aurait donné pour époux à Sa propre Mère; et puisque Dieu donna l'Auguste Vierge Marie au Patriarche saint Joseph, celui-ci était sans contredit le meilleur que Dieu eut sur la terre. Et l'ayant créé et préparé pour des fins si hautes, il est certain que le Très-Haut par Sa puissante Droite l'avait fait idoine et proportionné à ces mêmes fins; et, selon notre manière de concevoir à la Lumière divine, cette proportion devait être par la sainteté, les vertus, les dons, les grâces et les inclinations infuses et naturelles.
5, 16, 888. Entre ce grand Patriarche et les autres Saints, je reconnais une différence dans les Dons qu'ils reçurent par grâce; parce qu'il fut donné à plusieurs Saints d'autres faveurs et d'autres privilèges qui ne regardaient pas tous leur propre sainteté, mais d'autres intentions et d'autres fins du service du Très-Haut dans les autres hommes, et c'étaient des dons ou des grâces gratuitement données ou distinctes de la sainteté; mais dans notre béni Patriarche, tous les dons lui ajoutaient des vertus et de la sainteté; parce que le mystère auquel ils étaient destinés et dirigés était l'effet de la sainteté et de ses oeuvres; étant plus saint et plus angélique il était plus propre à être l'époux de la Très Sainte Marie et le dépositaire du Trésor et du Sacrement du Ciel; et tout devait être en lui un miracle de sainteté comme il arriva. Cette merveille commença dès la formation de son corps dans le sein de sa mère; parce que la Providence particulière du Seigneur y présida et il fut composé avec une égalité proportionnée des quatre humeurs avec des qualités, une complexion et un tempérament excellents; parce qu'il fut dès lors une terre bénie et il lui échut en partage une âme bonne (Sag. 8: 19) et de la droiture d'inclinations. Il fut sanctifié dès le sein de sa mère au septième mois de sa conception et l'aiguillon du péché lui demeura lié pour toute sa vie [a] et il n'eut jamais de mouvement impur ni désordonné et quoique l'usage de la raison ne lui fût pas donné dans cette première sanctification outre que pour le sanctifier
seulement du péché originel; toutefois sa mère sentit alors une nouvelle jubilation de l'Esprit-Saint, et sans comprendre tout le mystère, elle fit de grands actes de vertus et elle jugea que l'enfant qu'elle avait dans son sein serait admirable au yeux de Dieu et des hommes.
5, 16, 889. Saint Joseph naquit très parfait et très beau selon le naturel, et il causa dans ses parents et ses proches une allégresse extraordinaire de la manière de celle qu'il y eut à la naissance du Baptiste quoique la cause de celle-ci fût plus cachée. Le Seigneur lui hâta l'usage de la raison, le lui donnant très parfait à sa troisième année, avec une Science infuse et une nouvelle augmentation de grâce et de vertus. Dès lors l'enfant commença à connaître Dieu par la Foi, et il Le connut aussi par le raisonnement naturel et par la Science, comme cause première et Auteur de toutes choses; il prêtait attention à tout ce qui se disait de Dieu et il en formait des concepts très sublimes. Dès cet âge il eut une oraison et une contemplation très élevée et un exercice admirable des vertus que son âge puéril permettait; de sorte qu'à sept ans ou plus, lorsque l'usage de la raison arrive pour les autres, saint Joseph était déjà homme parfait dans la raison et la sainteté. Il était d'un caractère tendre, charitable, affable, sincère et il montrait en tout des inclinations non seulement saintes, mais angéliques, et croissant en vertu et en perfection, il arriva par une vie irréprochable à l'âge où il se maria avec la Très Sainte Marie.
5, 16, 890. Alors pour accroître et confirmer en lui les dons de grâce, les prières de l'Auguste Dame intervinrent, car Elle supplia instamment le Très-Haut que s'Il lui commandait de prendre cet état du mariage, de sanctifier son époux Joseph, afin qu'il se conformât à ses très chastes pensées et à ses désirs. Le Seigneur l'exauça et la divine Reine le connut; par la force de Son puissant Bras Sa Majesté opéra copieusement dans l'esprit et les puissances du Patriarche saint Joseph des effets si Divins qu'ils ne peuvent être exprimés par des paroles; parce qu'Il répandit en lui des habitudes très parfaites de tous les Dons et de toutes le Vertus. Il rectifia de nouveau les puissances du Saint et Il les remplit de grâce, le confirmant dans cette même grâce d'une manière admirable. Dans la vertu et les dons de la chasteté, le saint époux demeura plus élevé que les plus hauts Séraphins; parce que la pureté qu'ils ont sans corps fut accordée à saint Joseph dans une corps terrestre et une
chair mortelle; et il n'entra jamais dans ses puissances aucune image ni aucune espèce de chose impure de la nature animale et sensible. Avec l'oubli de tout cela comme un Ange et avec une sincérité de colombe, il fut disposé pour demeurer en la compagnie et la présence de la plus pure des créatures; car sans ce privilège, il n'aurait pas été propre à une si grande dignité et à une excellence si rare.
5, 16, 891. Il fut admirable et distingué dans les autres vertus respectivement et surtout dans la Charité, comme étant dans la Fontaine pour se rassasier de cette Eau vive (Jean 4: 14) qui jaillit à la Vie Éternelle, ou voisin de la Sphère du feu, étant une matière disposé pour s'y embraser sans aucune résistance. Et la plus grande exaltation de cette vertu dans notre Saint enamouré fut ce que j'ai dit dans le chapitre précédent, No. 878, puisque l'amour de Dieu le rendit malade et fut l'instrument qui trancha le fil de sa vie et le fit privilégié dans la mort; parce que les douces angoisses de l'amour surpassèrent et absorbèrent pour ainsi dire celles de la nature, et celles-ci opérèrent moins que celles-là; et comme l'Objet de l'amour, Notre-Seigneur Jésus-Christ et Sa Mère, était présent, et que le Saint les avait tous Deux plus proches qu'aucun des mortels n'a pu ni ne peut Les avoir, il était inévitable que ce coeur très candide et très fidèle se fondît en affections et en effets d'une si rare Charité. Béni soit l'Auteur de si grandes merveilles! et bénit soit Joseph, le plus heureux d'entre les mortels en qui ces merveilles furent toutes dignement opérées! Il est digne que toutes les nations et les générations le connaissent et le bénissent puisque le Seigneur n'a fait de pareilles choses et n'a autant manifesté Son Amour envers aucun autre mortel.
5, 16, 892. J'ai dit quelque chose dans tout le cours de cette Histoire [b des visions et des révélations Divines dont saint Joseph fut favorisé, et il en eut beaucoup plus que l'on en peut dire; mais le plus grand des privilèges est renfermé en ce qu'il a connu les Mystères de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère et qu'il a vécu tant d'années en leur compagnie, étant réputé père du Seigneur et véritable époux de la Reine du Ciel. Néanmoins j'ai compris certains privilèges que le Très-Haut lui accorda à cause de sa grande sainteté, en faveur de ceux qui l'invoqueront comme leur intercesseur s'ils le font dignement. Le premier est pour obtenir la vertu de la chasteté et vaincre les dangers de la sensualité charnelle. Le
second pour obtenir de puissants secours pour sortir du péché et revenir à l'amitié de Dieu. Le troisième pour obtenir par son moyen la grâce et la dévotion envers la Très Sainte Marie. Le quatrième, pour obtenir une bonne mort. Le cinquième, que les démons craignent d'entendre le nom de Joseph. Le sixième pour obtenir la santé corporelle et un remède dans les autres afflictions. Le septième privilège pour obtenir une succession d'enfants dans les familles. Dieu fait ces faveurs et beaucoup d'autres à ceux qui les demandent dûment et comme il convient par l'intercession de saint Joseph, l'époux de notre Reine, et je prie tous les fidèles enfants de la Sainte Église d'être très dévots envers lui, et ils les connaîtront par expérience, s'ils se disposent comme il convient à les recevoir et à les mériter [c].
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 16, 893. Ma fille, quoique tu aies écrit que mon époux Joseph est très noble entre les Saints et les Princes de la Céleste Jérusalem, néanmoins tu ne peux manifester maintenant son éminente sainteté et les mortels ne peuvent la connaître avant d'arriver à la vue de la Divinité où ils deviendront capables de ces sacrements avec admiration et louange du Très-Haut; et quand tous les hommes seront jugés au dernier jour, les malheureux damnés pleureront amèrement de n'avoir point connu ce moyen si puissant et si efficace pour leur salut et de ne s'en être pas servi, comme ils l'auraient pu pour gagner l'amitié du juste Juge. Le monde a beaucoup ignoré les prérogatives et les privilèges que le Très-Haut Seigneur a accordés à mon saint époux, et combien son intercession a de pouvoir auprès de Sa Majesté et auprès de moi; parce que je t'assure, ma très chère, qu'il est un des plus grands Favoris en présence de la Justice divine, pour la retenir contre les pécheurs.
5, 16, 894. Et à cause de la connaissance et de la Lumière que tu as reçue de ce sacrement, je veux que tu sois très reconnaissante envers la Bonté du Seigneur
pour la faveur que je te fais en cela; et tâche de t'avancer désormais dans le reste de ta vie dans la dévotion et la cordiale affection envers mon saint époux, et de bénir le Seigneur de ce qu'Il le favorisa si libéralement et de la joie que j'eus de le connaître. Tu dois te servir de son intercession en toutes tes nécessités et lui procurer beaucoup de dévots; fais en sorte que tes religieuses se signalent en cela; puisque le Très-Haut accorde sur la terre ce que mon époux demande dans le Ciel, et Il a attaché à ses paroles des faveurs très grandes et très extraordinaires pour le bienfait des hommes s'ils ne se rendent pas indignes de les recevoir. Tous ces privilèges correspondent à la perfection de colombe qu'avait cet admirable Saint, et à ses vertus si grandioses; parce que la Clémence divine s'est inclinée vers elles, et Il a regardé très libéralement mon saint époux afin d'accorder des Miséricordes admirables à cause de lui à tous ceux qui sauront profiter de son intercession.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 16, [a]. «Dieu n'a point lié Sa grâce par la loi des Sacrements; Il peut l'accorder par privilège àquelques-uns même avant leur naissance.» Saint Augustin, dans l'épître 57 à Dardan. Du reste un grand nombre de docteurs enseignèrent que saint Joseph fut sanctifié avant de naître.
5, 16, [b. Livre 4, Nos. 422, 433, 472; Livre 5, No. 875.
5, 16, [c]. Voir ce que la Vénérable écrit de saint Joseph au Jugement Universel dans le Livre 2, No. 794. Aussi Cornelius A. Lapide dans le chapitre 23 des Proverbes
écrit: «L'époux de la Bienheureuse Vierge sera très noble dans cette assemblée parce qu'il est nommé après la Très Sainte Vierge parmi les Saints: c'est pourquoi en ce jour du Jugement il siégera parmi les Prophètes et les Apôtres et même il paraîtra illustre et distingué entre les premiers Ordres des Anges.»
De l'âge que la Reine du Ciel avait lorsque saint Joseph mourut et certains privilèges du Saint.
5, 16, 886. Tout le cours de la vie du plus heureux des hommes saint Joseph arriva à soixante ans, plus quelques jours; à trente ans il épouse la Très sainte Marie, et il vécut un peu plus de vingt-sept ans en sa compagnie; et lorsque le Saint époux mourut la grande Souveraine était âgée de quarante et un ans et entrée presque de la moitié d'un an dans sa quarante-deuxième année: parce qu'Elle épousa saint Joseph à quatorze ans, comme je l'ai dit dans la première partie, livre second, chapitre 22, avec les vingt-sept ans qu'ils vécurent ensemble font quarante et un ans, plus ce qui s'écoula du huit septembre jusqu'à l'heureuse mort du très saint époux. La Reine du Ciel se trouvait à cet âge avec la même disposition et la même perfection naturelle qu'Elle obtint à trente-trois ans; parce qu'Elle ne rétrograda, ne vieillit ni ne défaillit de cet état très parfait; comme je l'ai dit dans le chapitre 13, No. 856 de ce livre. Elle eut une douleur et un sentiment naturels de la mort de saint Joseph; parce qu'Elle l'aimait comme son époux, son protecteur et son bienfaiteur et comme Saint si excellent dans la perfection. Quoique cette douleur fût ordonnée et très parfaite dans la Très Prudente Vierge, néanmoins Elle ne fut pas petite, parce que son amour était grand, et d'autant plus grand qu'Elle connaissait le degré de sainteté que son époux avait entre les plus grands saints qui sont écrits dans le livre de la Vie et dans l'Entendement du Très-Haut. Et si ce qui est aimé de coeur n'est point perdu sans douleur et sans peine, la douleur de le perdre sera d'autant plus grande qu'on l'aimait davantage.
5, 16, 887. Il n'appartient point au sujet de cette Histoire d'écrire explicitement les excellences de la sainteté de saint Joseph, et je n'ai point ordre de le faire, si ce n'est ce qui est suffisant en général pour manifester davantage la dignité de son Épouse et notre Reine, aux mérites de laquelle, après son Très Saint Fils, on doit attribuer les Dons et les grâces que le Très-Haut déposa dans le glorieux
Patriarche. Et quand même la divine Dame n'aurait pas été la cause méritoire ou l'Instrument de la sainteté de son époux, Elle était pour le moins la fin immédiate à laquelle cette sainteté était ordonnée; parce que tout le comble des vertus et des grâces que le Seigneur communiqua à son Serviteur Joseph lui fut donné pour qu'il devînt le digne époux et le gardien de Celle que Dieu avait choisie pour Sa Mère. On doit mesurer la sainteté de saint Joseph avec cette règle et avec l'amour et l'appréciation que Dieu même fit de Sa Très Sainte Mère; et selon le concept que j'ai, je dois dire que s'il y avait eu dans le monde un homme plus parfait et avec de meilleures qualités, le Seigneur l'aurait donné pour époux à Sa propre Mère; et puisque Dieu donna l'Auguste Vierge Marie au Patriarche saint Joseph, celui-ci était sans contredit le meilleur que Dieu eut sur la terre. Et l'ayant créé et préparé pour des fins si hautes, il est certain que le Très-Haut par Sa puissante Droite l'avait fait idoine et proportionné à ces mêmes fins; et, selon notre manière de concevoir à la Lumière divine, cette proportion devait être par la sainteté, les vertus, les dons, les grâces et les inclinations infuses et naturelles.
5, 16, 888. Entre ce grand Patriarche et les autres Saints, je reconnais une différence dans les Dons qu'ils reçurent par grâce; parce qu'il fut donné à plusieurs Saints d'autres faveurs et d'autres privilèges qui ne regardaient pas tous leur propre sainteté, mais d'autres intentions et d'autres fins du service du Très-Haut dans les autres hommes, et c'étaient des dons ou des grâces gratuitement données ou distinctes de la sainteté; mais dans notre béni Patriarche, tous les dons lui ajoutaient des vertus et de la sainteté; parce que le mystère auquel ils étaient destinés et dirigés était l'effet de la sainteté et de ses oeuvres; étant plus saint et plus angélique il était plus propre à être l'époux de la Très Sainte Marie et le dépositaire du Trésor et du Sacrement du Ciel; et tout devait être en lui un miracle de sainteté comme il arriva. Cette merveille commença dès la formation de son corps dans le sein de sa mère; parce que la Providence particulière du Seigneur y présida et il fut composé avec une égalité proportionnée des quatre humeurs avec des qualités, une complexion et un tempérament excellents; parce qu'il fut dès lors une terre bénie et il lui échut en partage une âme bonne (Sag. 8: 19) et de la droiture d'inclinations. Il fut sanctifié dès le sein de sa mère au septième mois de sa conception et l'aiguillon du péché lui demeura lié pour toute sa vie [a] et il n'eut jamais de mouvement impur ni désordonné et quoique l'usage de la raison ne lui fût pas donné dans cette première sanctification outre que pour le sanctifier
seulement du péché originel; toutefois sa mère sentit alors une nouvelle jubilation de l'Esprit-Saint, et sans comprendre tout le mystère, elle fit de grands actes de vertus et elle jugea que l'enfant qu'elle avait dans son sein serait admirable au yeux de Dieu et des hommes.
5, 16, 889. Saint Joseph naquit très parfait et très beau selon le naturel, et il causa dans ses parents et ses proches une allégresse extraordinaire de la manière de celle qu'il y eut à la naissance du Baptiste quoique la cause de celle-ci fût plus cachée. Le Seigneur lui hâta l'usage de la raison, le lui donnant très parfait à sa troisième année, avec une Science infuse et une nouvelle augmentation de grâce et de vertus. Dès lors l'enfant commença à connaître Dieu par la Foi, et il Le connut aussi par le raisonnement naturel et par la Science, comme cause première et Auteur de toutes choses; il prêtait attention à tout ce qui se disait de Dieu et il en formait des concepts très sublimes. Dès cet âge il eut une oraison et une contemplation très élevée et un exercice admirable des vertus que son âge puéril permettait; de sorte qu'à sept ans ou plus, lorsque l'usage de la raison arrive pour les autres, saint Joseph était déjà homme parfait dans la raison et la sainteté. Il était d'un caractère tendre, charitable, affable, sincère et il montrait en tout des inclinations non seulement saintes, mais angéliques, et croissant en vertu et en perfection, il arriva par une vie irréprochable à l'âge où il se maria avec la Très Sainte Marie.
5, 16, 890. Alors pour accroître et confirmer en lui les dons de grâce, les prières de l'Auguste Dame intervinrent, car Elle supplia instamment le Très-Haut que s'Il lui commandait de prendre cet état du mariage, de sanctifier son époux Joseph, afin qu'il se conformât à ses très chastes pensées et à ses désirs. Le Seigneur l'exauça et la divine Reine le connut; par la force de Son puissant Bras Sa Majesté opéra copieusement dans l'esprit et les puissances du Patriarche saint Joseph des effets si Divins qu'ils ne peuvent être exprimés par des paroles; parce qu'Il répandit en lui des habitudes très parfaites de tous les Dons et de toutes le Vertus. Il rectifia de nouveau les puissances du Saint et Il les remplit de grâce, le confirmant dans cette même grâce d'une manière admirable. Dans la vertu et les dons de la chasteté, le saint époux demeura plus élevé que les plus hauts Séraphins; parce que la pureté qu'ils ont sans corps fut accordée à saint Joseph dans une corps terrestre et une
chair mortelle; et il n'entra jamais dans ses puissances aucune image ni aucune espèce de chose impure de la nature animale et sensible. Avec l'oubli de tout cela comme un Ange et avec une sincérité de colombe, il fut disposé pour demeurer en la compagnie et la présence de la plus pure des créatures; car sans ce privilège, il n'aurait pas été propre à une si grande dignité et à une excellence si rare.
5, 16, 891. Il fut admirable et distingué dans les autres vertus respectivement et surtout dans la Charité, comme étant dans la Fontaine pour se rassasier de cette Eau vive (Jean 4: 14) qui jaillit à la Vie Éternelle, ou voisin de la Sphère du feu, étant une matière disposé pour s'y embraser sans aucune résistance. Et la plus grande exaltation de cette vertu dans notre Saint enamouré fut ce que j'ai dit dans le chapitre précédent, No. 878, puisque l'amour de Dieu le rendit malade et fut l'instrument qui trancha le fil de sa vie et le fit privilégié dans la mort; parce que les douces angoisses de l'amour surpassèrent et absorbèrent pour ainsi dire celles de la nature, et celles-ci opérèrent moins que celles-là; et comme l'Objet de l'amour, Notre-Seigneur Jésus-Christ et Sa Mère, était présent, et que le Saint les avait tous Deux plus proches qu'aucun des mortels n'a pu ni ne peut Les avoir, il était inévitable que ce coeur très candide et très fidèle se fondît en affections et en effets d'une si rare Charité. Béni soit l'Auteur de si grandes merveilles! et bénit soit Joseph, le plus heureux d'entre les mortels en qui ces merveilles furent toutes dignement opérées! Il est digne que toutes les nations et les générations le connaissent et le bénissent puisque le Seigneur n'a fait de pareilles choses et n'a autant manifesté Son Amour envers aucun autre mortel.
5, 16, 892. J'ai dit quelque chose dans tout le cours de cette Histoire [b des visions et des révélations Divines dont saint Joseph fut favorisé, et il en eut beaucoup plus que l'on en peut dire; mais le plus grand des privilèges est renfermé en ce qu'il a connu les Mystères de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère et qu'il a vécu tant d'années en leur compagnie, étant réputé père du Seigneur et véritable époux de la Reine du Ciel. Néanmoins j'ai compris certains privilèges que le Très-Haut lui accorda à cause de sa grande sainteté, en faveur de ceux qui l'invoqueront comme leur intercesseur s'ils le font dignement. Le premier est pour obtenir la vertu de la chasteté et vaincre les dangers de la sensualité charnelle. Le
second pour obtenir de puissants secours pour sortir du péché et revenir à l'amitié de Dieu. Le troisième pour obtenir par son moyen la grâce et la dévotion envers la Très Sainte Marie. Le quatrième, pour obtenir une bonne mort. Le cinquième, que les démons craignent d'entendre le nom de Joseph. Le sixième pour obtenir la santé corporelle et un remède dans les autres afflictions. Le septième privilège pour obtenir une succession d'enfants dans les familles. Dieu fait ces faveurs et beaucoup d'autres à ceux qui les demandent dûment et comme il convient par l'intercession de saint Joseph, l'époux de notre Reine, et je prie tous les fidèles enfants de la Sainte Église d'être très dévots envers lui, et ils les connaîtront par expérience, s'ils se disposent comme il convient à les recevoir et à les mériter [c].
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 16, 893. Ma fille, quoique tu aies écrit que mon époux Joseph est très noble entre les Saints et les Princes de la Céleste Jérusalem, néanmoins tu ne peux manifester maintenant son éminente sainteté et les mortels ne peuvent la connaître avant d'arriver à la vue de la Divinité où ils deviendront capables de ces sacrements avec admiration et louange du Très-Haut; et quand tous les hommes seront jugés au dernier jour, les malheureux damnés pleureront amèrement de n'avoir point connu ce moyen si puissant et si efficace pour leur salut et de ne s'en être pas servi, comme ils l'auraient pu pour gagner l'amitié du juste Juge. Le monde a beaucoup ignoré les prérogatives et les privilèges que le Très-Haut Seigneur a accordés à mon saint époux, et combien son intercession a de pouvoir auprès de Sa Majesté et auprès de moi; parce que je t'assure, ma très chère, qu'il est un des plus grands Favoris en présence de la Justice divine, pour la retenir contre les pécheurs.
5, 16, 894. Et à cause de la connaissance et de la Lumière que tu as reçue de ce sacrement, je veux que tu sois très reconnaissante envers la Bonté du Seigneur
pour la faveur que je te fais en cela; et tâche de t'avancer désormais dans le reste de ta vie dans la dévotion et la cordiale affection envers mon saint époux, et de bénir le Seigneur de ce qu'Il le favorisa si libéralement et de la joie que j'eus de le connaître. Tu dois te servir de son intercession en toutes tes nécessités et lui procurer beaucoup de dévots; fais en sorte que tes religieuses se signalent en cela; puisque le Très-Haut accorde sur la terre ce que mon époux demande dans le Ciel, et Il a attaché à ses paroles des faveurs très grandes et très extraordinaires pour le bienfait des hommes s'ils ne se rendent pas indignes de les recevoir. Tous ces privilèges correspondent à la perfection de colombe qu'avait cet admirable Saint, et à ses vertus si grandioses; parce que la Clémence divine s'est inclinée vers elles, et Il a regardé très libéralement mon saint époux afin d'accorder des Miséricordes admirables à cause de lui à tous ceux qui sauront profiter de son intercession.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 16, [a]. «Dieu n'a point lié Sa grâce par la loi des Sacrements; Il peut l'accorder par privilège àquelques-uns même avant leur naissance.» Saint Augustin, dans l'épître 57 à Dardan. Du reste un grand nombre de docteurs enseignèrent que saint Joseph fut sanctifié avant de naître.
5, 16, [b. Livre 4, Nos. 422, 433, 472; Livre 5, No. 875.
5, 16, [c]. Voir ce que la Vénérable écrit de saint Joseph au Jugement Universel dans le Livre 2, No. 794. Aussi Cornelius A. Lapide dans le chapitre 23 des Proverbes
écrit: «L'époux de la Bienheureuse Vierge sera très noble dans cette assemblée parce qu'il est nommé après la Très Sainte Vierge parmi les Saints: c'est pourquoi en ce jour du Jugement il siégera parmi les Prophètes et les Apôtres et même il paraîtra illustre et distingué entre les premiers Ordres des Anges.»
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 17
Les occupations de la Très Sainte Marie après la mort de saint Joseph et quelques événements avec ses Anges.
5, 17, 895. La perfection de la vie chrétienne se réduit tout entière aux deux vies que l'Église connaît, la vie active et la vie contemplative. A la vie active appartiennent les opérations corporelles ou sensibles et qui s'exercent envers les proches dans les choses humaines, qui sont nombreuses et variées et qui touchent aux vertus morales dont toutes les actions de la vie active reçoivent leur perfection propre. A la contemplation appartiennent les opérations intérieures de l'entendement et de la volonté dont l'objet est très noble, spirituel et proche de la créature intellectuelle et raisonnable; et pour cela cette vie contemplative est plus excellente que l'active et par elle-même elle est plus aimable, comme étant plus tranquille, plus délicieuse et plus belle, et qu'elle s'approche davantage de la dernière fin qui est Dieu, dans la connaissance et l'amour duquel elle consiste: et ainsi elle participe davantage de la Vie Éternelle qui est toute contemplative. Telles sont les deux soeurs Marthe et Marie (Luc 10: 41-42), l'une tranquille et favorisée, l'autre chargée de soins et troublée; et aussi les deux autres soeurs et épouses Lia et Rachel (Gen. 29: 17); l'une féconde, mais laide et ayant de mauvais yeux; l'autre belle et gracieuse mais stérile dans le commencement; parce que la vie active est plus fructueuse, quoique partagée entre plusieurs occupations variées dans lesquelles elle se trouble, et elle n'a pas des yeux si clairs pour les élever à pénétrer les choses sublimes et divines; mais la contemplative est très belle, quoiqu'au commencement elle ne soit pas si féconde, parce qu'elle donne son fruit plus tard par le moyen de l'oraison et des mérites qui supposent une grande perfection et une grande amitié de Dieu, pour
L'obliger àce qu'Il étende Sa libéralité envers d'autres âmes; mais ses fruits ont coutume d'être de grand prix et de bénédictions très abondantes.
5, 17, 896. L'union de ces deux vies est le comble de la perfection chrétienne, mais elle est aussi difficile qu'on le voit en Marthe et Marie, en Lia et Rachel, qui ne furent point une seule, mais deux différentes, chacune pour représenter la vie qu'elle signifiait: parce qu'aucune des deux n'a pu comprendre les deux vies dans leur représentation, par la difficulté qu'il y a de les unir dans un seul sujet en même temps, dans un degré parfait. Et quoique les saints aient beaucoup travaillé en ceci et que la doctrine des maîtres spirituels soit ordonnée à la même chose ainsi que tant d'instruction des hommes apostoliques et savants; les exemples des Apôtres et des fondateurs des saints Ordres religieux, car tous tâchèrent d'unir la contemplation à l'action, en tant qu'il leur était accordé par la grâce Divine; mais toujours ils connurent que la vie active, par la multitude de ses actions, répand le coeur dans les objets inférieurs et le trouble, comme le Seigneur le dit à Marthe, et quoiqu'elle travaille à se recueillir dans sa quiétude et son repos pour s'élever aux objets très sublimes de la contemplation, elle ne le peut sans grande difficulté en cette vie et pour peu de temps, sauf avec un autre privilège spécial de la Droite du Très-Haut. Pour cette raison les saints qui s'adonnèrent à la contemplation, cherchèrent à propos les solitudes et les déserts propres pour y vaquer; et les autres qui s'appliquaient conjointement à la vie active et au salut des âmes par la prédication et la doctrine, se réservaient une partie du temps dans lequel ils se retiraient des actions extérieures et dans le reste ils partageaient les jours, donnant certaines heures à la contemplation et d'autres aux occupations actives, et opérant le tout avec perfection, ils obtinrent le mérite et la récompense des deux vies, laquelle est fondée seulement sur l'amour et la grâce, comme cause principale.
5, 17, 897. Seule la Très Sainte Marie joignit ces deux vies dans un degré suprême sans que la contemplation très sublime et très ardente y fut embarrassée par les actions extérieures de la vie active. En Elle la sollicitude de Marthe fut sans trouble et le repos et la tranquillité de Marie sans donner aucun lieu au loisir corporel; Elle eut la beauté de Rachel et la fécondité de Lia; et seule notre Auguste et Prudente Reine comprit véritablement ce que signifièrent ces deux soeurs. Et
quoiqu'Elle servît son époux malade et qu'Elle lui gagnât la vie par son travail et en même temps à son Très Saint Fils, comme il a été dit, cependant Elle ne cessait ni n'interrompait pour ces actions et ces occupations sa contemplation Divine; Elle ne s'y embarrassait pas et Elle ne se trouvait pas obligée de chercher des temps et solitude et de retraite pour rasséréner son coeur pacifique et s'élever au-dessus des plus sublimes Séraphins. Cependant lorsqu'Elle se trouva seule et désoccupée de la compagnie de son époux, elle ordonna sa vie et ses exercices pour s'occuper seulement dans le ministère de l'amour intérieur. Elle connut ensuite dans l'intérieur de son Très Saint Fils que telle était Sa Volonté et qu'Elle devait modérer le travail corporel qu'Elle avait eu en s'y appliquant jour et nuit pour soutenir son Saint malade, et qu'au lieu de ce lourd exercice Elle assistât avec Sa Majesté aux prières et aux Oeuvres très sublimes qu'Il faisait.
5, 17, 898. Le même Seigneur lui manifesta aussi qu'il suffisait de travailler quelque temps par jour pour l'aliment modéré dont ils devaient user, parce que désormais ils ne mangeraient qu'une seule fois par jour, vers le soir, parce que jusqu'alors ils avaient gardé un autre ordre à cause de l'amour qu'ils portaient à saint Joseph, l'accompagnant aux heures et aux temps des repas pour sa consolation. Depuis lors le Très Saint Fils et la Bienheureuse Mère ne mangèrent qu'une seule fois à six heures du soir; et bien des jours leur nourriture n'était que du pain seul, d'autres jours la divine Dame ajoutait des fruits et des herbes ou du poisson; et c'était le plus grand régal du Roi et de la Reine de l'Univers. Et quoique leur tempérance fût toujours souveraine et leur abstinence admirable, néanmoins lorsqu'Ils furent seuls elle fut plus grande, et ils n'y admirent jamais de dispense sinon dans la qualité des aliments et l'heure de manger. Lorsqu'ils étaient conviés, ils mangeaient peu dans la quantité de ce qui leur était donné (Luc 10: , sans s'excuser, commençant à exécuter le conseil que Notre-Seigneur devait donner à Ses disciples lorsqu'Il serait à prêcher. La grande Reine servait à genoux à son Très Saint Fils le pauvre aliment dont ils faisaient usage, Lui demandant permission de le faire; et quelquefois Elle le préparait avec la même révérence, parce qu'il était pour nourrir son Fils vrai Dieu.
5, 17, 899. La présence de saint Joseph n'avait pas été un empêchement pour que la
Très Prudente Dame traitât son Très Saint Fils en toute révérence, sans perdre un instant ni une action qu'Elle devait faire et qui convenait alors; mais après que le Saint fut mort la grande Souveraine exerça avec plus de fréquence les prosternations et les génuflexions qu'Elle avait accoutumées [a], parce que sa liberté pour cela était toujours plus grande en présence des Anges seuls qu'en celle de son époux qui était homme. Souvent Elle était prosternée en terre jusqu'à ce que le Seigneur lui commandât de se lever; Lui baisait souvent les pieds, quelquefois la main et cela d'ordinaire avec des larmes d'humilité et de révérence très profondes; et Elle était toujours en présence de Sa Majesté avec des actions ou des signes d'adoration et d'amour très ardent, dépendante de son bon plaisir Divin et attentive à Son intérieur pour L'imiter. Et quoiqu'Elle n'eût point de péché ni la plus légère imperfection ou la moindre négligence dans le service et l'amour de son Très Saint Fils, cependant Elle était toujours mieux que ne le dit le Prophète (Ps. 122: 2), comme sont les yeux du serviteur et de l'esclave attentifs aux mains de leur maître pour en obtenir la grâce qu'ils désirent. Il n'est pas possible qu'aucune créature humaine puisse se faire une idée de la Science du Seigneur que notre Reine eut pour comprendre et opérer tant d'actions si Divines comme Elle le fit en présence du Verbe fait chair pendant ces années qu'Ils vécurent seuls ensemble, sans autre compagnie que celle des Anges qui les accompagnaient et les servaient. Ils furent les seuls témoins oculaires avec admiration et louange de se voir si inférieurs à la Sagesse et à la pureté d'une pure Créature qui fut digne de tant de sainteté; parce que seule Elle donna la plénitude des Oeuvres de la grâce.
5, 17, 900. La Reine du Ciel eut de très douces contestations ou émulations sur les actions ordinaires et humbles qui étaient nécessaires pour le service du Verbe fait homme et de son humble maison; parce qu'il n'y avait personne qui pouvait les faire, hors la même Impératrice, la divine Souveraine, et ses vassaux et ministres très nobles et très fidèles qui assistaient pour cela en forme humaine, prompts et officieux pour subvenir àtout. La grande Reine voulait faire par Elle-même toutes les choses humbles de ses mains, balayer, ranger les pauvres meubles, laver la vaisselle et les vases et disposer tout le nécessaire; mais les courtisans du Très-Haut, véritablement courtois et prompts dans leurs opérations, quoique non plus humbles, avaient coutume de s'avancer à prévenir ces actions, avant que leur Reine y arrivât et souvent son Altesse les rencontrait exécutant ce qu'Elle devait faire en temps opportuns, les saints Anges ayant pris les devants, néanmoins à sa parole ils
obéissaient àl'instant, et ils la laissaient satisfaire l'affection de son humilité et de son amour. Et afin qu'ils n'empêchassent point ses désirs, Elle leur parlait et leur disait: «Ministres du Très-Haut, esprits très purs où se réfléchissent les Lumières avec lesquelles Sa Divinité m'illumine, ces offices humbles et serviles ne conviennent pas à votre état, à votre nature ni à votre condition, mais à moi qui suis formée de terre, la moindre de tous les mortels, et l'Esclave la plus obligée de mon Seigneur et de mon Fils; mes amis laissez-moi faire les ministères qui me touchent, puisque je peux en profiter dans le service du Très-Haut avec le mérite que vous n'auriez pas à cause de votre dignité et de votre état. Je connais le prix de ces oeuvres serviles que le monde méprise et le Très-Haut ne m'a pas donné cette Lumière pour que je les confie à d'autres, mais pour les exécuter par moi-même.»
5, 17, 901. «Notre Reine et notre Dame,» répondaient les Anges, «il est vrai qu'à Vos yeux et dans l'acceptation du Très-Haut ces oeuvres sont aussi estimables que Vous le connaissez, mais si Vous obtenez avec elle le fruit précieux de Votre humilité incomparable, sachez aussi que nous manquerons àl'obéissance que nous devons au Seigneur, si nous ne Vous servons comme Sa sublime Majesté nous l'a commandé, et Vous étant notre Souveraine légitime, nous manquerions aussi à la justice en omettant tout service qui dans cette reconnaissance nous sera permis d'en Haut; et le mérite que Vous n'obtenez point, Madame, en n'exécutant point ces oeuvres serviles, la mortification de ne point les accomplir et le désir t_ès ardent avec lequel Vous les procurez le compense facilement.» La Très Prudent Vierge répliquait à ces raisons, et disait: «Non, sublimes esprits, mes seigneurs, il ne doit pas en être comme vous le voulez; parce que si vous jugez comme une grande obligation de me servir comme Mère de votre grand Seigneur, de la main de qui je suis l'Ouvrage, sachez qu'Il m'éleva de la poussière pour cette dignité et ma dette vient àêtre plus grande que la vôtre dans un tel Bienfait; et mon obligation étant si grande, mon retour aussi doit être grand; et si vous voulez servir mon Fils comme créatures faites de Ses mains, je dois Le servir comme mon Fils; ainsi vous me trouverez toujours avec plus de droit que vous pour être humble, reconnaissante et m'abaisser jusqu'à la poussière.»
5, 17, 902. Ces admirables et douces contestations et d'autres semblables se
passaient entre la Très Sainte Marie et ses Anges et la palme de l'humilité restait toujours dans les mains de leur Reine et Maîtresse. Le monde ignore avec justice des sacrements si cachés dont la vanité et l'orgueil le rendent indigne. La folle arrogance juge ces humbles occupations et ces offices serviles, méprisables et puériles, mais les courtisans du Ciel qui connaissent leur valeur les apprécient et la Reine du Ciel et de la terre les sollicitait car Elle sut leur donner la juste appréciation. Mais laissons maintenant le monde avec son excuse ou son ignorance, qu'il en advienne ce qu'il pourra; parce que l'humilité n'est pas pour les coeurs hautains et altiers, ni le service dans les offices humbles n'est pas compatible avec la pourpre ni la toile de Hollande, non plus le balayage et le lavage de la vaisselle ne s'ajustent point avec les brocards et les joyaux coûteux; car les perles précieuses de ces vertus ne sont pas pour tous sans distinction. Mais si à l'école de l'humilité et du mépris, je veux dire dans les maisons religieuses, s'attache la contagion de l'orgueil mondain et si l'on répute ces humiliations pour un défaut et un déshonneur, nous ne pouvons nier que cet orgueil ne soit honteux et très répréhensible, si nous méprisons ces bénéfices et ces occupations serviles, nous les religieux et les religieuses et si selon l'usage des mondains, nous tenons pour une bassesse de les faire, avec quel courage nous mettrons-nous en la présence des Anges et de leur Reine et la nôtre qui tint pour un honneur très estimable les oeuvres que nous jugeons contemptibles, basses et sans honneur.
5, 17, 903. Mes soeurs, filles de cette grande Reine et Souveraine, c'est à vous que je m'adresse, vous qui avez été appelées et élevées jusqu'à entrer dans le cabinet nuptial du Roi dans l'exultation et avec une allégresse (Ps. 44: 16) véritable, ne veuillez point dégénérer du titre honorifique d'une telle Mère, et si étant Reine des Anges et des hommes, Elle s'humiliait Elle-même à faire ces oeuvres humbles et inférieures, si Elle balayait et servait dans la plus basse occupation, que sera à ses yeux et àceux du Seigneur Dieu l'esclave hautaine, superbe et orgueilleuse qui méprise l'humilité? Que cette erreur sorte au dehors de notre communauté, laissons-la à la Babylone et à ses habitants, honorons ce que son Altesse eut pour couronne et que ce soit un affront, une réprimande sévère et une confusion honteuse pour nous de n'avoir pas les mêmes compétitions qu'Elle eut avec les Anges qu'Elle devait vaincre en humilité. Portons-nous à l'envi aux oeuvres humbles et serviles et causons en nos saints Anges et compagnons fidèles cette émulation si agréable à notre grande Reine et à son Très Saint Fils notre Époux.
5, 17, 904. Et afin que nous entendions que sans humilité solide et véritable, c'est une témérité de nous payer de consolations spirituelles ou sensibles mal assurées et ce serait une audace insensée de les désirer; considérons notre divine Maîtresse qui est l'Exemplaire consommé de la vie sainte et parfaite. Les faveurs et les consolations du Ciel s'alternaient en Elle avec les oeuvres humbles et serviles que faisait cette grande Reine: Il arrivait souvent que lorsqu'Elle était avec son Très Saint Fils, étant tous deux retirés en oraison, les saints Anges leur chantaient avec des voix douces et harmonieuses les hymnes et les cantiques que la Bienheureuse Mère avait composés àla louange de l'Etre infini de Dieu et du Mystère de l'union hypostatique de la nature humaine en la Personne du Verbe Divin. La Reine avait coutume d'appeler les Anges et de les prier d'alterner avec Elle les versets et de répéter ces cantiques àleur Créateur et leur Seigneur et d'en faire de nouveaux; et ils lui obéissaient avec admiration, voyant la profonde Sagesse de cette grande Reine pour ce qu'Elle composait et disait de nouveau. Ensuite, lorsque son Très Saint Fils Se retirait pour Se reposer, ou lorsqu'Il mangeait, Elle leur commandait comme Mère de leur Créateur prenant un soin amoureux de Le récréer, de faire de la musique en son Nom; et le même Seigneur le permettait lorsque Sa Prudente Mère l'ordonnait, donnant lieu à l'ardente Charité et àla vénération avec lesquelles Elle Le servait dans ces dernières années. Pour dire outre cela ce qui m'a été manifesté, il faudrait faire un discours très long et avoir une capacité plus grande que la mienne. On peut connaître quelque chose, par ce que j'ai insinué, de ces sacrements si profonds et trouver motif d'exalter et de bénir cette grande Reine et Souveraine que toutes les nations connaissent et proclament bénie entre toutes les créatures (Luc 1: 48) et très digne Mère du Créateur et Rédempteur du monde.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
5, 17, 905. Ma fille, avant de poursuivre à déclarer d'autres mystères, je veux que tu sois bien instruite de celui qu'avaient toutes les choses qu'ordonna le Très-Haut à mon égard par rapport à mon saint époux Joseph. Lorsque je me mariai avec lui, il
me commanda de changer l'ordre de mes repas et d'autres oeuvres extérieures pour me conformer à sa manière de vivre, parce qu'il était chef et moi dans l'ordre commun j'étais inférieure. Mon Très Saint Fils fit aussi de même, étant Dieu véritable pour être assujetti dans l'extérieur à celui que le monde jugeait pour Son père. Et lorsque nous demeurâmes seuls, mon époux étant mort, et que ce motif manqua, nous revînmes à notre ordre et à notre gouvernement quant aux repas et à d'autres opérations; Sa Majesté ne voulut point que saint Joseph se conformât à Nous, mais Nous àlui, comme le demandait l'ordre commun de mon état. Sa Majesté n'interposa pas non plus de miracles pour Se dispenser de la nourriture qu'Il avait coutume de prendre; parce qu'Il procédait en tout comme Maître des vertus, enseignant àtous le plus parfait: Aux parents et aux enfants, aux prélats et aux supérieurs, aux sujets et aux inférieurs. Aux parents d'aimer leurs enfants, de les aider, de les nourrir et de les corriger; de les avertir et de les diriger vers le salut sans retard ni négligence. Aux enfants, d'aimer, d'estimer et d'honorer leurs parents comme les instruments de leur vie et de leur être; de leur obéir diligemment, gardant tous la Loi naturelle et Divine qui le leur enseigne par Elle-même: et faire le contraire est une monstruosité vilaine et horrible. Les prélats et les supérieurs doivent aimer leurs sujets et les commander comme leurs enfants et ceux-ci doivent obéir sans résistance, lors même qu'ils seraient plus grands qu'eux par d'autres conditions ou qualités; parce que selon la dignité qui représente Dieu, le prélat est toujours plus grand, mais ils doivent ne faire tous qu'une même chose (Jean 17: 21) par la véritable Charité.
5, 17, 906. Et afin d'obtenir cette grande vertu, je veux que tu t'accommodes et que tu te conformes à tes soeurs et sujettes, sans cérémonie ni geste imparfait; mais de traiter avec elles avec une simplicité et une sincérité de colombe; prie quand elles prient; mange et travaille quand elles le font et demeure avec elles à la récréation; parce que la plus grande perfection dans les congrégations se fonde à suivre l'esprit commun de toutes, et si tu le fais tu seras gouvernée par l'Esprit-Saint qui régit les communautés bien organisées. Avec cet ordre tu peux t'avancer dans l'abstinence, mangeant moins que toutes, quoiqu'elles te servent la même chose qu'à elles et sans te rendre singulière, laisse avec dissimulation ce que tu voudras pour l'amour de ton Époux et le mien. Si tu n'es pas empêchée par quelque grave infirmité, ne manque jamais aux exercices de communauté, si l'obéissance à tes
supérieurs ne te retiens pas occupé et assistes-y avec révérence, crainte et attention et avec une dévotion spéciale, parce que tu y seras souvent visitée par le Seigneur.
5, 17, 907. Je veux de même que tu apprennes de ce chapitre la précaution soigneuse que tu dois avoir pour cacher les oeuvres que tu pourras faire en secret à mon exemple; puisque sans que je n'eusse rien à craindre de les faire toutes en présence de mon époux saint Joseph sans aucun danger, je leur donnais néanmoins ce point de perfection et de prudence; parce que le secret les rend plus louables. Mais cela n'est pas nécessaire dans les oeuvres communes et obligatoires avec lesquelles tu dois donner l'exemple sans cacher la Lumière; car il serait scandaleux et digne de réprimande de manquer en cela. Les autres oeuvres qui doivent se faire en secret et cachées aux yeux des créatures ne doivent pas être exposées légèrement au danger de la publicité et de l'ostentation. Dans ce secret tu peux faire plusieurs génuflexions comme j'en faisais et tu pourras t'humilier prosternée et inclinée jusqu'à terre adorant la suprême Majesté du Très-Haut, afin que le corps mortel qui appesantit l'âme soit offert (Sag. 9: 15) comme en sacrifice acceptable pour satisfaire aux mouvements désordonnés qu'il a eus contre la raison et la justice et afin qu'il n'y ait aucune chose en toi qui ne soit offerte et dédiée au service de ton Créateur et ton Époux, et par ces opérations le corps compense en quelque manière pour les grandes choses qu'il a empêchées et qu'il a fait perdre à l'âme par ses passions et ses défauts terrestres.
5, 17, 908. Dans cette intention tâche de le tenir toujours très assujetti et que les bienfaits qui lui sont faits ne servent qu'à le soutenir dans la servitude de l'âme, et non pour qu'il se réjouisse dans ses caprices et ses appétits. Mortifie-le et fais-le mourir en quelque manière à tout ce qui est délectable aux sens, jusqu'à ce que les opérations communes et nécessaires à la vie lui soient plutôt une peine qu'un plaisir, plutôt une amertume qu'une délectation dangereuse. Et quoique je t'aie parlé en d'autres occasions de la valeur de cette humiliation et de cette mortification, maintenant tu demeureras plus enseignée par mon exemple de l'appréciation que tu dois faire de tout acte d'humilité et de mortification. Maintenant je te commande de n'en mépriser aucun et ne point les croire petits, mais tu dois les réputer dans ton estime comme des trésors inestimables, tâchant
de les acquérir pour toi. En cela tu dois être cupide et avare, prenant les devants pour les offices serviles de balayer, de laver la maison, d'en faire les oeuvres les plus basses et de servir les malades et les nécessiteux comme je te l'ai commandé en d'autres occasions, et en toutes tu m'auras devant les yeux comme Miroir, afin que ma sollicitude dans cette humilité te serve de stimulant et d'allégresse à m'imiter et de confusion pour la négligence de ne l'avoir point fait. Si cette vertu fondamentale me fut si nécessaire pour trouver grâce et agrément aux yeux du Seigneur ne Lui ayant point déplu et ne L'ayant jamais offensé depuis l'être que j'avais; et je m'humiliais afin que Sa divine Droite m'élevât; combien plus as-tu besoin de t'humilier jusqu'à la poussière et de t'anéantir dans ton être, toi qui fus conçue dans le péché (Ps. 50: 7) et qui L'as offensé tant de fois? Humilie-toi jusqu'au néant et reconnais que tu as mal employé l'être que le Très-Haut t'a donné, avec cela l'être que tu as doit te servir de plus d'humiliation, afin de trouver le Trésor de Sa grâce.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 17, [a]. Livre 3, No. 180.
Les occupations de la Très Sainte Marie après la mort de saint Joseph et quelques événements avec ses Anges.
5, 17, 895. La perfection de la vie chrétienne se réduit tout entière aux deux vies que l'Église connaît, la vie active et la vie contemplative. A la vie active appartiennent les opérations corporelles ou sensibles et qui s'exercent envers les proches dans les choses humaines, qui sont nombreuses et variées et qui touchent aux vertus morales dont toutes les actions de la vie active reçoivent leur perfection propre. A la contemplation appartiennent les opérations intérieures de l'entendement et de la volonté dont l'objet est très noble, spirituel et proche de la créature intellectuelle et raisonnable; et pour cela cette vie contemplative est plus excellente que l'active et par elle-même elle est plus aimable, comme étant plus tranquille, plus délicieuse et plus belle, et qu'elle s'approche davantage de la dernière fin qui est Dieu, dans la connaissance et l'amour duquel elle consiste: et ainsi elle participe davantage de la Vie Éternelle qui est toute contemplative. Telles sont les deux soeurs Marthe et Marie (Luc 10: 41-42), l'une tranquille et favorisée, l'autre chargée de soins et troublée; et aussi les deux autres soeurs et épouses Lia et Rachel (Gen. 29: 17); l'une féconde, mais laide et ayant de mauvais yeux; l'autre belle et gracieuse mais stérile dans le commencement; parce que la vie active est plus fructueuse, quoique partagée entre plusieurs occupations variées dans lesquelles elle se trouble, et elle n'a pas des yeux si clairs pour les élever à pénétrer les choses sublimes et divines; mais la contemplative est très belle, quoiqu'au commencement elle ne soit pas si féconde, parce qu'elle donne son fruit plus tard par le moyen de l'oraison et des mérites qui supposent une grande perfection et une grande amitié de Dieu, pour
L'obliger àce qu'Il étende Sa libéralité envers d'autres âmes; mais ses fruits ont coutume d'être de grand prix et de bénédictions très abondantes.
5, 17, 896. L'union de ces deux vies est le comble de la perfection chrétienne, mais elle est aussi difficile qu'on le voit en Marthe et Marie, en Lia et Rachel, qui ne furent point une seule, mais deux différentes, chacune pour représenter la vie qu'elle signifiait: parce qu'aucune des deux n'a pu comprendre les deux vies dans leur représentation, par la difficulté qu'il y a de les unir dans un seul sujet en même temps, dans un degré parfait. Et quoique les saints aient beaucoup travaillé en ceci et que la doctrine des maîtres spirituels soit ordonnée à la même chose ainsi que tant d'instruction des hommes apostoliques et savants; les exemples des Apôtres et des fondateurs des saints Ordres religieux, car tous tâchèrent d'unir la contemplation à l'action, en tant qu'il leur était accordé par la grâce Divine; mais toujours ils connurent que la vie active, par la multitude de ses actions, répand le coeur dans les objets inférieurs et le trouble, comme le Seigneur le dit à Marthe, et quoiqu'elle travaille à se recueillir dans sa quiétude et son repos pour s'élever aux objets très sublimes de la contemplation, elle ne le peut sans grande difficulté en cette vie et pour peu de temps, sauf avec un autre privilège spécial de la Droite du Très-Haut. Pour cette raison les saints qui s'adonnèrent à la contemplation, cherchèrent à propos les solitudes et les déserts propres pour y vaquer; et les autres qui s'appliquaient conjointement à la vie active et au salut des âmes par la prédication et la doctrine, se réservaient une partie du temps dans lequel ils se retiraient des actions extérieures et dans le reste ils partageaient les jours, donnant certaines heures à la contemplation et d'autres aux occupations actives, et opérant le tout avec perfection, ils obtinrent le mérite et la récompense des deux vies, laquelle est fondée seulement sur l'amour et la grâce, comme cause principale.
5, 17, 897. Seule la Très Sainte Marie joignit ces deux vies dans un degré suprême sans que la contemplation très sublime et très ardente y fut embarrassée par les actions extérieures de la vie active. En Elle la sollicitude de Marthe fut sans trouble et le repos et la tranquillité de Marie sans donner aucun lieu au loisir corporel; Elle eut la beauté de Rachel et la fécondité de Lia; et seule notre Auguste et Prudente Reine comprit véritablement ce que signifièrent ces deux soeurs. Et
quoiqu'Elle servît son époux malade et qu'Elle lui gagnât la vie par son travail et en même temps à son Très Saint Fils, comme il a été dit, cependant Elle ne cessait ni n'interrompait pour ces actions et ces occupations sa contemplation Divine; Elle ne s'y embarrassait pas et Elle ne se trouvait pas obligée de chercher des temps et solitude et de retraite pour rasséréner son coeur pacifique et s'élever au-dessus des plus sublimes Séraphins. Cependant lorsqu'Elle se trouva seule et désoccupée de la compagnie de son époux, elle ordonna sa vie et ses exercices pour s'occuper seulement dans le ministère de l'amour intérieur. Elle connut ensuite dans l'intérieur de son Très Saint Fils que telle était Sa Volonté et qu'Elle devait modérer le travail corporel qu'Elle avait eu en s'y appliquant jour et nuit pour soutenir son Saint malade, et qu'au lieu de ce lourd exercice Elle assistât avec Sa Majesté aux prières et aux Oeuvres très sublimes qu'Il faisait.
5, 17, 898. Le même Seigneur lui manifesta aussi qu'il suffisait de travailler quelque temps par jour pour l'aliment modéré dont ils devaient user, parce que désormais ils ne mangeraient qu'une seule fois par jour, vers le soir, parce que jusqu'alors ils avaient gardé un autre ordre à cause de l'amour qu'ils portaient à saint Joseph, l'accompagnant aux heures et aux temps des repas pour sa consolation. Depuis lors le Très Saint Fils et la Bienheureuse Mère ne mangèrent qu'une seule fois à six heures du soir; et bien des jours leur nourriture n'était que du pain seul, d'autres jours la divine Dame ajoutait des fruits et des herbes ou du poisson; et c'était le plus grand régal du Roi et de la Reine de l'Univers. Et quoique leur tempérance fût toujours souveraine et leur abstinence admirable, néanmoins lorsqu'Ils furent seuls elle fut plus grande, et ils n'y admirent jamais de dispense sinon dans la qualité des aliments et l'heure de manger. Lorsqu'ils étaient conviés, ils mangeaient peu dans la quantité de ce qui leur était donné (Luc 10: , sans s'excuser, commençant à exécuter le conseil que Notre-Seigneur devait donner à Ses disciples lorsqu'Il serait à prêcher. La grande Reine servait à genoux à son Très Saint Fils le pauvre aliment dont ils faisaient usage, Lui demandant permission de le faire; et quelquefois Elle le préparait avec la même révérence, parce qu'il était pour nourrir son Fils vrai Dieu.
5, 17, 899. La présence de saint Joseph n'avait pas été un empêchement pour que la
Très Prudente Dame traitât son Très Saint Fils en toute révérence, sans perdre un instant ni une action qu'Elle devait faire et qui convenait alors; mais après que le Saint fut mort la grande Souveraine exerça avec plus de fréquence les prosternations et les génuflexions qu'Elle avait accoutumées [a], parce que sa liberté pour cela était toujours plus grande en présence des Anges seuls qu'en celle de son époux qui était homme. Souvent Elle était prosternée en terre jusqu'à ce que le Seigneur lui commandât de se lever; Lui baisait souvent les pieds, quelquefois la main et cela d'ordinaire avec des larmes d'humilité et de révérence très profondes; et Elle était toujours en présence de Sa Majesté avec des actions ou des signes d'adoration et d'amour très ardent, dépendante de son bon plaisir Divin et attentive à Son intérieur pour L'imiter. Et quoiqu'Elle n'eût point de péché ni la plus légère imperfection ou la moindre négligence dans le service et l'amour de son Très Saint Fils, cependant Elle était toujours mieux que ne le dit le Prophète (Ps. 122: 2), comme sont les yeux du serviteur et de l'esclave attentifs aux mains de leur maître pour en obtenir la grâce qu'ils désirent. Il n'est pas possible qu'aucune créature humaine puisse se faire une idée de la Science du Seigneur que notre Reine eut pour comprendre et opérer tant d'actions si Divines comme Elle le fit en présence du Verbe fait chair pendant ces années qu'Ils vécurent seuls ensemble, sans autre compagnie que celle des Anges qui les accompagnaient et les servaient. Ils furent les seuls témoins oculaires avec admiration et louange de se voir si inférieurs à la Sagesse et à la pureté d'une pure Créature qui fut digne de tant de sainteté; parce que seule Elle donna la plénitude des Oeuvres de la grâce.
5, 17, 900. La Reine du Ciel eut de très douces contestations ou émulations sur les actions ordinaires et humbles qui étaient nécessaires pour le service du Verbe fait homme et de son humble maison; parce qu'il n'y avait personne qui pouvait les faire, hors la même Impératrice, la divine Souveraine, et ses vassaux et ministres très nobles et très fidèles qui assistaient pour cela en forme humaine, prompts et officieux pour subvenir àtout. La grande Reine voulait faire par Elle-même toutes les choses humbles de ses mains, balayer, ranger les pauvres meubles, laver la vaisselle et les vases et disposer tout le nécessaire; mais les courtisans du Très-Haut, véritablement courtois et prompts dans leurs opérations, quoique non plus humbles, avaient coutume de s'avancer à prévenir ces actions, avant que leur Reine y arrivât et souvent son Altesse les rencontrait exécutant ce qu'Elle devait faire en temps opportuns, les saints Anges ayant pris les devants, néanmoins à sa parole ils
obéissaient àl'instant, et ils la laissaient satisfaire l'affection de son humilité et de son amour. Et afin qu'ils n'empêchassent point ses désirs, Elle leur parlait et leur disait: «Ministres du Très-Haut, esprits très purs où se réfléchissent les Lumières avec lesquelles Sa Divinité m'illumine, ces offices humbles et serviles ne conviennent pas à votre état, à votre nature ni à votre condition, mais à moi qui suis formée de terre, la moindre de tous les mortels, et l'Esclave la plus obligée de mon Seigneur et de mon Fils; mes amis laissez-moi faire les ministères qui me touchent, puisque je peux en profiter dans le service du Très-Haut avec le mérite que vous n'auriez pas à cause de votre dignité et de votre état. Je connais le prix de ces oeuvres serviles que le monde méprise et le Très-Haut ne m'a pas donné cette Lumière pour que je les confie à d'autres, mais pour les exécuter par moi-même.»
5, 17, 901. «Notre Reine et notre Dame,» répondaient les Anges, «il est vrai qu'à Vos yeux et dans l'acceptation du Très-Haut ces oeuvres sont aussi estimables que Vous le connaissez, mais si Vous obtenez avec elle le fruit précieux de Votre humilité incomparable, sachez aussi que nous manquerons àl'obéissance que nous devons au Seigneur, si nous ne Vous servons comme Sa sublime Majesté nous l'a commandé, et Vous étant notre Souveraine légitime, nous manquerions aussi à la justice en omettant tout service qui dans cette reconnaissance nous sera permis d'en Haut; et le mérite que Vous n'obtenez point, Madame, en n'exécutant point ces oeuvres serviles, la mortification de ne point les accomplir et le désir t_ès ardent avec lequel Vous les procurez le compense facilement.» La Très Prudent Vierge répliquait à ces raisons, et disait: «Non, sublimes esprits, mes seigneurs, il ne doit pas en être comme vous le voulez; parce que si vous jugez comme une grande obligation de me servir comme Mère de votre grand Seigneur, de la main de qui je suis l'Ouvrage, sachez qu'Il m'éleva de la poussière pour cette dignité et ma dette vient àêtre plus grande que la vôtre dans un tel Bienfait; et mon obligation étant si grande, mon retour aussi doit être grand; et si vous voulez servir mon Fils comme créatures faites de Ses mains, je dois Le servir comme mon Fils; ainsi vous me trouverez toujours avec plus de droit que vous pour être humble, reconnaissante et m'abaisser jusqu'à la poussière.»
5, 17, 902. Ces admirables et douces contestations et d'autres semblables se
passaient entre la Très Sainte Marie et ses Anges et la palme de l'humilité restait toujours dans les mains de leur Reine et Maîtresse. Le monde ignore avec justice des sacrements si cachés dont la vanité et l'orgueil le rendent indigne. La folle arrogance juge ces humbles occupations et ces offices serviles, méprisables et puériles, mais les courtisans du Ciel qui connaissent leur valeur les apprécient et la Reine du Ciel et de la terre les sollicitait car Elle sut leur donner la juste appréciation. Mais laissons maintenant le monde avec son excuse ou son ignorance, qu'il en advienne ce qu'il pourra; parce que l'humilité n'est pas pour les coeurs hautains et altiers, ni le service dans les offices humbles n'est pas compatible avec la pourpre ni la toile de Hollande, non plus le balayage et le lavage de la vaisselle ne s'ajustent point avec les brocards et les joyaux coûteux; car les perles précieuses de ces vertus ne sont pas pour tous sans distinction. Mais si à l'école de l'humilité et du mépris, je veux dire dans les maisons religieuses, s'attache la contagion de l'orgueil mondain et si l'on répute ces humiliations pour un défaut et un déshonneur, nous ne pouvons nier que cet orgueil ne soit honteux et très répréhensible, si nous méprisons ces bénéfices et ces occupations serviles, nous les religieux et les religieuses et si selon l'usage des mondains, nous tenons pour une bassesse de les faire, avec quel courage nous mettrons-nous en la présence des Anges et de leur Reine et la nôtre qui tint pour un honneur très estimable les oeuvres que nous jugeons contemptibles, basses et sans honneur.
5, 17, 903. Mes soeurs, filles de cette grande Reine et Souveraine, c'est à vous que je m'adresse, vous qui avez été appelées et élevées jusqu'à entrer dans le cabinet nuptial du Roi dans l'exultation et avec une allégresse (Ps. 44: 16) véritable, ne veuillez point dégénérer du titre honorifique d'une telle Mère, et si étant Reine des Anges et des hommes, Elle s'humiliait Elle-même à faire ces oeuvres humbles et inférieures, si Elle balayait et servait dans la plus basse occupation, que sera à ses yeux et àceux du Seigneur Dieu l'esclave hautaine, superbe et orgueilleuse qui méprise l'humilité? Que cette erreur sorte au dehors de notre communauté, laissons-la à la Babylone et à ses habitants, honorons ce que son Altesse eut pour couronne et que ce soit un affront, une réprimande sévère et une confusion honteuse pour nous de n'avoir pas les mêmes compétitions qu'Elle eut avec les Anges qu'Elle devait vaincre en humilité. Portons-nous à l'envi aux oeuvres humbles et serviles et causons en nos saints Anges et compagnons fidèles cette émulation si agréable à notre grande Reine et à son Très Saint Fils notre Époux.
5, 17, 904. Et afin que nous entendions que sans humilité solide et véritable, c'est une témérité de nous payer de consolations spirituelles ou sensibles mal assurées et ce serait une audace insensée de les désirer; considérons notre divine Maîtresse qui est l'Exemplaire consommé de la vie sainte et parfaite. Les faveurs et les consolations du Ciel s'alternaient en Elle avec les oeuvres humbles et serviles que faisait cette grande Reine: Il arrivait souvent que lorsqu'Elle était avec son Très Saint Fils, étant tous deux retirés en oraison, les saints Anges leur chantaient avec des voix douces et harmonieuses les hymnes et les cantiques que la Bienheureuse Mère avait composés àla louange de l'Etre infini de Dieu et du Mystère de l'union hypostatique de la nature humaine en la Personne du Verbe Divin. La Reine avait coutume d'appeler les Anges et de les prier d'alterner avec Elle les versets et de répéter ces cantiques àleur Créateur et leur Seigneur et d'en faire de nouveaux; et ils lui obéissaient avec admiration, voyant la profonde Sagesse de cette grande Reine pour ce qu'Elle composait et disait de nouveau. Ensuite, lorsque son Très Saint Fils Se retirait pour Se reposer, ou lorsqu'Il mangeait, Elle leur commandait comme Mère de leur Créateur prenant un soin amoureux de Le récréer, de faire de la musique en son Nom; et le même Seigneur le permettait lorsque Sa Prudente Mère l'ordonnait, donnant lieu à l'ardente Charité et àla vénération avec lesquelles Elle Le servait dans ces dernières années. Pour dire outre cela ce qui m'a été manifesté, il faudrait faire un discours très long et avoir une capacité plus grande que la mienne. On peut connaître quelque chose, par ce que j'ai insinué, de ces sacrements si profonds et trouver motif d'exalter et de bénir cette grande Reine et Souveraine que toutes les nations connaissent et proclament bénie entre toutes les créatures (Luc 1: 48) et très digne Mère du Créateur et Rédempteur du monde.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.
5, 17, 905. Ma fille, avant de poursuivre à déclarer d'autres mystères, je veux que tu sois bien instruite de celui qu'avaient toutes les choses qu'ordonna le Très-Haut à mon égard par rapport à mon saint époux Joseph. Lorsque je me mariai avec lui, il
me commanda de changer l'ordre de mes repas et d'autres oeuvres extérieures pour me conformer à sa manière de vivre, parce qu'il était chef et moi dans l'ordre commun j'étais inférieure. Mon Très Saint Fils fit aussi de même, étant Dieu véritable pour être assujetti dans l'extérieur à celui que le monde jugeait pour Son père. Et lorsque nous demeurâmes seuls, mon époux étant mort, et que ce motif manqua, nous revînmes à notre ordre et à notre gouvernement quant aux repas et à d'autres opérations; Sa Majesté ne voulut point que saint Joseph se conformât à Nous, mais Nous àlui, comme le demandait l'ordre commun de mon état. Sa Majesté n'interposa pas non plus de miracles pour Se dispenser de la nourriture qu'Il avait coutume de prendre; parce qu'Il procédait en tout comme Maître des vertus, enseignant àtous le plus parfait: Aux parents et aux enfants, aux prélats et aux supérieurs, aux sujets et aux inférieurs. Aux parents d'aimer leurs enfants, de les aider, de les nourrir et de les corriger; de les avertir et de les diriger vers le salut sans retard ni négligence. Aux enfants, d'aimer, d'estimer et d'honorer leurs parents comme les instruments de leur vie et de leur être; de leur obéir diligemment, gardant tous la Loi naturelle et Divine qui le leur enseigne par Elle-même: et faire le contraire est une monstruosité vilaine et horrible. Les prélats et les supérieurs doivent aimer leurs sujets et les commander comme leurs enfants et ceux-ci doivent obéir sans résistance, lors même qu'ils seraient plus grands qu'eux par d'autres conditions ou qualités; parce que selon la dignité qui représente Dieu, le prélat est toujours plus grand, mais ils doivent ne faire tous qu'une même chose (Jean 17: 21) par la véritable Charité.
5, 17, 906. Et afin d'obtenir cette grande vertu, je veux que tu t'accommodes et que tu te conformes à tes soeurs et sujettes, sans cérémonie ni geste imparfait; mais de traiter avec elles avec une simplicité et une sincérité de colombe; prie quand elles prient; mange et travaille quand elles le font et demeure avec elles à la récréation; parce que la plus grande perfection dans les congrégations se fonde à suivre l'esprit commun de toutes, et si tu le fais tu seras gouvernée par l'Esprit-Saint qui régit les communautés bien organisées. Avec cet ordre tu peux t'avancer dans l'abstinence, mangeant moins que toutes, quoiqu'elles te servent la même chose qu'à elles et sans te rendre singulière, laisse avec dissimulation ce que tu voudras pour l'amour de ton Époux et le mien. Si tu n'es pas empêchée par quelque grave infirmité, ne manque jamais aux exercices de communauté, si l'obéissance à tes
supérieurs ne te retiens pas occupé et assistes-y avec révérence, crainte et attention et avec une dévotion spéciale, parce que tu y seras souvent visitée par le Seigneur.
5, 17, 907. Je veux de même que tu apprennes de ce chapitre la précaution soigneuse que tu dois avoir pour cacher les oeuvres que tu pourras faire en secret à mon exemple; puisque sans que je n'eusse rien à craindre de les faire toutes en présence de mon époux saint Joseph sans aucun danger, je leur donnais néanmoins ce point de perfection et de prudence; parce que le secret les rend plus louables. Mais cela n'est pas nécessaire dans les oeuvres communes et obligatoires avec lesquelles tu dois donner l'exemple sans cacher la Lumière; car il serait scandaleux et digne de réprimande de manquer en cela. Les autres oeuvres qui doivent se faire en secret et cachées aux yeux des créatures ne doivent pas être exposées légèrement au danger de la publicité et de l'ostentation. Dans ce secret tu peux faire plusieurs génuflexions comme j'en faisais et tu pourras t'humilier prosternée et inclinée jusqu'à terre adorant la suprême Majesté du Très-Haut, afin que le corps mortel qui appesantit l'âme soit offert (Sag. 9: 15) comme en sacrifice acceptable pour satisfaire aux mouvements désordonnés qu'il a eus contre la raison et la justice et afin qu'il n'y ait aucune chose en toi qui ne soit offerte et dédiée au service de ton Créateur et ton Époux, et par ces opérations le corps compense en quelque manière pour les grandes choses qu'il a empêchées et qu'il a fait perdre à l'âme par ses passions et ses défauts terrestres.
5, 17, 908. Dans cette intention tâche de le tenir toujours très assujetti et que les bienfaits qui lui sont faits ne servent qu'à le soutenir dans la servitude de l'âme, et non pour qu'il se réjouisse dans ses caprices et ses appétits. Mortifie-le et fais-le mourir en quelque manière à tout ce qui est délectable aux sens, jusqu'à ce que les opérations communes et nécessaires à la vie lui soient plutôt une peine qu'un plaisir, plutôt une amertume qu'une délectation dangereuse. Et quoique je t'aie parlé en d'autres occasions de la valeur de cette humiliation et de cette mortification, maintenant tu demeureras plus enseignée par mon exemple de l'appréciation que tu dois faire de tout acte d'humilité et de mortification. Maintenant je te commande de n'en mépriser aucun et ne point les croire petits, mais tu dois les réputer dans ton estime comme des trésors inestimables, tâchant
de les acquérir pour toi. En cela tu dois être cupide et avare, prenant les devants pour les offices serviles de balayer, de laver la maison, d'en faire les oeuvres les plus basses et de servir les malades et les nécessiteux comme je te l'ai commandé en d'autres occasions, et en toutes tu m'auras devant les yeux comme Miroir, afin que ma sollicitude dans cette humilité te serve de stimulant et d'allégresse à m'imiter et de confusion pour la négligence de ne l'avoir point fait. Si cette vertu fondamentale me fut si nécessaire pour trouver grâce et agrément aux yeux du Seigneur ne Lui ayant point déplu et ne L'ayant jamais offensé depuis l'être que j'avais; et je m'humiliais afin que Sa divine Droite m'élevât; combien plus as-tu besoin de t'humilier jusqu'à la poussière et de t'anéantir dans ton être, toi qui fus conçue dans le péché (Ps. 50: 7) et qui L'as offensé tant de fois? Humilie-toi jusqu'au néant et reconnais que tu as mal employé l'être que le Très-Haut t'a donné, avec cela l'être que tu as doit te servir de plus d'humiliation, afin de trouver le Trésor de Sa grâce.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 17, [a]. Livre 3, No. 180.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 18
Où l'on continue d'autres mystères et d'autres occupations de notre grande Reine et Souveraine avec son Très Saint Fils, lorsqu'Ils vivaient seuls avant Sa prédication.
5, 18, 909. Plusieurs des sacrements cachés et des mystères vénérables qui intervinrent entre Jésus et Marie Sa Très Sainte Mère sont réservés pour la joie accidentelle des prédestinés dans la Vie Éternelle, comme je l'ai dit en d'autres
endroits [a]. Les plus sublimes et les plus ineffables arrivèrent dans les quatre années qu'ils vécurent ensemble, seuls dans leur maison, après l'heureuse mort de saint Joseph, jusqu'à la prédication du même Seigneur. Il est impossible qu'aucune créature mortelle puisse dignement pénétrer de si profonds secrets; combien moins pourrais-je manifester ce que j'en ai compris avec ma rusticité? et l'on connaîtra la cause de cela en tout ce que j'ai à dire. L'Âme de Notre-Seigneur Jésus-Christ était un miroir très clair et sans tache où, comme j'ai dit [b, Sa Très Sainte Mère regardait et connaissait tous les mystères et les sacrements que le même Seigneur disposait comme Chef et Fondateur de la sainte Église, comme Réparateur de tout le genre humain et Maître du Salut Éternel, et comme Ange du Grand Conseil qui accomplissait et exécutait ce qui était prédestiné dès "ab aeterno" dans le consistoire de la Bienheureuse Trinité.
5, 18, 910. Notre-Seigneur Jésus-Christ employa toute la vie qu'Il passa dans le monde à disposer cette Oeuvre dont Son Père Éternel l'avait chargé pour l'exécuter avec la perfection souveraine qu'Il put Lui donner comme homme qui était conjointement vrai Dieu: et plus Il S'avançait vers le terme, plus la dispensation d'un sacrement si sublime s'approchait, plus aussi il opérait avec la force et l'efficacité de Sa Sagesse et de Sa Puissance. Le Coeur de notre grande Reine et notre Souverain était le témoin et la dépositaire très fidèle de tous ces mystères et Elle coopérait en tout avec son Très Saint Fils comme Sa Coadjutrice dans les Oeuvres de la Réparation du genre humain. Conformément à cela, pour comprendre entièrement la Sagesse de la divine Mère et les oeuvres qu'Elle opérait avec cette Sagesse dans la dispensation des Mystères de la Rédemption, il faudrait comprendre aussi ce que renfermait la Science de notre Sauveur Jésus-Christ et les Oeuvres de Son Amour et de Sa prudence, avec lesquels Il dirigeait les moyens opportuns et convenables pour les fins très sublimes qu'Il prétendait. Et dans le peu que je dirai des oeuvres de Sa Très Sainte Mère on doit toujours supposer celles de son Très Saint Fils avec qui Elle coopérait en L'imitant, comme son Exemplaire et son Modèle.
5, 18, 911. Ce Sauveur du monde était déjà à l'âge de vingt-six ans, et comme Son Humanité très sainte procédait dans la perfection naturelle et s'approchait du terme, Sa Majesté gardait une correspondance admirable dans la démonstration de Ses plus grandes Oeuvres, comme plus voisines de celles de
notre rédemption. L'Évangéliste saint Luc renferma tout ce sacrement dans ces courtes paroles avec lesquelles il conclut le chapitre 2: «Et Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâces devant Dieu et devant les hommes» (Luc 2: 52): entre lesquels se trouvait la Bienheureuse Mère qui connaissait ces augmentations et ces progrès de son Très Saint Fils et qui coopérait avec eux sans qu'aucune chose ne lui fut cachée de celles que le Seigneur qui était Dieu-Homme put lui communiquer comme à une pure Créature. Parmi ces sacrements Divins et cachés, l'Auguste Souveraine connut pendant ces années comment son Très Saint Fils, vrai Dieu et vrai homme, du trône de Sa Sagesse, regardait et étendait Sa vue, non seulement l'incréée de Sa Divinité, mais aussi celle de son Âme très sainte, et Il voyait tous les mortels qui devaient obtenir la Rédemption quant à la suffisance, et Il conférait en Lui-même sur la valeur de la Rédemption, le poids qu'elle avait dans l'acceptation et l'appréciation du Père Éternel, et comment Il était descendu du Ciel pour souffrir une Mort très dure afin de fermer aux hommes les portes de l'enfer et les rappeler à la Vie Éternelle, et malgré tout cela, la folie et la dureté de ceux qui, naissant après qu'Il Se serait mis sur une Croix pour leur remède, feraient force et violence pour agrandir les portes de la mort et rouvrir encore plus l'enfer, avec une ignorance aveugle de l'importance de ses malheureux et horribles tourments.
5, 18, 912. L'Humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ s'affligeait et ressentait de grandes angoisses dans cette science et cette pondération, et Il arriva à suer le Sang comme je l'ai dit d'autres fois [c]: et dans ces conflits le divine Maître persévérait toujours dans les pétitions qu'Il faisait pour tous ceux qui devaient être rachetés; et par obéissance au Père Éternel Il désirait avec un Amour très ardent de S'offrir en Sacrifice acceptable et en rachat des hommes, afin que si l'efficacité de Ses mérites et de Son Sang n'arrivaient point à tous, que du moins la Justice divine demeurât satisfaite, l'offense de la Divinité compensée et l'équité et la rectitude Divine justifiée pour le temps du châtiment sur les incrédules et les ingrats, châtiment qui était préparé dès l'éternité. A la vue de ces secrets si profonds que la grande Dame connaissait, Elle accompagnait son Très Saint Fils dans les angoisses et la pondération qu'Elle faisait respectivement avec sa sagesse, et joint à cela sa douloureuse compassion de Mère, voyant le Fruit de son sein Virginal si gravement affligé. Plusieurs fois la très douce Colombe arriva à verser des larmes de sang quand le Sauveur avait des sueurs de Sang, et Elle était transpercée d'une douleur incomparable; parce que seule cette Très Prudente Dame
et son Fils, vrai Dieu et vrai Homme, arrivèrent à peser exactement dans la balance du sanctuaire de quelle importance est la Mort d'un Dieu sur une Croix pour fermer l'enfer, mettant cela dans l'un des plateaux de la balance et dans l'autre le coeur dur et aveugle des mortels faisant effort pour se mettre aux mains de la mort éternelle.
5, 18, 913. Il arrivait dans ces angoisses que la Très Aimante Mère arrivait à souffrir certaines défaillances presque mortelles et elles l'eussent sans doute été, si la vertu Divine ne l'eût confortée; afin qu'Elle ne mourût point. En retour de cette compassion et de cet amour très fidèle, son Très Doux Fils et son Seigneur commandait aux Anges de la consoler et de la soutenir dans leurs bras, et d'autres fois de lui faire une musique céleste avec des cantiques de louange et de gloire de la Divinité et de l'Humanité de Sa Majesté qu'Elle avait fait Elle-même. D'autres fois le même Seigneur la soutenait dans Ses bras et lui donnait de nouvelles intelligences de ce que cette inique loi du péché et de ses effets ne s'étendait point à Elle. D'autres fois les Anges la chantaient avec admiration, et Elle était transformée et ravie en de Divines extases dans lesquelles Elle recevait de grandes et nouvelles influences de la Divinité, c'était là que l'Élue, l'Unique, la Parfaite était inclinée sur la main gauche de l'Humanité et qu'Elle était caressée et embrassée par la main droite de la Divinité (Cant. 2: 6); c'était là que son Fils, son Époux très aimant, conjurait les filles de Jérusalem et leur commandait de ne point éveiller Sa Bien-Aimée (Cant. 2: 7) jusqu'à ce qu'Elle-même le voulût, de ce sommeil qui guérissait en Elle les maladies et les langueurs de l'amour, et que les sublimes esprits dans l'admiration la bénissaient et l'exaltaient entre toutes les créatures, la voyant s'élever au-dessus de tous, appuyée sur son bien-aimé Fils (Cant. 8: 5) et monter à Sa droite (Ps. 44: 10) vêtue avec une variété si admirable.
5, 18, 914. La grande Reine connaissait des secrets très sublimes de la prédestination des élus par les mérites de la Rédemption, comment ils étaient écrits dans la Mémoire éternelle de son Très Saint Fils, la manière dont Sa Majesté leur appliquait Ses mérites et priait pour eux afin que la valeur de leur rachat fût efficace; comment l'Amour et la grâce dont les réprouvés se rendaient indignes revenaient aux prédestinés selon leur disposition. Parmi tous ceux-ci, Elle connaissait comment le Seigneur appliquait Sa Sagesse et Ses soins à ceux qu'Il devait appeler à Son apostolat et à Sa suite, et qu'Il les ordonnait en liste dans Sa
détermination et Sa Science très occultes sous l'étendard de Sa Croix, afin qu'ils le portassent ensuite par le monde et comme un bon capitaine général qui dispose les choses dans son Entendement pour quelque conquête ou quelque bataille très ardue et très laborieuse, et qui distribue les charges et les ministères de la milice, choisissant pour cela les soldats les plus vaillants et les plus propres, conformément à la condition de chacun et Il leur signalait des postes et des lieux convenables; ainsi notre Rédempteur Jésus-Christ avant d'entrer à la conquête du monde et dépouiller le démon de sa possession tyrannique, ordonnait, de la hauteur de la Personne du Verbe, la nouvelle milice qu'Il devait lever et comment Il devait distribuer les offices, les grades et les dignités de ses vaillants capitaines et où Il devait signaler leurs postes; et toutes les préparations et l'apparat de cette guerre étaient déposés dans Sa Sagesse et Sa Volonté très sainte, tout comme elle devait s'opérer.
5, 18, 915. Tout cela était patent et manifeste à la Très Prudente Mère; et les espèces de plusieurs prédestinés lui furent données, spécialement des Apôtres, des Disciples et d'un grand nombre de ceux qui furent appelés à la primitive Église et ensuite dans le cours de celle-ci. Lorsqu'Elle vit les Apôtres et les autres, Elle les connaissait avant de leur parler, par la connaissance surnaturelle qu'Elle avait eue d'eux en Dieu; et comme le divin Maître avait prié pour eux et demandé leur vocation avant de les appeler, la grande Souveraine fit aussi la même oraison et la même prière. De manière que la Mère de la Grâce eut part en tout dans le secours et les faveurs que les Apôtres reçurent avant d'entendre et de connaître leur Maître, afin qu'ils fussent préparés et disposés pour recevoir la vocation que plus tard Il devait faire d'eux pour l'apostolat. Et comme en ces années la prédication s'approchait déjà, notre Sauveur faisait oraison pour eux avec plus d'instances et Il leur envoyait de plus fortes inspirations: les prières de la divine Maîtresse étaient aussi plus ferventes et plus efficaces dans leur genre; et lorsqu'ils entraient ensuite à l'école de son Fils et qu'ils arrivaient en Sa présence, tant les Disciples que les autres, Elle avait coutume de Lui dire: «Voici mon Fils et mon Seigneur, le fruit de Vos oraisons et de Votre Sainte Volonté.» Et Elle faisait des cantiques de louanges et de remerciements, parce qu'Elle voyait le désir du Seigneur accompli et ceux que Sa Majesté avait choisi du monde (Jean 15: 19) déjà conduits à Son école.
5, 18, 916. Dans la prudente considération de ces merveilles notre grande Reine avait coutume de demeurer absorbée dans l'admiration avec des louanges incomparables et une grande jubilation de son esprit: Elle y faisait des actes héroïques d'amour et Elle adorait les secrets Jugements du Très-Haut, et toute transformée, et embrasée dans ce feu qui sortait de la Divinité pour se répandre et embraser le monde, Elle avait coutume de dire, parfois au dedans de son Coeur très ardent, d'autres fois à voix haute et sensible: «O Amour Infini, ô Volonté d'une bonté immense et ineffable! Comment les mortels ne Te connaissent-ils pas? Comment est-ce qu'ils Te méprisent et T'oublient? Pourquoi Ta tendresse doit-Elle être si mal payée? O travaux, peines, soupirs, clameurs, désirs et prières de mon Bien-Aimé, vous êtes plus estimables que l'or, les pierres précieuses et tous les trésors du monde! Qui sera assez ingrat et assez malheureux pour vouloir vous mépriser? O enfants d'Adam, si je pouvais mourir plusieurs fois pour chacun de vous afin de détromper votre ignorance, d'amollir votre dureté et de prévenir votre infortune!» Après des oraisons et des affections si embrasées, l'heureuse Mère communiquait au sujet de tous ces mystères avec son Fils de vive voix, et le Souverain Roi la consolait et lui dilatait le Coeur en lui renouvelant la mémoire de l'estime que le Très-Haut avait de la grâce et de la gloire des prédestinés, et de leurs grands mérites en comparaison de l'ingratitude et de la dureté des réprouvés. Il l'informait spécialement de l'Amour qu'Elle-même connaissait de la Bienheureuse Trinité à son égard et combien cette même Trinité Se complaisait en sa correspondance et sa pureté Immaculée.
5, 18, 917. D'autres fois le même Seigneur l'informait de ce qu'Il devait faire au commencement de Sa prédication et comment Elle devait coopérer avec Sa Majesté et L'aider dans toutes les Oeuvres et le gouvernement de la nouvelle Église; comment Il devait supporter les fautes des Apôtres, le reniement de saint Pierre, l'incrédulité de saint Thomas, la perfidie de Judas et d'autres événements qu'Elle connaissait pour plus tard. Dès lors l'officieuse Souveraine se proposa de travailler beaucoup pour réduire ce traître disciple; et c'est ce qu'Elle exécuta comme je le dirai en son lieu [d]. Judas commença sa perdition en méprisant ces faveurs, concevant quelque indévotion et quelque impiété envers la Mère de la grâce. La divine Souveraine demeura informée par son Très Saint Fils de tous ces mystères et ces sacrements. Et Il déposa en Elle tant de Science, de Sagesse et de Grandeur divines que toute l'exaltation qu'on en peut faire est limitée; car la seule Science du même Seigneur peut la surpasser et Elle y surpassa tous les Séraphins
et les Chérubins. Mais si notre Sauveur Jésus et Sa Très Sainte Mère employèrent tous ces Dons de Science et de grâce pour le bénéfice des mortels; et si un seul soupir de Notre Seigneur était d'un prix inestimable pour toutes les créatures, et bien que ceux de Sa digne Mère n'eussent pas tant de valeur, parce qu'ils étaient d'une pure Créature et de moindre excellence, néanmoins ils valaient plus que tout le reste de la nature créée dans l'acceptation Divine. Multiplions maintenant la somme de ce que firent le Fils et la Mère pour nous, non seulement Notre-Seigneur en mourant sur une Croix après des tourments si inouïs, mais les prières, les larmes, les sueurs de Sang tant de fois réitérées, et qu'en tout cela et le reste que nous ignorons, la Mère de Miséricorde fut Sa Coadjutrice et Sa Coopératrice et tout cela pour nous! O ingratitude inhumaine! O dureté plus grande que celle des diamants en des coeurs de chair! Où sont notre raison et notre bon sens? Où sont la reconnaissance et la compassion même naturelle dans les créatures? corrompues et infestées par les objets sensibles, elles sont portées à ne ressentir d'affection et d'estime que pour ce qui est leur précipice et leur mort éternelle, et elles oublient la grande faveur de la Rédemption et la douleur et la compassion de la Passion du Sauveur qui leur offre la Vie et le Repos qui doit toujours durer.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 18, 918. Ma fille, il est vrai que quand même toi ou tous les mortels vous parleriez la langue des Anges, vous n'arriveriez pas à déclarer les Bienfaits et les faveurs que je reçus de la droite du Très-Haut dans les dernières années que mon Fils demeura avec moi. Ces Oeuvres du Seigneur ont une espèce d'incompréhensibilité car elles sont ineffables pour toi et pour tous les mortels; mais avec la connaissance spéciale que tu as reçue de ces sacrements si cachés, je veux que tu loues le Tout-Puissant et que tu Le bénisses pour tout ce qu'Il opéra à mon égard et de ce que Sa Bonté m'éleva ainsi de la poussière à une dignité et à des faveurs si ineffables. Et quoique ton amour envers mon Fils et mon Seigneur doive être libre comme celui d'une fille très fidèle et d'une épouse très amoureuse
et non d'une esclave intéressée ou violentée; je veux néanmoins pour l'encouragement de ta faiblesse et de ton espérance que tu te souviennes de la suavité de l'Amour divin et combien le Seigneur est doux (1 Pet. 2: 3) pour ceux qui L'aiment d'un amour filial. O ma très chère fille! si les péchés des hommes n'empêchaient point cette Bonté infinie et s'ils ne résistaient point à Son inclination, oh! comme ils goûteraient de Ses délices et de Ses faveurs sans mesure. Tu dois imaginer le Seigneur comme violenté et contristé, selon ta manière de concevoir de ce que les mortels s'opposent à ce désir d'un poids immense, et ils le font de telle sorte qu'ils s'accoutument non-seulement à être indignes de goûter combien le Seigneur est doux, mais encore à ne point croire que d'autres participent de cette suavité et de ces faveurs qu'Il voudrait communiquer à tous.
5, 18, 919. Je t'avertis d'être très reconnaissante pour les travaux et les Oeuvres incessantes que mon Très Saint Fils fit en faveur des hommes et de ce que je L'y accompagnai, comme il t'a été montré. Les Catholiques se souviennent plutôt de Sa Passion et de Sa Mort, parce que la Sainte Église la leur représente quoiqu'il y en ait peu qui pensent à être reconnaissants; mais il y en a moins qui considèrent les autres Oeuvres de mon Fils et les miennes, et que Sa Majesté ne perdit pas une heure ni un moment où Il n'employât Sa grâce et Ses Dons pour le bienfait du genre humain, afin de les racheter tous de la damnation éternelle et les rendre participants de Sa gloire. Ces Oeuvres de mon Seigneur et mon Dieu incarné seront des témoins contre l'oubli et la dureté des fidèles, spécialement au jour du jugement. Si tu n'étais pas reconnaissante avec cette Lumière et cette Doctrine du Très-Haut et mon enseignement, ta confusion serait très grande, puisque ta faute aurait été plus lourde. Tu ne dois pas seulement correspondre à tant de Bienfaits généraux, mais aussi aux Bienfaits spéciaux et particuliers que tu reconnais chaque jour. Préviens dès maintenant ce danger et corresponds comme ma fille et la disciple de mon école et ne diffère pas un moment de faire le bien et le mieux quand tu peux le faire. Pour toutes ces choses, sois attentive à la Lumière intérieure et à la doctrine de tes supérieurs, les ministres de Dieu; car si tu corresponds aux premières faveurs et aux premiers bienfaits, sois sûre que le Très-Haut élargira Sa puissante main par d'autres Bienfaits et il te remplira de Ses Richesses et de Ses Trésors.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 18, [a]. Livre 3, No. 57; Livre 4, Nos. 536, 694; Livre 5, No. 712.
5, 18, b]. Livre 5, No. 809.
5, 18, [c]. Livre 4, No. 695; Livre 5, No. 848.
5, 18, [d]. Livre 6, Nos. 1086, 1089, 1093, 1112.
Où l'on continue d'autres mystères et d'autres occupations de notre grande Reine et Souveraine avec son Très Saint Fils, lorsqu'Ils vivaient seuls avant Sa prédication.
5, 18, 909. Plusieurs des sacrements cachés et des mystères vénérables qui intervinrent entre Jésus et Marie Sa Très Sainte Mère sont réservés pour la joie accidentelle des prédestinés dans la Vie Éternelle, comme je l'ai dit en d'autres
endroits [a]. Les plus sublimes et les plus ineffables arrivèrent dans les quatre années qu'ils vécurent ensemble, seuls dans leur maison, après l'heureuse mort de saint Joseph, jusqu'à la prédication du même Seigneur. Il est impossible qu'aucune créature mortelle puisse dignement pénétrer de si profonds secrets; combien moins pourrais-je manifester ce que j'en ai compris avec ma rusticité? et l'on connaîtra la cause de cela en tout ce que j'ai à dire. L'Âme de Notre-Seigneur Jésus-Christ était un miroir très clair et sans tache où, comme j'ai dit [b, Sa Très Sainte Mère regardait et connaissait tous les mystères et les sacrements que le même Seigneur disposait comme Chef et Fondateur de la sainte Église, comme Réparateur de tout le genre humain et Maître du Salut Éternel, et comme Ange du Grand Conseil qui accomplissait et exécutait ce qui était prédestiné dès "ab aeterno" dans le consistoire de la Bienheureuse Trinité.
5, 18, 910. Notre-Seigneur Jésus-Christ employa toute la vie qu'Il passa dans le monde à disposer cette Oeuvre dont Son Père Éternel l'avait chargé pour l'exécuter avec la perfection souveraine qu'Il put Lui donner comme homme qui était conjointement vrai Dieu: et plus Il S'avançait vers le terme, plus la dispensation d'un sacrement si sublime s'approchait, plus aussi il opérait avec la force et l'efficacité de Sa Sagesse et de Sa Puissance. Le Coeur de notre grande Reine et notre Souverain était le témoin et la dépositaire très fidèle de tous ces mystères et Elle coopérait en tout avec son Très Saint Fils comme Sa Coadjutrice dans les Oeuvres de la Réparation du genre humain. Conformément à cela, pour comprendre entièrement la Sagesse de la divine Mère et les oeuvres qu'Elle opérait avec cette Sagesse dans la dispensation des Mystères de la Rédemption, il faudrait comprendre aussi ce que renfermait la Science de notre Sauveur Jésus-Christ et les Oeuvres de Son Amour et de Sa prudence, avec lesquels Il dirigeait les moyens opportuns et convenables pour les fins très sublimes qu'Il prétendait. Et dans le peu que je dirai des oeuvres de Sa Très Sainte Mère on doit toujours supposer celles de son Très Saint Fils avec qui Elle coopérait en L'imitant, comme son Exemplaire et son Modèle.
5, 18, 911. Ce Sauveur du monde était déjà à l'âge de vingt-six ans, et comme Son Humanité très sainte procédait dans la perfection naturelle et s'approchait du terme, Sa Majesté gardait une correspondance admirable dans la démonstration de Ses plus grandes Oeuvres, comme plus voisines de celles de
notre rédemption. L'Évangéliste saint Luc renferma tout ce sacrement dans ces courtes paroles avec lesquelles il conclut le chapitre 2: «Et Jésus croissait en sagesse, en âge et en grâces devant Dieu et devant les hommes» (Luc 2: 52): entre lesquels se trouvait la Bienheureuse Mère qui connaissait ces augmentations et ces progrès de son Très Saint Fils et qui coopérait avec eux sans qu'aucune chose ne lui fut cachée de celles que le Seigneur qui était Dieu-Homme put lui communiquer comme à une pure Créature. Parmi ces sacrements Divins et cachés, l'Auguste Souveraine connut pendant ces années comment son Très Saint Fils, vrai Dieu et vrai homme, du trône de Sa Sagesse, regardait et étendait Sa vue, non seulement l'incréée de Sa Divinité, mais aussi celle de son Âme très sainte, et Il voyait tous les mortels qui devaient obtenir la Rédemption quant à la suffisance, et Il conférait en Lui-même sur la valeur de la Rédemption, le poids qu'elle avait dans l'acceptation et l'appréciation du Père Éternel, et comment Il était descendu du Ciel pour souffrir une Mort très dure afin de fermer aux hommes les portes de l'enfer et les rappeler à la Vie Éternelle, et malgré tout cela, la folie et la dureté de ceux qui, naissant après qu'Il Se serait mis sur une Croix pour leur remède, feraient force et violence pour agrandir les portes de la mort et rouvrir encore plus l'enfer, avec une ignorance aveugle de l'importance de ses malheureux et horribles tourments.
5, 18, 912. L'Humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ s'affligeait et ressentait de grandes angoisses dans cette science et cette pondération, et Il arriva à suer le Sang comme je l'ai dit d'autres fois [c]: et dans ces conflits le divine Maître persévérait toujours dans les pétitions qu'Il faisait pour tous ceux qui devaient être rachetés; et par obéissance au Père Éternel Il désirait avec un Amour très ardent de S'offrir en Sacrifice acceptable et en rachat des hommes, afin que si l'efficacité de Ses mérites et de Son Sang n'arrivaient point à tous, que du moins la Justice divine demeurât satisfaite, l'offense de la Divinité compensée et l'équité et la rectitude Divine justifiée pour le temps du châtiment sur les incrédules et les ingrats, châtiment qui était préparé dès l'éternité. A la vue de ces secrets si profonds que la grande Dame connaissait, Elle accompagnait son Très Saint Fils dans les angoisses et la pondération qu'Elle faisait respectivement avec sa sagesse, et joint à cela sa douloureuse compassion de Mère, voyant le Fruit de son sein Virginal si gravement affligé. Plusieurs fois la très douce Colombe arriva à verser des larmes de sang quand le Sauveur avait des sueurs de Sang, et Elle était transpercée d'une douleur incomparable; parce que seule cette Très Prudente Dame
et son Fils, vrai Dieu et vrai Homme, arrivèrent à peser exactement dans la balance du sanctuaire de quelle importance est la Mort d'un Dieu sur une Croix pour fermer l'enfer, mettant cela dans l'un des plateaux de la balance et dans l'autre le coeur dur et aveugle des mortels faisant effort pour se mettre aux mains de la mort éternelle.
5, 18, 913. Il arrivait dans ces angoisses que la Très Aimante Mère arrivait à souffrir certaines défaillances presque mortelles et elles l'eussent sans doute été, si la vertu Divine ne l'eût confortée; afin qu'Elle ne mourût point. En retour de cette compassion et de cet amour très fidèle, son Très Doux Fils et son Seigneur commandait aux Anges de la consoler et de la soutenir dans leurs bras, et d'autres fois de lui faire une musique céleste avec des cantiques de louange et de gloire de la Divinité et de l'Humanité de Sa Majesté qu'Elle avait fait Elle-même. D'autres fois le même Seigneur la soutenait dans Ses bras et lui donnait de nouvelles intelligences de ce que cette inique loi du péché et de ses effets ne s'étendait point à Elle. D'autres fois les Anges la chantaient avec admiration, et Elle était transformée et ravie en de Divines extases dans lesquelles Elle recevait de grandes et nouvelles influences de la Divinité, c'était là que l'Élue, l'Unique, la Parfaite était inclinée sur la main gauche de l'Humanité et qu'Elle était caressée et embrassée par la main droite de la Divinité (Cant. 2: 6); c'était là que son Fils, son Époux très aimant, conjurait les filles de Jérusalem et leur commandait de ne point éveiller Sa Bien-Aimée (Cant. 2: 7) jusqu'à ce qu'Elle-même le voulût, de ce sommeil qui guérissait en Elle les maladies et les langueurs de l'amour, et que les sublimes esprits dans l'admiration la bénissaient et l'exaltaient entre toutes les créatures, la voyant s'élever au-dessus de tous, appuyée sur son bien-aimé Fils (Cant. 8: 5) et monter à Sa droite (Ps. 44: 10) vêtue avec une variété si admirable.
5, 18, 914. La grande Reine connaissait des secrets très sublimes de la prédestination des élus par les mérites de la Rédemption, comment ils étaient écrits dans la Mémoire éternelle de son Très Saint Fils, la manière dont Sa Majesté leur appliquait Ses mérites et priait pour eux afin que la valeur de leur rachat fût efficace; comment l'Amour et la grâce dont les réprouvés se rendaient indignes revenaient aux prédestinés selon leur disposition. Parmi tous ceux-ci, Elle connaissait comment le Seigneur appliquait Sa Sagesse et Ses soins à ceux qu'Il devait appeler à Son apostolat et à Sa suite, et qu'Il les ordonnait en liste dans Sa
détermination et Sa Science très occultes sous l'étendard de Sa Croix, afin qu'ils le portassent ensuite par le monde et comme un bon capitaine général qui dispose les choses dans son Entendement pour quelque conquête ou quelque bataille très ardue et très laborieuse, et qui distribue les charges et les ministères de la milice, choisissant pour cela les soldats les plus vaillants et les plus propres, conformément à la condition de chacun et Il leur signalait des postes et des lieux convenables; ainsi notre Rédempteur Jésus-Christ avant d'entrer à la conquête du monde et dépouiller le démon de sa possession tyrannique, ordonnait, de la hauteur de la Personne du Verbe, la nouvelle milice qu'Il devait lever et comment Il devait distribuer les offices, les grades et les dignités de ses vaillants capitaines et où Il devait signaler leurs postes; et toutes les préparations et l'apparat de cette guerre étaient déposés dans Sa Sagesse et Sa Volonté très sainte, tout comme elle devait s'opérer.
5, 18, 915. Tout cela était patent et manifeste à la Très Prudente Mère; et les espèces de plusieurs prédestinés lui furent données, spécialement des Apôtres, des Disciples et d'un grand nombre de ceux qui furent appelés à la primitive Église et ensuite dans le cours de celle-ci. Lorsqu'Elle vit les Apôtres et les autres, Elle les connaissait avant de leur parler, par la connaissance surnaturelle qu'Elle avait eue d'eux en Dieu; et comme le divin Maître avait prié pour eux et demandé leur vocation avant de les appeler, la grande Souveraine fit aussi la même oraison et la même prière. De manière que la Mère de la Grâce eut part en tout dans le secours et les faveurs que les Apôtres reçurent avant d'entendre et de connaître leur Maître, afin qu'ils fussent préparés et disposés pour recevoir la vocation que plus tard Il devait faire d'eux pour l'apostolat. Et comme en ces années la prédication s'approchait déjà, notre Sauveur faisait oraison pour eux avec plus d'instances et Il leur envoyait de plus fortes inspirations: les prières de la divine Maîtresse étaient aussi plus ferventes et plus efficaces dans leur genre; et lorsqu'ils entraient ensuite à l'école de son Fils et qu'ils arrivaient en Sa présence, tant les Disciples que les autres, Elle avait coutume de Lui dire: «Voici mon Fils et mon Seigneur, le fruit de Vos oraisons et de Votre Sainte Volonté.» Et Elle faisait des cantiques de louanges et de remerciements, parce qu'Elle voyait le désir du Seigneur accompli et ceux que Sa Majesté avait choisi du monde (Jean 15: 19) déjà conduits à Son école.
5, 18, 916. Dans la prudente considération de ces merveilles notre grande Reine avait coutume de demeurer absorbée dans l'admiration avec des louanges incomparables et une grande jubilation de son esprit: Elle y faisait des actes héroïques d'amour et Elle adorait les secrets Jugements du Très-Haut, et toute transformée, et embrasée dans ce feu qui sortait de la Divinité pour se répandre et embraser le monde, Elle avait coutume de dire, parfois au dedans de son Coeur très ardent, d'autres fois à voix haute et sensible: «O Amour Infini, ô Volonté d'une bonté immense et ineffable! Comment les mortels ne Te connaissent-ils pas? Comment est-ce qu'ils Te méprisent et T'oublient? Pourquoi Ta tendresse doit-Elle être si mal payée? O travaux, peines, soupirs, clameurs, désirs et prières de mon Bien-Aimé, vous êtes plus estimables que l'or, les pierres précieuses et tous les trésors du monde! Qui sera assez ingrat et assez malheureux pour vouloir vous mépriser? O enfants d'Adam, si je pouvais mourir plusieurs fois pour chacun de vous afin de détromper votre ignorance, d'amollir votre dureté et de prévenir votre infortune!» Après des oraisons et des affections si embrasées, l'heureuse Mère communiquait au sujet de tous ces mystères avec son Fils de vive voix, et le Souverain Roi la consolait et lui dilatait le Coeur en lui renouvelant la mémoire de l'estime que le Très-Haut avait de la grâce et de la gloire des prédestinés, et de leurs grands mérites en comparaison de l'ingratitude et de la dureté des réprouvés. Il l'informait spécialement de l'Amour qu'Elle-même connaissait de la Bienheureuse Trinité à son égard et combien cette même Trinité Se complaisait en sa correspondance et sa pureté Immaculée.
5, 18, 917. D'autres fois le même Seigneur l'informait de ce qu'Il devait faire au commencement de Sa prédication et comment Elle devait coopérer avec Sa Majesté et L'aider dans toutes les Oeuvres et le gouvernement de la nouvelle Église; comment Il devait supporter les fautes des Apôtres, le reniement de saint Pierre, l'incrédulité de saint Thomas, la perfidie de Judas et d'autres événements qu'Elle connaissait pour plus tard. Dès lors l'officieuse Souveraine se proposa de travailler beaucoup pour réduire ce traître disciple; et c'est ce qu'Elle exécuta comme je le dirai en son lieu [d]. Judas commença sa perdition en méprisant ces faveurs, concevant quelque indévotion et quelque impiété envers la Mère de la grâce. La divine Souveraine demeura informée par son Très Saint Fils de tous ces mystères et ces sacrements. Et Il déposa en Elle tant de Science, de Sagesse et de Grandeur divines que toute l'exaltation qu'on en peut faire est limitée; car la seule Science du même Seigneur peut la surpasser et Elle y surpassa tous les Séraphins
et les Chérubins. Mais si notre Sauveur Jésus et Sa Très Sainte Mère employèrent tous ces Dons de Science et de grâce pour le bénéfice des mortels; et si un seul soupir de Notre Seigneur était d'un prix inestimable pour toutes les créatures, et bien que ceux de Sa digne Mère n'eussent pas tant de valeur, parce qu'ils étaient d'une pure Créature et de moindre excellence, néanmoins ils valaient plus que tout le reste de la nature créée dans l'acceptation Divine. Multiplions maintenant la somme de ce que firent le Fils et la Mère pour nous, non seulement Notre-Seigneur en mourant sur une Croix après des tourments si inouïs, mais les prières, les larmes, les sueurs de Sang tant de fois réitérées, et qu'en tout cela et le reste que nous ignorons, la Mère de Miséricorde fut Sa Coadjutrice et Sa Coopératrice et tout cela pour nous! O ingratitude inhumaine! O dureté plus grande que celle des diamants en des coeurs de chair! Où sont notre raison et notre bon sens? Où sont la reconnaissance et la compassion même naturelle dans les créatures? corrompues et infestées par les objets sensibles, elles sont portées à ne ressentir d'affection et d'estime que pour ce qui est leur précipice et leur mort éternelle, et elles oublient la grande faveur de la Rédemption et la douleur et la compassion de la Passion du Sauveur qui leur offre la Vie et le Repos qui doit toujours durer.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 18, 918. Ma fille, il est vrai que quand même toi ou tous les mortels vous parleriez la langue des Anges, vous n'arriveriez pas à déclarer les Bienfaits et les faveurs que je reçus de la droite du Très-Haut dans les dernières années que mon Fils demeura avec moi. Ces Oeuvres du Seigneur ont une espèce d'incompréhensibilité car elles sont ineffables pour toi et pour tous les mortels; mais avec la connaissance spéciale que tu as reçue de ces sacrements si cachés, je veux que tu loues le Tout-Puissant et que tu Le bénisses pour tout ce qu'Il opéra à mon égard et de ce que Sa Bonté m'éleva ainsi de la poussière à une dignité et à des faveurs si ineffables. Et quoique ton amour envers mon Fils et mon Seigneur doive être libre comme celui d'une fille très fidèle et d'une épouse très amoureuse
et non d'une esclave intéressée ou violentée; je veux néanmoins pour l'encouragement de ta faiblesse et de ton espérance que tu te souviennes de la suavité de l'Amour divin et combien le Seigneur est doux (1 Pet. 2: 3) pour ceux qui L'aiment d'un amour filial. O ma très chère fille! si les péchés des hommes n'empêchaient point cette Bonté infinie et s'ils ne résistaient point à Son inclination, oh! comme ils goûteraient de Ses délices et de Ses faveurs sans mesure. Tu dois imaginer le Seigneur comme violenté et contristé, selon ta manière de concevoir de ce que les mortels s'opposent à ce désir d'un poids immense, et ils le font de telle sorte qu'ils s'accoutument non-seulement à être indignes de goûter combien le Seigneur est doux, mais encore à ne point croire que d'autres participent de cette suavité et de ces faveurs qu'Il voudrait communiquer à tous.
5, 18, 919. Je t'avertis d'être très reconnaissante pour les travaux et les Oeuvres incessantes que mon Très Saint Fils fit en faveur des hommes et de ce que je L'y accompagnai, comme il t'a été montré. Les Catholiques se souviennent plutôt de Sa Passion et de Sa Mort, parce que la Sainte Église la leur représente quoiqu'il y en ait peu qui pensent à être reconnaissants; mais il y en a moins qui considèrent les autres Oeuvres de mon Fils et les miennes, et que Sa Majesté ne perdit pas une heure ni un moment où Il n'employât Sa grâce et Ses Dons pour le bienfait du genre humain, afin de les racheter tous de la damnation éternelle et les rendre participants de Sa gloire. Ces Oeuvres de mon Seigneur et mon Dieu incarné seront des témoins contre l'oubli et la dureté des fidèles, spécialement au jour du jugement. Si tu n'étais pas reconnaissante avec cette Lumière et cette Doctrine du Très-Haut et mon enseignement, ta confusion serait très grande, puisque ta faute aurait été plus lourde. Tu ne dois pas seulement correspondre à tant de Bienfaits généraux, mais aussi aux Bienfaits spéciaux et particuliers que tu reconnais chaque jour. Préviens dès maintenant ce danger et corresponds comme ma fille et la disciple de mon école et ne diffère pas un moment de faire le bien et le mieux quand tu peux le faire. Pour toutes ces choses, sois attentive à la Lumière intérieure et à la doctrine de tes supérieurs, les ministres de Dieu; car si tu corresponds aux premières faveurs et aux premiers bienfaits, sois sûre que le Très-Haut élargira Sa puissante main par d'autres Bienfaits et il te remplira de Ses Richesses et de Ses Trésors.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 18, [a]. Livre 3, No. 57; Livre 4, Nos. 536, 694; Livre 5, No. 712.
5, 18, b]. Livre 5, No. 809.
5, 18, [c]. Livre 4, No. 695; Livre 5, No. 848.
5, 18, [d]. Livre 6, Nos. 1086, 1089, 1093, 1112.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 19
Notre Seigneur Jésus-Christ dispose Sa prédication, donnant quelque connaissance de la venue du Messie; Sa Très Sainte Mère L'assiste; l'enfer commence à se troubler.
5, 19, 920. L'incendie de la divine Charité qui brûlait dans le Coeur de notre Maître et notre Rédempteur était comme enfermé et retenu jusqu'au temps destiné et opportun où Il devait Se manifester, ou en ouvrant Son sein par le moyen de la prédication et des miracles manifestes aux hommes, ou en rompant l'urne et le vase de son Humanité très sainte. Quoiqu'il soit vrai qu'on ne peut cacher le feu dans son sein (Prov. 6: 27), comme dit Salomon, sans que les vêtements s'embrasent; ainsi notre Sauveur manifesta toujours celui qu'il avait dans Son Coeur; parce qu'il en sortait quelques étincelles et quelques lumières en toutes les Oeuvres qu'Il fit dès le moment de Son Incarnation; néanmoins, il était toujours comme renfermé et dissimulé en comparaison de la flamme immense qu'Il cachait et de ce qu'Il devait opérer en son temps. Sa Majesté était déjà arrivé à l'âge de parfaite adolescence, et touchant à Ses vingt-sept ans, il semblait que,
selon notre manière de concevoir, déjà Il ne pouvait plus y résister autant, ni Se retenir dans l'impétuosité de Son Amour et dans l'obéissance de Son Père Éternel pour sanctifier les hommes. Il s'affligeait beaucoup, priait, jeûnait et sortait davantage parmi le peuple pour Se communiquer aux mortels; et souvent Il passait les nuits sur les montagnes en oraison, et Il avait coutume de passer deux ou trois jours hors de Sa maison, sans revenir vers Sa Très Sainte Mère.
5, 19, 921. Déjà dans ces sorties et ces absences de son Très Saint Fils, la Très Prudente Dame commençait à sentir Ses afflictions et Ses peines qui s'approchaient: Elle était transpercée dans son Coeur et dans son âme du glaive que sa dévote et pieuse affection prévoyait, Elle se convertissait tout entière en un Divin incendie et s'embrasait en des actes pleins de tendresse et d'amour pour son Bien-Aimé. Dans ces absences de son Fils l'Auguste Souveraine exposait sa douleur à ses vassaux et àses courtisans, les Anges qui l'assistaient en forme visible; et Elle leur demandait d'aller vers son Fils et son Seigneur et de lui rapporter des nouvelles de Ses occupations et de Ses exercices. Les Anges lui obéissaient comme à leur Reine, et avec les notices qu'ils lui donnaient fréquemment, Elle accompagnait de sa retraite le Souverain Roi Jésus-Christ dans Ses oraisons, Ses prières et Ses exercices. Lorsque Sa Majesté revenait, Elle Le recevait prosternée en terre, L'adorait et Lui rendait grâces pour les Bienfaits qu'Il avait répandus sur les pécheurs. Comme Mère amoureuse, Elle Le servait et tâchait de Le soulager et de Lui préparer quelque pauvre régal dont la Très Sainte Humanité avait besoin comme véritable et passible; parce qu'il Lui arrivait des fois d'avoir passé deux ou trois jours sans manger et sans dormir. Aussitôt la Bienheureuse Mère connaissait les soucis du Sauver de la manière que j'ai dite [a], et Sa Majesté l'en informait ainsi que des Oeuvres qu'Il disposait et des Bienfaits cachés qu'Il avait communiqués à quelques âmes, en leur donnant des connaissances et des Lumières touchant la Divinité et la Rédemption es hommes.
5, 19, 922. Avec ces avis, la grande Reine parla à son Très Saint Fils et Elle Lui dit: «Mon Seigneur, véritable et Souverain Bien des âmes et Lumière de mes yeux, je vois déjà que l'Amour très ardent que Vous avez pour les hommes n'a ni repos, ni tranquillité, s'il s'emploie à leur procurer le Salut Éternel et à opérer l'Oeuvre dont Votre Père Éternel Vous a chargé. Vos paroles et Vos Oeuvres d'une valeur inestimable attireront inévitablement après elles les coeurs de
plusieurs; mais je désire, ô mon Très Doux Amour, qu'il en soit ainsi de tous et que les mortels correspondent à Votre sollicitude et à la tendresse de Votre Charité. Voici Votre Esclave, Seigneur; mon Coeur est prêt à s'employer tout entier à Votre plus grand agrément et à offrir ma Vie, s'il le faut, afin que les désirs de Votre Amour suprême s'emploie tout entier à les attirer à Votre amitié et à Votre grâce.» La Mère de Miséricorde fit cette offre à son Très Saint Fils, mue par la force de sa charité enflammée qui l'obligeait à procurer et à désirer le fruit des Oeuvres et de la Doctrine de notre Réparateur et notre Maître véritable; et comme la Très Prudente Dame les pesait dignement et connaissait leur valeur, Elle n'aurait pas voulu que ce fruit fût perdu pour aucune âme ou qu'il demeurât privé de la reconnaissance qu'il méritait. Avec cette charité ineffable Elle désirait aider le Seigneur, ou pour mieux dire les hommes qui entendraient Ses divines Paroles ou qui seraient témoins de Ses Oeuvres, afin qu'ils ne perdissent point l'occasion de leur remède et qu'ils correspondissent à ce Bienfait. Elle désirait aussi rendre de dignes actions de grâces et des louanges au Seigneur, comme Elle faisait véritablement, pour les Oeuvres merveilleuses qu'Il opérait au bénéfice des âmes, afin que toutes ces Oeuvres fussent reconnues et remerciées, tant celles qui étaient efficaces que celles qui ne le seraient pas par la faute des hommes. Les mérites de ce genre que Notre-Dame acquit furent aussi admirables que cachées; parce qu'elle eut dans toutes les Oeuvres de Notre-Seigneur Jésus-Christ une espèce de participation très sublime, non seulement du côté de la cause avec laquelle sa charité concourait en coopérant; mais aussi du côté des effets; parce que l'Auguste Reine opérait en quelque manière avec chaque âme, comme si elle eût reçu le Bienfait. Je parlerai plus au long de cela dans la troisième partie [b
5, 19, 923. Jésus répondit à l'offre de Son amoureuse Mère: «Ma Mère et Mon Amie, déjà s'approche le temps où il Me convient, conformément à la Volonté de Mon Père Éternel, de commencer à disposer les coeurs de quelques-uns, afin qu'ils reçoivent la Lumière de Ma Doctrine et qu'ils aient connaissance que le temps marqué et opportun du salut des hommes est arrivé. Je veux que vous M'accompagniez en Me suivant dans cette Oeuvre. Priez mon Père de diriger les coeurs des mortels par Sa divine Lumière et de réveiller leurs intérieurs afin qu'ils reçoivent avec une intention droite la science que je leur donnerai maintenant de la venue de leur Réparateur, le Maître du monde.» A cette exhortation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Bienheureuse Mère se disposa à Le suivre et à L'accompagner dans Ses voyages comme Elle le désirait. Depuis ce
jour, presque en toutes les sorties que fit le divin Maître hors de Nazareth, Sa Bienheureuse Mère L'accompagnait.
5, 19, 924. Le Seigneur commença plus assidûment cette Oeuvre trois ans avant de recevoir et d'ordonner le Baptême et de commencer Sa prédication; et Il fit en compagnie de notre grande Reine plusieurs sorties et plusieurs voyages par les endroits de la région de Nazareth et Il faisait la partie de la tribu de Nephtali, conformément à la prophétie d'Isaïe (Is. 9: 2), et Il parcourut aussi d'autres endroits. Conversant avec les hommes, Il commença à leur donner connaissance de la venue du Messie, les assurant qu'Il était déjà dans le monde et dans le royaume d'Israël. Le Rédempteur donnait cette nouvelle Lumière aux mortels, sans manifester qu'Il était Celui qu'ils attendaient; parce que le premier témoignage qu'Il était Fils du Père Éternel fut celui que le Père même donna publiquement au Jourdain quand Il dit: «Celui-ci est Mon Fils bien-aimé de qui et en qui J'ai mes complaisances (Matt. 3: 17).» Mais sans manifester Sa dignité particulière, le Fils Unique de Dieu incarné commença à en donner connaissance en général, par manière de relation de ce qu'Il savait avec certitude; et sans faire de miracles publics, ni aucune autre démonstration, Il accompagnait secrètement Ses témoignages et Ses enseignements de secours et d'inspirations intérieures qu'Il répandait dans les coeurs de ceux avec qui Il conversait; et Il les préparait et les disposait ainsi par cette foi commune, afin qu'ils la reçussent plus facilement ensuite en particulier.
5, 19, 925. Il S'introduisait parmi les hommes qu'Il connaissait, par Sa divine Sagesse, être propres et préparés ou moins ineptes [c] à recevoir la semence de la Vérité; Il rappelait et représentait aux plus ignorants les signes qu'ils avaient tous sus de la venue du Messie lors de la visite des Rois de l'Orient (Matt. 2: 1), de la mort des Innocents (Matt. 2: 16) et d'autres choses semblables. Aux plus savants Il ajoutait les témoignages des prophéties qui étaient déjà accomplis, leur déclarant cette vérité comme étant leur Maître unique et singulier, et de tout cela Il tirait des preuves de ce que le Messie était déjà en Israël et Il leur manifestait le Royaume de Dieu et le Chemin pour y arriver. Et comme on voyait en Sa divine Personne tant d'affabilité, de beauté et de grâce, ainsi que de douceur et de suavité dans Ses paroles qui étaient vives et efficaces, et le tout étant accompagné de la force de Ses grâces secrètes, le fruit qui résultait de cette manière admirable
d'enseigner était très grand: plusieurs âmes sortaient du péché d'autres amélioraient leur vie, demeurant instruites et catéchisées de grands mystères et en particulier de ce que le Messie qu'ils attendaient était déjà dans leur royaume.
5, 19, 926. Le divin Maître ajoutait plusieurs autres Oeuvres de grande Miséricorde à celles-ci: Il consolait ceux qui étaient tristes, Il relevait les opprimés, Il visitait les affligés et les malades, Il animait les pusillanimes, Il donnait des conseils de Vie salutaire aux ignorants, Il assistait ceux qui étaient dans l'agonie de la mort, Il donnait secrètement à plusieurs la santé du corps, Il remédiait à de grandes nécessités et Il dirigeait toutes les âmes dans les sentiers de la Vie et de la Paix véritable. Tous ceux qui s'approchaient de Lui ou qui L'écoutaient avec un coeur pieux et sans opiniâtreté étaient remplis de Lumière et de Dons de la puissante Droite de Sa Divinité. Il n'est pas possible de compter les Oeuvres admirables que le Rédempteur du monde fit dans ces trois ans qui précédèrent Son Baptême et Sa prédication publique; il n'est pas possible non plus d'en faire une digne estimation; et elles étaient toutes faites d'une manière cachée, de sorte que sans Se manifester pour l'Auteur du Salut, Il le communiquait et le donnait à un très grand nombre d'âmes. La grande Reine, l'Auguste Marie, était présente au plus grand nombre de ces merveilles, comme témoin et Coadjutrice très fidèle du Maître de la Vie, et comme tout lui était découvert, Elle correspondait à tout et Elle en remerciait au nom des mêmes créatures bénéficiées de la divine Miséricorde. Elle faisait des cantiques de louange au Tout-Puissant, Elle priait pour les âmes, connaissant leurs maux et leur intérieur, et par ses oraisons et ses demandes Elle leur acquérait des Bienfaits et des faveurs. Elle exhortait aussi par Elle-même et par Ses conseils, Elle en attirait plusieurs à la Doctrine de son Fils et Elle leur donnait connaissance de la venue du Messie, quoiqu'Elle fît ses exhortations et ses enseignements plutôt parmi les femmes que parmi les hommes, et Elle exerçait envers les femmes les mêmes Oeuvres de Miséricorde que son Très Saint Fils opérait à l'égard des hommes.
5, 19, 927. Peu de personnes accompagnaient et suivaient le Seigneur et Sa Très Sainte Mère dans ces premières années, parce qu'il n'était pas encore temps de les appeler à l'École de Sa Doctrine; et ainsi Il les laissait dans leur maisons améliorées et informées de la Lumière divine. Et la compagnie ordinaire de Leurs Majestés étaient les saints Anges qui les servaient comme vassaux très fidèles et
ministres diligents; et quoiqu'en ces voyages, Jésus et Marie retournassent souvent à Leur maison de Nazareth, néanmoins lorsqu'Ils allaient en dehors Ils avaient un plus grand besoin du ministère de ces courtisans du Ciel, car Ils passaient souvent les nuits au serein, dans les champs, en oraison continuelle, et alors les Anges Leur servaient comme d'abri et de tente pour les défendre en partie des inclémences du temps, et ils Leur apportaient quelque fois des aliments qu'Ils mangeaient; d'autres fois, le Seigneur même ou Sa Très Sainte Mère demandaient en aumône Leur nourriture et Ils ne la recevaient qu'en espèces propres et non en argent, ni en d'autres dons ou aumônes spéciales. Lorsqu'Ils Se séparaient pour quelque temps, le Seigneur, pour aller visiter les hôpitaux, et la Reine, d'autres malades, des Anges en nombre incalculable accompagnaient toujours la Reine en forme visible, et Elle opérait certaines oeuvres de piété par leur moyen, et ils donnaient connaissance de celles que son Très Saint Fils accomplissait. Je ne m'arrêterai point à rapporter toutes les merveilles particulières qu'Ils faisaient, les afflictions et les incommodités qu'Ils souffraient dans les chemins et les hôtelleries, et les occasions que l'ennemi commun cherchait pour empêcher ces Oeuvres; il suffit de dire que le Maître de la Vie et Sa Très Sainte Mère étaient pauvres et étrangers et qu'Ils choisirent le chemin de la souffrance, sans refuser aucune peine pour notre salut.
5, 19, 928. Le divin Maître, ainsi que Sa Très Sainte Mère, communiquait cette Lumière de Sa venue au monde à toutes sortes de personnes selon la manière dissimulée que j'ai dite: mais les pauvres (Luc 7: 22) furent plus évangélisés et plus privilégiés dans ce bienfait parce qu'ils étaient d'ordinaire mieux disposés, ayant moins de péchés et plus de lumières, leur esprit étant plus libre et plus dégagé de sollicitude pour recevoir les célestes Pèlerins et admettre leur Doctrine. Les pauvres sont aussi plus humbles et plus appliqués à la soumission du jugement et de la volonté et à d'autres oeuvres honnêtes et vertueuses; et comme Notre-Seigneur Jésus-Christ n'usait pas en ces trois années de la doctrine et du magistère public, Il n'enseignait pas avec une Puissance manifeste et avec la confirmation des miracles, Il S'approchait davantage des humbles et des pauvres qui sont amenés à la vérité avec moins de force d'enseignement. Néanmoins l'ancien serpent fut très attentif à plusieurs des Oeuvres que faisaient nos Très Saints Pèlerins, Jésus et Marie; car ces Oeuvres ne lui furent pas toutes cachées; mais bien le pouvoir avec lequel Ils les accomplissaient. Cet ennemi reconnut que par Leurs paroles et Leurs exhortations, plusieurs pécheurs faisaient pénitence,
amendaient leur vie et sortaient de leur domaine tyrannique, d'autres s'amélioraient beaucoup dans la vertu, et qu'en tous ceux qui écoutaient le Maître de la Vie il s'opérait un grand changement et une grande nouveauté.
5, 19, 929. Ce qui l'irrita le plus fut ce qui arriva à l'égard de plusieurs qu'il essaya de faire tomber à l'heure de la mort, et il ne le put; bien au contraire, comme cette bête sagace et cruelle attaque les âmes avec une plus grande rage à cette heure dernière, il arrivait souvent que si le dragon sanguinaire s'approchait d'abord du malade et que Notre Seigneur et Sa Très Sainte Mère entrassent ensuite, le démon sentait une Vertu puissante qui le précipitait avec tous ses ministres jusqu'au fond des cavernes infernales; et si les Souverains du Ciel Jésus et Marie s'étaient d'abord approchés du malade, le démon ne pouvait plus entrer dans l'appartement, et il n'avait plus de part en celui qui mourait ainsi avec ce secours. Comme ce dragon sentait la Vertu divine et en ignorait la cause, il conçut une rage furieuse et il songea d'apporter remède à cette perte qu'il éprouvait. Sur cela il arriva ce que nous dirons dans le chapitre suivant pour ne point me rallonger davantage en celui-ci.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 19, 930. Ma fille, je te vois dans l'étonnement au sujet des Oeuvres merveilleuses de mon Très Saint Fils et des miennes que je te fais connaître; de ce qu'étant si puissantes pour réduire les coeurs des mortels, il y en a beaucoup qui aient été cachées jusqu'à présent. Ta surprise ne doit pas être de ce que les hommes ignorent plusieurs de ces mystères; mais de ce qu'en en ayant connu un si grand nombre de mon Seigneur et Le leur, ils les aient méprisés et oubliés. S'ils n'avaient pas été si pesants de coeur, s'ils avaient été attentifs et affectueux pour les Vérités divines, ils auraient eu de puissants motifs dans la Vie de mon Fils et la mienne pour être reconnaissants avec ce qu'ils en savaient. On aurait pu convertir plusieurs mondes avec les Articles de la Sainte Foi Catholique et avec tant de Vérités divines que la Sainte Église leur enseigne et leur propose. Puisqu'ils connaissent par elle que le Fils du Père Éternel S'est vêtu de la forme de serviteur
(Phil. 2: 7) en chair mortelle pour nous racheter par la mort ignominieuse de la Croix et qu'en donnant Sa vie temporelle il leur a acquis la Vie Éternelle et les a rappelés de la mort de l'enfer.
5, 19, 931. Je t'ai dit d'autres fois que le nombre de ces malheureux réprouvés est si grand et celui des élus est si petit qu'il n'est pas convenable de le déclarer plus en particulier; parce que si tu le comprenais, étant vraie fille de l'Église et vraie épouse de Jésus-Christ, mon Fils et mon Seigneur, tu mourrais de douleur d'une telle infortune. Ce que tu peux savoir est que toute cette perdition et le dommage dont souffre le peuple Chrétien dans le gouvernement et les autres choses qui l'affligent, tant dans les chefs que dans les membres de ce Corps Mystique, tant dans les ecclésiastiques que dans les séculiers; tout cela vient et naît de l'oubli et du mépris qu'ils ont de la Vie de Jésus-Christ et des Oeuvres de la Rédemption des hommes. Si l'on prenait quelque moyen pour réveiller leur mémoire et leur reconnaissance en cela, et s'ils procédaient comme des enfants fidèles et reconnaissants envers leur Auteur et leur Réparateur et envers moi qui suis leur Avocate, l'indignation du juste Juge s'apaiserait, la ruine générale et les fléaux des Catholiques auraient quelque remède, et ainsi s'apaiserait le Père Éternel qui défend justement l'honneur de Son Fils, et qui châtie avec plus de rigueur les serviteurs qui savent la Volonté de leur Seigneur et qui ne l'accomplissent pas.
5, 19, 932. Les fidèles de la Sainte Église ont beaucoup dépassé le péché des Juifs incrédules qui ôtèrent la vie à leur Dieu et leur Maître: il est vrai que ce péché fut très grave et qu'il mérita les châtiments qui frappèrent ce peuple ingrat; mais les Catholiques ne prennent pas garde que leurs péchés ont d'autres conditions par lesquelles ils surpassent ceux que les Juifs commirent; car bien que leur ignorance fût coupable, ils ignorèrent toutefois la Vérité; et le Seigneur se livra alors à leur pouvoir volontairement, permettant que leur puissance et les ténèbres opérassent, ténèbres (Luc 22: 53) dans lesquelles les Juifs étaient opprimés à cause de leurs péchés. Aujourd'hui les Catholiques n'ont point cette ignorance; au contraire, ils sont au milieu de la Lumière et ils connaissent et pénètrent par cette Lumière les Mystères divins de l'Incarnation et de la Rédemption, et la Sainte Église est fondée, développée, illustrée par des merveilles, par des Saints, par les Écritures, et elle connaît et confesse les Vérités
auxquelles les autres ne peuvent atteindre. Avec tout ce comble de Faveurs, de Bienfaits, de Science et de Lumière, il y en a beaucoup qui vivent comme des infidèles, ou comme s'ils n'avaient point devant les yeux tant de motifs qui les excitent et qui les obligent et tant de châtiments qui les intimident. Comment donc peuvent-ils imaginer avec ces conditions qu'il y ait eu des péchés plus grands et plus graves que les leurs? Comment ne craignent-ils pas que leur châtiment ne soit plus lamentable? O ma fille, pèse beaucoup cette Doctrine et crains avec une sainte crainte. Humilie-toi jusqu'à la poussière et reconnais-toi pour la dernière des créatures devant le Très-Haut. Regarde les Oeuvres de ton Rédempteur et ton Maître. Dirige-les et applique-les à ta justification par la douleur et la pénitence de tes péchés. Imite-moi et suis mes traces comme tu les connais dans la Lumière divine. Je ne veux pas que tu ne travailles seulement que pour toi, mais aussi pour tes frères; et cela doit être en priant et en souffrant pour eux, en avertissant avec charité ceux que tu pourras, et en suppléant par cette charité à ce en quoi ils ne t'auraient pas obligée. Tâche de te montrer plus soigneuse à procurer le bien de celui qui t'a offensée, les souffrant tous, et t'humiliant jusqu'aux plus infimes, et prends soin, comme tu as ordre de le faire, d'aider les nécessiteux à l'heure de la mort [d] avec une charité fervent et une ferme confiance.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 19, [a]. Livre 5, Nos. 911, 914, 915.
5, 19, b. Livre 7, Nos. 111, 168 et fréquemment.
5, 19, [c]. L'Esprit souffle où Il veut; mais comme cet Esprit non seulement atteint avec force, mais aussi dispose toute chose avec douceur; pour cet raison, Il a coutume de donner Sa grâce premièrement aux moins pervertis ou aux meilleurs dans les vertus naturelles; et il est convenable que la grâce étant dirigée à élever la nature; ainsi la grâce commence à opérer cette exaltation là où la nature est moins corrompue.
5, 19, [d]. Livre 5, Nos. 884, 885.
Notre Seigneur Jésus-Christ dispose Sa prédication, donnant quelque connaissance de la venue du Messie; Sa Très Sainte Mère L'assiste; l'enfer commence à se troubler.
5, 19, 920. L'incendie de la divine Charité qui brûlait dans le Coeur de notre Maître et notre Rédempteur était comme enfermé et retenu jusqu'au temps destiné et opportun où Il devait Se manifester, ou en ouvrant Son sein par le moyen de la prédication et des miracles manifestes aux hommes, ou en rompant l'urne et le vase de son Humanité très sainte. Quoiqu'il soit vrai qu'on ne peut cacher le feu dans son sein (Prov. 6: 27), comme dit Salomon, sans que les vêtements s'embrasent; ainsi notre Sauveur manifesta toujours celui qu'il avait dans Son Coeur; parce qu'il en sortait quelques étincelles et quelques lumières en toutes les Oeuvres qu'Il fit dès le moment de Son Incarnation; néanmoins, il était toujours comme renfermé et dissimulé en comparaison de la flamme immense qu'Il cachait et de ce qu'Il devait opérer en son temps. Sa Majesté était déjà arrivé à l'âge de parfaite adolescence, et touchant à Ses vingt-sept ans, il semblait que,
selon notre manière de concevoir, déjà Il ne pouvait plus y résister autant, ni Se retenir dans l'impétuosité de Son Amour et dans l'obéissance de Son Père Éternel pour sanctifier les hommes. Il s'affligeait beaucoup, priait, jeûnait et sortait davantage parmi le peuple pour Se communiquer aux mortels; et souvent Il passait les nuits sur les montagnes en oraison, et Il avait coutume de passer deux ou trois jours hors de Sa maison, sans revenir vers Sa Très Sainte Mère.
5, 19, 921. Déjà dans ces sorties et ces absences de son Très Saint Fils, la Très Prudente Dame commençait à sentir Ses afflictions et Ses peines qui s'approchaient: Elle était transpercée dans son Coeur et dans son âme du glaive que sa dévote et pieuse affection prévoyait, Elle se convertissait tout entière en un Divin incendie et s'embrasait en des actes pleins de tendresse et d'amour pour son Bien-Aimé. Dans ces absences de son Fils l'Auguste Souveraine exposait sa douleur à ses vassaux et àses courtisans, les Anges qui l'assistaient en forme visible; et Elle leur demandait d'aller vers son Fils et son Seigneur et de lui rapporter des nouvelles de Ses occupations et de Ses exercices. Les Anges lui obéissaient comme à leur Reine, et avec les notices qu'ils lui donnaient fréquemment, Elle accompagnait de sa retraite le Souverain Roi Jésus-Christ dans Ses oraisons, Ses prières et Ses exercices. Lorsque Sa Majesté revenait, Elle Le recevait prosternée en terre, L'adorait et Lui rendait grâces pour les Bienfaits qu'Il avait répandus sur les pécheurs. Comme Mère amoureuse, Elle Le servait et tâchait de Le soulager et de Lui préparer quelque pauvre régal dont la Très Sainte Humanité avait besoin comme véritable et passible; parce qu'il Lui arrivait des fois d'avoir passé deux ou trois jours sans manger et sans dormir. Aussitôt la Bienheureuse Mère connaissait les soucis du Sauver de la manière que j'ai dite [a], et Sa Majesté l'en informait ainsi que des Oeuvres qu'Il disposait et des Bienfaits cachés qu'Il avait communiqués à quelques âmes, en leur donnant des connaissances et des Lumières touchant la Divinité et la Rédemption es hommes.
5, 19, 922. Avec ces avis, la grande Reine parla à son Très Saint Fils et Elle Lui dit: «Mon Seigneur, véritable et Souverain Bien des âmes et Lumière de mes yeux, je vois déjà que l'Amour très ardent que Vous avez pour les hommes n'a ni repos, ni tranquillité, s'il s'emploie à leur procurer le Salut Éternel et à opérer l'Oeuvre dont Votre Père Éternel Vous a chargé. Vos paroles et Vos Oeuvres d'une valeur inestimable attireront inévitablement après elles les coeurs de
plusieurs; mais je désire, ô mon Très Doux Amour, qu'il en soit ainsi de tous et que les mortels correspondent à Votre sollicitude et à la tendresse de Votre Charité. Voici Votre Esclave, Seigneur; mon Coeur est prêt à s'employer tout entier à Votre plus grand agrément et à offrir ma Vie, s'il le faut, afin que les désirs de Votre Amour suprême s'emploie tout entier à les attirer à Votre amitié et à Votre grâce.» La Mère de Miséricorde fit cette offre à son Très Saint Fils, mue par la force de sa charité enflammée qui l'obligeait à procurer et à désirer le fruit des Oeuvres et de la Doctrine de notre Réparateur et notre Maître véritable; et comme la Très Prudente Dame les pesait dignement et connaissait leur valeur, Elle n'aurait pas voulu que ce fruit fût perdu pour aucune âme ou qu'il demeurât privé de la reconnaissance qu'il méritait. Avec cette charité ineffable Elle désirait aider le Seigneur, ou pour mieux dire les hommes qui entendraient Ses divines Paroles ou qui seraient témoins de Ses Oeuvres, afin qu'ils ne perdissent point l'occasion de leur remède et qu'ils correspondissent à ce Bienfait. Elle désirait aussi rendre de dignes actions de grâces et des louanges au Seigneur, comme Elle faisait véritablement, pour les Oeuvres merveilleuses qu'Il opérait au bénéfice des âmes, afin que toutes ces Oeuvres fussent reconnues et remerciées, tant celles qui étaient efficaces que celles qui ne le seraient pas par la faute des hommes. Les mérites de ce genre que Notre-Dame acquit furent aussi admirables que cachées; parce qu'elle eut dans toutes les Oeuvres de Notre-Seigneur Jésus-Christ une espèce de participation très sublime, non seulement du côté de la cause avec laquelle sa charité concourait en coopérant; mais aussi du côté des effets; parce que l'Auguste Reine opérait en quelque manière avec chaque âme, comme si elle eût reçu le Bienfait. Je parlerai plus au long de cela dans la troisième partie [b
5, 19, 923. Jésus répondit à l'offre de Son amoureuse Mère: «Ma Mère et Mon Amie, déjà s'approche le temps où il Me convient, conformément à la Volonté de Mon Père Éternel, de commencer à disposer les coeurs de quelques-uns, afin qu'ils reçoivent la Lumière de Ma Doctrine et qu'ils aient connaissance que le temps marqué et opportun du salut des hommes est arrivé. Je veux que vous M'accompagniez en Me suivant dans cette Oeuvre. Priez mon Père de diriger les coeurs des mortels par Sa divine Lumière et de réveiller leurs intérieurs afin qu'ils reçoivent avec une intention droite la science que je leur donnerai maintenant de la venue de leur Réparateur, le Maître du monde.» A cette exhortation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Bienheureuse Mère se disposa à Le suivre et à L'accompagner dans Ses voyages comme Elle le désirait. Depuis ce
jour, presque en toutes les sorties que fit le divin Maître hors de Nazareth, Sa Bienheureuse Mère L'accompagnait.
5, 19, 924. Le Seigneur commença plus assidûment cette Oeuvre trois ans avant de recevoir et d'ordonner le Baptême et de commencer Sa prédication; et Il fit en compagnie de notre grande Reine plusieurs sorties et plusieurs voyages par les endroits de la région de Nazareth et Il faisait la partie de la tribu de Nephtali, conformément à la prophétie d'Isaïe (Is. 9: 2), et Il parcourut aussi d'autres endroits. Conversant avec les hommes, Il commença à leur donner connaissance de la venue du Messie, les assurant qu'Il était déjà dans le monde et dans le royaume d'Israël. Le Rédempteur donnait cette nouvelle Lumière aux mortels, sans manifester qu'Il était Celui qu'ils attendaient; parce que le premier témoignage qu'Il était Fils du Père Éternel fut celui que le Père même donna publiquement au Jourdain quand Il dit: «Celui-ci est Mon Fils bien-aimé de qui et en qui J'ai mes complaisances (Matt. 3: 17).» Mais sans manifester Sa dignité particulière, le Fils Unique de Dieu incarné commença à en donner connaissance en général, par manière de relation de ce qu'Il savait avec certitude; et sans faire de miracles publics, ni aucune autre démonstration, Il accompagnait secrètement Ses témoignages et Ses enseignements de secours et d'inspirations intérieures qu'Il répandait dans les coeurs de ceux avec qui Il conversait; et Il les préparait et les disposait ainsi par cette foi commune, afin qu'ils la reçussent plus facilement ensuite en particulier.
5, 19, 925. Il S'introduisait parmi les hommes qu'Il connaissait, par Sa divine Sagesse, être propres et préparés ou moins ineptes [c] à recevoir la semence de la Vérité; Il rappelait et représentait aux plus ignorants les signes qu'ils avaient tous sus de la venue du Messie lors de la visite des Rois de l'Orient (Matt. 2: 1), de la mort des Innocents (Matt. 2: 16) et d'autres choses semblables. Aux plus savants Il ajoutait les témoignages des prophéties qui étaient déjà accomplis, leur déclarant cette vérité comme étant leur Maître unique et singulier, et de tout cela Il tirait des preuves de ce que le Messie était déjà en Israël et Il leur manifestait le Royaume de Dieu et le Chemin pour y arriver. Et comme on voyait en Sa divine Personne tant d'affabilité, de beauté et de grâce, ainsi que de douceur et de suavité dans Ses paroles qui étaient vives et efficaces, et le tout étant accompagné de la force de Ses grâces secrètes, le fruit qui résultait de cette manière admirable
d'enseigner était très grand: plusieurs âmes sortaient du péché d'autres amélioraient leur vie, demeurant instruites et catéchisées de grands mystères et en particulier de ce que le Messie qu'ils attendaient était déjà dans leur royaume.
5, 19, 926. Le divin Maître ajoutait plusieurs autres Oeuvres de grande Miséricorde à celles-ci: Il consolait ceux qui étaient tristes, Il relevait les opprimés, Il visitait les affligés et les malades, Il animait les pusillanimes, Il donnait des conseils de Vie salutaire aux ignorants, Il assistait ceux qui étaient dans l'agonie de la mort, Il donnait secrètement à plusieurs la santé du corps, Il remédiait à de grandes nécessités et Il dirigeait toutes les âmes dans les sentiers de la Vie et de la Paix véritable. Tous ceux qui s'approchaient de Lui ou qui L'écoutaient avec un coeur pieux et sans opiniâtreté étaient remplis de Lumière et de Dons de la puissante Droite de Sa Divinité. Il n'est pas possible de compter les Oeuvres admirables que le Rédempteur du monde fit dans ces trois ans qui précédèrent Son Baptême et Sa prédication publique; il n'est pas possible non plus d'en faire une digne estimation; et elles étaient toutes faites d'une manière cachée, de sorte que sans Se manifester pour l'Auteur du Salut, Il le communiquait et le donnait à un très grand nombre d'âmes. La grande Reine, l'Auguste Marie, était présente au plus grand nombre de ces merveilles, comme témoin et Coadjutrice très fidèle du Maître de la Vie, et comme tout lui était découvert, Elle correspondait à tout et Elle en remerciait au nom des mêmes créatures bénéficiées de la divine Miséricorde. Elle faisait des cantiques de louange au Tout-Puissant, Elle priait pour les âmes, connaissant leurs maux et leur intérieur, et par ses oraisons et ses demandes Elle leur acquérait des Bienfaits et des faveurs. Elle exhortait aussi par Elle-même et par Ses conseils, Elle en attirait plusieurs à la Doctrine de son Fils et Elle leur donnait connaissance de la venue du Messie, quoiqu'Elle fît ses exhortations et ses enseignements plutôt parmi les femmes que parmi les hommes, et Elle exerçait envers les femmes les mêmes Oeuvres de Miséricorde que son Très Saint Fils opérait à l'égard des hommes.
5, 19, 927. Peu de personnes accompagnaient et suivaient le Seigneur et Sa Très Sainte Mère dans ces premières années, parce qu'il n'était pas encore temps de les appeler à l'École de Sa Doctrine; et ainsi Il les laissait dans leur maisons améliorées et informées de la Lumière divine. Et la compagnie ordinaire de Leurs Majestés étaient les saints Anges qui les servaient comme vassaux très fidèles et
ministres diligents; et quoiqu'en ces voyages, Jésus et Marie retournassent souvent à Leur maison de Nazareth, néanmoins lorsqu'Ils allaient en dehors Ils avaient un plus grand besoin du ministère de ces courtisans du Ciel, car Ils passaient souvent les nuits au serein, dans les champs, en oraison continuelle, et alors les Anges Leur servaient comme d'abri et de tente pour les défendre en partie des inclémences du temps, et ils Leur apportaient quelque fois des aliments qu'Ils mangeaient; d'autres fois, le Seigneur même ou Sa Très Sainte Mère demandaient en aumône Leur nourriture et Ils ne la recevaient qu'en espèces propres et non en argent, ni en d'autres dons ou aumônes spéciales. Lorsqu'Ils Se séparaient pour quelque temps, le Seigneur, pour aller visiter les hôpitaux, et la Reine, d'autres malades, des Anges en nombre incalculable accompagnaient toujours la Reine en forme visible, et Elle opérait certaines oeuvres de piété par leur moyen, et ils donnaient connaissance de celles que son Très Saint Fils accomplissait. Je ne m'arrêterai point à rapporter toutes les merveilles particulières qu'Ils faisaient, les afflictions et les incommodités qu'Ils souffraient dans les chemins et les hôtelleries, et les occasions que l'ennemi commun cherchait pour empêcher ces Oeuvres; il suffit de dire que le Maître de la Vie et Sa Très Sainte Mère étaient pauvres et étrangers et qu'Ils choisirent le chemin de la souffrance, sans refuser aucune peine pour notre salut.
5, 19, 928. Le divin Maître, ainsi que Sa Très Sainte Mère, communiquait cette Lumière de Sa venue au monde à toutes sortes de personnes selon la manière dissimulée que j'ai dite: mais les pauvres (Luc 7: 22) furent plus évangélisés et plus privilégiés dans ce bienfait parce qu'ils étaient d'ordinaire mieux disposés, ayant moins de péchés et plus de lumières, leur esprit étant plus libre et plus dégagé de sollicitude pour recevoir les célestes Pèlerins et admettre leur Doctrine. Les pauvres sont aussi plus humbles et plus appliqués à la soumission du jugement et de la volonté et à d'autres oeuvres honnêtes et vertueuses; et comme Notre-Seigneur Jésus-Christ n'usait pas en ces trois années de la doctrine et du magistère public, Il n'enseignait pas avec une Puissance manifeste et avec la confirmation des miracles, Il S'approchait davantage des humbles et des pauvres qui sont amenés à la vérité avec moins de force d'enseignement. Néanmoins l'ancien serpent fut très attentif à plusieurs des Oeuvres que faisaient nos Très Saints Pèlerins, Jésus et Marie; car ces Oeuvres ne lui furent pas toutes cachées; mais bien le pouvoir avec lequel Ils les accomplissaient. Cet ennemi reconnut que par Leurs paroles et Leurs exhortations, plusieurs pécheurs faisaient pénitence,
amendaient leur vie et sortaient de leur domaine tyrannique, d'autres s'amélioraient beaucoup dans la vertu, et qu'en tous ceux qui écoutaient le Maître de la Vie il s'opérait un grand changement et une grande nouveauté.
5, 19, 929. Ce qui l'irrita le plus fut ce qui arriva à l'égard de plusieurs qu'il essaya de faire tomber à l'heure de la mort, et il ne le put; bien au contraire, comme cette bête sagace et cruelle attaque les âmes avec une plus grande rage à cette heure dernière, il arrivait souvent que si le dragon sanguinaire s'approchait d'abord du malade et que Notre Seigneur et Sa Très Sainte Mère entrassent ensuite, le démon sentait une Vertu puissante qui le précipitait avec tous ses ministres jusqu'au fond des cavernes infernales; et si les Souverains du Ciel Jésus et Marie s'étaient d'abord approchés du malade, le démon ne pouvait plus entrer dans l'appartement, et il n'avait plus de part en celui qui mourait ainsi avec ce secours. Comme ce dragon sentait la Vertu divine et en ignorait la cause, il conçut une rage furieuse et il songea d'apporter remède à cette perte qu'il éprouvait. Sur cela il arriva ce que nous dirons dans le chapitre suivant pour ne point me rallonger davantage en celui-ci.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 19, 930. Ma fille, je te vois dans l'étonnement au sujet des Oeuvres merveilleuses de mon Très Saint Fils et des miennes que je te fais connaître; de ce qu'étant si puissantes pour réduire les coeurs des mortels, il y en a beaucoup qui aient été cachées jusqu'à présent. Ta surprise ne doit pas être de ce que les hommes ignorent plusieurs de ces mystères; mais de ce qu'en en ayant connu un si grand nombre de mon Seigneur et Le leur, ils les aient méprisés et oubliés. S'ils n'avaient pas été si pesants de coeur, s'ils avaient été attentifs et affectueux pour les Vérités divines, ils auraient eu de puissants motifs dans la Vie de mon Fils et la mienne pour être reconnaissants avec ce qu'ils en savaient. On aurait pu convertir plusieurs mondes avec les Articles de la Sainte Foi Catholique et avec tant de Vérités divines que la Sainte Église leur enseigne et leur propose. Puisqu'ils connaissent par elle que le Fils du Père Éternel S'est vêtu de la forme de serviteur
(Phil. 2: 7) en chair mortelle pour nous racheter par la mort ignominieuse de la Croix et qu'en donnant Sa vie temporelle il leur a acquis la Vie Éternelle et les a rappelés de la mort de l'enfer.
5, 19, 931. Je t'ai dit d'autres fois que le nombre de ces malheureux réprouvés est si grand et celui des élus est si petit qu'il n'est pas convenable de le déclarer plus en particulier; parce que si tu le comprenais, étant vraie fille de l'Église et vraie épouse de Jésus-Christ, mon Fils et mon Seigneur, tu mourrais de douleur d'une telle infortune. Ce que tu peux savoir est que toute cette perdition et le dommage dont souffre le peuple Chrétien dans le gouvernement et les autres choses qui l'affligent, tant dans les chefs que dans les membres de ce Corps Mystique, tant dans les ecclésiastiques que dans les séculiers; tout cela vient et naît de l'oubli et du mépris qu'ils ont de la Vie de Jésus-Christ et des Oeuvres de la Rédemption des hommes. Si l'on prenait quelque moyen pour réveiller leur mémoire et leur reconnaissance en cela, et s'ils procédaient comme des enfants fidèles et reconnaissants envers leur Auteur et leur Réparateur et envers moi qui suis leur Avocate, l'indignation du juste Juge s'apaiserait, la ruine générale et les fléaux des Catholiques auraient quelque remède, et ainsi s'apaiserait le Père Éternel qui défend justement l'honneur de Son Fils, et qui châtie avec plus de rigueur les serviteurs qui savent la Volonté de leur Seigneur et qui ne l'accomplissent pas.
5, 19, 932. Les fidèles de la Sainte Église ont beaucoup dépassé le péché des Juifs incrédules qui ôtèrent la vie à leur Dieu et leur Maître: il est vrai que ce péché fut très grave et qu'il mérita les châtiments qui frappèrent ce peuple ingrat; mais les Catholiques ne prennent pas garde que leurs péchés ont d'autres conditions par lesquelles ils surpassent ceux que les Juifs commirent; car bien que leur ignorance fût coupable, ils ignorèrent toutefois la Vérité; et le Seigneur se livra alors à leur pouvoir volontairement, permettant que leur puissance et les ténèbres opérassent, ténèbres (Luc 22: 53) dans lesquelles les Juifs étaient opprimés à cause de leurs péchés. Aujourd'hui les Catholiques n'ont point cette ignorance; au contraire, ils sont au milieu de la Lumière et ils connaissent et pénètrent par cette Lumière les Mystères divins de l'Incarnation et de la Rédemption, et la Sainte Église est fondée, développée, illustrée par des merveilles, par des Saints, par les Écritures, et elle connaît et confesse les Vérités
auxquelles les autres ne peuvent atteindre. Avec tout ce comble de Faveurs, de Bienfaits, de Science et de Lumière, il y en a beaucoup qui vivent comme des infidèles, ou comme s'ils n'avaient point devant les yeux tant de motifs qui les excitent et qui les obligent et tant de châtiments qui les intimident. Comment donc peuvent-ils imaginer avec ces conditions qu'il y ait eu des péchés plus grands et plus graves que les leurs? Comment ne craignent-ils pas que leur châtiment ne soit plus lamentable? O ma fille, pèse beaucoup cette Doctrine et crains avec une sainte crainte. Humilie-toi jusqu'à la poussière et reconnais-toi pour la dernière des créatures devant le Très-Haut. Regarde les Oeuvres de ton Rédempteur et ton Maître. Dirige-les et applique-les à ta justification par la douleur et la pénitence de tes péchés. Imite-moi et suis mes traces comme tu les connais dans la Lumière divine. Je ne veux pas que tu ne travailles seulement que pour toi, mais aussi pour tes frères; et cela doit être en priant et en souffrant pour eux, en avertissant avec charité ceux que tu pourras, et en suppléant par cette charité à ce en quoi ils ne t'auraient pas obligée. Tâche de te montrer plus soigneuse à procurer le bien de celui qui t'a offensée, les souffrant tous, et t'humiliant jusqu'aux plus infimes, et prends soin, comme tu as ordre de le faire, d'aider les nécessiteux à l'heure de la mort [d] avec une charité fervent et une ferme confiance.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 19, [a]. Livre 5, Nos. 911, 914, 915.
5, 19, b. Livre 7, Nos. 111, 168 et fréquemment.
5, 19, [c]. L'Esprit souffle où Il veut; mais comme cet Esprit non seulement atteint avec force, mais aussi dispose toute chose avec douceur; pour cet raison, Il a coutume de donner Sa grâce premièrement aux moins pervertis ou aux meilleurs dans les vertus naturelles; et il est convenable que la grâce étant dirigée à élever la nature; ainsi la grâce commence à opérer cette exaltation là où la nature est moins corrompue.
5, 19, [d]. Livre 5, Nos. 884, 885.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 20
Lucifer convoque un conciliabule dans l'enfer pour traiter d'empêcher les Oeuvres de Notre Rédempteur Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère.
5, 20, 933. L'empire tyrannique de Lucifer dans le monde n'était pas aussi paisible qu'il avait été dans les siècles passés depuis que l'Incarnation du Verbe divin s'y était opérée; parce que depuis que le Fils du Père Éternel était descendu des Cieux et avait pris chair humaine dans le sein Virginal de la Très Sainte Marie, ce fort armé sentit une autre force plus grande, une cause plus puissante, qui l'opprimait et l'atterrait (Luc 11: 21), comme je l'ai dit en son lieu [a], et il sentit plus tard la même chose, quand l'Enfant Jésus et Sa Mère entrèrent en Égypte comme je l'ai rapporté b] aussi; et ce dragon fut opprimé et vaincu en plusieurs autres occasions par la Vérité divine, de la main de notre grande Reine. La nouveauté qu'il sentait des Oeuvres que notre Sauver commençait à opérer, et qui ont été rapportées dans le chapitre précédent: tout cela ensemble vint à engendrer dans cet antique serpent de grands doutes et de graves soupçons qu'il y eût quelque autre cause majeur. Mais comme se sacrement de la Rédemption des hommes était si caché pour lui, il se trompait dans sa fureur sans pouvoir découvrir la vérité, quoiqu'il fût toujours vigilant et aux aguets depuis sa chute du Ciel, afin de savoir quand et comment le Verbe Éternel descendrait prendre chair humaine; parce que c'était cette Oeuvre merveilleuse que son arrogance et son orgueil craignait le plus. Ce souci l'obligea à tenir un si grand nombre de conciliabules comme j'ai rapporté dans cette Histoire et ceux que je dirai plus loin [c].
5, 20, 934. Cet ennemi, se trouvant donc rempli de confusion de ce qui lui arrivait à lui et à ses ministres au sujet de Jésus et Marie, conféra en lui-même par quelle vertu Il le précipitait et l'opprimait, lorsqu'il essayait d'approcher pour pervertir ceux qui étaient à l'agonie et près de mourir, et le reste qui arrivait avec l'assistance de la Reine du Ciel: et comme il ne pouvait en scruter le secret, il
détermina de consulter ses plus grands ministres de ténèbres, qui étaient les plus éminents en astuce et en malice. Il poussa un hurlement ou une voix épouvantable dans l'enfer, de la manière que les démons s'entendent entre eux, et il les convoqua tous, en vertu de la subordination qu'ils ont avec lui; et lorsqu'ils furent tous réunis il leur fit ce raisonnement et dit: «Mes ministres et mes compagnons qui avez toujours suivi mon juste parti, vous savez bien que dans le premier état où le Créateur de toutes choses nous mit, nous Le reconnûmes pour la Cause Universelle de tout notre être; et ainsi nous le respectâmes; mais qu'ensuite en offense de notre beauté et de notre éminence qui tient tant de la déité, Il nous posa le précepte d'adorer et de servir la Personne du Verbe dans la forme humaine qu'Il voulait prendre, et nous résistâmes à Sa Volonté; or quoique je connusse que cette révérence Lui était due comme Dieu; néanmoins étant conjointement homme, d'une nature vile et si inférieure à la mienne, je ne pus souffrir de Lui être assujetti et que ce qui était déterminé devoir être fait à l'égard de cet homme se fît avec moi. Il nous commanda non-seulement de L'adorer Lui; mais aussi de reconnaître pour supérieure une Femme, une pure Créature terrestre, qui devait être Sa Mère. Je reconnus ces torts si injurieux, et vous avec moi, et nous nous y opposâmes et nous déterminâmes de résister à cette obédience, et c'est pour cela que nous fûmes châtiés par le malheureux état et les peines que nous souffrons. Cependant, quoique nous connaissions ces vérités et que nous les confessions ici avec terreur entre nous, il ne convient point de le faire devant les hommes (Jac. 2: 19), et c'est ce que je vous commande, afin qu'ils ne puissent savoir notre ignorance et notre faiblesse.»
5, 20, 935. «Mais si cet Homme-Dieu qui existera et Sa Mère doivent causer notre ruine, il est clair que Sa venue au monde doit être notre plus grand tourment et notre plus grand désespoir; et pour l'éviter je dois travailler de tout mon pouvoir afin de Les détruire quand je devrais renverser et bouleverser tout le globe. Vous connaissez déjà combien mes forces ont été invincibles jusqu'à présent, puisqu'une si grande partie du monde obéit à mon empire, et je le tiens assujetti à ma volonté et à mon astuce. Depuis quelques années, je vous ai vus opprimés et précipités en différentes occasions, vos forces sont affaiblies et quelque peu débilitées et je sens une puissance inférieure qui semble m'attacher et m'intimider. Quelquefois j'ai parcouru tout le monde avec vous, tâchant de savoir s'il n'y a pas quelque nouveauté à laquelle on puisse attribuer cette perte et cette oppression que nous sentons, et si par hasard ce Messie promis au peuple choisi de
Dieu s'y trouve; et non seulement nous ne L'avons point trouvé en toute la terre, mais nous ne découvrons point d'indices certains de Sa venue, et de l'ostentation et du bruit qu'Il fera parmi les hommes. Cependant je crains que les temps où Il doit venir du Ciel sur la terre soient déjà proches; et ainsi il convient que nous nous efforcions de Le détruire avec une grande fureur, Lui et la Femme qu'Il choisira pour Mère. Je donnerai une plus grande rétribution de ma reconnaissance à celui qui travaillera davantage en cela. Jusqu'à présent, je trouve en tous les hommes des péchés et des effets des péchés, et je ne découvre en aucun la Majesté et la Grandeur que le Verbe Incarné portera avec Lui pour Se manifester aux hommes et obliger tous les mortels à L'adorer et à Lui offrir des sacrifices et du respect. Tel sera le signe infaillible de Sa venue au monde: nous reconnaîtrons Sa Personne en cela et il ne s'y trouva point de péché ni aucun des effets qu'il cause dans les mortels enfants d'Adam.
5, 20, 936. Pour ces raisons,» pour suivit Lucifer, «ma confusion est plus grande; parce que si le Verbe Éternel n'est pas descendu au monde, je ne peux comprendre les nouveautés que nous sentons et je ne sais d'où vient cette vertu et cette force qui nous écrase. Qu'est-ce qui nous chassa et nous renversa de toute l'Égypte? Qu'est-ce qui reversa ces temples et ruina les idoles de cette terre où nous étions adorés de tous ses habitants? Qu'est-ce qui nous opprime maintenant dans la terre de Galilée et ses confins et empêche que nous puissions nous approcher de plusieurs hommes pour les pervertir à l'heure de leur mort? Qu'est-ce qui en relève un si grand nombre du péché, comme ceux qui sortent de notre juridiction? Qui est-ce qui fait en sorte que d'autres améliorent leur vie et cherchent le Royaume de Dieu? Si cette perte qui vient d'une cause que nous ne découvrons point persévère, une grande ruine et un grand tourment peuvent s'en suivre pour nous! Il est nécessaire de l'arrêter et de reconnaître de nouveau s'il y a dans le monde quelque grand Prophète ou quelque Saint qui commence à nous détruire; mais je n'en ai découvert aucun à qui je puisse attribuer autant de vertu. Seulement, j'ai une haine mortelle contre cette Femme, notre ennemie, et surtout depuis que nous l'avons persécutée dans le Temple et ensuite dans sa maison de Nazareth; parce que nous sommes toujours demeurés vaincus et atterrés par la vertu qui la défend; et avec cette même vertu Elle est demeurée invincible et supérieure à notre malice et je n'ai jamais pu découvrir son intérieur, ni la toucher en sa personne. Elle a un Fils et ils assistèrent tous deux à la mort du père et nous n'avons pu nous approcher de l'endroit où ils étaient. Ce sont des gens pauvres et
abandonnés, et Elle, c'est une Femmelette cachée et destituée: mais je présume que sans doute le Fils et la Mère sont justes; parce que j'ai toujours tâché de les incliner aux vices ordinaires aux hommes, et je n'ai jamais pu obtenir d'eux le moindre désordre ni aucun des mouvements vicieux qui sont si ordinaires et si naturels dans tous les autres. Je connais que le Dieu tout-puissant me cache l'état de ces deux Ames; et le fait de m'avoir celé s'ils sont justes ou pécheurs a sans doute quelque mystère caché contre nous; et quoique l'état d'autres âmes nous ait été caché aussi en certaines circonstances, néanmoins la chose est arrivée très rarement et non d'une façon aussi complète que maintenant. Et quand cet homme ne serait pas le Messie promis, ils sont tous deux justes pour le moins et par là même nos ennemis et cela suffit pour que nous les persécutions et que nous tâchions de les renverser et de découvrir qui Ils sont. Suivez-moi tous dans cette entreprise avec une grande confiance, car je serai le premier contre eux.»
5, 20, 937. Par cette exhortation, Lucifer termina son long raisonnement, dans lequel il proposa aux démons plusieurs autres avis ou conseils de méchanceté qu'il n'est pas nécessaire de rapporter; puisque je traiterai davantage de ces secrets dans cette Histoire, outre ce que j'ai déjà dit pour connaître l'astuce du serpent venimeux. Ce prince des ténèbres sortit aussitôt de l'enfer suivi de légions innombrables de démons, et ils se répandirent par tout le monde, le parcourant et en faisant plusieurs fois le tour, et cherchant avec leur malice et leur astuce les justes qu'il y avait, tentant ceux qu'ils connurent et les provoquant ainsi que d'autres à des méchancetés fabriquées par la malice de ces ennemis: mais la Sagesse de Notre-Seigneur Jésus-Christ cacha Sa Personne et celle de Sa Très Sainte Mère de l'orgueil de Lucifer pendant plusieurs jours, et Il ne permit point qu'il Les vît ni qu'il Les connût, jusqu'à ce que Sa Majesté allât au désert, où Il disposait et voulait être tenté après_son long jeûne et Lucifer Le tenta alors comme je le dirai en son lieu [d].
5, 20, 938. Comme tout était manifeste à notre divin Maître Jésus-Christ, lorsque ce conciliabule s'assembla dans l'enfer, Sa Majesté fit une oraison spéciale au Père Éternel contre la malice du dragon et dans cette occasion, entre autre pétitions, Il demanda ce qui suit disant: «O mon Père, Dieu éternel et très haut, J'adore et exalte Ton Être immuable et infini; Je Te confesse pour le Bien immense et souverains, et Je m'offre en Sacrifice à Ta divine Volonté pour écraser et
vaincre les forces infernales et les iniques conseils de Lucifer contre mes créatures; pour elles Je combattrai mes ennemis et les leurs et par Mes exemples et Mes victoires sur le dragon, Je leur laisserai la confiance et l'exemple de ce qu'ils doivent faire contre lui; et la malice de ces esprits pervers demeurera plus faible pour offenser ceux qui Me serviront de tout leur coeur. Défends, ô Mon Père, les pauvres mortels des erreurs et de l'antique cruauté du serpent et de ses alliés; et concède aux justes la puissante vertu de Ta droite, afin qu'ils obtiennent par Mon intercession et Ma Mort la victoire dans leurs tentations et le secours dans leurs dangers.» Notre grande Reine et Souveraine eut connaissance dans le même temps de la méchanceté et des conseils de Lucifer et Elle vit en son Très Saint Fils tout ce qui se passait et l'oraison qu'Il faisait, et Elle fit au Père Éternel la même oraison et les mêmes demandes que son Fils, comme Coadjutrice de Ses triomphes. Le Très-Haut les lui concéda, et en cette circonstance les très doux Avocats, Jésus et Marie, obtinrent de grands secours et de grandes récompenses que le Père promit pour ceux qui combattraient contre le démon, en invoquant les noms de Jésus et de Marie, de sorte que celui qui les prononcera avec foi et révérence, écrasera les ennemis infernaux, les mettra en fuite et les éloignera de lui en vertu de l'oraison, des victoires, et des triomphes que notre Sauveur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère obtinrent. Avec la protection qu'ils nous promirent et nous laissèrent contre ce superbe géant, avec ce remède et tant d'autres que le Seigneur a accumulés dans Sa Sainte Église, nous n'avons aucune excuse, si nous ne combattons point légitimement et courageusement en vainquant le démon comme ennemi du Dieu Éternel et le nôtre, en suivant Notre Sauveur et en imitant l'exemple de Sa victoire respectivement.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 20, 939. Ma fille, pleure toujours avec une douleur amère l'aveuglement et l'opiniâtreté des mortels pour connaître et comprendre l'amoureuse protection qu'ils ont en mon Très Doux Fils et en moi, pour tous leurs travaux et leurs nécessités. Mon Seigneur n'épargna aucune diligence, Il ne perdit aucune occasion de leur acquérir des Trésors inestimables. Il accumula pour eux dans la Sainte Église la valeur infinie de Ses mérites, le fruit essentiel de Ses douleurs et
de Sa Mort; Il laissa des gages assurés de Son amour et de Sa gloire; des instruments très faciles et très efficaces pour qu'ils puissent jouir de tous ces biens et se les appliquer à leur utilité et à leur salut éternel. Il leur promet en outre Sa protection et la mienne; Il les aime comme des enfants, les caresse comme Ses amis et Ses très chers, les appelle par des inspirations, les convie par des bienfaits et des richesses véritables, les attend comme Père Très Miséricordieux, les cherche comme Pasteur, les aide comme puissant, les récompense comme infiniment riche et les gouverne comme Roi Puissant. Et la Sainte Église leur propose et leur remet sous les yeux toutes ces faveurs et d'autres sans nombre que la Foi leur enseigne; mais ils les oublient et les méprisent; et comme des aveugles ils aiment les ténèbres et se livrent à la fureur et à la rage que tu as connue de tant de cruels ennemis. Ils écoutent leurs tromperies, obéissent à leur méchanceté, croient leurs erreurs, se fient et se livrent à l'insatiable et ardent indignation avec laquelle ces esprits de malice les abhorrent et leur procurent la mort éternelle; parce qu'ils sont les ouvrages du Très-Haut qui a vaincu et écrasé ce dragon très cruel.
5, 20, 940. Considère donc, ma très chère, cette erreur lamentable des enfants des hommes et débarrasse tes puissances, afin de considérer la différence qu'il y a entre Jésus-Christ et Bélial. La distance de L'un à l'autre est plus grande que du Ciel à la terre. Jésus-Christ est la vraie Lumière, la Voie et la Vie Éternelle (Jean 14: 6); il aime ceux qui Le suivent d'un amour indéfectible, Il leur offre Sa propre Vie et Sa compagnie et en elle un repos éternel que les yeux n'ont pas vu, que les oreilles n'ont pas entendu que le coeur de l'homme n'a pas compris (Is. 64: 4). Lucifer est les ténèbres mêmes, l'erreur, la tromperie, le malheur et la mort; il abhorre ceux qui le suivent, les oblige àtout mal autant qu'il peut et leur fin sera des ardeurs et des peines cruelles et éternelles. Que les mortels disent maintenant s'ils ignorent ces vérités que la Sainte Église leur enseigne et leur propose chaque jour? Et s'ils croient et les confessent où est leur jugement? qui leur a ôté l'esprit? Qui leur fait oublier l'amour qu'ils ont pour eux-mêmes? Qui les rend si cruels envers eux-mêmes? O folie des enfants d'Adam qui ne sera jamais pesée, et pleurée suffisamment! Car ils travaillent et s'étudient toute leur vie pour s'envelopper dans leurs passions, perdant le bon sens au milieu des vanités, se livrant ainsi au feu inextinguible, à la mort et à la perdition éternelles comme si ce n'était qu'un jeu, et comme si mon Très Saint Fils n'était pas venu du Ciel mourir sur une Croix pour les racheter. Qu'ils considèrent donc leur prix et qu'ils
connaissent le poids et l'estimation qu'en a fait Dieu même qui le connaît sans erreur!
5, 20, 941. Dans cette tromperie très malheureuse le péché des idolâtres et des Gentils a moins de gravité et l'indignation du Très-Haut n'est pas si grande contre eux que contre les fidèles enfants de la Sainte Église qui ont connu la Lumière de cette Vérité; et si cette Lumière est si fort obscurcie et si oubliée dans le siècle présent, qu'ils comprennent donc et qu'ils connaissent que c'est par leur faute et pour s'être tant de fois livrés à leur ennemi Lucifer qui avec une malice infatigable ne travaille à aucune autre chose autant qu'en celle-ci, tâchant d'ôter ce frein aux hommes, afin qu'oublieux de leurs fins dernières et des tourments éternels qui les attendent, ils se livrent comme des brutes irraisonnables aux délices sensibles, s'oublient eux-mêmes, passent leur vie en des biens apparents, et descendent en un moment dans l'enfer, comme dit Job (Job 21: 13), et comme il arrive en effet à une infinité d'insensés qui abhorrent cette Science et cette discipline. Toi, ma fille, laisse-toi enseigner, reçois ma Doctrine, éloigne-toi d'un égarement si pernicieux et d'un oubli si commun parmi les mondains. Qu'elle résonne toujours à tes oreilles cette lamentation désespérée des damnés qui commencera dès la fin de leur vie et le principe de leur mort éternelle disant: «O insensés que nous avons été d'avoir jugé la vie des justes une folie! Ils sont placés maintenant parmi les enfants de Dieu et ils ont leur part avec les saints! Nous avons donc erré loin du chemin de la Vérité et de la Justice. Le soleil ne s'est pas levé pour nous. Nous nous sommes fatigués dans le chemin de l'iniquité et de la perdition, nous avons cherché des sentiers difficiles, ignorant par notre faute les voies du Seigneur. A quoi l'orgueil nous a-t-il profité? Que nous a valu la jactance des richesses? Tout s'est achevé pour nous comme une ombre. Oh! si nous n'étions jamais nés!» Voici, ma fille, ce que tu dois craindre et méditer dans ton secret; observant bien, avant que tu ailles pour ne plus revenir (Job 10: 21) dans cette terre ténébreuse des cavernes éternelles, comme dit Job; combien il t'importe de fuir le mal, de t'en éloigner et d'opérer le bien. Exécute par amour, pendant que tu es voyageuse, ce que les réprouvés disent avec désespoir à force de châtiment.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
5, 20, [a]. Livre 3, No. 130.
5, 20, b]. Livre 5, No. 643.
5, 20, [c]. Livre 4, Nos. 322, 502, 649; Livre 6, Nos. 1067, 1128.
5, 20, [d]. Livre 5, No. 995.
Lucifer convoque un conciliabule dans l'enfer pour traiter d'empêcher les Oeuvres de Notre Rédempteur Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère.
5, 20, 933. L'empire tyrannique de Lucifer dans le monde n'était pas aussi paisible qu'il avait été dans les siècles passés depuis que l'Incarnation du Verbe divin s'y était opérée; parce que depuis que le Fils du Père Éternel était descendu des Cieux et avait pris chair humaine dans le sein Virginal de la Très Sainte Marie, ce fort armé sentit une autre force plus grande, une cause plus puissante, qui l'opprimait et l'atterrait (Luc 11: 21), comme je l'ai dit en son lieu [a], et il sentit plus tard la même chose, quand l'Enfant Jésus et Sa Mère entrèrent en Égypte comme je l'ai rapporté b] aussi; et ce dragon fut opprimé et vaincu en plusieurs autres occasions par la Vérité divine, de la main de notre grande Reine. La nouveauté qu'il sentait des Oeuvres que notre Sauver commençait à opérer, et qui ont été rapportées dans le chapitre précédent: tout cela ensemble vint à engendrer dans cet antique serpent de grands doutes et de graves soupçons qu'il y eût quelque autre cause majeur. Mais comme se sacrement de la Rédemption des hommes était si caché pour lui, il se trompait dans sa fureur sans pouvoir découvrir la vérité, quoiqu'il fût toujours vigilant et aux aguets depuis sa chute du Ciel, afin de savoir quand et comment le Verbe Éternel descendrait prendre chair humaine; parce que c'était cette Oeuvre merveilleuse que son arrogance et son orgueil craignait le plus. Ce souci l'obligea à tenir un si grand nombre de conciliabules comme j'ai rapporté dans cette Histoire et ceux que je dirai plus loin [c].
5, 20, 934. Cet ennemi, se trouvant donc rempli de confusion de ce qui lui arrivait à lui et à ses ministres au sujet de Jésus et Marie, conféra en lui-même par quelle vertu Il le précipitait et l'opprimait, lorsqu'il essayait d'approcher pour pervertir ceux qui étaient à l'agonie et près de mourir, et le reste qui arrivait avec l'assistance de la Reine du Ciel: et comme il ne pouvait en scruter le secret, il
détermina de consulter ses plus grands ministres de ténèbres, qui étaient les plus éminents en astuce et en malice. Il poussa un hurlement ou une voix épouvantable dans l'enfer, de la manière que les démons s'entendent entre eux, et il les convoqua tous, en vertu de la subordination qu'ils ont avec lui; et lorsqu'ils furent tous réunis il leur fit ce raisonnement et dit: «Mes ministres et mes compagnons qui avez toujours suivi mon juste parti, vous savez bien que dans le premier état où le Créateur de toutes choses nous mit, nous Le reconnûmes pour la Cause Universelle de tout notre être; et ainsi nous le respectâmes; mais qu'ensuite en offense de notre beauté et de notre éminence qui tient tant de la déité, Il nous posa le précepte d'adorer et de servir la Personne du Verbe dans la forme humaine qu'Il voulait prendre, et nous résistâmes à Sa Volonté; or quoique je connusse que cette révérence Lui était due comme Dieu; néanmoins étant conjointement homme, d'une nature vile et si inférieure à la mienne, je ne pus souffrir de Lui être assujetti et que ce qui était déterminé devoir être fait à l'égard de cet homme se fît avec moi. Il nous commanda non-seulement de L'adorer Lui; mais aussi de reconnaître pour supérieure une Femme, une pure Créature terrestre, qui devait être Sa Mère. Je reconnus ces torts si injurieux, et vous avec moi, et nous nous y opposâmes et nous déterminâmes de résister à cette obédience, et c'est pour cela que nous fûmes châtiés par le malheureux état et les peines que nous souffrons. Cependant, quoique nous connaissions ces vérités et que nous les confessions ici avec terreur entre nous, il ne convient point de le faire devant les hommes (Jac. 2: 19), et c'est ce que je vous commande, afin qu'ils ne puissent savoir notre ignorance et notre faiblesse.»
5, 20, 935. «Mais si cet Homme-Dieu qui existera et Sa Mère doivent causer notre ruine, il est clair que Sa venue au monde doit être notre plus grand tourment et notre plus grand désespoir; et pour l'éviter je dois travailler de tout mon pouvoir afin de Les détruire quand je devrais renverser et bouleverser tout le globe. Vous connaissez déjà combien mes forces ont été invincibles jusqu'à présent, puisqu'une si grande partie du monde obéit à mon empire, et je le tiens assujetti à ma volonté et à mon astuce. Depuis quelques années, je vous ai vus opprimés et précipités en différentes occasions, vos forces sont affaiblies et quelque peu débilitées et je sens une puissance inférieure qui semble m'attacher et m'intimider. Quelquefois j'ai parcouru tout le monde avec vous, tâchant de savoir s'il n'y a pas quelque nouveauté à laquelle on puisse attribuer cette perte et cette oppression que nous sentons, et si par hasard ce Messie promis au peuple choisi de
Dieu s'y trouve; et non seulement nous ne L'avons point trouvé en toute la terre, mais nous ne découvrons point d'indices certains de Sa venue, et de l'ostentation et du bruit qu'Il fera parmi les hommes. Cependant je crains que les temps où Il doit venir du Ciel sur la terre soient déjà proches; et ainsi il convient que nous nous efforcions de Le détruire avec une grande fureur, Lui et la Femme qu'Il choisira pour Mère. Je donnerai une plus grande rétribution de ma reconnaissance à celui qui travaillera davantage en cela. Jusqu'à présent, je trouve en tous les hommes des péchés et des effets des péchés, et je ne découvre en aucun la Majesté et la Grandeur que le Verbe Incarné portera avec Lui pour Se manifester aux hommes et obliger tous les mortels à L'adorer et à Lui offrir des sacrifices et du respect. Tel sera le signe infaillible de Sa venue au monde: nous reconnaîtrons Sa Personne en cela et il ne s'y trouva point de péché ni aucun des effets qu'il cause dans les mortels enfants d'Adam.
5, 20, 936. Pour ces raisons,» pour suivit Lucifer, «ma confusion est plus grande; parce que si le Verbe Éternel n'est pas descendu au monde, je ne peux comprendre les nouveautés que nous sentons et je ne sais d'où vient cette vertu et cette force qui nous écrase. Qu'est-ce qui nous chassa et nous renversa de toute l'Égypte? Qu'est-ce qui reversa ces temples et ruina les idoles de cette terre où nous étions adorés de tous ses habitants? Qu'est-ce qui nous opprime maintenant dans la terre de Galilée et ses confins et empêche que nous puissions nous approcher de plusieurs hommes pour les pervertir à l'heure de leur mort? Qu'est-ce qui en relève un si grand nombre du péché, comme ceux qui sortent de notre juridiction? Qui est-ce qui fait en sorte que d'autres améliorent leur vie et cherchent le Royaume de Dieu? Si cette perte qui vient d'une cause que nous ne découvrons point persévère, une grande ruine et un grand tourment peuvent s'en suivre pour nous! Il est nécessaire de l'arrêter et de reconnaître de nouveau s'il y a dans le monde quelque grand Prophète ou quelque Saint qui commence à nous détruire; mais je n'en ai découvert aucun à qui je puisse attribuer autant de vertu. Seulement, j'ai une haine mortelle contre cette Femme, notre ennemie, et surtout depuis que nous l'avons persécutée dans le Temple et ensuite dans sa maison de Nazareth; parce que nous sommes toujours demeurés vaincus et atterrés par la vertu qui la défend; et avec cette même vertu Elle est demeurée invincible et supérieure à notre malice et je n'ai jamais pu découvrir son intérieur, ni la toucher en sa personne. Elle a un Fils et ils assistèrent tous deux à la mort du père et nous n'avons pu nous approcher de l'endroit où ils étaient. Ce sont des gens pauvres et
abandonnés, et Elle, c'est une Femmelette cachée et destituée: mais je présume que sans doute le Fils et la Mère sont justes; parce que j'ai toujours tâché de les incliner aux vices ordinaires aux hommes, et je n'ai jamais pu obtenir d'eux le moindre désordre ni aucun des mouvements vicieux qui sont si ordinaires et si naturels dans tous les autres. Je connais que le Dieu tout-puissant me cache l'état de ces deux Ames; et le fait de m'avoir celé s'ils sont justes ou pécheurs a sans doute quelque mystère caché contre nous; et quoique l'état d'autres âmes nous ait été caché aussi en certaines circonstances, néanmoins la chose est arrivée très rarement et non d'une façon aussi complète que maintenant. Et quand cet homme ne serait pas le Messie promis, ils sont tous deux justes pour le moins et par là même nos ennemis et cela suffit pour que nous les persécutions et que nous tâchions de les renverser et de découvrir qui Ils sont. Suivez-moi tous dans cette entreprise avec une grande confiance, car je serai le premier contre eux.»
5, 20, 937. Par cette exhortation, Lucifer termina son long raisonnement, dans lequel il proposa aux démons plusieurs autres avis ou conseils de méchanceté qu'il n'est pas nécessaire de rapporter; puisque je traiterai davantage de ces secrets dans cette Histoire, outre ce que j'ai déjà dit pour connaître l'astuce du serpent venimeux. Ce prince des ténèbres sortit aussitôt de l'enfer suivi de légions innombrables de démons, et ils se répandirent par tout le monde, le parcourant et en faisant plusieurs fois le tour, et cherchant avec leur malice et leur astuce les justes qu'il y avait, tentant ceux qu'ils connurent et les provoquant ainsi que d'autres à des méchancetés fabriquées par la malice de ces ennemis: mais la Sagesse de Notre-Seigneur Jésus-Christ cacha Sa Personne et celle de Sa Très Sainte Mère de l'orgueil de Lucifer pendant plusieurs jours, et Il ne permit point qu'il Les vît ni qu'il Les connût, jusqu'à ce que Sa Majesté allât au désert, où Il disposait et voulait être tenté après_son long jeûne et Lucifer Le tenta alors comme je le dirai en son lieu [d].
5, 20, 938. Comme tout était manifeste à notre divin Maître Jésus-Christ, lorsque ce conciliabule s'assembla dans l'enfer, Sa Majesté fit une oraison spéciale au Père Éternel contre la malice du dragon et dans cette occasion, entre autre pétitions, Il demanda ce qui suit disant: «O mon Père, Dieu éternel et très haut, J'adore et exalte Ton Être immuable et infini; Je Te confesse pour le Bien immense et souverains, et Je m'offre en Sacrifice à Ta divine Volonté pour écraser et
vaincre les forces infernales et les iniques conseils de Lucifer contre mes créatures; pour elles Je combattrai mes ennemis et les leurs et par Mes exemples et Mes victoires sur le dragon, Je leur laisserai la confiance et l'exemple de ce qu'ils doivent faire contre lui; et la malice de ces esprits pervers demeurera plus faible pour offenser ceux qui Me serviront de tout leur coeur. Défends, ô Mon Père, les pauvres mortels des erreurs et de l'antique cruauté du serpent et de ses alliés; et concède aux justes la puissante vertu de Ta droite, afin qu'ils obtiennent par Mon intercession et Ma Mort la victoire dans leurs tentations et le secours dans leurs dangers.» Notre grande Reine et Souveraine eut connaissance dans le même temps de la méchanceté et des conseils de Lucifer et Elle vit en son Très Saint Fils tout ce qui se passait et l'oraison qu'Il faisait, et Elle fit au Père Éternel la même oraison et les mêmes demandes que son Fils, comme Coadjutrice de Ses triomphes. Le Très-Haut les lui concéda, et en cette circonstance les très doux Avocats, Jésus et Marie, obtinrent de grands secours et de grandes récompenses que le Père promit pour ceux qui combattraient contre le démon, en invoquant les noms de Jésus et de Marie, de sorte que celui qui les prononcera avec foi et révérence, écrasera les ennemis infernaux, les mettra en fuite et les éloignera de lui en vertu de l'oraison, des victoires, et des triomphes que notre Sauveur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère obtinrent. Avec la protection qu'ils nous promirent et nous laissèrent contre ce superbe géant, avec ce remède et tant d'autres que le Seigneur a accumulés dans Sa Sainte Église, nous n'avons aucune excuse, si nous ne combattons point légitimement et courageusement en vainquant le démon comme ennemi du Dieu Éternel et le nôtre, en suivant Notre Sauveur et en imitant l'exemple de Sa victoire respectivement.
DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 20, 939. Ma fille, pleure toujours avec une douleur amère l'aveuglement et l'opiniâtreté des mortels pour connaître et comprendre l'amoureuse protection qu'ils ont en mon Très Doux Fils et en moi, pour tous leurs travaux et leurs nécessités. Mon Seigneur n'épargna aucune diligence, Il ne perdit aucune occasion de leur acquérir des Trésors inestimables. Il accumula pour eux dans la Sainte Église la valeur infinie de Ses mérites, le fruit essentiel de Ses douleurs et
de Sa Mort; Il laissa des gages assurés de Son amour et de Sa gloire; des instruments très faciles et très efficaces pour qu'ils puissent jouir de tous ces biens et se les appliquer à leur utilité et à leur salut éternel. Il leur promet en outre Sa protection et la mienne; Il les aime comme des enfants, les caresse comme Ses amis et Ses très chers, les appelle par des inspirations, les convie par des bienfaits et des richesses véritables, les attend comme Père Très Miséricordieux, les cherche comme Pasteur, les aide comme puissant, les récompense comme infiniment riche et les gouverne comme Roi Puissant. Et la Sainte Église leur propose et leur remet sous les yeux toutes ces faveurs et d'autres sans nombre que la Foi leur enseigne; mais ils les oublient et les méprisent; et comme des aveugles ils aiment les ténèbres et se livrent à la fureur et à la rage que tu as connue de tant de cruels ennemis. Ils écoutent leurs tromperies, obéissent à leur méchanceté, croient leurs erreurs, se fient et se livrent à l'insatiable et ardent indignation avec laquelle ces esprits de malice les abhorrent et leur procurent la mort éternelle; parce qu'ils sont les ouvrages du Très-Haut qui a vaincu et écrasé ce dragon très cruel.
5, 20, 940. Considère donc, ma très chère, cette erreur lamentable des enfants des hommes et débarrasse tes puissances, afin de considérer la différence qu'il y a entre Jésus-Christ et Bélial. La distance de L'un à l'autre est plus grande que du Ciel à la terre. Jésus-Christ est la vraie Lumière, la Voie et la Vie Éternelle (Jean 14: 6); il aime ceux qui Le suivent d'un amour indéfectible, Il leur offre Sa propre Vie et Sa compagnie et en elle un repos éternel que les yeux n'ont pas vu, que les oreilles n'ont pas entendu que le coeur de l'homme n'a pas compris (Is. 64: 4). Lucifer est les ténèbres mêmes, l'erreur, la tromperie, le malheur et la mort; il abhorre ceux qui le suivent, les oblige àtout mal autant qu'il peut et leur fin sera des ardeurs et des peines cruelles et éternelles. Que les mortels disent maintenant s'ils ignorent ces vérités que la Sainte Église leur enseigne et leur propose chaque jour? Et s'ils croient et les confessent où est leur jugement? qui leur a ôté l'esprit? Qui leur fait oublier l'amour qu'ils ont pour eux-mêmes? Qui les rend si cruels envers eux-mêmes? O folie des enfants d'Adam qui ne sera jamais pesée, et pleurée suffisamment! Car ils travaillent et s'étudient toute leur vie pour s'envelopper dans leurs passions, perdant le bon sens au milieu des vanités, se livrant ainsi au feu inextinguible, à la mort et à la perdition éternelles comme si ce n'était qu'un jeu, et comme si mon Très Saint Fils n'était pas venu du Ciel mourir sur une Croix pour les racheter. Qu'ils considèrent donc leur prix et qu'ils
connaissent le poids et l'estimation qu'en a fait Dieu même qui le connaît sans erreur!
5, 20, 941. Dans cette tromperie très malheureuse le péché des idolâtres et des Gentils a moins de gravité et l'indignation du Très-Haut n'est pas si grande contre eux que contre les fidèles enfants de la Sainte Église qui ont connu la Lumière de cette Vérité; et si cette Lumière est si fort obscurcie et si oubliée dans le siècle présent, qu'ils comprennent donc et qu'ils connaissent que c'est par leur faute et pour s'être tant de fois livrés à leur ennemi Lucifer qui avec une malice infatigable ne travaille à aucune autre chose autant qu'en celle-ci, tâchant d'ôter ce frein aux hommes, afin qu'oublieux de leurs fins dernières et des tourments éternels qui les attendent, ils se livrent comme des brutes irraisonnables aux délices sensibles, s'oublient eux-mêmes, passent leur vie en des biens apparents, et descendent en un moment dans l'enfer, comme dit Job (Job 21: 13), et comme il arrive en effet à une infinité d'insensés qui abhorrent cette Science et cette discipline. Toi, ma fille, laisse-toi enseigner, reçois ma Doctrine, éloigne-toi d'un égarement si pernicieux et d'un oubli si commun parmi les mondains. Qu'elle résonne toujours à tes oreilles cette lamentation désespérée des damnés qui commencera dès la fin de leur vie et le principe de leur mort éternelle disant: «O insensés que nous avons été d'avoir jugé la vie des justes une folie! Ils sont placés maintenant parmi les enfants de Dieu et ils ont leur part avec les saints! Nous avons donc erré loin du chemin de la Vérité et de la Justice. Le soleil ne s'est pas levé pour nous. Nous nous sommes fatigués dans le chemin de l'iniquité et de la perdition, nous avons cherché des sentiers difficiles, ignorant par notre faute les voies du Seigneur. A quoi l'orgueil nous a-t-il profité? Que nous a valu la jactance des richesses? Tout s'est achevé pour nous comme une ombre. Oh! si nous n'étions jamais nés!» Voici, ma fille, ce que tu dois craindre et méditer dans ton secret; observant bien, avant que tu ailles pour ne plus revenir (Job 10: 21) dans cette terre ténébreuse des cavernes éternelles, comme dit Job; combien il t'importe de fuir le mal, de t'en éloigner et d'opérer le bien. Exécute par amour, pendant que tu es voyageuse, ce que les réprouvés disent avec désespoir à force de châtiment.
NOTES EXPLICATIVES
EXTRAITES DE CELLES DE DON CRESETO, À L'USAGE DES PRÊTRES.
5, 20, [a]. Livre 3, No. 130.
5, 20, b]. Livre 5, No. 643.
5, 20, [c]. Livre 4, Nos. 322, 502, 649; Livre 6, Nos. 1067, 1128.
5, 20, [d]. Livre 5, No. 995.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 21
Saint Jean ayant reçu de grandes faveurs de la Très Sainte Marie eut de l'Esprit-Saint l'ordre de sortir pour prêcher, et il envoie auparavant une croix qu'il avait à la divine Vierge.
5, 21, 942. Dans cette seconde partie [a], j'ai commencé àdire certaines faveurs que la Très Sainte Marie fit à sa cousine sainte Élisabeth et à saint Jean, aussitôt qu'Hérode traita d'ôter la vie aux enfants innocents, pendant qu'Elle était en Égypte et encore ensuite, et comment le futur précurseur de Jésus-Christ persévéra après la mort de sa mère dans la solitude sans sortir du désert, jusqu'au temps déterminé par la Sagesse divine, vivant d'une vie plus angélique qu'humaine, plus séraphique que terrestre. Sa conversation était avec les Anges et avec le Seigneur de l'Univers: c'était tout son entretien et toute son occupation et il n'y fut jamais oisif: continuant l'amour et l'exercice des vertus héroïques qu'il avait commencés dans le sein de sa mère, sans que sa grâce ne fut oisive ou vide en lui un seul instant, ni que ses oeuvres fussent dépourvues du comble de perfection qu'avec tous ses efforts il pouvait leur donner. Ses sens retirés des objets terrestres ne l'embarrassèrent jamais, quoiqu'ils aient coutume d'être les fenêtres par où la mort, dissimulée sous les images de la beauté mensongère des créatures, entre
dans l'âme. Et comme le très heureux saint fut si fortuné que la Lumière divine précéda en lui celle du soleil matériel, avec celle-là il mit en oubli tout ce que celle-ci lui offrait et sa vue intérieure demeura immobile et fixée dans le très noble objet de l'Être de Dieu et de Ses perfections infinies.
5, 21, 943. Les faveurs que saint Jean reçut de la Divine droite dans sa solitude et sa retraite surpassent toute pensée humaine; et nous ne pourrons connaître sa sainteté et ses mérites très excellents que par la vue de la récompense qu'il reçut, lorsque nous arriverons devant le Seigneur et non avant; et parce qu'il n'appartient point à cette Histoire de me détourner de mon sujet, pour dire ce que j'ai connu de ces mystères, et que les saints docteurs et d'autres auteurs ont écrit des grandes prérogatives du divine Précurseur, je ne dirai que ce qui est indispensable à son sujet, en ce qui touche à la divine Dame par la main et l'intermédiaire de laquelle le solitaire Jean reçut des bienfaits grandioses. Ce ne fut pas le moindre de lui envoyer sa nourriture par le moyen des saints Anges, comme je l'ai déjà dit b], jusqu'à ce que l'enfant Jean eût sept ans; et depuis cet âge, jusqu'à ce qu'il eût neuf ans, Elle lui envoyait du pain seul, et à neuf ans accomplis ce bienfait de la Reine cessa, parce qu'Elle connut dans le Seigneur que c'était sa divine Volonté et les désirs du Saint lui-même, car ensuite il mangeait des racines (Matt. 3: 4), du miel sauvage et des sauterelles dont il se sustenta jusqu'à ce qu'il sortit pour la prédication; mais quoique le régal de la nourriture lui manquât de la part de la Reine, Celle-ci continua toujours de l'envoyer visiter par ses Anges, afin de le consoler, de lui donner des nouvelles de ses occupations, de ses emplois, ainsi que des mystères que le Verbe Incarné opérait; quoique ces visites ne fusent pas plus fréquentes qu'une fois par semaine.
5, 21, 944. Cette grande faveur fut nécessaire entre autres fins pour que saint Jean supportât la solitude; non que l'horreur de cette solitude et l'austérité de sa pénitence lui causassent du dégoût, parce que son admirable sainteté et sa grâce étaient suffisantes pour les lui rendre très douces; mais ceci fut convenable, afin que l'amour très ardent qu'il avait pour Notre Seigneur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère ne lui rendît point trop pénible leur absence et la privation de leur vue et de leur conversation qu'il désirait comme saint et reconnaissant. Il n'y a pas de doute que l'effort de se retenir dans ce désir de voir Jésus et Marie lui fut d'une plus grande douleur et d'une plus grande mortification que de souffrir les
intempéries, les jeûnes, les pénitences et l'horreur des montagnes si la divine Maîtresse sa très aimante tante ne lui eût compensé cette privation par ses attentions continuelles de lui envoyer ses Anges qui lui donnaient des nouvelles de son Bien-Aimé. Le grand solitaire les interrogeait au sujet du Fils et de la Mère avec les amoureuses anxiétés de l'épouse (Cant. 1: 6). Il Leur envoyait d'intimes affections et des soupirs de son coeur blessé de Leur amour et de Leur absence, et il demandait à la divine Princesse par l'intermédiaire de ses ambassadeurs de supplier son Très Saint Fils de lui envoyer sa Bénédiction divine et il la priait de L'adorer et de Le révérer en son nom. Et dans cet intervalle, le saint L'adorait lui-même en esprit et en vérité, de la solitude où il vivait [c]. Il demandait aussi la même chose aux saints Anges qui la visitaient et aux autres qui l'assistaient. Avec ces occupations ordinaires le grand Précurseur arriva à l'âge parfait de trente-trois ans, le pouvoir Divin le préparant au ministère pour lequel Il l'avait choisi.
5, 21, 945. Le temps acceptable destiné par la Sagesse éternelle arriva où la voix du Verbe Incarné qui était Jean fut entendue crier dans le désert, comme dit Isaïe (Is. 40: 3), qui est cité par les Évangélistes. Dans la quinzième année de l'empire de Tibère César (Luc 3: 1), les princes des prêtres étant Anne et Caïphe, la Parole de Dieu se fit entendre à Jean fils de Zacharie dans le désert. Et il sortit à la rivière du Jourdain pour prêcher le baptême de la pénitence pour obtenir la rémission des péchés, et disposer et préparer les coeurs afin qu'ils reçussent le Messie promis et attendu depuis tant de siècles et le signaler du doigt, afin que tous pussent Le connaître. Saint Jean connut et comprit cette Parole et ce Commandement du Seigneur dans une extase qu'il eut où par la vertu ou l'influence spéciale de la Puissance divine, il fut illuminé et préparé avec une plénitude de nouveaux Dons de Lumière, de grâce et de Science de l'Esprit-Saint. Dans ce rapt il connut avec une plus abondante sagesse les Mystères de la Rédemption, et il eut une vision abstractive si admirable de la Divinité, qu'elle le transforma et le changea en un nouvel être de sainteté et de grâce. Dans cette vision le Seigneur lui commanda de sortir de la solitude pour préparer les voies à la prédication du Verbe fait chair par la sienne, et d'exercer l'office de Précurseur et tout ce qui touchait à son accomplissement; parce qu'il fut informé de tout et il lui fut donné une grâce très abondante pour tous ces offices.
5, 21, 946. Le nouveau précurseur Jean sortit de la solitude, vêtu de peaux de chameau, ceint d'une ceinture ou courroie de peau aussi, déchaussé, les pieds nus sur la terre, le visage émacié et exténué, l'air très grave et admirable, avec une modestie incomparable et une humilité sévère; le courage invincible et grand; le coeur enflammé dans la Charité de Dieu et des hommes; ses paroles étaient vives, graves et embrasées comme des étincelles d'un éclair parti du puissant Bras de Dieu et de Son Être immuable et Divin; affable pour les doux, aimable pour les humbles, terrible pour les orgueilleux, étant un spectacle admirable pour les Anges et les hommes, formidable pour les pécheurs et horrible pour les démons; et comme instrument du Verbe Incarné, il était un prédicateur tel qu'en avait besoin ce peuple Hébreu, dur, ingrat et opiniâtre, avec des gouvernants idolâtres, des prêtres avares et superbes, privé de Lumière et de Prophète, sans piété, et sans crainte de Dieu après tant de châtiments et de calamités où leurs péchés les avaient conduits, et afin qu'en un si misérable état leurs yeux et leurs coeurs s'ouvrissent pour connaître et recevoir leur Rédempteur et leur Maître.
5, 21, 947. Le saint anachorète Jean avait depuis plusieurs années une grande croix à son chevet, et il y faisait différents exercices de pénitence; posé sur cette croix, il priait d'ordinaire en posture de crucifié. Il ne voulut point laisser ce trésor dans ce désert, et avant d'en sortir il l'envoya à la Reine du Ciel et de la terre par les Anges qui le visitaient en son Nom. Et il les pria de dire à son Altesse que cette croix avait été sa plus aimable compagnie et la plus grande récréation qu'il avait eue dans sa longue solitude; et qu'il la lui envoyait comme un riche joyau à cause de ce qui devait être opéré sur une Croix, car c'était le motif pour lequel elle avait été faite; et aussi parce que ces Anges-là même lui avaient dit que son Très Saint Fils, le Sauveur du monde priait souvent posé sur une autre croix qu'il avait dans son oratoire à cette intention. Les artisans de cette croix qu'avait saint Jean étaient les Anges qui à sa demande l'avaient formée d'un arbre de ce désert; parce que le Saint n'avait ni les forces ni les instruments pour cela, et les Anges n'en avaient pas besoin par l'empire qu'ils avaient sur les choses corporelles. Les saints Princes retournèrent vers leur Reine avec ce présent et cette ambassade, et Elle la reçut avec une douleur très douce et une douceur très amère dans l'intime de son Très Chaste Coeur, repassant les mystères qui allaient bientôt s'opérer sur ce bois si dur et parlant à cette croix avec tendresse, Elle la plaça dans son oratoire où Elle la garda toute sa Vie avec l'autre qu'Elle avait du Sauveur. Ensuite la Très
Prudente Dame laissa ces gages ainsi que d'autres aux Apôtres comme un héritage inestimable, et ils les portèrent en certaines provinces où ils prêchèrent l'Évangile.
5, 21, 948. Il se présenta un doute au sujet de cet événement mystérieux: je le proposai à la Mère de la Sagesse et lui dis: «Reine du Ciel et ma Maîtresse, Très Sainte entre les Saints et choisie entre toutes les créatures pour être la Mère de Dieu même, il se présente à moi, femme ignorante et tardive, une difficulté sur ce que j'ai écrit, et si Vous m'en donnez permission je désire Vous la proposer Madame, à Vous qui êtes Maîtresse de la Sagesse, puisque par Votre bonté Vous daignez faire envers moi cet office et ce magistère d'éclairer mes ténèbres et de m'enseigner la Doctrine salutaire de Vie Éternelle. Mon doute est de ce que j'ai compris que non seulement saint Jean; mais Vous aussi, ma Reine vous teniez la croix en grande révérence avant que Votre Très Saint Fils y mourût; et j'ai toujours cru que jusqu'à l'heure où notre Rédemption fut opérée sur ce Bois Sacré, elle servait d'instrument de supplice pour châtier les délinquants et pour cette raison elle était réputée ignominieuse et contemptible; et la Sainte Église nous enseigne que toute sa valeur et sa dignité [d] lui vint du contact que notre Rédempteur eut avec elle et du Mystère de la Réparation des hommes qu'il y opéra.»
RÉPONSE ET DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 21, 949. Ma fille, je satisferai à ton désir avec complaisance et je répondrai à ton doute. Ce que tu proposes est vrai, que la croix était ignominieuse (Deut. 21: 22-23) avant que mon fils et mon Seigneur l'eût honorée et sanctifiée par Sa Passion et Sa Mort, et c'est pour cela qu'on lui doit maintenant l'adoration et la révérence très sublimes que lui donne la Sainte Église; et si quelqu'un avait prétendu rendre un culte et une révérence à la croix avant la Rédemption des hommes, ignorant les Mystères et les raisons que j'eus, ainsi que saint jean, il aurait commis une idolâtrie et une erreur; parce qu'il eût adoré ce qu'il ne connaissait pas pour digne d'adoration véritable. Mais il y eut des raisons différentes en nous: l'une que nous avions une certitude infaillible de ce que notre
Rédempteur devait opérer sur la Croix; l'autre qu'avant l'arriver à cette Oeuvre de la Rédemption, Il avait commencé à sanctifier ce Signe Sacré par Son contact, lorsqu'Il Se posait sur elle et qu'Il y priait, s'offrant volontairement à la mort; et le Père Éternel avait accepté ces Oeuvres et cette mort prévues de Son Très Saint Fils par un décret et une approbation immuables; et toute Oeuvre et tout contact du Verbe fait chair était d'une valeur infinie, et par celui-ci Il sanctifia ce Bois Sacré et le rendit digne de vénération: et lorsque moi et saint Jean nous la lui rendions, nous avions cette Vérité et ce Mystère présents; ainsi nous n'adorions pas la croix pour elle-même et pour le matériel du bois auquel n'était pas due l'adoration "latrie" jusqu'à ce que la Rédemption y fut exécutée; mais nous avions en vue et nous respections la représentation formelle de ce que le Verbe Incarné devait y opérer, qui était le terme auquel passait la révérence et l'adoration que nous rendions à la croix; et maintenant encore il en arrive de même en celle que lui rend la Sainte Église [e].
5, 21, 950. Conformément à cette vérité, tu dois peser ton obligation et celle de tous les mortels dans la révérence et l'appréciation de la sainte Croix, parce que si avant que mon Très Saint Fils y mourut je L'imitai et Son précurseur aussi, tant dans l'amour et la révérence que dans les exercices que nous faisions sur ce Signe Très Saint; que doivent faire les fidèles enfants de l'Église depuis qu'ils ont devant les yeux de la Foi leur Créateur et leur Rédempteur crucifié et Son Image devant leurs yeux corporels? Je veux donc, ma fille, que tu embrasses la Croix avec une estime incomparable, que tu te l'appliques comme un joyau très précieux de ton Époux et que tu t'accoutumes aux exercices que tu connais et que tu pratiques en elle, sans jamais les laisser ni les oublier, si tu n'en es point empêchée par l'obéissance. Lorsque tu t'approcheras pour faire des oeuvres si vénérables, que ce soit avec une profonde révérence et avec la considération de la Mort et de la Passion de ton Seigneur et ton Bien-Aimé. Tâche d'introduire cette même coutume parmi tes religieuses, enseigne-leur cet exercice car il n'y en a point de plus légitime pour les épouses de Jésus-Christ, et fait avec dévotion et révérence, ce lui sera d'une complaisance souveraine. Joint à cela, je veux de toi qu'à l'imitation du Baptiste, tu prépares ton coeur pour ce que l'Esprit-Saint voudra opérer en toi pour Sa gloire et le bénéfice d'autrui; et autant qu'il est de ton affection, aime la solitude et retire tes puissances de la confusion des créatures; et lorsque le Seigneur t'obligera de communiquer avec elles, tâche de procurer toujours ton propre mérite et l'édification du prochain, de manière que le zèle et
l'esprit qui vit dans ton coeur resplendisse dans tes conversations. Que les vertus très éminentes que tu as connues te servent de stimulant pour les imiter, et de celles-ci et des autres qui arrivent à ta connaissance dans les autres saints tâche de composer, comme une diligente abeille parmi les fleurs, le très doux miel de la sainteté et de la pureté que mon Très Saint Fils veut de toi. Sache faire la distinction entre cette petite abeille et l'araignée; que l'une change son aliment en suavité et en utilité pour les vivants et les défunts, et l'autre en venin dangereux. Des fleurs et des vertus des saints qui sont dans le jardin de la Sainte Église, cueille tout ce que tu pourras imiter avec tes forces débiles aidées de la grâce, plus officieuse et argumentatrice, tâche de faire en sorte que tout cela résulte au bénéfice des vivants et des défunts, et fuis le venin du péché, dangereux pour tous.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 21, [a]. Livre 4, No. 676.
5, 21, b]. Ibid. Livre 4, No. 676.
5, 21, [c]. Saint François de Sales dit dans son Traité de l'Amour de Dieu qu'entre toutes les mortifications exercées par les Saints, la plus extraordinaire était sans doute celle du Baptiste, d'être resté trente ans loin de Jésus-Christ qu'il aimait d'un amour ineffablement grand et qu'il savait qu'il n'y avait que peu de chemin à faire pour le voir.
5, 21, [d]. Dans l'office de la Sainte Croix.
5, 21, [e]. L'Église attribue à la Croix le culte de latrie non absolue, mais de latrie relative, en tant que l'adoration faite à la Croix se rapporte et va se terminer à
Jésus-Christ, comme véritable objet de notre vénération ou latrie. Et cela selon saint Thomas, [3 p., q., 25, a, 4]. Saint François de Sales traita ce sujet d'une manière admirable dans son ouvrage: "L'Etendard de la Croix".
Saint Jean ayant reçu de grandes faveurs de la Très Sainte Marie eut de l'Esprit-Saint l'ordre de sortir pour prêcher, et il envoie auparavant une croix qu'il avait à la divine Vierge.
5, 21, 942. Dans cette seconde partie [a], j'ai commencé àdire certaines faveurs que la Très Sainte Marie fit à sa cousine sainte Élisabeth et à saint Jean, aussitôt qu'Hérode traita d'ôter la vie aux enfants innocents, pendant qu'Elle était en Égypte et encore ensuite, et comment le futur précurseur de Jésus-Christ persévéra après la mort de sa mère dans la solitude sans sortir du désert, jusqu'au temps déterminé par la Sagesse divine, vivant d'une vie plus angélique qu'humaine, plus séraphique que terrestre. Sa conversation était avec les Anges et avec le Seigneur de l'Univers: c'était tout son entretien et toute son occupation et il n'y fut jamais oisif: continuant l'amour et l'exercice des vertus héroïques qu'il avait commencés dans le sein de sa mère, sans que sa grâce ne fut oisive ou vide en lui un seul instant, ni que ses oeuvres fussent dépourvues du comble de perfection qu'avec tous ses efforts il pouvait leur donner. Ses sens retirés des objets terrestres ne l'embarrassèrent jamais, quoiqu'ils aient coutume d'être les fenêtres par où la mort, dissimulée sous les images de la beauté mensongère des créatures, entre
dans l'âme. Et comme le très heureux saint fut si fortuné que la Lumière divine précéda en lui celle du soleil matériel, avec celle-là il mit en oubli tout ce que celle-ci lui offrait et sa vue intérieure demeura immobile et fixée dans le très noble objet de l'Être de Dieu et de Ses perfections infinies.
5, 21, 943. Les faveurs que saint Jean reçut de la Divine droite dans sa solitude et sa retraite surpassent toute pensée humaine; et nous ne pourrons connaître sa sainteté et ses mérites très excellents que par la vue de la récompense qu'il reçut, lorsque nous arriverons devant le Seigneur et non avant; et parce qu'il n'appartient point à cette Histoire de me détourner de mon sujet, pour dire ce que j'ai connu de ces mystères, et que les saints docteurs et d'autres auteurs ont écrit des grandes prérogatives du divine Précurseur, je ne dirai que ce qui est indispensable à son sujet, en ce qui touche à la divine Dame par la main et l'intermédiaire de laquelle le solitaire Jean reçut des bienfaits grandioses. Ce ne fut pas le moindre de lui envoyer sa nourriture par le moyen des saints Anges, comme je l'ai déjà dit b], jusqu'à ce que l'enfant Jean eût sept ans; et depuis cet âge, jusqu'à ce qu'il eût neuf ans, Elle lui envoyait du pain seul, et à neuf ans accomplis ce bienfait de la Reine cessa, parce qu'Elle connut dans le Seigneur que c'était sa divine Volonté et les désirs du Saint lui-même, car ensuite il mangeait des racines (Matt. 3: 4), du miel sauvage et des sauterelles dont il se sustenta jusqu'à ce qu'il sortit pour la prédication; mais quoique le régal de la nourriture lui manquât de la part de la Reine, Celle-ci continua toujours de l'envoyer visiter par ses Anges, afin de le consoler, de lui donner des nouvelles de ses occupations, de ses emplois, ainsi que des mystères que le Verbe Incarné opérait; quoique ces visites ne fusent pas plus fréquentes qu'une fois par semaine.
5, 21, 944. Cette grande faveur fut nécessaire entre autres fins pour que saint Jean supportât la solitude; non que l'horreur de cette solitude et l'austérité de sa pénitence lui causassent du dégoût, parce que son admirable sainteté et sa grâce étaient suffisantes pour les lui rendre très douces; mais ceci fut convenable, afin que l'amour très ardent qu'il avait pour Notre Seigneur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère ne lui rendît point trop pénible leur absence et la privation de leur vue et de leur conversation qu'il désirait comme saint et reconnaissant. Il n'y a pas de doute que l'effort de se retenir dans ce désir de voir Jésus et Marie lui fut d'une plus grande douleur et d'une plus grande mortification que de souffrir les
intempéries, les jeûnes, les pénitences et l'horreur des montagnes si la divine Maîtresse sa très aimante tante ne lui eût compensé cette privation par ses attentions continuelles de lui envoyer ses Anges qui lui donnaient des nouvelles de son Bien-Aimé. Le grand solitaire les interrogeait au sujet du Fils et de la Mère avec les amoureuses anxiétés de l'épouse (Cant. 1: 6). Il Leur envoyait d'intimes affections et des soupirs de son coeur blessé de Leur amour et de Leur absence, et il demandait à la divine Princesse par l'intermédiaire de ses ambassadeurs de supplier son Très Saint Fils de lui envoyer sa Bénédiction divine et il la priait de L'adorer et de Le révérer en son nom. Et dans cet intervalle, le saint L'adorait lui-même en esprit et en vérité, de la solitude où il vivait [c]. Il demandait aussi la même chose aux saints Anges qui la visitaient et aux autres qui l'assistaient. Avec ces occupations ordinaires le grand Précurseur arriva à l'âge parfait de trente-trois ans, le pouvoir Divin le préparant au ministère pour lequel Il l'avait choisi.
5, 21, 945. Le temps acceptable destiné par la Sagesse éternelle arriva où la voix du Verbe Incarné qui était Jean fut entendue crier dans le désert, comme dit Isaïe (Is. 40: 3), qui est cité par les Évangélistes. Dans la quinzième année de l'empire de Tibère César (Luc 3: 1), les princes des prêtres étant Anne et Caïphe, la Parole de Dieu se fit entendre à Jean fils de Zacharie dans le désert. Et il sortit à la rivière du Jourdain pour prêcher le baptême de la pénitence pour obtenir la rémission des péchés, et disposer et préparer les coeurs afin qu'ils reçussent le Messie promis et attendu depuis tant de siècles et le signaler du doigt, afin que tous pussent Le connaître. Saint Jean connut et comprit cette Parole et ce Commandement du Seigneur dans une extase qu'il eut où par la vertu ou l'influence spéciale de la Puissance divine, il fut illuminé et préparé avec une plénitude de nouveaux Dons de Lumière, de grâce et de Science de l'Esprit-Saint. Dans ce rapt il connut avec une plus abondante sagesse les Mystères de la Rédemption, et il eut une vision abstractive si admirable de la Divinité, qu'elle le transforma et le changea en un nouvel être de sainteté et de grâce. Dans cette vision le Seigneur lui commanda de sortir de la solitude pour préparer les voies à la prédication du Verbe fait chair par la sienne, et d'exercer l'office de Précurseur et tout ce qui touchait à son accomplissement; parce qu'il fut informé de tout et il lui fut donné une grâce très abondante pour tous ces offices.
5, 21, 946. Le nouveau précurseur Jean sortit de la solitude, vêtu de peaux de chameau, ceint d'une ceinture ou courroie de peau aussi, déchaussé, les pieds nus sur la terre, le visage émacié et exténué, l'air très grave et admirable, avec une modestie incomparable et une humilité sévère; le courage invincible et grand; le coeur enflammé dans la Charité de Dieu et des hommes; ses paroles étaient vives, graves et embrasées comme des étincelles d'un éclair parti du puissant Bras de Dieu et de Son Être immuable et Divin; affable pour les doux, aimable pour les humbles, terrible pour les orgueilleux, étant un spectacle admirable pour les Anges et les hommes, formidable pour les pécheurs et horrible pour les démons; et comme instrument du Verbe Incarné, il était un prédicateur tel qu'en avait besoin ce peuple Hébreu, dur, ingrat et opiniâtre, avec des gouvernants idolâtres, des prêtres avares et superbes, privé de Lumière et de Prophète, sans piété, et sans crainte de Dieu après tant de châtiments et de calamités où leurs péchés les avaient conduits, et afin qu'en un si misérable état leurs yeux et leurs coeurs s'ouvrissent pour connaître et recevoir leur Rédempteur et leur Maître.
5, 21, 947. Le saint anachorète Jean avait depuis plusieurs années une grande croix à son chevet, et il y faisait différents exercices de pénitence; posé sur cette croix, il priait d'ordinaire en posture de crucifié. Il ne voulut point laisser ce trésor dans ce désert, et avant d'en sortir il l'envoya à la Reine du Ciel et de la terre par les Anges qui le visitaient en son Nom. Et il les pria de dire à son Altesse que cette croix avait été sa plus aimable compagnie et la plus grande récréation qu'il avait eue dans sa longue solitude; et qu'il la lui envoyait comme un riche joyau à cause de ce qui devait être opéré sur une Croix, car c'était le motif pour lequel elle avait été faite; et aussi parce que ces Anges-là même lui avaient dit que son Très Saint Fils, le Sauveur du monde priait souvent posé sur une autre croix qu'il avait dans son oratoire à cette intention. Les artisans de cette croix qu'avait saint Jean étaient les Anges qui à sa demande l'avaient formée d'un arbre de ce désert; parce que le Saint n'avait ni les forces ni les instruments pour cela, et les Anges n'en avaient pas besoin par l'empire qu'ils avaient sur les choses corporelles. Les saints Princes retournèrent vers leur Reine avec ce présent et cette ambassade, et Elle la reçut avec une douleur très douce et une douceur très amère dans l'intime de son Très Chaste Coeur, repassant les mystères qui allaient bientôt s'opérer sur ce bois si dur et parlant à cette croix avec tendresse, Elle la plaça dans son oratoire où Elle la garda toute sa Vie avec l'autre qu'Elle avait du Sauveur. Ensuite la Très
Prudente Dame laissa ces gages ainsi que d'autres aux Apôtres comme un héritage inestimable, et ils les portèrent en certaines provinces où ils prêchèrent l'Évangile.
5, 21, 948. Il se présenta un doute au sujet de cet événement mystérieux: je le proposai à la Mère de la Sagesse et lui dis: «Reine du Ciel et ma Maîtresse, Très Sainte entre les Saints et choisie entre toutes les créatures pour être la Mère de Dieu même, il se présente à moi, femme ignorante et tardive, une difficulté sur ce que j'ai écrit, et si Vous m'en donnez permission je désire Vous la proposer Madame, à Vous qui êtes Maîtresse de la Sagesse, puisque par Votre bonté Vous daignez faire envers moi cet office et ce magistère d'éclairer mes ténèbres et de m'enseigner la Doctrine salutaire de Vie Éternelle. Mon doute est de ce que j'ai compris que non seulement saint Jean; mais Vous aussi, ma Reine vous teniez la croix en grande révérence avant que Votre Très Saint Fils y mourût; et j'ai toujours cru que jusqu'à l'heure où notre Rédemption fut opérée sur ce Bois Sacré, elle servait d'instrument de supplice pour châtier les délinquants et pour cette raison elle était réputée ignominieuse et contemptible; et la Sainte Église nous enseigne que toute sa valeur et sa dignité [d] lui vint du contact que notre Rédempteur eut avec elle et du Mystère de la Réparation des hommes qu'il y opéra.»
RÉPONSE ET DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 21, 949. Ma fille, je satisferai à ton désir avec complaisance et je répondrai à ton doute. Ce que tu proposes est vrai, que la croix était ignominieuse (Deut. 21: 22-23) avant que mon fils et mon Seigneur l'eût honorée et sanctifiée par Sa Passion et Sa Mort, et c'est pour cela qu'on lui doit maintenant l'adoration et la révérence très sublimes que lui donne la Sainte Église; et si quelqu'un avait prétendu rendre un culte et une révérence à la croix avant la Rédemption des hommes, ignorant les Mystères et les raisons que j'eus, ainsi que saint jean, il aurait commis une idolâtrie et une erreur; parce qu'il eût adoré ce qu'il ne connaissait pas pour digne d'adoration véritable. Mais il y eut des raisons différentes en nous: l'une que nous avions une certitude infaillible de ce que notre
Rédempteur devait opérer sur la Croix; l'autre qu'avant l'arriver à cette Oeuvre de la Rédemption, Il avait commencé à sanctifier ce Signe Sacré par Son contact, lorsqu'Il Se posait sur elle et qu'Il y priait, s'offrant volontairement à la mort; et le Père Éternel avait accepté ces Oeuvres et cette mort prévues de Son Très Saint Fils par un décret et une approbation immuables; et toute Oeuvre et tout contact du Verbe fait chair était d'une valeur infinie, et par celui-ci Il sanctifia ce Bois Sacré et le rendit digne de vénération: et lorsque moi et saint Jean nous la lui rendions, nous avions cette Vérité et ce Mystère présents; ainsi nous n'adorions pas la croix pour elle-même et pour le matériel du bois auquel n'était pas due l'adoration "latrie" jusqu'à ce que la Rédemption y fut exécutée; mais nous avions en vue et nous respections la représentation formelle de ce que le Verbe Incarné devait y opérer, qui était le terme auquel passait la révérence et l'adoration que nous rendions à la croix; et maintenant encore il en arrive de même en celle que lui rend la Sainte Église [e].
5, 21, 950. Conformément à cette vérité, tu dois peser ton obligation et celle de tous les mortels dans la révérence et l'appréciation de la sainte Croix, parce que si avant que mon Très Saint Fils y mourut je L'imitai et Son précurseur aussi, tant dans l'amour et la révérence que dans les exercices que nous faisions sur ce Signe Très Saint; que doivent faire les fidèles enfants de l'Église depuis qu'ils ont devant les yeux de la Foi leur Créateur et leur Rédempteur crucifié et Son Image devant leurs yeux corporels? Je veux donc, ma fille, que tu embrasses la Croix avec une estime incomparable, que tu te l'appliques comme un joyau très précieux de ton Époux et que tu t'accoutumes aux exercices que tu connais et que tu pratiques en elle, sans jamais les laisser ni les oublier, si tu n'en es point empêchée par l'obéissance. Lorsque tu t'approcheras pour faire des oeuvres si vénérables, que ce soit avec une profonde révérence et avec la considération de la Mort et de la Passion de ton Seigneur et ton Bien-Aimé. Tâche d'introduire cette même coutume parmi tes religieuses, enseigne-leur cet exercice car il n'y en a point de plus légitime pour les épouses de Jésus-Christ, et fait avec dévotion et révérence, ce lui sera d'une complaisance souveraine. Joint à cela, je veux de toi qu'à l'imitation du Baptiste, tu prépares ton coeur pour ce que l'Esprit-Saint voudra opérer en toi pour Sa gloire et le bénéfice d'autrui; et autant qu'il est de ton affection, aime la solitude et retire tes puissances de la confusion des créatures; et lorsque le Seigneur t'obligera de communiquer avec elles, tâche de procurer toujours ton propre mérite et l'édification du prochain, de manière que le zèle et
l'esprit qui vit dans ton coeur resplendisse dans tes conversations. Que les vertus très éminentes que tu as connues te servent de stimulant pour les imiter, et de celles-ci et des autres qui arrivent à ta connaissance dans les autres saints tâche de composer, comme une diligente abeille parmi les fleurs, le très doux miel de la sainteté et de la pureté que mon Très Saint Fils veut de toi. Sache faire la distinction entre cette petite abeille et l'araignée; que l'une change son aliment en suavité et en utilité pour les vivants et les défunts, et l'autre en venin dangereux. Des fleurs et des vertus des saints qui sont dans le jardin de la Sainte Église, cueille tout ce que tu pourras imiter avec tes forces débiles aidées de la grâce, plus officieuse et argumentatrice, tâche de faire en sorte que tout cela résulte au bénéfice des vivants et des défunts, et fuis le venin du péché, dangereux pour tous.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 21, [a]. Livre 4, No. 676.
5, 21, b]. Ibid. Livre 4, No. 676.
5, 21, [c]. Saint François de Sales dit dans son Traité de l'Amour de Dieu qu'entre toutes les mortifications exercées par les Saints, la plus extraordinaire était sans doute celle du Baptiste, d'être resté trente ans loin de Jésus-Christ qu'il aimait d'un amour ineffablement grand et qu'il savait qu'il n'y avait que peu de chemin à faire pour le voir.
5, 21, [d]. Dans l'office de la Sainte Croix.
5, 21, [e]. L'Église attribue à la Croix le culte de latrie non absolue, mais de latrie relative, en tant que l'adoration faite à la Croix se rapporte et va se terminer à
Jésus-Christ, comme véritable objet de notre vénération ou latrie. Et cela selon saint Thomas, [3 p., q., 25, a, 4]. Saint François de Sales traita ce sujet d'une manière admirable dans son ouvrage: "L'Etendard de la Croix".
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 22
La Très Sainte Marie offre au Père Éternel son Fils Unique que pour la Rédemption des hommes; en retour de ce sacrifice Il lui accorde une claire vision de la Divinité; Elle prend congé de Jésus-Christ qui S'en va au désert.
5, 22, 951. L'amour que notre grande Reine et Souveraine avait pour son Très Saint Fils est la règle avec laquelle se mesurent d'autres affections et opérations de la divine Mère, et aussi les passions et les affections de joie et de douleur qu'Elle souffrait selon les causes et les raisons différentes. Notre capacité ne trouve point de règle manifeste pour mesurer cet amour très ardent; les Anges mêmes ne peuvent en trouver, outre celle qu'ils connaissent par la claire vue de l'Être divine, et tout ce que l'on peut dire d'ailleurs par circonlocutions, similitudes et tours oratoires est le moindre de ce que contient en soi ce divin incendie; parce qu'Elle L'aimait comme Fils du Père Éternel, égal avec Lui dans l'Être de Dieu et dans Ses perfections infinies et Ses attributs. Elle L'aimait comme son Fils propre et naturel et son seul Fils dans l'être humain, formé de sa propre chair et de son propre sang. Elle L'aimait, parce que dans cet être humain Il était le Saint des saints (Dan. 9: 24) et la cause méritoire de toute sainteté. Il était le plus beau (Ps. 44: 3) parmi les enfants des hommes. Il était le Fils le plus obéissant (Luc 2: 51) et le plus Fils de Sa Mère, son plus glorieux honorateur et son plus grand bienfaiteur: puis Il l'éleva, en étant son Fils, à la suprême dignité parmi les créatures, Il l'améliora entre toutes et par-dessus toutes des Trésors de la Divinité du domaine de toutes les créatures, des faveurs, des bienfaits et des grâces qui ne peuvent être dignement accordées à aucune autre.
5, 22, 952. Ces motifs et ces stimulants de l'amour étaient déposés et comme renfermés dans la Sagesse de l'Auguste Reine avec plusieurs autres que sa
Science très sublime pénétrait. Son Coeur n'avait point d'empêchement, parce qu'il était très candide et très pur; Elle n'était point ingrate; mais Elle était très profonde en humilité et très fidèle dans la correspondance; Elle n'était point lente, parce qu'Elle était véhémente à opérer avec la grâce toute son efficacité; Elle n'était point tardive, parce que sa mémoire était constante et fixe pour garder les bienfaits, les raisons et les lois de l'amour. Elle était dans la sphère du même amour, du même feu en la présence de l'Objet divin et àl'école du vrai Dieu d'Amour en compagnie de son Fils, à la vue de Ses Oeuvres et de Ses opérations, et copiant cette Image vivante; et rien ne manqua à cette très fine Amante pour arriver au mode de l'amour qui est d'aimer sans mesure et sans borne. Cette Très Belle Lune étant donc dans son plein, regardant le Soleil de justice en face pendant l'espace de trente-trois ans; s'étant levée comme une divine Aurore au suprême degré de la Lumière, au plus ardent de l'amoureux incendie du jour très clair de la grâce, étrangère à toutes les choses visibles et transformée en son cher Fils, après qu'Il lui eût correspondu par Sa dilection réciproque, Ses faveurs, et Ses amoureuses caresses, étant au plus haut point, dans l'occasion la plus ardue, il arriva qu'Elle entendit une voix du Père Éternel qui l'appelait comme Il avait appelé le Patriarche Abraham qui la représentait et la figurait alors, afin qu'Il lui offrît en sacrifice le dépôt de son Amour et de son Espérance, son cher Isaac (Gen. 22: 2).
5, 22, 953. La Très Prudente Mère n'ignorait point que le temps courait, car son Très Doux Fils était déjà entré dans la trentième année de Son âge, et que le terme et le délai du paiement dans lequel Il devait satisfaire pour les homes et payer leur dette s'approchait; néanmoins avec la possession du bien qui la rendait si bienheureuse Elle regardait la privation non expérimenté comme de loin. Mais l'heure s'approchant déjà, et se trouvant un jour dans une extase très sublime, Elle sentit qu'Elle était appelée et mise en présence du trône royal de la Bienheureuse Trinité, d'où il sortit une voix qui lui disait avec une force admirable: «Marie, Ma Fille et Mon Épouse, offre-moi ton Fils unique en sacrifice.» Avec la force de cette voix vint à la Bienheureuse Mère, la Lumière et l'Intelligence de la Volonté du Très-Haut, et Elle connut le décret de la Rédemption des hommes par le moyen de la Passion et de la Mort de son Très Saint Fils et de tout ce qui devait commencer à la précéder par la prédication et le magistère du Seigneur. Au renouvellement de cette connaissance dans la Très Aimante Mère, divers effets se firent sentir dans son âme; effets de soumission, d'humilité, de Charité envers Dieu
et envers les hommes, de compassion, de tendresse et de douleur naturelle de ce que son Très Saint Fils devait souffrir.
5, 22, 954. Mais Elle répondit avec un Coeur magnanime et sans trouble au Très-Haut et Elle Lui dit: «Roi Éternel et Dieu Tout-Puissant, infini en Sagesse et en Bonté, tout ce qui a l'être hors de Vous l'a reçu et le tient de Votre grandeur et de Votre Miséricorde libérale et Vous êtes Maître et Seigneur indépendant de tout. Comment donc me commandez-Vous à moi vil ver de terre, de sacrifier et de livrer à Votre disposition Divine le Fils que j'ai reçu de Votre Bonté ineffable? Il est tout Vôtre, ô Père et Dieu Éternel, puisque Vous L'avez engendrée dans Votre éternité avant l'étoile du jour (Ps. 109: 3), et Vous L'engendrez et L'engendrerez toujours (Ps. 2: 7) pendant des siècles infinis; et si je L'ai vêtu de mon propre sang de la forme de serviteur (Phil. 2: 7) dans mes entrailles, si je L'ai nourri du lait de mes mamelles, si je L'ai servi comme Mère, cette Humanité très sainte est aussi toute Vôtre et je le suis moi-même, puisque j'ai reçu de Vous tout ce que je suis et tout ce que j'ai pu Lui donner. Que me reste-t-il donc à Vous offrir qui ne soit plus Vôtre que mien? Je confesse, ô Roi très-haut, que Vous enrichissez tellement Vos créatures de Vos Trésors infinis par Votre grandeur et Votre bénignité si libérales, que même Votre Fils Unique, engendré de Votre substance et la propre Lumière de Votre Divinité, Vous Le demandez comme Offrande volontaire, pour vous en obliger. Tous les biens ensemble me sont venus avec Lui (Sag. 7: 11), et j'ai reçu l'honnêteté et des Dons immenses de Sa main. Il est la Vertu de ma vertu, la Substance de mon esprit, la Vie de mon âme et l'Âme de ma vie par laquelle Il me soutient et Il est L'allégresse dont je vis; et ce serait une douce Offrande si je ne Le livrais qu'à Vous seul qui en connaissez le prix; mais Le livrer à la disposition de Votre Justice afin qu'elle s'exécute par la main de Ses cruels ennemis, au prix de Sa Vie, plus estimable que toutes les créatures en dehors d'Elle! O Seigneur l'Offrande que Vous me demandez est grande à cause de mon amour de Mère; néanmoins que ce ne soit point ma volonté qui se fasse; mais la Vôtre. Que la liberté du genre humain s'en suive; que Votre équité et Votre Justice demeure satisfaite; que Voter Amour Infini se manifeste; que Votre Nom soit connu et magnifié de toutes les créatures. Je livre mon Isaac chéri pour qu'Il soit véritablement sacrifié; j'offre le Fils de mes entrailles afin que selon le décret immuable de Votre Volonté, la dette contractée non par Lui, mais par les enfants d'Adam, soit payée, et afin que tout ce que Vos Prophètes ont écrit et déclaré par Votre inspiration soit accompli en Lui.»
5, 22, 955. Ce sacrifice de la Très Sainte Marie, avec les conditions qu'il eut, fut pour le Père Éternel le plus grand et le plus acceptable de tous ceux qui Lui avaient été faits depuis le commencement du monde et qui seront jusqu'à la fin, hors celui que fit Son propre Fils notre Sauveur avec lequel celui de la Mère fut un seul et le même dans la forme possible. Et si le suprême degré de la charité se manifeste à offrir sa vie pour celui que l'on aime (Jean 15: 13), la Très Sainte Marie passa sans doute cette limite et ce terme de l'amour parmi les hommes, d'autant plus qu'Elle aimait la vie de son Très Saint Fils plus que la sienne propre, et ce plus était sans mesure; puisque pour conserver la vie de son Fils, si toutes les vies des hommes eussent été siennes, Elle les eut données autant de fois et un nombre infini de fois plus. Il n'y a pas d'autre règle dans les créatures par laquelle on puisse mesurer l'amour de cette divine Souveraine envers les hommes, outre celle du Père Éternel Lui-même; et comme Notre Seigneur Jésus-Christ dit à Nicodème, que Dieu aima tellement le monde qu'Il donna Son Fils Unique, afin que tous ceux qui croyaient en Lui ne périssent point (Jean 3: 16). Il semble que c'est cela même que fit notre Mère de Miséricorde à sa manière et nous lui devons respectivement notre rachat, proportion gardée, puisqu'Elle nous aima tellement qu'Elle donna son Fils unique pour notre remède; et si Elle ne L'avait point donné quand le Père Éternel Le lui demanda, la Rédemption des hommes n'eût pas été opérée par ce décret dont l'exécution devait être moyennant le consentement de la Mère avec la Volonté du Père Éternel. La Très Sainte Marie nous a obligés à Elle jusqu'à ce point, nous, les enfants d'Adam.
5, 22, 956. L'Offrande de cette Auguste Vierge étant acceptée de la Bienheureuse Trinité, il était convenable qu'Elle fût payée et rémunérée sur le champ par quelque faveur telle qu'Elle en fût confortée dans sa peine et corroborée pour celles qui l'attendaient, et qu'Elle connût avec une plus grande clarté la Volonté du Père et les raison de ce qu'Il lui avait commandé. La divine Dame étant dans la même extase fut élevée à un autre état plus sublime, où après avoir été préparée et disposée par les Illuminations et les qualités que j'ai dites en d'autres occasions [a], la Divinité lui fut manifestée avec une vision claire et intuitive où Elle connut dans la sérénité et la Lumière de l'Être même de Dieu l'inclination du Souverain Bien à communiquer Ses Trésors infinis aux créatures raisonnables par le moyen de la Rédemption que le Verbe Incarné opérerait et la gloire qui
résulterait de cette merveille parmi les créatures elle-mêmes pour le Nom du Très-Haut. Avec cette nouvelle science des sacrements cachés que la divine Mère connut, Elle offrit encore son Fils unique au Père avec une jubilation nouvelle et la Puissance infinie du Seigneur la conforta par ce véritable Pain de Vie et d'Intelligence, afin qu'Elle assistât le Verbe Incarné avec un courage invincible dans les Oeuvres de la Rédemption et qu'Elle y fut Coadjutrice et Coopératrice dans la forme que la Sagesse infinie le disposait, comme la grande Dame le fit en tout ce que je dirai plus loin b].
5, 22, 957. La Très Sainte Marie sortit de ce rapt et de cette vision et je ne m'arrêterai pas à expliquer les conditions qu'Elle eut, parce qu'elles furent semblables à ses autres visions intuitives que j'ai déclarées: mais par la vertu et les effets Divins qu'Elle reçu en celle-ci; Elle fut préparée à prendre congé de son Très Saint Fils, qui détermina aussitôt de sortir pour aller au baptême et au jeûne dans le désert. Sa Majesté l'appela et lui parlant comme Fils très aimant, avec des démonstrations d'une compassion très douce, Il lui dit: «Ma Mère, l'être que J'ai d'homme véritable, Je l'ai reçu de votre seule substance et de votre sang dont J'ai pris la forme de Serviteur (Phil. 2: 7) en votre sein Virginal; et ensuite vous M'avez nourri du lait de vos mamelles et vous M'avez élevé avec votre sueur par votre travail; pour ces raisons Je Me reconnais plus Fils et plus vôtre qu'aucun ne le fut et ne le sera de sa mère. Donnez-Moi votre permission et votre agrément afin que J'aille accomplir la Volonté de Mon Père Éternel. Il est déjà temps que Je me sépare de votre tendresse et de votre douce compagnie et que je donne principe àl'Oeuvre de la Rédemption des hommes. Le repos s'achève et l'heure arrive de commencer à souffrir pour le rachat de mes frères les enfants d'Adam. Mais Je veux faire cette Oeuvre de Mon Père avec votre assistance et que vous y soyez ma Compagne et Ma Coadjutrice, ayant part à ma Passion et à ma Mort; et quoiqu'il faille maintenant que je vous laisse seule, ma Bénédiction demeurera avec vous ainsi que ma protection soigneuse, amoureuse et puissante. Ensuite Je reviendrai, afin que vous m'accompagniez et m'aidiez dans Mes travaux; puisque Je dois les souffrir, dans la forme humaine que vous M'avez donnée.»
5, 22, 958. Avec ces raisons, le Seigneur étendit les bras autour du cou de Sa Mère très tendre, répandant tous les deux beaucoup de larmes avec une majesté admirable et une gravité tranquille, comme Maître dans la science de souffrir. La
divine Mère s'agenouilla et répondit à son Très Saint Fils avec une douleur et une révérence incomparables, et Elle Lui dit: «Mon Seigneur et mon Dieu Éternel, Vous êtes mon vrai Fils, et j'ai employé pour Vous tout l'amour et les forces que j'ai reçues de Vous, l'intime de mon âme est découvert à Votre Sagesse: ma Vie serait peu de chose pour conserver la Vôtre, s'il était convenable que je mourusse plusieurs fois pour cela; mais la Volonté du Père et la Vôtre doivent être accomplies; j'offre et sacrifie pour cela la mienne; recevez-la, mon Fils, Seigneur de tout mon être en sacrifice et en offrande acceptable, et que Votre divine protection de me manque point. Ce serait un plus grand tourment pour moi que Vous souffrissiez, sans que je Vous accompagne dans les travaux et dans la Croix. Faites, ô mon Fils, que je mérite cette faveur que je Vous demande en retour de la forme humaine que je Vous ai donnée comme Mère véritable et en laquelle Vous allez souffrir.» La Très Aimante Mère Lui demanda aussi d'emporter quelque aliment de Sa maison ou qu'Elle Lui en envoyât où il serait. Le Sauveur n'accepta rien de cela pour lors, éclairant Sa Mère sur ce qu'Il convenait de faire. Ils sortirent ensemble jusqu'à la porte de leur pauvre maison, où Elle Lui demanda la Bénédiction une second fois et Lui baisa les pieds: le divin Maître la lui donna et commença Son voyage vers le Jourdain, sortant comme bon Pasteur pour chercher la brebis perdue (Luc 15: 4), et la rapporta sur Ses épaules dans le chemin de la Vie Éternelle qu'elle avait perdu (Ps. 118: 176), trompée et errante.
5, 22, 959. Dans cette occasion où le Rédempteur sortit pour aller Se faire baptiser par saint Jean, Il était déjà entré dans la trentième année de Son âge, quoiqu'Il fût au commencement de cette année; parce qu'Il alla droit où le Précurseur baptisait dans la rivière du Jourdain (Matt. 3: 13), et Il reçut de lui le baptême treize jours après avoir accompli Ses vingt-neuf ans, le même jour que l'Église le célèbre. Je ne peux exprimer dignement la douleur de la Très Sainte Marie dans ce départ, ni non plus la compassion du Sauveur, car toutes les amplifications et les raisons sont insuffisantes et non proportionnées pour manifester ce qui se passa dans le Coeur du Fils et de la Mère. Comme cette séparation devait faire partie de Leur peine et de Leur affliction, il ne fut pas convenable que le Maître et la Maîtresse du monde modérassent les effets de Leur amour naturel et réciproque. Le Très-Haut donna lieu à ce qu'Ils opérassent tout le possible et le compatible avec la Sainteté Souveraine des Deux respectivement. Cette douleur ne se modéra pas en Notre Seigneur en hâtant le pas, porté par la force de Son immense Charité àchercher notre remède, ni en la Très Aimante Mère
en le connaissant ainsi; parce que tout cela assurait davantage les tourments qui l'attendaient et la douleur de leur connaissance. O mon très doux Amour! comment l'ingratitude et la dureté de nos coeurs ne sortent-elles pas à Votre rencontre? Comment l'inutilité des hommes pour Vous, outre leur grossière correspondance, ne Vous arrête-t-elle pas? O mon Bien éternel! O ma Vie! Vous seriez aussi Bienheureux sans nous qu'avec nous, aussi infini en Perfections, en Sainteté et en Gloire, et nous ne pouvons rien ajouter à celle que Vous avez avec Vous seul, sans dépendance et sans nécessité des créatures. Pourquoi donc, ô mon Amour, les cherchez-Vous avec tant de soins et de sollicitudes? Pourquoi procurez-Vous le bien des autres au prix si cher de tant de douleurs et de Croix? Sans doute que Votre Amour et Votre Bonté incompréhensible estiment ce Bien comme le Vôtre propre et il n'y a que nous qui le traitons comme un bien étranger pour Vous et pour nous-mêmes.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 22, 960. Ma fille, je veux que tu pèses et que tu pénètres davantage les mystères que tu as écrits et que tu t'en formes une plus haute idée pour le bien de ton âme et arriver en quelque chose à mon imitation. Sache donc que dans la vision de la Divinité que j'eus dans cette occasion que tu as dite, je connus dans le Seigneur l'estime que Sa très sainte Volonté faisait des travaux, de la Passion et de la Mort de mon Fils et de tous ceux qui doivent L'imiter et Le suivre dans le chemin de la Croix. Avec cette science, non seulement je L'offris volontairement pour Le livrer à Sa Passion et à Sa Mort, mais je priai le Très-Haut de me faire Compagne et participante de toutes Ses douleurs, Ses peines et Sa Passion et le Père Éternel me l'accorda. Ensuite je demandai à mon Fils et mon Seigneur d'être privée dès lors de Ses caresses intérieures, commençant à suivre Ses pas d'amertume; et le même Seigneur m'inspira cette demande, parce qu'Il le voulait ainsi et l'amour m'obligea et m'enseigna àle faire. Ces ardents désirs de souffrir et l'amour que Sa Majesté me portait comme Fils et comme Dieu m'excitèrent à
désirer les afflictions, et Il me les accorda, parce qu'Il m'aimait tendrement, car Il afflige et corrige ceux qu'Il aime (Prov. 3: 12), et Il ne voulut point que ce Bienfait et cette excellence me manquassent à moi comme Mère, et Il me voulut semblable à Lui en ce qu'Il estimait davantage dans la vie humaine. Aussitôt cette Volonté du Très-Haut s'accomplit en moi ainsi que mon désir et ma prière, parce que je fus privée des faveurs et des caresses que j'avais coutume de recevoir et dès lors Il ne me traita plus avec autant de tendresse; et ce fut une des raisons pourquoi Il ne m'appela pas mère, mais femme, aux noces de Cana (Jean 2: 4), au pied de la Croix (Jean 19: 26) et en d'autres occasions où Il m'exerça avec cette sévérité, me refusant les paroles de caresse; et c'était bien loin d'être un manque d'amour, au contraire, c'était la plus grande délicatesse d'amour de me faire Sa semblable dans les peines qu'Il choisissait pour Lui, comme héritage et trésor inestimable.
5, 22, 961. De là tu comprendras l'erreur et l'ignorance commune des mortels, et combien ils sont loin de la voie et de la Lumière, quand presque tous travaillent généralement pour ne point travailler, souffrent pour ne point souffrir, et abhorrent le Chemin Royal et assuré de la Croix et de la mortification. Par cette erreur dangereuse, ils abhorrent non seulement la ressemblance de Jésus-Christ leur Exemplaire et la mienne, et ils s'en privent, étant le véritable et Souverain Bien de la vie humaine; mais ainsi, ils se rendent leur remède impossible, puisqu'ils sont tous malades et infirmes de plusieurs péchés et leur remède doit être la peine. Le péché est commis avec un honteux plaisir, et il est exclus par la douleur et la pénitence, et le juste Juge le pardonne dans les afflictions. Par les souffrances, les amertumes et les peines, l'aiguillon du péché se refrène; les forces désordonnées des passions concupiscible et irascible s'affaiblissent; l'orgueil et la hauteur s'humilie; la chair s'assujettit; le goût se détourne de ce qui est mauvais, sensible et terrestre; le jugement se détrompe; la volonté se morigène; toutes les puissances de la créature se réduisent à la raison et les passions se modèrent dans leurs inégalités et leurs mouvements; et surtout l'Amour divin s'oblige à avoir compassion de l'affligé qui embrasse les travaux avec patience ou qui les cherche avec le désir d'imiter mon Très Saint Fils. Dans cette science sont épiloguées toutes les bonnes fortunes de la créature et ceux qui fuient cette Vérité sont fous, et insensés, ceux qui ignorent cette Science.
5, 22, 962. Ma très chère fille, travaille donc à t'y avancer et hâte-toi d'aller à la rencontre de la Croix et des travaux et fuis toutes les consolations humaines. Et afin de ne point trébucher et tomber dans les consolations spirituelles, je t'avertis que le démon y cache un piège que tu ne peux ignorer contre ceux qui s'appliquent à la spiritualité; car la vue et la contemplation du Seigneur est si douce et Ses caresses répandent tant de délices et de consolations dans les puissances de l'âme et parfois dans la partie sensitive et certaines âmes ont coutume de s'y habituer tellement, qu'elles deviennent comme ineptes pour les autres occupations nécessaires à la vie humaine, lors même qu'elles sont nécessaires à la charité et à l'entretien convenable avec les créatures; et lorsqu'il faut qu'elles s'y appliquent, elles s'affligent démesurément, elles se troublent avec impatience, elles perdent la paix et le gouvernement intérieur; elles demeurent tristes, intraitables et remplies de dégoût envers les autres et sans humilité ni charité véritables. Et lorsqu'elles arrivent à sentir leur propre perte et leur inquiétude, elles chargent aussitôt la faute sur les occupations extérieures, dans lesquelles le Seigneur les met par l'obéissance ou la charité, et elles ne veulent point confesser ni connaître que la faute consiste dans leur peu de mortification et de soumission à ce que Dieu ordonne, et dans leur attachement à leur goût. Le démon leur cache tout cet égarement sous couleur du bon désir de leur quiétude et de leur retraite et de l'entretien du Seigneur dans la solitude; parce qu'il leur semble qu'il n'y a rien à craindre, que tout est bon et saint, et que le dommage leur vient qu'on le leur empêche, comme elles le désirent.
5, 22, 963. Tu es tombée plusieurs fois dans ce péché et je veux que tu en sois avertie dès aujourd'hui, puisqu'il y a temps pour tout (Eccl. 3: 5), comme dit le Sage, pour jouir des embrassements et pour s'en abstenir; et la détermination de l'entretien intime avec le Seigneur, à certains temps marqués par le goût de la créature, est une ignorance des imparfaits et des commençants dans la vertu, et c'est la même chose de s'affliger beaucoup de la privation des consolations sensibles. Je ne te dis point pour cela de chercher volontairement les occupations et les distractions, ni de mettre en elles ton bon plaisir, car c'est en cela qu'est le danger; mais lorsque les supérieurs te l'ordonnent, que tu obéisses avec égalité d'âme, et que tu quittes le Seigneur dans ta consolation pour Le trouver dans un travail utile et dans le bien de ton prochain; et tu dois faire passer cela avant ta solitude et les consolations cachées que tu y reçois, et je ne veux pas que tu aimes tant ces mêmes consolations pour elles seulement, afin que dans ta sollicitude
convenable de supérieure tu saches croire, espérer et aimer avec délicatesse. Par ce moyen tu trouvera le Seigneur en tout temps, en tout lieu et en toute occupation, comme tu l'as expérimenté; et je ne veux pas que tu t'imagines être loin de Sa vue, de Sa très douce Présence, de Sa très suave conversation, ignorant puérilement que tu peux trouver le Seigneur et jouir de Lui hors de ta retraite; parce que tout est rempli de Sa gloire (Eccli. 42: 16), sans qu'il y ait aucun espace vide et tu vis, tu es et tu te meus dans Sa Majesté (Act. 17: ; et tu goûteras de ta solitude désirée lorsqu'Il ne t'obligera pas Lui-même à ces occupations.
5, 22, 964. Tu connaîtras mieux tout cela dans la noblesse de l'amour que je veux de toi pour l'imitation de mon Fils très saint et la mienne; puisque parfois tu dois te récréer avec Lui dans Son Enfance; d'autres fois L'accompagner en procurant le salut éternel des hommes, d'autres fois L'imiter dans la retraite de Sa solitude; d'autres fois te transfigurer avec Lui en une nouvelle créature; d'autres fois embrasser la Croix et les tribulations ou suivre les voies de la Doctrine qu'Il y enseigne comme Maître divin; en un mot, je veux que tu comprennes que l'exercice ou l'intention la plus sublime en moi fut de L'imiter toujours en toutes Ses Oeuvres: c'est en cela que consista ma plus grande perfection et ma plus haute sainteté et je veux que tu me suives selon que tes faibles forces pourront y atteindre aidées de la grâce. Pour cela tu dois d'abord mourir à toutes tes affections de fille d'Adam sans te réserver un seul "je veux" ou "je ne veux pas, j'accepte" ou "je refuse" pour ce motif-ci ou pour celui-là; car tu ignores ce qui te convient et ton Seigneur et ton Époux qui le sait et qui t'aime plus que toi-même veut en prendre soin, si tu t'abandonnes toute à Sa Volonté, et je te donne permission seulement de L'aimer et de vouloir L'imiter en souffrant; mais dans le reste tu risques de t'éloigner de Son goût et du mien; et tu le feras en suivant ta volonté, et les inclinations de tes désirs et de tes appétits. Extermine-les donc et sacrifie-les tous, t'élevant au-dessus de toi-même et place-toi dans la haute et sublime habitation de ton Seigneur et ton Maître. Sois attentive à la Lumière de Ses influences et à la Vérité de Ses paroles de Vie Éternelle (Jean 6: 69); et afin de l'obtenir prends ta Croix (Matt. 16: 24), suis Ses traces, marche à l'odeur de Ses parfums (Cant. 1: 3), et sois officieuse jusqu'à ce que tu L'aies atteint; et Le tenant, ne Le quitte plus (Cant. 3: 4).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 22, [a]. Livre 2, No. 626 etc.
5, 22, [b]. Livre 5, Nos. 990, 991, 1001; Livre 6, Nos. 1219, 1376.
La Très Sainte Marie offre au Père Éternel son Fils Unique que pour la Rédemption des hommes; en retour de ce sacrifice Il lui accorde une claire vision de la Divinité; Elle prend congé de Jésus-Christ qui S'en va au désert.
5, 22, 951. L'amour que notre grande Reine et Souveraine avait pour son Très Saint Fils est la règle avec laquelle se mesurent d'autres affections et opérations de la divine Mère, et aussi les passions et les affections de joie et de douleur qu'Elle souffrait selon les causes et les raisons différentes. Notre capacité ne trouve point de règle manifeste pour mesurer cet amour très ardent; les Anges mêmes ne peuvent en trouver, outre celle qu'ils connaissent par la claire vue de l'Être divine, et tout ce que l'on peut dire d'ailleurs par circonlocutions, similitudes et tours oratoires est le moindre de ce que contient en soi ce divin incendie; parce qu'Elle L'aimait comme Fils du Père Éternel, égal avec Lui dans l'Être de Dieu et dans Ses perfections infinies et Ses attributs. Elle L'aimait comme son Fils propre et naturel et son seul Fils dans l'être humain, formé de sa propre chair et de son propre sang. Elle L'aimait, parce que dans cet être humain Il était le Saint des saints (Dan. 9: 24) et la cause méritoire de toute sainteté. Il était le plus beau (Ps. 44: 3) parmi les enfants des hommes. Il était le Fils le plus obéissant (Luc 2: 51) et le plus Fils de Sa Mère, son plus glorieux honorateur et son plus grand bienfaiteur: puis Il l'éleva, en étant son Fils, à la suprême dignité parmi les créatures, Il l'améliora entre toutes et par-dessus toutes des Trésors de la Divinité du domaine de toutes les créatures, des faveurs, des bienfaits et des grâces qui ne peuvent être dignement accordées à aucune autre.
5, 22, 952. Ces motifs et ces stimulants de l'amour étaient déposés et comme renfermés dans la Sagesse de l'Auguste Reine avec plusieurs autres que sa
Science très sublime pénétrait. Son Coeur n'avait point d'empêchement, parce qu'il était très candide et très pur; Elle n'était point ingrate; mais Elle était très profonde en humilité et très fidèle dans la correspondance; Elle n'était point lente, parce qu'Elle était véhémente à opérer avec la grâce toute son efficacité; Elle n'était point tardive, parce que sa mémoire était constante et fixe pour garder les bienfaits, les raisons et les lois de l'amour. Elle était dans la sphère du même amour, du même feu en la présence de l'Objet divin et àl'école du vrai Dieu d'Amour en compagnie de son Fils, à la vue de Ses Oeuvres et de Ses opérations, et copiant cette Image vivante; et rien ne manqua à cette très fine Amante pour arriver au mode de l'amour qui est d'aimer sans mesure et sans borne. Cette Très Belle Lune étant donc dans son plein, regardant le Soleil de justice en face pendant l'espace de trente-trois ans; s'étant levée comme une divine Aurore au suprême degré de la Lumière, au plus ardent de l'amoureux incendie du jour très clair de la grâce, étrangère à toutes les choses visibles et transformée en son cher Fils, après qu'Il lui eût correspondu par Sa dilection réciproque, Ses faveurs, et Ses amoureuses caresses, étant au plus haut point, dans l'occasion la plus ardue, il arriva qu'Elle entendit une voix du Père Éternel qui l'appelait comme Il avait appelé le Patriarche Abraham qui la représentait et la figurait alors, afin qu'Il lui offrît en sacrifice le dépôt de son Amour et de son Espérance, son cher Isaac (Gen. 22: 2).
5, 22, 953. La Très Prudente Mère n'ignorait point que le temps courait, car son Très Doux Fils était déjà entré dans la trentième année de Son âge, et que le terme et le délai du paiement dans lequel Il devait satisfaire pour les homes et payer leur dette s'approchait; néanmoins avec la possession du bien qui la rendait si bienheureuse Elle regardait la privation non expérimenté comme de loin. Mais l'heure s'approchant déjà, et se trouvant un jour dans une extase très sublime, Elle sentit qu'Elle était appelée et mise en présence du trône royal de la Bienheureuse Trinité, d'où il sortit une voix qui lui disait avec une force admirable: «Marie, Ma Fille et Mon Épouse, offre-moi ton Fils unique en sacrifice.» Avec la force de cette voix vint à la Bienheureuse Mère, la Lumière et l'Intelligence de la Volonté du Très-Haut, et Elle connut le décret de la Rédemption des hommes par le moyen de la Passion et de la Mort de son Très Saint Fils et de tout ce qui devait commencer à la précéder par la prédication et le magistère du Seigneur. Au renouvellement de cette connaissance dans la Très Aimante Mère, divers effets se firent sentir dans son âme; effets de soumission, d'humilité, de Charité envers Dieu
et envers les hommes, de compassion, de tendresse et de douleur naturelle de ce que son Très Saint Fils devait souffrir.
5, 22, 954. Mais Elle répondit avec un Coeur magnanime et sans trouble au Très-Haut et Elle Lui dit: «Roi Éternel et Dieu Tout-Puissant, infini en Sagesse et en Bonté, tout ce qui a l'être hors de Vous l'a reçu et le tient de Votre grandeur et de Votre Miséricorde libérale et Vous êtes Maître et Seigneur indépendant de tout. Comment donc me commandez-Vous à moi vil ver de terre, de sacrifier et de livrer à Votre disposition Divine le Fils que j'ai reçu de Votre Bonté ineffable? Il est tout Vôtre, ô Père et Dieu Éternel, puisque Vous L'avez engendrée dans Votre éternité avant l'étoile du jour (Ps. 109: 3), et Vous L'engendrez et L'engendrerez toujours (Ps. 2: 7) pendant des siècles infinis; et si je L'ai vêtu de mon propre sang de la forme de serviteur (Phil. 2: 7) dans mes entrailles, si je L'ai nourri du lait de mes mamelles, si je L'ai servi comme Mère, cette Humanité très sainte est aussi toute Vôtre et je le suis moi-même, puisque j'ai reçu de Vous tout ce que je suis et tout ce que j'ai pu Lui donner. Que me reste-t-il donc à Vous offrir qui ne soit plus Vôtre que mien? Je confesse, ô Roi très-haut, que Vous enrichissez tellement Vos créatures de Vos Trésors infinis par Votre grandeur et Votre bénignité si libérales, que même Votre Fils Unique, engendré de Votre substance et la propre Lumière de Votre Divinité, Vous Le demandez comme Offrande volontaire, pour vous en obliger. Tous les biens ensemble me sont venus avec Lui (Sag. 7: 11), et j'ai reçu l'honnêteté et des Dons immenses de Sa main. Il est la Vertu de ma vertu, la Substance de mon esprit, la Vie de mon âme et l'Âme de ma vie par laquelle Il me soutient et Il est L'allégresse dont je vis; et ce serait une douce Offrande si je ne Le livrais qu'à Vous seul qui en connaissez le prix; mais Le livrer à la disposition de Votre Justice afin qu'elle s'exécute par la main de Ses cruels ennemis, au prix de Sa Vie, plus estimable que toutes les créatures en dehors d'Elle! O Seigneur l'Offrande que Vous me demandez est grande à cause de mon amour de Mère; néanmoins que ce ne soit point ma volonté qui se fasse; mais la Vôtre. Que la liberté du genre humain s'en suive; que Votre équité et Votre Justice demeure satisfaite; que Voter Amour Infini se manifeste; que Votre Nom soit connu et magnifié de toutes les créatures. Je livre mon Isaac chéri pour qu'Il soit véritablement sacrifié; j'offre le Fils de mes entrailles afin que selon le décret immuable de Votre Volonté, la dette contractée non par Lui, mais par les enfants d'Adam, soit payée, et afin que tout ce que Vos Prophètes ont écrit et déclaré par Votre inspiration soit accompli en Lui.»
5, 22, 955. Ce sacrifice de la Très Sainte Marie, avec les conditions qu'il eut, fut pour le Père Éternel le plus grand et le plus acceptable de tous ceux qui Lui avaient été faits depuis le commencement du monde et qui seront jusqu'à la fin, hors celui que fit Son propre Fils notre Sauveur avec lequel celui de la Mère fut un seul et le même dans la forme possible. Et si le suprême degré de la charité se manifeste à offrir sa vie pour celui que l'on aime (Jean 15: 13), la Très Sainte Marie passa sans doute cette limite et ce terme de l'amour parmi les hommes, d'autant plus qu'Elle aimait la vie de son Très Saint Fils plus que la sienne propre, et ce plus était sans mesure; puisque pour conserver la vie de son Fils, si toutes les vies des hommes eussent été siennes, Elle les eut données autant de fois et un nombre infini de fois plus. Il n'y a pas d'autre règle dans les créatures par laquelle on puisse mesurer l'amour de cette divine Souveraine envers les hommes, outre celle du Père Éternel Lui-même; et comme Notre Seigneur Jésus-Christ dit à Nicodème, que Dieu aima tellement le monde qu'Il donna Son Fils Unique, afin que tous ceux qui croyaient en Lui ne périssent point (Jean 3: 16). Il semble que c'est cela même que fit notre Mère de Miséricorde à sa manière et nous lui devons respectivement notre rachat, proportion gardée, puisqu'Elle nous aima tellement qu'Elle donna son Fils unique pour notre remède; et si Elle ne L'avait point donné quand le Père Éternel Le lui demanda, la Rédemption des hommes n'eût pas été opérée par ce décret dont l'exécution devait être moyennant le consentement de la Mère avec la Volonté du Père Éternel. La Très Sainte Marie nous a obligés à Elle jusqu'à ce point, nous, les enfants d'Adam.
5, 22, 956. L'Offrande de cette Auguste Vierge étant acceptée de la Bienheureuse Trinité, il était convenable qu'Elle fût payée et rémunérée sur le champ par quelque faveur telle qu'Elle en fût confortée dans sa peine et corroborée pour celles qui l'attendaient, et qu'Elle connût avec une plus grande clarté la Volonté du Père et les raison de ce qu'Il lui avait commandé. La divine Dame étant dans la même extase fut élevée à un autre état plus sublime, où après avoir été préparée et disposée par les Illuminations et les qualités que j'ai dites en d'autres occasions [a], la Divinité lui fut manifestée avec une vision claire et intuitive où Elle connut dans la sérénité et la Lumière de l'Être même de Dieu l'inclination du Souverain Bien à communiquer Ses Trésors infinis aux créatures raisonnables par le moyen de la Rédemption que le Verbe Incarné opérerait et la gloire qui
résulterait de cette merveille parmi les créatures elle-mêmes pour le Nom du Très-Haut. Avec cette nouvelle science des sacrements cachés que la divine Mère connut, Elle offrit encore son Fils unique au Père avec une jubilation nouvelle et la Puissance infinie du Seigneur la conforta par ce véritable Pain de Vie et d'Intelligence, afin qu'Elle assistât le Verbe Incarné avec un courage invincible dans les Oeuvres de la Rédemption et qu'Elle y fut Coadjutrice et Coopératrice dans la forme que la Sagesse infinie le disposait, comme la grande Dame le fit en tout ce que je dirai plus loin b].
5, 22, 957. La Très Sainte Marie sortit de ce rapt et de cette vision et je ne m'arrêterai pas à expliquer les conditions qu'Elle eut, parce qu'elles furent semblables à ses autres visions intuitives que j'ai déclarées: mais par la vertu et les effets Divins qu'Elle reçu en celle-ci; Elle fut préparée à prendre congé de son Très Saint Fils, qui détermina aussitôt de sortir pour aller au baptême et au jeûne dans le désert. Sa Majesté l'appela et lui parlant comme Fils très aimant, avec des démonstrations d'une compassion très douce, Il lui dit: «Ma Mère, l'être que J'ai d'homme véritable, Je l'ai reçu de votre seule substance et de votre sang dont J'ai pris la forme de Serviteur (Phil. 2: 7) en votre sein Virginal; et ensuite vous M'avez nourri du lait de vos mamelles et vous M'avez élevé avec votre sueur par votre travail; pour ces raisons Je Me reconnais plus Fils et plus vôtre qu'aucun ne le fut et ne le sera de sa mère. Donnez-Moi votre permission et votre agrément afin que J'aille accomplir la Volonté de Mon Père Éternel. Il est déjà temps que Je me sépare de votre tendresse et de votre douce compagnie et que je donne principe àl'Oeuvre de la Rédemption des hommes. Le repos s'achève et l'heure arrive de commencer à souffrir pour le rachat de mes frères les enfants d'Adam. Mais Je veux faire cette Oeuvre de Mon Père avec votre assistance et que vous y soyez ma Compagne et Ma Coadjutrice, ayant part à ma Passion et à ma Mort; et quoiqu'il faille maintenant que je vous laisse seule, ma Bénédiction demeurera avec vous ainsi que ma protection soigneuse, amoureuse et puissante. Ensuite Je reviendrai, afin que vous m'accompagniez et m'aidiez dans Mes travaux; puisque Je dois les souffrir, dans la forme humaine que vous M'avez donnée.»
5, 22, 958. Avec ces raisons, le Seigneur étendit les bras autour du cou de Sa Mère très tendre, répandant tous les deux beaucoup de larmes avec une majesté admirable et une gravité tranquille, comme Maître dans la science de souffrir. La
divine Mère s'agenouilla et répondit à son Très Saint Fils avec une douleur et une révérence incomparables, et Elle Lui dit: «Mon Seigneur et mon Dieu Éternel, Vous êtes mon vrai Fils, et j'ai employé pour Vous tout l'amour et les forces que j'ai reçues de Vous, l'intime de mon âme est découvert à Votre Sagesse: ma Vie serait peu de chose pour conserver la Vôtre, s'il était convenable que je mourusse plusieurs fois pour cela; mais la Volonté du Père et la Vôtre doivent être accomplies; j'offre et sacrifie pour cela la mienne; recevez-la, mon Fils, Seigneur de tout mon être en sacrifice et en offrande acceptable, et que Votre divine protection de me manque point. Ce serait un plus grand tourment pour moi que Vous souffrissiez, sans que je Vous accompagne dans les travaux et dans la Croix. Faites, ô mon Fils, que je mérite cette faveur que je Vous demande en retour de la forme humaine que je Vous ai donnée comme Mère véritable et en laquelle Vous allez souffrir.» La Très Aimante Mère Lui demanda aussi d'emporter quelque aliment de Sa maison ou qu'Elle Lui en envoyât où il serait. Le Sauveur n'accepta rien de cela pour lors, éclairant Sa Mère sur ce qu'Il convenait de faire. Ils sortirent ensemble jusqu'à la porte de leur pauvre maison, où Elle Lui demanda la Bénédiction une second fois et Lui baisa les pieds: le divin Maître la lui donna et commença Son voyage vers le Jourdain, sortant comme bon Pasteur pour chercher la brebis perdue (Luc 15: 4), et la rapporta sur Ses épaules dans le chemin de la Vie Éternelle qu'elle avait perdu (Ps. 118: 176), trompée et errante.
5, 22, 959. Dans cette occasion où le Rédempteur sortit pour aller Se faire baptiser par saint Jean, Il était déjà entré dans la trentième année de Son âge, quoiqu'Il fût au commencement de cette année; parce qu'Il alla droit où le Précurseur baptisait dans la rivière du Jourdain (Matt. 3: 13), et Il reçut de lui le baptême treize jours après avoir accompli Ses vingt-neuf ans, le même jour que l'Église le célèbre. Je ne peux exprimer dignement la douleur de la Très Sainte Marie dans ce départ, ni non plus la compassion du Sauveur, car toutes les amplifications et les raisons sont insuffisantes et non proportionnées pour manifester ce qui se passa dans le Coeur du Fils et de la Mère. Comme cette séparation devait faire partie de Leur peine et de Leur affliction, il ne fut pas convenable que le Maître et la Maîtresse du monde modérassent les effets de Leur amour naturel et réciproque. Le Très-Haut donna lieu à ce qu'Ils opérassent tout le possible et le compatible avec la Sainteté Souveraine des Deux respectivement. Cette douleur ne se modéra pas en Notre Seigneur en hâtant le pas, porté par la force de Son immense Charité àchercher notre remède, ni en la Très Aimante Mère
en le connaissant ainsi; parce que tout cela assurait davantage les tourments qui l'attendaient et la douleur de leur connaissance. O mon très doux Amour! comment l'ingratitude et la dureté de nos coeurs ne sortent-elles pas à Votre rencontre? Comment l'inutilité des hommes pour Vous, outre leur grossière correspondance, ne Vous arrête-t-elle pas? O mon Bien éternel! O ma Vie! Vous seriez aussi Bienheureux sans nous qu'avec nous, aussi infini en Perfections, en Sainteté et en Gloire, et nous ne pouvons rien ajouter à celle que Vous avez avec Vous seul, sans dépendance et sans nécessité des créatures. Pourquoi donc, ô mon Amour, les cherchez-Vous avec tant de soins et de sollicitudes? Pourquoi procurez-Vous le bien des autres au prix si cher de tant de douleurs et de Croix? Sans doute que Votre Amour et Votre Bonté incompréhensible estiment ce Bien comme le Vôtre propre et il n'y a que nous qui le traitons comme un bien étranger pour Vous et pour nous-mêmes.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 22, 960. Ma fille, je veux que tu pèses et que tu pénètres davantage les mystères que tu as écrits et que tu t'en formes une plus haute idée pour le bien de ton âme et arriver en quelque chose à mon imitation. Sache donc que dans la vision de la Divinité que j'eus dans cette occasion que tu as dite, je connus dans le Seigneur l'estime que Sa très sainte Volonté faisait des travaux, de la Passion et de la Mort de mon Fils et de tous ceux qui doivent L'imiter et Le suivre dans le chemin de la Croix. Avec cette science, non seulement je L'offris volontairement pour Le livrer à Sa Passion et à Sa Mort, mais je priai le Très-Haut de me faire Compagne et participante de toutes Ses douleurs, Ses peines et Sa Passion et le Père Éternel me l'accorda. Ensuite je demandai à mon Fils et mon Seigneur d'être privée dès lors de Ses caresses intérieures, commençant à suivre Ses pas d'amertume; et le même Seigneur m'inspira cette demande, parce qu'Il le voulait ainsi et l'amour m'obligea et m'enseigna àle faire. Ces ardents désirs de souffrir et l'amour que Sa Majesté me portait comme Fils et comme Dieu m'excitèrent à
désirer les afflictions, et Il me les accorda, parce qu'Il m'aimait tendrement, car Il afflige et corrige ceux qu'Il aime (Prov. 3: 12), et Il ne voulut point que ce Bienfait et cette excellence me manquassent à moi comme Mère, et Il me voulut semblable à Lui en ce qu'Il estimait davantage dans la vie humaine. Aussitôt cette Volonté du Très-Haut s'accomplit en moi ainsi que mon désir et ma prière, parce que je fus privée des faveurs et des caresses que j'avais coutume de recevoir et dès lors Il ne me traita plus avec autant de tendresse; et ce fut une des raisons pourquoi Il ne m'appela pas mère, mais femme, aux noces de Cana (Jean 2: 4), au pied de la Croix (Jean 19: 26) et en d'autres occasions où Il m'exerça avec cette sévérité, me refusant les paroles de caresse; et c'était bien loin d'être un manque d'amour, au contraire, c'était la plus grande délicatesse d'amour de me faire Sa semblable dans les peines qu'Il choisissait pour Lui, comme héritage et trésor inestimable.
5, 22, 961. De là tu comprendras l'erreur et l'ignorance commune des mortels, et combien ils sont loin de la voie et de la Lumière, quand presque tous travaillent généralement pour ne point travailler, souffrent pour ne point souffrir, et abhorrent le Chemin Royal et assuré de la Croix et de la mortification. Par cette erreur dangereuse, ils abhorrent non seulement la ressemblance de Jésus-Christ leur Exemplaire et la mienne, et ils s'en privent, étant le véritable et Souverain Bien de la vie humaine; mais ainsi, ils se rendent leur remède impossible, puisqu'ils sont tous malades et infirmes de plusieurs péchés et leur remède doit être la peine. Le péché est commis avec un honteux plaisir, et il est exclus par la douleur et la pénitence, et le juste Juge le pardonne dans les afflictions. Par les souffrances, les amertumes et les peines, l'aiguillon du péché se refrène; les forces désordonnées des passions concupiscible et irascible s'affaiblissent; l'orgueil et la hauteur s'humilie; la chair s'assujettit; le goût se détourne de ce qui est mauvais, sensible et terrestre; le jugement se détrompe; la volonté se morigène; toutes les puissances de la créature se réduisent à la raison et les passions se modèrent dans leurs inégalités et leurs mouvements; et surtout l'Amour divin s'oblige à avoir compassion de l'affligé qui embrasse les travaux avec patience ou qui les cherche avec le désir d'imiter mon Très Saint Fils. Dans cette science sont épiloguées toutes les bonnes fortunes de la créature et ceux qui fuient cette Vérité sont fous, et insensés, ceux qui ignorent cette Science.
5, 22, 962. Ma très chère fille, travaille donc à t'y avancer et hâte-toi d'aller à la rencontre de la Croix et des travaux et fuis toutes les consolations humaines. Et afin de ne point trébucher et tomber dans les consolations spirituelles, je t'avertis que le démon y cache un piège que tu ne peux ignorer contre ceux qui s'appliquent à la spiritualité; car la vue et la contemplation du Seigneur est si douce et Ses caresses répandent tant de délices et de consolations dans les puissances de l'âme et parfois dans la partie sensitive et certaines âmes ont coutume de s'y habituer tellement, qu'elles deviennent comme ineptes pour les autres occupations nécessaires à la vie humaine, lors même qu'elles sont nécessaires à la charité et à l'entretien convenable avec les créatures; et lorsqu'il faut qu'elles s'y appliquent, elles s'affligent démesurément, elles se troublent avec impatience, elles perdent la paix et le gouvernement intérieur; elles demeurent tristes, intraitables et remplies de dégoût envers les autres et sans humilité ni charité véritables. Et lorsqu'elles arrivent à sentir leur propre perte et leur inquiétude, elles chargent aussitôt la faute sur les occupations extérieures, dans lesquelles le Seigneur les met par l'obéissance ou la charité, et elles ne veulent point confesser ni connaître que la faute consiste dans leur peu de mortification et de soumission à ce que Dieu ordonne, et dans leur attachement à leur goût. Le démon leur cache tout cet égarement sous couleur du bon désir de leur quiétude et de leur retraite et de l'entretien du Seigneur dans la solitude; parce qu'il leur semble qu'il n'y a rien à craindre, que tout est bon et saint, et que le dommage leur vient qu'on le leur empêche, comme elles le désirent.
5, 22, 963. Tu es tombée plusieurs fois dans ce péché et je veux que tu en sois avertie dès aujourd'hui, puisqu'il y a temps pour tout (Eccl. 3: 5), comme dit le Sage, pour jouir des embrassements et pour s'en abstenir; et la détermination de l'entretien intime avec le Seigneur, à certains temps marqués par le goût de la créature, est une ignorance des imparfaits et des commençants dans la vertu, et c'est la même chose de s'affliger beaucoup de la privation des consolations sensibles. Je ne te dis point pour cela de chercher volontairement les occupations et les distractions, ni de mettre en elles ton bon plaisir, car c'est en cela qu'est le danger; mais lorsque les supérieurs te l'ordonnent, que tu obéisses avec égalité d'âme, et que tu quittes le Seigneur dans ta consolation pour Le trouver dans un travail utile et dans le bien de ton prochain; et tu dois faire passer cela avant ta solitude et les consolations cachées que tu y reçois, et je ne veux pas que tu aimes tant ces mêmes consolations pour elles seulement, afin que dans ta sollicitude
convenable de supérieure tu saches croire, espérer et aimer avec délicatesse. Par ce moyen tu trouvera le Seigneur en tout temps, en tout lieu et en toute occupation, comme tu l'as expérimenté; et je ne veux pas que tu t'imagines être loin de Sa vue, de Sa très douce Présence, de Sa très suave conversation, ignorant puérilement que tu peux trouver le Seigneur et jouir de Lui hors de ta retraite; parce que tout est rempli de Sa gloire (Eccli. 42: 16), sans qu'il y ait aucun espace vide et tu vis, tu es et tu te meus dans Sa Majesté (Act. 17: ; et tu goûteras de ta solitude désirée lorsqu'Il ne t'obligera pas Lui-même à ces occupations.
5, 22, 964. Tu connaîtras mieux tout cela dans la noblesse de l'amour que je veux de toi pour l'imitation de mon Fils très saint et la mienne; puisque parfois tu dois te récréer avec Lui dans Son Enfance; d'autres fois L'accompagner en procurant le salut éternel des hommes, d'autres fois L'imiter dans la retraite de Sa solitude; d'autres fois te transfigurer avec Lui en une nouvelle créature; d'autres fois embrasser la Croix et les tribulations ou suivre les voies de la Doctrine qu'Il y enseigne comme Maître divin; en un mot, je veux que tu comprennes que l'exercice ou l'intention la plus sublime en moi fut de L'imiter toujours en toutes Ses Oeuvres: c'est en cela que consista ma plus grande perfection et ma plus haute sainteté et je veux que tu me suives selon que tes faibles forces pourront y atteindre aidées de la grâce. Pour cela tu dois d'abord mourir à toutes tes affections de fille d'Adam sans te réserver un seul "je veux" ou "je ne veux pas, j'accepte" ou "je refuse" pour ce motif-ci ou pour celui-là; car tu ignores ce qui te convient et ton Seigneur et ton Époux qui le sait et qui t'aime plus que toi-même veut en prendre soin, si tu t'abandonnes toute à Sa Volonté, et je te donne permission seulement de L'aimer et de vouloir L'imiter en souffrant; mais dans le reste tu risques de t'éloigner de Son goût et du mien; et tu le feras en suivant ta volonté, et les inclinations de tes désirs et de tes appétits. Extermine-les donc et sacrifie-les tous, t'élevant au-dessus de toi-même et place-toi dans la haute et sublime habitation de ton Seigneur et ton Maître. Sois attentive à la Lumière de Ses influences et à la Vérité de Ses paroles de Vie Éternelle (Jean 6: 69); et afin de l'obtenir prends ta Croix (Matt. 16: 24), suis Ses traces, marche à l'odeur de Ses parfums (Cant. 1: 3), et sois officieuse jusqu'à ce que tu L'aies atteint; et Le tenant, ne Le quitte plus (Cant. 3: 4).
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 22, [a]. Livre 2, No. 626 etc.
5, 22, [b]. Livre 5, Nos. 990, 991, 1001; Livre 6, Nos. 1219, 1376.
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Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée
CHAPITRE 23
Les occupations que la Vierge-Mère avait en l'absence de son Très Saint Fils et ses colloques avec ses saints Anges.
5, 23, 965. Le Rédempteur du monde S'étant éloigné de la présence corporelle de Sa Très Aimante Mère, les sens de la Très Pure Marie demeurèrent comme éclipsés et dans une ombre obscure, ayant perdu de vue le brillant Soleil de justice qui l'éclairait et la remplissait d'allégresse: mais la vue intérieure de son Âme très sainte ne perdit pourtant pas un seul degré de la Lumière divine qui l'inondait et Elle s'élevait au-dessus du suprême Amour des plus ardents Séraphins. Et comme tout l'emploi principal de ses puissances en l'absence de la Très Sainte Humanité devait être le seul objet incomparable de la Divinité, Elle disposa toutes ses occupations de manière que, retirée dans sa maison, sans aucun entretien ni aucun commerce avec les créatures, Elle put vaquer à la contemplation et aux louanges du Seigneur et se livrer tout entière à cet exercice, ainsi qu'à des oraisons et à des prières, afin que la Doctrine et la semence de la parole que le Maître de la Vie devait répandre dans les coeurs des hommes ne fût pas perdue à cause de la dureté de leur ingratitude, mais qu'elle donnât un fruit abondant de Vie Éternelle et de salut pour leurs âmes. Et sachant les intentions qui avaient porté le Verbe Incarné à partir, la Très Prudente Mère cessa de parler à toute créature humaine afin de L'imiter dans Son jeûne et Sa solitude dans le désert, comme je le
dirai plus loin [a], parce qu'Elle fut toujours, absente ou présente, une Étampe vivante de Ses Oeuvres.
5, 23, 966. Seule dans sa maison, la divine Dame s'occupait à ces exercices les jours que son Très Saint Fils fut au dehors. Ses prières étaient si ferventes qu'Elle répandait des larmes de sang, pleurant les péché des hommes. Elle faisait des génuflexions et des prosternations en terre plus de deux cents fois chaque jour; et Elle aima grandement cet exercice qu'Elle répéta toute sa Vie, comme un indice de son humilité, de sa Charité, de sa révérence et de son culte incomparable, et j'en parlerai souvent dans la suite de cette Histoire [b]. Avec ces oeuvres, Elle aidait son Très Saint Fils, notre Réparateur, et Elle coopérait, avec Lui dans celle de la Rédemption pendant qu'Il était absent; et ces actes furent si puissants et si efficaces auprès du Père Éternel qu'à cause des mérites de cette Très Pieuse Mère et parce qu'Elle était dans le monde, le Seigneur, selon notre manière de concevoir, oublia les péchés de tous les mortels qui se rendaient alors indignes de la prédication et de la Doctrine de Son Très Saint Fils. La Très Sainte Marie ôta cet obstacle par ses clameurs et sa fervente Charité. Elle fut la Médiatrice qui acquit et mérita pour nous le bonheur d'être enseignés de notre Sauveur et notre Maître, et que la Loi de l'Évangile nous fût donnée et que nous la reçussions de la bouche même du Rédempteur.
5, 23, 967. Le temps qui restait à la grande Reine après qu'Elle descendue de la hauteur et de l'éminence de la contemplation et des prières, Elle le passait en conférences et en colloques avec ces saints Anges, à qui le même Seigneur avait commandé de nouveau de l'assister en forme corporelle tout le temps qu'Il serait absent et de servir et de garder en cette forme Son Tabernacle, la Sainte Cité de Son Habitation. Les très diligents ministres du Seigneur obéissaient en tout et ils servaient leur Reine avec une digne et admirable révérence. Mais comme l'amour est si actif et peu patient dans l'absence et la privation de son objet qui l'emporte après soi, il n'a pas de plus grand soulagement que de parler de sa douleur et de répéter ses justes causes, renouvelant les souvenirs de son Bien-Aimé, rapportant ses conditions et ses excellences; et dans ces conférences Elle entretenait ses peines et trompait et divertissait sa douleur, substituant à l'original les images que son Bien-Aimé lui avait laissées dans la mémoire. La même chose arrivait à la Très Aimante Mère au sujet de son Fils, le suprême et véritable Bien; car tandis
que ses puissances étaient submergées dans l'océan immense de la Divinité, Elle ne sentait point la privation de la Présence corporelle de son Fils et son Seigneur; mais lorsqu'Elle revenait à l'usage de ses sens accoutumés à un Objet si aimable et s'en trouvant privée, Elle sentait aussitôt la force impatiente de l'amour le plus intense, le plus chaste et le plus véritable qu'aucune créature n'a jamais pu imaginer, et il n'eût pas été possible à la nature de souffrir tant de douleur sans perdre la vie si Elle n'eût été divinement confortée.
5, 23, 968. Pour donner quelque soulagement à la douleur naturelle de son Coeur Elle se tournait vers les saint Anges et leur disait: «Ministres diligents du Très-Haut, ouvrages des mains de mon Bien-Aimé, mes amis et mes compagnons, donnez-moi des nouvelles de mon Fils et mon Maître chéri; dites-moi où Il est, et dites-Lui aussi que je me meurs par l'absence de ma propre Vie. O doux Bien et Amour de mon âme, où est Votre beauté au-dessus de celle de tous les enfants des enfants (Ps. 44: 3)? Où reposez-Vous Votre tête? Où Votre Humanité très sainte et t_ès délicate se reposera-t-elle de Ses fatigues? Qui Vous servira maintenant, et comment mes larmes pourront-elles cesser, ô Lumière de mes yeux, sans le brillant Soleil qui les éclairait? O mon Fils, où trouverez-Vous quelque repos? et où cette abeille pauvre et solitaire en trouvera-t-Elle? Quel port aura cette petite nacelle combattue dans la solitude par les vagues de l'amour? Où trouverai-je quelque tranquillité? O Bien-Aimé de mes désirs, il ne m'est pas possible d'oublier Votre Présence! Puis, comment le sera-t-il de vivre avec Votre souvenir sans avoir Votre possession? Mais qu'est-ce que je chercherais et que je pourrais trouver parmi les créatures, si Vous me manquez, Vous qui êtes mon tout et le seul que mon Coeur aime? Esprits souverains, dites-moi ce que fait mon Seigneur et mon Bien-Aimé. Racontez-moi Ses occupations extérieures, et Ses intérieures, ne me cachez rien de ce qui vous sera manifesté dans le miroir de son Être divin et de Sa Face. Rapportez-moi tous Ses pas, afin que je les suive et les imite.»
5, 23, 969. Les saint Anges obéirent à leur Reine et leur Maîtresse et ils la consolèrent dans la douleur de ses lamentations amoureuses, lui parlant du Très-Haut et lui répétant des louanges grandioses de l'Humanité très sainte de son fils et des Ses perfections. Et ils lui donnaient ensuite connaissance de toutes Ses occupations, Ses Oeuvres et les lieux où Il était; et ils faisaient cela en illuminant son entendement de la même manière qu'un Ange supérieur illumine un autre
Ange inférieur, parce que tels étaient l'ordre et la forme spirituelle selon lesquels les Anges confèrent et traitent intérieurement sans embarras du corps et sans usage des sens. Les divins esprits l'informaient de cette manière quand le Verbe Incarné priait retiré, quand Il enseignait les hommes, quand Il visitait les pauvres et les hôpitaux, et quand Il accomplissait d'autres actions que la divine Dame exécutait à Son imitation dans la forme qui lui était possible; et Elle faisait des oeuvres magnifiques et excellentes comme je le dirai plus loin, et avec cela Elle reposait en partie dans sa douleur.
5, 23, 970. Elle envoyait aussi quelquefois les même Anges pour visiter son Très Doux Fils en son Nom, et Elle leur disait des raisons très prudentes d'amour révérenciel de grand poids, et Elle avait coutume de leur donner quelque morceau de toile qu'Elle avait préparée de ses mains pour essuyer le Visage vénérable du Sauveur quand ils le voyaient fatiguer ou suer le Sang dans l'oraison; parce que la divine Mère connaissait qu'Il aurait cette agonie plus souvent lorsqu'Il s'emploierait le plus aux Oeuvres de la Rédemption. Les saints Anges obéissaient en cela à leur Reine avec une crainte et une révérence incroyables; parce qu'ils connaissaient que c'était la Volonté du même Seigneur, à cause du désir amoureux de Sa Très Sainte Mère. D'autres fois, Elle connaissait par l'avis des mêmes Anges ou par une vision ou une révélation spéciale du Seigneur que Sa Majesté priait dans les montagnes et faisait des demandes pour les hommes; et de sa maison, la Très Miséricordieuse Mère L'accompagnait en tout et Elle priait dans la même posture et avec les mêmes paroles. En certaines occasions Elle Lui envoyait aussi par la main de ses Anges quelque peu de nourriture à manger, lorsqu'Elle savait qu'Il n'y avait personne pour en donner au Seigneur de toutes les créatures, quoique ceci arrivât rarement; parce que Sa Très Sainte Majesté ne consentit pas, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent [c], que Sa Très Sainte Mère le fît toujours, comme Elle le désirait; et Elle ne le fit pas dans les quarante jours de jeûne; car telle était le Volonté du même Seigneur.
5, 23, 971. D'autres fois la grande Dame s'occupait à faire des cantiques de louanges et de gloire au Très-Haut; et Elle les faisait par Elle-même dans l'oraison ou dans la compagnie des saints Anges, alternant avec eux. Tous ces cantiques étaient très sublimes dans le style et très profonds dans le sens. D'autres fois Elle accourait aux nécessités du prochain à l'imitation de son Fils. Elle visitait les
infirmes, consolait les affligés, éclairait les ignorants et les rendait tous meilleurs en les remplissant de grâces et de biens Divins. Seulement dans le temps du jeûne du Seigneur, Elle demeura renfermée et retirée sans communiquer avec personne, comme je le dirai plus loin [d]. Dans cette solitude et cette retraite où se trouvait la divine Reine, notre Maîtresse, sans aucune compagnie de créatures humaine, les extases lui furent plus continuelles et plus souvent répétées, et Elle y reçut des Dons et des faveurs incomparables de la Divinité; parce que la main du Seigneur écrivait et dépeignait en Elle, comme sur une toile préparée et disposée, des formes et des dessins admirables de Ses Perfections infinies. Avec tous ces Dons et toutes ces grâces, Elle travaillait de nouveau au salut des mortels, et Elle appliquait et convertissait le tout à l'imitation la plus pleine de son Très Saint Fils, et pour L'aider comme Coadjutrice dans les Oeuvres de la Rédemption. Et quoique ces Bienfaits et l'entretien intime du Seigneur ne pussent exister sans une grande et nouvelle jubilation de l'Esprit-Saint; néanmoins, Elle souffrait conjointement dans la partie sensitive, à cause de ce qu'Elle avait désiré et demandé à l'imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme je l'ai déjà dit [e]. Elle était insatiable dans ce désir de Le suivre par la souffrance et Elle le demandait incessamment au Père Éternel avec un amour très ardent, renouvelant le Sacrifice si acceptable de la Vie des son Fils et de la sienne qu'Elle avait offerte; et dans cet acte de souffrir pour le Bien-Aimé, ses anxiétés et ses désirs étaient incessants dans lesquels Elle était si enflammée qu'Elle souffrait de ne point souffrir.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 23, 972. Ma très chère fille, la sagesse de la chair a rendu les hommes ignorants, insensée et ennemis de Dieu, parce qu'elle est diabolique, frauduleuse, terrestre et non soumise à la Loi divine (Rom. 8: 7): et plus les enfants d'Adam font des efforts et travaillent pour pénétrer les mauvaises fins de leurs passions charnelles et animales et les moyens pour les obtenir, plus ils ignorent les choses Divines du Seigneur pour arriver à leur véritable et dernière fin. Cette ignorance et cette prudence charnelle dans les enfants de l'Église est plus lamentable et plus
odieuse aux yeux du Très-Haut. Par quel titre les enfants de ce siècle veulent-ils s'appeler enfants de Dieu, frères de Jésus-Christ et héritiers de leurs biens? Le fils adoptif doit être autant que possible semblable au fils naturel. Un frère n'est pas d'espèce et de qualité contraire à un autre. L'héritier ne s'appelle pas héritier pour quelque part qui le regarde des biens de son père, s'il ne jouit pas des biens et de l'héritage principal. Puis comment seront héritiers avec Jésus-Christ, ceux qui n'aiment, ne désirent, ne cherchent que les biens terrestres et qui s'y complaisent? Comment ceux qui dégénèrent tant de Ses qualités, de Sa Doctrine et de Sa sainte Loi seront-ils Ses frères? Comment seront-ils semblables à Lui et conformes à Son Image, ceux qui effacent cette Image tant de fois et qui se laissent sceller si souvent de l'image (Apoc. 16: 2) de la bête infernale?
5, 23, 973. Ma fille, tu as connu ces vérités dans la Lumière divine et combien je travaillai pour m'assimiler à l'Image du Très-Haut qui est mon Fils et mon Seigneur. Et ne pense point que je t'aie donné pour rien cette connaissance si sublime de mes oeuvres, parce que mon désir est que ce mémorial reste écrit dans ton coeur, qu'il soit toujours pendant devant tes yeux et qu'avec lui tu composes ta conduite et tu règles tes oeuvres tout le temps que te reste à vivre qui ne peut être très long. Ne t'embarrasse ni ne t'enveloppe point dans le commerce et la communication avec les créatures, afin de ne point te retarder à ma suite; quitte-les, méprise-les et détourne-toi d'elles en autant qu'elles peuvent t'empêcher. Pour t'avancer à mon école, je te veux pauvre, humble, méprisée, abaissée et gardant en tout un visage et un coeur joyeux. Ne te paye pas les applaudissements et des affections des autres, n'accueille point de bienveillance humaine; car le Très-Haut ne te veut pas pour des attentions si inutiles, ni des occupations si basses et si incompatibles avec l'état où il t'appelle. Considère avec une humble attention les démonstrations d'amour que tu as reçues de Sa main, et qu'Il a employé les plus grands Trésors de Ses Dons pour t'enrichir. Lucifer, ses ministres et ses adhérents n'ignorent point cela et ils sont armés d'indignation et d'astuce contre toi, et ils ne laisseront pas une seule pierre qu'ils ne meuvent pour te détruire; et la plus grande guerre sera contre ton intérieur où il dirige la batterie de son astuce et de sa sagacité. Vis préparée et vigilante et ferme les portes de tes sens et réserve ta volonté sans lui donner de sortie pour aucune chose humaine, quelque bonne et honnête qu'elle paraisse; parce que si ton amour diminue en quelque point de ce que Dieu veut, ce peu que tu L'aimeras moins ouvrira la porte à tes ennemis. Tout le royaume de Dieu est au dedans de toi (Luc 17: 21); là tu l'auras et tu le trouveras
avec le Bien que tu désires. N'oublie point ma discipline et mon enseignement, cache-le dans ton coeur et sache que le danger et le dommage dont tu désires t'éloigner est grand et que le plus grand bien que tu puisses désirer est de participer de mon imitation et de mon image: et je suis inclinée à te l'accorder avec des entrailles de miséricorde, si tu te disposes par des pensées sublimes, des paroles saintes et des oeuvres parfaites qui te portent à l'état dans lequel, le Tout-Puissant et moi, Nous voulons te mettre.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 23, [a]. Livre 5, No. 990.
5, 23, b]. Livre 3, No. 152, 180; Livre 8, Nos. 614, etc.
5, 23, [c]. Livre 5, No. 958.
5, 23, [d]. Livre 5, No. 990.
5, 23, [e]. Livre 5, No. 960.
Les occupations que la Vierge-Mère avait en l'absence de son Très Saint Fils et ses colloques avec ses saints Anges.
5, 23, 965. Le Rédempteur du monde S'étant éloigné de la présence corporelle de Sa Très Aimante Mère, les sens de la Très Pure Marie demeurèrent comme éclipsés et dans une ombre obscure, ayant perdu de vue le brillant Soleil de justice qui l'éclairait et la remplissait d'allégresse: mais la vue intérieure de son Âme très sainte ne perdit pourtant pas un seul degré de la Lumière divine qui l'inondait et Elle s'élevait au-dessus du suprême Amour des plus ardents Séraphins. Et comme tout l'emploi principal de ses puissances en l'absence de la Très Sainte Humanité devait être le seul objet incomparable de la Divinité, Elle disposa toutes ses occupations de manière que, retirée dans sa maison, sans aucun entretien ni aucun commerce avec les créatures, Elle put vaquer à la contemplation et aux louanges du Seigneur et se livrer tout entière à cet exercice, ainsi qu'à des oraisons et à des prières, afin que la Doctrine et la semence de la parole que le Maître de la Vie devait répandre dans les coeurs des hommes ne fût pas perdue à cause de la dureté de leur ingratitude, mais qu'elle donnât un fruit abondant de Vie Éternelle et de salut pour leurs âmes. Et sachant les intentions qui avaient porté le Verbe Incarné à partir, la Très Prudente Mère cessa de parler à toute créature humaine afin de L'imiter dans Son jeûne et Sa solitude dans le désert, comme je le
dirai plus loin [a], parce qu'Elle fut toujours, absente ou présente, une Étampe vivante de Ses Oeuvres.
5, 23, 966. Seule dans sa maison, la divine Dame s'occupait à ces exercices les jours que son Très Saint Fils fut au dehors. Ses prières étaient si ferventes qu'Elle répandait des larmes de sang, pleurant les péché des hommes. Elle faisait des génuflexions et des prosternations en terre plus de deux cents fois chaque jour; et Elle aima grandement cet exercice qu'Elle répéta toute sa Vie, comme un indice de son humilité, de sa Charité, de sa révérence et de son culte incomparable, et j'en parlerai souvent dans la suite de cette Histoire [b]. Avec ces oeuvres, Elle aidait son Très Saint Fils, notre Réparateur, et Elle coopérait, avec Lui dans celle de la Rédemption pendant qu'Il était absent; et ces actes furent si puissants et si efficaces auprès du Père Éternel qu'à cause des mérites de cette Très Pieuse Mère et parce qu'Elle était dans le monde, le Seigneur, selon notre manière de concevoir, oublia les péchés de tous les mortels qui se rendaient alors indignes de la prédication et de la Doctrine de Son Très Saint Fils. La Très Sainte Marie ôta cet obstacle par ses clameurs et sa fervente Charité. Elle fut la Médiatrice qui acquit et mérita pour nous le bonheur d'être enseignés de notre Sauveur et notre Maître, et que la Loi de l'Évangile nous fût donnée et que nous la reçussions de la bouche même du Rédempteur.
5, 23, 967. Le temps qui restait à la grande Reine après qu'Elle descendue de la hauteur et de l'éminence de la contemplation et des prières, Elle le passait en conférences et en colloques avec ces saints Anges, à qui le même Seigneur avait commandé de nouveau de l'assister en forme corporelle tout le temps qu'Il serait absent et de servir et de garder en cette forme Son Tabernacle, la Sainte Cité de Son Habitation. Les très diligents ministres du Seigneur obéissaient en tout et ils servaient leur Reine avec une digne et admirable révérence. Mais comme l'amour est si actif et peu patient dans l'absence et la privation de son objet qui l'emporte après soi, il n'a pas de plus grand soulagement que de parler de sa douleur et de répéter ses justes causes, renouvelant les souvenirs de son Bien-Aimé, rapportant ses conditions et ses excellences; et dans ces conférences Elle entretenait ses peines et trompait et divertissait sa douleur, substituant à l'original les images que son Bien-Aimé lui avait laissées dans la mémoire. La même chose arrivait à la Très Aimante Mère au sujet de son Fils, le suprême et véritable Bien; car tandis
que ses puissances étaient submergées dans l'océan immense de la Divinité, Elle ne sentait point la privation de la Présence corporelle de son Fils et son Seigneur; mais lorsqu'Elle revenait à l'usage de ses sens accoutumés à un Objet si aimable et s'en trouvant privée, Elle sentait aussitôt la force impatiente de l'amour le plus intense, le plus chaste et le plus véritable qu'aucune créature n'a jamais pu imaginer, et il n'eût pas été possible à la nature de souffrir tant de douleur sans perdre la vie si Elle n'eût été divinement confortée.
5, 23, 968. Pour donner quelque soulagement à la douleur naturelle de son Coeur Elle se tournait vers les saint Anges et leur disait: «Ministres diligents du Très-Haut, ouvrages des mains de mon Bien-Aimé, mes amis et mes compagnons, donnez-moi des nouvelles de mon Fils et mon Maître chéri; dites-moi où Il est, et dites-Lui aussi que je me meurs par l'absence de ma propre Vie. O doux Bien et Amour de mon âme, où est Votre beauté au-dessus de celle de tous les enfants des enfants (Ps. 44: 3)? Où reposez-Vous Votre tête? Où Votre Humanité très sainte et t_ès délicate se reposera-t-elle de Ses fatigues? Qui Vous servira maintenant, et comment mes larmes pourront-elles cesser, ô Lumière de mes yeux, sans le brillant Soleil qui les éclairait? O mon Fils, où trouverez-Vous quelque repos? et où cette abeille pauvre et solitaire en trouvera-t-Elle? Quel port aura cette petite nacelle combattue dans la solitude par les vagues de l'amour? Où trouverai-je quelque tranquillité? O Bien-Aimé de mes désirs, il ne m'est pas possible d'oublier Votre Présence! Puis, comment le sera-t-il de vivre avec Votre souvenir sans avoir Votre possession? Mais qu'est-ce que je chercherais et que je pourrais trouver parmi les créatures, si Vous me manquez, Vous qui êtes mon tout et le seul que mon Coeur aime? Esprits souverains, dites-moi ce que fait mon Seigneur et mon Bien-Aimé. Racontez-moi Ses occupations extérieures, et Ses intérieures, ne me cachez rien de ce qui vous sera manifesté dans le miroir de son Être divin et de Sa Face. Rapportez-moi tous Ses pas, afin que je les suive et les imite.»
5, 23, 969. Les saint Anges obéirent à leur Reine et leur Maîtresse et ils la consolèrent dans la douleur de ses lamentations amoureuses, lui parlant du Très-Haut et lui répétant des louanges grandioses de l'Humanité très sainte de son fils et des Ses perfections. Et ils lui donnaient ensuite connaissance de toutes Ses occupations, Ses Oeuvres et les lieux où Il était; et ils faisaient cela en illuminant son entendement de la même manière qu'un Ange supérieur illumine un autre
Ange inférieur, parce que tels étaient l'ordre et la forme spirituelle selon lesquels les Anges confèrent et traitent intérieurement sans embarras du corps et sans usage des sens. Les divins esprits l'informaient de cette manière quand le Verbe Incarné priait retiré, quand Il enseignait les hommes, quand Il visitait les pauvres et les hôpitaux, et quand Il accomplissait d'autres actions que la divine Dame exécutait à Son imitation dans la forme qui lui était possible; et Elle faisait des oeuvres magnifiques et excellentes comme je le dirai plus loin, et avec cela Elle reposait en partie dans sa douleur.
5, 23, 970. Elle envoyait aussi quelquefois les même Anges pour visiter son Très Doux Fils en son Nom, et Elle leur disait des raisons très prudentes d'amour révérenciel de grand poids, et Elle avait coutume de leur donner quelque morceau de toile qu'Elle avait préparée de ses mains pour essuyer le Visage vénérable du Sauveur quand ils le voyaient fatiguer ou suer le Sang dans l'oraison; parce que la divine Mère connaissait qu'Il aurait cette agonie plus souvent lorsqu'Il s'emploierait le plus aux Oeuvres de la Rédemption. Les saints Anges obéissaient en cela à leur Reine avec une crainte et une révérence incroyables; parce qu'ils connaissaient que c'était la Volonté du même Seigneur, à cause du désir amoureux de Sa Très Sainte Mère. D'autres fois, Elle connaissait par l'avis des mêmes Anges ou par une vision ou une révélation spéciale du Seigneur que Sa Majesté priait dans les montagnes et faisait des demandes pour les hommes; et de sa maison, la Très Miséricordieuse Mère L'accompagnait en tout et Elle priait dans la même posture et avec les mêmes paroles. En certaines occasions Elle Lui envoyait aussi par la main de ses Anges quelque peu de nourriture à manger, lorsqu'Elle savait qu'Il n'y avait personne pour en donner au Seigneur de toutes les créatures, quoique ceci arrivât rarement; parce que Sa Très Sainte Majesté ne consentit pas, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent [c], que Sa Très Sainte Mère le fît toujours, comme Elle le désirait; et Elle ne le fit pas dans les quarante jours de jeûne; car telle était le Volonté du même Seigneur.
5, 23, 971. D'autres fois la grande Dame s'occupait à faire des cantiques de louanges et de gloire au Très-Haut; et Elle les faisait par Elle-même dans l'oraison ou dans la compagnie des saints Anges, alternant avec eux. Tous ces cantiques étaient très sublimes dans le style et très profonds dans le sens. D'autres fois Elle accourait aux nécessités du prochain à l'imitation de son Fils. Elle visitait les
infirmes, consolait les affligés, éclairait les ignorants et les rendait tous meilleurs en les remplissant de grâces et de biens Divins. Seulement dans le temps du jeûne du Seigneur, Elle demeura renfermée et retirée sans communiquer avec personne, comme je le dirai plus loin [d]. Dans cette solitude et cette retraite où se trouvait la divine Reine, notre Maîtresse, sans aucune compagnie de créatures humaine, les extases lui furent plus continuelles et plus souvent répétées, et Elle y reçut des Dons et des faveurs incomparables de la Divinité; parce que la main du Seigneur écrivait et dépeignait en Elle, comme sur une toile préparée et disposée, des formes et des dessins admirables de Ses Perfections infinies. Avec tous ces Dons et toutes ces grâces, Elle travaillait de nouveau au salut des mortels, et Elle appliquait et convertissait le tout à l'imitation la plus pleine de son Très Saint Fils, et pour L'aider comme Coadjutrice dans les Oeuvres de la Rédemption. Et quoique ces Bienfaits et l'entretien intime du Seigneur ne pussent exister sans une grande et nouvelle jubilation de l'Esprit-Saint; néanmoins, Elle souffrait conjointement dans la partie sensitive, à cause de ce qu'Elle avait désiré et demandé à l'imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme je l'ai déjà dit [e]. Elle était insatiable dans ce désir de Le suivre par la souffrance et Elle le demandait incessamment au Père Éternel avec un amour très ardent, renouvelant le Sacrifice si acceptable de la Vie des son Fils et de la sienne qu'Elle avait offerte; et dans cet acte de souffrir pour le Bien-Aimé, ses anxiétés et ses désirs étaient incessants dans lesquels Elle était si enflammée qu'Elle souffrait de ne point souffrir.
DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.
5, 23, 972. Ma très chère fille, la sagesse de la chair a rendu les hommes ignorants, insensée et ennemis de Dieu, parce qu'elle est diabolique, frauduleuse, terrestre et non soumise à la Loi divine (Rom. 8: 7): et plus les enfants d'Adam font des efforts et travaillent pour pénétrer les mauvaises fins de leurs passions charnelles et animales et les moyens pour les obtenir, plus ils ignorent les choses Divines du Seigneur pour arriver à leur véritable et dernière fin. Cette ignorance et cette prudence charnelle dans les enfants de l'Église est plus lamentable et plus
odieuse aux yeux du Très-Haut. Par quel titre les enfants de ce siècle veulent-ils s'appeler enfants de Dieu, frères de Jésus-Christ et héritiers de leurs biens? Le fils adoptif doit être autant que possible semblable au fils naturel. Un frère n'est pas d'espèce et de qualité contraire à un autre. L'héritier ne s'appelle pas héritier pour quelque part qui le regarde des biens de son père, s'il ne jouit pas des biens et de l'héritage principal. Puis comment seront héritiers avec Jésus-Christ, ceux qui n'aiment, ne désirent, ne cherchent que les biens terrestres et qui s'y complaisent? Comment ceux qui dégénèrent tant de Ses qualités, de Sa Doctrine et de Sa sainte Loi seront-ils Ses frères? Comment seront-ils semblables à Lui et conformes à Son Image, ceux qui effacent cette Image tant de fois et qui se laissent sceller si souvent de l'image (Apoc. 16: 2) de la bête infernale?
5, 23, 973. Ma fille, tu as connu ces vérités dans la Lumière divine et combien je travaillai pour m'assimiler à l'Image du Très-Haut qui est mon Fils et mon Seigneur. Et ne pense point que je t'aie donné pour rien cette connaissance si sublime de mes oeuvres, parce que mon désir est que ce mémorial reste écrit dans ton coeur, qu'il soit toujours pendant devant tes yeux et qu'avec lui tu composes ta conduite et tu règles tes oeuvres tout le temps que te reste à vivre qui ne peut être très long. Ne t'embarrasse ni ne t'enveloppe point dans le commerce et la communication avec les créatures, afin de ne point te retarder à ma suite; quitte-les, méprise-les et détourne-toi d'elles en autant qu'elles peuvent t'empêcher. Pour t'avancer à mon école, je te veux pauvre, humble, méprisée, abaissée et gardant en tout un visage et un coeur joyeux. Ne te paye pas les applaudissements et des affections des autres, n'accueille point de bienveillance humaine; car le Très-Haut ne te veut pas pour des attentions si inutiles, ni des occupations si basses et si incompatibles avec l'état où il t'appelle. Considère avec une humble attention les démonstrations d'amour que tu as reçues de Sa main, et qu'Il a employé les plus grands Trésors de Ses Dons pour t'enrichir. Lucifer, ses ministres et ses adhérents n'ignorent point cela et ils sont armés d'indignation et d'astuce contre toi, et ils ne laisseront pas une seule pierre qu'ils ne meuvent pour te détruire; et la plus grande guerre sera contre ton intérieur où il dirige la batterie de son astuce et de sa sagacité. Vis préparée et vigilante et ferme les portes de tes sens et réserve ta volonté sans lui donner de sortie pour aucune chose humaine, quelque bonne et honnête qu'elle paraisse; parce que si ton amour diminue en quelque point de ce que Dieu veut, ce peu que tu L'aimeras moins ouvrira la porte à tes ennemis. Tout le royaume de Dieu est au dedans de toi (Luc 17: 21); là tu l'auras et tu le trouveras
avec le Bien que tu désires. N'oublie point ma discipline et mon enseignement, cache-le dans ton coeur et sache que le danger et le dommage dont tu désires t'éloigner est grand et que le plus grand bien que tu puisses désirer est de participer de mon imitation et de mon image: et je suis inclinée à te l'accorder avec des entrailles de miséricorde, si tu te disposes par des pensées sublimes, des paroles saintes et des oeuvres parfaites qui te portent à l'état dans lequel, le Tout-Puissant et moi, Nous voulons te mettre.
NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 23, [a]. Livre 5, No. 990.
5, 23, b]. Livre 3, No. 152, 180; Livre 8, Nos. 614, etc.
5, 23, [c]. Livre 5, No. 958.
5, 23, [d]. Livre 5, No. 990.
5, 23, [e]. Livre 5, No. 960.
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