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Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée

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Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée - Page 6 Empty Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée

Message par sga Mar 8 Jan 2019 - 12:43

CHAPITRE 24



Le Sauveur arriva à la rivière du Jourdain où saint Jean Le baptisa, et demanda aussi à être baptisé par le même Seigneur.



5, 24, 974. Notre Seigneur laissant Sa Très Aimante Mère à Nazareth et dans sa pauvre demeure, sans compagnie de créature humaine, mais occupée aux exercices de la charité enflammée que j'ai rapportés, Sa Majesté poursuivit Son

voyage vers le Jourdain (Matt. 3: 1) où Son Précurseur prêchait et baptisait près de Béthanie, lieu situé de l'autre côté du fleuve, et qui par un autre nom s'appelle Bethabara; et dès les premiers pas que fit notre Rédempteur hors de Sa maison, Il leva les yeux vers son Père Éternel et avec Son ardente Charité, Il Lui offrit tout ce qu'Il commençait de nouveau à opérer pour les hommes, les travaux, les douleurs, la Passion et la Mort de la Croix qu'Il voulait souffrir pour eux, obéissant à la Volonté éternelle de son Père, et la douleur naturelle qu'Il sentit comme Fils véritable et obéissant à Sa Mère, en la laissant et Se privant de sa douce compagnie qu'Il avait eue pendant vingt-neuf ans. Le Seigneur des créatures allait seul, sans apparat, sans ostentation ni compagnie (Apoc. 19: 16); et le suprême Roi des rois et Seigneur des seigneurs s'en allait inconnu et non estimé de Ses propres vassaux, et tellement siens qu'ils n'avaient l'être et la conservation (Apoc. 4: 11) que par Sa seule Volonté. Son royal équipage était la souveraine pauvreté et l'extrême incommodité.

5, 24, 975. Comme les saints Évangélistes ont laissé dans le silence ces Oeuvres du Sauveur et leurs circonstances si dignes d'attention, quoiqu'elles arrivassent effectivement, et notre grossier oubli est si peu accoutumé à remercier pour celles qu'ils laissèrent écrites, pour cela nous ne raisonnons point ni nous ne considérons l'immensité de nos bienfaits et cet amour sans borne ni mesure dont il nous enrichit si copieusement et qui veut nous attirer à Lui par tant de liens de Charité (Os. 11: 4) officieuse. O amour éternel du Fils Unique du Père! O mon Bien, la vie de mon âme! Que votre ardente Charité est méconnue et peu remerciée. Pourquoi mon Seigneur et mon doux Amour, tant de sollicitudes, de délicatesses et de peines pour celui non seulement dont vous n'avez pas besoin, mais qui ne doit pas correspondre ni faire attention à Vos faveurs, pas plus que si elles étaient une erreur et un jeu? O coeur humain plus rustique et plus féroce que celui des bêtes cruelles! Qui t'a endurci de la sorte? Qui te retient? Qu'est-ce qui t'opprime et te rend si lourd et si pesant pour ne point marcher dans le bon plaisir de Dieu, ton Bienfaiteur? O enchantement et fascination lamentable de l'esprit des hommes! Quelle est cette léthargie si mortelle dont vous souffrez? Qui a effacé de votre mémoire des Vérités si infaillibles et des Bienfaits si mémorables ainsi que votre propre et véritable félicité? Si nous sommes de chair si sensible, qui nous a rendus plus insensibles et plus durs que les rocs, et les cailloux inanimés? Comment ne nous réveillons-nous point et ne recouvrons-nous point quelque sentiment par les voix qui sortent des bienfaits de notre Rédemption? A la voix

d'un prophète (Éz. 37: 10), des os desséchés reprirent vie et mouvement, et nous résistons aux paroles et aux Oeuvres de Celui qui donne la vie et l'être à tout. Tel est le pouvoir de l'amour terrestre, tel est notre oubli!



5, 24, 976. Recevez donc, maintenant, ô mon Maître, ce vil ver de terre qui, se traînant par terre, sort à la rencontre des beaux pas que Vous faites pour le chercher. Par eux Vous m'élevez en une espérance certaine de trouver en Vous, Vérité, Voie, tendresse et Vie Éternelle. Je n'ai rien à Vous offrir en échange, ô mon Bien-Aimé, sinon Votre Bonté, Votre Amour et l'être que j'en ai reçu. Le paiement pour l'infini que Vous avez opéré pour moi ne peut se faire par moins que Vous-même; ô mon Seigneur et mon Maître, veuillez ne point détourner ni éloigner la vue de Votre royale clémence de la pauvresse qui Vous cherche avec des diligences soigneuses et amoureuses. O Vie de mon âme et Âme de ma vie, quoique je n'aie pas encore été assez heureuse que de jouir de Votre vue corporelle dans ce siècle très heureux, je suis au moins fille de Votre Sainte Église, je suis une partie de ce Corps Mystique et de cette sainte Congrégation de fidèles. Je vis dans une vie dangereuse en une chair fragile, en des temps de calamités et de tribulation; mais je crie de l'abîme, je soupire de l'intime de mon coeur pour vos mérites infinis et pour y avoir part; la sainte Foi me les certifie, l'Espérance me les assure, et la Charité m'y donne droit. Regardez donc cette humble servante pour me rendre reconnaissante à tant de Bienfaits, docile de coeur, constante dans l'amour et toute à Votre agrément et à Votre plus grand bon plaisir.



5, 24, 977. Notre Sauveur poursuivit le chemin pour le Jourdain, répandant en divers endroits Ses anciennes Miséricordes avec des Bienfaits admirables qu'Il fit dans les corps et les âmes de plusieurs nécessiteux; mais toujours d'une manière cachée; parce que jusqu'à Son Baptême, Il ne leur donna point de témoignage public de Sa Puissance divine et de Sa grande excellence. Avant d'arriver en présence du Baptiste, le Seigneur envoya au coeur du Saint une nouvelle Lumière et une nouvelle jubilation qui émut et éleva son esprit et saint Jean reconnaissant ces nouveaux Bienfaits au dedans de lui-même, dit dans l'admiration: "Quel est ce mystère? Quel présage de mon Bien? Parce que depuis que j'ai connu la Présence de mon Seigneur dans le sein de ma Mère, je n'ai point senti de tels effets comme à présent. Le Sauveur du monde viendrait-Il par hasard où est-Il proche de moi?" Cette nouvelle illustration fut suivie dans le Baptiste d'une vision intellectuelle où

il connut avec une plus grande clarté le Mystère de l'union hypostatique dans la Personne du Verbe et d'autres de la Rédemption des hommes. Et en vertu de cette nouvelle Lumière, il rendit les témoignages que rapporte l'Évangéliste saint Jean, pendant que Notre-Seigneur Jésus-Christ était dans le désert, et après qu'Il en sortit et retourna au Jourdain; l'un à la demande des Juifs et l'autre lorsqu'il dit: "Ecce Agnus Dei, etc.", comme je le dirai plus loin [a]. Quoique le Baptiste eût connu auparavant de grands sacrements lorsque le Seigneur lui commanda de sortir pour prêcher et baptiser; néanmoins dans cette occasion et cette vision, ils lui furent renouvelés et manifestés avec une plus grande abondance et il connut que le Sauveur du monde venait pour être baptisé.



5, 24, 978. Sa Majesté S'approcha donc parmi les autres, et Il demanda à saint Jean de Le baptiser comme L'un d'eux. Le Baptiste Le reconnut et prosterné à Ses pieds, Le retenant il Lui dit: «Je dois être baptisé par Vous, Seigneur, et Vous venez me demander le Baptême (Matt. 3: 14)?» comme le rapporte saint Matthieu. Le Sauveur répondit: «Laissez-Moi faire maintenant ce que Je désire, car il convient ainsi d'accomplir toute Justice (Matt. 3: 15).» Dans cette résistance que le Baptiste essaya de faire pour ne point baptiser Notre-Seigneur Jésus-Christ et l'acte de Lui demander lui-même le Baptême donne à entendre qu'il Le connut pour le Messie véritable. Et cela ne contredit point ce que saint Jean rapporte du même Baptiste qui dit aux Juifs: «Je ne le connais pas (Jean 1: 33-34); mais Celui qui m'avait envoyé baptiser dans l'eau me dit: "Celui sur qui tu verras que vient sur Lui et demeure l'Esprit-Saint, c'est Celui-là qui baptise dans l'Esprit-Saint." Et je L'ai vu et j'ai rendu témoignage qu'Il est le Fils de Dieu.» La raison pourquoi il n'y a point de contradiction dans ces paroles de saint Jean avec ce que dit saint Matthieu est que le témoignage du Ciel et la voix du Père qui vint dans le désert sur Notre-Seigneur Jésus-Christ fut lorsque saint Jean Baptiste eut la vision et la connaissance que j'ai déjà dite [b]; jusque là il ne L'avait point connue comme il Le connut alors; et Le voyant non seulement corporellement, mais aussi avec la Lumière de la révélation [c], il se prosterna à Ses pieds et demanda le Baptême.



5, 24, 979. Saint Jean ayant achevé de baptiser Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Ciel s'ouvrit et l'Esprit-Saint descendit en forme visible de colombe sur Sa tête, et l'on entendit la voix du Père qui dit: «Celui-ci est Mon Fils bien-aimé (Matt. 3: 17) en qui J'ai mis Mes délices et Mes complaisances.» Plusieurs de

ceux qui étaient présents entendirent cette voix du Ciel, ceux qui n'étaient point indignes d'une faveur si admirable, et en même temps ils virent l'Esprit-Saint dans la forme qu'Il vint sur le Sauveur; ce témoignage fut le plus grand qui put être donné de la Divinité de notre Rédempteur, tant du côté du Père qui Le confessait pour Son Fils que du côté du témoignage même, puisqu'il était manifesté par tout cela que Jésus-Christ était vrai Dieu, égal à Son Père Éternel dans la Substance et les Perfections infinies. Et le Père voulut être Le premier qui rendît du Ciel témoignage à la Divinité de Jésus-Christ, afin qu'en vertu de Son propre témoignage, tous ceux qui devaient en être rendus ensuite dans le monde demeurassent autorisés. Cette voix du Père eut aussi un autre mystère revenant au crédit de Son Fils, car elle fut comme un dégagement qu'Il fit en Lui compensant l'acte de s'humilier à recevoir le Baptême qui servait de remède au péché dont le Verbe fait chair était libre, puisqu'il était impeccable (Héb. 7: 26).



5, 24, 980. Notre Rédempteur Jésus-Christ offrit au Père avec Son obéissance cet acte de S'humilier à prendre la forme de pécheur, en recevant le Baptême avec ceux qui l'étaient, Se reconnaissant, par cette obéissance, inférieur dans la nature humaine commune aux autres enfants d'Adam et instituant de cette manière le Sacrement de Baptême qui devait laver les péchés du monde en vertu de Ses mérites; et le même Seigneur S'humiliant Le premier à recevoir le Baptême des péchés, demanda et obtint du Père un pardon général (1 Pet. 3: 21) pour tous ceux qui le recevraient et qui sortiraient de la juridiction du démon et du péché et qui seraient régénérés dans le nouvel être spirituel et surnaturel d'enfants adoptifs du Très-Haut, frères du même Seigneur notre Rédempteur Jésus-Christ. Les péchés des hommes, tant les présents que les passés et les futurs que le Père Éternel avait présents dans la prescience de Sa Sagesse, eussent empêché ce remède si suave et si facile; mais Notre-Seigneur Jésus-Christ le mérita de Justice, afin que l'équité du Père l'acceptât et l'approuvât, Se montrant satisfait: quoiqu'Il connût tous ceux d'entre les mortels qui, dans le siècle présent et dans le siècle futur, abuseraient du Baptême et tant d'autres qui ne le recevraient point. Notre-Seigneur Jésus-Christ ôta tous ces empêchements et suppléa pour tout ce que les hommes feraient pour s'en rendre indignes, Il satisfit par Ses mérites, et étant innocent, Il s'humilia à Se montrer dans la forme de pécheur (Rom. 8: 3) en recevant le Baptême. Tous ces mystères furent compris dans ces paroles qu'il répondit au Baptiste: «Laissez-Moi faire maintenant ce que Je désire, car il convient d'accomplir ainsi toute Justice (Matt. 3: 15).» La voix du Père et la

Personne de l'Esprit-Saint descendirent pour accréditer le Verbe fait homme, récompenser Son humiliation, approuver le Baptême et les effets qu'il devait avoir, confesser et manifester Jésus-Christ pour Fils de Dieu véritable et faire connaître les trois Personnes au Nom desquelles le Baptême devait être donné.



5, 24, 981. Le grand Baptiste comprit alors la plus grande partie de ces merveilles et de leurs effets; car non seulement il baptisa son Rédempteur et son Maître, vit l'Esprit-Saint et le globe de Lumière Céleste qui descendit du Ciel sur le Seigneur avec une multitude innombrable d'Anges qui assistaient le Baptiste, écouta et entendit la voix du Père et connut d'autres mystères dans la vision et la révélation qui a été dite; mais outre cela il fut baptisé par le Rédempteur [d]. Et quoique l'Évangile ne dise pas autre chose, sinon qu'il le demanda (Matt. 3: 14); toutefois, il ne nie point non plus qu'il l'obtint; parce que sans doute après que Notre-Seigneur Jésus-Christ eût été baptisé, Il donna à Son Précurseur le Baptême qu'il Lui demanda, et celui que Sa Majesté institua dès lors, quoique sa promulgation générale et son usage ordinaire ne fussent institués que plus tard et il en fit un commandement aux Apôtres après qu'Il fut ressuscité (Matt. 28: 19). Le Seigneur baptisa aussi Sa Très Sainte Mère avant la promulgation du Baptême, comme je le dirai plus loin [e], où Il déclara la forme du Baptême qu'Il avait ordonné. Et J'ai compris que saint Jean fut le premier-né du Baptême de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la nouvelle Église qu'Il fondait sous ce grand Sacrement et par lui le Baptiste reçut le caractère de Chrétien et une grande plénitude de grâce, quoiqu'il n'eût point de péché originel qui dût lui être effacé; parce que le Rédempteur l'avait justifié avant sa naissance comme je l'ai déclaré en son lieu. Et ces paroles que répondit le Seigneur: «Laisse maintenant car il convient d'accomplir toute Justice,» ne fut point pour lui refuser le Baptême; mais le retarder, jusqu'à ce que Sa Majesté fût baptisée d'abord et qu'Il accomplit la Justice de la manière qui a été dit; et ensuite Il le baptisa et Il lui donna Sa bénédiction avant que Sa Majesté divine partît pour le désert.



5, 24, 982. Revenons maintenant à mon sujet et aux oeuvres de notre grande Reine et notre Maîtresse: aussitôt que son Très Saint Fils fut baptisé quoiqu'Elle eût la Lumière pour connaître les actions de Sa Majesté, les saints Anges lui donnèrent connaissance de tout ce qui était arrivé au Jourdain, et ces Anges étaient de ceux qui assistaient le même Seigneur et qui portaient les

insignes ou les devises de la Passion du Sauveur, comme je l'ai dit dans la première partie. La Très Prudente Mère fit de nouvelles hymnes et de nouveaux cantiques de louange et de reconnaissance envers le Très-Haut et le Verbe Incarné pour tous ces mystères du Baptême qu'Il avait reçu et ordonné et pour le témoignage de la Divinité; et Elle imita le divin Maître dans tous les actes d'humilité qu'Il fit, en en faisant beaucoup d'autres, L'accompagnant et Le suivant en tous. Elle pria avec une charité très fervente pour les hommes, afin qu'ils profitassent du Baptême et que ce Sacrement fut propagé par tout le monde. Outre ces prières et ces cantiques qu'Elle fit par Elle-même, Elle invita aussi les courtisans célestes à l'aider à exalter son Très Saint Fils d'avoir voulu S'humilier à recevoir le Baptême.



DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL

LA TRÈS SAINTE MARIE.



5, 24, 983. Ma fille, en ce que je t'ai répété et manifesté tant de fois les Oeuvres que mon Très Saint Fils opéra pour les hommes et combien je les remerciais et les appréciais, tu comprendras combien ce soin et cette correspondance très fidèles de ta part sont agréables au Très-Haut, et les biens occultes et très grands qui y sont renfermés. Tu es pauvre, pécheresse, petite et indigent comme la poussière dans la maison du Seigneur; mais je veux de toi que tu prennes pour ton compte de donner des actions de grâces incessantes au Verbe fait chair pour l'amour que j'eus pour les enfants d'Adam et pour la Foi sainte, immaculée, efficace et parfaite qu'Il leur donna pour leur remède, et en particulier pour l'institution du Saint Baptême par l'efficacité duquel les hommes demeurent libres du démon, et régénérés en enfants du Seigneur (Jean 3: 5) même, et avec la grâce qui les rend justes et qui les aide à ne point pécher. C'est une obligation commune à tous de remercier, mais quand les créatures L'ont presque oubliée, je te l'intime à toi afin qu'à mon imitation tu tâches de te montrer reconnaissante pour tous, ou comme si tu étais seule débitrice, puisqu'au moins tu l'es dans ces Oeuvres du Seigneur, car Il ne S'est montré aussi libéral qu'avec toi envers aucune nation et

Il t'a eue présente à Sa mémoire dans la fondation de la Loi de l'Évangile et des sacrements, et Il t'a appelée et choisie avec amour pour être fille de Son Église et pour te nourrir en elle du fruit de Son Sang.



5, 24, 984. Et si mon Très Saint Fils, l'Auteur de la grâce, pour fonder comme prudent et sage Architecte Son Église de l'Évangile et asseoir la première base de cet édifice par le sacrement de Baptême, s'humilia, pria, demanda, et accomplit cette Justice, reconnaissant l'infériorité de son Humanité très sainte; et étant Dieu par la Divinité il ne dédaigna point de s'abaisser en tant qu'homme jusqu'au néant dont son Âme très pure fut créée et Son être humain formé; comment dois-tu t'humilier toi qui as commis des péchés, et qui es moindre que la poussière et la cendre méprisée. Confesse que de Justice tu ne mérites que le châtiment, le courroux et la colère de toutes les créatures, et que nul des mortels qui a offensé le Créateur et le Rédempteur ne peut dire avec vérité qu'on lui fait tort ou injure, lors même que toutes les tribulations et les afflictions du monde depuis le commencement jusqu'à la fin lui arriveraient; et puisque tous ont péché (1 Cor. 15: 22) en Adam, combien doivent-ils s'humilier et souffrir lorsque la main du Seigneur les touche (Job 19: 21). Et si tu souffrais toutes les peines des vivants avec un coeur humble et outre cela si tu exécutais avec plénitude tous mes avertissements, mes enseignements et mes ordres tu devrais toujours te juger une servante inutile et sans profit (Luc 17: 10). Puis combien dois-tu t'humilier de tout coeur lorsque tu manques à accomplir ce que tu dois et lorsque tu demeures si arriérée à donner ce retour? Et si je veux que tu le donnes pour toi et pour tous les autres, considère bien ton obligation et prépare ton coeur en t'humiliant jusqu'à la poussière, afin de ne point résister ni te tenir satisfaite jusqu'à ce que le Très-Haut te reçoive pour Sa fille et te déclare pour telle en Sa divine Présence et en Sa vision éternelle dans la Jérusalem céleste et triomphante.



NOTES EXPLICATIVES

Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.

5, 24, [a]. Livre 5, Nos. 1010, 1017.

5, 24, b]. Livre 5, No. 977.

5, 24, [c]. Il le vit avec la lumière de la révélation intérieure et intellectuelle lorsque ce divin Sauveur S'approcha de lui et avant de le baptiser, et pour cette raison il se prosterna à Ses pieds; et il Le vit aussi par la lumière de la révélation extérieure et corporelle de l'Esprit-Saint en forme de colombe, après qu'il L'eut baptisé. Cette seconde révélation ne fut pas inutile, mais elle servit non pas tant pour lui-même que pour tous les croyants, afin qu'ils fussent confirmés dans la Foi du Christ.

5, 24, [d]. Voir Suarez, [3 p., t. 2, disp. 34, sect. 6]; et Silveira [L., III, c. 2, q. 7].

5, 24, [e]. Livre 5, No. 1030. Les théologiens s'accordent à dire que Jésus-Christ baptisa de Ses propre mains Sa Très Sainte Mère. Voir Suarez, [3 p., 2. III, disp. 18, sect. 3, et t. III, disp. 19, sect. 1]. Aussi Cornelius A. Lapide et autres.
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Message par sga Ven 18 Jan 2019 - 15:42

CHAPITRE 25



Après son Baptême Notre Seigneur S'achemine vers le désert où Il S'exerce en de grandes victoires des vertus contre nos vices: Sa Très Sainte Mère en a connaissance et Elle L'imite en tout parfaitement.


5, 25, 985. Avec le témoignage que la Vérité suprême avait donné dans le Jourdain de la Divinité de notre Sauveur et notre Maître Jésus-Christ, Sa Personne et la Doctrine qu'Il devait prêcher demeurèrent si accréditées qu'Il eût pu commencer aussitôt à prêcher et à Se faire connaître par cette Doctrine ainsi que par les miracles, les Oeuvres et la Vie qui devaient la confirmer, afin que tous le connussent pour le Fils naturel du Père Éternel, pour le Messie d'Israël et le Sauveur du monde. Néanmoins le divin Maître de la sainteté ne voulut point commencer Sa prédication, ni être reconnu pour notre Réparateur sans avoir remporté d'abord le triomphe sur nos ennemis, le monde, le démon et la chair, afin de triompher ensuite des erreurs qu'ils forment toujours; et par les Oeuvres de Ses vertus héroïques, de nous donner les premières leçons de la vie Chrétienne et spirituelle et de nous enseigner par Ses victoires à combattre et à vaincre, ayant d'abord écrasé par elles les forces de ces ennemis communs, afin que notre faiblesse les trouvât plus débilités si nous ne voulions nous livrer à eux et leur restituer leurs forces par notre propre volonté. Et quoique Sa Majesté en tant que Dieu fût infiniment supérieur au démon et qu'en tant qu'homme il n'eût point non plus ni artifice, ni péché (1 Pet. 2: 22), mais une Sainteté et un domaine souverain sut toutes les créatures; Il voulut néanmoins comme homme Saint et Juste vaincre les vices et leur auteur, offrant Son Humanité Très Sainte au conflit de la tentation, dissimulant pour cela Sa Supériorité qu'il avait sur les ennemis invisibles.


5, 25, 986. Notre Seigneur vainquit le monde par la retraite et il nous enseigna aussi à le vaincre: car bien qu'il soit vrai que le monde a coutume d'abandonner ceux dont il n'a pas besoin pour ses fins terrestres, et quand les hommes ne le cherchent pas il ne va pas non plus après eux; néanmoins celui qui le méprise véritablement doit le montrer, en s'éloignant de lui par l'affection et les oeuvres autant qu'il lui est possible. Sa Majesté vainquit aussi la chair en nous enseignant à la vaincre par la pénitence d'un si long jeûne dont Il affligea son Corps très innocent; quoiqu'Il n'eût point de rébellion en ce qui regarde le bien, ni de passion qui L'inclinât au mal. Il vainquit le démon par la Doctrine et la Vérité parce que toutes les tentations de ce père du mensonge ont coutume de venir masquées et vêtues d'une tromperie astucieuse. Notre Rédempteur en ne sortant point pour la prédication et en ne Se faisant point connaître au monde avant ces triomphes qu'Il remporta, mais seulement après, nous donne un autre enseignement et une autre désillusion du danger où se trouve notre fragilité en acceptant les honneurs du monde, quoiqu'ils soient pour des faveurs reçues du

Ciel, quand nous ne sommes pas morts aux passions et quand nous n'avons pas encore vaincu nos ennemis communs; parce que si les applaudissements des hommes nous trouvent immortifiés, vivants, et avec des ennemis domestiques au dedans de nous, les faveurs et les Bienfaits du Seigneur auront peu de sécurité, puisque ce vent de la vaine gloire du monde a coutume d'entraîner enfin les plus lourdes montagnes. Ce qui nous concerne tous est de connaître que nous avons notre trésor en des vases fragiles (2 Cor. 4: 7), et que lorsque Dieu veut exalter la vertu de Son Nom dans notre faiblesse Il sait avec quel moyen Il doit l'assurer et tirer Ses Oeuvres à la lumière. A nous, il nous incombe et nous appartient seulement la crainte et la modestie.
 

5, 25, 987. Notre Seigneur Jésus-Christ poursuivit son chemin depuis le Jourdain au désert, sans S'arrêter après qu'Il eut pris congé du Baptiste, assisté et accompagné seulement des Anges qui Le servaient et Le vénéraient comme leur Roi et leur Seigneur par des cantiques de louanges divines, pour les Oeuvres qu'Il exécutait pour le remède de la nature humaine. Il arriva au poste que Sa volonté avait déjà préfixé (Matt. 4: 1), qui était un endroit inhabité, entre des buissons et des roches stériles, et là il y avait une grotte ou caverne très cachée où il fit halte et Il la choisit pour Sa demeure pendant les jours de Son saint jeûne. Il Se prosterna en terre avec une humilité très profonde et Il S'abaissa jusqu'à la poussière, ce qui était toujours le premier acte que faisait Sa Majesté et la Bienheureuse Mère pour commencer à prier. Il confessa le Père Éternel et Lui rendit grâces des Oeuvres de Sa divine Droite et de Lui avoir donné par Son bon plaisir ce poste et cette solitude accommodés pour Sa retraite et Il remercia le désert même à Sa manière, de L'accepter et de Le recevoir pour Le garder caché du monde le temps qu'il convenait qu'il le fût. Sa Majesté continua Son oraison en forme de Croix, et telle fut l'occupation la plus ordinaire qu'Il eût dans ce désert, priant le Père Éternel pour le salut du monde, et quelquefois Il suait le Sang dans ces prières pour la raison que je dirai quand j'arriverai à l'oraison du Jardin.


5, 25, 988. Plusieurs animaux sauvages de ce désert vinrent où était leur Créateur [a] car quelquefois le divine Maître sortait par ces champs, et là ils Le reconnaissaient avec un instinct admirable, et ils jetaient des hurlements et ils faisaient d'autres mouvements comme en témoignage de cela. Il vint une grande multitude d'oiseaux du ciel en la Présence du Seigneur qui Lui manifestèrent de la

joie et Le fêtèrent à leur manière avec différents cantiques très doux; et ils insinuaient la reconnaissance de L'avoir pour voisin dans ce désert qu'Il laisserait sanctifié par Sa royale et divine Présence. Sa Majesté commença le jeûne sans manger aucune chose pendant les quarante jours qu'Il y persévéra, et Il l'offrit au Père Éternel en compensation des désordres et des vices que les hommes commettraient par celui de la gourmandise quoiqu'il soit si vil et si abject; néanmoins, ce vice est très reçu et très honoré dans le monde à face découverte; et de la manière que Notre-Seigneur Jésus-Christ vainquit ce vice Il vainquit tous les autres, et Il compensa pour les injures que le suprême Législateur et Juge des hommes en recevrait. Selon l'intelligence qui m'en a été donnée, notre Sauveur, pour entrer dans Son office de Prédicateur et de Maître, et pour faire celui de Rédempteur et de Médiateur auprès du Père, vainquit tous les vices des mortels et compensa pour leurs offenses par l'exercice des vertus contraires au monde, comme il compensa pour notre gourmandise par Son jeûne; et quoiqu'Il fit cela, tout le temps de Sa Très Sainte Vie avec Son ardente Charité, néanmoins Il destina à cette fin des Oeuvres de valeur infinie pendant Son jeûne dans le désert.


5, 25, 989. Et comme un amoureux père de plusieurs enfants qui ont tous commis de grands péchés, pour lesquels ils méritent d'horribles châtiments, offre sa fortune pour satisfaire pour eux tous et préserver ses enfants délinquants de la peine qu'ils devaient recevoir; de même notre amoureux Père et Frère Jésus payait nos dettes et satisfaisait pour elles; et surtout Il offrait Sa très profonde humilité en compensation de notre orgueil; Sa pauvreté volontaire et Son dénuement de toute chose en propre pour notre avarice; Sa pénitence et Ses mortifications pour les honteux plaisirs des hommes; Sa douceur et Sa charité envers les ennemis, pour la colère et la vengeance; Sa très diligente sollicitude pour notre paresse et notre lenteur; Sa vérité, la douceur de Son amour et de Sa conversation et Sa très candide sincérité de colombe pour les faussetés des hommes et leur envie. De cette manière Il apaisait le juste Juge et Il sollicitait le pardon des enfants bâtards et désobéissants; et non seulement Il leur obtint le pardon, mais Il leur mérita une grâce nouvelle de Dons et de secours nouveaux, afin que nous méritassions par eux Sa compagnie éternelle, la vue de Son Père et la Sienne dans la participation et l'héritage de Sa gloire pendant toute l'éternité. Et lorsqu'Il pouvait obtenir tout cela avec la moindre de Ses Oeuvres, Il ne fit point ce que nous eussions fait; au contraire Son amour surabonda en tant de démonstration, afin que notre ingratitude et notre dureté n'eût point d'excuse.
 

5, 25, 990. Pour donner connaissance à la Bienheureuse Mère de tout ce que le Sauveur faisait, la Lumière divine qu'Elle avait ainsi que ses visions et ses révélations eussent pu suffire; mais son amoureuse sollicitude ajoutait en outre les légations ordinaires qu'Elle envoyait à son Très Saint Fils par les saints Anges. Le Seigneur le disposait ainsi, afin que par le moyen de ces très fidèles ambassadeurs, Leurs sens à tous Deux entendissent réciproquement les mêmes raisons que Leurs Coeurs formaient, car les Anges les rapportaient ainsi; et avec les mêmes paroles qui sortaient de la bouche de Jésus pour Marie et de Marie pour Jésus quoique le même Seigneur et aussi Sa Très Sainte Mère les eussent déjà entendues et sues d'une autre manière. Aussitôt que la grande Dame eut connaissance que notre Sauveur était dans le chemin vers le désert et qu'Elle connut Son intention, Elle ferma les portes de sa maison, sans que personne ne pût comprendre si Elle y était, et sa réserve fut telle dans cette solitude que les voisins mêmes pensèrent qu'Elle s'était absentée comme Son Très Saint Fils. Elle se recueillit dans son oratoire et Elle y demeura quarante jours et quarante nuits sans en sortir et sans manger aucune chose, comme Elle savait que son Très Saint Fils le faisait, gardant tous Deux la même forme et la même rigueur de jeûne b]. Dans les autres opérations: oraisons, demandes, prosternations et génuflexions, Elle imita et accompagna le Sauveur en tout sans rien omettre, et ce qui plus est, Elle faisait toutes ces Oeuvres dans le même temps, parce qu'elle se désoccupa de tout pour cela: et outre les avis que les Anges lui donnaient, Elle le connaissait par le Bienfait que j'ai rapporté d'autres fois [c], de connaître toutes les opérations de l'Âme de son Très Saint Fils, car Elle jouit de ce Bienfait également quand Il était présent ou quand Il était absent, et les actions corporelles qu'Elle connaissait auparavant lorsqu'Ils étaient ensemble, Elle les connaissait, absent, par les visions intellectuelles, ou les Anges les lui manifestaient.


5, 25, 991. Notre-Seigneur faisait chaque jour trois cents génuflexions ou prosternations le temps qu'il passa dans le désert [d], et la Reine-Mère en faisait autant dans son oratoire; et le temps qui lui restait Elle le passait d'ordinaire à faire des cantiques avec les Anges comme je l'ai dit dans le chapitre précédent. La divine Reine coopéra par cette imitation de Notre-Seigneur à toutes les oraisons et les impétrations que fit le Sauveur, Elle obtint les mêmes victoires sur les vices, et Elle compensa respectivement pour es vices par ses héroïques vertus et par les

triomphes qu'Elle remporta avec elles; de manière que si Notre-Seigneur Jésus-Christ nous mérita tant de Biens et compensa et paya nos dettes très condignement, la Très Sainte Marie, comme Sa Coadjutrice et notre Mère, interposa avec Lui sa très miséricordieuse intercession, et Elle fut Médiatrice autant qu'il était possible à une pure Créature.


DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE NOTRE MAÎTRESSE.



5, 25, 992. Ma fille, les oeuvres pénales du corps sont si propres et si légitimes à la créature mortelle que l'ignorance de cette vérité et de cette dette et l'oubli et le mépris de l'obligation d'embrasser la Croix a perdu plusieurs âmes et en tient d'autres dans le même danger. Le premier titre pourquoi les hommes doivent affliger et mortifier leur chair est d'avoir été conçus dans le péché (Ps. 50: 7) et toute la nature humaine en demeura dépravée, ses passions rebelles à la raisons, inclinées au mal et répugnant à l'esprit (Rom. 7: 23); et en les laissant suivre leur propension elles entraînent l'âme, la précipitant d'un vice en plusieurs autres. Mais si cette bête féroce est refrénée et assujettie par le frein de la mortification et des pénalités elle perd ses forces, et la raison et la lumière de la Vérité a le dessus. Le second titre est parce qu'aucun des mortels n'a laissé de pécher contre le Dieu éternel; et à la faute doit indispensablement correspondre la peine et le châtiment en cette vie ou en l'autre; et l'âme et le corps péchant ensemble doivent être en toute rectitude de justice, châtiés ensemble; et la douleur intérieure ne suffit pas si, pour ne point souffrir on épargne à la chair la peine qui lui correspond; et comme la peine est si grande et la satisfaction du coupable si limitée et si rare, il ne doit point se reposer jusqu'à la fin ne sachant point combien il aura satisfait au Juge quoiqu'il travaille toute sa vie.


5, 25, 993. Et quoique la clémence Divine soit si libérale envers les hommes que s'ils veulent satisfaire pour leurs péchés par la pénitence, selon le peu qu'ils peuvent, non seulement Sa Majesté Se donne pour satisfaite des offenses reçues, mais en outre le Seigneur voulut S'obliger par Sa parole à leur donner de nouveaux Dons et des récompenses éternelles; mais les serviteurs fidèles et

prudents qui aiment véritablement leur Seigneur doivent tâcher d'ajouter d'autres oeuvres volontaires, parce que le débiteur qui ne pense qu'à payer ce qu'il doit sans faire rien de plus, n'aura plus rien après qu'il aura payé et il demeurera pauvre et sans aucun capital. Que doivent donc faire et espérer ceux qui ne payent point et qui ne font point d'oeuvres pour cela? Le troisième titre et qui doit obliger davantage les âmes, c'est de suivre leur divin Maître et leur Seigneur; et quoique sans avoir de péché ni de passion, mon Très Saint Fils et moi Nous Nous sommes sacrifiés au travail et toute Notre Vie a été une mortification et une affliction continuelle de la chair, parce qu'il convenait que le Seigneur entrât ainsi dans la gloire (Luc 24: 26) de Son Corps et de Son Nom et que je Le suivisse en tout. Puis si Nous avons fait cela, Nous, parce que c'était convenable, quelle est la raison des hommes de chercher un autre chemin de vie douce, molle, délectable et selon leur goût, puis d'abandonner et d'abhorrer toutes les peines, les affronts, les ignominies, les jeûnes et les mortifications? Et que ce soit seulement pour mon Fils et mon Seigneur Jésus-Christ et moi de les souffrir, puis que les coupables, les débiteurs et ceux qui méritent des peines demeurent les bras croisés, livrés aux vilaines inclinations de la chair? Et qu'ils appliquent les puissances qu'ils ont reçues pour les employer au service de Jésus-Christ mon Seigneur et à mon imitation au service de leurs plaisirs et du démon qui les a introduits? Cette absurdité générale parmi les enfants d'Adam a beaucoup irrité l'indignation du Juste Juge.


5, 25, 994. Il est vrai, ma fille, que le manque de mérites humains a été réparé par les peines et les afflictions de mon Très Saint Fils; et afin que moi, qui étais pure Créature, je pusse coopérer avec Sa Majesté comme tenant la place de tous les autres, Il m'ordonna de L'imiter parfaitement et exactement dans Ses peines et Ses exercices; mais au contraire pour les y provoquer, puisque pour satisfaire seulement pour eux il n'était pas nécessaire de tant souffrir. Mon Très Saint Fils voulut aussi, comme Père et Frère véritable, donner du prix aux oeuvres et aux pénitences de ceux qui Le suivraient; parce que toutes les opérations des créatures sont de peu d'appréciation aux yeux de Dieu, si elles ne la reçoivent de celles que fit mon Très Saint Fils. Et si cela est vrai quant aux oeuvres vraiment vertueuses et parfaites, que sera-ce de celles qui portent avec elles tant de fautes et de manquements, quoiqu'elles soient matières de vertus, comme vous les faites d'ordinaire, vous, les enfants d'Adam, puisque les plus spirituels et les plus justes même ont beaucoup à suppléer et à amender dans leurs oeuvres? Celles de mon Seigneur Jésus-Christ comblèrent tous ces défauts, afin que le Père les reçut avec

les Siennes; mais celui qui ne s'occupe d'en faire aucune, mais qui demeure oisif et les bras croisés ne peut pas non plus s'appliquer celles de son Rédempteur, puisqu'il n'a rien à combler et à perfectionner avec elles, mais beaucoup à condamner. Et je ne te dis pas maintenant, ma fille, l'erreur exécrable de certains fidèles qui ont introduit la sensualité et la vanité du monde dans les oeuvres de pénitence, de manière qu'ils méritent un plus grand châtiment pour la pénitence que pour d'autres péchés, puisqu'ils joignent aux oeuvres pénales des fins vaines et imparfaites, oubliant les oeuvres surnaturelles qui sont celles qui donnent du mérite à la pénitence et la vie de la grâce à l'âme. S'il est nécessaire je parlerai de cela dans une autre occasion: maintenant sois avertie pour pleurer cet aveuglement, et enseignée pour travailler et souffrir; et quand tu pourrais faire autant que les Apôtres, les Martyrs et les Confesseurs, tu dois tout cela, et du dois toujours châtier ton corps et étendre tes forces pour faire davantage, et penser qu'il te manque beaucoup, surtout la vie étant si courte et toi si faible pour payer.

N

OTES EXPLICATIVES

Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.

5, 25, [a]. Saint Marc écrit que dans le désert Jésus-Christ était avec les bêtes sauvages et que les Anges Le servaient.

5, 25, b]. Nous lisons la même chose de quelques Pères du désert quoiqu'ils fussent si inférieures à Marie en sainteté.

5, 25, [c]. Livre 5, No. 481, 534.

5, 25, [d]. Dans l'office de saint Patrice, apôtre de l'Irlande, l'Église nous rappelle de ce Saint quelque chose de semblable. Et vraiment il ne fallait rien moins pour abaisser la hauteur indomptable du coeur humain. Et Jésus-Christ
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Message par sga Jeu 7 Fév 2019 - 12:55

CHAPITRE 26 


Notre Seigneur Jésus-Christ permet d'être tenté par Lucifer après le jeûne: Sa Majesté le vainc et Sa Très Sainte Mère a connaissance de tout. 


5, 26, 995. Dans le chapitre 20 de ce livre, j'ai dit comment Lucifer sortit des cavernes infernales à la recherche de notre divin Maître pour Le tenter; et que Sa Majesté Se cacha de lui jusqu'au désert où, après le jeûne de presque quarante jours Il permit que le tentateur s'approchât (Matt. 4: 1 etc.), comme dit l'Évangile. Il arriva au désert et voyant Celui qu'il cherchait seul, il se réjouit beaucoup; parce qu'il était sans sa Très Sainte Mère que lui et ses ministres d'iniquité appelaient leur ennemie à cause des victoires qu'Elle remportait contre eux; et comme ils n'étaient pas entrées au combat avec notre Sauveur, l'orgueil du dragon présumait que la Très Sainte Mère étant absente, il tenait le triomphe du Fils assuré. Mais s'approchant pour reconnaître de près le Combattant, ils sentirent tous une grande crainte et une grande timidité; non pas qu'ils Le reconnussent comme Dieu véritable, car ils n'en avaient aucun soupçon, Le voyant si méprisé; ils n'avaient pas non plus éprouvé leurs forces avec Lui, mais seulement avec l'Auguste Mère; néanmoins rien que de Le voir si tranquille, avec un air si plein de Majesté et des Oeuvres si parfaites et si héroïques, cela les mit en de grandes craintes et un grand abattement, parce que ces actions et ces conditions n'étaient pas de celles qui sont ordinaires aux autres hommes qu'ils tentent et vainquent plus facilement. Lucifer conférant sur ce point avec ses ministres leur dit: «Quel est cet homme si sévère pour les vices dont nous nous servons contre les autres? S'Il a tellement oublié le monde et écrasé et assujetti Sa chair, par où entrerons-nous pour Le tenter? Oh! comment espérons-nous la victoire s'Il nous a ôté les armes avec lesquelles nous faisons la guerre aux hommes? J'ai bien peu de confiance de ce combat.» C'est ce que vaut et peut le mépris des choses de la terre et la soumission de la chair qui donne de la terreur au démon et à tout l'enfer; leur orgueil ne s'.élèverait pas tant s'ils ne trouvaient pas les hommes déjà soumis à ces tyrans infâmes avant qu'ils s'approchent pour les tenter. 
5, 26, 996. Notre-Seigneur Jésus-Christ laissa Lucifer dans son erreur de Le juger un pur homme, quoique très Juste et très Saint, afin qu'il augmentât ainsi sa malice et ses efforts dans le combat, comme il le fait quand il reconnaît ces avantages en ceux qu'il veut tenter. Et le dragon s'efforçant avec sa propre arrogance, le duel commença dans cette campagne du désert avec la plus grande vaillance que l'on n'avait jamais vue auparavant et que l'on ne verra jamais après dans le monde entre hommes et démons; parce que Lucifer et ses alliés étrennèrent tout leur pouvoir et leur malice, leur propre colère et leur propre fureur les provoquant contre la vertu supérieure qu'ils reconnaissaient en Jésus-Christ NotreSeigneur, quoique Sa très haute Majesté tempérât Ses actions comme Sagesse Souveraine et Bonté infinie, et qu'avec poids et équité Il cachât la cause originale de Sa Puissance infinie, manifestant ce qui suffisait avec la sainteté d'un homme pour remporter les victoires sur Ses ennemis. Pour entrer comme homme dans le combat, Il fit une oraison au Père dans la partie supérieure de Son Esprit où la connaissance du démon n'arrive point [a] et Il dit à Sa Majesté: «O Mon Père et Mon Dieu Éternel, J'entre en combat avec Mon ennemi pour écraser ses forces et son orgueil contre Vous et contre Mes âmes chéries: et pour Votre gloire et leur bien Je veux M'assujettir à souffrir l'audace de Lucifer et d'écraser la tête de son arrogance afin que les mortels la trouvent vaincue quand ils seront tentés par ce serpent, s'ils ne se livrent pas à lui par leur faute. Je Vous supplie, Mon Père, de Vous souvenir de Mes combats et de Mes victoires lorsque les hommes seront affligés par l'ennemi commun et de conforter leur faiblesse, afin qu'en vertu de ce triomphe, ils obtiennent eux aussi le leur, qu'ils s'animent par Mon exemple et qu'ils connaissent la manière de résister à leurs ennemis et de les vaincre.» 
5, 26, 997. Les esprits souverains étaient à la vue de ce combat, mais cachés par la disposition Divine, afin que Lucifer ne les vît point et qu'il ne comprit ni ne découvrît le pouvoir Divin de Notre-Seigneur Jésus-Christ; et ils rendaient tous louange et gloire au Père et à l'Esprit-Saint qui Se complaisaient dans les Oeuvres admirables du Verbe fait chair; la Bienheureuse Vierge Le regardait aussi de son oratoire comme je le dirai ensuite. C'était le trente-cinquième jour [b du jeûne et de la solitude de Notre Sauveur que le combat commença et il dura jusqu'à ce que les quarante jours que dit l'Évangéliste fussent accomplis. Lucifer se manifesta, se présentant sous une forme humaine comme s'il ne L'avait ni vu ni connu auparavant; et la forme qu'il prit pour son intention fut de se transformer en apparance très resplendissante comme un Ange de Lumière; et pensant et connaissant qu'après un si long jeûne le Seigneur était pressé par la faim, il lui dit: «Si tu es le Fils de Dieu, change ces pierres en pain par Ta parole (Matt. 4: 3).» Il Lui proposa s'Il était le Fils de Dieu, parce que c'était ce qui pouvait lui donner le plus de souci et il désirait quelque indice pour Le reconnaître. Mais le Sauveur du monde lui répondit ces seules paroles: «L'homme ne vit pas seulement de pain; mais aussi de la parole qui procède de la bouche de Dieu (Matt. 4: 3).» Le Sauveur prit ces mots du chapitre 8 du Deutéronome. Mais le démon ne pénétra point le sens dans lequel le Sauveur les dit; parce que Lucifer les comprit dans le sens que sans pain ni aliment corporel, Dieu peu sustenter la vie de l'homme. Néanmoins, quoique ceci soit vrai et que les paroles aussi le signifiaient, le sens du divin Maître comprenait davantage; car ce fut comme s'Il lui eût dit: Cet homme avec qui tu parles vit dans la Parole de Dieu qui est le Verbe divin à qui Il est hypostatiquement uni; et quoique le démon désirât savoir cela même, il ne mérita point de le comprendre, parce qu'il n'avait pas voulu L'adorer. 
5, 26, 998. Lucifer se trouva attaché par la force de cette réponse et la vertu cachée qu'elle renfermait; néanmoins il ne voulut point montrer de faiblesse ni se désister du combat. Et le Seigneur par Sa permission donna lieu à ce qu'il poursuivît dans la lutte et Le portât à Jérusalem où il Le mit sur le pinacle du Temple d'où l'on découvrait un grand nombre de personnes sans que le Seigneur fût vu d'aucune [c]. Le démon Lui proposa à l'imagination que si on Le voyait tomber de si haut sans recevoir de lésion Il serait acclamé comme grand, miraculeux et saint; et se servant encore de l'Écriture, il Lui dit (Matt. 4: 6): «Si Tu es le Fils de Dieu jette-Toi en bas, car il est écrit (Ps. 90: 11): "Les Anges Te porteront dans leurs mains," «comme Dieu le leur a commandé et Tu ne recevra aucun mal.» Les esprits souverains accompagnaient leur Roi dans l'admiration et l'étonnement de la permission Divine de Se laisser porter corporellement par les mains de Lucifer, seulement pour le Bienfait que devait en résulter pour les hommes. Les démons qui assitaient à cet acte avec le prince des ténèbres étaient innombrables; parce qu'en ce jour l'enfer demeura presque dépeuplé, car ils étaient tous là, pour aider à cette entreprise. L'Auteur de la Sagesse répondit (Matt. 4: 7): «Il est écrit aussi: "Tu ne tentera point le Seigneur ton Dieu."» Dans ces réponses le Rédempteur du monde était avec une mansuétude incomparable, une humilité très profonde et si supérieur au démon dans la majesté et la fermeté, qu'avec cette grandeur l'orgueuil indompté de Lucifer se troubla davantage en Le voyant ne Se troubler de rien, et ce lui fut un nouveau tourment et une nouvelle oppression. 5, 26, 999. Il intenta un nouvel artifice pour assaillir le Seigneur du monde par l'ambition en Lui offrant quelque partie de son domaine [d], et pour cela il Le porta sur une haute montagne d'où l'on découvrait plusieurs pays et il Lui dit avec audace et perfidie: «Je Te donnerai toutes ces choses que Tu voies su Tu m'adores prosternés en terre (Matt. 4: 9).» Exorbitante arrogance et plus qu'insanité, mensonge et fausseté perfide| parce qu'il promettait ce qui ne lui appartenait pas et ce qu'il ne pouvait donner; puisque la terre, les globes, les royaumes, les principautés, les trésors et les richesses, tout est au Seigneur , et Sa Majesté le donne et l'ôte à qui il Lui plaît et quand il Lui plaît. Lucifer ne put jamais promettre aucun bien, même des biens terrestres et temporels qui fût sien, c'est pourquoi toutes ses promesses sont fausses. A celle-ci qu'il fit à notre Roi et notre Seigneur, Sa Majesté répondit avec un pouvoir impérieux (Matt. 4: 10): «Retiretoi, Satan, car il est écrit (Deut. 6: 13): "Tu adoreras ton Dieu et ton Seigneur et tu ne servira que Lui seul."» En cette parole: "Retire toi, Satan," que dit notre Rédempteur Jésus-Christ, Il ôta au démon la permission qu'Il lui avait donnée de Le tenter, et avec un empire puissant Il précipita Lucifer et tous ses escadrons de méchanceté dans le plus profond de l'enfer et là ils furent fixés, amarrés dans les cavernes les plus souterraines, l'espace de trois jours sans se mouvoir, car ils ne le pouvaient. Et après qu'il leur fut permis de se relever, se trouvant si écrasés et avec si peu de forces, ils commencèrent à soupçonner que Celui qui les avait atterrés et vaincus donnait des indices d'être le Fils de Dieu fait homme. Ils procédèrent dans ces doutes, d'une manière variable sans s'assurer entièrement de la vérité, jusqu'à la mort du Sauveur. Mais Lucifer se désespérait du mal qui lui était résulté de cette entreprise et il se morfondait dans sa propre fureur. 
5, 26, 1000. Notre Vainqueur divin, Jésus-Christ, confessa le Père Éternel et L'exalta par de Divins cantiques avec des louanges et des actions de grâces pour le triomphe qu'Il Lui avait donné sur l'ennemi commun du genre humain; et Il fut restitué au désert [e] par une grande multitude d'esprits célestes qui Lui chantaient de doux cantiques pour cette victoire. Ils Le portaient dans leurs mains alors, quoiqu'Il n'en eût pas besoin, usant de Sa propre vertu; mais ce service des Anges Lui était dû, comme en récompense de l'audace de Lucifer d'avoir osé porter au pinacle du Temple et sur la montagne cette Humanité très sainte où la Divinité demeurait substantiellement et véritablement. Il n'aurait jamais pu venir à la pensée humaine que Notre-Seigneur Jésus-Christ aurait donné une telle permission à Satan, si l'Évangile ne l'avait pas dit. Mais je ne sais quelle est la plus grande cause d'admiration pour nous, qu'Il consentit à être porté d'un côté et de l'autre par Lucifer qui ne Le connaissait pas, ou bien à être vendu par Judas et à Se laisser recevoir sacramenté par ce mauvais Disciple et par tant de Catholiques pécheurs qui Le connaissant pour leur Seigneur et leur Dieu Le reçoivent si injurieusement. Ce que nous devons admirer certainement est qu'Il permît l'un et l'autre et qu'Il le permette encore maintenant pour notre bien et pour nous obliger et nous attirer à Lui par la mansuétude et la patience de Son Amour. O mon Très Doux Maître! combien Vous êtes suave, bénin et miséricordieux (Joël 2: 13) pour les âmes! Vous êtes descendu du Ciel en terre par amour pour elles, Vous avez souffert, Vous avez donné Votre Vie pour leur salut. Dans Votre Miséricorde, Vous les attendez et les supportez, Vous les appelez et les cherchez, Vous les recevez et Vous entrez dans leur coeur, Vous êtes tout pour elles et Vous les voulez pour Vous. Ce qui me brise et me transpere le coeur, c'est que lorsque Votre véritable affection nous attire, nous fuyons loin de Vous et nous répondons par des ingratitudes à une si grande délicatesse. O immense Amour de mon doux Maître si peu remercié et si mal payé! Donnez, Seigneur, des larmes à mes yeux pour pleurer une cause si digne d'être pleurée et que tous les justes de la terre m'aident en cela. Sa Majesté étant restitué au désert, l'Évangile dit que les Anges Le servaient (Matt. 4: 11); parce qu'à la fin de Ses tentations et de Son jeûne ils Lui servirent un manger céleste, afin qu'Il mangeât, comme Il le fit, et que son Corps sacré recouvrât de nouvelles forces naturelles par ce divine aliment: il n'y eut pas que les Anges qui assitèrent à Son repas et qui Lui donnèrent des félicitations; mais les oiseaux du désert accoururent aussi pour récréer les sens de leur Créateur fait homme par des cantiques et des vols très gracieux et concertés; et les bêtes de la montagne le firent aussi à leur manière, se dépouillant de leur férocité et formant des cris et des mouvements agréables, en reconnaissance envers leur Seigneur. 
5, 26, 1001. Retournons à Nazareth où la Princesse des Anges dans son oratoire était attentive au spectacle des combats de son Très Saint Fils, les regardant avec une Lumière divine de la manière que j'ai dite, et recevant conjointement de continuelles ambassades par ses Anges mêmes qui allaient avec elles au Sauveur du monde et qui en revenaient. La grande Reine fit les mêmes oraisons et en même temps que son Tres Saint Fils pour entrer dans le conflit de la tentation, et Elle combattit conjointement avec le dragon, quoique invisiblement et en esprit. Elle anathématisa et écrasa Lucifer et ceux de sa suite dans Sa retraite, coopérant en tout avec les actions de Notre-Seigneur Jésus-Christ en notre faveur. Lorsqu'Elle connut que le démon portait le Sauveur d'un côté et de l'autre, Elle pleura amèrement, de ce que la malice du péché obligeait le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs à une telle permission; puis Elle fit de nouveaux cantiques et des louanges à la Divinité et à la Très Sainte Humanité en toutes les victoires qu'Il remportait sur le démon; et les Anges chantaient ces mêmes cantiques au Seigneur, et par eux la grande Reine Lui envoya les contratulations pour la victoire et le Bienfait qu'Il faisait par elle à tout le genre humain; et Sa Majesté la consola par le moyen des mêmes Ambassadeurs et lui fit aussi Ses félications de ce qu'Elle avait travaillé et opéré contre Lucifer, imitant et accompagnant Sa Majesté. 
5, 26, 1002. Puis ayant été la compagne fidèle et participante du jeûne et de la peine, il était juste qu'Elle fût aussi de la consolation; ainsi son très aimant Fils lui envoya de la nourriture que les Anges Lui avait servie, et Il leur commanda de la porter et de la servir à Sa Très Sainte Mère: et ce fut une chose admirable qu'une grande multitude des mêmes oiseaux qui assitaient en présence du Seigneur s'en allèrent après les Anges à Nazareth, quoiqu'avec un vol plus lent, mais très léger, et ils entrèrent dans la maison de la grande Reine et Souveraine du Ciel et de la terre; et pendant qu'Elle mangeait la nourriture que son Très Saint Fils lui avait remise par les Anges, ils se présentèrent à Elle avec les mêmes chants et les mêmes ramages qu'ils avaient faits en présence du Sauveur. La divine Mère mangea de cet aliment céleste, déjà amélioré en tout, comme venant des mains de Jésus-Christ même et béni par elles; Elle demeura par cette nourriture récréée et fortifiée dans les effets d'un jeûne si long et si abstinent [f]. Elle rendit grâces au Tout-Puissant, et Elle s'humilia jusqu'à terre; et les actes dans lesquels cette Auguste Reine s'exerça dans le jeûne et les tentations de Jésus-Christ furent si admirables et si nombreux qu'il n'est pas possible de réduire en paroles ce qui surpasse notre raisonnement et notre capacité; nous le verrons dans le Seigneur quand nous jouirons de Lui, et alors nous Lui rendrons la gloire et la louange pour des Bienfaits si admirables que tout le genre humain Lui doit. 

DEMANDE QUE JE FIS À LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE. 
5, 26, 1003. Reine de tous les cieux et Souveraine de l'Univers, la bonté de Votre clémence me donne confiance de venir Vous proposer comme à une Mère et à une Maîtresse, un doute qui se présente à moi, sur ce que, dans ce chapitre et d'autres votre Lumière divine et Votre enseignement m'a manifesté de ce manger céleste que les saints Anges administrèrent à notre Sauveur dans le désert, car je comprends qu'il aura été de la même qualité des autres, que j'ai entendu et écrit qu'ils servirent à Sa Majesté et à Vous en certaines occasions où l'aliment commun de la terre Vous manquait par la disposition du Seigneur Lui-même. Et je l'ai appelé manger céleste, parce que je n'ai point d'autres termes pour m'expliquer et je ne sais si celui-ci est à propos; parce que je doute d'où venait cette nourriture et quelle qualité elle avait; et dans le Ciel je n'ai point compris qu'il y ait du manger pour nourrir les corps, puisque cette manière de vie et d'aliment terrestre ne sera pas là nécessaire. Et quoique les sens aient dans les bienheureux quelque objet délectable et sensible et que le goût éprouve quelque saveur comme les autres sens à sa manière, je juge que ce n'est pas par nourriture et aliment, mais par une autre manière de rédondance de la gloire de l'âme auquel le corps et ses sens participent d'une manière admirable, chacun selon sa condition naturelle sensitive, sans l'imperfection et la grossièreté que les sens ont maintenant dans la vie mortelle et sans les opérations et leurs objets. Je désire comme ignorante être enseignée sur tout cela de Votre pieuse et maternelle bonté. 

RÉPONSE ET DOCTRINE DE L'AUGUSTE REINE. 
5, 26, 1004. Ma fille, tu as bien douté, parce qu'il est vrai que dans le Ciel il n'y a pas de manger ni de nourriture matérielle, comme tu l'as compris et déclaré; mais tu as appelé "céleste" avec propriété l'aliment que les Anges servirent à mon Très Saint Fils et à moi dans l'occasion que tu as écrite: et je t'ai donné moi-même ce terme afin que tu le déclarasses, parce que la vertu de cet aliment lui fut donnée du Ciel et non de la terre où tout est grossier, limité et très matériel. Et afin de comprendre la nature de ce manger et la manière dont la divine Providence le forma, tu dois considérer que lorsque Sa Bonté disposait de Nous alimenter et de suppléer au défaut de toute autre nourriture par celle-là qu'Il Nous envoyait miraculeusement par les saints Anges selon Sa Volonté, Il usait de quelque chose matérielle et le plus ordinairement c'était de l'eau à cause de sa clarté et de sa simplicité, et parce que le Seigneur ne veut pas ces miracles de choses très composées. D'autres fois c'était du pain et quelques fruits; et le pouvoir Divin donnait à chacune de ces choses une vertu et une saveur telles, qu'elles excédaient d'autant plus toutes les nourritures, les régals, et les goûts de la terre que le ciel est élevé au-dessus de la terre, et il n'y a rien ici-bas avec quoi on puisse les comparer; parce que tout est insipide et sans vertu en comparaison de cet aliment du Ciel et les exemples suivants doivent te servir pour le mieux comprendre. Le premier, du pain cuit sous la cendre qui fut donné à Élie (3 Rois 19: 6), était d'une telle vertu qu'il le conforta pour marcher jusqu'au mont Horeb. Le second, de la manne (Ps. 77: 24-25) qui s'appelle pain des Anges, parce qu'ils le préparaient condensant la vapeur de la terre et ainsi condensée (Ex. 16: 13-14) et divisée en forme de petits grains (Nom. 11: 7) ils la répandaient sur la terre et elle avait tant de variétés de saveurs (Sag. 16: 20-21), comme le disent les saintes Écritures, et sa vertu était très puissante pour nourrir le corps. Le troisième exemple est le miracle que fit mon Très Saint Fils aux noces de Cana (Jean 2: 10), changeant l'eau en vin et donnant une vertu et une saveur si excellentes au vin, comme il paraît de l'admiration qu'en eurent ceux qui le goûtèrent. 
5, 26, 1005. De cette manière la Puissance divine donnait de la vertu et du goût ou de la saveur surnaturelles à l'eau, ou bien Il la changeait en une autre liqueur très suave et très délicate et Il donnait la même vertu au pain et aux fruits, les laissant plus spiritualisés; et cette nourriture alimentait le corps et réjouissait les sens, et de même il réparait les forces d'une manière admirable, laissant la faiblesse humaine corroborée, agile et prompte pour les oeuvres pénibles, et c'était sans dégoût ni gravité du corps. La nourriture que les Anges servirent à mon Fils très saint après le jeûne était de cette condition, ainsi que celle que Nous reçûmes en d'autres circonstances avec mon époux saint Joseph qui y participait aussi; et le Très-Haut a montré cette libéralité en faveur de quelques-uns de Ses amis et de Ses serviteurs, les régalant avec de semblables aliments, quoique non aussi fréquemment ni avec tant de circonstances miraculeuses comme il arriva envers Nous. Je réponds à ton doute avec cela. Sois attentive maintenant à la Doctrine qui appartient à ce chapitre. 
5, 26, 1006. Afin que l'on puisse mieux comprendre ce que tu viens d'écrire, je veux que tu considères trois motifs que mon Très Saint Fils eut entre autres, pour entrer en combat avec Lucifer et ses minstres infernaux: parce que cette intelligence te donnera une plus grande lumière et un plus grand courage contre eux. Le premier fut de détruire le péché et la semence que cet ennemi répandit dans la nature humaine par la chute d'Adam avec les sept péchés capitaux: l'orgueil, l'avarice, la luxure et les autres, qui sont les sept têtes de ce dragon. Et comme l'intention de Lucifer avait été que pour chacun de ces sept péchés un démon fût destiné comme président des autres pour faire la guerre aux hommes avec ces armes, les distribuant entre eux et ces ennemis se destinant à tenter avec elles et à combattre dans cet ordre confus dont j'ai parlé dans la première partie de cette Histoire divine [g]; pour cela mon Très Saint Fils entra en combat contre tous ces princes des ténèbres et Il les vainquit et écrasa à tous leurs forces par la puissance de Ses Vertus. Et quoiqu'on ne fasse mention dans l'Évangile que de trois tentations, parce que ce furent les plus visibles et les plus manifestes, le combat et le triomphe s'étendirent davantage; parce que mon Seigneur Jésus-Christ vainquit tous ces principaux démons et leurs vices, l'orgueil par Son humilité; la colère par Sa mansuétude; l'avarice par le mépris des richesses; et de cette manière les autres vices et péchés capitaux. La plus grande perte et le plus grand abattement que ces ennemis ressentirent, fut lorsqu'ils connurent avec certitude au pied de la Croix que c'était le Verbe Incarné qui les avait vaincus et opprimés. Ils se découragèrent beaucoup avec cela, comme tu le diras plus loin [h], de revenir combattre avec les hommes s'ils voulaient profiter de la Vertu et des Victoires de mon Très Saint Fils. 
5, 26, 1007. Le second motif de Son combat fut d'obéir au Père Éternel qui Lui avait commandé non seulement de mourir pour les hommes et de les racheter par Sa Passion et Sa Mort mais aussi d'entrer dans ce combat avec les démons et de les vaincre par la force spirituelle de Ses Vertus incomparables. Le troisième conséquent à ceux-ci fut de laisser aux hommes un exemplaire et un enseignement pour vaincre et triompher de leurs ennemis et afin qu'aucun des mortels ne trouvât étrange d'être tenté et poursuivi par eux; et que tous eussent cette consolation dans leurs tentations et leurs combats, que leur Rédempteur et leur Maître les souffrit d'abord en Lui-même (Héb. 4: 15), quoiqu'en une certaine manière ils fussent différents, mais en substance, ils furent les mêmes et avec une plus grande force et une plus grande malice de Satan. Mon Seigneur Jésus-Christ parmit que Lucifer usât de toute la fureur de ses forces avec Sa Majesté, afin qu'elles fussent écrasées par Sa Puissance divine et qu'elles demeurassent plus débiles pour les guerres qu'il devait faire aux hommes, et afin que ceux-ci les vainquissent avec plus de facilité, s'ils profitaient du Bienfait que leur Rédempteur leur faisait en cela. 
5, 26, 1008. Tous les mortels ont besoin de cet enseignement s'ils ont à vaincre le démon, mais toi surtout, ma fille, plus que plusieurs générations, parce que l'indignation de ce dragon est grande contre toi, et ta nature est faible pour résister si tu ne te sers point de ma Doctrine et de cet Exemplaire. En premier lieu tu dois tenir le monde et la chair vaincus; celle-ci en la mortifiant avec une prudente rigueur, et le monde en le fuyant et en te retirant des créatures pour demeurer dans le secret de ton intérieur; et tu vaincras ces deux ennemis ensemble en ne sortant point de ce secret, en ne perdant point de vue le bien et la Lumière que tu reçois et en n'aimant aucune chose visible plus que ne le permet la charité bien ordonnée. En cela je te renouvelle la mémoire et le précepte très étroit que je t'ai imposé plusieurs fois [i]; parce que le Seigneur t'a donné un naturel pour ne pas aimer peu et nous voulons que cette qualité soit consacré tout entière et avec plénitude à Notre amour; et tu ne dois point consentir volontairement à un seul mouvement de tes appétits, quelque léger qu'il paraisse, ni admettre aucune action de tes sens si ce n'est pour l'exaltation du Très-Haut et pour faire et souffrir quelque chose pour son Amour et le bien de ton prochain. Si tu m'obéis en en cela, je ferai en sorte que tu sois garnie et défendue contre ce cruel dragon, afin que tu combattes les combats (1 Rois 25: 28) du Seigneur et que mille boucliers (Cant. 4: 4) pendent de toi avec lesquels tu puisses te défendre et l'offenser. Mais toujours tu seras avisée pour te prévaloir contre lui des paroles sacrées de la divine Écriture, ne te hasardant point à avoir des raisons ni beaucoup de paroles avec un ennemi si astucieux, parce que les créatures faibles ne doivent point échanger de conversation ni de paroles avec leur mortel ennemi, le maître du mensonge, puisque mon Très Saint Fils qui est puissant et d'une Sagesse infinie ne le fit point, afin que par Son exemple les âmes apprissent cette réserve et cette manière de procéder avec le démon. Arme-toi d'une Foi vive, d'une Espérance certaine, d'une Charité fervente et d'une profonde humilité qui sont les Vertus qui écrasent et anéantissent ce dragon et il n'ose leur faire face, il s'enfuit loin d'elles; parce que ce sont des armes puissantes contre leur arrogance et leur orgueil. 

NOTES EXPLICATIVES Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres. 
5, 26, [a]. Tous les théologiens sont d'accord avec saint Thomas, [ad illa Pauli verba I, ad Cor. 2], que ni un bon ni un mauvais Ange ne peut savoir les choses cachées de l'esprit humain, si elles ne sont manifestés au dehors par certains effets. Et déjà ce sentiment avait été celui de tous les saints Pères. «Le diable,» écrit saint Jérôme, «ne sait pas ce que l'homme pense dans l'intérieur de son âme; si ce n'est qu'il le comprenne par des mouvements extérieurs.» Ainsi saint Augustin, [Serm. 34, De Temp]; saint Isidore, [L. 3, ép. 136]; Gennade, [De eccles., Dogm., c. 81]; Cassien, [Coll., 7, c. 15]; Origène, [Hom. 7 in Gen.]; Paschase, [l. 2 de Spir. 5, c, 2]; Anastase, [l, 9, in Hexam.]. 5, 26, b]. Cela ne s'oppose pas aux Évangélistes puisque selon ce qu'écrit saint Augustin « l'Écriture a coutume de nommer ainsi les temps de manière à les mentionner, complets et dans leur perfection, ce qui est au-dessous n'étant pas compté.» [Aug., l. 3, Exod., q. 47]. Ainsi la tentation étant commencée le trentecinquième jour et finie le quarantième, les Évangélists purent très bien dire que Jésus-Christ fut tenté le quarantième jour, posant le nombre total et complémentaire pour le partiel et l'initial. On trouve beaucoup d'exemples de cela dans la sainte Écriture citée aussi par saint Épiphane, [l. 3, contr. haereo.]. Soit aussi parce qu'au dire d'Origène, [hom. 31; d'Euthime, [in Luc IV], de saint Thomas [Matt. IV] et d'autres, s'il n'était point intervenu d'oeuvre plus qu'humaine dans l'allée de Jésus-Christ sur le Temple, sur la montagne, etc., cela demandait plusieurs jours. Soit enfin parce que, outre les tentations visibles du quarantième jour, le démon a pu avoir tenté Jésus-Christ aussi plusieurs jours auparavant par des tentations invisibles comme écrivent Origène, [hom. 24 in Luc]; Bède [Marc I], Eusèbe, [l. 9, Demonstr. Ev., c. 7]; Euthime, [Matt., Iv]; Arias Montanus, [Luc IV]; saint Augustin, [Quaest. in Nov. Test., p. 2, q. 9]; saint Thomas, [3 p. qu. 41, a 3 ad 2]. 5, 26, [c]. Saint Thomas, [3 p., q. 41, a. 4 ad 7], citant saint Jean Chrysostôme, dit que: «Peut-être que le diable quant à lui portait ainsi Jésus-Christ sur le pinacle du Temple, afin qu'Il fût vu de tous mais le diable ne le sachant pas, ce même Sauveur faisait en sorte de n'être vu de personne.» 
5, 26, [d]. "Quelque partie de son domaine", peut signifier quelque partie du domaine du Seigneur; ou bien quelque partie du domaine du monde. De plus, bien qu'il soit écrit que le démon montra à Jésus-Christ tous les royaumes du monde, toutefois la saint Écriture dit souvent le tout pour la plus grande partie. 5, 26, [e]. Voir la même chose dans Suarez, [in 3 p., 5. 11, disp. 19, sect. 3, in fine]. 5, 26, [f]. La même chose est arrivée au prophète Élie; nourri de l'aliment que les Anges lui avaient apporté, il en acquit tant de vigueur qu'il marcha pendant quarante jours et quarante nuits vers le mont Horeb. Si les Anges servirent Élie, combien plus Jésus-Christ et Marie immensément supérieurs? 5, 26, [g]. Livre 1, No. 103. 5, 26, [h]. Livre 6, Nos. 1419, 1423. 5, 26, [i]. Livre 2, No. 644; Livre 3, No. 230, 253, 303; Livre 4, Nos. 487, 680
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Message par sga Mar 5 Mar 2019 - 13:40

CHAPITRE 27


Notre Rédempteur Jésus-Christ sort du désert; Il retourne où était saint Jeanet S'occupe en Judée à quelques Oeuvres jusqu'à la vocation des premiers Disciples: la Très Sainte Marie connaissait et imitait toutes Ses actions.  

5, 27, 1009. Notre Rédempteur Jésus-Christ ayant glorieusement obtenu les fins cachées et sublimes de Son jeûne et de Sa solitude dans le désert, avec les victoires qu'Il remporta sur le démon, triomphant de lui et de tous ses vices, Sa divine Majesté détermina de sortir du désert afin de poursuivre les Oeuvres de la Rédemption des hommes que son Père Éternel Lui avait recommandée. Et pour quitter cette solitude, Il Se prosterna en terre, confessant Son Père Éternel et Lui rendant grâces pour tout ce qu'Il y avait opéré par Son Humanité très sainte, à la gloire de la Divinité et au bénéfice du genre humain. Ensuite Il fit une oraison très fervente pour tous ceux qui, à Son imitation, iraient pour toute leur vie ou pour quelque temps dans des solitudes pour suivre Ses traces et vaquer à la contemplation et aux saints exercices, se retirant du monde et de ses embarras. Le très haut Seigneur Lui promit de les favoriser et de leur dire au coeur des paroles de Vie Éternel (Os. 2: 14) et de les prévenir par des secours spéciaux et des bénédictions de douceur (Ps. 20: 4), s'ils se disposaient de leur côté à les recevoir et à y correspondre. Cette oraison étant faite, le même Seigneur demanda permission, comme homme véritable, de sortir de ce désert, et Il en sortit assisté de Ses saints Anges. 
5, 27, 1010. Le divin Maître dirigea Ses pas très beaux vers le Jourdain où son grand Précurseur continuait son baptême et sa prédication, afin que le Baptiste donnât un nouveau témoignage de Sa Divinité et de Son ministère de Rédempteur à Sa vue et en Sa Présence. Sa Majesté condescendit aussi à l'affection de saint Jean lui-même qui désirait encore Le voir et Lui parler, parce que la première fois qu'il Le vit quand il Le baptisa, le coeur de ce saint Précurseur demeura enflammé par la Présence de Jésus-Christ et il fut blessé de cette force Divine et cachée qui attirait toutes choses à soi; et dans les coeurs les mieux disposés comme était celui de saint Jean, ce feu de l'amour s'embrasait avec une plus grande force et une plus grande violence. Le Sauveur arriva en la présence de saint Jean et ce fut la seconde fois qu'Ils Se virent, et avant de prononcer une autre parole, le Baptiste, voyant que le Seigneur S'approchait, dit celle-ci que l'Évangéliste rapporte (Jean 1: 29): «Ecce Agnus Dei, ecce qui tollit paccata mundi: Regardez l'Agneau de Dieu, regardez Celui qui ôte le péché du monde.» Le Baptiste donna ce témoignage en montrant Notre-Seigneur Jésus-Christ et s'adressant au peuple qui était venu pour être baptisé par le même saint Jean et entendre sa prédication; et le Précurseur ajouta et dit (Jean 1: 30: «C'est Celui de qui j'ai dit qu'il venait après moi un homme qui était plus que moi; parce qu'Il était avant que je fusse, et je ne Le connaissais pas et je suis venu baptiser dans l'eau pour Le manifester.» 
5, 27, 1011. Le Baptiste dit ces paroles, parce qu'avant que Notre-Seigneur Jésus-Christ arrivât pour être baptisé il ne L'avait pas vu et il n'avait pas eu non plus la révélation de Sa venue qu'il eut alors, comme je l'ai déclaré dans le chapitre 24 de ce livre. Ensuite le Baptiste ajouta comment il avait vu l'Esprit-Saint descendre sur le Christ dans le baptême (Jean 1: 32) et il avait donné témoignage de la vérité que le Christ était Fils de Dieu. Parce que pendant que Sa Majesté était dans le désert, les Juifs de Jérusalem lui envoyèrent l'ambassade que saint Jean rapporte dans le chapitre un, lui demandant qui il était et le reste, que l'Évangéliste raconte. Alors le Baptiste répondit qu'il baptisait dans l'eau (Jean 1: 19-20), et qu'au milieu d'eux avait été Celui qu'ils ne connaissaient pas, parce qu'Il avait été parmi eux au Jourdain, et qu'Il venait après lui, et qu'il n'était pas digne de dénouer le lacet de Sa chaussure. De manière que lorsque notre Sauveur revint du désert pour voir le Baptiste une seconde fois, alors il L'appela l'Agneau de Dieu, et il rapporta le témoignage qu'il avait donné peu auparavant aux Pharisiens et il ajouta le reste qu'il avait vu l'Esprit-Saint sur Sa tête, comme il lui avait été révélé qu'il le verrait; et saint Matthieu ajoute au sujet de la voix du Père qui vint en même temps du Ciel (Matt. 3: 17) et saint Luc le dit aussi (Luc 3: 22), quoique saint Jean seul rapporte ce qu'il dit du Saint-Esprit en forme de colombe; parce que le Baptiste ne déclara pas plus que cela aux Juifs. 

5, 27, 1012. Cette fidélité que le Précurseur eut de confesser qu'il n'était pas le Christ et de rendre les témoignages que j'ai dits de la Divinité de Jésus-Christ, la Reine du Ciel la connut de sa retraite et Elle demanda au Seigneur en retour de la récompenser et de payer son très fidèle Serviteur saint Jean, et le Tout-Puissant le fit d'une main très libérale, parce que dans Son acceptation Divine, le Baptiste demeura élevé au-dessus de tous ceux qui sont nés des femmes; et parce qu'il n'accepta pas l'honneur de Messie qu'ils lui offraient, le Très-Haut détermina de lui donner celui que, sans être le Messie, il pouvait avoir parmi les hommes. Dans cette même occasion où notre Rédempteur Jésus-Christ et saint Jean Se virent, le grand Précurseur fut rempli de nouveau de Dons et de grâces de l'Esprit-Saint. Et parce que quelques-uns des assistants furent très attentifs aux raisons du Baptiste lorsqu'ils entendirent qu'il disait: «Voici l'Agneau de Dieu,» ils lui demandèrent qui était Celui dont il parlait ainsi, le Sauveur le laissa instruire de la vérité ceux qui avaient entendu les paroles rapportées plus haut, Sa Majesté Se détourna et S'en alla de ce lìeu, Se dirigeant vers Jérusalem, ayant été très peu de temps en présence du Baptiste. Il n'alla pas droit à la Cité sainte; au contraire Il alla d'abord pendant plusieurs jours par d'autres petits endroits enseignant les hommes d'une manière dissimulée et leur donnant connaissance de ce que le Messie était dans le monde, les dirigeant par Sa Doctrine à la Vie Éternelle et plusieurs au baptême de saint Jean afin qu'ils se préparassent par la pénitence à recevoir la Rédemption. 

5, 27, 1013. Les Évangélistes ne disent point où alla notre Sauveur après Son jeûne ni quelles Oeuvres Il fit, ni le temps qu'Il y employa. Mais ce qui m'a été déclaré est que Sa Majesté fut presque dix mois en Judée, sans retourner à Nazareth voir Sa Très Sainte Mère, ni entrer en Galilée jusqu'à ce qu'arrivant dans une autre occasion (Jean 1: 35) à Se voir avec le Baptiste [a], celui-ci dit une second fois (Jean 1: 36): «Ecce Agnus Dei,» et saint André et les premiers Disciples qui entendirent ces paroles du Baptiste le suivirent; et ensuite Il appela saint Philippe (Jean 1: 43) comme le rapporte saint Jean l'Évangéliste. Le Sauveur passa ces dix mois à éclairer les âmes et à les préparer par des secours, une Doctrine, et des Bienfaits admirables, afin qu'ils s'éveillassent de l'oubli dans lequel ils étaient: et qu'ensuite, lorsqu'Il commencerait à prêcher et à faire des miracles, ils fussent plus prompts à recevoir la foi du Rédempteur et à Le suivre; comme il arriva à plusieurs de ceux qu'Il laissait éclairés et catéchisés. Il est vrai que dans ce temps Il ne parlait pas aux Pharisiens et aux lettrés de la Loi; parce que ceux-ci n'étaient pas si disposés à croire à la vérité que le Messie était venu, puisqu'ils ne la reçurent point même après qu'elle eût été confirmé par la prédication, les miracles et les témoignages si manifestes de Notre-Seigneur JésusChrist. Mais ce fut aux humbles et aux pauvres (Matt. 11: 5) surtout que parla le Sauveur dans ces dix mois car ils méritèrent comme pauvres d'être les premiers évangélisés et éclairés et Il fit des miséricordes libérales parmi eux dans le royaume de Judée, non seulement par l'enseignement particulier et les faveurs secrètes, mais par des miracles dissimulés, avec lesquels ils Le recevaient comme un grand Prophète et un homme Saint. Par cette réclame Il éveilla et excita les coeurs d'une multitude innombrable d'hommes pour sortir du péché et chercher le royaume de Dieu qui s'approchait déjà pour eux par la prédication et la Rédemption que Sa Majesté voulait bientôt opérer dans le monde. 

5, 27, 1014. Notre grande Reine et Souveraine était toujours à Nazareth, où Elle connaissait les occupations de son Très Saint Fils et toutes Ses Oeuvres; tant par la divine Lumière que j'ai déclarée que par les connaissances que ses mille Anges lui donnaient; et ils l'assistaient toujours en forme visible, comme je l'ai déjà dit, en l'absence du Rédempteur. Elle sortit de sa retraite en même temps que le Sauveur du désert pour L'imiter en tout avec plénitude; et comme Sa Majesté ne pouvait croître dans l'Amour, Il le manifesta néanmoins avec une plus grande ferveur après qu'Il eût vaincu le démon par le jeûne et toutes les Vertus; de même la divine Mère, par de nouvelles augmentations de grâce qu'Elle acquit, sortit plus ardente et plus officieuse pour imiter les Oeuvres de son divin Fils au bénéfice du salut des hommes et faire de nouveau auprès de Jésus, non seulement l'office de Mère mais aussi celui de Précurseur pour la manifestation de ce divin Sauveur. La divine Maîtresse sortit de sa maison de Nazareth pour aller aux lieux circonvoisins, accompagnée de ses Anges et avec la plénitude de sa Sagesse et la puissance de Reine et de Maîtresse des créatures, Elle fit de grandes merveilles, quoiqu'avec dissimulation de la même manière que le Verbe fait chair opérait en Judée. Elle donnait connaissance de la venue du Messie, sans manifester qui Il était; Elle les faisait sortir du péché; Elle chassait les démons et Elle éclairait les ténèbres de ceux qui étaient trompés et ignorants; Elle les préparait afin qu'ils reçussent la Rédemption en croyant en son Auteur. Parmi ces Bienfaits spirituels, Elle en faisait beaucoup de corporels, guérissant les malades, consolant les affligés, visitant les pauvres. Et quoique ces oeuvres fussent plus fréquentes en faveur des femmes, Elle en faisait aussi en faveur des hommes, lesquels surtout, s'ils étaient méprisés et pauvres, ne perdaient point ces secours et cette félicité d'être visités de la Reine des Anges et de toutes les créatures. 

5, 27, 1015. La divine Princesse s'occupait dans ces sorties tout le temps que son Très Saint Fils allait en Judée et Elle L'imitait toujours en toutes Ses Oeuvres jusqu'à aller à pied comme le divin Sauveur. Et quoiqu'Elle revînt parfois à Nazareth, Elle continuait ensuite ses pérégrinations. Elle mangea très peu dans ces dix mois, parce qu'Elle demeura si nourrie et si confortée de ce manger céleste que son Très Saint Fils lui avait envoyé du désert, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent, que non seulement Elle eut des forces pour aller à pied par plusieurs endroits et plusieurs chemins, mais aussi pour ne point trop ressentir la nécessité d'un autre aliment. La Bienheureuse Reine eut connaissance de même de ce que saint Jean faisait en prêchant et en baptisant sur les rives du Jourdain comme il a été dit. Elle envoyait aussi quelquefois plusieurs de ses Anges pour le consoler et le féliciter de la loyauté qu'il montrait envers son Dieu et son Seigneur. Au milieu de ces oeuvres l'amoureuse Mère souffrait de grandes défaillances d'amour causées par l'affection sainte et naturelle avec laquelle Elle désirait la vue et la présence de son Très Saint fils, dont le coeur était blessé de ces divines et saintes clameurs. Avant que Sa Majesté revînt pour la voir et la consoler et commencer Ses merveilles et Sa prédication, il arriva ce que je dirai dans le chapitre suivant. 


DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE. 

5, 27, 1016. Ma fille, je te donne en deux documents importants la Doctrine de ce chapitre. Le premier, que tu aimes la solitude et que tu tâches de la garder avec une appréciation singulière, afin d'obtenir les bénédictions et les promesses que mon Très Saint Fils mérita et promit à ceux qui L'imiteraient en cela. Tâche d'être toujours seule, lorsque tu ne te trouveras pas obligée en vertu de l'obéissance à converser avec les créatures; et alors, si tu sors de ta solitude et de ta retraite, porte-la avec toi dans le secret de ton coeur, de manière que ni les sens extérieurs, ni l'usage de ces mêmes sens ne t'en éloignent. Tu ne dois être que de passage dans les affaires sensibles et dans la retraite et le désert de l'intérieur, très assidue; et afin que tu y trouves la solitude, ne donne point lieu à ce que les images ni les espèces des créatures puissent y entrer, car parfois ces espèces occupent plus que les créatures elles-mêmes; et toujours elles embarrassent et elles ôtent la liberté du coeur. Ce serait pour toi une indignité de reposer ton coeur en quelqu'une de ces choses ou que quelqu'une se trouvât en lui: mon Très Saint Fils le veut solitaire, et je le veux de même aussi. Le second document est qu'en premier lieu, tu considères le prix de ton âme pour la conserver en toute candeur et pureté; et surtout, quoiqu'il soit de ma volonté que tu travailles pour la justification de tous; je veux néanmoins que tu imites mon Très Saint Fils et moi en ce que Nous fîmes envers les plus pauvres et les plus méprisés du monde. Ces petits demandent souvent le pain (Lam. 4: 4) du conseil et de la Doctrine et ils ne trouvent personne qui le leur communique et le leur distribue comme aux plus grands et aux plus riches du monde qui ont beaucoup de ministres de Dieu pour les conseiller. Plusieurs de ces pauvres et de ces méprisés t'approchent souvent; reçois-les avec la compassion que tu as pour eux; console-les et caresse-les afin qu'ils reçoivent avec leur sincérité le conseil et la lumière; parce qu'aux plus sagaces ceci doit être donné d'une manière différente. Tâche de gagner ces âmes qui au milieu des misères temporelles sont précieuses aux yeux de Dieu; et afin qu'eux et les autres ne perdent point le fruit de la Rédemption, je veux que tu travailles sans cesse et que tu ne demeures satisfaite si tu ne vas jusqu'à la mort s'il est nécessaire dans cette entreprise. 


NOTES EXPLICATIVES Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres. 
5, 27, [a]. Saint Jean écrit: «Altera die iterum stabat Joannes et discipulis ejus duo, etc.» Cet autre jour, "altera die", ne signifie point le lendemain mais un autre jour quelconque qui pouvait être aussi après un temps notable. Ainsi l'explique saint Brunon d'Asti, évêque de Flandre dans sa 121ème Homélie, où il dit: «Ce mot "altera" en cet endroit ne se rapporte pas au lendemain; mais il est pris pour un autre jour. C'est proprement de deux que l'on dit "altera".
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Message par sga Lun 18 Mar 2019 - 14:00

CHAPITRE 28 


Notre Rédempteur Jésus-Christ commence à prêcher et à recevoir et à appeler Ses Disciples en présence du Baptiste. Le Très-Haut commande à la divine Mère de Le suivre

5, 28, 1017. Les dix mois qui suivirent Son jeûne, notre Sauveur circulait parmi les peuples de la Judée, opérant de grandes merveilles comme en secret; ensuite Il détermina de Se manifester dans le monde, non parce qu'auparavant Il eût parlé d'une façon cachée de la Vérité qu'il enseignait; mais parce qu'Il ne S'était pas déclaré pour le Messie et le Maître de la Vie, et déjà le temps de le faire était arrivé, ainsi qu'il était déterminé par la Sagesse infinie. Sa Majesté retourna pour cela en présence de son Précurseur et Baptiste, saint Jean, afin que moyennant son témoignage qu'il était chargé d'office de donner au monde, la Lumière commençât à se manifester dans les ténèbres (Jean 1: 5). Le Baptiste connut par révélation Divine la venue du Sauveur et qu'il était temps pour Lui de se faire connaître comme Rédempteur du monde et Fils véritable du Père Éternel; et saint Jean étant préparé par cette illustration vit le Sauveur qui venait pour lui, et s'exclamant, avec une jubilation admirable de son esprit, il dit en présence de ses disciples: «Ecce Agnus Dei (Jean 1: 29 et 36, regardez l'Agneau de Dieu, c'est Lui.» Ce témoignage correspondait non seulement à l'autre qu'il avait rendu d'autres fois de Jésus-Christ, mais il supposait aussi la Doctrine qu'il avait enseignée plus en particulier à ses disciples qui assistaient davantage à l'enseignement du Baptiste et ce fut comme s'il leur disait: Voici l'Agneau de Dieu, de qui je vous ai donné connaissance, qui est venu racheter le monde et ouvrir le chemin du Ciel. Ce fut la dernière fois que le Baptiste vit notre Sauveur selon l'ordre naturel, quoiqu'il Le vît par un autre ordre à sa mort et il L'eut présent comme je le dirai plus loin en son lieu [a]. 

5, 28, 1018. Les deux premier Disciples qui étaient avec lui l'écoutèrent et en vertu de son témoignage ainsi que de la Lumière et de la grâce qu'ils reçurent intérieurement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ils Le suivirent. Et Sa Majesté Se tournant avec Amour vers eux leur demanda qui ils cherchaient (Jean 1: 38). Et ceux-ci répondirent qu'ils voulaient savoir où était Sa demeure; et sur cela Jésus les amena avec Lui (Jean 1: 39) et ils y passèrent ce jour-là, comme le rapporte l'Évangéliste saint Jean. Il dit que l'un des deux était saint André, frère de saint Pierre et ne déclara pas le nom de l'autre. Mais selon ce que j'ai connu, c'était saint Jean l'Évangéliste lui-même, quoiqu'il ne voulût point déclarer son nom à cause de sa grande modestie. Mais lui et saint André furent les prémices de l'apostolat dans cette première vocation, parce que ce furent eux qui suivirent d'abord le Sauveur, seulement par le témoignage extérieur du Baptiste de qui ils étaient les disciples sans autre vocation sensible du Seigneur. Ensuite saint André chercha son frère (Jean 1: 41) Simon; et il lui dit comment il avait rencontré le Messie qui s'appelait le Christ et il l'amena à Lui; et Sa Majesté le regardant lui dit: «Tu es Simon, fils de Jona, et tu t'appelleras Céphas, qui veut dire Pierre.» Tout cela arriva dans les confins de la Judée, et Il trouva saint Philippe et Il l'appela, lui disant de Le suivre; et ensuite Philippe appela Nathanaël et il lui rendit compte de ce qui était arrivé et comment ils avaient trouvé le Messie qui était Jésus de Nazareth et il l'amena en Sa présence. Les entretiens que saint Jean rapporte à la fin du chapitre un de son Évangile s'étant passés avec Nathanaël, celui-ci entra parmi les Disciples de JésusChrist Notre-Seigneur en cinquième lieu. 

5, 28, 1019. Avec ces cinq Disciples qui furent les premiers fondements pour l'édifice de la nouvelle Église, Notre Sauveur Jésus-Christ entra dans la province de Galilée, prêchant et baptisant publiquement. Telle fut la première vocation de ces Apôtres; et leur véritable Maître enflamma leurs coeurs d'une nouvelle Lumière et d'un feu de l'Amour divin, et les prévint par des bénédictions de douceur (Ps. 20: 4) dès qu'ils arrivèrent en Sa présence. Il n'est pas possible d'exprimer dignement tout ce que la vocation et l'éducation de ces Disciples et des autres pour fonder l'Église coûtèrent à notre divin Maître. Il les chercha avec des sollicitudes et des diligences très grandes; Il les appela par des secours de Sa grâce puissants, fréquents et efficaces; Il les illustra et Il illumina leurs coeurs par des Dons et des faveurs incomparables; Il les reçut avec une clémence admirable; Il les nourrit du lait très doux de Sa Doctrine; Il les supporta avec une patience invincible; Il les caressa comme un père très aimant caresse ses tendres et petits enfants. Comme la nature est lente et rustique pour les matières élevées, spirituelles et délicates de l'intérieur, dans lesquelles ils devaient être non seulement des Disciples parfaits, mais des maîtres consommés de l'Église et du monde; c'était donc une grande Oeuvre de les former et de les faire passer de l'état terrestre àcet autre état céleste et Divin où Il les élevait par Sa Doctrine et Son exemple. Sa Majesté laissa dans cette Oeuvre un exemple très sublime de patience, de douceur et de Charité aux prélats, aux princes et aux chefs qui gouvernent des sujets touchant ce qu'ils doivent faire à leur égard. La confiance qu'Il nous donna à nous, pécheurs, de Sa paternelle clémence ne fut pas moindre; puisqu'elle n'eut point de fin pour les Apôtres et les disciples; car Il souffrait leurs fautes, leurs manquements, leurs inclinations et leurs passions naturelles; bien au contraire, cette clémence fut mise à l'épreuve en eux avec tant de force et d'admiration, afin que nous élevions nos coeurs et que nous ne nous découragions point au milieu des innombrables imperfections de notre nature terrestre et fragile. 

5, 28, 1020. Toutes les Oeuvres et les merveilles que notre Sauveur faisait dans la vocation des Apôtres et des disciples et dans la prédication étaient connues de la Reine du Ciel par les moyens que j'ai déjà répétés. Elle rendit grâces aussitôt au Père Éternel pour les premiers Disciples, Elle les reconnut et les reçut dans son esprit pour ses enfants spirituels comme ils étaient de Notre-Seigneur Jésus-Christ et Elle les offrit à Sa divine Majesté avec de nouveaux cantiques de louange et de jubilation de son esprit. A cette occasion des premiers Disciples Elle eut une vision particulière en laquelle le Très-Haut lui manifesta de nouveau la détermination de Sa Sainte et éternelle Volonté touchant la disposition de la Rédemption des hommes et la manière dont elle devait être commencée et exécutée par la prédication de Son Très Saint Fils; et le Seigneur lui dit: «Ma Fille et ma Colombe, choisie entre mille, il est nécessaire que tu accompagnes et assistes Mon Fils Unique et le Tien dans les travaux qu'Il doit souffrir en l'Oeuvre de la Rédemption des hommes. Déjà le temps de Son affliction s'approche et pour Moi, celui d'ouvrir par ce moyen les Archives de Ma Sagesse et de Ma Bonté, pour enrichir les hommes de Mes Trésors. Je veux, par le moyen de leur Rédempteur et leur Maître, les racheter de la servitude du péché et du démon et répandre l'abondance de Ma grâce et de Mes Dons dans les coeurs de tous les mortels qui se disposeront à connaître Mon Fils, Homme-Dieu, et à Le suivre comme Chef et Guide ce leurs voies vers la Félicité Éternelle que Je leur ai préparée. Je veux enrichir les pauvres et les relever de la poussière, renverser les orgueilleux, exalter les humbles, éclairer les aveugles qui sont dans les ténèbres de la mort (Is. 9: 2). Je veux exalter Mes amis et Mes élus et faire connaître Mon Nom Saint et Grand. Et Je veux que toi, Mon Élue et Ma Bien-aimée, en exécution de cette mienne Volonté Sainte et éternelle, tu coopères avec ton cher Fils, et que tu L'accompagnes, Le suives et L'imites, car Je serai avec toi en tout ce que tu feras.» 

5, 28, 1021. «Suprême Roi de tout l'Univers,» répondit la Très Sainte Marie, «de la main de qui toutes les créatures reçoivent l'être et la conservation; quoique ce vil vermisseau ne soit que poussière (Gén. 18: 27) et cendre, je parlerai en Votre royale Présence à cause de Votre condescendance infinie. Recevez donc, ô Dieu éternel et Seigneur très haut, le Coeur de Votre Servante qui s'offre préparé pour l'accomplissement de Votre bon plaisir. Recevez, le sacrifice et l'holocauste, non seulement de mes lèvres, mais du plus intime de mon âme, pour obéir à l'ordre de Votre Sagesse éternelle que Vous manifestez à Votre Esclave. Me voici prosternée devant Votre Présence et Votre Majesté suprême; que Votre Volonté et Votre agrément se fassent entièrement en moi. Mais, s'il était possible, ô Puissance infinie, que je souffre et meure, ou pour mourir avec Votre Fils et le mien ou pour Lui éviter la mort; ce serait le complément de tous mes désirs et la plénitude de ma joie, que l'épée de Votre Justice fît en moi la blessure, puisque je fus plus immédiate au péché. Sa Majesté est impeccable par nature et par les Dons de Sa Divinité. Je connais, ô Roi très Juste, qu'étant Vous-même l'offensé par l'injure du péché, Votre équité demande satisfaction d'une Personne égale à Votre Majesté. Toutes les pures créatures sont à une distance infinie de cette dignité; mais il est vrai que toute Oeuvre de Votre Fils Unique, Dieu et Homme, est surabondante pour la Rédemption et Sa Majesté en a opéré plusieurs en faveur des hommes. S'il est possible avec cela que je meure afin que Sa Vie d'un prix inestimable ne soit pas perdue, je suis prête à mourir. Et si Votre décret est immuable, accordez-moi, ô Père et Dieu très haut, que j'emploie, s'il est possible, ma Vie avec la Sienne. J'accepterai en cela Votre obédience comme je l'accepte en ce que Vous me commandez de L'accompagner et de Le suivre en Ses travaux. Que la Puissance de Votre main m'assiste afin que je réussisse à L'imiter et à exécuter Votre Volonté et mon désir.» 

5, 28, 1022. Je ne peux manifester davantage par mes paroles ce qui m'a été donné à entendre des actes héroïques et admirables que notre grande Reine et Souveraine fit dans cette occasion de ce commandement du Très-Haut, et la ferveur très ardente avec laquelle Elle désira souffrir et mourir, ou pour éviter la Passion et la Mort de son Très Saint Fils ou pour mourir avec Lui. Et si les actes fervents de l'amour affectif, même dans les choses impossibles, obligent Dieu tellement qu'Il S'en tient pour servi et payé lorsqu'ils naissent d'un coeur droit et véritable et Il les accepte pour les récompenser en quelque manière, comme si elles étaient des oeuvres exécutées; que sera-ce de tout ce que la Mère de la grâce et de l'amour mérita pour tout l'amour qu'Elle eut dans ce sacrifice de sa Vie. La pensée humaine ni l'angélique n'arrivent point à comprendre un si haut sacrement d'amour, puisqu'il lui eût été doux de souffrir et de mourir; et la douleur de ne point mourir avec son Fils vint à être plus grande en Elle que celle de demeurer en vie en Le voyant souffrir et mourir, de ce dont je parlerai plus au long en son lieu b. Par cette vérité on vient à comprendre la ressemblance que la gloire de la Très Sainte Marie a avec celle de Jésus-Christ, et celle qu'eut la grâce et la sainteté de cette grande Dame avec son Exemplaire; parce que tout correspondait à un tel amour et il s'étendait au suprême degré imaginable dans une pure Créature. Avec cette disposition notre Reine sortit de la vision que j'ai dite et le Très-Haut commanda de nouveau aux Anges de l'assister, la gouverner et la servir en ce qu'Elle devait opérer; et ils l'exécutèrent comme très fidèles ministres du Seigneur, et ils l'assistaient d'ordinaire en forme visible, l'accompagnant partout et la servant. 

DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE ET MAÎTRESSE. 

5, 28, 1023. Ma fille, toutes les Oeuvres de mon Très Saint Fils manifestent l'Amour divin envers les créatures, et combien il est différent de celui qu'elles ont entre elles; parce que comme elles sont si mesquines, si avares, si limitées et sans efficacité elles ne se meuvent pas ordinairement à aimer si elles ne sont provoquées par quelque bien qu'elles supposent en ce qu'elles aiment; et ainsi l'amour d'une créature naît du bien qu'elle trouve dans l'objet. Mais comme l'Amour divin s'origine de Lui-même et est efficace pour faire ce qu'Il veut, Il ne cherche point la créature en la supposant digne; au contraire Il l'aime, afin de la rendre digne en l'aimant. Pour cette raison, aucune âme ne doit perdre confiance en la Bonté divine. Mais elle ne doit pas non plus pour cette vérité et en la supposant, se fier vainement et témérairement, espérant que l'Amour divin opère en elle les effets de grâce qu'elle ne mérite pas de recevoir; parce que le Très-Haut garde en cet Amour et ces Dons, un ordre d'équité très caché aux créatures; et quoiqu'Il les aime toutes et qu'Il veut qu'elles soient sauvées (1 Tim. 2: 4), néanmoins dans la distribution de ces Dons et des effets de Son Amour qu'Il ne refuse à personne, il y a une certaine mesure et un poids du sanctuaire selon lesquels ils sont dispensés. Et comme la créature ne peut scruter ni découvrir ce secret, elle doit tâcher de ne point perdre ni laisser vide la première grâce et la première vocation; parce qu'elle ne sait pas si par cette ingratitude elle ne déméritera pas d'avoir la seconde, et elle peut seulement savoir qu'elle ne lui sera pas refusée si elle ne s'en rend pas indigne. Ces effets de l'Amour divin commencent dans l'âme par l'illustration intérieure, afin qu'en présence de la Lumière, les hommes soient repris et convaincus de leurs péchés, de leur mauvais état et du danger où ils se trouvent d'encourir la mort éternelle. Mais l'orgueil humain les rend si insensés et si appesantis de coeur (Ps. 4: 3) qu'il y en a beaucoup qui résistent à la Lumière: et d'autres qui sont tellement lent à se mouvoir qu'ils ne commencent jamais à comprendre; et par là ils perdent la première efficacité de l'Amour de Dieu et ils se rendent inhabiles pour d'autres effets. Et comme sans le secours de la grâce la créature ne peut éviter le mal, ni faire le bien (Jean 15: 5), ni le connaître, de là vient qu'ils se précipitent d'un abîme en plusieurs autres (Ps. 41: Cool, parce qu'en n'appréciant pas et en rejetant de soi la grâce et en déméritant d'avoir d'autres secours, leur ruineuse chute en d'abominables péché vient à être inexcusable, s'immergeant des uns en d'autres plus grands. 

5, 28, 1024. Ma très chère, réfléchis donc attentivement à la Lumière que l'Amour du Très-Haut a opérée dans ton âme, puisque par celle que tu as reçue dans la connaissance de ma Vie, lors même que tu n'en aurais point d'autre, tu demeurerais si obligée, que si tu n'y correspondais point tu serais aux yeux de Dieu et aux miens et en présence des Anges et des hommes plus répréhensible qu'aucun autre des mortels. Que l'exemple de ce que firent les premiers Disciples de mon Très Saint Fils et la promptitude avec laquelle ils Le suivirent et L'imitèrent te serve aussi d'exemple. Et quoique ce fût une grâce très spéciale de les tolérer, de les souffrir et de les élever comme Sa Majesté le fit, ils correspondirent eux aussi et ils exécutèrent la Doctrine de leur Maître. Et quoiqu'ils fussent fragiles dans la nature, ils ne se rendirent point incapables de recevoir d'autres Bienfaits, plus grands de la Divine droite, et leurs désirs s'étendaient à beaucoup plus que ce que leurs forces pouvaient embrasser. En opérant ces affections d'amour avec vérité et délicatesse, je veux que tu m'imites en ce que je t'ai déclaré de mes oeuvres pour cette fin, ainsi que dans les désirs que j'eus de mourir pour mon Très Saint Fils et avec Lui s'il m'avait été accordé. Prépare ton coeur pour ce que je te montrerai désormais de la Mort de Sa Majesté et le reste de ma Vie, avec quoi tu opéreras le plus parfait et le plus saint. Je t'avertis, ma fille, que j'ai une plainte très générale contre le genre humain comme je te l'ai insinuée d'autres fois [c], à cause de l'oubli et du peu d'attention des mortels pour savoir et comprendre combien mon Fils et moi avons travaillé pour eux. Ils se contentent de le croire ainsi d'une manière confuse, et comme des ingrats ils ne pèsent pas le Bienfait qu'ils reçoivent à chaque heure, ni le retour qu'il mérite. Toi, ne me donne pas ce déplaisir, puisque je t'instruis et te rends participante de secrets si vénérables et de sacrements si magnifiques, où tu trouveras la Lumière, la Doctrine, l'enseignement et la pratique de la perfection la plus haute et la plus sublime. Élève-toi au-dessus de toi-même, opère diligemment, afin qu'il te soit donné grâce sur grâce et qu'en y correspondant tu amasses beaucoup de mérites et de récompenses éternelles. 

NOTES EXPLICATIVES Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres. 
5, 28, [a]. Livre 6, No. 1073. 5, 28, 
b. Livre 6, No. 1376. 5, 28, 
[c]. Livre 4, No. 701; Livre 5, Nos. 919, 930, 939
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Message par sga Ven 29 Mar 2019 - 13:02

CHAPITRE 29


Notre Seigneur Jésus-Christ revient à Nazareth avec Ses cinq premiers Disciples; Il baptise Sa Très Sainte Mère et ce qui arriva en tout cela.


5, 29, 1025. L'édifice mystique de l'Église militante, qui s'élève jusqu'au plus haut et au plus caché de la Divinité même, se fonde tout entier sur la fermeté incontestable de la Sainte Foi Catholique que notre Rédempteur et notre Maître assit en elle, comme Prudent et Sage Architecte. Et pour assurer cette fermeté aux premières pierres fondamentales qui furent les premiers Disciples qu'Il appela, comme je l'ai déjà dit, il commença immédiatement à les informer des Vérités, et des Mystères touchant Sa Divinité et Son Humanité très Saintes. Et parce que se donnant à connaître pour le Messie véritable et le Rédempteur du monde qui était descendu du sein du Père afin de prendre chair humaine pour opérer notre salut, il était comme nécessaire que ce divin Maître leur déclarât le mode de Son Incarnation dans le sein Virginal de Sa Très Sainte Mère, et il convenait qu'ils la connussent et la vénérassent comme Mère et Vierge véritablement. Il leur donna connaissance de ce Mystère divin avec les autres qui regardaient l'union hypostatique et la Rédemption. Ces nouveaux enfants, premiers-nés du Sauveur furent nourris de ce Catéchisme et de cette Doctrine céleste. Et avant d'arriver en la présence de la grande Reine et Maîtresse, ils avaient compris d'Elle des excellences Divines, sachant qu'Elle était Vierge avant, pendant et après son Enfantement; et Notre-Seigneur Jésus-Christ répandit en eux une révérence très profonde et un très grand amour avec lesquels les heureux Disciples désiraient dès lors arriver à voir et à connaître une Créature si Divine. Le Seigneur fit cela à cause du grand zèle qu'il avait pour l'honneur de Sa Mère et parce qu'il importait si fort aux Disciples même de la tenir en très haute vénération et en concept sublime. Quoiqu'ils demeurassent tous divinement illustrés par cette faveur, celui qui se signala davantage dans cet amour de Marie fut saint Jean; et dès qu'il entendit le divin Maître leur parler de la dignité et de l'excellence de Sa Très Pure Mère, il alla en croissant dans l'appréciation et l'estime de sa sainteté, comme étant signalé et préparé pour jouir de plus grands privilèges au service de sa Reine, comme je le dirai plus loin [a], et comme il paraît de son Évangile.

5, 29, 1026. Ces cinq premiers Disciples demandèrent au Seigneur de leur donner cette consolation de voir Sa Mère et de la révérer; et leur ayant accordé cette pétition, Sa Majesté marcha droit à Nazareth après qu'Il fut entré en Galilée, quoiqu'Il allât toujours en prêchant et en enseignant en public, se déclarant le Maître de la Vérité et de la Vie Éternelle. Plusieurs commencèrent à L'écouter et à L'accompagner, portés par la force de Sa Doctrine et attirés par la Lumière et la grâce qu'Il répandait dans les coeurs qui la recevaient; quoiqu'Il n'en appelât pas d'autres alors à Sa suite, outre les cinq Disciples qu'Il amenait avec Lui. Et c'est une chose digne d'attention que bien que la dévotion qu'ils conçurent envers la divine Maîtresse fût si ardente et la dignité qu'Elle avait entre toutes les créatures fût si manifeste pour eux, néanmoins ils gardèrent tous leur concept secret et ils étaient comme muets ou ignorants de tant de mystères s'il s'agissait de publier ce qu'ils ressentaient et connaissaient à son égard, la Sagesse du Ciel le disposant de la sorte; parce qu'alors cet foi ne convenait point dans le principe de la prédication de Jésus-Christ et il ne fallait pas la rendre commune parmi les hommes; car il était nécessaire que la splendeur du Soleil de justice (Mal. 4: 2) qui naissait alors pour les âmes s'étendît par toutes les nations; et quoique la Lune qui était Sa Très Sainte Mère fût dans le plein de toute sainteté, il était convenable de la réserver cachée pour luire dans la nuit où l'absence de ce Soleil montant au Père, laisserait l'Église. Tout arriva ainsi, car l'Auguste Reine ne resplendit pas alors, comme je le dirai dans la troisième partie b; sa sainteté et son excellence ne fut manifestée qu'aux Apôtres, afin qu'ils la connussent, l'entendissent et la vénérassent comme digne Mère du Rédempteur du monde et Maîtresse de toute vertu et de toute sainteté.

5, 29, 1027. Notre Sauveur poursuivit Son chemin vers Nazareth, informant Ses nouveaux enfants et Ses Disciples non seulement des Mystères de la Foi, mais de toutes les Vertus par la Doctrine et par l'exemple, comme Il le fit dans tout le temps de la prédication de Son Évangile. Pour cela Il visitait les pauvres et les affligés, Il consolait les malades, Il faisait envers tous, dans les hôpitaux et les prisons des Oeuvres admirables de Miséricorde dans les corps et les âmes; quoiqu'Il ne se déclarât point Auteur d'aucun miracle jusqu'aux noces de Cana, comme je le dirai dans le chapitre suivant. En même temps que notre Sauveur faisait ce voyage, Sa Très Sainte Mère se préparait pour Le recevoir avec les
Disciples que Sa Majesté amenait; parce que L'auguste Reine avait eu connaissance de tout, et pour les recevoir Elle disposa sa pauvre demeure et en fit un hôtel; puis Elle prit soin de préparer la nourriture nécessaire, parce qu'Elle était très prudente et très attentive en tout.

5, 29, 1028. Sa Majesté arriva à Sa maison où Sa Très Heureuse Mère L'attendait à la porte. Le Sauveur du monde y étant entré, Elle se prosterna à terre et L'adora, Lui baisant le pied et ensuite la main et Lui demandant Sa bénédiction. Ensuite Elle fit une confession admirable et très sublime de la Très Sainte Trinité et de l'Humanité de Jésus-Christ, et tout cela en présence des nouveaux Disciples. Ce ne fut pas sans un grand mystère et une grande prudence de l'Auguste Reine, car outre qu'Elle voulait rendre à son Très Saint Fils le culte et l'adoration qui Lui était due comme Dieu et Homme véritable, Elle Lui donnait aussi le retour de l'honneur avec lequel Il L'avait exaltée auparavant auprès des Apôtres et disciples, et comme le même Fils étant absent leur avait enseigné la dignité de Sa Mère et la vénération avec laquelle ils devaient la traiter et la respecter, de même aussi la Très Prudente et Très Fidèle Mère en présence de son Fils, voulut enseigner à Ses Disciples la manière et la vénération avec lesquelles ils devaient traiter leur divin Maître, comme leur Dieu et leur Rédempteur.

5, 29, 1029. L'Auguste Reine hospitalisa tous les Disciples et leur servit le repas, étant toujours attentive à toutes choses avec une sollicitude de Mère et une modestie et une majesté de Reine, car son incomparable Sagesse unissait tout cela à l'admiration des Anges mêmes. Elle servait son Très Saint Fils les genoux ployés en terre avec une révérence grandiose; et à ces actions très dévotes Elle ajoutait quelques paroles d'un grand poids qu'Elle disait aux Apôtres de la majesté de leur Maître et leur Rédempteur, pour les catéchiser dans la Doctrine véritablement Chrétienne. Cette nuit-là les nouveaux hôtes étant retirés pour leur repos, le Sauveur s'en alla à l'oratoire de Sa Mère Très Pure comme il avait coutume, et la Très Humble entre les humbles se prosterna à Ses pieds comme Elle avait accoutumé d'autres fois; et quoiqu'Elle n'eût point de péché à confesser, Elle demanda à Sa Majesté de lui pardonner le peu qu'Elle le servait et qu'elle correspondait à Ses Bienfaits immenses; parce que dans l'humilité de la grande Reine, tout ce qu'elle faisait lui paraissait très peu de chose et moins que ce qu'Elle devait à Son Amour Infini et pour les Dons qu'Elle avait reçus de Lui; et ainsi Elle
se confessait inutile comme la poussière de la terre. Le Seigneur la releva du sol et lui dit des paroles de Salut et de Vie Éternelle, mais avec majesté et gravité; parce que dans ce temps Il la traitait avec plus de sévérité pour donner lieu à la souffrance, comme j'en ai déjà averti, quand le Sauveur prît congé d'Elle pour aller au désert.

5, 29, 1030. La Bienheureuse Vierge demanda aussi à son Très Saint Fils de lui donner le Sacrement du Baptême qu'Il avait institué, comme Il le lui avait promis et je l'ai dit en son lieu [c]. Pour le célébrer avec la solennité digne du Fils et de la Mère, par la disposition et l'ordonnance Divine, il descendit des choeurs angéliques une multitude innombrables d'esprits célestes en forme visible. Et avec leur assistance le Christ même baptisa Sa Mère. Aussitôt une voix du Père Éternel fut entendue qui dit: «Voici Ma Fille chérie, en qui Je Me recrée.» Le Verbe fait homme dit: «Voici Ma Mère Très Aimée que J'ai choisie et Elle M'assistera en toutes Mes Oeuvres.» Une autre voix de L'Esprit-Saint dit: «Voici Mon Épouse choisie entre des milliers.» La Très Pure Dame ressentit et reçut dans son âme tant d'effets si Divins qu'ils ne peuvent être compris dans un discours humain; parce qu'Elle fut rehaussée dans la grâce, la beauté de son âme très pure fut retouchée et Elle monta tout entière à des degrés nouveaux, à des carats plus purs. Elle reçut l'illumination du caractère que ce Sacrement cause [d] en signalant les enfants de Jésus-Christ dans Son Église. Et outre les effets que ce Sacrement communique par soi, hors la rémission du péché qu'Elle n'avait point, Elle mérita de très sublimes degrés de grâce pour l'humilité de recevoir le Sacrement qui est ordonné pour la purification; et dans la divine Reine il arriva de la même manière que j'ai dite [e] de son Très Saint Fils dans le mérite quoiqu'Elle reçût seule une augmentation de grâce parce que le Christ ne pouvait en recevoir. L'humble Mère fit ensuite un cantique de louange avec les saints Anges pour le Baptême qu'Elle avait reçu, et prosternée devant son Très Saint Fils, Elle Lui en rendit de très affectueuses actions de grâces.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.

5, 29, 1031. Ma fille, je vois ta sollicitude et ta sainte émulation de la grande fortune des Disciples de mon Très Saint Fils, et surtout de saint Jean, mon serviteur et mon favori. Il est certain que je l'aimai spécialement; parce qu'il était très pur et très candide comme une simple colombe et il était très agréable aux yeux du Seigneur pour cela et pour l'amour qu'il me portait. Je veux que cet exemplaire te serve de stimulant pour ce que je désire que tu opères à l'égard du même Seigneur et de moi. N'ignore point, ma très chère, que je suis Mère très pure et que j'admets et reçois avec des entrailles Maternelles tous ceux qui, avec une fervente et dévote affection, veulent être mes enfants et les serviteurs de mon Seigneur; je les embrasserai à bras ouverts et je serai leur Avocate avec les impulsions de la Charité que Sa Majesté me communiqua en intercédant pour eux. Toi, tu auras un plus grand motif pour que ma très libérale piété se manifeste davantage, étant plus pauvre, plus inutile et plus abandonnée, et ainsi je t'appelle et te convie pour que tu sois ma fille très chère et distinguée dans L'Église comme ma dévote.

5, 29, 1032. Cette promesse s'accomplira avec une condition que je veux de ta part et c'est que si tu as véritablement une sainte émulation de ce que j'aimai mon fils Jean et du retour que me donna son saint amour, tu l'imites en toute perfection, selon tes forces; et ainsi tu dois me le promettre et l'accomplir, sans manquer à ce que je t'ordonne; je veux auparavant que tu travailles jusqu'à ce que meure en toi l'amour-propre et que s'éteignent les inclinations terrestres conséquentes aux "fomes", et que tu te restitues à l'état de sincérité et de simplicité de colombe qui détruit toute malice et toute duplicité. Tu dois être Ange en tes opérations, puisque la Bonté du Très-Haut est si libérale envers toi qu'Il t'a donné une Lumière et une intelligence d'Ange plutôt que de créature humaine. Je sollicite pour toi ces grands bienfaits et il est raisonnable que l'opération corresponde à l'intelligence; et tu dois avoir envers moi une affection incessante et un soin amoureux de me donner de l'agrément et de me servir, étant toujours attentive à mes conseils et les yeux posés sur mes mains pour savoir ce que je t'ordonne afin de l'exécuter à l'instant. Avec cela tu seras ma fille véritable et moi je serai ta Protectrice et ton amoureuse Mère.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
5, 29, [a]. Livre 6, Nos. 1334, 1455; Livre 7, Nos. 5, 6, 7, 10.
5, 29, [b]. Livre 7, Nos. 18-28.
5, 29, [c]. Livre 5, No. 831.
5, 29, [d]. Le Baptême fut institué non seulement pour remettre les péchés, mais aussi pour accroître la grâce, imprimer le caractère du Chrétien et rendre aptes à recevoir les autres Sacrements. D'insignes théologiens s'accordent à dire que Jésus-Christ baptisa de Ses mains Sa Très Sainte Mère. Voir Suarez, [3 p., t. 3, dis. 18 et 19]; A. Lapide et autres.
5, 29, [e]. Livre 5, No. 980.
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Message par sga Jeu 4 Avr 2019 - 13:14

LIVRE SIX




Qui contient les noces de Cana en Galilée; comment la Très Sainte Marie accompagna le Rédempteur du monde dans Sa prédication; l'humilité que montrait la divine Reine dans les Miracles que son Très Saint Fils faisait; la Transfiguration de Jésus-Christ, Son entrée à Jérusalem; Sa Passion et Sa Mort; le triomphe qu'Il remporta sur Lucifer et ses adhérents pendant qu'Il était sur la Croix; la très sainte Résurrection du Sauveur et Son admirable Ascension aux Cieux.




CHAPITRE 1


6, 1, 1033. L'Évangéliste saint Jean ayant rapporté à la fin du chapitre 1 la vocation de Nathanaël le cinquième Disciple de Jésus-Christ, commence le chapitre 2 de l'Histoire Évangélique en disant (Jean 2: 1): «Et le troisième jour, il se fit des noces en Cana de Galilée; et la Mère de Jésus était là. Et aussi Jésus et Ses Disciples furent appelés aux noces.» D'où il paraît que la divine Vierge était à Cana avant que son Très Saint Fils fût appelé à ces noces. Et pour concorder cela avec ce que j'ai dit dans le chapitre précédent et comprendre quel fut ce jour, j'ai fait quelques interrogations par ordre de l'obéissance. Et il me fut répondu que nonobstant les différentes opinions des expositeurs, cette Histoire de la Reine et le saint Évangile sont conformes et que l'événement se passa de cette manière. En entrant en Galilée, Notre-Seigneur Jésus-Christ avec Ses cinq Apôtres ou Disciples alla droit à Nazareth en prêchant et en enseignant. Il tarda quelques jours et non plusieurs en ce voyage, mais ce fut plus de trois jours. En arrivant à Nazareth, Il baptisa Sa Bienheureuse Mère, comme je l'ai déjà dit, et Il sortit ensuite avec Ses Disciples pour prêcher en des lieux voisins. Dans l'intérim, la divine Vierge alla à Cana ayant été invitée aux noces, dont parle l'Évangéliste,
parce que les époux étaient de ses parents au quatrième degré par la lignée de sainte Anne [a]. Et la grande Reine étant à Cana, les époux eurent connaissance de la venue du Sauveur du monde et qu'Il avait déjà des Disciples, et Il fut appelé et invité aux noces avec Ses Disciples par la disposition de Sa Très Sainte Mère et du Seigneur Lui-même qui le disposait secrètement pour Ses hautes Fins.

6, 1, 1034. Le troisième jour où l'Évangéliste dit que se firent ces noces fut le troisième de la semaine des Hébreux b; et quoiqu'il ne le dise pas expressément, il ne dit pas non plus que ce fût le troisième après la vocation des Disciples ou après Son entrée en Galilée; parce que Cana est dans les confins de la tribu de Zabulon, du côté de la Phénicie et vers la tribu d'Aser à l'égard de la Judée; et il est très distant de tous les points de la Judée et de la Galilée, par où entra le Sauveur du genre humain; et si les noces avaient été le troisième jour, il ne serait resté que deux jours pour aller de la Judée à Cana [c], tandis qu'il y a trois journées de chemin; en outre, Il devait être près de Cana avant d'être invité et pour cela il fallait plus de temps. Et pour passer de la Judée à Cana, on trouvait d'abord Nazareth; parce que Cana est plus loin vers la mer Méditerranée et voisine de la tribu d'Aser, comme je l'ai dit; et le Sauveur du monde avait d'abord été visiter Sa Très Sainte Mère, laquelle n'ignorant point Sa venue, comme il est certain qu'Elle la savait, l'attendait sans sortir au temps qu'Il S'approchait. Si l'Évangéliste ne dit point cette venue ni le Baptême de la divine Dame, ce ne fut point parce qu'ils n'arrivèrent point, mais parce qu'il n'a dit que ce qui appartenait à son sujet. Et le même saint Jean confesse que notre Sauveur a fait beaucoup de miracles qui ne sont pas connus; parce qu'il n'a pas été nécessaire de les écrire tous. Selon cet ordre, l'Évangile demeure compris et cette Histoire, confirmée par le même Évangile dans l'endroit cité.

6, 1, 1035. La Reine du monde étant à Cana, son Très Saint Fils fut invité aux noces avec les Disciples qu'Il avait; et Sa Bonté qui ordonnait tout accepta l'invitation. Il y alla aussitôt pour sanctifier le mariage et l'accréditer, et donner principeà la confirmation de Sa Doctrine par le miracle qui arriva, s'en déclarant l'Auteur, parce qu'en recevant des Disciples et Se donnant pour Maître, il fallait les confirmer dans leur vocation et autoriser Sa Doctrine, afin qu'ils la crussent et qu'ils la reçussent. Quoique Sa Majesté eût déjà fait d'autres merveilles secrètement, Il ne S'en était pas montré ni signalé pour leur Auteur en public,
comme Il l'avait fait en cette occasion; c'est pour cela que l'Évangéliste appela ce miracle: le commencement des miracles que fit Jésus en Cana de Galilée (Jean 2: 11). Et le même Seigneur dit à Sa Très Sainte Mère que jusqu'alors Son heure n'était pas arrivée (Jean 2: 4). Cette merveille eut lieu le jour du Baptême de Notre-Seigneur l'année suivante, et il correspondait à l'adoration des Mages, comme le tient la Sainte Église romaine qui célèbre ces trois Mystères en un même jour, le six de janvier. Notre-Seigneur Jésus-Christ avait alors trente ans accomplis, et Il était entré dans Sa trente unième année des treize jours qu'il y a depuis Sa très sainte Nativité jusqu'à l'Épiphanie.

6, 1, 1036. Le Maître de la Vie entra dans la maison des noces et en salua les habitants disant: «La paix du Seigneur et Sa Lumière soient avec vous», comme elle l'étaient véritablement Sa Majesté s'y trouvant. Il fit une exhortation de Vie Éternelle à l'époux, lui enseignant les conditions de son état, afin qu'il y fût parfait et saint. La Reine du Ciel fit la même choseà l'épouse qu'Elle avertit de ses obligations par des paroles très douces et très efficaces. Les deux mariés s'y conformèrent avec perfection dans l'état qu'ils reçurent heureusement avec l'assistance du Roi et de la Reine du Ciel et de la terre. Et je ne peux me retenir d'affirmer que cet époux n'était pas saint Jean l'Évangéliste [d]. Il suffit de savoir, qu'il était déjà avec le Sauveur comme Disciple, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent. Le Sauveur ne prétendait pas dissoudre le mariage en cette occasion; mais Il venait aux noces pour les autoriser, rendre le mariage saint, en faire un Sacrement, et il n'était pas conséquent à cette intention de le dissoudre aussitôt; l'Évangéliste n'eut jamais non plus l'intention de se marier. Bien au contraire, notre Sauveur ayant exhorté les époux, fit ensuite une fervente oraison au Père Éternel, Le suppliant de répandre, en la nouvelle Loi de grâce, Sa bénédiction sur la propagation humaine et de donner dès lors au mariage la vertu de sanctifier ceux qui le recevraient dans la Sainte Église et qu'il fût l'un de ses Sacrements.

6, 1, 1037. La Bienheureuse Vierge connaissait la Volonté de son Très Saint Fils et la prière qu'Il faisait et Elle l'y accompagna, coopérant à cette Oeuvre comme aux autres qu'Il faisait au bénéfice du genre humain; et comme Elle avait pris pour son compte de rendre le retour que les hommes ne rendaient pas pour ces Bienfaits, Elle fit un cantique de louange et de gloire au Seigneur, invitant les saints Anges à l'accompagner en cela, et ils le firent; tout ceci n'était manifesté
qu'au Seigneur même, notre Sauveur, qui Se récréait dans la Sagesse et les oeuvres de Sa Très Pure Mère, comme Elle dans celles de son propre Fils. Du reste, ils parlaient et conversaient avec ceux qui assistaient aux noces; mais avec la sagesse et le poids de paroles dignes de telles personnes, les ordonnant à éclairer les coeurs de tous ceux qui étaient présents. La Très Prudente Dame parlait très peu, et seulement lorsqu'Elle était interrogée ou qu'il était très indispensable; parce qu'Elle écoutait toujours les paroles du Sauveur et Elle était attentive à Ses Oeuvres, afin de les conserver et d'en conférer dans son Très Chaste Coeur. Ce fut un rare exemple de prudence, de réserve et de modestie que les oeuvres, les paroles et toute la conduite de cette Auguste Reine dans le cours de sa Vie; et dans cette circonstance surtout, Elle ne fut pas un exemple seulement pour les religieuses, mais tout spécialement pour les femmes du siècle, et elles peuvent l'avoir présent en de telles actions comme celles des noces, afin d'y apprendre à se taire, à se modérer, à composer leur intérieur et à mesurer leurs actions extérieures sans légèreté et avec réserve; puisque la tempérance n'est jamais si nécessaire que lorsque le péril est plus grand; et le plus grand gala, la plus grande beauté et la plus grande majesté pour les femmes consistent dans le silence, la retenue et la circonspection avec lesquels l'entrée à plusieurs vices est fermée et les vertus de la femme chaste et honnête sont couronnées.

6, 1, 1038. Au repas le Seigneur et Sa Très Sainte Mère mangèrent de certains régals qui étaient servis, mais avec une tempérance souveraine, et dissimulant leur abstinence. Et bien qu'ils ne mangeassent point de ces aliments lorsqu'ils étaient seuls, comme je l'ai dit auparavant [e], néanmoins les Maîtres de la perfection qui ne voulaient point réprouver la vie ordinaire des hommes, mais la perfectionner par leurs Oeuvres, s'accommodaient à tous sans extrêmes ni singularité publiques en ce qui n'était pas répréhensible et qui pouvait être fait avec perfection. Et ce que le Seigneur enseignait par l'exemple, Il l'enseignait aussi par la Doctrine à Ses Apôtres et à Ses disciples leur ordonnant, lorsqu'ils iraient prêcher (Luc 10: Cool, de manger de ce qui leur serait présenté, et de ne point se singulariser comme des imparfaits, peu sages dans le chemin de la Vertu; parce que celui qui est véritablement pauvre et humble ne doit pas choisir les aliments. Il arriva par la dispensation Divine que le vin manqua à table, afin de donner occasion au miracle; et la pieuse Reine dit au Sauveur (Jean 2: 3,4): «Seigneur le vin a manqué à ce festin.» Sa Majesté lui répondit: «Femme, qu'est-ce que cela fait à Moi et à vous? Car Mon heure n'est pas encore arrivée.» Cette réponse de
Jésus ne fut point un reproche, mais un mystère; parce que la Très Prudente Reine-Mère ne demanda point le miracle casuellement; bien au contraire Elle connut par une Lumière divine que c'était pour le pouvoir Divin de son Très Saint Fils le temps de Se manifester, et Celle qui était remplie de Sagesse et de Science des Oeuvres de la Rédemption ne pouvait point avoir d'ignorance en cela, sachant l'ordre que le Sauveur devait garder dans ces Oeuvres, en quels temps et en quelles occasions Il devait les exécuter. On doit avertir aussi que Sa divine Majesté ne prononça point ces paroles avec un air de reproche, mais avec magnificence et une affable sérénité. Et s'Il n'appela point la Vierge Mère, mais Femme, c'était comme je l'ai dit [f], parce qu'Il ne la traitait pas alors avec autant de douceur de paroles [g].

6, 1, 1039. Le mystère de la réponse de Notre-Seigneur Jésus-Christ fut de confirmer les Disciples dans la Foi de la Divinité et commencer à la manifester à tous, Se montrant Dieu véritable et indépendant de Sa Mère dans l'Etre divin et la Puissance de faire des miracles. Pour cette cause Il ne l'appela pas non plus Mère, taisant ce Nom et l'appelant Femme, disant: «En quoi est-ce que cela te regarde et qu'avons-nous à faire, toi et moi en cela?» Ce fut comme s'Il eût dit: Je n'ai pas reçu de toi la Puissance de faire des miracles quoique tu m'aies donné la nature humaine dans laquelle je dois les opérer; parce qu'il ne regarde que Ma Divinité de les faire et pour elle mon heure n'est pas arrivée. Dans cette parole, Il donna à entendre que la détermination des merveilles n'était pas de Sa Très Sainte Mère, mais de la Volonté de Dieu, quoique la Très Prudente Vierge les demandât en temps opportun et convenable: mais joint à cela, le Seigneur voulut qu'on entendît qu'il y avait en Lui un autre Volonté outre l'humaine, et que celle-là était Divine et supérieure à celle de Sa Mère et qu'elle de lui était pas subordonnée; au contraire celle de Sa Mère était soumise à la Volonté qu'Il avait comme vrai Dieu. En conséquence de cela, Sa Majesté répandit en même temps dans l'intérieur des Disciples une Lumière nouvelle et ils connurent l'union hypostatique des deux natures dans la Personne de Jésus-Christ et qu'Il avait reçu l'humaine de Sa Mère et la Divine par la génération éternelle de Son Père.

6, 1, 1040. L'Auguste Reine connut tout ce sacrement et Elle dit avec une gravité ineffable aux domestiques qui servaient au repas: «Faites ce que vous ordonnera mon Fils (Jean 2: 5).» Ces paroles supposent la Sagesse de la Très
Prudente Mère qui connaissait la Volonté du Christ: mais outre cela, la Vierge parla comme Maîtresse de tout le genre humain, enseignant les mortels; car pour remédier à toutes nos nécessités et nos misères, il est nécessaire et suffisant de faire de notre côté tout ce que le Seigneur et ceux qui sont en Sa place commandent. Une telle Doctrine ne pouvait venir que d'une semblable Mère et Avocate, laquelle désireuse de notre bien et connaissant la cause qui retient ou empêche la Puissance divine de faire plusieurs grandes merveilles voulut nous proposer et nous enseigner le remède de nos manquements et de nos infortunes, nous acheminant à l'exécution de la Volonté du Très-Haut, en laquelle consiste tout notre bien. Le Rédempteur du monde commanda aux serviteurs des tables de remplir d'eau les urnes (Jean 2: 7) qu'ils avaient, selon les cérémonies des Hébreux, pour ces ministères. Et les ayant toutes remplies, le Seigneur leur commanda d'en tirer le vin en lequel l'eau avait été changée et de le porter à l'intendant qui était le principal à table, et qui en occupait la première place, lequel était l'un des prêtres de la Loi. Et ayant goûté le vin miraculeux, tout étonné, il appela le marié et lui dit (Jean 2: 10): «Tout homme de jugement met d'abord le meilleur vin pour les convives, et quand ils sont déjà satisfaits, il met le moindre; mais toi tu as fait le contraire, car tu as gardé le plus généreux pour la fin du repas.»

6, 1, 1041. L'intendant ne savait point alors le miracle lorsqu'il goûta le vin; parce qu'il était à la tête de la table et Notre-Seigneur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère étaient avec les Disciples au bas, dans les lieux inférieurs, enseignant par les actes ce qu'il devait ensuite enseigner par la Doctrine: de ne point jeter les yeux sur la meilleure place (Luc 14: 8, 10) dans les festins, mais de choisir volontairement la dernière. Aussitôt la merveille de notre Sauveur, d'avoir changé l'eau en vin fut publiée, et Sa gloire se manifesta (Jean 2: 11) et Ses Disciples crurent en Lui, comme dit l'Évangéliste; parce qu'ils crurent de nouveau et ils se confirmèrent davantage dans la Foi. Et non seulement eux, mais beaucoup d'autres qui se trouvèrent présents crurent qu'Il était le Messie véritable et Le suivirent, L'accompagnant jusqu'à la ville de Capharnaüm où l'Évangéliste dit que Sa Majesté alla depuis Cana avec Sa Mère et Ses Disciples; et saint Matthieu dit qu'Il commença là à prêcher (Matt. 4: 17), Se déclarant Maître des hommes. Et lorsque saint Jean dit que le Seigneur manifesta Sa gloire par ce signe ou ce miracle, il ne nie pas qu'Il en avait fait d'autres auparavant en secret, mais il le suppose; et Il manifesta dans ce miracle Sa gloire qu'Il n'avait pas manifestée dans
les autres; parce qu'Il n'avait pas voulu en être connu pour l'Auteur, car ce n'était pas le temps opportun, ni celui déterminé par la Sagesse divine. Il est certain qu'Il en fit plusieurs très admirables en Égypte, dans la ruine des temples et de leurs idoles, comme je l'ai dit en son lieu [h]. En toutes ces merveilles, la Très Sainte Marie faisait des actes insignes de vertu en louanges et en actions de grâces au Très-Haut de ce que Son saint Nom se manifestait. Elle était attentive à la consolation des nouveaux croyants et au service de son Très Saint Fils, et en tout Elle mettait le comble de la perfection avec sa Sagesse incomparable et sa Charité pleine de sollicitude. Elle exerçait cette sollicitude avec une très grande ferveur, faisant entendre ses clameurs au Père Éternel, Le suppliant de disposer les âmes et les coeurs des hommes, afin que les Paroles et la Lumière du Verbe fait chair les éclairât et dissipât les ténèbres de leur ignorance.


DOCTRINE QUE ME DONNA LA GRANDE REINE,
LA SOUVERAINE DU CIEL.


6, 1, 1042. Ma fille, il n'y a point d'excuse pour l'oubli et la négligence que les enfants de l'Église ont généralement en ne s'efforçant pas tous et chacun d'eux de faire que la gloire de leur Dieu se dilate et se manifeste par toutes les créatures raisonnables, faisant connaître Son saint Nom. Cette négligence est plus coupable depuis que le Verbe éternel s'est incarné dans mes entrailles, a enseigné le monde et l'a racheté pour cette fin. C'est pourquoi Sa Majesté a fondé la Sainte Église et l'a enrichie de Biens et de Trésors spirituels, de ministres et de trésors temporels. Tout cela doit servir, non seulement pour conserver l'Église avec les enfants qu'elle a, mais aussi pour l'agrandir et lui attirer d'autres nouveaux enfants à la régénération de la Foi Catholique. Tous doivent aider ce but, afin que le fruit de la mort de leur Réparateur profite davantage. Les uns peuvent le faire par des oraisons, des prières, des désirs fervents de l'exaltation du saint Nom de Dieu; d'autres, par des aumônes; d'autres, par des diligences et des exhortations, et d'autres par leur travail et leur sollicitude. Mais si les ignorants et les pauvres sont moins coupables en ce retard et cette négligence, eux qui n'ont peut-être personne
pour leur en rappeler la mémoire; toutefois les riches et les puissants sont très répréhensibles et beaucoup plus les ministres de l'Église et ses prélats que cette obligation touche de plus près; et il y en a plusieurs, oublieux d'une charge aussi terrible qui les attend, qui convertissent la véritable gloire du Christ, en leur propre et vaine gloire. Ils perdent et dépensent le patrimoine du Sang du Rédempteur en des oeuvres et des fins qui ne sont pas dignes d'être nommées, et un nombre infini d'âmes qui, par les moyens opportuns eussent pu venir à la Sainte Église, se perdent par leur faute; du moins étant fidèles dispensateurs ils eussent eu ce mérite et le Seigneur la gloire d'avoir de tels ministres dans Son Église. La même charge sera faite aux princes et aux seigneurs puissants du monde qui ont reçu des mains de Dieu l'honneur, la fortune et d'autres biens temporels pour les convertir à la gloire de Sa Majesté; et ils réfléchissent à rien moins qu'à cette obligation

6, 1, 1043. Je veux que tu t'affliges de toutes ces pertes et que tu travailles autant que tes forces le permettront, afin que la gloire du Très-Haut soit manifestée, qu'Il soit connu de toutes les nations et que des pierres mêmes Il suscite des enfants d'Abraham (Matt. 3: 9), puisqu'Il est Puissant pour tout cela. Et afin de les attirer au joug suave de l'Évangile, demande-Lui d'envoyer à Son Église des ouvriers et des ministres idoines, car la moisson est grande et très abondante et il y a peu de travailleurs fidèles et zélés pour la recueillir. Que ce soit pour toi un vivant Exemplaire ce que je t'ai manifesté de ma sollicitude et de mon amour maternel qui me portaient à travailler avec mon Fils et mon Seigneur pour Lui gagner les âmes et les conserver dans Sa Doctrine et à Sa suite. Que la flamme de cette Charité et de ce zèle ne s'apaise jamais dans le secret de ton coeur. Je veux aussi que mon silence et ma modestie que tu as connus, que j'eus aux noces soient une règle inviolable pour toi et tes religieuses avec quoi vous pourrez mesurer toutes vos actions extérieures, votre réserve, votre modération, votre peu de paroles spécialement en présence des hommes; parce que ces vertus sont les parures qui embellissent une épouse de Jésus-Christ et qui lui conviennent, afin qu'elle trouve grâce à Ses yeux Divins.

NOTES EXPLICATIVES

Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 1, [a]. «C'est le sentiment de tous que les mariés étaient consanguins de Notre-Seigneur Jésus-Christ.» Sylveira, [l. 4, c. 1, q. 4].
6, 1, b. Les Hébreux comptaient réellement les jours de la semaine, appelant le dimanche "premier jour du sabbat"; Le lundi, "second jour"; le mardi "troisième jour", etc. Mais il està remarquer que si les noces commencèrent le troisième jour de la semaine elles ne finirent point cependant le même jour; parce que les noces duraient sept jours, selon la coutume hébraïque. Lamy, [Introd. ad Sacr. Script., vol. I, c. VIII, sect. 2, no. 58]; ou aussi cinq jours. Migne, [Cours compl. des saintes Écritures] en ce passage de S. Jean. Les noces de Cana étant donc commencées le mardi, finirent probablement le samedi, jour de fête, ou le dimanche.
6, 1, [c]. Parce que le troisième jour aurait été employé en noces et non en voyage.
6, 1, [d]. Saint Jérôme dit aussi que saint Jean n'était pas l'époux des noces [Adv. Jov. I. 1]. Saint Ignace d'Antioche, disciple de saint Jean même [Epis. ad Philadel.], saint Épiphane et autres sont du même sentiment. Ainsi l'opinion contraire de divers écrivains postérieurs n'est pas à suivre. Voir A. Lapide, [in 2 Jean], Sylveira [L. IV, c. I].
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Message par sga Ven 12 Avr 2019 - 18:06

CHAPITRE 2


La Très Sainte Marie accompagne notre Sauveur dans la prédication; Elle travaille beaucoup en cela, et Elle prend soin des femmes qui les suivent et en tout Elle procède avec une souveraine perfection.

6, 2, 1044. Ce ne serait pas s'éloigner du sujet de cette Histoire que de prétendre y écrire les miracles et les Oeuvres héroïques de notre Rédempteur et Maître Jésus-Christ, car Sa Bienheureuse et Très Sainte Mère concourut et eut quelque part presque en toutes. Mais je ne peux intenter un travail si ardu et si au-dessus des forces et de la capacité humaine; puisque l'Évangéliste saint Jean, après avoir écrit tant de merveilles de son divin Maître dit à la fin de son Évangile que Jésus en fit beaucoup d'autres (Jean 21: 25), et si elles étaient toutes écrites en particulier, le monde entier ne saurait les contenir. Si la chose parut si impossible à l'Évangéliste, que peut présumer une femme ignorante et plus inutile que la poussière de la terre? Les quatre Évangélistes on écrit ce qui était nécessaire et
convenable, ce qui suffisait pour fonder et conserver l'Église et il n'est pas nécessaire de le répéter dans cette Histoire. Toutefois pour la tisser et ne pas laisser dans le silence tant d'oeuvres de la divine Reine qu'ils n'écrivirent point, il sera indispensable d'en toucher quelques-unes en particulier; car je juge que ce me sera un sujet de consolation et d'utilité pour mon avancement de les écrire et de les avoir dans la mémoire. Je n'ai point ordre d'écrire le reste dont les Évangélistes ne firent point mention; il est réservé pour la vision béatifique où il sera manifesté aux Saints dans le Seigneur pour leur joie spéciale et ils loueront éternellement le Très-Haut pour des Oeuvres si magnifiques.

6, 2, 1045. De Cana en Galilée, notre Rédempteur Jésus-Christ prit le chemin de Capharnaüm, cité grande et peuplée près de la mer de Tibériade, où Il demeura quelques jours comme dit l'Évangéliste saint Jean (Jean 2: 12), quoique non plusieurs; parce que le temps de la Pâque étant proche, Il alla en Se rapprochant de Jérusalem, pour la célébrer le quatorze de la lune de mars. Sa Très Sainte Mère L'accompagna dès lors, ayant abandonné sa maison de Nazareth pour Le suivre dans Sa prédication, comme Elle le fit toujours jusqu'à la Croix, sauf en certaines circonstances où Ils Se séparaient pour peu de jours, comme lorsque le Seigneur S'en alla au Thabor, ou pour accourir à des conversions particulières, comme à celle de la Samaritaine, ou parce que la divine Vierge demeurait avec quelques personnes pour achever de les informer et de les catéchiser. Mais aussitôt Elle revenait en la compagnie de son Fils et son Maître suivant le Soleil de justice jusqu'au coucher de Sa Mort. Dans ces pérégrinations, la Reine du Ciel marchait à pied comme son Très Saint Fils. Et si le Seigneur Lui-même, Se fatigua, dans les chemins comme Il appert de l'Évangéliste, quel ne devait pas être le travail de la Très Pure Vierge? quelles fatigues ne dût-Elle pas souffrir en tant de voyages et à tous les temps sans distinction? La Mère de Miséricorde traita son corps très délicat avec cette rigueur; ce qu'Elle souffrit pour nous en cela seulement fut tel que tous les hommes ne sauront jamais satisfaire à cette obligation. Elle arrivait quelquefois à sentir tant de douleur et d'accablement, le Seigneur le disposant ainsi, qu'il était nécessaire de la soulager miraculeusement comme Sa Majesté le faisait. D'autres fois Il lui commandait de se reposer en quelque endroit pendant quelques jours. D'autres fois Il allégeait le poids de son corps, de manière qu'Elle pouvait se mouvoir sans difficulté comme si Elle eut volé.

6, 2, 1046. La divine Maîtresse avait toute la Loi et la Doctrine de l'Évangile écrites dans son coeur, comme je l'ai déjà déclaré; néanmoins Elle était très soigneuse et très attentiveà écouter la prédication et la Doctrine de son Très Saint Fils, comme si Elle eut été une nouvelle disciple et Elle avait ordonnée à ses Anges de l'aider spécialement et de l'aviser s'il était nécessaire, afin qu'Elle ne manquât jamais la prédication de son divine Maître, sauf lorsqu'Elle était absente. Et lorsque Sa Majesté prêchait ou enseignait, la grande Dame L'écoutait toujours à genoux, Lui rendant Elle seule la révérence et l'adoration qui étaient dues à Sa Personne et à Sa Doctrine selon que ses forces le permettaient. Et comme Elle connaissait toujours, ainsi que je l'ai dit en d'autres endroits, les opérations de l'Ame très sainte de son Fils et qu'en même temps qu'Il prêchait Elle priait intérieurement le Père afin que la semence de Sa sainte Doctrine tombât en des coeurs bons et qu'elle donnât un fruit de Vie Éternelle, la Très Pieuse Mère faisait cette même oraison et ces mêmes prières pour les auditeurs de leur divin Maître et avec larmes Elle leur donnait les mêmes bénédictions avec une très ardente Charité. Et Elle les excitait et les enseignait tous par sa profonde révérence et son attention, leur montrant l'appréciation qu'ils devaient faire de l'Enseignement et des Paroles du Sauveur du monde. Elle connut de même l'intérieur des coeurs de tous ceux qui assistaient à la prédication de son Très Saint Fils, et l'état de grâce ou de péché, de vices ou de vertus qu'ils avaient. La variété de ces objets cachés à la capacité humaine causait dans la divine Mère des effets différents et admirables et tous de Charité très sublime et d'autres vertus; car Elle s'enflammait dans le zèle de l'honneur du Seigneur afin que le fruit de Sa Rédemption et de Ses Oeuvres ne fût pas perdu dans les âmes; et la dangereuse perte des âmes par le péché la portait à demander leur remède avec une ferveur incomparable. Elle sentait une douleur intime et poignante de ce que Dieu n'était point connu, adoré et servi de toutes Ses créatures; et cette douleur était égale à la connaissance qu'Elle avait des raisons de cela et qu'Elle pénétrait au-dessus de tout entendement humain. Elle s'affligeait avec une amertume inexplicable pour les âmes qui ne recevraient point la grâce et la vertu Divines; et Elle avait coutume de verser des larmes de sang dans cette peine si sensible. Ce que notre Auguste Reine souffrit dans ces oeuvres et ces soucis surpasse sans comparaison les peines que souffrirent tous les martyrs du monde.

6, 2, 1047. Elle traitait tous les disciples qui suivaient le Sauveur et ceux que Sa Majesté recevait pour ce ministère avec une Sagesse et une Prudence incomparables; et Elle avait une plus grande estime et une plus grande vénération envers ceux qui avaient été désignés pour être Apôtres, toutefois Elle prenait soin de tous comme Mère, et Elle les assistait comme puissante Reine, leur procurant la nourriture et les autres choses nécessaires pour la vie corporelle. Et quelquefois lorsqu'il n'y avait pas d'autre moyen de leur procurer la nourriture, Elle ordonnait aux Anges de leur porter à manger à eux et aux saintes femmes dont Elle prenait soin. Mais Elle ne donnait connaissance de ces merveilles aux disciples qu'autant qu'il était nécessaire pour les confirmer dans la piété et la foi du Seigneur. La grande Dame travailla plus que l'on peut comprendre pour les aider et les avancer dans la Vie spirituelle; non seulement par les oraisons et les prières ferventes et continuelles qu'Elle faisait pour eux; mais par l'exemple, les conseils et les avertissements qu'Elle leur donnait, Elle les nourrit et les alimenta comme Mère et Maîtresse Très Prudente. Lorsque les Apôtres et les disciples se trouvaient dans quelque doute, car ils en eurent beaucoup au commencement, ou bien lorsqu'ils éprouvaient quelque tentation caché, ils accouraient aussitôt à l'Auguste Vierge afin d'être enseignés et soulagés par la Lumière et la Charité incomparables qui resplendissaient en Elle; et ils se trouvaient dignement récrées et consolés par la douceur de ses paroles. Ils demeuraient savants et enseignés par sa Sagesse, soumise par son humilité, réservés et composés par sa modestie; et ils trouvèrent tous les biens ensemble dans cette Créature bénie, cette Officine de L'Esprit Saint et de Ses Dons. Pour tous ces bienfaits, pour la conversion de quelque âme, pour la persévérance des justes ou pour toute oeuvre de vertu et de grâce Elle donnait le retour de reconnaissance, et c'était alors pour la divine Mère un jour de fête et Elle faisait pour tout cela de nouveaux cantiques.

6, 2, 1048. Quelques femmes avaient aussi suivi depuis la Galilée notre Rédempteur dans Sa prédication, comme le disent les Évangélistes. Saint Matthieu, saint Marc et saint Luc disent que quelques-unes qu'Il avait guéries du démon et d'autres infirmités L'accompagnaient et Le servaient (Luc 8: 1, 3); parce que le Maître de la Vie n'exclua point le sexe de Sa suite, de Son imitation et de Sa Doctrine; et ainsi quelques femmes L'assistèrent et Le servirent dès le commencement de Sa prédication. Entre autres fins, Sa divine Sagesse le disposait ainsi afin que Sa Très Sainte Mère eût une compagnie avec Elle pour une plus grande convenance. Notre Reine avait un soin spécial de ces pieuses et
saintes femmes; Elle les réunissait, les enseignait et les catéchisait, les amenant aux sermons de son Très Doux Fils. Et quoiqu'Elle fût très éclairée de la Sagesse et de la Doctrine de l'Évangile pour leur enseigner le Chemin de la Vie Éternelle, néanmoins dissimulant en partie son grand secret, Elle se servait toujours de ce qu'ils avaient tous entendu de son Très Saint Fils, et Elle commençait avec cela les exhortations et les entretiens qu'elle faisait à ces femmes et à beaucoup d'autres qui venaient à Elle en différents endroits après avoir entendu, ou avant d'entendre le Sauveur du monde. Et quoique toutes ne les suivaient pas, la divine Mère les laissait néanmoins instruites dans la Foi et les Mystères dont il était nécessaire de les informer. Les femmes qu'Elle attira à la connaissance de Jésus-Christ et au Chemin du Salut Éternel et de la perfection Évangélique furent innombrables, quoiqu'il n'en soit pas fait mention, si ce n'est que les Évangélistes disent que quelques-unes suivaient Notre-Seigneur; parce qu'il n'était pas nécessaire à leur sujet d'écrire ces particularités. La puissante Reine fit des oeuvres admirables parmi ces femmes, et non seulement Elle les informait dans la Foi et les Vertus par ses paroles, mais Elle les enseignait aussi par ses exemples, à user de la piété et à l'exercer en visitant les malades, les pauvres, les hôpitaux, les prisonniers et les affligés, soignant de ses propres mains ceux qui avaient des plaies, consolant ceux qui étaient affligés, secourant les nécessiteux. S'il fallait rapporter toutes ces oeuvres il faudrait y employer une grande partie de cette Histoire ou y faire une addition.

6, 2, 1049. Les miracles innombrables et grandioses que fit la grande Reine dans le temps de la prédication de Notre-Seigneur Jésus-Christ, n'ont pas été écrits non plus dans l'Évangile ni dans les autres histoires ecclésiastiques, parce qu'ils n'écrivirent que de ceux que Notre-Seigneur fit Lui-même, en tant qu'il convenait pour la foi de l'Église, et il fallait que cette foi fut déjà fondée et confirmée avant que fussent manifestées les grandeurs particulières de Sa Très Sainte Mère. Selon ce qui m'a été donné à entendre il est certain qu'Elle fit non seulement beaucoup de conversions miraculeuses, mais qu'Elle ressuscita des morts, qu'Elle rendit la vue à des aveugles et qu'Elle donna la santé à plusieurs. Et cela fut convenable pour plusieurs raisons: l'une parce qu'Elle fut Coadjutrice de la plus grande Oeuvre pour laquelle le Verbe du Père Éternel vint prendre chair humaine dans le monde: qui fut la prédication et la Rédemption; et pour cette Oeuvre il ouvrit les Trésors de Sa Toute-Puissance et de Sa Bonté infinie, les manifestant par le Verbe Incarné et par Sa digne Mère; une autre raison fut qu'il était de la gloire des Deux que la Mère
Elle-même fût semblable à son Fils dans ces merveilles, et qu'Elle arrivât au comble de toutes les grâces, et de tous les mérites correspondants à sa dignité et à sa récompense; afin que par cette manière d'opérer Elle accréditât son Très Saint Fils et Sa Doctrine et qu'Elle L'aidât dans Son ministère avec une hauteur, une efficacité et une excellence plus grandes. Ce fut par une disposition du Seigneur et une prière de la Très Prudente Mère que ces merveilles de la Très Sainte Marie furent cachées; et ainsi Elle les faisait avec tant de dissimulation et de Sagesse que la gloire en fût toujours donnée au Rédempteur, au Nom et en vertu de qui elles étaient faites [b]. Elle gardait aussi cette manière en enseignant les âmes; parce qu'Elle ne prêchait pas en public, ni dans les postes et les lieux déterminés pour ceux qui le faisaient par office, comme maîtres et ministres de la Parole divine; car la grande Reine n'ignorait pas que cet office n'était pas pour les femmes; mais Elle faisait ces oeuvres avec une Sagesse, une efficace et une prudence céleste. Elle fit de cette manière et avec ses oraisons de plus grandes conversions que tous les prédicateurs du monde.

6, 2, 1050. Cela s'entendra mieux sachant que, outre la vertu Divine qu'avaient ses paroles, Elle savait et connaissait les naturels, les conditions, les inclinations, les coutumes de tous et de chacun, ainsi que le temps, la disposition et les occasions où il était le plus opportun de les amener au Chemin de la Lumière et à cela venaient se joindre ses oraisons, ses prières et la douceur de ses paroles très prudentes. Tous ces dons étaient gouvernés par cette Charité très ardente avec laquelle Elle désirait réduire toutes les âmes au Chemin du Salut et les porter au Seigneur; or il était conséquent que l'oeuvre opérée par de tels instruments fût grandiose et qu'un infinité d'âmes fussent gagnées, éclairées et excitées; parce qu'Elle ne demandait jamais rien au Seigneur qu'Il ne le lui accordât, et Elle ne faisait aucune oeuvre vide et sans le comble de la sainteté qu'Elle requérait; et celle-ci de la Rédemption étant la principale, Elle y coopéra sans doute plus que nous ne le pourrons connaître en cette vie mortelle. La divine Souveraine procédait en toutes ses oeuvres avec une rare douceur, comme une très simple Colombe, et avec une patience et une tolérance extrêmes, supportant les imperfections et la rudesse des nouveaux fidèles, éclairant leurs ignorances, parce que grande était la multitude de ceux qui accouraient à Elle en se déterminant à la foi du Rédempteur. Elle gardait toujours la sérénité de sa magnificence d'Auguste Reine; mais joint à cela, Elle était si suave et si humble que seule son Altesse sut unir ces perfections dans un degré souverain,à l'imitation du Seigneur même.
Tous Deux, Ils traitaient tout le monde avec tant d'amabilité, de Charité très parfaite, qu'il ne put rester aucune excuse à personne de ne pas se laisser enseigner par de tels Maîtres. Ils parlaient, conversaient, mangeaient avec les disciples et les femmes qui les suivaient et toujours en gardant la mesure et le poids qui convenaient, afin que personne ne s'étonnât et ne pensât que le Sauveur ne fût pas un homme véritable, fils naturel de la Très Sainte Marie; et pour cela le Seigneur acceptait les invitations avec beaucoup d'affabilité, comme il appert des saints Évangiles (Matt. 9: 10; Jean 12: 2; Luc 5: 17; Luc 5: 29; Luc 7: 36).

DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 2, 1051. Ma fille, il est vrai que j'ai travaillé plus que les mortels ne le pensent et ne le connaissent en accompagnant et en suivant mon Très Saint Fils jusqu'à la Croix; et mes soucis ne furent pas moindres, comme tu le comprendras en écrivant la troisième partie de ma Vie. C'était une joie incomparable pour mon esprit de voir que le Verbe Incarné opérait le salut des hommes et ouvrait le Livre fermé de sept sceaux qui contenait les Mystères cachés de Sa Divinité et de Sa Très Sainte Humanité; et le genre humain ne me doit pas moins de ce que je me réjouissais du bien de chacun, que du soin avec lequel je le procurais, parce que tout naissait en moi d'un même amour. Je veux que tu m'imites en cela comme je t'en avertis fréquemment. Et quoique tu n'entendes point des oreilles du corps la Doctrine de mon Très Saint Fils, ni Sa voix et Sa prédication, tu peux quand même m'imiter dans la révérence avec laquelle je L'écoutais; puisque c'est le même qui te parle au coeur; la Vérité et l'Instruction sont une seule et même. Et ainsi je t'ordonne lorsque tu reconnais cette Voix et cette Lumière de ton Époux et ton Pasteur de t'agenouiller avec révérence pour Y être attentive, L'adorer avec action de grâces: et écrire Ses Paroles dans ton coeur. Si tu te trouves en un lieu public où tu ne puisses faire cette humiliation extérieure, tu la feras par l'affection et obéis-Lui en tout comme si tu avais été présente à Sa prédication; mais comme de l'avoir entendu alors corporellement sans mettre Ses paroles en pratique ne t'aurais pas rendue heureuse, tu peux l'être maintenant si tu fais ce que tu entends dans l'esprit quoique ce ne soit point par l'ouïe extérieure. Ton obligation est grande, parce que la Piété et la Miséricorde très libérale du Très-Haut et la mienne est
grande envers toi. Ne sois point lente de coeur et ne te trouve point pauvre parmi tant de richesses de la Lumière divine.

6, 2, 1052. Tu ne dois pas écouter seulement la voix intérieure du Seigneur avec respect, mais aussi celle de Ses ministres, les prêtres et les prédicateurs dont les voix sont les échos de celle du Dieu très haut et les aqueducs par où se dirige la sainte Doctrine de Vie, dérivée de la Fontaine éternelle de la Vérité divine. Dieu parle en eux et la voix de Sa Loi divine résonne; écoute-les avec tant de révérence que tu ne te permettes jamais de les juger et de leur trouver des défauts. Ils doivent tous être sages et éloquents pour toi et tu dois entendre en chacun mon Fils et mon Seigneur Jésus-Christ. Avec cela tu seras avertie pour ne point tomber dans la folle audace des mondains qui méprisent Ses ministres et Ses prédicateurs, avec une vanité et un orgueil très répréhensibles et très odieux aux yeux du Très-Haut, parce que ceux-ci ne leur parlent point à la satisfaction de leur goût dépravé. Comme ils ne vont pas pour entendre la Vérité divine, ils jugent des termes et du style seulement, comme si la Parole de Dieu n'était point simple et efficace, sans tant d'ornements et d'embellissements de paroles ajustées à l'ouïe malade de ceux qui l'écoutent. Prends garde de faire peu de compte de cet avis, fais attention à tous ceux qui te seront donnés dans cette Histoire, car, comme Maîtresse, je veux t'informer du peu et du beaucoup, des grandes choses et des petites; parce que c'est toujours une grande chose d'opérer en tout avec perfection. De même je t'avertis d'être égale envers ceux qui te parleront, pauvre ou riche, sans distinction ni acception de personne, car c'est une autre faute commune parmi les enfants d'Adam, et mon Très Saint Fils et moi, Nous l'avons condamnée et réprouvée en Nous montrant également affables envers tous et davantage avec les plus méprisés, les plus affligés et les plus nécessiteux. La sagesse humaine est attentive aux personnes et à l'ostentation mondaine et non à l'être des âmes ni à leurs vertus; mais la prudence du Ciel regarde l'Image de Dieu en tous. Tu ne dois pas craindre non plus que tes frères et ton prochain découvrent en toi les défauts de la nature qui sont la peine du premier péché, comme les maladies, la fatigue, la faim et d'autres incommodités. Vouloir cacher ces défauts est parfois une hypocrisie ou un manque d'humilité; et les amis de Dieu ne doivent craindre que le péché et désirer mourir pour ne le point commettre; tous les autres défauts ne souillent point la conscience et il n'est point nécessaire de les cacher.


NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 2, [a]. Livre 5, Nos. 714, 776.
6, 2, [b]. Il est certain par l'histoire que des femmes extraordinaires comme sainte Catherine de Sienne, sainte Françoise romaine, etc., firent des miracles étonnants même pendant leur vie. Pourquoi donc la Mère de Dieu n'en aurait-Elle point fait, Elle qui était Reine de toutes les créatures? Suarez écrit: «En ce temps-là la Bienheureuse Vierge Marie fut aussi à sa manière Maîtresse de la Foi et ses miracles tournaient à la gloire de son Fils.» [In 3 P., 5. 2, disp. 20].
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Message par sga Ven 19 Avr 2019 - 12:46

CHAPITRE 3


L'humilité de la Très Sainte Marie dans les miracles que Notre-Seigneur Jésus-Christ opérait; celle qu'Elle enseigna aux Apôtres, pour ceux qu'ils devaient opérer par la vertu Divine et autres avertissements.

6, 3, 1053. Si l'on considère avec attention toute cette Histoire de la Très Sainte Marie l'on verra que son sujet principal est une démonstration très claire de l'humilité de cette Auguste Reine des humbles, vertu si ineffable en Elle qu'elle ne peut être dignement louée et exaltée avec proportion; parce qu'elle ne fut suffisamment comprise ni des hommes, ni des Anges; dans son impénétrable profondeur. Mais de même qu'en toutes les confections et les remèdes salutaires il entre la suavité et la douceur du sucre qui leur donne à tous leur point de perfection en s'y accommodant, quoiqu'ils soient très différents, de même en toutes
les vertus et les oeuvres de la Très Sainte Marie entre l'humilité, élevant leur degré et les accommodant au goût du très haut Seigneur et des hommes, de sorte que Sa Majesté la regarda et la choisit à cause de son humilité, et c'est pour cette vertu que toutes les nations l'appellent Bienheureuse (Luc 1: 48). La Très Prudente Vierge ne perdit pas un instant, une occasion, un moment ni un lieu en toute sa Vie, qu'Elle laissât perdre, sans opérer les vertus requises; mais la plus grande merveille fut qu'Elle ne fit aucune oeuvre de vertu sans que sa rare humilité y entrât. Cette vertu l'éleva au-dessus de tout ce qui n'était point Dieu même; et comme la Très Sainte Marie vainquit toutes les créatures dans l'humilité; par elle aussi cette Vierge vainquit Dieu même, pour avoir tellement trouvé grâce à Ses yeux que le Seigneur ne lui refusa aucune des grâces qu'Elle demanda pour Elle-même ou pour les autres. La Très Humble Dame vainquit toutes les créatures en humilité; parce qu'Elle vainquit dans sa maison sa Mère sainte Anne et ses domestiques pour qu'ils la laissassent être humble, comme je l'ai dit dans la première partie [a]; Elle vainquit dans le Temple toutes les jeunes filles ses compagnes, dans le mariage saint Joseph dans les offices humbles, les Anges, dans les louanges les Apôtres et les Évangélistes, afin qu'ils la cachassent; Elle vainquit aussi par le même humilité le Père et l'Esprit-Saint afin qu'ils l'ordonnassent, et son Très Saint Fils afin qu'Il la traitât de manière à ne point donner motif aux hommes de la louer à cause de Ses miracles et de Sa Doctrine.

6, 3, 1054. Ce genre d'humilité dont je parle maintenant fut pour la Seule très humble entre les humbles; parce que ni les autres enfants d'Adam ni les Anges mêmes ne peuvent y arriver, par la circonstance des personnes, lors même que nous ne défaillirions pas tant dans cette vertu pour d'autres causes. Nous comprendrons cette vérité en considérant que dans les autres mortels, le venin de l'orgueil demeura si invétéré par la morsure de l'ancien serpent, que pour le faire sortir, la Sagesse divine ordonna que l'effet du péché même servît de remède, afin que la connaissance des propres péchés et si propres à chacun, nous fît connaître notre bassesse, dans l'être que nous avons. Il est clair que bien que nous ayons une âme spirituelle, elle tient néanmoins dans cet ordre le degré infime, comme Dieu tient le suprême et la nature angélique le milieu; et du côté du corps, nous sommes formés non seulement du très bas élément qui est la terre; mais de ce qui est immonde en elle qui est le limon (Gen. 2: 7). Tout cela ne fut pas oiseux dans la Sagesse et la Puissance divine, mais fut l'effet d'une grande considération, afin que le limon prît sa place et qu'il se réputât toujours digne du lieu le plus bas et
qu'il y demeurât lors même qu'il se vît le plus paré et le plus orné de grâces parce que celles-ci se trouvent dans un vase fragile de limon et de poussière (2 Cor. 4: 7). Nous avons tous perdu le jugement et sommes demeurés stupides à l'endroit de cette vérité et cette humilité si légitime de l'être de l'homme; et pour nous restituer à une autre humilité et une autre vérité, il était nécessaire que nous fissions l'expérience dans le "fomes" et ses passions et dans nos actions désordonnées que nous sommes vils et contemptibles. Et il ne nous suffit même pas de l'expérimenter chaque jour pour nous faire revenir au bon sens et confesser que c'est une perversité inique de désirer l'honneur et l'excellence humaine pour celui qui n'est par nature que poussière et limon et par ses oeuvres, indigne même d'un être si bas et si terrestre.

6, 3, 1055. La Très Sainte Marie seule, sans avoir été touchée du péché d'Adam, ni de ses effets si laids et si dangereux, connut l'art de la plus grande humilité et l'éleva àson plus haut point de perfection; et seulement d'avoir connu l'être de la créature, Elle s'humilia plus que tous les enfants d'Adam qui outre leur être terrestre connaissent aussi leurs propres péchés. Les autres, s'ils furent humbles, furent d'abord humiliés et ils entrèrent dans l'humilité comme contraints par l'humiliation; et ils doivent confesser avec David: «Avant que Vous m'ayez humilié j'ai péché (Ps. 118: 67).» Et dans un autre verset: «Il a été bon pour moi, Seigneur, que Vous m'ayez humilié pour venir à connaître Vos justifications (Ps. 118: 71);» mais la Mère de l'humilité n'y entra pas par l'humiliation et Elle fut humble avant d'être humiliée; et Elle ne le fut jamais par des péchés et des passions; mais Elle fut toujours généreusement humble. Si les Anges n'entrent point en compte avec les hommes, parce qu'ils sont de hiérarchie et de nature supérieure, sans passions ni péchés; néanmoins ces esprits sublimes ne purent atteindre l'humilité de la Très Sainte Marie, quoiqu'ils s'humilièrent aussi devant leur Créateur, parce qu'ils étaient Ses ouvrages. Mais ce que la Très Sainte Marie eut de l'être terrestre et humain lui fut un motif pour surpasser les Anges de ce côté; car leur propre être spirituel ne put les mouvoir às'abaisser autant que cette Auguste Reine. A cela vient s'ajouter la dignité de Mère de Dieu et de Maîtresse de toutes les créatures et des Anges mêmes; car aucun d'eux ne put reconnaître en soi aucune dignité ni aucune excellence qui élevât sa vertu d'humilité à un point aussi sublime qu'Elle se trouvait en notre divine Maîtresse.

6, 3, 1056. Elle fut Singulière et Unique dans cette excellence, puisqu'étant Mère de Dieu même et Reine de toutes les créatures, n'ignorant point cette vérité ni les Dons de grâce qu'Elle avait reçus pour être une digne Mère, ni les merveilles qu'Elle opérait avec ces Dons, et que le Seigneur déposait tous les Trésors du Ciel dans ses mains et à sa disposition; néanmoins, son Coeur ne s'éleva jamais du lieu le plus infime entre toutes les créatures ni pour être Mère de Dieu, ni pour être innocente, puissante et favorisée, ni pour ses oeuvres miraculeuses ou celles de son Très Saint Fils! O rare humilité! O fidélité qui n'avait jamais été vue parmi les mortels! O Sagesse que les Anges mêmes ne purent atteindre entre eux-même! Quel est celui qui étant connu de tous pour le plus grand se méconnaît lui seul et se répute pour le moindre? Qui est-ce qui sut se cacher à lui-même ce que tous publient de lui? Qui est-ce qui fut contemptible pour lui seul, étant admirable pour tous? Quel est celui qui ne perdit point de vue sa bassesse au milieu de l'élévation et de l'excellence souveraine? Qui est-ce qui choisit la dernière place étant convié à la plus élevée (Luc 14: Cool, et cela ni par nécessité, ni par tristesse, ni par impatience forcée, mais avec coeur, vérité et fidélité? O enfants d'Adam, que nous sommes lents et paresseux dans cette Science divine! Combien il est nécessaire que Dieu nous cache souvent nos propres biens, ou qu'avec eux il nous charge de quelque lest ou contrepoids, afin que nous ne heurtions point dans les écueils et que nous ne nous perdions point avec tous ses Bienfaits, et que nous ne méditions point secrètement quelque rapine de la gloire qui Lui est due comme Auteur de tout. Comprenons donc combien notre humilité est batarde et fragile, quoique nous l'ayons quelquefois, puisque le Seigneur, disons-le ainsi à notre manière, a besoin de tant de soin et de sollicitude pour nous confier quelque Bienfait et quelque vertu à cause de la faiblesse de notre humilité; et Il nous confie rarement Ses Dons sans que notre ignorance ne Lui en ravisse quelque retaille, au moins par voie de complaisance et de joie légère.

6, 3, 1057. Dans les miracles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce fut un sujet d'admiration pour les Anges de la Très Sainte Marie de voir le procédé et l'humilité que la Reine garda à cet égard; parce qu'ils n'étaient pas accoutumés à voir dans les enfants d'Adam, ni même entre eux, cette manière d'abaissement parmi tant d'excellence et d'oeuvres si glorieuses; et les divins esprits n'admiraient pas tant les merveilles du Sauveur, parce qu'ils y avaient déjà connu et expérimenté Sa Toute-Puissance, que la fidélité incomparable avec laquelle la Bienheureuse Vierge réduisait toutes ses oeuvres à la gloire de Dieu, se réputant
Elle-même si indigne qu'Elle estimait comme un bienfait qui lui était accordé par son Très Saint Fils qu'Il ne laissât point de les faire tandis qu'Elle était dans le monde. Ce genre d'humilité venait à avoir lieu en Elle dans le temps même où Elle était l'instrument de presque toutes ces oeuvres miraculeuses, mouvant actuellement le Sauveur par ses prières afin qu'Il les fît; outre que si la Très Sainte Marie ne fût pas intervenue entre Jésus-Christ et les hommes, comme je l'ai dit en d'autres endroits [b], le monde ne serait pas arrivé à avoir la Doctrine de l'Évangile et il n'aurait pas mérité de la recevoir.

6, 3, 1058. Les miracles et les Oeuvres de Notre-Seigneur Jésus-Christ étaient des événements si nouveaux dans le monde qu'il ne pouvait manquer d'en résulter pour Sa Très Sainte Mère une grande gloire et une grande estime; parce que, non seulement Elle était connue des Apôtres et des disciples, mais les nouveaux disciples accouraient tous à Elle, la confessant Mère du Messie véritable et ils lui donnaient beaucoup de félicitations des merveilles que faisait son Très Saint Fils. Tous ces événements étaient un nouveau creuset de son humilité; parce qu'Elle s'abaissait jusqu'à la poussière et Elle s'anéantissait dans sa propre estime au-dessus de toute pensée humaine et créée. Elle ne demeurait point dans cet abaissement lâchement et ingratement, parce qu'en s'humiliant pour toutes les Oeuvres admirables de Jésus-Christ Elle rendait de dignes actions de grâces au Père Éternel pour chacune d'elles et Elle remplissait le vide de l'ingratitude des hommes. Et par la correspondance cachée que son Âme très pure avait avec Celle du Sauveur, Elle Le prévenait, afin qu'Il détournât la gloire que les auditeurs de Sa divine Parole lui donnait à Elle, comme il arriva en certaines occasions que les Évangélistes racontent. L'une, lorsqu'Il rendit la santé à celui qui était possédé d'un démon muet; et parce que les Juifs l'attribuèrent au démon même, le Seigneur excita cette femme fidèle qui dit à haute voix: «Bienheureuse le sein qui Vous a porté et les mamelles qui Vous ont allaité (Luc 11: 27).» En entendant ces paroles, l'attentive et humble Mère demanda intérieurement à Notre-Seigneur Jésus-Christ de détourner d'Elle cette louange et Sa Majesté y condescendit de telle sorte qu'Il la loua davantage d'une autre manière cachée alors. Parce que le Seigneur dit: «Au contraire, bienheureux sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui La gardent (Luc 11: Cool.» Par ces mots il divertit l'honneur qui était donné à Sa Très Sainte Mère comme Mère et Il le lui donna comme Sainte; enseignant en même temps àSes auditeurs l'essentiel de la vertu commun à tous, en quoi Sa Très Sainte Mère était singulière et admirable, quoiqu'ils ne le comprissent point alors.

6, 3, 1059. L'autre événement fut quand saint Luc rapporte que notre Sauveur étant à prêcher, ils Lui dirent que Sa Mère et Ses frères venaient à Lui et qu'ils ne pouvaient arriver où Il était à cause de la multitude du peuple; et la Très Prudente Vierge prévenant quelque applaudissement de ceux qui la connaissaient comme Mère du Sauveur demanda à Sa Majesté de le détourner comme Il le fit en répondant: «Ma Mère, mes frères et mes soeurs sont ceux qui font la Volonté de Mon Père, qui écoutent Sa Parole et qui l'accomplissent (Luc 8: 21).» Dans ces paroles le Seigneur n'excluait pas non plus Sa Mère de l'honneur qu'Elle méritait à cause de sa sainteté; bien au contraire Il l'y comprit plus que tous. Mail Il le lui donna de sorte qu'Elle ne fut pas célébrée parmi les assistants et Elle obtint l'effet du désir qu'Elle avait que le Seigneur seul fût connu et loué pour Ses Oeuvres. Je dis ces événements comme différents parce que je l'ai compris ainsi et qu'ils furent en des occasion et des lieux différents, comme le rapporte saint Luc, dans les chapitres 8 et 11. ET parce que saint Matthieu dans le chapitre 12 (Matt. 12: 22), rapporte le même miracle de la guérison du démoniaque muet et qu'il dit ensuite qu'ils avisèrent le Sauveur que Sa Très Sainte Mère était dehors avec Ses frères et qu'ils voulaient Lui parler et le reste que je viens de rapporter: pour cela certains expositeurs sacrés ont jugé que tout ce qui fut dit en ces deux événements fut joint ensemble en une seule fois. Mais l'ayant demandé de nouveau par ordre de l'obéissance, il me fut répondu que ce furent deux cas différents que saint Luc rapporte en diverses occasions, comme on peut en inférer du reste de ce que contiennent les deux chapitres de l'Évangéliste avant les paroles rapportées; parce qu'après le miracle du démoniaque, saint Luc rapporte l'événement de la femme qui dit: "Beatus venter, etc." Il rapporte l'autre événement dans le chapitre 8, après que le Seigneur eut prêché la parabole de la semence; et l'un et l'autre événement fut immédiat à ce qu'Il venait de rapporter.

6, 3, 1060. Afin que l'on entende mieux que les Évangélistes ne discordent pas, et la raison pourquoi la Très Sainte Reine alla chercher son Fils dans les occasions qu'ils disent, j'avertis que la divine Mère allait d'ordinaire pour deux fins là où notre Sauveur et Maître prêchait. L'une pour l'écouter comme je l'ai déjà dit; l'autre, lorsqu'il était nécessaire de Lui demander quelque Bienfait pour les âmes; pour la conversion de quelqu'une et la santé des malades et des nécessiteux, parce que la Très Pieuse Dame prenait ces causes et leur remède pour son compte, comme il arriva aux noces de Cana. Elle allait pour ces fins et d'autres bien ordonnées chercher le Sauveur, ou avisée par les Anges ou mue par la Lumière
intérieure; et telle fut sa raison d'aller où était le Sauveur dans les occasions que rapportent les Évangélistes. Et comme cela n'arriva point une seule fois, mais plusieurs fois, et le concours de peuple qui suivait la prédication du Sauveur était si grand; pour cela il arriva que les deux fois que les Évangélistes rapportent, et d'autres fois qu'ils ne disent pas, qu'Il fut avisé que Sa Mère et Ses frères Le cherchaient, Il répondit dans les deux occasions les paroles que saint Matthieu et saint Luc disent. Et ils n'est pas étonnant qu'Il répétât les mêmes choses en différents endroits et différents lieux; comme Il le fit de cette sentence: «Celui qui s'élève sera humilié; et celui qui s'humilie sera exalté;» car le Seigneur l'a dit une fois dans la parabole du publicain et du pharisien et une autre fois en celle des conviés aux noces, comme le rapporte saint Luc dans les chapitres 14 et 18, et saint Matthieu la rapporte aussi dans une autre occasion (Matt. 23: 12).

6, 3, 1061. La Très Sainte Maire ne fut pas seulement humble pour Elle, mais Elle fut une grande Maîtresse pour les Apôtres et les disciples dans cette vertu; parce qu'il était nécessaire qu'ils y fussent fondés et enracinés à cause des Dons qu'ils devaient recevoir et des merveilles qu'ils devaient opérer, non seulement plus tard dans la fondation de l'Église, mais aussi dès lors dans leur prédication. Les Évangélistes sacrés disent que notre céleste Maître envoyait d'abord en avant de Lui les Apôtres et ensuite les soixante-douze disciples, et il leur donnait Puissance de faire des miracles, de chasser les démons et de guérir les malades. La grande Maîtresse des humbles les avertit et les exhorta par son exemple et ses paroles de Vie et Elle leur enseigna comment ils devaient se gouverner en opérant ces merveilles. Et Elle répandit dans les Apôtres par son enseignement et ses prières un nouvel esprit de profonde humilité et de profonde sagesse pour connaître avec plus de clarté comment ils faisaient ces miracles en vertu du Seigneur et que toute la gloire de ces oeuvres étaient due à Son pouvoir et à Sa Bonté; parce qu'ils n'étaient que de purs instruments: et comme au pinceau n'est pas due la gloire de la peinture, ni à l'épée celle de la victoire, et que tout est attribué au peintre et au capitaine ou au soldat qui la dirige et la meut; qu'ainsi ils devaient renvoyer tout l'honneur et la louange des merveilles qu'ils feraient à leur Seigneur et leur Maître de qui tout bien se dérive. On doit voir qu'il ne se trouve rien de cette Doctrine dans les Évangiles, ni que le Seigneur leur ait dit ces choses avant qu'ils allassent à la prédication; parce que c'est la divine Dame qui le fit. Néanmoins quand les Apôtres revinrent en la présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ et que, très joyeux, ils Lui disent qu'en Son Nom les démons leur étaient
assujettis (Luc 10: 17), alors le Seigneur les avertit que c'était Lui qui leur avait donné cette Puissance, mais qu'ils ne devaient point se réjouir de ces oeuvres, mais bien de ce que leurs noms étaient écrits dans le Ciel (Luc 10: 20). Notre humilité est tellement délicate qu'il y eut besoin de tant d'avertisements et de préservatifs même dans les Disciples du Seigneur.

6, 3, 1062. Cette science de l'humilité que notre Maître Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère enseignèrent aux Apôtres leur fut plus importante ensuite pour fonder la Sainte Église, à cause des merveilles qu'ils opérèrent en vertu du Seigneur même pour confirmer la Foi et la prédication de l'Évangile; parce que les Gentils accoutumés à donner aveuglément la divinité à toutes les choses grandes et nouvelles, voyant les miracles que les Apôtres faisaient, voulurent les adorer comme des dieux, comme il arriva à saint Paul et à saint Barnabé (Act. 14: 8-9) en Lycaonie, pour avoir guéri un paralytique de naissance; et ils appelaient saint Paul, Mercure et saint Barnabé Jupiter. Et ensuite dans l'île de Malte, parce que saint Paul ne mourut point de la piqûre d'une vipère (Act. 28: 5-6), comme il arrivait à tous ceux que ces serpents mordaient, ils l'appelèrent dieu. La Très Sainte Marie prévoyait tous ces mystères et ces raisons avec la plénitude de sa Science; et comme Coadjutrice de son Très Saint Fils Elle concourait dans l'Oeuvre de Sa Majesté et de la fondation de la Loi de grâce. Dans le temps de la prédication qui dura trois ans, Notre-Seigneur Jésus-Christ monta trois fois à Jérusalem pour y célébrer la Pâque [c], et Sa Bienheureuse Mère L'accompagna toujours et Elle se trouva présente quand à la première occasion Il fit sortir du Temple avec fouet (Jean 2: 15) ceux qui vendaient des brebis, des colombes et des boeufs dans cette maison de Dieu. L'Auguste Dame du Ciel Le suivit et L'accompagna dans toutes ces Oeuvres et les autres que fit ce divin Sauveur, s'offrant à Son Père dans cette cité et ces lieux où Il devait souffrir; et Sa Mère L'imitait avec des affections admirables d'un amour sublime et des actes de vertus héroïques, selon qu'elles la concernaient sans en perdre aucune; et donnant à chacun la plénitude de perfection qu'Elle requérait dans son ordre; Elle exerçait principalement la Charité très ardente qu'Elle avait et qui lui était dérivée de l'Être de Dieu, car comme Elle était en Sa Majesté et Dieu en Elle (1 Jean 4: 16), c'était la Charité du Seigneur même qui brûlait dans son Coeur et la dirigeait àsolliciter le bien du prochain de toutes ses forces et de tous ses désirs.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.

6, 3, 1063. Ma fille, l'ancien serpent a employé toute sa méchanceté et son astuce à effacer du coeur humain la science de l'humilité que la clémence de son Auteur y avait déposée comme une semence sainte; et cet ennemi y a répandu en sa place l'ivraie (Matt. 13: 25) impie de l'orgueil. Pour l'arracher et reconquérir le bien perdu de l'humilité, il faut que l'âme veuille être humiliée par les autres créatures, qu'elle y consente et qu'elle demande au Seigneur par des désirs incessants et un coeur véritable cette vertu et les moyens de l'obtenir. Les âmes qui s'appliquent à cette sagesse et qui obtiennent l'humilité en perfection sont très rares; parce que cette vertu requiert une victoire pleine et totale de toute la créature à quoi très peu arrivent, même de ceux qui professent la vertu; parce que cette contagion a tellement pénétré les puissances humaines qu'elle se répand en presque toutes leurs oeuvres et à peine s'en trouvera-t-il une qui ne sorte avec quelque saveur d'orgueil, comme la rose entre les épines et le grain avec la barbe. C'est pour cette raison que le Très-Haut fait tant d'appréciation de ceux qui sont véritablement humbles; car Il élève et place ceux qui obtiennent en entier le triomphe de l'orgueil parmi les Princes de Son peuple (Ps. 112: Cool, Il les tient pour des enfants choyés et Il les exempte d'une certaine manière de la juridiction du démon; et cet ennemi n'ose pas tant s'hasarder, parce qu'il craint les humbles et leurs victoires le tourmentent plus que les flammes du feu dont il souffre.

6, 3, 1064. Je désire, ma très chère, que tu arrives à posséder le trésor inestimable de cette vertu avec plénitude, et que tu livres au Très-Haut tout ton coeur docile et soumis, afin qu'Il y imprime comme sur une cire molle l'image de mes humbles opérations. Après que je t'ai manifesté des secrets si cachés de ce sacrement, la dette que tu as de correspondre à ma volonté est grande et tu ne dois perdre ni moment ni occasion où tu puisses t'humilier et t'avancer dans cette vertu, sans manquer de le faire comme tu sais que je l'ai fait moi-même, quoique je fusse Mère de Dieu et remplie en tout de grâce et de pureté; je m'humiliais davantage avec de plus grands Dons, parce que dans mon estime ils surpassaient mes mérites et avec eux mes obligations croissaient. Vous, les autres enfants d'Adam, vous êtes conçus dans le péché (Ps. 50: 7 et il n'y en a aucun de soi-même qui ne pêche pas. Si personne ne peut nier cette vérité de sa nature infecte, quelle raison y a-t-il
qu'on ne s'humilie point devant Dieu et devant les hommes? Ce n'est pas une grande humilité pour celui qui a péché de s'abaisser jusqu'à terre et de se mettre à la dernière place après la poussière, parce qu'il a toujours plus d'honneur qu'il n'en mérite. Et celui qui est véritablement humble doit s'abaisser à un lieu moindre que celui qui lui appartient. Si toutes les créatures, le méprisent, l'abhorrent ou l'offensent tout cela lui semblera justice plutôt qu'humilité, s'il se répute digne de l'enfer; parce que tout cela n'est que lui donner ce qu'il mérite. Mais la profonde humilité s'étend à désirer une plus grande humiliation que celle qui correspond en justice àcelui qui est humble. Pour cela il est vrai que nul d'entre les mortels ne peut arriver au genre d'humilité que j'eus, comme tu l'as entendu et écrit; mais le Très-Haut Se donne pour servi et obligé de ceux qui s'humilient en ce qu'ils peuvent et doivent en justice.

6, 3, 1065. Que les pécheurs orgueilleux voient maintenant leur laideur et qu'ils comprennent qu'ils sont des monstres de l'enfer en imitant Lucifer dans son orgueil. Parce que ce vice le trouva beau avec de grands Dons de grâces et de nature; et quoiqu'il eût de la vanité des Biens reçus, toutefois il les avait et les possédait effectivement comme siens; mais l'homme qui n'est que fange et outre cela, qui a péché et qui est rempli de laideurs et d'abominations, s'il veut s'enorgueillir et avoir de la vanité, c'est un monstre; et dans cette folie, il vient à surpasser même le démon; parce qu'il n'a pas une nature si noble, ni la grâce et la beauté qu'avait Lucifer. Cet ennemi et ses adhérents méprisent les hommes et s'en moquent lorsqu'ils s'enorgueillissent avec des conditions si basses, parce qu'ils connaissaient leur folie et leur délire méprisable et vain. Réfléchis-donc à cet égarement, ma fille et humilie-toi plus que la terre sans montrer plus de sentiment qu'elle, lorsque le Seigneur t'humilie par Lui-même ou par Ses créatures. Ne juge point que personne te fasse tort ou te donne de l'offense; et si tu abhorres la fiction et le mensonge, sache que c'en est un grand de désirer l'honneur et une place élevée. N'attribue pas aux créatures ce que Dieu fait par Lui-même ou par les créatures pour t'humilier par des afflictions et des tribulations; parce que c'est se plaindre des instruments dont Il se sert, et c'est l'ordre de la divine Miséricorde d'affliger par des châtiments, pour réduire les hommes à leur humiliation. Sa Majesté fait ainsi aujourd'hui par les afflictions dont souffrent ces royaumes, et plaise à Dieu qu'ils finissent par Le connaître. Humilie-toi en la Présence divine pour toi et tous tes frères, afin d'apaiser le courroux du Seigneur, comme si tu étais seule coupable, et comme si tu n'avais point satisfait; puisque nul ne peut savoir en
cette vie s'il l'a fait. Tâche de L'apaiser comme si tu L'avais offensé toi seule; montre-toi plus reconnaissante que tous les autres des Dons et des faveurs que tu as reçus et que tu recevras; et travaille sans relâche afin de satisfaire en partie à la Miséricorde divine qui s'est montrée si libérale envers toi.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 3, [a]. Livre 1, No. 400; Livre 2, No. 473; Livre 4, No. 419; Livre 5, No. 900; Livre 8, Nos. 560 et suivant
6, 3, [b]. Livre 5, No. 788.
6, 3, [c]. La Vénérable entend trois fois dans le temps de la prédication antérieure au temps de la Passion, quand Il célébra la quatrième pâque marquée plus bas par la Vénérable elle-même au Livre 6, No. 1103. En effet la première pâque fut peu après le commencement de la prédication. La deuxième fut un an après et la troisième encore un an après, ce qui fait en tout deux ans et trois mois dans lequel espace Il célébra les trois premières pâques. Ainsi donc la troisième fut célébrée avant la Transfiguration; parce que, outre ce qui appert des Évangiles comparées entre eux, la même Vénérable dit au Livre 6, No. 1099 que lorsque le Seigneur Se transfigura Il s'était déjà passé plus de deux ans et six mois, depuis le commencement de la prédication. Or la quatrième pâque est notée par saint Jean même chapitre 13.
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Message par sga Ven 26 Avr 2019 - 15:24

CHAPITRE 4


Le démon se trouble et s'équivoque par les miracles et les Oeuvres de Jésus-Christ et celles de saint Jean-Baptiste. Hérode prend et décapite saint Jean; ce qui arriva à sa mort.

6, 4, 1066. Le Rédempteur du monde poursuivant Sa prédication et Ses merveilles sortit de Jérusalem et circula par la terre de Judée, où Il S'arrêta quelque temps, baptisant comme le dit l'Évangéliste saint Jean au chapitre 3, et au chapitre 4 (Jean 3: 22; 4: 2) Il déclare qu'Il baptisait par les mains de Ses Disciples, et en même temps Son Précurseur Jean baptisait aussi à Enon, rivière du Jourdain, près de la cité de Salim. Et ce n'était pas un même Baptême, parce que le Précurseur baptisait dans l'eau seule et avec le baptême de la pénitence, mais notre Sauveur donnait Son propre Baptême, qui était la justification et le pardon efficace des péchés, comme le fait maintenant le même Sacrement en répandant dans l'âme la grâce et les vertus. Outre cette efficacité cachée et ces effets du Baptême de Jésus-Christ, se joignait l'efficacité de Ses Paroles et de Sa prédication et la grandeur des miracles avec lesquels Il la confirmait. Pour cela, il y eut plus de disciples et d'adhérents qui concoururent à Sa Majesté qu'au Baptiste, accomplissant ce que le même Saint avait dit: qu'il convenait que le Christ crût et que lui-même il diminuât (Jean 3: 30). La Très Sainte Marie assistait d'ordinaire au Baptême de Notre-Seigneur Jésus-Christ connaissant les effets Divins que cette régénération nouvelle causait dans les âmes; et Elle en remerciait comme si Elle les eût reçus Elle-même par le moyen du Sacrement et Elle en donnait le retour à leur Auteur par de grands actes de vertu et des cantiques de louanges; ainsi Elle gagnait en toutes ces merveilles des mérites nouveaux et incomparables.

6, 4, 1067. Lorsque la disposition Divine donna lieu à ce que Lucifer et ses ministres se relevassent de la ruine dont ils souffraient depuis le triomphe de notre Rédempteur Jésus-Christ dans le désert, ce dragon revint pour reconnaître les Oeuvres de la Très Sainte Humanité et Sa Providence divine permit que cet ennemi connût quelque chose de ce qui convenait pour être tout à fait vaincu dans sa propre malice, quoique le principal Mystère lui demeurât toujours caché. Il
connut le grand fruit de la prédication des miracles et du Baptême de Notre-Seigneur Jésus-Christ et que par ce moyen un grand nombre d'âmes se séparaient de sa juridiction, sortaient du péché et réformaient leur vie. Il connut aussi à sa manière la même chose de la prédication de saint Jean et de son baptême, quoiqu'il ignorât la différence cachée des deux Maîtres et de leurs Baptêmes; mais il conjectura de l'événement la perte de son empire si les Oeuvres des nouveaux prédicateurs, Notre-Seigneur Jésus-Christ et saint Jean, continuaient. Lucifer se trouva troublé et confus par cette nouveauté, parce qu'il reconnaissait ses forces débiles pour résister au pouvoir du Ciel qu'il sentait contre lui par le moyen de ces hommes nouveaux et de leur Doctrine. Étant donc troublé dans son propre orgueil par ces doutes, il assembla un nouveau conciliabule et il dit aux princes des ténèbres: «Ce sont de grandes nouveautés que nous trouvons dans le monde ces années-ci; et elles vont en croissant chaque jour, ainsi que mes doutes que le Verbe divin y est déjà venu comme Il l'a promis; et quoique j'aie parcouru tout le globe, je n'arrive point à Le reconnaître. Mais ces deux hommes nouveaux qui prêchent et qui m'ôtent chaque jour tant d'âmes me mettent en des inquiétudes soupçonneuses; je n'ai jamais pu vaincre l'un des deux dans le désert et l'autre nous a vaincue et opprimés tous lorsqu'il y a été, et nous sommes restés craintifs et écrasés: et s'ils continuent comme ils ont commencé, tous nos triomphes se tourneront en confusion. Ils ne peuvent être tous deux le Messie, je ne reconnais pas non plus que ni l'un ni l'autre ne le soit; mais c'est une affaire si ardue de tirer tant d'âmes du péché, que nul ne l'a fait comme eux jusqu'à présent; et cela suppose une vertu nouvelle qu'il importe de scruter et de savoir d'où elle vient et que nous en finissions avec ces deux hommes. Pour tout cela suivez-moi et aidez-moi de vos forces, de votre pouvoir, de votre astuce et de votre sagacité, parce que sans cela vos intentions demeureront frustrées.»

6, 4, 1068. Avec ce raisonnement ces ministres de méchanceté déterminèrent de poursuivre de nouveau notre Sauveur Jésus-Christ et Jean Son grand Précurseur; mais comme ils ne découvraient point les Mystères cachés dans la Sagesse incréée, quoiqu'ils donnassent plusieurs sentiments et qu'ils en tirassent de grandes conséquences, elles étaient toutes disparates et sans fermeté; parce qu'ils étaient hallucinés et confus de voir d'un côté tant de merveilles et de l'autre tant de signes inégaux à ceux qu'ils avaient conçus de la venue du Verbe fait chair. Et afin que la malice qui le portait fût mieux comprise et que tous ses alliés se rendissent capables des intentions de leur prince Lucifer, qui était de s'enquérir de
ce qu'ils ignoraient et de la découvrir, sentant un accablement sans savoir d'où cela venait: il faisait des assemblées de démons où ceux-ci manifestaient ce qu'ils avaient vu et entendu, et il leur offrait de grandes récompenses de supériorité dans sa république de méchanceté. Et afin que la malice de ces esprits infernaux se trompât plus grandement dans leur indignation confuse le Maître de la Vie permit qu'ils eussent une plus grande connaissance de la sainteté du Baptiste. Et quoiqu'il ne fît point les miracles que faisait notre Rédempteur Jésus-Christ, néanmoins les signes de sa sainteté étaient plus grandioses et il était très admirable dans les vertus Chrétiennes. Sa Majesté cacha aussi au dragon quelques-unes de Ses merveilles extraordinaires et en ce qu'il arrivait à connaître il trouvait une grande similitude entre le Christ et Jean; avec cela il vint à s'équivoquer, sans déterminer ses soupçons à qui des Deux il donnerait l'office et la dignité de Messie. «Tous les Deux,» disait-il, «sont de grands et saints Prophètes: la vie de l'un est non commune, mais extraordinaire et étrange; l'autre fait beaucoup de miracles; leur Doctrine est presque la même; tous les Deux ne peuvent être le Messie; mais quoi qu'il en soit je les reconnais pour des Saints et nos grands ennemis, et je dois les poursuivre jusqu'à en finir avec Eux.»

6, 4, 1069. Ces doutes commencèrent dans le démon dès qu'il vit saint Jean dans le désert, avec un genre de vie si prodigieux et si nouveau depuis sa naissance; et il lui sembla que cette vertu était plus que d'un pur homme. D'un autre côté il connut aussi certaines Oeuvres et certaines vertus de la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ non moins admirables et le dragon les conférait les unes avec les autres. Mais comme le Seigneur vivait d'une manière plus ordinaire parmi les hommes, Lucifer scrutait toujours autant qu'il pouvait qui était saint jean. Et avec ce désir il incita les Juifs et les Pharisiens de Jérusalem, afin qu'ils envoyassent comme ambassadeurs des prêtres, et des Lévites, pour demander au Baptiste qui il était (Jean 1: 19), s'il était le Christ, comme ils le pensaient par la suggestion des ennemis. Et il y a à croire qu'elle fut très véhémente, puisqu'ils purent croire que le Baptiste étant de la tribu de Lévi, ne pouvait notoirement être Messie, puisqu'il devait être de la tribu de Juda (Ps. 131: 11), conformément aux Écritures et ils étaient très sages dans la Loi et ils n'ignoraient pas ces vérités. Mais le démon les troubla et les obligea à faire cette demande avec une double malice du même Lucifer; puisque son intention était qu'il répondît s'il l'était; et s'il ne l'était pas, qu'il s'enorgueillît avec l'estime dans laquelle il était auprès du peuple qui le pensait, qu'il s'y complût vainement, ou qu'il usurpât en tout ou en partie l'honneur qu'ils lui offraient. Avec cette malice, Lucifer fut très attentif à la réponse de saint Jean.

6, 4, 1070. Mais le saint Précurseur répondit avec une sagesse admirable, confessant la vérité de telle manière qu'il laissa le démon vaincu et plus confus qu'auparavant. Il répondit qu'il n'était pas le Christ (Jean 1: 20). Et répliquant s'il était Élie; parce que les Juifs étaient si grossiers qu'ils ne savaient pas discerner entre le premier et le second avènement du Messie; et comme il était écrit d'Élie qu'il devait venir auparavant, ils lui demandèrent pour cela s'il était Élie; il répondit qu'il ne l'était pas, mais qu'il était «la voix qui criait dans le désert,» comme le dit Isaïe, «pour redresser les sentiers du Seigneur (Is. 40: 3).» Ce fut l'ennemi qui fournit aux ambassadeurs toutes ces instances qu'ils firent; parce qu'il lui semblait que si saint Jean était juste, il dirait la vérité et s'il ne l'était pas il découvrirait clairement qui il était. Mais lorsqu'il entendit qu'il était la "voix", il demeura troublé, ignorant et soupçonnant s'il voulait dire qu'il était le Verbe Éternel. Et le doute augmenta, considérant en quoi saint Jean n'avait pas voulu manifester aux Juifs avec clarté qui il était. Avec cela il conçut le soupçon que ç'avait été une dissimulation de s'appeler la "voie", parce que s'il avait dit qu'il était la "Parole" de Dieu, il eût manifesté qu'il était le "Verbe", et pour le cacher, il ne s'était pas appelé "Parole", mais "voix". Ainsi privé de lumières, Lucifer allait à tâtons dans le Mystère de l'Incarnation. Et quoiqu'il pensât que les Juifs demeuraient illusionnés et trompés; il le demeura lui-même beaucoup plus avec toute sa théologie dépravée.

6, 4, 1071. Avec cette erreur il se mit dans une plus grande fureur contre le Baptiste. Mais se souvenant combien il s'était mal tiré des combats qu'il avait eus avec le Seigneur seul, et qu'il n'avait jamais pu renverser saint Jean en péché d'aucune gravité [a], il détermina de lui faire la guerre par une autre voie. Il la trouva très opportunément; parce que le saint Baptiste réprimandait Hérode pour l'adultère, femme de Philippe son propre frère à qui il l'avait ôtée comme disent les Évangélistes (Matt. 14: 3; Marc 6: 17; Luc 3: 19-20). Hérode connaissait la sainteté et la raison de saint Jean; il avait pour lui du respect et de la crainte et il l'écoutait volontiers. Mais la force de la raison et de la lumière qui opérait dans le mauvais roi était perverties par la colère exécrable et démesurée de cette Hérodiade très effronté et de sa fille conforme et semblable à sa mère dans les moeurs. L'adultère était dominée par sa passion et sa sensualité; et avec cela bien disposée pour être l'instrument du démon en toute sorte de méchanceté. Elle incita
le roi à faire décapiter le Baptiste, le démon l'ayant d'abord suggéré à elle-même, afin qu'elle le négociât par différents moyens. Et ayant fait prendre celui qui était la Voix de Dieu même et le plus grand des hommes, le jour arriva où Hérode célébrait l'accomplissement de ses malheureuses années (Marc 6: 21) par un festin qu'il fit aux magistrats et aux chevaliers de le Galilée où il était roi. Et comme la déshonnête Hérodiade introduisit sa fille à la fête, afin qu'elle dansât devant les convives, celle-ci le fit à la satisfaction du roi aveugle et adultère avec quoi il s'obligea et offrit à la danseuse de demander tout ce qu'elle désirait, promettant que tout lui serait donné, quand même elle demanderait la moitié de son royaume. La fille gouvernée par sa mère et toutes deux par l'astuce du serpent, demanda plus que le royaume et que plusieurs royaumes: la tête du Baptiste, et qu'aussitôt elle lui fut donnée dans un bassin; et le roi en donna l'ordre, parce qu'il le lui avait juré et qu'il s'était assujetti à une femme vile et déshonnête qui le gouvernait dans ses actions. Les hommes jugent comme une ignominie honteuse d'être appelés femmes, parce que ce nom les prive de la supériorité et de la noblesse qu'ils ont dans l'être d'hommes; mais c'est un plus grand défaut d'être moins que des femmes en se laissant commander et gouverner par leurs caprices; parce que celui qui obéit est moindre et plus inférieur, et celui qui commande est plus grand. Néanmoins il y en a beaucoup qui commettent cette vileté sans la réputer pour un manquement, lequel est d'autant plus grand et plus indigne qu'une femme déshonnête est plus vile et plus exécrable; parce que cette vertu de l'honnêteté étant perdue, il ne lui reste rien qui ne soit très méprisable et très horrible aux yeux de Dieu et des hommes.

6, 4, 1072. Le Baptiste emprisonné à l'instance d'Hérodiade fut très favorisé de notre Sauveur et Sa divine Mère par le moyen des saints Anges par qui la grande Dame du Ciel l'envoya visiter plusieurs fois et quelquefois Elle lui envoya à manger leur commandant de le lui préparer et de le lui porter; et le Seigneur de la grâce lui fit plusieurs Bienfaits intérieurs. Mais le démon qui voulait en finir avec saint Jean ne laissait point reposer le coeur d'Hérodiade jusqu'à ce qu'elle l'eut vu mort et il profita de l'occasion du festin. Il mit dans le coeur du roi Hérode cette promesse et ce jurement insensé qu'il fit à la fille d'Hérodiade, de manière à l'aveugler davantage, afin qu'il jugeât iniquement pour un manquement et un discrédit de ne point accomplir le jurement inique avec lequel il avait confirmé sa promesse; et ainsi il commanda d'ôter la tête au Précurseur saint Jean, comme il appert de l'Évangile (Marc 6: 27-28). En même temps la Princesse du monde
connut selon la manière habituelle dans l'intérieur de son Très Saint Fils que pour le Baptiste, l'heure de mourir pour la Vérité qu'il avait prêchée s'approchait. La Très Pure Mère se prosterna aux pieds de Notre-Seigneur Jésus-Christ et Elle Lui demanda avec larmes d'assister Son Serviteur et Précurseur Jean en cette heure, de le défendre et de le consoler; afin que la mort de celui qui devait souffrir pour Sa gloire et pour la défense de la Vérité fût plus précieuse à Ses yeux.

6, 4, 1073. Le Sauveur ayant beaucoup de complaisance de sa demande lui répondit et lui dit qu'Il voulait l'accomplir en toute plénitude et Il commande à Sa Bienheureuse Mère de Le suivre. Et aussitôt notre Rédempteur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère furent portés par la vertu Divine miraculeusement et invisiblement, et ils entrèrent dans la prison [b] où le Baptiste était lié avec des chaînes et affligé de plusieurs plaies; parce que la très impie adultère désirant l'achever avait commandé à quelques-uns de ses serviteurs au nombre de six, en trois occasions, de le fouetter et de le maltraiter, comme de fait ils le firent pour complaire à leur dame. Cette tigresse prétendit ôter la vie au Baptiste par ce moyen avant qu'arrivât la fête et le festin où Hérode le commanda. Et le démon incita les cruels ministres afin qu'ils le maltraitassent avec une grande colère, de grandes coutumélies et des blasphèmes contre sa personne et la Doctrine qu'il prêchait; parce que c'étaient des hommes très pervers comme serviteurs et favoris d'une si malheureuse femme adultère et scandaleuse. Ce lieu de la prison où était le Baptiste se remplit de lumière et demeura tout sanctifié par la Présence corporelle du Christ et de Sa Très Sainte Mère; une grande multitude d'Anges assistaient auprès du Roi et de la Reine du Ciel, pendant que les palais de l'adultère Hérode étaient l'habitation de démons innombrables et de ministres plus criminels que tous ceux qui étaient emprisonnés par la justice.

6, 4, 1074. Le saint Précurseur vit le Rédempteur du monde et Sa Très Sainte Mère avec une grande splendeur et plusieurs choeurs d'Anges qui les accompagnaient; et au même instant les chaînes avec lesquelles il était attachés se délièrent, ses plaies et ses blessures furent guéries, et avec une jubilation incomparable il se prosterna en terre avec une humilité profonde, et une dévotion admirable. Il demanda la Bénédiction au Verbe Incarné et à Sa Très Sainte Mère; ils la lui donnèrent et Ils demeurèrent quelque temps en colloques Divins avec Leur Serviteur et ami; je ne m'arrête point à les rapporter ici; je dirai seulement ce
qui excita davantage mes tièdes affections. Le Seigneur dit au Baptiste avec humanité et un air agréable: «Jean, Mon Serviteur, comme vous devancez votre Maître, étant le premier à être flagellé, affligé et mis en prison; à offrir votre vie et à souffrir la mort pour la gloire de Mon Père avant que Je souffre Moi-même. Vos désirs arrivent vite, puisque vous goûtez si tôt la récompense d'avoir souffert des tribulations telles que j'en ai préparées pour Mon Humanité; mais Mon Père rémunère en cela le zèle avec lequel vous avez fait l'office de Mon Précurseur. Que vos anxiétés affectueuses s'accomplissent; et livrez votre cou au glaive, car Je le veux ainsi, et que vous obteniez Ma Bénédiction et Ma Béatitude de souffrir et de mourir pour Mon Nom. J'offre votre mort à Mon Père pour le temps que se retarde la Mienne.»

6, 4, 1075. Par la vertu et la suavité de ces paroles, le coeur du Baptiste fut pénétré et prévenu de tant de douceur de l'Amour divin qu'il ne put prononcer un seul mot pendant quelque temps. Mais la grâce Divine le confortant, il put répondre à son Maître et son Seigneur, le remerciant pour ce Bienfait ineffable et incomparable entre les autres grands qu'il avait reçus de Sa main libérale; et il dit avec des soupirs de l'intime de l'âme: «Mon Seigneur et mon Bien éternel, je n'ai pu mériter des peines et des tribulations qui fussent dignes d'une telle faveur et d'une telle consolation comme de jouir de Votre royale Présence et de celle de Votre digne Mère et ma Maîtresse: je suis indigne de ce nouveau Bienfait. Donnez-moi Seigneur, la permission de mourir avant Vous, afin que Votre Miséricorde sans mesure demeure plus exaltée et Votre saint Nom plus connu; et acceptez mon désir que pour Votre gloire la mort que je dois souffrir soit plus pénible et plus longue. Qu'Hérode, les péchés et l'enfer même triomphent de ma vie, car je la livre pour Vous, mon Bien-Aimé avec allégresse. Recevez-la, mon Dieu, en sacrifice agréable. Et Vous, Mère de mon Sauveur et ma Maîtresse, tournez vers Votre serviteur les yeux très cléments de Votre très douce piété et ayez-moi toujours en Votre grâce comme Mère et cause de tout notre bien. Toute ma vie j'ai embrassé le mépris de la vanité, j'ai aimé la Croix que mon Rédempteur doit sanctifier et j'ai désiré de semer dans les larmes (Ps. 125: 5); mais je n'ai jamais pu mériter cette allégresse qui dans mes tourments m'a rendu ma souffrance douce, mes liens suaves, la mort même désirable et plus aimable que la vie.»
6, 4, 1076. Trois serviteurs d'Hérode avec un bourreau entrèrent dans la prison pendant que le Baptiste disait ces paroles et d'autres; car la colère implacable de cette femme aussi cruelle qu'adultère avait préparé tout sans délai. Et exécutant le commandement impie d'Hérode, le très saint Précurseur pencha le cou et le bourreau le décolla et lui coupa la tête. En même temps que le coup allait s'exécuter, le Souverain Prêtre, Jésus-Christ qui assistait au sacrifice, reçut dans ses bras le corps du plus grand des enfants des hommes, et Sa Très Sainte Mère reçut dans ses mains la tête [c], offrant tous Deux au Père Éternel la nouvelle hostie sur l'autel sacré de leurs Divines mains. La Présence des Augustes Souverains, invisible aux assistants, donna lieu à tout cela; ainsi qu'une querelle qu'il y eut entre les serviteurs d'Hérode, pour savoir lequel d'entre eux devait aduler l'infâme danseuse et sa mère très impie en leur portant la tête de saint Jean. Ils s'embarrassèrent tellement dans cette compétition que l'un d'eux prit la tête des mains de la Reine du Ciel sans y faire plus d'attention et les autres le suivirent pour la livrer dans un plateau à la fille d'Hérodiade. Notre Rédempteur Jésus-Christ envoya l'âme très sainte du Baptiste aux Limbes avec une grande multitude d'Anges qui la portèrent, et à son entrée l'allégresse des saints Pères qui y étaient fut renouvelée. Les Rois du Ciel retournèrent au lieu où ils étaient avant d'aller visiter saint Jean. Il a été beaucoup écrit dans la Sainte Église de la sainteté et des excellences du grand Précurseur; et quoiqu'il y ait d'autres choses à dire et j'en ai compris quelque peu, je ne puis me retarder à l'écrire pour ne point me détourner de mon sujet, ni rallonger davantage cette Histoire divine. Je dis seulement que le très heureux et très fortuné Précurseur reçut de très grandes faveurs de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Sa Très Sainte Mère pendant tout le cours de sa vie, à son heureuse naissance, dans le désert, dans sa prédication et à sa sainte mort. La droite Divine n'a rien fait de semblable en faveur d'aucune autre nation.

DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.
6, 4, 1077. Ma fille, tu as beaucoup abrégé les mystères de ce chapitre; mais une grande instruction y est renfermée pour toi et pour tous les enfants de la Lumière comme tu l'as entendue. Écris-la dans ton coeur et considère beaucoup la distance qu'il y avait entre la sainteté et la pureté du Baptiste pauvre, dénué,
affligé, persécuté et emprisonné, et la laideur abominable d'Hérode, roi puissant, riche, caressé; servi et livré au délices et aux voluptés. Ils étaient tous deux d'une même nature humaine, mais en des conditions différentes, pour avoir usé mal ou bien de leur liberté, de leur volonté et des choses visibles. La pénitence, la pauvreté, l'humilité, le mépris, les tribulations et le zèle de la gloire de mon Très Saint Fils portèrent Jean, Notre Serviteur, à mourir dans Ses mains et dans les miennes. Ce qui fut un Bienfait au-dessus de toute appréciation humaine. Au contraire, le faste, l'orgueil, la vanité, les tyrannies et les voluptés portèrent Hérode à mourir malheureusement par le moyen d'un ministre du Seigneur pour être châtié ensuite par des peines éternelles. Tu dois penser que c'est la même chose qui arrive maintenant et toujours dans le monde, quoique les hommes n'y fassent pas attention et ne le craignent point. Il y en a qui craignent la vanité et la puissance de la gloire du monde et d'autres qui l'aiment et qui ne considèrent point sa fin, qu'elle s'évanouit plus vite que l'ombre et qu'elle est plus corruptible que le foin et la fleur du foin.

6, 4, 1078. Les hommes ne font pas attention non plus à la fin principale et à l'abîme où les vices les précipitent, même dans la vie présente, puisque, quoique le démon ne puisse leur ôter la liberté et n'a point de juridiction immédiate sur la volonté et contre elle; néanmoins en se livrant à tant de péchés graves réitérés, il arrive à reprendre tant d'empire sur elle qu'il la rend comme un instrument qu'il s'est assujetti pour en user en toutes les méchancetés qu'il lui propose. Et ayant tant d'exemples si lamentables les hommes n'achèvent pas de connaître ce péril formidable où ils peuvent arriver par les justes jugements du Seigneur, comme Hérode arriva, ses péchés l'ayant mérité; la même chose arriva à son adultère. Pour entraîner les hommes à cet abîme de méchanceté Lucifer achemine les mortels par la vanité, l'orgueil, la gloire du monde, et ses honteuses délices; et il ne leur propose et ne leur représente que cela seul comme grand et désirable. Et les ignorants enfants de perdition secouent les rênes de la raison pour suivre leurs inclinations et les turpitudes de la chair et être esclaves de leur ennemi mortel. Ma fille, le chemin de l'humilité, du mépris, de l'abaissement et des afflictions est celui qu'enseigna Jésus-Christ mon Très Saint Fils et moi avec Lui. C'est le chemin Royal de la Vie et celui où nous avons marché les premiers et Nous Nous sommes constitués les Maîtres et les Protecteurs spéciaux de ceux qui sont dans les afflictions et les tribulations. Et lorsqu'ils nous invoquent dans leur nécessités, nous les assistons d'une manière merveilleuse et avec des faveurs spéciales. Ceux
qui suivent le monde et ses vains plaisirs et qui abhorrent le Chemin de la Croix se privent de ce refuge et de ce Bienfait. Et c'est à ce Bienfait même que tu as été appelée et conviée, et tu es attirée par la suavité de mon Amour et de ma Doctrine. Suis-moi et travaille à m'imiter, puisque tu as trouvé le Trésor caché et la Marguerite précieuse pour la possession de laquelle tu dois te priver de tout le terrestre et de ta propre volonté autant qu'elle sera contraire à celle de mon très haut Seigneur.


NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 4, [a]. Suarez soutient la même chose par l'autorité de l'Écriture et des Pères, [3 p., t. 2, disp. 24, sect. 4]; et il conclut: «Jean fut constant dans sa première justification, parce qu'il était confirmé en grâce.»
6, 4, [b]. Ainsi le prophète Habacuc fut transporté de la Judée jusqu'à Babylone dans la fosse aux lions où était Daniel pour lui prêter secours par l'aliment qu'il lui apporta. "Et non potest solvi Scriptura." Qu'y a-t-il d'étonnant que Jésus-Christ et Marie aient été miraculeusement portés dans la prison du Baptiste dans un moment de si grand besoin pour le conforter? Jésus-Christ serait-il moins qu'Habacuc, ou le Baptiste moins que Daniel?
6, 4, [c]. Ce fait n'est pas plus miraculeux que celui qui arriva à la mort de saint Paul, Apôtre dont la tête tranchée donna origine aux Trois Fontaines qui se voient encore aujourd'hui dans l'église du même saint à Rome. D'ailleurs n'était-il pas très convenable que Jésus-Christ et Marie fissent quelque chose d'extraordinaire pour le Précurseur à l'heure de sa mort? Saint Jean sanctifié dans le sein de sa Mère par Jésus-Christ à l'occasion de la Visitation de Marie à sainte Élisabeth se retire, ensuite dans le désert dès sa plus tendre enfance. En étant sorti, il annonce la parole de Dieu avec un courage inouï et il n'hésite pas un
instant à dire à l'impudique Hérode: «Non licet tibi.» Pour cela il s'attire la haine d'Hérodiade cruelle et éhontée qui sollicite l'emprisonnement du Prophète et qui cherche tous les moyens de lui ôter la vie. Cette femme infâme fait demander sa tête au milieu d'un festin accompagné de danses, et elle envoie ses satellites pour le décapiter. Jésus-Christ et Sa Mère sont encore vivants dans le monde et non loin de la prison du Précurseur qui est leur ami le plus cher et le plus intime: "amico sponsi." Est-il possible qu'eux qui l'aiment tant veuillent le laisser mourir ainsi abandonné, sans même lui faire une visite, sans lui témoigner leur bienveillance, sans lui apporter un confort tel qu'il convenait à un Homme-Dieu et à Sa Mère et tel que le méritait le plus grand parmi ceux qui étaient nés des femmes. Pour toutes ces raisons nous trouvons très convenable et très raisonnable que Jésus-Christ et Marie aient donné cette dernière preuve d'affection et d'amitié sincère au saint Précurseur, l'encourageant au martyre par leur Présence et leurs Paroles de Vie Éternelle, que la Reine des Vierges ait reçu dans ses mains la tête du martyr de la chasteté, que Jésus en ait reçu le corps dans ses bras et qu'une multitude d'Anges ait escorté son âme aux Limbes des saints Pères
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Message par sga Ven 17 Mai 2019 - 16:32

CHAPITRE 5


Les faveurs que les Apôtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ reçurent par la dévotion envers Sa Très Sainte Mère; et Judas marcha à sa perdition pour ne l'avoir pas.

6, 5, 1079. Le miracle des miracles de la Toute-Puissance divine et la merveille des merveilles était le procédé de la Très Prudente Marie, Notre-Dame, à l'égard du Sacré Collège des Saints Apôtres et des disciple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, son Très Saint Fils. Et quoique cette rare Sagesse soit indicible, néanmoins il me faudrait écrire un grand volume de ce seul argument si je devais manifester tout ce qui m'a été donné à entendre. J'en dirai quelque chose dans ce chapitre et en tout le reste de cet ouvrage à mesure que les sujets se présenteront, et tout cela sera très peu, mais on pourra en inférer ce qui suffit pour notre instruction. Le Seigneur répandait dans le coeur de tous les disciples qu'il recevait
à Sa divine École une dévotion et une révérence spéciale envers Sa Très Sainte Mère, comme il convenait, ceux-ci ayant à la voir et à traiter familièrement en sa compagnie. Mais quoique cette sainte semence de la Lumière divine fût commune à tous, elle n'était pas égale en chacun; parce que Sa Majesté distribuait ces Dons selon la dispensation du Seigneur, les conditions des sujets et les ministères et les offices auxquels Il les destinait. Et ensuite ils allaient en croissant dans leur amour révérenciel par l'entretien et la conversation admirable et très douce de cette grande Reine et Maîtresse: parce qu'Elle parlait à tous, les aimait, les consolait, les secourait, les enseignait et Elle remédiait à toutes leurs nécessités, sans qu'ils sortissent jamais de sa présence et de ses entretiens qu'avec une plénitude d'allégresse intérieure, de consolations et de joie très grande au-dessus de leurs propres désirs. Mais le fruit bon ou meilleur de ces bénéfices était conforme à la disposition du coeur où cette semence du Ciel était reçue.

6, 5, 1080. Ils sortaient tous remplis d'admiration et ils formaient des concepts très sublimes de cette Auguste Dame du Ciel, de sa prudence, de sa Sagesse, de sa sainteté, de sa pureté, de sa majesté grandiose, et tout cela joint à une suavité si ineffable et si humble qu'aucun ne trouvait de termes pour l'expliquer. Et le Très-Haut le disposait aussi de la sorte, parce qu'il n'était pas encore temps que cette Arche mystique du Nouveau Testament fut manifestée au monde, comme je l'ai dit au Livre 5, chapitre 28. Et comme celui qui désire beaucoup parler et qui ne peut manifester son concept le rencontre davantage dans son coeur, de même les saints Apôtres doucement violentés par leur silence même, réduisaient leurs ferveurs en un plus grand amour de la Très Sainte Marie et en des louanges occultes de son Auteur. Comme la grande Dame du Ciel connaissait dans le dépôt de sa Science incomparable le naturel de chacun, leur grâce, leur état, et le ministère auquel ils étaient députés; et Elle procédait à leur égard en correspondance avec cette intelligence dans ses prières au Seigneur, son enseignement, ses paroles et les faveurs qui convenaient à chacun selon sa vocation. Cette manière d'agir et de procéder si bien mesurée au goût du Seigneur dans une pure Créature fut un sujet d'admiration nouvelle et très grande pour les saints Anges; et le Tout-Puissant faisait en sorte par Sa Providence cachée que les Apôtres correspondissent aussi aux Bienfaits et aux faveurs qu'ils recevaient de Sa Mère. Tout cela faisait une harmonie Divine cachée aux hommes et manifeste seulement aux esprits angéliques.

6, 5, 1081. Saint Pierre et saint Jean furent distingués dans ces faveurs et ces sacrements: le premier parce qu'il devait être Vicaire de Jésus-Christ et Chef de Son Église militante; et saint Pierre, prévenu par le Seigneur pour cette excellence, aimait et vénérait Sa Très Sainte Mère avec un respect spécial. Le second était destiné à demeurer à la place du Seigneur même comme fils de la Très Pure Dame et à lui servir de compagnie et d'assistance sur la terre. Ces deux Apôtres au gouvernement et à la garde desquels devaient être réparties l'Église Mystique, la Très Sainte Marie et l'Église militante des fidèles, furent favorisés singulièrement de cette Auguste Reine du Monde. Mais saint Jean reçut des Dons particuliers pour le service de la Très Sainte Marie et il s'y signala dès lors, étant élu pour la servir et arriver à la dignité de son fils adoptif et spécial. Quoique tous les Apôtres excédassent notre capacité et notre concept dans cette dévotion, l'Évangéliste saint Jean comprit davantage des mystères cachés de cette Cité Mystique du Seigneur, et il reçut par Elle tant de Lumière de la Divinité qu'il surpassa en cela tous les Apôtres comme le témoigne son Évangile; parce que toute cette Sagesse lui fut accordée par le moyen de la Reine du Ciel; et cet Apôtre obtint l'excellence d'être appelé "le Bien-Aimé de Jésus (Jean 21: 20)" par l'amour qu'il eut pour Sa Très Sainte Mère; et pour la même raison il fut aussi correspondu du côté de la divine Dame, car il fut le Disciple bien-aimé par excellence de Jésus et de Marie.

6, 5, 1082. Outre la chasteté et la pureté virginale, le saint Évangéliste avait certaines vertus qui le rendaient plus agréable à la Reine de toutes les vertus, entre autres une sincérité de colombe comme on le connaît par ses écrits, une humilité et une douceur pacifiques qui le rendaient plus affable et plus traitable: et la divine Mère appelait les humbles et les pacifiques "des portraits de son Très Saint Fils." La Reine s'inclina davantage vers lui à cause des qualités qui le distinguaient entre tous les Apôtres et il en était mieux disposé pour que son amour révérenciel et son affection pour la servir s'imprimassent dans son coeur. Saint Jean commença dès sa première vocation, comme je l'ai déjà dit, à se signaler entre tous dans la vénération à l'égard de la Très Sainte Marie et dans son obéissance et sa révérence de serviteur très humble. Il l'assistait avec plus de continuité que tous les autres; et il tâchait autant qu'il était possible de se tenir en sa présence et de la soulager de certains travaux corporels que la Maîtresse de l'Univers faisait de ses mains. Et
parfois il arriva à l'heureux Apôtre de s'occuper à ces oeuvres humbles, concourant en elles, à la sainte émulation des Anges de la même Reine [a]; et Elle les vainquait tous et faisait ces oeuvres par Elle-même car Elle triompha toujours de tous en cette vertu, sans que personne ne pût la vaincre ni l'égaler dans la moindre action. Le Disciple bien-aimé était aussi très diligent à rendre compte à la grande Reine de toutes les oeuvres et les merveilles du Sauveur lorsqu'Elle n'était point présente, des nouveaux disciples et des nouveaux convertis à Sa Doctrine. Il était toujours attentif à reconnaître en quoi il pouvait la servir et lui plaire davantage et comme il l'entendait, ainsi il l'exécutait.

6, 5, 1083. Saint Jean se signala aussi dans le respect avec lequel il traitait de paroles la Très Sainte Marie; parce qu'en sa présence il l'appelait "Madame". Il lui donnait aussi d'autres titres: "Refuge des pécheurs, Maîtresse des nations"; il fut aussi le premier à la nommer "Marie de Jésus", comme Elle était nommée souvent dans la primitive Église; et il lui donnait ce Nom parce qu'il connut que ces paroles faisaient une très douce consonance dans l'Âme très sainte de notre grande Dame quand Elle les entendait. Dans la mienne, je désire louer le Seigneur avec jubilation, parce que sans avoir pu le mériter il m'appela à la Lumière de la Foi et de la Sainte Église et à la vocation de la religion que je professe sous ce même Nom. Les autres Apôtres et les disciples connaissaient les bonnes grâces de saint Jean auprès de la Très Sainte Marie et souvent ils lui demandaient d'être intercesseur auprès de son Altesse en certaines choses qu'ils voulaient lui proposer et lui demander; et la douceur du saint Apôtre intervenait par ses prières, connaissant si bien la piété amoureuse de la Très Douce Mère. Je dirai d'autres choses sur ce sujet plus loin, spécialement dans la troisième partie [b]; et l'on pourrait faire une longue histoire seulement des faveurs et des Bienfaits que saint Jean l'Évangéliste reçut de la Reine et la Souveraine de L'Univers.

6, 5, 1084. Après les deux Apôtres saint Pierre et saint Jean l'Apôtre, saint Jacques, frère de l'Évangéliste, fut très aimé de la Très Sainte Marie, et cet Apôtre reçut d'admirables faveurs de la main de la Dame du Ciel, comme nous en verrons quelques-unes dans la troisième partie [c]. Saint André fut aussi l'un de ceux qui furent très chéris de la Reine; parce qu'Elle connaissait que ce grand Apôtre devait être un dévot spécial de la Passion et de la Croix de son Maître et qu'il devait y mourir à Son imitation. Et quoique je ne m'arrête point aux autres Apôtres, Elle
les aimait et les respectait avec une prudence, une charité et une humilité très rares, les uns pour certaines vertus et les autres pour d'autres (Luc 22: 24). Dans cet ordre entrait aussi la Magdeleine que notre Reine regardait avec une affection amoureuse pour l'amour qu'elle avait pour son Très Saint Fils, et parce qu'Elle connut que le coeur de cette éminente pénitente était très propre à ce que la droite du Très-Haut pût Se magnifier en elle. La Très Sainte Marie la traitait très familièrement entre toute les autres femmes et Elle lui fit connaître des mystères très sublimes, avec lesquels la Magdeleine s'énamoura davantage de son Maître et de la divine Dame Elle-même. La sainte consulta notre Reine sur ses désirs de se retirer dans la solitude pour vaquer au Seigneur dans une pénitence et une contemplation continuelles et la Très Douce Mère lui donna une instruction grandiose touchant la vie qu'elle mena ensuite dans le désert; et la Sainte y alla avec son agrément et sa bénédiction. L'Auguste Vierge alla l'y visiter une fois en personne et plusieurs fois par le moyen des Anges qu'Elle lui envoyait pour l'animer et la consoler dans l'horreur de cette solitude [d]. Les autres femmes qui suivaient le Maître de la Vie furent aussi très favorisées de Sa Très Sainte Mère et Elle leur fit des bienfaits incomparables ainsi qu'à tous les disciples; et ils furent tous intensément dévots et affectionnés à cette Auguste et Céleste Dame, la Mère de la Grâce, parce qu'en Elle et par Elle ils trouvaient tous cette grâce avec abondance comme dans son officine et son dépôt où Dieu la tenait pour tout le genre humain. Je ne m'arrêterai pas davantage en cela; car outre que ce n'est point nécessaire à cause de la connaissance qu'on en a dans la Sainte Église, il faudrait beaucoup de temps pour cette matière.

6, 5, 1085. Je dirai seulement quelque chose du mauvais Apôtre Judas, parce que j'en ai la Lumière et que cette Histoire le demande et l'on en a moins de connaissance: ce qui servira d'instruction pour les pécheurs, d'avertissements pour les obstinés et d'avis pour les peu dévots à la Très Sainte Marie, s'il y a quelqu'un qui le soit peu envers une Créature si aimable, que Dieu même aima d'un Amour Infini, sans bornes ni mesure; les Anges, de toutes leurs forces spirituelles; les Apôtres et les Saints, d'une affection intime et cordiale; et toutes les créatures doivent l'aimer avec une contentieuse émulation, et tout cela est peu de chose, considéré combien Elle doit être aimée. Ce malheureux Apôtre commença à se détourner de ce Chemin Royal pour arriver à l'Amour divin et à Ses Dons. Et l'intelligence qui m'en a été donnée pour l'écrire est comme suit [e].

6, 5, 1086. Judas vint à l'École de notre Maître Jésus-Christ mû par la force de Sa Doctrine dans l'extérieur et dans l'intérieur par l'esprit bon qui mouvait les autres. Et entraîné par ces secours il demanda au Seigneur de l'admettre parmi Ses disciples et le Seigneur le reçut avec les entrailles d'un Père amoureux qui ne rejette aucun de ceux qui Le cherchent dans la Vérité. Judas reçut dans les principes d'autres faveurs plus grandes de la Divine droite avec lesquelles il surpassa certains disciples et il fut signalé pour l'un des douze Apôtres; parce que le Seigneur l'aimait selon Sa présente Justice, conformément à l'état de son âme et des oeuvres saintes qu'il faisait comme les autres. La Mère de la Grâce et de la Miséricorde aussi le regarda alors avec cette miséricorde, quoiqu'Elle connût aussitôt par sa Science infuse la trahison qu'il devait commettre perfidement à la fin de son apostolat. Mais Elle ne lui refusa point pour cela son intercession et sa charité maternelle; au contraire la divine Dame prit pour son compte avec un plus grand zèle et une plus grande attention, de justifier, autant qu'il lui était possible, la cause de son Très Saint Fils à l'égard de ce malheureux Apôtre, afin que sa méchanceté n'eût point de prétexte ni d'excuse apparente ni humaine lors même qu'il l'eût intenté. Et connaissant que ce naturel ne se vaincrait pas par la rigueur; au contraire qu'il arriverait plus tôt à son obstination la Très Prudente Dame prit garde à ce que Judas ne manquât de rien de ce qui était nécessaire et convenable; et Elle le secourait, lui parlait et le traitait entre tous avec de plus grande démonstrations de tendresse et de suavité. Et ce fut de telle manière que les Disciples arrivant quelquefois à avoir leurs émulations entre eux, à savoir qui devait être plus privilégié de la divine Dame, comme l'Évangile le dit à l'égard de Jésus, Judas ne put jamais avoir ces doutes ni ces prétextes et il se montra parfois reconnaissant des bienfaits qu'il recevait.

6, 5, 1087. Mais comme Judas était peu aidé de son naturel et qu'il y avait, entre les disciples et les Apôtres, certains défauts d'hommes non tout à fait confirmés en perfection, ni alors en grâce, l'imprudent disciple commença à s'estimer lui-même, plus qu'il ne devait et à se choquer des défauts de ses frères, remarquant ces défauts plus que les siens propres. Ayant admis cette première erreur sans réflexion ni amendement, la poutre croissait d'autant plus dans ses propres yeux (Luc 6: 41) qu'il regardait davantage la paille dans les yeux d'autrui et qu'il en murmurait, prétendant amender dans ses frères, avec plus de
présomption que de zèle des fautes légères; tandis qu'il en commettait de beaucoup plus grandes. Entre tous les autres Apôtres, il remarqua et jugea saint Jean pour entremetteur auprès de son Maître et de la Très Sainte Mère, quoiqu'il fût si favorisé des deux. Néanmoins les désordres de Judas jusqu'ici n'étaient que des péchés véniels et il n'avait point perdu la grâce sanctifiante. Mais ces péchés étaient très volontaires et de mauvaises conditions; parce qu'il donna une entrée très libre au premier qui était quelque vaine complaisance: et celle-ci appela aussitôt le second péché d'envie; et de là résulta le troisième qui fut de calomnier et de juger en lui-même, avec peu de charité les actions de ses frères. Ces péchés ouvrirent la porte à d'autres plus grands car ensuite sa ferveur et sa dévotion s'attiédirent; sa charité envers Dieu et envers le prochain se refroidit et la lumière intérieure alla en diminuant et en s'éteignant; et déjà il regardait les Apôtres et la Très Sainte Mère avec quelque nausée et quelque dégoût de leur entretien et de leurs oeuvres très saintes.

6, 5, 1088. La Très Prudente Dame connaissait tout ce désaccord en Judas et tâchait de lui porter le remède de salut et de le guérir; et avant qu'il se livrât à la mort du péché, Elle lui parlait et l'avertissait comme un fils très cher, avec une suavité extrême et une grande force de raisons. Et bien que cette tourmente qui commençait à s'élever dans le coeur inquiet de Judas se calmât quelquefois, néanmoins il ne persévérait pas dans sa tranquillité et aussitôt il s'aigrissait et se troublait de nouveau. Et donnant plus d'entrée au démon, il arriva à se mettre en fureur contre la Très Douce Colombe; et avec une hypocrisie affectée il intentait de cacher ses fautes, de les nier, ou de leur donner d'autres sorties; comme s'il eût pu tromper ses Maîtres divins ou leur cacher le secret de son coeur. Il perdit avec cela la révérence intérieure pour la Mère de Miséricorde, méprisant ses avertissements et repoussant en face cette douceur de ses paroles et de ses instructions. Par cette très ingrate témérité il perdit la grâce et le Seigneur S'indigna gravement, ses effronteries démesurées l'ayant mérité; et Il le laissa aux mains de son conseil (Eccli. 15: 14); parce qu'il s'était lui-même détourné de la grâce et de l'intercession de la Très Sainte Marie, et il s'était fermé les portes de la Miséricorde et de son remède par cette haine qu'il conçut envers la Très Douce Mère; il passa ensuite à s'indigner contre son Maître et à L'abhorrer, se mécontentant de Sa Doctrine et jugeant comme très lourde la vie des Apôtres et la communication avec eux [f].

6, 5, 1089. Néanmoins la divine Providence ne l'abandonna pas aussitôt et Il lui envoyait toujours au coeur des secours intérieurs, quoique ceux-ci fussent plus communs et plus ordinaires que ceux qu'il recevait auparavant, mais cependant suffisants s'il eût voulut y coopérer. A cela se joignaient les exhortations très douces de la clémente Reine, afin qu'il se réduisît et s'humiliât à demander pardon à son divin Maître et son Dieu véritable: et Elle lui promit Miséricorde de la part du même Seigneur et de son côté qu'Elle l'accompagnerait et qu'Elle prierait pour lui, qu'Elle ferait pénitence pour ses péchés par des oeuvres pénales; et Elle ne lui demandait que de se repentir et de s'amender. La Mère de la Grâce fit toutes ces démarches pour empêcher dès le principe la chute de Judas, comme Celle qui connaissait que le plus grand mal n'est pas de tomber, mais de ne point se relever et de persévérer dans le péché. L'orgueilleux disciple ne pouvait nier à sa conscience le témoignage qu'Elle lui donnait de son mauvais état; mais commençant à s'endurcir, il craignit la confusion qui pouvait lui acquérir la gloire et il tomba en celle qui lui augmenta son péché. Avec cet orgueil il n'accepta point les conseils salutaires de la Mère de Jésus-Christ, au contraire, il nia son dommage, protestant avec des paroles feintes qu'il aimait son Maître et les autres et qu'il n'avait point à s'amender en cela.

6, 5, 1090. Notre Seigneur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère nous laissèrent un exemple de charité et de patience admirables dans la conduite qu'Ils tinrent avec Judas après sa chute dans le péché; parce qu'ils le tolérèrent en leur compagnie de telle sorte qu'Ils ne lui montrèrent jamais un air changé ou irrité, et ils ne laissèrent point de le traiter avec la même suavité et le même agrément que les autres. Telle fut la cause pourquoi le mauvais intérieur de Judas fut tellement caché aux Apôtres; quoique sa conversation ordinaire et son entretien donnassent de grands indices de sa mauvaise conscience et de son esprit; parce qu'il n'est pas facile, ni presque point possible de violenter toujours ses inclinations pour les cacher et les diminuer; et dans les choses qui ne sont point très délibérées, nous opérons toujours conformément au naturel et aux coutumes, et alors nous les donnons à connaître pour le moins à ceux qui conversent davantage avec nous. La même chose arrivait à Judas dans l'apostolat. Mais comme ils connaissaient tous l'affabilité et l'amour avec lesquels notre Rédempteur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère le traitaient, sans faire de changement en cela, ces manières égales
démentaient leurs soupçons et les mauvais indices qu'il leur donnait de sa chute. Pour cette raison ils se trouvèrent tous froissés et douteux lorsque le Seigneur leur dit dans la dernière Cène légale que l'un d'eux devait Le livrer (Matt. 26: 21; Marc 14: 18; Luc 22: 21; Jean 13: 18) et chacun se demandait si c'était lui-même. Et comme saint Jean, ayant une plus grande familiarité, arriva à avoir quelques lumières des méchancetés de Judas et qu'il vivait en cela avec plus de doute, le Seigneur même le lui déclara mais par signe (Jean 13: 26), comme il appert de l'Évangile. Cependant Sa Majesté n'avait jamais donné d'indice jusqu'alors de ce qui se passait en Judas. Cette patience était plus admirable dans la Très Sainte Marie, parce qu'Elle était Mère et pure Créature et qu'Elle regardait déjà de près la trahison que ce disciple déloyal devait commettre contre son Très Saint Fils qu'Elle aimait comme Mère et non comme servante.

6, 5, 1091. O ignorance! ô stupidité qu'est la nôtre! Que nous procédons différemment, nous les enfants des hommes si nous recevons quelque petite injure, tandis que nous en méritons de si grandes. Combien nous souffrons avec peine les faiblesses d'autrui voulant que tous tolèrent les nôtres! Combien il nous paraît difficile de pardonner une offense, demandant chaque jour et à chaque heure que le Seigneur nous pardonne les (Matt. 6: 12) nôtres! Combien nous sommes prompts et cruels à publier les fautes de nos frères et combien nous avons de ressentiment et de colère de ce que quelqu'un parle des nôtres! Nous ne mesurons personne avec la mesure dont nous voulons être mesurés (Matt. 7: 1-2) et nous ne voulons pas être jugés avec le jugement que nous faisons des autres. Tout cela est perversité, ténèbres et souffle de la bouche du dragon infernal qui veut s'opposer à la très excellente vertu de la Charité et déconcerter l'ordre de la raison Divine et humaine; parce que DIEU EST CHARITÉ (1 Jean 4: 16) et celui qui exerce cette Charité parfaitement demeure en Dieu et Dieu en lui. Lucifer n'est que colère et vengeance et celui qui exécute cette colère demeure en lui et il le gouverne en tous les vices qui s'opposent au bien du prochain. Je confesse que la beauté de la vertu de Charité a toujours ravi tous mes désirs de l'avoir pour amie; mais aussi je vois dans le clair miroir de ces merveilles de charité à l'égard de l'Apôtre très ingrat, que je ne suis jamais arrivé au principe de cette vertu très noble.

6, 5, 1092. Afin que le Seigneur ne me reproche point de m'être tue, j'ajouterai à ce que j'ai dit une autre cause que Judas eut dans sa perte. Dès que le
nombre des Apôtres et des disciples commença à croître, Sa Majesté détermina que quelqu'un se chargerait de recevoir les aumônes et de les dispenser, comme syndic ou majordome pour les nécessités communes et pour payer les tributs impériaux; et Notre-Seigneur Jésus-Christ le proposa à tous sans en désigner aucun. Aussitôt Judas désira cet office que tous craignaient dans leur intérieur et qu'ils voulaient fuir. Et pour l'obtenir le cupide disciple s'humilia à demander à saint Jean d'en traiter avec la Très Sainte Reine afin qu'Elle le concertât avec le Seigneur. Saint Jean le demanda comme Judas le désirait; mais la Très Prudente Mère connaissant que sa pétition n'était ni juste ni convenable, mais qu'Elle venait d'une affection ambitieuse et cupide ne voulut point la proposer au divin Maître. Judas fit la même diligence par le moyen de saint Pierre et des autres Apôtres, afin qu'ils le disposassent et cela ne lui servit pas davantage; parce que la clémence du Très-Haut voulait l'empêcher ou justifier sa cause quand il le permettrait. Le coeur de Judas qui était déjà possédé de l'avarice au lieu de se tranquilliser par cette résistance et de s'attiédir dans la flamme qui l'embrasait malheureusement, s'enflamma davantage; Satan lui suggérait des pensées ambitieuses et horribles mêmes pour toute personne d'un autre état moins saint. Et si elles eussent été indécentes dans les autres, et s'il eut été coupable de les accepter, ce l'était beaucoup plus en Judas qui était disciple à l'École de la plus grande perfection et à la vue du Soleil de justice Jésus-Christ, et de la Lune, la Très Sainte Marie. Et dans le jour de l'abondance et de la grâce, il ne pouvait manquer de connaître le délit d'admettre de telles suggestions quand le soleil de son divin Maître l'illuminait; ni non plus dans la nuit de la tentation, puisqu'en Elle la Lune Marie lui influait ce qui lui convenait pour se délivrer du venin du serpent. Mais comme il fuyait la Lumière et qu'il se livrait aux ténèbres, il courait après le précipice; et il s'enhardit à demander lui-même à la Très Sainte Marie le ministère qu'il prétendait obtenir, perdant la crainte et dissimulant sa cupidité sous couleur de vertu. Il s'approcha d'Elle et lui dit que la pétition que Pierre et Jean, ses frères lui avaient proposée en son nom était motivée par le désir de la servir, Elle et son Fils avec toute diligence, parce que tous ne s'appliquaient pas à cela avec le soin qui était juste et qu'il la suppliait d'obtenir que son Maître lui accordât l'office qu'il désirait.

6, 5, 1093. La grande Dame du monde lui répondit avec grande mansuétude: «Considère bien, mon très cher, ce que tu demandes et examine si l'intention avec laquelle tu la désires est droite; et vois s'il te convient de désirer ce que tous tes frères les Disciples craignent, et ce qu'ils n'accepteraient point qu'ils
n'y fussent contraints par l'obéissance de leur Maître et leur Seigneur. Il t'aime plus que tu ne t'aimes toi-mêmes et Il sait sans erreur ce qui te convient; abandonne-toi à Sa Très Sainte Volonté, change d'intention et tâche de thésauriser l'humilité et la pauvreté. Relève-toi d'où tu es tombé, car je te donnerai la main et mon Fils usera envers toi de Son amoureuse Miséricorde.» Qui ne se serait soumis à ces très douces paroles et ces très fortes raisons entendues d'une aussi Divine et aussi aimable Créature que la Très Sainte Marie? Mais ce coeur féroce et de diamant ne s'amollit ni ne s'émut point; au contraire, il s'indigna intérieurement et il se considéra offensé par la divine Dame qui lui offrait le remède de sa maladie mortelle; parce qu'une impétuosité effrénée d'ambition et de cupidité dans le concupiscible irrite aussitôt l'irascible contre celui qui l'empêche, et elle répute les saints conseils pour des injures. Mais la Très Mansuète et Très Aimable Colombe dissimula avec Judas, ne lui parlant plus alors à cause de son obstination.

6, 5, 1094. Étant sorti d'auprès de la Très Sainte Marie, Judas ne se tranquillisa pas dans son avarice; et se dépouillant de la pudeur et de la honte naturelle et même de la foi intérieure; il résolut d'aller trouver lui-même le Christ, son divin Maître et son Sauveur. Et sa furie vêtue de la peau de brebis, comme fin prétendant, il s'approcha de Sa Majesté et Lui dit: «Maître, je désire faire Votre Volonté et Vous servir en étant dispensaire et dépositaire des aumônes que nous recevons; et avec elles je secourrai les pauvres, accomplissant votre Doctrine de faire envers le prochain la même chose que nous voulons qui se fasse avec nous, et je tâcherai de les dispenser avec ordre, avec raison et à Votre Volonté, mieux que ça se fait jusqu'à présent.» L'hypocrite dit ces raisons et d'autres à son Dieu et son Maître, commettant plusieurs péchés énormes d'une fois. En premier lieu il mentait et il avait une autre intention second et cachée. Outre cela il feignait ce qu'il n'était pas, ambitionnant l'honneur qu'il ne méritait point, ne voulant point paraître ce qu'il était, ni être ce qu'il désirait paraître. Il murmura aussi contre ses frères, les discréditant et se louant lui-même; car tous ces détours sont des chemins battus par les ambitieux. Ce qui est le plus à considérer est qu'il perdit la Foi infuse qu'il avait, prétendant tromper Jésus-Christ, son Maître céleste par la feinte hypocrisie qu'il montra au dehors. Parce que s'il avait cru alors avec fermeté que Jésus-Christ était véritablement Dieu et Homme véritable, il n'aurait pu faire le jugement qu'il avait de Le tromper, puisque comme Dieu il eût connu (Sag. 1: 6) le plus caché de son coeur qui en effet Lui était découvert; et non seulement comme Dieu avec Sa Science infinie, mais comme homme avec la Science infuse et
Béatifique, Il eût été averti et il eût cru que le Seigneur pouvait le connaître, comme de fait Sa Majesté le connaissait, il se fût désisté de son intention fourbe. Judas cessa de croire tout cela, et il ajouta aux autres péchés celui de l'hérésie [g].

6, 5, 1095. Ce que l'Apôtre dit plus tard s'accomplit à la lettre dans ce disciple (1 Tim. 6: 9) déloyal: «Ceux qui désirent être riches viennent à tomber dans la tentation et ils s'embarrassent dans les filets du démon et dans les désirs inutiles et vains qui précipitent les hommes vers la perdition et la mort éternelle; parce que la cupidité est la racine de tous les maux et plusieurs, pour courir après elle, ont erré dans la Foi et se sont introduits en beaucoup de douleurs.» Tout cela arriva à l'Apôtre avare et perfide, dont la cupidité fut d'autant plus vile et plus répréhensible que plus vif et plus admirable était l'exemple de la sublime pauvreté qu'il avait présente en Notre-Seigneur Jésus-Christ, en Sa Très Sainte Mère et en tout l'apostolat, où il n'y avait que quelques aumônes modérées. Mais le mauvais Disciple imagina qu'avec les grands miracles de son Maître et tous ceux qui Le suivaient et qui L'approchaient, les aumônes et les offrandes croîtraient, sur lesquelles il pourrait mettre la main. Comme il ne l'obtenait pas selon ses désirs il se tourmentait avec eux-mêmes, comme il le manifesta lorsque la Magdeleine dépensa les précieux arômes (Matt. 26: 6-7; Marc 14: 4; Jean 12: 7-Cool pour oindre le Sauveur, où la cupidité de les obtenir le rendit évaluateur de leur prix et il dit qu'ils valaient plus de trois cents deniers (Jean 12: 5), et qu'on les ôtait aux pauvres à qui ils pouvaient être distribués. Il disait cela parce qu'il était peiné de ne les avoir pas ramassés pour lui-même; car il n'avait pas de souci des pauvres. Au contraire, il s'indignait beaucoup contre la Mère de Miséricorde, parce qu'Elle donnait tant d'aumônes; et contre le Seigneur même, parce qu'Il n'en acceptait point davantage pour les lui confier, et contre les Apôtres et les disciples parce qu'ils n'en demandaient point; contre tous il était fâché et il se montrait offensé. Quelques mois avant la Mort du Sauveur il commença à s'absenter assez longtemps des autres Apôtres, s'éloignant d'eux et du Seigneur; parce que leur compagnie le tourmentait et il ne venait que pour recueillir les aumônes qu'il pouvait. Dans ces sorties le démon lui mit dans le coeur d'en finir tout à fait avec son Maître et de Le livrer aux Juifs, comme il arriva.

6, 5, 1096. Mais revenons à la réponse que lui donna le Maître de la Vie quand il Lui demanda l'office de dispensaire, afin que dans cet événement l'on
connaisse manifestement combien les jugements du Très-Haut sont cachés et formidables. Le Sauveur du monde désirait détourner Judas du danger qu'il connaissait dans sa demande. Et afin qu'il n'en appelât point à l'erreur, Sa majesté lui répondit et lui dit: «Sais-tu, ô Judas ce que tu désires et demandes? Ne sois pas si cruel contre toi-même; car tu cherches et tu sollicites le poison et les armes avec lesquels tu peux te causer la mort.» Judas répliqua: «Moi, Maître, je désire Vous servir, employant mes forces au bénéfice de Votre congrégation; et je le ferai mieux par cette voie que d'aucune autre manière, comme je le promets sans faute.» Avec cette envie de Judas de chercher et d'aimer le péril, Dieu justifia Sa cause en l'y laissant tomber et périr parce qu'il résista à la Lumière et s'endurcit contre elle; après que lui furent montrés l'eau et le feu, la vie et la mort (Eccli. 15: 17), il étendit la main et choisit sa perdition, la Justice demeurant justifiée et la Miséricorde du Très-Haut exaltée; car cette Miséricorde était allée tant de fois pour le convier et pour entrer par les portes de son coeur, d'où il la chassa et y admit le démon. Je dirai plus loin d'autres malheureuses méchancetés de Judas, pour l'avertissement des mortels, afin de ne point me rallonger davantage dans ce chapitre et parce qu'elles appartiennent à un autre endroit de l'Histoire [h] où elles arrivèrent. Qui est-ce d'entre les hommes sujets à pécher qui ne craindra pas d'une grande crainte, en en voyant un autre de sa propre nature à l'École du Christ et de Sa Très Sainte Mère, nourri aux mamelles de Sa Doctrine et de Ses miracles et qui passe en si peu de temps de l'état de saint Apôtre, faisant les mêmes miracles et les mêmes merveilles que les autres, à un état de démon, et qui de simple brebis fut changé en loup carnassier et sanguinaire? Judas commença par des péchés véniels et de ceux-ci il passa à des péchés très graves et très horribles. Il se livra au démon qui avait déjà des soupçons que Notre-Seigneur Jésus-Christ était Dieu et la colère que ce dragon avait contre Lui, il la déchargea sur le malheureux Disciple séparé du petit troupeau. Mais si la fureur de Lucifer est maintenant la même et plus grande depuis que pour son malheur il a reconnu Notre-Seigneur Jésus-Christ pour vrai Dieu et Rédempteur des hommes, que peut espérer une âme qui se livre à un ennemi si cruel et si inhumain, si anxieux et si véhément pour notre damnation éternelle.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 5, 1097. Ma fille, tout ce que tu as écrit dans ce chapitre est un avis des plus importants pour tous ceux qui vivent en chair mortelle, exposés à perdre le Bien Éternel; parce que le moyen efficace pour se sauver et s'avancer dans la récompense se réduit à solliciter l'intercession de mes prières, et de ma clémence et à craindre avec discrétion les jugements du Très-Haut (Ps. 118: 120). Je veux de nouveau que tu comprennes qu'entre les secrets Divins que mon Très Saint Fils révéla à Jean Son bien-aimé et le mien dans la nuit de la Cène, l'un d'eux fut qu'il avait acquis cet Amour par celui qu'il me portait et que Judas était tombé pour avoir méprisé la piété que je lui témoignais. Et alors l'Évangéliste comprit de grands sacrements de ceux que la Divine droite me communique et qu'elle opéra envers moi, et de ce que je devais exercer, travailler et souffrir dans la Passion, et le Seigneur lui commanda d'avoir un soin spécial de moi. La pureté de coeur que je veux de toi, ma très chère, doit être plus grande que celle d'un Ange; et si tu te disposes pour l'obtenir, tu obtiendras aussi d'être ma fille très chérie, comme Jean, et l'épouse très aimée et choyée de mon Fils et mon Seigneur. Cet exemple de la perte de Judas te servira toujours de stimulant et d'avertissement, afin que tu sollicites mon amour et que tu reconnaisses celui que je te manifeste sans que tu l'aies mérité.

6, 5, 1098. Je veux aussi que tu comprennes ce secret ignoré du monde, que l'un des péchés les plus horribles et les plus abhorrés du Seigneur est que les justes et les amis de l'Église soient peu estimés et spécialement moi qui fus choisi pour être Sa Mère et le remède universel de tous. Et si le péché de ne point aimer les ennemis et de les mépriser est si odieux au Seigneur et aux Saints du Ciel (Matt. 18: 35), comment souffrira-t-il que cela se fasse à l'égard de Ses amis très chers (Ps. 33: 16) en qui il a posé ses propres regards et Son amour? Ce conseil est beaucoup plus important que tu ne peux le connaître dans cette vie mortelle et c'est un des signes de réprobation d'abhorrer les justes. Garde-toi de ce danger et ne juge personne (Matt. 7: 1) encore moins ceux qui te reprennent et qui t'enseignent.
Ne te laisse point incliner à aucune chose terrestre et encore moins aux offices du gouvernement où le sensible et l'humain trouble le jugement, obscurcit la raison et entraîne ceux qui ne font attention qu'à cela. N'envie à aucun l'honneur ou les autres choses apparentes; ne désire et ne demande au Seigneur que Son Amour et Sa Sainte Amitié; parce que la créature est remplie d'inclinations très aveugles, et si elle n'y résiste, elle a coutume de désirer et de demander ce qui doit être pour sa perdition. Et quelquefois le Seigneur le lui concède en châtiment de ces péchés et d'autres et par Ses jugements cachés, comme il arriva à Judas. Et dans ces biens temporels que les hommes désirent tant, ils reçoivent la récompense de quelques bonnes oeuvres s'ils en ont faites. Si tu considères bien cette Doctrine, tu comprendras l'erreur de tant d'amateurs du monde qui se jugent heureux et fortunés, quand ils obtiennent tout ce qu'ils désirent à la satisfaction de leurs inclinations terrestres. Telle est leur très grande infortune; parce qu'il ne leur reste plus rien à recevoir en récompense éternelle, comme les justes qui méprisèrent le monde où il leur arriva souvent des adversités, et le Seigneur leur refuse parfois leurs désirs en des choses temporelles, pour leur éviter le péril et les en éloigner. Afin que tu ne tombes point dans ces dangers, je t'avertis et te commande de ne jamais t'incliner à désirer aucune chose humaine. Éloigne ta volonté de tout; conserve-la libre et maîtresse; délivre-la de la captivité et de l'esclavage de suivre son poids et son inclination; ne veuille plus que ce qui sera de la Volonté du Très-Haut, car Sa Majesté a soin de ceux qui se confient et s'abandonnent à Sa divine Providence (Matt. 6: 30).

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 5, [a]. On ne doit pas s'étonner que saint Jean ait eu le privilège que Dieu accorda à d'autres saints inférieurs à lui, de voir parfois les Anges sous des formes humaines. Ainsi Tobie vit Raphaël, Ézéchiel vit les Chérubins, Daniel vit l'Archange Gabriel, saint Françoise romaine, son Ange gardien et d'autres saints jouirent de semblables visions.
6, 5, [b]. Livre 8, No. 590.
6, 5, [c]. Livre 7, Nos. 325, 352; Livre 8, Nos. 384, 399.
6, 5, [d]. Cela fut accordé à plusieurs autres saints et il n'est pas croyable ni convenable qu'un tel bienfait ait été refusé à Magdeleine, intime amie de Jésus qu'elle reçut plusieurs fois dans sa maison et à sa table.
6, 5, [e]. Tout ce que la Vénérable rapporte sur Judas est très bien illustré par ce qu'en écrit le Père Séraphin, Passioniste, dans sa vie de Judas Iscariote.
6, 5, [f]. Voici comment on tombe, graduellement dans l'abîme! Leçon terrible pour ceux qui étant déjà avancés dans la voie du mal, n'ont pas le courage de retourner en arrière. Heureux s'ils savent rompre leurs chaînes, vaincre le maudit respect humain et la fougue de leurs passions et retourner dans les bras de leur Père céleste!
6, 5, [g]. Saint Léon-le-Grand, [Serm. 50, c. V], parlant de Judas dit: «Dans le péril extrême de la mort, Judas crut que Jésus n'était pas Fils de Dieu; mais seulement homme de notre condition; car si ce malheureux n'avait pas nié Sa Toute-Puissance, sans doute que ce divin Sauveur eut incliné vers lui Sa Miséricorde.»
6, 5, [h]. Livre 6, Nos. 1110, 1133, 1199, 1205, 1226.
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Message par sga Ven 24 Mai 2019 - 16:38

CHAPITRE 6


Notre-Seigneur Jésus-Christ se transfigure sur le Thabor en présence de Sa Très Sainte Mère; ils montent de Galilée à Jérusalem pour s'approcher vers la Passion, et ce qui arriva à Béthanie à l'onction de la Magdeleine.


6, 6, 1099. Plus de deux ans et demi [a] s'étaient déjà écoulés depuis la prédication et les merveilles de notre Rédempteur et Maître Jésus-Christ et le temps destiné par la Sagesse éternelle pour s'en retourner à son Père par le moyen de Sa Passion et de Sa Mort s'approchait; laissant ainsi la divine Justice satisfaite et le genre humain racheté. Et parce que toutes Ses Oeuvres remplies de Sagesse divine étaient ordonnées à notre salut et à notre enseignement, Sa Majesté détermina de prévenir quelques-uns de Ses Apôtres pour le scandale (Matt. 26: 31) qu'ils devaient souffrir par Sa Mort et Se manifester à eux d'abord glorieux dans le Corps passible qu'ils devaient voir ensuite flagellé et crucifié, afin qu'ils le vissent d'abord transfiguré par la gloire avant que de Le voir défiguré par les peines. Il avait fait cette promesse peu auparavant en présence de tous, quoique non pour tous, mais pour quelques-uns, comme l'Évangélise saint Matthieu (Matt. 16: 28) le rapporte. Il choisit pour cela une montagne élevée qui fut le Thabor, au milieu de la Galilée, à deux lieues de Nazareth vers l'Orient; et montant au sommet avec les trois Apôtres Pierre, Jacques et Jean son frère, il Se transfigura en leur présence, comme le racontent les trois Évangélistes (Matt. 17: 1; Marc 9: 1; Luc 9: 28), saint Matthieu, saint Marc et saint Luc. Lesquels disent que les deux prophètes Moïse et Élie, outre les trois Apôtres se trouvèrent aussi présents, parlant avec Jésus de Sa Passion. Étant transfiguré il vint une voix du Ciel au Nom du Père Éternel qui dit: «Celui-ci est Mon fils Bien-Aimé, en qui Je me complais, vous devez l'écouter.»

6, 6, 1100. Les Évangélistes ne disent point que la Très Sainte Marie se trouvât à la merveille de la Transfiguration et non plus ils ne le nient point, parce que cela n'appartenait pas à leur sujet, et il ne convenait pas de manifester dans les Évangiles le miracle caché par lequel il se fit. L'intelligence qui m'a été donnée pour écrire cette Histoire est qu'en même temps que quelques Anges allèrent tirer
l'âme de Moïse et d'Élie d'où elles étaient, la divine Dame fut portée par les mains de ses Anges au mont Thabor, afin qu'Elle vît son Très Saint Fils transfiguré, comme sans doute Elle Le vit. Quoiqu'il ne fut pas nécessaire de conforter la Très Sainte Marie dans la Foi comme les Apôtres, parce qu'Elle était confirmée et invincible dans cette Foi, cependant le Seigneur eut plusieurs fins dans cette merveille de la Transfiguration et il y avait en Sa Très Sainte Mère d'autres raisons particulières pour que notre Rédempteur Jésus-Christ ne célébrât point un si grand Mystère sans sa présence. Et ce qui était une grâce dans les Apôtres était, comme dû dans la Reine Sa Mère, parce qu'Elle était Compagne et Coadjutrice des Oeuvres de la Rédemption; et Elle devait l'être jusqu'à la Croix; et il convenait de la conforter par cette faveur pour les tourments que son Âme très sainte devait souffrir: et puisqu'Elle avait à demeurer pour Maîtresse de la Sainte Église il convenait qu'Elle fût témoin de ce Mystère et que son Très Saint Fils ne lui cachât pas ce qu'Il pouvait si facilement lui manifester: puisqu'Il lui rendait patentes toutes les opérations de Son Âme très Sainte. L'Amour du Fils pour Sa divine Mère n'était pas de condition à lui refuser cette faveur, quand Il lui concédait toutes celles qui prouvaient Son Amour et Son affection très tendre et pour la grande Reine c'était une excellence et une dignité. Il m'a été donné à entendre que la Très Sainte Marie assista à la Transfiguration de son Très Saint Fils et notre Rédempteur pour ces raisons et plusieurs autres qu'il n'est point nécessaire de rapporter maintenant.

6, 6, 1101. Et non seulement, Elle vit l'Humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ transfigurée et glorieuse, mais le temps que dura ce Mystère la Très Sainte Marie vit la Divinité clairement et intuitivement; parce que ce Bienfait à son égard ne devait pas être comme à l'égard des Apôtres, mais avec une plus grande abondance et une plus grande plénitude. Et dans la même vision de la gloire du corps, qui fut manifeste à tous, il y eut une grande différence entre la divine Dame et les Apôtres, non seulement parce que ceux-ci étaient endormis et somnolents, au commencement, lorsque Notre-Seigneur se retira pour prier, comme dit saint Luc (Luc 9: 32), mais aussi parce qu'ils furent opprimés d'une grande crainte et les Apôtres tombèrent sur leurs faces par terre, à la voix du Ciel, jusqu'à ce que le même Seigneur leur parlât et les relevât, comme le raconte saint Matthieu (Matt. 17: 6-7); mais la divine Dame fut immobile à tout, car outre qu'Elle était accoutumée à tant de Bienfaits très insignes, Elle était alors remplie de qualités, d'illuminations et de force nouvelle pour voir la Divinité; et ainsi Elle put regarder
fixement la gloire du Corps transfiguré, sans souffrir la crainte et le défaut des Apôtres dans la partie sensitive. La Bienheureuse Mère avait vu d'autres fois le Corps de son Très Saint Fils transfiguré comme je l'ai déjà dit [b]; néanmoins dans cette occasion ce fut avec des circonstances nouvelles et de plus admirables, des intelligences et des faveurs plus particulières; et ainsi le furent aussi les effets que causa dans son Âme très pure cette vision d'où Elle sortit toute renouvelée et enflammée; Elle ne perdit jamais tant qu'Elle vécut en chair mortelle, les espèces de cette vision qui touchait à l'Humanité glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et quoiqu'Elle lui servît de grande consolation en l'absence de son Fils, le temps que son Image glorieuse ne lui fut point renouvelée avec d'autres Bienfaits que nous verrons dans la troisième partie; néanmoins Elle fut aussi cause qu'Elle sentit plus les affronts de Sa Passion, ayant vu le Seigneur de la gloire, comme il lui était représenté.

6, 6, 1102. Les effets que causa dans son Âme très sainte cette vision de tout le Christ glorieux ne se peuvent expliquer par aucune considération humaine. Et non seulement de voir si resplendissante cette substance que le Verbe avait prise de son propre sang et qu'Elle avait enfantée, nourrie et élevée, mais aussi d'entendre la voix du Père qui reconnaissait pour Fils Celui qui était aussi son Fils naturel et qu'Il le donnait pour Maître aux hommes. Dans sa reconnaissance Elle pénétrait et pondérait tous ces mystères et Elle en louait dignement le Tout-Puissant. Elle fit de nouveaux cantiques avec ses Anges, célébrant ce jour si solennel pour son Âme et pour l'humanité de son Très Saint Fils. Je ne m'arrête point à déclarer autre chose de ce Mystère et en quoi consista la Transfiguration du Corps sacré de Jésus. Il suffit de savoir que Sa Face resplendissait comme le soleil et Ses vêtements furent plus blancs que la neige (Matt. 17: 2), et que cette gloire résulta dans le Corps, de celle qu'avait toujours le Sauveur dans Son Âme glorieuse. Parce que le miracle qui se fit dans l'Incarnation de suspendre les effets glorieux qui devaient résulter de la Divinité dans Son Corps d'une façon permanente, cessa alors pour un moment dans la Transfiguration; et le Corps très pur participa de cette gloire de l'Âme. Telle fut la splendeur et la clarté que virent ceux qui y assistaient. Et ensuite le même miracle qui suspendait les effets de l'Âme glorieuse revint à se continuer. Et comme cette Âme était toujours béatifiée, ce fut aussi une merveille que le Corps reçut en passant ce qui aurait dû être perpétuel en lui comme dans l'âme selon l'ordre commun.

6, 6, 1103. La Transfiguration ayant été célébrée, la Bienheureuse Mère fut restituée à sa maison à Nazareth; et son Très Saint Fils descendit de la montagne, et vint aussitôt où Elle était pour faire Ses adieux à Sa patrie et prendre le chemin de Jérusalem, où Il devait souffrir à la prochaine Pâque, qui devait être la dernière pour Sa Majesté. Peu de jours s'étant écoulés, Il sortit de Nazareth accompagné de Sa Très Sainte Mère, des Apôtres, des disciples qu'Il avait, et d'autres saintes femmes, cheminant par le milieu de la Galilée et de la Samarie, jusqu'à Son arrivée en Judée et à Jérusalem. L'Évangéliste saint Luc écrit ce voyage, disant que le Seigneur affermit Sa Face pour aller à Jérusalem (Luc 9: 51); parce qu'Il effectua ce départ avec un air joyeux et un fervent désir d'arriver à souffrir, et avec la propre et efficace Volonté de souffrir pour le genre humain, parce que Lui-même le voulait; et ainsi Il ne devait plus retourner en Galilée, où tant de merveilles s'étaient opérées. Avec cette détermination, au sortir de Nazareth Il confessa le Père Éternel, et Il Lui rendit grâces en tant qu'homme, parce que dans cette maison et ce lieu Il avait reçu la forme et l'être humain qu'Il offrait à la Passion et à la Mort qu'Il allait recevoir pour le remède des hommes. Entre autres paroles que dit notre Rédempteur Jésus-Christ dans cette oraison, que je ne peux expliquer par les miennes, furent celles-ci:

6, 6, 1104. «Mon Père Éternel, pour accomplir Votre obéissance, je vais avec allégresse et bonne Volonté, satisfaire Votre justice et souffrir jusqu'à mourir et réconcilier avec Vous (Rom. 5: 10) tous les enfants d'Adam, payant la dette de leurs péchés et leur ouvrant les portes du Ciel qui sont fermées pour eux. Je vais chercher ceux qui se perdirent (Luc 19: 10) en M'abhorrant et qui doivent se sauver par la force de Mon Amour. Je vais chercher et réunir (Is. 56: Cool les égarés de la maison de Jacob, relever ceux qui sont tombés, enrichir les pauvres, rafraîchir ceux qui ont soif, renverser les orgueilleux et exalter les humbles. Je veux vaincre l'enfer et exalter le triomphe de Votre gloire contre Lucifer, et les vices (1 Jean 3: Cool qu'il sèmera dans le monde. Je veux arborer l'Étendard de la Croix sous lequel doivent militer (Matt. 16: 24) toutes les vertus et tous ceux qui suivront cette Sainte Croix. Je veux rassasier (Lam. 3: 30) Mon Coeur altéré des opprobres et des affronts qui sont si estimables à Vos yeux. Je veux M'humilier (Phil. 2: Cool jusqu'à recevoir la Mort de la main de mes ennemis, afin que Nos amis et Nos élus soient honorés et consolés dans leurs tribulations et qu'ils soient
exaltés par des récompenses éminentes et copieuses, lorsqu'à Mon exemple ils s'humilieront à les souffrir. O Croix désirée, quand Me recevras-tu dans tes bras? O doux opprobres et affronts douloureux, quand Me conduirez-vous à la Mort (Héb. 2: 14) pour le péché? Douleurs, affronts, ignominies, fouets, épines, Passion, Mort, venez, venez à Moi qui vous cherche; laissez-vous trouver bientôt par Celui qui vous aime et qui connaît votre valeur. Si le monde vous abhorre, je vous désire. S'il vous méprise avec ignorance, Moi, Je suis la Vérité et la Sagesse, et Je vous cherche parce que Je vous aime. Venez donc à Moi, car si Je vous reçois comme homme, Je vous donnerai comme Dieu véritable l'honneur que le péché vous ôta et ceux qui le commirent. Venez à Moi et ne frustrez pas Mes désirs, car si Je suis Tout-Puissant et que pour cela Vous n'approchez point, Je vous donne permission d'employer toutes vos forces dans Mon Humanité. Vous ne serez point rejetés ni abhorrés de Moi, comme vous l'êtes des mortels. Que l'erreur et la fascination trompeuse des enfants d'Adam soient désormais bannies, car elles servent à la vanité (Ps. 4: 3) et au mensonge, jugeant malheureux les pauvres, les affligés et les rejetés du monde; car s'ils voient Celui qui est leur Dieu véritable, leur Créateur, leur Maître et leur Père, souffrir de honteux opprobres, des coups de fouet, des ignominies, des tourments, la nudité et la Mort de la Croix, l'erreur cessera, et ils auront à honneur de suivre leur propre Dieu crucifié.»

6, 6, 1105. Telles sont quelques-unes des raisons de celles dont j'ai eu l'intelligence que, le Maître de la Vie, notre Sauveur formait dans Son Coeur. Et l'effet et les Oeuvres manifestèrent ce que mes paroles n'arrivent point à expliquer pour accréditer les souffrances de la Passion, de la Mort et de la Croix par les affections d'Amour avec lesquelles Il les chercha et les souffrit. Mais toutefois nous, les enfants de la terre, nous sommes pesants de coeur et nous abandonnons la Vérité. Pendant que la Vie et la Vérité même est pendue à une dure Croix devant nos yeux, l'orgueil nous entraîne toujours, l'humilité nous offense, le délectable nous renverse, et nous jugeons horrible ce qui est pénible. O erreur lamentable! Travailler beaucoup pour ne point travailler un peu, se fatiguer beaucoup trop pour ne point accepter une petite gêne, se résoudre follement à souffrir une ignominie et une confusion éternelle pour n'en point souffrir une très légère et même pour ne point manquer d'un honneur vain et apparent! Qui est-ce qui ayant le jugement sain pourra dire que c'est s'aimer soi-même? Puisque son plus mortel ennemi avec toute la haine qu'il lui porte ne peut l'offenser plus qu'il ne s'offense lui-même en agissant au déplaisir de Dieu? Nous avons pour ennemi
celui qui nous caresse et nous adule, s'il trame contre nous une trahison en dessous; et il serait fou celui qui le sachant s'y livrerait pour cette courte caresse et ce plaisir momentané. Si cela est vrai comme en effet ce l'est, que dirons-nous du jugement des mortels qui suivent le monde? Qui les a imbus? Qui leur a embarrassé l'usage de la raison? Oh! combien le nombre des insensés (Eccles. 1: 15) est grand.

6, 6, 1106. Seule la Très Sainte Marie, comme vivante Image de son Fils unique parmi les enfants d'Adam, se conforma avec Sa Volonté et Sa Vie sans manquer d'un point de suivre Ses Oeuvres et Sa Doctrine. Elle fut la Très Prudente, la Scientifique et la Pleine de Sagesse, qui put compenser pour les manquements de notre ignorance ou de notre folie, et nous gagner la Lumière de la Vérité au milieu de nos lourdes ténèbres. Il arriva dans l'occasion dont je parle que la divine Dame vit dans le miroir de l'Âme très sainte de son Fils tous les actes et les affections intérieurs qu'Il opérait, et comme ce Miroir était le magistère de ses actions, se conformant avec Lui Elle fit conjointement oraison au Père Éternel et dans son intérieur Elle disait: «Dieu très haut et Père des Miséricordes, je confesse Votre Être infini et immuable, je Vous loue et Vous glorifie éternellement, parce qu'en ce lieu, après m'avoir créée, Votre Bonté a exalté le pouvoir de Votre bras, m'élevant à être Mère de Votre Fils Unique avec la plénitude de Votre esprit et de Vos anciennes Miséricordes que Vous avez exaltées en moi Votre humble Esclave; et parce qu'ensuite sans que je l'aie mérité, Votre fils Unique et le mien dans l'humanité qu'Il reçut de ma substance, daigna m'avoir en Sa compagnie si désirable pendant trente-trois ans que j'en ai joui avec les influences de Sa grâce et le magistère de Sa Doctrine, qui a éclairé le Coeur de Votre Servante. Aujourd'hui, Seigneur et Père Éternel, j'abandonne ma patrie et j'accompagne mon Fils et mon Maître par Votre Divine Volonté pour L'assister au Sacrifice de Sa Vie et de Son être humain qu'Il doit offrir pour le monde. Il n'y a point de douleur qui soit égale à ma douleur (Lam. 1: 12), puisque je dois voir l'Agneau qui (Jér. 11: 19) ôte les péchés du monde livré aux loups sanguinaires; Celui qui est la vive Image (Sag. 7: 26) et la Figure de Votre Substance (Héb. 1: 3); Celui qui est engendré "ab aeterno" en égalité avec Elle et qui le sera pendant toutes les éternités; Celui à qui j'ai donné l'être humain dans mes entrailles, livré aux opprobres et à la mort de la Croix, et la beauté de Son Visage qui est la Lumière de mes yeux et l'Allégresse des Anges, effacée (Is. 53: 3) par la laideur des tourments. Oh! s'il était possible que je reçusse moi-même les peines et les
douleurs qui L'attendent et que je me livrasse à la mort pour conserver Sa Vie! Recevez, Père très haut, le Sacrifice de mon Bien-Aimé que Vous offre ma douloureuse affection, afin que Votre très sainte Volonté et Votre Agrément se fasse. Oh! que les jours et les heures passent vite et que la nuit de ma douleur et de mon amertume arrive! Ce jour sera heureux pour le genre humain, mais il sera une nuit d'affliction pour mon Coeur si contristé par l'absence du Soleil qui l'illustrait. O enfants d'Adam, trompés et oublieux de vous-mêmes. Réveillez-vous d'un si lourd sommeil, et reconnaissez le poids de vos péchés dans l'effet qu'ils produisirent dans votre Dieu et votre Créateur. Regardez-Le dans mes défaillances, ma douleur et mon amertume. Achevez de connaître et de peser les dommages causés par le péché.»

6, 6, 1107. Je ne peux manifester dignement toutes les oeuvres et les concepts que la grande Dame du monde fit dans ce dernier départ de Nazareth, les demandes et les prières au Père Éternel, les très doux et très douloureux colloques qu'Elle eut avec son Très Saint Fils, la grandeur de son amertume, et les mérites incomparables qu'Elle acquit; parce qu'entre l'amour saint et naturel de Mère véritable avec laquelle Elle désirait la Vie de Jésus et de Lui épargner les tourments qu'Il devait souffrir, dans la conformité qu'Elle avait avec Sa Volonté et celle du Père Éternel, son Coeur était transpercé de douleur et du couteau pénétrant que Siméon lui prophétisa (Luc 2: 35). Avec cette affliction Elle disait à son Fils des raison très prudentes et pleines de Sagesse, mais très douces et très douloureuses, parce qu'Elle ne pouvait Lui éviter la Passion ni y mourir Elle-même en L'accompagnant. Elle surpassa sans comparaison dans ces peines tous les Martyrs qui ont été et qui seront jusqu'à la fin du monde. Avec cette disposition et ces affections cachées aux hommes les souverains du Ciel et de la terre poursuivirent ce voyage de Nazareth pour Jérusalem par la Galilée où le Sauveur du monde ne retourna plus en Sa Vie. Et selon que le temps s'approchait déjà de travailler pour le salut des hommes, les merveilles qu'Il fit furent plus grandes dans ces derniers mois avant Sa Passion et Sa Mort, comme le racontent les saints Évangélistes dès ce départ de Galilée jusqu'au jour où Il entra triomphant en Jérusalem, comme je le dirai plus loin. Et jusqu'alors, après avoir célébré la fête ou Pâque des Tabernacles, le Sauveur parcourut la Judée et S'y occupa attendant l'heure et le temps déterminé, dans lequel Il devait S'offrir au Sacrifice, dans le temps et de la manière qu'Il le voulait Lui-même.

6, 6, 1108. Sa Très Sainte Mère L'accompagna continuellement dans ce voyage, sauf quelques intervalles qu'Ils Se séparèrent pour S'occuper tous les Deux à des Oeuvres différentes pour le bénéfice des âmes; et dans ces intervalles saint Jean demeurait l'assistant et le servant; et dès lors le saint Évangéliste observa de grands mystères et des secrets de la Très Pure Vierge et Mère et il fut illustré par une Lumière très sublime pour les comprendre. Parmi les merveilles que la Très Prudente et Très Puissante Reine opérait, les plus signalées étaient lorsqu'Elle dirigeait ses affections et ses demandes à la justification des âmes et ces merveilles étaient avec de plus grands rehauts de Charité; parce qu'Elle aussi, comme son Très Saint Fils, fit de très grands bienfaits aux hommes, en amenant plusieurs au Chemin de la Vie, guérissant les malades, visitant les pauvres et les affligés, les nécessiteux et les abandonnés; les aidant à la mort, les servant personnellement, et surtout les plus abandonnés, les plus couverts de plaies et les plus remplis de douleurs. Le Disciples bien-aimé, qui avait déjà pour son compte de la servir, était témoin de tout. Mais comme la force de l'amour avait tant crû en la Très Pure Marie avec son Fils et son Dieu éternel et qu'elle le regardait déjà prêt à S'éloigner de sa présence pour retourner à son Père, la Bienheureuse Mère souffrait de si continuels vols du Coeur et de tels désirs de Le voir qu'Elle arrivait à éprouver certaines défaillances amoureuses en s'éloignant de Sa Présence, lorsqu'Elle retardait beaucoup de revenir à Lui. Et le Seigneur son Dieu et son Fils qui regardait ce qui se passait dans sa Très Aimante Mère, S'obligeait et lui correspondait avec une fidélité réciproque, lui répondant dans son secret ces paroles qui se vérifièrent ici à la lettre: «Tu as blessé mon Coeur, Ma soeur, tu l'as blessé de l'un de tes yeux (Cant. 4: 9). Parce qu'Il l'attirait aussitôt en Sa Présence comme étant blessé et vaincu de Son Amour. Et selon ce qui m'en a été donné à entendre, Notre-Seigneur Jésus-Christ n'eût pu en tant qu'homme, être éloigné de la présence de Sa Mère, s'Il eût donné lieu à la force de l'affection qu'Il lui portait comme à une Mère et une Mère qui L'aimait tant, et naturellement Elle Le soulageait et Le consolait par sa vue et sa présence; et la beauté de cette Âme très pure de Sa Mère Le récréait et Lui rendait suaves les travaux et les peines; parce qu'Il la regardait comme Son Fruit unique et singulier entre tous; et la très douce vue de sa personne était d'un grand soulagement pour les peines sensibles de Sa Majesté.

6, 6, 1109. Notre Sauveur continuait Ses merveilles dans la Judée entre autres la résurrection (Jean 11: 17) de Lazare en Béthanie, où Il vint, appelé par les deux soeurs Marthe et Marie. Et parce que Béthanie était très proche de Jérusalem le miracle s'y divulgua aussitôt; et les pontifes et les Pharisiens irrités par cette merveille tinrent le conseil (Jean 11: 47) où ils décrétèrent la Mort du Sauveur, et ils ordonnèrent que si quelqu'un avait connaissance de Lui de le manifester; parce qu'après la résurrection de Lazare Sa divine Majesté Se retira en une cité dite Éphrem (Jean 11: 54), jusqu'à ce qu'arrivât la fête de la Pâque qui n'était pas éloignée. Lorsqu'il fut temps de revenir la célébrer par Sa Mort, Il Se déclara davantage avec les douze Disciples, qui étaient les Apôtres; et Il leur dit à eux seuls de faire attention qu'ils montaient à Jérusalem, où le Fils de l'homme qui était Lui-même serait livré Matt. 20: 18) aux princes des Pharisiens, et serait pris, flagellé et livré aux affronts jusqu'à mourir crucifié. Dans l'intérim les prêtres étaient soucieux et ils épiaient s'Il monterait célébrer la Pâque. Et six jours avant (Jean 12: 1) Il arriva encore à Béthanie, ou Il avait ressuscité Lazare, et là Il fut hospitalisé par les deux soeurs, et elles offrirent un souper très abondant à Sa Majesté, à la Très Sainte Marie Sa Mère et à tous ceux qui les accompagnaient pour la fête de Pâque; et parmi ceux qui soupèrent, l'un fut Lazare que Jésus avait ressuscité peu de jours auparavant.

6, 6, 1110. Le Sauveur du monde étant couché à ce festin selon la coutume des Juifs, Marie Magdeleine entra, remplie de Lumière divine, de pensées nobles et élevées; et avec l'amour ardent qu'elle avait pour le Christ son divin Maître, elle Lui oignit (Jean 12: 3) les pieds et elle épancha sur eux et sur Sa tête un vase d'albâtre plein d'une liqueur très précieuse et très parfumée, composée de nards et d'autres choses aromatiques; et elle Lui essuya les pieds avec ses cheveux, de la manière qu'elle l'avait fait une autre fois dans la maison du Pharisien à sa conversion que raconte saint Luc (Luc 7: 38). Et quoique cette seconde onction de la Magdeleine soit racontée par les trois autres Évangélistes avec quelque différence; néanmoins je n'ai point compris que ce fussent deux onctions, ni deux femmes, mais la seule Magdeleine, mue par le divine Esprit et par l'incendie d'amour qu'elle avait pour notre Sauveur Jésus-Christ. Toute la maison fut remplie du parfum de ces onguents, parce qu'ils étaient en quantité et très précieux; et la libérale amante brisa le vase pour les répandre sans épargne et en hommage à son Maître. L'avare Apôtre Judas, qui désirait qu'ils lui eussent été livrés pour les vendre et en recevoir le prix (Jean 12: 5), commença à murmurer de cette onction
mystérieuse et à exciter quelques-uns des autres Apôtres sous prétexte de pauvreté et de charité envers les pauvres, à qui disait-il, l'aumône leur en était frustrée, perdant sans profit et avec prodigalité une chose de tant de valeur, tandis que tout cela se faisait par une disposition Divine, et lui n'était qu'un hypocrite et un insolent.

6, 6, 1111. Le Maître de la Vérité et de la Vie disculpa la Magdeleine que Judas reprenait comme prodigue et peu judicieuse. Et le Seigneur lui dit à lui et aux autres de ne la point molester (Matt. 26: 10); parce que cette action n'était pas oiseuse et sans une juste cause; et que les pauvres ne perdaient pas pour cela l'aumône qu'ils voulaient leur faire chaque jour; et qu'envers Sa Personne ce service ne pouvait toujours se faire car il était pour Sa sépulture que cette généreuse amante prévoyait avec un esprit céleste, témoignant dans la mystérieuse onction que le Seigneur allait bientôt souffrir pour le genre humain et que Sa Mort et Sa sépulture étaient très proches. Mais le perfide Disciple n'entendait rien à cela, au contraire il s'indignait furieusement contre son Maître, parce qu'Il avait justifié l'acte de la Magdeleine. Lucifer voyant la disposition de ce coeur dépravé, lui envoya de nouvelles flèches de cupidité, d'indignation et de haine mortelle contre l'Auteur de la Vie. Et dès lors il proposa de machiner Sa mort, et en arrivant à Jérusalem de rendre compte aux Parisiens et de Le discréditer auprès d'eux avec audace comme en effet il l'accomplit. Parce qu'il s'en alla les trouver secrètement et il leur dit que son Maître enseignait des Lois nouvelles contraires à celles de Moïse et des empereurs; qu'Il était ami des festins, des gens perdus et profanes, qu'Il en admettait plusieurs de mauvaise vie; hommes et femmes, qu'il les attirait dans Sa compagnie; et que pour cela ils devaient y apporter remède avant qu'il leur arrivât quelque ruine, car ensuite ils ne pourraient plus la réparer. Et comme les Pharisiens étaient déjà du même sentiment, le prince des ténèbres les gouvernant eux et Judas, ils admirent l'avis, et de là naquit la convention de la vente de notre Sauveur Jésus-Christ.

6, 6, 1112. Toutes les pensées de Judas étaient découvertes non seulement au divin Maître, mais aussi à Sa Très Sainte Mère. ET le Seigneur n'en dit pas une parole à Judas; et Il ne cessa de lui parler comme Père amoureux et d'envoyer des inspirations saintes à son coeur obstiné. Mais la Mère de clémence y ajouta de nouvelles exhortations et de nouvelles diligences pour retenir le Disciple déchu; et
cette nuit du festin qui fut le samedi avant le dimanche des Rameaux, Elle l'appela et Elle lui parla seule avec des paroles très douces et très efficaces, et des larmes abondantes, Elle lui exposa le péril formidable où il se trouvait; Elle le pria de changer d'intention, et s'il avait de l'indignation contre son Maître, d'en prendre vengeance contre Elle; que ce serait moins mal; parce qu'Elle était une pure Créature, et Lui était son Maître et son Dieu véritable. Et pour rassasier la cupidité de ce coeur avare, Elle lui offrit certaines choses qu'elle avait reçues pour cette intention de la part de la Magdeleine. Mais aucune de ces diligences ne furent assez puissantes pour l'âme endurcie de Judas, et des raisons si vives et si douces ne purent fondre ce coeur plus dur que le diamant. Mais au contraire comme il ne trouvait que répondre et qu'il était forcé par les paroles de la Très Prudente Reine, il devint encore plus furieux et il se tut, se montrant offensé. Cependant il n'eut pas honte pour cela de prendre ce qu'Elle lui donna; parce qu'il était aussi avare que perfide. Avec cela la Très Sainte Marie le laissa et s'en alla trouver son Fils et son Maître; et remplie de larmes et d'amertume Elle se jeta à Ses pieds, et Elle Lui parla avec des raisons très prudentes, mais très douloureuses, de compassion et de quelque consolation sensible pour son Bien-Aimé Fils, car Elle regardait dans Son Humanité très Sainte qu'Il souffrait certaines tristesses pour les mêmes raisons, car Il dit ensuite aux Disciples que Son Âme était triste (Matt. 26: 38) jusqu'à la mort. Toutes ces peines étaient pour les péchés des hommes qui ne devaient pas profiter de Sa Passion et de Sa Mort comme je le dirai plus loin [c].

DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 6, 1113. Ma fille, puisque dans le discours de ma Vie que tu écris, tu entends et déclares chaque jour davantage l'Amour très ardent avec lequel mon Seigneur et ton Époux, et moi avec Lui, avons embrassé le Chemin de la Croix et de la souffrance et que nous ne choisîmes que cela dans la vie mortelle; il est raisonnable que comme tu reçois cette Science et que je te répète Sa Doctrine, tu tâches toi aussi de l'imiter. Cette dette croît en toi depuis le jour qu'Il t'a choisie pour épouse, et toujours elle va en s'augmentant et tu ne peux t'en dégager si tu n'embrasses les travaux et si tu ne les aimes avec une affection telle que la plus
grande peine pour toi soit de n'en point souffrir. Renouvelle chaque jour ce désir dans ton coeur, car je te veux très sage dans cette Science que le monde ignore et abhorre. Mais sache de même que Dieu ne veut point affliger la créature seulement pour l'affliger, mais pour la rendre capable et digne des Bienfaits et des Trésors qu'Il lui tient préparés par ce moyen au-dessus de toute pensée humaine (1 Cor. 2: 9). Et en foi de cette Vérité et comme en gage de cette promesse Il voulut Se transfigurer sur le Thabor en ma présence et en celle de quelques Disciples. Et dans l'oraison qu'Il fit là au Père, que moi seule je connus et je compris, Son Humanité très sainte s'étant humilié, Le confessant pour vraie Dieu, infini en Perfections et Attributs, comme Il le faisait toujours lorsqu'Il voulait faire quelque prière, Il Le supplia que tous les corps mortels qui pour Son Amour se seraient affligés et auraient travaillé à Son imitation dans la nouvelle Loi de grâce participassent ensuite de la gloire de Son propre Corps; et afin d'en jouir dans le degré correspondant à chacun, ils ressuscitassent dans le même corps au dernier jour du jugement final, unis à leurs propres âmes. Et parce que le Père concéda cette pétition, Il voulut qu'elle fût confirmée comme un contrat entre Dieu et les hommes, par la gloire que reçut le Corps de leur Maître et Sauveur, Lui donnant en arrhes la possession de ce qu'Il demandait pour tous ceux qui Le suivraient. Tel est le poids des afflictions (2 Cor. 4: 17) momentanées et des peines que les mortels s'imposent en se privant des viles délectations terrestres, en mortifiant leur chair et en souffrant pour Jésus-Christ mon Fils et mon Seigneur.

6, 6, 1114. A cause des mérites infinis que Jésus-Christ interposa dans cette demande, c'est une couronne de justice (2 Tim. 4: Cool pour la créature que cette gloire qui lui appartient comme membre de son Chef Jésus-Christ qui la lui mérita. Mais cette union doit être par la grâce et l'imitation dans la souffrance à laquelle correspond la récompense. Et si souffrir quelque travaux corporels que ce soit a sa couronne, celle-ci sera beaucoup plus grande d'avoir enduré, souffert et pardonnée les injures et d'avoir rendu pour elles des Bienfaits, comme nous le fîmes avec Judas; puisque non seulement le Seigneur ne le renvoya point de l'apostolat, ni ne Se montra indigné à son égard, mais Il l'attendit jusqu'à la fin, quand par sa malice il acheva de se rendre incapable pour le Bien en se livrant au démon. Dans la vie mortelle le Seigneur chemine avec des pas très lents vers la vengeance; mais ensuite Il compensera la lenteur par la gravité du châtiment. Et si Dieu souffre et attend si longtemps, combien un vil vermisseau doit-il en souffrir un autre qui est de sa propre nature et de sa propre condition? Avec cette vérité et avec le zèle de
la Charité de ton Seigneur et ton Époux, tu dois régler ta patience, ton support et le soin du salut des âmes. Je ne te dis point en cela que tu doives souffrir ce qui sera contre la gloire de Dieu, car ce ne serait pas être véritable zélatrice du bien de ton prochain; mais que tu aimes l'ouvrage du Seigneur et que tu abhorres le péché; que tu souffres et que tu dissimules ce qui te regarde toi-même et que tu travailles afin que tous se sauvent autant que possible. Ne perds point sitôt confiance lorsque tu n'en vois pas le fruit, au contraire présente au Père Éternel les mérites de mon Très Saint Fils, mon intercession et celle des Anges et des Saints, car comme Dieu est Charité (1 Jean 4: 16) et que les Bienheureux sont dans Sa Majesté, ainsi ils exercent la Charité envers le voyageurs.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 6, [a]. La prédication et les merveilles qui sont les miracles publics de Jésus étant commencés depuis les noces de Cana, c'est-à-dire après le 6 janvier; et la Transfiguration étant arrivée plus de deux ans et demi après, il s'en suit que lorsque Jésus-Christ Se transfigura Il avait déjà célébré trois Pâques avec Ses Disciples; car Il célébra la première environ trois mois après les noces de Cana à la quatorzième lune de Nizan ou Marc; la deuxième environ douze mois après, et la troisième après douze autres mois, de sorte que lorsqu'Il célébra cette troisième, il ne s'était passé que vingt-sept mois depuis les noces de Cana; et comme la Transfiguration arriva plus de deux ans et demi après ces noces, elle dut arriver après la troisième Pâque, et à plus de trois mois d'intervalle de cette Pâque. Or, après la Transfiguration, Notre-Seigneur Jésus-Christ célébra encore une autre Pâque avant la Passion, laquelle Pâque fut ainsi la quatrième et la dernière célébrée avec Ses Disciples, après les noces de Cana. L'Évangéliste saint Jean, parle de ces quatre Pâques aux chapitres 1: 13; 5: 1; 6: 4; 13: 1.
6, 6, [b]. Livre 4, No. 695; Livre 5, No. 851.
6, 6, [c]. Livre 6, Nos. 1210, 1215, 1395.
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Message par sga Ven 14 Juin 2019 - 13:28

CHAPITRE 7


Le sacrement caché qui précéda le triomphe de Jésus-Christ en Jérusalem; et comment Il y entra et fut reçu de ses habitants.

6, 7, 1115. La plus grande des Oeuvres de Dieu que l'on appelle "ad extra", parce qu'Il les fit au dehors de Lui-même, fut celle de prendre chair humaine, de souffrir et de mourir pour le remède des hommes. Ce sacrement n'aurait pu être compris (Matt. 16: 17) par la sagesse humaine si L'Auteur même ne le lui eût révélé par tant d'arguments et de témoignages. Et avec tout cela, plusieurs sages selon la chair firent difficulté de croire leur propre Bienfait et leur remède. D'autres le crurent mais non point avec la vérité et les conditions qui l'accompagnèrent. D'autres, qui sont les Catholiques croient, confessent et connaissent ce sacrement dans le degré de lumière que la Sainte Église en a. Et dans cette foi explicite des Mystères révélés, nous confessons implicitement ceux qui y sont renfermés; et il n'a pas été nécessaire qu'ils fussent manifestés au monde, parce qu'ils ne sont pas précisément indispensables; et Dieu réserve les uns pour les temps opportuns et d'autres pour le dernier jour, quand tous les coeurs seront révélés (1 Cor. 4: 5) en la présence du juste Juge. L'intention du Seigneur en me commandant d'écrire cette Histoire comme je l'ai dit d'autres fois [a] et comme je l'ai souvent compris, est de manifester quelques-uns de ces sacrements cachés sans opinions ni conjectures humaines; et ainsi j'en laisse écrits plusieurs qui m'on été déclarés et je connais qu'il en reste beaucoup de très vénérables et de très admirables. Pour lesquels je veux prévenir la piété et la foi Catholique des fidèles; puisque celui qui le sera ne fera pas difficulté de croire l'accessoire, confessant avec foi Divine le principal des vérités Catholiques, sur quoi se fonde tout ce que je laisse écrit et ce que j'écrirai dans le reste de cet argument spécialement de la Passion de notre Rédempteur.

6, 7, 1116. Le samedi dans lequel arriva l'onction de la Magdeleine à Béthanie, le souper étant achevé, comme je l'ai dit dans le chapitre passé, notre divin Maître Se retira à Sa chambre; et Sa Très Sainte Mère ayant laissé Judas dans son obstination s'en alla en la présence de son Fils très aimant,
L'accompagnant comme Elle avait coutume dans l'oraison et les exercices qu'Il faisait. Sa Majesté était déjà près d'entrer dans le plus grand conflit de Sa carrière, qu'Il avait prise, comme dit David (Ps. 18: 7), depuis le suprême Ciel pour y retourner, laissant vaincus le démon, le péché et la mort. Et comme le Très Obéissant Fils allait volontairement à la Passion et à la Croix, étant déjà si proche, S'offrit de nouveau au Père Éternel, et prosterné en terre sur Son Visage, Le confessa et Le loua, faisant une profonde oraison et une très sublime résignation, dans lesquelles Il acceptait les affronts de Sa Passion, les peines, les ignominies et la Mort de la Croix pour la gloire du même Seigneur et pour le rachat de tout le genre humain. Sa Bienheureuse Mère était retirée un peu à côté de l'oratoire fortuné, accompagnant son Fils et Seigneur très cher dans l'oraison, ce qu'Ils faisaient tous Deux, le Fils et la Mère avec des larmes de l'intime de leurs Âmes très saintes.

6, 7, 1117. En cette circonstance avant minuit le Père Éternel apparut en forme humaine visible [b] avec l'Esprit-Saint et une multitude innombrable d'Anges qui assistaient au spectacle. Et le Père accepta le Sacrifice de Jésus-Christ Son Très Saint Fils, et qu'en Lui s'exécutât la rigueur de Sa Justice afin de pardonner au monde. Et ensuite, le même Père Éternel parlant avec la Bienheureuse Mère, lui dit: «Marie, Notre Fille et Notre Épouse, Je veux que tu Nous livres de nouveau ton Fils afin qu'Il soit sacrifié, puisque Je Le livre pour la Rédemption des hommes.» L'humble et candide Colombe répondit: «Voici, Seigneur, la poussière et la cendre, indigne que Votre Fils Unique et Rédempteur du monde soit mien. Mais soumise à Votre Bonté ineffable, qui Lui donna forme humaine dans mes entrailles, je L'offre et je m'offre avec Lui à Votre Divin bon plaisir. Je Vous supplie, Seigneur et Père Éternel, de me recevoir afin que je souffre conjointement avec Votre Fils et le mien.» Le Père Éternel accepta aussi l'oblation de la Très Sainte Mère comme Sacrifice agréable. Et élevant du sol le Fils et la Mère, Il dit: «Voici le Fruit Béni de la terre que désire Ma Volonté.» Aussitôt Il éleva le Verbe fait chair au trône de Sa Majesté dans lequel Il était, et le Père Éternel Le mit à Sa droite, avec la même autorité et la même prééminence qu'Il avait Lui-même.

6, 7, 1118. La Très Sainte Marie demeura dans le lieu où Elle était, mais toute transformée et élevée dans une jubilation et une splendeur admirables. Et
voyant son Fils unique assis à la droite de son Père Éternel, Elle prononça et dit ces premières paroles du psaume 109, dans lequel David avait prophétisé mystérieusement ce sacrement caché: «Le Seigneur a dit à mon Seigneur, assieds-toi à ma droite.» La divine Reine fit à la louange du Père Éternel, et du Verbe fait homme un cantique mystérieux sur ces paroles comme en les commentant. Et lorsqu'Elle cessa de parler, le Père poursuivit tout le reste du psaume, comme celui qui exécutait et qui opérait par Son décret immuable tout ce que contiennent ces paroles profondes et mystérieuses jusqu'à la fin du psaume inclusivement. Il est très difficile pour moi de réduire à mes termes insuffisants l'intelligence que j'ai d'un si haut Mystère; mais j'en dirai quelque chose, comme le Seigneur me l'a concédé, pour que l'on comprenne en partie un sacrement si caché et une telle merveille du Tout-Puissant, et ce que le Père Éternel donna à entendre à la Très Sainte Marie et aux esprits souverains.

6, 7, 1119. Il poursuivit et dit: "Jusqu'à ce que je pose tes ennemis comme escabeau de tes pieds." «Parce que Tu T'es humilié (Phil. 2: Cool par Ma Volonté éternelle, Tu as mérité l'exaltation que Je Te donne au-dessus de toutes les créatures; et qu'en la nature humaine que Tu as reçue, Tu règnes à Ma droite pour une durée éternelle qui ne peut défaillir; et que pendant toute son étendue Je pose Tes ennemis sous Tes pieds et Ton empire, comme étant leur Dieu, le Réparateur des hommes; afin que les mêmes qui ne T'obéissent et ne Te reçoivent point voient Ton humanité, qui sont Tes pieds, élevée et exaltée. Et pendant que Je ne l'exécute pas encore, afin que le décret de la Rédemption des hommes arrive à sa fin, Je veux que Mes courtisans voient maintenant ce que les démons et les hommes connaîtront ensuite: que Je T'ai donné la possession de Ma droite, au même temps que Tu T'es humilié a la Mort ignominieuse de la Croix; et que si Tu te livres à cette Croix et à la disposition de leur malice, c'est pour Ma gloire et Mon agrément, et afin qu'ensuite pleins de confusion ils soient mis sous Tes pieds.»
"Pour cela le Seigneur enverra la verge de ta vertu de Sion, qui domine au milieu de tes ennemis." «Parce que Moi, comme Dieu Tout Puissant et qui suis Celui Qui Suis (Ex. 3: 14) véritablement et réellement, J'enverrai et Je gouvernerai la verge et le sceptre de la vertu invincible; de manière que non seulement après que Tu auras triomphé de la mort par la Rédemption des hommes consommée, ils Te reconnaissent pour leur Réparateur, leur Guide leur Chef et le Seigneur de tout; mais dès maintenant Je veux qu'aujourd'hui, avant de souffrir la mort, Tu
obtiennes admirablement le triomphe, quand les hommes Te méprisent et traitent de Ta ruine. Je veux que Tu triomphes de leur méchanceté et de la mort; et que dans la force de Ta vertu ils soient obligés à T'honorer librement, et qu'ils Te confessent et T'adorent, Te rendant culte et vénération; et que les démons soient vaincus et confondus par la verge de Ta vertu; et que les Prophètes et les Justes qui T'attendent dans les Limbes, reconnaissent avec Mes Anges cette merveilleuse exaltation que Tu as méritée dans Mon acceptation et Mon bon plaisir.»
"Avec toi est le principe au jour de ta force, dans les splendeurs des Saints je t'ai engendré avant l'étoile du matin de ma fécondité." «Au jour de cette vertu et de ce pouvoir que Tu as pour triomphe de Tes ennemis, Je suis en Toi et avec Toi, comme Principe de qui Tu procèdes par génération éternelle de Mon Entendement fécond, avant que l'étoile du matin de la grâce, par laquelle Nous décrétâmes de Nous manifester aux créatures, fût formée, et dans les splendeurs dont jouiront les Saints lorsqu'ils seront béatifiés par Notre gloire. Et aussi est avec Toi Ton principe en tant qu'homme, et Tu fus engendré au jour de Ta vertu; parce que dès l'instant que Tu reçus l'être humain par la génération temporelle de Ta Mère, Tu eus les Oeuvres du mérite qui est maintenant avec Toi et qui Te rend digne de la gloire et de l'honneur qui doivent couronner Ta vertu en ce jour et en celui de Mon éternité.
"Le Seigneur a juré: tu es prêtre pour toujours selon l'ordre de Melchisédech." «Moi qui suis le Seigneur et tout-puissant pour accomplir ce que Je promets, Je déterminai avec fermeté, comme par un jurement immuable que Tu serais le Grand Prêtre de la nouvelle Église et de la Loi de l'Évangile, selon l'ordre antique du prêtre Melchisédech; parce que Tu seras le vrai Prêtre qui offrira le pain et le vin que figura l'oblation de Melchisédech (Gen. 14: 18). Et je ne Me repentirai pas de ce décret; parce que cette Oblation sera pure et acceptable et un Sacrifice de louange pour Moi.»
"Le Seigneur à ta droite écrasera les rois au jour de sa colère." «Par les Oeuvres de Ton Humanité dont la Droite est la Divinité unie avec Elle, et en vertu de laquelle Tu dois les opérer; et avec l'Instrument de Ton Humanité, J'écraserai, Moi qui suis un même Dieu (Jean 10: 30) avec Toi, la tyrannie et le pouvoir qu'ont montré les recteurs et les princes des ténèbres et du monde, tant les Anges apostats que les hommes, en ne T'adorant, ne Te reconnaissant et ne Te servant point comme leur Dieu, leur Supérieur et leur Chef. J'exécutai ce châtiment quand Lucifer et ses adhérents ne Te reconnurent pas, car ce fut pour eux le jour de Ma
colère; et après arrivera le châtiment de la colère que J'exercerai envers les hommes qui ne T'auront point reçu et qui n'auront point suivi Ta Loi sainte. Je les écraserai et les humilierai tous de Ma juste indignation.»
"Il jugera les nations, il remplira les ruines et sur la terre il écrasera les têtes de plusieurs." «Ta cause étant justifiée contre tous les mortels enfants d'Adam qui ne profiteront point de la Miséricorde dont Tu uses à leur égard, les rachetant gracieusement du péché et de la mort éternelle; le même Seigneur qui suis Moi-même, jugera en équité et en justice toutes les nations; et triant les justes et les élus des pécheurs et des réprouvés, Il remplira le vide des ruines que laissèrent les Anges apostats qui ne conservèrent point leur grâce et leur domicile. Avec cela Il écrasera sur la terre la tête des orgueilleux, qui seront en grand nombre, par leur volonté obstiné et dépravée.
"Du torrent il boira dans le chemin; pour cela il élèvera la tête." «Le même Seigneur, le Dieu des vengeances exaltera Sa tête; et pour juger la terre et donner aux superbes leur rétribution, Il Se lèvera; et comme s'Il buvait le torrent de Son indignation, Il enivrera Ses flèches (Deut. 32: 42) dans le sang des Ses ennemis, et avec l'épée de Son Châtiment Il le confondra dans le chemin par où ils devaient arriver à leur félicité et l'obtenir. Ainsi tu lèveras la tête et Tu l'exalteras sur Tes ennemis désobéissants à Ta Loi, infidèles à Ta Vérité et à Ta Doctrine. Cela sera justifié, Toi ayant bu le torrent des opprobres et des affronts jusqu'à la Mort de la Croix, dans le temps que Tu aura opéré leur Rédemption.

6, 7, 1120. La Très Sainte Marie eut ces intelligences et beaucoup d'autres très sublimes et très cachées des paroles mystérieuses de ce psaume que prononça le Père Éternel. Bien que quelques-unes de ces paroles parlent à la troisième personne, néanmoins Il les disait de Lui-même et du Verbe Incarné. Tous ces mystères se réduisent principalement à deux points; l'un, aux menaces qu'ils contiennent contre les pécheurs, les infidèles et les mauvais Chrétiens; parce qu'ils ne reçoivent point le Rédempteur du monde, ou ils ne gardent point Sa divine Loi: et l'autre comprend les promesses que le Père Éternel fit à Son Fils Dieu-Homme de glorifier Son Saint Nom sur Ses ennemis et contre eux. Et comme gage, signe, ou arrhes de cette exaltation universelle du Christ après Son Ascension et surtout dans le jugement final, le Père ordonna qu'Il reçût à Son entrée de Jérusalem, cet applaudissement et cette gloire que Lui donnèrent ses habitants le jour qui suivît cette vision si mystérieuse; et étant finie le Père et l'Esprit-Saint disparurent ainsi
que les Anges qui avaient assisté avec admiration à ce sacrement caché. Notre Rédempteur Jésus-Christ et Sa Bienheureuse Mère demeurèrent en colloques Divins tout le reste de cette très heureuse nuit.

6, 7, 1121. Le jour étant arrivé, qui fut celui qui correspond au Dimanche des Rameaux, Sa Majesté sortit avec Ses Disciples pour Jérusalem, assisté de beaucoup d'Anges qui Le louaient de Le voir si rempli d'Amour pour les hommes, de sollicitude pour leur salut éternel. Et ayant cheminé deux lieues, plus ou moins, en arrivant à Béthpagé Il envoya deux Disciples à la maison d'un homme puissant qui était proche et selon Sa Volonté ils Lui amenèrent deux ânons; l'un que personne n'avait jamais monté ni ne s'en était jamais servi. Notre Seigneur Se dirigea vers Jérusalem, et les Disciples accommodèrent de leurs vêtements et de leurs manteaux l'ânon et aussi l'ânesse; parce que le Seigneur Se servit des deux dans ce triomphe, conformément aux prophéties d'Isaïe et de Zacharie (Is. 62: 11; Zach. 9: 9) qui l'avaient écrit plusieurs siècles auparavant, afin que les prêtres et les sages de la Loi n'en eussent point d'ignorance. Les quatre Évangélistes (Matt. 21: 1; Marc 11: 8; Luc 19: 36; Jean 12: 13) sacrés écrivirent aussi ce triomphe merveilleux du Christ, et ils racontent ce qui fut visible et manifeste aux yeux des assistants. Il arriva dans le chemin que les Disciples et avec eux tout le peuple, petits et grands acclamèrent le Rédempteur pour le Messie véritable, Fils de David, Sauveur du monde et véritable Roi. Les uns disaient: «La paix soit dans le ciel et la gloire dans les hauteurs, béni soit celui qui vient comme Roi au nom du Seigneur;» d'autres disaient: «Hosanna, filio David: Sauvez-nous, Fils de David, béni soit le règne qui est déjà venu de notre père David.» Les uns et les autres coupaient des palmes et des rameaux des arbres en signe de triomphe et d'allégresse et ils jonchaient de leurs vêtements le chemin où passait le nouveau Triomphateur dans les combats, Notre-Seigneur Jésus-Christ.

6, 7, 1122. Toutes ces oeuvres et ces démonstrations de culte et d'adoration que les hommes donnaient au Verbe Divin fait homme, manifestaient le pouvoir de Sa Divinité et surtout dans l'occasion qu'elles arrivèrent, quand les prêtres et les Pharisiens L'attendaient et Le cherchaient pour Lui ôter la Vie dans la même ville. Parce que s'ils n'avaient pas été mus intérieurement par Sa vertu Divine touchant les miracles qu'Il avait opérés, il n'eût pas été possible que tant d'hommes ensemble, plusieurs d'entre eux gentils et d'autres ennemis déclarés L'eussent
acclamé comme vrai Roi, Sauveur et Messie et se fussent soumis à un homme pauvre, humble et persécuté, et qui ne venait pas avec un apparat d'armes ni de puissance humaine; ni en chars de triomphe, ni avec des chevaux superbes et couverts de richesse. Tout Lui manquait en apparence et Il entrait sur un âne humble et méprisable pour le faste et la vanité humaine; excepté son air, qui était grave, serein et plein de majesté correspondant à Sa dignité occulte; mais tout le reste au dehors était contre ce que le monde applaudit et solennise. Et ainsi la vertu Divine était manifeste dans les effets, mouvant par Sa force et Sa Volonté les coeurs humains, afin qu'ils se soumissent à leur Créateur et Réparateur.

6, 7, 1123. Mais outre la commotion universelle qui fut connue à Jérusalem par la Lumière divine que le Seigneur envoya aux coeurs de tous, afin qu'ils reconnussent notre Sauveur, ce triomphe s'étendit à toutes les créatures, ou à plusieurs plus capables de raison; afin que s'accomplît ce que le Père Éternel avait promis à Son Fils Unique, comme je l'ai déjà dit [c]. Parce qu'à l'entrée de notre Sauveur Jésus-Christ à Jérusalem, L'Archange saint Michel fut envoyé pour donner connaissance de ce Mystère aux saints Pères et aux Prophètes des Limbes; et joint à cela ils eurent tous une vision particulière de l'entrée du Seigneur et de ce qui y arriva; et de cette caverne où ils étaient, ils reconnurent, confessèrent et adorèrent notre Maître et Seigneur Jésus-Christ pour vrai Dieu et Rédempteur du monde, et ils Lui firent de nouveaux cantiques de gloire et de louange, pour l'admirable triomphe qu'Il remportait sur la mort, le péché et l'enfer. Le pouvoir Divin s'étendit aussi à mouvoir les coeurs de plusieurs autres qui vivaient dans le monde. Parce que ceux qui avaient foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ, ou qui avaient connaissance de Lui, non seulement dans la Palestine et ses confins, mais en Égypte et en d'autres royaumes, furent excités et mus afin qu'en cette heure ils adorassent en esprit leur Rédempteur et le nôtre, comme ils le firent avec une jubilation spéciale de leurs coeurs que leur causa la visite et l'influence de la Lumière divine qu'ils reçurent pour cela, quoiqu'ils ne connussent pas expressément la cause ni la fin de ce mouvement. Mais il ne fut pas inutile pour leurs âmes; parce que ses effets les avancèrent beaucoup dans la Foi et les bonnes oeuvres. Et afin que le triomphe que notre Sauveur remportait sur la mort en cet événement fût plus glorieux, le Très-Haut ordonna qu'elle n'eut point de force contre la vie des mortels en ce jour; et ainsi il ne mourut personne dans le monde ce jour-là, quoique naturellement plusieurs fussent morts, si la Puissance divine ne l'eut empêché, afin qu'en tout le triomphe fût admirable [d].

6, 7, 1124. Cette victoire sur la mort fut suivie de la victoire sur l'enfer, qui fut plus glorieuse quoique plus cachée. Parce qu'au moment où les hommes commencèrent à invoquer et à acclamer notre Maître Jésus-Christ, les démons sentirent contre eux le pouvoir de Sa Droite, qui les renversa tous de leurs places, autant qu'ils étaient dans le monde et les précipita dans les profonds cachots de l'enfer. Et pendant ce peu de temps que Jésus-Christ poursuivit ce voyage, aucun démon ne demeura sur la terre; mais ils tombèrent tous dans l'abîme avec une grande rage et une grande terreur. Dès lors ils soupçonnèrent que le Messie était déjà dans le monde avec plus de certitude qu'ils en avaient eue jusque là, et aussitôt ils conférèrent entre eux de ce doute, comme je le dirai dans le chapitre suivant. Le Sauveur du monde poursuivit Son triomphe jusqu'à Son entrée dans Jérusalem, et les saints Anges qui Le regardaient et L'accompagnaient Lui chantèrent de nouvelles hymnes de louanges et de divinité avec une harmonie admirable. Étant dans la ville avec la jubilation de tous ses habitants, Il descendit de l'âne et dirigea Ses pas beaux et graves vers le Temple où arriva, à l'admiration de tous, ce que les Évangélistes rapportent des merveilles qu'Il y opéra (Matt. 21: 12; Luc 19: 45). Embrasé de zèle pour l'honneur de la Maison de Son Père, Il renversa les tables de ceux qui vendaient et achetaient dans le Temple; et Il chassa dehors ceux qui en faisaient une maison de commerce et une caverne de voleurs. Mais au moment où le triomphe cessa, la Droite du Seigneur suspendit l'influence qu'Il donnait aux coeurs de ces habitants de Jérusalem. Quoique les justes demeurassent améliorés et plusieurs justifiés; d'autres revinrent à l'état de leurs vices et de leurs mauvaises habitudes et aux exercices imparfaits: parce qu'ils ne profitèrent point de la Lumière ni des inspirations que leur envoya la Disposition divine. Et quoiqu'il y en eut tant qui avaient acclamé et reconnu Notre-Seigneur Jésus-Christ pour Roi de Jérusalem, il n'y en eut point qui (Marc 11: 11) L'hospitalisât ni qui Le reçut dans sa maison.

6, 7, 1125. Sa Majesté demeura dans le Temple enseignant et prêchant jusqu'au soir. Et Il ne consentit point qu'on Lui apportât seulement un vase d'eau à boire; et Il n'accepta ni ce rafraîchissement ni aucun autre (Matt. 21: 17-18) en confirmation de la vénération et du culte que l'on devait rendre à ce saint Lieu, cette Maison de prière. Il retourna ce soir-là à Béthanie d'où Il était venu, et Il revint ensuite à Jérusalem les jours suivants jusqu'à Sa Passion. La divine Mère et
Souveraine, la Très Sainte Marie demeura seule ce jour-là à Béthanie et Elle vit de là, d'une vision particulière tout ce qui arrivait dans le triomphe admirable de son Fils et son Maître. Elle vit ce que faisaient les esprits suprêmes dans le ciel, les hommes sur la terre, et ce qui arriva aux démons dans l'enfer; et comment le Père Éternel dans toutes ces merveilles exécutait et accomplissait les promesses qu'Il avait faites auparavant à Son Fils Unique fait homme, Lui donnant la possession de l'empire et du domaine de tous ses ennemis. Elle vit aussi tout ce que fit notre Sauveur dans cette occasion et dans le Temple. Elle entendit cette voix du Père qui descendit du Ciel en présence des assistants; répondant à notre Sauveur Jésus-Christ et Il Lui disait: «Je T'ai glorifié et Je Te glorifierai de nouveau (Jean 12: 28)» Par là Il donna à entendre que, outre la gloire et le triomphe que le Père avait donné au Verbe Incarné ce jour-là et les autres qui ont été rapportés, Il le glorifierait et L'exalterait dans le futur après Sa Mort, parce que les paroles du Père Éternel comprennent tout cela; et ainsi Sa Bienheureuse Mère l'entendit et le pénétra avec une jubilation admirable de son très pur Esprit.

DOCTRINE DE LA TRÈS SAINTE MARIE,
LA REINE ET LA DAME DU CIEL.

6, 7, 1126. Ma fille, tu as écrit quelque chose des Mystères cachés du triomphe de mon Très Saint Fils, le jour qu'Il entra à Jérusalem et de ce qui Le précéda, et tu en as connu davantage; mais tu en connaîtras beaucoup plus dans le Seigneur, parce que dans la vie mortelle, vous, les voyageurs ne pouvez les pénétrer. Néanmoins, en ce qui leur a été manifesté, il y a une doctrine et une désillusion suffisante pour connaître combien les jugements du Seigneur sont élevés (Is. 55: 9), et combien ils sont différents des pensées des hommes. Le Très-Haut regarde (1 Rois 16: 7) le coeur des créatures et l'intérieur, où est la beauté (Ps. 44: 14) de la fille du roi; et les hommes regardent ce qui est apparent et sensible. Pour cela, les Justes et les Élus sont estimés et élevés aux yeux de Sa Sagesse, quand ils s'abaissent et s'humilient; et les orgueilleux sont humiliés et abhorrés quand ils s'élèvent. Cette Science, ma fille, est comprise de peu, et pour cela les enfants des ténèbres ne savent point désirer ni chercher d'autre honneur ni d'autre exaltation, outre celle que leur donne le monde. Et quoique les enfants de
la Sainte Église confessent et connaissent que celle-ci est vaine et sans substance et qu'elle ne demeure pas plus que la fleur et le foin; néanmoins ils ne pratiquent pas cette vérité. Et comme leur conscience ne leur donne pas le témoignage fidèle des vertus et de la Lumière de la grâce, ils sollicitent le crédit des hommes, et l'applaudissement et la gloire qu'ils peuvent leur donner, quoique tout est faux, trompeur et plein de mensonge; parce que Dieu seul est Celui qui honore et élève sans erreur celui qui le mérite. Le monde change d'ordinaire les sorts, et donne ses honneurs à celui qui les mérite moins, ou à celui qui est le plus ambitieux et le plus sagace pour se les procurer et les solliciter.

6, 7, 1127. Éloigne-toi, ma fille, de cette erreur, ne t'affectionne pas au goût des louanges des hommes et n'accepte point leurs flatteries et leurs caresses. Donne à chaque chose le nom et l'estime qu'elles méritent, car en cela les enfants de ce siècle vont à l'aveugle. Aucun des mortels ne put mériter l'honneur et l'applaudissement des créatures comme mon Très Saint Fils; et néanmoins Il laissa et méprisa celui qui Lui fut donné à Son entrée dans Jérusalem; parce qu'il était seulement pour manifester Sa Puissance divine, et afin qu'ensuite Sa Passion fût plus ignominieuse; et pour enseigner en cela aux hommes que personne ne doit accepter les honneurs visibles du monde pour eux-mêmes s'il n'y a point une autre fin plus élevée de la gloire et de l'exaltation du Très-Haut à laquelle ils peuvent les rapporter; car sans cela ils sont vains et inutiles, sans fruit ni profit; puisque la félicité véritable des créatures capables de la gloire éternelle ne consiste pas en eux. Et parce que je te vois désireuse de savoir la raison pourquoi je ne me trouvai pas présente avec mon Très Saint Fils dans ce triomphe, je veux répondre à ton désir, te rappelant ce que tu as écrit souvent dans cette Histoire de la vision que j'avais des Oeuvres intérieures de mon Bien-Aimé Fils dans le Miroir très pur de Son intérieur. Avec cette vision, je connaissais dans Sa Volonté quand et pourquoi Il voulait S'absenter de moi. Aussitôt je me mettais à Ses pieds et je Le suppliais de me déclarer Sa Volonté et Son goût en ce que je devais faire et Sa Majesté me le commandait quelquefois et me le déclarait d'une manière déterminée et avec un ordre exprès; d'autres fois Il le laissait et le remettait à mon élection, afin que je le fisse avec l'usage de la divine Lumière et la prudence qui m'était donnée. Il fit cela dans l'occasion où Il déterminait d'entrer à Jérusalem triomphant de Ses ennemis, et Il laissa à mon choix de L'accompagner ou de demeurer à Béthanie: je Lui demandai permission de ne point me trouver présente à cette Oeuvre mystérieuse, et je Le suppliai de m'emmener ensuite avec Lui
quand Il y retournerait pour souffrir et mourir; parce que je jugeai pour plus assuré et plus agréable à Ses yeux de m'offrir à souffrir les ignominies et les douleurs de Sa Passion, que de participer à l'honneur visible que Lui donnaient les hommes et ceux qui Le bénissaient et Le louaient, connaissant ce qui me serait revenu de quelque manière à moi comme à Sa Mère si j'eusse été présente; outre que pour moi cet applaudissement n'était pas désirable, parce que je connaissais que le Seigneur l'ordonnait pour la démonstration de Sa Divinité et de Son Pouvoir Infini, dans lesquels je n'avais point de part; et l'honneur qu'ils m'eussent donné à moi n'eût pas augmenté alors celui qui Lui était dû comme Sauveur unique du genre humain. Et afin de jouir seule de ce Mystère et de glorifier le Très-Haut dans Ses merveilles, j'eus dans ma retraite l'intelligence et la vision de tout ce que tu as écrit. Ce sera pour toi une Doctrine et un enseignement dans mon imitation; suis mes humbles pas, détache ton affection de tout ce qui est terrestre et élève-la vers les hauteurs, avec cela tu fuiras les honneurs humains et tu les abhorreras, connaissant à la Lumière divine qu'ils sont vanité de vanités (Eccl. 1: 14) et affliction d'esprit.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 7, [a]. Livre 1, No. 10; Livre 4, No. 678.
6, 7, [b]. Le Père Éternel apparut aussi sous une forme visible au prophète Daniel [Dan. 7: 9], c'est-à-dire sous la forme d'un vénérable vieillard, "Antiquus dierum" L'Ancien des jours. L'Esprit-Saint apparut aussi plusieurs fois, ou sous forme de colombe, comme sur le Jourdain [Matt. 3: 16], ou sous forme de langue de feu comme dans le Cénacle [Act. 2: 3] ou sous forme de nuée luisante comme sur le Thabor [Matt. 17: 5]. Ainsi leur apparition sous forme visible rapportée ici par la Vénérable n'a rien d'incroyable si l'on ne veut pas non plus appeler incroyables les faits analogues de la Sainte Écriture.
6, 7, [c]. Livre 6, No. 1119.
6, 7, [d]. Dieu avait déjà fait un miracle semblable lorsque le peuple d'Israël sortit d'Égypte au nombre de plus de trois millions de personnes; parce qu'Il fit que dans une si grande multitude il n'y avait pas un malade comme l'Écriture l'atteste: «Et il n'y avait point de malade dans leurs tribus [Ps. 104].» Pourquoi n'en aurait-Il pas fait un semblable ou même un plus grand, à l'occasion de l'entrée de Jésus-Christ vrai Israël, à Jérusalem?
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Message par sga Ven 21 Juin 2019 - 17:01

CHAPITRE 8


Les démons s'assemblent dans l'enfer pour conférer sur le triomphe de notre Sauveur Jésus-Christ à Jérusalem; et ce qui résulta de cette assemblée, et une autre que firent les pontifes et les Pharisiens à Jérusalem.

6, 8, 1128. Tous les mystères que contient en soi le triomphe de notre Sauveur furent grands et admirables, comme je l'ai déjà dit; mais ce n'est pas un moindre sujet d'admiration dans son genre que le secret caché de ce que sentit l'enfer opprimé par le pouvoir Divin, quand les démons y furent précipités, Sa Majesté entrant à Jérusalem. Ils y furent depuis le dimanche que leur arriva cette ruine, jusqu'au mardi, deux jours entiers dans cette consternation que leur causa la droite du Très-Haut, pleins d'une fureur pénible et confuse, et avec des hurlements horribles ils le manifestaient à tous les damnés; et toute cette turbulente république reçut un nouveau tourment et une nouvelle terreur, outre celle qui leur est accoutumée. Le prince de ces ténèbres, Lucifer, plus confus que tous, réunit en sa présence autant de démons qu'il y en avait dans l'enfer et prenant une place plus éminente comme supérieur il leur parla et leur dit:

6, 8, 1129. «Il n'est pas possible que cet homme, qui nous persécute ainsi ne soit plus que prophète; Il ruine notre pouvoir et Il écrase mes forces. Parce que Moïse, Élie, Élisée et d'autres de nos anciens ennemis ne nous ont jamais vaincu avec tant de violence, quoiqu'ils fissent d'autres merveilles, ni non plus il ne me pas été caché tant d'oeuvres des autres comme de Celui-ci; en particulier de celles de Son intérieur dont je n'arrive à connaître que très peu. Et comment quelqu'un
qui ne serait que pur homme, pourrait-il faire cela et manifester un pouvoir si suprême sur toutes les choses que Ses Oeuvres publient généralement? Et Il reçoit les louanges et la gloire que les hommes Lui en donnent sans s'altérer ni s'enorgueillir. Et dans ce triomphe qu'Il a eu en entrant à Jérusalem Il a montré une nouvelle Puissance contre nous et contre le monde; puis je me trouve avec des forces inférieures pour ce que je désire, qui est de Le détruire et d'effacer (Jér. 11: 19) Son Nom de la terre des vivants. Dans cette occasion que nous avons présente, non seulement les Siens l'ont célébré et acclamé pour Bienheureux, mais plusieurs de ceux que j'avais sous ma domination firent de même; et ils L'ont aussi appelé Messie et Celui qui était promis dans leur Loi, et Il les a tous soumis à Sa vénération et à Son adoration. C'est beaucoup pour un pur homme; et si Celui-ci n'est pas plus, aucun autre n'a eu de son côté le pouvoir de Dieu aussi manifeste, ce pouvoir nous fait et nous fera de grands dommages; parce que depuis que nous avons été précipités du Ciel, nous n'avons jamais souffert de telles ruines, ni connu une telle vertu comme depuis que cet homme est venu au monde. Et si par hasard Il est le Verbe Incarné, comme nous le soupçonnons, cette affaire demande une grande considération; parce que si nous consentons qu'Il vive, Il attirera après Lui tous les hommes par Son exemple et Sa Doctrine. A cause de la haine que j'en ai, j'ai essayé quelquefois de Lui ôter la Vie, et je ne l'ai point obtenu; parce que j'ai tâché dans Sa patrie de le faire précipiter du haut d'une montagne (Luc 4: 30), mais Lui avec Son pouvoir Il s'est joué de ceux qui allaient l'exécuter. Une autre fois j'avais disposé qu'ils le lapidassent à Jérusalem (Jean 8: 59), et Il disparut de devant les Pharisiens.»

6, 8, 1130. «Maintenant j'ai la matière mieux disposée avec Son Disciple et notre ami Judas, parce que je lui ai lancé au coeur une suggestion de vendre et de livrer son Maître aux Pharisiens, lesquels j'ai aussi prévenus d'une envie furieuse, et qui Lui donneront sans doute une mort très cruelle comme ils le désirent. Et ils n'attendent qu'une occasion opportune, et celle-ci je la dispose avec toute ma diligence et mon astuce; parce que Judas, et les Scribes et les pontifes feront tout ce que je leur proposerai. Mais néanmoins, je trouve en cela une grande difficulté qui demande beaucoup d'attention; parce que si cet homme est le Messie qu'attendent ceux de Son peuple Il offrira Sa Mort et Ses souffrances pour la Rédemption des hommes, et Il satisfera pour tous infiniment par Ses peines et Sa Mort. Il ouvrira le Ciel, et les mortels monteront jouir des récompenses que Dieu nous a ôtées à nous, et ce sera un tourment nouveau et bien dur si nous ne le
prévenons pour l'empêcher. Outre cela, cet homme laissera dans le monde en soufrant et en mourant un nouvel exemple de patience pour les autres; parce qu'Il est très doux et très humble de Coeur, et jamais nous ne L'avons vu impatient, ni troublé; Il enseignera cela même à tous les autres, ce qui est le plus horrible pour moi, parce que ces vertus m'offensent grandement, moi et tous ceux qui suivent mon dictamen et mes pensées. Pour ces raisons il convient pour notre but de conférer sur ce que nous devons faire en poursuivant ce Christ, ce nouvel homme et que vous me disiez tous ce que vous entendez dans cette affaire.»

6, 8, 1131. Sur cette proposition de Lucifer, ces princes des ténèbres eurent de longues conférences, s'enrageant contre notre Sauveur avec une fureur incroyable, et se lamentant de l'erreur qu'ils jugeaient déjà avoir soufferte en prétendant Sa mort avec tant d'astuce et de malice; et avec cette même malice redoublée ils prétendirent dès lors rétracter le fait et empêcher qu'Il mourût, parce que déjà ils étaient confirmés dans le soupçon qu'Il était le Messie, quoiqu'ils n'achevassent point de le connaître avec fermeté. Ce doute fut pour Lucifer de tant de scandale et de tourment, qu'approuvant le nouveau décret d'empêcher la Mort du Sauveur, il conclut le conciliabule et dit: «Croyez-moi, amis, que si cet homme est aussi Dieu véritable, avec Ses souffrances et Sa Mort Il sauvera tous les hommes, et notre empire demeurera détruit, et les mortels seront élevés à de nouvelles félicités et à une nouvelle puissance contre nous. Nous nous sommes grandement trompés en Lui procurant la mort. Allons maintenant réparer notre propre perte.»

6, 8, 1132. Avec cet accord, Lucifer et tous ses ministres sortirent sur la terre et dans la ville de Jérusalem, et d'ici résultèrent quelques-unes des diligences qu'ils firent avec Pilate et sa femme, comme on le voit des Évangélistes (Matt. 27: 19; Luc 23: 4; Jean 18: 38), pour empêcher la Mort du Sauveur, et d'autres qui ne sont point dans l'Histoire de l'Évangile, mais qui furent certaines. Parce qu'avant toutes choses, ils entreprirent Judas et avec de nouvelles suggestions ils procurèrent de le dissuader de la vente qu'il avait concertée de son divine Maître. Et comme il ne se mouvait point à révoquer ses intentions et à s'en désister, le démon lui apparut en forme corporelle et visible et il lui parla [a], tâchant de l'induire par des raisons à ne point traiter d'ôter la Vie à Jésus-Christ par le moyen des Pharisiens. Et le démon connaissant la cupidité démesurée de l'avare Disciple,
lui offrit beaucoup d'argent, afin qu'il ne le livrât point à ses ennemis. En tout cela Lucifer mit plus de soin qu'il n'en avait mis auparavant pour l'induire au péché de vendre son très doux et divine Maître.

6, 8, 1133. Mais, ô douleur de la misère humaine, que Judas s'étant soumis au démon pour lui obéir dans la méchanceté ne put le faire pour la rétracter [b]! Parce que du côté de l'ennemi il n'y avait pas la force de la Divine grâce, et sans elle toutes les persuasions et les diligences étrangères sont vaines pour quitter le péché et suivre le véritable Bien. Il n'était pas impossible à Dieu de réduire à la vertu le coeur de ce perfide Disciple; mais la persuasion du démon qui l'avait renversé de la grâce n'était pas un moyen convenable pour cette fin. Et le Seigneur avait justifié la cause de Son équité ineffable de ne point lui donner d'autres secours puisque Judas était arrivé à une si dure obstination au milieu de l'École du divin Maître, résistant tant de fois à Sa Doctrine, à Ses inspirations et à Ses grands Bienfaits, méprisant avec une témérité formidable Ses conseils, ceux de Sa douce Mère, la Très Sainte Dame; l'exemple vivant de Leurs Vies, de Leurs conversations et celui de tous les autres Apôtres. Contre tout cela l'impie Disciple avait résisté avec une obstination plus que de démon et d'homme libre pour le bien; et ayant parcouru une si longue carrière dans le mal, il arriva à l'état que la haine conçue contre Son Sauveur et contre la Mère de Miséricorde le rendait inepte pour chercher cette Miséricorde; indigne de la Lumière pour la connaître et comme insensible à la raison même et à la Loi naturelle qui aurait pu le retarder à offenser l'Innocent des mains de Qui il avait reçu des Bienfaits si libéraux. Rare exemple et sujet de crainte pour la fragilité et la folie des hommes qui peuvent avec elles tomber en de semblables périls et se perdre, parce qu'ils ne les craignent point, et arriver à une aussi malheureuse et aussi lamentable ruine.

6, 8, 1134. Désespérés de réduire Judas, les démons le laissèrent et ils allèrent trouver les Pharisiens, intentant la même entreprise par le moyen de plusieurs suggestions ou pensées qu'ils leur envoyèrent, afin qu'ils ne poursuivissent point Jésus-Christ notre Bien et notre Maître. Mais il arriva la même chose qu'avec Judas, pour les mêmes raisons; car ils ne purent les amener à rétracter leur intention et à révoquer la méchanceté qu'ils avaient machinée. Quoique pour des motifs humains, quelques-uns des Scribes se mirent à réfléchir si ce qu'ils déterminaient leur serait bien; mais comme ils n'étaient point assistés
de la grâce, aussitôt la haine et l'envie qu'ils avaient conçues revenaient à les vaincre. D'ici résultèrent les diligences que fit Lucifer auprès de la femme de Pilate et de lui-même; parce qu'elle, ils l'incitèrent comme on le voit dans l'Évangile (Matt. 27: 19), afin que par sa pitié féminine elle prévînt Pilate de ne point se mêler de la condamnation de cet homme juste. Avec cette persuasion et d'autres qu'ils représentèrent à Pilate même, les démons l'obligèrent à tant d'expédients comme il fit pour s'excuser de donner la sentence de mort contre l'innocent Seigneur, dont je dirai plus loin ce qui sera nécessaire. Comme aucune des diligences ne profita à Lucifer et à ses ministres, se reconnaissant défiants, ils changèrent le moyen, et ils se mirent de nouveau en fureur contre le Sauveur, et ils portèrent les Pharisiens, les bourreaux et les ministres, à ce que, ne pouvant empêcher Sa mort, ils la Lui donnassent très précipitée, qu'ils Le tourmentassent avec une impie cruauté, pour irriter Son invincible patience, ce que firent les Juifs. Le Seigneur donna lieu à cela pour les hautes fins de la Rédemption des hommes; quoiqu'Il empêchât que les bourreaux exécutassent certaines atrocités moins décentes, que les démons leur suggéraient contre la vénérable Personne, et l'Humanité du Sauveur, comme je le dirai plus loin.

6, 8, 1135. Le mercredi qui suivit l'entrée triomphante de Jésus dans Jérusalem, jour où Notre-Seigneur Jésus-Christ demeura (Matt. 26: 6-7) à Béthanie sans retourner au Temple, les Scribes et les Pharisiens se réunirent (Matt. 26: 3) de nouveau dans la maison du pontife Caïphe, pour machiner perfidement la Mort du Rédempteur du monde; parce que l'applaudissement que tous les habitants de la cité avaient fait à Sa Majesté à Son entrée à Jérusalem les avait irrités avec une plus grande envie. La discussion tomba sur le miracle de la résurrection de Lazare et les autres merveilles que Notre-Seigneur Jésus-Christ avait opérées en ces jours-là dans le Temple; et ayant résulté de leurs délibérations qu'il convenait de Lui ôter la Vie, palliant cette cruauté impie sous le prétexte du bien public, comme le dit Caïphe (Jean 11: 49-50), prophétisant le contraire de ce qu'il prétendait. Le démon qui les vit résolus, mit dans l'imagination de quelques-uns de ne point exécuter cette décision (Matt. 26: 5) à la fête de Pâque, afin que le peuple ne se soulevât point, car il vénérait le Christ Notre-Seigneur comme Messie ou grand Prophète. Lucifer fit cela, pour voir si en retardant la Mort du Seigneur il ne pourrait pas l'empêcher. Mais comme Judas était déjà livré à sa propre cupidité et à sa propre malice, et destitué de la grâce qui était nécessaire pour la révoquer, il accourut au conseil (Matt. 26: 15) des pontifes très troublé et très
inquiet, et il traita avec eux de leur consigner son Maître et la vente fut conclue à raison de trente deniers, se contentant de cela pour prix de Celui qui renferme en Soi tous les Trésors du Ciel et de la terre; et pour ne point perdre l'occasion, les pontifes passèrent sur l'inconvénient de la fête de Pâque. Ainsi l'avait déterminé la Sagesse infinie dont la Providence dispose de tout.

6, 8, 1136. En même temps se passa ce que rapporte saint Matthieu, que notre Rédempteur dit à Ses Disciples (Matt. 26: 2): «Sachez que dans deux jours il arrivera que le Fils de l'homme sera livré pour être crucifié.» Judas n'était pas présent à ces paroles et avec la fureur de la trahison il revint aussitôt aux Apôtres et comme perfide et mécréant, il s'enquérait et demandait à ses compagnons, au Seigneur Lui-même et à Sa Bienheureuse Mère en quel lieu ils devaient aller depuis Béthanie et qu'est-ce que son Maître déterminait de faire ces jours-là. Le perfide Disciple demandait tout cela et il s'enquérait astucieusement pour mieux disposer la trahison de son Maître, qu'il avait contractée avec les Pharisiens. Avec ces feintes et ces dissimulations Judas, hypocrite, prétendait pallier sa perfidie. Mais non seulement le Sauveur, mais aussi la Très Prudente Mère connaissait son intention double et dépravée; parce que les saints Anges lui rendirent compte aussitôt du contrat qu'il avait fait avec les pontifes, afin de Le livrer pour trente deniers. Et ce jour-là le traître s'approcha pour demander à la grande Dame où son Fils déterminait d'aller pour la Pâque. Et Elle lui répondit avec une incroyable mansuétude: «Qui pourra comprendre, ô Judas, les jugements et les secrets du Très-Haut.» Dès lors Elle cessa de l'admonester et de l'exhorter, afin qu'il se retirât de son péché; quoique toujours le Seigneur et Sa Mère le souffrirent et le tolérèrent, jusqu'à ce qu'il désespérât lui-même du remède et du Salut Éternel. Mais la Très Douce Colombe, connaissant la ruine irréparable de Judas, et que déjà son Très Saint Fils serait bientôt livré à Ses ennemis, fit de tendres pleurs en compagnie des Anges, parce qu'Elle ne pouvait conférer de son intime douleur avec aucune autre créature; et avec ces esprits célestes Elle donnait libre cours à la mer de son amertume et Elle disait des paroles de poids, de Sagesse et de sentiment, à l'admiration des Anges même, voyant dans une Créature humaine une si nouvelle manière d'opérer avec une perfection si haute, au milieu de cette tribulation et de cette douleur si amère

DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL.

6, 8, 1137. Ma fille, tout ce que tu as entendu et écrit dans ce chapitre contient un grand enseignement et des mystères pour le bien des mortels s'ils les considèrent avec attention. Le premier, tu dois peser avec discrétion que, comme mon Très Saint Fils vint pour défaire (1 Jean 3: Cool les oeuvres du démon et le vaincre, afin qu'il n'eût pas tant de force contre les hommes, il fut conséquent pour cette intention, que le laissant dans l'être de sa nature d'Ange et dans la science habituelle qui y correspondait, Il lui cachât néanmoins plusieurs choses, comme tu l'as écrit [c] en d'autres endroits, afin que n'arrivant point à les connaître, la malice de ce dragon se réprimât par le moyen le plus convenable à la suave (Sag. 8: 1) et forte Providence du Très-Haut. Pour cela l'union hypostatique des deux natures Divine et humaine lui fut cachée; et il était si halluciné au sujet de ce Mystère qu'il se confondait, et il allait en variant dans les discours et les déterminations fabuleuses jusqu'à ce que mon Très Saint Fils fit en sorte qu'il Le connût dans Sons temps, et que Son Âme unie à la Divinité avait été glorieuse dès l'instant de Sa Conception. De même Il lui cachait d'autres miracles de Sa très sainte vie, et Il lui en laissait connaître d'autres. C'est ce qui arrive maintenant à l'égard de certaines âmes, car mon Très Saint Fils ne consent point que l'ennemi connaisse toutes leurs oeuvres, quoique naturellement il pourrait les connaître; parce que Sa Majesté les lui cache, pour obtenir ses hautes fins pour le bienfait des âmes. Et ensuite il a coutume de permettre que le démon les connaisse pour sa plus grande confusion; comme il arriva dans les Oeuvres de la Rédemption, quand pour son tourment et sa plus grande oppression, le Seigneur donna lieu à ce qu'il les connût. Pour cette raison le dragon, ce serpent infernal [d] épie les âmes, afin de découvrir leurs oeuvres, non seulement intérieures mais aussi les extérieures. Si grand est l'Amour que Mon Très Saint Fils a pour les âmes après qu'Il est né et qu'Il est mort pour elles.

6, 8, 1138. Ce Bienfait serait plus général et plus continuel à l'endroit de plusieurs âmes, si elles ne l'empêchaient pas en s'en rendant indignes et en se livrant à leur ennemi, écoutant ses fausses suggestions et ses conseils pleins de malice et de tromperie. Et comme les justes et ceux qui sont signalés dans la sainteté viennent à être des instruments dans la main du Seigneur qui les gouverne
et les régit Lui-même et qu'Il ne consent point qu'aucun autre les meuve, parce qu'ils se livrent tout à fait à sa Divine disposition; ainsi au contraire il arrive à plusieurs réprouvés, oublieux de leur Créateur et Réparateur, que se livrant par le moyen de péchés réitérés dans les mains du démon, il les entraîne et les meut à toute sorte de méchancetés, et il se sert d'eux pour tout ce que sa malice dépravée désire, comme il arriva au perfide Disciple et aux Pharisiens homicides de leur propre Rédempteur. Et aucun des mortels n'a d'excuse dans ce dommage; puisque de même que Judas et les pontifes ne consentirent point par leur volonté libre au conseil du démon, de cesser de poursuivre Notre Seigneur Jésus-Christ, ils eussent pu beaucoup mieux ne point consentir à la détermination de Le poursuivre que le même démon leur persuada; puisque pour résister à cette tentation ils étaient assistés du secours de la grâce, s'ils eussent voulu coopérer avec elle; et pour ne point rétrograder du péché, ils ne se servirent que de leur libre arbitre et de leurs mauvaises habitudes. Et si la grâce leur manqua alors et la motion de l'Esprit-Saint, ce fut parce qu'elle leur devait être refusée de justice, pour s'être soumis et assujetti au démon, afin de lui obéir en toute méchanceté et de se laisser gouverner par sa seule volonté perverse, sans égard à la Bonté et à la Puissance de leur Créateur.

6, 8, 1139. D'ici tu entendras comment ce serpent infernal ne peut rien pour mouvoir aux bonnes oeuvres, et beaucoup pour inciter et porter au péché si les âmes ne considèrent et ne préviennent leur dangereux état. Je te dis, en vérité, Ma fille, que si les mortels le connaissaient avec la digne pondération qu'il demande, il leur causerait une grande épouvante; parce qu'une fois l'âme livrée au péché, il n'y a point de puissance créée qui puisse la sauver ou la retenir, pour qu'elle ne se précipite d'un abîme dans un autre; et le poids de la nature humaine depuis le péché d'Adam s'incline au mal comme la pierre à son centre, moyennant les passions de la concupiscible et de l'irascible; et joignant à cela les inclinations des mauvaises habitudes et des mauvaises moeurs, l'empire et la force que le démon acquiert contre celui qui pèche, et la tyrannie avec laquelle il l'exécute, qui sera assez ennemi de lui-même pour ne point craindre ce danger? Seule la Puissance Infinie le délivrera, et le remède est réservé à Sa seule Droite. Et quoique qu'il n'y en ait point d'autre, néanmoins les mortels vivent aussi assurés et aussi insouciants dans leur perdition que s'ils avaient dans leur main le pouvoir de la révoquer et de la réparer quand ils voudront. Plusieurs confessent et connaissent la vérité de ce qu'ils ne peuvent se relever de leur ruine sans le Bras du Seigneur; cependant avec
cette connaissance habituelle et stérile, au lieu de L'obliger à ce qu'Il leur donne le secours de Sa Puissance ils Le désobligent, L'irritent et ils veulent que Dieu les attende avec Sa grâce pour l'heure où ils seront fatigués de pécher ou qu'ils ne pourront étendre davantage leur malice et leur folie pleine d'ingratitude.

6, 8, 1140. Crains, Ma très chère, ce danger formidable et garde-toi du premier péché, car avec lui tu résisteras moins au second et ton ennemi recouvrera des forces contre toi. Sache que ton trésor est grand (2 Cor. 4: 7) et le vase où tu le conserves est fragile et avec une seule erreur tu peux tout perdre. L'astuce et la sagacité du serpent contre toi est grande et tu es moins rusée. Pour cela il te convient de recueillir tes sens et de les fermer à tout le visible; de retirer ton coeur au château muré de la protection et du refuge du Très-Haut, d'où tu résisteras à la batterie inhumaine avec laquelle il tâche de te persécuter. Que le châtiment où arriva Judas, comme tu l'as compris, soit suffisant pour te faire craindre comme tu dois. Dans le reste que tu as considéré de mon imitation, pour te gouverner à l'égard de ceux qui te persécutent et qui t'abhorrent, aime-les et supporte-les avec patience et prie le Seigneur pour eux avec un zèle véritable afin de leur obtenir le salut, comme je le fis à l'égard du traître Judas; je t'ai déjà donné plusieurs fois cet avertissement, et dans cette vertu je veux que tu sois parfaite et distinguée et que tu la pratiques envers tes religieuses et ceux avec qui tu aurais à traiter et que tu la leur enseignes; parce qu'à la vue de la patience et de la mansuétude de mon Très Saint Fils et de la mienne, ce sera un sujet de confusion intolérable pour les méchants et pour tous les mortels de ne s'être pas pardonnés les uns les autres avec une Charité fraternelle. Et les péchés de haine et de vengeance seront châtiés dans le jugement avec une plus grande indignation; et dans la vie présente ce sont ceux qui éloignent davantage des hommes la Miséricorde infinie pour leur perdition éternelle, s'ils ne s'amendent point avec douleur. Ceux qui sont doux et suaves envers ceux qui les offensent et les persécutent et qui oublient les injures, ont une similitude particulière avec le Verbe Incarné, car Il allait toujours à la recherche des pécheurs, leur pardonnant et leur faisait du Bien. L'âme qui imite dans cette Charité et cette mansuétude d'Agneau a comme une qualité engendrée de la Charité et de l'Amour de Dieu et du prochain, qui la dispose et la rend une matière propre à recevoir les influences de la grâce et les faveurs de la Divine droite.

NOTES EXPLICATIVES

Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 8, [a]. Le démon apparut aussi en forme corporelle et visible à Jésus-Christ dans le désert, comme il est bien enregistré par trois Évangélistes [Matt. 4: 1; Marc 1: 13; Luc 4: 2] "et non potest solvi Scriptura". Il apparut aussi à quelques grands Saints, comme à saint Antoine [Vie écrite par saint Athanase], à saint Martin, etc.. Et ce n'est pas étonnant que lorsqu'il s'agit d'hommes dont les actions pouvaient avoir une très grande influence sur le bien et sur le mal des âmes, le démon entreprend lui-même de les tenter par tous les moyens qu'il a à sa disposition, sans en exclure l'apparition sous des formes visibles.
6, 8, [b]. Il n'est pas étonnant que Judas bien qu'il fut avare, refusa ici une grande somme d'argent pour donner lieu à sa haine contre Jésus-Christ, haine plus grande que sa propre avarice. De fait nous le verrons bientôt se dépouiller même de son argent qu'il eut ensuite des pharisiens pour trahir Jésus-Christ [Matt. 27: 3].
6, 8, [c]. Livre 4, Nos. 501, 648; Livre 5, No. 937; Livre 6, Nos. 1067, 1124.
6, 8, [d]. Il est surprenant de voir dans les inscriptions cunéiformes récemment découvertes en Chaldée, comment le diable y est presque toujours appelé du nom de "serpent" et de "dragon"; et la tradition très antique de beaucoup antérieure à Moïse, de la forme prise par Satan dans l'Eden [Gen. 3: 1] pour
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Message par sga Ven 19 Juil 2019 - 12:44

CHAPITRE 9


Notre Sauveur Jésus-Christ prend congé de Sa Très Sainte Mère à Béthanie pour aller souffrir le jeudi de la Cène; la grande Dame Lui demande la Communion après son institution, et Elle Le suit à Jérusalem avec la Magdeleine et d'autres saintes femmes.


6, 9, 1141. Pour continuer le discours de cette Vie laissons à Béthanie le Sauveur du monde après qu'Il revint du triomphe de Jérusalem, accompagné de Ses Apôtres. Dans le chapitre précédent j'ai anticipé ce que les démons firent avant l'entrée du Christ, et d'autres choses qui résultèrent de leur conciliabule infernal de la trahison de Judas et du conseil des Pharisiens. Retournons maintenant à ce qui arrive à Béthanie, où la grande Reine assista et servit son Très Saint Fils pendant ces trois jours qui se passèrent depuis le dimanche des Rameaux jusqu'au jeudi. L'Auteur de la Vie passa tout ce temps avec sa divine Mère, sauf celui qu'il employa à retourner à Jérusalem et à enseigner dans le Temple les deux jours lundi et mardi; parce que le mercredi il ne monta pas à Jérusalem comme je l'ai déjà dit. Dans ces derniers voyages Il informa Ses Apôtres avec plus d'abondance et de clarté des mystères de Sa Passion et de la Rédemption des hommes. Néanmoins, quoiqu'ils entendissent la Doctrine et les avis de leur Maître et leur Dieu, chacun répondait selon la disposition avec laquelle il l'entendait et la recevait selon les effets qu'elle causait en eux et les affections qu'elle produisait; toujours ils étaient quelque peu tardifs, et comme faibles ils n'accomplirent pas dans la Passion ce qu'ils avaient promis auparavant, comme l'événement le manifesta et comme nous le verrons plus loin.

6, 9, 1142. Notre Sauveur S'entretint avec la Bienheureuse Mère ces jours immédiats à Sa Passion de sacrements si sublimes, des Mystères de la Rédemption des hommes et de la nouvelle Loi de grâce que plusieurs d'entre eux seront cachés jusqu'à la vue du Seigneur dans la Patrie Céleste. Je ne peux manifester que très peu de ceux que j'ai connus; mais dans le Coeur très prudent de notre grande Reine son Très Saint Fils déposa tout ce que David appela l'incertain et le caché (Ps. 50: Cool de Sa Sagesse; qui fut la plus grande des affaires que Dieu même eût pour Son
compte dans les Oeuvres "ad extra", qui étaient notre réparation, la glorification des prédestinés, et en elle l'exaltation de Son saint Nom. Sa Majesté ordonna tout ce que la Très Prudente Mère devait faire dans le cours de la Passion et de la Mort qu'Il allait recevoir pour nous, et il la prévint d'une nouvelle Lumière et d'un nouvel enseignement. Et en toutes ces conférences, le Très Saint Fils lui parla avec une majesté nouvelle et une sévérité grandiose et royale, conformément à l'importance de ce dont Ils traitaient; parce qu'alors cessèrent tout à fait les consolations et les caresses de Fils et d'Époux. Mais comme l'amour naturel de la Très Douce Mère et la Charité embrasée de son Âme très pure étaient arrivés à un si haut degré au-dessus de toute pondération créée et le terme de la conversation et de l'entretien qu'Elle avait eu avec le même Dieu et son Fils s'approchait, il n'y a pas de langue qui puisse manifester les effets tendres et douloureux de ce Coeur très candide de la Mère, et les gémissements qu'Elle Lui exhalait du plus intime de son Coeur comme Tourterelle mystérieuse qui commençait déjà à sentir sa solitude que le Ciel et la terre et toutes les créatures ne pouvaient compenser.

6, 9, 1143. Le jeudi, veille de la Passion et de la Mort du Sauveur arriva, et en ce jour avant le lever de la lumière, le Seigneur appela Sa Très Aimante Mère, et prosternée à Ses pieds, comme Elle l'avait accoutumé, Elle répondit: «Parlez, mon Seigneur et mon Maître, car Votre Servante écoute.» Son Très Saint Fils la releva du sol où Elle était prosternée et lui parlant avec Amour et sérénité Il lui dit: «Ma Mère, l'heure déterminée par la Sagesse éternelle de mon Père est arrivée; il faut que J'opère le Salut et la Rédemption des hommes que Sa Volonté sainte et agréable M'a recommandés; il est raisonnable que le sacrifice de Notre Volonté que Nous lui avons tant de fois offerte s'accomplisse aussi. Donnez-moi permission d'aller souffrir et mourir pour les hommes, et trouvez bon, comme Mère véritable, que Je Me livre à Mes ennemis pour accomplir l'obédience de Mon Père Éternel; et par elle-même coopérez avec Moi dans l'Oeuvre du Salut Éternel, puisque J'ai reçu de votre sein Virginal la forme humaine passible et mortelle en laquelle le monde doit être racheté et la Justice divine satisfaite. Et comme votre volonté donna le "fiat" (Luc 1: 38) pour Mon Incarnation, Je veux que vous le donniez maintenant pour Ma Passion et Ma Mort sur la Croix; et en sacrifiant volontairement à Mon Père Éternel vous donnerez le retour de vous avoir faite ma Mère; puisqu'Il M'a envoyé afin que par le moyen de la passibilité de ma chair fussent recouvrées les brebis perdues de Sa Maison, qui sont les enfants d'Adam (Matt. 18: 11).»

6, 9, 1144. Ces raisons et d'autres que dit notre Sauveur transpercèrent le Coeur très aimant de la Mère de la Vie et le mirent de nouveau dans la plus grande douleur qu'Elle n'eût jamais soufferte, parce que déjà s'approchait cette heure où sa douloureuse peine ne trouvait point d'appel, ni au temps, ni à aucun autre tribunal supérieur, outre le décret efficace du Père Éternel qui avait déterminé ce temps pour la Mort de Son Fils. La Très Prudente Mère Le regardait comme Dieu infini en Attributs et en Perfection et comme homme véritable, Son Humanité unie à la Personne du Verbe et sanctifiée par Ses effets; et sous cette dignité ineffable, Elle conférait l'obéissance qu'Il lui avait montrée quand son Altesse L'élevait comme Mère, les faveurs qu'Elle avait reçues dans une si longue compagnie, et qu'Elle en serait bientôt privée; et de la beauté de Son Visage, de la douceur efficace de Ses Paroles et que non seulement tout cela lui manquerait ensemble dans une heure, mais qu'Elle Le livrait aux tourments et aux ignominies de Sa Passion et au Sacrifice sanglant de la Mort et de la Croix, et qu'Elle Le donnait aux mains d'ennemis si impies. Toutes ces connaissances et ces considérations qui étaient alors plus vives dans la Très Prudente Mère, pénétrèrent son Coeur tendre et plein d'amour d'une douleur véritablement inexplicable. Mais avec sa grandeur de Reine, vainquant son invincible peine, Elle se prosterna de nouveau aux pieds de son Fils et son Maître divin, et les baisant avec une souveraine révérence, Elle Lui répondit et Lui dit:

6, 9, 1145. «Seigneur, Dieu très haut, Auteur de tout ce qui a l'être, je suis Votre Esclave, quoique Vous soyez le Fils de mes entrailles, parce que Votre Bonté d'ineffable Amour m'a élevée à la dignité de Votre Mère; il est raisonnable que ce vil vermisseau soit reconnaissant et agréable à Votre libérale clémence et qu'il obéisse à la Volonté du Père Éternel et à la Vôtre. Je m'offre et me résigne à Son Divin bon plaisir, afin qu'en moi comme en Vous, mon Fils et mon Seigneur, s'accomplisse et s'exécute Sa Volonté éternelle et agréable. Le plus grand sacrifice que je puisse offrir sera de ne point mourir avec Vous, et que ces sorts ne se changent point; parce que la souffrance à Votre imitation et en Votre compagnie serait d'un grand soulagement à mes peines et elles seraient bien douces à la vue des Vôtres. Il me suffira pour douleur de ne pouvoir Vous oublier dans les tourments que Vous devez souffrir pour le salut des hommes. Recevez, ô mon Bien, le sacrifice de mes désirs, que demeurant avec la vie je Vous voie mourir.
Vous qui êtes le Très Innocent Agneau et la Figure de la Substance de Votre Père Éternel (Héb. 1: 3). Recevez aussi la douleur de voir la cruauté inhumaine du péché du genre humain exécutée par la main de Vos cruels ennemis dans Votre très digne Personne. O Cieux et éléments avec toutes les créatures qui êtes en eux, esprits souverains, saints Patriarches et Prophètes, aidez-moi tous à pleurer la Mort de mon Bien-Aimé qui vous a donné l'être et pleurez avec moi la malheureuse misère des hommes qui seront la cause de cette Mort et qui perdront ensuite la Vie Éternelle que Vous devez leur mériter et ils ne profiteront point d'un si grand Bienfait. O malheureux réprouvés, et heureux prédestinés qui avez lavé vos robes dans le Sang de l'Agneau (Apoc. 7: 14). Vous qui avez su profiter de ce Bienfait, louez le Tout-Puissant. O mon Fils et Bien infini de mon âme, donnez force et vertu à Votre Compagne, afin que je participe à Votre Passion et à Votre Croix et qu'avec Votre Sacrifice le Père Éternel reçoive le mien comme Votre Mère.»

6, 9, 1146. Avec ces raisons et d'autres que je ne peux expliquer par mes paroles, la Reine du Ciel répondit à son Très Saint Fils et Elle s'offrit à l'imitation et à la participation de Sa Passion, comme Coopératrice et Coadjutrice de notre Rédemption. Ensuite Elle Lui demanda permission de Lui proposer un autre désir et une autre demande, prévenue depuis longtemps par la Science qu'Elle avait de tous les Mystères que le Maître de la Vie devait opérer à la fin de celle-ci; et Sa Majesté lui donnant permission, la Très Pure Mère ajouta et dit: «Bien-Aimé de mon Âme et Lumière de mes yeux, je ne suis pas digne mon Fils, de ce que mon Coeur désire Vous demander; mais Vous, Seigneur, Vous êtes le Courage de mon Espérance, et en cette foi je Vous supplie de me rendre participante s'il Vous est agréable de l'ineffable Sacrement de Votre Corps et de Votre Sang très saints, comme Vous avez déterminé de L'instituer pour gage de Votre gloire, afin que revenant de nouveau dans mon Coeur, les effets d'un Sacrement si admirable et si nouveau me soient communiqués. Vous savez bien, mon Seigneur, qu'aucune créature ne peut mériter un Bienfait si excessif, préparé au-dessus de toutes Vos Oeuvres par Votre seule magnificence; et pour l'obliger maintenant je n'ai que Vous-mêmes à Vous offrir avec Vos mérites infinis. Et si l'Humanité très sainte en laquelle Vous les avez attachés, infère quelque droit en ma faveur, parce que Vous l'avez reçue de mes entrailles, celle-ci ne sera pas tant en moi pour que Vous soyez mien dans ce Sacrement, comme pour que je sois Vôtre en Vous recevant, parce cette nouvelle possession, par laquelle je pourrai me restituer en Votre douce Compagnie. J'ai dédié mes oeuvres et mes désirs à cette très digne et divine
communion dès l'heure que Votre Bonté m'en a donné connaissance, m'informant de la Volonté et du décret que Vous avez fait de demeurer dans Votre Sainte Église sous les espèces du Pain et du Vin consacrés. Revenez donc, mon Seigneur et mon Bien, à la première et antique habitation de Votre Mère, de Votre Amie et de Votre Esclave, que Vous avez rendue libre et exempte de la contagion commune pour Vous recevoir dans son sein. Je recevrai maintenant dans mon Coeur l'Humanité que je Vous ai communiquée de mon sang et Nous y demeurerons ensemble avec l'étroit et nouvel embrassement qui soulage mon Coeur et qui embrase mes affections, afin de n'être jamais absente de Vous, qui êtes l'Amour et le Bien Infini de mon Âme.»

6, 9, 1147. La grande Reine et Souveraine dit dans cette occasion plusieurs paroles d'amour et de révérence incomparables, parce qu'Elle parla à son Très Saint Fils avec une admirable affection du Coeur, pour Lui demander la participation de Son Corps et de Son Sang très saints. Sa Majesté lui répondit aussi avec plus de tendresse, lui concédant sa pétition, et Il lui promit de lui donner le Bienfait et la faveur de la Communion qu'Elle Lui demandait, lorsqu'arriverait l'heure de célébrer Son Institution. Aussitôt la Très Pure Mère avec une nouvelle soumission fit des actes grandioses d'humilité, de reconnaissance, de révérence et de Foi vive, pour être disposée et préparée pour la Communion désirée de l'Eucharistie; et il arriva ce que je dirai plus loin.

6, 9, 1148. Notre Sauveur Jésus-Christ commanda ensuite aux saints Anges de Sa Très Sainte Mère de l'assister dès lors en forme visible pour elle, de la servir et de la consoler dans sa douleur et sa solitude, comme en effet ils l'accomplirent. Il ordonna aussi à la grande Dame lorsque Sa majesté partirait pour Jérusalem avec Ses Disciples de Le suivre avec quelque court espace, ainsi que les saintes femmes qui les accompagnaient depuis la Galilée, et qu'elle les informât et les animât afin qu'elles ne défaillissent point, avec le scandale qu'elles auraient en Le voyant souffrir avec tant d'ignominies et mourir sur la Croix d'une Mort ignominieuse. Mettant fin à cette conférence, le Fils du Père Éternel donne Sa Bénédiction à Sa Très Aimante Mère, Se séparant d'Elle pour le dernier voyage dans lequel Il devait souffrir et mourir. La douleur qui pénétra les Coeurs du Fils et de la Mère en ce départ excède toute pensée humaine; parce qu'elle fut correspondante à l'Amour réciproque des Deux et celui-ci était proportionné à la condition et à la dignité des
Personnes. Et quoique nous puissions en déclarer si peu nous ne serons pas pour cela excusés de ne point le peser dans notre considération et les accompagner avec une compassion souveraine, conformément à nos forces et à notre capacité pour n'être point repris comme ingrats et de coeur appesantis.

6, 9, 1149. Notre Sauveur ayant quitté Sa Très Aimable Mère, Sa douloureuse Épouse, sortit de Béthanie pour le dernier voyage à Jérusalem le jeudi qui fut le jour de la Cène, peu avant midi, accompagné des Apôtres qu'Il avait avec Lui. Aux premiers pas que fit Sa Majesté dans ce voyage qui était le dernier de Son pèlerinage, Il leva les yeux vers le Père Éternel et Le confessant avec louanges et actions de grâces, Il S'offrit de nouveau Lui-même avec le plus ardent de Son Amour et de Son obéissance à souffrir et à mourir pour la Rédemption de tout le genre humain. Notre Sauveur et Maître fit cette oraison et cette offrande avec une affection ineffable et avec tant de force de son Esprit, que comme cela ne se peut écrire, tout ce que j'en dirai paraît dédire la vérité et mon désir. «Père Éternel et Mon Dieu,» dit Notre-Seigneur Jésus-Christ, «Je vais pour Votre Volonté et Votre Amour souffrir et mourir pour délivrer les hommes mes frères, et les ouvrages de Vos mains. Je vais Me livrer pour leur remède et rassembler en un ceux qui sont dispersés (Jean 11: 52) et divisés par le péché d'Adam. Je vais disposer les Trésors avec lesquels les âmes créées à Votre Image et à Votre Ressemblance doivent être ornées et enrichies, afin qu'elles soient restituées à la dignité de Votre amitié et à la Félicité Éternelle, et afin que Votre saint Nom soit connu et exalté de toutes les créatures. Autant qu'il est de Votre côté et du Mien, aucune des créatures ne demeurera sans un remède très abondant; et Votre équité inviolable demeurera justifiée en ceux qui méprisent cette copieuse Rédemption.

6, 9, 1150. La Bienheureuse Mère partit aussitôt de Béthanie à la suite de l'Auteur de la Vie, accompagnée de la Magdeleine et des autres saintes femmes qui assistaient et suivaient Notre-Seigneur Jésus-Christ depuis la Galilée. Et comme le divin Maître informait Ses Apôtres et les prévenait avec la Doctrine et la Foi de Sa Passion, afin qu'ils n'y défaillissent point par les ignominies qu'ils Le verraient souffrir, ni par les tentations cachées de Satan; de même aussi la Reine et Maîtresse des vertus consolait et préparait sa sainte congrégation de disciples, afin qu'elles ne se troublassent point lorsqu'elles verraient mourir leur Maître et être flagellé ignominieusement. Et quoique dans la condition féminine ces saintes
femmes fussent de nature plus infirme et plus fragile que les Apôtres; néanmoins elles furent plus fortes qu'aucun d'eux à conserver la Doctrine et les enseignements de leur grande Maîtresse et Souveraine. Celle qui se distingua davantage fut sainte Marie Magdeleine, comme l'enseignent les Évangélistes (Matt. 27: 56; Marc 15: 40; Luc 24: 10; Jean 19: 25), parce que la flamme de son amour la rendait toute ardente; et elle était, par sa propre condition naturelle, magnanime, courageuse, virile, très fidèle et très officieuse. Et entre tous ceux de l'apostolat elle prit pour son compte d'accompagner la Mère de Jésus et de l'assister, sans se séparer d'Elle tout le temps de la Passion, et ainsi elle le fit comme très fidèle amante.

6, 9, 1151. Dans l'oraison et l'offrande que fit Notre Sauveur en cette occasion, Sa Très Sainte Mère L'imita et Le suivit aussi; parce qu'Elle regardait toutes les Oeuvres de son Très Saint Fils dans le clair Miroir de cette Lumière divine avec laquelle Elle les connaissait pour les imiter, comme il a été dit plusieurs fois. Les Anges qui gardaient la grande Dame, la servaient et l'accompagnaient se manifestant à Elle en forme visible, comme le même Seigneur le leur avait commandé. Elle conférait avec ces esprits souverains du grand sacrement de son Très Saint Fils que ses compagnes ne pouvaient percevoir, ni toutes les créatures ensemble. Ils connaissaient et pondéraient dignement l'incendie d'amour qui brûlait sans mode ni mesure dans le Coeur très pur et très candide de la Mère et la force avec laquelle l'attiraient les parfums (Cant. 1: 3) odorants de l'Amour réciproque du Christ, son Fils, son Époux et son Rédempteur. Ils présentaient au Père Éternel le sacrifice de louange et d'expiation que Lui offrait Sa Fille unique et première-née entre les créatures. Et parce que tous les mortels ignoraient la grandeur de ce Bienfait et de la dette en laquelle les mettait l'Amour de Notre-Seigneur et de Sa Très Sainte Mère, la Reine commandait aux saints Anges de rendre gloire, bénédiction et honneur au Père, au Fils et à l'Esprit-Saint, et ils accomplissaient tout conformément à la volonté de leur grande Princesse et Souveraine.

6, 9, 1152. Les dignes paroles, le digne sentiment et la douleur me manquent pour dire ce que j'entendis dans cette occasion de l'admiration des saints Anges, qui, d'une part, regardaient le Verbe Incarné et Sa Très Sainte Mère dirigeant Leurs pas à l'Oeuvre de la Rédemption humaine avec la force de l'Amour
très ardent qu'Ils avaient et qu'Ils ont pour les hommes; et d'un autre côté ils regardaient la vileté, l'ingratitude, la lenteur et la dureté des mêmes hommes pour connaître cette dette et s'obliger du Bienfait qui eût obligé les démons s'ils eussent été capables de le recevoir. Cette admiration des Anges n'était pas avec ignorance, mais avec réprimande de notre ingratitude intolérable. Je suis une faible femme et moins qu'un ver de terre; mais en cette Lumière qui m'a été donnée, je voudrais élever la voix et qu'elle fût entendue par tout le globe pour réveiller les enfants de la vanité et les amateurs du mensonge (Ps. 4: 3) et leur rappeler cette dette envers Notre-Seigneur Jésus-Christ et Sa Très Sainte Mère, et les prier tous, prosternée sur ma face, de ne point être se pesants de coeur et si cruels ennemis de nous-mêmes et de secouer ce sommeil si oublieux qui nous ensevelit dans le péril de la mort éternelle et qui nous éloigne de la Vie Céleste et Bienheureuse que nous mérita notre Rédempteur et Seigneur Jésus-Christ, par la Mort si amère de la Croix.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 9, 1153. Ma fille, je t'appelle et te convie de nouveau, afin que ton âme illustrée des Dons spéciaux de la divine Lumière entre dans le profond océan des Mystères de la Passion et de la Mort de mon Très Saint Fils. Prépare tes puissances et fais usage de toutes les forces de ton coeur et de ton âme, afin qu'en quelque partie tu sois digne de connaître, de peser et de ressentir les ignominies et les douleurs que le même Fils du Père Éternel daigna souffrir, en S'humiliant à mourir sur une croix pour racheter les hommes, et tout ce que je fis et souffris en L'accompagnant dans Sa Passion très acerbe. Je veux, ma fille, que tu étudies cette Science si oubliée des mortels et que tu l'apprennes pour suivre ton Époux et pour m'imiter, moi qui suit ta Mère et ta Maîtresse. En écrivant et en ressentant conjointement ce que je t'enseignerai de ces sacrements, je veux que tu te dépouilles entièrement de toute affection humaine et terrestre et de toi-même, afin qu'éloignée du visible tu suives Nos traces, pauvre et dépouillée. Et parce que je t'appelle maintenant, toi seule, par une grâce spéciale, pour l'accomplissement de la Volonté de mon Très Saint Fils, et en toi Nous voulons enseigner à d'autres; il
est nécessaire que tu te montres obligée de cette copieuse Rédemption comme si ce Bienfait était pour toi seule et comme s'il devait se perdre si toi seule tu n'en profitais point. Tu dois l'apprécier autant que cela; puisqu'avec l'Amour avec lequel mon Très Saint Fils souffrit et mourut pour toi, il te regarda (Gal. 2: 20) avec autant d'affection que si tu eusses été seule à avoir besoin de Sa Passion et de Sa Mort pour ton remède.

6, 9, 1154. Tu dois mesurer sur cette règle ton obligation et ta reconnaissance. Et quand tu connais le pesant et dangereux oubli qu'il y a dans les hommes d'un Bienfait si excessif, que leur Dieu, leur Créateur fait homme est mort pour eux, tâche de Lui compenser cette injure en L'aimant pour tous, comme si le retour de cette dette était remis à ta seule reconnaissance et à ta seule fidélité. Afflige-toi de même de la folie aveugle des hommes de mépriser leur Félicité Éternelle et de thésauriser la colère du Seigneur contre eux-mêmes, Le frustrant des plus grandes affections de Son Amour Infini pour le monde. C'est pour cela que je te fais connaître tant de secrets et la douleur si incomparable que je souffris depuis l'heure que mon Très Saint Fils Se sépara de moi pour aller au Sacrifice de Sa Passion et de Sa Mort sacrée. Il n'y a point de terme pour signifier l'amertume de mon âme en cette occasion; mais à sa vue tu ne réputeras aucun travail trop grand, tu ne pourras désirer aucun repos ni aucune délectation terrestre, et tu ne désireras que de souffrir et de mourir avec Jésus-Christ. Compatis avec moi, parce que tu m'es endettée en ce que je te favorise de cette fidèle correspondance.

6, 9, 1155. Je veux que tu saches combien le mépris et l'oubli des hommes au sujet de la fréquentation de la Sainte Communion, et leur négligence à s'en approcher sans disposition et sans ferveur de dévotion est horrible aux yeux du Seigneur, aux miens et à ceux de tous les Bienheureux. Afin que tu comprennes et que tu écrives cet avis, je t'ai manifesté ce que je fis, me disposant tant d'années [a] auparavant pour le jour où j'arriverais à recevoir mon Très Saint Fils sacramenté; et le reste que tu écriras plus loin, pour votre enseignement [b] et votre confusion; parce que si moi qui étais innocente et sans aucun péché qui m'empêchât, et avec tant de plénitude de toutes les grâces, je tâchai d'ajouter une nouvelle disposition d'amour fervent, d'humilité et de reconnaissance; que devez-vous faire, toi et les autres enfants de l'Église, qui tombez chaque jour et à chaque heure en de nouveaux péchés et de nouvelles laideurs, pour arriver à recevoir la beauté de la
Divinité même et de l'Humanité de mon Très Saint Fils et mon Seigneur? Quelle excuse les hommes donneront-ils au jugement, d'avoir eu avec eux Dieu même sacramenté dans l'Église attendant qu'ils aillent Le recevoir pour les remplir de la plénitude de Ses Dons, et qui ont méprisé cet ineffable Amour et ce Bienfait pour s'employer et se divertir en des plaisirs mondains et servir à la vanité apparente et trompeuse. Sois dans l'étonnement comme le sont les Anges et les Saints d'une telle folie et garde-toi d'y tomber.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 9, [a]. Livre 5, No. 835.
6, 9, [b]. Livre 6, No. 1197; Livre 7, No. 109; Livre 8, No. 583.
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Message par sga Mer 24 Juil 2019 - 17:23

CHAPITRE 10


Notre Sauveur Jésus-Christ célèbre la dernière Cène légale avec Ses Disciples, et Il leur lave les pieds: Sa Très Sainte Mère a l'intelligence et la connaissance de tous ces Mystères.


6, 10, 1156. Notre Rédempteur poursuivait Son chemin pour Jérusalem, comme je l'ai dit, le jeudi après-midi qui précéda Sa Passion et Sa Mort; et dans les conférences qu'Il avait avec Ses Disciples sur les mystères dont Il les informait, ils L'interrogèrent sur quelques doutes en ce qu'ils ne comprenaient point et Il répondit à tous comme Maître de la Sagesse et Père amoureux avec des paroles
pleines de très douce Lumière qui pénétraient les coeurs des Apôtres; parce que les ayant toujours aimés, en ces dernières heures de Sa Vie comme un Cygne divin, Il manifestait avec plus de force la suavité de Sa voix et la douceur de Son Amour. Non seulement l'immédiat de Sa Passion et la Science prévue de tant de tourments ne L'empêchaient pas; mais comme la chaleur reconcentrée par l'opposition du froid vient à sortir avec toute son efficacité; de cette manière l'incendie du divin Amour qui brûlait sans limite dans le Coeur de notre amoureux Jésus, sortait avec de plus grandes délicatesses et une plus grande activité pour enflammer ceux-là même qui voulaient L'éteindre. Il arrive d'ordinaire aux autres enfants d'Adam, hors le Christ et Sa Très Sainte Mère, que la persécution nous impatiente, les injures nous irritent, les peines nous déconcertent et tout ce qui est contraire nous trouble, nous décourage, nous rend acerbes contre celui qui nous offense et nous tenons pour une grande vertu de ne point nous venger à l'instant; mais l'Amour de notre divin Maître ne s'altéra point par les injures qu'Il regardait dans Sa Passion, Il ne Se fatigua point des ignorances de Ses Disciples et de la déloyauté qu'Il devait aussitôt expérimenter en eux.

6, 10, 1157. Ils Lui demandèrent où Il voulait célébrer la Pâque de l'Agneau (Matt. 26: 17; Marc 14: 12; Luc 22: 9), car cette nuit-là les Juifs faisaient la Cène, fête très célèbre et solennelle dans ce peuple, et c'était la figure la plus expresse dans leur Loi du même Seigneur, et des mystères qui allaient s'opérer par Lui-même et pour Lui; quoique les Apôtres ne fussent point suffisamment capables pour les connaître alors. Le divin Maître leur répondit, envoyant saint Pierre et saint Jean en avant à Jérusalem pour préparer la Cène de l'agneau pascal, dans la maison d'un homme où ils verraient entrer un serviteur avec une cruche d'eau, demandant au maître de la maison de lui préparer une pièce pour souper avec Ses Disciples. Celui-ci était habitant de Jérusalem, homme riche, un des principaux dévots du Sauveur, et l'un de ceux qui avaient cru en Sa Doctrine et Ses miracles et il mérita par sa pieuse dévotion que l'Auteur de la Vie choisît sa maison pour la sanctifier par les mystères qu'Il y opéra, la laissant consacrée en un saint Temple pour les autres qui devaient ensuite s'y succéder. Les deux Apôtres y allèrent aussitôt, et avec les signes qu'ils avaient, ils demandèrent au maître de la maison d'y recevoir le Maître de la Vie et de L'avoir pour son hôte, pour célébrer la grande solennité des Azymes, car ainsi s'appelait cette Pâque.

6, 10, 1158. Le coeur de ce Père de famille fut illustré d'une grâce spéciale et il offrit libéralement sa maison avec tout le nécessaire pour la Cène légale et aussitôt il désigna à cet effet (Luc 22: 12) une salle très grande meublée et ornée avec beaucoup de décence comme il convenait, quoique lui et les deux Apôtres l'ignorassent, pour les mystères vénérables que notre Sauveur voulait y opérer. Tout cela étant préparé, Sa Majesté arriva à l'habitation avec les autres Disciples, et dans un court intervalle arriva aussi Sa Très Sainte Mère avec sa congrégation de saintes femmes qui la suivaient; et aussitôt l'humble Reine prosternée en terre adora son Très Saint Fils selon sa coutume; Elle Lui demanda Sa Bénédiction, et Elle Le pria de lui commander ce qu'Elle devait faire. Sa Majesté lui ordonna de se retirer dans une pièce de la maison qui était assez grande pour tout, et là de demeurer à la vue de ce que la divine Providence avait déterminé de faire en cette nuit, de conforter et de donner une nouvelle Lumière aux femmes qui l'accompagnaient de ce qui convenait de les avertir. La grande Dame obéit et se retira avec sa compagnie. Elle leur ordonna de persévérer toutes dans la Foi et l'oraison; et Elle continua ses affections ferventes en attendant la Communion [a], car Elle savait que l'heure s'approchait et Elle était toujours attentive par la vue intérieure à toutes les Oeuvres que son Très Saint Fils exécutait [b].

6, 10, 1159. Après que Sa Très Pure Mère se fut retirée, Notre Sauveur et Maître Jésus entra dans l'appartement préparée pour la Cène avec tous les douze Apôtres et d'autres disciples, et avec eux Il célébra la Cène de l'Agneau, gardant toutes les cérémonies de la Loi, sans manquer à aucune chose des rites qu'Il avait ordonnés Lui-même par le moyen de Moïse. Dans cette dernière Cène Il donna intelligence aux Apôtres de toutes les cérémonies de cette Loi figurative, comme elle avait été donnée aux anciens Pères et aux Prophètes, pour signifier la vérité de ce que le même Seigneur accomplissait et ce qu'Il devait opérer comme Rédempteur du monde; et que la Loi antique de Moïse et ses figures demeuraient évacuées par la vérité figurée; et que les ombres ne pouvaient plus durer, arrivant en Lui la Lumière et le Principe de la nouvelle Loi de grâce dans laquelle ne demeuraient permanents que les préceptes de la Loi naturelle qui était perpétuelle; quoique ceux-ci demeurassent plus rehaussés et perfectionnés par d'autres préceptes Divins et des conseils qu'Il enseignait Lui-même; et avec l'efficace qu'Il donnerait aux nouveaux Sacrements de Sa nouvelle Loi, tous les anciens cesseraient, comme inefficaces et seulement figuratifs, et que pour tout cela Il célébrait avec eux cette Cène par laquelle Il donnait fin et termes à l'obligation de
la Loi et à ses rites puisqu'elle avait été toute entière dirigée à préparer et à représenter ce que Sa Majesté opérait; et la fin étant obtenue, l'usage des moyens cessait.

6, 10, 1160. Avec cette nouvelle Doctrine, les Apôtres comprirent de grands secrets des mystères profonds que leur divin Maître opérait; mais les disciples qui étaient là ne comprirent pas autant des Oeuvres du Seigneur que les Apôtres. Judas fut celui qui prêta le moins d'attention et qui comprit le moins ou rien du tout; parce qu'il était possédé de l'avarice, il n'était attentif qu'à la trahison perfide qu'il avait tramée et il était occupé par le souci de l'exécuter en secret. Le Seigneur lui gardait aussi ce secret, parce qu'il convenait ainsi à Son équité et à la disposition de Ses jugements très sublimes. Et Il ne voulut point l'exclure de la Cène ni des autres mystères, jusqu'à ce qu'il s'exclût lui-même par sa mauvaise volonté; mais le divin Maître le traita toujours comme Son Disciple, Son Apôtre et Son Ministre et Il lui garda son honneur. Enseignant par cet exemple aux enfants de l'Église, quelle vénération ils doivent avoir pour ses ministres et ses prêtres, combien ils doivent être zélés pour leur honneur, sans publier les péchés et les faiblesses qu'ils voient en eux comme en des hommes de nature fragile. Aucun ne sera pire que Judas, et nous devons le croire. Aucun non plus ne sera comme Notre-Seigneur Jésus-Christ ni n'aura tant d'autorité ni de Puissance; la Foi l'enseigne. Puis il ne sera pas raisonnable que si tous les hommes sont infiniment moins que Notre-Seigneur, ils fassent avec leurs ministres, meilleurs que Judas quoiqu'ils soient méchants, ce que le même Seigneur ne fit point avec ce très méchant Disciple et Apôtre; et pour cela il n'importe pas qu'ils soient prélats, car Notre-Seigneur Jésus-Christ L'était aussi et Il souffrit Judas et Il lui garda son honneur.

6, 10, 1161. Notre Rédempteur fit en cette occasion un cantique mystérieux à la louange du Père Éternel de ce que les figures de l'ancienne Loi (Ex. 12: 3 etc.) s'étaient accomplies en Lui-même et de l'exaltation de Son saint Nom qui en redondait; et prosterné en terre, S'humiliant selon Son Humanité très sainte, Il confessa, adora et loua la Divinité comme infiniment supérieure, et parlant avec le Père Éternel, Il fit intérieurement une très sublime oraison et une exclamation très fervente disant:

6, 10, 1162. «Mon Père Éternel et Dieu immense, Votre divine et éternelle Volonté détermina de créer Mon Humanité véritable et qu'en Elle je fusse Chef (Rom. 8: 29) de tous les prédestinés pour Votre gloire et leur interminable félicité, et que par le moyen de Mes Oeuvres ils se disposassent pour obtenir leur véritable Béatitude. Pour cette fin et pour racheter les enfants d'Adam de leur chute, j'ai vécu avec eux pendant trente-trois ans. Déjà, Mon Seigneur et Mon Père, l'heure opportune et acceptable de Votre Volonté éternelle est arrivée; afin que Votre saint Nom Se manifeste aux hommes, et qu'Il soit connu et exalté de toutes les nations par la connaissance de la sainte Foi qui manifeste à tous Votre Divinité incompréhensible. Il est temps que le Livre fermé (Apoc. 5: 7) des sept sceaux, que Votre Sagesse Me consigna soit ouvert et qu'il soit donné une heureuse fin aux anciennes figures (Héb. 10: 1) et aux sacrifices d'animaux qui ont signifié Celui que Je veux Vous offrir Moi-même volontairement pour Mes frères les enfants d'Adam, membres de ce Corps dont Je suis Chef et les brebis de Votre troupeau que Je Vous prie maintenant de regarder avec des yeux de Miséricorde. Et si les anciens sacrifices et les figures que J'accomplis véritablement, apaisaient Votre courroux, par ce qu'elles signifiaient, il est juste, Mon Père, qu'ils aient une fin, puisque Je M'offre (Eph. 5: 2) en Sacrifice, avec une Volonté prête à mourir pour les hommes sur la Croix, et Je Me sacrifie comme holocauste dans le feu de Mon propre Amour. Or donc, Seigneur, tempérez désormais la rigueur de Votre Justice et regardez le genre humain avec les yeux de Votre clémence. Donnons une Loi salutaire aux mortels avec laquelle s'ouvrent les portes du Ciel fermées jusqu'à présent par leur désobéissance. Qu'ils trouvent désormais un chemin assuré et une porte ouverte pour entrer avec Moi à la vue de Votre Divinité, s'ils veulent M'imiter et suivre Ma Loi et Mes traces.»

6, 10, 1163. Le Père Éternel accepta cette oraison de Notre Sauveur Jésus-Christ, et ensuite Il dépêcha des hauteurs d'innombrables escadrons d'Anges Ses courtisans, afin qu'ils assistassent dans le Cénacle aux Oeuvres merveilleuses que le Verbe fait chair devait y opérer. Pendant que tout cela se passait dans le Cénacle, la Très Sainte Marie dans sa retraite était élevé en une très sublime contemplation, où Elle regardait le tout avec la même clarté et la même vision que si Elle eût été présente, et Elle coopérait et correspondait à toutes les Oeuvres de son Fils notre Sauveur, dans la forme que son admirable Sagesse lui dictait comme
Coadjutrice de toutes ces mêmes Oeuvres. Elle faisait des actes héroïques et Divins de toutes les vertus avec lesquelles Elle devait correspondre à celles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, parce qu'elles résonnaient dans le Coeur très chaste de la Mère, où elles se répétaient avec un mystérieux et Divin écho, la Très Douce Dame répliquant les mêmes oraisons et les mêmes prières à sa manière. En outre Elle faisait de nouveaux cantiques et d'admirables louanges pour ce que l'Humanité très sainte dans la Personne du Verbe opérait en complément de la Volonté divine, et en correspondance et en accomplissement des figures antiques de la Loi écrite.

6, 10, 1164. Ce serait une grande merveille, digne de toute admiration pour nous, comme ce fut pour les Anges et ce sera pour tous dans le Ciel, si nous connaissions maintenant cette Divine harmonie des vertus et des oeuvres qui étaient ordonnées en choeur dans l'Âme de notre grande Reine, sans se confondre ni s'empêcher les unes les autres, lorsque toutes et chacune opéraient dans cette occasion avec une plus grande force. Elle était remplie des intelligences que j'ai dites, et Elle connaissait en même temps comment les cérémonies et les figures légales s'accomplissaient et s'évacuaient dans son Très Saint Fils, substituant la nouvelle Loi et les Sacrements plus nobles et plus efficaces. Elle regardait le fruit si abondant de la Rédemption dans les prédestinés; la ruine des réprouvés; l'exaltation du Nom du même Dieu et de la Très Sainte Humanité de son Fils Jésus; la connaissance et la Foi Universelle de la Divinité qui se préparait pour le monde; que le Ciel fermé pendant tant de siècles s'ouvrirait, afin que dès lors les enfants d'Adam y entrassent par l'état et le progrès de la nouvelle Église Évangélique et de tous ses mystères; et que son Très Saint Fils était l'admiration de tous les courtisans du Ciel. Elle bénissait le Père Éternel et Elle Lui rendait de singulières actions de grâces pour ces Oeuvres magnifiques, sans omettre un iota, et en tout la divine Dame se réjouissait et se consolait avec une admirable jubilation.

6, 10, 1165. Mais joint à cela Elle regardait que toutes ces Oeuvres ineffables devaient coûter à son propre Fils les douleurs, les ignominies, les affronts et les tourments de Sa Passion et àla fin la Mort de la Croix si dure et si amère et qu'Il devait souffrir le tout dans l'Humanité qu'Il avait reçue d'Elle et qu'un si grand nombre des enfants d'Adam pour qui Il les souffrait, Lui seraient
ingrats et perdraient le Fruit abondant de Sa Rédemption. Cette science pleine d'amertume douloureuse remplissait le Coeur très candide de la pieuse Mère. Mais comme Elle était une Étampe vivante et proportionnée de son Très Saint Fils, tous ces mouvements et ces opérations tombaient en un même temps dans son Coeur magnanime et spacieux. Et Elle ne se troubla point ni ne s'altéra pour cela, ni Elle ne manqua à la consolation et àl'instruction des saintes femmes qui l'assistaient, mais sans perdre la hauteur des intelligences qu'Elle recevait, Elle descendait à l'extérieur pour les instruire et les conforter par des conseils salutaires et des paroles de Vie Éternelle. O Maîtresse admirable! Exemplaire plus qu'humain que nous avons àimiter! Il est vrai que nos peines et nos douleurs à côté de celles-là ne sont qu'apparentes et presque rien du tout, puisqu'Elle souffrit seule plus que tous les enfants d'Adam ensemble. Néanmoins nous ne savons pas souffrir avec patience la moindre adversité qui nous arrive ni pour l'imiter et l'aimer, ni pour notre propre bien éternel. Nous nous en troublons, nous nous altérons et nous leur faisons mauvais visage; nous lâchons les rênes aux passions, nous résistons avec colère, nous nous impatientons avec tristesse; nous abandonnons la raison comme indociles, et tous les mouvements mauvais se déconcertent et sont prompts à se précipiter. Aussi le prospère nous délecte et nous détruit; on ne peut se fier en rien à notre nature infecte et souillée. Souvenons-nous de notre divine Maîtresse dans ces occasions pour réparer nos désordres.

6, 10, 1166. La Cène légale étant achevée et les Apôtres bien informés, Notre-Seigneur Jésus-Christ Se leva, comme dit saint Jean, pour leur laver (Jean 13: 4) les pieds. Et d'abord Il fit une autre oraison au Père Se prosternant en Sa Présence, de la manière qu'Il l'avait faite dans la Cène, comme je l'ai déjà dit. Cette oraison ne fut pas vocale, mais Il parla mentalement, et dit: «Mon Père Éternel, Créateur de tout l'Univers, Je suis Votre Image (Héb. 1: 3), engendré de Votre Entendement et la Figure de Votre Substance; et M'étant offert selon la disposition de Votre Sainte Volonté à racheter le monde par Ma Passion et Ma Mort, je veux, Seigneur pour Votre bon plaisir entrer dans ces sacrements et ces mystères par le moyen de Mon humiliation jusqu'à la poussière, afin que l'orgueil altier de Lucifer soit confondu par Mon humilité, Moi qui suis Votre Fils Unique. Pour laisser l'exemple de cette vertu à Mes Apôtres et à Mon Église, qui se doit fonder dans ce sûr fondement de l'humilité, Je Veux Mon Père, laver les pieds de Mes Disciples, jusqu'à ceux de Judas le moindre de tous, à cause de sa méchanceté qu'il a tramée; et Me prosternant devant lui avec une humilité profonde et véritable, Je lui offrirai
Mon humilité et son remède, je ne refuserai point Ma Miséricorde ni le pardon de sa trahison, au plus grand ennemi que j'aie entre les mortels, afin que, s'il ne l'accepte point, le Ciel et la terre connaissent que Je lui ai ouvert les bras de Ma clémence, et qu'il la méprisa avec une volonté obstiné.»

6, 10, 1167. Notre Sauveur fit cette oraison pour laver les pieds des Disciples. Et il n'y a point de termes, ni de similitudes adéquates en toutes les créatures pour déclarer quelque chose de l'impétuosité avec laquelle son divin Amour disposait et exécutait ces Oeuvres, parce que l'activité du feu est lente, le courant de la mer est pesant, ainsi que le mouvement de la pierre vers son centre, et tous ceux que nous voudrions imaginer qu'ont les éléments au dedans et au dehors de leur sphère. Mais nous ne pouvons ignorer que seuls Son Amour et Sa Sagesse purent inventer un tel genre d'humilité, que le suprême de la Divinité et de l'Humanité s'humiliât jusqu'au plus infime de l'homme, qui son les pieds, et ceux du pire des mortels qui fut Judas, et qu'Il posât Sa bouche sur les plus immonde et le plus contemptible, Lui qui était la Parole du Père Éternel, le Saint des Saints, et la Bonté même, par Essence, le Seigneur des seigneurs, le Roi des rois, et Il Se prosterna devant le pire des hommes, pour le justifier s'il eût compris et reçu ce Bienfait, jamais suffisamment pondéré ni exalté.

6, 10, 1168. Notre divin Maître Se leva de l'oraison qu'Il avait faite avec un air serein et affable, très beau, et Sa Majesté debout commande à Ses Disciples de s'asseoir en ordre, comme s'ils eussent été eux les grands, et Sa Majesté leur serviteur. Aussitôt Il ôta son manteau qu'Il portait sur Sa tunique sans couture, et celle-ci Lui arrivait aux pieds, quoiqu'elle ne les couvrît pas. Et dans cette occasion Il avait des sandales, car quelque fois Il les quittait pour aller déchaussé dans la prédication et d'autres fois Il en usait, depuis que Sa Très Sainte Mère les Lui avaient mises en Égypte, et elles avaient été en croissant avec l'âge, dans Ses beaux pas de même que croissaient les pieds, et je l'ai déjà dit en son lieu [c]. Dépouillé du manteau que l'Évangéliste désigne en disant les vêtements, Il prit une longue serviette (Jean 13: 4) et avec une partie Il se ceignit le corps, laissant l'autre extrémité pendante. Ensuite Il versa l'eau dans un bassin pour laver (Jean 13: 5) les pieds des Apôtres, qui avec admiration étaient attentifs à tout ce que leur divin Maître exécutait.

6, 10, 1169. Il S'approcha du chef des Apôtres, saint Pierre, pour le laver; et quand le fervent Apôtre vit prosterné àses pieds le même Seigneur qu'il avait connu et confessé pour Fils du Dieu Vivant, renouvelant cette Foi dans son intérieur avec la nouvelle Lumière qui l'illustrait, et connaissant avec une humilité profonde sa propre bassesse, rempli de trouble et d'admiration il dit: «Vous, Seigneur, me laver les pieds à moi (Jean 13: 6)?» Le Christ notre Bien répondit avec une douceur incomparable: «Tu ignores maintenant ce que Je fais, mais ensuite tu le comprendras (Jean 13: 7).» Ce fut comme s'Il lui eût dit: "Obéis à Ma Volonté et à Mon Jugement et ne fais pas passer ton jugement avant le Mien, car tu pervertirais l'ordre des vertus et tu les diviserais. Tu dois d'abord captiver ton entendement et croire que ce que Je fais, est convenable, et après avoir cru et obéi, tu comprendras les mystères cachés de Mes Oeuvres, dans l'intelligence desquels tu dois entrer par la porte de l'obéissance; et sans celle-ci, l'intelligence ne peut être véritablement humble, mais présomptueuse. Ton humilité non plus ne peut passer avant la Mienne; Moi je Me suis humilié (Phil. 2: Cool jusqu'à la mort, tu ne suis pas Ma Doctrine; et sous couleur de t'humilier tu es désobéissant, et pervertissant l'ordre tu te prives de l'humilité et de l'obéissance, suivant la présomption de ton propre jugement."

6, 10, 1170. Saint Pierre ne comprit point cette Doctrine renfermée dans la première réponse de son Seigneur et son Maître; parce que quoiqu'il fut à son École, il n'était point arrivé à expérimenter les effets Divins de ce lavement et de ce contact; et embarrassé par l'affection indiscrète de son humilité, il répliqua au Seigneur et Lui dit: «Je ne consentirai jamais, Seigneur, que Vous me laviez les pieds (Jean 13: Cool.» L'Auteur de la Vie lui répondit avec plus de sévérité: «Si Je ne te lave, tu n'auras point de part avec Moi.» Par cette réponse et cette menace le Seigneur laissa la sécurité de l'obéissance canonisée; parce qu'au jugement des hommes il semble que saint Pierre avait quelque excuse en résistant à une Oeuvre si inouïe et que la capacité humaine eût tenue pour très audacieuse, qu'un homme terrestre et pêcher eût prosterné à ses pieds Dieu Lui-même qu'il connaissait et qu'il adorait. Mais cette excuse ne lui fut pas admise, parce que son divin Maître ne pouvait errer en ce qu'Il faisait et lorsque cette erreur n'est pas reconnue avec évidence en celui qui commande, l'obéissance doit être aveugle et ne point chercher d'autre raison pour y résister. Dans ce mystère notre Sauveur voulait
réparer la désobéissance de nos premiers parents Adam et Eve, par où le péché était entré dans le monde (Rom. 5: 19), et par la ressemblance et la participation que la désobéissance de saint Pierre avait avec elle, notre Seigneur Jésus-Christ le menaça d'un autre châtiment semblable, disant que s'il n'obéissait point il n'aurait point de part en Lui; ce qui eût été l'exclure de Ses mérites et du Fruit de la Rédemption, par laquelle nous sommes capables et dignes de Son Amitié et de la participation de la gloire. Il le menaça aussi de lui refuser la participation de Son Corps et de Son Sang qu'Il devait Sacramenter aussitôt dans les espèces du Pain et du Vin, où quoiqu'Il désirât très ardemment Se communiquer de cette mystérieuse manière et qu'Il voulut Se donner, non par parties mais tout en entier; cependant la désobéissance eût pu priver l'Apôtre de cet amoureux Bienfait s'il y eût persévéré.

6, 10, 1171. Avec la menace de Jésus-Christ notre Bien, saint Pierre demeura si châtié et si enseigné, qu'il répondit aussitôt avec une excellente soumission: «Seigneur, je vous donne non seulement les pieds (Jean 13: 9), mais les mains et la tête,» afin que Vous me laviez tout entier. Et c'était comme s'il eut dit: "J'offre mes pieds pour courir à l'obéissance, et mes mains pour l'exécuter, et ma tête pour ne point suivre mon propre jugement contre elle." Le Seigneur reçut cette soumission de saint Pierre et lui dit: «Vous autres vous êtes pur (Jean 13: 1#0), quoique non pas tous, [parce qu'il y avait parmi eux le très immonde Judas] et celui qui est pur n'a plus qu'à se laver les pieds.» Notre-Seigneur Jésus-Christ dit cela, parce que les Disciples, excepté Judas, étaient, par Sa Doctrine, justifiés et purs de péché; et ils n'avaient besoin que de laver les imperfections et les péchés légers ou véniels pour s'approcher de la Communion avec une plus grande décence et une plus grande disposition, comme il est requis pour recevoir ses effets Divins et obtenir une grâce plus abondante et avec une plus grande plénitude et une plus grande efficacité; car pour cela les péchés véniels, les distractions et les tiédeurs en la recevant empêchent beaucoup. Saint Pierre donc fut lavé et les autres obéirent pleins de crainte et de larmes; parce que tous recevaient par ce lavement une nouvelle Lumière et de nouveaux Dons de la grâce.

6, 10, 1172. Le divin Maître passa à laver Judas, dont la trahison et la perfidie ne purent éteindre la Charité de Jésus-Christ, ni L'empêcher de faire avec lui de plus grandes démonstrations qu'avec les autres Apôtres. Et sans que Sa Majesté leur manifestât d'autres signes, il les déclara à Judas en deux choses. L'une dans l'air agréable et la caresse extérieure avec lesquels il Se mit à ses pieds,
les lui lava, les baisa et les approcha de son Coeur. L'autre dans les grandes inspirations avec lesquelles il toucha son intérieur, conformément au mal et à la nécessité qu'avait cette conscience dépravée; parce que ces secours furent plus grands en eux-même avec Judas qu'avec aucun autre des Apôtres. Mais comme sa disposition était très mauvaise, les habitudes vicieuses très intenses, son obstination endurcie avec beaucoup de détermination, l'entendement et les puissances troublées et débilitées et de tout point il s'était éloigné de Dieu, et livré au démon qu'il avait dans le coeur comme sur le trône et le siège de sa méchanceté; avec cela il résista à toutes les faveurs et les inspirations qu'il reçut dans le lavement des pieds. La crainte qu'il eut des scribes et des Pharisiens se joignit à cela, car il ne voulait point manquer au contrat fait avec eux. Et comme la lumière de l'entendement voulait le mouvoir en la Présence extérieure de Jésus-Christ et à la force intérieure des secours, il s'éleva dans sa conscience ténébreuse une bourrasque turbulente qui le remplit de confusion et d'amertume, l'enflamma de colère et de désespoir et le sépara de son Maître et son Médecin qui voulait lui appliquer le remède salutaire, et il le changea en un venin mortel et un fiel très amer de la méchanceté qui l'avait rempli et possédé.

6, 10, 1173. Cette méchanceté de Judas résista à la vertu et au contact de ces Divines mains dans lesquelles le Père Éternel avait déposé tous les Trésors (Jean 13: 3), la vertu de faire des merveilles, et d'enrichir toutes les créatures. Et quand même l'opiniâtreté de Judas n'eût pas reçu d'autres secours, mais seulement les ordinaires que la Présence et la vue de l'Auteur de la Vie opérait dans les âmes; et les effets que Sa Très Sainte Personne pouvait naturellement causer, la malice de ce malheureux Disciple eût été au-dessus de toute pondération. La Personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ était quant au Corps très parfaite et très agréable; Il avait l'air grave et serein, une beauté affable et très douce; la chevelure à la nazaréenne uniforme, tirant sur le doré et le châtain, les yeux grands ayant une grâce et une majesté souveraines; la bouche, le nez et toutes les parties du Visage extrêmement bien proportionnées, et Il Se montrait en tout si aimable et si agréable, qu'Il attirait à Sa vénération et à Son Amour ceux qui Le regardaient sans mauvaise intention. Outre cela Il causait par Sa vue une joie intérieure et une admirable illustration des âmes, engendrant en elles des pensées Divines et d'autres effets. Judas eut à ses pieds cette Personne si aimable et si vénérable de Jésus-Christ, avec de nouvelles démonstrations d'agrément et de plus grandes impulsions que les ordinaires. Mais tel fut sa perversité, que rien ne put incliner ni
amollir son coeur endurci; au contraire il s'irrita de la suavité du Seigneur et il ne voulut point Le regarder au Visage ni faire attention àSa Personne; parce que dès qu'il perdit la Foi et la grâce, il eut cette haine envers Sa Majesté et envers Sa Très Sainte Mère et il ne Les regardait jamais en face. La terreur que Lucifer eut de la Présence de notre Sauveur Jésus-Christ fut en quelque manière plus grande; parce que comme je l'ai dit, cet ennemi était assis dans le coeur de Judas, et ne pouvant souffrir l'humilité que le divin Maître exerçait envers les Apôtres, Lucifer prétendit sortir de Judas et du Cénacle; mais Sa Majesté par la vertu de Son bras Puissant ne consentit point qu'il s'en allât, afin que là son orgueil demeurât alors écrasé, quoiqu'il en fût ensuite précipité, plein de fureur et de soupçons que le Christ était Dieu véritable, comme je le dirai plus loin [d].

6, 10, 1174. Notre Sauveur donna fin au lavement des pieds et reprenant Son manteau Il S'assit au milieu de Ses Disciples, et Il leur fit ce grand sermon que rapporte l'Évangéliste saint Jean commençant par ces paroles (Jean 13: 12-16): «Vous savez ce que J'ai fait et opéré à votre égard? Vous M'appelez Maître et Seigneur et vous dites bien, parce que Je le suis. Puis si Moi qui suis votre Seigneur et votre Maître, Je vous ai lavé les pieds, vous devez aussi vous les laver les uns aux autres. Parce que je vous ai donné cet exemple, afin que vous fassiez comme Je viens de faire. Puisque le disciple ne doit pas être plus que le Maître, ni le serviteur plus que le Seigneur, ni l'Apôtre ne doit pas être plus grand que Celui qui l'envoie.» Et Sa Majesté poursuivit, prévenant les Apôtres de grands mystères, et leur enseignant une Doctrine que je ne m'arrête pas à répéter, m'en remettant aux Évangélistes. Ce Sermon illustra de nouveau les Apôtres sur les Mystères de la Très Sainte Trinité et de l'Incarnation, les prévint avec une nouvelle grâce pour celui de l'Eucharistie et les confirma dans la connaissance qu'ils avaient reçue de la hauteur et de la profondeur de Sa prédication et de Ses miracles. Saint Pierre et saint Jean furent plus illustrés que les autres; parce que chacun reçut une Science plus ou moins grande, selon la disposition et la Volonté divine. Ce que saint Jean rapporte des interrogations qu'il fit à l'instance de saint Pierre, à Notre-Seigneur Jésus-Christ à savoir qui serait le traître qui devait Le vendre, selon que Sa Majesté même le donna à entendre, arriva pendant la Cène, où saint Jean était incliné (Jean 13: 23) sur le sein de son divin Maître. Et saint Pierre désira le savoir, pour Le venger ou l'empêcher avec les ferveurs qui brûlaient dans son coeur et il avait coutume de sa manifester au-dessus de tous dans l'amour du Christ. Mais saint Jean ne le lui déclara point, quoiqu'il le connût par le signe de
la bouchée que Sa Majesté donna à Judas, en quoi Jésus dit à l'Évangéliste qu'il le connaîtrait et il le connut (Jean 13: 26) pour lui seul et il le garda dans le secret de son coeur, exerçant la Charité qui lui avait été communiquée et enseignée à l'École de son divin Maître.

6, 10, 1175. Dans cette faveur et plusieurs autres, saint Jean fut privilégié lorsqu'il était incliné sur le Coeur de notre Sauveur Jésus; parce qu'il y connut des mystères très sublimes de Sa Divinité et de Son Humanité et de la Reine du Ciel Sa Très Sainte Mère. Dans cette occasion Il la lui recommanda afin qu'il prît soin d'Elle; parce que sur la Croix Il ne dit point: Elle sera ta Mère, ni lui sera ton Fils (Jean 19: 27), mais "Voila ta Mère", parce qu'Il ne le déterminait pas alors; Il ne faisait que déterminer en public ce qu'Il lui avait recommandé et ordonné auparavant. La Très Pure Marie avait une connaissance et une vision très claires de tous ces sacrements qui s'opéraient dans le lavement des pieds ainsi que les paroles et le Sermon du divin Maître, comme je l'ai dit d'autres fois, Elle fit des cantiques de louanges et de gloire au Très-Haut pour tous ces mystères. Et lorsqu'en suite les merveilles du Seigneur s'opéraient, Elle les regardait, non comme connaissant ce qu'Elle ignorait; mais comme voyant exécuter et opérer ce qu'Elle savait auparavant et ce qui était écrit dans son Coeur, comme l'était la Loi (Deut. 5: 22) sur les tables de Moïse. Et Elle éclairait ses saintes disciples qu'Elle avait avec Elle sur tout ce dont il convenait de les informer; et Elle réservait ce qu'elles n'étaient pas capables de comprendre.


DOCTRINE QUE ME DONNA LA GRANDE DAME DU MONDE
LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 10, 1176. Ma fille, je veux que tu sois extrêmement soigneuse pour imiter les trois vertus principales de mon Fils et mon Seigneur dont tu as parlé dans ce chapitre, puisque tu es Son épouse et ma disciple très chère. Ces vertus sont la Charité, l'humilité et l'obéissance dans lesquelles Sa Majesté voulut Se signaler davantage à la fin de Sa Très Sainte Vie. Il est certain que tant qu'Il vécut Il manifesta l'Amour qu'Il avait pour les hommes, puisque par eux et pour eux Il fit tant d'Oeuvres si admirables depuis l'instant qu'Il fut conçu dans mon sein par l'Esprit-Saint. Mais à la fin de Sa Vie, lorsqu'Il disposa la Loi Évangélique et le Nouveau Testament, la flamme de l'incendie de Charité et de feu d'Amour qui brûlait dans Son Coeur sortit avec plus de force. En cette occasion la Charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ opéra avec toute son efficacité envers les enfants d'Adam, parce que de Son côté concoururent les douleurs de la Mort (Ps. 114: 3) qui L'entouraient, et du côté des hommes, l'aversion pour la souffrance et pour recevoir le Bien, l'ingratitude et la perversité souveraines, traitant d'ôter l'honneur et la vie àCelui qui leur donnait la même vie et qui leur préparait le Salut Éternel. Son Amour qui ne pouvait s'éteindre (Cant. 8: 7) s'accrut par cette contradiction; et ainsi Il fut plus ingénieux pour Se conserver dans Ses propres Oeuvres, Il disposa comment Il pourrait demeurer parmi les hommes ayant à S'éloigner d'eux et Il leur enseigna par l'exemple, la Doctrine et les Oeuvres, les moyens certains et efficaces pour participer aux effets de Son divin Amour.

6, 10, 1177. Je veux que tu sois très sage et très industrieuse dans cet art d'aimer ton prochain pour Dieu. Et tu feras cela si les injures et les peines mêmes qu'ils te donneront réveillent en toi la force de la Charité; sachant qu'alors elle est sûre et sans soupçons, lorsque du côté de la créature l'on est obligé ni par les bienfaits ni par les flatteries. Parce que lorsque tu aimes celui qui te fait du bien, quoique ce soit ton devoir, tu ne sais pas, si tu n'y prends pas garde, si tu l'aimes pour Dieu, ou pour l'utilité que tu reçois, ce qui serait aimer l'intérêt ou toi-même plus que ton prochain pour Dieu; et celui qui aime pour d'autres fins ou pour des
motifs de flatterie, celui-là ne connaît pas l'amour de la Charité; parce qu'il est possédé de l'aveugle amour propre de son plaisir. Mais si tu aimes celui qui ne t'oblige pas par ces moyens, tu auras alors pour motif et objet principal le Seigneur même que tu aimes en Sa créature quelle qu'elle soit. Et parce que tu ne peux exercer la Charité corporelle autant que la spirituelle, quoique tu doives embrasser les deux selon tes forces et les occasions que tu auras, néanmoins dans la Charité et les bienfaits spirituels tu dois opérer toujours en t'étendant à de grandes choses, comme le Seigneur le veut, par des oraisons, des prières, des exercices, et aussi de saintes et prudentes exhortations, procurant par ces moyens le salut spirituel des âmes. Souviens-toi que mon Fils et mon Seigneur ne fit à personne aucun Bienfait temporel sans lui en faire un spirituel; et c'eût été une moindre perfection de Ses divines Oeuvres de ne point les accomplir avec cette plénitude. Tu entendras par là que les bienfaits de l'âme doivent être préférés à ceux du corps, et tu dois demander toujours ces bienfaits de l'âme avec l'attention et la condition de les mettre en premier lieu, quoique les hommes terrestres demandent d'ordinaire à l'aveugle les biens temporels, oubliant les éternels et ceux qui touchent la véritable amitié et la grâce du Très-Haut.

6, 10, 1178. Les vertus d'humilité et d'obéissance demeurèrent exaltées, en mon Très Saint Fils avec ce qu'Il fit, enseignant Ses Disciples et leur lavant les pieds. Et si avec la Lumière intérieure que tu as de ce rare exemple tu ne t'humilies pas plus que la poussière, ton coeur sera très dur et très indocile à la Science du Seigneur. Demeure donc bien avertie dès maintenant de ne dire jamais ni de t'imaginer t'être humiliée dignement, lors même que tu serais méprisée et que tu te trouverais aux pieds de toutes les créatures, quelque pécheurs qu'ils soient; puisqu'aucun ne sera pire que Judas, et tu ne peux être comme ton Maître et Seigneur. Néanmoins si tu mérites qu'Il te favorise et qu'Il t'honore de cette vertu de l'humilité, ce sera en te donnant un genre de perfection et de proportion avec lesquelles tu seras digne du titre de Son épouse et de participer de quelque sorte d'égalité avec Lui-même. Sans cette humilité aucune âme ne peut être élevée à une telle excellence et à une telle participation; parce que ce qui est haut doit auparavant s'abaisser (Matt. 23: 12), et l'humilité est ce qui peut et doit être élevée, et toujours l'âme est élevée en correspondance de ce qu'elle s'humilie et s'anéantit.

6, 10, 1179. Afin de ne point perdre ce joyau de l'humilité pendant que tu crois le conserver, je t'avertis que cet exercice ne doit pas être mis avant l'obéissance, et l'on ne doit pas se régler alors par son propre dictamen mais par le supérieur; parce que si tu fais passer ton jugement avant le jugement de celui qui te gouverne, quoique tu le fasses sous couleur de t'humilier tu viendras à être orgueilleuse; puisque non seulement tu ne te mets pas à la dernière place, mais tu t'élèves même au-dessus du jugement de celui qui est ton supérieur. De là tu demeureras avertie de l'erreur dont tu peux souffrir, en t'humiliant comme saint Pierre, mais en n'acceptant point les faveurs et les Bienfaits du Seigneur, avec quoi tu te prives non seulement des Dons et des Trésors auxquels tu résistes, mais de l'humilité qui est le plus grand et auquel tu prétends, de la reconnaissance que tu dois au Seigneur pour les hautes fins qu'il a toujours dans Ses Oeuvres et de l'exaltation de Son Nom. Tout cela est une semence de l'orgueil de Lucifer, dissimulée par une humilité apparente, avec quoi il prétend te rendre incapable de la participation du Seigneur, de Ses Dons et de Son Amitié, que tu désires tant. Que ce soit donc une loi inviolable, que tes confesseurs et tes supérieurs t'approuvant les Bienfaits et les faveurs du Seigneur, tu les croies, les admettes, les estimes et que tu en sois reconnaissante avec une digne révérence et que tu n'ailles point vacillant avec de nouveaux doutes et de nouvelles craintes, mais opère avec ferveur, et tu seras humble, obéissante et douce.

NOTES EXPLICATIVES

Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.

6, 10, [a]. La Vénérable affirme en cet endroit et plus loin trois choses principalement de la Très Sainte Vierge: Premièrement, qu'Elle était avec Jésus-Christ dans le Cénacle. Deuxièmement: Qu'Elle reçut la Communion. Troisièmement: Par le ministère d'un Ange.
Voici à ce sujet ce qu'observe le Père Séraphin, Passioniste: «Selon saint Épiphane [Par. 72] et saint Bernardin de Sienne [de lam. Virg.], la Très Sainte Marie ayant dû suivre partout le Rédempteur durant Sa prédication, Lui étant associée dans l'Oeuvre du rachat des hommes, il en découle par une conséquence
naturelle qu'Elle L'ait suivi aussi dans le Cénacle où devait avoir lieu le Mystère le plus auguste de la Rédemption, duquel il n'aurait été ni juste ni convenable que la Mère de Dieu et Mère de toute l'Église eût été exclue. Métaphraste et plusieurs autres tiennent qu'Elle y assista. D'ailleurs selon la Loi, l'Agneau pascal devant être mangé par tous, divisés en familles, il est clair qu'avec Jésus-Christ devait le manger Sa Mère qui était la "Mère de famille".
6, 10, [b]. Elle dut aussi avoir part dans la sainte Communion, parce que l'Eucharistie fut instituée principalement pour Elle. En effet, selon le raisonnement de Silveira [Liv. V, c. 35, q. 19, n. 138] et de Novat [De Emin. Virg., tome III, c. 17, p. 20], Jésus-Christ a institué l'Eucharistie pour l'amour excessif qu'Il portait aux hommes, comme dit saint Jean l'Évangéliste et comme le confirme le Concile de Trente [Sess. 12, c. 12]. Or, Jésus-Christ a aimé Marie plus que toutes les autres créatures, comme disent saint Pierre-Damien, saint Bernard, saint Amédée, saint Bernardin de Sienne et autres; et plus que l'Église même, comme le prouve Suarez [III Par., t. II, disp. 18, sec. 4]. Ainsi ce fut principalement pour son amour qu'il institua l'Eucharistie. En outre la Très Sainte Marie est l'Aînée de Dieu "dans l'ordre de la création" dont, avec Jésus-Christ, Elle fut la cause finale selon cette parole de l'Ecclésiastique que l'Église lui applique: «Je suis sortie de la bouche du Très-Haut, engendrée la première avant toute créature [Eccli. 24: 5].» Elle est l'Aînée du Seigneur "dans l'ordre de l'Incarnation"; et l'Auteur des sermons sur le "Salve Regina", insérés dans les oeuvres de saint Bernard, a pu dire avec toute vérité que ce fut pour Marie que le Verbe Se fit chair [Serm. 3 in Salve]. Marie est la Première-née du Seigneur dans "l'ordre de la Rédemption", non seulement parce qu'Elle fut rachetée d'une manière toute spéciale par une rédemption "préservatrice" qui ne convenait qu'à Elle; mais aussi comme saint Bernardin de Sienne le dit très bien [De Nativ. B. M. V., a t., cap. IV], parce que le Fils de Dieu est venu au monde principalement pour racheter Sa Mère. «Il vint au monde plus pour la racheter que pour racheter toutes les autres créatures.» Enfin Marie est la Première-née du Seigneur dans l'ordre "de la gloire" et pour cela l'Église chante d'Elle: «La Sainte Mère de Dieu est élevée au-dessus des choeurs des Anges dans le royaume des Cieux.»
Maintenant l'Eucharistie étant une espèce de création toute nouvelle, étant aussi l'extension de l'Incarnation, le mémorial de la Rédemption et le gage de la gloire éternelle, à sa Mère qui eu la première part à ces Mystères, Jésus-Christ doit
avoir donné aussi la préférence quant au Mystère de la Très Sainte Eucharistie, la faisant aussi participer à la Communion préférablement à tout autre. Cornelius A. Lapide l'affirme aussi [in Eccli. 24: 29], écrivant: «Jésus-Christ laissa Sa chair dans l'Eucharistie, la Bienheureuse Vierge le souhaitant»: et déjà dans le second siècle saint Irénée avait écrit [L. 3, c. 18]: «La Mère de Dieu était conduite par la ferveur à boire le calice du Sang de Jésus-Christ.» Et c'était la veille de la Passion dans laquelle Marie devait souffrir plus que tous; or comment Jésus-Christ pouvait-Il ne point lui donner le confort de la Très Sainte Communion, qu'il donna à tous les autres? Comment Jésus-Christ le plus affectueux et le plus saint de tous les fils aurait-Il pu laisser en oubli Sa Très Sainte Mère dans un moment si solennel?

6, 10, [c]. Livre 4, No. 691.
6, 10, [d]. Livre 6, Nos. 1189, 1190.
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Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée - Page 6 Empty Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée

Message par sga Ven 26 Juil 2019 - 15:59

CHAPITRE 11


Notre Sauveur Jésus-Christ célébra la Cène sacramentelle, consacrant dans l'Eucharistie Son Corps et Son Sang véritables et Sacrés; les oraisons et les demandes qu'Il fit; Sa Très Sainte Mère communia, et d'autres mystères qui arrivèrent dans cette occasion.


6, 11, 1180. J'arrive timidement à traiter de ce Mystère des mystères, de l'ineffable Eucharistie, et de ce qui arriva dans son institution; parce que levant les yeux de l'âme pour recevoir la Lumière divine qui me conduit et me gouverne dans cette Oeuvre, avec l'intelligence que je reçois de tant de merveilles et de sacrements ensemble, je m'épouvante de ma petitesse qui se manifeste en elle-même. Mes puissances se troublent, et je ne trouve point, ni ne peux former, de
raisons adéquates pour expliquer ce que je vois et qui manifestent mon concept, quoique si inférieur à l'objet de l'entendement. Mais je parlerai comme ignorante dans les termes et comme inhabile dans les puissances, pour ne point manquer à l'obéissance et pour tisser l'Histoire, continuant ce que l'Auguste Reine du Monde, la Très Sainte Marie opérait dans ces merveilles. Si je ne parle point avec la propriété que demande la matière, que ma condition et mon admiration me disculpent; car il n'est point facile de descendre aux paroles extérieures et propres, lorsque la volonté désire suppléer au défaut de son entendement seulement par des affections et jouir seule de ce qu'elle ne peut manifester, n'étant pas non plus convenable de le faire.

6, 11, 1181. Jésus-Christ notre Bien célébra la Cène couché en terre avec les Apôtres sur une table qui ne s'élevait guère plus de six ou sept doigts de terre; parce que c'était la coutume des Juifs [a]. Le lavement des pieds étant achevé, Sa Majesté commanda de préparer une autre table comme nous en usons maintenant pour manger, terminant par cette cérémonie les cènes légales et les choses basses et figuratives, et donnant principe au nouveau festin où Il fondait la nouvelle Loi de grâce. Et là commença la Consécration sur une table ou autel élevé comme il demeure établi dans l'Église Catholique [b]. Ils couvrirent la nouvelle table d'une nappe très riche et y mirent un plat ou soucoupe, et une grande coupe en forme de calice, suffisante pour recevoir le vin nécessaire conformément à la Volonté de notre Sauveur Jésus-Christ, car Il prévenait et disposait toutes choses par Sa Sagesse et Son Pouvoir divin. Ce fut par une motion supérieure que le maître de la maison lui offrit ces vases si riches et si précieux, faits de pierre qui ressemblaient à de l'émeraude [c]. Plus tard les saints Apôtres en usèrent pour consacrer quand il leur fut possible, et lorsqu'il fut temps opportun et convenable, Jésus-Christ notre Bien s'assit à la table avec les douze Apôtres et quelques autres disciples; Il demande de Lui porter du pain sec sans levain, et Il le mit sur le plat, et du vin pur, dont Il prépara le calice avec ce qui était nécessaire.

6, 11, 1182. Le Maître de la Vie fit ensuite une très douce conférence à Ses Apôtres; et Ses Paroles divines qui étaient toujours pénétrante jusqu'à l'intime du coeur, furent dans ce discours comme des éclairs enflammés du feu de la Charité qui les embrasait dans cette douce flamme. Il leur manifesta de nouveau de très sublimes Mystères de Sa Divinité, de Son Humanité et des Oeuvres de la
Rédemption. Il leur recommanda la paix (Jean 14: 27) et l'union de la Charité et Il la laissa attachée dans ce Mystère sacré qu'Il Se disposait à opérer. Il leur promit que s'aimant les uns les autres, Son Père Éternel (Jean 17: 26) les aimerait comme Il L'aimait Lui-même. Il leur donna l'intelligence de cette promesse et du choix qu'Il avait fait d'eux pour fonder la nouvelle Église et la Loi de la grâce. Il leur renouvela la Lumière intérieure qu'ils avaient de la suprême dignité, de l'excellence et des prérogatives de Sa Très Pure Mère-Vierge. Saint Jean fut plus éclairé sur tous ces mystères, à cause de l'office auquel il était destiné. La grande Reine de sa retraite et sa Divine contemplation regardait tout ce que son Très Aimant Fils opérait dans le Cénacle; et Elle le pénétrait avec une profonde intelligence et le comprenait plus que tous les Apôtres et les Anges ensemble qui l'assistaient visiblement en figure corporelle, comme je l'ai déjà dit [d], adorant leur Roi, leur Créateur et leur Seigneur véritable. Hénoch et Élie furent transportés par les mêmes Anges, du lieu où ils étaient au Cénacle, le Seigneur disposant que ces deux Pères de la Loi naturelle et écrite se trouvassent présents à la merveille et à la fondation nouvelle de la Loi Évangélique et qu'ils participassent à ses Mystères admirables.

6, 11, 1183. Ceux que j'ai dits étant tous ensemble, attendant avec admiration ce que faisait l'Auteur de la vie, la Personne du Père Éternel et Celle de l'Esprit-Saint apparurent dans le Cénacle, comme dans le Jourdain, et sur le Thabor. Quelques-uns seulement aperçurent cette vision, quoique tous les Apôtres et les disciples en ressentirent quelque effet; spécialement l'Évangéliste saint Jean, qui eut toujours la vue pénétrante et privilégiée de l'aigle dans les divins Mystères. Tout le Ciel se transporta au Cénacle de Jérusalem. Ainsi s'établit la Loi de grâce et fut préparé notre Salut Éternel, car aussi magnifique fut l'Oeuvre par laquelle se fonda l'Église du Nouveau Testament! Pour comprendre les actions que faisait le Verbe Incarné, j'avertis que comme Il avait deux natures, la Divine et l'humaine, toutes les deux dans une Personne, qui était celle du Verbe; pour cela les actions des deux natures s'attribuent, se disent, ou se prédisent d'une même Personne, comme aussi la même s'appelle Dieu et Homme. Conformément à cela, quand je dis que le Verbe Incarné parlait à Son Père Éternel et qu'Il Le priait, on n'entend point qu'Il parlât ou qu'Il priât avec la nature Divine, en laquelle Il était égal avec le Père, mais dans la nature humaine en laquelle Il était moindre, et qui consiste comme nous, en un corps et une âme. En cette forme, le Christ notre Bien
confessa dans le Cénacle, Son Père Éternel, avec louange et magnificence pour Sa Divinité et Son Être Infini; et intercédant aussi pour le genre humain, Il pria et dit:

6, 11, 1184. «O Mon Père, Dieu Éternel, Je Vous confesse, Je Vous loue et Je Vous magnifie dans l'Être Infini de Votre Divinité incompréhensible, en laquelle Je suis une même Chose avec Vous et avec l'Esprit-Saint (Jean 10: 3), engendré "ab aeterno" de Votre Entendement (Ps. 109: 3), comme Figure de Votre Substance (Héb. 1: 3) et Image de Votre propre Nature individuée. Je veux consommer l'Oeuvre de la Rédemption des hommes que Vous m'avez recommandée dans la même nature que J'ai prise dans le sein Virginal de Ma Mère, et donner à cette Oeuvre la perfection et la plénitude souveraine de Votre bon plaisir Divin, passer de ce monde à Votre droite et Vous amener tous ceux que Vous M'avez donnés, sans qu'il s'en perde aucun (Jean 17: 12) quant à Votre Volonté et à la suffisance de leur remède. Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes (Prov. 8: 31), et en Mon absence ils demeureront seuls et orphelins se Je les laisse sans Mon assistance, ne demeurant pas avec eux. Je veux Mon Père, leur laisser des gages certains et assurés de Mon inextinguible Amour et des récompenses éternelles que je leur tiens préparées. Je veux leur laisser un mémorial indéfectible de ce que J'ai opéré et souffert pour eux. Je veux qu'ils trouvent dans Mes mérites, un remède facile et efficace au péché dont ils participèrent dans la désobéissance du premier homme, et restaurer copieusement le droit qu'ils perdirent à la Félicité Éternelle pour laquelle ils ont été créés.»

6, 11, 1185. «Et parce qu'il y en aura peu qui se conserveront dans cette justice, il est nécessaire qu'il leur reste d'autres remèdes avec quoi ils pourront la restaurer et l'accroître, recevant des Dons sublimes et des faveurs nouvelles de Votre clémence ineffable pour les justifier et les sanctifier par diverses voies et divers moyens dans l'état de leur dangereux pèlerinage. Notre Volonté Éternelle par laquelle Nous déterminâmes leur création du néant, afin qu'ils fussent et qu'ils eussent l'existence, fut de leur communiquer Notre Divinité, Nos Perfections et Notre Félicité Éternelle; et Votre Amour qui M'obligea à naître passible et à M'humilier pour eux jusqu'à la Mort de la Croix (Phil. 2: Cool, ne se contente point ni ne se satisfait S'il n'invente de nouvelles manières de Se communiquer aux hommes selon leur capacité, Notre Sagesse et Notre Pouvoir; ce qui doit être en des signes visibles et sensibles, proportionnés à la condition sensible des hommes,
et qu'ils aient des effets invisibles auquel participe leur esprit invisible et immatériel.»

6, 11, 1186. Pour ces fins très sublimes de Votre exaltation et de Votre gloire Je demande, Mon Seigneur et Mon Père, le "fiat" de Votre Volonté en Mon Nom et en celui de tous les pauvres et affligés enfants d'Adam. Et si leurs péchés provoquent Votre Justice, leur misère et leur nécessité appellent Votre Miséricorde Infinie. Et avec Elle J'interpose toutes les Oeuvres de Mon Humanité unie à Ma Divinité par un lien indissoluble; l'obéissance avec laquelle Je me suis assujetti aux hommes et à leurs jugements dépravés; la pauvreté et les travaux de Ma Vie, Mes affronts et Ma Passion, Ma Mort et l'Amour avec lequel J'ai tout reçu pour Votre gloire, afin que Vous soyez connu et adoré de toutes les créatures capables de Votre grâce et de Votre gloire. O Mon Seigneur et Mon Père, Vous M'avez fait Frère et Chef (Col. 1: 18) des hommes, et de tous les élus qui doivent jouir de Nous pour toujours; afin qu'étant Vos enfants (Rom. 8: 17) ils soient héritiers (1 Cor. 6: 15) avec Moi de Vos Biens Éternels, et qu'ils participent comme membres à l'influence de leur Chef que Je veux leur communiquer, selon l'Amour que Je leur porte comme à des frères; et Je veux, autant qu'il est de Mon côté, les attirer avec Moi à Votre Amitié et à Votre Participation en laquelle ils furent formés dans leur chef naturel le premier homme.»

6, 11, 1187. «Avec cet Amour immense Je dispose Mon Seigneur et Mon Père, que tous les mortels puissent être dès maintenant régénérés pleinement par le Sacrement du Baptême dans Votre Amitié et Votre grâce et qu'ils puissent le recevoir aussitôt qu'ils auront part à la lumière et sans leur volonté propre, d'autres la manifestant pour eux afin qu'ils renaissent dans Votre acceptation. Qu'ils soient dès lors héritiers de Votre gloire; qu'ils demeurent marqués enfants de Mon Église avec un signe intérieur qu'ils ne perdent point; qu'ils demeurent purs de la tache du péché originel; qu'ils reçoivent les Dons des vertus de Foi, d'Espérance et de Charité, avec lesquelles ils puissent opérer comme enfants; Vous connaissant, espérant et Vous aimant pour Vous-mêmes. Qu'ils reçoivent aussi les vertus avec lesquelles ils puissent retenir et gouverner leurs passions désordonnées par le péché, et qu'ils connaissent sans erreur le bien et le mal. Que ce Sacrement soit la Porte de Mon Église et Celui qui les rend capables pour les autres Sacrements, et pour les nouvelles faveurs et les nouveaux Bienfaits de Notre grâce. Je dispose
aussi qu'après ce Sacrement ils en reçoivent un autre, dans lequel ils soient corroborés et Confirmés dans la sainte Foi qu'ils ont professée et qu'ils doivent professer, et qu'ils puissent la défendre avec force en arrivant à l'usage de la raison [e]. Et parce que la fragilité humaine faillira facilement dans l'observance de Ma Loi et que Ma Charité ne souffre point de les laisser sans un remède facile et opportun; Je veux que le Sacrement de Pénitence leur serve pour cela où reconnaissant leurs fautes avec douleur et les confessant, ils se restituent à l'état de la justice et qu'ils continuent les mérites de la gloire que Je leur ai promise et que Lucifer et ses adhérents ne demeurent point triomphants de les avoir éloignés si tôt de l'état et de la sécurité dans laquelle les mit le Baptême.

6, 11, 1188. «Les hommes étant justifiés par le moyen de ces Sacrements, ils seront capables de la souveraine participation et de l'Amour qu'ils peuvent avoir avec Moi dans l'exil de leur vie mortelle, et ce doit être en Me recevant Sacramenté dans leur coeur d'une manière ineffable sous les espèces du pain et du vin; en celle du pain Je laisserai Mon Corps et en celle du vin Je laisserai Mon Sang. Je serai tout entier en chacun réellement et véritablement; car Je dispose ainsi ce Sacrement mystérieux de l'Eucharistie, parce que Je Me donne en forme d'Aliment proportionné à la condition humaine et à l'état des voyageurs pour qui J'opère ces merveilles et avec qui Je serai de cette manière jusqu'à la fin des siècles à venir (Matt. 28: 20). Et afin qu'ils aient un Sacrement qui les purifie et les défende quand les mêmes hommes arrivent au terme de la vie, Je leur ordonne le Sacrement de l'Extrême-Onction, qui sera aussi un certain gage de leur résurrection dans les mêmes corps marqués par cette Onction. Et afin que tous ces Sacrements soient dirigés à sanctifier les membres du Corps Mystique de Mon Église dans laquelle doit être gardé un concert et un ordre souverain, donnant à chacun le degré convenable à son ministère; Je veux que les Ministres de ces Sacrements soient ordonnés moyennant un autre Sacrement qui les mette dans le suprême degré de prêtres à l'égard de tous les autres fidèles, et que serve pour cela l'Ordre qui les marque, les distingue et les sanctifie avec une excellence particulière. Et quoique tous la recevront de Moi, Je veux que ce soit par le moyen d'un Chef qui soit Mon Vicaire, qui représente Ma Personne et qui soit le suprême Prêtre, dans la Volonté duquel Je dépose les Clefs du Ciel et à qui tous doivent obéir sur la terre. Pour plus de perfection de Mon Église, J'ordonne le dernier Sacrement de Mariage pour sanctifier le lien naturel qui est ordonné à la propagation humaine, et tous les degrés de l'Église demeurent ainsi riches et ornés
de Mes Mérites Infinis. Telle est. ô Père Éternel, Ma dernière Volonté, en laquelle Je fais tous les mortels héritiers de Mes Mérites, les liant dans Ma nouvelle Église où Je les laisse déposés.»

6, 11, 1189. Notre Rédempteur Jésus-Christ fit cette oraison en présence des Apôtres, mais sans démonstration extérieure. Cependant la Bienheureuse Mère qui Le regardait et L'y accompagnait de sa retraite, se prosterna en terre, et offrit comme Mère au Père Éternel les demandes de son Fils. Et quoiqu'Elle ne pût ajouter intensivement aucune chose méritoire aux Oeuvres de son Très Saint Fils, néanmoins comme Elle était Sa Coadjutrice, Elle concourut aussi à cette pétition, comme en d'autres occasions, fomentant de son côté la Miséricorde, afin que le Père Éternel ne regardât point Son Fils seul, mais toujours en compagnie de Sa Mère. Et ainsi Il Les regarda tous les Deux et Il accepta les oraisons et les demandes du Fils et de la Mère respectivement pour le salut des hommes. La Reine fit une autre chose en cette occasion; parce que son Fils la lui remit. Et pour la comprendre, il faut savoir que Lucifer fut présent au lavement des Apôtres, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent; et par ce qu'il vit faire à notre Seigneur Jésus-Christ, Sa Majesté ne lui permettant pas de sortir du Cénacle, son astuce comprit que le Seigneur disposait quelque Oeuvre grandiose au bénéfice des Apôtres; et quoique ce dragon se reconnût très débilité et sans force contre ce divin Rédempteur, toutefois avec une fureur et un orgueil implacables il voulut scruter ces Mystères afin d'intenter contre eux quelque méchanceté. La grande Dame vit ce dessein de Lucifer et que son Très Saint Fils lui remettait cette cause; alors enflammée dans l'Amour et le zèle de la gloire du Très-Haut, Elle commanda avec une Puissance de Reine, au dragon et à tous ses alliés de sortir à l'instant du Cénacle et de descendre dans l'abîme de l'enfer.

6, 11, 1190. Le Tout-Puissant donna une nouvelle vertu à la Très Sainte Marie pour cette entreprise, à cause de la rébellion de Lucifer, de sorte que ni lui ni ses démons ne purent résister; et ainsi ils furent foudroyés dans les cavernes infernales, jusqu'à ce qu'il lui fût donné une nouvelle permission d'en sortir, et de se trouver à la Passion et à la Mort de notre Rédempteur, où par elles ils devaient demeurer tout à fait vaincue et détrompés en ce que Jésus-Christ était le Messie et le Rédempteur du monde, Dieu et homme véritable. De là on comprendra comment Lucifer et les démons furent présents à la cène légale et au lavement des
pieds des Apôtres et ensuite à toute la Passion; mais qu'ils ne se trouvèrent point à l'institution de la Sainte Eucharistie, ni à la Communion qu'ils firent alors et que Notre Seigneur Jésus-Christ donna [f]. La grande Reine s'éleva ensuite à un plus sublime exercice et à une plus haute contemplation des Mystères qui se préparaient; et les saint Anges lui chantèrent comme à une vaillante et nouvelle Judith, la gloire de ce grand triomphe contre le dragon infernal. En même temps notre doux Sauveur fit un autre cantique, confessant le Père Éternel et Lui rendant grâces pour les pétitions qu'Il Lui avait concédées au bénéfice des hommes.

6, 11, 1191. Tout ce que j'ai dit ayant précédé, notre Seigneur Jésus-Christ prit dans Ses mains vénérables le pain qui était dans le plat; et demandant intérieurement permission et condescendance pour obliger le Très-Haut à ce qu'alors et ensuite dans la Sainte Église, il se rendît réellement et véritablement présent dans l'hostie en vertu des Paroles qu'Il allait prononcer comme en leur obéissant. Il leva les yeux au Ciel avec un air de si grande majesté qu'Il cause une nouvelle crainte révérencielle aux Apôtres, aux Anges et à la Vierge-Mère Elle-même. Et ensuite Il prononça la Consécration sur le pain, le laissant changé transubstantiellement en Son Corps véritable; et Il prononça la Consécration du vin sur le calice, et le changeant en Son vrai Sang. En même temps que Notre-Seigneur Jésus-Christ acheva de prononcer les Paroles, le Père Éternel répondit: «Celui-ci est Mon Fils Bien-Aimé, en qui J'ai Mes complaisances et Je les aurai jusqu'à la fin du monde; et Il sera avec les hommes, tout le temps que durera leur exil.» La Personne de l'Esprit-Saint confirma la même chose. Et la Très Sainte Humanité du Christ dans la Personne du Verbe fit une profonde révérence à la Divinité dans le Sacrement de Son Corps et de Son Sang. La Mère-Vierge se prosterna en terre de sa retraite et adora son Fils Sacramenté avec une révérence incomparable. Ensuite les Anges de sa garde L'adorèrent, et avec eux tous les Anges du Ciel firent la même chose, et après les saint esprits, Hénoch et Élie L'adorèrent en leur nom et en celui des Patriarches et des Prophètes anciens des Lois naturelle et écrite, chacun respectivement.

6, 11, 1192. Tous les Apôtres et les disciples, exceptés Judas, L'adorèrent comme Elle avec une humilité et une vénération profondes, chacun selon sa disposition, parce qu'ils avaient Foi en ce grand Mystère [g]. Ensuite notre Grand Prêtre Jésus-Christ éleva Son propre Corps et Son propre Sang consacrés, afin que
tous ceux qui assistaient à cette nouvelle Messe L'adorassent de nouveau, et ainsi tous le firent. La Très Pure Marie, saint Jean, Hénoch et Élie furent plus éclairés dans cette élévation pour connaître d'une manière spéciale que dans les espèces du pain était le Corps Sacré et dans celles du vin le Sang, et en toutes les Deux tout Jésus-Christ vivant et véritable, par l'union inséparable de Son Âme très sainte et de Son Corps et de Son Sang; et que la Divinité y était, et dans la Personne du Verbe était celle du Père et de l'Esprit-Saint; et par ces unions, ces existences et ces concomitances inséparables, les trois Personnes demeuraient dans l'Eucharistie, avec la parfaite Humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La divine Dame connut cela avec plus de hauteur, et les autres selon leurs degrés. Ils connurent aussi l'efficacité des Paroles de la Consécration, et qu'Elles avaient déjà une vertu Divine, afin qu'étant prononcées avec l'intention de Jésus-Christ par tout prêtre présent ou futur sur la due matière, la substance du pain fût changée en Son Corps et celle du vin en Son Sang, laissant les accidents sans sujet et avec une nouvelle manière de subsister sans se perdre; et cela avec une telle certitude, et si infaillible que le Ciel et la terre manqueront avant que ne manque l'efficacité de cette forme de consacrer dûment prononcée par le prêtre, Ministre de Jésus-Christ.

6, 11, 1193. Notre divine Reine connut aussi par une vision spéciale que le Corps Sacré de notre Seigneur Jésus-Christ était caché sous les accidents du pain et du vin, sans les altérer, ni être altéré par eux; parce que ni le Corps ne peut être leur sujet, ni eux ne peuvent être les formes du Corps. Ils sont avec la même étendue et les mêmes qualités avant et après, occupant le même lieu, comme on le connaît dans l'Hostie consacrée; et le Corps Sacré est d'une manière indivisible, quoiqu'Il ait tout Sa grandeur, sans qu'une partie se confonde avec l'autre; et Il est tout entier en toute l'Hostie et tout entier en chaque partie, sans que l'Hostie ne le rétrécisse ni ne Le limite, ni le Corps ne rétrécisse ni ne limite l'Hostie; parce que l'extension propre du Corps n'a point de rapport à celles des espèces accidentelles et celle des espèces ne dépend point du Très Saint Corps, et ainsi ils ont différentes manières d'existence et le Corps se pénètre avec la quantité des accidents sans qu'Il en soit empêché. Et quoique naturellement par leur étendue la tête demande un lieu et un espace différent des mains, et celles-ci de la poitrine et ainsi du reste; néanmoins par la Puissance divine le Corps Sacré Se met avec cette grandeur dans un même lieu, parce qu'alors Il n'a point d'égard à l'espace étendu qu'Il occupe naturellement et Il se dispense de tous ces rapports, parce que sans eux Il peut être Corps quantitatif. Et Il n'est pas non plus dans un seul lieu ni dans
une seule Hostie, mais en plusieurs conjointement, bien que les Hosties consacrées soient sans nombre.

6, 11, 1194. Marie entendit de même que bien que le Corps Sacré n'eût point de dépendance naturelle des accidents dans la manière que j'ai dit, néanmoins qu'Il ne Se conserverait pas Sacramenté plus que le temps que dureraient sans se corrompre les accidents du pain et du vin; parce que la Volonté très sainte du Christ, Auteur de ces merveilles, l'ordonna ainsi. Et ce fut comme une dépendance volontaire et morale de l'existence miraculeuse de Son Corps et de Son Sang sous les accidents tant qu'ils seraient incorrompus. Et lorsqu'ils se corrompent et Se détruisent par les causes naturelles qui peuvent les altérer, comme il arrive après que le Sacrement est reçu, car la chaleur de l'estomac les altère et les corrompt, ou par d'autres choses qui peuvent faire le même effet; alors Dieu crée de nouveau une autre substance dans le dernier instant dans lequel les espèces sont disposées pour recevoir la dernière transmutation; et avec cette nouvelle substance l'existence du Corps Sacré manquant déjà, se fait la nutrition du corps qui s'alimente, et la forme humaine qui est l'âme s'introduit. Cette merveille de créer une nouvelle substance qui reçoit les accidents altérés et corrompus est conséquente à la détermination de la Volonté divine, que le Corps divin ne demeurerait point avec la corruption des accidents et elle est aussi conséquente à l'ordre de la nature; parce que la substance de l'homme qui s'alimente ne peut s'accroître sinon avec une autre substance qui lui est ajoutée de nouveau, et les accidents ne peuvent se continuer dans cette substance.

6, 11, 1195. La droite du Tout-Puissant réunit dans ce Très Auguste Sacrement de l'Eucharistie tous ces miracles et d'autres; la Dame du Ciel et de la terre les comprit tous; Elle les pénétra profondément, les Apôtres, saint Jean et les Pères de la Loi ancienne qui étaient là en entendirent plusieurs à leur manière; la Très Pure Mère en connaissant ce Bienfait si grand et commun à tous, connut aussi l'ingratitude que les mortels devaient avoir pour un Mystère si ineffable, institué pour leur remède, et Elle prit dès lors pour son compte de compenser pour notre grossièreté et notre ingratitude, et d'y suppléer en rendant Elle-même des actions de grâces au Père Éternel et à son Très Saint Fils pour une si rare merveille et un si grand Bienfait en faveur du genre humain. Cette attention lui dura toute la Vie et
souvent Elle le faisait en répandant des larmes de sang de son Coeur très enflammé pour satisfaire notre oubli honteux et répréhensible.

6, 11, 1196. Ce qui arriva à Jésus-Christ même me causa une plus grande admiration, car après avoir élevé le Très Saint Sacrement afin que les Disciples l'adorassent, comme je l'ai dit, Il Le divisa de Ses mains sacrées, et Il Se communia Le premier, comme Premier et Souverain Prêtre. Et Se reconnaissant en tant qu'homme inférieur à la Divinité qu'Il recevait dans Son propre Corps et Son propre Sang consacrés, Il S'humilia, S'abaissa, et Il eut comme un tremblement dans la partie sensitive, manifestant deux choses: l'une la révérence avec laquelle on doit recevoir Son Corps Sacré; l'autre la douleur qu'Il sentait de la témérité et de l'audace avec lesquelles plusieurs des hommes s'approcheraient pour recevoir et pour toucher ce Sacrement très sublime et très éminent. Les effets que la Communion produisit dans le Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ furent admirables et Divins; parce que pendant un moment les dotes de gloire de Son Âme très sainte rejaillirent en Lui, comme sur le Thabor. Mais cette merveille fut manifeste seulement à Sa Très Sainte Mère, et saint Jean, Hénoch et Élie en connurent quelque chose. Avec cette faveur la Très Sainte Humanité Se refusa à recevoir aucun repos ni aucune joie jusqu'à la Mort dans la partie inférieure. La Vierge-Mère vit aussi avec une vision spéciale que son Très Saint Fils Jésus-Christ Se recevait Lui-même Sacramenté et qu'Il était dans Son sein Divin, Lui-même qui Se recevait. Tout cela fit des effets grandioses en notre Reine et Maîtresse.

6, 11, 1197. Notre-Seigneur Jésus-Christ fit en Se communiant un cantique de louange au Père Éternel et Il S'offrit Lui-même Sacramenté pour le salut des hommes, et ensuite Il partagea cette particule du Pain Consacré et Il La consigna à l'Archange saint Gabriel, afin qu'il la portât à la Très Sainte Marie et qu'il la communiât. Les saint Anges demeurèrent par cette faveur comme satisfaits et récompensés de ce que la dignité sacerdotale si excellente touchât les hommes et non eux. Et seulement d'avoir tenu dans leurs mains le Corps Sacramenté de leur Seigneur et Dieu véritable leur causa à tous une grande et nouvelle joie. La grande Dame notre Reine attendait avec des larmes abondantes la faveur de la Communion sacrée lorsqu'arriva saint Gabriel avec d'innombrables Anges; et Elle La reçut de la main du saint Prince la première après son Très Saint Fils, L'imitant
dans l'humiliation, la révérence et la sainte crainte. Le Très Saint Sacrement demeura déposé dans la poitrine de la Très Sainte Marie et sur son Coeur, comme Tabernacle légitime du Très-Haut. Et ce dépôt de l'ineffable Sacrement de l'Eucharistie dura tout le temps qui se passa depuis cette nuit jusqu'après la Résurrection, lorsque saint Pierre consacra et dit la première Messe, comme je le dirai plus loin [h]. Le Tout-Puissant Seigneur opéra cette merveille tant pour la consolation de l'Auguste Reine que pour accomplir d'avance par ce moyen la promesse qu'Il fit ensuite à Son Église de demeurer avec les hommes jusqu'à la fin du monde (Matt. 28: 20); parce qu'après Sa Mort Son Humanité très sainte ne pouvait être dans l'Église d'une autre manière, le temps que Son Corps et Son Sang ne seraient point consacrés [i]. Et cette Manne véritable (Héb. 9: 4) fut déposée dans la Très Pure Marie comme dans une Arche vivante, avec toute la Loi Évangélique comme auparavant les figures dans l'Arche de Moïse. Et tout le temps qui se passa jusqu'à la nouvelle Consécration, les espèces Sacramentelles ne se consumèrent ni ne s'altérèrent point dans le Coeur de cette Maîtresse, la Reine du Ciel. Elle rendit grâces au Père Éternel et à Son Très Saint Fils avec de nouveaux cantiques à l'imitation de ce qu'avait fait le Verbe divin Incarné.

6, 11, 1198. Après que la divine Princesse eut communié, notre Sauveur donna le Pain Sacramenté aux Apôtres et Il leur commanda de Le répartir entre eux et de Le recevoir (Luc 22: 17), comme ils le reçurent; et Il leur donna dans ces Paroles la dignité sacerdotale, qu'ils commencèrent à exercer en se communiant chacun eux-même avec une révérence souveraine, répandant d'abondantes larmes, et adorant le Corps et le Sang de notre Rédempteur qu'ils avaient reçus. Ils demeurèrent avec la prééminence d'ancienneté dans le pouvoir de prêtres, comme fondateurs qu'ils devaient être de l'Église (Eph. 2: 19-20). Ensuite saint Pierre, par le commandement de Notre-Seigneur Jésus-Christ prit d'autres particules consacrées et communia les deux Pères anciens Hénoch et Élie. Et avec la joie et les effets de cette Communion ces deux Saints demeurèrent confortés de nouveau pour attendre jusqu'à la fin du monde la vision béatifique, qui leur était retardée par la Volonté divine. Les deux Patriarches donnèrent de ferventes louanges et firent d'humbles actions de grâces au Tout-Puissant pour ce Bienfait, et ils furent restitués à leur place par le ministère des saints Anges. Le Seigneur ordonna cette merveille pour donner un gage et une participation de Son Incarnation, de la Rédemption et de la résurrection général aux Lois anciennes naturelle et écrite; parce que le Sacrement de l'Eucharistie renferme en soi tous ces Mystères; et en le
donnant aux deux saints hommes Hénoch et Élie, qui étaient vivants en chair mortelle, cette participation s'étendit aux deux états de la Loi naturelle et écrite; car les autres qui le reçurent appartenaient à la nouvelle Loi de grâce dont les pères étaient les Apôtres. Ainsi les deux Saints Hénoch et Élie le connurent, et au nom des autres Saints de leurs Lois ils rendirent grâces à leur Rédempteur et le nôtre pour ce Bienfait caché.

6, 11, 1199. Un autre miracle très secret arriva dans la Communion des Apôtres, et ce fut que le perfide et traître Judas, voyant ce que son divin Maître disposait en leur commandant de communier, détermina comme infidèle de ne le point faire, mais de réserver le Corps Sacré s'il pouvait secrètement, pour Le porter aux pontifes et aux Pharisiens, et de leur dire quel homme était son Maître, puisqu'il disait que ce Pain était Son propre Corps et qu'ils l'incriminassent pour un grand délit; et s'il ne pouvait obtenir cela, il intentait de faire quelque autre profanation du divin Sacrement. La Reine et Maîtresse du Ciel regardait dans une très claire vision tout ce qui se passait et les dispositions intérieures et extérieures avec lesquelles les Apôtres recevaient la Sainte Communion, les effets de Celle-ci et leurs affections; Elle vit aussi les intentions exécrables de l'obstiné Judas. Elle s'embrasa tout entière dans le zèle de la gloire de Son Seigneur, comme Mère, comme Épouse et comme Fille; et connaissant que c'était Sa volonté qu'Elle usât dans cette occasion de la Puissance de Reine-Mère, Elle commanda à ses Anges de tirer successivement le Pain et le Vin Consacrés de la bouche de Judas, et de les restituer où était le Reste Sacramenté, parce que dans cette occasion il lui convenait de défendre l'Honneur de son Très Saint Fils, afin que Judas ne l'injuriât point comme il en avait l'intention par cette nouvelle ignominie qu'il machinait. Les Anges obéirent et lorsque le plus méchant des hommes, Judas, arriva à communier ils lui tirèrent les Espèces Sacramentelles, l'une après l'autre de la bouche; et en les purifiant de ce qu'elles avaient reçu dans ce lieu très immonde ils les réduisirent à leur première disposition et les replacèrent secrètement parmi les autres, le Seigneur étant toujours zélé pour l'honneur de Son Apôtre ennemi et obstiné. Ceux qui communièrent après Judas selon leur rang d'ancienneté reçurent ces Espèces; parce qu'il ne fut ni le premier ne le dernier qui communia, et les saints Anges l'exécutèrent dans un très court intervalle. Notre Sauveur fit des actions de grâces au Père Éternel et avec cela Il donna fin aux Mystères de la Cène légale et Sacramentelle et principe à ceux de Sa Passion que je dirai dans les chapitre suivants. La Reine des Cieux continuait dans l'attention et l'admiration de
ces mêmes Mystères, et dans les cantiques de louanges et de magnificence au très sublime Seigneur.


DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL.

6, 11, 1200. O ma fille, si ceux qui professent la saint Foi Catholique ouvraient leurs coeurs endurcis et pesants, pour recevoir la véritable intelligence du Mystère, et du Bienfait sacré de L'Eucharistie! Oh! si débarrassées et abstraits des affections terrestres, et modérant leurs passions, ils appliquaient la Foi vive pour comprendre dans la Lumière divine leur félicité, d'avoir avec eux Dieu éternel Sacramenté et de pouvoir Le recevoir et Le fréquenter, participant aux effets de cette Divine Manne du Ciel; s'ils connaissaient dignement ce grand Don; s'ils estimaient ce Trésor; s'ils goûtaient Sa douceur; s'ils participaient en Elle à la vertu cachée de leur Dieu tout-puissant! il ne leur resterait rien à désirer ni à craindre dans leur exil! Les mortels ne doivent point se plaindre dans cet heureux siècle de la Loi de grâce, que leur fragilité et leurs passions les affligent; puisque dans ce Pain du Ciel ils ont en main le Salut et la Force. Ni de ce qu'ils sont tentés et persécutés du démon; puisqu'avec le bon usage de ce Sacrement ineffable ils le vaincraient glorieusement, s'ils Le fréquentent dignement pour cela. C'est la faute des fidèles de ne point faire attention à ce Mystère et de ne point se servir de Sa Vertu infinie pour toutes leurs nécessités et leurs travaux, car mon Très Saint Fils l'ordonna pour leur remède. En vérité, je te dis, ma très chère, que Lucifer et ses démons ont une telle crainte en la présence de l'Eucharistie que de s'approcher d'Elle leur cause des plus grands tourments que d'être dans l'enfer. Et quoiqu'ils entrent dans les églises, pour tenter les âmes, ils font cela comme en se violentant à souffrir des peines cruelles, afin de renverser quelque âme et de l'obliger ou de l'attirer à commettre un péché; et plus dans les lieux saints et en présence de l'Eucharistie. Et pour obtenir ce triomphe leur indignation qu'ils ont contre Dieu et contre les âmes les force à s'exposer à souffrir ce nouveau tourment d'être près de Jésus-Christ mon Très Saint Fils Sacramenté.

6, 11, 1201. Quand il est porté en procession par les rues, ils fuient d'ordinaire et s'éloignent en toute hâte; et ils n'oseraient point s'approcher de ceux qui L'accompagnent si ce n'était par la confiance qu'ils ont acquise par une longue expérience qu'ils en vaincront quelques-uns afin qu'ils perdent la révérence due au Seigneur. Pour cela ils travaillent beaucoup à tenter dans les églises; parce qu'ils savent combien d'injures se fait en cela au même Seigneur qui est Sacramenté par Amour, attendant pour sanctifier les hommes, et pour qu'ils Lui donnent le retour de Son Amour très doux, très démonstratif et si rempli de délicatesse. Par cela tu comprendras la puissance qu'a celui qui reçoit dignement ce Pain Sacré des Anges contre les démons, et combien ils craindraient les hommes s'ils Le fréquentaient avec dévotion et pureté, tâchant de S'y conserver jusqu'à une autre Communion. Mais il y en a très peu qui vivent avec ce soin, et l'ennemi est alerte, épiant et tâchant de faire en sorte qu'ils s'oublient, qu'ils s'attiédissent et qu'ils se distraient, afin qu'ils ne se servent pas contre lui d'armes si puissantes. Écris cette Doctrine dans ton coeur; et parce que sans que tu l'aies mérité, le Très-Haut a ordonné par le moyen de l'obéissance, que tu participes chaque jour à ce Saint Sacrement, en Le recevant, travaille pour te conserver dans l'état où tu te mets pour une Communion jusqu'à ce que tu en fasses une autre; parce que la Volonté du Seigneur et la mienne est qu'avec ce Glaive tu combattes les guerres du Très-Haut au nom de la Sainte Église contre les ennemis invisibles qui ont aujourd'hui affligé et attristé (Lam. 1: 1) la Maîtresse des Nations, sans qu'il y ait personne qui la console ni qui le considère dignement. Pleure pour cette cause, et que ton coeur se brise de douleur; parce que le Tout-Puissant et juste Juge étant si indigné contre les Catholiques, pour avoir irrité Sa Justice par des péchés si démesurés et si souvent répétés sous la sainte Foi qu'ils professent, il ne s'en trouve point qui considère, qui pèse et qui craigne un si grand dommage et qui se dispose au remède qu'ils pourraient solliciter avec le bon usage du divin Sacrement de l'Eucharistie et en s'en approchant avec des coeurs contrits et humiliés et avec mon intercession.

6, 11, 1202. Dans ce péché, qui est si grave dans tous les enfants de l'Église les prêtres indignes et mauvais sont plus répréhensibles; parce que de l'irrévérence avec laquelle ils traitent le Très Saint Sacrement de l'autel les autres Catholiques ont pris occasion de le mépriser. Et si le peuple voyait les prêtres s'approcher des divins Mystères avec une crainte et un tremblement révérenciel, ils connaîtraient qu'ils doivent tous traiter et recevoir leur Dieu Sacramenté de cette même manière. Et ceux qui font ainsi, resplendissent dans le Ciel comme le soleil entre les étoiles;
parce que de la gloire de mon Très Saint Fils dans Son Humanité, il rejaillit une Lumière spéciale et une splendeur de gloire à ceux qui Le traitèrent et Le reçurent avec une grande révérence, ce qui n'ont point ceux qui n'ont point fréquenté avec dévotion la Sainte Eucharistie. Outre cela leurs corps glorieux auront certains signes ou devises très brillantes et très belles sur la poitrine où ils Le reçurent, en témoignage de ce qu'ils furent de dignes tabernacles du Très Saint Sacrement lorsqu'ils communiaient. Ce sera un sujet de grande joie accidentelle pour eux, de jubilation et de louange pour les Anges et d'admiration pour tous. Ils recevront aussi une autre récompense accidentelle; parce qu'ils entendront et ils verront avec une intelligence spéciale la manière avec laquelle mon Très Saint Fils est dans l'Eucharistie et tous les miracles qui y sont renfermés; et leur joie sera si grande qu'elle seule suffirait pour les réjouir éternellement, quand ils n'en auraient pas d'autres dans le Ciel. Mais la gloire essentielle de ceux qui recevront l'Eucharistie avec une dévotion et une pureté convenables égalera, et en plusieurs excédera celle qu'on certains Martyrs qui ne la reçurent point.

6, 11, 1203. Je veux aussi, ma fille, que tu entendes de ma bouche ce que je pensais de moi, lorsque dans la vie mortelle je devais recevoir mon Fils et mon Seigneur Sacramenté. Afin que tu le comprennes mieux, renouvelle dans ta mémoire tout ce que tu as entendu et connu de mes dons, de mes grâces, de mes oeuvres et des mérites de ma Vie, comme je te l'ai manifesté, afin que tu l'écrives. Je fus préservée dans ma Conception de la faute originelle et dans cet instant j'eus la connaissance et la vision de la Divinité que tu as plusieurs fois répétées. J'eus une plus grande Science que tous les Saints; j'excédai en Amour les suprêmes Séraphins; je ne commis jamais de péché actuel; j'exerçai toujours toutes les vertus héroïquement, et la moindre de ces vertus fut plus haute que la suprême des autres très Saints dans le dernier degré de leur sainteté; les fins de toutes mes oeuvres furent très sublimes; les habitudes et les dons sans mesure et sans borne; j'imitai mon Très Saint Fils avec une souveraine perfection; je travaillai fidèlement; je souffris courageusement, et je coopérai avec toutes les Oeuvres du Rédempteur dans le degré qui me regardait; et jamais je ne cessai de L'aimer et de mériter des augmentations de grâce et de gloire en un degré très éminent. Puis je jugeai que tous ces mérites m'étaient payés dignement en une seule fois que je reçus Son Corps Sacré dans l'Eucharistie, et même je ne me jugeais pas digne d'un si haut Bienfait. Considère maintenant, ma file, ce que toi et les autres enfants d'Adam devez penser arrivant à recevoir cet admirable Sacrement. Et si pour le plus grand
des Saints une seule Communion serait une récompense surabondante, que doivent éprouver les prêtres et les fidèles qui La fréquentent? Ouvre les yeux au milieu des épaisses ténèbres et de l'aveuglement des hommes, et élève-les vers la Lumière divine, afin de connaître ces Mystères. Juge tes oeuvres disproportionnées et puériles, tes mérites très limités, tes travaux très légers, et ta reconnaissance très inférieure et très insuffisante pour un si rare Bienfait, comme est Celui que l'Église possède mon Très Saint Fils Sacramenté et désireux que tous Le reçoivent pour les enrichir. Et si tu n'as pas une digne rétribution à Lui offrir pour ce Bien et ceux que tu reçois, pour le moins, humilie-toi jusqu'à la poussière, et confesse-toi indigne en toute la sincérité de ton coeur. Exalte le Très-Haut, bénis-Le et loue-Le, étant toujours préparée pour Le recevoir avec de ferventes affections et à souffrir plusieurs martyres pour obtenir un si grand Bien.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 11, [a]. Ancien usage de l'Orient et aussi des Romains. Aussi les Juifs célébraient la Cène pascale en mangeant ou couchés, ou debout, comme on l'infère de la [Ghemara habil. fol. 108, II]: «Les azymes ont besoin de repos, les herbes amères n'en ont pas besoin: on dit du vin qu'Il a besoin d'être couché.»
6, 11, [b]. La table sur laquelle Notre-Seigneur consacra la Très Sainte Eucharistie est conservée à Rome dans l'église de Saint-Jean de Latran; elle est longue de trois mètres et large d'un mètre et demi, et elle est faite de cèdre du Liban.
6, 11, [c]. Le vase sacré de pierre semblable à l'émeraude sur lequel Jésus-Christ consacra, est conservé aujourd'hui dans la cathédrale de Gênes. Il fut trouvé lors de la prise de Césarée de Palestine, en 1101.
6, 11, [d]. Livre 6, No. 1163.
6, 11, [e]. Saint Fabien Pape écrit que Jésus-Christ institua la Confirmation à la dernière Cène et que ses prédécesseurs avaient appris cela des Apôtres eux-même [Epist. ad Episc. Orient.]. C'est ce qu'on voit aussi dans le Catéchisme romain.
6, 11, [f]. Quant à la bouchée que Jésus-Christ donna à Judas et après laquelle Satan entra en lui [Jean 13: 27], cela fut durant le souper ordinaire qui eut lieu avant l'institution de l'Eucharistie et avant le lavement des pieds. Ainsi l'affirment saint Hilaire [can. 30 in Matt.], Rupert [L. VII, in Joan, c. VI], Innocent III, [L. VII, de Myst. Miss. c. 13] et autres.
6, 11, [g]. Que Judas ne crut point au Mystère de l'Eucharistie on l'infère très clairement de l'Évangile de saint Jean 6: 65, où Jésus-Christ désigna spécialement Judas parmi ceux qui ne voulurent point croire à la promesse de l'institution de ce Sacrement lorsqu'il dit: «Mais il en est parmi vous qui ne croient point.» Car Jésus savait dès le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui devait le trahir.
6, 11, [h]. Livre 7, No. 112.
6, 11, [i]. De cette manière Jésus-Christ Se donna sous les espèces sacramentelles d'une manière impassible et immortelle comme le dit Hugues de Saint-Victor [De sacr. part. 8, lib. 2, c. 3] avec le Pape Innocent III qui ajoute: «Si par hypothèse quelque partie du Sacrement avait été réservée pendant les trois jours de la Mort de Jésus-Christ, Son Corps sacré aurait été en même temps gisant mort dans le sépulcre et demeurant vivant dans le Sacrement.» [De Sacr. Altaris, l. 3, c. 12]. Alexandre de Hales [4 Par. Summ. Quaest. 10], Suarez [tom. 3 in part. disp. 48], et plusieurs autres tiennent le même sentiment.
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Message par sga Ven 2 Aoû 2019 - 16:41

CHAPITRE 12


L'oraison que fit notre Sauveur dans le Jardin, et Ses Mystères; et ce que Sa Très Sainte Mère en connut.


6, 12, 1204. Par les merveilles et les mystères que notre Sauveur Jésus-Christ opéra dans le Cénacle Il disposa et ordonna le royaume que le Père Éternel Lui avait donné par Sa Volonté immuable; et la nuit qui succéda au jeudi de la Cène, étant déjà arrivé, Il détermina de sortir pour le pénible combat de Sa Passion et de Sa Mort en laquelle se devait consommer la Rédemption des hommes. Sa Majesté sortit du Cénacle où Il avait célébré tant de Mystères miraculeux, et en même temps Sa Très Sainte Mère sortit aussi de Sa retraite pour aller vers Lui. Le Prince des éternités et la Reine arrivèrent à Se rencontrer face à face, ayant tous Deux le Coeur transpercé de l'épée pénétrante de la douleur qui Les blessait profondément en même temps au-dessus de toute pensée humaine et Angélique. La douloureuse Mère, se prosterna en terre L'adorant comme son Dieu et son Rédempteur véritable. Et sa divine Majesté la regardant avec un air majestueux et agréable comme son Fils lui parla et lui dit ces seules paroles: «Ma Mère, Je serai avec vous dans la tribulation; faisons la Volonté de Mon Père Éternel et le salut des hommes.» La grande Reine s'offrit au Sacrifice avec un Coeur entier et Elle demanda Sa Bénédiction. Et l'ayant reçue Elle revint à sa retraite, d'où le Seigneur lui concéda de voir tout ce qui se passait et ce que son Très Saint Fils opérait, pour L'accompagner et coopérer en tout en la forme qui la regardait. Le maître de la maison qui était présent à cette séparation, offrit aussitôt à la Dame du Ciel par une impulsion divine la maison qu'Il avait et ce qu'elle contenait, afin qu'Elle s'en servît pendant qu'Elle serait à Jérusalem et la Reine l'accepta avec une humble reconnaissance. Avec son Altesse demeurèrent les mille Anges de sa garde, qui l'assistaient toujours en forme visible pour Elle, et aussi quelques-unes des pieuses femmes qu'Elle avait amenées avec Elle l'accompagnèrent.

6, 12, 1205. Notre Rédempteur et notre Maître sortit de la maison du Cénacle en compagnie de tous les hommes qui L'avaient assisté dans les cènes et la célébration de leurs Mystères; et aussitôt plusieurs d'entre eux se séparèrent par
différentes rues, pour retourner chacun à leurs occupations. Sa Majesté suivie seulement des douze Apôtres dirigea Ses pas vers le mont des Oliviers, en dehors et proche de la ville de Jérusalem à la partie orientale. Et comme la perfidie de Judas le tenait si attentif et si soigneux afin de livrer le divin Maître, il imagina que Jésus allait passer la nuit en oraison, comme il avait coutume. Il lui sembla que cette occasion était très opportune pour Le remettre aux mains de ses confédérées, les scribes et les Pharisiens. Avec cette malheureuse résolution, il demeura en arrière en laissant avancer son divin Maître et les autres Apôtres, sans que ceux-ci y prissent garde alors, et dès qu'il les perdit de vue il partit à toute vitesse vers son précipice et sa destruction. Il était rempli de craintes, d'anxiétés et de trouble très grands, témoins de la méchanceté qu'il allait commettre; et avec cette sollicitude inquiète, comme mal assuré de conscience il arriva en courant et tout effaré à la maison des pontifes. Lucifer voyant la grande hâte que Judas mettait à procurer la mort de notre Seigneur Jésus-Christ et ce dragon soupçonnant que celui-ci était le Messie véritable, comme il a été dit dans le chapitre 10, vint à sa rencontre dans le chemin sous la figure d'un homme très méchant et ami du même Judas, avec qui il avait communiqué de sa trahison. Sous cette figure, Lucifer parla à Judas sans être reconnu par lui, et il lui dit que bien que cette intention de vendre son Maître lui eût paru bonne au commencement à cause des méchancetés que lui-même lui en avait dites; néanmoins en y réfléchissant, il était d'avis que ce n'était pas bien de Le livrer aux pontifes et aux Pharisiens; parce que ce Jésus n'était pas si méchant que Judas le pensait, qu'Il ne méritait pas la mort et qu'Il ferait peut-être quelque miracle pour Se délivrer, et ensuite que lui-même Judas aurait quelque grande affliction.

6, 12, 1206. Lucifer fit cette intrigue, rétractant par une nouvelle crainte les suggestions qu'il avait d'abord envoyées au coeur perfide du traître Disciple contre l'Auteur de la Vie. Mais sa nouvelle malice ne lui servit à rien; parce que Judas qui avait perdu la Foi volontairement et qui n'avait point les violents soupçons du démon, voulut plutôt aventurer la mort de son Maître qu'attendre l'indignation des Pharisiens s'ils Le laissait en vie. Avec cette crainte et son abominable avarice il ne fit point cas du conseil le Lucifer, quoiqu'il le jugeât être l'homme qu'Il représentait. Et comme il était abandonné de la grâce Divine, il ne voulut point ni il ne put se persuader par l'instance du démon de retourner en arrière dans sa méchanceté. Et comme l'Auteur de la Vie était à Jérusalem, et quand arriva Judas, les pontifes consultaient aussi comment il leur accomplirait ce qu'il leur avait
promis de Le livrer entre leurs mains; et le traître entra sur ces entrefaites, et il leur rendit compte comment il avait laissé son Maître avec les autres Disciples sur le mont des Olivier; qu'il lui semblait être la meilleure occasion pour Le prendre cette nuit-là, comment ce devait être avec précaution et qu'ils devaient être attentifs, de peur qu'Il ne S'échappât de leurs mains par les arts et les magies qu'Il savait. Les prêtres et les pontifes se réjouirent beaucoup, et ils se mirent à préparer des gens armés pour aller aussitôt prendre le Très Innocent Agneau.

6, 12, 1207. Dans l'intervalle, Sa Majesté était avec les onze Apôtres traitant de notre Salut Éternel et de ceux mêmes qui machinaient Sa Mort. Emulation inouïe et admirable de la souveraine malice humaine et de l'immensité de la Bonté et de la Charité divines; que si dès le premier homme commença cette lutte du bien et du mal dans le monde; à la Mort de notre Réparateur les deux extrêmes arrivèrent au suprême degré où ils purent monter; puisqu'en même temps chacun opéra à la vue de l'autre le plus qu'il lui fut possible; la malice humaine ôtant la vie et l'honneur à son propre Auteur et Réparateur; et Sa Majesté la donnant pour eux avec une Charité immense. Il fut comme nécessaire en cette occasion, selon notre manière de concevoir, que l'Âme très sainte de Notre-Seigneur Jésus-Christ considérât Sa Très Pure Mère, et de même Sa Divinité, afin qu'elle eût quelque agrément parmi les créatures pour reposer Son Amour et apaiser Sa Justice. Parce qu'en cette seule Créature il voyait très dignement mises à profit la Passion et la Mort qui Lui étaient préparées par les hommes; et en cette Sainteté sans mesure, la Justice divine trouvait quelque compensation de la malice humaine, et les Trésors de ces mérites demeuraient déposés dans l'humilité et la Charité très fidèles de cette grande Dame, afin qu'ensuite l'Église renaquît de ces cendres ardentes, comme un nouveau phénix, en vertu des mêmes mérites de Jésus-Christ Notre-Seigneur et de Sa Mort. Cet agrément que recevait l'Humanité de notre Rédempteur de la vue de la Sainteté de Sa digne Mère Lui donnait en quelque sorte aide et courage pour vaincre la malice des mortels; et Il reconnaissait sa patience à souffrir de telles peines bien employées.

6, 12, 1208. La grande Dame connaissait de sa retraite tout ce qui arrivait; et Elle vit les pensés de l'obstiné Judas, et la manière dont il se détourna du Collège Apostolique, et comment Lucifer lui parla sous la forme de cet homme qui lui était connu, et tout ce qui se passa pour lui lorsqu'il arriva aux princes des
prêtres; et ce qu'ils faisaient et préparaient pour prendre le Seigneur avec tant de promptitude. Il n'est pas en notre capacité de pouvoir expliquer la douleur qui pénétrait le très chaste Coeur de la Mère-Vierge avec cette science, les actes de vertus qu'Elle exerçait à la vue de telles méchancetés, et comment Elle procédait en tous ces événements; il suffit de dire que tout fut avec plénitude de Sagesse, de Sainteté et d'Agrément pour la Bienheureuse Trinité. Elle eut de la compassion pour Judas, Elle pleura la perte de ce Disciple pervers. Elle compensa pour son iniquité, adorant, confessant, aimant et louant le même Seigneur qu'il vendait avec une trahison si injurieuse et si déloyale. Elle était préparée et disposée à mourir pour lui, s'il était nécessaire. Elle pria pour ceux qui tramaient la prise et la mort de son divin Agneau, comme gages qui devaient être achetés et estimés par la valeur infinie d'un Sang et d'une Vie si précieuse; car ainsi la Très Prudente Dame les regardait, les estimait et les évaluait.

6, 12, 1209. Notre Sauveur poursuivit Son chemin, passant le torrent de Cédron (Jean 18: 1), pour le mont des Oliviers et Il entra dans le jardin de Gethsémani, et parlant avec tous les Apôtres qui Le suivaient, Il leur dit (Matt. 26: 36): «Attendez-Moi et asseyez-vous ici pendant que Je M'allonge un peu pour l'oraison; et priez aussi vous (Luc 22: 40), afin que vous n'entriez point en tentation.» Le divin Maître leur donna cet avis afin qu'ils fussent constants dans la Foi contre les tentations, car dans la Cène, Il les avait prévenus qu'ils seraient tous scandalisés cette nuit (Matt. 26: 31) parce qu'ils Le verraient souffrir; et que Satan (Luc 22: 31) les investirait pour les cribler et les troubler par de fausses suggestions; car le Pasteur comme il était prophétisé (Zach. 13: 7), devait être maltraité et blessé; et que les brebis seraient dispersées. Aussitôt le Maître de la Vie laissant les huit Apôtres ensemble, appela saint Pierre, saint Jean et saint Jacques (Marc 14: 33), et avec ces trois Il se retira des autres à un autre endroit où Il ne pouvait être vu ni entendu d'eux. Étant avec les trois Apôtres, Il leva les yeux vers le Père Éternel, Le confessa et le loua comme Il avait accoutumé; et dans Son intérieur Il fit une oraison et une pétition en accomplissement de la prophétie de Zacharie (Zach. 13: 7), donnant permission à la mort de s'approcher de l'innocent, de Celui qui était sans péché, Il commanda à l'épée de la Justice divine de se réveiller sur le Pasteur et sur l'Homme qui était uni avec Dieu même, d'exécuter en Lui toutes sa rigueur et de Le frapper jusqu'à Lui ôter la vie. Pour cela Notre-Seigneur Jésus-Christ S'offrit de nouveau au Père en satisfaction de Sa Justice pour le rachat de tout le genre humain, et Il donna consentement aux tourments de
la passion et à la mort de s'exécuter dans la partie que Son Humanité très sainte était passible; Il suspendit et retint dès lors la consolation et le soulagement qui pouvait Lui redonder de la partie impassible [a], afin qu'avec cet abandon Ses passions et Ses douleurs arrivassent au suprême degré de la souffrance; et le Père Éternel le concéda et l'approuva, selon la Volonté de la Très Sainte Humanité du Verbe.

6, 12, 1210. Cette oraison fut comme une licence et une permission avec laquelle s'ouvrirent les portes à la mer de la passion et de l'amertume, afin qu'elles entrassent avec impétuosité jusqu'à l'Âme de Jésus-Christ; comme Il l'avait dit par David (Ps. 68: 2). Et ainsi Il commença aussitôt à S'angoisser et à éprouver une douleur très amère, et avec elle il dit aux trois Apôtres (Marc 14: 34): «Mon Âme est triste jusqu'à la mort.» Et parce que ces paroles et cette tristesse de notre Sauveur renferment tant de Mystères pour notre instruction, je dirai quelque chose de ce qui m'a été déclaré comme je l'entends. Sa Majesté donna lieu à ce que cette tristesse arrivât au suprême degré naturellement et miraculeusement, selon toute la condition passible de Son Humanité très sainte. Et non seulement, Il s'attrista [b] par l'appétit naturel de la vie selon la partie inférieure, mais aussi selon la partie supérieure, par laquelle Il regardait la réprobation d'un si grand nombre pour qui Il devait mourir, et Il la connaissait dans les jugements et les décrets inscrutables de la divine Justice. Telle fut la cause de Sa très grande tristesse, comme nous le verrons plus loin [c]. Il ne dit pas qu'Il était triste à cause de la mort; mais jusqu'à la mort; parce que la tristesse de l'appétit naturel de la vie fut moindre, pour la mort qui le menaçait de près, que de voir la perte des réprouvés. Et outre la nécessité de cette mort pour la Rédemption, Sa très sainte Volonté était prête à vaincre cet appétit naturel pour notre enseignement, parce qu'Il avait joui, en la partie qu'Il était voyageur, de la gloire du Corps dans Sa Transfiguration. Car après cette joie Il Se jugeait comme obligé de souffrir pour donner le retour de cette gloire qu'avait reçue la partie de voyageur, afin qu'il y eût correspondance entre ce qui était reçu et ce qui était payé, et que nous demeurassions instruits de cette Doctrine dans les trois Apôtres qui furent témoins de cette gloire, de cette tristesse et de ces angoisses; car pour cela ils furent choisis pour l'un et l'autre Mystère; et ainsi ils le comprirent dans cette occasion, avec la Lumière particulière qui leur fut donnée pour cela.

6, 12, 1211. Il fut aussi comme nécessaire, pour satisfaire l'immense Amour avec lequel notre Sauveur Jésus nous aima, de donner licence à cette tristesse mystérieuse afin qu'elle Le submergeât avec tant de profondeur; parce que s'Il n'eût pas souffert en elle le suprême degré auquel elle put arriver, Sa Charité ne fût pas demeurée rassasiée, et il n'eût pas été connu si clairement qu'elle était inextinguible par les grandes eaux des tribulations (Cant. 8: 7). Et dans cette souffrance Il exerça cette Charité avec les trois Apôtres présents qui étaient troublés de savoir que déjà s'approchait l'heure en laquelle le divine Maître devait souffrir et mourir, comme Il le leur avait déclaré Lui-même de plusieurs manières et par plusieurs prédictions. Ce trouble et cette timidité qu'ils souffrirent les confondaient et les remplissaient de honte en eux-mêmes, sans oser les manifester les uns aux autres; mais le Très Aimant Seigneur les soulagea en leur manifestant Sa propre tristesse qu'Il devait souffrir jusqu'à la Mort; afin qu'en Le voyant affligé et plein d'angoisses Lui-même, ils n'eussent point de confusion de se sentir dans les peines et les craintes où ils étaient. Cette tristesse du Seigneur eut conjointement un autre mystère pour les trois Apôtres Pierre, Jean et Jacques; parce que ces trois entre tous les autres avaient un plus haut concept de la Divinité et de l'excellence de leur Maître, à cause de la grandeur de Sa Doctrine, de la sainteté de Ses Oeuvres et de la Puissance de Ses miracles; car en tout cela ils étaient plus dans l'admiration et ils étaient plus attentifs au domaine qu'il avait sur les créatures. Et pour les confirmer dans la Foi qu'Il était homme véritable et passible il fut convenable qu'ils Le connussent et Le vissent en leur présence triste et affligé comme homme véritable; que la Sainte Église demeurât informée contre les erreurs que le démon prétendrait semer en elle sur la vérité de l'Humanité de notre Sauveur Jésus-Christ par le témoignage de ces trois Apôtres, privilégiés par de telles faveurs [d]; et aussi que nous, les autres fidèles, nous eussions cette consolation, quand les tribulations nous affligent et quand la tristesse nous possède.

6, 12, 1212. Les trois Apôtres étant illustrés intérieurement par cette Doctrine, l'Auteur de la Vie ajouta et leur dit (Matt. 26: 38): «Attendez-Moi ici, veillez et priez avec Moi.» C'était leur enseigner la pratique de tout ce dont Ils les avait prévenus et avertis, et leur enjoindre d'être constants dans Sa Doctrine et dans la Foi, et de ne point se détourner du côté de l'ennemi; et d'être attentifs et vigilants pour le connaître et lui résister, attendant de voir l'exaltation de Son Nom après les ignominies de Sa Passion. Sur ce, le Seigneur S'éloigna des trois Apôtres
de quelque espace du lieu où Il les laissa. Et prosterné en terre sur Son divin Visage Il pria le Père Éternel et Lui dit (Matt. 26: 39): «Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de Moi.» Notre-Seigneur Jésus-Christ fit cette oraison après qu'Il fût descendu du Ciel avec la Volonté efficace de souffrir et de mourir pour les hommes; après avoir méprisé la confusion de Sa Passion (Héb. 12: 2), l'avoir embrassée volontairement et avoir refusé la joie de Son Humanité, après avoir couru à la mort, aux affronts, aux douleurs et aux afflictions par Son Amour très ardent; après avoir fait tant d'estime des hommes qu'il avait déterminé de les racheter au prix de Son Sang. Et lorsqu'avec Sa Sagesse divine et humaine, et avec Sa Charité inextinguible Il avait tant surmonté la crainte naturelle de la mort, il ne semble point qu'elle seule put donner motif à cette pétition. Ainsi je l'ai connu dans la Lumière qui m'a été donnée des mystères cachés qu'eut cette oraison de notre Sauveur.

6, 12, 1213. Et pour manifester ce que j'ai compris, j'avertis qu'en cette occasion était traitée entre notre Rédempteur Jésus et le Père Éternel l'affaire la plus ardue qu'Il eût prise pour Son compte, qui était la Rédemption des hommes et le Fruit de Sa Passion et de Sa Mort sur la Croix, pour la prédestination cachée des Saints. Et dans cette oraison Notre-Seigneur Jésus-Christ proposa au Père Éternel Ses tourments, Son Sang Précieux et Sa Mort, les offrant de Son côté pour tous les mortels, comme prix très surabondant pour tous et pour chacun, et de ceux qui ensuite devaient naître jusqu'à la fin du monde; et du côté du genre humain il représenta tous les péchés, toutes les infidélités et les ingratitudes et tous les mépris que les méchants devaient faire pour perdre le Fruit de Sa Mort ignominieuse et de Sa Passion, acceptées et souffertes pour eux; et ceux qui effectivement se devaient condamner à la peine éternelle pour n'avoir pas profité de Sa clémence. Et quoiqu'il fut agréable et comme désirable pour notre Sauveur de mourir pour Ses amis et Ses prédestinés; néanmoins souffrir et mourir pour les réprouvés Lui était très amer et très pénible; parce que de leur côté il n'y avait point de raison finale pour le Seigneur de souffrir la mort. Sa Majesté appela cette douleur "calice", qui était le nom par lequel les Hébreux signifiaient ce qui était très pénible et très laborieux, comme le même Seigneur le signifia, parlant aux enfants de Zébédée (Matt. 20: 22) lorsqu'Il leur dit: S'ils pouvaient boire le calice comme Sa Majesté le devait boire. Ce calice fut d'autant plus amer pour notre Bien-Aimé Jésus-Christ qu'Il connut que Sa Passion et Sa Mort pour les réprouvés n'était pas seulement sans Fruit, mais que ce serait une occasion de scandale (1
Cor. 1: 23) et qu'elle redonderait en une plus grande peine et un plus grand châtiment pour eux, pour L'avoir méprisée et n'en avoir pas retiré le Fruit qu'ils devaient.

6, 12, 1214. Je compris donc que l'oraison de Notre-Seigneur Jésus-Christ fut de demander au Père que passât ce très amer calice de mourir pour les réprouvés. Et que la mort étant déjà inévitable, aucun, s'il était possible, ne se perdît; puisque la Rédemption qu'il offrait était surabondante pour tous et autant qu'il était de Sa Volonté Il l'appliquait à tous, afin qu'elle profitât à tous efficacement s'il était possible; et s'il ne l'était pas, Il résignait Sa très sainte Volonté à celle de Son Père Éternel. Notre Sauveur répéta cette oraison trois fois (Matt. 26: 44) par intervalle, priant prolixément avec agonie (Luc 22: 43), comme dit saint Luc, selon ce que demandait la grandeur et le poids de la chose qui se traitait. Et à notre manière de concevoir, il y intervint comme un altercation et une lutte entre l'Humanité très sainte de Jésus-Christ et la Divinité. Parce que l'Humanité avec l'intime Amour qu'Elle avait pour les hommes de Sa propre nature, désirait que tous par la Passion obtinssent le Salut Éternel. Et la Divinité représentait que par Ses très hauts jugements le nombre des prédestinés était fixé; et conformément à l'équité de Sa Justice, le Bienfait ne devait pas être concédé à celui qui le méprisait si fort et qui par sa propre volonté se rendait indigne de la Vie de l'âme, résistant à Qui la lui procurait et la lui offrait. De ce conflit résulta l'agonie de Jésus-Christ et l'oraison prolixe qu'il fit, alléguant le pouvoir (Marc 14: 36) de Son Père Éternel et que toutes choses étaient possibles à Sa Majesté et à Sa Grandeur Infinie.

6, 12, 1215. Cette agonie crut en notre Sauveur par la force de la Charité et la résistance qu'Il connaissait du côté des hommes, pour qu'en tout profitât Sa Passion et Sa Mort; et alors Il (Luc 22: 44) arriva à suer le Sang avec tant d'abondance par très grosses gouttes qui coulaient jusqu'à arriver au sol. Et quoique Son oraison et Sa demande fussent conditionnelles et que ce qu'Il demandait sous condition ne Lui fût point accordé parce qu'elles faillirent pour les réprouvés, néanmoins Il y obtint que les secours seraient grands et fréquents pour tous les mortels, et qu'ils iraient en se multipliant en ceux qui les recevraient et qui n'y mettraient point obstacle, et que les Justes et les Saints participeraient au Fruit de la Rédemption avec une grande abondance et qu'il leur serait appliqué plusieurs
Dons et plusieurs grâces dont les réprouvés se seraient rendus indignes. Et la Volonté humaine de Jésus-Christ Se conformant avec la Divine, Il accepta la Passion pour tous respectivement; pour les réprouvés comme suffisante, et afin qu'il leur fût donné des secours suffisants s'ils voulaient en profiter; et pour les prédestinés comme efficace, parce qu'ils coopéreraient à la grâce. Ainsi le salut du Corps Mystique de l'Église (Col. 1: 18) demeura disposé et effectué sous son Chef et son Auteur, Notre-Seigneur Jésus-Christ.

6, 12, 1216. Et pour la plénitude de ce Divin décret, Sa Majesté étant dans l'agonie de Son oraison, la troisième fois le Père Éternel envoya le saint Archange Michel qui Lui répondit et Le conforta (Luc 22: 43) par le moyen des sens corporels, Lui déclarant en eux ce que le même Seigneur savait par la Science de Son Âme très sainte; parce que l'Ange ne put rien dire au Seigneur que Sa Majesté ne sût, ni non plus il ne pouvait opérer en Son intérieur d'autre effet pour cette intention. Mais comme je l'ai déjà dit, notre Sauveur Jésus-Christ avait suspendu le soulagement qui pouvait redonder dans Sa Très Sainte Humanité, de Sa Science et de Son Amour, souffrir tout en tant que passible dans un suprême degré comme Il le dit ensuite sur la Croix [e]; et au lieu de ce soulagement et de ce confort Il en reçut quelque peu par l'ambassade du saint Archange du côté des sens, à la manière qu'opère la science ou la connaissance expérimentale de ce qu'on connaissait auparavant par une autre science; parce que l'expérience est nouvelle et elle meut les sens et les puissances naturelles. Ce que saint Michel Lui dit du côté du Père Éternel fut de Lui représenter et de Lui intimer dans le sens, qu'il n'était pas possible, comme Sa Majesté le savait que fussent sauvés ceux qui ne voulaient point l'être; parce que dans l'acceptation Divine le nombre des prédestinés valait beaucoup, quoiqu'il fût moindre que celui des réprouvés; et qu'entre ceux-là était la Très Sainte Marie, qui était le digne Fruit de la Rédemption; et qu'Elle serait profitable dans les Prophètes, les Apôtres, les Martyrs, les Vierges, les Confesseurs qui seraient très distingués dans son amour et qui opéreraient des choses admirables pour exalter le saint Nom du Très-Haut; et entre eux l'Ange lui en nomma quelques-uns, après les Apôtres, comme furent les Patriarches, les fondateurs des religions, avec les conditions de chacun. L'Ange manifesta ou rapporta d'autres grands sacrements caché qu'il n'est pas nécessaire de déclarer, et je n'ai point ordre de le faire, parce que ce qui est dit suffit pour suivre le cours de cette Histoire.

6, 12, 1217. Dans les intervalles de cette oraison que fit notre Sauveur, les Évangélistes disent qu'Il revint (Matt. 26: 40-41; Marc 14: 38; Luc 22: 46) visiter les Apôtres et les exhorter, à prier et à ne point entrer en tentation. Le très vigilant Pasteur fit cela pour donner une idée aux prélats de Son Église du soin et du gouvernement qu'ils doivent avoir de leurs brebis parce que si pour prendre soin d'elles notre Seigneur Jésus-Christ laissa l'oraison qui importait si fort, on peut voir ce que doivent faire les prélats; faisant passer le salut de leurs sujets avant d'autres affaires et d'autres intérêts. Et pour comprendre la nécessité qu'avaient les Apôtres, j'avertis que ce dragon infernal, après avoir été chassé du Cénacle, comme je l'ai déjà dit, fut quelque temps opprimé dans les cavernes de l'abîme [f], mais ensuite il eut permission d'en sortir, parce que sa malice devait servir à l'exécution des décrets du Seigneur. Et du coup ils allèrent investir Judas pour empêcher la vente en la forme que j'ai déclarée. Et comme ils ne purent l'en dissuader, ils se tournèrent contre les autres Apôtres, soupçonnant qu'ils avaient reçu dans le Cénacle quelque grande faveur de leur Maître; et Lucifer désirait la découvrir, pour la connaître et la détruire s'il pouvait. Notre Sauveur vit cette cruauté et cette fureur du prince des ténèbres et de ses ministres; et comme Père très aimant et Supérieur très vigilant, Il accourut prévenir Ses tout petits enfants et ses sujets qui étaient Ses Apôtres, et Il les réveilla et leur commanda de prier et de veiller contre leurs ennemis, afin de ne point entrer en la tentation qui les menaçait secrètement et qu'ils ne prévoyaient point, et contre laquelle ils ne se mettaient point en garde.

6, 12, 1218. Il revint donc où étaient les trois Apôtres, qui pour être plus favorisés avaient plus de raisons qui les obligeaient à veiller et à imiter leur divin Maître. Mais Il les trouva endormis, parce qu'ils se laissèrent vaincre par l'ennui et la tristesse qu'ils souffraient, et avec elle ils vinrent à tomber dans cette négligence et cette tiédeur d'esprit en laquelle le sommeil et la paresse les vainquit. Avant de leur parler et de les éveiller, Sa Majesté S'arrêta à les regarder, et Il pleura un peu sur eux, les voyant par leur négligence et leur tiédeur ensevelis et opprimés de cette sombre nuit de la mort, dans l'occasion que Lucifer se donnait tant de mouvement contre eux. Il s'adressa à Pierre et lui dit (Marc 14: 37-38): «Simon, ainsi tu dors et tu n'as pu veiller une heure avec Moi?» Ensuite Il lui répliqua à lui et aux autres, et Il leur dit: «Veillez et priez, afin que vous n'entriez point en
tentation; car Mes ennemis et les vôtres ne s'endorment pas comme vous.» La raison pourquoi Il reprit saint Pierre fut, non seulement parce qu'il était chef et élu pour être le Prélat de tous, et parce qu'entre eux il s'était signalé dans les protestations et la bravoure de ce qu'il mourrait pour le Seigneur et qu'il ne le nierait pas, quand tous les autres scandalisés L'abandonneraient et Le nieraient; mais aussi Il le reprit parce qu'avec ces propos et ces offrandes qu'il fit alors de tout coeur, il mérita d'être réprimandé et averti entre tous; parce que sans doute le Seigneur corrige ceux qu'Il aime, et les bons propos Lui plaisent toujours, quoiqu'ensuite dans l'exécution nous défaillions, comme il arriva au plus fervent des Apôtres, saint Pierre. La troisième fois que notre Rédempteur Jésus-Christ revint réveiller tous les Apôtres fut quand déjà Judas s'approchait pour Le livrer à Ses ennemis, comme je le dirai dans le chapitre suivant.

6, 12, 1219. Revenons au Cénacle, où était la Maîtresse des Cieux retirée avec les saintes femmes qui l'accompagnaient, regardant avec une souveraine clarté dans la Lumière divine toutes les Oeuvres et les mystères de son Très Saint Fils dans le jardin, sans qu'aucune chose ne lui fût cachée. En même temps que le Seigneur Se retirait avec les trois Apôtres, Pierre, Jean et Jacques, la divine Reine se retira de la compagnie des femmes en une autre pièce; et laissant les autres et les exhortant à prier et à veiller pour ne point tomber en tentation, Elle emmena avec Elle les trois Marie, désignant Marie Magdeleine comme supérieure des autres. Étant avec ces trois comme ses plus familières, Elle supplia le Père Éternel de suspendre en Elle tout le soulagement et toute la consolation qui pouvait empêcher dans la partie sensitive et dans l'Âme, la souffrance souveraine avec son Très Saint Fils et à Son imitation, afin que dans son corps Virginal elle participât aux douleurs des plaies et des tourments que le même Jésus devait souffrir. La Bienheureuse Trinité approuva cette demande et la Mère sentit les douleurs de son Très Saint Fils respectivement comme je le dirai plus loin [g]. Et Bien qu'elles furent telles qu'Elle eût pu en mourir plusieurs fois, si la droite du Très-Haut ne l'en eût préservée par miracle; néanmoins d'un autre côté ces douleurs données par la main du Seigneur furent comme des soutiens et des conforts de sa Vie; parce que dans son ardent amour qui n'avait point de mesure la peine de voir souffrir et mourir son Très Béni Fils et de ne point souffrir avec Lui les mêmes peines respectivement eût été plus violente.

6, 12, 1220. La Reine signala les trois Marie, pour l'assister et l'accompagner dans la Passion, et pour cela elles furent illustrées d'une plus grande grâce et d'une plus grande Lumière des Mystères de Jésus-Christ que les autres femmes. En se retirant avec ces trois la Très Pure Mère commença à sentir une nouvelle tristesse et de nouvelles angoisses, et parlant avec elles Elle leur dit: «Mon Âme est triste, parce que mon Bien-Aimé Fils et mon Seigneur doit souffrir et mourir et je ne dois pas mourir avec Lui et dans les mêmes tourments. Priez, mes amies, afin que vous ne soyez pas surprises par la tentation.» Ces paroles étant dites Elle s'éloigna un peu d'elles, et accompagnant l'oraison que notre Sauveur faisait dans le jardin, Elle fit la même supplique, comme il lui convenait et conformément à ce qu'Elle connaissait de la Volonté humaine de son Très Saint Fils, et Elle revint par les mêmes intervalles exhorter les trois femmes, car Elle connut aussi l'indignation du dragon contre elles; et continuant son oraison et ses prières, Elle sentit une autre agonie comme celle du Sauveur. Elle pleura la réprobation des damnés; parce qu'il lui fut manifesté de grands sacrements de la prédestination et de la réprobation éternelle. Et pour imiter en tout le Rédempteur du monde et coopérer avec Lui, la grande Dame eut aussi une sueur de sang semblable à celle de Jésus-Christ Notre-Seigneur et par la disposition de la Bienheureuse Trinité l'Archange Gabriel lui fut envoyé pour la conforter, comme saint Michel à notre Sauveur Jésus. Et le saint Prince lui proposa et lui déclara la Volonté du Très-Haut, dans les mêmes termes que saint Michel dit à son Très Saint Fils; parce que dans les Deux la pétition et la cause de la douleur et de la tristesse qu'ils souffraient était la même; et ainsi Ils furent semblables dans l'opération et la connaissance, avec la proportion qui convenait. Je compris en cette occasion que la Très Prudente Dame avait préparé quelques morceaux de toile pour ce qui devait arriver dans la Passion de son Fils très aimant; et alors Elle envoya quelques-uns de ses Anges avec un linge au jardin, où le Seigneur suait le Sang pour essuyer Son vénérable Visage; et ainsi les ministres du Très-Haut le firent car pour son amour de Mère et pour son plus grand mérite, Sa Majesté condescendit à cette pieuse et tendre affection. Lorsque l'heure de la prise de notre Sauveur arriva, la douloureuse Mère le déclara aux trois Marie; et toutes se lamentaient avec des larmes très amères, la Magdeleine se signalant comme plus enflammée dans l'amour et la piété fervente.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 12, 1221. Ma fille, tout ce que tu as compris et écrit dans ce chapitre est un aiguillon et un avis pour toi et pour tous les mortels d'une importance souveraine, si tu t'appliques bien à le considérer. Sois donc attentive et confère dans tes pensées combien pèse l'affaire de la prédestination ou de la réprobation éternelle des âmes, puisque mon Très Saint Fils la traita avec tant de pondération; et la difficulté ou l'impossibilité de ce que tous les hommes fussent sauvés et bienheureux Lui rendit si amère la Passion et la Mort qu'Il acceptait et souffrait pour le remède de tous. Dans ce combat Il manifesta l'importance et la gravité de cette entreprise; et pour cela Il multiplia les prières et les oraisons à son Père Éternel, l'amour des hommes L'obligeant à suer copieusement Son Sang d'un prix inestimable, parce que Sa Mort ne pouvait être profitable en tous, supposé la malice avec laquelle les réprouvés se rendent indignes de sa participation. Mon Fils et mon Seigneur a justifié Sa cause, en procurant le Salut de tous avec Son Amour et Ses mérites sans borne ni mesure; et le Père Éternel L'a justifiée en donnant au monde ce remède et en les mettant dans la main de chacun, afin qu'il l'étende (Eccli. 15: 17-18) vers la mort où la Vie, vers l'eau ou le feu, connaissant la distance qu'il y a de l'un à l'autre.

6, 12, 1222. Mais quelle excuse les hommes prétendront-ils apporter, d'avoir oublié leur propre salut éternel, quand mon Fils, et moi avec Sa Majesté, le leur désirons et le leur procurons avec tant d'affection et de dévouement, désirant qu'ils l'acceptent? Et si aucun des mortels n'a d'excuses de sa lenteur et de sa folie, les enfants de l'Église en auront beaucoup moins puisqu'ils ont reçu la Foi de ces sacrements admirables et qu'ils sont peu différents dans leur vie de celle des infidèles et des païens. Ne crois pas ma fille, qu'il ait été écrit en vain qu'il y en a beaucoup d'appelés mais peu d'élus (Matt. 20: 16). Crains cette sentence, et renouvelle dans ton coeur le soin et le zèle de ton salut, conformément à l'obligation qui a crû en toi avec la science de ces Mystères si sublimes. Et lors même qu'en cela ta Vie éternelle et ta félicité ne seraient pas intéressées, tu dois
correspondre à la tendresse avec laquelle je te manifeste tant de secrets Divins; et en te donnant le nom de ma fille et d'épouse de mon Seigneur, tu dois comprendre que ton office doit être d'aimer et de souffrir, sans autre attention à aucune chose visible; puisque je t'appelle à mon imitation, car j'occupais toujours mes puissances dans ces deux choses avec une souveraine perfection; et afin que tu l'obtiennes, je veux que ton oraison soit continuelle sans intermission, et que tu veilles une heure avec moi, qui est tout le temps de la vie mortelle; parce que comparée avec l'éternité, elle est moins qu'une heure et un moment. Dans cette disposition je veux que tu poursuives les Mystères de la Passion, que tu les écrives, que tu les ressentes et que tu les imprimes dans ton coeur.

NOTES EXPLICATIVES

Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 12, [a]. La partie supérieure de l'âme de Jésus-Christ jouissait de la vision béatifique et en faisait sentir les effets à la partie inférieure; mais en ce moment Dieu posa un mur de séparation entre ces deux parties de l'Humanité de Jésus-Christ, et la partie inférieure, abandonnée à elle-même se trouva aux prises avec tout ce qui pouvait l'affliger.
6, 12, [b]. Saint Thomas, [III Partie, q. 46]. Suarez [in 3 p. t. 1, disp. 38 no. 3].
6, 12, [c]. Livre 6, No. 1395.
6, 12, [d]. L'hérétique Saturnin suivant Ménandre, dit que Jésus-Christ apparut en figure humaine, mais qu'Il n'eût pas de Corps: Basilide ajoute que Jésus-Christ était un être incorporel: Appollinaire dit que Jésus-Christ était privé d'âme: et en général les Doctes des deux premiers siècles enseignèrent que Jésus-
Christ n'avait qu'une chair apparente, et qu'il était né, avait souffert et était mort seulement en apparence. [Liguori. Hist., des hérés. Bergier dictionn.]. En outre les Eutichéens disaient qu'en Jésus-Christ il n'y avait que la seule nature Divine; ce qui L'aurait rendu impassible; et les Monothélites prétendirent qu'Il n'avait qu'une seule Volonté, c'est-à-dire la Divine; en ce cas Il n'aurait pas pu dire dans le Jardin: «Mon Père, que Votre Volonté soit faite et non la Mienne.»
Toutes les hérésies susdites sont réfutées par ce qui arriva dans le Jardin même, où Jésus attestant Sa tristesse et Sa répugnance naturelle pour la mort, montra avoir une vraie nature humaine, et une vraie volonté humaine, outre la Volonté divine.
6, 12, [e]. Livre 6, No. 1395.
6, 12, [f]. Livre 6, No. 1189.
6, 12, [g]. Livre 6, No. 1236.
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Message par sga Ven 23 Aoû 2019 - 18:01

CHAPITRE 13


La consigne et la prise de notre Sauveur par la trahison de Judas; et ce que fit la Très Sainte Marie en cette occasion et quelques Mystères de cet événement.


6, 13, 1223. Dans le temps que Notre-Seigneur Jésus-Christ était sur le mont des Oliviers, priant son Père Éternel et prenant soin du salut spirituel de tout le genre humain, le perfide Disciple Judas hâtait sa prise et sa consigne aux pontifes et aux Pharisiens. Et comme Lucifer et ses démons ne purent dissuader la perverse volonté de Judas et des autres de l'intention d'ôter la vie à leur Auteur et leur Maître, il changea le plan de son antique orgueil, ajoutant une nouvelle malice
et il administra d'impies suggestions aux Juifs, afin qu'ils tourmentassent Jésus-Christ avec une cruauté plus grande et des injures très atroces. Le dragon infernal était déjà très rempli de soupçons, comme je l'ai dit jusqu'à présent, que cet homme si nouveau fût le Messie et Dieu véritable; et il voulait faire de nouvelles épreuves et de nouvelles expériences de ce soupçon par le moyen des injures très grossières qu'il mit dans l'imagination des Juifs et leurs ministres contre le Seigneur, leur communiquant aussi sa formidable envie et son orgueil, comme Salomon le laissa écrit dans la Sagesse (Sag. 2: 17); ce qui fut accompli en cette occasion. Parce qu'il sembla au démon que si Jésus-Christ n'était pas Dieu, mais pur homme, Il viendrait à défaillir dans la persécution et les tourments, et qu'ainsi il Le vaincrait; et s'Il L'était, Il le manifesterait en Se délivrant d'eux, et en opérant de nouvelles merveilles.

6, 13, 1224. Avec cette témérité impie se mut aussi l'envie des pontifes et des scribes, et sur les instances de Judas ils assemblèrent promptement beaucoup de gens, désignant Judas comme chef avec des soldats gentils, un tribun, et beaucoup d'autres Juifs, pour aller prendre le Très Innocent Agneau qui attendait l'événement, regardant les pensées et les diligences des pontifes sacrilèges, comme Jérémie l'avait prophétisé (Jér. 11: 19) expressément. Tous ces ministres d'iniquité sortirent de la ville vers le mont des Oliviers, armés et pourvus de cordes et de chaînes (Jean 18: 3) avec des flambeaux allumés et des lanternes, comme l'auteur de la trahison l'avait préparé, le rusé et perfide Disciple, craignant que son Très Doux Maître, qu'il jugeait sorcier et magicien, ne fît quelque miracle pour S'échapper. Comme si les armes et les précautions des hommes eussent pu prévaloir contre Sa divine Puissance s'Il eût voulu S'en servir, ce qu'Il aurait pu faire, ce qu'Il avait fait en d'autres occasions, avant qu'arrivât cette heure déterminée pour Se livrer volontairement à la Passion, aux affronts et à la Mort de la Croix.

6, 13, 1225. Dans le temps qu'ils s'approchaient, Sa Majesté revint une troisième fois a Ses Disciples, et les trouvant endormis il leur dit (Marc 14: 41-42): «Vous pouvez bien dormir et vous repose, car déjà s'approche l'heure ou vous verrez le Fils de l'homme livré aux mains des pécheurs. Mais c'est assez; levez-vous et allons, car celui qui doit me livrer est proche, parce qu'il M'a déjà vendu.» Le Maître de la sainteté dit ces Paroles aux trois Apôtres plus privilégiés, sans les
reprendre avec plus de rigueur, mais avec une patience, une mansuétude et une suavité souveraines. Et se trouvant confus, le texte dit (Marc 14: 40) qu'ils ne savaient que répondre au Seigneur. Ils se levèrent aussitôt et Il retourna avec ces trois Se joindre aux huit autres où Il les avait laissés, et Il les trouva aussi endormis, vaincus et opprimés par le sommeil à cause de la grande tristesse qu'ils éprouvaient. Le divin Maître ordonna qu'ils sortissent à la rencontre des ennemis tous ensemble sous leur Chef en forme de congrégation et de Corps Mystique; leur enseignant en cela la vertu d'une Communauté parfaite pour vaincre le démon et ses alliés et n'en être point vaincus; parce que la corde triplée (Eccl. 4: 12), comme dit l'Ecclésiaste, est difficile à rompre, et celui qui est puissant contre un, deux pourront lui résister, car tel est l'avantage de vivre en compagnie (Eccl. 4: 9) avec d'autres. Le Seigneur avertit de nouveau tous les Apôtres ensemble et Il les prévint de ce qui était pour arriver. Et aussitôt on entendit le bruit des soldats et des ministres qui venaient pour Le prendre. Sa Majesté avança le pas pour aller àleur rencontre, et avec une incomparable affection, une valeur majestueuse et une piété suprême Il parla dans Son intérieur et dit: «Passion désirée de Mon Âme, douleurs, plaies, affronts, peines, afflictions et Mort ignominieuse, venez, venez, venez vite, car l'incendie de l'Amour que J'ai pour le Salut des mortels vous attend; venez à Celui qui est Innocent entre toutes les créatures, qui connaît votre valeur et qui vous a cherchés, désirés, sollicités et qui vous reçoit volontairement avec allégresse; Je vous ai achetés par Mes anxiétés de vous posséder, Je vous apprécie pour ce que vous méritez. Je veux réparer le mépris que l'on fait de vous, vous élevant à une place et à une dignité très éminentes. Que la mort vienne, afin que la recevant sans la mériter, Je remporte le triomphe sur elle et Je mérite la Vie (Os. 13: 14) de ceux qui la recevront en châtiment du péché. Je permets que mes amis M'abandonnent; parce que Je veux (Is. 63: 3) et peux entrer seul au combat pour leur gagner à tous le triomphe et la victoire [a].»

6, 13, 1226. A ces raisons et d'autres que disait l'Auteur de la Vie, Judas s'avança pour donner à ses ministres (Matt. 26: 48) le signal dont il avait convenu avec eux: et il s'approcha de son Maître pour Le saluer, lui donnant le feint baiser de paix, selon la coutume, afin qu'ils le prissent aussitôt et qu'ils n'en prissent pas un autre par erreur. Le malheureux Disciple prit toutes ces précautions non seulement par avarice, pour l'argent, et à cause de la haine qu'il avait conçue contre son Maître divin, mais aussi par la crainte qu'il eut. Parce qu'il sembla à l'infortuné que si Notre-Seigneur Jésus-Christ ne mourait point en cette
circonstance il lui serait inévitable de revenir en Sa Présence et d'y demeurer, et craignant cette confusion plus que la mort de son âme et plus que celle de son Maître, et pour ne point se voir dans cette honte ils désirait hâter la fin de sa trahison et voir mourir l'Auteur de la Vie entre les mains de Ses ennemis. Le traître s'approcha donc du Très Doux Seigneur et comme artisan insigne de l'hypocrisie, l'ennemi se dissimulant, il lui donna le baiser de paix dans le Visage et lui dit: «Je vous salue, Maître (Marc 14: 45),» et par cette action si perfide s'acheva l'instruction du procès de la perdition de Judas, et la cause du côté de Dieu acheva de se justifier et dès lors il fut plus abandonnée de la grâce et de ses secours. Du côté du perfide Disciple, l'effronterie et la témérité contre Dieu arriva au plus haut point de la malice, car il nia intérieurement, ou ne crut point en la Sagesse Incréée et en la Sagesse créée qu'avait Notre-Seigneur pour connaître sa trahison, ni en Sa Puissance pour l'anéantir; il prétendit cacher sa malice avec une feinte amitié de Disciple véritable; et cela pour livrer aux cruautés et à une mort ignominieuse son Créateur et son Maître, de Qui il se trouvait si bénéficié et envers Qui il était si obligé. Il renferma dans une seule trahison tant de péchés si formidables qu'il n'y a point de pondération égale à leur malice; parce qu'il fut infidèle, homicide, sacrilège, ingrat, inhumain, désobéissant, faux, menteur, cupide, impie et maître de tous les hypocrites, et il exécuta le tout contre la Personne de l'Homme-Dieu Lui-même.

6, 13, 1227. De la part du Seigneur furent aussi justifiées Sa Miséricorde ineffable et l'équité de Sa Justice, avec lesquelles s'accomplirent éminemment ces paroles de David (Ps. 119: 7): «J'étais pacifique avec ceux qui abhorraient la paix; et quand Je leur parlais ils M'outrageaient gratuitement et sans cause.» Sa Majesté l'accomplit si hautement qu'au contact de Judas, par sa très douce réponse: «Mon ami, pourquoi êtes-vous venu (Matt. 26: 50)?» et par l'intercession de Sa Très Sainte Mère, Il envoya au coeur du traître Disciple une Lumière nouvelle et très claire avec laquelle il connut la méchanceté très atroce de sa trahison, les peines qui l'attendaient pour elle s'il ne se rétractait point avec une pénitence véritable; et s'il voulait le faire qu'il trouverait Miséricorde et pardon dans la Clémence divine. Ce que Judas comprit dans ces paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ fut comme si le divin Maître lui eût mis celles-ci dans le coeur: «Mon ami, sache que tu perds ma mansuétude libérale dans cette trahison et que tu n'en profites point. Si tu veux Mon Amitié, Je ne te la refuserai pas pour cela dès que tu sentiras la douleur de ton péché. Pèse ta témérité de Me livrer avec une paix feinte par un baiser de
respect et d'amitié. Souviens-toi des Bienfaits que tu as reçus de Mon Amour et que Je suis le Fils de La Vierge de qui tu as été aussi très favorisé entre tous Mes Apôtres par des conseils et des admonestations de Mère amoureuse. Pour Elle seule tu ne devais point commettre une telle trahison de vendre et de livrer son Fils puisqu'Elle ne te désobligea jamais, et sa Charité et sa mansuétude très douces ne méritaient point que tu lui fisses une offense si démesurée. Mais quoique tu l'aies commise, ne méprise point son intercession qui seule sera puissante auprès de Moi, et pour Elle Je t'offre le pardon et la Vie qu'Elle m'a demandés tant de fois pour toi. Persuade-toi que nous t'aimons, parce que tu es encore en un lieu d'Espérance et Nous ne te refuserons point Notre Amitié si tu la veux. Sinon tu mériteras Notre haine et ta peine et ton châtiment éternel.» Cette semence si Divine ne prit point racine dans le coeur très infortuné et très malheureux du Disciple, plus dur qu'un diamant et plus inhumain qu'une bête féroce, puisque résistant à la Clémence divine, il arriva au désespoir que je dirai dans le chapitre suivant.

6, 13, 1228. Le signal du baiser étant donné par Judas, l'Auteur de la Vie et Ses Disciples Se rencontrèrent avec la troupe de soldats qui venaient pour Le prendre et ils se présentèrent face à face, comme deux armées les plus opposées et les plus contraires qu'il y eût jamais dans le monde. Parce que d'un côté étant Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, Capitaine et Chef des Justes, accompagné des onze Apôtres qui étaient et devaient être les meilleurs hommes, les plus forts de Son Église, et avec eux assistaient des armées innombrables d'esprits Angéliques, qui dans l'admiration de ce spectacle Le bénissaient et L'adoraient. De l'autre côté venait Judas, auteur de la trahison, armé de l'hypocrisie et de toute iniquité, avec plusieurs ministres juifs et gentils, pour l'exécuter avec beaucoup de cruauté. Avec cette armée venaient Lucifer et un grand nombre de démons, incitant et accompagnant Judas et ses alliés, afin qu'ils missent intrépidement leurs mains sacrilèges sur leur Créateur. Sa Majesté S'adressa aux soldats avec un grand courage, une grande autorité et une affection indicible pour la souffrance et Il leur dit (Jean 18: 4-5): «Qui cherchez-vous?» Ils répondirent: «Jésus le Nazaréen.» Le Seigneur répliqua et dit: «JE LE SUIS.» Par cette Parole d'un prix et d'une félicité incomparables pour le genre humain, Jésus-Christ Se déclara notre Sauveur et notre Réparateur, nous donnant des gages certains de notre remède et des espérances de Salut éternel qui nous étaient
accordées seulement parce que Sa Majesté S'offrait volontairement pour nous racheter par Sa Passion et Sa Mort.

6, 13, 1229. Les ennemis ne purent entendre ce Mystère ni percevoir le sens légitime de cette Parole: «JE LE SUIS.» Mais la Bienheureuse Mère et les Anges le comprirent et les Apôtres en pénétrèrent beaucoup. Et ce fut comme s'Il eût dit: "Je suis Celui qui suis (Ex. 3: 14); Je l'ai dit à Mon Prophète Moïse, parce que Je suis par Moi-même et toutes les créatures n'on leur être et leur existence que par Moi; Je suis Éternel, Immense, Infini, Un dans la Substance et les Attributs; et cachant Ma gloire, Je me suis fait homme afin de racheter le monde par le moyen de la Passion et de la Mort que vous voulez me donner." Comme le Seigneur dit cette Parole en vertu de Sa Divinité, les ennemis ne purent y résister (Jean 18: 6) et dès qu'elle frappa leurs oreilles, ils tombèrent tous par terre sur le dos et le crâne. Et il n'y eut pas que les soldats qui furent renversés, mais aussi les chiens qu'ils avaient et quelques chevaux qu'ils montaient. Ils tombèrent tous par terre, demeurant immobiles comme des pierres. Et aussi Lucifer et ses démons furent renversés et atterrés avec les autres, souffrant une nouvelle confusion et un nouveau tourment. Ils demeurèrent de cette manière presque un demi quart d'heure sans plus de mouvement de vie que s'ils eussent été morts. O Parole mystérieuse dans la Doctrine et plus qu'invincible dans la Puissance! Que le sage en Ta présence ne se glorifie (Jér. 9: 23) pas de sa sagesse et de son astuce, ni le puissant de sa valeur: que la vanité et l'arrogance des enfants de Babylone s'humilie; puisqu'une seule Parole de la bouche du Seigneur dite avec tant d'humilité et de mansuétude confond, anéantit et détruit toute la puissance et l'arrogance des hommes et de l'enfer. Nous aussi, les enfants de l'Église, comprenons que les victoires de Jésus-Christ s'obtiennent en confessant la vérité, donnant lieu à la colère (Rom. 12: 19), professant Sa mansuétude (Matt. 11: 29) et Son humilité de Coeur, vainquant et étant vaincus, avec une sincérité de colombe, une tranquillité et une soumission de brebis, sans résistance de loups enragés et carnassiers.

6, 13, 1230. Notre Sauveur avec les onze Apôtres regarda l'effet de Sa Parole divine dans la ruine de ces ministres d'iniquité. Et Sa Majesté divine contempla en eux d'un air douloureux le portrait du châtiment des réprouvés et Il écouta l'intercession de Sa Très Sainte Mère pour les laisser se relever, car Sa
Volonté divine l'avait ordonné par ce moyen. Et lorsqu'il fut temps qu'ils revinssent à eux, Il pria le Père Éternel et dit: «O Mon Père, Dieu Éternel, Vous avez mis toutes choses entre Mes mains (Jean 13: 3), et en Ma Volonté, la Rédemption des hommes que Votre Justice demande. Je veux de toute Ma Volonté La satisfaire pleinement et Me livrer à la mort pour mériter à Mes frères la participation de Vos Trésors et la Félicité Éternelle que Vous leur avez préparée.» Avec cette Volonté efficace, le Très-Haut permit que toute cette canaille d'hommes et de démons, ainsi que les animaux se relevassent, restitués à l'état qu'ils avaient avant de tomber par terre. Et notre Sauveur leur dit une seconde fois (Jean 18: Cool: «Qui cherchez-vous?» Ils répondirent encore: «Jésus le Nazaréen.» Sa Majesté répliqua très doucement: «Je vous l'ai dit que Je le suis; et si c'est Moi que vous cherchez, laissez aller libres ceux qui sont avec Moi.» Par ces Paroles il donna permission aux ministres et aux soldats de Le prendre et d'exécuter leur détermination; car sans qu'ils le comprissent, c'était charger sur Sa Personne (Is. 53: 4) divine toutes nos douleurs et nos infirmités.

6, 13, 1231. Le premier qui s'avança vilainement pour mettre la main sur l'Auteur de la Vie et Le prendre fut un serviteur des pontifes, appelé Malchus. Et quoique tous les Apôtres fussent troublés et affligés de crainte, saint Pierre néanmoins s'enflamma plus que les autres dans le zèle de l'honneur et de la défense de leur divin Maître, et tirant une épée qu'il avait, il en donna un coup à Malchus et lui coupa l'oreille, la détachant tout à fait. Et le coup était dirigé pour faire une plus grande blessure, si la Providence divine du Maître de la patience et de la mansuétude ne l'eût détourné. Mais Sa Majesté ne permit pas que la mort d'aucun autre que la Sienne n'intervînt en cette circonstance, quand Ses plaies, Son Sang et Ses douleurs venaient donner à tous la Vie Éternelle s'ils L'acceptaient, et racheter le genre humain. Il n'était pas non plus selon Sa Volonté et Sa Doctrine que Sa Personne fût défendue avec des armes offensives, ni que cet exemple demeurât dans Son Église, comme dans l'intention principale de la défendre. Pour confirmer cette Doctrine comme Il l'avait enseignée, Il prit l'oreille coupée et Il la restitua au serviteur Malchus, la laissant à sa place, parfaitement saine, mieux qu'auparavant. Et d'abord Il réprimanda Pierre et lui dit: «Remets l'épée à sa place, parce que tous ceux qui la prendront pour en frapper périront par elle. Ne veux-tu point que Je boive le calice que Mon Père M'a donné? Pense-tu que Je ne puisse Lui demander plusieurs légions d'Anges pour Ma défense? et Il Me les donnerait aussitôt. Mais comment s'accompliraient les Écritures et les Prophéties?»

6, 13, 1232. Saint Pierre demeura éclairé et averti par cette amoureuse correction, comme Chef de l'Église dont les armes pour l'établir et la défendre devaient être de puissance spirituelle, et que la Loi de l'Évangile n'enseignait point àcombattre et à vaincre par des épées matérielles, mais par l'humilité, la patience, la mansuétude et la Charité parfaite, vainquant le démon, le monde et la chair; que moyennant ces victoires, la Vertu divine triomphe de ses ennemis et de la puissance et de l'astuce de ce monde; et que les actes d'offenser et de se défendre par les armes ne sont pas pour les Disciples de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais pour les princes de la terre pour les possessions terrestres, et que l'épée de la Sainte Église doit être spirituelle, car elle touche les âmes avant de toucher les corps. Ensuite Notre-Seigneur Jésus-Christ se tourna vers Ses ennemis et les ministres des Juifs et Il leur parla avec une grande majesté et leur dit: «Vous venez avec des armes et des épées pour Me prendre comme si J'étais un voleur (Matt. 26: 55; Marc 14: 48; Luc 22: 53), et jamais vous ne l'avez fait, quand J'étais chaque jour avec vous, enseignant et prêchant dans le Temple; mais cette heure-ci est votre heure et la puissance des ténèbres.» Toutes les Paroles de notre Sauveur étaient très profondes dans les Mystères qu'elles renfermaient. Et il n'est pas possible de les comprendre et de les déclarer toutes, spécialement celles qu'Il prononça dans l'occasion de Sa Passion et de Sa Mort.

6, 13, 1233. Ces ministres du péché eussent bien pu s'amollir et se confondre par cette réprimande du divin Maître; mais ils ne le firent point parce qu'ils étaient une terre maudite et stérile, abandonnée de la rosée des vertus et de la piété véritable. Toutefois, l'Auteur de la Vie voulut les reprendre et leur enseigner la Vérité jusqu'a ce point, afin que leur méchanceté fut moins excusable et parce qu'en la Présence de la Sainteté et de la Justice souveraines, ce péché et les autres qu'ils commettaient ne demeurassent point sans réprimande et sans enseignement, et que ces ministres ne s'en retournassent point sans avoir un remède contre eux s'ils voulaient l'accepter; et joint à cela, afin que l'on reconnût qu'Il savait tout ce qui devait arriver et qu'Il Se livrait volontairement à la mort et aux mains de ceux qui la Lui procuraient. Sa Majesté dit ces Paroles pour ces fins et d'autres très sublimes, leur parlant au coeur comme Celui qui le pénétrait et qui savait leur malice et la haine qu'ils avaient conçut contre Lui, ainsi que la cause de leur envie qui était d'avoir repris les vices des prêtres et des Pharisiens, d'avoir enseigné au
peuple la Vérité et le Chemin de la Vie Eternelle; et parce qu'avec Sa Doctrine, Son exemple et Ses miracles, Il attirait la volonté de tous les coeurs humbles et pieux et qu'Il réduisait plusieurs pécheurs à Son Amitié et à Sa grâce; et il est clair que Celui qui avait le pouvoir d'opérer ces choses en public, l'avait aussi pour que sans Sa Volonté il ne leur fût pas possible de Le prendre dans les champs, puisqu'ils ne L'avaient pris dans le Temple ni dans la ville où Il prêchait; parce qu'Il ne voulait pas Lui-même être pris alors, jusqu'à ce qu'arrivât l'heure déterminée par Sa Volonté pour donner cette permission aux hommes et aux démons. Et parce qu'Il la leur avait donnée alors pour être pris, affligé, avili et maltraité Il leur dit: «C'est votre heure et la puissance des ténèbres.» Comme s'Il leur eût dit: "Il a été nécessaire jusqu'à présent que Je fusse avec vous comme Maître pour votre instruction et pour cela Je n'ai point consenti que vous m'ôtassiez la vie. Mais à présent Je veux consommer par Ma Mort l'Oeuvre de la Rédemption des hommes que Mon Père Éternel M'a recommandée; et ainsi Je vous permets de M'emmener lié et d'exécuter sur Moi votre volonté." Avec cela ils Le prirent, investissant le Très Doux Agneau comme des tigres inhumains; ils Le lièrent avec des cordes et des chaînes et L'emmenèrent ainsi à la maison du pontife, comme je le dirai plus loin.

6, 13, 1234. La Très Pure Vierge-Mère était très attentive à tout ce qui arrivait dans la prise de Notre-Seigneur Jésus-Christ, car Elle avait une claire vision qui le lui manifestait mieux que si Elle eût été présente de corps et Elle pénétrait par l'intelligence tous les sacrements que renfermaient les Paroles de son Très Saint Fils et toutes les Oeuvres qu'Il exécutait. Lorsque la Très Prudente Dame vit que cet escadron de soldats et de ministres partait de la maison du pontife, Elle prévit les irrévérences et les outrages avec lesquels ils traiteraient leur Créateur et leur Rédempteur; et pour les compenser dans la forme que sa piété put trouver, Elle convia ses saints Anges et plusieurs autres, afin qu'ils rendissent tous ensemble avec Elle le culte d'adoration et de louange au Seigneur des créatures à la place des injures et des opprobres avec lesquels Il devait être traité par ces mauvais ministres des ténèbres. Elle donna le même avis aux saintes femmes qui priaient avec Elle et Elle leur manifesta que son Très Saint Fils, en cette heure, avait donné permission à Ses ennemis de Le prendre et de Le maltraiter et que cela était exécuté par ces pécheurs avec une impiété et une cruauté lamentables. Et avec l'assistance des saints Anges et des pieuses femmes, la religieuse Reine fit intérieurement et extérieurement des actes admirables de Foi, d'Amour et de
religion, confessant, adorant, louant et magnifiant la Divinité Infinie et l'Humanité très sainte de son Fils et son Créateur. Les sainte femmes l'imitaient dans les génuflexions et les prosternations qu'Elle faisait et les Princes célestes répondaient aux cantiques avec lesquels Elle magnifiait et confessait l'Être divin et humain de son fils très aimant. Et selon que les fils de l'iniquité allaient en l'offensant par des injures et des irrévérences, Elle le compensait par des louanges et de la vénération. Et Elle apaisait en même temps la Justice divine, afin qu'elle ne s'indignât point contre les persécuteurs de Jésus-Christ et qu'elle ne les détruisît point; parce que la Très Sainte Marie seule put retenir le châtiment de ces offenses.

6, 13, 1235. La grande Dame put non-seulement apaiser le courroux du juste Juge; mais Elle put obtenir des faveurs et des Bienfaits pour ceux-là même qui L'irritaient, et que la Clémence divine leur donnât le Bien pour le mal, quand ils donnaient àNotre-Seigneur Jésus-Christ le mal pour le Bien, en retour de Sa Doctrine et de Ses Bienfaits. Cette Miséricorde arriva au suprême degré dans le déloyal et obstiné Judas; parce que la pieuse Mère voyant qu'il Le livrait par le baiser d'une feinte amitié et qu'en cette bouche très immonde le même Seigneur Sacramenté avait été posé peu auparavant et qu'Il lui donnait alors Son consentement pour qu'il arrivât à toucher immédiatement le vénérable Visage de son Très Saint Fils, transpercée de douleur et vaincue par la Charité, cette divine Mère, dis-je, demanda au même Seigneur de donner de nouveaux secours à Judas, afin que s'il les recevait, celui qui était arrivé à une telle félicité que de toucher de cette manière la Face que les Anges même désirent regarder ne se perdît point. A cause de cette prière de la Très Sainte Marie, son Fils et son Seigneur envoya de grands secours que le traître Judas reçut, comme je l'ai dit, à la fin de sa trahison et au commencement de la prise de Jésus. Et si le malheureux les eût admis et s'il eût commencé à y correspondre, cette Mère de Miséricorde lui en eût obtenu de beaucoup plus grands, et finalement le pardon de son iniquité, comme Elle le fait envers d'autres grands pécheurs qui veulent lui donner cette gloire et qui acquièrent pour eux la gloire éternelle. Mais Judas n'arriva point à cette science et il perdit tout, comme je le dirai dans le chapitre suivant.

6, 13, 1236. Lorsque la divine Dame vit aussi qu'en vertu de la Parole divine, tous les ministres et les soldats qui venaient Le prendre tombèrent par terre, Elle fit avec les Anges un autre cantique mystérieux, exaltant le Pouvoir
infini et la Vertu de la Très Sainte Humanité et Elle y renouvela le souvenir de la victoire qu'eut le Nom du Très-Haut en submergeant (Ex. 15: 4) dans la Mer Rouge, Pharaon et ses troupes, et Elle loua son Fils et son Dieu véritable de ce qu'étant le Seigneur des armées et des victoires, Il voulût Se livrer à la Passion et à la Mort, pour racheter d'une manière plus admirable le genre humain de la captivité de Lucifer. Elle pria ensuite le Seigneur de laisser tous ceux qui étaient renversés et atterrés, se relever et revenir à eux-mêmes. Et Elle fut d'abord portée à cette demande par sa très libérale piété et par la très fervente compassion qu'Elle eut de ces hommes crées de la main du Seigneur et à Son Image et à Sa Ressemblance; secondement pour accomplir éminemment la Loi de la Charité en pardonnant (Matt. 5: 44) aux ennemis et en faisant du bien à ceux qui nous persécutent, Doctrine enseignée et pratiquée par son propre Fils et son Maître, et finalement parce qu'Elle savait que les prophéties et les Écritures devaient être accomplies dans le Mystère de la Rédemption des hommes. Et quoique tout cela fût infaillible, il n'implique pas que la Très Sainte Marie laissât de le demander; car le Très-Haut était mû par ses prières à faire ces faveurs; parce que dans la Sagesse infinie et les décrets de Sa Volonté éternelle, tout était prévu et ordonné par ce moyen et ces pétitions, et ce mode était le plus convenable à la raison et à la Providence du Seigneur en la déclaration de laquelle il ne m'est pas possible de m'arrêter maintenant. Dès l'instant qu'ils prirent et lièrent notre Sauveur, la Très Pure Mère sentit dans ses mains les douleurs des cordes et des chaînes, comme si Elle eût été attachée et serrée; et il en était de même des coups et des tourments que le Seigneur recevait, parce que cette faveur fut concédée à Sa Mère, comme je l'ai déjà dit [b], et comme nous le verrons dans le cours de la Passion. Cette peine dans le sensitif fut de quelque soulagement; parce que l'Amour divin lui en eût fait une plus grande dans l'âme, si Elle n'eût souffert de cette manière avec son Très Saint Fils.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL
LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 13, 1237. Ma fille, en tout ce que tu écris et entends de ma Doctrine, tu fulmines le procès contre tous les mortels et contre toi-même si tu ne sortais de ton enfance et ne vainquais ton ingratitude et ta grossièreté en méditant jour et nuit la Passion, les douleurs et la Mort de Jésus crucifié. Telle est la Science des saints que les mondains ignorent, c'est le Pain de Vie et d'Entendement (Sag. 15: 3) qui rassasie les petits et qui leur donne la Sagesse, laissant les amateurs du siècle vides et affamés. Je te veux studieuse et savante dans cette Science car tous les Biens (Sag. 7: 11) te viendront avec elle. Mon Fils et mon Seigneur enseigna l'ordre de cette Sagesse cachée, lorsqu'Il dit (Jean 14: 6): «Je suis la Voie, la Vérité et la Vie; nul ne vient à Mon Père si ce n'est par Moi.» Or, dis-moi, ma très chère, si le Seigneur Se fit la Voie et la Vie des hommes par le moyen de la Passion et de la Mort qu'Il souffrit pour eux, n'est-il pas inévitable que pour aller par ce Chemin et professer cette Vérité, ils doivent passer par Jésus-Christ crucifié, affligé, fouetté et insulté? Considère donc maintenant l'ignorance des mortels qui veulent arriver au Père sans passer par le Christ; parce que sans avoir souffert ni s'être conformés à Lui ils veulent régner avec Sa Majesté, sans s'être souvenus de Sa Passion et de Sa Mort, ni l'avoir goûtée en aucune chose, ni en avoir été vraiment reconnaissants; ils veulent qu'elles leur servent pour jouir des délices et de la gloire dans la vie présente et dans l'éternelle, leur Créateur ayant souffert des douleurs et une Passion très acerbes pour y entrer (Luc 24: 26), leur laisser cet exemple et leur ouvrir le Chemin de la Lumière.

6, 13, 1238. Le repos n'est pas compatible avec la confusion de n'avoir point travaillé pour celui qui devait l'acquérir par ce moyen. Celui-là n'est pas un vrai fils qui n'imite pas son père, ni un serviteur fidèle qui n'accompagne point son maître, ni moi, je ne répute point pour mon dévot celui qui ne se conforme pas àmon Fils et à moi en ce que Nous avons souffert. Et même l'Amour avec lequel Nous procurons le Salut Éternel des hommes Nous oblige à leur envoyer des tribulations et des peines, quand nous les voyons si oublieux de cette Vérité et si
contraires à la souffrance, afin que s'ils ne les aiment pas volontairement au moins, qu'ils les acceptent et les souffrent forcément, et qu'ils entrent par ce moyen dans le Chemin assuré du Repos Éternel qu'ils désirent. Et tout cela encore ne suffit point; parce que l'inclination et l'amour aveugle pour les choses visibles et terrestres les retient et les embarrasse, les rend tardifs et pesants de coeur, leur ôte toute la mémoire, l'attention et les affections, de sorte qu'ils ne s'élèvent point au-dessus d'eux-mêmes et des choses transitoires. De là vient qu'ils ne trouvent point d'allégresse dans les tribulations, ni de soulagement dans les travaux, ni de consolation dans les peines, aucune joie ni aucune quiétude dans les adversités; parce qu'ils abhorrent tout cela et ils ne désirent rien de pénible pour eux comme le désiraient les Saints, pour cela ceux-ci dans les tribulations se glorifiaient (Rom. 5: 3-4) comme celui qui arrive à la possession de ses désirs. Cette ignorance va plus loin en plusieurs fidèles; parce que quelque-uns demandent d'être embrasés dans l'Amour de Dieu, d'autres que ce divin Seigneur leur pardonne beaucoup de péchés, d'autres qu'Il leur concède de grands Bienfaits: et Il ne peut rien leur donner parce qu'ils ne le demandent point au Nom de mon Seigneur Jésus-Christ, L'imitant et L'accompagnant dans Sa Passion.

6, 13, 1239. Embrasse donc la Croix, ma fille et ne reçois sans elle aucune consolation en cette vie mortelle. Par la Passion sentie et méditée tu monteras au plus haut de la perfection et tu acquerras un amour d'épouse. Imite-moi en cela selon que tu en as la Lumière et selon l'obligation où je te mets. Bénis et exalte mon Très Saint Fils pour l'Amour avec lequel Il Se livra à la Passion pour le salut des hommes. Il y a peu de mortels qui réfléchissent à ce Mystère; mais moi, comme témoin oculaire, je t'avertis que dans l'appréciation de mon Très Saint Fils, rien ne Lui fut estimable ni plus désirable de tout Son Coeur, après Son Ascension à la droite de Son Père Éternel que de S'offrir et à mourir et de Se livrer pour cela à Ses ennemis. Je veux aussi que tu te lamentes avec une douleur intime de ce que Judas ait plus d'adhérents dans ses méchancetés et ses perfidies que Jésus-Christ. Il y a beaucoup d'infidèles et de mauvais Catholiques, beaucoup d'hypocrites qui avec le nom de Chrétiens Le vendent et Le livrent et qui veulent Le crucifier de nouveau. Pleure tous ces maux que tu entends et que tu connais, afin que tu m'imites et me suives en cela.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 13, [a]. Dans l'exécution "la victoire est avant le triomphe", mais ici le "triomphe" est mis le premier, parce que dans l'intention il est avant la victoire qui est ordonnée au triomphe. On doit dire la même chose des expressions semblables de la Vénérable.
6, 13, [b]. Livre 6, No.
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Message par sga Ven 30 Aoû 2019 - 13:23

CHAPITRE 14


La fuite et la séparation des Apôtres et la prise de leur Maître; la connaissance qu'en eut la Très Sainte Mère et ce qu'Elle fit en cette occasion; la damnation de Judas et le trouble des démons de ce qu'ils connaissent.


6, 14, 1240. L'arrestation de notre Sauveur Jésus-Christ étant exécutée comme je l'ai dit, l'avis qu'Il avait donné aux Apôtres dans la Cène s'accomplit: qu'ils souffriraient tous un grand scandale (Matt. 26: 31) au sujet de Sa Personne cette nuit-là et qu'ils seraient assaillis (Luc 22: 31) par Satan et criblés comme le froment. Parce que lorsqu'ils virent prendre et lier leur divin Maître ils demeurèrent très troublés et très affligés, de voir que ni la mansuétude et les paroles si douces et si puissantes du Sauveur, ni Ses miracles et Sa Doctrine, ni Sa conversation et Sa Vie irréprochables n'avaient pu apaiser la colère des ministres, ni tempérer l'envie des pontifes et des Pharisiens. Et ils s'intimidèrent par la crainte naturelle, perdant le courage et le conseil de leur Maître, ils commencèrent à vaciller dans la Foi, chacun d'eux imaginant et cherchant comment il pourrait se mettre en sûreté contre le péril qui les menaçait, voyant ce qui arrivait à leur Maître et leur Chef. Et comme tout cet escadron de soldats et de ministres
s'approchèrent pour arrêter et enchaîner leur doux Agneau avec lequel tous étaient irrités et occupés, les Apôtres, profitant alors de l'occasion (Matt. 26: 56), s'enfuirent sans être vus ni remarqués des Juifs; car en autant qu'il était d'eux, si l'Auteur de la Vie l'eût permis, ils eussent sans doute pris tout le Collège des Apôtres et surtout en les voyant fuir comme timides ou coupables. Mais il ne convenait point qu'ils fussent pris et qu'ils souffrissent alors. Notre Sauveur avait manifesté cette Volonté en disant que s'ils cherchaient Sa Majesté de laisser aller libres ceux qui L'accompagnaient (Jean 18: Cool, et ainsi Il le disposa par la force de Sa divine Providence. Mais la haine des pontifes et des Pharisiens s'étendait aussi aux Apôtres, pour en finir avec eux tous s'ils pouvaient; et pour cela le pontife Anne interrogea le divin Maître sur Ses Disciples et Sa Doctrine (Jean 18: 19).

6, 14, 1241. Dans cette fuite des Apôtres, Lucifer aussi était tantôt halluciné et perplexe et tantôt il redoublait de malice avec des fins variées. Car d'un côté il désirai éteindre la Doctrine du Sauveur du Monde et faire mourir tous Ses Disciples, afin qu'il ne demeurât point souvenir d'eux; et pour cela il était conforme à son désir qu'ils fussent pris et qu'ils mourussent par le moyen des Juifs. Ce dessein ne parut pas au démon facile à obtenir, et reconnaissant la difficulté, il tâcha d'inciter les Apôtres et de les troubler par des suggestions, afin qu'ils s'enfuissent et qu'ils ne vissent pas la patience de leur Maître dans la Passion et qu'ils ne fussent pas témoins de ce qui y arriverait. L'astucieux dragon craignit qu'avec la nouvelle Doctrine et le nouvel exemple, les Apôtres demeurassent plus confirmés et plus constants dans la Foi et qu'ils résistassent aux tentations qu'il leur proposait contre elle; et il lui sembla que s'ils commençaient alors à chanceler, il les renverserait ensuite avec de nouvelles persécutions qu'il leur susciterait par le moyen des Juifs, lesquels étaient toujours prêts à les offenser en haine de leur Maître. Par ce mauvais conseil le démon se trompa lui-même. Et lorsqu'il connut que les Apôtres étaient timides, lâches et le coeur très abattu par la tristesse, cet ennemi, jugea que c'était la pire disposition de la créature et pour lui la meilleure occasion de les tenter, et il les attaqua avec une rage furieuse, leur proposant de grands doutes, et des soupçons contre le Maître de la Vie et il leur inspira de L'abandonner et de s'enfuir. Et quant à la fuite, ils n'y résistèrent point, comme à plusieurs des fausses suggestions contre la Foi; car ils défaillirent aussi en elle, les uns plus, les autres moins, car en cela ils ne furent pas tous également troublés et scandalisés.

6, 14, 1242. Ils se séparèrent les uns des autres, fuyant en différents endroits, car il était plus difficile de se cacher tous ensemble, car c'était tout ce qu'ils prétendaient alors. Saint Pierre et saint Jean seuls se joignirent pour suivre (Jean 18: 15) de loin leur Dieu et leur Maître jusqu'à ce qu'ils eussent vu la fin de la Passion (Matt. 26: 58). Mais il se passait dans l'intérieur de chacun des onze Apôtres une lutte de douleur et de tribulations souveraines, qui leur mettait le coeur sous le pressoir, sans leur laisser aucune consolation ni aucun repos. D'un côté la raison, la grâce, la Foi, l'Amour, la Vérité combattaient; de l'autre les tentations, les soupçons, la crainte, la timidité naturelle et la tristesse. La raison et la Lumière de la Vérité, les reprenaient de leur inconstance et de leur déloyauté d'avoir abandonné leur Maître comme des lâches, fuyant le danger, après avoir été avertis et s'être offerts eux-mêmes si peu auparavant à mourir avec Lui, s'ils était nécessaire. Ils se souvenaient de leur désobéissance négligente, et de leur peu de soin à prier et à se préparer contre les tentations, comme leur très saint Maître le leur avait commandé. L'amour qu'Ils avaient pour Lui à cause de Son aimable conversation et de ses doux entretiens, ainsi que pour Sa Doctrine et Ses merveilles, et le souvenir qu'Il était vrai Dieu les animait et les mouvait, à retourner Le chercher et à s'offrir au danger et à la mort comme des disciples et des serviteurs fidèles. A cela se joignait le souvenir de Sa Très Sainte Mère, la considération des sa douleur incomparable, le besoin de consolation qu'Elle devait avoir et ils désiraient aller la chercher et l'assister dans sa douleur. D'un autre côté la crainte de se livrer à la cruauté des Juifs, à la confusion, à la persécution et à la mort combattaient en eux. Pour paraître en présence de la douloureuse Mère, la pensée qu'Elle les obligerait à retourner auprès de leur Maître les affligeait et les troublait, et aussi qu'ils eussent été moins en sûreté avec Elle, parce qu'on eût pu faire des recherches d'eux dans sa maison. Outre tout cela, les suggestions des démons étaient impies et terribles; parce que le dragon leur suggérait à la pensée des imaginations effrayantes de ce qu'ils seraient homicides d'eux-même en se livrant à la mort, que leur Maître ne pourrait se délivrer de pontifes et qu'Il pourrait encore moins les tirer eux-mêmes de leurs mains, qu'ils Lui ôteraient la vie en cette occasion et qu'ainsi s'achèverait la dépendance qu'ils avaient en Lui, puisqu'ils ne Le verraient plus; et que bien que sa vie parût irréprochable, il enseignait néanmoins certaines Doctrines très dures et quelque peu âpres qui n'avaient jamais été pratiquées jusqu'alors et que c'était pour elles que les pontifes et les sages de la Loi L'abhorraient et que tout le peuple était indigné contre Lui; et
que c'était bien fort de suivre un homme qui devait être condamné à un mort infâme et ignominieuse.

6, 14, 1243. Ce débat et cette lutte intérieure se passait dans le coeur des Apôtres fugitifs; et entre plusieurs raisons Satan prétendait qu'ils doutassent de la Doctrine de Jésus-Christ et des prophéties qui parlaient de Ses Mystères et de Sa Passion. Et comme dans la douleur de ce conflit ils ne trouvaient point d'espérance que leur Maître sortît en vie du pouvoir des pontifes, la crainte arriva à passer à une tristesse et une mélancolie profonde avec laquelle ils choisirent de fuir le danger et de sauver leur vie. Et c'était avec une pusillanimité et une lâcheté telles qu'en aucun lieu ils ne se jugeaient assurés cette nuit-là, toute ombre et tout bruit les épouvantaient. La félonie de Judas leur ajouta une plus grande crainte; parce qu'ils craignaient qu'il irritât aussi contre eux la colère des pontifes, pour ne point se voir avec les onze, après avoir exécuté sa perfidie et sa trahison. Saint Pierre et saint Jean comme plus fervents dans l'amour du Christ, résistèrent plus que les autres à la crainte et au démon; et demeurant ensemble ils déterminèrent tous deux de suivre leur Maître à quelque distance. Pour prendre cette résolution ils furent beaucoup aidés par la connaissance qu'avait saint Jean [a] avec le Pontife Anne (Jean 18: 15) le pontificat était exercé alternativement par Anne et par Caïphe, et cette année-là était occupé par Caïphe qui avait donné dans le concile le conseil prophétique, qu'il importait qu'un homme mourût afin que tout le monde ne pérît point (Jean 11: 49). Cette connaissance de saint Jean se fondait en ce que l'Apôtre était tenu pour un homme distingué, d'une race noble, qu'il était affable et courtois de sa personne avec des qualités très aimables. Dans cette confiance les deux Apôtres suivirent notre Seigneur avec moins de crainte. Les deux Apôtres avaient dans leur coeur et dans leur pensée la grande Dame du Ciel; ils étaient affligés de son amertume, et désireux de sa présence pour la conforter et la consoler autant qu'il leur serait possible; et l'Évangéliste saint Jean se signala particulièrement en cette affection dévote.

6, 14, 1244. En cette occasion, la divine Princesse regardait du Cénacle par une intelligence très claire, non seulement son Très Saint Fils dans Ses liens et Ses tourments, mais joint à cela Elle connaissait et savait tout ce qui se passait pour les Apôtres intérieurement et extérieurement. Parce qu'Elle regardait leur tribulation et leurs tentations, leurs pensées et leurs déterminations, et où était chacun d'eux et
ce qu'il faisait. Mais quoique tout fût découvert à la Très Candide Colombe, Elle ne s'indigna point contre les Apôtres, Elle ne leur jeta jamais à la face la déloyauté qu'ils avaient commise; bien au contraire Elle fut le Principe et l'Instrument de leur remède, comme je le dirai plus loin [b]. Et dès lors Elle commença à prier pour eux, et avec une très douce Charité et une compassion de Mère, Elle dit dans son intérieur: «Brebis simples et choisies, pourquoi laissez-vous votre Très Aimant Pasteur qui prenait soin de vous et qui vous donnait le Pâturage et l'Aliment de Vie Éternelle? Pourquoi étant disciples d'une Doctrine si véritable, abandonnez-vous votre Bienfaiteur et votre Maître? Comment oubliez-vous cet entretien si doux et si amoureux qui attirait à Lui vos coeurs? Pourquoi écoutez-vous le maître du mensonge, le loup carnassier qui prétend votre ruine? O mon Amour très doux et très patient, que l'Amour des hommes Vous rend Doux, Bénin et Miséricordieux! Étendez Votre piété à ce petit troupeau que la fureur du serpent a troublé et dispersé. Ne livrez pas aux bêtes (Ps. 73: 19) les âmes qui Vous ont confessé. Vous avez une grande attente de ceux que Vous avez choisis pour Vos serviteurs, et Vous avez fait de grandes Oeuvres pour Vos Disciples. Que tant de grâces ne se perdent pas et ne réprouvez pas ceux que Vous avez choisis pour les fondements de Votre Église. Que Lucifer ne se glorifie point d'avoir triomphé à Votre vue du meilleur de Votre maison et de Votre famille. Mon Fils et mon Seigneur, regardez Jean Votre Disciple bien-aimé, Pierre et Jacques favorisé de Votre Volonté et de Votre singulier Amour. Tournez aussi les yeux de Votre clémence vers les autres et écrasez l'orgueil du dragon, qui les a troublés avec une implacable cruauté.»

6, 14, 1245. La grandeur de la Très Sainte Marie excéda en cette occasion toute capacité humaine et angélique, ainsi que les oeuvres qu'Elle fit, et la plénitude de sainteté qu'Elle manifesta aux yeux du Très-Haut et pour Son Agrément. Car outre les douleurs sensibles et spirituelles qu'Elle souffrit des tourments de son Très Saint Fils et des affronts injurieux que souffrit Sa divine Personne dont la vénération et la pondération étaient au suprême degré dans Sa Très Prudente Mère, à tout cela se joignit la douleur de la chute des Apôtres, que seule son Altesse savait pondérer. Elle regardait leur fragilité et l'oubli qu'ils avaient montré des faveurs, de la Doctrine, des avis et des admonestations de leur Maître, et cela si peu de temps après la Cène, le Sermon qu'Il y fit, et la Communion qu'Il leur avait donnée avec la dignité de prêtres, en laquelle Il les laissait si élevés et si obligés. Elle connaissait aussi leur danger de tomber en de
plus grands péchés, par la sagacité avec laquelle Lucifer et ses ministres de ténèbres travaillaient pour les renverser, et l'inadvertance avec laquelle la crainte avait possédé les coeurs de tous les Apôtres plus ou moins. Et pour tout cela Elle multiplia et accrut les prières jusqu'à ce qu'Elle leur eut mérité le remède, et que son Très Saint Fils leur eût pardonné et qu'Il eût accéléré leurs secours, afin qu'ils revinssent aussitôt à la Foi et à l'amitié de Sa grâce, car la Très Sainte Marie fut l'Instrument efficace et puissant de tout cela. Dans l'intérim cette grande Dame recueillit en son Coeur, tout la foi, toute la sainteté, tout le culte et toute la vénération de l'Église entière, car celle-ci fut toute en Marie comme en une Arche incorruptible, conservant et renfermant la Loi Évangélique, le Sacrifice, le Temple et le Sanctuaire. Seule la Très Sainte Marie était alors toute l'Église [c]; et seule Elle croyait, aimait, espérait, vénérait et adorait l'Objet de la Foi pour Elle, pour les Apôtres et pour tout le genre humain. Et cela de manière qu'Elle compensait, autant qu'il était possible à une pure Créature les manquements et le défaut de foi de tout le reste des membres mystiques de l'Église. Elle faisait des actes héroïques de Foi, d'Espérance, d'Amour, de vénération et de culte de la Divinité et de l'Humanité de son Fils et son Dieu véritable, Elle L'adorait avec des génuflexions et des prosternations, et Le bénissait avec des cantiques admirables, sans que la douleur intime et l'amertume de son Âme déconcertât l'instrument de ses puissances, concerté et accordé par la main Puissante du Très-Haut. Ce que dit l'Ecclésiastique ne s'étendit point à cette grande Dame (Eccli. 22: 6): «Que la musique dans la douleur est importune;» parce que seule la Très Sainte Marie put et sut au milieu de ses peines augmenter la douce consonance des vertus.

6, 14, 1246. Laissant les onze Apôtres dans l'état que j'ai dit, je viens à raconter la très malheureuse fin du traître Judas, anticipant quelque peu cet événement pour le laisser dans son infortuné et lamentable sort et continuer le discours de la Passion. Le Disciple sacrilège arriva donc, avec l'escadron qui avait pris notre Sauveur Jésus à la maison des pontifes, chez Anne d'abord, et ensuite chez Caïphe où ils L'attendaient avec les scribes et les Pharisiens. Et comme le divin Maître si maltraité et si tourmenté par des blasphèmes et des coups, à la vue de son perfide Disciple, souffrait tout en silence avec une patience et une mansuétude admirable; alors Judas commença à réfléchir à sa propre perfidie, connaissant qu'elle était seule cause qu'un homme si irréprochable et son Bienfaiteur était traité avec une cruauté si injuste sans l'avoir mériter. Il se souvint des miracles qu'il avait vus, de la Doctrine qu'il avait entendue, des Bienfaits qu'Il
lui avait faits, il se représenta aussi la piété et la mansuétude de la Très Sainte Marie, la charité avec laquelle Elle lui avait sollicité son remède, la méchanceté obstinée avec laquelle il avait offensé le Fils et la Mère pour un très vil intérêt; et tous les péchés qu'il avait commis se présentèrent ensemble à lui comme un chaos impénétrable, et une montagne inhabitable et écrasante.

6, 14, 1247. Comme je l'ai déjà dit, Judas était abandonné de la grâce Divine après la consigne qu'il fit par le baiser et le contact de notre Sauveur Jésus-Christ. Et quoiqu'il fût livré aux mains de son conseil (Eccli. 15: 14) par les jugements cachés du Très-Haut, il fit ces discours dans sa raison naturelle, l'équité Divine le permettant, avec plusieurs suggestions de Lucifer qui l'assistait. Quoique Judas discourût et fit un jugement véritable selon ce qui a été dit; néanmoins comme ces vérités lui étaient administrées par le père du mensonge, il y joignait d'autres propositions fausses et menteuses, afin qu'il ne vînt point à inférer son remède et la confiance de l'obtenir, mais qu'il en appréhendât l'impossibilité et qu'il se désespérât, comme il arriva en effet. Lucifer excita en lui une douleur intime de ses péchés; non pour une bonne fin, ni pour le motif d'avoir offensé la Vérité divine, mais pour le déshonneur qu'il souffrirait parmi les hommes et pour le dommage que son divin Maître puissant en miracle pouvait lui faire, et qu'en tout le monde il ne pourrait s'échapper de Lui, partout le Sang du Juste crierait contre lui. Avec ces pensées et d'autres que le démon lui inspira, il demeura rempli de confusion, de ténèbres et de désespoirs, très furieux contre lui-même. Et se retirant de tous, il était pour se précipiter de très haut dans la maison des pontifes, et il ne put le faire. Il sortit dehors comme une bête féroce; indigné contre lui-même il se mordait les bras et les mains et il se donnait des coups épouvantables sur la tête, s'arrachant les cheveux, et parlant hors de raison, il se donnait plusieurs malédictions ou exécrations, comme très malheureux et très infortuné parmi les hommes.

6, 14, 1248. Lucifer le voyant si avili lui proposa d'aller aux prêtres et, confessant son péché, de leur rendre leur argent. Judas le fit tout de suite et il leur dit tout haut ces paroles (Matt. 27: 4): «J'ai péché en livrant le Sang du Juste.» Mais eux non moins endurcis lui répondirent qu'il eût dû y regarder plus tôt. L'intention du démon était d'essayer d'empêcher la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour les raison que j'ai dites et que je dirai plus loin. Avec cette répulsion
si pleine de cruauté très impie que lui donnèrent les princes des prêtres, Judas acheva de se désespérer, se persuadant qu'il n'était pas possible d'empêcher la mort de son Maître. Le démon jugea la même chose, bien qu'il ne laissât point de faire d'autres diligences par le moyen de Pilate. Mais comme Judas ne pouvait plus lui servir désormais pour son intention, il lui augmenta la tristesse et le désespoir et il lui persuada de s'ôter la vie pour ne point attendre des peines plus dures. Judas reçut cette tromperie formidable (Matt. 27: 5) et sortant de la cité il se pendit à un arbre sec, celui qui s'était fait déicide de son Créateur se faisant homicide de lui-même. Cette malheureuse mort de Judas, arriva le jour même du vendredi à midi qui est le milieu du jour avant que mourût notre Sauveur; parce qu'il ne convenait point que Sa Mort et notre Rédemption consommée tombassent aussitôt sur la mort exécrable du traître Disciple qui L'avait méprisée avec une malice souveraine.

6, 14, 1249. Les démons reçurent aussitôt l'âme de Judas et la portèrent en enfer; mais son corps demeura pendu et ses entrailles crevées (Act. 1: 18) à l'étonnement et à l'épouvante de tous, voyant le châtiment si terrible de la trahison de ce très méchant et très perfide Disciple. Le corps resta pendu trois jours en public. Et dans ce temps les Juifs intentèrent de l'ôter de l'arbre et de l'enterrer secrètement; parce qu'une grande confusion redondait de ce spectacle contre les prêtres et les Pharisiens qui ne pouvaient contredire ce témoignage de leur méchanceté. Mail il ne purent, par aucune industrie, descendre le corps de Judas ni l'ôter d'où il s'était attaché [d], jusqu'à ce que trois jours après, les démons eux-mêmes par la disposition Divine, l'ôtèrent de l'arbre et le portèrent avec son âme dans l'abîme de l'enfer [e]. Et comme ce que j'ai connu du châtiment et des peines qui furent donnés à Judas est digne d'un étonnement épouvantable, je le dirai tel qu'il m'a été montré et ordonné. Entre les cavernes obscures des abîmes infernaux il y en avait une qui était vide, très grande et de plus grands tourments que les autres parce que le démon n'avait pu précipiter aucune âme dans ce lac, quoique la cruauté de ces ennemis l'eût essayé, depuis Caïn jusqu'à ce jour. Cette impossibilité étonnait l'enfer ignorant le secret, jusqu'à ce qu'arrivât l'âme de Judas qu'ils précipitèrent et submergèrent facilement dans cet abîme qui n'avait encore jamais été occupé auparavant par aucun autre damné. Et la raison était que cette caverne de plus grands tourments et de plus grand feu que le reste de l'enfer, demeura marquée dès la création du monde pour les Chrétiens qui ayant reçu le Baptême se damneraient pour n'avoir pas profité des Sacrements, de la Doctrine,
de la Passion et de la Mort du Rédempteur et de l'intercession de Sa Très Sainte Mère. Et comme Judas était le premier qui avait participé avec tant d'abondance à ces Bienfaits pour son remède et qu'il les avait méprisés formidablement, pour cela il fut le premier, qui étrenna ce lieu et ces tourments préparés pour lui et pour ceux qui l'imiteraient et le suivraient [f].

6, 14, 1250. Il m'a été commandé d'écrire ce mystère avec particularité pour l'avertissement et l'instruction de tous les Chrétiens et spécialement des prêtres, des prélats et des religieux qui s'approchent plus fréquemment du Corps et du Sang très Saints de Notre-Seigneur Jésus-Christ et qui, par office et par état sont Ses plus familiers. Et pour n'être point reprise je voudrais trouver des termes et des raisons pour donner la pondération et le sentiment que demande notre dureté insensible, afin que de cet exemple nous prenions tous l'avertissement et que nous craignions le châtiment qui attend les mauvais Chrétiens selon l'état de chacun. Les démons tourmentèrent Judas avec une cruauté inexplicable, parce qu'il ne s'était point désisté de vendre son Maître, avec la Passion et la Mort duquel ils demeuraient vaincus et dépossédés du monde. L'indignation qu'ils conçurent de nouveau pour cela contre notre Sauveur et Sa Très Sainte Mère, ils l'exécutent de la manière qu'il leur est permis contre tous ceux qui imitent le traître Disciple et qui coopèrent avec lui en méprisant la Doctrine de l'Évangile, les Sacrements de la Loi de grâce et le Fruit de la Rédemption. Et c'est avec juste raison que ces malins esprits tirent vengeance des membres du Corps Mystique de l'Église qui ne s'unirent point à leur Chef Jésus-Christ, qui s'en séparèrent volontairement et qui se livrèrent aux démons lesquels l'abhorrent le maudissent et châtient, comme instrument de la Justice divine, les ingratitudes des rachetés contre leur Rédempteur. Que les enfants de la Sainte Église considèrent attentivement cette vérité car s'ils l'avaient présente, il n'est pas possible qu'elle laissât de mouvoir leur coeur et de leur donner du jugement pour se détourner d'un danger si lamentable.

6, 14, 1251. Lucifer et ses ministres d'iniquité étaient très vigilants et très attentifs parmi les événements de tout le cours de la Passion, pour achever de s'assurer si Notre-Seigneur Jésus-Christ était le Messie, le Rédempteur du monde. Car parfois Ses miracles les persuadaient et d'autres fois Ses actions et la souffrance de la faiblesse humaine que notre Sauveur avait prise pour nous les dissuadaient; mais ce fut dans le Jardin que les soupçons du dragon s'accrurent
davantage, lorsqu'il sentit la force de cette parole du Seigneur (Jean 18: 6): "JE SUIS"; le démon même avait été renversé avec tous les autres en la présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il y avait peu de temps qu'il était sorti de l'enfer, accompagné de ses légions depuis qu'il avait été précipité du Cénacle dans l'abîme. Et quoique ce fut la Très Sainte Marie qui les avait précipités de là, comme je l'ai dit [g], néanmoins Lucifer conféra avec lui-même et avec ses ministres que cette vertu et cette force du Fils et de la Mère étaient nouvelles et qu'elles n'avaient jamais été vues contre eux. Et en lui donnant permission de se relever dans le Jardin il s'adressa aux autres démons et il leur dit: «Il n'est pas possible que ce pouvoir soit d'un homme seul; il est sans doute Dieu et homme tout ensemble, et s'Il meurt comme nous le disposons, Il opérera par cette voie la Rédemption, Il satisfera à Dieu, et notre empire demeurera perdu et notre désir frustré. Nous avons mal procédé en Lui procurant la mort. Et si nous ne pouvons empêcher qu'Il meure, éprouvons jusqu'où arrive Sa patience et procurons de Le tourmenter avec une cruauté inouïe par le moyen de Ses ennemis mortels. Irritons-les contre Lui; inspirons-leur des suggestions de mépris, d'affronts, d'ignominies et de tourments, afin qu'ils les exécutent dans Sa Personne; induisons-les à employer leur colère en les irritant, et prêtons attention aux effets que produisent toutes ces choses en Lui.» Les démons intentèrent tout cela comme ils le proposèrent; quoiqu'ils n'obtinrent pas tout selon qu'il est manifesté dans le discours de la Passion, à cause des mystères cachés que je dirai [h] et que j'ai rapporté jusqu'à présent. Ils provoquèrent les bourreaux, afin qu'ils intentassent de tourmenter notre Sauveur Jésus-Christ par certains tourments moins décents à Sa royale et divine Personne que ceux qu'ils lui donnèrent; parce que Sa Majesté ne consentit point d'en accepter d'autres que ceux qu'Il voulut et qu'Il était convenable qu'Il souffrît, leur laissant exécuter en ceux-ci toute leur rage et leur fureur inhumaine.

6, 14, 1252. La grande Dame du Ciel, la Très Sainte Marie intervint aussi pour empêcher la malice insolente de Lucifer; parce que tous les efforts de ce dragon infernal lui furent découverts. Parfois Elle lui empêchait plusieurs de ses desseins avec un empire de Reine, afin qu'il ne les proposât point aux ministres de la Passion. D'autres fois la divine Princesse demandait à Dieu de ne point laisser exécuter ceux qu'il leur proposait et Elle concourait par le moyen de ses Anges à les dissiper et à les empêcher. Et Elle cessait ses diligences en ceux que sa grande Sagesse connaissait que c'était la Volonté de son Très Saint Fils de les souffrir: la permission de la Volonté divine s'exécutait en tout. Elle connut de même tout ce
qui arriva dans la malheureuse mort de Judas, les tourments et la place qu'ils lui donnaient dans l'enfer; le siège de feu qu'il devait avoir pendant toute l'éternité comme maître de l'hypocrisie et précurseur de tous ceux qui devaient nier notre Rédempteur Jésus-Christ par l'esprit et les oeuvres, abandonnant comme dit Jérémie (Jér. 17: 13), les sources des eaux vives qui sont le Seigneur même, pour être scellés et écrits dans la terre et éloignés du Ciel où sont écrits les prédestinés. La Mère de Miséricorde connut tout cela; Elle pleura amèrement sur lui et Elle pria le Seigneur pour le salut des hommes, Le suppliant de les éloigner d'un si grand aveuglement, d'un tel précipice et d'une telle ruine; mais en se conformant aux justes et secrets jugements de Sa Providence divine.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA REINE DU CIEL,
LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 14, 1253. Ma fille, tu es étonné et non sans cause de ce que tu as entendu et écrit du malheureux sort de Judas et de la chute des Apôtres qui étaient tous à l'École de Jésus-Christ mon Très Saint Fils, nourris du Lait de sa Doctrine, de Sa Vie, de Ses exemples et de Ses miracles, favorisés de Sa très douce mansuétude et de Son entretien, de mon intercession et de mes conseils, et d'autres Bienfaits qu'ils recevaient par mon moyen. Mais je te dis en vérité que si tous les enfants de l'Église avaient l'attention et l'étonnement que cet exemple rare peut leur causer, ils y trouveraient un avis et un avertissement salutaire pour craindre le dangereux état de la vie mortelle, quelque grandes que soient les faveurs que les âmes y reçoivent de la main du Seigneur, puisque tout paraîtra moins que de Le voir, de L'entendre, de traiter avec Lui et de L'avoir comme Miroir vivant de sainteté. Je te dis la même chose de moi, puisque je donnais des admonestations aux Apôtres; ils furent témoins de ma conversation sainte et irrépréhensible; ils reçurent de ma piété de grands Bienfaits; je leur communiquais la Charité qui étant en Dieu, influait de Sa Majesté jusqu'à moi. Et si les Apôtres à la vue de leur propre Seigneur et Maître ayant leur attention tournée vers Lui, oublièrent si fort Ses faveurs et leur obligation d'y correspondre, qui sera assez présomptueux dans cette
vie mortelle, quelque soient les Bienfaits qu'il a reçus, pour ne point craindre le danger de se perdre. Ceux-ci étaient Apôtres, choisis par leur divine Maître qui était vrai Dieu; et néanmoins l'un d'eux arriva à tomber plus malheureusement que tous les hommes et les autres défaillirent dans la Foi, fondement de toute vertu: et ceci fut conforme à la justice et aux jugements inscrutables du Très-Haut? Comment donc ne craindraient pas ceux qui ne sont point Apôtres, qui n'ont point travaillé autant qu'eux dans l'École de mon Très Saint Fils et leur Maître et qui ne méritent pas tant mon intercession.

6, 14, 1254. Tu as écrit ce qui suffit de la ruine et de la perdition de Judas et de son très juste châtiment; afin que l'on comprenne à quel état peuvent arriver et porter les vices et la mauvaise volonté d'un homme qui se livre à eux et aux démons et qui méprise les appels et les secours de la grâce. Outre ce que tu as écrit, je t'avertis que non seulement les tourments que souffre le traître Disciple Judas, mais aussi celui de plusieurs Chrétiens qui se damnent avec lui et qui descendent au même lieu de peines qui fut désigné pour eux dès le commencement du monde surpasse les tourments de plusieurs démons. Parce que mon Très Saint Fils ne mourut pas pour les mauvais Anges, mais pour les hommes; le Fruit et les effets de la Rédemption ne regardent point non plus les démons, lesquels sont reçus effectivement par les enfants de l'Église dans les Sacrements; et le mépris de ce Bienfait incomparable n'est pas tant le péché du démon que des fidèles, et ainsi il leur revient une peine nouvelle et différente pour ce mépris. Et l'erreur que Lucifer et ses ministres souffrirent en ne connaissant point Jésus-Christ pour vrai Dieu et Rédempteur jusqu'à Sa Mort, pénètre et tourmente toujours les puissances de ces malins esprits; et il leur résulte de cette douleur une indignation nouvelle contre les rachetés, et surtout contre les Chrétiens auxquels s'appliquent davantage la Rédemption et le Sang de l'Agneau. C'est pour cela que les démons s'efforcent tant à faire en sorte que les fidèles oublient l'Oeuvre de la Rédemption, et qu'ils la méprisent et ensuite dans l'enfer ils se montrent plus irrités et plus furieux contre les mauvais Chrétiens; et sans piété aucune ils leur donneraient de plus grands tourments si la Justice divine ne disposait avec équité que les peines fussent ajustées aux péchés, ne laissant point cela à la volonté des démons, mais le mesurant avec Son pouvoir et Sa Sagesse Infinie, car la Bonté du Seigneur arrive même jusqu'à ce lieu.

6, 14, 1255. Je veux, ma très chère, que tu connaisses dans la chute des autre Apôtres le péril de la fragilité humaine, car elle s'accoutumerait facilement à être grossière, lente et ingrate même dans les Bienfaits et les faveurs qu'elle reçoit du Seigneur, comme il arriva aux onze Apôtres quand ils s'enfuirent de leur céleste Maître et Le quittèrent avec incrédulité. Ce danger dans les hommes vient de ce qu'ils sont si inclinés à tout le sensitif et le terrestre et de ce que ces inclinations sont demeurées dépravées par le péché et accoutumées à vivre et à opérer plus selon le terrestre, le charnel et le sensible que selon l'esprit. De là vient qu'ils traitent et aiment sensiblement même les Bienfaits et les Dons du Seigneur. Et lorsqu'ils leur manquent de cette manière, ils se tournent aussitôt vers d'autres objets sensibles, ils se meuvent pour eux et ils perdent l'habitude de la vie spirituelle, parce qu'ils la traitent et la reçoivent comme sensible avec une basse estime de l'esprit. Par cette inadvertance ou grossièreté, les Apôtres tombèrent, quoiqu'ils fussent si favorisés de mon Très Saint Fils et de moi; parce que les miracles, la Doctrine et les exemples qu'ils avaient présents étaient sensibles, et quoiqu'ils fussent parfaits ou justes, comme ils étaient terrestres et affectionnés seulement à ce sensitif qu'ils recevaient, et cela venant à leur manquer, ils se troublèrent avec la tentation et ils y tombèrent, comme ayant peu pénétré les mystères et l'esprit de ce qu'ils avaient vu et entendu dans l'École de leur Maître. Ma fille, par cet exemple et cette Doctrine tu demeureras enseignée à être ma disciple spirituelle et non terrestre et à ne point t'accoutumer au sensible, quoique ce soit les faveurs du Seigneur et les miennes. Et lorsque tu les recevras ne t'arrête point au matériel et au sensible; mais élève ton esprit au sublime et au spirituel qui se perçoit (1 Cor. 2: 14) par la lumière et la science intérieure et non par le sens animal. Et si le sensible peut embarrasser la vie spirituelle, que sera ce qui appartient à la vie terrestre animale et charnelle? Il est clair que je veux de toi que tu oublies et que tu effaces de tes puissances toute image et espèce de créature, afin que tu sois idoine et capable de mon imitation et de ma Doctrine salutaire.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 14, [a]. Saint Jérôme écrit de saint Jean: «Il était connu du Pontife à cause de la noblesse de son genre, et il ne craignait point les intrigues des Juifs, comme on le voit en tant qu'il introduisit Pierre dans l'atrium qu'il demeura seul des Apôtres devant la Croix et qu'il reçut dans sa maison la Mère du Sauveur. [Ilier. Epis., XVI, n. 5, seu in Epitahp: Marcellae ad Princip.].
6, 14, [b]. Livre 6, Nos. 1457, 1458.
6, 14, [c]. Saint Bernard écrit dans ce sens [Ser. VII de Ass.]: «La Foi de l'Église demeura en la Très Sainte Marie seule pendant ces trois jours.» Et saint Thomas [Opus. IV, c. 5]: «A la Mort de Jésus-Christ toute la Foi demeura en cette glorieuse Vierge.» Saint Bonaventure répète la même chose [De Imit. vit, Christ, c. IV]; et déjà l'avaient dit saint Hilaire [in Matt., c. 6]; saint Augustin [Tract., 113, in Joan]; saint Cyrille [Hom. VII, cont. Nestor]; saint Jean Damascène [De Dorm. Deip.]; etc.
6, 14, [d]. Rien d'étrange en ceci: Dieu qui rendit immobile sainte Lucie et d'autres saints, pour des motifs raisonnables, put opérer la même chose pour d'autres fins avec le corps du pire traître, à la honte des Juifs ses complices. Et il convenait que corps de Judas attestât l'innocence de Jésus-Christ tant que celui-ci serait pas ressuscité.
6, 14, [e]. Dieu précipita Coré, Dathan et Abiron corps et âme dans l'enfer comme dit l'Écriture; pourquoi n'aurait-Il pas pu faire la même chose avec Judas pire que ces trois? Les circonstances et le besoin de donner un exemple terrible ne le requéraient-ils pas plus pour Judas que pour Coré, Dathan et Abiron? C'est
pour cela que Suarez écrit [III Part. q. 53, comment. a. 3]: «qu'il y a dans l'enfer des hommes en corps et en âme, avant la résurrection générale.»
6, 14, [f]. Saint Thomas dans son commentaire sur le chapitre 16: 19 de l'Apocalypse écrit que «dans l'enfer les damnés sont distincts selon la diversité des lieux», et le plus bas de ces lieux est pour les Chrétiens selon saint Augustin [serm., IV de Ad. ad. Ind.] qui sur ces paroles de l'Apocalypse: "La grande cité est faite en trois parties" écrit: «Par ces trois parties de la cité nous devons comprendre les païens, ensuite les Juifs; en dernier lieu les faux Chrétiens qui sont plus tourmentés.»
6, 14, [g]. Livre 6, No. 1189.
6, 14, [h]. Livre 6, Nos. 1290, 1338, 1342.
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Message par sga Ven 6 Sep 2019 - 16:22

CHAPITRE 15


Notre-Seigneur Jésus-Christ est pris, attaché et conduit à la maison du pontife Anne; ce qui arriva en cette occasion et ce qui souffrit en cela Sa Bienheureuse Mère.


6, 15, 1256. Ce serait une chose digne de parler de la Passion, des affronts et des tourments de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec des paroles si vives et si efficaces qu'elles pussent pénétrer plus que l'épée à deux tranchants (Héb. 4: 12) jusqu'à diviser par la douleur intime le plus caché des nos coeurs. Les peines qu'Il souffrit ne furent pas communes; il ne se trouvera point de douleur semblable (Lam. 1: 12) à Sa douleur. La Personne n'était pas comme les autres enfants des hommes, Sa Majesté ne souffrit pas pour Lui-même (1 Pet. 2: 21), ni pour Ses
péchés, mais pour nous et pour les nôtres. Il est raisonnable que les paroles et les termes avec lesquels nous traitons de Ses tourments et de Ses douleurs ne soient point communes et ordinaires; mais que nous les proposions à nos sens avec d'autres termes vifs et efficaces. Mais, hélas! je ne puis donner de force à mes paroles et je ne trouve point celles que mon âme désire pour manifester ce secret! Je dirai ce que j'arriverai à comprendre, je parlerai comme je pourrai et comme il me sera fourni, quoique la petitesse de mon talent diminue et limite la grandeur de l'intelligence et les termes disproportionnés n'arrivent point à déclarer le concept caché du coeur. Que la force et la vivacité de la Foi que nous professons, nous les enfants de l'Église, supplée au défaut des termes. Et si les paroles sont communes, que la douleur et le sentiment soient extraordinaires, le jugement très sublime, la compréhension véhémente, la pondération profonde, la reconnaissance cordiale et l'amour fervent, puis tout sera moins que la vérité de l'Objet; et de ce que nous devons correspondre comme serviteurs, comme amis et comme enfants adoptifs par le moyen de Sa Passion et de Sa très sainte Mort.

6, 15, 1257. Le très doux Agneau Jésus prisonnier et lié fut mené du Jardin à la maison des pontifes et d'abord à celle d'Anne (Jean 18: 13). Ce turbulent escadron de soldats et de ministres avait été prévenu par les avertissements du traître Disciple (Marc 14: 44) de se défier de son Maître s'ils ne Le menaient attaché très fortement parce qu'Il était sorcier et qu'Il pourrait s'échapper de leurs mains. Lucifer et ses princes des ténèbres les irritaient et les provoquaient d'une manière cachée, afin qu'ils traitassent le Sauveur sans égard ni humanité d'une façon impie et sacrilège. Et comme ils étaient tous des instruments obéissants à la volonté de Lucifer, il ne manquèrent point d'exécuter contre la Personne de leur Créateur même tout ce qui leur fut permis. Ils Le lièrent avec un tel artifice au moyen d'une chaîne de fer à gros anneaux qu'après lui en avoir fait un tour à la ceinture et au cou, ils laissèrent les deux bouts libres, auxquels il y avait des menottes dont ils cadenassèrent aussi les mains du Seigneur qui forma (Héb. 1: 10) les Cieux, les Anges et tout l'Univers. Et ainsi liées ils les lui posèrent non sur la poitrine, mais derrière le dos. Ils avaient apporté cette chaîne de la maison du pontife Anne où elle servait à lever la porte d'un cachot en espèce de pont-levis et dans l'espoir d'emprisonner notre divine Maître, ils L'ôtèrent et L'accommodèrent avec ces menottes et ces serrures. Et ils ne demeurèrent point satisfaits ni rassurés avec cette manière inouïe d'enchaîner un homme, parce qu'ensuite ils Lui attachèrent sur cette chaîne pesante deux cordes très longues: ils jetèrent l'une de
ces cordes autour du cou de Notre-Seigneur Jésus-Christ et la croisant sur la poitrine ils Lui entourèrent le corps et l'attachèrent avec de forts noeuds, et ils laissèrent deux longues extrémités de cette corde, afin que deux ministres ou soldats allassent avec ces cordes pour tirer et traîner le Seigneur. La seconde corde servit à Lui attacher les bras en faisant le tour de la ceinture et ils laissèrent pendre deux longs bouts derrière le dos où Il avait les mains, afin que deux autres le tirassent par là.

6, 15, 1258. Le Saint et le Tout-Puissant Se laissa lier et enchaîner de cette manière, comme s'Il eût été le plus scélérat des hommes et le plus faible des mortels; parce qu'Il avait mis sur Lui les iniquités de nous tous, ainsi que la faiblesse et l'impuissance pour le bien en laquelle nous sommes tombés (Is. 53: 6). Ils Le lièrent dans le Jardin en Le tourmentant non seulement de leurs mains, de leurs cordes et de leurs chaînes, mais aussi de leurs langues; parce qu'ils répandirent comme des serpents venimeux le venin sacrilège qu'ils avaient, par des contumélies et des opprobres inouïs contre la Personne qu'adoraient les Anges et les hommes, et qui était magnifiée au Ciel et sur la terre. Ils partirent, tous du mont des Oliviers avec tumulte et vociférations, menant au milieu d'eux le Sauveur du Monde, les uns Le tirant par les cordes de devant et d'autres par celles qu'Il avait derrière le dos attachées aux menottes; et avec une violence inouïe, parfois ils Le faisaient marcher vite en Le tirant précipitamment; d'autres Le ramenaient en arrière et Le retenaient; d'autres Le traînaient d'un côté ou de l'autre, selon que la force diabolique les mouvait. Ils Le reversaient souvent par terre, et comme Il avait les mains attachées, Il donnait sur la terre de Son Visage vénérable qui demeurait dans un état lamentable, y recevant des plaies et beaucoup de poussière. Dans ces chutes, ils se jetaient sur Lui, Lui donnant des coups de pieds avec leurs chaussures, L'injuriant et marchant sur Lui, passant sur Sa royale Personne, Lui foulant aux pieds la Face et la Tête; et célébrant ces injures avec des hurlements et des railleries, ils Le rassasièrent d'opprobres comme Jérémie le déplora auparavant (Lam. 3: 30).

6, 15, 1259. Au milieu de cette fureur si impie que Lucifer avait allumée dans ses ministres, il était très attentif aux Oeuvres de notre Sauveur dont il prétendait irriter la patience et connaître s'Il n'était que pur homme; parce que ce doute, cette perplexité tourmentait son orgueil très méchant plus que toutes ses
grandes peines. Et le dragon infernal s'enrageait encore plus de reconnaître la mansuétude, le support et la suavité que Jésus-Christ montrait au milieu de tant d'injures et de tourments et qu'Il les recevait avec un air serein et plein de majesté sans aucun trouble ni aucune altération; et comme un homme enragé et furieux, il prétendit une fois prendre les cordes que les bourreaux tenaient pour tirer lui-même avec d'autres démons plus violemment qu'ils ne le faisaient, afin de provoquer avec plus de cruauté la mansuétude du Seigneur. La Très Sainte Marie empêcha cette intention; car du lieu où Elle était retiré, Elle regardait par une claire vision tout ce qui se passait pour la Personne de son Très Saint Fils: et lorsqu'Elle vit l'audace de Lucifer, usant de l'autorité et du pouvoir de Reine, Elle lui commande de ne point s'approcher pour offenser notre Sauveur Jésus-Christ comme il l'intentait. A l'instant les forces de cet ennemi défaillirent et il ne put exécuter son dessein; parce qu'il n'était pas convenable que sa méchanceté s'interposât par ce moyen dans la Passion et la Mort du Rédempteur. Elle lui permit seulement de provoquer ses démons contre le Seigneur et à ceux-ci de provoquer tous les Juifs fauteurs de la Mort de notre Sauveur Jésus-Christ; parce qu'ils avaient le libre arbitre pour consentir ou ne point consentir. C'est ce que fit Lucifer, car se tournant vers ses démons, il leur dit: «Quel est cet Homme né dans le monde qui nous détruit ainsi par Sa patience et Ses Oeuvres? Jusqu'à présent, nul n'a eu tant d'égalité et de support dans les afflictions depuis Adam jusqu'ici. Nous n'avons jamais vu parmi les mortels une humilité et une mansuétude semblables. Comment serions-nous tranquilles en voyant dans le monde un exemple aussi rare et aussi puissant pour l'attirer après Soi. Si c'est le Messie, Il ouvrira sans doute le Ciel et Il fermera la voie par où nous menons les hommes à nos tourments éternels, et nous demeurerons vaincus et nos intentions frustrées. Et quand Il ne serait pas plus que pur homme, je ne peux souffrir qu'Il laisse aux autres un si fort exemple de patience. Venez donc, ministres de ma grandeur altière, persécutons-Le par le moyen de Ses ennemis lesquels, soumis à mon empire, ont reçu contre Lui l'envie furieuse que je leur ai communiqués.»

6, 15, 1260. L'Auteur de notre salut s'assujettit à toute l'indignation sans pitié que Lucifer réveilla et fomenta dans cet escadron de Juifs; car Il cachait le pouvoir avec lequel Il pouvait les réprimer et les anéantir, afin que notre Rédemption fût plus abondante. Le menant lié et maltraité, les Juifs arrivèrent à la maison du pontife Anne devant qui ils Le présentèrent comme malfaiteur digne de mort. C'était la coutume des Juifs de présenter ainsi attachés les délinquants qui
méritaient un châtiment capital; et ces liens témoignaient du délit qui méritait la mort; et ainsi ils Le menaient comme en intimant la sentence avant que le juge la lui donnât. Le prêtre sacrilège Anne sortit dans une grande salle, où il s'assit sur une estrade ou tribunal qu'il avait, très gonflé d'orgueil et d'arrogance. A son côté se plaça le prince des ténèbres et une grande multitude de démons l'entoura. Les ministres et les soldats lui présentèrent Jésus attaché et lié, et ils lui dirent: «Voici, seigneur, que nous vous amenons ce méchant Homme qui a inquiété tout Jérusalem et la Judée, par Ses méchancetés et Ses sortilèges, et cette fois son art magique ne Lui a point servi pour S'échapper de nos mains et de notre pouvoir.»

6, 15, 1261. Notre Sauveur Jésus était assisté d'Anges innombrables qui L'adoraient et Le confessaient, dans l'admiration des jugements (Rom. 11: 33) incompréhensibles de Sa Sagesse; parce que Sa Majesté consentait à être présentée comme coupable et pécheur; et l'inique prêtre se montrait juste et zélé pour l'honneur du Seigneur qu'il prétendait sacrilègement Lui ôter avec la vie; et le Très Aimant Agneau n'ouvrait point la bouche (Is. 53: 7), comme l'avait dit Isaïe. Le pontife L'interrogea sur Ses disciples et quelle était cette Doctrine qu'Il prêchait et enseignait (Jean 18: 19), et cela avec une autorité impérieuse. Il fit cette demande pour en calomnier la réponse, s'Il disait quelque mots qui donnât motif de L'accuser. Mais le Maître de la sainteté qui dirige et corrige les sages (Sag. 7: 15) offrit au Père Éternel cette humiliation d'être présenté comme coupable devant le pontife, et interrogé par lui comme criminel et auteur de fausses doctrines. Notre Rédempteur répondit avec un air humble et joyeux à l'interrogation touchant Sa Doctrine (Jean 18: 20-21): «J'ai toujours parlé en public, enseignant et prêchant dans le Temple et la synagogue où concourent les Juifs, et je n'ai rien dit en secret. Pourquoi M'interroges-tu? puisque si tu les interroges ils te diront ce que j'ai enseigné.» Parce que la Doctrine de notre Seigneur Jésus-Christ était de Son Père Éternel, Il répondit pour elle et pour son crédit, S'en remettant à Ses auditeurs, aussi parce qu'ils n'eussent pas donné crédit à Sa Majesté, bien au contraire, ils eussent calomnié Son témoignage, comme aussi parce que la Vérité et la Vertu elle-même s'accrédite et se garantit parmi les plus grands ennemis.

6, 15, 1262. Jésus ne répondit pas pour les Apôtres, parce que cela n'était pas nécessaire alors et ils n'étaient pas dans des dispositions qu'ils pussent être loués de leur Maître. Et cette réponse ayant été si pleine de Sagesse et si
convenable à la demande, l'un des ministres qui assistaient auprès du pontife leva la main et donna un soufflet dans le Visage sacré et vénérable du Sauveur avec une audace formidable et joignant la réprimande au coup il Lui dit: «C'est ainsi que tu réponds au pontife (Jean 18: 22)? Le Seigneur reçut cette injure démesurée en priant le Père pour celui qui L'avait ainsi offensé étant disposé et prêt à Se retourner et à offrir l'autre joue s'il était nécessaire pour recevoir un autre soufflet, accomplissant en tout cela la Doctrine qu'Il avait Lui-même enseignée (Matt. 5: 39). Mais afin que ce ministre audacieux et stupide ne demeurât point joyeux et sans confusion pour une méchanceté si inouïe, Le Seigneur lui répliqua avec une grande sérénité et mansuétude (Jean 18: 23): «Si J'ai mal parlé, rends témoignage et dis en quoi est le mal que tu M'attribues. Et si J'ai bien parlé comme Je devais, pourquoi M'as tu frappé?» O spectacle d'admiration nouvelle pour les esprits souverains! Combien les colonnes du Ciel et tout le firmament ne doivent-ils pas trembler et s'épouvanter rien que de T'entendre! Ce Seigneur est Celui de qui Job (Job 9: 4) atteste qu'Il est Sage de Coeur et si robuste et si fort que personne ne peut Lui résister et avoir la paix; qu'Il transplante les montagnes avec Sa fureur avant qu'elles puissent L'entendre; c'est Lui qui commande au soleil de ne point se lever et qui couvre les étoiles comme d'un sceau; c'est Lui qui fait des choses grandes et incompréhensibles; à Sa colère nul ne peut résister et devant Lui ceux qui soutiennent tout le globe ploient le genou. Et c'est Lui-même qui souffre par Amour pour les hommes qu'un ministre impie Le frappe d'un soufflet au Visage!

6, 15, 1263. Avec la réponse humble et efficace que Sa Majesté donna au serviteur sacrilège, celui-ci demeura confus dans sa méchanceté. Mais ni cette confusion ni celle que put recevoir le pontife en présence de qui s'était commis un tel crime et une telle insolence ne purent porter, ni lui ni les Juifs à se réprimer en aucune chose contre l'Auteur de la Vie. Pendant que se continuaient ces opprobres, saint Pierre et l'autre Disciple qui était saint Jean arrivèrent à la maison d'Anne. Saint Jean étant très bien connu entra facilement, mais saint Pierre demeura dehors jusqu'à ce que la portière servante (Jean 18: 16) du pontife, le laissât entrer à la demande de saint Jean, car il voulait voir ce qui arriverait au Rédempteur. Les deux Apôtres entrèrent dans le vestibule de la maison devant la salle du pontife, et saint Pierre s'approcha du feu que les soldats avaient là, parce que la nuit était froide. La portière regarda avec quelque attention et reconnut saint Pierre comme Disciple de Jésus-Christ, et s'approchant (Jean 18: 17) de lui elle lui dit: «Tu ne serais pas par hasard des Disciples de cet Homme?» Cette
demande de la servante fut avec quelque mépris ou reproche, de quoi saint Pierre eut honte avec faiblesse et pusillanimité. Et il répondit, possédé de crainte: «Je ne suis point Son Disciple.» Sur cette réponse il s'éloigna de la conversation et il sortit au dehors de la maison d'Anne, quoiqu'aussitôt, suivant son Maître, il alla à celle de Caïphe où il Le nia deux autres fois, comme je le dirai plus loin.

6, 15, 1264. La douleur du reniement de Pierre fut plus grande pour le divin Maître que celle du soufflet; parce que le péché était contraire et horrible à Son immense Charité et les peines Lui étaient aimables et douces pour vaincre par elles nos péchés. Le premier reniement étant fait, Jésus-Christ pria le Père Éternel pour son Apôtre, et Il disposa que la grâce et le pardon lui fussent préparés pour après les trois reniements, par le moyen de l'intercession de la Très Sainte Marie. La grande Dame vit de son oratoire tout ce qui se passait comme je l'ai déjà dit [a]. Et comme Elle avait dans son Coeur le Propitiatoire et le Sacrifice, c'est-à-dire son propre Fils et son Seigneur Sacramenté, elle se tournait vers Lui pour Ses prières et Ses affections d'amour, où Elle exerçait des actes héroïques de compassion, de reconnaissance, de culte et d'adoration. Lorsque la Très Pieuse Mère connut le reniement de saint Pierre, Elle pleura avec amertume et Elle ne cessa point dans ce pleur, jusqu'à ce qu'Elle entendît que le Seigneur ne lui refuserait point Ses secours et qu'Il le relèverait de sa chute. La Très Pure Marie sentit de même toutes les douleurs des blessures et des tourments de son Fils et dans les mêmes parties de son corps Virginal où le Seigneur était maltraité. Et lorsque Sa Majesté fut attaché avec les cordes et les chaînes Elle sentit tant de douleurs dans les poignets que le sang sortit par les ongles de ses mains Virginales comme si Elle eût été serrée et attachée et la même chose arriva des autres blessures. Comme à cette peine, se joignait celle du Coeur de voir souffrir Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Très Aimante Mère vint à pleurer le sang vif, le bras du Seigneur étant l'Auteur de cette merveille. Elle sentit aussi le coup du soufflet de son Fils très aimant, comme ci cette main sacrilège eût frappé en même temps le Fils et la Mère ensemble. A cette contumélie injurieuse et dans les blasphèmes et les irrévérences Elle appela les saints Anges, afin qu'ils exaltassent et adorassent leur Créateur avec Elle, en compensation des opprobres qu'Il recevait des pécheurs; et Elle conférait avec les mêmes Anges avec des raisons très prudentes, mais très lamentables et très douloureuses sur la cause de Sa compassion et de son pleur très amers.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA GRANDE REINE, LA DAME DU CIEL.

6, 15, 1265. Ma fille, la Lumière divine t'appelle et te convie à de grande choses, surtout lorsqu'elle te découvre les Mystères de mon Fils et les miens, en ce que nous avons souffert pour le genre humain et dans le mauvais retour qu'il nous donne, peu reconnaissant et ingrat pour tant de Bienfaits. Tu vis dans une chair mortelle, sujette à ces ignorances et à ces faiblesses; et avec la force de la Vérité que tu entends, s'engendrent et se réveillent en toi plusieurs mouvements d'étonnement, de douleur, d'affliction et de compassion pour l'oubli, le peu d'application et d'attention des mortels à l'égard de si grands sacrements et pour le bien qu'ils perdent dans leur lâcheté et leur tiédeur. Quelle ne doit donc pas être la pondération que les Anges et les Saints font de cela et celle que j'ai à vue du Seigneur de voir le monde et l'état des fidèles dans une négligence si formidable après que mon Très Saint Fils a souffert et est mort et après qu'ils m'ont pour Mère et pour Avocate, et Sa Vie très pure et la mienne pour exemple? Je te dis en vérité, ma très chère, qu'il n'y a que mon intercession et les mérites que je représente au Père Éternel de Son Fils et le mien qui puissent suspendre le châtiment et apaiser Sa juste indignation pour qu'Il ne détruise point le monde et qu'Il ne flagelle rigoureusement les enfants de l'Église qui savent la Volonté du Seigneur et qui ne l'accomplissent point. Mais je suis très désobligée d'en trouver si peu qui se contristent avec moi et qui consolent mon Fils en Ses peines, comme dit David (Ps. 68: 21). Cette dureté sera le reproche de la plus grande confusion contre les mauvais Chrétiens au jour du jugement; parce qu'ils connaîtront alors avec une douleur irréparable qu'ils furent non seulement ingrats, mais inhumain et cruels envers mon Très Saint Fils, envers moi et envers eux-même.

6, 15, 1266. Considère donc, ma très chère, ton obligation et élève-toi au-dessus de tout le terrestre et au-dessus de toi-même; parce que je t'appelle et te choisis, afin que tu m'imites et que tu m'accompagnes en ce en quoi les créatures me laissent si seule, quoiqu'elles aient été si bénéficiées et si obligées par mon Très Saint Fils et par moi. Pèse ce que coûta à mon Seigneur la réconciliation des hommes avec leur Père (Col. 1: 22) et de leur avoir mérité Son Amitié. Pleure et afflige-toi de ce qu'il y en a tant qui vivent dans cet oubli, et de ce qu'il y en a tant qui travaillent pour perdre et détruire ce qui coûta la Sang et la Mort de Dieu
même, et ce que dès ma Conception j'ai procuré et je procure de solliciter pour leur remède. Réveille dans ton coeur un pleur douloureux de voir que dans la Sainte Église il y a beaucoup de successeurs des pontifes hypocrites et sacrilèges qui condamnèrent Jésus-Christ avec un titre de piété feinte; de ce que l'orgueil, le faste et d'autres graves péchés sont autorisés et intronisés; de ce que l'humilité, la vérité, la justice et les vertus sont si opprimés et si abaissées et de ce qu'il n'y a que la cupidité et la vanité qui prévalent. Il y en a peu qui connaissent la pauvreté de Jésus-Christ et il y en a encore moins qui l'embrassent. La sainte Foi est empêchée et elle ne s'étend pas à cause de l'ambition démesurée des puissants du monde et en plusieurs Catholiques elle est oisive et morte; et tout ce qui doit avoir Vie est mort et se dispose pour la perdition. Les conseils de l'Évangile sont oubliés, les préceptes foulés aux pieds et la Charité presque éteinte. Mon Fils et mon vrai Dieu tendit ses joues (Lam. 3: 30) avec patience et mansuétude pour être frappé. Qui-est-ce qui pardonne une injure pour L'imiter? Le monde a fait des lois toutes contraires, et non seulement les infidèles mais les enfants même de la Foi et de la Lumière.
6, 15, 1267. Dans la connaissance de ces péchés, je veux que tu imites ce que je fis dans la Passion et dans toute ma Vie, car pour tous j'exerçais les actes des vertus contre les vices. Pour les blasphèmes je Le bénissais, pour les jurements, je Le louais, pour les infidélités je Le croyais, et de même pour toutes les autres offenses. Je veux que tu fasses ainsi dans le monde où tu vis et que tu connais. Fuis aussi les dangers des créatures avec l'exemple de Pierre, car tu n'es pas plus forte que l'Apôtre, le Disciple de Jésus-Christ, et si tu tombes quelque fois comme faible, pleure aussi avec lui et cherche mon intercession (Ps. 90: 14). Compense pour tes péchés et tes fautes ordinaires par la patience dans les adversités; reçois les avec un air joyeux, sans trouble et sans distinction quelles qu'elles soient, tant les infirmités que les persécutions des créatures, ainsi que celles que l'esprit ressent par la contradiction des passions et par la lutte des ennemis (Rom. 7: 23) invisibles et spirituels. Tu peux souffrir en tout cela et tu dois le supporter avec Foi, Espérance, magnanimité de coeur et d'âme; et je t'avertis qu'il n'y a pas d'exercice plus utile pour l'âme que celui de la souffrance, parce qu'il donne la Lumière, il détrompe, il éloigne le coeur humain des choses terrestres et il le porte au Seigneur; et Sa Majesté vient à sa rencontre, parce qu'Il est avec celui qui est dans la tribulation et Il le protège et le délivre.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 15, [a]. Livre 6, No. 1204.
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Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée - Page 6 Empty Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée

Message par sga Ven 13 Sep 2019 - 12:52

CHAPITRE 16


Notre-Seigneur Jésus-Christ fut mené à la maison du pontife Caïphe où il fut accusé et interrogé s'Il était Fils de Dieu; et saint Pierre Le nia deux autres fois; ce que la Très Sainte Marie fit en cette occasion et d'autres mystères cachés.


6, 16, 1268. Après que notre Sauveur Jésus eût reçu ces contumélies et ces soufflets dans la maison d'Anne, ce pontife le renvoya, lié comme il était, au pontife Caïphe qui était son gendre et qui faisait cette année-là l'office de prince et de grand prêtre; les scribes et les anciens du peuple étaient réunis (Matt. 26: 57) avec lui pour instruire la cause du très innocent Agneau. Les démons étaient comme stupéfaits et remplis de confusion et de fureur si grandes qu'elle ne peuvent être expliquées par des paroles, de voir la patience et la mansuétude invincibles que le Seigneur des vertus (Ps. 23: 10) montrait au milieu des injures qu'Il recevait, et parce qu'ils ne pénétraient point les Oeuvres intérieures de la Très Sainte Humanité et que dans les extérieures par où ils découvrent le coeur dans les autres hommes, ils ne trouvaient aucun mouvement irrégulier; le très doux Seigneur ne Se plaignait point non plus ni ne soupirait, ne donnant point ce léger soulagement à son Humanité. Le dragon s'étonnait et se tourmentait de toute cette grandeur d'âme, comme d'une chose nouvelle et qui n'avait encore jamais été vue parmi les hommes de nature faible et passible. Avec cette fureur, l'ennemi irritait tous les princes, les scribes et les serviteurs des prêtres, afin qu'ils offensassent et qu'ils maltraitassent le Seigneur par des opprobres abominables: et ils étaient prompts à exécuter ce que le démon leur fournissait si la Volonté divine le permettait.

6, 16, 1269. Toute cette canaille de ministres de l'enfer et d'hommes inhumains partit de la maison d'Anne et mena notre Sauveur par les rues à la maison de Caïphe, le traitant ignominieusement avec leur cruauté implacable. Puis entrant avec un tumulte scandaleux dans la maison du grand prêtre, celui-ci et tout le conseil reçurent le Créateur et le Seigneur de l'Univers avec dérision, et des sarcasmes amers de Le voir soumis et assujettis à son pouvoir et à sa juridiction dont il leur semblait qu'Il ne pouvait désormais Se défendre. O secret de la très sublime Sagesse du Ciel! O folie de l'ignorance diabolique et de la stupidité très aveugle des mortels! Quelle immense distance, je vois entre vous et les Oeuvres du Très-Haut. Lorsque le Roi de la gloire, puissant dans les combats (Ps. 23: Cool, triomphe des vices, du péché et de la mort par les vertus d'humilité, de Charité et de patience, comme Seigneur de toutes ces mêmes vertus, alors le monde pense qu'il L'a assujetti et vaincu par son orgueil et sa présomption arrogante! Quelle distance entre les pensées de notre Seigneur Jésus-Christ et celles qui possédaient tous ces ministres et ces ouvriers d'iniquité! L'Auteur de la Vie offrait à son Père Éternel ce triomphe que Sa mansuétude et son humilité remportaient sur le péché: Il priait pour les prêtres, les scribes et les ministres qui le persécutaient, présentant Sa propre patience, Ses douleurs et l'ignorance de ceux qui L'offensaient. Sa Bienheureuse Mère fit dans le même temps la même demande et la même oraison, priant pour ses ennemis et ceux de son Très Saint Fils, L'accompagnant et L'imitant en tout ce que Sa Majesté faisait, parce que tout lui était manifeste, comme je l'ai répété plusieurs fois. Il y avait entre le Fils et la Mère une consonance et une correspondance très douce et très agréable aux yeux du Père Éternel.

6, 16, 1270. Le pontife Caïphe était dans sa chaire, son siège sacerdotal, embrasé de fureur et d'envie mortelles contre le Maître de la Vie; Lucifer l'assistait avec tous les démons qui étaient venus de la maison d'Anne. Les scribes et les Pharisiens étaient comme des loups sanguinaires avec la proie du doux Agneau; et ils se réjouissaient tous ensemble comme le fait l'envieux quand il voit celui qui le surpassait brisé et confus. Et d'un commun accord ils cherchèrent des témoins (Matt. 26: 59-60) qui, subornés par des dons et des promesses, dissent quelque faux témoignage conte notre Sauveur Jésus. Ceux qui avaient été ainsi prévenus vinrent donc; mais les témoignages qu'ils rendaient ne s'accordaient (Marc 14: 56)
point entre eux, et encore moins pouvaient-ils s'ajuster avec Celui qui était l'Innocence (Héb. 7: 26) et la Sainteté même. Et afin de ne point demeurer confus, ils produisirent deux autres faux (Matt. 26: 60) témoins qui déposèrent contre Jésus, attestant L'avoir entendu dire qu'Il était puissant pour détruire ce Temple (Marc 14: 58) de Dieu fait de mains d'hommes et en édifier un autre en trois jours qui n'aurait point été fabriqué ainsi. Et ce témoignage ne parut pas non plus convenable, quoiqu'ils prétendissent en accuser notre Sauveur de ce qu'Il usurpait le Pouvoir divin et Se L'appropriait à Lui-même. Lors même qu'il en eût été ainsi, c'était une vérité infaillible et le Sauveur n'eût été en cela ni faux, ni présomptueux, puisque Sa Majesté était Dieu véritable. Mais ce témoignage était faux; parce que le Seigneur n'avait point dit les paroles comme les témoins les rapportaient, les entendant du Temple matériel de Dieu. Ce qu'Il avait dit en une certaine occasion qu'Il chassa du Temple les acheteurs et les vendeurs, ceux-ci lui demandant par quelle vertu Il le faisait, Il répondit: «Détruisez ce Temple (Jean 2: 19),» et ce fut comme s'Il leur eût dit de détruire ce Temple, entendant celui de Son Humanité très sainte, et qu'au troisième jour Il ressusciterait, comme Il le fit pour témoigner Sa Puissance divine.

6, 16, 1271. Notre Sauveur Jésus ne répondit pas une parole à toutes les calomnies et les faussetés qu'ils témoignaient contre Son innocence. Caïphe voyant le silence et la patience du Seigneur, se leva de son siège et Lui dit (Matt. 26: 62): «Comment ne réponds-tu point à ce que tant de témoins affirment contre toi?» Sa Majesté ne répondit pas non plus à cette interrogation; parce que Caïphe et les autres n'étaient pas seulement non disposés à Lui donner crédit, mais leur double intention était que le Seigneur répondit quelques paroles qu'ils pussent calomnier pour satisfaire le peuple en ce qu'ils intentaient contre Sa Majesté, et qu'ils ne fût point connu qu'ils le condamnaient à la mort sans une juste cause. Par cet humble silence de notre Seigneur Jésus-Christ qui pouvait amollir le coeur de ce mauvais prêtre il s'enragea davantage, parce que sa malice était frustrée. Lucifer qui excitait Caïphe et tous les autres, était très attentif à tout ce que le Sauveur du monde opérait: quoique l'intention de ce dragon fût différente de celle du pontife, puisqu'il prétendait seulement irriter la patience du Seigneur, ou Le porter à prononcer quelque parole par où il put connaître si le Sauveur était vrai Dieu.

6, 16, 1272. Dans cette intention, Lucifer mouvait l'imagination de Caïphe, afin qu'il fût au Christ cette nouvelle interrogation avec empire et une grande rage: «Je te (Matt. 26: 63) conjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, Fils du Dieu béni.» Cette interrogation de la part du pontife fut lancée pleine de témérité et de folie; parce que dans le doute si Jésus-Christ était vrai Dieu ou non, c'était un crime et une témérité formidables de l'avoir enchaîné et de le tenir comme coupable en sa présence, puisque cet examen devait se faire par un autre moyen, conformément à la raison et à la justice. Mais le Christ Jésus notre Bien-Aimé, S'entendant adjurer au Nom du Dieu vivant, L'adora et Le révéra, quoique prononcé par une langue si sacrilège. Et en vertu de cette révérence il répondit et dit (Matt. 26: 64): «Tu l'as dit, Je le suis. Mais Je vous assure que dès maintenant vous verrez le Fils de l'homme qui est Moi-même assis à la droite de Dieu et venir sur les nuées du ciel.» A cette réponse Divine les démons et les hommes se troublèrent avec des accidents différents: Lucifer et ses ministres ne purent la supporter; au contraire, ils y sentirent une force qui les précipita jusqu'à l'abîme, éprouvant des tourments très graves de cette Vérité, qui les opprimait; et ils n'eussent point osé retourner en présence de Notre-Seigneur Jésus-Christ si Sa Providence très sublime n'eût disposé que Lucifer revînt à douter si cet homme, le Christ, avait dit la vérité, où s'Il ne l'avait pas dite pour se délivrer des Juifs. Avec ce doute ils s'encouragèrent de nouveau et ils sortirent encore pour Le combat; car le dernier triomphe que le Sauveur devait remporter sur eux et sur la mort, selon la prophétie d'Habacuc, était réservé pour la Croix comme nous le verrons plus loin [a].

6, 16, 1273. Mais le pontife Caïphe, indigné de la réponse du Seigneur qui eût dû être son véritable dégagement se leva de nouveau et déchirant ses vêtements en témoignage de zèle pour l'honneur de Dieu, il dit à haute voix (Matt. 6: 65): «Il a blasphémé, qu'y a-t-il besoin de plus de témoins? N'avez-vous pas entendu le blasphème qu'Il a dit? Que vous semble-t-il de cela?» Cette audace folle et abominable de Caïphe fut véritablement un blasphème parce qu'il nia au Christ d'être Fils de Dieu, ce qui Lui convenait par Sa nature, et il Lui attribua le péché qui naturellement répugnait à Sa divine Personne. Telle fut la folie de ce prêtre inique qui devait par office connaître la Vérité Catholique et l'enseigner aux autres, car il fit un blasphème exécrable quand il dit que Celui-là même qui était la Sainteté même par Essence blasphémait. Et ayant prophétisé peu auparavant par l'instinct de l'Esprit-Saint en vertu de sa dignité, «qu'il convenait qu'un homme
mourût, (Jean 11: 50) afin que toute la nation ne pérît point», ne mérita point à cause de ses péchés d'entendre la même Vérité qu'il avait prophétisée. Cependant comme l'exemple et le jugement des princes et des prélats sont si puissants pour mouvoir les inférieurs et le peuple, inclinés à la flatterie et à l'adulation des puissants; tout ce conseil d'iniquité s'irrita contre le Sauveur Jésus, et répondant à Caïphe, ils dirent à haute voix: «Il es digne de mort! Qu'Il meure! qu'Il meure (Matt. 26: 66)! Et en même temps, irrités par le démon, ils se jetèrent sur le très doux Maître et ils déchargèrent sur Lui leur fureur diabolique; les uns Lui donnaient des soufflets, d'autres Le frappaient à coups de poings, d'autres Lui arrachaient les cheveux, d'autres crachaient sur Son vénérable Visage, d'autres Lui donnaient des coups de la main sur le cou, ce qui était un genre d'affronts très vil avec lequel les Juifs traitaient les hommes qu'ils réputaient les plus méprisables.

6, 16, 1274. Il n'y eut jamais parmi les hommes d'ignominies aussi injurieuses et aussi démesurées que celles qui furent faites contre le Rédempteur du monde en cette circonstance. Saint Luc et saint Marc disent (Luc 22: 64; Marc 14: 65) qu'ils lui couvrirent le Visage, et ainsi couvert ils Le frappaient avec des soufflets ou des coups de la main sur le cou, et ils Lui disaient: «Prophétise maintenant, prophétise-nous, puisque tu es prophète et dis-nous quel est celui qui t'a frappé.» La raison pourquoi ils Lui couvrirent le Visage fut mystérieuse, parce que de la jubilation avec laquelle notre Sauveur souffrait ces opprobres et ces blasphèmes, comme je le dirai bientôt, il rejaillissait sur Son vénérable Visage une beauté et une splendeur extraordinaires qui remplissaient tous ces ouvriers d'iniquité d'un étonnement et d'une confusion très pénibles; et pour les dissimuler ils attribuèrent cette splendeur au sortilège et à l'art magique: alors ils prirent le parti de couvrir la Face du Seigneur d'un linge immonde, indignes qu'ils étaient de la regarder, et parce que cette Lumière divine les tourmentait et débilitait les forces de leur indignation diabolique. La Très Sainte Marie regardait tous ces affronts, ces mépris et ces opprobres abominables que souffrait le Sauveur, et Elle éprouvait la douleur des coups et des blessures dans les même parties et en même temps que notre Rédempteur les recevait. Il n'y avait que cette différence, qu'en notre Seigneur Jésus-Christ les douleurs étaient causées par les coups et les tourments que les Juifs lui donnaient et en Sa Très Pure Mère la main du Tout-Puissant les opérait selon la volonté de la même Dame. Et quoique naturellement sa Vie arrivât à vouloir défaillir, néanmoins Elle était aussitôt confortée par la vertu Divine pour continuer à souffrir avec son Fils et son Seigneur bien-aimé.

6, 16, 1275. Les Oeuvres intérieures que le Sauveur faisait à l'occasion de ces injures si inhumaines et si nouvelles ne peuvent être exprimées ni comprises par aucune capacité humaine. La Très Sainte Marie seule les connut avec plénitude pour les imiter avec une perfection souveraine. Mais comme le divin Maître apprenait à l'école de l'expérience de Ses douleurs la compassion pour ceux qui devaient L'imiter et suivre Sa Doctrine, Il Se mit à les sanctifier et à les bénir davantage dans l'occasion même où Il leur enseignait par Son exemple le Chemin étroit de la Perfection. Au milieu de ces opprobres et de ces tourments et de tous ceux qui suivirent ensuite, Sa Majesté renouvela pour Ses élus et Ses parfaits les béatitudes qu'Il leur avait promises et offertes auparavant. Il regarda les pauvres d'esprit qui devaient L'imiter dans cette vertu et Il leur dit (Matt. 5: 3): «Vous serez bienheureux dans votre dépouillement des choses de la terre; car par Ma Passion et Ma Mort Je dois attacher à la pauvreté volontaire, le Royaume des Cieux, comme sa possession assurée et certaine. Bienheureux seront ceux qui souffriront et supporteront les tribulations et les adversités avec mansuétude; car outre le droit à Ma jouissance qu'ils acquièrent pour M'avoir imité, ils posséderont la terre des volontés et des coeur humains par leur affable conversation et la douceur de leur vertu. Bienheureux ceux qui en semant (Ps. 125: 5) verseront des larmes; parce qu'ils recevront en elles le pain de la Vie et de l'intelligence et ils cueilleront ensuite le fruit de l'allégresse et de la joie éternelle.»

6, 16, 1276. «Bénis aussi seront ceux qui auront faim et soif de la Justice et de la Vérité, parce que Je leur mérite une satiété et une satisfaction qui excédera tous leurs désirs, tant dans la grâce que dans la récompense de la gloire. Bénis seront ceux qui compatiront miséricordieusement à leurs persécuteurs, comme Je le fais en leur pardonnant et en leur offrant Mon Amitié et Ma grâce s'ils veulent la recevoir; car Je leur promets au Nom de Mon Père une abondante Miséricorde. Bénis soient ceux qui sont purs de coeur, qui m'imitent et qui crucifient leur chair pour conserver la pureté de l'esprit; je leur promets la vision de la paix et ils arriveront à celle de Ma Divinité par Ma ressemblance et Ma participation. Bénis soient les pacifiques qui sans chercher leur droit ne résistent point aux maux, mais qui les reçoivent sans vengeance avec un coeur simple et tranquille; ils seront appelés Mes enfants; parce qu'ils imitent la condition de leur Père Céleste; Je les connais et les écris dans Mon Esprit et Ma Mémoire, pour les adopter comme
Miens. Qu'ils soient bienheureux et héritiers de Mon Royaume Céleste ceux qui auront souffert persécution pour la Justice; parce qu'ils ont souffert avec Moi, où Je serai, Je veux (Jean 12: 26) qu'ils soient éternellement avec Moi. Réjouissez-vous pauvres, recevez votre consolation, vous qui êtes et qui serez affligés. Célébrez votre bonne fortune, vous les tout petits et les méprisés du monde, vous qui souffrez avec humilité et support, faites des réjouissances intérieures, puisque vous Me suivez tous par les sentiers de la Vérité. Renoncez à la vanité, méprisez le faste et l'arrogance de l'orgueil faux et menteur de Babylone; passez par le feu et l'eau de la tribulation (Ps. 65: 12), jusqu'à ce que vous arriviez à Moi qui suis la Lumière, la Vérité et votre Guide vers le Repos et le Rafraîchissement Éternel.»

6, 16, 1277. Notre Sauveur Jésus était occupé à ces Oeuvres si divines et à d'autres prières pour les pécheurs pendant que le conseil des méchants L'entourait, L'investissait et Le chargeait d'affronts, d'opprobres, de coups et de blasphèmes, comme des chiens enragés selon ce que dit David (Ps. 21: 17). La Vierge-Mère était attentive à tout et L'accompagnait en tout ce qu'Il faisait et souffrait; parce que dans les prières Elle fit la même oraison pour Ses ennemis; et dans les bénédictions que son Très Saint Fils donna aux justes et aux prédestinés, la divine Reine se constitua leur Mère, leur Refuge et leur Protectrice et Elle fit au nom de tous, des cantiques de louanges et d'actions de grâces, de ce que le Seigneur donnait une place si haute dans Son Agrément et Son Acceptation divine aux pauvres et aux méprisés du monde. Pour cette cause et celles qu'Elle connut dans ces Oeuvres extérieures de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Elle fit, avec une ferveur incomparables, une nouvelle élection des travaux et des mépris, des tribulations et des peines pour le reste de la Passion et de Sa Très Sainte Vie.

6, 16, 1278. Saint Pierre avait suivi notre Sauveur Jésus-Christ depuis la maison d'Anne à celle de Caïphe, quoiqu'un peu de loin parce que la crainte des Juifs l'intimidait toujours; mais avec le courage naturel de son coeur il la vainquait en partie pour l'amour qu'il portait à son Maître. Et aussi couvert de l'obscurité de la nuit, il ne fut pas difficile à l'Apôtre de s'introduire parmi la multitude qui entrait et sortait dans la maison de Caïphe. Dans les portes du vestibule une autre servante qui était portière comme celle de la maison d'Anne le regarda; et s'approchant des soldats qui étaient là aussi près du feu, elle leur dit (Marc 14: 67): «Cet homme est un de ceux qui accompagnaient Jésus de Nazareth;» et l'un des
assistants lui dit: «Tu es vraiment Galiléen et l'un d'eux (Luc 22: 58).» Saint Pierre le nia, affirmant avec jurement qu'il n'était pas Disciple de Jésus; et il se détourna du feu et de la conversation. Mais quoiqu'il sortît au dehors du vestibule, il ne s'en alla point, ni il ne put s'éloigner, jusqu'à ce qu'il eût vu la fin du Sauveur; parce qu'il était retenu par l'amour et la compassion naturelle des travaux dans lesquels il Le laissait. L'Apôtre alla rôdant et épiant pendant l'espace d'une heure (Matt. 26: 72) dans la maison de Caïphe, enfin il fut reconnu par un parent de Malchus, à qui il avait coupé l'oreille, et cet homme lui dit: «Tu es Galiléen et Disciple de Jésus, et je t'ai vu avec Lui dans le Jardin.» Alors saint Pierre se voyant connu, conçut une plus grande peur, et il commença à maudire et à nier qu'il ne connaissait point cet homme. Aussitôt le coq chanta (Marc 14: 68) une seconde fois et la sentence et la prédiction que son divine Maître lui avait faite qu'il Le renierait trois fois avant que le coq chantât deux fois s'accomplit ponctuellement.

6, 16, 1279. Le dragon infernal allait très avide épiant saint Pierre pour le perdre. Et le même Lucifer mut d'abord les servantes des pontifes comme plus légères et ensuite les soldats, afin que les uns et les autres affligeassent l'Apôtre par leur attention et leurs interrogations, et il le troubla par de grandes imaginations et de grandes cruautés après qu'il le vit dans le danger, et surtout lorsqu'il commença à vaciller. Avec cette véhémente tentation, le premier reniement fut simple, le second avec jurement, et au troisième, il ajouta les anathèmes et les exécrations contre lui-même. De cette manière, écoutant la cruauté de nos ennemis, d'un péché moindre il en vint à un autre plus grand. Mais saint Pierre entendant le chant du coq se souvint de l'avis (Marc 14: 30) de son divin Maître; parce que Sa Majesté le regarda avec Sa miséricorde libérale. Et la piété de la grande Reine du Monde intervint, afin qu'Il le regardât; parce que dans le Cénacle où Elle était, Elle connut les reniements, et la manière et les causes avec lesquelles l'Apôtre les avait faites, affligé de la crainte naturelle et beaucoup plus de la cruauté de Lucifer. La divine Mère se prosterna aussitôt en terre, et avec larmes Elle pria pour saint Pierre, représentant sa fragilité avec les mérites de son Très Saint Fils. Le même Seigneur excita le coeur de Pierre et le reprit bénignement, moyennant la Lumière qu'Il lui envoya, afin qu'il connût son péché et le pleurât. A l'instant l'Apôtre sortit en larmes de la maison du pontife, son coeur se rompant avec une intime douleur pour sa chute. Afin de la pleurer avec amertume, il s'en alla dans une grotte que l'on appelle maintenant "du chant du
coq", où il pleura avec confusion et avec une vive douleur. Et en trois heures il revint à la grâce et obtint le pardon de ses délits, quoique les impulsions et les inspirations saintes continuassent toujours. La Très Pure Mère et Reine du Ciel envoya l'un de ses Anges pour le consoler secrètement et le mouvoir par l'espérance du pardon, afin que le défaut de cette vertu ne vînt pas le retarder. Le saint Ange alla avec ordre de ne point se manifester à lui, parce qu'il y avait si peu de temps que l'Apôtre avait commis son péché. L'Ange exécuta tout cela sans que saint Pierre le vit, et le grand pénitent demeura conforté et consolé par les inspirations de l'Ange, et pardonnée par l'intercession de la Très Sainte Marie.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA GRANDE REINE ET DAME.

6, 16, 1280. Ma fille, le secret mystérieux des opprobres, des affronts et des mépris que souffrit mon Très Saint Fils est un livre fermé qui ne peut être ouvert et entendu que par la Lumière divine, comme tu l'as connu et qu'il t'a été manifesté en partie, quoique tu en écrives beaucoup moins que tu en comprends, parce que tu ne peux le déclarer tout. Mais comme il se déploie et se manifeste dans le secret de ton coeur, je veux qu'il y demeure écrit et que dans la connaissance de cet Exemplaire vivant et véritable tu étudies la Science divine que ni la chair ne le sang ne peuvent t'enseigner; parce que le monde ne la connaît point ni il ne mérite de la connaître. Cette philosophie Divine consiste à apprendre et à aimer le sort très heureux des pauvres, des humbles, des affligés, des méprisés et de ceux qui ne sont point connus parmi les enfants de la vanité. Mon Fils très Saint et très Aimant a établi cette École dans Son Église, quand sur la montagne il prêcha et proposa à tous les huit Béatitudes (Matt. 5: 2). Et ensuite comme Docteur qui exécute la Doctrine qu'Il enseigne, Il la mit en pratique, lorsque dans la Passion et les opprobres, Il renouvela les chapitres de cette Science qu'Il exécutait en Lui-même, comme tu l'as écrit [b]. Mais néanmoins quoique les Catholiques l'aient présente et que le Livre de Vie soit cependant devant eux, ils sont très peu nombreux et très comptés ceux qui entrent dans cette École et qui étudient dans ce Livre, et ils sont en nombre infini les fous (Eccl. 1: 15) et les insensés qui ignorent cette Science parce qu'ils ne se disposent point à être enseignés en elle.

6, 16, 1281. Tous abhorrent la pauvreté et sont altérés des richesses, sans être détrompés par leur fausseté. Ceux qui suivent la colère et la vengeance et qui méprisent la mansuétude sont infinis. Il y en a peu qui pleurent leurs misères véritables, et plusieurs travaillent pour la consolation terrestre; à peine y en a-t-il quelques-uns qui aiment la justice et qui ne sont pas déloyaux envers leur prochain. La miséricorde est éteinte, la pureté des coeurs violée et obscurcie, la paix détruite: nul ne pardonne, ni ne veut souffrir, non-seulement pour la justice, mais en méritant en toute justice de souffrir des peines et des tourments, ils fuient tous injustement loin d'eux. Avec cela, ma très chère, il y a peu de bienheureux qui obtiennent les Bénédictions de mon Très Saint Fils et les miennes. Plusieurs fois le courroux et la juste indignation du Très-Haut contre les professeurs de la Foi t'ont été manifestés; parce qu'à la vue de leur Exemplaire, le Maître de la Vie, ils vivent presque comme des infidèles et plusieurs sont plus horribles; parce que ce sont eux qui véritablement méprisent le Fruit de la Rédemption qu'ils confessent et connaissent; ils opèrent l'iniquité avec impiété (Is. 26: 10) dans la terre des Saints et ils se rendent indignes du remède qui leur est mis entre les mains avec la plus grande Miséricorde.

6, 16, 1282. Je veux de toi, ma fille, que tu travailles pour arriver à être bienheureuse en me suivant par une imitation parfaite, selon les forces de la grâce que tu reçois, pour entendre cette Doctrine cachée aux prudents et aux sages du monde. Chaque jour je te manifeste de nouveaux secrets de ma Sagesse, afin que ton coeur s'embrase et que tu reprennes haleine, étendant tes mains à des choses fortes (Prov. 31: 19). Et maintenant je t'ajoute un exercice que je fis, où tu peux m'imiter en partie. Tu sais déjà que dès le premier instant de ma Conception je fus pleine de grâce, sans avoir la tache du péché originel et sans participer à ses effets; et par ce singulier privilège je fus dès lors Bienheureuse dans les vertus, sans avoir de répugnance ni de contradiction à vaincre, ni me trouver débitrice, n'ayant rien à payer ni à satisfaire pour mes propres péchés. Néanmoins la divine Science m'enseigna que pour être fille d'Adam dans la nature qui avait péché, quoique non dans le péché commis, je devais m'humilier plus que la poussière. Et parce que j'avais des sens de la même espèce de ceux avec lesquels s'étaient commis la désobéissance et ses mauvais effets qui alors et ensuite se sentent dans la condition humaine, je devais pour cette seule parenté, les mortifier, les humilier et
les priver de l'inclination qu'ils avaient dans la même nature. Et je procédais comme une fille de famille très fidèle, qui tient la dette de son père et de ses frères quoiqu'elle n'y ait point de part, comme sienne propre; elle tâche de payer cette dette et d'y satisfaire avec d'autant plus de diligence qu'elle aime davantage son père et ses frères et qu'ils peuvent moins la payer et s'en dégager, et elle ne repose point qu'elle ne l'ait obtenu. Je faisais cela même avec tout le genre humain dont je pleurais les misères et les péchés; et parce que j'étais fille d'Adam, je mortifiais en moi les sens et les puissances avec lesquels il pécha; je m'humiliais comme fautive et coupable de son péché et de sa désobéissance, quoiqu'elle ne me regardât point et je faisais de même pour les autres qui dans la nature sont mes frères. Tu ne peux m'imiter dans les conditions dites, parce que tu es participante du péché. Mais cela même t'oblige à m'imiter dans le reste que j'opérais sans péché, puisqu'en l'ayant avec l'obligation de satisfaire à la Justice divine tu es obligée de travailler sans cesse pour toi et le prochain et de t'humilier jusqu'à la poussière; parce que le coeur contrit et humilié (Ps. 50: 19) incline la piété Divine à user de Miséricorde.

NOTES EXPLICATIVES

Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 16, [a]. Livre 6, No. 1423.
6, 16, [b]. Livre 6, No. 1275.
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Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée - Page 6 Empty Re: Marie d'Agreda "La Cité Mystique de Dieu" livre version numérisée

Message par sga Ven 20 Sep 2019 - 14:16

CHAPITRE 17


Ce que souffrit notre Sauveur Jésus-Christ après le reniement de saint Pierre, jusqu'au matin; et la grande douleur de Sa Très Sainte Mère.


6, 17, 1283. Les saints Évangélistes laissèrent ce passage en silence, sans avoir déclaré en quel endroit fut mis l'Auteur de la Vie et ce qu'Il souffrit après le reniement de saint Pierre, et les opprobres que Sa Majesté reçut dans la maison de Caïphe et en sa présence, jusqu'au matin, quand tous rapportent la nouvelle consultation qu'ils firent pour Le présenter à Pilate, comme on le verra dans le chapitre suivant. Je doutais de poursuivre ce passage et de manifester ce qui m'en a été donné à entendre: parce qu'il m'a été montré conjointement que tout ne se connaîtra pas en cette vie et il ne convient pas qu'il soit déclaré à tous; parce qu'au jour du jugement ces sacrements et d'autres de la Vie et de la Passion de notre Rédempteur seront découverts aux hommes. Et pour ce que je peux manifester, je ne trouve point de raisons ou de termes adéquats à mon concept et moins à l'objet que je conçois; parce que tout est ineffable et au-dessus de ma capacité. Mais pour obéir je dirai ce que je pourrai, pour n'être pas reprise d'avoir celé la Vérité qui confond et condamne tant notre vanité et notre oubli. Je confesse ma dureté en présence du Ciel, puisque je ne meurs point de confusion et de douleur d'avoir commis des péchés qui coûtèrent tant au même Dieu qui me donna l'être et la vie que j'ai. Nous ne pouvons ignorer désormais la laideur et le poids du péché, puisqu'il a attiré tant de maux sur l'Auteur même de la grâce et de la gloire. Je serais la plus ingrate des mortels, si dès aujourd'hui je n'abhorrais le péché plus que la mort, et comme le démon; et cette dette je l'intime et la manifeste à tous les Catholiques, enfants de la Sainte Église.

6, 17, 1284. Avec les opprobres que reçut notre bien-aimé Jésus en la présence de Caïphe, l'envie de l'ambitieux pontife et la colère de ses collègues et ses ministres demeurèrent très fatiguées, quoique non rassasiées. Mais comme il passait déjà minuit, ceux du conseil déterminèrent que pendant qu'ils dormiraient, notre Sauveur demeurerait bien gardé en sûreté jusqu'au matin afin qu'Il ne pût S'enfuir. Pour cela ils commandèrent de Le renfermer attaché comme Il était dans un souterrain qui servait de cachot pour les plus grands voleurs et les scélérats de la république. Cette prison était si obscure qu'elle n'avait presque point de lumière et si immonde et de si mauvaise odeur qu'elle aurait pu infecter la maison si elle n'avait pas été si bien fermé et si couverte, parce qu'il y avait plusieurs années qu'elle n'avait pas été nettoyée, ni purifiée, tant parce qu'elle était profonde, que parce que lorsqu'elle servait pour renfermer de si méchants hommes, ils ne la
réparaient pas en les mettant dans cet horrible cachot, comme des gens indignes de toute pitié et des bêtes indomptées et féroces.

6, 17, 1285. Ce qui avait été commandé par le conseil d'iniquité s'exécuta, et les ministres menèrent le Créateur de la terre et des Cieux et L'emprisonnèrent dans cet immonde et profond cachot. Et comme Il était toujours lié de la même manière qu'Il était venu du Jardin, ces opérateurs de l'iniquité purent continuer en toute sécurité l'indignation que toujours le prince des ténèbres leur administrait; parce qu'ils menèrent Sa Majesté en Le tirant par les cordes et en Le traînant avec une fureur presque inhumaine et en Le chargeant de coups et de blasphèmes exécrables. Dans un angle du plus profond de ce souterrain sortait du sol un caillou ou une pointe de rocher si dur que pour cela il n'avait pu être rompu. Ils attachèrent et amarrèrent le Christ notre bien-aimé Jésus avec les extrémités des cordes à cette roche qui était comme un tronçon de colonne, mais d'une manière sans pitié; parce que Le laissant debout, ils Le mirent de telle sorte qu'Il était attaché le Corps incliné, sans qu'il pût s'asseoir ni se lever pour Se soulager; de sorte que cette posture était un tourment nouveau et pénible à l'extrême. Ils Le laissèrent ainsi et ils fermèrent les portes avec une clef qu'ils consignèrent à l'un de ces très méchants ministres qui en avait soin.

6, 17, 1286. Mais le dragon infernal dans son antique orgueil ne reposait point, et toujours il désirait savoir qui était le Christ, et pour irriter Son immuable patience, il inventa une méchanceté nouvelle se revêtant dans ce ministre dépravé et les autres. Il mit dans l'imagination de celui qui avait la clef du divin Prisonnier et du plus grand Trésor que possèdent le Ciel et la terre, de convier d'autres de ses amis de moeurs semblables aux siennes, afin que tous ensemble, ils descendissent au cachot où était le Maître de la Vie pour avoir avec Lui quelque divertissement, L'obligeant à parler et à prophétiser, ou à faire quelque chose inouïe; parce qu'ils tenaient Sa Majesté pour un magicien ou un devin. Avec cette suggestion diabolique il convia d'autres soldats et d'autres ministres et tous ensemble ils déterminèrent de l'exécuter. Pendant qu'ils se réunissaient, il arriva que la multitude des Anges qui assistaient le Rédempteur dans Sa Passion Le voyant attaché dans cette posture si douloureuse et dans un lieu si indigne et si immonde, se prosternèrent devant Sa Face, L'adorèrent comme leur Dieu et leur Seigneur véritable, et donnèrent à Sa Majesté un culte, une révérence d'autant plus
profonde, qu'Il était plus admirable de Se laisser traiter avec de tels opprobres pour l'amour qu'Il portait à ces mêmes hommes. Ils lui chantèrent quelques hymnes et quelques cantiques que Sa Très Pure Mère avait faits à Sa louange, comme je l'ai déjà dit [a]. Et tous ces esprits célestes lui demandèrent, an Nom de la même Dame, que puisqu'il ne voulait point montrer le Pouvoir de Sa droite en soulageant Sa Très Sainte Humanité, de leur donner la permission de la détacher afin de Le soulager de ce tourment et de Le défendre de ce quadrille de ministres qui par l'instigation du démon se préparaient pour L'offenser de nouveau.

6, 17, 1287. Sa Majesté n'accepta point ce service des Anges et Il leur répondit, disant: «Esprits et ministres de Mon Père Éternel, ce n'est point Ma Volonté de recevoir maintenant de soulagement dans Ma Passion, et Je veux souffrir ces opprobres et ces tourments pour satisfaire à la Charité ardente avec laquelle J'aime les hommes, et laisser à Mes élus et à Mes amis cet exemple, afin qu'ils M'imitent et qu'ils ne défaillent point; et afin que tous estiment les Trésors de la grâce que Je leur mériterai abondamment par le moyen de ces peines. Je veux de même justifier Ma cause, afin qu'au jour de Mon indignation, soit manifeste aux réprouvés la Justice avec laquelle ils sont condamnés pour avoir méprisé Ma Passion très douloureuse que J'accepte pour leur procurer le remède. Vous direz à Ma Mère qu'Elle se console dans cette tribulation en attendant qu'arrive le jour de l'Allégresse et du Repos; que J'ai de l'agrément et de la complaisance de son affection compatissante et de tout ce qu'Elle fait.» A cette réponse les saint Anges allèrent à leur grande Reine et Souveraine, et avec cette ambassade sensible ils la consolèrent, quoiqu'Elle n'ignorât point la Volonté de son Très Saint Fils et tout ce qui était arrivé dans la maison du pontife Caïphe par le moyen d'une autre connaissance. Lorsqu'Elle connut la nouvelle cruauté avec laquelle ils laissèrent l'Agneau du Seigneur attaché et la posture si pénible et si dure de Son Très Saint Corps, la Vierge-Mère sentit la même douleur dans sa très pure personne; comme aussi Elle sentit celui des coups, des soufflets et des opprobres qu'ils firent contre l'Auteur de la Vie; parce que tout résonnait comme un miraculeux écho dans le corps Virginal de la très candide Colombe, et une même douleur et une même peine frappait le Fils et la Mère et le même glaive les transperçait, avec la différence que le Christ souffrait comme Homme-Dieu et Rédempteur Unique des hommes, et la Très Sainte Marie comme pure Créature et Coadjutrice de son Très Saint Fils.

6, 17, 1288. Lorsqu'Elle connut que Sa Majesté permettait à cette très vile canaille de ministres incités par le démon d'entrer dans la prison, l'amoureuse Mère pleura amèrement sur ce qui devait arriver. Et prévoyant les intentions sacrilèges de Lucifer, Elle fut très attentive pour user de sa puissance de Reine et ne point consentir à ce qu'aucune action indécente ne s'exécutât contre la Personne du Christ notre Bien, comme l'intentait le dragon par le moyen de la cruauté de ces malheureux. Car bien que ces actions fussent indignes et de souveraine irrévérence pour la Personne divine de notre Sauveur, néanmoins en quelques-unes Il pouvait y avoir moins de décence, et celles-ci l'ennemi tâchait de les introduire afin de provoquer l'indignation du Seigneur lorsqu'il ne pouvait irriter Sa mansuétude par les autres qu'il avait intentées. Les oeuvres que fit l'Auguste Reine dans cette occasion et en tout le cours de la Passion furent si rares et si admirables, si héroïque et si extraordinaires qu'elles ne peuvent être dignement louées ni rapportées, lors même qu'elles seraient écrites en plusieurs livres, et il est indispensable de s'en remettre à la vision de la Divinité pour les comprendre, parce qu'en cette vie ces oeuvres sont ineffable et l'on ne peut les exprimer.

6, 17, 1289. Ces ministres du péché entrèrent donc dans ce cachot, solennisant avec blasphème la fête qu'ils se promettaient, avec les dérisions et les sarcasmes qu'ils déterminaient d'exécuter contre le Seigneur de l'Univers. S'approchant de Lui ils commencèrent à Lui cracher au Visage d'une façon nauséabonde et à Lui donner des soufflets avec un mépris et une effronterie incroyables. Sa Majesté n'ouvrit point la bouche et ne répondit point; Il ne leva pas Ses yeux Divins, gardant toujours une humble sérénité dans Son air. Ces ministres sacrilèges désiraient L'obliger à parler ou à faire quelque action ridicule ou extraordinaire, pour avoir plus d'occasion de s'en moquer et de Le faire croire magicien; mais voyant cette mansuétude immuable, ils se laissèrent irriter davantage par les démons qui les assistaient. Ils détachèrent le divin Maître de la roche où Il était amarré, et ils Le mirent au milieu du cachot, bandant Ses yeux très saints avec un linge; et L'ayant mis au milieu d'eux, ils Le frappaient à coups de pied et à coups de poings, ils Lui donnaient à l'envi des soufflets, chacun à leur tour, et avec une plus grande dérision et de plus grands blasphèmes ils Lui commandaient de deviner et de dire qui était celui qui Le frappait. Les ministres répétèrent ce genre de blasphème en cette occasion (Matt. 26: 67-68; Luc 22: 64;
Marc 14: 65) encore plus qu'en présence d'Anne quand saint Matthieu, saint Marc et saint Luc le rapportent, parce que ces Évangélistes comprirent tacitement ce qui arriva ensuite.

6, 17, 1290. A cette pluie d'opprobres et de blasphèmes le Très Doux Agneau Se taisait. Et Lucifer désirant Le voir faire quelque mouvement d'impatience se tourmentait de voir cette vertu immuable en Notre-Seigneur Jésus-Christ; et par un conseil infernal il mit dans l'imagination de ses propres amis et esclaves de Le dépouiller de tous Ses vêtements et de Le traiter avec des paroles et des actions inventées dans la pensée d'un démon si exécrable. Les soldats ne résistèrent point à cette suggestion et ils voulurent l'exécuter. La Très Prudente Reine empêcha cet abominable sacrilège par des prières, des larmes et des soupirs et en usant de son empire de Reine; parce qu'Elle demanda au Père Éternel de ne point concourir avec ces causes secondes pour de telles oeuvres; et Elle commanda aux puissances de ces ministres de ne point user de la vertu naturelle qu'elles avaient pour opérer. Par ce commandement il arriva que ces monstres ne purent rien exécuter de tout ce que la malice du démon leur suggérait en cela; parce qu'ils oubliaient aussitôt plusieurs choses; pour d'autres qu'ils désiraient ils n'avaient point la force de les exécuter, car ils demeuraient les bras comme gelés et inertes, jusqu'à ce qu'ils rétractassent leur détermination inique. Et s'ils changeaient cette détermination ils revenaient à leur état naturel; parce que ce miracle n'était pas alors pour les châtier, mais seulement pour empêcher les actions les plus indécentes et la Puissance divine consentait à celles qui l'étaient moins, où à celles d'une autre espèce d'irrévérences que le Seigneur voulait permettre.

6, 17, 1291. Las puissante Reine commanda aussi aux démons de se taire et de ne point inciter les ministres en ces méchancetés indécentes que Lucifer intentait et voulait continuer. Par ce commandement le dragon demeura écrasé en tout ce à quoi s'étendait la volonté de la Très Sainte Marie, et il ne put irriter davantage la stupide indignation de ces hommes dépravés, ni ils ne purent parler ni faire aucune chose indécente, sinon dans la manière qui leur fut permise. Mais en expérimentant en eux-mêmes ces effets aussi admirables qu'insolites, ils ne méritèrent point de se détromper ni de reconnaître la Puissance divine, bien que parfois ils se sentissent comme perclus, d'autres fois libres et sains et tout cela à l'improviste, mais ils l'attribuaient à ce que le Maître de la Vérité et de la Vie était
sorcier et magicien. Et dans cette erreur diabolique ils persévérèrent à faire d'autres genres de tourments et de dérisions injurieuses à la Personne de Jésus-Christ, jusqu'à ce qu'ils s'aperçussent que la nuit était déjà fort avancée; et alors ils L'amarrèrent de nouveau au rocher, et Le laissant attaché ils sortirent eux et les démons. Ce fut l'ordre de la divine Sagesse de commettre à la vertu de la Très Sainte Marie la défense de l'honnêteté et de la décence de son Fils très pur dans ces choses où il ne convenait point qu'elle fut offensée par le conseil de Lucifer et des ses ministres.

6, 17, 1292. Notre Sauveur demeura de nouveau seul dans ce cachot, assisté des esprits angéliques qui étaient remplis d'admiration des Oeuvres et des secrets jugements de Sa Majesté en ce qu'Il avait voulu souffrir; et pour tout ils Lui rendirent une profonde adoration, Le louèrent en magnifiant et en exaltant Son saint Nom. Et le Rédempteur du monde fit une longue oraison à Son Père, priant pour les futurs enfants de son Église et la diffusion de la Foi, pour les Apôtres et spécialement pour saint Pierre qui pleurait son péché. Il pria aussi pour ceux qui L'avaient bafoué et injurié, et surtout Il tourna Sa prière pour Sa Très Sainte Mère et ceux qui à son imitation seraient affligés et méprisés du monde, et à toutes ces fins Il offrit Sa Passion et la Mort qu'Il attendait. En même temps la douloureuse Mère L'accompagna par une autre longue oraison et avec les même demandes pour les enfants de l'Église et pour Ses ennemis, et sans se troubler ni recevoir l'indignation ni de haine contre eux. Elle en eut seulement contre le démon comme incapable de la grâce à cause de son obstination. Et avec des larmes de douleur Elle parla avec le Seigneur et Lui dit:

6, 17, 1293. «Amour et bien de mon Âme, mon Fils et mon Seigneur, Vous êtes digne que toutes les créatures Vous révèrent, Vous honorent et Vous louent, car tous Vous le doivent parce que Vous êtes l'Image du Père Éternel et la Figure (Héb. 1: 3) de Sa Substance, Infini en Votre Être et Vos perfections; Vous êtes Principe (Apoc. 1: Cool et Fin de toute sainteté. Si elles sont créées pour servir à Votre Volonté avec soumission, comment maintenant, Seigneur et Bien Éternel, osent-elles mépriser, tourmenter, couvrir d'affronts et d'ignominie Votre Personne digne du culte suprême d'adoration? Comment l'orgueil est-il monté jusqu'à mettre sa bouche dans le Ciel? Comment d'envie a-t-elle été si puissante? Vous êtes l'Unique et clair Soleil de Justice qui dissipe (Jean 1: 9) et éclaire les ténèbres
du péché. Vous êtes la Fontaine de la grâce qui ne Se refuse à personne, si on La veut. C'est Vous qui par un Amour libéral donnez l'être et le mouvement (Act. 17: 28) à ceux qui l'on dans cette vie, et qui donnez la conservation aux créatures; tout dépend de Vous et a besoin de Vous, sans que Vous n'ayez besoin de rien. Qu'ont-ils donc vu dans Vos Oeuvres? Qu'ont-ils trouvé dans Votre Personne, pour qu'ils La maltraitent et La couvrent d'opprobres de la sorte? O laideur très atroce du péché! qui a pu défigurer ainsi la Beauté du Ciel et obscurcir les clairs rayons de Son vénérable Visage!
O bête féroce et sanguinaire qui traites si inhumainement le Réparateur même de tes dommages! Mon Fils et mon Seigneur je connais plus que jamais que Vous êtes l'Artisan du véritable Amour, l'Auteur du Salut des hommes, le Maître et le Seigneur des vertus (Ps. 23: 10), que Vous mettez Vous-même en pratique la Doctrine que Vous enseignez aux humbles Disciples de Votre École. Vous humiliez l'orgueil, Vous confondez l'arrogance et Vous êtes pour tous un Exemple de Salut Éternel. Et si Vous voulez que tous imitent Votre Charité et Votre patience ineffables, cela me regarde la première, moi qui Vous ai fourni la matière et qui Vous ai vêtu de la chair passible en laquelle Vous êtes frappé, couvert de crachats et de soufflets. Oh! si je pouvais souffrir seule toutes ces peines et Vous, mon Fils très innocent si Vous en étiez délivré! Mais si cela n'est pas possible, faites que je souffre avec Vous jusqu'à la Mort. Et Vous, esprits sublimes, qui êtes dans l'admiration de la patience de mon Bien-Aimé et qui connaissez Son immuable Divinité et la dignité et l'innocence de Son Humanité véritable, compensez les injures et les blasphèmes qu'il reçoit des hommes. Donnez-Lui Magnificence, Gloire (Apoc. 5: 12), Sagesse, Honneur, Vertu et Force. Conviez les Cieux, les planètes, les étoiles et les éléments, afin que tous Le connaissent et Le confessent; et voyez si par aventure il est une douleur qui s'égale à la mienne (Lam. 1: 12).» La Très Prudente Reine disait ces raisons si douloureuses et d'autres semblables, avec lesquelles Elle respirait quelque peu dans l'amertume de sa peine et de sa douleur.

6, 17, 1294. La patience de la divine Princesse dans la Passion et la Mort de son Fils et son Seigneur très aimant fut incomparable; parce que tout ce qu'Elle souffrait ne lui parut jamais beaucoup, ni le poids de ses peines n'égalait point celui de son affection qu'Elle mesurait avec l'Amour et la dignité de son Très Saint Fils et avec Ses tourments: dans toutes les injures et les irrévérences qui se
faisaient contre le même Seigneur, Elle ne les ressentit point pour Elle-même, Elle ne les réputa point comme lui étant propres, quoiqu'Elle les connût et les pleurât toutes en tant qu'elles étaient contre la Personne divine et au détriment de Ses agresseurs; Elle parla et intercéda pour tous, afin que le Très-Haut leur pardonnât et les éloignât du péché et de tout mal, et qu'Il les éclairât de Sa divine Lumière afin qu'ils obtinssent le Fruit de la Rédemption.

DOCTRINE DE LA REINE DU CIEL LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 17, 1295. Ma fille, il est écrit dans l'Évangile que le Père Éternel donna à Son Fils Unique et le mien la Puissance de juger et de condamner les réprouvés au dernier jour du Jugement Universel. Et cela est très convenable, non seulement afin que tous les jugés et les coupables voient alors le Juge suprême qui les condamnera conformément à la Volonté et à la Rectitude divine; mais aussi, afin qu'ils voient et connaissent cette même forme (Apoc. 1: 7) de Son Humanité très sainte en laquelle ils furent rachetés, et que soient manifestés en cette même Humanité les tourments et les opprobres qu'Il souffrit pour les racheter de la damnation éternelle; et le même Seigneur, leur Juge, leur fera cette accusation. Et comme ils ne pourront y répondre ni y satisfaire, cette confusion sera le principe de la peine éternelle qu'ils méritèrent par leur ingratitude obstinée; parce que la grandeur de la Miséricorde très pieuse avec laquelle ils furent rachetés et la raison de Justice avec laquelle ils seront condamnés seront alors notoires et manifestes. La douleur, les peines et les amertumes que souffrit mon Très Saint Fils, parce que tous ne devaient point profiter du Fruit de la Rédemption furent très grandes et très vives; et elles transperçaient mon Coeur en même temps qu'elles Le tourmentaient et aussi quand je Le vis couvert de crachats, de soufflets; blasphémé et affligé avec des tourments si impies qui ne peuvent être connus dans la vie présente et mortelle. Je le connus dignement et clairement et ma douleur fut mesurée à cette science ainsi qu'à l'Amour et à la révérence de la Personne de Jésus-Christ, mon Seigneur et mon Fils. Mais après ces peines les plus grandes furent de connaître que Sa Majesté ayant souffert une telle Passion et une telle Mort pour les hommes, il y en avait tant qui allaient se damner à la vue de ce Prix infini.

6, 17, 1296. Je veux que tu m'accompagnes et m'imites aussi dans cette douleur, et que tu t'affliges de cette infortune lamentable; car parmi les mortels, il n'y en a point d'autre digne d'être pleurée avec des larmes si amère, ni avec une douleur comparable à celle-ci. Il y en a peu dans le monde qui réfléchissent à cette vérité avec la pondération qu'ils doivent avoir. Mais mon Fils et moi nous admettons avec une complaisance spéciale ceux qui Nous imitent dans cette douleur et qui s'affligent de la perte de tant d'âmes. Tâche, ma très chère, de te signaler dans cet exercice et prie, car tu ne sais point comment le Très-Haut acceptera tes désirs. Tu dois savoir Ses promesses, qu'à celui qui demande il sera donné (Luc 11: 9), et à celui qui appelle, la porte de Ses Trésors infinis sera ouverte. Et afin d'avoir quelque chose à Lui offrir, écris dans ta mémoire ce que mon Très Sainte Fils et ton Époux souffrit de la part de ces ministres, ces hommes vils et dépravés et la patience, la mansuétude et le silence avec lesquels ils S'assujettit à leur volonté inique. Et à la vue de ce Miroir de Perfection, travaille dès aujourd'hui afin que l'irascible ni aucune autre passion de fille d'Adam ne règne et toi; et qu'une haine efficace du péché de l'orgueil, du mépris et de l'offense du prochain s'engendre en ton coeur. Demande au Très-Haut et sollicite la patience, la mansuétude, l'affabilité et l'amour des travaux et de la Croix du Seigneur. Embrasse-la, prends-la (Matt. 16: 24) avec une pieuse affection, et suis Jésus-Christ ton Époux, afin de L'atteindre.

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Message par sga Ven 27 Sep 2019 - 12:35

CHAPITRE 18


Vendredi matin, le conseil s'assembla pour instruire la cause de notre Sauveur Jésus-Christ; ils le renvoient à Pilate; la Très Sainte Marie sort à Sa rencontre avec saint Jean l'Évangéliste et les trois Marie.


6, 18, 1297. Les Évangélistes disent que le vendredi matin, au lever de l'aurore (Matt. 27: 1; Marc 15: 1; Luc 22: 66; Jean 18: 28), les plus anciens du gouvernement avec les princes des prêtres, et les scribes qui étaient plus respectés du peuple à cause de la Loi, se réunirent afin d'instruire la cause du Christ de commun accord et de Le condamner à mort comme ils le désiraient tous, donnant quelque couleur de justice pour satisfaire le peuple. Ce conseil se tint dans la maison du pontife Caïphe où Sa Majesté, Notre-Seigneur Jésus-Christ, était emprisonné. Ils commandèrent qu'Il montât du cachot à la salle du conseil, afin de L'examiner de nouveau. Des ministres de la justice descendirent aussitôt pour L'amener enchaîné et lié; en Le détachant du rocher que j'ai mentionné, ils Lui dirent avec de grandes moqueries et de grandes dérisions: «Hé bien, Jésus de Nazareth, Tes miracles T'ont peu servi à Te défendre. Les artifices avec lesquels tu disais qu'en trois jours Tu édifierais le Temple ne seraient pas bons maintenant pour T'échapper. Mais ici Tu vas payer maintenant Tes vanités et Tes pensées hautaines vont être humiliées. Viens, viens, car les princes des prêtres et les
scribes T'attendent pour mettre fin à Tes tromperies et Te livrer à Pilate, afin d'en finir avec Toi d'un seul coup.» Ils détachèrent le Seigneur et ils Le montèrent au conseil sans que Sa Majesté n'ouvrît la bouche. Mais Il était si défiguré et si faible à cause des tourments, des soufflets et des crachats dont Il n'avait pu S'essuyer, parce qu'Il avait les mains attachées, qu'Il cause à ceux du conseil de l'épouvante, mais non de compassion. Telle était la colère qu'ils avaient contractée et conçue contre le Seigneur.

6, 18, 1298. Ils Lui demandèrent de nouveau s'Il était le Christ (Luc 22: 66), c'est-à-dire l'Oint. Cette seconde interrogation fut avec une intention malicieuse comme les autres, non pour entendre la Vérité et la recevoir, mais pour la calomnier et la poser comme accusation contre Lui. Cependant le Seigneur qui voulait mourir aussi pour la Vérité ne voulut point la taire, ni non plus la confesser de manière qu'ils la méprisassent et que la calomnie prît quelque couleur apparente de vérité; parce que même cela ne pouvait avoir lieu dans Son innocence et Sa Sagesse. Et ainsi Il tempéra Sa réponse de telle sorte que si les Pharisiens avaient eu quelque piété, ils eussent eu occasion aussi de s'enquérir avec un bon zèle du sacrement caché dans Ses paroles; et s'ils n'en avaient point, qu'il fût entendu que la faute était dans leur mauvaise intention et non dans la réponse du Sauveur. Il répondit et leur dit: «Si J'affirme que Je suis Celui que vous Me demandez, vous ne donnerez point crédit à ce que Je dirai; et si Je vous demande quelque chose, vous ne Me répondrez pas non plus, ni ne Me délivrerez. Mais Je dis que le Fils de l'homme après cela S'assiéra à la droite de la Vertu de Dieu.» Les pontifes répliquèrent: «Tu es donc le Fils de Dieu?» Le Seigneur répondit: «Vous dites que Je le suis.» Et ce fut la même chose que s'Il leur eût dit: "La conséquence que vous tirez que Je suis Fils de Dieu est très légitime; parce que mes Oeuvres, Ma Doctrine, vos Écritures et tout ce que vous faites maintenant à Mon égard témoignent que Je suis le Christ promis dans la Loi."

6, 18, 1299. Mais comme ce conseil de méchants n'était point disposé à donner son assentiment à la Vérité divine, quoiqu'ils l'inférassent eux-mêmes par de bonnes conséquences et qu'ils pussent la croire, ils ne la comprirent point et ils ne Lui donnèrent point crédit; au contraire, ils la jugèrent un blasphème digne de mort. Et voyant que le Seigneur ratifiait ce qu'Il avait confessé auparavant, ils se dirent tous: «Quel besoin avons-nous de plus de témoins, puisqu'Il le confesse
Lui-même de Sa bouche?» Et aussitôt de commun accord, ils décrétèrent qu'Il fut mené et présenté comme digne de mort à Ponce Pilate qui gouvernait la province de Judée au nom de l'empereur romain, comme seigneur de la Palestine pour les choses temporelles. Et selon les lois de l'empire romain, les causes de sang ou de mort étaient réservées au sénat ou à l'empereur, ou bien à ses ministres qui gouvernaient les provinces éloignées, et ces causes n'étaient point abandonnées aux naturels de ces contrées; parce qu'ils voulaient que des affaires aussi graves comme d'ôter la vie fussent considérées avec une plus grande attention, et qu'aucun coupable ne fût condamné sans avoir été entendu et sans lui avoir donné temps et lieu pour sa défense et sa décharge; parce que dans cet ordre de justice, les romains plus que les autres nations se conformaient à la Loi naturelle de la raison. Et dans la cause de notre bien-aimé Sauveur Jésus-Christ, les pontifes et les scribes furent bien aises de ce que la mort qu'ils désiraient Lui donner fût par la sentence de Pilate qui était gentil, pour satisfaire le peuple en disant que le gouverneur romain L'avait condamné et qu'il ne l'eût pas fait s'Il n'eût pas été digne de mort; tant le péché et l'hypocrisie les aveuglaient, comme s'ils n'eussent pas été les auteurs de toute la méchanceté, et plus sacrilèges que le juge gentil; et ainsi le Seigneur ordonna que cela devînt manifeste à tous, par les instances mêmes qu'ils firent auprès de Pilate, comme nous le verrons plus loin.

6, 18, 1300. Les valets menèrent notre Sauveur Jésus de la maison de Caïphe à celle de Pilate pour Le présenter lié comme digne de mort, avec les chaînes et les cordes qu'ils Lui avaient mises lorsqu'ils L'avaient arrêté. La cité de Jérusalem était remplie de gens de la Palestine qui avaient concouru pour célébrer la grande Pâque de l'Agneau et des Azymes; et avec la rumeur qui courait déjà parmi le peuple et la connaissance que tout le monde avait déjà du Maître de la Vie, il accourut une multitude innombrable pour Le voir passer pas les rues, prisonnier et enchaîné, toute cette populace étant partagée en des opinions différentes. Les uns disaient à grands cris: «Qu'Il meure, qu'Il meure ce méchant homme, cet imposteur qui a trompé tout le monde.» D'autres répondaient: «Ses Doctrines et Ses Oeuvres ne paraissaient pas si mauvaises; parce qu'Il faisait beaucoup de bien.» D'autres de ceux qui avaient cru en Lui s'affligeaient et pleuraient et toute la cité était dans le trouble et la confusion. Lucifer ainsi que tous ses démons était attentif à tout ce qui se passait, et comme il se voyait secrètement vaincu, et tourmenté par la patience invincible et la mansuétude de notre Seigneur Jésus-Christ, son propre orgueil et sa propre indignation l'affolait
avec une fureur insatiable, soupçonnant que ces vertus qui Le tourmentaient si fort ne pouvaient être d'un pur homme. D'un autre côté, il présumait qu'il ne pouvait convenir au vrai Dieu de Se laisser maltraiter et mépriser avec tant d'excès, et de souffrir tant de peines et d'abattement dans son Corps; parce que «s'Il était Dieu,» disait le dragon, «la Vertu divine et Sa nature communiquée à l'humaine Lui influerait de grands effets pour L'empêcher de défaillir et Il ne consentirait pas à ce qui se passe dans Son Humanité» Lucifer disait cela, ignorant le secret Divin, c'est-à-dire que notre Seigneur Jésus-Christ avait suspendu les effets qui pouvaient redonder de la Divinité dans la nature humaine, afin que la souffrance fût dans un degré souverain, comme il a déjà été dit [a]. Dans ces soupçons le superbe dragon s'enrageait davantage à poursuivre le Seigneur, afin d'éprouver qui était Celui qui soufrait ainsi les tourments.

6, 18, 1301. Le soleil était déjà levé quand cela arrivait et la douloureuse Mère, qui contemplait tous les événements, détermina de sortir de sa retraite pour suivre son Très Saint Fils à la maison de Pilate et L'accompagner jusqu'à la Croix. Et comme l'Auguste Reine et Maîtresse sortait du Cénacle, saint Jean arriva pour lui rendre compte de toute ce qui se passait; parce que le Disciple bien-aimé ignorait alors la science et la vision que la Très Sainte Marie avait de toutes les Oeuvres et tous les événements de son Très Aimant Fils. Après le reniement de saint Pierre, saint Jean s'était retiré plus au loin pour épier ce qui se passait. Il reconnaissait aussi son péché d'avoir fui dans le jardin, et en arrivant en la présence de sa Reine, il la confessa avec larmes pour Mère de Dieu et il lui demanda pardon; puis ensuite il lui rendit compte de tout ce qui se passait dans son coeur, ce qu'il avait fait et vu en suivant son Maître. Il sembla à saint Jean qu'il était bien de prévenir la Mère affligée, afin qu'en arrivant à la vue de son Très Saine Fils Elle ne fût pas si transpercée par ce spectacle nouveau. Et dès lors pour le lui représenter, il lui dit ces paroles: «Oh! Madame, que notre divin Maître est affligé! Il n'est pas possible de Le regarder sans que le coeur se brise à Sa vue; Son très beau Visage est si enlaidi et si défiguré par les crachats, les soufflets et les coups qu'en Le voyant vous aurez peine à Le reconnaître.» La Très Prudente Mère écouta cette relation avec autant de soin que si Elle eût été ignorante de l'événement; mais Elle était toute convertie en pleurs et transformée en douleur et en amertume. Les saintes femmes qui sortaient en compagnie de la grande Dame l'écoutèrent aussi et elles demeurèrent toutes le coeur transpercé de la même douleur et de la même stupeur qu'elles reçurent. La Reine du Ciel commanda à
l'Apôtre saint Jean de l'accompagner avec les femmes dévotes et s'adressant à celles-ci, Elle leur dit: «Hâtons le pas, afin que mes yeux voient le Fils du Père Éternel qui a pris la forme humaine dans mes entrailles; et vous verrez, mes très chères, ce que l'Amour que mon Seigneur et mon Dieu a pour les hommes a pu faire en Lui et ce qu'il Lui en coûte pour les racheter du péché et de la mort et leur ouvrir les portes du Ciel.»

6, 18, 1302. La Reine des Cieux sortit par les rues de Jérusalem accompagnée de saint Jean et des autres saintes femmes, quoique toutes ne l'assistèrent pas toujours, mais seulement les trois Marie et quelque autres très pieuses, et les Anges de sa garde auxquels Elle demanda de faire en sorte que la grande affluence de gens ne l'empêchât point d'arriver là où était son Très Saint Fils. Les saints Anges lui obéirent et ils la gardaient. Elle entendait par les rues où Elle passait des raisons et des sentiments différents touchant un cas si lamentable, car ils se disaient les uns aux autres et ils se racontaient ce qui était arrivé à Jésus de Nazareth. Les plus pieux se lamentaient et c'était le petit nombre; d'autres racontaient où Il allait et qu'Il était mené captif et enchaîné, comme magicien, d'autres qu'Il était maltraité; d'autres demandaient quelle méchanceté et quel crime Il avait commis pour qu'on Lui donnât un châtiment si cruel; et finalement plusieurs disaient avec étonnement ou avec peu de foi: «Voilà donc où ont abouti tous Ses miracles? sans doute qu'ils n'étaient tous que des fourberies puisqu'Il n'a pu Se défendre ni Se délivrer.» Toutes les rues et les places étaient pleines de discussion et de murmures. Mais au milieu de tout ce trouble des hommes l'Invincible Reine demeurait constante et sans trouble, quoique remplie d'une amertume incomparable, priant pour les incrédules et les malfaiteurs comme si Elle n'eût point eu d'autre souci que de solliciter la grâce et le pardon de leurs péchés; et Elle les aimait avec une Charité aussi intime que si Elle eût reçu d'eux de grandes faveurs et de grands bienfaits. Elle ne s'indigna ni ne s'irrita point contre les ministres sacrilèges de la Passion et de la Mort de son Très Aimant Fils et Elle n'eut aucun signe de courroux. Elle les regardait tous avec Charité et Elle leur faisait du bien.

6, 18, 1303. Quelques-uns de ceux qui la rencontraient par les rues la reconnaissaient pour la Mère de Jésus de Nazareth et mus par une compassion naturelle, ils lui disaient: «O douloureuse Mère! quelle infortune T'est arrivée!
Que Ton Coeur doit être brisé et déchiré de douleur!» D'autres lui disaient avec impiété: «Pourquoi as-tu consenti à Lui laisser intenter tant de nouveauté parmi le peuple? Il eût été mieux de Le garder et de Le retenir; mais ce sera un avertissement pour les autres mères; qu'elles apprennent de ton infortune comment elles doivent enseigner leurs enfants.» La Très Candide Colombe entendit ces raisons et d'autres plus terribles, dans son ardente Charité et Elle donnait à toutes la place qui convenait, recevant la compassion des coeurs pieux, souffrant l'impiété des incrédules, ne s'étonnant point des ingrats et des ignorants, priant respectivement le Très-Haut pour les uns et les autres.

6, 18, 1304. Au milieu de cette variété et cette confusion de gens, les saints Anges conduisirent l'Impératrice du Ciel au détour d'une rue où Elle rencontra son Très Saint Fils, et Elle se prosterna devant Sa royale Personne et L'adora avec une vénération plus haute et plus fervente que toutes les créatures ne Lui ont jamais rendue ni ne Lui rendront jamais. Elle se releva ensuite et le Fils et la Mère Se regardèrent avec une tendresse incomparable; et ils se parlèrent avec leurs Coeurs transpercés d'une ineffable douleur. Alors la Très Prudente Dame se retira un peu en arrière et Elle suivit Notre-Seigneur Jésus-Christ, parlant dans son secret à Sa Majesté et aussi au Père Éternel et disant des raisons telles qu'elles ne peuvent être exprimées par aucune langue mortelle et corruptible. La Mère affligée disait: «O mon Fils et mon Dieu très-haut, je connais le Feu amoureux de Votre Charité envers les hommes qui Vous oblige à cacher la Puissance Infinie de Votre Divinité dans la chair et la forme passible que Vous avez reçue de mes entrailles. Je confesse Votre Sagesse incompréhensible en recevant de tels affronts et de tels tourments et en Vous livrant Vous-même, Vous le Seigneur de toute créature, pour le rachat de l'homme qui est serviteur, poussière et cendre (Gen. 3: 19). Vous êtes digne que toutes les créatures Vous louent, Vous bénissent, Vous confessent et qu'elles magnifient votre bonté immense; mais moi qui suis Votre Mère, comment laisserai-je de vouloir que Vos opprobres s'exécutent en moi seule et non en Votre Personne divine, car Vous êtes la beauté des Anges et la splendeur de la gloire de Votre Père Éternel? Comment ne désirerais-je point Votre soulagement en de telles peines? Comment mon Coeur pourra-t-il souffrir de Vous voir si affligé et Votre très beau Visage si défiguré? et de voir que la pitié et la compassion ne manquent qu'envers le Créateur et le Rédempteur dans une si amère Passion? Mais s'il n'est pas possible que je Vous soulage comme Mère, recevez comme Dieu saint et mon vrai Fils, ma douleur et mon sacrifice de ne point le faire.»

6, 18, 1305. En notre céleste Reine, l'Image de son Très Saint Fils ainsi maltraité, défiguré, enchaîné et lié demeura si bien fixée et imprimée que tant qu'Elle vécut ces espèces ne lui furent jamais effacées de l'imagination, et c'était comme si Elle l'eût toujours regardé dans cette forme. Notre bien-aimé Seigneur Jésus-Christ arriva à la maison de Pilate suivi de plusieurs du conseil des Juifs et d'une troupe innombrable de gens de tout le peuple. En Le présentant au juge, les Juifs demeurèrent en dehors du prétoire ou tribunal, feignant d'être très religieux, afin de ne point demeurer irréguliers ou impurs pour célébrer la Pâque des pains cérémoniaux pour laquelle ils devaient être très purs des souillures commises contre la Loi. Et très stupides hypocrites, ils ne songeaient pas au sacrilège immonde qui contaminait leurs âmes, étant homicides de l'Innocent. Pilate quoique gentil condescendit à la cérémonie des Juifs, et voyant qu'ils avaient difficulté d'entrer dans son prétoire, il sortit dehors. Et conformément au style des Romains, il leur demanda (Jean 18: 28): «Quelle est l'accusation que vous avez contre cet homme?» Les Juifs répondirent: «S'il n'était pas malfaiteur nous ne te l'amènerions pas lié et enchaîné comme nous te le remettons.» Et ce fut comme s'ils eussent dit: "Nous avons vérifié Ses méchancetés et nous sommes si attentifs à la justice et à nos obligations, qu'à moins qu'Il ne soit très scélérat nous ne procéderions point contre Lui." Néanmoins Pilate leur répliqua: «Quels sont donc les délits qu'Il a commis?» «Il est convaincu,» répondirent les Juifs, «d'inquiéter la république, de vouloir se faire notre roi, Il défend de payer les tributs à César, Il Se fait Fils de Dieu; Il a prêché une Doctrine nouvelle, commençant par la Galilée (Luc 23: 5) et poursuivant par toute la Judée jusqu'à Jérusalem.» «Prenez-Le donc (Jean 18: 31, vous autres,» dit Pilate «et jugez-le conformément à vos lois; car je ne trouve point de cause juste pour Le juger.» Les Juifs répliquèrent: «Il nous est point permis de condamner personne à la peine de mort ni non plus de la donner.»

6, 18, 1306. La Très Sainte Marie était présente avec saint Jean et les femmes qui la suivaient à ces demandes et ces réponses et à d'autres, parce que les saints Anges la menèrent là ou Elle put tout voir et tout entendre. Et couverte de son manteau Elle pleurait et versait du sang en guise de larmes, par la force de la douleur qui fendait son Coeur Virginal. Et dans les actes des vertus, Elle était un Miroir très clair où Se peignait l'Âme très sainte de son Fils et toutes les douleurs et les peines se recopiaient dans le sentiment de son corps. Elle demanda au Père
Éternel de lui concéder de ne point perdre son Fils de vue, autant qu'il serait possible selon l'ordre commun jusqu'à Sa Mort; et Elle l'obtint tout le temps qu'Il ne fut pas en prison. Et la Très Prudente Dame considérant qu'au milieu des fausses accusations et des calomnies des Juifs, il convenait que l'innocence de notre Sauveur Jésus fût connue, et qu'Il était condamné à mort sans péché, demanda par une oraison fervente que le juge ne fût point trompé et qu'il eut la véritable Lumière que le Christ lui était livré par l'envie des prêtres et des scribes. En vertu de cette oraison de la Très Sainte Marie, Pilate eut une connaissance claire de la Vérité et il comprit que Jésus-Christ n'était pas coupable et que les Juifs Le lui avaient livré par envie, comme dit saint Matthieu (Matt. 27: 18) et le Seigneur même pour cette raison se déclara davantage avec lui, quoique Pilate ne coopérât point à la Vérité qu'il connut; et ainsi ce ne fut point de profit pour lui mais pour nous, et pour nous convaincre de la perfidie des pontifes et des Pharisiens.

6, 18, 1307. L'aversion des Juifs désirait trouver Pilate très propice, afin qu'il prononçât aussitôt la sentence de mort contre le Sauveur; et lorsqu'ils connurent qu'il y faisait difficulté, ils commencèrent à élever la voix avec férocité (Luc 23: 5) pour accuser Jésus, répétant qu'Il voulait S'élever contre le royaume de Judée et que pour cela Il excitait et trompait le peuple, et qu'Il S'appelait Christ (Luc 23: 2), ce qui veut dire "Roi oint". Ils proposèrent cette malicieuse accusation à Pilate, afin qu'il s'émût davantage par le zèle du royaume temporel qu'il devait conserver sous l'empire romain. Et parce que les rois étaient oints parmi les Juifs, ils ajourèrent que Jésus-Christ S'appelait le Christ, c'est-à-dire "Oint comme Roi" et afin que Pilate, comme gentil, dont les rois n'étaient pas oints, comprît que s'appeler Christ était le même chose que s'appeler "Roi oint des Juifs." Pilate interrogea le Seigneur (Marc 15: 4): «Que réponds-Tu à cette accusation qu'ils T'opposent?» Sa Majesté ne répondit pas une parole en présence des accusateurs, et Pilate fut dans l'admiration de voir un tel silence et une telle patience. Mais désirant examiner davantage s'Il était vraiment roi, le juge se retira avec le Seigneur au dedans du prétoire pour se détourner des cris des Juifs. Et là seul avec Jésus, Pilate L'interrogea (Jean 18: 33 et suivants): «Dis-moi, es-tu Roi des Juifs?» Pilate ne pouvait point penser que Jésus-Christ était roi de fait; puisqu'il savait bien qu'Il ne régnait point, et ainsi il L'interrogea pour savoir s'Il était roi de droit, s'Il avait droit au royaume. Notre Sauveur lui répondit: «Ce que tu Me demandes, est-ce que cela vient de toi-même ou est-ce que quelqu'un te l'a
dit en te parlant de Moi?» Pilate répliqua: «Est-ce que par hasard je suis Juif pour le savoir? Ta nation et Tes prêtres T'on livré à mon tribunal, dis-moi ce qui en est et ce que Tu as fait.» Alors le Seigneur répondit: «Mon royaume n'est pas de ce monde; parce que s'il l'était, il est certain que mes vassaux m'eussent défendu pour n'être pas livré aux Juifs, mais Je n'ai pas ici maintenant Mon royaume.» Le juge crut en partie cette réponse du Seigneur et ainsi il Lui répliqua: «Tu es donc roi, puisque Tu as un royaume?» Jésus Christ ne le nia point, et Il ajouta disant: «Tu dis que je suis roi; et Je suis né dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité; tous ceux qui sont nés de la Vérité écoutent mes paroles.» Pilate s'étonna de cette réponse et il demanda encore: «Qu'est-ce que la Vérité?» Et sans attendre de réponse, il sortit de nouveau du prétoire et il dit aux Juifs: «Je ne trouve point de faute dans cet homme pour Le condamner. Vous savez déjà que vous avez coutume de donner la liberté à un prisonnier pour la fête de Pâque; dites-moi si vous aimez que ce soit Jésus ou Barabbas?» Barabbas était un voleur et un homicide qu'il y avait alors en prison pour en avoir fait mourir un autre à une potence. Ils élevèrent tous la voix et ils dirent: «Nous demandons que tu délivres Barabbas et que tu crucifies Jésus.» Ils se ratifièrent dans cette pétition jusqu'à ce qu'elle s'exécutât comme ils le demandaient.

6, 18, 1308. Pilate demeura très troublé par les réponses de notre Sauveur Jésus-Christ et l'obstination des Juifs; parce qu'il désirait d'un côté ne pas se brouiller avec eux, et cela était difficile, les voyant si déterminés à vouloir la mort du Seigneur, s'il n'y consentait avec eux; d'un autre côté, il voyaient clairement qu'ils Le persécutaient à cause de l'envie mortelle qu'ils avaient contre Lui (Matt. 27: 18), et que les accusations de troubler le peuple étaient fausses et ridicules. Et en ce qu'ils Lui imputaient de prétendre être roi, il était demeuré satisfait par la réponse du Christ même et en Le voyant si pauvre, si humble et si endurant au milieu des calomnies qu'ils Lui opposaient. Et avec la Lumière et les secours qu'il reçut, il connut la véritable innocence du Seigneur, bien qu'en gros seulement, parce qu'il ignorait toujours le mystère de la dignité de la Personne divine. Et parce que la force de Ses vives paroles mût Pilate à se faire une grande idée de Jésus-Christ et à penser qu'il y avait quelque secret particulier renfermé en Lui, pour cela il désirait Le renvoyer libre; et il L'envoya à Hérode, comme je le dirai dans le chapitre suivant; mais les secours n'arrivèrent point à être efficaces, parce qu'il ne le méritait point à cause de ses péché, et il se tourna vers les fins temporelles, se laissant gouverner par elles et non par la justice; et surtout par les
suggestions de Lucifer, comme je l'ai déjà dit [b], plutôt que par la notion de la Vérité qu'il connaissait clairement. Et l'ayant comprise, il procéda comme mauvais juge en consultant la cause de l'Innocent surtout avec ceux qui étaient Ses ennemis déclarés et qui L'accusaient faussement. Et son plus grand tort fut d'agir contre le dictamen de sa conscience en Le condamnant à la mort, et auparavant à être flagellée si inhumainement, comme nous le verrons, sans autre cause que de contenter les Juifs.

6, 18, 1309. Mais quoique Pilate fût pour ces raisons et d'autres, très inique et très injuste Juge, condamnant le Christ qu'il tenait pour pur homme quoiqu'innocent et bon, son péché néanmoins fut moindre en comparaison des prêtres et des Pharisiens. Et cela non seulement parce qu'ils opéraient avec envie, cruauté et d'autres fins exécrables, mais aussi parce que leur péché fut grand de ne pas reconnaître Jésus-Christ pour le Messie véritable, pour le Rédempteur, Dieu et Homme, promis dans la Loi que les Hébreux professaient et croyaient. Et le Seigneur permit pour leur condamnation que lorsqu'ils accusaient notre Sauveur ils L'appelassent Christ et Roi oint, confessant dans leurs paroles la même Vérité qu'ils niaient et qu'ils ne croyaient pas. Mais ils devaient croire ces paroles pour comprendre que Notre-Seigneur Jésus-Christ était véritablement oint, non par l'onction que dit David (Ps. 44: Cool, onction différente de toutes les autres, comme l'était celle de la Divinité unie à la nature humaine, qui L'éleva à être Christ, vrai Dieu et vrai homme, son Âme très sainte étant ointe par les Dons de la grâce et de gloire correspondants à l'union hypostatique. L'accusation des Juifs signifiait toute cette Vérité mystérieuse, quoiqu'ils ne la crussent point à cause de leur perfidie, et ils l'interprétaient faussement avec envie, imputant au Seigneur de vouloir Se faire roi ne l'étant pas. Le contraire était vrai et Il ne voulait point le montrer, ni user de la puissance de roi temporel, quoiqu'Il fût Seigneur de tout; Il n'était pas venu au monde pour commander aux hommes, mais pour obéir. Et l'aveuglement judaïque était plus grand, parce qu'ils attendaient le Messie comme roi temporel, et avec tout cela ils calomniaient le Christ de ce qu'Il était, et il semble qu'ils voulussent seulement un Messie qui fût si puissant roi qu'ils ne pussent Lui résister; et alors même ils L'eussent reçu par force et non avec la pieuse volonté que le Seigneur demande.

6, 18, 1310. Notre grand Reine et Maîtresse comprenait profondément la grandeur de ces mystères cachés et Elle en conférait dans la Sagesse de son très chaste Coeur exerçant des actes héroïques de toutes les vertus. Lorsque les douleurs et les tribulations croissent davantage, les autres enfants d'Adam souillés par le péché et conçus dans ce même péché ont coutume d'en être troublés et opprimés, la colère se réveillant avec d'autres passions désordonnées; le contraire arrivait dans la Très Sainte Marie où le péché ni ses effets n'opéraient point, ni la nature autant que l'excellente grâce. Parce que les grandes persécutions n'éteignaient point (Cant. 8: 7) le feu de son Coeur enflammé dans l'Amour divin; au contraire elles alimentaient et embrasaient davantage cette Âme divine pour prier pour les pécheurs, lorsque la nécessité était souveraine, la malice des hommes étant arrivée à son plus haut degré. O Reine des Vertus, Maîtresse des créatures et Très Douce Mère de la Miséricorde! Que je suis dure de coeur; que je suis lente et insensible puisque je ne suis pas brisée et absorbée par la douleur de ce que mon entendement connaît de Vos peines et de celles de Votre Fils unique et très aimant! Si en présence de ce que je connais je reste en vie, il est bien raisonnable que je m'humilie jusqu'à la mort. C'est un délit contre l'Amour et la Piété de voir l'Innocent souffrir des tourments et de Lui demander des grâces sans prendre part à Ses peines. Avec quel front ou avec quelle vérité dirons-nous, nous les créatures, que nous avons l'Amour de Dieu, de notre Rédempteur, et Votre Amour, ô ma Reine qui êtes Sa Mère, si pendant que Vous buvez tous Deux le calice très amer de ces douleurs et de cette Passion si acerbes, nous nous récréons avec le calice des délices de Babylone? Oh! si je comprenais cette vérité! Oh! si je la sentais et la pénétrais, et si elle pénétrait aussi l'intime de mes entrailles à la vue de mon Seigneur et de Sa douloureuse Mère, souffrant des tourments inhumains! Comment penserais-je qu'on me fait injustice en me persécutant? qu'on me fait tort en me méprisant? qu'on m'offense en me détestant? Comment me plaindrais-je de ce que je souffre, quand je serais blâmée, méprisée et haïe du monde? O grande Souveraine des Martyrs, Reine des Forts, Maîtresse des imitateurs de Votre Fils, si je suis Votre fille et Votre disciple, comme Votre bonté me l'assure et mon Seigneur veut me le mériter, ne refusez point mes désirs de suivre Vos traces dans le Chemin de la Croix. Et si j'ai défailli comme faible, obtenez-moi, ô Vous, ma Maîtresse et ma Mère le Don de la Force et un coeur contrit et humilié pour les péchés de ma lourde ingratitude. Acquérez-moi et demandez pour moi l'Amour, au Dieu Éternel, l'Amour qui est un Don si précieux que Votre puissante intercession seule peut l'obtenir, et mon Seigneur et mon Rédempteur me le mériter

DOCTRINE QUE ME DONNA L'AUGUSTE REINE DU CIEL.

6, 18, 1311. Ma fille, combien grande est la négligence et l'inadvertance des mortels pour peser les Oeuvres de mon Très Saint Fils et pénétrer avec une humble révérences les mystères qu'elles renferment en elles pour le remède et le salut de tous. Pour cela plusieurs sont dans l'ignorance et d'autres dans l'étonnement de ce que Sa Majesté consentît à être traité comme coupable devant les juges iniques et à être examiné par eux comme malfaiteur et criminel, à être traité et réputé comme un homme stupide et ignorant; et qu'avec Sa divine Sagesse Il ne répondît pas pour Son innocence et ne convainquît point la malice des Juifs et tous Ses adversaires, puisqu'il pouvait le faire avec tant de facilité. Dans cet étonnement on doit premièrement vénérer les Jugements très sublimes du Seigneur qui disposa ainsi la Rédemption des hommes, opérant avec équité, bonté, droiture et d'une manière convenable à tous Ses Attributs, sans refuser à aucun des Ses ennemis les secours suffisants pour bien opérer, s'ils voulaient coopérer avec eux, usant des privilèges de leur liberté pour le bien, parce que le Très-Haut veut que tous soient sauvés (1 Tim. 2: 4) s'ils ne manquaient pas de leur côté, et nul n'est en justice de se plaindre de la Miséricorde divine qui fut surabondante.

6, 18, 1312. Mais outre cela, je veux ma très chère que tu comprennes l'enseignement que contiennent Ses Oeuvres; parce que mon Très Saint Fils n'en fit aucune que ce ne fût comme Rédempteur et Maître des hommes. Dans le silence d'être réputé inique et insensé, Il laissa aux hommes une Doctrine aussi importante que peu considérée et moins pratiquée des enfants d'Adam. Et parce qu'ils ne considèrent point la contagion que Lucifer leur a communiquée par le péché et que cet ennemi la continue toujours dans le monde, pour cela ils ne cherchent point dans le Médecin le remède de leur maladie; mais par Son immense Charité Sa Majesté laissa le remède dans Ses paroles et Ses Oeuvres. Que les hommes conçus dans le péché (Ps. 50: 7) considèrent donc combien la semence qu'a semée le dragon s'est emparée de leur coeur: l'orgueil, la présomption, la vanité, l'estime propre, la cupidité, l'hypocrisie, le mensonge, et ainsi de tous les autres vices. Tous veulent communément s'avancer dans l'honneur et la vaine gloire, ils veulent être préférés et estimés. Les savants et ceux qui se croient tels veulent être applaudis et célébrés, et faire étalage de leur science. Ceux qui sont
ignorants veulent paraître sages. Les riches se glorifient de leurs richesses et ils veulent être vénérés à cause d'elles. Les pauvres veulent être riches et le paraître et se gagner de l'estime. Les puissants veulent être craints révérés et obéis. Tous s'avancent dans cette erreur et tâchent de paraître ce qu'ils ne sont pas en réalité, et ils ne sont pas ce qu'ils veulent paraître. Ils excusent leurs vices, ils désirent exalter leurs vertus et leurs qualités, ils s'attribuent les Biens et les Bienfaits comme s'ils ne les avaient pas reçus; ils les reçoivent comme s'ils ne leur étaient pas étrangers et s'ils ne leur étaient pas donnés par grâce; au lieu d'en être reconnaissants, ils s'en font des armes contre Dieu et contre eux-mêmes. Et tous généralement sont gonflés du venin mortel de l'ancien serpent, et d'autant plus altérés de le boire qu'ils sont plus blessés et plus malades de cette maladie déplorable. Le Chemin de la Croix et de l'Imitation de Jésus-Christ par l'humilité et la sincérité Chrétiennes est désert, parce qu'il y en a peu qui y marchent.

6, 18, 1313. Le silence et la patience que mon Très Saint Fils eut dans Sa Passion fut pour écraser cette tête de Lucifer, consentant à être traité comme un homme ignorant et un malfaiteur stupide. Et comme Maître de cette philosophie et Médecin qui venait guérir la maladie du péché Il ne voulut point Se disculper, ni Se défendre, ni Se justifier ni démentir ceux qui L'accusaient, laissant aux hommes ce Vivant Exemple de procéder contre l'intention du serpent. Et dans Sa Majesté fut mise en pratique cette Doctrine du Sage: «La petite folie à son temps est plus précieuse que la sagesse et la gloire (Eccl. 10: 1); parce qu'il est meilleur à la fragilité humaine d'être pour un temps réputé ignorant et méchant, que de faire une vaine ostentation de la vertu et de la sagesse. Ceux qui sont compris dans cette périlleuse erreur sont infinis; désirant paraître sages ils parlent beaucoup, ils multiplient les paroles comme insensés et ils viennent à perdre la même chose qu'ils prétendent, parce qu'ils sont reconnus pour ignorants. Tous ces vices naissent de l'orgueil enraciné dans la nature. Mais toi, ma fille conserve dans ton coeur la Doctrine de mon Très Saint Fils et la mienne et abhorre l'ostentation humaine, souffre, garde le silence et laisse le monde te réputer ignorante puisqu'il ne connaît point en quel lieu (Bar. 3: 15) vit la véritable Sagesse.

NOTES EXPLICATIVES

Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 18, [a]. Livre 6, No. 1209.
6, 18, [b]. Livre 6, No. 1134.
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Message par sga Ven 4 Oct 2019 - 12:01

CHAPITRE 19


Pilate remet à Hérode la cause et la Personne de notre Sauveur Jésus-Christ; ils L'accusent devant Hérode, et celui-ci Le méprise et L'envoie à Pilate; la Très Sainte Marie Le suite, et ce qui arriva en cette circonstance.


6, 19, 1314. L'une des accusations que les Juifs et leurs pontifes présentèrent à Pilate contre Jésus fut qu'Il avait prêché, commençant de la province de Galilée (Luc 23: 5 et suivants) à émouvoir le peuple. Pilate prit de là occasion de demander si Notre-Seigneur Jésus-Christ était Galiléen. Pilate apprenant que le Sauveur était naturel de cette province et qu'Il y avait été élevé, crut avoir quelque motif de se déclarer incompétent dans la cause de notre Seigneur qu'il reconnaissait sans péché et de s'exonérer ainsi de l'importunité des Juifs qui demandaient si instamment Sa condamnation à mort. En cette circonstance Hérode se trouvait à Jérusalem pour célébrer la Pâque des Juifs. Celui-ci était fils de l'autre roi Hérode qui avait auparavant massacré les saints Innocents (Matt. 2: 16), persécutant Jésus nouveau-né; et s'étant marié à une femme juive, il passa au judaïsme, se faisant prosélyte israélite. Pour cette raison son fils Hérode gardait aussi la Loi de Moïse et il était venu à Jérusalem de la Galilée où il était gouverneur de cette province. Pilate était brouillé avec Hérode, parce qu'ils gouvernaient tous les deux les deux principales provinces de la
Palestine, la Judée et la Galilée; et il était arrivé peu auparavant que Pilate, zélé pour le domaine de l'empire romain, avait fait décapiter quelques Galiléens pendant qu'ils faisaient certains sacrifices, comme on le voit dans le chapitre 13 de saint Luc (Luc 13: 1), mêlant le sang des coupables avec celui des sacrifices. Hérode s'était indigné de cela, et Pilate se détermina de lui remettre Notre-Seigneur Jésus-Christ (Luc 23: 7) pour lui donner par la même voie quelque satisfaction, et qu'il examinât et jugeât la cause du Sauveur comme vassal ou naturel de Galilée; néanmoins Pilate espérait toujours qu'Hérode Le délivrerait comme innocent et accusé par l'envie malicieuse des pontifes et des scribes.

6, 19, 1315. Notre-Seigneur Jésus-Christ sortit de la maison de Pilate pour celle d'Hérode, lié et enchaîné comme Il était, accompagné des scribes et des prêtres qui allaient pour L'accuser devant le nouveau juge, et d'un grand nombre de soldats et de ministres, pour le mener en Le tirant par les cordes et pour débarrasser les rues qui étaient remplies de monde à cause du grand concours et de la nouveauté. Ainsi la milice ouvrait le passage à travers la multitude; et comme les ministres et les pontifes étaient si altérés du Sang du Sauveur pour le répandre ce jour-là, ils pressaient le pas et ils menaient Sa Majesté par les rues presque en courant et avec un tumulte désordonné. La Très Sainte Marie sortit aussi avec sa compagnie de la maison de Pilate pour suivre son très doux Fils Jésus et L'accompagner dans les autres circonstances de Sa Passion qui restaient jusqu'à la Croix. Et il n'eût pas été possible que l'Auguste Reine pût suivre ce chemin à la vue de son Bien-Aimé si les saints Anges ne l'eussent disposé comme son Altesse le voulait, de manière qu'Elle fut toujours si proche de son Fils qu'Elle pouvait jouir de Sa Présence et participer avec cela avec une plus grande plénitude à Ses tourments et à Ses douleurs. Elle obtint tout cela par son très ardent Amour; parce qu'en cheminant par les rues à la vue du Seigneur Elle entendait en même temps les opprobres que les ministres Lui disaient, les coups qu'ils Lui donnaient et les murmures du peuple, avec les sentiments différents que chacun avait ou rapportait des autres.

6, 19, 1316. Hérode se réjouit grandement de l'avis que Pilate lui remettait Jésus de Nazareth. Il Le savait très Ami de Jean qu'il avait ordonné de décapiter, et il était informé de la prédication qu'Il faisait; et avec cette folle et vaine curiosité (Luc 23: Cool, il désirait qu'Il opérât en sa présence quelque chose nouvelle
et extraordinaire pour en faire un sujet d'admiration et pour en parler dans ses entretiens. L'Auteur de la Vie arriva donc en la présence de l'homicide Hérode contre lequel le sang de saint Jean-Baptiste criait devant le même Seigneur plus que celui du juste Abel. Mais le très malheureux adultère, ignorant les terribles jugements du Très-Haut, le reçut avec risée, le jugeant enchanteur et magicien. Et avec cette erreur formidable il commença à L'examiner (Luc 23: 9) et à Lui faire diverses questions, pensant qu'avec elles il Le provoquerait à faire quelque merveille comme il le désirait. Mais le Maître de la Sagesse et de la prudence ne lui répondit pas une parole, étant toujours avec une humble sévérité en présence de l'indigne juge qui avait tant mérité par ses méchancetés le châtiment de ne point entendre les paroles de Vie Éternelle qui eussent dû sortir de la bouche de Jésus-Christ si Hérode eût été disposé à les recevoir avec respect.

6, 19, 1317. Les princes des prêtres et les scribes assistaient là, accusant constamment (Luc 23: 10) notre Seigneur des mêmes accusations et des mêmes charges qu'ils avaient disposées devant Pilate. Mais Jésus ne répondit pas non plus une seule parole à ces calomnies, comme le désirait Hérode en présence de qui le Seigneur ne déployait pas ses lèvres ni pour répondre aux questions, ni pour dissiper les accusations; parce qu'Hérode était indigne de toute manière d'entendre la Vérité, ce qui fut son juste châtiment et celui que les princes et les puissants du monde doivent craindre le plus. Hérode s'indigna du silence et de la mansuétude du Sauveur qui frustrait sa vaine curiosité; et l'inique juge, presque confus, le dissimula, se moquant (Luc 23: 11) du très innocent Maître, et Le méprisant avec toute sa malice, il commande de Le renvoyer à Pilate. Et après avoir ri de la modestie du Sauveur avec beaucoup de sarcasme, tous les serviteurs d'Hérode pour Le traiter comme un fou, manquant de jugement, Le vêtirent d'une robe blanche, vêtement par lequel étaient signalés ceux qui perdaient la raison, afin que tous s'enfuissent d'eux. Mais en notre Sauveur, ce vêtement fut un symbole et un témoignage de Son innocence et de Sa pureté, la Providence secrète du Très-Haut l'ordonnant, afin que par les oeuvres que ces ministres de méchanceté ne connaissaient pas, ils rendissent témoignage à la Vérité qu'ils prétendaient obscurcir ainsi que d'autres merveilles opérées par le Sauveur, qu'ils cachaient avec malice.

6, 19, 1318. Hérode se montra reconnaissant envers Pilate pour la courtoisie avec laquelle il lui avait remis la cause de la Personne de Jésus de Nazareth. Et il lui dit pour réponse qu'il ne trouvait en Lui aucune cause, au contraire, qu'il lui paraissait être un homme ignorant et d'aucune estime. Et depuis ce jour-là Hérode et Pilate se réconcilièrent (Luc 23: 12) et ils demeurèrent amis, les secrets jugements de la divine Sagesse le disposant ainsi. Notre Sauveur revint une seconde fois d'Hérode à Pilate, plusieurs soldats des deux gouverneurs Le menant avec une plus grande troupe et plus de cris et de tumulte de la populace. Parce que les mêmes qui L'avaient auparavant acclamé et vénéré comme le Sauveur et le Messie béni du Seigneur, pervertis alors par les prêtres et les magistrats, étaient d'un autre sentiment, et ils condamnaient et méprisaient Le même Seigneur à qui ils avaient rendu gloire et vénération peu auparavant, car telle est le pouvoir de l'erreur des chefs et de leurs mauvais exemples pour entraîner le peuple. Au milieu de ces ignominies confuses notre Sauveur allait en répétant au dedans de Lui-même avec un Amour, une humilité et une patience ineffables ces paroles qu'Il avait dites par la bouche de David (Ps. 21: 7-Cool: «Je suis un ver et non un homme; Je suis l'opprobre des hommes et Le rebut du peuple. Tous ceux qui M'ont vu se sont moqués de Moi; et ils ont parlé de leurs lèvres et ils ont secoué la tête.» Sa Majesté était un ver et non un homme, non seulement parce qu'Il ne fut point engendré, comme les autres hommes, et il n'était pas seulement pur homme, mais vrai Dieu et vrai homme; mais aussi, parce qu'il ne fut pas traité comme un homme, mais comme un ver vil et méprisé. Et à tous les blâmes avec lesquels il était foulé au pieds et abaissé, Il ne fit pas plus de bruit et de résistance qu'un humble ver que tous méprisent et foulent aux pieds et qu'ils réputent comme un opprobre et très vil. Toute la foule innombrable de gens qui regardaient Notre-Seigneur Jésus-Christ, parlaient et branlaient la tête, comme rétractant le concept et la bonne opinion en laquelle ils Le tenaient.

6, 19, 1319. La Mère affligée ne fut point présente corporellement aux opprobres et aux accusations que les prêtres firent contre l'Auteur de la Vie en présence d'Hérode et aux interrogations qu'Il Lui proposa lui-même; parce qu'Elle était en dehors du tribunal où ils avaient fait entrer le Seigneur, quoiqu'Elle vît tout par un autre genre de visions intérieures. Mais quand Il sortit hors de la salle où ils L'avaient tenu, Elle se rencontra avec Lui et Ils Se regardèrent avec une douleur intime et une compassion réciproque, correspondant à l'Amour d'un tel Fils et d'une telle Mère. Et le vêtement blanc qu'ils Lui avaient mis, Le traitant comme
un homme insensé et sans jugement fut un instrument nouveau pour lui fendre le Coeur, quoique seule entre tous les mortels Elle connût le mystère de l'innocence et de la pureté que cet habit signifiait. Elle L'adora sous cet habit avec une révérence sublime et Elle Le suivit par les rues à la maison de Pilate où ils Le ramenèrent, parce que c'était là que devait s'exécuter la disposition Divine pour notre remède. Il arriva dans ce chemin d'Hérode à Pilate qu'à cause de la multitude de peuple et la hâte avec laquelle ces ministres très impies menaient le Seigneur, ils firent jaillir le Sang de Ses veines Sacrées, Le tirant par les cordes avec une souveraine cruauté, L'injuriant et Le renversant par terre; et comme Il ne pouvait facilement Se relever ayant les mains attachées, et la foule ne pouvait ni ne voulait s'arrêter; ils heurtaient Sa divine Majesté et Le faisaient tomber, Le foulaient aux pieds, marchaient sur Lui et Le frappaient à grands coups de pieds, causant de grandes risées aux soldats au lieu de la compassion naturelle dont ils étaient totalement dénués par l'industrie du démon, comme si ces gens n'eussent pas été hommes avec des coeurs sensibles.

6, 19, 1320. Le sentiment et la compassion de la douloureuse et amoureuse Mère s'accrut à la vue d'une cruauté si démesurée et se tournant vers les saints Anges qui l'assistaient Elle leur commanda de recueillir le Sang divin que leur Roi et leur Seigneur répandait par les rues, afin qu'il ne fût pas profané et foulé aux pieds de nouveau par les pécheurs; les ministres célestes le firent ainsi. L'Auguste Maîtresse leur commanda aussi de servir son Fils vrai Dieu s'Il venait à tomber encore par terre en empêchant les opérateurs d'iniquité de Le fouler aux pieds et de marcher sur Sa divine Personne. Et comme Elle était très prudente en tout, Elle ne voulut point que les Anges exécutassent ce service sans la Volonté du Seigneur même, et ainsi Elle leur ordonna de le Lui proposer de Sa part, de Lui en demander permission et de Lui représenter les angoisses qu'Elle souffrait comme Mère et Le voyant traité avec ce genre d'irrévérences entre les pieds immondes de ces pécheurs. Et pour obliger davantage son Très Saint Fils, Elle Lui demanda par le moyen de ses Anges que Sa Majesté changeât cet acte de S'humilier à être foulé aux pieds par ces mauvais ministres en celui d'obéir ou de Se rendre aux prières de Sa Mère affligée qui était aussi son Esclave et formée de poussière. Les saints Anges portèrent toutes ces pétitions à Notre-Seigneur Jésus-Christ, au Nom de Sa Très Saint Mère, non que Sa Majesté les ignorât, puisqu'Il connaissait et opérait le tout Lui-même par Sa divine grâce; mais parce que le Seigneur veut qu'en ces manières d'opérer on garde l'ordre de la raison que l'Auguste Souveraine
connaissait avec une très haute sagesse, usant des vertus par des manières et des opérations diverses; parce que cela n'est pas empêché par la Science du Seigneur qui a tout prévu.

6, 19, 1321. Notre Sauveur Jésus accueillit les désirs et les pétitions de Sa Bienheureuse Mère et Il permit à ses Anges d'exécuter ce qu'Elle désirait comme ministres de sa volonté. Et dans le reste du parcours jusqu'à la maison de Pilate, ils ne permirent pas que Sa Majesté fût renversé par terre ou foulé aux pieds comme il était arrivé auparavant; quoique dans les autres injures, il fut donné permission et consentement aux ministres de la justice ainsi qu'à l'aveuglement et à la milice populaire de les exécuter avec leur folle indignation. La Très Sainte Marie regardait et écoutait tout cela avec un Coeur affligé, mais invincible. Les Marie et saint Jean qui suivaient le Seigneur en compagnie de Sa Très Pure Mère avec un pleur irréparable le voyaient de même respectivement. Je ne m'arrête pas à raconter les larmes de ces saintes femmes et d'autres dévotes qui assistaient la Reine avec elles, parce qu'Il serait nécessaire de me détourner beaucoup. Et surtout pour dire ce que fit la Magdeleine, comme plus ardente et plus distinguée dans l'amour et aussi plus reconnaissante envers Jésus-Christ notre Rédempteur, ainsi que le Seigneur Lui-même le dit lorsqu'Il la justifia, «que celui-là aime plus (Luc 7: 43) à qui il a été remis de plus grands péchés.»

6, 19, 1322. Notre Sauveur Jésus arriva une second fois à la maison de Pilate et les Juifs commencèrent de nouveau à demander de Le condamner à la mort de la croix. Pilate qui connaissait l'innocence du Christ et l'envie mortelle des juifs ressentit beaucoup qu'Hérode lui renvoyât la cause dont il désirait s'exempter. Et se voyant obligé comme juge, il essaya d'apaiser les Juifs par divers moyens. L'un fut de parler en secret à certains ministres amis des pontifes et des prêtres, afin qu'ils demandassent la liberté de notre Rédempteur et Sa délivrance avec quelque correction qu'il Lui donnerait et de ne plus demander le malfaiteur Barabbas. Pilate avait déjà fait cette diligence quand ils revinrent présenter Notre-Seigneur Jésus-Christ pour Le condamner. Et il ne leur proposa pas qu'une seule fois de choisir Jésus ou Barabbas, mais deux ou trois fois: l'une avant de mener le Seigneur (Matt. 27: 17) à Hérode, et l'autre après; les Évangélistes rapportent ce fait avec quelque différence, quoique sans se contredire dans la vérité. Pilate parla aux Juifs et leur dit (Luc 23: 14-16): «Vous m'avez
présenté cet homme en L'accusant de dogmatiser et de pervertir le peuple; et après L'avoir examiné en votre présence Il n'a pas été convaincu de ce dont vous L'accusez. Hérode à qui je L'ai remis ne L'a pas non plus condamné à mort, quoique vous L'ayez accusé devant lui. Il suffira maintenant de Le corriger et de Le châtier, afin qu'Il S'amande désormais. Et ayant à délivrer quelque malfaiteur pour la solennité de la Pâque, je délivrerai le Christ si vous voulez Lui donner la liberté et je châtierai Barabbas.» Les Juifs connaissant que Pilate désirait beaucoup délivrer Notre-Seigneur Jésus-Christ, tous ceux de la foule répondirent: «Ôtez-le de là (Luc 23: 18), laissez le Christ et donnez-nous libre Barabbas.»

6, 19, 1323. La coutume de donner la liberté à un malfaiteur et un prisonnier, en cette grande solennité de Pâque, s'était introduite parmi les Juifs en mémoire et en reconnaissance de la liberté que leurs pères avaient obtenue à pareil jour, quand le Seigneur les avait rachetés du pourvoir de Pharaon, faisant mourir les premier-nés des Égyptiens cette nuit-là, et ensuite le submergeant, lui et son armée dans la mer Rouge. Pour ce bienfait mémorable, les Juifs en faisaient un autre au plus grand coupable, lui pardonnant ses délits, et ils en châtiaient d'autres qui n'étaient pas si malfaiteurs. Et parmi les pactes qu'ils avaient avec les Romains, il y avait la condition que cette coutume leur fut conservée; et ainsi les gouverneurs l'accomplissaient. Cependant les Juifs la pervertissaient en cette occasion, quant aux circonstances selon le jugement qu'ils faisaient de Notre-Seigneur Jésus-Christ; parce que devant donner la liberté au plus criminel, et confessant eux-mêmes que Jésus de Nazareth L'était, ils Le laissèrent néanmoins et ils choisirent Barabbas qu'ils réputaient moins méchant, la colère du démon et leur envie perfide les tenaient tellement aveuglés et pervertis qu'ils s'hallucinaient en tout contre eux-mêmes.

6, 19, 1324. Pendant que Pilate était dans le prétoire au milieu des altercations des Juifs, il arriva que sa femme appelée Procula l'ayant appris lui envoya un message disant (Matt. 27: 19): «Qu'as-tu à voir avec cet homme juste? Laisse-Le; parce que je te fais savoir que j'ai eu aujourd'hui certaines visions qui Le concernent.» Le motif de cet avertissement de Procula fut que Lucifer et ses démons se trouvèrent plus confus et plus incertains dans leur rage furieuse en voyant ce qui s'exécutait dans la personne de notre Sauveur, et la mansuétude immuable avec laquelle Il supportait tant d'opprobres. Et quoique son orgueil
altier ne pût finir de comprendre comment il pouvait être compatible d'avoir la Divinité et de consentir à recevoir tant de grands opprobres et à éprouver leurs effets dans Sa chair, ainsi il ne pouvait point comprendre s'Il était Homme-Dieu ou non; toutefois le dragon jugeait qu'il y avait là quelque grand mystère pour les hommes qui serait certainement d'un grand dommage et d'une grande ruine pour lui et pour sa méchanceté, s'il n'arrêtait point l'événement d'une chose si nouvelle dans le monde. Avec cette résolution qu'il prit avec ses démons, il envoya plusieurs suggestions aux Pharisiens, afin qu'ils se désistassent de poursuivre Jésus-Christ. Ces illusions introduites par le démon même et sans vertu Divine ne profitèrent point en des coeurs obstinés et dépravés. Désespérés de les réduire, les démons allèrent à la femme de Pilate; ils lui parlèrent en songe et lui proposèrent que cet homme était juste et sans péché, et que si son mari Le condamnait il serait privé de la dignité qu'il possédait et qu'il lui arriverait à elle de grandes afflictions; et qu'elle devait conseiller à Pilate de délivrer Jésus et de châtier Barabbas, s'ils ne voulaient pas avoir un plus grand mal dans leur maison et leurs personnes.

6, 19, 1325. Procula eut de cette vision une grande crainte et une grande épouvante; et lorsqu'elle eût entendu ce qui se passait entre les Juifs et son mari, Pilate, elle lui envoya le message que dit saint Matthieu, afin qu'il ne consentît point à condamner à mort Celui qu'elle regardait et tenait comme Juste. Le démon mit aussi d'autres craintes semblables dans l'imagination de Pilate même, et elles furent plus grandes par l'avis de sa femme, bien qu'étant toutes mondaines et politiques et n'ayant point coopéré au secours véritable du Seigneur, ce moyen lui dura autant qu'il n'en conçut un autre qui le mût davantage, comme on le vit dans l'effet. Mais alors Pilate insista une troisième fois auprès des Juifs, comme le dit saint Luc (Luc 23: 22), défendant Notre-Seigneur Jésus-Christ comme non coupable et attestant qu'il ne trouvait en Lui aucun crime et aucune cause de mort, qu'il Le châtierait et qu'il Le laisserait aller. Et il Le châtia en effet pour voir si les Juifs demeureraient satisfaits avec cela, comme je le dirai dans le chapitre suivant. Mais les Juifs répondirent en criant de Le crucifier (Luc 23: 23). Alors Pilate demanda de lui apporter de l'eau et il commanda de délivrer Barabbas comme ils le demandaient. Il se lava les mains en présence de tous disant (Matt. 27: 24): «Je n'ai point de part dans la mort de cet homme juste, mort à laquelle vous le condamnez. Regardez à ce que vous faites, car je me lave les mains en témoignage de cela, afin que l'on comprenne qu'elles ne demeurent point souillées du Sang de l'Innocent.» Pilate semblait croire qu'avec cette cérémonie il se
disculpait à l'égard de tous et qu'il imputait la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ aux princes des Juifs et à tout le peuple qui la demandaient. Et l'indignation des Juifs fut si folle et si aveugle qu'ils condescendirent avec Pilate, afin de voir le Sauveur crucifié, et ils chargèrent le péché sur eux et sur leurs descendants, et ils prononcèrent cette sentence et cette exécration formidables en disant (Matt. 27: 25): «Que Son Sang vienne sur nous et sur nos enfants.»

6, 19, 1326. O aveuglement très insensé et très cruel! O témérité jamais imaginée! L'injuste condamnation du Juste et le Sang de l'Innocent que le juge même déclare non coupable vous voulez les charger sur vous et sur vos enfants, afin qu'il crie toujours contre vous tous jusqu'à la fin du monde? O Juifs perfides et sacrilèges! le sang de l'Agneau qui lave les péchés du monde et la Vie d'un homme qui est conjointement Dieu véritable vous pèsent si peu qu'il est possible que vous vouliez les charger sur vous et sur vos enfants! Votre audace serait épouvantable et votre méchanceté exécrable, quand il ne serait que votre frère, votre bienfaiteur et votre maître. Le châtiment que vous souffrez est certainement bien juste, que le poids du Sang de Jésus-Christ que vous avez chargé volontairement sur vous et vos enfants ne vous laisse ni repos ni tranquillité dans tout le monde et que cette charge qui pèse plus que la terre et les cieux mêmes vous opprime et vous écrase. Mais, ô douleur! ce Sang déifié qui doit tomber sur tous les enfants d'Adam pour les laver et les purifier tous, car c'est pour cela qu'il a été répandu sur tous les enfants de la Sainte Église; il y en a beaucoup cependant, qui chargent ce Sang sur eux-mêmes par leurs oeuvres comme les Juifs le chargèrent par oeuvres et par paroles, ceux-ci ignorant et ne croyant pas que c'était le Sang du Christ, et les Catholiques connaissant et confessant que ce l'est!!!

6, 19, 1327. Les péchés des Chrétiens et leurs oeuvres dépravées ont leur langue avec laquelle ils parlent contre le Sang et la Mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les chargeant sur eux-mêmes: Que Jésus-Christ soit couvert d'ignominies, de crachats, de soufflets; qu'Il soit pendu à une croix, méprisé; qu'Il meure et qu'Il soit mis après Barabbas; qu'Il soit tourmenté, fouetté et couronné d'épines pour nos péchés; car nous ne voulons point avoir d'autre part dans ce Sang que d'être cause qu'il soit répandu avec ignominie et qu'il nous soit imputé éternellement. Que l'Homme-Dieu même souffre et meure, et nous, jouissons des biens apparents! Profitons de l'occasion (Sag. 2: 6 et suivants, usons de la créature, couronnons-
nous de roses, vivons dans l'allégresse, servons-nous de la force, que personne ne nous devance; méprisons l'humilité, abhorrons la pauvreté, thésaurisons des richesses, trompons tout le monde et ne pardonnons point d'offense, livrons-nous au plaisir des honteuses délices, que nos yeux ne voient rien qu'ils ne le désirent et que nous obtenions tout ce que nos forces peuvent atteindre. Que cela soit notre loi sans aucune autre considération. Et si nous crucifions Jésus-Christ avec tout cela, que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!

6, 19, 1328. Interrogeons maintenant les réprouvés qui sont dans l'enfer si telles furent les voix de leurs oeuvres que Salomon leur attribue dans la Sagesse; et si c'est parce qu'ils parlèrent avec eux-mêmes aussi follement, qu'ils s'appellent impies et qu'ils le furent. Que peuvent espérer ceux qui profanent le Sang de Jésus-Christ, qui le perdent et qui le chargent sur eux-mêmes, non en le désirant pour leur remède, mais en le méprisant pour leur condamnation? Qui est-ce que l'on trouvera parmi les enfants de l'Église qui endure d'être mis après un larron et un scélérat? Cette Doctrine est si mal pratiquée que celui qui consent à être précédé par un autre aussi bon et aussi bien méritant que lui ou plus que lui se rend déjà admirable; et nul ne sera trouvé aussi bon que Jésus-Christ, ni aussi mauvais que Barabbas. Mais, combien y en a-t-il qui, à la vue de cet exemple se montrent offensés et se jugent disgraciés s'ils ne sont préférés et avantagés dans l'honneur, les richesses, les dignités et en tout ce qui a l'ostentation et l'applaudissement du monde. Voilà ce qu'on recherche, ce que l'on se dispute; voilà en quoi les hommes emploient tous leurs soins, toutes leurs forces et leurs puissances, dès qu'ils commencent à en user jusqu'à ce qu'ils les perdent. La plus grande lamentation et la plus grande douleur est que ceux qui, par leur profession et leur état, renoncèrent au monde et lui tournèrent le dos ne se délivrent point de cette contagion! et le Seigneur leur commandant d'oublier leur peuple et la maison de leurs pères (Ps. 44: 11), ils reviennent vers eux avec le meilleur de la créature qui est l'attention et le souci pour les gouverner, la volonté et le désir pour leur solliciter tout ce que le monde possède et tout leur paraît peu, et ils s'introduisent dans la vanité. Au lieu d'oublier la maison de leurs pères ils oublient la Maison de Dieu où ils vivent, l'honneur et l'estime qu'ils n'eussent jamais obtenus dans le monde et leur entretien sans souci ni inquiétude. Ils se rendent ingrats à tous ces Bienfaits, abandonnant l'humilité qu'ils sont obligés par leur état de professer. L'humilité de Jésus-Christ notre Sauveur, Sa patience, Ses affronts, les opprobres de la Croix, l'imitation de Ses Oeuvres, l'École de Sa Doctrine, tout cela est remis
aux pauvres, aux solitaires, aux humbles abandonnés du monde; et les voies de Sion sont désertes (Lam. 1: 4) et désolées, parce qu'il y en a si peu qui viennent à la solennité de l'imitation de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

6, 19, 1329. La folie de Pilate ne fut pas moindre de penser qu'en se lavant les mains et en imputant aux Juifs le Sang du Christ il demeurerait justifié dans sa conscience et auprès des hommes qu'il prétendait satisfaire par cette cérémonie pleine d'hypocrisie et de mensonge. Il est vrai que les Juifs furent les premiers demandeurs et les plus coupables en condamnant l'Innocent et qu'ils chargèrent sur eux-mêmes ce péché formidable. Mais Pilate n'en demeura pas libre pour cela, puisque, connaissant l'innocence de Notre-Seigneur Jésus-Christ il ne devait point Le mettre après un larron et un homicide, ni châtier et corriger Celui qui n'avait rien à corriger et à amender. Et il devait encore moins le condamner et Le livrer à la volonté de Ses ennemis mortels dont l'envie et la cruauté lui était manifestes. Car celui-là ne peut être un juge juste qui connaissant la vérité et la justice la met en balance avec le respect humain et les fins de son intérêt propre; parce que ce poids entraîne la raison des hommes qui ont le coeur lâche et poltron, et comme ils n'on point la richesse et la plénitude des vertus dont les juges ont besoin, ils ne peuvent résister à la cupidité ni à la crainte mondaines, et la passion les aveuglant, ils abandonnent la justice pour ne point aventurer leurs commodités temporelles, comme il arriva à Pilate.

6, 19, 1330. Dans la maison de Pilate, notre Auguste Reine fut placée de telle manière par le ministère de ses Anges qu'Elle pouvait entendre les altercations qu'avait l'inique juge avec les scribes et les pontifes sur l'innocence du Christ notre Sauveur, sur ce qu'ils Lui préféraient Barabbas. Et comme vivante Image de son Très Saint Fils Elle entendit avec un silence et une mansuétude admirables toutes les clameurs de ces tigres inhumains. Et quoique sa très honnête modestie demeurât immuable, tous les cris des Juifs pénétraient son Coeur douloureux comme des épées à deux tranchants. Mais les clameurs de son douloureux silence résonnaient dans le sein du Père Éternel avec une plus grande douceur et une plus grande complaisance que les pleurs de la belle Rachel, avec lesquelles, selon ce que dit Jérémie (Jér. 31: 15), elle pleurait ses enfants sans consolation, parce qu'elle ne pouvait les rappeler à la vie. Notre très belle Rachel, la Très Pure Marie, ne demandait point vengeance, mais pardon pour les ennemis
qui lui ôtaient le Fils Unique du Père et le sien. Et dans tous les actes que faisait l'Âme très sainte du Christ, Elle L'imitait et L'accompagnait, opérant avec toute plénitude de sainteté et de perfection, car la peine ne suspendait point ses puissances, la douleur n'empêchait point sa Charité, la tristesse ne ralentissait point sa ferveur, l'agitation ne distrayait point son attention, les injures et le tumulte des gens ne l'embarrassaient point et ne l'empêchaient point d'être recueillie au dedans d'Elle-même; parce qu'Elle donnait à tout la plénitude des vertus dans un degré très éminent.

DOCTRINE QUE ME DONNA L'AUGUSTE DAME DU CIEL, LA TRÈS SAINTE MARIE.

6, 19, 1331. Ma fille, je te vois étonnée de ce que tu as entendu et écrit en songeant qu'Hérode et Pilate ne se montrèrent pas si inhumains ni si cruels à la mort de mon Très Saint Fils que les prêtres, les pontifes et les Pharisiens; et tu pèses beaucoup que ceux-là étaient des juges séculiers et gentils; et ceux-ci étaient docteurs de la Loi et prêtres du peuple d'Israël qui professaient la vraie Foi. Je veux répondre à ta pensée par une Doctrine qui n'est pas nouvelle et que tu as entendue d'autres fois; mais je veux te la renouveler maintenant, afin que tu ne l'oublies pas pendant tout le cours de ta vie. Sache donc, ma très chère, que la chute de plus haut est extrêmement dangereuse et sa perte est irréparable ou le remède en est très difficile. Quelle place éminente dans la nature ainsi que dans les dons de Lumière et de grâce Lucifer n'eut-il pas dans le Ciel, parce qu'il surpassait en beauté toutes les créatures; et par sa chute dans le péché il descendit au plus profond de la misère et de la laideur, et il fut le plus obstiné de tous ses adhérents. Les premiers parents du genre humain Adam et Ève furent mis dans une dignité très sublime et avec des Bienfaits suprêmes, comme étant sortis de la main du Tout-Puissant; par leur chute ils perdirent toute leur postérité avec eux-mêmes, et leur remède fut très coûteux comme la Foi l'enseigne; et ce fut par une miséricorde immense qu'ils furent rachetés eux et leurs descendants.

6, 19, 1332. Plusieurs autres âmes après avoir monté au comble de la perfection en sont tombées très malheureusement, se trouvant ensuite presque découragées et comme dans l'impossibilité de se relever. Du côté de la créature ce dommage naît de plusieurs causes. La première est le désespoir et la confusion démesurée qu'éprouve celui qui est tombé de plus hautes vertus; parce que non seulement il perd de plus grands Biens, mais encore il ne se fie pas plus aux Bienfaits futurs qu'à ceux qui sont passés et perdus, et il ne se promet pas plus de fermeté en ceux qu'il peut acquérir par de nouvelles diligences qu'en ceux qu'il a perdus, et mal employés par son ingratitude. De ce dangereux manque de confiance, il s'en suit que l'on opère avec tiédeur, sans ferveur et sans diligence, sans goût et sans dévotion; parce que la défiance éteint tout cela; de même qu'animée et encouragée, l'espérance triomphe de plusieurs difficultés, corrobore et vivifie la faiblesse de la nature humaine pour entreprendre des oeuvres magnifiques. Il y a une autre raison et elle n'est pas moins formidable: c'est que les âmes accoutumées aux Bienfaits de Dieu, ou par office, comme les prêtres et les religieux, ou par les exercices des vertus et des faveurs, comme les autres personnes spirituelles, pèchent d'ordinaire avec le mépris de ces mêmes Bienfaits et le mauvais usage des choses Divines; parce qu'elles tombent par la fréquence de ces même choses dans cette grossièreté dangereuse d'estimer peu les Dons du Seigneur, et avec cette irrévérence et ce peu d'appréciation, elles empêchent les effets de la grâce pour coopérer avec elle, et elles perdent la sainte crainte qui réveille et stimule pour les bonnes oeuvres, pour obéir à la Volonté divine et pour profiter ensuite des moyens que Dieu a ordonnés pour sortir du péché et obtenir Son amitié, et la Vie Éternelle. Ce danger est manifeste dans les prêtres tièdes qui fréquentent l'Eucharistie et d'autres sacrements sans crainte et sans respect, les savants et les sages du monde, qui s'amendent et se corrigent difficilement de leurs péchés; parce qu'ils ont perdu l'appréciation et la vénération des remèdes de l'Église qui sont les saints Sacrements, la prédication et le catéchisme. Et ces remèdes qui sont salutaires dans les autres pécheurs et qui guérissent les ignorants laissent malades ceux qui sont les médecins de santé spirituelle.

6, 19, 1333. Il y a d'autres raisons de ce dommage qui regardent le Seigneur même. Parce que les péchés de ces âmes qui se trouvent plus obligées à Dieu par état ou par vertu, sont pesés dans les balances de Sa Justice très différemment de ceux des autres âmes moins bénéficiées de Sa Miséricorde. Et quoique les péchés de tous soient d'une même matière, ils sont très différents par les circonstances.
Parce que les prêtres et les docteurs, les puissants et les prélats et ceux qui ont une place ou un nom de sainteté font un grand dommage par le scandale de la chute et des péchés qu'ils commettent. Leur audace et leur témérité est plus grande de s'enhardir contre Dieu qu'ils connaissent et à qui ils doivent davantage, parce qu'ils L'offensent avec une lumière et une science plus grandes, et pour cela avec plus d'audace et d'irrévérence que les ignorants; c'est pour cela que les péchés des Catholiques et surtout ceux des plus sages et des plus éclairés désobligent le Seigneur, comme on le voit dans tout le cours de la Sainte Écriture. Et comme il y a un terme de la vie humaine marqué à chacun pour qu'il y mérite la récompense éternelle, de même aussi il est déterminé jusqu'à quel nombre de péchés la patience du Seigneur doit attendre et souffrir chacun; mais ce nombre n'est pas supputé seulement selon la quantité et la multitude, mais aussi selon la qualité et le poids des péchés dans la Justice divine: ainsi il peut arriver que dans les âmes de plus grande science et de plus grands Bienfaits du Ciel, la qualité supplée à la multitude des péchés et qu'avec un nombre moindre ils soient abandonnés et châtiés comme d'autres pécheurs avec plus de péchés, ce qui arriva à David et à saint Pierre, ne peut pas arriver à tous non plus (2 Rois 12: 13-14; Luc 22: 61-62); parce que ce n'est pas en tous qu'auront précédé avant la chute tant de bonnes oeuvres auxquelles le Seigneur aie égard. Ni non plus le privilège de quelques-uns ne peut être une règle générale pour tous; parce que tous ne sont pas choisis pour un ministère, selon les jugements occultes du Seigneur.

6, 19, 1334. Avec cette Doctrine, Ma fille, ton doute demeurera satisfait et tu comprendras combien c'est mal et plein d'amertume d'offenser le Tout-Puissant quand Il pose plusieurs âmes rachetées de Son Sang dans le Chemin de la Lumière et qu'Il les y conduit; et comment une personne peut tomber d'un état élevé dans une obstination plus perverse que d'autres inférieures. Le Mystère de la Passion et de la Mort de mon Très Saint Fils atteste cette vérité: les pontifes, les prêtres, les scribes et tout ce peuple en comparaison des Gentils étaient plus obligés à Dieu, et leurs péchés les conduisirent à l'obstination, à l'aveuglement et à une cruauté plus abominable et plus précipitée que les Gentils eux-mêmes qui ignoraient la vraie religion. Je veux aussi que cette vérité et cet exemple t'avertisse d'un danger si terrible, afin que tu le craignes prudemment et que tu joignes à la sainte crainte l'humble reconnaissance et la haute estime des Biens du Seigneur. Dans le temps de l'abondance n'oublie point la pénurie (Eccli 18: 25). Compare l'un et l'autre en toi-même, considérant que tu tiens ton trésor dans un vase (2 Cor. 4: 7) fragile et
que tu peux le perdre, et que recevoir tant de Bienfaits n'est pas les mériter, ni posséder n'est pas un droit de justice, mais une grâce et une libéralité. En te faisant sienne et si familière, le Très-Haut ne t'a pas assurée que tu ne peux tomber et Il ne t'a pas donné lieu de vivre sans soin, ni de perdre la crainte et la révérence. Au contraire, cette crainte et cette révérence doivent croître en toi au poids et à la mesure des faveurs; parce qu'aussi la colère du serpent a augmenté et il veille contre toi avec plus de rage que contre d'autres âmes; parce qu'il a connu que le Très-Haut n'a pas montré autant Son Amour libéral envers plusieurs générations qu'Il l'a fait envers toi; et si ton ingratitude tombait sur tant de Bienfaits et de Miséricordes tu serais très malheureuse et très digne d'un châtiment rigoureux et ta faute serait sans excuse.
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Message par sga Lun 7 Oct 2019 - 18:34

CHAPITRE 20


Notre-Seigneur Jésus-Christ fut flagellé, couronné d'épines, et couvert d'injures par le commandement de Pilate et ce que la Très Sainte Marie fit en cette occasion.


6, 20, 1335. Pilate connaissant la perfide indignation des Juifs contre Jésus de Nazareth, et désirant ne point Le condamner à mort, parce qu'il Le savait innocent, crut qu'en commandant de Le fouetter avec rigueur, il apaiserait la fureur de ce peuple très ingrat et l'envie des pontifes et des scribes, afin qu'ils cessassent de Le persécuter et de demander Sa mort; et si par cas le Christ avait manqué en quelque chose au cérémonies et aux rites judaïques, il demeurât suffisamment châtié. Pilate fit ce jugement, parce que dans le cours du procès, s'étant informé, il lui avait été dit qu'ils imputaient à Jésus-Christ de ne point garder le sabbat ni d'autres cérémonies, ce dont ils Le calomniaient vainement et stupidement, comme il appert du cours de Sa prédication que les saints Évangélistes rapportent (Jean 9: 16). Mais Pilate raisonnait toujours en cela comme ignorant; puisqu'il ne pouvait y avoir aucun défaut contre la Loi dans le Maître de la sainteté; car Il était venu non pour détruire la Loi, mais pour l'accomplir (Matt. 5: 17) et la perfectionner; et quand même la calomnie aurait été véritable, il ne devait point non plus Le châtier
pour cela d'une peine si inégale; puisque les Juifs mêmes avaient dans leur lois d'autres moyens par lesquels ils se purifiaient des transgressions qu'ils commettaient à chaque pas contre leur Loi, et ce châtiment ne devait pas être avec une pareille impiété ni avec la peine de la flagellation. Ce juge souffrit une plus grande erreur de penser que les Juifs avaient quelque espèce d'humanité et de compassion naturelle. Parce que leur indignation et leur fureur contre le très doux Maître n'était pas d'hommes, qui ont naturellement coutume de se mouvoir et de s'apaiser quand ils voient leur ennemi soumis et humilié; parce qu'ils ont des coeurs de chair et l'amour de leurs semblables étant naturel leur cause quelque compassion; mais ces Juifs perfides étaient revêtus de la malice diabolique et comme transformés en démons qui s'enragent davantage contre le plus abattu et le plus affligé, et lorsqu'ils le voient le plus abandonnée, alors ils disent: «Persécutons-le maintenant, car il n'a personne qui le défende et le délivre de nos mains (Ps. 70: 10-11).»

6, 20, 1336. Telle était la rage inexplicable des pontifes et des Pharisiens, leurs confédérés, contre l'Auteur de la Vie; parce que Lucifer désespérant d'empêcher la mort de Jésus-Christ que les Juifs eux-mêmes prétendaient Lui donner, les irritait avec sa malice épouvantable, afin qu'ils la Lui donnassent avec une cruauté démesurée. Pilate était entre la lumière de la vérité qu'il connaissait et les motifs humains et terrestres qui le gouvernaient, et suivant l'erreur que de tels motifs ont coutume d'inspirer à ceux qui gouvernent, il commanda de flageller rigoureusement Celui-là même qu'il protestait trouver sans faute. Pour exécuter cet acte si injuste, cette persuasion du démon, six ministres de la justice furent désignés; c'étaient des exécuteurs très robustes et très forts qui acceptèrent avec plaisir l'office de bourreaux, comme hommes très vils, réprouvés et sans pitié; parce que celui qui est colère et envieux se réjouit d'exercer sa fureur quoique ce soit par des actions odieuses, blâmables et cruelles. Ensuite ces ministres du démon avec plusieurs autres menèrent notre Sauveur Jésus au lieu de ce supplice qui était un préau ou entrée de la maison, où ils avaient coutume de donner la torture aux autres délinquants, afin de leur faire confesser leurs délits. Ce préau était d'un édifice non très haut et entouré de colonnes dont les unes étaient couvertes par l'édifice qu'elles soutenaient et les autres découvertes et plus basses. Ils attachèrent fortement l'Agneau de Dieu à l'une de ces colonnes qui était de marbre [a]; parce que toujours ils Le jugeaient magicien et ils craignaient qu'Il ne s'enfuît de leurs mains.

6, 20, 1337. Ils dépouillèrent d'abord notre Rédempteur Jésus-Christ du vêtement blanc avec non moins d'ignominie qu'ils L'en avaient revêtu dans la maison de l'adultère et homicide Hérode. Ils Le maltraitèrent d'une façon très impie pour Lui détacher les cordes et les chaînes qu'Il avait dessous ce vêtement depuis Son arrestation dans le jardin, Lui déchirant les plaies que ces liens si serrés Lui avaient ouvertes dans les bras et les poignets. Et laissant Ses Divines mains libres, ils commandèrent au Seigneur avec un empire ignominieux et beaucoup de blasphèmes de Se dépouiller de la tunique sans couture dont Il était vêtu. C'était numériquement la même que Sa Très Sainte Mère Lui avait mise en Égypte quand le très doux Jésus avait commencé à marcher, comme je l'ai dit en son lieu [b]. Le Seigneur avait alors cette seule tunique, parce que lorsque les soldats L'avaient pris dans le jardin, ils Lui avaient ôté un manteau ou chape qu'Il avait coutume de porter sur Sa tunique. Le Fils du Père Éternel obéit aux bourreaux et Il commença à Se dépouiller, ayant à demeurer avec l'affront de la nudité de son Corps sacré en présence d'une si grande multitude. Les ministres de cette cruauté, trouvant que la modestie du Seigneur tardait beaucoup à se dénuder, lui arrachèrent Sa tunique avec violence et à l'envers pour Le dépouiller plus vite. Sa Majesté demeura totalement nu, sauf le linge qui entourait Ses reins et qu'Il portait sous Sa tunique, qui était aussi le même que Sa Mère Lui avait mis en Égypte avec la petite tunique, le tout ayant crû comme Son Corps très saint, sans qu'Il S'en fût jamais dépouillé pas plus que de la tunique ni des sandales que l'Auguste Dame Lui avait mise, excepté les sandales qu'Il ôtait le plus souvent pour prêcher, car alors Il allait nu-pieds par terre, comme je l'ai dit.

6, 20, 1338. J'ai entendu que quelques docteurs ont dit ou médité que dans cette occasion de Sa flagellation ou de Son crucifiement, notre Sauveur Jésus fut dépouillé tout à fait, Sa Majesté permettant cette confusion pour un plus grand tourment de Sa Personne. Mais, m'étant informée de la vérité avec un ordre nouveau de l'obéissance, il m'a été déclaré que la patience du divin Maître était prête à souffrir toute sorte d'opprobre qui fût décent. Les bourreaux essayèrent de Lui infliger cette injure de la nudité totale de Son Corps très saint; mais arrivant à le dépouiller de ce linge qui entourait Ses reins, le seul qui lui restât Il ne purent le Lui ôter, car lorsqu'ils étaient pour le toucher, ils demeuraient les bras inertes et glacés comme il arriva dans la maison de Caïphe lorsqu'ils prétendirent dépouiller
ce Seigneur du Ciel comme il a été dit dans le chapitre 17 [c]. Et quoique les six bourreaux éprouvassent leurs forces dans cette tentative et la même chose arriva à tous. Cependant pour flageller le Seigneur avec plus de cruauté, ces ministres du péché Lui levèrent quelque peu ce linge, Sa Majesté y donnant lieu, mais non à ce qu'ils Le dépouillassent tout à fait et le Lui ôtassent. Le miracle de se voir empêchés et impotents pour cette effronterie n'émut, ni n'amollit les coeurs de ces hommes féroces: mais avec une folie diabolique, ils l'attribuèrent à la sorcellerie et à l'art magique qu'ils imputaient à l'Auteur de la Vérité et de la Vie.

6, 20, 1339. Sa Majesté fut dépouillé de cette façon en présence de beaucoup de monde et les six bourreaux L'attachèrent cruellement à l'une des colonnes de cet édifice pour Le châtier plus à leur aise. Ensuite ils Le fouettèrent deux par deux selon leur ordre avec une cruauté si inouïe qu'elle n'eût pu avoir lieu dans une condition humaine si Lucifer lui-même ne se fût pas revêtu dans le coeur impie de ces ministres. Les deux premiers flagellèrent le très innocent Seigneur avec des bouts de cordes très retorses, très dures et très grosses, employant toute la fureur de leur aversion et toutes les forces de leurs puissances corporelles dans cet épouvantable sacrilège. Dès les premiers coups il se leva de grandes enflures et de grandes contusions dans le Corps déifié de notre Sauveur, dont Il demeura tout couvert de tumeurs, défiguré et prêt à verser le Sang très précieux par les plaies. Mais ces bourreaux étant fatigués, les deux seconds entrèrent à leur tour et ils flagellèrent le Sauveur sur Ses premières plaies avec des bouts de cuir comme des rênes très dures, rompant toutes les tumeurs et les enflures faites par les premiers, et le Sang divin se répandant, baigna non-seulement tout le Corps sacré de notre Sauveur Jésus, mais il jaillit et couvrit les vêtements des ministres sacrilèges qui Le tourmentaient et coula jusqu'à terre. Avec cela les seconds bourreaux se retirèrent et les troisièmes commencèrent; des bouts de nerfs d'animaux presque aussi durs que des arbustes desséchés leur servant d'instruments nouveau. Ceux-ci fouettèrent notre Seigneur avec une plus grande cruauté, non seulement parce que déjà ils ne blessaient plus sons Corps virginal, mais les blessures mêmes que les autres avaient laissées; mais aussi parce qu'ils furent irrités de nouveau secrètement par les démons qui étaient plus furieux à cause de la patience de Jésus-Christ.

6, 20, 1340. Et comme les veines étaient rompues dans le Corps sacré, il n'était plus qu'une plaie continue, et les troisièmes bourreaux ne trouvèrent point de partie saine où Lui en ouvrir de nouvelles; et répétant les coups inhumains, ils déchirèrent les Chairs immaculées et virginales de notre Rédempteur Jésus-Christ: ils en dispersèrent des morceaux sur le sol, ils Lui découvrirent les os en plusieurs endroits, des épaules, et ces os se voyaient à nu et rouges de Sang et en certaines parties on voyait même de l'os plus grand que la paume de la main. Et pour effacer tout à fait cette beauté qui surpassait tous les enfants des hommes (Ps. 44: 3) ils Le fouettèrent dans Son Visage divin, et sur les pieds et les mains, sans laisser une place sans blessure où ils purent étendre leur fureur et où put arriver l'aversion qu'ils avaient conçue contre le très innocent Agneau. Le Sang divin coulait sur la terre et en différents endroits il s'y caillait en abondance. Et les coups qu'ils lui donnèrent sur les pieds, sur les mains et dans le Visage furent d'une douleur incomparable parce que ces parties sont plus nerveuses, plus sensibles et plus délicates. Cette Face vénérable demeura couverte de plaies et d'enflures, jusqu'à en avoir les yeux aveuglés par le Sang et les meurtrissures. En outre ils Le couvrirent de crachats très sales qu'ils Lui lançaient en même temps, Le rassasiant d'opprobres. Le nombre juste des coups qu'ils donnèrent au Sauveur fut de cinq mille cent quinze [d] depuis la plante des pieds jusqu'à la tête (Lam. 3: 30). Et le Souverain Seigneur et Auteur de toute créature, qui était impassible par Sa nature Divine, devint pour nous et dans la condition de notre chair l'Homme de Douleur, très savant dans l'expérience de nos infirmités, le dernier des hommes et réputé le rebut de tous, comme Isaïe l'avait prophétisé (Is. 53: 3).

6, 20, 1341. La multitude qui suivait Jésus de Nazareth notre Sauveur occupait les cours de la maison de Pilate, jusqu'aux rues; parce qu'ils attendaient tous la fin de cette nouveauté, discourant et parlant avec un tumulte très confus, selon le jugement que chacun formait. Au milieu de toute cette confusion, la Mère-Vierge souffrit des affronts et des tribulations incomparables à cause des opprobres et des blasphèmes que les Juifs et d'autres Gentils disaient contre son Très Saint Fils. Et lorsqu'ils Le menèrent au lieu de la flagellation, la Très Prudente Reine se retira dans un recoin de la cour avec les Marie et saint Jean qui l'assistaient et l'accompagnaient dans sa douleur. Retirée en cet endroit Elle vit d'une vision très claire tous les coups et les tourments que notre Sauveur souffrait. Et quoiqu'Elle ne les vît point des yeux du corps, rien ne lui fut caché, comme si Elle l'eût regardé de très près. Aucune pensée humaine ne peut se faire une idée
de l'intensité des douleurs et des afflictions que l'Auguste Reine et Maîtresse des Anges souffrit en cette circonstance, elles ne seront connues ainsi que d'autres mystères cachés que dans la Divinité lorsqu'elles seront manifestées à tous pour la gloire du Fils et de la Mère. J'ai déjà dit en d'autres endroits de cette Histoire et surtout en parlant de la Passion du Seigneur que la Très Sainte Marie ressentit dans son corps toutes les douleurs que son Fils éprouvait par les coups. Ceci arriva aussi dans la flagellation et Elle sentait les coups de fouet dans toutes les parties de son corps Virginal où ils étaient donnés à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et quoiqu'elle ne répandît point de sang à part celui qu'Elle versait par ses larmes et que les plaies ne fussent point transférées à cette très candide Colombe, néanmoins la douleur la transforma et la défigura de telle sorte que saint Jean et les Marie n'arrivaient plus à la reconnaître par son air. Outre les douleurs de son corps, celles qu'elle souffrit dans son Âme très pure furent ineffables; parce que ce fut là que la Science s'augmentant, la douleur s'augmenta aussi (Eccl. 1: 18). Et outre l'amour naturel de Mère et celui de la suprême Charité de Jésus-Christ, Elle seule sut et put peser au-dessus de toutes les créatures l'innocence de Jésus-Christ, la dignité de Sa divine Personne, le poids des injures qu'Il recevait de la perfidie des Juifs et de tous les enfants d'Adam qu'Il rachetait de la mort éternelle.

6, 20, 1342. La sentence de la flagellation étant exécutée, les mêmes bourreaux avec une effronterie impérieuse détachèrent notre Sauveur de la colonne et ils Lui commandèrent, en renouvelant leurs blasphèmes, de Se vêtir aussitôt de la tunique qu'ils Lui avaient ôtée. Mais pendant qu'ils avaient fouetté le très doux Maître l'un de ces ministres incité par le démon avait caché Ses vêtements, afin qu'ils ne parussent plus, et qu'il demeurât dépouillé pour infliger un plus grand affront à Sa divine Personne et pour causer une plus grande dérision. La Mère du Seigneur connut cette mauvaise intention du démon et usant de sa puissance de Reine, Elle commanda à Lucifer de s'éloigner de ce lieu avec tous ses démons, et ils s'enfuirent à l'instant, contraints par la vertu et la puissance de l'Impératrice de l'Univers. Et Elle donna ordre que la tunique de son Très Saint Fils fût restituée, par la main de ses saints Anges, en un endroit ou Sa Majesté pût la prendre pour vêtir Son Corps sacré et endolori. Tout fut exécuté à l'instant, quoique les ministres sacrilèges n'entendissent point ce miracle et ne sussent point comment il s'était opéré; mais ils attribuaient le tout à la magie et à l'artifice du démon. Notre Seigneur Se vêtit, ayant souffert outre Ses plaies, la nouvelle douleur qui Lui était causée par le froid, parce qu'on voit par les Évangélistes (Marc 14: 54) qu'il faisait
froid, et Sa Majesté avait été dépouillé pendant longtemps; pour cela le Sang de Ses blessures s'était gelé et il comprimait les plaies qui étaient enflées et plus douloureuses, et Ses forces pour les endurer étaient diminuées, parce que le froid les affaiblissait; quoique le feu de Sa Charité infinie Le forçât à souffrir et à désirer toujours plus de peines. La compassion étant si naturelle dans les créatures raisonnables, il n'y eût pourtant personne qui compatit à Son affliction et à Sa nécessité, sinon Sa douloureuse Mère qui pleurait, s'affligeait et compatissait pour tout le genre humain.

6, 20, 1343. Parmi les sacrements du Seigneur, cachés à la sagesse humaine, c'est une cause de grand étonnement que la fureur des Juifs qui étaient des hommes sensibles, de chair et de sang comme nous, ne s'apaisât point en voyant notre bien-aimé Sauveur si maltraité et qu'ils ne fussent pas mus à la compassion naturelle; bien au contraire, qu'il demeurât matière à leur envie pour inventer de nouvelles manières d'injures et de tourments contre Celui qui était si affligé. Mais leur fureur était si implacable qu'ils inventèrent aussitôt un autre genre de tourment nouveau et inouï. Ils allèrent trouver Pilate dans le prétoire en présence de ceux de son conseil, et ils lui dirent: «Ce trompeur et ce séducteur du peuple, Jésus de Nazareth, a voulu dans Sa fourberie et Sa vanité que tous Le tinssent pour le Roi des Juifs; et afin que Sa présomption soit humiliée et que Sa superbe figure s'évanouisse désormais, nous désirons que vous nous permettiez de Lui mettre les insignes royaux que Sa fantaisie S'est méritée.» Pilate consentit à l'injuste demande des Juifs, afin qu'ils l'exécutassent comme ils le désiraient [e].

6, 20, 1344. Ils conduisirent aussitôt notre Sauveur au prétoire où ils Le dépouillèrent avec la même cruauté et la même insolence, puis ils Le vêtirent d'une robe de pourpre toute tachée et déchirée, comme vêtement de roi feint, pour qu'Il fût la dérision de tous. Ils mirent aussi sur Sa Tête sacré un buisson d'épines tissées très serrées qui Lui servît de couronne. C'était un tissu de jonc épineux qui avait des pointes très acérées et très fortes; et ils le Lui apprêtèrent de manière que plusieurs de ces épines Lui pénétraient jusqu'au crâne; quelques-unes jusqu'aux oreilles et d'autres jusqu'aux yeux. Et pour cela la couronne d'épines fut l'un des plus grands tourments que Sa Majesté souffrît. Ils Lui mirent une canne contemptible dans la main droite en guise de sceptre royal. Et sur tout cela ils Lui jetèrent sur les épaules un manteau de couleur violette, à la manière des chapes
dont on use dans l'Église, parce que ce vêtement appartenait aussi à l'ornement de la dignité et de la personne des rois [f]. Ce fut avec toute cette ignominie que les perfides Juifs ornèrent roi de dérision, Celui qui était par nature et par tous les titres le vrai Roi des rois et le Seigneur des seigneurs (Apoc. 19: 16). Tous ceux de la milice s'assemblèrent aussitôt en présence des pontifes (Jean 19: 2 et des Pharisiens, puis ils mirent Notre-Sauveur Jésus-Christ dans le milieu, et ils L'accablèrent de blasphèmes avec des dérisions et des sarcasmes démesurés: les uns fléchissaient les genoux (Matt. 27: 29) devant Lui et Lui disaient en se moquant: «Je Te salue, Roi des Juifs.» D'autres Lui donnaient des soufflets (Jean 19: 3); d'autres frappaient et blessaient Sa Tête (Marc 15: 19) divine avec la même canne qu'Il tenait dans Ses mains; d'autres Lui lançaient de très sales crachats, et tous L'injuriaient et Le méprisaient avec différentes contumélies, administrées par le démon, au moyen de sa fureur diabolique.

6, 20, 1345. O charité incompréhensible et sans mesure! O patience qui n'avait encore jamais été vue ni imaginée par les mortels enfants d'Adam! O mon Seigneur et mon Bien-Aimé, qui a pu obliger Ta grandeur à S'humilier de la sorte, Toi Dieu véritable et puissant dans Ton être et Tes oeuvres! qui T'a porté à souffrir des tourments, des opprobres et des blasphèmes si inouïs! Mais hélas! qui parmi les mortels cesse de Te désobliger, ô Bien infini, de manière que Tu n'aies plus rien à faire ni rien à souffrir pour lui? Qui aurait jamais pensé ou cru une chose pareille si nous ne connaissions Ta Bonté infinie? Mais puisque nous la connaissons et qu'avec la fermeté de la Foi nous contemplons des merveilles et des Bienfaits si admirables de Ton Amour, où est notre jugement? Qu'est-ce que fait la lumière de la Vérité que nous connaissons? Quel est l'enchantement que nous souffrons? puisqu'à la vue de Tes douleurs, de Tes fouets, de Tes épines, de Tes opprobres et de Tes contumélies, nous cherchons sans honte et sans crainte les délices, la consolation, le repos, les supériorités et les vanités du monde? Il est vraiment grand le nombre des insensés (Eccl. 1: 15) puisque la plus grande stupidité et la plus grande vilenie est de connaître sa dette et de ne point la payer; de recevoir le Bienfait et de ne jamais en remercier; d'avoir le plus grand Bien devant les yeux et de le mépriser, de l'éloigner de nous et de ne pas en profiter; de fuir et d'abandonner la Vie et de suivre la mort éternelle. Le très innocent Agneau n'ouvrit point la bouche au milieu de ces grands opprobres. L'aversion furieuse des Juifs ne s'apaisa point non plus, ni par les dérisions et les moqueries qu'elle fit
du divin Maître, ni par les tourment qu'elle ajouta au mépris de Sa Personne infiniment digne.

6, 20, 1346. Il sembla à Pilate qu'un spectacle si douloureux comme était Jésus de Nazareth devait toucher et confondre les coeurs de ce peuple ingrat; et il commanda de le présenter à une fenêtre du prétoire, afin qu'ils pussent tous voir comment Il était lacéré, défiguré et couronné d'épines, avec les vêtements ignominieux de roi de moquerie. Et Pilate même parlant au peuple, leur dit (Jean 19: 5): «ECCE HOMO. Voilà l'homme que vous tenez pour votre ennemi. Que puis-je faire de plus avec Lui après L'avoir fait châtier avec tant de rigueur et de sévérité? Vous n'aurez plus à Le craindre désormais. Je ne trouve en Lui aucune cause de mort.» C'était une vérité certaine et assurée que déclarait le juge, mais une vérité qui condamnait sa très injuste impiété; puisqu'il avait fait tourmenter un homme qu'il confessait pour juste et qu'il savait n'être point digne de mort; et qu'il avait consenti à ce qu'on Lui infligeât des tourments tels qu'ils eussent pu Lui ôter plusieurs fois la vie. O aveuglement et méchanceté de l'amour-propre de flatter ceux qui donnent et qui ôtent les dignités! Combien ces motifs obscurcissent la raison et altèrent le poids de la justice, puisque cette justice fut falsifiée et retorse dans la plus grande Vérité, dans la condamnation du Juste des justes (Ps. 2: 10)! Tremblez, ô juges qui jugez la terre, voyez à ce que les poids de vos jugements et de vos dictamens ne soient point trompeurs, parce que vous êtes vous-mêmes les jugés et les condamnés dans une sentence injuste! Comme les pontifes et les Pharisiens désiraient effectivement et avec une colère insatiable ôter la vie à Notre-Seigneur Jésus-Christ, rien moins que la mort de Sa Majesté ne pouvait les contenter ni les satisfaire; et ainsi ils répondirent à Pilate: «Crucifiez-Le, crucifiez-Le (Jean 19: 6)!»

6, 20, 1347. La Très Sainte Marie bénie entre les femmes vit son Très Béni Fils lorsque Pilate Le montra et dit: «Ecce Homo,» et Elle L'adora et Le confessa à genoux comme Dieu-Homme véritable. Saint Jean et les Marie firent la même chose, ainsi que tous les Anges qui assistaient leur grande Reine et Maîtresse; parce qu'Elle leur ordonna de le faire ainsi comme Mère de notre Sauveur et Reine de l'Univers, outre la volonté que les saints Anges connaissaient en Dieu même. La Très Prudente Dame parla au Père Éternel, au saints Anges et surtout à son Fils très aimant et Elle dit des paroles d'un grand poids, pleines de douleur, de
compassion et de profonde révérence qui purent être conçues dans son Coeur très chaste et enflammé. Elle considéra aussi dans sa très sublime Sagesse qu'en cette occasion où son Très Saint Fils était tellement insulté, moqué, méprisé et tourné en dérision par les Juifs, il convenait de conserver de la manière la plus opportune le crédit de Son innocence. Dans cette pensée très prudente la divine Mère renouvela les oraisons que j'ai déjà dit [g] qu'Elle fit pour Pilate, afin qu'il continuât à déclarer comme juge que notre Rédempteur Jésus-Christ n'était pas malfaiteur ni digne de mort, comme les Juifs prétendaient, et que le monde le comprît.

6, 20, 1348. En vertu de cette oraison de la Très Sainte Marie, Pilate éprouva une grande compassion de voir le Sauveur si affligé de tant d'opprobres et de coups de fouets, et il lui déplut de L'avoir fait châtier si impitoyablement. Et quoiqu'il fût aidé pour tous ces mouvements par sa nature tendre et compatissante, toutefois la Lumière qu'il recevait par l'intercession de l'Auguste Reine, la Mère de la grâce était ce qui opérait le plus en lui. Ce fut cette Lumière qui émut l'injuste juge à avoir tant de pourparlers avec les Juifs dans l'intention de délivrer notre Sauveur Jésus, comme le rapporte l'Évangéliste saint Jean dans le chapitre 19 (Jean 19: 4), après le couronnement d'épines. Et les Juifs demandant de Le crucifier, Pilate répondit (Jean 19: 6): «Prenez-Le vous autres et crucifiez-Le, car je ne trouve point de juste cause pour le faire.» Les Juifs répliquèrent (Jean 19: 7): «Conformément à notre Loi, Il est digne de mort, parce qu'Il s'est fait Fils de Dieu.» Cette réplique mit Pilate dans une très grande crainte (Jean 19: Cool, parce qu'il conçut la pensée que ce pouvait être vrai que Jésus fût Fils de Dieu, selon l'idée qu'il se formait de la divinité. Dans cette crainte, il se retira au prétoire où il parla seul avec le Seigneur, puis il Lui demanda d'où Il était (Jean 19: 9). Sa Majesté ne répondit point à cette interrogation; parce que Pilate n'était point en état d'entendre la réponse et il ne le méritait pas. Néanmoins il fit de nouvelles instances et il dit au Roi (Jean 19: 10) du Ciel: «Tu ne me parles pas. Ne sais-Tu pas que j'ai le pouvoir de Te crucifier ou de Te délivrer?» Pilate prétendit obliger Jésus par ces raisons à Se disculper et à lui répondre quelque chose de ce qu'il désirait savoir. Il lui semblait qu'un homme si affligé et si tourmenté accepterait tout honneur ou toute faveur que lui offrirait son juge.

6, 20, 1349. Mais le Maître de la Vérité répondit à Pilate sans S'excuser et avec une plus grande sublimité qu'Il demandait; et ainsi Sa Majesté lui dit (Jean 19: 11): «Tu n'aurais aucune puissance contre Moi si elle ne t'avait été donnée d'en haut, et pour cela celui qui M'a livré entre tes mains a un plus grand péché.» Avec cette seule réponse ce juge ne pouvait avoir d'excuse de condamner Jésus-Christ, puisqu'il devait entendre par elle que ni lui, ni César n'avaient de puissance sur cet Homme Jésus: qu'il avait été permis par un ordre plus haut qu'ils Le livrassent à sa juridiction contre la raison et la justice; et que pour cela Judas et les pontifes avaient commis un plus grand péché que Pilate lui-même en ne Le délivrant pas; mais que lui aussi il était coupable de ce même péché, mais non autant que les autres. Pilate n'arriva pas à connaître cette Vérité mystérieuse; néanmoins il s'intimida beaucoup à ces paroles de notre bien-aimé Jésus; et il fit un plus grand effort pour Le délivrer. Les pontifes connurent l'intention de Pilate et le menacèrent de la disgrâce de l'empereur où il tomberait s'il Le délivrait et s'il n'ôtait point la vie à Celui qui S'élevait comme Roi. Et ils lui dirent (Jean 19: 12): Si tu laisses cet homme libre, tu n'es pas l'ami de César; puisque celui qui se fait roi, contrevient à ses ordres et à ses commandements.» Ils dirent cela parce que les empereurs romains ne consentaient point que personne en tout l'empire usurpât le vêtement ou le titre de roi sans leur volonté; et si Pilate y avait consenti, il n'eût pas gardé les décrets de César. Pilate se troubla beaucoup avec cette menace malicieuse et cet avertissement des Juifs (Jean 19: 13-15), et ils s'assit sur son tribunal à l'heure de sexte pour sentencier le Seigneur, puis il revint faire instance encore une fois, disant aux Juifs: «Voici votre roi.» Ils lui répondirent tous: «Ôtez-Le, ôtez-Le de là, crucifiez-Le.» Pilate répliqua: «Je dois donc crucifier votre Roi?» Ils lui dirent tous à grands cris: «Nous n'avons pas d'autres roi que César.»

6, 20, 1350. Pilate se laissa vaincre par l'envie et la malice des Juifs et étant dans son tribunal qui s'appelle en grec "Lithostrotos" et en Hébreu "Gabatha", au jour de Parasceve, il prononça la sentence de mort contre l'Auteur de la Vie, comme je le dirai dans le chapitre suivant. Les Juifs sortirent de la salle avec un grand orgueil et beaucoup d'allégresse publiant la sentence du très innocent Agneau en qui consistait notre remède, bien qu'ils l'ignorassent. Tout cela fut notoire à la douloureuse Mère qui Le regardait de dehors par une vision expresse. Et lorsque les pontifes et les Pharisiens sortirent en publiant la condamnation de son Très Saint Fils à la mort de la Croix, la douleur de son Coeur très chaste se
renouvela, et le laissa blessé par le glaive d'amertume qui le pénétra et le transperça sans aucune pitié. Et parce que cette douleur que la Très Sainte Marie endura surpasse toute pensée humaine, je ne peux en parler, mais je m'en remets à la piété Chrétienne. Il n'est pas non plus possible de rapporter les actes intérieurs d'adoration, de culte, de révérence, d'amour, de compassion, de douleur et de conformité qu'Elle exerça.

DOCTRINE QUE ME DONNA L'AUGUSTE REINE DU CIEL.

6, 20, 1351. Ma fille, tu fais réflexion avec étonnement sur la dureté et la malice des Juifs et la facilité de Pilate qui la connut et qui se laissa vaincre par elle contre l'innocence de mon Fils et mon Seigneur. Je veux te tirer de cet étonnement en te donnant les avis et les avertissements qui te conviennent pour être soigneuse dans le chemin de la vie. Tu sais déjà que les prophéties antiques concernant les Mystères de la Rédemption, de même que tout le reste des Saintes Écritures, devaient être infaillibles; puisque le Ciel et la terre auraient manqué avant qu'elles eussent manqué de s'accomplir (Matt. 24: 35) comme elles étaient déterminées dans l'Entendement divin; et afin que s'exécutât la mort très honteuse qu'il était prophétisé (Sag. 2: 20) qu'ils donneraient à mon Seigneur, il était nécessaire qu'il y eût des hommes pour Le poursuivre: mais que ce fussent les Juifs et leurs pontifes et l'injuste juge Pilate qui Le condamna, ce fut leur infortune et leur souverain malheur et non pas le choix du Très-Haut qui eût voulu les sauver tous (1 Tim. 2: 4). Ce qui porta ces ministres à tant de ruine furent leur souveraine malice et leurs propres péchés, avec lesquels ils résistèrent à la grâce des plus grands Bienfaits d'avoir avec eux, leur Rédempteur et leur Maître, de Le connaître, de traiter avec Lui, d'entendre Sa prédication et Sa Doctrine, de voir Ses miracles, et de recevoir tant de faveurs que les anciens pères ne purent obtenir (Matt. 13: 17) quoiqu'ils les eussent désirées. Avec cela, la cause du Seigneur fut justifiée et il fut connu qu'Il cultiva Sa vigne (Matt. 21: 33) de Ses mains, qu'Il la combla de Bienfaits, et qu'elle lui donna en retour des épines et de mauvais fruits, et qu'elle ôta la vie au Maître qui l'avait plantée et qu'elle ne voulu point Le reconnaître comme elle le pouvait et le devait plutôt que les étrangers.

6, 20, 1352. Ce qui est arrivé dans le Chef, mon Fils et mon Seigneur, doit arriver jusqu'à la fin du monde dans les membres de Son Corps Mystique, qui sont les justes et les prédestinés; parce que ce serait une monstruosité que les membres ne correspondissent point au Chef, les enfants au Père et les disciples au Maître. Et quoique les scandales (Matt. 18: 7) doivent être toujours nécessaires, parce qu'il doit toujours y avoir dans le monde des justes et des pécheurs, des prédestinés et des réprouvés, des persécuteurs et des persécutés, celui qui donne la mort et celui qui la souffre; celui qui mortifie et celui qui est mortifié; mais ces sorts se divisent selon la malice ou la bonté des hommes; et malheureux celui qui fait par sa faute et sa mauvaise volonté qu'arrive le scandale qui doit venir au monde, et qui se fait pour cela l'instrument du démon. Les pontifes, les Pharisiens et Pilate commencèrent cette oeuvre dans la nouvelle Église, car ils affligèrent le Chef de ce très beau Corps Mystique, et dans le cours du monde, ceux-là imitent et suivent les Juifs et le démon qui affligent les membres de ce Chef, les saints et les prédestinés.

6, 20, 1353. Considère donc maintenant, ma très chère, lequel de ces sorts tu veux choisir en présence de mon Seigneur et la mienne. Et puisque ton Rédempteur, ton Époux, et ton Chef fut tourmenté, affligé, couronné d'épines et chargé d'ignominies, il n'est ni possible ni convenable que tu vives dans les consolations selon la chair si tu désires être de Son parti et membres de Son Corps Mystique. Tu dois être la persécutée et ne point persécuter, l'opprimée et ne point opprimer, celle qui porte la Croix et qui souffre le scandale et qui ne le cause point; tu dois être celle qui souffre et qui ne fait point souffrir aucun de ses proches, bien au contraire tu dois leur procurer leur remède, et leur salut en autant qu'il te sera possible, en continuant la perfection de ton état et de ta vocation. Telle est la part des amis de Dieu et l'héritage de Ses enfants dans la vie mortelle, qui contient la participation de la grâce et de la gloire que mon Fils et mon Seigneur leur acquit par Ses tourments, Ses opprobres et Sa Mort sur la Croix; et moi aussi je coopérai dans cette Oeuvre qui me coûta les douleurs et les affliction que tu as comprises, et je veux que les espèces et le souvenir de ces afflictions que j'ai endurées ne s'effacent jamais de ton intérieur. Le Très-Haut pouvait rendre Ses prédestinés grands dans le temporel, leur donner des richesses, des consolations et de l'excellence entre tous; les rendre forts comme des lions et faire en sorte que
tout fût soumis à leur puissance invincible. Mais il ne convenait pas de les conduire par cette voie, afin que les hommes ne fussent point trompés, pensant que leur félicité consistât dans la grandeur du visible et du terrestre, car ils eussent abandonné les vertus, obscurci la gloire du Seigneur, méconnu l'efficace de la grâce Divine et cessé d'aspirer au spirituel et à l'éternel. Je veux que tu étudies cette Science continuellement et que tu t'y avances chaque jour, opérant et exécutant tout ce que tu entends et connais en elle.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 20, [a]. Saint Bède dit lui aussi que cette colonne était de marbre. Il y en a encore d'autres qui en parlent: Saint Jérôme [in Epitaphio Paulae], Saint Paulin [Epis. XXXIV], Prudence et d'autres cités par Gretser [Lib. I, de cruce]. Cette colonne est conservée à Rome dans l'Église de sainte Praxède.
6, 20, [b]. Livre 4, No. 691.
6, 20, [c]. Livre 6, No. 1290.
6, 20, [d]. La Vénérable dit que le nombre précis des coups qu'ils donnèrent au Sauveur, fut de 5115: ou bien, qu'ils donnèrent précisément au Sauveur dans la flagellation; peut-être que les autres qui en comptèrent plus, voulurent comprendre non seulement les coups donnés précisément dans la seule flagellation, mais aussi ceux qui furent donnés à Jésus-Christ dans le jardin, devant Caïphe, par les rues, etc.. Ainsi saint Bernard en marque 6,666; sainte Brigitte 5,475; sainte Gertrude 5,400. Ainsi les autres peuvent avoir voulu compter non seulement les coups de la
flagellation, mais aussi des soufflets, des coups de canne sur la couronne, etc.. C'est pourquoi ces différences de nombre peuvent aisément être expliquées.
Quant aux soldats qui flagellèrent Jésus, sainte Marie Magdeleine de Pazzi en marque 60 et notre Marie d'Agreda seulement 6. Mais outre le zéro que quelque copiste peut avoir ajouté peut-être au nombre marqué par sainte Marie Magdeleine de Pazzi, on peut aussi admettre qu'elle voulut parler des soldats qui assistaient et qui participaient à la flagellation, mais non seulement de ceux qui de fait l'exécutèrent, n'étant pas probable que pour flageller un seule homme, on ait employé soixante différents bourreaux, seulement six étant plus que suffisants. Ainsi l'Évangéliste saint Matthieu écrit, que lorsqu'ils couronnèrent d'épines le Sauveur, toute la cohorte, c'est-à-dire environ 500 soldats se réunirent autour pour L'insulter [Matt. 27: 27], sans vouloir dire cependant que les 500 soldats aient tous touché et mis cette couronne sur la tête du Sauveur, un ou deux d'entre eux suffisant pour cela.
Voir les bollandistes [Acta SS., tom. 8, pag. 108] sur la vie de sainte Françoise Romaine, vision 8, à la fin].
6, 20, [e]. Saint Augustin [Tract. 116 in Joan.] écrit: «Pilate n'était pas ignorant de ce que ses soldats faisaient, car ou il le leur avait commandé, ou il le leur avait permis.
6, 20, [f]. Aussi saint Ambroise écrit [dans saint Luc, XXII] que les bourreaux se servirent de deux vêtement pour se moquer de Jésus-Christ dans Son couronnement.
6, 20, [g]. Livre 6, No. 1306.
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Message par sga Ven 11 Oct 2019 - 13:15

CHAPITRE 21


Pilate prononce la sentence de mort contre l'Auteur de la Vie; Sa Majesté porte sur Ses épaules la Croix sur laquelle il doit mourir; Sa Très Sainte Mère Le suit; et ce que l'Auguste Dame fit en cette occasion contre le démon, et autres événements.


6, 21, 1354. A la grande satisfaction des princes des prêtres et des Pharisiens, Pilate décréta la sentence de mort de la Croix contre notre Sauveur Jésus, la Vie même. Et ayant intimé et notifié cette sentence au très innocent Condamné, ils retirèrent Sa Majesté en un autre lieu dans la maison du juge où ils Le dépouillèrent de la pourpre ignominieuse qu'ils Lui avaient mise, comme à un roi de dérision et de feinte. Tout se fit avec mystère de la part du Seigneur, quoique de la part des Juifs ce fut une intention de leur malice, afin qu'Il fût mené au supplice de la Croix avec Ses propres vêtements et que tous Le reconnussent part ce moyen; parce que son divin Visage était si défiguré qu'Il ne pouvait être reconnu du peuple que par Ses vêtements. Ils Le revêtirent de la tunique sans couture que les Anges Lui apportèrent par ordre de leur Reine, la tirant secrètement d'un recoin d'une autre pièce où les valets l'avaient jetée quand ils la Lui avaient ôtée dans cette pièce pour Lui mettre la pourpre de dérision et de scandale. Mais les Juifs n'y comprirent rien et ils n'y firent même pas attention, à cause du soin qu'ils apportaient à hâter Sa Mort.

6, 21, 1355. La nouvelle de la sentence de mort qui avait été prononcée contre Jésus de Nazareth se répandit aussitôt par tout Jérusalem par cette diligence des Juifs; et tout le peuple accourut en foule à la maison de Pilate, afin de Le voir mené pour être justicier. La ville était remplie de monde, car outre ses habitants innombrables, beaucoup d'autres étaient accourus de toutes parts pour célébrer la Pâque, et tous à cette nouveauté remplirent les rues jusqu'au palais de Pilate. C'était le vendredi, jour de Parasceve (Jean 19: 14) qui en grec signifie la même chose que "préparation" ou "disposition"; parce que les Hébreux se préparaient et se disposaient en ce jour pour le sabbat suivant qui était leur grande solennité et ils n'y faisaient point d'oeuvres serviles, pas même pour préparer la nourriture: tout se
faisait le vendredi. Ils firent sortir notre Sauveur avec Ses propres vêtements à la vue de tout ce peuple; Il était défiguré, son divin Visage était tellement couvert de plaies, de Sang et de crachats qu'aucun de ceux qui L'avaient vu et connu auparavant n'eût pu Le reconnaître pour le même. Il apparut, selon ce que dit Isaïe (Is. 53: 4), comme un lépreux et un homme frappé du Seigneur; parce que les enflures et le Sang desséché L'avaient transfiguré en une plaie. Les saints Anges L'avaient nettoyé quelques fois des sales crachats qu'Il avait reçus, parce que Sa douloureuse Mère le leur avait commandé; mais aussitôt les bourreaux et le peuple les avaient répétés et renouvelés avec tant d'excès, qu'en cette circonstance Il apparut tout couvert de ces immondices nauséabondes. A la vue d'un spectacle si douloureux, il s'éleva du milieu du peuple tant de tumulte et des cris si confus que l'on ne pouvait rien entendre ni comprendre que du bruit et des échos de voix. Par dessus toutes les autres résonnaient celles des pontifes et des Pharisiens, qui avec des plaisanteries et une joie démesurée haranguaient le peuple, afin de le tranquilliser et de débarrasser la rue par où ils devaient mener le divin Sentencié et afin que ceux de la foule entendissent Sa sentence capitale [a]. Tout le reste du peuple était dans la confusion et partagé de sentiment, selon les opinions de chacun. Et les nations différentes qui assistaient à ce spectacle, ceux qui avaient entendu et reçu la Doctrine du Sauveur, et qui étaient Ses alliés et Ses connaissances et qui avaient été secourus par Sa piété et Ses miracles; les uns pleuraient avec une amertume pleine de douleur; d'autres demandaient quel péché cet homme avait commis pour qu'Il reçut de tels châtiments; d'autres étaient troublés et muets et tout n'était que confusion et tumulte.

6, 21, 1356. Des onze Apôtres il n'y eut que saint Jean qui se trouvât présent, car il était à la vue avec la douloureuse Mère et les Marie, quoiqu'un peu retiré de la multitude. Et quand le saint Apôtre vit son divin Maître de qui il considérait qu'il était aimé, traîné ainsi devant le public, son âme fut si transpercée de douleur qu'il arriva à défaillir et à perdre le pouls, demeurant avec un air de mort. Les trois Marie défaillirent avec un évanouissement plus glacé. Mais la Reine des vertus fut invincible et son Coeur magnanime, ne s'abattit ni ne se découragea avec le suprême de la douleur au-dessus de tout raisonnement humain; Elle ne souffrit point les imperfections des évanouissements et des défaillances [b] des autres. Elle fut en tout très prudente, très forte et admirable, et Elle disposa ses actions extérieures avec tant de poids que sans cris ni sanglots Elle conforta saint Jean et les Marie, et Elle demanda au Seigneur de les fortifier et de les
assister de Sa droite afin qu'avec saint Jean et les pieuses femmes elle eût une compagnie jusqu'à la fin de la Passion. En vertu de cette oraison, l'Apôtre et les Marie furent consolés et animés pour revenir à eux et parler à l'Auguste Dame du Ciel. Parmi tant de confusion et d'amertume Elle ne fit pas un acte ni Elle n'eût aucun mouvement excessif; mais Elle répandait des larmes incessantes avec une sérénité de Reine. Elle avait son attention tournée vers son Fils et son Dieu véritable, Elle priait le Père Éternel, Elle Lui représentait les douleurs et la Passion, accompagnant par ces oeuvres ce que le Sauveur Lui-même faisait. Elle connaissait la malice du péché, Elle conviait les Anges, Elle priait pour les amis et les ennemis; et donnant le suprême degré à son amour maternel et aux douleurs qui y correspondaient, Elle mettait en même temps le comble à tout le choeur de ses vertus, à la grande admiration des Cieux et à la suprême complaisance de la Divinité. Et parce qu'il n'est pas possible de réduire à mes termes les raisons que cette grande Dame de la Sagesse formait dans son Coeur, et quelquefois sur ses lèvres, je le remets à la piété Chrétienne.

6, 21, 1357. Les pontifes et les ministres de la justice essayaient de calmer le peuple, afin qu'Il y eut silence pour entendre la sentence de Jésus Nazaréen, car après la Lui avoir notifiée personnellement [c], ils voulurent la lire en public et en Sa Présence. La foule se tranquillisant, ils commencèrent à la lire à haute voix, afin que tous l'entendissent, Sa Majesté étant debout comme accusé; ensuite ils la répétèrent par les rues et en dernier lieu au pied de la Croix. Cette sentence circule imprimée en langue vulgaire, comme je l'ai vue; et selon l'intelligence que j'ai eue, elle est véritable en substance, sauf quelques paroles qui lui ont été ajoutées. Je ne mettrai point ces paroles ici parce que celles que j'écris m'ont été données à moi sans que je n'y aie rien ajouté et rien ôté, et ce fut comme suit [d]:

TENEUR DE LA SENTENCE DE MORT QUE PILATE DONNA CONTRE
JÉSUS NAZARÉEN, NOTRE SAUVEUR.

6, 21, 1358. «Moi, Ponce Pilate, président dans la Galilée inférieure, régent ici à Jérusalem pour l'empire romain, dans le palais de l'Archiprésidence, je juge, sentencie et prononce que je condamne à mort Jésus, appelé par la plèbe, Nazaréen, et Galiléen de patrie, homme séditieux, ennemi de la loi et de notre sénat et du grand empereur Tibère César. Et par cette dite sentence, je détermine que Sa mort soit en Croix, fixé avec des clous à l'usage des condamnés; parce qu'ici, réunissant et rassemblant chaque jour plusieurs hommes, pauvres et riches, Il n'a pas cessé d'exciter des tumultes par toute la Judée, Se faisant Fils de Dieu et Roi d'Israël, les menaçant de la ruine de cette très insigne cité de Jérusalem, de son Temple et de l'empire sacré, refusant le tribut à César, et pour avoir eu l'audace d'entrer en triomphe avec des rameaux et une grande partie du peuple dans la même cité de Jérusalem et dans le saint Temple de Salomon. Je commande au premier centurion, appelé Quintus, Cornelius, de Le mener à Sa honte par la dite cité de Jérusalem lié tel qu'Il est, fouetté par mon ordre. Et que Ses vêtements Lui soient mis pour qu'Il soit connu de tous, ainsi que la propre Croix sur laquelle Il doit être crucifié. Qu'Il aille par toutes les rues publiques au milieu de deux autres larrons qui sont de même condamnés à mort pour des vols et des homicides qu'ils ont commis, afin que de cette manière Il soit un exemple pour tout le monde et pour les malfaiteurs.
«Je veux de même et je commande par cette sentence, qu'après avoir ainsi mené ce malfaiteur par les rues ils Le conduisent hors de la cité par la porte Pagora, qui est maintenant appelée Antoniana, et avec la voix d'un héraut qui dise tous les crimes exprimés dans cette sentence, qu'ils Le conduisent au mont qui s'appelle le Calvaire, où l'on a coutume d'exécuter les plus grands scélérats et de faire la justice; et là cloué et crucifié sur la même Croix qu'Il aura portée, comme il été dit plus haut, que son Corps demeure suspendu entre les deux larrons. Et sur la Croix dans sa partie la plus haute que le titre de son Nom soit posé dans les trois langues le plus en usage maintenant, à savoir la langue hébraïque, la langue grecque et la langue latine et qu'en toutes et en chacune il soit dit: CELUI-CI EST
JÉSUS NAZARÉEN, ROI DES JUIFS, afin que tous l'entendent et qu'Il soit connu de tous.
«Je commande de même, sous peine de perte des biens et de la vie, et de révolte à l'empire romain que personne de quelque état et de quelque condition qu'il soit, n'ose témérairement empêcher la dite justice par moi commandée, prononcé, administrée et devant s'exécuter en toute rigueur selon les décrets et les lois romaine et hébraïque. L'an de la création du monde cinq mille deux cent trente-trois [e], le vingt-cinquième jour de mars.
«PONTIUS PILATUS, Judex et Gubernator Galilaeae inferioris pro Romano Imperio qui supra propria manu.»

6, 21, 1359. Conformément à ce comput [f], la création du monde fut en mars; et il se passa cinq mille cent quatre-vingts dix-neuf ans depuis le jour qu'Adam fut créé jusqu'à l'Incarnation du Verbe; et ajoutant les neuf mois qu'Il fut dans le sein Virginal de Sa Très Sainte Mère et trente-trois ans qu'Il vécut font les cinq mille deux cent trente-trois, et les trois mois qui conformément au comput romain des années restent jusqu'au vingt-cinq du mois de mars; parce que selon ce compte de l'Église romaine, la première année de l'Église romaine n'a pas plus de neuf mois et sept jours, pour commencer la seconde année du premier janvier. Parmi les opinions des Docteurs j'ai compris que la véritable est celle de la Sainte Église dans le Martyrologe romain, comme je l'ai dit aussi dans le chapitre de l'Incarnation de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le livre un de la second partie, chapitre 11.

6, 21, 1360. La sentence de Pilate contre notre Sauveur, ayant été lue à haute voix en présence de tout le peuple comme je l'ai rapportée, les ministres chargèrent sur les épaules délicates et couvertes de plaies de notre Sauveur la pesante Croix sur laquelle Il devait être crucifié. Et ils Lui détachèrent les mains pour la tenir, afin qu'Il la portât; mais ils ne Lui délièrent pas le Corps, afin qu'ils pussent Le voir enchaîné et captif, Le tirant par les cordes dont Il était ceint; et ils Lui en firent deux tours autour du cou pour une plus grande cruauté. La Croix était de quinze pieds de long, épaisse et de bois très pesant. Le héraut de la sentence
commença et toute cette multitude confuse et turbulente de peuple, de ministres et de soldats se mit en marche en une procession désordonnée, pour se diriger par les rues de Jérusalem depuis le palais de Pilate vers le mont du Calvaire. Le Maître, le Rédempteur du monde Jésus, arrivant à recevoir la Croix, la regarda avec un air rempli d'une jubilation et d'une allégresse extrêmes, comme un époux a coutume de montrer à la vue des riches joyaux de son épouse, lui parla dans son secret et la reçut avec ces raisons:

6, 21, 1361. «O Croix désirée de Mon âme, préparée et trouvée par Mes désirs, viens à Moi [g], Ma bien-aimée pour que tu Me reçoives dans tes bras et que Mon Père Éternel reçoive en eux, comme sur un autel sacré, le sacrifice de réconciliation avec le genre humain. Je suis descendu du Ciel en vie et en chair mortelle et passible pour mourir en toi; parce que tu dois être le sceptre avec lequel Je triompherai de tous Mes ennemis, la clef (Is. 22: 22), avec laquelle J'ouvrirai les portes du paradis à Mes prédestinés, l'asile où les coupables enfants d'Adam trouveront miséricorde et l'officine des Trésors qui peuvent enrichir leur pauvreté. En toi, Je veux accréditer les déshonneurs et les opprobres des hommes, afin que Mes amis les embrassent avec allégresse et les sollicitent avec des anxiétés amoureuses, pour Me suivre dans le Chemin que Je leur ouvrirai avec toi. Mon Père et Mon Dieu Éternel, Je Te confesse (Matt. 11: 25) le Seigneur du Ciel et de la terre, et obéissant à Ta puissance et à Ta Volonté divines, Je charge sur Mes épaules le bois du Sacrifice de Mon Humanité passible et très innocente et Je l'accepte volontairement pour le Salut Éternel des hommes. O Mon Père, recevez-le comme acceptable à Votre justice, afin que dès aujourd'hui les hommes ne soient plus serviteurs (Rom. 8: 17), mais enfants et héritiers avec Moi de Votre Royaume.»

6, 21, 1362. La grande Maîtresse du monde, la Très Sainte Marie était à la vue de ces mystères et de ces événements si saints sans qu'aucun ne lui fût caché, parce qu'Elle avait de tous une connaissance et une compréhension sublimes au-dessus des Anges même; et les événements qu'Elle ne pouvait voir des yeux du corps Elle les connaissait par l'intelligence et la science de la révélation qui les lui manifestait avec les opérations intérieures de son Très Saint Fils. Elle connut avec cette Lumière divine la valeur infinie qui fut communiquée au bois sacré de la Croix au moment qu'Il reçut le contact de l'Humanité déifiée de notre Rédempteur
Jésus-Christ. Aussitôt la Très Prudente Mère l'adora et la vénéra avec le culte qui lui était dû [h]. Et tous les esprits sublimes qui assistaient le Seigneur et la Reine firent la même chose. Elle accompagna aussi son Très Saint Fils dans les caresses avec lesquelles Il reçut la Croix et Elle lui adressa d'autres paroles semblables et des raisons qui la regardaient comme Coadjutrice du Rédempteur. Elle fit la même chose dans la prière au Père Éternel, imitant en tout d'une façon très sublime son Original et son Exemplaire comme Sa vivante Image et sans perdre un seul moment. Lorsque la voix du héraut publia et répéta la sentence par les rues, la divine Mère qui l'entendit composa un cantique de louanges de l'innocence impeccable de son Fils et son Dieu trois fois Saint; Elle opposait ces louanges aux délits que la sentence contenait, comme si Elle en eût glosé les paroles à l'honneur et à la gloire du même Seigneur. Les saint Anges aidèrent à ce cantique, et leur Auguste Reine le leur ordonnait et le répétait avec eux quand les habitants de Jérusalem blasphémaient leur propre Créateur et leur propre Rédempteur.

6, 21, 1363. Et comme toute la foi, la science et l'amour des créatures étaient résumés en cette occasion de la Passion dans le grand Coeur de la Mère de la Sagesse, seule Elle faisait le très droit jugement et le très digne concept des souffrances et de la Mort d'un Dieu pour les hommes. Et sans perdre l'attention à tout ce qu'il fallait opérer, Elle conférait et pénétrait avec sa Sagesse tous les Mystères de la Rédemption des hommes et la manière dont ils s'exécutaient par le moyen de l'ignorance des même hommes qui étaient rachetés. Elle pénétrait avec une digne pondération quel était Celui qui souffrait, ce qu'Il souffrait, de qui et pour qui Il le souffrait. La Très Sainte Marie fut Celle qui eût, après le Seigneur Lui-même, la science la plus haute et la plus pénétrante de la dignité de la Personne de notre Rédempteur Jésus-Christ, qui contenait les deux natures, Divine et humaine, et des Perfections et des Attributs des deux. De ce côté, Elle seule entre toutes les pures créatures arriva à donner la due pondération à la Passion et à la Mort de son propre Fils et son Dieu véritable. La Très Candide Colombe fut non seulement témoin oculaire de ce qu'Il souffrit mais Elle le fut aussi d'expérience, en quoi Elle occasionna une sainte envie non seulement aux hommes, mais aux Anges mêmes qui n'obtinrent point cette grâce. Ils connurent néanmoins comment l'Auguste Reine et Maîtresse éprouvait et souffrait dans son Âme et dans son corps les douleurs et les passions mêmes de son Très Saint Fils et la complaisance inexplicable que la Bienheureuse Trinité en recevait; et ils compensèrent la douleur qu'ils ne pouvaient souffrir par la gloire et la louange
qu'ils Lui donnèrent. Lorsque la douloureuse Mère n'avait point la vue de son Très Saint Fils, Elle avait coutume de sentir dans son corps Virginal et dans son esprit la correspondance des tourments qu'ils donnaient au Seigneur et parfois c'était avant même que ces tourments lui eussent été manifestés par l'intelligence. Et Elle disait comme en sursaut: «Hélas! quel martyre donnent-ils maintenant à mon Très Doux Jésus, mon Maître et mon Seigneur.» Ensuite Elle recevait la connaissance très claire de tout ce qui se faisait avec Sa Majesté. Mais Elle fut si admirable dans sa fidélité pour souffrir et dans l'imitation de son modèle notre bien-aimé Jésus, que cette Très Aimante Mère ne reçut jamais aucun soulagement naturel dans la Passion, non seulement dans son corps, car Elle ne prit ni repos, ni nourriture, ni sommeil, mais non plus dans son esprit, par aucune considération qui pût lui donner quelque rafraîchissement, sauf lorsque le Très-Haut le lui communiquait par quelque influence Divine, et alors Elle le recevait avec humilité et reconnaissance pour recouvrer un nouveau courage, afin de s'appliquer plus fervente à l'Objet douloureux et à la Cause de ses tourments. Elle avait la même science et Elle faisait la même pondération de la malice des Juifs et des ministres, de la nécessité du genre humain, de sa ruine, et de la condition très ingrate des mortels pour qui son Très Saint Fils souffrait; et ainsi Elle connut le tout dans un degré très éminent et très parfait, et Elle le ressentit au-dessus de toutes les créatures.

6, 21, 1364. La droite du Très-Haut opéra un autre mystère occulte et admirable en cette occasion par la main de la Très Sainte Marie contre Lucifer et ses ministres infernaux et il arriva de cette manière: Comme ce dragon et les siens assistaient attentifs à tout ce qui arrivait dans la Passion du Seigneur qu'ils n'achevaient point de connaître; au moment où Sa majesté reçut la Croix sur Ses épaules, tous ces ennemis sentirent une nouvelle prostration et une nouvelle défaillance qui, avec l'ignorance et la nouveauté, leur causa un grand étonnement et une nouvelle tristesse remplie de confusion et de désespoir. Avec le sentiment de ces effets nouveaux et invincibles, le prince des ténèbres se douta que quelque destruction et quelque ruine irréparable de son empire le menaçait par la Passion et la Mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et pour ne point l'attendre en présence de notre Bien-Aimé Sauveur Jésus-Christ, le dragon détermina de s'enfuir et de se retirer avec toute sa suite aux cavernes de l'enfer [i]. Lorsqu'il intentait d'exécuter ce désir, notre Auguste Reine et Maîtresse de l'Univers l'en empêcha; parce qu'en même temps le Très-Haut l'illustra et la vêtit de Sa Puissance, lui donnant
connaissance de ce qu'Elle devait faire. Et la divine Mère se tournant vers ces armées diaboliques, les retint avec un empire de Reine afin qu'elles ne s'enfuissent point; et Elle leur commanda d'attendre la fin de la Passion et d'aller à la vue de toute cette Passion jusqu'au Calvaire. Les démons ne purent résister au commandement de la puissante Reine; parce qu'ils connurent et sentirent la Vertu divine qui opérait en Elle. Et soumis à ses ordres, ils allèrent comme prisonniers et enchaînés, accompagnant Notre-Seigneur Jésus-Christ là où il était déterminé par la Sagesse éternelle qu'Il triompherait d'eux du trône de Sa Croix, comme nous le verrons plus loin [j]. Je ne trouve pas d'exemples pour manifester la tristesse et l'abattement avec lesquels Lucifer et ses démons furent dès ce moment opprimés. Mais selon notre manière de concevoir, ils allaient au Calvaire comme les condamnés vont au supplice, et la crainte du châtiment inévitable les débilitait, les affaiblissait et les attristait. Et cette peine dans le démon fut conforme à sa nature et à sa malice, et correspondante au dommage qu'il fit dans le monde en y introduisant la mort et le péché (Sag. 2: 24) pour le remède duquel Dieu même allait mourir.

6, 21, 1365. Notre Sauveur poursuivit le chemin du mont du Calvaire, portant sur Ses épaules comme dit Isaïe (Is. 9: 6), son propre empire et Sa principauté qui était la Sainte Croix, où Il devait régner et S'assujettir le monde (Phil. 2: 9), méritant l'exaltation de Son Nom au-dessus de tout nom et rachetant tout le genre humain de la puissance tyrannique (Col. 2: 14-15) que le démon avait acquise sur les enfants d'Adam. Le même Isaïe appela cette puissance le joug et le sceptre (Is. 9: 4) de l'exacteur et de l'exécuteur de la justice qui exigeait le tribut du premier péché avec rigueur et empire. Et Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour vaincre ce tyran et détruire le sceptre de sa domination et le joug de notre servitude, posa la Croix dans le même lieu où se porte le joug de la servitude et le sceptre de la puissance royale, comme celui qui en dépouillait le démon et le transférait sur Ses épaules, afin que depuis cette heure qu'il prit Sa Croix, les enfants d'Adam captifs Le reconnussent pour leur Seigneur légitime et leur Roi véritable, et qu'ils suivissent dans le Chemin de la Croix (Matt. 16: 24), par le moyen de laquelle, Il réduisit tous les mortels à Son empire (Jean 12: 32), et Il fit Ses vassaux et Ses esclaves, achetés au prix (1 Cor. 6: 20) de Sa vie et de Son propre Sang.

6, 21, 1366. Mais, ô douleur de notre oubli très ingrat! Que les Juifs et les ministres de la Passion ignorassent ce Mystère caché aux princes du monde et qu'ils n'osassent point toucher la Croix du Seigneur, parce qu'ils la jugeaient un affront ignominieux, ce fut leur faute et leur très grande faute; mais cette faute ne fut pas si grande que la nôtre, quand ce sacrement est désormais révélé et qu'avec la foi de cette vérité, nous condamnons l'aveuglement de ceux qui persécutèrent notre Bien-Aimé Seigneur. Car si nous les accusons parce qu'ils ignorèrent ce qu'ils devaient connaître; quelle sera notre faute à nous qui, connaissant et confessant notre Rédempteur Jésus-Christ nous le persécutons et le crucifions (Héb. 6: 6) comme eux en L'offensant? O Jésus, mon très doux Amour! Lumière de mon entendement et gloire de mon âme! Ne Te fie pas, mon Seigneur à ma lenteur et à ma négligence pour Te suivre avec ma Croix par le Chemin de la Tienne. Prends pour Ton compte de me faire cette faveur: entraîne-moi (Cant. 1: 3) Seigneur après Toi et Je courrai à l'odeur de Ton Amour très ardent, de Ta patience ineffable, de Ton humilité très éminente, de Ton mépris et de Tes angoisses et dans la participation de Tes opprobres, de Tes affronts et de Tes douleurs. Que ce soit ma part et mon héritage en cette vie pesante et mortelle, que ce soit ma gloire et mon repos; et je ne veux point de vie, de consolation, de repos ni de joie hors de Ta Croix et de Tes ignominies. Comme les Juifs et tout ce peuple aveugle se détournaient dans les rues de Jérusalem pour ne point toucher la Croix du très Innocent condamné, c'était le Seigneur même qui faisait le Chemin et qui débarrassait le Passage où allait Sa Majesté, comme si Son glorieux déshonneur eût été une contagion selon ce que jugeait la perfidie de ses persécuteurs, quoique tout le reste du chemin fût plein de monde, de confusion, de clameurs et de cris, et par dessus tout résonnait la voix du héraut de la sentence.

6, 21, 1367. Les ministres de la justice, dénués de toute piété et de toute compassion humaine, menaient notre Sauveur Jésus avec une cruauté et une irrévérence incroyables. Les uns Le tiraient par les cordes de devant, afin qu'Il hâtât le pas; et d'autres pour Le tourmenter Le tiraient en arrière pour Le retenir. Et avec ces violences et le lourd poids de la Croix, ils L'obligeaient et Le contraignaient à trébucher et à tomber souvent sur le sol. Et avec les coups qu'Il recevait sur les pierres, des plaies s'ouvrirent, en particulier deux aux genoux, et Il Se les renouvelait chaque fois qu'Il retombait. Et le poids de la Croix Lui ouvrit une autre plaie dans l'épaule où ils la Lui chargèrent. Et avec les va-et-vient, parfois la Croix frappait contre la Tête sacré et d'autres fois la Tête contre la Croix
et les épines de la couronne la pénétraient toujours de nouveau avec les coups qu'elle recevait, les plaies s'approfondissant toujours plus dans la partie de la chair qui n'était pas encore blessée. Et les instruments de méchanceté ajoutaient à ces douleurs plusieurs opprobres de paroles et de contumélies exécrables, de crachats très immondes et de la poussière qu'ils jetaient dans son divin Visage, avec tant d'excès, qu'ils aveuglaient les yeux qui les regardaient miséricordieusement, avec quoi ils se condamnaient comme indignes d'une vue si gracieuse. Avec la hâte qu'ils se donnaient altérés d'obtenir Sa mort, ils ne laissaient point le très doux Maître prendre haleine; au contraire, comme Il avait été chargé en si peu d'heures d'une si grande pluie de tourments dans Son Humanité très innocente, elle était défaillante et toute défigurée; et il semblait à celui qui la regardait qu'elle allait rendre l'âme sous les douleurs et les tourments.

6, 21, 1368. La douloureuse et lamentable Mère partit au milieu de la foule de la maison de Pilate à la suite de son Très Saint Fils, accompagnée de saint Jean, de la Magdeleine et des autres Marie. Et comme le tumulte de la multitude confus les empêchait d'approcher de plus près de Sa Majesté, la grande Reine demanda au Père Éternel de lui concéder d'être au pied de la Croix en compagnie de son Fils et son Seigneur, de manière qu'Elle pût Le voir corporellement; et avec la Volonté du Très-Haut, Elle ordonna aussi aux saints Anges de disposer comme cela s'exécuterait. Les Anges lui obéirent avec un respect profond; et ils dirigèrent en toute promptitude leur Reine et leur Maîtresse par le raccourci d'une rue d'où ils sortirent à la rencontre de son Très Saint Fils. Le Fils et la Mère Se virent face à face, Se reconnaissant L'un L'autre et Se renouvelant réciproquement la douleur de ce que chacun souffrait; mais Ils ne se parlèrent point vocalement, et la férocité des ministres ne Leur eût pas non plus donné lieu de le faire. Mais la Très Prudente Mère adora son Très Saint Fils et son Dieu véritable, affligé par le poids de la Croix; et Elle Lui demanda par la parole intérieure que puisqu'Elle ne pouvait pas Le reposer de la charge de la Croix et qu'Il ne permettait pas que les Anges non plus le fissent, ce qui était ce à quoi la compassion l'inclinait, que Sa Puissance daignât mettre dans le coeur des ministres de Lui donner quelqu'un qui L'aidât à la porter. Notre Bien-Aimé Seigneur Jésus accepta cette prière; et il en résulta que Simon le Cyrénéen fût contraint (Matt. 27: 32) à porter la Croix avec le Seigneur. Parce que les Pharisiens et les ministres furent portés à cela, les uns par quelque humanité naturelle, d'autres par la crainte que Notre-Seigneur Jésus-Christ
achevât Sa Vie avant qu'ils pussent arriver à la Lui ôter sur la Croix même, parce que Sa Majesté était très défaillant, comme je l'ai déjà dit.

6, 21, 1369. Toute exagération humaine et tout discours restent bien au-dessous de la douleur que la Très Candide Colombe et Vierge-Mère éprouva dans ce voyage au mont Calvaire, ayant à sa vue l'Objet de son propre Fils qu'Elle savait seule connaître et aimer dignement. Et il ne lui eût pas été possible de ne pas défaillir et mourir, si la Puissance divine ne l'eût conforté en lui conservant la Vie. Dans cette douleur très amère, Elle parla au Seigneur et Lui dit dans Son intérieur: «Mon Fils et mon Dieu Éternel, Lumière de mes yeux et Vie de mon Âme, recevez, Seigneur le Sacrifice douloureux de ce que je ne peux Vous soulager du poids de la Croix et la porter, moi qui suis fille d'Adam, afin de mourir en elle pour Votre Amour, comme Vous voulez mourir pour la très ardente Charité que Vous portez au genre humain. O Très Aimant Médiateur entre le péché et la Justice! Comment pouvez-Vous fomenter la Miséricorde avec tant d'injures et parmi tant d'offenses! O Charité sans terme ni mesure qui donnez lieu aux tourments et aux opprobres pour un plus grand incendie et une plus grande efficace! O Amour Infini et très doux, si tous les coeurs et les volontés des hommes étaient dans la mienne pour qu'ils ne vous donnassent point une si mauvaise correspondance à ce que Vous souffrez pour tous! Oh! qui parlera au coeur des mortels, et leur intimera ce qu'ils Vous doivent, puisque le rachat de leur captivité et le remède de leur ruine Vous a coûté si cher.» Avec ces raisons la grande Souveraine du monde en disait d'autres très prudentes et très sublimes que je ne puis réduire aux miennes.

6, 21, 1370. Avec la foule du peuple, plusieurs autres femmes qui se lamentaient et pleuraient amèrement, suivaient de même le Seigneur, comme l'Évangéliste saint Luc (Luc 23: 27) le dit. Et se tournant vers elles, le très doux Jésus leur parla et dit: «Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur Moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants. Parce que des jours viendront où l'on dira: Bienheureuses les stériles qui n'ont jamais eu d'enfants et qui n'en ont jamais nourri. Et alors ils commenceront à dire aux montagnes: Tombez sur nous; et aux collines: Enterrez-nous. Parce que si de telles choses se passent dans le bois vert que sera-ce de celui qui sera sec?» Le Seigneur accrédita par ces raisons mystérieuses les larmes répandues sur sa Très Sainte Passion, et Il les approuva en
quelque manière, Se donnant pour obligé de leur compassion; afin de nous enseigner en ces femmes la fin que nos larmes doivent avoir pour être bien dirigées. Ces compatissantes disciples de notre Maître qui pleuraient Ses affronts et Ses douleurs et non la cause pour laquelle Il les souffrait, ignoraient alors cela; mais elles méritèrent d'être enseignées et averties. Ce fut comme si le Seigneur leur eût dit: "Pleurez sur vos péchés et sur ceux de vos enfants pour lesquels Je souffre et non sur les miens, car Je n'en ai pas et il n'est pas possible que J'en aie. Et si la compassion que vous avez pour Moi est bonne et juste, Je veux que vous pleuriez plus vos péchés que Mes peines souffertes pour eux, et avec cette manière de pleurer, le prix de Mon Sang et de la Rédemption que ce peuple aveugle ignore passera sur vous et sur vos enfants. Parce qu'il viendra des jours, qui seront ceux du châtiment et du jugement universel où celles qui n'auront point eu de génération d'enfants seront jugées bienheureuses; et les réprouvés demanderont aux montagnes et aux collines de les couvrir pour ne point voir Mon indignation. Parce que si leurs péchés dont Je Me suis chargé ont fait ces effets en Moi qui suis innocent, que feront-ils en eux qui sont si secs, sans fruit de grâce et de mérites?

6, 21, 1371. Ces heureuse femmes furent éclairées pour comprendre cette Doctrine en réponse de leurs larmes et de leur compassion. Et en accomplissement de ce que la Très Sainte Marie avait demandé, les pontifes, les Pharisiens et les ministres déterminèrent d'appeler quelque homme pour aider notre Rédempteur dans le travail de porter la Croix jusqu'au Calvaire. Simon le Cyrénéen arriva en cette occasion: il est ainsi appelé parce qu'il était natif de Cyrène, ville de Lybie et il venait à Jérusalem; il était père de deux disciples du Seigneur, appelés Alexandre et Rufus (Marc 15: 21). Les Juifs obligèrent ce Simon à porter la Croix une partie du chemin, sans la toucher eux-mêmes; parce qu'ils tenaient comme un affront de s'en approcher, car c'était l'instrument du châtiment d'un homme qu'ils justiciaient comme malfaiteur insigne. Par ces cérémonies et ces précautions ils prétendaient que tout le peuple le comprît ainsi. Le Cyrénéen prit la Croix et suivit Jésus qui marchait entre les deux larrons, afin que tous crussent que le Sauveur était malfaiteur et scélérat comme eux. La Mère de notre Sauveur Jésus allait très proche de Sa Majesté comme Elle l'avait désiré et demandé au Père Éternel, avec la volonté duquel Elle fut si conforme en tous les travaux et les martyres de la Passion de son Fils, participant et communiquant à tous Ses tourments de si proche par tous ses sens, qu'Elle n'eut jamais de mouvement ni de geste dans son intérieur ni dans son extérieur par lequel Elle s'inclinât à rétracter la
Volonté que son Fils et son Dieu souffrît. Si admirable fut sa Charité et son Amour envers les hommes et si puissantes furent la grâce et la sainteté de cette Reine pour vaincre la nature.

DOCTRINE QUE ME DONNA LA GRANDE REINE ET MAÎTRESSE.

6, 21, 1372. Ma fille, je veux que le fruit de l'obéissance par laquelle tu écris l'Histoire de ma Vie soit de former en toi une véritable disciple de mon Très Saint Fils et la mienne. C'est à cela que sont ordonnées en premier lieu la Lumière divine que tu reçois de ces sacrements si sublimes et si vénérables et les instructions que je te répète tant de fois: d'éloigner et de dépouiller ton coeur de toute affection des créatures, ni pour avoir toi-même cette affection, ni pour la recevoir de qui que ce soit. Tu vaincras par cet éloignement les empêchements du démon qui sont si dangereux avec ton naturel sensible. Et moi qui le connais, je t'avertis et te dirige comme Mère, je te corrige et t'enseigne comme Maîtresse. Par la Science du Très-Haut, tu connais les mystères de Sa Passion et de Sa Mort et l'unique et véritable Chemin de la Vie qui est celui de la Croix et que tous ceux qui sont appelés ne sont pas élus pour elle. Il y en a plusieurs qui disent qu'ils désirent suivre Jésus-Christ et très peu qui se disposent véritablement à L'imiter; parce qu'en arrivant à souffrir la Croix de la souffrance ils la rejettent loin d'eux et ils rétrogradent. La douleur des afflictions est très sensible et très violente pour la nature humaine du côté de la chair; et le fruit spirituel est plus caché et il y en a peu qui se gouvernent par la Lumière. Pour cela, il y en a beaucoup parmi les mortels qui oublieux de la Vérité, écoutent leur chair et ils la veulent toujours très caressée et très satisfaite. Ils sont amateurs ardents de l'honneur et contempteurs des affronts; avides des richesses et ils exècrent la pauvreté; ils sont altérés des plaisirs et timides dans la mortification. Tous ceux-ci sont ennemis de la Croix de Jésus-Christ (Phil. 3: 18) et ils la fuient avec une horreur formidable, la jugeant une ignominie comme ceux qui Le crucifièrent.

6, 21, 1373. Une autre erreur qui s'est introduite dans le monde, c'est que plusieurs pensent suivre Jésus-Christ sans souffrir, sans opérer et sans travailler; et
ils se content de n'être pas très hardis à pécher et ils font consister toute la perfection en une prudence ou un amour tiède avec lequel ils ne refusent rien à leur volonté et ils ne pratiquent point les vertus coûteuses à la chair. Ils sortiraient de cette erreur s'ils considéraient que mon Très Saint Fils fut non seulement Rédempteur, mais Maître, et non seulement Il laissa dans le monde le Trésor de Ses mérites comme remède de leur condamnation, mais aussi la médecine nécessaire pour la maladie dont la nature est malade par le péché. Personne ne fut plus sage que mon Fils et mon Seigneur; personne ne put entendre la condition de l'Amour comme Sa Majesté qui fut et qui est la Sagesse même et la Charité (1 Jean 4: 16); et de même Il était puissant pour exécuter toute Sa Volonté. Et néanmoins quoiqu'Il pût tout ce qu'Il voulait, Il ne choisit point une vie douce et suave pour la chair, mais laborieuse et pleine de douleurs, parce que le Magistère de racheter les hommes, sans leur enseigner à vaincre le démon, la chair et soi-même n'eût pas été suffisant ni complet; et cette victoire magnifique s'obtient par la Croix, les travaux, les pénitences, les mortifications et les mépris, qui sont l'indice et le témoignage de l'amour et la devise des prédestinés.

6, 21, 1374. Toi, ma fille, puisque tu connais la valeur de la Sainte Croix et l'honneur que les ignominies et les tribulations recevront par elle, embrasse ta Croix (Matt. 16: 24) et porte-la avec allégresse à la suite de mon Fils et ton Maître. Que ta gloire en la vie mortelle soit les persécutions, les mépris, les infirmités, les tribulations, la pauvreté, l'humiliation et tout ce qui est pénible et contraire à la condition de la chair mortelle (Rom. 5: 3). Et afin de m'imiter et de faire plaisir dans tes exercices, je ne veux point que tu cherches ni que tu acceptes de soulagement ni de repos en aucune chose terrestre. Tu ne dois point pondérer en toi-même ce que tu souffres, ni le manifester avec l'intention de te soulager. Tu dois encore moins exagérer ou aggraver les persécutions et les ennuis qui te viendront des créatures; on ne doit pas entendre sortir de ta bouche que tu souffres beaucoup, ni te comparer avec d'autres qui sont affligés. Je ne te dis pas que ce serait une faute d'accepter quelque soulagement honnête et modéré et de te plaindre avec résignation. Mais en toi, ma très chère, ce soulagement serait une infidélité contre ton Époux et ton Seigneur, parce qu'Il t'a obligée, toi seule, plus que plusieurs générations; et ta correspondance dans la souffrance et l'Amour n'admet ni défaut ni excuse, si elle n'est avec plénitude de toute délicatesse et de toute loyauté. Ce Seigneur te veut si semblable à Lui-même que tu ne dois pas seulement donner un soupir à ta nature faible sans autre fin plus haute que de te
reposer et de prendre de la consolation. Et si l'Amour t'oblige, alors tu te laisseras porter par sa douce force, pour reposer en aimant; et ensuite, l'amour de la Croix rejettera ce soulagement, comme tu connais que je le faisais avec une humble soumission. Que ce soit en toi une règle générale que toute consolation humaine est une imperfection et un danger. Et tu nu dois recevoir que ce que t'enverra le Très-Haut par Lui-même ou par Ses saints Anges. Et des consolations de Sa divine Droite tu ne dois prendre avec advertance que ce qui pourra te fortifier pour souffrir davantage et tu dois t'éloigner de l'agréable qui peut passer au sensitif.

NOTES EXPLICATIVES
Extraites de celles de Don Creseto, à l'usage des prêtres.
6, 21, [a]. Cette sentence avait déjà été intimée personnellement à Jésus dans l'intérieur du tribunal, mais elle n'avait pas encore été proclamée en dehors au public. Voir Livre 6, No. 1357.
6, 21, [b]. Voir saint Ambroise, Serm. de Instit. virg. c. 7. Stabat mater intrepida.
6, 21, [c]. Voir livre 6, No. 1355.
6, 21, [d]. Saint Epiphane, [Haer. 50], saint Jean Chrysostôme [Hom. 7 in Pasch], et dès le second siècle saint Justin [Apolog. 1] parlent de cette sentence.
6, 21, [e]. Les postulateurs de la cause de Marie d'Agreda devant Benoît XIV [Rep. ad Catal. 1, n. 12, p. mihi, 4] donnèrent raison de cette computation.
6, 21, [f]. V. Patres ap. Com. A. Lapide [in Gen. 1. 12].
6, 21, [g]. Si saint André salua la Croix sur laquelle il devait mourir avec tant d'emphase et de désir d'amour comme on le voit dans les Actes authentiques de son martyre, comment pourrions-nous supposer que Jésus-Christ l'ait aimée avec moins de force, et embrassée avec moins de transports?
6, 21, [h]. Culte de latrie relative. Voir le Traité sur la Sainte Croix écrit par saint François de Sales, Docteur de l'Église.
6, 21, [i]. «A la vue de ce signe, les puissances adverses consternées et tremblantes reculent.» [Saint Éphrem, serm. de Cruce].
6, 21, [j]. Livre 6, No. 1412.
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Message par sga Lun 14 Oct 2019 - 17:13

CHAPITRE 22

Comment notre Sauveur Jésus fut crucifié sur le mont Calvaire et les sept Paroles qu'Il dit en Croix; la Très Sainte Marie Sa Mère L'assista avec grande douleur.

6, 22, 1375. Notre Sauveur, le véritable et nouvel Isaac, le Fils du Père Éternel arriva au mont du Sacrifice, le même où précéda l'essaie et la figure dans le fils du Patriarche Abraham (Gen. 22: 9) et où s'exécuta dans le très innocent Agneau la rigueur qui se suspendit dans l'antique Isaac qui le figurait [a]. C'était le mont Calvaire, lieu immonde et méprisée destiné pour le châtiment des scélérats et des condamnées, des cadavres desquels on recevait une mauvaise odeur et une plus grande ignominie. Notre très aimant Jésus arriva si fatigué qu'Il paraissait tout transformé en plaies et en douleurs, ensanglanté, blessé et défiguré. La vertu de la Divinité qui déifiait Sa très sainte Humanité par l'union hypostatique, L'assista non pour alléger Ses tourments, mais pour Le conforter dans ces mêmes tourments et laisser Son Amour immense rassasié de la manière convenable, Lui conservant la Vie, jusqu'à ce qu'il fut donné permission à la mort de la Lui ôter sur la Croix. La Mère douloureuse et affligée arriva pleine d'amertumes au sommet du Calvaire très proche de son Fils corporellement; mais dans l'esprit et les douleurs Elle était comme hors d'Elle-même, parce qu'Elle se transformait toute en son Bien-Aimé et en ce qu'Il souffrait. Saint Jean et les trois Marie étaient avec Elle, parce qu'Elle avait demandé et obtenu du Très-Haut pour cette seule et sainte compagnie la grande faveur de se trouver si voisins et si présents au Sauveur et à sa Croix.

6, 22, 1376. Comme la Très Prudente Marie connaissait que les Mystères de la Rédemption allaient en s'exécutant, lorsqu'Elle vit que les ministres traitaient de dépouiller le Sauveur pour Le crucifier, Elle tourna son esprit vers le Père Éternel et pria de cette manière: «Mon Seigneur et mon Père Éternel, Vous êtes le Père de Votre Fils Unique qui naquit par la génération éternelle vrai Dieu du vrai Dieu qui est Vous-même, et Il naquit par la génération humaine de mes entrailles, où je Lui ai donné la nature humaine en laquelle Il souffre. Je Lui ai donné le lait de mes mamelles et je l'ai nourri; et comme le meilleur des fils qui n'a jamais pu naître d'une autre créature, je L'aime comme vraie Mère, et comme Mère j'ai un droit naturel à Sa Très Sainte Humanité dans la Personne qu'Il a, et Votre Providence ne nie jamais ce droit àcelle qui le possède et à qui il appartient. Maintenant donc j'offre ce droit de Mère et je le remets entre Vos mains, afin que Votre Fils et le mien soit sacrifié pour la Rédemption du genre humain. O Seigneur, recevez mon Sacrifice et mon Offrande acceptable puisque je n'offrirais pas tant si je souffrais et si j'étais sacrifiée, non seulement parce que mon Fils est vrai Dieu et de Votre propre Substance, mais aussi du côté de ma douleur et de ma peine. Parce que si je mourais et si les sorts étaient changés pour que Sa Vie très Sainte fût conservée, ce serait pour moi un sujet de grand soulagement et la satisfaction de mes désirs.» Le Père Éternel accepta cette oraison de la grande Reine avec une complaisance ineffable. Il ne fut accordé au Patriarche Abraham que la figure et le geste du sacrifice de son fils (Gen. 22: 12) parce que le Père Éternel en réservait l'exécution et la vérité pour son propre Fils Unique. Il ne fut pas non plus rendu compte à Sara la mère d'Isaac, de cette cérémonie mystique, non seulement à cause de la prompte obéissance d'Abraham, mais aussi parce que cela seulement ne put même être confié à l'amour maternel de Sara qui par aventure eût empêché le Commandement du Seigneur, quoiqu'elle fût sainte et juste. Mais il n'en fut pas ainsi avec la Très Sainte Marie, parce que le Père Éternel put lui confier sans crainte Sa Volonté éternelle, afin qu'Elle coopérât avec proportion avec la Volonté même du Père au Sacrifice du Fils Unique.

6, 22, 1377. La Très Invincible Mère acheva cette oraison et Elle connut que les ministres impies de la Passion voulaient donner au Seigneur la boisson du vin mêlé de fiel que disent (Matt. 27: 34; Marc 15: 23) saint Matthieu, et saint Marc. Pour ajouter ce nouveau tourment à notre Seigneur, les Juifs prirent occasion de la coutume qu'ils avaient de donner aux condamnés àmort une potion de vin fort et aromatique, avec quoi les esprits vitaux se confortaient pour supporter avec plus de courage les tourments du supplice. Cette pitié décrivait de ce que Salomon laissa écrit dans les proverbes (Prov. 31: 6): «Donnez du cidre àceux qui sont tristes, et du vin à ceux qui souffrent l'amertume du coeur.» La perfide cruauté des Juifs impies prétendit commuer en une plus grande peine pour notre Sauveur cette boisson qui pouvait être de quelque secours et de quelque soulagement dans les autres justiciés, en la Lui donnant très amère et mêlée de fiel, de sorte qu'elle n'eut en Lui d'autres effets que Le tourment de l'amertume. La divine Mère connut cette inhumanité et Elle pria le Seigneur avec beaucoup de larmes et avec une compassion maternelle de ne la point boire. Sa Majesté condescendit à la prière de Sa Mère de telle sorte que sans Se refuser tout à fait à cette nouvelle douleur, Il goûta la potion amère, mais ne la but pas (Matt. 27: 34).

6, 22, 1378. C'était déjà la sixième heure qui correspond àcelle de midi et pour crucifier le Seigneur nu, les ministres de la justice Le dépouillèrent de Sa tunique sans couture et de Ses habits. Et comme la tunique était fermée et longue, ils L'en dépouillèrent en la tirant par la Tête, sans Lui ôter la couronne d'épines; et par la violence qu'ils firent ils arrachèrent la tunique et la couronne avec une cruauté démesurée, et ils agrandirent de nouveau les plaies de Sa Tête sacrée et en quelques-unes demeurèrent les pointe des épines, lesquelles étant si dures et si acérées, se rompirent par la force avec laquelle les bourreaux arrachèrent la tunique tirant en même temps la couronne, et ils la fixèrent de nouveau dans la Tête de Jésus avec une cruauté très impie, ouvrant plaies sur plaies. Ils renouvelèrent en même temps toutes les plaies de Son Corps sacré, parce que Sa tunique y était déjà collée et en L'en dépouillant ce fut comme dit David (Ps. 68: 27), "ajouter de nouveau à la douleur de Ses blessures." Ils dépouillèrent et vêtirent quatre fois notre bien-aimé Sauveur dans Sa Passion. La première fois pour Le flageller à la colonne; la second pour Lui mettre la pourpre dérisoire; la troisième quand ils Lui ôtèrent la pourpre et Le revêtirent de Sa tunique; la quatrième fut celle-ci du Calvaire pour ne plus Le revêtir: et Il fut plus tourmenté en cette fois-ci, parce que les blessures furent plus nombreuses, Son Humanité très Sainte était très débilitée; et sur le mon Calvaire Il était plus à découvert et plus offensé par le vent; car cet élément aussi eut permission de L'affliger dans Sa Mort par la rigueur du froid.

6, 22, 1379. A toutes ces peines s'ajoutait la douleur d'être nu en présence de Sa Très Sainte Mère et des femmes dévotes qui L'accompagnaient, ainsi que de la multitude qui était là. Sa pudeur ne se réserva que le linge de dessous en guise de caleçon que Sa Très Sainte Mère Lui avait mis sous Sa tunique en Égypte, car les bourreaux ne purent le Lui ôter ni pour Le flageller, ni pour Le dépouiller et Il fut mis avec cet habit dans le sépulcre; et c'est ce qui m'a été manifesté plusieurs fois [b]. Il est vrai que pour mourir dans une pauvreté souveraine et sans porter ni avoir sur Lui aucune chose de toutes celles dont Il était le Créateur et le véritable Seigneur, notre doux Rédempteur serait mort volontiers dépouillé totalement et sans ce caleçon, si la volonté de Sa Très Sainte Mère ne fût intervenue, car ce fut Elle qui le demanda ainsi, et Notre-Seigneur Jésus-Christ le lui accorda, parce qu'Il satisfaisait par ce genre d'obéissance filiale à la pauvreté souveraine en laquelle Il désirait mourir. La sainte Croix était étendue sur la terre et les bourreaux préparaient ce qui était nécessaire pour Le crucifier ainsi que les deux autres qui devaient mourir en même temps. Pendant que tout cela se disposait notre Rédempteur et notre Maître pria Son Père et dit:

6, 22, 1380. «Mon Père Éternel et Mon Seigneur et Mon Dieu, J'offre à Ta majesté incomparable, de Bonté et de Justice Infinie, tout l'être humain et les Oeuvres que J'ai opérées en lui par Ta Volonté très Sainte, descendant de Ton sein en cette chair passible et mortelle, pour racheter en elle mes frères les hommes. Avec Moi, Je T'offre, Seigneur, Ma Très Sainte Mère, son amour, ses oeuvres très parfaites, ses douleurs, ses peines, ses soins et sa très prudente sollicitude à Me suivre, à M'imiter et à M'accompagner jusqu'à la Mort. Je T'offre le petit troupeau de mes Apôtres, la Sainte Église et la congrégation des fidèles qui est maintenant et qui sera jusqu'à la fin du monde, et avec elle tous les mortels enfants d'Adam. Je mets le tout en Tes mains, comme en celles d'un vrai Dieu et d'un Seigneur Tout-Puissant; et en autant qu'il est de Mon côté, Je souffre et Je meurs pour tous volontairement, et Je veux que tous soient sauvés, si tous veulent Me suivre et profiter de Ma Rédemption, afin que d'esclaves ils passent à être Tes enfants, Mes frères et Mes cohéritiers par Ma grâce que Je leur ai méritée. Je T'offre spécialement, Mon Seigneur, les pauvres, les affligés et les méprisés qui sont Mes amis et qui Me suivront par le Chemin de la Croix. Et Je veux que les justes et les prédestinés soient écrits dans Ta Mémoire éternelle. Je Te supplie, ô Mon Père, de retenir le châtiment et de suspendre le fléau de la Justice à l'égard des hommes afin qu'ils ne soient point châtiés comme leurs péchés le méritent et d'être dès cette heure leur Père comme Tu es le Mien. Je Te supplie de même pour ceux qui assistent à Ma Mort avec une pieuse affection, afin qu'ils soient illustrés de Ta Lumière divine; et pour tous ceux qui Me persécutent, afin qu'ils se convertissent àla Vérité et Je Te prie surtout pour l'exaltation de Ton ineffable et Très Saint Nom.»

6, 22, 1381. Cette oraison et ces demandes de notre Sauveur Jésus furent connues de Sa Très Sainte Mère, et Elle L'imita et pria le Père respectivement selon ce qui la regardait. La Très Prudente Vierge n'oublia ni n'omit jamais l'accomplissement de cette première Parole qu'Elle entendit de la bouche de son Fils et son Maître nouveau-né [c]: «Assimile-toi à Moi, Mon Amie.» Et toujours s'accomplit la promesse que lui fit le même Seigneur, de ce qu'en retour de L'être humain qu'Elle avait donné au Verbe éternel de son sein Virginal, Sa Toute-Puissance lui donnerait un autre être nouveau de grâce Divine et éminente au-dessus de toutes les créatures. Et la Science et la Lumière très sublime avec laquelle l'Auguste Reine connaissait toutes les opérations de la Très Sainte Humanité de son Fils, sans qu'aucune ne lui fût cachée et qu'Elle le perdît de vue, appartenait à ce Bienfait. Et comme Elle connut les opérations de son Fils, ainsi Elle les imita; de telle sorte qu'Elle fut toujours soigneuse à y prêter attention, profonde à les pénétrer, prompte à les exécuter et forte et très intense dans les opérations. Et en cela la douleur ne la troublait point, l'angoisse ne l'empêchait point, la persécution ne l'embarrassait point, et l'amertume de la Passion ne l'attiédit point. Et bien que cette constance de la grande Reine fût admirable elle
l'eût été moins si Elle n'eût assisté à la Passion et aux tourments de son Fils que par les sens, à la manière des autres justes. Mais il n'en fut pas ainsi; parce qu'elle fût unique et singulière en tout; car, comme je l'ai déjà dit, Elle éprouva dans son corps Virginal les douleurs intérieures et extérieures que notre bien-aimé Sauveur souffrait dans Sa Personne. Et selon cette correspondance nous pouvons dire que la divine Mère aussi fut flagellée, couronnée d'épines, couverte de crachats, souffletée, qu'Elle porta la Croix sur ses épaules et qu'Elle y fut clouée, parce qu'Elle sentit tous ces tourments et les autres dans son corps très pur, quoique d'une manière différente; mais avec une ressemblance souveraine, parce que la Mère fut en tout le Portrait Vivant de son Fils. Outre la grandeur et la dignité qui devait correspondre en la Très Sainte Marie à celle du Christ avec toute la proportion possible qu'Elle eut, cette merveille renferme un autre mystère qui fut de satisfaire en quelque manière à l'Amour de Jésus-Christ et àl'excellence de Sa Passion et à Son Agrément, cette Passion demeurant par tout cela copiée en quelque pure Créature, et aucune n'avait tant de droit à ce Bienfait que Sa propre Mère.

6, 22, 1382. Pour marquer les trous des clous dans la Croix, les bourreaux commandèrent avec une orgueil impérieux au Créateur de l'Univers, ô témérité formidable! de S'y étendre! et le Maître de l'humilité obéit sans résistance. Mais par un instinct cruel et inhumain, ils marquèrent les trous qu'ils devaient faire inégaux au Corps très Saint et plus éloignés pour ce qu'ils devaient en faire ensuite. La Mère de la Lumière connut cette nouvelle impiété et ce fut l'une des plus grandes afflictions que son Coeur très chaste souffrit en toute la Passion; parce qu'Elle pénétra les intentions dépravées de ces ministres du péché, et Elle prévit les tourments que son Très Saint Fils souffrirait quand ils Le cloueraient à la Croix. Mais Elle ne put y remédier, parce que le Seigneur Lui-même voulait souffrir aussi cette affliction pour les hommes. Et lorsque Sa Majesté Se leva, afin qu'ils perçassent la Croix, la céleste Dame accourut et Elle Le tint d'un bras et Elle L'adora et Lui baisa la main avec un respect souverain. Les bourreaux donnèrent lieu à cela, parce qu'ils jugeaient qu'à la vue de Sa Mère le Seigneur serait plus affligé; et ils ne Lui épargnèrent aucune des douleurs qu'ils purent Lui donner. Mais ils ne comprirent point le mystère, parce que Sa Majesté n'eut point dans Sa Passion de consolation plus grande que de voir Sa Très Sainte Mère et la beauté de son Âme et en Elle le Portrait de Lui-même et l'entière acquisition du Fruit de Sa
Passion et de Sa Mort; et cette joie conforta en quelque manière notre Sauveur bien-aimé en cette heure.

6, 22, 1383. Les trois trous étant formés dans la sainte Croix, les bourreaux commandèrent une seconde fois à Notre-Seigneur Jésus-Christ de S'y étendre pour Le clouer. Et le puissant et suprême Roi, Auteur de la patience, obéit et Se posa sur la Croix, étendant les bras sur cet heureux bois, selon la volonté des ministres de Sa Mort. Sa Majesté était si défaillant, si défiguré, si exsangue que si la raison naturelle et l'humanité avaient eu quelque place dans l'impiété très féroce de ces hommes, il n'eût pas été possible que la cruauté trouvât quelque objet en quoi opérer, entre la mansuétude, l'humilité, les plaies et les douleurs de l'innocent Agneau. Mais il n'en fut pas ainsi; parce qu'alors les Juifs et les ministres -- ô jugement occultes et terribles du Seigneur! -- étaient transformés en la haine mortelle et la mauvaise volonté des démons et dépouillés des affections d'hommes sensibles et terrestres, et ainsi ils opéraient avec une indignation et une fureur diaboliques.

6, 22, 1384. Aussitôt l'un des bourreaux prit la main de notre Sauveur Jésus et l'assujettit à l'ouverture pratiquée dans la Croix, un autre bourreau le cloua, pénétrant à coups de marteau la paume du Seigneur avec un gros clou carré. Avec cela les os de cette main sacrée qui avait formé les Cieux se déboîtèrent, et les veines et les nerfs se rompirent. Le bras n'arrivait pas au trou pour clouer l'autre main; parce que les nerfs s'étaient retirés, et ils les avaient perforés trop distants, comme je l'ai déjà dit; et pour remédier à ce défaut ils prirent la même chaîne avec laquelle le Très Doux Sauveur avait été enchaîné dès le jardin; et Lui entourant le poignet avec l'une des extrémités, où il y avait un anneau comme des menottes, ils tirèrent avec une cruauté inouïe de l'autre extrémité, et ils ajustèrent la main avec le trou et ils la clouèrent avec un autre clou. Ils passèrent aux pieds et les ayant posés l'un sur l'autre les amarrant avec la même chaîne et tirant par elle avec une grande force et une grande cruauté, ils les clouèrent ensemble avec le troisième clou [d] un peu plus fort que les autres. Ce Corps sacré en qui était unie la Divinité demeura fixé à la sainte Croix et cette structure de Ses membres déifiés et formés par l'Esprit-Saint, si défaite et si déboîtée qu'on pouvait Lui compter les os (Ps. 21: 18); parce qu'ils étaient tous disloqués et saillants hors de leur lieu naturel.
Ceux de la poitrine et des épaules se démirent et tous se murent de leur place, cédant à la cruauté violente des bourreaux.

6, 22, 1385. On ne peut exprimer par notre langue et notre discours la pondération des douleurs de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans ce tourment et combien Il souffrit. On ne pourra le connaître davantage qu'au jour du jugement pour justifier Sa cause contre les réprouvés et afin que les Saints Le louent et Le glorifient dignement. Mais maintenant que la foi de cette vérité nous donne permission et nous oblige à étendre le jugement, si toutefois nous l'avons, je prie et supplie les enfants de la Sainte Église de considérer chacun en particulier un Mystère si vénérable; pondérons-le et pesons-le avec toutes ses circonstances et nous trouverons des motifs efficaces pour abhorrer le péché et ne point le commettre de nouveau, puisqu'il est la cause pour laquelle l'Auteur de la Vie a tant souffert. Regardons et considérons l'esprit de Sa Mère-Vierge si opprimée, et son corps très pur si entouré de douleurs; car par cette Porte de la Lumière nous entrerons à la con