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Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)

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Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Empty Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)

Message par M1234 Lun 27 Fév 2017 - 14:50

Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Angele_foligno_tit_1

XIX
Tentations et douleurs

De peur que la grandeur et la multitude des révélations et des visions ne m'enflât, de peur que leur délectation ne m'exaltât, il me fut donné un tentateur à mille formes qui multiplie autour de moi les tentations et les peines : peines du corps et peines de l'âme. D'innombrables tourments déchirent mon corps : ils viennent des démons, qui les excitent de mille manières. Je ne crois pas qu'on puisse exprimer les douleurs de mon corps. Il ne me reste pas un membre qui ne souffre horriblement. je ne suis jamais sans douleur et sans langueur, toujours débile et fragile, au point de rester couchée, pleine de souffrance. je n'ai pas un membre qui ne soit frappé, tordu, affligé par les démons. je suis faible, gonflée, remplie dans tous mes membres d'une sensibilité douloureuse. je ne me remue qu'avec la plus grande peine ; je suis fatiguée du lit, et je ne peux manger suffisamment.

Quant aux tourments de l'âme, sans comparaison plus nombreux et plus terribles, les démons me les infligent à peu près sans relâche. Je ne peux mieux me comparer qu'à un homme suspendu par le cou qui, les mains liées derrière le dos, et les yeux couverts d'un voile, resterait attaché par une corde à la potence, et vivrait là, sans secours, sans remède, sans appui. je crois même que ce que je subis de la part des démons est plus cruel et plus désespéré. Les démons ont pendu mon âme : et de même que le pendu n'a pas de soutien, mon âme pend sans appui, et mes puissances sont renversées, au vu et au su de mon esprit. Quand mon âme voit ce renversement et cet abandon de mes puissances sans pouvoir s'y opposer, il se fait une telle souffrance que je peux à peine pleurer, par l'excès de la douleur, de la rage et du désespoir ; quelquefois aussi je pleure sans remède. Quelquefois ma fureur est telle, que c'est beaucoup pour moi de ne pas me mettre en pièces. Quelquefois je ne peux m'empêcher de me frapper horriblement, au point de me gonfler la tête et les membres. Quand mon âme assiste au départ et à la chute de ses puissances, le deuil se fait en elle, et je vocifère à Dieu, et je crie sans relâche : Mon Dieu, mon Dieu, ne m'abandonnez pas !

Je souffre un autre tourment : c'est le retour, au moins apparent, des anciens vices. Ce n'est pas qu'ils soumettent réellement mon âme à leur empire, mais ils me torturent cruellement. Les vices même que je n'eus jamais viennent en moi, s'allument et me déchirent. Mais ils ne vivent pas toujours, et leur mort me donne une grande joie. Je suis livrée à de nombreux démons qui ressuscitent en moi les vices que j'avais, et en produisent d'autres que je n'eus jamais. Mais quand je me souviens que Dieu fut affligé, méprisé et pauvre, je voudrais voir tous mes maux redoubler.

Quelquefois, il se produit une affreuse et infernale obscurité où disparaît toute espérance, et cette nuit est horrible. Et les vices que je sens morts dans mon âme ressuscitent dans mon corps ; mais les démons les réveillent en dehors de l'âme, et en excitent d'autres qui n'y furent jamais. Je souffre alors particulièrement dans trois endroits du corps : le feu de la concupiscence est tel dans ces moments-là, qu'avant d'en avoir reçu la défense, je me brûlais avec le feu matériel, dans l'espoir d'éteindre l'autre. Ah ! j'aimerais mieux être brûlée vive ! Je crie, j'appelle la mort, la mort quelle qu'elle soit, et je dis à Dieu : « Si je suis damnée, eh bien ! tout de suite : pas de retard ; puisque vous m'avez abandonnée, achevez, achevez, et que l'abîme m'engloutisse. » Et, je comprends alors que ces vices ne sont pas dans l'âme, puisqu'elle n'y consent jamais, et que c'est le corps qui souffre violence. L'ennui se joint à la douleur et, si cela durait, le corps n'y tiendrait pas. L'âme se voit dépourvue de ses puissances, et quoiqu'elle ne consente pas aux vices, elle se voit sans force contre eux : elle voit entre Dieu et elle une effroyable contradiction ; elle voit sa chute et sent son martyre. Un vice que je n'eus jamais vient en moi par une permission spéciale : je sens clairement et je connais qu'il y vient par permission. Il surpasse, je crois, tous les autres ; la vertu par laquelle je le combats est un don manifeste du Dieu libérateur, et si je doutais de Dieu, dans la ruine de toutes mes croyances, ce don senti me rendrait la foi. Il y a là une espérance assurée, tranquille, et le doute est impossible ; la force l'emporte ; le vice a le dessous ; la force me tient suspendue au-dessus de l'abîme. Telle est cette force et telle est la puissance communiquée par elle, que tous les hommes, tous les démons, toutes les ruses de la terre et de l'enfer ne peuvent obtenir de moi-même le plus léger mouvement, et c'est elle qui garde la foi. Et pourtant ce vice que je n'ose nommer m'altère si cruellement, que si la force divine se cache un instant et menace de me quitter, aucune puissance comme aucune honte et aucun châtiment ne m'empêcherait de me ruer sur lui. Mais la force divine survient et me délivre : tous les biens et tous les maux de ce monde ne peuvent plus rien contre lui. Et j'ai souffert ainsi pendant plus de deux ans !

Dans mon âme une certaine humilité et un certain orgueil se combattent douloureusement, et j'ai dégoût de toutes ces choses. Ce genre d'humilité, qui me montre destituée de tout bien, chassée de toute vertu et de toute grâce, qui me montre en moi la multitude des vices et des vides, m'enlève toute espérance et me cache toute miséricorde. Je me vois alors comme la maison du diable, sa dupe, sa fille et son agent, chassée de toute rectitude, de toute véracité, digne du dernier fond de l'enfer inférieur. Cette misérable humilité n'est pas l'autre, la vraie, celle qui écrase l'âme sous la bonté divine sentie. La fausse humilité entraîne tous les maux. Engloutie en elle, je me vois entourée de démons ; dans mon âme et dans mon corps je ne vois que des défauts : Dieu m'est fermé ; puissance grâce, tout est caché. Le souvenir même du Seigneur m'est interdit ; me voyant damnée, je ne m'inquiète que de mes crimes, que je voudrais n'avoir pas commis au prix de tous les biens et de tous les maux qui peuvent être nommés. Au souvenir de mes crimes, je me raidis tout entière pour combattre le démon et triompher de mes vices. Mais je ne vois, pour me sauver, ni porte, ni fenêtre, et je mesure la profondeur de l'abîme où je suis tombée. L'humilité m'a engloutie comme un Océan sans rivage. Je contemple dans l'abîme la surabondance de mes iniquités ; je cherche inutilement par où les découvrir et les manifester au monde : je voudrais aller nue par les cités et par les places, des viandes et poissons pendus à mon cou, et crier : Voilà la vile créature, pleine de malice et de mensonge ! Voilà la graine de vice, voilà la graine du mal. Je faisais le bien aux yeux des hommes ; je faisais dire : Elle ne mange ni poisson, ni viande. Écoutez-moi: j'étais gourmande et ivrogne : je faisais semblant de ne vouloir que le nécessaire ; je jouais à la pauvreté extérieure. Mais je me faisais un lit avec des tapis et des couvertures que j'enlevais le matin pour les cacher aux visiteurs. Voyez le démon de mon âme et la malice de mon cœur ! Écoutez bien : je suis l'hypocrisie, fille du diable : je me nomme celle qui ment ; je me nomme l'abomination de Dieu ! Je me disais fille d'oraison, j'étais fille de colère, et d'enfer et d'orgueil. Je me présentais comme ayant Dieu dans mon âme, et sa joie dans ma cellule, j'avais le diable dans ma cellule, et le diable dans mon âme. Sachez que j'ai passé ma vie à chercher une réputation de sainteté : sachez, en vérité, qu'à force de mentir et de déguiser les infamies de mon cœur, j'ai trompé des nations.

Homicide, voilà mon nom !

Homicide des âmes, homicide de mon âme !

Couchée dans l'abîme, je me roulais aux pieds de mes frères, ceux-là qu'on appelle mes fils, et je leur disais : « Ne me croyez plus ; ne me croyez plus. Est-ce que vous ne voyez pas que je suis possédée ? Vous qui vous appelez mes fils, priez la justice de Dieu pour que les démons sortis de mon âme manifestent mes actes dans toute leur horreur, et que Dieu ne soit pas plus longtemps déshonoré par moi. Est-ce que vous ne voyez pas que tout ce que je vous ai dit est mensonge ? Est-ce que vous ne voyez pas que si tout à coup le monde devenait vide de malice, je le remplirais toute seule par la surabondance de la mienne ? Ne me croyez plus. N'adorez plus cette idole où est caché le diable ; tout ce que je vous ai dit est mensonge, et mensonge diabolique. Suppliez la justice de Dieu pour que l'idole tombe et se brise, pour que ses oeuvres diaboliques soient manifestes ; car je me couvrais d'or avec des paroles divines, pour être honorée et adorée à la place de Dieu. Priez pour que le diable sorte de l'idole, afin que le monde ne soit plus trompé par cette femme. C'est pourquoi je supplie le Fils de Dieu, que je n'ose nommer, que, s'il ne me manifeste pas par lui-même, il me manifeste par la terre qui s'ouvre et m'engloutisse, afin que, posée en spectacle et en exemple, je fasse dire aux hommes et aux femmes : « Oh ! comme elle était dorée, dorée en dedans et dorée au dehors ! » Ah ! que je voudrais avoir au cou un collier ou un lacet, et me faire traîner par les places et par les villes : et les enfants me traîneraient et diraient : « Voilà la misérable qui a menti toute sa vie ! » Et les hommes crieraient, ainsi que les femmes : « Oh ! voilà le miracle, le miracle qu'a fait Dieu ! La malice cachée de toute sa vie vient d'être manifestée par elle-même ! »

Mais tout cela est peu de chose, et rien ne suffit. Voici un désespoir nouveau, un désespoir inconnu. J'ai absolument désespéré de Dieu et de tous ses biens. C'est fini, c'est réglé, réglé entre lui et moi. J'ai la certitude que dans le monde entier l'enfer n'a pas une proie aussi parfaite que moi-même ; toutes les grâces de Dieu, toutes ses faveurs, tout cela est pour exaspérer mon désespoir et mon enfer ! Oh ! je vous en supplie, mettez-vous en prière ; que la justice de Dieu fasse sortir les démons de l'idole, que la justice de Dieu manifeste mon cœur ; ma tête se fend, mon corps plie, mes yeux sont aveuglés de larmes, mes membres se disjoignent parce que je ne peux pas manifester mes mensonges ! Sache, toi qui écris, que toutes mes paroles ne sont rien auprès de mes maux, de mes iniquités et de mes mensonges ; j'étais toute petite quand j'ai commencé ! Voilà ce que je suis forcée de dire dans le gouffre de l'abaissement. Et puis l'orgueil arrive !

Et je suis faite toute colère, toute superbe, toute tristesse, toute amertume et tout enflure ! Les biens que m'a faits Dieu se changent dans mon âme en amertume infinie. Ils ne me servent à rien i Ils ne remédient à rien ! Ils excitent seulement une douloureuse admiration qui ressemble à une insulte faite à mon désespoir ! Pourquoi toujours en moi ce vide de vertu ? Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ? Et puis je doute et je me dis : Est-ce qu'il m'aurait trompée ? Cette tentation ferme et cache tout bien. Colère, orgueil, tristesse, amertume, enflure et peine, la parole ne peut rien exprimer de tout cela. Quand tous les sages du monde et tous les saints du paradis m'accableraient de leurs consolations et de leurs promesses, et Dieu lui-même de ses dons, s'il ne me changeait pas moi-même, s'il ne commençait au fond de moi une nouvelle opération, au lieu de me faire du bien, les sages, les saints et Dieu exaspéreraient au delà de toute expression mon désespoir, ma fureur, ma tristesse, ma douleur et mon aveuglement !

Ah ! si je pouvais changer ces tortures contre tous les maux du monde, et prendre toutes les infirmités et toutes les douleurs qui sont dans tous les corps des hommes, je croirais tous ceux-ci plus légers et moindres. Je l'ai dit souvent, que mes tourments soient changés contre le martyre, de n'importe quelle espèce !

Mes tourments ont commencé quelque temps avant le pontificat du pape Célestin (1294) ; ils ont duré plus de deux ans, et leurs accès étaient fréquents. Je ne suis pas encore parfaitement guérie, quoique leur atteinte soit maintenant légère, et seulement extérieure. La situation étant changée, je comprends que l'âme, broyée entre l'humilité mauvaise et l'orgueil, subît une immense purgation, par laquelle j'ai acquis l'humilité vraie sans laquelle le salut n'est pas. Et plus grande est l'humilité, plus grande la purgation de l'âme. Entre l'humilité et l'orgueil, mon âme passe par le martyre et passe par le feu. Par la connaissance de ses vides et de ses fautes qu'elle acquiert par cette humilité, l'âme est purgée de l'orgueil et purgée des démons. Plus l'âme est affligée, dépouillée et humiliée profondément, plus elle conquiert, avec la pureté, l'aptitude des hauteurs.

L'élévation dont elle devient capable se mesure à la profondeur de l'abîme où elle a ses racines et ses fondations.

XX
Pèlerinage

Béni soit Dieu et le Père de Notre-Seigneur Jésus, qui nous console en toute tribulation.

Oui, il a daigné consoler la pécheresse en toute tribulation. Après le dix-huitième pas, où le nom de Dieu me faisait crier, après l'illumination que m'apporta le Pater, je sentis la douceur de Dieu, et voici comment. Je considérai l'union en Jésus-Christ de l'humanité et de la divinité. Absorbée dans cette vue, buvant la contemplation et la délectation, j'obéissais dans mon âme à des inspirations intimées par l'attrait. Ce fut jusqu'à cette époque la plus grande joie de ma vie. Pendant la plus grande partie du jour je restai debout dans ma cellule, abîmée dans la prière, enfermée, seule et stupéfaite. Et mon cœur reçut si fort le coup de la joie que je tombai à terre, incapable de parole. Ma compagne courut à moi, s'agita et me crut morte ; mais elle m'ennuyait et me faisait obstacle.

Un jour, au milieu des persévérances de la prière, avant d'avoir tout donné, quoiqu'il s'en fallût de fort peu, pendant une oraison du soir, privée de sentiment divin, je me lamentais et je criais à Dieu : « Tout ce que je fais, je le fais pour vous trouver. Vous trouverai-je, quand je l'aurai fini ?... » La réponse vint. « Que veux-tu ? dit-elle. — Ni or, ni argent, ni le monde entier ; vous seul. — Fais donc et hâte-toi ; quand tu auras terminé, toute la Trinité viendra en toi. » Je reçus beaucoup d'autres promesses ; je fus arrachée à toute douleur, je fus congédiée avec la suavité divine. Puis j'attendis l'exécution. Quand je racontai le fait à ma compagne, je manifestai quelque doute, à cause de la grandeur des promesses : cependant la suavité de l'adieu entretenait mon espérance.

Ce fut alors que je fis à Assise le pèlerinage de saint François, et ce fut pendant la route que la promesse s'accomplit. Pourtant je n'avais pas tout donné aux pauvres. Peu s'en fallait à la vérité ; mais la mort d'un saint homme, qui s'était chargé de mes affaires, en avait retardé la dernière phase. Cet homme, converti par moi, voulut aussi tout donner ; pendant qu'il allait et venait pour cette affaire, il mourut en chemin. Sa sépulture est honorée et illustrée par des miracles.

Revenons à moi. Je faisais donc mon pèlerinage : je priais en route, je demandais entre autres choses au bienheureux François l'observation fidèle de sa règle, à laquelle je venais de m'astreindre ; je demandais de vivre et de mourir dans la pauvreté.

J'étais déjà allée à Rome pour demander au bienheureux saint Pierre la grâce et la liberté qu'il faut pour être pauvre réellement. Par les mérites de saint Pierre et de saint François, je reçus, avec une certitude sensible, le don de la vraie pauvreté. J'étais arrivée à cette grotte au delà de laquelle on monte à Assise par un étroit sentier. J'étais là, quand j'entendis une voix qui disait : « Tu as prié mon serviteur François ; mais j'ai voulu t'envoyer un autre missionnaire, le Saint-Esprit. Je suis le Saint-Esprit, c'est moi qui viens, et je t'apporte la joie inconnue. Je vais entrer au fond de toi, et te conduire près de mon serviteur.

« Je vais te parler pendant toute la route ; ma parole sera ininterrompue et je te défie d'en écouter une autre, car je t'ai liée, et je ne te licherai pas, que tu ne sois revenue ici une seconde fois, et je ne te licherai alors que relativement à cette joie d'aujourd'hui ; mais quant au reste, jamais, jamais, si tu m'aimes. »

Et il me provoquait à l'amour, et il disait : « O ma fille chérie ! O ma fille et mon temple !O ma fille et ma joie ! Aime-moi ! Car je t'aime, beaucoup plus que tu ne m'aimes ! » Et, parmi ces paroles, en voici qui revenaient souvent : « O ma fille, ma fille et mon épouse chérie ! » Et puis il ajoutait : « Oh ! je t'aime, je t'aime plus qu'aucune autre personne qui soit dans cette vallée ! O ma fille et mon épouse ! Je me suis posé et reposé en toi ; maintenant pose-toi et repose-toi en moi. J'ai vécu au milieu des apôtres : ils me voyaient avec les yeux du corps et ne me sentaient pas comme tu me sens. Rentrée chez toi tu sentiras une autre joie, une joie sans exemple. Ce ne sera pas seulement comme à présent le son de ma voix dans l'âme ce sera moi-même. Tu as prié mon serviteur François, espérant obtenir avec lui et par lui. François m'a beaucoup aimé, j'ai beaucoup fait en lui ; mais si quelque autre personne m'aimait plus que François, je ferais plus en elle. »

Et il se plaignait de la rareté des fidèles et de la rareté de la foi, et il gémissait, et il disait : « J'aime d'un amour immense l'âme qui m'aime sans mensonge. Si je rencontrais dans une Âme un amour parfait, je lui ferais de plus grandes grâces qu'aux saints des siècles passés, par qui Dieu fit des prodiges qu'on raconte aujourd'hui. Or personne n'a d'excuse, car tout le monde peut aimer ; Dieu ne demande à l'âme que l'amour ; car lui-même aime sans mensonge et lui-même est l’amour de l’âme. » Pesez ces dernières paroles ; pesez-les. Elles sont profondes.

Que Dieu soit l'amour de l'âme, il me le faisait sentir par une vive représentation de sa passion, et de sa croix qu'il a portée pour nous ; Lui, l'immense ; Lui, le glorieux, il m'expliquait sa passion et tout ce qu'il a fait pour nous, et il ajoutait : « Regarde bien ; trouves-tu en moi quelque chose qui ne soit pas amour ? » Et mon âme comprenait avec évidence qu'il n'y a rien en Lui qui ne soit pas amour. Il se plaignait de trouver en ce temps peu de personnes en qui il puisse déposer sa grâce, et il promettait de faire à ses nouveaux amis, s'il en trouvait, de plus grandes grâces qu'aux anciens. Et il reprenait : « O ma fille chérie, aime-moi ; car je t'aime beaucoup plus que tu ne m'aimes. Aime-moi, ma bien-aimée ; j'aime d'un amour immense l'âme qui m'aime sans malice. » Et il voulait que l'âme, suivant sa puissance et sa capacité, l'aimât du même amour, de l'amour qu'il a pour elle, lui promettant de se donner, si seulement elle le désire. Et il disait toujours : « O ma bien-aimée, à mon épouse, aime-moi ! Mange, bois, dors  toute ta vie me plaira, pourvu que tu m'aimes ! » Il ajouta : « Je ferai en toi de grandes choses en présence des nations, je serai connu en toi, glorifié, clarifié en toi ; le nom que je porte en toi sera adoré à la face des nations. » Il ajouta mille autres choses.

Mais moi, pendant que je l'écoutais, considérant mes péchés et mes défauts, je me disais : Tu n'es pas digne de tous ces grands amours. Le doute me prit, et mon âme dit à Celui qui parlait : « Si tu étais le Saint-Esprit, tu ne me dirais pas ces choses inconvenantes ; car je suis fragile et capable d'orgueil. » Il répondit : « Eh bien, essaie ! essaie de tirer vanité de mes paroles, essaie donc ; tâche un peu ; essaie de penser à autre chose. » Je fis tous mes efforts pour concevoir un sentiment d'orgueil ; mais tous mes péchés me revenant à la mémoire, je sentis une humilité telle que jamais dans toute ma vie. Je tâchai d'avoir des distractions ; je regardai curieusement les vignes le long du chemin. Je tâchai d'échapper aux discours qu'on me tenait ; mais de quelque côté que s'égarât mon œil, la voix disait toujours : « Regarde, contemple ; ceci est ma créature. » Et je sentais une douceur, une douceur ineffable. J'étais tellement aimée — comme le disait la voix — que le Fils de Dieu et de la Vierge Marie s'était incliné vers moi pour me parler. Et Jésus-Christ me disait : « Quand le monde entier viendrait à toi, je te défie de parler à un autre qu'à moi ; mais, puisque me voici, tu possèdes le monde entier. » Et pour me tranquilliser, il me disait : « C'est moi qui ai été crucifié pour toi, moi qui ai souffert pour toi la faim et la soif, moi qui t'ai aimée jusqu'à l'effusion du sang. » Il me racontait sa passion et me disait : « Demande une grâce pour toi, pour tes compagnes, pour qui tu voudras, et prépare-toi à recevoir ; car je suis beaucoup plus prêt à donner que toi à recevoir. » Mon âme cria disant : « Je ne veux pas demander, parce que je ne suis pas digne. » Et tous mes péchés me revenaient à la mémoire. Mon âme ajouta : « Si toi qui me parles depuis le commencement, tu étais le Saint-Esprit, tu ne me dirais pas de telles paroles ; d'ailleurs si le Saint-Esprit était en moi, je devrais mourir de joie. » Il répondit : « Est-ce que je ne suis pas le maître ? Je te donne la joie que je veux, non pas une autre. Il y a un homme à qui j'en ai donné une moindre. Ses yeux se sont fermés, et il est tombé sans connaissance. Je vais te donner encore ce signe de ma présence. Essaie de parler à tes compagnes, essaie de penser à quelque chose de bon ou de mauvais, n'importe quoi ; je te défie de penser à autre chose qu'à Dieu. Je suis le seul qui puisse lier l'esprit. Je n'agis pas en vue de tes mérites, mais en vue de ma bonté. »

Pendant qu'il parlait, je me sentais digne de l'enfer, et ce sentiment avait pour la première fois les caractères de l'évidence. Il ajoutait que si mes compagnes de voyage avaient été mal choisies, je n'aurais pas entendu et éprouvé ce que je venais d'entendre et d'éprouver. Quant à elles, elles s'interrogeaient sur la langueur où elles me voyaient ; car j'étais brisée de douceur. J'avais peur d'arriver ; j'aurais voulu que la route durât jusqu'à la fin du monde. Quant à la joie que je sentais, je renonce à la dire, surtout quand j'entendis :

« C'est moi, le Saint-Esprit, c'est moi qui suis en toi. » Et la douceur venait avec chaque parole. Il m'accompagna jusqu'au tombeau de saint François, suivant sa parole, et ne me quitta pas, et resta avec moi jusqu'après le dîner, et me suivit dans ma seconde visite au tombeau. Quand j'entrai pour la seconde fois dans l'église, je fléchis le genou, et je vis un tableau qui représentait François serré contre la poitrine de Jésus. Alors il me dit : « Je te tiendrai beaucoup plus serré que cela ; je t'embrasserai d'un embrassement trop serré pour être vu. Voici pourtant l'heure où je vais te quitter, à ma fille chérie, à mon temple et mon amour, et ma délectation ; je vais te remplir et te quitter, te quitter quant à cette joie, non, non pas te quitter réellement, pourvu que tu m'aimes ! »

Et bien que cette parole fût amère comme prédiction, elle eut cependant en elle-même une douceur inouïe. Je regardai Celui qui parlait, pour le voir des yeux de l'esprit et des yeux du corps ; je le vis i vous me demandez ce que je vis ? C'était quelque chose d'absolument vrai, c'était plein de majesté, c'était immense ; mais qu'était-ce ? Je n'en sais rien ; c'était peut-être le souverain bien. Du moins cela me parut ainsi. Il prononça encore des paroles de douceur ; puis il s'éloigna. Son départ lui-même eut les attitudes de la miséricorde. Il ne s'en alla pas tout à coup ; il se retira lentement, majestueusement, avec une immense douceur. Et il disait encore : « O ma fille chérie, que j'aime plus qu'elle ne m'aime ! Tu portes au doigt l'anneau de notre amour, et tu es ma fiancée ! Désormais tu ne me quitteras plus : la bénédiction du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit est en toi et sur ta compagne ! » Et mon âme cria : « Puisque vous ne me quitterez plus, je ne crains plus le péché mortel ! » Mais là-dessus il ne voulut pas répondre. Et comme au moment du départ j’avais demandé une grâce pour ma compagne, il en promit une d'un autre genre. Il se retirait, il se retirait ; je compris qu'il m'empêchait de tomber à terre, et qu'il me forçait à rester debout.

Mais, après le départ, lorsque tout fut consommé, je tombai assise et je criai à haute voix, hurlant, vociférant, rugissant sans pudeur et au milieu des hurlements, je crois que je disais : « Amour, amour, amour, tu me quittes, et je n'ai pas eu le temps de faire ta connaissance ! Oh ! pourquoi me quitter ? » Mais je ne pouvais plus parler. Et si je voulais articuler au lieu de paroles, il ne venait que des hurlements, et je rugissais, je rugissais ; si j'essayais de dire un mot, il était couvert par un cri ; on cherchait à m'entendre, et on ne pouvait pas. Cela se passait à la porte de l'église de Saint-François. Tout le peuple s'assembla, je rugissais en présence du peuple. j'étais assise en criant et j'étais languissante pendant que je rugissais. Mes compagnons et mes amis furent pris de honte et s'écartèrent en rougissant. On ne savait pas ce qui m'arrivait ; on se trompait sur la cause. Quant à moi, je disais : « C'est Lui, je ne doute plus, c'est Lui ; j'ai la certitude, c'est Lui, c'est le Seigneur qui m'a parlé. » Je hurlais de douceur et de douleur, car c'était Lui, mais il était parti. « La mort, criai-je la mort ! » Mais ô douleur ! je ne mourais pas, et je vivais, et il était parti 1 mes jointures se séparaient.

Je revins d'Assise, et, chemin faisant, je parlais de Dieu avec une grande douceur, et j'avais grand-peine à me taire. Je me contenais cependant, car je n'étais pas seule. Or, pendant la route, Jésus me parla et me dit : « Moi, Jésus-Christ, qui te parle et qui t'ai parlé, je te donne ce signe que vraiment c'est Moi ; je te donne ta croix et l'amour de Dieu ; je te les donne pour l'éternité. »

Je sentis dans mon âme la croix de l'amour et cela rejaillit sur mon corps, et je sentis la croix corporellement, et mon âme fut liquéfiée. Revenue à la maison, je sentais une douceur tranquille, paisible, trop immense pour être exprimée. Alors vint le désir de la mort ; car cette douceur, cette paix, cette délectation au-dessus des paroles me rendait cruelle la vie de ce monde. Ah ! la mort ! la mort ! et je serais parvenue à la substance même de la douceur dont je sentais de loin quelque chose, et je l'aurais touchée pour toujours, et jamais, jamais perdue ! Ah ! la mort ! la mort ! la vie m'était une douleur au-dessus de la douleur de ma mère et de mes enfants morts, au-dessus de toute douleur qui puisse être conçue. je tombai à terre languissante, et je restai là huit jours, et je criais : « Ah ! Seigneur, Seigneur, ayez pitié de moi ! Enlevez-moi, enlevez-moi. » Je sentis alors des parfums qui ne sont pas de la terre et des effets inexprimables. Quant à la joie, elle fut au delà des paroles. Bien des paroles m'ont été dites souvent, mais non pas avec une telle lenteur, ni une telle douceur, ni une telle profondeur. Pendant que j'étais à terre, ma compagne, admirable de simplicité, de pureté, de virginité, entendit une voix qui disait : « Le Saint-Esprit est dans cette chambre. » Elle s'approcha de moi, et m'adressa ces paroles : « Dis-moi ce que tu as ; car je viens d'entendre une voix qui m'a dit : Approche-toi d'Angèle. » Je lui répondis : « Ce qui t'a été dit ne me déplaît pas. » Et depuis ce jour je lui communiquai quelques-uns de mes secrets.

XXI
La beauté

Un jour j'étais en oraison, élevée en esprit. Dieu me parlait dans la paix et dans l'amour. Je regardai et je le vis.

Vous me demanderez ce que je vis ? C'était lui-même, et je ne peux dire autre chose. C'était une plénitude, c'était une lumière intérieure et remplissante pour laquelle ni parole ni comparaison ne vaut rien. Je ne vis rien qui eût un corps. Il était ce jour-là sur la terre comme au ciel : la beauté qui ferme les lèvres, la souveraine beauté contenant le souverain bien. L'assemblée des saints se tenait debout, chantant des louanges devant la majesté souverainement belle. Tout cela m'apparut en une seconde. Et Dieu me dit : « O ma fille chérie, très aimante et très aimée, tous les saints ont pour toi un amour spécial, tous les saints et ma Mère, et c'est moi qui t'associerai à eux. »

Malgré l'importance de ces paroles, elles me parurent petites. Ce qu'il me disait de sa Mère et de ses saints me touchait peu. L'immensité de délectation que je buvais en Lui, en lui-même, dans sa source, me rendait aveugle vis-à-vis des saints et des anges. Toute leur bonté, toute leur beauté était en Lui, était de Lui ; il était le souverain bien ; il était toute beauté. Et mes yeux se fermaient sur la créature, abîmés de joie dans l'essence du beau. Et il me dit : « Je t'aime d'un amour immense, je ne te le montre pas, je te le cache. » Mon âme répondit : «Mais pourquoi donc mon Seigneur place-t-il ainsi sa joie et son amour dans une pécheresse pleine de turpitudes ? » Et Dieu répondait : « Je te dis que j'ai placé en toi mon amour. Mes yeux voient tes défauts, mais c'est comme si je ne m'en souvenais plus. J'ai déposé en toi, et j'ai caché mon trésor. »

Et ces paroles m'apportaient le sentiment de leur pleine vérité ; et je ne doutais pas, et je sentais, et je voyais que les yeux de Dieu me regardaient ; et mon âme puisa dans son regard la lumière. Qu'un saint descende du paradis, je lui porte le défi d'exprimer ma joie. Et comme il me cachait, disait-il, son amour, à cause de mon impuissance à le porter : « Si vous êtes le Dieu tout-puissant, vous pouvez me donner la force de porter votre amour. » Il répondit : « Tu aurais alors ton désir, et ta faim diminuerait. Ce que je veux, ton désir, ta faim, ta langueur. »

XXII
La puissance

Un jour j'entendis une voix divine qui me disait : « Moi qui te parle, je suis la puissance divine, qui t'apporte une grâce divine. Cette grâce, la voici : je veux que ta vue seule soit utile à ceux qui te verront. Ah ! ce n'est pas tout i je veux que ta pensée, ton souvenir et ton nom portent secours et faveur à quiconque s'en servira. Personne ne pensera à toi en vain. Toute âme qui se souviendra de toi recevra une grâce proportionnée à l'union divine qu'elle possédera déjà. »

Je refusai, malgré ma joie, craignant la vaine gloire.

Mais il ajouta :

« Tu n'as rien à tirer de là, rien, quant à la vanité. Cette gloire n'est pas la tienne ; c'est un fardeau que tu porteras, et ce n'est pas autre chose. Garde-le ; porte-le ; et restitue la gloire à son propriétaire. »

Je compris que j'étais en sûreté. « Et cependant, me dit-il, ta crainte ne m'a pas déplu. »

J'entrai à l'église et j'entendis une parole qui récréa mon Âme. La voix disait : « O ma fille chérie ! Mais elle se servit d'un bien autre nom que je n'ose pas écrire; et elle ajouta : Aucune créature ne peut te donner consolation ; je tiens cela dans mes mains ; je vais te montrer ma puissance. »

Les yeux de l'esprit furent ouverts en moi, je vis une plénitude divine où j'embrassais tout l'univers, en deçà et au delà des mers, et l'Océan, et l'abîme, et toutes choses, et je ne voyais rien nulle part que la puissance divine ; le mode de la vision était absolument inénarrable. 'Dans un transport d'admiration, je m'écriai : « Mais il est plein de Dieu, il est plein de Dieu, cet univers. » Aussitôt l'univers me sembla petit. Je vis la puissance de Dieu qui ne le remplissait pas seulement, mais qui débordait de tous les côtés.

« Je t'ai montré, dit-il, quelque chose de ma puissance. »

Et je compris que, plus tard, je pourrais peut-être en recevoir une intelligence plus élevée.

« Je t'ai montré, dit-il, quelque chose de ma puissance ; regarde mon humilité. »

Je vis un abîme épouvantable de profondeur ; c'était le mouvement de Dieu vers l'homme et vers toutes choses.

Me souvenant de la puissance inénarrable, et voyant l'abîme de la descente, je sentis ce que j'étais ; c'était le rien, absolument rien, un néant, et dans ce néant rien, rien, excepté l'orgueil ! Je tombai dans un abîme de méditation, et, épouvantée d'être indigne à ce point je me dis : Non, non, je ne veux plus communier.

« Ma fille, dit-il, le point où tu es montée est inaccessible à la créature ! Il faut quelque grâce de Dieu très spéciale pour qu'un être vivant soit transporté là. »

Cependant la messe avançait ; le prêtre élevait l'hostie. « La puissance, dit la voix, la puissance est sur l'autel ! Je suis en toi ; si tu me reçois, tu reçois Celui que déjà tu possèdes. Communie donc au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Moi qui suis digne, je te fais digne. »

Je sentis au fond de l'âme l'inénarrable douceur d'une joie tellement immense, qu'elle remplira ma vie avant de s'épuiser.

● ● ●

[1] Jean, XIV, 21 et 23

[2] Il est bien entendu que ces sentiments exceptionnels tiennent à la voie exceptionnelle par où était conduite Angèle de Foligno. Les dernières lignes, du reste, ne laissent aucun doute à cet égard. (Note du traducteur)

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE
     



     


Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Extase

A suivre)


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Message par M1234 Mar 28 Fév 2017 - 9:57

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DEUXIÈME PARTIE
● ● ●

XXIII
La Sagesse
Un jour, une personne me demanda de prier Dieu pour obtenir certaines connaissances qu'elle voulait avoir. J'hésitais, sa demande me paraissait pleine de sottise et d'orgueil.

Pendant que j'étais dans cette pensée, je fus ravie en esprit. Je fus posée dans ce ravissement près d'une table sans commencement ni fin ; je ne voyais pas la table, mais je voyais ce qui était placé sur elle. C'était une plénitude divine, une plénitude inénarrable, qui n'a aucun rapport avec aucune expression ; c'était la plénitude, la Sagesse divine et le souverain bien.

Et dans la vision de la divine Sagesse, je voyais qu'il n'est pas permis de l'interroger sur certaines voies futures et secrètes qu'elle choisira dans l'avenir ; car il y a un manque de respect à vouloir marcher devant elle. Quand j'aperçois des hommes livrés à ces investigations, leur erreur est visible pour moi. Le mystère que j'aperçus, sous la ressemblance d'un objet étendu sur une table, m'a laissé une intelligence profonde qui discerne, au premier mot que j'entends, les personnes et les choses spirituelles. Je ne juge plus comme autrefois de mon ancien jugement, qui était erreur et péché. Je juge d'un jugement vrai, qui me permet d'entrevoir le défaut de mon ancien jugement. Je ne peux pas raconter cette vision ; car la table est le seul objet sensible dont l'idée ou le nom m'ait été présenté à l'esprit.

Quant au mystère même de la vision, il échappe à la parole.

XXIV
La Justice

Un jour, j'étais en oraison ; je fis des questions, non pas pour sortir d'un doute, mais parce que je brûlais d'en savoir plus sur Dieu, et je lui dis : «  Pourquoi avez-vous créé l'homme ? Pourquoi avez-vous permis sa chute ? Pourquoi la passion de votre Fils, quand vous aviez, pour nous racheter, tant d'instruments dans les mains ? » Je sentais jusqu'à l'évidence qu'en effet Dieu pouvait nous vivifier et nous sauver autrement. Je me sentais poussée et forcée à faire des questions. J'aurais voulu dans ce moment me fixer dans la prière pure et simple ; mais Dieu me contraignit à l'interroger. Je restai plusieurs jours ainsi, toujours interrogeant, et cependant la question ne venait pas du doute. Je comprenais que Dieu avait choisi la voie la plus appropriée à sa bonté et à nos besoins ; mais cela ne suffisait pas, car je voyais clairement qu'il eût pu agir d'une tout autre manière.

Il vint un moment où je fus ravie en esprit ; je vis alors que le mystère de ses voies est un mystère sans commencement ni fin. Ravie dans l'immense ténèbre, mon âme voulut rétrograder vers elle-même. Impossible ! Elle voulut aller plus avant. Impossible ! Puis, enlevée plus haut, elle aperçut la puissance inénarrable, puis la justice de Dieu, sa volonté, sa bonté, et je découvris au fond d'elles les choses que j'avais cherchées. Tout à coup mon âme fut arrachée à l'immense ténèbre. Pendant qu'elle y avait été abîmée, mon corps était étendu à terre ; mais quand vint la lumière, je me relevai vivement, me tenant sur l'extrémité de mes doigts de pied. L'agilité de mon corps était inouïe, et je crus sentir que j'étais créée pour la seconde fois. Je plongeai mon regard avec une joie immense dans la volonté de Dieu, dans sa puissance, dans sa justice, et au delà de mes espérances, je buvais avec transport l'intelligence des mystères ; mais leur manifestation est interdite aux paroles, parce qu'ils dépassent la nature.

Je savais que Dieu pouvait nous sauver autrement ; mais je n'avais jamais compris comment le mode de rédemption qu'il a choisi constitue de lui à nous la plus haute manifestation de sa bonté, et l'union la plus intime, celle qui se fait par la bouche, l'union eucharistique.

Ce jour-là, j'arrivai à une telle connaissance de la justice de Dieu et de la rectitude de ses jugements, à une telle satisfaction, à une telle tranquillité, que dans aucune hypothèse je n'éprouverais ni douleur, ni négligence, ni relâchement dans la prière. Cette vision m'a laissé dans l'âme une paix, un repos, une tranquillité sans exemple, une tranquillité éternelle. Mais je n'ai pas tout dit.

Après avoir contemplé la volonté de Dieu, sa puissance et sa justice, je fus ravie à une plus grande hauteur où je ne vis plus rien de tout cela, et le mode de vision fut changé. Je vis une unité éternelle, inexprimable, dont je ne puis rien dire, sinon qu'elle est le tout bien. Et mon âme, dans le délire de sa joie, ne distinguait plus l'amour et contemplait l'inénarrable.

J'étais sortie de ma première vision, j'étais entrée dans l'inénarrable : avec mon corps ou sans mon corps, je l'ignore pleinement. Tous les états que j'avais connus étaient moins grands que celui-ci. Cette vision laissa en moi la mort des vices et la sécurité des vertus. J'aime tous les biens et tous les maux, les bienfaits et les forfaits. Rien ne rompt pour moi l'harmonie. Je suis dans une grande paix, dans une grande vénération des jugements divins. Le matin et le soir, dans mes prières, je dis : Par votée justice, délivrez-moi, Seigneur ; par vos jugements, délivrez-moi, Seigneur ; j'ai la même confiance et la même délectation que quand je dis : Par votre avènement, délivrez-moi, Seigneur; par votre Nativité, délivrez-moi, Seigneur ; par votre Passion, délivrez-moi, Seigneur. Je ne vois pas mieux la bonté de Dieu dans un saint ou dans tous les saints, que dans un damné ou dans tous les damnés. Mais cet abîme ne me fut montré qu'une fois ; le souvenir et la joie qu'il m'a laissées sont éternels. Si, par un malheur impossible, toutes les vérités de la foi m'abandonnaient, il me resterait, dans mon naufrage, une certitude de Dieu, et de ses jugements, et de la justice de ses jugements.

Mais, à profondeur ! ô profondeur ! ô profondeur ! ô profondeur ! toute créature sert au salut des prédestinés ! C'est pourquoi l'âme, qui, descendue dans l'abîme, a jeté un coup d’œil sur les justices de Dieu, regardera désormais toutes les créatures comme les servantes de sa gloire.

XXV
L’Amour

C'était pendant le carême ; j'étais sèche et sans amour. Je priais Dieu de me donner quelque chose de lui-même ; car, moi, je n'avais rien. Les yeux intérieurs furent ouverts en moi, et je vis l'amour qui venait à moi. Je vis son principe, mais non sa fin. Ce que je voyais avait un prolongement, sans avoir de limite. Les couleurs ne me fourniraient aucun terme de comparaison. Quand l'amour arriva à moi, je le vis avec les yeux de l'âme beaucoup plus clairement que je n'ai jamais rien vu avec les yeux du corps.

Je dirai, si vous voulez, que l'amour prit, en me touchant, la ressemblance d'une faux. Je vous supplie de ne pas croire qu'il s'agisse d'une ressemblance commensurable. Mais il me sembla qu'un instrument tranchant me touchait, puis il se retirait, ne pénétrant pas autant qu'il se laissait entrevoir. Je fus remplie d'amour ; je fus rassasiée d'une plénitude inestimable. Mais écoutez le secret : cette satiété engendrait une faim inexprimable, et mes membres se brisaient et se rompaient de désir, et je languissais, je languissais, je languissais vers ce qui est au delà. Ni voir, ni entendre, ni sentir la créature. Oh ! silence ! silence !

Mais il y avait un cri au dedans. Oh ! ne me faites plus languir ! Oh ! la mort ! la mort ! car la vie m’est une mort. La mort ! bienheureuse Vierge ! Prenez avec vous les apôtres ! Allez ensemble, ensemble devant le Très-Haut ; et puis, à genoux, à genoux tous à la fois, pour qu’il ne veuille plus, pour qu’il ne permette plus que je souffre. À genoux tous, pour que j’arrive vers Celui que je sens ! Saint François, à genoux ! à genoux, Évangéliste ! Je criais, je conjurais : il approche, pensais-je, il approche. Voilà que je deviens tout amour ! Il y en a beaucoup qui se croient dans l'amour, et qui sont dans la haine ; d'autres, qui se croient dans la haine, et qui sont dans l'amour. Je désirais voir ceci d'une vue claire, Dieu me donna l'évidence, je demeurai satisfaite. Je fus remplie d'un amour auquel je ne crains pas de promettre l'éternité ; et si une créature me prédisait la mort de mon amour, je lui dirais : « Tu mens »  ; et si c'était un ange, je lui dirais : « Je te connais ; c'est toi qui es tombé du ciel. » Je vis en moi deux parts, comme si une déchirure m'avait coupée en deux. Ici ce qui est de Dieu, l'amour et le souverain bien ; et là, ma part, sécheresse et vide, vide absolu.

Et, dans cette lumière, je vis que ce n'était pas moi qui aimais. Je me voyais pourtant dans l'amour ; mais c'était en vertu d'un don.

L'amour se rapprocha ; il me fit une plus ardente brûlure ; et puis, voici le désir, le désir d'aller là où il est. Je ne sais pas si au-dessus de cet amour il y en a un autre, à moins de parvenir à l'amour mortel ; car il y en a un qui donne la mort. Entre l'amour généreux et l'amour mortel, il y a un amour intermédiaire qui ferme les lèvres, parce que sa joie et son abîme sont au delà des paroles, on m'eût fait un mal horrible, si on m'eût conté la Passion, et si on eût nommé Dieu devant moi, parce qu'à ce nom, je suis délectée d'une si infinie jouissance, que je suis crucifiée de langueur et d'amour.

Et pourtant, tout ce qui est moins grand que ce Nom me devient un autre supplice.

Ah ! qu'on ne me parle plus ni de l'Évangile, ni de la vie de Jésus-Christ, ni d'aucune parole divine ! Tout cela ne me paraîtrait plus rien. Je vois en Dieu de plus grandes grandeurs !

Silence devant l'incomparable !

Et quand je reviens de cet amour, je suis dans une joie immense; je suis angélique et j'aime jusqu'aux démons. [3]

En cet état le péché me plaît, quand je le vois commis par d'autres, parce que je sens que Dieu le permet justement. En cet état, si un chien me mordait, je n'y ferais aucune attention, et je ne sentirais pas la douleur. En cet état, la Passion de Jésus-Christ ne me laisse ni souvenir, ni douleur. En cet état, je n'ai plus de larmes.

Or cette attitude me transporte au-dessus des régions qu'habitait saint François. Il vécut au pied de la croix, par un souvenir continuel. Souvent j'habite à la fois différents degrés de l'échelle ; je désire voir cette chair morte pour nous et parvenir à elle. Cet amour, éperdu de délices, se souvient de la Passion sans éprouver aucune douleur. Une fois le souvenir du précieux sang, du sang inestimable avec qui le salut coula sur le monde, se mêla avec l'amour sans parole et supérieur. Je m'étonnai, je m'en souviens, de voir ces amours debout ensemble, au même moment ; mais la douleur était totalement absente. La Passion n'est plus pour moi qu'une lumière qui me conduit.

XXVI
La Grande ténèbre

Un jour mon âme fut ravie et je vis Dieu dans une clarté supérieure à toute clarté connue, et dans une plénitude supérieure à toute plénitude. Au lieu où j'étais, je cherchai l'amour, et ne le trouvai plus. Je perdis même Celui que j'avais traîné jusqu'à ce moment, et je fus faite le non-amour. [4]

Alors je vis Dieu dans une ténèbre, et nécessairement dans une ténèbre, parce qu'il est situé trop haut au-dessus de l'esprit, et tout ce qui peut devenir l'objet d'une pensée est sans proportion avec lui.

Il me fut alors donné une confiance parfaite, une espérance certaine, une sécurité sans ombre et sans obscurcissement, continuelle et garantie.

Dans le bien infini, qui m'apparut dans la ténèbre, je me recueillis tout entière, et au fond je trouvai la paix, la certitude de Dieu avec moi, je trouvai l'Emmanuel.

Souvent je vois Dieu ainsi suivant le mode ineffable et dans la plénitude absolue, qui ne peut être ni exprimée par la bouche, ni conçue par le cœur. Dans le bien certain et secret, que j'aperçois avec une immense ténèbre, est enfouie mon espérance ; en Lui je sais et je possède tout ce que je veux voir et posséder, en Lui est le tout bien. Je ne puis craindre ni son départ, ni le mien, ni aucune séparation. C'est une délectation ineffable dans le bien qui contient tout, et rien là ne peut devenir l'objet ni d'une parole ni d'une conception. Je ne vois rien, je vois tout : la certitude est puisée dans la ténèbre. Plus la ténèbre est profonde, plus le bien excède tout ; c'est le mystère réservé. Ensuite je vois avec ténèbre que Celui qui est là, au-dessus de tout, surpasse jusqu'au bien absolu. Et tout le reste est ténèbre, et tout ce qu'on peut penser est tout petit à côté.

Faites attention. La divine puissance, sagesse et volonté, que j'ai vue ailleurs merveilleusement, paraît moindre que ceci.

Celui-ci c'est un tout ; les autres, on dirait des parties ; les autres, quoique inénarrables, donnent une joie qui rejaillit dans le corps.

Mais quand Dieu paraît dans la ténèbre, ni rire, ni ardeur, ni dévotion, ni amour, rien sur la face, rien dans le cœur, pas un tremblement, pas un mouvement. Le corps ne voit rien les yeux de l'âme sont ouverts. Le corps repose et dort, la langue coupée et immobile : toutes les amitiés que Dieu m'a faites, nombreuses et inénarrables, et ses douceurs et ses dons, et ses paroles et ses actions, tout cela est petit à côté de Celui que je vois dans l'immense ténèbre ; et si tout me trompait, il me resterait la paix suprême, à cause de l'immense ténèbre où repose le tout bien.

À l'altitude ineffable de voir Dieu dans l'immense ténèbre, mon âme fut ravie trois fois. Je l'ai vu mille fois avec ténèbre, mais trois fois seulement dans l'obscurité suprême. Mon corps est travaillé par les infirmités : le monde me poursuit avec ses épreuves et ses amertumes ; les démons m'affligent et me persécutent presque continuellement ; ils ont puissance sur moi. Dieu leur a permis d'affliger mon âme et mon corps, et je vois presque matériellement les assauts qu'ils me livrent.

De l'autre côté Dieu m'entraîne à lui, par le bien suprême que je vois dans la nuit noire. Dans l'immense ténèbre, je vois la Trinité sainte, et dans la Trinité, aperçue dans la nuit, je me vois moi-même, debout, au centre.

Voilà l'attrait suprême, près de qui tout n'est rien, voilà l'incomparable.

Mes paroles me font l'effet d'un néant ; qu'est-ce que je dis ? Mes paroles me font horreur, à suprême obscurité ! Mes paroles sont des malédictions, mes paroles sont des blasphèmes. Silence ! silence ! silence ! silence ! Quand j'habite dans l'ombre noire, je ne me souviens plus de l'humanité de Jésus-Christ, du Dieu-homme, ni de quoi que ce soit qui ait une forme. Je vois tout et je ne vois rien.

Sortant de l'obscurité, je recommence à voir l'Homme-Dieu ; il attire mon âme avec douceur, et il dit quelquefois : Tu es moi, et je suis toi.

Je vois ses yeux ; je vois sa face miséricordieuse ; il embrasse mon âme, il la serre contre lui, il la serre d'un embrassement immensément serré. Ce qui procède de ses yeux et de sa face est le bien qu'on voit dans la nuit noire. C'est la chose qui sort du fond, et l'inénarrable délectation vient avec elle. Dans l'Homme-Dieu mon âme puise la vie, elle se maintient en lui plus longtemps que dans la vision obscure. Mais l'attrait de l'immense ténèbre est incomparablement supérieur, au moins pour moi, à l'attrait de l'Homme-Dieu. l'habite désormais dans l'Homme-Dieu presque continuellement. Un jour je reçus de lui cette assurance qu'entre lui et moi il n'y a rien qui ressemble à un intermédiaire. Depuis ce moment, de son humanité sur moi la joie coule nuit et jour.

La louange chante en moi, et je dis : « Gloire à vous, Seigneur ! Votre croix est en mon lit ; j'ai pour oreiller la pauvreté ; j'étends et repose mes membres dans la douleur et le mépris. C'est sur ce lit qu'il est né, qu'il a vécu, qu'il est mort. Dieu a tant aimé la société de la douleur et du mépris, qu'il l'a choisie pour son Fils, et le Fils s'est couché dans ce lit, et il s'est accordé avec le Père dans cet amour. C'est dans ce lit que je me suis reposée et que je me repose ; j'espère y mourir et être sauvée par lui. O Jésus ! la joie que j'attends de ces pieds et de ces mains est une joie inénarrable ! Quand je le vois, au lieu de revenir, je voudrais approcher toujours, toujours, et ma vie est une mort. À son souvenir, je deviens muette ; ma langue est coupée. Quand je le quitte, le monde et tout ce que je rencontre augmente ma faim et ma soif. La longueur de l'attente fait de mon désir une peine mortelle. Dans ces visions et consolations, très souvent mon âme est ravie et enchantée par le Dieu très doux à qui soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen. »

XXVII
L’Ineffable

Je fus ravie en esprit et je me trouvai en Dieu suivant un mode inconnu. Je me sentais au milieu de la Trinité par un mode de présence plus grand et plus élevé. Je recevais des biens plus énormes qu'à l'ordinaire, et de ces biens coulaient des joies, des délices, des délectations inénarrables, au-dessus de mes habitudes, et supérieures à mon expérience.

Les opérations divines qui se faisaient dans mon âme étaient trop ineffables pour être racontées par un saint ou par un ange quelconque. La divinité de ces opérations et la profondeur de leur abîme écrase la capacité et l'intelligence de toute âme et de toute créature. Si je parle d'elles, ma parole me fait l'effet d'un blasphème. Je suis arrachée à mes anciennes habitudes. Adieu, vie cachée du Christ que j'ai tant aimée autre fois ; adieu, contemplation profonde de la profondeur, de la profondeur chérie du Père, qui de toute éternité prédestina l'abîme à son Fils, pour lui tenir compagnie ; adieu, pauvreté, souffrances, abjection, qui fûtes la vie du Fils de Dieu, et qui fûtes aussi mon repos sur la terre. Adieu, ténèbres sacrées où j'ai vu la face du Seigneur ; adieu, mon antique joie.

Or, mon ancienne vie m'a été arrachée avec une telle onction, et parmi les oublis d'un si profond sommeil, que je ne sais comment cela s'est fait ; je ne me souviens que d'une chose, c'est que j'ai eu ces choses, et que je ne les ai plus.

Dans les biens ineffables et les nouvelles opérations que subit mon [me, Dieu fait d'abord son opération, puis il se manifeste, et au moment où il se découvre à mon âme, il l'accable sous des dons plus énormes, accompagnés d'une plus haute, d'une plus ineffable lumière.

Or, il se présente de deux manières.

Voici le premier mode de manifestation. Il se manifeste dans l'intime de l'âme : je comprends alors sa présence dans toute nature, dans toute créature qui a reçu le don de l'être, dans le démon, dans l'ange, dans le paradis, dans l'adultère, dans l'homicide, dans toute bonne action, dans tout ce qui a reçu, à un degré quelconque, le don d'exister, dans toute beauté, dans toute turpitude. Quant je suis dans cette vérité, ma joie n'est pas plus immense à contempler Dieu dans une vertu que dans un crime, dans un ange que dans un démon ; ce mode de présence est devenu l'habitude de mon âme. Cette présence est une illustration pleine de grâce et de vérité, et l'âme qui la possède est inaccessible au choc des choses !  Elle apporte les joies divines ; le sentiment profond du Dieu qui est là souffle l'humilité et la confusion ; on se souvient qu'on est pécheur. Avec la consolation et la joie divine, l'âme reçoit la sagesse et la gravité.

Quant au second mode de présence, il est tout à fait différent, et la joie qu'il apporte n'est pas la même joie.

Cette présence inconnue recueille profondément l'âme en elle, et là, dans le fond, elle accomplit l'opération divine, avec une grâce incomparablement plus grandiose. Tel est l'abîme où elle s'accomplit, l'abîme inénarrable des délectations et des illustrations divines, que cette manifestation de Dieu, sans autre bien que lui-même, est le souverain bien, celui que les saints possèdent pendant l'éternité. Dans la vie éternelle, les élus sont traités différemment ; les uns ont plus, les autres ont moins. Si j'essaie de parler de la vie éternelle, il me semble qu'au lieu de parler, je blasphème ; et qu'au lieu de cultiver je dévaste. S'il faut dire quelque chose, je dirai que les dons que reçoivent les saints dans la vie éternelle sont des délectations de l'âme par lesquelles Dieu augmente sa capacité pour le saisir et pour le tenir. Oh ! quand Dieu se présente à l'âme, quand le Seigneur découvre sa face, il dilate l'âme et verse dans cette capacité subitement agrandie des joies et des richesses inconnues ; et cela se passe dans un abîme dont je n'ai pas encore parlé ; celui-ci est plus profond. L'âme est arrachée à toute ténèbre : la connaissance de Dieu dépasse les possibilités prévues par l'intelligence ; et telle est cette lumière, et telle est cette joie, et telle est cette évidence, et tel est cet abîme nouveau, qu'il est inaccessible à tout cœur créé. Après l'abîme, mon cœur ignore ; incapable de rien comprendre, de rien penser des choses de l'abîme, il ne sait rien, si ce n'est peut-être l'impossibilité naturelle où il était d'aller là. Des choses de l'abîme, il est impossible de rien dire ; pas un mot dont le son donne une idée de la chose ; pas une pensée, pas une intelligence qui puisse s'aventurer là. Elles restent dans leurs domaines, dans les domaines inférieurs. Pas un mot, pas une idée qui ressemble au Dieu de l'abîme.

L'Écriture sainte est si profonde, que l'homme le plus sage du monde entier, trop faible pour la comprendre, est surpassé par sa profondeur ; l'intelligence est trop courte.

Mais s'il s'agit des opérations absolument ineffables qui sont et se font dans l'âme, dans l'instant suprême, dans l'éblouissement de Dieu, il n'y a plus même à balbutier. Mon âme est souvent ravie aux secrets divins. Je comprends alors pourquoi l'Écriture est facile et difficile ; pourquoi elle paraît se contredire ; par où l'homme échappe au salut qui vient d'elle ; comment elle condamne, comment elle sauve. Je sais ces choses, et je me tiens debout sur elles, pleine de science, et quand je reviens des secrets divins, je puis prononcer quelques petits mots avec assurance. Mais s'il s'agit des opérations ineffables, s'il s'agit de l'éblouissement de gloire, n'approchez pas, parole humaine ; et ce que j'articule en ce moment me fait l'effet d'une ruine, et j'ai l'épouvante qu'on a quand on blasphème. Si toutes les consolations spirituelles, si toutes les joies célestes, si toutes les délectations divines qui ont été senties depuis le commencement du monde ; allons plus loin, disons autre chose, que dirais-je bien ? Si tous les saints qui ont vécu avaient sans cesse parlé de Dieu, et si toutes les délectations, bonnes ou mauvaises, qu'à jamais senties la créature terrestre étaient changées en délices pures, en délices spirituelles, en délices éternelles, et si ces délices devaient me conduire à l'inénarrable joie de voir Dieu manifesté ; si l'on m'offrait tout cela réuni, et si, pour le tenir, il me fallait donner et changer un instant de ma joie suprême, un instant de mon éblouissement, le temps qu'il faut pour lever ou pour fermer les yeux, je dirais : Non, non, non. Tout ce que je viens d'énumérer n'est rien, rien auprès de l'inénarrable. Entre ces choses et la mienne, la distance est infinie, je te le dis, pour essayer de déposer un mot dans ton cœur. J'ai parlé du temps qu'il faut pour ouvrir ou fermer les yeux ; mais ma jouissance est beaucoup plus longue, elle dure longtemps, elle revient souvent, elle opère avec sa puissance.

Quant à l'autre mode de présence, la présence intérieure, dont j'avais parlé d'abord, je l'ai presque continuellement.

Les joies et les tristesses du dehors peuvent, jusqu'à un certain point et dans une faible mesure, m'affecter intérieurement ; mais j'ai dans l'âme un sanctuaire où n'entre ni joie, ni tristesse, ni délectation, ni vertu, ni quoi que ce soit qui ait un nom, c'est le sanctuaire du souverain bien.

Cette manifestation de Dieu (c'est Jésus-Christ que je veux dire, mais je blasphème au lieu de parler, parce que les expressions me manquent), cette manifestation de Dieu contient toute vérité, en elle je comprends et possède toute vérité, toute vérité qui soit au ciel, sur terre ou en enfer, ou enfouie dans une créature quelconque, et je la possède avec un telle certitude, une telle évidence que si le monde entier se levait pour me contredire, au lieu d'être troublée, je rirais.

C'est là que je vois l'Être de Jéhovah. Je vois aussi comment il a agrandi ma capacité de le connaître, depuis les jours d'autrefois, depuis les jours où je le voyais dans cette ténèbre qui fit les délices de mes années d'apprentissage. À présent je me vois seule avec Dieu, toute pure, toute sanctifiée, toute vraie, toute droite, toute certaine, toute céleste en lui ; et quand je suis dans cet état, j'oublie les mondes. Et quelquefois alors, Dieu m'a dit : « O fille de la divine sagesse, temple du Bien-Aimé, son temple et ses délices ; ô fille de la paix, en toi repose la Trinité ; en toi est toute vérité ; tu me tiens, et je te tiens. »

Une des opérations que Dieu fait dans l'âme, c'est le don d'une immense capacité, pleine d'intelligence et de délices, pour sentir comment Dieu vient dans le sacrement de l'autel avec sa grande et noble société. Or, quand je redescends, quand je quitte le point culminant, je me vois tout péché, tout obéissance au péché, oblique et immonde, tout mensonge et tout erreur ; mais je suis tranquille ; car l'onction divine me demeure fidèle pour toujours, l'onction la plus élevée que je me souvienne d'avoir eue pendant les jours de ma vie terrestre. Ce n'est pas moi-même qui m'embarque sur cet océan ; non, je suis conduite par le Seigneur, conduite et enlevée. Je ne suis pas même capable de désirer cette béatitude ; je ne sais même pas comment je ferais pour la demander. Et cependant elle ne me quitte plus. Dieu ravit mon âme sans me demander mon consentement. Au moment où j'y pense le moins, mon Seigneur et taon Dieu m'emporte tout à coup. Et j'embrasse le monde, et il ne me semble plus  être sur terre, mais dans le ciel, et en Dieu. Les hauteurs de ma vie passée sont bien basses près de celles-ci. O plénitude, plénitude ! ô lumière remplissante, certitude, majesté et dilatation, rien n'approche de votre gloire ! Or, cet éblouissement de Dieu, je l'ai eu plus de mille fois, et jamais il n'a ressemblé à lui-même, éternellement varié et nouveau à jamais.

Dans une fête de la Chandeleur, Dieu me donna l'éblouissement de gloire, et, pendant l'acte intérieur, mon âme eut la représentation d'elle-même, et elle se vit. O altitude ! ô majesté ! Ni sur terre, ni au ciel, je n'aurais pu ni croire, ni soupçonner, ni inventer une telle gloire. Et mon âme, trop étroite pour elle-même, ne put s'embrasser ni se comprendre. Si l'âme créée et finie ne peut se comprendre, jusqu'où grandira son impuissance en face de l'immense et de l'infini, en face de l'incirconscrit ?

Mon âme se présenta devant la face de Dieu avec une immense sécurité, sans ombre et sans nuage ; elle se présenta avec une joie inconnue, avec un transport jeune, supérieur, au-dessus de toute excellence : la nouveauté et la splendeur du prodige que j'étais dépassa mon intelligence.

Dans la rencontre que j'eus avec le Seigneur, je sentis l'ineffable, la chose dont j'ai parlé, l'éblouissement de Dieu ; puis des paroles me furent dites, paroles sorties des lèvres du Très-Haut. Mais je ne veux pas qu'elles soient écrites.

Quand, après cela, l'âme revient en elle-même, elle y trouve une disposition à jouir de toute peine et de toute injure portée pour Dieu : elle sent l'impossibilité d'une séparation. Aussi je criai : « O doux Seigneur, qu'est-ce qui pourra me séparer de vous ? » Et j'entendis cette réponse : « Rien, avec ma grâce. »

Mais j'ai pitié des paroles que je rapporte ; ce qu'il y a d'admirable, c'est la manière dont elles furent dites, et je ne peux pas rapporter ceci. La voix me dit que cette chose que j'appelle l'éblouissement de Dieu est la chose qu'ont les saints dans la vie éternelle ; que c'est celle-là, et non pas une autre ; que les uns l'ont à un degré supérieur, les autres à un degré inférieur ; que le moindre éblouissement du ciel surpasse le plus grand éblouissement de la terre, et ce fut dans l'instant même de l'éblouissement que j'appris cela.

XXVIII
La certitude

Quelque temps après ma conversion, c'était ce jour-là une des fêtes de la Vierge, je la suppliai de m'obtenir cette grâce immense, la certitude de n'être pas trompée par les voix qui me parlaient. Je reçus une réponse qui était une promesse, et la voix qui parlait ajouta : « Dieu s'est manifesté à toi, il t'a parlé, il t'a donné de Lui le sentiment qu'il a en lui-même. Évite donc de parler, de voir et d'entendre, autrement que selon Lui. »

Je sentais dans celui qui parlait une discrétion et une maturité inexprimables. Je demeurai dans la joie et dans l'espérance, avec le sentiment de la prière exaucée. Il me fut dit au même instant que je n'agirais plus autrement que par la conduite de Dieu. Voir, parler, entendre selon Lui ! Je commençai à faire ces trois choses ; tout à coup mon cœur fut soulevé de la terre et posé en Dieu, et quand il fallut descendre aux choses de la vie, comme parler ou manger, rien ne dérangea mon cœur de sa position ; je ne pouvais ni penser, ni voir, ni sentir que Dieu. Quand, à la fin de l'oraison, j'allais prendre de la nourriture, j'en demandais la permission : « Va, disait la voix, mange avec la bénédiction du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » Quelquefois la permission se faisait attendre, quelquefois non. Cela dura trois jours et trois nuits.

Enfin, ravie en esprit, pendant la messe, je vis Dieu au moment de l'élévation. Après cette vision, il resta en moi une douceur inénarrable, et une joie immense qui durera toute ma vie. C'est dans cette vision que je reçus l'assurance demandée, et le doute prit la fuite. Je reçus pleine satisfaction ; j'eus la certitude de Dieu m'ayant parlé.

XXIX
L’onction

Une autre fois, j'étais en oraison. J'entendis des paroles de paix : « O ma fille chérie, disait la voix, je t'aime beaucoup plus que tu ne m'aimes ; à mon temple choisi, le cœur du Dieu tout-puissant est appliqué sur ton cœur. »

Un sentiment inconnu et inexprimablement délicieux coula dans tous mes membres, et je tombai à terre, et je restai étendue. La voix reprit : « Le Dieu tout-puissant t'a élue par-dessus toutes les femmes de cette ville, et a posé son amour en toi. Il fait ses délices en toi, en toi et en ta compagne. Que votre vie soit donc lumière et miséricorde pour quiconque la regardera ; qu'elle soit justice et jugement pour quiconque ne la regardera pas. »

Et mon âme vit dans une lumière que ce jugement serait plus terrible pour les prêtres que pour les laïques, parce que le mépris qu'ils font des choses divines est rendu plus effroyable par la connaissance qu'ils ont des Écritures.

La voix reprit : « L'amour que le Tout-Puissant à posé en vous est si grand que sa présence est continuelle dans votre âme, quoique le sentiment ne soit pas le même toujours. En ce moment, ses yeux sont sur vous. »

Alors des yeux de l'esprit je vis..., comment dirai-je... pour parler un langage quelconque ? Je dirai, parmi les transports d'une joie inénarrable, je vis, des yeux de mon esprit, les yeux de l'Esprit divin... Mais qu'est-ce que mes misérables paroles ? J'en suis dégoûtée, j'en ai honte ; elles me font l'effet d'indignes plaisanteries.

Au milieu de ma joie, mes péchés revinrent à ma mémoire, et aucun bien ne me paraissait être en moi, et je ne voyais rien dans ma vie qui fût présentable devant Dieu.

La chose était si grande, que je ne pouvais y croire : et je répondis : « Si Celui qui me parle était le Fils de Dieu, ma joie ne serait-elle pas plus énorme ? Si j'étais sûre que c'est bien vous qui êtes en moi, en moi, telle que je me connais, je ne pourrais pas supporter ce délire. Comment se fait-il que je ne meure pas de joie ? »

Il répondit : « Tu as la joie que je veux ; si elle n'est pas plus énorme, c'est que je ne veux pas ; mais la voici qui va devenir plus énorme. Regarde ! le monde entier est plein de moi. »

Et je vis que toute créature était pleine de Dieu.

« Je peux tout, dit-il ; tout, et même ceci : je peux faire que tu me voies avec les yeux du corps, comme les apôtres m'ont vu, et que tu n'aies aucun plaisir, ni aucun sentiment. »

Il ne disait rien de tout cela dans un langage humain ; mais mon âme comprenait tout ! Elle comprenait cela, et beaucoup de choses plus grandes, et elle sentait la vérité des choses.

Pourtant elle voulut de cette vérité une preuve, une manifestation, et elle cria : « Oh ! puisqu'il en est ainsi, puisque vous êtes le Dieu tout-puissant, vous qui dites les grandes choses : Oh ! donnez-moi un signe, un signe que c'est vous, un signe, Seigneur, que c'est bien vous. »

Je pensais à un signe matériel et visible, une chandelle allumée dans la main, une pierre précieuse, n'importe quoi. Un signe ! Un signe ! Tout ce que vous voudrez, pourvu que ce soit un signe ; personne ne le verra sans votre permission.

Celui qui me parle répondit :

« Le signe que tu demandes ne te donnerait qu'un moment de joie, le temps de voir et de toucher ; mais le doute reviendrait, et l'illusion serait possible dans un signe de cette nature.

Laisse-moi le choix. Je te donnerai un signe d'un ordre supérieur, qui vivra éternellement dans ton âme, et tu le sentiras éternellement. Ce signe, le voici : Tu seras illuminée et embrasée, maintenant et toujours, brûlante d'amour, et dans l'amour, maintenant et à jamais. voilà le signe le plus assuré qui soit, le signe de ma présence, le signe authentique, et personne ne peut le contrefaire.

Je t'en fais présent, qu'il descende au fond de toi. Je te donne plus que tu ne m'as demandé. Voici que je plonge l'amour en toi : Tu seras chaude, embrasée, ivre, ivre sans relâche ; tu supporteras pour mon amour toutes les tribulations. Si quelqu'un t'offense en paroles ou en actes, tu crieras que tu es indigne, indigne d'une telle grâce. Cet amour que je te donne pour moi, c'est celui que j'ai eu pour vous quand je portai pour vous jusqu'à la croix la patience et l'humilité. Tu sauras que je suis en toi, si toute parole et toute action ennemie provoquent en toi, non pas la patience, mais la reconnaissance et le désir. Ceci est le signe certain de ma grâce. En ce moment, je te fais une onction que je fis à saint Cyr et à plusieurs autres. »

Je sentis l'onction ; je la sentis, je la sentis avec une douceur tellement inexprimable, que je désirais mourir, mais mourir dans toutes les tortures possibles. Je ne comptais plus pour rien les tourments des martyrs ; j'en désirais de plus terribles. J'aurais voulu que le monde entier me fit don, avec toutes les injures possibles, de toutes les tortures dont il dispose. Il m'eût été si doux de prier pour ceux qui m'en auraient fait cadeau. Au lieu de m'étonner de ces saints qui ont prit pour leurs persécuteurs et leurs bourreaux, ils devaient, me dis-je, insister auprès de Dieu et lui arracher pour eux quelque grâce spéciale. Oh ! comme j'aurais prit pour ceux qui m'auraient donné ce que je demandais ! De quel amour je les aurais aimés !1 Comme j'aurais compati à leurs misères ! Ni peu, ni beaucoup, dans aucune mesure, je ne puis exprimer la douceur de cette onction qui m'était inconnue. Dans d'autres consolations, j'aurais désiré une mort prompte. Mais dans celle-ci, qui était tout autre et d'une autre nature, j'ambitionnais une mort horrible et lente, accompagnée de tous les tourments possibles. J'appelais ainsi toutes les tortures du monde entier, et je les appelais sur celui de mes membres qu'elles auraient voulu choisir ; et, réunies, elles étaient peu de chose devant les yeux de mon désir. Mon âme comprenait leur petitesse auprès des biens promis pour la vie éternelle. Et elle comprenait dans la certitude ; et si tous les sages du monde venaient me dire le contraire, je ne les croirais pas. Et je jurerais le salut éternel de tous ceux qui vont par cette voie ; je jurerais sans peur. Le signe a plongé dans le fond de mon âme illustrée d'une telle splendeur, qu'elle serait invincible à tout amour. Et je suis le signe sans interruption ; et il est lui-même la voie du salut, l'amour de Dieu et de la souffrance désirée pour son nom.

Dieu parla encore et me dit :

« Fais écrire ce que je viens de faire en toi. Et à la fin du récit, je veux qu'on ajoute ces mots : Que grâces soient rendues au Seigneur ! Que dans la joie comme dans la tristesse, quiconque veut conserver la grâce tienne les yeux fixés sur la croix. »

Quant au signe et à ce qui le concerne, mon âme comprenait ce que la parole ne peut rendre, et elle comprenait avec une plénitude qui la plongeait dans les choses qu'on ne peut pas dire, et l'inexprimable joie de cette plénitude échappe à toute expression et à toute tentative d'expression, et le premier mot de cela ne sera jamais dit dans une langue humaine.

Que Dieu me pardonne mes misérables paroles ! Qu'il ne m'impute pas, qu'il ne me reproche pas le vide et le défaut de ce mauvais récit !

XXX
Jésus-Christ

Je méditais un jour sur la Passion du Fils de Dieu et sur sa pauvreté. Or, le Christ me donna la vision de sa pauvreté. Il me la montra immense dans mon cœur. Sa volonté était empressée ; il m'ordonnait de la voir et de la bien considérer. Et je voyais ceux pour lesquels il se fit pauvre. J'eus un tel sentiment de reproche et de douleur, que mon cœur tomba en défaillance.

Puis il augmenta en moi la lumière qui donnait sur sa Passion. Je le vis pauvre d'amis, pauvre de parents ; enfin je le vis pauvre de lui-même, et relativement à son humanité, incapable de s'aider. On dit quelquefois que sa puissance divine était cachée, à cause de son humanité ; elle n'était pas cachée, j'en ai reçu de Dieu l'assurance ; mais quand je vis où Jésus fut réduit quant à son humanité, je commençai à entrevoir pour la première fois les dimensions de mon orgueil : je sentis une douleur que je ne connaissais pas, plus grande que jamais, et tellement profonde, que je me crois désormais incapable de la joie. J'étais debout dans ma méditation, debout dans ma douleur, et il lui plut de me découvrir, dans l'abîme de sa Passion, des choses que je ne savais pas. Je compris de quel oeil il voyait tous ces cœurs de bourreaux obstinés contre lui. Il voyait tous leurs membres conspirer ensemble dans l'unique sollicitude d'abolir son nom et sa mémoire. Il voyait leur colère rassembler leurs souvenirs et ramasser leurs forces pour détruire le Sauveur ; il voyait leurs subtilités, leurs ruses, leurs machinations ; il voyait tous leurs conseils et la multitude de leurs calomnies, et leur rage, et leur atroce colère ; il comptait un à un leurs préparatifs ; il assistait à leurs pensées, aux recherches intérieures et extérieures que faisait leur cruauté pour préparer à son supplice des raffinements inconnus. Leur férocité eut d'innombrables inventions. Il voyait les tortures qu'on lui préparait, et les injures, et les ignominies.

Dans cette lumière mon âme vit, de la Passion du Christ, plus de choses que je ne puis et même que je ne veux en déclarer. J'ai fait certaines découvertes pour lesquelles je demande la permission de me taire.

Et alors mon âme cria :

« O Mère désolée, sainte Marie, dites-moi quelque chose de la Passion du Fils ; car vous en avez vu plus que tout autre saint, à cause de votre grand amour. Vous l'avez vu avec les yeux du corps et avec ceux de l'âme ; vous avez beaucoup vu, parce que vous avez beaucoup aimé. »

Et mon âme redoubla ses cris.

Il y a encore un autre saint qui pourrait me dire un mot de la Passion.

Et je criai dans mon délire :

Tout ce qu'on dit de cette Passion, tout ce qu'on raconte, tout cela n'est rien prés de ce qu'a vu mon âme. Et je ne peux pas beaucoup plus que les autres la dire comme je l'ai vue. J'ai vu dans ma vision, trois fois épouvantable, que la Mère des douleurs, bien qu'elle ait plongé dans la Passion plus à fond que tout autre saint, plus à fond que le disciple aimé, j'ai vu de mille manières, qu'elle est incapable de raconter la chose comme elle est ; le disciple bien-aimé en est incapable aussi.

Et si quelqu'un me racontait la Passion telle qu'elle fut, je lui répondrais : C'est toi, c'est toi qui l'as soufferte! ! !

Cette vision me fit faire connaissance avec des douleurs que je ne connaissais pas. Je commençai à souffrir ce que je n'avais pas souffert.

Je ne sais pas comment mon corps ne tombe pas par morceaux. Ce souvenir m'interdit la légèreté ; j'ai perdu depuis ce jour une certaine disposition d'âme ; ayant su ce que c'était que l'infirmité totale, les jours se sont écoulés sans m'apporter les joies qu'ils m'apportaient jadis.

XXXI
Le Calvaire

Une autre fois encore, la douleur de Jésus-Christ fut mise devant mes yeux. Ni la langue ne suffit pour dire ce que j'ai vu, ni le cœur pour le sentir. Tout sentiment me devient impossible, excepté le sentiment d'une douleur sans exemple dans ma vie. Et je fus transformée en douleur.

Et mon âme vit dans l'âme du Christ quelques-unes de ses douleurs avec leurs causes.

Cette âme était sans tache, absolument sainte, et ne devait, quant à elle, jamais connaître le châtiment.

Il ne souffrait donc que pour nous, que pour nous très ingrats, très indignes, qui nous moquions de lui dans le moment même où il nous rachetait. Le péché de ses bourreaux étant sans proportion, Jésus, qui haïssait le péché d'une haine infinie, ne sentait pas seulement sa Passion en tant que supplice, il la sentait en tant que péché, et souffrait d'elle en tant que péché plus que des autres crimes. Le péché avait pour auteur des peuples entiers, les Gentils, les Juifs, ou plutôt le genre humain réuni contre Dieu dans un jour de grande fête. Sa douleur sans mesure, digne du crime et des criminels, de leur nombre et de son énormité se répandait sur les nations. Il souffrait inexprimablement de la malice de ses ennemis ; leur zèle à abolir son souvenir, son nom et ses élus lui perçait le cœur. Il compatissait À ses disciples, persécutés à cause de lui, qui tombaient du haut de la foi. Il compatissait aux douleurs de sa mère. Il était abandonné dans sa détresse, sans secours, sans consolation. Cette âme très sainte et très noble recevait la douleur de partout à la fois. Toutes les tortures de son corps très délicat, très pur, très sensible, retombaient, avec toutes les amertumes, toutes les angoisses, tous les déchirements spirituels, retombaient sur son âme déchirée à la fois par la souffrance sans restriction et par la souffrance universelle.

Ne croyez pas que ce soit là tout. La lumière de la vision me montra la foule des autres tortures pour lesquelles j'ai demandé la permission du silence.

C'est pourquoi, arrachée à moi-même par la douleur, ravie hors de moi dans l'extase de la douleur : Je fus transformée en la douleur de Jésus-Christ crucifié.

Ce fut pour cette compassion que Dieu m'accorda une grâce double : d'abord il fortifia tellement ma volonté, que je ne peux plus vouloir autre chose que ce qu'il veut ; puis il établit mon âme dans un état à peu près immuable. Je possède Dieu avec une telle plénitude, que j'ai été transportée dans un lieu nouveau. J'ai été ravie avec mon cœur, ma chair et mon âme, sur les montagnes de la paix, et je suis contente de toutes choses.

XXXII
Les clous

Une autre fois je songeais à la douleur incommensurable de Jésus-Christ sur la croix, et je pensais à ces clous qui, d'après une certaine parole, avaient porté la chair des mains et des pieds dans l'intérieur du bois, et je désirais voir au moins cette petite partie de la chair du Christ que ces clous avaient portée dans l'intérieur du bois. Cette souffrance du Christ me donna une telle douleur, que je ne fus plus capable de me tenir debout. Je baissai la tète et je tombai. Alors je vis Jésus-Christ incliner sa tète sur mes bras, qui étaient étendus à terre ; il me montra les siens, et en même temps son cou. Aussitôt ma douleur se changea en une joie telle, que je perdis lle sentiment et la vue de tout ce qui n'était pas lui. Le cou était d'une beauté à faire mourir la parole humaine. Je compris que cette beauté inouïe était le rejaillissement de la divinité, et cependant mes yeux ne voyaient que son cou, dans une splendeur merveilleuse. Beauté incomparable qui n'a pas de pareille en ce monde, couleur qui ne ressemble à aucune couleur connue, si quelque chose se rapproche de vous, c'est la lumière dans laquelle quelquefois à la messe j'aperçois le corps du Christ, à l'élévation !

XXXIII
L’amour vrai et l’amour menteur

Une autre fois, c'était le quatrième jour de la semaine sainte, j'étais plongée dans une méditation sur la mort du Fils de Dieu, et je méditais avec douleur, et je m'efforçais de faire le vide dans mon âme, pour la saisir et la tenir tout entière recueillie dans la Passion et dans la mort du Fils de Dieu, et  j'étais abîmée tout entière dans le désir de trouver la puissance de faire le vide, et de méditer plus efficacement.

Alors cette parole me fut dite dans l'âme : « Ce n'est pas pour rire que je t'ai aimée ».

Cette parole me porta dans l'âme un coup mortel, et je ne sais comment je ne mourus pas ; car mes yeux s'ouvrirent, et je vis dans la lumière de quelle vérité cette parole était vraie. Je voyais les actes, les effets réels de cet amour, jusqu'où en vérité il avait conduit le Fils de Dieu. Je vis ce qu'il supporta dans sa vie et dans sa mort pour l'amour de moi, par la vertu réelle de cet amour indicible qui lui brûlait les entrailles, et je sentais dans son inouïe vérité la parole que j'avais entendue ; non, non, il ne m'avait pas aimée pour rire, mais d'un amour épouvantablement sérieux, vrai, profond, parfait, et qui était dans les entrailles.

Et alors mon amour à moi, mon amour pour lui, m'apparut comme une mauvaise plaisanterie, comme un mensonge abominable. Ici ma douleur devint intolérable, et je m'attendis à mourir sur place.

Et d'autres paroles vinrent, qui augmentèrent ma souffrance : « Ce n'est pas pour rire que je t'ai aimée ; ce n'est pas par grimace que je me suis fait ton serviteur ; ce n'est pas de loin que je t'ai touchée ! »

Ma douleur, déjà mortelle, allait toujours en augmentant, et je criais : « Eh bien ! moi, c'est tout le contraire. Mon amour n'a été que plaisanterie, mensonge, affectation. Je n'ai jamais voulu approcher de vous, en vérité, pour partager les travaux que vous avez (soufferts) pour moi, et que vous avez voulu souffrir ; je ne vous ai jamais servi dans la vérité et dans la perfection, mais dans la négligence et dans la duplicité. »

Lorsque je vis ces choses, lorsque je vis de mes yeux la vérité de son amour et les signes de cette vérité, comment il s'était livré tout entier et totalement à mon service, comment il s'était approché de moi, comment il s'était vraiment fait homme pour porter et sentir en vérité mes douleurs ; quand je vis en moi tout le contraire absolument, je crus mourir de douleur. Il me semblait que ma poitrine allait se disjoindre et mon cœur éclater. Et comme j'étais occupée spécialement de cette parole : « Ce n'est pas de loin que je t'ai touchée », il en ajouta une autre, et j'entendis qu'il disait : « Je suis plus intime à ton âme qu'elle-même. »

Et ma douleur augmenta. Plus je voyais Dieu intime à moi, plus je me voyais éloignée de lui. Il ajouta d'autres paroles qui me firent voir les entrailles de l'éternel amour :

« Si quelqu'un voulait me sentir dans son âme, je ne me soustrairais pas à lui ; si quelqu'un voulait me voir, je lui donnerais avec transport la vision de ma face ; si quelqu'un voulait me parler, nous causerions ensemble avec d'immenses joies. »

Ces paroles excitèrent en moi un désir : ne rien sentir, ne rien voir, ne rien dire, ne rien faire qui pût déplaire à Celui qui parlait. Je sentis que Dieu demande spécialement à ses fils, à ses élus, aux élus de sa vision et de la parole divine, de n'avoir pas l'ombre d'un rapport avec son ennemi.

Il me fut encore dit :

« Ceux qui aiment et suivent la voie que j'ai suivie, la voie des douleurs, ceux-là sont mes fils légitimes. Ceux dont l'œil intérieur est fixé sur ma Passion et sur ma mort, sur ma mort, vie et salut du monde, sur ma mort, et non pas ailleurs, ceux-là sont mes enfants légitimes, et les autres ne le sont pas. »

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Message par M1234 Jeu 2 Mar 2017 - 10:21

XXXIV
La Croix et la bénédiction

Un jour j'étais à la messe dans l'église Saint-François. On approchait de l'élévation et le chœur des Anges retentissait : Sanctus, Sanctus, Sanctus, etc. ; mon âme fut emportée et ravie dans la lumière incréée ; elle fut attirée, elle fut absorbée, et voici une plénitude ineffable, ineffable, en vérité.

Regardez comme rien, comme absolument rien, tout ce qui peut être exprimé en langue humaine.

O création inénarrable du Dieu incréé et tout-puissant, les louanges qu'on peut chanter sont de la poussière auprès de vous. Absorption sacrée de l'abîme où me plonge la main du Dieu ravissant, après votre transport, mais encore sous l'influence de ce qui l'avait précédé, m'apparut l'image du Dieu crucifié, comme un instant après la descente de croix ; le sang était frais et rouge et coulant encore des blessures, et les plaies étaient récentes. Alors dans les jointures je vis les membres disloqués ; j'assistai au brisement intérieur qu'avait produit sur la croix l'horrible tiraillement du corps, je vis ce qu'elles avaient fait, les mains homicides. Je vis les nerfs, je vis les jointures, je vis le relâchement, l'allongement contre nature qu'avaient fait dans le supplice, quand ils avaient tiré sur les bras et sur les jambes, les déicides. Mais la peau s'était tellement prêtée à cette tension, que je n'y voyais aucune rupture.

Cette dissolution des jointures, cette horrible tension des nerfs, qui me permit de compter les os, me perça le cœur d'un trait plus douloureux que la vue des plaies ouvertes. Le secret de la Passion, le secret des tortures de Jésus, le secret de la férocité des bourreaux, m'était montré plus intimement dans la douleur des nerfs que dans l'ouverture des plaies, dans le dedans que dans le dehors. Alors je sentis le supplice de la compassion ; alors, au fond de moi-même, je sentis dans les os et dans les jointures une douleur épouvantable, et un cri qui s'élevait comme une lamentation, et une sensation terrible, comme si j'avais été transpercée tout entière, corps et âme.

Ainsi absorbée et transformée en la douleur du Crucifié, j'entendis sa voix bénir les dévoués qui imitaient sa Passion et qui avaient pitié de lui. «Soyez bénis, disait-il, soyez bénis par la main du Père, vous qui avez partagé et pleuré ma Passion, vous qui avez lavé vos robes dans mon Sang. Soyez bénis, vous qui, rachetés de l'enfer par les immenses douleurs de ma croix, avez eu pitié de moi ; soyez bénis, vous qui avez été trouvés dignes de compatir à ma torture, à mon ignominie, à ma pauvreté. Soyez bénies, à fidèles mémoires ! Vous qui gardez au fond de vous le souvenir de ma Passion ! Ma Passion, unique refuge des pécheurs, ma Passion, vie des morts, ma Passion, miracle de tous les siècles, vous ouvrira les portes du royaume éternel que j'ai conquis pour vous, par elle. Dans les siècles des siècles, vous qui avez eu pitié, vous partagerez la gloire ! Soyez bénis par le Père, soyez bénis par l'Esprit-Saint, bénis en esprit et en vérité par la bénédiction que je donnerai au dernier jour ; car je suis venu chez moi, et au lieu de me repousser comme un persécuteur, vous avez offert au Dieu désolé l'hospitalité sacrée de votre amour ! J'étais nu sur la croix, j'avais faim, j'avais soif, je souffrais, je mourais, j'étais pendu par leurs clous, vous avez eu pitié ! Soyez bénis, ouvriers de miséricorde ! À l'heure terrible, à l'heure épouvantable, je vous dirai : Venez, les bien-aimés de mon Père ; car j'avais faim sur la terre, et vous m'avez offert le pain de la pitié... »

Il ajouta des choses étonnantes ; mais ce qui est absolument impossible, c'est d'exprimer l'amour qui brillait sur ceux qui ont pitié... « O bienheureux ! ô bénis ! Suspendu à la croix, j'ai crié, pleuré et prié pour mes bourreaux : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font », qu'est-ce que je ferai, qu'est-ce que je dirai pour vous, pour vous qui avez eu pitié, pour vous qui m'avez tenu compagnie, pour vous mes dévoués, qu'est-ce que je dirai pour vous, quand j'apparaîtrai, non pas sur la croix, mois dans la gloire, pour juger le monde ? »

Je demeurai frappée au fond, beaucoup plus émue que je ne puis le dire ; les affections qui me venaient de la croix sont au-dessus des paroles. Il ajouta plusieurs paroles qui me mirent en feu ; mais je n'ai ni la volonté ni le pouvoir de les écrire.

XXXV
Les voies de la délivrance

Un autre jour j'étais en prière. Je méditais avec une douleur profonde, absolument intérieure, sur la Passion. Je cherchais à mesurer, à peser mes crimes, puisque leur rédemption n'a pas coûté au Fils de Dieu seulement des prières ou seulement des larmes, mais la mort et cette mort ! Je tâchais de calculer ce que peut peser la damnation, puisque, pour soulever ce poids, il n'a fallu ni la mort d'un ange, ni celle d'un archange, mais celle du vrai Dieu ! Et je me plongeais dans la pensée de l'enfer et de ses tourments immenses, et de sa misère infinie, et de ses tortures innombrables ! Puis je tâchais de peser mon ingratitude. Pour le bienfait sans nom ni mesure, qu'est-ce que j'apporte en retour ? Le péché. Le péché quotidien, l'oubli de la résurrection, le refus de coopérer. La miséricorde de Dieu contemplée dans un abîme, dans l'autre mon injustice et ma démence, tout cela me conduisit à une espèce de sagesse. Dans cet état, j'eus la révélation des péchés de toute espèce, et des tortures, et des supplices dont la Passion de Jésus nous a sauvés. J'étais dans la foule ; mais telle fut la lumière de cette vision épouvantable, que ce fut à peine si je pus m'empêcher de rugir au milieu des hommes.

J'eus l'apparition du Christ crucifié. Il me montra comment il avait été suspendu à la croix, et comment l'homme qui se perd est sans excuse à jamais. Car le salut exige de l'homme ce que le médecin exige du malade ; il faut avouer son mal, et exécuter l'ordonnance. Il n'y a pas de dépense à faire pour le traitement. Il n'y a qu'à se montrer au médecin, faire les choses prescrites, et se garder des choses défendues.

Mon âme eut alors l'intelligence de l'antidote qui réside dans le sang du Christ. L'antidote se distribue gratis, et n'exige qu'une disposition. Alors tous mes péchés furent étalés devant mon âme, et je reconnus dans chacun de mes membres une infirmité spirituelle.

Alors, conformément à ce que je venais d'apprendre, je m'efforçai d'étaler devant Dieu toutes les misères de mon âme et de mon corps, et je criai : « O Seigneur, mon Dieu, qui tenez dans vos mains ma guérison éternelle, puisque vous avez promis de me guérir si seulement j'étale devant vos yeux mes plaies, Seigneur, puisque je suis l'infirmité même ; puisqu'il n'y a pas en moi un atome qui ne soit une infection et une pourriture, du fond de mon abîme, j'étale devant vos yeux mes misères une à une, et tous les péchés de tous mes membres, et toutes les plaies de mon âme, et toutes les plaies de mon corps. Alors, je comptai, je désignai chaque misère, et je dis : Seigneur miséricordieux, qui tenez dans vos mains ma guérison, regardez ma tète : je l'ai couverte mille fois des insignes de l'orgueil ; j'ai donné à mes cheveux, en les tordant, des formes contre nature ; et, disant cela, je ne dis pas tout. Seigneur, regardez mes misérables yeux, pleins d'impudicité et injectés d'envie, etc. »

Je continuais à accuser chacun de mes membres et à raconter leur lamentable histoire.

Jésus écouta tout avec une grande patience, et répondit avec une grande joie. Il montra pour chaque chose le remède dans sa main et l'ordre qui présidait à la rédemption, et je vis sa compassion immense pour mon âme, et il disait :

« Ma fille, ne crains ni ne désespère. Quand tu serais infectée de toutes les putréfactions, et morte de toutes les morts, je suis puissant pour te guérir, si tu veux appliquer sur ton âme et sur ton corps ce que je te donnerai. Tu m'as longuement détaillé les infirmités spirituelles de la tète : tu t'es lamentée au fond de moi. Les attentats que tu as commis, dans tes parures, par les couleurs contre nature que tu as données à tes joues et les torsions contre nature que tu as données à tes cheveux, toute la fierté honteuse, tout ton orgueil, toute la vaine gloire avec laquelle tu t'es montrée devant les hommes et contre Dieu, toutes ces misères pour lesquelles il te semble qu'une honte éternelle t'attend en enfer, dans l'endroit du lac le plus profond, tout cela est expié i J'ai satisfait, j'ai porté ta pénitence, j'ai souffert horriblement. Pour toutes ces peintures et ces onguents qui ont déshonoré ta tète, la mienne fut tirée par la barbe, dépouillée de cheveux, percée d'épines, frappée à coups de roseau, ensanglantée, moquée, méprisée jusqu'au couronnement !

Tu te peignais les joues pour les montrer à des hommes malheureux et mendier leurs faveurs ; sois tranquille ; ma face a été couverte par les crachats des ces misérables ; elle a été déformée et gonflée de leurs soufflets ; elle a été cachée sous un voile honteux. Tu t'es servie de tes yeux pour regarder en vain, pour regarder ce qui nuit, pour te réjouir contre Dieu ; mais les miens ont été voilés, ils ont été noyés dans mes larmes d'abord, et dans mon sang ensuite. Le sang qui coulait de ma tète les aveuglait.

Pour les crimes de tes oreilles, qui ont entendu l'inutile et le mauvais, et qui ont pris plaisir dans les paroles nuisibles, j'ai fait l'épouvantable pénitence qui a fait pénétrer en moi une tristesse abondante et immense, j'ai entendu les fausses accusations, les paroles dénigrantes, les insultes, les malédictions, les moqueries, les rires, les blasphèmes, la sentence de mort portée par le juge inique, et les pleurs de ma mère ! J'ai entendu sa compassion. Tu as connu les plaisirs de la gourmandise, et tu as même abusé des choses qu'on boit ; mais j'ai eu la bouche desséchée par la faim, la soif et le jeûne. On m'a présenté le fiel et le vinaigre.

Tu as médit, tu as calomnié, tu t'es moquée, tu as blasphémé, tu as menti, et menti jusqu'au parjure. Ce n'est pas tout. Tu as fait autre chose ; mais j'ai gardé le silence devant les juges et les faux témoins, et mes lèvres closes ne m'ont pas excusé. Mais j'ai toujours annoncé la vérité, et prié Dieu de tout mon cœur pour mes bourreaux. Ton odorat n'est pas pur : tu te souviens de certains plaisirs dus à de certains parfums ; mais j'ai senti l'odeur infecte des crachats : je les ai supportés sur ma face, sur mes yeux, sur mes narines.

Ton cou s'est agité par les mouvements de la colère et de la concupiscence, et de l'orgueil ; souviens-toi qu'il s'est dressé contre Dieu. Mais le mien a été frappé et meurtri par les soufflets. Pour les péchés de tes épaules, les miennes ont porté la croix. Pour les péchés de tes mains et de tes bras, qui ont fait ce que tu sais bien, mes mains ont été percées de gros clous, fixées au bois, et j'étais suspendu par elles, et elles supportaient mon corps. Pour les péchés de ton cœur, où se sont déchaînées la haine, l'envie et la tristesse, de ton cœur possédé par la concupiscence et par l'amour mauvais, le mien a été percé d'un coup de lance, et c'est de ma blessure qu'a coulé ton remède, l'eau pour éteindre le mauvais feu, le sang pour la rédemption des colères et la rédemption des tristesses.

Pour les péchés de tes pieds, pour les danses inutiles, pour leurs marches lascives, pour leurs courses vaines, les miens, qu'on aurait pu attacher seulement, ont été percés et cloués à la croix. Au lieu de tes chaussures à jour, élégamment façonnées, ils ont été couverts de sang. Le sang sortait de leurs blessures, le sang de tout le corps tombait sur eux.

Pour les péchés de tout ton corps, pour toute ta sensualité dans la veille et dans le sommeil, j'ai été cloué à la croix, frappé horriblement, tiraillé à la façon d'une peau, et étendu sur la croix, j'ai été mouillé des pieds à la tète par la sueur de sang, qui a coulé jusqu'à terre ; j'ai été serré très fortement contre le bois très dur, souffrant d'atroces tortures, criant, soupirant, pleurant, gémissant, et je suis mort dans mon gémissement, tué par ces tigres ! Pour la rédemption de tes parures vaines, choisies et portées sans but, j'ai été nu sur la croix. Ces misérables se disputaient ma robe et mes vêtements ; ils les jouaient sous mes yeux. Nu comme je suis sorti du sein de la Vierge, livré à l'air, au froid, au vent, aux regards des hommes et des femmes, au haut d'une croix, pour être mieux vu, mieux moqué, mieux déshonoré, j'ai été étendu et étalé.

Pour tes richesses mal acquises, que tu as retenues ou dépensées, j'ai porté la pauvreté, sans palais, sans maison, sans abri pour naître ni pour vivre, ni pour mourir, et je n'aurais pas eu de sépulcre, et j'aurais été livré aux chiens et aux oiseaux de proie, si quelqu'un par pitié pour ma grande misère, ne m'eût donné place dans un sépulcre à lui. j'ai dépensé pour les pécheurs mon sang et ma vie, je n'ai rien gardé pour moi. La pauvreté m'a tenu compagnie dans la vie et dans la mort. »

Le Christ parla ainsi, et parce que mon âme avait reçu la délectation des péchés du corps, je vis les douleurs de toute nature portées par l'âme du Christ, je les vis dans leur diversité et dans leur horreur. je vis son âme torturée par la passion de son corps, par la douleur de sa mère, par notre refus d'adorer, par notre refus de compatir :

Et il ajouta :

« Tu ne trouveras ni péché ni maladie de l'âme, dont je n'ai porté la peine et offert le remède. À cause des immenses douleurs que vos âmes misérables devaient subir en enfer, j'ai voulu être torturé pleinement et totalement. Ne t'afflige donc pas ; mais tiens-moi compagnie dans la douleur, dans l'opprobre et dans la pauvreté.

Marie-Madeleine était malade, elle fit ce que j'ai dit et désira sa délivrance, et fut délivrée de tout, parce qu'elle l'avait désiré. Celui qui désirerait serait délivré comme elle. »

Le Crucifié ajouta :

« Quand mes fils, abandonnant mon royaume, se sont faits enfants du diable, s'ils reviennent au Père, le Père a une grande joie et leur fait sentir la délectation supérieure. Le Père a une telle joie, qu'il leur donne une certaine délectation qu'il ne donne pas aux vierges fidèles. Ceci vient de l'immense amour qu'il a pour eux, et de l'immense miséricorde qu'excite la vue de leur misère. Ceci vient encore de ce que le pécheur, devant la majesté et la clémence du Seigneur, se reconnaît digne de l'enfer. C'est pourquoi plus grand l'homme aura été dans le péché, plus grand il pourra être aussi dans l'autre abîme. »

Et il ajouta :

« L'homme qui veut trouver la grâce doit toujours, soit dans la joie, soit dans la tristesse, tenir ma croix de bois immobile devant ses yeux. »

XXXVI
La joie

Un jour, je regardais la croix, et sur elle le Crucifié ; je le voyais avec les yeux du corps. Tout à coup mon [me fut embrasée d'une telle ardeur, que la joie et le plaisir pénétrèrent tous mes membres intimement. Je voyais et je sentais le Christ embrasser mon âme avec ce bras qui fut crucifié, et ma joie m'étonna ; car elle sortait de mes habitudes, et, au degré qu'elle atteignit, je ne la connaissais pas encore. Depuis cet instant, il me reste une joie, et une lumière sublime dans laquelle mon âme voit le secret de notre chair en communion avec Dieu. Cette délectation de l'âme est inénarrable ; cette joie est continuelle ; cette illustration est éblouissante au delà de tous mes éblouissements. Depuis cet instant, il m'est resté une telle certitude, une telle sécurité quant aux opérations divines qui se font en moi, que je m'étonne d'avoir autrefois connu le doute, et si tous les mondes créés prenaient une voix pour essayer de le faire renaître, ils parleraient inutilement ; car je vois, dans les transports d'un plaisir qui ne se raconte pas, je vois cette main qu'il m'a montrée avec la marque des clous, et qu'il montrera le jour où il dira :

« Voilà ce que j'ai souffert pour vous. »

Maintenant encore, quand je suis dans cette vision et dans cet embrassement, une telle joie est communiquée à mon âme, que j'essaierais inutilement de souffrir des souffrances de Jésus ; cependant je vois sa main et la plaie de sa main. Toute ma joie est désormais dans ce Dieu crucifié. Quelquefois l'embrassement est si serré qu'il semble à mon âme qu'elle entre dans la plaie du côté. Elle y est illustrée par des joies dont la parole humaine n'a pas le droit d'approcher. Foudroyante joie, qui enlève à mes jambes la force de me porter, qui me jette à terre, qui me renverse, qui m'étend là, couchée et sans parole ! Ceci m'arriva une fois sur la place Sainte-Marie. On représentait la Passion ! On aurait pu croire que j'allais pleurer. Je fus touchée et inondée d'une joie qui n'était pas naturelle ; la joie grandit, elle grandit ; je perdis la parole, et je tombai à terre, foudroyée : je venais d'avoir la chose inénarrable, l'éblouissement de gloire.

J'avais eu soin de m'écarter de ceux qui m'entouraient, étonnée moi-même de ma joie en face de la Passion. Alors je perdis l'usage de mes membres, je tombai à terre, sans parole, foudroyée. Et il me sembla que mon âme entrait dans la plaie du Christ, la plaie du côté. Et dans cette plaie, au lieu de la douleur, je buvais une joie dont il m'est impossible de dire un seul mot.

XXXVII
Les Trônes

C'était pendant la messe ; je tâchais de me plonger dans les abîmes où me jettent l'humilité et la bonté de Dieu, quand il veut bien s'approcher de nous dans le saint sacrement de l'autel.

Je fus ravie en esprit, et j'eus pour la première fois une vision intellectuelle relative au saint Sacrement. Il me fut dit d'abord que le corps du Christ peut être en même temps sur tous les autels du monde, par la vertu de la Toute-Puissance, qui ne peut entrer dans la mesure étroite des pensées d'un homme vivant sur cette terre.

« L'Écriture, disait la voix, parle beaucoup de cette puissance ; mais ceux qui lisent comprennent peu. Ceux à qui j'accorde un certain sentiment de moi-même comprennent plus, mais ceux-là même comprennent fort peu. Mais un instant viendra où vous verrez la lumière. »

Ensuite, je vis dans un éclair comment Dieu vient dans le saint Sacrement. Ni avant, ni depuis, je n'ai rien éprouvé de semblable.

Puis je vis comment Jésus-Christ vient avec une armée d'anges, et la magnificence de son escorte se laissa savourer par mon âme avec une immense délectation. Je m'étonnai un moment d'avoir pu prendre plaisir à regarder des anges. Car habituellement toute ma joie est condensée en Jésus-Christ seul. Mais bientôt j'aperçus dans mon âme deux joies parfaitement distinctes : l'une venant de Dieu, l'autre des anges, et elles ne se ressemblaient pas. J'admirais la magnificence dont le Seigneur était entouré. Je demandais le nom de ceux que je voyais. « Ce sont des Trônes », dit la voix. Leur multitude était éblouissante et si parfaitement innombrable, que, si le nombre et la mesure n'étaient pas les lois de la création, j'aurais cru sans nombre et sans mesure la sublime foule que je voyais. Je ne voyais finir cette multitude ni en largeur ni en longueur ; je voyais des foules supérieures à nos chiffres.

XXXVIII
Les Anges

C'était en septembre, à la fête des saints anges. J'étais à l'église de Foligno et je voulais communier. Je priais les anges, surtout saint Michel et les séraphins, et je disais :

« O anges administrateurs, qui avez reçu de Dieu l'office et le pouvoir de le communiquer par la connaissance et l'amour, je vous supplie de me présenter Jésus tel que le Père des miséricordes l'a donné aux hommes, tel qu'il veut lui-même être reçu et adoré, pauvre, souffrant, méprisé, blessé, ensanglanté, crucifié et mort. »

Les anges me répondirent avec une douceur et une complaisance indicible :

« Puisque tu as trouvé grâce devant le Seigneur, le voici ; tu le possèdes. Nous te le présentons ; et pardessus ce que tu as demandé, nous te donnons la puissance de le présenter et de le communiquer aux autres. »

En effet, je vis, dans le Saint-Sacrement, avec les yeux de l'esprit, la présence réelle ; je vis Celui que j'avais voulu voir, tel que j'avais voulu le voir, souffrant, ensanglanté, crucifié et mort ; je ressentis une telle douleur que mon cœur me sembla prêt à éclater ; et, de l'autre côté, la présence des anges m'inonda d'une telle joie, que, si je ne l'avais pas sentie, je n'aurais pas cru la vue des anges capable de la donner.

Pendant ce temps-là, une messe se disait. Le prêtre approchait de la communion. Comme il rompait l'hostie pour la prendre, j'entendis une voix lamentable qui disait :

« Oh ! combien il y en a qui, rompant l'hostie, font couler le sang de mes veines ! »

Je pensai que ce prêtre n'était peut-être pas ce qu'il aurait dû être, et je dis : « Seigneur, que ce pauvre frère ne soit plus ainsi. »

La voix me répondit :

« Il ne sera pas ainsi pendant l'éternité. »

XXXIX
Marie

Un jour j'entendais la messe ; et au moment de l'élévation, à l'instant où les assistants se mettaient à genoux, je fus ravie en esprit : la Vierge m'apparut et me dit : « Ma fille, la bien-aimée de Dieu, et ma bien-aimée, mon Fils est déjà venu à toi, et tu as reçu sa bénédiction. »

Elle me fit comprendre que son Fils était sur l'autel après la consécration de l'hostie. J'entendis ce que je n'avais jamais entendu ; j'entendis qu'il s'agissait d'une joie nouvelle absolument. En effet, la joie qui résulta des paroles entendues fut telle, que si l'on me disait : « Existe-t-il une créature qui puisse l'exprimer par une parole quelconque ? » Je répondrais : « Je ne sais pas et je ne crois pas. » La vierge parlait avec une grande humilité, et déposait dans mon âme un sentiment nouveau d'une douceur inconnue. Une chose m'étonnait : c'était d'avoir pu rester debout. Je ne tombai pas à terre, et je n'y comprends rien.

Elle ajouta :

« Après la visite et la bénédiction du Fils, il est convenable que tu reçoives celle de la Mère. Sois bénie par mon Fils et par moi. Que ton travail soit d'aimer dans toute la mesure de tes puissances ; car tu es beaucoup aimée, et tu arriveras vers l'objet sans fin ».

J'éprouvai une joie nouvelle, qui n'était surpassée par aucune joie connue, mais elle fut bientôt surpassée par elle-même ; car elle augmenta au moment de l'élévation. Je ne vis pas le corps de Jésus-Christ sur l'autel ; je le vois souvent ; je ne le vis pas ce jour-là. Mais je sentis la présence de Jésus-Christ dans mon âme ; je la sentis en vérité.

J'appris alors que, pour embraser une âme, il n'y a pas d'embrasement semblable à la présence du Christ ; ce n'était pas le feu qui me brûle ordinairement ; celui-là était extraordinairement doux.

Quand cette flamme est dans l'âme, je réponds de la présence de Dieu ; lui seul peut l'allumer.

Dans les moments comme celui-là, mes membres croient qu'ils vont se séparer. J'entends même le bruit qu'ils font ; on dirait un déboîtement. J'éprouve surtout cette impression-là au moment de l'élévation. Mes doigts se séparent et mes mains s'ouvrent.

XL
Plénitude

Un jour je m'approchais de la sainte table, et j'entendis la voix, et elle me disait :

« Bien-aimée, tout bien est en toi, et tu vas recevoir tout bien. »

Je me dis intérieurement : « Si le bien est en toi, pourquoi vas-tu le recevoir ? »

Et la voix répliqua :

« L'un n'empêche pas l'autre. »

Le moment de la communion approchait, et j'entendis :

« Le Fils de Dieu est maintenant sur l'autel, et selon son humanité et selon sa divinité. La multitude des anges est unie à lui. »

Je désirai voir, et je vis. Je ne voyais Jésus sous aucune forme ; mais je voyais une plénitude et une beauté ; je voyais le souverain Bien.

« O bien-aimée, dit la voix, tu seras ainsi devant lui pendant l'éternité. »

Je renonce encore une fois à raconter ma joie.

Depuis peu, quand je communie, l'hostie s'étend dans ma bouche ; elle n'a ni la saveur du pain, ni celle d'aucune chair connue ; mais une certaine saveur de chair inconnue, saveur très prononcée et délicieuse, qui ne peut se comparer absolument à rien. L'hostie n'est pas dure comme autrefois, et ne descend pas par fragments, suivant l'ancienne habitude. Mais elle reste entière, et sa suavité est tellement divine que, si on ne m'avait recommandé de l'avaler sans tarder trop, je la garderais longuement dans ma bouche. Et elle descend tout entière, et elle a la saveur inconnue dont j'ai parlé, sans en rien dire. Quand elle descend, elle me donne un plaisir inexprimable, qui se manifeste même au dehors. Mon corps tremble, et l'immobilité m'est extrêmement difficile.

Maintenant, quand je fais le signe de la croix, quand je porte la main au front, disant : Au nom du Père, je ne sens rien de nouveau. Mais quand je porte la main à la poitrine, disant : Et du Fils, j'éprouve un tel amour et une telle joie, qu'il se révèle et que je le sens là.

Sans ordre, je n'aurais ni dit, ni permis d'écrire, ni tout le reste, ni ceci.

XLI
L’autel des Anges

C'était la fête des Anges. J'étais malade, je voulais communier. il n'y avait personne pour m'apporter la communion. Ma tristesse était immense. Tout à coup, au plus profond de ma douleur et de mon désir, je fus portée en esprit à considérer la louange éternelle des anges, et leur office sublime, et leur assistance et leur ministère. Et voici que je fus ravie, et la multitude immense des anges m'apparut, et ils me conduisirent près d'un autel, et ils me dirent : « Voici l'autel des Anges. » Et sur l'autel ils me montrèrent la louange des Anges, c'est-à-dire celui-là qui est leur louange, et la louange universelle, et la louange elle-même. Et les anges dirent à mon âme : « Dans celui qui est sur l'autel est la perfection et le complément du sacrifice que tu cherches. Prépare-toi donc à le recevoir. Tu as déjà au doigt l'anneau de son amour ; déjà tu es son épouse. Mais l'union qu'il veut contracter aujourd'hui avec toi est une union nouvelle ; c'est un mode d'union que personne ne connaît. »

Je n'essaierai pas d'exprimer la joie dans laquelle je fus ravie ; car mon âme sentait tout cela dans le lieu même de la vérité, et tout ce qui peut être dit n'est qu'un vide auprès de cette plénitude inaccessible à notre pauvre langue. ceci me fut un signe de nia prochaine délivrance ; c'était au commencement de la maladie dont je vais mourir.

XLII
Douze ans

Un jour je vis Jésus-Christ dans l'hostie consacrée ; je le vis sous forme d'enfant. Mais cet immense enfant, Seigneur au-dessus des seigneurs, me semblait avoir en main le sceptre et le signe de la domination. Que tenait-il donc dans sa main ? C'était le signe de la toute-puissance ; et il s'assit sur son trône. Que tenait-il donc dans sa main ? Il m'est impossible de le dire, et pourtant je voyais cela avec les yeux du corps. Le prêtre élevait l'hostie ; tous tombèrent à genoux, excepté moi. Je restai debout ; l'excès de ma joie tenait mes yeux fixés sur lui. Mais le prêtre reposa trop vite pour moi l'hostie sur l'autel. J'eus un moment cruel de tristesse et d'ennui. Si j'essayais de dire la beauté et la splendeur de Celui que je vis, il me faudrait une langue que je ne sais pas. À sa taille je lui aurais bien donné douze ans. La joie de cette vision fut tellement immense, que je la crois éternelle. Sa réalité fut si certaine, qu'elle ne laissa place à aucun doute.

Dans l'éblouissement de ma joie, je ne fus pas même capable de crier, comme à mon ordinaire : Au secours ! Je ne dis rien, ni de bon, ni de mauvais. Ravie par cette splendeur, je ne trouvai pas un mot à dire.

XLIII
Splendeur

Un autre jour, pendant la messe, je fut ravie en esprit, et je parlai au Seigneur, et je lui demandai : « Vous êtes dans le Saint-Sacrement ; mais, Seigneur, où sont vos fidèles ? » Mais lui, m'ouvrant l'intelligence, répondit, et me dit : « Là où je suis, là ils sont avec moi. » J'ouvris les yeux de l'âme, et je vis cela être ainsi ; et parmi les fidèles je me distinguai clairement ; mais cet être que nous avions là n'était pas en dedans de la Divinité, il était en dehors. Il est seul en lui-même partout où il est ; seulement il comprend toutes choses. J'ai vu le corps de Jésus-Christ dans le Saint-Sacrement, souvent et sous divers aspects. Quelquefois j'ai vu le coude Jésus-Christ, mais avec une telle splendeur et une telle magnificence, qu'auprès de lui le soleil en avait bien peu. C'est cette beauté qui m'a révélé Dieu. Que le soleil est pâle à côté de lui ! J'ai vu à la maison la même vision, plus belle encore. Inexprimable joie qui Sera, je pense, une joie éternelle ! Cette splendeur que j'ai vue à la maison ne peut se comparer qu'à celle que je vois dans l'hostie. Mais j'éprouve une peine profonde : je ne puis faire entendre ce que j'ai vu. Il m'est arrivé aussi de voir deux yeux éblouissants, puis la bouche, et je ne voyais plus que cela. Ces visions ressemblent à des créations nouvelles ; c'est la joie qui les opère. Ces joies immenses et variées ne peuvent être comparées entre elles ; mais chacune d'elles, à force d'être immense, paraît devoir être éternelle.

XLIV
La prière à la Vierge

Ce jour-là je n'étais pas en prière : je venais de manger et je me reposais. Au moment où j'y pensais le moins, je fus ravie en esprit, et je vis la Vierge dans sa gloire. Une femme pouvait donc être placée sur un tel trône et dans une telle majesté ? Ce sentiment m'inonda d'une joie ineffable. Cette gloire était possible à une femme : cela est, et je l'ai vu. Elle était debout, priant pour le genre humain ; l'aptitude qui vient de la bonté et celle qui vient de la force donnaient à sa prière des vertus inénarrables. J'étais transportée de bonheur à la vue de cette prière ; et pendant que je regardais la Vierge, tout à coup Jésus-Christ apparut près d'elle, revêtu de son humanité glorifiée. J'eus la notion des douleurs que cette chair avait souffertes, des opprobres qu'elle avait subis, de la croix qu'elle avait portée ; les tortures et les ignominies de la Passion me furent mises dans l'esprit. Mais voici ce qu'il y eut de merveilleux : le sentiment des tourments inouïs dont j'avais connaissance, et que Jésus a soufferts pour nous ; ce sentiment, au lieu de me briser de douleur, me brisait de joie.

Transportée d'un bonheur inénarrable, je perdis la parole et j'attendis la mort. Et j'éprouvai une peine au-dessus de toute peine : car j'attendis en vain. La mort ne venait pas, et je ne parvenais pas immédiatement, puisqu'elle refusait de briser mes liens, à l'Inénarrable qui était sous mes yeux.

Cette vision dura trois jours sans interruption. Je mangeais, quoique très peu, mais, languissante de désir, je ne pouvais pas parler : j'étais renversée, prosternée, surmontée.

Si j'avais quelque chose à faire, je le faisais ; mais il ne fallait pas nommer Dieu devant moi, car ma joie devenait alors absolument insupportable.

XLV
Le 2 février

C'était le jour de la Purification de la Vierge. J'étais à Foligno, dans l'église des Frères Mineurs. Et la voix parla, elle me dit : « Voici l'heure où Marie, Vierge et Reine, vint au temple avec son Fils. »

Mon âme écouta avec un grand amour, et, ayant écouté, elle fut ravie ; et dans son ravissement elle vit entrer la Reine, et elle alla au devant d'elle, tremblante de respect. l'hésitais pourtant ; je craignais d'approcher. Elle me rassura, et tendit vers moi Jésus, et me dit : « O toi qui aimes mon Fils, reçois celui que tu aimes. » Elle le déposa dans mes bras ; il était enveloppé de langes ; il avait les yeux fermés comme dans le sommeil.

La Reine s'assit, comme une femme fatiguée. Ses gestes étaient si beaux, son attitude si merveilleuse, sa personne si noble, sa vue si sublime, que mes yeux ne pouvaient se fixer sur Jésus seul, et étaient forcés de regarder sa mère. Tout à coup l'enfant s'éveilla dans mes bras : ses langes étaient tombés, il ouvrit et leva les yeux. Jésus me regarda ; dans ce coup d’œil il me surmonta, il me vainquit absolument. La splendeur sortait de ses yeux, et sa joie brillait comme une flamme aveuglante.

Alors il apparut dans sa majesté immense, ineffable, et il me dit :

« Celui qui ne m'aura pas vu petit ne me verra pas grand. » Il ajouta : « Je suis venu à toi, et je m'offre à toi pour que tu t'offres à moi. »

Alors mon âme s'offrit à lui par un mode d'oblation étonnant, sans rapport avec les paroles : je m'offris tout entière : j'offris mes fils avec moi d'une oblation entière et parfaite, ne gardant rien pour moi, rien de leurs personnes, et rien de leurs choses.

Mon âme eut l'intelligence que son oblation était bien reçue, et la joie de Dieu, l'agréant, ne me resta pas inconnue. Quant à la mienne, je n'essaierai pas d'en dire un mot. Quand je sentis mon oblation agréée, la délectation intime que j'éprouvai fut trop grande, trop immense et trop douce pour que la parole approche d'elle. Une autre fois je vis la Vierge ; elle m'exhorta à la connaître plus profondément ; elle me bénit, et me montra la douleur qu'elle souffrit pendant la Passion.

XLVI
L’embrasement

Un jour je fus ravie en esprit ; attirée, élevée, absorbée dans la lumière sans commencement ni fin, je voyais ce qui ne peut se dire. Pendant cette influence, l'image de l’Homme-Dieu m'apparut encore, à l'instant de la descente de croix. Le sang était récent, frais, rouge ; il coulait des blessures ouvertes ; il venait de sortir du corps. Alors dans les jointures je vis de tels déchirements je vis les nerfs tellement étendus, et les os tellement disloqués par l'effort des bourreaux, qu'un glaive me traversa, et mes entrailles furent percées ; et, quand je me souviens des douleurs que j'ai subies dans ma vie, je n'en trouve pas une qui soit égale à celle-ci.

J'étais là, absorbée dans ma douleur ; autour du Crucifié, j'aperçus une foule dévouée, qui prêchait en paroles et en actes la pauvreté, l'opprobre et la douleur du Crucifié. Cette foule, c'étaient mes fils spirituels. Jésus les appela, les attira à lui, les embrassa un à un avec un immense amour ; puis il leur prit la tète avec ses mains, et leur donna à baiser la plaie sacrée de son Cœur. Je sentis quelque chose de l'amour qu'il avait dans les entrailles, et ma joie fut telle, que la douleur dont je viens de parler, la douleur sans exemple, s'évanouit dans mon transport.

L'application que fit Jésus de mes enfants sur son Cœur ne fut pas la même pour eux tous. Pour quelques-uns d'entre eux il la répéta ; pour les uns elle était plus complète, moins complète pour les autres. Quelques-uns d'entre eux furent absorbés tout entiers dans le Cœur de Dieu ; la rougeur du sang vermeil était sur leurs lèvres ; quelques-uns d'entre eux avaient les joues colorées ; il y a certaines figures que je vis couvertes et teintes tout entières, suivant les degrés que j'indiquais tout à l'heure ; et Jésus prodiguait des bénédictions, et il disait :

«O bien-aimés fils, faites connaître aux hommes le chemin de la croix, par où j'ai marché dans la pauvreté, le mépris et la douleur : prenez-y la grande part qui convient à mes coopérateurs ; car je vous ai choisis singulièrement pour manifester par la parole et l'exemple, pour mettre au jour ma lumière cachée et méprisée. »

Mon âme comprit que ces paroles s'appliquaient à mes fils, dans les mêmes différences et les mêmes proportions que s'était appliquée la plaie du côté. Quant à l'amour qui sortait de ses entrailles pour resplendir sur sa face et dans ses yeux ; quant à l'amour qui pénétra tous ces baisers, toutes ces paroles, toutes ces bénédictions, il est dans le domaine de l'ineffable, et le silence lui convient seul. [5]

XLVII
Les degrés

Un autre jour, j'assistais à une procession, je sentis l'attrait de l'abîme. Le Dieu incréé m'appela suivant le mode ineffable dont j'ai parlé plus haut.

Je vis le Dieu un en trois personnes, et sa majesté habitait l'âme de mes fils, et les transformait en elle-même suivant les degrés dont j'ai déjà constaté les lois. Cette vue fut pour moi quelque chose comme une immensité paradisiaque. Les entrailles de Dieu se répandaient sur mes enfants, et je ne pouvais pas me rassasier de voir. Et la profondeur de la bénédiction qui tombait sur leur tète est un mystère au dessus des paroles. [6] Puis j'entendis Dieu leur demander quelque chose : c'était le sacrifice sans réserve, l'holocauste entier, parfait, de

leurs corps et de leurs âmes.

Pesez, mes frères, pesez. Comment faut-il aimer, comment faut-il servir ce jaloux qui veut posséder, ce Dieu qui se donne, ce Dieu qui demande ?

J'eus encore sous les yeux la représentation du Dieu crucifié, avec la tension des jointures que j'avais déjà vue. Il était porté à travers l'air, et volait là où marchait la procession ; et cette image nous suivait, sans qu'aucune main humaine fût là pour la soutenir. Je revis mes fils réunis, et l'application de leurs lèvres faite à la plaie du côté ; et Jésus leur disait :

« Je suis Celui qui enlève les péchés du monde. J'ai porté les vôtres, et éternellement ils ne vous seront pas imputés. Ce sang que vous voyez est le bain de la purification vraie. Ce sang est le prix de votre rédemption. Ce cœur est le lieu de votre résidence. Ne craignez pas, mes enfants, de découvrir par vos paroles et vos actions cette vérité de ma voie et de ma vie, que les méchants combattent ; car je suis toujours avec vous pour vous aider et vous secourir. »

Ce jour-là, et plusieurs autres jours, je vis la purification de mes fils et les trois degrés qu'elle comporte. La première purification est une grande grâce de force qui rend facile l'absence du mal.

La seconde est une grande grâce de joie dans l'accomplissement du bien.

La troisième est la plénitude de la perfection, et la transformation de l'âme en Dieu.

Dans toutes ces grâces de rénovation, l'âme reçoit une beauté admirable. La splendeur du second degré est immense et joyeuse. Quant au troisième, il est dans le domaine de ces excès qui me réduisent au silence. Je ne peux pas en dire autre chose.

Les élus du troisième degré m'apparaissaient transformés en Dieu, de sorte qu'en eux je ne vois plus que Jésus, tantôt souffrant, tantôt glorifié ; il me semble qu'il les a transsubstantiés et engloutis dans son abîme.

XLVIII
La lumière

Dans cette même procession, nous approchions d'une église dédiée à la sainte Vierge. Voici la Reine de grâce et de miséricorde qui s'inclina sur ses fils et ses filles ; elle était d'abord sur la hauteur immense. Elle s'inclina et les bénit d'une bénédiction inconnue, et les attirant sur son cœur, elle les embrassait inégalement. On eût dit les bras tendus de l'amour. Elle était lumineuse tout entière, et semblait les absorber au dedans d'elle-même dans une lumière immense. N'allez pas vous figurer que je voyais oies bras de chair : tout cela était lumière, et lumière admirable ; la Vierge, pressant les enfants contre son cœur, par la vertu de l'amour qui sortait du fond de ses entrailles, les absorbait en elle-même.

XLIX
Les morts

Un autre jour, parmi des multitudes de visions, saint  François m'apparut dans la gloire. Il me salua de sa salutation habituelle, et la voici : «Avec toi soit la paix du Très-Haut. » La voix de saint François est toujours très pieuse, très humble, très gracieuse et très tendre.

Chez ceux de mes fils qui observent avec une ardeur de feu la loi de pauvreté, il loua beaucoup l'intention et demanda l'agrandissement pratique. Il ajouta : « Que la bénédiction éternelle, parfaite et abondante, reçue par moi du Dieu sans commencement ni fin, tombe sur la tête de ces enfants chéris, tes fils et les miens : dis-leur qu'ils vivent suivant la voix du Christ, qu'ils la manifestent en paroles et en actions. Qu'ils ne craignent pas ; car je suis avec eux, et le Dieu éternel est leur soutien. »

François louait mes fils de leurs bonnes intentions : il les fortifiait, il leur disait de marcher en paix, de l'aider dans ses desseins ; sa bénédiction était si tendre, que ses entrailles avaient l'air de sortir de lui pour se répandre sur eux.

Je reçus beaucoup d'autres communications qui me concernaient, moi et mes filles ; mais je ne puis les faire connaître. Ce que je viens de dire, je l'ai vu. J’ai vu clairement tomber sur nous la bénédiction de Dieu et de sa Mère. J'ai vu qu'ils veulent porter le fardeau de notre pénitence. Ils vous demandent, mes enfants, d'être les exemplaires lumineux de leur vie lumineuse, et de suivre, dans la pauvreté, le mépris et la souffrance, la route qu'ils ont suivie. Leur volonté, leur désir est de vous voir morts et vivants, ayant votre habitation dans les cieux et votre corps sur la terre.

Un mort n'est remué ni par le mépris ni par l'estime des hommes. Soyez donc immuables absolument. Que la vie extérieure du monde n'atteigne pas jusqu'à vous. Prêchez la mortification plus par votre vie que par votre discussion. Que dans tous vos actes ,notre intention soit dans les cieux, immuable avec Jésus et Jésus crucifié. Que vous agissiez, que vous parliez, ou que vous mangiez, soyez toujours occupés intérieurement dans l'intérieur de l'Homme-Dieu, qui veut vous porter partout, enfermés en lui-même, et vous assister dans toutes vos actions. Que Celui qui daigne demander ces choses de vous, daigne aussi, à mon Dieu, les accomplir en vous, par les mérites de sa sainte Mère. Amen.

FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE

A suivre.....


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Message par M1234 Lun 6 Mar 2017 - 7:43



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VISIONS
et
instructions
traduction
Ernest Hello
TROISIÈME PARTIE

● ● ●

L
L’invitation
Un jour, je priais Dieu qu'il me donnât quelque chose de lui. Et je fis sur moi le signe de la croix. Et je le priais aussi de me montrer quels sont ses enfants. Entre autres réponses, cet exemple me fut donné :

« Un homme qui a beaucoup d'amis prépare un festin avec un soin immense et les invite ; mais beaucoup d’entre eux ne viennent pas. Quelle sera la douleur de celui qui a préparé un festin très abondant, et qui a immensément dépensé ? Mais avec quelle joie il reçoit ceux qui se présentent ! Il les reçoit tous avec transport. Mais il y a des places réservées, des places voisines de lui, pour ses amis intimes : ceux-là mangent avec lui, et boivent dans sa coupe.

« Seigneur, dis-je avec joie, quel est le festin ? Quand avez-vous invité tout le monde ? Oh ! dites-moi, dites-moi ! » Il répondit : « J'ai invité tous les hommes la vie éternelle : que ceux-là viennent qui veulent venir ! Personne ne peut s'excuser et dire : Je ne suis pas invité. Quelques-uns viennent et prennent place. »

Ici Jésus me donnait à entendre qu'il est lui-même la table et la nourriture des convives.

— « Et ces appelés, dis-je alors, par quelle voie sont-ils venus ? »  —« Par la voie de la tribulation, me fut-il répondu. La virginité, la chasteté ont leurs épreuves. »

Et il appela par leur nom les pauvretés et les douleurs de ceux qu'il me montrait. Et ma joie fut immense ; car je compris l'ordre et la raison de toutes ces choses. Tous ces élus portaient le nom de fils. Je vis comment la virginité, comment la pauvreté agissaient sur les enfants du Seigneur. Je vis comment la souffrance se convertissait en action de grâces. On ne comprend pas d'abord, mais ensuite on remercie. Je vis la route commune des élus de la vie éternelle, et il n'y a pas d'autre voie. Mais les invités qui boivent à la coupe du Seigneur sont ceux qui veulent connaître la bonté de leur Père, ceux qui veulent l'imiter et partager volontairement les fardeaux qu'il porta. Dieu permet leurs épreuves, par une grâce spéciale, pour les admettre à sa coupe.

« C'est à cette table, me dit Jésus-Christ, que je fus invité à boire le calice de la Passion, si terrible en lui-même et si doux, tant je vous aimais ! » Ainsi, pour ces enfants, l'amertume des tribulations se change tout entière en grâce, en douceur et en amour ; car ils sentent le prix de leurs larmes. Ils sont attaqués, ils ne sont pas affligés ; car plus ils sentent la tribulation, plus ils sentent Dieu, et plus leur joie grandit. C'est pourquoi je dis et j'affirme que ceux qui passent par cette voie divine, en buvant le breuvage de la pénitence, boivent des joies divines. Cela m'a été dit, et je le sais d'ailleurs par une expérience personnelle, indéfiniment répétée.

Mes frères se sont beaucoup moqués de moi ; il n'y a pas de paroles pour rendre l'onction divine des larmes de joie qui coulaient alors sur mes joues.

Un jour j'étais faible, malade et réduite au silence, Jésus-Christ m'apparut, les mains pleines de consolations ; il me témoigna une compassion profonde et prononça cette parole : « Je suis venu pour te servir. »

Or ce service consista à se tenir debout près de mon lit, et à me montrer l'apaisement de sa face, qui me plongea dans l'ineffable. Je ne le voyais que des yeux de l'esprit ; mais je le voyais dans une lumière et dans une évidence que ne peuvent connaître les yeux du corps, et je ne dirai rien de ma joie, car j'étais dans l'ineffable.

Un jour, c'était le lundi saint, je dis à ma compagne : « Cherchons-le, il faut que j'aille aujourd'hui à la recherche de Jésus-Christ. » Et j'ajoutai : « Allons à l'hôpital ; c'est peut-être là que nous le trouverons parmi les pauvres et les misérables. »

Nous prîmes avec nous toutes les coiffures que nous pouvions emporter (nous ne prîmes pas autre chose, parce que nous ne disposions pas d'autres choses), et nous priâmes une servante de l'hôpital d'aller les vendre au profit des repas des pauvres. Elle fit mille difficultés ; cependant, vaincue par notre grande insistance, elle vendit ces objets et acheta des poissons. Quant à nous, nous apportâmes des pains qui nous avaient été donnés à nous-mêmes pour l'amour de Dieu. Après avoir fait ces petites offrandes, nous nous mîmes à laver les pieds des femmes pauvres et les mains des hommes. Parmi ceux-ci se trouvait un lépreux dont les mains étaient hideuses, fétides et pourries. Pour celui-ci, nous ne nous sommes pas contentées de le laver. La chose faite, nous avons bu de l'eau qui venait de nous servir. Ce breuvage nous inonda d'une telle suavité, que la joie nous suivit et nous ramena chez nous. Jamais je n'avais bu avec de pareilles délices. Il s'était arrêté dans mon gosier un morceau de peau écailleuse sorti des plaies du lépreux. Au lieu de le rejeter, je fis de grands efforts pour l'avaler, j'y réussis. Il me sembla que je venais de communier. Jamais je n'exprimerai les délices dans lesquelles j'étais noyée. Si l'homme trouve l'anxiété au commencement de la pénitence, je sais quelles joies l'attendent quand il aura marché.

Un jour j'étais dévorée par une peine d'esprit ; pendant un mois, il me sembla que je ne sentais plus rien de Dieu. La chose devint tellement horrible, que je me crus abandonnée du Seigneur. Je n'étais plus même en état de me confesser. D'un côté, je voyais en moi un orgueil qui me semblait la cause de mon malheur ; de l'autre côté, l'abîme de mes péchés s'ouvrit devant moi une telle profondeur, qu'il me semblait impossible de les confesser avec une contrition digne de leur horreur, ou même de les exprimer par la parole.

Je suis condamnée, disais-je, à ne pas même pouvoir me montrer dans mon horreur. Impossible de me confesser. Impossible de louer Dieu. Impossible de prier. Je ne voyais plus de divin en moi que la volonté absolue de ne pas pécher. Ni tous les biens, ni tous les maux du monde n'eussent ébranlé cela, et même je ne me trouvais pas aussi malheureuse que j'aurais mérité de l'être.

Cela durait depuis un mois. J'étais torturée horriblement.

Enfin Dieu eut pitié et j'entendis ces paroles :

« O ma fille et ma bien-aimée, la bien-aimée du paradis : l'amour de Dieu se repose en toi ; et il n'est pas de femme dans la vallée de Spolète où il se repose si profondément. »

Et mon âme cria : « Comment ferais-je pour vous croire, du fond de mon abîme, quand je me sens abandonnée ? »

Il répondit : « Plus tu te crois abandonnée, plus tu es aimée de Dieu et serrée contre lui. »

Il ajouta : — « Un père qui aime beaucoup son fils, lui donne avec mesure les aliments, il lui interdit le poison, et mêle de l'eau à son vin. Ainsi Dieu : il mêle les tribulations aux joies, et dans la tribulation, c'est encore lui qui les tient. S'il ne la tenait pas, l'âme s'abandonnerait et tomberait en défaillance ; au moment où elle se croit abandonnée, elle est aimée plus qu'à l'ordinaire. »

Ces paroles ne m'enlevèrent pas ma douleur, elles ne firent que la modifier un peu. Seulement le désir des sacrements, qui m'avait abandonné, me fut rendu.

Au bout de quelque temps, la tentation me fut enlevée totalement.

Alors j'entendis une voix qui tue disait :

« Va communier. Si tu le fais, tu me reçois ; si tu ne le fais pas, tu me reçois encore. Cependant communie avec la bénédiction du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Communie en l'honneur du Dieu tout-puissant et de la Vierge bienheureuse et du saint dont tu célèbres la fête (c'était ce jour-là saint Antoine). Tu recevras une grâce nouvelle que tu n'as pas encore reçue. »

La volonté de communier m'ayant été rendue, je me confessai ; mais, pendant la messe, je me vis si horriblement pleine de péchés et de défauts, que, réduite au silence, je me dis intérieurement : La communion que je vais faire sera ma condamnation.

Mais tout à coup je me trouvai dans une disposition admirable, et je reçus la puissance d'entrer dans l'intérieur de Jésus-Christ ; je me plaçai au fond de lui avec une sécurité nouvelle, je sentais une confiance inconnue. Je me renfermai en lui comme une morte qui aurait la certitude admirable d'être immédiatement ressuscitée. Je communiai dans la confiance, et, après la communion, j'eus un sentiment merveilleux : je sentis que la tentation avait été un bien pour moi. Cette communion fit naître dans mon âme un désir nouveau de me donner toute à Celui qui se donnait tout à moi, de me livrer à Jésus-Christ. Et depuis ce moment je suis brûlée d'un feu nouveau ; c'est le désir du martyre : ce désir fait mes délices, et j'éprouve dans les tribulations des joies que je n'avais pas encore connues.

Oui, Dieu console les misérables.

Un autre jour, j'étais dans de telles douleurs que je me voyais abandonnée ; j'entendis la même voix, et elle disait :

« O ma bien-aimée, sache qu'en cet état Dieu et toi vous êtes plus intimes l'un à l'autre que jamais. »

Et mon âme cria : — « S'il en est ainsi, qu'il plaise au Seigneur d'enlever de moi tout péché et de me bénir, et de bénir ma compagne, et de bénir celui qui écrit quand je parle. »

La voix répondit : — « Tous tes péchés sont enlevés, et je vous bénis avec cette main qui fut étendue sur la croix. »

Et je vis une main étendue sur nos têtes pour nous bénir, et la vue de cette main m'inondait de joie, et vraiment cette main était capable d'inonder de joie quand elle se montrait.

Et il nous dit à tous les trois :

« Recevez, gardez, possédez à jamais la bénédiction du Père et du Fils, et du Saint-Esprit. »

Et il ajouta en me parlant : — « Dis au frère qui écrit quand tu parles de travailler à se faire petit. Il est aimé du Dieu tout-puissant. Dis-lui d'aimer le Dieu tout-puissant».

Celui qui console les misérables m'a consolée bien des fois. Qu'à lui soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen.

LI
La menace

Un jour j'étais en oraison dans ma cellule, et j'entendis ces paroles :

« Ceux qui ont le Seigneur Dieu pour illuminateur voient leur voie particulière dans la lumière intérieure et spirituelle. Mais quelques-uns d'entre eux ferment les oreilles de peur d'entendre, et les yeux de peur de voir. Ne voulant pas écouter la parole de Celui qui parle dans l'âme, quoiqu'ils sentent de ce côté-là la saveur divine, ils se détournent, malgré la voix intime, et suivent la voie commune. Ceux-ci seront maudits par le Dieu tout-puissant. »

J'entendis cette parole, non pas une fois mais mille fois. Mais, saisie d'une tentation violente, je pris cet enseignement pour une illusion. « Comment, disais-je, voici une âme que Dieu éclaire de sa lumière, qu'il comble de ses dons, et parce qu'elle suit une route ordinaire, il la maudit. » Cette parole me parut trop terrible. Je refusai avec horreur d'écouter seulement la voix qui parlait.

Alors, par complaisance pour ma faiblesse, un exemple grossier me fut offert, et je reçus plusieurs fois l'ordre absolu de faire écrire et de ne pas passer sous silence. Voici cette parabole.

« Un père voulait faire de son fils un savant. Le père n'épargne rien, il fait d'énormes dépenses. Il fournit magnifiquement au fils de son amour tout ce qui est nécessaire à la grande figure qu'il doit faire dans le monde. Quand certaines études sont terminées sous la direction d'un premier maître, le père fait transporter le bien-aimé dans une autre demeure, où un autre maître plus élevé lui donne de plus sublimes enseignements. Mais si le disciple ingrat, négligeant la haute science, s'en va travailler dans la boutique d'un artisan, et oublie chez un mercenaire ce qu'il tenait de la sagesse de son maître et de la magnificence de son père, celui-ci s'abîmera dans une douleur et dans une indignation proportionnées à la grandeur et à la profondeur de son amour trahi. »

Le fils, c'est l'âme qui, éclairée d'abord par la prédication et par l'Écriture, est admise dans le sanctuaire où retentit la parole de Dieu ; il voit dans la lumière spirituelle comment il doit suivre la voie du Christ. Il est touché intérieurement. Dieu, qui l'a d'abord confié aux hommes et aux livres, intervient directement et lui montre la lumière que lui seul peut montrer. Il donne la haute science, afin que celui qui aura vu sa route si magnifiquement devienne la lumière des autres hommes. Mais si ce bien-aimé néglige le don de Dieu, s'il s'encroûte, s'il s'épaissit, s'il repousse cette lumière qui est la sienne, et la science de Dieu et son inspiration, Dieu lui soustrait la lumière et lui donne sa malédiction.

Je reçus l'ordre d'écrire ces paroles et de les montrer au frère qui me confessait, parce qu'elles le regardent personnellement.

Un autre jour, Dieu me parla et me dit :

« Il y a une classe d'hommes qui ne connaissent le Seigneur que par les biens qu'ils tiennent de lui. Ceux-là le connaissent peu. Une autre classe d'hommes, qui possède aussi cette connaissance, en possède une autre plus intime. Ceux-ci sentent au fond d'eux la bonté essentielle du Seigneur. »

Dans un autre entretien, je reçus une lumière, et j'entendis une voix qui criait, et dans les cris je distinguai ces paroles :

« Oh ! qu'ils sont grands ! Qu'ils sont grands ! Je ne parle pas de ceux qui lisent les Écritures que j'ai données aux hommes. Je parle de ceux qui les accomplissent. »

Et elle ajouta que toute l'Écriture est accomplie dans la vie du Christ.

Un jour je priais et je disais au Seigneur :

« Je sais que vous êtes mon Père, je sais que vous êtes mon Dieu ; dites-moi ce que je dois faire : montrez-moi la route qui est la mienne ; car je suis prête à obéir. »

J'étais arrêtée dans cette parole depuis le matin jusqu'à l'heure de tierce.................... Et je vis et j'entendis...................

Mais ce que je vis et ce que j'entendis, il m'est absolument impossible de l'exprimer. C'était un abîme absolument ineffable, et l'abîme me montra ce qu'est Dieu, quels hommes vivent en lui, quels hommes ne vivent pas en lui, et l'abîme me dit :

« Je te le dis en vérité, il n'est pas d'autre route droite que celle où j'ai marché : dans cette route, qui est la mienne, la déception n'est pas. »

Cette parole me fut dite souvent. Elle m'apparut dans sa vérité et me fut montrée dans une lumière immense.

LII
Les signes

Il est important de savoir à quels signes on peut connaître la présence de Dieu dans l'âme, et la reconnaître avec certitude.

Quelquefois il arrive sans être appelé, ni prié, et apporte avec lui un feu, un amour, une suavité inconnus. Dans ce feu l'âme cueille la joie, et croit reconnaître la présence et l'opération de Dieu ; mais la certitude lui manque encore. L'âme voit que Dieu est en elle, bien qu'elle ne l'y voie pas, quand elle sent sa grâce et la joie de sa grâce. Mais rien de tout cela n'est la certitude. L'âme sent l'arrivée de Dieu quand elle entend de douces paroles portant avec elles leur délectation, quand elle sent la Divinité par un attouchement délicieux ; mais un doute peut rester encore, un léger doute. L'âme ne sait pas encore parfaitement et absolument si Dieu est en elle ; car un autre esprit peut apporter avec lui ces sentiments. Le doute vient ou des défauts de l'âme, ou de la volonté de Dieu, qui lui refuse la certitude.

L'âme possède la certitude de Dieu présent quand il se manifeste par un sentiment absolument inconnu, nouveau pour elle, étonnant et réitéré, par un feu qui arrache l'amour que l'homme a pour lui-même ; l'âme possède la certitude quand elle reçoit des pensées et des paroles et des conceptions qui ne viennent d'aucune créature, quand ces conceptions sont illustrées de lumière, quand elle a de la peine à les cacher, quand elle les cache de peur de blesser l'amour, quand elle les cache par discrétion, par humilité, et pour ne pas divulguer un secret trop immense.

Il m'est arrivé quelquefois, portée par une ardeur qui voulait sauver, il m'est arrivé de dire quelques secrets ; on me répondait : « Ma sœur, revenez à la sainte Écriture » ; ou : « Nous ne vous comprenons pas. » Je comprenais la leçon, et rentrais dans le silence.

Dans le sentiment dont je parle et qui garantit la présence du Dieu tout-puissant, l'âme reçoit le don de vouloir parfaitement. Elle est tout entière d'accord avec elle-même pour vouloir la vérité vraiment et absolument, en toutes choses et à tous les points de vue, et tous les membres du corps concordent avec elle et ne font plus qu'un avec elle, dans la même vérité voulue, sans résistance et sans restriction. L'âme veut parfaitement les choses de Dieu qu'elle ne voulait pas auparavant, dans toute la plénitude de toutes ses puissances réunis. Le don de vouloir absolument et parfaitement est conféré par une grâce où l'âme sent la présence du Dieu tout-puissant, qui lui dit : « C'est moi, ne crains pas. » L'âme reçoit le don de vouloir Dieu et les choses de Dieu d'une volonté qui ressemble à l'amour absolument vrai dont Dieu nous a aimés ; et l'âme sent que le Dieu immense s'est immiscé en elle et lui tient compagnie.

Quand le Dieu très haut visite l'âme raisonnable, l'âme reçoit quelquefois le don de le voir ; elle le perçoit au fond d'elle, sans forme corporelle, mais plus clairement qu'un homme en voit un homme. Les yeux de l'âme voient une plénitude spirituelle, sans corps, de laquelle il est impossible de rien dire, parce que les paroles et l'imagination font défaut.

Dans cette vue l'âme, délectée d'une délectation ineffable, est tendue tout entière sur un même point, et elle est remplie d'une plénitude inestimable. Cette vue par laquelle l'âme voit le Dieu tout-puissant sans pouvoir regarder autre chose est si profonde, que je regrette le silence auquel me réduit l'abîme. La chose ne peut être ni touchée, ni imaginée ; elle ne peut pas non plus être appréciée.

La présence de Dieu a d'autres signes, et je vais en citer deux :

Le premier est une onction qui renouvelle subitement l'âme, qui rend le corps docile et doux, l'esprit invulnérable à la créature, et inaccessible au trouble. L'âme sent et écoute les paroles que Dieu lui dit. Dans cette immense et ineffable onction, l'âme reçoit la certitude que vraiment le Seigneur est là : car il n'y a ni saint ni ange qui puisse faire ce qui est fait en elle. Elles sont tellement ineffables, ces opérations, que j'éprouve une vraie douleur de ne rien dire qui soit digne d'elles. Que Dieu me pardonne, car ce n'est pas ma faute ; je manifesterais de tout mon cœur quelque chose de sa bonté, si je pouvais et s'il voulait.

Quant à l'autre opération qui révèle à l'âme raisonnable la présence du Dieu tout-puissant, la voici : c'est un embrassement. Dieu embrasse l'âme raisonnable comme jamais père ni mère n'a embrassé un enfant, comme jamais créature n'a embrassé créature. Indicible est l'embrassement par lequel Jésus-Christ serre contre lui l'âme raisonnable ; indicible est cette douceur, cette suavité. Il n'est pas un homme au monde, qui puisse dire ce secret, ni le raconter, ni le croire, et quand quelqu'un pourrait croire quelque chose du mystère, il se tromperait sur le mode. Jésus apporte dans l'âme un amour très suave par lequel elle brûle tout entière en lui ; il apporte une lumière tellement immense, que l'homme, quoiqu'il éprouve en lui la plénitude immense de la bonté du Dieu tout-puissant, en conçoit encore infiniment plus qu'il n'en éprouve. Alors l'âme a la preuve et la certitude que Jésus-Christ habite en elle Mais qu'est-ce que tout ce que je dis auprès de la réalité ? L'âme n'a plus ni larmes de joie, ni larmes de douleur, ni larmes d'aucune espèce ; la région où l'on pleure de joie est une région bien inférieure à celle-ci. Au-dessus de toute plénitude et de toute joie, Dieu apporte en lui la chose qui n'a pas de nom, qui serait le paradis, et qui défie le désir de demander au delà d'elle. Cette joie rejaillit sur le corps, et toute injure qu'un vous dit ou qu'on vous fait est non avenue ou changée en douceur.

Les contrecoups que je reçois dans le corps trahissent mes secrets ; ils les livrent à ma compagne ou à d'autres personnes. Quelquefois — d'après ma compagne — je deviens éclatante et resplendissante ; mes yeux brillent comme des flambeaux, ou bien je suis pâle comme une morte, suivant la nature des visions. Cette joie dure, sans s'épuiser, bien des jours. J'en ai d'autres qui dureront éternellement : l'éternité ne les changera pas ; elle leur donnera plénitude et perfection. Mais je les ai déjà, je les ai sur la terre. S'il survient quelque tristesse, le souvenir de ces joies me défend contre le trouble. Enfin tant de signes peuvent donner à l'âme la certitude de Dieu possédé, que je ne puis ni les dire, ni les énumérer tous.

LIII
L’hospitalité

Nous venons de dire comment l'âme reconnaît en elle la présence de Dieu. Mais nous n'avons rien dit de l'accueil qu'elle lui fait, et tout ce qui précède est peu de chose auprès de l'instant où l'âme reconnaît Dieu pour son hôte.

Quand l'âme a donné l'hospitalité à l'étranger qui vient en elle, elle entre dans une si profonde connaissance de l'infinie bonté du Seigneur, que, souvent recueillie au fond de moi, j'ai connu avec certitude que plus on a le sentiment de Dieu, moins on peut parler de lui. Plus on a le sentiment de l'infini et de l'indicible, plus on manque de paroles ; car auprès de ce qu'on veut rendre, les mots font pitié.

Si un prédicateur était introduit là, s'il sentait ce que j'ai quelquefois senti, ses lèvres se fermeraient ; il n'oserait plus parler, il se tairait, il deviendrait muet. Dieu est trop au-dessus de l'intelligence et de toute chose ; il est trop au-dessus du domaine des paroles, des pensées et des calculs, pour que la bouche essaie d'expliquer parfaitement les mystères de sa bonté. Ce n'est pas que l'âme ait quitté le corps, ou que le corps soit privé de ses sens, mais c'est que l'âme perçoit sans leur secours. L'homme, à force de voir l'Ineffable, arrive à la stupeur, et si un prédicateur, au moment de parler, entrait dans cet état, il dirait au peuple : « Allez-vous-en, car je suis incapable de parler de Dieu ; je suis insuffisant. » Quant à moi, je sens et j'affirme que toutes les paroles sorties de la bouche des hommes depuis le commencement des siècles, ainsi que les paroles de l'Écriture sainte n'ont pas touché la moelle de la bonté divine, et ne sont pas, devant cette bonté, ce qu'est un grain de millet devant la grosseur de l'univers.

Quand l'âme reçoit la sécurité de Dieu et est récréée par sa présence, le corps, rassasié aussi, est revêtu d'une certaine noblesse, et partage, quoique à moindre degré, la joie de l'âme. La raison et l'âme, parlant au corps restauré et aux sens, leur disent :

« Voyez quels sont les biens que Dieu vous fait par moi. Infiniment plus grands sont ceux qui sont promis et seront donnés si vous m'obéissez ; et maintenant comprenez quelle perte nous avons faite, vous et moi, quand vous m'avez désobéi. Obéis-moi donc désormais quand je te parlerai des choses de Dieu. »

Alors le corps et les sens, sentant qu'ils partagent la délectation divine de l'âme, se soumettent et lui disent :

« Mes plaisirs venaient d'en bas parce que je suis le corps ; mais toi qui possèdes ces immenses capacités de joie et de gloire, tu ne devais pas te faire mon esclave : tu ne devais pas te priver et me priver des biens immenses que j'ignorais. »

Le corps se plaint de l'âme et la sensualité de la raison ; mais cette longue plainte ne manque pas de douceur. Car le corps sent le plaisir et la délectation de l'âme bien supérieurs à tout ce qu'il aurait pu soupçonner, et la joie le conduit à l'obéissance.

LIV
Les illusions

Mais ceux qui mènent une vie spirituelle peuvent quelquefois tomber dans l'illusion. Une des causes d'erreur, et la plus grande, c'est un amour impur, mêlé d'amour-propre et de volonté propre ; cet amour a, dans une certaine mesure, l'esprit du monde.

Aussi le monde l'approuve et l'encourage. Cette approbation est un piège, cet encouragement est un mensonge. Dans cet état, l'homme, que le monde voit et approuve, semble brûler d'amour ; il a certaines larmes, certaines douceurs, certains tremblements et certains cris qui portent les caractères de l'impureté spirituelle. Mais ces larmes et ces douceurs, au lieu de venir du fond de l'âme, sont des phénomènes qui se passent dans le corps ; cet amour ne pénètre pas dans le cœur ; cette douceur s'évanouit rapidement, s'oublie facilement, et produit l'amertume. J'ai fait ces expériences ; je manquais alors de discernement. Je n'étais pas parvenue à la possession certaine de la vérité.

Quand l'amour est parfait, l'âme, après avoir senti Dieu, sent sa part propre, qui est le néant et la mort : elle se présente avec sa mort, avec sa pourriture ; elle s'humilie, elle adore, elle oublie toute louange ou tout bien qui revienne à elle-même ; elle a une telle conscience de ses vides et de ses maux, qu'elle sent sa délivrance entière au-dessus de la puissance des saints, et réservée à Dieu seul. Elle appelle cependant les saints à son secours ; car du fond de son abîme elle n'ose parler à Dieu : elle invoque la Vierge et les saints. Si dans cet état on vous adresse une louange, la chose vous fait l'effet d'une mauvaise plaisanterie. Cet amour droit et sans mélange éclaire l'âme sur ses défauts en même temps que sur la bonté de Dieu. Les larmes et les douceurs qui se produisent alors, au lieu d'engendrer l'amertume, engendrent la joie et la sécurité. Cet amour introduit Jésus-Christ dans l'âme, et l'absence de toute illusion devient pour elle alors un fait d'expérience.

Voici une autre illusion où Dieu permet quelquefois que tombent les âmes intérieures.

Quand une personne dévouée à l'Esprit sent l'amour de Dieu pour elle, éprouve, fait et raconte les oeuvres de l'Esprit, si elle passe la mesure de la prudence, si cette âme perd la crainte, Dieu permet qu'elle tombe dans quelque illusion, afin de connaître qui elle est, et qui il est.

Voici encore une cause d'erreur.

Une âme est dans la voie de l'amour sans mélange ; elle sent Dieu ; ses mains sont pures, son cœur est pur ; elle renonce à l'estime du siècle ; elle renonce à passer pour sainte ; elle veut plaire tout entière au Christ seul ; elle se place tout entière dans le Christ, elle habite en lui ; elle éprouve la joie inénarrable, elle sent l'embrassement de Dieu.

Oh ! qu'elle rende alors à elle-même ce qui est à elle-même, et à Dieu ce qui est à Dieu ! Autrement Dieu permet qu'elle se trompe, il le permet pour la garder, il le permet pour qu'elle ne lui échappe pas ; car il l'aime d'un amour jaloux ; il la plonge dans un abîme où elle trouve deux sciences, la science d'elle-même et la science de Dieu ; c'est ici qu'il n'y a plus de place pour l'erreur ; l'âme voit la vérité pure. Dans cette contemplation, elle éprouve une plénitude telle, qu'elle ne se voit pas capable d'un plus immense ravissement. Absorbée d'abord dans la vue d'elle-même, elle se ferme à toute autre pensée, à tout autre souvenir.

Tout à coup la bonté divine lui apparaît. Puis elle voit simultanément les deux abîmes, et le mode de sa vision est un secret entre elle et Dieu.

Mais ce n'est pas tout. Dieu, qui est jaloux, lui permet encore les tribulations.

LV
La pauvreté d’esprit

Il y a une sauvegarde qui enlève toute place à l'illusion. Cette sauvegarde, c'est la pauvreté d'esprit. Un jour, j'entendis une parole divine qui me recommanda la pauvreté d'esprit comme une lumière, et comme un bonheur qui passe toutes les conceptions de l'entendement humain.

Voici ce que dit le Seigneur :

« Moi, si la pauvreté n'eût pas été si heureuse, je ne l'aurais pas aimée ; et si elle eût été moins glorieuse, je ne l'aurais pas prise. Car l'orgueil ne peut trouver place qu'en ceux qui possèdent ou croient posséder. L'homme et l'ange tombèrent, et tombèrent par orgueil ; car ils crurent posséder. Ni l'homme ni l'ange ne possèdent rien. Tout appartient à Dieu. L'humilité n'habite qu'en ceux qui se voient destitués de tout. La pauvreté d'esprit est le bien suprême. »

Dieu a donné à son Fils, qu'il aimait, une pauvreté telle, qu'il n'a jamais eu et n'aura jamais un pauvre égal À lui. Et, cependant, il a pour propriété l'Être. Il possède la substance, et elle est tellement à lui, que cette appartenance est au-dessus de la parole humaine. Et cependant Dieu l'a fait pauvre, comme si la substance n'eût pas été à lui.

Ceci est folie aux yeux des pécheurs et des aveugles. Les sages nomment la même chose d'un autre nom. Cette vérité est si profonde, la pauvreté est si réellement la racine et la mère de toute humilité et de tout bonheur, que l'abîme où je vois cela ne peut se décrire. Le pauvre ne peut ni tomber ni périr par illusion.

L'homme qui verrait le bien de la pauvreté, l'amour de Dieu tomberait sur lui ; si vous considériez l'immense valeur de ce trésor, et comment il attira le cœur de Dieu, vous ne pourriez plus rien garder de périssable ni rien avoir en propre, rien.

Tel est l'enseignement de la divine Sagesse qui montre à l'homme ses vides, sa pauvreté, qui le présente à lui-même dans un miroir sans mensonge, destitué de tout mérite et de tout bien ; puis qui lui donne le don de la lumière, et avec la lumière, l'amour de la pauvreté.

Puis l'âme voit la divine bonté, et ne trouvant rien À aimer en elle-même, elle se tourne tout entière à aimer le Dieu tout-puissant ; elle fait comme elle aime, ayant perdu toute confiance en elle, et pris toute confiance en Dieu, et dans cette confiance elle trouve l'illumination, par laquelle est chassé le doute. Qui posséderait cette vérité serait inaccessible à toute illusion diabolique ou humaine ; car l'esprit de pauvreté éclaire l'âme d'une lumière immense, et à cette lumière toute la vie lui apparaît, avec tout son mécanisme, et l'illusion est impossible.

J'ai vu cette lumière, j'ai vu que la pauvreté, mère des vertus, sort la première des lèvres de la divine Sagesse.

La divine Sagesse nous a dit par l'incarnation du Verbe : « Vous êtes mortels » ; par la pauvreté d'esprit elle nous dit : « Vous êtes bienheureux. »

C'est pourquoi toute sagesse humaine qui n'entre pas dans cette vérité est un néant qui conduit en enfer. Et tous les sages du monde, s'ils n'entrent pas dans cette vérité, sont des néants qui vont en enfer. Et quand l'âme voit cette vérité, elle agit sans vaine gloire, et sans retour sur elle-même.

LVI
L’extase

Tout ce que l'âme conçoit ou saisit lorsqu'elle est renfermée dans ses étroites limites, n'est rien auprès du ravissement. Mais quand elle est élevée au-dessus d'elle-même, illustrée par la présence de Dieu, quand Dieu et elle sont entrés dans le sein l'un de l'autre, elle conçoit, elle jouit, elle se repose dans les divins bonheurs qu'elle ne peut raconter. Ils écrasent toute parole et toute conception. C'est là que l'âme nage dans la joie, dans la science ; illustrée à la source de la lumière, elle pénètre les paroles obscures et embarrassantes de Jésus-Christ. Elle comprend aussi pourquoi, et de quelle manière la douleur sans adoucissement habita l'âme du Christ.

Mon âme, ainsi illustrée, et transformée en Jésus-Christ souffrant, chercha s'il y avait là quelque adoucissement, et trouva qu'il n'y en a point. Quand mon âme se recueille dans les douleurs de l'âme du Christ, elle ne trouve là aucune place pour la joie : il n'en est pas ainsi quand elle se recueille dans les douleurs de son corps : dans ce dernier cas, elle trouve la joie après la tristesse, et à la hauteur où elle est portée, elle découvre le mystère de ces contrastes. Mon âme voit, à cette lumière, que Jésus-Christ souffrit autant, à l'expérience près, dans le sein de sa mère que sur la croix. Mon âme plonge alors dans les jugements de Dieu et dans les secrets de l'Ineffable, vers lesquels Dieu la transporte. Souvent Dieu fait de tels prodiges dans mon âme que je le reconnais dans mes merveilles intérieures ; car aucune créature n'en est capable, et Lui seul peut les opérer.

Souvent mon âme est élevée en Dieu à de si foudroyantes joies que leur durée serait intolérable au corps qui laisserait là sur place ses sens et ses membres. Il y a un jeu que Dieu joue quelquefois dans l'âme et avec l'âme, c'est de se retirer, quand elle veut le retenir ; mais la joie et la sécurité qu'il laisse en se retirant disent à l'âme : « C'était bien Lui ! » Oh ! quelle vue et quel sentiment ! Ne me demandez ni explication, ni analogie ; il n'y en a pas. Cette illustration, ce ravissement, cette délectation, cette joie sont chaque jour différentes d'elles-mêmes.

Chaque extase est une extase nouvelle, et toutes les extases sont une seule chose inénarrable. Les révélations et les visions se succèdent sans se ressembler. Délectation, plaisir, joie, tout se succède sans se ressembler. Oh ! ne me faites plus parler. Je ne parle pas, je blasphème ; et si j'ouvre la bouche, au lieu de manifester Dieu, je vais le trahir.

LVII
Connaissance de soi et de Dieu

Je suis une aveugle, je vais dans les ténèbres. La vérité n'est pas en moi. Suspectez, à mes enfants, les paroles de cette pécheresse, et ne les suivez que quand elles ressemblent aux vestiges de Jésus-Christ et placent vos pieds dans l'endroit où il a mis les pieds.

Mes enfants, je ne suis plus disposée à écrire, mais à pleurer. Quand pleurerai-je enfin mes péchés et leur terrible rédemption ? Quand pleurerai-je la Passion du Fils de Dieu, du Juste, la Passion de l'Immaculé ? Mais vous m'écrivez ! Je suis obligée d'écrire pour vous répondre. Ce que je vous dis, c'est la plus récente impression de mon cœur. Sachez que rien ne vous est nécessaire, rien, excepté Dieu. Trouver Dieu, recueillir en Lui vos puissances, voilà l'unique nécessaire. Pour ce recueillement il faut couper toute habitude superflue, toute familiarité superflue avec les créatures, quelles qu'elles soient, toute connaissance superflue, toute curiosité superflue, toute opération et occupation superflues. En un mot, il faut que l'homme se sépare de tout ce qui divise. Il faut qu'essayant de pénétrer dans l'abîme de ses misères, il se recueille dans son passé, dans son présent, dans les probabilités de son avenir éternel. Que ceci soit fait tous les jours, ou du moins toutes les nuits. Puisque l'homme tourne et retourne son cœur, qu'il tâche de pénétrer dans la connaissance du Dieu des miséricordes, dans la dispensation de sa pitié suprême, réalisée par Jésus-Christ vis-à-vis de toutes nos misères ; qu'il veille sur sa mémoire, pour qu'elle garde le souvenir du bienfait infini. Se connaître i connaître Dieu ! voilà la perfection de l'homme, et je n'ai aucun goût à rien dire ou écrire en dehors de ces deux paroles : Se connaître ! Connaître Dieu ! Contempler sa prison, sa prison sans issue, et si l'homme ne trouve pas le bonheur dans cette prison, qu'il s'adresse à un autre et ne se repose par sur son grabat !

O mes chers enfants, visions, révélations, contemplations, tout n'est rien sans la vraie connaissance de Dieu et de soi : je vous le dis en vérité, sans elle, rien ne vaut. Aussi je me demande pourquoi vous désirez mes lettres, puisque mes lettres ne peuvent rien pour votre joie, excepté si elles vous portent la vertu de mon cri : se connaître ! Connaître Dieu ! Quel ennui de parler pour dire autre chose ! Silence ! Silence sur tout ce qui n'est pas cela ! Oh ! priez Dieu qu'il donne cette lumière à tous mes enfants, et qu'il fixe votre demeure en elle ! Que la connaissance de Dieu vous soit nécessaire, ceci est évident ; mais comme notre fin est le royaume des cieux, auquel nous ne pouvons ni ne devons parvenir, qu'informés sur le type de l'Homme-Dieu, il est nécessaire de le connaître, Lui, sa vie, ses oeuvres, et sa route vers la gloire, pour posséder son royaume par ses mérites, transformés en lui-même par la grâce de sa ressemblance.

Il est absolument nécessaire de connaître l'Homme-Dieu, sa croix, sa Passion, et la forme de vie qu'il nous a donnée. C'est là que son infinie charité et son amour inestimable ont éclaté plus visiblement que dans toute autre grâce divine. C'est pourquoi il est absolument nécessaire, sous peine d'ingratitude, de l'aimer comme il nous a aimés, d'embrasser le prochain dans cet amour, de pleurer sur la croix, sur la Passion du Bien-Aimé, et d'être transformés en la substance de son amour. La connaissance de notre rédemption, et des choses immenses que Dieu a faites pour nous, nous provoque, nous incite et nous appelle à considérer notre noblesse immense, puisque Dieu nous a aimés jusqu'à mourir. Si cette créature que je suis eût été moins noble, si ma valeur eût été moins immense, Dieu n'eût pas fait, en vue de moi, connaissance avec la mort. Cette connaissance du Dieu crucifié découvre à notre âme la nécessité du salut. Puisque le Dieu très haut, infiniment distant de la créature, infiniment satisfait dans sa plénitude, inaccessible, s'est incliné jusqu'à notre salut, ne négligeons pas cette oeuvre, qu'il n'a pas négligée, et soyons, par la pénitence, les coadjuteurs de ses éternels décrets. La connaissance du Dieu crucifié entraîne un nombre infini d'autres bienfaits. Le sang qui sauve allume le feu.

Voici encore une des nécessités qui nous obligent à descendre dans l'abîme où l'on connaît le Dieu crucifié. L'homme, mes enfants, aime comme il voit. Plus nous voyons de cet Homme-Dieu crucifié, plus grandit notre amour vers la perfection, plus nous sommes transformés en Celui que nous voyons. Dans la mesure où nous sommes transformés en son amour, nous sommes transformés en sa douleur ; car notre âme voit cette douleur. Plus l'homme voit, plus il aime ; plus il voit de la Passion, plus il est transformé, par la vertu de la compassion, en la substance même de la douleur du Bien-Aimé. Plus l'homme voit de la Passion, plus il aime, plus il est transformé en Celui qu'il aime, par la vertu de la douleur. Comme il est transformé en amour, il est transformé en douleur par la vision de Dieu et de soi-même.

O perfection de la connaissance !

O Dieu ! Quand l'âme plonge dans l'abîme sans fond de l'altitude divine que je blasphème si je la nomme, quand l'âme plonge dans l'abîme de son indignité, de sa vileté, de son péché, quand l'âme voit le Dieu très haut devenu l'ami, le frère, la victime du pécheur, verser pour ce misérable, dans une mort infâme, le sang précieux, plus elle plonge profondément ses regards dans le double abîme, plus profondément se réalise dans l'intime de ses entrailles le mystère de l'amour, la sacrée transformation.

Quand l’âme voit la créature à ce point remplie de défauts que sa lumière même est un aveuglement ; car elle en est tellement encombrée qu'auprès de la réalité tout ce qu'elle en voit n'est rien ; quand l'âme se voit, à la lumière que Dieu lui montre, quand elle se voit cause de la douleur inouïe que Jésus-Christ a soufferte pour elle ; quand elle aperçoit cette immensité plus qu'excellente, s'inclinant vers cette vile créature, naissant et mourant pour elle dans l'ineffable crucifiement ; quand l'âme entre dans cette connaissance, elle se transforme en douleur, et plus profonde est la connaissance, plus profonde est la douleur. Si pendant sa vie un homme cherche à en satisfaire un autre, au moment de la mort il redouble de sollicitude.

Mais le Roi des rois, bien qu'une douleur immense et continue l'eût d'avance étendu sur la croix depuis sa conception, au lieu d'un lit de pourpre et d'un tapis doré, quand vint l'heure de sa mort il se trouva en face de cette croix si vile, si abominable qu'il ne peut être soutenu et attaché à elle que par le moyen des clous qui le perçaient ; il fallut les clous des pieds et les clous des mains pour le retenir, autrement il tombait. Au lieu de serviteurs empressés, il eut les satellites du diable, s'ingéniant à rendre le supplice plus cruel, et aidant la torture à pénétrer plus profondément dans l'intime des entrailles ; et ils lui refusèrent la goutte d'eau qu'il demandait, et qu'il demandait en criant.

Oh ! mon Dieu, quand l'âme voit ces choses, quand elle s'abîme dans la contemplation de sa misère, quand elle se connaît telle qu'elle est, elle qui s'est précipitée dans la misère infinie, qui a mérité des supplices éternels, qui est devenue la risée de Dieu, des anges, des démons et de toute créature ; quand elle voit le Dieu très haut, le Seigneur Jésus-Christ, Celui qui possède tout, ayant envahi la pauvreté, pour relever l'homme de cet opprobre ! Lui qui trouve dans son essence toutes délices et toute béatitude, quand elle le voit plongé dans la douleur, pour nous arracher à l'éternel tourment, satisfaire et porter pour nous i Lui Dieu, au-dessus de la louange, à qui seul appartient la gloire, dans l'obéissance, dans l'humiliation, dans tous les mépris, dans tous les opprobres ; quand il apparaît revêtu de honte, pour nous communiquer la gloire ; quand l'âme entre dans cette vue; elle est transformée en douleur, et sa transformation n'a pour mesure que la profondeur de sa contemplation.

Oui, oui, encore et toujours, plus profondément l'âme connaît cette altitude divine, cette bonté infinie, prouvée par des faits, et ce vide humain, cette ingratitude, cette vileté de la créature, plus profondément elle est blessée d'amour et de douleur, plus absolument elle est transformée en Lui. Voilà toute la perfection : se connaître ! Connaître Dieu ! Nécessité suprême qui domine toute nécessité ! Être éternellement penchée sur le double abîme, voilà mon secret ! O mon fils, je t'en supplie de tout mon cœur, ne lève pas les yeux ; tiens-les fixés sur la Passion, parce que cette vue, si tu lui es fidèle, allume dans l'âme lumière et feu !

Si tes yeux s'égarent, essaie de les tenir et de les fixer là. Je t'en prie, je t'en supplie ! Quand ton âme n'est pas levée à la contemplation de l'Homme-Dieu crucifié, recommence, et rumine intérieurement les voies de la croix. Si ceci est encore trop fort pour toi, prononce au moins des lèvres les paroles qui représentent la Passion ; parce que l'habitude des lèvres finira par devenir une habitude du cœur : il prendra feu à son tour.

Sa vue, mon fils, sa vue !... Si l'homme voyait la Passion de l'Homme-Dieu par une parfaite contemplation, s'il embrassait d'un regard profond sa pauvreté, ses opprobres, ses douleurs, l'anéantissement qu'il a subi pour nous ; si, par la vertu de la grâce, il voyait ces choses telles qu'elles sont, il suivrait Jésus-Christ par la pauvreté, par une continuelle compassion, par la route du mépris : il se compterait pour rien, j'en suis certaine.

Quant à la grâce divine, tout le monde peut l'avoir et la trouver ; et l'homme est sans excuse ; car Dieu, dans sa munificence, la donne généreusement à qui la veut et la cherche.

Je désire, mon fils, que ton cœur soit vide de tout ce qui n'est pas le Dieu éternel, sa connaissance et son amour, et que ton esprit n'essaie pas de se remplir de ce qui n'est pas Lui. Si la chose est trop haute pour toi, possède au moins et garde la connaissance du Dieu crucifié ; si cette seconde vue t'est retirée comme la première, refuse le repos, mon fils, jusqu'à ce que tu aies retrouvé et reconquis l'un ou l'autre de ces deux rassasiements. Écoute encore, mon fils, crois fermement ce que je vais te dire.

Celui qui cherche la route et l'approche de Dieu, celui qui veut jouir de Dieu dans ce monde et dans l'autre, que celui-là connaisse Dieu en vérité, non pas par le dehors et superficiellement, qu'il ne s'arrête pas aux paroles dites ou écrites, ou aux analogies tirées des créatures. Cette façon de connaître, qui est en rapport avec la parole humaine, est une connaissance sans profondeur. Il faut connaître Dieu en vérité par une intelligence profonde de sa valeur absolue, de sa beauté absolue, de son absolue hauteur et douceur, et vertu, bonté, libéralité, miséricorde et tendresse ; il faut le connaître comme étant le souverain Bien, dans l'absolu. L'homme sage et l'homme vulgaire connaissent tous deux, mais bien différemment. Celui qui possède la sagesse connaît la chose dans son fond et dans sa réalité, l'autre, dans son apparence. L'homme vulgaire, qui trouve une pierre précieuse, l'apprécie et la désire pour son éclat et pour sa beauté, sans voir plus loin ; le sage l'aime et la désire, parce qu'au delà de son éclat et de sa beauté il voit sa valeur vraie et sa vertu cachée. Ainsi l'âme qui a la sagesse ne se soucie pas de connaître Dieu par la considération superficielle des apparences. Elle veut le connaître en vérité ; elle veut expérimenter ce qu'il vaut, sentir le goût de sa bonté ; il n'est pas pour elle seulement un bien, mais le souverain Bien.

Pour cette bonté immense, en le connaissant elle l'aime, en l'aimant elle le désire. Et le souverain Bien se donne à elle, et l'âme le sent : elle goûte sa douceur et jouit de sa délectation ; et l'âme participe au souverain Bien.

Blessée du souverain Amour, blessée et brûlante, elle désire tenir Dieu ; elle l'embrasse, elle le serre contre elle et se serre contre lui ; et Dieu l'attire avec l'immense douceur, et la vertu de l'amour les transforme l'un dans l'autre, l'aimant et l'aimé, l'aimé et l'aimant.

L'âme embrasée par la vertu de l'amour se transforme en Dieu, son amour. Comme le fer embrasé reçoit en lui la chaleur, et la vertu, la puissance et la forme du feu, et devient semblable au feu, et se donne tout entier au feu, et s'arrache à ses propres qualités, donnant asile au feu dans l'intime de sa substance ; ainsi l'âme, unie à Dieu par la grâce parfaite de l'amour, se transforme en Dieu sans changer sa substance propre, mais par la vertu du mouvement qui transporte en Dieu sa vie divinisée.

Connaissance de Dieu ! O joie des joies, Seigneur ! C'est elle qui précède, l'amour vient après, l'amour transformateur ! Qui connaît dans la vérité, celui-là aime dans le feu.

Or, cette connaissance profonde, l'âme ne peut l'avoir ni par elle-même, ni par l'Écriture, ni par la science, ni par aucune créature ; ces choses extérieures peuvent disposer l'âme à la connaissance ; mais la lumière divine et la grâce de Dieu peuvent seules l'y introduire. Pour obtenir de Dieu, souverain bien, souveraine lumière et souverain amour, cette connaissance, je ne connais pas de voie plus sûre et plus courte qu'une prière pure, continuelle, humble et violente ; une prière qui ne sorte pas seulement des lèvres, mais de l'esprit et du cœur, et de toutes les puissances de l'âme, et de tous les sens du corps ; une prière pleine d'immenses désirs, qui supplie et qui se précipite sur son objet.

Que l'âme qui veut découvrir la Pierre précieuse et connaître en vérité et voir la Lumière, prie, médite et lise continuellement le livre de vie, qui est la vie mortelle de Jésus-Christ. Notre Père, le Dieu très haut, enseigne et montre à l'âme la forme, le mode et la voie de la connaissance, cette voie qui est l'amour ; et cet exemplaire, ce modèle, ce type, c'est dans le Fils que le Père le montre.

C'est pourquoi, mes chers enfants, si vous désirez la lumière de la grâce, si vous voulez arracher votre cœur aux soucis, mettre des freins aux funestes tentations, et devenir parfaits dans la voie de Dieu, fuyez sans paresse à l'ombre de la croix de Jésus-Christ. En vérité, il n'est pas d'autre voie ouverte aux fils de Dieu ; il n'est pas d'autre moyen pour le trouver et le garder que la vie et la mort de Jésus-Christ crucifié : c'est ce que j'appelle le livre de vie. La lecture n'est permise qu'à l'oraison continuelle, laquelle illumine l'âme, l'élève et la transforme. L'âme illuminée par la lumière de l'oraison voit clairement la voie du Christ préparée et foulée par les pieds du Crucifié. Quand elle court dans cette voie, l'âme se sent non seulement délivrée du poids que pèsent le monde et ses soucis accablants, mais élevée vers la délectation et la douceur divine. Consumée et brûlée par l'incendie que Dieu allume, elle est changée en lui-même : l'oraison assidue trouve tout dans la vue de la croix.

Fuis vers cette croix, mon fils, et mendie la lumière au Crucifié qu'elle soutient. Va lui demander de te connaître, afin de puiser dans ton abîme la force de t'élever jusqu'à sa joie divine. Au pied de sa croix, tu t'apparaîtras incompréhensible, quand tu verras quel misérable Dieu t'a racheté et adopté pour fils. Ne sois pas ingrat ; fais toujours, toujours la volonté d'un tel Père.

Si les enfants légitimes de Dieu ne font pas sa volonté, que feront les adultérins? J'appelle adultérins ceux qui, loin de la maison paternelle, s'égarent dans la concupiscence. J'appelle enfants légitimes ceux qui, dans la pauvreté, la douleur et l'opprobre, cherchent la ressemblance du Crucifié. Ces trois choses, mon fils, sont le fondement et le sommet de la perfection. Ce sont elles qui éclairent l'âme, l'achèvent et la préparent à la transformation divine. Connaître Dieu, se connaître, ici toute immensité, toute perfection, et le bien absolu ; là, rien ; savoir cela, voilà la fin de l'homme. Mais cette manifestation n'est faite qu'aux enfants légitimes de Dieu, aux fils de la prière, aux ardents lecteurs du livre de vie. C'est devant leurs yeux que le Seigneur étale les caractères sacrés du livre. C'est là que sont écrites toutes les choses que le désir cherche ; c'est là qu'on boit la science qui n'enfle pas, toute vérité nécessaire à soi et aux autres. Si tu veux la Lumière supérieure à toute lumière, lis dans le livre ; si tu ne lis pas légèrement, comme quelqu'un qui court, tu trouveras, pour toi et pour tout homme, ce qu'il faut. Et si tu prends feu dans cette fournaise, tu recevras, toute tribulation comme une consolation dont tu n'étais pas digne. Je vais dire quelque chose de plus fort. Si la prospérité et la louange viennent à toi, attirées par les dons de Dieu, tu ne seras ni enflé, ni exalté : car dans le livre de vie tu verras en vérité que la gloire n'est pas à toi.

Un des signes, mon fils, qui montre à l'homme la grâce de Dieu présente en lui, c'est, en face de la gloire, le don d'inventer un abîme pour s'humilier de plus bas. Avant tout, mon fils, sache cela : le double abîme et le livre de vie.

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Message par M1234 Mer 8 Mar 2017 - 10:12



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LVIII
Le livre de vie

Sachez que ce livre de vie n'est autre que Jésus-Christ, Fils de Dieu, Verbe et sagesse du Père, qui a paru pour nous instruire par sa vie, sa mort et sa parole. Sa vie, quelle fut-elle ? Elle est le type offert à qui veut le salut ; or sa vie fut une amère pénitence. La pénitence fut sa société depuis l'heure où, dans le sein de la Vierge très pure, l'âme créée de Jésus entra dans son corps, jusqu'à l'heure dernière où son âme sortit de ce corps par la mort la plus cruelle. La pénitence et Jésus ne se quittèrent pas.

Or voici la société que le Dieu très haut, dans sa sagesse, donna en ce monde à son Fils bien-aimé : d'abord, la pauvreté parfaite, continuelle, absolue ; ensuite, l'opprobre parfait, continuel, absolu ; enfin, la douleur parfaite, continuelle, absolue.

Telle fut la société que le christ choisit sur la terre pour nous montrer ce qu'il faut aimer, choisir et porter jusqu'à la mort. En tant qu'homme, c'est par cette route qu'il est monté au ciel ; telle est la route de l'âme vers Dieu, et il n'y a pas d'autre voie droite. Il est convenable et bon que la route choisie par la tète soit la route choisie par les membres, et que la société élue par la tète soit élue par les membres.

LIX
Première compagnie de Jésus-Christ :
La pauvreté

La première compagne de Jésus fut une pauvreté continuelle, parfaite, immense. Elle a trois formes : l'une grande, l'autre plus grande, qui s'unit à la première ; la troisième, qui, jointe à la première et à la seconde, fut parfaite. Voici le premier degré. Jésus fut destitué de tous les biens de ce monde. Il n'eut ni terre, ni vigne, ni jardin, ni propriété, ni or, ni argent ; il ne reçut de secours humain que dans la mesure rigoureusement nécessaire au soulagement de l'extrême indigence. Il eut faim, il eut soif, il fut misérable, il eut froid, il eut chaud, il travailla ; tout fut pour lui austère et dur ; il ne voulut aucune des recherches de la vie ; il usa des choses communes et grossières qui se rencontraient dans cette province, où, sans feu ni lieu, il vivait en mendiant. La seconde pauvreté, supérieure à la première, fut la pauvreté de parents et d'amis, l'éloignement des grands, des puissants, des amitiés naturelles : il n'eut ni du côté de sa mère, ni du côté de Joseph, ni du côté de ses disciples, personne qui lui évitât un soufflet, un coup de marteau, un coup de fouet ou une injure.

Il voulut naître d'une mère pauvre et humiliée ; être soumis À un père putatif, un charpentier pauvre. Il se dépouilla de l'amour et de la familiarité des rois, des pontifes, des scribes, des amis, des parents, et ne sacrifia pour l'amour de personne aucun sacrifice qui plût ou qui pût plaire à Dieu.

Mais voici la pauvreté suprême, sublime, absolue. Jésus-Christ se dépouilla de lui-même, et le Tout-Puissant se montra pauvre. Il se montra comme pauvre de puissance ; il fit semblant d'être incapable. Il revêtit la misère et l'enfance ; hormis le péché, il revêtit toute douleur. Les courses, les prédications, les guérisons, les visites, les opprobres, tout l'accabla, et il fit connaissance avec la fatigue.

Non seulement il donna sur lui puissance aux pécheurs, mais les choses inanimées et les éléments qu'il avait créés de sa main reçurent puissance de l'affliger. Il jouait l'impuissance, il ne résistait pas, il supportait à cause de nous. Il donna aux épines la puissance de pénétrer et de percer cruellement cette tète divine et trois fois redoutable. Il donna aux liens et aux chaînes le pouvoir de l'attacher à la colonne ; Celui qui en mourant fit trembler la terre, laissa quelqu'un lui lier les mains, oh i donnez-moi, fils de Dieu, la joie de vous voir fidèles à lui ; arrachez-vous les entrailles pour les verser dans cet abîme sans fond d'humilité fidèle. Voici l'Auteur de la Vie qui s'anéantit pour toi et pour ta gloire ; les créatures déchirent leur Créateur, et l'Incirconscrit est attaché à une colonne. Il donna à un voile la puissance de le voiler, lui, la vraie lumière illuminant toutes choses. Il donne aux fouets de le battre ; il donne aux clous de pénétrer et de percer ces pieds et ces mains qui avaient ouvert les yeux des aveugles et les oreilles des sourds. Il donne à la croix de le tenir, blessé, percé, sanglant, nu, exposé devant tous, et de lui infliger la plus cruelle des morts. Il donne à la lance d'entrer, de briser, de pénétrer ce flanc divin, ce cœur, ces entrailles ; de répandre sur la terre le sang et l'eau, sortis des profondeurs sacrées de son cœur et de ses entrailles. Les créatures devaient obéir au Créateur, non au pécheur, qui abusait d'elles. Mais que cette humilité très profonde, invincible et sans exemple, que cette humilité du Dieu de gloire écrase et confonde l'orgueil de notre néant. L'Auteur de la vie s'est soumis aux choses inanimées pour te rendre la vie, à toi, misérable, qui étais devenu, dans la mort, insensible au divin.

Homme qui ne sais rien, il t'a aimé au point de t'offrir la perfection. La lance aurait dû se plier et résister à la créature qui abusait d'elle ; elle eût dû refuser d'entrer et de percer son Créateur. Les choses inanimées auraient refusé d'obéir à l'homme et de se tourner contre leur Dieu, si elles n'avaient reçu puissance sur lui.

Il a donné aux bourreaux, aux soldats, aux Juifs, à Pilate, à tous les méchants la puissance de le juger, de la perfection. La lance aurait dû se plier et résister à l'accuser, de le blasphémer, de l'insulter, de le frapper, de se moquer de lui, de le tuer, lui qui pouvait tout empêcher d'un mot, tout renverser d'un geste et tout anéantir, ou donner un ordre au plus petit parmi les Anges, les Puissances ou les Vertus, pour tout précipiter d'un seul coup au fond de la mer. S'il n'eût lui-même donné puissance sur lui aux choses créées, elles eussent reculé d'horreur devant la Passion. Mais il s'est soumis à tout, et il a caché sa puissance, et il s'est dépouillé aux yeux des hommes, pour apprendre aux mortels la patience, pour racheter l'homme, qui s'était lui-même dépouillé de toute sa royauté, pour lui donner, par la gloire de la résurrection, la qualité d'impassible et d'invincible.

Il y a plus : pour délivrer l'homme du démon, il a donné puissance au démon de le tenter, de l'entourer de ses membres, qui sont les méchants, de le persécuter jusqu'à la mort. Le Dieu invincible par nature, l'acte premier, l'acte pur a fait à toute créature et à toute douleur cette universelle soumission, pour confondre la délicatesse de l'homme misérable, qui ne refuse pas seulement la pénitence et la douleur volontaire, mais qui repousse de toutes ses forces la douleur imposée, et murmure contre Dieu.

Jésus-Christ s'est imposé une autre pauvreté. Il s'est dépouillé de sa sagesse, de la sagesse qui est à lui. on eût dit quelqu'un de vulgaire, le plus ignorant, le plus grossier des hommes. Il ne prit pas l'attitude d'un philosophe ou d'un docteur, d'un parleur, d'un écrivain, d'un savant ou d'un sage fameux ; mais il se mêlait aux hommes, en toute simplicité et en toute douceur, montrant en même temps la route de la vérité par la vertu thaumaturgique. Lui, la sagesse du Père, et le Dieu des sciences, maître de l'esprit prophétique, et le soufflant là où il veut, il eût pu étaler le génie scientifique et philosophique, se montrer et se glorifier ; mais il dit la vérité si simplement, qu'il passait non seulement pour un homme vulgaire, mais pour un aliéné et un blasphémateur. Faudra-t-il ensuite nous enfler de notre science, chercher à passer pour des maîtres, mendier auprès des hommes un nom creux et une gloire vide ?

Il s'est dépouillé de lui-même, en abdiquant jusqu'à la gloire d'être saint, juste et innocent. Voici le mystère des mystères. Il suivit une voie mystique tellement en dehors de l'attente humaine, qu'au lieu de passer pour le Saint des saints, il fut tenu pour un pécheur, ami des pécheurs, pour un traître, un séducteur, un conspirateur, un ennemi public, un blasphémateur, condamné et exécuté entre deux voleurs. Et cependant il pouvait faire notre salut.

Il eût pu incliner le monde, Lui, le Saint des saints, devant la gloire de sa sainteté ! Lui, l'Impeccable, qui portait les péchés des peuples ; Lui, le Roi des vertus et le Dieu des saints, au lieu de garder le nom de Saint, il le donna à Jean-Baptiste, son serviteur. Mais tant qu'il le put sans blesser la vérité et la doctrine, il se dépouilla en apparence de la sainteté, pour confondre notre hypocrisie, à nous misérables, qui cherchons les apparences sans avoir la réalité, qui, par mille chemins détournés, falsifiant les faits et les tournant à notre avantage, courons à tort et à travers après la gloire qui n'est pas à nous.

Il s'est encore dépouillé de lui-même, en se dépouillant de l'empire qui est à lui. Lui, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, dont le règne n'aura pas de fin, il vécut au milieu des hommes comme esclave. Et, en effet, on l'a vendu, il s'est trouvé des acheteurs. On lui a offert l'empire. Il a refusé. Il a obéi jusqu'à la mort à de mauvais rois, payant le tribut, se soumettant aux jugements iniques. Et non seulement les rois le trouvèrent sans défense, mais leurs plus vils ministres et sujets purent l'accabler de coups et le coucher sur la croix ; et jusqu'à l'âge de trente ans c'étaient sa mère et son père putatif qui lui avaient donné leurs ordres. Parmi ses disciples, qu'il choisit rares et pauvres, au lieu de se conduire comme un maître, il déclara qu'il n'était pas venu pour être servi, mais pour servir ; enfin il donna sa vie pour eux, pour les pécheurs. Au milieu de ces pauvres disciples, s'il fut roi et maître, ce fut en fait de misère, dans la faim, dans la soif, dans la douleur ; il fut jaloux et prima les autres ; ambitieux de la dernière place, il les servit à table, et leur lava les pieds. O immensité de notre folie ! Après avoir vu ce Dieu fait domestique, nous aspirons, sans ordre et sans amour, à de vaines grandeurs et de vaines présidences !

Autre était ta sagesse, autre était ta sagesse, ô Christ Emmanuel ! Tu savais combien terrible sera le destin des maîtres du monde, et que les puissants seront puissamment torturés, [1] et que de leur vie, de leur autorité, et des péchés de leurs sujets, le compte le plus rigoureux sera exigé rigoureusement. Oh ? que ce livre vivant confonde notre orgueil ! Concevons donc enfin le désir de la dernière place, pour l'amour de Celui qui la choisit, et par pitié pour nos amis, ne supportons pas l'obéissance, mais désirons-la d'un immense désir.

Le Dieu à qui tout appartient, pour nous donner l'amour de la pauvreté, fut donc pauvre absolument, pauvre en fait, en esprit et en vérité, écrasant par sa pauvreté les pensées des créatures, et sa pauvreté venait de son amour : c'est pourquoi il fut mendiant. Pauvre d'argent, pauvre d'amis, pauvre de puissance, de sagesse, et de réputation, et de dignité, pauvre de toutes choses, il prêcha la pauvreté, il annonça qu'elle jugerait le monde. Il condamna les riches ; sa vie, sa parole, son exemple, tout enseigna le mépris des richesses. Mais, ô misère ô à douleur ! la pauvreté d'esprit est chassée et rejetée de partout, et, pour comble d'abomination, elle est en horreur à ceux-là mêmes qui lisent le livre de la vie, qui prêchent et qui glorifient cette même pauvreté. En fait, en esprit, en vérité, elle est repoussée et détestée. Le monde la hait ; Jésus l'aime ; il l'a choisie pour lui et les siens ; il l'a proclamée bienheureuse. Mais où est aujourd'hui l'homme, où est la femme, où est la créature qui a adopté, comme Jésus-Christ, cette glorieuse compagne ? Bienheureux celui-là ! Mais moi ! Mais moi ! Nous savons quel fut le partage du Fils de Dieu, notre Créateur et Rédempteur, quant aux vêtements, quant aux palais, quant aux festins, quant à la famille, quant aux amis, quant aux honneurs rendus par la vie et la science. Et cependant nous osons prendre le nom de chrétiens, nous qui avons horreur de ressembler au Christ ! En paroles nous louons la pauvreté ; mais nous détestons en fait l'état où a vécu le Christ. O misérables ! Après de telles leçons, nous repoussons le salut ! Errant loin de Jésus, nous courons après des superfluités, qui, au dernier moment, nous abandonnent, et alors nous restons seuls, seuls et vides.

Car, au lieu de suivre la voie droite, nous avons dévié, et la honte nous attend.

Bienheureux, bienheureux en vérité, suivant la parole de Dieu ; bienheureux pour le temps et pour l'éternité celui qui, réellement et en vérité, en esprit et en fait, veut l'universelle pauvreté. S'il ne se dépouille de toutes choses, dans le sens matériel, qu'il se dépouille en esprit ; qu'il se dépouille dans son cœur. voilà la vraie beauté ; voilà la béatitude ; voilà la clef du royaume des cieux !

Mais l'autre, celui qui prêche et qui n'agit pas, l'homme des sermons sans pratique. Ah ! le misérable, ah ! le maudit ! Il verra ce que c'est que la misère éternelle, l'éternelle inanition qu'on a dans les enfers, l'éternelle faim, l'éternelle soif ! Ni ami, ni frère, ni père, ni secours, ni rédemption ! Pas d'issue pour sortir i pas un seul remède dans toute la sagesse humaine ! L'éternelle privation des biens qu'on a désirés contre l'ordre, et l'éternelle torture dans tous les siècles des siècles !

LX
Deuxième compagnie de Jésus :
L’abnégation

La seconde compagne que Jésus-Christ ne quitta pas pendant sa vie terrestre, ce fut la honte ; il porta continuellement le poids de l'opprobre volontaire et parfait. Il vécut comme un esclave vendu et non racheté, non pas seulement comme un esclave, mais comme un esclave méchant et vicieux. Il fut chargé d'opprobres, de mépris, de chaînes, de coups, de soufflets, de meurtrissures, sans procès, sans défenseur, comme un misérable qui ne vaut pas la peine d'être jugé, que l'on envoie, entouré de voleurs, au plus honteux et au plus cruel supplice.

Si quelque mortel songea à l'honorer, il échappa toujours, soit par un mot, soit par un fait, et prit le fardeau de la honte, qu'il choisissait toujours, sans le mériter jamais. Sans cause, sans prétexte, sans occasion, des hommes, à qui il n'avait fait que du bien, poursuivirent gratuitement le Maître du monde de leurs moqueries et de leurs insultes.

Ils l'ont persécuté depuis le berceau ; ils l'ont jeté sur une terre barbare. Le voilà qui grandit ; alors on lui donne les noms de Samaritain, d'idolâtre ; on le prend pour un possédé, pour un gourmand, pour un séducteur, un faux prophète. Les hommes disent entre eux : « Voilà ce viveur, ce buveur ; au lieu du prophète, du juste, du thaumaturge, c'est un misérable qui chasse les démons au nom du prince des démons. » On le poussait vers les montagnes, vers les abîmes, dans l'intention de le précipiter ; d'autres prenaient des pierres pour le lapider. Tout cela était entremêlé de cris contradictoires et furieux, de moqueries, de sourires, d'injures, de complots : « Il blasphème », disait-on. On tâchait de le faire mentir, de le prendre à ses paroles comme un renard à un piège ; on le repoussait ; toutes les portes se fermaient devant lui. Enfin, on le saisit comme un animal ; on le traîne, chargé de liens, de tribunaux en tribunaux ; voici les soufflets, les crachats, le roseau, la couronne d'épines ; on s'agenouille ironiquement ; on lui frappe la tête ; on lui voile la face ; on entasse les moqueries les unes sur les autres.

Voici la flagellation. Comme des chiens qui ont faim, les hommes grincent des dents, le condamnent, le réprouvent comme un malfaiteur. On le conduit à la Passion, et ses disciples l'abandonnent. Un d'entre eux le renie ; l'autre le trahit ; tous s'enfuient ; il reste seul et nu, au milieu des multitudes. C'était un jour de fête, et les hommes étaient rassemblés. Comme un méchant, nu entre deux voleurs, le voilà crucifié jusqu'à ce que mort s'ensuive. À l'heure de la mort, des larmes et de l'oraison funèbre, en voici un qui raille : « Ah ! c'est donc toi qui détruis le temple ? » Un autre, sur un ton de mépris : « Il sauve les autres et il ne peut se sauver lui-même. » Un autre, quand la voix suppliante du mourant demandait un peu d'eau, lui offre du fiel et du vinaigre. En voici un qui, après sa mort, lui perce le cœur d'un coup de lance. Descendu de la croix, il resta couché sur la terre, nu et sans sépulcre, jusqu'à ce que quelqu'un eût obtenu pour lui la sépulture. D'autres lui cherchaient une autre querelle, divulguant ces paroles : «Nous nous souvenons, disaient-ils, que ce séducteur, etc. » Les uns cachent la résurrection, les autres la nient. Dans la vie, dans la mort, après la mort, mépris, ignominie, opprobre ; il les voulut ; il les par ta ; il choisit cette route pour aller à la résurrection et nous entraîner dans la gloire.

Ainsi le Fils de Dieu s'est fait la forme, l'exemplaire, le maître et le docteur de cette science inconnue, qui est le mépris de la gloire. Absente, ne la recherchons pas. Présente, ne nous prêtons pas à elle ; car il n'a jamais cherché sa gloire, mais la gloire de son Père. Il a à ce point repoussé et méprisé les honneurs, qu'il s'est précipité du haut du ciel jusqu'aux pieds de ses disciples ; il s'est anéanti jusqu'à prendre la livrée de l'esclave ; il a obéi jusqu'à la mort, non pas à une mort quelconque, mais à une mort choisie, la plus honteuse et la plus cruelle, celle de la croix. O misère !

Qui donc aujourd'hui choisirait la société qu'il a choisie ? Qui donc fuirait l'honneur et aimerait le mépris, fils de la pauvreté, l'humble état, l'humble office, et tout ce qui est humble ? Qui voudrait le néant et le déshonneur ? Qui ne désire l'estime et la louange pour le bien qu'il a ou qu'il fait, en action et en parole, ou qu'il croit avoir fait ?

En vérité, chacun a dévié, et personne n'est fidèle, personne, pas une âme. Si quelqu'un demeurait ferme, c'est que celui-là serait un membre vivant uni à la tête du corps par un amour vivant. Il verrait Jésus-Christ agir, et chercherait la ressemblance.

Il y en a qui disent : « J'aime et je veux aimer Dieu. Je ne demande pas que le monde m'honore ; mais je ne veux pas non plus qu'il me méprise, qu'il me mette le pied sur la tête ; je ne veux pas être confondu en sa présence. » Ceci indique évidemment peu de foi, peu de justice, peu d'amour et beaucoup de tiédeur. Ou vous avez commis ce qui mérite peine et confusion, et nous en sommes là à peu près tous, ou vous ne l'avez pas commis.

Dans le premier cas, si vous êtes pénitent, et non pas innocent, supportez avec patience et avec joie les conséquences de vos actes publics ou secrets, acquiescez corps et âme : cette peine et cette confusion satisfont à Dieu et au prochain suivant l'ordonnance de la divine justice.

Dans le second cas, si votre cœur est innocent comme vos mains, supportez le mépris, avec la permission de Dieu, et réjouissez-vous mille fois plus dans le second cas que dans le premier cas ; toute votre confusion, toute votre douleur va devenir un poids de grâce, et avec la grâce croîtra la gloire.

Cette acceptation de la honte, subie et non méritée, cette acceptation de la pauvreté et des souffrances supportées en vue de Dieu grandissent les âmes saintes. L'exemple de Jésus-Christ, fuyant ce qu'on recherche, et recherchant ce qu'on fuit, montre la route de la grandeur. Sa seconde compagne lui fut fidèle comme la première. Si nous voulons pénétrer la vie du Christ Fils de Dieu dans son principe, son milieu et sa fin, nous trouvons un ensemble qui s'appelle l'humilité. Être méprisé, réprouvé du monde et des amis du monde, tel fut son choix sur la terre.

LXI
Troisième compagnie de Jésus :
La douleur

La troisième compagne de Jésus-Christ, plus assidue, plus intime que les deux autres, ce fut cette souveraine douleur qui, depuis l'heure où son âme fut unie à son corps, ne quitta plus le Fils de Dieu. Au premier instant de l'union hypostatique, cette âme fut remplie de la Sagesse suprême. À la fois « voyageur » et « compréhenseur », dans le sein de sa mère, Jésus commença à sentir la souveraine douleur : toutes les peines que son âme et son corps devaient porter pour nous, il les connut, il les vit, il les pesa, il les pénétra dans leur ensemble et dans leur détail. Quand la mort approcha, il entra en agonie. Sa science certaine de sa mort prochaine, envisagée dans toutes ses horreurs, fit pénétrer en lui la tristesse sans nom : il sua le sang, et la terre but cette sueur. Ainsi l'âme du Christ, prévoyant la Passion dans le sein de sa mère, connut déjà l'angoisse immense ; cependant le corps n'était pas encore associé à ses tortures.

Jésus-Christ voyait d'avance les mouvements de ces langues infimes, et chacun des sons que produirait chacune d'elles, tous ses supplices, sa mort, la honte et la douleur, toutes les tortures pour lesquelles il naissait, pour lesquelles il entrait parmi nous, tout lui était présent d'une présence prophétique et incessante, avec toutes les circonstances du temps marqué, de l'instrument employé, et de la mesure indiquée. Il se voyait vendu, trahi, pris, renié, abandonné, lié, souffleté, moqué, frappé, accusé, blasphémé, maudit, flagellé, jugé, réprouvé, condamné, conduit au Golgotha, comme un voleur dépouillé, nu, crucifié, mort, percé de la lance. Où habitait-il, sinon dans la douleur ? Il connaissait chaque coup de marteau, chaque coup de fouet, chaque trou, chaque clou, chaque larme, chaque goutte de sang : il avait compté d'avance ses soupirs, ses gémissements, ses plaintes et celles de sa mère. Dans cette considération profonde et continuelle, comment la compagne de sa vie, comment la douleur l'aurait-elle abandonné ?

Outre les douleurs de l'avenir, senties prophétiquement, celles du présent furent innombrables. À l'heure de sa naissance, il ne fut ni déposé dans un bain, ni couché sur la plume, ni enveloppé de fourrures. Il fut placé sur le foin, entre deux bêtes, dans une étable sans douceur. Et lui, le plus tendre des nouveau-nés, il commença à subir, en ouvrant les yeux, les rigueurs matérielles. Immédiatement après la crèche, voici un long voyage entrepris par cet enfant, un vieillard, puis une femme, la plus douce des mères, la plus délicate des vierges. Il faut aller en Égypte à travers ce désert immense, où les fils d'Israël vécurent quarante ans sans moyens humains. Puis ce furent les voyages au temple qu'il faisait régulièrement, suivant l'ordre établi. L'enfant faisait la route à pied, et la distance était bien grande.

À l'âge d'homme, aussitôt après son baptême, il entra au désert, où il souffrit de la faim et de la soif, au point de donner au diable une espérance ; car c'est ici que se place la première tentation. Jésus allait à pied à travers les campagnes, les villes, supportant la faim, la soif, la pluie, la chaleur, la froidure, la sueur, la fatigue, toutes les misères, et enfin la mort. Et, s'il porta son fardeau, ce fut pour chasser Satan, pour le renverser, pour indiquer aux hommes la voie vraie, pour leur annoncer la pénitence dans sa forme la plus humble, pour les attirer à sa suite, pour donner l'exemple, pour montrer où est le bonheur et la gloire.

Quant aux douleurs de la Passion, elles sont au-dessus des paroles de l'homme et des soupçons de son cœur. La douleur de Jésus fut multiple et ineffable.

Parlons d'abord de ses compassions. Sa compassion pour le genre humain, qu'il aimait d'un amour immense, le remplit d'une douleur aiguë et déchirante. Ce n'était pas seulement une compassion générale pour l'espèce humaine tombée et condamnée ; c'était une compassion immense, particulière à chaque individu. Et il ne voyait pas seulement d'une vue générale les péchés de chaque individu ; il mesurait exactement chaque péché et chaque châtiment, dans le passé et dans l'avenir. Chaque homme passé, présent ou futur, chaque péché de chacun de ces hommes, perça d'une douleur sans mesure Celui qui nous aimait avec une miséricorde et une compassion sans mesure. S'il était un regard capable d'entrer dans ces détails innombrables des péchés humains et des souffrances humaines, ce regard-là verrait quelque chose de ce qu'a souffert le Christ pour nous. Il aimait chacun de ses élus d'un amour ineffable. La profondeur de cet amour, mesuré sur chacun d'eux, rendit continuellement présente à Jésus toute offense et toute peine passée, présente ou future, et telle était sa compassion pour chaque douleur qu'il les prit toutes sur lui dans une douleur immense. Ce fut cette compassion, immense, épouvantable, qui précipita Jésus vers la croix, vers la mort, vers l'abîme des tortures. Il voulait nous racheter ! Il voulait nous soulager !

Une des douleurs les plus oubliées de Jésus-Christ fut sa compassion pour lui-même. Ses tortures innombrables, et l'ineffable douleur dont il se voyait menacé, firent qu'en se regardant lui-même, il eut le cœur déchiré. Voyant et considérant que la mission qu'il tenait de son Père était de porter le poids de tous les péchés et de toutes les douleurs des élus, sentant que ces choses terribles étaient infaillibles, certaines, immanquables, et qu'il était dévoué corps et âme à leur étreinte, il fut saisi, en se regardant, d'une pitié déchirante.

Imaginez l'état de l'homme qui verrait d'une vue prophétique et infaillible la plus inouïe, la plus ineffable douleur s'approcher de lui, avec la certitude d'être atteint, et qui aurait continuellement devant les yeux les détails de toutes ses tortures : il aurait pitié de lui-même. Mais jusqu'où grandirait cette pitié, si la douleur prévue et imminente était sans proportion, et s'il était doué d'une intelligence et d'une sensibilité effrayante, pour sonder d'avance l'abîme de ses tortures, leur nature et leur qualité ? Ces suppositions se sont réalisées dans le Christ, et tout ce que je dis n'est rien près de la réalité de ses angoisses.

Si je descends à ces comparaisons, c'est pour mettre quelque chose de son agonie à la portée de cette grossière intelligence humaine.

Sa Passion fut toute sa vie dans sa mémoire.

Mais voici une des souffrances les plus inconnues de Jésus-Christ. Ce fut sa compassion pour Dieu le Père, pour le Père des miséricordes.

L'amour de Jésus pour le Père, pour le Dieu de toute compassion, dépasse les conceptions de l'homme.

Voyant Dieu, l'objet de son immense amour, à ce point blessé de compassion pour nous qu'il livrât son Fils unique, son Bien-Aimé à la mort, et qu'il se fût livré lui-même, si cela eût été convenable, il fut saisi d'une douleur immense, et eut pitié de cette pitié. Pour inventer un remède, un soulagement au cœur de son Père, il s'humilia jusqu'à la mort et obéit jusqu'à la croix.

Mais la parole humaine ne peut aborder les souffrances que j'entrevois. Je vais parler sans espérance de me faire entendre. J'affirme que la douleur du Christ fut chose ineffable. Ineffable, parce qu'elle fut une concession, une permission, un don de la Sagesse divine. Une dispensation divine, antérieure à nos pensées, supérieure à nos paroles, lui dispensait la douleur ; et c'était la douleur suprême.

Plus la dispensation divine fut admirable, plus la douleur qui en résulta fut perçante et déchirante. C'est pourquoi aucun entendement créé n'a la capacité nécessaire pour embrasser cette douleur. Cette dispensation divine fut le principe de toutes les douleurs de Jésus-Christ. Elle est leur alpha et elle est leur oméga. Et s'il est impossible à l'intelligence de concevoir l'amour par lequel il nous racheta, il est également impossible de concevoir la douleur dont il souffrit. Impossible, car cette douleur était fille de la lumière. Elle provenait directement de la lumière donnée au Christ, et cette lumière était ineffable. La divinité elle-même lumière ineffable, illuminait le Christ ineffablement, et, vivant en lui avec la dispensation dont je parle, le transformait en douleur au sein de la lumière divine.

Cette douleur est un sanctuaire dont la parole n'approche pas.

Jésus-Christ voyait, dans la lumière divine, l'ineffable immensité de la douleur qui faisait en lui des prodiges : douleur cachée à toute créature par la vertu de l'Ineffable. Car cette douleur, je veux dire cette lumière divine, eut pour principe et pour origine la dispensation de Dieu.

Parmi les suprêmes douleurs fut la compassion de Jésus pour sa Mère, la très douce Marie. Il l'aima par-dessus toute créature. C'est d'elle qu'il avait pris sa chair virginale ; et elle partageait, par-dessus toute créature, les douleurs de son Fils, car elle avait une capacité de cœur haute et profonde, par-dessus toute créature. Jésus-Christ avait une immense compassion de cette immense compassion qui du cœur, du corps et de l'âme, ne faisait qu'une seule douleur immense. Sa Mère souffrait la douleur suprême, et Jésus portait en lui la douleur de sa Mère, et cette douleur était fondée sur la dispensation divine.

Une autre douleur fut l'offense du Père, objet de son immense amour. Jésus voyait quel péché était sa mort, et ce que faisait l'homme quand il crucifiait Dieu. Sa mort est le plus grand des crimes humains, passés, présents et futurs. L'injure que sa mort faisait à Dieu fut pour l'âme de Jésus-Christ un océan de douleur. Percé de compassion pour le Dieu blasphémé, percé de compassion pour l'homme déicide, la douleur lui arracha ce cri : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font ! »

À cause du crime sans nom, à cause du déicide, peut-être Dieu le Père allait damner le genre humain, si Jésus, comme s'il eût pour un instant oublié toute autre douleur, n'eût crié et pleuré dans la mort, pour nous et vers Dieu.

La douleur de compassion pour ses apôtres et disciples pénétra Jésus-Christ. Les apôtres, les disciples, les femmes qui l'avaient suivi, souffraient horriblement. Jésus, qui les aimait d'un amour immense, porta en lui la douleur des disciples dispersés et persécutés.

Outre ces douleurs, le Christ en supporta mille autres de mille natures. Je pourrais compter quatre glaives et quatre flèches sur son corps crucifié.

D'abord la cruauté scélérate de ces cœurs endurcis. Ils étaient là, tout le jour, obstinés, studieux et diligents, inventant et machinant : c'était à qui trouverait la calomnie la plus noire ou le supplice le plus atroce pour exterminer le Sauveur, son nom et sa suite.

La malice et l'abomination de cette colère implacable que les bourreaux portaient incessamment en eux, chacune de leurs pensées, de leurs intentions, de leurs iniquités intérieures, était un poignard pointu qui perçait l'âme de Jésus.

Puis la méchanceté et la duplicité des langues qui vociféraient. Chacune des accusations, des calomnies, des résolutions injustes, des malédictions ; chacun des blasphèmes, chacun des mensonges, chacun des faux témoignages, tomba sur lui, lui faisant une meurtrissure spéciale.

Enfin l’œuvre barbare de sa Passion, où ils inventèrent des raffinements de cruauté qui épouvantent au premier regard. Combien de tortures compterait l’œil qui pourrait compter les violences qu'il subit, les brutalités, les soufflets, les cheveux, les poils de barbe tirés, les crachats, les coups de fouet ! Par-dessus tout, les clous. Ils étaient très gros, carrés et si mal battus, qu'ils présentaient sur toutes leurs faces mille petits éclats qui lui percèrent les pieds, les mains, qui le déchirèrent, qui le torturèrent avec des souffrances épouvantables. Une douleur au-dessus de toute douleur résulta de la forme de ces clous. Quand ses pieds et ses mains n'eussent pas été ainsi cloués au bois, la Passion eût encore été effroyable. Mais les clous eux-mêmes n'ont pas satisfait les bourreaux. Ils tirèrent ses pieds et ses mains avec une telle violence, qu'ils disloquèrent son corps, brisèrent ses nerfs, et comptèrent ses os quand ils le couchèrent sur le bois dur, et le tendirent horriblement.

Ce n'est pas tout. Au lieu de laisser la croix couchée, il la dressèrent, offrant la Victime nue au froid, au vent et au peuple. Le poids entraînant le corps, il était suspendu par les mains et par les pieds, pour que la dureté des clous fût sentie plus cruellement ; pour que les plaies, toujours renouvelées, ouvrissent au sang des voies nouvelles ; pour que la mort fût parfaite en torture et les hommes en malice.

Pour nous manifester quelque chose de sa souffrance insondable, pour nous avertir qu'il la supportait pour nous, et non pour lui, pour apprendre à nos entrailles une compassion inconnue, au point culminant de la douleur ineffable, il poussa le cri suprême : « Mon Dieu, mon Dieu, m'avez-vous abandonné ? » Mais il cria pour nous ; il cria pour nous dire qui avait placé le fardeau sur sa tète, et quelle compassion nous devons à ses douleurs. Et ne croyez pas que ses douleurs aient commencé sur la croix ; depuis que son âme anima son corps, depuis l'heure première de l'union hypostatique, la sagesse ineffable dont il était rempli disait à Jésus tous les secrets du présent et tous les secrets de l'avenir. Aussi, dès cette heure, il vit venir à lui la douleur au-dessus de toute douleur, et il soutint le fardeau sans nom depuis l'union de son âme et de son corps, jusqu'à leur séparation ; et c'est ce qu'il voulait dire quand il parlait pendant sa vie de la croix qu'il portait d'avance, qu'il portait pour ses disciples, non pour lui-même ; et c'est ce qu'il voulait dire quand il prononça cette parole terrible : « Mon Âme est triste jusqu'à la mort. »

Il nous provoquait ; il nous demandait notre compassion.

Cette douleur, comme toutes les douleurs, contracta une amertume particulière qui venait de la noblesse immense de l'âme blessée. Plus l'âme était sainte, douce et noble, plus cruelle, plus tendue était la douleur ; car cette âme, en raison de sa noblesse, était incroyablement sensible à l'injure et à la souffrance. Et toutes ces tortures, qui prenaient leur source dans la dispensation ineffable de Dieu, rejaillirent de l'âme de Jésus sur son corps, et nul ne peut savoir quelle était la délicatesse et la sensibilité de ce corps. Aucun corps humain formé dans le sein d'une femme ne fut plus noble. Aucun corps ne fut plus sensible et ne reçut de la douleur une blessure plus cruelle. C'est pourquoi il trouvait dans toute injure et dans tout affront une incroyable matière à souffrance.

Au milieu de ses horreurs, que faisait l'Homme-Dieu, Jésus-Christ, Sauveur du monde? Je n'entends pas une menace, une malédiction, une défense, une excuse, une vengeance. On lui crache à la figure, il ne se cache pas la face ; on lui étend sur la croix les mains et les bras, il ne les retire pas ; on le cherche pour la mort, il ne se cache pas. Mais absolument et de toute manière, il se livre à la volonté des hommes, et se sert de leur scélératesse pour les racheter malgré eux. Au moment du crime, ineffable pensée I la Victime donnait l'exemple de la patience, enseignait aux bourreaux l'éternelle vérité, élevait pour eux au ciel ses bras, ses cris et ses larmes. Et pour leur immense péché, qui devait damner le genre humain, il leur rendait un bien plus fort que ce péché.

Tournant le crime contre lui-même, il se servit, pour satisfaire l'éternelle justice, de leur péché épouvantable. Il se servit de la mort qu'ils lui infligeaient pour ouvrir le ciel à ses bourreaux. Il réconcilia le monde avec Dieu ; il nous fit rentrer en grâce, et au moment où la créature portait la main sur le Créateur, il se servit de l'attentat qu'elle commettait pour restituer à Dieu sa fille. O pitié, ô miséricorde immenses ! O bonté supérieure à toute bonté conçue !

Où l'iniquité avait surabondé, la grâce surabonda, et la grâce n'a pas de limite.

Et puisque voilà notre exemple, ne nous bornons pas à ne pas nous venger : rendons le bien pour le mal à cause du Rédempteur.

Si un patriarche, un prophète, un ange, un saint, nous eût offert ce modèle, il serait déjà acceptable ; mais puisque c'est l'éternelle Sagesse, l'infaillible vérité à qui l'erreur est aussi impossible que le mensonge, la négligence serait déplorable ; c'est la perfection qui est demandée.

On dit, on entend dire, on prêche toute la journée que le Fils de Dieu fut l'homme de douleurs ; que non content de supporter patiemment celles qui se présentaient, il les cherchait, lui, l'Innocent, il les trouvait, il les prenait, il les aimait, en paroles, en actes ; il proclamait bienheureux ses imitateurs. Cette proclamation ne fut pas une parole vaine. Il porta dans son âme et dans son corps la souffrance inexplicable ; ce fut par elle et grâce à elle qu'il déclara entrer dans son royaume. Il affirma qu'aucune autre route ne menait à la vie éternelle ; et Dieu choisit la voie royale. Puisque c'est lui qui l'a tracée, l'aveuglement est grand de ne pas suivre ce Guide infaillible, qui est Créateur et Rédempteur.

C'est parce qu'il savait la vertu cachée des souffrances qu'il les choisit, fuyant les voluptés, détestant en paroles et en actes les plaisirs temporels où le ciel n'entre pas. Avant ce choix de l'Homme-Dieu (bien qu'il eût déjà depuis longtemps indiqué ses prédilections par les Prophètes), les amis de la volupté humaine avaient cependant une excuse. Mais depuis que le Fils de Dieu a fait son choix lui-même, après une telle vérité si clairement montrée, si hautement prêchée et manifestée au monde dans un si grand seigneur, quelqu'un doit-il hésiter encore ! Quelque insensé peut-être, qui mérite tout blâme. Nous, misérables pécheurs, dignes de toute condamnation et de toute confusion, non seulement nous ne demandons pas à la pénitence la souffrance volontaire, mais les souffrances que Dieu nous envoie dans sa grande miséricorde et sagesse, pour nous sauver et nous délivrer du mal, les souffrances voulues ou permises par lui, nous les fuyons, nous les repoussons, nous murmurons contre elles, nous nous armons de toutes nos armes pour les mettre en fuite et chercher le plaisir.

Nous sommes vraiment malheureux. Non seulement nous ne nous soucions pas de la souffrance, qui peut quelquefois remédier au péché, mais nous la refusons quand elle est offerte par le très sage Médecin. Si, par la disposition de Dieu, une légère impression de froid ou de chaud se faisait sentir, comme on cherche vite le feu, le double vêtement, ou la fraîcheur ! Si quelque impression douloureuse est à la tête ou à l'estomac, que de cris, que de plaintes, que de soupirs, que de médecins, que de remèdes, que de lits moelleux, que de choses délicates, que de prières, que de vœux ! Et ce que nous faisons pour ces inconvénients qui, quelquefois, peuvent être utiles, nous ne le faisons jamais pour la rémission de nos péchés et pour le bien de nos âmes.

Si encore, par la permission de Dieu, quelque homme nous fait un tort ou une injure, quel trouble, quelle agitation, quelle colère, que de récriminations, que d'invectives, que de malédictions ! Nous haïssons, nous saisissons avec avidité, si elle s'offre à nous, la vengeance ; nous refusons violemment ce qui peut-être était un remède administré par le Médecin céleste.

Que d'efforts et de dépenses pour échapper aux afflictions que Dieu envoie !Et cependant elles sont sans doute plus salutaires et plus méritoires que les pénitences volontaires ; car Dieu sait mieux que nous de quoi notre âme a besoin pour être lavée et purifiée. D'ailleurs les douleurs volontaires, les pénitences choisies par l'homme, laissent le champ libre à son amour-propre. Mais celles qui nous arrivent malgré nous, quoique supportées avec patience et avec joie, semblent aux yeux des hommes des nécessités subies. Je vous engage donc, mes fils, à supporter le froid, le chaud, mille petits accidents, mille inconvénients physiques, sans cependant nuire à la vie du corps. Ne cherchez de remèdes que quand ils sont nécessaires. Mais il faut les chercher à l'instant où le mal physique serait un obstacle au bien de l'âme.

Si nous sommes pauvres d'amis, supportons aussi cette indigence. Si, par la volonté ou par la permission de Dieu, des oppressions, des persécutions, des opprobres, des violences, des rapines se produisent, ne les acceptons pas seulement avec patience, mais avec joie, comme un bien que nous aurions conquis. Mais, pauvres créatures, nous faisons tout le contraire, absolument tout le contraire : nous passons nos jours et nos nuits à inventer, à méditer, à rechercher, à conquérir de vaines joies et de vaines gloires. Telle n'est pas la voie de Jésus-Christ. Et comment cette malheureuse âme, qui ne recherche que les consolations de la vie mondaine, pourra-t-elle aller à lui ? L'âme sage qui veut pratiquer la sagesse, ne doit en vérité chercher que la croix.

Une âme qui aurait une étincelle d'amour voudrait suivre au Calvaire Jésus-Christ.

Ce que je dis des consolations temporelles, je le dis des consolations spirituelles. Il s'en trouve dans le service de Dieu, mais ce n'est pas là qu'il faut viser par-dessus tout. Marie, sur le Calvaire, voyant ce qu'elle voyait, a-t-elle cherché le goût de la suavité divine ? Non ; elle a accepté l'angoisse, l'amertume et la croix. Imitez-la ; il y a un peu d'amour, et souvent beaucoup de présomption, à demander autre chose. L'âme enrichie de douceur sensible, qui court à Dieu pleine de joie, a moins de mérite que celle qui fait le même service sans consolation, dans la douleur. La lumière qui sort de la vie de Jésus me montre, ce me semble, que c'est la douleur qui mène à Dieu, et que là où a passé la tête, là doivent passer la main, le bras, le pied et tous les membres. Par la pauvreté temporelle, l'âme arrivera aux richesses éternelles ; par le mépris, à la gloire ; par une légère pénitence, à la possession du souverain bien, à la douceur infinie, à la consolation sans limites. Qu'à Dieu soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen.

Gloire soit au Dieu tout-puissant à qui il a plu de nous tirer du néant pour nous faire à son image et ressemblance. Honneur, puissance et gloire soient au Dieu de miséricorde, en qui a triomphé la bonté, et qui a ouvert aux misérables, aux pécheurs, aux condamnés, les portes de son royaume, sans exclure aucun de ceux qui ne veulent pas être exclus. Mais gloire et honneur soient aussi au Dieu très doux qui a voulu donner son royaume, sa société, sa jouissance, aux pauvres, aux petits, aux méprisés. S'il eût fallu, pour posséder son royaume, de l'or, de l'argent, des diamants, des ressources de toute espèce, comme la plupart d'entre nous sont destitués de tous ces trésors, son royaume n'eût pas été l'héritage universel. Mais comme tout le monde peut pratiquer, au moins dans le cœur, la pauvreté et la pénitence, l'occasion est offerte à tous de conquérir le royaume de Dieu. Béni soit Dieu, qui n'a pas mis son royaume au prix d'une longue patience, mais qui a fait cette vie très courte auprès de l'éternité. Si pour l'amour de Dieu et de son royaume éternel il fallait porter pendant mille milliers d'années la plus rude épreuve, il faudrait encore accepter avec joie et rendre grâces les mains jointes ; mais il nous est accordé et octroyé par la miséricorde divine de ne supporter qu'une lutte d'un instant. En vérité, la vie ne dure rien.

Gloire soit au Dieu béni qui a voulu promettre par sa parole, montrer par son exemple, et confirmer par la réalité visible de sa chair pure ses voies et notre récompense. Nous savons qu'il est possible et nécessaire d'obtenir ce qu'il a promis par la route d'un court travail dont lui-même a donné l'exemple. Lui-même n'a voulu posséder son propre royaume qu'au prix des douleurs dont nous avons parlé.

Venez donc, fils de Dieu, à la croix de Jésus-Christ. Transformez-vous de toutes vos forces en lui. Voyez son amour, et l'exemple qu'il donne, et sa mort, et notre rédemption. Car le signe qui marque les enfants de Dieu est l'amour de Jésus et l'amour du prochain : voilà la perfection. Le Christ nous a aimés d'un amour parfait ; sans rien réserver de lui-même, il s'est livré tout entier. Il veut que ses enfants légitimes correspondent suivant leurs forces à sa générosité. J'entends la voix de ce Dieu crucifié. Il m'ordonne, à fils de Dieu, de vous conjurer sans me lasser jamais, et je vous conjure d'être fidèles comme il est fidèle, et d'aimer vos frères d'un amour sans défaut, sans faiblesse et sans trahison. Si vous êtes fidèles à Dieu, vous serez fidèles aux hommes.

Quant à la pureté et à la fidélité de l'amour, l'Homme-Dieu a fait ses preuves : voyez sa vie et sa mort.

Mais parce que nous sommes infidèles, nous ne voyons ni la pauvreté de sa naissance, ni les horreurs de sa mort, ni les duretés de sa vie, ni les douceurs de sa doctrine. Parce que nous ne la contemplons pas avec les yeux du cœur, sa mort ne nous empêche de vivre ni au monde, ni au péché. Quel est l'homme qui réponde à cette fidélité éternelle et divine par un peu de réciprocité ? La vie de Jésus est comme non avenue ; nous la jetons derrière notre dos pour ne plus la voir.

Venez donc, fils de la bénédiction ; regardez cette croix, regardez Celui qu'elle porte, et pleurez avec moi, car c'est nous qui l'avons tué. Connaissez-vous quelqu'un qui puisse compter nos crimes ? Moi, je ne suis que péché. Mais si vous êtes innocents, pleurez comme moi, car ce n'est pas par vos propres forces que vous avez gardé la robe blanche ; c'est par la grâce de Dieu et la vertu de la croix. Pleurez donc, à mes enfants, comme si vous me ressembliez. Plus vous avez reçu, plus vous devez rendre.

Votre reconnaissance n'a pas été parfaite. Votre vie n'a pas été sans tache, votre pureté n'a pas été infinie ; pleurez donc tous, et que tous les yeux de tous les cœurs regardent la croix ! C'est dans la vue de la croix que l'âme trouve l'abîme de son néant. Et c'est l'oraison continuelle qui donne à l'homme la lumière par laquelle on voit le péché. Par la lumière, vous recevrez la douleur et la contrition. Quand l'âme, contemplant la croix, voit ses péchés dans leur ensemble et dans leur détail, et sa victime expirante, l'esprit de contrition s'émeut en elle pour châtier et réformer sa vie.

Regardez l'exemplaire vivant, et que la forme de la divine perfection s'imprime sur vous. Lisez le livre de vie, c'est la vie et la mort de Jésus qui conduit à l'abîme de la lumière, de la douleur et de l'humilité. La vue de la croix ouvre la porte de l'abîme. L'âme voit et connaît la multitude de ses péchés, et comment elle y a employé tous les membres de son corps ; puis elle voit les entrailles de la miséricorde divine qui s'ouvrent ineffablement pour l'engloutir dans leurs abîmes. Pour les péchés de chacun des membres de son corps, elle voit comment fut traité chacun des membres du Christ.

Voyez la tète de l'homme, et les péchés dont elle est l'occasion. Comptez les recherches de la toilette, et comment nous nous déshonorons la face pour plaire à la créature et pour déplaire à Dieu ; comptez les vanités qui se déploient autour de la figure humaine.

Puis voyez ce que Jésus-Christ a souffert dans sa tète.

Au lieu de nos délicatesses efféminées, de nos onguents et de nos raffinements, comptez les cheveux arrachés, comptez les blessures faites par la couronne d'épines, comptez les coups de roseau, comptez les gouttes de sang. Ainsi tous les membres de Dieu et tous les membres de l'homme pourraient comparaître en face les uns des autres, dans une vision, et à chaque nouvelle apparition d'un instrument nouveau de torture ou de plaisir, nous entendrions quelle plainte sortirait des lèvres de Jésus-Christ.

Après la multitude des crimes, l'homme voit leur gravité.     L'âme, qui regarde la croix, mesure l'énormité du crime à l'énormité de la rédemption. Tel est le péché, que Dieu, pour le racheter, a pris sur ses épaules le poids qu'on ne peut peser, la douleur au-dessus des paroles.

Le livre de vie montre à l'âme comment le péché ne peut demeurer impuni. Elle voit comment Dieu le Père a préféré le supplice de son Fils à l'impunité du crime humain. Elle voit cette bonté infinie de Dieu, qui, nous voyant insolvable et toute créature avec nous, a payé lui-même notre rédemption. Elle voit l'infinie volonté de sauver le monde. Cette volonté qui réside en Dieu ; elle voit que la mort et une telle mort ne le fait pas reculer, tant il veut nous rendre l'héritage perdu et sa société éternelle.

Dans le même miroir, l'âme voit sa sagesse infinie. Sa justice et sa miséricorde se sont embrassées dans l'œuvre de notre salut et de notre exaltation ; mais le mode est ineffable. Le mode défie les pensées de toute créature. Dieu a su nous exalter par sa mort, sans qu'il en coûtât rien à l'immensité de la nature divine. Le jour où l'homme mangea le fruit défendu, le séducteur, homicide du genre humain, avait trompé par le bois. Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, nous a sauvés par le bois. Il a tourné contre Satan l'instrument de son triomphe. Il a su détruire la mort universelle par sa mort particulière, et tout vivifier quand l'haleine lui manquait. Il a su par les tourments, les douleurs et le mépris, préparer au genre humain les délices sans amertume et la gloire qui ne finira pas. Il a su par la mort de la croix, c'est-à-dire par le procédé le plus radicalement fou aux yeux des hommes, confondre la sagesse humaine, et manifester la sagesse divine.

Quand j'ai montré les douleurs de Jésus, l'humilité, la miséricorde, le Roi de gloire portant la mort de l'esclave, la rédemption, le ciel rouvert, l'exemple, la sagesse, la force, la joie éternelle, et tout le reste, ne croyez pas, mes enfants, que je vous aie donné la moindre idée de Jésus-Christ. La vérité est ineffable ; pour lire à haute voix le livre de vie, il faudrait exprimer et révéler l'infini. J'ai beaucoup répété, mais je n'ai pas dit ce qui échappe. Au regard du contemplateur, si la grâce se place entre le Calvaire et l'œil qui regarde, toutes choses sont manifestées dans la croix, toutes choses, ai-je dit..., j'ajoute maintenant... et beaucoup d'autres, mais elles sont ineffables.

Qu'à Jésus-Christ soit honneur et gloire dans les siècles. Amen.

● ● ●

[1] Sagesse : VI ; 7.
[2] Ceci se rapporte à l'Eucharistie.
[3] Arbor vitæ crucificæ Jesu. Prologue. I. Venise 1485.
[4] L'Idéalisme franciscain spirituel au XIVe siècle. Étude sur Ubertin de Casale par Frédégand Callaey O. M. Cap. Université de Louvain, 1911. Recueil de travaux publiés par les membres des conférences d'histoire et de philologie. 28e fascicule. (XXVIII ; 280 p. p.).
[5] Alvarus Pelajius. De Planctu Ecclesiæ, liv. Il art. 66 (cité dans Callaey, p. 18).
[6] Arbor Vitæ. Prolog. I. cité Callaey, p. 20.
FIN DE LA TROISIÈME PARTIE

     

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(A suivre...)
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Message par M1234 Ven 10 Mar 2017 - 10:34

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VISIONS
et
instructions
traduction

Ernest Hello

QUATRIÈME PARTIE
● ● ●

LXII
L’oraison
La connaissance du Dieu éternel et de l'Homme-Dieu crucifié, qui est absolument nécessaire à la transformation spirituelle de l'homme, suppose la lecture assidue du livre de vie, du livre où sont écrites la vie et la mort de Jésus-Christ. Or cette lecture, pour être intelligente, suppose une oraison dévouée, pure, humble, violente, profonde et assidue. Je ne parle pas seulement de la prière vocale, je parle de la prière mentale, celle qui part du cœur et de toutes les puissances de l'âme réunies. Après avoir parlé du livre de vie, parlons de l'oraison.

L'oraison est la force qui attire Dieu, et le sanctuaire où il se trouve. Il y a trois sortes d'oraisons au fond desquelles on rencontre le Seigneur : l'oraison corporelle, l'oraison mentale, l'oraison surnaturelle.

L'oraison corporelle suppose le concours de la voix et des membres ; on parle, on articule, on fait le signe de la croix ; les génuflexions ont leur place dans cette prière. Cette oraison, je ne l'abandonne jamais. J'ai voulu autrefois la sacrifier entièrement à l'oraison mentale. Mais quelquefois le sommeil et la paresse intervenaient, et je perdais l'esprit de prière. C'est pourquoi je ne néglige plus l'oraison corporelle : elle est la route qui mène aux autres. Mais il faut la faire avec recueillement. Si vous dites : Notre Père, considérez ce que vous dites. N'allez pas vous hâter pour répéter la prière un certain nombre de fois. Je vous prie seulement de ne pas imiter ces pauvres petites bonnes femmes qui croient avoir bien prié, quand elles ont prié longtemps. On dirait qu'elles ont un certain ouvrage à faire, qui sera payé suivant la longueur et la quantité.

Il y a oraison mentale quand la pensée de Dieu possède tellement l'esprit que l'homme ne se souvient plus de rien en dehors de son Seigneur. Et si quelque pensée qui ne soit pas la pensée de Dieu entre dans l'esprit, ce n'est plus l'oraison mentale. Cette oraison coupe la langue, qui ne peut plus remuer. L'esprit est tellement plein de Dieu, qu'il n'y a pas place en lui pour la pensée des créatures.

L'oraison mentale mène à l'oraison surnaturelle. Il y a oraison surnaturelle quand l'âme, ravie au-dessus d'elle-même par la pensée et la plénitude divine, est transportée plus haut que sa nature, entre dans la compréhension divine plus profondément que ne le comporte la nature des choses, et trouve la lumière dans cette compréhension. Mais les connaissances qu'elle puise aux sources, l'âme ne peut pas les expliquer, parce que tout ce qu'elle voit et sent est supérieur à sa nature.

Dans ces trois genres d'oraison, l'âme obtient une certaine connaissance d'elle-même et de Dieu. Elle aime dans la mesure où elle connaît ; elle désire dans la mesure où elle aime ; et le signe de l'amour ce n'est pas une transformation partielle, c'est une transformation absolue.

Mais cette transformation n'est pas continuelle. Aussi l'âme s'applique tout entière à chercher une transformation nouvelle, et à rentrer dans l'union divine.

La Sagesse divine aime l'ordre en toutes choses, parce qu'elle porte en soi l'ordre absolu. Cette Sagesse ineffable a donné l'oraison corporelle pour marchepied de l'oraison mentale, et l'oraison mentale pour marchepied de l'oraison surnaturelle. Elle a voulu que chaque chose fût faite à son heure, à moins que dans l'oraison mentale ou surnaturelle il ne survienne une joie envahissante qui ferme les lèvres absolument. Excepté, bien entendu, le cas d'une indisposition physique, il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu, dans toute la mesure des forces humaines, et veiller autour du repos de l'âme, pour qu'aucun souci temporel n'approche de sa paix divine.

La loi de l'oraison c'est l'unité. Il exige la totalité de l'homme, et non une partie de lui. L'oraison demande le cœur tout entier ; et si on lui donne une partie du cœur, on n'obtient rien de lui. Le contraire arrive dans les actes de la vie humaine ; s'il s'agit de boire ou de manger, ou d'accomplir quoi que ce soit, il faut réserver son intérieur. Mais, dans l'oraison, il faut donner tout son cœur, si l'on veut goûter le fruit de cet arbre ; car la tentation vient d'une division du cœur.

Priez et priez assidûment. Plus vous prierez, plus vous serez illuminé ; plus profonde, plus évidente, plus sublime sera votre contemplation du souverain bien. Plus profonde et sublime sera la contemplation, plus ardent sera l'amour ; plus ardent sera l'amour, plus délicieuse sera la joie, et plus immense la compréhension. Alors vous sentirez augmenter en vous la capacité intime de comprendre, ensuite vous arriverez à la plénitude de la lumière, et vous recevrez les connaissances dont votre nature n'était pas capable, les secrets au-dessus de vous.

De cette glorieuse oraison nous trouvons la science, l'exemplaire et la forme en Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, qui a enseigné par la parole et enseigné par le fait. Il nous a enseigné la prière, quand il a dit aux disciples : «Veillez et priez, de peur que vous n'entriez en tentation. »

Dans mille endroits de l'Évangile, il a recommandé l'oraison à tous nos respects. Il a montré qu'elle était l'aliment de son cœur. Elle nous est conseillée par Celui qui nous aime sans mensonge, et qui nous souhaite tout bien. Pour enlever toute excuse à qui refuse la grâce, ayant posé sur notre prière la promesse de la toute-puissance : « Demandez, et vous recevrez » ; il a voulu prier lui-même pour nous attirer là où il est, pour régler sur le sien notre amour.

L'Évangéliste nous dit qu'au fort d'une longue oraison, la sueur de sang sortit de son corps et coula sur la terre. Placez ce spectacle devant vos yeux : regardez l'exemplaire de l'oraison, et souvenez-vous qu'il priait, non pour lui, mais pour vous : « Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi. Cependant que votre volonté soit faite, et non la mienne. » Voyez et imitez la soumission de cette prière.

Il a prié quand il a dit : « Père, je remets mon esprit entre vos mains. »

En un mot, son oraison dura autant que sa vie, qui fut prière, science, et révélation.

Pensez-vous que le Christ ait prié en vain ? Pourquoi négligez-vous la chose sans laquelle tout est impossible ? Puisque Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, a prié pour vous donner l'exemple, si vous voulez quelque chose de lui, priez, priez, priez ! Si le vrai Dieu n'a voulu recevoir qu'en demandant humblement, vous, misérable créature, recevrez-vous sans demander et sans demander à genoux ? Ainsi, priez.

Vous savez, cher enfant, que sans lumière et sans grâce le salut n'est pas possible. La lumière divine est le principe, le milieu, et le centre de toute perfection.

Voulez-vous commencer la route ? priez. Voulez-vous grandir ? Priez. Voulez-vous la montagne ? Priez. La perfection ? Priez. Voulez-vous monter plus haut que la lumière ? Priez. Voulez-vous la foi ? Priez. L'espérance ? Priez. La charité ? Priez. L'amour de la pauvreté ? Priez. L'obéissance ? Priez. La chasteté ? Priez. Une vertu quelconque ? Priez. Vous prierez de cette façon, si vous lisez le livre de vie, la vie de Jésus-Christ, qui fut pauvreté, douleur, opprobre et obéissance. Après les premiers pas et ceux qui les suivront, les tribulations de la chair, du monde et du démon vous attaqueront. La persécution sera peut-être horrible. Voulez-vous la victoire ? Priez.

Quand l'âme veut prier, il lui faut conquérir la pureté pour elle et pour le corps. Il faut qu'elle approfondisse ses intentions, bonnes ou mauvaises, qu'elle descende au fond de ses prières, de ses jeûnes et de ses larmes pour les scruter dans leurs secrets ; qu'elle interroge ses bonnes oeuvres ; qu'elle considère ses négligences dans le service de Dieu, ses irrévérences et ses absences. Qu'elle entre dans la contemplation profonde, attentive et humiliée de ses misères, qu'elle confesse son péché, qu'elle le reconnaisse ; qu'elle s'abîme dans le repentir. Dans cette confession, dans ce brisement, elle trouvera la pureté. O mes enfants, allez à la prière comme le publicain, et non pas comme le pharisien.

Voulez-vous recevoir le Saint-Esprit ? Priez. Les apôtres priaient quand il est descendu.

Priez et gardez-vous, et ne donnez pas prise à l'ennemi, qui est toujours en observation. Vous ouvrez la place à l'ennemi, dès que vous cessez de prier. Plus vous serez tenté, plus il faut persévérer dans la prière. La tentation vient quelquefois à raison même de la prière, tant les démons désirent l'empêcher. Ne vous en souciez que pour redoubler ! C'est elle qui délivre, c'est elle qui illumine, c'est elle qui purifie, c'est elle qui unit à Dieu. L'oraison est la manifestation de Dieu et de l'homme. Cette manifestation est l'humilité parfaite, qui réside dans la connaissance de Dieu et de soi. L'humilité profonde est la source d'où sort la grâce divine pour se verser dans l'âme où elle veut entrer et grandir. Suivez cet enchaînement. Plus la grâce creuse l'abîme de l'humilité, plus elle grandit elle-même, s'élançant du fond de cet abîme, d'autant plus haute qu'il est plus profond : plus la grâce grandit, plus l'âme creuse l'abîme de l'humilité, et elle s'y couche comme dans un lit, et elle s'enfonce dans l'oraison, et la lumière divine grandit dans l'âme, et la grâce creuse l'abîme, et la hauteur et la profondeur s'enfantent l'une l'autre.

Tels sont les fruits du livre de vie.

Connaître le tout de Dieu et le rien de l'homme, telle est la perfection. Je viens de dire la route qui y mène.

Repoussez donc, cher fils, toute paresse et négligence.

J'ai encore un conseil à vous donner. Si la grâce de la ferveur sensible vous est soustraite, soyez aussi assidu à la prière et à l'action qu'aux jours des grandes ardeurs. Vos prières, vos soins, vos travaux, vos oeuvres sont très agréables au Seigneur, quand son amour vous embrase. Mais le sacrifice le plus parfait et le plus agréable à ses yeux, c'est de suivre la même route avec sa grâce, quand cette grâce n'embrase plus. Si la grâce divine vous pousse à la prière et 1 l'acte, suivez-la, tant que vous avez le feu. Mais si par votre faute, car c'est ainsi que les soustractions d'amour arrivent le plus souvent ; si, par votre faute, ou par quelque dessein plus grand de la miséricorde éternelle qui vous prépare à quelque chose de sublime, l'ardeur sensible vous est un moment retirée, insistez dans la prière, dans la surveillance, insistez dans la charité ; et si la tribulation, si la tentation surviennent avec leur force purificatrice, continuez, continuez, ne vous relâchez pas ; résistez, combattez, triomphez, à force d'importunité et de violence : Dieu vous rendra l'ardeur de sa flamme ; faites votre affaire, il fera la sienne. La prière violente qu'on arrache de ses entrailles en les déchirant, est très puissante auprès de Dieu. Persévérez dans la prière ; et si vous commencez à sentir Dieu plus pleinement que jamais, parce que votre bouche vient d'être préparée pour une saveur divine, faites le vide, faites le vide ; laissez-lui toute la place : car une grande lumière va vous être donnée pour vous voir et pour le voir.

Ne vous livrez à personne avant d'avoir appris à vous séparer de tout le monde.

Surveillez vos ardeurs, éprouvez l'esprit qui vous les donne. Prenez garde de vous abandonner à celui qui fait les ruines. Examinez d'où part le feu, où il vous mène, où il vous mènera. Comparez vos inspirations au livre de vie ; suivez-les tant qu'il les autorise, non pas plus loin.

Défiez-vous des personnes à l'air dévot qui n'ont à la bouche que paroles mielleuses. Promptes à mettre en avant les communications divines dont elles sont favorisées, elles vous tendent un piège pour vous attirer à elles, et l'esprit de malice est là.

Défiez-vous, oh ! défiez-vous des apparences de la sainteté ; défiez-vous, défiez-vous des étalages de bonnes oeuvres. Prenez garde qu'on ne vous entraîne dans la voie indigne des apparences. Regardez, regardez encore ; éprouvez toutes choses, comparez au livre de vie, et ne marchez que quand il le permet.

Défiez-vous de ceux qui prétendent avoir l'esprit de liberté, mais dont la vie est la contradiction vivante du christianisme. Fondateur de la loi, Jésus-Christ s'est soumis à elle. Libre, il s'est fait serviteur : ses disciples ne doivent pas chercher la liberté dans la licence qui brise la loi divine.

Cette illusion est fréquente. Soyez docile à la loi, aux préceptes, et ne méprisez pas les conseils. Il y a de grands chrétiens qui font un cercle autour d'eux, et un ordre sublime est inscrit dans ce cercle. Cet ordre vient du Saint-Esprit, qui les fait vivre, qui les conduit par la main. Il ne s'agit pas pour eux de savoir si cette chose est permise ou défendue. Il y a telle chose permise en elle-même dont le Saint-Esprit les écarte, parce qu'elle n'est pas comprise dans l'ordre immense inscrit dans le cercle.

LXIII
L’humilité

Vaine est la prière sans l'humilité ; après la prière, l'humilité est le premier besoin de l'homme. Enfants bénis du Seigneur, regardez dans le Christ crucifié le type de l'humilité, et que la forme de toute perfection se grave en vous. Voyez sa route, voyez sa doctrine ; elle n'est pas appuyée sur de vaines paroles, mais fondée sur des oeuvres et confirmée par des miracles. De toute la force de votre âme suivez Celui qui, étant dans le sein du Père, s'est anéanti, a pris le rôle de serviteur, s'est humilié jusqu'à la mort, et a obéi jusqu'à la croix.

Il a posé en lui le type suprême de l'humilité ; c'est là qu'il a mis son cœur, et il nous a demandé d'attacher sur lui nos regards, quand il a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. »

O mes enfants, regardez, voyez l'importance, la nécessité de cette chose, voyez sa racine, voyez ses fondements. Par une profonde et savoureuse contemplation, descendez dans cet abîme, et jetez vos regards vers cette sublimité. Écoutez bien. Il ne dit pas : « Apprenez l'humilité des apôtres ; apprenez-la des anges. » Non. Il dit : « Apprenez-la de moi. Ma majesté seule est assez haute pour que mon humilité soit au fond de l'abîme. »

Il ne dit pas : «Apprenez de moi à jeûner », malgré l'exemple des quarante jours et des quarante nuits. Il ne dit pas : « Apprenez de moi le mépris du monde ; apprenez de moi la pauvreté», quoiqu'il ait fait et conseillé ces choses. Il ne dit pas : « Apprenez de moi comment j'ai créé le ciel. » Il ne dit pas : « Apprenez de moi à faire des miracles », quoiqu'il en ait fait par sa puissance propre, et qu'il ait ordonné aux disciples d'en faire en son nom. Il ne dit jamais : « Apprenez ceci de moi. » Il ne ledit que dans une occasion : « Apprenez l'humilité. » En d'autres termes : « Si je ne suis pas en fait et en vérité le type de l'humilité, regardez-moi comme un menteur. » Et il revient sur ce sujet d'une manière étonnante, pour forcer notre attention. Après avoir lavé de ses mains, de ses mains à lui, les pieds de ses disciples : « Savez-vous, dit-il, ce que je viens de faire ? Si moi, Maître et Seigneur, j'ai lavé vos pieds, faites suivant ce modèle : j'ai donné l'exemple pour qu'il soit suivi. Je vous le dis en vérité, le serviteur n'est pas plus grand que le maître, vous serez bienheureux si, sachant ces choses, vous les accomplissez. »

En vérité, en vérité, le Sauveur du monde a posé la douceur et l'humilité à la base des vertus. Abstinence, jeûne, austérité, pauvreté intérieure ou extérieure, bonnes oeuvres, miracles, tout n'est rien sans l'humilité du cœur. Mais toutes ces choses reprendront vie et recevront bénédiction, si l'humilité les soutient : l'humilité du cœur est la force génératrice des vertus. La tige et les branches ne procèdent que de la racine. Parce que son prix est infini, parce qu'elle est le fondement sur lequel s'élève toute perfection spirituelle, le Seigneur n'a voulu confier qu'à lui-même le soin de nous dire : « Soyez humbles. » Et la Vierge Marie, parce que l'humilité est la gardienne universelle, la Vierge Marie, comme si elle eût oublié toutes les autres vertus de son âme et de son corps, n'a admiré qu'une chose en elle-même, et n'a donné qu'une raison à l'incarnation du Fils de Dieu en elle :

« Parce qu'il a regardé l'humilité de sa servante. »

C'est pour cela, et non pas pour autre chose, que s'est élevé le cri des générations qui l'ont proclamée bienheureuse.

O mes fils, c'est dans la même humilité qu'il faut prendre substance et racine, comme des membres unis à la tète, par une union naturelle et vraie, si vous désirez le repos de vos âmes. O mes enfants, où trouver le repos et la paix, sinon dans Celui qui est le repos et la paix substantiels ? La condition de la paix est l'humilité. Sans l'humilité, toute vertu, toute course vers Dieu, est vraiment un néant. Cette humilité du cœur, que Dieu vous demande et vous enseigne, est une lumière merveilleuse et éclatante qui ouvre les yeux de l'âme sur le néant de l'homme et l'immensité de Dieu. Plus vous connaîtrez sa bonté immense, plus vous connaîtrez votre néant. Plus vous verrez votre néant et votre dénuement propre, plus s'élèvera dans votre âme la louange de l'Ineffable ; l'humilité contemple la bonté divine, elle fait couler de Dieu les grâces qui font fleurir les vertus.

La première d'entre elles est l'amour de Dieu et du prochain, et c'est la lumière de l'humilité qui donne naissance à l'amour. L'âme voyant son néant, et Dieu penché sur ce néant, et les entrailles de Dieu étreignant ce néant, l'âme s'enflamme, se transforme et adore.

L'âme transformée aime toute créature comme Dieu aime toute créature ; car dans toute créature c'est Dieu qu'elle voit, c'est le nom de Dieu qu'elle lit. Aussi elle partage les joies et les douleurs du prochain. Les fautes des hommes n'enflent pas l'âme et ne l'inclinent pas vers le mépris ; car la lumière qui l'éclaire lui montre qu'elle est aussi coupable ou plus coupable. Si elle est innocente, elle sait qu'elle ne l'est pas par elle-même, qu'elle a été tenue par la main, fortifiée, que la tentation a été diminuée ; et, au lieu de l'enfler, les fautes des autres hommes l'aident À rentrer dans son propre abîme, et là, voyant ses défauts À la clarté de l'abîme, elle voit qu'elle serait tombée avant tout autre dans le précipice, sans la main qui la tenait. Elle sent aussi les maux que le prochain souffre dans son corps, et compatit comme l'Apôtre : « Qui est malade, disait-il, sans que je le sois aussi ? »

Comme la Charité, la Foi, l'Espérance et toutes les vertus, selon leur nature propre et leurs propriétés particulières, reposent sur l'humilité : il serait trop long d'expliquer en détail toutes ces filiations. L'homme qui voit la faiblesse de sa pensée, et comment le vide de Dieu est à chaque instant dans son esprit, croit ce que la foi enseigne. L'homme, voyant qu'il ne peut rien par lui ni par personne, place en Dieu toute son espérance. Mais l'expérience vous parlera plus haut que moi. Je n'ai qu'un mot à vous dire : tenez-vous sur la base des choses, debout, immobiles, fermes, fixes. Celui qui est fondé en humilité a sa conversation avec les anges, très douce, très pure et pacifique. L'homme humble a une action singulière sur le cœur des hommes, sur le cœur des élus. Il est posé devant eux comme une lumière, et sa douceur les tourne comme elle veut. Parce qu'il est pacifié par la pacification interne, nul malheur ne le trouble, et il dit avec l'Apôtre : « Qui pourra me séparer de la charité de Jésus ? » O mes enfants, cherchez, cherchez jusqu'à ce que vous ayez trouvé le fondement sans lequel toute édification est une ruine. Gardez-vous de la route qui n'aboutit pas. Je vois la nécessité de cette nécessité, parce que sans l'humilité je vois de mes yeux ouverts le néant des vertus. Accomplissez le désir de l'éternel Roi, de Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui vous supplie, en vous serrant, d'accepter de lui l'humilité. Approfondissez la profondeur ; creusez le néant dans votre abîme. Accomplissez le désir de l'éternelle Vérité, de l'éternelle Sagesse, qui a caché l'humilité aux sages du siècle comme on cache un trésor, mais qui l'a relevée et livrée aux enfants.

Je désire, je désire, j'ai faim et soif, mes enfants ; j'ai faim et soif que vous vous abîmiez dans l'abîme, que vous vous engloutissiez dans la profondeur de votre néant et dans la hauteur de l'immensité divine. Si cela est, si vous êtes solides sur la base, vos lèvres et vos âmes ne seront plus promptes aux querelles. Semblables au Crucifié, vous serez comme des sourds qui n'entendent pas, comme des muets qui ne peuvent plus remuer les lèvres. Vous serez les membres véridiques, les membres authentiques du Seigneur, du Dieu de gloire. Lisez l'Écriture, vous verrez s'il a jamais eu la moindre complaisance pour les misérables vanités, pour les rivalités qui s'agitaient autour de lui.

Nul ne sait jusqu'où va la bienfaisance de cette humilité, qui remplit d'elle-même les âmes pacifiques, les vases d'élection où Dieu se complaît ; car la profondeur de leur paix intérieure arme les humbles contre le dehors. S'ils entendent l'injure les attaquer ou attaquer la vérité, ils ne peuvent se justifier que brièvement et sans emphase. La calomnie les trouve plutôt prêts à avouer leur ignorance et à se retirer, qu'à entrer en discussion : ils n'ont pas cette complaisance.

Quand je cherche la source du silence, je ne la trouve que dans le double abîme, où l'Immensité divine est en tète à tète avec le néant de l'homme. Et la lumière du double abîme, cette lumière, c'est l'humilité.

Humilité, lumière, silence, quelle route mène à vous, sinon la route indiquée ? C'est la prière qui vous trouve, prière ardente, pure, continuelle, prière fille des entrailles. C'est aussi le livre de vie, c'est la croix qui, en nous montrant nos crimes, nous ouvre les portes de l'humilité. O chers enfants de mon âme, je vous le demande, et je me le demande à moi-même : soyons unis dans la même sagesse, bien loin, bien loin de toute discorde. Oh ! cette paix, cette paix, cette paix qui fait l'unité entre les frères ennemis, je vous la souhaite ardemment. La force que donne cette paix, c'est l'esprit d'enfance. Quand vous le posséderez, au lieu de vous laisser enfler par la science ou par le sens naturel, des péchés d'autrui vos regards tomberont sur vos péchés, et si vous querellez quelqu'un, ce quelqu'un ce sera vous. L'esprit d'enfance ignore les questions de préséance ; il ignore la lourdeur, la pesanteur de l'homme qui dispute.

Je désire, ô mes enfants, que votre vie, même dans le silence, soit un miroir où les adversaires de la vérité contemplent son image dans l'esprit d'enfance, dans l'esprit de zèle, dans l'esprit de compassion discrète. O mes enfants, si j'apprenais que vous n'avez qu'un cœur et qu'une âme, et que l'esprit d'enfance est descendu sur vous, je serais tranquille sur votre vie et tranquille sur votre mort ; car je vois dans la lumière vraie que sans unité vous ne pouvez pas plaire à Dieu. O mes enfants, pardonnez-moi mon orgueil ; c'est donc moi qui ose engager les autres à être humbles ! C'est votre désir et votre amour qui m'ont contrainte à parler.

LXIV
La charité

L'amour est la première des vertus. Sans lui la prière ne vaut rien ; sans lui elle est une pure vanité que Dieu rejette, et toute vertu est sans fruit. Sur l'inutilité de la prière destituée d'amour, lisez le livre de vie, écoutez Jésus-Christ : « Si au moment de déposer votre présent sur l'autel, etc. » Le don de l'oraison ne vaut rien, s'il n'est offert dans le lien de la charité. Et dans l'oraison dominicale : « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons, etc. »

Il vous sera pardonné comme vous aurez pardonné.

Posez-vous donc dans l'état de la plus intime, de la plus unitive charité.

Sachez, mes enfants, que l'amour est le centre où est contenu tout bien, et le centre où est contenu tout mal. Il n'y a rien sur la terre, ni chose, ni homme, ni démon, qui soit redoutable comme l'amour, parce qu'aucune puissance ne pénètre comme celle-là l'âme, la pensée, le cœur ; et si cette force n'est pas réglée, l'âme se précipite, comme quelque chose de léger, dans tous les pièges, et son amour est sa ruine. Je ne parle pas seulement de l'amour absolument mauvais, dont l'infernal danger n'échappe à personne, et que l'évidence elle-même nous dit d'éviter. Je parle de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain. L'amour de Dieu m'est pardessus tout suspect. S'il n'est armé de discernement, il va à la mort ou à l'illusion ; s'il n'est discret, il court à une catastrophe : ce qui commence sans ordre ne peut aboutir à rien. Beaucoup se croient dans l'amour, qui sont dans la haine de Dieu et dans l'amitié de ses ennemis. Celui qui aime Dieu uniquement pour être préservé de telle ou telle douleur accidentelle n'est pas dans un ordre parfait ; car il aime lui d'abord, et Dieu ensuite, qui cependant doit être aimé avant tout et pour lui-même. Il s'est fait un Dieu de lui-même, et n'aime Dieu qu'en vue de lui. Celui qui aime ainsi, aime les choses à cause de lui-même, ne cherchant en elles que le plaisir de son corps, dont il a fait un Dieu. Il aime ses parents, s'ils rapportent honneur et profit ; il aime dans les saints, non la sainteté, mais le secours qu'il en espère pour lui-même ; il aime les aptitudes qui peuvent faire briller devant quelqu'un ses qualités extérieures ; il aime la science pour la parade ; il veut raisonner, et non pas aimer ; il veut reprendre avec orgueil, afin de passer pour quelque chose.

Il y en a d'autres qui croient aimer Dieu, et qui l'aiment d'un amour infime et imparfait. Ils l'aiment parce qu'il dispose du pardon et du paradis, mais ils ne se soucient pas de lui-même ; ils l'aiment uniquement pour qu'il les garde du péché et de l'enfer. D'autres l'aiment pour avoir des consolations et des douceurs spirituelles ; d'autres, pour être aimés de lui ; d'autres désirent la sainteté de leurs parents et de leur amis à cause de l'honneur qui rejaillit sur eux ; d'autres, parmi les lettrés, aiment Dieu pour recevoir le sens, la science et l'intelligence de l'Écriture ; parmi les illettrés, pour savoir parler des choses de l'esprit ; mais ils ne songent ni à la gloire de Dieu ni à leur salut. Ils veulent qu'on les aime et qu'on les considère ; ils aiment la spiritualité afin de prendre place parmi ses héros, et de gagner le cœur de ses amis ; ils ne songent qu'au profit et à la réputation ; ils aiment l'obéissance, la pauvreté, la patience, l'humilité extérieure et toutes les vertus, afin de dépasser les autres, afin d'être les premiers ; ils ressemblent à Lucifer, qui fit tout ce qu'il fit pour avoir la première place. D'autres, afin d'étendre partout la réputation de leur sainteté, admirent la sainteté de toutes les âmes, saintes ou non, afin de paraître charitables envers tous, et absolument incapables d'un jugement téméraire.

Il y en a qui aiment l'ami dévot ou l'amie dévote d'un amour spirituel, parfait et divin ; mais cet amour tombe dans l'excès et dans le défaut s'il n'est armé d'une profonde discrétion. Il devient charnel, inutile et nuisible ; il perd son temps en conversations vaines ; les cœurs sont collés l'un contre l'autre, et la sagesse n'est pas entre eux. Cet amour augmente, il se procure ce qu'il veut : la présence de la personne aimée. Loin d'elle il languit ; prés d'elle il augmente par une transformation dangereuse et une conformité de goûts qui n'a pas sa source dans la vérité. Contre cet amour, l'âme n'a pas d'arme : il grandit jusqu'au désordre. Si la personne aimée est blessée de la même flèche, le danger augmente. Ici commence l'échange des secrets. On s'entretient continuellement de son amour ; on se dit l'un à l'autre : « Personne au monde ne m'est aussi cher ; je te porte dans mon cœur. » Ils parlent ainsi pour donner un corps à leurs sentiments ; car ils veulent les palper. Ces deux âmes s'appellent l'une l'autre ; elles se désirent dans l'intérêt de leur dévotion et de l'avancement spirituel qu'elles croient rencontrer dans leur union. Si quelque tentation naît de leur tendresse, la raison intervient et contredit ; car elle n'est pas encore suffoquée par l'amour.

Mais voici que la tendresse augmente : un nuage passe sur la raison, une infirmité passe sur l'esprit. Alors arrive l'attouchement. On n'y voit aucun danger. Que peut-il faire à l'âme ? On se donne des permissions qui entraînent une déchéance intérieure, et la perfection souffre, la raison décline : l'amour la serre à la gorge, et l'âme, comptant pour rien ce qui n'est pas dangereux, l'âme se dit : « Allons toujours, je n'ai pas de mauvaise intention ; il n'y a pas grand mal dans tout cela. » Le nombre des choses permises va toujours en augmentant. Bientôt les deux volontés n'en font plus qu'une et la raison n'a plus la force d'élever la voix. Chacun suit l'autre, là où il va. Comme le désordre est intervenu, si une proposition mauvaise est faite, celui qui la reçoit n'a plus la force de dire : Non ; et si la proposition ne lui est pas faite, c'est lui qui la fait ; car il sent qu'elle est attendue, qu'elle va plaire : l'âme est arrachée à la prière, à l'austérité, arrachée à son antique désert, arrachée à l'antique habitude d'être forte sur elle-même, et l'amour, qui était divin, devient une passion entre deux misérables. Il augmente toujours ; tout à l'heure la présence et la parole de la personne aimée suffisaient, à présent elles ne suffisent plus. voici que l'une des deux victimes de cet amour toujours croissant veut absolument savoir si l'autre est blessée au même degré qu'elle-même et par la même flèche. Elle cherche à en faire l'épreuve, et si elle le peut, le danger devient énorme pour les deux personnes. Quand le doute a disparu, quand chacune des deux passions est parfaitement sûre d'être partagée, la présence et la parole ne leur donnant plus la satisfaction réclamée, les deux créatures tombent dans l'oisiveté, et de là dans toute dépravation.

Voilà pourquoi l'amour m'est suspect par-dessus tout.

Il contient tout mal. Donc prenez garde au serpent. Je suspecte l'amour de Dieu, je suspecte l'amour du prochain, car ce qui était bon peut devenir mauvais. L'amour de Dieu devient mauvais sans l'armure du discernement. L'armure est donnée 1 l'homme dans l'acte sublime de la transformation. Or la transformation de l'âme en Dieu a trois modes d'accomplissement.

La première transformation unit l'âme à la volonté de Dieu, la seconde l'unit avec Dieu, la troisième en Dieu et Dieu en elle.

La première transformation est une imitation de Jésus crucifié, car la croix est une manifestation de la volonté divine.

La seconde transformation unit l'âme avec Dieu. Son amour n'est plus seulement alors un acte de sa volonté ; car la source est ouverte, la source des sentiments immenses, la source des immenses délices ; cependant il y a encore place ici pour la parole et la pensée.

La troisième transformation fond tellement l'âme en Dieu et Dieu en elle, qu'à la hauteur immense où le mystère s'accomplit, les paroles meurent avec les pensées : celui-là sait ces choses qui les sent.

La première transformation, quoiqu'elle contienne la loi de l'amour, est insuffisante et laisse place à l'illusion.

La seconde transformation, si elle s'accomplit bien, assure à l'amour sa vraie direction.

La troisième transformation habite les sommets où réside le gouvernement de l'amour.

La seconde et la troisième sont les dons de la grâce.

La seconde, dans le domaine de l'imperfection, la troisième, dans le domaine de la perfection, peuvent s'appeler la sagesse. C'est elle qui enseigne à l'âme le gouvernement de l'amour. C'est elle qui règle dans l'âme les mouvements du feu divin, lui assurant la durée, la persévérance et le secret. Elle interdit au visage et au corps toute indiscrétion dans la tenue et dans le geste. C'est elle qui enseigne à l'amour du prochain la maturité, réglant les lois, la mesure et les heures de la condescendance. C'est l'union divine qui fournit la sagesse, la maturité, la gravité, la discrétion savoureuse, et cette lumière révélatrice qui protège l'amour contre la précipitation et l'illusion.

Si vous ne vous sentez pas en vous l'infusion de cette sagesse, défiez-vous de vos entrailles au moment où elles vous emportent vers un ami, ou vers une amie ; la bonne intention qui vous a unis pour la prière, en vue de Dieu, n'est pas une garantie pour tous les périls.

Celui-là peut s'unir sans crainte qui a conquis la science et la puissance de se séparer de tout, à l'instant, s'il le veut.

Pour comprendre les lois de la sagesse appliquées au gouvernement de l'amour, il faut connaître les différentes propriétés de celui-ci.

Au commencement de l'amour, l'âme subit un attendrissement, puis une faiblesse, ensuite la force.

Quand l'âme commence à sentir le feu divin, il s'élève de son fond une clameur et une rumeur. C'est à peu prés ce qui arrive aux pierres dans la fournaise, quand on veut les réduire en chaux. Au premier contacte du feu, elles crient ; mais quand la réduction est opérée, elles s'apaisent et se taisent. Ainsi l'âme cherche au commencement les consolations divines ; à leur défaut, l’âme s'attendrit, crie contre Dieu, et se lamente : « Pourquoi me traitez-vous ainsi ? Oh ! pourquoi cette langueur ? etc. » L'audace de l’âme naît d'une sécurité secrète qu'elle tire du Dieu qu'elle accuse.

Dans cet état les consolations la contentent.

Dieu porte à l’âme un amour qui ressemble à un amour créé ; il lui prodigue, avec ses caresses, d'étonnantes et ineffables consolations que 1'[me ne doit pas demander avec importunité. Ne les méprisez pas, si Dieu les donne ; car elles sont votre nourriture, elles vous excitent à le poursuivre, et écartent de vous l'ennui. C'est par elles que l'âme est portée vers la transformation, vers la recherche incessante du Bien-Aimé ; quelquefois aussi l'amour croît par leur absence, et commence à chercher le Bien-Aimé lui-même. Si elle ne l'a pas, elle sent sa faiblesse, et ne se contentant plus des consolations, elle cherche la substance de Celui qui les donne, et plus elle s'abîme dans le joies qui viennent de lui, plus elle languit et gémit dans son amour croissant, parce que ce qu'il lui faut, c'est la présence de Dieu lui-même.

Mais quand l'âme unie à Dieu est établie sur la vérité, qui est son siège, on n'entend plus ni cris, ni plaintes, ni attendrissement, ni affaiblissement. L’âme se sentant indigne de tout bien et de tout don, et digne d'un enfer plus affreux que celui qui existe, est établie dans une maturité, dans une sagesse admirable, dans l'ordre, dans la solidité, dans une force qui affronterait la mort par la vertu de l'amour, et elle possède dans toute la plénitude dont elle est capable.

C'est Dieu lui-même alors qui grandit l'âme, pour la rendre capable de ce qu'il veut poser en elle.

Et elle voit que Dieu seul est, et que tout n'est rien, excepté en lui et par lui.

Alors, par comparaison, elle regarde comme rien les magnificences qu'elle a dépassées, et toute créature, et la mort, et la faiblesse, et l'honneur, et le blâme, et dans l'énormité de sa paix suprême, perdant les désirs tels qu'elle les avait, et son action propre, celle qu'elle exerçait, elle se tient fondue en Dieu.

Et alors elle voit si profondément, dans la lumière divine, la majesté de l'ordre, que rien ne la trouble plus, pas même l'absence de Dieu.

Et, à force d'être conforme à lui, elle ne le cherche plus s'il s'absente ; mais, contente de lui, elle remet entre ses mains l'ordre universel.

Mais à l'instant où cesse la vision, qui n'est pas habituellement continuelle, un désir de feu surgit au fond de l'âme, et ce feu la pousse à faire sans peine les oeuvres  de pénitence, avec une puissance qu'elle ne se connaissait pas : car cet état est plus sublime que tout ce qu'elle a vu. Cet amour de feu est parfait, et pousse l’âme à l'imitation de Jésus crucifié, qui est la perfection de la perfection. Sa Passion a duré autant que sa vie. Elles ont commencé, continué et fini ensemble. Il fut toujours sur la croix de douleur, de pauvreté, de mépris, d'obéissance et de pénitence. Et, parce que l'amour veut ressembler et plaire, celui qui aime l'Homme-Dieu Jésus-Christ veut lui ressembler et lui plaire, et s'assimiler sa vie.

Plus la perfection grandit, plus l'âme veut suivre ses exemples et ses préceptes, et éviter entre elle et lui tout désaccord. Et il faut continuer toujours, car l'Homme-Dieu n'a jamais quitté la croix de la pénitence. Sa mesure doit être la vôtre : il vous demande toute votre vie. Quant à la grandeur de votre pénitence, c'est la direction qui doit la déterminer. La transformation de l’âme en volonté divine ne se prouve pas par des paroles, mais par des actes et ressemblances.

Mais quand l’âme transformée en Dieu même habite dans son sein, quand elle a atteint l'union parfaite et la plénitude de la vision, alors elle se repose dans la paix qui passe tout sentiment. Puis quand l'âme revient à elle-même, elle fait un nouvel effort pour opérer une nouvelle transformation qui la ramène à la volonté divine, et celle-ci à la vision.

Tant qu'elle est dans les actes de pénitence, dans le domaine crucifiant de la transformation volontaire, elle imite Jésus-Christ.

La vision dont j'ai parlé est la force qui dirige l'amour de Dieu et du prochain. C'est là que l'âme voit l'être de Dieu, et comment toute créature tire son être de Celui qui est l'Être. Et elle voit que rien n'existe qui ne tire de lui son existence. Introduite dans la vision, l’âme puise à la source vive une sagesse admirable, une science supérieure aux paroles, une gravité forte ; elle arrache à la vision son secret ; elle voit la perfection de tout ce qui vient de Dieu, et perd la faculté de contredire, parce qu'elle voit dans le miroir sans mensonge la sagesse qui créa. Elle voit que le mal vient de la créature, qui a détruit ce qui était bien. Cette vision de l'Essence très haute excite dans l'âme un amour de correspondance, et l'Essence nous invite à aimer tout ce qui tient d'elle l'existence, toute vérité, toute justice, toute créature raisonnable ou irraisonnable pour l'amour d'elle-même ; l'Essence nous pousse à aimer tout ce qu'elle aime, tout ce à quoi elle ordonne d'être. Avant tout, les créatures raisonnables, et, parmi celles-ci, les bien-aimées de l'Essence. Et quand elle voit l'Essence s'incliner par amour vers les créatures, l’âme imite ce mouvement, s'inclinant comme elle s'incline, dans la même mesure et du même côté.

Les amis du Père portent un signe, c'est qu'ils suivent son Fils unique. Les yeux de leur âme sont tendus vers le Bien-Aimé ; ils sont en quête de leur transformation ; tout entiers et totalement ils veulent être fondus dans la volonté de Celui qu'ils aiment, et c'est le Fils unique du Père.

Quand l'amour de l’âme est une création de l'Essence souveraine, quand il est né de cette contemplation, alors il sait monter vers l'Essence d'où il tire son origine. Il sait aussi descendre vers les créatures, respectant toutes les harmonies, s'inclinant plus ou moins suivant le mouvement régulateur que fait l'Essence pour s'incliner. Dès lors il ne peut plus passer la mesure, et tout amour devient suspect à l’âme, s'il n'est un don direct de Dieu. Quand l’âme qui a vu l'être de Dieu possède au degré suffisant l'amour de correspondance, elle devient forte jusqu'à l'immutabilité. Rien, pas même les visions d'un autre genre ni les ravissements, rien ne l'ébranle. À défaut de la vision ineffable, une réflexion profonde qui pèse l'être de Dieu, peut suffire et suffit pour purifier tout amour, et pour émousser toute pointe mauvaise.

Quant à la vision ineffable, outre l'amour créé qu'elle produit dans l'âme, parce qu'elle porte sur l'Incréé, elle laisse couler dans l'homme un amour de même nature. Totalement absorbée par la vision, l’âme ne sait comment répondre à Celui qui vient en elle. Mais cet amour illustre fait ses opérations.

Remarquez ceci : Au moment où la vision fut donnée à l’âme, l’âme opérait et se recueillait dans un immense désir pour approfondir son union. Mais ensuite c'est l'amour incréé qui agit dans l’âme ; c'est lui qui la pousse à se retirer de toute créature, pour augmenter l'union intime. C'est l'amour incréé qui fait lui-même les opérations de l'amour. Or le principe des opérations de cet amour est l'illumination et le don d'un désir nouveau.

C'est un certain amour fort et nouveau, que l'âme serait incapable de se donner. Or l'amour incréé fait tout le bien qui se fait par nos mains. Sans lui, nous sommes capables de tout mal. Tout bien vient de lui. La véritable humilité consiste à voir en vérité quel est l'opérateur du bien ; quiconque a cette vue possède l'Esprit de vérité. L'amour de Dieu n'est jamais oisif. Il pousse à suivre réellement la voie de la croix. Cet amour offre la croix à l'âme ; c'est une pénitence, longue, grave, austère, mais sa mesure et sa forme doivent dépendre toujours de l'harmonie universelle. L'ordre a sa commodité, qu'il faut suivre en toutes choses. Cet amour véritable arrête toute espèce de désordre dans l'attitude, dans le boire, dans le manger. Il exclut la vivacité vaine ; au lieu de résister à l'ordre, il se fait un ordre là où il n'en trouve pas.

Et quand l'amour, pendant toute la vie de l'homme, et dans la mesure de ce qu'il faut, aura porté les fruits de l'arbre de la croix, les fruits de pénitence dans l'austérité, c'est alors qu'il commencera à comprendre qu'il est un serviteur inutile, un serviteur mauvais. Il verra deux parts : en Dieu tout amour, en lui toute haine, et cette vue l'introduira dans une pénitence à laquelle il ne voudra pas que le corps reste étranger. Que la pénitence soit légère, ou non, c'est l'amour incréé qui la fait, et il la diversifie immensément suivant les besoins de chaque âme. Que la pénitence et la pensée de la pénitence ne soit jamais un poids pour vous ; car c'est Dieu qui opère. Pour provoquer votre volonté et obtenir votre consentement, Jésus-Christ a donné l'exemple.

Ceux qui sont élevés à la vision de l'Essence incréée s'abîment dans ce repos immense, et, ayant puisé le feu à la source, sont poussés par lui vers de plus grandes entreprises ; car leur flamme est renouvelée.

Ceux qui n'ont pas l'esprit de vérité, s'attribuant la gloire à eux-mêmes, deviennent des idolâtres qui adorent leurs bonnes oeuvres.

Ils changent en idoles les dons de Dieu, leur lumière devient leur idole, leur science devient leur idole ; ils changent en idole jusqu'à leur prudence, qui leur était donnée pour discerner. Car tout bien vient de l'amour, de l'amour incréé, qui brûle éternellement, et ne s'éteint jamais au fond de lui-même.

Qu'à Lui soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen !

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(A suivre...)
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Message par M1234 Mar 14 Mar 2017 - 7:53



LXV
Les voies de l’amour

La route qui mène à cet amour est la lecture du livre de vie, et il n'y en a pas d'autre. O mes enfants chéris, que notre amour soit parfait ! Que notre transformation soit entière I car il est tout amour, cet Homme-Dieu, ce Dieu incréé, ce Dieu incarné ; il nous aime tout entier, il veut que tout entier nous l'aimions. Il veut que Lui, et nous par l'amour, nous fassions un.

J'appelle enfants de l'Esprit ceux qui, par la grâce de la charité, vivent en Dieu, dans la perfection de l'amour transformé. Nous sommes tous fils de Dieu par la création, mais ceux-là sont les vases de l'élection et les fils de l'Esprit, en qui Dieu a posé son amour, et dans lesquels il se repose, attiré par sa propre ressemblance. C'est sa grâce et son amour qui a formé son image dans l'âme. J'appelle parfait celui qui a transformé sa vie en la ressemblance de l'Homme-Dieu.

Or, sachez que Dieu, noble par nature, nous demande notre cœur tout entier et non la moitié de notre cœur ; il le veut sans intermédiaire, sans partage, sans contestation. On dirait que Dieu fait la cour à l'âme humaine. Si elle se donne toute, il prend tout ; si elle se donne à moitié, il la reçoit à moitié ; mais c'est la première de ces deux choses qui fait sa joie ; car l'amour pariait est un amour jaloux. L'Époux, dans son amour, ne peut souffrir chez l'Épouse l'ombre d'un partage, ni en public, ni en secret. or, notre Dieu est un Dieu jaloux. Je sais, du reste, je sais parfaitement que s'il existait un homme qui eût goûté l'amour de Jésus crucifié, de ,Jésus souverain bien, cet homme-là ne s'arracherait pas seulement aux créatures, il s'arracherait à lui-même pour se donner plus absolument, et que toutes les puissances n'en feraient plus qu'une pour le transformer tout entier en Celui qui est notre Sauveur et notre amour, Jésus-Christ, Jésus-Christ !

Si l’âme veut se dégager et s'élever vers la perfection de l'amour qui se donne tout entier, qui se consacre non pas seulement en vue de la récompense temporelle ou éternelle, mais aussi en vue de l'être de Dieu, qui est la Bonté par essence, la Bonté digne de l'amour ; l’âme, dis-je, doit marcher dans la voie droite, marcher dans la voie de l'ordre, avec les pieds brûlants de l'amour.

Le premier pas qu'elle doit faire dans cette voie, c'est de connaître Dieu en vérité, non pas par la surface, par le dehors, par la science des livres. Il faut connaître profondément. Car l'homme aime, comme l'homme connaît. Si notre connaissance est bornée, vague, superficielle, si nous pensons à Dieu, comme quelqu'un qui s'acquitte de sa fonction, notre amour sera misérable. Relisez ce que j'ai déjà dit sur ce sujet.

Mais l'amour a des propriétés et des signes qui permettent de le reconnaître.

Première propriété. L'amour transforme l'un en l'autre, quant à la volonté.

Or, la volonté du Christ est, ce me semble, la vie dont il a donné l'exemple, vie pleine de pauvreté, de mépris, d'obéissance et de douleur ; l'exercice de ces choses est un rempart contre le mal et contre la tentation.

Seconde propriété. L'amour transforme l'un dans l'autre, quant aux qualités constitutives de l'Être. Je n'en citerai que trois : L'amour s'incline vers les créatures, suivant les lois de l'universelle harmonie. L'amour est humble et doux. L'amour est immuable. Plus l’âme est voisine de Dieu, plus elle est inaccessible au changement. La honte consiste à être ébranlé par quelque chose de petit ; c'est Il que nous sentons notre misère.

La troisième qualité de l'amour est la transformation parfaite de l’âme en Dieu. Alors elle est inaccessible aux tentations ; car elle ne réside plus en elle, mais en Lui.

Quand nous revenons à notre misère, défions-nous de toute créature, défions-nous de nous-mêmes ; je vous en supplie, restez en possession de vos âmes, ne vous donnez à aucune créature ; mais gardez-vous pour Celui qui a dit : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de tout votre esprit, de toute votre âme et de toutes vos forces. »

Voici quelques-uns des signes de l'amour. D'abord la soumission de la volonté.

Ensuite l'exclusion absolue de toute amitié contraire ; fallut-il quitter père, mère, frère, sœur, et tout ce qui ferait obstacle à la volonté de l'amour.

Puis l'amour porte en lui une force révélatrice des secrets qui oblige à montrer le fond de soi ; ce troisième signe me parait capital. Il est le complément nécessaire des actes de l'amour.

Enfin l'amour possède un désir d'assimilation qui fait chérir la pauvreté, si le Bien-Aimé est pauvre ; le mépris, s'il est méprisé : l'amour veut partager les douleurs. Il ne semble pas qu'entre le riche et le pauvre, entre l'homme des douleurs et l'homme des délices, l'amitié puisse ne rien laisser à désirer : la distance des conditions est en général un obstacle au partage de la vie.

Or, l'amour n'est pas seulement une force d'assimilation, mais une force d'unité qui fait partout des semblables.

Jésus-Christ, l'éternel amour, a réuni ces signes. Il s'est soumis à la volonté de l'homme, et Lui, qui d'un signe eût pu tout écraser, il a obéi jusqu'à la mort. Il a renoncé à sa mère et à sa chair, se livrant à la mort et les quittant sur la croix. Il nous a dit ses secrets : « Je ne vous appellerai plus mes serviteurs ; car le serviteur ne sait ce que fait son maître ; je vous ai appelés amis. » Il s'est rendu semblable à l'homme, la faute exceptée. Il a été vraiment homme et vraiment mortel. Imitons-le pour ne pas faire injure à l'amour de ses entrailles. Cherchons-le comme il nous a cherchés. Imitons-le comme il nous a imités. Si un seul homme faisait toutes les pénitences du monde réuni, ce serait trop peu pour reconnaître une seule goutte de la sueur du Christ, ou pour mériter la moindre des joies du paradis, ou pour expier le moindre des péchés mortels, ou pour offrir seulement à Dieu la satisfaction de la créature. Aussi chacun devrait s'efforcer de faire pénitence en secret, dans la mesure convenable, et de désirer ce qu'il ne peut pas faire, et même de faire pénitence publiquement, pourvu que ce ne soit pas pour chercher les regards ; car s'abstenir du bien par crainte d'être vu, c'est tiédeur et lâcheté. Le Maître a donné l'exemple. Il a fait beaucoup de choses qui n'ont été ni écrites, ni connues ; mais il n'a pas négligé les actes publics par respect humain. Si la pénitence nous parait dure, la patience ne pourrait-elle nous être agréable dans ces sortes d'afflictions, qui, de la part de Dieu, sont des signes d'amour ? Ne pourrions-nous faire de nécessité vertu ?

Ce que le Père a donné au Fils, souvent le Fils le donne aux siens. Dieu le Père a choisi pour son Fils la pauvreté et la douleur, l'angoisse du dedans, l'angoisse du dehors, une amertume au-dessus des paroles et au-dessus des pensées. C'est pourquoi plusieurs reçoivent la tribulation non pas seulement avec patience, mais avec joie, comme un signe d'amitié et comme les arrhes d'un héritage Dans vos douleurs, contemplez celles du Fils de Dieu, et cette vue sera votre remède. La tribulation produit quelquefois d'excellents effets que nous ignorons. Quelquefois elle tourne l'homme vers Dieu et le fait adhérer à lui. Quelquefois elle le fait grandir, semblable à la pluie qui féconde la terre. Quelquefois elle lui donne la force, la pureté et la paix. Ce genre de tribulation est précieux, sa valeur nous est inconnue, et je porte envie à ceux qui l'éprouvent. Si nous savions son prix, nous nous la disputerions : chacun arracherait à son voisin les moyens de se la procurer. Je souhaite que vous soyez toujours consolés sous le fardeau de cette vie par Celui qui est la lumière et la joie des affligés. Qu'à Lui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen.

Connaissance de Dieu, connaissance de soi-même, voilà la perfection de l'homme. Cette double vue produit grâce sur grâce, lumière sur lumière, vision sur vision. Plus grandira votre connaissance de Dieu, plus grandira votre amour, et avec lui votre force d'action. Votre pratique sera la preuve et la mesure de votre amour ; ordinairement l'amour cherche la ressemblance du Bien-Aimé dans l'action et la passion. Le Christ a supporté la pauvreté, le mépris et la douleur. Le choix de la sagesse révèle la valeur des choses.

LXVI
Les dons de Dieu

Voici quelques dons très doux qui indiquent chez celui qui les possède la plénitude et la perfection de l'amour consommateur. Ils peuvent servir de mesure à l'âme pour connaître le point où elle est arrivée dans la voie de la transformation.

D'abord l'amour de la pauvreté, qui délivre l'âme des attaches de la créature, de toute possession qui ne serait pas celle de Jésus-Christ, de toute espérance qui serait fondée sur un autre. Cet amour ne doit pas seulement vivre dans le cœur, il doit se prouver par les actes.

Un autre don, c'est le désir d'être méprisé par toute créature, et de ne trouver de compassion nulle part, et de vivre dans le cœur de Dieu seul, et de compter pour rien partout ailleurs.

Je pourrais citer encore le désir d'être accablé et inondé dans son cœur et dans son corps de toutes les douleurs de Jésus et de Marie, et que toute créature vous les fasse subir sans relâche.

Celui qui n'a pas ces trois désirs ne possède pas la ressemblance bienheureuse du Christ, car ils l'ont accompagné, sa mère et lui, en tout temps et en tout acte.

Si vous possédez ces trois dons, le quatrième sera de vous en sentir indigne, d'être persuadé que vous ne les avez pas par votre vertu propre, et plus vous les aurez, plus vous croirez qu'ils vous manquent ; car celui-là perd l'amour, qui se déclare satisfait de ses dons.

Sachez donc que jamais vous n'êtes arrivé ; regardez-vous comme quelqu'un qui va commencer qui n'a jusqu'ici rien fait et rien reçu.

Puis par une méditation incessante, par une oraison savoureuse, vous chercherez ces choses dans l'intérieur de Jésus-Christ, et vous crierez vers Dieu, lui demandant le manteau du nouvel Élie, et vous ne réclamerez que la transformation parfaite de vous en lui, et vous vous plongerez dans cette joie des joies dans la joie de votre vie terrestre, et vous gravirez l'échelle de la contemplation pour chercher la plénitude de Jésus, et vous y puiserez les surabondances infinies que sa vie extérieure n'a pas manifestées. Alors vous fuirez comme la peste tout ce qui vous séparerait de votre amour. Toute affection charnelle ou spirituelle, toute chose hostile ou contraire que la terre vous présentera, vous fera le dégoût et l'horreur d'un serpent sur lequel vous auriez posé le pied.

Enfin, vous ne jugerez personne, et vous ne vous soustrairez au jugement de personne, vous regardant, suivant la parole de l'Évangile, comme la dernière des créatures et la plus indigne des dons de Dieu.

Ceux qui posséderont ces choses de la vie présente, dans le combat d'aujourd'hui, ceux-là posséderont Dieu dans la patrie, ceux à qui Dieu donne pour les transformer en lui la croix de Jésus dans la vie présente, seront transformés plus tard en Dieu lui-même, c'est pourquoi l'âme ne doit chercher en cette vie les consolations spirituelles que pour soutenir sa faiblesse et réchauffer sa froideur.

LXVII
Le très Saint-Sacrement de l’autel

Parlons un moment du sacrement de l'amour, parlons de l'Eucharistie.

C'est lui qui provoque dans l'âme la prière ardente ; c'est lui qui réveille la vertu d'impétration, et la puissance d'arracher à Dieu, c'est lui qui creuse l'abîme de l'humilité ; c'est lui qui allume les flammes de l'amour. J'ai, non la pensée vague, mais la certitude absolue, que si une âme voyait et contemplait quelqu'une des splendeurs intimes du sacrement de l'autel, elle prendrait feu, car elle verrait l'amour divin. Il me semble que ceux qui offrent le sacrifice, ou qui y prennent part, devraient méditer profondément sur la vérité profonde du mystère trois fois saint, qu'il ne faut pas marcher au pas de course dans cette contemplation, mais demeurer immobile, fixe, enfoncé, absorbé, abîmé. Quoique les mystères du sacrement soient absolument ineffables, je vais tâcher de présenter sept considérations qui doivent être méditées en détail et une à une.

Ce mystère est absolument nouveau, absolument admirable, absolument supérieur à la raison. Il fut annoncé d'avance, comme nous le voyons dans l'Écriture ; mais s'il est ancien quant à la figure, il est nouveau quant à l'accomplissement, quant à la réalité. Il est certain que par la vertu des paroles consécratrices, l'Homme-Dieu changea le pain et le vin en son corps et en son sang ; il est certain que le prêtre, son ministre, accomplit à l'autel, en vertu du pouvoir qu'il a reçu, le même acte de puissance.

Quand il prononce sur le pain et le vin les paroles de la consécration, ces matières sont transsubstantiées dans le vrai corps et le vrai sang de l'Homme-Dieu. Il reste la couleur du pain et du vin, leur saveur, leur apparence, leurs accidents ; mais ces accidents ne portent pas sur le corps de Jésus-Christ, ils portent sur eux-mêmes, la puissance divine leur ayant donné des ordres supérieurs à leur nature. La couleur est donc ici en elle-même, la saveur en elle-même, la blancheur en elle-même: chaque qualité détachée de toute substance porte sur elle-même. Voilà en vérité la grande innovation qu'a faite le bras de la sagesse, armé de puissance et de bonté : le corps et le sang du christ poursuit dans ses élus, après la communion, la grande nouveauté, et accomplit l'inconnu. Or, en face du sacrement, que nul ne s'étonne : avez-vous mesuré la toute-puissance ? Sur tant d'autels à la fois, en deçà et au delà de la mer, ici et là, ailleurs encore ! Oh ! que personne, mes enfants, n'ait l'audace de s'étonner, car il a dit lui-même :

« Je vous suis incompréhensible ; je suis Dieu, j'agis sans vous, et le mot impossible n'a pas de sens pour moi. J'aurais pu vous faire capables de comprendre ; j'ai mieux aimé vous laisser le mérite de la foi : croyez et ne doutez pas. »

Secondement, le sacrement est souverainement aimable, et plein de vertu pour allumer le feu. Ni la crainte ni l'intérêt ne l'a institué : il est l'acte d'une force dont je ne sais pas le nom, à moins que ce ne soit un amour sans mesure. Jésus-Christ l'a institué, parce que son amour dépasse les paroles. comme ses entrailles criaient vers nous, il s'est jeté là tout entier, tout entier et pour toujours, jusqu'à la consommation des siècles. Ce n'est pas seulement en mémoire de sa mort qu'il institua l'Eucharistie ; non , c'est pour rester tout entier avec nous, tout entier et pour toujours.

Si vous voulez pénétrer dans cet abîme et regarder devant vous, la première condition est d'avoir de bons yeux. Pressentant au moment de la Cène la séparation corporelle, vaincu par l'amour qui veut unir, il s'est substitué lui-même, et a inventé un mode inouï d'unité. O amour inextinguible ! La présence de la mort lui était déjà présente,. il voyait venir sur lui l'agonie inénarrable ; c'est alors qu'il se donne à nous, qu'il invente un moyen de ne pas nous quitter ; car ses délices sont d'être avec les enfants des hommes ! Quelle cruauté faudrait-il pour contempler profondément cet amour, et ne pas aimer soi-même ce grand ami, sur qui l'oubli n'eut prise ni dans la vie ni dans la mort, mais qui a voulu se donner tout entier, avec toute sa grandeur, pour faire l'unité ? Je crois, en vérité, qu'il n'y a pas une âme au monde qui, si elle pesait cet amour, ne fût pas attirée et transformée en lui.

En troisième lieu, ce sacrement renferme des mystères de compassion : il provoque l’âme. Jésus-Christ l'institua au milieu d'une douleur mortelle et ineffable : il allait quitter ses disciples, la vierge, sa chère mère. C'était l'instant suprême, l'instant de la séparation, et il voyait devant lui tous ceux qui allaient l'abandonner. Celui-ci allait le trahir, celui-là le renier ; il se donne à l'un et à l'autre. Ses frères lui préparaient des douleurs inouïes, au milieu desquelles l'attendait l'abandon ; il pressentait la mort avec ses horreurs, les coups, les injures, la croix, les clous, etc. ; il allait suer le sang après la Cène, suer le sang dans la prière, non pas quelques gouttes de sang, mais des ruisseaux qui allaient couler à terre.

Et cependant il n'eut pas de repos qu'il n'eût institué le mystère qui le donne, et une des propriétés de ce mystère, c'est de renouveler mystérieusement la mémoire de la Passion et du sang versé. « Toutes les fois que vous ferez ceci, dit-il, faites-le en mémoire de moi. » Dites-moi si vous connaissez une âme qui puisse voir ces douleurs sans se transformer en elles : si elle existe, cette âme refuse la communion du cœur.

En quatrième lieu, ce sacrement est une montagne sans sommet ; il a la vertu de creuser l'abîme d'où l'humilité lance au ciel l'adoration la moins indigne. Celui qui l'a institué, c'est l'Homme-Dieu, c'est le Seigneur incréé. L’âme, dans sa contemplation, doit regarder à la fois le sacrement dans la Personne qui l'a institué, et dans la substance qu'il contient. Il contient le Dieu incréé, invisible, omnipotent, omniscient, juste, très haut et miséricordieux, créateur du ciel et de la terre, des choses visibles et des choses invisibles : et voilà le sommet de la montagne. Sur une de ses crêtes intermédiaires, nous rencontrons l'humanité de Jésus-Christ ; humanité, divinité, deux natures, une personne, union hypostatique ! Quelquefois l’âme, dans la vie présente, reçoit de l'humanité du Christ une joie plus intense que de sa divinité, parce que l’âme, moins disproportionnée à la première chose qu'à la seconde, a plus de capacité pour jouir de celle-là. L’âme, qui est la forme du corps, jouit du Dieu incréé dans le Dieu fait homme. O Jésus-Christ créateur ! ô Jésus-Christ créature ! ô vrai Dieu et vrai homme ! ô vraie chair ! ô vrai sang ! ô vrais membres d'un vrai corps. ô union ineffable ! ô rencontre d'immensités ! ô Seigneur Adonaï ! Je vais de votre humanité ! votre divinité, de votre divinité à votre humanité ; je vais et je reviens. L’âme, dans sa contemplation, rencontre la divinité ineffable, qui porte en soi les trésors de richesse et de science. O trésors impérissables ! ô divinité ! C'est en toi que je puise les délices nourrissantes, et tout ce que je dis, et tout ce que je ne peux pas dire ! Je vois l’âme très précieuse de Jésus, avec toutes les vertus, tous les dons du Saint-Esprit, et l'oblation très sainte, très sainte et sans tache. Je vois ce corps, le prix de notre rédemption ; je vois le sang où je puise le salut et la vie, et puis je vois ce que je ne peux pas dire. Voici vraiment, sous ces voiles, Celui qu'adorent les Dominations, devant qui tremblent les Esprits et les Puissances redoutables ! Oh ! si nos yeux s'ouvraient comme leurs yeux, quels prodiges feraient en nous, aux approches du mystère, le respect et l'humilité ! Où est-il, où est-il, celui qui pourrait garder son orgueil s'il contemplait ce que je contemple, et n'être pas terrassé dans son cœur et dans son corps ?

Cinquièmement, ce sacrement possède une vertu de sublimité qui élève l'âme vers les choses du ciel. La Trinité l'a instituée pour se rattacher ce qu'elle aime, pour arracher l'âme à elle-même et l'emporter à Dieu, pour l'enlever aux créatures, pour l'unir à l'Essence incréée, pour la faire mourir aux choses du péché et vivre selon l'Esprit dans la sphère des choses divines. Sa bonté infinie et sainte l'a institué pour unir, pour incorporer Dieu à l'homme, l'homme à Dieu ; pour que réciproquement l'un et l'autre se donnent l'hospitalité, pour qu'ils se portent l'un l'autre, et que notre faiblesse ait ce qu'il faut pour la guérir.

Si vous suivez par le regard d'une contemplation profonde ce mouvement du Seigneur, qui s'incline du haut des cieux et vient vous prendre par la main pour vous sauver de l'ennui terrestre, il vous sera difficile de ne pas être entraîné par lui.

En sixième lieu, ce sacrement est d'une valeur suprême : il est le don des dons et la grâce des grâces. Quand le Dieu tout-puissant et éternel vient à nous avec toute la perfection de l'humanité trois fois sainte de la divinité, il ne vient pas les mains vides. Pourvu que vous ayez fait l'épreuve que demande l'Apôtre, et que vous ne soyez pas dans l'intention de pécher, il vous fait remise des peines temporelles, vous fortifie contre les tentations, restreint la puissance de vos ennemis, et augmente vos mérites. C'est pourquoi je vous recommande à la fois, dans la réception du sacrement de l'autel, la fréquence et le respect. Saint Augustin dit quelque part, il est vrai : « Quant à la communion quotidienne, je ne la blâme ni ne la loue. » Mais lui-même dit ailleurs : « Vivez de façon à communier tous les jours. » Quelle était donc sa pensée quand il a dit la première parole ? Voyant que dans l'Église les bons  sont mêlés aux mauvais, il n'a pas blâmé la communion quotidienne, dans la crainte d'en écarter les bons, et s'il a dit qu'il ne la louait pas, c'était uniquement dans la crainte d'autoriser les mauvais.

Les autres bienfaits du sacrement dignement reçu sont absolument au-dessus des paroles. Il est impossible de mesurer l'océan de grâces qu'apporte avec elle une seule communion, si l'homme n'oppose pas de résistance.

Enfin, ce sacrement est le sacrement des louanges, digne d'admiration au delà des mots et des pensées. Toute bonté, toute beauté, toute sainteté, sont en lui.

Il renferme le souverain Bien incréé et le souverain Bien créé, l'essence divine et l'humanité de Jésus-Christ. Pourquoi la louange de la terre n'est-elle pas comme celle des cieux, superbe, ininterrompue? Les anges chantent l'éternel Sanctus, et leur chant ne s'arrête pas : les saints et les bienheureux voient et sentent le sacrement sublime. Enveloppés dans le sacrifice de louanges comme dans les plis d'un manteau de gloire, ils vivent dans l'Essence infinie qui fait leur béatitude. Toujours en présence du souverain Bien, du Dieu incréé et du Dieu incarné, ils le reconnaissent et l'adorent dans le sacrement de l'autel. Ils reçoivent de notre sacrement une nouvelle douceur, une nouvelle joie, une nouvelle puissance d'adorer, qui tient à l'universelle harmonie, à l'universelle communion. Ils communient à la fois à la tête et aux membres du corps mystique. Ils voient, sentent et savent que le mystère très haut est une des joies de Jésus-Christ, une des manifestations de sa bonté, une des complaisances de son amour unitif.

C'est pourquoi les anges et les saints jouissent du mystère qui leur ouvre une source de louanges ; ils partagent la complaisance de Jésus-Christ ; ils jouissent de ses délices. Les bienheureux de l’Église triomphante voient avec des transports de joie .les grâces qui coulent sur l’Église militante par le canal du sacrement de l'autel. Que le ciel et la terre se répondent, que toute lèvre s'ouvre pour la même adoration !

Quand l'homme approche de l'Eucharistie, je l'engage à se demander quel est celui qui approche, quel est celui vers qui il approche, comment il approche, pourquoi il approche. Il approche d'un Bien qui est le souverain Bien et la cause de tout bien, le Bien unique, sans .lequel rien ne participe à sa bonté, c'est le Bien suffisant et remplissant, qui rassasie de grâce et de gloire les saints et les esprits, les âmes et les corps. Il s'approche pour recevoir le Dieu incarné, le souverain Bien, qui, dans la créature, rassasie, surpasse et glorifie ; qui, en dehors des créatures, se déploie sans borne et sans mesure ; souverain Bien que la créature ne peut ni connaître ni posséder que dans la mesure où il se livre pour être connu et possédé, et il se livre dans la mesure où chaque créature est capable de lui.

Chaque créature, suivant la quantité d'être qu'elle a reçue de l'essence infinie, est plus ou moins capable de celui qui est l’Être et qui est la source de l’Être, et qui est supersubstantiel. Il s'approche du Bien, hors duquel il n'y a pas de bien. O souverain Bien ! ô Bien non considéré, non connu, non aimé, trouvé par ceux-là seuls qui donnent tout pour avoir tout ! O mon Dieu ! si l'homme regarde la bouchée de pain qu'il va manger, comment fait-il pour ne pas considérer, dans le plus profond recueillement de son âme et de son corps, cet Éternel, cet Infini, qui va devenir pour lui, suivant ses dispositions intimes, ou la mort, ou la vie ? Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Oh ! approchez donc d'un tel Bien et d'une telle table avec un grand tremblement resplendissant d'amour ! Allez dans votre blancheur, allez dans votre splendeur ; car vous allez au Dieu de toute beauté, au Dieu de gloire, qui est la sainteté par excellence, la félicité, la béatitude et l'altitude, la noblesse, l'éternelle joie de l'amour sans mensonge : allez donner et recevoir l'hospitalité trois fois sainte ; allez, dans la blancheur de votre pureté, pour être purifié ; allez dans la force de votre vie, pour être vivifié ; allez, dans l'éclat de votre justice, pour être justifié ; portez à l'autel l'intimité de l'union divine pour recevoir l'unité plus intime, pour être incorporés à celui qui vous attend.

O Dieu incréé, et doucement incarné, l'homme a mangé votre chair, il a bu votre sang : qu'il ne fasse plus qu'un avec vous dans les siècles des siècles. Amen.

LXVIII
L’Incarnation

Voici la dernière lettre que nous écrivit, avant sa maladie mortelle, notre mère Angèle de Foligno ; voici les dernières lignes que sa main a tracées. Elle nous avait prévenus elle-même : « Mes enfants, avait dit notre mère, voici ma dernière lettre. » Car elle connut longtemps d'avance le bienheureux moment où elle passerait du temps à l'éternité.

À la nouvelle terrible qu'Angèle parlait pour la dernière fois, celui qui tenait la plume pour avoir le courage d'écrire, eut besoin d'être forcé par elle.

Avant de dicter, elle poussa un grand cri :

O mon Dieu ! faites-moi digne de connaître quelque chose du mystère de la hauteur, quelque chose de cette incarnation, que vous avez faite, de cette incarnation, principe et source du salut. O incarnation ineffable ! C'est elle qui apporte à l'homme, avec les rassasiement de l'amour, la certitude du salut. Cette charité est au-dessus des paroles ; mais au-dessus d'elle il n'y a rien : le Verbe s'est fait chair, afin de me faire Dieu ! O secret des entrailles de Dieu ! Vous vous êtes anéanti et dépouillé pour faire de moi quelque chose ; vous avez pris l'habit du dernier des esclaves pour me donner le manteau d'un roi et d'un Dieu i Et, prenant la forme de l'esclave, vous n'avez rien diminué de votre substance, vous n'avez fait tort de rien à votre divinité. Mais l'abîme de votre humilité m'ouvre les entrailles et m'arrache les cris : « O incompréhensible, fait compréhensible à cause de moi ! O incréé, vous voilà créé ! O inaccessible aux esprits et aux corps, vous voilà, par un prodige de puissance, vous voilà palpable aux pensées et aux doigts ! O Seigneur, touchez mes yeux, pour que je voie la profondeur et la hauteur de la charité que vous nous avez communiquée dans cette incarnation ! O heureuse faute ! non pas heureuse en elle-même, mais par la vertu de la miséricorde divine. Heureuse faute qui a découvert les profondeurs sacrées et cachées des abîmes de l'amour ! En vérité une charité plus haute ne peut pas être conçue. O Très-Haut, faites mon intelligence capable de votre charité très haute et ineffable !

Seigneur, j'aperçois cinq mystères. Agrandissez mon intelligence, car la capacité manque. Voici le mystère de l'Incarnation. Voici le mystère de la science, de l'exemple, de la pénitence et de la douleur. Voici la mort terrible, soufferte pour nous ! Voici la gloire de la Résurrection. Voici la sublimité de l'Ascension. Incarnation ! ô amour ineffable ô amour sublime et transformé. Soyez béni, Seigneur, qui me faites comprendre que vous êtes né pour moi. Oh ! quelle gloire, quelle gloire de voir et de sentir, comme je le crois, comme je le sens, que vous êtes né pour moi ô sentir cela en vérité, voilà la délectation, voilà la joie des joies ! La même certitude que nous tirons de l'Incarnation, nous la tirons aussi de la Nativité, car il est né pour faire l’œuvre qui a déterminé son incarnation. O Admirable, que vos miséricordes sont miséricordieuses ! Vous nous avez enseigné l'esprit de vie : car votre pauvreté, vos douleurs, vos opprobres sont des documents, des leçons et des livres. Votre naissance, votre vie et votre mort parlent le même langage.

Le mystère de sa mort met devant nos yeux, avec notre rédemption, le but de la naissance de jésus ; cinq considérations me frappent en ce moment dans cette mort. D'abord la déclaration et l'accomplissement de notre salut. Puis la force et le triomphe. Puis la manifestation de l'amour divin dans sa plénitude et sa surabondance. Puis la vérité très haute, très cordiale et très profonde dont il nous a rassasiés ; car nous avons vu dans ce miroir sous quel aspect le Père nous a présenté le Fils. Enfin nous avons vu comment le Fils nous a manifesté le Père. Cette manifestation fut l'obéissance qu'il a gardée jusqu'à la mort et jusqu'à la mort de la croix ; par elle il a répondu pour tout le genre humain. O Dieu incréé, faites-moi digne de connaître la profondeur de cet amour et l'abîme de cette miséricorde ! Faites-moi digne de comprendre cette charité ineffable, dont la communication nous a été faite quand le Père nous a manifesté Jésus-Christ comme son Fils, quand le Fils nous a manifesté son Père comme notre Père ? O admirable !c'est en vous qu'est toute saveur, toute suavité, toute délectation, et la contemplation qui arrache l'âme au monde d'en bas, qui lui donne le repos et la paix, la transporte plus haut qu'elle-même, et elle se dresse sur elle-même.

Dans la résurrection, j'aperçois deux points de vue : d'abord la ferme espérance de la nôtre puisée dans celle de Jésus-Christ. Puis la connaissance de la résurrection spirituelle, qui est donnée par la grâce, quand d'un infirme elle fait un fort, quand d'un mort elle fait un vivant.

Mystère de la hauteur, inénarrable, inconnu et ineffable, perfection de la perfection ! O Dieu éternel, donnez-moi des yeux pour voir, pour voir, pour sonder. La plénitude du salut est dans votre ascension, Seigneur. Faites-moi capable de l'abîme, pour que j'y plonge et que je regarde ! O Jésus-Christ, c'est par l'ascension que vous nous avez mis en possession de votre Père et du nôtre ! Il faut une perpétuelle oraison pour lire dans le livre des cinq mystères. Charité de la création i charité de la rédemption ! Seigneur, faites-moi capable de sonder la charité d'en haut. O Incompréhensible ! donnez-moi l'intelligence de l'amour sans prix, de l'amour inestimable, pour que je voie dans vos entrailles la flamme qui les dévore ! Car de toute éternité vous avez appelé le genre humain à la vision de vous-même. Et vous, à Très-Haut, vous avez daigné désirer la vision de nous-même. Oh ! que je voie donc mon péché ! Que j'évite donc les châtiments épouvantables dont vous avez menacé ceux que le bienfait sans mesure et le mystère sans parole trouvent ingrats sur la terre !

LXIX
Prière

Ensuite elle parla de sept dons, de sept bienfaits en particulier, et voici en quels termes :

« O très doux Seigneur, parmi la multitude innombrable de vos dons, faites-moi capable d'en comprendre sept. D'abord la création mystérieuse. Puis l'élection admirable qui nous donne rendez-vous dans la gloire. Puis le don de Jésus-Christ, qui naquit et mourut pour nous donner la vie. Puis le don très haut de la raison. Car, au lieu de créer une femme, vous auriez pu créer une bête.

O raison admirable ! C'est par elle que je vous connais, par elle que je connais mes péchés ; par elle que, votre grâce aidant, je résiste à la tentation.

O Incompréhensible ! Vos mains ont fait un chef-d'œuvre. Vous nous avez créés à votre image et ressemblance ; puis vous nous avez revêtus de votre lumière, comme d'un manteau. Puis vous nous avez donné l'intelligence. Faites-moi capable de comprendre la grandeur de cette intelligence, grâce à laquelle mes lèvres peuvent vous appeler mon Dieu ! Puis vous m'avez donné la sagesse. O Seigneur, faites-moi savourer cet autour qui m'a donné la sagesse, la sagesse, la joie des joies, par laquelle en vérité je goûte Dieu ; je le sens, je le goûte. Le septième don est l'amour.

O Essence pure ! Faites-moi comprendre l'amour, puisque les anges n'ont pas d'autre bonheur que de voir Celui qu'ils aiment et d'aimer Celui qu'ils contemplent !

O don qui est au-dessus de tout don, puisque l'amour c'est vous !

O Souverain Bien, qui nous avez fait capables de connaître et d'aimer l'amour, tous ceux qui arrivent devant votre face sont jugés d'après les lois de l'amour. L'amour est la seule puissance qui conduise les contemplateurs à la contemplation !

O Admirable, que vos oeuvres sont admirables dans vos enfants !

O souverain Bien ! Bonté incompréhensible et charité très ardente !

O Divinité, vous avez daigné nous substantifier au milieu de votre substance ! [2]

Au milieu de votre substance ! Prodige des prodiges, admirable au-dessus des prodiges !

O mystère des mystères ! Mystère de la substance, à votre approche, l'entendement créé tombe en défaillance. Mais avec la grâce et la lumière divine, nous sentons ce que nous ne comprenons pas, nous goûtons la substance, et elle est le gage de ceux qui vivent dans le désert, dans le désert en esprit, dans le désert en vérité, et tous les chœurs des anges sont occupés de cette merveille ; et que tous les hommes du désert soient occupés de la même occupation, que tous les hommes du désert contemplent la même contemplation, et c'est alors qu'ils deviendront véritablement les hommes du désert, et la main de la puissance les séparera des créatures, et leur conversation est dans les cieux. Gloire à Dieu. Amen. »

LXX
Le testament et la mort

Quand notre mère Angèle se sentit près de la mort, Angèle, qui, sur terre, vécut loin de la terre, elle fit son testament, et enseigna pour la dernière fois ses fils, et leur dit :

« Mes chers enfants, je vous parle pour l'amour de Dieu, suivant la promesse que j'ai faite : je ne veux rien emporter avec moi, rien vous cacher, qui puisse vous être utile. Car Dieu a dit à l'âme : « Tout ce qui est à moi est à toi. » Par quelle vertu peut-il se faire que tout ce qui est à Lui soit à nous ; je vous le dis, en vérité, c'est la charité qui fait cela. Les paroles que je vais prononcer ne sont pas de moi, elles sont de Dieu.

Car il a plu au Seigneur de me donner l'amour et la sollicitude de tous ses fils et de toutes ses filles, de tout ce qui respire sur le globe, en deçà et au delà de la mer. Je les ai gardés comme j'ai pu, et j'ai souffert pour eux les douleurs que personne ne sait. O mon Dieu, je les remets aujourd'hui entre vos mains, vous suppliant par votre ineffable charité de les préserver de tout mal, et de les affermir dans tout bien, dans l'amour de la pauvreté, du mépris et de la douleur, de transformer leur vie en votre vie, et de les introduire dans la perfection dont vos paroles et vos actions nous ont donné le modèle quand vous viviez dans la vie humaine.

O mes fils chéris, écoutez la parole suprême, la parole et la prière de l'adieu. Voici cette parole : « Mes enfants, soyez humbles ! Mes enfants, soyez doux !» Je ne parle pas de l'acte extérieur ; je parle des profondeurs du cœur ; mes enfants, soyez doux dans le fond. Soyez en vérité les disciples de Celui qui a dit : «Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » Ne vous inquiétez ni des honneurs ni des dignités. O mes enfants, soyez petits pour que le Christ vous exalte dans sa perfection et dans la vôtre. Soyez humbles, et que votre néant soit immobile devant vos yeux. Les dignités qui enflent l'âme sont vanités qu'il faut maudire. Fuyez-les ! Car elles sont dangereuses ; mais écoutez ! écoutez ! elles sont moins dangereuses que les vanités spirituelles. Montrer qu'on sait parler de Dieu, comprendre l'Écriture, accomplir des prodiges, faire parade de son cœur abîmé dans le divin, voilà la vanité des vanités, et les vanités temporelles sont après cette vanité suprême de petits défauts vite corrigés. Oh ! comptez-vous pour rien ! O Rien inconnu ! O Rien inconnu ! En vérité l'âme ne peut avoir une science plus profonde ni une vision plus haute que de voir son Rien et de s'y tenir.

O mes enfants, efforcez-vous d'avoir la charité sans laquelle le salut n'est pas, ni le mérite. O mes chers enfants, et mes pères, et mes frères, aimez-vous les uns les autres ! Voilà la condition de l'héritage promis ; et que votre amour ne soit pas borné à vous, qu'il embrasse toutes les nations. Je vous le dis, mon âme a plus reçu de Dieu, quand j'ai pleuré et souffert pour les péchés des autres plus que pour les miens. Le monde rirait, si je disais que j'ai pleuré les péchés des autres plus que les miens, car cela n'est pas naturel. Mais la charité n'est pas née du monde. O mes enfants, aimez et ne jugez pas ; et si vous voyez un homme pécher mortellement, ayez horreur du péché, mais ne jugez pas l'homme, et ne méprisez personne ; car vous ne savez pas les jugements de Dieu. Beaucoup semblent damnés qui sont sauvés devant Dieu. Beaucoup semblent sauvés qui sont damnés devant Dieu. Je puis vous dire que, parmi ceux que vous méprisez, il en est à qui je crois que Dieu tendra la main.

Je ne vous laisse pas d'autre testament : Aimez-vous les uns les autres, et que votre humilité soit profonde. Je vous laisse tout ce que je possède, tout ce que je tiens de Jésus-Christ, la pauvreté, l'opprobre et la douleur, en un mot la vie de l'Homme-Dieu. Ceux qui accepteront mon héritage seront mes enfants ; car ce sont les enfants de Dieu, et la vie éternelle les attend. »

Elle fit silence, puis imposa la main sur chaque tète, et dit : « Soyez bénis, mes enfants, par le Seigneur et par moi. Soyez bénis, vous qui êtes présents, soyez bénis, vous qui êtes absents. Suivant l'ordre du Seigneur, je donne aux présents et aux absents ma bénédiction pour l'éternité, et que Jésus-Christ vous la donne en même temps ; soyez bénis par la main qui a été élevée sur la croix. »

Angèle, brisée par la mort qui venait, et plus profondément absorbée qu'à l'ordinaire dans l'abîme sans fond de la Divinité, ne prononça que quelques paroles interrompues et rares. Ces paroles, nous qui étions là, nous avons essayé de les recueillir. Les voici À peu prés.

Elle mourut vers le temps de Noël, vers la dernière heure : « Le verbe s'est fait chair », dit-elle. Puis après un long silence, comme une personne qui revient d'un long voyage :

« Oh ! toute créature est en défaut, l'intelligence des anges ne suffit pas. »

Quelqu'un lui demanda: « Pourquoi toute créature est-elle en défaut ? Pourquoi l'intelligence des anges ne suffit-elle pas ? »

Angèle répondit : « Pour comprendre. »

Et puis plus tard : « Oh ! en vérité, voici mon Dieu qui fait ce qu'il a dit. Jésus-Christ me présente au Père. » Un instant auparavant elle venait de dire : « Vous savez que pendant la tempête Jésus-Christ était dans le navire ? En vérité, il est ainsi dans l'âme quand il permet les tentations, quand il semble dormir. Et il ne met fin aux tentations et aux tempêtes que quand tout l'homme est broyé. Telle est sa conduite vis-à-vis de ses enfants véritables. »

Puis dans un autre moment :

« O mes enfants, je vous dirais quelques paroles, si j'étais certaine de n'être pas trompée. »

Elle pensait à la certitude actuelle de sa mort, et craignait de la voir encore retarder. Angèle désirait. Elle ajouta :

« Je vous parle, mes enfants, uniquement pour vous engager à poursuivre ce que je n'ai pas poursuivi. »

Et un instant après :

« Mon âme a été lavée et purifiée dans le sang du Christ, qui était chaud comme au moment de sa mort.

Et il fut dit à mon âme :

« Voici le purificateur. » Et mon âme répondit : « O mon Dieu, serai-je trompée ? » Et il me répondit : « Non. »

Puis elle ajouta :

« Jésus-Christ, Fils de Dieu, m'a présentée au Père, et j'ai entendu ces paroles : « O mon épouse et mon amour ! O celle que j'ai aimée en vérité, je ne veux pas que tu viennes à moi chargée de douleurs, mais parée de la joie inénarrable. Que la reine revête le manteau royal, puisque voici le jour de ses noces ! »

Et on me montra un manteau, semblable au cadeau de noces, gage d'un long et grand amour ; il n'était ni de pourpre ni d'écarlate, mais de lumière et capable de vêtir une âme.

Et alors Dieu me montra son Verbe, de sorte que maintenant je sais ce que c'est que le Verbe, je sais ce que c'est que de proférer le Verbe, le Verbe qui voulut être incarné pour moi. Et le Verbe passa par moi, me toucha, m'embrassa et me dit : « Venez, ma bien-aimée, que je n'ai pas aimée d'un amour trompeur. Venez : car dans la joie tous les saints vous attendent. »

Et il ajouta : « Je ne vous confierai ni aux anges, ni aux saints ; je viendrai en personne, et je vous en lèverai moi-même. Vous êtes telle qu'il faut pour paraître devant la Majesté. »

La veille de sa mort, elle disait à chaque instant :

« Père, je remets mon âme et mon esprit dans vos mains. »

Une fois elle ajouta :

« Je viens d'entendre cette réponse : « Ce qui fut imprimé pendant ta vie sur ton cœur, il est impossible que tu ne possèdes pas cela dans ta mort. »

— Et nous ! Vous voulez donc, mère, partir et nous quitter ?

Mais elle :

« Je vous l'ai caché ; mais je ne vous le cache plus, mes enfants, je vais mourir. »

Le même jour toute douleur cessa. Les souffrances, depuis quelques jours, étaient nombreuses et horribles. Mais le corps entra dans un repos profond, et l'âme dans un océan de délices, et Angèle semblait goûter d'avance la joie promise.

Quelqu'un lui demanda s'il en était ainsi : « Oui », répondit-elle.

Dans cette paix du corps, dans cette joie de l'esprit, Angèle demeura le samedi soir, entourée des frères, qui lui montraient l'office du jour.

Ce jour-là même, octave de la fête des saints innocents, à la dernière heure de la soirée, comme quelqu'un qui s'endort d'un sommeil léger, Angèle, notre mère, s'endormit dans la paix.

Dégagée des liens de la chair, son âme très pure, absorbée dans l'abîme de la Divinité insondable, reçut des mains de son Époux, pour régner éternellement avec lui, la robe d'innocence et d'immortalité.

Par la vertu de la croix, par les mérites de la Vierge, par l'intercession de notre mère Angèle, que le Seigneur Jésus-Christ nous conduise là où elle est. Amen.

La servante de Jésus-Christ, Angèle de Foligno, sauvée du naufrage de ce monde, s'envola vers les joies célestes, depuis longtemps promises à ses désirs, l'an 1309 de l'ère chrétienne, dans les premiers jours de janvier, sous le pontificat du pape Clément V.



Ejus corpus Fulginei in Ecclesia sancti Francisci Patrum Minorum honorifice tumulatum, ibique miraculis coruscans, summa fidelium religione colitur.

FIN


APPENDICE
Rencontre de Sainte Angèle de Foligno
et d'Ubertin de Casale

Ubertin de Casale, dans un essai autobiographique, sorte de préface à son Arbor vitæ, [3] a signalé le rôle de sainte Angèle de Foligno près de lui. Il la rencontra dans la vingt-cinquième année de sa vie religieuse, c'est-à-dire en 1298, comme il ressort de la discussion des dates, donnée par le P. Frédégand Callaey, [4] dont nous reproduisons ou résumons les renseignements.

Ubertin entra dans l'ordre des Mineurs en 1273, et revêtit sans doute la bure franciscaine dans un couvent de la custodie de Montferrat, ou tout au moins de la province de Gènes dont relevait Casale. Les contemporains l'appellent plusieurs fois Ubertin de Gènes. Pendant quatorze années, nous raconte-t-il, il se livra avec ferveur à la vie spirituelle et tendit à la perfection, malgré les tentations de l'esprit malin, et de la vaine science.

Envoyé par ses supérieurs à Florence pour y continuer ses études vers 1285, il visita en pèlerin les sanctuaires de Rome, puis il s'achemina vers l'Ombrie. Dans ses relations avec Jean de Parme à Greccio, l'ancien général de l'ordre le prévint contre le relâchement, l'initia aux prophéties qui avaient cours, et lui fit entrevoir la rénovation spirituelle de la chrétienté. Il vit aussi, à Cortone, Marguerite la sainte pénitente, dont le fils était là au couvent des Franciscains.

Pendant quatre années à Florence il se livra à des études et au ministère. Ses directeurs d'âme y achevèrent « l'œuvre commencée dans les cloîtres de Gènes, serres chaudes de la vie mystique, continuée à l'ermitage de Greccio et à Cortone, aux pieds de l'austère patriarche Joachimite, et de la Madeleine de Toscana » (p. 11).

Ces âmes, en qui bouillonnait l'esprit du Christ, nous dit-il, étaient le bienheureux Pierre de Sienne, un tertiaire, marchand de peignes, le pettinagno, dont Dante a loué les « sante orazioni » au 13e chant du Purgatoire ; — la pieuse vierge Cécile ; — et plus encore Pierre de Jean Olivi, qui, vers 1287, arrivait de Montpellier comme lecteur, mais aussi « vénéré comme un confesseur de la foi par ses partisans. Sa sainteté et son savoir théologique en faisaient l'oracle des Franciscains spirituels ».

Il ne semble pas sans vraisemblance d'affirmer que Dante, alors âgé de 22 à 24 ans, connut Ubertin : ses prédications le signalaient, ils avaient un ami commun, Pier Pettinagno, et l'arrivée d'un maître en théologie tel qu’Olivi faisait du couvent de Santa-Croce un centre intellectuel très apprécié.

Ubertin quitta Florence en 1289 pour se rendre à Paris et s'y préparer au professorat. Là, semble-t-il, s'il faut en croire les reproches amers qu'il s'adresse, sa conduite ne fut pas toujours exemplaire, et il abusa de sa situation privilégiée pour se relâcher de sa ferveur. Mais il est impossible de déterminer à quel point il se laissa entraîner aux abus, que Jacopone de Todi a poursuivis de sa verve railleuse. Alvarez Pelayo pousse au noir jusqu'à dire que certains martres, par leur négligence des règles et de la pauvreté, deviennent les premiers destructeurs de l'ordre : « Nam veraciter aliqui magistri et lectores primi et præcipui regulœ prævaricatores et ordinis destructores. » [5]

Il ne fallut rien de moins, à en croire Ubertin, qu'une apparition terrifiante du Christ courroucé pour le faire rentrer en lui-même. Mais il reçut aussi la grâce de rencontrer la bienheureuse Angèle qui le remit sur le bon chemin ; et on sent à le lire toute la reconnaissance du converti :

« Dieu me l'a fait connaître d'une façon merveilleuse que je passe sous silence. Il lui révéla les plus secrets replis de mon cœur ; pas de doute, ce fut Lui qui me parla par sa bouche. Elle me restitua au centuple les dons de jadis, que ma méchanceté m'avait fait perdre, à ce point que dès lors je ne fus plus le même homme qu'auparavant. Mon esprit fut renouvelé au contact des splendeurs de la vérité qu’elle m'exposa ; ma tiédeur d'Âme, mon infirmité corporelle disparurent. Tout homme au jugement sain qui m'avait connu avant ma rencontre avec la bienheureuse, ne pouvait douter que l'esprit du Christ ne fût à nouveau engendré en moi. Que les détracteurs qui s'en prennent à la vie irréprochable de cette âme très sainte qu'est Angèle et mettent en doute les conversions multiples opérées par sa parole et ses exemples le veuillent ou non, Dieu l'a constituée mère de belle dilection, de crainte salutaire, de grandeur d'âme et de haute espérance à l'égard d'une multitude de fils spirituels. Tous les biens leurs sont venus avec elle ; sa main a répandu abondamment sur eux le trésor de la vertu, même sur ses nombreux enfants qui menaient d'abord une vie déréglée. » [6]

Les Bollandistes qui citent dans leurs Acta Sanctorum l'éloge d'Angèle fait par Ubertin (le 4 janvier, p. 234. Anvers 1643), soulignent ce grand témoignage rendu à la bienheureuse par le premier écrivain qui l'ait célébrée. Magnum sancti et a Deo illuminati scriptoris de Angela testimonium.

Après avoir rappelé ces termes enthousiastes du converti, au souvenir du bon ange qui l'arracha aux jouissances égoïstes d'une vie immortifiée, le récent historien d'Ubertin de Casale constate les effets durables de cette intervention : « Il faut bien croire, écrit-il, que la veuve de Foligno exerça sur lui un ascendant considérable : car le changement de vie opéré en lui semble avoir été sérieux. Désormais il s'oriente définitivement vers le rigorisme des Franciscains spirituels. Sans doute ses regards se tenaient dirigés vers ce mouvement, ses préférences allaient à lui dès ses premières années de profession religieuse. Mais il l'a perdu de vue quelquefois, emporté par les distractions au milieu desquelles il a vécu assez longtemps. Durant ses années d'études à Florence et son séjour à Paris, le parti de la communauté n'eut qu'à se féliciter de lui. Au concile de Vienne, Ubertin témoigna qu'il fut choyé par lui aussi longtemps qu'il ne le contredit pas.

Seulement une voix, persistante comme le remords, vient l'arracher à plusieurs reprises aux douceurs de la vie mitigée. À chaque chute une main secourable se tend vers lui, le relève et lui montre l'idéal obscurci par la poussière du chemin. Fait touchant, à côté du maître spirituel qui enrichit son intelligence de la science surnaturelle, il rencontre toujours une femme pieuse qui scrute son cœur et le pétrit de ses mains de fée. À peine sorti de l'ermitage de Greccio, il s'achemina vers la cellule de Marguerite de Cortone. À Florence la clairvoyante Cécile complète l’œuvre de rénovation accomplie en lui par Pierre Pettignano et Pierre de Jean Olivi. À son retour de Paris, à peine revenu de la frayeur que lui a causée son terrible rêve, la bienheureuse Angèle est là qui le réconforte avec une tendresse toute maternelle et l'affermit, pour de bon cette fois, dans la voie étroite de la spiritualité franciscaine. Car dès maintenant son plan de vie est définitivement tracé : Ubertin est acquis tout entier au groupe rigoriste qui se réclame des premiers compagnons de saint François, et compte parmi ses membres les plus illustres Jean de Parme, Olivi, et Conrad d'Offida. C'est d'eux qu'il s'inspire désormais. Mais son tempérament fougueux, qui ne s'accommode que des extrêmes, le poussera bien souvent à exagérer leurs tendances. » (p. 22)

Bref, en 1298, à son retour de Paris, la carrière d'Ubertin, alors âgé de 39 ans, est définitivement tracée. Après bien des tergiversations son parti est pris ; « les écarts dont il s'est rendu coupable durant son long séjour dans la ville universitaire, semblent lui avoir inspiré un profond dégoût de la vie mitigée. À la voix d'Angèle de Foligno, il s'élance avec toute l'impétuosité de son caractère sur les traces de saint François et de ses premiers compagnons » (p. 25).

Les lecteurs du P. Callaey pourront le suivre dans sa carrière. Qu'il nous suffise d'avoir rappelé, par des résumés ou des citations, ces indications qui complètent les prologues du frère Arnaud et les révélations personnelles de la bienheureuse.

Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Foligno_4



FIN DE L'ŒUVRE
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Message par M1234 Mer 15 Mar 2017 - 11:52

BIENHEUREUSE
ANNE CATHERINE EMMERICH
Religieuse et Mystique
1774-1824


Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Anne_catherine_emmerich


Biographie

Anna Katharina Emmerick naquit le 8 septembre 1774, dans la communauté d'agriculteurs de Flamschen près de Coesfeld (Allemagne). Elle grandit au sein d'une famille de neuf frères et sœurs. Dès sa plus tendre enfance elle dut aider aux travaux domestiques et agricoles.

Elle ne fréquenta que quelques temps l'école, mais elle possédait une bonne instruction dans le domaine religieux. Très rapidement ses parents s'aperçurent de sa vocation à la prière et à la vie religieuse.

Elle travailla trois ans dans une grande ferme des environs, puis apprit la couture et retourna vivre chez ses parents. Elle demanda ensuite à être admise dans divers monastères, mais elle fut refusée car elle ne possédait pas de don particulier. Toutefois, les Clarisses de Münster l'acceptèrent à la condition qu'elle apprenne à jouer de l'orgue.

Ses parents l'autorisèrent alors à aller vivre dans la famille de l'organiste Söntgen de Coesfeld pour faire son apprentissage; mais elle n'eut jamais la possibilité d'apprendre l'orgue, car la pauvreté de la famille la poussa à travailler afin de les aider à vivre.

En 1802, elle réussit finalement à entrer au monastère d'Agnetenberg, près de Dülmen, avec son amie Klara Söntgen. Elle prononça ses vœux l'année suivante, participant à la vie monastique avec ferveur, toujours prête à accomplir les travaux les plus durs que personne ne voulait faire.

Mais, de 1802 à 1811, elle tomba fréquemment malade et dut supporter de grandes douleurs. En 1811, le monastère d'Agnetenberg fut fermé, elle devint alors domestique chez l'Abbé Lambert, un prêtre qui avait fui la Révolution française et qui vivait à Dülmen. Mais elle tomba à nouveau malade et ne quitta plus son lit.

Elle fit alors venir sa plus jeune sœur qui, sous sa direction, s'occupait de la maison.

C'est au cours de cette période qu'elle reçut les stigmates. Ce fait ne pouvait pas rester caché; le Docteur Franz Wesener l'examina et en resta profondément impressionné, devenant son ami fidèle au cours des années qui suivirent.

Une caractéristique de sa personnalité était l'amour qu'elle éprouvait pour son prochain. Elle cherchait toujours à aider les autres, même sans pouvoir se lever de son lit, où elle cousait des vêtements pour les enfants pauvres. De nombreuses personnalités, qui participaient au mouvement de renouveau de l'Eglise au début du XIX siècle, cherchèrent à la rencontrer.

La rencontre avec Clemens Brentano fut particulièrement significative. A partir de 1818, il lui rendit visite chaque jour pendant cinq ans, dessinant ses visions qu'il publia ensuite.

Au cours de l'été 1823, la santé d'Anna Katherina déclina et, la mort approchant, elle décida d'unir sa souffrance à celle de Jésus, en l'offrant pour la rédemption des hommes. Elle mourut le 9 février 1824.

La vie d'Anna Katharina fut caractérisée par une profonde union avec le Christ; les stigmates qu'elle portait en furent la preuve. Elle éprouva également une profonde dévotion à l'égard de Marie.

A travers  la  foi et l'amour elle servit l'œuvre de la rédemption, disant à ce propos:  "J'ai toujours considéré le service au prochain comme la plus haute vertu. Dans ma jeunesse, j'ai prié Dieu afin qu'il veuille bien me donner la force de servir mon prochain et d'être utile. A présent je sais qu'il a exaucé ma prière" .


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(A suivre...)
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Message par M1234 Jeu 16 Mar 2017 - 9:44

Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Anne-catherine-emmerich-5

BIENHEUREUSE
ANNE CATHERINE EMMERICH
Religieuse et Visionnaire
(1774-1824)


VISIONS

TOME 1




AVANT PROPOS DU TRADUCTEUR

La Vie de Notre Seigneur Jésus Christ d'après les visions d'Anne Catherine Emmerich, qu'offre ici aux lecteurs français le traducteur de la Douloureuse Passion et de la Vie de la Sainte Vierge, est le complément longtemps attendu de ces deux ouvrages, publié l'année dernière en Allemagne par le dépositaire des manuscrits de Clément Brentano, lequel est, autant que nous pouvons le savoir, un religieux de la congrégation du très saint Rédempteur, fondée par saint Alphonse de Liguori. Ce complément est considérable, car il embrasse toute la vie publique du Sauveur, à partir de la prédication de saint Jean Baptiste. D'après l'étendue des deux premières parties, les seules publiées jusqu'à présent et qui forment, suivant toute apparence, plus des deux tiers de l'ouvrage entier, on peut présumer que le tout n'aura pas moins de cinq ou six volumes.

Les considérations que le traducteur (1) a mises en tête de la Douloureuse Passion et de la Vie de la sainte Vierge s'appliquent également au présent ouvrage. Il se bornerait à y renvoyer les lecteurs, si les questions qui se rattachent à l'appréciation d'une œuvre de cette nature ne se trouvaient traitées avec des développements bien plus considérables dans la longue et savante introduction dont l'éditeur allemand a fait précéder la Vie de Notre Seigneur Jésus Christ. Il ne peut que s'en référer à ce travail remarquable, où sont exposées aussi clairement et aussi complètement que possible les règles adoptées dans l'Église catholique, en ce qui touche les visions et les révélations privées, et où l'application de ces règles aux écrits dictés par Anne Catherine Emmerich amène une foule d'éclaircissements du plus haut intérêt sur la vie de la pieuse extatique et sur ses rapports avec l'homme éminent qui s'était fait son secrétaire.

Quant au livre lui-même, il suffit de dire qu'il a la même origine que la Douloureuse Passion et la Vie de la Sainte Vierge, qu'il en est le complément et le lien, qu'il a le même caractère, les mêmes mérites, qu'il est destiné à produire la même impression. Sans doute, comme ses devanciers, il soulèvera plus d'une objection (2), il donnera lieu à plus d'une critique ; mais, comme eux aussi, il touchera, il édifiera les âmes simples et pieuses ; il fournira un nouvel aliment à leur dévotion, et leur fera aimer davantage l'adorable personne de Celui qui a habité parmi nous, plein de grâce et de vérité (Jn 1, 14). Telle est du moins l'espérance que nous avons conçue, et sans laquelle nous n'eussions jamais songé à entreprendre ce long et pénible travail.

PRÉFACE

Lorsque Clément Brentano, il y a plus de vingt ans, publia les visions d'Anne Catherine Emmerich sur la Douloureuse Passion de N. S. Jésus Christ, il les appela “des méditations” pour lesquelles il ne demandait qu'une chose, c'est qu'on y vit tout au plus “les méditations de Carême d'une dévote religieuse”, peut être aussi incomplètement saisies et reproduites qu’inhabilement rédigées. Toutefois la grande masse de lecteurs que ces “méditations” ont immédiatement trouvée, les a involontairement prises pour ce qu'elles sont en réalité, c'est à dire pour des visions ou des communications dérivées et d'un don d'intuition surnaturelle, et non pour le produit de l'intelligence humaine travaillant dans sa propre sphère. On crut pouvoir trouver une garantie pour la justesse de cette appréciation dans la courte biographie d'Anne Catherine Emmerich que Brentano avait fait imprimer comme étant ce qui pouvait le mieux les recommander. Il y décrivait en effet d'une manière si simple et si persuasive les directions merveilleuses, les grâces accordées à Anne Catherine et ses souffrances extraordinaires, que raisonnablement il ne restait au lecteur d'autre alternative que de rejeter la biographie comme une œuvre d'imagination et par là même les visions comme une illusion et une imposture, ou de reconnaître dans l'une comme dans les autres tous les caractères de l'authenticité. Malgré tout ce qu'il y avait là d'extraordinaire, personne ne s'est arrêté sérieusement au premier parti car la bénédiction attachée aux visions est trop grande et trop évidente pour qu'on puisse en chercher l'origine dans le mensonge. Qui les a jamais prises en main sans en retirer les consolations les plus multipliées et une nouvelle ardeur pour la piété ? Qui s'est laissé aller à l'impression puissante de leur vérité naïve sans se sentir pénétré d'un amour plus ardent pour le très Saint-Sacrement, pour Marie et pour l'Église.

Ce fait doublement consolant dans un temps comme le nôtre, et le désir ardent ressenti par tant de personnes de posséder aussi complètes que possible les visions d'Anne Catherine sont cause qu'on a entrepris de publier toutes les visions qui se rapportent à la vie de Jésus.

L'éditeur se rend parfaitement compte de la grande responsabilité que lui impose son travail dans une matière aussi grave et aussi féconde en conséquences : aussi n'a t il rien négligé de ce qu'on a le droit d'exiger de quiconque se charge d'une semblable entreprise. Non seulement il a pris la connaissance la plus exacte de toutes les notes que Clément Brentano a écrites jour par jour avec une conscience scrupuleuse pendant un séjour d'environ six ans auprès d'Anne Catherine, mais il a soumis tout ce qu'il y a pris pour la présente publication à l'examen rigoureux de théologiens compétents. En outre, il mettra le lecteur lui même en mesure de se former avec assurance un jugement précis et éclairé sur tout ce dont il s'agit. C'est pourquoi dans l'introduction on donne des éclaircissements sur le don d'intuition d'Anne Catherine et en particulier sur le caractère et l'objet de ses visions : en outre, on y rend compte aussi exactement que possible de la manière dont Anne Catherine a communiqué ses visions à Clément Brentano et dont celui ci les a reproduites. On commence par établir avant tout les principes suivant lesquels on doit juger les visions ou les soi disant révélations, tels qu'ils sont admis dans l'Église. Ils ont servi de règle à l'éditeur pour se diriger : c'est pourquoi il prie le lecteur de les prendre aussi pour guides dans l'appréciation de son travail.


Fête du Saint Nom de Marie, 1857.

L'Éditeur.


INTRODUCTION

I

Anne Catherine Emmerich fut, pendant l'espace de trois ans, favorisée de visions journalières, se succédant sans interruption dans un enchaînement historique, sur la carrière de prédication de Jésus Christ. Elles prirent commencement dans les derniers jours du mois de juillet 1890 ; en outre dans les années précédentes, Anne Catherine avait aussi vu les mystères de la vie de Jésus, non dans des tableaux journaliers formant une série continue, mais avec des interruptions et suivant l'ordre des dimanches et des fêtes de l'année ecclésiastique.

Le jeudi 19 juillet 1820, le pèlerin (3) se désole encore de ce qu'il ne lui est pas possible de se reconnaître dans les visions sur les évangiles des dimanches parce qu'Anne Catherine les oublie en partie, ne les raconte pas d'une manière assez circonstanciée et n'indique point les noms des lieux, et parce qu'il ne peut pas savoir à quelle année de la vie du Christ les visions correspondent ni dans quel ordre les évangiles qu'on lit à l'église sont disposés les uns par rapport aux autres.

Ainsi Anne Catherine, le dimanche précédent sixième après la Pentecôte, avait eu une vision sur l'évangile de la multiplication des pains pour la nourriture des quatre mille hommes : les jours suivants elle avait encore communiqué quelques fragments de ses visions relatives à cet événement, qu'elle croyait en connexion historique avec l'évangile du dimanche. Cependant le pèlerin ne pouvait pas bien se reconnaître dans cette communication incomplète et il écrivait dans son journal cette remarque : “il est affligeant que le pèlerin n'ait aucun secours qui l'aide à trouver ici quelque chose de suivi”.

Or le secours qu'il désirait devait lui être donné quelques jours plus tard d'une façon merveilleuse et qu'il n'aurait jamais soupçonnée : car, le 30 juillet 1820, Anne Catherine commença, ce qui semblait au pèlerin tout à fait inattendu et même tout à fait “inouï”, à voir jour par jour les années de prédication de Jésus dans des visions où tout était parfaitement lié, et cela sans interruption jusqu'à la fin de mai 1821. Ces visions successives commencèrent par l'enseignement de Jésus sur le divorce et la bénédiction donnée aux enfants à Bethabara au-delà du Jourdain, conformément à ce qui est rapporté dans saint Matthieu (XIX, 1), et elles comprirent le dernier voyage du Sauveur à Jérusalem pour la fête de Pâques, la Passion, la Résurrection, l'Ascension, la Pentecôte et quelques semaines des Actes des apôtres, conséquemment les huit ou neuf derniers mois de la prédication de Jésus.

Le pèlerin fait précéder ses reproductions des visions de cette époque de la remarque suivante : “Celui qui écrivait n'était orienté ni quant à la direction des Voyages du Seigneur, ni quant à la topographie de la Palestine : la voyante de son côté était souvent très malade et au milieu de ses souffrances sans mesure elle ne racontait qu'avec peine et quelquefois en intervertissant l'ordre : souvent aussi elle oubliait quelques jours. En outre son attention n'était dirigée ni sur les noms de lieux, ni sur les distances, ce qui fait que dans cette période les noms des lieux ne sont souvent désignés que d'une manière vague et générale d'après les contrées auxquelles ils appartiennent.”

Toutefois les visions ne cessèrent pas à la fin de mai, mais elles passèrent à cette période de la vie de Jésus qui commence à la mort de saint Joseph et à la prédication publique de Jean Baptiste. Ainsi pendant quatre mois, savoir, depuis le 2 juin jusqu'au 28 septembre 1821, Anne Catherine vit jour par jour tous les voyages et tous les actes de Jésus aussi bien que ceux de son saint précurseur ; elle entendit toutes ses paroles et le pèlerin mit par écrit avec la plus scrupuleuse exactitude tout ce qu'elle fut en état de lui raconter de ces visions. Le 28 septembre, elle vit le baptême de Jésus dans le Jourdain, et à partir de là elle suivit le Sauveur dans des visions qui se succédèrent chaque jour pendant vingt et un mois et demi, c'est à dire jusqu'au 17 juillet 1823, sur tous les chemins où le conduisit sa sainte carrière de prédication, en sorte qu'il y eut très peu de lacunes, et que la fin des visions de l'année 1823 s'était exactement rejointe au commencement de ces mêmes visions en juillet 1820.

De même que les visions, les communications au pèlerin se succédaient journellement : seulement une fois, du 27 avril au 17 juillet 1823, Anne Catherine épuisée et presque mourante se trouva tout à fait hors d'état de proférer une seule parole, mais même pendant ce temps les visions ne furent pas interrompues. Elle les eut pour la seconde fois du 21 octobre 1823 au 8 janvier 182l, et les communiqua de nouveau au pèlerin. A dater de ce moment toute communication cessa, car la mort s'approchait avec d'horribles souffrances, et elle mourut en effet le 19 février 1824, après un silence continuel de quatre semaines. une seule fois pendant ce temps, sans que rien d'extérieur eut provoquée, et comme si elle eût fait intérieurement la revue de ses visions passées, elle demanda, à la grande surprise de l'écrivain : “Quel jour sommes nous, Le 14 janvier !” lui fut il dit. “Ah ! répondit elle, je ne suis plus capable de rien : encore quelques jours et j'aurais fini de raconter entièrement la vie de Jésus.”

II

Avant d'entrer dans des éclaircissements sur le don d'intuition et de traiter plus à fond de ce qu'embrassent les visions d'Anne Catherine, il est à propos de parler des principes qui, selon Benoît XIV (4), servent à reconnaître la vérité ou la fausseté de prétendues visions ou révélations et à établir le degré de valeur et d'autorité qu'on peut accorder à celles que le jugement de l'Église a déclarées véritables et authentiques. En exposant ces principes, l'éditeur n'a d'autre dessein que de faire connaître les règles qui l'ont dirigé dans tout le cours de son travail. Il ne prétend nullement donner un jugement définitif sur la valeur des visions d'Anne Catherine ; c'est chose réservée à une plus haute autorité : mais il prie le lecteur de juger, lui aussi, d'après les règles indiquées : c'est le plus sûr moyen d'éviter l'exagération qui s'enthousiasme à faux et la prévention qui rabaisse injustement, double tendance à laquelle on est également exposé sur ce terrain.

Benoît XIV traite dans trois chapitres du discernement des visions et des révélations : il donne d'abord les règles générales pour reconnaître si elles sont authentiques ou non ; puis il expose plus en détail les principes qu'on applique dans les procès de béatification ou de canonisation, lorsqu'il est question des visions ou des révélations d'un serviteur de Dieu.

Comme première règle, “règle d'or”, Benoît cite les paroles de Gerson : “Quand l'humilité précède, accompagne et suit, quand rien ne se mêle qui puisse la compromettre, c'est un signe que les visions viennent de Dieu ou d'un de ses bons anges : car (ceci sont les termes de P. Tanner) la tromperie, même d'une femme, ne peut rester longtemps cachée. Lorsque tout n'est pas fondé sur l'humilité la plus profonde, l'édifice s'écroule bientôt honteusement : mais là où se trouve la pure simplicité particulièrement nécessaire à ceux qui veulent s'unir à Dieu par un amour chaste, pur et irrépréhensible, il ne peut y avoir ni illusion personnelle, ni tromperie provenant d'autrui.”

Il y a aussi une grande garantie de l'authenticité des visions dans l'utilité qu'on voit d'autres personnes en retirer : car il n'est pas possible qu'un mauvais arbre porte de bons fruits. S'il arrive donc que certaines visions aient pour résultat chez ceux auxquels elles sont communiquées plus de lumières spirituelles, l'amendement de la vie ou un élan plus marqué vers la piété et la dévotion, s'il en est ainsi non seulement pour quelques individus, mais pour un grand nombre de personnes, et cela pendant un long espace de temps, on doit voir là un témoignage assuré que ces visions sont l'œuvre du Saint Esprit : car des visions fausses et mensongères ou provenant du démon ne peuvent manquer de porter atteinte à la foi catholique et aux bonnes mœurs. On doit juger qu'il y a illusion lorsque dans une soi disant révélation une chose mauvaise en soi, ou même bonne en soi, est conseillée dans l'intention d'empêcher par là quelque chose de meilleur, ou bien encore quand il s'y rencontre des faussetés ou des contradictions manifestes et des choses qui ne sont propres qu'à satisfaire une vaine curiosité.

En ce qui touche l'application des règles en question à la pieuse Anne Catherine Emmerich, il pourrait suffire de signaler l'esprit qui domine dans ses visions sur la Douloureuse Passion, esprit qui produit encore aujourd'hui si abondamment ces fruits qui sont donnés par le pape Benoît XIV comme les signes de la bonté d'un arbre : mais l'éditeur attache encore plus d'importance à l'ensemble des visions publiées dans le présent ouvrage. Celles ci en effet montrent au lecteur attentif la vie du Sauveur sur la terre, toute sa manière d'agir et celle de sa sainte Mère avec tant de simplicité, de clarté, de vérité intime, qu'après l'Écriture sainte, on aurait peine à citer un livre qui mette dans un jour aussi frappant, même pour l'œil le plus faible, le sens de ces paroles que le Sauveur adresse à tous sans exception : “Apprenez de moi que, je Suis doux et humble de cœur.”

N'y a t il pas une immense consolation, une satisfaction qui persiste au milieu de toutes les traverses de la vie, a pouvoir accompagner pas à pas notre Seigneur et Sauveur, le considérer jour par jour dans l'accomplissement pénible de la tâche qu'il s'est imposée sur la terre, et ranimer la trop faible ardeur de notre amour par la contemplation de sa mansuétude et de sa miséricorde inaltérables. Bien des personnes assurément remercieront Dieu du fond du cœur d'avoir mis à leur portée une aussi précieuse faveur et de leur avoir préparé dans des jours si mauvais une telle abondance de consolations. Mais, s'il y a une chose qui n'ait pas besoin d'autre démonstration, c'est que l'âme qui a pu devenir le miroir d'ou devaient rayonner des images si sublimes et si sanctifiantes, a dû nécessairement être solidement fondée dans l'humilité et conserver sans tache et dans toute sa pureté l'éclat de la grâce baptismale. Anne Catherine, pendant toute sa vie, fut l'enfant toujours simple, inoffensif, innocent, qui ne ressentait et ne comprenait autre chose dans ce monde que la misère et la détresse des hommes, qui n'eut jamais d'autre désir que celui de souffrir pour autrui. C'est pourquoi aussi la force de son esprit et la paix de son âme croissaient en proportion de ses peines, au point que dans l'excès de ses douleurs sans nom elle remerciait Dieu, toute joyeuse, de ce qu'il craignait la rendre plus semblable à son Sauveur. Jamais la patiente ne s'est plainte de ce qu'elle avait à supporter, mais ce qui lui était plus sensible et plus insupportable qu'aucune de ses souffrances, c était qu'on la louât et qu'on eût d'elle une idée avantageuse, à tel point que dans sa dernière agonie elle supplia instamment d'une voix mourante qu'aucune parole ne fut dite à sa louange.

Le pape Benoît, dans la suite de son examen, traite de la créance qu'on doit accorder à la personne qui se présente comme favorisée de visions et de révélations.

Elle a selon lui pour conditions : d'une part, la grande vertu et la sainteté connue par ailleurs de la personne en question ; d'autre part, la manière dont elle se comporte pendant et après les visions. En ce qui touche ce dernier point, Benoît XIV tire des théologiens et des maîtres de la vie spirituelle les plus autorisés, douze points auxquels on doit attacher une importance particulière. Il faut examiner : 1 Si la personne favorisée n'a jamais demandé ou désiré des visions ; et si au contraire elle a prié Dieu de la conduire par la voie commune et n'a accepté les visions que par obéissance, un pareil désir, d'après saint Vincent Ferrier, proviendrait d'un orgueil secret et d'une curiosité téméraire : il indiquerait en outre une foi faible et mal assurée. 2 Si elle a reçu constamment de son guide spirituel l'ordre de communiquer ses visions à des hommes instruits et clairvoyants. 3 Si elle a toujours pratiqué l'obéissance absolue envers ses directeurs et si, à la suite de ses visions, elle a fait des progrès dans l'humilité et l'amour de Dieu. 4 Si elle a recherché de préférence les personnes les moins disposées à lui donner croyance et si elle a aimé ceux qui lui avaient donné des chagrins et des peines. 5 Si son âme a joui d'un calme et d'un contentement parfaits et si son cœur a toujours été plein d'un zèle ardent pour la perfection. 6 Si son directeur n'a jamais eu à lui reprocher certaines imperfections. 7 Si elle a reçu la promesse que Dieu exaucerait ses justes demandes et si, s'adressant à lui avec une pleine confiance, elle a obtenu d'être exaucée en quelque point important. 8 Si ceux qui étaient en relations avec elle, ont été excités à aimer Dieu davantage lorsque l'endurcissement de leur cœur n'y mettait pas obstacle. 9 Si les visions lui ont été départies le plus ordinairement après une longue et fervente prière, ou après la sainte Communion, et si elles ont allumé en elle un ardent désir de souffrir pour Dieu. 10 Si elle a crucifié sa chair et s'est réjouie dans la tribulation, au milieu des contradictions et des souffrances. 11 Si elle a aimé la solitude et fui le commerce des hommes, si elle a montré un détachement parfait de toutes choses. Aussi dans la bonne et la mauvaise fortune elle a toujours conservé la même tranquillité d'âme, et si enfin des hommes instruis n'ont pas aperçu dans ses visions quelque chose qui s'écartât de la règle de la foi ou qui pût paraître répréhensible d'une façon quelconque.

Ces douze points renferment les règles les plus sûres et les plus dignes de confiance, et il a fallu, pour les établir, toute l'expérience d'un grand nombre de docteurs aussi savants qu'éclairés dans les voies de la vie spirituelle. La mesure dans laquelle les conditions qui y sont exigées se rencontrent chez une personne favorisée de grâces extraordinaires est aussi, selon Benoît XIV, celle de l'assurance avec laquelle on peut conclure en faveur de la véracité de cette personne, de la confiance qu'elle mérite et en même temps de celle que méritent ses visions. Maintenant, le lecteur ne sera pas surpris moins agréablement que l'éditeur quand il pourra se convaincre, à l'aide de la biographie donnée par Clément Brentano et aussi de la présente introduction' que ces conditions sont remplies de la manière la plus incontestable dans toute l'existence d'Anne Catherine, et cela si parfaitement qu'elles ne se rencontrent au même degré que chez les grands saints.

En premier lieu, les visions ne furent jamais pour Anne Catherine, l'objet de ses désirs, mais une source de douleurs et de tribulations indicibles, au point que souvent elle pria Dieu instamment de les lui retirer. En outre, la grâce de la contemplation lui fut départie à un âge si tendre que ce désir n'aurait pu naître en elle : c'est pourquoi sa première ouverture sur les visions qui lui ont été envoyées est celle d'un enfant plein de naïveté qui n'en soupçonne pas la portée. En second lieu, Anne Catherine ne pouvait être décidée à communiquer ce qu'elle avait vu que par les ordres réitérés de son guide spirituel. En troisième lieu, lorsque ses confesseurs rejetaient ses visions et ne se donnaient pas la peine d'examiner quelle valeur elles pouvaient avoir, elle s'efforçait d'y mettre fin par tous les moyens possibles. Mais la lutte dans laquelle elle s'engageait par là avec son guide invisible, dont les exigences ne s'arrêtaient pas devant les idées erronées des confesseurs, était pour elle la cause de souffrances impossibles à décrire. En quatrième lieu, cela ne l'empêchait pas de chercher uniquement des confesseurs dont elle n'avait à attendre que de la sévérité et des humiliations journalières, parce qu'elle laissait à Dieu le soin de les persuader, s'il le jugeait convenable, de la réalité des dons gratuits qui lui étaient accordes. De plus, elle résistait toujours autant qu'elle le pouvait à toute tentative qui pouvait avoir pour objet de la soulager ou d'améliorer sa situation matérielle : car du reste pour tous ceux qui lui occasionnaient des ennuis ou des tribulations, il n'y avait chez elle que charité, patience et mansuétude. Enfin, pour ce qui touche les autres points, il n'est pas nécessaire de les énumérer ici suivant leur ordre, parce que l'introduction doit s'en occuper longuement et d'une manière très détaillée.

Pour le moment l'éditeur se bornera à faire remarquer que Dieu, dans ses desseins impénétrables, permit qu'Anne Catherine, dans les dernières années de sa vie, fût deux fois soumise à une enquête provoquée par les autorités spirituelle et temporelle, sur la réalité de ses stigmates et d'autres phénomènes merveilleux qui se produisaient chez elle. On ne peut pas rendre ce qu'elle eut à souffrir à cette occasion : car le siècle des lumières sembla vouloir décharger toute sa colère sur la pauvre religieuse, qui flétrissait sa prétendue sagesse comme un aveuglement déplorable et une vanité insensée. Mais Anne Catherine, au milieu de ces souffrances, resta encore l'image de son divin fiancé ! elle supporta tout en silence et absorbée en Dieu, et se réjouit d'avoir eu, par l'ignominie de la croix, une ressemblance de plus avec son Rédempteur.

Nous passerons maintenant au dernier des douze points, celui qui traite de la conformité des visions avec la règle de foi de l’Église ; car il est juste de lui donner une attention toute particulière quand on s'occupe de visions qui renferment en même temps des révélations. Benoît XIV, à cet égard, s'en réfère principalement au vénérable P. Suarez, lequel établit, comme premier principe, qu'en matière de révélations, la question de leur conformité à la règle de la foi et des mœurs doit être la base de tout examen ultérieur, de telle sorte que si l'on découvre quelque chose qui soit en contradiction avec l’Écriture et la tradition, avec les décisions doctrinales de l’Église et l'interprétation unanime des saints Pères et des théologiens, la soi disant révélation doit être rejetée comme mensonge et illusion diabolique. Il en doit être ainsi, même quand il s'agit de révélations qui, à la vérité, ne portent pas atteinte à la foi, mais présentent des choses impliquant contradiction ou propres seulement à satisfaire une vaine curiosité, qui peuvent être considérées comme le produit de l'imagination humaine, ou qui évidemment ne sont pas en rapport avec la sagesse et les autres attributs de Dieu.

Le pape Benoît XIV soulève ensuite une question difficile : “Que faut il penser d'une soi disant révélation où se rencontrent des choses qui paraissent contraires, non pas précisément à la tradition unanime des Pères et des théologiens, mais à ce qu'on appelle communis sententia (le sentiment commun) ; qui sont tout à fait nouvelles, qui donnent comme révélés des points sur lesquels l’Église n'a pas encore donné de décision doctrinale ?” s'appuyant sur des autorités imposantes, Benoît répond qu'il n'y a pas là motif suffisant pour rejeter, sans autre examen, une pareille révélation comme imaginaire et trompeuse ; car, ajoute t il :

1°      une chose qui paraît contraire au sentiment le plus commun peut être soutenue à l'aide d'une appréciation plus approfondie et plus judicieuse, et trouver à s'appuyer sur des autorités respectables et des raisons solides.

2°      une révélation n'est pas fausse en soi, par cela seul qu'elle fait connaître un mystère ou une circonstance de la vie du Sauveur ou de sa sainte Mère, dont l’Écriture sainte, la tradition ou les écrits des saints Pères ne font pas mention.

3°      On ne se met pas nécessairement en contradiction avec les décisions du Saint Siège ou avec les Pères et les théologiens, par cela seul qu'on explique une chose qu'ils n'expliquent pas ou sur laquelle ils se taisent absolument.

4°      Enfin, on ne doit pas poser à la toute puissance de Dieu des limites en dehors desquelles il lui serait interdit de révéler à un particulier ce qui, comme point de controverse théologique, reste encore soumis au jugement de l’Église.

Benoît XIV cite ici, entre autres choses, le fameux mémoire du P Jean Cortesius Ossorius sur les révélations de la vénérable Marie d'Agreda, remis par lui à l'inquisition d'Espagne, et dans lequel il prouve longuement que les motifs allégués ne sont pas suffisants pour faire rejeter des révélations privées, puisqu'ils n'ont pas empêché les révélations de sainte Brigitte et de sainte Marie Madeleine de Pazzi d'obtenir l'approbation du Saint Siège. Toutefois Benoît XIV, après avoir cité ces autorités, ajoute une restriction : il ne trouverait pas sans doute dans des révélations de cette nature un obstacle à poursuivre un procès de béatification : seulement il les regarderait comme n'étant pas tout à fait sans mélange, mais comme modifiées par la manière particulière de voir et de sentir qui existait auparavant et indépendamment de ces révélations, chez le serviteur ou la servante de Dieu. Conséquemment, dans l'approbation quelconque qu'on leur donnerait, on ne devrait rien admettre qui pût laisser croire que le Saint Siège aurait l'intention d’improuver tout ce qui pourrait être dit à l'encontre.

Cette dernière remarque du pape Benoît XIV est de la plus haute importance, car elle accorde que la sainteté de la vie chez une personne favorisée de grâces extraordinaires, et la manière dont elle se comporte à l'égard des visions et des autres circonstances qui les accompagnent, permettent de conclure avec assurance en faveur de l'origine divine de ces visions, lors même qu'on devrait concéder qu'elles ont pu subir une altération quelconque, soit dans leur passage à travers les facultés intellectuelles de celui qui les a reçues, soit dans la communication qui en a été faite à d'autres. En effet, avec les visions et les révélations particulières, le contemplatif ne reçoit pas le don d'une compréhension à l'abri de toute erreur et de tout obscurcissement, non plus que le don de les transmettre dans leur complète intégrité ; et de là vient que les théologiens exigent, pour les juger, une pie et modesta intelligentia. Il n'y a que les prophètes, les apôtres, les auteurs des écrits canoniques, et, en seconde ligne, les successeurs de saint Pierre et les conciles œcuméniques qui aient le privilège de l'infaillibilité. Aussi rien ne peut il être communiqué avec une certitude infaillible à l'ensemble des fidèles que ce qui leur est présenté à croire par l'autorité de l’Église, comme révélé par Dieu pour être l'objet de la foi surnaturelle et nécessaire au salut éternel.

Il ressort naturellement de là que des visions et des révélations privées, lors même qu'elles sont confirmées par le Saint Siège comme authentiques et venant de Dieu, ne peuvent prétendre en aucune façon à être un objet de foi divine ou surnaturelle. Elles peuvent seulement, pour ceux qui les lisent ou auxquels on les raconte, avoir la valeur d'une autorité purement humaine, et n'exigent pas plus de respect et de soumission que tout catholique n'a coutume d'en accorder aux vies des saints autorisées ou aux écrits ascétiques de pieux et saints auteurs. On ne blesse donc pas la foi catholique en refusant son assentiment à des visions et révélations même approuvées ou en étant d'une opinion différente, pourvu que cela se fasse pour de bonnes raisons, sans irrévérence et sans présomption téméraire.

Si maintenant le lecteur veut appliquer les principes qui viennent d'être exposés aux visions d'Anne Catherine contenues dans le présent ouvrage, il n'y rencontrera rien qui contredise le moins du monde la foi catholique. Au contraire, il reconnaîtra avec un grand plaisir qu'il n'y a guère de livre qui fasse pénétrer avec cette simplicité et cette profondeur dans les mystères de notre sainte foi, et qui donne, même aux moins exercés, plus de secours pour atteindre à ce grand art dont parle le bienheureux Thomas à Kempis a In vitâ Jesu Christi meditari. Quant à ce qui y semblera nouveau, on s'en rendra compte sans beaucoup de peine en le rapprochant de ce qui est ancien.

III

Dans le travail auquel nous allons maintenant nous livrer pour faire connaître le don de contemplation que la pieuse Anne Catherine posséda à un degré peu commun, même chez les âmes les plus privilégiées, nous pouvons prendre pour guides ses propres communications, avec d'autant plus de confiance qu'elles sont éclaircies et confirmées par les dires de beaucoup de personnes favorisées de grâces semblables.

Sainte Hildegarde, d'après son propre aveu, fut favorisée, dès sa première jeunesse, du don de contemplation : “N'étant encore âgée que de trois ans, dit-elle (5), je reçus du Ciel une si grande lumière que mon âme en fut ébranlée profondément ; mais j'étais trop jeune pour pouvoir rien dire à ce sujet à dater de ma cinquième année, j'eus une intelligence surprenante de ces visions, et quand j'en racontais quelque chose en toute simplicité, ceux qui m'entendaient étaient dans l'étonnement et se demandaient de qui je tenais ces choses et d'où elles me venaient. Moi aussi, je m'étonnais beaucoup de ce qu'ayant intérieurement des visions, je percevais en même temps le monde extérieur par les sens, mais je n'entendais pas dire que pareille chose arrivât à d'autres personnes. C'est pourquoi je fus saisie d'une grande crainte et je n'osais plus parler à d'autres de ma lumière intérieure”.

Anne Catherine reçut cette lumière surnaturelle à un âge encore moins avancé. Le 8 septembre 1821, qui était le cinquante septième anniversaire de sa naissance, elle raconta a ce sujet ce qui suit : Comme je suis née le 8 septembre, j'ai eu aujourd'hui une intuition merveilleuse sur ma naissance et sur mon baptême. J'ai ressenti à cette occasion des impressions singulières. Je me sentais comme un enfant nouveau né dans les bras des femmes qui me portaient à Coesfeld pour y être baptisée, et j'étais confuse de l'impression que j'avais d'être à la fois si petite et si faible et pourtant si vieille : car tout ce que j'avais déjà senti et éprouvé alors, en qualité d'enfant nouveau né, je le vis et je le connus de nouveau, toutefois mêlé avec mon entendement actuel. Dès cette époque, mon ange gardien se montrait à moi visiblement présent, comme il le fit toujours plus tard. Je regardais tout autour de moi, la vieille grange dans laquelle nous habitions, et toutes sortes de choses que je ne vis plus par la suite, parce qu'on fit beaucoup de changements. Je me sentis porter, et cela avec une pleine conscience, tout le long du chemin qui va de notre chaumière de Flamske à l'église paroissiale de Saint Jacques à Coesfeld ; je sentais tout et je regardais tout autour de moi. Je vis accomplir sur moi toute la sainte cérémonie du baptême, et mes yeux et mon cœur s'ouvrirent pour cela d'une façon merveilleuse. Je vis, lorsqu'on me baptisa, mon ange gardien et mes saintes patronnes, sainte Anne et sainte Catherine, assister à la cérémonie. Je vis la mère de Dieu, avec le petit enfant Jésus, auquel je fus mariée et qui me donna un anneau. Tout ce qui est saint, tout ce qui est bénit, tout ce qui tient à l’Église, se faisait déjà sentir à moi aussi vivement que cela m'arrive à présent. Je vis ce que l’Église est en soi manifesté par des images merveilleusement significatives. Je sentis la présence de Dieu dans le très Saint-Sacrement. Je vis briller dans l'église les ossements des saints, et je reconnus les saints qui apparaissaient au dessus d'eux. Je vis tous mes ancêtres, en remontant jusqu'au premier d'entre eux qui avait été baptisé. Je reconnus, dans une longue série de tableaux symboliques, toutes les épreuves de ma vie future. Lorsqu'on me rapporta de l'église à la maison en passant par le cimetière, j'eus un sentiment très vif de l'état des âmes dont les corps reposaient là pour y attendre la résurrection, et je remarquai avec respect quelques saints corps brillant d'une clarté éblouissante.

Il résulte de cette communication qu'Anne Catherine avait déjà reçu, dans le sein de sa mère, une disposition naturelle à la contemplation, et cela avec un si haut degré de force et de puissance, qu'aussitôt après sa naissance sa faculté de vision spirituelle aussi bien que les sens corporels qui lui servaient d'instruments, étaient capables de perception et d'activité bien au delà de la mesure ordinaire. Toutefois la contemplation en tant que faculté purement naturelle, ne s'exerce que dans la sphère des choses naturelles : elle se rattache à la contemplation surnaturelle ou prophétique comme point de départ ou prédisposition, mais non comme condition nécessaire, car cette intuition supérieure peut être accordée par Dieu comme grâce gratuite à une âme qui n'y a pas une prédisposition naturelle ou qui ne la possède que dans une très faible mesure. La sphère de la contemplation surnaturelle est le royaume de la grâce ou l’Église à laquelle l'homme est incorporé par le saint baptême : c'est pourquoi Anne Catherine ne reçoit cette lumière que lorsqu'elle est devenue, par l'infusion de la grâce sanctifiante, un membre vivant du corps de l’Église. C'est alors seulement “que ses yeux et son cœur s'ouvrent d'une façon merveilleuse,” et qu'elle voit les effets du sacrement, l’Église avec ses mystères et tout ce qui est dans un rapport vivant avec elle. Ainsi, elle ne voit briller dans les tombeaux les corps des âmes saintes que lorsqu'après son baptême, elle est rapportée à travers le cimetière ; elle ne les voit pas lorsqu'on la porte à l'église. Toutefois, quelque grande et élevée que fût la lumière de contemplation supérieure versée avec la grâce baptismale dans l'âme d'Anne Catherine, elle s'abaissait à la capacité de l'enfant, et d'une façon appropriée à un âge si tendre. C'est pourquoi elle se comporte, dans cette contemplation, comme ferait un enfant du même âge par rapport à la lumière qu'il perçoit naturellement. Ainsi, de même qu'un nourrisson aussitôt qu'il connaît sa mère, cherche son sein et se calme dans ses bras, tout cela sans en avoir la conscience, par pur instinct naturel ; de même Anne Catherine, aussitôt après le baptême, comprit et reconnut la mère dans le sein de laquelle elle venait de recevoir une naissance nouvelle ; elle eut le sentiment de ses bienfaits et de toute sa beauté, sans pouvoir juger et se rendre compte qu'il y a une connaissance, plus méritoire en elle même, de ces mystères, celle qui se trouve dans la lumière de la foi. L'intelligence réfléchie de l'objet de la contemplation marche plus tard du même pas que le développement naturel de la conscience en général, comme on le voit par une autre communication d'Anne Catherine ; « J'avais à peu près quatre ans, dit elle, quand mes parents me menèrent à l'église. Je me souviens que je croyais fermement y trouver Dieu et des hommes tout différents de ceux que je connaissais, bien plus beaux et plus brillants. Lorsque j'entrai, je regardai de tous les côtés, et rien n'était comme je me l'étais imaginé. Le prêtre était à l'autel ; je pensai que ce pouvait être Dieu ; mais je cherchai partout la sainte vierge Marie : je me figurais que là on devait avoir tout au dessous de soi, car c'était mon plus grand plaisir, mais je ne trouvai pas ce que je croyais. Deux ans plus tard, j'eus encore des idées du même genre et je ne cessais de regarder deux filles d'un certain âge, qui portaient dés mantes et qui avaient un air modeste et réservé ; je crus que ce pouvait bien être ce que je cherchais, mais ce n'était pas encore cela. Je croyais toujours que Marie devait avoir un manteau bleu de ciel, un voile blanc et une robe blanche toute unie. J'avais eu une vision du paradis, et je cherchai dans l'église Adam et Ève, beaux comme ils l'étaient avant la chute, et je me dis : “Quand tu te seras confessée, tu les trouveras”. Je me confessai, mais je ne les trouvai pas. Je vis enfin une pieuse famille noble dans l'église ; les filles étaient vêtues de blanc : je pensai qu'elles avaient quelque chose de ce que je cherchais et elles m'inspiraient un grand respect ; mais ce n'était pas encore cela. J'avais toujours l'impression que tout ce que je voyais avait été très laid et très sale. J'étais constamment absorbée dans des pensées de ce genre, et j'en oubliais le boire et le manger, si bien que j'entendais mes parents dire souvent : “Qu'a donc cet enfant ? Qu'est ce qui arrive à la petite Anne Catherine ?” »

D'après ce qui vient d'être rapporté, le lecteur peut reconnaître facilement qu'Anne Catherine, dès sa plus tendre enfance, avait aperçu l'incomparable beauté de l'innocence du paradis, mais qu'elle ne pouvait se rendre compte de la différence de ce qui l'entourait présentement avec l'objet de ses contemplations, que successivement et dans la mesure de son expérience enfantine. Aussi dit elle une autre fois : « Avant de savoir ce que signifiait le mot prophète, j'avais eu déjà des visions sur un chariot merveilleux, aux roues duquel se tenaient les quatre animaux de l'Apocalypse. Pourquoi cela ? Je ne le sais pas... J'eus des visions de si bonne heure, que je me souviens qu'une fois mon père me prit toute petite sur ses genoux, au coin du feu, et qu'il me dit : “Tu es dans ma petite chambre, raconte moi quelque chose !” Et alors je lui racontai toutes sortes d'histoires de la Bible, et comme il n'avait rien vu de semblable ou ne l'avait pas vu de cette façon, il se mit à pleurer. Ses larmes tombaient sur moi et il me dit : “Enfant, où as tu pris tout cela ?” Alors je lui répondis que je voyais toutes ces choses, sur quoi il devint silencieux et ne me dit plus rien ».

Dans sa cinquième année, il arriva à Anne Catherine ce qui était arrivé à sainte Hildegarde ; il lui vint avec la contemplation une intelligence plus profonde de ce qu'elle voyait, et elle fut en état de se rendre compte plus exactement du contenu de ses visions et dé les distinguer des actes de foi ainsi que de la certitude et du mérite attachés à la foi. Voici ce qu'elle dit a ce sujet a Dans ma cinquième ou sixième année, comme je méditais lé premier article du symbole catholique : Je crois en Dieu, le Père tout puissant, qui a fait le ciel et la terre, des tableaux de la création du ciel et de la terre passèrent devant mon âme. Je vis la chute des anges, la création de la terre et du paradis, celle d'Adam et d'Ève, et la chute originelle. Je me figurai que tout le monde voyait cela, de même que les autres objets qui nous entourent, et j'en par lai en toute simplicité à mes parents, à mes frères et sœurs et à mes compagnons ; mais je m'aperçus qu'on riait de moi et qu'on me demandait si j'avais un livre où tout cela se trouvait. Alors je commençai à prendre l'habitude de garder le silence sur ces choses : je pensai qu'il ne convenait pas d'en parler, sans pourtant me former à ce sujet des idées précises. J'ai eu ces visions non seulement la nuit, mais encore en plein jour, dans les champs, à la maison, en marchant, en travaillant, en me livrant à toutes sortes d'occupations. Comme une fois à l'école je disais tout naïvement, touchant la résurrection, d'autres choses que celles qu'on nous enseignait, et cela avec assurance, croyant dans ma simplicité que tout le monde devait savoir cela comme moi, et ne soupçonnant nullement qu'il y avait là une faculté qui m'était personnelle, les autres enfants tout surpris se moquèrent de moi et portèrent plainte au magister, qui me détendit sévèrement de me livrer à de pareilles imaginations.

“Mais je continuai à avoir ces visions sans en rien dire, comme un enfant qui regarde des images et qui s'en rend compte à sa manière sans trop demander ce que signifie ceci ou cela. Comme je voyais souvent dans les images des saints ou les figures de l'histoire de la Bible les mêmes objets représentés tantôt d'une manière, tantôt d'une autre, sans que cela eût jamais apporté d'altération dans ma foi, je pensais que les visions que j'avais étaient mon livre d'images et je les contemplais en paix, pensant toujours que tout était pour la plus grande gloire de Dieu. Eu fait de choses touchant à la religion, je n'ai jamais rien cru que ce que le Seigneur a révélé et proposé à notre croyance par l’Église catholique, que ce soit expressément écrit ou non. Et je n'ai jamais cru de la même manière à ce que j'ai vu en vision. Je regardais ces choses de même que je considérais avec dévotion les différentes crèches de Noël, exposées en divers lieux, sans me troubler de ce que toutes n'étaient pas faites sur le même modèle. Dans les unes et les autres, je n'adorais que le même cher enfant Jésus, et il en était de même pour moi quant à ces tableaux de la création du ciel et de la terre et de la création de l'homme ; j'y adorais Dieu le Seigneur, le créateur tout puissant du ciel et de la terre".


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A suivre......
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Message par M1234 Ven 17 Mar 2017 - 10:20

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IV

Anne Catherine n'a jamais donné d'éclaircissements détaillés sur la lumière surnaturelle dans laquelle et par laquelle elle percevait ses visions ; elle s'est bornée à dire une fois : "Il m'a été expliqué d'une très belle façon comme quoi voir avec les yeux n'est point voir, et qu'il y a une autre vue intérieure : mais maintenant cela m'est sorti de la mémoire. "Nous pouvons donc avoir recours aux révélations de sainte Hildegarde sur le même sujet, pour y trouver l'explication désirée. Voici ce qu'elle dit : "Il est difficile à l'homme charnel de comprendre de quelle manière les visions sont perçues. Depuis mon enfance jusqu'à mon âge actuel de soixante dix ans, je n'ai pas cessé de voir dans mon âme la lumière que Dieu m'a donnée, mais je ne la perçois pas avec les yeux du corps, ni par les pensées de mon cœur, ni par l'intermédiaire des cinq sens. Toutefois les yeux du corps ne perdent pas plus leur faculté visuelle auprès de cette lumière que les autres sens leur activité. Car la lumière que je possède n'est point circonscrite dans l'espace, ni matérielle, mais elle est plus éclatante que celle de l'astre du jour : je ne vois en elle ni profondeur, ni longueur, ni largeur. On me dit qu'elle s'appelle l'ombre de la lumière vivante ; et de même que le soleil, la lune et les étoiles se réfléchissent dans l'eau, de même ce qui est écrit, ce qui est dit, les qualités et les œuvres des hommes me deviennent visibles en elle. Ce que j'aperçois et apprends dans cette intuition, je le conserve longtemps ; et je vois, je perçois, je sais tout à la fois, comme en un clin d’œil, ce que je dois savoir et apprendre. Mais ce que je ne contemple pas, je ne le sais pas non plus : car je suis comme une personne qui n'a jamais reçu d'enseignement, et pour ce que je dois écrire de cette lumière, je ne me sers d'autres paroles que de celles que j'entends. Mais je n'entends pas ces paroles comme celles qui rendent un son en sortant de la bouche d'un homme, je les vois comme une flamme, comme une nuée lumineuse : dans le pur éther. Je ne puis pas plus distinguer une forme dans cette lumière que je ne suis en état de regarder fixement le disque du soleil".

Outre cela, dans cette lumière, j'en vois quelquefois une autre dont il m'est dit qu'elle s'appelle la lumière vivante. Cependant je ne la vois pas si souvent, et je puis encore moins exprimer son essence que celle de la première. Mais quand je la perçois, alors toute tristesse et toute peine sensible s'évanouissent pour moi, en sorte que je suis comme un enfant naïf, et non comme une vieille femme. Mon âme n'est jamais privée de la première lumière, de l'ombre de la lumière vivante, et je la vois quelquefois de même qu'à travers un nuage transparent, je regarde le firmament sans étoiles, et que je contemple en lui ce que je dis de l'éclat de la lumière vivante".

La lumière dont parle sainte Hildegarde est, suivant la doctrine de l'école, l'irradiation de la lumière divine passant, par l'intermédiaire d'un ange, dans l'âme du contemplatif ; par cette lumière toutes les forces de l'âme sont élevées au dessus de leur puissance naturelle, en sorte que l'homme est par là rendu capable de voir comme un pur esprit incorporel, c'est à dire indépendant de l'action des sens et des autres organes, ce que Dieu veut lui communiquer dans cette lumière. Cette lumière confère donc à l'âme une double faculté : la faculté de vision surnaturelle et le milieu dans lequel celle ci peut s'exercer. Elle est pour cette faculté ce qu'est pour les yeux du corps la lumière du soleil, ou pour la faculté naturelle de connaître la lumière intérieure innée dans chaque homme.

Tout, dit sainte Hildegarde, est réfléchi dans cette lumière pour le contemplatif, c'est à dire tout ce que Dieu veut lui faire connaître : car le choix des objets contemplés ne dépend pas de la volonté de celui qui contemple, mais Dieu les détermine lui même, selon la tâche particulière imposée à l'âme favorisée d'une grâce de cette nature. C'est donc en vertu d'une disposition divine que cette âme voit et connaît l'avenir ou le passé, les choses cachées ou éloignées, les mystères de l'ordre naturel ou surnaturel, les pensées des hommes et de certains hommes déterminés : de même aussi le degré de clarté de l'intuition et l'exactitude avec laquelle ce qui est vu est conservé dans la mémoire et communiqué aux autres, dépendent de la mesure de lumière donnée par Dieu.

Ainsi donc, plus la mesure de lumière départie est grande, plus la sphère de l'intuition est étendue. Si des objets situés à une grande distance dans l'espace doivent y être aperçus, elle acquiert la clairvoyance, laquelle, en tant que grâce surnaturelle, ne doit pas être confondue avec la clairvoyance naturelle ou le somnambulisme. Par elle, les objets eux mêmes sont aperçus, soit par la pure vue à distance, soit que le contemplatif soit ravi jusqu'au lieu même où les objets se trouvent, où l'événement se passe ou s'est passé. Mais quand il s'agit de voir dans le passé ou dans l'avenir, les images de ce qui n'existe plus ou n'existe pas encore dans l'espace et le temps sont présentées par Dieu d'une manière surnaturelle à l'imagination du contemplatif. Quand donc, par exemple, un événement de l'Ancien ou du Nouveau Testament est montré à Anne Catherine, les images des individus qui agissent, celle des lieux et de toutes les circonstances lui sont présentées dans la lumière infuse aussi fidèlement et aussi complètement que dans un miroir ; de sorte qu'à certains égards elles se gravent dans l'imagination et dans la mémoire, aussi naturellement que si elles arrivaient à la voyante par les sens extérieurs et par la faculté de vision naturelle, ou que si Anne Catherine avait été présente personnellement et avait figuré comme contemporaine dans l'événement lui même. La seule différence consiste dans le degré infiniment plus élevé de netteté et de clarté qui trouve place dans l'intuition, parce qu'elle voit non seulement le fait matériel, mais encore les motifs intérieurs et leur enchaînement, ainsi que les dispositions les plus secrètes et les sentiments intimes des personnages en action.

La clairvoyance ou le ravissement peuvent coïncider avec cette intuition des images dans la lumière infuse, car Anne Catherine voit les événements de la vie de Jésus au lieu précis où ils se sont réellement passés autrefois, soit à Jérusalem, soit en d'autres endroits de la Terre Sainte. Elle est ravie dans ces endroits et, y étant arrivée, elle voit les événements et les actions en tableaux qui se succèdent avec la plus grande fidélité à l'ordre historique, comme on peut en juger par l'exemple suivant, auquel on en pourrait joindre infiniment d'autres. Voici ce qu'elle raconte le 10 décembre 1819 : "Cette nuit, j'ai parcouru dans plusieurs directions la terre promise, telle qu'elle était à l'époque du Sauveur. Mes stations ordinaires de l'Avent me conduisirent d'abord à la rencontre de la sainte famille, en voyage pour Bethléem. Je suivais ensuite plusieurs chemins à moi connus, allant d'un endroit du pays à l'autre, et je vis plusieurs scènes de la vie de prédication de Notre Seigneur, que j'avais vues en partie précédemment.

Je vis entre autres une instruction et une distribution de pain dont je ne me rappelle que quelques détails. Sur le penchant d'une colline beaucoup de gens étaient assis sous des arbres très grands et très élancés, qui n'ont leur couronne de feuillage que tout en haut au sommet. Le Seigneur Jésus était debout devant eux sur un terrain exhaussé. Entre les arbres se trouvaient des arbrisseaux avec des baies rouges et jaunes ressemblant à peu près à des mûres de ronces. Plusieurs filets d'eau descendaient de la hauteur en murmurant. Il y avait là un gazon fin et doux comme de la soie, sous lequel le sol était tapissé comme d'une mousse épaisse Je pris le gazon et je le touchai : d'autres objets échappèrent à mes mains, comme si c'étaient des images de choses passées Mais quant au gazon je le touchai Qu'est ce donc que cela peut être ?"

Sainte Hildegarde dit de cette lumière qu'elle est incirconscrite, immatérielle et inaccessible à nos facultés purement naturelles : car en vertu de son essence, elle supprime pour le voyant toute limite de temps et d'espace, et affranchit sa pensée et son intelligence de toutes les entraves auxquelles elles sont assujetties dans l'état ordinaire. L'avenir le plus reculé ou le passé le plus lointain sont en elle actuellement présents, et les vérités les plus profondes, les mystères les plus cachés de l'ordre naturel ou surnaturel se laissent embrasser d'un seul regard jusque dans leurs fondements. L'activité des sens et les relations avec le monde extérieur, dont ils sont les instruments, ne sont pas nécessairement suspendus pour celui qui contemple a l'ombre de la lumière vivante "Tant que l'âme ne voit pas Dieu ou la vérité en elle même, tant que ses visions ont pour objet des choses créées, la lumière naturelle n'est point un obstacle à la lumière surnaturelle, et c'est pourquoi il n'est pas nécessaire que le contemplatif soit pleinement abstrait de toute activité sensible. Seulement il arrive qu'à la clarté de la lumière surnaturelle le monde sensible apparaît comme un rêve, et la lumière qui lui est propre comme une nuit ténébreuse".

Anne Catherine éclaircit d'une manière surprenante ce qui vient d'être dit quand elle décrit ainsi sa vie visionnaire : "Pendant mon travail (elle veut parler des travaux de couture pour les pauvres et les malades auxquels elle s'occupait nuit et jour avec le plus grand zèle, quand ses souffrances le permettaient), pendant mon travail, j'ai des visions tellement continuelles, que je vois comme en songe courir le tranchant des ciseaux et que parfois il me semble que je coupe au beau milieu des objets dont je suis entourée dans la vision. Ce qui m'entoure réellement est pour moi comme un rêve : tout s'y montre si trouble, si opaque et si décousu que c'est comme un songe informe du milieu duquel je regarde dans un monde lumineux, tout pénétré de clarté, où les choses bonnes et saintes réjouissent plus profondément parce qu'on voit comment elles viennent de Dieu et vont à Dieu, et où les choses mauvaises et impies affligent plus profondément parce qu'on reconnaît la voie par laquelle elles vont du démon au démon, contre Dieu et sa créature. Cette vie dans laquelle rien ne fait obstacle, où il n'y a ni temps, ni espace, rien de matériel, rien de caché ; cette vie où tout parle et où tout reluit, apparaît si parfaite et si libre que la réalité aveugle, boiteuse et bégayante y semble un vain songe. Ainsi, par exemple, je vois toujours les reliques briller auprès de moi, et je vois souvent comme des troupes de petites figures humaines planer au dessus de ces reliques dans le lointain des nuages ; mais quand je reviens à moi, je vois reparaître les formes des châsses et des endroits où reposent ces ossements lumineux". En ce qui touche l'auréole des reliques, elle s'exprimait ainsi dans une autre occasion : "Je ne puis décrire ce que je ressens, je ne vois pas seulement, je sens une lumière, tantôt plus vive, tantôt plus pâle. Cette lumière semble se diriger vers moi, comme la flamme suit la direction du courant d'air. Mais je sens encore la liaison de ce rayon avec tout un corps lumineux et de ce corps avec un monde de lumière qui prend lui même sa source dans une autre lumière ; mais qui peut exprimer ces choses. Ce rayon me ravit, je ne puis m'empêcher de le presser contre mon cœur (elle portait toujours involontairement à son cœur les fragments de reliques qu'on lui présentait) ; puis c'est comme si j'entrais, par ce rayon, dans le corps auquel il appartient, dans les scènes de sa vie et dans ses états de lutte, de souffrance ou de triomphe. Car dans la vision je suis la direction qu'il plaît à Dieu de me donner. Il y a des rapports intimes, merveilleux entre notre corps et notre âme. L'âme sanctifie et profane le corps, autrement aucune expiation, aucune pénitence ne pourrait s'accomplir par le corps. Comme les saints pendant leur vie agissaient au moyen de leur corps, de même ils agissent séparés de lui, et même encore par lui sur les croyants ; mais la foi est la condition qui seule rend capable d'en ressentir la sainte influence”.

De même qu'Anne Catherine avait des visions et reconnaissait les reliques dans l'état de veille naturel, de même aussi elle voyait dans toute l'église la célébration non interrompue du saint sacrifice de la messe.

Un jour le pèlerin entra dans sa chambre pendant qu'on sonnait la sainte messe ; elle priait dans un profond recueillement, et elle lui dit ensuite : "Je voyais en ce moment la scène du Vendredi Saint, le Seigneur s'offrant en victime sur la croix, avec Marie et le disciple au pied de la croix, sur l'autel où le prêtre célébrait la messe. Je vois cela à chaque heure du jour et de la nuit ; je vois toute la paroisse, comment elle prie, bien ou mal ; je vois aussi comment le prêtre remplit sa fonction. Je vois d'abord l'église d'ici, puis les églises et les paroisses des environs, à peu près comme on voit un arbre voisin chargé de fruits et éclairé par le soleil, puis d'autres groupes d'arbres dans le lointain ou toute une forêt. Je vois célébrer la messe dans le monde, à toutes les heures du jour : je vois même des pays lointains où on la célèbre encore tout à fait comme du temps des apôtres. Je vis, au dessus de l'autel, une liturgie céleste ou les anges suppléent à tout ce qui est omis par le prêtre. J'offre aussi mon cœur en sacrifice pour l’indévotion de l'assemblée, et je supplie le Seigneur de faire miséricorde. Je vois beaucoup de prêtres célébrer d'une manière déplorable. Ceux qui raides et empesés, s'appliquent par dessus tout à être bien en règle pour l'extérieur, sont généralement les pires, parce que souvent cette préoccupation leur fait négliger toute dévotion intérieure. Ils se disent toujours : "quel effet ferai je sur le peuple ?" et ils ne pensent pas à Dieu. J'ai cette impression depuis ma jeunesse. Quand le pèlerin est entré, j'étais à contempler la sainte messe ; je continue à le voir et je parle comme on le fait, lorsque sans cesser de travailler, on répond à un enfant qui fait une question. Il m'arrive dans la journée de voir à distance cette sainte cérémonie. Jésus nous aime tant qu'il continue éternellement son œuvre de rédemption dans le saint sacrifice de l'autel, et la sainte messe est la rédemption historique, couverte d'un voile et devenue sacrement. Toute opération de Dieu est éternelle, mais dans ses rapports avec notre vie temporelle qui est successive, elle est promesse avant d'entrer dans cette succession, et quand elle est passée dans le temps fini, elle y apparaît sous forme de mystère et s'y continue ainsi. Je voyais déjà tout cela dès ma première jeunesse, et je croyais que tout le monde le voyait de même".

La communication suivante nous donne des éclaircissements encore plus précis sur la manière dont Anne Catherine, pendant cette double vue, restait en rapport avec les personnes qui l'entouraient. Voici ce qu'elle dit une fois en octobre 1819 : "Depuis deux ou trois jours je suis continuellement entre la vue sensible et celle qui est au dessus des sens. J'ai sans cesse à me faire violence : car tout en conversant avec ceux qui m'approchent, je vois tout à coup devant moi de tout autres choses et de tout autres scènes. Alors mes propres paroles me font l'effet de la voix d'une autre personne qui se ferait entendre, sourde et mal articulée, de fond d'un tonneau vide. C'est aussi comme si j'étais ivre et au moment de tomber : toutefois ma conversation va tranquillement son train, et souvent elle est plus animée qu'à l'ordinaire, sans que je sache ensuite ce que j'ai dit ; et cependant mes discours sont bien suivis. C'est une grande fatigue pour moi que de me tenir ainsi dans deux états à la fois. Les objets présents que je vois avec les yeux m'apparaissent confusément : je suis à leur égard comme une personne assoupie à laquelle il vient un songe : l'autre vue m'entraîne impérieusement : elle est plus lucide que la vue naturelle, et ce n'est pas par les yeux qu'elle se produit".

V

Sainte Hildegarde disait qu'elle ne savait rien que ce qu'elle contemplait et ce qu'elle apprenait dans la contemplation : de même Anne Catherine indique ses visions comme la source exclusive de ce qu'elle sait et de toutes ses connaissances. Dans sa septième année, après avoir fréquenté l'école quatre mois à peine, elle fut congédiée parce que le maître déclarait qu'il n'avait rien à lui apprendre vu qu'elle savait d'avance tout ce qu'il devait dire avant qu'il lui donnât sa leçon. Ce fait mérite une attention particulière, car le procédé purement intuitif d'Anne Catherine, à toutes les époques de sa vie et dans toutes les situations où elle se trouvait, lui rendait presque impossible, parce qu'elle la rendait superflue, toute réflexion rétroactive et en général toute opération discursive de l'esprit : cela rendait souvent difficile, comme on le fera mieux voir plus tard, la communication complète de ses visions au pèlerin. Dans son journal de 1819, le pèlerin à consigné, à la date du 8 mai, une observation qui trouve ici sa place : "Elle me disait, écrit il, qu'elle n'avait jamais pu rien tirer des livres pour son usage. Elle n'a jamais rien retenu de l'Écriture sainte, mais elle possède si parfaite ment la vie du Sauveur, en vertu de la grâce de la contemplation, que souvent je ne puis m'empêcher de trembler eu pensant aux rapports si intimes et si familiers dans lesquels je vis avec la créature la plus merveilleuse, la plus favorisée dont on ait peut être jamais eu à parler. Une autre fois elle racontait au pèlerin : "Je n'ai jamais rien retenu par cœur des Évangiles ni de l'Ancien Testament : car j'ai tout vu moi même pendant tout le cours de ma vie : j'ai revu tous les ans les mêmes choses, exactement de la même manière et avec les mêmes circonstances quoique souvent avec l'adjonction d'autres scènes. Souvent je me suis trouvée à l'endroit même avec les auditeurs et j'ai assisté à l'événement comme y prenant part, cependant je ne suis pas restée chaque fois à la même place : le plus souvent j'étais élevée au dessus de la scène et je la voyais au dessous de moi. Il y avait d'autres choses, principalement le côté mystérieux, que je voyais intérieurement comme dans ma conscience, tandis que certains détails m'apparaissaient en images hors de la scène. J'avais dans tous les cas la faculté de voir à travers toutes choses, en sorte qu'aucun corps ne pouvait cacher l'autre : sans cela il s'y serait mis de la confusion".

Même dans un âge plus avancé, Anne Catherine ne pouvait pas se familiariser avec les livres : "Au couvent, disait elle, je voulais quelquefois regarder dans les livres, mais c'était toujours pour moi une misère. Grâce à Dieu je n'ai presque rien lu et quand je vois un livre, il me semble que je le sais par cœur. "Cette dernière observation s'applique surtout aux livres ascétiques ou aux vies des saints, et elle en donne la raison dans cette remarque singulièrement frappante sur la vie de saint François Xavier par le P. Croiset : "il n'y a aucun saint touchant lequel j'aie tant vu de choses ; je crois que j'ai vu toute sa vie. Ce récit qui en est fait se présente à moi comme ces étiquettes qu'on suspend çà et là à des fils sur un carré de jardin ensemencé, pour savoir quelle graine a été mise dans tel et tel endroit : mais tout le carré ressemble encore à une terre où rien n'a poussé. Cela m'aide pourtant à me rappeler le jardin tout couvert de fleurs que j'ai vu".

Toutefois ce n'étaient pas seulement les choses surnaturelles et les mystères de la foi qu'elle connaissait par les visions, mais elle était instruite même en ce qui concernait les choses de la vie commune d'une manière analogue à sa contemplation. Elle parle à ce sujet d'une façon touchante dans une communication relative au temps de son enfance : "Combien Dieu a toujours été bon avec moi ! Je pouvais tout : il a travaillé avec moi quand j'étais enfant. Je m'en souviens ; à l'âge de six ans je faisais déjà comme à présent (dans sa 55e année). Mon frère cadet n'était pas encore né ; je gardais les vaches et je savais qu'il me naîtrait un frère. Je ne puis dire comment je le savais ; mais j'avais envie de faire pour ma mère quelque chose qui pût servir à l'enfant et pourtant je n'étais pas encore en état de coudre : j'avais pris avec moi les habits de ma poupée et le jeune homme (son ange gardien) vint à moi, il me donna des leçons et m'aida à faire avec les habits de ma poupée un très joli bonnet d'enfant et d'autres petits objets que je donnai tous à ma mère. Elle fut très surprise que j'eusse pu en venir à bout ; elle les prit pourtant et s'en servit : je la vis pleurer en secret et montrer tout cela à mon père et à d'autres personnes. Elle me cacha sa surprise. A cette époque j'ai fait aussi des bas pour de pauvres enfants avec le jeune homme. Décembre 1819.

VI

Sainte Hildegarde a distingué une double lumière ; l'ombre de la lumière vivante et la lumière vivante elle même. Cette dernière, ajoutait-elle, lui était communiquée beaucoup plus rarement Elle donne à la première le nom d'ombre parce que celle ci moins subtile et plus accommodée à la nature humaine est avec l'autre, qui est infiniment plus vive et plus pénétrante, dans le même rapport que l'ombre avec la clarté du soleil. Aussi, dès qu'elle reçoit la lumière vivante, elle est ravie hors de la sphère de sa vie ordinaire et se trouve avec la sérénité et la liberté d'esprit d'un enfant auquel toutes les nécessités et les misères de ce bas monde sont complètement étrangères, soit que dans ce haut degré d'extase, elle soit privée de l'usage de ses sens et tout absorbée en Dieu, soit que dans cette lumière supérieure elle contemple des mystères qui ferment ses sens au monde extérieur et la remplissent d'une consolation et d'une joie merveilleuses, afin qu'elle puisse retourner ainsi fortifiée aux fatigues de la vie terrestre. Pareille chose se retrouve dans la vie d'Anne Catherine. Nous ne citerons qu'un exemple entre mille pour éclaircir ce qui vient d'être dit. La veille de Noël 1819, elle vit célébrer cette sainte fête dans l'Église triomphante et il lui fut permis de prendre part à sa joie. "Sa jubilation fut alors si grande que le pèlerin dominé par le sentiment de sa misère et de celle de tous les pécheurs ne put s'empêcher de pleurer : pour elle, elle rayonnait de joie ; son esprit, son langage et son visage étaient vivifiés par une allégresse impossible à décrire : il y avait dans son langage une telle profondeur, une telle facilité à exprimer les choses lés plus sublimes et les plus mystérieuses, que le pèlerin en était remue jusqu'au fond de l'âme. Il ne peut reproduire qu'à l'état de misérable ébauche ce que sa parole vivement colorée ou plutôt enflammée faisait briller au sein des ténèbres de cette vie. "

A cette catégorie appartiennent en général tontes les visions qui mettaient Anne Catherine en relation avec l'Eglise triomphante aux fêtes de laquelle il lui était donné de prendre part suivant l'ordre de l'année ecclésiastique, comme cela était arrivé autrefois à la bienheureuse Lidwine de Schiedam, avec laquelle elle a tant de ressemblance. Dans ces occasions, elle était tellement inondée de joie qu'elle éclatait en chants de jubilation pour célébrer les louanges de Dieu avec les choeurs des bienheureux. C'était aussi dans la lumière vivante qu'elle contemplait ces autres visions où son fiancé divin venait lui même la consoler dans ses douleurs indicibles et où elle recevait la force nécessaire pour prendre sur elle de nouvelles souffrances.

Sainte Hildegarde dit que son âme n'était jamais privée de l'ombre de la lumière vivante, et cela convient aussi parfaitement à Anne Catherine : car elle non plus n'en fut jamais privée depuis sa plus tendre enfance et elle vivait plus dans ses visions que dans les rapports avec le monde sensible. Étant encore au couvent,. elle eut, jour et nuit, pendant des mois entiers des visions où elle accomplissait dans l'oraison des travaux symboliques, ce qui ne l'empêchait pas de se livrer en même temps à des travaux de toute espèce, soit dans la maison, soit dans l'église. Toutefois elle ne recevait pas par cela seul l'intelligence complète de tout ce qu'elle voyait dans cette lumière : comme sainte Hildegarde, elle avait encore besoin de là lumière vivante pour comprendre ce qu'elle avait vu et en pénétrer la signification. Anne Catherine, en effet, se comportait à l'égard de toutes ses visions d'une manière purement passive, elle recevait la vision avec candeur et comme une personne qui d'abord ne sait pas positivement ce qui lui est montre, ni ce qui doit suivre, elle exprimait naïvement son admiration ou sa surprise ; souvent aussi elle demandait avec instance que telle ou telle représentation lui fût épargnée : " Que puis je faire de cela, moi chétive ? disait elle. Elle reçoit ensuite l'intelligence par la lumière vivante, ce qu'elle exprime à peu près en ces termes a Mon fiancé me montrait tout clairement, distinctement et intelligiblement, d'une manière plus claire que la lumière du jour ; il me semblait alors qu'un enfant pouvait comprendre tout cela, et maintenant je n'en puis plus rien rapporter.. Je voyais infiniment de choses que le langage ne peut pas rendre. Comment exprimer avec la langue ce qu'on voit autrement qu'avec les yeux ?

VII

A la grâce des visions furent unies, pour Anne Catherine, des souffrances et des tortures dans le corps et dans l'âme dont la grandeur fait trembler la nature humaine, même lorsque pour les supporter courageusement pendant de longues années la patience reçoit des secours qui l'élèvent au plus haut degré de l'héroïsme : de là les supplications qu'elle adressait si souvent à Dieu pour qu'il lui épargnât tel ou tel spectacle, de là ses plaintes exprimées en ces termes : "Hélas ! pourquoi faut il que je voie toutes ces choses ? à quoi cela peut il me servir ? Si l'on savait quelles horribles souffrances je dois endurer pour pouvoir raconter tout cela ? " Ces souffrances avaient leur source dans sa profonde connaissance de la sainteté de Dieu et de la misère du monde, telle que le péché l'a fait ; et comme toutes les abominations et toutes les misères de l'humanité pécheresse lui étaient montrées à elle, la pure et innocente enfant, afin qu'elle se chargeât de faire pénitence pour ces innombrables offenses, elle crut souvent qu'elle ne pourrait résister à la douleur de ce spectacle. Voici, par exemple, ce qu'elle raconta le 13 décembre 1819 : `' Toute cette nuit, j'ai eu à combattre sans relâche, et je suis encore toute épuisée des efforts que j'ai faits pour échapper aux spectacles lamentables que j'ai vos. Mon conducteur m'a fait faire tout le tour de la terre, et cela en passant incessamment par de grandes cavernes faites de ténèbres, où je voyais errer une foule innombrable d'hommes adonnés aux oeuvres de la nuit. Souvent, quand ma tristesse était telle que je ne pouvais plus la supporter, mon guide me conduisait pour quelques moments à la lumière, puis il me fallait rentrer dans les ténèbres et voir de nouveau toutes les formes de l'impiété. Souvent je m'éveillais (du sommeil extatique ) à force d'angoisse et de terreur ; je voyais la lune briller paisiblement à la fenêtre, et priais Dieu en gémissant de ne pas me faire voir ces horribles images mais il me fallait de nouveau descendre dans ces affreuses ténèbres et voir les abominations, etc. "

Le 19 juillet 1820, l'état où se trouvait alors l'Eglise d'Espagne et les persécutions qui devaient plus tard fondre sur elle, furent montrés à Anne Catherine dans une grande vision. Elle en fut si profondément affligée que cette pensée s'éveilla en elle : " Pourquoi faut il que je voie tout cela, moi, pauvre pécheresse ; je ne puis pas le raconter, et il y a tant de choses que je ne comprends pas ! " Alors, elle reçut cette réponse de son conducteur " Tu demandes pourquoi tout cela " tu ne peux pas savoir combien d'âmes liront un jour cela et seront par là consolées, ranimées et excitées au bien. Il existe beaucoup de récits de grâces semblables accordées à d'autres, mais la plupart du temps ils ne sont pas faits comme il faudrait ; puis les anciennes choses sont devenues étrangères aux hommes de ce temps, et elles ont été discréditées par des inculpations téméraires : ce que tu peux raconter est suffisamment intelligible, et cela peut produire beaucoup de bien que tu ne peux pas apprécier. Ces paroles me consolèrent.

VIII

D'après ce qui a été cité, le lecteur peut facilement deviner combien les visions d'Anne Catherine ont embrassé d'objets. Goerrès le père, qui avait pris connaissance des notes du pèlerin, et qui était aussi compétent qu'aucun de ses contemporains pour apprécier l'esprit qui inspirait la servante de Dieu, s'exprime ainsi dans le second volume de sa Mystique, p. 348 : " Ses visions ne se sont pas bornées à la Passion, mais, durant trois ans, elles suivent le Seigneur pas à pas dans toutes ses courses à travers toute la Palestine. La nature du pays, les rivières, les montagnes, les forêts, les lieux habités, les moeurs et les coutumes, le costume et la manière de vivre, tout passe devant ses yeux de la manière la plus claire et la plus distincte. Aux personnages, aux localités, aux tableaux de l'année ecclésiastique qui servent d'intermèdes, se rattachent épisodiquement des scènes qu'un regard jeté en arrière va chercher dans un passé encore plus reculé, en sorte que sa vue embrasse tout ce passé en remontant jusqu'à l'origine des choses. Tout cet ensemble se résume dans une puissante épopée religieuse qui, se jouant entre le ciel et la terre, se divise avec les époques du monde et se subdivise avec les générations humaines. C'est comme un océan, sorti d'une source cachée pour entourer la terre de ses flots, et tandis que sa surface réfléchit la magnificence de ses rivages et les richesses accumulées par les siècles, il n'en reste pas moins transparent jusqu'au fond, en sorte que le regard découvre dans ses profondeurs un monde de merveilles et y saisit les liens intimes et cachés des choses : aussi peut on voir là le spectacle le plus admirable, le plus riche, le plus vaste, le plus profond et le plus saisissant qui se soit jamais produit devant le sens contemplatif, même dans ce mode de compréhension mystique. "Mais pour que le lecteur puisse arriver à une vue plus claire et entrer davantage dans le détail de ce qu'embrassent les visions d'Anne Catherine, on essayera, dans ce qui va suivre, de lui donner une clef qui puisse lui ouvrir l'entrée de ce cercle merveilleux.

Comme on l'a déjà fait remarquer plus haut, les premières visions de sa jeunesse appartenaient pour la plupart à l'Ancien Testament : elle en eut plus tard sur la vie du Sauveur, d'abord rares, puis de plus en plus fréquentes. Elle voyait tout l'Ancien Testament dans sa signification figurative et éternelle, c'est à dire dans la liaison intime qui le rattache par tous les points au mystère de la très sainte Incarnation et à celui de la Rédemption. Elle voyait ce rapport comme quelque chose de vivant qui descendait le cours des siècles à travers des séries d'époques et de générations déterminées par Dieu. Elle voyait les personnages qui, dans cet ordre disposé Par Dieu étaient appelés par lui à avancer pour leur part la plénitude des temps toute leur histoire et tous leurs actes jusque dans les plus petits détails. Elle connaissait la position et la signification particulière que chacun d'eux avait dans l'ordre du salut par rapport à son époque et par rapport au Sauveur lui même. Elle voyait toutes les grâces que Dieu leur avait accordées, comment Dieu les avait dirigés et comment les fruits de bénédiction produits par l'action qu'ils avaient exercée s'étaient perpétués de génération en génération. Elle voyait en outre le travail de l'enfer, les formes infiniment variées et les influences diaboliques de l'idolâtrie. Elle apercevait toutes les perturbations suscitées par la puissance ennemie toutes les attaques par lesquelles le royaume de Satan menaçait. dès l'origine. l'économie du salut.

Elle voyait toutes ces images dans un rapport continuel avec le présent. Ainsi, à la vision sur le bâton d'Elisée, se liait pour elle la signification du bâton pastoral des évêques, la cause de son pouvoir intérieur et de sa dignité, et la relation de toutes ces choses avec celui qui donne à tous leur mission, et avec la foi qui donne l'efficacité à tout pouvoir conféré par lui.

Rien donc qui ne trouve sa place dans la sphère des visions de cette enfant humble et naïve : de même que les plus profonds mystères de la grâce sont à découvert devant ses yeux, de même aussi une foule de détails qui paraissent appartenir davantage au cadre de l'Histoire Sainte sont visibles pour elle. Ainsi, par exemple, pendant qu'elle voit le corps d'Adam dans sa gloire avant la chute et les conséquences humiliantes que la chute entraîne pour lui dans on rapport mystérieux avec les cinq plaies du corps du Christ, dans les mérites infinis desquelles elle voit la restitution des cinq effluves de lumière qu'Adam avait perdus dans la chute, mais qui lui seront rendues dans son corps glorifié, elle voit une fois la source du Jourdain ouverte par Melchisédech et le lit du fleuve lui être désigné d'avance. C'est Melchisédech qu'elle voit mesurer l'emplacement de la piscine de Bethesda, de même que les chemins et les sentiers que les prophètes ont suivis en annonçant le Messie, et sur lesquels lui même, pour accomplir cette figure, devait parfaire sa sainte carrière de prédicateur. Melchisédech sépare et conduit les familles et les races de peuples, il pose à Sion la pierre sur laquelle doit s'élever plus tard le sanctuaire de Dieu, il planté dans le Jourdain comme des semences les pierres qui auront à supporter l'arche d'alliance quand le peuple de Dieu reprendra possession de l'héritage de ses pères et qui, après un long oubli, sortent de nouveau des flots du Jourdain, afin que celui que figurait l'arche d'alliance, le fils de Marie, reçoive sur elles le baptême. De même enfin qu'Anne Catherine voit tous les événements de la vie extérieure de Noé, Hénoch, d'Abraham et des patriarches, elle reconnaît aussi la signification figurative de chacune de leurs actions et aperçoit les liens intérieurs de la grâce et ses influences mystérieuses, le noeud vivant et éternel par lequel les personnes, les générations et les époques sont rattachées entre elles et au point central de tous les temps, et elle met cela devant les yeux, dans des visions pleines du sens le plus profond sur la bénédiction des patriarches, l'arche d'alliance et les ancêtres de Marie.

C'est ainsi qu'elle arrive à l'époque de l'accomplissement, et comme, auparavant, elle a vu ce qui est nouveau dans ce qui est ancien, elle voit maintenant ce qui est ancien dans ce qui est nouveau : toute la vie de l'Homme Dieu sur la terre, depuis l'instant de la très sainte Incarnation jusqu'à celui où il monte au ciel, passe devant ses yeux dans les tableaux les plus complets, avec tout le théâtre de sa carrière et de ses opérations, avec toutes les personnes qui se sont trouvées en rapport intime avec le Seigneur. Elle voit le Seigneur dans les fruits de ses mérites infinis, elle le voit par conséquent comme la tête de l'humanité régénérée en lui, c'est à dire de son corps mystique, l'Eglise, et elle voit celle ci dans toute sa hiérarchie, dans toutes ses parties et à tous ses degrés, sans être limitée par le temps ou l'espace. Car en Jésus Christ qu'est la tête, les rangs de l'Eglise triomphante lui sont ouverts : elle est ravie en esprit pour assister à ses fêtes, suivant l'ordre de l'année ecclésiastique, et elle y reçoit des consolations qui l'aident à supporter les fatigues de sa course sur la terre. En lui aussi les rangs de l'Eglise souffrante lui sont ouverts ; et en les parcourant, non seulement elle regarde, mais elle console, assiste, délie et délivre.

En lui, enfin, toutes les époques de l'Eglise lui sont présentes ainsi que la vie de tous ses saints et l'action exercée par eux, à partir du temps des apôtres jusqu'au moment où elle vit, et, semblable à une abeille, elle recueille les fruits bénis de leurs mérites pour en tirer de quoi fortifier et soulager tous les nécessiteux de son époque.

IX

Toutes ces visions ont le caractère historique le plus rigoureux ; ce ne sont pas des réflexions sur les événements, c'est le reflet immédiat, complet des faits eux mêmes, lesquels sont présentés à la voyante comme l'image dans le miroir (6). C'est là ce qui donne aux visions d'Anne Catherine une supériorité marquée sur les visions de Marie d'Agreda, telles qu'elles sont consignées dans le livre si célèbre autrefois de la Cité mystique de Dieu. Autant ces deux personnes se ressemblent en ce qui touche la sainteté de la vie, autant est grande d'un autre côté la différence qui existe dans leurs prédispositions naturelles et par suite dans la manière dont elles perçoivent la lumière d'en haut et usent du don de contemplation qu'elles ont reçu.

La vénérable Marie d'Agreda, favorisée dès sa jeunesse, comme Anne Catherine, d'illuminations divines, est par nature un esprit spéculatif, viril, qu'il est tout simple de voir procéder à la façon des théologiens et faire usage, sans avoir besoin pour ainsi dire de les chercher, de tous les termes et de toutes les subtilités de l'école : ce n'est qu'après une longue préparation et après avoir longtemps exercé ses facultés contemplatives sur tous les mystères de la foi et de la vie spirituelle qu'elle en vient à retracer ses visions.

Mais dans la contemplation même un esprit ainsi formé et comme armé de toutes pièces ne peut pas se comporter d'une façon purement passive : il s'empare de l'objet, non pour le regarder, mais pour en scruter la vérité et la profondeur, en saisir le rapport immédiat avec sa propre manière d'être et en tirer tout le profit possible pour soi et pour autrui. Au sein de l'abondante lumière dont elle est favorisée, Marie d'Agreda pénètre dans les mystères contemplés et l'intelligence qu'elle en a est aussi profonde et aussi claire que la contemplation elle même : mais la méditation ne cesse pas d'être méditation et ne peut s'appeler vision qu'à cause de la lumière surnaturelle dans laquelle les mystères se manifestent a elle. Ses visions ne sont donc pas des intuitions de faits ou d'événements dans des tableaux strictement historiques, mais sont plutôt la perception d'un sujet de méditation choisi par elle même dans la lumière supérieure infuse.

Il en est tout autrement d'Anne Catherine qui, sans choix, sans désir, n'agissant pas mais se bornant à recevoir, voit les images qui lui sont présentées, tantôt les accueille avec une adhésion joyeuse, tantôt s'efforce en vain d'y échapper lorsque la peine causée par ce qu'elle voit lui semble au dessus de ses forces. Elle est, pendant toute sa vie, la petite paysanne simple, illettrée, tout à fait incapable de réflexion, qui ne va jamais au delà de ce qui est immédiatement contemple ; qui vit, souffre et agit dans la contemplation, de telle façon que le pèlerin, peu avant sa mort, lorsqu'elle ne peut pas rendre compte d'une instruction du Sauveur, dit en gémissant : "Je n'ai jamais vu se produire en elle une science particulière résultant des enseignements qu'elle avait entendus, mais seulement un ascétisme pratique toujours semblable à lui même dans ses traits généraux. La vie de son âme est magiquement active et passive sans raisonnement. " Le raisonnement ne pouvait assurément être son affaire, parce que vivant exclusivement dans la contemplation actuelle, elle n'avait besoin d'aucune idée qui en dérivât. C'est pourquoi dans ses visions Anne Catherine se comporte d'une manière purement passive, elle ne les comprend pas quand elles ne lui sont pas expliquées par son conducteur spirituel ou par son fiancé divin : c'est pourquoi encore tout ce qu'elle raconte de ses visions se distingue par une admirable simplicité et par une clarté qui fait presque toucher les choses au doigt, bien qu'il y ait en même temps une profondeur mystérieuse qui partout fait dire au lecteur : il n'y a rien là d'inventé, rien qui soit d'invention humaine. Nulle part non plus il ne rencontre l'ombre d'une application ornée de réflexions morales ce qu'il trouve toujours devant lui, c'est la force irrésistible de la vérité toute simple, qui dans son caractère rigoureusement historique ne peut faire naître chez personne la tentation de coudre ça et la quelque chose ou d'amplifier et de moraliser. Il en est tout autrement dans les visions de la vénérable Marie d'Agreda. comme elles se sont produites avec le concours de l'activité humaine, elles pouvaient plus facilement donner lieu à ce qu'un zèle peu éclairé ne se fît aucun scrupule de les dénaturer par des additions insipides et des changements arbitraires, comme cela s'est fait d'une manière qu'on ne saurait trop déplorer dans la Cité de Dieu (7).

Nulle part la différence signalée entré les deux contemplatives ne frappe les yeux plus vivement que dans ce que Marie d'Agreda et Anne Catherine disent du premier article du symbole. Ce fut dans sa cinquième année qu'Anne Catherine eut sa première vision sur la création du monde, le paradis terrestre et nos premiers parents : elle contempla ces tableaux profondément significatifs avec toute la simplicité d'un enfant, et dans sa quarante huitième année, après les avoir vus de nouveau, elle les raconta absolument comme elle l'aurait fait dans son enfance, rapportant simplement ce qu'elle avait vu, sans y joindre aucune réflexion et sans paraître le moins du monde vouloir donner des explications sur des mystères aussi difficiles à comprendre. C'est tout autre chose chez Marie d'Agreda, qui ne voit pas le tableau historique, mais qui sait quelles controverses théologiques préoccupent les esprits à son époque et de combien de façons la spéculation s'est efforcée de résoudre la question de savoir si le Fils de Dieu se serait fait homme lorsqu'Adam n'aurait pas péché. Elle répond à cette question d'une façon si lumineuse et discute tous les points fondamentaux avec tant de profondeur que le lecteur se sent très porté à croire que la réponse lui est venue par une illumination surnaturelle.

Mais même là où elle ne donne pas de décisions théologiques et où elle se borne à raconter des faits comme Anne Catherine, celle ci a l'avantage de la vision purement historique et par conséquent de la pleine vérité historique. C'est ce que le lecteur peut voir expliqué avec une clarté surprenante dans l'extrait suivant du journal du pèlerin.

Au récit de la mort de saint Jean Baptiste fait par Anne Catherine, à la date du 12 janvier 1823, il objectait que Marie d'Agreda raconte la chose autrement ; elle dit en effet qu'Hérodiade avant fait fouetter trois fois et torturer saint Jean, Jésus et Marie lui apparurent et le guérirent, qu'il fut mis aux fers et serait bientôt mort de faim si Jésus et Marie ne l'avaient pas nourri ; qu'en outre, lors de son exécution, ils lui apparurent, suivis d'une troupe innombrable d'anges, et que Marie prit dans ses mains la tête du : précurseur. Or, voici ce qu'Anne Catherine répondit à cela : " J'ai souvent entendu des choses de ce genre qui sont tout à fait mal comprises : car chez plusieurs les visions ne sont pas historiques et ne représentent pas les choses comme elles se sont passées réellement ; mais ce sont des méditations : c'est à tort qu'on les prend pour l'image de la réalité, ce qu'elles ne sont point, bien que d'ailleurs elles soient vraies quant à leur signification intérieure. Quand les visions ne sont pas fréquentes et ne forment pas une série successive, toutes les choses y paraissent mêlées et liées les unes aux autres, sans quoi l'on n'embrasserait pas tout ce que contient l'ensemble. Si par exemple on doit voir qu'un homme près d'être exécuté prie en ces termes : " Seigneur, je remets ma tête entre vos mains, "et en outre que Dieu exauce cette prière, il peut facilement arriver qu'on voie l'homme décapité mettre sa tête dans les mains du Seigneur qui se tient prés de lui, ce qui du reste se trouve véritable dans le sens spirituel, bien qu'humainement parlant, la tête tombe par terre aux yeux de tous les assistants. Ainsi, pour la vénérable Marie d'Agreda, la rage d'Hérodiade peut avoir été représentée par "les chaînes et les entraves ; les actes honteux et les péchés commis dans le château que Jean ressentait douloureusement par "les flagellations et les tortures : " et la tête entre les mains de Marie peut avoir signifié qu'au moment de sa mort, avant de naître à la vie éternelle, Jean se souvint encore de celle dans le sein de laquelle il avait salué et annoncé Jésus, avant sa naissance sur la terre. On peut aussi voir toutes les pensées et les prières d'un homme, représentées par des images où il ne faut pas toujours voir les choses arrivées réellement. Ce sont des méditations et elles diffèrent suivant la manière d'être et les besoins des contemplatifs.

Si, comme on l'a déjà remarqué, on peut admettre comme certain que la Cité de Dieu ne se trouve pas entre nos mains dans sa forme primitive, parfaitement correspondante à la contemplation de Marie d'Agreda, mais altérée de mille manières par l'addition des réflexions prolixes ; si, en outre, plusieurs lecteurs des visions présentées ici se sentent tentés d'établir de plus près la comparaison entre celles ci et la Cité de Dieu, c'est le cas de leur mettre sous les yeux, une vision allégorique, d'un sens très profond dans sa simplicité, qu'Anne Catherine eut sur cet objet.

Le 25 juillet 1822, Anne Catherine vit beaucoup de choses touchant la vie de l'apôtre saint Jacques, et particulièrement touchant son séjour en Espagne. Mais comme elle avait oublié les détails d'une apparition de la mère de Dieu à Sarragosse, le pèlerin lui lut dans l'après midi du 24 juillet le récit de cette apparition, avec la circonstance de l'image miraculeuse apportée par un ange, tel que le récit se trouve dans la Cité de Dieu. Or Anne Catherine ne pouvait pas comprendre comment Marie d'Agreda, qui était censée avoir vu la chose avec autant de détails, ne décrivait pourtant rien et ne donnait que de pures phrases. "Je ne sais pas ce qui en est, dit elle, mais je n'entends jamais ni Jésus, ni Marie parler ainsi. Marie est d'une simplicité que rien ne peut rendre : tout son être est comme un fil de soie blanche, d'une délicatesse infinie. Je ne sens pas d'onction dans ces paroles ni dans tout ce que j'ai lu : il n'y a là que du bruit et des ornements recherchés : il me semble voir une belle dame avec un large éventail de toilette. "

Le lendemain elle raconta par fragments la vision suivante sans s'apercevoir le moins du monde de sa liaison avec les visions des jours précédents. " Il était impossible, disait elle, d'expliquer à quoi cela pouvait avoir trait. On finit par savoir qu'elle avait pensé au miracle de Sarragosse, et désiré le voir de nouveau : mais elle avait été surprise a de voir tout cela d'une autre manière, bien plus naturelle et plus claire : seulement elle ne savait pas ce que c'était que cette personne si larges Elle avait été introduite par son guide dans la scène suivante qui cette nuit avait pris la place des voyages qu'elle faisait ordinairement pour porter secours, après les visions journalières de la vie de Jésus : car elle était allée comme de coutume par les chemins qui menaient aux pays où elle avait quelque chose à voir.

Elle raconta donc ce qui suit : J'ai eu aujourd'hui une curieuse histoire d'un enfant avec un seul oeil. Je suivais avec mon conducteur le chemin qui mène d'ici en Espagne à travers la France et, dans le voisinage de l'Espagne, à un endroit sur le bord de la mer, où nous devions nous embarquer, nous rencontrâmes deux personnages étranges, un vieillard à l'air grave qui était vraiment excellent et qui possédait tout en lui même, et une large femme, qui était singulièrement pompeuse, prolixe, contournée et cérémonieuse. Elle portait une robe ridiculement large, qui ressemblait par derrière à une vieille ville. Elle était avec cela couverte de cordons avec toute sorte de collerettes et de garnitures, et elle n'en finissait jamais avec ce qu'elle avait à faire et à dire. Ces deux personnages avaient près d'eux un enfant merveilleux couché sous un buisson au bord de la mer. à vrai dire l'enfant ne leur appartenait pas : ils l'avaient pris, trouvé ou dérobé : enfin ils s'en étaient emparés et ils voulaient s'en faire honneur ou le faire voir pour de l'argent. Je ne sais pas bien de quoi il s'agissait, mais ce qu'ils se proposait fit d'en faire, surtout la femme, n'était pas dans les règles. Je vis aussi dans une vision qui faisait le pendant de l'autre que cette large p nue qui faisait la dévote, et qui était très obstinée dans ses idées, portant l'enfant qu'elle étouffait sous ses immenses vêtements, voulait entrer dans l'église par un passage très étroit ; mais elle n'en venait pas à bout et restait toujours sans pouvoir avancer, dans l'étroit passage : elle était obligée de sortir, puis elle essayait encore d'entrer avec une nouvelle obstination, mais sans vouloir déposer ses vains ajustements.

L'enfant, lorsque je le rencontrai, avait, je crois, cinq semaines ; je le pris avec moi, car je le connaissais déjà, et je le mis dans mon tablier. Il ne voulait pas me quitter, je lui donnai à manger, et cette femme fut obligée de se retirer. Je ne sais plus bien comment cela se fit, mais le bon vieillard resta toujours prés de moi. Cet enfant était celui d'un roi céleste et d'une impératrice de la terre : je ne sais plus cette histoire. une chose singulière fut qu'étant avec moi, l'enfant prit une croissance très rapide : il fut tout de suite en état de parler et de marcher, bien qu'il n'eût que cinq mois. Dans ce voyage en Espagne, il y avait toujours des gens près de moi, c'étaient saint Jacques et ses disciples. Je vis dans le lointain diverses personnes du temps actuel : quand nous passions quelque part, il venait plusieurs saints qui avaient vécu dans cet endroit ; ils étaient surpris à la vue de l'enfant qui partout se tenait debout et enseignait, qui donnait toute espèce d'indications et restait toujours près de moi. Mais ce qu'il y avait de surprenant dans cet enfant, c'est que ses yeux étaient fermés, et qu'il avait sur le front un oeil semblable à un soleil, semblable à l'oeil de Dieu ; et qu'en parcourant avec moi toute l'Espagne, en passant dans les endroits où saint Jacques était allé, il me montrait tout et m'expliquait tout. Je vis aussi une seconde fois la scène de l'apparition de Marie à saint Jacques, à Saragosse, et tout s'y passait très naturellement. "

Si nous cherchons maintenant à découvrir le sens de cette vision, nous pouvons voir Marseille dans cet endroit au bord de la mer, où Anne Catherine s'embarque pour l'Espagne. C'est là que parut la première traduction de la Ciudad de Dios, sous le titre de : La mystique cité de Dieu. Les deux étranges personnages qu'elle rencontre symbolisent la double disposition avec laquelle furent reçues les visions de la vénérable Marie d'Agreda. Le vieil homme qui a tout en lui même est la vraie simplicité qui reçoit avec une humble reconnaissance ce don précieux de la grâce sans se permettre d'y ajouter des embellissements de sa façon. C'est avec cette simplicité que la vénérable Marie d'Agreda avait reçu ses visions, et les avait communiquées à d'autres pour obéir à l'ordre de Dieu : mais ceux ci, ne pouvant souffrir la simplicité, font subir aux visions des remaniements qui sont indiqués d'une manière si pittoresque par le symbole de la femme en robe à paniers comme on les portait en Espagne au XVII siècle. C'est pourquoi ce faux zèle qui, sacrifiant au mauvais goût de l'époque, a dénaturé la Cité de Dieu et en a fait une pomme de discorde théologique, n'a pas réussi à obtenir pour elle l'approbation de l'Eglise. Le don gratuit de prophétie, tel que Marie d'Agreda l'a reçu dans toute sa pureté, est représenté par le symbole de l'enfant né du mariage de Jésus Christ le roi céleste avec sa fiancée l'impératrice de la terre, c'est à dire l'Eglise. Anne Catherine le rencontre sous un buisson au bord de la mer : car la femme aux larges atours l'a traité comme un enfant trouvé et en a usé indignement avec lui, s'imaginant faire une bonne oeuvre. Cet enfant de prophétie avec la vénérable Marie d'Agreda n'a que cinq semaines et ne sait pas encore parler : avec Anne Catherine, il grandit au quadruple et se trouve en état de parler et de marcher. C'est un symbole non seulement de la différence de degré dans la grâce gratuite départie à l'une et à l'autre, mais aussi de son caractère intime. Marie d'Agreda parle elle même à la place de l'enfant prophétique qui avec elle n'a pas encore l'usage de la parole, parce que, recevant dans la contemplation la lumière de la science infuse, elle laisse prédominer son activité propre tandis qu'avec Anne Catherine l'enfant avant acquis promptement l'usage de la Parole Parle lui même par sa bouche, parce qu'elle se borne à recevoir, et que son activité même est passive. Elle nourrit l'enfant parce qu'elle use avec fidélité et simplicité du don de la grâce, et le vieillard reste toujours près d'elle, car le pèlerin reproduit les visions aussi fidèlement et aussi simplement qu'Anne Catherine les lui communique.

Anne Catherine continua ainsi son récit : " Partout où nous allions' il arrivait d'en haut des troupes entières de saints qui avaient eu aussi des visions : tous étaient émerveillés de l'enfant, et l'enfant me les montrait du doigt, me faisant connaître comment chacun d'eux avait vu et prophétisé, et je vis là combien il y a de diversité et de variété dans les procédés. Et cela s'est fait sur toute la terre dans tous les temps et par les prophètes de l'Ancien Testament en remontant jusqu'à Adam. C'était incroyablement multiple et varié, mais pourtant suivant un ordre régulier, en Sorte que je pouvais saisir l'ensemble. Je me rappelle encore comment la mère de Samuel pria devant l'arche d'alliance ; Héli voulait la renvoyer, car elle avait je visage enflammé par l'ardeur de son désir, et il la croyait ivre. Mais un rayon partit de l'arche et vint sur elle. J'y vis comme un petit enfant, et Héli lui dit que sa prière était exaucée et qu'elle aurait un fils. Il tenait comme une cassette en face d'elle  lorsqu'il la bénit. Je vis aussi infiniment de choses sur tous les prophètes et sur toutes les sortes de visions et de prophéties. Mais tous s'émerveillaient à la vue de l'enfant comme si personne encore n'avait possédé cet enfant de la même manière que moi. "

" Je vis aussi la prophétie qui émane de l'empire des ténèbres et celle qui appartient à l'ordre naturel, celle ci se liant de près à l'autre. Je vis ces divers règnes comme de grosses boules rondes de couleur sombre, les unes plus obscures, les autres plus claires, et semblables à des sphères terrestres : toutes les choses que l'on voit ainsi en général comme dans un seul ensemble, on les voit comme des globes terrestres. Je vis des esprits au centre et je vis certaines influences passer d'un de ces globes dans les autres et à travers les autres. Je vis les somnambules magnétiques, soit dans une de ces sphères ténébreuses, soit influencés par elle, car la plupart du temps je vis devant le magnétiseur un esprit ténébreux venant de ces sombres royaumes entrer dans ceux qui parlent en rêvant et en prendre possession!

Je vis que leur divination était, la plupart du temps d'origine terrestre, et qu'il y avait là quelque chose d'indécent et de dangereux, mais à divers degrés. Je vis des religieux et des religieuses visionnaires auxquels arrivaient quelques rayons partant de ces sphères ténébreuses : il y en avait plusieurs en Espagne, jusque parmi ceux qui voyaient des choses de l'ordre spirituel, même des représentations de la passion et de la vie du Christ. Il s'en trouvait parmi ceux là qui se macéraient et se mortifiaient beaucoup, et pourtant des forces venant des régions inférieures, traversaient leurs apparitions et en altéraient le caractère par des influences appartenant aux sphères diaboliques ou naturelles, avec lesquelles ils se trouvaient en quelque rapport par leurs faiblesses. Le caractère personnel de leurs supérieurs ecclésiastiques et les sphères du ressort desquelles étaient ceux ci exerçaient aussi une action. J'en vis qui étaient entièrement dominés par les puissances mauvaises. "

"Je vis tous ces rapports avec des esprits et des démons jusque parmi les anciens païens et chez les Maures et les sauvages. Si je pouvais redire tout ce que j'ai vu, on en ferait un gros livre. "

Je vis aussi les modes tout à fait divers de l'intuition. Quelques uns étaient subitement entourés par les figures : ils les retraçaient sous une forme abrégée et elles restaient tout ce temps devant eux. D'autres étaient remués au fond de l'âme, parlaient longuement et écrivaient de grands sermons. D'autres se sentaient intérieurement réconfortés ils recevaient toute espèce d'images allégoriques mêlées à des scènes historiques, et quand ils les racontaient, ils ne savaient pas faire la distinction mais je n'en vis aucun qui eût vu les scènes jour par jour et simplement comme elles s'étaient passées.

Je crois que la nuit dernière, je dois avoir parcouru toute la. terre avec l'enfant : quand j'arrivais à un endroit où je pouvais assister des malades ou des mourants, ou rendre quelque autre service, je quittais l'enfant et faisais mon travail : car mon guide était toujours là. Mais je voyais dans le lointain autour de l'enfant et aussi autour de moi beaucoup de personnes de mon temps et de ma connaissance qui s'émerveillaient. Ce sont peut être ceux qui dans l'avenir acquerront une connaissance plus détaillée de ces choses.

"Je m'éveillai enfin après ces tableaux, et je vis l'enfant qui était couché près de moi, ce qui me fit peur. Je m'endormis de nouveau, et alors je me trouvai toute petite à Flamske dans notre maison : comme je suivais mon chemin derrière le troupeau sur la lande, je trouvai dans un buisson l'enfant redevenu tout petit : je courus chercher de la bouillie et je lui donnai à manger. Je vis ensuite toute une série de tableaux, comprenant toute ma vie jusqu'au moment présent ; je vis arriver l'enfant, j'eus une répétition complète de mes destinées, de mes consolations et aussi de toutes les douleurs que j'ai eu à endurer et j'étais toute brisée par la souffrance. J'eus aussi à subir de nouveau les deux enquêtes et la dernière avec tout ce qu'elle avait d'affreux. Je vis aussi l'enfant à Rome où il montrait toute sorte de choses. Je vis encore l'enfant enseigner à Munster à une autre époque. Là où était le château, beaucoup de choses avaient disparu. Je vis une autre manière de vivre : quelques messieurs de l'époque actuelle passèrent devant moi : ils étaient vieux et mécontents, et parlaient de changements qu'ils trouvaient incommodes. Je vis sous la figure d'un enfant l'évêque qui devait commencer à bien arranger les choses. Peut être qu'il est encore enfant : il n'était pas du pays. à l'époque où ces dernières choses auront lieu, je serai déjà morte. "

Dans ces tableaux j'ai souvent vu le pèlerin près de moi. Je n'avais pas peur de lui, et l'enfant non plus : il l'accompagnait tranquillement et sans s'étonner. Je vis aussi mon confesseur qui souvent ne comprenait pas l'enfant et voulait le chasser ou le cacher, mais toujours inutilement : il restait près de moi et revenait aussitôt. Il se tenait souvent loin de lui, puis il se familiarisait de nouveau avec lui, mais il ne le comprenait jamais parfaitement et il en avait peur. Je vis encore que le père Lambert comprima souvent l'enfant et tout le mal qu'on lui fit. Je vis aussi beaucoup de gens pour lesquels il fut plus tard un sujet de grande joie et de grande admiration.

Le pèlerin ajoute ce qui suit à son compte rendu de cette singulière vision : "D'après cette misérable esquisse bien embrouillée, on peut juger dans quelle mesure elle a vu, et se figurer tout ce qu'elle a vu et tout ce qui manque ici. "

Maintenant que le lecteur, pour avoir la pleine confirmation de la vision allégorique, compare ce qu'Anne Catherine a communiqué sur l'apparition de Marie à Saragosse, avec ce que la Cité de Dieu met dans la bouche de Marie d'Agreda sur le même sujet. Voici le récit d'Anne Catherine : «Je vis saint Jacques, accablé de tristesse à l'approche d'une persécution qui menaçait l'existence de la communauté chrétienne de Saragosse, prier pendant la nuit au bord du fleuve, devant le mur de la ville : il avait avec lui quelques disciples qui étaient dispersés ça et là, et couchés par terre ; je me disais : c'est comme le Christ sur le mont des Oliviers. Jacques était couché sur le des, les bras étendus en croix. Il priait Dieu de lui faire connaître s'il devait rester ou fuir : il pensait à la sainte Vierge et demandait qu'elle priât avec lui pour obtenir conseil et assistance de son Fils qui l'exaucerait certainement. je vis alors quelque chose resplendir dans le ciel au dessus de lui : c'était une colonne dont la base envoyait un rayon plus brillant à deux pas en avant des pieds de l'apôtre comme pour désigner par là une place déterminée. Cette colonne répandait une lueur rougeâtre où se montraient comme des veines de diverses couleurs. Elle était haute et mince et se terminait au sommet comme par une fleur de ils, formée de langues de feu qui se déployaient tout autour, tandis que l'une d'elles s'agitait au loin vers le couchant dans la direction de Compostelle. Dans cette fleur lumineuse je vis la figure de la sainte Vierge : elle était d'une blancheur diaphane, plus douce et plus agréable à l'oeil que le brillant de la soie écrue, et se tenait dans l'attitude qui était habituelle à Marie lorsqu'elle était en prière. Elle avait les mains jointes et son long voile était relevé d'un côté sur la tête, mais l'autre extrémité descendait jusqu'aux talons et l'enveloppait entièrement, et ses pieds posaient légèrement sur la fleur lumineuse formée de cinq langues de feu. Il y avait dans ce spectacle un charme et une beauté que rien ne peut rendre. Je vis Jacques se redresser sur ses genoux en priant, et averti intérieurement qu'il devait aller en Galice, pour y annoncer la foi, et que la prière de Marie l'y précéderait et s'y enracinerait comme une colonne. Je vis alors la colonne s'élever et se perdre dans la lumière. Jacques se leva, il appela les disciples qui vinrent à lui en toute hâte, leur raconta l'apparition merveilleuse, et ils suivirent tous des yeux la clarté qui s'évanouissait peu à peu. Je vis aussi Jacques, avant son départ pour la Galice, enseigner en ce lieu et parler de cette vision ; à l'endroit qu'avait désigné le rayon parti de la colonne, on érigea une pierre avec un creux où l'on planta quelque chose. Je ne vis pas d'anges accompagner cette apparition, et je n'entendis aucune parole sortir de la bouche de Marie ; elle se tenait debout, priant tranquillement, comme peut être en ce moment même elle priait dans sa chambre. Je vis aussi la colonne et l'image de la mère de Dieu qu'on révère aujourd'hui en cet endroit comme y ayant été apportée du ciel. Elle est toute différente : elle est belle à la vérité, mais elle est très petite et n'est pas ressemblante. J'ai oublié d'où elle tire son origine. Je vis aussi que ce n
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Message par M1234 Lun 20 Mar 2017 - 10:31

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X

Le pèlerin fait une distinction entre les visions historiques d'Anne Catherine et ses visions allégoriques, et outre celles ci, il distingue encore ce qu'on appelle la clairvoyance. En ce qui touche les visions allégoriques, on verra bientôt qu'elles ne peuvent être nommées ainsi que par rapport à nous qui ne sommes point contemplatifs, mais que pour Anne Catherine elles ont quelque chose de réel, d'immédiat et d'actuel comme celles qui sont proprement historiques.

En effet, l'intuition d'Anne Catherine étant l'oeuvre de la grâce qui saisit l'homme tout entier, l'âme avec toutes ses puissances se trouve introduite dans l'ordre supérieur qui lui est ouvert par la lumière divine infuse : il s'ensuit que la faculté de connaître n'est pas seule à percevoir et à agir, mais qu'il en est aussi de même de la volonté ; c'est à dire que la contemplation est aussi amour et action dans l'amour, et que ces deux puissances agissent de concert. Mais cette action en tant que méritoire a un double caractère. Car elle est dépendante des lois de l'ordre surnaturel dans lequel la contemplation se meut, comme des lois de la vie terrestre à laquelle elle continue d'appartenir et de payer son tribut.

Un exemple servira à éclaircir ce qui vient d'être dit. Une fois, dans ses visions sur les années de prédication du Sauveur, Anne Catherine le voit parcourir la haute Galilée avec six de ses disciples par une admirable nuit d'été qu'éclaire la lumière des étoiles. Elle fait des actes d'adoration et d'amour, elle demande pour elle même et pour l'Eglise de son temps la communication des grâces attachées à la très sainte vie du Sauveur sur la terre, puis dans un travail en oraison qui s'intercale dans cette vision historique il lui est accordé de puiser pour elle et pour d'autres à la source éternelle, inépuisable de ces mérites de son Rédempteur : " Lorsque je me rapprochai du Sauveur, dit elle ? je vis errer autour de moi un bétail innombrable, des vaches, des brebis de très grande taille et de petits animaux sauteurs avec des oreilles pointues. Je voulais rassembler les vaches, mais elles s'échappaient toujours les unes d'un côté, les autres de l'autre, et j'avais beaucoup à faire. une chose singulière, c'est que ce bétail appartenait à Jésus et aux apôtres, et qu'un des apôtres me dit de le mener à une étable qu'il me montra. Cette étable ressemblait tout à fait aux grandes hôtelleries où s'arrêtèrent les trois rois dans leur voyage ; j'y fis entrer ces animaux. C'est tout en me livrant à ce travail de bergère que je vis lé tableau du voyage de Jésus. L'apôtre ne s'éloigna pas de Jésus pour me parler. Ce fut plutôt une apparition. Le jour suivant Anne Catherine continua en ces termes : " il m'a fallu maintenant faire sortir les vaches que j'avais rassemblées hier. J'avais à les conduire dans notre pays : la route ne me paraissait pas plus longue que celle de Dulmen à Coesfeld. le ne passai pas parle chemin ordinaire, c'était un chemin imaginaire. J'eus une peine et une difficulté incroyables à rallier ces vaches et à les faire marcher ensemble. Je voulais le savoir par couples, mais je n'en pus garder que trois fois sept que j'amenai à bon port. Et avec quelle fatigue ! à tout moment quelques unes retournaient leurs cornes contre moi, et j'eus une peine infinie à en venir à bout. " Ici elle parla avec beaucoup de détails sur la difficulté de faire rentrer les vaches quand il pleut, et de toute la peine que cela lui donnait dans sa jeunesse. "J'avais bien des saints où des personnes en prière qui m'aidaient, mais je n'avais qu'un sentiment confus de leur présence : quand je regardais de leur côté, ils n'étaient plus là. Lorsque j'allai chercher le bétail, je vis comme du haut d'une montagne, Jésus et les disciples se diriger le jour du sabbat vers un petit endroit. Je remis les vaches à l'endroit où on les attendait : elles furent reçues par des ecclésiastiques et d'autres personnes qui les conduisirent dans plusieurs paroisses, je crois que c'était dans les environs de Coesfeld. "

Mon guide m'a expliqué cette vision, et j'en ai eu beaucoup de joie. Ce sont des prières exaucées, des grâces que j'ai obtenues pour vingtaine paroisses qui s étaient recommandées à mes prières. J'ai trouvé les vaches errant ça et là dans la terre promise, ce qui veut dire que dans ce pays il reste beaucoup de grâces et de mérites de Jésus et des apôtres, dont on ne profite pas et qui se perdent, que je les ai recueillis et conduits, pour ainsi dire, avec beaucoup de fatigues à ceux qui s'étaient recommandés à mes prières. Quand les vaches se détournaient, cela indiquait que certains pasteurs ne persévéraient pas dans la prière, qu'ils avaient prié avec tiédeur, que la grâce ne voulait pas aller à eux : les zélés allaient au devant des grâces, représentées par les vaches ( des vases vivants de la grâce, des vases de lait). Il me fallait suppléer par des efforts extraordinaires à la tiédeur des premiers. J'avais vingt et une de ces vaches pour différents pays : il y en avait pour l'Irlande, pour la Hollande, et aussi pour des endroits qui sont dans les environs de Coesfeld, d'Osnabruck et de Paderborn."

Le lecteur voit ici comment ce qu'Anne Catherine demande pour autrui dans ses visions doit être mérité par elle, au moyen d'oeuvres qui satisfassent pour les offenses de ceux qui doivent participer aux fruits de sa prière. Ces oeuvres sont à la fois image et réalité, allégorie et histoire : car elles correspondent à l'état supérieur d'extase dans lequel elles sont une action essentielle, positive, avec résultat réel et effectif, de la même manière qu'elles correspondent aux choses terrestres auxquelles est empruntée la forme ou le mode de travail fait en oraison, puisque celui ci se rattache aux occupations habituelles de la contemplative dans sa jeunesse.

Il y a ainsi toute espèce de travaux de labourage, de jardinage, propres à la vie du pâtre ou à celle du vigneron, sous la forme desquels s'accomplissent les oeuvres d'Anne Catherine dans l'ordre spirituel. Elle connaît en général leur sens et leur signification et sait aussi quel en est le but : car l'état de pénurie et de détresse où se trouvent des paroisses, des districts, des diocèses, même des pays tout entiers, lui est montré sous des images qui répondent aux diverses formes de travail : mais elle ne racontait de tout cela que la moindre partie et si elle le faisait, c'était uniquement parce que cette ouvrière humble et zélée ne tenait aucun compte de ce qu'elle accomplissait elle même, mais se plaisait à raconter les grâces et les miséricordes de Dieu envers elle. Or ce ne sont pas seulement des travaux, mais encore des souffrances et des maladies se succédant constamment les unes aux autres, qui lui sont montrées dans les visions et dont elle se charge dans ces visions. Elle voit dans des tableaux merveilleux la signification spirituelle de chaque maladie et sa relation mystérieuse avec la nature de l'offense pour laquelle Anne Catherine se charge de faire pénitence. Ainsi ces maladies ont un double caractère, le caractère physique conforme à l'ordre naturel, et le caractère méritoire et expiatoire dans l'ordre surnaturel. Le premier fait qu'elles suivent leurs cours avec tous les symptômes, toutes les crises, toutes les douleurs, y compris celles de l'agonie, que des maladies de ce genre amènent avec elles et qui ne cessent pas lors même qu'Anne Catherine se trouve à l'état d'extase. Dans cet état, au contraire tous les phénomènes intellectuels et corporels se produisent avec d'autant plus d'intensité, puisqu'Anne Catherine non seulement éprouve les sensations qui résultent de la maladie, mais la voit clairement et la pénètre jusqu'au fond, et que par dessus cela la faute étrangère qu'elle expie corporellement par cette maladie, lui fait en même temps souffrir dans l'âme des douleurs excessives.

Ce sont ces dernières douleurs qui ont le caractère vraiment surnaturel, méritoire et expiatoire, parce que leur source n'est pas la détresse du corps ou la peine sensible, mais l'ardeur du plus pur amour de Dieu pour lequel rien n'est si intolérable que de voir Dieu offensé et la perte des aines rachetées à un si haut prix. La grandeur de cet amour est ce qui rend Anne Catherine capable de prendre sur elle à la place d'autrui des souffrances expiatoires, et ce qui donne devant Dieu à ce qu'elle fait et à ce qu'elle souffre, la valeur d'un sacrifice pur auquel les mérites du Sauveur communiquent un prix infini.

Un jour, Anne Catherine ayant pendant tout un mois souffert des douleurs indicibles causées par des maladies mortelles qui s'étaient succédées sans interruption, raconta ce qui suit : "Pendant toute la nuit, j'ai eu une série de visions d'ensemble sur ma maladie et sur les travaux auxquels il a fallu me livrer. J'ai vu tout cela dans une grande plaine où je travaille ordinairement. Il reste encore à labourer un coin qui est entouré d'une épaisse haie d'épines avec une grande quantité de roses (10). Je me suis vu moi même figurée dans différentes situations. J'étais tantôt dans une chapelle, tantôt sur une croix, tantôt sur un rocher, tantôt dans un marais ou au milieu des épines, etc., et j'étais étouffée par des fleurs et des épines : j'ai été aussi transpercée avec des flèches et des lances. une fois une valse flamboyante s'exécutait sur mon corps, qui était entouré de plumes et d'ailes, symboles de la fièvre.

Rien n'a été plus terrible pour moi que la torture des convulsions, représentées par des globes de diverses couleurs, qui se développaient, s'enflammaient, et se perdaient les uns dans les autres en laissant échapper une vapeur brûlante. Je commençais d'abord par franchir des précipices dangereux sur des ponts jonchés de fleurs et de roses de toute espèce ; puis à ce travail général venaient s'ajouter des douleurs qu'il fallait subir à la place de certains malades qui demandaient des prières. Je me vis donc livrée à des tortures de toute espèce, et je vis beaucoup de malades guéris. Je vis que de pauvres gens qui ne connaissent personne, qui ne peuvent écrire à personne, et qui pourtant réclament l'intercession d'autres chrétiens, figurent plus souvent dans ces tableaux que ceux qui connaissent quelqu'un, se font recommander et écrivent des lettres. J'ai eu particulièrement à m'occuper de beaucoup de personnes malades de la goutte.

Anne Catherine pouvait quelquefois donner de ces informations vagues et générales sur les travaux et sur les maladies dont elle se chargeait, comme aussi sur ces travaux eux mêmes et sur leur but ou sur leur relation avec ce qui devait être procuré par eux : mais quant au rapport intime entre telle ou telle forme de travail déterminée, et tel ou tel résultat déterminé, le plus souvent, dans l'état de veille ordinaire, elle pouvait à peine donner quelques indications : "Car, avait elle coutume de dire, c'est chose difficile à décrire. La nature tout entière et l'humanité sont tellement déchues, assujetties à tant de liens et d'entraves, que, s'il m'arrive de faire là (c'est à dire dans l'état d'extase) quelque chose de tout à fait essentiel, et en comprenant clairement ce que je fais, aussitôt que je suis éveillée et dans l'état naturel, ces choses me paraissent aussi étranges qu'a toute autre personne éveillée. "

XI

Le cercle des visions d'Anne Catherine ne serait pas complet, et il manquerait une condition essentielle à ce qu'elle souffre et à ce qu'elle fait pour expier et satisfaire, si sa sphère d'activité n'embrassait pas, avec toutes les époques de l'Eglise, toutes ses parties dans le monde entier, et si elle ne pouvait pas avoir devant les yeux toute leur hiérarchie et leurs divisions, et même individuellement les plus ignorés de ses membres nécessiteux, bien plus, si elle ne pouvait pas s'approcher d'eux et frayer avec eux. Cette intuition et cette action à distance n'est toutefois pas une clairvoyance dans le sens ordinaire du mot, mais elle a pour condition l'infusion de la lumière surnaturelle : elle est par conséquent l'oeuvre de la grâce comme ses visions historiques : car à la vue à distance, se lie toujours une action en vertu de laquelle Anne Catherine porte secours, prend des souffrances sur elle, satisfait à la justice divine, acquiert des mérites qui profitent à ceux avec lesquels elle est dans un rapport spirituel.

Toutes les douleurs du corps et de l'âme que l'homme peut avoir à endurer, tous les dangers qui menacent sa vie terrestre et temporelle, ou sa vie spirituelle et éternelle, sont montrés à Anne Catherine ; et cela non seulement dans leur généralité, mais dans des cas particuliers s'appliquant à des personnes déterminées, lesquelles, suivant l'ordre mystérieux établi par Dieu, doivent être secourues par l'intermédiaire de sa fidèle servante. Ainsi il y a dans les prisons, dans les hospices, dans les hôpitaux, dans les cabanes où s'abrite la misère, dans les maisons de correction, dans les bagnes et sur les navires des pirates, des pauvres et des malades auxquels elle vient en assistance. Ce sont encore des malheureux, délaissés et oubliés de tous, non seulement dans son pays et dans les pays voisins, mais en Russie, en Chine et dans les îles de l'Océan Pacifique ; dans les vallées les plus reculées de la Suisse, du Tyrol et de la Savoie, comme sur les montagnes de la haute Asie, que tantôt elle console, tantôt elle conduit à l'Eglise, et par là au salut éternel. Elle assiste des mourants, sauve des personnes en danger de mort, empêche des crimes, convertit des pécheurs, pousse à la confession et au repentir des criminels qui ont caché leurs péchés pendant de longues années ; mais surtout ce qui est l'objet incessant de ses contemplations et par là même de ses souffrances expiatoires et de ses peines sans nom, c'est tout le mal qui est fait à l'Eglise, soit par le pouvoir temporel ou par la haine et les attaques des incrédules, soit par le manque de conscience et la mondanité des prêtres et des pasteurs, ou par l'indifférence, la dissipation et l'abus des grâces. Elle va à l'encontre des menées secrètes des loges maçonniques, qu'elle voit comme la contrepartie de l'Eglise, avec toute leurs ramifications et toute leur histoire et qui ourdissent leurs trames comme les fils d'une toile d'araignée ; et d'autre part elle fait pénitence pour des fautes contre les rubriques commises dans la sainte messe, comme pour toute irrévérence envers le très Saint-Sacrement. Elle met obstacle à des vols sacrilèges et à des profanations d'églises, assiste à des assemblées ecclésiastiques pour empêcher au moins des mesures dictées par une fausse sagesse humaine et un sot pédantisme. Elle voit toutes les formes du culte rendu au monde, par lequel bien des prêtres aveuglés deviennent les serviteurs du prince des ténèbres, et voit dans des visions remplies de douleurs indicibles toute l'irrévérence et le mépris avec lequel ils traitent les choses les plus saintes et perdent toute espèce de grâces pour eux et pour leurs troupeaux. Elle souffre pour des séminaires et des communautés religieuses ; dans les dernières années du pontificat de Pie VII, elle fait journellement des voyages en esprit à Rome, pour consoler le Saint Père, l'éclairer et lui dévoiler les plans de l'impiété. Mais sa première vision de ce genre eut lieu dans sa onzième année lorsque Marie Antoinette, l'infortunée reine de France, lui fut montrée dans sa prison, afin qu'elle priât pour elle.

Si le lecteur trouve inconcevable et impossible à admettre ce don merveilleux, inou' de vue et d'action à distance, et juge qu'on lui demande trop en voulant lui faire croire qu'Anne Catherine qui, pendant l'espace de douze ans, fut hors d'état de quitter son lit, parcourait, semblable à un ange gardien, toutes les parties de l'Eglise pour assister et sauver dans leur corps et dans leur âme un nombre infini de personnes, il éprouvera moins de répugnance à admettre une chose aussi extraordinaire, s'il veut bien se représenter sur quel fondement ce don reposait et de quelle manière celle qui en était favorisée était obligée de le mériter chaque fois comme de nouveau. C'était le plus pur, le plus saint amour de Dieu et du prochain qui, dès ses premières années remplissait avec une telle puissance le coeur d'Anne Catherine, que son unique désir était de procurer la gloire de Dieu et de souffrir pour les hommes ses frères. Elle était dès le principe douée d'un sentiment si élevé et si vivant du travail intérieur qui se fait dans tous les membres du corps de l'Eglise, elle comprenait d'une façon si pénétrante comment un membre peut opérer pour l'autre par la prière, par l'expiation, par la pénitence, que les misères du monde, des pécheurs, des affligés de toute espèce lui causaient la plus amère tristesse et qu'un désir insatiable la poussait continuellement à implorer Dieu pour toutes les nécessités du monde et à s'offrir à lui en sacrifice pour tous. Etant encore enfant, elle se refusait toute douceur et s'exerçait à toutes les mortifications corporelles ; en outre, quand elle voyait pleurer des enfants malades, elle demandait à Dieu de pouvoir prendre leurs souffrances, et ses prières étaient la plupart du temps instantanément exaucées. Mais si elle était témoin d'une offense faite à Dieu, cela lui allait au coeur encore plus profondément, et elle ne pouvait pas trouver de repos qu'elle ne l'eût réparée aussi bien qu'il lui était possible. Etant une fois aux champs avec d'autres enfants, elle vit que quelques uns d'entre eux se comportaient indécemment dans leurs jeux : cela lui inspira une telle horreur qu'elle se retira en toute bâte et se roula dans des orties pour punir ce péché sur elle même, elle à qui Dieu avait daigné accorder le rare privilège de ne jamais soupçonner le moins du monde, pendant tout le cours de sa vie, ce que c'était qu'une révolte des sens ou un désir charnel.

Toute sa manière d'être et tout son extérieur étaient un reflet de cet amour saint et naïf, et exerçaient sur tous ceux qui l'approchaient une influence secrète qui les faisait s'adresser à elle avec confiance pour être assistés. " Je ne sais pas d'où vient cela, disait elle un jour au pèlerin, mais déjà, quand j'étais jeune fille, tous ceux qui avaient un mal venaient à moi et me le montraient pour savoir ce que j'en pensais. Je suçais alors les blessures et je disais que cela ne me dégoûtait nullement (11), et que le mal se guérirait. Du reste il me venait souvent à l'esprit toute sorte de remèdes innocents. Au couvent une pauvre femme vint une fois me trouver : elle avait un doigt malade ; tout son bras était devenu noir, et le docteur K... l'avait grondée d'avoir laissé s'envenimer le mal au point de rendre nécessaire l'amputation du doigt. Cette femme était toute pâle, elle vint se plaindre à moi et pleurait beaucoup, me priant de lui venir en aide. Je priai pour elle et il me vint l'idée d'un remède. J'en fis part à la révérende mère qui me permit d'essayer de la guérir. Je pris de la sauge, de la myrrhe et de l'herbe de la sainte Vierge que je fis bouillir dans de l'eau avec un peu de vin blanc, j'y ajoutai de l'eau bénite et je fis un cataplasme pour le bras. Ce fut sans doute Dieu lui même qui m'inspira : car le jour suivant le bras était désenflé. Quand au doigt qui était encore très malade, je lui dis de le tremper dans de la cendre de lessive mêlée d'huile. L'abcès s'ouvrit, il en sortit une grosse épine et elle guérit complètement. "

Avec le don d'intuition, la sphère d'activité la plus étendue était départie à cette charité infatigable, qui ne reculait devant aucun sacrifice : " Dans mon enfance, dit elle, j'étais toujours absorbée en Dieu ; mon guide me menait prier devant des cavernes et des prisons, et quand il n'en résultait rien, je me couchais devant l'ouverture, je pleurais sans relâche et je criais vers Dieu les bras étendus. Je me suis toujours mortifiée pour les pauvres âmes, je me suis toujours recueillie ; et quand on disait ou qu'on faisait quelque chose de mal, je faisais une croix sur ma poitrine, comme ma mère me l'avait enseigné. J'étais intérieurement absente tout en me livrant à mes occupations, et j'avais toujours des visions, Quand j'allais aux champs ou ailleurs avec mes parents, je n'étais jamais sur la terre. Tout ici bas n'était pour moi qu'un rêve obscur et confus, c'était ailleurs qu'étaient la vérité et la clarté céleste, et il en est encore de même aujourd'hui. Oh ! combien j'ai eu de tentations à souffrir de la part du diable ! C'étaient des choses dont je n'avais aucune idée. Je voyais des noces et des orgies où on commettait les péchés les plus abominables, et j`implorais Dieu et il me retirait ces visions. "Dans une vision elle guérit ses parents malades ; d'autres fois elle assiste des gens à Alger ou à Siam ; elle voit des navires en détresse, des voyageurs en péril, et elle court à leur aide en priant. Pendant qu'elle porte secours dans un lieu, elle voit tout à coup dans un autre, même au delà de la mer, un danger encore plus imminent.

C'est pour elle comme si elle pouvait étendre la main jusque là, à atteindre en esprit et y faire sentir son assistance ; et dans le fait elle l'y fait sentir. Elle se retrouve plus tard au même endroit, voit comment elle a porté secours et si ceux qu'elle a sauvés, ranimes, consolés, profitent de l'assistance qu'ils ont reçue ou en conservent les fruits. En quoi consiste cette assistance donnée par sa prière dans l'état de contemplation, c'est ce dont le lecteur peut juger d'après la communication suivante :

" Quand je prie en général pour ceux qui souffrent, je fais ordinairement le Chemin de la Croix à Coesfeld et à chaque station de la Passion du Seigneur, je prie pour une nouvelle catégorie d'affligés, et il me vient alors des visions où les gens qui ont besoin de secours me sont montrés autour de moi, selon la position des lieux où ils se trouvent, car, de la station, je vois dans le lointain une scène à droite ou à gauche. Ainsi aujourd'hui (2 décembre 1818), je m'agenouillai à la première station et je priai pour ceux qui se préparaient à la confession pour la fête, afin que Dieu voulût bien leur accorder la grâce de se repentir sincèrement de leurs péchés et de ne rien passer sous silence. Alors je vis en différents endroits des gens prier dans leurs maisons ou aller de côté et d'autre pour leurs affaires ; je les vis aussi penser à leur conscience, je vis quel était l'état de leur coeur et je les excitais par ma prière à ne pas se rendormir dans le sommeil du péché. Je voyais les personnes au moment même où je priais. Je vis deux filles prier à genoux dans la même chambre, mais chacune de son côté à la deuxième station, je priai pour ceux auxquels leur mission et leur détresse ôtent le sommeil, afin que Dieu leur donnât consolation et espérance. Je vis alors dans plusieurs misérables huttes des gens qui se retournaient sur la paille en pensant qu'ils n'avaient rien à manger pour le lendemain. et je vis que ma prière leur procurait le sommeil. à la troisième station, je priai pour empêcher les contestations et les querelles, et je vis dans une maison de paysans un mari et sa femme qui se querellaient étant au lit et qui se donnaient méchamment de grands coups de coude. Ah ! Pensai je, cela fera une mauvaise nuit ! Alors je priai pour eux, ils s'apaisèrent, se pardonnèrent mutuellement et se donnèrent la main. A la quatrième station, je priai pour les voyageurs, afin qu'ils laissassent de côté toute pensée mondaine et allassent en esprit visiter à Bethléhem le cher enfant Jésus ; je vis alors autour de moi, dans le lointain, plusieurs personnes voyageant dans diverses directions avec des fardeaux sur le des, et l'un d'eux était un curieux personnage qui allait devant lui comme un fou, avec les allures d'un paillasse ; il me semblait avoir trop bu et s'avançait en chancelant de côté et d'autre. Comme je priais pour lui, je le vis tomber tout de son long sur une pierre et dire : `C'est le diable qui a mis des pierres sur mon chemin. Mais aussitôt il se releva, ôta son chapeau et se mit à prier tout bas et à penser à Dieu. Je ne pus m'empêcher de rire à la cinquième station, je priai pour les prisonniers qui, dans leur désespoir, ne se souviennent pas du saint temps de l'Avent et qui sont privés de cette puissante consolation ; là aussi je fus consolée, etc. "

Voici une autre communication non moins instructive d'Anne Catherine, qui montrera au lecteur combien lui coûtait cher chaque secours qu'elle portait : " J'étais hier au soir si misérable et je désirais tant qu'on me retirât de mon lit, que je me croyais au moment de mourir ; et comme je ne recevais aucune assistance, j'offris ma peine à Dieu pour tous les malheureux et les délaissés qui languissaient sans secours, sans consolations et sans sacrements. J'étais complètement éveillée et je vis tout à coup autour de moi d'innombrables scènes de douleur, les unes tout près, les autres à de grandes distances, sur toute la surface de la terre ; c'étaient des gens délaissés, languissants, affamés, sans prêtres et sans sacrements, malades, égarés, mourants, captifs, dans des huttes, des cavernes, des cachots, sur des navires, dans le désert, même dans de grandes villes, etc. ; j'eus un ardent désir qu'ils fussent secourus et j'implorai Dieu à cet effet. Mais il me fut dit : " Tu ne peux pas obtenir cela gratuitement, il y faut du travail. "Sur quoi, m'y étant résignée, je me trouvai dans un état épouvantable. Je me vis fortement garrottée avec des cordes passées autour des bras, des jambes et du cou, et je fus alors si horriblement tirée dans tous les sens, que c'était comme si l'on m'eût arraché tous les membres et tous les nerfs. Mon cou serré m'étranglait, ma langue était toute raidie, les os de la poitrine se soulevaient convulsivement : j'étais à l'agonie à force de douleurs. Je vis pendant ce temps là le secours arriver à beaucoup, de ces malheureux, et pendant que j'étais dans cet état on refit mon lit. " Ces souffrances durèrent plusieurs jours ; elles allèrent même en augmentant. Anne Catherine fut formellement crucifiée. Le pèlerin la trouva ayant le cou et la langue tout gonflés, ce qui rendait horriblement douloureux les vomissements continuels auxquels elle était sujette. Aux scènes de malades succédèrent des visions relatives à l'Eglise, et Anne Catherine eut à souffrir pour les besoins et les misères de l'Eglise.

XII

Dans les deux cas qui viennent d'être mentionnés, l'intuition à distance eut pour point de départ une ardente prière pour le soulagement des douleurs d'autrui ; mais il arrivait d'autres fois qu'Anne Catherine passait avec sa clairvoyance d'une vision historique au présent immédiat, pour procurer à quelque affligé la grâce éternelle, inépuisable du mystère ou du mérite qu'elle avait contemplé dans la sainte vie du Sauveur sur la terre. Il y avait des cas fréquents où Anne Catherine était appelée par son guide et conduite par lui dans des lieux déterminés et à des personnes qui avaient besoin d'assistance. Comme, en outre, ainsi qu'on en a dit quelque chose plus haut, elle fut conduite en esprit et en corps aux saints lieux de la Palestine, pour ses visions historiques sur les années de prédication du Christ, il est nécessaire de dire quelque chose de plus spécial sur ces voyages extatiques Sur ce terrain mystérieux on peut prendre pour guide la bienheureuse Lidwine de Schiedam, car en ce point il y a une telle ressemblance entre elle et Anne Catherine, que des détails un peu étendus sur la première, serviront beaucoup à faire mieux comprendre l'autre.

La bienheureuse Lidwine ne fut favorisée de visions qu'à un âge plus mûr et après une période d'épreuves excessivement pénibles. Vers la fin de sa quinzième année, elle avait été renversée sur un tas de glaçons par une amie qui patinait et elle s'était brisé une côte. La conséquence immédiate de cette chute fut un apostème incurable qui la jeta sur un lit de douleur, duquel, sauf de rares exceptions dans les deux ou trois premières années, elle ne put plus se relever jusqu'à sa mort c'est à dire durant trente six ans. Quelques années se passèrent d'abord pendant lesquelles elle ne fit que gémir et se lamenter sur sa malheureuse situation, surtout que ses anciennes compagnes, qui jouissaient d'une santé florissante, venaient lui rendre visite. Mais enfin son confesseur parvint à la consoler en lui montrant comment elle pouvait arriver à une parfaite conformité à la volonté de Dieu en méditant sur la douloureuse Passion de notre Sauveur. Il la forma à cet exercice spirituel auquel, malgré les répugnances de la nature, elle s'appliqua avec une grande ardeur, divisant chaque jour ses méditations, suivant l'ordre des sept heures canoniques. Cela lui fit prendre tellement ses propres souffrances en affection qu'elle assurait que si elle pouvait obtenir sa guérison par une seule récitation de la Salutation angélique, elle ne le ferait pas et ne demanderait pas à être délivrée Le premier don qui lui fut accordé en récompense de sa fidélité fut le don des larmes et pendant quinze ans elle pleura amèrement sa première impatience : mais elle reçut aussi d'abondantes consolations intérieures qui s'accrurent en proportion de ses souffrances, lesquelles devinrent toujours plus extraordinaires ; huit ans se passèrent ainsi et ce ne fut qu'alors que se produisirent des visions et des extases dans lesquelles durant vingt quatre ans elle fut chaque nuit, pendant une heure au moins, conduite en différents lieux, tantôt dans le paradis et parmi les bienheureux, tantôt dans le purgatoire et dans l'enfer, et aussi dans la Terre Sainte, à Rome et tans d'autres endroits renommés par leurs sanctuaires, comme aussi dans différentes communautés religieuses, sur l'état spirituel desquelles elle reçut en général comme en particulier les informations les plus exactes.

Dans ces voyages extatiques, Lidwine était accompagnée de son guide spirituel, c'est à dire de son ange gardien, qui lui apparaissait toujours brillant d'une clarté merveilleuse et avec une croix sur le front, afin qu'elle ne pût pas être induite en erreur par l'ange de ténèbres. " Lorsqu'elle fut ravie pour la première fois, dit son biographe (12), cette inexprimable séparation, qui retirait son esprit de la sphère de la vie corporelle, lié causa une telle oppression dans le coeur et dans le corps, qu'elle perdit la respiration et crut qu'elle allait mourir : mais ensuite s'étant accoutumée aux ravissements, elle n'éprouva plus rien de semblable. Tout le temps qu'elle était ravie aux lieux dont il a été parlé, son corps restait couché dans son lit comme séparé de son âme et privé de sentiment. "

Le plus souvent, au début de ses voyages, l'ange prenant l'extatique par la main la conduisait d'abord dans l'Eglise de Schiedam, devant l'autel de la sainte Vierge, puis quand Lidwine y avait fait sa prière, il s'élançait avec elle vers l'orient Souvent le chemin passait à travers des prairies verdoyantes pleines de fleurs d'une odeur admirable, tellement que Lidwine hésitait à suivre le guide qui allait devant elle, de peur de briser sous ses pas les tiges de ces fleurs. Ce n'était qu'après avoir été avertie qu'il n'y avait rien de semblable à craindre, qu'elle se décidait à aller plus avant une fois il se trouva sur son chemin un fourré si haut et si épais, qu'elle ne pouvait pas passer au travers : cependant elle se trouva tout à coup transportée au delà par son guide, et le voyage continua sans obstacle.

Le vénérable biographe de Lidwine rapporte en termes exprès que ces voyages n'avaient pas lien seulement en esprit, mais que souvent aussi il y avait ravissement corporel. Voici ce qu'il dit à ce sujet : "Quoique cette pieuse vierge, dans son état ordinaire, fût dans l'impossibilité de remuer le pied, elle acquérait de bien des façons la certitude qu'elle avait été ravie corporellement en divers lieux. Elle racontait que par la force de son élan spirituel, elle avait souvent été enlevée jusqu'au plafond de sa chambre avec son corps et la couche grossière sur laquelle elle reposait. Quelque fois aussi elle était ravie corporellement par un guide jusqu'en Terre Sainte, où elle visitait le Calvaire et d'autres lieux consacrés qu'elle couvrait de ses baisers et baignait de ses larmes. Revenue de là, elle trouvait à son réveil ses lèvres couvertes de durillons, et son ange lui disait : "Tu portes ces marques afin que tu saches que tu as été aussi ravie corporellement. "Une autre fois, dans un voyage du même genre, elle fit un faux pas sur un terrain glissant et se blessa dans sa chute à la jambe droite, qui resta enflée plusieurs jours et où elle ressentit une vive douleur Comme une fois elle visitait les principales églises de Rome, et qu'en allant de l'une à l'autre elle se frayait avec les bras un passage à travers des buissons, il lui entra dans le doigt une épine qui s'y trouva encore au moment de son réveil. Lors de semblables lésions corporelles elle avait coutume de dire, en répétant les paroles de son guide : "qu'elle croyait avoir été ravie corporellement. Comment cela se faisait il ? ajoute le biographe ; c'est ce qui n'est su que de l'ange qui l'attestait et au témoignage duquel Lidwine s'en référait.

Comme la bienheureuse Lidwine, Anne Catherine aussi était accompagnée dans ses voyages extatiques par un guide qui commençait le voyage avec elle en partant de l'église de son village ou du chemin de la croix de Coesfeld. On peut se faire une idée générale du caractère de ces voyages, d'après ces paroles d'Anne Catherine a Dans mes voyages, je pars toujours d'endroits qui me sont connus pour aller dans des pays toujours plus étrangers pour moi à mesure que j'avance. J'ai le sentiment de distances énormes : tantôt on passe par des chemins unis, tantôt à travers les champs, les montagnes, les mers et les fleuves. Je dois mesurer tout cela en pieds, souvent gravir avec effort des montagnes escarpées. Alors mes genoux sont fatigués, mes pieds sont brûlants, je suis toujours pieds nus ; mon guide plane tantôt en avant, tantôt près de moi, sans remuer les pieds, parlant très peu, faisant rarement un mouvement, si ce n'est un signe avec la main ou une inclination avec la tête lors de ses réponses qui sont très brèves. La plupart du temps il se trouve tout à coup près de moi, il sort lumineux de la nuit ; j'aperçois d'abord une clarté, puis une forme distincte : c'est comme une lanterne sourde qu'on ouvrirait tout à coup. La nuit est dans le ciel. et une lueur voltige sur la terre' se dirigeant vers l'endroit où nous allons. Quand j'arrive devant de grandes eaux et que je ne sais plus comment avancer, je me trouve tout à coup de l'autre côté et je regarde derrière moi toute surprise. Nous passons souvent par des villes."

Dans un de ces voyages à la Terre Sainte, Anne Catherine fut aussi une fois accompagnée par Marie enfant : " Nous étions comme deux personnes qui marchent réellement : je lui faisais des questions en chemin et elle m'instruisait. C'est singulier, disais je à Marie, qu'est ce donc que cela ? Presque toutes les nuits il me faut faire ainsi des voyages lointains où j'ai toute sorte de choses à faire, et tout me parait si naturel et si vrai, comme maintenant que je suis avec vous, allant dans la Palestine, et quoique pourtant je sois dans mon lit à la maison, malade et souffrante. "Alors Marie me répond : " Tout ce qu'on désire du fond du coeur faire et souffrir pour mon fils, pour son Eglise et pour le prochain, on le fait réellement dans la prière, et tu vois de quelle manière tu le fais. Elle me dit aussi que son cher fils était toujours tout près de nous. Anne Catherine reçut aussi une explication semblable sur les secours qu'elle avait à procurer dans ses voyages aux gens en détresse et aux malades : " Mon fiancé me dit que le vif désir de donner un secours de ce genre le procurait effectivement, et que comme en ce moment je ne pouvais pas le donner en réalité, j'avais à le donner en esprit.

Ces voyages étaient donc réels, quoique faits en esprit, et Anne Catherine était réellement dans les lieux où son guide la conduisait et réellement sur les chemins par lesquels il la menait, parce que le ravissement spirituel était en même temps un ravissement corporel. Cela pourrait être confirmé par des expériences presque quotidiennes : mais les faits suivants peuvent suffire. une fois Anne Catherine eut à empêcher un vol sacrilège et à chasser les voleurs de l'ossuaire attenant à l'église où ils s'étaient enterrés. Au moment où elle entrait en esprit dans l'ossuaire, elle eut dans son lit un violent accès de toux, et cela à cause de la mauvaise odeur du tabac mie ces misérables avaient fumé là. Le 17 janvier 1821, faisant un voyage du même genre, elle eut encore de fréquents accès de toux et elle dit : "qu'il lui fallait voyager si rapidement et dans tant de pays différents, et que l'air lui faisait bien mal. " Une fois elle eut un tressaillement subit, chercha autour d'elle, et ayant trouvé son crucifix, le mit devant elle et dit : "Il y a là un ours qui me guette dans un buisson, à travers lequel je dois passer ; avec ma croix, je pourrai le chasser. "Aussitôt après elle arriva près du Jourdain et parla de la vie de Jésus. Le mercredi des Cendres de la même année, elle s'écria tout à coup : "Encore des danses ! "et elle se tordit sur elle même et remua convulsivement les pieds ; ensuite elle parut effrayée et sembla vouloir se défendre : " ces gens, dit elle, ont un méchant petit chien qu'ils ont excité contre moi et qui est tout furieux. "Le jour suivant elle dit : `' J'ai été envoyée dans un village où l'on dansait encore. J'avais quelque chose à dire à ces gens : mais la voix me manquait et je ne pouvais que souffler. Or, c'était comme s'ils excitaient contre moi un petit chien très méchant : d'abord j'eus grand peur, mais ensuite il me vint à l'esprit que je n'étais pas là avec mon corps et qu'il ne pouvait pas me mordre. Alors je me serrai dans un petit coin, et je vis que ce chien était le diable. Je le chassai ; je pus alors remplir ma tâche et la danse se dispersa.

Mais le fait le plus remarquable est le suivant :

Le 11 janvier 1823, une fièvre inflammatoire se déclara tout à coup chez Anne Catherine, elle eut de grandes douleurs dans le côté et perdit souvent la respiration. Elle fit bouillir de l'orge et des figues et en fit faire un cataplasme qu'on lui mit sur le côté : elle but aussi de ce breuvage et cela lui procura du soulagement. Elle dit alors : "J'ai une inflammation dans le côté : " il y a une rupture ; j'ai entendu un craquement. Je sens couler le sang à l'intérieur : il y a engorgement dans cette partie du corps. Je ne puis être sauvée que par un miracle. Voici ce qu'elle raconta ensuite, pouvant à peine respirer : " il m'a fallu aller à la demeure du pasteur (13) (Rome), où le danger était pressant. On voulait tuer le maître valet et le petit chien, alors je me suis précipitée, et le couteau m'est entré par le côté droit jusque dans le dos. Le bon maître valet s'en allait chez lui ; un assassin vint à sa rencontre sur des chemins par où il pouvait s'enfuir facilement ; il avait sous son manteau un couteau triangulaire. Il feignit de vouloir aborder amicalement le maître valet. Mais je me précipitai sous le manteau, et je reçus le coup qui pénétra jusqu'au des. Il y eut un craquement ; je pense qu'il doit y avoir quelque chose de brisé. Le maître valet se détourna et tomba en faiblesse, l'autre s'enfuit j il vint du monde autour de lui. Je crois que le misérable se heurta à quelque chose de dur, et j'eus l'idée que le maître valet portait une cuirasse. Lorsque j'eus détourné le coup, le diable m'assaillit encore par là dessus ; il était comme enragé, me poussait de côté et d'autre et m'injuriait : Qu'as tu à faire ici. disait il : faut il que tu sois partout ? Mais j'aurai raison de toi.

De ces phénomènes, d'autres lésions matérielles qu'Anne Catherine rapporta, par exemple, de Jérusalem, ou, dans une course précipitée à travers les rues, elle se blessa la rotule contre une pierre, ou qui furent la suite de travaux faits dans ses visions, il résulte indubitablement que sa vie corporelle était élevée au dessus de la sphère naturelle de la même manière que les facultés de son âme. Il n'est pas nécessaire pour cela de se figurer le ravissement corporel d'une manière grossièrement sensible, comme si tout le corps était enlevé : c'est seulement la vie corporelle ou le principe vital, élevé en même temps que la vie de l'âme au dessus de sa sphère habituelle, et, à cause de cela même, sentant, affecté et souffrant à distance avec ses organes sensibles de même que l'âme avec ses puissances voit et agit à distance. De là vient que comme le dit Anne Catherine, bien que son corps malade et souffrant reste gisant dans son lit, c'est pourtant en lui qu'elle a le sentiment du chemin qu'elle fait, des divers accidents du voyage, de toute la fatigue qu'elle s'y donne, et cela de telle façon que toutes les impressions et les occurrences qui s'y rencontrent agissent non seulement sur l'imagination, mais aussi sur le corps lui même et y laissent des traces.

La clef de cette merveilleuse élévation de la vie corporelle se trouve dans la grâce de la stigmatisation, cette transformation du corps de l'homme au corps de Jésus Christ, la plus haute qui puisse avoir lieu Sur cette terre ; elle se trouve aussi dans le Très Saint-Sacrement. Par cela même qu'Anne Catherine a reçu la grâce de porter sur son corps les stigmates du Sauveur, c'est à dire de prendre sur elle les souffrances et les douleurs du corps physique du Christ, elle a été aussi rendue capable de se substituer aux souffrances de sa vie mystique et d'exercer l'action la plus étendue en souffrant par tout le corps de l'Eglise, et pour lui. Sa vie corporelle se trouve donc nécessairement élevée au dessus des conditions ordinaires de l'existence et de l'action terrestres. N'étant plus confinée dans les bornes de l'espace, elle n'a besoin ni du sommeil naturel, ni de la nourriture naturelle ; car, étant spiritualisée, elle est active à la façon de l'âme, avec laquelle elle se soutient, vit seulement et uniquement par le pain des anges et les rafraîchissements célestes qui lui Sont quelquefois présentés pour qu'elle ne succombe pas sous le poids des travaux pénibles et des oeuvres expiatoires dont elle se charge.



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XIII

Il en était aussi de même pour la bienheureuse Lidwine, qui vivait dans un corps auquel manquait tout ce qu'exige la vie naturelle pour pouvoir subsister même misérablement. Dans l'apothème de Lidwine, dont il a été question plus haut, il s'était formé des vers d'environ un pouce de long, qui la rongeaient en trois endroits, au bas ventre et au dessus des hanches, et dont là quantité était telle qu'il fallait leur donner de la bouillie à manger pour sauver la malheureuse de leurs morsures. L'épaule droite était atteinte de la même putréfaction ; l'avant bras était desséché au point qu'on n'y voyait plus qu'un os avec des nerfs et des tendons.

Ainsi Lidwine incapable de faire un mouvement et de recevoir le moindre soulagement, était obligée de rester couchée sur le des et toujours sur le même endroit ; car sa tête aussi était horriblement déformée et elle ne pouvait la remuer que très peu et très péniblement par suite de douleurs qui ne cessaient jamais.

Elle avait sur te front une large fente qui descendait jusqu'à la moitié du nez ; sa lèvre inférieure et son menton étaient également fendus, et souvent il lui était impossible de parler à raison de l'abondance du sang qui s'en échappait. L'oeil gauche était tout à fait perdu le droit ne pouvait pas supporter la lumière et rendait du sang quand la clarté du jour l'atteignait. Elle avait en outre des rages de dents qui souvent la tourmentaient sans relâche pendant des mois entiers, et dont la violence était telle qu'elle craignait d'en perdre la raison. Elle vomissait des morceaux de foie et de poumon, et ses intestins vides restaient à découvert dans ce corps rongé par la pourriture et les vers, qui, pendant dix neuf ans, ne fut réconforté ni par la nourriture ni par la boisson, ni par le sommeil jusqu'à ce qu'enfin le chirurgien de Marguerite de Hollande les retira, en présence de cette princesse. On en enterra une partie, une autre fut conservée comme souvenir de ces merveilleuses souffrances mais plus tard Lidwine fit aussi enterrer celle là, pour mettre un terme à l'affluence d'un grand nombre de personnes qu'attirait le désir de voir un spectacle inouï, et l'odeur suave qui s'exhalait continuellement des parties du corps de l'extatique. Chose remarquable encore, il sortait chaque jour de ses membres une telle abondance de sang et d'eau, que, suivant l'assertion de son biographe, deux hommes auraient eu peine à emporter la quantité qui s'en était écoulée pendant l'espace d'un mois. Comme on demandait avec surprise d'où elle tirait cette abondance de liquide, Lidwine répondit une fois : Dites moi où la vigne prend sa sève, quoique pendant l'hiver elle paraisse desséchée et comme morte. En outre et suivant le rapport de son biographe, il n'y avait aucune maladie et aucune souffrance du corps que Lidwine n'eût éprouvée, et cela avec un délaissement si extrême qu'une fois, dans une vision, ses larmes se gelèrent, pendant que son corps était tout à fait glacé sur la planche qui lui servait de lit.

Le corps de cette bienheureuse vierge était donc privé de tout ce qui pouvait prolonger son existence terrestre, mais Dieu y suppléait d'autant plus abondamment par les dons de sa grâce, afin de donner à tous, dans la personne de Lidwine, la preuve évidente que le Seigneur vit et opère lui même dans les membres de son corps mystique qui est l'Eglise selon qu'il trouve en eux des imitateurs fidèles. Le vénérable biographe de Lidwine rapporte que le Très Saint-Sacrement, non seulement lui servait de nourriture spirituelle, mais encore entretenait la vie de son corps : car moins elle était en état de prendre la nourriture ordinaire, plus elle avait faim de la manne céleste, sans laquelle elle ne croyait pas pouvoir vivre. Il arriva une fois que le nouveau curé de Schiedam, lui entendant dire qu'elle vivait uniquement de la grâce et non du pain terrestre, prit ses paroles en méfiance et lui retira la sainte communion pendant un long espace de temps ; puis enfin, ne pouvant plus résister à ses supplications, il lui présenta une hostie non consacrée mais il fut impossible à Lidwine de l'avaler, elle la rejeta de sa bouche, assurant qu'il l'avait trompée, que ce n'était pas le sacrement qu'il lui avait donné. Cela arriva en 1408, le jour de la Nativité de la sainte Vierge. Le curé ne se relâcha point de sa rigueur, et la bienheureuse resta privée de la communion jusqu'à la fête de la Conception de Marie : mais ce jour là, un ange vint à elle et la consola, en lui promettant que bientôt elle contemplerait dans sa chair, son Seigneur et Sauveur qui était mort et qui avait été mis en croix pour elle. Le jour d'avant la vigile de saint Thomas, entre huit et neuf heures du matin, comme Lidwine méditait, les yeux fermés, une lumière extraordinaire remplit sa chambre : elle ouvrit les yeux et vit auprès de sa couche une petite croix à laquelle était attaché un enfant vivant, avec cinq plaies saignantes. Elle reconnut son fiancé divin, dont la présence la combla d'une douce joie. Lorsque la croix, en s'élevant vers le plafond de la chambre, sembla indiquer qu'il voulait la quitter, Lidwine, enflammée d'un ardent amour, lui cria : "O Seigneur, si c'est vraiment vous, et si vous voulez me quitter, laissez au moins après vous un signe auquel je puisse reconnaître que vous avez été présent ici. Là dessus il redescendit, se transformant en une hostie entourée de beaux rayons de lumière, et où la place des cinq plaies était marquée par cinq points brillants : elle resta en l'air au dessus de la couche de Lidwine, jusqu'à ce que plusieurs personnes eussent vu le miracle, et qu'on eût aussi fait venir le curé. Quant à Lidwine, elle entra dans de tels transports d'allégresse, qu'il fallut lui tenir le coeur, parce qu'il semblait que la joie allait lé faire éclater. Elle obtint du curé, à force de prières, de lui donner la communion avec cette hostie miraculeuse.

Ce seul fait, attesté sous serment par témoins oculaires, peut suffire ici : on pourrait en rapporter beaucoup d'autres qui établissent d'une manière non moins merveilleuse ce que le Seigneur opère dans ses saints, et avec quelle fidélité il récompense dès ce monde, ce que l'on supporte, ou ce que l'on abandonne pour lui.

XIV

Afin que le lecteur puisse aussi se faire une juste idée de ce que Dieu exigeait d'Anne Catherine, sa fidèle servante, pour les grâces inconcevables qui loi avaient été départies pour le bien de son Eglise, on donnera ci après le compte rendu du mois de janvier 1822, d'après le journal du pèlerin. Qu'on veuille bien, eu le lisant, avoir toujours présent à l'esprit que les maladies qui y sont décrites étaient endurées par un corps qui portait déjà les douloureux stigmates de Jésus Christ, et qui, en outre, souffrait d'autres lésions occasionnées par des accidents extérieurs, et dont chacune était mortelle. Mais le résultat qu'elles auraient du avoir était suspendu d'une façon miraculeuse, afin que dans les cruelles maladies qui se succédaient sans relâche, elles servissent à élever chaque douleur à sa pins haute puissance. Enfin le lecteur pourra conclure facilement lui même du rapport suivant, qu'aucun mal ne venait assaillir isolément Anne Catherine, mais qu'il y avait toujours action commune des formes de maladie les plus diverses, souvent les plus opposées, lesquelles étant imposées à la patiente pour une fin toute spirituelle, se trouvaient entre elles dans un rapport plutôt spirituel que physique.

1 au 12 janvier. Anne Catherine a été, ces jours ci, malade à la mort. Sa maladie, accompagnée d'une fièvre continuelle. avait pour caractères des crampes dans le bas ventre, une toux convulsive, des sueurs excessives, des douleurs dans les membres, la paralysie des intestins, un amaigrissement tel qu'on voyait les petites éminences des os et des lésions douloureuses au dos. Le 13 elle eut une journée passable. Cela semblait être un passage à un nouvel état. Le soir étant en extase, elle parla de sa maladie d'une rare naïveté comme s'il se fût agi d'une tierce personne racontant "qu'elle avait été près de la soeur Emmerich. Combien son état est triste, disait elle ; elle a été bien près de mourir ; elle n'a dû son salut qu'à sa patience, à la charité et aux soins des personnes qui l'entouraient" ( lesquelles, dans de pareils cas, ne pouvaient lui être d'aucun secours). Alors, elle parla des fautes de cette personne, qui avaient aggravé sa maladie. "Elle mange de la soupe pour faire plaisir aux gens, dit elle, et cela lui fait grand mal, etc. "

14 janvier. La fièvre diminue, la faiblesse augmente, l'amaigrissement arrive à un degré qu'on ne peut s'imaginer. Elle souffre tant, qu'elle ne peut plus rester couchée. Le 15 au soir, elle vomit des torrents de sang. Elle ne cesse de dire qu'elle voit un feu allumé au dessus d'elle ; qu'il y a dans le monde une lutte entre l'eau et le vin, que cela se passe au dessus d'elle et que le feu doit décider.

Quoique Anne Catherine eût annoncé d'avance ces cruelles maladies ainsi que leur durée qui devait se prolonger jusqu'à la Chandeleur, elle avait pourtant toujours le sentiment des approches de la mort, et par suite une tendance à croire qu'elle allait mourir, de sorte qu'elle voyait avec peine que les personnes de son entourage ne vissent pas dans cet état un pronostic certain. Mais ce sentiment de la mort, est une preuve que dans toutes ses maladies rien n'était épargné pour qu'elle eût à en supporter tous les effets sur le corps et l'âme, et pour qu'elle en eût toute la douleur, tout l'abattement, toutes les angoisses. Certainement son entourage en jugeait la plupart du temps tout autrement, et le pèlerin fait à ce propos l'aveu sincère que : " Ces dangers de mort continuels, qui pourtant n'aboutissent jamais à une aggravation sérieuse de son état, finissent par rendre très calme devant toutes ces maladies désespérées et inexplicables, et l'on s'habitue prés de la malade à regarder ce triste spectacle où l'on ne comprend rien, avec un mélange de compassion, de consolation et de patience où l'âme ne trouve aucun profit et dans lequel on sent un arrière goût de politique humaine qui cherche des échappatoires spécieux.

15 au 21 janvier. Sa fièvre continuelle et son incroyable dépérissement n'ont pas cessé jusqu'au 21 : en outre, des désordres inouïs dans le bas ventre accompagnés des phénomènes les plus douloureux résultant des lésions dont il a été parlé. Des crampes horribles dans lesquelles les intestins vides se soulèvent, semblables à un paquet de cordes entortillées, et des accès de toux convulsive qui aboutissent ordinairement à des vomissements de sang, se succèdent presque chaque jour et quelquefois très rapidement. à cela s'ajoute un amaigrissement qu'on ne peut se figurer, et poussé à ce point que les petites éminences des os sont visibles. Il est touchant de voir les stigmates imprimés sur ce squelette, où il n'y a pas un seul point qui ne soit douloureux et qui, jour et nuit, verse de ses membres décharnés des flots de soeur toujours mêles de sang. Du reste, la paix de son âme va croissant avec la faiblesse de son corps et la grandeur de ses peines. Elle supporte tout avec une résignation touchante, et il paraît que la réception plus fréquente du Saint-Sacrement la ranime intérieurement beaucoup depuis plusieurs jours. Au milieu de ces souffrances, elle continue toujours à avoir des visions, où elle travaille incessamment pour l'Eglise, et elle reste convaincue que sa vie va prendre fin,' Le 18, elle eut une nuit un peu meilleure et un jour d'intermittence dans la fièvre. Elle dit : "J'ai tant prié Dieu de me secourir. Je n'ai pas reçu de réponse précise, et il m'a été demandé si je ne m'étais pas donnée a lui comme sa fiancée, s'il ne pouvait 'pas faire de moi ce qu'il voulait aussitôt il m'a ordonné "de faire un petit fagot "(c'est à dire de faire des fascines de branchage pour boucher les ornières des chemins dans la campagne, afin que les chariots de la moisson puissent passer plus facilement. Cela se rapportait aux travaux faits pour l'Eglise dans les visions).

Le 20 et le 21 elle resta en proie à une fièvre continuelle, avec des alternatives de sueurs abondantes. Le 21, où elle avait à faire des prières pour des malades, en union avec le Prince de Hohenlohe, elle fut dans un état d'abstraction continuelle depuis le matin où elle reçut la sainte communion jusqu'au soir, mais toujours avec une fièvre ardente : toutefois, intérieurement, elle était tout à fait calme et sereine. C'était la fête de sainte Agnès, patronne de son couvent : elle crut être assise à la table céleste avec elle et sainte Emerentienne. Elle dit une fois : "il y a deux feux allumés en moi, l'un dans la poitrine et l'autre dans tout le corps : ils se combattent, et je ne sais pas si je me tirerai de là : cela dépend de celui qui aura le dessus. J'ai plus d'une fois prié Dieu bien instamment de me délivrer de ma plus grande souffrance, le mal confus que j'ai dans le bas ventre. Mon fiancé m'a répondu d'un air sévère : "Pourquoi aujourd'hui ? Ne serait ce pas aussi bien demain, ne t'es tu pas donnée à moi ? ne puis je pas faire de toi ce qui me plaît ? "Ainsi je suis encore dans l'incertitude, et maintenant je ne veux plus rien demander pour moi, mais je m'abandonne entièrement à lui. O quelle grâce que de pouvoir souffrir ! Heureux celui qui est méprisé et injurié ! il n'y a rien que je ne mérite, et je n'ai joui que de trop d'estime. Ah ! que ne suis je couverte de crachats et foulée aux pieds dans la rue ! Je voudrais leur baiser les pieds ! "

Lorsque le 19 au soir le docteur L... vint la voir et la questionner sur son mal, elle dit peu de chose ; mais le pèlerin lui donna une idée de la maladie. Plus tard, étant passée à l'état d'extase, elle dit au pèlerin : " Comment peux tu te mettre au milieu de mes fleurs, tu vas les écraser toutes. Elle vit donc les indications données sur ses souffrances comme la destruction de ses fleurs. Elle voyait souvent le commencement de nouvelles souffrances sous l'image d'un petit garçon qui jetait des fleurs sur elle.

Le 23, elle dit : " Cette nuit, j'ai eu à faire en sus un nouveau travail. Les souffrances se prolongent ; elle s'en réjouit et aussi a de ce que depuis la nouvelle année elle est toujours en campagne, et de ce qu'elle a déjà fait bien de l'ouvrage. " Son confesseur, ému et touché des souffrances de plus en plus horribles qu'elle éprouvait dans le bas ventre, et dont elle avait demandé a être délivrée le jour précédent, lui donna un peu d'huile bénite, pria sur elle et ordonna au mal de se retirer au nom de Jésus. Le secours lui vint aussitôt : elle se sentit entièrement soulagée, et ainsi s'accomplit ce qui lui avait été dit pour demain. Le soir, la garde malade vint trop près d'elle avec une mèche soufrée allumée, ce qui fit qu'Anne Catherine fut prise d'une toux mortelle avec des vomissements de sang, à la suite desquels elle crut s'être disloqué quelque chose dans le corps.

Les anciens accidents au bas ventre revinrent. cependant l'huile bénite la soulagea encore.

Maintenant les symptômes de la maladie changent. Anne Catherine prie pour une malade dont les membres sont tout déformés par la goutte. Elle a maintenant dans tout le corps des sueurs tout à fait semblables à celles des goutteux ; elle ressent des douleurs de goutte dans toutes les articulations, surtout aux mains et aux doigts, qui sont horriblement défigurés chez cette personne. Dans le sommeil extatique elle demande qu'on lui coupe les orteils, ils l'empêchent de marcher ; ils sont tout tordus et rentrés en eux mêmes, et elle craint qu'ils ne se dessèchent. En outre, elle croit porter sur ses épaules une lourde pièce de bois triangulaire, et prie son confesseur de la lui retirer. Celui ci lui frictionna les épaules et dit : " Elle n'y est plus. Mais quand il a fini ses frictions, Anne Catherine dit : " il ne l'a qu'un peu déplacée, il faut que je supporte aussi cela. "

27 Janvier. La maladie est toujours la même : son corps maigrit encore, s'il est possible ; les sueurs continuent, ainsi que les douleurs de goutte, qui changent continuellement de place, et le sentiment des pouces et des doigts tordus. La fièvre est plus rare, pouls comme celui d'un mourant. Le 25, elle fut prise de nausées subites et d'un fort vomissement de sang, son corps ressemblait à une masse informe. Elle resta ainsi plusieurs heures livrée à de grandes douleurs, mais souffrant patiemment et priant en silence : puis cet état disparut, et Anne Catherine dit qu'elle avait vu une personne malade dont le corps était ainsi déformé. Elle avait prié pour elle, et c'était alors qu'elle s'était trouvée si mal et qu'elle était tombée dans cet état.

Le 29 janvier la fièvre semble diminuer un peu, elle est dans un état de prostration effrayante et ressent de nouvelles douleurs dans le bas ventre. Toutes ces souffrances et ces états correspondent exactement à des états et à des travaux spirituels et relatifs à l'Eglise. Anne Catherine le sait bien, mais dans l'état de veille, elle est rarement en état d'en rendre compte.

Le 29 au soir, ses tortures augmentèrent encore après une journée de souffrances. Elle dit tout à coup : "Qu'est ce que cette clarté qui est au dessus de moi avec une couronne de fleurs ? " Et aussitôt ses douleurs l'assaillirent. La douleur la faisait trembler de tous ses membres, ses muscles se retiraient convulsivement, tous les symptômes d'une fièvre inflammatoire se manifestaient.

Le 30 au soir, elle voit de nouveau une pluie de feu tomber sur elle, et ses douleurs de bas ventre augmentent, prenant sans cesse de nouvelles formes. Elle raconte le 31 au matin, que quelque chose s'est détaché en elle, lui a monté dans le cou, et qu'elle a retiré de son gosier avec le doigt un corps visqueux, compact de la longueur du doigt. Elle avait eu une vision sur le danger de son état, et elle se fit mettre sur le ventre des cataplasmes de camomille et de rue trempés dans du vin chaud : elle se fit aussi frictionner avec de l'huile bénite. Cet état dura trois jours, "car elle s'était chargée de quelque chose à souffrir " disait elle. Sa plus cruelle souffrance était dans les reins et dans la rate, et la douleur montait jusqu'aux cavités des bras. Ses souffrances étaient grandes mais sa patience les égalait. Tout en gémissant elle ne parlait que de Dieu et du bonheur de souffrir, priait pour les pauvres âmes qui avaient encore plus à souffrir qu'elle, et conseillait d'étendre la souffrance sur toute la vie, car il est plus difficile de mourir que de vivre.

Plus d'une fois Anne Catherine, au milieu de ses horribles douleurs dont l'extase elle même ne diminuait pas la vivacité, s'était soulevée le soir sur son lit et avait prié d'une manière touchante, comme si elle en rendait grâces à Dieu. Elle trouvait la force de supporter tout cela non seulement dans le Saint-Sacrement, mais encore dans d'autres consolations sur lesquelles elle ne s'expliqua qu'en peu de mots dans les premiers jours du mois de février : " Combien, disait elle, j'ai été merveilleusement soutenue par Dieu au milieu de ces souffrances ! La plupart du temps, je voyais devant moi ou près de moi, planer comme une table de marbre blanc sur laquelle se trouvaient des vases de toute espèce avec des sucs et des herbes. Je voyais tantôt un saint martyre, tantôt un autre, homme ou femme, venir à moi et m'apprêter un remède : c'était parfois un mélange, parfois quelque chose qu'on pesait comme sur une balance d'or. Souvent on me donnait à sentir des bouquets de fleurs, souvent quelque chose à sucer. Ces remèdes calment souvent la douleur, plus souvent encore ce sont des moyens fortifiants qui aident à supporter beaucoup de souffrances qui s'entremêlent et qui viennent immédiatement après. Je vois cela si distinctement et dans un ordre si régulier, que j'ai quelquefois peur que mon confesseur en allant et venant ne renverse cette pharmacie céleste. " Il en fut ainsi tout le temps que dura la maladie.

Tel est le compte rendu d'un seul mois : on pourrait en donner de semblables sur tous les mois de sa vie, mais celui ci suffira au lecteur pour reconnaître sur quel arbre de tortures sans nom ont mûri les fruits précieux qui lui sont présentés dans les visions de cette servante de Dieu si accomplie et favorisée de tant de grâces. Ce furent précisément les belles visions relatives aux noces de Cana et à l'Enfant Jésus parmi les docteurs du temple, qu'Anne Catherine eut pendant ce mois Combien ne lui a t il pas été difficile d'en communiquer les fragments que le pèlerin a sauvés si fidèlement de cet océan de souffrances !

XV

Il reste encore à parler plus au long de la manière dont les visions étaient communiquées au` pèlerin par Anne Catherine, et de la manière dont celui ci s'y prenait pour les recueillir. Mais ce dernier point né serait pas bien apprécié, si l'on n'exposait pas l'ensemble des rapports dans lesquels le pèlerin se trouvait avec Anne Catherine.

On a déjà dit plus haut qu'Anne Catherine avait eu de visions dès sa première jeunesse, qu'elle en avait eu l'intelligence, et en avait parlé avec une simplicité naïve aux personnes de son entourage. Mais bientôt ces communications furent repoussées, et, malgré les fréquentes injonctions d'en faire part qui lui furent données intérieurement, ce ne fut que dans sa quarante troisième année qu'il arriva à Anne Catherine de trouver quelqu'un auquel elle pût s'ouvrir conformément aux avertissements donnés. Bien des fois elle avait demandé à ses confesseurs de vouloir bien l'écouter pour l'amour de Dieu ; mais elle n'avait jamais obtenu qu'aucun d'eux se donnât la peine de prendre une connaissance approfondie de ces communications, et d'examiner avec quelle attention quelle en pouvait être la valeur. Elle avait lieu de se féliciter quand on ne la rebutait pas comme un cerveau malade, infatué de rêveries extravagantes, et qu'on se bornait à lui exprimer le désir de ne plus entendre de pareilles choses. On peut trouver ces procédés inexplicables et même inexcusables, car, puisqu'il s'agissait d'une personne d'une sainteté notoire, la plus simple équité exigeait qu'on reçût au moins ses communications comme à l'essai, sauf à aller plus avant, après examen, en se dirigeant d'après les règles d'une direction spirituelle éclairée j mais on s'étonnera moins en pensant à la faiblesse humaine prise en général, et au caractère particulier de l'époque à laquelle vivait Anne Catherine.

Dans sa vingt huitième année, elle entra au couvent des Augustines, à Dulmen. Elle y fut comme une apparition étrange et tout à fait incomprise, car avec l'austérité de la discipline claustrale et la pratique de la vie vraiment intérieure et contemplative, on avait ` aussi perdu la règle d'après laquelle devait être appréciée une créature si merveilleuse et comblée de tant de grâces. La perfection exemplaire d'Anne Catherine, loin d'être considérée comme un modèle à imiter pour ses compagnes, faisait plutôt qu'on l'évitait et qu'on la craignait comme un moniteur incommode et importun. En outre, le temps de son séjour au couvent fut trop court pour qu'elle pût accomplir une réforme semblable à celles dont des âmes favorisées de grâces analogues furent souvent les instruments à d'autres époques.

Lorsqu'après la suppression violente du couvent elle fut forcée de rentrer dans le monde, ce fut un religieux français émigré, le bon et pieux P. Lambert, qui se chargea de sa direction spirituelle. Mais d'une part, la vieillesse, les infirmités, les soins d'une existence précaire ; d'autre part la méfiance poussée jusqu'à la persécution avec laquelle laïques et ecclésiastiques observaient Anne Catherine et la soumettaient à des enquêtes impitoyables, jusqu'à mettre sa vie en danger, avaient rendu ce pauvre homme tellement timide que souvent il suppliait sa fille spirituelle de garder le silence sur ses visions, et de tout étouffer plutôt que d'exposer elle et lui à de nouvelles vexations. Quoique pleinement persuadé de la vérité de ses assertions et de la sainteté de sa vie, le P. Lambert ne possédait pas la forcé d'esprit nécessaire pour apprécier tout ce qu'il y avait là d'important, et pour pouvoir se mettre en mesure de comprendre et de recueillir les communications comme il l'eût fallu. Ce qui caractérise bien toute la manière d'être de cet excellent homme, c'est qu'au bout de quelques années, Anne Catherine fut obligée de prendre un autre confesseur, car, accoutumé à avoir recours, pour toutes ses affaires temporelles, aux conseils éclairés et à l'assistance d'Anne Catherine, il en vint à peu près à s'en remettre pour tout le reste à son intelligence supérieure, et Anne Catherine vit bien qu'elle ne tarderait pas à conduire au lieu d'être conduite, et qu'ainsi elle serait privée de toute direction spirituelle Mais elle lui voua jusqu'à sa mort la sollicitude la plus touchante et la plus dévouée, prenant ses douleurs sur elle, lui obtenant des grâces sans nombre et lui donnant toute espèce d'assistance ; aussi, le P. Lambert, dans sa dernière maladie. Lorsqu'il recevait un soulagement inattendu ou une consolation intérieure, s'écriait souvent en versant des larmes de reconnaissance : "C'est ma Soeur qui a fait cela "

Son successeur fut un homme beaucoup plus jeune, l'ex dominicain Limberg, religieux d'une grande piété, mais d'un caractère difficile et scrupuleux, qui ne voulait pas entendre parler de visions, et qui qualifiait tout simplement de rêveries tout ce qu'Anne Catherine voulait lui exposer pour obéir à des injonctions de plus en plus pressantes.

Même à l'époque où le pèlerin vint entreprendre le travail si pénible de la mise en oeuvre des visions, rien ne put décider Limberg à venir en aide a la Soeur accablée sous le poids de ses continuelles et indicibles souffrances, et à faire usage de son autorité de confesseur pour faciliter, régler bien des choses, et empêcher les dérangements venant du dehors. Il se réjouissait à la vérité, quand le pèlerin réussissait à sauver tel ou tel récit ; mais bientôt après il tombait dans le trouble et l'inquiétude pour peu qu'il eût avoir à craindre que cela ne fit du bruit, ou ne fit tenir des propos.

Les choses allèrent ainsi jusqu'au moment ou Overberg devint le confesseur extraordinaire d'Anne Catherine. S'étant convaincu, après un long et scrupuleux examen, de la réalité de son état merveilleux, il ne pouvait manquer de désirer que ses visions tussent conservées, pour le plus grand bien des contemporains et de la postérité ; mais ses devoirs d'office ne lui permettaient pas de quitter longtemps Munster et de se charger lui même de ce difficile travail. Le pieux comte de Stolberg et l'évêque de Ratisbonne, Sailer (14), arrivèrent à la même conviction qu'Overberg, et ce fut par leur intermédiaire que Clément Brentano trouva accès et accueil très bienveillant auprès Anne Catherine.

Anne Catherine parlant plus tard au docteur Wesener de la visite de Sailer, lui dit qu'elle en avait retiré beaucoup de consolation et un grand profit pour son âme. (Extrait du journal de Wesener.)

On doit encore, à cette occasion, mentionner avec reconnaissance un homme qui, depuis l'année 1813 jusqu'à la mort d'Anne Catherine fut le plus fidèle ami de celle-ci : nous voulons parler du docteur Wesener de Dulmen.

L'éditeur possède une copie de son journal, et même le procès verbal qu'il avait dressé le 22 mars 1813 sur les stigmates d'Anne Catherine. à dater de ce jour, il la visita journellement pendant une suite d'années, et il tint sur ses observations médicales un journal exact, dans lequel il consignait avec une simplicité touchante tous les entretiens qu'Anne Catherine avait d'ordinaire avec lui sur des sujets religieux. Comme une fois il exprimait un regret sur ce que les saints Evangiles disent si peu de chose de la jeunesse du Sauveur, Anne Catherine lui répondit, à ce qu'il rapporte dans son journal du le' mai 1813 : "Je connais tout dans les plus petits détails, comme si je l'avais vu moi même Je sais aussi très exactement l'histoire de la mère de Jésus. "Elle s'étonnait elle même, ajoute Wesener, de ce que tout se présentait à elle avec des traits si vifs, quoiqu'elle n'eût pas pu lire tout cela. Elle promit de me raconter deux choses. Le 27 mai, comme il lui rappelait sa promesse, elle commença par me parler de l'assurance donnée à sainte Anne que le Messie naîtrait de sa race. Anne, à la vérité, avait eu plusieurs enfants, mais elle avait bien vu que le vrai rejeton n'était pas encore venu, et pour cela elle avait imploré l'accomplissement de la promesse, en multipliant les jeunes, les prières et les sacrifices. Wesener continue de cette manière à rendre compte de ce qui lui a été communiqué jusqu'au mariage de Marie avec saint Joseph, et il termine son compte rendu en rapportant ce que lui a dit Anne Catherine : " qu'elle voudrait seulement être en état d'écrire, parce qu'alors, croit elle, elle écrirait tout un livre rempli des visions qu'elle a déjà eues. "Or, ce que donne Wesener est une fidèle esquisse de ce que le pèlerin put recueillir plus tard à la suite d'un récit plus détaillé d'Anne Catherine. Wesener fut donc le premier qui, ravi de la profondeur et de la beauté intérieure de plusieurs choses sorties de la bouche d'Anne Catherine, mit par écrit ce qu'il put en entendre. Cela se réduit assurément à peu de chose, mais ce peu, par sa conformité avec les rédactions du pèlerin, non seulement quant à la substance, mais aussi quant à la forme, en tout ce qui est essentiel, est de la plus haute importance ; car ces notes écrites avec une grande simplicité et tout à fait sans prétention prouvent avec quelle fidélité consciencieuse le pèlerin a reçu et reproduit les communications d'Anne Catherine.

Le pèlerin fut introduit par Wesener auprès d'Anne Catherine. Voici ce que ce dernier dit à ce sujet dans son journal : "Jeudi 24 septembre 1818, le frère de M. Brentano est venu chez moi, avec le désir de pouvoir faire connaissance avec la malade. il s'appelle Clément, et jusqu'à ce moment il a vécu à Berlin sans y avoir de profession. Comme il me paraît avoir très bonne volonté, je l'ai annoncé à la malade. Celle ci s'est montrée disposée à le recevoir tout de suite, et je lui ai amené. "

2 octobre "La malade a pris Clément Brentano en affection, quoiqu'à certains égards elle paraisse préférer son frère. Du reste, ce que je prévoyais est arrivé. La maladie trouve de l'édification et un plus grand recueillement dans ses rapports avec Brentano, parce qu'il la préserve, par ses fréquentes visites, de beaucoup d'ennuis venant du dehors. M. Clément Brentano a loué un logement dans la maison de la malade, et il l'observe avec beaucoup de soin. "

Mercredi 23 décembre. " Il y a une lacune depuis le 18 octobre jusqu'à ce jour ; mais cette lacune est comblée par un trésor d'expériences faites par un observateur qui m'est bien supérieur en pénétration et en instruction : c'est M. Clément Brentano, dont j'ai déjà parlé. "

Voyons maintenant comment le pèlerin lui même s'exprime dans son journal sur sa première visite à Anne Catherine. "J'arrivai à Dulmen vers dix heures Wesener, médecin de la soeur Emmerich, m'annonça à elle afin qu'elle ne fût pas trop intimidée. Elle se montra fort aise de me voir. Après avoir traversé une grange et de vieux celliers, on monte par un escalier tournant en pierre : nous frappâmes à la porte : sa soeur, qui la sert, ouvrit la porte : nous entrâmes par la petite cuisine dans la chambre de l'angle où elle est couchée. Elle me tendit joyeusement ses mains stigmatisées et me dit : "voyez comme il ressemble à son frère ! "(Elle voulait parler de Christian Brentano avec lequel elle avait fait connaissance cinq mois auparavant ) Je ne ressentis aucune émotion pénible en voyant les cicatrices de ses mains. Je me réjouissais de ce qu'elle portait sur elle un signe si noble et si saint, et je me sentais porté à une joie intérieure extraordinaire par son visage pur et candide et par la vivacité doucement enjouée de sa conversation. J'étais tout à fait comme chez moi, j'avais l'intelligence et le sentiment de tout ce qui m'entourait.

Je ne trouvai dans toute sa personne aucune trace de tension ni d'exaltation, mais un enjouement plein de simplicité pure et une espièglerie innocente. Tout ce qu'elle dit est prompt, bref, simple, naïf, sans retours complaisants sur elle même, avec cela plein de profondeur, plein d'amour, plein de vie, et pourtant tout à fait rustique. On y reconnaît une âme délicate, sensée, fraîche, chaste, éprouvée, parfaitement saine. Elle vit au milieu de l'entourage le plus incommode et le plus inintelligent, composé de bons ecclésiastiques, de braves gens simples et grossiers, et d'une méchante soeur : toujours malade à la mort, soignée d'une façon maladroite et grossière, dirigeant tout, menant tout le ménage, travaillant, abandonnée, martyrisée, entourée de bruit, tantôt regardée curieusement comme une bête extraordinaire, tantôt vexée par sa soeur comme une Cendrillon, menant une vie misérable, mais toujours affectueuse, toujours en lutte avec d'immenses douleurs qu'elle souffre pour les péchés d'autrui. Tout ce qui la gêne extérieurement pourrait être changé sans qu'il y eût la plus petite dépense à faire à ce ne sont que de petites misères, mais qui la tourmentent comme un essaim de mouches, et il est difficile d'y remédier. Regardant bien plus haut que toutes ces personnes, elle honore en elles les desseins de Dieu, qui veut l'éprouver et l'humilier. Faisant de Jésus sa société et jouissant de son Seigneur, la fiancée de Dieu se courbe, joyeuse, sous le fouet des valets. Elle ne se borne pas à porter les stigmates : elle est incessamment crucifiée et prie pour ses bourreaux : il n'y a pas jusqu'à l'affection que plusieurs lui témoignent qui ne soit une lourde peine. "

Son confesseur, le dominicain Limberg, homme simple, innocent, humble, du coeur le plus pur, mais peu instruit, a en elle un fardeau merveilleux qui le porte à son tour. Que de choses inouïes, étourdissantes, il découvre tous les jours en elle ! Si elle est en extase, et que par hasard il approche d'elle ses doigts consacrés, elle lève la tête et les suit des yeux, et quand il les retire elle retombe sur elle même. Et il en est de même pour tous les prêtres : dans l'extase, elle saisit vivement les doigts consacrés, et avec tant de force, qu'on ne peut pas les retirer. une fois, étant tombée en extase pendant une conversation sur le sacrement de l'Ordre, elle dit que, même dans l'enfer, ces doigts du prêtre se reconnaissaient encore à une marque particulière. Celui qui, comme moi, a vu cela fortuitement sent bien que la consécration sacerdotale est quelque chose de plus qu'une pure cérémonie : c'est un fleuve vivant qui a sa source dans la vie de Jésus. "

Anne Catherine témoigna tout d'abord au pèlerin une naïve et touchante confiance : car tout son intérieur était complètement dévoilé à ses yeux : elle voyait cette âme noble et élevée avec la plénitude des dons si rares qui plaçaient Clément si fort au dessus de la plupart de ses contemporains, décidée maintenant à vouer le reste de ses jours à la tâche qu'elle même avait à remplir, et qu'elle n'aurait pas pu mener à bien sans lui. Elle lisait dans ses pensées les plus secrètes, les lui faisait souvent connaître avant qu'il en eût clairement la conscience ; lui même, dans sa droiture et dans sa simplicité, n'hésitait pas à consigner dans son journal, avec une fidélité surprenante, celles mêmes de ces révélations qui pouvaient le faire rougir.

Anne Catherine reçut de son conducteur spirituel l'injonction d'être communicative à l'endroit du pèlerin et elle avoua à celui ci a qu'elle sentait qu'elle avait eu inutilement des grâces et des visions innombrables, parce qu'elle n'avait personne à qui elle pût en faire part. Le Père l'avait souvent jetée dans les plus grand doutes, parce que, sans vouloir rien examiner, il traitait tout cela de pures rêveries : mais son ange lui avait toujours réitéré les mêmes injonctions : il faut que tu le dises même quand on se moquerait de toi. Si elle cherchait à s'excuser en disant : Mais je ne sais pas m'exprimer, la réponse était toujours : Dis le comme tu pourras. Elle avait raconté cela au Père, mais il ne voulait pas l'écouter. "

Le pèlerin lui ayant dit une fois qu'il ne pouvait pas croire que tout ce qu'elle avait vu depuis sa jeunesse lui eût été donné pour elle seule, Anne Catherine en tomba d'accord : "J'ai la même persuasion, lui dit elle, car il m'a été ordonné, depuis longtemps déjà, de tout raconter, quand même le monde devrait me regarder comme folle : mais personne n'avait jamais voulu m'écouter et les choses les plus saintes que j'eusse vues et apprises, étaient si mal entendues s et accueillies d'une façon si injurieuse que, craignant de les exposer au mépris, je renfermais tout en moi même avec une grande tristesse ; Plus tard, j'ai vu dans le lointain un homme étranger (15) qui venait à moi et écrivait beaucoup auprès de moi : cet homme, je l'ai retrouvé et reconnu dans la personne du pèlerin. "

"J'ai, depuis mon enfance, l'habitude de prier tous les soirs pour tous les accidents, comme chutes, naufrages, incendies, etc., et je vois toujours, après avoir prié, des scènes en grand nombre ou des accidents de ce genre qui aboutissent heureusement. Mais quand j'ai omis cette prière, j'apprends ou je vois toujours quelque grand malheur, ce qui me fait voir non seulement la nécessité de cette prière spéciale, mais le profit qu'il y a à ce que je communique cette persuasion que j'ai et les avertissements intérieurs que Je reçois à ce sujet, parce que cela peut suggérer la pensée de cette oeuvre de charité à d'autres personnes qui n'en voient pas les effets comme moi. "

"Les nombreuses et surprenantes communications de l'Ancien et du Nouveau Testament, les scènes innombrables de la Vie des saints, etc., m'ont toutes été données par la miséricorde de Dieu, non seulement pour mon instruction, car il y a bien des choses que je ne pouvais pas saisir, mais pour être communiquées, et pour remettre au jour des choses cachées et plongées dans l'oubli. J'en ai toujours reçu l'ordre à plusieurs reprises : je l'ai raconté aussi bien que je l'ai pu, mais on ne se donnait même pas la peine de m'écouter : il me fallait donc le renfermer en moi même et j'oubliais nécessairement une foule de choses. Mais j'espère que maintenant Dieu donnera ce qui sera nécessaire. "

Une autre ouverture, sur le même sujet, que fit Anne Catherine étant en extase, mérite aussi considération : " Je sais, dit elle, que je devrais être morte depuis de longues années, car je viens d'avoir une vision où j'ai appris que je serais morte il y a longtemps si tout ne devait pas être connu par le moyen du pèlerin. Il doit tout écrire car mon affaire à moi est de prophétiser, c'est à dire de faire connaître les visions. Et quand le pèlerin aura tout mis en ordre et que tout sera fini, il mourra aussi. " Ceci s'est accompli à la lettre.

Mais la communication la plus étendue et la plus caractéristique qu'Anne Catherine ait faite sur ses visions et sur sa tâche prophétique eut lieu le 2 février 1821. Comme le pèlerin lui parlait des grâces singulières qu'elle recevait si abondamment et dont une grande partie se perdait parce qu'elle était dérangée, ou troublée, ou accablée par la souffrance : " Oui, dit elle, mon fiancé m'a aussi dit cela cette nuit, comme je me plaignais de ma détresse, de ma misère, de voir tant de choses que je ne comprenais pas, etc. Il m'a dit qu'il ne me donnait pas mes visions pour moi, qu'elles m'étaient envoyées pour que je les fisse recueillir, et que je devais les communiquer. Ce n'est pas maintenant le temps de faire des miracles extérieurs. Il donne ces visions et il en a toujours agi de même, pour prouver qu'il veut être avec son Eglise jusqu'à la fin des siècles Les visions (c'est à dire la contemplation seule) ne sauvent personne : il faut pratiquer la charité, la patience et toutes les vertus. Il me fit voir ensuite une série de saints qui avaient eu des visions de toute nature, mais qui n'étaient arrivés au salut qu'en utilisant ce qu'ils y avaient appris. Je vis ensuite des scènes de la vie de différents saints et je vis que la plupart du temps leurs visions avaient été tronquées et mal comprises de ceux qui les avaient mises par écrit. Je vis combien plusieurs d'entre eux eurent à souffrir à ce sujet et comment sainte Thérèse craignit bien longtemps d'être le jouet d'une illusion diabolique, par suite de l'absurdité de ses confesseurs. Elle nomme alors sainte Thérèse, sainte Catherine de Sienne, sainte Claire de Montefalco, sainte Brigitte, sainte Hildegarde, sainte Véronique Giuliani, la vénérable Marie de Jésus, etc., comme lui ayant toutes été montrées, et Elle dit beaucoup de choses sur la nature de leurs visions, dont elle. n'a qu'une connaissance intérieure. Elle voit que l'effet de ces visions a été détruit en grande partie par les suppressions ou les changements qu'y ont faits des prêtres savants, mais manquant de simplicité et ne comprenant pas la manière dont ces tableaux se produisent. On a souvent rejeté beaucoup de choses parce qu'on ne pouvait pas dégager la pure vision historique d'autres représentations qui s'y mêlaient et où le contemplatif agissait par la prière. J'en vois d'autres étonnamment prolixes où chaque grâce est accompagnée d'un tel flux de paroles que personne ne trouve plus rien de substantiel qu'il puisse s'approprier. Les visions de sainte Hildegarde ont été écrites par elle même avec la plus grande fidélité, parce qu'avec elles elle a reçu de Dieu le don d'écrire. Cependant, il y a beaucoup d'altérations dans ce qui en a été imprimé. Même dans les écrits imprimés de sainte Thérèse, on a fait des changements. Sainte Françoise Romaine a eu beaucoup de visions du même genre (qu'Anne Catherine), mais elles ont été très mal reproduites. Elle a vu comment la manie des confesseurs de tout accommoder à leur manière d'entendre l'Evangile a fait disparaître bien des choses. Et pourtant, peu de semaines auparavant, avant que cette injonction répétée lui eût été faite, Anne Catherine, assaillie de douleurs innombrables et craignant de ne pouvoir pas en supporter la violence, avait supplié Dieu de lui retirer les visions.

Voici ce qu'elle raconta le 1er janvier 1821 : " J'ai demandé de tout mon coeur près de la crèche que Dieu me soulageât un peu et voulût bien me décharger d'un fardeau ; qu'au moins il retirât à l'enfant son affreuse toux convulsive (c'était l'enfant de son frère qui demeurait près d'elle, et dont l'interminable toux convulsive allait bien plus au coeur d'Anne Catherine que ses propres souffrances) : mais je n'ai pas été écoutée et aucune espérance ne m'a été donnée ! j'ai fait à Dieu une querelle dans les règles, je lui ai rappelé comment il a promis de tout exaucer, et dans quels cas ; je lui ai cité plusieurs exemples, mais il ne m'a pas écoutée et j'ai compris que cette année je serais encore plus fortement éprouvée qu'à l'ordinaire. Hier encore, j'ai prié Dieu ardemment de me retirer les visions, afin d'être délivrée de l'obligation de les raconter et de la responsabilité qui s'y attache. Mais je n'a' pas été exaucée, et il m'a été dit, comme de coutume je dois raconter tout ce que je serais en état de, et cela quand même on se moquerait de moi. Je ne puis comprendre à qui cela servira. Il m'a été dit encore que personne n'a vu tout cela de la même manière et dans la même' mesure que moi : que d'ailleurs ce ne sont pas mes affaires, que `c'est l'affaire de l'Eglise. C'est un grand malheur qu'il s'en perde tant, et il en résulte une grande responsabilité. Bien des personnes, qui sont cause que je n'ai jamais de repos et le clergé qui manque d'hommes et qui manque de foi pour faire cela, auront un terrible compte à rendre. J'ai vu aussi tous les obstacles que le démon a suscités. "


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(A suivre...)
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Message par M1234 Mer 22 Mar 2017 - 10:14

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XVI

Le pèlerin était donc le premier homme pourvu de tous les dons nécessaires que la Providence eût amené près de la voyante, afin qu'elle dévoilât devant lui les trésors de grâce qu'il devait maintenant recueillir au profit des contemporains et de la postérité avec des peines et des fatigues auxquelles probablement bien peu de ses lecteurs auraient consenti à se soumettre. D'une part, son sens droit et lucide le préservait de l'excès et de l'exagération, d'autre part sa foi simple et candide jointe au sentiment inné du vrai et du beau, ainsi que les trésors d'expérience recueillis pendant une vie agitée et mêlée à celle des plus distingués et des meilleurs de ses contemporains le disposait à apprécier sans prévention les phénomènes et les faits, à ne pas renfermer dans des limites trop étroites ce qui sortait des règles ordinaires, et à ne pas rejeter timidement tout un ordre de choses étranger aux habitudes de la vie commune et aux idées qui en découlent. Si le pèlerin, avec la délicatesse de son sentiment artistique et la puissance créatrice de son propre talent, était incapable de s'approprier l'oeuvre d'un tiers en la corrigeant, en l'altérant ; en y effaçant le cachet de l'originalité, il était encore bien moins homme à traiter ainsi les tableaux merveilleux que la voyante faisait passer devant son regard étonné et qu'il accueillait humblement comme un don de Dieu, en versant des larmes de reconnaissance. Le goût et la piété s'accordaient pour l'empêcher de parer de ses propres pensées ce que la voyante lui confiait ou de réduire à la mesure de sa lumière bornée ce qui avait été aperçu dans la lumière vivante.

Il était trop au dessus de son temps et en même temps trop peu théologien pour avoir en poche une " théorie de la révélation " à appliquer avec une critique minutieuse au mystère de la rédemption et aux miracles de l'histoire du Rédempteur, En outre son audacieuse fantaisie poétique avait depuis longtemps parcouru toutes les routes et s'était exercée sur tout ce qui peut émouvoir des natures aussi richement douées que la sienne, et il ne lui restait plus qu'à la courber sous le joug de la croix et à la consacrer avec joie et sans réserve au service de l'Eglise.
Du reste, plusieurs des qualités distinctives du pèlerin n'étaient que des dons naturels, mais elles reposaient sur une base plus profonde que ne le laissait voir extérieurement la vivacité native de cet esprit si riche et si indépendant, et elles étaient dominées et dirigées par un principe infiniment plus élevé que celui qu'on voudrait trouver dans la "pure fantaisie ou le besoin poétique. " Ce n'est pas là qu'on puise la persévérance qui fait rester au besoin, des années entières près du lit de douleur d'une pauvre malade luttant journellement avec la mort et gémissant sans secours sous le poids de peines sans nom, pour n'y recueillir souvent que bien peu de chose au prix d'humiliations pénibles. Le pèlerin ne tarda pas à apprendre qu'il était venu à l'école de la croix, et que cet essaim de mouches qui environnait Anne Catherine ne l'épargnerait pas non plus, mais il n'en tenait aucun compte et supportait des épreuves bien plus grandes encore avec la simplicité d'un enfant et l'énergie d'un homme.

Il s'exprime à ce sujet en termes touchants, la veille de Noël 1819 : "En commençant à écrire, je ressentis une profonde tristesse à cause des misères de cette vie, où les suites et les effets de l'obscurcissement qui s'est fait en nous m'empêchent de saisir et de reproduire avec calme ce que découvre dans les plus saints mystères le regard d'une simple et na've créature, merveilleusement favorisée de Dieu. Je ne puis sauver pour mes frères que des ébauches grossières, des lambeaux misérables de tableaux qui prouvent la présence et la réalité éternelles de tous les mystères des relations divines, aujourd'hui perdues pour nous. Et ces ébauches il me faut les dérober et les obtenir par artifice ! Je ne puis dire ce que je sens, ce que je vois, ce que je devine à cet égard : mais ceux qui, pendant des années, ont étouffé et méprisé ces grâces, ceux qui, forcés maintenant de les reconnaître les troublent cependant e. ne les recherchent pas et n'en tiennent pas compte, ceux là, dis je, pleureront avec moi quand leur miroir aura été obscurci par la mort. Enfant Jésus, mon Sauveur, donnez moi la patience. "il décrit ensuite la situation d'Anne Catherine pendant cette sainte vigile : "Elle ressent des douleurs atroces dans toutes ses plaies et tous ses membres. Elle les supporte et lutte avec joie. Quelquefois elle ne peut s'empêcher de pousser des cris aigus. Ses mains et ses doigts tremblent et se ferment convulsivement, les doigts sont froids, la paume des mains est brûlante. Elle a fait tous ses présents aux pauvres), fini tous ses travaux : elle place et range tout ce qui lui reste de morceaux d'étoffe et de bouts de fil, et s'affaisse épuisée de fatigue pour porter à la crèche son offrande de Noël, consistant en douleurs infinies qui lui apparaissent comme des fleurs qu'elle porte. Ces douleurs ne sont pas les effets naturels d'une maladie : ce sont des souffrances déterminées qu'elle désire supporter à la place d'autres personnes qui ne peuvent pas souffrir avec patience. Elle sait que par là elle leur procure du soulagement, et elle satisfait avec amour les dettes d'autrui envers la justice divine. J'ai ressenti moi même l'année passée cette translation de mes propres souffrances intérieures à Anne Catherine. Ainsi, à l'occasion de ces saints jours où l'on fête le mystère de notre rédemption, elle recueille pour elle une quantité de douleurs et de souffrances qu'elle apporte au Rédempteur. C'est ainsi qu'il lui a perce les pieds, les mains et le côté le jour de sa propre nativité, afin qu'elle rende du sang en mémoire de l'amour de son Sauveur duquel, le sien tire sa vie. Les paroles du pèlerin ne peuvent rien avoir de surprenant pour le lecteur, car il aura lui même reconnu, d'après tout ce qui a été dit plus haut, combien, il est contraire à l'état réel des choses de se représenter Anne Catherine comme placée dans une région lumineuse du sein de laquelle elle aurait, dans une contemplation paisible, raconté ses visions au pèlerin pour que celui ci les reproduisît sans fatigue : il n'y a pas moins d'absurdité dans cette autre opinion suivant laquelle la fantaisie puissante du poète richement doué se serait donné carrière sur le terrain de la poésie sacrée comme elle l'avait fait autrefois dans les régions sans limites du monde des fables, tandis qu'Anne Catherine n'aurait fait que prêter son nom à ce qu'il aurait rapporté de ces excursions. Pour apprécier complètement la tâche du pèlerin, le lecteur doit se représenter ce qui a été dit plus haut de la vie extatique d'Anne Catherine et se rappeler qu'ayant, dès sa jeunesse, vécu, souffert et agi dans la sphère de la contemplation, elle n'avait jamais pu trouver l'occasion de se communiquer à autrui avec réflexion, ni s'exercer à traduire dans un langage intelligible pour nous ce qu'elle a perçu non dans des parole faites pour l'oreille des hommes, mais dans l'irradiation de la lumière vivante. Et maintenant pour la première fois, dans les six dernières années de sa vie, il lui fallait se livrer à cet exercice, lorsque ses souffrances et ses peines de toute espèce devenaient de plus en plus extraordinaires, et augmentaient chaque jour en durée et en intensité Le lecteur reconnaîtra, non sans surprise, que le pèlerin était ; peut être le seul homme sur la terre que Dieu pût vouloir prendre comme instrument afin de sauver pour la postérité, fût ce même incomplètement, les grâces attachées à l'un des dons les plus merveilleux qui aient jamais été départis à un mortel et les fruits de la plus sainte fidélité et des souffrances les plus inou'es. Il fallait un esprit aussi flexible et aussi délicat que celui du pèlerin, une oreille aussi parfaite !n1lent exercée, capable de deviner l'harmonie tout entière à l'aide d'un son à peine articulé, il fallait de plus sa patience invincible et son opiniâtreté infatigable pour dérober, dans des moments souvent bien courts, à cette femme épuisée jusqu'à la mort les fragments de ses visions, pour conserver chaque parole isolée, quoique souvent encore inexpliquée, jusqu'à ce qu'une heure plus libre de souffrances offrît l'occasion d'obtenir de la voyante le complément nécessaire pour en révéler le sens et en donner l'intelligence. Jamais le pèlerin n'a risqué une combinaison, jamais il n'a cherché à compléter à l'aide d'autres communications analogues un fragment imparfait quant au sens ou à l'expression, sans en avertir expressément et sans expliquer tout au long de quelle manière il a procédé encore ne l'a t il fait que dans des cas bien rares. Il était toujours comme un enfant candide qui n'a d'autre désir que d'entendre ce qui sort de la bouche d'une mère remplie de sagesse et de reproduire ce qu'il a entendu avec une fidélité aussi littérale que possible. La plupart de ces choses étaient pour lui aussi étrangères, aussi inaccoutumées, aussi nouvelles qu'elles peuvent l'être pour le lecteur : mais cela ne l'empêchait pas de tout donner exactement comme il l'avait reçu. Il ne s'est effarouché de rien, quelque contraire que ce put être à sa manière antérieure de voir ou de penser ; il l'acceptait avec reconnaissance comme un mineur qui tombe sur un filon inespéré et le creuse joyeusement dans l'espoir d'y trouver de l'or natif. Beaucoup de choses et notamment les plus belles parties des visions de l'Ancien Testament sont accompagnées de points d'interrogation et d'exclamation dans la première rédaction du pèlerin parce qu'il ne les a pas bien comprises : mais il a reproduit ce qu'il a entendu avec une extrême fidélité. L'expérience lui avait appris qu'Anne Catherine ne voyait pas chaque mystère ou chaque objet dans un tableau délimité, complet en lui même, mais que souvent, suivant l'ordre des fêtes de l'année ecclésiastique, son regard embrassait avec le temps présent l'Ancien et le Nouveau Testament et qu'elle contemplait à une fête telle face du mystère, à une autre fête telle autre face, en sorte que l'ensemble n'était complet qu'après une série de visions. C'était le cas pour les visions touchant l'arche d'alliance, la bénédiction des Patriarches et l'état paradisiaque, qu'Anne Catherine avait aux diverses fêtes de la Mère de Dieu suivant leur rapport avec le saint mystère de l'incarnation et que par conséquent elle ne communiquait que par parties. Mais comme à la fin de l'année ecclésiastique ces parties se réunissaient pour former un ensemble dans lequel l'une était le complément de l'autre, il y avait là une garantie complète tant pour la vérité des visions que pour la fidélité parfaite de la reproduction.

Anne Catherine, la plupart du temps, faisait ses récits dans son patois westphalien. Pendant qu'elle parlait, le pèlerin notait sur des carrés de papier les points principaux qu'aussitôt après il mettait au net en complétant de mémoire. Il lisait la rédaction ainsi faite à Anne Catherine, puis il corrigeait, complétait, effaçait d'après les indications qu'elle lui donnait, et ne conservait rien où elle n'eût reconnu expressément la reproduction fidèle de ce qu'elle avait dit. On peut se figurer aisément qu'un pareil exercice répété tous les jours, pendant plusieurs années, dut, avec là force d'esprit et la constance du pèlerin, lui faire acquérir une facilité particulière ; si l'on ajoute qu'il regardait son travail comme une oeuvre sainte, à laquelle il ne manquait pas de se préparer par la grâce et par de pieux exercices, il sera d'autant plus permis de croire que la grâce divine non plus ne lui aura pas fait défaut. Le scrupule consciencieux avec lequel le pèlerin a fait tout ce travail, lui a interdit, dans les années subséquentes, de rien répondre à ceux qui prétendaient que les visions étaient en grande partie son oeuvre, car cela équivalait a dire qu'un homme grave comme lui avait consacré la fin de sa vie, en se donnant pour cela une peine incroyable, à préparer sciemment une tromperie pour lui et pour les autres.

Afin de mettre le lecteur en mesure de mieux se rendre compte des faits, nous lui donnerons quelques extraits du journal du pèlerin :
Un jour qu'Anne Catherine avait décrit le cercueil de saint Jean Baptiste d'une manière peu intelligible pour le pèlerin, il consigna dans son journal les remarques suivantes : " Elle a décrit cela d'une façon très difficile ou même impossible à comprendre, et il ne faut pas lui faire de questions, autrement elle se trouble. Comme elle est très peu capable de décrire les objets avec précision, elle attribue toutes les questions au manque d'intelligence de l'auditeur. Elle n'a jamais été exercée à pareille chose et n'a jamais eu de rapport qu'avec des gens qui ne demandent pas qu'on leur donne des objets une idée précise. On ne lui a jamais dit que ce sont deux choses différentes, que de voir les objets et de les décrire pour autrui. Comme elle même voit à l'instant su r une simple désignation, elle croit tour parfaitement clair, et se figure qu'on doit comprendre ce qu'elle dit d'une manière très confuse et même ce que souvent elle ne dit pas, croyant l'avoir dit. il se peut du reste que cela tienne à un état comme le sien. Certainement il en est ainsi, car s'il y a une chose évidente dans la vie merveilleuse d'Anne Catherine, c'est qu'il lui fallait acheter par des souffrances chaque grâce qui lui était accordée et qu'elle ne pouvait la rendre profitable aux autres qu'au prix de nouvelles souffrances. C'est pourquoi elle n'avait pas reçu avec ses visions le don de les communiquer facilement et sans fatigue ; c'est pourquoi il n'y eut jamais une assez longue interruption dans ses souffrances pour qu'elle pût une seule fois dire au pèlerin ce qu'il aurait tant désiré entendre sortir de sa bouche : "Cherchons tranquillement ensemble à exprimer cela comme il faut. "Toujours il lui fallait interroger avec précaution et prier doucement, toujours elle se plaignait et s'étonnait qu'on ne la comprit pas. Et si enfin, à force de prières et d'instances, on obtenait une communication, on avait à craindre la peine et l'humiliation d'être obligé de céder la place à quelque visite indifférente comme celle d'une servante ou d'un enfant. Les choses sérieuses ou nécessaires n'étaient pas respectées, et il fallait qu'elles se retirassent avec le pauvre écrivain qui leur avait voué le temps précieux d'une vie déjà sur son déclin. "

Des plaintes de ce genre se représentent fréquemment dans le journal du pèlerin, elles sont l'expression de la profonde douleur qu'il éprouvait toutes les fois qu'un dérangement partant du dehors venait interrompre une communication commencée. L'impression du moment lui faisait perdre de vue ce qui avait été si souvent répété à Anne Catherine, que ce n'était pas la contemplation seulement, mais l'application pratique de ce qu'elle y avait vu qui lui était profitable, ce qui lui faisait considérer l'exercice de la charité et le support humble et patient de toutes les contrariétés comme la principale tache de sa vie. Quant au pèlerin, il ne croyait pas pouvoir mieux employer, en vue de la gloire de Dieu, toutes les facultés de son esprit et tout le temps qui lui restait à vivre, qu'en les consacrant entièrement à la reproduction des visions : c'est pourquoi toute interruption lui causait souvent une si amère tristesse, et s'il survenait une série de dérangements, il lui arrivait parfois a de passer toute la nuit à pleurer et à supplier Dieu de venir à son aide. "

Non seulement Anne Catherine prenait souvent à son compte les maladies d'autres personnes souffrantes, mais, dans ce cas, leurs dispositions morales lui étaient aussi transmises, afin qu'en surmontant l'impatience, les différentes tentations spirituelles de tristesse, de trouble, de mauvaise humeur auxquelles tant de malades succombent, elle leur méritait la grâce de se repentir et de se bien préparer à la mort.
Mais pour qu'Anne Catherine ressentît réellement comme siennes de semblables tentations, et eût de grands efforts à faire pour les vaincre, son entourage pourvoyait abondamment à ce qu'il ne lui manquât jamais de quoi exercer sa patience de toutes les manières. Et maintenant que le lecteur se représente cette pauvre femme, luttant péniblement sous le poids de ses peines corporelles, abreuvée en outre de toutes les amertumes de l'âme, arrivée au dernier degré de la faiblesse, et livrée au sentiment du délaissement le plus absolu ; alors il s'expliquera facilement que le pèlerin, au lieu de reproduire une vision, consigne dans son journal les paroles suivantes : "C'est une expérience des plus émouvantes que de voir une personne favorisée de tant de grâces, si misérable, si dénuée et si débile quand la grâce se cache pour elle. Quel pauvre vaisseau que l'homme ! de quelle miséricorde, de quelle patience Dieu use envers lui ! C'était par cette rude école de l'humilité qu'avait à passer cette créature privilégiée, par les mains de laquelle Dieu a daigné répandre sur son Eglise des faveurs si innombrables. Mais le lecteur peut apprécier lui même combien les communications devaient être défectueuses dans un état où des douleurs extérieures et intérieures de toute nature venaient comme un déluge oppresser l'humble servante de Dieu.

On doit faire encore remarquer qu'Anne Catherine racontait de mémoire dans l'état naturel ce qu'elle avait appris de a la lumière vivante, c'est à dire pendant qu'elle était entièrement ravie hors de ses sens ; il en était de même pour la substance des instructions du Christ qu'elle percevait complètement et textuellement dans ses visions ; toutefois, comme on l'a observé plus haut, non comme des paroles qu'on entend, mais sous forme d'irradiations, de flots de lumière émanés de la lumière vivante. Or, comme pour pouvoir communiquer ce qu'elle avait perçu dans la contemplation, elle était obligée de le traduire dans le langage ordinaire, ce qu'elle reproduisait de cette manière était la plupart du temps très défectueux. Rarement elle pouvait faire autre chose qu'ébaucher une légère esquisse : le plus souvent elle se bornait à dire : "il a fait une très belle instruction que malheureusement je ne puis pas rapporter. Sa provision naturelle de mots et d'idées était trop peu abondante pour qu'elle pût reproduire tout ce dont elle avait eu connaissance dans la contemplation. Si elle eût eu de bonne heure l'avantage d'une direction spirituelle en règle, qui, appréciant sans prévention les grâces gratuites qui lui étaient départies, l'eût exercée à rendre un compte détaillé de ses visions et l'eût préservée des dérangements extérieurs, on aurait pu sauver la plus grande partie de ce qui malheureusement est aujourd'hui perdu pour toujours par suite de l'incurie d'hommes négligents.

Très souvent Anne Catherine racontait au moment même où elle avait ses visions lesquelles suivant ce qui a été dit plus haut, étant aperçues " dans l'ombre de la lumière vivante, " n'interrompaient pas ses rapports avec le monde sensible. Ainsi par exemple, le 13 juillet 1822, dans l'après midi, étant à l'état de veille, elle eut en même temps une vision touchant une grande agitation à Jérusalem à l'époque d'Elie. Le tableau s'étendit en peu de temps dans toutes les directions de la Palestine, et il s'y mêlait une foule d'allusions et d'explications relatives au baptême de Jean qu'elle voyait précisément ce mois là, d'une manière suivie. Mais voyant devant elle le pèlerin qui écrivait pendant que d'autre part ses visions suivaient leur cours, elle ne pouvait s'empêcher de rire du contraste entre le moment présent, et un passe antérieur de près de trois mille ans et elle était dans un état d'excitation enjouée. Elle raconta alors : " Il y a étonnamment de courses, d'allées et de venues, d'envois de messagers ; tout est en mouvement dans le temple, ils consultent une quantité d'écrits et ils écrivent avec des plumes de roseaux. Ce sont des clameurs et des discours sans fin : j'entends une foule de paroles et de noms hébreux mêlés ensemble que je ne comprends pas tout de suite ; cela me fait rire. Je vois maintenant que c'est l'époque d'Elie : on prie pour la pluie et on crie vers Dieu ; on envoie des messagers et on cherche partout Elie. " De même quand Anne Catherine décrivait les voyages du Sauveur à l'époque de sa prédication, les contrées et les villes par lesquelles il passait, tout en racontant elle les voyait dans le plus grand détail, ainsi que toute la topographie des montagnes, des vallées, des déserts, toutes les directions des fleuves et des cours d'eau : mais elle les décrivait, surtout les jours où elle était distraite par quelque aggravation extraordinaire dans ses souffrances, d'une manière peu intelligible pour le pèlerin. Car dans sa contemplation elle parcourait les pays en grande hâte, indiquant dans l'air de côté et d'autre où se trouvait tel ou tel lieu ce qui n'était pas facile à comprendre parce que le pèlerin ne pouvait pas toujours savoir comment elle s'orientait lorsqu'elle voyait et donnait ses descriptions. D'autres difficultés venaient de l'idiome très peu précis de son pays et de la brièveté des descriptions dans lesquelles Anne Catherine indiquait un lieu avec ce seul mot : " C'est là, " montrant en même temps du doigt comme si le pèlerin eût dû voir ce qu'elle voyait. Mais comme il ne le voyait pas et qu'en conséquence il lui arrivait souvent de ne pas la comprendre, elle disait : " Cela vient de ce qu'on n'est pas homme d'église. Dans le sens supérieur du mot, dit le pèlerin, cela est certainement très vrai : mais dans le sens ordinaire, jamais elle n'a trouvé un ecclésiastique qui la comprît. . .

Le pèlerin avoue lui même qu'il ne s'est jamais occupé d'études géographiques : malgré cela il a reproduit avec une patience et une persévérance sans exemple les indications de ce genre données par la narratrice, et quand il lui est arrivé de décrire plus d'une fois le même pays, il a cherché à compléter les uns par les autres les récits d'Anne Catherine, en sorte que le lecteur, s'il peut avoir recours aux cartes les plus exactes, ne pourra manquer le s'étonner en voyant à quel point les indications des visions sont précises, frappantes et propres à concilier ce que plusieurs cartes présentent de contradictions. Le pèlerin a pu espérer que l'incontestable conformité des indications géographiques, topographiques et archéologiques données dans les visions avec l'état réel des choses, tel qu'on peut le constater à l'aide des sources profanes, serait une arme puissante destinée à défendre l'authenticité des visions contre les attaques de ceux qui voudraient les rendre suspectes : c'est pourquoi il n'a pas reculé devant le travail extrêmement pénible auquel il lui a fallu se livrer pour donner d'une manière aussi claire et aussi détaillée que possible ce qu'il a pu tirer des communications de la voyante.

XVII

D'après ce qui a été dit, le lecteur ne trouvera pas étrange de voir Anne Catherine elle même s'exprimer dans ses visions sur le travail du pèlerin dans des termes où il est merveilleusement apprécié, mais non au delà de ce qu'il mérite. Au mois de janvier 1820, comme elle méditait sur la vie de la bienheureuse Madeleine de Hadamar, religieuse stigmatisée comme elle, elle raconta ce qui suit : "Je l'ai vue souffrir beaucoup à la suite de visites et de fausses démonstrations de respect, soit à cause du dérangement qui en était la suite, soit parce que cela la mettait en danger de se regarder comme quelque chose, ce dont elle était fréquemment tentée. Du reste, ce qui la concernait fut en général très maladroitement exagéré, ce qui lui donna beaucoup d'ennuis, comme elle me l'a dit elle même. Je vis aussi son confesseur écrire sur elle, mais il ne s'y prenait pas bien, et parlait bien plus de son admiration que des choses elles mêmes. Cela me fit penser à ce que le pèlerin écrit de moi, et je vis qu'il n'éprouvait presque pas d'admiration, et que la plupart du temps il écrivait moins que Je n'ai vu ; parce que je ne pouvais pas tout lui dire et que je ne raconte jamais ce que je ne sais pas bien. " Le 3 mai 1820, comme le pèlerin lui racontait quelque chose de la vie de sainte Véronique Giuliani, elle lui dit : " Je n'ai jamais rien entendu ou lu sur la vie et l'état intérieur des saints qui ne fût pauvre, grossier et sans vie, même quand on s'efforçait de faire du beau et de l'ingénieux, en comparaison de ce que je vois d'eux : même ce que sainte Thérèse a écrit sur sa vie ne répond pas à ce que je vois d'elle. Tout cela est comme un soleil de terre jaune, comparé au soleil réel Il en est de même pour Madeleine. Le pèlerin écrit passablement ces sortes de choses. "

Mais jamais elle ne s'exprima sur le travail du pèlerin en termes aussi significatifs que le 30 décembre 1819 dans un moment où elle avait une vision sur la montagne des prophètes. Elle était pendant ce temps couchée sans mouvement dans sa chambre mal éclairée : mais le pèlerin ayant pris en face d'elle une feuille de son manuscrit, elle s'écria tout à coup : " Ces papiers sont couverts de caractères lumineux. Cela a été écrit par l'homme que j'ai vu la nuit dernière assis et écrivant. Il devrait aller près de cette autre personne qui a le coeur tout déchiré et que j'ai vue dernièrement, elle lui dirait bien des choses. (C'était d'elle qu'il s'agissait, car elle parlait d'elle même comme d'une personne étrangère toutes les fois qu'elle avait une vision sur son propre état.) C'est écrit avec du lait, c'est d'une blancheur éclatante. Les écrits qui sont sur la montagne sont écrits avec l'eau sainte et limpide ; les deux liquides se mêleront : ce sera un mélange excellent. Oh ! si tu pouvais voir quelle lumière les rayons partant de la mer jettent sur la montagne des prophètes, et comment tout cela coule ensemble ! Je ne puis pas l'exprimer. Cet homme (le pèlerin) n'écrit pas ainsi 1ui même : il a grâce de Dieu pour cela. Nul autre ne pourrait faire cela comme lui, il est comme s'il voyait lui même. "

Ceci est une preuve que, de même que les reliques des saints et les objets bénits lui apparaissaient lumineux, ce qui arrivait aussi pour ses propres cheveux et pour les croûtes de ses stigmates, de même elle a vu non pas allégoriquement, mais réellement et à la lettre, écrire avec un liquide lumineux le manuscrit où ses visions étaient relatées, et les feuilles mêmes de ce manuscrit lui sont apparu éclatantes de lumière.

XVIII

L'éditeur, ne pouvant conclure sans dire quelque chose de son propre travail, se bornera simplement à faire remarquer qu'il s'est toujours appliqué avec le plus grand soin à extraire du journal du pèlerin la rédaction première et originelle des visions. C'est pourquoi il a tout à fait laissé de côté la démonstration que le pèlerin a essayé de donner, dans ses dernières années, de la coïncidence du jour de la vision avec le jour historique de l'événement contemplé, aussi bien que l'application de ce système à la chronologie de l'Ancien testament. Si Anne Catherine avait été en état de donner exactement jour par jour ses visions journalières, au moins sous forme d'esquisses arrêtées, il n'y aurait rien de décisif à opposer au calcul en question ; mais bien souvent elle ne pouvait que se rappeler à grand peine et par fragments, un jour où elle était moins dérangée qu'à l'ordinaire, les visions de plusieurs semaines, ou même de plusieurs mois ; en sorte que pour assigner à chaque vision un jour déterminé, il fallait se contenter de conjecture assez incertaines. Quand donc l'éditeur marque les jours des visions, la seule conséquence qu'on en doive tirer, c'est qu'il donne simplement, d'après ce qui est rapporté dans le journal, le moment où la scène dont il est question a été vue par Anne Catherine, et, quand cela est possible, celui où elle l'a raconté au pèlerin. Dans le texte même on n'a pas changé un mot : seulement l'éditeur, pour en rendre la lecture plus facile, a ajouté la division par chapitres. les intitulés des diverses visions, et, quand cela a paru nécessaire, des remarques explicatives.







NOTE

1. Peut-être y aurait-il lieu de faire quelques réserves à propos de la comparaison établie par l'écrivain allemand entre Anne Catherine Emmerich et Marie d’Agreda, quoique ses critiques, si l'on y regarde bien, ne tendent en rien à diminuer la vénération due à la sainte religieuse espagnole, et s'adressent surtout à la traduction française, fort défectueuse en effet, de la Cité mystique de Dieu.

2. Dans un avant propos qui précède la seconde partie de la vie de N. S. J. C., l'éditeur allemand a répondu aux principales objections qu'ont fait naître certains passages de la première partie. La traduction de cette réponse sera mise en tête du tome troisième, qui ne tardera pas à paraître. Du reste, l'approbation que Mgr l'évêque de Limbourg, l'un des plus illustres champions de l'indépendance de l'Église en Allemagne, a bien voulu donner à tous les volumes publiés jusqu'à présent, est une garantie suffisante qu'il ne s'y trouve rien de sérieusement attaquable au point de vue de l'orthodoxie.

3. C'est le nom que Clément Brentano se donne ordinairement dans son journal, ce qui fait qu'on continue ici à le désigner de cette manière.

4. Dans son grand ouvrage de servorum Dei beatificatione : lib. m, c. 51, 52 et 53.

5. Acta Sanctorum 17 septembris.

6. Alban Stolz s'exprime ainsi dans le récit de son séjour à Jérusalem : .. Pendant que nous faisions le chemin de la Croix, le père Wolfgang nous dit qu'il résidait à Jérusalem depuis six ans et qu'il avait fait des saints lieux l'objet de ses études. à cette occasion ; il avait consulté le livre bien connu d'Anne Catherine Emmerich : la douloureuse passion, et il n'y avait encore rien trouvé qui fut en contradiction avec la topographie réelle de la ville sainte. J'ajouterai que feu le docteur Hug qui, comme tout le monde le sait, n'étendait pas plus loin qu'il ne faut le domaine de la foi, disait un jour dans une de ses leçons : À Il est étrange que la religieuse de Dulmen décrive avec tant de vérité et d'exactitude les lieux témoins de la Passion du Christ : ses dires concordent parfaitement avec les descriptions données par Flavius Josèphe. Visite chez Sem, Cham et Japhet par Alban Stolz.

7. Goerres dit à ce sujet : "L'extase n'a pas pu la préserver du faux goût de son temps. Le mauvais style italien qui commençait à régner dans les églises. s'était répandu au delà des Alpes comme une maladie contagieuse et l'Espagne en avait été atteinte comme les autres pays : il a aussi trouvé entrée dans le livre de Marie d'Agreda. L'élégance empesée, l'enflure et la fausse emphase le déparent trop souvent et les longues moralités qui figurent à la fin de chaque chapitre le rendent encore plus prolixe. "Mystique, t. II, p. 352.

8. Vraisemblablement le vase contenant le saint mystère de l'arche d'alliance, sur lequel beaucoup de détails seront communiqués dans les visions relatives à la bénédiction des patriarches et à l'arche d'alliance.

9. En août 1821, un médecin qui était enlacé dans les liens magiques d'une somnambule vint à Dulmen, dans l'idée qu'il trouverait une ressemblance entre celle ci et Anne Catherine. Mais la Soeur rejeta toutes les communications de la somnambule comme chimériques et illusoires : le docteur ne se laissa pas persuader ; il échappa toujours à Anne Catherine comme un homme ensorcelé. Elle eut alors une vision touchant la somnambule et vit que ni elle ni le docteur n'avaient de mauvaises intentions, mais que Satan les retirait tous deux du droit chemin par les prestiges du somnambulisme. Elle vit que le docteur filait un fit sortant de la somnambule, que celle ci y faisait un noeud et que le docteur l'avalait. Elle vit qu'il y avait dans son intérieur un nuage sombre, que rien en lui ne prenait d'accroissement et que tout restait sans mouvement : que cependant il lui venait souvent à l'esprit qu'il avait quelque chose à vomir.

10. Les roses et les fleurs sont toujours chez Anne Catherine les symbole ; de grandes souffrances.

11. C'est à dire qu'elle possédait la force de surmonter le dégoût pour l'amour de Dieu : car Anne Catherine, malgré son humble condition et sa pauvreté, avait un sentiment si extraordinairement délicat, touchant la pureté et la propreté extérieure, que tous ses sens se révoltaient quand il se trouvait près d'elle quelque chose de sale ou qui répandit une mauvaise odeur. Il devait donc lui être très pénible de sucer des plaies, mais sa charité surmontait tout.

12. Acta sanctorum. 14 aprilis, c. 5.

13. Comme Anne Catherine désignait ordinairement le Saint Père sous le nom du berger, elle appelait les cardinaux et les prélats des valets de bergers ou valets en chef. Celui dont il est ici question est della Genga, qui fut plus tard Léon XII.

14. Sailer fit sa première visite à Anne Catherine dans l'automne de 1818. il en parla ainsi à Kellermann, alors majordome de la maison de Stolberg. Elle est extrêmement réservée sur tout ce que Dieu lui communique dans ses visions : c'est l'humilité même. La candeur et la simplicité qu'elle met dans ses récits sont déjà, à elles seules, ses meilleures et ses plus sûres lettres de créance. (extrait d'un manuscrit de Kellermann).

15. C'était le 28 octobre 1818 qu'elle avait fait la première ouverture à ce sujet : " Je vais vous faire plaisir, dit elle, j'ai rêvé une fois que deux hommes bruns venaient me voir : ils parlaient autrement qu'on ne fait ici : ils me montraient beaucoup d'amitié et de confiance et restèrent très longtemps avec moi. Je crus que c'étaient des Juifs. Le pèlerin ajoute : " C'étaient Christian et Clément. "
18. La narratrice croit qu'il s'agit de Maraha, nourrice d'Abraham, dont il sera parlé plus au long ailleurs.

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(A suivre...)
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Message par M1234 Jeu 23 Mar 2017 - 11:44



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VIE DE LA SAINTE VIERGE

D'APRÈS LES MÉDITATIONS
D'ANNE CATHERINE EMMERICH

Publiées en 1854
Traduction de l'Abbé DE CAZALES

PREMIÈRE PARTIE

I
Sur les ancêtres de la sainte Vierge


(Communiqué le 27 juin 1819)

Cette nuit, tout ce que j'avais vu si souvent pendant mon enfance, touchant la vie des ancêtres de la sainte vierge Marie, s'est présenté devant moi tout à fait de la même manière, dans une série de tableaux. Si je pouvais raconter tout ce que je sais et ce que j'ai devant les yeux, cela ferait certainement grand plaisir au pèlerin 1 ; moi-même j'ai été très consolée dans mes souffrances par cette contemplation. Quand j'étais enfant, j'avais une telle assurance relativement à ces choses, que si quelqu'un m'en racontait quelques circonstances d'une autre manière, je lui répondais sans hésiter : " Non, cela est de telle et telle façon " ; et je me serais fait tuer pour attester que la chose était ainsi et non autrement. Plus tard, le monde m'a rendue incertaine, et j'ai gardé le silence ; mais l'assurance intérieure m'est toujours restée, et, cette nuit, j'ai tout revu jusque dans les plus petits détails.

Dans mon enfance, je pensais sans cesse à la crèche, à l'enfant Jésus et à la mère de Dieu, et je m'étonnais souvent qu'on ne me racontât rien de la famille de cette divine Mère. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi on avait si peu écrit sur ses ancêtres et ses parents. Dans ce grand désir que j'avais de les mieux connaître, j'eus un grand nombre de visions sur les ancêtres de la sainte Vierge. Je vis ses ascendants en remontant jusqu'à la quatrième ou cinquième génération, et je les vis toujours comme des gens merveilleusement pieux et simples, chez lesquels régnait un désir secret et tout à fait extraordinaire de l'avènement du Messie promis. Je voyais toujours ces bonnes gens demeurer parmi d'autres hommes qui, en comparaison d'eux, me paraissaient pleins de rudesse et comme des espèces de barbares. Quant à eux, je les voyais si calmes, si doux, si bienfaisants, que je m'inquiétais Souvent beaucoup pour eux, et que je me disais à moi-même : " Où pourraient résider ces excellentes gens s'ils parvenaient à échapper à ces méchants hommes si rudes' Je veux aller les trouver ; je serai leur servante ; je m'enfuirai avec eux dans quelque forêt où ils puissent se cacher. Ah ! je les trouverai certainement ". Je les voyais si distinctement, et je croyais si bien à leur existence, que j'étais toujours pleine d'inquiétude et de crainte pour eux.

Je les voyais toujours mener une vie de renoncement. Je voyais souvent ceux d'entre eux qui étaient mariés se promettre réciproquement de vivre séparés pendant un certain temps, et cela me réjouissait beaucoup sans que je puisse bien dire pourquoi. Ils observaient principalement cette pratique dans le temps qui précédait certaines cérémonies religieuses, où ils brûlaient de l'encens et faisaient des prières. Je connus par ces cérémonies qu'il y avait des prêtres parmi eux. Je les vis plus d'une fois émigrer d'un lieu à un autre, quitter des biens considérables pour de plus petits, afin de ne pas être troublés par de méchantes gens dans leur manière de vivre.

Ils étaient pleins de ferveur et soupiraient ardemment vers Dieu. Je les voyais souvent, pendant le jour ou même pendant la nuit, courir dans la solitude en invoquant Dieu et en criant vers lui avec un désir si violent, qu'ils déchiraient leurs habits pour mettre leur poitrine à nu, comme si Dieu eût dû pénétrer dans leur coeur avec les .ayons brûlants du soleil, ou comme si, avec la lumière de la lune et des étoiles, il eût dû désaltérer la soif ardente qu'ils avaient de l'accomplissement de la promesse. J'avais des visions de ce genre dans mon enfance ou mon adolescence lorsque je priais Dieu toute seule dans le pâturage, auprès du troupeau, ou lorsque j'étais agenouillée le soir sur les plus hautes plaines de notre campagne, ou bien encore lorsque, pendant l'Avent, j'allais à minuit, à travers la neige, à trois quarts de lieue de notre chaumière, pour assister aux prières du Rorate qui se faisaient à Coesfeld, dans l'église de Saint Jacques. Le soir d'avant, et aussi pendant la nuit, je priais ardemment pour les pauvres âmes qui, peut-être, pour n'avoir pas assez excité en elles-mêmes pendant leur vie le désir du salut, et pour s'être laissées aller à d'autres penchants vers les créatures et les biens de ce monde, étaient tombées dans bien des fautes, et maintenant languissaient de désir et soupiraient après leur délivrance. J'offrais à Dieu pour elles ma prière et le désir qui me portait vers le Sauveur comme pour payer leurs dettes. J'avais aussi à cela un petit intérêt personnel, car je savais que ces pauvres chères âmes, par reconnaissance et à cause de leur désir perpétuel d'être aidées par des prières, m'éveilleraient à l'heure voulue et ne me laisseraient pas dormir au delà. Elles venaient donc, sous la forme de petites lumières peu éclatantes, qui planaient autour de mon lit et m'éveillaient tellement à la minute, que je pouvais dire me prière du matin pour elles ; puis je jetais de l'eau bénite sur elles et sur moi, je m'habillais, je me mettais en route, et voyais les pauvres petites lumières m'accompagner rangées comme pour une procession. Alors tout en marchant, je chantais, le coeur plein de désir : " ciel envoyez votre rosée, et que les nuées pleuvent le juste " ; et je voyais de nouveau, dans le désert et dans la plaine, ces ancêtres de la sainte Vierge courir pleins d'un ardent désir et crier après le Messie. Je faisais comme eux, et j'arrivais toujours à temps à Coesfeld pour la messe du Rorate, quoique les chères âmes me fissent souvent faire un grand détour en me conduisant par toutes les stations du chemin de la Croix.

Quand je voyais ces bons ancêtres de la sainte Vierge prier ainsi Dieu comme affamés de lui, ils me paraissaient avoir quelque chose d'étrange dans leur costume et leur. manières ; et pourtant ils se montraient si distinctement et si près de moi, qu'encore maintenant j'ai devant les yeux leur contenance et les traits de leur visage. Je me demandais toujours à moi-même : " Qui sont ces gens. Tout cela n'est pas comme à présent ; pourtant ces gens sont là, et tout cela existe ". Puis j'espérais encore aller les trouver. Ces dignes personnages étaient pleins d'exactitude et de précision dans leurs actes, leurs paroles et le culte qu'ils rendaient à Dieu, et ils ne faisaient de plaintes sur rien, si ce n'est sur les souffrances de leur prochain.

II
Les ancêtres de sainte Anne. Esséniens.

(Communiqué en juillet et en août 1821.)

J'ai eu une vision détaillée sur les ancêtres de sainte Anne, mère de la sainte Vierge. Ils vivaient à Mara, dans les environs du mont Horeb, et ils avaient des relations d'une nature spirituelle avec une classe de pieux Israélites sur lesquels j'ai vu beaucoup de choses. Je raconterai ce que j'en sais encore. Hier, j'ai été presque toute la journée parmi ces gens ; et si je n'avais pas été dérangée par tant de visites, je n'aurais pas oublié la plus grande partie de ce qui les concerne.

Ces pieux Israélites, qui avaient des rapports avec les ancêtres de sainte Anne, s'appelaient Esséniens ou Esséens. Ils ont eu trois autres noms : on les appela d'abord Escaréniens, puis Khasidéens, et enfin Esséniens. Le nom d'Escaréniens venait du mot Escara ou Askara, qui désignait la part du sacrifice attribuée à Dieu, et aussi la fumée odorante de l'encens dans les oblations de fleur de farine'.

Ceci fut écrit en août 1821, d'après ce qu'avait dit la soeur. Plus tard, en juin 1810, lorsque l'écrivain le relut pour le livrer à l'impression, il demanda à un théologien versé dans la connaissance des langues l'explication du mot askarah, et il reçut la réponse suivante : Askarah signifie commémoration, et c'est le nom de la part du sacrifice non sanglant qui était brûlée par le prêtre, sur l'autel, pour honorer Dieu et lui rappeler ses promesses de miséricorde. Les sacrifices non sanglants' ou oblations d'aliments, consistaient ordinairement en fleur de farine de froment mêlée avec de l'huile et présentée avec de l'encens. Le prêtre brûlait tout l'encens et une poignée de la farine arrosée d'huile ou de cette même farine cuite au four ; c'était là l'askarah (Lévit., II, 2, 9, 16). Pour les pains de proposition, l'encens seul était l'askarah (Lévit., XXIV, 7). Dans le sacrifice pour le péch6, où l'oblation de fleur de farine se faisait sans huile et sans encens, on ne brûlait comme askarah qu'une poignée de farine (Lévit., V, 12). Il en était de même dans le sacrifice de la femme suspecte d'adultère, où l'on offrait en outre seulement de la farine d'orge (Num., y, 16, 25, 26) Dans ce dernier passage (Num., V, 15), la Vulgate omet entièrement la traduction du mot askarah ; dans les autres, elle traduit alternativement memoriale, in memonam, in monurnentum. La soeur n'a pas dit clairement pourquoi les Esséniens avaient tiré leur premier nom de cet askarah : toutefois, quand on se rappelle que les Esséniens ne présentaient pas au temple de sacrifice sanglant mais envoyaient seulement des offrandes ; que d'ailleurs, menant une vie de renoncement et de mortification, ils s'offraient eux-mêmes en sacrifice d'une certaine manière, on est incliné à penser que ces hommes, qui ne vivaient pas selon la chair, ont reçu leur nom de l'askarah, la part réservée à Dieu dans le sacrifice non sanglant de la Mincha, parce que, peut-être, ce que nous ne savons pas maintenant avec certitude, il ; offraient réellement ce genre de sacrifice, ou parce qu'à raison de leur manière de vivre, ils étaient à quelques égards, par rapport aux autres Israélites, ce qu'était l'askarah par rapport aux autres parties des sacrifices.

Le second nom, celui de Khasidéens, signifie les miséricordieux. Je ne sais plus d'où vient le nom d'Esséniens. Cette classe d'hommes pieux remontait au temps de Moise et d'Aaron, et venait des prêtres qui portaient l'Arche d'alliance ; mais ce fut dans l'époque qui s'écoula entre Isaie et Jérémie qu'ils reçurent pour la première fois une règle de vie déterminée. Au commencement, ils étaient peu nombreux ; dans la suite, ils formèrent des réunions, qui habitaient dans la terre promise une contrée longue de quarante-huit lieues sur une largeur de trente-six. Ce ne fut que plus tard qu'ils vinrent dans la contrée du Jourdain. Ils habitaient principalement près du mont Horeb et près du mont Carmel, là où Élie avait séjourné.

A l'époque où vivaient ces aïeux de sainte Anne dont j'ai parlé, les Esséniens avaient un chef spirituel, un vieux prophète qui résidait sur le mont Horeb ; il s'appelait Archos ou Arcas. Leur organisation ressemblait beaucoup à celle d'un ordre religieux. Ceux qui voulaient être admis parmi eux devaient subir une épreuve d'un an, et ils étaient admis pour un temps plus ou moins long, suivant des inspirations prophétiques d'un ordre supérieur. Les membres proprement dits de l'ordre, qui vivaient en commun, ne se mariaient pas : ils vivaient dans la continence. Il y avait aussi des personnes sorties de l'ordre ou qui avaient des liens avec lui, lesquelles se mariaient et suivaient dans leurs familles, elles, leurs enfants et leurs domestiques, une règle de vie semblable à beaucoup d'égards à celle des Esséniens proprement dits. Il y avait entre elles et ceux-ci des rapports de même nature que ceux qui existent aujourd'hui entre les laïques du tiers ordre, ceux qu'on appelle les tertiaires, et les ordres religieux de l'Église catholique ; car ces Esséniens mariés, dans les circonstances importantes de leur vie, spécialement lors du mariage de leurs proches, demandaient des instructions et des conseils au supérieur des Esséniens, au vieux prophète du mont Horeb. Les aïeux de sainte Anne appartenaient à cette classe d'Esséniens mariés.

Il y eut aussi plus tard une troisième espèce d'Esséniens, qui exagérèrent tout et tombèrent dans de grandes erreurs. J'ai vu que les autres ne les souffraient pas parmi eux.

Les Esséniens proprement dits avaient des traditions prophétiques particulières, et leur chef du mont Horeb recevait souvent la, dans la grotte d'Élie, des révélations célestes qui se rapportaient à l'avènement du Messie. Il avait connaissance de la famille dont la mère du Messie devait sortir ; et, quand il rendait des réponses aux aïeux de sainte Anne, relativement aux affaires de mariage, il voyait aussi que le jour du Seigneur s'approchait. Toutefois, il ne savait pas combien de temps encore la naissance de la mère au Sauveur serait empêchée ou retardée par les péchés des hommes ; et à cause de cela, il exhortait toujours à la pénitence, à la mortification, à la prière et au sacrifice intérieur, actes agréables a Dieu, dont les Esséniens donnaient toujours l'exemple dans le même but.

Avant qu'Isaie les eût rassemblés et leur eût donné une organisation plus régulière, ils vivaient, chacun de leur côté. En Israélites pieux et adonnés à la mortification, ils portaient toujours les mêmes habits et ne les raccommodaient pas jusqu'à ce qu'ils tombassent en lambeaux. Ils luttaient principalement contre la sensualité et gardaient souvent la continence d'un commun accord pendant de longs intervalles : ils vivaient alors séparés de leurs femmes, dans des cabanes très éloignées. Quand ils vivaient dans les rapports du mariage, c'était seulement dans le but d'avoir une postérité sainte qui pût contribuer à préparer l'avènement du Messie. Je les voyais manger à part de leurs femmes : quand le mari avait quitté la table, la femme venait prendre son repas. Déjà à cette époque il y avait, parmi les Esséniens mariés, des ancêtres de sainte Anne et d'autres saints personnages.

Jérémie fut aussi en rapport avec eux, et ces hommes qu'on appelait enfants des Prophètes faisaient partie de leur association. Ils habitaient fréquemment dans le désert, autour des monts Carmel et Horeb : j'en vis aussi plus tard en Égypte. J'ai vu encore que, par suite d'une guerre, ils furent chassés pour un temps du mont Horeb, et que de nouveaux chefs les rassemblèrent postérieurement. Les Machabées furent aussi parmi eux.

Les Esséniens proprement dits, qui vivaient dans la virginité, étaient d'une pureté et d'une piété incroyables. Ils recevaient des enfants qu'ils élevaient pour les prédisposer à une grande sainteté. Pour devenir membre de l'ordre strict, il fallait avoir quatorze ans. Les gens déjà éprouvés faisaient une année de noviciat ; d'autres en faisaient deux. Ils n'exerçaient aucune sorte de trafic, et se contentaient d'échanger les produits de leurs champs contre les objets qui leur étaient nécessaires.

Je les voyais tous les ans aller trois fois au temple de Jérusalem. Ils avaient parmi eux des prêtres chargés particulièrement du soin des vêtements sacrés. Ils les nettoyaient, levaient des contributions pour leur entretien, et en préparaient aussi de nouveaux. Je les voyais élever des troupeaux, labourer la terre, mais surtout s'adonner au jardinage. Entre leurs cabanes du mont Horeb, il y avait des jardins et des arbres fruitiers. Je vis plusieurs d'entre eux tisser des étoffes, faire des nattes et aussi broder des vêtements sacerdotaux.

Ils avaient à Jérusalem un quartier séparé, et aussi une place à part dans le temple. Les autres Juifs avaient une sorte d'antipathie pour eux à cause de la sévérité de leurs moeurs. Je voyais qu'avant de partir pour leur voyage au temple, ils s'y préparaient toujours par la prière, le jeûne et la pénitence ; si dans leur voyage, ou à Jérusalem même, ils rencontraient sur le chemin un malade ou un homme ayant besoin de secours, ils n'allaient pas au temple qu'ils ne lui eussent donné toute l'aide possible.

Archos ou Arcas, le vieux prophète du mont Horeb, gouverna les Esséniens quatre-vingt-dix ans. Je vis la grand-mère de sainte Anne le consulter à l'occasion de son mariage. Ce qui me parut remarquable, c'est que ces prophètes annonçaient toujours des enfants du sexe féminin, et que les ancêtres de sainte Anne et elle-même n'eurent en général que des filles. Il semblait que le but de leurs prières et de leurs pieuses actions fût d'obtenir de Dieu une bénédiction pour les pieuses mères desquelles devaient tirer leur origine la sainte Vierge, mère du Sauveur, et les familles de son précurseur, de ses serviteurs et de ses disciples.

III
La grand mère de sainte Anne consulte le chef des Esséniens.
Son mariage. Sa famille.

La grand mère d'Anne était de Mara, dans le désert, où sa famille, qui faisait partie des Esséniens mariés, avait des propriétés. Son nom était quelque chose comme Morouni ou Emoroun. Il me fut dit que cela signifiait bonne mère ou mère auguste 2.

Lorsqu'elle fut en âge de se marier, elle eut plusieurs prétendants, et je les vis aller trouver le prophète Archos pour qu'il décidât de son choix.

Il annonça à la vierge qui le consultait qu'elle devait se marier et épouser le sixième de ses prétendants ; elle devait mettre au monde un enfant marqué d'un certain signe, lequel devait être un instrument du salut qui était proche.

Emoroun épousa son sixième prétendant un Essénien qui s'appelait Stolanus. Il n'était pas du pays de Mara. Il prit à son mariage, et à cause des biens de sa femme, un autre nom que je ne puis pas bien reproduire : il se prononçait de différentes manières ; c'était quelque chose comme Garecha ou Sarzirius'.

Stolanus et Emoroun eurent trois filles. Je me souviens des noms d'Ismeria, d'Emerentia, et d'une autre fille née plus tard, qui s'appelait, je crois, Enoué. Ils ne restèrent pas longtemps à Mara, mais allèrent postérieurement à Ephron. Je vis pourtant encore leurs filles Ismeria et Emerentia se marier, d'après les réponses du prophète du mont Horeb. Je ne comprends pas comment il se fait que j'aie si souvent entendu dire qu'Emerentia fut la mère de sainte Anne, car j'ai toujours vu que ce fut Ismeria.

Emerentia épousa un certain Aphras ou Ophras, qui était Lévite. De ce mariage était issue Élisabeth, mère de saint Jean-Baptiste.

Ismeria épousa un certain Eliud. Ils habitaient dans les environs de Nazareth et menaient entièrement la vie des Esséniens mariés. Ils avaient hérité de leurs parents l'esprit de chasteté dans le mariage et de continence. Anne fut un de leurs enfants.

IV
Naissance de sainte Anne. Son mariage. Sa première fille.

Ismeria et Eliud eurent une fille aînée appelée Sobé. Comme celle-ci ne portait pas le signe de la promesse, cela les troubla beaucoup, et ils allèrent consulter de nouveau le prophète du mont Horeb. Archos les exhorta à la prière, au sacrifice, et leur promit qu'ils seraient consolés. Ismeria resta ensuite stérile pendant environ dix-huit ans. Dieu l'ayant bénie de nouveau, je vis qu'elle eut pendant la nuit une révélation : elle vit prés de sa couche un ange traçant une lettre sur le mur. Je crois que c'était une M. Ismeria le dit à son mari, qui avait eu la même vision, et tous deux étant réveillés virent la lettre sur le mur. Trois mois après, elle enfanta sainte Anne, qui vint au monde avec le signe en question sur le creux de l'estomac.

Anne fut amenée à l'école du Temple dans sa cinquième année, ainsi que Marie le fut plus tard. Elle y passa douze ans et revint à dix-sept ans dans la maison paternelle, où elle trouva deux enfants, savoir : une petite soeur cadette appelée Maraha, et un jeune fils de sa soeur aînée Sobé, nommé Eliud.

Un an après, Ismeria eut une maladie mortelle. Sur son lit de mort, elle exhorta tous les siens, et désigna Anne comme devant lui succéder dans le gouvernement de la maison. Elle s'entretint ensuite seule avec Anne, lui dit qu'elle était un vase d'élection, qu'elle devait se marier et demander conseil au prophète du mont Horeb ; après quoi elle mourut.

Le bisaïeul d'Anne était un prophète. Eliud, son père, était de la tribu de Lévi ; sa mère, Ismeria, de celle de Benjamin. Anne était née à Bethléhem. Ses parents allèrent ensuite à Sephoris, situé à quatre lieues de Nazareth : ils avaient là une maison et un bien. Ils avaient aussi des terres dans la belle vallée de Zabulon, à une lieue et demie de Sephoris et à trois de Nazareth. Le père d'Anne, pendant la belle saison, était souvent, avec sa famille, dans la vallée de Zabulon, et il s'y fixa tout à fait après la mort de sa femme ; de là vinrent ses rapports avec les parents de saint Joachim, qui devint le mari de sainte Anne. Le père de Joachim s'appelait Matthat. C'était le second frère de Jacob, père de saint Joseph ; l'autre frère s'appelait Joses. Matthat s'était établi dans la vallée de Zabulon.

Je vis des ancêtres d'Anne, pleins de piété et de ferveur, parmi ceux qui portaient l'Arche d'alliance ; je vis qu'ils recevaient de l'objet sacré qui y était contenu des rayons qui s'étendaient à leur postérité, à sainte Anne et à la sainte vierge Marie. Je les vis dans une grande propriété rurale ; ils avaient beaucoup de bêtes à cornes ; mais ils ne possédaient rien pour eux seuls, ils donnaient tout aux pauvres. J'ai vu Anne dans son enfance ; elle n'avait pas une beauté remarquable, quoiqu'elle fût plus belle que beaucoup d'autres. Elle n'était pas à beaucoup près aussi belle que Marie, mais elle se distinguait par sa simplicité et sa piété naive. Elle avait plusieurs frères et soeurs qui étaient mariés. Pour elle, elle ne voulait pas encore se marier. Ses parents avaient pour elle une tendresse particulière. Elle avait six prétendants à sa main, mais elle les refusait. Comme ses ancêtres, elle alla prendre conseil chez les Esséniens, et il lui fut dit d'épouser Joachim, qu'alors elle ne connaissait pas encore, mais qui la rechercha en mariage lorsque son père Eliud se fut établi dans la vallée de Zabulon, où demeurait Matthat, père de Joachim.

Saint Joseph et Joachim étaient parents, et voici comment : Le grand-père de Joseph descendait de David par Salomon, et s'appelait Mathan. Il avait deux fils, Jacob et Joses. Mathan étant mort, sa veuve prit un second mari appelé Lévi, qui descendait de David par Nathan et elle eut de ce Lévi Matthat, père de Joachim, qui s'appelait aussi Héli.

Joachim et Anne furent mariés dans une bourgade où il n'y avait qu'une petite école. Un seul prêtre était présent. Anne avait alors dix-neuf ans. Ils habitèrent chez Eliud, le père d'Anne. Sa maison dépendait de la ville de Sephoris ; mais elle était à quelque distance, au milieu d'un groupe de maisons, dont elle était la plus grande. Ils vécurent là plusieurs années. Tous les deux avaient quelque chose de distingué dans leur manière d'être ; ils avaient bien l'air tout à fait juif, mais il y avait en eux je ne sais quoi qu'ils ne connaissaient pas eux-mêmes : leur gravite était merveilleuse. Je les ai vus rarement rire, quoique dans les commencements de leur mariage ils ne fussent pas précisément tristes. Leur caractère était tranquille et égal, et dès leur jeunesse ils ressemblaient déjà a de vieilles gens par leur air réfléchi. J'ai vu autrefois de semblables jeunes couples qui avaient l'air très réfléchi et je me disais alors : Ceux-ci sont comme Anne et Joachim.

Les parents avaient de l'aisance : ils possédaient de nombreux troupeaux, de beaux tapis et de beaux ustensiles ; ils avaient plusieurs serviteurs et servantes. Ils étaient pieux, sensibles, bienfaisants, pleins de droiture. Ils divisaient souvent en trois parts leurs troupeaux et tout le reste ; ils donnaient un tiers du bétail au temple, où ils le conduisaient eux-mêmes, et où les serviteurs du temple le recevaient ; ils donnaient le second tiers aux pauvres ou à des parents qui le demandaient, et dont quelques-uns, la plupart du temps, se trouvaient présents en ce moment. Ils gardaient pour eux la dernière part, qui était ordinairement la moindre. Ils vivaient très modestement et donnaient tout ce qu'on leur demandait. Etant enfant, je me suis dit souvent : " il suffit de donner : celui qui donne reçoit le double " ; car je voyais que la portion qu'ils s'étaient réservée allait toujours croissant, et que bientôt tout se trouvait tellement multiplié, qu'ils pouvaient de nouveau faire leur division en trois parts. Ils avaient beaucoup de parents qui se réunissaient chez eux dans toutes les occasions solennelles. Je ne vis pas qu'on y menât grande chère. Je les vis souvent dans le cours de leur vie donner à manger à quelques pauvres, mais je ne vis jamais de festins proprement dits. Quand ils étaient ensemble, je les voyais ordinairement assis par terre en rond ; ils pariaient de Dieu avec un vif sentiment d'espérance. Je vis souvent de méchants hommes de leurs parents qui se montraient pleins de mauvais vouloir et d'irritation lorsque, dans leurs entretiens, ils levaient au ciel des yeux pleins de désir ; mais ils étaient bienveillants pour ces gens si mal disposés, les invitaient chez eux dans toutes les occasions, et leur donnaient double part. Je vis souvent ces personnes exiger grossièrement et brutalement ce que l'excellent couple leur offrait avec affection.

Il y avait des pauvres dans leur famille, et je les vis souvent donner un mouton ou même plusieurs.

Le premier enfant qu'Anne mit au monde dans la maison de son père fut une fille, mais qui n'était pas l'enfant de la promesse. Les signes qui avaient été prédits ne se montrèrent pas à sa naissance, qui se trouva liée à quelques circonstances pénibles. Je vis, par exemple, qu'Anne, pendant sa grossesse, éprouva du chagrin de la part de ses gens. Une de ses servantes avait été séduite par un parent de Joachim. Anne, très troublée de voir ainsi violée la stricte discipline de sa maison, reprocha un peu vivement sa faute à cette fille. Celle-ci prit son malheur trop à coeur et accoucha avant terme d'un enfant mort. Anne fut inconsolable de cet accident ; elle craignit d'en avoir été la cause, et il s'ensuivit qu'elle-même accoucha avant terme ; mais sa fille vécut. Comme cette enfant n'avait pas le signe de la promesse et qu'elle était née prématurément, Anne vit là une punition de Dieu, et fut extrêmement troublée, car elle croyait s'être rendue coupable. Toutefois, les parents accueillirent avec une joie sincère la naissance de l'enfant, qui fut, elle aussi, appelée Marie. C'était une enfant aimable, pieuse et douce. Ses parents l'aimaient beaucoup ; mais il restait en eux quelque trouble et quelque inquiétude, parce qu'ils reconnaissaient qu'elle n'était pas ce fruit béni de leur union qu'ils avaient attendu.

Ils firent longtemps pénitence et vécurent séparés l'un de l'autre. Anne était devenue stérile, ce qu'ils regardaient comme le résultat de leurs fautes, et cela les portait à redoubler leurs bonnes oeuvres Je les vis souvent, chacun de leur côté, faire de ferventes prières, puis vivre à part l'un de l'autre pendant de longs intervalles, donner des aumônes et envoyer des victimes au temple.

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Message par M1234 Ven 24 Mar 2017 - 10:52

Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Anne-catherine

V
Joachim et Anne s'établissent à Nazareth. Stérilité de sainte Anne.
Douleur des saints époux.
Leur ardent désir de l'accomplissement de la promesse.


Ils vécurent ainsi sept ans chez Eliud, ce que je pus voir à l'âge du premier enfant, lorsqu'ils se décidèrent à se séparer de leurs parents et à s'établir dans une maison avec quelques terres attenantes, qui leur était venue des parents de Joachim, et qui était située dans les environs de Nazareth. Ils avaient l'intention d'y recommencer à nouveau, dans la solitude, leur vie conjugale, et d'attirer la bénédiction de Dieu sur leur union par une conduite qui pût être plus agréable encore à ses yeux. Je vis prendre cette résolution en famille, et les parents d'Anne faire leurs dispositions pour le nouvel établissement de leurs enfants. Ils partagèrent les troupeaux et mirent de côté, pour le nouveau ménage, des boeufs, des ânes et des montons qui étaient beaucoup plus grands que ne le sont ceux d'ici. On chargea les boeufs et les ânes, qui étaient devant la porte, de provisions, d'ustensiles et d'effets de toute espèce; les bonnes gens s'entendaient très bien à empaqueter tout cela, de même que les bêtes se prêtaient au mieux à le recevoir et à le transporter. Ces gens chargeaient aussi habilement leur bagage sur ces animaux que nous pouvons le faire sur des voitures. Ils avaient de beaux ustensiles ; tous les vases étaient plus élégants qu'aujourd'hui : il semblait que l'ouvrier y eût travaillé avec amour et eût fait chacun d'eux avec une intention différente.

Quand tout fut prêt, les valets et les servantes se mirent en marche et poussèrent devant eux les troupeaux et les bêtes de charge jusqu'à la nouvelle habitation qu'était préparée à cinq ou six lieues de là ; je crois qu'elle venait des parents de Joachim. Anne et Joachim, après avoir pris congé de tous les amis et serviteurs avec toute sorte de remerciements et de recommandations, quittèrent le séjour qu'ils avaient habité jusqu'alors, pleins d'émotions et de pieuses résolutions. La mère d'Anne ne vivait plus, mais je vis pourtant les parents des deux époux les accompagner vers leur nouvelle demeure. Peut-être Eliud s'était-il remarié, ou y avait-il là en plus des parents de Joachim : Marie Héli, la petite fille d'Anne, âgée d'environ six ou sept ans, faisait aussi partie du cortège.

La nouvelle habitation était agréablement située, dans un pays de collines, entremêlé de prairies et d'arbres, à une lieue et demie ou à une forte lieue au couchant de Nazareth : elle était sur une hauteur, entre la vallée voisine de Nazareth et la vallée de Zabulon ; une gorge, que longeait une allée de térébinthes, conduisait de la maison vers Nazareth. Devant la maison était une cour fermée, dont le sol me parut être le roc nu ; elle était entourée d'un mur peu élevé, de quartiers de rochers ou de pierres brutes ; derrière ce mur ou au-dessus, était une haie vive. Sur l'un des côtés de cette cour étaient de petits bâtiments pour loger les gens et pour déposer beaucoup de choses ; il y avait aussi un hangar pour mettre le bétail et les bêtes de somme. Il y avait alentour plusieurs jardins, dans l'un d'eux, près de la maison, s'élevait un grand arbre d'une espèce particulière. Ses branches descendaient à terre, y prenaient racine et poussaient de nouveaux arbres qui faisaient de même, en sorte que tout cela formait un grand massif de verdure.

Quand les voyageurs arrivèrent à la maison, ils trouvèrent chaque chose à sa place et tous les arrangements déjà faits : car les vieux parents avaient envoyé d'avance des gens chargés de tout mettre en ordre. Les valets et les Servantes avaient défait les paquets et placé chaque chose où elle devait être avec autant d'adresse et de soin qu'ils en avaient mis pour charger les bagages, car ils étaient si soigneux et faisaient avec tant de calme et d'intelligence ce qu'ils avaient à faire, qu'on n'avait pas besoin, comme aujourd'hui, de tout leur commander en détail. Tout fut donc bientôt arrangé, et quand les parents eurent installé leurs enfants dans leur nouvelle demeure, ils prirent congé d'Anne et de Joachim, qu'ils embrassèrent et bénirent, et ils reprirent le chemin de leur maison, ramenant avec eux la petite fille d'Anne qui revenait avec ses grands parents. Dans ces sortes de visites et dans les occasions de même nature, je ne voyais jamais ces personnages faire de grands repas : ils se plaçaient en rond, ayant devant eux, sur un tapis, deux petits plats et de petites cruches ; ils ne parlaient la plupart du temps que des choses de Dieu et de leurs saintes espérances.

Je vis alors le saint ménage commencer une vie toute nouvelle. Ils voulaient sacrifier à Dieu tout le passé, et faire comme s'ils se réunissaient pour la première fois ; ils s'efforcèrent, dès lors, par une vie agréable à Dieu, de faire descendre sur eux cette bénédiction qui était le seul objet de leurs ardents désirs. Je les vis tous deux visiter leurs troupeaux et en faire trois parts, comme j'ai dit plus haut que faisaient leurs parents : pour le temple, pour les pauvres et pour eux-mêmes. Ils faisaient conduire au temple ce qu'il y avait de mieux ; les pauvres recevaient un bon tiers ; ils conservaient pour eux la moins bonne part, et ils faisaient ainsi pour tout. Leur maison était assez spacieuse ; ils vivaient et dormaient dans de petites chambres séparées où je les voyais très souvent, chacun de son côté, prier avec une grande ferveur. Je les vis vivre ainsi longtemps ; ils donnaient de grandes aumônes, et chaque fois qu'ils partageaient leurs troupeaux et le reste de leur avoir, tout se multipliait de nouveau rapide. ment. Ils vivaient modestement dans les privations et le renoncement. Je les voyais aussi, lorsqu'ils priaient, mettre des habits de pénitence ; et, plusieurs fois, je vis Joachim visitant ses troupeaux dans des endroits éloignés, et priant Dieu dans la prairie.

Ils persévérèrent dans cette vie austère menée en présence de Dieu, pendant dix-neuf ans après la naissance de leur premier enfant ; ils désiraient ardemment la bénédiction promise, et leur tristesse allait toujours croissant. Je vis des hommes pervers du pays, venir vers eux et les injurier, leur disant : " Qu'ils devaient être des méchants, puisqu'ils ne pouvaient pas avoir d'enfants ; que la petite fille ramenée chez les parents d'Anne n'était pas à eux ; qu'Anne était stérile ; qu'elle avait supposé cet enfant, qu'autrement elle l'aurait avec elle " ; et ainsi de suite. Ces paroles redoublaient l'abattement des pieux époux.

Anne avait la ferme croyance et à certitude intérieure que l'avènement du Messie était proche et qu'elle appartenait à la famille qui devait être selon la chair celle du Sauveur. Elle priait et appelait à grands cris l'accomplissement de la promesse, et continuait, ainsi que Joachim, à tendre vers une pureté de plus en plus parfaite. La honte de sa stérilité l'attristait profondément ; elle pouvait à peine se montrer à la synagogue sans y recevoir quelque affront.

Joachim, quoique petit et maigre, était pourtant robuste. Anne aussi n'était pas grande, et sa complexion était délicate ; le chagrin la consumait à tel point, que ses joues étaient devenues creuses, quoique toujours assez colorées. Ils conduisaient de temps en temps leurs troupeaux au temple ou chez les pauvres, dont ils avaient fait la part, et la portion qu'ils se réservaient allait toujours en diminuant.

VI
Joachim reçoit un affront au temple.


Après que, pendant tant d'années, ils eurent vainement imploré la bénédiction de Dieu sur leur mariage, je vis Joachim faire le projet d'aller de nouveau offrir un sacrifice au temple. Tous deux se préparèrent par des exercices de pénitence ; je les vis la nuit, en habits de pénitents, prier prosternés contre terre ; puis Joachim, au point du jour, se rendit aux pâturages où étaient ses troupeaux, et Anne resta seule. Bientôt après je vis celle-ci envoyer à son époux des colombes, d'autres oiseaux et divers objets dans des cages et des corbeilles, car il voulait offrir tout cela au temple.

Il prit deux ânes, sur le des desquels il mit ces corbeilles ; il en ajouta d'autres, où se trouvaient au nombre de trois, si je ne me trompe, de jolis petits animaux blancs avec de longs cous ; je ne sais plus si c'étaient des agneaux ou des chevreaux. Il avait avec lui une lanterne sur un bâton : c'était comme une calebasse creuse où brillait une lumière. Je le vis arriver avec ses serviteurs et ses bêtes de somme à une belle prairie verdoyante, placée entre Béthanie et Jérusalem, et où je vis plus tard Jésus s'arrêter souvent. Ils montèrent au temple et mirent leurs ânes dans une auberge du temple voisine du marché, où ils logèrent plus tard, lors de la présentation de Marie. Ils portèrent leurs offrandes jusqu'au haut des degrés et passèrent, comme ils firent depuis, par les demeures des serviteurs du temple'. Ici les serviteurs de Joachim se retirèrent après qu'on eut reçu les offrandes.

Joachim entra dans la salle où se trouvait le bassin plein d'eau et où on lavait les victimes ; il se rendit ensuite par un long couloir dans une autre salle, à gauche de l'endroit où étaient l'autel des parfums, la table des pains de proposition et le chandelier à cinq branches. Plusieurs autres personnes, venues pour sacrifier, s'y trouvaient déjà, et Joachim fut soumis à une cruelle épreuve. Je vis un prêtre, appelé Ruben, mépriser ses offrandes ; au lieu de les placer avec les autres dans un endroit apparent, derrière les grilles. à droite de la salle, il les mit tout à fait de côté. Il injuria tout haut le pauvre Joachim, à cause de la stérilité de sa femme, ne le laissa pas approcher, et le relégua dans un coin pour lui faire affront 3.

Je vis alors Joachim quitter le temple, accablé de tristesse, et gagner, en passant par Béthanie, les environs de Machéronte. Il y avait là une maison où se rassemblaient les Esséniens, et où il entra pour chercher des consolations et des conseils. Dans cette maison, et précédemment dans cette qui est près de Bethléhem, a habité le prophète Manahem, qui prédit à Hérode, dans sa jeunesse, qu'il deviendrait roi et commettrait de grands crimes. Joachim se rendit de là au plus éloigné de ses pâturages, près de la montagne d'Hermon ; le chemin qu'il prit passait par le désert de Gaddi, au delà du Jourdain. L'Hermon est une montagne élancée qui, du côté du midi, est toute verdoyante et parsemée de beaux arbres fruitiers, tandis que du côté opposé elle est couverte de neige.

VII
Anne reçoit la promesse de fécondité, et se rend au temple.

Joachim était si triste et si honteux de l'affront reçu au temple, qu'il ne fit pas dire à Anne où il se trouvait ; mais Anne apprit par d'autres personnes qui s'étaient trouvées présentes ce que son mari avait eu à souffrir, et elle en fut affligée au delà de toute expression. Je la vis souvent pleurer la face contre terre, parce qu'elle ne savait pas où était son mari, qui resta caché pendant cinq mois entiers auprès de ses troupeaux de l'Hermon.

Vers la fin de ce temps, Anne eut un redoublement de souffrance par suite de la grossièreté d'une de ses servantes, qui lui reprochait souvent sa triste situation. Un jour, c'était au commencement de la fête des Tabernacles, cette servante demanda à aller ailleurs célébrer cette fête, et Anne le lui refusa. Alors cette fille lui reprocha si vivement sa stérilité et l'abandon de son mari, qui était, selon elle, une punition de Dieu à cause de sa dureté, qu'Anne ne put plus tolérer son séjour chez elle. Elle la renvoya chez ses parents avec des présents, et leur fit dire qu'ils eussent à reprendre leur fille, parce qu'il lui était impossible de la garder plus longtemps.

Quand Anne eut renvoyé sa servante, elle entra tout affligée dans sa chambre et se mit à prier. Le soir, elle jeta sur sa tête un grand drap, dans lequel elle s'enveloppa tout entière, et s'en alla vers le grand arbre déjà mentionné qui était dans sa cour, et qui formait une cabane de feuillage ; elle alluma une lampe qui était suspendue à l'arbre dans une espèce de boite, et lut des prières écrites sur un rouleau. Cet arbre était très grand et on y avait pratiqué des sièges et des berceaux ; ses branches tombaient à terre de l'autre côté du mur, où elles prenaient racine, repoussaient encore pour retomber de nouveau, et ainsi de suite, en sorte qu'elles formaient tonte une série de cabanes de verdure.

Anne, étant sous cet arbre, cria vers Dieu pendant longtemps, le suppliant, puisqu'il lui avait ôté la fécondité, de ne pas tenir en outre éloigné d'elle son pieux époux Joachim. Et voilà qu'un ange du ciel lui apparut : il descendit devant elle comme du haut de l'arbre et lui dit qu'elle devait se consoler, parce que le Seigneur avait exaucé sa prière ; il lui prescrivit de partir le lendemain pour le temple avec deux servantes, et de prendre avec elle des colombes pour le sacrifice. Il ajouta que la prière de Joachim était également exaucée, qu'il se rendrait de son côté au temple avec son offrande, et qu'ils se rencontreraient sous la porte dorée : le sacrifice de Joachim était accepté, tous deux devaient être bénis et elle devait bientôt connaître le nom de son enfant. Il lui dit encore qu'il avait porté à son époux un message semblable, et disparut.

Anne, pleine de joie, rendit grâce au Dieu de miséricorde. Elle rentra alors dans sa maison et prit avec ses servantes les dispositions nécessaires pour pouvoir se mettre en route le lendemain. Je la vis ensuite se coucher pour dormir, après avoir prié.

Quand Anne eut dormi quelque temps, je vis descendre du ciel vers elle un rayon de lumière qui, près de son lit, se transforma en un jeune homme resplendissant. C'était l'ange du Seigneur, qui lui dit qu'elle concevrait un saint enfant. Puis il étendit le bras au-dessus d'elle et écrivit sur le mur de grandes lettres lumineuses : c'était le nom de Marie. L'ange disparut ensuite et se perdit dans la lumière. Anne était pendant ce temps comme dans l'émotion d'un songe joyeux ; elle se releva à demi éveillée sur sa couche, pria avec une grande ferveur et se rendormit sans avoir rien vu bien clairement. Mais, après minuit, elle se réveilla toute joyeuse, comme par l'effet d'une impulsion intérieure, et elle vit l'écriture sur la muraille avec un mélange de crainte et d'allégresse. C'étaient comme des lettres rouges, dorées, lumineuses ; elles étaient grandes et en petit nombre : elle les contempla avec une joie et un attendrissement incroyables, jusqu'au moment où elles disparurent à l'aube naissante. Tout était devenu clair pour elle, et son contentement était tel, qu'elle paraissait toute rajeunie quand elle se leva.

Au moment où la lumière de l'ange vint sur Anne, je vis sous son coeur quelque chose de brillant, et je reconnus dans sa personne la mère choisie, le vase illuminé de la grâce qui s'approchait. Je ne puis exprimer cela qu'en disant que j'ai reconnu en elle un berceau orné, un lit couvert, un tabernacle préparé pour recevoir et conserver dignement une chose sainte. Je vis qu'Anne, par la grâce de Dieu, était préparée à recevoir la bénédiction. Je ne sais comment m'exprimer, mais je reconnus Anne comme le berceau du salut universel pour l'humanité, et en même temps comme un tabernacle d'église ouvert, devant lequel le rideau était retiré. Je reconnus cela aussi naturellement, et toute cette connaissance était à la fois naturelle et céleste. Anne avait alors, à ce que je crois, quarante-trois ans.

Anne se leva, alluma sa lampe, pria et se mit en routa pour Jérusalem avec ses offrandes. Tous ses domestiques étaient, ce matin-là, pleins d'une joie inaccoutumée quoiqu'elle seule eût connaissance de l'apparition de l'ange.

VIII
Joachim, consolé par l'ange,
vient de nouveau sacrifier au temple.

Je vis, dans ce même temps, Joachim, près de ses troupeaux de l'Hermon, adresser à Dieu des prières continuelles. Quand il voyait les jeunes agneaux sauter autour de leurs mères avec des bêlements joyeux, il était tout triste de ne pas avoir d'enfants ; toutefois, il ne parlait pas aux bergers de la cause de sa tristesse. On était au temps de la fête des Tabernacles, et il dressa avec ses bergers des cabanes de feuillage. Comme il faisait sa prière et se désespérait à l'idée d'aller, suivant sa coutume, sacrifier à Jérusalem pour la fête, parce qu'il pensait aux outrages qu'il y avait reçus, je vis l'ange lui apparaître et lui ordonner d'aller au temple et de prendre courage, parce que son sacrifice était accueilli et sa prière exaucée : il devait se réunir à sa femme sous la porte dorée. Je vis alors Joachim, tout joyeux, compter ses troupeaux, – oh ! quel beau et nombreux bétail il avait ! – il les divisa en trois parts ; il garda la moindre pour lui, en envoya une meilleure aux Esséniens, et conduisit la plus belle au temple avec ses serviteurs. Il arriva à Jérusalem le quatrième jour de la fête, et se rendit aussitôt au temple.

Anne arriva ce même jour à Jérusalem et logea près du marché aux poissons, chez des parents de Zacharie. Ce ne fut qu'à la fin de la fête qu'elle rencontra Joachim.

Je vis que, quoique l'offrande de Joachim n'eût pas été acceptée la dernière fois, par suite d'une indication donnée d'en haut, cependant le prêtre, qui, au lieu de le consoler, l'avait si rudement traité, reçut, à cause de cela, un châtiment divin que je ne m'en rappelle plus. Cette fois, les prêtres avaient été avertis d'en haut qu'ils devaient recevoir son offrande, et lorsqu'il fit annoncer son arrivée avec des victimes, j'en vis quelques-uns aller à sa rencontre devant le temple et recevoir ses dons. Le bétail qu'il amenait au temple comme présent n'était pas proprement son sacrifice ; ce qu'il destinait à être sacrifié consistait en deux agneaux, et en trois jolies petites bêtes que je crois être des chevreaux. Je vis aussi que plusieurs hommes qui le connaissaient le félicitaient de ce que son sacrifice était accueilli.

Dans le temple, à cause de la fête, je vis tout ouvert et entouré de guirlandes de fleurs et de fruits : il y avait aussi, dans un endroit, une tente de feuillage élevée sur huit colonnes isolées. Joachim fit donc dans le temple le même chemin que la première fois ; ses victimes furent immolées et brûlées à la place ordinaire : il y eut cependant quelque chose de brûlé dans un autre endroit, je crois que ce fut à la droite du vestibule où était la grande chaire 4. Je vis des prêtres offrir de l'encens dans le sanctuaire ; on alluma aussi des lampes, et il y avait de la lumière sur le chandelier à sept branches, mais ne pas sur les sept branches à la fois. J'ai souvent vu que dans différentes occasions, diverses branches du chandelier étaient allumées.

Cette indication est confirmée par la note suivante. Suivant la tradition juive, même dans l'holocauste, plusieurs parties, notamment le nervus femoris, le nerf de la hanche, qui, dans la lutte de Jacob avec l'ange, fut touché par celui-ci et se dessécha (statim emarcuit, (Genèse, XXXII, 25), n'étaient pas brûlées sur l'autel, mais près de là, vers l'orient, sur ce qu'on appelait le monceau de cendres.

Lorsque la fumée de l'encens s'éleva, je vis comme un rayon de lumière tomber sur le prêtre qui l'offrait dans le sanctuaire, et aussi sur Joachim qui était dans la salle extérieure. Il y eut un temps d'arrêt dans la cérémonie, comme si l'on se fût aperçu d'une intervention surnaturelle. Je vis alors deux prêtres, comme poussés par un ordre divin, aller trouver Joachim dans la salle et le conduire, par des chambres latérales, à l'autel d'or des parfums. Alors le prêtre plaça quelque chose sur l'autel. Je vis cela non pas comme des grains d'encens séparés. mais comme une masse compacte ; et je ne sais plus de quoi elle se composait '. Cette masse se consuma, produisant une grande fumée et répandant un parfum agréable sur l'autel d'or de l'encens, devant le voile de Saint des saints. Je vis alors le prêtre quitter le sanctuaire, où Joachim resta seul.

Pendant que l'encens se consumait, je vis Joachim en extase, agenouillé et les bras étendus. Je vis une forme brillante, un ange paraître près de lui, comme plus tard auprès de Zacharie, après la promesse du Précurseur. Il lui donna un écrit sur lequel je lus, en lettres lumineuses, les trois noms d'Helia, d'Hanna et de Miriam 5, et, près de ce dernier nom, je vis l'image d'une petite arche d'alliance ou d'un tabernacle. Il plaça cet écrit sous ses habits, sur sa poitrine. L'ange lui dit que sa stérilité n'était pas pour lui une honte, mais une gloire, car ce que sa femme allait concevoir devait être le fruit immaculé de la bénédiction de Dieu sur lui, et le couronnement de la bénédiction d'Abraham.

Comme Joachim ne pouvait pas comprendre cela, l'ange le conduisit derrière le rideau, qui était assez éloigné de la grille du Saint des saints pour qu'on pût s'y placer ; je vis l'ange s'approcher de l'Arche d'alliance, et il me sembla qu'il en retirait quelque chose. Je le vis alors présenter à Joachim un globe ou un cercle lumineux et lui ordonner d'y souffler et d'y regarder. Je vis, sous le souffle de Joachim, diverses images se montrer dans le cercle lumineux. Comme son haleine ne l'avait pas terni, l'ange lui dit que la conception d'Anne serait aussi pure que ce globe était resté pur sous son souffle.

Je vis ensuite l'ange élever le globe lumineux, qui resta suspendu en l'air, et j'y vis, comme par une ouverture' une série de tableaux liés ensemble et s'étendant de la chute de l'homme à sa rédemption. Il y avait là tout un monde où les choses naissaient les unes des autres : j'eus connaissance de tout, mais je ne puis plus donner les détails. Au haut, tout au sommet, je vis la très sainte Trinité ; au-dessous, d'un côté le paradis, Adam et Ève, la chute originelle, la promesse de la rédemption, toutes les figures qui l'annonçaient d'avance, Noé, le déluge, l'Arche, la bénédiction donnée à Abraham, la transmission de la bénédiction à son fils Isaac, et d'Isaac à Jacob ; puis, quand elle fut retirée à Jacob par l'ange avec lequel il lutta, comment elle passa à Joseph, en Égypte, et se montra dans lui et sa femme avec un plus haut degré de dignité ; puis comment la chose sainte où reposait la bénédiction, enlevée d'Égypte par Moise avec les reliques de Joseph et d'Asnath, sa femme, devint le Saint des saints de l'Arche d'alliance, le siège du Dieu vivant au milieu de son peuple ; puis je vis le culte et la vie du peuple de Dieu dans leurs rapports avec ce mystère, les dispositions et les combinaisons pour le développement de la race sainte, de la lignée de la sainte Vierge, ainsi que toutes les figures et les symboles de Marie et du Sauveur dans l'histoire et dans les prophètes. Je vis tout cela en tableaux symboliques, dans la circonférence lumineuse, je vis de grandes villes, des tours, des palais, des trônes, des portes, des jardins, des fleurs, et toutes ces images merveilleusement liées entre elles comme par des ponts de lumière : tout cela était comme attaqué et assailli par des bêtes furieuses et d'autres apparitions terribles. Tous ces tableaux faisaient voir comment la race de la sainte Vierge, de même que tout ce qui est saint, avait été conduite par la grâce de Dieu à travers beaucoup de combats et d'assauts. Je me souviens d'avoir vu, à un certain point de cette série de tableaux, un jardin entouré d'une forte haie d'épines, à travers laquelle une quantité de serpents et d'autres bêtes hideuses s'efforçaient en vain de passer. Je vis aussi une forte tour, à l'assaut de laquelle montaient de tous côtés des guerriers qui étaient précipités du haut des remparts. Je vis beaucoup d'images de ce genre qui se rapportaient à l'histoire de la sainte Vierge dans ses ancêtres : les passages et les ponts qui unissaient le tout signifiaient la victoire remportée sur des obstacles et des interruptions apportées à l'oeuvre du salut.

Il semblait qu'une chair sans tache, un sang de toute pureté, avaient été placés par Dieu au milieu de l'humanité, comme dans un fleuve d'eau trouble, et devaient, avec beaucoup de peine et d'efforts, réunir leurs éléments dispersés, pendant que le fleuve tâchait de les attirer à lui et de les ternir ; mais enfin, avec l'aide des grâces innombrables de Dieu et de la coopération fidèle des hommes, cela devait, après bien des obscurcissements et des purifications, subsister dans le fleuve, qui renouvelait sans cesse ses flots, et s'élever enfin hors de ce fleuve, sous la forme de la sainte Vierge, de laquelle est né le Verbe fait chair qui a habité parmi nous.

Parmi les images que je vis dans le globe lumineux, il y en avait beaucoup qui se trouvent mentionnées dans les Litanies de la sainte Vierge ; je les vois, je les comprends, et je les considère avec une profonde vénération quand je récite ces litanies. Ces tableaux se développaient ultérieurement jusqu'à l'accomplissement parfait de l'oeuvre de la miséricorde divine envers l'humanité tombée dans une division et un déchirement infinis : ils allaient du côté du globe lumineux opposé à celui où était le Paradis, aboutir à la Jérusalem céleste', au pied du trône de Dieu. Lorsque j'eus vu tout cela, le globe lumineux, lequel n'était autre chose que la série de tableaux, partant d'un point et y revenant après avoir formé un cercle de lumière, s'évanouit. Je crois que ce fut une révélation qui fut faite à Joachim par les anges, sous forme de vision, et dont j'eus aussi connaissance. Quand je reçois une communication de ce genre, elle m'apparaît toujours dans une circonférence lumineuse.

La vénérable Marie de Jésus, supérieure des Franciscaines d'Agreda, raconte, dans ses visions sur la vie de la sainte Vierge, comment il lui lut expliqué que la nouvelle ou céleste Jérusalem (Apoc., XXII) n'était autre que la sainte Vierge elle-même. voyez la Cité mystique de Dieu, 1ère partie, ch. 17 et 18.-Saint Jean Chrysostome, dans son discours pour la fête de l'Annonciation, fait ainsi parler Dieu à l'ange Gabriel : " va vers la cité vivante dont le Prophète dit : Des choses glorieuses ont été dites de toi, cité de Dieu ". ( Ps. LXXXVI.) Saint Georges, évêque de Nicomédie (septième siècle), dans son discours sur la Présentation de Marie, appelle la sainte Vierge la cité vivante de Dieu. etc. Dans le petit office de la très sainte Vierge, l'antienne du psaume LXXVI est ainsi conçue : Sicut loetantium omnium nostrûm habitatio est in te, sancta Dei genitrix, quoique ce verset, pris dans le sens littéral, s'applique à Jérusalem, etc.

IX
Joachim reçoit la bénédiction de l'Arche d'alliance.

Je vis ensuite l'ange marquer ou oindre le front de Joachim avec le pouce et l'index, puis lui faire manger d'un aliment lumineux et lui faire boire d'un liquide transparent contenu dans une petite coupe brillante qu'il tenait avec deux doigts. Elle était de la forme du calice de la sainte Cène, mais n'avait pas de pied. Il me sembla qu'il lui entrait alors dans la bouche comme un petit épi de blé et une petite grappe de raisin lumineux, et je connus par là que la concupiscence et l'impureté, suite du péché, étaient sorties de lui.

Je vis ensuite l'ange communiquer à Joachim le plus haut degré et comme la plus sainte fleur de cette bénédiction que Dieu avait communiquée a Abraham. et qui plus tard était devenue l'objet le plus sacré de l'Arche d'alliance. Il donna cette bénédiction à Joachim de la même manière que dans une autre occasion j'avais vu Abraham la recevoir d'un ange, mais avec cette différence que pour Abraham l'ange avait semblé tirer la bénédiction de lui-même, comme de son sein, tandis que pour Joachim, il la prit dans le Saint des saints 6.

Lors de la bénédiction d'Abraham, ce fut comme si Dieu mettait en lui la grâce de cette bénédiction, et bénissait par elle le père de son peuple futur, afin que les pierres dont son temple devait être bâti sortissent de lui ; mais lorsque Joachim la reçut, ce fut comme si l'ange tirait du tabernacle de ce temple le symbole sacré de la bénédiction et le donnait à un prêtre, pour faire de lui le vase saint dans lequel le Verbe devait être fait chair.

Il me fut révélé que Joachim, avec cette bénédiction, reçut le fruit définitif et l'accomplissement proprement dit de la promesse faite à Abraham, la bénédiction dont devait résulter la conception immaculée de la très sainte Vierge, destinée à écraser la tête du serpent.

L'ange reconduisit ensuite Joachim dans le sanctuaire et disparut. Joachim, ravi en extase, tomba sans connaissance. Les prêtres, en rentrant, le trouvèrent là, je visage rayonnant de joie. Ils le relevèrent avec respect, et le portèrent sur un siège où d'ordinaire les prêtres seuls s'asseyaient. Ils lui lavèrent là je visage, lui tinrent sous le nez quelque chose qui répandait une odeur fortifiante, lui donnèrent à boire, et firent pour lui ce qu'on fait pour quelqu'un qui a perdu connaissance. Quand Joachim fut revenu à lui, il parut lumineux, plein de force et comme rajeuni.

X
Joachim et Anne se rencontrent sous la porte dorée

Joachim avait été conduit dans le sanctuaire par suite l'un avertissement d'en haut. Il fut conduit par suite d'une inspiration semblable dans un passage consacré qui conduisait sous le temple et sous la porte dorée. Il m'a été communiqué quelque chose sur la signification et l'origine de ce passage, et aussi sur sa destination, mais je ne puis plus le rapporter clairement. Je crois que l'usage de ce passage se rattachait à une cérémonie religieuse qui avait lieu pour la réconciliation et la bénédiction des personnes stériles. On était conduit par ce chemin, dans certaines circonstances, pour des purifications, des expiations, des absolutions et autres choses de ce genre.

Les prêtres conduisirent Joachim à ce passage par une petite porte voisine de la cour où l'on immolait les victimes ; après quoi ils s'en retournèrent. Joachim continua à Suive ce chemin, qui allait en descendant.

Anne était aussi venue au temple avec sa servante, qui portait les colombes du sacrifice dans des corbeilles à jour. Elle avait remis son offrande et fait connaître à un prêtre que l'ange lui avait ordonné d'aller trouver son mari sous la porte dorée. Je vis alors que les prêtres, en compagnie de femmes respectables, parmi lesquelles se trouvait, je crois, la prophétesse Anne, la conduisirent a une autre entrée du passage consacré, où ils la laissèrent seule.

Je vis la manière merveilleuse dont était disposé ce passage. Joachim entra par une petite porte après laquelle on allait en descendant. Le passage était d'abord étroit, puis il s'élargissait. Les murs brillaient d'un reflet doré et vert ; une lumière rougeâtre y entrait par en haut. J'y vis le belles colonnes semblables à des arbres et à des ceps de vigne ornés de guirlandes.

Quand Joachim fut arrivé au tiers à peu près de la longueur du passage, il s'arrêta à un endroit où s'élevait une colonne faite comme un palmier, avec ses branches pendantes et ses fruits ; ce fut là qu'Anne, toute rayonnante de joie, vint à sa rencontre. Ils s'embrassèrent dans un mouvement de sainte allégresse et se communiquèrent leur bonheur. Ils étaient ravis en extase et entourés d'une nuée brillante. Je vis cette lumière partir d'une troupe d'anges, qui, portant comme une haute tour lumineuse, planaient sur Anne et Joachim. Cette tour était faite comme la tour de David, la tour d'ivoire, etc., que je vois à l'occasion des Litanies de la sainte Vierge. Elle sembla disparaître entre Anne et Joachim, et une gloire lumineuse les entoura.

Je reconnus alors que, par l'effet d'une grâce toute particulière de Dieu, la conception de Marie avait été aussi pure que l'aurait été toute conception sans le péché originel. J'eus en même temps une intuition que je ne puis rendre. Le ciel s'ouvrit au-dessus d'eux ; je vis la joie de la sainte Trinité et des anges et la part qu'ils prenaient à la bénédiction mystérieuse accordée aux parents de Marie.

Anne et Joachim marchèrent en louant Dieu jusqu'à la sortie sous la porte dorée. Le chemin, à son extrémité, allait en remontant. Ils passèrent sous une grande et belle arcade, et se trouvèrent dans une espèce de chapelle où étaient plusieurs flambeaux allumés. Ils furent reçus là par des prêtres, qui les conduisirent dehors.

La partie du temple où était la salle du grand conseil se trouvait au-dessus du passage souterrain, un peu au delà du milieu ; au dessus de son extrémité étaient, je crois, des logements pour les prêtres chargés du soin des vêtements sacerdotaux.

Joachim et Anne arrivèrent à une espèce d'échancrure au bord extrême de la montagne du temple, vis-à-vis de la vallée de Josaphat. On ne pouvait pas aller plus loin dans cette direction ; le chemin tournait à droite ou à gauche' ils firent encore une visite dans la maison d'un prêtre ; puis je les vis avec leurs gens reprendre le chemin de leur demeure. Arrivé a Nazareth, Joachim fit un festin de réjouissance, donna à manger à beaucoup de pauvres et répandit de grandes aumônes. Je vis la joie, la ferveur des deux époux. leur reconnaissance envers Dieu en pensant à sa miséricorde envers eux ; je les vis souvent prier ensemble les yeux baignés de larmes.

Il me fut expliqué, à cette occasion, que les parents de la sainte Vierge l'engendrèrent dans une pureté parfaite et par l'effet de la sainte obéissance. Si ce n'eût été pour obéir à Dieu, ils auraient gardé perpétuellement la continence. J'appris en même temps comment la pureté, la chasteté, la retenue des parents et leur lutte contre le vice impur ont une influence incalculable sur la sainteté des enfants qu'ils engendrent. En général, je vis toujours dans l'incontinence et l'excès la racine du désordre et du péché.


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Message par M1234 Lun 27 Mar 2017 - 11:25

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XI
Restauration de l'humanité montrée aux anges.

Ici viennent diverses visions de la soeur Emmerich, qu'elle communiqua à diverses époques lors de ses méditations annuelles pendant l'octave de la Conception de la sainte Vierge. Elles ne présentent pas une série continue sur la vie de Marie, mais elles jettent partout une lumière particulière sur l'élection et la préparation de ce vase de la grâce. Comme elle les a racontées au milieu de beaucoup de troubles et de souffrances, on ne sera pas étonné qu'elles paraissent sous forme de fragments 7.

Je vis un tableau merveilleux : c'était Dieu qui, après a chute de l'homme, montrait aux anges comment il roulait régénérer le genre humain. A la première vue, je ne compris pas ce tableau, mais bientôt il devint clair pour moi.

Je vis le trône de Dieu. la très sainte Trinité et comme un mouvement en Elle. Je vis les neuf choeurs des anges auxquels Dieu annonçait de quelle manière il voulait régénérer l'humanité déchue. Je vis, à cette annonce , une jubilation indicible parmi les anges.

Le développement des desseins de miséricorde de Dieu sur l'homme me fut montré dans divers tableaux symboliques. Je vis ces tableaux apparaître au milieu des neuf choeurs angéliques et se suivre comme une sorte d'histoire. Je vis les anges coopérer à ces tableaux, les protéger et les défendre. Je ne puis plus en rapporter la suite avec certitude ; je dirai avec l'aide de Dieu ce que j'en ai retenu.

Je vis devant le trône de Dieu une montagne comme de pierres précieuses : elle croissait et s'étendait sans cesse ; elle avait des degrés et ressemblait à un trône, puis elle prenait la figure d'une tour. Sous cette forme, elle renfermait dans son enceinte tous les trésors spirituels, tous les dons de la grâce. Les neuf choeurs des anges l'environnaient. Je vis à l'un des côtés de cette tour, comme sur un petit rebord formé par une nuée dorée, paraître des ceps de vigne et des épis de blé, qui s'entrelaçaient comme les doigts de deux mains jointes. Je ne pourrais pas bien déterminer à quel moment de la vision prise dans son ensemble, j'ai vu cela.

Je vis apparaître, dans le ciel, une figure semblable une vierge. qui entra dans la tour et se fondit pour ainsi dire avec elle. La tour était très large et aplanie par en haut ; il me sembla qu'il y avait par derrière une ouverture par laquelle entra la Sainte Vierge Marie dans le temps, c'était elle dans l'éternité en Dieu'. Je vis son apparition se produire devant la sainte Trinité de la même manière que l'haleine se condense devant la bouche en une petite vapeur 8. Je vis aussi une apparition sortir de la sainte Trinité vers la tour. Dans ce moment, je vis au milieu des choeurs des anges paraître comme un tabernacle du saint Sacrement. Les anges semblaient tous y travailler, et il avait la forme d'une tour entourée d'images symboliques de toute espèce. Il y avait à côté deux figures qui se tendaient la main derrière lui. Ce vase spirituel paraissait s'accroître continuellement et devenait toujours plus magnifique et plus riche.

Je vis alors quelque chose sortir de Dieu et passer à travers les neuf choeurs des anges ; cela me parut semblable à une nuée lumineuse qui devenait de plus en plus distincte à mesure qu'elle approchait de ce tabernacle de sainteté dans lequel enfin elle entra.

Autant que je puis le comprendre, c'était une bénédiction substantielle de Dieu qui se rapportait à la continuité d'une lignée pure et sans péché et pour ainsi dire à la production de rejetons purs. Je vis enfin cette bénédiction, sous la forme d'une fève brillante. entrer dans le tabernacle, après quoi celui-ci se perdit lui-même dans la tour.

Voyez le capitule des vêpres de l'office de la très sainte Vierge, tiré de l'Ecclésiastique, XXIV : Ab initio et ante secula crenta sum, et jusque ad futurum secuium non desinam.

Comparez le texte consacré par l'application que l'Église en fait depuis longtemps à Marie : Ego ex ore Altissimi prodivi primogenita ante omnem creaturam ; ego feci in coelis ut oriretur lumen indeficiens. Thronus meus in columna nubis, etc. Eccli., XXIV, 7.

Je vis les anges jouer un rôle actif dans une partie de ces apparitions. Une série de tableaux s'éleva aussi de l'abîme ; c'étaient comme des images d'illusion et de mensonge : je vis les anges agir contre elles et les faire disparaître. J'ai vu et oublié beaucoup de choses de ce genre.

Il y avait dans tous ces tableaux une merveilleuse liaison ; l'ensemble de cette vision était singulièrement riche et significatif. Même les apparitions ennemies, fausses, mauvaises, de tours, de calices, d'églises qui étaient rejetées de côté, devaient servir au développement de l'oeuvre du salut.

Pendant ces récits, elle revenait toujours sur l'inexprimable joie des anges. L'ensemble de ces fragments n'a pas de conclusion proprement dite : cela semble une série de tableaux symboliques relatifs à l'histoire de la rédemption. Elle disait à ce sujet : " J'ai vu d'abord les représentations figuratives de l'oeuvre de la rédemption au milieu des neuf choeurs des anges, et ensuite une série de tableaux depuis Adam jusqu'à la captivité de Babylone ".

XII
Elie voit une image figurative de la sainte Vierge.

Je vis toute la terre promise privée de pluie, desséchée et languissante, et je vis Élie monter au mont Carmel avec deux serviteurs, pour demander de la pluie à Dieu. Ils montèrent d'abord sur un haut escarpement, puis, par des degrés grossièrement taillés dans le roc, jusqu'à une terrasse, puis encore de nouveaux degrés, et ils arrivèrent enfin à une plate-forme assez grande, sur laquelle était un monticule de rochers où se trouvait une grotte. Elie monta jusqu'au haut de ce monticule. Il laissa ses serviteurs au bord de la plate-forme, et ordonna à l'un d'entre eux de regarder la mer de Galilée. Celui-ci parut tout consterné à cette vue, car le lac était entièrement desséché, plein de trous et d'excavations, couvert de vase et d'animaux pourris.

Elie s'accroupit, mit sa tête entre ses genoux, se voila, pria avec ardeur vers Dieu, et sept fois de suite il demanda à haute voix à son serviteur s'il ne voyait pas une nuée monter de la mer. A la septième fois, je vis le nuage monter, et quand le serviteur l'annonça au prophète, celui-ci l'envoya au roi Achab.

Je vis, au milieu de la mer, se former comme un tourbillon de couleur blanche, duquel sortait un petit nuage noir, qui se déploya et s'étendit. Dans ce petit nuage je vis, dès le commencement, une petite figure brillante, semblable à une vierge ; je vis aussi Élie l'apercevoir dans la nuée qui s'élargissait. La tête de cette vierge était entourée de rayons ; elle étendait ses bras en croix, et tenait à l'une de ses mains comme une couronne de victoire. Son long vêtement était comme attaché sous ses pieds. Elle parut dans le nuage qui grandissait, et sembla s'étendre sur toute la terre promise.

Je vis ce nuage se diviser ; en certains endroits sainte et sanctifiés, et là où habitaient des hommes pieux et aspirant au salut, il laissait comme de blancs tourbillons de rosée Ces tourbillons avaient sur leurs bords toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, et je vis au milieu la bénédiction se concentrer comme pour former une perle dans sa coquille. Il me fut expliqué que c'était une figure prophétique, et que dans les lieux bénis ou le nuage avait laissé ces tourbillons, il y eut réellement coopération à la manifestation de la sainte Vierge 9.

Je vis ensuite un songe prophétique où, pendant l'ascension de la nue, Élie apprit plusieurs mystères relatifs à la sainte Vierge ; malheureusement, au milieu de tant de choses qui nie troublent et me distraient' j'en ai oublié le détail exact, ainsi que bien d'autres choses. Élie connut, entre autres choses, que Marie devait naître dans le septième âge du monde ; c'est pour cela qu'il appela sept fois son serviteur. Il vit aussi de quelle race elle sortirait.

Je vis une autre fois Élie élargir la grotte au-dessus de laquelle il avait prié, et établir une organisation plus régulière parmi les enfants des prophètes : quelques-uns de ceux-ci priaient habituellement dans Cette grotte pour demander la venue de la sainte Vierge, et l'honoraient déjà avant sa naissance. Je Vis que cette dévotion à la sainte Vierge se perpétua sans interruption, qu'elle subsistait encore, grâce aux Esséniens, quand Marie était déjà sur la terre, et que plus tard elle continua à être pratiquée par des ermites, desquels sortirent enfin les religieux du Carmel.

XIII
Éclaircissements sur la précédente vision d'Élie.

Quand la narratrice communiqua plus tard ses contemplations sur l'époque de saint Jean-Baptiste, elle vit de nouveau la vision relative à Elie, avec quelques détails sur l'état où se trouvaient alors le pays et ses habitants. Nous donnons ce qui suit comme pouvant éclaircir ce qui a été dit précédemment.

Je vis un grand mouvement à Jérusalem, près du temple ; c'étaient des gens qui délibéraient, qui écrivaient avec des plumes de roseau, qui envoyaient des messagers dans le pays. On priait, on invoquait Dieu pour avoir de la pluie ; on faisait chercher Elie partout. Je vis aussi Élie dans le désert, nourri et désaltéré par un ange. Je vis tous les rapports du prophète avec Achab, le sacrifice sur le Carmel, la mort des prêtres des idoles, sa prière pour la pluie et l'arrivée des nuages.

Je vis, outre la sécheresse de la terre, une grande stérilité chez les hommes et un certain abâtardissement. Je vis qu'Élie appela par sa prière la bénédiction qui produisit la nuée, et qu'il dirigeait et répartissait les nuages et la pluie d'après des intuitions intérieures, sans quoi il y aurait eu peut-être une inondation destructive. Il demanda sept fois à son serviteur s'il voyait la nuée : cela fait allusion à sept âges du monde et à sept générations qui devaient s'écouler jusqu'au temps où la bénédiction véritable, dont cette nuée de bénédiction n'était que la figure, prendrait fortement racine dans Israel ; il vit même dans la nuée qui s'élevait une image de la sainte Vierge et connut plusieurs mystères qui se rapportaient à sa généalogie et à sa venue 10.

Je vis, par l'effet de la prière d'Élie, la bénédiction descendre d'abord sous forme de rosée.- La nuée s'abaissait ; il s'en détachait des flocons blancs, lesquels formaient des tourbillons dont les bords étaient de la couleur de l'arc-en-ciel, et se résolvaient enfin en gouttes d'eau qui tombaient sur la terre. Je reconnus aussi là quelque chose qui se rapportait à la manne du désert ; mais la manne, le matin, était par terre, compacte et cassante, et on pouvait l'empaqueter. Je vis ces tourbillons de rosée aller le long du Jourdain et s'arrêter, non pas partout, mais ça et là à certaines places. Je vis spécialement à Ainon, en face de Salem, et à l'endroit où eut lieu plus tard le baptême de Notre Seigneur, descendre de ces tourbillons brillants. Je demandai aussi ce que signifiaient leurs bords aux couleurs varices, et cela me fut expliqué par l'exemple d'une coquille marine, qui a aussi des rebords aux couleurs brillantes, et qui, s'exposant au soleil, attire à elle la lumière et la dégage des couleurs, jusqu'à ce qu'au milieu d'elle naisse la perle dans toute sa pureté et sa blancheur. Il me fut montré que cette rosée et la pluie qui lui succédait étaient quelque chose de plus que ce qu'on entend ordinairement par un rafraîchissement de la terre.

J'eus la perception distincte que sans cette rosée la venue de la sainte Vierge aurait été différée d'au moins un siècle, tandis que, par suite de l'amélioration et de la bénédiction de la terre, les races qui vivent de ses fruits furent aussi restaurées et ranimées, et la chair recevant la bénédiction s'ennoblit.

Je vis aussi comment alors la terre et la chair étaient altérées et aspiraient après la pluie, comme plus tard les hommes et l'esprit aspiraient au baptême de Jean. Tout ce tableau représentait à l'avance l'avènement de la sainte Vierge, et en outre l'état du peuple à l'époque de saint Jean-Baptiste. Leur anxiété d'alors, leur ardeur languissante, leur désir de la pluie et d'Élie, et pourtant la persécution de celui-ci, rappelaient l'ardeur avec laquelle, plus tard, le peuple cherchait le baptême et la pénitence, et aussi l'aveuglement de la synagogue et l'envoi de ses ambassadeurs auprès de Jean.

XIV
Figure prophétique de la Sainte Vierge en Égypte.


Je vis en Égypte ce message de salut apporté de la manière suivante : je vis qu'Élie devait faire rassembler de trois contrées, à l'Orient, au Nord et au Midi, de pieuses familles dispersées, et qu'il chargea de cette mission trois disciples des prophètes. Il ne les envoya qu'après avoir reconnu par un signe demandé à Dieu quels étaient ceux qui convenaient pour cela, car c'était une tâche périlleuse, et il fallait choisir des messagers intelligents, afin qu'ils ne fussent pas mis à mort. L'un d'eux alla vers le Nord, l'autre vers l'Orient, le troisième vers le Midi. Celui-ci avait à faire un long voyage à travers l'Egypte, où les Israélites avaient des risques particuliers à courir. Ce messager suivit le chemin que la sainte Famille prit lors de sa fuite en Egypte ; je crois aussi qu'il passa dans le voisinage de la ville d'On, où l'enfant Jésus se réfugia. Je le vis, dans une grande plaine, arriver près d'un temple d'idoles, qui était dans une prairie, et entouré de diverses autres idoles. On adorait là un taureau vivant. Il y avait dans le temple une figure de taureau et plusieurs autres idoles. On faisait là d'horribles sacrifices et on immolait des enfants mal conformés.

Les habitants du pays saisirent le disciple des prophètes et le conduisirent devant leurs prêtres. Heureusement ils étaient très curieux, sans cela ils l'auraient égorgé. Ils lui demandèrent d'où il était et ce qui l'amenait chez eux. Il leur dit sans hésiter qu'il devait naître une vierge de laquelle sortirait le salut du monde, et qu'alors ils briseraient toutes leurs idoles 11.

Saint Epiphane, dans son livre sur la Vie des Prophètes, dit de Jérémie : "Ce prophète donna un signe aux prêtres égyptienne, et Leur annonça que toutes leurs idoles tomberaient en morceaux quand une Vierge mère, avec son enfant divin, entrerait en Egypte. Et cela arriva ainsi ; c'est pourquoi, encore aujourd'hui, ils adorent une Vierge mère et un enfant couché dans une crèche. Quand le roi Ptolémée leur en demanda la cause, ils répondirent : " C'est un mystère que nous avons reçu de nos pères, auxquels il a été annoncé par un saint prophète' et nous en attendons l'accomplissement ". (Epiphan., t. II, p. 240.) Toutefois le disciple d'Elie, mentionné plus haut, ne peut pas être Jérémie, puisque celui-ci vécut trois siècles plus tard.

Un archéologue a communiqué à l'écrivain un dessin fait d'après une antique statue égyptienne, qui est censée représenter Isis, et qui correspond de tout point à la description donnée par la soeur de cette singulière figure.

Le bas du corps était enveloppé d'un long vêtement ; les pieds étaient petits et effilés ; des espèces de houppes y pendaient. Aux deux épaules étaient attachées des espèces d'ailes comme de belles plumes en forme de rayons. Ces ailes étaient comme deux peignes de plumes jointes les unes aux autres. Des plumes croisées couraient le long des hanches et se repliaient par-dessus le milieu du corps. La robe n'avait pas de plis.

Ils honorèrent cette image et lui offrirent des sacrifices, la priant de vouloir bien ne pas briser leur dieu Apis et leurs autres dieux. Du reste, ils persévérèrent comme auparavant dans toutes les abominations de leur culte idolâtrique ; seulement, à dater de ce temps, ils invoquèrent par avance cette vierge, dont ils avaient composé l'image, à ce que je pense, d'après diverses indications tirées du récit du prophète et en essayant de reproduire la figure vue par Élie.

Je vis aussi comment, à cette époque, par un effet de la grande miséricorde de Dieu, il fut annoncé à de pieux paiens que le Messie naîtrait d'une vierge dans la Judée. Les ancêtres des trois rois mages, les Chaldéens, adorateurs des astres, reçurent cette connaissance au moyen de l'apparition d'une image dans une étoile ou dans le ciel. Ils prédirent l'avenir à ce sujet. J'ai vu les traces de ces annonces prophétiques de la sainte Vierge dans les représentations figurées qui ornaient leurs temples. J'en ai parlé ailleurs.

XV
L'arbre généalogique du Messie.

Je vis la souche du Messie, à partir de David, se diviser en deux branches. A droite courait la ligne qui commençait par Salomon et finissait par Jacob, le père de saint Joseph. Je vis les figures de tous les ancêtres de saint Joseph mentionnés dans l'Évangile, sur les branches de ce rejeton de la souche de David par Salomon. Cette ligne généalogique, placée à droite, avait une signification supérieure : les figures étaient plus grandes, et en quelque sorte plus immatérielles que celles de la ligne de gauche. Chacune tenait à la main une tige longue à peu près d'une coudée, avec des feuilles pendantes semblables à celles de palmier ; au sommet de cette tige fleurissait la grande campanule en forme de lis, avec cinq étamines jaunes par en haut, qui répandaient une belle poussière. Ces fleurs différaient en grandeur, en vertu et en beauté. La fleur que portait saint Joseph, le père nourricier de Jésus, était la plus remarquable de toutes par sa beauté et la fraîcheur de ses feuilles. Trois membres de cette lignée, vers le milieu, avaient été rejetés ; ils étaient noircis et flétris. Il y avait plus d'une lacune dans cette ligne venant de Salomon, où les rejetons étaient très éloignés les uns des autres. La branche de droite et celle de gauche se touchaient quelquefois, et peu de degrés avant la fin elles se croisaient réciproquement. J'eus une explication sur la signification plus relevée de la ligne de Salomon. Elle provenait plus de l'esprit, moins de la chair. Elle avait quelque chose de la signification de Salomon lui-même. Je ne puis pas bien exprimer cela.

La ligne généalogique de gauche allait de David, par Nathan, jusqu'à Héli, qui est le vrai nom de Joachim, le père de Marie ; car il reçut plus tard ce dernier nom, de même qu'Abraham, qui s'était appelé d'abord Abram J'ai oublié la cause de ce changement ; mais je la retrouverai peut-être. Dans mes contemplations, j'entendis souvent nommer Jésus le fils d'Héli, selon la chair 12.

XVI
Tableau de la fête de la conception de Marie.

(Raconté la 8 décembre 1819.)

Après avoir passé toute la nuit, jusqu'au matin, à contempler, dans une effrayante Vision, les péchés du monde entier, je m'endormis de nouveau et me trouvai transportée à Jérusalem, à l'endroit où avait été le temple, puis ensuite dans les environs de Nazareth, au lieu où s'était trouvée autrefois la maison d'Anne et de Joachim.

Je reconnus bien le pays.

Je vis là une belle colonne de lumière s'élever de terre comme la tige d'une fleur ; de même que le calice de la fleur ou la tête d'un pavot sortent d'un pédoncule, cette colonne portait une église octogone toute lumineuse'. La colonne montait jusque dans le centre de l'église comme un petit arbre dont les branches, régulièrement partagées, portaient des figures de la famille de la sainte Vierge, lesquelles étaient, dans cette représentation de la fête, l'objet d'une vénération particulière. Elles étaient comme sur les étamines d'une fleur. C'était sainte Anne, entre saint Joachim et un autre homme, peut-être son père Sous la poitrine de sainte Anne, je vis une cavité lumineuse à peu près de la forme d'un calice, et, dans cette cavité, la figure d'un enfant resplendissant qui se développait et grandissait ; ses petites mains étaient croisées sur sa poitrine ; sa petite tête était inclinée, et il en partait une infinité de rayons qui se dirigeaient vers une partie du monde. Il me semble que ce n'était pas dans toutes les directions. Sur d'autres rameaux environnants étaient plusieurs figures tournées vers le centre, dans une attitude respectueuse et, dans l'église, je vis un nombre infini de saints rangés tout autour, ou formant des choeurs, se tourner en priant vers cette sainte Mère.

La soeur voyait toutes les fêtes de l'Eglise, et celles mêmes qui ne sont plus célébrées sur la terre dans l'Église militante, célébrée dans l'Eglise triomphante. Elle voyait tous les saints qui avaient une relation particulière avec la fête en faire la solennité dans une église transparente qui était la plupart du temps de forme octogone. cette église lui apparaissait ordinairement planant en l'air. Il est digne de remarque que, dans les fêtes qui avaient rapport aux parents de Jésus-Christ suivant la chair ou Au : mystères de sa vie, elle ne voyait pas cette église suspendue en l'air, mais, de même qu'une fleur ou un fruit, placée sur une tige sortant de la terre comme sur une colonne et paraissant avoir poussé sur cette tige.

La plus douce ferveur et l'union la plus intime se manifestaient dans cette fête. On ne pourrait comparer le spectacle qu'elle offrait qu'à celui d'un champ de fleurs très variées qui, agitées par un vent léger, se tournent vers le soleil, comme pour lui offrir leurs parfums et leurs couleurs, vers ce soleil duquel toutes les fleurs ont reçu ces dons eux-mêmes, et jusqu'à leur vie.

Au-dessus de ce tableau symbolique de la fête de l'Immaculée Conception, s'éleva le petit arbre lumineux avec un nouveau rejeton à son extrémité, et je vis dans cette seconde couronne de branches célébrer un moment postérieur de la fête. Ici, Marie et Joseph étaient agenouillés, et, un peu plus bas, devant eux, sainte Anne. Ils adoraient l'enfant Jésus, qui, le globe impérial en main était assis au-dessus d'eux, au sommet de la tige, environné d'un éclat incomparable. Autour de cette représentation, les choeurs des rois mages, des bergers, des apôtres et des disciples étaient en adoration à très peu de distance, tandis que d'autres saints formaient des cercles moins rapprochés. Ensuite, je vis en haut, au milieu d'une grande lumière, des formes plus indistinctes de puissances célestes ; plus haut encore, comme un demi soleil rayonner à travers la coupole de l'église. Ce second tableau semblait faire allusion à la proximité de la fête de Noël, qui vient peu après celle de la Conception.

Lors de la première apparition du tableau, il me sembla que j'étais hors de l'église, sous la colonne, dans le pays environnant ; plus tard, j'étais dans l'intérieur de l'église que j'ai décrite. Je vis aussi la petite Marie se développer dans l'espace lumineux qui était sous le coeur de sainte Anne ; je me sentis en même temps convaincue, à un degré inexprimable, de l'absence de la tache originelle dans la conception de Marie. Je lus cela distinctement comme dans un livre, et je le compris. Il me fut dit qu'autrefois, il y avait eu dans ce lieu une église érigée en mémoire de cette grâce inestimable accordée par Dieu ; mais qu'ayant été l'occasion de luttes peu convenables sur ce saint mystère, elle avait été livrée à la destruction ; que toutefois l'église triomphante faisait toujours dans cet endroit la fête de l'Immaculée Conception.

XVII
La sainte Vierge parle des mystères de sa vie.

Pendant ses contemplations sur les années de prédication de Notre Seigneur Jésus-Christ, la soeur raconta ce qui suit, le 26 décembre 1822 :

J'entends souvent la sainte Vierge raconter à des femmes qui ont sa confiance, par exemple, à Jeanne Chusa et à Suzanne de Jérusalem, divers mystères relatifs à Notre Seigneur et à elle-même, qu'elle a connus, soit par une illumination intérieure, soit par ce que lui en a dit sainte Anne. Ainsi, je l'ai souvent entendue raconter à Suzanne et à Marthe que, pendant qu'elle portait Notre seigneur dans son sein, elle n'avait jamais ressenti la moindre souffrance, mais une joie intérieure continuelle et un bonheur infini. Elle leur racontait aussi que Joachim et Anne s'étaient rencontrés sous la porte dorée à une heure dorée aussi ; qu'en ce lieu leur avait été départie cette plénitude de la grâce divine, en vertu de laquelle elle seule avait reçu l'existence dans le sein de sa mère par l'effet de la sainte obéissance et du pur amour de Dieu, sans aucun mélange d'impureté. Elle leur fit connaître aussi que, sans la chute originelle. La conception de tous les hommes aurait été également pure.

Je vis ensuite de nouveau tout ce qui concernait la grâce accordée aux parents de Marie, depuis l'apparition de l'ange à Anne et à Joachim, jusqu'à leur rencontre sous la porte dorée, de la manière que je l'ai toujours raconté. Sous la porte dorée, c'est-à-dire dans la salle souterraine qui était sous cette porte, je vis Joachim et Anne entourés d'une multitude d'anges qui brillaient d'une lumière céleste ; eux-mêmes resplendissaient, et ils étaient purs comme des esprits, se trouvant dans un état surnaturel où aucun couple humain n'avait été avant eux.

C'était, je crois, sous la porte dorée elle-même, que s'accomplissaient les épreuves et les cérémonies de l'absolution pour les femmes accusées d'adultère, ainsi que d'autres expiations.

Il y avait cinq passages souterrains de ce genre au-dessous du temple ; il y en avait aussi un sous l'endroit où demeuraient les vierges. On y était conduit pour certaines expiations déterminées '. Je ne sais pas si d'autres avant Joachim et Anne passèrent par ce chemin, mais, dans tous les cas, je crois que ce fut un cas très rare. Je ne me souviens pas bien non plus si c'était lu coutume lors des sacrifices offerts par des personnes stériles. Dans cette circonstance, il fut ordonné aux prêtres de régler ainsi les choses.

La soeur Emmerich est d'accord en ceci avec ce que disent les plus anciens livres juifs. (voyez, par exemple, Mischna. Tract. Tamid., c. v, et Sotah., c.I)

Il est bon de considérer qu'à cet endroit même du temple, au-dessus duquel les femmes accusées d'adultère étaient soumises au jugement de Dieu au moyen du breuvage amer appelé l'eau de jalousie (Num., V). puis punies ou justifiées, à cet endroit, disons-nous, où les impurs étaient purifiés, furent données la grâce et la bénédiction pour la Conception sans tache de la Mère de Jésus-Christ, dans l'union duquel avec l'Eglise le mariage est un grand sacrement (Eph., V, 32), et qui s'est offert en sacrifice expiatoire pour expier l'adultère de l'humanité d'avec son Dieu, et devenir le fiancé des âmes rachetées par lui.

XVIII
Célébration de la fête de la Conception en divers lieux.
Introduction. Détails personnels.

Le 8 décembre 1820, fête de l'1mmaculée conception de Marie, l'âme de la soeur, pendant le cours de ses contemplations et de ses prières, se trouva comme transportée à travers une grande partie de la terre. Nous plaçons ici quelque chose de ce qui nous fut communiqué à ce sujet, pour donner une idée de ces sortes de voyages en esprit.

Elle alla à Rome, se trouva près du saint Père, visita en Sardaigne une pieuse religieuse qu'elle aimait beaucoup, toucha Palerme, passa en Palestine, ensuite dans l'Inde. Elle alla aussi en Abyssinie, dans une ville de Juifs, située sur une haute chaîne de montagnes ; elle en visita la souveraine, qui s'appelait Judith ', et s'entretint avec elle du Messie, de la fête de la Conception de sa mère, du saint temps de l'Avent et de la fête prochaine de Noël. Dans le cours de ce voyage, elle fit tout ce que, dans un voyage de ce genre, aurait fait, suivant l'occasion, un consciencieux missionnaire : elle pria, enseigna, secourut, consola et s'informa.

Cette nuit, dit-elle, ayant fait en songe un voyage dans la ; terre promise, je vis tout ce que j'ai raconté de la Conception de la sainte Vierge. Je passai ensuite aux contemplations journalières des années de prédication de Notre Seigneur, et j'en étais aujourd'hui au 8 décembre de la troisième année. Je ne trouvai pas Jésus dans la terre promise ; mais je fus conduite par mon guide au delà du Jourdain, en Arabie, où le Seigneur, accompagné de trois disciples, se trouvait dans une ville de tentes des trois rois mages : c'était là qu'ils s'étaient établis à leur retour de Bethléhem.

Lorsque l'écrivain mit sur le papier le récit très circonstancié de ses rapports avec Judith et sa description des lieux, il avait conjecturé, d'après la direction de son voyage, qu'il s'agit de l'Abyssinie. Plusieurs années après la mort de la soeur, il trouva dans les voyages de Bruce et de Salt la mention d'une colonie juive établie sur la haute chaîne de Samen en Abyssinie, et dont le chef s'appelait toujours Gédéon, ou, lorsque c'était une femme, Judith. Ce dernier nom, comme on le voit, a été indiqué par la soeur Emmerich.

XIX
Les rois mages fêtent la Conception de Marie.

Je vis que deux des trois rois mages qui vivaient encore, à dater d'aujourd'hui, 8 décembre, célébraient avec leur tribu une fête de trois jours. Quinze ans avant la naissance du Sauveur, ils avaient vu, pour la première fois, dans cette nuit, se lever l'étoile annoncée par Balaam (Num XXIV, 17), qu'eux et leurs ancêtres avaient attendue si longtemps en observant constamment le ciel. Ils y avaient aperçu l'image d'une vierge qui tenait d'une main un sceptre, de l'autre une balance ayant sur l'un de ses plateaux un bel épi de blé, sur l'autre une grappe de raisin faisant contrepoids. Depuis leur retour de Bethléhem, ils célébraient annuellement, à partir du 8 décembre, une fête de trois jours, etc.

Je vis qu'à la suite de cette connaissance qu'ils avaient eue le jour de la Conception de Marie, quinze ans avant la naissance de Jésus-Christ, ces adorateurs des astres a aient aboli une horrible coutume religieuse qui avait été depuis longtemps en usage parmi eux, par suite de révélations mal comprises et obscurcies par de malignes influences : savoir, un abominable sacrifice d'enfants. Ils avaient en différents temps sacrifié de diverses manières des hommes et des enfants.

Je vis que, dans l'époque antérieure à la Conception de Marie, ils avaient la coutume suivante : ils prenaient l'enfant d'une des plus chastes et des plus pieuses parmi les femmes de leur religion, laquelle se trouvait heureuse d'offrir ainsi son nourrisson. L'enfant était écorché et recouvert de farine destinée à absorber le sang. Ils mangeaient cette farine imprégnée de sang comme un aliment sacré, et recommençaient cet affreux repas jusqu'à ce que le sang fût épuisé. En dernier lieu, la chair de l'enfant était coupée en petits morceaux, distribuée et mangée 13.

Je les vis accomplir cette cérémonie abominable avec beaucoup de simplicité et de dévotion, et il me fut dit qu'ils en étaient venus à cette horrible coutume par suite de l'altération et de la fausse interprétation de certaines traditions prophétiques figuratives sur la sainte Cène.

Je vis ces abominations en Chaldée, dans le pays de Mensor, l'un des trois rois mages. Je le vis aussi le jour de la Conception de Marie recevoir dans une vision une illumination d'en haut, à la suite de laquelle l'horrible usage fut aboli.

Je le vis sur une haute pyramide en bois occupé à observer les étoiles, ce que ces gens continuaient à faire depuis des siècles, poussés à cela par d'antiques traditions. Je vis le roi Mensor, pendant qu'il regardait le ciel, tomber tout à coup en extase : il avait perdu connaissance. Ses compagnons vinrent et le firent revenir à lui ; mais, au commencement, il ne paraissait pas les reconnaître. Il avait vu l'étoile avec la Vierge, la balance, l'épi, la grappe de raisin, et reçu un avertissement intérieur qui lui fit abolir ce culte abominable.

La nuit, pendant mon sommeil, ayant vu à ma droite l'horrible scène du meurtre de l'enfant, je me retournai de l'autre côté pleine d'effroi ; mais je le vis encore à ma gauche. Alors je priai Dieu de tout mon coeur afin qu'il me délivrât de cet affreux spectacle ; quand je me réveillais, j'entendis sonner l'heure, et mon fiancé céleste me dit : " Vois les traitements encore pires que me font subir tous les jours beaucoup de gens dans le monde entier ".

Et quand je regardai autour de moi, bien des choses encore plus horribles que ces sacrifices d'enfants passèrent devant mon âme ; je vis bien souvent Jésus lui-même cruellement immolé sur l'autel par la célébration indigne et criminelle des saints mystères. Je vis devant des prêtres sacrilèges la sainte hostie reposer sur l'autel comme un enfant Jésus vivant qu'ils coupaient en morceaux avec la patène et qu'ils martyrisaient horriblement. Leur messe, quoique accomplissant réellement le saint sacrifice, m'apparaissait comme un horrible assassinat.

La même cruauté me fut montrée dans les mauvais traitements exerces envers les membres de Jésus-Christ, envers ceux qui confessent son nom et que Dieu a adoptés pour enfants ; car je vis une foule innombrable de malheureux opprimés, tourmentés et persécutés de nos jours en plusieurs lieux, et je vis toujours qu'on maltraitait par là Jésus-Christ en personne. Nous sommes à une époque déplorable où il n'y a plus de refuge contre le Mal : un épais nuage de péchés pèse sur le monde entier, et je vois les hommes faire les choses les plus abominables avec une tranquillité et une indifférence complètes.

Je vis tout cela dans plusieurs visions pendant que mon âme était conduite à travers divers pays sur toute la terre à la fin, je revins aux contemplations relatives à la fête de la Conception de Marie 14.

XX
Sur l'histoire de la fête de la Conception de Marie.

Je ne saurais pas bien expliquer la façon merveilleuse dont j'ai voyagé cette nuit en songe. J'étais dans les contrées du monde les plus différentes, aux époques les plus diverses, et je vis souvent célébrer la tête de la Conception de Marie. Je me trouvai près d'Ephèse, et je vis célébrer cette fête dans la maison de la Mère de Dieu, qui servait encore d'église. Ce devait être à une époque très reculée, car je vis le chemin de la Croix érige par Marie elle-même parfaitement conservé ; le second fut érigé à Jérusalem, le troisième à Rome.

Les Grecs célébraient cette fête longtemps avant leur séparation de l'Eglise. Je me souviens encore un peu' quoique non bien distinctement, de ce qui y donna lieu. Je vis notamment un saint, saint Sabas, à ce que je crois, qui Put une apparition relative à immaculée Conception. Il vit l'image de la sainte Vierge, debout sur le globe terrestre, écrasant la tête du serpent, et il connut que la sainte vierge seule avait été conçue sans blessure et sans souillure de la part du serpent 15.

Je vis aussi qu'une église des Grecs, ou qu'un évêque de leur nation ne voulut pas admettre cela ; cette image vint alors vers eux sur la mer. Je vis cette apparition planer sur les flots, se diriger vers leur église et se montrer au-dessus de l'autel ; après quoi ils commencèrent à célébrer cette fête. On possédait dans cette église un portrait de la sainte Vierge fait par saint Luc. Elle était représentée vêtue de blanc, avec un voile de la même couleur, et ressemblait beaucoup à ce qu'elle avait été de son vivant. Je crois vaguement qu'il venait de Rome, où l'on n'a d'elle qu'un portrait en buste. Ce portrait avait été placé sur un autel à la place où avait apparu l'image de l'Immaculée Conception. Je crois qu'il est encore à Constantinople, où je l'ai vu honorer à une époque ancienne.

Je me suis trouvée en Angleterre, et j'y ai vu introduire et célébrer cette fête à une époque très ancienne. Avant-hier, jour de Saint Nicolas, j'ai vu à ce sujet le miracle suivant : je vis un abbé d'Angleterre sur un navire pendant une tempête qui menaçait de l'engloutir. On y invoquait avec instance le secours de la mère de Dieu Je vis alors apparaître saint Nicolas de Myre, qui planait sur la mer près du navire ; il dit à l'abbé que Marie l'envoyait pour lui annoncer qu'il devait célébrer le 8 décembre la fête de la Conception, et que le navire arriverait au port. L'abbé lui ayant demandé quelles prières il fallait dire, il lui fut répondu qu'il fallait se servir de celles de la fête de la Nativité de la sainte Vierge. Lors de l'introduction de la fête, le nom d'Anselme fut aussi prononcé' ; mais j'ai oublié les détails. Je vis aussi l'introduction de cette fête en France, et comment saint Bernard s'y montra opposé, parce que la chose ne venait pas de Rome 16.

Ici s'arrêtent les éclaircissements ajoutés par la soeur Emmerich à son récit de la Conception de Marie. Nous allons reprendre maintenant l'histoire de sa sainte Vie.

Il est remarquable qu'elle ne nomme pas saint Anselme comme étant l'abbé qui vit l'apparition, quoique Pierre de Natalibus, in Catalog Sanci, lib. I, c. 42, raconte de lui la même chose, ainsi que l'écrivain l'a lu eu juillet 1835. Ce que dit la soeur paraît confirmer l'allégation de Baronius dans ses notes sur le martyrologe romain, où il dit que cet avertissement fut donné dans des circonstances comme celles qui ont été décrites, non pas à saint Anselme, mais antérieurement : à l'abbé bénédictin Elfin ou Elpin, dans l'année 1070. J. Carlhagena, dans ses homélies de Arcanis Deipare, t. I, hom. 19, affirme la même chose d'après une lettre de saint Anselme aux évêques d'Angleterre. Ce saint archevêque de Cantorbéry fut le premier qui introduisit cette fête en Angleterre.

XXI
Naissance de Marie

Quelques jours avant sa délivrance, Anne avait annoncé à Joachim que le temps de ses couches était proche Elle envoya des messagers à Séphoris, à sa soeur cadette Maraha ; dans la vallée de Zabulon, à la veuve Énoué, soeur d'Élisabeth, et à Bethsaïde, à sa nièce Marie Salomé, pour engager ces trois femmes à venir chez elle.

Je vis Joachim, la veille de la délivrance d'Anne, envoyer ses nombreux serviteurs aux pâturages où étaient ses troupeaux. Parmi les nouvelles servantes d'Anne, il ne garda à la maison que celles dont le service était nécessaire. Lui-même alla au plus voisin de ses pâturages. Je vis que Marie Eléli, la fille aînée d'Anne, prenait soin du ménage. Elle avait alors environ dix-neuf ans, et avait épousé Cléophas, chef des bergers de Joachim, dont elle avait une petite fille appelée Marie de Cléophas, laquelle avait alors à peu près quatre ans.

Joachim pria, choisit les plus beaux de ses agneaux, de ses chevreaux et de ses boeufs, et les envoya au temple comme sacrifice d'actions de grâces. Il ne revint chez lui qu'à la nuit.

Je vis les trois parentes d'Anne arriver le soir chez elle. Elles la visitèrent dans la chambre située derrière le foyer et l'embrassèrent. Après leur avoir annoncé l'approche de sa délivrance, Anne, se tenant debout, entonna avec elles un cantique conçu à peu près en ces termes : " Louez Dieu le Seigneur ; il a eu pitié de son peuple ; il a accompli la promesse qu'il avait faite à Adam dans le paradis, quand il lui dit que la semence de la femme écraserait la tête du serpent, etc ". Je ne puis pas tout rapporter exactement.

Anne était comme en extase ; elle énumérait dans son cantique tout ce qui avait figuré Marie par avance. Elle disait: " Le germe donné par Dieu à Abraham a mûri en moi ". Elle parlait d'Isaac promis à Sara, et ajoutait : " La floraison de la verge d'Aaron s'est accomplie en moi ". Je la vis comme pénétrée de lumière. Je vis la chambre pleine de clartés, et l'échelle de Jacob apparaître au-dessus. Les femmes, pleines d'un joyeux étonnement, étaient comme ravies, et je crois qu'elles virent aussi l'apparition.

Après cette prière de bienvenue, on servit aux femmes une petite réfection de pain, de fruits et d'eau mêlée de baume. Elles mangèrent et burent debout, et allèrent dormir quelques heures pour se reposer de leur voyage. Anne resta levée et pria. Vers minuit, elle éveilla ses parentes pour prier avec elle. Elles la suivirent derrière un rideau à l'endroit où était son lit.

Anne ouvrit les portes d'une petite niche pratiquée dans le mur, et qui renfermait des reliques dans une boite. Il y avait des deux côtés des lumières qu'on alluma ; je ne sais si c'étaient des lampes. Un escabeau rembourré était au pied de cette espèce de petit autel. Dans le reliquaire se trouvaient des cheveux de Sara, pour laquelle Anne avait beaucoup de vénération ; des os de Joseph, que Moise avait emportés d'Égypte ; quelque chose de Tobie, peut-être un morceau de vêtement, et le petit vase brillant, en forme de poire, dans lequel Abraham avait bu lors de la bénédiction de l'ange, et que Joachim avait reçu avec la bénédiction. Je sais maintenant que cette bénédiction était du pain et du vin, et comme une nourriture et une réfection sacramentelle.

Anne s'agenouilla devant la niche. Deux des femmes étaient à ses côtés, la troisième derrière elle. Elle dit encore un cantique ; je crois qu'il y était question du boisson ardent de Moise. Je vis alors une lumière surnaturelle remplir la chambre, se mouvoir et se condenser autour d'Anne. Les femmes tombèrent la face contre terre comme évanouies. La lumière prit tout autour d'Anne la forme qu'avait le buisson ardent de Moise sur l'Horeb, en sorte que je ne la vis plus. La flamme rayonnait vers l'intérieur, et je vis tout d'un coup Anne recevoir dans ses bras la petite Marie toute resplendissante, l'envelopper dans son manteau, la presser sur son sein, puis la placer sur l'escabeau devant le reliquaire, et continuer à prier. Alors j'entendis l'enfant pleurer, et je vis Anne tirer des linges de dessous le grand voile qui l'enveloppait. Elle emmaillota l'enfant jusque sous les bras, laissant la poitrine, la tête et les bras découverts. L'apparition du buisson ardent s'était évanouie.

Les femmes se relevèrent, et à leur grande surprise reçurent dans leurs bras l'enfant nouveau-né. Elles versaient des larmes de joie. Elles entonnèrent toutes un nouveau cantique d'actions de grâces, et Anne éleva l'enfant en l'air comme pour l'offrir. Je vis alors la chambre se remplir de nouveau de lumières, et j'entendis plusieurs anges qui chantaient gloria et alléluia. J'entendais tout ce qu'ils disaient. Ils annonçaient que l'enfant devait recevoir, le vingtième jour, le nom de Marie.

Anne entra alors dans sa chambre à coucher et se mit sur son lit. Les femmes déshabillèrent l'enfant, la baignèrent, puis l'emmaillotèrent de nouveau. Elles la portèrent ensuite à sa mère, dont la couche était disposée de manière qu'on pouvait fixer auprès d'elle une petite corbeille à jour, où l'enfant avait une place séparée à côté de sa mère.

Les femmes alors appelèrent son père Joachim. Il vint près de la couche d'Anne, s'agenouilla et versa d'abondantes larmes sur l'enfant ; puis il l'éleva dans ses bras et entonna un cantique de louanges, comme Zacharie à la naissance de Jean-Baptiste. Il parla dans ce psaume du saint germe qui, placé par Dieu dans Abraham, s'était perpétué chez le peuple de Dieu dans l'alliance dont la circoncision était le sceau, mais qui arrivait dans cet enfant à sa plus haute floraison. J'entendis dire dans ce cantique que la parole du Prophète : " une tige sortira de la racine de Jessé ", se trouvait maintenant accomplie. Il dit aussi, avec beaucoup de ferveur et d'humilité, que maintenant il mourrait volontiers.

Je remarquai que Marie d'Héli, la fille aînée d'Anne, ne vint qu'assez tard voir l'enfant. Quoique mère elle-même depuis quelques années, elle n'avait pas assisté à la naissance de Marie, peut-être parce que, d'après les lois juives, une fille ne devait pas se trouver près de sa mère dans un pareil moment.

Le lendemain, je vis les serviteurs, les servantes et beaucoup de gens du pays rassemblés autour de la maison. On les fit entrer successivement, et l'enfant fut montrée à tous par les femmes. Ils furent, en général, très touchés, et plusieurs devinrent meilleurs. Les gens du voisinage étaient venus parce qu'ils avaient vu pendant la nuit une lumière au-dessus de la maison, et parce que les couches d'Anne, venant après une longue stérilité, étaient regardées comme une grande grâce du ciel.

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Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Empty Saints et Bienheureux

Message par Hélène vie et amour Lun 27 Mar 2017 - 14:30

Saints et Bienheureux

MERCI, Marie, pour ces extraits si précieux! 



Je connais plusieurs personnes dont Anne-Catherine Emmerich a fait partie de leur conversion ou re-conversion!  C'est MAGNIFIQUE de s'y replonger après tant d'années - car on manque souvent de temps!


Quelle belle manière de re-meubler nos fêtes et cette fin de Carême


Ensuite Angèle de Foligno!

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Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Empty Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)

Message par M1234 Mar 28 Mar 2017 - 9:58

Bonjour Hélène,
Merci pour votre appréciation!
En UDP


Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 La_passion_marie1

XXII
Joie dans le ciel et dans les limbes à la naissance de Marie.
Mouvement dans la nature et parmi les hommes.

Au moment où la petite Marie se trouva dans les bras de sainte Anne, je la vi6 dans le ciel présentée devant la très sainte Trinité, et saluée avec une joie indicible par toutes les armées célestes. Je connus que toutes ses joies, ses douleurs et ses destinées futures lui étaient manifestées d'une manière surnaturelle. Marie reçut la connaissance des plus profonds mystères, et pourtant elle resta un enfant. Nous ne pouvons pas comprendre cette science qui lui fut donnée, parce que la notre a pris son origine sur l'arbre fatal du paradis. Elle connut tout cela comme l'enfant connaît le sein de sa mère et sait qu'il doit s'y désaltérer. Lorsque cessa la contemplation où j'avais vu la petite Marie instruite par le grâce divine dans le ciel, je l'entendis pleurer pour la première fois.

Je vis la naissance de Marie annoncée aux patriarches dans les limbes, au moment même où elle eut lieu ; je les vis tons, particulièrement Adam et Eve, pénétrés d'une joie inexprimable, à cause de l'accomplissement de la promesse faite dans le paradis. Je connus aussi qu'il y avait un progrès dans l'état de grâce des patriarches, que leur demeure s'éclairait et s'élargissait, et qu'ils acquéraient une plus grande influence sur ce qui se passait dans le monde. Il semblait que tous les travaux. toutes les pénitences de leur vie, tous leurs combats, leurs prières et leurs désirs étaient, pour ainsi dire, arrivés à maturité, et avaient produit un fruit de paix.

Je vis au temps de la naissance de Marie, un grand mouvement de joie dans la nature, chez tous les animaux et aussi dans le coeur de tous les hommes de bien, et j'entendis des chants harmonieux ; chez les pécheurs, il y eut une grande angoisse et comme un brisement de coeur.

Je vis spécialement dans la contrée de Nazareth et dans le reste de la terre promise plusieurs possédés agités par des convulsions violentes. Ils se précipitaient ça et là avec de grandes clameurs, et les démons criaient par leur bouche : " il faut partir, il faut partir ".

A Jérusalem, je vis le pieux prêtre Siméon, qui habitait près du temple, effrayé à l'heure de la naissance de Marie par les cris affreux que poussaient des fous et des possédés enfermés en grand nombre dans un édifice contigu à la montagne du temple, et sur lequel Siméon, qui demeurait dans le voisinage, avait un certain droit de surveillance. Je le vis à minuit se rendre sur la place devant la maison des possédés ; un homme qui habitait près de là lui demanda la cause de ces cris qui troublaient le sommeil de tout le monde. Un possédé cria avec plus de force, demandant à sortir. Siméon lui ouvrit la porte ; le possédé se précipita dehors, et Satan cria par sa bouche r il faut partir nous devons partir il est né une Vierge Il y a sur la terre tant d'anges qui nous tourmentent nous devons partir, et nous ne pourrons plus posséder un seul homme ! " Je vis Siméon prier avec ferveur ; le malheureux possédé fut violemment jeté ça et là sur la place, et je vis le démon sortir de loi. .la fils très contente de voir le vieux Siméon.

Je vis aussi la prophétesse Anne, et Noémi, soeur de la mère de Lazare, qui habitait dans le temple, et qui fut plus tard la maîtresse de Marie furent réveillés et informées par des visions de la naissance d'un enfant d'élection. Elles se réunirent et se communiquèrent ce qu'elles avaient appris. Je crois qu'elles connaissaient sainte Anne.

XXIII
L'enfant reçoit le nom de Marie.

22 - 23 septembre

J'ai vu aujourd'hui une grande fête dans la maison de sainte Anne. Tout avait été déplacé et rangé à part dans la partie antérieure de la maison, Les cloisons en clayonnage, qui formaient des chambres séparées, avaient été enlevées, et on avait ainsi disposé une grande table. Tout autour de cette salle, je vis une longue table basse, couverte de vaisselle pour le repas.

Au milieu de la salle, on avait dressé une espèce de table d'autel recouverte d'une étoffe rouge et blanche, sur laquelle était un petit berceau rouge et blanc, avec une couverture bleu de ciel. Près de l'autel était un pupitre recouvert, sur lequel étaient des rouleaux en parchemin contenant des prières. Devant l'autel se tenaient cinq prêtres de Nazareth en habits de cérémonie ; Joachim était près d'eux. Dans le fond, autour de l'autel, se tenaient plusieurs femmes et plusieurs hommes, des parents de Joachim, tous avec des habits de fête. Je me souviens de la soeur d'Anne, Maraha de Séphoris, et de sa fille aînée. Sainte Anne avait quitté sa couche, mais elle resta dans sa chambre, placée derrière le foyer, et ne parut pas à la cérémonie.

Enoué, la soeur d'Elisabeth, apporta la petite Marie et la plaça sur les bras de Joachim. Les prêtres se placèrent devant l'autel près des rouleaux, et récitèrent des prières à haute voix. Joachim donna l'enfant au principal d'entre eux, qui l'éleva en l'air en priant, comme pour l'offrir à Dieu, et la plaça dans son berceau sur l'autel. Il prit ensuite des espèces de ciseaux d'une forme particulière avec lesquels il coupa à l'enfant trois petites touffes de cheveux sur les deux côtés de la tête et sur le front, puis les brûla sur un brasier. Il prit ensuite une botte où était de l'huile, et oignit les cinq sens de l'enfant avec le pouce il fit cette onction sur les oreilles, les yeux, le nez, là bouche et le creux de l'estomac. Il avait aussi le nom de Marie sur un parchemin qu'il plaça sur la poitrine de l'enfant. On chanta ensuite des psaumes, puis vint le repas, que je ne vis pas.

XXIV
Origine de la fête de la Nativité de Marie.

Le soir du 7 septembre, veille de la fête, la soeur se trouva pleine d'une joie inaccoutumée et qu'elle appelait surnaturelle, quoiqu'elle se sentit en même temps très malade '. Elle fut bientôt très animée et éprouva une ferveur extraordinaire. Elle parla d'une allégresse universelle qui s'était manifestée dans la nature à l'approche de ta naissance de Marie, et dit qu'elle avait le pressentiment qu'elle aurait une grande joie le lendemain : " pourvu qu'elle ne se tourne pas en douleur ", ajouta-t-elle. Voici ce qu'elle raconta.

Il y a une jubilation inexprimable dans la nature ; j'entends les oiseaux chanter, je vois les agneaux et les chevreaux bondir ; les tourterelles, dans le pays où était la maison d'Anne, s'assemblent en grandes troupes et tournent en cercle comme ivres de joie. Il ne reste plus rien de la maison et de ses entours : c'est maintenant un désert. J'ai vu quelques pèlerins avec des ceintures, de longs bâtons et des étoffes roulées autour de la tête ; ils traversent le pays, se dirigeant vers le mont Carmel Il y a ici quelques ermites venus du Carmel. Les pèlerins leur demandent avec surprise d'où vient cette joie dans la nature, et ceux ci répondent qu'il en est toujours ainsi la veille de la Nativité de Marie ; que la maison de sainte Anne était probablement dans ce lieu, et qu'ils tiennent d'un pèlerin qui avait voyagé ici antérieurement, que cette manifestation de joie, remarquée, il y a bien longtemps, par un saint homme, a donné lieu à l'institution de la fête.

La sainte Vierge lui était apparue et lui avait promis que le lendemain. 8 septembre, qui était aussi le jour de la naissance de la soeur, elle recevrait une grâce, qui consisterait à pouvoir se redresser sur sa couche pendant quelques semaines, quitter son lit et faire quelques pas dans sa chambre, ce qui ne lui était pas arrivé pendant un intervalle de dix ans. Cette promesse eut son accomplissement avec accompagnement de toute espèce de souffrances spirituelles et corporelles, qui lui avaient été annoncées en même temps, ainsi qu'on le dira en son 1ieu.

Je vis alors comment cette fête fut instituée. Deux cent cinquante ans après la mort de la sainte Vierge, je vis un homme d'une grande sainteté parcourir la Terre Sainte, rechercher et honorer tous les lieux où se trouvaient des traces du séjour de Jésus sur la terre. Je vis que ce saint homme recevait des directions d'en haut, et était souvent retenu plusieurs jours dans certains endroits par de grandes consolations intérieures, et par des révélations de plusieurs espèces, qui lui arrivaient dans la prière et la méditation. C'est ainsi que, pendant plusieurs années, dans la nuit du 7 au 8 septembre, il avait remarqué une grande joie dans la nature et entendu dans les airs des chants harmonieux ; enfin, sur son instante prière, un ange lui avait appris en songe que c'était la nuit pendant laquelle était née la très sainte vierge Marie. Il avait reçu cette communication lors d'un voyage au mont Sinai ou au mont Horeb. Je le vis ensuite sur le mont Sinaï. L'endroit où se trouve aujourd'hui le couvent était déjà, à cette époque, habité par des anachorètes dispersés, et, du côté de la vallée, il était aussi peu accessible qu'il l'est à présent, que l'on s'y fait hisser à l'aide d'une poulie. Je vis que, sur la foi de cette communication, la fête de la Nativité de la sainte Vierge fut célébrée le 8 septembre par les solitaires. C'était vers l'an 250 ; plus tard, elle passa de là dans l'Eglise catholique.

XXV
Prières à faire pour la fête de la Nativité de Marie.

Je vis beaucoup de choses concernant sainte Brigitte, et j'eus connaissance de plusieurs communications qui avaient été faites à cette sainte sur la Conception et la Nativité de Marie. Je me souviens que la sainte Vierge lui dit que, lorsque des femmes grosses sanctifient la veille du jour de sa naissance en jeûnant et en récitant avec dévotion neuf Ave Maria en l'honneur des neuf mois qu'elle a passés dans le sein de sa mère, lorsqu'elles renouvellent fréquemment cet exercice de piété dans le cours de leur grossesse et la veille de leur accouchement, et qu'en outre elles s'approchent des sacrements avec piété, elle porte leur prière devant Dieu et leur obtient une heureuse délivrance, même dans des conditions difficiles.

Quant à moi, la sainte Vierge s'est approchée de moi et m'a dit, entre autres choses, que quiconque aujourd'hui, dans l'après-midi, récite dévotement neuf Ave Maria en l'honneur de son séjour de neuf mois dans le sein de sa mère et de sa naissance, et continue pendant neuf jours cet exercice de piété, donne chaque jour aux anges neuf fleurs destinées à former un bouquet qu'elle reçoit dans le ciel et présente à la sainte Trinité, afin d'obtenir une grâce pour la personne qui a fait ces prières. Plus tard, je me sentis transportée comme sur une hauteur entre le ciel et la terre. La terre était au-dessous de moi obscure et indistincte. Dans le ciel, je vis parmi les choeurs des anges et des saints la sainte Vierge devant le trône de Dieu. Je vis bâtir pour elle, avec les prières et les dévotions des fidèles vivants sur la terre, deux portes ou deux trônes d'honneur, qui grandissaient jusqu'à former des églises, des palais, et même des villes entières Je fus émerveillée de voir que ces édifices étaient faits tout entiers de plantes, de fleurs et de guirlandes, dont les différentes espèces exprimaient la nature et le mérite des prières faites, soit par des individus, soit par des communautés entières. Je vis tout cela pris de la main de ceux qui priaient, par des anges ou des saints, lesquels le portaient dans le ciel.

XXVI
Purification de sainte Anne.

Plusieurs semaines après la naissance de Marie, je vis Joachim et Anne se rendre au temple avec leur enfant pour y offrir un sacrifice. Ils présentèrent leur enfant dans le temple avec un vif sentiment de piété et de reconnaissance envers Dieu, de même que plus tard la sainte Vierge présenta et racheta l'enfant Jésus selon les prescriptions de la loi '. Le jour suivant, ils firent leur offrande et s'engagèrent à consacrer leur enfant a Dieu dans le temple au bout de quelques années. Ils retournèrent ensuite à Nazareth.

XXVII
Présentation de Marie.
Préparatifs dans la maison de sainte Anne.

Le 28 octobre 1821, Anne-Catherine Emmerich raconta ce qui suit, étant dans l'état de veille : La petite Marie sera bientôt conduite au temple de Jérusalem. J'ai vu, il y a déjà quelques jours, Anne dans une chambre de la maison de Nazareth, ayant devant elle Marie, âgée alors de trois ans, et lui apprenant à prier, parce que les prêtres devaient venir bientôt pour examiner l'enfant à l'occasion de son admission dans le temple. Aujourd'hui, il y avait fête dans la maison de sainte Anne : c'était comme une préparation.

Selon la loi de Dieu (Lévit., XII), une femme israélite était impure pendant quatre-vingts jours après à naissance d'une fille, en sorte qu'elle ne pouvait toucher aucun objet consacré m paraître dans le temple, et pendant ce temps elle ne devait pu quitter sa maison jusqu'à ce qu'elle eût offert dans le temple un sacrifice pour sa purification. Une femme dans l'aisance offrait un agneau d'un an pour l'holocauste, et un petit pigeon ou un petit tourtereau pour le sacrifice pour le péché. Une mère pauvre n'avait besoin d'offrir que deux jeunes colombes ou deux tourterelles :, l'un pour l'holocauste, l'autre pour le sacrifice pour le péché.

La présentation de Marie et son séjour dans le temple sont attestés de plusieurs façons par l'autorité de l'Église. La commémoration de la Présentation de Marie est fixée au 21 novembre dans tous 1es missels c : les bréviaires. Dès les temps apostoliques, nous avons un garant de cette tradition dans la personne de l'évêque Evodius, cité par Nicéphore, Histoire ecclésiastique, Liv. II, C. 3. Saint Grégoire de Nysse, saint Épiphane, saint George de Nicomédie, saint Grégoire de Thessalonique, saint Jean Damascène et d'autres saints Pères rendent le même témoignage. L'Église grecque célèbre cette fête depuis onze siècles au moins. Même dans le Coran, .Sura Imram, v 3l, le séjour de Marie au temple est raconté avec détail.

Il se trouvait là des étrangers, des parents, des hommes, des femmes, même des enfants. Il y avait aussi trois prêtres présents, un de Séphoris, l'autre de Nazareth, le troisième d'un endroit situé sur une montagne, à quatre lieues environ de Nazareth. Le nom de cet endroit commence par la syllabe Ma... Ces prêtres étaient venus pour examiner si la petite Marie était en état de venir au temple, et en outre pour la faire habiller suivant un certain modèle déterminé. Il y avait trois habillements de différentes couleurs, dont chacun se composait d'une robe, d'une pièce d'étoffe pour Couvrir la poitrine et d'un manteau. A ce costume appartenaient aussi deux guirlandes en soie et en laine, et une couronne fermée par en haut. L'un des prêtres coupa lui-même quelques parties de cet habillement, et arrangea tout conformément à la règle.

Quelques jours plus tard, le 2 novembre, elle continua en ces termes : J'ai vu aujourd'hui une grande fête dans la maison des parents de Marie. Je ne sais pourtant pas si cela a eu lieu à pareil jour, ou si c'est la répétition d'un tableau qui m'a déjà été montré ; car j'ai vu des choses du même genre pendant les trois derniers jours, mais elles m'ont échappé au milieu de mes souffrances. Les trois prêtres étaient encore présents, ainsi que plusieurs parents et leurs petites filles, par exemple Marie Héli et son enfant, Marie de Cléophas, qui est beaucoup plus massive et plus forte que la sainte Vierge. Marie est très délicate ; elle a des cheveux d'un blond doré, légèrement bouclés à leur extrémité. Elle sait déjà lire, et tout le monde admire la sagesse de ses réponses.

Les habits de Marie, déjà taillés en partie par les prêtres, avaient été cousus par les femmes. On les mit à l'enfant à différentes reprises pendant cette fête, et on lui adressa alors plusieurs questions. Toute la cérémonie était grave et solennelle, et quoique les vieux prêtres l'accomplissent avec un sourire naïf, ils reprenaient leur sérieux par suite de l'admiration que faisaient naître les sages réponses de Marie, et à la vue des larmes de joie de ses parents.

La cérémonie eut lieu dans une chambre carrée, près de la pièce où l'on mangeait. La lumière entrait par une ouverture pratiquée dans le toit, laquelle était recouverte d'un voile transparent. On avait étendu par terre un tapis de couleur rouge ; il y avait une table d'autel au-dessus de laquelle une espèce de rideau cachait une petite niche où se trouvaient des rouleaux écrits contenant des prières. Devant cet autel, sur lequel étaient déposés les trois habillements de Marie, ainsi que plusieurs pièces d'étoffe que les parents avaient apportées pour le trousseau de l'enfant, se trouvait une espèce de petit trône élevé sur des gradins. Joachim, Anne et les autres membres de la famille étaient rassemblés. Les femmes se trouvaient derrière, et les petites filles à côté de Marie. Les prêtres entrèrent les pieds déchaussés. Il y avait cinq prêtres, mais trois seulement étaient en vêtements sacerdotaux et prenaient part à la cérémonie. L'un d'eux prit sur l'autel les différentes pièces de l'habillement, expliqua leur signification, et les présenta à la soeur d'Anne, Maraha de Séphoris, qui en revêtit l'enfant.

Marie se tenant debout ainsi habillée, les prêtres lui adressèrent différentes questions qui avaient rapport à la manière de vivre des vierges du temple. Ils lui dirent, entre autres choses : " Tes parents, en te consacrant au, temple, ont fait le voeu que tu ne boirais ni vin ni vinaigre, et que tu ne mangerais ni raisins ni figues ; que veux-tu ajouter toi-même à ce voeu, tu peux y réfléchir pendant le repas ". Les Juifs, et spécialement les jeunes filles juives, aimaient à boire du vinaigre' et Marie elle même y prenait plaisir. Après plusieurs demandes du même genre, on lui retira le premier habit et on lui mit le second : après quoi, tout le monde se rendit dans la chambre voisine pour le repas. Marie était placée à table entre deux des prêtres ; un troisième était en face d'elle 17.

Les femmes et les jeunes filles étaient à un bout de la table séparées des hommes. Pendant le repas, l'enfant fut encore interrogée et répondit. On lui dit : " Maintenant, tu peux manger de tout ", et on lui offrit plusieurs choses pour l'éprouver. Mais Marie ne mangea que de peu de plats et en petite quantité, et elle étonna tout le monde par la sagesse enfantine de ses réponses. Pendant le repas et pendant toute l'épreuve. Je vis à ses côtés des anges qui l'assistaient et la dirigeaient dans tout ce qu'elle faisait.

Après le repas, tout le monde se rendit dans la première chambre, devant l'autel, où on déshabilla encore l'enfant et où on lui mit l'habit de cérémonie. C'était une robe d'un bleu violet à fleurs jaunes, puis un scapulaire ou une espèce de fichu brodé de diverses couleurs, et enfin un manteau de la couleur de la robe. Le manteau était ouvert jusque sous la poitrine et tombait en plis majestueux qui commençaient à la hauteur des bras. On lui mit en outre un grand voile, blanc d'un côté et violet de l'autre. La couronne qu'on lui plaça sur la tête se composait d'un cercle large et mince, dont le bord supérieur était découpé en pointes surmontées de boutons. Cette couronne était fermée par en haut et surmontée d'un bouton. Revêtue de cet habit de cérémonie dont le prêtre lui avait expliqué la signification, Marie fut conduite sur l'extrade à degrés qui était devant l'autel. Les petites filles se tenaient à ses côtés. Elle déclara alors à quoi elle s'engageait à renoncer en entrant dans le temple. Elle promettait de ne manger ni viande ni poisson et de ne pas boire de lait, mais seulement une boisson faite d'eau et de moelle de jonc, dont les gens pauvres faisaient usage. Elle se réservait seulement de mettre quelquefois dans son eau un peu de jus de térébinthe. C'est comme une huile blanche qui réconforte beaucoup, mais qui est moins agréable que le baume. Elle renonçait à toute espèce d'épices, et ne voulait pas manger de fruits, excepté une espèce de baies jaunes qui viennent en grappes. Je les connais bien ; les enfants et les pauvres gens en mangent. Elle voulait dormir sur la terre nue et se relever trois fois la nuit pour prier. Les autres vierges ne le faisaient qu'une fois toutes les nuits.

Les parents de Marie furent profondément émus de ses paroles. Joachim serra l'enfant dans ses bras en pleurant, et dit : " Mon enfant, c'est trop sévère : si tu mènes une vie si dure, ton vieux père ne te reverra pas ". Tout cela était très touchant à entendre. Les prêtres lui dirent qu'elle ne devait se relever qu'une fois la nuit pour prier, comme faisaient les autres, et ils lui imposèrent encore d'autres adoucissements : par exemple, l'usage du poisson aux jours de grandes fêtes. Il y avait à Jérusalem un grand marché au poisson dans une partie basse de la ville. Il recevait de l'eau de la piscine de Bethesda. Comme elle manqua une fois, Hérode le Grand voulut y établir une fontaine ou un aqueduc, et vendre pour cela des vêtements et des vases sacrés du temple. Il y eut presque une émeute à cette occasion Des Esséniens vinrent à Jérusalem de toutes les parties du pays et s'y opposèrent : car les Esséniens étaient chargés de l'inspection des vêtements sacerdotaux ; cela me revint alors subitement à la mémoire. – Les prêtres dirent encore à Marie : " Plusieurs des autres vierges qui sont reçues gratuitement au temple s'engagent, avec le consentement de leurs parents, aussitôt que leurs forces le leur permettent, à laver les habits des prêtres tout souillés du sang des victimes' et d'autres grossières étoffes de laine. C'est un rude travail, qui met souvent les mains en sang ; tu n'es pas obligée de t'y soumettre, parce que tes parents se chargent de ton entretien au temple ". Marie déclara alors qu'elle se chargerait volontiers de ce Travail si on l'en jugeait digne. La cérémonie de la vêture s'acheva parmi beaucoup d'interrogations et de réponses de ce genre.

Pendant cette sainte cérémonie, Marie m'apparut tellement grande, que sa taille dépassait celle des prêtres. On me donnait par là une image de sa sagesse et de la grâce qui était en elle. Les prêtres étaient pleins d'un étonnement joyeux. A la fin de la cérémonie, je vis le principal prêtre bénir Marie. Elle était debout sur un petit trône entre deux prêtres. Celui qui bénissait était en face d'elle, l'autre derrière elle. Les prêtres récitaient des prières qu'ils lisaient sur les rouleaux de parchemin et se répandaient alternativement. Le premier la bénit en étendant les mains sur elle. J'eus, à cette occasion, le bonheur de voir l'intérieur de la sainte enfant. Je la vis toute lumineuse pendant la bénédiction du prêtre, et, sous son coeur, je vis dans une gloire ce que j'avais vu en contemplant l'objet sacré contenu dans l'Arche d'alliance. Dans une sphère lumineuse de la même forme que le calice de Melchisédech, je vis des symboles figuratifs de la bénédiction. C'était comme du froment et du vin, de la chair et du sang, tendant à devenir une seule et même chose. Je vis aussi au-dessus de cette apparition son coeur s'ouvrir comme la porte d'un temple, et j'y vis entrer le symbole mystérieux, autour duquel il s'était formé comme un dais de pierres précieuses ayant toutes leur signification. Il me semblait voir l'Arche d'alliance entrant dans le Saint des saints du temple. Puis je ne vis plus que la sainte enfant inondée par la splendeur du feu qui brûlait au dedans d'elle. Elle m'apparut comme transfigurée et s'élevant au-dessus du sol. Je connus pendant cette apparition qu'un des prêtres ' avait acquis par une illumination d'en haut la conviction intérieure que Marie était le vase d'élection renfermant le mystère du salut ; car je le vis recevoir un rayon de la bénédiction qui sembla entrer en lui.

Les prêtres reconduisirent alors l'enfant vers ses parents émus. Anne prit Marie dans ses bras et l'embrassa avec une tendresse mêlée de vénération. Joachim, profondément ému, lui prit la main avec gravité et respect. La soeur aînée de Marie l'embrassa avec plus de vivacité qu'Anne, qui était modeste et réservée dans toutes ses actions. Marie de Cléophas, la petite nièce de la sainte enfant, lui jeta les bras au cou avec une joie enfantine.

Elle croyait, lorsqu'elle raconta la chose en 1820, que ce prêtre était Zacharie.

Quand tous les assistants l'eurent complimentée, on lui ôta ses habits de fête, et elle reparut dans son costume ordinaire.

XXVIII
Départ de Marie pour le temple.

J'entrai la nuit dans la maison de sainte Anne. Il était resté quelques parents qui dormaient. La famille s'occupait des préparatifs du départ. La lampe à plusieurs bras, suspendue devant le foyer, était allumée. Je vis successivement tous les habitants de la maison en mouvement.

Joachim, dès la veille, avait envoyé des serviteurs au temple avec des animaux qu'il voulait offrir en sacrifice : il y en avait cinq de chaque espèce, et c'étaient les plus beaux qu'il possédât. Ils formaient un très beau troupeau. Je le vis occupé à charger les bagages sur une bête de somme qui était devant la maison : c'étaient les habits de Marie soigneusement empaquetés à part et des présents pour les prêtres. Cela faisait une bonne charge pour la bête de somme. Sur le milieu de son des était un large paquet sur lequel on pouvait s'asseoir commodément. Tout avait été déjà arrangé par Anne et les autres femmes en petits paquets faciles à porter. Je vis des corbeilles de différentes formes attachées aux deux côtés de l'âne. Dans une de ces corbeilles se trouvaient des oiseaux gros comme des perdrix. D'autres corbeilles, semblables aux hottes où l'on porte le raisin, contenaient des fruits de toute espèce. Quand l'âne fut entièrement chargé, on étendit sur le tout une grande couverture à laquelle pendaient de grosses houppes. Je vis que dans la maison tout était en mouvement comme pour un départ. Je ils une jeune femme, la soeur aînée de Marie, aller ça et là, d'un air affairé, avec une lampe. Sa fille. Marie de Cléophas, était presque toujours à ses côtés. Je remarquai une autre femme, qui me parut être une servante. Je vis encore deux des prêtres qui étaient restés. L'un d'eux était un vieillard ; il avait un capuchon qui se terminait en pointe sur le front ; son habit de dessus était plus court que celui de dessous. C'était celui qui la veille s'était principalement occupé de l'examen de Marie, et qui lui avait donné sa bénédiction. Je le vis encore donner des instructions à l'enfant. Marie, âgée d'un peu plus de trois ans, belle et délicate, était aussi avancée qu'un enfant de cinq ans chez nous. Elle avait des cheveux d'un blond doré, lisses, bouclés à l'extrémité, et plus longs que ceux de Marie de Cléophas, enfant de sept ans, dont la blonde chevelure était courte et frisée. Les enfants comme les grandes personnes avaient tous pour la plupart des vêtements longs de laine brune sans teinture.

Parmi les assistants, je remarquai particulièrement deux jeunes garçons qui ne paraissaient pas être de la famille et qui ne s'entretenaient avec aucun de ses membres. Il semblait que personne ne les vit. Ils étaient beaux et aimables, avec leurs cheveux blonds et frisés, et ils me parlèrent. Ils avaient des livres, probablement pour leur instruction. La petite Marie n'avait aucun livre, quoiqu'elle sût déjà lire. Ce n'étaient pas des livres comme les nôtres, mais de longues bandes, larges à peu près d'une demi aune, roulées autour d'un bâton, dont les bouts arrondis sortaient de chaque côté. Le plus grand de ces deux garçons avait un rouleau déployé. Il s'approcha de moi, et lut quelque chose qu'il m'expliqua. C'étaient des lettres d'or qui m'étaient tout à fait inconnues, écrites à rebours, et chaque lettre semblait représenter un mot entier. La langue était tout à fait étrangère pour moi, mais pourtant je la comprenais. Malheureusement j'ai oublié ce qu'il m'expliquait : c'était un texte de Moise ; il me reviendra peut-être. Le plus petit portait son rouleau à la main comme un jouet. Il sautait ça et là comme font les enfants et agitait son rouleau en jouant. Je ne puis dire à quel point ces enfants me plaisaient. Ils étaient tout autrement que les assistants, et ceux-ci ne paraissaient pas faire attention à eux.

C'est ainsi que la soeur parla longtemps de ces jeunes garçons avec une complaisance naive, sans pouvoir, bien préciser qui ils étaient. Mais, après souper, quand elle eut dormi quelques minutes, elle dit en revenant à elle : " Ces garçons que je vis avaient une signification spirituelle ; leur présence là n'était pas selon l'ordre naturel. C'étaient seulement des figures symboliques de prophètes. Lé plus grand portait son rouleau avec beaucoup de gravité. Il m'y montrait le passage du second livre de Moise où celui-ci voit, dans le buisson ardent, le Seigneur qui lui dit d'ôter sa chaussure. Il m'expliqua que, de même que le buisson brûlait sans se consumer, de même le feu du Saint Esprit brûlait dans la petite Marie, qui portait cette sainte flamme en elle comme un enfant, sans en avoir la conscience. Cela indiquait aussi l'union prochaine de la Divinité avec l'humanité. Le feu signifiait Dieu, le buisson les hommes. Il m'expliqua aussi l'ordre de se déchausser, mais je ne me souviens plus de son explication. Cela signifiait, je crois, que maintenant le voile était enlevé, et que la réalité se montrait ; que la loi recevait son accomplissement ; qu'il y avait ici plus que Moise et les prophètes.

L'autre enfant portait son rouleau au bout d'un bâton comme un petit drapeau flottant au vent : cela voulait dire que Marie entrait maintenant avec joie dans la carrière de mère du Rédempteur. Ce garçon paraissait plein de naïveté et jouait avec son rouleau. Cela représentait l'innocence enfantine de Marie, sur laquelle reposait une si grande promesse, et qui, avec cette sainte destination, jouait pourtant comme un enfant. Ces jeunes garçons m'expliquèrent sept passages de leurs rouleaux. Mais, dans l'état de souffrance où je suis, tout m'est sorti de la mémoire, excepté ce que j'ai dit. " O mon Dieu ! " s'écria la narratrice, a comme tout cela, quand je le vois, me parait beau et profond, et en même temps simple et clair ! Mais je ne puis le raconter avec ordre, et il me faut tout oublier, à cause des misérables soucis de cette triste vie. '

Il y a lieu de s'effrayer de l'empire que prennent sur l'homme les choses de la vie, quelque déchue qu'elle soit, quand on considère tout ce qu'elles faisaient oublier à cette âme favorisée, si peu attachée à la terre. Elle voyait tous les ans à cette époque le tableau du départ de Marie pour le temple, et toujours l'apparition les deux prophètes sous forme de jeunes garçons s'y trouvait mêlée de quelque manière. Elle les voyait dans l'enfance, et non avec leur âge réel, parce qu'ils n'étaient pas personnellement présents dans cette circonstance et qu'ils ne s'y rattachaient que comme symbole. Si nous réfléchissons que bien des peintres aussi dans leurs tableaux historiques placent des personnages qui ne servent qu'à mettre en relief une vérité, et ne les représentent pas avec leur extérieur véritable, mais sous forme d'enfants, de génies ou d'anges, nous verrons que cette manière de représenter les choses n'est pas une création de leur fantaisie, mais qu'elle est dans la nature de toutes les apparitions : car la soeur Emmerich aussi n'a pas inventé ces apparitions, mais elles se sont ainsi montrées à elle.

Un an auparavant, au milieu de novembre 1820, la soeur, racontant ses contemplations relatives à la Présentation de Marie, parla encore de l'apparition des enfants prophètes dans les circonstances suivantes. Le 16 novembre, au soir, on avait apporté auprès de la soeur, alors endormie, une ceinture de pénitence qu'un homme, désireux de pratiquer la mortification, mais manquant tout à fait de direction ecclésiastique suivie, s'était faite avec une grosse courroie de cuir, hérissée de pointes de clous, et que, du reste, il ne lui avait pas été possible de porter une heure entière, à cause de la douleur excessive qu'elle produisait. Anne Catherine, dormant encore, fit un mouvement brusque comme pour éloigner ses mains de cette ceinture, et s'écria : " Oh ! c'est tout à fait déraisonnable et impraticable. Moi aussi, dans ma jeunesse, j'ai porté longtemps une ceinture de pénitence pour me mortifier et me surmonter moi-même ; mais il n'y avait que des pointes en fit de laiton, très courtes et très rapprochées. Avec cette ceinture-ci, il y a de quoi mourir. Cet homme s'est donné bien de la peine et il n'a pas pu la porter une fois pendant un peu de temps. On ne doit jamais rien faire de semblable sans la permission d'un directeur éclairé : mais il ne le savait pas, car il n'est pas en mesure d'avoir un directeur. De pareilles exagérations sont plus nuisibles qu'utiles.

Le lendemain matin, quand elle raconta les contemplations de la nuit, sous la forme d'un voyage fait en songe, elle dit, entre autres choses : " Je suis allée à Jérusalem, je ne sais pas exactement dans quel temps, mais c'était un tableau de l'époque des anciens rois de Juda. Je l'ai oublié. Il me fallut ensuite aller à Nazareth, vers la maison de sainte Anne. Devant Jérusalem, les deux jeunes garçons s'étaient joints à moi ; ils faisaient la même route. L'un d'eux portait à la main, d'un air très grave, un rouleau d'écritures. Le plus jeune avait son rouleau au bout d'un bâton, et s'amusait à le faire flotter au vent comme un drapeau. Ils me parlèrent avec joie de l'accomplissement des temps prédits dans leurs prophéties, car c'étaient des figures de prophètes. J'eus près de moi cette ceinture de pénitence qui me fut apportée hier, et je la montrai, je ne sais par quelle impulsion, à l'un de ces enfants-prophètes, qui était Élie. Il me dit : " C'est un instrument de torture qu'il n'est pas permis de porter. Moi aussi, sur le mont Carmel, j'ai préparé et porté une ceinture que j'ai laissée à tous les enfants de mon ordre, les Carmes et Carmélites. Voilà la ceinture que cet homme doit porter ; elle lui sera bien plus profitable que l'autre ".

Il me montra ensuite une ceinture, de la largeur de la main, où étaient dessinés des lettres et des signes de toute espèce, qui avaient rapport à certaines luttes et à certains triomphes sur soi-même. Il m'indiqua divers points, me disant : " Cet homme pourrait porter ceci huit jours, cela un jour, etc ". Oh ! comme je voudrais que ce brave homme sût cela !

Comme nous étions près de la maison de sainte Anne, et que je voulais y entrer, je ne pus pas en venir à bout, et mon conducteur, mon ange gardien, me dit : " il faut auparavant te défaire de beaucoup de choses ; tu dois revenir à l'âge de neuf ans ". Je ne savais pas comment m'y prendre, mais il m'aida, je ne sais comment, et trois années furent tout à fait retranchées de ma vie, ces trois années pendant lesquelles je fus si vaine de mes ajustements, et aimais tant à être une fille bien parée. Je finis par n'avoir que neuf ans, et alors je pus entrer dans la maison avec les enfants-prophètes. Alors Marie, à l'âge de trois ans, vint à ma rencontre ; elle se mesura avec moi, et elle était de ma taille quand elle s'approcha de moi. Oh ! qu'elle était affable et gracieuse, sans cesser pourtant d'être grave !

Je me trouvai dans la maison à côté des prophètes. On ne paraissait pas nous remarquer, nous ne dérangions personne. Quoiqu'ils fussent déjà vieux plusieurs siècles auparavant, ils ne s'étonnaient pas d'assister là en jeunes garçons ; et moi, qui étais pourtant une religieuse de quarante et quelques années, je n'étais pas surprise non plus de me retrouver une pauvre petite paysanne de neuf ans. Quand on est avec ces saints personnages, on ne s'étonne de rien, si ce n'est de l'aveuglement des hommes et de leurs péchés.

Elle raconta ensuite les préparatifs du voyage de Marie au temple, comme elle le faisait tous les ans à cette époque. L'obligation où elle fut de se sentir un enfant de neuf ans peut venir de ce que sa présence à ces scènes n'était pas plus réelle que celle des prophètes, et qu'il lui fallait, en pareil cas, revenir à l'âge de l'enfance. Ceux-là signifiaient l'accomplissement des prophéties ; elle, la contemplation de cet accomplissement. Elle sentit particulièrement qu'il lui fallait se dépouiller des trois années pendant lesquelles elle avait eu un peu de vanité dans les habits. Cela semblerait venir de ce que Marie, dans la cérémonie décrite plus haut, était revêtue de plusieurs habits de fête, et que la spectatrice devait les regarder avec la même humilité qu'elle, et n'y voir que leur signification spirituelle. La circonstance que la petite Marie se mesure avec elle peut vouloir dire : " Ce n'est que dans cet âge innocent de ton enfance que tu peux regarder cette sainte cérémonie avec la simplicité nécessaire ". Ou bien encore : " Vois, j'ai trois ans et toi neuf, pourtant je suis aussi grande que toi, car, dans mon intérieur, je suis bien au-dessus de mon âge, etc., etc ".

XXIX
Départ pour Jérusalem.

Je les vis se mettre en route pour Jérusalem dès le point du jour. La petite Marie désirait vivement arriver au temple; elle sortit de la maison en toute hâte et vint prés des bêtes de somme. Les jeunes garçons se montrèrent encore des textes sur leurs rouleaux. L'un de ces textes disait que le temple était magnifique, mais que cette enfant renfermait quelque chose de plus magnifique encore, etc. Il y avait deux bêtes de somme. L'un des ânes, qui était très chargé, était conduit par un serviteur ; il devait toujours se tenir un peu en avant des voyageurs. Sur l'autre âne, chargé aussi de paquets, qui se tenait devant la maison, on avait préparé une place pour s'asseoir, et Marie y fut mise. Joachim conduisait l'âne, et portait un grand bâton avec une grosse pomme ronde au bout ; c'était comme un bâton de pèlerin. Anne allait un peu en avant avec la petite Marie de Cléophas. Elle était accompagnée d'une servante pour tout le voyage. En outre, quelques femmes et enfants lui firent la conduite pendant un certain temps : c'étaient des parents qui se séparaient d'elle aux embranchements de la route qui les ramenaient chez eux. L'un des prêtres accompagna le cortège pendant quelque temps. Ils avaient une lanterne avec eux. mais je vis la lueur disparaître tout à fait devant cette lumière que je vois dans les voyages de nuit la sainte Famille et d'antres saints encore répandre sur la route autour d'eux, sans que je remarque pourtant qu'ils voient cette lumière. Au commencement, le prêtre me semblait marcher derrière la petite Marie, avec les enfants-prophètes. Plus tard, quand elle fut à pied, je fus à ses côtés. J'entendis plus d'une fois mes jeunes compagnons chanter le psaume quarante-quatre : Eructavit cor meum, et le quarante-neuvième : Deux deorum Dominus locutus est, et j'appris d'eux que ces psaumes seraient chantés à deux choeurs lors de l'admission de l'enfant au temple. J'entendrai cela quand ils seront arrivés.

Je vis au commencement le chemin descendre la pente d'une colline, et plus tard remonter de nouveau. Comme il était de bonne heure et que le temps était beau, je vis Je cortège s'arrêter près d'une fontaine d'où sortait un ruisseau ; il y avait là une prairie. Les voyageurs se reposèrent contré une haie d'arbrisseaux de baume. On plaçait toujours sous ces arbrisseaux des écuelles de pierre où était recueilli le baume tombant goutte à goutte. Les voyageurs en mirent dans leur eau et en remplirent de petits vases. Il y avait là d'autres arbustes avec des baies qu'ils cueillirent et mangèrent. Ils mangèrent aussi des petits pains. Ici les deux enfants-prophètes avaient disparu. L'un d'eux était Elie ; l'autre me parut être Moise. La petite Marie les vit bien, mais elle n'en dit rien. C'est ainsi qu'on voit quelquefois dans son enfance de saints enfants, et dans un âge un peu plus avancé de saintes jeunes filles ou de saints jeunes gens apparaître près de soi, et qu'on ne le dit pas aux autres, parce que, dans cet état, on est tout à fait calme et recueilli.

Plus tard, je les vis entrer dans une maison isolée où ils furent bien accueillis et prirent quelques provisions. Les habitants de cette maison paraissaient être de leurs parents. C'est de là qu'on renvoya la petite Marie de Cléophas. Pendant la journée, je tournais encore plusieurs fois mes regards sur ce voyage, qui est assez pénible. On monte et on descend beaucoup. Souvent il y a dans les vallées du brouillard et de la rosée ; cependant je vois aussi certains endroits bien exposés, où il pousse maintenant des fleurs.

Avant d'arriver à l'endroit où ils devaient passer la nuit, ils trouvèrent un petit cours d'eau. Ils logèrent dans une auberge située au pied d'une montagne sur laquelle est une ville. Malheureusement je ne puis plus bien indiquer le nom de ce lieu. Je le vis à l'occasion d'autres voyages de la sainte Famille ; ce qui fait que je puis me tromper aisément sur le nom. Tout ce que je puis dire, quoique non avec une entière certitude, c'est qu'ils suivirent la direction de la route que fit Jésus, au mois de septembre dans sa trentième année, en allant de Nazareth à Béthanie, et ensuite au baptême de Jean. La sainte Famille suivit aussi ce même chemin lors de la fuite en Égypte. La première étape de cette fuite fut à Nazara, un petit endroit entre Massaloth et une ville située sur une hauteur, mais plus près de cette dernière. Je vois toujours de tous les côtés tant de lieux dont j'entends prononcer les noms, que je confonds aisément les uns avec les autres. La ville couvre le penchant d'une montagne et se divise en plusieurs parties, si tant est que toutes lui appartiennent. On y manque d'eau- : il faut la faire monter d'en bas avec des cordes. Il y a là de vieilles tours en ruine. Sur le sommet de la montagne est une tour comme un observatoire. Il s'y trouve un appareil en maçonnerie avec des poutres et des cordes, comme pour faire monter quelque chose de la ville, qui est placée plus bas. Les cordes y sont en si grand nombre que cela ressemble à des mats de navire. Il y a bien une heure du pied de la montagne jusqu'en haut. Les voyageurs entrèrent dans une auberge qui est en bas. On a une vue très étendue du haut de cette montagne. Il y avait dans une partie de la ville des paiens qui étaient comme des esclaves vis-à-vis des Juifs, et étaient obligés à beaucoup de corvées. Ainsi il leur a fallu travailler au temple et à d'autres bâtisses '.

D'après la situation du lieu, la mention de cette population en partie païenne, et la circonstance que Jésus voyages dans cette direction lorsqu'il alla recevoir le baptême, on peut conjecturer que cette ville était Endor : car dans ses visions quotidiennes sur les années de la prédication de Jésus, elle le vit dans le milieu du mois de septembre célébrer le sabbat dans un petit endroit au-dessous d'Endor ; et elle le vit aussi dans la ville haute d'Endor, en partie déserte, instruire des Chananéens qui s'étaient établis là depuis la défaite de Sisara, à l'armée duquel leurs ancêtres avaient appartenu.

Le 4 novembre l821, elle raconta ce qui suit : J'ai va ce soir la petite Marie arriver avec ses parents dans une ville située à environ six lieues de Jérusalem dans la direction du nord-ouest. Elle s'appelle Bethoron et se trouve au pied d'une montagne. Dans le voyage, ils ont travers une petite rivière qui se jette dans la mer, au couchant, dans les environs de Joppé, où saint Pierre enseigna après la descente au Saint Esprit. On a livré de grandes batailles près de Bethoron, je les ai oubliées. (Voyez Josué, X, 11 ; Macch. VII, 39-40). Il y avait de là encore deux lieues jusqu'à un endroit de la route d'où l'on pouvait voir Jérusalem. J'ai entendu le nom de cette route ou de cet endroit, mais je ne puis bien le préciser '. Bethoron est un endroit considérable. C'est une ville de lévites. On y trouve de très beaux raisins et beaucoup d'autres fruits. La sainte Famille entra chez des amis dans une maison bien disposée. Celui qui l'habitait était maître d'école. C'était une école de lévites, et il y avait plusieurs enfants dans la maison. Ce qui m'étonna, ce fut de voir là plusieurs des parentes d'Anne avec leurs petites filles ; je croyais qu'elles étaient retournées chez elles au commencement du voyage. Comme je le vois, elles étaient venues en avant par un chemin plus court, probablement pour annoncer la venue de la sainte Famille. Les parents de Nazareth, de Séphoris, de Zabulon, qui avaient assisté à l'examen de Marie, étaient ici avec leurs petites filles ; par exemple, la soeur aînée de Marie et sa fille Marie de Cléophas , et la soeur d'Anne, venue de Séphoris avec ses filles.

On fit une vraie fête à la petite Marie : on la conduisit, en compagnie des autres enfants, dans une grande salle ; on la mit sur un siège élevé qui était comme un petit trône préparé pour elle. Alors le maître d'école et d'autres personnes présentes lui firent toutes sortes de questions et mirent des guirlandes sur sa tête.

Elle se souvenait que ce nom ressemblait à Marion (peut-être Marom). On sait qu'il y avait une route de Jérusalem à Nicopolis et à Lydda, qui passait près de Betheron. La soeur donnait d'autres détails sur les montagnes et les vallées traversées antérieurement dans ce voyage ; mais, comme elle n'exprimait pas clairement Tout ce qu'elle voyait, et que son point de vue ne pouvait être bien déterminé, tout cela ne peut être reproduit.

Tout le monde était étonné de la sagesse de ses réponses. J'entendis parler aussi de l'esprit judicieux d'une autre jeune fille qui avait passé par là peu de temps auparavant en revenant de l'école du temple chez ses parents. Elle s'appelait Suzanne', et figura plus tard parmi les saintes femmes qui suivaient Jésus. Marie prit sa place, car il y avait au temple un nombre fixé de places pour les jeunes filles. Suzanne avait quinze ans quand elle quitta le temple, par conséquent environ onze ans de plus que Marie. Sainte Anne aussi avait été élevée dans le temple, mais elle n'y était venue que dans sa cinquième année.

La chère petite Marie était toute joyeuse d'être si près du temple. Je vis Joachim la serrer dans ses bras en pleurant, et lui dire : " Mon enfant, je ne te reverrai plus ". On avait préparé un repas, et je vis, pendant qu'on était à table, Marie aller de côté et d'autre d'une façon toute gracieuse et se serrer contre sa mère, ou, se tenant derrière elle, lui passer ses bras autour du cou.

Le 6 novembre, elle dit : Ce matin, de très bonne heure, je vis les voyageurs partir de Bethoron pour Jérusalem. Tous les parents, avec leurs enfants, s'étaient joints à eux, ainsi que leurs hôtes ; ils avaient avec eux des présents pour l'enfant : c'étaient des habits et des fruits. Il me semble qu'il y a une fête à Jérusalem. J'appris que Marie avait tout juste trois ans et trois mois ; mais elle était aussi avancée que chez nous un enfant de cinq ou six ans. Dans leur voyage, ils n'allèrent ni à Ussencheera, ni à Gophna, où pourtant ils avaient des connaissances, mais ils passèrent dans les environs.

La soeur donne plus de détails sur Suzanne et sa parente avec la sainte Famille le 28 septembre ou 27 élul de la première année de prédication de Notre-seigneur.

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(A suivre...)
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Message par M1234 Mer 29 Mar 2017 - 10:43

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XXX
Arrivée à Jérusalem. La ville. Le temple.

Le 6 novembre 1821, dans la soirée, la soeur raconta ce qui suit : J'ai vu aujourd'hui, à midi, l'arrivée de Marie à Jérusalem, avec le cortège qui l'accompagnait. Jérusalem est une singulière ville. Il ne faut pas se figurer qu'il y ait autant de gens dans les rues qu'il y en a, par exemple, à Paris. A Jérusalem, il y a plusieurs vallées escarpées qui passent derrière la ville, sur lesquelles ne donne aucune porte ni aucune fenêtre, et qui sont dominées par des maisons tournées toutes de l'autre côté ; car plusieurs quartiers de la ville ont été bâtis successivement les uns à la suite des autres, et l'on y a ainsi renfermé plusieurs hauteurs ; mais les murs de la ville sont restés au milieu des maisons. Souvent ces vallées sont traversées par des ponts élevés et solidement bâtis. Dans la plupart des maisons, les chambres habitées sont autour des cours et tournées vers l'intérieur. Du côté de la rue, on ne voit que la porte ou bien une terrasse au-dessus du mur. A cela près, les maisons sont parfaitement closes. Quand les habitants n'ont pas affaire au marché, ou qu'ils ne prennent pas le chemin du temple, ils sont presque toujours dans l'intérieur des cours ou des maisons.

En général, les rues de Jérusalem sont assez tranquilles, excepté dans le voisinage des marchés et des palais, où il y à un certain mouvement de soldats et de voyageurs. Là, aussi, il y a plus de vie et plus de communications des habitations aux rues. Rome est beaucoup plus agréable ; il n'y a pas tant de chemins étroits et escarpés, et les rues sont bien plus animées.

Aux époques où tout le monde est rassemblé autour du temple, plusieurs quartiers de la ville sont tout à fait morts. L'habitude qu'on a de rester chez soi, et la quantité de chemins solitaires dans les vallées faisaient que Jésus pouvait souvent parcourir la ville avec ses disciples sans être dérangé par personne. Il n'y a pas abondance d'eau dans la ville. On voit des suites d'arcades sur lesquelles on la fait passer, et des tours où on la pompe et où on l'élève à une grande hauteur. Au temple, où il faut beaucoup d'eau pour laver et nettoyer les vases, on en est très économe. On l'y fait monter à l'aide de grandes machines hydrauliques.

Il y a beaucoup de marchands dans la ville ; ils sont établis ordinairement sur les marchés et sur les places publiques dans de petites cabanes. Ainsi, par exemple, il y a dans le voisinage de la porte des Brebis beaucoup de gens qui vendent toute espèce de bijoux, de l'or et des pierres brillantes. Ils ont de petites cabanes rondes, qui sont de couleur brune, comme si elles étaient enduites de poix ou de résine. Elles sont légères et pourtant très solides. Ils y font leur ménage ; d'une de ces cabanes à l'autre on étend des toiles sous lesquelles ils exposent leurs marchandises. La montagne sur laquelle le temple est bâti est du côté où la pente est la plus douce, entourée de maisons qui forment plusieurs rues derrière des murs épais ; elles sont sur des terrasses placées les unes au-dessus des autres. Il y loge des prêtres et aussi des serviteurs subalternes du temple, qui font les gros ouvrages, comme, par exemple, de nettoyer les fosses où se rendent les immondices provenant des sacrifices d'animaux faits dans le temple.

Il y a un côté, celui du nord, si je ne me trompe, ou la montagne du temple est très escarpée. En haut, tout autour du sommet, se trouve une zone de verdure formée par de petits jardins qu'ont là les prêtres. Même au temps de Jésus-Christ, on travaillait toujours à certaines parties du temple. Ce travail ne cessa jamais. Dans la montagne du temple, il y avait beaucoup de minerai qu'on en retira lorsqu'on bâtit et qu'on employa dans la construction de l'édifice. Il y a sous le temple plusieurs caves et des endroits pour fondre des métaux. Je n'ai jamais trouvé dans le temple une place où je pusse bien prier. Tout y est extraordinairement massif, haut et solide. Les nombreuses cours qui s'y trouvent, sont étroites et sombres, encombrées d'échafaudages et de sièges ; et, quand la foule y est grande, on se trouve à l'étroit entre ces gros murs et ces épaisses colonnes, au point d'en être effrayé. Je n'aime pas non plus ces sacrifices continuels et ce sang versé en abondance, quoique tout cela s'y fasse avec un ordre et une propreté incroyables. Il y avait longtemps, ce me semble, que je n'avais vu tous les bâtiments, les chemins et les passages, aussi distinctement qu'aujourd'hui. Mais il y a tant de choses, que je ne puis pas en bien rendre compte.

Les voyageurs, avec la petite Marie, arrivèrent à Jérusalem par le côté du nord ; toutefois, il n'entrèrent pas là, mais tournèrent autour de la ville jusqu'au mur oriental, en suivant une partie de la vallée de Josaphat. Alors, laissant à gauche la montagne des Oliviers et le chemin de Béthanie, ils entrèrent dans la ville par la porte des Brebis, qui conduit au marché aux bestiaux. Près de cette porte, est une piscine, où on lave pour la première fois les brebis destinées aux sacrifices. Ce n'est pas la piscine de Béthesda.

Le cortège, après s'être un peu avancé dans la ville, tourna de nouveau à droite et entra comme dans un autre quartier. Ils suivirent ensuite une longue vallée intérieure que dominent d'un côté les hautes murailles d'un quartier plus élevé ; puis ils vinrent dans la partie occidentale, dans les environs du marché au poisson, où se trouve la maison paternelle de Zacharie d'Hébron. Il y avait là un homme très âgé ; c'était, je crois, le frère de son père. Zacharie revenait toujours là après avoir fait son service au temple. Lui-même était encore dans la ville ; son temps de service était fini, et il ne devait plus rester que quelques jours à Jérusalem, pour assister à l'entrée de Marie au temple. Il n'était pas présent lors de l'arrivée du cortège. Il se trouvait alors dans la maison plusieurs parents des environs de Bethléhem et d'Hébron, notamment deux filles de la soeur d'Elisabeth. Elisabeth, elle-même, n'était pas présente. Toutes ces personnes vinrent au-devant des voyageurs, jusqu'à un quart de lieue par le chemin de la vallée ; elles avaient avec elles plusieurs jeunes filles qui portaient des guirlandes et des branches d'arbres. Elles reçurent les arrivants avec des démonstrations de joie, et conduisirent le cortège à la maison de Zacharie, où on leur fit fête. On leur donna quelques rafraîchissements, et l'on se disposa à les conduire à une auberge voisine du temple, où les étrangers logent les jours de fête. Les animaux destinés au sacrifice par Joachim avaient été déjà conduits des environs du marché aux bestiaux dans des étables situées près de cette maison. Zacharie vint aussi pour conduire le cortège de sa maison paternelle à l'auberge en question.

On mit à la petite Marie le second vêtement de cérémonie avec le manteau bleu céleste. Tous se mirent en marche, formant comme une procession. Zacharie allait en avant, avec Joachim et Anne ; puis, venait Marie, entourée de quatre petites filles habillées de blanc ; les autres enfants, avec leurs parents, fermaient la marche. Ils suivirent plusieurs rues et passèrent devant le palais d'Hérode, et devant la maison qu'habita plus tard Pilate. Ils se dirigèrent vers l'angle nord-est du temple, ayant derrière eux la forteresse Antonia, grand édifice fort élevé, situé au nord-ouest du temple. Ils montèrent un escalier percé dans une haute muraille. La petite Marie monta toute seule avec un empressement joyeux ; on voulait l'aider mais elle ne le permit pas ; tout le monde la regardait avec étonnement.

La maison où ils entrèrent était une auberge pour les jours de fête, 6ituée à peu de distance du marché aux bestiaux. Il y avait plusieurs auberges de ce genre autour du temple. Zacharie avait loué celle-ci pour eux. C'était un grand bâtiment avec quatre galeries autour d'une cour spacieuse. Dans les galeries étaient les chambres à coucher, et aussi de longues tables basses. Il y avait, en outre, une vaste salle et un âtre pour la cuisine. La cour où étaient les animaux envoyés par Zacharie était dans le voisinage Des deux côtés de cet édifice habitaient des serviteurs du temple, qui avaient des fonctions dans tes sacrifices Quand les voyageurs entrèrent, on leur lava les pieds comme on faisait aux étrangers : ils furent lavés aux hommes par des hommes, aux femmes par des femmes. Ils se rendirent ensuite dans une salle au milieu de laquelle une grande lampe à plusieurs bras était suspendue au-dessus d'un grand bassin d'airain rempli d'eau. Ils s'y lavèrent je visage et les mains. Quand on eut déchargé la bête de somme de Joachim, un serviteur la mena à l'écurie. Joachim, qui s'était fait annoncer comme devant sacrifier, suivit les serviteurs du temple dans l'endroit où étaient les animaux qu'ils examinèrent.

Joachim et Anne se rendirent ensuite avec Marie dans l'habitation des prêtres, laquelle était située plus haut. Ici aussi l'enfant, comme poussée et portée par un esprit intérieur, monta les degrés très vite et avec un élan extraordinaire. Les deux prêtres qui étaient dans la maison, l'un très âgé, l'autre plus jeune, les accueillirent très amicalement ; tous deux avaient assisté à l'examen de Marie à Nazareth, et ils attendaient sa venue. Après qu'on eut échangé quelques paroles sur le voyage et sur la cérémonie prochaine de la présentation, ils firent appeler une des femmes du temple : c'était une veuve âgée qui devait être chargée de veiller sur l'enfant. Elle habitait dans le voisinage du temple avec d'autres personnes de même condition ; elle faisait toutes sortes d'ouvrages de femme et élevait des petites filles. Leur habitation était un peu plus éloignée du temple que les pièces immédiatement adjacentes à cet édifice, dans lesquelles avaient été disposés, pour les femmes et les jeunes filles consacrées au service du temple, de petits oratoires d'où l'on pouvait voir dans le sanctuaire sans être vu soi-même. La matrone qui venait d'arriver était si bien enveloppée dans ses vêtements, qu'on pouvait à peine voir un peu de son visage. Les prêtres et les parents de Marie lui présentèrent l'enfant comme devant être confiée à ses soins. Elle fut affectueuse avec dignité, sans cesser d'être grave ; l'enfant, de son côté, se montra humble et respectueuse. On instruisit cette femme de tout ce qui concernait Marie, et on s'entretint avec elle touchant la remise solennelle au temple. Elle descendit avec eux à l'auberge, prit un paquet d'effets appartenant à l'enfant, et les emporta avec elle pour tout préparer dans le logement qui lui était destiné.

Les gens qui avaient accompagné le cortège depuis la maison de Zacharie, s'en retournèrent chez eux. Seulement les parents venus avec la sainte Famille restèrent dans l'auberge louée par Zacharie. Les femmes s'installèrent et préparèrent tout pour un repas de fête qui devait avoir lieu le jour suivant 18.

Joachim et quelques autres hommes conduisirent de bon matin les victimes au temple devant lequel elles furent encore inspectées par les prêtres. Quelques animaux furent rejetés, et on les conduisit aussitôt dans la ville au marché aux bestiaux. Les animaux acceptés par les prêtres furent conduits dans la cour où ils devaient être immolés. Je vis là bien des choses que je ne saurais plus raconter dans l'ordre où elles se passèrent. Je me souviens qu'avant l'immolation, Joachim mettait la main sur la tête de chacune des victimes. Il devait recevoir le sang, dans un vase et aussi quelques parties de l'animal. Il y avait là des colonnes, des tables et des vases où tout était découpé, partagé et rangé. L'écume du sang était enlevée ; la graisse, le foie et la rate étaient mis à part. On salait aussi le tout. Les intestins des agneaux étaient nettoyés, remplis de quelque chose et remis dans le corps, en sorte que l'agneau semblait rester tout entier. Les pieds des animaux étaient attachés en forme de croix. On portait une grande partie de la chair dans une autre cour aux vierges du temple, qui avaient quelque chose à faire à cette occasion. Peut-être devaient-elles la préparer pour leur nourriture ou pour celle des prêtres.

Tout cela se passait avec un ordre incroyable. Les prêtres et les lévites allaient et venaient, toujours deux par deux, et, dans ce travail compliqué et pénible, tout se faisait facilement et comme de soi-même. Les morceaux destinés au sacrifice restaient dans le sel jusqu'au jour suivant, qui était celui où ils étaient offerts sur l'autel.

Dans l'auberge il y eut aujourd'hui fête et repas solennel. Il y avait bien là cent personnes, les enfants compris. Environ vingt-quatre jeunes filles de différents âges étaient présentes. Je vis, entre autres, Séraphia, qui fut nommée Véronique après la mort de Jésus. Elle était déjà assez grande, elle pouvait bien avoir dix ou douze ans. On prépara des couronnes et des guirlandes de fleurs pour Marie et ses compagnes. L'on para aussi sept cierges ou flambeaux : c'étaient comme des chandeliers en forme de sceptre, sans piédestal'. Quant à la flamme qui brillait à leur extrémité, je ne sais si elle était alimentée par de l'huile, par de la cire ou par quelque autre matière. Pendant la fête, plusieurs prêtres et lévites entrèrent et sortirent. Ils prirent aussi part au repas. Comme ils s'étonnaient de la quantité de victimes offertes par Joachim, il leur dit qu'en souvenir de l'affront qu'il avait reçu au temple quand son sacrifice avait été rejeté, et à cause de la miséricorde de Dieu qui avait exaucé sa prière, il voulait maintenant témoigner sa reconnaissance suivant ses moyens. Je vis encore aujourd'hui la petite Marie se promener à l'entour de la maison avec les autres jeunes filles. J'ai oublié beaucoup d'autres choses.

XXXI
Entrée de Marie dans le temple et Présentation

Voici ce qu'elle raconta le 8 novembre 1821 :

Aujourd'hui, de bon matin, Joachim alla au temple avec Zacharie et les autres hommes. Plus tard, Marie y fut conduite aussi par sa mère avec un cortège solennel.

Anne et sa fille aînée Marie Héli, avec la petite Marie de Cléophas, marchaient en avant ; puis venait la sainte enfant avec sa robe et son manteau bleu de ciel, les bras et le cou ornés de guirlandes. Elle portait à la main un cierge ou flambeau entouré de fleurs. Près d'elle, de chaque côté, marchaient trois petites filles avec des flambeaux pareils et des robes blanches brodées d'or. Comme, elle aussi, elles portaient de petits manteaux bleu clair, étaient entourées de guirlandes de fleurs et avaient de petites couronnes autour du cou et des bras. Ensuite venaient les autres vierges et petites filles, toutes habillées comme pour une fête, mais non pas uniformément : toutes portaient de petits manteaux. Les autres femmes fermaient la marche.

On ne pouvait pas aller droit au temple en partant de leur logis, mais il fallait faire un détour et passer par plusieurs rues. Tout le monde se réjouissait à l'approche de ce beau cortège, auquel on rendait des honneurs à la porte de plusieurs maisons. La petite Marie avait dans ses allures quelque chose de saint et de singulièrement touchant.

Lorsque le cortège arriva, je vis plusieurs serviteurs du temple occupés à ouvrir, avec de grands efforts, une porte très grande et très lourde, brillante comme de l'or, et sur laquelle étaient sculptés des têtes, des grappes de raisin et des bouquets d'épis'. C'était la porte dorée. Le cortège passa par cette porte Il fallait monter cinquante marches pour y arriver ; je ne sais plus s'il y avait entre elles des intervalles de plain-pied. On voulut conduire Marie par la main, mais elle s'y refusa. Elle monta les degrés rapidement et sans trébucher, pleine d'un joyeux enthousiasme. Tout le monde était vivement ému.

Sous la porte elle fut reçue par Zacharie, par Joachim et par quelques prêtres qui la conduisirent à droite sous la large arcade de la porte, dans des salles élevées où un repas était préparé pour quelqu'un. Le cortège se sépara ici. La plupart des femmes et des enfants se rendirent dans le temple à l'endroit où priaient les femmes ; Joachim et Zacharie allèrent au lieu du sacrifice. Les prêtres firent encore quelques questions à Marie dans l'une des salles ; et, quand ils se furent retirés, étonnés de la sagesse de l'enfant, Anne mit à sa fille le troisième vêtement de fête, qui était d'un bleu violet, ainsi que le manteau, le voile et la couronne que j'ai déjà décrits lors du récit de la cérémonie qui eut lieu dans la maison d'Anne'.

Il est a remarquer que le tabernacle de Moise avait des couvertures de fête de trois espèces, dont celle de dessous, qui était la plus belle, était bleue et rouge. Il y avait encore par-dessus une quatrième couverture plus grossière. De même aussi la très sainte Vierge, dont le tabernacle de l'alliance était la figure, avait, outre ses habits de fête, un habillement de tous les jours. On peut consulter, quant à la triple, couverture du tabernacle et à la quatrième moins précieuse, le livre de l'Exode (XXVI, 1-14).

Pendant ce temps, Joachim était allé au sacrifice avec les prêtres. Il reçut du feu pris dans un lieu déterminé, et se tint entre deux prêtres dans le voisinage de l'autel. Je suis trop malade et trop distraite pour pouvoir mettre l'ordre nécessaire dans la description du sacrifice. Je ne me rappelle que ce qui suit.

On ne pouvait arriver à l'autel que de trois côtés. Les morceaux préparés pour le sacrifice n'étaient pas réunis en un seul endroit, mais rangés autour en différentes places. Aux quatre coins de l'autel étaient quatre colonnes de métal, creuses à l'intérieur, sur lesquelles reposaient comme des conduits de cheminée C'étaient de larges entonnoirs en cuivre qui se terminaient à l'extérieur par des tuyaux en forme de cornes, en sorte que la fumée s'en allait par là en passant par-dessus la tête des prêtres qui sacrifiaient.

Pendant que le sacrifice de Joachim se consumait sur l'autel, Anne alla avec Marie et les jeunes filles qui l'accompagnaient dans le vestibule des femmes, qui était la place où se tenaient les femmes dans le temple. Ce lieu était séparé de l'autel du sacrifice par un mur qui se terminait en haut par un grillage. Au milieu de ce mur de séparation, il y avait pourtant une porte. Le vestibule des femmes, à partir du mur de séparation, allait toujours en montant, en sorte que celles au moins qui étaient aux places les plus éloignées pouvaient voir, jusqu'à un certain point, l'autel du sacrifice. Quand la porte du mur de séparation était ouverte, une partie d'entre elles pouvait voir l'autel. Marie et les autres jeunes filles étaient debout devant Anne, et les autres femmes de la famille à peu de distance de la porte. A une place à part se tenait une troupe d'enfants du temple, vêtus de blanc, qui jouaient de la flûte et de la harpe.

Après le sacrifice, on dressa sous la porte du mur de séparation un autel portatif couvert ou une table de sacrifice', avec quelques marches pour y monter. Zacharie et Joachim vinrent avec un prêtre de la cour des sacrifices à cet autel, devant lequel se tenaient un prêtre et deux lévites, avec des rouleaux et tout ce qu'il fallait pour écrire. Un peu en arrière étaient les jeunes filles qui avaient accompagné Marie. Marie s'agenouilla sur les marches ; Joachim et Anne étendirent leurs mains sur sa tête. Le prêtre lui coupa quelques cheveux qui furent brûlés sur un brasier. Les parents prononcèrent quelques paroles par lesquelles ils offraient leur enfant, et que les deux lévites écrivirent. Pendant ce temps, les jeunes filles chantaient le psaume quarante-quatre : Eructavit cor meum vertum bonum, et les prêtres le psaume quarante-neuf : Deus deorum Dominus locutus est, et les jeunes garçons jouaient de leurs instruments.

Cette table de sacrifice était placée sous la porte en question, parce que les femmes ne pouvaient pas aller plus loin. Joachim, lors de sa rencontre avec Anne, était descendu dans le passage souterrain au-dessous de l'arceau de cette porte ; Anne, du côté opposé.

Je vis alors deux prêtres prendre Marie par la main et la conduire par plusieurs marches à une place élevée du mur qui séparait le vestibule du sanctuaire d'avec ce dernier lieu. Ils placèrent l'enfant dans une espèce de niche située au milieu de ce mur eu "rte qu'elle pouvait voir dans le temple, où se tenaient rangés en ordre plusieurs hommes qui me parurent consacrés au temple. Deux prêtres étaient à ses côtés ; il y en avait sur les marches quelques autres qui récitaient à haute voix des prières écrites sur des rouleaux. De l'autre côté du mur, un vieux prince des prêtres se tenait debout près d'un autel, à un endroit assez élevé pour qu'on pût le voir à moitié. Je le vis présenter de l'encens dont la fumée se répandit autour de Marie.

Pendant cette cérémonie, je vis autour de la sainte Vierge un tableau symbolique qui bientôt remplit le temple et l'obscurcit, pour ainsi dire. Je vis une gloire lumineuse sous le coeur de Marie, et je connus qu'elle renfermait la promesse, la très sainte bénédiction de Dieu. Je vis cette gloire se montrer comme entourée de l'arche de Noé, de façon que la tête de la sainte Vierge s'élevait au-dessus de l'arche. Je vis ensuite cette arche de Noé prendre la forme de l'Arche d'alliance, et celle-ci à son tour comme renfermée dans le temple. Puis je vis ces formes disparaître, et le calice de la sainte cène se montrer hors de la gloire devant la poitrine de Marie, et au-dessus de lui, devant la bouche de la Vierge, un pain marqué d'une croix. A ses côtés brillaient des rayons à l'extrémité desquels se montraient, exprimés par des figures, plusieurs symboles mystiques de la sainte Vierge, comme, par exemple, tous les noms des litanies que l'Église lui adresse. De ses deux épaules partaient, en se croisant, deux branches d'olivier et de cyprès, ou de cèdre et de cyprès au-dessus d'un beau palmier, avec un petit bouquet de feuilles que je vis apparaître derrière elle. Dans les intervalles de ces branches, je vis tous les instruments de la Passion de Jésus-Christ. Le Saint Esprit sous une forme ailée qui semblait se rapprocher plus de 1a forme humaine que de celle de la colombe, planait sur le tableau, au-dessus duquel je vis le ciel ouvert, et le centre de la Jérusalem céleste, la cité de Dieu avec tous ses palais, ses jardins et les places des saints futurs : tout cela était plein d'anges, de même que la gloire qui maintenant entourait la sainte Vierge était remplie de têtes d'anges'.

L'Eglise, dans les heures canoniques, répète souvent la prière Omnium nostrum habitatio est in , sancta Dei Genitrix, ce qui s'accorde bien avec la représentation où Marie parait sous la figure de l'arche de Noé, dans laquelle habitait tout ce qui était sauvé du déluge.

Qui pourrait rendre ces choses par des expressions humaines. Tout cela se montrait sous des formes si diverses, si multipliées, naissant les unes des autres avec de si continuelles transformations, que j'en ai oublié la plus grande partie. Tout ce qui se rapporte à la sainte Vierge dans l'ancienne et la nouvelle alliance, et jusque dans l'éternité, se trouvait représenté par là Je ne puis comparer cette apparition qu'avec celle que j'eus en plus petit il n'y a pas longtemps, et où je vis dans toute sa magnificence le saint Rosaire, que beaucoup de gens qui se croient habiles comprennent bien moins que les pauvres gens de la basse classe qui le récitent dans leur simplicité : car ceux-ci ajoutent à son éclat par leur obéissance, leur piété, et leur humble confiance dans l'Église qui recommande cette prière. Lorsque je vis tout cela, toutes les magnificences et les beautés du temple, ainsi que les murs élégamment ornés qui étaient derrière la sainte Vierge, me parurent ternes et noircis : le temple lui-même sembla bientôt disparaître ; Marie et la gloire qui l'entourait remplissaient tout. Pendant que toutes ces visions passaient sous mes yeux, je ne vis plus la sainte Vierge sous la forme d'une enfant ; elle m'apparut grande et planant en l'air, et je voyais pourtant les prêtres, le sacrifice de l'encens et tout le reste à travers cette image : on eût dit que le prêtre était placé derrière elle, annonçait l'avenir et invitait le peuple à remercier Dieu et à le prier, parce que de cette enfant il devait sortir quelque chose de grand. Tous ceux qui étaient présents au temple, quoiqu'ils ne vissent pas ce que je voyais, étaient graves, recueillis et profondément émus Le tableau s'évanouit par degrés, ainsi que je l'avais vu apparaître. A la fin, je ne vis plus que la gloire sous le coeur de Marie, et la bénédiction de la promesse qui brillait au dedans ; puis cette vision aussi disparut, et je vis de nouveau la sainte enfant avec sa parure, seule entre deux prêtres.

Les prêtres prirent les couronnes qui étaient autour ce ses bras ainsi que le flambeau qu'elle avait à la main, et les donnèrent à ses compagnes. Ils lui mirent sur la tête une espèce de voile brun, et, lui ayant fait descendre les degrés, ils la conduisirent par une porte dans une salle voisine où six autres vierges du temple, mais plus âgées, vinrent à sa rencontre en jetant des fleurs devant elle. Elles étaient suivies de leurs maîtresses, Noémi, soeur de la mère de Lazare, la prophétesse Anne et une troisième. Les prêtres reçurent entre leurs mains la petite Marie, après quoi ils se retirèrent. Les père et mère de l'enfant, ainsi que leurs plus proches parents, se trouvaient là aussi ; on acheva les chants sacrés, et Marie prit congé de sa famille. Joachim surtout était profondément ému ; il prit Marie dans ses bras, la serra contre son coeur, et lui dit avec larmes : " Souviens-toi de mon âme devant Dieu ". Marie se rendit alors avec les maîtresses et plusieurs jeunes filles dans le logement des femmes, attenant au côté septentrional du temple proprement dit. Elles habitaient des chambres qui avaient été pratiquées dans les gros murs du temple. Elles pouvaient, par des passages et des escaliers, monter à de petits oratoires placés près du sanctuaire et du Saint des saints.

Les parents de Marie revinrent à la salle voisine de la porte dorée où ils s'étaient arrêtés d'abord, et y prirent un repas avec les prêtres. Les femmes mangeaient dans une salle séparée. J'ai oublié, parmi beaucoup d'autres choses, pourquoi la fête avait été si brillante et si solennelle. Je sais pourtant que ce fut par suite d'une révélation de la volonté divine à cet égard. Les parents de Marie avaient de l'aisance. Ils ne vivaient pauvrement que par esprit de mortification et pour pouvoir faire plus d'aumônes. Ainsi Anne, pendant je ne sais combien de temps, ne mangea que des aliments froids. Mais ils tenaient leurs gens dans l'abondance et les dotaient. – J'ai vu beaucoup de personnes qui priaient dans le temple. Il y en avait aussi un grand nombre qui avaient suivi le cortège jusqu'à la porte du temple. – Quelques-uns des assistants durent avoir un pressentiment des destinées de la sainte Vierge, car je me souviens de quelques paroles que sainte Anne, dans un moment d'enthousiasme joyeux, adressa à quelques femmes, et dont le sens était : " Voici l'Arche d'alliance, le vase de la promesse, qui entre dans le temple. "– Les père et mère de Marie, ainsi que les autres parents, s'en retournèrent aujourd'hui jusqu'à Bethoron.

Je vis aussi une fête chez les vierges du temple. Marie dut demander aux maîtresses et à chaque jeune fille en particulier si elles voulaient la souffrir parmi elles. C'était l'usage d'agir ainsi. Il y eut ensuite un repas et une sorte de petite fête où quelques-unes des jeunes filles jouèrent de certains instruments de musique. Le soir, je vis Noémi, l'une des maîtresses, conduire la sainte Vierge dans la petite chambre qui lui était destinée et d'où l'on pouvait voir dans le temple. Il y avait une petite table et un escabeau ; dans les angles étaient disposées des tablettes. En avant de cette petite chambre était une place pour la couche et une garde-robe, ainsi que la chambre de Noémi. Marie parla à celle-ci de son désir de se lever plusieurs fois la nuit, mais Noémi ne le lui permit pas pour le moment.

Les femmes du temple portaient de longs et amples vêtements blancs avec des ceintures, et des manches très - larges qu'elles relevaient pour travailler. Elles étaient voilées. Je ne me souviens pas d'avoir jamais vu qu'Hérode ait fait rebâtir à neuf le temple entier. Je vis seulement qu'on y fit sous son règne divers changements. Lorsque Marie vint au temple, onze ans avant la naissance de Jésus-Christ, on ne faisait pas de travaux dans le temple proprement dit, mais, comme toujours, on travaillait aux constructions extérieures : cela ne cessa jamais.

Le 21 novembre, la soeur dit ce qui suit : J'ai vu aujourd'hui la chambre qu'habitait Marie au temple. Dans la partie septentrionale du temple, vis-à-vis du sanctuaire se trouvaient dans le haut plusieurs chambres qui communiquaient avec les habitations des femmes. La chambre de Marie était l'une des plus reculées vis-à-vis du Saint des saints. On passait du corridor en levant un rideau dans une pièce antérieure, qui était séparée de la chambre proprement dite par une cloison de forme convexe ou terminée en angle. Dans l'angle, à droite et à gauche, étaient des compartiments pour mettre des habits et des effets ; vis-à-vis de la porte pratiquée dans cette cloison, des marches conduisant plus haut à une ouverture devant laquelle était une tapisserie, et d'où l'on pouvait voir dans le temple. à gauche, contre le mur de la chambre était un tapis roulé qui. Lorsqu'il était étendu, formait la couche où Marie reposait.

Dans une niche de la muraille était placée une lampe près de laquelle j'ai vu l'enfant debout sur un escabeau, lire des prières dans un rouleau de parchemin. C'était très touchant. Elle avait une petite robe rayée de blanc et de bleu et parsemée de fleurs jaunes. Il y avait dans la chambre une table basse, de forme ronde. Je vis entrer la prophétesse Anne. Elle plaça sur la table un plat où étaient des fruits de la grosseur d'une fève et une petite cruche. Marie avait une adresse au-dessus de son âge ; je la vis déjà travailler à de petites pièces de toile blanche

Les contemplations qui précèdent étaient ordinairement communiquées par Anne Catherine Emmerich vers le temps de la fête de la Présentation de Marie. Voici ce qu'on a recueilli en outre, d'après des récits faits à diverses époques sur le séjour de Marie au temple.

XXXII
De la vie de la sainte Vierge au temple.

Je vis la sainte Vierge au temple tantôt dans l'habitation des femmes avec les autres petites filles, tantôt dans sa petite chambre, grandissant dans l'étude, la prière et le travail. Elle filait, tissait, tricotait pour le service du temple. Elle lavait le linge et nettoyait les vases. Je la vis souvent en prière et en méditation. Comme tous les saints, elle ne mangeait que pour soutenir son existence, et jamais d'autres mets que ceux auxquels elle avait promis de se réduire.

Indépendamment des prières prescrites par la règle du temple, la vie de Marie était une aspiration incessante vers la rédemption, une prière intérieure continuelle. Elle faisait tout cela paisiblement et en secret. Quand tout le monde était endormi, elle se levait de sa couche et invoquait Dieu. Je la vis souvent fondant en larmes et entourée de lumière pendant la prière. Elle priait voilée. Elle se voilait aussi quand elle parlait aux prêtres ou qu'elle descendait dans une chambre attenante au temple pour recevoir sa tâche ou livrer ce qu'elle avait fait. Il, avait des pièces de ce genre de trois côtés du temple. Elles me faisaient toujours l'effet de sacristies. On y conservait toutes sortes d'effets que les femmes attachées au service du temple devaient entretenir ou réparer.

Je vis la sainte Vierge au temple, continuellement ravie en extase dans la prière. Il semblait que son âme ne fût pas sur la terre, et elle recevait souvent des consolations célestes. Elle soupirait ardemment après l'accomplissement de la promesse ; et dans son humilité elle osait à peine former le désir d'être la dernière des servantes de la Mère du Rédempteur.

La maîtresse qui prenait soin de Marie s'appelait Noémi, elle était soeur de la mère de Lazare et âgée de cinquante ans. Elle appartenait à la société des Esséniens, ainsi que les autres femmes attachées au service du temple. Marie apprenait d'elle à travailler ; elle allait avec elle lorsqu'elle nettoyait le linge et les vases tachés par le sang des sacrifices, ou qu'elle partageait et préparait certaines portions de la chair des victimes réservées pour les prêtres et les femmes du temple. Plus tard, Marie s'occupa encore plus activement de ces soins de ménage. Quand Zacharie était de service au temple, il la visitait : Siméon aussi la connaissait.

Les destinées auxquelles Marie était appelée ne pouvaient pas rester tout à fait inconnues des prêtres. Toute sa manière d'être, la grâce dont elle était pleine, sa sagesse extraordinaire, étaient si remarquables dès son enfance, que son extrême humilité ne pouvait cacher tout cela. Je vis de vieux prêtres, renommés par leur sainteté, écrire sur de grands rouleaux diverses choses qui la concernaient. et j'ai vu ces écrits, je ne sais plus à quelle époque, parmi d'autres anciens manuscrits.

Nous interrompons ici ces fragments relatifs au séjour de la sainte Vierge au temple, et nous passons a quelques récits touchant la jeunesse de saint Joseph.

XXXIII
De la jeunesse de saint Joseph

(Raconté le 18 mars 1820 et le 18 mars 1821)

Joseph, dont le père s'appelait Jacob, était le troisième de six frères. Ses parents habitaient un grand bâtiment en avant de Bethléhem : ç'avait été autrefois la maison paternelle de David, dont le père, Isaï ou Jessé, en était possesseur. A l'époque de Joseph, il ne restait plus guère que les gros murs de l'ancienne construction. Je crois que je connais mieux ce bâtiment que notre petit village de Flamske.

Devant la maison, il y avait, comme devant les maisons de l'ancienne Rome, une cour antérieure entourée de galeries couvertes. Je vis dans ces galeries des figures semblables à des têtes de vieillards. D'un côté de la cour se trouvait une fontaine sous un petit édifice en pierre. L'eau sortait par des têtes d'animaux. La maison d'habitation n'avait pas de fenêtres au rez-de-chaussée, mais il y avait plus haut des ouvertures rondes. Je vis une porte d'entrée. Autour de la maison régnait une large galerie, aux quatre coins de laquelle se trouvaient de petites tours semblables à de grosses colonnes, qui se terminaient par des espèces de coupoles surmontées de petits drapeaux. Par les ouvertures de ces coupoles, où conduisaient des escaliers pratiqués dans les tourelles, on pouvait voir de loin sans être vu soi-même. Il y avait de semblables tourelles sur le palais de David à Jérusalem, et ce fut de la coupole d'une de ces tourelles qu'il regarda Bethsabée pendant son bain. Dans le haut de la maison, cette galerie régnait autour d'un étage peu élevé, dont la toiture plate supportait une construction terminée par une autre tourelle. Joseph et ses frères habitaient dans le haut, ainsi qu'un vieux Juif qui leur servait de précepteur. Ils couchaient autour d'une chambre placée au centre de l'étage qui dominait la galerie. Leurs lits, consistant en couvertures qu'on roulait contre le mur pendant le jour, étaient séparés par des nattes qu'on pouvait enlever. Je les ai vus jouer dans leurs chambres. Je vis aussi les parents ils ne s 'occupaient guère de leurs enfants et avaient peu de rapports avec eux. Ils ne me parurent ni bons ni mauvais.

Joseph, que, dans cette vision, je vis âgé d'environ huit ans, était d'un naturel fort différent de celui de ses frères. Il avait beaucoup d'intelligence et apprenait très bien ; mais il était simple, paisible, pieux et sans ambition. Ses frères lui faisaient toutes sortes de malices et le rudoyaient de temps en temps. Ces enfants avaient de petits jardins divisés en compartiments.

Dans les jardins des enfants, je vis des herbes, des buissons et des arbustes. Je vis que les frères de Joseph allaient souvent en secret dans son jardin pour y faire des dégâts' ils le faisaient beaucoup souffrir. Je le vis souvent, Sous les galeries de la cour, prier à genoux et les bras étendus ; ses frères se glissaient alors près de lui et le frappaient dans le dos. Je vis une fois, pendant qu'il était ainsi à genoux, qu'un d'entre eux le frappa par derrière, et comme il ne paraissait pas s'en apercevoir, l'autre recommença si souvent que le pauvre Joseph tomba en avant sur les dalles. Je connus par là qu'il avait été ravi en extase pendant son oraison. Quand il revint à lui, il ne se mit pas en colère, il ne pensa pas à se venger, mais il chercha un coin reculé pour y continuer sa prière.

Les parents de Joseph n'étaient pas très satisfaits de lui ; ils auraient voulu qu'il employât ses talents à se faire une position dans le monde ; mais il n'avait aucune inclination de ce côte. Ils le trouvaient trop simple et trop uni, il n'aimait qu'à prier et à travailler tranquillement de ses mains. A une époque où il pouvait bien avoir douze ans, je le vis souvent, pour se dérober aux taquineries continuelles de ses frères, s'en aller de l'autre côté de Bethléhem, non loin de ce qui fut plus tard la grotte de la Crèche, et passer quelque temps près de pieuses femmes, qui appartenaient à une petite communauté d'Esséniens. Elles demeuraient contre une carrière pratiquée dans la colline sur laquelle se trouve Bethléhem, et habitaient là des chambres creusées dans le roc ; elles cultivaient de petits jardins voisins de leur demeure, et instruisaient les enfants d'autres Esséniens. Souvent, pendant qu'elles récitaient des prières écrites sur un rouleau, à la lueur d'une lampe suspendue à la paroi du rocher, je vis le petit Joseph chercher auprès d'elles un refuge contre les persécutions de ses frères et prier avec elles. Je le vis aussi s'arrêter dans les grottes. dont l'une fut plus tard le lieu de naissance de Notre Seigneur. Il priait seul ou s'exerçait à façonner de petites pièces de bois. Un vieux charpentier avait son atelier dans le voisinage des Esséniens. Joseph allait souvent chez lui et apprenait peu à peu son métier ; il y réussissait a autant mieux qu'il avait appris ; un peu de géométrie avec son précepteur.

L'inimitié de ses frères lui rendit à la fin impossible de rester plus longtemps dans la maison paternelle. Je vis un ami de Bethléhem, qui n'était séparé de l'habitation de son père que par un petit ruisseau, lui donner des habits avec lesquels il se déguisa, et quitta la maison pendant la nuit pour aller ailleurs gagner sa vie à l'aide de son métier de charpentier. Il pouvait avoir alors de dix-huit à vingt ans.

Je le vis d'abord travailler chez un charpentier, près de Libonah 19. Ce fut là, qu'à vrai dire, il apprit son métier. La demeure de son maître était contre de vieux murs qui conduisaient de à ville à un château en ruines le long d'une crête de montagne. Beaucoup de pauvres gens habitaient là dans la muraille. Je vis Joseph, entre de grands murs où le jour pénétrait par des ouvertures pratiquées en haut, façonner de longues barres de bois. C'étaient des cadres dans lesquels on faisait entrer des cloisons en clayonnage. Son maître était un pauvre homme qui ne faisait guère que des ouvrages grossiers et de peu de valeur.

Joseph était pieux, bon et simple ; tout le monde l'aimait. Je le vis rendre, avec une parfaite humilité, toutes sortes de services à son maître, ramasser des copeaux' rassembler des morceaux de bois et les rapporter sur ses épaules. Plus tard, il passa une fois par cet endroit avec la sainte Vierge, et, si je ne me trompe, il visita avec elle son ancien atelier.

Ses parents crurent d'abord qu'il avait été enlevé par des bandits. Je vis plus tard que ses frères découvrirent où il était et lui firent de vifs reproches ; car ils avaient honte de la basse condition à laquelle il s'était réduit. Il y resta par humilité ; seulement il quitta ce lieu et travailla dans la suite à Thanath (Thaanach), près de Megiddo, au bord d'une petite rivière (le Kison), qui se jette dans la mer. Cet endroit n'est pas loin d'Apheké, ville natale de l'apôtre saint Thomas. Il vécut là chez un maître assez riche ; on y faisait des travaux plus soignés.

Je le vis plus tard, à Tibériade, travailler pour un autre maître. Il demeurait seul dans une maison au bord de l'eau. Il pouvait alors avoir trente-trois ans. Ses parents étaient morts depuis longtemps à Bethléhem, deux de ses frères habitaient encore à Bethléhem, les autres étaient dispersés. Leur maison paternelle avait passé en d'autres mains, et la famille était promptement tombée en déchéance.

Joseph était très pieux et priait ardemment pour la venue du Messie. Il était occupé à arranger auprès de sa demeure un oratoire où il pût prier dans une plus grande solitude, lorsqu'un ange lui apparut et lui dit de cesser ce travail ; car, de même qu'autrefois Dieu avait confié au patriarche Joseph l'administration des blés de l'Egypte, de même le grenier qui renfermait la moisson du salut allait être confié à sa garde.

Joseph, dans son humilité, ne comprit pas ces paroles et continua à prier avec ferveur, jusqu'au moment où il fut appelé à se rendre au temple de Jérusalem pour y devenir, en vertu d'une prescription d'en haut, l'époux de la sainte Vierge. Je ne l'ai jamais vu marié antérieurement. Il vivait très retiré et évitait la société des femmes 20.

XXXIV
Jean est promis à Zacharie.

Je vis Zacharie dire à Elisabeth qu'il voyait avec peine arriver le moment où il irait faire son service au temple de Jérusalem ; il lui en coûtait toujours d'y aller, parce qu'on l'y méprisait, à cause de la stérilité de son mariage. Zacharie était de service au temple deux fois par an.

Ils n'habitaient pas à Hébron même, mais à une lieue de là, à Jutta Il y avait entre Jutta et Hébron beaucoup d'anciens murs. Peut-être qu'autrefois ces deux endroits étaient réunis. Des autres côtés d'Hébron, on trouvait aussi beaucoup d'édifices et de maisons disséminées, comme des restes de l'ancienne ville, qui était autrefois aussi grande que Jérusalem. Les prêtres qui habitaient Hébron étaient moins élevés en dignité que ceux qui habitaient Jutta. Zacharie était comme le chef de ceux-ci. Elisabeth et lui étaient très respectés à cause de leur vertu et de la pureté de leur lignage depuis Aaron, leur aïeul.

Je vis ensuite Zacharie visiter, avec plusieurs autres prêtres du pays, un petit bien qu'il possédait dans le voisinage de Jutta. C'était un jardin avec des arbres de toute espèce et une petite maison. Zacharie y pria avec ses compagnons, et fit une instruction à ceux-ci. C'était une sorte de préparation au service du temple, qui allait bientôt commencer pour eux. Je l'entendis aussi parler de sa tristesse et d'un pressentiment qu'il avait que quelque chose allait lui arriver.

Je le vis aussitôt après aller avec ces prêtres à Jérusalem, et y attendre quatre jours jusqu'à ce que vint son tour d'offrir le sacrifice. Pendant ce temps, il priait continuellement dans le temple. Quand vint son tour de présenter l'encens, je le vis entrer dans le sanctuaire où se trouvait l'autel des parfums, devant l'entrée du Saint des saints. Le toit était ouvert au-dessus de lui, en sorte qu'on pouvait voir le ciel. On ne pouvait pas apercevoir le prêtre du dehors. Quand il entra, un autre prêtre lui dit quelque chose et se retira ensuite 21.

Quand Zacharie fut seul, je le vis lever un rideau et entrer dans un lieu où il faisait sombre. Il prit là quelque chose qu'il plaça sur l'autel, et alluma de l'encens. Je vis alors à droite de l'autel une lumière descendre sur lui et une forme brillante s'approcher de lui. le je vis, effrayé et ravi en extase, tomber du côté droit de l'autel. L'ange le releva, lui parla longtemps, et Zacharie répondit. Je vis au-dessus de Zacharie le ciel ouvert, et deux anges monter et descendre comme sur une échelle. Sa ceinture était détachée et sa robe ouverte, et je vis qu'un des anges semblait retirer quelque chose de son corps, tandis que l'autre lui mettait dans le côté comme un objet lumineux. C'était quelque chose de semblable à ce qui se passa lorsque Joachim reçut la bénédiction de l'ange pour la conception de la sainte Vierge.

Les prêtres avaient coutume de sortir du sanctuaire aussitôt après avoir allumé l'encens. Comme Zacharie tardait beaucoup à revenir, le peuple qui priait au dehors était inquiet ; mais il était devenu muet, et je le vis écrire sur une tablette avant de sortir.

Quand il vint du temple dans le vestibule, beaucoup de personnes se pressèrent autour de lui, lui demandant pourquoi il était resté si longtemps ; mais il ne pouvait pas parler, et fit des signes avec la main, montrant sa bouche et la tablette, qu'il envoya aussitôt à Jutta, chez Elisabeth, pour lui annoncer que Dieu lui avait fait une promesse, et qu'il avait perdu la parole. Il partit lui-même au bout de quelque temps pour revenir chez lui ; mais Élisabeth, aussi, avait eu une révélation, dont je ne me souviens plus 22.

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(A suivre...)
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Message par M1234 Jeu 30 Mar 2017 - 9:48

Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Cath_emmerich_tit_1

XXXV
Fiançailles de la Sainte Vierge.

La sainte Vierge vivait dans le temple avec plusieurs autres vierges sous la surveillance de pieuses matrones. Ces vierges s'occupaient de broderies et d'ouvrages du même genre pour les tentures du temple et les vêtements sacerdotaux ; elles étaient aussi chargées de nettoyer ces vêtements et d'autres objets servant au culte divin. Elles avaient de petites cellules d'où elles avaient vue sur l'intérieur du temple et où elles priaient et méditaient Quand elles étaient arrivées à l'âge nubile, on les mariait. Leurs parents les avaient entièrement données à Dieu en les conduisant au temple, et il y avait chez les plus pieux d'entre les Israélites un pressentiment secret qu'un de ces mariages produirait un jour l'avènement du Messie'.

La sainte Vierge ayant quatorze ans et devant bientôt sortir du temple pour se marier, avec sept autres jeunes filles, je vis sainte Anne venir la visiter. Joachim ne vivait plus. Quand on annonça à Marie qu'elle devait quitter le temple et se marier, je la vis, profondément émue, déclarer au prêtre qu'elle ne désirait pas quitter le temple, qu'elle s'était consacrée à Dieu seul et n'avait pas de goût pour le mariage ; mais on lui répondit qu'elle devait prendre un époux 23.

Dans l'ancienne alliance l'état de virginité n'était pas considéré comme méritoire, au moins en général. Parmi les nombreuses espèces de voeux qu'énumère la Michnah comme étant usités chez les Juifs, on ne trouve pas trace du voeu de chasteté. Tant qu'on était encore dans l'attente de la venue du Rédempteur, le mariage avec une nombreuse postérité passait pour l'état le plus heureux et le plus agréable à Dieu sur la terre. "Ceux que Dieu aime, dit le psaume CXXVI, reçoivent du Seigneur des enfants en héritage : le fruit des entrailles est leur récompense. "Et longtemps avant Dieu avait déjà fait cette promesse :

"Tu seras béni entre tous les peuples : il n'y aura point de stérilité chez toi dans l'un l'autre sexe. "(Deut. VII, 14.) Cela explique pourquoi les prêtres n'accédèrent pas au désir de Marie, quoiqu'il y eut des exemples de personnes vivant dans l'état de virginité, spécialement chez les Esséniens.

Je la vis ensuite dans son oratoire prier Dieu avec ferveur. Je me souviens aussi qu'étant très altérée, elle descendit avec sa petite cruche pour puiser de l'eau à une fontaine ou à un réservoir, et que là, sans apparition visible, elle entendit une voix qui la consola et la fortifia, tout en lui faisant connaître qu'elle devait consentir à se marier. Ce ne fut pas là l'Annonciation, car je la vis plus tard à Nazareth. Je crus pourtant pendant un certain temps avoir vu cette fois aussi apparaître un ange ; car, dans ma jeunesse, je confondais souvent cet incident avec l'Annonciation, et je croyais que celle-ci avait eu lieu dans le temple.

Il est remarquable que dans le Protevangelium Jacobi, déclare apocryphe par l'Eglise, on lit entre autres choses que Marie alla il Nazareth en compagnie d'autres vierges. On leur avait donné au temple des fils d'espèce différente qu'elles devaient filer : la pourpre et l'écarlate étaient échus par le sort à Marie, "et, dit l'Évangile apocryphe, quand elle prit sa cruche et sortit pour aller puiser de l'eau, voilà qu'une voix lui dit : "Je vous salue, Marie, etc. "Marie regarda à droite et à gauche pour savoir d'où venait cette voix ; elle rentra effrayée dans la maison, posa la cru' ne, prit la pourpre et s'assit pour travailler. Et l'ange du Seigneur se tint debout en sa présence et lui dit : "Ne craignez rien, Marie, etc. "Ici aussi il est question d'une voix qu'elle entend en allant puiser de l'eau, mais tout cela se passe à Nazareth et se lie à l'Annonciation. Cet événement est raconté de la même manière dans un manuscrit latin de la Bibliothèque de Paris, publié par Thilo, et contenant un récit apocryphe intitulé : Histoire de Joachim et d'Anne, de la naissance de la bienheureuse Mère de Dieu, Marie, toujours vierge, et de l'enfance du Rédempteur. Seulement il y a ici un intervalle de trois jours entre la vois entendue à la fontaine et l'apparition de l'ange dans la Salutation angélique.

Je vis aussi un prêtre très vieux, qui ne pouvait plus marcher ; ce devait être le grand prêtre. Il fut porté par d'autres prêtres dans le Saint des saints, et pendant qu'il allumait un sacrifice d'encens, il lisait des prières sur un rouleau de parchemin placé sur une espèce de pupitre. Je le vis ravi en esprit. Il eut une apparition, et son doigt fut placé sur le passage suivant du prophète Isaie, qui se trouvait écrit sur le rouleau : " une branche sortira de la racine de Jessé, et une fleur naîtra de sa racine ". (Isaïe, IX, l.) Quand le vieux prêtre revint à lui, il lut ce passage et connut quelque chose par là.

Je vis ensuite qu'on envoyait des messagers de tous les cotés dans le pays, et qu'on convoquait au temple tous les hommes de la race de David qui n'étaient pas mariés. Lorsque plusieurs d'entre eux se furent rassemblés dans le temple, en habits de fête, on leur présenta la sainte Vierge ; et je vis parmi eux un jeune homme très pieux de la contrée de Bethléhem. Ce jeune homme avait demandé à Dieu avec une grande ferveur l'accomplissement de la promesse, et je vis dans son coeur un grand désir de devenir l'époux de Marie. Quant à celle-ci, elle revint dans sa cellule et versa de saintes larmes, ne pouvant pas s'imaginer qu'elle ne dût pas rester vierge.

Je vis alors le grand prêtre, obéissant à une impulsion intérieure qu'il avait reçue, présenter des branches à chacun des assistants, et leur enjoindre de marquer chacun une branche de leur nom et de la tenir à la main pendant la prière et le sacrifice. Quand ils eurent fait ce qui leur avait été dit, on leur reprit les branches, qui furent mises sur un autel devant le Saint des saints, et il leur fut annoncé que celui d'entre eux dont la branche fleurirait était désigné par le Seigneur pour devenir l'époux de Marie de Nazareth.

Pendant que les branches étaient devant le Saint des saints, on continua le sacrifice et la prière. Je vis durant ce temps le jeune homme, dont le nom me reviendra peut-être 24, crier vers Dieu, les bras étendus, dans une salle du temple, et verser des larmes brûlantes lorsque, après le temps fixé, on leur rendit les branches en leur annonçant qu'aucun d'entre eux n'était désigné par Dieu comme devant être le fiancé de cette vierge. Ces hommes furent alors renvoyés chez eux, et ce jeune homme se retira sur le mont Carmel, auprès des anachorètes qui vivaient là depuis le temps d'Elie ; il y vécut aussi depuis lors, priant continuellement pour l'accomplissement de la promesse.

Je vis ensuite les prêtres du temple chercher de nouveau dans les registres des familles s'il n'existait pas quelque descendant de David qu'on eût oublié 25. Comme ils y trouvèrent l'indication de six frères de Bethléhem, dont l'un était inconnu et absent depuis longtemps, ils s'enquirent du séjour de Joseph et le découvrirent à peu de distance de Samarie, dans un lieu situé près d'une petite rivière, où il habitait au bord de l'eau. travaillant pour un maître charpentier.

Sur l'ordre du grand prêtre, Joseph vint à Jérusalem et se présenta au temple. On lui fit, à lui aussi, tenir une branche à la main pendant qu'on priait et qu'on offrait un sacrifice ; comme il se disposait à la poser sur l'autel devant le Saint des saints, il en sortit une fleur blanche semblable à un ils, et je vis une apparition lumineuse descendre sur lui : c'était comme s'il eût reçu le Saint Esprit. On connut donc que Joseph était l'homme désigné par Dieu pour être le fiancé de la sainte Vierge, et les prêtres le présentèrent à Marie en présence de sa mère. varie, résignée à la volonté de Dieu, l'accepta humblement pour son fiancé, car elle savait que tout est possible Dieu, qui avait reçu son voeu de n'appartenir qu'à lui.

XXXVI
Du mariage et de l'habit nuptial de Marie et de Joseph.

La soeur Emmerich, dans ses visions quotidiennes sur la prédication de Notre Seigneur, vit, le lundi 26 septembre 1821, Jésus enseigner dans la synagogue de Gophna et y séjourner dans la famille d'un chef de la synagogue, parent de Joachim. Elle entendit à cette occasion deux veuves, filles de cet homme, s'entretenir ensemble du mariage des parents de Jésus, auquel elles avaient assisté dans leur jeunesse avec d'autres parents, et elle communiqua ce qui suit : Comme les deux veuves rappelaient dans leur conversation le mariage de Marie et de Joseph, je vis un tableau de ce mariage et je fus frappée de la beauté de l'habit de noce de la sainte Vierge.

Les noces de Marie et de Joseph, qui durèrent sept à huit jours, furent célébrées à Jérusalem dans une maison près de la montagne de Sion, qu'on louait souvent pour de semblables occasions. Outre les maîtresses et les compagnes de Marie à l'école du temple, il y avait beaucoup de parents d'Anne et de Joachim, entre autres une famille de Gophna avec deux filles. Les noces furent solennelles et somptueuses. Beaucoup d'agneaux furent immolés et offerts en sacrifice.

J'ai très bien vu Marie dans son vêtement de fiancée. Elle avait une robe très ample, ouverte par devant, avec de larges manches. Cette robe était fond bleu, semée de grandes roses rouges, blanches et jaunes, entremêlées de feuilles vertes, comme les riches chasubles des anciens temps. Le bord inférieur était garni de franges et de houppes. Par-dessus sa robe, elle portait un manteau bleu de ciel qui avait la forme d'un grand drap. Outre ce manteau. les femmes juives portaient encore dans certaines occasions une espèce de manteau de deuil à manches. Le manteau de Marie retombait sur les épaules, revenait en avant des deux côtés et se terminait en queue.

Elle portait à la main gauche une petite couronne de roses de soie rouge et blanche ; elle tenait à la main droite, en guise de sceptre un beau chandelier doré, sans pied, surmonté d'un petit plateau, où brûlait quelque chose qui produisait une flamme blanchâtre.

Les vierges du temple arrangèrent la chevelure de Marie : plusieurs d'entre elles s'y employèrent, et cela se fit plus vite qu'on ne pourrait le croire. Anne avait apporté l'habit de noce, et Marie, dans son humilité, ne voulait pas consentir à s'en revêtir après les fiançailles ; ses cheveux furent rattachés autour de sa tête, on lui mit un voile blanc qui pendait jusqu'au dessous des épaules, et une couronne fut placée sur ce voile.

La sainte Vierge avait une chevelure abondante d'un blond doré, des sourcils noirs et élevés, de grands yeux habituellement baissés avec de longs cils noirs, un nez d'une belle forme un peu allongé, une bouche noble et gracieuse' un menton effilé ; sa taille était de moyenne grandeur : elle marchait revêtue de son riche costume avec beaucoup de grâce, de décence et de gravité. Elle mit ensuite pour ses noces un autre habit moins magnifique, dont je possède un petit morceau parmi mes reliques Elle portait cet habit rayé à Cana et dans d'autres occasions solennelles. Elle mettait quelquefois sa robe de noce pour aller au temple. Il y avait des gens riches qui changeaient trois ou quatre fois d'habits pour leur mariage. Dans ces habits de parade, Marie rappelait un peu certaines femmes illustres d'une époque postérieure, par exemple l'impératrice sainte Hélène, et même sainte Cunégonde, quoiqu'elle s'en distinguât par le manteau dans lequel s'enveloppaient ordinairement les femmes juives, et qui ressemblait davantage à celui des dames romaines il y avait à Sion, dans le voisinage du cénacle, un certain nombre de femmes qui apprêtaient de belles étoffes de toute espèce, ce que je remarquai à l'occasion de ces habits

Joseph avait une longue robe fort ample de couleur bleue ; les manches, qui étaient fort larges, étaient attachées sur le coté par des cordons. Autour du cou, il avait comme un collet brun, ou plutôt une large étole, et sur sa poitrine pendaient deux bandes blanches. J'ai vu toutes les circonstances des fiançailles de Joseph et de Marie, le repas de noces et les autres solennités : mais je vis en même temps tant d'autres choses, et je suis si malade et si dérangée de mille façons, que je ne me hasarde pas à en dire davantage, de peur de mettre trop de confusion dans le récit.

XXXVII
De l'anneau nuptial de Marie.

Le 29 juillet 182l, la soeur Emmerich eut une vision relative aux draps mortuaires de Notre Seigneur Jésus-Christ et aux empreintes de son corps qui se manifestèrent miraculeusement sur les linges dont on l'avait enveloppé. Comme à cette occasion elle se trouva conduite en divers lieux où ces saintes reliques se trouvaient, les unes conservées religieusement, les autres oubliées des hommes et honorées seulement par les anges et par quelques âmes saintes, elle crut voir conservé dans un de ces endroits l'anneau nuptial de la sainte Vierge, et elle raconta ce qui suit :

J'ai vu l'anneau nuptial de la sainte Vierge ; il n'est ni d'argent, ni d'or, ni d'autre métal ; il est de couleur sombre avec des reflets changeants : ce n'est pas un petit cercle mince, il est assez épais et large d'un doigt. Je le vis tout uni, et cependant comme incrusté de petits triangles réguliers on se trouvaient des lettres Je le vis conservé sous plusieurs serrures dans une belle église. Il y a des gens pieux qui, avant de célébrer leurs noces, lui font toucher leurs anneaux de mariage.

Le 21 août 1821, elle dit : J'ai su dans ces derniers jours beaucoup de détails relatifs à l'histoire de l'anneau nuptial de Marie ; mais je ne puis plus raconter tout cela avec ordre. J'ai vu aujourd'hui une fête dans une église d'Italie où il se trouve. Il était exposé dans une espèce d'ostensoir qui était placé au-dessus du tabernacle. Il y avait là un grand autel richement paré, avec beaucoup d'ornements en argent. J'ai vu qu'on faisait toucher beaucoup d'anneaux à l'ostensoir.

J'ai vu pendant la fête paraître, des deux côtés de l'anneau, Marie et Joseph dans leurs habits de noce ; il me sembla que saint Joseph mettait l'anneau au doigt de la sainte Vierge. J'ai vu l'anneau tout lumineux et comme en mouvement'.

Je vis à droite et à gauche de cet autel deux autres autels, qui, probablement, ne se trouvaient pas dans la même église, mais qui me furent montrés en même temps dans cette vision. Sur l'autel de droite se trouvait une image de l'Ecce homo, qu'un pieux magistrat romain, ami de saint Pierre, avait reçue par une voie miraculeuse. Sur l'autel de gauche était un des draps mortuaires de Notre Seigneur.

Quand les noces furent finies, Anne revint à Nazareth, et Marie partit aussi en compagnie de plusieurs vierges qui avaient quitté le temple en même temps qu'elle. Je ne sais pas jusqu'où ces jeunes filles lui firent la conduite. Le premier endroit où l'on s'arrêta pour passer la nuit fut encore l'école de lévites de Bethoron. Marie fit le voyage à pied. Joseph, après les noces, était allé à Bethléhem pour régler quelques affaires de famille. Ce ne fut que plus tard qu'il se rendit à Nazareth.

Quand l'écrivain recueillit ceci, le 4 août 1821, il ne pouvait deviner pourquoi la soeur avait eu cette vision précisément le 3 août. Il fut fort surpris plusieurs années après lorsqu'il lut dans un écrit latin sur l'anneau de la sainte Vierge conservé à Pérouse, qu'on montrait cet anneau au peuple le 3 août, ce dont vraisemblablement ni lui ni la soeur ne savaient rien. Il trouva cette indication à la page 59 de l'écrit intitulé De annulo pronubo Deiparoe Virginis Perusioe religiosissime asservtur, J. B. Lauri Perusini Commentarius. 1626. Colonie Agrippinae,, apud J. Kinckium.

XXXVIII
Depuis le retour de Marie jusqu'à l'Annonciation.

Avant de raconter sa vision de l'Annonciation, la soeur communiqua deux fragments de visions antérieures dont nous ne pouvons donner qu'une explication conjecturale. Etant encore très faible par suite d'une grave maladie, elle raconta ce qui suit, quelque temps après le mariage de la sainte Vierge et de saint Joseph :

J'ai vu une fête dans la maison de sainte Anne. Je vis six hôtes, sans compter les habitués de la maison, et quelques enfants rassemblés avec Joseph et Marie autour d'une table sur laquelle étaient des verres.

La sainte Vierge avait un manteau bariolé, avec des fleurs rouges, bleues et blanches, comme on en voit sur d'anciennes chasubles. Elle portait un voile transparent et par-dessus un autre voile noir. Cette fête paraissait se rattacher aux fêtes du mariage.

Elle ne raconta rien de plus à ce sujet, et l'on peut conjecturer que ce repas eut lieu lorsque la sainte Vierge quitta sa mère après l'arrivée de saint Joseph, et se retira avec lui dans la maison de Nazareth. Le jour suivant, elle raconta ce qui suit :

Cette nuit, dans ma contemplation, je cherchais la sainte Vierge, et mon conducteur me mena dans la maison de sainte Anne, dont je reconnus toutes les divisions. Je n'y trouvai plus Joseph ni Marie. Je vis que sainte Anne se disposait à aller à Nazareth, où la sainte Famille habitait maintenant. Elle avait sous le bras un paquet qu'elle portait à Marie. Elle alla à Nazareth en traversant une plaine et un petit bois qui se trouve devant une hauteur. J'y allai aussi. La maison de saint Joseph n'était pas loin de la porte de la ville ; elle n'était pas aussi grande que la maison de sainte Anne. Un puits quadrangulaire, auquel on descendait par quelques marches, était dans le voisinage, et il y avait devant la maison une petite cour carrée. Je vis Anne visiter la sainte Vierge, à laquelle elle remit ce qu'elle avait apporté avec elle. Je vis Marie pleurer beaucoup et accompagner quelque temps sa mère qui revenait chez elle. J'aperçus saint Joseph sur le devant de la maison dans un endroit retiré.

Nous pouvons conjecturer, d'après ces fragments, que sainte Anne visitait pour la première fois sa fille à Nazareth, et lui apportait un présent. Marie, qui maintenant vivait seule et séparée de sa mère bien-aimée, versa des larmes d'attendrissement lorsqu'elle partit.

XXXIX
Annonciation de Marie.

Le 25 mars 1821, la soeur Emmerich dit :

Je vis la sainte Vierge peu après son mariage dans la maison de Joseph à Nazareth, où me conduisit mon guide. Joseph était parti avec deux ânes, je pense que c'était pour rapporter quelque chose dont il avait hérité, ou pour prendre les instruments de son métier. Il me sembla encore en route.

Outre la sainte Vierge et deux jeunes femmes de son âge qui avaient été, je crois, ses compagnes au temple, je vis dans la maison sainte Anne avec cette veuve sa parente, qui était à son service, et qui, plus tard, l'accompagna à Bethléhem après la naissance de Jésus. Sainte Anne avait tout remis à neuf dans la maison.

Je vis les quatre femmes aller et venir dans l'intérieur, puis se promener ensemble dans la cour. Vers le soir, je les vis rentrer et prier debout autour d'une petite table ronde, après quoi elles mangèrent des herbes qui avaient été apportées là. Elles se séparèrent ensuite. Sainte Anne alla encore ça et là dans la maison comme une mère de famille occupée de son ménage. Les deux jeunes personnes allèrent dans leurs chambres séparées, et Marie aussi se retira dans la sienne.

La chambre de la sainte Vierge était sur le derrière de la maison, près du foyer. On y montait par trois marches, car le sol de cette partie de la maison était plus élevé que le reste et sur un fond de rocher. Vis-à-vis de la porte, la chambre était ronde, et dans cette partie circulaire qui était séparée par une cloison à hauteur d'homme, se trouvait roulé le lit de la sainte Vierge. Les parois de la chambre étaient revêtues jusqu'à une certaine hauteur d'une espèce de travail de marqueterie fait avec des morceaux de bois de différentes couleurs. Le plafond était formé par quelques solives parallèles, dont les intervalles étaient remplis par un clayonnage orné de figures d'étoiles.

Je fus conduite dans cette chambre par le jeune homme lumineux qui m'accompagne toujours, et je vis ce que je vais raconter aussi bien que peut le faire une misérable personne comme moi.

La sainte Vierge, en entrant, se revêtit, derrière la cloison de son lit, d'une longue robe de laine blanche avec une large ceinture, et se couvrit la tête d'un voile d'un blanc jaunâtre. Pendant ce temps, la servante entra avec une lumière, alluma une lampe à plusieurs bras, qui était suspendue au plafond, et se retira. La sainte Vierge prit alors une petite table basse qui était contre le mur, et la mit au milieu de la chambre. Elle était recouverte d'un tapis rouge et bleu au milieu duquel était brodée une figure ; je ne sais plus si c'était une lettre ou un ornement. Un rouleau de parchemin écrit était sur cette table.

La sainte Vierge, l'ayant dressée entre la place de son lit et la porte, à un endroit où le sol était recouvert d'un tapis, plaça devant un petit coussin rond pour s'y agenouiller ; elle se mit alors à genoux, les deux mains appuyées sur la table. La porte de la chambre était devant elle à droite ; elle tournait le dos à sa couche.

Marie baissa son voile sur son visage et joignit les mains devant sa poitrine, mais sans croiser les doigts. Je la vis prier longtemps ainsi avec ardeur, je visage tourné vers le ciel ; elle invoquait la rédemption, la venue du roi promis au peuple d'Israel, et elle demandait aussi à avoir quelque part à sa mission. Elle resta longtemps à genoux, ravie en extase ; puis elle pencha la tête sur sa poitrine.

Alors, du plafond de la chambre, descendit à sa droite, en ligne un peu oblique, une telle masse de lumière que je fus obligée de me retourner vers la cour où était la porte ; je vis dans cette lumière un jeune homme resplendissant avec des cheveux blonds flottants, descendre devant elle à travers les airs : c'était l'ange Gabriel. Il lui parla, et je vis les paroles sortir de sa bouche comme des lettres de feu ; je les lus et je les entendis. Marie tourna un peu sa tête voilée vers le côté droit. Cependant, dans sa modestie, elle ne regarda pas. L'ange continua à parler. Marie tourna je visage de son côté, comme obéissant à un ordre, souleva un peu son voile, et répondit. L'ange parla encore ; Marie releva tout à fait son voile, regarda l'ange, et prononça les paroles sacrées : " Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ".

La sainte Vierge était dans un ravissement profond ; la chambre était pleine de lumière, je ne vis plus la lueur de la lampe qui brûlait ; je ne vis plus le plafond de la chambre. Le ciel parut ouvert ; mes regards suivirent au-dessus de l'ange une voie lumineuse ; je vis à l'extrémité de ce fleuve de lumière une figure de la sainte Trinité : c'était comme un triangle lumineux dont les rayons se pénétraient réciproquement. J'y reconnus ce que l'on ne peut qu'adorer, mais jamais exprimer, Dieu tout-puissant, le Père, le Fils et le Saint Esprit, et cependant un seul Dieu tout-puissant.

Quand la sainte Vierge eut dit : " Qu'il me soit fait selon votre parole ", je vis une apparition ailée du Saint Esprit, qui cependant ne ressemblait pas entièrement à la représentation ordinaire sous forme de colombe. La tête avait quelque chose du visage humain ; la lumière se répandait des deux côtés comme des ailes ; j'en vis partir comme trois courants lumineux vers le côté droit de la Sainte Vierge, où ils se réunirent.

Quand cette lumière pénétra son côté droit, la sainte Vierge devint elle-même lumineuse et comme diaphane : il semblait que ce qu'elle avait d'opaque en elle se retirât devant cette lumière comme la nuit devant le jour. Elle était dans ce moment tellement inondée de lumière que rien en elle ne paraissait plus obscur ni opaque : elle était resplendissante et comme illuminée tout entière.

Je vis après cela l'ange disparaître ; la voie lumineuse dont il était sorti se retira : c'était comme si le ciel aspirait et faisait rentrer en lui ce fleuve de lumière.

Pendant que je voyais toutes ces choses dans la chambre de Marie, j'eus une impression personnelle d'une nature singulière J'étais dans une angoisse continuelle, comme si l'on m'eût dressé des embûches, et je vis un horrible serpent ramper à travers la maison et les degrés jusqu'à la porte près de laquelle j'étais quand la lumière pénétra la sainte Vierge ; le monstre était arrivé à la troisième marche. Ce serpent était à peu près de la longueur d'un enfant ; sa tête était large et plate ; il avait à la hauteur de la poitrine deux courtes pattes membraneuses, armées de griffes semblables à des ailes de chauve-souris, sur lesquelles il se traînait. Il était tacheté de diverses couleurs d'un aspect repoussant, et rappelait le serpent du Paradis, mais avec quelque chose de plus difforme et de plus horrible. Quand l'ange disparut de la chambre de la sainte Vierge, il marcha sur la tête de ce monstre devant la porte, et j'entendis un cri si affreux que j'en frissonnais. Je vis ensuite paraître trois esprits qui frappèrent ce hideux reptile et le chassèrent hors de la maison.

Après la disparition de l'ange, je vis la sainte Vierge dans un profond ravissement et toute recueillie en elle-même ; je vis qu'elle connaissait et adorait l'incarnation du Sauveur en elle, où il était comme un petit corps humain lumineux, complètement formé et pourvu de tous ses membres Ici, à Nazareth, c'est tout autre chose qu'à Jérusalem : à Jérusalem, les femmes doivent rester dans le vestibule, elles ne peuvent pas entrer dans le temple, les prêtres seuls ont accès dans le sanctuaire ; mais à Nazareth, c'est une vierge qui est elle-même le temple, le Saint des saints est en elle, le grand prêtre est en elle, et elle est seule près de lui Combien cela est touchant, merveilleux, et pourtant simple et naturel ! Las paroles de David, dans le psaume 45, sont accomplies : " Le Très Haut a sanctifié son tabernacle ; Dieu est au milieu de lui, il ne sera pas ébranlé ! "

Il était à peu près minuit quand je vis ce mystère. Au bout de quelque temps, sainte Anne entra chez Marie avec les autres femmes. Un mouvement merveilleux dans la nature les avait éveillées ; une nuée lumineuse avait paru au-dessus de la maison. Quand elles virent la sainte Vierge à genoux au-dessous de la lampe, ravie en extase dans sa prière, elles s'éloignèrent respectueusement.

Au bout de quelque temps, je vis la sainte Vierge se relever et s'approcher de son petit autel, qui était contre le mur ; elle alluma la lampe et pria debout. Des rouleaux écrits étaient devant elle sur un pupitre élevé. Je la vis ensuite se mettre sur sa couche vers le matin.

Alors mon conducteur m'emmena ; mais quand je fus dans le petit vestibule de la maison, je fus prise d'une grande frayeur. Cet affreux serpent était là aux aguets, il se précipita sur moi et voulut se cacher dans les plis de ma robe. J'étais dans une horrible angoisse ; mais mon guide me retira promptement de là, et je vis reparaître les trois esprits qui frappaient de nouveau le monstre. Je crois toujours entendre son effroyable cri, et j'en frissonne encore.

En contemplant cette nuit le mystère de l'Incarnation, je fus encore instruite de plusieurs autres choses. Anne reçut une connaissance intérieure de ce qui s'accomplissait.

Sanctificavit tabernaculum suum Altissimus ; Deus in medio ejus, non commovebitur.

J'appris pourquoi le Rédempteur devait rester neuf mois dans le sein de sa mère et naître enfant, pourquoi il n'avait pas voulu naître homme fait comme notre premier père, se montrer dans toute sa beauté comme Adam sortant des mains du Créateur ; mais je ne puis plus exprimer cela clairement. Ce que j'en comprends encore, c'est qu'il a voulu sanctifier de nouveau la conception et la naissance des hommes, qui avaient été tellement dégradées par le péché originel. Si Marie devint sa mère et s'il ne vint pas plus tôt, c'est qu'elle seule était, ce que jamais créature ne fut avant elle ni après elle, le pur vase de grâce que Dieu avait promis aux hommes, et dans lequel il devait se faire homme, pour payer les dettes de l'humanité au moyen des mérites surabondants de sa Passion. La sainte Vierge était la fleur parfaitement pure de la race humaine, éclose dans la plénitude des temps. Tous les enfants de Dieu parmi les hommes, tous ceux qui, depuis le commencement, avaient travaillé à l'oeuvre de la sanctification, ont contribué à sa venue. Elle était le seul or pur de la terre ; elle seule était la portion pure et sans tache de la chair et du sang de l'humanité tout entière, qui, préparée, épurée, recueillie, consacrée à travers toutes les générations de ses ancêtres, conduite, protégée et fortifiée sous le régime de la loi de Moise, se produisait enfin comme la plénitude de la grâce. Elle était prédestinée dans l'éternité, et elle a paru dans le temps comme mère de l'Eternel.

(Aux jours de fête de la Mère de Jésus, l'Eglise fait ainsi parler la sainte Vierge d'elle-même, par la bouche de la Sagesse divine, dans les Proverbes de Salomon, C. VIII) :

" Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies : avant qu'il créât aucune chose, j'étais dès lors. J'ai été établie dès l'éternité et dès le commencement, avant que la terre fût créée. Les abîmes n'étaient pas encore, et j'étais déjà conçue ; les fontaines n'étaient pas encore sorties de la terre ; la pesante masse des montagnes ne subsistait pas encore. J'étais enfantée avant les collines. Il n'avait point encore créé la terre, ni les fleuves, ni affermi le monde sur ses pôles. Lorsqu'il préparait les cieux, j'étais présente ; lorsqu'il environnait les abîmes de leurs bornes et qu'il leur prescrivait une loi inviolable ; lorsqu'il affermissait l'air au-dessus de la terre et qu'il mettait en équilibre les eaux des fontaines ; lorsqu'il renfermait la mer dans ses limites et qu'il imposait une loi aux eaux ; lorsqu'il posait les fondements de la terre, j'étais avec lui et je réglais toutes choses avec lui ; j'étais chaque jour dans les délices, me jouant sans cesse devant lui, me jouant dans le monde et trouvant mes délices à être avec les enfants des hommes. Écoutez-moi donc maintenant, mes enfants : heureux ceux qui gardent mes voies. Écoutez mes instructions, soyez sages et ne les rejetez point : heureux celui qui m'écoute, qui veille tous les jours à l'entrée de ma maison et qui se tient à ma porte ; car celui qui m'aura trouvée trouvera la vie, et il puisera le salut dans les trésors de la bonté du Seigneur. "

La sainte Vierge était âgée d'un peu plus de quatorze ans lors de l'incarnation de Jésus-Christ. Jésus-Christ arriva à l'âge de trente-trois ans et trois fois six semaines. Je dis trois fois six, parce que le chiffre six m'est montré en cet instant même trois fois répété.

XL
Visitation de Marie.

(Dans la messe de cette fête, l'Église se sert des paroles du Cantique des Cantiques, II, 8-14.)

" C'est la voix de mon bien-aimé : le voici qui vient, sautant sur les montagnes, passant par-dessus les collines. Mon bien-aimé est semblable à un chevreuil et à un faon de biche. Le voici qui se tient derrière notre muraille, qui regarde par la fenêtre, qui jette ses regards à travers les grilles. Voilà mon bien-aimé qui me parle et qui me dit : Levez-vous, hâtez-vous, ma bien-aimée, ma colombe, ma beauté, et venez, car l'hiver est déjà passé. Les pluies se sont dissipées et ont cessé entièrement, les fleurs ont paru sur notre terre, le temps de tailler la vigne est venu, la voix de la tourterelle s'est fait entendre dans notre terre, le figuier a poussé ses premiers bourgeons, les vignes sont en fleur et ont répandu leur odeur. Levez vous, ma bien aimée, mon unique beauté, et venez. Vous êtes ma colombe retirée dans les trous de la pierre : montrez-moi votre face ; que votre voix se fasse entendre à mes oreilles, car votre voix est douce et votre visage est beau. "

XLI
Marie et Joseph en voyage pour visiter Elisabeth.

Quelques jours après l'Annonciation de l'ange à Marie, saint Joseph revint à Nazareth et il fit certains arrangements dans la maison pour pouvoir exercer son métier, car il n'avait pas encore été à demeure à Nazareth, où il avait passé à peine deux jours. Il ne savait rien de l'incarnation de Dieu dans Marie ; elle était la mère du Seigneur, mais elle était aussi la servante du Seigneur et gardait humblement son secret. La sainte Vierge, lorsqu'elle sentit que le Verbe s'était fait chair en elle, éprouva un grand désir d'aller tout de suite à Juttah, près d'Hébron, visiter sa cousine Élisabeth, que l'ange lui avait dit être enceinte depuis six mois. Comme on approchait du temps où Joseph devait se rendre à Jérusalem pour la fête de Pâques, elle désira l'accompagner pour aller assister Elisabeth pendant sa grossesse. Joseph se mit donc en route pour Juttah avec la sainte Vierge.

La soeur Emmerich raconta les détails suivants du voyage de Joseph et de Marie ; mais il y a dans ses récits beaucoup de lacunes, causées par son état de maladie et par des dérangements continuels. Elle ne raconta pas le départ, mais pendant quelques jours consécutifs différentes scènes de voyage que nous communiquons ici.

Leur route se dirigeait vers le midi ; ils avaient avec eux un Ane sur lequel Marie montait de temps en temps. Il portait quelques effets, entre autres un sac appartenant à Joseph, où se trouvait une longue robe brune de la sainte Vierge avec une espèce de capuchon. On l'attacha sur le cou de l'âne. Marie mettait cet habit quand elle allait au. temple ou à la synagogue. En voyage elle portait une tunique de laine brune, une robe grise avec une ceinture par-dessus, et une coiffe tirant sur le jaune.

Ils voyageaient assez vite. Je les vis, après avoir traversé la plaine d'Esdrelon, dans la direction du midi, gravir une hauteur et entrer dans la ville de Dothan, chez un ami du père de Joseph. C'était un homme assez riche,. Originaire de Bethléhem. Le père de Joseph l'appelait son frère, quoiqu'il ne le fût pas : mais il descendait de David par un homme qui était aussi roi, à ce que je crois, et qui s'appelait Éla, ou Eldoa, ou Eldad, je ne sais plus bien lequel 26. Cet endroit était très commerçant.

Je les vis une fois passer la nuit sous un hangar ; puis, comme ils étaient encore à douze lieues de la demeure de Zacharie, je les vis un soir dans un bois sous une cabane de branchages, toute recouverte de feuillage vert avec de belles fleurs blanches. On trouve souvent dans ce pays, au bord des routes, de ces cabanes de verdure ou même des bâtiments plus solides dans lesquels les voyageurs peuvent passer la nuit ou se rafraîchir et apprêter les aliments qu'ils ont avec eux. Une famille du voisinage a la surveillance de plusieurs abris de ce genre et fournit plusieurs choses nécessaires moyennant une modique rétribution.

De Jérusalem ils n'allèrent pas tout droit à Juttah, mais ils firent un détour vers le levant pour voyager plus solitairement. Ils contournèrent une petite ville à deux lieues d'Emmaus, et prirent alors des chemins que Jésus suivit souvent pendant ses années de prédication. Ils eurent ensuite deux montagnes à franchir. Entre ces deux montagnes je les vis une fois se reposer, manger du pain et mêler dans leur eau des gouttes de baume qu'ils avaient recueillies pendant le voyage. Le pays ici était très montagneux. Ils passèrent devant des rochers qui étaient plus larges d'en haut que d'en bas ; on voyait aussi là de grandes cavernes dans lesquelles étaient toutes sortes de pierres singulières. Les vallées étaient très fertiles.

Leur chemin les conduisit encore à travers des bois, des landes, des prés et des champs. Dans un endroit assez rapproché du terme du voyage, je remarquai particulièrement une plante qui avait de jolies petites feuilles vertes et des grappes de fleurs, formées de neuf clochettes roses fermées. Il y avait là quelque chose dont j'avais à m'occuper, mais j'ai oublié de quoi il s'agissait 27.

XLII
Arrivée de Marie et de Joseph chez Elisabeth et Zacharie.

Une partie des visions qui suivent furent communiquées lors de la fête de la Visitation. en juillet 1820 : d'autres se présentèrent à elle dans une contemplation où elle entendit Eliud, un vieil Essénien de Nazareth, qui accompagnait Jésus allant se faire baptiser par saint Jean au mois de septembre de la première année de la prédication, raconter plusieurs choses relatives aux parents et à la première jeunesse du Sauveur, car il était en relations intimes avec la sainte Famille.

La maison de Zacharie était sur une colline isolée. Il y avait alentour des groupes de maisons. Un ruisseau assez fort descendait de la montagne.

Il me sembla que c'était le moment où Zacharie revenait chez lui de Jérusalem après les fêtes de Pâques. Je vis Elisabeth, poussée par un désir inquiet, aller assez loin de sa maison sur la route de Jérusalem, et Zacharie qui revenait, tout effrayé de la rencontrer à une si grande distance de chez elle dans la situation où elle se trouvait. Elle lui dit qu'elle avait le coeur très agité, et qu'elle était poursuivie par la pensée que sa cousine ..Marie de Nazareth venait la voir. Zacharie chercha à lui faire perdre cette idée ; il lui fit entendre par signes et en écrivant sur une tablette combien il était peu vraisemblable qu'une nouvelle mariée entreprit en ce moment un si grand voyage. Ils revinrent ensemble à la maison.

Elisabeth ne pouvait renoncer à son espérance, car elle avait appris en songe qu'une femme de son sang était devenue la mère du Messie promis. Elle avait pensé alors à Marie, avait conçu un ardent désir de la voir et l'avait vue en esprit venant vers elle. Elle avait préparé dans sa maison, à droite de l'entrée, une petite chambre avec des sièges. C'était là qu'elle était assise le lendemain, toujours dans l'attente, et regardant si Marie arrivait Bientôt elle se leva et s'en alla sur la route au-devant d'elle.

Élisabeth était une femme âgée, de grande taille : elle avait je visage petit et de jolis traits ; sa tête était enveloppée. Elle ne connaissait la sainte Vierge que de réputation. Marie, la voyant de loin, connut que c'était elle, et s'en alla en toute hâte à sa rencontre, précédant saint Joseph, qui discrètement resta en arrière. Marie fut bientôt parmi les maisons voisines dont les habitants, frappés de sa merveilleuse beauté et émus d'une certaine dignité surnaturelle qui était dans toute sa personne, se retirèrent respectueusement quand elle rencontra Élisabeth. Elles se saluèrent amicalement en se tendant la main. En ce moment, je vis un point lumineux dans la sainte Vierge, et comme un rayon de lumière qui partait de là vers Élisabeth, et dont celle-ci reçut une impression merveilleuse. Elles ne s'arrêtèrent pas en présence des hommes ; mais, se tenant par le bras, elles gagnèrent la maison par la cour placée en avant : à la porte de la maison, Élisabeth souhaita encore la bienvenue à Marie, et elles entrèrent.

Joseph, qui conduisait l'âne, arriva dans la cour, remit l'animal à un serviteur et alla chercher Zacharie dans une salle ouverte sur le côté de la maison. Il salua avec beaucoup d'humilité le vieux prêtre ; celui-ci l'embrassa cordialement et s'entretint avec lui au moyen de la tablette sur laquelle il écrivait, car il était muet depuis que l'ange lui avait apparu dans le temple.

Marie et Élisabeth, entrées par la porte de la maison, se trouvèrent dans une salle qui me parut servir de cuisine. Ici elles se prirent par les bras. Marie salua Élisabeth très amicalement, et elles appuyèrent leurs joues l'une contre l'autre. Je vis alors quelque chose de lumineux rayonner de Marie jusque dans l'intérieur d'Élisabeth ; celle-ci en fut tout illuminée ; son coeur fut agité d'une sainte allégresse et profondément ému. Elle se retira un peu en arrière en élevant la main, et pleine d'humilité, de joie et d'enthousiasme, elle s'écria : " Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. D'où me vient ceci que la mère de mol Seigneur vienne à moi ? Voici qu'aussitôt que la voix de votre salutation est venue à mes oreilles, l'enfant que je porte a tressailli de joie dans mon sein. vous êtes heureuse d'avoir cru : ce qui vous a été dit par le Seigneur s'accomplira ".

Après ces dernières paroles, elle conduisit Marie dans la petite chambre préparée pour elle, afin qu'elle pût s'asseoir et se reposer des fatigues de son voyage. Il n'y avait que deux pas à faire jusque-là. Mais Marie quitta le bras d'Élisabeth qu'elle avait pris, croisa ses mains sur sa poitrine et commença le cantique inspiré : " Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon sauveur, parce qu'il a regardé la bassesse de sa servante ; car voilà que tous les siècles m'appelleront bienheureuse, parce que Celui qui seul est puissant a fait en moi de grandes choses, et son nom est saint, et sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent. Il a déployé la puissance de son bras ; il a dissipé ceux qui étaient enflés d'orgueil dans les pensées de leur coeur.` il a renversé les puissants de leur trône, et il a élevé les humbles. Il a rassasié les affamés, et il a renvoyé les riches avec les mains vides. Il a pris en sa protection Israel, son serviteur, s'étant souvenu de sa miséricorde, selon la promesse qu'il avait faite à nos pères, à Abraham et à sa postérité, pour toute la suite des siècles'.

Lorsque le vieil Eliud, dans la circonstance indiquée plus haut, .,entretint de cet événement avec Jésus, je l'entendis expliquer d'une manière admirable tout ce cantique de Marie ; mais je ne me sens pas en état de répéter cette explication.

Je vis qu'Élisabeth répétait tout bas le Magnificat avec un semblable mouvement d'inspiration ; ensuite elles s'assirent sur des sièges très bas : il y avait sur une petite table, peu élevée aussi, un petit verre placé devant elles. Combien j'étais heureuse ! j'ai répété avec elles toutes leurs prières, et je me suis assise à peu de distance. Oh ! combien j'étais heureuse !

La soeur Emmerich raconta ce qui était arrivé le jour précédent. Après midi, elle dit dans son sommeil : Joseph et Zacharie sont ensemble ; ils s'entretiennent de la venue prochaine du Messie et de l'accomplissement des prophéties. Zacharie est un grand et beau vieillard, habillé en prêtre ; il répond toujours par signes ou en écrivant sur une tablette. Ils sont assis sur le côté de la maison dans une salle ouverte qui a vue sur le jardin. Maria et Élisabeth sont assises dans le jardin, sur un tapis, sous un grand arbre, derrière lequel est une fontaine d'où l'eau sort quand on retire une bonde. Je vois tout autour du gazon et des fleurs, et des arbres avec de petites prunes jaunes. Elles mangent ensemble des fruits et des petits pains tirés de la besace de Joseph. Quelle simplicité et quelle frugalité touchantes ! il y a dans la maison deux servantes et deux serviteurs ; je les vois aller et venir. Ils apprêtent sous un arbre une table avec des aliments. Zacharie et Joseph viennent et mangent quelque chose. Joseph voudrait revenir tout de suite à Nazareth : mais il restera huit jours. Il ne sait rien de l'état de grossesse de la sainte Vierge. Marie et Élisabeth se taisaient là-dessus. Il y avait dans leur intérieur comme une entente secrète et profonde de l'une à l'autre.

Plusieurs fois le jour, spécialement avant les repas, quand tous étaient ensemble, les saintes femmes disaient des espèces de litanies' : Joseph priait avec elles, et je vis ensuite apparaître une croix entre elles. Il n'y avait pourtant pas encore de croix : c'était comme si deux croix se fussent visitées 28.

J'ai vu aujourd'hui, dans l'après-midi, Marie et Élisabeth occupées ensemble dans la maison. La sainte Vierge prenait part à tous les soins du ménage ; elle préparait toute sorte d'effets pour l'enfant qu'on attendait. Je les vis travailler ensemble ; elles tricotaient une grande couverture pour le lit d'Élisabeth lorsqu'elle serait accouchée. Les femmes juives se servaient de couvertures de ce genre : il y avait au milieu une espèce de poche, disposée de façon que l'accouchée put s'envelopper tout entière avec son enfant ; elle s'emmaillotait là dedans, soutenue par des coussins, et pouvait à volonté se mettre sur son séant ou rester couchée. Sur le bord de cette couverture étaient des fleurs et des sentences brodées à l'aiguille. Marie et Elisabeth préparaient aussi toutes sortes d'objets qui devaient être donnés aux pauvres à la naissance de l'enfant. Je vis sainte Anne, pendant l'absence de la sainte Famille, envoyer souvent sa servante dans la maison de Nazareth pour voir si tout y était en ordre ; je l'ai vue aussi y aller une fois elle-même.

Le 4 juillet, elle raconta ce qui suit : Zacharie est allé avec Joseph se promener dans les champs. La maison est isolée sur une colline ; c'est la plus belle maison qu'il y ait dans la contrée ; d'autres sont dispersées tout autour. Marie est un peu fatiguée ; elle est seule avec Elisabeth à la maison.

Le 5 juillet, elle dit : J'ai vu Zacharie et Joseph passer la nuit d'aujourd'hui dans le jardin, situé à quelque distance de la maison. Je les vis tantôt dormir dans la petite maison qui est là, tantôt prier en plein air ; ils revinrent au point du jour. Je vis Élisabeth et la sainte Vierge à la maison ; tous les matins et tous les soirs, elles répétaient ensemble le cantique Magnificat, dicté par le Saint Esprit à Marie après la salutation d'Élisabeth.

La salutation de l'ange fut pour Marie comme une consécration qui faisait d'elle l'Église de Dieu. Lorsqu'elle prononça ces mots : " Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ", le Verbe divin, salué par l'Église, salué par sa servante, entra en elle ; dès lors, Dieu fut dans son temple, Marie fut le temple et l'Arche d'alliance du Nouveau Testament. La salutation d'Elisabeth, le tressaillement de Jean dans le sein de sa mère, furent le premier culte rendu devant ce sanctuaire. Lorsque la sainte Vierge entonna le Magnificat, l'Église de la nouvelle alliance, du nouveau mariage, célébra, pour la première fois, l'accomplissement des promesses divines de l'ancienne alliance, de l'ancien mariage, récitant en actions de grâces un Te Deum laudamus. Qui pourrait dignement exprimer combien était touchant à voir l'hommage rendu par l'Église à son Sauveur dés avant sa naissance.

Cette nuit, pendant que je voyais prier les saintes femmes, j'ai eu plusieurs intuitions et explications relatives au Magnificat et à l'approche du Saint Sacrement dans la situation présente de la sainte Vierge. Mon état de souffrance et de nombreux dérangements sont cause que j'ai oublié presque tout ce que j'ai vu. Au passage du Magnificat : " il a fait éclater la puissance de sas bras, "j'ai vu différents tableaux figuratifs du Saint-Sacrement de l'autel dans l'Ancien Testament. Il y avait entre autres un tableau d'Abraham sacrifiant Isaac, et d'Isaïe annonçant à un méchant roi quelque chose dont celui-ci se moquait ; je l'ai oublié. J'ai vu bien des choses depuis Abraham jusqu'à Isaie, et depuis celui-ci jusqu'à la sainte vierge Marie, et j'y ai toujours vu le Saint Sacrement s'approchant de l'Eglise de Jésus-Christ, qui, lui-même, reposait encore dans le sein de sa mère 29.

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(A suivre...)
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Message par M1234 Ven 31 Mar 2017 - 11:17

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XLIII
Détails personnels à la narratrice.

Elle continua ainsi : Je dois prendre du repos et revoir ce que j'avais oublié : la douce prière à l'Esprit Saint m'est venue en aide. Ah ! c'est si doux et si agréable ! à cinq heures du soir, elle gémit et dit : Je n'ai pas observé, par suite de mes négligences, l'ordre de ne laisser personne venir près de moi. Une femme de ma connaissance a parlé devant moi de choses odieuses ; je me suis fâchée et me suis endormie là-dessus. Le bon Dieu a mieux tenu sa parole que moi la mienne ; il m'a montré de nouveau tout ce que j'avais oublié : cependant, pour ma punition, j'en ai laissé échapper la plus grande partie. Elle dit alors ce qui suit, et nous le communiquons, quoiqu'il y ait répétition de choses déjà dites, parce que nous ne pouvons pas exprimer ce qu'elle a voulu dire autrement qu'elle ne l'a fait elle-même. Voici donc ce qu'elle dit : Je vis comme d'habitude les deux saintes femmes dire le Magnificat en se tenant vis-à-vis l'une de l'autre. Au milieu de leur prière, le sacrifice d'Abraham me fut montré. Vint ensuite une série de tableaux figuratifs se rapportant à l'approche du Saint Sacrement. Il me semblait n'avoir jamais aperçu aussi clairement les mystères sacrés de l'ancienne alliance.

Le jour suivant, elle dit : Ainsi que cela m'avait été promis, j'avais vu de nouveau tout ce que j'avais oublié. J'étais toute joyeuse de pouvoir raconter tant de choses merveilleuses sur les patriarches et l'Arche d'alliance ; mai' il y a eu sans doute dans cette joie quelque chose contre l'humilité, car Dieu ne permet pas que je puisse raconter avec ordre et expliquer clairement tout cela.

Le nouveau dérangement dont elle parlait fut amené par un incident particulier, à la suite duquel se produisirent les souffrances commémoratives de la Passion du Sauveur qui se manifestaient souvent chez elle : elle en fut d'autant plus incapable de mettre de l'ordre dans ses communications. Comme pourtant, depuis ses visions sur le Magnificat répété à plusieurs reprises par les saintes femmes, elle raconta par fragments et sans suite plusieurs choses relatives à la bénédiction mystérieuse de l'Ancien Testament et à l'Arche d'alliance, on s'est efforce de faire de tout cela, autant que possible, un certain ensemble qui sera ajouté comme appendice, ou réservé pour me place plus appropriée, afin de ne pas interrompre la vie de la sainte Vierge.

Voici ce qu'elle dit le vendredi 6 juillet : Je vis hier soir Élisabeth et la sainte Vierge se rendre au jardin éloigné de la maison de Zacharie. Elles avaient des fruits et des petits pains dans des corbeilles, et voulaient passer la nuit dans cet endroit. Quand Joseph et Zacharie y vinrent plus tard, je vis la sainte Vierge aller à leur rencontre. Zacharie avait sa petite tablette Mais il faisait trop sombre pour qu'il pût écrire, et je vis Marie, poussée intérieurement par le Saint Esprit, lui dire qu'il parlerait cette nuit, et qu'il pouvait laisser là sa tablette, parce qu'il serait bientôt en état de s'entretenir avec Joseph et de prier avec lui. Très surprise de cela, je secouais la tête et je refusais d'admettre qu'il en fût ainsi ; mais mon ange gardien ou le guide spirituel qui est toujours près de moi, me dit, en me faisant signe de regarder d'un autre côté : " Tu ne veux pas croire cela, regarde donc ce qui se passe par ici ". Je vis alors du côté qu'il m'indiquait un tout autre tableau, d'une époque très postérieure.

Sa fête tombait le 6 juillet, jour où la soeur Emmerich communiquait ceci, et l'écrivain ne le savait pas. Quand il l'apprit en jetant par hasard les yeux sur le calendrier, il trouva là une nouvelle confirmation de cette relation entre toutes ses visions et les fêtes correspondants de l'Eglise qui avait si souvent surpris et singulièrement touché. Le prêtre saint Goar, originaire d'Aquitaine, établit au sixième siècle prés de l'embouchure du Mochenbach dans le Rhin (près de la petite ville actuelle de Saint Goar). Il y vécut en anachorète et convertit à la foi chrétienne beaucoup de paiens auxquelles il avait eu l'occasion de donner l'hospitalité. Il fut mandé devant l'évêque Rusticus de Trèves sur une fausse accusation de mauvaises moeurs, et ce fut alors qu'eut lieu le miracle montré à la soeur Emmerich pour lui prouver la puissance de la loi simple Rusticus accusa saint Goar de sorcellerie, mais un autre miracle qu'il lui demanda comme preuve de son innocence excita chez le prélat une telle confusion, qu'il se jeta aux pieds du saint, avouant sa faute et lui demandant pardon. Saint Goar, de retour dans son ermitage et pressé à plusieurs reprises par Sigebert, roi d'Austrasie, d'accepter le siège épiscopal de Trèves, pria Dieu de le retirer du monde. Il fut exaucé vers la fin du sixième siècle.

Je vis le saint ermite Goar 30 dans un endroit où on avait coupé du blé. Il parlait à des messagers d'un évêque mal disposé à son égard, et ces hommes aussi ne lui voulaient pas de bien. Quand il les eut accompagnés jusque chez l'évêque, je le vis chercher un crochet pour y suspendre son manteau. Comme il vit alors un rayon de soleil qui pénétrait par une ouverture du mur, dans la simplicité de sa foi, il attacha son manteau à ce rayon, et le manteau resta ainsi suspendu en l'air. Je fus émerveillé de ce miracle produit par la simplicité de la foi, et ne m'étonnai plus d'entendre parler Zacharie, puisque cette grâce lui arrivait par le moyen de la sainte Vierge, dans laquelle Dieu lui-même habitait. Mon guide me parla alors de ce qu'on appelle miracle ; je me souviens qu'il me dit, entre autres choses : " une confiance entière en Dieu, avec la simplicité d'un enfant, donne à tout l'être et la substance ". (Voir Hébr.IX,1) Ces paroles me donnèrent de grandes lumières intérieures sur tous les miracles, mais je ne puis m'expliquer bien clairement sur cela.

Je vis alors les quatre saints personnages passer la nuit dans le Jardin : ils s'assirent et mangèrent un peu, puis je les vis marcher deux à deux, s'entretenir eu priant, et entrer alternativement dans la petite maison pour y prendre du repos. J'appris aussi qu'après le sabbat Joseph retournerait à Nazareth, et que Zacharie l'accompagne. rait à quelque distance ; il faisait clair de lune et le ciel était très pur.

Je vis ensuite, pendant la prière des deux sainte. femmes, une partie du mystère concernant le Magnificat ; je dois tout revoir samedi, veille de l'octave de la Fête, et je pourrai alors en dire quelque chose. Je ne puis maintenant communiquer que ce qui suit : le Magnificat est un cantique d'actions de grâces pour l'accomplissement de la bénédiction mystérieuse de l'ancienne alliance.

Pendant la prière de Marie, je vis successivement tous ses ancêtres. Il y avait, dans la suite des siècles, trois fois quatorze couples d'époux qui se succédaient et dans lesquels le père était toujours le rejeton du mariage précédent; de chacun de ces couples, je vis sortir un rayon de lumière qui se dirigeait sur Marie pendant qu'elle était en prières. Tout ce tableau grandit devant mes yeux comme un arbre avec des branches de lumière qui allaient toujours s'embellissant, et Je vis enfin à une place marquée de cet arbre lumineux la chair et le sang purs et sans tache de Marie, desquels Dieu devait former son humanité, se montrer dans une lumière de plus en plus vive. Je priai alors, pleine de joie et d'espérance, comme un enfant qui verrait croître devant lui l'arbre de Noël. Tout cela était une image de l'approche de Jésus Christ selon la chair et de son très saint sacrement ; c'était comme si j'avais vu mûrir le froment pour former le pain de vie dont je suis affamée. Cela ne peut s'exprimer. Je ne puis pas trouver de paroles pour dire comment s'est formée la chair dans laquelle le Verbe s'est fait chair ; comment pourrait s'y prendre pour cela une pauvre créature humaine qui est encore dans cette chair dont le Fils de Dieu et de Marie a dit que la chair ne sert de rien et que l'esprit seul vivifie ; lui qui a dit encore que ceux-là seuls qui se nourrissent de sa chair et de son sang auront la vie éternelle, et seront ressuscités par lui au dernier jour. Sa chair et son sang sont seuls la traie nourriture, ceux. là seuls qui prennent cette nourriture demeurent en lui et lui en eux.

Je ne puis exprimer comment j'ai vu, depuis le commencement, l'approche successive de l'incarnation de Dieu, et, avec elle, l'approche du Saint Sacrement de l'autel se manifestant de génération en génération, puis une nouvelle série de patriarches, représentants du Dieu vivant qui réside parmi les hommes comme victime et comme nourriture, jusqu'à son second avènement au dernier jour, dans l'institution du sacerdoce, que l'Homme-Dieu, le nouvel Adam, chargé d'expier la faute du premier, a transmis à ses apôtres, et ceux-ci par l'imposition des mains aux prêtres qui leur ont succédé pour former une semblable succession non interrompue de génération de prêtres en génération de prêtres. Tout cela m'a fait connaître que la récitation de la généalogie de Notre Seigneur devant le Saint Sacrement, à la Fête-Dieu, renferme un grand et profond mystère ; j'ai aussi connu, par là, que de même que, parmi les ancêtres de Jésus-Christ, selon la chair, plusieurs ne furent pas des saints et furent même des pécheurs sans cesser d'être des degrés de l'échelle de Jacob, par lesquels Dieu descendit jusqu'à l'humanité, de même aussi les évêques indignes restent capables de consacrer le Saint Sacrement et de conférer la prêtrise avec tous les pouvoirs qui y sont attachés. Quand on voit ces choses, on comprend bien pourquoi l'Ancien Testament est appelé dans de vieux livres allemands l'ancienne alliance ou l'ancien mariage, de même que le Nouveau Testament y est appelé la nouvelle alliance ou le nouveau mariage. La fleur suprême de l'ancien mariage fut la Vierge des vierges, la Fiancée du Saint Esprit, la très chaste Mère du Sauveur, le Vase spirituel, le Vase honorable, le Vase insigne de dévotion ', dans lequel le Verbe s'est fait chair. Avec ce mystère, commence le nouveau mariage, la nouvelle alliance. Cette alliance est virginale dans le sacerdoce et dans tous ceux qui suivent l'Agneau, et le mariage est en elle un grand sacrement, savoir, en Jésus-Christ et en sa fiancée, qui est l'Eglise. (Voir Eph.,V,32.)

Mais pour faire connaître, en tant que cela m'est possible, comment me fut expliquée l'approche de l'incarnation du Verbe et en même temps l'approche du Saint Sacrement de l'autel, je ne puis que répéter encore de quelle manière tout m'a été mis devant les yeux dans une série de tableaux symboliques, sans qu'il me soit possible, à cause de l'état où je me trouve, de rendre compte des détails d'une façon intelligible : je ne puis parler qu'en général. Je vis d'abord la bénédiction de la promesse que Dieu donna à nos premiers parents dans le paradis, et un rayon allant de cette bénédiction à la sainte Vierge, qui récitait le Magnificat avec sainte Elisabeth ; je vis ensuite Abraham, qui avait reçu de Dieu cette bénédiction, et un rayon allant de lui à la sainte Vierge ; puis les autres patriarches, qui avaient porté et possédé cette chose sainte, et encore le rayon allant de chacun d'eux à Marie ; la transmission de cette bénédiction jusqu'à Joachim, qui, gratifié de la plus haute bénédiction venant du Saint des saints du temple, put devenir par là le père de la très sainte vierge Marie, conçue sans péché ; enfin, c'est en celle ci que, par l'opération du Saint Esprit, le Verbe s'est fait chair ; c'est en elle, comme dans l'Arche d'alliance du Nouveau Testament, que, caché à tous les yeux, il a habité neuf mois parmi nous, jusqu'à ce qu'étant né de la vierge Marie dans la plénitude des temps, nous avons vu sa gloire, comme la gloire du Fils unique du Père plein de grâce et de vérité.

Voici ce qu'elle raconta, le 7 juillet : J'ai vu, cette nuit, la sainte Vierge dormir dans sa petite chambre, étendue sur le côté et la tête appuyée sur le bras ; elle était enveloppée dans une bande d'étoffe blanche, depuis la tête jusqu'aux pieds Je vis, sous son coeur, briller une gloire lumineuse en forme de poire qu'entourait une petite flamme d'un éclat indescriptible. Je vis briller dans Élisabeth une gloire moins éclatante, mais plus grande et d'une forme circulaire ; la lumière qu'elle répandait était moins vive.

Le samedi 8 juillet, elle dit ce qui suit : Dans la soirée d'hier vendredi, lorsque le sabbat commença, je vis, dans une chambre de la maison de Zacharie que je ne connaissais pas encore, allumer une lampe et célébrer le sabbat : Zacharie, Joseph et six autres hommes, qui étaient probablement des gens de l'endroit, priaient debout sous la lampe autour d'un coffre sur lequel étaient des rouleaux écrits. Ils avaient des linges qui pendaient par-dessus la tête, mais ne faisaient pas, en priant, toutes les contorsions que font les Juifs actuels, quoique souvent ils baissassent la tête et levassent les bras en l'air. Marie, Élisabeth et deux autres femmes se tenaient à part derrière une cloison grillée, d'où elles voyaient dans l'oratoire ; elles étaient toutes enveloppées jusque par-dessus la tête dans des manteaux de prière.

Après le souper du sabbat, je vis la sainte Vierge dans sa petite chambre, avec Elisabeth, récitant le Magnificat ; les mains jointes sur la poitrine et leurs voiles noirs baissés sur la figure, elles se tenaient debout contre la muraille, vis-à-vis l'une de l'autre, priant tour à tour comme des religieuses au choeur. Je récitais le Magnificat avec elles, et, pendant la seconde partie du cantique, je vis, les uns dans l'éloignement, les autres plus près, quelques-uns des ancêtres de Marie, desquels partaient comme des lignes lumineuses se dirigeant sur elle ; je voyais ces lignes ou ces rayons de lumière sortir de la bouche des ancêtres masculins et de dessous le coeur des ancêtres de l'autre sexe, et aboutir à la gloire qui était dans Marie.

Je crois qu'Abraham, lorsqu'il reçut la bénédiction qui préparait l'avènement de la sainte Vierge, habitait prés de l'endroit où elle récita le Magnificat, car je vis le rayon qui partait de lui venir à elle d'un point très voisin, pendant que ceux qui partaient de personnages beaucoup plus rapprochés, quant au temps, paraissaient venir de points bien plus éloignés.

Lorsqu'elles eurent fini le Magnificat, qu'elles disaient tous les jours, matin et soir, depuis la Visitation, Elisabeth se retira, et je vis la sainte Vierge se livrer au repos.

Le dimanche soir, le sabbat étant fini, je les vis manger de nouveau. Ils prirent leur repas ensemble dans le jardin près de la maison. Ils mangèrent des feuilles vertes qu'ils trempaient dans une sauce ; il y avait aussi sur la table des assiettes avec de petits fruits, et d'autres plats, où était, je crois, du miel, qu'ils prenaient avec des espèces de spatules en corne.

Plus tard, au clair de la lune, par une belle nuit étoilée, Joseph se mit en voyage, accompagné de Zacharie. Joseph avait avec lui un petit paquet où étaient des pains et une petite cruche, et un bâton recourbé par en haut. Ils avaient tous deux des manteaux de voyage qui recouvraient la tête. Les deux femmes les accompagnèrent à une petite distance, et s'en revinrent seules par une nuit d'une beauté remarquable.

Marie et Élisabeth rentrèrent à la maison dans la chambre de Marie. Il y avait là une lampe allumée, comme c'était toujours le cas lorsqu'elle priait et allait se coucher. Les deux femmes se tinrent vis-à-vis l'une de l'autre, et récitèrent le Magnificat.

Le mardi il juillet, elle dit ce qui suit : J'ai vu cette nuit Marie et Élisabeth. La seule chose dont je me souvienne est qu'elles passèrent toute la nuit à prier, mais je n'en sais plus la raison. Le jour, je vis Marie s'occuper de différents travaux, par exemple, tresser des couvertures. Je vis Joseph et Zacharie encore en route ; ils passèrent la nuit dans un hangar. Ils avaient fait de grands détours et visité, si je ne me trompe, différentes personnes. Je crois qu'il leur fallait trois jours pour leur voyage. J'ai oublié la plupart des détails.

Le jeudi 13 juillet, elle raconta ce qui suit : Je vis hier Joseph de retour dans sa maison de Nazareth. Il ne me paraît pas avoir été à Jérusalem, mais directement chez lui. La servante d'Anne prend soin de son ménage, et va et vient d'une maison à l'autre ; à cela près, Joseph était seul. Je vis aussi Zacharie de retour dans sa maison. Je vis Marie et Élisabeth, comme toujours, réciter le Magnificat et s'occuper de différents travaux. Vers le soir, elles se promenèrent dans le jardin, où il y avait une fontaine, ce qui n'est pas commun dans le pays. Elles allaient souvent aussi, dans la soirée, quand la chaleur était passée, se promener dans les environs, car la maison de Zacharie était isolée et entourée de champs. Ordinairement elles se couchaient vers neuf heures, et se levaient toujours avant le soleil.

C'est là tout ce que la soeur Emmerich communiqua de ses visions sur la visite de la sainte Vierge à Élisabeth. Il est à remarquer qu'elle raconta cet événement à l'occasion de la fête de la Visitation, au commencement de juillet, tandis que la visite de Marie eut probablement heu en mars, puisque l'incarnation du Christ fut annoncée à la sainte Vierge le 25 février. C'est peu de temps après que la soeur la vit partir pour se rendre chez Elisabeth, en même temps que Joseph allait à la fête de Pâques, qui tombait le il nisan, mois qui correspond à notre mois de mars.

XLIV
Naissance de Jean. Marie revient à Nazareth.
Joseph rassuré par un ange.

Le 9 juin 1821, la soeur Emmerich) à l'occasion d'une relique de saint Parménas qui se trouvait près d'elle, raconta différentes choses touchant ce saint, et entre autres ce qui suit : J'ai vu la sainte Vierge, après son retour de Juttah à Nazareth, passer quelques Jours chez les parents du disciple Parménas, qui, à cette époque, n'était pas encore né. Je crois avoir vu cela au moment de l'année où cela s'est passé. J'eus le sentiment qu'il en était ainsi.

D'après cela, la naissance de Jean-Baptiste aurait eu lieu à la fin de mai ou au commencement de juin. Marie resta trois mois chez Élisabeth, jusqu'à la naissance de Jean ; mais elle n'y était plus lors de la circoncision de l'enfant.

La soeur Emmerich ayant été empêchée de raconter la naissance de Jean et sa circoncision, nous donnons ici les paroles de l'Évangile.

" Le temps d'Élisabeth étant accompli, elle mit au monde un fils. Ses voisins et ses parents apprirent que Dieu avait fait éclater sa miséricorde envers elle, et ils accoururent pour s'en réjouir avec elle. Le huitième jour, on vint circoncire l'enfant, et ils lui donnèrent le nom de son père Zacharie ; mais sa mère répondit : Il n'en sera pas ainsi ; son nom sera Jean. On lui représenta que personne n'avait ce nom dans sa parenté, et en même temps on demanda par signe à son père quel nom il voulait lui donner. Et il écrivit sur des tablettes que Jean était son nom ; et tous furent dans l'admiration. Or sa bouche fut ouverte aussitôt et sa langue déliée ; et il parlait, bénissant le Seigneur. Et une grande crainte se répandit parmi tous ceux qui habitaient dans le voisinage, et toutes ces choses se racontaient dans toutes les montagnes de la Judée. Et tous ceux qui en entendirent le récit le mirent dans leur coeur, se disant : Que croyez-vous que doive être cet enfant car la main de Dieu est avec lui. Et son père Zacharie fut rempli de l'Esprit Saint et prophétisa en ces termes : Béni soit le Seigneur Dieu d'Israël, parce qu'il a visité son peuple, et a opéré sa rédemption, et qu'il nous a élevé un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur, ainsi qu'il avait promis, dès les anciens temps, par la bouche de ses saints prophètes, qu'il nous délivrerait de nos ennemis et de ceux qui nous haïssent, pour exercer sa miséricorde envers nos pères et se souvenir de son alliance sainte, selon qu'il avait juré avec serment à Abraham notre père, afin que, délivrés de la main de nos ennemis, nous le servions sans crainte, dans la sainteté et la justice devant lui, tous les jours de notre vie. Et toi, enfant, tu seras appelé le prophète du Très-Haut ; car tu marcheras devant la face du Seigneur pour lui préparer les voies, afin de donner à son peuple la science du salut pour la rémission de leurs péchés ; par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, par laquelle l'Orient nous a visités d'en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, pour diriger nos pas dans la voie de la paix. Or, l'enfant croissait et son esprit se fortifiait, et il était dans le désert jusqu'au jour de sa manifestation dans Israel.

La sainte Vierge partit pour Nazareth après la naissance de Jean, et avant sa circoncision. Joseph vint à sa rencontre jusqu'à moitié chemin.

La soeur Emmerich ne dit pas par qui la sainte Vierge fut accompagnée jusque-là ; elle ne désigna pas non plus le lieu où elle se réunit à saint Joseph ; peut-être que ce fut à Dothan, où, en allant chez Élisabeth, ils s'étaient arrêtés chez un ami du père de Joseph. Vraisemblablement, elle fut accompagnée jusque-là par des parents de Zacharie ou par des amis de Nazareth, qui se trouvaient avoir le même voyage à faire. Cette dernière conjecture pourrait se justifier, jusqu'à un certain point, par le récit suivant :

Quand Joseph revint à Nazareth avec la sainte Vierge, il vit, à sa taille, qu'elle était enceinte ; il fut alors assailli par toutes sortes d'inquiétudes et de doutes, car il ne connaissait pas l'ambassade de l'ange près de Marie. Aussitôt après son mariage, il était allé à Bethléhem pour quelques affaires de famille ; Marie, pendant ce temps, s'était rendue à Nazareth avec ses parents et quelques compagnes. La salutation angélique avait eu lieu avant le retour de Joseph de Nazareth. Marie, dans sa timide humilité, avait gardé pour elle le secret de Dieu.

Joseph, plein de trouble et d'inquiétude, n'en faisait rien connaître au dehors, mais luttait en silence contre ses doutes. La sainte Vierge, qui avait prévu cela d'avance, était grave et pensive, ce qui augmentait encore l'anxiété de Joseph.

Quand ils furent arrivés à Nazareth, je vis que la sainte Vierge n'alla pas tout de suite dans sa maison avec saint Joseph, elle demeura deux jours dans une famille alliée à la sienne. C'étaient les parents du disciple Parmenas, qui alors n'était pas né, et qui fut plus tard l'un des sept diacres dans la première communauté des chrétiens à Jérusalem.

Ces gens étaient alliés à la sainte Famille : la mère était soeur du troisième époux de Marie de Cléophas, qui fut le père de Siméon, évêque de Jérusalem. Ils avaient une maison et un jardin à Nazareth. Ils étaient aussi alliés à la sainte Famille du côté d'Elisabeth. Je vis la sainte Vierge rester quelque temps chez eux avant de revenir dans la maison de Joseph ; mais l'inquiétude de celui-ci augmentait à tel point que, lorsque Marie voulut revenir auprès de lui, il forma le projet de la quitter et de s'enfuir secrètement. Pendant qu'il roulait Ce dessein dans son esprit, un ange lui apparut en songe et le consola.

XLV

Préparatifs pour la naissance de Jésus-Christ.
Départ de la sainte Famille pour Bethléhem.

(Dimanche, 11 novembre 1821.) Depuis plusieurs jours, je vois la sainte Vierge près de sa mère, sainte Anne, dont la maison est à peu près à une lieue de Nazareth, dans la vallée de Zabulon ; sa servante est restée dans la maison de Nazareth, elle sert saint Joseph quand Marie est chez sa mère. Du reste, tant qu'Anne vécut, ils n'eurent pas de ménage entièrement séparé, mais ils recevaient toujours de celle-ci ce dont ils avaient besoin.

Je vois, depuis quinze jours, la sainte Vierge occupée de préparatifs pour la naissance de Jésus-Christ : elle apprête des couvertures, des bandages et des langes. Son père Joachim ne vit plus. Il y a dans la maison une petite fille d'environ sept ans qui est souvent près de la sainte Vierge, et à laquelle celle-ci donne des leçons : je crois que c'est la fille de Marie de Cléophas ; elle s'appelle aussi Marie. Joseph n'est pas à Nazareth, mais il doit bientôt arriver. Il revient de Jérusalem, où il a conduit des victimes pour le sacrifice.

Je vis la sainte Vierge dans la maison. Elle était dans un état de grossesse fort avancée, et travaillait assise dans une chambre avec plusieurs autres femmes. Elles préparaient des effets et des couvertures pour les couches de Marie. Anne avait des propriétés assez considérables en troupeaux et en pâturages. Elle fournissait abondamment la sainte Vierge de tout ce qui lui était nécessaire suivant son état. Comme elle croyait que Marie ferait ses couches chez elle, et que tous ses parents la visiteraient à cette occasion, elle faisait toute espèce de préparatifs pour la naissance de l'enfant de la promesse. On apprêtait pour cela de belles couvertures ou de beaux tapis.

J'ai vu une couverture de ce genre, lors de la naissance de Jean, dans la maison d'Élisabeth. Il y avait des figures symboliques et des sentences tracées à l'aiguille. Au milieu était une espèce d'enveloppe dans laquelle l'accouchée se plaçait ; puis, quand les diverses parties de la couverture étaient assujetties autour d'elle avec des lacets et des boutons, elle était là comme un petit enfant dans son maillot, et pouvait facilement se mettre sur son séant, entre des coussins, pour recevoir les visites de ses amies, qui s'asseyaient auprès d'elle sur le bord du tapis.

On préparait aussi dans la maison d'Anne des objets de ce genre, outre des bandages et des langes pour l'enfant. Je vis même des fils d'or et d'argent qu'on y faufilait Ça et là. Tous ces effets et ces couvertures n'étaient pas uniquement pour l'usage de l'accouchée ; il y avait beaucoup de chose destinées aux pauvres, auxquels on pensait toujours en de semblables circonstances. Je vis la sainte Vierge et d'autres femmes, assises par terre autour d'un grand coffre, travailler à une grande couverture qui était Dltece sur ce coffre au milieu d'elles. Elles se servaient de petits bâtons où étaient attachés des fils de diverses couleurs. Sainte Anne était très affairée ; elle allait ça et là pour prendre de la laine, la partager et donner leur tâche à ses servantes.

(Lundi, 12 novembre.)

Joseph doit revenir aujourd'hui à Nazareth. Il était à Jérusalem, où il avait conduit des animaux pour le sacrifice. Il les avait laissés dans une petite auberge située à un quart de lieue en avant de Jérusalem, du côté de Bethléhem, et tenue par un vieux ménage sans enfants. C'étaient des gens pieux chez lesquels on pouvait loger en toute confiance. Joseph alla de là à Bethléhem, mais il ne visita pas les parents qu'il y avait. Il voulait seulement prendre des informations relativement à un dénombrement ou à une levée d'impôts qui exigeaient que chacun vint dans son lieu de naissance. Il ne se fit pourtant pas encore inscrire, car il avait l'intention, lorsque le temps de la purification de Marie serait accompli, d'aller avec elle de Nazareth au temple de Jérusalem, et de là à Bethléhem, où il voulait s'établir. Je ne sais pas bien quel avantage il y trouvait, mais le séjour de Nazareth ne lui plaisait pas. C'est pour cela qu'il profita de cette occasion pour aller à Bethléhem : il y prit des informations relativement à des pierres et à des bois de charpente, car il avait le projet d'y bâtir une maison. Il revint ensuite à l'auberge voisine de Jérusalem, conduisit les victimes au temple et revint chez lui.

Comme aujourd'hui, vers minuit, il traversait la plaine de Khimki, à six lieues de Nazareth, un ange lui apparut et lui enjoignit de partir avec Marie pour Bethléhem, car c'était là qu'elle devait mettre son enfant au monde. L'ange lui prescrivit aussi ce qu'il devait prendre avec lui ; il devait emporter peu d'effets, et notamment pas de couvertures brodées. Il devait aussi, outre l'âne sur lequel Marie monterait, emmener avec lui une ânesse d'un an qui n'avait pas encore eu de petits. Il devait la laisser courir en liberté et suivre toujours le chemin qu'elle prendrait.

Ce soir, Anne se rend à Nazareth avec la sainte Vierge ; elles savaient que Joseph arriverait. Elles ne paraissaient pourtant pas savoir que Marie irait à Bethléhem ; elles croyaient que Marie mettrait son enfant au monde dans sa maison de Nazareth, car je vis qu'on leur y porta plusieurs des objets qu'on avait préparés, empaquetés dans des nattes. Joseph arriva le soir à Nazareth.

(Mardi, 13 novembre). Je vis aujourd'hui la sainte Vierge avec sa mère dans la maison de Nazareth, où Joseph leur fit connaître ce qui lui avait été dit la nuit précédente. Elles revinrent ensemble dans la maison d'Anne, et je les vis faire des préparatifs pour un prompt départ. Anne en était tout attristée. La sainte Vierge savait d'avance qu'elle devait enfanter son fils à Bethléhem, mais elle n'en avait rien dit par humilité.

Elle le savait par les prophéties sur la naissance du Messie qu'elle conservait à Nazareth. Elle avait reçu ces écrits de ses maîtresses du temple, et ces saintes femmes les lui avaient expliqués ; elle les lisait souvent et priait pour leur accomplissement ; ses ardents désirs invoquaient toujours la venue du Messie ; elle appelait bienheureuse celle qui devait mettre au monde le saint enfant, et désirait seulement pouvoir être la dernière de ses servantes ; elle ne pensait pas, dans son humilité, que cet honneur pût lui être destiné. Comme elle savait par les testes des prophéties que le Sauveur devait naître à Bethléhem, elle se conforma avec d'autant plus de joie a la volonté divine, et se prépara à un voyage très pénible pour elle dans cette saison, car il faisait souvent un froid très vif dans les vallées, entre les chaînes de montagnes.

Je vis ce soir Joseph et la sainte Vierge, accompagnés d'Anne, de Marie de Cléophas, et de quelques serviteurs, partir de la maison d'Anne. Marie était assise sur le bât d'un âne qui portait aussi son bagage. Joseph conduisait l'âne. Il y avait un second âne Sur lequel sainte Anne devait revenir.


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(A suivre...)
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Message par M1234 Lun 3 Avr 2017 - 9:17

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XLVI
Voyage de la sainte Famille.

Ce matin, je vis les saints voyageurs arriver à six lieues de Nazareth, dans une plaine appelée Ghinim, où l'ange était apparu à Joseph l'avant-veille. Anne possédait un pâturage en cet endroit, et les serviteurs devaient y prendre l'ânesse d'un an que Joseph voulait emmener avec lui. Elle courait tantôt en avant des voyageurs, tantôt près d'eux. Anne et Marie de Cléophas prirent ici congé des saints voyageurs et s'en retournèrent avec les serviteurs.

Je vis la sainte Famille s'avancer plus loin par un chemin qui montait vers les montagnes de Gelboë. Ils ne passaient pas dans les villes et suivaient la jeune ânesse qui prenait toujours des chemins de traverse. C'est ainsi que je les vis dans une propriété de Lazare, à peu de distance de la ville de Ghinim', du côté de Samarie. L'intendant les reçut amicalement.

Elle dit que cette plaine de Ghinim a plusieurs lieues de long et qu'elle est de forme ovale. Une autre plaine appelée Ghimmi se trouva plus prés de Nazareth, prés d'un endroit placé sur une hauteur où demeuraient des bergers, et où Jésus, avant son baptême, enseigna du 7 au 9 septembre chez des bergers qui avaient des lépreux cachés parmi eux. Il guérit aussi là son hôtesse qui était hydropique et il fut injurié par les pharisiens. De l'autre côté de ce heu, à une plus grande distance, se trouve, au sud-ouest de Nazareth, au delà du torrent de Cison, un séjour de lépreux. Ce sont des cabanes dispersées autour d'un étang formé par un écoulement du Cison. Jésus y opéra des guérisons avant son baptême, le 30 septembre. La plaine de Ghinim, où nous voyons arriver la sainte Famille, est séparée de cette autre plaine de Ghimmi par un torrent. Les noms sont si semblables que je puis les avoir facilement confondus.

Il semble qu'il y a encore un souvenir de ce nom de Ghimea, qui est dans la même position et que les voyageurs appellent Ghinin, ghinin, Ghilin, Ghenin, Jenin, Chenan, Khilin ou Djenin. Ce lieu est au pied des monts de Gelboé, à quatre milles allemande (environ huit lieues) au nord-est de Samarie, suivant d'autres à une demi journée de Sichem, et d'après Boshard, à quatorze lieues du Jourdain.

Il les avait connus lors d'un autre voyage. Leur famille avait des relations avec celle de Lazare. Il y a là de beaux vergers et des allées. La position est si élevée, qu'on a du toit une vue très étendue. Lazare a hérité ce bien de son père. Notre Seigneur Jésus-Christ s'arrêta souvent en cet endroit pendant sa prédication, et enseigna dans les environs. L'intendant et sa femme s'entretinrent très amicalement avec la sainte Vierge, et se montrèrent étonnés qu'elle eût entrepris ce grand voyage dans la position où elle se trouvait, lorsqu'elle eût pu rester commodément établie dans la maison de sa mère.

(Nuit du jeudi l5 au vendredi 16 novembre)

Je vis la sainte Famille, à quelques lieues au delà de l'endroit précédemment indiqué, se diriger dans la nuit vers une montagne le long d'une vallée très froide. Il semblait qu'il y eût de la gelée blanche. La sainte Vierge souffrait beaucoup du froid, et elle dit à Joseph : " il faut nous arrêter ; je ne puis pas aller plus loin ". A peine avait-elle dit ces paroles, que la jeune ânesse s'arrêta sous un grand térébinthe très vieux qui se trouvait près de là, et dans le voisinage duquel était une fontaine. Ils firent une balte sous cet arbre. Joseph arrangea avec des couvertures un siège pour la sainte Vierge, qu'il aida à descendre de sa monture et qui s'assit contre l'arbre ; Joseph suspendit à une branche d'arbre une lanterne qu'il portait avec lui. J'ai souvent vu les gens qui voyagent de nuit dans ce pays en faire autant.

La sainte Vierge invoqua Dieu, lui demandant de ne pas permettre que le froid lui fût nuisible. Alors, elle sentit tout à coup une si grande chaleur, qu'elle tendit les mains à saint Joseph pour qu'il y réchauffât les siennes. Ils se réconfortèrent un peu avec des petits pains et des fruits qu'ils avaient avec eux, et burent de l'eau de la fontaine voisine dans laquelle ils mirent du baume que Joseph portait dans un cruchon. Joseph consola et encouragea la sainte Vierge ; il était si bon ! il souffrait tant de ce que ce voyage était si pénible ! il lui parla du bon logis qu'il espérait lui procurer à Bethléhem. Il connaissait une maison appartenant à de très braves gens, où ils seraient commodément à très bon compte. Il lui vanta Bethléhem en général, et lui dit tout ce qui pouvait la consoler. Cela m'inquiétait, car je savais bien que les choses se passeraient tout autrement.

A ce point de leur voyage, ils avaient passé deux petits cours d'eau ; ils avaient traversé l'un d'eux sur un pont élevé, et les deux ânes avaient passé à gué. La jeune ânesse, qui courait en liberté, avait des allures singulières. Quand la route était bien tracée, entre deux montagnes, par exemple, et qu'on pouvait se tromper, tantôt elle courait derrière les voyageurs, tantôt elle allait bien loin en avant. Quand le chemin se partageait, elle reparaissait toujours et prenait la bonne direction ; lorsqu'ils devaient s'arrêter, elle s'arrêtait elle-même, comme lors de leur halte sous le térébinthe. Je ne sais pas s'ils passèrent la nuit sous cet arbre, ou s'ils atteignirent un autre gîte.

Ce térébinthe était un vieil arbre sacré qui avait fait partie du bois de Moreh, près de Sichem. Abraham, venant de la terre de Chanaan, y avait vu apparaître le Seigneur, qui lui avait promis cette terre pour sa postérité. Il avait élevé un autel sous le térébinthe. Jacob, avant d'aller à Béthel pour y offrir un sacrifice au Seigneur, avait enfoui sous ce térébinthe les idoles de Laban et les bijoux que sa famille avait avec elle. Josué y avait érigé le tabernacle où était l'Arche d'alliance, et y ayant rassemblé le peuple, l'avait fait renoncer aux idoles. C'était aussi en ce lieu qu'Abimélech, fils de Gédéon, avait été proclamé roi par les Sichémites.

(Vendredi, 16 novembre.)

Aujourd'hui, je vis la sainte Famille arriver à une grande ferme, à deux lieues plus au midi que le térébinthe. La maîtresse de la maison était absente, et le maître refusa de recevoir saint Joseph, lui disant qu'il pouvait bien aller plus loin. Quand ils eurent fait un peu de chemin au delà, ils trouvèrent la jeune ânesse dans une cabane de berger, où ils entrèrent aussi. Quelques bergers, qui étaient occupés à la vider, les accueillirent avec beaucoup de bienveillance. Ils leur donnèrent de la paille et de petits paquets de jonc et de ramée pour faire du feu. Ces bergers allèrent à la maison d'où ils avaient été repoussés, et, quand ils racontèrent à la maîtresse de cette maison combien Joseph paraissait bon et pieux, combien sa femme était belle et avait l'air sainte, elle fit des reproches à son mari pour avoir repoussé de si excellentes gens. Je vis aussi cette femme se rendre aussitôt près de la cabane où s'était arrêtée la sainte Vierge ; mais elle n'osa pas entrer par timidité, et retourna chez elle pour y prendre quelques aliments.

Le lieu où ils se trouvaient était sur le flanc septentrional d'une montagne, à peu près entre Samarie et Thébez. A l'orient de ce lieu, au delà du Jourdain, se trouve Succoth ; Ainon est un peu plus au midi, toujours au delà du fleuve ; Salem est en deçà. Il pouvait y avoir douze lieues de là à Nazareth.

Au bout de quelque temps la femme vint avec deux enfants trouver la sainte Famille, apportant avec elle quelques provisions. Elle s'excusa poliment et se montra touchée de leur position. Quand les voyageurs eurent mangé et pris quelque repos, le mari vint aussi et demanda pardon à saint Joseph de l'avoir repoussé. Il lui conseilla de monter encore une lieue vers le sommet de la montagne, lui disant qu'il pouvait arriver à un bon gîte avant le commencement du sabbat et y rester pendant le jour du repos. Ils se mirent alors en route.

Quand ils eurent fait à peu près une lieue en montant toujours, ils arrivèrent à une hôtellerie d'assez bonne apparence, composée de plusieurs bâtiments entourés de jardins et d'arbres. 1 ; y avait aussi là des arbrisseaux qui donnent le baume, rangés en espaliers. Cependant l'hôtellerie était encore sur le côté septentrional de la montagne.

La sainte Vierge avait mis pied à terre. Joseph conduisait l'âne. Ils s'approchèrent de la maison, et Joseph pria l'hôte de les loger ; mais celui-ci s'excusa, parce que son auberge était pleine. Sa femme vint alors, et comme la sainte Vierge s'adressa à elle et lui demanda avec la plus touchante humilité de leur procurer un logement, cette femme ressentit une profonde émotion, et l'hôte aussi ne put plus résister. Il leur arrangea un abri commode dans une cabane voisine, et mit leur âne à l'écurie. L'ânesse n'était pas là ; elle courait en liberté dans les environs. Elle était toujours loin d'eux quand elle n'avait pas à monter le chemin.

Joseph apprêta sa lampe, sous laquelle il se mit en prières avec la sainte Vierge, observant le sabbat avec une piété touchante. Ils mangèrent quelque chose et se reposèrent sur des nattes étendues par terre.

(Samedi, 17 novembre.)

J'ai vu aujourd'hui la sainte Famille rester en ce lieu toute la journée. Marie et Joseph priaient ensemble. Je vis la femme de l'hôte près de la sainte Vierge avec ses trois enfants ; la femme qui les avait accueillis la veille vint aussi la visiter avec ses deux enfants. Elles s'assirent auprès d'elle d'un air très amical, et furent très touchées de la modestie et de la sagesse de Marie. La sainte Vierge s'entretint avec les enfants et leur donna des instructions.

Les enfants avaient de petits rouleaux de parchemin ; Marie les fit lire et leur parla d'une façon si aimable qu'ils ne la quittaient plus des yeux. C'était touchant à voir et encore plus touchant à entendre.

Je vis saint Joseph dans l'après-midi se promener avec l'hôte dans les environs, examiner les jardins et les champs et tenir des discours édifiants. C'est ce que je vois toujours faire aux gens pieux du pays le jour du sabbat. Les saints voyageurs restèrent encore en ce lieu la nuit suivante.

(Le dimanche, 18 novembre.)

Les bons hôteliers d'ici avaient pris la sainte Vierge en affection à un degré incroyable, et ils lui témoignèrent une tendre compassion pour son état. Ils la prièrent amicalement de rester chez eux, et d'y attendre le moment de sa délivrance. Ils lui montrèrent une chambre commode qu'ils voulaient lui donner . La femme lui offrit du fond du coeur tous ses soins et toute son amitié.

Mais ils reprirent leur voyage de grand matin, et descendirent par le côté sud-est de la montagne dans une vallée. Ils s'éloignèrent alors davantage de Samarie, où semblait les conduire la direction qu'ils avaient prise jusque-là. Pendant qu'ils descendaient, ils pouvaient voir le temple qui est sur le mont Garizim. On l'aperçoit de très loin. Il y a sur le toit plusieurs figures de lions ou d'autres animaux qui brillent au soleil.

Je les vis faire aujourd'hui environ six lieues ; vers le soir, étant dans une plaine à une lieue au sud-est de Sichem, ils entrèrent dans une assez grande maison de bergers où ils furent bien accueillis. Le maître de la maison était chargé de surveiller des vergers et des champs qui dépendaient d'une ville voisine. La maison n'était pas tout à fait dans la plaine, mais sur une pente. Ici, tout était plus fertile et en meilleure condition que dans le pays parcouru précédemment ; car ici, on était tourné vers le soleil, ce qui, dans la terre promise, fait une différence considérable à ce moment de l'année D'ici jusqu'à Bethléhem il y avait beaucoup de semblables habitations de bergers, dispersées dans les vallées.

Les gens d'ici étaient de ces bergers dont plusieurs serviteurs des trois rois mages, restés en Palestine, épousèrent plus tard les filles. D'une de ces unions provenait un jeune garçon que Notre Seigneur guérit, dans cette même maison, à la prière de la sainte Vierge, le 31 juillet (7 du mois d'Ab), de sa seconde année de prédication, après son colloque avec la Samaritaine. Jésus le prit ainsi que deux autres jeunes gens pour l'accompagner dans le voyage qu'il fit en Arabie, après la mort de Lazare, et il devint plus tard disciple du Sauveur. Jésus s'arrêta souvent ici, et y enseigna Il y avait des enfants dans cette maison. Joseph les bénit avant son départ.

XLVII
Continuation du voyage jusqu'à Bethléhem.

(Le lundi, 19 novembre.)

Aujourd'hui je les vis suivre un chemin plus uni. La sainte Vierge allait de temps en temps à pied. Ils trouvaient plus souvent des haltes commodes où ils se réconfortaient. Ils avaient avec eux des petits pains et une boisson à la fois rafraîchissante et fortifiante, dans de petites cruches très élégantes qui avaient deux anses et brillaient comme du bronze. C'était du baume qu'on mêlait avec l'eau. Ils cueillaient aussi des baies et des fruits qui pendaient encore aux arbres et aux buissons dans certains endroits exposés au soleil. Le siège de Marie sur l'âne avait à droite et à gauche des espèces de rebords sur lesquels les pieds s'appuyaient, de sorte qu'ils ne pendaient pas comme chez les gens de la campagne qui vont à cheval dans notre pays. Ses mouvements étaient singulièrement posés et décents. Elle s'asseyait alternativement à droite et à gauche. La première chose que faisait Joseph quand on faisait une halte ou qu'on entrait quelque part était de chercher une place où la sainte Vierge pût s'asseoir et se reposer commodément. Il se lavait souvent les pieds ainsi que Marie ; en général, ils se lavaient souvent.

Il faisait déjà nuit lorsqu'ils arrivèrent à une maison isolée ; Joseph frappa et demanda l'hospitalité. Mais le maître du logis ne voulut pas ouvrir ; et quand Joseph lui représenta la situation de Marie, qui n'était pas en état d'aller plus loin, ajoutant qu'il ne demandait pas à être logé gratuitement, cet homme dur et grossier répondit que sa maison n'était pas une auberge, qu'il voulait qu'on le laissât tranquille et qu'on cessât de frapper, et autres choses semblables. Cet homme intraitable n'ouvrit même pas, mais fit sa grossière réponse à travers la porte fermée. Ils continuèrent donc leur chemin, et au bout de quelque temps ils entrèrent dans un hangar prés duquel ils trouvèrent l'ânesse arrêtée. Joseph se procura de la lumière et prépara une couche pour la sainte Vierge, qui l'y aida. Il fit aussi entrer l'âne, pour lequel il trouva de la litière et du fourrage. Ils prièrent, mangèrent un peu et dormirent quelques heures.

De la dernière auberge jusqu'ici il pouvait y avoir six lieues de chemin. Ils étaient maintenant à environ vingt-six lieues de Nazareth et à dix de Jérusalem. Jusqu'alors ils n'avaient pas suivi la grand-route, mais avaient traversé plusieurs chemins de communication qui allaient du Jourdain à Samarie, et aboutissaient aux grandes routes qui conduisaient de Syrie en Egypte. Les chemins de traverse qu'ils suivaient étaient très étroits ; dans la montagne, ils étaient souvent si resserrés, qu'il fallait beaucoup de précautions pour y avancer sans broncher. Mais les ânes y marchaient d'un pas très assuré. Leur gîte actuel était sur un terrain uni.

(Le mardi, 20 novembre)

Ils quittèrent cet endroit avant le jour. Le chemin redevint un peu montant. Je crois qu'ils touchèrent à la route qui conduisait de Gabara à Jérusalem, et qui formait en cet endroit la limite entre la Samarie et la Judée. Ils furent encore une fois grossièrement repoussés d'une maison. Comme ils étaient à plusieurs lieues au nord-est de Béthanie, il arriva que Marie étant très fatiguée éprouva le besoin de prendre quelque chose et de se reposer. Alors Joseph se détourna du chemin pour aller à une demi lieue de là dans un endroit où se trouvait un beau figuier, qui était ordinairement chargé de fruits. Cet arbre était entouré de bancs où l'on pouvait se reposer, et Joseph le connaissait depuis un de ses précédents voyages. Mais, quand ils y arrivèrent, ils n'y trouvèrent pas un seul fruit, ce qui les attrista. Je me souviens confusément que plus tard Jésus rencontra cet arbre, qui était couvert de feuilles vertes, mais qui ne portait plus de fruits. Je crois que le Seigneur le maudit dans un voyage qu'il fit après s'être enfui de Jérusalem, et qu'il se dessécha entièrement '.

La soeur était tellement malade lorsqu'elle raconta ceci, qu'elle ne put pas indiquer bien précisément dans quel lieu était ce figuier, qui n'est pas du reste le figuier maudit de l'Evangile.

Ils s'approchèrent ensuite d'une maison dont le maître commença par traiter grossièrement Joseph, qui lui demandait humblement l'hospitalité. Il regarda la sainte Vierge à la lueur de sa lanterne, et railla Joseph de ce qu'il menait avec lui une femme aussi jeune. Mais la maîtresse de la maison s'approcha ; elle eut pitié de la sainte Vierge, leur offrit amicalement une chambre dans un bâtiment attenant à la maison, et leur porta même quelques petits pains. Le mari se repentit aussi de sa grossièreté, et se montra très serviable envers les saints voyageurs.

Ils allèrent plus tard dans une troisième maison, habitée par un jeune ménage. On les y accueillit, mais sans beaucoup de courtoisie : on ne s'occupa guère d'eux. Ces gens n'étaient pas des bergers aux moeurs simples, mais, comme les riches paysans de ce pays, assez occupés d'affaires, de négoce, etc.

Jésus visita une de ces maisons, après son baptême, le 20 octobre (16 du mois de Tisri). On avait fait un oratoire de la chambre où ses parents avaient passé la nuit. Je ne sais pas bien si ce n'était pas la maison dont le maître avait d'abord raillé saint Joseph. Je me souviens confusément qu'on avait fait cet arrangement après les miracles qui signalèrent la naissance du Sauveur.

Joseph fit des haltes fréquentes à la fin du voyage ; car la sainte Vierge en était de plus en plus fatiguée. Ils suivirent le chemin que leur indiquait la jeune ânesse, et firent un détour d'une journée et demie à l'est de Jérusalem. Le père de Joseph avait possédé des pâturages dans cette contrée, et il la connaissait très bien. s'ils avaient traversé directement le désert qui est au midi derrière Béthanie, ils auraient atteint Bethléhem en six heures ; mais ce chemin était montueux et très incommode dans cette saison. Ils suivirent donc l'ânesse le long des vallées et se rapprochèrent un peu du Jourdain.

(Le mercredi, 21 novembre.)

Je vis aujourd'hui les saints voyageurs entrer en plein jour dans une grande maison de bergers, qui pouvait être à trois lieues de l'en. droit où Jean baptisait dans le Jourdain, et à environ sept lieues de Bethléhem. C'est la maison où, trente ans après, Jésus passa la nuit, le il octobre, la veille du jour où, pour la première fois après son baptême, il passa devant Jean-Baptiste. Près de cette maison, se trouvait une grange séparée où étaient déposés les instruments de labourage et ceux dont se servaient les bergers. Il y avait dans la cour une fontaine entourée de bains, qui recevaient par des conduits l'eau de cette fontaine. Le maître de la maison devait avoir des propriétés étendues ; il y avait là une exploitation considérable. Je vis aller et venir plusieurs valets qui prirent là leur repas.

Le maître de la maison accueillit les voyageurs très amicalement et se montra fort serviable. On les conduisit dans une chambre commode, et on prit soin de leur âne. Un domestique lava les pieds de Joseph à la fontaine et lui donna d'autres habits, pendant qu'on nettoyait les siens qui étaient couverts de poussière ; une servante rendit les mêmes offices à la sainte Vierge. Ils prirent leur repas dans cette maison et y dormirent.

La maîtresse de la maison était d'un caractère assez bizarre, et elle resta renfermée dans sa chambre. Elle avait regardé les voyageurs à la dérobée ; et comme elle était jeune et vaine, la beauté de la sainte Vierge lui avait déplu; elle craignait, en outre, que Marie ne s'adressât à elle, ne voulut rester dans sa maison et y faire ses couches ; aussi eut-elle l'impolitesse de ne pas se montrer et prit-elle ses mesures pour que les voyageurs partissent le jour suivant. C'est la femme que Jésus, trente ans après, le il octobre, trouva dans cette maison, aveugle et courbée en deux, et qu'il guérit, après lui avoir donné quelques avis sur son inhospitalité et sa vanité. Il y avait aussi des enfants dans la maison. La sainte Famille y passa la nuit.

(Le jeudi, 22 novembre.)

Aujourd'hui, vers midi, je vis la sainte Famille quitter le lieu où elle avait logé la veille.

Quelques habitants de la maison l'accompagnèrent jusqu'à une certaine distance. Après un court voyage d'environ deux lieues, elle arriva sur le soir à un lieu que traversait une grande route, bordée de chaque coté d'une longue rangée de maisons avec des cours et jardins. Joseph avait des parents qui demeuraient là. Il me semble que c'étaient les enfants du second mariage d'un beau-père ou d'une belle-mère. Leur maison avait beaucoup d'apparence. Ils traversèrent pourtant cet endroit d'un bout à l'autre ; puis, à une demi lieue de là, ils tournèrent à droite dans la direction de Jérusalem, et arrivèrent à une grande auberge, dans la cour de laquelle se trouvait une fontaine avec plusieurs conduits. Il y avait là beaucoup de gens rassemblés : on y faisait des funérailles.

L'intérieur de la maison, au centre de laquelle se trouvait le foyer avec un conduit pour la fumée, avait été transformé en une grande pièce par la suppression de cloisons mobiles qui formaient ordinairement plusieurs chambres séparées ; derrière le foyer étaient suspendues des tentures noires, et en face se trouvait quelque chose qui ressemblait à une bière recouverte en noir. Il y avait là plusieurs hommes qui priaient ; ils portaient de longues robes noires, et par-dessus des robes blanches plus courtes ; quelques-uns avaient une espèce de manipule noir à franges suspendu au bras. Dans une autre chambre se trouvaient les femmes, entièrement enveloppées dans leurs vêtements ; elles étaient assises sur des coffres très bas et pleuraient. Les maîtres de la maison, tout occupés de la cérémonie funèbre, se contentèrent de faire signe aux voyageurs d'entrer ; mais les domestiques les accueillirent très bien et prirent soin d'eux. On leur prépara un logement à part formé avec des nattes suspendues, ce qui le faisait ressembler à une tente. Je vis plus tard les hôtes visiter la sainte Famille et s'entretenir amicalement avec elle. Ils n'avaient plus leurs vêtements blancs de dessus. Joseph et Marie, après avoir pris un peu de nourriture, prièrent ensemble et se reposèrent.

(Le vendredi, 23 novembre.)

Aujourd'hui, vers midi, Joseph et Marie se mirent en route pour Bethléhem, dont ils étaient encore éloignés d'environ trois lieues. La maîtresse de la maison les engagea à rester, parce qu'il lui semblait que Marie pouvait accoucher d'un moment à l'autre. Marie répondit, après avoir baissé son voile, qu'elle avait encore trente-six heures à attendre. Je ne sais pas bien si elle ne dit pas trente-huit. Cette femme les aurait gardés volontiers, non pas pourtant dans sa maison, mais dans un autre bâtiment. Je vis, au moment du départ, Joseph parler de ses ânes avec l'hôte ; il fit l'éloge de ces animaux, et dit qu'il avait pris l'ânesse avec lui pour la mettre en gage en cas de nécessité. Comme les hôtes parlaient de la difficulté de trouver un logement à Bethléhem, Joseph dit qu'il y avait des amis et qu'il y serait certainement bien accueilli. J'étais toujours peinée de l'entendre parler avec tant d'assurance du bon accueil qu'il attendait. Il en parla encore à Marie pendant la route. On voit par là que même d'aussi sainte personnages peuvent se tromper.

XLVIII
Bethléhem. Arrivée de le sainte Famille.

(Le vendredi, 23 novembre.)

Le chemin, depuis le dernier gîte jusqu'à Bethléhem, pouvait être d'à peu près trois lieues. Ils firent un détour au nord de Bethléhem, et s'approchèrent de la ville par le côté du couchant. Ils firent une halte sous un arbre, en dehors de la route. Marie descendit de l'âne et mit ses vêtements en ordre Alors Joseph se dirigea avec elle vers un grand édifice ; entouré d'autres bâtiments plus petits et de cours ; il était à quelques minutes en avant de Bethléhem ; il y avait aussi là des arbres, et beaucoup de gens avaient dressé des tentes alentour. C'était l'ancienne maison de la famille de David, qu'avait possédée le père de Joseph. De parents ou des connaissances de Joseph y habitaient encore, mais ils le traitèrent en étranger et ne voulurent pas le reconnaître. C'était maintenant la maison où l'on recevait les impôts pour le gouvernement romain.

Joseph, accompagné de la sainte Vierge et tenant l'âne par la bride, se rendit à cette maison ; car tous ceux qui arrivaient devaient s'y faire connaître et y recevaient un billet sans lequel or. ne laissait pas entrer à Bethléhem.

La soeur dit ensuite, mettant quelques intervalles entre ses paroles : La jeune ânesse n'est pas avec eux ; elle court autour de la ville, vers le midi ; il y a là un petit vallon. Joseph est entré dans le grand bâtiment ; Marie est dans une petite maison sur la cour, avec des femmes. Elles sont assez bienveillantes pour elle et lui donnent à manger... Ces femmes font la cuisine pour les soldats... Ce sont des soldats romains ; ils ont des courroies qui pendent autour des reins... Il fait ici un temps agréable et pas du tout froid ; le soleil se montre au-dessus de la montagne qui est entre Jérusalem et Béthanie. On a d'ici une très belle vue... Joseph est dans une grande pièce qui n'est pas au rez-de-chaussée ; on lui demande qui il est, et on consulte de grands rouleaux, dont plusieurs sont suspendus aux murs ; on les déploie, et on lit sa généalogie et aussi celle de Marie. Il ne paraissait pas savoir qu'elle aussi, par Joachim, descend en droite ligne de David... L'homme lui demande où est sa femme.

Il y a sept ans qu'on n'a taxé régulièrement les gens de ce pays ; il y a eu du désordre et de la confusion. Cet impôt est en vigueur depuis deux mois ; ou le payait de temps en temps pendant les sept années précédentes, mais pas régulièrement. Il faut maintenant payer deux fois. Joseph est arrivé un peu tard pour payer l'impôt ; mais on l'a traité très poliment. Il n'a pas encore payé. On lui a demandé quels étaient ses moyens d'existence, et il a répondu qu'il n'avait pas de biens-fonds, qu'il vivait de son métier et qu'il était en outre aidé par sa belle mère.

Il y a une grande quantité d'écrivains et d'employés importants dans la maison. Dans le haut sont des Romains et plusieurs soldats ; il y a des pharisiens, des saducéens, des prêtres, des anciens, un certain nombre de scribes et de fonctionnaires, tant Juifs que Romains. II n'y a pas de comité de ce genre à Jérusalem, mais il s'en trouve en plusieurs autres endroits du pays : par exemple, à Magdalum, près du lac de Génésareth, où des gens de la Galilée viennent payer, ainsi que des gens de Sidon, à cause de certaines affaires de commerce, à ce que je suppose : il n'y a que ceux qui n'ont pas de biens-fonds d'après lesquels on puisse les taxer, qui soient obligés de se rendre au heu de leur naissance.

Le produit de l'impôt, d'ici à trois mois, sera divisé en trois parties dont chacune aura une destination différente. La première est au profit de l'empereur Auguste, d'Hérode et d'un autre prince qui habite dans le voisinage de l'Egypte. Il a pris part à une guerre et il possède des droits sur une portion du pays, ce qui fait qu'on doit lui payer quelque chose. La seconde part est pour la construction du temple : il semble qu'elle doive servir à éteindre une dette. La troisième part doit être pour les veuves et les pauvres qui n'ont rien reçu depuis longtemps ; mais, comme il arrive souvent de nos jours, cet argent ne va guère à qui de droit. On donne de beaux prétextes pour lever ces impôts et presque tout reste dans les mains des gens puissants.

Quand ce qui concernait Joseph fut réglé, on fit venir aussi la sainte Vierge devant les scribes, mais ils ne lui lurent pas leurs papiers. Ils dirent à Joseph qu'il n'aurait pas été nécessaire qu'il amenât sa femme avec lui, et ils eurent l'air de le plaisanter à cause de la jeunesse de Marie, ce qui le rendit un peu confus.

XLIX
Joseph cherche inutilement un logement.
Ils vont à la grotte de la crèche.

Ils entrèrent alors à Bethléem dont les maisons étaient séparées les unes des autres par d'assez longs intervalles. On entrait à travers des décombres et comme par une porte détruite. Marie se tint tranquillement près de l'âne au commencement de la rue, et Joseph chercha vainement un logement dans les premières maisons, car il y avait beaucoup d'étrangers à Bethléhem, et on voyait beaucoup de gens courant ça et là. Il revint vers Marie, et lui dit qu'on ne pouvait pas trouver à se loger là, et au il fallait aller plus avant dans la ville. Il conduisit l'âne par la bride, pendant que la sainte Vierge marchait à côté de lui. Quand ils furent à l'entrée d'une autre rue, Marie resta de nouveau près de l'âne, pendant que Joseph allait de maison en maison sans pouvoir en trouver une où l'on voulût le recevoir. Il revint bientôt tout attristé. Cela se répéta plusieurs fois, et souvent la sainte Vierge eut bien longtemps à attendre. Partout la place était prise, partout on le rebuta, et il finit par dire à Marie qu'il fallait aller dans une autre partie de Bethléhem, où ils trouveraient sans doute ce qu'ils cherchaient. Ils revinrent alors sur leurs pas, dans la direction contraire à celle qu'ils avaient prise en venant, puis ils tournèrent au midi. Ils suivirent une rue qui ressemblait plutôt à un chemin dans la campagne, car les maisons étaient isolées et placées sur de petites élévations. La aussi. toutes les tentatives furent vaines.

Arrivés de l'autre côté de Bethléhem, où les maisons étaient encore plus dispersées, ils y trouvèrent un grand espace vide situé dans un fond : c'était comme un champ désert dans la ville. Il y avait là une espèce de hangar, à peu de distance un grand arbre assez semblable à un tilleul, dont le tronc était lisse, et dont les branches s'étendaient au loin et formaient comme un toit autour de lui. Joseph conduisit la sainte Vierge à cet arbre ; il lui arrangea avec des paquets un siège commode au pied du tronc ; afin qu'elle pût se reposer pendant qu'il chercher : il fit encore un logement dans les maisons d'alentour. l'âne resta la tête tournée vers l'arbre. Marie se tint d'abord debout, appuyée contre le tronc. Sa robe de laine blanche n'avait pas de ceinture et tombait en plis autour d'elle, sa tête était couverte d'un voile blanc. Plu sieurs personnes passèrent et la regardèrent, ne sachant pas que leur Sauveur fût si près d'elles. Combien elle était patiente, humble et résignée ! Il lui fallut attendre bien longtemps, et elle s'assit enfin sur les couvertures, les mains jointes sur la poitrine et la tête baissée. Joseph revint tout triste vers elle ; il n'avait pas pu trouver de logement. Les amis dont il avait parlé à la sainte Vierge voulaient à peine le reconnaître. Il pleurait et Marie le consolait. Il alla encore de maison en maison, mais comme. pour faire mieux accueillir ses prières, il parlait de la prochaine délivrance de sa femme, il s'attirait par là des refus plus formels.

Le lieu était solitaire ; mais à la fin quelques passants s'étaient arrêtés et regardaient de loin avec curiosité, comme on fait ordinairement quand on voit quelqu'un rester longtemps à la même place à la chute du jour. Je crois que quelques-uns adressèrent la parole à Marie et lui demandèrent qui elle était. Enfin Joseph revint : il était tellement troublé qu'il osait à peine s'approcher d'elle. Il lui dit que tout était inutile, mais qu'il connaissait en avant de la ville un endroit où les bergers s'établissaient souvent quand ils venaient à Bethléhem avec leurs troupeaux, et qu'ils trouveraient là au moins un abri. Il connaissait ce lieu depuis sa jeunesse : quant ses frères le tourmentaient, il s'y retirait souvent pour y prier à l'abri de leurs persécutions. Il disait que si les bergers y venaient, il s'arrangerait aisément avec eux, et que du reste ils s'y tenaient rarement à cette époque de l'année. Quand elle y serait tranquillement établie, ajoutait-il, il ferait de nouvelles recherches

Ils sortirent alors par le côté oriental de Bethléhem, suivant un sentier désert qui tournait à gauche. C'était un chemin semblable à celui que l'on suivrait en marchant le long des- murs écroulés, des fossés et des fortifications en ruine d'une petite ville. Le chemin montait d'abord un peu, puis il descendait la pente d'un monticule, et il les conduisit, à quelques minutes à l'est de Bethléhem, devant le lieu qu'ils cherchaient, près d'une colline ou d'un vieux rempart en avant duquel se trouvaient quelques arbres. C'étaient des arbres verts (des térébinthes ou des cèdres), et d'autres arbres qui avaient des petites feuilles comme celles du buis.

Nous voulons maintenant, autant que possible, décrire les alentours de la colline et la disposition intérieure de la grotte de la Crèche, d'après les indications données à plusieurs reprises par la soeur Emmerich, afin de n'avoir pas à interrompre plus tard la narration.

L.
Description de la grotte de la Crèche et de ses alentours.

A l'extrémité méridionale de la colline autour de laquelle tournait le chemin qui conduisait dans la vallée des bergers, se trouvait, indépendamment de plusieurs autres grottes ou caves creusées dans le roc, la grotte où Joseph chercha un abri pour la sainte Vierge. L'entrée, tournée au couchant, conduisait par un passage étroit à une espèce de chambre, arrondie d'un côté, triangulaire de l'autre, située dans la partie orientale de la colline. La grotte était creusée dans le roc par la nature ; seulement du côté du midi où passait le chemin qui conduisait à la vallée des bergers, on avait fait quelques réparations au moyen d'une maçonnerie grossière.

De ce côte ; qui regardait le midi, il y avait une autre entrée. Mais elle était ordinairement bouchée, et Joseph la rouvrit pour son usage. En sortant par là, on trouvait à main gauche une ouverture plus large qui conduisait à un caveau étroit, incommode, placé à une plus grande profondeur et allant jusque sous la grotte de la Crèche. L'entrée ordinaire de la grotte de la Crèche regardait le couchant. On pouvait voir de là les toits de quelques maisons de Bethléhem. Si en sortant par là on tournait à droite, on arrivait à l'entrée d'une grotte plus profonde et plus obscure, dans laquelle la sainte Vierge se cacha une fois.

Il y avait devant l'entrée du couchant un toit de jonc, appuyé sur des pieux, qui se prolongeait aussi au midi jusqu'au-dessus de l'entrée qui était de ce côté, en sorte qu'on pouvait être à l'ombre devant la grotte. A sa partie méridionale, la grotte avait dans le haut trois jours grillés par où venaient l'air et la lumière ; une ouverture semblable se trouvait dans la voûte du rocher. Elle était recouverte de gazon et formait l'extrémité de la hauteur sur laquelle Bethléhem était située.

L'intérieur de la grotte, suivant les descriptions données par la soeur à plusieurs reprises, était à peu près disposé comme il suit : du côté du couchant, on entrait par une porte de branches entrelacées dans un corridor de moyenne largeur, aboutissant à une chambre de forme irrégulière, moitié ronde, moitié triangulaire, laquelle s'étendait surtout du côté du midi, en sorte que le plan de la grotte entière pouvait être comparé à une tête reposant sur son cou.

Quand on passait, du corridor qui était moins élevé, dans là grotte creusée par la nature, on descendait sur un sol plus bas ; cependant le sol se relevait tout autour de la grotte, qui était entourée comme d'un banc de pierre de largeur variable. Les parois de la grotte, sans être tout à fait polies, étaient cependant assez unies et assez propres et avaient pour moi quelque chose d'agréable à voir. Au nord du corridor se trouvait l'entrée d'une grotte latérale plus petite. En passant devant cette entrée on arrivait à l'endroit où Joseph allumait le feu ; puis la paroi tournait au nord-est dans l'autre grotte plus spacieuse et plus élevée. Ce fut là que plus tard fut mis l'âne de Joseph. Derrière cette place était un recoin assez grand pour recevoir l'âne et où il y avait du fourrage.

C'était dans la partie orientale de cette grotte, en face de l'entrée, que se trouvait la sainte Vierge lorsque la lumière du monde sortit d'elle. Dans la partie qui s'étendait au midi se trouvait la crèche où l'on adora l'Enfant Jésus. La crèche n'était autre chose qu'une auge creusée dans la pierre qui servait pour faire boire les bestiaux. Au-dessus était une mangeoire évasée, formée d'un treillis en bois et élevée sur quatre pieds, de façon que les animaux pouvaient prendre commodément l'herbe ou le foin qu'on y avait placés, et n'avaient qu'à baisser la tête pour boire dans l'auge de pierre qui était au-dessous.

C'était en face de la crèche, au levant de cette partie de la grotte, qu'était assise 'a sainte Vierge avec l'Enfant-Jésus quand les trois rois mages offrirent leurs présents Si en partant de la crèche on tournait à l'ouest dans le corridor qui précédait la grotte, on passait devant l'entrée méridionale déjà mentionnée, et on arrivait à un endroit dont saint Joseph fit plus tard sa chambre en le séparant du reste avec des cloisons en clayonnage. Il y avait de ce côté un enfoncement où il déposait toute sorte de choses.

En dehors de la partie méridionale de la grotte passait le chemin qui menait à la vallée des bergers. Il y avait ça et là sur des collines de petites maisons, et dans la plaine quelques hangars avec des toits de roseaux portés sur des pieux. Au-devant de la grotte, la colline s'abaissait dans une vallée sans issue, fermée au nord et large d'environ un demi quart de lieue.

Il y avait la des buissons, des arbres et des jardins En traversant une belle prairie où coulait une source, et en passant sous des arbres rangs régulièrement, on arrivait au côté oriental de cette vallée, ou se trouvait, dans une colline faisant saillie, la grotte du tombeau de Maraha, nourrice d'Abraham. Cette grotte est appelée aussi grotte au Lait ; la sainte Vierge y séjourna avec l'Enfant-Jésus en diverses occasions. Au-dessous était un grand arbre dans lequel on avait pratiqué des sièges. On voyait mieux Bethléhem de cet endroit que de l'entrée de la grotte de la Crèche.

J'ai appris beaucoup de choses qui se sont passées anciennement dans la grotte de la Crèche. Je me souviens seulement que Seth, l'enfant de la promesse, y fut conçu et mis au monde par Eve, après une pénitence de sept ans.

C'est là qu'un ange lui dit que Dieu lui avait donné ce rejeton à la place d'Abel. Seth fut caché et nourri dans cette grotte et dans cette de Maraha, car ses frères en voulaient à sa vie, comme les enfants de Jacob à celle de Joseph. A une époque très reculée où les hommes habitaient dans des grottes, je les ai vus souvent faire des excavations dans la pierre pour qu'eux et leurs enfants pussent y dormir commodément sur des peaux de bêtes ou sur des lits de gazon. L'excavation pratiquée dans le rocher, sous la crèche, peut donc avoir servi de couche à Seth ou à des habitants postérieurs de la grotte. Je n'en ai pourtant pas la certitude.

Je me souviens aussi d'avoir vu, dans mes contemplations sur les années de la prédication de Jésus, que, le 6 octobre, le Seigneur, après son baptême, célébra le sabbat dans la grotte de la Crèche, dont les bergers avaient fait un oratoire.

LI
La grotte du tombeau de Maraha, nourrice d'Abraham.

Abraham avait une nourrice, appelée Maraha, qu'il honorait particulièrement et qui atteignit un âge très avancé ; elle le suivait partout dans ses voyages, montée sur un chameau. Elle vécut longtemps près de lui à Succoth. Plus tard dans ses derniers jours, elle le suivit aussi dans la vallée des bergers, où il avait dressé ses tentes dans les environs de cette grotte. Ayant dépassé sa centième année. et voyant sa dernière heure approcher, elle demanda à Abraham d'être enterrée dans cette grotte, sur laquelle elle fit des prédictions et à laquelle elle donna le nom de grotte du Lait ou grotte de la Nourrice.

Il arriva là quelque chose de miraculeux que j'ai oublié, et une source sortit de terre. La grotte était alors un corridor étroit et élevé, creusé dans une matière blanche qui n'était pas très dure. D'un côté était une couche de cette matière qui ne montait pas jusqu'à la voûte.En montant par dessus cette couche, on pouvait arriver à l'entrée d'autres grottes placées plus haut.

La grotte fut agrandie plus tard, parce qu'Abraham y pratiqua dans la partie latérale une excavation pour le tombeau de Maraha. Sur un gros bloc de pierre reposait comme une auge également en pierre supportée par des pieux courts et épais. Je fus étonnée de ne plus rien y voir au temps de Jésus.

Cette grotte du tombeau de la nourrice avait un rapport prophétique avec la mère du Sauveur nourrissant son fils pendant la persécution : car, dans l'histoire de la jeunesse d'Abraham, il se trouva aussi une persécution figurative, et sa nourrice lui sauva la vie en le cachant dans une grotte.

Il est à remarquer que Pline, I. v, c. 18, dit que Schytopolis (non qu'on donne aussi à Succoth) s'appelait anciennement Nysa, parce que Bacchus y avait enterré sa nourrice nommée Nysa.

Je me souviens en gros de ce qui suit : Le roi qui régnait dans la patrie d'Abraham eut un songe où on lui fit une prédiction sur un enfant qui allait naître et qui devait être dangereux pour lui. Il prit des mesures en conséquence. La grossesse de la mère d'Abraham fut tenue secrète, et elle se cacha dans une grotte pour le mettre au monde. Maraha, sa nourrice, l'allaita en secret. Elle vécut comme une pauvre esclave, travaillant dans me solitude près d'une grotte dans laquelle elle nourrissait l'enfant. Ses parents le reprirent plus tard près d'eux ; et, comme il était beaucoup plus grand que son âge ne le comportait, on le fit passer pour un enfant né antérieurement à la prédiction faite au roi. Étant encore enfant, il courut pourtant des dangers à cause de certaines manifestations merveilleuses, et la nourrice le cacha de nouveau. Je la vis l'emporter secrètement sous son large manteau. On fit mourir alors plusieurs enfants de sa taille.

Cette grotte, depuis l'époque d'Abraham, était un lieu de dévotion, surtout pour les mères et les nourrices, et il y avait là quelque chose de prophétique ; car on vénérait dans la nourrice d'Abraham la figure de la sainte Vierge, de même qu'Elie l'avait vue dans la nuée qui apportait la pluie, et lui avait érigé un oratoire sur le Carmel. Maraha avait coopéré, en quelque sorte, à l'avènement du Messie, puisqu'elle avait nourri de son lait l'aïeul de la sainte Vierge. Je ne puis pas bien m'exprimer, mais c'était comme un puits profond allant jusqu'à la source de la vie universelle, et on y puisa toujours jusqu'à ce que Marie y montât comme une eau limpide. Ainsi s'exprima la soeur dans un sommeil extatique.

L'arbre qui était au-dessus de cette grotte étendait au loin son ombre comme un immense tilleul ; il était large par en bas et se terminait en pointe. C'était un térébinthe. Abraham se trouva avec Melchisédech sous cet arbre ; je ne sais pas bien à quelle occasion. Ce vieil arbre avait quelque chose de sacré pour les bergers et les gens d'alentour. On aimait à se reposer sous son ombre et à y prier. Je ne sais plus bien l'histoire de cet arbre, peut-être que c'était Abraham qui l'avait planté. Il y avait à côté une fontaine où les bergers allaient prendre de l'eau à certains moments ; ils lui attribuaient des vertus particulières. Des deux côtés de l'arbre se trouvaient des cabanes ouvertes où l'on pouvait dormir. Tout cela était entouré d'une haie. Sainte Hélène bâtit là une église ; on y a aussi dit la messe.

LII
La sainte Famille entre dans la Grotte de la Crèche.

(Le vendredi, 23 novembre.)

Il était déjà tard quand ils arrivèrent devant l'entrée de la grotte. La jeune ânesse. qui, depuis qu'ils étaient entrés dans la maison paternelle de Joseph, avait couru de côté et d'autre autour de la ville, vint alors à leur rencontre et se mit à sauter joyeusement auprès d'eux. Alors la sainte Vierge dit à Joseph : " voyez, c'est certainement la volonté de Dieu que nous entrions ici ". Joseph mit l'âne sous l'espèce de toit qui était en avant de l'entrée de la grotte ; il prépara un siège pour la sainte Vierge, et elle s'y assit pendant qu'il se procurait de la lumière et entrait dans la grotte. L'entrée était un peu obstruée par des bottes de paille et des nattes posées contre les parois. Il y avait aussi dans la grotte même divers objets qui l'encombraient, Joseph la débarrassa de manière à préparer à la sainte Vierge une place commode du côté oriental de la grotte. Il attacha une lampe allumée à la paroi, et fit entrer Marie, qui se plaça sur le lit de repos qu'il lui avait préparé avec des couvertures et quelques paquets. Il s'excusa humblement de n'avoir pu lui procurer qu'un si mauvais gîte ; mais Marie, intérieurement, était contente et joyeuse.

Quand elle se fut installée, Joseph sortit avec une outre de cuir qu'il portait avec lui, et alla derrière la colline, dans la prairie où coulait un petit ruisseau ; il remplit l'outre d'eau et la rapporta dans la grotte. Il alla ensuite dans la ville, où il se procura de petits plats et du charbon. Le sabbat était proche, et, à cause des nombreux étrangers auxquels manquaient les choses les plus indispensables, on avait dressé au coin des rues des tables sur lesquelles étaient les aliments dont ils pouvaient avoir besoin. Je crois qu'il y avait là des gens qui n'étaient pas Juifs.

Joseph revint, portant des charbons allumés dans une espèce de botte grillée, il les plaça à l'entrée de la grotte, et alluma du feu avec un petit fagot de morceaux de bois sec ; il apprêta ensuite un repas, qui se composait de petits pains et de quelques fruits cuits. Quand ils eurent mangé et prié, Joseph prépara une couche pour la sainte Vierge. Il étendit sur une litière de jonc une couverture semblable à celles que j'avais vues dans la maison de sainte Anne, et plaça une autre couverture roulée pour appuyer la tête. Après avoir fait entrer l'âne et l'avoir attaché dans un endroit où il ne pouvait pas gêner, il boucha les ouvertures de la voûte par où l'air venait, et disposa la place où lui-même devait reposer dans l'entrée de la grotte.

Quand le sabbat commença, il se tint avec la sainte Vierge sous la lampe, et récita avec elle les prières dur sabbat ; il quitta ensuite la grotte et s'en alla à la ville. Marie s'enveloppa pour se livrer au repos. Pendant l'absence de Joseph, je vis la sainte Vierge prier à genoux. Elle s'agenouilla sur sa couche ; puis elle s'étendit sur la couverture, couchée sur le côté. Sa tête reposait sur son bras, qui était posé sur l'oreiller. Joseph revint tard. Il pria encore, et se plaça humblement sur sa couche à l'entrée de la grotte.

(Le samedi, 24 novembre.)

Ce jour-là la soeur était très malade et ne put dire que peu de choses ; elle communiqua pourtant ce qui suit :

La sainte Vierge passa le sabbat dans la grotte de la Crèche, priant et méditant avec une grande ferveur. Joseph sortit plusieurs fois ; il alla probablement à la synagogue de Bethléhem. Je les vis manger des aliments prépares les jours précédents et prier ensemble. Dans l'après-midi, temps où les Juifs font ordinairement leur promenade le jour du sabbat, Joseph conduisit la sainte Vierge à la grotte du tombeau de Maraha, nourrice d'Abraham. Elle resta quelque temps dans cette grotte, qui était plus spacieuse que celle de la crèche, et où Joseph lui arrangea un siège; elle se tint aussi sous l'arbre qui était auprès, toujours priant et méditant jusqu'après la clôture du sabbat. Joseph alors la ramena. Marie avait dit à son époux que la naissance de l'enfant aurait lieu ce jour même, à minuit ; car c'était à cette heure que se terminaient les neuf mois écoulés depuis que l'ange du Seigneur l'avait saluée. Elle l'avait prié de faire en sorte qu'ils pussent honorer de leur mieux, à son entrée dans le monde, l'enfant promis par Dieu et conçu surnaturellement. Elle lui demanda aussi de prier avec elle pour les gens au coeur dur qui n'avaient pas voulu lui donner l'hospitalité. Joseph offrit à la sainte Vierge de faire venir pour l'assister deux pieuses femmes de Bethléhem qu'il connaissait. Elle ne le voulut pas, et lui dit qu'elle n'avait besoin du secours de personne.

Joseph alla à Bethléhem avant la fin du` sabbat, et aussitôt que le soleil fut couché, il acheta quelques objets nécessaires, une écuelle, une petite table basse, des fruits et des raisins secs, qu'il rapporta à la grotte de la Crèche ; il alla de là à la grotte de Maraha, et ramena la sainte Vierge à celle de la crèche, où elle s'assit sur la couverture. Joseph prépara encore des aliments. Ils mangèrent et prièrent ensemble. Il établit alors une séparation entre la place qu'il avait choisie pour y dormir et le reste de la grotte, à l'aide de quelques perches auxquelles il suspendit des nattes qu'il avait trouvées là ; il donna à manger à l'âne qui était à gauche de l'entrée, attaché à la paroi de la grotte ; il remplit ensuite la mangeoire de la crèche de roseaux et d'herbe ou de mousse, et il étendit par-dessus une couverture.

Comme alors la sainte Vierge lui dit que son terme approchait et l'engagea à se mettre en prières dans sa chambre, il suspendit à la voûte plusieurs lampes allumées, et sortit de la grotte parce qu'il avait entendu du bruit devant l'entrée. Il trouva là la jeune ânesse qui, jusqu'alors, avait erré en liberté dans la vallée des bergers ; elle paraissait toute joyeuse, et jouait et bondissait autour de lui Il l'attacha sous l'auvent qui était devant la grotte et lui donna du fourrage.

Quand il revint dans la grotte, et qu'avant d'entrer dans son réduit, il jeta les yeux sur la sainte Vierge, il la vit qui priait à genoux sur sa couche ; elle lui tournait le des et regardait du côté de l'orient. Elle lui parut comme entourée de flammes, et toute la grotte semblait éclairée d'une lumière surnaturelle. Il regarda comme Moise lorsqu'il vit le buisson ardent ; puis, saisi d'un saint effroi, il entra dans sa cellule et s'y prosterna la face contre terre.

LIII
Naissance du Christ.

Je vis la lumière qui environnait la sainte Vierge devenir de plus en plus éclatante ; la lueur de la lampe allumée par Joseph n'était plus visible. Marie, sa large robe sans ceinture étalée autour d'elle, était à genoux sur sa couche, le visage tourné vers l'orient.

Quand vint l'heure de minuit, elle fut ravie en extase. Je la vis élevée de terre à une certaine hauteur. Elle avait les mains croisées sur la poitrine. La splendeur allait croissant autour d'elle ; tout semblait ressentir une émotion joyeuse, même les êtres inanimés. Le roc qui formait le sol et les parvis de la grotte étaient comme vivants dans la lumière. Mais bientôt je ne vis plus la voûte ; une voie lumineuse, dont l'éclat augmentait sans cesse, allait de Marie jusqu'au plus haut des cieux. Il y avait là un mouvement merveilleux de gloires célestes, qui, s'approchant de plus en plus, se montrèrent distinctement sous la l'orme de choeurs angéliques. La sainte Vierge, élevée de terre dans son extase, priait et abaissait ses regards sur son Dieu dont elle était devenue ta mère, et qui, faible enfant nouveau-né, était couché sur la terre devant elle.

Je vis notre Sauveur comme un petit enfant lumineux, dont l'éclat éclipsait toute la splendeur environnante, couché sur le tapis devant les genoux de la sainte Vierge. Il me semblait qu'il était tout petit et grandissait sous mes yeux ; mais tout cela n'était que le rayonnement d'une lumière tellement éblouissante que je ne puis dire comment j'ai pu la voir.

La sainte Vierge resta encore quelque temps dans son extase Puis, je la vis mettre un linge sur l'enfant, mais elle ne le toucha pas et ne le prit pas encore dans ses bras. Après un certain intervalle, je vis l'Enfant-Jésus se mouvoir et je l'entendis pleurer ; ce fut alors que Marie sembla reprendre l'usage de ses sens. Elle prit l'enfant, l'enveloppa dans le linge dont elle l'avait recouvert et le tint dans ses bras contre sa poitrine. Elle s'assit ensuite, s'enveloppa tout entière avec l'enfant dans son voile, et je crois qu'elle l'allaita. Je vis alors autour d'elle des anges, sous forme humaine, se prosterner devant le nouveau-né et l'adorer.

Il s'était bien écoulé une heure depuis la naissance de l'enfant, lorsque Marie appela saint Joseph, qui priait encore la face contre terre. s'étant approché, il se prosterna plein de joie, d'humilité et de ferveur. Ce ne fut que lorsque Marie l'eut engagé à presser contre son coeur le don sacré du Très-Haut, qu'il se leva, reçut l'Enfant-Jésus dans ses bras et remercia Dieu avec des larmes de joie.

Alors la sainte Vierge emmaillota l'Enfant-Jésus. Marie n'avait que quatre langes avec elle. Je vis ensuite Marie et Joseph s'asseoir par terre l'un près de l'autre. Ils ne disaient rien et semblaient tous deux absorbés dans la contemplation. Devant Marie, emmailloté ainsi qu'un enfant ordinaire, était couché Jésus nouveau né, beau et brillant comme un éclair. "Ah! me disais-je, ce lieu contient le salut du monde entier, et personne ne s'en doute.'

Ils placèrent ensuite l'enfant dans la crèche. Ils l'avaient remplie de roseaux et de jolies plantes sur lesquels était étendue une couverture ; elle était au-dessus de l'auge creusée dans le roc, à droite de l'entrée de la grotte, qui s'élargissait là dans la direction du midi. Quand ils eurent mis l'enfant dans la crèche, tous deux se tiennent à côté de lui versant des larmes de joie et chantant des cantiques de louange. Joseph arrangea alors le lit de repos et le siège de la sainte Vierge à côté de la crèche. Je la vis avant et après la naissance de Jésus habillée d'un vêtement blanc qui l'enveloppait tout entière Je la vis là pendant les premiers jours, assise, agenouillée, debout ou même couchée sur le côte et dormant, mais jamais malade ni fatiguée.

LIV
Gloria in excelsis.
La naissance du Christ annoncée aux bergers.

Je vis en beaucoup de lieux, jusque dans les pays les plus éloignés, une joie inaccoutumée et un mouvement extraordinaire pendant cette nuit. Je vis les coeurs de beaucoup d'hommes de bien animes d'un désir joyeux, et ceux des méchants pleins d'angoisse et de trouble. Je vis beaucoup d'animaux faire éclater leur allégresse par leurs mouvements, des fleurs relever la tête, des plantes et des arbres reprendre comme une nouvelle vie, et répandre au loin des parfums. Je vis aussi des sources jaillir de terre. Ainsi, au moment où le Sauveur naquit, une source abondante jaillit dans la grotte qui était dans la colline au nord de la grotte de la Crèche. Joseph la vit le lendemain et lui prépara un écoulement. Au-dessus de Bethléem, le ciel était d'un rouge sombre, tandis que sur la grotte de la Crèche, sur la vallée voisine de la grotte de Maraha et sur la vallée des bergers, on voyait une vapeur brillante.

Dans la vallée des bergers, à une lieue et demie environ de la grotte de 'a Crèche, s'élevait une colline où commençaient des vignes, qui s'étendaient de là jusqu'à Gaza. Contre cette colline étaient les cabanes de trois bergers, qui étaient les chefs des familles de pasteurs demeurant alentour. A une distance double de la grotte de la crèche se trouvait ce qu'on appelait la tour des bergers. C'était un grand échafaudage pyramidal en charpente, ayant pour base des quartiers de rocher, placé au milieu d'arbres verdoyants, et s'élevant sur une colline isolée au milieu de la plaine. Il était entouré d'escaliers, de galeries avec des espèces de tourelles couvertes, et tout était comme tapissé de nattes. Il avait quelque ressemblance avec ces tours de bois au haut desquelles on observait les astres dans le pays des trois rois mages, et cela faisait de loin l'effet d'un grand vaisseau avec beaucoup de mats et de voiles. De cette tour, on avait une vue étendue sur tout le pays d'alentour. On voyait Jérusalem et même la montagne de la Tentation dans le désert de Jéricho. Les bergers avaient là des veilleurs pour surveiller la marche des troupeaux et les avertir, en sonnant du cor, dans le cas d'une invasion de voleurs ou de gens de guerre qu'on pouvait voir de là à une grande distance.

Les familles des bergers habitaient alentour dans un rayon de plus de deux lieues ; elles occupaient des métairies isolées, entourées de jardins et de champs ; près de la tour était le lieu où ils se rassemblaient ; c'était là que se tenaient les gardiens chargés de veiller sur le mobilier commun. Le long de la colline où la tour s'élevait étaient des cabanes, et à part de celles-ci un grand hangar à plusieurs compartiments, où les femmes des gardiens demeuraient et préparaient les aliments. Je vis cette nuit les troupeaux près de la tour ; une partie était en plein air ; une autre partie était sous un hangar, près de la colline des trois bergers.

Quand Jésus naquit, je vis les trois bergers, frappés de l'aspect inaccoutumé de cette nuit merveilleuse, se tenir devant leurs cabanes ; ils regardaient autour d'eux et considéraient avec étonnement une lumière extraordinaire au-dessus de la grotte de la Crèche. Je vis aussi s'agiter des bergers qui étaient près de la tour ; je les vis monter sur l'échafaudage et regarder du côté de la grotte de la Crèche. Comme les trois bergers avaient les veux tournés vers le ciel, je vis une nuée lumineuse s'abaisser vers eux. Pendant qu'elle s'approchait, j'y remarquai un mouvement, j'y vis se dessiner des formes et des figures, et j'en. tendis des chants harmonieux, d'une expression joyeuse, et qui devenaient de plus en plus distincts. Les bergers furent d'abord effrayés, mais un ange parut devant eux, et Leur dit : "Ne craignez rien ; car je viens vous annoncer une grande joie pour tout le peuple d'Israel. C'est qu'aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né un sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. Pendant que l'ange annonçait ceci, la splendeur devint de plus en plus grande autour de lui, et je vis cinq ou sept grandes figures d'anges, belles et lumineuses. Ils tenaient dans leurs mains comme une longue banderole où était écrit quelque chose en lettres hautes comme la main, et je les entendis louer Dieu et chanter : " Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ".

Les bergers de la tour eurent la même apparition, mais un peu plus tard. Les anges apparurent aussi à un troisième groupe de bergers, près d'une fontaine située à trois lieues de Bethléhem, à l'est de la tour des bergers.

La mention d'une banderole dans les mains des anges pourrait faire supposer que la soeur s'est souvenue d'avoir vu pareille chose dans quelque tableau, et que ce souvenir s'est confondu avec son intuition intérieure. Mais on pourrait demander qui a peint le premier de ps reiues banderoles dans les mains des anges, qui, en général, a eu la première idée de placer des banderoles où des paroles sont écrites dans la bouche ou dans les mains des personnages qui sont représentes parlants ? Nous ne voyons pas là une invention des peintres, mais une tradition qui leur est venue de l'antiquité, et cela par des tableaux où des hommes contemplatits avaient représenté ce qui leur était apparu à eux-mêmes dans leurs visions. Il est donc possible que les bergers avaient vu une semblable banderole dans les mains des anges.

Je ne vis pas les bergers aller immédiatement à la grotte de la Crèche, dont ils étaient éloignés, les uns d'une lieue et demie, les autres du double ; mais je les vis se consulter pour savoir ce qu'ils porteraient au nouveau-né, et préparer leurs présents avec toute la promptitude possible. Ils n'arrivèrent à la crèche qu'à l'aurore.




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(A suivre...)
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Message par M1234 Mar 4 Avr 2017 - 10:58

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BIENHEUREUSE
ANNE CATHERINE EMMERICH
religieuse et visionnaire
(1774-1824)

LA DOULOUREUSE PASSION
DE N. S. JÉSUS-CHRIST

– 1 –

AVANT-PROPOS

Le soir du 18 février 1823, un ami de la malade s'approcha de son lit où elle semblait dormir ; frappé de la belle et douloureuse expression de son visage, il se sentit élevé vers Dieu par un rapide élan de l’âme, et offrit au Père céleste la Passion du Sauveur, en l'unissant aux souffrances de tous ceux qui ont porté sa croix après lui. Pendant cette courte prière, il fixa un moment ses regards sur les mains stigmatisées de la Sœur. Aussitôt elle les cacha sous sa couverture, tressaillant comme si on l’eût frappée inopinément. Surpris de ce mouvement, il lui demanda : “Que vous est-il arrivé ?” — “Bien des choses”, répondit la malade d'un ton très expressif. Pendant qu'il réfléchissait sur le sens de cette réponse, elle sembla plongée dans un profond sommeil qui dura un quart d'heure. Puis elle se leva tout à coup sur son séant avec la vivacité de quelqu'un qui soutiendrait une lutte violente ; elle étendit les deux bras, le poing fermé, comme si elle repoussait un ennemi placé au côté gauche de son lit, et elle s'écria, pleine de colère : “Que prétends-tu avec ce contrat de Magdalum ?” Son ami, qui ne comprenait rien à cette exclamation, lui demanda tout surpris : “Qui donc prétend quelque chose avec un contrat de Magdalum ?” Sur quoi elle répondit avec la chaleur d'une personne qu'on interrogerait pendant une querelle : “Oui, c'est ce maudit, ce menteur dès le commencement, Satan qui lui reproche le contrat de Magdalum, d'autres encore, et dit qu’il a dépensé tout cela pour lui-même”. Sur la demande : “Qui est-ce qui a dépensé ? A qui parle-t-on ainsi ?” Elle répond : “A Jésus, mon fiancé sur le mont des Oliviers”.

Alors elle se tourna de nouveau à gauche avec des gestes menaçants : “Que prétends-tu, père, du mensonge, avec ce contrat de Magdalum ? N'a-t-il pas, avec le prix de la vente de Magdalum, délivré vingt-sept pauvres prisonniers à Thirza ? Je l'ai vu, et toi tu dis qu'il a bouleversé ce bien, chassé ceux qui l'habitaient, et qu'il en a dissipé le prix. Mais attends, maudit, tu seras enchaîné et étranglé et son pied écrasera ta tête”.

Ici, elle fut interrompue par l'entrée d'une autre personne. On crut qu'elle avait eu le délire, et on la plaignit de ce qu'elle souffrait, ce dont elle se montra reconnaissante. Le matin du jour suivant, elle avoua que, la veille, il lui avait semblé suivre le Sauveur sur le mont des Oliviers après l'institution de la sainte Eucharistie, et qu'elle y avait vu plus distinctement que jamais ses angoisses pendant la première heure et demie. Mais elle avait ou l'impression que quelqu'un regardait les stigmates de ses mains avec une sorte de vénération : cela lui avait paru si déplacé en présence du Seigneur, qu'elle les avait cachés, disant qu'il lui manquait encore beaucoup pour qu'il fût permis de lui témoigner une telle vénération. Elle raconta ensuite cette vision du mont des Oliviers, et, comme elle continua ses récits les jours suivants, les tableaux de la Passion qui suivent purent être rassemblés. Mais, comme pendant le carême elle célébrait aussi les combats de Notre-Seigneur contre Satan dans le désert, elle eut de son côté à lutter contre beaucoup de souffrances et de tentations ; c'est pourquoi il y eut dans le récit de la Passion quelques lacunes, qui ont pourtant été facilement comblées grâce à des communications partielles recueillies journellement à une époque antérieure.

Elle parlait ordinairement le bas allemand. Dans l'état d'extase, son langage s'épurait souvent ; ses récits étaient mêlés de simplicité enfantine et d'inspirations élevées. Son ami écrivait ce qu’il lui avait entendu dire, aussitôt qu’il était rentré chez lui ; car, en sa présence, il était rare qu'il pût prendre quelques notes. Celui dont découlent tous les biens lui a donné la mémoire, le zèle et la force de résister à bien des peines ; ce qui lui a rendu possible de mettre ce travail à fin. L'écrivain a la conscience d'avoir fait ce qu'il a pu, et il demande au lecteur, s'il est satisfait, l'aumône de ses prières.

I
JESUS SUR LE MONT DES OLIVIERS

Lorsque Jésus, après l'institution du Saint-Sacrement de l'autel, quitta le Cénacle avec les onze Apôtres, son âme était déjà dans le trouble et sa tristesse allait toujours croissant. Il conduisit les onze, par un sentier détourné, dans la vallée de Josaphat, en se dirigeant vers la montagne des Oliviers. Lorsqu'ils furent devant la porte, je vis la lune, qui n'était pas encore tout à fait pleine, se lever sur la montagne. Le Seigneur, errant avec eux dans la vallée, leur disait qu'il reviendrait en ce lieu pour juger le monde ; mais non pauvre et languissant comme aujourd'hui ; alors que d'autres trembleraient et crieraient : “Montagnes, couvrez-nous !” Ses disciples ne le comprirent pas, et crurent, ce qui leur arriva souvent dans cette soirée, que la faiblesse et l’épuisement le faisaient délirer. Ils marchaient le plus souvent, et de temps en temps ils s'arrêtaient, s'entretenant avec lui. Il leur dit encore : “Vous vous scandaliserez tous à mon sujet cette nuit ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais quand je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée”.

Les Apôtres conservaient encore quelque chose de l'enthousiasme et du recueillement que leur avaient donnés la réception du Saint-Sacrement et les discours solennels et affectueux de Jésus. Ils se pressaient autour de lui, lui exprimaient leur amour de différentes manières, protestaient qu'ils ne l'abandonneraient jamais. Mais Jésus continuant de parler dans le même sens, Pierre lui dit : “Quand tous se scandaliseraient à votre égard, je ne me scandaliserai jamais”, et le Seigneur lui prédit qu'il le renierait trois fois avant le chant du coq. Mais Pierre insista encore, et dit : “Quand je devrais mourir avec vous, je ne vous renierai point”. Ainsi parlèrent aussi les autres. Ils marchaient et s'arrêtaient tour à tour, et la tristesse de Jésus devenait de plus en plus grande. Pour eux, ils voulaient le consoler d'une manière toute humaine, en lui assurant que ce qu'il prévoyait n'arriverait pas. Ils se fatiguèrent dans cette vaine tentative, commencèrent à douter, et la tentation vint sur eux.

Ils traversèrent le torrent de Cédron, non sur le pont où plus tard fut conduit Jésus prisonnier, mais sur un autre, car ils avaient fait un détour. Gethsémani, où ils allaient, est situé près de la montagne des Oliviers, à peu près à une demi-lieue du Cénacle, il y a du Cénacle à la porte de la vallée de Josaphat un quart de lieue, et environ autant de la à Gethsémani. Ce lieu, où dans les derniers jours Jésus avait quelquefois enseigné ses disciples et passé la nuit avec eux, se composait de quelques maisons vides et ouvertes et d'un grand jardin entouré d'une haie, où il ne croissait que des plantes d'agrément et des arbres fruitiers. Les Apôtres et plusieurs autres personnes avaient une clef de ce jardin, qui était un lieu de récréation et de prière. Quelquefois des gens qui n'avaient pas de jardins à eux y donnaient des fêtes et des repas. Il s'y trouvait des cabanes de feuillage, où restèrent huit des Apôtres auxquels se joignirent plus tard d'autres disciples. Le jardin des Oliviers est séparé par un chemin de celui de Gethsémani, et s'étend plus haut vers la montagne. Il est ouvert, entouré seulement d'un mur de terre, et plus petit que le jardin de Gethsémani. On y voit des cavernes, des terrasses et beaucoup d'oliviers. Il est plus soigné dans une de ses parties où l'on trouve des sièges, des bancs de gazon bien entretenus et des grottes fraîches, et spacieuses. Il est facile d'y trouver un endroit propre à la prière et à la méditation. C'est dans la partie la plus sauvage que Jésus alla prier. Il était environ neuf heures quand Jésus vint à Gethsémani avec ses disciples. Il faisait encore obscur sur la terre, mais la lune répandait déjà sa lumière dans le ciel. Jésus était très triste et annonçait l'approche du danger. Les disciples, en étaient troublés, et il dit à huit de ceux qui l'accompagnaient de rester dans le jardin de Gethsémani, dans un endroit où il y a une espèce de cabinet de verdure. “Restez ici, leur dit-il, pendant que je vais prier à l'endroit que j'ai choisi”. Il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, monta plus haut, et, franchissant un chemin, poussa plus avant dans le jardin des Oliviers jusqu'au pied de la montagne. Il était indiciblement triste, car il sentait l'angoisse et l'épreuve qui approchaient. Jean lui demanda comment lui, qui les avait toujours consolés, pouvait être si abattu. “Mon âme est triste jusqu'à la mort”, répondit-il. Et, regardant autour de lui, il vit de tous côtés l'angoisse et la tentation s'approcher comme des nuages chargés de figures effrayantes. C'est alors qu'il dit aux trois Apôtres : “Restez là et veillez avec moi ; priez afin que vous ne tombiez pas en tentation”. Il avança encore quelques pas; mais les terribles visions l'assaillirent de telle sorte que, dans son angoisse, Il descendit un peu à gauche, et se cacha sous un rocher, dans une grotte d'environ six pieds de profondeur, au-dessus de laquelle les Apôtres se tenaient dans une espèce d'enfoncement. Le terrain s'abaissait doucement dans cette grotte, et les plantes suspendues au rocher qui surplombait formaient un rideau devant l'entrée, en sorte qu'on ne pouvait y être vu.

Lorsque Jésus s'éloigna des disciples, je vis autour de lui un large cercle d'images effrayantes qui se resserrait de plus en plus. Sa tristesse et son angoisse croissaient ; il se retira tout tremblant dans la grotte afin d'y prier, semblable à un homme qui cherche un abri contre un orage soudain ; mais les visions menaçantes l’y poursuivirent et devinrent de plus en plus distinctes. Hélas ! cette étroite caverne semblait renfermer l'horrible spectacle de tous les péchés commis depuis la première chute jusqu'à la fin du monde, et celui de leur châtiment. C'était ici, sur le mont des Oliviers, qu'étaient venus Adam et Ève, chassés du paradis sur la terre inhospitalière ; ils avaient gémi et pleuré dans cette même grotte. J'eus le sentiment que Jésus, s'abandonnant aux douleurs de sa Passion qui allait commencer et se livrant à la justice divine en satisfaction pour les péchés du monde, faisait rentrer en quelque façon sa divinité dans le sein de la sainte Trinité ; sous l'impulsion de sa charité infinie, il se renfermait, pour ainsi dire, dans sa pure, aimante, innocente humanité, et, armé seulement de l'amour qui enflammait son cœur d'homme, il la dévouait, pour les péchés du monde, à toutes les angoisses et à toutes les souffrances. Voulant satisfaire pour la racine et le développement de tous les péchés et de tous les mauvais penchants, le miséricordieux Jésus prit dans son cœur, par amour pour nous autres pécheurs, la racine de toute expiation purificatrice et de toute peine sanctifiante, et il laissa cette souffrance infinie, afin de satisfaire pour des péchés infinis, s'étendre comme un arbre de douleur aux mille branches et pénétrer tous les membres do son corps sacré, toutes les facultés de sa sainte âme.

Ainsi laissé tout entier à sa seule humanité, implorant Dieu avec une tristesse et une angoisse inexprimables, il tomba sur son visage, et tous les péchés du monde lui apparurent sous des formes infinies avec toute leur laideur intérieure : il les prit tous sur lui, et s'offrit, dans sa prière, à la justice de son Père céleste pour payer cette effroyable dette. Mais Satan, qui, sous une forme effrayante, s'agitait au milieu de toutes ces horreurs avec un rire infernal, montrait une fureur toujours croissante contre Jésus, et, faisant passer devant son âme des tableaux de plus en plus affreux, criait sans cesse à l'humanité de Jésus : “Comment ! prends-tu aussi celui-ci sur toi, en souffriras-tu la peine ? veux-tu satisfaire pour tout cela ?”

Cependant il partit, de ce côté du ciel où le soleil se montre entre dix et onze heures du matin, un rayon semblable à une voie lumineuse : c'était une ligue d'anges qui descendaient jusqu'à Jésus, et je vis qu'ils le ranimaient et le fortifiaient. Le reste de la grotte était plein d'affreuses visions de nos crimes et de mauvais esprits qui insultaient et assaillaient Jésus ; il prit tout sur lui ; mais son cœur, le seul qui aimât parfaitement Dieu et les hommes au milieu de ce désert plein d'horreur, se sentit cruellement torturé et déchiré sous le poids de tant d'abominations. Hélas ! je vis alors tant de choses qu'une année ne suffirait pas pour les raconter. Lorsque cette masse de forfaits eut passé sur son âme comme un océan et que Jésus, s'étant offert comme, victime expiatoire, eut appelé sur lui-même toutes les peines et les châtiments dus à tous ces crimes, Satan lui suscita, comme autrefois dans le désert, des tentations innombrables ; il osa même présenter contre celui qui était la pureté même une suite d'accusations : “Comment, disait-il, tu veux prendre tout cela sur toi, et tu n'es pas pur toi même ! Regarde ceci ! et cela ! et cela encore”. Alors il déroula devant lui, avec une impudence infernale, une foule de griefs imaginaires. il lui reprochait les fautes de ses disciples, les scandales qu'ils avaient donnés, le trouble qu'il avait apporté dans le monde en renonçant aux anciens usages. Satan se fit le pharisien le plus habile et le plus sévère — il lui reprocha d'avoir été l'occasion du massacre des Innocents, ainsi que des souffrances de ses parents en Égypte, de n'avoir pas sauvé Jean-Baptiste de la mort, d'avoir désuni des familles, d'avoir protégé des hommes décriés, de n'avoir pas guéri plusieurs malades, d'avoir fait tort aux habitants de Gergesa en permettant aux possédés, de renverser leurs cuves [1] et aux démons de précipiter leurs porcs dans la mer ; il lui imputa les fautes de Marie, Madeleine parce qu'il ne l'avait pas empêchée de retomber dans la péché ; il l'accusa d'avoir abandonné sa famille, d'avoir dilapidé le bien d'autrui ; en un mot, Satan présenta devant l'âme de Jésus, pour l'ébranler, tout ce que le tentateur eût reproché au moment de la mort à un homme ordinaire qui eût fait toutes ces actions sans des motifs supérieurs ; car il lui était caché que Jésus fût le Fils de Dieu, et il le tentait seulement comme le plus juste des hommes. Notre divin Sauveur laissa tellement prédominer en lui sa sainte humanité, qu'il voulut souffrir jusqu'à la tentation dont les hommes qui meurent saintement sont assaillis sur le mérite de leurs bonnes oeuvres. Il permit, pour vider tout le calice de l'agonie, que le mauvais esprit auquel sa divinité était cachée, lui présentât toutes ses œuvres de charité comme autant d'actes coupables que la grâce de Dieu ne lui avait pas encore remis. Il lui reprocha de vouloir effacer les fautes d'autrui tandis que lui-même, dépourvu de tout mérite, avait encore à satisfaire à la justice divine pour beaucoup de prétendues bonnes œuvres. La divinité de Jésus souffrit que l'ennemi tentât son humanité comme il pourrait tenter un homme qui voudrait attribuer à ses bonnes œuvres une valeur propre, outre la seule qu'elles puissent avoir par leur union aux mérites de la mort du Sauveur.

Ainsi le tentateur lui présenta les œuvres de son amour comme des actes dépourvus de mérite et qui le constituaient débiteur envers Dieu : il fit comme si Jésus en eût, en quelque manière, prélevé le prix à l'avance sur celui de sa Passion qui n'était pas consommée et dont Satan ne connaissait pas encore le prix infini, et par conséquent comme s'il n'eût pas satisfait pour les grâces données à l'occasion de ces oeuvres. Il lui mit sous les yeux, pour toutes ses bonnes œuvres, des contrats où elles étaient inscrites comme des dettes, et il disait en les montrant du doigt : “Tu es encore redevable pour et pour cette autre, etc.” Enfin, il déroula devant lu' un contrat portant que Jésus avait reçu de Lazare et dépensé le prix de vente de la propriété de Marie-Madeleine à Magdalum et lui dit : “Comment as-tu osé dissiper le bien d'autrui et faire ce tort à cette famille ?” J'ai vu la représentation de tous les péchés pour l'expiation desquels le Seigneur s'offrit et j'ai senti avec lui tout le poids des nombreuses accusations que la tentateur éleva contre lui, car parmi les péchés du monde dont le Sauveur se chargea, je vis aussi les miens qui sont si nombreux, et du cercle de tentation qui l'entourait, Il sortit vers moi comme un fleuve où toutes mes fautes me furent montrées. Pendant ce temps, j'avais toujours les yeux fixés sur mon fiancé céleste, je gémissais et priais avec lui, je me tournais avec lui vers les anges consolateurs. Hélas ! le Seigneur se tordait comme un ver sous le poids de sa douleur et de ses angoisses.

Pendant les accusations de Satan contre Jésus, j'avais peine à retenir ma colère ; mais lorsqu'il parla de la vente du bien de Madeleine, il me fut impossible de me contenir, et je criai : “comment peux-tu lui reprocher comme un péché la vente de ce bien ? n'ai-je pas vu le Seigneur employer cette somme donnée par Lazare à des œuvres de miséricorde, et délivrer à Thirza vingt-sept pauvres prisonniers pour dettes ?” [2]

Au commencement, Jésus était agenouillé et priait avec assez de calme; mais plus tard son âme fut épouvantée à l'aspect des crimes innombrables des hommes et de leur ingratitude envers Dieu : il fut en proie à une angoisse et à une douleur si violentes qu'il s'écria, tremblant et frissonnant : “Mon Père, si c'est possible, que ce calice s'éloigne de moi ! mon Père tout vous est possible ; éloigner ce calice !” Puis il se recueillit et dit : “Cependant que votre volonté se fasse et non la mienne”. Sa volonté et celle de son Père étaient une; mais, livré par son amour aux faiblesses de l'humanité, il tremblait à l'aspect de la mort.

Je vis la caverne autour de lui remplie de formes effrayantes ; je vis tous les péchés, toute la méchanceté, tous les vices, tous les tourments, toutes les ingratitudes qui l'accablaient : les épouvantements de la mort, la terreur qu'il ressentait comme homme à l'aspect de ses souffrances expiatoires le pressaient et l'assaillaient sous la forme de spectres hideux. Il tombait çà et là, se tordait les mains, la sueur le couvrait, il tremblait et frémissait. Il se releva ; ses genoux chancelaient et le portaient à peine, il était tout à fait défait et presque méconnaissable, ses lèvres étaient pâles, ses cheveux se dressaient sur sa tête. Il était environ 10 h ½ lorsqu'il se leva, puis, tout chancelant, tombant à chaque pas, baigné d'une sueur froide, il se traîna jusque auprès des trois Apôtres. Il monta à gauche de la caverne jusqu'à une plate-forme où ceux-ci s’étaient endormis, couchés les uns à côté des autres, accablés qu'ils étaient de fatigue, de tristesse et d'inquiétude, Jésus vint à eux, semblable à un homme dans l'angoisse, que la terreur pousse vers ses amis, et semblable encore à un bon pasteur qui, profondément bouleversé lui-même, vient visiter son troupeau qu'il sait menacé d'un péril prochain : car Il n'ignorait pas qu'eux aussi étaient dans l'angoisse et la tentation. Les terribles visions l'entouraient, même pendant ce court chemin. Lorsqu'il les trouva dormants, il joignît les mains, tomba près d'eux plein de tristesse et d'inquiétude, et dit : “Simon, dors-tu ?” Ils s'éveillèrent, le relevèrent, et il leur dit dans son délaissement : “Ne pouviez-vous veiller une heure avec moi ?” Lorsqu'ils le virent défait pâle, chancelant, trempé de sueur, tremblant et frissonnant lorsqu'ils entendirent sa voix altérée et presque éteinte, ils ne surent plus ce qu'ils devaient penser, et s'il ne leur était pas apparu entouré d'une lumière bien connue, ils n'auraient jamais retrouvé Jésus en lui. Jean lui dit : “Maître, qu'avez-vous ? dois-je appeler les autres disciples ! ou devons-nous fuir ?” Jésus répondit : “Si je vivais, enseignais et guérissais encore trente-trois ans, cela ne suffirait pas pour faire ce qui me reste à accomplir d'ici à demain. N'appelle pas les huit ; je les ai laissés, parce ci qu'ils ne pourraient me voir dans cette détresse sans se scandaliser : ils tomberaient en tentation, oublieraient beaucoup et douteraient de moi. Pour vous, qui avez vu le Fils de l'homme transfiguré, vous pouvez le voir aussi dans son obscurcissement et son délaissement ; mais veillez et priez pour ne pas tomber en tentation, l'esprit est prompt, mais la chair est faible”.

Il parlait ainsi par rapport à eux et à lui-même. Il voulait par là les engager à la persévérance et leur faire connaître le combat de sa nature humaine contre la mort et la cause de sa faiblesse. Il leur parla encore, toujours accablé de tristesse, et resta près d'un quart d'heure avec eux. Il retourna dans la grotte, son angoisse croissant toujours : pour eux, Ils étendaient les mains vers lui, pleuraient, tombaient dans les bras les uns des autres, se demandaient : “Qu'est-ce donc ? que lui arrive-t-il ? il est dans un délaissement complet !” Ils se mirent à prier, la tête couverte, pleins de trouble et de tristesse. Tout ce qui vient d'être dit remplit à peu près une heure et demie depuis que Jésus était entré dans le jardin des Oliviers. Il dit à la vérité dans l’Écriture : “N'avez-vous pu veiller une heure avec moi ?” mais cela ne doit point se prendre à la lettre, et d'après notre manière de compter. Les trois Apôtres qui étaient avec Jésus avaient d'abord prié, puis ils s'étaient endormis, car ils étaient tombés en tentation par leur manque de confiance. Les huit autres. qui étaient postés à l’entrée, ne dormaient pas : la tristesse oui respirait dans les derniers discours de Jésus les avait laissés très inquiets ; ils erraient sur la mont des Oliviers pour y chercher quelque lieu de refuge en cas de danger.

Ce soir-là, il y avait peu de bruit dans Jérusalem, les Juifs étaient dans leurs maisons, occupés des préparatifs de la fête ; les campements des étrangers venus pour la Pâque n'étaient pas dans le voisinage de la montagne des Oliviers. En errant de côté et d'autre, je vis çà et là des amis et des disciples de Jésus qui marchaient et s'entretenaient ensemble, ils paraissaient inquiets et dans l'attente de quelque événement. La mère du Seigneur, Madeleine, Marthe, Marie, fille de Cléophas, Marie Salomé et Salomé étaient allées du Cénacle dans la maison de Marie, mère de Marc ; puis Marie, effrayée des bruits qui couraient, avait voulu venir devant la ville avec ses amies pour savoir des nouvelles de Jésus. Lazare, Nicodème, Joseph d'Arimathie et quelques parents d'Hébron vinrent la trouver et essayèrent de la tranquilliser ; car ayant eu connaissance par eux-mêmes ou par les disciples des tristes prédictions faites par Jésus dans le Cénacle, ils avaient été prendre des informations chez des pharisiens de leur connaissance et n'avaient point appris qu'on dût faire des tentatives prochaines contre le Sauveur : ils disaient que le danger ne pouvait être encore très grand, qu'on n'attaquerait pas le Seigneur si près de la fête ; mais ils ne savaient rien encore de la trahison de Judas. Marie leur parla du trouble de celui-ci dans les derniers jours, de la manière dont il avait quitté le Cénacle ; Il était sûrement allé trahir ; elle l'avait souvent averti qu'il était un fils de perdition. Les saintes femmes retournèrent ensuite dans la maison de Marie, mère de Marc.

Lorsque Jésus fut revenu dans la grotte et toutes ses douleurs avec lui, il se prosterna sur le visage, les bras étendus, et pria son Père céleste ; mais il y eut dans son âme une nouvelle lutte qui dura trois quarts d'heure. Des anges vinrent lui montrer dans des séries de visions tout ce qu'il devait embrasser de douleurs afin d'expier le péché ; ils lui montrèrent quelle était avant la chute la beauté de l’homme, image de Dieu, et combien cette chute l'avait altéré et défiguré. Il vit l'origine de tous les péchés dans le premier péché, la signification et l'essence de la concupiscence, ses terribles effets sur les forces de l’âme humaine ; et aussi l'essence et la signification de toutes les peines correspondant à la concupiscence. Ils lui montrèrent dans la satisfaction qu'il devait donner à la justice divine, une souffrance du corps et de l'âme comprenant toutes les peines dues à la concupiscence de l'humanité tout entière ; et comment la dette du genre humain devait être payée par la seule nature humaine exempte de péché, celle du fils de Dieu, lequel, afin de prendre sur lui la dette et le châtiment de l'humanité tout entière, devait aussi combattre et surmonter la répugnance humaine pour la souffrance et la mort. Les anges lui montraient tout cela sous des formes diverses, et j'avais la perception de ce qu'ils disaient quoique sans entendre leurs voix. Aucune langue ne peut exprimer quelle épouvante et quelle douleur vinrent fondre sur l'âme de Jésus à la vue de ces terribles expiations ; l'horreur de cette vision fut telle qu'une sueur de sang sortit de son corps.

Pendant que l'humanité du Christ était écrasée sous cette effroyable masse de souffrances, j'aperçus un mouvement de compassion dans les anges ; il y eut une petite il me sembla qu'ils désiraient ardemment le consoler et qu'ils priaient à cet effet devant le trône de Dieu. Il y eut comme un combat d'un instant entre la miséricorde et la justice de Dieu, et l'amour qui se sacrifiait. Une image de Dieu me fut montrée, non comme d'autres fois sur un trône, mais dans une forme lumineuse ; je vis la nature divine du Fils dans la personne de son Père, et comme retirée dans son sein ; la personne du Saint-Esprit procédait du Père et du Fils ; elle était comme entre eux, et tout cela n'était pourtant qu'un seul Dieu ; mais ces choses sont inexprimables. J'eus moins une vision avec des figures humaines qu'une perception intérieure où il me fut montré par des images que la volonté divine du Christ se retirait davantage dans le Père pour laisser peser sur son humanité toutes ces souffrances que la volonté humaine de Jésus priait le Père de détourner de lui. Je vis cela dans le moment de la compassion des anges, lorsqu'ils désirèrent consoler Jésus, et en effet il reçut en cet instant quelque soulagement. Alors tout disparut, et les anges abandonnèrent le Seigneur dont l'âme allait avoir à souffrir de nouvelles attaques.

Lorsque le Rédempteur, sur le mont des Oliviers, s'abandonna, comme homme véritable et réel, à la tentation de la répugnance humaine pour la douleur et la mort, lorsqu'il voulut éprouver et surmonter cette répugnance à souffrir qui fait Partie de toute souffrance, il fut permis au tentateur de lui faire ce qu'il fait à tout homme qui veut se sacrifier pour une cause sainte. Dans la première agonie, Satan montra à Notre-Seigneur l'énormité de la dette du péché qu'il voulait acquitter, et poussa l'audace jusqu'à chercher des fautes dans les œuvres du Rédempteur lui-même. Dans la seconde agonie, Jésus vit dans toute son étendue et son amertume la souffrance expiatoire nécessaire pour satisfaire à la justice divine ; ceci lui fut présenté par les anges, car il n'appartient pas à Satan de montrer que l'expiation est possible ; le père du mensonge et du désespoir ne montre point les œuvres de la miséricorde divine. Jésus ayant résisté victorieusement à tous ces combats par son abandon complet à la volonté de son Père céleste, un nouveau cercle d'effrayantes visions lui fut offert : le doute et l'inquiétude qui précèdent le sacrifice dans l'homme qui se dévoue s'éveillèrent dans l'âme du Seigneur ; il se fit cette terrible question : “Quel sera le profit de ce sacrifice ?” et le tableau du plus terrible avenir accabla son cœur aimant.

Lorsque Dieu eut créé le premier Adam, il lui envoya le sommeil, ouvrit son côté, prit une de ses côtes dont il fit Ève, sa femme, la mère de tous les vivants, puis il la mena devant Adam, et celui-ci dit : “C'est la chair de ma chair et l'os de mes os : l'homme quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et ils seront deux en une seule chair”. Ce fut là le mariage dont il est écrit : “Ce sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ et en l'Église”. Le Christ, le nouvel Adam voulait aussi laisser venir sur lui le sommeil, celui de la mort sur la croix; il voulait aussi laisser ouvrir son côté, afin que la nouvelle Ève, sa fiancée virginale, l'Église, mère de tous les vivants, en fût faite ; il voulait lui donner le sang de la rédemption, l'eau de la purification et son esprit, les trois qui rendent témoignage sur la terre ; il voulait lui donner les saints sacrements, afin qu'elle fût une fiancée pure, sainte, sans tache : il voulait être sa tête, nous devions être ses membres soumis à la tête, l'os de ses es, la chair de sa chair. En prenant la nature humaine, afin de souffrir la mort pour nous, il avait quitté aussi son père et sa mère et s'était attaché à sa fiancée, l'Église : il est devenu une seule chair avec elle, en la nourrissant du sacrement de l'autel où il s'unit à nous. Il voulait être sur la terre avec l'Église, jusqu'à ce que nous fussions tous réunis en elle par lui, et il a dit : Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Voulant exercer cet incommensurable amour pour les pécheurs, le Seigneur était devenu homme et un frère de ces mêmes pécheurs afin de prendre sur lui la punition due à tous leurs crimes. Il avait vu avec une grande tristesse l'immensité de cette dette et celle de la douleur qui devait y satisfaire, et s'était pourtant abandonné avec joie comme victime expiatoire à la volonté de son Père céleste ; mais à présent il voyait les douleurs. les combats et les blessures à venir de sa fiancée céleste qu'il voulait racheter à un si haut prix, au prix de son sang; il voyait l'ingratitude des hommes.

Devant l'âme de Jésus parurent toutes les souffrances futures de ses Apôtres, de ses disciples et de ses amis ; il vit l'Église primitive si peu nombreuse, puis à mesure qu'elle s'accroissait, les hérésies et les schismes y faisant irruption et répétant la première chute de l'homme par l'orgueil et la désobéissance. Il vit la tiédeur, la corruption et la malice d'un nombre infini de chrétiens, le mensonge et la fourberie de tous les docteurs orgueilleux, le lèges de tous les prêtres vicieux, les suites funestes de tous ces actes, l'abomination de la désolation dans le royaume de Dieu, dans le sanctuaire de cette ingrate humanité qu'il voulait racheter de son sang au prix de souffrances indicibles.

Je vis passer devant l'âme du pauvre Jésus, dans une série de visions innombrables, les scandales de tous les siècles jusqu'à notre temps et même jusqu'à la fin du monde. C'étaient tour à tour toutes les formes de l'erreur, de la fourberie, du fanatisme furieux, de l'opiniâtreté et de la malice ; tous les apostats, les hérésiarques, les réformateurs à l'apparence sainte, les corrupteurs et les corrompus l'outrageaient et le tourmentaient, comme n'ayant pas été bien crucifié à leurs yeux, n'ayant pas souffert de la manière que leur présomption orgueilleuse l'entendait et l'imaginait, et tous déchiraient à l'envi la robe sans couture de son Église : chacun voulait l'avoir pour Rédempteur autrement qu'il ne s'était donné dans l'excès de son amour. Beaucoup le maltraitaient, l'insultaient, le reniaient ; beaucoup haussaient les épaules et secouaient la tête sur lui, évitaient les bras qu'il leur tendait, et s'en allaient vers l’abîme où ils étaient engloutis. Il en vit une infinité d'autres qui n'osaient pas le renier hautement, mais qui s'éloignaient avec dégoût des plaies de son Église, comme le lévite s'éloigna du pauvre assassiné par les voleurs. Ils s'éloignaient de son épouse blessée comme des enfants lâches et sans foi abandonnant leur mère au moment de la nuit, quand viennent les voleurs et les meurtriers auxquels leur négligence ou leur malice a ouvert la porte. Il les vit s'approprier le butin qu'ils transportaient au désert, les vases d'or et les colliers brisés. Il vit tous ces hommes tantôt séparés de la vraie vigne et couchés parmi les raisins sauvages, tantôt comme des troupeaux égarés, livrés en proie aux loups, conduits par des mercenaires dans de mauvais pâturages, et refusant d'entrer dans le bercail du bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Ils erraient sans patrie dans le désert au milieu des sables agités par les vents, et Ils ne voulaient pas voir sa ville placée sur la montagne qui ne peut rester cachée, la maison de sa fiancée, son Église bâtie sur le roc près de laquelle Il a promis d'être jusqu'à la fin des siècles et contre laquelle les portes de l'enfer ne doivent pas prévaloir. Ils refusaient d'entrer par la porte étroite pour n'avoir pas à se courber. Il les vit suivre ceux qui s'étaient dirigés ailleurs que vers la porte. Ils bâtissaient sur le sable des huttes qu'ils refaisaient et défaisaient sans cesse, mais où il n'y avait ni autel, ni sacrifice ; ils avaient des girouettes sur leurs toits, et leurs doctrines changeaient avec le vent ; aussi étaient-ils en contradiction les uns avec les autres. Ils ne pouvaient pas s'entendre et n'avaient jamais de position fixe : souvent ils détruisaient leurs cabanes et en lançaient les débris contre la pierre angulaire de l'Église qui restait inébranlable. Plusieurs d'entre eux, comme les ténèbres régnaient dans leurs demeures, ne venaient pas vers la lumière placée sur le chandelier dans la maison de l'épouse, mais erraient les yeux fermés autour des jardins de l'Église, et ne vivant plus que des parfums qui s'en exhalaient ; ils tendaient les bras vers des idoles nébuleuses, et suivaient les astres errants qui les conduisaient à des puits sans eau : au bord du précipice, ils ne voulaient pas écouter la voix de l'épouse qui les appelait, et, dévorés par la faim, ils riaient avec une pitié arrogante des serviteurs et des messagers qui les invitaient au festin nuptial. Ils ne voulaient pas entrer dans le jardin, car ils craignaient les épines de la haie : ivres d'eux-mêmes, ils n'avaient ni froment pour leur faim, ni vin pour leur soif; et aveuglés par leur propre lumière, Ils nommaient invisible l'Église du Verbe fait chair. Jésus les vit tous ; il pleura sur eux ; il voulut souffrir pour tous ceux qui ne le voient pas, qui ne veulent pas porter leur croix avec lui dans sa ville bâtie sur la montagne qui ne peut rester cachée, dans son Église fondée sur le roc, à laquelle il s'est donné dans le Saint-Sacrement, et contre laquelle les portes de l'enfer ne prévaudront pas.

Je voyais ces tableaux innombrables de l'ingratitude des hommes et de l'abus fait de la mort expiatoire de mon fiancé céleste, passer alternativement sous des formes diverses ou douloureusement semblables devant l’âme contristée, du Seigneur, et j'y voyais figurer Satan, qui arrachait violemment à Jésus et étranglait une multitude d'hommes rachetés par son sang, et même ayant reçu l'onction de son sacrement. Le Sauveur vit avec une douleur amère toute l'ingratitude, toute la corruption des premiers chrétiens, de ceux qui vinrent ensuite, de ceux du temps présent et de ceux de l'avenir. Toutes ces apparitions, pendant lesquelles la voix du tentateur répétait sans cesse : “Veux-tu donc souffrir pour de pareils ingrats ?” fondaient sur Jésus avec tant d'impétuosité et de fureur, qu'une angoisse indicible opprimait son humanité. Le Christ, le Fils de l’homme, luttait et joignait les mains, il tombait, comme accablé, sur ses genoux, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, et sa volonté humaine livrait un si terrible combat contre la répugnance à tant souffrir pour une race si ingrate, que la sueur en larges gouttes de sang coulait de son corps jusqu'à terre. Dans sa détresse, il regardait autour de lui comme cherchant du secours, et semblait prendre le ciel, la terre et les astres du firmament à témoin de ses souffrances. Il me semblait l'entendre crier : “Est-il possible de supporter une telle ingratitude ? Je vous prends à témoin de ce que j'endure !”

Ce fut alors comme si la lune et les étoiles se rapprochaient; je sentis, en cet instant, qu'il faisait plus clair. J'observai alors la lune, ce que je n'avais pas fait jusqu'alors, et je la vis tout autre qu'à l'ordinaire. Elle n’était pas encore tout à fait pleine et me parut pourtant plus grande que chez nous. Au milieu je vis une tache obscure, semblable à un disque placé devant elle, et au centre de laquelle était une ouverture par laquelle la lumière rayonnait vers le côté où la lune n'était pas encore pleine. Ce corps opaque était comme une montagne, et autour de la lune je vis encore un cercle lumineux semblable à un arc-en-ciel.

Jésus, dans sa détresse, éleva la voix, et fit entendre quelques cris douloureux. Les trois Apôtres se réveillèrent ; ils prêtèrent l'oreille, levant les mains avec effroi, et voulaient aller le rejoindre ; mais Pierre retint Jacques et Jean, et leur dit : “Restez, je vais aller vers lui”. Je le vis courir et entrer dans la grotte : “Maître, dit-il, qu'avez-vous ?” Et il se tenait là, tremblant à la vue de Jésus tout sanglant et frappé de terreur. Jésus ne lui répondit pas et ne parut pas faire attention à lui. Pierre revint vers les deux autres ; Il leur dit que le Seigneur ne lui avait pas répondu, et qu'il ne faisait que gémir et soupirer. Leur tristesse augmenta, ils voilèrent leur tète, s'assirent et prièrent en pleurant.

Je retournai vers mon céleste fiancé dans sa douloureuse agonie. Les images hideuses de l'ingratitude des hommes futurs dont il prenait sur lui la dette envers la justice divine, roulaient vers lui toujours plus terribles et plus Impétueuses, et il continuait à lutter contre la répugnance de la nature humaine à souffrir. Plusieurs fois, je l'entendis s'écrier : “Mon Père, est-il possible de souffrir pour tous ces ingrats ? O mon Père, si ce calice ne peut pas s'éloigner de moi, que votre volonté soit faite !”

Au milieu de toutes ces apparitions, je voyais Satan se mouvoir sous diverses formes hideuses, qui se rapportaient aux diverses espèces de péchés. Tantôt Il apparaissait comme un grand homme noir, tantôt sous la figure d'un tigre, tantôt sous celles d'un renard, d'un loup, d'un dragon, d'un serpent. Ce n'était pas la forme même de ces animaux, mais seulement le trait saillant de leur nature, mêlé avec d'autres formes hideuses. Il n'y avait là rien de semblable à une créature complète, c'était seulement des symboles d'abomination, de discorde, de contradiction, de péché, enfin des formes du démon. Ces figures diaboliques poussaient, entraînaient, déchiraient aux yeux de Jésus des multitudes d'hommes, pour la rédemption desquels il entrait dans le douloureux chemin de la croix. Au commencement, je vis plus rarement le serpent, mais ensuite je le vis apparaître avec une couronne sur la tête ; sa taille était gigantesque, sa force semblait démesurée, et il menait à l'assaut contre Jésus d'innombrables légions de tous les temps et de toutes les races. Armées de toute espèce d'instruments de destruction, elles combattaient quelquefois les unes contre les autres, puis revenaient sur le Sauveur avec rage. C'était un horrible spectacle ; car ils l'accablaient d'outrages, de malédictions, le déchiraient, le frappaient, le perçaient. Leurs armes, leurs glaives, leurs épieux, allaient et venaient incessamment comme les fléaux des batteurs en grange dans une aire immense, et tous faisaient rage contre le grain de froment céleste, tombé sur la terre pour y mourir, afin de nourrir éternellement tous les hommes du pain de vie.

Au milieu de ces cohortes furieuses, dont quelques-unes me semblaient composées d'aveugles, Jésus était ébranlé comme s'il eût réellement ressenti leurs coups. Je le vis chanceler de côté et d'autre; tantôt il se redressait, tantôt il s'abattait ; et le serpent, parmi ces multitudes qu'il ramenait sans cesse contre Jésus, frappait çà et là de sa queue, et déchirait ou engloutissait tous ceux qui étaient renversés par elle.

Il me fut dit que ces troupes innombrables d'ennemis du Sauveur étaient ceux qui maltraitaient de différentes manières Jésus-Christ, leur Rédempteur, réellement présent dans le Saint-Sacrement sous les espèces du pain et du vin, avec sa divinité et son humanité, son corps et son âme, sa chair et son sang. Je reconnus parmi eux toutes les espèces de profanateurs de la divine Eucharistie, ce gage vivant de sa présence personnelle toujours subsistante dans l'Église catholique. Je vis avec horreur tous ces outrages, depuis la négligence, l'irrévérence, l'omission, jusqu'au mépris, à l'abus et au sacrilège la plus affreux ; depuis la déviation vers les idoles du monde, les ténèbres et la fausse science, jusqu'à l'erreur, l'incrédulité, le fanatisme, la haine et la persécution. Je vis parmi ces ennemis du Sauveur toute espèce de personnes, notamment des aveugles, des paralytiques, des sourds, des muets, et même des enfants. Des aveugles qui ne voulaient pas voir la vérité, des paralytiques qui ne voulaient pas marcher avec elle, des sourds qui refusaient d'écouter ses avertissements et ses menaces, des muets qui ne voulaient jamais combattre pour elle avec le glaive de la parole, des enfants égarés à la suite de parents et de maîtres mondains et oublieux de Dieu, nourris de convoitises terrestres, enivrés d'une vaine sagesse et dégoûtés des choses célestes, ou ayant dépéri loin d'elles et devenus à jamais incapables de les goûter. Parmi ces derniers, dont l'aspect m'affligea particulièrement parce que Jésus aimait les enfants, je vis beaucoup d'enfants de chœur mal élevés, irrévérencieux, qui n'honorent pas le Christ dans les saintes cérémonies auxquelles ils prennent part. Leurs fautes retombaient en partie sur la négligence de leurs maîtres et sur celle des administrateurs des églises. Je vis avec épouvante que beaucoup de prêtres, quelques-uns même se regardant comme pleins de foi et de piété, maltraitaient aussi Jésus dans le Saint-Sacrement. Parmi le grand nombre de ceux que j'eus la douleur de voir, je n’en mentionnerai qu'une catégorie. J'en vis beaucoup qui croyaient et enseignaient la présence du Dieu vivant dans le très Saint-Sacrement, mais ne la prenaient pas assez à cœur ; car ils oubliaient et négligeaient le palais, le trône, la tente, le siège, les ornements royaux du Roi du ciel et de la terre, à savoir : l'église, l'autel, le tabernacle, le calice, l'ostensoir, les vases, les ornements, en un mot. tout ce qui sert à l'usage et à la parure de sa maison. Tout était abandonné, tout dépérissait dans la poussière et dans la saleté, et le culte divin était, sinon profané intérieurement, au mains déshonoré à l'extérieur. Tout cela n'était pas le finit d'une pauvreté véritable, mais de l'indifférence, de la paresse, de la préoccupation de vains Intérêts terrestres, souvent aussi de l'égoïsme et de la mort intérieure ; car je vis des négligences semblables dans des églises riches, ou du moins aisées. J'en vis beaucoup d'autres où un luxe mondain, sans goût et sans convenance, avait remplacé les ornements magnifiques d'une époque plus pieuse, pour recouvrir comme d'un fard éclatant et cacher sous des apparences menteuses la négligence, la malpropreté et les dégâts. Ce que les riches faisaient par une vaine ostentation, les pauvres l'imitaient bientôt sottement par manque de simplicité. Je ne pus m’empêcher de penser à cette occasion à l'église de notre pauvre couvent, où l'on avait recouvert le vieil et bel autel de pierre artistement sculpté d'une grande construction en bois avec un barbouillage imitant le marbre, ce qui me faisait toujours beaucoup de peine. Je vis toutes ces offenses à Jésus dans le Saint-Sacrement multipliées par un grand nombre de préposés aux églises, lesquels ne sentaient pas qu'il eût été juste de partager au moins ce qu'ils possédaient avec le Rédempteur présent sur l'autel qui s'est livré tout entier a la mort pour eux, et qui pour eux s'est laissé tout entier dans le Sacrement. Je vis que souvent les plus pauvres étaient mieux entourés dans leurs cabanes que le Maître du ciel et de la terre dans son église. Ah ! combien l'inhospitalité des hommes contristait Jésus, qui s'était donné à eux pour nourriture ! Certes, il n'y a pas besoin d'être riche pour recevoir celui qui récompense au centuple le verre d'eau donné à celui qui a soif ; mais lui, qui a si soif de nous, n'a-t-il pas lieu de se plaindre quand le verre est impur et l'eau corrompue ? Par suite de semblables négligences, je vis les faibles scandalisés, la Sacrement profané, l'église abandonnée, les prêtres méprisés ; l'impureté et la négligence s'étendaient jusque sur les âmes des fidèles ; ils laissaient dans la saleté le tabernacle de leur cœur lorsque Jésus devait y descendre, tout comme ils y laissaient le tabernacle placé, sur l'autel. Je vis de ces insensés administrateurs des églises qui pour complaire aux princes, aux grands du monde, pour satisfaire des caprices et faire réussir des projets ambitieux, travaillaient et s'empressaient avec une activité sans pareille, tandis que le Roi du ciel et de la terre était couché comme le pauvre Lazare devant la porte, et désirait en vain les miettes de la charité que personne ne lui donnait. Il n'avait que ses plaies qui sont l'œuvre de nos mains et qui étaient léchées par les chiens, je veux dire par ces pécheurs qui retombent toujours semblables au chien qui revient à son vomissement.

Quand je parlerais un an entier, je ne pourrais dire tous les affronts faits à Jésus dans le Saint-Sacrement que je connus de cette manière. J'en vis les auteurs assaillir le Seigneur par troupes, et le frapper de diverses armes, selon la diversité de leurs offenses. Je vis des clercs irrévérencieux, des prêtres légers ou sacrilèges dans la célébration du saint Sacrifice et la distribution de la sainte Eucharistie des troupes de communiants tièdes et indignes. Je vis, en nombre infini, des gens pour qui la source de toute bénédiction, le mystère du Dieu vivant, était devenue une imprécation, une formule de malédiction, des guerriers furieux profanant les vases sacrés, des serviteurs du démon employant la sainte Eucharistie aux mystères d'un effroyable culte infernal. A côté de ces insultes brutales et violentes, je vis une foule d'impiétés moins grossières qui paraissaient tout aussi abominables. Je vis beaucoup de personnes séduites par de mauvais exemples ou des enseignements perfides perdre la foi à la présence réelle de Jésus dans le Saint-Sacrement et ne plus y adorer humblement le Sauveur. Je vis dans ces troupes un grand nombre de docteurs que leurs péchés avaient rendu hérésiarques ; ils se disputaient entre eux au commencement puis ils s’unissaient pour attaquer Jésus avec fureur dans le Saint-Sacrement de son église. Je vis une troupe nombreuse de ces apostats, chefs de secte, insulter le sacerdoce catholique, combattre la présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie, nier qu'il ait donné ce sacrement à son Église et qu'elle l'ait fidèlement conservé, et arracher de son cœur, par leurs séductions, une multitude d'hommes pour lesquels il a répandu son sang. Ah ! c'était un affreux spectacle, car je voyais l'Église comme le corps de Jésus dont il avait réuni ensemble, par sa douloureuse Passion, les membres isoles et dispersés, et toutes ces masses d'hommes, qui se séparaient de l'Église, déchiraient et arrachaient comme des morceaux entiers de sa chair vivante. Hélas ! il jetait sur eux des regards touchants, et gémissait de les voir se perdre. Lui, qui s'était donné à nous pour nourriture dans le Saint-Sacrement, afin de rassembler en un seul corps celui de l'Église, son épouse, les hommes séparés et divisés à l’infini, il se voyait déchiré dans ce corps même, car la table de la communion, de l'union dans le Saint-Sacrement, ce chef-d’œuvre de son amour, dans lequel il avait voulu rester à jamais parmi les hommes, était devenue, par la malice des faux docteurs, la borne de séparation, en sorte que là où il est par-dessus tout juste et salutaire que beaucoup ne fusent plus qu'un, à cette sainte table où le Dieu vivant lui-même est l'aliment qu'on reçoit, ses enfants devaient se séparer des incroyants et des hérétiques pour ne pas se rendre complices du péché d'autrui. Je vis, de cette manière, des peuples entiers arrachés de son sein, et privés de la participation au trésor des grâces laissées à l'Église. C'était un spectacle affreux de les voir se séparer d'abord en petit nombre, puis, devenus des peuples entiers, se diviser sur les choses les plus saintes, et se poser en ennemis les uns vis-à-vis des autres. A la fin, je vis tous ceux qui s'étaient séparés de l'Église plongés dans l'incrédulité, la superstition, l'hérésie, la fausse Philosophie mondaine : pleins d'une fureur sauvage, ils se réunissaient en grandes troupes pour assaillir l'Église, excités par le serpent homicide qui s'agitait au milieu d'eux. Hélas ! c'était comme si Jésus s'était senti déchirer lui-même en mille lambeaux. Le seigneur, livré à ces angoisses, vit et sentit tout l'arbre empoisonné de la division avec toutes ses branches et ses fruits qui se subdivisaient sans cesse jusqu'à la fin des temps où le froment sera recueilli dans les greniers et la paille jetée au feu.

J'étais tellement saisie d'horreur et d'effroi qu'une apparition de mon fiancé céleste me plaça miséricordieusement la main sur le cœur, avec ces paroles : “Personne n'a encore vu cela, et ton cœur se briserait de douleur si je ne le soutenais”.

Je vis le sang rouler en larges gouttes sur le pâle visage du Sauveur ; ses cheveux étaient collés ensemble et dressés sur sa tête, sa barbe sanglante et en désordre comme si on eût voulu l'arracher. Après la vision dont je viens de parler, il s'enfuit en quelque sorte hors de la caverne, et revint vers ses disciples. Mais sa démarche était comme celle d'un homme couvert de blessures et courbé sous un lourd fardeau, qui trébucherait à chaque pas. Lorsqu'il vint vers les trois Apôtres, ils ne s'étaient pas couchés pour dormir comme la première fois ; Ils avaient la tête voilée et affaissée sur leurs genoux, dans une position où je vois souvent les gens de ce pays-là lorsqu'ils sont dans le deuil ou qu'ils veulent prier. Ils s'étaient assoupis, vaincus par la tristesse et la fatigue. Jésus, tremblant et gémissant, s’approcha d'eux, et ils se réveillèrent. Mais, lorsqu'à la clarté de la lune ils le virent debout devant eux, avec son visage pâle et sanglant et sa chevelure en désordre, leurs yeux fatigué ne le reconnurent pas d'abord tout de suite, car il était indiciblement défiguré. Comme il joignait les mains, ils se levèrent, le prirent sous les bras, le soutinrent avec amour, et il leur dit avec tristesse qu'on le ferait mourir le lendemain, qu'on s'emparerait de lui dans une heure, qu'on le mènerait devant un tribunal, qu'il serait maltraité, outragé, flagellé, et enfin livré à la mort la plus cruelle. Il les pria de consoler sa mère, et aussi de consoler Madeleine. Il leur parla ainsi pendant quelques minutes; pour eux, ils ne lui répondirent pas, car ils ne savaient que dire, tant son aspect et ces discours les avaient troublés ; ils croyaient même qu'il était en délire. Mais lorsqu'il voulut retourner à la grotte, il n'eut pas la force de marcher. Je vis Jean et Jacques le conduire, et revenir lorsqu'il fut entré dans la grotte. Il était à peu près onze heures et un quart.

Pendant cette agonie de Jésus, je vis la sainte Vierge accablée aussi de tristesse et d'angoisses dans la maison de Marie, mère de Marc. Elle se tenait avec Madeleine et Marie dans le jardin de la maison ; elle était là, courbée en deux sur une pierre et affaissée sur ses genoux. Plusieurs fois elle perdit connaissance, car elle vit intérieurement plusieurs choses de l'agonie de Jésus. Elle avait déjà envoyé des messagers pour avoir de ses nouvelles ; mais, ne pouvant pas attendre leur retour, elle s'en fut, toute inquiète, avec Madeleine et Salomé, jusqu'à la vallée de Josaphat. Elle marchait voilée, et étendait souvent les bras vers le mont des Oliviers ; car elle voyait en esprit Jésus baigné d'une sueur de sang, et il semblait qu'elle voulût de ses mains étendues essuyer le visage de son fils. Je vis ces élans de son âme aller jusqu'à Jésus, qui pensa à elle et regarda de son côté comme pour y chercher du secours. Je vis cette communication entre eux sous forme de rayons qui allaient de l'un à l'autre. Le Seigneur pensa aussi à Madeleine, et fut touché de sa douleur; c'est pourquoi il recommanda aux disciples de la consoler ; car il savait que son amour était le plus grand après celui de sa mère, et il avait vu qu'elle souffrirait encore beaucoup pour lui, et qu’elle ne l'offenserait plus jamais.

Vers ce moment, à onze heures un quart à peu près, les huit Apôtres revinrent dans la cabane de feuillage de Gethsémani ; ils s'y entretinrent et finirent par s'endormir. Ils étaient très ébranlés, très découragés, et violemment assaillis par la tentation. Chacun avait cherché un lieu où il pût se réfugier, et ils se demandaient avec inquiétude : “Que ferons-nous lorsqu'on l'aura fait mourir ? Nous avons tout quitté pour le suivre; nous sommes pauvres et le rebut de ce monde, nous nous sommes entièrement abandonnés à lui, et le voilà maintenant si languissant, si abattu, qu'on ne peut trouver en lui aucune consolation”. Les autres disciples avaient d'abord erré de côté et d'autre; puis, ayant appris quelque chose des effrayantes prophéties de Jésus, ils s'étaient retirés pour la plupart à Bethphagé.

Je vis Jésus priant encore dans la grotte et luttant contre la répugnance de la nature humaine à souffrir. Il était épuisé de fatigue et abattu, et il disait : “Mon père, si c'est votre volonté, éloignez de moi ce calice. Cependant, que votre volonté se fasse et non pas la mienne”. Mais alors l'abîme s'ouvrit devant lui, et les premiers degrés des Limbes lui apparurent comme à l'extrémité d'une vole lumineuse. Il vit Adam et Ève, les patriarches. les prophètes, les justes, les parents de sa mère et Jean-Baptiste attendant son arrivée dans le monde inférieur avec un désir si violent, que cette vue fortifia et ranima son cœur plein d'amour. Sa mort devait ouvrir le ciel à ces captifs ; elle devait les tirer de la prison où ils languissaient dans l'attente. Lorsque Jésus eut regardé avec une profonde émotion ces saints de l'ancien monde, les anges lui présentèrent toutes les cohortes des bienheureux à venir qui, joignant leurs combats aux mérites de sa passion, devaient s'unir par lui au Père céleste. C'était une vision inexprimablement belle et consolante. Tous rangés, suivant leur date, leur classe et leur dignité, passèrent devant la Seigneur, parés de leurs souffrances et de leurs oeuvres. Il vit le salut et la sanctification sortant à flots intarissables de la source de rédemption ouverte par sa mort. Les Apôtres, les disciples, les vierges et les saintes femmes, tous les martyrs, les confesseurs et les ermites. les papes et les évêques, des troupes nombreuses de religieux, en un mot l'armée entière des bienheureux s'offrit à sa vue. Tous portaient sur la tête des couronnes triomphales, et les fleurs de leurs couronnes différaient de forme, de couleur, de parfum et de vertu suivant la différence des souffrances, des combats et des victoires qui leur avaient valu la gloire éternelle. Toute leur vie et tous leurs actes, tous leurs mérites et toute leur force, ainsi que toute la gloire de leur triomphe, venaient uniquement de leur union aux mérites de Jésus-Christ.

L'action et l'influence réciproque que tous ces saints exerçaient les uns sur les autres, la manière dont ils puisaient à une source unique, au Saint-Sacrement et à la passion du Seigneur, offraient un spectacle singulièrement touchant et merveilleux. Rien ne paraissait fortuit en eux ; leurs oeuvres, leur martyre, leurs victoires, leur apparence et leur vêtement, tout cela, quoi que bien divers, se fondait dans une harmonie et une unité infinies ; et cette unité dans la diversité était produite par les rayons d'un soleil unique, par la passion du Seigneur, du Verbe fait chair, en qui la vie était la lumière des hommes qui lait dans les ténèbres et que les ténèbres n'ont pas comprise.

C'était la communauté des Saints futurs qui passait devant l’âme du Sauveur, lequel se trouvait placé entre le désir des patriarches et le cortège triomphal des bienheureux à venir ; ces deux troupes s’unissant et se complétant en quelque sorte l'une l'autre, entouraient le cœur aimant du Rédempteur comme d'une couronne de victoire. Cette vue inexprimablement touchante donna à l'âme de Jésus un peu de consolation et de force. Ah ! il aimait tellement ses frères et ses créatures, qu'il aurait accepté avec joie toutes les souffrances auxquelles il se dévouait pour la rédemption d'une seule âme. Comme ces visions se rapportaient à l'avenir, elles planaient à une certaine hauteur.

Mais ces images consolantes s'évanouirent, et les anges lui montrèrent sa Passion tout près de terre, parce qu'elle était proche. Ces anges étaient en grand nombre. Je vis toutes les scènes s’en présenter très distinctement devant lui, depuis le baiser de Judas jusqu’aux dernières paroles sur la croix : je vis là tout ce que je vois dans mes méditations de la Passion, la trahison de Judas, la fuite des disciples, les insultes devant Anne et Caïphe, le reniement de Pierre, le tribunal de Pilate, les dérisions d'Hérode, la flagellation et le couronnement d'épines, la condamnation à mort, le portement de la croix, la rencontre de la Sainte Vierge, son évanouissement, les insultes que les bourreaux lui prodiguaient, le suaire de Véronique, le crucifiement, les outrages des Pharisiens, les douleurs de Marie, de Madeleine et de Jean, le coup de lance dans le côté : en un mot, tout lui fut présenté avec les plus petites circonstances. Je vis comment le Seigneur, dans son angoisse, voyait tous les gestes, entendait toutes les paroles, percevait tout ce qui se passait dans les âmes. Il accepta tout volontairement, il se soumit à tout par amour pour les hommes. Ce qui le contrista le plus douloureusement fut de se voir attaché a la croix dans un état de nudité complète, pour expier l'impudicité des hommes : il pria instamment pour que cela lui fût épargné et qu'il lui fût au moins accordé d'avoir une ceinture autour des reins : je vis qu'il serait assisté en cela, non par ses bourreaux, mais par un homme compatissant. Il vit et ressentit aussi la douleur actuelle de sa mère que l’union à ses souffrances avait fait tomber sans connaissance dans les bras de ses deux amies.

A la fin des visions de la Passion, Jésus tomba sur le visage, comme un mourant : les Anges disparurent, la sueur de sang coula plus abondante, et je la vis traverser son vêtement. La plus profonde obscurité régnait dans la caverne. Je vis alors un ange descendre vers Jésus : il était plus grand, plus distinct et plus semblable à un homme que ceux que j'avais vus auparavant. Il était revêtu comme un prêtre d'une longue robe flottante, ornée de franges, et portait dans ses mains devant lui, un petit vase de la forme du calice de la sainte Cène. A l'ouverture de ce calice, se montrait un petit corps ovale, de la grosseur d'une fève, et qui répandait une lumière rougeâtre. L’ange, sans se poser à terre, étendit la main droite vers Jésus, qui se releva ; Il lui mit dans la bouche cet aliment mystérieux, et le fit boire du petit calice lumineux. Ensuite il disparut.

Jésus, ayant accepté librement le calice de ses souffrances il reçu une nouvelle force, resta encore quelques minutes dans la grotte, plongé dans une méditation tranquille et rendant grâces à son Père céleste. Il était encore affligé mais réconforté surnaturellement, au point de pouvoir aller vers les disciples sans chanceler et sans plier sous le poids de sa douleur. Il était toujours pâle et défait mais son pas était ferme et décidé. Il avait essuyé son visage avec un suaire, et remis en ordre ses cheveux qui pendaient sur ses épaules, humides de sang et de sueur et colles ensemble.

Quand il sortit de la grotte, je vis la lune comme auparavant, avec la tache singulière qui en occupait le centre et le cercle qui l'entourait, mais sa clarté et celle des étoiles étaient autres que précédemment, lors des grandes angoisses du Seigneur. La lumière maintenant était plus naturelle. Lorsque Jésus vint vers ses disciples, ils étaient couchés, comme la première fois, contre le mur de la terrasse ; ils avaient la tète voilée et dormaient. Le Seigneur leur dit que ce n’était pas le temps de dormir, qu'ils devaient se réveiller et prier. “Voici l'heure où le Fils de l'homme sera livré dans les mains des pécheurs, dit-il, levez-vous et marchons : le traître est proche : mieux vaudrait pour lui qu’il ne fût jamais né”. Les Apôtres se relevèrent tout effrayés, et autour d'eux avec inquiétude. Lorsqu'ils se furent un peu remis, Pierre lui dit avec chaleur : “Maître, je vais appeler les autres, afin que nous vous défendions”. Mais Jésus à quelque distance dans la vallée, de l’autre côté du torrent de Cédron, une troupe d’hommes armés, qui s'approchaient avec des flambeaux, et il leur dit qu’un d’entre eux l'avait trahi. Les Apôtres regardaient la chose comme impossible. Il leur parla encore avec calme, leur recommanda de nouveau de consoler sa mère, et dit : “Allons au-devant d'eux, je nie livrerai sans résistance entre les mains de mes ennemis”. Il sortit alors du jardin des Oliviers avec les trois Apôtres, et vint au-devant des archers sur le chemin qui était entre ce jardin et celui de Gethsémani.

Lorsque la sainte Vierge reprit connaissance entre les bras de Madeleine et de Salomé, quelques disciples, qui avaient vu les soldats s'approcher, vinrent à elle et la ramenèrent dans la maison de Marie, mère de Marc. Les archers prirent un chemin plus court que celui qu'avait suivi Jésus en venant du Cénacle.

La grotte dans laquelle Jésus avait prié aujourd'hui n'était pas celle où il avait coutume de prier sur le mont des Oliviers. Il allait ordinairement dans une caverne plus éloignée où, un jour, après avoir maudit le figuier stérile, il avait prié dans uns grande affliction, les bras étendus et appuyé contre un rocher.

Les traces de son corps et de ses mains restèrent imprimées sur la pierre et furent honorées plus tard ; mais on ne savait plus à quelle occasion ce prodige avait eu lieu. J'ai vu plusieurs fois de semblables empreintes laissées sur la pierre, soit par les prophètes de l'Ancien Testament, soit par Jésus, Marie, ou quelques-uns des apôtres : j'ai vu aussi celles du corps de sainte Catherine d'Alexandrie sur le mont Sinaï. Ces empreintes ne paraissaient pas profondes, mais semblables à celles qu'on laisserait en appuyant la main sur une pâte épaisse [3].

* * * * *

[1] Dans ses visions sur les années de la Prédication de Jésus, elle vit, le 11 décembre 1822 le Seigneur permettre aux démons sortis des possédés de Gergesa d'entrer dans un troupeau de pores. Elle vit aussi cette circonstance particulière que les possédés renversèrent auparavant une grande cuve pleine d'une boisson fermentée.
[2] Dans ses contemplations sur la vie publique de Jésus qu'elle suivit jour par jour, elle vit le 28 janvier 1823 (jour correspondant à peu près au onze Schebath de la deuxième année), le Sei


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Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Empty Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)

Message par M1234 Mer 5 Avr 2017 - 8:22

BIENHEUREUSE
ANNA MARIA TAÏGI

épouse et mère, tertiaire trinitaire
(1769-1837)

Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Anna_taigi_ph1

Née à Sienne, Anna-Maria Gianetti suivit son père à Rome où des revers de fortune l'avait contraint d'aller se fixer. La petite passa à peine deux ans à l'école où elle n'apprit qu'à lire. Ses parents faisaient retomber leur amertume sur leur fillette, mais l'angélique pauvrette redoublait de douceur envers eux.

Anna-Maria entra très tôt en service afin d'aider ses parents. Elle grandissait, pieuse, travailleuse et coquette, prenant plaisir à se parer. Domenico, qui travaillait au jour le jour au palais Chigi, homme honnête, rude et prompt à la colère, offrit de l'épouser; Anna-Maria accepta sa proposition de mariage.

Dans les premiers temps de son ménage, elle conserva ses habitudes mondaines, aimant à fréquenter le théâtre des marionnettes et à porter des colliers de verroterie. Après trois ans de cette vie ainsi partagée entre l'amour de Dieu et l'amour du monde, Anna-Maria se confessa au Père Angelo de l'Ordre des Servites, se convertit totalement et, avec l'assentiment de son mari, elle se fit recevoir dans le Tiers-Ordre des Trinitaires. Domenico ne demandait qu'une chose: que la maison soit bien tenue et paisible !

Or, les parents d'Anna-Maria vinrent partager la vie du jeune foyer. Depuis leur arrivée, les scènes de criailleries qu'elle apaise de son mieux se répètent tous les jours, car sa mère acariâtre cherche sans cesse querelle à son gendre qui s'emporte facilement. Atténuant les heurts le mieux possible, elle s'empresse auprès de son époux trop vif qui jette le dîner par terre avec la table quand un plat lui déplaît. Après la mort de sa mère, son père vit aux dépens de sa fille et multiplie disputes sur disputes. Lorsque la lèpre l'atteint, la bienheureuse Anna-Maria le soigne tendrement et l'aide à mourir chrétiennement.

Pour leurs sept enfants, la maison risquait de devenir un enfer, mais la bienheureuse demeurait si surnaturellement douce, que Domenico affirmera que c'était un vrai paradis chez lui, et que l'ordre et la propreté régnaient partout dans son pauvre gîte. Anna-Maria se levait de grand matin pour se rendre à l'église, et communiait tous les jours. Lorsqu'un membre de la famille était malade, pour ne donner à personne l'occasion de se plaindre et de murmurer, elle se privait de la messe et de la communion. Pour suppléer à cette privation involontaire, elle se recueillait pendant les moments libres de la journée.

La bienheureuse Anna-Maria Taïgi tenait ses enfants toujours occupés. Après le souper, la famille récitait le rosaire et lisait une courte vie du Saint du jour, puis les enfants se mettaient au lit après avoir reçu la bénédiction. Le dimanche, ils visitaient les malades à l'hôpital. Sa tendresse maternelle ne l'empêchait pas d'appliquer fermement les sanctions méritées, telles la verge ou le jeûne. Ses enfants profitèrent avantageusement de cette éducation si équilibrée et devinrent vite l'honneur de leur vertueuse mère et le modèle de leurs camarades.

Sa délicatesse envers les humbles était exquise. Elle nourrissait sa servante mieux qu'elle-même; à une qui cassait la vaisselle par maladresse, elle disait gentiment : « l faut bien faire gagner la vie aux fabricants de faïence ».

Lors de sa réception comme membre du Tiers-Ordre de la Sainte Trinité, la bienheureuse s'était offerte comme victime expiatrice pour les péchés du monde. En retour de cette généreuse offrande, Dieu lui accorda la vision permanente d'un globe ou soleil lumineux dans lequel elle lisait les besoins des âmes, l'état des pécheurs et les périls de l'Église.

Ce phénomène extraordinaire dura quarante-sept-ans. Surprise au milieu de ses occupations domestiques par les ravissements et les extases, Anna-Maria s'efforçait vainement de s'y soustraire. Grâce à elle, les malades avertis de leur fin prochaine mouraient saintement. Comme le sort des défunts lui était révélé, sa compassion pour eux lui inspirait de multiplier ses pénitences afin de libérer au plus tôt ces pauvres âmes qui venaient la remercier de leur délivrance.

Bien que la bienheureuse Anna-Maria Taïgi souhaitait ardemment rester ignorée de tous, une foule de visiteurs composée de pauvres, de princes, de prêtres, d'évêques, du pape même, accourait pour demander conseil à sa sagesse inspirée. Simple et humble, elle répondait tout bonnement en se dérobant aux louanges, refusant toujours le plus petit cadeau.

Or, celle qui répandait ainsi la sérénité et la lumière autour d'elle, fut privée de consolation spirituelle pendant vingt ans, et éprouvait le sentiment très net d'être reléguée en enfer. Pendant sept mois, les angoisses et les ténèbres de son âme s'étant accrues, Anna-Maria Taïgi expérimenta une véritable agonie, n'en continuant pas moins à diriger sa maison comme si de rien n'était.

Malgré ses doigts devenus si douloureux, elle cousait beaucoup afin d'assurer le pain quotidien de la maisonnée. La femme du gouverneur de Savoie qui avait obtenu tant de grâces par les prières de la servante de Dieu, voulut lui donner une forte somme d'argent, mais la bienheureuse la refusa catégoriquement.

Le Lundi-Saint, dans une extase, Anna-Maria apprit qu'elle mourrait le Vendredi-Saint. Après avoir béni tous les siens, et les avoir remercié, elle rendit l'âme dans un cri de bonheur et de délivrance. Il semble que Dieu ait voulu montrer dans la personne de cette admirable bienheureuse, la possibilité d'allier des vertus éminentes et des dons surnaturels exceptionnels à la fidélité aux devoirs les plus humbles et les plus matériels de la vie commune. Le pape Benoît XV béatifia Anna-Maria Taïgi, le 30 mai 1920.

Tiré de Marteau de Langle de Cary, 1959, tome II, p. 338-342 F. E. C. Édition 1932, pp. 201 - Résumé O. D. M.


ANNA MARIA TAÏGI
La sainte aux sept enfants

Sergio C. Lorit

Traduit du livre italien
"TAIGI, la santa con sette figli"
(Città nuova editrice, 1964)
P. Marcel LITALIEN, o.ss.t.
Montréal, 1984




ILS ÉTAIENT TROIS DE SIENNE



" Le saint est mort ! " La nouvelle explose dès les premières heures de la nuit, par des bandes de jeunes garçons de la rue des " Serpenti " ; elle s’infiltre dans toutes les petites rues, à travers les ruelles du quartier " des Monts ", arrive dans les buvettes, grimpe sur tous les balcons, déborde d’une place à l’autre, jusqu’aux confins de la périphérie de Rome. Puis, de la périphérie au centre, en un rien de temps, ce fut un fourmillement de nobles, de pauvres, d’artisans, de prêtres, de soldats, de commerçants, qui affluent vers le quartier " des Monts " rejoignent la foule accourue de partout, à travers la ville, à travers le quartier. On circule toute la nuit, sur la rue des " Serpenti " ; on y circule le jour et la nuit qui suivirent, jusqu’à ce que la dépouille mortelle de Benoit-Joseph Labre, la dépouille du saint, soit transportée dans l’église de Sainte-Marie-des-Monts, pour l’ensevelissement. Un cortège funèbre des plus imposants, suivra la dépouille ; les Romains n’en ont jamais vu de semblable, si ce n’est celui auquel ils avaient pris part lors de la sépulture de saint Philippe Néri.

Benoit-Joseph Labre était, depuis longtemps, une personnage familier et apprécié des romains, de ceux surtout qui habitaient ce vieux quartier alors le plus populeux et le plus pauvre de la ville. Pas un homme, pas une femme, pas un enfant qui ne le connut pas, aux Monts, pour l’avoir vu presque tous les jours, encore jeune cependant, courbé sous la souffrance et par les privations, maigre comme un ermite et vêtu de haillons, se traîner dans les venelles, se hâter vers cette église qui conserverait sa dépouille.

Benoit-Joseph Labre était né, 35 ans auparavant, dans un petit village de campagne perdu dans on ne sait quelle contrée de la France. Rapidement, il avait voué sa vie à la pénitence et aux pèlerinages de-ci, de-là, dans les routes interminables de France, de Suisse, d’Espagne, d’Allemagne. Il s’adonna à cette pratique, jusqu’à l’épuisement de ses forces ; se traînant les pieds, il s’est oriente vers l’Italie, a traversé le pays par bien des chemins peu connus, et il a fini par atteindre Rome où, depuis lors, il avait passé ses journées à prier dans l’une ou l’autre des nombreuses églises, dans celle de Sainte-Marie-des-Monts qu’il affectionnait de façon particulière. Il avait passé ses nuits sous l’escalier d’une mansarde, sous les murs du Quirinal ou un arc quelconque du Colisée.

C’est précisément, en sortant de l’église de Sainte-Marie-des-Monts que, le 16 avril 1783, Benoit-Joseph Labre s’affaisse mourant, sur les marches de pierre de la façade de cette église. Quelqu’un accourt immédiatement, quelqu’un s’offre à le transporter dans sa maison, à le déposer sur une paillasse, rue des Serpents. Mais le saint agonisait dans un état irrémédiable et il mourut à 8 heures du soir. La nouvelle se répandit dans la rue, par la fenêtre, et les bambins cessèrent alors leur vacarme habituel du soir, pour se faire les hérauts de la nouvelle sensationnelle qui s’est vite répandue dans les quartiers, dans presque toute la ville : " Le saint est mort ! le saint est mort ! "

Dans l’intervalle, on s’affairait à préparer le grand pèlerinage qu’occasionnerait l’inhumation du pénitent. Il se trouva quelqu’un pour dire que ce pauvre devait être nettoyé, revêtu et bien disposé, comme la piété l’exige en pareille circonstance. On suggéra le nom de Santa Giannetti, une pauvre mais brave domestique, habituée à ce genre d’actes de charité. Elle habitait à quelques pas de là, dans la rue " delle Vergini ". Il s’agissait de la faire demander.

Ils y allèrent ; et elle vint, accompagnée d’une jeune fille admirable, sa fille Anne Marie, âgée de quatorze ans, aux vêtements délicats et élégants pour autant. A l’observer de plus près, on remarquait sur son visage, les séquelles, caractéristiques de la variole.

Anne-Marie se tenait à l’écart, pour permettre à sa mère d’accomplir sa tâche. La maman enleva pieusement les haillons de ce corps consumé par les maladies et les mortifications, le lava avec l’aide de l’abbé Marchesi, lui mit des vêtements propres et le revêtit de la bure de la Compagnie de Notre-Dame-des-Neiges, avec lequel il fut ensuite enseveli.

Santa Giannetti et sa fille Anne-Marie n’étaient pas originaires de Rome ; comme Joseph-Benoit, elles venaient de l’extérieur, mais pas d’aussi loin que le saint pénitent français. Les deux cents kilomètres de chemin à parcourir pour en arriver à ce vieux quartier bruyant et misérable, elles les avaient tous, l’un après l’autre, parcourus à pied.

Elles venaient de Sienne où elles avaient habité une maison beaucoup plus accueillante que celle qui les hébergeait, rue " delle Vergini ". Leur existence était aussi beaucoup moins misérable, si on en juge par les contraintes de la vie qui était la leur, à ce moment-là.

À Sienne, le vieux Pierre Giannetti en était venu à se pourvoir d’une pharmacie de premier ordre. Il dut y investir des heures, des années de travail, des années d’épargne, pour en arriver, à la fin, à mettre la main sur une boutique parmi les plus belles de Sienne et de toute la Toscane. Des clients affluaient de partout, quand les médecins, dans les cas les plus compliqués, prescrivaient des potions et des liniments spéciaux qui dépassaient les prescriptions banales de la pharmacopée d’usage commun.

Louis Giannetti, le fils du pharmacien et pharmacien lui-même, hérita, à la mort de son père, d’un nom honorable, d’une fortune des plus enviables. Malheureusement, il n’avait pas comme son père, le tempérament discipliné, le sens de l’épargne, l’aptitude à ne pas compter les heures de travail. Dans l’espace de quelques années, il accumula des dettes qui finirent par lui rendre la vie impossible ; il en vint à la faillite.

Avec son peu de jugement, sa bonhomie extravagante, sa naïve prodigalité, le pire malheur lui arriva, celui d’entraîner dans la misère sa propre existence, celle de sa femme Santa, siennoise comme lui, son unique fillette qui lui était née six mois plus tôt, le 20 mai 1769, dans la belle maison de la rue " San Martine ", et avait été baptisée dés le lendemain, dans l’église paroissiale Saint-Jean-Baptiste, avec les noms : Anne-Marie, Antonia, Gesualda.

Cette même année 1769 qui avait vu naître Anne-Marie, avait aussi vu naître à Ajaccio, dans l’île de Corse, le " protagoniste exceptionnel de l’histoire ", celui qui déciderait, d’une façon tragique, de la vie et de la mort de la moitié de l’Europe. Les chroniqueurs de l’époque qui ne possédaient pas les vertus des prophètes, ne pouvaient prévoir ni annoncer les événements futurs, sur un ton apocalyptique.

Anne-Marie et Napoléon, nés la même année, sont des êtres humains, des créatures bien distinctes, aux destinées totalement différentes. Les desseins impénétrables de Dieu les feront se rencontrer dans le même sillon de l’histoire. Appelés à se rapprocher, l’un de l’autre, ils firent la preuve d’attitudes opposées à l’égard du pontife romain.

Elle avait grandi comme un ange, la fillette de Louis et de Santa Giannetti. Qui la voyait circuler dans les rues de Sienne, la petite-main dans la main délicate de sa maman, ne pouvait que s’arrêter pour l’admirer. " On la dirait fille d’un prince, non celle du pharmacien désaxé " disaient des gens émerveillés de la douceur, de la beauté des traits de son visage.

Anne-Marie n’était pas splendide que par les traits de son visage ; depuis sa tendre enfance, sa maman alimentait en elle la flamme la plus pure de l’amour de Dieu, l’enrichissait intérieurement, en modelant son caractère, en lui inculquant le sens du devoir, de la responsabilité, en l’amenant à agir sérieusement, sans porter atteinte à sa joie, à la vivacité débordante dont elle a toujours fait preuve.

Puis, vint la déchéance économique, la famine à la maison, le découragement de papa Louis au dehors, face à la torture de ne pouvoir se soustraire à la chasse de trop de créanciers qui le harcelaient sans relâche, ne lui donnaient pas le temps et les moyens de se mettre lui-même en chasse, comme il l’aurait voulu, contre ses nombreux débiteurs. En somme, en peu de mois, le sol de Sienne brûla à un point tel, sous les pieds des Giannetti, qu’il ne leur restait qu’une alternative, celle de fuir.

Mais une fuite lointaine, sous d’autres cieux, parmi des gens inconnus, pouvait-elle faire oublier le souvenir amer de la tranquille aisance perdue ? Quitter pour Florence, Livourne, Pise, Lucques, Arezzo, était trop proche ; il fallait aller plus loin, encore plus loin : à Rome !

En 1775, de longues colonnes de pèlerins venant du nord de la péninsule et de toutes les parties de la vieille Europe empruntaient les routes de Toscane et se déplaçaient vers Rome. Le pape Pie VI avait inauguré son pontificat solennellement, en ouvrant la porte sainte de la basilique Saint-Pierre ; l’avantage de gagner les indulgences de l’Année Sainte était offert.

Le conclave avait duré cinq mois, des mois éternellement longs qui témoignaient des incertitudes dramatiques de cette douloureuse époque. À la fin, à l’annonce que le cardinal Braschi était élu pape, le peuple romain avait donné libre cours à une joie irrésistible ; elle débordait jour et nuit, en festivités d’une ardeur irrépressible.

" Vive le pape Braschi, vive Pie VI ". Toutes les rues de Rome faisaient des souhaits à l’homme extraordinaire que chacun, du prince au simple palefrenier, connaissait, estimait, aimait, parce qu’il était doux autant qu’énergique, rempli de sollicitude autant que de dignité.

Peu de temps après l’inauguration de l’Année Sainte, le peuple romain, de l’intérieur, s’efforçait de rendre la vie très intéressante aux foules de pèlerins. Et pendant que d’un côté, les autorités assuraient le ravitaillement des magasins pour qu’en aucun temps, on ne soit privé de denrées alimentaires, d’un autre côté, elles avaient recours à des mesures très énergiques, dans le but de dissuader les exploiteurs possibles, de les amener à mettre un frein à leur trop grande avidité. Elles tentaient de les maintenir au niveau de la nécessité ; des groupes de citoyens volontaires attendaient les colonnes de pèlerins au débouché des grandes routes, pour les conduire dans de bons logements. On pourvoyait à leurs besoins, toute la durée de leur séjour à Rome. Et ce ne fut pas une mince organisation, si on pense qu’en cette année et en ces moments, comme l’attestent les chroniqueurs d’alors, le nombre de pèlerins s’élevait à 280,000. La plupart, venus et retournés à pied.

Au nombre des 280,000 pèlerins, figuraient trois fugitifs animés par une motivation secondaire. Il s’agit de Louis, Santa et Anne-Marie Giannetti qui, se faufilant à travers un groupe d’étrangers, aux premières lueurs de l’aube, tentent d’éviter tout soupçon parmi les Siennois. Ils apportent très peu de choses ; un baluchon et rien en poche. Ils font une halte à Radicofani et, de là, poursuivent leur route par Acquapendente, Bolsena, Montefiacano, Viterbe ; des jours et des jours de marche éreintante sur les bords d’une interminable route où se meuvent dans la poussière, le père en avant, la mère derrière, avec la fillette de 6 ans à sa charge, agrippée par la main à son vêtement. Ils se trouvèrent enfin réunis aux portes de Rome, où ils furent mis sous la protection d’un groupe de citoyens qui, en un tour de main, avaient résolu pour eux, comme pour les autres pèlerins, leurs problèmes, à commencer par celui du logement, un problème qui, à première vue, semble insoluble à quiconque arrive, inconnu et privé de tous moyens, dans une ville immense et ignorée.

Pour Anne-Marie, le problème des problèmes était unique, à ce moment : s’arrêter, fermer les yeux et dormir. La petite avait atteint Rome littéralement brisée de fatigue, les cheveux blanchis par la poussière, les souliers percés, les pieds ensanglantés. Elle ne vit rien de la grande ville, rien de ses monuments fascinants et de ses rues joyeuses d’un monde aimable et rieur. Elle vit enfin une petite porte basse dans la via " delle Vergini " et un petit escalier qui, dans l’ombre, de biais, menait là-haut. Elle trouve la force de monter ce sombre escalier parce qu’elle avait deviné qu’au dessus, un lit l’attendait. Et quand elle l’aperçut, le petit lit tellement désiré, elle eut à peine la force de se jeter dessus. Et déjà, elle dormait d’un sommeil profond comme elle n’en avait jamais eu.

Les jours et les semaines passèrent et le logis de la " Via delle Vergini ", qui ne devait être qu’un refuge provisoire pour les pèlerins, le temps de bénéficier des indulgences et de repartir, devint, pour les Giannetti, leur logement définitif. Pour prendre racine en quelque point de ce monde, il faut pouvoir se sauver ; et pour se sauver, il n’y a qu’à travailler. Le raisonnement sonnait plus que logique pour maman Santa. Le papa Louis qui avait quitté Sienne avec tout l’imbroglio que nous connaissons, ne pensait pas autrement ; il croit à l’importance du travail mais se préoccupe davantage de la chasse à la fortune qu’on ne saisit pas toujours comme on saisit un papillon sur le coin des rues, pas plus à Rome et encore moins dans ce pauvre quartier " des Monts " quand on ne sait où donner de la tête à la suite des ennuis causés à Pierre, son père, profondément déçu de son fils.

Comme le papa Louis continue à se nourrir de chimères, il incombe à maman Santa de gagner le véritable pain quotidien. Elle le fit avec un sens paisible de la réalité ; de l’élégante dame qu’elle était, elle se transforme en une infatigable domestique à temps partiel, un peu par ici, un peu par là, auprès de cette famille-ci, de cette famille-là, afin d’y gagner une poignée de menue monnaie qu’elle apportera le soir à la maison, assurant ainsi sa propre subsistance, celle de son mari, et de sa fillette, au cours de la journée qui suivra.

Santa fera davantage pour cette dernière ; en plus de lui assurer son pain quotidien, elle se souciera de son éducation, de son instruction. Le temps venu, elle la prend par la main et la conduit " Via Graziosa " à l’école Sainte-Agathe. Cette école s’appelait ainsi parce qu’elle était érigée prés de la vieille église Sainte-Agathe-des Goths, une église du quartier des " Monts ". C’était une école très importante, florissante, renommée dans toute la cité ; elle était le lieu d’aboutissement de plusieurs autres écoles de garçons et de filles, détachées mais reliées à elle, dans les différents quartiers de Rome, toutes fondées par une dame remarquable de jugement et de vertu : Lucia Filippini, siennoise elle-même.

Cette dame avait réuni autour d’elle un groupe de religieuses et de laïques non liées par des voeux, leur avait infusé son enthousiasme et son engagement. Ces laïques n’étaient pas missionnaires au sens strict ; elle les avait engagées dans la mission de soustraire à la rue les enfants pauvres et bien d’autres, de les éduquer à une vie honnête, de les intéresser à un métier profitable. Le menu peuple l’avait vite surnommée " la pieuse maîtresse, la sainte institutrice " par qui s’exerçait l’action providentielle, de Dieu.

La méthode que Lucia Filippini appliquait dans ses écoles, en accord avec le cardinal Grégoire Barbarigo, réussissait à doser avec une admirable sagesse le travail et la prière, la culture et la pratique d’une vie chrétienne vécue. Les jeunes gens et les jeunes filles, leurs études terminées, sortaient de ces écoles, avec un bagage intéressant de connaissances et de savoir-vivre. Ils savaient lire, écrire, compter, possédaient une solide formation spirituelle, un grand amour pour le travail, un sens profond de leurs responsabilités, aux plans individuel, familial, social.

À l’école-mère de Sainte-Agathe où affluaient alors les jeunes de 7 à 14 ans de toutes les parties du vieux quartier, Anne-Marie Giannetti excellait dans la lecture ; elle sera, toute sa vie, une lectrice acharnée. Elle apprit, avec une facilité exceptionnelle, la doctrine chrétienne et tout ce qui a trait à la religion. On dira, plusieurs années après, qu’elle récitait de mémoire, à merveille, les psaumes, en savait autant qu’un curé et pouvait être un professeur dans l’intérêt de tous ; elle pouvait enseigner à quiconque. Elle s’initia aussi aux travaux de la cuisine et à ceux de la maison. Elle s’ingénia à séparer la soie, à l’enrouler en bobines ; c’était un métier prometteur, à cette époque où la machine n’avait pas encore remplacé les mains. Les usines, en effet, n’avaient pas encore liquidé l’artisanat domestique. Par contre, elle n’eut pas le temps d’apprendre à écrire ; la petite vérole la frappa et retarda ses études. Mais la variole, si elle gâta l’éclat tout simple de son visage, ne réussit pas à en détruire la beauté ; des traits délicats et de douces lignes suffirent à la lui conserver.

A 11 ans, la petite Anne-Marie entra dans la basilique de Saint-Jean-de-Latran et elle y fut confirmée. À13 ans, elle fit sa première communion dans l’église saint-François-de-Paule, au quartier " des Monts ". Elle désirait ardemment et depuis longtemps se nourrir au banquet sacré, mais il fallait alors attendre au moins jusqu’à la fin de cet âge.

À 14 ans, survint l’épisode qui devait influer sur toute sa vie : l’événement grandiose du pèlerinage de tout Rome auprès de la dépouille mortelle de saint Benoit-Joseph Labre.

Anne-Marie connaissait bien le " saint ", elle avait perçu dés ses premiers contacts avec lui toute sa grandeur spirituelle. Mais ce ne fut que devant la dépouille vénérée, à la vue de l’humble témoignage d’amour que lui offrait sa maman accourue sans sourciller pour nettoyer ses plaies, revêtir ses membres, qu’intervint dans le coeur de la fillette, quelque chose de si profond, qu’elle en a été marquée pour le reste de sa vie.

Le temps qui suivit n’annonça pas d’éclaircie dans le petit firmament de la famille Giannetti, même si ce brave homme, papa Louis, s’était finalement décidé à se faire serviteur, en parole plus qu’en vérité. Tout emploi qu’il trouvait, durait peu. En somme, serviteur à temps perdu, il avait besoin, disait-il, de liberté, pour ne pas courir le risque de se laisser passer la fortune sous le nez, le jour où elle serait à sa portée.

Maman Santa était toujours hors de la maison, à s’éreinter là où elle était requise. Elle y trouvait cependant son épanouissement, du matin au soir ; et les quelques sous qu’elle réussissait à glaner, suffisaient pour nourrir chaque jour, de pain et de viande, les trois personnes, y compris la fillette devenue grande.

Au jugement de Santa, il était temps qu’Anne-Marie aussi se perfectionnât dans les travaux féminins. Elle serait en mesure de la remplacer totalement, à la maison ou, bien sûr, de s’engager demain auprès de quelqu’un, de l’aider, avec son salaire, à maintenir à flot cette barque familiale démantibulée, qui prenait eau par tous les coins.

Ainsi, Santa Giannetti confia Anne-Marie à deux vieilles dames laborieuses autant qu’estimées, qui avaient ouvert un modeste ouvroir dans le but d’apprendre aux jeunes filles désireuses de s’initier aux divers travaux qu’il importait alors de connaître, et de se rendre aptes à les exécuter. De plus, elles faisaient participer leurs élèves aux revenus de leur entreprise.

Anne-Marie y demeura environ six ans. Le climat était absolument sain, j’oserais dire " spirituel ". Les deux bonnes maîtresses savaient le susciter et le maintenir. Elle apprit à faufiler, à préparer les repas, à confectionner des corsets, des vêtements et, finalement, des chaussures.

Anne-Marie se jeta donc corps et âme au travail, se souciant en même temps de son cheminement spirituel, des progrès à réaliser dans la pratique des vertus. C’est au cours de ces années, de ses allées et venues, de sa demeure à l’ouvroir, qu’elle eut fort à faire ; belle comme elle était, il lui fallait se soustraire à des pièges plus ou moins subtils, des pièges dont sont, par malheur et en tout temps, exposées les jeunes filles du peuple des grandes villes, quand elles sont ornées de grâce et d’amabilité. Anne-Marie était d’autant plus exposée que, à ces deux dons, s’en ajoutait un troisième, d’attrait indiscutable : la suavité de sa douce voix siennoise.

Anne-Marie quitta l’atelier de couture, quand elle sut qu’elle devait se dévouer entièrement à la maison, pour permettre à sa mère de respirer un peu, de se remettre des longues fatigues qui l’accablaient, des chagrins continuels, des gênes économiques qui avaient fini par épuiser les forces de la pauvre femme ; sans oublier l’étiolement de son âme, l’aigreur de son caractère qui était pourtant si doux et si serein. Après un certain temps, Anne-Marie en arrive à la conclusion qu’elle pourrait apporter une aide encore plus grande à sa famille, si elle s’engageait comme fille de chambre auprès d’une dame quelconque. En plus de ses deux bras, elle offrira à ses parents un peu d’argent qui remédiera au malaise qui se fait sentir.

Elle en parle à sa maman qui partage sans plus ce dessein, parce que ce qui lui pèse le plus sur l’âme, c’est la préoccupation de devoir laisser seule, durant de longues journées, cette jeune fille bénie, sans surveillance, sans défense, devant des assauts possibles que pouvait provoquer sa beauté. On sait que le pollen attire les abeilles... " Mieux vaut la savoir en sécurité dans une maison fiable " ; Santa bénit la proposition d’Anne-Marie.

En ces jours, papa Louis était entré dans une de ses périodes de résipiscence : il s’était mis au service, et cette fois-ci, ça semblait sérieux, d’une dame Maria Serra Marini qui habitait au palais Maccarini, au pied du Quirinal, du côté de la Fontaine de Trevi. Elle était une dame dont on disait beaucoup de bien, pendant que d’autres la trouvaient distante et sévère.

Un soir, Louis piqua une pointe à la maison et, parlant de la pluie et du beau temps, il en vint à dire que sa patronne cherchait une femme de chambre. Aussitôt dit, aussitôt fait, dès le lendemain matin, Anne-Marie, parée de ses plus belles toilettes. les cheveux arrangés avec une certaine élégance, avec l’aide de sa mère, papa Louis lui dit : " La première impression compte pour beaucoup, ma fille ! ". Flanquée de son père, elle fait son entrée au palais Maccarini.

La première impression eut certainement un effet positif. La jeune fille se comporta d’une façon telle qu’elle gagna l’estime et l’affection, difficiles à obtenir, de Donna Maria Serra Marini. Maman Santa crut toucher le ciel du doigt et crut qu’enfin, elle se sentirait tranquille parce que dés lors, sa fille serait bien gardée.

Malheureusement, les choses se présentèrent bien autrement : les pièges et les assauts se multipliaient derrière les murs sévères du palais Maccarini, et ce, peu de temps après son arrivée. Elle se rendit compte des périls qui la menaçaient et opposa une résistance courageuse qui s’appuyait sur les énergies que sa foi pouvait lui fournir. Elle en vint à se convaincre que l’unique bouclier derrière lequel elle pouvait définitivement préserver son honnêteté, était le mariage.

Ceci dit, elle comprit que le Seigneur avait déjà mis sur son chemin, l’homme destiné à devenir le père de ses enfants. Cet homme, un peu plus âgé qu’elle, mais pas vieux du tout, c’était Dominique Taïgi qui venait tous les jours accomplir quelque mission de la part de ses patrons, auprès de la Dame Maria Serra Marini. Dominique lui avait manifesté une certaine sympathie qui tranchait sur les élans trop intéressés, manifestés par beaucoup d’autres.



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Message par M1234 Jeu 6 Avr 2017 - 14:47

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LES VOIX ET LE SOLEIL


— " Anne-Marie, que demandes-tu ?

Le Père Ferdinand de Saint-Louis, trinitaire déchaussé, avait pris place, prés de l’autel, du côté de l’Évangile, en étole et surplis blancs. Autour de lui, étaient réunis tous les religieux du couvent, dans leur longue tunique blanc-crème, la croix rouge et bleue sur la poitrine.

Sous l’architecture bizarre de Borromini, dans la pénombre de Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines, la foule se pressait, ne voulait perdre aucun détail de la belle cérémonie qui se déroulait au début de ce splendide matin du 26 décembre 1808, fête de saint Etienne.

La demande du Père Ferdinand résonna très claire, dans tous les coins de l’église. L’émotion de la dame agenouillée sur le marchepied de l’autel, une émotion qui s’exprimait par des soupirs et des sanglots, se calma comme par enchantement. Elle était d’une rare beauté malgré ses trente-neuf printemps, le dévouement déployé auprès de ses six enfants, la rigoureuse modestie de ses vêtements.

— " Anne-Marie, que demandes-tu " ?

— " L’habit du tiers-Ordre de la Très-Sainte-Trinité et la miséricorde de Dieu ". La voix de la postulante était celle de toujours, vibrante et ferme, délicieusement caractérisée par l’accent pur et doux de la région de Sienne.

— " As-tu la ferme volonté de le porter avec dévotion, jusqu’à la mort " ?

" Oui, Père, avec l’aide de Dieu ".

À ce " oui ", le Père Ferdinand se leva et tourné vers l’autel, prononça quelques prières. Il aspergea ensuite d’eau bénite, un scapulaire à la croix rouge et bleue qu’il présenta à la dame pour qu’elle le baisât.

" Que le Seigneur te dépouille du vieil homme, avec toutes ses actions, te revête de l’homme nouveau créé dans la vraie justice, et la vraie sainteté " ajouta le Père Ferdinand. Il lui imposa alors le scapulaire sur les épaules en disant : " Reçois l’habit de la Très Sainte Trinité, au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit ".

On considérait la cérémonie terminée, même si à l’arrière, d’autres prières étaient récitées. Le tout atteint son point culminant par le chant du " Veni Creator Spiritus ". La coupole de l’église Saint-Charles l’accueillit dans son élan audacieux vers le ciel, pour l’emporter dans l’infini.

À l’époque de sa vêture, dans cette église des trinitaires déchaussés qui occupe un angle du célèbre carrefour romain des Quatre-Fontaines, Anne-Marie comptait dix-huit ans de mariage.

Ses fiançailles avec Dominique n’avaient duré que quarante jours. Et la rapidité avec laquelle avaient été célébrées les noces, avait suscité une kyrielle de critiques et de commérages sur le compte de la jeune fille. Mais, Anne-Marie était d’avis et elle le sera dans l’avenir, avec ses propres filles, qu’une fois le choix fait, compte tenu de la religion, de l’honnêteté de l’époux, il faut éviter les longues fréquentations à la maison, se hâter, agir pour le mieux ; laisser traîner les choses en longueur, donne, de part et d’autre, naissance à des ennuis, et il en ressort de funestes conséquences.

De son homme, Anne-Marie avait soupesé les qualités et les défauts. Sur un plateau de la balance, elle avait déposé les manières rustres, la grossièreté du langage, l’entêtement opiniâtre, le caractère querelleur et violent, la médiocrité du talent. Sur l’autre, elle avait placé la belle apparence, la force robuste, et surtout, la bonté d’âme qui se cachait sous cette écorce rude, les fermes convictions religieuses de ses moeurs. La balance pencha du côté des qualités.

Dominique Taïgi, même si à converser avec lui, on ne l’eut jamais soupçonné, était la dernière pousse, l’ultime rameau d’un arbre généalogique d’anciennes et célèbres familles nobles. La famille Taïgi s’était distinguée en Lombardie, avait obtenu des franchises et des distinctions des ducs de Milan, avait fourni des personnages illustres dans le domaine de la science, plus particulièrement. Dans le cours des siècles, les différents rameaux s’étaient plus ou moins desséchés. Un seul survivant qui, le 18 octobre 1761, avait vu naître Dominique à Castaeggio, dans la Valtellina.

Ainsi, Dominique était venu à Rome pour trouver la fortune mais elle ne lui avait pas souri. Cependant, il y avait trouvé du travail et avait appris immédiatement à s’adapter comme serviteur et commissionnaire de confiance dans la maison des princes Chigi. Son salaire : six écus par mois et les restes de la table des patrons qui devaient, cependant, être répartis entre les nombreux serviteurs, parmi lesquels existait un ordre de préséance. Plusieurs devançaient le commissionnaire ; l’ordre hiérarchique prévu par un accord tacite, était rigoureusement observé dans tous les palais des familles patriciennes de Rome qui existaient à l’époque. Dominique ne pouvait donc pas compter sur le meilleur des restes et la quantité était loin d’être assurée.

Sa décision prise, Anne-Marie demanda le consentement de ses parents. La maman Santa le lui donna immédiatement et avec joie. Moins enthousiasmant fut le " ça-va ! " du papa Luigi qui, sans doute, aurait espéré davantage pour sa jolie fille, et souhaité un peu plus de réflexion. L’approbation des parrains est aussi immédiatement accordée et la donna Maria Marina, d’un côté, le prince Chigi de l’autre, couronnèrent leur assentiment par un cadeau princier.

Plus libéral, le prince concéda aux deux époux l’usage d’un petit appartement dans son palais " al Corso ", à l’angle de la place Colonna. Les deux chambrettes et la cuisine étaient situées dans la partie réservée au service ; les fenêtres donnaient sur la venelle du Sdrucciolo. C’était une faveur qui avait cependant, une contrepartie. Le prince s’organisait pour avoir toujours près de lui, jour et nuit, comme il en avait toujours été jusque là, son fidèle serviteur qui demeurera au rang qu’il occupait depuis son entrée en service. Il l’appréciait à un point tel, qu’il se faisait suivre par lui, lors des conclaves, quand il y accédait à titre de maréchal.

La cérémonie des noces fut des plus simples, à l’image des gens du peuple. Elle eut lieu le 7 janvier 1790. Dominique Taïgi, 28 ans, du diocèse de Como, et Anne-Marie Giannetti, 20 ans et sept mois, de Sienne, s’unirent en mariage, avec la bénédiction de l’abbé Massetti, dans l’église Saint-Marcel de Rome.

Les premiers mois de mariage furent plutôt désordonnés, sans souci du lendemain, plutôt bohèmes ; ils ont, du moins, semblés tels, pour un bout de temps. En réalité, les choses se passèrent ainsi : Dominique s’était enflé la tête d’orgueil, tel un paon. Cet orgueil venait du fait qu’il avait épousé une si belle jeune fille. Il ne se rassasiait pas de se pavaner en public, l’ayant à ses côtés. Il allait de long en large sur le " Corso ", à telle ou telle fête, au théâtre, sur la Place Saint-Pierre, le dimanche. Il voulait que son Anne-Marie se vête des robes les plus élégantes que la donna Maria Serra Marina mettait de côté, même si elles étaient presque neuves, pour les lui donner, à part celles qu’il achetait lui-même, en tenant compte de la mode qu’adoptaient les nobles dames qui fréquentaient le palais Chigi. Il rognait ainsi le magot d’argent que ses années de service lui avaient permis d’accumuler. Pour atteindre son but, il épargnait plus que tout autre, plus qu’lsaac le regrattier. Il en est venu, malgré ses épargnes, à être sans le sou pour acquérir un anneau d’or, une paire de boucles d’oreilles, une chaîne d’or, une chaîne de perles. Il ne pouvait ajouter quoi que ce soit, à la chaîne d’or, à la chaîne de corail qu’Anne-Marie reçut en cadeau, de sa patronne, à l’occasion des noces. Ces bijoux, Anne-Marie les portait avec joie, était heureuse d’en faire l’étalage, parce que pour Dominique Taïgi, l’élégance de sa femme comptait pour beaucoup.

D’autre part, Anne-Marie, depuis le jour de son entrée sous le nouveau toit marital, avait considéré Dominique comme son maître et son seigneur ; elle lui vouait une obéissance affectueuse, une soumission aimante dont elle avait toujours fait preuve, à l’égard de ses propres parents. Elle comblait ses désirs et allait même au delà ; ce qui ne troublait en rien, son sens rigoureux de l’honnêteté. Elle se complaisait dans les attitudes de son mari, parce qu’elle nourrissait en elle-même, une certaine vanité innée, une joie explosive de vivre, qui allait dans le sens de son caractère jovial et éveillé, de son goût tout à fait toscan, pour les choses éclatantes, les habits élégants.

Puis, avec le temps, la durée de quelques mois, vinrent le repentir, le trouble grandissant, l’angoisse, dans les profondeurs de l’âme. Anne-Marie était cependant certaine de ne pas offenser directement le Seigneur par sa vie joyeuse, vaniteuse ; elle n’en éprouvait pas tellement de regret.

Un bon dimanche, son esprit s’agita plus que jamais et connut une inquiétude amère. On la vit tout de même radieuse comme d’habitude, très élégante et joyeuse, sur la place Saint-Pierre, au bras de Dominique, fier comme une colonne de Michel-Ange, parmi la foule qui accourait pour la messe. Il arriva, touchant presque le seuil de la grande basilique, qu’Anne-Marie frôla un religieux de vie sainte, le Père Angelo Vérardi, des Servîtes de Marie. Comme il était seul, il marchait lentement et avec grande réserve, les yeux rivés au sol. Mais voici que, à cet instant, les yeux du Père Angelo se levèrent et, croisant ceux de la jeune épouse, s’y fixèrent pendant quelques secondes.

Il entendit une voix intérieure, mystérieuse, et il le dira lui-même, plus tard, qui le força à regarder Anne-Marie. Ses vêtements et ses fantaisies se sont comme imprimés dans sa mémoire. La voix lui dit : " Porte attention à cette jeune dame ; un jour, je la déposerai entre tes mains et tu devras la conduire à moi, intégralement. Elle se sanctifiera parce que je l’ai choisie pour en faire une sainte ".

Au moment même, le regard pénétrant du Père Angelo produisit chez Anne-Marie, un véritable choc. Peu de temps après, agenouillée devant le Saint-Sacrement, à l’intérieur de la basilique, son coeur se dégagea lentement de l’étreinte, de la commotion qui l’avait secouée. Ses yeux versèrent des larmes et son âme s’ouvrit à l’inspiration rapide et véhémente de changer de vie, de s’offrir entièrement au Seigneur.

Les jours qui suivirent rendirent toujours plus profonde sa détermination d’abandonner la vanité et les divertissements. Comme elle voulait bien faire, sans provoquer des drames familiaux, elle crut bon d’avoir recours à la confession, le moyen le plus efficace pour libérer son âme du poids qui l’écrasait, et recevoir en même temps, les conseils les plus clairs et les plus prudents, sur la façon de répondre, comme épouse, à l’appel qu’elle venait de recevoir de la part de Dieu. Voici qu’elle arrive, un après-midi, à la grille d’un confessionnal, dans une église voisine de sa demeure. Elle se met à murmurer : " Voici à vos pieds, mon Père, une pauvre pécheresse ". Elle s’entendit répondre, avec une drôle d’amabilité : " Mais vous n’êtes pas une de mes pénitentes. Allez-vous-en ". Elle en reçut comme un coup de massue sur la tête. La consternation fut telle, qu’Anne-Marie ne tenta même pas de trouver une justification à pareille attitude ; elle n’avait jamais pensé qu’on pourrait lui réserver un accueil si glacial. Elle sortit de l’église, éperdue, la révolte dans l’âme, se sentant abandonnée de tous, vouée à marcher presque sans retour, dans le chemin de la perdition.

Elle se laissa attirer encore vers la vie déréglée parce que l’avilissement est le pire ennemi de la volonté. Mais les promenades pompeuses sur le " Corso ", les spectacles et les fêtes, les satisfactions et les joies que lui procurait l’admiration qu’elle suscitait partout, autour d’elle, perdirent de la saveur. Les satisfactions devinrent de plus en plus rares, la joie, de plus en plus terne. Les yeux de ce religieux servite rencontré sur le seuil de Saint-Pierre, en ce dimanche, ne cessaient de la fixer.

Quelque mois après, elle se retrouve dans le même état qu’auparavant et quoi qu’il arrive, elle reprit le chemin du confessionnal. Cette fois-ci, elle décide de se rendre à Saint-Marcel, la chère église où son mariage avait été bénit. Elle entra, regarda autour et vit, prés du second confessionnal, à droite, une longue file de gens qui attendaient. Si ce prêtre, pensa-t-elle, s’est acquis la confiance de tant de pénitents, il ne peut être que rempli d’une grande charité pour les pauvres pécheurs. Elle fit donc la queue derrière les autres et attendit son tour. Quand elle vint et entendit s’ouvrir le petit carreau mû par le confesseur, au delà de la grille, son coeur fut subitement rempli de félicité. Une voix douce, paternelle, tranquille, avant même qu’elle ne réussit à prononcer un mot, lui dit : " Ah ! vous êtes venue, finalement, âme chère du ciel ! Courage, ma fille, le Seigneur vous aime et vous veut tout à lui ". Et dès ce moment, sa vie devint ce qu’elle avait rêvé. Ce confesseur n’était autre que le Père Angelo Verardi des Servîtes de Marie.

Dominique consentit à démobiliser la mise en scène autour de la beauté de sa femme. Anne-Marie déposa ses bijoux dans la cassette, ses habits fins, dans l’armoire. Elle endossa les habits simples et ordinaires du peuple. Aux festivités, au théâtre, aux promenades sur le " Corso ", elle substitua une vie humble et recueillie.

Les nerfs de la maman Santa, limés par de nombreuses années de fatigue et d’amertume, provoquaient, vraisemblablement, dans la maison Taïgi, l’habituel drame belle-mère-gendre. De cela, nous en parlerons par la suite, comme nous nous arrêterons aussi, à d’autres faits de la famille d’Anne-Marie. Tenons-nous en pour le moment, à une période capitale dans la vie de notre protagoniste.

Un jour, alors que maman Santa lisait à sa fille, un livre de méditation, elle tomba sur un passage qui faisait allusion au jugement universel, au jugement général. Ce passage impressionna tellement Anne-Marie qu’elle éclata en larmes d’amour et d’horreur. Elle entendit une voix qui lui disait : " Voilà, fille et épouse bien-aimée, ton Père qui t’a toujours suivie, te destinait à devenir une sainte alors que tu étais encore dans le sein de ta mère. Tu n’as aimé d’autre que moi, et je te garderai même au milieu des vanités du monde. Je ne t’ai pas abandonnée ; je te préserverai de nombreux périls, de la mort, parce que je t’aime beaucoup. Un jour, tu verras celui qui te parle ".

Ce fut le début d’une longue et ineffable idylle. Elle jouira du don de célestes colloques ; Jésus, son divin Époux, la Vierge Marie, les saints et les anges les plus chéris, lui parleront : saint Paul, l’apôtre, saint François d’Assise, saint Philippe Néri, saint François de Paule, sainte Françoise Romaine, sainte Jacinthe Mariscotti, l’Archange Raphaël, les Anges Gardiens, et même les âmes du purgatoire. Ils lui confièrent de profonds secrets, lui firent d’intimes confidences, l’éclairèrent sur les conditions de l’église et de la société, lui révélèrent l’avenir d’illustres personnages et le sort de tant d’âmes. Ils la consolèrent et la guidèrent sur les sentiers du bien.

Mais retournons en arrière. Nous sommes au printemps de 1791. Un nombre incalculable de charismes lumineux s’accumulent subitement dans l’âme d’Anne-Marie. Les premières communications célestes d’amour, la réconfortent et l’intimident en même temps.

" Je te destine, lui dit un jour l’Esprit divin, au moment de la communion qu’elle reçoit désormais chaque matin, à convertir des âmes et à consoler toutes les catégories de personnes : prêtres, frères, moines, prélats, cardinaux, et même mon Vicaire. " Plus elle se sentait comblée d’affection divine et guidée vers une mission presque vertigineuse, plus elle estimait cela impossible, plus elle avait de mépris pour elle-même ; elle n’aurait jamais cessé de s’humilier. Elle en vint aux flagellations. A la fin, elle se frappait violemment le visage sur les tuiles du parquet, pour réparer les élans de sa beauté et de sa vanité du passé.

À genoux, un soir, prostrée devant le crucifix, les épaules nues, elle s’était donné la discipline avant que son confesseur ne lui défende ce genre de mortifications. Elle vit de loin, devant ses yeux, une lumière resplendissante comme le soleil, même si elle était voilée d’un léger nuage. Elle en éprouva une grande frayeur puis se frotta les yeux, pensant qu’il s’agissait d’une hallucination ou d’un piège diabolique. Mais le soleil ne s’éteignait pas. Elle finit par se tranquilliser et l’observa de plus prés. Il avait l’apparence d’un globe de feu duquel se détachaient des rayons.

Depuis ce soir-là et pour toujours, le soleil accompagnera Anne-Marie Taïgi ; elle l’aura constamment à la vue, devant elle, pendant 47 ans, jour et nuit, à l’intérieur comme à l’extérieur de la maison.

Éclairés par le soleil du firmament, nous voyons les vivants, les choses de cette terre. Ainsi, illuminée par son soleil mystérieux, Anne-Marie verra de façon étonnante, les réalités physiques, les problèmes moraux de ce monde, " comme on voit passer les images dans une lanterne magique ", comme elle l’explique elle-même, dans son piquant langage populaire. Ce soleil toujours devant ses yeux, éloigné de sa figure " d’environ dix palmes romaines et au dessus de sa tête, d’environ trois palmes ", lui montrera les secrets de la nature et de la grâce, les secrets du temps et de l’éternité, source continuelle et intarissable de connaissances merveilleuses sur la vie présente, sur la vie future.

Si au départ, la lumière était un peu diffuse, elle se faisait plus éclatante, plus limpide, plus lumineuse que sept soleils réunis ensemble, selon les progrès dans la vertu, quand, sur suggestion de son confesseur, elle demandera à Dieu, la signification de cette vision ininterrompue, la voix lui dira : " C’est un miroir pour que tu distingues entre le bien et le mal ".

Un jour, à Dom Raphaël Natali, un prêtre qui fut très cher et dont nous reparlerons, Anne-Marie tenta de lui décrire ce soleil mystérieux : en haut, là où se terminent les rayons lumineux, je vois une couronne d’épines et deux d’entre elles, d’un côté et de l’autre descendent très longues jusqu’à se superposer pour former une croix avec leur pointe arquée sous le disque solaire. Au centre du disque qui est lumineux, je vois un personnage revêtu d’un manteau majestueux, assis, la tête tournée vers le haut ; de son front, sortent deux rayons de lumière.

Dom Raphaël s’efforça de comprendre comme il put, la signification de ce soleil. À la fin, il crut reconnaître dans ces symboles, " le Christ Rédempteur ". Dans le disque brillant, il vit en effet, la divinité. Dans la couronne d’épines et la croix sous-jacente, formée par les deux épines majeures, il vit les éléments de la passion. Dans la figure solennelle, il vit le Christ Rédempteur. Sur la toile de fond éblouissante, passaient de temps en temps, les visions particulières dont Anne-Marie saisissait la signification.

Nous nous sommes encore laissés aller à une anticipation et nous devons retourner à cette Anne-Marie qui, avec la rapidité du temps, passait d’une grossesse à l’autre et allaitait chacun de ses enfants sans avoir recours à des procédés qui auraient pu suppléer. Elle avait donné naissance à Anne-Séraphique, Camille, Alexandre, Luigi, Sophie, Louise.

Elle éprouvait alors, un vif et pressant désir du cloître ; elle souhaitait avoir l’opportunité de vivre dans le silence et la paix, loin des bruits, de l’agitation, du tumulte de la vie, au coeur de la cité elle ne réussissait pas à concilier son ardent désir de vie religieuse avec son rôle d’épouse et de mère.

Elle parle au Père Ferdinand de Saint Louis, trinitaire déchaussé du couvent de Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines qui était devenu son confesseur à la suite du Père Angelo Verardi des Servîtes de Marie et d’autres qui l’avaient guidée au cours des années antérieures.

" Bien, lui dit le Père Ferdinand, si vous voulez profiter, au moins en partie, des avantages spirituels de la vie monastique, participer aux oeuvres saintes qui s’y accomplissent, inscrivez-vous à une milice religieuse qui vous permettra de vivre dans le monde tout en accomplissant les devoirs qui vous sont imposés par votre état et votre condition sociale. Écoutez-moi bien : demandez à votre mari s’il acquiesce à votre désir de devenir tertiaire. Ainsi, vous serez une religieuse au milieu du monde ".

Parmi les Tiers-Ordres, Anne-Marie choisit celui des Trinitaires, non parce que son confesseur est un Trinitaire, mais parce qu’elle nourrissait une dévotion très profonde pour les divins mystères, pour celui de la Trinité, en particulier. Elle demanda le consentement de son mari.

" Ma femme, rappellera Dominique après la mort d’Anne-Marie, me demanda la permission de devenir tertiaire déchaussée de l’Ordre de la Sainte-Trinité et je le lui accordai avec la condition, cependant, d’être fidèle à son rôle d’épouse et de mère de famille. Ce furent mes conditions et elle les a toujours observées avec une obéissance prompte, avec exactitude ".

Après la cérémonie de vêture à Saint-Charles-des-Quatre-Fontaines, Anne-Marie demeura intègre en ce qui avait trait aux exigences de son mari ; elle ne sacrifia en rien, les droits et les devoirs qui lui incombaient, à l’égard de son mari et de sa famille, se conduisait, de fait, comme une religieuse. Elle aurait pu se limiter à porter le scapulaire sous les vêtements de chaque jour, mais elle voulut, au contraire, depuis lors, se montrer spontanément en public, avec l’habit des Tertiaires trinitaires : la tunique de laine blanche, le scapulaire de même étoffe avec la croix rouge et bleue sur la poitrine, la coiffe sur la tête, un manteau de mousseline blanche qui descendait très bas, la ceinture de cuir, avec le rosaire pendant sur le côté, les pieds nus, dans des sandales. Cela, quand elle sortait. Dans la maison, au contraire, elle portait la robe en usage chez les femmes du peuple, lorsqu’elles s’adonnaient à des travaux domestiques.

Tout se déroula ainsi, pendant plus de deux ans, jusqu’à ce qu’elle porte un septième enfant. Elle abandonna la tunique blanche pour éviter les critiques et pour ne pas exposer l’habit religieux à la moquerie des malveillants. Dés lors, par la suite, selon l’usage des femmes toscanes, elle endossa une robe de toile sombre, un fichu blanc au cou, une coiffe blanche sur la tête, et, par dessus, un manteau blanc assez ample pour pratiquement recouvrir le tout. Dans ses dernières années de vie, vu son grand âge, elle fit quelques retouches à la façon de se vêtir. Le tout se réduisait à la substitution de son manteau blanc, par le port d’une mantille noire ; au passage d’un fichu blanc, à un voile totalement noir.

Revêtue d’un habit du peuple, Anne-Marie continua d’agir toujours, devant tout Rome, comme la Vierge Marie le lui avait recommandé lors d’un colloque : " II est nécessaire que chacun se persuade, connaissant ta vie, qu’il est possible de servir Dieu dans tous les états et toutes les conditions ".

Le plus grand mérite d’Anne-Marie, fut de demeurer au milieu du monde sans y être : " L’âme qui veut devenir mon épouse, doit mourir à tout le créé ", lui avait laissé entendre la voix du céleste époux.
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Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)  - Page 2 Empty Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)

Message par M1234 Ven 7 Avr 2017 - 10:32

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LA MAISON TAÏGI



Vinrent les années de fer de la République romaine, les années de la tyrannie napoléonienne. Les foules affamées du peuple descendirent dans la rue, se rangèrent en longues files devant les fours à pain.

Au nom de Bonaparte, le pape Pie VII avait été capturé par des troupes de gredins et traîné en terre d’exil. Le pape absent, la famine était entrée dans Rome. Un jour, au milieu de la cohue des pauvres gens, un soldat, en service d’ordre, heurta brusquement Anne-Marie Taïgi. Dominique n’y vit que du feu. Il s’élança sur le soldat, lui arracha le fusil des mains et, s’en servant comme d’une massue, lui servit un tel coup qu’il le laissa plus mort que vivant.

C’était Dominique dans ses démonstrations pyrotechniques, c’était son caractère explosif. Autant il aimait sa femme, autant il était violent à l’occasion, pour lui prouver son affection.

Dans la famille, avec les enfants, il avait établi la loi du coup de sifflet. C’était le signal venant de la rue, qui annonçait son entrée à la maison ; c’était comme le déclenchement d’un système d’alarme. Deux fois, sa fille Mariuccia, dans son empressement à lui ouvrir la porte, dégringola dans l’escalier au risque de se casser le cou. " Si papa ne trouvait pas tout à sa place, racontera sa fille Sophie, il s’emportait tellement, qu’il était capable de se saisir du coin de la nappe et d’expédier en l’air la table déjà toute servie. Le potage fumant devait être dans les assiettes, sa chaise placée en son lieu. En somme, il exigeait l’ordre parfait en toutes choses, et le faisait avec rigueur. Ce que je dis de la table, je le dis aussi du vestiaire, de toutes les choses appartenant à la famille, à la maison, y compris la bonne tenue vestimentaire des personnes ".

Pour établir son autorité, lorsqu’un des enfants en venait à l’oublier, Dominique se servait de la loi du sifflet, comme on se sert parfois du béton. Et si quelqu’un tentait de l’éviter, les désagréments devenaient plus considérables ; ce qui arriva à l’un des garçons, à Camillo ou à Alessandro. Pour se soustraire à une quelconque raclée qui lui était due, le coupable s’enfuit par les escaliers, dans la rue. Passant sous une fenêtre, le père lui lança, mais sans l’atteindre, un fauteuil assez lourd, un geste qui aurait pu avoir des conséquences graves. Mais laissons passer.

Avec un homme capable de telles sautes de caractère, Anne-Marie vécut presqu’un demi-siècle. Que le ciel en soit remercié, la digne épouse faisait preuve de douceur et de charité, apaisait le caractère de cet homme qui aurait pu allumer de continuels incendies ; c’était l’opinion d’une voisine, amie de la maison.

Le même Dominique l’admettra, du reste, quand, quelques années après la mort d’Anne-Marie, il dira : " Souvent, je revenais à la maison, écrasé par la fatigue et un peu troublé, parce que celui qui demeure serviteur doit en avaler de toutes sortes, de la part des seigneurs, plus particulièrement. Mais Anne-Marie avait tant de bonnes manières, tant d’amabilité, qu’elle faisait en sorte que tout soit selon mes goûts. Elle faisait passer ma mauvaise humeur et m’égayait. Quand j’avais des difficultés, je revenais à la maison et ainsi, je me tranquillisais. Où trouver, maintenant, des femmes comme elle ? ".

Il ne faut pas croire que la cohabitation matrimoniale ait été un martyre pour Anne-Marie. En effet, il n’en fut rien. Très différents de caractère, ils connurent des jours heureux. Elle, douce, tendre, calme, avait choisi un homme extravagant, impétueux, hérissé, rude, agité, et elle en était amoureuse ; elle l’aimera toute sa vie de tout son coeur de femme et d’épouse, sans un ressentiment, sans le moindre regret.

Et, l’aimant, elle lui obéissait en tout, même si elle en éprouvait de l’amertume ; son esprit de mortification lui a permis de répondre à ses désirs.

" Que fais-tu avec ce verre ? tu t’amuses avec ? ", disait Dominique, quand Anne-Marie, pour ne pas trop flatter sa soif ou sa gourmandise, se limitait à une gorgée. " Bois-le tout, te dis-je ! ". Elle lui souriait et le buvait.

" Que fait-on, ce soir ? Habillons-nous convenablement et sortons pour nous divertir ". Et elle, qui mourait d’envie de demeurer éloignée de tout divertissement, même si c’était un divertissement de famille, souriait, endossait sa tenue d’ordinaire, et l’accompagnait par le bras, avec les enfants en arrière, au théâtre des marionnettes.

" M’étant aperçu, racontera Dominique par la suite, qu’elle le faisait plus pour me plaire et m’obéir que pour son plaisir ; que c’était pour elle un sacrifice, je la laissai en paix ".

Avec Anne-Marie, Dominique, le terrible, devenait souvent un petit chien ; et comme les chiots, il aimait à être caressé. Il voulait que ce fut elle qui lui lavât les mains quand il entrait, qui lui taillât les ongles quand il en sentait le besoin, laçât ses chaussures quand il sortait. Il hurlait pour tant d’attentions.

Et comme il lui plaisait de l’avoir tout prés de lui et qu’elle en était consciente, elle écartait quiconque, autour d’elle, pour demeurer ainsi avec lui, le soigner, l’assister, le préférant à tous les êtres humains du monde.

Il n’était pas rare qu’à son entrée dans la maison, Dominique se trouvait mêlé à beaucoup de monde, à des gens venus demander conseil, recevoir des communications d’en haut. En un rien de temps, Anne-Marie libérait la place, gentiment mais fermement. Elle accompagnait à la sortie les plus humbles comme les plus illustres personnage ; le mari avant tout, l’époux premier servi.

Un mariage heureux en fait, plus que dans l’expression, même si dans l’entourage, on ne réussissait pas à le croire tel. Un mariage où le succès trouva son secret dans les manières suaves d’Anne-Marie, dans ses douces réponses, dans sa tendre mansuétude, au cours des années. De cette façon, elle réussissait à apaiser la colère facile de Dominique, à rendre son rude caractère toujours plus souple, nonobstant les mille querelles qui se produisirent au détriment de toute la famille, les afflictions habituelles, les maladies, les mortalités, les périodes de chômage, les temps de misère, les désaccords entre parents, les contraintes des voisins qui n’épargnèrent pas la maison Taïgi.

Maman Santa, comme nous l’avons déjà mentionné, demeurait avec sa fille à la maison. La pauvre vieille avait suffisamment travaillé ; il était temps qu’elle trouve un peu de repos et de paix. Chez les Taïgi, elle trouva le repos mais n’apporta pas la paix ; ses nerfs étaient aiguisés au milieu de tant de difficultés ; et cela, pendant de longues années. Elle entra vite en contradiction avec son gendre et il fut impossible d’en sortir.

Et dire que Dominique, par son amour pour sa femme, s’ingéniait à avaler d’impossibles crapauds. Il en vint même à ne plus contredire sa belle-mère. Quand il apportait les restes de table des princes Chigi, il acceptait qu’Anne-Marie réserve les morceaux les plus délicats pour sa mère. " Dieu soit loué ! ", disait-il, observant la belle-mère qui mangeait tout avec la gourmandise bruyante des vieux. " Pour ce soir, au moins, j’ai contenté la maman ! ". Mais dès que le plat était vide, la paix s’évanouissait. De nouveau, avec sa douceur inaltérable, Anne-Marie laissait entendre à son mari, qu’en conscience, elle devait s’acquitter d’une énorme dette de reconnaissance à l’égard de sa mère. Elle faisait aussi comprendre à cette dernière, avec une même douceur inaltérable, qu’elle devait, en conscience, obéir à son mari, le respecter, l’aimer d’un grand amour.

Puis, le papa Luigi Giannetti se mit de la partie. Dame Maria Serra Marina, l’unique patronne auprès de qui il avait accepté de servir, était morte. Le petit vieux, on ne sait comment, avait réussi à se trouver un lit à perpétuité, à l’hôpital Saint-Jacques ; un refuge à prix gratuit, sa vie durant. En somme, l’unique fortune de cet obstiné chasseur de chimères, avait finalement réussi à atteindre Rome. À son lit à perpétuité, s’ajoutait une rente viagère que la patronne lui avait laissée. Il aurait pu vivre très bien. Toutefois, malgré la distance à parcourir entre les palais et le logis des Taïgi, une distance de deux milles, environ, il y passait ses journées et y battait le tambour. Lorsqu’il entrait, c’était comme un chien dans un jeu de quilles ; il ne cessait jamais de grogner, de se plaindre, de larmoyer à propos de tout, comme un pauvre homme.

Dominique continua d’avaler d’autres crapauds et, par amour pour sa femme, accepta qu’elle sacrifiât les petites épargnes qu’ils avaient réussi à mettre de côté, afin de satisfaire papa Luigi. Rien à faire, le petit vieux, sans même dire " merci ", se laissait toujours aller avec de nouvelles jérémiades. Et ce furent toujours les mêmes lamentations, les mêmes impolitesses.

Louis Giannetti allait bientôt connaître la fin de son existence bizarre ; le dernier chapitre qu’il écrira sera saisissant. Il mourut de la lèpre.

Il ne quitta plus le lit de Saint-Jacques. Il ne sera pas pour autant abandonné par sa fille. Le geste que maman Santa avait posé, lors du décès de Benoit-Joseph Labre, en 1783, le geste de laver la dépouille souillée du saint, étendue sur un grabat de la rue " De Serpenti " avait fortement impressionné Anne-Marie. Elle soigna son père lépreux, nettoya ses pauvres membres avec des bains chauds, le changea de linge, lui peignit les cheveux avec autant de patience qu’avec ses enfants. Et ce, pendant des mois, sans en retirer un seul mot de reconnaissance. Lorsqu’elle constata que la fin était proche, elle le prépara à recevoir les derniers sacrements. Il fut administré, et accompagné par la main de sa fille, jusqu’au dernier soupir, vers les sentiers éternels du ciel.

Elle conduisait, quelque temps après, vers les mêmes sentiers, la maman Santa qui demeurait toujours avec elle. Elle fut fidèle à sa mère jusqu’au bout, fut jour et nuit à son chevet.

Quelle amertume les voisins et voisines ne donnèrent-il pas à Anne-Marie ! Les murmures, commérages, calomnies, injures, ne cessaient de pleuvoir sur elle. Le va-et-vient de personnalités de toutes sortes dans la maison des Taïgi, était le prétexte des conjectures les plus fantaisistes, les plus malicieuses, des accusations les plus sordides.

Un jour, une femme eut l’audace d’insulter, de porter atteinte à la réputation d’Anne-Marie. Dominique l’apprit et sauta comme un baril de poudre. La diffamation dénoncée, il la fit enfermer, sans rémission.

Anne-Marie apprit qu’elle devait exercer au suprême degré la vertu de prudence, cacher à son mari jusqu’à la plus petite des nombreuses offenses dont elle était la cible continuelle. Elle défendait même à ses enfants d’en faire part à leur père, dans la crainte que Dominique ne se laisse aller à de sévères vengeances, selon son style rustaud.

Nonobstant les charges croissantes, comme nous le verrons, cette femme extraordinaire, face aux événements de son époque, sut conserver un rythme serein et constant à l’avantage des membres de sa nombreuse famille. Comme le lui avaient appris à l’école Sainte-Agathe ses pieuses maîtresses, Anne-Marie divisa et régla la journée de chacun des siens, en tenant compte des devoirs de la piété, des obligations du travail.

Le réveil, le matin, était plutôt hâtif Après la prière et la collation, les filles s’adonnaient aux travaux ménagers qui se prolongeaient toute la journée avec la seule interruption du dîner. Le travail des fils se faisait à l’extérieur. Le soir, à l’heure fixée, personne ne devait manquer la récitation du rosaire suivie de prières additionnelles qui, en vérité, étaient un peu longues. Et c’était le souper précédé et suivi, comme au dîner, de quelques prières. Suivait la lecture de quelques pages de la vie d’un saint, de quelques entretiens sur les missions catholiques. On chantait ensemble, enfin, un cantique religieux. Les enfants passaient un par un, devant les parents, demandaient la bénédiction, baisaient la main de l’un et de l’autre, gagnaient leur lit. C’était toujours tôt.

En plus de s’éreinter à la maison avec ses filles, Anne-Marie en arrivait, chaque jour, à soutirer quelques heures de son temps pour s’adonner à des oeuvres de piété, s’employer à des travaux qui rendaient service aux autres, tout en lui assurant un petit revenu qui contribuait, avec l’apport de Dominique, à donner de l’élan à la caravane familiale. " Plusieurs femmes ensemble, dira celui qui la connut bien, n’auraient pu en faire autant que ce qui fut fait par elle ". Elle ne pactisait jamais avec la paresse, comme en témoignait une voisine. Elle agissait de façon à ce que tout soit en place. Ce qu’un autre ne faisait pas, elle le faisait.

Quand tous les autres dormaient, elle enlevait sa coiffe et, chassant le sommeil de ses yeux, elle travaillait pour les pauvres, priait, méditait, plus unie que jamais à son époux céleste. Le silence de la nuit lui procurait un souffle de paix comme il en existe dans le cloître.

La sobriété, oui, toujours ; mais une alimentation adéquate ne devait manquer ni au mari, ni aux enfants. " Ici, à Rome, dira Dominique, en bon valtelin, on mange à crever, un jour ; on a peine à se mettre un peu de pain sous la dent, le lendemain. Dans la façon de procéder de ma femme, tout est à l’ordre, tout s’équilibre, tout fonctionne comme une horloge, dans la paix du ciel ". Dominique en savait quelque chose ; il mangeait toujours pour trois.

Et pendant que les autres mangeaient la soupe et le ragoût garni de patates ou des fritures, de l’agneau quand il n’était rien resté du dîner, le tout agrémenté par un morceau de fromage, un peu de salade, du vin, soit pur, soit trempé, dont chacun pouvait se servir en allant jusqu’à l’épaisseur de deux ou trois doigts, à la fin du repas, Anne-Marie, debout, les servait tous ; elle ne s’assoyait que lorsque tous étaient satisfaits. Elle-même se contentait de si peu ; très souvent, d’un reste du jour précédent.

L’économie faisait toujours loi dans le régime familial d’Anne-Marie Taïgi. On n’allait cependant pas jusqu’à l’avarice. S’il est vrai que dans les meilleures années, elle ne favorisait, pour aucun motif, le caprice chez ses enfants, lequel a pour effet, en général, de les rendre la plupart du temps insatisfaits, il est aussi vrai qu’elle n’hésita pas à engager des domestiques, lorsqu’elle le jugeait nécessaire. Et elle les traitait comme ses filles. Il est certain qu’elle ne leur imposait pas de services supérieurs à ceux que, malgré cette aide, continuaient d’effectuer ses propres filles.

" Une fois, racontera une des domestiques de la maison Taïgi, je portais une grosse carafe qui pouvait valoir une douzaine de " paoli ", soit 56 centimes, une carafe cannelée et dorée qui se brisa entre mes mains. Imaginez ce qui se serait passé dans la plupart des familles. Eh bien, Anne-Marie dit immédiatement, qu’il n’en était rien. Elle me servit du vin en ajoutant que de telles carafes, elle en avait eu douze et qu’elles s’étaient toutes brisées de la même façon ".

Généreuse, et toutefois ménagère et parcimonieuse, lorsqu’elle sera malade au lit, elle appellera la domestique à son chevet et se fera montrer le panier et la note des dépenses. Si quelque chose dans le panier ne lui semble pas bon ou si la note lui apparaît trop élevée, elle ne manquera pas de faire à la jeune fille le juste reproche, mais avec douceur et sans lui tenir rigueur.

Les années de grande misère commencèrent en 1799, une année après que les émissaires de Napoléon eurent proclamé la République romaine. Ce fut la faim pour tous et pour la maison Taïgi, parce que les temps furent tristes pour les princes aussi ; le prince Chigi avait levé le camp et s’était réfugié à Paris. De sa nouvelle résidence, il fit savoir à Dominique qu’il n’était plus en mesure de supporter tant de domestiques, mais que lui, son fidèle serviteur, pouvait encore demeurer au palais, s’il le désirait. Il devrait cependant se contenter de sa propre nourriture, se débrouiller avec les seize écus convenus pour son salaire.

Dominique y demeure, soit pour le pain, soit pour le fricot, soit en témoignage de fidélité à son patron. Ainsi, dans ces sombres années, tout le poids de la famille retombe sur les épaules d’Anne-Marie et elle ne perd pas courage ; elle joue le rôle du père et de la mère. Elle fut contrainte, chaque jour, pendant des heures et des heures, à demeurer au milieu de la foule misérable et exaspérée des pauvres qui s’entassaient férocement, devant les boulangeries, rudoyée par l’impolitesse des soldats français.

Pour le reste de la journée et la plus grande partie de la nuit. Anne-Marie travaillait et travaillait. Elle s’est souvenue avoir appris, étant jeune, dans cet ouvroir du quartier " des Monts ", tenu par des anciennes et braves dames, certains métiers importants. Elle les reprit tous. Elle s’occupa à confectionner des chaussures avec semelles de corde de ficelle, des chemises, des vestons et des vêtements de femmes, sans toutefois négliger sa famille. Il faut dire, cependant, que ce qu’elle gagnait suffisait à peine pour répondre aux exigences des siens, apaiser leur faim.

Les travaux ingénieux et soignés qu’elle exécutait, elle les fit apprécier par les soeurs des monastères Saints-Dominique-et-Sixte. Les soeurs la firent connaître à Maria Luisa, ex-reine d’Etrurie et duchesse de Lucques, qui, extasiée devant les vertus d’Anne-Marie, profondément frappée par ses dons exceptionnels, entra en relation avec elle. Elles se lièrent d’une amitié si profonde qu’elle, l’aristocrate, et Anne-Marie, la fille du peuple, uniront leurs efforts. Anne-Marie reçut plusieurs petits cadeaux pour ses enfants. Elle lui fixa une allocation mensuelle de cinq écus pour que, dans la maison Taïgi, une lampe brûlât à perpétuité, devant l’image de la Vierge.

Cette fois, Anne-Marie accepta l’offrande parce qu’elle lui donnait l’eau à la bouche. Mais ni avant, ni après, elle ne demanda une aide quelconque ; elle se contentait des secours qui lui venaient spontanément, comme envoyés par la Providence, des secours modestes. Si les secours avaient été trop importants, si elle avait voulu en profiter moindrement, elle serait devenue riche et jugeait bon de les refuser. Ainsi, lorsqu’elle refusa les faveurs du cardinal Pedicini qui désirait la recevoir avec toute sa famille dans son palais, avec l’assurance d’avantages inimaginables qui en auraient résulté ; comme elle refusa également, la possibilité d’établir son mari et les siens, tout prés de la même ex-reine d’Etrurie.

C’est elle qui, au contraire, reçut un tas de gens dans sa maison. Elle reçut d’abord sa maman et, quelques années après, en 1835, l’entière famille de sa fille Sophia. Elle accueillit aussi, entre autres, ce bon Dom Rafaele Natali, affligé, doyen du collège des chapelains pontificaux, qui fut son confident sincère, tant qu’elle vécut. Il en pénétra les secrets du coeur à un point tel que s’il n’avait pas été l’hôte agréé chez les Taïgi, nous ignorerions aujourd’hui bien des traits de la merveilleuse élévation de cette femme.

Au palais Chigi, au " Corso ", naquirent tous les enfants de Maria et de Dominique. Il est vrai que Maria-Seraphina, Louis et Louise, étaient morts rapidement, encore bébés. Toutefois, les quatre adolescents, Camille, Alexandre, Sophie et Mariuccia, sans compter les parents et pour plusieurs années, la grand’maman Santa, formaient une famille un peu trop nombreuse pour ne pas se sentir comprimée dans ces deux pièces. L’heure vint, en effet, de l’inévitable décision : renoncer aux faveurs du prince qui avait concédé ce logis gratuitement, et affronter de nouveaux engagements de location pour une demeure qui permettait, pour le moins, de respirer.

Ils la trouvèrent d’abord sur la rue " del Giardino ", au numéro 195. Mais en 1827, les Taïgi retournèrent habiter au " Corso ", juste en face du palais Chigi, dans une maison démolie par la suite, sise exactement sur le terrain où surgit aujourd’hui la " Rinascente ". C’était un petit appartement très peu éclairé, très peu aéré. Si déjà, au palais Chigi, les fenêtres d’Anne-Marie avaient regard sur la venelle du " Sdrucciolo ", dans cette maison, les fenêtres s’ouvrent à l’arrière, donnent sur la ruelle " Cacciabobe ".

En 1828, les Taïgi déménagèrent de là pour affronter une période pénible de déplacements : trois fois, en trois mois. Ils passèrent d’un appartement aux Anges-Gardiens, dans une maison prés de l’église Saint-Nicolas " in Arcione " où aujourd’hui débouche un tunnel sur la " via del Tritone " ; et enfin, au palais Fiorelli, sur la " via del Burro ", face à l’église Saint-Ignace. Mais ils durent quitter de nouveau parce que, comme je l’ai déjà mentionné, une autre famille s’ajouta à celle des Taïgi, celle de Sophie, devenue veuve avec cinq enfants.

La nouvelle famille trouva logement au numéro 262 du palais " Righetti ", qui ne fait qu’un, aujourd’hui, avec le palais " Odescalchi ", face à l’église de Sainte-Marie " in via Lata ". C’est dans cette maison que mourra Anne-Marie Taïgi, en 1837.

Anne-Marie allaita elle-même tous ses enfants, après les avoir fait baptiser dans les vingt-quatre heures qui suivirent leur naissance. Elle les fit confirmer en leur temps, même avant la septième année, pour ceux qui étaient en danger de mort.

Elle les instruisait tous, pratiquement seule, leur enseignait la doctrine chrétienne. Elle les confiait à quelqu’un d’autre, le dimanche seulement ; les garçons à l’église paroissiale, les filles aux religieuses.

Vers l’âge de douze, treize ans, comme il était d’usage alors elle les mena, l’un après l’autre, à la première communion, et s’appliqua à les faire grandir dans l’amour de Dieu et du prochain. Elle accompagnait souvent ses filles dans les hôpitaux, pour qu’elles puissent exercer leur piété envers les malades. Elle veilla avec soin, avec grand souci, sur l’innocence de ses enfants. Elle les préserva de l’esprit mondain, centrant son action sur une devise populaire : " L’oisiveté est la mère de tous les vices ". Si bien que sa fille Mariuccia dira : " nous étions toujours occupés à quelque chose ".

Anne-Marie fit donner à tous les quatre un certain degré d’instruction. Mais comme elle n’eut pas d’ambition pour elle-même, elle n’en nourrit pas non plus pour ses enfants.

Elle qui, par ses relations en haut lieu, auprès de familles cossues qui auraient pu installer facilement les garçons dans des postes lucratifs et honorifiques, au moment où ils atteignaient l’âge de gagner leur pain à la sueur de leur front, leur choisit des patrons qui leur convenaient ; plaça le premier dans une boutique de barbier de la place " delle Carrete ai Monti ", et fit apprendre au second le métier de chapelier, chez un certain Salandi, au " Monte Citorio ". Elle continua à les accompagner dans leur cheminement, à veiller sur leur conduite morale, la préparation de leur avenir, leur initiation à l’épargne. Quand ils se marièrent, non parce qu’elle les perdit de l’oeil, les deux fils et leurs épouses vinrent toujours à elle pour entendre ses conseils sereins, sur l’éducation de la famille.

Puis Camille fut frappé par la tuberculose ; la maladie fut inexorablement rapide. Dans ces jours, Anne-Marie était encore malade au lit. Elle se fit toutefois porter en cabriolet à la maison de son fils. Quand la bru la vit arriver, elle exulta, car elle était convaincue que Camille serait guéri ; la prédiction semblait sur les lèvres de la belle-mère. Il n’en fut pas ainsi : souriante, Anne-Marie s’approcha de son fils, le baisa et lui dit : " Allons, demeure dans la joie ; une place au ciel est déjà préparée pour toi. Tu pars avant, mais nous nous reverrons bientôt, en paradis ".

Mariuccia, la plus jeune, adolescente quelque peu vaniteuse, travaillait tous les jours dans le but de se procurer quelque vêtement élégant. Rien de mal, cela ne l’empêcha pas, par la suite, de demeurer célibataire, de devenir une infatigable soeur de Saint-Vincent-de-Paul.

Mais ce fut Sophie, la pièce maîtresse d’Anne-Marie. Comme sa mère, elle étudia chez les " Pieuses Maîtresses ", jusqu’à l’âge de quatorze ans. De quatorze à dix-sept ans, elle fréquenta les écoles de " San Dionisio ". De là, elle se rend travailler dans une boutique de chaussettes, dans la venelle " Cacciabove ". C’est elle qui fut la plus près de la maman ; elle partageait ses prières, ses sacrifices, ses vicissitudes ; elle modela son âme sur la sienne.

Elle épousa Paolo Micali, mantouan, de moeurs correctes et de condition modeste, à qui elle donna six enfants. Puis ce fut la mort subite du mari. Les bras grands ouverts de la maman Anne-Marie se fermèrent sur la fille éprouvée, sur l’épouse éplorée.

" Elle m’embrassa avec le coeur d’une vraie mère, calma par dessus tout ma douleur, adoucit mon épreuve en m’exhortant à la foi, à la confiance en Dieu qui avait tout prévu, qui exprimait sa volonté ".

Et quand Anne-Marie deviendra gravement malade, sentant sa fin prochaine, encore une fois, elle s’adressera à sa fille chérie, pour la rassurer : " C’est ma dernière maladie ; j’en mourrai. Mais ne crains rien parce que je penserai à tous les tiens. Même quand je ne serai plus là, vous serez toujours consolés et préservés ". Et il en fut ainsi.


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Message par M1234 Mer 12 Avr 2017 - 12:41



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DERRIÈRE L’HISTOIRE

Dans le silence terrorisé de la ville, un bruit sourd de tambours. Puis, le long piétinement d’une marche qui se déroule dans les rues désertes, le piétinement sourd d’artilleries sur les pavés disjoints. Quelques regards furtifs au travers des volets à peine ouverts. Un grincement de portes cochères qui se barricadent.

On en est au 2 février 1808. Les troupes du général Miollis occupent Rome et se dirigent vers le Château Saint-Ange. Les aigles de Napoléon montent sur la construction massive, pour pointer leurs becs vers la coupole de Saint-Pierre. Une colonne d’artillerie rejoint le Quirinal et rabat les bouches de ses canons contre le portail du palais papal.

C’est le début de l’acte final, un acte qui se veut décisif, qui tend à vaincre la résistance de Pie VII, à réduire le dernier fragment de terre italienne qui échappe encore à l’ombre du drapeau impérial, sous le joug de l’invincible usurpateur. Toutes les autres provinces d’Italie ont cédé depuis. Les différentes cartes de la mosaïque politique de la péninsule se sont, en même temps, colorées de bleu, blanc, rouge, au son de la " Marseillaise ". Seul le pape continue à tenir ferme, repoussant avec grande dignité les brutales prétentions de Bonaparte.

Jamais les aigles hissés autour de l’ange du tombeau d’Hadrien, pas même les bouches des canons pointés sur le Quirinal, n’ébranlent la fermeté de Pie VII.

Dans les jours qui suivent, les cardinaux sont arrachés, un à un, au pontife et aux proscrits de Rome ; leurs revenus sont confisqués. Seul, le cardinal Pacca, secrétaire d’état, est restitué, une seconde fois, de la prison au pape. Mais Napoléon se reprend vite de cette générosité, en disposant de tous les évêques qui lui refusent un serment illicite, avec l’annexion totale des états Pontificaux à l’empire français, avec cette déclaration que Rome est maintenant " ville impériale et libre ".

Le 10 juin 1809, Pie VII promulgue, à ce sujet, la bulle d’excommunication contre les envahisseurs de la souveraineté pontificale. Il déclare nulle et sans valeur la volonté tyrannique, frappe Napoléon Bonaparte d’anathème.

À Rome, la nouvelle explose comme une bombe, plus puissante que celle de l’artillerie de l’usurpateur. Et pendant que déjà, souffle par les rues, le premier vent précurseur de révolte, des messagers volent rapidement vers le Danube, pour informer l’empereur engagé au combat dans ces contrées, et lui demander des renforts d’urgence.

" Je reçois, en ce moment, écrit Napoléon à Joachim Murât, le 20 juin 1809, la nouvelle que le pape nous a tous excommuniés. C’est une excommunication qu’il a portée contre lui-même. Désormais, plus d’égards ! Le pape est un fou furieux qu’il faut renfermer. Faites arrêter le cardinal Pacca et les autres intimes du pape ".

À peine eut-il reçu ce message de Naples, Joachim Murât envoya des renforts au général Miollis. Fort de ces troupes nouvelles, le général se crut de taille pour faire face à la situation, exécuter les ordres.

Aux premières lueurs de l’aube, le 6 juillet 1809, une bande d’énergumènes soudoyés, obéissant aux ordres d’un général et d’un colonel français, forcent le portail du Quirinal, font irruption dans les escaliers et les corridors, pénètrent dans les appartements pontificaux, arrachent le pontife de son lit, le déclarent arrêté au nom de Napoléon. Ils le traînent à l’extérieur, en terre française.

Ce n’est que la première étape du long exil du malheureux pontife. Vieilli et malade, il est reconduit, quelque temps après, en Italie, et relégué à Savone. Il reviendra en France, à l’improviste, en juin 1812. Il était dès lors à bout de forces, et le voyage, par des chemins impraticables, le conduisit au bord de la tombe. Au passage du Mont-Ceny, les médecins le déclarent à l’article de la mort. Il reçoit le Saint-Viatique et l’Extrême-Onction. Il pourra toutefois atteindre Fontainebleau. Le repos et sa force d’acier lui permettent de survivre, de porter le poids de toutes sortes de persécutions imprégnées de violence.

Entre-temps, cependant, l’astre de Napoléon commence sa fatale parabole déclinante. Et quand " l’invincible " est contrait de rendre la couronne qu’il s’était posée lui-même sur la tête, de ses propres mains, quand le dominateur du monde est forcé de fixer la proue vers les quelques kilomètres carrés de l’île d’Elbe, Pie VII reconquit la liberté et rentra dans Rome.

Tous les habitants sont dans la rue, ce 24 mai 1814, très émue, la foule porte la Souverain Pontife en triomphe, tout le long du parcours, jusqu’à Saint-Pierre, au Quirinal. Parmi la foule, incroyablement dense, une petite femme du peuple, vêtue d’un manteau blanc, un mouchoir blanc au cou, une coiffe blanche sur la tête, une coiffe ample qui descend très bas, jusqu’aux pieds, qui recouvre des vêtements de toile sombre, agite les mains au passage du cortège papal, les agite joyeusement, pleurant de bonheur. Et quand sous l’étincellement de milliers de vêtements sacrés, elle aperçoit le vénérable Pontife, elle se prosterne sous sa bénédiction pour se relever et crier : " Jésus-Christ est entré dans Jérusalem ". Cette petite dame était Anne-Marie Taïgi.

A part le dernier épisode que nous venons de citer, les événements historiques ont été relatés de façon très sommaire, apprêtés par une école quelconque. Ces événements ont été assaisonnés d’ingrédients aptes à en faire ressortir les diverses perspectives, encadrés dans le vaste tableau des causes et des effets politiques, sur un fond de situations sociales particulières, dans les limites d’intérêts économiques spécifiques, sur les flots d’enjeux militaires, à travers de nombreux filets d’intrigues diplomatiques.

Aucun texte ne rapporte quoi que ce soit, au sujet de cette humble femme nommée Anne-Marie Taïgi, femme du peuple ; l’histoire officielle la néglige, l’ignore. Pourtant, son action, s’il nous était donné de scruter le livre secret des desseins de Dieu, nous apparaîtrait d’une importance qui surpasse en influence et de beaucoup, les facteurs politiques et militaires qui ont joué dans la chute de Napoléon.

Cette humble maman romaine que le ciel avait gratifiée du don prodigieux du soleil mystique et des voix célestes, avait, durant toutes les années où Pie VII avait souffert l’exil et la détention, engagé chacune des ressources de son âme pour obtenir de Dieu la libération du pontife et son triomphe sur l’usurpateur.

Ce furent des années d’apostolat ardent, tissées d’amour et de martyre, où les prières les plus ferventes s’allièrent aux jeûnes les plus rigoureux, aux pénitences les plus sévères. Chaque jour, elle allait visiter les églises les plus éloignées de Rome, s’y rendait pieds-nus, peu importe la distance à parcourir. Prostrée devant le tabernacle, elle offrait toutes ses souffrances pour la paix et la liberté de l’Eglise, pour le retour du vicaire du Christ à son siège romain. Dans ces églises, elle avait connu ses entretiens les plus intimes avec le ciel.

Un jour qu’elle demandait à son époux céleste la signification de cette terrible permission par laquelle Napoléon Bonaparte avait pu s’emparer, par des tueries et des ruines, d’un continent tout entier, porter atteinte de façon barbare, à tout droit humain et divin, l’Epoux répondit : " A cette fin, j’ai mandaté Napoléon. Il était le ministre de mes fureurs ; il devait punir les iniquités des impies, humilier les orgueilleux. Un impie a détruit d’autres impies ".

Bien rapidement, alors, Anne-Marie saisit le sens profond et terrible de ces guerres déchaînées à travers toute l’Europe, là ou des trônes étaient en train de tomber. L’anéantissement des méchants entraînait inévitablement le sacrifice de plusieurs innocents, la souffrance de peuples entiers, la persécution de l’église et de son chef. Convaincue qu’elle était, Anne-Marie savait qu’un amour intense aurait pu apaiser la justice suprême, plonger l’humanité dans l’océan de la miséricorde divine ; elle avait offert toute sa vie en holocauste, pour payer, elle, la pauvre petite dame du peuple, les délits des impies orgueilleux. Par ses prières et ses larmes, par ses mortifications et ses pénitences, par son irrésistible charité, elle voulait obtenir le pardon du ciel pour tous ses frères et sœurs de la terre.

La voix de son céleste époux lui fit savoir que tout son amour, toutes ses souffrances, n’avaient pas été inutiles ; il lui précisa le jour exact où Pie VII serait ramené à Rome et célébrerait sa messe pontificale à Saint-Pierre.

Elle annonça d’avance cet événement, dans le détail, et, cette fois encore, les faits en donnèrent la confirmation.

Anna-Maria, enfant, était montée de Sienne à Rome, comme nous le savons déjà. C’était le lendemain de l’élection de Pie VI au souverain pontificat. Elle verra depuis lors, se succéder, sur le siège de Pierre, quatre papes : Pie VII, Léon XII, Pie VIII, Grégoire XVI. Au delà de la personnalité de chacun, elle reconnaîtra " le doux Christ sur la terre ". Elle en parlera toujours avec le plus vénérable respect. Elle incitera tout le monde à la vénération du chef visible de l’église, s’agenouillera sur son passage, comme elle le faisait devant Jésus-Christ, présent dans le Très Saint Sacrement.

Elle eut des relations particulières et diverses avec les différents souverains pontifes. Il s’agit de rapports très étroits, maintenus par personne interposée, même si elle pouvait obtenir audience à n’importe quel moment, étant donnée sa réputation de sainteté. Grâce à ses relations avec des personnages de haute autorité de la curie romaine, consciente comme elle l’était de la haute dignité, de la majesté suprême des pontifes, consciente aussi de sa petitesse de femme de maison, jamais elle ne demandera autant, se contentant de les vénérer de loin, de prier pour eux et pour leur façon d’agir.

Pie VII avait entendu parler d’Anne-Marie Taïgi avant même d’être envoyé en exil. Évidemment, il avait une opinion élogieuse de cette exceptionnelle femme du peuple. En 1809, il avait accordé une indulgence spéciale pour une prière composée par elle. Toutefois, ce ne fut qu’après son retour à Rome, que les rapports avec elle devinrent plus étroits.

La maison Taïgi était, en ce temps, fréquentée par Mgr Carlo Pedicini qui était lié d’amitié avec le pontife. Un bruit malveillant avait, cependant, frappé l’oreille du prélat ; il était lancé contre la Taïgi, par une de ces commères habituelles du voisinage. Le commérage fut immédiatement classé par Monseigneur ; il y voyait une très vulgaire calomnie. Néanmoins, puisque les bavardages allaient bon train, il dut, en conscience, se demander s’il devait, oui ou non, continuer à fréquenter cette maison. Dans le doute, un bon jour, il s’ouvrit à Pie VII. Ce dernier, avec un large sourire, lui dit " Continuez à y aller, Monseigneur ; la Taïgi, je la connais bien, même si je ne l’ai jamais vue en personne. J’aurais même le désir de la faire venir jusqu’ici ; je m’en suis abstenu pour ne pas servir d’autres appâts aux commérages déjà nombreux. Toutefois, dites-lui qu’elle m’écrive, de grâce ".

Après que Monseigneur Pedicini lui en eut fait rapport, le désir du pontife sera exaucé. Elle rédigera une lettre par obéissance et seulement par obéissance. Elle exposa au pape, " l’état entier de son âme d’enfant ".

Ce fut une lettre qui plut beaucoup au vénérable pontife : " Tout est vrai, tout est vrai ", répétait-il avec un joyeux étonnement. Depuis ce jour, toutes les fois que Mgr Pedicini revenait de ses visites à Anne-Marie Taïgi, le pape voulut qu’il lui rapportât toutes les nouvelles qu’il savait. Et chaque fois que Monseigneur s’apprêtait à retourner chez elle, le pape lui envoyait une bénédiction particulière, l’invitait à prier à ses intentions.

Le soir du 16 juillet 1823, le pape, alors âgé de 80 ans, tenta de se lever d’une chaise à bras, tomba lourdement par terre et se brisa le col du fémur. Ce fut le début de sa dernière maladie. Le grand âge fit le reste, par la suite.

Anne-Marie continua quand même de supplier le ciel de conserver à l’église ce pape héroïque. Elle savait déjà, par son soleil et les voix célestes, que, désormais, la fin était proche. C’est elle qui, dans les derniers moments de la vie du pontife, demanda que lui furent administrés d’urgence, avant qu’il ne soit trop tard, les derniers sacrements.

A Pie VII, succéda le cardinal Délia Genga qui prit le nom de Léon XII et voulut immédiatement à ses côtés, comme conseiller, Mgr Vincent-Marie Strambi, évêque de Macerata, passioniste de sainte réputation.

Mgr Strambi connaissait bien Anne-Marie Taïgi pour en avoir été, quelques années auparavant, et pour un certain temps, le directeur spirituel. Appelé par le pape dans le but de l’assister de ses conseils lumineux, sur les questions les plus difficiles du gouvernement de l’Eglise, il aura recours aux dons surnaturels, aux lumières divines, dont était comblée Anne-Marie. Il bénéficia à maintes reprises de ses conseils.

Il agissait ainsi, tous les soirs, sous le sceau du secret. Il communiquait les problèmes les plus importants à Mgr Natali pour qu’il les transmette à Anne-Marie Taïgi dont il visitait souvent la famille. " Puis, aveuglément, dira Mgr Natali, je recueillais les conseils d’Anne-Marie, pour en donner la réponse au Saint-Père. Il en fut toujours ainsi, tant qu’il vécut. Les conseils de la Taïgi revêtaient pour lui, un caractère d’une prudence et d’une sagesse telles qu’ils furent toujours exécutés ponctuellement par le Saint-Père ".

Il n’était pas question, pour Mgr Strambi, de faire passer ces conseils avec les siens. Nullement, en effet ! Il spécifiait chaque fois, au pontife, que sur telle ou telle affaire importante de l’Eglise, Anne-Marie pensait ceci ou cela. Le pape se montra obligeant, dans sa reconnaissance envers cette femme extraordinaire du peuple. Un jour qu’elle fut atteinte à une jambe, il envoya chez elle son chirurgien particulier, Todini, pour lui transmettre ses nouvelles, lui offrir les soins qui lui étaient nécessaires.

Après trois mois à peine de règne, Léon XII fut terrassé par une violente maladie. Mgr Strambi, devant le verdict funeste des médecins, envoya quelqu’un chez Anne-Marie pour lui demander de prier, de prier beaucoup, pour que fut évitée à l’Eglise cette mort prématurée. Quand Mgr Natali, porteur du message, parla à Anne-Marie Taïgi, elle s’affairait au milieu des marmites, dans la cuisine. Elle consulta son soleil infaillible et dit en souriant : " Non, non, il ne mourra pas. Il lui reste encore du temps ; il a encore à se fatiguer pour l’Église. Dites plutôt à Monseigneur qu’il se prépare lui-même, à la mort ".

Le lendemain, les médecins laissèrent le pape à l’agonie. Néanmoins, Mgr Natali connaissant la réponse d’Anne-Marie, entra dans la chambre à coucher de Léon XII, sur la pointe des pieds, s’approcha à son chevet et lui dit avec grande simplicité, de ne pas craindre ; quelqu’un, vous voyant mourant, a offert sa vie pour la vôtre.

Dès ce moment, l’état de santé du pape s’améliora de façon inespérée et son saint évêque, son conseiller, commença à souffrir, de façon inexplicable. De sorte que, après quelques jours, quand Léon XII put se dire complètement rétabli, saint Vincent-Marie Strambi expira.

Les rapports entre Léon XII et l’humble femme du monde, ne s’interrompirent pas pour autant. Mgr Natali fut nommé secrétaire du Maitre-Camérier de Sa Sainteté, et dans toutes ses tâches, le vieux prêtre continua de recevoir les confidences, les conseils d’Anne-Marie Taïgi. Il lui confiait entre autre, chaque soir, la liste des personnes qui avaient demandé audience auprès du pape, pour le lendemain. Elle interpellait, comme toujours, son soleil mystique, indiquait chaque fois les noms des personnages tout à fait inconnus pour elle, qu’il pourrait paisiblement laisser passer, pendant que d’autres, au contraire, devraient être accueillis avec prudence ; que d’autres encore, devraient être écartés jusqu’à ce qu’on ait des informations précises, des garanties sûres de leur pays d’origine. " Ainsi, une tragédie conjurée fut évitée, comme en témoignera Mgr Natali, quand arriva un secrétaire mal intentionné, que je retins à l’écart ".

Un matin, alors que l’aube commençait à blanchir, Anne-Marie entendit la voix de son Époux céleste ; il lui ordonnait de façon impérieuse : " Lève-toi et prie pour mon Vicaire qui est sur le point de paraître devant mon tribunal, pour la reddition de ses comptes ".

Le pape était malade depuis quelque temps, et on le savait. Mais, personne ne soupçonnait l’issue mortelle. On disait, au contraire, et la chose était connue dans la maison des Taïgi, que le malaise était mineur. Nonobstant tout cela, Anne-Marie se leva de son lit et pria pour un passage heureux du pape, du temps à l’éternité. Le jour suivant, Mgr Natali annonçait à la famille Taïgi, la nouvelle de la mort du pape.

Pie VIII succéda à Léon XII et eut, comme son prédécesseur, des contacts indirects avec Anne-Marie, pendant les vingt mois de son pontificat. Entre-temps, d’autres eurent recours à Anne-Marie, Mgr Pedicini, pour ne nommer que celui-là, parce qu’il était ami de la famille Taïgi. Il avait été créé cardinal et résidait au Quirinal, à titre de secrétaire des mémoires de Sa Sainteté.

Quand le pape Pie VIII tomba malade, ses souffrances eurent des hauts et des bas qui tinrent en alarme ceux qui l’entouraient. On allait des espoirs les plus grands aux prévisions les plus déconcertantes, jusqu’au jour où le pape parut s’acheminer définitivement vers la guérison. Ce fut un grand moment de soulagement, au Quirinal.

Le cardinal Pedicini fit immédiatement connaître la nouvelle à Mgr Natali pour qu’il en informe Anne-Marie Taïgi. Mais Mgr Natali parut inexplicablement abattu ; ce qui inquiétait le cardinal : " Qu’est-ce qu’il y a ? lui demande-t-il. Vous a-t-elle dit quelque chose de différent " ? " Malheureusement oui, Eminence ", répondit Mgr Natali.

Et la mort du pape fut annoncée au monde, trois jours après, soit en février 1829.

Quelques mois avant la mort de Pie VIII, Anne-Marie avait appris et prédit, que tel cardinal lui succéderait sur le siège de pierre. Un jour, elle s’est rendue, avec son ami prêtre, Raphaël Natali, à Saint-Paul-Hors-les-murs, pour visiter le Saint-Crucifix.

En arrivant, elle s’agenouilla sur l’unique prie-dieu qui se trouvait dans l’église. Et, comme cela lui arrivait souvent, elle tomba en extase. Le cardinal Mauro Cappellari, de l’Ordre des Camaldules, entra au même moment. Mgr Natali l’apercevant, poussa du coude Anne-Marie qui se leva pour céder le prie-dieu à Son Eminence. La femme ne s’aperçut de rien. Le cardinal fit signe à Mgr Natali de ne pas s’en préoccuper. Il s’approcha de la balustrade et s’agenouilla. Quand Anne-Marie se réveilla de son sommeil extatique, elle fixa son regard sur le cardinal.

Sur le chemin du retour, c’est Mgr Natali qui, maintenant, raconte textuellement : " Je l’interrogeai sur le regard fixé pendant quelque temps sur le cardinal. Comme par obéissance, elle devait porter tout à ma connaissance. Elle me dit simplement : " c’est le futur pape ".

Quelques mois s’écoulèrent avant que le pape Pie VIII mourut. Le 14 décembre 1830, s’ouvrit le conclave qui s’annonçait houleux. Deux autres mois et plus s’écoulèrent avant que survienne un accord dans l’élection du nouveau pape, une élection qui prit fin le 2 février 1831. Le nouveau pape fut bel et bien le camaldule Mauro Cappellari. Il s’apprêtait à prendre en mains les destinées de l’Eglise, au cours d’une période vraiment dramatique. Il choisit de s’appeler Grégoire XVI.

Ce fut l’époque où deux sociétés secrètes déployèrent toutes leurs forces, comme s’il y avait eu émulation entre elles, pour nuire le plus possible à l’autorité du pape, essence même de l’église catholique.

La première et la plus ancienne de ces sociétés, lit-on, dans une page d’histoire, était formée de plusieurs autres sociétés subalternes, lesquelles, sous le voile des Francs-Maçons, s’occupaient plus ou moins directement de religion, de politique, de morale, s’attaquaient aux croyances sociales. L’autre, formait, sous le nom de " carbonari ", la milice armée, prête à combattre l’autorité publique à la moindre occasion. Préoccupée de morale, elle s’employait à troubler les esprits ; des moyens matériels étaient prévus dans le but de renverser les institutions. Dans les orgies secrètes de l’une, les adeptes d’une certaine philosophie prononçaient des oracles et promettaient la régénération des peuples. Les rencontres de l’autre étaient l’occasion d’orchestrer, d’aiguiser le poignard des conjurés rassemblés, dans le but d’assurer une action la plus efficace possible dans l’oeuvre de destruction.

En quelques années, l’incendie de la révolution se répandit de plus en plus, dans les différentes contrées de l’Etat romain, même si Rome en fut toujours épargnée. Il n’est pas certain, feuilletant les pages de notre histoire ou d’autres écrits historiques, que nous trouverions l’explication d’un fait si singulier. Il faudrait peut-être, pour connaître toute la vérité, fouiller le grand livre des desseins de Dieu.

Toutefois, certains témoignages nous permettent d’entrevoir un peu de lumière à travers les ténèbres, et cette lumière provient d’Anne-Marie Taïgi.

" Armée de l’esprit de foi, écrivit Mgr Natali, elle n’hésita pas à s’offrir comme victime à son Seigneur, pour la tranquillité et la paix de l’église, à ce sujet, le Seigneur lui dit que, si elle s’offrait en satisfaction de sa divine justice, il libérerait Rome de la turbulence et des pièges des sectaires. Elle accepta bien volontiers la dite condition par laquelle Rome demeurerait toujours libre, de son vivant, des embûches et des révolutions des ennemis.

Le Père Philippe, carme, ajoute : " Elle fit tant et tant, elle pria tellement, accomplit si fidèlement ses promesses à l’égard de son céleste époux, que dans Rome, les plans sanguinaires et cruels des impies ne pouvaient s’enraciner ; elle en obtenait la confirmation renouvelée et répétée. Elle ne devait pas s’épouvanter à la vue des complots machinés dont elle était témoin. Les plans des susdits scélérats mis au point, ils verraient tous les fils de leurs complots tranchés d’un seul coup, comme il en a toujours été pour cette ville. Voilà pourquoi, je dis ailleurs, jusqu’à quel point Rome est redevable à la servante de Dieu ".

Jusqu’à la fin de sa vie, c’est un fait, si les intrigues des révolutionnaires en venaient à exploser, à introduire la confusion dans Rome, elles étaient immédiatement et régulièrement maîtrisées. L’histoire ne nous dit pas le pourquoi ; mais derrière l’histoire, on trouve la calvaire d’une frêle femme du peuple qui prit sur ses faibles épaules, les peines, les désolations, les croix. Cette humble femme s’offrit en victime à Dieu, pour la paix de Rome. Et Dieu sauva Rome du fléau des révoltes.

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Message par M1234 Jeu 13 Avr 2017 - 12:46

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L’ANGE DE ROME


La voix sortit de dessous un lugubre capuchon : " Voici mon ange ". C’était une voix joyeuse, remplie d’espérance, comme elle s’était fait entendre, dans cette salle de douleurs et de honte, tant d’autres dimanches.

La femme était étendue sur un petit lit immonde, à l’hôpital Saint-Jacques-des-Incurables, de Rome. Le capuchon noir en cachait la laideur du visage ; un visage complètement ravagé, méconnaissable. Tout était rongé, défait, déchiré par la maladie. La bouche seule se dessinait encore, si bouche il y avait. Quel trou ébréché dans lequel on introduisait de temps en temps, quelque breuvage !

On n’osait plus, depuis longtemps, s’approcher de Santa, la contagieuse ; elle occupait ce coin de l’hôpital, réservé aux malades réduits à l’état le plus répugnant. Personne, sauf une petite dame du peuple, venait à son chevet, certains dimanches, accompagnée d’une fillette.

Chaque fois, Santa entendait la voix de loin, et chaque fois, son coeur tressaillait dans sa poitrine, en des battements de joie qui lui donnaient l’impression d’être en paradis. " Voici mon ange ", disait-elle, et l’ange s’assoyait tout prés du lit. Il lui demandait avec douceur, comment elle se portait. Et si elle avait besoin de quelque chose, de n’importe quoi, elle le lui procurait ; elle était là pour cela, pour l’aider de toute manière et en toute nécessité. Mais Santa, la contagieuse, répondait toujours par un non, qu’elle n’avait maintenant plus besoin de rien. Tout ce qu’elle désirait, elle l’avait déjà reçu au moment où elle, son ange, avait franchi le seuil de sa chambre, pour lui livrer une parole d’amour.

Le dimanche, Anne-Marie Taïgi accompagnait une de ses filles, ou Sophia ou Mariuccia ; elles se rendaient à l’hôpital de Saint-Jean-de-Latran ou à celui de la Trinité-des-Pèlerins, ou justement à celui de Saint-Jacques-des-Incurables, pour y exercer des oeuvres de miséricorde.

Un jour, près de Santa, il parut que Sophia allait s’évanouir en raison de la puanteur que la malade exhalait. Quand la mère et la fille furent à l’extérieur, cette dernière s’en plaignit. " Ma fille, lui répondit la mère, si tu pouvais sentir l’odeur de son âme ! Il est certain que cette dernière passera immédiatement du lit au paradis ".

S’il est vrai que l’amour d’une épouse, d’une mère, doit d’abord se déverser sur l’homme que la Providence lui a donné comme compagnon de vie, et sur les créatures qui sont nées de cette union, il est autrement vrai que son affection et sa tendresse ne doivent s’épuiser, comme cela arrive trop souvent, entre les quatre murs de la demeure familiale, se transformer en froideur et en égoïsme pour les gens de l’extérieur.

Si une leçon jaillit vraiment de la vie d’Anne-Marie Taïgi, pour toutes les épouses et pour toutes les mères, c’est bien celle-ci : ne rien enlever, absolument rien, à la chaleur du foyer domestique, et projeter la flamme d’amour pour ses frères et soeurs de l’entourage, connus ou inconnus, afin qu’ils puissent être tous et toutes, de vrais enfants de Dieu. Anne-Marie Taïgi, épouse dévote et mère très aimante, ne manqua jamais à ses vieux parents : on garda à la maison maman Santa jusqu’à sa mort, on soigna le vieux papa jusqu’à la dernière minute, alors qu’il était horriblement atteint de la lèpre.

En plus du mari, des fils, des gendres, l’amour d’Anne-Marie se répandit dans un vaste rayon ; il atteignit les sentiers les plus profonds et les plus obscurs de la pauvre société qui vivait alentour. Elle éprouva, plus d’une fois, L’amère saveur de la misère. La souffrance des autres fut à chaque instant, sa propre souffrance. Sa compassion pour les besogneux, sa peine pour les souffrants, dépassaient toujours le sentiment naturel de pitié, de commisération, que chaque être éprouve pour les malheureux du monde. Pour tout et pour tous, sa charité fut patiente, tendre, douce, empressée, toujours prête ; une charité, en d’autres termes, exercée à un degré héroïque, dans des situations souvent impossibles.

Quand, avec les troupes d’invasion du général Miollis, une épouvantable famine s’appesantit sur Rome, elle qui, avec son mari, ne savait pas comment nourrir leur famille y parvint et réussit même à en secourir bien d’autres qui étaient encore plus tourmentées. Nombreuses furent les familles qui survécurent, en ces années, grâce à son aide, le " miracle " de leur survivance.

Quand elle n’avait plus un sou en poche, ni de pain à offrir, à qui lui en demandait, elle laissait de côté toute considération, et allait personnellement, frapper aux portes de ceux qui en avaient encore. Ce qu’elle obtenait, elle le distribuait avec justice, selon les besoins les plus pressants.

Un épisode parmi mille autres : une fois, une femme déguenillée et tout ébouriffée, les traces de la faim gravées dans le visage, serrant dans ses bras un entortillement de chiffons, une petite créature se présenta à sa porte. Anne-Marie jeta un regard aux alentours. Il n’y avait rien à manger, dans la maison. La garde-robe était aussi demeurée vide. Que faire ? Elle enleva son propre vêtement et le fit endosser à l’instant par cette pauvrette. Puis, elle la pria ainsi : " Je vous prie de revenir tous les vendredis à la même heure ". Pour elle et son enfant, il y aura bien toujours quelque chose.

Parmi les misérables, elle préférait les enfants pauvres. Jeanne Cams, sa domestique, raconte qu’un matin très froid d’hiver, sortant avec Anne-Marie de l’église de Saint-Barthélemy-des-Bergamasques, " un pauvre petit garçon passa. Il était pieds nus, déguenillé, à demi vêtu. Il tremblait de froid, dévoré par la privation de la faim. Il était, de plus, malpropre, éclaboussé de boue, et personne n’avait le goût de l’approcher. Le jeune bambin s’approcha d’Anne-Marie Taïgi et sollicita une légère aumône. C’était, pour Anne, une précieuse rencontre ; elle l’amena au foyer familial, le réchauffa, le restaura. Toute empressée, elle lui donna ensuite des vêtements ; tant bien que mal, elle lui fit mettre des bas, chausser une paire de chaussures qui appartenait à son fils. Elle veilla sur lui, l’assista avec tant de charité qu’on eut cru qu’il était le fils d’un grand seigneur. Après lui avoir enseigné les principes de la religion, lui avoir assuré le réconfort auquel fait appel une si pénible situation, elle lui donna une aumône en argent, selon ses moyens, et le laissa aller au nom de Dieu ".

De ces enfants malheureux, rencontrés dans la rue et amenés à la maison pour les nourrir et les vêtir, l’histoire d’Anne-Marie Taïgi en est remplie. Elle continuera d’agir ainsi, malgré le fait regrettable que le bambin qu’elle avait assisté, rassasié, mis à neuf, ait couru droit au ghetto, vendre l’habit à peine reçu, pour se remettre demi-nu et être de nouveau en quête d’aumônes.

La friponnerie d’un seul petit voyou ne pouvait suffire pour figer ou geler la grande affection d’Anne-Marie pour les enfants les plus malheureux et les plus tristes ; ils étaient les préférés de Jésus.

Anne-Marie aima aussi les malades ; nous le savons déjà. Une de ses pires dénigreuses tomba malade, un jour. Il s’agissait d’une commère maligne et incurable qui avait contribué, de façon obstinée, par ses médisances et ses insinuations malveillantes, à créer une atmosphère de soupçons et de troubles autour de la demeure des Taïgi. Quand Anne-Marie sut qu’elle était malade, elle oublia tout, courut à la maison de sa persécutrice, pour lui rendre les offices de la charité, tant au plan moral que physique, raconta sa fille Sophia. Elle lui fut toujours attentive, toujours disponible ; dans les visites qu’elle lui faisait, elle l’exhortait à la patience, lui apportait quelque biscuits, quelques carafes de bon vin qu’elle réservait pour les malades, quand on lui en faisait cadeau. Elle l’exhortait à la foi en Dieu ; elle y voyait un moyen excellent de supporter une maladie lente et pénible. Elle l’invitait souvent à la patience, l’invitait à la prière, à l’oraison, convaincue que le Seigneur la consolerait. De fait, la malade guérit.

À l’amour des pauvres et des malades, Anne-Marie ajouta l’amour des pécheurs, des gens qui souffrent de la pire des maladies. Elle les aima à un point tel, qu’elle leur dédia la plus grande part de ses prières les plus ardentes, ses plus dures mortifications, ses plus exténuantes pénitences, ses pèlerinages nocturnes qui s’échelonnaient sur une durée de quarante nuits consécutives, qui la conduisaient à la porte des églises où elle se prosternait et demandait à Dieu la conversion des âmes qui lui étaient chères et même de celles qu’elle ne connaissait pas, mais qui lui avaient été recommandées.

" Combien d’hommes, écrivit avec autorité le cardinal Pedicini, liés à de vieilles et scandaleuses pratiques, parvinrent à une véritable contrition et bénéficièrent des miséricordes divines, par le renoncement immédiat à leurs péchés, aux pratiques infernales d’amitiés malhonnêtes ".

Que de souffrances morales, que de souffrances physiques, n’a-t-elle pas appelées sur elle-même, de la part du Seigneur qui répondait à ses désirs en chargeant ses épaules de croix nombreuses qui procuraient le salut aux âmes en détresse, à ceux qui étaient condamnés à l’échafaud, qu’Anne-Marie considérait être les plus malheureux parmi les malheureux. De leur terrible sort, elle ne pouvait s’apaiser, compte tenu des nombreux délits qu’ils avaient commis. Pour leur conversion, elle mobilisait aussi Mgr Natali qui avait accès aux prisons, pouvait se rendre utile aux disgraciés, jusqu’au dernier moment de leur vie.

C’est dans cette lumière de vertus héroïques, qu’étaient attirés les très chers malheureux ; une lumière qui venait d’en haut. Toutes les biographies qui racontent la vie d’Anne-Marie Taïgi, soulignent son charisme prophétique. Il est certain que parmi les multiples dons qu’elle a reçus, le don de prédiction de l’avenir a joué un grand rôle. Ainsi, le Père éternel récompensait sa créature qui lui appartenait totalement. Du reste, les témoignages qui se rapportent à la vie de nombreux saints, en constituent une confirmation richement documentée. Il est certain qu’Anne-Marie fut une de ces saintes créatures que Dieu gratifia largement de ce don.

Quand Pie VIII était encore pape, Anne-Marie fit une prophétie d’un caractère dramatique formidable, qui garde aujourd’hui encore son intérêt tout à fait exceptionnel. Il s’agit d’une prophétie qui produisit alors, chez ceux qui la recueillirent, un trouble profond, un émoi intense qui continue, jusqu’à maintenant, à éveiller, en qui la redécouvre parmi les vieux documents, la même commotion et un trouble identique, parce qu’elle implique le futur de l’humanité, inséparable de l’avenir de l’Eglise, le plaçant parmi les tourments de cette lutte de l’homme qui tend, depuis son origine, à assurer le triomphe du bien sur le mal.

Riche en particularités, d’une clarté des plus évidentes, elle nous est parvenue par une déposition juridique assermentée de Monseigneur Raphaël Natalie.

Un jour de 1818, parlant des prochains fléaux de la terre, des futurs fléaux du ciel, elle précisa qu’ils pourraient, les uns et les autres, être atténués par les prières des âmes pieuses. Anne-Marie prédit que des millions d’hommes sont appelés à mourir par une main de fer, qu’un grand nombre mourront à l’occasion de guerres, de litiges, par traîtrise, et d’autre millions, par des morts imprévues. Des nations entières arriveraient ensuite à l’unité de l’Église catholique. Plusieurs turcs, païens et juifs, se convertiront, en demeurant tout confus devant les chrétiens, admirant leur ferveur et l’exactitude de leur vie. Elle me dit plusieurs fois que le Seigneur lui fit voir dans le mystérieux soleil, le triomphe et la joie universelle de la nouvelle Eglise, si grands et si surprenants, qu’elle ne pouvait pas l’expliquer.

En 1922, le lendemain de la première guerre mondiale, on publiait, selon notre jugement personnel, la plus sérieuse biographie d’Anne-Marie, conforme en tout à l’histoire, selon la critique qui en a été faite. L’auteur, le cardinal Salotti, rapporte largement cette prophétie qu’évitaient de mentionner la plupart des biographes. S’arrêtant sur la prédiction des carnages en masse, il annonce la conversion de peuples entiers, le triomphe de l’Eglise. L’auteur ajoutait : " Si on pense à la guerre mondiale qui s’est déchaînée en 1914, pour la première fois, dans l’histoire, périrent simultanément, sur divers champs de bataille, des millions et des millions d’hommes. Si on pense aux centaines de milliers tués par trahison, dans la même période. Si on pense aux tueries de la révolution bolchevique, en Russie, une révolution qui éclata sur les ruines de la même guerre. Si on pense aux luttes intestines dont les haines de partis se répandirent furieusement, souillant de sang les rues de la ville. Si on pense aux milliers et milliers de victimes emportées par les tremblements de terre de Sicile, de Calabre, de Marsica. Si on pense, enfin, à cette peste qui intervint en 1919, à la fin de la guerre cruelle ; dans l’espace de quelques mois, dans différentes parties du monde, se produisit cette hécatombe épouvantable de millions et de millions de morts, une contagion qui ne s’était jamais vue dans les siècles passés. " Si on pense, ajoutons-nous, énumérant seulement quelques autres fléaux de la terre qui suivirent l’année 1922, quand le cardinal Salotti écrivit ces lignes, il songeait aux guerres d’Afrique, à la guerre d’Espagne, au second conflit mondial, rendu plus apocalyptique par les génocides hitlériens, par les exterminations atomiques de Hieroshima et de Nagasaki, au calvaire de l’Europe de l’Est, à la révolution de Chine, à la guerre de Corée, à la guerre de l’Indo-Chine, à l’insurrection et à la répression de la Hongrie, au martyre de plusieurs peuples coloniaux, à la grande famine qui continue de ravager l’Inde et d’autres pays, aux massacres d’Algérie, jusqu’aux derniers tremblements de terre. " Si on réfléchit, dis-je, à tout cet ensemble de morts, par les guerres, les trahisons, les tremblements de terre, les contagions, concluait le cardinal Charles Safotti, on a l’impression d’être en présence de fléaux prédits par notre Bienheureuse ".

Personne ne nous en voudra d’ajouter d’autres faits, d’autres événements, si on considère la grande espérance que tout le monde met dans les conclusions du concile Vatican II, l’espérance qu’on met aussi dans la perspective du retour à l’unité de l’église, un retour qui apparaît lointain, qui n’est pas pour autant, une utopie.

Pour raconter toutes les prophéties faites et réalisées par notre protagoniste, nous aurions besoin de beaucoup plus d’espace que celui réservé à ce travail, à cette rapide narration. Elles eurent, en effet, pour objets, de nombreuses personnes de haute autorité, beaucoup de gens du peuple absolument inconnus.

Un jour de 1827, disons-nous dans le but de faire ressortir certains épisodes, Mgr Louis Lambruschini, partant dans la direction de Paris, comme nonce apostolique à la cour de France, fit demander à Anne-Marie Taïgi de le recommander vivement à Dieu, dans sa mission. Anne-Marie regarda dans son soleil céleste et lui fit savoir : " que son voyage serait heureux, son séjour à Paris, angoissant, qu’il vivrait un long et pénible martyre de l’esprit ". Et peu de temps après, se succédèrent un tant soit peu d’événements qui dominèrent dans la suite, durant la révolution imprévue de juillet 1830, et le nonce dut revenir à Rome.

Un autre jour, Anne-Marie rencontra le cardinal Mazzarini, sur la rue. Élevé depuis peu à la pourpre sacrée, il se rendait à Saint-Pierre, dans toute la splendeur de sa dignité nouvelle. " En ce jour, dans la pompe, murmura la voyante à celui qui était à ses côtés, dans un mois, la tombe ". À la fin du mois, elle assistait aux funérailles du cardinal.

Une autre fois, elle allait visiter une femme du peuple, qui avait donné naissance à une jolie petite créature. Elle la trouva très bien, mais appela toutefois, en aparté, quelques personnes présentes, et leur dit : " Vite, faites-lui donner les sacrements, la pauvre va mourir ! " Tous demeurèrent surpris et incrédules. Mais comment ! Tout allait pour le mieux ; la mère et l’enfant jouissaient d’une parfaite santé. Ils en parlèrent avec le confesseur et ce dernier fit gorge chaude sur cette prophétie. Dans la suite, " on ne sait jamais ", cette voyante les devinera toutes. On finit par lui faire apporter les derniers sacrements. Cela arriva juste à temps ; dès qu’elle les eut reçus, la jeune maman expira.

Mais la vie d’Anne-Marie Taïgi fut une suite d’épisodes semblables. Nous nous limiterons à rappeler une de ses dernières prédictions ; elle fut d’un grand intérêt pour l’histoire. Elle en fit mention, un jour, dans la maison, alors que le dialogue avait cessé. Elle avait trait aux désordres qui commençaient à exploser, un peu partout, dans les Etats romains. En cette occasion, Anne-Marie Taïgi fit remarquer que ce qui est arrivé, n’était rien en comparaison avec ce qui allait arriver, dans quelque temps. Elle ajouta que le successeur du pontife régnant, Grégoire XVI, aurait un pontificat plus violent, au milieu de tourments continuels. Elle ajouta, toutefois, que le futur pape vivrait plus longtemps et qu’à la fin, il mourrait paisiblement, à Rome, dans son lit, après un long pontificat.

Nous devons maintenant, nous rendre compte que, à l’époque où Anne-Marie prononça ces paroles, Grégoire XVI occupait depuis peu, le siège de Pierre. Quelques années plus tard, en 1837, Anne-Marie Taïgi mourrait et Grégoire XVI continua à régner jusqu’en 1846. Pie IX seul, serait appelé à lui succéder.

Tel que prédit par Anne-Marie longtemps auparavant, le règne de Pie IX se terminera en 1878, après 31 ans, 7 mois, 23 jours d’exercice de la papauté.

Anne sera, dans la suite, encore plus précise. Elle indique, en une autre occasion, au chanoine Raymond Pigliacelli, que des temps difficiles s’annoncent pour l’Eglise. A la question du prélat qui porte sur l’identité du pape qui régnera en cette période de mésaventures, Anne répond : " Le pontife qui régnera, en sera un qui n’est même pas cardinal. De plus, il ne demeure pas à Rome ".

Elle confirma, quelque temps après, ses propos, à Mgr IMatali, à qui elle avait indiqué la façon de faire face à la persécution que subirait l’église de Rome, à l’intérieur de laquelle l’iniquité serait triomphante. Dieu exigera un pontife saint, choisi selon son coeur, et à qui il communiquerait des lumières tout à fait spéciales ; que celui-ci serait élu d’une manière extraordinaire, qu’il serait assisté et protégé par Dieu, d’une façon particulière, que son nom répandu dans tout l’univers, serait applaudi par les peuples et craint par les rois. Le Turc lui-même le vénérera, demandera à le féliciter. Il fera des réformes. Il instruira le peuple, recevra des secours de toutes parts. Les impies seront écrasés et humiliés, beaucoup d’hérétiques, sous son pontificat, retourneront à l’unité de la Sainte église Catholique Romaine. Elle souligna, de nouveau, à la fin, que le futur pape était dans le moment, un simple prêtre et se trouvait dans un pays assez lointain.

C’est un fait, à l’époque où Anne-Marie annonçait à l’avance, ces événements, Dom Giovanni Mastaï Ferretti, le futur Pie IX, était au Chili, à titre d’auditeur du délégué pontifical, Mgr Giovanni Muzzi.

Les prédictions devinrent, dans la suite, plus circonstanciées. Elle déclara, conversant un jour avec le comte Broglio, secrétaire de la Légation de la Sardaigne, que " le prochain pontife effectuerait des réformes dans le but de se décharger de tant d’affaires temporelles de l’état ; il appellerait au pouvoir des séculiers qui rempliraient des charges pour que lui puisse s’occuper plus longuement des affaires spirituelles de l’Église ". Elle fit aussi savoir, par la suite, au cardinal Racanati, que le successeur de Grégoire XVI ne devait pas se déconcerter, qu’il aurait confiance en Dieu et recevrait assistance, qu’il serait aidé de l’extérieur, même en argent, de ceux en qui il ne porte pas foi, confesse le cardinal, et qu’à la fin, le pontife opérerait des miracles ".

Plusieurs années après, l’histoire devait, d’une manière ponctuelle et avec exactitude, confirmer la prédiction d’Anne-Marie Taïgi, sur la longueur exceptionnelle du pontificat de Pie IX, sur les tourments qui devaient l’agiter. Il suffit de feuilleter certains textes de l’histoire pour en trouver la documentation : rappelons l’assassinat de Pellegrino Rossi, ministre de Pie IX, jusqu’à sa fuite à Gaète ; les orgies sacrilèges des athées, les spoliations des églises et des couvents ; les meurtres des prêtres et des religieux du Transtévère, la lutte anticléricale conduite au parlement et sur la place, dans les écoles et dans la presse, jusqu’au massacre d’une troupe de canailles qui tentèrent de s’emparer de la dépouille mortelle du même Pontife, dans la nuit du 12 au 13 juillet 1881, durant sa translation au Campo Verano.

Les réformes que fit Pie IX, par la suite, pour se libérer des affaires temporelles consistaient en ceci : céder le conseil municipal à la ville de Rome, le conseil des députés à l’Etat. La vénération profonde que, d’un pôle du monde à l’autre, les peuples ont voulu manifester, était de nature à consoler le pontife, à lui faire oublier les nombreux outrages, les persécutions qui pleuvaient contre lui. Ils lui signifiaient, en même temps, leur approbation. Les Turcs appuyaient aussi son attitude ferme. Les rois de l’Europe firent preuve de respect mais exprimèrent de la crainte, une crainte qu’ils ne réussissaient pas à dissimuler ; ils dépouillèrent le pape de son pouvoir, l’église, de ses biens.

L’aide matérielle qui lui parvint de toute part, quand il fut réduit à la pauvreté, témoignait de l’affection qu’on avait pour lui. La Belgique, à elle seule, lui fit parvenir un montant de 285,000 francs, en l’espace de deux ans. En 1877, lors de la célébration de son jubilé d’or sacerdotal, lui parvinrent de partout des dons pour une valeur de 10 millions de lires. Le denier de Saint-Pierre atteint, cette année-là, un montant supérieur à 16 millions de francs. De la sainteté et des miracles de Pie IX, il reste la documentation rigoureuse des procès informatifs qui ont été confiés à la Sacrée Congrégation des Rites, pour la promotion de sa cause de béatification. Après 1878, le pontife est entré dans l’histoire pour de longues années et il demeure des traces de son passage. Sa prédiction tout à fait à point, ne pouvait qu’être confirmée par la suite. Une explication ne peut être profitable que si on s’y arrête, que si on la fait sienne. Anne-Marie Taïgi, cette humble femme du peuple, a donné la preuve que le don extraordinaire qu’elle possédait, correspondait à de prodigieuses lumières divines, venues d’en haut.


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Message par M1234 Lun 17 Avr 2017 - 13:22

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LE MARTYRE DE LA RENOMMÉE


Le fait, avant même d’être significatif, fut pour le moins curieux. Dans l’intention de parler des rapports spirituels qui intervinrent, durant une longue période, entre deux êtres exceptionnels qui vécurent à Rome, à la même époque, totalement voués, bien que dans des champs divers, à la gloire de Dieu, des rapports entre saint Vincent Pallotti et Anne-Marie Taïgi.

Il faut poser, au préalable, que le saint fondateur des Pallotins eut plus d’une fois recours aux conseils et à l’aide de la protagoniste de notre histoire, la sachant généreusement dotée du ciel, de dons très singuliers. En pratique, dans les moments difficiles de sa splendide mission, chaque fois que le besoin d’une intervention de la Providence divine s’imposait, devenait urgente, dom Vincenzo Pallotti qui ne connaissait pas personnellement Anne-Marie Taïgi mais avait rencontré une de ses amies et lui avait ouvert son âme. Il l’avait priée de raconter ses peines à Anne-Marie et de la charger d’intercéder pour telle ou telle grâce, en sa faveur, ou en faveur de son oeuvre.

Après chaque colloque, déclara par la suite Vincent Pallotti, j’ai régulièrement et ponctuellement " vérifié les effets salutaires " des prières de cette humble mère de famille.

Mais le fait curieux est celui-ci : Après la mort d’Anne-Marie Taïgi, le saint prêtre se rendit compte du fait que, toutes les fois qu’il s’est accordé une entrevue avec une amie d’Anne-Marie, il avait, en réalité, rencontré Anne-Marie elle-même. " Par humilité et vertu ", elle disait ne pas la connaître personnellement, cachant son identité.

Dom Vincenzo Pallotti a cité cet épisode particulier, pour mieux souligner la modestie de cette femme qui, parvenue à se trouver au centre de la vénération de personnages de très haut rang, de personnages de très grande popularité, cherchait, néanmoins, par tous les moyens, à soustraire sa personne de la pression de l’admiration.

L’estime qui l’entourait pesait lourdement sur l’âme d’Anne-Marie Taïgi, comme nous l’indiquent très bien les larmes qu’elle a versées, dans les heures de tranquillité qu’elle s’assurait, en fuyant. Elle se retirait dans sa chambrette, et là, à genoux, à travers les sanglots, elle conversait avec son époux céleste, le blâmait presque, confidentiellement, de ne pas lui vouloir plus de bien. S’il m’aimait de fait, disait-elle, il m’aurait fait marcher dans les traces des infortunés, dans la voie qu’a empruntée Jésus. Dans les moments où elle était encensée par l’exaltation, elle comparait sa vie à celle du Sauveur cruellement traîné dans l’abjection. Elle tremblait à la pensée que toutes ces louanges n’étaient autres que l’oeuvre trompeuse du démon pour l’infatuer, la séduire, la conduire à la pire des chutes. Ainsi, chaque fois qu’elle sortait de sa chambrette, elle essuyait ses larmes et portait dans son coeur le dessein le plus ardent, de s’éclipser du milieu des adulations, de disparaître, de s’évanouir dans l’oubli.

Mais, comment faire ? Depuis des années, désormais, sa maison était un véritable port de mer où arrivaient continuellement, des reines et des princes, des cardinaux et des évêques, des ambassadeurs, des généraux, des gens nobles, des gens du peuple. Tout cela ne pouvait malheureusement être tenu secret, dans un voisinage aussi bavard que médisant. Se bouchant les oreilles et se fermant les yeux, elle ne pouvait connaître le nombre de ceux qui appréciaient ses vertus. Les cardinaux Pedicini et Barberini, Cesari et Riganti, Fesch et Cristaldi, des évêques, des prélats, tels Piervisari et Ercolani, Guerrieri et Basilici, et bien d’autres, la disaient sainte, en toutes lettres, et ce, avec une parfaite conviction. Plusieurs personnages de vie sans tache, ont été proclamés bienheureux, vénérables, serviteurs de Dieu : Vincent Strambi, Gaspard del Bufalo, Menocio, Bernard Clausi, frère Félix de Monte Fiascona, frère Pétrone de Bologne, Elisabeth Canori-Mora, Vincent Pallotti. Combien l’exaltèrent et la glorifièrent en toute occasion ? Marie Louise de Bourbon et les dames de sa cour à Lucques, les nobles Bandini et Gaétani, un groupe de prêtres, de religieux de tous Ordres.

Elle ne manquait jamais d’écrire à Turin, à la comtesse Dandozeno, femme du gouverneur général de la Savoie, pour se déclarer indigne, humble femme du peuple qu’elle était, d’accepter son invitation à la cour, pour la conjurer de ne parler d’elle à personne, de ne pas faire allusion, même vaguement, aux grâces obtenues du Seigneur, par ses pauvres prières. Lorsqu’elle ne pouvait faire autrement, elle disait que le Bon Dieu s’était servi de la " plus misérable créature ", qu’elle ne voulait, d’aucune façon, être connue.

Jamais elle ne révélait le nom des personnages illustres qui venaient la visiter ou qui l’appelaient pour des conseils. " Si nous ne l’avions pas vue de nos yeux, dira sa fille Sophia, ou si nous ne l’avions pas accompagnée dans plusieurs foyers, nous n’aurions jamais rien su d’elle ".

Elle ne manquait pas de s’humilier en toute circonstance, pour souligner qu’elle était, elle-même, comme toutes les autres, une femme, et pas plus. Quand elle entendait parler de quelques coquineries commises par quelqu’un, son opinion était invariablement que " si le Seigneur ne nous protégeait pas, nous serions capables de choses pires, encore ". Elle apportait tout de suite l’exemple de Philippe Néri et répétait avec lui : " Seigneur, retiens-moi fortement, sinon, je me ferai juif, aujourd’hui ". Et chaque instant lui servait pour rappeler à tous que, " si nous tenons, c’est grâce à Dieu, totalement ".

Chaque fois que quelqu’un la priait de le recommander au Seigneur, elle lui répondait : " L’un pour l’autre ; vous, faites-le pour moi, et moi, faiblement, je le ferai pour vous ". Et si certains insistaient, disant qu’elle était la plus écoutée du ciel, elle répondait : " Vous est-il déjà arrivé de dire cette chose ? Et elle en était troublée. Je ne m’explique pas le fait que le Seigneur me laisse sur terre, lorsque je songe à mes péchés. Ne dites plus ces hérésies parce que Dieu seul est juste, Dieu seul est saint ".

Puis, souvent, c’était quelqu’un que Sophia rencontrait dans la rue et lui faisait cette remarque : " Oh ! vous êtes une jeune fille tellement chanceuse, avec une mère sainte comme la vôtre ". Et Sophia rapportait tout cela à la maison. Anne-Marie lui répliquait : " Ma fille, n’y prête pas attention parce que les saints ne sont pas de ce monde. Prions Dieu pour qu’il permette que nous mourrions en saints ".

Et chaque fois que des personnalités de premier rang de l’église lui manifestaient ouvertement la grande estime qu’elles lui portaient, elle ne pouvait demeurer en paix, se répétait déconcertée ! " Je suis une pécheresse, une pauvre misérable, je ne sais pas comment ceux-ci peuvent agir de la sorte, à mon égard ".

La renommée, les hommages, la célébrité, en somme, l’ont suffoquée, inquiétée, pendant toute sa vie.

Il n’y a pas de doute que cela fut pour Anne-Marie la croix la plus pénible parmi tant d’autres qui l’accablèrent ; l’unique croix qu’elle ne réussit jamais à embrasser avec joie et amour, et dont elle a tenté de se dégager, à maintes reprises.

Elle éprouvait une grande répugnance pour les " hosanna " ; elle ne s’en trouvait pas digne. Elle chercha de toutes manières, et en plus d’une occasion, à se soustraire aux rencontres avec des admirateurs. Elle y parvint, quelquefois, avec Lord Clifford, d’Angleterre, par exemple.

Mgr Raphaël Natali avait, un jour, révélé à ce grand seigneur en visite, " certaines circonstances que lui confia Anne-Marie Taïgi, circonstances, lui précisa-t-il, dont les diverses épisodes ne pouvaient être connues que par des lumières venant de Dieu ". Le lord était demeuré littéralement abasourdi de ces révélations, et est devenu à ce point entiché à l’égard de l’humble romaine, qu’il ne pouvait désirer autre chose que de la connaître personnellement. Il ajouta que, s’il avait eu l’honneur de la rencontrer, il lui aurait assigné ainsi qu’à toute sa famille, après sa mort, une substantielle pension mensuelle, avec l’adjonction de quelque titre de noblesse ".

" J’accomplis moi-même la mission, raconte Mgr Natali, mais elle sourit et refuse toujours l’ostentation qui se pavane ; elle préfère la vie cachée, dans le Seigneur ". " Lord Clifford envoya chez moi, par la suite, une personne qui désirait la rencontrer. Voyant la constance de son refus, elle ne la dérangea pas ".

Lord Clifford ne fit pas seulement la lumière sur son désintéressement total, pour ne pas dire son dédain, d’ailleurs avoué par Anne-Marie elle-même, pour toute vie mondaine ; il confirma en particulier et, une fois de plus, son détachement pour tout bien terrestre.

J’ai déjà signalé comment elle avait écarté l’hospitalité offerte par l’ex-souveraine d’Etrurie qui voulait l’attirer, l’avoir, la retenir près d’elle, avec son mari et ses enfants, à la cour de Lucques. On sait aussi, comment elle refusa pareille invitation adressée par l’entremise du cardinal Pedicini.

Des offrandes généreuses, elle en repoussa plusieurs ; elle aurait pu accumuler beaucoup d’honneurs et d’argent si, seulement, elle avait dit oui. Souvent, on voulait la récompenser par des biens matériels, pour des avantages spirituels qu’on avait reçus. Elle demeura, jusqu’au dernier jour, ferme dans le propos explicite de préserver son honorable pauvreté de tout attentat relié à la richesse. Elle maintint cette détermination, y fut fidèle, même dans les années les plus sombres, quand sa pauvreté atteignait souvent le seuil de l’affreuse misère.

On a cru qu’elle n’agissait ainsi que par pure résignation. Certes, un autre motif s’ajoutait : un amour vrai, chaud, passionné, pour " soeur pauvreté ", un amour basé sur la confiance, une attitude d’abandon, entre les mains de Dieu.

Sa confiance en Dieu ne fut jamais trompée ; la maison Taïgi ne fut jamais négligée par la Providence, pas même dans les situations qui semblaient désespérées ; Anne-Marie l’avait expérimenté. C’est tout dire.

Un jour, il ne restait pas même un petit morceau de pain dans le garde-manger. Et je ne parle pas du fricot, pour restaurer le mari et les enfants. Il ne se trouvait pas, non plus, dans toute la maison, un petit objet qui put être échangé pour quelque chose à se mettre sous la dent. Des sous, il était déjà étrange que quelqu’un, dans la famille, en conservât le souvenir, depuis tant de temps qu’on n’en avait pas vus. Tous semblaient consternés. Si l’ombre d’un trouble a envahi l’esprit d’Anne-Marie, personne ne l’a su. En tout cas, elle ne le fit pas voir.

Elle s’enveloppa dans son seul manteau, salua ses familiers, et, d’un pas régulier, se dirigea vers la basilique Saint-Paul. Elle y entra, s’agenouilla au pied du crucifix, pria longuement, avec cette ardeur qui la transformait ; elle pria jusqu’à ce qu’elle entendit une voix, la voix bien connue de son époux céleste, qui lui dit : " Retourne à la maison et tu trouveras la Providence ". Obéissant alors, immédiatement, elle se releva et prit le chemin du retour.

Dans son coeur, régnait la tranquillité, certaine, que cette fois encore, tout était résolu pour le mieux. À peine, avait-elle, en effet, posé le pied sur le seuil de la porte, qu’elle se vit remettre, par ses filles, une lettre du marquis Carlo Bandini. Cette lettre venait tout juste d’arriver de Florence, lui dirent-elles. Avant de l’ouvrir, Anne-Marie savait déjà, qu’avec le message, il y avait de l’argent en quantité suffisante pour faire face à la crise.

Ces moments de crise devinrent encore plus fréquents dans les derniers mois de la vie d’Anne-Marie. Quand les maladies se succédaient, s’ajoutaient l’une à l’autre, les besoins se multipliaient. Elle ne doutait alors pas même un instant de l’aide céleste. Et l’aide céleste ne lui manqua jamais. En certaines circonstances dramatiques, elle vit arriver à la maison les secours les plus inattendus, de la part de gens éloignés qui ne l’avaient jamais connue, sinon par ouï-dire. Jusqu’à la fin, cependant, prévalut la règle que, chaque fois que les offrandes dépassaient les nécessités immédiates, elles se transformaient en dons qu’elle distribuait à d’autres pauvres ou d’autres malades, également dans le besoin.

J’ai démontré, rapidement, les multiples maladies qui frappèrent notre protagoniste, peu de temps, avant sa mort. Si on devait compléter, à la bonne franquette, un genre de fiche médicale, pour y enregistrer tous les maux qui accompagnèrent l’entière période de ses dernières années, du moment où elle se consacra au Seigneur, jusqu’au dernier soupir, nous serions embarrassés. Non seulement parce qu’elle garda ses souffrances secrètes, le plus possible, comme elle chercha toujours à cacher ses vertus, à dissimuler les dons prodigieux qu’elle obtint du ciel, mais surtout, parce que, comme l’écrivait le cardinal Carlo Salotti : " Le caractère étrange des maladies sert à démontrer que, la Bienheureuse ayant le désir de souffrir pour les âmes, d’être crucifiée avec le Christ, fut exaucée dans son désir du martyre ".

Elle le fut de telle manière que " dans ses états maladifs, il parut que tous ses membres portaient l’empreinte de la Passion divine et qu’elle sembla percevoir dans ses sens, les effets ou l’effet des douleurs du Calvaire ".

Entreprise ardue, dès lors, de tenter de définir la nature exacte, les symptômes précis, l’intensité de ses souffrances, de tant de maux. Si toutefois, je veux ici tenter de les énumérer, je risquerais de les définir par une terminologie inexacte, dans l’intention de les faire comprendre à tous ; il s’agirait d’un tableau approximatif des incroyables douleurs que cette femme exceptionnelle supporta, pendant tant d’années, avec une sérénité qui ne s’est jamais démentie, puisqu’elle les avait demandées à son divin époux, pour payer, elle, infime créature, les nombreux méfaits de son temps.

Douleurs très fortes aux oreilles, qui s’accompagnèrent de souffrances lancinantes, genre de névralgie qui se répandait dans toute la tête, la contraignant à garder toujours un bandage autour de la tête.

Des yeux, un s’était fermé bientôt, dans l’obscurité d’une cécité presque totale. L’autre était réduit à entrevoir à peine la lumière du jour, alors que les rayons éblouissants du mystérieux soleil céleste l’aveuglaient continuellement, la transperçaient si douloureusement, qu’elle aurait pu pleurer sans trêve.

Une inflammation profonde et fétide de la muqueuse nasale, en plus de lui boucher le nez, la tourmentait sans répit ; une senteur repoussante et nauséabonde se logeait dans son odorat. Un asthme perpétuel nuisait terriblement à sa respiration. Ses dents lui causaient un martyre ininterrompu.

Aucune articulation aux membres supérieurs et aux membres inférieurs, comme à la colonne vertébrale, devenue très douloureuse, parce que atteinte d’arthrite. Le faisceau musculaire fut également atteint ; les pieds et les mains, surtout la main droite, " la main qui guérissait ", disaient les gens, étaient envahis et déformés, par les noeuds de la goutte.

Une grosse hernie ombilicale s’était rapidement ulcérée et jamais, remède ne put soulager cette plaie.

Tout son corps, en somme, comme le confirme le cardinal Pedicini, fut constamment tourmenté par de violentes douleurs. Une couronne d’épines acérées, la faisait particulièrement souffrir, surtout le vendredi. Et, plus d’une fois, elle a dû prendre le lit.

Quand elle faisait des conquêtes d’âmes, et ces conquêtes étaient fréquentes, elle se sentait attaquée par de fortes maladies qui, selon l’opinion de plusieurs, auraient pu, chaque fois, la conduire à la mort.

Tout son corps, affirme le cardinal Pedicini, était à tel point crucifié dans chacune de ses parties, que même le médecin, qu’on fit venir à maintes reprises, en était étonné. Comment, aux prises avec des malaises si sérieux, pouvait-elle continuer à vivre ?

Cette existence fut, jusqu’au bout, ce qui semble incroyable, très active. Elle était totalement engagée, le jour et une grande partie de la nuit, dans la gouverne habile de sa maison, dans l’éducation patiente des enfants, des brus et de ses petits enfants, dans l’attention affectueuse à l’égard de son mari, dans les pratiques intenses de piété, à travers les pénitences les plus sévères, dans les attitudes charitables envers les pauvres, dans les pieuses veilles, au chevet des malades, dans les colloques avec les puissants et les miséreux, sans que jamais, elle fit ostentation de ses propres souffrances.

Dans ses colloques à la chaîne, elle se tenait grave et digne avec les illustres personnages, plaisante et bienveillante avec les femmes du peuple qui frappaient à sa porte, seules ou accompagnées, pour lui soumettre leurs petits problèmes quotidiens ou des problèmes intimes. Elle ne s’inquiétait pas pour autant ; elle leur prodiguait sa patience la plus évangélique, ses sollicitudes les plus affectueuses, même si elle savait, par une longue expérience, qu’une fois sorties de là, ces femmelettes l’appelleraient de nouveau, " sorcière " ou " bigote ".

Mais le calvaire d’Anne-Marie devait connaître la souffrance la plus aiguë dans les derniers moments de son existence. Elle le savait, depuis quelque temps, depuis un an plus précisément ; l’époux l’avait avertie du moment précis, des circonstances exactes de sa mort.

Le jour où avait eu lieu cette dramatique révélation, on l’avait vue plus joyeuse que de coutume ; elle souriait, heureuse, comme une jeune fille qui se prépare à se rendre aux noces. L’Époux céleste avait cependant joint à cette annonce, qu’elle, servante humble et fidèle, vivrait, comme il les a vécues, lui-même, les trois heures d’abandon, sur la croix. Il permettrait, qu’en ces moments extrêmes de l’agonie, elle fut abandonnée de tous. Et il en advint ainsi ; nous le verrons bien.

Puisque j’ai parlé par incise, de " la main qui guérissait ", je dois poser, au préalable, qu’à Anne-Marie, furent attribués plusieurs miracles.

Lorsque se répandit la nouvelle d’une guérison prodigieuse opérée par Anne-Marie, par le simple toucher de sa main, l’invocation de la Très Sainte Trinité, des vagues de commotions, jointes, par malheur, à une certaine exaltation à caractère fanatique, se diffusèrent en plusieurs occasions, dans toute la ville de Rome et même au delà. Il y eut des périodes où la Taïgi ne trouva pas un instant de paix. Elle était sans trêve recherchée par des foules avides de miracles faciles, traquée par des curieux plus ou moins aimables, traînée continuellement, ici et là, au chevet des malades plus ou moins en danger, pendant que l’annonce de nouvelles guérisons, vraies ou inventées, contribuèrent à surexciter de plus en plus les gens.

Dans les situations comme celles-ci, il est extrêmement difficile de distinguer la réalité de la fantaisie, la vérité des inventions, la bonne de la mauvaise foi. Il n’appartient pas au chroniqueur de démêler le tout, de censurer dans un sens comme dans l’autre. Bien sûr, le fait demeure, d’après les témoignages les plus dignes de foi, les documentations les plus sérieuses. Une autre preuve indiscutable du surnaturel qui s’affirma chez Anne-Marie Taïgi : l’opinion autorisée du cardinal Carlo Saletti, au sujet d’une série de guérisons merveilleuses opérées par elle.

Je n’en rappellerai qu’une seule : Anne-Marie, accompagnée d’une autre personne, faisait la visite des sept églises. Elle fut surprise par un violent orage, une de ces averses imprévisibles et soudaines, qui s’abattent sans merci sur Rome, au moment où on s’y attend le moins. Elle s’arrêta à la première porte et frappa. On la fit entrer et elle se trouva dans une salle où plusieurs personnes, en larmes, entouraient un lit sur lequel gisait râlant, une pauvre moribonde.

Désormais, lui dit quelqu’un, il n’y a plus rien à faire. Le médecin a quitté ; sa présence était devenue, à ce point, inutile. On lui administrera les derniers sacrements.

Anne-Marie s’approcha alors du grabat et plaça sa main, sur le front diaphane de la mourante, le signa au nom de la Trinité. Puis, elle se retourna et dit de sa voix douce et coutumière : " Ne craignez rien ; la grâce est déjà obtenue ". Au dehors, la pluie s’était apaisée et elle poursuivit son pèlerinage de pénitence.

À peine fut-elle sortie que la malade cessa ses râlements de l’agonie et commença à parler. Elle demanda de la nourriture et, face à la stupeur des personnes présentes, elle se souleva de façon à s’asseoir. Elle était parfaitement guérie.


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Message par M1234 Mar 18 Avr 2017 - 9:05

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ELLE TRIOMPHA DES VAINQUEURS

Elle mourut à l’aube du 9 juin 1837, au numéro 7 de la rue " Santi Apostoli ", dans le palais Righetti, après trois heures d’agonie, dans un total abandon. C’était vendredi. Elle avait 68 ans et 20 jours.

Les maladies, les tribulations et les pénitences avaient fini par réduire Anne-Marie à un tel état de prostration que, déjà, en octobre de l’année précédente, ne pouvant plus se sentir, elle fut forcée de prendre le lit. Elle ne put jamais, dés lors se relever.

Clouée à cette paillasse : des accès d’asthme, à répétition, des douleurs arthritiques et névritiques, parfois très intenses, des convulsions violentes, une perpétuelle effusion de sueurs. Elle supporta ces souffrances avec beaucoup de résignation, dans le silence, huit mois durant. Elle fit preuve d’une patience à toute épreuve ; son calme était des plus paisibles. Maman exemplaire, elle gardait, malgré tout, le gouvernail de la maison, continuait d’accueillir les gens puissants et déshérités qui persistaient à recourir à elle, pour une aide ou un conseil.

Sachant que tout était inutile pour le soulagement de ses souffrances, elle se prêtait avec docilité et bienveillance aux soins que lui procuraient ceux qui l’entouraient. Elle continuait de recevoir chaque jour la sainte communion, durant la messe célébrée dans la chapelle qu’elle avait obtenu d’aménager dans son appartement. C’était pour elle l’unique source de paix intérieure, l’unique source de consolation pour son âme.

Le 2 juin 1837, c’était encore un vendredi, une fièvre soudaine annonçait sa fin prochaine. Le docteur Paglioli se souvenait de bien d’autres fièvres qui avaient assailli sa déconcertante patiente ; il n’y attacha pas d’importance excessive : " chose insignifiante, avait-il dit, une légère fièvre passagère ". Anne-Marie lui avait souri doucement, comme pour le rassurer de son pronostic, elle laissa croire qu’elle serait apaisée. Elle était prête pour le grand voyage.

Elle s’y prépara, en arrangeant aussitôt, pour le mieux, les affaires de famille, pour se consacrer ensuite, aux choses d’en haut.

Le soir du dimanche 4 juin, la fièvre reprit et cette fois-ci, eIle était maligne. Après une nuit affreuse, le matin du 5, à peine Anne-Marie avait-elle reçu la communion, qu’elle commença à entrer dans le coma de l’agonie. Elle était, en réalité, entrée dans le mystère d’une ineffable apparition céleste, quand à l’improviste, son mari et ses enfants inquiets, autour de on lit, craignaient de recueillir d’un moment à l’autre, l’instant fatal du dernier soupir. Elle se ranima, une lumière d’incroyable béatitude dans ses pauvres yeux, demi-éteints. " Appelez-moi immédiatement Mgr Natali ", demande-t-elle.

Le bon prêtre accourut aussitôt et les personnes entourant le lit durent se retirer. Anne-Marie lui confia le poids du dernier secret que, depuis lors, elle gardait pour elle seule, dans le silence de son coeur : le secret de la date de sa mort, elle le lui confia comme elle lui avait confié tous les autres secrets du ciel, avec un sourire radieux.

Le jour suivant, mardi le 6 juin, la fièvre grimpa au-delà de toute mesure, et la souffrance d’Anne-Marie atteignit des degrés élevés dans l’échelle de la douleur physique. Face à cette situation qui menaçait d’empirer d’un moment à l’autre, le médecin voulut tenter ce qui était encore possible, la prescription de médicaments plus violents, plus pénibles à supporter ; la malade savait très bien que ces moyens drastiques, comme tous les autres qui avaient été employés, s’avéraient inutiles, parce que son état était déjà fixé dans le grand livre de Dieu. Toutefois, pour ne pas entrer en contradiction avec le bon docteur, pour ne pas laisser chez ses fils et ses filles, son mari, le regret de ne pas lui avoir assuré tous les soins possibles, elle abandonna totalement son pauvre corps crucifié par la souffrance, à la dernière torture de la science.

Le lendemain, mercredi le 7 juin, il apparut très évident à tous qu’il valait mieux lui épargner ce martyre. Le mal, en effet, plutôt que de s’apaiser, s’aggravait inexorablement, d’heure en heure.

La maison Taïgi tint donc conseil et décida qu’il était opportun, ce matin-là, de lui faire apporter le Viatique de l’église Sainte-Marie " in-via-Lata ", plutôt que de la faire communier privément, comme d’habitude. Il en fut ainsi.

Elle passa une autre journée et, l’après-midi du 8 juin, quelqu’un frappa à la porte avec discrétion. Sophie alla ouvrir et elle se trouva face à face avec le cardinal Pedicini.

Que voulait Son éminence, de la pauvre moribonde ? Lui parler encore, si c’était possible. Anne-Marie fit avancer une chaise, la plus belle de la maison, tout prés de son lit. Le colloque qui suivit, dura plus d’une heure. Ce fut la dernière conversation de cette humble femme du peuple avec un prince de l’Église.

Le soir, les souffrances physiques s’accrurent encore, de façon indicible ; l’angoisse de la fin atteignit le fond du calice amer. Elle se tut jusqu’à ce que lui revienne la force d’esquisser un sourire sur son visage. De crainte que cette force s’évanouisse, plus occupée des autres que d’elle-même, elle voulut que les siens s’éloignent de sa chambre afin que son état ne les afflige pas.

Monseigneur Natali s’entretint seul à seule avec elle, pour un peu de temps. " Comment êtes-vous ? " lui demanda-t-il. " Ce sont des peines de mort ", lui répondit-elle, à demi-voix.

" Que ta volonté soit faite ", lui chuchota le bon prêtre. " Sur la terre comme au ciel ", ajouta-t-elle. Et ce fut sa dernière réponse.

Monseigneur Raphaël Natali rejoignit les autres dans la cuisine, et, ensemble, ils prirent les dispositions nécessaires pour qu’Anne-Marie fut assistée, réconfortée par beaucoup d’amour, beaucoup d’attention, jusqu’à son dernier soupir. Des charges furent attribuées à chacun, à chacune. L’un alla à la maison voisine de la " Madelena ", chez les fils de saint Camille de Lellis, des prêtres voués au service des malades. Un autre se rendit au couvent des Carmes, pour appeler le Père Filippi uigi, dernier confesseur d’Anne-Marie. Un troisième, par la rue " del Corso " entra à " Santa-Maria-in-Via-Lata ", pour demander le vicaire dom Luigi Antonini.

Mais l’homme propose et Dieu dispose. Ce dernier en avait décidé autrement. On sait qu’il voulait que cette humble femme déjà souffrante, franchisse les étapes de la passion de Jésus, de Gethsémani au Calvaire, l’imite aussi dans les trois dernières heures d’abandon sur la Croix.

Les Camilliens vinrent, de fait ; mais leurs experts jugèrent qu’elle pourrait vivre encore quelque temps et s’en retournèrent à leur couvent, convaincus que leur présence n’était pas indispensable pour le moment. Son confesseur ne vint pas parce que, dit-on, les règles carmélitaines ne permettaient pas d’aller hors du couvent, durant la nuit.

Le vicaire de Sainte-Marie-in-Via-Lata vint, au contraire, mais croyant qu’il valait mieux laisser la patiente tranquille, il se retira dans une autre salle pour lire son bréviaire.

Le vieux Monseigneur Natali qui avait veillé sans cesse, jour et nuit, les derniers temps, au chevet de la malade, et avait dû pourvoir personnellement à tous les besoins de la maison au moment où personne n’y pensait, parce qu’on était aux prises avec l’angoisse, fut invité par les Taïgi à s’allonger quelque peu sur un lit, pour s’accorder un moment de sommeil, s’il voulait pouvoir être sur pied, le lendemain.

Les Taïgi, de leur part, fils et filles, neveux et nièces, adoptèrent des attitudes différentes : les uns décidèrent d’aller se reposer, les autres de veiller dans la cuisine, obéissant à la maman qui les avait éloignés de sa chambre.

Ainsi, deux femmes seulement demeurèrent en service, dans la chambre d’Anne-Marie. Mais les deux femmes avaient accepté l’opinion des Pères Camilliens qui prétendaient que cette pauvrette ne mourrait pas à l’instant ; elles la voyaient calme et tranquille ; elles se placèrent dans un coin et se mirent à converser à voix basse, de leurs faits et gestes, sans trop se préoccuper de la malade.

Mais voici que, " vers les quatre heures de la nuit, racontera Monseigneur Natali, je me suis senti fortement poussé à me lever en toute hâte, comme je le fis. Je courus à la chambre de la malade qui était alors à l’extrémité. J’en avertis immédiatement le vicaire et on commença aussitôt les prières de la recommandation de l’âme. Les prières étaient à peine terminées, qu’au milieu d’une invocation au Sang très précieux de Jésus, à l’égard duquel la moribonde avait toujours eu une dévotion particulière, elle rendit son âme bienheureuse à Dieu ; il était quatre heures et demie du matin, un vendredi, comme elle l’avait prédit ".

" Ainsi, conclura l’excellent prêtre, confident fidèle et discret d’Anne-Marie Taïgi, se vérifiera tout ce que la servante de Dieu avait annoncé d’elle-même, plusieurs années auparavant, relativement à sa mort. Elle me dit, en effet, les premières années au cours desquelles j’ai pu faire sa connaissance, qu’à sa mort, elle serait abandonnée de tous, comme le Seigneur le lui avait laissé entendre, plus d’une fois. En d’autres occasions, elle m’assurait que je serais là, présent. Je ne pus alors mettre en harmonie ces deux assertions contradictoires. Les événements ayant eu lieu, j’en saisis très bien l’explication.

On dirait une règle, à lire l’histoire des saints, celle de ceux qui suscitèrent à leur mort un mouvement impétueux de commotion pour rassembler des foules imposantes de citadins venant de partout, que souvent leurs funérailles se transformaient en de réels triomphes, en apothéose irrésistible, comme si les villes où ils vécurent et les terres qui les connurent, désiraient participer, elles aussi, ici-bas, à l’allégresse céleste.

Anne-Marie échappa à cette règle ; il fut écrit qu’elle devait roter son époux céleste jusque dans l’humilité de la sépulture ; la nouvelle de sa mort traversa, en effet, le petit portail du numéro 7 de la " via Santi Apostoli " pour atteindre deux ou trois de ses nombreux admirateurs, un bon nombre de ses favorisés.

Les vendredi et samedi, alors que la dépouille mortelle, revêtue des habits mi-mondains, mi-religieux, un petit crucifix de cuivre dans ses mains croisées sur la poitrine, demeura exposée dans la chambrette où elle expira. Peu de gens apparurent à la porte de la maison Taïgi, pour réciter un " requiem " ou pour donner, ne fut-ce que de façon furtive, une parole de consolation, aux familiers éprouvés par une telle perte.

Il faut savoir, pour se rendre compte du fait, que les autorités de Rome et des environs, les gouvernants, avaient été amenés, en raison de la crainte, de la peur, qui se répandaient dans la population, à prendre des mesures très sévères contre toute menace de contagion, à suggérer à la population d’agir avec beaucoup de précaution. On suggérait de ne pas mettre les pieds dans une maison où quelqu’un était mort, sans qu’elle ait d’abord été désinfectée. Cela, non seulement pour éviter toute contagion, mais aussi pour échapper à la tristesse.

Il est indispensable, pensaient les médecins, " de se distraire avec des idées plaisantes et indifférentes ". Ce qui importait le plus, pour fuir l’épidémie, c’était de lui opposer la barrière d’un moral très élevé.

Si c’étaient les dispositions du gouvernement et les suggestions de la science de l’époque, les gens, de leur part, poussèrent la prudence jusqu’à éviter, à fuir comme pestiférés tous ceux qui, en ces jours, vivaient quelques décès au sein même de leur famille, quelle qu’en ait été la cause.

Cette situation explique de façon très compréhensible la raison pour laquelle la familleTaïgi s’appliqua à tenir cachée la mort d’Anne-Marie ; " abandonnée par ses amis, terrée dans la misère, raconte le cardinal Pedicini, elle préférait passer quelques jours enfermée à l’intérieur de sa modeste demeure ".

Monseigneur Natali profita de ces deux jours pour faire prendre, dans la cire, le masque, le haut du buste de la défunte. Le soir du samedi 10 juin, la dépouille mortelle fut déposée dans un cercueil de bois et une fausse tombe de fer blanc, contenant un court mémoire rédigé par le prêtre ami lui-même. À la nuit tombante, elle fut transférée dans l’église voisine de Santa-Maria-in-Via-Lata où elle demeura toute la journée du dimanche, gardée en cachette par quelques parents, ignorée de plusieurs, inconnue de presque tous.

Les dispositions des autorités exigeaient, de fait, qu’aucun cadavre ne quitte la maison avant d’être enfermé dans une caisse et ne doive pas être exposé. " Pour cette raison, raconte le cardinal Pedicini, non seulement on ne pouvait pas voir la dépouille mortelle, mais le peuple ne pouvait même pas savoir qui ce fut. On ne devait risquer aucune curiosité, ni rechercher quoi que ce soit, par crainte de la colère, de l’épouvante, qui étaient tellement grandes, lorsqu’on rencontrait sur son chemin, un cadavre porté à l’église. Non seulement, on ne cherchait pas à savoir qui il était, comme la chose est arrivée, mais on cherchait tout de suite à quitter la rue, par crainte de contacter le miasme, de quelque nature qu’il fut, de donner la moindre prise à la peste tellement redoutée ".

Le soir de ce même dimanche 11 juin, les premières ombres étant déjà répandues sur la ville, le cercueil de bois, fut introduit dans un cercueil de plomb qu’un magistrat scella soigneusement. Puis, un petit groupe de personnes, en ordre disparate, afin de n’être pas remarquées, l’accompagna jusqu’au cimetière du Verano où par la volonté du pontife Grégoire VI lui-même, un lieu de choix l’attendait.

En effet, la nouvelle de la mort d’Anne-Marie Taïgi à peine connue, le cardinal Pedicini s’était empressé d’écrire au vicaire de Sa Sainteté, le cardinal Odescalchi, une longue lettre dans laquelle il disait, entre autres choses : " Ayant plu à Dieu de rappeler à l’éternel repos l’âme d’Anne-Marie Taïgi, domiciliée au numéro 7 de la " via Santi Apostoli " que le soussigné Cardinal, vice-chancelier, a eu la chance de fréquenter et de connaître, d’admirer ses vertus autant que ses dons extraordinaires de lumières singulières, qui lui sont venus de la part de Dieu ; des dons qui l’ont abondamment enrichie, si on la compare à d’autres grands saints. Des centaines de preuves existent, au sujet de l’authenticité de ces dons qu’elle mettait au service des affaires publiques de l’Église et du monde. Tout était indiqué avec une grande précision, bien avant que se produisent les événements qui se réalisaient conformément à ses prédictions, aux détails qui les accompagnaient. On ne peut attribuer qu’à Dieu les dons extraordinaires qu’elle possédait. Le cardinal qui vous écrit, croit qu’il est de son devoir de porter le fait à la connaissance et à la piété religieuse de votre Eminence, pour que la dépouille de cette âme remarquable qui fut sa compagne dans l’exercice de tant de vertus, ait des égards particuliers qui se sont pratiqués dans des cas semblables, des cas qui, de fait, ne sont pas fréquents ".

Le cardinal Odescalchi référa immédiatement, la chose au pape qui donna, sans tarder, l’instruction que la dépouille d’Anne-Marie serait placée le plus prés possible de la chapelle du cimetière, du côté de l’Évangile, près de la marche de la porte.

Dans les jours qui suivirent, pendant que les fils faisaient installer une plaque de marbre blanc, sur la tombe, une plaque sur laquelle, sous la croix rouge et bleue des trinitaires, on avait inscrit : " Anne-Marie Antonia Gésualda Taïgi, née Giannetti, à Sienne, le 20 mai 1769, décédée à Rome, le 9 juin 1837, tertiaire déchaussée de l’Ordre de la Sainte-Trinité ". Le cardinal Pedicini apprit que les conditions financières de la famille Taïgi étaient précaires. Toute la maisonnée devait survivre avec quatre écus, le reste du mois, pendant que les dettes atteignaient 200 écus : pour le médecin, les funérailles, le masque et le buste de cire, les deux cercueils, l’acte notarié, la pierre tombale.

Le cardinal se faisait pourvoyeur ; il envoya sur la " via Santi Apostoli ", son maître de chambre, avec cinquante écus, " en mémoire de la disparue ". Il envoya aussi, certaines personnes de Milan et de Turin, demeurées tout à fait inconnues. Ces personnes faisaient parvenir des offrandes généreuses, des offrandes qui permirent de solder les dettes.

La Providence ne manqua jamais de veiller sur la pauvreté de la maison Taïgi. Elle veilla de façon particulière sur Sophie qui se préoccupait, avant la mort de sa mère, de l’avenir de ses enfants. Anne-Marie l’avait rassurée.

Dix-neuf ans après, le 31 mars 1856, le procès informatif sur la renommée des vertus et la sainteté d’Anne-Marie eut lieu. On procéda à l’exhumation de sa dépouille pour l’identification et la translation, à l’intérieur des murs de la cité.

" La planche qui fermait le cercueil de bois fut enlevée et, comme il est écrit dans l’acte légal de reconnaissance, le cadavre tout entier, recouvert de ses vêtements, se montra à tous ".

Puisque en ce temps, le corps d’Anne-Marie Taïgi, tertiaire déchaussée de l’Ordre des trinitaires, était réclamé soit par les trinitaires espagnols de Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines, soit par les trinitaires italiens de la basilique Saint-Chrysogone au Transtévère, pour ne pas léser les uns et les autres, la nuit du 11 juin 1856, elle fut ensevelie dans l’église de Santa Maria della Pace ", dans un sépulcre fermé par un marbre, portant l’inscription : " Ici repose la servante de Dieu, Anne-Marie Taïgi ".

Huit ans après, le pape Pie IX l’honora du titre de vénérable. C’était, selon la règle du temps, le premier pas sur la voie de la glorification.

Entre-temps, l’autorité ecclésiastique reconnaissait le droit incontestable des trinitaires italiens, parce qu’il revenait aux Italiens de conserver la dépouille mortelle de l’Italienne Anne-Marie Taïgi. Ainsi, au cours de la nuit du 10 juillet 1865, le corps était définitivement transférée au delà du Transtévère, dans l’antique basilique de Saint-Chrysogone.

Finalement, le 30 mai 1920, le jour même où l’église célébrait la fête de la Sainte Trinité, l’humble femme du peuple, femme de maison, mère de famille et tertiaire déchaussée, eut une grandiose apothéose ; elle connut, dans sa ville d’adoption, le triomphe des saints. Tout Rome qui, depuis quelque temps, parlait de ses miracles, parut vouloir converger vers Saint-Pierre, pour assister à l’acte de sa béatification.

" C’est une mère de famille, avait déjà dit d’elle le pape Benoît XV, qui se présente, après avoir été l’ange consolateur de ses parents, après avoir édifié ses compagnes d’études, après avoir dépensé utilement ses années d’adolescence, en travaux et en services propres à son état et à sa condition. Elle peut servir de modèle à ceux qui n’ont pas encore quitté le foyer domestique. C’est une mère de famille à qui n’a jamais souri une grande aisance ; sa jovialité calme et paisible rendait alors inexcusables toutes ces mères qui disaient ne pouvoir atteindre la piété, ne pouvoir s’abstenir de continuelles lamentations, à cause de leur pauvreté et de leurs misères. Elle est une mère de famille sur qui pesait lourdement l’assistance de ses vieux parents, le soin d’un mari pas toujours aimable, l’éducation d’une nombreuse progéniture. Oh ! Comme elle fut admirable, l’affabilité avec laquelle Anne-Marie répondait aux exigences des vieux parents ; elle vainc le mal par le bien, et gagne le coeur de son mari. Elle éduque ses enfants en leur prodiguant beaucoup d’affection, évitant de leur infliger des sentiments de peur ou de crainte. Elle est une mère de famille qui ordonne bien sa maison, n’abandonne pas ses devoirs envers chacun, trouve le temps et le moyen de visiter les pauvres, les malades, de se faire toute à tous ".

C’est la page indubitablement la plus maigre de l’allocution de Benoît XV, parmi les nombreuses que j’ai eu le loisir de lire, à l’exaltation d’Anne-Marie Taïgi. C’est en même temps la page la plus efficace qu’on peut écrire pour présenter notre protagoniste dans ses traits les plus purs, dans son aspect le plus humain, dans sa valeur la plus authentique, dans son essence la plus vraie : femme du peuple, épouse et mère comme le sont des millions d’autres épouses et d’autres mères, et toutefois lumineuse, d’une lumière du paradis, non pas tant par les dons surnaturels par lesquels le ciel a voulu la récompenser abondamment, que par cette sainteté acquise instant par instant, avec les minimes actions journalières, imprégnées de respect affectueux envers les parents, d’amour compréhensif à l’égard du compagnon de sa vie, de patience dans l’éducation des fils et des filles, des petits-enfants, de modestie dans les occupations domestiques avec le balai et au milieu des casseroles, de charité sans bornes pour le prochain. Oui, la sainteté, en somme, à la portée de toutes les mères de famille. Que toutes sachent, comme Anne-Marie, se faire toutes à tous.

Accrochons-nous à cette essentielle présentation faite par un pape, à la chrétienté entière, et nous goûterons les pages de Louis Veuillot, brillant écrivain français qui, exilé de France, respira à Rome les parfums enivrants d’Anne-Marie Taïgi.

JE VEUX MAINTENANT M’ÉLOIGNER DE QUELQUES PAS, PRENDRE CONGÉ DE LA FAÇON LA PLUS DIGNE DE CEUX QUI AURONT CONDESCENDU À LIRE CETTE COURTE ET MODESTE BIOGRAPHIE, EN AJOUTANT QUELQUES PAGES, QUELQUES RÉFLEXIONS QUI ME SONT PLUS PERSONNELLES.

" Elle était une Thérèse, une contemplative, une vraie amante. Rien de tellement plaisant, cependant, dans sa vie : un mari à servir, un homme grossier bien qu’honnête, plusieurs enfants, mille difficultés, des maladies fréquentes, des ennemis, des calomniateurs. Elle avait beaucoup à faire, dans la gouverne de sa maison ; elle y faisait non seulement régner l’ordre, mais la joie sainte. La pauvreté y habitait à demeure, mais jamais la misère n’y pénétra. Elle convertissait ses ennemis, pardonnait à ses détracteurs. Elle savait être toute, et toujours, à Dieu ".

" Elle avait été belle et gracieuse. Elle n’attendit pas que cette fleur se fanât ; dés qu’elle fut appelée, elle se rendit. Dieu l’enveloppa promptement dans l’amour, la lumière, le désir du sacrifice, la connaissance de la douleur, la contemplation de la vérité. Il donnera satisfaction à sa charité, quand elle lui demandera de guérir les malades. Il y joignait la science de la religion, à la connaissance du passé, du présent et du futur, nourrissait cette charité qu’elle ne cessait de lui demander, dans le souci qu’elle avait de la conversion des pécheurs ".

" Les dons intellectuels lui furent distribués comme par un miracle sans pareil. Peu de temps, avant qu’elle fut entrée dans la vie de perfection, elle vit apparaître un globe d’or, terne, qui devint un soleil incomparablement resplendissant, dans lequel elle voyait toutes choses. Elle connaissait avec certitude le sort des défunts. Son regard allait jusqu’aux extrémités du monde ; elle reconnaissait des personnes qu’elle n’avait jamais vues, pénétrait l’âme jusqu’au tréfond. Les choses accomplies, comme les choses futures, se révélaient à sa vie, dans les circonstances les plus détaillées. Un simple coup d’oeil lui suffisait. L’objet réclamé par sa pensée, se montrait et elle le reconnaissait. Elle voyait le monde entier, comme nous apercevons la façade d’un édifice. Les individus comme les nations, lui étaient présents. Elle discernait les causes du mal, les remèdes qui pouvaient le guérir. "

" Par ce miracle permanent et sans limites, la pauvre compagne de Dominique Taïgi, devenait un théologien, un docteur, un prophète. Jusqu’à sa mort, l’humble femme put lire dans le soleil mystérieux. "

" Les pauvres, les grands du monde, les princes de l’église venaient lui demander conseil et secours, la surprenaient au milieu des humbles services de sa maison, alors que, souvent, elle était malade. Elle ne refusait jamais son dernier morceau de pain, ni l’or plus précieux encore, de son temps. Elle n’acceptait jamais de dons, et à plus forte raison, des louanges. Les plus puissants protecteurs ne purent jamais la décider à faire sortir les siens de la condition dans laquelle ils étaient nés. Une reine, réfugiée à Rome, l’invita à accepter de l’or. Madame, lui répondit-elle, comme vous êtes naïve, je sers un Dieu qui est plus riche que vous ".

Elle touchait les malades et ceux-ci guérissaient par la puissance qui lui venait de la prière. D’autres, avertis de leur mort prochaine, mouraient saintement. Elle pratiquait de grandes austérités pour les âmes du purgatoire, et ces mêmes âmes venaient la remercier ".

" Elle souffrait dans son corps et dans son âme ; attirée instamment vers le ciel, par la véhémence du désir. Elle était ramenée et clouée sur la terre par les nombreux poids de la vie. C’était un perpétuel martyre. Mais elle savait que Dieu le voulait ainsi. Elle savait aussi, qu’elle expiait pour les autres, que Jésus l’associait à son sacrifice, qu’elle était victime avec lui. Les douleurs d’amour sont d’ineffables ivresses ".

" Pie VI mourait à Valence, Pie VII était prisonnier à Fontainebleau ; sous Grégoire XVI, réapparaissait la révolution. On disait que le règne des papes était terminé, que la loi du Christ et le Christ lui-même se mouraient, que la science aurait vite relégué parmi les chimères ce prétendu Fils de Dieu, déchiré ses maximes, injurieuses à la raison humaine ".

" Durant ce temps, Dieu suscitait cette femme qui guérissait les malades par le seul attouchement de sa main, les sortait de leur lit par la seule force de la prière. Dieu lui donnait la connaissance du passé, du présent et de l’avenir. Elle affirmait le retour de Pie VII, annonçait l’élévation de Grégoire XVI, voyait déjà Pie IX lui succéder ".

" Elle était la réponse de Dieu aux forts vainqueurs de la politique, des champs de bataille, des académies ".



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