Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
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Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
AELRED DE RIEVAULX
(1109-1167)
Né au nord de l'Angleterre, Alfred se fit remarquer par tous les avantages de la naissance, de l'éducation et des talents. Son histoire rapporte qu'un jour qu'il reposait dans son berceau, un de ses parents vit son visage brillant comme le soleil. Jeune encore, il fut nommé gouverneur du palais par David, roi d'Écosse, et il remplit cette charge importante avec une supériorité qui lui attira l'estime du prince et de toute la cour.
Un jour, un personnage de qualité lui ayant fait des reproches injurieux en présence du roi, il l'écouta avec patience et le remercia de ce qu'il avait la charité de l'avertir de ses fautes. Cette conduite impressionna si heureusement son ennemi, qu'il lui demanda aussitôt pardon. Ce trait, parmi d'autres, révéla son humilité profonde. Mais Alfred se sentait fait pour une vie plus parfaite.
A vingt-quatre ans, il quitta les honneurs de la cour pour prendre l'habit monastique et porter le joug du Seigneur. Nommé malgré lui abbé de son monastère, il se montra le modèle de tous. Un de ses religieux nous a laissé de sa vertu le tableau suivant : « Quelle vie plus pure que celle d'Alfred ? Qui fut plus sage dans ses discours? Les paroles qui sortaient de sa bouche avaient la douceur du miel; son corps était faible et languissant, mais son âme vive et alerte. Il souffrait patiemment ceux qui l'importunaient et ne se rendait jamais importun à personne. Il écoutait volontiers les autres et ne se pressait point de répondre à ceux qui le consultaient. On ne le vit jamais en colère; ses paroles et ses actions portaient la douce empreinte de cette onction et de cette paix dont son âme était remplie ».
Les quatre dernières années de sa vie, il augmenta ses mortifications au point que son corps devint d'une maigreur extrême, et qu'on l'aurait pris pour un esprit plutôt que pour un homme. Souvent il se mettait dans une fosse creusée dans le sol de son oratoire, et de là on l'entendit plus d'une fois s'entretenir avec les esprits célestes. Familiarisé depuis longtemps avec la pensée de la mort, il la vit venir avec joie, le 12 janvier 1167, à l'âge de cinquante-sept ans.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.
(1109-1167)
Né au nord de l'Angleterre, Alfred se fit remarquer par tous les avantages de la naissance, de l'éducation et des talents. Son histoire rapporte qu'un jour qu'il reposait dans son berceau, un de ses parents vit son visage brillant comme le soleil. Jeune encore, il fut nommé gouverneur du palais par David, roi d'Écosse, et il remplit cette charge importante avec une supériorité qui lui attira l'estime du prince et de toute la cour.
Un jour, un personnage de qualité lui ayant fait des reproches injurieux en présence du roi, il l'écouta avec patience et le remercia de ce qu'il avait la charité de l'avertir de ses fautes. Cette conduite impressionna si heureusement son ennemi, qu'il lui demanda aussitôt pardon. Ce trait, parmi d'autres, révéla son humilité profonde. Mais Alfred se sentait fait pour une vie plus parfaite.
A vingt-quatre ans, il quitta les honneurs de la cour pour prendre l'habit monastique et porter le joug du Seigneur. Nommé malgré lui abbé de son monastère, il se montra le modèle de tous. Un de ses religieux nous a laissé de sa vertu le tableau suivant : « Quelle vie plus pure que celle d'Alfred ? Qui fut plus sage dans ses discours? Les paroles qui sortaient de sa bouche avaient la douceur du miel; son corps était faible et languissant, mais son âme vive et alerte. Il souffrait patiemment ceux qui l'importunaient et ne se rendait jamais importun à personne. Il écoutait volontiers les autres et ne se pressait point de répondre à ceux qui le consultaient. On ne le vit jamais en colère; ses paroles et ses actions portaient la douce empreinte de cette onction et de cette paix dont son âme était remplie ».
Les quatre dernières années de sa vie, il augmenta ses mortifications au point que son corps devint d'une maigreur extrême, et qu'on l'aurait pris pour un esprit plutôt que pour un homme. Souvent il se mettait dans une fosse creusée dans le sol de son oratoire, et de là on l'entendit plus d'une fois s'entretenir avec les esprits célestes. Familiarisé depuis longtemps avec la pensée de la mort, il la vit venir avec joie, le 12 janvier 1167, à l'âge de cinquante-sept ans.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l'année, Tours, Mame, 1950.
BIOGRAPHIE
Ælred de Rievaulx est né au début de l'année 1110 à Hexham en Angleterre. Il est le fils d'un de ces prêtres mariés que l'on trouve fréquemment dans l'Angleterre des xie et xiie siècles. Il vit une grande partie de sa jeunesse à la cour du roi d'Écosse, David Ier, où il est élevé en même temps que le fils de celui-ci, Henri de Northumberland. Cette période se situe dans un « printemps religieux »1 consécutif à la réforme grégorienne et au renouvellement de la société occidentale.
Il y étudie les œuvres de Cicéron, et y vit dans l'amitié de ceux qui l'entouraient. Très apprécié du roi David Ier, qui voulait en faire un évêque, il décide toutefois de devenir moine cistercien. Il entre en 1133 à l'abbaye de Rievaulx, près de York, d'obédience cistercienne, fille de l'abbaye de Clairvaux. Il est nommé bientôt maître des novices, et on garde de lui le souvenir d'une extraordinaire tendresse et patience à l'égard de ceux qui étaient à sa charge.
En 1143, William, seigneur de Lincoln fonde une nouvelle abbaye cistercienne dans son fief de Reversby, dans le Lincolnshire, dont Ælred ainsi que douze autres moines prennent possession. Son séjour, pendant lequel il aurait rencontré saint Gilbert de Sempringham, sera de courte durée, car il est élu abbé de Rielvaux en 1146. Dans cette position, le saint n'est pas seulement le supérieur d'une communauté de 300 moines, mais est également le supérieur de toutes les abbayes cisterciennes d'Angleterre.
Il semble qu'il ait exercé une influence considérable sur Henri II d'Angleterre, dans les premières années de son règne, et de l'avoir persuadé de rejoindre Louis VII de France pour rencontrer le pape Alexandre III à Toucy en 1162.
Saint Ælred compose de nombreux écrits, historiques, poétiques et religieux. Il est considéré comme un des représentants des plus importants de la spiritualité monastique du xiie siècle. Ses œuvres se fondent sur la tradition antique, et sur une spiritualité d'une haute sensibilité personnelle dans lesquelles l'amitié humaine mène à l'amour de Dieu, en sachant qu'« il n'est point d'autre bonheur pour la créature raisonnable que d'adhérer à Dieu2. »
Il va également écrire un texte tout d'abord destiné à sa sœur intitulé La Vie de recluse et qui va inspirer un mouvement de mortification qui s'étendra dans toute l'Europe, particulièrement en Grande-Bretagne, France, et en Flandres (actuels Belgique et Pays-Bas). Des « recluses » vont ainsi vivre dans de petites cellules percées de ces petites ouvertures appelées hagioscopes qui leur permettent d'assister aux offices mais aussi de recevoir eau et nourriture des passants.
Ælred fait partie de ce qui a été nommé « deuxième génération3» de Cîteaux qui englobe la première vague des auteurs spirituels cisterciens majeurs, en compagnie de saint Bernard, Guillaume de Saint-Thierry, et Guerric d'Igny. Pour ces auteurs, l'homme converti se conforme peu à peu au Christ, grâce à une spiritualité faite de simplicité qui se réfère à l'expérience de l'union à Dieu, de la communion, en s'enracinant aux Écritures et à la règle de saint Benoît.
Ælred de Rievaulx est né au début de l'année 1110 à Hexham en Angleterre. Il est le fils d'un de ces prêtres mariés que l'on trouve fréquemment dans l'Angleterre des xie et xiie siècles. Il vit une grande partie de sa jeunesse à la cour du roi d'Écosse, David Ier, où il est élevé en même temps que le fils de celui-ci, Henri de Northumberland. Cette période se situe dans un « printemps religieux »1 consécutif à la réforme grégorienne et au renouvellement de la société occidentale.
Il y étudie les œuvres de Cicéron, et y vit dans l'amitié de ceux qui l'entouraient. Très apprécié du roi David Ier, qui voulait en faire un évêque, il décide toutefois de devenir moine cistercien. Il entre en 1133 à l'abbaye de Rievaulx, près de York, d'obédience cistercienne, fille de l'abbaye de Clairvaux. Il est nommé bientôt maître des novices, et on garde de lui le souvenir d'une extraordinaire tendresse et patience à l'égard de ceux qui étaient à sa charge.
En 1143, William, seigneur de Lincoln fonde une nouvelle abbaye cistercienne dans son fief de Reversby, dans le Lincolnshire, dont Ælred ainsi que douze autres moines prennent possession. Son séjour, pendant lequel il aurait rencontré saint Gilbert de Sempringham, sera de courte durée, car il est élu abbé de Rielvaux en 1146. Dans cette position, le saint n'est pas seulement le supérieur d'une communauté de 300 moines, mais est également le supérieur de toutes les abbayes cisterciennes d'Angleterre.
Il semble qu'il ait exercé une influence considérable sur Henri II d'Angleterre, dans les premières années de son règne, et de l'avoir persuadé de rejoindre Louis VII de France pour rencontrer le pape Alexandre III à Toucy en 1162.
Saint Ælred compose de nombreux écrits, historiques, poétiques et religieux. Il est considéré comme un des représentants des plus importants de la spiritualité monastique du xiie siècle. Ses œuvres se fondent sur la tradition antique, et sur une spiritualité d'une haute sensibilité personnelle dans lesquelles l'amitié humaine mène à l'amour de Dieu, en sachant qu'« il n'est point d'autre bonheur pour la créature raisonnable que d'adhérer à Dieu2. »
Il va également écrire un texte tout d'abord destiné à sa sœur intitulé La Vie de recluse et qui va inspirer un mouvement de mortification qui s'étendra dans toute l'Europe, particulièrement en Grande-Bretagne, France, et en Flandres (actuels Belgique et Pays-Bas). Des « recluses » vont ainsi vivre dans de petites cellules percées de ces petites ouvertures appelées hagioscopes qui leur permettent d'assister aux offices mais aussi de recevoir eau et nourriture des passants.
Ælred fait partie de ce qui a été nommé « deuxième génération3» de Cîteaux qui englobe la première vague des auteurs spirituels cisterciens majeurs, en compagnie de saint Bernard, Guillaume de Saint-Thierry, et Guerric d'Igny. Pour ces auteurs, l'homme converti se conforme peu à peu au Christ, grâce à une spiritualité faite de simplicité qui se réfère à l'expérience de l'union à Dieu, de la communion, en s'enracinant aux Écritures et à la règle de saint Benoît.
Dernière édition par Marie du 65 le Mar 18 Avr 2017 - 9:10, édité 5 fois
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
AGNELO SOUSA
1869-1927
Sa vie
Né à Anjuna le 21 janvier 1869, il était le sixième enfant de Miguel Arcanjo de Mariano Sousa, et Maria Sinforosa Perpétua Magalhães. Le couple fut béni par la naissance de huit garçons et une fille. Le petit Agnelo fut baptisé le lendemain du jour de la fête de sainte Agnès.
Dès son plus jeune âge il manifesta des qualités exceptionnelles, ainsi que toutes les caractéristiques qui laissaient deviner dans le plus profond de son cœur des dons de bonté, d'amour, de pureté, d’humilité et d’obéissance, associés à un sens très fort d'autodiscipline.
Il ne parlait pas beaucoup, contrairement aux garçons de son âge, et habituellement il préféra le silence et la prière. Apprendre le catéchisme aux garçons était le passe-temps favori de son l'enfance. Un de ses oncles, frère Lázaro Fortunato Sousa, voyant ses ardeurs pour l'enseignement, lui dit ces mots prophétiques : « Agnelo, un jour tu seras un prêtre vertueux et un pasteur renommé ».
Ces deux prophéties ce sont en partie réalisées : lors de ses études pour la prêtrise il prouva être brillant et fervent et n'a jamais manqué la Messe quotidienne au Séminaire de Rachol où il compléta son cours de théologie avec succès.
Frère Agnelo avait placé bien haut la barre du service de Dieu et désirait de tout son cœur, cultiver, assidûment, toutes les vertus sacerdotales.
Il croyait qu'il pourrait mieux faire dans un Ordre Religieux et après beaucoup de prières et de consultations auprès de ses collègues et professeurs, il fit sa première profession comme membre de la Société de Missionnaires de saint Francis Xavier, à Pilar.
Le 24 septembre 1899, en la cathédrale de Vieille Goa, il fut ordonné prêtre par le Patriarche, l’archevêque Dom António Sebastião Valente et célébra sa première sainte Messe au Monastère de Pilar. Dès lors, la vie spirituelle de frère Agnelo peut se résumer en quelques phrases.
Les dix premières années il les passa plus ou moins à Pilar, dans la solitude, la prière et la méditation. Il en sortait parfois, à la demande de ses supérieurs, pour un travail de pastoral. C'était là la préparation par excellence pour son apostolat futur comme un pasteur, confesseur, pasteur, et guide spirituel.
Le 8 septembre 1908 il fut nommé confesseur au Séminaire de Rachol et, par l’exemple de sa propre vie faite d’austérité, de sainteté et de douceur, il fortifia la vocation de bon nombre de ses jeunes pénitents.
De 1910 à 1917 il fit office de prêtre missionnaire à Shiroada dans Goa, et à Kumta, maintenant dans Karnataka, et ensuite à Sanvordem comme Vicaire.
Partout où il passa, il laissa un héritage inoubliable par sa ferveur ardente et sa pastorale vivante.
Il avait un ardent amour envers le Saint-Sacrement et passait chaque nuit quelques heures en adoration.
Le 15 avril 1920 il fut confirmé en tant que Directeur Spirituel du Séminaire, ainsi que directeur de l’Apostolat de la Prière.
Frère Agnelo n‘était pas seulement un orateur qui impressionnait par son éloquence verbale, mais aussi parce que chaque mot, lorsqu'il parlait en chaire venait du plus profond de son cœur.
Bien qu’il ne fut pas d’une santé robuste, frère Agnelo accepta de prêcher la neuvaine pour la fête du mois de novembre 1927 à Rachol. La veille de la fête, le 19 novembre, il monta en chaire pour la dernière fois. À son argumentation manqua le feu habituel de son éloquence, et la voix elle-même sembla lui manquer. Il termina le sermon plus vite que les autres jours et, s’étant agenouillé dans la chaire pour une dernière prière d'action de grâce il eût un malaise et dût être porté par ses frères.
Mais il était encore conscient et désira être assis sur un banc, dans le couloir, où il reçut la bénédiction du Saint-Sacrement, à la fin des vêpres. Frère Agnelo avait été victime d’un infarctus du myocarde avec paralysie du bras et de la jambe gauche. Il reçut les derniers sacrements et tomba ensuite dans le coma. Il avait souvent désiré mourir le jour de la fête du Sacré-Cœur, et le Seigneur entendit sa prière.
Le jour de son enterrement, la foule, venant de tous les endroits de Goa, était immense : chacun, à sa manière voulait rendre un dernier hommage à ce prêtre que tous considéraient comme un saint.
Le curé de la paroisse de Rachol qui présida les funérailles put dire, à la fin de celles-ci : « Je peux dire que j’ai mis en terre un juste et saint homme ».
La Cause de Béatification
La réputation de sainteté de frère Agnelo s'est répandue rapidement sur Goa et au-delà, et attira sur sa tombe beaucoup de pèlerins qui y venaient pour demander la guérison de graves maladies et des grâces extraordinaires.
Le Patriarche et Archevêque de Goa d’alors, Dom Teotónio Vieira de Castro, voyant un jour un grand nombre de pèlerins devant la tombe fit cette observation : « Notre frère Agnelo est déjà un Vénérable ». Le clergé de Goa et même les laïques envoyèrent des pétitions au Patriarche pour lui demander de commencer le processus de sa béatification.
Le 10 janvier 1939 le Conseil Diocésain décida d’exhumer le corps du religieux et de la transporter au monastère de Pilar. Pour éviter les mouvements de foule, ils décidèrent de la faire secrètement et à une heure tardive. Malgré toutes leurs précautions et tout le soin pris, même en changeant l’itinéraire normal de Rachol à Pilar, (plus de 25 Kilomètres) des milliers de gens se sont amassés autour du cimetière de Rachol et tout le long de l'itinéraire jusqu'à Pilar.
Quand le cercueil contenant les restes mortels traversa la rivière Zuari, cinq bandes de musique attendaient déjà depuis longtemps à Agasim pour accueillir solennellement les précieuses reliques. La foule était si dense que la procession pouvait à peine avancer et les chefs de village le rivalisaient entre eux pour avoir le privilège de porter le cercueil jusqu’à la petite colline de Pilar où les restes mortels du saint religieux trouvèrent leur place définitive.
À partir de ce jour-là des milliers de gens de toutes les conditions sociales, sans tenir compte ni de race, de sexe ou de credo, commença dès lors à fréquenter les sentiers escarpés et étroits qui menaient au monastère de Pilar, quelquefois même à genoux, pour demander des grâces ou remercier frère Agnelo pour des grâces reçues.
Le procès de Béatification fut commencé le 2 avril 1947 sous les auspices du père Agostino della Virgine OSST, qui en fut le premier Postulateur à Rome, et qui présenta les écrits de frère Agnelo.
Le procès diocésain sur les écrits de frère Agnelo commença solennellement le 4 avril 1956 sous l’égide du Tribunal nommé par l'Archevêque Patriarche de Goa, Dom José Viera Alvernaz.
Ce procès terminé, il fut envoyé à Rome le 11 juin 1956, et approuvé par la Sacrée Congrégation des Rites le 12 mai 1958, et par le pape Pie XII le 29 mai 1958.
Le deuxième procès diocésain sur la sainteté et les vertus du saint religieux commença le 16 août 1956 après la prestation de serment du nouveau Tribunal diocésain.
Après de longues sessions, de plus de 3 années et 2 mois et l’audition de 28 témoins de toutes classes et conditions, le processus fut complété et envoyé à Rome le 10 octobre 1959.
Il subit un examen minutieux et fut finalement approuvé par la Sacrée Congrégation des Rites le 9 juillet 1968.
Le troisième et dernier procès diocésain fut commencé le 11 novembre 1959 ; les documents de celui-ci furent envoyés à Rome le 5 juin 1960 et approuvés par la Sacrée Congrégation des Rites le 27 mai 1969.
Avec l'approbation des trois processus diocésains le terrain était alors clarifié afin que puissent commencer les procès apostoliques.
Par mandat du Sacré-Siège, le Tribunal Apostolique fut constitué le 8 octobre 1970 avec le Révérend Dr. Raul Gonçalves, alors Évêque auxiliaire et maintenant Archevêque du Patriarcat de Goa, comme son Président.
Le procès fut complété et a envoyé à Rome en mai 1974. Quelques années plus tard, le 10 novembre 1986, la Sacrée Congrégation pour la Cause des saints déclarait Vénérable le frère Agnelo de Sousa.
Maintenant, il ne reste plus qu’un miracle notable et indiscutable — et c’est le cas actuellement — soit approuvé par la Sacré Congrégation pour la Cause des Saints, pour que le frère Agnelo de Sousa soit proclamé bienheureux.
Prions le Seigneur qu’il en soit ainsi.
1869-1927
Sa vie
Né à Anjuna le 21 janvier 1869, il était le sixième enfant de Miguel Arcanjo de Mariano Sousa, et Maria Sinforosa Perpétua Magalhães. Le couple fut béni par la naissance de huit garçons et une fille. Le petit Agnelo fut baptisé le lendemain du jour de la fête de sainte Agnès.
Dès son plus jeune âge il manifesta des qualités exceptionnelles, ainsi que toutes les caractéristiques qui laissaient deviner dans le plus profond de son cœur des dons de bonté, d'amour, de pureté, d’humilité et d’obéissance, associés à un sens très fort d'autodiscipline.
Il ne parlait pas beaucoup, contrairement aux garçons de son âge, et habituellement il préféra le silence et la prière. Apprendre le catéchisme aux garçons était le passe-temps favori de son l'enfance. Un de ses oncles, frère Lázaro Fortunato Sousa, voyant ses ardeurs pour l'enseignement, lui dit ces mots prophétiques : « Agnelo, un jour tu seras un prêtre vertueux et un pasteur renommé ».
Ces deux prophéties ce sont en partie réalisées : lors de ses études pour la prêtrise il prouva être brillant et fervent et n'a jamais manqué la Messe quotidienne au Séminaire de Rachol où il compléta son cours de théologie avec succès.
Frère Agnelo avait placé bien haut la barre du service de Dieu et désirait de tout son cœur, cultiver, assidûment, toutes les vertus sacerdotales.
Il croyait qu'il pourrait mieux faire dans un Ordre Religieux et après beaucoup de prières et de consultations auprès de ses collègues et professeurs, il fit sa première profession comme membre de la Société de Missionnaires de saint Francis Xavier, à Pilar.
Le 24 septembre 1899, en la cathédrale de Vieille Goa, il fut ordonné prêtre par le Patriarche, l’archevêque Dom António Sebastião Valente et célébra sa première sainte Messe au Monastère de Pilar. Dès lors, la vie spirituelle de frère Agnelo peut se résumer en quelques phrases.
Les dix premières années il les passa plus ou moins à Pilar, dans la solitude, la prière et la méditation. Il en sortait parfois, à la demande de ses supérieurs, pour un travail de pastoral. C'était là la préparation par excellence pour son apostolat futur comme un pasteur, confesseur, pasteur, et guide spirituel.
Le 8 septembre 1908 il fut nommé confesseur au Séminaire de Rachol et, par l’exemple de sa propre vie faite d’austérité, de sainteté et de douceur, il fortifia la vocation de bon nombre de ses jeunes pénitents.
De 1910 à 1917 il fit office de prêtre missionnaire à Shiroada dans Goa, et à Kumta, maintenant dans Karnataka, et ensuite à Sanvordem comme Vicaire.
Partout où il passa, il laissa un héritage inoubliable par sa ferveur ardente et sa pastorale vivante.
Il avait un ardent amour envers le Saint-Sacrement et passait chaque nuit quelques heures en adoration.
Le 15 avril 1920 il fut confirmé en tant que Directeur Spirituel du Séminaire, ainsi que directeur de l’Apostolat de la Prière.
Frère Agnelo n‘était pas seulement un orateur qui impressionnait par son éloquence verbale, mais aussi parce que chaque mot, lorsqu'il parlait en chaire venait du plus profond de son cœur.
Bien qu’il ne fut pas d’une santé robuste, frère Agnelo accepta de prêcher la neuvaine pour la fête du mois de novembre 1927 à Rachol. La veille de la fête, le 19 novembre, il monta en chaire pour la dernière fois. À son argumentation manqua le feu habituel de son éloquence, et la voix elle-même sembla lui manquer. Il termina le sermon plus vite que les autres jours et, s’étant agenouillé dans la chaire pour une dernière prière d'action de grâce il eût un malaise et dût être porté par ses frères.
Mais il était encore conscient et désira être assis sur un banc, dans le couloir, où il reçut la bénédiction du Saint-Sacrement, à la fin des vêpres. Frère Agnelo avait été victime d’un infarctus du myocarde avec paralysie du bras et de la jambe gauche. Il reçut les derniers sacrements et tomba ensuite dans le coma. Il avait souvent désiré mourir le jour de la fête du Sacré-Cœur, et le Seigneur entendit sa prière.
Le jour de son enterrement, la foule, venant de tous les endroits de Goa, était immense : chacun, à sa manière voulait rendre un dernier hommage à ce prêtre que tous considéraient comme un saint.
Le curé de la paroisse de Rachol qui présida les funérailles put dire, à la fin de celles-ci : « Je peux dire que j’ai mis en terre un juste et saint homme ».
La Cause de Béatification
La réputation de sainteté de frère Agnelo s'est répandue rapidement sur Goa et au-delà, et attira sur sa tombe beaucoup de pèlerins qui y venaient pour demander la guérison de graves maladies et des grâces extraordinaires.
Le Patriarche et Archevêque de Goa d’alors, Dom Teotónio Vieira de Castro, voyant un jour un grand nombre de pèlerins devant la tombe fit cette observation : « Notre frère Agnelo est déjà un Vénérable ». Le clergé de Goa et même les laïques envoyèrent des pétitions au Patriarche pour lui demander de commencer le processus de sa béatification.
Le 10 janvier 1939 le Conseil Diocésain décida d’exhumer le corps du religieux et de la transporter au monastère de Pilar. Pour éviter les mouvements de foule, ils décidèrent de la faire secrètement et à une heure tardive. Malgré toutes leurs précautions et tout le soin pris, même en changeant l’itinéraire normal de Rachol à Pilar, (plus de 25 Kilomètres) des milliers de gens se sont amassés autour du cimetière de Rachol et tout le long de l'itinéraire jusqu'à Pilar.
Quand le cercueil contenant les restes mortels traversa la rivière Zuari, cinq bandes de musique attendaient déjà depuis longtemps à Agasim pour accueillir solennellement les précieuses reliques. La foule était si dense que la procession pouvait à peine avancer et les chefs de village le rivalisaient entre eux pour avoir le privilège de porter le cercueil jusqu’à la petite colline de Pilar où les restes mortels du saint religieux trouvèrent leur place définitive.
À partir de ce jour-là des milliers de gens de toutes les conditions sociales, sans tenir compte ni de race, de sexe ou de credo, commença dès lors à fréquenter les sentiers escarpés et étroits qui menaient au monastère de Pilar, quelquefois même à genoux, pour demander des grâces ou remercier frère Agnelo pour des grâces reçues.
Le procès de Béatification fut commencé le 2 avril 1947 sous les auspices du père Agostino della Virgine OSST, qui en fut le premier Postulateur à Rome, et qui présenta les écrits de frère Agnelo.
Le procès diocésain sur les écrits de frère Agnelo commença solennellement le 4 avril 1956 sous l’égide du Tribunal nommé par l'Archevêque Patriarche de Goa, Dom José Viera Alvernaz.
Ce procès terminé, il fut envoyé à Rome le 11 juin 1956, et approuvé par la Sacrée Congrégation des Rites le 12 mai 1958, et par le pape Pie XII le 29 mai 1958.
Le deuxième procès diocésain sur la sainteté et les vertus du saint religieux commença le 16 août 1956 après la prestation de serment du nouveau Tribunal diocésain.
Après de longues sessions, de plus de 3 années et 2 mois et l’audition de 28 témoins de toutes classes et conditions, le processus fut complété et envoyé à Rome le 10 octobre 1959.
Il subit un examen minutieux et fut finalement approuvé par la Sacrée Congrégation des Rites le 9 juillet 1968.
Le troisième et dernier procès diocésain fut commencé le 11 novembre 1959 ; les documents de celui-ci furent envoyés à Rome le 5 juin 1960 et approuvés par la Sacrée Congrégation des Rites le 27 mai 1969.
Avec l'approbation des trois processus diocésains le terrain était alors clarifié afin que puissent commencer les procès apostoliques.
Par mandat du Sacré-Siège, le Tribunal Apostolique fut constitué le 8 octobre 1970 avec le Révérend Dr. Raul Gonçalves, alors Évêque auxiliaire et maintenant Archevêque du Patriarcat de Goa, comme son Président.
Le procès fut complété et a envoyé à Rome en mai 1974. Quelques années plus tard, le 10 novembre 1986, la Sacrée Congrégation pour la Cause des saints déclarait Vénérable le frère Agnelo de Sousa.
Maintenant, il ne reste plus qu’un miracle notable et indiscutable — et c’est le cas actuellement — soit approuvé par la Sacré Congrégation pour la Cause des Saints, pour que le frère Agnelo de Sousa soit proclamé bienheureux.
Prions le Seigneur qu’il en soit ainsi.
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Age : 70
Localisation : Vendée (Marie du 85)
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
AGNÈS DE BOHÊME
(1211-1282)
Agnès, fille du roi de Bohême, de la dynastie des Premysl, naît en 1211 dans une famille qui compte de nombreux saints. A trois ans elle est confiée au monastère cistercien de Trebnica près de Breslau où vivait sa tante sainte Edwige, laquelle lui enseigne les vérités de la foi et les premières prières. L'exemple de sa tante s'imprime profondément dans le cœur d'Agnès et l'accompagnera toute sa vie durant. A huit ans elle est envoyée chez les religieuses prémontrées de Doxane. A neuf ans elle est arrachée à la tranquillité du couvent et on l'emmène à la cour de Vienne. Elle avait déjà été fiancée deux fois quand l'Empereur Frédéric II devenu veuf décide de l'épouser. Il hâte le temps des fiançailles et du mariage. Agnès qui a voué depuis longtemps sa virginité entre les mains de la Vierge Marie, alerte le Pape Grégoire IX, lequel fait intervenir son légat, et le projet tourne court.
Ayant entendu parler de Saint François et du nouvel Ordre de Sainte Claire, elle désire aussi suivre dans une totale pauvreté le Christ pauvre. Elle se dépouille de ses bijoux et vêtements précieux et en distribue le prix aux pauvres. Suivant l'exemple de sa cousine, Sainte Élizabeth de Thuringe, "consolatrice des indigents", elle fonde à Prague un hôpital et une confraternité annexe pour le soin des malades, les "Porte-Croix de l'Étoile rouge" (cette congrégation existe toujours). Elle entre dans un monastère de Clarisses qu'elle avait fondé. Pour les aider, Sainte Claire envoie cinq clarisses italiennes en y joignant une lettre chaleureuse dans laquelle elle loue Agnès d'avoir préféré les épousailles avec le Christ à tous les honneurs du monde. "C'est ainsi que naquit entre les deux femmes l'une des plus belles amitiés qui fût jamais." Et pourtant, elles n'ont pas eu l'occasion de se rencontrer sur cette terre. Grâce à l'exemple d'Agnès, d'autres couvents de clarisses se fondent dans son pays natal. A la suite de Claire, Agnès obtient du Pape pour son monastère le privilège de la pauvreté, c'est-à-dire la renonciation à toute propriété. Le monastère de Prague est le seul avec celui d'Assise à suivre la règle écrite par Claire en 1253 incluant ce privilège. Les autres clarisses adopteront une règle rédigée après la mort de Claire et permettant la propriété en commun.
Biographie
Après sainte Ludmila de Bohême (+ 921), grand-mère de saint Venceslas (+ 935), Agnès est la deuxième sainte de la dynastie des Přemyslides qui règne alors sur la Bohême. Elle est la fille du roi Přemysl Otakar I et de Constance de Hongrie, sœur du roi André II de Hongrie, lui-même père de sainte Élisabeth de Hongrie. Elle est également la sœur du roi de Bohême Venceslas Ier
Née en 1205, elle est confiée, à l'âge de trois ans aux moniales cisterciennes de Třebnice pour son éducation, et commence à faire l'enjeu de tractations matrimoniales. La même année, en effet, sa famille la fiance à Boleslas de Silésie, puis, en 1213, à Henri, fils de l'empereur d'Allemagne, Frédéric II. Une fois les fiançailles rompues, elle est demandée, en 1227, par le roi d'Angleterre Henri III, et en 1228, par Frédéric II, veuf de Yolande de Brienne, lequel répètera sa démarche en 1233. Toutes ces tentatives semblent avoir été repoussées par Agnès. Après avoir écrit au pape Grégoire IX pour bénéficier de sa protection et de son approbation, elle entre chez les clarisses en 1234.
Sainte Claire, fondatrice de l'ordre des Pauvres Dames
Les Frères mineurs franciscains sont arrivés dans la capitale de la Bohême en 1232. Agnès leur construit une église, en même temps qu'elle fonde un hôpital dans la Vieille Ville. En 1233, elle établit, sur le Frantisek, un monastère de clarisses, où elle fait profession religieuse à la Pentecôte de 1234. Elle partagera désormais sa vie entre la prière et le soin des malades et des malheureux. Devenue abbesse, elle veillera à l'observance de la Règle4. Elle décède en mars 1282, ayant inauguré la lignée de filles de maison noble ou princière qui se feront clarisses, comme Isabelle de France (1225-1270), sœur de Louis IX!
On a conservé quatre lettres authentiques que sainte Claire d'Assise lui a envoyées: la première serait antérieure à la Pentecôte de 1234; la deuxième aurait été écrite entre 1235 et 1239; la troisième au début de 1238; la quatrième entre janvier et août 1253, soit peu avant la mort de la fondatrice des clarisses. Par contre, les réponses d'Agnès sont perdues. Cette correspondance demeure d'une importance capitale pour la compréhension de la spiritualité de Claire!
Vénération, souvenir et culte
Un peu plus d'un siècle après sa béatification (1874) Agnès est canonisée par Jean-Paul II, le 12 novembre 1989, quelques jours avant le début de la Révolution de velours. Elle est ainsi la première sainte d'Europe Centrale à avoir été canonisée avant la chute du mur de Berlin.
En 1991, le cardinal Tomašek lui confère le titre de sainte patronne des travailleurs de l'industrie gazière. De plus, elle a été proclamée sainte patronne de Bohême.
Le billet de 50 couronnes tchèques est à son effigie.
Le couvent des Clarisses, ou couvent Sainte-Agnès, sert désormais d'annexe de la Galerie nationale à Prague, dédiée a l'art gothique!
(1211-1282)
Agnès, fille du roi de Bohême, de la dynastie des Premysl, naît en 1211 dans une famille qui compte de nombreux saints. A trois ans elle est confiée au monastère cistercien de Trebnica près de Breslau où vivait sa tante sainte Edwige, laquelle lui enseigne les vérités de la foi et les premières prières. L'exemple de sa tante s'imprime profondément dans le cœur d'Agnès et l'accompagnera toute sa vie durant. A huit ans elle est envoyée chez les religieuses prémontrées de Doxane. A neuf ans elle est arrachée à la tranquillité du couvent et on l'emmène à la cour de Vienne. Elle avait déjà été fiancée deux fois quand l'Empereur Frédéric II devenu veuf décide de l'épouser. Il hâte le temps des fiançailles et du mariage. Agnès qui a voué depuis longtemps sa virginité entre les mains de la Vierge Marie, alerte le Pape Grégoire IX, lequel fait intervenir son légat, et le projet tourne court.
Ayant entendu parler de Saint François et du nouvel Ordre de Sainte Claire, elle désire aussi suivre dans une totale pauvreté le Christ pauvre. Elle se dépouille de ses bijoux et vêtements précieux et en distribue le prix aux pauvres. Suivant l'exemple de sa cousine, Sainte Élizabeth de Thuringe, "consolatrice des indigents", elle fonde à Prague un hôpital et une confraternité annexe pour le soin des malades, les "Porte-Croix de l'Étoile rouge" (cette congrégation existe toujours). Elle entre dans un monastère de Clarisses qu'elle avait fondé. Pour les aider, Sainte Claire envoie cinq clarisses italiennes en y joignant une lettre chaleureuse dans laquelle elle loue Agnès d'avoir préféré les épousailles avec le Christ à tous les honneurs du monde. "C'est ainsi que naquit entre les deux femmes l'une des plus belles amitiés qui fût jamais." Et pourtant, elles n'ont pas eu l'occasion de se rencontrer sur cette terre. Grâce à l'exemple d'Agnès, d'autres couvents de clarisses se fondent dans son pays natal. A la suite de Claire, Agnès obtient du Pape pour son monastère le privilège de la pauvreté, c'est-à-dire la renonciation à toute propriété. Le monastère de Prague est le seul avec celui d'Assise à suivre la règle écrite par Claire en 1253 incluant ce privilège. Les autres clarisses adopteront une règle rédigée après la mort de Claire et permettant la propriété en commun.
Biographie
Après sainte Ludmila de Bohême (+ 921), grand-mère de saint Venceslas (+ 935), Agnès est la deuxième sainte de la dynastie des Přemyslides qui règne alors sur la Bohême. Elle est la fille du roi Přemysl Otakar I et de Constance de Hongrie, sœur du roi André II de Hongrie, lui-même père de sainte Élisabeth de Hongrie. Elle est également la sœur du roi de Bohême Venceslas Ier
Née en 1205, elle est confiée, à l'âge de trois ans aux moniales cisterciennes de Třebnice pour son éducation, et commence à faire l'enjeu de tractations matrimoniales. La même année, en effet, sa famille la fiance à Boleslas de Silésie, puis, en 1213, à Henri, fils de l'empereur d'Allemagne, Frédéric II. Une fois les fiançailles rompues, elle est demandée, en 1227, par le roi d'Angleterre Henri III, et en 1228, par Frédéric II, veuf de Yolande de Brienne, lequel répètera sa démarche en 1233. Toutes ces tentatives semblent avoir été repoussées par Agnès. Après avoir écrit au pape Grégoire IX pour bénéficier de sa protection et de son approbation, elle entre chez les clarisses en 1234.
Sainte Claire, fondatrice de l'ordre des Pauvres Dames
Les Frères mineurs franciscains sont arrivés dans la capitale de la Bohême en 1232. Agnès leur construit une église, en même temps qu'elle fonde un hôpital dans la Vieille Ville. En 1233, elle établit, sur le Frantisek, un monastère de clarisses, où elle fait profession religieuse à la Pentecôte de 1234. Elle partagera désormais sa vie entre la prière et le soin des malades et des malheureux. Devenue abbesse, elle veillera à l'observance de la Règle4. Elle décède en mars 1282, ayant inauguré la lignée de filles de maison noble ou princière qui se feront clarisses, comme Isabelle de France (1225-1270), sœur de Louis IX!
On a conservé quatre lettres authentiques que sainte Claire d'Assise lui a envoyées: la première serait antérieure à la Pentecôte de 1234; la deuxième aurait été écrite entre 1235 et 1239; la troisième au début de 1238; la quatrième entre janvier et août 1253, soit peu avant la mort de la fondatrice des clarisses. Par contre, les réponses d'Agnès sont perdues. Cette correspondance demeure d'une importance capitale pour la compréhension de la spiritualité de Claire!
Vénération, souvenir et culte
Un peu plus d'un siècle après sa béatification (1874) Agnès est canonisée par Jean-Paul II, le 12 novembre 1989, quelques jours avant le début de la Révolution de velours. Elle est ainsi la première sainte d'Europe Centrale à avoir été canonisée avant la chute du mur de Berlin.
En 1991, le cardinal Tomašek lui confère le titre de sainte patronne des travailleurs de l'industrie gazière. De plus, elle a été proclamée sainte patronne de Bohême.
Le billet de 50 couronnes tchèques est à son effigie.
Le couvent des Clarisses, ou couvent Sainte-Agnès, sert désormais d'annexe de la Galerie nationale à Prague, dédiée a l'art gothique!
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
AGNÈS DE JÉSUS
Religieuse du monastère de Sainte-Catherine de Sienne, à Langeac
(1602-1634)
Le Prophète-Roi ne cessait, écrit le P. Lafon, d’exhorter les fidèles à considérer attentivement les grâces dont le Seigneur l’avait favorisé, afin de faire admirer les miséricordes et l’amour de Dieu pour les hommes : Venite, audite et narrabo, omnes qui timetis Deum, quanta feci tanimee meae (Ps. LXV, 16.) Quelque désir que l’on ait d’entrer dans ses sentiments, on ne peut pourtant guère aujourd’hui exposer les grâces et les faveurs dont ce Dieu de bonté honore ses serviteurs, sans encourir la censure et la critique de bien des gens. L’incrédulité effroyable qui règne dans l’esprit de nombreux chrétiens, le mépris pour ce qui est rapporté d’extraordinaire dans la vie des Saints, l’opiniâtreté à ne rien croire de ce que nous ne pouvons ou ne voulons pas comprendre, et les préjugés étranges qui font rejeter ces histoires comme des produits de l’imagination, ne prouvent que trop ce que j’avance. A dire vrai, toutes ces difficultés m’ont inspiré quelque crainte et une certaine timidité à écrire la vie admirable de la Vénérable Mère Agnès de Jésus, prodige de sainteté qui a honoré l’Ordre de Saint-Dominique vers la première moitié du XVII siècle, et qui est regardée aujourd’hui dans l’Auvergne et plusieurs autres provinces de France comme une avocate puissante auprès de Dieu, à cause de bienfaits signalés obtenus par son assistance. Après tout, ces considérations humaines m’ont paru trop frivoles pour faire quelque impression sur moi, et je me reconnaîtrais criminel devant Dieu si, pour m’accommoder au caractère de certains esprits, disposés à ne regarder les prodiges de la grâce que par les yeux charnels, j’ensevelissais dans l’oubli les faveurs et les bénédictions qui font éclater si hautement les miséricordes du Seigneur sur les âmes fidèles.
C’est pourquoi, me mettant fort peu en peine de la critique des mécréants, je rapporterai, pour la gloire de Jésus-Christ, et pour l’honneur de sa servante, la Vénérable Mère Agnès de Jésus, les choses admirables qu’on trouve dans sa vie. Je dirai avec candeur et simplicité, conformément aux Mémoires laissés par ses confesseurs, et aux dépositions juridiques contenues dans les procès-verbaux de sa cause de béatification, tout ce qui peut faire éclater l’abondance des miséricordes de Dieu sur une âme qu’il chérit, tout ce qui est capable d’inspirer de l’amour et de la confiance pour cette grande servante de Dieu, enfin ce qui peut exciter les chrétiens à servir fidèlement le Seigneur et à imiter tant d’exemples de vertu.
I
Agnès de Jésus naquit le 18 novembre 1602, dans la ville du Puy-en-Velay. Son père, coutelier de profession, se nommait Pierre Galand, et sa mère Guillemette Massiote. L’un et l’autre, peu avantagés des biens de la fortune, vivaient en bons chrétiens dans la crainte de Dieu et la dévotion à la Sainte Vierge. Ils eurent sept enfants de leur mariage : la Mère Agnès fut la troisième. Elle reçut l’eau du Baptême le lendemain de sa naissance, 19 novembre, en la fête de sainte Elisabeth de Hongrie.
Dieu fit bientôt connaître ses desseins sur cette enfant. On ne tarda pas à remarquer en ses actes quelque chose de grand, prélude de la sainteté éminente à laquelle la grâce devait la conduire. Elle était d’un naturel doux et agréable, d’un esprit excellent et d’un jugement solide qui la rendait aimable à tout le monde et chacun voulait l’avoir dans sa maison. Les parents d’Agnès prirent grand soin de lui inspirer la piété, et, pour y mieux réussir, la mirent entre tes mains vertueux, qui avait une dévotion peu commune pour le Sacrement de l’autel et la Très Sainte Vierge.
Ce vrai chrétien s’occupa de cette fille de bénédiction durant quatre ans, et n’oublia rien pour cultiver une terre si bien préparée à recevoir les impressions du Saint-Esprit. Il lui apprit de bonne heure à confesser, lui expliqua les maximes de l’Evangile, lui représenta avec onction les récompenses que Dieu réserve aux bons et les châtiments dont il punit les méchants, et lui suggéra un tel amour pour la pureté que cette admirable enfant n’avait rien tant à cœur que de conserver cette vertu.
Dieu, qui s’était choisi de toute éternité la petite Agnès pour être son épouse, la disposait à devenir un jour le chef-d’œuvre de sa grâce. Elle eut dès son enfance un éloignement extrême pour la conversation des créatures. Celle des hommes lui fut toujours insupportable ; elle n’évitait pas moins la rencontre des personnes de son sexe, si leur modestie et leur retenue n’étaient pas irréprochables. Ainsi occupée uniquement de plaire à Jésus-Christ, elle fréquentait les églises, aimait la solitude, et conçut dès lors un si grand mépris pour la vanité du monde, que rien ne fut capable de flétrir la pureté de son cœur. Elle eut même le zèle de réunir un groupe de jeunes filles de son âge, qu’elle conduisit toutes vêtues de blanc, en procession à l’église de Notre-Dame du Puy, pour y faire leurs dévotions. La modestie de ces innocentes créatures et la ferveur qu’elles faisaient paraître dans leurs pieuses pratiques, attirèrent l’attention des habitants, qui ne pouvaient assez admirer une piété si ingénieuse. Quelques-uns néanmoins s’en offensèrent, et poussés par un esprit de malice, ne rougirent point de dissiper la petite troupe et de frapper la douce Agnès qui en était le chef. Cette indigne conduite n’abattit point le courage d’Agnès. Elle rassembla soigneusement son troupeau, que la crainte du loup avait dispersé, et, devenant plus ferme par cette contradiction même, continua d’un pas résolu sa procession,
Agnès ne se rendit pas moins recommandable, dès l’âge de cinq ans, par sa patience que par sa piété. Elle n’eut pas besoin de chercher au dehors le sujet de l’exercer. Un petit frère fut l’instrument dont le démon se servit pour inquiéter et persécuter celle dont la vertu lui était déjà redoutable. La jalousie de cet enfant fut la cause des mauvais traitements qu’il infligea à sa sœur. Il ne pouvait souffrir qu’elle fût caressée et tendrement aimée de ses parents. L’empressement des voisins à se procurer la compagnie de l’aimable petite fille lui devint intolérable : ne pouvant dissimuler sa colère et son indignation, il l’insultait à tout propos et l’accablait de coups. La pauvre enfant n’en perdit ni sa douceur ni sa tranquillité d’âme : déjà aussi généreuse que la femme forte de l’Ecriture, elle conserva pour son frère la même affection et ne porta jamais plainte devant ses parents.
La fidélité d’Agnès aux mouvements de la grâce et sa docilité aux leçons de l’Esprit saint lui furent très avantageuses. A quatre ans, elle était si bien instruite du catéchisme et des vérités de la foi que ses réponses jetaient dans l’admiration ceux qui les entendaient. L’usage du sacrement de Pénitence, qu’elle fréquenta dès l’âge de cinq ans dans l’église des Pères Jésuites, lui devint une source abondante de faveurs célestes. Ses dispositions étaient toutes divines et ses sentiments de contrition vraiment extraordinaires. Elle répandait tant de larmes et poussait de si profonds soupirs pour les moindres imperfections, qu’on l’eût prise pour une grande pécheresse. Une des plus graves fautes dont elle se reconnut coupable, et qui la fit gémir amèrement toute sa vie, est d’avoir pris quatre ou cinq épingles à une femme qui lui en avait confié une certaine provision.
Le profit qu’elle retira de ses confessions fréquentes obligea son confesseur à lui permettre la sainte Communion à l’âge de huit ans. Agnès recevait de quinze en quinze jours cette divine nourriture et toujours avec un amour si ardent pour Notre-Seigneur et une si angélique modestie qu’on ne pouvait assez admirer la puissance de la grâce dans une enfant si jeune. Les consolations ineffables qu’elle retirait du Sacrement d’amour embrasant de plus en plus son cœur des flammes de la Charité, elle demanda la faveur de communier chaque jour. Si solide que fût déjà sa piété et si rapide son progrès dans les voies de la perfection, le confesseur n’y voulut point consentir : il lui permit seulement une communion par semaine. Cette communion la fit avancer à grands pas dans la vertu ; car, soigneusement attentive à se rendre agréable à Dieu par une mortification universelle de ses sens, une modestie édifiante dans tous ses actes, une vigilance soutenue à remporter, après chaque communion, une nouvelle victoire sur elle-même, Agnès ne respirait que pour le ciel et les biens éternels.
L’occasion que Dieu lui fournit de se consacrer entièrement à lui dès sa jeunesse mérite d’être signalée.
Agnès aperçut, un jour, une foule extraordinaire réunie sur une place pour l’exécution d’un criminel. Surprise de voir un homme torturé cruellement, elle en demanda la cause. « C’est ainsi, lui répondit-on, qu’agit le monde pour ceux qui le servent mal. — Voilà, répliqua-t-elle, un maître bien dur ; je ne veux pas servir ce monde, mais m’attacher uniquement à Dieu en suivant ses maximes. » Et, se retirant à l’écart avec une compagne, elle se préparait à prendre la discipline pour les péchés du monde, quand l’arrivée de quelques personnes l’en détourna.
Agnès, vivement touchée du sort du malheureux qu’elle avait vu exécuter et saintement indignée contre le monde, se rendit le lendemain à Notre-Dame du Puy pour implorer le secours du Ciel contre un si dangereux ennemi et se mettre sous la protection de la Sainte Vierge. Elle entendit la messe avec une ferveur extraordinaire et se sentit intérieurement excitée à se rendre l’esclave de la Reine du ciel. Obéissant à cette inspiration, elle se remit entre les mains de cette Mère de pureté pour devenir son esclave et, rentrée chez elle, s’entoura les reins d’une chaîne de fer qu’elle porta huit ans, en signe de servitude, et qu’elle ne quitta que par ordre du directeur de son âme.
La célèbre église du Puy, surnommée la Basilique angélique, parce que, d’après la tradition, elle fut consacrée par les Anges, était celle qu’Agnès, encore enfant, visitait de préférence. Sa dévotion, néanmoins, la conduisait aussi dans les autres églises, où l’on n’admirait pas moins sa modestie et son recueillement. Elle se rendait assez souvent à celle des Frères Mineurs, bien qu’éloignée de sa maison, et elle y fut favorisée un jour d’une grâce merveilleuse. Tandis qu’elle priait dans la chapelle de saint François, ce Père séraphique lui apparut et communiqua à son cœur quelque chose du feu sacré dont lui-même était embrasé durant sa vie. Agnès, entrant dans un ardent désir d’appartenir toute à Dieu, résolut de faire à l’instant le vœu de virginité. Elle était sur le point d’en prononcer la formule quand une meute de chiens affreusement noirs parut dans la chapelle, lis se ruèrent sur l’enfant et la jetèrent par terre comme pour la dévorer, mais Agnès, reconnaissant, à la lumière d’en haut, la présence des mauvais esprits, se releva avec courage, et, d’une voix ferme, prit son engagement, à la confusion de la troupe infernale, qui disparut à ses regards. Elle avait alors sept ou huit ans.
Le désir de servir Celui qu’elle avait choisi pour époux ne s’arrêta pas à l’hommage de sa propre personne; Agnès tâcha de lui attirer autant de créatures qu’il était en son pouvoir. Dans cette vue, elle assembla .un certain nombre de petites filles de son âge pour vaquer ensemble aux choses de piété. Chacune prenait un Saint pour patron du mois et une vertu à pratiquer. Agnès reçut un jour cette sentence : Oubliez votre peuple et la maison de votre père (Ps. XL1V, 12). Ces paroles firent une vive impression sur son cœur ; elle crut qu’il lui fallait les exécuter à la lettre. En conséquence, et sans autre examen, elle résolut de quitter la maison paternelle pour se retirer dans une solitude. Sortant, un matin, de la ville, avec un paquet de vêtements sous le bras, elle se dirigea vers le village de Vais, non éloigné du Puy. Arrivée devant une Croix, elle se sentit repoussée par une main invisible et contrainte de s’arrêter. Cet obstacle ne la déconcerta pas : elle reprit sa marche avec un nouvel élan jusqu’à ce que, renversée à terre plusieurs fois, et avertie intérieurement que le Seigneur l’appelait à une autre solitude, elle regagna le toit paternel.
On vit dès lors la petite Agnès marcher à pas de géant dans le sentier de ta perfection. Son désir de s’unir à Jésus-Christ par la Communion devint plus ardent, et ce lui fut un supplice de ne pouvoir communier, l’espace de sept ans encore, qu’une ou deux fois dans la quinzaine. Son angélique modestie inspirait l’amour de la vertu. Les dames de qualité recherchaient sa conversation pour se porter à Dieu, et les libertins se retenaient en sa présence. Plus d’une fois, il suffit d’envoyer Agnès dans une maison voisine de la sienne pour arrêter les violences qu’un homme intraitable exerçait contre sa femme et ses enfants.
Mais, pénétrons plus avant dans les pratiques pieuses de cette enfant bénie.
VII
La grâce que reçut la Vénérable Mère Agnès au jour de sa consécration à Dieu la remplit de reconnaissance pour ce bienfait signalé, et la sollicita de se rendre de plus en .plus agréable à son divin Époux. Dans cette vue, considérant sa vie passée comme un amas de défauts et d’imperfections elle redoubla de soin à pratiquer toutes les vertus de son état, et ne tarda pas à projeter autour d’elle les rayons de la plus éminente sainteté. Les supérieures la nommèrent maîtresse des Sœurs converses et portière du couvent. Agnès s’acquitta de ces deux charges avec un grand zèle et trouva principalement dans le second office, l’occasion d’exercer tout à son aise la charité qui la pressait pour les pauvres. Elle plaidait si bien leurs intérêts auprès de la Mère Prieure qu’elle obtenait souvent de surajoutera la distribution des aumônes régulières, et maintes fois Notre-Seigneur ou ses Anges se présentèrent, cachés sous des habits de mendiants, pour lui tendre la main. Ils ne se manifestaient qu’après avoir reçu son aumône.
La constante préoccupation d’Agnès, dans la charge de portière, était d’associer à une grande charité une parfaite obéissance. Le Ciel l’en récompensa par diverses faveurs. Une fois entre autres, la Très Sainte Vierge lui déclara que son obéissance était très agréable à elle-même et à son Fils.
Un jour que Sœur Agnès priait, devant le Très Saint Sacrement, à une intention que la Supérieure lui avait recommandée, un pauvre vint à sonner. Agnès, remarquant la pâleur de son visage, courut demander la permission de l’assister. « Donnez-lui ce que vous voudrez », répondit la Mère Boudât. Heureuse d’une permission si large, l’amie des indigents prit tout ce qu’elle put trouver à la cuisine et le remit au pauvre. A l’instant même apparaît Notre-Seigneur sous la forme d’un petit enfant. Agnès se prosterne pour l’adorer, et se met en devoir de retourner au chœur. « Demeure avec moi, dit le petit Jésus. — Je n’ai pas la permission, répond Agnès. — Où peux-tu être mieux qu’avec ton Epoux, reprit le saint Enfant. — Nulle part, mais l’obéissance m’appelle au chœur ». L’Enfant Jésus sourit et disparut, laissant Agnès comblée d’une joie toute céleste.
Cependant l’épreuve attendait la servante de Dieu dans son humble fonction. Un ecclésiastique de marque vint, un jour, trouver la Mère Prieure et porter diverses plaintes contre la Sœur Agnès, alléguant, entre autres choses, qu’elle faisait beaucoup trop d’aumônes. Sans prendre la peine de vérifier ces reproches, la Prieure fit appeler Sœur Agnès, lui adressa, devant toute la communauté, une verte réprimande, et lui enleva la charge de portière. Agnès se prosterna contre terre, suivant l’usage, et accepta l’humiliation avec une sérénité de visage qui marquait parfaitement le calme de son âme. Mais elle se trouvait désormais privée du bonheur de secourir les pauvres : elle ne put se défendre de s’en plaindre amoureusement à son Epoux. Jésus lui répondit : « Ma fille, s’il ne t’est pas possible d’exercer la charité corporellement, fais-la spirituellement en priant pour les pauvres, surtout pour les pécheurs, si nombreux sur la terre. Au jour du jugement, je manifesterai en public ce que tu auras fait et tu seras exaltée ».
Toutefois le divin Maître ne tarda pas à lui faire rendre son office de portière, et Agnès, en subvenant aux besoins temporels des indigents, oublia moins que jamais le grand devoir de l’aumône morale. Elle faisait à ses chers pauvres de si belles instructions et leur donnait les conseils les plus pratiques avec tant de suavité, que plusieurs vertueuses personnes se mêlaient parmi les mendiants pour rassasier leur faim spirituelle. La porte du monastère était comme une école de vertus. Les uns venaient demander quelques remèdes aux maux de leurs âmes ; les autres sollicitaient des sujets d’oraison. Tous se retiraient plus animés que jamais à l’accomplissement du bien.
Vers le milieu du Carême de 1626, la Prieure dit à Sœur Agnès : « Ma fille, je veux que vous soyez Maîtresse des novices ». Cette déclaration fut pour notre Religieuse un coup de foudre, et elle fit valoir toutes les raisons que son humilité put suggérer. Il lui fallut se soumettre à l’obéissance, et dès lors elle s’efforça de remplir son emploi avec, tout le zèle possible. Elle donnait toujours à ses novices le sujet d’oraison, et leur communiquait des pensées propres à les pénétrer de la plus solide dévotion : oubli complet du monde et de leurs intérêts personnels, application habituelle de l’esprit aux choses de la foi, surtout attention aussi continuelle que possible à la douce présence de Dieu. Chaque jour, elle leur faisait rendre compte du nombre de fois qu’elles avaient quitté la « clôture de leur cœur », c’est-à-dire la vigilance à s’unir à Dieu, et elle exigeait qu’elles s’imposassent une pénitence proportionnée à leur négligence. Sa grande bonté ouvrait les cœurs les moins portés à l’épanchement. Souvent Dieu lui révélait les pensées secrètes des jeûnes Sœurs, et l’expérience que celles-ci en avaient achevait de leur inspirer la plus entière confiance.
Désireuse de voir ses chères filles bien affermies dans l’humilité, elle voulait que toutes s’accoutumassent à recevoir sans s’excuser les observations ou réprimandes. Dans les commencements, l’ardeur de son zèle lui faisait faire parfois certaines corrections avec trop de promptitude. Son Ange gardien l’avertit de ne jamais aborder avec vivacité les personnes en faute, mais de leur parler d’abord de Dieu et d’arriver peu à peu à ce qu’il y avait de répréhensible. Elle profita si bien de la leçon que, tout en conservant l’autorité et la fermeté nécessaires, cette sage maîtresse conduisit toujours ses novices avec la douceur et la tendresse de la meilleure des mères.
De toutes elle exigeait une parfaite obéissance. Une Sœur converse, au caractère revêche, s’étant une fois laissé emporter à une saillie de sa mauvaise humeur, Mère Agnès lui ôta le voile et la fit entrer, tête nue et la corde au cou, au réfectoire pendant que la communauté s’y trouvait réunie. « J’estime infiniment plus, disait-elle,un acte d’obéissance et de soumission que toutes les choses extraordinaires qui peuvent se passer dans une âme. Ces sortes de grâces doivent être tenues pour illusoires, si elles ne sont accompagnées d’une vraie et sincère humilité ». Elle disait aussi qu’une bonne Religieuse doit toujours être bien unie à sa supérieure et voir en elle Jésus-Christ uniquement. Dieu bénissait d’autant plus les fonctions de sa charge qu’elle-même s’en croyait plus indigne. Parfois elle n’osait regarder ses novices en face, tant elle se sentait confuse d’avoir à enseigner des âmes qu’elle estimait lui être supérieures devant Dieu. Aussi suppliait-elle fréquemment le divin Maître de lui enlever un poids trop lourd pour ses épaules. Notre-Seigneur lui répondit un jour : « Pourquoi ne veux-tu pas élever mes épouses et les perfectionner dans mon amour ? travaille, travaille : je suppléerai à ton insuffisance ».
Religieuse du monastère de Sainte-Catherine de Sienne, à Langeac
(1602-1634)
Le Prophète-Roi ne cessait, écrit le P. Lafon, d’exhorter les fidèles à considérer attentivement les grâces dont le Seigneur l’avait favorisé, afin de faire admirer les miséricordes et l’amour de Dieu pour les hommes : Venite, audite et narrabo, omnes qui timetis Deum, quanta feci tanimee meae (Ps. LXV, 16.) Quelque désir que l’on ait d’entrer dans ses sentiments, on ne peut pourtant guère aujourd’hui exposer les grâces et les faveurs dont ce Dieu de bonté honore ses serviteurs, sans encourir la censure et la critique de bien des gens. L’incrédulité effroyable qui règne dans l’esprit de nombreux chrétiens, le mépris pour ce qui est rapporté d’extraordinaire dans la vie des Saints, l’opiniâtreté à ne rien croire de ce que nous ne pouvons ou ne voulons pas comprendre, et les préjugés étranges qui font rejeter ces histoires comme des produits de l’imagination, ne prouvent que trop ce que j’avance. A dire vrai, toutes ces difficultés m’ont inspiré quelque crainte et une certaine timidité à écrire la vie admirable de la Vénérable Mère Agnès de Jésus, prodige de sainteté qui a honoré l’Ordre de Saint-Dominique vers la première moitié du XVII siècle, et qui est regardée aujourd’hui dans l’Auvergne et plusieurs autres provinces de France comme une avocate puissante auprès de Dieu, à cause de bienfaits signalés obtenus par son assistance. Après tout, ces considérations humaines m’ont paru trop frivoles pour faire quelque impression sur moi, et je me reconnaîtrais criminel devant Dieu si, pour m’accommoder au caractère de certains esprits, disposés à ne regarder les prodiges de la grâce que par les yeux charnels, j’ensevelissais dans l’oubli les faveurs et les bénédictions qui font éclater si hautement les miséricordes du Seigneur sur les âmes fidèles.
C’est pourquoi, me mettant fort peu en peine de la critique des mécréants, je rapporterai, pour la gloire de Jésus-Christ, et pour l’honneur de sa servante, la Vénérable Mère Agnès de Jésus, les choses admirables qu’on trouve dans sa vie. Je dirai avec candeur et simplicité, conformément aux Mémoires laissés par ses confesseurs, et aux dépositions juridiques contenues dans les procès-verbaux de sa cause de béatification, tout ce qui peut faire éclater l’abondance des miséricordes de Dieu sur une âme qu’il chérit, tout ce qui est capable d’inspirer de l’amour et de la confiance pour cette grande servante de Dieu, enfin ce qui peut exciter les chrétiens à servir fidèlement le Seigneur et à imiter tant d’exemples de vertu.
I
Agnès de Jésus naquit le 18 novembre 1602, dans la ville du Puy-en-Velay. Son père, coutelier de profession, se nommait Pierre Galand, et sa mère Guillemette Massiote. L’un et l’autre, peu avantagés des biens de la fortune, vivaient en bons chrétiens dans la crainte de Dieu et la dévotion à la Sainte Vierge. Ils eurent sept enfants de leur mariage : la Mère Agnès fut la troisième. Elle reçut l’eau du Baptême le lendemain de sa naissance, 19 novembre, en la fête de sainte Elisabeth de Hongrie.
Dieu fit bientôt connaître ses desseins sur cette enfant. On ne tarda pas à remarquer en ses actes quelque chose de grand, prélude de la sainteté éminente à laquelle la grâce devait la conduire. Elle était d’un naturel doux et agréable, d’un esprit excellent et d’un jugement solide qui la rendait aimable à tout le monde et chacun voulait l’avoir dans sa maison. Les parents d’Agnès prirent grand soin de lui inspirer la piété, et, pour y mieux réussir, la mirent entre tes mains vertueux, qui avait une dévotion peu commune pour le Sacrement de l’autel et la Très Sainte Vierge.
Ce vrai chrétien s’occupa de cette fille de bénédiction durant quatre ans, et n’oublia rien pour cultiver une terre si bien préparée à recevoir les impressions du Saint-Esprit. Il lui apprit de bonne heure à confesser, lui expliqua les maximes de l’Evangile, lui représenta avec onction les récompenses que Dieu réserve aux bons et les châtiments dont il punit les méchants, et lui suggéra un tel amour pour la pureté que cette admirable enfant n’avait rien tant à cœur que de conserver cette vertu.
Dieu, qui s’était choisi de toute éternité la petite Agnès pour être son épouse, la disposait à devenir un jour le chef-d’œuvre de sa grâce. Elle eut dès son enfance un éloignement extrême pour la conversation des créatures. Celle des hommes lui fut toujours insupportable ; elle n’évitait pas moins la rencontre des personnes de son sexe, si leur modestie et leur retenue n’étaient pas irréprochables. Ainsi occupée uniquement de plaire à Jésus-Christ, elle fréquentait les églises, aimait la solitude, et conçut dès lors un si grand mépris pour la vanité du monde, que rien ne fut capable de flétrir la pureté de son cœur. Elle eut même le zèle de réunir un groupe de jeunes filles de son âge, qu’elle conduisit toutes vêtues de blanc, en procession à l’église de Notre-Dame du Puy, pour y faire leurs dévotions. La modestie de ces innocentes créatures et la ferveur qu’elles faisaient paraître dans leurs pieuses pratiques, attirèrent l’attention des habitants, qui ne pouvaient assez admirer une piété si ingénieuse. Quelques-uns néanmoins s’en offensèrent, et poussés par un esprit de malice, ne rougirent point de dissiper la petite troupe et de frapper la douce Agnès qui en était le chef. Cette indigne conduite n’abattit point le courage d’Agnès. Elle rassembla soigneusement son troupeau, que la crainte du loup avait dispersé, et, devenant plus ferme par cette contradiction même, continua d’un pas résolu sa procession,
Agnès ne se rendit pas moins recommandable, dès l’âge de cinq ans, par sa patience que par sa piété. Elle n’eut pas besoin de chercher au dehors le sujet de l’exercer. Un petit frère fut l’instrument dont le démon se servit pour inquiéter et persécuter celle dont la vertu lui était déjà redoutable. La jalousie de cet enfant fut la cause des mauvais traitements qu’il infligea à sa sœur. Il ne pouvait souffrir qu’elle fût caressée et tendrement aimée de ses parents. L’empressement des voisins à se procurer la compagnie de l’aimable petite fille lui devint intolérable : ne pouvant dissimuler sa colère et son indignation, il l’insultait à tout propos et l’accablait de coups. La pauvre enfant n’en perdit ni sa douceur ni sa tranquillité d’âme : déjà aussi généreuse que la femme forte de l’Ecriture, elle conserva pour son frère la même affection et ne porta jamais plainte devant ses parents.
La fidélité d’Agnès aux mouvements de la grâce et sa docilité aux leçons de l’Esprit saint lui furent très avantageuses. A quatre ans, elle était si bien instruite du catéchisme et des vérités de la foi que ses réponses jetaient dans l’admiration ceux qui les entendaient. L’usage du sacrement de Pénitence, qu’elle fréquenta dès l’âge de cinq ans dans l’église des Pères Jésuites, lui devint une source abondante de faveurs célestes. Ses dispositions étaient toutes divines et ses sentiments de contrition vraiment extraordinaires. Elle répandait tant de larmes et poussait de si profonds soupirs pour les moindres imperfections, qu’on l’eût prise pour une grande pécheresse. Une des plus graves fautes dont elle se reconnut coupable, et qui la fit gémir amèrement toute sa vie, est d’avoir pris quatre ou cinq épingles à une femme qui lui en avait confié une certaine provision.
Le profit qu’elle retira de ses confessions fréquentes obligea son confesseur à lui permettre la sainte Communion à l’âge de huit ans. Agnès recevait de quinze en quinze jours cette divine nourriture et toujours avec un amour si ardent pour Notre-Seigneur et une si angélique modestie qu’on ne pouvait assez admirer la puissance de la grâce dans une enfant si jeune. Les consolations ineffables qu’elle retirait du Sacrement d’amour embrasant de plus en plus son cœur des flammes de la Charité, elle demanda la faveur de communier chaque jour. Si solide que fût déjà sa piété et si rapide son progrès dans les voies de la perfection, le confesseur n’y voulut point consentir : il lui permit seulement une communion par semaine. Cette communion la fit avancer à grands pas dans la vertu ; car, soigneusement attentive à se rendre agréable à Dieu par une mortification universelle de ses sens, une modestie édifiante dans tous ses actes, une vigilance soutenue à remporter, après chaque communion, une nouvelle victoire sur elle-même, Agnès ne respirait que pour le ciel et les biens éternels.
L’occasion que Dieu lui fournit de se consacrer entièrement à lui dès sa jeunesse mérite d’être signalée.
Agnès aperçut, un jour, une foule extraordinaire réunie sur une place pour l’exécution d’un criminel. Surprise de voir un homme torturé cruellement, elle en demanda la cause. « C’est ainsi, lui répondit-on, qu’agit le monde pour ceux qui le servent mal. — Voilà, répliqua-t-elle, un maître bien dur ; je ne veux pas servir ce monde, mais m’attacher uniquement à Dieu en suivant ses maximes. » Et, se retirant à l’écart avec une compagne, elle se préparait à prendre la discipline pour les péchés du monde, quand l’arrivée de quelques personnes l’en détourna.
Agnès, vivement touchée du sort du malheureux qu’elle avait vu exécuter et saintement indignée contre le monde, se rendit le lendemain à Notre-Dame du Puy pour implorer le secours du Ciel contre un si dangereux ennemi et se mettre sous la protection de la Sainte Vierge. Elle entendit la messe avec une ferveur extraordinaire et se sentit intérieurement excitée à se rendre l’esclave de la Reine du ciel. Obéissant à cette inspiration, elle se remit entre les mains de cette Mère de pureté pour devenir son esclave et, rentrée chez elle, s’entoura les reins d’une chaîne de fer qu’elle porta huit ans, en signe de servitude, et qu’elle ne quitta que par ordre du directeur de son âme.
La célèbre église du Puy, surnommée la Basilique angélique, parce que, d’après la tradition, elle fut consacrée par les Anges, était celle qu’Agnès, encore enfant, visitait de préférence. Sa dévotion, néanmoins, la conduisait aussi dans les autres églises, où l’on n’admirait pas moins sa modestie et son recueillement. Elle se rendait assez souvent à celle des Frères Mineurs, bien qu’éloignée de sa maison, et elle y fut favorisée un jour d’une grâce merveilleuse. Tandis qu’elle priait dans la chapelle de saint François, ce Père séraphique lui apparut et communiqua à son cœur quelque chose du feu sacré dont lui-même était embrasé durant sa vie. Agnès, entrant dans un ardent désir d’appartenir toute à Dieu, résolut de faire à l’instant le vœu de virginité. Elle était sur le point d’en prononcer la formule quand une meute de chiens affreusement noirs parut dans la chapelle, lis se ruèrent sur l’enfant et la jetèrent par terre comme pour la dévorer, mais Agnès, reconnaissant, à la lumière d’en haut, la présence des mauvais esprits, se releva avec courage, et, d’une voix ferme, prit son engagement, à la confusion de la troupe infernale, qui disparut à ses regards. Elle avait alors sept ou huit ans.
Le désir de servir Celui qu’elle avait choisi pour époux ne s’arrêta pas à l’hommage de sa propre personne; Agnès tâcha de lui attirer autant de créatures qu’il était en son pouvoir. Dans cette vue, elle assembla .un certain nombre de petites filles de son âge pour vaquer ensemble aux choses de piété. Chacune prenait un Saint pour patron du mois et une vertu à pratiquer. Agnès reçut un jour cette sentence : Oubliez votre peuple et la maison de votre père (Ps. XL1V, 12). Ces paroles firent une vive impression sur son cœur ; elle crut qu’il lui fallait les exécuter à la lettre. En conséquence, et sans autre examen, elle résolut de quitter la maison paternelle pour se retirer dans une solitude. Sortant, un matin, de la ville, avec un paquet de vêtements sous le bras, elle se dirigea vers le village de Vais, non éloigné du Puy. Arrivée devant une Croix, elle se sentit repoussée par une main invisible et contrainte de s’arrêter. Cet obstacle ne la déconcerta pas : elle reprit sa marche avec un nouvel élan jusqu’à ce que, renversée à terre plusieurs fois, et avertie intérieurement que le Seigneur l’appelait à une autre solitude, elle regagna le toit paternel.
On vit dès lors la petite Agnès marcher à pas de géant dans le sentier de ta perfection. Son désir de s’unir à Jésus-Christ par la Communion devint plus ardent, et ce lui fut un supplice de ne pouvoir communier, l’espace de sept ans encore, qu’une ou deux fois dans la quinzaine. Son angélique modestie inspirait l’amour de la vertu. Les dames de qualité recherchaient sa conversation pour se porter à Dieu, et les libertins se retenaient en sa présence. Plus d’une fois, il suffit d’envoyer Agnès dans une maison voisine de la sienne pour arrêter les violences qu’un homme intraitable exerçait contre sa femme et ses enfants.
Mais, pénétrons plus avant dans les pratiques pieuses de cette enfant bénie.
VII
La grâce que reçut la Vénérable Mère Agnès au jour de sa consécration à Dieu la remplit de reconnaissance pour ce bienfait signalé, et la sollicita de se rendre de plus en .plus agréable à son divin Époux. Dans cette vue, considérant sa vie passée comme un amas de défauts et d’imperfections elle redoubla de soin à pratiquer toutes les vertus de son état, et ne tarda pas à projeter autour d’elle les rayons de la plus éminente sainteté. Les supérieures la nommèrent maîtresse des Sœurs converses et portière du couvent. Agnès s’acquitta de ces deux charges avec un grand zèle et trouva principalement dans le second office, l’occasion d’exercer tout à son aise la charité qui la pressait pour les pauvres. Elle plaidait si bien leurs intérêts auprès de la Mère Prieure qu’elle obtenait souvent de surajoutera la distribution des aumônes régulières, et maintes fois Notre-Seigneur ou ses Anges se présentèrent, cachés sous des habits de mendiants, pour lui tendre la main. Ils ne se manifestaient qu’après avoir reçu son aumône.
La constante préoccupation d’Agnès, dans la charge de portière, était d’associer à une grande charité une parfaite obéissance. Le Ciel l’en récompensa par diverses faveurs. Une fois entre autres, la Très Sainte Vierge lui déclara que son obéissance était très agréable à elle-même et à son Fils.
Un jour que Sœur Agnès priait, devant le Très Saint Sacrement, à une intention que la Supérieure lui avait recommandée, un pauvre vint à sonner. Agnès, remarquant la pâleur de son visage, courut demander la permission de l’assister. « Donnez-lui ce que vous voudrez », répondit la Mère Boudât. Heureuse d’une permission si large, l’amie des indigents prit tout ce qu’elle put trouver à la cuisine et le remit au pauvre. A l’instant même apparaît Notre-Seigneur sous la forme d’un petit enfant. Agnès se prosterne pour l’adorer, et se met en devoir de retourner au chœur. « Demeure avec moi, dit le petit Jésus. — Je n’ai pas la permission, répond Agnès. — Où peux-tu être mieux qu’avec ton Epoux, reprit le saint Enfant. — Nulle part, mais l’obéissance m’appelle au chœur ». L’Enfant Jésus sourit et disparut, laissant Agnès comblée d’une joie toute céleste.
Cependant l’épreuve attendait la servante de Dieu dans son humble fonction. Un ecclésiastique de marque vint, un jour, trouver la Mère Prieure et porter diverses plaintes contre la Sœur Agnès, alléguant, entre autres choses, qu’elle faisait beaucoup trop d’aumônes. Sans prendre la peine de vérifier ces reproches, la Prieure fit appeler Sœur Agnès, lui adressa, devant toute la communauté, une verte réprimande, et lui enleva la charge de portière. Agnès se prosterna contre terre, suivant l’usage, et accepta l’humiliation avec une sérénité de visage qui marquait parfaitement le calme de son âme. Mais elle se trouvait désormais privée du bonheur de secourir les pauvres : elle ne put se défendre de s’en plaindre amoureusement à son Epoux. Jésus lui répondit : « Ma fille, s’il ne t’est pas possible d’exercer la charité corporellement, fais-la spirituellement en priant pour les pauvres, surtout pour les pécheurs, si nombreux sur la terre. Au jour du jugement, je manifesterai en public ce que tu auras fait et tu seras exaltée ».
Toutefois le divin Maître ne tarda pas à lui faire rendre son office de portière, et Agnès, en subvenant aux besoins temporels des indigents, oublia moins que jamais le grand devoir de l’aumône morale. Elle faisait à ses chers pauvres de si belles instructions et leur donnait les conseils les plus pratiques avec tant de suavité, que plusieurs vertueuses personnes se mêlaient parmi les mendiants pour rassasier leur faim spirituelle. La porte du monastère était comme une école de vertus. Les uns venaient demander quelques remèdes aux maux de leurs âmes ; les autres sollicitaient des sujets d’oraison. Tous se retiraient plus animés que jamais à l’accomplissement du bien.
Vers le milieu du Carême de 1626, la Prieure dit à Sœur Agnès : « Ma fille, je veux que vous soyez Maîtresse des novices ». Cette déclaration fut pour notre Religieuse un coup de foudre, et elle fit valoir toutes les raisons que son humilité put suggérer. Il lui fallut se soumettre à l’obéissance, et dès lors elle s’efforça de remplir son emploi avec, tout le zèle possible. Elle donnait toujours à ses novices le sujet d’oraison, et leur communiquait des pensées propres à les pénétrer de la plus solide dévotion : oubli complet du monde et de leurs intérêts personnels, application habituelle de l’esprit aux choses de la foi, surtout attention aussi continuelle que possible à la douce présence de Dieu. Chaque jour, elle leur faisait rendre compte du nombre de fois qu’elles avaient quitté la « clôture de leur cœur », c’est-à-dire la vigilance à s’unir à Dieu, et elle exigeait qu’elles s’imposassent une pénitence proportionnée à leur négligence. Sa grande bonté ouvrait les cœurs les moins portés à l’épanchement. Souvent Dieu lui révélait les pensées secrètes des jeûnes Sœurs, et l’expérience que celles-ci en avaient achevait de leur inspirer la plus entière confiance.
Désireuse de voir ses chères filles bien affermies dans l’humilité, elle voulait que toutes s’accoutumassent à recevoir sans s’excuser les observations ou réprimandes. Dans les commencements, l’ardeur de son zèle lui faisait faire parfois certaines corrections avec trop de promptitude. Son Ange gardien l’avertit de ne jamais aborder avec vivacité les personnes en faute, mais de leur parler d’abord de Dieu et d’arriver peu à peu à ce qu’il y avait de répréhensible. Elle profita si bien de la leçon que, tout en conservant l’autorité et la fermeté nécessaires, cette sage maîtresse conduisit toujours ses novices avec la douceur et la tendresse de la meilleure des mères.
De toutes elle exigeait une parfaite obéissance. Une Sœur converse, au caractère revêche, s’étant une fois laissé emporter à une saillie de sa mauvaise humeur, Mère Agnès lui ôta le voile et la fit entrer, tête nue et la corde au cou, au réfectoire pendant que la communauté s’y trouvait réunie. « J’estime infiniment plus, disait-elle,un acte d’obéissance et de soumission que toutes les choses extraordinaires qui peuvent se passer dans une âme. Ces sortes de grâces doivent être tenues pour illusoires, si elles ne sont accompagnées d’une vraie et sincère humilité ». Elle disait aussi qu’une bonne Religieuse doit toujours être bien unie à sa supérieure et voir en elle Jésus-Christ uniquement. Dieu bénissait d’autant plus les fonctions de sa charge qu’elle-même s’en croyait plus indigne. Parfois elle n’osait regarder ses novices en face, tant elle se sentait confuse d’avoir à enseigner des âmes qu’elle estimait lui être supérieures devant Dieu. Aussi suppliait-elle fréquemment le divin Maître de lui enlever un poids trop lourd pour ses épaules. Notre-Seigneur lui répondit un jour : « Pourquoi ne veux-tu pas élever mes épouses et les perfectionner dans mon amour ? travaille, travaille : je suppléerai à ton insuffisance ».
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VIII
Les qualités éminentes et lès Solides vertus de la Mère Agnès jetaient un vif éclat non seulement dans le monastère, mais encore dans toute la ville de Langeac. Dieu avait tout disposé pour placer sur le chandelier cette lampe ardente et luisante, en la faisant briller à la tête de la communauté.
Vers la fin de 1626, il fut décidé que les deux dernières Sœurs venues du Puy, pour fonder la maison de Langeac, regagneraient leur monastère. L’une d’elles était la Mère Louise Bouriat. Son départ laissait le priorat vacant. Dans sa sincère affection pour la jeune fondation, elle ne crut mieux faire que d’engager les Sœurs à prendre pour Prieure la Mère Agnès, bien qu’âgée seulement de vingt-cinq ans. Toutes acquiescèrent volontiers à ce choix. Seule l’élue se montra inconsolable, regardant cette élection comme une juste punition de ses fautes. Vainement elle opposa les représentations, les supplications et les larmes : les supérieurs furent inflexibles. Agnès dut courber la tête, et s’appliquer à remplir selon l’esprit de Dieu les obligations de sa charge. Le Seigneur l’assista visiblement, en lui conférant à un très haut degré la sainteté, la prudence et tous les dons que requiert le bon gouvernement d’une communauté religieuse. Le P. Boyre, son ancien confesseur, fort expérimenté dans le maniement des âmes pouf avoir exercé les principales charges de sa Compagnie, résolut, ainsi qu’il l’avoua lui-même, de donner à la Mère Agnès plusieurs avis importants, de peur qu’elle ne commît, au début, des fautes considérables. Mais, dès qu’il l’eut entretenue quelques instants sur cet objet, il remarqua en elle une sagesse et une discrétion si consommées qu’il n’alla pas plus loin, et déclara franchement qu’un ministre d’état ne gouvernerait pas mieux un empire. La jeune Prieure ne montra jamais ni un air d’affectation dans sa conduite, ni le désir de se prévaloir de sa supériorité ; au contraire, toujours humble et repliée sur elle-même, c’est à peine si elle osait lever les yeux sur ses inférieures. Cette sainte humilité ne fut point un obstacle à l’accomplissement de ses devoirs. Prévenante pour tous les besoins des Religieuses, elle consolait celles qui étaient affligées, encourageait les timides, et réservait pour elle-même les fonctions les plus pénibles, se considérant comme la dernière de toutes. Empressée auprès des Sœurs malades, elle veillait à ce que les infirmières remplissent bien leur office : elle les prévenait même souvent dans les soins à donner. Les infirmières, il faut le dire, ne virent point d’un bon œil ce soi-disant empiétement sur leurs droits; elles se plaignirent au confesseur du monastère que la Mère Prieure voulait tout faire, même ce qu’il y avait de plus commun. Celui-ci, désirant ménager tout le monde, pria la Mère Agnès de se borner à présenter aux malades les potions et les aliments. Il en reçut cette réponse : « Une grande dame en ferait bien autant, mon Père ; vraiment ce sera un bon moyen pour que j’agisse en souveraine dans la maison ! » Édifié de tels sentiments, il lui laissa toute liberté d’agir. La charité de la vénérable supérieure s’étendait au dehors de son monastère. Un pauvre garçon dont les jambes étaient atteintes d’ulcères se présenta pour être soigné. La Mère Agnès se chargea de lui avec grande joie ; un jour, ressentant quelque répugnance à la vue des plaies infectes de ce malheureux, elle les essuya de ses mains, et porta ensuite ses doigts à sa bouche, afin de châtier la nature en révolte.
L’ardeur de la servante de Dieu pour les progrès spirituels de ses filles n’était pas inférieure à ses efforts pour procurer leurs avantages temporels. A la vérité, on la trouvait inflexible pour tout ce qui concernait le parfait épanouissement delà vie régulière ; mais son zèle était mêlé de tant de douceur et de charité qu’elle se rendit aimable à tout le monde. Ses allocutions en Chapitre étaient toutes de feu et embrasaient le cœur des Religieuses. En récréation, son humeur enjouée semblait s’appliquer à rendre ce temps véritablement agréable à ses compagnes, et elle ne souffrait pas qu’aucune fût absente sans motif légitime.
Souvent elle faisait tomber la conversation sur les choses de Dieu, et laissait volontiers chacune des Sœurs exprimer les sentiments de son âme. Elle écartait avec soin tout manquement à la charité ; elle voulait que les Religieuses eussent un grand respect les unes pour les autres, mais leur interdisait toute parole louangeuse, ou capable de flatter l’orgueil. On remarqua de sa part une tendresse particulière pour les Religieuses ferventes, comme aussi une attention spéciale à mortifier les moins régulières ; mais ses corrections, proportionnées aux caractères et aux circonstances, étaient empreintes d’une merveilleuse discrétion.
Une manière de faire si prudente et si ferme mit la Mère Agnès de Jésus en vénération, non seulement parmi ses filles et les habitants de Langeac mais encore dans les pays circonvoisins. L’évêque de Mende, informé de l’éminente vertu de cette Religieuse, et désireux d’établir lés Dominicaines dans sa ville épiscopale, la demanda avec instance pour jeter les fondements du monastère. Le P. Boyre approuva ce dessein, persuadé que le Seigneur en retirerait sa gloire, et agit auprès des Sœurs de Langeac afin de les amener à laisser partir la Mère Agnès pour un petit nombre d’années, Mais ces pieuses filles ne voulurent jamais se séparer de leur Mère et se dépouiller d’un trésor si précieux. De leur côté, le marquis et la marquise de Langeac, qui exerçaient, paraît-il, quelque protection sur le monastère, déclarèrent hautement que, malgré les sollicitations de l’évêque de Mende, ils ne permettraient point le départ de Sœur Agnès de Jésus.
Le mérite de cette grande servante de Dieu était donc universellement reconnu, et l’on eût pensé qu’elle dût jouir toujours de l’estime acquise par ses vertus. Mais, ô jugement impénétrable du Ciel! il en advint tout autrement, et ce fut de sa propre maison que sortit la source des humiliations dont la vénérable Mère allait être abreuvée.
Quelques Sœurs du Puy, mues par des considérations humaines ou une secrète jalousie, apprenant qu’après le retour de la Mère Bouriat, on avait élu Prieure de Langeac, Sœur Agnès de Jésus, s’en montrèrent inquiètes et chagrines. « Voilà, dirent-elles, une élection fort malencontreuse. Cette fille de coutelier, admise comme simple Converse, a trouvé moyen de passer Sœur de chœur, et peut-être, pour contenter sa vanité, de se faire nommer Prieure. On a eu bien tort de se prêter à ses fantaisies et d’entretenir ainsi son orgueil ».
Ces plaintes, ces murmures, concentrés d’abord dans l’enceinte du monastère, franchirent bientôt la clôture, se répandirent dans la ville du Puy, et parvinrent à Langeac, qui n’en est éloigné que de quelques lieues. Le démon aidant, la calomnie fit son chemin et pénétra jusque dans le monastère de la Mère Agnès. Certaines Religieuses, moins ferventes, honteuses peut-être de voir le mérite de leur supérieure faire ressortir leurs défauts, se soulevèrent contre elle, témoignant du regret de l’avoir mise à leur tête. L’une d’elles, poussée plus vivement par l’esprit de malice, en vint à ourdir les plus noires accusations. A l’en croire, la Prieure, qui ne vivait, disait-on, que du pain eucharistique, mangeait en secret dans sa chambre des mets succulents. Des imputations si peu plausibles finirent par être écoutées. Tout respect s’en allant, on censura la conduite de la supérieure, on dénatura ses intentions, on la jugea victime de l’illusion, on taxa tous ses actes d’hypocrisie. Bref, il se produisit contre la vénérable Prieure un tel revirement d’opinion que les Sœurs écrivirent à l’évêque de Saint-Flour pour solliciter la déposition de la Mère Agnès. Le prélat, étrangement surpris d’une telle demande, répondit par un blâme sévère, et un refus catégorique. Mais, devant les instances réitérées et les importunités des Religieuses, il comprit que, dans l’état actuel des choses, c’en était fait de la paix du monastère, et il chargea son grand vicaire de déclarer le priorat vacant et de procéder à une élection nouvelle. Sœur Anne-Marie Martinon fut élue.
Durant toute la tempête dirigée contre elle, la vénérable Agnès n’avait jamais perdu le calme et la tranquillité de son âme. Unie à Dieu, appliquée sans cesse à considérer la profondeur dé ses jugements, elle ne se plaignit en aucune manière des injustes procédés de ses filles, se bornant à dire, pour toute justification, que leurs accusations n’étaient point conformes à la vérité. Quand elle se vit dépossédée de son emploi, elle se répandit en actions de grâces devant le Seigneur, le bénissant d’avoir déchargé ses épaules d’un lourd fardeau, et priant de tout son cœur pour celles qui la traitaient si durement. Heureuse d’être revenue à la condition de simple Religieuse, elle mit tous ses soins à vivre en parfaite épouse de Jésus-Christ.
A l’exemple des historiens de sa vie, réunissons ici, en un tableau d’ensemble, les principales de ses vertus, et les faveurs les plus extraordinaires qu’elle reçut du Ciel.
IX
La révélation intérieure que Dieu lui donna de son néant et de sa misère, un jour qu’elle était tout occupée de ses péchés, fut l’heureux fondement de la haute perfection où la grâce l’éleva en si peu de temps. Dès ce moment, elle fut toujours si vivement pénétrée de douleur à la vue de ses faiblesses qu’on l’eût prise pour une grande criminelle. Ce fut la pensée d’un de ses confesseurs, lequel, s’apercevant qu’en la fête de sainte Marie-Madeleine elle répandait des larmes en abondance, crut que Sœur Agnès pleurait peut-être sur des écarts semblables à ceux de l’illustre pénitente de la Sainte-Baume. C’est pourquoi il l’examina soigneusement, lui fit faire une confession générale, s’informa de la conduite qu’elle avait menée au Puy, par crainte qu’elle n’eût trompé le public sous des apparences de dévotion. Ce prêtre revint promptement de son erreur. L’innocente Agnès eut connaissance de sa pensée, mais n’en parla qu’à une confidente et ne diminua rien de sa confiance en lui.
Ce sentiment d’humilité ne parut pas moins en diverses autres occasions. On remarqua partout que cette admirable servante de Dieu, continuellement plongée dans la connaissance de ses défauts, n’avait pour elle-même que haine et aversion. Ainsi les mépris et les insultes, les médisances et les calomnies, les humiliations et les reproches, les croix et les afflictions firent, toute sa vie, ses plus chères délices. C’est d’après le même principe qu’elle ne ressentit jamais de plus grand tourment que de se voir l’objet du respect et de la vénération. Une personne l’ayant imprudemment qualifiée de sainte, lorsqu’elle était encore dans le siècle, Agnès en fut vivement attristée, et avoua les larmes aux yeux à sa compagne, que, si elle n’eût craint d’affliger ses parents, elle se serait enfuie en un pays inconnu. Chose semblable lui arriva étant Religieuse. Quelques personnes de qualité, lui ayant rendu visite, vantèrent beaucoup sa piété. Agnès fut très choquée de ces discours, et, se levant brusquement, alla se prosterner devant l’autel, en confessant sa bassesse.
A d’autres dames, qui la louaient sans réserve, elle adressa une réponse qui n’admettait pas de réplique. Se persuadant qu’au regard des gens du monde, là vertu a besoin d’être rehaussée par l’éclat de la naissance, la servante de Dieu pensa effacer la bonne opinion que l’on avait de son mérite, en disant : « Mesdames, je suis la fille d’un fabricant de couteaux, et l’on m’a reçue ici par pure charité ».
Nous avons déjà dit que, sous l’impression d’une parfaite humilité, elle s’attacha inviolablement à suivre la voie commune dans le monastère, et ne s’en écartait qu’autant que l’obéissance lui imposait le contraire. Le Père Panassière lui ayant demandé, quelques jours après sa profession, si elle ne serait pas heureuse de communier plus souvent que les autres Sœurs : « Hélas ! répondit-elle en pleurant, qui suis-je pour obtenir un privilège ? Non, je n’en veux pas. La règle commune pour la sainte Communion, c’est encore trop pour moi, qui suis la plus indigne du monastère ».
L’humilité d’Agnès de Jésus ne s’arrêta pas là. Dans le siècle, elle avait absolument défendu à sa sœur de publier ce qu’elle lui avait vu pratiquer, à moins d’y être contrainte en vertu de l’obéissance, quand elle serait morte ; dans le cloître, elle s’étudia même à cacher ses vertus sous des défauts affectés. Cette application à obscurcir ce qui la faisait estimer lui inspira un moyen surprenant d’arrêter toute parole d’éloge à son sujet. Comme son bon Ange la visitait souvent et lui rendait des services extraordinaires, elle le pria instamment de, l’avertir lorsqu’on parlerait avantageusement d’elle. Ce fidèle gardien se prêta à son désir. Agnès s’en servait si opportunément, surtout quand elle fut Supérieure, que les Religieuses n’osaient dire un mot à sa louange par la crainte d’être surprises.
Un ecclésiastique s’entretenait un jour au parloir avec une Sœur des vertus éminentes de la servante de Dieu. La Religieuse s’arrêta court, en disant avec candeur que, s’ils continuaient la conversation sur ce sujet, ils verraient arriver la Mère Agnès, qui leur adresserait des réprimandes. L’ecclésiastique accueillit cette parole par un sourire d’incrédulité. A l’instant même apparaît la Prieure qui, montrant à la Religieuse un air sévère, la reprend vivement détenir de tels discours. Agnès apprit aussi par son Ange gardien qu’une Religieuse du monastère avait eu ordre du Père Panassière d’écrire en détail les actes de vertu de sa Prieure et qu’elle y travaillait dans le moment. Sans délai elle se transporte à la cellule de la Sœur, laquelle fort troublée balbutie qu’elle écrit une confession. « Ce n’est pas », dit avec assurance l’humble Supérieure, et lui arrachant le papier des mains, elle le déchire sous ses yeux.
Le Père Boyre lui avait enjoint, à une époque, de mettre par écrit toutes les grâces dont Dieu la favorisait. Cet ordre parut à notre Agnès vraiment trop dur, et, malgré sa soumission pour ceux qui la dirigeaient, elle ne pouvait se résoudre à l’exécuter. Le confesseur, ayant renouvelé son commandement d’une façon expresse, elle lui présenta trois pages écrites en entier. Après les avoir lues, le Père Boyre les lui rendit, en disant pour l’humilier : « Voilà des choses ridicules ». Agnès, sans mot dire, reçut les feuilles et les brûla sur-le-champ.
Ses lettres débordaient des mêmes sentiments d’humilité. A son confesseur elle écrivait, un jour : « Certaines louanges m’affligent beaucoup : il n’en peut être autrement, car je trompe tout le monde, je suis couverte d’une confusion telle, que je ne sais où j’en suis, et je crains que le chagrin ne me force à m’aliter. A peine puis-je marcher, tant ces accidents affaiblissent le peu de forces que je possède. J’ai la volonté de demander à Monseigneur l’Evêque, notre Supérieur, quelque petit coin en un monastère de son diocèse, afin de pleurer mes péchés, et que personne au monde ne sache où je suis... » Dans une autre lettre : « Si vous saviez comment se comporte la pauvre abominable, elle ne fait que se rouler dans l’abîme de ses fautes. Vous vous trompez à mon égard ; je vous le dis en vérité, je suis une misérable hypocrite : toutes les furies de l’enfer n’ont pas tant de malice que moi ».
A M. Oliery dont nous parlerons plus longuement dans la suite : « J’ai reçu avec beaucoup de consolation la lettre qu’il a plu à votre charité de m’envoyer : je ne méritais pas davantage de recevoir de vos écrits ; mais j’attribue cette faveur à un bon naturel qui, par l’excès de son humilité, me rend toute confuse et m’oblige d’y répondre par un profond silence ; car, s’il faut parler de misères, hélas ! qui en a plus que moi, abominable, obstinée dans l’abîme de mes péchés, lesquels sont si grands, si énormes, que les furies infernales ns sont pas suffisantes pour les punir !... »
Ainsi pensait d’elle-même la servante de Dieu.
Il est temps maintenant de jeter les yeux sur sa vie austère et pénitente, vie comme inséparable de la véritable humilité.
Les qualités éminentes et lès Solides vertus de la Mère Agnès jetaient un vif éclat non seulement dans le monastère, mais encore dans toute la ville de Langeac. Dieu avait tout disposé pour placer sur le chandelier cette lampe ardente et luisante, en la faisant briller à la tête de la communauté.
Vers la fin de 1626, il fut décidé que les deux dernières Sœurs venues du Puy, pour fonder la maison de Langeac, regagneraient leur monastère. L’une d’elles était la Mère Louise Bouriat. Son départ laissait le priorat vacant. Dans sa sincère affection pour la jeune fondation, elle ne crut mieux faire que d’engager les Sœurs à prendre pour Prieure la Mère Agnès, bien qu’âgée seulement de vingt-cinq ans. Toutes acquiescèrent volontiers à ce choix. Seule l’élue se montra inconsolable, regardant cette élection comme une juste punition de ses fautes. Vainement elle opposa les représentations, les supplications et les larmes : les supérieurs furent inflexibles. Agnès dut courber la tête, et s’appliquer à remplir selon l’esprit de Dieu les obligations de sa charge. Le Seigneur l’assista visiblement, en lui conférant à un très haut degré la sainteté, la prudence et tous les dons que requiert le bon gouvernement d’une communauté religieuse. Le P. Boyre, son ancien confesseur, fort expérimenté dans le maniement des âmes pouf avoir exercé les principales charges de sa Compagnie, résolut, ainsi qu’il l’avoua lui-même, de donner à la Mère Agnès plusieurs avis importants, de peur qu’elle ne commît, au début, des fautes considérables. Mais, dès qu’il l’eut entretenue quelques instants sur cet objet, il remarqua en elle une sagesse et une discrétion si consommées qu’il n’alla pas plus loin, et déclara franchement qu’un ministre d’état ne gouvernerait pas mieux un empire. La jeune Prieure ne montra jamais ni un air d’affectation dans sa conduite, ni le désir de se prévaloir de sa supériorité ; au contraire, toujours humble et repliée sur elle-même, c’est à peine si elle osait lever les yeux sur ses inférieures. Cette sainte humilité ne fut point un obstacle à l’accomplissement de ses devoirs. Prévenante pour tous les besoins des Religieuses, elle consolait celles qui étaient affligées, encourageait les timides, et réservait pour elle-même les fonctions les plus pénibles, se considérant comme la dernière de toutes. Empressée auprès des Sœurs malades, elle veillait à ce que les infirmières remplissent bien leur office : elle les prévenait même souvent dans les soins à donner. Les infirmières, il faut le dire, ne virent point d’un bon œil ce soi-disant empiétement sur leurs droits; elles se plaignirent au confesseur du monastère que la Mère Prieure voulait tout faire, même ce qu’il y avait de plus commun. Celui-ci, désirant ménager tout le monde, pria la Mère Agnès de se borner à présenter aux malades les potions et les aliments. Il en reçut cette réponse : « Une grande dame en ferait bien autant, mon Père ; vraiment ce sera un bon moyen pour que j’agisse en souveraine dans la maison ! » Édifié de tels sentiments, il lui laissa toute liberté d’agir. La charité de la vénérable supérieure s’étendait au dehors de son monastère. Un pauvre garçon dont les jambes étaient atteintes d’ulcères se présenta pour être soigné. La Mère Agnès se chargea de lui avec grande joie ; un jour, ressentant quelque répugnance à la vue des plaies infectes de ce malheureux, elle les essuya de ses mains, et porta ensuite ses doigts à sa bouche, afin de châtier la nature en révolte.
L’ardeur de la servante de Dieu pour les progrès spirituels de ses filles n’était pas inférieure à ses efforts pour procurer leurs avantages temporels. A la vérité, on la trouvait inflexible pour tout ce qui concernait le parfait épanouissement delà vie régulière ; mais son zèle était mêlé de tant de douceur et de charité qu’elle se rendit aimable à tout le monde. Ses allocutions en Chapitre étaient toutes de feu et embrasaient le cœur des Religieuses. En récréation, son humeur enjouée semblait s’appliquer à rendre ce temps véritablement agréable à ses compagnes, et elle ne souffrait pas qu’aucune fût absente sans motif légitime.
Souvent elle faisait tomber la conversation sur les choses de Dieu, et laissait volontiers chacune des Sœurs exprimer les sentiments de son âme. Elle écartait avec soin tout manquement à la charité ; elle voulait que les Religieuses eussent un grand respect les unes pour les autres, mais leur interdisait toute parole louangeuse, ou capable de flatter l’orgueil. On remarqua de sa part une tendresse particulière pour les Religieuses ferventes, comme aussi une attention spéciale à mortifier les moins régulières ; mais ses corrections, proportionnées aux caractères et aux circonstances, étaient empreintes d’une merveilleuse discrétion.
Une manière de faire si prudente et si ferme mit la Mère Agnès de Jésus en vénération, non seulement parmi ses filles et les habitants de Langeac mais encore dans les pays circonvoisins. L’évêque de Mende, informé de l’éminente vertu de cette Religieuse, et désireux d’établir lés Dominicaines dans sa ville épiscopale, la demanda avec instance pour jeter les fondements du monastère. Le P. Boyre approuva ce dessein, persuadé que le Seigneur en retirerait sa gloire, et agit auprès des Sœurs de Langeac afin de les amener à laisser partir la Mère Agnès pour un petit nombre d’années, Mais ces pieuses filles ne voulurent jamais se séparer de leur Mère et se dépouiller d’un trésor si précieux. De leur côté, le marquis et la marquise de Langeac, qui exerçaient, paraît-il, quelque protection sur le monastère, déclarèrent hautement que, malgré les sollicitations de l’évêque de Mende, ils ne permettraient point le départ de Sœur Agnès de Jésus.
Le mérite de cette grande servante de Dieu était donc universellement reconnu, et l’on eût pensé qu’elle dût jouir toujours de l’estime acquise par ses vertus. Mais, ô jugement impénétrable du Ciel! il en advint tout autrement, et ce fut de sa propre maison que sortit la source des humiliations dont la vénérable Mère allait être abreuvée.
Quelques Sœurs du Puy, mues par des considérations humaines ou une secrète jalousie, apprenant qu’après le retour de la Mère Bouriat, on avait élu Prieure de Langeac, Sœur Agnès de Jésus, s’en montrèrent inquiètes et chagrines. « Voilà, dirent-elles, une élection fort malencontreuse. Cette fille de coutelier, admise comme simple Converse, a trouvé moyen de passer Sœur de chœur, et peut-être, pour contenter sa vanité, de se faire nommer Prieure. On a eu bien tort de se prêter à ses fantaisies et d’entretenir ainsi son orgueil ».
Ces plaintes, ces murmures, concentrés d’abord dans l’enceinte du monastère, franchirent bientôt la clôture, se répandirent dans la ville du Puy, et parvinrent à Langeac, qui n’en est éloigné que de quelques lieues. Le démon aidant, la calomnie fit son chemin et pénétra jusque dans le monastère de la Mère Agnès. Certaines Religieuses, moins ferventes, honteuses peut-être de voir le mérite de leur supérieure faire ressortir leurs défauts, se soulevèrent contre elle, témoignant du regret de l’avoir mise à leur tête. L’une d’elles, poussée plus vivement par l’esprit de malice, en vint à ourdir les plus noires accusations. A l’en croire, la Prieure, qui ne vivait, disait-on, que du pain eucharistique, mangeait en secret dans sa chambre des mets succulents. Des imputations si peu plausibles finirent par être écoutées. Tout respect s’en allant, on censura la conduite de la supérieure, on dénatura ses intentions, on la jugea victime de l’illusion, on taxa tous ses actes d’hypocrisie. Bref, il se produisit contre la vénérable Prieure un tel revirement d’opinion que les Sœurs écrivirent à l’évêque de Saint-Flour pour solliciter la déposition de la Mère Agnès. Le prélat, étrangement surpris d’une telle demande, répondit par un blâme sévère, et un refus catégorique. Mais, devant les instances réitérées et les importunités des Religieuses, il comprit que, dans l’état actuel des choses, c’en était fait de la paix du monastère, et il chargea son grand vicaire de déclarer le priorat vacant et de procéder à une élection nouvelle. Sœur Anne-Marie Martinon fut élue.
Durant toute la tempête dirigée contre elle, la vénérable Agnès n’avait jamais perdu le calme et la tranquillité de son âme. Unie à Dieu, appliquée sans cesse à considérer la profondeur dé ses jugements, elle ne se plaignit en aucune manière des injustes procédés de ses filles, se bornant à dire, pour toute justification, que leurs accusations n’étaient point conformes à la vérité. Quand elle se vit dépossédée de son emploi, elle se répandit en actions de grâces devant le Seigneur, le bénissant d’avoir déchargé ses épaules d’un lourd fardeau, et priant de tout son cœur pour celles qui la traitaient si durement. Heureuse d’être revenue à la condition de simple Religieuse, elle mit tous ses soins à vivre en parfaite épouse de Jésus-Christ.
A l’exemple des historiens de sa vie, réunissons ici, en un tableau d’ensemble, les principales de ses vertus, et les faveurs les plus extraordinaires qu’elle reçut du Ciel.
IX
La révélation intérieure que Dieu lui donna de son néant et de sa misère, un jour qu’elle était tout occupée de ses péchés, fut l’heureux fondement de la haute perfection où la grâce l’éleva en si peu de temps. Dès ce moment, elle fut toujours si vivement pénétrée de douleur à la vue de ses faiblesses qu’on l’eût prise pour une grande criminelle. Ce fut la pensée d’un de ses confesseurs, lequel, s’apercevant qu’en la fête de sainte Marie-Madeleine elle répandait des larmes en abondance, crut que Sœur Agnès pleurait peut-être sur des écarts semblables à ceux de l’illustre pénitente de la Sainte-Baume. C’est pourquoi il l’examina soigneusement, lui fit faire une confession générale, s’informa de la conduite qu’elle avait menée au Puy, par crainte qu’elle n’eût trompé le public sous des apparences de dévotion. Ce prêtre revint promptement de son erreur. L’innocente Agnès eut connaissance de sa pensée, mais n’en parla qu’à une confidente et ne diminua rien de sa confiance en lui.
Ce sentiment d’humilité ne parut pas moins en diverses autres occasions. On remarqua partout que cette admirable servante de Dieu, continuellement plongée dans la connaissance de ses défauts, n’avait pour elle-même que haine et aversion. Ainsi les mépris et les insultes, les médisances et les calomnies, les humiliations et les reproches, les croix et les afflictions firent, toute sa vie, ses plus chères délices. C’est d’après le même principe qu’elle ne ressentit jamais de plus grand tourment que de se voir l’objet du respect et de la vénération. Une personne l’ayant imprudemment qualifiée de sainte, lorsqu’elle était encore dans le siècle, Agnès en fut vivement attristée, et avoua les larmes aux yeux à sa compagne, que, si elle n’eût craint d’affliger ses parents, elle se serait enfuie en un pays inconnu. Chose semblable lui arriva étant Religieuse. Quelques personnes de qualité, lui ayant rendu visite, vantèrent beaucoup sa piété. Agnès fut très choquée de ces discours, et, se levant brusquement, alla se prosterner devant l’autel, en confessant sa bassesse.
A d’autres dames, qui la louaient sans réserve, elle adressa une réponse qui n’admettait pas de réplique. Se persuadant qu’au regard des gens du monde, là vertu a besoin d’être rehaussée par l’éclat de la naissance, la servante de Dieu pensa effacer la bonne opinion que l’on avait de son mérite, en disant : « Mesdames, je suis la fille d’un fabricant de couteaux, et l’on m’a reçue ici par pure charité ».
Nous avons déjà dit que, sous l’impression d’une parfaite humilité, elle s’attacha inviolablement à suivre la voie commune dans le monastère, et ne s’en écartait qu’autant que l’obéissance lui imposait le contraire. Le Père Panassière lui ayant demandé, quelques jours après sa profession, si elle ne serait pas heureuse de communier plus souvent que les autres Sœurs : « Hélas ! répondit-elle en pleurant, qui suis-je pour obtenir un privilège ? Non, je n’en veux pas. La règle commune pour la sainte Communion, c’est encore trop pour moi, qui suis la plus indigne du monastère ».
L’humilité d’Agnès de Jésus ne s’arrêta pas là. Dans le siècle, elle avait absolument défendu à sa sœur de publier ce qu’elle lui avait vu pratiquer, à moins d’y être contrainte en vertu de l’obéissance, quand elle serait morte ; dans le cloître, elle s’étudia même à cacher ses vertus sous des défauts affectés. Cette application à obscurcir ce qui la faisait estimer lui inspira un moyen surprenant d’arrêter toute parole d’éloge à son sujet. Comme son bon Ange la visitait souvent et lui rendait des services extraordinaires, elle le pria instamment de, l’avertir lorsqu’on parlerait avantageusement d’elle. Ce fidèle gardien se prêta à son désir. Agnès s’en servait si opportunément, surtout quand elle fut Supérieure, que les Religieuses n’osaient dire un mot à sa louange par la crainte d’être surprises.
Un ecclésiastique s’entretenait un jour au parloir avec une Sœur des vertus éminentes de la servante de Dieu. La Religieuse s’arrêta court, en disant avec candeur que, s’ils continuaient la conversation sur ce sujet, ils verraient arriver la Mère Agnès, qui leur adresserait des réprimandes. L’ecclésiastique accueillit cette parole par un sourire d’incrédulité. A l’instant même apparaît la Prieure qui, montrant à la Religieuse un air sévère, la reprend vivement détenir de tels discours. Agnès apprit aussi par son Ange gardien qu’une Religieuse du monastère avait eu ordre du Père Panassière d’écrire en détail les actes de vertu de sa Prieure et qu’elle y travaillait dans le moment. Sans délai elle se transporte à la cellule de la Sœur, laquelle fort troublée balbutie qu’elle écrit une confession. « Ce n’est pas », dit avec assurance l’humble Supérieure, et lui arrachant le papier des mains, elle le déchire sous ses yeux.
Le Père Boyre lui avait enjoint, à une époque, de mettre par écrit toutes les grâces dont Dieu la favorisait. Cet ordre parut à notre Agnès vraiment trop dur, et, malgré sa soumission pour ceux qui la dirigeaient, elle ne pouvait se résoudre à l’exécuter. Le confesseur, ayant renouvelé son commandement d’une façon expresse, elle lui présenta trois pages écrites en entier. Après les avoir lues, le Père Boyre les lui rendit, en disant pour l’humilier : « Voilà des choses ridicules ». Agnès, sans mot dire, reçut les feuilles et les brûla sur-le-champ.
Ses lettres débordaient des mêmes sentiments d’humilité. A son confesseur elle écrivait, un jour : « Certaines louanges m’affligent beaucoup : il n’en peut être autrement, car je trompe tout le monde, je suis couverte d’une confusion telle, que je ne sais où j’en suis, et je crains que le chagrin ne me force à m’aliter. A peine puis-je marcher, tant ces accidents affaiblissent le peu de forces que je possède. J’ai la volonté de demander à Monseigneur l’Evêque, notre Supérieur, quelque petit coin en un monastère de son diocèse, afin de pleurer mes péchés, et que personne au monde ne sache où je suis... » Dans une autre lettre : « Si vous saviez comment se comporte la pauvre abominable, elle ne fait que se rouler dans l’abîme de ses fautes. Vous vous trompez à mon égard ; je vous le dis en vérité, je suis une misérable hypocrite : toutes les furies de l’enfer n’ont pas tant de malice que moi ».
A M. Oliery dont nous parlerons plus longuement dans la suite : « J’ai reçu avec beaucoup de consolation la lettre qu’il a plu à votre charité de m’envoyer : je ne méritais pas davantage de recevoir de vos écrits ; mais j’attribue cette faveur à un bon naturel qui, par l’excès de son humilité, me rend toute confuse et m’oblige d’y répondre par un profond silence ; car, s’il faut parler de misères, hélas ! qui en a plus que moi, abominable, obstinée dans l’abîme de mes péchés, lesquels sont si grands, si énormes, que les furies infernales ns sont pas suffisantes pour les punir !... »
Ainsi pensait d’elle-même la servante de Dieu.
Il est temps maintenant de jeter les yeux sur sa vie austère et pénitente, vie comme inséparable de la véritable humilité.
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
X
Dès son enfance,on l’a vu plus haut, alors qu’elle vivait parmi les habitants du siècle, Agnès : pratiquait ce qu’il y a de plus dur et de plus pénible à la nature. L’état religieux, qu’elle embrassa avec joie, acheva de réaliser son désir de se crucifier et de mourir entièrement à toute choses. Et il faut le reconnaître, si la vie de la servante de Dieu est un miracle continu par rapport aux faveurs célestes dont la vénérable Mère fut honorée, elle n’est pas moins un vrai prodige à raison, des souffrances, volontaires ou non, qui la remplissent.
La soif des souffrances parut en cette âme d’élite avec l’usage de la raison. Nous en avons pour preuve son ; ardeur, dès l’âge de sept ans, à se donner la discipline plusieurs fois la semaine, à coucher sur la dure, à prendre le vendredi un breuvage formé de vinaigre et de suie, à se laisser tomber sur les bras de la cire brûlante, à inventer en un mot, chaque jour, quelque nouveau genre de mortification.
Sitôt qu’elle eut revêtu l’habit de Saint-Dominique, son amour pour la croix s’augmenta. Souvent prosternée en présence de son céleste Époux, elle lui demandait des afflictions et des croix. Elle fut exaucée au delà de ses prévisions. Maladies corporelles, douleurs morales, humiliations, confusions, reproches, devinrent son partage. Je passe sous silence les maux de tête continuels qu’elle ressentit avec la dernière violence, l’espace de six mois, sans proférer aucune plainte, et une douleur aux genoux, qu’elle subit sans modifier nullement sa manière de se tenir à l’oraison. J’omets également la fatigue d’estomac qui, pendant douze ans, ne lui permit pour ainsi dire pas de garder la moindre nourriture, et les diverses maladies aiguës qui déconcertèrent la science des médecins en résistant à leurs remèdes. Au milieu de ces maux, Agnès de Jésus ne parut jamais ni troublée, ni inquiète. Unie à Celui qui la frappait dans des vues de miséricorde, elle soupirait sans cesse après de nouvelles croix et se regardait comme abandonnée de Dieu dès que la souffrance lui faisait défaut. Sainte Catherine de Sienne lui apparut un jour ; il lui présenta deux couronnes, l’une enrichie de diamants, l’autre tressée d’épines. Agnès ne manqua pas d’imiter cette Vierge séraphique, en choisissant, elle aussi, la couronne d’épines, et se la mit sur la tête, non sans éprouver de très vives douleurs.
Tout cela n’était, en quelque sorte, que le prélude de ce que la servante de Dieu aurait à endurer.
Le premier jour de l’année 1626 fut pour elle le commencement de maux extraordinaires. Elle sentit ses mains comme percées avec des aiguilles. Comprenant ce signe que l’heure de l’épreuve était proche, Agnès s’y fortifia par l’oraison. Son Ange gardien l’honora de sa présence et l’anima de nouveau à suivre Jésus crucifié. Quelques instants après, elle fut attaquée de douleurs si violentes qu’on la crut morte durant plusieurs heures. Ayant repris ses sens et s’appliquant à l’oraison dans sa cellule, elle eut un ravissement, où, se promenant à travers un beau jardin, elle reçut de son guide céleste l’invitation à cueillir de belles fleurs. « Non, pas des fleurs, répondit Agnès, je veux des croix, des afflictions ». Et Jésus, paraissant à son tour, promit de la satisfaire avec abondance.
Elle ne tarda pas à voir l’effet de cette promesse. A peine en possession d’elle-même, elle éprouva dans les mains et les pieds des souffrances si vives, qu’elle ne pouvait ni marcher, ni porter à la bouche aucun aliment. Ces maux augmentèrent le vendredi suivant, et l’on crut voir sur ses mains certaines croix rouges portant aux extrémités des fleurs de lis. Cette nouveauté remplit de joie la compagne d’Agnès ; mais celle-ci, confuse de cette grâce extérieure, s’abîma au plus profond de son néant, et se retira dans une toute petite chambre située au bout du jardin pour y vaquer à l’oraison.
C’est alors que le Ciel fut témoin d’un combat tout divin entre l’Epoux et l’épouse. Agnès, prosternée en terre et baignée de larmes s’écria avec autant de douleur que de confiance et d’amour : « Mon Epoux, je ne veux point ces marques extérieures ; ôtez-les moi, s’il vous plaît : point de croix visibles ».
L’Ange "gardien apparut, exhortant Agnès à se soumettre au bon plaisir du divin Sauveur. « Non, non, reprit la servante de Dieu avec une Sainte indignation, non, je ne veux point de ces choses-là, je n’en veux point; puisque vous venez, dites-vous, de la part de mon Epoux, je vous assure que ni vous, ni moi ne sortirons d’ici que vous ne me les ayez enlevées, autrement, je ferai faux bond à mon Epoux en m’enfuyant dans une caverne ».
Ainsi parle l’amour, sans avoir trop conscience de ce qu’il dit. Les larmes d’Agnès furent exaucées. Son bon Ange l’ayant quittée, elle constata que les croix extérieures avaient disparu, bien que la douleur fût toujours la même.
Sa joie de n’avoir pour partage que la souffrance toute pure accrut son courage pour embrasser de nouvelles épreuves. Son bon Ange vint l’avertir de s’y préparer. Le jour même, elle aperçut dans sa chambre une lumière éclatante, au milieu de laquelle paraissait Jésus crucifié. Agnès se sentit, à ce moment, clouée sur une grande croix, endurant des douleurs si intenses, qu’elle poussa de hauts cris. Les Religieuses accoururent et la trouvèrent couchée sur son lit, les bras en croix, demandant d’une voix entrecoupée l’assistance de leurs prières. Paraissant réduite à l’extrémité, elle reçut le saint Viatique. Cet aliment divin suspendit pour un temps la violence des douleurs. Elle eut même une extase dans laquelle il lui semblait voir la Sainte Vierge prêter l’oreille à ses filiales supplications. Puis son bon Ange l’avertit d’offrir à Dieu ses souffrances pour les âmes du Purgatoire, particulièrement pour celles des Religieux et des Religieuses de son Ordre.
Les douleurs inouïes recommencèrent dès qu’Agnès fut revenue de son ravissement, et durèrent trois jours.
Le 6 février, reparurent les mêmes accidents, mais avec des circonstances plus merveilleuses. Le P. Panassière et M. Martinon, archiprêtre de Langeac, virent la Mère Agnès dans le jardin, tomber tout à coup, les bras étendus en croix. Elle demeura comme morte l’espace de trois ou quatre heures. Ses douleurs ayant un peu diminué, on la transporta dans la chambre de la Supérieure, où, prosternée à terre, elle disait sans cesse : « O amour, que tu es violent ! Que ta puissance est grande !... Ah ! pécheur, ne veux-tu donc point te convertir ? C’est pour toi que je souffre, ne méprise pas le sang versé pour ton salut !... »
Elle se confessa ensuite, avec des soupirs et des sanglots extraordinaires, reçut la sainte Communion, et étant sortie d’une extase où les excellences du Calvaire lui furent montrées, on la vit, de même que la fois précédente, étendue sur sa couche comme sur une croix, les bras allongés et les pieds posés l’un sur l’autre. Ses mains étaient repliées à demi et enfoncées en dedans. On entendait par moments craquer ses os, comme s’ils eussent été disloqués, et son cœur battait si fort que la poitrine semblait prête à se rompre. Son visage paraissait cependant tout enflammé, et les paroles que l’on pouvait saisir étaient des élans d’amour propres à causer la plus vive impression sur les assistants.
A la suite de son extase, le confesseur, qui ne la quittait pas, lui demanda d’où elle venait. « D’une grande salle parsemée de croix, répondit-elle. — Y en a-t-il pour moi ? continua le confesseur.— Il y en a pour vous et pour mes Sœurs. Oui, ajouta-t-elle en s’adressant à la Prieure, il y en a pour vous, ma Mère et pour mes Sœurs ; cette maison n’aura que des croix, des croix toutes nues : il faudra de l’amour, beaucoup d’amour pour les porter ».
La suite de cette maladie ne fut qu’une série de merveilles. Agnès reçut la visite de la Très Sainte Vierge, accompagnée de sainte Cécile et de plusieurs autres Saintes. On connut à son visage ce qui se passait d’extraordinaire, et la malade le déclara ensuite par obéissance. A la prière de la servante de Dieu, la communauté entière eut la consolation d’être bénie par la Mère du pur amour. Les Sœurs retenues ailleurs accoururent toutes par un mouvement inconscient, une seule exceptée, que de vains scrupules avaient conduite au chœur pour y recommencer son rosaire.
Agnès de Jésus éprouva les mêmes souffrances, le quatrième jour de sa maladie, qui était le jeudi avant la quinquagésime ; son crucifiement fut encore plus complet. Fortifiée par son Ange gardien, qui la prévint de ce qui devait lui arriver, et résolue d’endurer pour son Epoux les plus grands tourments jusqu’au jour du jugement, elle fut accablée en peu de temps de douleurs telles qu’on se demandait comment un corps si faible y résistait. L’innocente victime était disposée, à son ordinaire, comme une personne crucifiée, les lèvres livides, la gorge noire et tuméfiée, elle prononça ces seules paroles : « Mon ami, assistez-moi, mon Jésus, ne m’abandonnez pas ». Elle eût voulu tenir le crucifix entre ses mains, mais ses mains étaient comme clouées. Dieu suppléa au désir de sa servante.
On vit le crucifix se lever et se soutenir suspendu devant elle, sans appui apparent. Ce fut alors que Dieu lui fit connaître les péchés que commettaient tant de chrétiens, dans ces jours de carnaval, et les douleurs de l’épouse du Christ augmentèrent à proportion. Elle avoua au P. Panassière qu’elle était vraiment clouée par les pieds et les mains.
Cependant les symptômes d’une mort prochaine paraissaient visiblement sur le visage de la malade, et le confesseur, n’en doutant plus, lui dit : « Sœur Agnès, il faut mourir. — Agréable nouvelle, répondit la servante de Dieu, si c’était la volonté de mon Epoux! Mais j’appréhende qu’il ne m’arrive encore comme l’autre fois, et qu’il ne me faille retourner à la vie ». On fit la recommandation de l’âme vers onze heures et demie. Le confesseur voulut assembler la communauté, qui était alors au réfectoire ; mais Agnès ayant représenté que le moment n’était pas encore venu, les Sœurs achevèrent leur réfection. Aussitôt après, elles vinrent en toute hâte auprès de leur chère malade, et quand on eut récité les Litanies de la Sainte Vierge, Agnès parut avoir expiré. « Elle est morte ! » s’écria le P. Panassière. A ces mots, les Religieuses éclatèrent en cris déchirants et versèrent d’abondantes larmes. La Mère Prieure, particulièrement affectée d’une si grande perte, conduisit ses filles devant le Très Saint Sacrement. Elles y étaient depuis un quart d’heure, quand la morte ouvrit les yeux, poussa un soupir et dit : « Je suis retournée ». Le confesseur, ne revenant pas de surprise, obligea sa pénitente, au nom de l’obéissance, à dire fidèlement tout ce qui s’était passé. La vénérable Mère déclara qu’elle était vraiment morte, et que, se trouvant en présence de Jésus-Christ et de sa sainte Mère, entourés d’une foule immense de Bienheureux, on lui avait dit que les; souffrances qui devaient composer les fleurons de sa couronne n’étant point encore complètes, il lui fallait retourner au monde, afin d’apaiser la colère de Dieu irrité contre les hommes, et de travailler au salut du prochain.
Le soir du même jour, son bon Ange vint la consoler de la prolongation de son exil ; et comme la Vénérable s’écriait en pleurant : « Eh ! quand donc jouirai-je de Jésus, mon Époux, mon Tout ? » elle entendit cette réponse : « Chère épouse, on m’a,importuné de tant de prières que j’ai dû te faire retourner sur terre. Et puis je veux me servir de toi pour la sanctification de plusieurs âmes qui doivent me glorifier grandement. Aie seulement bon courage et travaille de ton mieux ».
Dans le fait extraordinaire qui vient d’être rapporté, toutes les circonstances concourent à prouver qu’il s’agit d’une mort véritable et non pas d’une simple léthargie. On vit Agnès s’affaiblissant peu à peu, réduite à l’agonie, privée totalement de respiration, incapable de donner aucune marque de vie. Les Religieuses assemblées la pleurèrent comme morte, et plus tard, le P. Boyre, homme très savant et très éclairé, examinant toute chose avec soin, n’hésita .nullement à reconnaître la réalité de cette mort et de cette résurrection. A quoi on peut ajouter les suites immédiates de ce retour à la vie. La vénérable Mère, qu’on avait vue dans ses maladies précédentes perdre ses forces, et sur le point d’expirer, revint cette fois en un moment à une parfaite santé, demanda à manger, et prit de la nourriture sans fatigue d’estomac, ce qui ne lui était pas arrivé depuis l’Avent ; elle sortit de son lit sans le secours de personne, prit congé de son confesseur, et, le soir, chanta Complies avec la communauté.
Cette santé toutefois fut de peu de durée. Comme Agnès de Jésus n’avait repris la vie du corps que pour obtenir celle de l’âme à plusieurs personnes plongées dans l’iniquité, elle reparut bientôt réduite à son premier état. Ce fut un dimanche, vers le milieu du Carême de cette même année 1626, que recommença le cours de ces maux mystérieux. Tout son corps en fut accablé ; mais les douleurs à la tête prirent un caractère des plus surprenants. Il lui sembla qu’on la lui perçait avec des épines très aiguës l’espace de vingt-quatre heures. Son courage et sa patience furent invincibles au milieu de douleurs qu’elle déclara être les plus sensibles qu’elle eût jamais souffertes. On aperçut même quelques gouttes de sang sur son bandeau. Confuse d’une pareille grâce, la servante de Dieu se mit en oraison et pria avec tant d’instances qu’il ne lui resta désormais que la douleur.
La Mère Agnès de Jésus éprouva plusieurs fois, cette année-là, les mêmes souffrances mystérieuses, surtout le Vendredi saint et le jour de l’Invention de la Sainte-Croix. L’année suivante amena également pour cette amante de la Croix une recrudescence de souffrances. On remarqua particulièrement que presque chaque vendredi, après avoir prié pour la conversion des pécheurs, elle vomissait un sang pur et vermeil. Frappées d’un fait si extraordinaire, les Religieuses eurent l’adresse d’enlever un de ses mouchoirs qui en était teint et qu’elle avait soigneusement caché.
On ne finirait pas si l’on voulait rapporter en détail tout ce que cette grande sainte a souffert sous la main puissante de Celui qu’elle servait avec une si constante fidélité. A diverses reprises, elle ressentit, durant plusieurs heures, les peines du Purgatoire pour des âmes qui lui avaient été recommandées.
Aux fêtes des plus célèbres martyrs, elle expérimentait ce que ces témoins de Jésus-Christ avaient enduré pour son nom. Ainsi, le jour de Saint Laurent, elle éprouva la violence du feu qui avait consumé l’illustre diacre; au jour de Saint Etienne, les coups de pierres dont fut accablé le premier martyr; en la fête de saint Pierre, les tourments ressentis par le Prince des Apôtres pour glorifier son Maître.
C’était là le caractère particulier de cette illustre servante de Dieu : toute sa générosité consistait à souffrir et à se crucifier. L’année de sa mort, elle écrivait à M. Olier : « Vous savez combien je chéris votre âme, dont j’ai autant souci que de la mienne propre; mais je vois bien que cela ne peut guère vous servir, étant une misérable abîmée dans le péché. A votre départ, je vous dis que j’avais demandé à notre grand Dieu la croix toute nue, la croix sans consolation. Comme il est très bon et libéral, il me semble qu’il m’en a donné un échantillon, quoique fort léger, eu égard à mon peu d’amour et de constance ».
C’est aussi dans le même esprit qu’elle s’étudia toujours à inspirer à ce vertueux ecclésiastique le désir de souffrir ; et une autre fois, lui écrivant sous l’impression de ses transports d’amour pour la croix, elle donnait à sa lettre cette étrange conclusion : « Je prie mon fidèle Époux de vous donner une milliasse de grandes croix, lesquelles je vous souhaite pour très humble salut ».
XI
Après avoir rapporté, sur la foi des confesseurs de la Mère Agnès, les prodigieuses souffrances, croix, maladies de la servante de Dieu, l’on a sans doute quelque droit de parler des grâces et des faveurs merveilleuses qu’elle reçut du Ciel. L’humilité profonde de l’épouse du Christ, son éloignement à convoiter de tels dons, sa constance à vouloir suivre les voies communes, une sorte d’opiniâtreté à refuser les grâces extraordinaires ou à ne les accepter qu’avec beaucoup de résistance : toutes ces circonstances, disons-nous, sont de sérieuses garanties contre toute crainte d’erreur.
Parmi les grâces admirables dont Dieu favorisa la Vénérable Agnès, on peut dire que la présence visible, et même la familiarité de son bon Ange, n’a pas été la moindre. Cette âme, vraiment angélique, jouit d’un tel avantage dès sa première jeunesse. Son père se trouvait à la campagne, dans un grave danger pour sa vie. Le Gardien céleste apparut à notre Agnès, lui recommandant de prier son Époux qu’il inspirât à son père de rentrer au plus tôt, Agnès obéit, et le père apprit le lendemain que des assassins devaient lui tendre une embuscade à l’heure présumée de son retour.
L’Ange gardien la transporta souvent dans sa chambre, quand, s’étant attardée à quelque visite aux malheureux, Agnès, en revenant au logis, trouvait la porte close.
Lui-même encore, nous l’avons dit, lui fit traverser miraculeusement la Loire pour la soustraire à des discours déshonnêtes.
La protection qu’elle reçut de ce céleste esprit, au milieu de ses luttes avec les démons, n’est pas moins remarquable. II se faisait son défenseur et son consolateur, la rassurait par sa présence, neutralisait les violences exercées sur son corps par le prince des ténèbres. Ce gardien charitable l’avertissait de ses moindres défauts, l’éveillait la nuit afin de vaquer à l’oraison, la disposait aux croix qui lui étaient préparées, l’aidait à supporter les ardeurs .de l’amour divin, et dans une circonstance importante, lut perça le cœur d’une flèche embrasée.
L’Ange gardien d’Agnès ne se bornait pas à rendre service à sa personne, il daignait s’intéresser encore à tous ceux qu’elle lui recommandait. Au temps où M. Olier, abbé de Pébrac, prêchait une mission en Auvergne, il lui arriva, un soir, de quitter Langeac, par un temps affreux, avec un péril évident pour ses jours, à cause des routes bordées de précipices où il lui fallait passer. La servante de Dieu chargea son bon Ange de lui servir de guide. Il en fut ainsi, et M. Olier déclara juridiquement qu’il vit un Ange, grand et majestueux, marcher devant lui et le conduire en sécurité au terme de son voyage.
Une autre fois que le monastère était en peine de faire parvenir un paquet important à ce même prêtre, alors éloigné de dix à vingt lieues, Agnès de Jésus recommanda vivement à son Ange gardien le jeune homme chargé de la commission, et celui-ci arriva heureusement au but proposé, malgré les difficultés d’un chemin de montagnes inconnu de lui.
En maintes circonstances également, l’épouse du Christ reçut la sainte Communion d’une manière miraculeuse, par la main de son bon Ange ou d’un autre habitant des cieux. Cette faveur si rare, accordée pourtant à divers saints et saintes, fut pour elle chose assez fréquente et l’on peut la regarder comme une récompense de sa soumission parfaite à ses directeurs.
Dès avant qu’elle fût Religieuse, à l’âge de dix-huit ans, Dieu permit qu’elle communiât par une intervention extraordinaire. Une nuit qu’elle était en oraison, un prêtre vénérable lui apparut et prenant une hostie sur un autel dressé dans l’appartement, la lui présenta. Aussi humble que pure, la pieuse vierge s’anéantit à la vue d’un tel prodige, mais hésita quelques instants ; à recevoir l’hostie. Contrainte de se soumettre à ce qu’on exigeait, elle sentit son cœur, embrasé des flammes sacrées de l’amour. Cette grâce lui ayant été renouvelée chaque jour pendant trois semaines, sauf les dimanches et jours de fêtes, destinés à ses communions régulières, elle conçut une vive crainte d’être le jouet du démon, et en parla au Père Panassière, qui la dirigeait alors. Ce Religieux, après un sérieux examen, conclut que cette faveur venait du ciel. Toutefois, ne voulant pas se fier uniquement à ses lumières, il consulta plusieurs Religieux d’une science et d’une sainteté reconnues. Tous furent convaincus qu’il n’y avait là aucune illusion ; ils crurent néanmoins qu’il était à propos de défendre à Agnès de recevoir la sainte Communion de cette manière, et de lui dire de se contenter du ministère du prêtre.
Cette décision tranquillisa la servante de Dieu, qui eut bientôt occasion de manifester son obéissance. Le prêtre mystérieux se présenta de nouveau, avec la sainte hostie. « Je ne veux point ces sortes de grâces, s’écria résolument Agnès, je m’attache à la voie ordinaire de communier, je veux recevoir comme tout le monde la Communion de la main des hommes ». Le prêtre et l’autel disparurent en même temps, et Agnès fut remplie d’une odeur si agréable et si douce qu’elle avoua n’avoir jamais rien ressenti de pareil. Cependant, comme ses confesseurs ne lui en firent pas toujours des défenses expresses, elle fut favorisée plusieurs autres fois de ces grâces extraordinaires. Un jour de la fête de saint Louis Bertrand, son confesseur, pour la mortifier, lui avait interdit de communier; retirée dans un coin de l’église, elle se disposait à faire avec fruit la communion spirituelle quand, au moment de la Communion du prêtre, une hostie se transporta miraculeusement sur ses lèvres et inonda son âme de consolation.
Deux fois, pendant une grave maladie, elle reçut cette faveur par le moyen de son bon Ange, et dans un pèlerinage à Notre-Dame de Valfleury, près de Saint-Étienne en Forez, aucun prêtre ne se trouvant présent, elle communia encore par le ministère de son Ange gardien.
La Très Sainte Vierge, pour laquelle Agnès avait un culte si pieux et si filial, le lui rendait en bénédictions de toute sorte.
Le jour de sa profession religieuse, elle lui apparut, nous le savons, l’encouragea dans la donation parfaite d’elle-même, la prit tout spécialement sous son patronage. Au milieu des peines intérieures et des luttes contre l’enfer qu’Agnès eut à subir, la présence de cette puissante Souveraine la soutenait énergiquement. Un jour que la servante de Dieu se trouvait accablée de désolation et comme plongée dans un abîme d’amertume, elle se prosterna contre terre aux pieds de sa divine consolatrice, et entendit ces douces paroles : « Ne t’afflige pas, ma fille, je t’enverrai un de mes serviteurs, qui t’aidera et te fortifiera : parle-lui sans crainte ». Le lendemain, en effet, se présenta le Vénérable Père Théodose de Bergame, Capucin d’une grande sainteté ; après avoir examiné la violence da ses peines, il lui parla avec tant d’onction que la servante de Dieu recouvra une admirable tranquillité.
Parmi les Saints qui l’honoraient de leur présence, mentionnons surtout saint Dominique, saint François, sainte Cécile, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse. Ces habitants de la Jérusalem céleste conversaient si souvent avec elle qu’ils semblaient la regarder déjà comme leur sœur dans la possession de l’éternelle béatitude.
Mais, par dessus tout, le Saint des saints se montra prodigue de libéralités et de prévenances à l’égard de sa fidèle épouse, comme on l’a vu à maintes reprises.
Une année, en la fête de la Sainte Trinité, Agnès, dans un ravissement, contempla Notre-Seigneur qui tenait à la main une rosé merveilleusement belle et lui dit qu’elle aurait cette fleur, mais après avoir passé par bien des peines. L’extase dura longtemps : quand Agnès revint à elle, il s’exhalait de sa personne une odeur admirable de rosés.
La Supérieure l’ayant obligée, un jour, d’aller au réfectoire avec ses Sœurs, pour y prendre un peu de nourriture, notre obéissante Religieuse s’y rendit avec empressement. Mais, à peine eut-elle porté à sa bouche quelques petits morceaux de pain, que l’amour divin, s’emparant d’elle, la contraignit de sortir et de se retirer au jardin. Jésus-Christ lui apparut près d’un puits, et lui fit boire d’une eau mystérieuse qui la mit dans un état de jubilation indéfinissable. Les Religieuses, après leur réfection, la trouvèrent hors d’elle-même, et ne pouvaient admirer assez les saillies d’amour que manifestaient ses paroles embrasées.
Au reste, malgré sa crainte d’être trompée par les démons, ou ses vives appréhensions par rapport au salut de son âme, on peut dire que les flammes de l’amour de Dieu la consumaient sans cesse, et la faisaient languir comme l’épousé des saints Cantiques ou la séraphique Thérèse. Ayant entendu un prédicateur dire que Dieu aime toujours, sans se lasser jamais, elle en fut si transportée que, le reste de la journée, elle ne pouvait que prononcer ces paroles : Dieu aime toujours, Dieu aime toujours !
« J’ai un grand désir d’aimer, écrivait-elle au Père Boyre, son ancien confesseur, j’ai un grand désir d’aimer, mais je ne le puis comme je le souhaiterais. Je voudrais aimer Dieu tout mon soûl ; ce désir est si violent qu’il me paraît brûler mon intérieur, tant j’y sens un immense brasier. Cela me rend toute languissante et me donne un vif désir de sortir de cette vie, afin de jouir un peu de cet amour. Quelquefois je répands une telle abondance de larmes qu’il me semble que je dois mourir si je n’aime. C’est ce qui fait que, réduite en cet état, je m’écrie quelquefois : « Mon doux Jésus, faites que je meure « ou que je vous aime... » A l’oraison, il me semble de temps en temps que les membres de mon corps doivent se séparer, tant ces excès m’emportent ».
Et au sujet de la sainte Communion elle écrivait au même Religieux : « Je ne communie que les dimanches ou quand il se trouve dans la semaine quelque fête de Notre-Dame. Je ne saurais vous exprimer combien les jours me paraissent longs jusqu’au dimanche : je crois que mon désir me rend malade ; car quelquefois je suis tout en feu, tant est grand le brasier que je sens dans mon cœur, et je ne crois pas pouvoir vivre longtemps de cette manière. J’éprouve encore un si ardent désir de mourir que les jours me paraissent des années... »
Et une autre fois, ayant eu le bonheur de faire une communion supplémentaire, à raison de la fête de notre B. Père saint Dominique, elle écrivait en se congratulant : « Aujourd’hui II est venu ! Ah ! mon Amour, demeurez si vous voulez que je vive : il est impossible de vivre sans son Jésus... »
On se rappelle qu’après sa profession religieuse, le Père Panassière lui avait offert de communier dans la semaine, et que pour se conformer uniquement à la pratique en usage dans le monastère, elle avait humblement refusé. Plus tard, ses dispositions saintes obligèrent le confesseur à la faire communier plus souvent ; il arriva même à lui permettre la communion quotidienne, au grand avantage de son âme. Telles étaient les ardeurs de l’amour qui la remplissait que parfois son visage paraissait enflammé comme celui d’un séraphin, son cœur battait avec une telle violence que l’on dut élargir sa tunique afin de lui procurer un peu de soulagement, et l’eau froide appliquée sur sa poitrine bouillonnait comme si on l’eût jetée sur des charbons ardents ; ainsi l’atteste un des confesseurs de la Vénérable, témoin des faits.
XII
Les connaissances et les lumières surnaturelles que recevait la Mère Agnès étaient proportionnées aux élans de son cœur.
L’ardent désir qu’elle avait de voir le Père Panassière son confesseur, vivre avec la perfection convenable à son état, l’obligea de prier longtemps et de pratiquer à son intention de rigoureuses pénitences.
Dès son enfance,on l’a vu plus haut, alors qu’elle vivait parmi les habitants du siècle, Agnès : pratiquait ce qu’il y a de plus dur et de plus pénible à la nature. L’état religieux, qu’elle embrassa avec joie, acheva de réaliser son désir de se crucifier et de mourir entièrement à toute choses. Et il faut le reconnaître, si la vie de la servante de Dieu est un miracle continu par rapport aux faveurs célestes dont la vénérable Mère fut honorée, elle n’est pas moins un vrai prodige à raison, des souffrances, volontaires ou non, qui la remplissent.
La soif des souffrances parut en cette âme d’élite avec l’usage de la raison. Nous en avons pour preuve son ; ardeur, dès l’âge de sept ans, à se donner la discipline plusieurs fois la semaine, à coucher sur la dure, à prendre le vendredi un breuvage formé de vinaigre et de suie, à se laisser tomber sur les bras de la cire brûlante, à inventer en un mot, chaque jour, quelque nouveau genre de mortification.
Sitôt qu’elle eut revêtu l’habit de Saint-Dominique, son amour pour la croix s’augmenta. Souvent prosternée en présence de son céleste Époux, elle lui demandait des afflictions et des croix. Elle fut exaucée au delà de ses prévisions. Maladies corporelles, douleurs morales, humiliations, confusions, reproches, devinrent son partage. Je passe sous silence les maux de tête continuels qu’elle ressentit avec la dernière violence, l’espace de six mois, sans proférer aucune plainte, et une douleur aux genoux, qu’elle subit sans modifier nullement sa manière de se tenir à l’oraison. J’omets également la fatigue d’estomac qui, pendant douze ans, ne lui permit pour ainsi dire pas de garder la moindre nourriture, et les diverses maladies aiguës qui déconcertèrent la science des médecins en résistant à leurs remèdes. Au milieu de ces maux, Agnès de Jésus ne parut jamais ni troublée, ni inquiète. Unie à Celui qui la frappait dans des vues de miséricorde, elle soupirait sans cesse après de nouvelles croix et se regardait comme abandonnée de Dieu dès que la souffrance lui faisait défaut. Sainte Catherine de Sienne lui apparut un jour ; il lui présenta deux couronnes, l’une enrichie de diamants, l’autre tressée d’épines. Agnès ne manqua pas d’imiter cette Vierge séraphique, en choisissant, elle aussi, la couronne d’épines, et se la mit sur la tête, non sans éprouver de très vives douleurs.
Tout cela n’était, en quelque sorte, que le prélude de ce que la servante de Dieu aurait à endurer.
Le premier jour de l’année 1626 fut pour elle le commencement de maux extraordinaires. Elle sentit ses mains comme percées avec des aiguilles. Comprenant ce signe que l’heure de l’épreuve était proche, Agnès s’y fortifia par l’oraison. Son Ange gardien l’honora de sa présence et l’anima de nouveau à suivre Jésus crucifié. Quelques instants après, elle fut attaquée de douleurs si violentes qu’on la crut morte durant plusieurs heures. Ayant repris ses sens et s’appliquant à l’oraison dans sa cellule, elle eut un ravissement, où, se promenant à travers un beau jardin, elle reçut de son guide céleste l’invitation à cueillir de belles fleurs. « Non, pas des fleurs, répondit Agnès, je veux des croix, des afflictions ». Et Jésus, paraissant à son tour, promit de la satisfaire avec abondance.
Elle ne tarda pas à voir l’effet de cette promesse. A peine en possession d’elle-même, elle éprouva dans les mains et les pieds des souffrances si vives, qu’elle ne pouvait ni marcher, ni porter à la bouche aucun aliment. Ces maux augmentèrent le vendredi suivant, et l’on crut voir sur ses mains certaines croix rouges portant aux extrémités des fleurs de lis. Cette nouveauté remplit de joie la compagne d’Agnès ; mais celle-ci, confuse de cette grâce extérieure, s’abîma au plus profond de son néant, et se retira dans une toute petite chambre située au bout du jardin pour y vaquer à l’oraison.
C’est alors que le Ciel fut témoin d’un combat tout divin entre l’Epoux et l’épouse. Agnès, prosternée en terre et baignée de larmes s’écria avec autant de douleur que de confiance et d’amour : « Mon Epoux, je ne veux point ces marques extérieures ; ôtez-les moi, s’il vous plaît : point de croix visibles ».
L’Ange "gardien apparut, exhortant Agnès à se soumettre au bon plaisir du divin Sauveur. « Non, non, reprit la servante de Dieu avec une Sainte indignation, non, je ne veux point de ces choses-là, je n’en veux point; puisque vous venez, dites-vous, de la part de mon Epoux, je vous assure que ni vous, ni moi ne sortirons d’ici que vous ne me les ayez enlevées, autrement, je ferai faux bond à mon Epoux en m’enfuyant dans une caverne ».
Ainsi parle l’amour, sans avoir trop conscience de ce qu’il dit. Les larmes d’Agnès furent exaucées. Son bon Ange l’ayant quittée, elle constata que les croix extérieures avaient disparu, bien que la douleur fût toujours la même.
Sa joie de n’avoir pour partage que la souffrance toute pure accrut son courage pour embrasser de nouvelles épreuves. Son bon Ange vint l’avertir de s’y préparer. Le jour même, elle aperçut dans sa chambre une lumière éclatante, au milieu de laquelle paraissait Jésus crucifié. Agnès se sentit, à ce moment, clouée sur une grande croix, endurant des douleurs si intenses, qu’elle poussa de hauts cris. Les Religieuses accoururent et la trouvèrent couchée sur son lit, les bras en croix, demandant d’une voix entrecoupée l’assistance de leurs prières. Paraissant réduite à l’extrémité, elle reçut le saint Viatique. Cet aliment divin suspendit pour un temps la violence des douleurs. Elle eut même une extase dans laquelle il lui semblait voir la Sainte Vierge prêter l’oreille à ses filiales supplications. Puis son bon Ange l’avertit d’offrir à Dieu ses souffrances pour les âmes du Purgatoire, particulièrement pour celles des Religieux et des Religieuses de son Ordre.
Les douleurs inouïes recommencèrent dès qu’Agnès fut revenue de son ravissement, et durèrent trois jours.
Le 6 février, reparurent les mêmes accidents, mais avec des circonstances plus merveilleuses. Le P. Panassière et M. Martinon, archiprêtre de Langeac, virent la Mère Agnès dans le jardin, tomber tout à coup, les bras étendus en croix. Elle demeura comme morte l’espace de trois ou quatre heures. Ses douleurs ayant un peu diminué, on la transporta dans la chambre de la Supérieure, où, prosternée à terre, elle disait sans cesse : « O amour, que tu es violent ! Que ta puissance est grande !... Ah ! pécheur, ne veux-tu donc point te convertir ? C’est pour toi que je souffre, ne méprise pas le sang versé pour ton salut !... »
Elle se confessa ensuite, avec des soupirs et des sanglots extraordinaires, reçut la sainte Communion, et étant sortie d’une extase où les excellences du Calvaire lui furent montrées, on la vit, de même que la fois précédente, étendue sur sa couche comme sur une croix, les bras allongés et les pieds posés l’un sur l’autre. Ses mains étaient repliées à demi et enfoncées en dedans. On entendait par moments craquer ses os, comme s’ils eussent été disloqués, et son cœur battait si fort que la poitrine semblait prête à se rompre. Son visage paraissait cependant tout enflammé, et les paroles que l’on pouvait saisir étaient des élans d’amour propres à causer la plus vive impression sur les assistants.
A la suite de son extase, le confesseur, qui ne la quittait pas, lui demanda d’où elle venait. « D’une grande salle parsemée de croix, répondit-elle. — Y en a-t-il pour moi ? continua le confesseur.— Il y en a pour vous et pour mes Sœurs. Oui, ajouta-t-elle en s’adressant à la Prieure, il y en a pour vous, ma Mère et pour mes Sœurs ; cette maison n’aura que des croix, des croix toutes nues : il faudra de l’amour, beaucoup d’amour pour les porter ».
La suite de cette maladie ne fut qu’une série de merveilles. Agnès reçut la visite de la Très Sainte Vierge, accompagnée de sainte Cécile et de plusieurs autres Saintes. On connut à son visage ce qui se passait d’extraordinaire, et la malade le déclara ensuite par obéissance. A la prière de la servante de Dieu, la communauté entière eut la consolation d’être bénie par la Mère du pur amour. Les Sœurs retenues ailleurs accoururent toutes par un mouvement inconscient, une seule exceptée, que de vains scrupules avaient conduite au chœur pour y recommencer son rosaire.
Agnès de Jésus éprouva les mêmes souffrances, le quatrième jour de sa maladie, qui était le jeudi avant la quinquagésime ; son crucifiement fut encore plus complet. Fortifiée par son Ange gardien, qui la prévint de ce qui devait lui arriver, et résolue d’endurer pour son Epoux les plus grands tourments jusqu’au jour du jugement, elle fut accablée en peu de temps de douleurs telles qu’on se demandait comment un corps si faible y résistait. L’innocente victime était disposée, à son ordinaire, comme une personne crucifiée, les lèvres livides, la gorge noire et tuméfiée, elle prononça ces seules paroles : « Mon ami, assistez-moi, mon Jésus, ne m’abandonnez pas ». Elle eût voulu tenir le crucifix entre ses mains, mais ses mains étaient comme clouées. Dieu suppléa au désir de sa servante.
On vit le crucifix se lever et se soutenir suspendu devant elle, sans appui apparent. Ce fut alors que Dieu lui fit connaître les péchés que commettaient tant de chrétiens, dans ces jours de carnaval, et les douleurs de l’épouse du Christ augmentèrent à proportion. Elle avoua au P. Panassière qu’elle était vraiment clouée par les pieds et les mains.
Cependant les symptômes d’une mort prochaine paraissaient visiblement sur le visage de la malade, et le confesseur, n’en doutant plus, lui dit : « Sœur Agnès, il faut mourir. — Agréable nouvelle, répondit la servante de Dieu, si c’était la volonté de mon Epoux! Mais j’appréhende qu’il ne m’arrive encore comme l’autre fois, et qu’il ne me faille retourner à la vie ». On fit la recommandation de l’âme vers onze heures et demie. Le confesseur voulut assembler la communauté, qui était alors au réfectoire ; mais Agnès ayant représenté que le moment n’était pas encore venu, les Sœurs achevèrent leur réfection. Aussitôt après, elles vinrent en toute hâte auprès de leur chère malade, et quand on eut récité les Litanies de la Sainte Vierge, Agnès parut avoir expiré. « Elle est morte ! » s’écria le P. Panassière. A ces mots, les Religieuses éclatèrent en cris déchirants et versèrent d’abondantes larmes. La Mère Prieure, particulièrement affectée d’une si grande perte, conduisit ses filles devant le Très Saint Sacrement. Elles y étaient depuis un quart d’heure, quand la morte ouvrit les yeux, poussa un soupir et dit : « Je suis retournée ». Le confesseur, ne revenant pas de surprise, obligea sa pénitente, au nom de l’obéissance, à dire fidèlement tout ce qui s’était passé. La vénérable Mère déclara qu’elle était vraiment morte, et que, se trouvant en présence de Jésus-Christ et de sa sainte Mère, entourés d’une foule immense de Bienheureux, on lui avait dit que les; souffrances qui devaient composer les fleurons de sa couronne n’étant point encore complètes, il lui fallait retourner au monde, afin d’apaiser la colère de Dieu irrité contre les hommes, et de travailler au salut du prochain.
Le soir du même jour, son bon Ange vint la consoler de la prolongation de son exil ; et comme la Vénérable s’écriait en pleurant : « Eh ! quand donc jouirai-je de Jésus, mon Époux, mon Tout ? » elle entendit cette réponse : « Chère épouse, on m’a,importuné de tant de prières que j’ai dû te faire retourner sur terre. Et puis je veux me servir de toi pour la sanctification de plusieurs âmes qui doivent me glorifier grandement. Aie seulement bon courage et travaille de ton mieux ».
Dans le fait extraordinaire qui vient d’être rapporté, toutes les circonstances concourent à prouver qu’il s’agit d’une mort véritable et non pas d’une simple léthargie. On vit Agnès s’affaiblissant peu à peu, réduite à l’agonie, privée totalement de respiration, incapable de donner aucune marque de vie. Les Religieuses assemblées la pleurèrent comme morte, et plus tard, le P. Boyre, homme très savant et très éclairé, examinant toute chose avec soin, n’hésita .nullement à reconnaître la réalité de cette mort et de cette résurrection. A quoi on peut ajouter les suites immédiates de ce retour à la vie. La vénérable Mère, qu’on avait vue dans ses maladies précédentes perdre ses forces, et sur le point d’expirer, revint cette fois en un moment à une parfaite santé, demanda à manger, et prit de la nourriture sans fatigue d’estomac, ce qui ne lui était pas arrivé depuis l’Avent ; elle sortit de son lit sans le secours de personne, prit congé de son confesseur, et, le soir, chanta Complies avec la communauté.
Cette santé toutefois fut de peu de durée. Comme Agnès de Jésus n’avait repris la vie du corps que pour obtenir celle de l’âme à plusieurs personnes plongées dans l’iniquité, elle reparut bientôt réduite à son premier état. Ce fut un dimanche, vers le milieu du Carême de cette même année 1626, que recommença le cours de ces maux mystérieux. Tout son corps en fut accablé ; mais les douleurs à la tête prirent un caractère des plus surprenants. Il lui sembla qu’on la lui perçait avec des épines très aiguës l’espace de vingt-quatre heures. Son courage et sa patience furent invincibles au milieu de douleurs qu’elle déclara être les plus sensibles qu’elle eût jamais souffertes. On aperçut même quelques gouttes de sang sur son bandeau. Confuse d’une pareille grâce, la servante de Dieu se mit en oraison et pria avec tant d’instances qu’il ne lui resta désormais que la douleur.
La Mère Agnès de Jésus éprouva plusieurs fois, cette année-là, les mêmes souffrances mystérieuses, surtout le Vendredi saint et le jour de l’Invention de la Sainte-Croix. L’année suivante amena également pour cette amante de la Croix une recrudescence de souffrances. On remarqua particulièrement que presque chaque vendredi, après avoir prié pour la conversion des pécheurs, elle vomissait un sang pur et vermeil. Frappées d’un fait si extraordinaire, les Religieuses eurent l’adresse d’enlever un de ses mouchoirs qui en était teint et qu’elle avait soigneusement caché.
On ne finirait pas si l’on voulait rapporter en détail tout ce que cette grande sainte a souffert sous la main puissante de Celui qu’elle servait avec une si constante fidélité. A diverses reprises, elle ressentit, durant plusieurs heures, les peines du Purgatoire pour des âmes qui lui avaient été recommandées.
Aux fêtes des plus célèbres martyrs, elle expérimentait ce que ces témoins de Jésus-Christ avaient enduré pour son nom. Ainsi, le jour de Saint Laurent, elle éprouva la violence du feu qui avait consumé l’illustre diacre; au jour de Saint Etienne, les coups de pierres dont fut accablé le premier martyr; en la fête de saint Pierre, les tourments ressentis par le Prince des Apôtres pour glorifier son Maître.
C’était là le caractère particulier de cette illustre servante de Dieu : toute sa générosité consistait à souffrir et à se crucifier. L’année de sa mort, elle écrivait à M. Olier : « Vous savez combien je chéris votre âme, dont j’ai autant souci que de la mienne propre; mais je vois bien que cela ne peut guère vous servir, étant une misérable abîmée dans le péché. A votre départ, je vous dis que j’avais demandé à notre grand Dieu la croix toute nue, la croix sans consolation. Comme il est très bon et libéral, il me semble qu’il m’en a donné un échantillon, quoique fort léger, eu égard à mon peu d’amour et de constance ».
C’est aussi dans le même esprit qu’elle s’étudia toujours à inspirer à ce vertueux ecclésiastique le désir de souffrir ; et une autre fois, lui écrivant sous l’impression de ses transports d’amour pour la croix, elle donnait à sa lettre cette étrange conclusion : « Je prie mon fidèle Époux de vous donner une milliasse de grandes croix, lesquelles je vous souhaite pour très humble salut ».
XI
Après avoir rapporté, sur la foi des confesseurs de la Mère Agnès, les prodigieuses souffrances, croix, maladies de la servante de Dieu, l’on a sans doute quelque droit de parler des grâces et des faveurs merveilleuses qu’elle reçut du Ciel. L’humilité profonde de l’épouse du Christ, son éloignement à convoiter de tels dons, sa constance à vouloir suivre les voies communes, une sorte d’opiniâtreté à refuser les grâces extraordinaires ou à ne les accepter qu’avec beaucoup de résistance : toutes ces circonstances, disons-nous, sont de sérieuses garanties contre toute crainte d’erreur.
Parmi les grâces admirables dont Dieu favorisa la Vénérable Agnès, on peut dire que la présence visible, et même la familiarité de son bon Ange, n’a pas été la moindre. Cette âme, vraiment angélique, jouit d’un tel avantage dès sa première jeunesse. Son père se trouvait à la campagne, dans un grave danger pour sa vie. Le Gardien céleste apparut à notre Agnès, lui recommandant de prier son Époux qu’il inspirât à son père de rentrer au plus tôt, Agnès obéit, et le père apprit le lendemain que des assassins devaient lui tendre une embuscade à l’heure présumée de son retour.
L’Ange gardien la transporta souvent dans sa chambre, quand, s’étant attardée à quelque visite aux malheureux, Agnès, en revenant au logis, trouvait la porte close.
Lui-même encore, nous l’avons dit, lui fit traverser miraculeusement la Loire pour la soustraire à des discours déshonnêtes.
La protection qu’elle reçut de ce céleste esprit, au milieu de ses luttes avec les démons, n’est pas moins remarquable. II se faisait son défenseur et son consolateur, la rassurait par sa présence, neutralisait les violences exercées sur son corps par le prince des ténèbres. Ce gardien charitable l’avertissait de ses moindres défauts, l’éveillait la nuit afin de vaquer à l’oraison, la disposait aux croix qui lui étaient préparées, l’aidait à supporter les ardeurs .de l’amour divin, et dans une circonstance importante, lut perça le cœur d’une flèche embrasée.
L’Ange gardien d’Agnès ne se bornait pas à rendre service à sa personne, il daignait s’intéresser encore à tous ceux qu’elle lui recommandait. Au temps où M. Olier, abbé de Pébrac, prêchait une mission en Auvergne, il lui arriva, un soir, de quitter Langeac, par un temps affreux, avec un péril évident pour ses jours, à cause des routes bordées de précipices où il lui fallait passer. La servante de Dieu chargea son bon Ange de lui servir de guide. Il en fut ainsi, et M. Olier déclara juridiquement qu’il vit un Ange, grand et majestueux, marcher devant lui et le conduire en sécurité au terme de son voyage.
Une autre fois que le monastère était en peine de faire parvenir un paquet important à ce même prêtre, alors éloigné de dix à vingt lieues, Agnès de Jésus recommanda vivement à son Ange gardien le jeune homme chargé de la commission, et celui-ci arriva heureusement au but proposé, malgré les difficultés d’un chemin de montagnes inconnu de lui.
En maintes circonstances également, l’épouse du Christ reçut la sainte Communion d’une manière miraculeuse, par la main de son bon Ange ou d’un autre habitant des cieux. Cette faveur si rare, accordée pourtant à divers saints et saintes, fut pour elle chose assez fréquente et l’on peut la regarder comme une récompense de sa soumission parfaite à ses directeurs.
Dès avant qu’elle fût Religieuse, à l’âge de dix-huit ans, Dieu permit qu’elle communiât par une intervention extraordinaire. Une nuit qu’elle était en oraison, un prêtre vénérable lui apparut et prenant une hostie sur un autel dressé dans l’appartement, la lui présenta. Aussi humble que pure, la pieuse vierge s’anéantit à la vue d’un tel prodige, mais hésita quelques instants ; à recevoir l’hostie. Contrainte de se soumettre à ce qu’on exigeait, elle sentit son cœur, embrasé des flammes sacrées de l’amour. Cette grâce lui ayant été renouvelée chaque jour pendant trois semaines, sauf les dimanches et jours de fêtes, destinés à ses communions régulières, elle conçut une vive crainte d’être le jouet du démon, et en parla au Père Panassière, qui la dirigeait alors. Ce Religieux, après un sérieux examen, conclut que cette faveur venait du ciel. Toutefois, ne voulant pas se fier uniquement à ses lumières, il consulta plusieurs Religieux d’une science et d’une sainteté reconnues. Tous furent convaincus qu’il n’y avait là aucune illusion ; ils crurent néanmoins qu’il était à propos de défendre à Agnès de recevoir la sainte Communion de cette manière, et de lui dire de se contenter du ministère du prêtre.
Cette décision tranquillisa la servante de Dieu, qui eut bientôt occasion de manifester son obéissance. Le prêtre mystérieux se présenta de nouveau, avec la sainte hostie. « Je ne veux point ces sortes de grâces, s’écria résolument Agnès, je m’attache à la voie ordinaire de communier, je veux recevoir comme tout le monde la Communion de la main des hommes ». Le prêtre et l’autel disparurent en même temps, et Agnès fut remplie d’une odeur si agréable et si douce qu’elle avoua n’avoir jamais rien ressenti de pareil. Cependant, comme ses confesseurs ne lui en firent pas toujours des défenses expresses, elle fut favorisée plusieurs autres fois de ces grâces extraordinaires. Un jour de la fête de saint Louis Bertrand, son confesseur, pour la mortifier, lui avait interdit de communier; retirée dans un coin de l’église, elle se disposait à faire avec fruit la communion spirituelle quand, au moment de la Communion du prêtre, une hostie se transporta miraculeusement sur ses lèvres et inonda son âme de consolation.
Deux fois, pendant une grave maladie, elle reçut cette faveur par le moyen de son bon Ange, et dans un pèlerinage à Notre-Dame de Valfleury, près de Saint-Étienne en Forez, aucun prêtre ne se trouvant présent, elle communia encore par le ministère de son Ange gardien.
La Très Sainte Vierge, pour laquelle Agnès avait un culte si pieux et si filial, le lui rendait en bénédictions de toute sorte.
Le jour de sa profession religieuse, elle lui apparut, nous le savons, l’encouragea dans la donation parfaite d’elle-même, la prit tout spécialement sous son patronage. Au milieu des peines intérieures et des luttes contre l’enfer qu’Agnès eut à subir, la présence de cette puissante Souveraine la soutenait énergiquement. Un jour que la servante de Dieu se trouvait accablée de désolation et comme plongée dans un abîme d’amertume, elle se prosterna contre terre aux pieds de sa divine consolatrice, et entendit ces douces paroles : « Ne t’afflige pas, ma fille, je t’enverrai un de mes serviteurs, qui t’aidera et te fortifiera : parle-lui sans crainte ». Le lendemain, en effet, se présenta le Vénérable Père Théodose de Bergame, Capucin d’une grande sainteté ; après avoir examiné la violence da ses peines, il lui parla avec tant d’onction que la servante de Dieu recouvra une admirable tranquillité.
Parmi les Saints qui l’honoraient de leur présence, mentionnons surtout saint Dominique, saint François, sainte Cécile, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse. Ces habitants de la Jérusalem céleste conversaient si souvent avec elle qu’ils semblaient la regarder déjà comme leur sœur dans la possession de l’éternelle béatitude.
Mais, par dessus tout, le Saint des saints se montra prodigue de libéralités et de prévenances à l’égard de sa fidèle épouse, comme on l’a vu à maintes reprises.
Une année, en la fête de la Sainte Trinité, Agnès, dans un ravissement, contempla Notre-Seigneur qui tenait à la main une rosé merveilleusement belle et lui dit qu’elle aurait cette fleur, mais après avoir passé par bien des peines. L’extase dura longtemps : quand Agnès revint à elle, il s’exhalait de sa personne une odeur admirable de rosés.
La Supérieure l’ayant obligée, un jour, d’aller au réfectoire avec ses Sœurs, pour y prendre un peu de nourriture, notre obéissante Religieuse s’y rendit avec empressement. Mais, à peine eut-elle porté à sa bouche quelques petits morceaux de pain, que l’amour divin, s’emparant d’elle, la contraignit de sortir et de se retirer au jardin. Jésus-Christ lui apparut près d’un puits, et lui fit boire d’une eau mystérieuse qui la mit dans un état de jubilation indéfinissable. Les Religieuses, après leur réfection, la trouvèrent hors d’elle-même, et ne pouvaient admirer assez les saillies d’amour que manifestaient ses paroles embrasées.
Au reste, malgré sa crainte d’être trompée par les démons, ou ses vives appréhensions par rapport au salut de son âme, on peut dire que les flammes de l’amour de Dieu la consumaient sans cesse, et la faisaient languir comme l’épousé des saints Cantiques ou la séraphique Thérèse. Ayant entendu un prédicateur dire que Dieu aime toujours, sans se lasser jamais, elle en fut si transportée que, le reste de la journée, elle ne pouvait que prononcer ces paroles : Dieu aime toujours, Dieu aime toujours !
« J’ai un grand désir d’aimer, écrivait-elle au Père Boyre, son ancien confesseur, j’ai un grand désir d’aimer, mais je ne le puis comme je le souhaiterais. Je voudrais aimer Dieu tout mon soûl ; ce désir est si violent qu’il me paraît brûler mon intérieur, tant j’y sens un immense brasier. Cela me rend toute languissante et me donne un vif désir de sortir de cette vie, afin de jouir un peu de cet amour. Quelquefois je répands une telle abondance de larmes qu’il me semble que je dois mourir si je n’aime. C’est ce qui fait que, réduite en cet état, je m’écrie quelquefois : « Mon doux Jésus, faites que je meure « ou que je vous aime... » A l’oraison, il me semble de temps en temps que les membres de mon corps doivent se séparer, tant ces excès m’emportent ».
Et au sujet de la sainte Communion elle écrivait au même Religieux : « Je ne communie que les dimanches ou quand il se trouve dans la semaine quelque fête de Notre-Dame. Je ne saurais vous exprimer combien les jours me paraissent longs jusqu’au dimanche : je crois que mon désir me rend malade ; car quelquefois je suis tout en feu, tant est grand le brasier que je sens dans mon cœur, et je ne crois pas pouvoir vivre longtemps de cette manière. J’éprouve encore un si ardent désir de mourir que les jours me paraissent des années... »
Et une autre fois, ayant eu le bonheur de faire une communion supplémentaire, à raison de la fête de notre B. Père saint Dominique, elle écrivait en se congratulant : « Aujourd’hui II est venu ! Ah ! mon Amour, demeurez si vous voulez que je vive : il est impossible de vivre sans son Jésus... »
On se rappelle qu’après sa profession religieuse, le Père Panassière lui avait offert de communier dans la semaine, et que pour se conformer uniquement à la pratique en usage dans le monastère, elle avait humblement refusé. Plus tard, ses dispositions saintes obligèrent le confesseur à la faire communier plus souvent ; il arriva même à lui permettre la communion quotidienne, au grand avantage de son âme. Telles étaient les ardeurs de l’amour qui la remplissait que parfois son visage paraissait enflammé comme celui d’un séraphin, son cœur battait avec une telle violence que l’on dut élargir sa tunique afin de lui procurer un peu de soulagement, et l’eau froide appliquée sur sa poitrine bouillonnait comme si on l’eût jetée sur des charbons ardents ; ainsi l’atteste un des confesseurs de la Vénérable, témoin des faits.
XII
Les connaissances et les lumières surnaturelles que recevait la Mère Agnès étaient proportionnées aux élans de son cœur.
L’ardent désir qu’elle avait de voir le Père Panassière son confesseur, vivre avec la perfection convenable à son état, l’obligea de prier longtemps et de pratiquer à son intention de rigoureuses pénitences.
A suivre...
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
Formé à la vie religieuse dans un temps où:la pleine régularité était loin de faire l’ornement du cloître, ce Père se mettait peu en peine d’éviter certaines transgressions de la Règle. Il se dispensait aisément du jeûne et de l’abstinence, aimait à sortir de sa résidence, et à converser avec les séculiers ; bref, par un ensemble de vie tout extérieure, il arrivait à commettre des fautes parfois même assez notables. Sa tiédeur faisait gémir devant Dieu la Mère Agnès. Elle adressait souvent au coupable de sévères réprimandes, et comme, par une grâce miraculeuse elle acquérait la connaissance distincte de toutes ses actions, si éloigné d’elle que fût ce Religieux, sitôt qu’il tombait dans quelque manquement, elle l’en avertissait avec autant d’énergie que de charité. La fidélité d’Agnès à importuner Dieu en faveur de son confesseur obtint la promesse que celui-ci finirait par changer de conduite et deviendrait un Religieux modèle. Ce qui arriva, après la mort de notre Vénérable. Retiré au couvent de Tarascon, où l’on avait introduit la réforme, et devenu aveugle dans sa vieillesse, ainsi qu’Agnès le lui avait prédit, le Père Panassière vécut d’une manière fort édifiante et mourut en bonne odeur de vertu.
Ce ne fut pas la seule occasion où la Mère Agnès connut les choses éloignées et futures. Plusieurs autres personnes profitèrent avantageusement de ses lumières. Le servant de messe du monastère de Langeac allait se noyer dans l’Allier. Agnès en fut informée par son Ange gardien, qui lui ordonna de prier pour ce jeune homme. Elle obéit exactement, et l’infortuné, qu’on venait de retirer de l’eau sans donner signe de vie, reprit aussitôt connaissance en présence du Père Panassière et du chanoine Martinon.
Un avocat du Puy que Agnès avait connu autrefois, étant venu à Langeac, se présenta pour la Voir. Avant d’aller au parloir, la servante de Dieu pria le Seigneur de lui inspirer ce qu’elle aurait à dire. Son bon Ange promit de l’assister. A peine fut-elle en présence du visiteur que la conscience de cet homme lui devint transparente, et .sur-le-champ Agnès l’avertit d’avoir à confesser tels péchés dont il était coupable. L’avocat fut docile à cet avis, et de retour au Puy, raconta au Père Boyre ce qui lui était arrivé.
Une jeune demoiselle, sur le point de se marier, fut recommandée aux prières de la Mère Agnès. Celle-ci connut par révélation que cette personne entrait dans l’état du mariage par des considérations nullement chrétiennes, et que tout avertissement serait inutile. L’épouse du Christ se contenta de garder le silence. L’infortunée jeune femme mourut au bout de sept mois, accablée de malheurs et de chagrins.
Le fait suivant ne mérite pas moins d’attention.
Une jeune fille des environs de Langeac, appelée Marguerite, après avoir passé quelque temps dans le monastère, en était sortie par une protection spéciale de Dieu sur cette maison. Elle était pleine de suffisance et d’orgueil, et comme par ailleurs elle avait un extérieur suffisamment réglé, le démon abusa de cette disposition pour persuader à la malheureuse qu’elle était appelée à une sainteté éminente. Il lui procura des visions pleines de douceur, lui imprima enfin aux pieds, aux mains et au côté, certains stigmates d’où coulaient, dit-on, quelques gouttes de sang.
Marguerite, toujours infatuée d’elle-même, ne fut pas sensiblement affligée de cette faveur apparente, et alla jusqu’à la divulguer. Aussitôt nombre de personnes de la ville, et même des ecclésiastiques, rendirent visite à la sainte, afin de baiser ses plaies. Le confesseur d’Agnès entra dans ce sentiment ; mais la vénérable Mère, instruite à l’école de l’humilité, et éclairée d’ailleurs de lumières particulières, condamna d’hypocrisie tout ce dehors si bien composé, et déclara la visionnaire trompée par le démon. Une visite de la fausse dévote la confirma dans sa pensée. Agnès ayant demandé à voir une de ses plaies, la stigmatisée s’empressa d’avancer la main au travers de la grille ; mais, s’apercevant que la Mère Agnès voulait avec la pointe d’un couteau sonder la plaie, elle retira promptement la main, pour s’épargner une souffrance.
La servante de Dieu, qui déplorait et l’aveuglement de la pauvre abusée et l’obstination de son confesseur, priait de toute son âme afin de convertir la première et d’éclairer le second. Tout fut inutile : elle s’attifa même des mortifications sensibles de la part du Père Panassière, opiniâtre pour voir l’esprit de Dieu dans la conduite de cette affaire. Enfin l’erreur fut découverte par l’adresse du Père Boyre, lequel présentai la voyante un écrit, contenant une hérésie grossière, et la pria défaire approuver la rédaction par Notre-Seigneur, quand il lui apparaîtrait. La dévote prit le papier avec joie et le rapporta quelques jours après, signé de Jésus-Christ avec le sang d’une de ses plaies. Le Père Boyre essaya, mais en vain, de ramener cette malheureuse ; et Dieu permit qu’elle tomba dans une faute honteuse qui la discrédita pour jamais.
Agnès de Jésus connut encore plusieurs fois l’intérieur de ceux qui la consultaient.
Un jeune homme, indécis sa vocation demanda dans quelle Religion il devait entrer : « Dans le saint Ordre des Chartreux, répondit-elle, c’est là que Dieu vous appelle ». Le jeune homme obéit, et trouva tant de paix dans ce monastère qu’il lui écrivit, afin de la remercier de son conseil.
Une jeune fille en butte à une tentation secrète, qu’elle ne voulait déclarer à personne, eut le bonheur d’entretenir la servante de Dieu. Celle-ci lui découvrit les secrets de son cœur et l’avertit que Dieu la voulait dans le monastère de Langeac, où elle entra en effet.
Ce fut encore par le conseil de la vénérable Mère qu’une novice du monastère fut raffermie dans sa vocation, sur cette parole qu’elle lui fit dire par son confesseur : « Ma fille, aimez davantage votre saint habit ». M. Martinon, qu’elle préserva de la mort en l’avertissant de se retirer au plus tôt d’une galerie qui s’effondra dès qu’il en fut sorti, a publiquement avoué que la Mère Agnès avait une parfaite connaissance de son intérieur et l’avertissait de ses défauts et de ses imperfections, même les plus légères.
Enfin on était si intimement persuadé, dans le monastère, que l’épouse du Christ avait le don de pénétrer les cœurs qu’une des principales raisons alléguées par les Religieuses pour l’élire Supérieure, c’est que, connaissant déjà leurs pensées, elle les gouvernerait avec plus de sûreté et de profit pour leurs âmes.
Dieu accorda encore à sa servante une onction particulière pour instruire les ignorants, toucher les cœurs endurcis et réconcilier les personnes divisées. Elle prit un soin particulier du jeune enfant dont elle avait guéri les ulcères, et lui inspira une piété si solide qu’on le regardait dans Langeac comme un petit saint. Celui aussi qu’elle empêcha par ses prières d’être asphyxié dans la rivière, prit plus tard l’habit de Capucin, par l’avis et le conseil de la vénérable Mère. Un homme traitait sa femme avec une telle brutalité que la malheureuse paraissait tous les jours en péril de mort. Agnès le fit venir à la grille, et lui parla avec autant de tendresse que de force. Mais l’endurci ne voulut rien entendre et sertit brusquement. Lès prières de l’épouse du Christ obtinrent ce que sa parole n’avait pu opérer. Cet homme était à dix pas à peine du monastère que rentrant en lui-même il retourne à la grille, où l’attendait Agnès, et lui promet de changer de vie.
Elle obtint un succès semblable auprès d’une jeune fille qui, ayant l’habitude invétérée de dérober tout ce qui lui tombait sous la main, causait de grands chagrins à sa famille. Prières, remontrances, menaces, châtiments, rien n’arrêtait cette funeste inclination. Seule, la Mère Agnès réussit à convertir la petite voleuse, par une simple conversation.
Dieu daigna l’honorer encore du don de prophétie et du don des miracles. Déjà nous en avons dit un mot : complétons le sujet.
Le Supérieur des Bénédictins de l’abbaye de Saint-Pierre avait un grave démêlé avec l’évêque:du Puy touchant la juridiction. Agnès de Jésus l’assura qu’après bien des difficultés, il finirait par avoir gain de cause : ce qui arriva.
Une Religieuse du monastère se désolait grandement de ce que ses infirmités l’empêchaient de suivre les exercices de communauté et même de réciter son Office en particulier : « Consolez-vous, lui dit Agnès, vos forces reviendront ». II en fut ainsi.
Une jeune demoiselle demandait l’habit ; mais son père s’y opposait, sans que les prières, les larmes de la jeune fille, les observations de personnes sérieuses pussent le fléchir. Agnès, alors Prieure, dit à la postulante : « Mon enfant, ne craignez rien, cela ne durera pas; le bon Dieu retirera bientôt votre père de ce monde ». La prédiction se vérifia, et la jeune fille, entrée au monastère, devint la Mère Jeanne de la Croix, dont nous avons parlé à la date du 27 septembre.
Quant au don des miracles, la servante de Dieu en fut honorée dès son enfance. Un plat de terre, lui ayant échappé des mains, se brisa en mille pièces. Pour épargner à ses parents une très vive contrariété, elle obtint de la toute-puissance divine que le plat fût miraculeusement raccommodé.
Vers douze ans, trouvant dans la campagne un paysan grièvement blessé, elle pria la Sainte Vierge de le guérir, et toucha de ses mains les plaies du malheureux. Elles se fermèrent à l’instant. Agnès, surprise d’une si prompte guérison et craignant qu’on ne la lui attribuât, alla chercher du vinaigre, en frotta les cicatrices du blessé et le congédia en parfaite santé.
Gabrielle Jacques raconte dans ses Mémoires qu’étant allée un jour avec Agnès hors de la ville, elle sentit tout à coup aux yeux une douleur si vive qu’elle ne voyait plus à se conduire. « Je priai ma chère compagne, ajoute-t-elle, de faire sur mes pauvres yeux le signe de la croix. Mais elle s’excusa en s’appelant une grande pécheresse. Je la conjurai, au nom de la charité, de m’aider au moins à marcher. Sitôt que j’eus pris sa main, je la portai à mes yeux et y traçai le signe de la croix. Incontinent toute douleur cessa, et je vis aussi clair qu’auparavant ».
L’an 1625, la rivière qui coulait près du monastère, ayant grossi d’une manière subite, donna lieu de craindre que le mur du jardin ne s’écroulât. Agnès, voyant le danger, se mit en prières et la rivière ne causa aucun dommage, bien qu’aux alentours l’impétuosité du courant emportât des habitations.
Un homme du Puy, appelé Barthélemy, qui s’était cassé la jambe en tombant de cheval, fut guéri en peu de jours, après s’être recommandé par lettre à la servante de Dieu.
Il est reconnu encore que par l’application de son rosaire ou par une simple prière, la Vénérable Mère a délivré plusieurs possédés, guéri divers malades désespérés, obtenu une pluie bienfaisante à l’époque d’une grande sécheresse, assaini les fruits de la terre gâtés par les mauvaises saisons, préservé la ville de Langeac de la peste qui ravageait les environs, conservé la vie à plusieurs Religieuses de son monastère menacées de la perdre à la suite d’hémorragies, dissipé l’infection qu’exhalait le corps d’une Sœur inhumée au Chapitre dans une fosse trop peu profonde.
Pour tout résumer d’un mot on peut dire que cette fidèle amante de Jésus-Christ semblait avoir en mains la toute-puissance de son divin Époux.
XIII
Cependant les Religieuses de Langeac qui, sous l’empire d’un fatal aveuglement, avaient sans motif fait déposer leur sainte Prieure, ne tardèrent pas à en concevoir un vif regret. L’humilité, la simplicité, la vraie piété de Sœur Agnès, qu’elles avaient osé traiter d’hypocrite leur ouvrirent les yeux, et elles cherchèrent tous les moyens possibles de lui témoigner leur repentir et leur confiance. Elles n’eurent pas grand’peine à rentrer dans des bonnes grâces de celle qui les avait toujours aimées avec une tendresse de mère. Mais, étant persuadées qu’elles avaient donné au dehors un très mauvais exemple par leurs discours- imprudents, elles crurent de leur devoir d’effacer les impressions fâcheuses, conçues par les séculiers, sur leur ancienne Supérieure. Afin de confirmer par des faits la vérité des louanges qu’elles lui décernaient en toute rencontre, elles l’instituèrent Maîtresse des novices, pour la seconde fois, puis Sous-Prieure, enfin Prieure du monastère, trois ans après son humiliante déposition.
Cette élévation raviva l’affliction de l’humble Sœur : elle versa beaucoup de larmes et supplia l’évêque de Saint-Flour de refuser sa confirmation. Mais la volonté divine se déclarait manifestement : Agnès dut prendre en mains le gouvernement de la communauté, et l’exerça deux années encore avec grand profit pour ses filles.
C’est principalement pendant cette période que son influence surnaturelle s’étendit extraordinairement au dehors du monastère, et que s’accomplirent un grand nombre des faits relatés en dernier lieu.
Il reste maintenant à rapporter la mission providentielle que la. Mère Agnès eut à remplir auprès de l’illustre fondateur des Prêtres de Saint-Sulpice.
Jean-Jacques Olier, fils d’un conseiller au Parlement de Paris, était entré de bonne heure dans l’état ecclésiastique. A dix-huit ans, nommé abbé commendataire de l’abbaye de Pébrac, située dans une solitude à deux lieues de Langeac, il mena quelque temps la vie mondaine des jeunes clercs de cette époque pourvus de bénéfices en usufruit. Les prières d’une sainte veuve lui Valurent la grâce d’une première conversion, qui s’acheva à la Santa-Casa de Notre-Dame de Lorette ; mais Dieu, qui l’appelait à une plus haute sainteté, à raison de l’œuvre éminente à laquelle il le destinait, choisit Agnès de Jésus pour être l’instrument de sa seconde et parfaite conversion. Voici, en abrégé, comment elle reçut et accomplit cette mission.
Un jour que la Mère demandait avec larmes la dissolution de son corps pour aller à Jésus-Christ, Notre-Seigneur lui dit : « Tu m’es encore nécessaire pour la sanctification d’une âme qui doit servir à ma gloire ». Une autre fois, en l’année 1631, elle connut plus clairement la volonté divine. Comme elle priait pour la conversion des pécheurs, et spécialement pour les habitants de l’Auvergne plongés, en grand nombre, dans l’ignorance et l’iniquité, la Sainte Vierge lui apparut et lui dit : « Prie mon Fils pour l’abbé de Pébrac ».
La servante de Dieu ne connaissait aucunement M. Olier ; mais, comprenant que le Seigneur avait sur lui de grands desseins, il n’est prières, larmes, pénitences auxquelles elle n’eut recours pendant trois années entières, pour lui obtenir la sainteté nécessaire à sa mission dans l’Eglise.
Pendant ce temps, le jeune abbé recevait les saints ordres, se mettait sous la direction de saint Vincent de Paul ; se joignait même aux prêtres de la Congrégation de la Mission pour aller évangéliser avec eux les habitants des campagnes. Bientôt il résolut d’aller prêcher des missions dans les paroisses d’Auvergne qui dépendaient de son abbaye, et pour remplir ce ministère avec plus de fruit, voulut s’y préparer par une retraite sérieuse dans la maison de Saint-Lazare.
Un jour qu’il faisait oraison dans sa chambre, il aperçût près de lui une Religieuse qui semblait venir du ciel. D’une main elle tenait un crucifix, de l’autre un chapelet. Un Ange, admirablement beau, portait l’extrémité de son manteau de chœur, et recueillait sur un mouchoir les larmes dont son visage était baigné : « Je pleure pour toi », dit la merveilleuse apparition. Ces paroles, en tombant sur M. Olier, firent couler en son âme une douce tristesse, comme lui-même le déclare dans une relation écrite par ordre de son directeur.
« Cette sainte âme, ajoute-t-il, revint une autre fois, à peu de temps de là, pour me confirmer dans ladite vue, et je l’ai aussi présente à l’esprit que si je la voyais encore ».
Comme preuves évidentes de son apparition, elle lui laissa le crucifix qu’elle tenait à la main, et son mouchoir « tout plein de saintes larmes ».
La retraite finie, l’Abbé de Pébrac quitta Paris avec les prêtres qui devaient seconder son apostolat en Auvergne. A mesure qu’ils avancent, les zélés missionnaires apprennent des populations les faits merveilleux dont le monastère de Langeac est le théâtre. M. Olier sent naître en son cœur l’espoir de retrouver là celle qui verse pour lui des larmes si abondantes, et il se rend à Langeac. Il entrait dans une hôtellerie de cette ville, lorsqu’une Sœur tourière vient le saluer au nom de la Mère Prieure. De plus en plus étonné, M. Olier se présente au monastère sitôt qu’il le peut. Ce jour-là, Sœur Agnès ne put quitter l’infirmerie; mais, à la grande surprise des Religieuses, elle envoya son chapelet au prêtre étranger. Après quelques visites infructueuses, celui-ci fut enfin reçu. La Mère Agnès entra au parloir, le voile baissé selon sa coutume. L’entretien commencé, M. Olier la prie humblement de lever son voile. « Ma Mère, s’écrie-t-il, je vous ai vue ailleurs ». Agnès répond simplement : « Cela est vrai, vous m’avez vue deux fois à Paris, où je vous ai apparu dans votre retraite à Saint-Lazare, parce que j’avais reçu de la Très Sainte Vierge l’ordre de prier pour votre conversion, Dieu vous ayant destiné à jeter les premiers fondements des séminaires du royaume de France ».
De ce moment s’établirent entre ces deux grandes âmes les plus nobles et les plus saintes relations. Pendant les six mois qu’il passa en Auvergne, M. Olier visita souvent la Mère Agnès et apprit d’elle à se corriger de ses moindres imperfections, à aimer la croix et à mourir entièrement à lui-même. De son côté, la vénérable Prieure, édifiée des progrès de son fils spirituel, n’hésita pas à lui ouvrir son cœur et se confessa à lui. Elle lui dit un jour : « Autrefois, je vous ai regardé comme l’enfant de mes larmes, en priant pour votre conversion ; maintenant, je vous regarde comme mon Père ». Elle lui prédit les principaux événements de sa vie et annonça, entre autres choses, que Dieu formerait par lui un grand nombre d’ecclésiastiques, que la Sainte Vierge le chérissait beaucoup, et qu’il aurait de grandes croix.
Sur les entrefaites, M. Olier fut rappelé à Paris pour une affaire très importante. La Mère Agnès ressentit une vive douleur à la nouvelle de son départ. Mais elle accepta ce sacrifice, pressa même son très cher frère d’obéir fidèlement et diligemment à la volonté divine. En prenant congé d’elle, le 12 octobre 1634, M. Olier l’entendit s’écrier : « Adieu, parloirs, je ne vous reverrai plus ». C’était annoncer sa fin prochaine.
Aussitôt elle se rendit au chœur, et là, épanchant son âme devant son divin Époux : « Eh ! mon Dieu, dit-elle en versant des larmes brûlantes, que m’avez-vous fait ? Vous m’aviez donné un homme selon mon cœur, et vous me l’avez ôté. Eh bien, mon Tout, que votre très sainte volonté soit faite ». Puis elle pria Dieu de la retirer de ce monde. « Mon cher Epoux et ami, dit-elle, j’ai accompli par votre grâce l’œuvre que vous et votre sainte Mère m’aviez confiée, et pour laquelle vous avez voulu que je demeurasse encore sur là terre. Maintenant, tirez-moi à vous et donnez-moi place parmi ceux qui vous bénissent et vous adorent sans cesse ; car si vous ne le faites, je crois que je mourrai de langueur à chaque moment. Je vous remercie d’avoir écouté mes prières, et de m’avoir donné et fait voir celui que vous désiriez que je procurasse à votre Église. L’ayant vu et le sachant à vous, laissez aller mon esprit en paix. Je ne vous demande pas que vous le tiriez avec moi de ce monde, m’ayant fait voir qu’il vous devait rendre de grands services dans votre Église. Préservez-le du mal, ayez-le sous votre protection ; faites-lui la grâce de n’aimer que vous, de n’être possédé que de votre esprit et de ne vivre que de votre vie. Ce sont les prières que vous fait votre pauvre servante, résolue de ne bouger d’ici que vous ne l’ayez exaucée ».
Sur là demande de la Mère Agnès, qui lui écrivit à ce sujet, le Père de Condren, Supérieur de l’Oratoire, se chargea de la conduite spirituelle de M. Olier. Il le détourna de l’épiscopat, qu’on voulait lui faire accepter, et le prépara à sa grande mission de directeur de Séminaire. Quelques années plus tard, en effet, M. Olier, réalisant la prédiction d’Agnès de Jésus, jetait les premiers fondements des Séminaires du royaume de France, en instituant, à Vaugirard, un Séminaire et une Compagnie de prêtres qui, transférés peu après à Paris, sur la paroisse Saint-Sulpice, reçurent les noms de Séminaire et de Prêtres de Saint-Sulpice.
Lui-même, au souvenir de sa Mère spirituelle, et par reconnaissance pour l’Ordre de Saint-Dominique auquel il devait tant, revêtit solennellement l’habit de Tertiaire l’an 1651 ; avec plusieurs de ses premiers collaborateurs.
XIV
Il y avait longtemps que la vénérable Agnès de Jésus soupirait après l’heure où, quittant la terre, elle irait se joindre pour jamais au Bien-aimé de son cœur. Déjà nous l’avons vue écrire au P. Boyre, son premier directeur : « Je voudrais aimer Dieu tout mon soûl... Ce désir me rend toute languissante et me fait souhaiter ardemment de sortir, de cette vie ; afin de jouir un peu de cet amour... »
Toujours humble, et redoutant l’illusion jusque dans ce désir, elle lui écrivait, durant fêté de 1634, pour demander s’il regardait son impatience de mourir comme venant de Dieu. Le savant Religieux la rassura, et Agnès; en recevant sa réponse, s’écria devant ses filles réunies : « Voilà une lettre uniquement pour moi ». Dès lors, on remarqua en elle un recueillement plus profond et des aspirations plus fréquentes vers le terme de son pèlerinage terrestre.
Le 12 octobre 1634, le jour même de son dernier entretien avec M. Olier elle tomba gravement malade. Les médecins crurent à une inflammation de poitrine et employèrent des remèdes énergiques. Ce fut sans succès. Ils avouèrent bientôt que ce mal dépassait leur science et était dû en grande partie aux excès de l’amour divin qui dévorait cette sainte âme.
Quant à la vénérée Prieure, ferme, inébranlable, ne laissant échapper aucune plainte, plus heureuse de se voir sur le Calvaire que sur le Thabor, elle répétait souvent : « O mon Dieu, ô mon doux et amoureux Jésus, soyez béni mille fois ! ou souffrir ou mourir ! »
Acceptant par condescendance les potions les plus amères, elle disait agréablement : « La charité a si bonne main, que tout ce qu’elle apprête est délicieux ». Son visage exprimait une tranquillité extraordinaire, bien qu’elle endurât des souffrances capables, déclarait-elle un jour, de faire concevoir une idée des peines de l’enfer.
Au plus fort de la douleur, elle s’écriait en regardant son crucifix : « Jésus, mon amour, miséricorde à la pauvre Agnès ». D’autres fois elle s’adressait à la Mère de Dieu et lui disait : « Sainte Vierge, priez pour moi, s’il vous plaît, ayez pitié de votre pauvre esclave ».
Durant cette dernière maladie, l’humilité et la charité de la sainte Prieure ne parurent pas moins que sa patience. L’empressement de ses filles à la soigner la couvrait de confusion et de reconnaissance. Les voyait-elle pleurer autour de son lit, elle les consolait avec une tendresse toute maternelle. Une nuit, la Religieuse qui la veillait, craignant un prochain dénouement, la pria de prouver bon qu’elle allât réveiller les Sœurs : « Non, non, dit la malade, laissez reposer ces pauvres enfants, elles sont assez affligées ».
La violence de la fièvre ne permettant pas qu’on la fît trop parler, les bonnes Religieuses étaient dans une crainte continuelle de la fatiguer. Aussi, n’osant entrer dans la chambre, elles se tenaient à la porte, pour y répandre leurs larmes avec plus de liberté. L’affection de la vénérable Mère pour ses filles ne put permettre leur éloignement. Elle voulut qu’elles vinssent les unes après les autres; et elle les écoutait, les animait à la pratique de la vertu, leur recommandait la fidélité aux saints engagements de leur profession.
Le démon, cependant, voyant qu’il lui restait peu de temps, attaqua violemment celle qui l’avait si souvent couvert de honte ; mais ses efforts furent inutiles. Agnès triompha glorieusement du prince des ténèbres, en disant avec un geste de mépris : « Je te renonce, Satan ». Elle eut ensuite une longue extase, dans laquelle Dieu lui fit connaître bien des crimes qui se commettaient, notamment à Paris.
La sainte malade s’affaiblissait. Le 15 et le 18 octobre, elle reçut la sainte Communion, dans les sentiments d’une âme déjà mûre pour le ciel. Nonobstant son extrême faiblesse, elle se leva pour adorer et recevoir plus respectueusement son Bien-aimé. Le même jour, on lui administra l’Extrême-Onction, et le jeudi 19, au matin, elle communia encore en Viatique. Le désir de s’unir à Dieu pour toujours la pressait de plus en plus, et elle se plaignait amoureusement de la prolongation de son exil. « Une heure m’en dure mille », s’écriait-elle parfois ; et réprimant ce désir lui-même, si saint qu’il fût : « Vivre tant que Dieu voudra, reprenait-elle, et mourir quand il lui plaira ».
Les Religieuses du monastère, comme aussi les habitants de Langeac, plongées dans une affliction profonde, multipliaient les prières, faisaient des vœux afin d’obtenir la conservation d’une santé si précieuse. La marquise de Langeac, qui, à titre de bienfaitrice insigne, avait obtenu de l’évêque de Saint-Flour la permission d’entrer dans la clôture, vint, le 18 octobre, visiter la malade. Elle lui dit en pleurant qu’elle avait promis d’aller pour elle en pèlerinage à Notre-Dame du Puy et d’y laisser son pesant de cire. « Je vous remercie, Madame, répondit Agnès, mais je mourrai demain, qui est le jour de votre fête ».
Le ciel, en effet, disputait à la terre ce riche trésor. Les Religieuses, ayant perdu tout espoir, ne songèrent plus qu’à exposer à leur vénérée Supérieure leurs nécessités spirituelles, afin qu’elle les soulageât du séjour de la gloire. Agnès se prêta à leurs épanchements, et les voyant rassemblées autour de sa couche, leur adressa des paroles pleines de charité. Elle les remercia de la patience qu’elles avaient mise à la supporter onze ans dans leur compagnie. Par un excès d’humilité, elle osa qualifier d’hypocrisie tout ce qui avait paru de bon dans sa conduite, défendit à ses filles de lui rendre des honneurs particuliers après sa mort, enfin les exhorta à garder entre elles la paix et l’union, et à observer très exactement tout ce qui est prescrit dans les Constitutions. Attendries par ces dernières paroles et ne pouvant retenir leurs sanglots, les pauvres Sœurs tombèrent à genoux, suppliant leur Mère de donner à toutes sa bénédiction.
La mourante, levant les yeux et les mains au ciel, conjura Notre-Seigneur et sa divine Mère de bénir ses filles éplorées, et promit en même temps qu’elle ne les oublierait jamais. Elle leur dit enfin : « Adieu, mes filles, à Dieu ! »
Aussitôt après, sans rien perdre de sa lucidité d’esprit et de sa sérénité de visage, la sainte malade entra dans une douce agonie ; on surprenait sur ses lèvres d’amoureux colloques avec son Jésus. Ses gestes et son maintien recueilli firent assez comprendre qu’elle était honorée de la visite de quelques habitants du ciel, venus pour recevoir son âme et la porter devant le trône de Dieu. Sa précieuse mort arriva vers dix heures du matin, le jeudi 19 octobre 1634, jour où l’on célébrait alors, dans l’Ordre de Saint-Dominique, la fête de saint Louis Bertrand, pour lequel Agnès de Jésus avait une particulière dévotion.
Sitôt qu’elle eut expiré, son visage parut d’une beauté surprenante ; cette beauté augmenta le lendemain, lorsqu’on exposa les restes de la vénérable Mère dans le chœur des Religieuses, auprès de la grille. La bouche était fraîche et les lèvres souriantes. Le marquis de Langeac, voulant faire prendre le portrait de cette grande servante de Dieu, fit venir du Puy un peintre de talent, nommé Solvin. Mais l’humble Religieuse qui, de son vivant, avait eu horreur de tout ce qui pouvait lui être honorable, ne permit point que le pieux dessein réussît : les traits de son visage se décomposèrent à tel point, que l’artiste ne put saisir aucune ressemblance. A peine fut-il parti, que la figure reprit sa première beauté. Les mains et les pieds également devinrent transparents comme le cristal : ce qui ravit d’admiration tous les assistants.
La mort de Sœur Agnès de Jésus, divulguée dans la ville de Langeac, y causa un deuil universel : les petits enfants eux-mêmes pleuraient à chaudes larmes. De toutes parts on accourut au monastère pour contempler la dépouille mortelle de la Sainte et y faire toucher des objets de piété.
Les funérailles furent célébrées le lendemain avec toute la solennité compatible avec la douleur commune, et le saint cadavre fut porté au Chapitre pour y recevoir là sépulture ordinaire. Mais, au moment de fermer le cercueil, on constata que le côté gauche de la poitrine était d’une chaleur intense. On jugea opportun de surseoir à l’inhumation, et pendant cinq jours le corps virginal de la M. Agnès resta exposé, exhalant une suave odeur et conservant la beauté de Visage qui s’était produite immédiatement après le trépas. Des chirurgiens, appelés pour examiner le phénomène de cette chaleur extraordinaire, découvrirent diverses autres merveilles et déclarèrent y voir une cause surnaturelle et divine. On descendit enfin le cercueil dans le caveau creusé pour la sépulture des Religieuses ; mais, quelques années après, Dieu opérant des miracles pour glorifier sa servante, Mgr de Noailles, évêque de Saint-Flour, fit placer, le corps de la Mère Agnès dans un tombeau élevé du sol.
Le jour même de la mort de la vénérable Mère, M. Olier, voyageant à cheval aux environs de Paris, fut inopinément renversé de sa monture. Il attribua cette chute à un châtiment, parce que, peu d’instants avant, ayant rencontré un villageois sur le chemin, il ne l’avait pas évangélisé, contrairement à sa pieuse habitude. Tandis qu’il s’en humiliait devant Dieu, un Ange, merveilleux de beauté, vint fondre sur lui,-pour employer ses expressions, et le couvrit de ses immenses ailes comme pour marquer qu’il le prenait sous sa protection. En même temps, le saint prêtre entendit la voix de son Ange gardien lui disant : « Honore bien cet Ange ; c’est un des plus grands qui soient donnés à la créature sur terre ».
Quelques jours après, l’abbé de Pébrac eut l’explication du mystère. Il confessait dans l’église Saint-Paul, à Paris, quand on lui apporta une lettre annonçant la mort de la Mère Agnès. Pénétré de douleur, il alla se prosterner devant le Très Saint Sacrement, gémissant aux pieds du Seigneur et implorant dans le ciel sa douce et insigne bienfaitrice. Tout à coup il distingua ces paroles au fond de son âme : « Ne t’afflige pas, je t’ai laissé mon Ange ». Dès lors, il lui devint impossible de s’abîmer dans la tristesse et, recueillant ses souvenirs, il s’aperçut que le jour et l’heure de l’apparition de l’Ange aux ailes déployées était le moment exact où la servante de Dieu avait passé à une meilleure vie.
Fêtée le 19 octobre.
Ce ne fut pas la seule occasion où la Mère Agnès connut les choses éloignées et futures. Plusieurs autres personnes profitèrent avantageusement de ses lumières. Le servant de messe du monastère de Langeac allait se noyer dans l’Allier. Agnès en fut informée par son Ange gardien, qui lui ordonna de prier pour ce jeune homme. Elle obéit exactement, et l’infortuné, qu’on venait de retirer de l’eau sans donner signe de vie, reprit aussitôt connaissance en présence du Père Panassière et du chanoine Martinon.
Un avocat du Puy que Agnès avait connu autrefois, étant venu à Langeac, se présenta pour la Voir. Avant d’aller au parloir, la servante de Dieu pria le Seigneur de lui inspirer ce qu’elle aurait à dire. Son bon Ange promit de l’assister. A peine fut-elle en présence du visiteur que la conscience de cet homme lui devint transparente, et .sur-le-champ Agnès l’avertit d’avoir à confesser tels péchés dont il était coupable. L’avocat fut docile à cet avis, et de retour au Puy, raconta au Père Boyre ce qui lui était arrivé.
Une jeune demoiselle, sur le point de se marier, fut recommandée aux prières de la Mère Agnès. Celle-ci connut par révélation que cette personne entrait dans l’état du mariage par des considérations nullement chrétiennes, et que tout avertissement serait inutile. L’épouse du Christ se contenta de garder le silence. L’infortunée jeune femme mourut au bout de sept mois, accablée de malheurs et de chagrins.
Le fait suivant ne mérite pas moins d’attention.
Une jeune fille des environs de Langeac, appelée Marguerite, après avoir passé quelque temps dans le monastère, en était sortie par une protection spéciale de Dieu sur cette maison. Elle était pleine de suffisance et d’orgueil, et comme par ailleurs elle avait un extérieur suffisamment réglé, le démon abusa de cette disposition pour persuader à la malheureuse qu’elle était appelée à une sainteté éminente. Il lui procura des visions pleines de douceur, lui imprima enfin aux pieds, aux mains et au côté, certains stigmates d’où coulaient, dit-on, quelques gouttes de sang.
Marguerite, toujours infatuée d’elle-même, ne fut pas sensiblement affligée de cette faveur apparente, et alla jusqu’à la divulguer. Aussitôt nombre de personnes de la ville, et même des ecclésiastiques, rendirent visite à la sainte, afin de baiser ses plaies. Le confesseur d’Agnès entra dans ce sentiment ; mais la vénérable Mère, instruite à l’école de l’humilité, et éclairée d’ailleurs de lumières particulières, condamna d’hypocrisie tout ce dehors si bien composé, et déclara la visionnaire trompée par le démon. Une visite de la fausse dévote la confirma dans sa pensée. Agnès ayant demandé à voir une de ses plaies, la stigmatisée s’empressa d’avancer la main au travers de la grille ; mais, s’apercevant que la Mère Agnès voulait avec la pointe d’un couteau sonder la plaie, elle retira promptement la main, pour s’épargner une souffrance.
La servante de Dieu, qui déplorait et l’aveuglement de la pauvre abusée et l’obstination de son confesseur, priait de toute son âme afin de convertir la première et d’éclairer le second. Tout fut inutile : elle s’attifa même des mortifications sensibles de la part du Père Panassière, opiniâtre pour voir l’esprit de Dieu dans la conduite de cette affaire. Enfin l’erreur fut découverte par l’adresse du Père Boyre, lequel présentai la voyante un écrit, contenant une hérésie grossière, et la pria défaire approuver la rédaction par Notre-Seigneur, quand il lui apparaîtrait. La dévote prit le papier avec joie et le rapporta quelques jours après, signé de Jésus-Christ avec le sang d’une de ses plaies. Le Père Boyre essaya, mais en vain, de ramener cette malheureuse ; et Dieu permit qu’elle tomba dans une faute honteuse qui la discrédita pour jamais.
Agnès de Jésus connut encore plusieurs fois l’intérieur de ceux qui la consultaient.
Un jeune homme, indécis sa vocation demanda dans quelle Religion il devait entrer : « Dans le saint Ordre des Chartreux, répondit-elle, c’est là que Dieu vous appelle ». Le jeune homme obéit, et trouva tant de paix dans ce monastère qu’il lui écrivit, afin de la remercier de son conseil.
Une jeune fille en butte à une tentation secrète, qu’elle ne voulait déclarer à personne, eut le bonheur d’entretenir la servante de Dieu. Celle-ci lui découvrit les secrets de son cœur et l’avertit que Dieu la voulait dans le monastère de Langeac, où elle entra en effet.
Ce fut encore par le conseil de la vénérable Mère qu’une novice du monastère fut raffermie dans sa vocation, sur cette parole qu’elle lui fit dire par son confesseur : « Ma fille, aimez davantage votre saint habit ». M. Martinon, qu’elle préserva de la mort en l’avertissant de se retirer au plus tôt d’une galerie qui s’effondra dès qu’il en fut sorti, a publiquement avoué que la Mère Agnès avait une parfaite connaissance de son intérieur et l’avertissait de ses défauts et de ses imperfections, même les plus légères.
Enfin on était si intimement persuadé, dans le monastère, que l’épouse du Christ avait le don de pénétrer les cœurs qu’une des principales raisons alléguées par les Religieuses pour l’élire Supérieure, c’est que, connaissant déjà leurs pensées, elle les gouvernerait avec plus de sûreté et de profit pour leurs âmes.
Dieu accorda encore à sa servante une onction particulière pour instruire les ignorants, toucher les cœurs endurcis et réconcilier les personnes divisées. Elle prit un soin particulier du jeune enfant dont elle avait guéri les ulcères, et lui inspira une piété si solide qu’on le regardait dans Langeac comme un petit saint. Celui aussi qu’elle empêcha par ses prières d’être asphyxié dans la rivière, prit plus tard l’habit de Capucin, par l’avis et le conseil de la vénérable Mère. Un homme traitait sa femme avec une telle brutalité que la malheureuse paraissait tous les jours en péril de mort. Agnès le fit venir à la grille, et lui parla avec autant de tendresse que de force. Mais l’endurci ne voulut rien entendre et sertit brusquement. Lès prières de l’épouse du Christ obtinrent ce que sa parole n’avait pu opérer. Cet homme était à dix pas à peine du monastère que rentrant en lui-même il retourne à la grille, où l’attendait Agnès, et lui promet de changer de vie.
Elle obtint un succès semblable auprès d’une jeune fille qui, ayant l’habitude invétérée de dérober tout ce qui lui tombait sous la main, causait de grands chagrins à sa famille. Prières, remontrances, menaces, châtiments, rien n’arrêtait cette funeste inclination. Seule, la Mère Agnès réussit à convertir la petite voleuse, par une simple conversation.
Dieu daigna l’honorer encore du don de prophétie et du don des miracles. Déjà nous en avons dit un mot : complétons le sujet.
Le Supérieur des Bénédictins de l’abbaye de Saint-Pierre avait un grave démêlé avec l’évêque:du Puy touchant la juridiction. Agnès de Jésus l’assura qu’après bien des difficultés, il finirait par avoir gain de cause : ce qui arriva.
Une Religieuse du monastère se désolait grandement de ce que ses infirmités l’empêchaient de suivre les exercices de communauté et même de réciter son Office en particulier : « Consolez-vous, lui dit Agnès, vos forces reviendront ». II en fut ainsi.
Une jeune demoiselle demandait l’habit ; mais son père s’y opposait, sans que les prières, les larmes de la jeune fille, les observations de personnes sérieuses pussent le fléchir. Agnès, alors Prieure, dit à la postulante : « Mon enfant, ne craignez rien, cela ne durera pas; le bon Dieu retirera bientôt votre père de ce monde ». La prédiction se vérifia, et la jeune fille, entrée au monastère, devint la Mère Jeanne de la Croix, dont nous avons parlé à la date du 27 septembre.
Quant au don des miracles, la servante de Dieu en fut honorée dès son enfance. Un plat de terre, lui ayant échappé des mains, se brisa en mille pièces. Pour épargner à ses parents une très vive contrariété, elle obtint de la toute-puissance divine que le plat fût miraculeusement raccommodé.
Vers douze ans, trouvant dans la campagne un paysan grièvement blessé, elle pria la Sainte Vierge de le guérir, et toucha de ses mains les plaies du malheureux. Elles se fermèrent à l’instant. Agnès, surprise d’une si prompte guérison et craignant qu’on ne la lui attribuât, alla chercher du vinaigre, en frotta les cicatrices du blessé et le congédia en parfaite santé.
Gabrielle Jacques raconte dans ses Mémoires qu’étant allée un jour avec Agnès hors de la ville, elle sentit tout à coup aux yeux une douleur si vive qu’elle ne voyait plus à se conduire. « Je priai ma chère compagne, ajoute-t-elle, de faire sur mes pauvres yeux le signe de la croix. Mais elle s’excusa en s’appelant une grande pécheresse. Je la conjurai, au nom de la charité, de m’aider au moins à marcher. Sitôt que j’eus pris sa main, je la portai à mes yeux et y traçai le signe de la croix. Incontinent toute douleur cessa, et je vis aussi clair qu’auparavant ».
L’an 1625, la rivière qui coulait près du monastère, ayant grossi d’une manière subite, donna lieu de craindre que le mur du jardin ne s’écroulât. Agnès, voyant le danger, se mit en prières et la rivière ne causa aucun dommage, bien qu’aux alentours l’impétuosité du courant emportât des habitations.
Un homme du Puy, appelé Barthélemy, qui s’était cassé la jambe en tombant de cheval, fut guéri en peu de jours, après s’être recommandé par lettre à la servante de Dieu.
Il est reconnu encore que par l’application de son rosaire ou par une simple prière, la Vénérable Mère a délivré plusieurs possédés, guéri divers malades désespérés, obtenu une pluie bienfaisante à l’époque d’une grande sécheresse, assaini les fruits de la terre gâtés par les mauvaises saisons, préservé la ville de Langeac de la peste qui ravageait les environs, conservé la vie à plusieurs Religieuses de son monastère menacées de la perdre à la suite d’hémorragies, dissipé l’infection qu’exhalait le corps d’une Sœur inhumée au Chapitre dans une fosse trop peu profonde.
Pour tout résumer d’un mot on peut dire que cette fidèle amante de Jésus-Christ semblait avoir en mains la toute-puissance de son divin Époux.
XIII
Cependant les Religieuses de Langeac qui, sous l’empire d’un fatal aveuglement, avaient sans motif fait déposer leur sainte Prieure, ne tardèrent pas à en concevoir un vif regret. L’humilité, la simplicité, la vraie piété de Sœur Agnès, qu’elles avaient osé traiter d’hypocrite leur ouvrirent les yeux, et elles cherchèrent tous les moyens possibles de lui témoigner leur repentir et leur confiance. Elles n’eurent pas grand’peine à rentrer dans des bonnes grâces de celle qui les avait toujours aimées avec une tendresse de mère. Mais, étant persuadées qu’elles avaient donné au dehors un très mauvais exemple par leurs discours- imprudents, elles crurent de leur devoir d’effacer les impressions fâcheuses, conçues par les séculiers, sur leur ancienne Supérieure. Afin de confirmer par des faits la vérité des louanges qu’elles lui décernaient en toute rencontre, elles l’instituèrent Maîtresse des novices, pour la seconde fois, puis Sous-Prieure, enfin Prieure du monastère, trois ans après son humiliante déposition.
Cette élévation raviva l’affliction de l’humble Sœur : elle versa beaucoup de larmes et supplia l’évêque de Saint-Flour de refuser sa confirmation. Mais la volonté divine se déclarait manifestement : Agnès dut prendre en mains le gouvernement de la communauté, et l’exerça deux années encore avec grand profit pour ses filles.
C’est principalement pendant cette période que son influence surnaturelle s’étendit extraordinairement au dehors du monastère, et que s’accomplirent un grand nombre des faits relatés en dernier lieu.
Il reste maintenant à rapporter la mission providentielle que la. Mère Agnès eut à remplir auprès de l’illustre fondateur des Prêtres de Saint-Sulpice.
Jean-Jacques Olier, fils d’un conseiller au Parlement de Paris, était entré de bonne heure dans l’état ecclésiastique. A dix-huit ans, nommé abbé commendataire de l’abbaye de Pébrac, située dans une solitude à deux lieues de Langeac, il mena quelque temps la vie mondaine des jeunes clercs de cette époque pourvus de bénéfices en usufruit. Les prières d’une sainte veuve lui Valurent la grâce d’une première conversion, qui s’acheva à la Santa-Casa de Notre-Dame de Lorette ; mais Dieu, qui l’appelait à une plus haute sainteté, à raison de l’œuvre éminente à laquelle il le destinait, choisit Agnès de Jésus pour être l’instrument de sa seconde et parfaite conversion. Voici, en abrégé, comment elle reçut et accomplit cette mission.
Un jour que la Mère demandait avec larmes la dissolution de son corps pour aller à Jésus-Christ, Notre-Seigneur lui dit : « Tu m’es encore nécessaire pour la sanctification d’une âme qui doit servir à ma gloire ». Une autre fois, en l’année 1631, elle connut plus clairement la volonté divine. Comme elle priait pour la conversion des pécheurs, et spécialement pour les habitants de l’Auvergne plongés, en grand nombre, dans l’ignorance et l’iniquité, la Sainte Vierge lui apparut et lui dit : « Prie mon Fils pour l’abbé de Pébrac ».
La servante de Dieu ne connaissait aucunement M. Olier ; mais, comprenant que le Seigneur avait sur lui de grands desseins, il n’est prières, larmes, pénitences auxquelles elle n’eut recours pendant trois années entières, pour lui obtenir la sainteté nécessaire à sa mission dans l’Eglise.
Pendant ce temps, le jeune abbé recevait les saints ordres, se mettait sous la direction de saint Vincent de Paul ; se joignait même aux prêtres de la Congrégation de la Mission pour aller évangéliser avec eux les habitants des campagnes. Bientôt il résolut d’aller prêcher des missions dans les paroisses d’Auvergne qui dépendaient de son abbaye, et pour remplir ce ministère avec plus de fruit, voulut s’y préparer par une retraite sérieuse dans la maison de Saint-Lazare.
Un jour qu’il faisait oraison dans sa chambre, il aperçût près de lui une Religieuse qui semblait venir du ciel. D’une main elle tenait un crucifix, de l’autre un chapelet. Un Ange, admirablement beau, portait l’extrémité de son manteau de chœur, et recueillait sur un mouchoir les larmes dont son visage était baigné : « Je pleure pour toi », dit la merveilleuse apparition. Ces paroles, en tombant sur M. Olier, firent couler en son âme une douce tristesse, comme lui-même le déclare dans une relation écrite par ordre de son directeur.
« Cette sainte âme, ajoute-t-il, revint une autre fois, à peu de temps de là, pour me confirmer dans ladite vue, et je l’ai aussi présente à l’esprit que si je la voyais encore ».
Comme preuves évidentes de son apparition, elle lui laissa le crucifix qu’elle tenait à la main, et son mouchoir « tout plein de saintes larmes ».
La retraite finie, l’Abbé de Pébrac quitta Paris avec les prêtres qui devaient seconder son apostolat en Auvergne. A mesure qu’ils avancent, les zélés missionnaires apprennent des populations les faits merveilleux dont le monastère de Langeac est le théâtre. M. Olier sent naître en son cœur l’espoir de retrouver là celle qui verse pour lui des larmes si abondantes, et il se rend à Langeac. Il entrait dans une hôtellerie de cette ville, lorsqu’une Sœur tourière vient le saluer au nom de la Mère Prieure. De plus en plus étonné, M. Olier se présente au monastère sitôt qu’il le peut. Ce jour-là, Sœur Agnès ne put quitter l’infirmerie; mais, à la grande surprise des Religieuses, elle envoya son chapelet au prêtre étranger. Après quelques visites infructueuses, celui-ci fut enfin reçu. La Mère Agnès entra au parloir, le voile baissé selon sa coutume. L’entretien commencé, M. Olier la prie humblement de lever son voile. « Ma Mère, s’écrie-t-il, je vous ai vue ailleurs ». Agnès répond simplement : « Cela est vrai, vous m’avez vue deux fois à Paris, où je vous ai apparu dans votre retraite à Saint-Lazare, parce que j’avais reçu de la Très Sainte Vierge l’ordre de prier pour votre conversion, Dieu vous ayant destiné à jeter les premiers fondements des séminaires du royaume de France ».
De ce moment s’établirent entre ces deux grandes âmes les plus nobles et les plus saintes relations. Pendant les six mois qu’il passa en Auvergne, M. Olier visita souvent la Mère Agnès et apprit d’elle à se corriger de ses moindres imperfections, à aimer la croix et à mourir entièrement à lui-même. De son côté, la vénérable Prieure, édifiée des progrès de son fils spirituel, n’hésita pas à lui ouvrir son cœur et se confessa à lui. Elle lui dit un jour : « Autrefois, je vous ai regardé comme l’enfant de mes larmes, en priant pour votre conversion ; maintenant, je vous regarde comme mon Père ». Elle lui prédit les principaux événements de sa vie et annonça, entre autres choses, que Dieu formerait par lui un grand nombre d’ecclésiastiques, que la Sainte Vierge le chérissait beaucoup, et qu’il aurait de grandes croix.
Sur les entrefaites, M. Olier fut rappelé à Paris pour une affaire très importante. La Mère Agnès ressentit une vive douleur à la nouvelle de son départ. Mais elle accepta ce sacrifice, pressa même son très cher frère d’obéir fidèlement et diligemment à la volonté divine. En prenant congé d’elle, le 12 octobre 1634, M. Olier l’entendit s’écrier : « Adieu, parloirs, je ne vous reverrai plus ». C’était annoncer sa fin prochaine.
Aussitôt elle se rendit au chœur, et là, épanchant son âme devant son divin Époux : « Eh ! mon Dieu, dit-elle en versant des larmes brûlantes, que m’avez-vous fait ? Vous m’aviez donné un homme selon mon cœur, et vous me l’avez ôté. Eh bien, mon Tout, que votre très sainte volonté soit faite ». Puis elle pria Dieu de la retirer de ce monde. « Mon cher Epoux et ami, dit-elle, j’ai accompli par votre grâce l’œuvre que vous et votre sainte Mère m’aviez confiée, et pour laquelle vous avez voulu que je demeurasse encore sur là terre. Maintenant, tirez-moi à vous et donnez-moi place parmi ceux qui vous bénissent et vous adorent sans cesse ; car si vous ne le faites, je crois que je mourrai de langueur à chaque moment. Je vous remercie d’avoir écouté mes prières, et de m’avoir donné et fait voir celui que vous désiriez que je procurasse à votre Église. L’ayant vu et le sachant à vous, laissez aller mon esprit en paix. Je ne vous demande pas que vous le tiriez avec moi de ce monde, m’ayant fait voir qu’il vous devait rendre de grands services dans votre Église. Préservez-le du mal, ayez-le sous votre protection ; faites-lui la grâce de n’aimer que vous, de n’être possédé que de votre esprit et de ne vivre que de votre vie. Ce sont les prières que vous fait votre pauvre servante, résolue de ne bouger d’ici que vous ne l’ayez exaucée ».
Sur là demande de la Mère Agnès, qui lui écrivit à ce sujet, le Père de Condren, Supérieur de l’Oratoire, se chargea de la conduite spirituelle de M. Olier. Il le détourna de l’épiscopat, qu’on voulait lui faire accepter, et le prépara à sa grande mission de directeur de Séminaire. Quelques années plus tard, en effet, M. Olier, réalisant la prédiction d’Agnès de Jésus, jetait les premiers fondements des Séminaires du royaume de France, en instituant, à Vaugirard, un Séminaire et une Compagnie de prêtres qui, transférés peu après à Paris, sur la paroisse Saint-Sulpice, reçurent les noms de Séminaire et de Prêtres de Saint-Sulpice.
Lui-même, au souvenir de sa Mère spirituelle, et par reconnaissance pour l’Ordre de Saint-Dominique auquel il devait tant, revêtit solennellement l’habit de Tertiaire l’an 1651 ; avec plusieurs de ses premiers collaborateurs.
XIV
Il y avait longtemps que la vénérable Agnès de Jésus soupirait après l’heure où, quittant la terre, elle irait se joindre pour jamais au Bien-aimé de son cœur. Déjà nous l’avons vue écrire au P. Boyre, son premier directeur : « Je voudrais aimer Dieu tout mon soûl... Ce désir me rend toute languissante et me fait souhaiter ardemment de sortir, de cette vie ; afin de jouir un peu de cet amour... »
Toujours humble, et redoutant l’illusion jusque dans ce désir, elle lui écrivait, durant fêté de 1634, pour demander s’il regardait son impatience de mourir comme venant de Dieu. Le savant Religieux la rassura, et Agnès; en recevant sa réponse, s’écria devant ses filles réunies : « Voilà une lettre uniquement pour moi ». Dès lors, on remarqua en elle un recueillement plus profond et des aspirations plus fréquentes vers le terme de son pèlerinage terrestre.
Le 12 octobre 1634, le jour même de son dernier entretien avec M. Olier elle tomba gravement malade. Les médecins crurent à une inflammation de poitrine et employèrent des remèdes énergiques. Ce fut sans succès. Ils avouèrent bientôt que ce mal dépassait leur science et était dû en grande partie aux excès de l’amour divin qui dévorait cette sainte âme.
Quant à la vénérée Prieure, ferme, inébranlable, ne laissant échapper aucune plainte, plus heureuse de se voir sur le Calvaire que sur le Thabor, elle répétait souvent : « O mon Dieu, ô mon doux et amoureux Jésus, soyez béni mille fois ! ou souffrir ou mourir ! »
Acceptant par condescendance les potions les plus amères, elle disait agréablement : « La charité a si bonne main, que tout ce qu’elle apprête est délicieux ». Son visage exprimait une tranquillité extraordinaire, bien qu’elle endurât des souffrances capables, déclarait-elle un jour, de faire concevoir une idée des peines de l’enfer.
Au plus fort de la douleur, elle s’écriait en regardant son crucifix : « Jésus, mon amour, miséricorde à la pauvre Agnès ». D’autres fois elle s’adressait à la Mère de Dieu et lui disait : « Sainte Vierge, priez pour moi, s’il vous plaît, ayez pitié de votre pauvre esclave ».
Durant cette dernière maladie, l’humilité et la charité de la sainte Prieure ne parurent pas moins que sa patience. L’empressement de ses filles à la soigner la couvrait de confusion et de reconnaissance. Les voyait-elle pleurer autour de son lit, elle les consolait avec une tendresse toute maternelle. Une nuit, la Religieuse qui la veillait, craignant un prochain dénouement, la pria de prouver bon qu’elle allât réveiller les Sœurs : « Non, non, dit la malade, laissez reposer ces pauvres enfants, elles sont assez affligées ».
La violence de la fièvre ne permettant pas qu’on la fît trop parler, les bonnes Religieuses étaient dans une crainte continuelle de la fatiguer. Aussi, n’osant entrer dans la chambre, elles se tenaient à la porte, pour y répandre leurs larmes avec plus de liberté. L’affection de la vénérable Mère pour ses filles ne put permettre leur éloignement. Elle voulut qu’elles vinssent les unes après les autres; et elle les écoutait, les animait à la pratique de la vertu, leur recommandait la fidélité aux saints engagements de leur profession.
Le démon, cependant, voyant qu’il lui restait peu de temps, attaqua violemment celle qui l’avait si souvent couvert de honte ; mais ses efforts furent inutiles. Agnès triompha glorieusement du prince des ténèbres, en disant avec un geste de mépris : « Je te renonce, Satan ». Elle eut ensuite une longue extase, dans laquelle Dieu lui fit connaître bien des crimes qui se commettaient, notamment à Paris.
La sainte malade s’affaiblissait. Le 15 et le 18 octobre, elle reçut la sainte Communion, dans les sentiments d’une âme déjà mûre pour le ciel. Nonobstant son extrême faiblesse, elle se leva pour adorer et recevoir plus respectueusement son Bien-aimé. Le même jour, on lui administra l’Extrême-Onction, et le jeudi 19, au matin, elle communia encore en Viatique. Le désir de s’unir à Dieu pour toujours la pressait de plus en plus, et elle se plaignait amoureusement de la prolongation de son exil. « Une heure m’en dure mille », s’écriait-elle parfois ; et réprimant ce désir lui-même, si saint qu’il fût : « Vivre tant que Dieu voudra, reprenait-elle, et mourir quand il lui plaira ».
Les Religieuses du monastère, comme aussi les habitants de Langeac, plongées dans une affliction profonde, multipliaient les prières, faisaient des vœux afin d’obtenir la conservation d’une santé si précieuse. La marquise de Langeac, qui, à titre de bienfaitrice insigne, avait obtenu de l’évêque de Saint-Flour la permission d’entrer dans la clôture, vint, le 18 octobre, visiter la malade. Elle lui dit en pleurant qu’elle avait promis d’aller pour elle en pèlerinage à Notre-Dame du Puy et d’y laisser son pesant de cire. « Je vous remercie, Madame, répondit Agnès, mais je mourrai demain, qui est le jour de votre fête ».
Le ciel, en effet, disputait à la terre ce riche trésor. Les Religieuses, ayant perdu tout espoir, ne songèrent plus qu’à exposer à leur vénérée Supérieure leurs nécessités spirituelles, afin qu’elle les soulageât du séjour de la gloire. Agnès se prêta à leurs épanchements, et les voyant rassemblées autour de sa couche, leur adressa des paroles pleines de charité. Elle les remercia de la patience qu’elles avaient mise à la supporter onze ans dans leur compagnie. Par un excès d’humilité, elle osa qualifier d’hypocrisie tout ce qui avait paru de bon dans sa conduite, défendit à ses filles de lui rendre des honneurs particuliers après sa mort, enfin les exhorta à garder entre elles la paix et l’union, et à observer très exactement tout ce qui est prescrit dans les Constitutions. Attendries par ces dernières paroles et ne pouvant retenir leurs sanglots, les pauvres Sœurs tombèrent à genoux, suppliant leur Mère de donner à toutes sa bénédiction.
La mourante, levant les yeux et les mains au ciel, conjura Notre-Seigneur et sa divine Mère de bénir ses filles éplorées, et promit en même temps qu’elle ne les oublierait jamais. Elle leur dit enfin : « Adieu, mes filles, à Dieu ! »
Aussitôt après, sans rien perdre de sa lucidité d’esprit et de sa sérénité de visage, la sainte malade entra dans une douce agonie ; on surprenait sur ses lèvres d’amoureux colloques avec son Jésus. Ses gestes et son maintien recueilli firent assez comprendre qu’elle était honorée de la visite de quelques habitants du ciel, venus pour recevoir son âme et la porter devant le trône de Dieu. Sa précieuse mort arriva vers dix heures du matin, le jeudi 19 octobre 1634, jour où l’on célébrait alors, dans l’Ordre de Saint-Dominique, la fête de saint Louis Bertrand, pour lequel Agnès de Jésus avait une particulière dévotion.
Sitôt qu’elle eut expiré, son visage parut d’une beauté surprenante ; cette beauté augmenta le lendemain, lorsqu’on exposa les restes de la vénérable Mère dans le chœur des Religieuses, auprès de la grille. La bouche était fraîche et les lèvres souriantes. Le marquis de Langeac, voulant faire prendre le portrait de cette grande servante de Dieu, fit venir du Puy un peintre de talent, nommé Solvin. Mais l’humble Religieuse qui, de son vivant, avait eu horreur de tout ce qui pouvait lui être honorable, ne permit point que le pieux dessein réussît : les traits de son visage se décomposèrent à tel point, que l’artiste ne put saisir aucune ressemblance. A peine fut-il parti, que la figure reprit sa première beauté. Les mains et les pieds également devinrent transparents comme le cristal : ce qui ravit d’admiration tous les assistants.
La mort de Sœur Agnès de Jésus, divulguée dans la ville de Langeac, y causa un deuil universel : les petits enfants eux-mêmes pleuraient à chaudes larmes. De toutes parts on accourut au monastère pour contempler la dépouille mortelle de la Sainte et y faire toucher des objets de piété.
Les funérailles furent célébrées le lendemain avec toute la solennité compatible avec la douleur commune, et le saint cadavre fut porté au Chapitre pour y recevoir là sépulture ordinaire. Mais, au moment de fermer le cercueil, on constata que le côté gauche de la poitrine était d’une chaleur intense. On jugea opportun de surseoir à l’inhumation, et pendant cinq jours le corps virginal de la M. Agnès resta exposé, exhalant une suave odeur et conservant la beauté de Visage qui s’était produite immédiatement après le trépas. Des chirurgiens, appelés pour examiner le phénomène de cette chaleur extraordinaire, découvrirent diverses autres merveilles et déclarèrent y voir une cause surnaturelle et divine. On descendit enfin le cercueil dans le caveau creusé pour la sépulture des Religieuses ; mais, quelques années après, Dieu opérant des miracles pour glorifier sa servante, Mgr de Noailles, évêque de Saint-Flour, fit placer, le corps de la Mère Agnès dans un tombeau élevé du sol.
Le jour même de la mort de la vénérable Mère, M. Olier, voyageant à cheval aux environs de Paris, fut inopinément renversé de sa monture. Il attribua cette chute à un châtiment, parce que, peu d’instants avant, ayant rencontré un villageois sur le chemin, il ne l’avait pas évangélisé, contrairement à sa pieuse habitude. Tandis qu’il s’en humiliait devant Dieu, un Ange, merveilleux de beauté, vint fondre sur lui,-pour employer ses expressions, et le couvrit de ses immenses ailes comme pour marquer qu’il le prenait sous sa protection. En même temps, le saint prêtre entendit la voix de son Ange gardien lui disant : « Honore bien cet Ange ; c’est un des plus grands qui soient donnés à la créature sur terre ».
Quelques jours après, l’abbé de Pébrac eut l’explication du mystère. Il confessait dans l’église Saint-Paul, à Paris, quand on lui apporta une lettre annonçant la mort de la Mère Agnès. Pénétré de douleur, il alla se prosterner devant le Très Saint Sacrement, gémissant aux pieds du Seigneur et implorant dans le ciel sa douce et insigne bienfaitrice. Tout à coup il distingua ces paroles au fond de son âme : « Ne t’afflige pas, je t’ai laissé mon Ange ». Dès lors, il lui devint impossible de s’abîmer dans la tristesse et, recueillant ses souvenirs, il s’aperçut que le jour et l’heure de l’apparition de l’Ange aux ailes déployées était le moment exact où la servante de Dieu avait passé à une meilleure vie.
Fêtée le 19 octobre.
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Age : 70
Localisation : Vendée (Marie du 85)
Inscription : 12/01/2016
Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
SAINTE
AGNÈS DE MONTEPULCIANO
vierge, religieuse
(1268-1317)
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Sainte Agnès naquit à Graciano-Vecchio, en Italie, en 1268, de parents suffisamment fortunés et très bons chrétiens. Dès l'âge de 9 ans elle entre chez les Religieuses du Sac à Montepulciano, où on lui confiera bientôt la charge d'économe ; à 17 ans elle dirige la construction du couvent à Procéna, où par le bref pontifical elle devient abbesse; à 32 ans elle revient à Montepulciano pour y fonder un couvent de Soeurs Dominicaines, où elle sera prieure. Elle meurt le 20 avril 1317, à l'âge de 49 ans. Son corps, miraculeusement préservé de la corruption du tombeau, repose au Couvent des Dominicaines de Montepulciano. Elle fut béatifiée par Clément VIII en 1608 et canonisée par Benoît XIII en 1726.
Sainte Agnès est avant tout une âme contemplative. Pour elle, Dieu c'est le Bien-Aimé : elle Lui manifeste une amitié sans réserve, une tendresse sans limite, une confiance sans borne; Il la comble de faveurs extraordinaires, répond empressement à ses désirs et satisfait même ses moindres caprices. Aussi la représente-t-on caressant l'Agneau de Dieu qu'elle tient dans ses bras et dont elle porte le nom.
À 4 ans, à l'âge où les enfants ne savent que jouer, sainte Agnès cherchait la solitude pour mieux prier; à 9 ans, à l'âge où déjà les parents fiançaient leur fille, elle obtient de ses parents d'entrer en religion pour être, elle aussi, à son Bien-Aimé. Désormais, sa vie ne sera plus qu'une continuelle oraison.
Un jour qu'elle fut longtemps ravie en extase, l'heure de la Messe passa sans qu'elle ne s'en aperçut. Revenue à elle-même, elle se mit à pleurer de ne pouvoir ce matin-là recevoir son Bien-Aimé. Jésus lui envoie alors porter la Sainte Communion par l'Ange qui L'avait assisté dans Son agonie. C'est encore cet Ange qui viendra lui annoncer les souffrances et la mort qu'elle aura à endurer: "Prends ce calice, ô bien-aimée du Christ, lui dira-t-il, bois comme Lui jusqu'à la lie". Elle prendra la coupe, et la videra, lui semble-t-il, toute entière.
La vie s'en allait, et les religieuses, la voyant mourir, la suppliaient de demander sa guérison. "Si vous m'aimiez vraiment, leur répondit-elle, vous vous réjouiriez de ma mort, puisque je m'en vais à mon Bien-Aimé. Je vous serai plus utile au Paradis qu'ici; ayez confiance, je serai toujours avec vous". Quelques instants après, levant les yeux et les mains vers le Ciel, elle dit avec un sourire ravissant cette dernière parole: "Mon Bien-Aimé est à moi, je ne Le quitterai plus".
René-M. Groleau, O.P., Saints Dominicains, p. 17-18.
AGNÈS DE MONTEPULCIANO
vierge, religieuse
(1268-1317)
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Sainte Agnès naquit à Graciano-Vecchio, en Italie, en 1268, de parents suffisamment fortunés et très bons chrétiens. Dès l'âge de 9 ans elle entre chez les Religieuses du Sac à Montepulciano, où on lui confiera bientôt la charge d'économe ; à 17 ans elle dirige la construction du couvent à Procéna, où par le bref pontifical elle devient abbesse; à 32 ans elle revient à Montepulciano pour y fonder un couvent de Soeurs Dominicaines, où elle sera prieure. Elle meurt le 20 avril 1317, à l'âge de 49 ans. Son corps, miraculeusement préservé de la corruption du tombeau, repose au Couvent des Dominicaines de Montepulciano. Elle fut béatifiée par Clément VIII en 1608 et canonisée par Benoît XIII en 1726.
Sainte Agnès est avant tout une âme contemplative. Pour elle, Dieu c'est le Bien-Aimé : elle Lui manifeste une amitié sans réserve, une tendresse sans limite, une confiance sans borne; Il la comble de faveurs extraordinaires, répond empressement à ses désirs et satisfait même ses moindres caprices. Aussi la représente-t-on caressant l'Agneau de Dieu qu'elle tient dans ses bras et dont elle porte le nom.
À 4 ans, à l'âge où les enfants ne savent que jouer, sainte Agnès cherchait la solitude pour mieux prier; à 9 ans, à l'âge où déjà les parents fiançaient leur fille, elle obtient de ses parents d'entrer en religion pour être, elle aussi, à son Bien-Aimé. Désormais, sa vie ne sera plus qu'une continuelle oraison.
Un jour qu'elle fut longtemps ravie en extase, l'heure de la Messe passa sans qu'elle ne s'en aperçut. Revenue à elle-même, elle se mit à pleurer de ne pouvoir ce matin-là recevoir son Bien-Aimé. Jésus lui envoie alors porter la Sainte Communion par l'Ange qui L'avait assisté dans Son agonie. C'est encore cet Ange qui viendra lui annoncer les souffrances et la mort qu'elle aura à endurer: "Prends ce calice, ô bien-aimée du Christ, lui dira-t-il, bois comme Lui jusqu'à la lie". Elle prendra la coupe, et la videra, lui semble-t-il, toute entière.
La vie s'en allait, et les religieuses, la voyant mourir, la suppliaient de demander sa guérison. "Si vous m'aimiez vraiment, leur répondit-elle, vous vous réjouiriez de ma mort, puisque je m'en vais à mon Bien-Aimé. Je vous serai plus utile au Paradis qu'ici; ayez confiance, je serai toujours avec vous". Quelques instants après, levant les yeux et les mains vers le Ciel, elle dit avec un sourire ravissant cette dernière parole: "Mon Bien-Aimé est à moi, je ne Le quitterai plus".
René-M. Groleau, O.P., Saints Dominicains, p. 17-18.
Béatification - Canonisation
Elle fut béatifiée par Clément VIII en 1608
Et canonisée par Benoît XIII en 1726
Elle fut béatifiée par Clément VIII en 1608
Et canonisée par Benoît XIII en 1726
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Age : 70
Localisation : Vendée (Marie du 85)
Inscription : 12/01/2016
Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
SAINTE
AGOSTINA LIVIA PIETRANTONI
(1864-1894)
Vierge, de la Congrégation des Sœurs de la Charité
de Santa Giovanna Antida Thouret
Une terre... une famille
" Il y avait une fois et il y a encore, avec un nouveau visage, un village nommé Pozzaglia, dans les collines de la Sabine... et il y avait une maison bénie, nid rempli de voix enfantines, parmi lesquelles, celle d'Olivia, appelée ensuite Livia, qui prendra en religion le nom d'Agostina... ".
La vie très brève de Soeur Agostina qui a inspiré à Paul VI, le Pape de sa béatification, des accents d'une poésie extraordinaire pour en retracer le cours, commence et se déroule: "simple, limpide, pure, aimante... mais à la fin, douloureuse et tragique... ou mieux symbolique ".
27 mars 1864. C'est dans le petit village de Pozzaglia Sabina, à 800 mètres d'altitude, dans la belle zone géographique qui s'étend entre Riéti, Orvinio, Tivoli, que Livia est née et qu'elle est baptisée. Deuxième de 11 enfants! Ses parents, Francesco Pietrantoni et Caterina Costantini, petits agriculteurs, travaillent leur terre et quelques compléments en location. Dans la maison bénie où "tous étaient attentifs à faire le bien et où l'on priait souvent", l'enfance et la jeunesse de Livia s'imprègnent des valeurs de la famille honnête, laborieuse et religieuse, marquées surtout par la sagesse de l'oncle Domenico, un véritable patriarche.
A 4 ans, Livia reçoit le sacrement de la Confirmation et vers 1876, elle fait sa première communion, avec une conscience certainement extraordinaire, si l'on en juge par la vie de prière, de générosité, de donation qui a suivi. Très tôt, dans la grande famille, où tous semblent avoir droit à son temps et à son aide, elle apprend de sa Maman Caterina les attentions et les gestes maternels qu'elle exprime avec douceur à l'égard de ses nombreux petits frères. Elle travaille dans les champs et prend soin des bêtes. Elle ne connaît donc guère les jeux, ni l'école qu'elle fréquente de façon irrégulière, mais dont elle réussit pourtant à tirer un profit extraordinaire, au point de mériter de ses compagnes le titre de "professeur".
Travail et ... fierté
A 7 ans, avec d'autres enfants, elle commence à "travailler", transportant par milliers des sacs de cailloux et de sable pour la construction de la route qui va d'Orvinio à Poggio Moiano. A 12 ans, elle part avec d'autres jeunes "saisonnières" qui se rendent à Tivoli, durant les mois d'hiver, pour la récolte des olives. Précocement sage, Livia assume la responsabilité morale et religieuse de ses jeunes compagnes, les soutient dans ce rude travail, loin de la famille et tient tête avec fierté et courage aux "chefs", arrogants et sans scrupules.
Vocation et détachement
Livia est une jeune fille qui plaît par sa sagesse, son sens de l'autre, sa générosité, sa beauté... et plusieurs jeunes, au village, ont les yeux sur elle. Leurs regards d'admiration ne passent pas inaperçus de Maman Caterina qui songe à bien placer sa fille. Mais qu'en pense Livia? Quel secret garde-t-elle? Pourquoi ne choisit-elle pas? Pourquoi ne se décide-t-elle pas? "Rendue audacieuse par la voix qui lui parle intérieurement, celle de sa vocation, elle se rend: C'est le Christ qui sera son Amour, le Christ, son Epoux". Sa recherche s'oriente vers une vie de sacrifice. A qui, en famille ou au village, veut la détourner de sa décision la définissant comme une fuite du travail, Livia répond: "Je veux choisir une Congrégation où il y a du travail pour le jour et pour la nuit" et tous sont sûrs de l'authenticité de ces paroles. Un premier voyage à Rome, en compagnie de l'Oncle Fra' Matteo, se termine par une désillusion cuisante: on refuse de l'accepter. Quelques mois plus tard, pourtant, la Supérieure générale des Soeurs de la Charité, lui fait savoir qu'elle l'attend à la Maison Générale. Livia comprend que cette fois l'adieu est pour toujours. Avec émotion, elle salue les habitants du village, tous les coins de son pays, ses lieux de prières, la paroisse, la Vierge de la Rifolta; elle embrasse ses parents; elle reçoit à genoux, la bénédiction de l'oncle Domenico, "baise la porte de sa maison, y trace un signe de croix et s'en va en courant".
Formation et service
23 mars 1886. Livia a 22 ans quand elle arrive à Rome, Via S. Maria In Cosmedin. Quelques mois de postulat et de noviciat suffisent à prouver que la jeune fille a l'étoffe d'une Soeur de la Charité, c'est-à-dire d'une "servante des pauvres", selon la tradition de St Vincent de Paul et de Ste Jeanne-Antide. Livia, en effet, apporte au couvent, un potentiel humain hérité de sa famille particulièrement solide qui offre toute garantie. Quand elle prend l'habit religieux et qu'on lui donne le nom de Soeur Agostina, elle a le pressentiment que c'est à elle que reviendra de devenir la sainte portant ce nom: Elle ne connaît pas en effet de Ste Agostina!
Envoyée à l'hôpital du Saint-Esprit, que 700 ans de glorieuse histoire ont fait définir comme "l'école de la charité chrétienne", dans le sillage des saints qui l'ont précédée parmi lesquels Charles Borromée, Joseph Casalance, Jean Bosco, Camille de Lellis... Soeur Agostina offre sa contribution personnelle et, dans ce lieu de souffrances, elle exprime la charité jusqu'à l'héroïsme.
Silence, prière et bonté
L'ambiance de l'hôpital est hostile à la religion. La question romaine empoisonne les esprits; Les Pères Capucins sont chassés, on interdit le Crucifix et tout autre signe religieux. On voudrait bien aussi éloigner les soeurs, mais on craint l'impopularité: on leur rend la vie "impossible" et on leur défend de parler de Dieu; mais Sr Agostina n'a pas besoin de sa bouche pour "crier Dieu" et aucun baillon ne peut interdire à sa vie d'annoncer l' Evangile! D'abord dans le service des enfants, puis dans celui des tuberculeux, règne du désespoir et de la mort, où elle attrape la contagion mortelle dont elle guérit par miracle, elle montre un dévouement total et une attention extraordinaire à chaque malade, surtout aux plus difficiles, violents et obscènes, comme " Romanelli ".
En secret, dans un petit coin caché, elle a trouvé une place à la Vierge Marie, pour qu'elle demeure à l'hôpital; elle lui recommande ses malades et lui promet des veilles plus nombreuses, de plus grands sacrifices, pour obtenir la grâce de la conversion des plus obstinés. Que de fois ne lui a-t-elle pas présenté Joseph Romanelli? C'est le pire de tous, le plus vulgaire et le plus insolent surtout envers Soeur Agostina qui multiplie les attentions, à son égard et, avec grande bonté, accueille sa maman aveugle quand elle vient lui rendre visite. De lui on peut tout attendre, tous en ont assez. Quand, après une ennième bravade aux dépends des femmes qui travaillent à la buanderie, le Directeur le chasse de l'hôpital, sa rage cherche une cible et la pauvre Agostina est la victime désignée. "...Te te tuerai de mes mains!", "Soeur Agostina, tu n'as plus qu'un mois à vivre" sont les menaces qu'il lui fait envoyer à plusieurs reprises par des billets.
Romanelli ne plaisante pas, en effet, et Soeur Agostina, non plus, ne met pas de limites à sa générosité pour le Seigneur. Elle est prête à payer de sa propre vie le prix de l'amour, sans fuir, sans accuser. Quand Romanelli la surprend et la frappe sans qu'elle puisse échapper, ce 13 novembre 1894, de ses lèvres ne sortent que les invocations à la Vierge et les paroles du pardon.
Canonisée le 18 avril 1999, place Saint-Pierre, par le Pape Jean-Paul II.
AGOSTINA LIVIA PIETRANTONI
(1864-1894)
Vierge, de la Congrégation des Sœurs de la Charité
de Santa Giovanna Antida Thouret
Une terre... une famille
" Il y avait une fois et il y a encore, avec un nouveau visage, un village nommé Pozzaglia, dans les collines de la Sabine... et il y avait une maison bénie, nid rempli de voix enfantines, parmi lesquelles, celle d'Olivia, appelée ensuite Livia, qui prendra en religion le nom d'Agostina... ".
La vie très brève de Soeur Agostina qui a inspiré à Paul VI, le Pape de sa béatification, des accents d'une poésie extraordinaire pour en retracer le cours, commence et se déroule: "simple, limpide, pure, aimante... mais à la fin, douloureuse et tragique... ou mieux symbolique ".
27 mars 1864. C'est dans le petit village de Pozzaglia Sabina, à 800 mètres d'altitude, dans la belle zone géographique qui s'étend entre Riéti, Orvinio, Tivoli, que Livia est née et qu'elle est baptisée. Deuxième de 11 enfants! Ses parents, Francesco Pietrantoni et Caterina Costantini, petits agriculteurs, travaillent leur terre et quelques compléments en location. Dans la maison bénie où "tous étaient attentifs à faire le bien et où l'on priait souvent", l'enfance et la jeunesse de Livia s'imprègnent des valeurs de la famille honnête, laborieuse et religieuse, marquées surtout par la sagesse de l'oncle Domenico, un véritable patriarche.
A 4 ans, Livia reçoit le sacrement de la Confirmation et vers 1876, elle fait sa première communion, avec une conscience certainement extraordinaire, si l'on en juge par la vie de prière, de générosité, de donation qui a suivi. Très tôt, dans la grande famille, où tous semblent avoir droit à son temps et à son aide, elle apprend de sa Maman Caterina les attentions et les gestes maternels qu'elle exprime avec douceur à l'égard de ses nombreux petits frères. Elle travaille dans les champs et prend soin des bêtes. Elle ne connaît donc guère les jeux, ni l'école qu'elle fréquente de façon irrégulière, mais dont elle réussit pourtant à tirer un profit extraordinaire, au point de mériter de ses compagnes le titre de "professeur".
Travail et ... fierté
A 7 ans, avec d'autres enfants, elle commence à "travailler", transportant par milliers des sacs de cailloux et de sable pour la construction de la route qui va d'Orvinio à Poggio Moiano. A 12 ans, elle part avec d'autres jeunes "saisonnières" qui se rendent à Tivoli, durant les mois d'hiver, pour la récolte des olives. Précocement sage, Livia assume la responsabilité morale et religieuse de ses jeunes compagnes, les soutient dans ce rude travail, loin de la famille et tient tête avec fierté et courage aux "chefs", arrogants et sans scrupules.
Vocation et détachement
Livia est une jeune fille qui plaît par sa sagesse, son sens de l'autre, sa générosité, sa beauté... et plusieurs jeunes, au village, ont les yeux sur elle. Leurs regards d'admiration ne passent pas inaperçus de Maman Caterina qui songe à bien placer sa fille. Mais qu'en pense Livia? Quel secret garde-t-elle? Pourquoi ne choisit-elle pas? Pourquoi ne se décide-t-elle pas? "Rendue audacieuse par la voix qui lui parle intérieurement, celle de sa vocation, elle se rend: C'est le Christ qui sera son Amour, le Christ, son Epoux". Sa recherche s'oriente vers une vie de sacrifice. A qui, en famille ou au village, veut la détourner de sa décision la définissant comme une fuite du travail, Livia répond: "Je veux choisir une Congrégation où il y a du travail pour le jour et pour la nuit" et tous sont sûrs de l'authenticité de ces paroles. Un premier voyage à Rome, en compagnie de l'Oncle Fra' Matteo, se termine par une désillusion cuisante: on refuse de l'accepter. Quelques mois plus tard, pourtant, la Supérieure générale des Soeurs de la Charité, lui fait savoir qu'elle l'attend à la Maison Générale. Livia comprend que cette fois l'adieu est pour toujours. Avec émotion, elle salue les habitants du village, tous les coins de son pays, ses lieux de prières, la paroisse, la Vierge de la Rifolta; elle embrasse ses parents; elle reçoit à genoux, la bénédiction de l'oncle Domenico, "baise la porte de sa maison, y trace un signe de croix et s'en va en courant".
Formation et service
23 mars 1886. Livia a 22 ans quand elle arrive à Rome, Via S. Maria In Cosmedin. Quelques mois de postulat et de noviciat suffisent à prouver que la jeune fille a l'étoffe d'une Soeur de la Charité, c'est-à-dire d'une "servante des pauvres", selon la tradition de St Vincent de Paul et de Ste Jeanne-Antide. Livia, en effet, apporte au couvent, un potentiel humain hérité de sa famille particulièrement solide qui offre toute garantie. Quand elle prend l'habit religieux et qu'on lui donne le nom de Soeur Agostina, elle a le pressentiment que c'est à elle que reviendra de devenir la sainte portant ce nom: Elle ne connaît pas en effet de Ste Agostina!
Envoyée à l'hôpital du Saint-Esprit, que 700 ans de glorieuse histoire ont fait définir comme "l'école de la charité chrétienne", dans le sillage des saints qui l'ont précédée parmi lesquels Charles Borromée, Joseph Casalance, Jean Bosco, Camille de Lellis... Soeur Agostina offre sa contribution personnelle et, dans ce lieu de souffrances, elle exprime la charité jusqu'à l'héroïsme.
Silence, prière et bonté
L'ambiance de l'hôpital est hostile à la religion. La question romaine empoisonne les esprits; Les Pères Capucins sont chassés, on interdit le Crucifix et tout autre signe religieux. On voudrait bien aussi éloigner les soeurs, mais on craint l'impopularité: on leur rend la vie "impossible" et on leur défend de parler de Dieu; mais Sr Agostina n'a pas besoin de sa bouche pour "crier Dieu" et aucun baillon ne peut interdire à sa vie d'annoncer l' Evangile! D'abord dans le service des enfants, puis dans celui des tuberculeux, règne du désespoir et de la mort, où elle attrape la contagion mortelle dont elle guérit par miracle, elle montre un dévouement total et une attention extraordinaire à chaque malade, surtout aux plus difficiles, violents et obscènes, comme " Romanelli ".
En secret, dans un petit coin caché, elle a trouvé une place à la Vierge Marie, pour qu'elle demeure à l'hôpital; elle lui recommande ses malades et lui promet des veilles plus nombreuses, de plus grands sacrifices, pour obtenir la grâce de la conversion des plus obstinés. Que de fois ne lui a-t-elle pas présenté Joseph Romanelli? C'est le pire de tous, le plus vulgaire et le plus insolent surtout envers Soeur Agostina qui multiplie les attentions, à son égard et, avec grande bonté, accueille sa maman aveugle quand elle vient lui rendre visite. De lui on peut tout attendre, tous en ont assez. Quand, après une ennième bravade aux dépends des femmes qui travaillent à la buanderie, le Directeur le chasse de l'hôpital, sa rage cherche une cible et la pauvre Agostina est la victime désignée. "...Te te tuerai de mes mains!", "Soeur Agostina, tu n'as plus qu'un mois à vivre" sont les menaces qu'il lui fait envoyer à plusieurs reprises par des billets.
Romanelli ne plaisante pas, en effet, et Soeur Agostina, non plus, ne met pas de limites à sa générosité pour le Seigneur. Elle est prête à payer de sa propre vie le prix de l'amour, sans fuir, sans accuser. Quand Romanelli la surprend et la frappe sans qu'elle puisse échapper, ce 13 novembre 1894, de ses lèvres ne sortent que les invocations à la Vierge et les paroles du pardon.
Canonisée le 18 avril 1999, place Saint-Pierre, par le Pape Jean-Paul II.
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ALAIN DE LA ROCHE
Restaurateur de la Dévotion du Rosaire
(1428-1475)
Le bienheureux Alain de la Roche naquit en Bretagne, le 8 septembre, vers l'année 1428. Il prit l'habit de Saint-Dominique au couvent de Dinan, et y fit profession. Lui-même avoue humblement dans ses écrits que les commencements de sa vie religieuse ne répondirent pas à l'idéal qu'il en conçut depuis. Il quitta son pays natal pour rechercher la pratique de l'observance primitive, et alla demander aux couvents de Hollande la science de la vie surnaturelle.
Le trait distinctif de sa vertu fut une tendre et filiale dévotion à Marie. Il aimait si cordialement sa Mère du Ciel, qu'il ne pouvait penser qu'à Elle, et ne pouvait rien dire, ni entreprendre, ni terminer qu'il ne L'eût saluée par l'Ave Maria. Un de ses disciples a écrit que "sans cesse cette prière revenait sur ses lèvres dans ses prédications, dans ses entretiens privés, dans ses voyages et dans ses travaux." Cet attrait remarquable pour le culte de Marie le préparait, à son insu, à la mission dont il allait être investi : celle de ressusciter la dévotion presque oubliée du Rosaire. Et cependant cette mission, qui allait faire sa gloire, remplit un court espace de temps, deux ans environ.
On le voit, en attendant, enseigner dans les écoles dominicaines de philosophie et de théologie. Dans ces fonctions, il porta sans doute sa dévotion au Rosaire; mais c'est seulement deux ans avant sa mort que Marie lui apparut dans tout l'éclat de Sa beauté céleste et lui confia la mission de prêcher la pratique du Rosaire. Elle lui prédit des épreuves; mais Elle le soutint par cette parole : "Confie-toi en Ma protection maternelle, Je ne t'abandonnerai jamais." Il en vint à réciter plusieurs Rosaires chaque jour, s'infligeant un coup de discipline à chaque Ave Maria.
Il a raconté lui-même que sa sainte Mère lui apparut plusieurs fois pour stimuler son zèle, et lui faire prêcher le Rosaire, pour écarter les fléaux qui menaçaient l'Église: Luther allait paraître. Il parcourut nombre de provinces en France, en Flandre, en Saxe, et obtint, malgré les efforts de l'enfer, de merveilleux succès. Rien de plus palpitant que l'histoire de ses combats et de ses travaux, où il fut soutenu par de nombreuses visions et par le don des miracles. Il mourut au jour qu'il avait désiré, celui même de sa naissance, 8 septembre 1475.
Restaurateur de la Dévotion du Rosaire
(1428-1475)
Le bienheureux Alain de la Roche naquit en Bretagne, le 8 septembre, vers l'année 1428. Il prit l'habit de Saint-Dominique au couvent de Dinan, et y fit profession. Lui-même avoue humblement dans ses écrits que les commencements de sa vie religieuse ne répondirent pas à l'idéal qu'il en conçut depuis. Il quitta son pays natal pour rechercher la pratique de l'observance primitive, et alla demander aux couvents de Hollande la science de la vie surnaturelle.
Le trait distinctif de sa vertu fut une tendre et filiale dévotion à Marie. Il aimait si cordialement sa Mère du Ciel, qu'il ne pouvait penser qu'à Elle, et ne pouvait rien dire, ni entreprendre, ni terminer qu'il ne L'eût saluée par l'Ave Maria. Un de ses disciples a écrit que "sans cesse cette prière revenait sur ses lèvres dans ses prédications, dans ses entretiens privés, dans ses voyages et dans ses travaux." Cet attrait remarquable pour le culte de Marie le préparait, à son insu, à la mission dont il allait être investi : celle de ressusciter la dévotion presque oubliée du Rosaire. Et cependant cette mission, qui allait faire sa gloire, remplit un court espace de temps, deux ans environ.
On le voit, en attendant, enseigner dans les écoles dominicaines de philosophie et de théologie. Dans ces fonctions, il porta sans doute sa dévotion au Rosaire; mais c'est seulement deux ans avant sa mort que Marie lui apparut dans tout l'éclat de Sa beauté céleste et lui confia la mission de prêcher la pratique du Rosaire. Elle lui prédit des épreuves; mais Elle le soutint par cette parole : "Confie-toi en Ma protection maternelle, Je ne t'abandonnerai jamais." Il en vint à réciter plusieurs Rosaires chaque jour, s'infligeant un coup de discipline à chaque Ave Maria.
Il a raconté lui-même que sa sainte Mère lui apparut plusieurs fois pour stimuler son zèle, et lui faire prêcher le Rosaire, pour écarter les fléaux qui menaçaient l'Église: Luther allait paraître. Il parcourut nombre de provinces en France, en Flandre, en Saxe, et obtint, malgré les efforts de l'enfer, de merveilleux succès. Rien de plus palpitant que l'histoire de ses combats et de ses travaux, où il fut soutenu par de nombreuses visions et par le don des miracles. Il mourut au jour qu'il avait désiré, celui même de sa naissance, 8 septembre 1475.
Naissance vers 1428
Sizun, Duché de Bretagne
Décès 1475 (à 47 ans)
Zwolle, Pays-Bas bourguignons
Nationalité COA fr BRE.svg Bretonne
Ordre religieux Ordre des Prêcheurs
Vénéré par l'Église catholique romaine
Fête 9 septembre
Sizun, Duché de Bretagne
Décès 1475 (à 47 ans)
Zwolle, Pays-Bas bourguignons
Nationalité COA fr BRE.svg Bretonne
Ordre religieux Ordre des Prêcheurs
Vénéré par l'Église catholique romaine
Fête 9 septembre
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ALBERT LE GRAND
docteur de l'Église
(1193-1280)
Saint Albert le Grand naquit aux environs d'Augsbourg, de parents riches des biens de la fortune. Dès son enfance, il montra dans ses études une rare perspicacité; le goût des sciences lui fit abandonner les traditions chevaleresques de sa famille et le conduisit à l'université de Padoue, alors très célèbre, où il sut tempérer son ardeur pour l'étude par une vive piété. À l'âge de trente ans, encore incertain de son avenir, mais inspiré par la grâce, il alla se jeter aux pieds de la très Sainte Vierge, et crut entendre la céleste Mère lui dire : "Quitte le monde et entre dans l'Ordre de Saint-Dominique." Dès lors, Albert n'hésita plus, et malgré les résistances de sa famille, il entra au noviciat des Dominicains. Tels furent bientôt ses progrès dans la science et la sainteté, qu'il dépassa ses maîtres eux-mêmes.
Muni du titre de docteur en théologie, il fut envoyé à Cologne, où sa réputation lui attira pendant longtemps de nombreux et illustres disciples. Mais un seul suffirait à sa gloire, c'est saint Thomas d'Aquin. Ce jeune religieux, déjà tout plongé dans les plus hautes études théologiques, était silencieux parmi les autres au point d'être appelé par ses condisciples: "le Boeuf muet de Sicile". Mais Albert les fit taire en disant: "Les mugissements de ce boeuf retentiront dans le monde entier." De Cologne, Albert fut appelé à l'Université de Paris avec son cher disciple. C'est là que son génie parut dans tout son éclat et qu'il composa un grand nombre de ses ouvrages.
Plus tard l'obéissance le ramène en Allemagne comme provincial de son Ordre; il dit adieu, sans murmurer, à sa cellule, à ses livres, à ses nombreux disciples, et voyage sans argent, toujours à pied, à travers un immense territoire pour visiter les nombreux monastères soumis à sa juridiction. Il était âgé de soixante-sept ans quand il dut se soumettre à l'ordre formel du Pape et accepter, en des circonstances difficiles, le siège épiscopal de Ratisbonne; là, son zèle infatigable ne fut récompensé que par de dures épreuves où se perfectionna sa vertu. Rendu à la paix dans un couvent de son Ordre, il lui fallut bientôt, à l'âge de soixante-dix ans, reprendre ses courses apostoliques. Enfin il put rentrer définitivement dans la retraite pour se préparer à la mort.
On s'étonne que, parmi tant de travaux, de voyages et d'oeuvres de zèle, Albert ait pu trouver le temps d'écrire sur les sciences, la philosophie et la théologie des ouvrages qui ne forment pas moins de vingt et un volumes in-folio, et on peut se demander ce qui a le plus excellé en lui du savant, du saint ou de l'apôtre.
Il mourut âgé de quatre-vingt-sept ans, le 15 novembre 1280; son corps fut enterré à Cologne dans l'église des Dominicains. Il lui a fallu attendre jusqu'au 16 décembre 1931 les honneurs de la canonisation et l'extension de son culte à l'Église universelle. En proclamant sa sainteté, le pape Pie XI y ajouta le titre si glorieux et si bien mérité de docteur de l'Église. Sa fête a été fixée au 15 novembre, jour de sa mort. De temps immémorial, il était connu sous le nom d'Albert le Grand.
Biographie
Albert le Grand est né Albert de Bollstaedt à Lauingen en Souabe entre 1193 et 1206, sans doute en 1193. Il est mort à Cologne en 1280. Il a introduit dans les universités d’Europe les sciences grecques et arabes. Il était déjà surnommé « le Grand » de son vivant. Il est fêté le 15 novembre.
Après des études de lettres et de médecine en Italie du Nord (Venise, Padoue), il entre, en 1223, à Padoue, dans l'ordre des Dominicains. Il part étudier la théologie peut-être à Paris avant 1233, en tout cas à Cologne, où il l'enseigne dès 1228. Ses premiers travaux sont des commentaires du Pseudo-Denys l'Aréopagite. Il professe ensuite à Hildesheim, à Fribourg-en-Brisgau, à Strasbourg, et, en 1241, à Paris, à l'Université de Paris, au premier couvent dominicain de la rue Saint Jacques (Collège des Jacobins, sous l'autorité de Guéric de Saint-Quentin. Il y obtient, en 1245, un poste de maître de théologie : il est maître régent, en place de Guéric de Saint-Quentin, jusqu'en 1248. À Paris (trois ans) et à Cologne (quatre ans, jusqu'en 1252) il a pour élève le jeune Thomas d'Aquin (1225-1274). Albert fonde en 1248 pour les dominicains de Cologne l’École supérieure de théologie (Studium generale), qu'il dirige comme maître régent jusqu'en 1254.
Au cours du xiiie siècle, les ouvrages d'Aristote sont redécouverts en Occident, principalement par l'intermédiaire de traducteurs arabes. C'est au cours de son séjour à Paris qu'Albert le Grand se familiarise avec les écrits du philosophe grec qui vont influencer toute son œuvre. En effet, la plupart de ses travaux consistent à paraphraser Aristote, tout en y ajoutant parfois quelques commentaires.
En 1250, il traite de l'arc-en-ciel dans son ouvrage De Iride. Entre 1250 et 1254, il écrit ses deux contributions à l'alchimie : les Meteora et le De mineralibus3. En 1252, il devient conciliateur, en l'occurrence entre la ville de Cologne et son archevêque. De 1254 à juin 1257 il est élu provincial (supérieur dirigeant un ensemble de monastères) de Germanie (la province de Teutonie), ce qui l'oblige à visiter à pied une cinquantaine de monastères. En 1256-1257, il réside auprès de la curie pontificale, probablement en qualité de lecteur du studium de la curie. En 1257, il redevient enseignant à Cologne. En 1259, au chapitre général de l'ordre des dominicains de Valenciennes, il organise avec Thomas d'Aquin et d'autres frères, les études des Frères prêcheurs.
Évêque de Ratisbonne, 1261
En 1260, il fut nommé évêque de Ratisbonne par le pape Alexandre IV, mais, après trois ans, il demande au pape Urbain IV et obtient de celui-ci la permission d'abandonner sa charge. Maintenu à la curie, il est chargé, en 1263, comme prédicateur, de relancer, « en Allemagne, Bohême et autres pays de langue allemande », la croisade (la septième se termine en 1254), jusqu'en octobre 1264. Il retourne à l'enseignement et aux conciliations : à Würzbourg (1264), à Strasbourg (1267), à Cologne (1270).
Ne se contentant pas de contester ponctuellement les travaux d'Aristote, il entreprend une encyclopédie d'ambition comparable De animalibus. Elle comprend :
le classement de toute la faune d’Europe du Nord connue de son temps ;
une description détaillée de la reproduction des insectes, la croissance du poulet, des poissons et de mammifères.
Ce vaste traité, achevé vers 1270, comprend 26 livres. Les 19 premiers sont des commentaires de l'œuvre d'Aristote, les suivants sont consacrés aux animaux qui marchent, volent, nagent et rampent dans une classification inspirée de Pline l'Ancien. Dans ces derniers livres, il puise largement dans les matériaux du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré. Cette œuvre qui restera isolée dans son temps tranche sur celles de ses prédécesseurs comme Isidore de Séville et comprend beaucoup plus de descriptions fondées sur des observations réelles.
Il n'empêche que pour encore longtemps la zoologie restera une branche de la théologie dans laquelle les animaux seront étudiés pour les symboles divins qu'ils véhiculent.
Albert le Grand écrit également des encyclopédies semblables pour les minéraux, le De mineralibus et pour les végétaux, le De vegetabilibus. Ce dernier ouvrage comprend une étude sur les effets respectifs de la lumière et de la température sur la croissance des végétaux, ainsi que la question des greffes.Albert Le Grand découvre l'arsenic
Ces œuvres sont riches en enseignements historiques et nous apprennent par exemple qu'Albert ne connaissait l'usage du salpêtre que pour la fabrication de l'acide nitrique ou encore que l'ortie était encore citée comme fibre textile à cette époque.
En 1274 il participe au concile de Lyon. En 1275, il inaugure l'abbaye Saint-Vit de Mönchengladbach. « Vers 1276-1277 il aurait accompli un ultime voyage à Paris en vue d'apaiser (ce fut en vain) l'hostilité des théologiens de l'université à l'endroit de ces philosophies grecques et arabes qu'il avait plus que quiconque contribué à faire connaître »
docteur de l'Église
(1193-1280)
Saint Albert le Grand naquit aux environs d'Augsbourg, de parents riches des biens de la fortune. Dès son enfance, il montra dans ses études une rare perspicacité; le goût des sciences lui fit abandonner les traditions chevaleresques de sa famille et le conduisit à l'université de Padoue, alors très célèbre, où il sut tempérer son ardeur pour l'étude par une vive piété. À l'âge de trente ans, encore incertain de son avenir, mais inspiré par la grâce, il alla se jeter aux pieds de la très Sainte Vierge, et crut entendre la céleste Mère lui dire : "Quitte le monde et entre dans l'Ordre de Saint-Dominique." Dès lors, Albert n'hésita plus, et malgré les résistances de sa famille, il entra au noviciat des Dominicains. Tels furent bientôt ses progrès dans la science et la sainteté, qu'il dépassa ses maîtres eux-mêmes.
Muni du titre de docteur en théologie, il fut envoyé à Cologne, où sa réputation lui attira pendant longtemps de nombreux et illustres disciples. Mais un seul suffirait à sa gloire, c'est saint Thomas d'Aquin. Ce jeune religieux, déjà tout plongé dans les plus hautes études théologiques, était silencieux parmi les autres au point d'être appelé par ses condisciples: "le Boeuf muet de Sicile". Mais Albert les fit taire en disant: "Les mugissements de ce boeuf retentiront dans le monde entier." De Cologne, Albert fut appelé à l'Université de Paris avec son cher disciple. C'est là que son génie parut dans tout son éclat et qu'il composa un grand nombre de ses ouvrages.
Plus tard l'obéissance le ramène en Allemagne comme provincial de son Ordre; il dit adieu, sans murmurer, à sa cellule, à ses livres, à ses nombreux disciples, et voyage sans argent, toujours à pied, à travers un immense territoire pour visiter les nombreux monastères soumis à sa juridiction. Il était âgé de soixante-sept ans quand il dut se soumettre à l'ordre formel du Pape et accepter, en des circonstances difficiles, le siège épiscopal de Ratisbonne; là, son zèle infatigable ne fut récompensé que par de dures épreuves où se perfectionna sa vertu. Rendu à la paix dans un couvent de son Ordre, il lui fallut bientôt, à l'âge de soixante-dix ans, reprendre ses courses apostoliques. Enfin il put rentrer définitivement dans la retraite pour se préparer à la mort.
On s'étonne que, parmi tant de travaux, de voyages et d'oeuvres de zèle, Albert ait pu trouver le temps d'écrire sur les sciences, la philosophie et la théologie des ouvrages qui ne forment pas moins de vingt et un volumes in-folio, et on peut se demander ce qui a le plus excellé en lui du savant, du saint ou de l'apôtre.
Il mourut âgé de quatre-vingt-sept ans, le 15 novembre 1280; son corps fut enterré à Cologne dans l'église des Dominicains. Il lui a fallu attendre jusqu'au 16 décembre 1931 les honneurs de la canonisation et l'extension de son culte à l'Église universelle. En proclamant sa sainteté, le pape Pie XI y ajouta le titre si glorieux et si bien mérité de docteur de l'Église. Sa fête a été fixée au 15 novembre, jour de sa mort. De temps immémorial, il était connu sous le nom d'Albert le Grand.
Biographie
Albert le Grand est né Albert de Bollstaedt à Lauingen en Souabe entre 1193 et 1206, sans doute en 1193. Il est mort à Cologne en 1280. Il a introduit dans les universités d’Europe les sciences grecques et arabes. Il était déjà surnommé « le Grand » de son vivant. Il est fêté le 15 novembre.
Après des études de lettres et de médecine en Italie du Nord (Venise, Padoue), il entre, en 1223, à Padoue, dans l'ordre des Dominicains. Il part étudier la théologie peut-être à Paris avant 1233, en tout cas à Cologne, où il l'enseigne dès 1228. Ses premiers travaux sont des commentaires du Pseudo-Denys l'Aréopagite. Il professe ensuite à Hildesheim, à Fribourg-en-Brisgau, à Strasbourg, et, en 1241, à Paris, à l'Université de Paris, au premier couvent dominicain de la rue Saint Jacques (Collège des Jacobins, sous l'autorité de Guéric de Saint-Quentin. Il y obtient, en 1245, un poste de maître de théologie : il est maître régent, en place de Guéric de Saint-Quentin, jusqu'en 1248. À Paris (trois ans) et à Cologne (quatre ans, jusqu'en 1252) il a pour élève le jeune Thomas d'Aquin (1225-1274). Albert fonde en 1248 pour les dominicains de Cologne l’École supérieure de théologie (Studium generale), qu'il dirige comme maître régent jusqu'en 1254.
Au cours du xiiie siècle, les ouvrages d'Aristote sont redécouverts en Occident, principalement par l'intermédiaire de traducteurs arabes. C'est au cours de son séjour à Paris qu'Albert le Grand se familiarise avec les écrits du philosophe grec qui vont influencer toute son œuvre. En effet, la plupart de ses travaux consistent à paraphraser Aristote, tout en y ajoutant parfois quelques commentaires.
En 1250, il traite de l'arc-en-ciel dans son ouvrage De Iride. Entre 1250 et 1254, il écrit ses deux contributions à l'alchimie : les Meteora et le De mineralibus3. En 1252, il devient conciliateur, en l'occurrence entre la ville de Cologne et son archevêque. De 1254 à juin 1257 il est élu provincial (supérieur dirigeant un ensemble de monastères) de Germanie (la province de Teutonie), ce qui l'oblige à visiter à pied une cinquantaine de monastères. En 1256-1257, il réside auprès de la curie pontificale, probablement en qualité de lecteur du studium de la curie. En 1257, il redevient enseignant à Cologne. En 1259, au chapitre général de l'ordre des dominicains de Valenciennes, il organise avec Thomas d'Aquin et d'autres frères, les études des Frères prêcheurs.
Évêque de Ratisbonne, 1261
En 1260, il fut nommé évêque de Ratisbonne par le pape Alexandre IV, mais, après trois ans, il demande au pape Urbain IV et obtient de celui-ci la permission d'abandonner sa charge. Maintenu à la curie, il est chargé, en 1263, comme prédicateur, de relancer, « en Allemagne, Bohême et autres pays de langue allemande », la croisade (la septième se termine en 1254), jusqu'en octobre 1264. Il retourne à l'enseignement et aux conciliations : à Würzbourg (1264), à Strasbourg (1267), à Cologne (1270).
Ne se contentant pas de contester ponctuellement les travaux d'Aristote, il entreprend une encyclopédie d'ambition comparable De animalibus. Elle comprend :
le classement de toute la faune d’Europe du Nord connue de son temps ;
une description détaillée de la reproduction des insectes, la croissance du poulet, des poissons et de mammifères.
Ce vaste traité, achevé vers 1270, comprend 26 livres. Les 19 premiers sont des commentaires de l'œuvre d'Aristote, les suivants sont consacrés aux animaux qui marchent, volent, nagent et rampent dans une classification inspirée de Pline l'Ancien. Dans ces derniers livres, il puise largement dans les matériaux du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré. Cette œuvre qui restera isolée dans son temps tranche sur celles de ses prédécesseurs comme Isidore de Séville et comprend beaucoup plus de descriptions fondées sur des observations réelles.
Il n'empêche que pour encore longtemps la zoologie restera une branche de la théologie dans laquelle les animaux seront étudiés pour les symboles divins qu'ils véhiculent.
Albert le Grand écrit également des encyclopédies semblables pour les minéraux, le De mineralibus et pour les végétaux, le De vegetabilibus. Ce dernier ouvrage comprend une étude sur les effets respectifs de la lumière et de la température sur la croissance des végétaux, ainsi que la question des greffes.Albert Le Grand découvre l'arsenic
Ces œuvres sont riches en enseignements historiques et nous apprennent par exemple qu'Albert ne connaissait l'usage du salpêtre que pour la fabrication de l'acide nitrique ou encore que l'ortie était encore citée comme fibre textile à cette époque.
En 1274 il participe au concile de Lyon. En 1275, il inaugure l'abbaye Saint-Vit de Mönchengladbach. « Vers 1276-1277 il aurait accompli un ultime voyage à Paris en vue d'apaiser (ce fut en vain) l'hostilité des théologiens de l'université à l'endroit de ces philosophies grecques et arabes qu'il avait plus que quiconque contribué à faire connaître »
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
SAINT
ALBERT CHMIELOWSKI
franciscain
1845-1916
EXTRAIT BIOGRAPHIQUE
Lors de l'insurrection polonaise contre l'occupation russe, en 1863, un cavalier polonais, Adam Chmielowski, s'était fait remarquer par une incroyable audace. Le 1er octobre 1864, il fonce au galop de son cheval à travers une forêt. Pris dans l'étau d'une canonnade, il sent soudain comme un fort coup de bâton sur sa jambe et il tombe à terre. On le transporte dans une cabane de forestiers où, peu après, des chasseurs Finlandais alliés du Tsar le trouvent. Le capitaine reconnaît ce jeune cavalier que maintes fois ses hommes ont pris pour cible, sans succès, à tel point qu'amis et ennemis l'ont cru invulnérable: «Vous aviez certainement un porte-bonheur, lui dit le capitaine. – J'avais le scapulaire de Notre-Dame sur la poitrine», répond fièrement Adam, en le regardant droit dans les yeux, car il sait bien qu'il a affaire à des Protestants. La jambe fracassée est gangrenée; il faut l'amputer. «Quand? demande-t-il. – Tout de suite. – Très bien, commencez!... Donnez-moi un cigare, cela me fera passer le temps». L'affreuse opération se déroule sans anesthésie. On conduit ensuite Adam dans un hôpital militaire en attendant de statuer sur son sort. Grâce à des complicités, il réussit à quitter l'hôpital, caché dans un cercueil.
Adam est né le 20 août 1845 à Igolomia, en Pologne. Après l'insurrection de 1863, il suit les cours de l'école des Beaux-Arts à Varsovie. En 1868, il est à Cracovie où il fréquente les Siemienski. Fidèle à la foi de ses ancêtres, M. Siemienski est cependant très ouvert aux courants scientistes qui viennent de l'occident. Son épouse, profondément chrétienne, possède un solide bon sens, et elle impressionne beaucoup Adam. À cette époque, se répand la mode de faire tourner les tables pour «évoquer les esprits». S'apercevant que les invités de son mari se livrent à ces pratiques spirites, Mme Siemienska prend l'avis de son confesseur, car elle ne peut persuader son époux de mettre un terme à ces amusements dangereux. Le prêtre lui conseille de prendre son chapelet et de prier tranquillement, sans se mêler aux séances.
Fendue en deux
«Un jour, raconte Adam, nous nous sommes assis autour d'une grande table en bois de chêne, si lourde que deux hommes pouvaient à peine la mouvoir. Sous nos doigts, elle se mit à tourner et à bondir, en répondant à nos questions par des coups secs et violents. Jamais encore elle n'avait été à tel point déchaînée... Mme Siemienska était assise dans l'embrasure d'une fenêtre et elle récitait à voix basse son chapelet. Cependant, nous étions en train de faire des virevoltes à travers toute la salle avec cette table diabolique et bondissante. Mme Siemienska n'y tint plus: elle se leva brusquement, vint vers nous et lança son chapelet sur la table tournante. Nous entendîmes alors comme une détonation de pistolet et la table s'arrêta net. Lorsqu'on ralluma les lumières, nous vîmes qu'elle était fendue en deux; l'épaisse plaque en chêne massif avait éclaté tout au long du diamètre, malgré les crampons qui la fixaient par en bas. Depuis ce jour, jamais plus nous ne nous amusâmes à faire tourner des tables».
Le Catéchisme de l'Église Catholique rappelle que «toutes les formes de divination sont à rejeter: recours à Satan ou aux démons, évocation des morts ou autres pratiques supposées à tort «dévoiler» l'avenir. La consultation des horoscopes, l'astrologie, la chiromancie, l'interprétation des présages et des sorts, les phénomènes de voyance, le recours aux médiums recèlent une volonté de puissance sur le temps, sur l'histoire et finalement sur les hommes en même temps qu'un désir de se concilier les puissances cachées. Elles sont en contradiction avec l'honneur et le respect, mêlé de crainte aimante, que nous devons à Dieu seul. Toutes les pratiques de magie ou de sorcellerie par lesquelles on prétend domestiquer les puissances occultes pour les mettre à son service et obtenir un pouvoir surnaturel sur le prochain – fût-ce pour lui procurer la santé –, sont gravement contraires à la vertu de religion... Le spiritisme implique souvent des pratiques divinatoires ou magiques. Aussi l'Église avertit-elle les fidèles de s'en garder» (CEC 2116-2117).
Pleine d'intérêt pour Adam, Mme Siemienska lui obtient une bourse pour l'année scolaire 1869-1870, et le jeune homme se rend à l'académie des Beaux-Arts de Munich. Là, il rencontre de nombreux compatriotes dont il devient rapidement le chef. L'un d'eux a pu écrire de lui: «Il avait sur le groupe une influence remarquable et son esprit, pénétrant et logique, découvrait avant tout autre le sens exact de l'art et son rapport avec l'âme humaine». Moins avancé que la plupart de ses compagnons dans la technique de la peinture, il s'exerce à peindre, «avec rage et acharnement», mais toujours d'une manière très personnelle et avec un véritable talent.
Adam cache autant que possible le handicap de sa jambe de bois. Mais sa prothèse lui cause bien des souffrances. Il lui arrive de tomber dans de soudaines crises de mélancolie jusqu'à ce que l'affection de ses amis le rende à nouveau sociable et communicatif. Cette mélancolie a une source profonde dans son tempérament qui aspire à toujours plus, à toujours mieux, et qui exige trop de lui-même. Il lui arrive de déchirer rageusement les toiles qu'il a peintes et qu'il estime sans valeur. D'une manière habituelle pourtant, il est de bonne humeur, très serviable, aimant à faire des plaisanteries.
Bâtir sur l'Évangile
De 1871 au printemps de 1873, Adam séjourne avec deux amis à Paris. Il reste profondément religieux et pratiquant. Passionné pour l'art, il ne se laisse pas atteindre par les tentations troubles. «Le travail absorbe à tel point le peintre, il désire tellement faire passer sur sa toile l'idéal entrevu que tout le reste ne compte pas», écrit-il. Devant les révolutions sociales qui affligent la France, il commente: «S'ils veulent du progrès, pourquoi ne bâtissent-ils pas leurs États selon l'Évangile?» Dans le même sens, le Pape Jean-Paul II affirme: «Le sarment greffé sur la vigne qui est le Christ donne ses fruits en tout secteur de l'activité et de l'existence. Tous les secteurs de la vie laïque, en effet, rentrent dans le dessein de Dieu, qui les veut comme le «lieu historique» de la Révélation et de la réalisation de la charité de Jésus-Christ à la gloire du Père et au service des frères» (Christifideles laici, 30 décembre 1998, n. 59).
Après un nouveau séjour à Munich, il rentre en Pologne et publie un article sur l'art. L'art est appelé à devenir «l'ami de l'homme, son guide» dans l'ascension vers Dieu. Sans ignorer la valeur de la technique, du talent et du métier, il considère que plus l'âme sera pure et belle, plus son oeuvre s'épanouira en beauté. Au début de 1879, Adam se rend à Lvov chez un ami. Là, mûrit en lui la décision de se faire religieux. Le 24 septembre 1880, il entre au noviciat des Jésuites de Stara Wies. Son âme est inondée de joie. Mais une épreuve terrible l'attend. Une grande retraite de trente jours commence. Adam s'y livre avec toute sa fougue; bientôt cependant, il est pris d'angoisse. Après un manquement anodin à ses résolutions, il tombe dans le scrupule et en devient malade. La crise est profonde et son frère, Stanislas, l'emmène chez lui pour l'aider à se reposer. Un jour, il entend un prêtre parler abondamment de la miséricorde de Dieu et la lumière se fait dans son esprit. Il retrouve la paix de l'âme mais ne retournera pas au noviciat des Jésuites.
Il se remet à la peinture. Son art se ressent du progrès spirituel que la souffrance lui a fait accomplir. Un jour, il découvre la Règle du Tiers-Ordre de saint François d'Assise. C'est pour lui un éblouissement. Il demande à être reçu dans le Tiers-Ordre et prend le nom de frère Albert. Rentré à Cracovie, il continue son métier de peintre, avec une souveraine liberté d'esprit à l'égard de tout ce qui n'est pas Dieu. Touché de l'esprit de pauvreté, il s'applique à voir dans le visage des mendiants qu'il rencontre la Sainte Face du Seigneur. En effet, «ici-bas, le Christ est pauvre dans la personne de ses pauvres» (Saint Augustin, Sermon 123, 3-4). Croisant un garçon, livide de froid et couvert de guenilles, frère Albert lui dit: «Viens chez moi». Dans l'atelier, où il y a un bon feu, le frère prépare à manger; puis il ajoute: «Et maintenant tu vas dormir. – Où donc? – Mais, dans le lit! – Et vous? – Je m'arrangerai». Le petit vagabond n'a même pas la force de protester, il se jette sur le lit et dix minutes après dort profondément!
Plutôt dormir sous les ponts!
Frère Albert découvre sa vocation. Bientôt, il mène une triple vie: la nuit, en compagnie des vagabonds qu'il reçoit dans son atelier; le jour, face à son chevalet de peintre pour gagner sa vie. Il visite les meilleures familles de l'aristocratie polonaise et y plaide la cause des misérables, mais ses efforts lui semblent une goutte d'eau devant un océan de besoins. Cependant, la présence des étranges locataires de son atelier lui cause des ennuis. Lorsqu'il est présent, tout se passe bien, mais s'il s'absente, ils font du chahut et les voisins se plaignent. Il lui faut quitter les lieux. Où aller? Il demande à l'un de ses hôtes: «Où passais-tu la nuit avant de venir ici? – Dans l'asile de nuit, à Kasimierz. – Il faudra que tu y retournes puisqu'on nous chasse d'ici. – Retourner là-bas? Je préfère dormir sous les ponts! Je préfère geler à mort...» Frère Albert réfléchit, puis ajoute: «Peux-tu m'y conduire? – Pensez vous! On vous tuerait et moi avec».
Avec quelques amis, frère Albert va cependant visiter l'asile de nuit des vagabonds, qui s'appelle «Ogrzewalnia». Dès l'entrée, ils sont pris à la gorge par une terrible puanteur. La salle est grande, mais d'une saleté innommable. Le long des murs se trouvent des bancs de bois brut où s'entassent des individus sinistres qui sèment la terreur, se gavent d'eau-de-vie et jouent aux cartes. Sous les bancs gisent des malades et des vieillards, qui supplient en vain qu'on leur donne une goutte d'eau. La salle est traversée par un tuyau brûlant, sous lequel se pelotonnent les corps de voyous et d'enfants profondément endormis. Vers minuit, d'autres habitués du lieu arrivent et on se roue de coups pour trouver un coin. À la sortie de ce lieu infâme, frère Albert et ses compagnons croient se réveiller d'un cauchemar. Tout à coup, dans le grand silence, le Frère s'écrie: «Il faut aller habiter avec eux. Je ne puis les laisser ainsi!»
Plus bas encore
Son directeur de conscience, un Lazariste, lui impose quelques mois de délai pour discerner si cet élan de générosité vient du Saint-Esprit. Lorsqu'on lui demandera par la suite les raisons de son extraordinaire vocation, il répondra: «Pour sauver les misérables, il ne faut pas les accabler de remontrances, ni leur faire la morale tout en étant rassasié et bien vêtu: il faut se baisser et descendre plus bas encore, devenir encore plus misérable». C'est bien la méthode employée par le Fils de Dieu Lui-même. Pour le frère Albert, le véritable Amour vient de Dieu, s'incarne dans le Christ, se communique par l'Eucharistie, porte des fruits de miséricorde et devient la source de tout bien, privé et public. À ses yeux, l'absence d'amour et le refus de la miséricorde constituent la cause profonde de tous les maux qui ravagent le monde.
Dans sa Lettre apostolique pour l'année de l'Eucharistie, le Pape Jean-Paul II écrit: «Dans l'Eucharistie, notre Dieu a manifesté la forme extrême de l'amour, bouleversant tous les critères de pouvoir, qui règlent trop souvent les rapports humains, et affirmant de façon radicale le critère du service: Si quelqu'un veut être le premier de tous, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous (Mc 9, 35)... Pourquoi alors ne pas faire de cette année de l'Eucharistie un temps au cours duquel les communautés diocésaines et paroissiales s'emploieraient de manière spéciale, par des actions fraternelles, à lutter contre telle ou telle forme des nombreuses pauvretés de notre monde?... Nous ne pouvons pas nous faire d'illusion: c'est à l'amour mutuel, et en particulier à la sollicitude manifestée à ceux qui sont dans le besoin, que nous serons reconnus comme de véritables disciples du Christ. Tel est le critère qui prouvera l'authenticité de nos célébrations eucharistiques» (Mane nobiscum Domine, 7 octobre 2004).
Avant de se lancer dans une aventure aussi exceptionnelle, frère Albert se présente à l'archevêque de Cracovie; le prélat lui accorde toute sa confiance et l'admet à prononcer les trois voeux de religion. Lors d'un séjour dans un couvent de Carmes, il se familiarise avec les oeuvres de saint Jean de la Croix qui devient son auteur préféré. Le Supérieur du couvent, le Père Raphaël Kalinowski, lui propose de se faire Carme. Frère Albert lui répond: «Que feraient sans moi mes clochards?» et le Père réplique: «Va, Frère, où Dieu t'appelle».
Le grand jour est arrivé: frère Albert se rend à «l'Orgzelwania». Il y est accueilli par des regards hostiles, narquois ou intrigués. Vêtu d'une bure grossière, il a, pour se faire respecter, l'infirmité de sa jambe de bois. Il déplie son petit balluchon: «Qui veut manger avec moi?» On regarde: il y a du saucisson à l'ail et du pain blanc. «Tu as de l'eau-de-vie?» demande une figure hirsute. Il en a apporté. «Comment t'appelles-tu? – Frère Albert. – Eh bien! si tu n'as pas où dormir, reste!» Le premier accueil est fait. Mais vers minuit, les plus durs arrivent. L'apercevant, ils s'écrient: «Va-t-en ou on te balance!» Les autres plaident sa cause: «S'il n'a pas où dormir, il a bien le droit de rester, comme toi et moi». Une bagarre va éclater. Mais finalement tout se calme.
Une icône toujours fleurie
En novembre 1888, frère Albert passe une convention officielle avec la ville de Cracovie pour l'usage des locaux de «l'Ogrzewalnia», le droit de quête dans les rues et la réinsertion sociale des plus valides. Très dévot à la Sainte Vierge, il suspend au mur de l'asile une icône de Notre-Dame de Czestochowa. Même parmi les plus mécréants, personne n'osera toucher à celle qui est la Reine du pays. Une petite lampe à huile brûle jour et nuit devant l'icône vénérable et des mains inconnues l'ornent de fleurs. Les beaux jours de 1889 venus, frère Albert, aidé d'une équipe de volontaires, rénove «l'Ogrzewalnia». On racle, on lave à grande eau, on fait la chasse aux punaises, on bouche les trous, on badigeonne les murs et on met des grabats. La mauvaise saison revenue, le local a changé d'aspect. Les pauvres vagabonds sont un peu décontenancés, mais l'amour brûlant que frère Albert leur manifeste les remet en confiance. Ces hommes qui vivent dans la misère sentent combien cet étrange moine les aime.
Pour nourrir ses pauvres, frère Albert parcourt les rues de Cracovie en demandant l'aumône. Les critiques pleuvent dru sur son passage, mais peu à peu l'opinion publique se range de son côté. Les maraîchères des halles de Cracovie lui font tous les jours un accueil chaleureux et s'empressent de remplir sa charrette de dons en nature. La Providence envoie à frère Albert des jeunes au coeur droit qui se laissent entraîner par la flamme d'amour qui l'embrase. Ils partagent la vie des misérables, les servent avec amour, nettoyant, lessivant, cuisinant. Pour les repas, tout le monde s'assoit par terre, puis on bavarde joyeusement. Cependant, les pauvres de l'asile ne sont pas de tout repos. Il y a là des bandits notoires, des gens qui ont maille à partir avec la justice et qui abusent de l'alcool. Parfois, les frères frôlent la mort. Quand l'atmosphère se fait lourde et menaçante, un frère musicien prend son violon et fait passer à travers son archet toute l'ardeur de son coeur. Souvent alors les disputes s'arrêtent, les visages s'adoucissent.
Tous les jours, frère Albert réunit ses fils et leur fait une instruction spirituelle. Il leur apprend à faire oraison et à s'occuper des pauvres par amour pour le Christ. Dans son Exhortation apostolique sur la vie consacrée, le Pape Jean-Paul II écrira: «L'option pour les pauvres se situe dans la logique même de l'amour vécu selon le Christ. Tous les disciples du Christ doivent donc la faire, mais ceux qui veulent suivre le Seigneur de plus près, en imitant son comportement, ne peuvent que se sentir concernés par elle de manière toute particulière. La sincérité de leur réponse à l'amour du Christ les conduit à vivre en pauvres et à embrasser la cause des pauvres... En réalité, avant même d'être un service des pauvres, la pauvreté évangélique est une valeur en soi, car elle évoque la première des Béatitudes par l'imitation du Christ pauvre. En effet, son sens primitif est de rendre témoignage à Dieu qui est la véritable richesse du coeur humain. C'est précisément pourquoi elle conteste avec force l'idolâtrie de Mammon (c'est-à-dire de l'argent)» (Vita consecrata, 82, 90). Face à un matérialisme indifférent aux besoins et aux souffrances des plus faibles, et même dépourvu de toute considération pour l'équilibre des ressources naturelles, la pauvreté évangélique est un appel à retrouver le sens de la mesure et la valeur des choses. Elle «suscite l'intérêt de ceux qui, conscients des limites des ressources de la planète, réclament le respect et la sauvegarde de la création en réduisant la consommation, en pratiquant la sobriété et en s'imposant le devoir de mettre un frein à leurs désirs» (Ibid.).
La contagion de l'exemple
Pour restaurer la dignité de ses pauvres, avilis par la misère, frère Albert se sert du travail, conçu comme un facteur de perfectionnement moral et de progrès humain. «Il y a des choses que la société n'a pas le droit de refuser à ses membres, déclare-t-il: le droit au travail qui leur assure un gîte et le pain quotidien. Si elle manque à ce devoir de justice, elle doit y suppléer par la charité». Frère Albert ouvre des ateliers où ses fils, revêtus de leur bure grossière et penchés sur leurs établis, donnent l'exemple d'un travail assidu. Cet exemple est contagieux: les pauvres prennent courage et retrouvent peu à peu le sens de leur dignité dans une vie de travail. Frère Albert écrit de petites pièces de théâtre qu'il fait jouer à ses pauvres avec les moyens du bord. Le succès en est considérable; les coeurs s'ouvrent et de vrais miracles de conversion se produisent. Aussi, lorsque frère Albert et ses fils récitent des prières, à genoux au milieu de l'asile, leurs compagnons se sentent attirés et se joignent à eux.
Dans son contrat passé avec la municipalité de Cracovie, frère Albert s'est engagé à prendre également en charge l'asile des femmes, qui dépasse en horreur celui des hommes, car, en plus de la misère, il abrite la débauche organisée. Le Seigneur lui envoie pour cette oeuvre des femmes qui formeront la branche féminine de sa Congrégation. Mais le travail que frère Albert demande à ses fils et ses filles est épuisant. Aussi, pour les reposer, il installe des ermitages dans des lieux isolés, où ils peuvent refaire leurs forces physiques et spirituelles en vivant du travail de leur mains, au grand air, face aux merveilles de la nature.
De nombreuses villes demandent à frère Albert des fondations. Il voyage beaucoup, toujours comme un pauvre, au prix de nombreuses souffrances. Il se consume pour donner, toujours donner. Il écrit: «Pour que le parfum se répande, il faut briser le vase. Il ne suffit pas que nous aimions Dieu, il faut encore qu'à notre contact d'autres coeurs s'embrasent. C'est cela qui compte. Personne ne monte au Ciel seul». En 1914, la première guerre mondiale le surprend en pleine activité. Mais ses jours sont comptés: depuis longtemps, il est rongé par un cancer de l'estomac. Il survit encore deux ans à travers de grandes souffrances. Fin 1916, alors que depuis longtemps son estomac ne supporte plus aucune nourriture solide, il entre dans une longue agonie. Jusqu'au bout, il accepte la volonté de Dieu, dans la foi et la reconnaissance. Enfin, le jour même de Noël, il rend son âme à Dieu, pendant l'Angélus de midi. Le Pape Jean-Paul II l'a canonisé le 12 novembre 1989.
Dans un monde souvent marqué par un matérialisme avide de possession, la pauvreté évangélique appelle à pratiquer la tempérance et à retrouver le sens de la gratuité. Que l'exemple du saint frère Albert et la contemplation de Jésus dans la pauvreté de la crèche, nous encouragent à adopter un style de vie modeste, au profit des plus pauvres! Nous y trouverons le bonheur et le salut: Heureux, vous les pauvres: le royaume de Dieu est à vous! (Lc 6, 20).
ALBERT CHMIELOWSKI
franciscain
1845-1916
EXTRAIT BIOGRAPHIQUE
Lors de l'insurrection polonaise contre l'occupation russe, en 1863, un cavalier polonais, Adam Chmielowski, s'était fait remarquer par une incroyable audace. Le 1er octobre 1864, il fonce au galop de son cheval à travers une forêt. Pris dans l'étau d'une canonnade, il sent soudain comme un fort coup de bâton sur sa jambe et il tombe à terre. On le transporte dans une cabane de forestiers où, peu après, des chasseurs Finlandais alliés du Tsar le trouvent. Le capitaine reconnaît ce jeune cavalier que maintes fois ses hommes ont pris pour cible, sans succès, à tel point qu'amis et ennemis l'ont cru invulnérable: «Vous aviez certainement un porte-bonheur, lui dit le capitaine. – J'avais le scapulaire de Notre-Dame sur la poitrine», répond fièrement Adam, en le regardant droit dans les yeux, car il sait bien qu'il a affaire à des Protestants. La jambe fracassée est gangrenée; il faut l'amputer. «Quand? demande-t-il. – Tout de suite. – Très bien, commencez!... Donnez-moi un cigare, cela me fera passer le temps». L'affreuse opération se déroule sans anesthésie. On conduit ensuite Adam dans un hôpital militaire en attendant de statuer sur son sort. Grâce à des complicités, il réussit à quitter l'hôpital, caché dans un cercueil.
Adam est né le 20 août 1845 à Igolomia, en Pologne. Après l'insurrection de 1863, il suit les cours de l'école des Beaux-Arts à Varsovie. En 1868, il est à Cracovie où il fréquente les Siemienski. Fidèle à la foi de ses ancêtres, M. Siemienski est cependant très ouvert aux courants scientistes qui viennent de l'occident. Son épouse, profondément chrétienne, possède un solide bon sens, et elle impressionne beaucoup Adam. À cette époque, se répand la mode de faire tourner les tables pour «évoquer les esprits». S'apercevant que les invités de son mari se livrent à ces pratiques spirites, Mme Siemienska prend l'avis de son confesseur, car elle ne peut persuader son époux de mettre un terme à ces amusements dangereux. Le prêtre lui conseille de prendre son chapelet et de prier tranquillement, sans se mêler aux séances.
Fendue en deux
«Un jour, raconte Adam, nous nous sommes assis autour d'une grande table en bois de chêne, si lourde que deux hommes pouvaient à peine la mouvoir. Sous nos doigts, elle se mit à tourner et à bondir, en répondant à nos questions par des coups secs et violents. Jamais encore elle n'avait été à tel point déchaînée... Mme Siemienska était assise dans l'embrasure d'une fenêtre et elle récitait à voix basse son chapelet. Cependant, nous étions en train de faire des virevoltes à travers toute la salle avec cette table diabolique et bondissante. Mme Siemienska n'y tint plus: elle se leva brusquement, vint vers nous et lança son chapelet sur la table tournante. Nous entendîmes alors comme une détonation de pistolet et la table s'arrêta net. Lorsqu'on ralluma les lumières, nous vîmes qu'elle était fendue en deux; l'épaisse plaque en chêne massif avait éclaté tout au long du diamètre, malgré les crampons qui la fixaient par en bas. Depuis ce jour, jamais plus nous ne nous amusâmes à faire tourner des tables».
Le Catéchisme de l'Église Catholique rappelle que «toutes les formes de divination sont à rejeter: recours à Satan ou aux démons, évocation des morts ou autres pratiques supposées à tort «dévoiler» l'avenir. La consultation des horoscopes, l'astrologie, la chiromancie, l'interprétation des présages et des sorts, les phénomènes de voyance, le recours aux médiums recèlent une volonté de puissance sur le temps, sur l'histoire et finalement sur les hommes en même temps qu'un désir de se concilier les puissances cachées. Elles sont en contradiction avec l'honneur et le respect, mêlé de crainte aimante, que nous devons à Dieu seul. Toutes les pratiques de magie ou de sorcellerie par lesquelles on prétend domestiquer les puissances occultes pour les mettre à son service et obtenir un pouvoir surnaturel sur le prochain – fût-ce pour lui procurer la santé –, sont gravement contraires à la vertu de religion... Le spiritisme implique souvent des pratiques divinatoires ou magiques. Aussi l'Église avertit-elle les fidèles de s'en garder» (CEC 2116-2117).
Pleine d'intérêt pour Adam, Mme Siemienska lui obtient une bourse pour l'année scolaire 1869-1870, et le jeune homme se rend à l'académie des Beaux-Arts de Munich. Là, il rencontre de nombreux compatriotes dont il devient rapidement le chef. L'un d'eux a pu écrire de lui: «Il avait sur le groupe une influence remarquable et son esprit, pénétrant et logique, découvrait avant tout autre le sens exact de l'art et son rapport avec l'âme humaine». Moins avancé que la plupart de ses compagnons dans la technique de la peinture, il s'exerce à peindre, «avec rage et acharnement», mais toujours d'une manière très personnelle et avec un véritable talent.
Adam cache autant que possible le handicap de sa jambe de bois. Mais sa prothèse lui cause bien des souffrances. Il lui arrive de tomber dans de soudaines crises de mélancolie jusqu'à ce que l'affection de ses amis le rende à nouveau sociable et communicatif. Cette mélancolie a une source profonde dans son tempérament qui aspire à toujours plus, à toujours mieux, et qui exige trop de lui-même. Il lui arrive de déchirer rageusement les toiles qu'il a peintes et qu'il estime sans valeur. D'une manière habituelle pourtant, il est de bonne humeur, très serviable, aimant à faire des plaisanteries.
Bâtir sur l'Évangile
De 1871 au printemps de 1873, Adam séjourne avec deux amis à Paris. Il reste profondément religieux et pratiquant. Passionné pour l'art, il ne se laisse pas atteindre par les tentations troubles. «Le travail absorbe à tel point le peintre, il désire tellement faire passer sur sa toile l'idéal entrevu que tout le reste ne compte pas», écrit-il. Devant les révolutions sociales qui affligent la France, il commente: «S'ils veulent du progrès, pourquoi ne bâtissent-ils pas leurs États selon l'Évangile?» Dans le même sens, le Pape Jean-Paul II affirme: «Le sarment greffé sur la vigne qui est le Christ donne ses fruits en tout secteur de l'activité et de l'existence. Tous les secteurs de la vie laïque, en effet, rentrent dans le dessein de Dieu, qui les veut comme le «lieu historique» de la Révélation et de la réalisation de la charité de Jésus-Christ à la gloire du Père et au service des frères» (Christifideles laici, 30 décembre 1998, n. 59).
Après un nouveau séjour à Munich, il rentre en Pologne et publie un article sur l'art. L'art est appelé à devenir «l'ami de l'homme, son guide» dans l'ascension vers Dieu. Sans ignorer la valeur de la technique, du talent et du métier, il considère que plus l'âme sera pure et belle, plus son oeuvre s'épanouira en beauté. Au début de 1879, Adam se rend à Lvov chez un ami. Là, mûrit en lui la décision de se faire religieux. Le 24 septembre 1880, il entre au noviciat des Jésuites de Stara Wies. Son âme est inondée de joie. Mais une épreuve terrible l'attend. Une grande retraite de trente jours commence. Adam s'y livre avec toute sa fougue; bientôt cependant, il est pris d'angoisse. Après un manquement anodin à ses résolutions, il tombe dans le scrupule et en devient malade. La crise est profonde et son frère, Stanislas, l'emmène chez lui pour l'aider à se reposer. Un jour, il entend un prêtre parler abondamment de la miséricorde de Dieu et la lumière se fait dans son esprit. Il retrouve la paix de l'âme mais ne retournera pas au noviciat des Jésuites.
Il se remet à la peinture. Son art se ressent du progrès spirituel que la souffrance lui a fait accomplir. Un jour, il découvre la Règle du Tiers-Ordre de saint François d'Assise. C'est pour lui un éblouissement. Il demande à être reçu dans le Tiers-Ordre et prend le nom de frère Albert. Rentré à Cracovie, il continue son métier de peintre, avec une souveraine liberté d'esprit à l'égard de tout ce qui n'est pas Dieu. Touché de l'esprit de pauvreté, il s'applique à voir dans le visage des mendiants qu'il rencontre la Sainte Face du Seigneur. En effet, «ici-bas, le Christ est pauvre dans la personne de ses pauvres» (Saint Augustin, Sermon 123, 3-4). Croisant un garçon, livide de froid et couvert de guenilles, frère Albert lui dit: «Viens chez moi». Dans l'atelier, où il y a un bon feu, le frère prépare à manger; puis il ajoute: «Et maintenant tu vas dormir. – Où donc? – Mais, dans le lit! – Et vous? – Je m'arrangerai». Le petit vagabond n'a même pas la force de protester, il se jette sur le lit et dix minutes après dort profondément!
Plutôt dormir sous les ponts!
Frère Albert découvre sa vocation. Bientôt, il mène une triple vie: la nuit, en compagnie des vagabonds qu'il reçoit dans son atelier; le jour, face à son chevalet de peintre pour gagner sa vie. Il visite les meilleures familles de l'aristocratie polonaise et y plaide la cause des misérables, mais ses efforts lui semblent une goutte d'eau devant un océan de besoins. Cependant, la présence des étranges locataires de son atelier lui cause des ennuis. Lorsqu'il est présent, tout se passe bien, mais s'il s'absente, ils font du chahut et les voisins se plaignent. Il lui faut quitter les lieux. Où aller? Il demande à l'un de ses hôtes: «Où passais-tu la nuit avant de venir ici? – Dans l'asile de nuit, à Kasimierz. – Il faudra que tu y retournes puisqu'on nous chasse d'ici. – Retourner là-bas? Je préfère dormir sous les ponts! Je préfère geler à mort...» Frère Albert réfléchit, puis ajoute: «Peux-tu m'y conduire? – Pensez vous! On vous tuerait et moi avec».
Avec quelques amis, frère Albert va cependant visiter l'asile de nuit des vagabonds, qui s'appelle «Ogrzewalnia». Dès l'entrée, ils sont pris à la gorge par une terrible puanteur. La salle est grande, mais d'une saleté innommable. Le long des murs se trouvent des bancs de bois brut où s'entassent des individus sinistres qui sèment la terreur, se gavent d'eau-de-vie et jouent aux cartes. Sous les bancs gisent des malades et des vieillards, qui supplient en vain qu'on leur donne une goutte d'eau. La salle est traversée par un tuyau brûlant, sous lequel se pelotonnent les corps de voyous et d'enfants profondément endormis. Vers minuit, d'autres habitués du lieu arrivent et on se roue de coups pour trouver un coin. À la sortie de ce lieu infâme, frère Albert et ses compagnons croient se réveiller d'un cauchemar. Tout à coup, dans le grand silence, le Frère s'écrie: «Il faut aller habiter avec eux. Je ne puis les laisser ainsi!»
Plus bas encore
Son directeur de conscience, un Lazariste, lui impose quelques mois de délai pour discerner si cet élan de générosité vient du Saint-Esprit. Lorsqu'on lui demandera par la suite les raisons de son extraordinaire vocation, il répondra: «Pour sauver les misérables, il ne faut pas les accabler de remontrances, ni leur faire la morale tout en étant rassasié et bien vêtu: il faut se baisser et descendre plus bas encore, devenir encore plus misérable». C'est bien la méthode employée par le Fils de Dieu Lui-même. Pour le frère Albert, le véritable Amour vient de Dieu, s'incarne dans le Christ, se communique par l'Eucharistie, porte des fruits de miséricorde et devient la source de tout bien, privé et public. À ses yeux, l'absence d'amour et le refus de la miséricorde constituent la cause profonde de tous les maux qui ravagent le monde.
Dans sa Lettre apostolique pour l'année de l'Eucharistie, le Pape Jean-Paul II écrit: «Dans l'Eucharistie, notre Dieu a manifesté la forme extrême de l'amour, bouleversant tous les critères de pouvoir, qui règlent trop souvent les rapports humains, et affirmant de façon radicale le critère du service: Si quelqu'un veut être le premier de tous, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous (Mc 9, 35)... Pourquoi alors ne pas faire de cette année de l'Eucharistie un temps au cours duquel les communautés diocésaines et paroissiales s'emploieraient de manière spéciale, par des actions fraternelles, à lutter contre telle ou telle forme des nombreuses pauvretés de notre monde?... Nous ne pouvons pas nous faire d'illusion: c'est à l'amour mutuel, et en particulier à la sollicitude manifestée à ceux qui sont dans le besoin, que nous serons reconnus comme de véritables disciples du Christ. Tel est le critère qui prouvera l'authenticité de nos célébrations eucharistiques» (Mane nobiscum Domine, 7 octobre 2004).
Avant de se lancer dans une aventure aussi exceptionnelle, frère Albert se présente à l'archevêque de Cracovie; le prélat lui accorde toute sa confiance et l'admet à prononcer les trois voeux de religion. Lors d'un séjour dans un couvent de Carmes, il se familiarise avec les oeuvres de saint Jean de la Croix qui devient son auteur préféré. Le Supérieur du couvent, le Père Raphaël Kalinowski, lui propose de se faire Carme. Frère Albert lui répond: «Que feraient sans moi mes clochards?» et le Père réplique: «Va, Frère, où Dieu t'appelle».
Le grand jour est arrivé: frère Albert se rend à «l'Orgzelwania». Il y est accueilli par des regards hostiles, narquois ou intrigués. Vêtu d'une bure grossière, il a, pour se faire respecter, l'infirmité de sa jambe de bois. Il déplie son petit balluchon: «Qui veut manger avec moi?» On regarde: il y a du saucisson à l'ail et du pain blanc. «Tu as de l'eau-de-vie?» demande une figure hirsute. Il en a apporté. «Comment t'appelles-tu? – Frère Albert. – Eh bien! si tu n'as pas où dormir, reste!» Le premier accueil est fait. Mais vers minuit, les plus durs arrivent. L'apercevant, ils s'écrient: «Va-t-en ou on te balance!» Les autres plaident sa cause: «S'il n'a pas où dormir, il a bien le droit de rester, comme toi et moi». Une bagarre va éclater. Mais finalement tout se calme.
Une icône toujours fleurie
En novembre 1888, frère Albert passe une convention officielle avec la ville de Cracovie pour l'usage des locaux de «l'Ogrzewalnia», le droit de quête dans les rues et la réinsertion sociale des plus valides. Très dévot à la Sainte Vierge, il suspend au mur de l'asile une icône de Notre-Dame de Czestochowa. Même parmi les plus mécréants, personne n'osera toucher à celle qui est la Reine du pays. Une petite lampe à huile brûle jour et nuit devant l'icône vénérable et des mains inconnues l'ornent de fleurs. Les beaux jours de 1889 venus, frère Albert, aidé d'une équipe de volontaires, rénove «l'Ogrzewalnia». On racle, on lave à grande eau, on fait la chasse aux punaises, on bouche les trous, on badigeonne les murs et on met des grabats. La mauvaise saison revenue, le local a changé d'aspect. Les pauvres vagabonds sont un peu décontenancés, mais l'amour brûlant que frère Albert leur manifeste les remet en confiance. Ces hommes qui vivent dans la misère sentent combien cet étrange moine les aime.
Pour nourrir ses pauvres, frère Albert parcourt les rues de Cracovie en demandant l'aumône. Les critiques pleuvent dru sur son passage, mais peu à peu l'opinion publique se range de son côté. Les maraîchères des halles de Cracovie lui font tous les jours un accueil chaleureux et s'empressent de remplir sa charrette de dons en nature. La Providence envoie à frère Albert des jeunes au coeur droit qui se laissent entraîner par la flamme d'amour qui l'embrase. Ils partagent la vie des misérables, les servent avec amour, nettoyant, lessivant, cuisinant. Pour les repas, tout le monde s'assoit par terre, puis on bavarde joyeusement. Cependant, les pauvres de l'asile ne sont pas de tout repos. Il y a là des bandits notoires, des gens qui ont maille à partir avec la justice et qui abusent de l'alcool. Parfois, les frères frôlent la mort. Quand l'atmosphère se fait lourde et menaçante, un frère musicien prend son violon et fait passer à travers son archet toute l'ardeur de son coeur. Souvent alors les disputes s'arrêtent, les visages s'adoucissent.
Tous les jours, frère Albert réunit ses fils et leur fait une instruction spirituelle. Il leur apprend à faire oraison et à s'occuper des pauvres par amour pour le Christ. Dans son Exhortation apostolique sur la vie consacrée, le Pape Jean-Paul II écrira: «L'option pour les pauvres se situe dans la logique même de l'amour vécu selon le Christ. Tous les disciples du Christ doivent donc la faire, mais ceux qui veulent suivre le Seigneur de plus près, en imitant son comportement, ne peuvent que se sentir concernés par elle de manière toute particulière. La sincérité de leur réponse à l'amour du Christ les conduit à vivre en pauvres et à embrasser la cause des pauvres... En réalité, avant même d'être un service des pauvres, la pauvreté évangélique est une valeur en soi, car elle évoque la première des Béatitudes par l'imitation du Christ pauvre. En effet, son sens primitif est de rendre témoignage à Dieu qui est la véritable richesse du coeur humain. C'est précisément pourquoi elle conteste avec force l'idolâtrie de Mammon (c'est-à-dire de l'argent)» (Vita consecrata, 82, 90). Face à un matérialisme indifférent aux besoins et aux souffrances des plus faibles, et même dépourvu de toute considération pour l'équilibre des ressources naturelles, la pauvreté évangélique est un appel à retrouver le sens de la mesure et la valeur des choses. Elle «suscite l'intérêt de ceux qui, conscients des limites des ressources de la planète, réclament le respect et la sauvegarde de la création en réduisant la consommation, en pratiquant la sobriété et en s'imposant le devoir de mettre un frein à leurs désirs» (Ibid.).
La contagion de l'exemple
Pour restaurer la dignité de ses pauvres, avilis par la misère, frère Albert se sert du travail, conçu comme un facteur de perfectionnement moral et de progrès humain. «Il y a des choses que la société n'a pas le droit de refuser à ses membres, déclare-t-il: le droit au travail qui leur assure un gîte et le pain quotidien. Si elle manque à ce devoir de justice, elle doit y suppléer par la charité». Frère Albert ouvre des ateliers où ses fils, revêtus de leur bure grossière et penchés sur leurs établis, donnent l'exemple d'un travail assidu. Cet exemple est contagieux: les pauvres prennent courage et retrouvent peu à peu le sens de leur dignité dans une vie de travail. Frère Albert écrit de petites pièces de théâtre qu'il fait jouer à ses pauvres avec les moyens du bord. Le succès en est considérable; les coeurs s'ouvrent et de vrais miracles de conversion se produisent. Aussi, lorsque frère Albert et ses fils récitent des prières, à genoux au milieu de l'asile, leurs compagnons se sentent attirés et se joignent à eux.
Dans son contrat passé avec la municipalité de Cracovie, frère Albert s'est engagé à prendre également en charge l'asile des femmes, qui dépasse en horreur celui des hommes, car, en plus de la misère, il abrite la débauche organisée. Le Seigneur lui envoie pour cette oeuvre des femmes qui formeront la branche féminine de sa Congrégation. Mais le travail que frère Albert demande à ses fils et ses filles est épuisant. Aussi, pour les reposer, il installe des ermitages dans des lieux isolés, où ils peuvent refaire leurs forces physiques et spirituelles en vivant du travail de leur mains, au grand air, face aux merveilles de la nature.
De nombreuses villes demandent à frère Albert des fondations. Il voyage beaucoup, toujours comme un pauvre, au prix de nombreuses souffrances. Il se consume pour donner, toujours donner. Il écrit: «Pour que le parfum se répande, il faut briser le vase. Il ne suffit pas que nous aimions Dieu, il faut encore qu'à notre contact d'autres coeurs s'embrasent. C'est cela qui compte. Personne ne monte au Ciel seul». En 1914, la première guerre mondiale le surprend en pleine activité. Mais ses jours sont comptés: depuis longtemps, il est rongé par un cancer de l'estomac. Il survit encore deux ans à travers de grandes souffrances. Fin 1916, alors que depuis longtemps son estomac ne supporte plus aucune nourriture solide, il entre dans une longue agonie. Jusqu'au bout, il accepte la volonté de Dieu, dans la foi et la reconnaissance. Enfin, le jour même de Noël, il rend son âme à Dieu, pendant l'Angélus de midi. Le Pape Jean-Paul II l'a canonisé le 12 novembre 1989.
Dans un monde souvent marqué par un matérialisme avide de possession, la pauvreté évangélique appelle à pratiquer la tempérance et à retrouver le sens de la gratuité. Que l'exemple du saint frère Albert et la contemplation de Jésus dans la pauvreté de la crèche, nous encouragent à adopter un style de vie modeste, au profit des plus pauvres! Nous y trouverons le bonheur et le salut: Heureux, vous les pauvres: le royaume de Dieu est à vous! (Lc 6, 20).
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
SAINT
ALBERTO HURTADO CRUCHAGA
(1901-1952)
ALBERTO HURTADO CRUCHAGA est né le 22 janvier 1901 à Viña del Mar au Chili et devint orphelin de père à l’âge de 4 ans. Sa mère fut contrainte de vendre à des conditions défavorables leur modeste propriété pour payer les dettes de la famille. En conséquence, Alberto et son frère durent aller vivre auprès de parents et furent souvent déplacés de chez l’un vers chez l’autre. Dès son jeune âge, il apprit la condition des pauvres sans domicile et à la merci d’autrui.
Une bourse d’étude lui donna la possibilité de fréquenter le Collège des Jésuites à Santiago. Là, il devint membre de la Congrégation Mariale et, comme tel, s’intéressa vivement aux pauvres, prenant du temps avec eux dans les quartiers les plus misérables chaque dimanche après-midi.
A la fin de ses études secondaires en 1917, il aurait voulu devenir jésuite, mais on lui conseilla de retarder la réalisation d’un tel projet afin de s’occuper de sa mère et de son frère plus jeune. En travaillant l’après-midi et le soir, il réussit à subvenir à leurs besoins, tout en fréquentant la Faculté de Droit de l’Université Catholique. Pendant cette période aussi, sa sollicitude pour les pauvres qu’il visitait chaque dimanche, ne se démentait pas. L’obligation du service militaire interrompit ses études mais, une fois son devoir accompli, il obtint son diplôme au début d’août 1923.
Le 15 du même mois, il entra au Noviciat de la Compagnie à Chillán. En 1925, il alla à Cordoba, en Argentine, où il étudia les humanités.
En 1927, il fut envoyé en Espagne pour étudier la philosophie et la théologie. Cependant, en raison de la suppression de la Compagnie dans ce pays en 1931, il dut partir en Belgique et continuer la théologie à Louvain. C’est là qu’il fut ordonné prêtre le 24 août 1933 et qu’il obtint le doctorat en Pédagogie et Psychologie en 1935. Après avoir accompli le Troisième An de Probation à Drongen, toujours en Belgique, il retourna au Chili en janvier 1936. De retour dans son pays, son zèle s’étendit progressivement à tous les domaines: il commença à déployer son activité comme professeur de religion au Collège Saint Ignace, de pédagogie à l’Université Catholique de Santiago et au Séminaire Pontifical. Il écrivit divers essais sur l’éducation, comme aussi sur l’ordre social chrétien. Il construisit une maison d’Exercices Spirituels dans un village qui porte aujourd’hui son nom. Il fut directeur de la Congrégation Mariale des étudiants, les impliquant dans la catéchèse des pauvres. Il anima des retraites innombrables selon les Exercices Spirituels, et offrit sa direction spirituelle à de nombreux jeunes, accompagnant plusieurs d’entre eux dans leur réponse à une vocation sacerdotale et contribuant de façon notable à la formation de nombreux laïcs chrétiens.
En 1941, le Père Hurtado publia son livre le plus fameux: «¿Es Chile un pais Católico? ». La même année lui fut confiée la responsabilité d’Assistant de la section des jeunes de l’Action Catholique pour l’Archidiocèse de Santiago, puis, l’année suivante, au niveau national. Il s’y engagea avec un esprit remarquable d’initiative, de dévouement et de sacrifice.
En octobre de l’année 1944, alors qu’il donnait les Exercices, il ressentit le besoin impérieux de faire appel aux auditeurs en leur demandant de penser aux nombreux pauvres de la ville, et en particulier aux enfants innombrables qui vagabondaient dans les rues de Santiago. Cet appel suscita promptement un élan de générosité et fut le début de l’initiative qui a fait connaître de plus le Père Hurtado. Il s’agit d’une forme d’action caritative qui fournissait aux personnes sans domicile non seulement un endroit où vivre, mais un vrai foyer domestique: «El Hogar de Cristo ».
Au moyen des contributions des bienfaiteurs et avec la collaboration active de laïcs engagés, le Père Hurtado ouvrit une première maison d’accueil pour les enfants, puis pour les femmes, puis encore une autre pour les hommes: les pauvres commencèrent ainsi finalement à avoir au « Hogar de Cristo » une ambiance familiale où vivre. Ces maisons se multiplièrent, tout en adoptant des formes et des caractéristiques nouvelles: certaines devinrent des centres de réhabilitation; d’autres des centres de formation artisanale, et ainsi de suite, le tout toujours inspiré par des valeurs chrétiennes et imprégné de celles-ci.
En 1945, Le Père Hurtado visita les Etats-Unis pour étudier le mouvement «Boys Town» de façon à l’adapter à son pays. Les six dernières années de sa vie furent dédiées au développement des diverses formes selon lesquelles «El Hogar de Cristo » existait et opérait.
En 1947 le Père Hurtado fonda l’Association Syndicale Chilienne (ASICH), pour promouvoir un syndicalisme s’inspirant de la Doctrine Sociale de l’Eglise.
Entre 1947 et 1950, il écrivit trois livres importants sur les syndicats, sur l’humanisme social et sur l’ordre social chrétien. En 1951, il fonda le revue «Mensaje » la célèbre revue des Jésuites chiliens destinée à faire connaître et à expliquer la Doctrine de l’Eglise.
Un cancer du pancréas le conduisit en quelques mois à la fin de sa vie. Au milieu de douleurs atroces on l’entendit répéter souvent: « Content, Seigneur, Content ».
Après avoir passé son existence à manifester l’amour de Dieu aux pauvres, il fut rappelé à Lui le 18 août 1952.
Depuis son retour au Chili jusqu’à sa mort, le Père Hurtado a vécu seulement quinze années. Ce furent des années d’apostolat intense, expression d’un profond amour personnel pour le Christ et, pour cette raison même, caractérisé par un grand dévouement aux enfants pauvres et abandonnés, par un zèle ardent pour la formation des laïcs, et par un sens vif de la justice sociale chrétienne.
Le Père Hurtado a été béatifié par le Pape Jean-Paul II le 16 octobre 1994.
Canonisé par le Pape Benoît XVI le 25 octobre 2005.
ALBERTO HURTADO CRUCHAGA
(1901-1952)
ALBERTO HURTADO CRUCHAGA est né le 22 janvier 1901 à Viña del Mar au Chili et devint orphelin de père à l’âge de 4 ans. Sa mère fut contrainte de vendre à des conditions défavorables leur modeste propriété pour payer les dettes de la famille. En conséquence, Alberto et son frère durent aller vivre auprès de parents et furent souvent déplacés de chez l’un vers chez l’autre. Dès son jeune âge, il apprit la condition des pauvres sans domicile et à la merci d’autrui.
Une bourse d’étude lui donna la possibilité de fréquenter le Collège des Jésuites à Santiago. Là, il devint membre de la Congrégation Mariale et, comme tel, s’intéressa vivement aux pauvres, prenant du temps avec eux dans les quartiers les plus misérables chaque dimanche après-midi.
A la fin de ses études secondaires en 1917, il aurait voulu devenir jésuite, mais on lui conseilla de retarder la réalisation d’un tel projet afin de s’occuper de sa mère et de son frère plus jeune. En travaillant l’après-midi et le soir, il réussit à subvenir à leurs besoins, tout en fréquentant la Faculté de Droit de l’Université Catholique. Pendant cette période aussi, sa sollicitude pour les pauvres qu’il visitait chaque dimanche, ne se démentait pas. L’obligation du service militaire interrompit ses études mais, une fois son devoir accompli, il obtint son diplôme au début d’août 1923.
Le 15 du même mois, il entra au Noviciat de la Compagnie à Chillán. En 1925, il alla à Cordoba, en Argentine, où il étudia les humanités.
En 1927, il fut envoyé en Espagne pour étudier la philosophie et la théologie. Cependant, en raison de la suppression de la Compagnie dans ce pays en 1931, il dut partir en Belgique et continuer la théologie à Louvain. C’est là qu’il fut ordonné prêtre le 24 août 1933 et qu’il obtint le doctorat en Pédagogie et Psychologie en 1935. Après avoir accompli le Troisième An de Probation à Drongen, toujours en Belgique, il retourna au Chili en janvier 1936. De retour dans son pays, son zèle s’étendit progressivement à tous les domaines: il commença à déployer son activité comme professeur de religion au Collège Saint Ignace, de pédagogie à l’Université Catholique de Santiago et au Séminaire Pontifical. Il écrivit divers essais sur l’éducation, comme aussi sur l’ordre social chrétien. Il construisit une maison d’Exercices Spirituels dans un village qui porte aujourd’hui son nom. Il fut directeur de la Congrégation Mariale des étudiants, les impliquant dans la catéchèse des pauvres. Il anima des retraites innombrables selon les Exercices Spirituels, et offrit sa direction spirituelle à de nombreux jeunes, accompagnant plusieurs d’entre eux dans leur réponse à une vocation sacerdotale et contribuant de façon notable à la formation de nombreux laïcs chrétiens.
En 1941, le Père Hurtado publia son livre le plus fameux: «¿Es Chile un pais Católico? ». La même année lui fut confiée la responsabilité d’Assistant de la section des jeunes de l’Action Catholique pour l’Archidiocèse de Santiago, puis, l’année suivante, au niveau national. Il s’y engagea avec un esprit remarquable d’initiative, de dévouement et de sacrifice.
En octobre de l’année 1944, alors qu’il donnait les Exercices, il ressentit le besoin impérieux de faire appel aux auditeurs en leur demandant de penser aux nombreux pauvres de la ville, et en particulier aux enfants innombrables qui vagabondaient dans les rues de Santiago. Cet appel suscita promptement un élan de générosité et fut le début de l’initiative qui a fait connaître de plus le Père Hurtado. Il s’agit d’une forme d’action caritative qui fournissait aux personnes sans domicile non seulement un endroit où vivre, mais un vrai foyer domestique: «El Hogar de Cristo ».
Au moyen des contributions des bienfaiteurs et avec la collaboration active de laïcs engagés, le Père Hurtado ouvrit une première maison d’accueil pour les enfants, puis pour les femmes, puis encore une autre pour les hommes: les pauvres commencèrent ainsi finalement à avoir au « Hogar de Cristo » une ambiance familiale où vivre. Ces maisons se multiplièrent, tout en adoptant des formes et des caractéristiques nouvelles: certaines devinrent des centres de réhabilitation; d’autres des centres de formation artisanale, et ainsi de suite, le tout toujours inspiré par des valeurs chrétiennes et imprégné de celles-ci.
En 1945, Le Père Hurtado visita les Etats-Unis pour étudier le mouvement «Boys Town» de façon à l’adapter à son pays. Les six dernières années de sa vie furent dédiées au développement des diverses formes selon lesquelles «El Hogar de Cristo » existait et opérait.
En 1947 le Père Hurtado fonda l’Association Syndicale Chilienne (ASICH), pour promouvoir un syndicalisme s’inspirant de la Doctrine Sociale de l’Eglise.
Entre 1947 et 1950, il écrivit trois livres importants sur les syndicats, sur l’humanisme social et sur l’ordre social chrétien. En 1951, il fonda le revue «Mensaje » la célèbre revue des Jésuites chiliens destinée à faire connaître et à expliquer la Doctrine de l’Eglise.
Un cancer du pancréas le conduisit en quelques mois à la fin de sa vie. Au milieu de douleurs atroces on l’entendit répéter souvent: « Content, Seigneur, Content ».
Après avoir passé son existence à manifester l’amour de Dieu aux pauvres, il fut rappelé à Lui le 18 août 1952.
Depuis son retour au Chili jusqu’à sa mort, le Père Hurtado a vécu seulement quinze années. Ce furent des années d’apostolat intense, expression d’un profond amour personnel pour le Christ et, pour cette raison même, caractérisé par un grand dévouement aux enfants pauvres et abandonnés, par un zèle ardent pour la formation des laïcs, et par un sens vif de la justice sociale chrétienne.
Le Père Hurtado a été béatifié par le Pape Jean-Paul II le 16 octobre 1994.
Canonisé par le Pape Benoît XVI le 25 octobre 2005.
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ALBERTO MARVELLI
laïc, salésien, bienheureux
(1918-1946)
Alberto Marvelli est né à Ferrare (Italie) le 21 mars 1918, il était le deuxième de six enfants. Il grandit dans une famille profondément chrétienne, où la piété se conjuguait avec l'activité caritative, catéchétique et sociale. Dans sa jeunesse, il fréquenta le Patronage salésien et l'Action catholique, où sa foi se développa à travers un choix décisif: "Mon programme se résume en un mot: la sainteté".
A l'Université, il mûrit sa formation culturelle et spirituelle dans la FUCI, et choisit comme modèle Piergiorgio Frassati.
Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, il travailla pendant une brève période dans les usines FIAT de Turin, ayant été exempté de l'armée car trois de ses frères se trouvaient déjà au front. Lors de l'occupation allemande de l'Italie, à partir de 1943, il rentra chez lui, à Rimini, où il décida de remplir son devoir d'ouvrier de la charité. Après les bombardements, il était le premier à venir en aide aux blessés, à encourager les survivants, à assister les mourants, et à dégager les personnes prisonnières sous les décombres. Il distribuait également aux pauvres tout ce qu'il réussissait à réunir: matelas, couvertures, etc. Il allait chez les paysans et les commerçants pour acheter toutes sortes de denrées alimentaires, puis il chargeait sa bicyclette et se rendait dans les maisons où régnaient la faim et la maladie. Parfois, il rentrait chez lui sans chaussures ni bicyclette, ayant préféré secourir ceux qui étaient dans le besoin. Au cours de l'occupation allemande, il réussit à sauver de nombreux jeunes de la déportation. Accomplissant des actions courageuses et héroïques, il ouvrit des wagons déjà scellés qui allaient partir de la gare de Santarcangelo, libérant ainsi des hommes et des femmes destinés aux camps de concentration.
Après la libération de la ville, le 23 septembre 1945, la première Junte du Comité de Libération fut constituée. Parmi les assesseurs se trouvait également Alberto Marvelli: il n'était inscrit à aucun parti, il n'avait pas été maquisard, mais tous reconnurent et apprécièrent le travail qu'il avait accompli en faveur des réfugiés. Il n'avait que 26 ans, mais savait affronter les problèmes avec compétence et les situations difficiles avec courage. On lui confia la tâche la plus difficile: s'occuper de la commission pour le logement, qui devait organiser l'attribution des logements en ville, traiter des problèmes juridiques, réquisitionner des appartements, créant bien sûr d'inévitables ressentiments. On lui confia ensuite la tâche de la reconstruction, en tant que collaborateur de la section détachée du Génie civil.
Il s'inscrivit ensuite au parti politique de la Démocratie chrétienne, ressentant et vivant son engagement politique comme un service à la collectivité: l'activité politique pouvait et devait devenir l'expression la plus élevée de la foi vécue.
En 1945, son Evêque l'appela à diriger les Diplômés catholiques. Il ouvrit ensuite une Université populaire et une soupe populaire, priant avec les pauvres et étant attentif leurs nécessités. Son activité en faveur de tous fut inlassable: il compta au nombre des fondateurs des ACLI et créa également une coopérative de travailleurs du bâtiment. L'intimité avec Jésus Eucharistie ne signifia jamais un repli sur lui-même, mais une force pour entreprendre un travail de rédemption et de libération capable d'humaniser la face de la terre.
Le soir du 5 octobre 1946, à l'âge de 28 ans, se rendant à une réunion électorale en bicyclette, il fut renversé par un camion militaire et mourut quelques heures plus tard. Sa mort suscita une profonde émotion. Par sa manière de vivre l'apostolat des laïcs au sein de la société, il fait figure d'authentique précurseur du Concile Vatican II.
laïc, salésien, bienheureux
(1918-1946)
Alberto Marvelli est né à Ferrare (Italie) le 21 mars 1918, il était le deuxième de six enfants. Il grandit dans une famille profondément chrétienne, où la piété se conjuguait avec l'activité caritative, catéchétique et sociale. Dans sa jeunesse, il fréquenta le Patronage salésien et l'Action catholique, où sa foi se développa à travers un choix décisif: "Mon programme se résume en un mot: la sainteté".
A l'Université, il mûrit sa formation culturelle et spirituelle dans la FUCI, et choisit comme modèle Piergiorgio Frassati.
Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, il travailla pendant une brève période dans les usines FIAT de Turin, ayant été exempté de l'armée car trois de ses frères se trouvaient déjà au front. Lors de l'occupation allemande de l'Italie, à partir de 1943, il rentra chez lui, à Rimini, où il décida de remplir son devoir d'ouvrier de la charité. Après les bombardements, il était le premier à venir en aide aux blessés, à encourager les survivants, à assister les mourants, et à dégager les personnes prisonnières sous les décombres. Il distribuait également aux pauvres tout ce qu'il réussissait à réunir: matelas, couvertures, etc. Il allait chez les paysans et les commerçants pour acheter toutes sortes de denrées alimentaires, puis il chargeait sa bicyclette et se rendait dans les maisons où régnaient la faim et la maladie. Parfois, il rentrait chez lui sans chaussures ni bicyclette, ayant préféré secourir ceux qui étaient dans le besoin. Au cours de l'occupation allemande, il réussit à sauver de nombreux jeunes de la déportation. Accomplissant des actions courageuses et héroïques, il ouvrit des wagons déjà scellés qui allaient partir de la gare de Santarcangelo, libérant ainsi des hommes et des femmes destinés aux camps de concentration.
Après la libération de la ville, le 23 septembre 1945, la première Junte du Comité de Libération fut constituée. Parmi les assesseurs se trouvait également Alberto Marvelli: il n'était inscrit à aucun parti, il n'avait pas été maquisard, mais tous reconnurent et apprécièrent le travail qu'il avait accompli en faveur des réfugiés. Il n'avait que 26 ans, mais savait affronter les problèmes avec compétence et les situations difficiles avec courage. On lui confia la tâche la plus difficile: s'occuper de la commission pour le logement, qui devait organiser l'attribution des logements en ville, traiter des problèmes juridiques, réquisitionner des appartements, créant bien sûr d'inévitables ressentiments. On lui confia ensuite la tâche de la reconstruction, en tant que collaborateur de la section détachée du Génie civil.
Il s'inscrivit ensuite au parti politique de la Démocratie chrétienne, ressentant et vivant son engagement politique comme un service à la collectivité: l'activité politique pouvait et devait devenir l'expression la plus élevée de la foi vécue.
En 1945, son Evêque l'appela à diriger les Diplômés catholiques. Il ouvrit ensuite une Université populaire et une soupe populaire, priant avec les pauvres et étant attentif leurs nécessités. Son activité en faveur de tous fut inlassable: il compta au nombre des fondateurs des ACLI et créa également une coopérative de travailleurs du bâtiment. L'intimité avec Jésus Eucharistie ne signifia jamais un repli sur lui-même, mais une force pour entreprendre un travail de rédemption et de libération capable d'humaniser la face de la terre.
Le soir du 5 octobre 1946, à l'âge de 28 ans, se rendant à une réunion électorale en bicyclette, il fut renversé par un camion militaire et mourut quelques heures plus tard. Sa mort suscita une profonde émotion. Par sa manière de vivre l'apostolat des laïcs au sein de la société, il fait figure d'authentique précurseur du Concile Vatican II.
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
BIENHEUREUSE
ALEXANDRINA MARIA DA COSTA
vierge et mystique
(1904-1955)
ALEXANDRINA MARIA DA COSTA
vierge et mystique
(1904-1955)
EXTRAIT BIOGRAPHIQUE
Alexandrina Maria da Costa naquit à Balasar — petit village portugais à environ 50 km au nord de Porto, et à environ 250 km de Fatima — le 30 mars 1904.
Issue d’une famille chrétienne et pratiquante, dès son plus jeune âge, elle eût une très grande dévotion envers la très Sainte Vierge qu’elle appelait tendrement Mãezinha.[1]
En 1911, afin de pouvoir s’instruire, elle partit, avec sa sœur, Deolinda, à Póvoa de Varzim, distante de Balasar d'environ 16 km. En effet, au village natale, à ce temps-là, il n’existait pas d’école pour les jeunes filles.
« A Póvoa de Varzim — raconte Alexandrina dans son “Autobiographie” — j’ai fait ma première communion... J’avais alors 7 ans... J’ai communié à genoux et, malgré ma petite taille, j’ai pu fixer la sainte Hostie, de telle manière qu’elle s’est imprimée en mon âme. J’ai cru alors m’unir à Jésus pour ne plus être séparée de Lui. Il prit possession de mon cœur, ce me semble. La joie que je ressentais était inexprimable. A tous j’annonçais la bonne nouvelle... »
En cette même année, « à Vila do Conde,[2] j’ai reçu, des mains de Son Excellence l’Évêque de Porto, le sacrement de Confirmation. Je me souviens, très bien, de cette cérémonie et de la joie qu’elle m’a procurée. Au moment où je recevais ce sacrement, je ne sais pas bien expliquer ce que j’ai ressenti: on dirait qu’une grâce surnaturelle me transformait et m’unissait plus profondément à Notre-Seigneur. Je voudrais bien expliquer tout cela, mais je ne le sais pas. »
Après dix-huit mois de séjour à Póvoa, Alexandrina et Deolinda revinrent à Balasar auprès de leur mère et, presque aussitôt, elles déménagèrent et vinrent habiter, toujours à Balasar, au lieu-dit Calvário, comme si le Seigneur voulait lui montrer, dès lors, quelle serait sa mission sur la terre: être victime pour les pécheurs et vivre sa passion, dès le Jardin des Oliviers jusqu’au Calvaire (Calvário).
Avant d’aller plus loin dans ces extraits biographiques de la servante de Dieu, il est utile de parler d’un fait extraordinaire qui eut lieu dans le village en 1832. Jésus y fera allusion, au moins deux fois, lors de ses colloques.
En 1832, disions-nous, en allant à la messe, les paroissiens de Balasar découvrirent, en face de leur église, une croix de terre. Cette croix était composée de terre, plus noire que celle qui l’entourait. Intrigués, ils appelèrent monsieur l’abbé qui, sagement, la fit effacer. Aussitôt la même terre noire remonta, reformant ainsi la croix. Une deuxième fois, puis une troisième, monsieur le curé la fit effacer. Peine perdue, car à chaque fois la croix se reformait. Il fallut alors faire appel aux autorités pour en faire le constat. Monsieur l’abbé lui-même dût faire un rapport circonstancié qu’il envoya à son archevêque.
La foi et la piété des villageois étant grande et sincère, ils décidèrent de protéger cette croix par la construction d’une chapelle qui peut encore, de nos jours, être visitée. Et elle l’est par tous ceux — et ils sont de plus en plus nombreux! — qui vont prier sur la tombe de la servante de Dieu.
Mais reprenons notre récit et retrouvons Alexandrina à l’âge de 14 ans.
L’école terminée, il fallait gagner le « pain de chaque jour », « à la sueur de son front ». Malgré son âge tendre, la jeune fille fut placée chez un voisin, cultivateur. Cette place, elle ne la garda pas bien longtemps. Le cultivateur, personnage très bizarre, la maltraitait et de surcroît, n’avait que des “gros-mots” à la bouche, ce qui attristait grandement le cœur pure et simple de la jeune fille.
Au courant de cet état de choses, la mère d’Alexandrina, Maria Ana, la reprit à la maison.
Ce fut alors, qu’un événement qui nous prouve sa pureté d’âme eut lieu.
« Un jour,[3] — c’est Alexandrina qui raconte dans son Autobiographie — alors qu'avec ma sœur et une autre fille plus âgée que nous, nous travaillions à la couture, nous avons aperçu trois individus venant dans notre direction. Deolinda, comme si elle pressentait quelque chose, m'a dit de fermer la porte du salon. Quelques instants après, nous avons entendu des pas dans les escaliers et ensuite quelqu'un frapper à la porte.
— Qui est là? — a demandé ma sœur. Et l'un d'entre eux, qui avait été mon patron, nous demanda d'ouvrir, sans plus.
— Il n'y a pas de travail pour vous ici, donc, pas question d'ouvrir, rétorqua Deolinda.
Après quelques instants de silence, nous avons entendu que le même individu montait par l'échelle qui de l'étable, par une trappe, donnait dans le salon. Effrayées, nous avons tiré la machine à coudre sur cette trappe.
Le voyou, se rendant compte que la trappe était fermée, commença à frapper de grands coups de marteau sur celle-ci, jusqu'à soulever quelques planches et à pratiquer un passage, par lequel il pénétra dans le salon.
Deolinda, en voyant cela, a ouvert la porte et, elle est parvenue à s'enfuir, bien que les autres deux qui dehors l'attendait, aient essayé de la retenir, en tirant sur ses vêtements.
L'autre fille l'a suivie, mais ils l'ont attrapée.
Devant cette scène, je me suis vue perdue. J'ai regardé autour de moi et, désespérément je me suis accrochée à la fenêtre qui était ouverte et sans la moindre hésitation j'ai sauté [4] en bas, en tombant lourdement. J'ai voulu me lever aussitôt, mais je ne le pouvais pas; une douleur lancinante traversait mon épine dorsale.
Nerveuse, dès que j'ai pu me relever, j'ai ramassé par terre un piquet et suis partie pour essayer de défendre ma sœur entouré par les deux plus âgés, tandis que notre amie, dans le couloir, luttait avec le troisième. Je n'ai plus pensé qu'à les défendre.
— Hors d'ici! a été mon premier cri.
Ce fut comme un éclair, le voyou qui se trouvait dans le couloir, a prit peur et a laissé immédiatement la jeune fille. C'est alors seulement, que je me suis renaude compte que j'avais perdu une bague en or, lors de la chute.
— Chiens! À cause de vous j'ai perdu ma bague...
Tout de suite l'un d'eux, enlevant une bague de son doigt, me l'a présentée, en disant:
— Tiens, prends celle-ci, ne te fâches pas contre moi...
— Je n'en veux pas! — lui ai-je répondu, indignée — débarrasse le plancher tout de suite... immédiatement!
Ils se sont retirés. Et nous, excitées et haletantes, nous sommes retournées à notre travail.
De tout ceci, moi et ma sœur, n'avons soufflé mot à personne, afin d'éviter une tragédie. Toutefois ma mère, par la suite, a fini par l'apprendre, de la bouche de notre amie.
Quelque temps après, j'ai commencé à souffrir de plus en plus. Tous disaient que c’était à cause du saut que j’ai fait en bas de la fenêtre. Même les médecins, plus tard, confirmèrent que ce saut a dû contribuer à aggraver mon infirmité. »
En effet, peu de temps après, la jeune Alexandrina fut contrainte de recueillir au lit, pour ne plus jamais se relever jusqu’à sa mort.
Les premiers temps de sa maladie, elle chercha à passer le temps en jouant aux cartes avec les filles de son âge qui venaient la visiter. Mais, peu à peu, son comportement changea et « le désir d’aimer la souffrance et de ne penser qu’à Jésus seul », commença à l’habiter et à croître chaque jour d’avantage.
Ce fut à cette époque qu’elle composa son hymne en l’honneur des Tabernacles, qui est un petit chef-d’œuvre du genre.[5] Ce fut aussi en cette période que la servante de Dieu, en récitant cette même prière, lévitait et ressentait dans son cœur de fortes chaleurs, tout particulièrement après la Communion. C’était le début d’une extraordinaire histoire d’amour entre elle et Jésus, car, au plus fort de ces phénomènes qu’elle méconnaissait, mais qu’elle croyait sincèrement venir de Jésus, elle demandait au Seigneur:
“Que faut-il que je fasse?”
La réponse reçue était invariable:
“Souffrir, aimer, réparer!”
Petit à petit elle prit conscience de sa mission et, fit le “vœu le plus parfait” et s’offrit à Jésus comme vic-time pour les pécheurs.
En 1934, après la Communion, elle entendit Jésus l’inviter à participer à sa Passion:
Donne-moi tes mains: je veux les crucifier; donne-moi tes pieds: je veux les clouer avec moi; donne-moi ta tête: je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi; donne-moi ton cœur: je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien; consacre-moi ton corps, offre-toi toute à moi.
Humblement et simplement, Alexandrina accepta l’invitation.
« J’avais cédé à l’invitation du Seigneur, mais je pensais que les sacrifices Qu’il me demandait n’étaient que ceux résultant de ma maladie, même si majorés; il ne m’était pas venu à l’esprit qu’il me ferait passer par des phénomènes singuliers. »
“Il me parlait de jour comme de nuit... Il se confiait à moi...” raconte-t-elle encore.
Jésus la préparait pour sa mission sublime, disons plutôt ses missions: les pécheurs, les Tabernacles abandonnés ou profanés et la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.
Ne me refuse pas les souffrances et les sacrifices pour les pécheurs! La Justice de Dieu pèse sur eux. Toi, tu peux les secourir.
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur faiblesse je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Oublie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras: je choisirai tes sentiers.
Et les appels de Jésus continuent, vibrants d’amour et de fermeté:
Je t’ai choisie pour moi. Corresponds à mon amour. Je veux être ton Époux, ton Bien-Aimé, ton tout. Je t’ai choisie aussi pour le bonheur de beaucoup d’âmes. Tu es mon temple, temple de la très Sainte-Trinité. Toutes les âmes en état de grâce le sont, mais tu l’es de façon spéciale. Tu es un Tabernacle choisi par moi, afin que j’y habite et m’y repose. Je veux rassasier ta soif pour mon Sacrement d’amour.
Tu es comme le canal par où passeront les grâces que je veux distribuer aux âmes et à travers lequel les âmes viendront à moi. Je me sers de toi afin que beaucoup d’âmes viennent à moi: par ton intermédiaire, beaucoup d’âmes seront stimulées à m’aimer dans la très Sainte Eucharistie.
Reçois, maintenant, ma fille, le sang de mon divin Cœur: c'est la vie dont tu as besoin, c'est la vie que je donne aux âmes.
Dis au monde entier qu'il écoute la voix de son pasteur, le Pape, laquelle est la voix de Jésus. Je veux de l'amour, de la pureté d'âme, changement de vie. Que la voix du Saint-Père soit pour le monde un aussi vibrant appel que celui de Noé...
En attendant le 3 octobre 1938 où elle vivra pour la première fois la passion, elle se consacre entièrement et sans limitation aucune, au Seigneur, écrivant même de son propre sang cette pathétique consécration:
“Par mon sang, je vous promets de beaucoup vous aimer, mon Jésus. Que mon amour soit tel, que je meurs enlacée à la croix. Je vous aime et je meurs d’amour pour vous, mon cher Jésus. Je veux habiter dans vos Tabernacles.”[6]
Le 30 juin 1935, Jésus lui parle pour la première fois de la consécration du monde à Marie:
Autrefois, j’ai demandé la consécration du genre humain à mon divin Cœur.[7] Maintenant, je la demande au Cœur Immaculé de ma très sainte Mère.
Le Seigneur lui prédit même de quelle façon cette consécration se déroulerait. Nous le verrons lors de notre prochain article.
Ces choses, au contraire de ce que souhaitait Alexandrina, ne purent rester dans le secret de sa chambre. L’archevêque fut averti et, une première enquête diocésaine eut lieu, menée par le Père António Durão, sj. Il n’a rien trouvé de surnaturel dans le cas d’Alexandrina, et les choses en restèrent là.
Le 10 septembre 1936, faisant allusion à la révolution communiste qui sévissait alors en Espagne, Notre-Seigneur lui dit:
Ce fléau est un châtiment! C’est le courroux de Dieu! Je punis pour ramener les âmes à la grâce car, étant mort pour tous, je veux le salut de tous.
Et, prophétisant, Jésus ajouta:
Je ne veux pas être offensé et je le suis grandement, en Espagne et partout, dans le monde entier! Il est grand, le danger, que ce fléau et que les actes de barbarie se répandent.
Ce fut encore, au cours de cette année 1936, en la fête de la Sainte-Trinité, que la servante de Dieu souffrit la mort mystique.
Mais toutes ces “choses” n’étaient pas du goût de Satan. En juillet 1937, “non content de tourmenter ma conscience, raconte Alexandrina, et de me souffler des choses affreusement ordurières, commença à me mettre en bas du lit, aussi bien la nuit qu’à n’importe quelle heure de la journée...”
Puis, le 3 octobre 1938 arriva. Jésus l’avait prévenue qu’à cette date, elle vivrait les souffrances de la Passion, de midi à 15 heures.
A l’heure indiquée, tout le monde était là: Maria Ana, la mère; Deolinda, la sœur; le Père Pinho, sj, son directeur spirituel, et quelques autres personnes de la famille.
A la suite du saut par la fenêtre, Alexandrina ne pouvait plus se mouvoir seule; il lui fallait de l’aide, à chaque fois qu’elle voulait faire le moindre déplacement dans son lit. Le 3 octobre, elle n’eut besoin de personne. Tous les gestes et parcours de la Passion, elle les accomplit toute seule, s’agenouillant au Jardin des Oliviers; présentant les mains aux soldats qui y sont venus la chercher; transportant la croix et tombant sous celle-ci; se couchant sur elle pour y être clouée. Tous les moindres détails de la Passion de Jésus se sont ainsi déroulés devant les yeux des assistants en larmes et remplis de crainte. Au cours du chemin vers le Calvaire, Alexandrina aperçut celle qu’elle appelait sa sœur spirituelle et dont c’était la fête: sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Mais écoutons-la:
“Midi sonné, Jésus est venu m’inviter:
Voilà, ma fille, le Jardin des Oliviers est prêt, ainsi que le Calvaire. Acceptes-tu?
J’ai senti que Jésus, pour quelque temps, m’accompagna sur le chemin du Calvaire. Ensuite, je me suis sentie seule. Je le voyais là-haut, grandeur nature, cloué sur la Croix.
J’ai cheminé sans le perdre de vue: je devais arriver près de Lui.
J’ai vu deux fois sainte Thérèse: la première fois à la porte du Carmel, dans sa tenue, entre deux autres sœurs, puis entourée de roses et recouverte d’un manteau céleste.
A la suite du phénomène de la passion, le Père Mariano Pinho écrivit, pour la première fois au Saint-Père, pour lui demander la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. Il lui expliqua ce qui se passait à Balasar.
Après cette lettre, une deuxième enquête fut diligentée, cette fois-ci par le Saint-Siège, à partir du 5 janvier 1939. Elle fut conduite par le chanoine Vilar, professeur au Sacré Collège de Rome, qui assista au phénomène de la passion et repartit très bien impressionné. Il devait mourir quelques mois plus tard d’un cancer, en offrant sa vie pour le succès de la consécration du monde à Marie.
Elle dû encore subir un examen médical approfondi, demandé par l’autorité ecclésiastique, car, depuis sa première crucifixion, Alexandrina ne s’alimentait plus. Seule la Communion quotidienne était son aliment.
[1] Que peut se traduire par tendre petite-maman ; maman chérie, et bien d’autres termes dont les enfants se servent pour montrer leur amour à leurs mamans. Lire : Main-hi-signe.
[2] Petite ville balnéaire, à 3 kilomètres de Póvoa de Varzim.
[3] Samedi Saint de 1918.
[4] Il y a environ 4 mètres entre le rebord de la fenêtre et le sol du jardin, à l'extérieur.
[5] Voir: “Alexandrina de Balasar”. Éditions Téqui, Paris.
[6] Balasar, 14.10.1934.
[7] Demande faite aussi au Portugal, à sœur Marie du Divin-Cœur, supérieure du Bon-Pasteur à Porto. Cette consécration fut faite par le Pape Léon XIII et juin 1899.
INTRODUCTION
Alexandrina Maria da Costa de Balasar est une mystique portugaise, béatifiée le 25 avril 2004 par le pape Jean-Paul II. La Consécration du monde au Coeur Immaculé de Marie, consécration, faite par Pie XII en 1942, est son œuvre.
Alexandrina fut béatifiée le 25 avril 2004 par le pape Jean-Paul II
Nous avons la chance de connaître de nombreux détails de la vie spirituelle d'Alexandrina Maria da Costa de Balasar. Ses directeurs spirituels ont parlé d'elle avec admiration, mais sans cependant rapporter tout ce qui faisait la richesse et la profondeur de sa vie d'union à Dieu, et, sans la présence constante auprès d'elle de sa sœur aînée, Deolinda, sa fidèle secrétaire, l'essentiel des liens qui unissaient Alexandrina à son Seigneur nous serait inconnu. Les saints que nous admirons et que nous prions, ne sont souvent devenus des saints canonisés, donc connus, que parce qu'auprès d'eux il y avait des âmes dévouées, humbles et patientes qui ont tout noté patiemment ce qui se disait et ce qui se passait. On ne devrait jamais oublier ces saints-là, ces inconnus fidèles, ces saints de tous les jours qui sont nos vrais modèles, à nous gens ordinaires.
I
La vie d'Alexandrina
1-1-L'enfance
Alexandrina Maria da Costa naquit à Gresufes, paroisse de Balasar, petit bourg situé à environ 50 kilomètres de Porto, dans l'Archidiocèse de Braga, le 30 mars 1904, d'un milieu de paysans honnêtes et travailleurs. Elle fut baptisée le Samedi Saint suivant, 2 avril 1904.
Il faut mentionner ici un fait étonnant: dans une vallée voisine et située en face de l'église, se trouve une chapelle, construite en 1832, à l'endroit même où, en la fête du Corpus Domini, une croix dessinée à même la terre, mais d'une terre différente, est apparue. Un siècle avant l'offrande d'Alexandrina, Jésus préparait la Croix sur laquelle il installerait sa victime.
La Mère d'Alexandrina eut, du même homme, deux filles illégitimes, Deolinda et Alexandrina. Aussitôt après la naissance de Deolinda, l'individu qui avait promit de l'épouser s'en alla au Brésil. Après son retour au Portugal, il revit la mère de Deolinda, et Alexandrina vint au monde. Puis cet homme l'abandonna de nouveau pour épouser une autre femme. Les témoins locaux rapportent qu'à partir de ce moment, la mère eut un comportement irrépréhensible.
Alexandrina passa les cinq premières années de sa vie chez ses grands-parents maternels. En janvier 1911, vers l'âge de six ans, elle dut partir, avec sa sœur, Deolinda, à Póvoa de Varzim afin de pouvoir fréquenter l'école, car il n'y avait pas d'école de filles à Balasar. C'est là qu'elle fit sa première Communion. Les deux fillettes revinrent dans leur famille en juillet 1912.
Vers l'âge de 9 ans, Alexandrina dut commencer à travailler, d'abord dans les champs, puis comme journalière, femme de ménage et couturière, chez des voisins. Il convient de noter ici que, toute jeune, et même pendant le travail, elle priait beaucoup. Bientôt elle fut nommée catéchiste et membre de la chorale.
1-2-Les premières épreuves
Un jour, Alexandrina tomba d'un chêne. Puis elle devint gravement malade et dut cesser de travailler régulièrement. A 12 ans les derniers sacrements lui furent administrés. Sa santé continua à se dégrader et elle dut abandonner les travaux dans les champs, par manque de forces. Elle commença dès lors à se plaindre aussi de douleurs à la colonne vertébrale; ce mal s'aggrava par la suite. On disait qu’elle souffrait de myélite. La maman rapporte que le médecin qu’elle avait consulté, le docteur João de Almeida, de la maison de santé de Carcereira, lui avait dit qu’il s’agissait de myélite et qu’elle deviendrait paralysée. (D'après des témoignages de Maria da Conceição Leite Reis Proença, dite Sãozinha)
Le Samedi Saint 1918, Alexandrina sauta par une fenêtre d'une hauteur d’environ quatre mètres, plutôt que de se laisser violenter par trois hommes qui étaient entrés dans la pièce où, avec sa sœur et une amie, elle faisait de la couture. Il en résulta une compression de l'épine dorsale, cause de l'accélération de sa paralysie qui la retint au lit pendant 30 ans. En 1922, un spécialiste de Porto, le docteur Abel, confirma le diagnostic précédent à son médecin traitant, le docteur Garcia: sa patiente ne guérirait jamais.
Pendant cinq mois consécutifs Alexandrina ne put se lever, mais en avril 1923 elle recommença à marcher un peu en s'aidant d'une chaise. La mort de sa grand'mère fut pour elle un grand chagrin. En juin, elle put participer au Congrès Eucharistique National, de Braga. Mais le 14 avril 1925, elle devait s'aliter définitivement. Deolinda, sa sœur devint son infirmière et sa secrétaire.
1-3-La vie d'union à Dieu
1-3-1-L'offrande
Alexandrina aurait bien voulu guérir. Mais malgré ses nombreuses et ardentes prières, elle n'obtint pas cette grâce; elle comprit alors que Jésus désirait autre chose d'elle, et elle s'offrit comme victime pour le salut des âmes, "sentant toujours davantage le désir d'aimer la souffrance et de ne penser qu'à Jésus seul." Nous sommes en 1930.
Elle dit alors à Jésus:
O mon Jésus, je me consacre toute à vous. Que votre Cœur me soit grand ouvert. Permettez que je rentre dans cette Fournaise ardente, dans ce Feu brûlant. Fermez-le sur moi, mon bon Jésus; que j’y demeure pour y rendre mon dernier soupir, (Lettre du 17 octobre 1934 au Père Mariano Pinho) enivrée de votre divin Amour. Ne souffrez pas que je me sépare de vous sur la terre, sinon pour m’unir à vous, éternellement, dans le ciel."
Curieusement, la récitation de cette prière lui causait des effets qu’elle ne comprit pas tout de suite... Elle explique:
“Pendant que je faisais cette offrande à Jésus, je me sentais ravie, d’une façon que je ne sais pas expliquer, et en même temps je ressentais une forte chaleur qui semblait m’embraser. Cela me parut étrange, car les journées étaient plutôt froides et, émerveillée, j’ai même regardé si mon corps ne transpirait pas. C’est comme si l’on m’embrassait intérieurement. Cela me fatiguait assez.”
Cela lui parut tellement étrange qu'elle demanda à sa sœur Deolinda et à son amie Sãozinha, si elles ressentaient, elles aussi, cette même agréable sensation lors de leurs prières... Plus encore, comme elle leur expliquait qu’elle ressentait une chaleur assez vive, on lui posa sur la poitrine des chiffons mouillés à l’eau froide...
1-3-2-Le Cœur de Jésus
Alexandrina raconte: "Une certaine fois j'ai vu Jésus tel un jardinier qui soigne ses fleurs, les arrosant, etc. Il se promenait au milieu de celles-ci, m'en montrait les variétés. D'autres fois il m'apparaissait pour me montrer les rayons éblouissants de son Cœur." Un autre jour, Jésus lui demanda: " Donne-moi ton cœur, que je le place dans le mien, afin que tu n’aies pas d’autre amour que le mien et celui de mes affaires (Lettre du 5 octobre 1934 au Père Mariano).
Alexandrina se consacra au Cœur de Jésus, par cette prière:
"O mon Jésus, je me consacre toute à vous. Que votre Cœur me soit grand ouvert. Permettez que je rentre dans cette Fournaise ardente, dans ce Feu brûlant. Fermez-le sur moi, mon bon Jésus; que j’y demeure pour y rendre mon dernier soupir, (Lettre du 17 octobre 1934 au Père Mariano Pinho) enivrée de votre divin Amour. Ne souffrez pas que je me sépare de vous sur la terre, sinon pour m’unir à vous, éternellement, dans le ciel."
Anticipons un peu: nous sommes le 1er octobre 1954, premier vendredi du mois. Après qu'Alexandrina eut revécu la Passion, Jésus lui dit:
"Comme je l'ai demandé à Marguerite-Marie Alacoque, je veux que toi, à ton tour, tu fasses se développer dans le monde cet amour éteint dans le cœur des hommes... Fais, ô mon épouse, fais que se propage dans le monde entier cet amour de nos Cœurs.” (de Jésus et Marie).
1-4-La vie adulte
1-4-1-Jésus prépare Alexandrina à sa future mission
La maman d'Alexandrina s'étant portée caution en faveur de parents qui ne tinrent pas leurs engagements, l'année 1933 et les suivantes, jusqu'en 1941, furent matériellement difficiles pour la famille da Costa [1]. Heureusement de grandes consolations soutinrent Alexandrina: le Père Mariano Pinho, jésuite, devint son directeur spirituel, et dès novembre 1933, des messes purent être célébrées dans sa chambre.
En 1934, après avoir fait le "vœu du plus parfait", Alexandrina entendit, à plusieurs reprises, Jésus lui demander de participer à sa Passion, en se laissant transpercer les mains et les pieds par des clous, et la tête par des épines.
Jésus lui dit:
«Donne-moi tes mains: je veux les clouer avec les miennes; donne-moi tes pieds: je veux les clouer avec les miens; donne-moi ta tête: je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi; donne-moi ton cœur: je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien; consacre-moi tout ton corps; offre-toi toute à moi; je veux te posséder entièrement.»
Ces invitations de Jésus à participer à sa Passion se répétèrent plusieurs fois pendant environ quatre ans. Jésus la préparait progressivement au grand événement du 3 octobre 1938. Ce jour-là, en effet, Alexandrina vécut pour la première fois la Passion de Jésus dans ses diverses phases.
1-4-2-Les phénomènes mystiques
Le 30 juin 1935, Jésus fit part à Alexandrina, pour la première fois, de son désir de voir le monde consacré à la Vierge Marie. Puis vinrent d'autres événements déconcertants:
– Le 7 juin 1936, le jour de la fête de la Très Sainte Trinité, eut lieu un phénomène dramatique: la mort mystique. Alexandrina avait annoncé sa mort; elle mourut, en effet, ou sembla mourir, après s'être longuement préparée. Mais, elle revint à elle au bout d'un certain temps, alors qu'autour d'elle, on la pleurait déjà.
– Fin avril 1937, Alexandrina fut de nouveau au seuil de la mort: pendant 17 jours elle ne put rien avaler, sauf l'Hostie consacrée.
1-4-3-Les attaques démoniaques (Voir annexe 2)
Comme il le fait pour la plupart des âmes consacrées et saintes, le démon commença bientôt à tourmenter Alexandrina. Puis les "assauts du démon" s'intensifièrent. Dans son Autobiographie on peut lire:
“Ce fut en juillet 1937 que le “boiteux” ou "le manchot" (noms qu'elle utilisait pour désigner le démon), non content de tourmenter ma conscience et de me souffler des choses affreusement ordurières, commença à me mettre en bas du lit, aussi bien la nuit qu'à n'importe quelle heure de la journée... Pendant ces assauts je ressentais en moi la rage et la fureur infernales. Je ne consentais pas que l’on me parle de Jésus et de Marie, ni même de voir leurs images : je leur crachais dessus et les piétinais. Je ne pouvais pas non plus sentir la présence de mon Directeur spirituel: je l’insultais et voulais même le frapper, ainsi que quelques personnes de la maison. Mon corps devenait violet et sanguinolent à cause des morsures. Je disais pareillement des gros mots envers les personnes présentes. Oh! Combien j’aimerais que beaucoup aient pu le voir, afin qu’ils craignent l’enfer et arrêtent d’offenser Jésus!"
Dans sa rage, le monstre infernal alla jusqu’à lui voler son crucifix pour le jeter dans la porcherie... De la même façon il lui subtilisa une statue de la Sainte Vierge et l'enterra dans le jardin; on ne la retrouva que quelques années plus tard... Comme Alexandra se plaignait, Jésus lui dit un jour:
"Le démon te hait, mais tu dois t’en réjouir, car tu connais la raison. Si je le permettais, il te tuerait: mais je n’y consens pas. Je suis le Seigneur de la vie et de la mort. Ta mort, en tout cas, ne sera qu’un envol de la terre vers le ciel".
1-5-La passion d'Alexandrina
1-5-1-Les ténèbres
Le 30 septembre 1938, le Père spirituel d'Alexandrina vint lui prêcher une retraite. Ce fut une terrible période de ténèbres. Alexandrina raconte: "Mon âme se trouvait vivre dans de grandes agonies et, quelquefois, je me sentais sur le point de tomber dans des abîmes épouvantables. Pendant les jours de retraite, mes souffrances ont redoublé et ces abîmes sont devenus terrifiants. La justice du Père éternel tombait sur moi et souvent me criait: 'Vengeance, vengeance, etc…' pendant que les souffrances du corps et de l’âme augmentaient. Il est impossible de les décrire; il est nécessaire de les avoir senties et vécues. Je passais les jours et les nuits roulant sur mon lit, en entendant la voix puissante du Père Éternel."
1-5-2-La première passion d'Alexandrina
Enfin, le 3 octobre 1938, Alexandrina vécut la Passion pour la première fois, dès midi et jusqu'à 15 heures. Ce jour-là, jour de sa fête liturgique, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus apparut à Alexandrina, à deux reprises, au cours de cette première “Passion”.
Le Père Pinho était présent. Dans son livre ”No Calvário de Balasar" (Sur le Calvaire de Balasar) il écrira: "Nous les présents, nous voyions se dérouler devant nos yeux et très concrètement, le drame de la Passion, au Jardin des Oliviers, l'emprisonnement, les tribunaux, la flagellation, le couronnement d'épines, le chemin du Calvaire, la crucifixion et la mort."
1-5-3-Les autres passions
Désormais, Alexandrina revivra la Passion de Jésus tous les vendredis. Le 24 octobre 1938, le Père Pinho, après avoir assisté à la Passion d'Alexandrina, écrivit au Cardinal Pacelli (futur Pie XII) au sujet de la Consécration du monde à la Vierge Marie.
Le 29 Janvier 1941, le docteur Manuel Augusto Dias de Azevedo vînt pour la première fois auprès d'Alexandrina. Il comprit qu'il s'agissait d'une manifestation surnaturelle et il décida d'étudier ce cas à fond. Il devint son médecin. En août 1941, une indiscrétion grave commise par le Père José Alves Terças, fut la cause de grandes souffrances pour Alexandrina. Jésus lui dit alors:
"L'heure de me donner la plus grande preuve d'amour et d'héroïsme est arrivée: marche sans lumière, en complet abandon. Tout sera mort en toi..."
1-5-4-Les passions invisibles
Le 27 mars 1941 Alexandrina revécut la Passion, pour la dernière fois de façon visible: c'était le vendredi de Notre-Dame des Douleurs. Par la suite, selon ce qu'écrivit le Père Pinho dans sa biographie “No Calvário de Balasar”, tous les vendredis, elle continua à revivre la Passion de Jésus, pendant laquelle elle souffrait encore plus qu'auparavant.
Le 2 février 1945, Alexandrina vécut un vendredi encore plus douloureux que les autres. Voici quelques extraits de ce qu'elle a raconté dans son autobiographie:
“Le vendredi est arrivé; triste vendredi!... Dans mon âme je ressentais une mansuétude, une bonté inégalable. En même temps, contre cette mansuétude et cette bonté, je ressentais la haine, la rancœur, le mépris et une autorité orgueilleuse: un orgueil cynique. Des bêtes féroces contre l’Agneau... Avant même que la sentence ne soit prononcée contre l’Agneau innocent, j’ai senti que cette autorité là, avec une fureur diabolique, se déchirait les habits de haut en bas...
J’ai monté avec peine la montagne du Calvaire... Mon sang coulait. Mon âme tremblait de douleur et de peur, comme le corps tremble à cause du froid.
1-5-5-Après la passion du 2 février 1945
Alexandrina continue son récit: "À haute voix toujours j’appelais Jésus. Il est venu apportant un soleil radieux et ardent. Les tremblements de mon âme ont cessé, ainsi que la peur et toutes les douleurs: j’avais retrouvé la paix, je n’avais plus que lumière et amour. Le cœur a commencé à revivre une vie que je ne sais pas expliquer. La poitrine est devenue un vrai incendie. Quel bonheur j’ai pu vivre pendant longtemps!... J’ai entendu des hymnes merveilleuses; je ne comprenais pas très bien, mais je sais qu’elles étaient adressées à Jésus au très Saint-Sacrement."
En effet, la Passion terminée, Alexandrina entendit les anges chanter et constata que "de ce chœur d’anges sortait un canal qui arrivait jusqu’à elle, lui communiquant des flammes de feu et bien d’autres choses." Jésus lui dit alors:
"Ce canal, ma fille, descend du Cœur de ta Mère et ma Mère bénie. De celui-ci tu reçois la très grande abondance de notre amour; tu reçois nos grâces, vertus et dons: richesse divine et tout ce qui est du ciel. De son Cœur tu reçois la vie pour vivre, la vie pour la donner aux âmes. C’est cette rosée, le sang que tu sens tomber sur l’humanité; c’est une fusion de mes richesses, de mes grâces et de ta souffrance. Tu es une nouvelle co-rédemptrice."
Depuis le mois d'août 1945, et pendant environ trois mois, elle perdit quotidiennement du sang. À partir de juillet 1946 et jusqu'à sa mort, elle ressentit, même en dehors des extases de la Passion, les douleurs de ses stigmates, lesquels, à sa demande, restèrent toujours invisibles.
1-6-Le jeûne
A partir du 13 avril 1942 le jeûne total va commencer, lequel durera jusqu'à sa mort.
Du 10 juin au 20 juillet 1943, Alexandrina sera internée à l'hôpital de FOZ do Douro, près de Porto pour y subir une série de contrôles concernant son jeûne et son anurie. Quarante jours de surveillance constante! Aucune simulation n'est constatée. Peut-être va-t-on laisser Alexandrina en paix...
Hélas! Le 16 juin 1944, trois théologiens nommés par l'archevêque de Braga, pour une commission d'enquête, ne trouvèrent rien de miraculeux au cas d'Alexandrina, malgré la poursuite de son jeûne... Une étonnante persécution va commencer: il fallait "faire taire la malade."
Le Père Umberto Maria Pasquale devient le directeur spirituel d'Alexandrina, en remplacement du Père Pinho, écarté, suite à une campagne de calomnies.
Pendant 12 ans Alexandrina ne vécut que de l'Eucharistie. Jésus lui dit un jour, en 1954: "Ma fille, je t'ai placée dans le monde et je fais en sorte que tu vives uniquement de Moi pour prouver au monde ce que peut l'Eucharistie, ce qu'est Ma vie dans les âmes: lumière et salut pour l’humanité."
Le jeudi 13 octobre 1955, Alexandrina retournait vers Dieu qu'elle avait tant aimé. (voir annexe 3)
1-7-Alexandrina prophète
1-7-1-Sacrilèges contre l'Eucharistie
Un vendredi de 1945, au cours d’une Passion, Alexandrina eut une vision terrible au sujet de l'avenir. Bien longtemps avant le Concile Vatican II elle écrivit:
«Quel feu dans mon cœur!... Combien je donnerais, combien j’aimerais souffrir pour obtenir que ce feu soit le mien et qu’il soit un feu d’amour pour Jésus. Je veux de l’amour, je veux de l’amour pour le donner au monde afin qu’il aime uniquement Jésus... Je vois le monde s’enfuir vers un autre monde, un monde de perdition.
Je reste les bras ouverts et les yeux levés vers le ciel. Comment remédier à ce mal? De grandes, de très grandes inquiétudes montent de la terre vers le ciel. Mon Dieu, je vois les âmes pleines de lourdeur et les corps détruits par la lèpre: conséquences du péché. Quelle lumière, celle qui m’oblige à tout voir!... À quel extrême le monde est réduit!... Doux Jésus, votre divin Cœur n’en peut plus!...
Je me sens placée entre le monde et Jésus afin d’éviter que la méchanceté des hommes ne blesse son Cœur si aimant. Flagellation, épines et mauvais traitements me blessent. Je ne vois pas Jésus mais je le sens comme opprimé, rempli d’épouvante et qui attend les coups de cette chaîne de méchanceté...
Sans même avoir pensé à la Cène de Jésus avec ses disciples, je me suis sentie à table. Mon cœur était le calice, le vin et le pain. Tous venaient manger et boire à ce calice. À partir de cet instant cette Cène allait se répéter. Mais quelle horreur ce que j’ai vu!... Tant de Judas buvant et mangeant indignement! Que de langues sales! Pire encore: combien de mains indignes distribuant ce pain et ce vin; des mains indignes et des cœurs démoniaques.
Quelle horreur mortelle!... J’en ai éprouvé tant de douleur et tant d’horreur au point de croire que mon âme allait fondre et le cœur se briser. Je ne sais pas mieux exprimer ce que j’ai vu, ce que j’ai souffert. Et avant tout autre chose, l’amour de Jésus, un amour indicible; un amour que l’on ne peut évaluer qu’après l’avoir expérimenté…" (Autobiographie: 12 avril 1945)
Remarque importante
Ces textes ont de quoi nous affliger. En effet, en 1945, les fidèles recevaient l'hostie consacrée uniquement sur la langues, et jamais les laïcs ne distribuaient la communion. Comment Alexandrina aurait-elle pu deviner ou inventer ces choses? Il faut également ajouter qu'en 1945, une telle révélation devait être incompréhensible. Et pourtant, aujourd'hui, n’importe qui peut distribuer la Communion, et bien rares sont les personnes qui se confessent pour recevoir le Sacrement de l’Amour. Aussi doit-on considérer les paroles d'Alexandrina comme une vraie prophétie.
1-7-2-Annonce de la guerre
En 1935 et en beaucoup d'autres occasions, le Seigneur, en lui annonçant la guerre comme châtiment des nombreux péchés de l'humanité, lui disait:
"Ce seront les victimes de mes Tabernacles qui arrêteront le bras de la Justice divine, pour que le monde ne soit pas détruit et que de plus grands châtiments n'adviennent."
La même année, Jésus lui ordonna de demander au Saint-Père la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, et l'institution de la fête liturgique.
1-7-3-Élection de Pie XII
Tout de suite après l'élection du Pape Pie XII, Jésus lui prédit le 27 mars 1939: "C'est lui le Pontife qui consacrera le monde au Cœur Immaculé de Marie, ma Mère." Trois ans après, cette parole de Jésus s'accomplissait.
Nous avons vu que pendant la guerre, Alexandrina s'était offerte comme victime pour la paix, et pour le Pape à qui elle écrivit pour le rassurer et lui dire qu'il serait protégé des dangers au sein des catastrophes internationales. D'ailleurs, le Seigneur lui avait dit, le 6 décembre 1940:
"La paix viendra, mais au prix de beaucoup de sang. Le Saint-Père sera ménagé. Le dragon orgueilleux et enragé, qui est le monde, n'osera pas toucher à son corps, mais son âme sera victime de ce dragon."
Puis, dans l'isolement de sa chambre, tourmentée par des souffrances indescriptibles, elle se consacra aux Tabernacles pour réparer les profanations eucharistiques et l'abandon où le Seigneur est laissé par ses créatures. A cette école elle apprit à s'immoler comme victime pour les pécheurs.
Alexandrina Maria da Costa naquit à Balasar — petit village portugais à environ 50 km au nord de Porto, et à environ 250 km de Fatima — le 30 mars 1904.
Issue d’une famille chrétienne et pratiquante, dès son plus jeune âge, elle eût une très grande dévotion envers la très Sainte Vierge qu’elle appelait tendrement Mãezinha.[1]
En 1911, afin de pouvoir s’instruire, elle partit, avec sa sœur, Deolinda, à Póvoa de Varzim, distante de Balasar d'environ 16 km. En effet, au village natale, à ce temps-là, il n’existait pas d’école pour les jeunes filles.
« A Póvoa de Varzim — raconte Alexandrina dans son “Autobiographie” — j’ai fait ma première communion... J’avais alors 7 ans... J’ai communié à genoux et, malgré ma petite taille, j’ai pu fixer la sainte Hostie, de telle manière qu’elle s’est imprimée en mon âme. J’ai cru alors m’unir à Jésus pour ne plus être séparée de Lui. Il prit possession de mon cœur, ce me semble. La joie que je ressentais était inexprimable. A tous j’annonçais la bonne nouvelle... »
En cette même année, « à Vila do Conde,[2] j’ai reçu, des mains de Son Excellence l’Évêque de Porto, le sacrement de Confirmation. Je me souviens, très bien, de cette cérémonie et de la joie qu’elle m’a procurée. Au moment où je recevais ce sacrement, je ne sais pas bien expliquer ce que j’ai ressenti: on dirait qu’une grâce surnaturelle me transformait et m’unissait plus profondément à Notre-Seigneur. Je voudrais bien expliquer tout cela, mais je ne le sais pas. »
Après dix-huit mois de séjour à Póvoa, Alexandrina et Deolinda revinrent à Balasar auprès de leur mère et, presque aussitôt, elles déménagèrent et vinrent habiter, toujours à Balasar, au lieu-dit Calvário, comme si le Seigneur voulait lui montrer, dès lors, quelle serait sa mission sur la terre: être victime pour les pécheurs et vivre sa passion, dès le Jardin des Oliviers jusqu’au Calvaire (Calvário).
Avant d’aller plus loin dans ces extraits biographiques de la servante de Dieu, il est utile de parler d’un fait extraordinaire qui eut lieu dans le village en 1832. Jésus y fera allusion, au moins deux fois, lors de ses colloques.
En 1832, disions-nous, en allant à la messe, les paroissiens de Balasar découvrirent, en face de leur église, une croix de terre. Cette croix était composée de terre, plus noire que celle qui l’entourait. Intrigués, ils appelèrent monsieur l’abbé qui, sagement, la fit effacer. Aussitôt la même terre noire remonta, reformant ainsi la croix. Une deuxième fois, puis une troisième, monsieur le curé la fit effacer. Peine perdue, car à chaque fois la croix se reformait. Il fallut alors faire appel aux autorités pour en faire le constat. Monsieur l’abbé lui-même dût faire un rapport circonstancié qu’il envoya à son archevêque.
La foi et la piété des villageois étant grande et sincère, ils décidèrent de protéger cette croix par la construction d’une chapelle qui peut encore, de nos jours, être visitée. Et elle l’est par tous ceux — et ils sont de plus en plus nombreux! — qui vont prier sur la tombe de la servante de Dieu.
Mais reprenons notre récit et retrouvons Alexandrina à l’âge de 14 ans.
L’école terminée, il fallait gagner le « pain de chaque jour », « à la sueur de son front ». Malgré son âge tendre, la jeune fille fut placée chez un voisin, cultivateur. Cette place, elle ne la garda pas bien longtemps. Le cultivateur, personnage très bizarre, la maltraitait et de surcroît, n’avait que des “gros-mots” à la bouche, ce qui attristait grandement le cœur pure et simple de la jeune fille.
Au courant de cet état de choses, la mère d’Alexandrina, Maria Ana, la reprit à la maison.
Ce fut alors, qu’un événement qui nous prouve sa pureté d’âme eut lieu.
« Un jour,[3] — c’est Alexandrina qui raconte dans son Autobiographie — alors qu'avec ma sœur et une autre fille plus âgée que nous, nous travaillions à la couture, nous avons aperçu trois individus venant dans notre direction. Deolinda, comme si elle pressentait quelque chose, m'a dit de fermer la porte du salon. Quelques instants après, nous avons entendu des pas dans les escaliers et ensuite quelqu'un frapper à la porte.
— Qui est là? — a demandé ma sœur. Et l'un d'entre eux, qui avait été mon patron, nous demanda d'ouvrir, sans plus.
— Il n'y a pas de travail pour vous ici, donc, pas question d'ouvrir, rétorqua Deolinda.
Après quelques instants de silence, nous avons entendu que le même individu montait par l'échelle qui de l'étable, par une trappe, donnait dans le salon. Effrayées, nous avons tiré la machine à coudre sur cette trappe.
Le voyou, se rendant compte que la trappe était fermée, commença à frapper de grands coups de marteau sur celle-ci, jusqu'à soulever quelques planches et à pratiquer un passage, par lequel il pénétra dans le salon.
Deolinda, en voyant cela, a ouvert la porte et, elle est parvenue à s'enfuir, bien que les autres deux qui dehors l'attendait, aient essayé de la retenir, en tirant sur ses vêtements.
L'autre fille l'a suivie, mais ils l'ont attrapée.
Devant cette scène, je me suis vue perdue. J'ai regardé autour de moi et, désespérément je me suis accrochée à la fenêtre qui était ouverte et sans la moindre hésitation j'ai sauté [4] en bas, en tombant lourdement. J'ai voulu me lever aussitôt, mais je ne le pouvais pas; une douleur lancinante traversait mon épine dorsale.
Nerveuse, dès que j'ai pu me relever, j'ai ramassé par terre un piquet et suis partie pour essayer de défendre ma sœur entouré par les deux plus âgés, tandis que notre amie, dans le couloir, luttait avec le troisième. Je n'ai plus pensé qu'à les défendre.
— Hors d'ici! a été mon premier cri.
Ce fut comme un éclair, le voyou qui se trouvait dans le couloir, a prit peur et a laissé immédiatement la jeune fille. C'est alors seulement, que je me suis renaude compte que j'avais perdu une bague en or, lors de la chute.
— Chiens! À cause de vous j'ai perdu ma bague...
Tout de suite l'un d'eux, enlevant une bague de son doigt, me l'a présentée, en disant:
— Tiens, prends celle-ci, ne te fâches pas contre moi...
— Je n'en veux pas! — lui ai-je répondu, indignée — débarrasse le plancher tout de suite... immédiatement!
Ils se sont retirés. Et nous, excitées et haletantes, nous sommes retournées à notre travail.
De tout ceci, moi et ma sœur, n'avons soufflé mot à personne, afin d'éviter une tragédie. Toutefois ma mère, par la suite, a fini par l'apprendre, de la bouche de notre amie.
Quelque temps après, j'ai commencé à souffrir de plus en plus. Tous disaient que c’était à cause du saut que j’ai fait en bas de la fenêtre. Même les médecins, plus tard, confirmèrent que ce saut a dû contribuer à aggraver mon infirmité. »
En effet, peu de temps après, la jeune Alexandrina fut contrainte de recueillir au lit, pour ne plus jamais se relever jusqu’à sa mort.
Les premiers temps de sa maladie, elle chercha à passer le temps en jouant aux cartes avec les filles de son âge qui venaient la visiter. Mais, peu à peu, son comportement changea et « le désir d’aimer la souffrance et de ne penser qu’à Jésus seul », commença à l’habiter et à croître chaque jour d’avantage.
Ce fut à cette époque qu’elle composa son hymne en l’honneur des Tabernacles, qui est un petit chef-d’œuvre du genre.[5] Ce fut aussi en cette période que la servante de Dieu, en récitant cette même prière, lévitait et ressentait dans son cœur de fortes chaleurs, tout particulièrement après la Communion. C’était le début d’une extraordinaire histoire d’amour entre elle et Jésus, car, au plus fort de ces phénomènes qu’elle méconnaissait, mais qu’elle croyait sincèrement venir de Jésus, elle demandait au Seigneur:
“Que faut-il que je fasse?”
La réponse reçue était invariable:
“Souffrir, aimer, réparer!”
Petit à petit elle prit conscience de sa mission et, fit le “vœu le plus parfait” et s’offrit à Jésus comme vic-time pour les pécheurs.
En 1934, après la Communion, elle entendit Jésus l’inviter à participer à sa Passion:
Donne-moi tes mains: je veux les crucifier; donne-moi tes pieds: je veux les clouer avec moi; donne-moi ta tête: je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi; donne-moi ton cœur: je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien; consacre-moi ton corps, offre-toi toute à moi.
Humblement et simplement, Alexandrina accepta l’invitation.
« J’avais cédé à l’invitation du Seigneur, mais je pensais que les sacrifices Qu’il me demandait n’étaient que ceux résultant de ma maladie, même si majorés; il ne m’était pas venu à l’esprit qu’il me ferait passer par des phénomènes singuliers. »
“Il me parlait de jour comme de nuit... Il se confiait à moi...” raconte-t-elle encore.
Jésus la préparait pour sa mission sublime, disons plutôt ses missions: les pécheurs, les Tabernacles abandonnés ou profanés et la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.
Ne me refuse pas les souffrances et les sacrifices pour les pécheurs! La Justice de Dieu pèse sur eux. Toi, tu peux les secourir.
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur faiblesse je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Oublie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras: je choisirai tes sentiers.
Et les appels de Jésus continuent, vibrants d’amour et de fermeté:
Je t’ai choisie pour moi. Corresponds à mon amour. Je veux être ton Époux, ton Bien-Aimé, ton tout. Je t’ai choisie aussi pour le bonheur de beaucoup d’âmes. Tu es mon temple, temple de la très Sainte-Trinité. Toutes les âmes en état de grâce le sont, mais tu l’es de façon spéciale. Tu es un Tabernacle choisi par moi, afin que j’y habite et m’y repose. Je veux rassasier ta soif pour mon Sacrement d’amour.
Tu es comme le canal par où passeront les grâces que je veux distribuer aux âmes et à travers lequel les âmes viendront à moi. Je me sers de toi afin que beaucoup d’âmes viennent à moi: par ton intermédiaire, beaucoup d’âmes seront stimulées à m’aimer dans la très Sainte Eucharistie.
Reçois, maintenant, ma fille, le sang de mon divin Cœur: c'est la vie dont tu as besoin, c'est la vie que je donne aux âmes.
Dis au monde entier qu'il écoute la voix de son pasteur, le Pape, laquelle est la voix de Jésus. Je veux de l'amour, de la pureté d'âme, changement de vie. Que la voix du Saint-Père soit pour le monde un aussi vibrant appel que celui de Noé...
En attendant le 3 octobre 1938 où elle vivra pour la première fois la passion, elle se consacre entièrement et sans limitation aucune, au Seigneur, écrivant même de son propre sang cette pathétique consécration:
“Par mon sang, je vous promets de beaucoup vous aimer, mon Jésus. Que mon amour soit tel, que je meurs enlacée à la croix. Je vous aime et je meurs d’amour pour vous, mon cher Jésus. Je veux habiter dans vos Tabernacles.”[6]
Le 30 juin 1935, Jésus lui parle pour la première fois de la consécration du monde à Marie:
Autrefois, j’ai demandé la consécration du genre humain à mon divin Cœur.[7] Maintenant, je la demande au Cœur Immaculé de ma très sainte Mère.
Le Seigneur lui prédit même de quelle façon cette consécration se déroulerait. Nous le verrons lors de notre prochain article.
Ces choses, au contraire de ce que souhaitait Alexandrina, ne purent rester dans le secret de sa chambre. L’archevêque fut averti et, une première enquête diocésaine eut lieu, menée par le Père António Durão, sj. Il n’a rien trouvé de surnaturel dans le cas d’Alexandrina, et les choses en restèrent là.
Le 10 septembre 1936, faisant allusion à la révolution communiste qui sévissait alors en Espagne, Notre-Seigneur lui dit:
Ce fléau est un châtiment! C’est le courroux de Dieu! Je punis pour ramener les âmes à la grâce car, étant mort pour tous, je veux le salut de tous.
Et, prophétisant, Jésus ajouta:
Je ne veux pas être offensé et je le suis grandement, en Espagne et partout, dans le monde entier! Il est grand, le danger, que ce fléau et que les actes de barbarie se répandent.
Ce fut encore, au cours de cette année 1936, en la fête de la Sainte-Trinité, que la servante de Dieu souffrit la mort mystique.
Mais toutes ces “choses” n’étaient pas du goût de Satan. En juillet 1937, “non content de tourmenter ma conscience, raconte Alexandrina, et de me souffler des choses affreusement ordurières, commença à me mettre en bas du lit, aussi bien la nuit qu’à n’importe quelle heure de la journée...”
Puis, le 3 octobre 1938 arriva. Jésus l’avait prévenue qu’à cette date, elle vivrait les souffrances de la Passion, de midi à 15 heures.
A l’heure indiquée, tout le monde était là: Maria Ana, la mère; Deolinda, la sœur; le Père Pinho, sj, son directeur spirituel, et quelques autres personnes de la famille.
A la suite du saut par la fenêtre, Alexandrina ne pouvait plus se mouvoir seule; il lui fallait de l’aide, à chaque fois qu’elle voulait faire le moindre déplacement dans son lit. Le 3 octobre, elle n’eut besoin de personne. Tous les gestes et parcours de la Passion, elle les accomplit toute seule, s’agenouillant au Jardin des Oliviers; présentant les mains aux soldats qui y sont venus la chercher; transportant la croix et tombant sous celle-ci; se couchant sur elle pour y être clouée. Tous les moindres détails de la Passion de Jésus se sont ainsi déroulés devant les yeux des assistants en larmes et remplis de crainte. Au cours du chemin vers le Calvaire, Alexandrina aperçut celle qu’elle appelait sa sœur spirituelle et dont c’était la fête: sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Mais écoutons-la:
“Midi sonné, Jésus est venu m’inviter:
Voilà, ma fille, le Jardin des Oliviers est prêt, ainsi que le Calvaire. Acceptes-tu?
J’ai senti que Jésus, pour quelque temps, m’accompagna sur le chemin du Calvaire. Ensuite, je me suis sentie seule. Je le voyais là-haut, grandeur nature, cloué sur la Croix.
J’ai cheminé sans le perdre de vue: je devais arriver près de Lui.
J’ai vu deux fois sainte Thérèse: la première fois à la porte du Carmel, dans sa tenue, entre deux autres sœurs, puis entourée de roses et recouverte d’un manteau céleste.
A la suite du phénomène de la passion, le Père Mariano Pinho écrivit, pour la première fois au Saint-Père, pour lui demander la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. Il lui expliqua ce qui se passait à Balasar.
Après cette lettre, une deuxième enquête fut diligentée, cette fois-ci par le Saint-Siège, à partir du 5 janvier 1939. Elle fut conduite par le chanoine Vilar, professeur au Sacré Collège de Rome, qui assista au phénomène de la passion et repartit très bien impressionné. Il devait mourir quelques mois plus tard d’un cancer, en offrant sa vie pour le succès de la consécration du monde à Marie.
Elle dû encore subir un examen médical approfondi, demandé par l’autorité ecclésiastique, car, depuis sa première crucifixion, Alexandrina ne s’alimentait plus. Seule la Communion quotidienne était son aliment.
[1] Que peut se traduire par tendre petite-maman ; maman chérie, et bien d’autres termes dont les enfants se servent pour montrer leur amour à leurs mamans. Lire : Main-hi-signe.
[2] Petite ville balnéaire, à 3 kilomètres de Póvoa de Varzim.
[3] Samedi Saint de 1918.
[4] Il y a environ 4 mètres entre le rebord de la fenêtre et le sol du jardin, à l'extérieur.
[5] Voir: “Alexandrina de Balasar”. Éditions Téqui, Paris.
[6] Balasar, 14.10.1934.
[7] Demande faite aussi au Portugal, à sœur Marie du Divin-Cœur, supérieure du Bon-Pasteur à Porto. Cette consécration fut faite par le Pape Léon XIII et juin 1899.
INTRODUCTION
Alexandrina Maria da Costa de Balasar est une mystique portugaise, béatifiée le 25 avril 2004 par le pape Jean-Paul II. La Consécration du monde au Coeur Immaculé de Marie, consécration, faite par Pie XII en 1942, est son œuvre.
Alexandrina fut béatifiée le 25 avril 2004 par le pape Jean-Paul II
Nous avons la chance de connaître de nombreux détails de la vie spirituelle d'Alexandrina Maria da Costa de Balasar. Ses directeurs spirituels ont parlé d'elle avec admiration, mais sans cependant rapporter tout ce qui faisait la richesse et la profondeur de sa vie d'union à Dieu, et, sans la présence constante auprès d'elle de sa sœur aînée, Deolinda, sa fidèle secrétaire, l'essentiel des liens qui unissaient Alexandrina à son Seigneur nous serait inconnu. Les saints que nous admirons et que nous prions, ne sont souvent devenus des saints canonisés, donc connus, que parce qu'auprès d'eux il y avait des âmes dévouées, humbles et patientes qui ont tout noté patiemment ce qui se disait et ce qui se passait. On ne devrait jamais oublier ces saints-là, ces inconnus fidèles, ces saints de tous les jours qui sont nos vrais modèles, à nous gens ordinaires.
I
La vie d'Alexandrina
1-1-L'enfance
Alexandrina Maria da Costa naquit à Gresufes, paroisse de Balasar, petit bourg situé à environ 50 kilomètres de Porto, dans l'Archidiocèse de Braga, le 30 mars 1904, d'un milieu de paysans honnêtes et travailleurs. Elle fut baptisée le Samedi Saint suivant, 2 avril 1904.
Il faut mentionner ici un fait étonnant: dans une vallée voisine et située en face de l'église, se trouve une chapelle, construite en 1832, à l'endroit même où, en la fête du Corpus Domini, une croix dessinée à même la terre, mais d'une terre différente, est apparue. Un siècle avant l'offrande d'Alexandrina, Jésus préparait la Croix sur laquelle il installerait sa victime.
La Mère d'Alexandrina eut, du même homme, deux filles illégitimes, Deolinda et Alexandrina. Aussitôt après la naissance de Deolinda, l'individu qui avait promit de l'épouser s'en alla au Brésil. Après son retour au Portugal, il revit la mère de Deolinda, et Alexandrina vint au monde. Puis cet homme l'abandonna de nouveau pour épouser une autre femme. Les témoins locaux rapportent qu'à partir de ce moment, la mère eut un comportement irrépréhensible.
Alexandrina passa les cinq premières années de sa vie chez ses grands-parents maternels. En janvier 1911, vers l'âge de six ans, elle dut partir, avec sa sœur, Deolinda, à Póvoa de Varzim afin de pouvoir fréquenter l'école, car il n'y avait pas d'école de filles à Balasar. C'est là qu'elle fit sa première Communion. Les deux fillettes revinrent dans leur famille en juillet 1912.
Vers l'âge de 9 ans, Alexandrina dut commencer à travailler, d'abord dans les champs, puis comme journalière, femme de ménage et couturière, chez des voisins. Il convient de noter ici que, toute jeune, et même pendant le travail, elle priait beaucoup. Bientôt elle fut nommée catéchiste et membre de la chorale.
1-2-Les premières épreuves
Un jour, Alexandrina tomba d'un chêne. Puis elle devint gravement malade et dut cesser de travailler régulièrement. A 12 ans les derniers sacrements lui furent administrés. Sa santé continua à se dégrader et elle dut abandonner les travaux dans les champs, par manque de forces. Elle commença dès lors à se plaindre aussi de douleurs à la colonne vertébrale; ce mal s'aggrava par la suite. On disait qu’elle souffrait de myélite. La maman rapporte que le médecin qu’elle avait consulté, le docteur João de Almeida, de la maison de santé de Carcereira, lui avait dit qu’il s’agissait de myélite et qu’elle deviendrait paralysée. (D'après des témoignages de Maria da Conceição Leite Reis Proença, dite Sãozinha)
Le Samedi Saint 1918, Alexandrina sauta par une fenêtre d'une hauteur d’environ quatre mètres, plutôt que de se laisser violenter par trois hommes qui étaient entrés dans la pièce où, avec sa sœur et une amie, elle faisait de la couture. Il en résulta une compression de l'épine dorsale, cause de l'accélération de sa paralysie qui la retint au lit pendant 30 ans. En 1922, un spécialiste de Porto, le docteur Abel, confirma le diagnostic précédent à son médecin traitant, le docteur Garcia: sa patiente ne guérirait jamais.
Pendant cinq mois consécutifs Alexandrina ne put se lever, mais en avril 1923 elle recommença à marcher un peu en s'aidant d'une chaise. La mort de sa grand'mère fut pour elle un grand chagrin. En juin, elle put participer au Congrès Eucharistique National, de Braga. Mais le 14 avril 1925, elle devait s'aliter définitivement. Deolinda, sa sœur devint son infirmière et sa secrétaire.
1-3-La vie d'union à Dieu
1-3-1-L'offrande
Alexandrina aurait bien voulu guérir. Mais malgré ses nombreuses et ardentes prières, elle n'obtint pas cette grâce; elle comprit alors que Jésus désirait autre chose d'elle, et elle s'offrit comme victime pour le salut des âmes, "sentant toujours davantage le désir d'aimer la souffrance et de ne penser qu'à Jésus seul." Nous sommes en 1930.
Elle dit alors à Jésus:
O mon Jésus, je me consacre toute à vous. Que votre Cœur me soit grand ouvert. Permettez que je rentre dans cette Fournaise ardente, dans ce Feu brûlant. Fermez-le sur moi, mon bon Jésus; que j’y demeure pour y rendre mon dernier soupir, (Lettre du 17 octobre 1934 au Père Mariano Pinho) enivrée de votre divin Amour. Ne souffrez pas que je me sépare de vous sur la terre, sinon pour m’unir à vous, éternellement, dans le ciel."
Curieusement, la récitation de cette prière lui causait des effets qu’elle ne comprit pas tout de suite... Elle explique:
“Pendant que je faisais cette offrande à Jésus, je me sentais ravie, d’une façon que je ne sais pas expliquer, et en même temps je ressentais une forte chaleur qui semblait m’embraser. Cela me parut étrange, car les journées étaient plutôt froides et, émerveillée, j’ai même regardé si mon corps ne transpirait pas. C’est comme si l’on m’embrassait intérieurement. Cela me fatiguait assez.”
Cela lui parut tellement étrange qu'elle demanda à sa sœur Deolinda et à son amie Sãozinha, si elles ressentaient, elles aussi, cette même agréable sensation lors de leurs prières... Plus encore, comme elle leur expliquait qu’elle ressentait une chaleur assez vive, on lui posa sur la poitrine des chiffons mouillés à l’eau froide...
1-3-2-Le Cœur de Jésus
Alexandrina raconte: "Une certaine fois j'ai vu Jésus tel un jardinier qui soigne ses fleurs, les arrosant, etc. Il se promenait au milieu de celles-ci, m'en montrait les variétés. D'autres fois il m'apparaissait pour me montrer les rayons éblouissants de son Cœur." Un autre jour, Jésus lui demanda: " Donne-moi ton cœur, que je le place dans le mien, afin que tu n’aies pas d’autre amour que le mien et celui de mes affaires (Lettre du 5 octobre 1934 au Père Mariano).
Alexandrina se consacra au Cœur de Jésus, par cette prière:
"O mon Jésus, je me consacre toute à vous. Que votre Cœur me soit grand ouvert. Permettez que je rentre dans cette Fournaise ardente, dans ce Feu brûlant. Fermez-le sur moi, mon bon Jésus; que j’y demeure pour y rendre mon dernier soupir, (Lettre du 17 octobre 1934 au Père Mariano Pinho) enivrée de votre divin Amour. Ne souffrez pas que je me sépare de vous sur la terre, sinon pour m’unir à vous, éternellement, dans le ciel."
Anticipons un peu: nous sommes le 1er octobre 1954, premier vendredi du mois. Après qu'Alexandrina eut revécu la Passion, Jésus lui dit:
"Comme je l'ai demandé à Marguerite-Marie Alacoque, je veux que toi, à ton tour, tu fasses se développer dans le monde cet amour éteint dans le cœur des hommes... Fais, ô mon épouse, fais que se propage dans le monde entier cet amour de nos Cœurs.” (de Jésus et Marie).
1-4-La vie adulte
1-4-1-Jésus prépare Alexandrina à sa future mission
La maman d'Alexandrina s'étant portée caution en faveur de parents qui ne tinrent pas leurs engagements, l'année 1933 et les suivantes, jusqu'en 1941, furent matériellement difficiles pour la famille da Costa [1]. Heureusement de grandes consolations soutinrent Alexandrina: le Père Mariano Pinho, jésuite, devint son directeur spirituel, et dès novembre 1933, des messes purent être célébrées dans sa chambre.
En 1934, après avoir fait le "vœu du plus parfait", Alexandrina entendit, à plusieurs reprises, Jésus lui demander de participer à sa Passion, en se laissant transpercer les mains et les pieds par des clous, et la tête par des épines.
Jésus lui dit:
«Donne-moi tes mains: je veux les clouer avec les miennes; donne-moi tes pieds: je veux les clouer avec les miens; donne-moi ta tête: je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi; donne-moi ton cœur: je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien; consacre-moi tout ton corps; offre-toi toute à moi; je veux te posséder entièrement.»
Ces invitations de Jésus à participer à sa Passion se répétèrent plusieurs fois pendant environ quatre ans. Jésus la préparait progressivement au grand événement du 3 octobre 1938. Ce jour-là, en effet, Alexandrina vécut pour la première fois la Passion de Jésus dans ses diverses phases.
1-4-2-Les phénomènes mystiques
Le 30 juin 1935, Jésus fit part à Alexandrina, pour la première fois, de son désir de voir le monde consacré à la Vierge Marie. Puis vinrent d'autres événements déconcertants:
– Le 7 juin 1936, le jour de la fête de la Très Sainte Trinité, eut lieu un phénomène dramatique: la mort mystique. Alexandrina avait annoncé sa mort; elle mourut, en effet, ou sembla mourir, après s'être longuement préparée. Mais, elle revint à elle au bout d'un certain temps, alors qu'autour d'elle, on la pleurait déjà.
– Fin avril 1937, Alexandrina fut de nouveau au seuil de la mort: pendant 17 jours elle ne put rien avaler, sauf l'Hostie consacrée.
1-4-3-Les attaques démoniaques (Voir annexe 2)
Comme il le fait pour la plupart des âmes consacrées et saintes, le démon commença bientôt à tourmenter Alexandrina. Puis les "assauts du démon" s'intensifièrent. Dans son Autobiographie on peut lire:
“Ce fut en juillet 1937 que le “boiteux” ou "le manchot" (noms qu'elle utilisait pour désigner le démon), non content de tourmenter ma conscience et de me souffler des choses affreusement ordurières, commença à me mettre en bas du lit, aussi bien la nuit qu'à n'importe quelle heure de la journée... Pendant ces assauts je ressentais en moi la rage et la fureur infernales. Je ne consentais pas que l’on me parle de Jésus et de Marie, ni même de voir leurs images : je leur crachais dessus et les piétinais. Je ne pouvais pas non plus sentir la présence de mon Directeur spirituel: je l’insultais et voulais même le frapper, ainsi que quelques personnes de la maison. Mon corps devenait violet et sanguinolent à cause des morsures. Je disais pareillement des gros mots envers les personnes présentes. Oh! Combien j’aimerais que beaucoup aient pu le voir, afin qu’ils craignent l’enfer et arrêtent d’offenser Jésus!"
Dans sa rage, le monstre infernal alla jusqu’à lui voler son crucifix pour le jeter dans la porcherie... De la même façon il lui subtilisa une statue de la Sainte Vierge et l'enterra dans le jardin; on ne la retrouva que quelques années plus tard... Comme Alexandra se plaignait, Jésus lui dit un jour:
"Le démon te hait, mais tu dois t’en réjouir, car tu connais la raison. Si je le permettais, il te tuerait: mais je n’y consens pas. Je suis le Seigneur de la vie et de la mort. Ta mort, en tout cas, ne sera qu’un envol de la terre vers le ciel".
1-5-La passion d'Alexandrina
1-5-1-Les ténèbres
Le 30 septembre 1938, le Père spirituel d'Alexandrina vint lui prêcher une retraite. Ce fut une terrible période de ténèbres. Alexandrina raconte: "Mon âme se trouvait vivre dans de grandes agonies et, quelquefois, je me sentais sur le point de tomber dans des abîmes épouvantables. Pendant les jours de retraite, mes souffrances ont redoublé et ces abîmes sont devenus terrifiants. La justice du Père éternel tombait sur moi et souvent me criait: 'Vengeance, vengeance, etc…' pendant que les souffrances du corps et de l’âme augmentaient. Il est impossible de les décrire; il est nécessaire de les avoir senties et vécues. Je passais les jours et les nuits roulant sur mon lit, en entendant la voix puissante du Père Éternel."
1-5-2-La première passion d'Alexandrina
Enfin, le 3 octobre 1938, Alexandrina vécut la Passion pour la première fois, dès midi et jusqu'à 15 heures. Ce jour-là, jour de sa fête liturgique, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus apparut à Alexandrina, à deux reprises, au cours de cette première “Passion”.
Le Père Pinho était présent. Dans son livre ”No Calvário de Balasar" (Sur le Calvaire de Balasar) il écrira: "Nous les présents, nous voyions se dérouler devant nos yeux et très concrètement, le drame de la Passion, au Jardin des Oliviers, l'emprisonnement, les tribunaux, la flagellation, le couronnement d'épines, le chemin du Calvaire, la crucifixion et la mort."
1-5-3-Les autres passions
Désormais, Alexandrina revivra la Passion de Jésus tous les vendredis. Le 24 octobre 1938, le Père Pinho, après avoir assisté à la Passion d'Alexandrina, écrivit au Cardinal Pacelli (futur Pie XII) au sujet de la Consécration du monde à la Vierge Marie.
Le 29 Janvier 1941, le docteur Manuel Augusto Dias de Azevedo vînt pour la première fois auprès d'Alexandrina. Il comprit qu'il s'agissait d'une manifestation surnaturelle et il décida d'étudier ce cas à fond. Il devint son médecin. En août 1941, une indiscrétion grave commise par le Père José Alves Terças, fut la cause de grandes souffrances pour Alexandrina. Jésus lui dit alors:
"L'heure de me donner la plus grande preuve d'amour et d'héroïsme est arrivée: marche sans lumière, en complet abandon. Tout sera mort en toi..."
1-5-4-Les passions invisibles
Le 27 mars 1941 Alexandrina revécut la Passion, pour la dernière fois de façon visible: c'était le vendredi de Notre-Dame des Douleurs. Par la suite, selon ce qu'écrivit le Père Pinho dans sa biographie “No Calvário de Balasar”, tous les vendredis, elle continua à revivre la Passion de Jésus, pendant laquelle elle souffrait encore plus qu'auparavant.
Le 2 février 1945, Alexandrina vécut un vendredi encore plus douloureux que les autres. Voici quelques extraits de ce qu'elle a raconté dans son autobiographie:
“Le vendredi est arrivé; triste vendredi!... Dans mon âme je ressentais une mansuétude, une bonté inégalable. En même temps, contre cette mansuétude et cette bonté, je ressentais la haine, la rancœur, le mépris et une autorité orgueilleuse: un orgueil cynique. Des bêtes féroces contre l’Agneau... Avant même que la sentence ne soit prononcée contre l’Agneau innocent, j’ai senti que cette autorité là, avec une fureur diabolique, se déchirait les habits de haut en bas...
J’ai monté avec peine la montagne du Calvaire... Mon sang coulait. Mon âme tremblait de douleur et de peur, comme le corps tremble à cause du froid.
1-5-5-Après la passion du 2 février 1945
Alexandrina continue son récit: "À haute voix toujours j’appelais Jésus. Il est venu apportant un soleil radieux et ardent. Les tremblements de mon âme ont cessé, ainsi que la peur et toutes les douleurs: j’avais retrouvé la paix, je n’avais plus que lumière et amour. Le cœur a commencé à revivre une vie que je ne sais pas expliquer. La poitrine est devenue un vrai incendie. Quel bonheur j’ai pu vivre pendant longtemps!... J’ai entendu des hymnes merveilleuses; je ne comprenais pas très bien, mais je sais qu’elles étaient adressées à Jésus au très Saint-Sacrement."
En effet, la Passion terminée, Alexandrina entendit les anges chanter et constata que "de ce chœur d’anges sortait un canal qui arrivait jusqu’à elle, lui communiquant des flammes de feu et bien d’autres choses." Jésus lui dit alors:
"Ce canal, ma fille, descend du Cœur de ta Mère et ma Mère bénie. De celui-ci tu reçois la très grande abondance de notre amour; tu reçois nos grâces, vertus et dons: richesse divine et tout ce qui est du ciel. De son Cœur tu reçois la vie pour vivre, la vie pour la donner aux âmes. C’est cette rosée, le sang que tu sens tomber sur l’humanité; c’est une fusion de mes richesses, de mes grâces et de ta souffrance. Tu es une nouvelle co-rédemptrice."
Depuis le mois d'août 1945, et pendant environ trois mois, elle perdit quotidiennement du sang. À partir de juillet 1946 et jusqu'à sa mort, elle ressentit, même en dehors des extases de la Passion, les douleurs de ses stigmates, lesquels, à sa demande, restèrent toujours invisibles.
1-6-Le jeûne
A partir du 13 avril 1942 le jeûne total va commencer, lequel durera jusqu'à sa mort.
Du 10 juin au 20 juillet 1943, Alexandrina sera internée à l'hôpital de FOZ do Douro, près de Porto pour y subir une série de contrôles concernant son jeûne et son anurie. Quarante jours de surveillance constante! Aucune simulation n'est constatée. Peut-être va-t-on laisser Alexandrina en paix...
Hélas! Le 16 juin 1944, trois théologiens nommés par l'archevêque de Braga, pour une commission d'enquête, ne trouvèrent rien de miraculeux au cas d'Alexandrina, malgré la poursuite de son jeûne... Une étonnante persécution va commencer: il fallait "faire taire la malade."
Le Père Umberto Maria Pasquale devient le directeur spirituel d'Alexandrina, en remplacement du Père Pinho, écarté, suite à une campagne de calomnies.
Pendant 12 ans Alexandrina ne vécut que de l'Eucharistie. Jésus lui dit un jour, en 1954: "Ma fille, je t'ai placée dans le monde et je fais en sorte que tu vives uniquement de Moi pour prouver au monde ce que peut l'Eucharistie, ce qu'est Ma vie dans les âmes: lumière et salut pour l’humanité."
Le jeudi 13 octobre 1955, Alexandrina retournait vers Dieu qu'elle avait tant aimé. (voir annexe 3)
1-7-Alexandrina prophète
1-7-1-Sacrilèges contre l'Eucharistie
Un vendredi de 1945, au cours d’une Passion, Alexandrina eut une vision terrible au sujet de l'avenir. Bien longtemps avant le Concile Vatican II elle écrivit:
«Quel feu dans mon cœur!... Combien je donnerais, combien j’aimerais souffrir pour obtenir que ce feu soit le mien et qu’il soit un feu d’amour pour Jésus. Je veux de l’amour, je veux de l’amour pour le donner au monde afin qu’il aime uniquement Jésus... Je vois le monde s’enfuir vers un autre monde, un monde de perdition.
Je reste les bras ouverts et les yeux levés vers le ciel. Comment remédier à ce mal? De grandes, de très grandes inquiétudes montent de la terre vers le ciel. Mon Dieu, je vois les âmes pleines de lourdeur et les corps détruits par la lèpre: conséquences du péché. Quelle lumière, celle qui m’oblige à tout voir!... À quel extrême le monde est réduit!... Doux Jésus, votre divin Cœur n’en peut plus!...
Je me sens placée entre le monde et Jésus afin d’éviter que la méchanceté des hommes ne blesse son Cœur si aimant. Flagellation, épines et mauvais traitements me blessent. Je ne vois pas Jésus mais je le sens comme opprimé, rempli d’épouvante et qui attend les coups de cette chaîne de méchanceté...
Sans même avoir pensé à la Cène de Jésus avec ses disciples, je me suis sentie à table. Mon cœur était le calice, le vin et le pain. Tous venaient manger et boire à ce calice. À partir de cet instant cette Cène allait se répéter. Mais quelle horreur ce que j’ai vu!... Tant de Judas buvant et mangeant indignement! Que de langues sales! Pire encore: combien de mains indignes distribuant ce pain et ce vin; des mains indignes et des cœurs démoniaques.
Quelle horreur mortelle!... J’en ai éprouvé tant de douleur et tant d’horreur au point de croire que mon âme allait fondre et le cœur se briser. Je ne sais pas mieux exprimer ce que j’ai vu, ce que j’ai souffert. Et avant tout autre chose, l’amour de Jésus, un amour indicible; un amour que l’on ne peut évaluer qu’après l’avoir expérimenté…" (Autobiographie: 12 avril 1945)
Remarque importante
Ces textes ont de quoi nous affliger. En effet, en 1945, les fidèles recevaient l'hostie consacrée uniquement sur la langues, et jamais les laïcs ne distribuaient la communion. Comment Alexandrina aurait-elle pu deviner ou inventer ces choses? Il faut également ajouter qu'en 1945, une telle révélation devait être incompréhensible. Et pourtant, aujourd'hui, n’importe qui peut distribuer la Communion, et bien rares sont les personnes qui se confessent pour recevoir le Sacrement de l’Amour. Aussi doit-on considérer les paroles d'Alexandrina comme une vraie prophétie.
1-7-2-Annonce de la guerre
En 1935 et en beaucoup d'autres occasions, le Seigneur, en lui annonçant la guerre comme châtiment des nombreux péchés de l'humanité, lui disait:
"Ce seront les victimes de mes Tabernacles qui arrêteront le bras de la Justice divine, pour que le monde ne soit pas détruit et que de plus grands châtiments n'adviennent."
La même année, Jésus lui ordonna de demander au Saint-Père la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, et l'institution de la fête liturgique.
1-7-3-Élection de Pie XII
Tout de suite après l'élection du Pape Pie XII, Jésus lui prédit le 27 mars 1939: "C'est lui le Pontife qui consacrera le monde au Cœur Immaculé de Marie, ma Mère." Trois ans après, cette parole de Jésus s'accomplissait.
Nous avons vu que pendant la guerre, Alexandrina s'était offerte comme victime pour la paix, et pour le Pape à qui elle écrivit pour le rassurer et lui dire qu'il serait protégé des dangers au sein des catastrophes internationales. D'ailleurs, le Seigneur lui avait dit, le 6 décembre 1940:
"La paix viendra, mais au prix de beaucoup de sang. Le Saint-Père sera ménagé. Le dragon orgueilleux et enragé, qui est le monde, n'osera pas toucher à son corps, mais son âme sera victime de ce dragon."
Puis, dans l'isolement de sa chambre, tourmentée par des souffrances indescriptibles, elle se consacra aux Tabernacles pour réparer les profanations eucharistiques et l'abandon où le Seigneur est laissé par ses créatures. A cette école elle apprit à s'immoler comme victime pour les pécheurs.
(A suivre...)
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
LA MISSION
« Je vous déclare mes fautes... »
Je vous écris, mon Père, pour soulager mon âme (1), vous déclarant mes fautes. Je commencerai par vous dire que mes prières ne sont pas abondantes et de surcroît, elles sont mal faites : je ne peux mieux faire. Ma pensée voyage partout ; si je pouvais l’apprivoiser, ce serait une excellente chose. Avec ma mère et ma sœur, j’ai toujours quelques impatiences, mais je fais de mon mieux pour m’en corriger. Toutefois, le démon, lui aussi, n’en finit pas de me faire des suggestions, dans l’espoir que je cède un jour ou l’autre. Vis-à-vis du prochain, je dois aussi dire quelque chose : je fais pourtant de mon mieux pour ne pas y manquer, mais parfois, je n’y réussis pas.
Enfin, je suis tellement faible et pécheresse, que je n’arrive pas à me corriger de mes péchés. Que Notre-Seigneur ait pitié de moi (2).
Le directeur spirituel
J’ignorais ce que c’était qu’un directeur spirituel (3) c’était Monsieur le Curé qui guidait mon âme.
Ma sœur, lors d’une retraite des “Filles de Marie” (4) a demandé au prédicateur, le Père Mariano Pinho (5), de devenir son directeur spirituel. Celui-ci mis au courant de mon existence et de ma maladie, a sollicité mes prières, avec la promesse de réciprocité. De temps à autre il m’envoyait une image pieuse.
Deux ans plus tard, ayant appris qu’il était malade, mon émotion est allée jusqu’aux larmes ; je ne sais pas pourquoi. Ma sœur, étonnée, m’a demandé pourquoi je pleurais alors même que je ne le connaissais pas. Je lui ai répondu :
— Je pleure parce qu’il est mon ami et que je le suis aussi de lui.
Le 16 août 1933, le Père Pinho est venu dans notre paroisse prêcher un triduum en l’honneur du Sacré-Cœur de Jésus et, à cette occasion je l’ai obtenu comme directeur spirituel.
Je ne lui ai pas parlé de mon offrande pour les Tabernacles, de la chaleur que j’éprouvais, de la force qui me soulevait (6), ni des paroles que j’interprétais comme de simples inspirations (7) de Jésus.
Ce ne fut que quelques mois plus tard que j’ai mis le Père au courant des paroles de Jésus. Je n’ai rien dit d’autre, parce que je ne comprenais rien aux choses du Seigneur.
Le Père ne m’a pas confirmé s’il s’agissait bien de paroles de Dieu; toutefois, je continuais à vivre très unie au Seigneur: jour et nuit, les Tabernacles étaient ma demeure préférée.
Ce fut seulement au mois d’août 1934 que je me suis décidée à ouvrir mon cœur à mon Père spirituel, venu à Balasar pour une série de sermons. J’ai eu peur, alors, qu’une fois au courant de ma vie, il ne veuille plus continuer de me diriger.
Alors même que je me débattais avec ce doute, Jésus m’a dit :
— Obéis en tout : ce n’est pas toi qui l’as choisi, mais moi qui te l’ai envoyé.
Quand le Père m’a demandé de quelle façon j’avais entendu lesdites paroles, il ne m’a pas expliqué si elles étaient ou non de Jésus.
Quelques jours plus tard, ma sœur, ayant remarqué que je consacrais beaucoup de temps à la prière, m’en a demandé l’explication. Je lui ai dit comment j’occupais mon temps et ce que je ressentais, ajoutant que c’était sûrement la foi et la ferveur avec laquelle je récitais mes prières qui m’absorbaient de la sorte. Deolinda a semblé d’accord et m’a demandé de lui dire tout, afin de pouvoir se remplir de ferveur, elle aussi.
« Un jour bien, un autre plus mal... »
Deux petits mots à peine, car mes forces ne me permettent pas davantage. J’ai passé une mauvaise nuit. Je ne trouvais pas de bonne position. Mes jours se passent ainsi : un jour bien, un autre plus mal, portant toujours cette croix que le Seigneur m’a donnée...
Dans votre lettre, vous me demandiez si j’aimerais entendre la sainte Messe. Cela fait déjà bien longtemps que je le désire. Quand vous êtes venu pour le triduum, j’en ai parlé à ma sœur, mais par timidité et pour ne pas vous obliger à rester à jeun, ce qui nous peine, nous n’avons pas osé vous le demander. Toutefois, si cela était possible, quelle joie, cela serait pour nous; vous ne pouvez pas vous l’imaginer . Mais nous pensons au sacrifice que cela vous coûterait de venir à jeun et, avec tout ce froid... (9)
Dans la nuit de samedi à dimanche, je ne sais pas ce qui m’a pris; je dormais et tout à coup je me suis réveillée, je croyais mourir.
Cet étrange phénomène ne dure pas longtemps, mais il se répète souvent. Je pense que c’est à cause de mon épine dorsale. Je ne voudrais, en aucun cas, perdre la raison. J’espère que Notre-Seigneur m’écoute, mais que sa très sainte volonté soit faite...
Quand vous êtes venu, j’ai pensé que ce serait la dernière fois ; mais ce n’a pas été le cas, car Notre-Seigneur sait que j’ai besoin que quelqu’un m’aide à être sainte, comme je le désir ardemment, bien que j’en sois très loin de l’être... Bien souvent je demande :
— Ô mon Jésus, que voulez-vous que je fasse ?
Et à chaque fois je n’entends que cette réponse :
— Souffrir, aimer, réparer !
Nous verrons si à Noël, Monsieur l’abbé, viendra m’apporter la Sainte Communion, et alors je me confesserai...
Je ne vois pas comment, une fois de plus, je pourrai m’amender, mais je veux être sainte ; c’est ce que je demande tous les jours au Seigneur (10).
La perte des biens
Le Seigneur a augmenté ses tendresses, mais aussi le poids de la croix. Qu’il soit éternellement béni pour sa grâce qui ne m’a jamais manqué.
A cette époque, nous avons commencé à beaucoup souffrir à cause de la perte de nos biens (11). Il est vrai que je n‘ai plus ressenti aucun attrait pour les choses, mais je souffrais amèrement de voir que le peu que nous avions ne serait pas suffisant pour payer les dettes que ma mère avait contraint en se portant caution.
Nous préférerions rester sans un centime, mais que tout soit payé! Il me manquait souvent une alimentation suffisante : je me nourrissais de ce qu’il y avait, au péril de ma santé. J’ai souffert en silence et les familiers pensaient que ces aliments me plaisaient; je ne demandais rien pour ne pas les attrister. Si l’on me donnait quelque bon morceau, je le donnais à ma sœur — assez mal en point — en me disant : — “Je suis incurable, alors qu’elle peut guérir.” Il nous arrivait de manger le potage sans condiments, car nous ne parlions à personne de notre gêne.
En secret, j’ai versé beaucoup de larmes, m’épanchant auprès de Jésus et de la Petite-Maman céleste ; ces larmes ont eu même pour effet de me rapprocher davantage de Jésus et de la chère Maman et ont renforcé ma foi en Eux.
Cette situation a duré six années, pendant lesquelles j’ai essayé de réconforter mes êtres chers. À ma mère, qui souvent sanglotait, je suggérais d’avoir foi en Jésus qui voulut être pauvre. Dans mon intérieur, je me réjouissais de lui ressembler.
Je priais Jésus de nous aider et, lors de la Communion, je lui disais :
— Vous qui avez dit de demander, de frapper pour être entendu : je demande, je frappe et je serai entendue. Je ne Vous demande pas d’honneurs, pas de grandeurs ni de richesses, mais que vous nous laissiez au moins notre petite maison afin que maman et ma sœur vivent; de manière que Deolinda puisse cueillir les fleurs pour votre autel à l’église. O Jésus, toutes les fleurs sont pour vous. Jésus, venez à notre secours! Nous nous enfonçons... portez au loin cette requête, auprès de quelqu’un qui puisse venir à notre aide. Je ne choisis personne, parce que je n’en connais pas. J’ai confiance en vous !
Chez nous, la joie avait disparu et les choses indispensables nous manquaient (12). Mais jamais la soumission à la volonté de Dieu n’a manqué ; j’avais une confiance aveugle en lui.
Il est bien vrai : la foi n’est jamais trop grande...
Ma prière a été exhaussée. Ce fut de bien loin, même de très loin, qu’une dame est venue assainir notre situation (13). Si elle ne l’a pas résolu entièrement, ce fut à causse de ma timidité: je ne lui ai pas dit la somme exacte de notre dette. Peut-être Jésus l’a permis pour prolonger ma souffrance (14). Le nécessaire pour désengager notre maison qui devait être mise en vente, nous a été fourni. J’ai pleuré de confusion et de joie. Je n’arrive pas à décrire la joie des miens quand ils ont eu en main cette somme, après tant de grandes et graves afflictions.
Béni soit Jésus ! Ce n’était que sur Lui que l’on pouvait compter.
Béni soit le Seigneur qui m’a appelée en ce monde pour souffrir et pour supporter tant de chagrins ! Et moi, j’ai rajouté à cela tant de péchés ! Ce sont ceux-ci qui m’attristent particulièrement.
Tous les jours je demande des souffrances; et, pendant les heures où je souffre je ressens beaucoup de consolations, car j’ai davantage à offrir à mon Jésus. Il y a, toutefois, des choses qui me coûtent beaucoup, mais que seule la volonté de Dieu soit faite, et non pas la mienne (15).
● ● ●
1) Elle n’avait pas pu se confesser.
2) Lettre du 1er janvier 1933 au Père Mariano Pinho.
3) Alexandrina n’est pas la seule à ignorer ce que c’était qu’un directeur spirituel et sa nécessité. En effet, avant elle, Jean-Jacques Olier, dont la culture et la sainteté sont connues de tous, avoue lui-même, dans ses écrits autobiographiques: “n’ayant point de directeur et n’en connaissant pas, n’en sachant même pas la nécessité”. – Jean-Jacques Olier: “Mémoires authentiques”. Tome I, page 90.
4) En 1931.
5) Le Père Mariano Pinho naquit à Porto (Portugal) le 16 janvier 1894. Il est entré à la Compagnie de Jésus à Alsemberg, en Belgique, le 7 décembre 1910. Les Jésuites avaient, en effet, été expulsés du Portugal, lors de l’avènement de la République, le 5 octobre de la même année 1910. Après son cours de philosophie — à Ona (Espagne), il partit en Autriche, à Innsbruck, où il fit sa théologie. Entre ces deux matières, il fit un séjour au Brésil où il fut professeur au Collège Antonio Vieira. C’est dans ce pays « frère » qu’il fut ordonné prêtre le 7 février 1926. Revenu au Portugal, il fut le directeur du « Messager du Sacré-Cœur ».
Il jouissait d’une grande renommée en tant que prédicateur, raison pour laquelle il prêchât dans les plus importantes églises du Pays. Il a écrit aussi de nombreux ouvrages et avait un penchant pour la musique. Il composait avec une certaine facilité: il avait une âme d’artiste.
Il devint, en 1933, directeur spirituel d’Alexandrina Maria, charge qu’il occupa jusqu’en 1942, de façon régulière. Victime de calomnies et de l’opposition de certains de ses collègues, il dut abandonner la direction de la Bienheureuse et fût exilé au Brésil, où il rendit sa belle âme à Dieu le 11 juillet 1963, deux avant que ne commence le procès diocésain de béatification de sa dirigée.
Le Cardinal Patriarche de Lisbonne, Manuel Gonçalves Cerejeira, disait de lui: « Le Père Mariano Pinho fut un saint malgré sa charité ingénue... »
6) Il lui arrivait aussi de subir la lévitation.
7) Il ne s’agissait pas d’inspirations, mais de vraies locutions intérieures. Deolinda confirma les lévitations de sa sœur.
Sainte Thérèse d’Avila, dans le livre de sa Vie, au chapitre 18, traite de l’union statique. Elle y explique les extases simples, des lévitations et de l’envol de l’esprit...
Le 20 novembre 1933, j’ai eu la grâce de la première Messe célébrée dans ma chambre.”
9) Lettre du 6 novembre 1933 au Père Mariano Pinho.
10) Lettre du 28 novembre 1933 au Père Mariano Pinho.
11) La mère de la Servante de Dieu s’étant porté caution pour une personne de famille, dut payer la dette à la place du demandeur qui ne put assumer ses engagements. Maria Ana, la Mère D’Alexandrina avait un grand cœur et, elle aussi, une charité naïve. Elle était toujours prête à rendre service, non seulement à ses familiers, mais à toute personne dans le besoin.
12) Felizmina dos Santos Martins, qui avait été élevée depuis toute petite chez les Costa, témoigne de cette époque: « Elles ont subi beaucoup de privations: très souvent, je suis allée de leur part, chercher des pommes de terre chez une certaine personne qui aidait les pauvres. Une fois même, la mère d’Alexandrina m’envoya gager du lange de maison et des habits à Póvoa, afin de pouvoir faire face aux dépenses journalières ».
13) Ce fut une dame de Lisbonne, madame Fernanda dos Santos qui, à la demande du Père Mariano Pinho, vint en aide à la famille de la servante de Dieu. Elle envoya l’argent nécessaire pour enlever l’hypothèque.
La maîtresse d’école, Sãozinha, témoigna en 1965 sur cette période: “ En ces années là de plus grandes difficultés, j’avais pris l’habitude de verser, mensuellement, à la famille Costa, une petite somme. Les moments les plus critiques étant passés, j’ai voulu continuer à verser cette somme. Alexandrina s’y opposa et me dit: «Je t’en remercie beaucoup, mais maintenant notre maisonnée va un peu mieux, donne l’argent à quelqu’un qui en ai encore davantage besoin »”.
14) La dure situation dura encore jusqu’à la fin de 1941. Cela ressort d’une lettre envoyée au mois de février au Père Mariano Pinho :
“ Le 5 j’ai reçu de Jésus une grande grâce: nous avons pu payer nos dettes. Une force venue de je ne sais où, me fit lever et, à genoux, je l’ai remercié”.
15) Lettre du 30 décembre 1933 au Père Mariano Pinho.
« Je vous déclare mes fautes... »
Je vous écris, mon Père, pour soulager mon âme (1), vous déclarant mes fautes. Je commencerai par vous dire que mes prières ne sont pas abondantes et de surcroît, elles sont mal faites : je ne peux mieux faire. Ma pensée voyage partout ; si je pouvais l’apprivoiser, ce serait une excellente chose. Avec ma mère et ma sœur, j’ai toujours quelques impatiences, mais je fais de mon mieux pour m’en corriger. Toutefois, le démon, lui aussi, n’en finit pas de me faire des suggestions, dans l’espoir que je cède un jour ou l’autre. Vis-à-vis du prochain, je dois aussi dire quelque chose : je fais pourtant de mon mieux pour ne pas y manquer, mais parfois, je n’y réussis pas.
Enfin, je suis tellement faible et pécheresse, que je n’arrive pas à me corriger de mes péchés. Que Notre-Seigneur ait pitié de moi (2).
Le directeur spirituel
J’ignorais ce que c’était qu’un directeur spirituel (3) c’était Monsieur le Curé qui guidait mon âme.
Ma sœur, lors d’une retraite des “Filles de Marie” (4) a demandé au prédicateur, le Père Mariano Pinho (5), de devenir son directeur spirituel. Celui-ci mis au courant de mon existence et de ma maladie, a sollicité mes prières, avec la promesse de réciprocité. De temps à autre il m’envoyait une image pieuse.
Deux ans plus tard, ayant appris qu’il était malade, mon émotion est allée jusqu’aux larmes ; je ne sais pas pourquoi. Ma sœur, étonnée, m’a demandé pourquoi je pleurais alors même que je ne le connaissais pas. Je lui ai répondu :
— Je pleure parce qu’il est mon ami et que je le suis aussi de lui.
Le 16 août 1933, le Père Pinho est venu dans notre paroisse prêcher un triduum en l’honneur du Sacré-Cœur de Jésus et, à cette occasion je l’ai obtenu comme directeur spirituel.
Je ne lui ai pas parlé de mon offrande pour les Tabernacles, de la chaleur que j’éprouvais, de la force qui me soulevait (6), ni des paroles que j’interprétais comme de simples inspirations (7) de Jésus.
Ce ne fut que quelques mois plus tard que j’ai mis le Père au courant des paroles de Jésus. Je n’ai rien dit d’autre, parce que je ne comprenais rien aux choses du Seigneur.
Le Père ne m’a pas confirmé s’il s’agissait bien de paroles de Dieu; toutefois, je continuais à vivre très unie au Seigneur: jour et nuit, les Tabernacles étaient ma demeure préférée.
Ce fut seulement au mois d’août 1934 que je me suis décidée à ouvrir mon cœur à mon Père spirituel, venu à Balasar pour une série de sermons. J’ai eu peur, alors, qu’une fois au courant de ma vie, il ne veuille plus continuer de me diriger.
Alors même que je me débattais avec ce doute, Jésus m’a dit :
— Obéis en tout : ce n’est pas toi qui l’as choisi, mais moi qui te l’ai envoyé.
Quand le Père m’a demandé de quelle façon j’avais entendu lesdites paroles, il ne m’a pas expliqué si elles étaient ou non de Jésus.
Quelques jours plus tard, ma sœur, ayant remarqué que je consacrais beaucoup de temps à la prière, m’en a demandé l’explication. Je lui ai dit comment j’occupais mon temps et ce que je ressentais, ajoutant que c’était sûrement la foi et la ferveur avec laquelle je récitais mes prières qui m’absorbaient de la sorte. Deolinda a semblé d’accord et m’a demandé de lui dire tout, afin de pouvoir se remplir de ferveur, elle aussi.
« Un jour bien, un autre plus mal... »
Deux petits mots à peine, car mes forces ne me permettent pas davantage. J’ai passé une mauvaise nuit. Je ne trouvais pas de bonne position. Mes jours se passent ainsi : un jour bien, un autre plus mal, portant toujours cette croix que le Seigneur m’a donnée...
Dans votre lettre, vous me demandiez si j’aimerais entendre la sainte Messe. Cela fait déjà bien longtemps que je le désire. Quand vous êtes venu pour le triduum, j’en ai parlé à ma sœur, mais par timidité et pour ne pas vous obliger à rester à jeun, ce qui nous peine, nous n’avons pas osé vous le demander. Toutefois, si cela était possible, quelle joie, cela serait pour nous; vous ne pouvez pas vous l’imaginer . Mais nous pensons au sacrifice que cela vous coûterait de venir à jeun et, avec tout ce froid... (9)
Dans la nuit de samedi à dimanche, je ne sais pas ce qui m’a pris; je dormais et tout à coup je me suis réveillée, je croyais mourir.
Cet étrange phénomène ne dure pas longtemps, mais il se répète souvent. Je pense que c’est à cause de mon épine dorsale. Je ne voudrais, en aucun cas, perdre la raison. J’espère que Notre-Seigneur m’écoute, mais que sa très sainte volonté soit faite...
Quand vous êtes venu, j’ai pensé que ce serait la dernière fois ; mais ce n’a pas été le cas, car Notre-Seigneur sait que j’ai besoin que quelqu’un m’aide à être sainte, comme je le désir ardemment, bien que j’en sois très loin de l’être... Bien souvent je demande :
— Ô mon Jésus, que voulez-vous que je fasse ?
Et à chaque fois je n’entends que cette réponse :
— Souffrir, aimer, réparer !
Nous verrons si à Noël, Monsieur l’abbé, viendra m’apporter la Sainte Communion, et alors je me confesserai...
Je ne vois pas comment, une fois de plus, je pourrai m’amender, mais je veux être sainte ; c’est ce que je demande tous les jours au Seigneur (10).
La perte des biens
Le Seigneur a augmenté ses tendresses, mais aussi le poids de la croix. Qu’il soit éternellement béni pour sa grâce qui ne m’a jamais manqué.
A cette époque, nous avons commencé à beaucoup souffrir à cause de la perte de nos biens (11). Il est vrai que je n‘ai plus ressenti aucun attrait pour les choses, mais je souffrais amèrement de voir que le peu que nous avions ne serait pas suffisant pour payer les dettes que ma mère avait contraint en se portant caution.
Nous préférerions rester sans un centime, mais que tout soit payé! Il me manquait souvent une alimentation suffisante : je me nourrissais de ce qu’il y avait, au péril de ma santé. J’ai souffert en silence et les familiers pensaient que ces aliments me plaisaient; je ne demandais rien pour ne pas les attrister. Si l’on me donnait quelque bon morceau, je le donnais à ma sœur — assez mal en point — en me disant : — “Je suis incurable, alors qu’elle peut guérir.” Il nous arrivait de manger le potage sans condiments, car nous ne parlions à personne de notre gêne.
En secret, j’ai versé beaucoup de larmes, m’épanchant auprès de Jésus et de la Petite-Maman céleste ; ces larmes ont eu même pour effet de me rapprocher davantage de Jésus et de la chère Maman et ont renforcé ma foi en Eux.
Cette situation a duré six années, pendant lesquelles j’ai essayé de réconforter mes êtres chers. À ma mère, qui souvent sanglotait, je suggérais d’avoir foi en Jésus qui voulut être pauvre. Dans mon intérieur, je me réjouissais de lui ressembler.
Je priais Jésus de nous aider et, lors de la Communion, je lui disais :
— Vous qui avez dit de demander, de frapper pour être entendu : je demande, je frappe et je serai entendue. Je ne Vous demande pas d’honneurs, pas de grandeurs ni de richesses, mais que vous nous laissiez au moins notre petite maison afin que maman et ma sœur vivent; de manière que Deolinda puisse cueillir les fleurs pour votre autel à l’église. O Jésus, toutes les fleurs sont pour vous. Jésus, venez à notre secours! Nous nous enfonçons... portez au loin cette requête, auprès de quelqu’un qui puisse venir à notre aide. Je ne choisis personne, parce que je n’en connais pas. J’ai confiance en vous !
Chez nous, la joie avait disparu et les choses indispensables nous manquaient (12). Mais jamais la soumission à la volonté de Dieu n’a manqué ; j’avais une confiance aveugle en lui.
Il est bien vrai : la foi n’est jamais trop grande...
Ma prière a été exhaussée. Ce fut de bien loin, même de très loin, qu’une dame est venue assainir notre situation (13). Si elle ne l’a pas résolu entièrement, ce fut à causse de ma timidité: je ne lui ai pas dit la somme exacte de notre dette. Peut-être Jésus l’a permis pour prolonger ma souffrance (14). Le nécessaire pour désengager notre maison qui devait être mise en vente, nous a été fourni. J’ai pleuré de confusion et de joie. Je n’arrive pas à décrire la joie des miens quand ils ont eu en main cette somme, après tant de grandes et graves afflictions.
Béni soit Jésus ! Ce n’était que sur Lui que l’on pouvait compter.
Béni soit le Seigneur qui m’a appelée en ce monde pour souffrir et pour supporter tant de chagrins ! Et moi, j’ai rajouté à cela tant de péchés ! Ce sont ceux-ci qui m’attristent particulièrement.
Tous les jours je demande des souffrances; et, pendant les heures où je souffre je ressens beaucoup de consolations, car j’ai davantage à offrir à mon Jésus. Il y a, toutefois, des choses qui me coûtent beaucoup, mais que seule la volonté de Dieu soit faite, et non pas la mienne (15).
● ● ●
1) Elle n’avait pas pu se confesser.
2) Lettre du 1er janvier 1933 au Père Mariano Pinho.
3) Alexandrina n’est pas la seule à ignorer ce que c’était qu’un directeur spirituel et sa nécessité. En effet, avant elle, Jean-Jacques Olier, dont la culture et la sainteté sont connues de tous, avoue lui-même, dans ses écrits autobiographiques: “n’ayant point de directeur et n’en connaissant pas, n’en sachant même pas la nécessité”. – Jean-Jacques Olier: “Mémoires authentiques”. Tome I, page 90.
4) En 1931.
5) Le Père Mariano Pinho naquit à Porto (Portugal) le 16 janvier 1894. Il est entré à la Compagnie de Jésus à Alsemberg, en Belgique, le 7 décembre 1910. Les Jésuites avaient, en effet, été expulsés du Portugal, lors de l’avènement de la République, le 5 octobre de la même année 1910. Après son cours de philosophie — à Ona (Espagne), il partit en Autriche, à Innsbruck, où il fit sa théologie. Entre ces deux matières, il fit un séjour au Brésil où il fut professeur au Collège Antonio Vieira. C’est dans ce pays « frère » qu’il fut ordonné prêtre le 7 février 1926. Revenu au Portugal, il fut le directeur du « Messager du Sacré-Cœur ».
Il jouissait d’une grande renommée en tant que prédicateur, raison pour laquelle il prêchât dans les plus importantes églises du Pays. Il a écrit aussi de nombreux ouvrages et avait un penchant pour la musique. Il composait avec une certaine facilité: il avait une âme d’artiste.
Il devint, en 1933, directeur spirituel d’Alexandrina Maria, charge qu’il occupa jusqu’en 1942, de façon régulière. Victime de calomnies et de l’opposition de certains de ses collègues, il dut abandonner la direction de la Bienheureuse et fût exilé au Brésil, où il rendit sa belle âme à Dieu le 11 juillet 1963, deux avant que ne commence le procès diocésain de béatification de sa dirigée.
Le Cardinal Patriarche de Lisbonne, Manuel Gonçalves Cerejeira, disait de lui: « Le Père Mariano Pinho fut un saint malgré sa charité ingénue... »
6) Il lui arrivait aussi de subir la lévitation.
7) Il ne s’agissait pas d’inspirations, mais de vraies locutions intérieures. Deolinda confirma les lévitations de sa sœur.
Sainte Thérèse d’Avila, dans le livre de sa Vie, au chapitre 18, traite de l’union statique. Elle y explique les extases simples, des lévitations et de l’envol de l’esprit...
Le 20 novembre 1933, j’ai eu la grâce de la première Messe célébrée dans ma chambre.”
9) Lettre du 6 novembre 1933 au Père Mariano Pinho.
10) Lettre du 28 novembre 1933 au Père Mariano Pinho.
11) La mère de la Servante de Dieu s’étant porté caution pour une personne de famille, dut payer la dette à la place du demandeur qui ne put assumer ses engagements. Maria Ana, la Mère D’Alexandrina avait un grand cœur et, elle aussi, une charité naïve. Elle était toujours prête à rendre service, non seulement à ses familiers, mais à toute personne dans le besoin.
12) Felizmina dos Santos Martins, qui avait été élevée depuis toute petite chez les Costa, témoigne de cette époque: « Elles ont subi beaucoup de privations: très souvent, je suis allée de leur part, chercher des pommes de terre chez une certaine personne qui aidait les pauvres. Une fois même, la mère d’Alexandrina m’envoya gager du lange de maison et des habits à Póvoa, afin de pouvoir faire face aux dépenses journalières ».
13) Ce fut une dame de Lisbonne, madame Fernanda dos Santos qui, à la demande du Père Mariano Pinho, vint en aide à la famille de la servante de Dieu. Elle envoya l’argent nécessaire pour enlever l’hypothèque.
La maîtresse d’école, Sãozinha, témoigna en 1965 sur cette période: “ En ces années là de plus grandes difficultés, j’avais pris l’habitude de verser, mensuellement, à la famille Costa, une petite somme. Les moments les plus critiques étant passés, j’ai voulu continuer à verser cette somme. Alexandrina s’y opposa et me dit: «Je t’en remercie beaucoup, mais maintenant notre maisonnée va un peu mieux, donne l’argent à quelqu’un qui en ai encore davantage besoin »”.
14) La dure situation dura encore jusqu’à la fin de 1941. Cela ressort d’une lettre envoyée au mois de février au Père Mariano Pinho :
“ Le 5 j’ai reçu de Jésus une grande grâce: nous avons pu payer nos dettes. Une force venue de je ne sais où, me fit lever et, à genoux, je l’ai remercié”.
15) Lettre du 30 décembre 1933 au Père Mariano Pinho.
(A suivre...)
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
DONNE- MOI TES MAINS...
Invocations...
O ma Petite-Maman du ciel, voici à vos pieds très saints une âme que désire beaucoup vous aimer. O mon adorable Dame, je veux vivre d’un amour aussi grand qu’il me permette de souffrir uniquement pour vous et pour mon Jésus : oui, pour mon cher Jésus qui est le tout de mon âme. Il est la lumière qui m’éclaire, le pain qui me rassasie ; il est mon chemin, le seul que je veux suivre... (1)
O Jésus, quelle meilleure compagnie puis-je avoir dans ce lit de douleur que votre continuelle présence en moi, moi qui ne veut vivre que pour vous ? O Jésus, Vous savez bien quels sont mes désirs: être toujours devant vos Tabernacles, ne jamais m’en éloigner, ne fusse qu’un moment ! Donnez-moi la force, o bon Jésus, afin que je sache le faire !
O mon Jésus, je suis ici, malade, et je ne peux vous visiter dans vos églises, mais j’accomplis la mission à laquelle vous m’avez destinée: que votre sainte Volonté soit faite !... Vu que je ne puis venir, je Vous envoie mon cœur, mon intelligence pour apprendre toutes vos leçons, ma pensée afin que je ne pense qu’à vous; uniquement à vous, mon Jésus, en tout et pour tout... Je vous envoie tout ce que j’ai et qui puisse vous faire plaisir dans vos Tabernacles d’amour...
J’aimerais être en votre présence jour et nuit, à toute heure, unie à vous, et ne plus jamais vous quitter, o Jésus abandonné dans les Tabernacles ! Pas un seul instant je ne voudrais m’en absenter; j’aimerais vous donner tout ce que je possède et qui vous appartient entièrement: mon cœur, mon corps, avec tout ce qu’il ressent. C’est là toute ma richesse.
« Ma souffrance a beaucoup augmenté... »
Quoique le Saint-Sacrement soit mon meilleur ami, je regrette de devoir le dire, je ne le reçois que rarement. Au début on me portait la Sainte Communion tous les premiers vendredis, samedis et dimanches; maintenant, il ne vient plus le dimanche (2). Que dois-je faire ? Souffrir pour l’amour de mon Bien-Aimé Jésus.
(...)
Ma souffrance a beaucoup augmentée. Maintenant je ne prends que des liquides, car je n’arrive pas à mâcher à cause d’un abcès dans la bouche. Peut-être que, de la même façon dont il est apparu, aussi il s’en aille. D’un autre côté, il me sera impossible de vivre, étant donné l’état de faiblesse dans lequel je me trouve... Je ressens le manque du peu que je mangeais. Ne prendre que des liquides, cela me cause de continuels vomissements. Mais, en tout cas, ce n’est pas cela qui m’attriste, car tous les jours je demande à Dieu de ne pas m’abandonner, sachant pertinemment que sans Lui, je ne supporterais rien (3).
« Il m’est impossible de tenir la plume... »
J’aurais voulu vous remercier en écrivant de ma propre main (4), et je le fais en vous écrivant quelques lignes, qui seront certainement les dernières. Je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais je ne peux pas continuer (5). Ma souffrance a beaucoup augmenté. C’est pour cette raison que je dis que ce sont les dernières lignes que je vous écris. Il m’est impossible de tenir la plume, même pour à peine quelques instants... les douleurs sont atroces. On ne m’a jamais gratté les os, mais j’ai l’impression que cela doit produire le même effet...
J’ai reçu de Jésus un beau présent pour Pâques : en plus des souffrances physiques, j’ai beaucoup souffert spirituellement (6).
« Je ne comprends pas... »
Quelques-unes de mes côtes se sont déplacées. Le médecin me disait que ce n’était rien... Je ne peux m’appuyer sur celles-ci qu’au prix d’un grand sacrifice, car je ne supporte même pas que les couvertures reposent sur mes côtes. Et le pire c’est que ce sont les côtes du côté droit, sur lequel j’avais l’habitude de me reposer...
(...)
Même sans être tombée, le bon Jésus a fait que mes côtes se déplacent. Le médecin m’a dit qu’il les avait trouvés ainsi. Mon Père, je ne comprends pas, et je vous demande, par l’amour de Dieu, de m’expliquer si toutes les contrariétés viennent du Seigneur, ou si elles peuvent aussi venir du démon. En effet, dernièrement, des faits se sont produits qui semblent bien être son œuvre... (7)
« Même parler m’est douloureux... »
(...)
J’ai l’impression que les os de ma poitrine touchent ceux de mon dos et me causent de telles angoisses que je ne sais plus comment me placer. Quand les douleurs sont plus fortes, je me place quelques minutes par moitié sur le lit et l’autre partie de mon corps sur les genoux de Deolinda. Ceci oblige ma sœur à passer les nuits en ma compagnie. Même parler m’est douloureux .
(...)
J’ai répété à Jésus: envoyez-moi, mon Jésus, ce que vous voudrez, afin que je puisse réparer (9) les offenses que vous recevez (10).
Je ne sais pas si c’est grâce aux prières que vous faites pour moi, que je me sens à chaque heure qui passe davantage forte dans mes souffrances ; mais je me sens le courage de souffrir de plus en plus, et j’espère que Notre-Seigneur, petit à petit, augmentera ma douleur jusqu’à ce que je meure embrasée par son divin Amour, clouée sur la Croix avec lui (11).
Lettre à Sãozinha
Ma bonne petite sœur ;
Je vous appelle ainsi, non seulement parce que vous traitez avec charité la plus indigne des enfants de Dieu, mais aussi parce que toutes deux, nous recevons du Seigneur la croix bénie de chaque jour. Celle-ci, portée avec amour et résignation, est un moyen efficace pour nous élever de plus en plus dans l’amour de Jésus; pour nous sanctifier et pour aider, par nos souffrances, les âmes qui, sourdes à la voix de Jésus et aveuglées devant sa lumière, s’abandonnent aux plaisirs du monde sans jamais penser à leur salut.
Combien elle est belle notre mission !
En ce qui me concerne, j’avoue me considérer indigne d’un aussi heureux sort !...
Vous dites dans votre lettre que vous viendrez pour apprendre avec moi la science de la croix. Que dois-je vous enseigner ? Et à qui... alors que moi j’ai tant besoin d’apprendre ?... Vous êtes, Madame, plus instruite que moi pour enseigner; mais si c’est la volonté de Dieu, je suis prête à devenir votre maîtresse et élève à la fois.
J’ai souvent dit que j’étais venue en ce monde pour travailler, souffrir et offenser le Seigneur. Triste vérité... car, je l’ai déjà tant offensé ! C’est celle-ci la plus grande peine qui m’aiguillonne toujours. La souffrance est ma plus grande consolation, et je ne l’échangerais pas contre le monde entier.
Quelle ingrate je ferais, si je refusais de donner mon corps, qui ne vaut rien, à Celui qui, à cause de moi, a tant souffert !... À Celui qui désire se procurer beaucoup de victimes d’amour pour sauver les âmes !
Depuis seize années, la maladie, jour après jour, s’est propagée dans tout mon corps... et depuis dix années je suis prisonnière dans mon lit sans pouvoir me lever...
Combien j’ai été favorisée par le Seigneur ! Combien suave est le joug sous lequel il me tient !
Je reçois ceci comme une preuve d’amour de la part de Jésus pour mon âme.
Que soit béni Celui qui n’a pas dédaigné mon indignité ! (12)
« Donne-moi tes mains... »
Je sais que ce ne fut pas sans un gros sacrifice que vous êtes venu à Balasar, mais, je pense que, plus que la pluie, d’autres circonstances vous ont davantage gêné... Soyons sûrs que plus grand est le sacrifice, plus grande sera aussi la récompense du Seigneur. Voila ma conviction.
Mon Père, je vais moi aussi faire un grand sacrifice. Notre Seigneur le sait bien, et vous-même, vous pourrez vous faire une idée de ce que ceci me coûte. Mais avant de le faire, je l’ai offert au bon Jésus...
Jeudi 6, Monsieur le Curé est venu apporter la Communion à une voisine malade et, par la même occasion, il est venu me la donner. Après avoir communié, je me sentais froide et incapable de toute action de grâces; mais, loué soit mon Jésus, car il n’a regardé ni ma froideur ni mon indignité. Il m’a semblé entendre alors ces paroles :
— Donne-moi tes mains : je veux les clouer avec les miennes ; donne-moi tes pieds : je veux les clouer avec les miens ; donne-moi ta tête : je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi ; donne-moi ton cœur : je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien ; consacre-moi tout ton corps ; offre-toi toute à moi ; je veux te posséder entièrement.
Ceci fut suffisant pour me tenir en haleine, très préoccupée. Je ne savais que faire : me taire et ne rien dire, me semblait ne pas correspondre à la volonté de Notre-Seigneur; il me semblait que mon bon Jésus ne voulait pas que j’occulte ses paroles...
Il faut encore que je vous dise que vendredi et aujourd’hui (13), Notre-Seigneur a renouvelé ses demandes. Il m’a recommandé aussi l’obéissance en tout, comme je vous l’ai déjà expliqué (14).
S’agit-il d’une illusion de ma part ? O mon Jésus, pardonnez-moi si je vous offense, mais je ne veux pas vous offenser... je le fais par obéissance... (15)
« Il m’a demandé ceci deux fois... »
Il m’a demandé ceci deux fois — le 6 et le 8 septembre (16).
Je ne sais pas expliquer mon tourment, parce que je ne peux pas écrire (17). Je ne voulais rien dire à ma sœur, mais je ne voulais pas non plus le taire, car j’ai compris que je ne devais pas le faire, taire la parole de Dieu: je devais tout dire à mon directeur spirituel (18).
Je me suis décidée à faire le sacrifice et j’ai demandé à Deolinda d’écrire tout ce que je lui dicterais. Nous l’avons fait sans échanger le moindre regard. La lettre étant écrite, tout cela est resté entre nous et nous n’en avons plus parlé.
Si jusque là toutes les lettres de mon directeur spirituel me rendaient joyeuse, à partir de ce moment, je n’en éprouvais plus la moindre consolation : je vivais dans la crainte qu’il me désapprouve et me dise que tout cela n’était qu’illusion.
J’avais cédé à l’invitation du Seigneur, mais je pensais que les sacrifices qu’Il me demandait n’étaient que ceux résultant de ma maladie, même si majorés ; il ne m’était pas venu à l’esprit qu’Il me ferait passer par des phénomènes singuliers.
Le directeur m’a exigé de tout écrire et, pendant deux ans et demi il ne m’a jamais dit qu’il s’agissait bien de choses de Dieu. Ce silence m’a fait beaucoup souffrir (19).
Visites de Jésus
À cette époque Jésus m'apparaissait, et me parlait souvent. La consolation spirituelle était grande et les souffrances plus faciles à supporter. En toute chose je sentais de l'amour pour mon Jésus et je sentais qu'Il m'aimait, étant donné que je recevais abondance de tendresses. Je cherchais le silence. O comme je me sentais bien dans le recueillement et bien unie à Lui !... Jésus se confiait à moi. Il me disait des choses tristes, mais le réconfort et l'amour qu'Il me procurait, rendaient plus douces ses lamentations. Je passais des nuits et des nuits sans dormir, à converser avec Lui, dans la contemplation de ce qu'Il me montrait (20).
Une certaine fois j'ai vu Jésus tel un jardinier qui soigne ses fleurs, les arrosant, etc. (21). Il se promenait au milieu de celles-ci, m'en montrait les variétés. D'autres fois il m'apparaissait pour me montrer les rayons éblouissants de son Cœur. Une fois j'ai vu la Petite-Maman avec l’Enfant Jésus dans ses bras et une autre fois je l'ai vue en Immaculée Conception (22) : O combien Elle était belle !... Comme j'aimerais n'aimer qu'Elle et Jésus !... Je ne serais vraiment bien qu'en leur compagnie (23).
(...)
Une nuit, Jésus m’est apparu, grandeur nature, dévêtu jusqu’à la ceinture. Sur ses divines mains, sur ses pieds et sur sa poitrine, de profondes plaies étaient ouvertes. Le sang coulait jusqu’à sa taille, et traversant le linge qui le ceignait, tombait à terre. Jésus s’est assis sur le bord de mon lit. J’ai embrassé avec amour les plaies de ses mains et je désirais ardemment embrasser celles de ses pieds. Comme j’étais couchée, je ne pouvais y parvenir, mais je n’ai rien dit au Seigneur. Mais Lui, qui connaît mes désirs, m’a présenté, l’un après l’autre ses pieds, afin que je puisse les embrasser. J’ai contemplé ensuite la plaie de son côté et le sang qui, abondamment, coulait de celle-ci. Grandement attendrie, je me suis jetée dans les bras de Jésus et je lui ai dit :
— O mon Jésus, combien avez-vous souffert par amour pour moi !
Je suis restée quelques instants la tête inclinée sur la poitrine de Jésus qui, ensuite a disparu.
Il est inutile de dire que plus jamais je ne pourrai l’oublier et, que toujours je m’en souviendrai comme quelque chose qui serait toujours présente.
Je sens mon cœur blessé rien qu’au souvenir de cette scène; l’obéissance seule et l’amour de Jésus m’obligent à en parler.
Je pense que Jésus, en se présentant à moi dans cet état, voulait me préparer à ce que je vais maintenant vous décrire. Qu’il m’en donne la force et sa grâce afin que je puisse bien le faire.
« Prie pour les prêtres... »
C’est avec regret et nostalgie que je vous informe que je n’ai plus communié. Ah ! si je pouvais obtenir qu’on me portât la Sainte Communion, en payant avec de l’argent cette faveur, combien ne donnerais-je pas !... Mais je fais beaucoup de communions spirituelles, avec le plus de ferveur qu’il m’est possible et Notre-Seigneur m’en récompense. Voyez comme mon bon Jésus m’aime: il m’a dit que lui-même sera mon Directeur !...
(...)
Jésus m’a dit de ne rien m’attribuer de tout cela, car — me dit-il — je ne suis que poussière et que je ne possède rien que je ne l’ai reçu de Lui. Il m’a dit aussi que les faibles, il les rend dort ; que c’est sous mes fautes qu’il cache son pouvoir, son amour et sa gloire.
(...)
Voulez-vous que je vous dise ce que me dit, quelquefois, Notre-Seigneur, quand il commence à me parler ?
— Ma fille, ma fille bien-aimée, mon aimée, mon épouse, ma préférée, me voici tout à l’intérieur de ton âme.
Mon Bien-Aimé Jésus m’a dit qu’il sera mon Directeur et mon Maître, continuel, fréquent et habituel; que vous-même le serez de loin (24) ; mais que je dois vous obéir jusqu’à préférer votre direction à la sienne.
Notre-Seigneur ne cesse pas de renouveler ses demandes dont je vous ai déjà parlé, et il me rappelle continuellement ses Tabernacles.
— Viens, ma fille, viens t’attrister avec moi ; viens me tenir compagnie dans mes prisons d’amour ; viens réparer tant d’abandon et d’oubli !...
Il m’a demandé aussi de ne lui refuser ni souffrances ni sacrifices pour les pécheurs, sur lesquels la divine Justice menaçait de frapper, si je n’allais pas à leur secours.
Il me demande d’oublier le monde et de me livrer tout entière à Lui :
— Abandonne-toi dans mes bras, je choisirai tes chemins...
Je ne sais pas quoi Lui donner d’autre, car je ne Lui refuse rien...
(...)
— Avise ton directeur spirituel que j’exige que l’on prêche et que l’on propage la dévotion aux Tabernacles, et d’avantage encore: qu’elle soit rallumée dans les âmes. Je ne suis pas resté sur les autels par amour uniquement de ceux qui m’aiment, mais pour l’amour de tous; même en travaillant on peut me consoler (25).
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur faiblesse Je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Oublie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras: Je choisirai tes sentiers (26).
« Avise ton directeur spirituel... »
Quelques fois, avant même qu’il me parle, je sens comme des embrassements. D’autres fois je les sens à la fin. Je ressens, subitement une forte chaleur, une chaleur que je ne sais pas expliquer. Parfois encore, je me sens tellement caressée par Notre-Seigneur ! Et moi, je ne sais pas comment correspondre à tant de bienfaits...
(...)
Jésus m’a dit que de la même manière qu’il est fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que moi aussi je devais être fidèle à demeurer en esprit auprès de ses Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner mon corps pour être victime ; que des milliers de victimes ne seraient pas de trop pour réparer tant de péchés et les crimes du monde...
(...)
— Parlez, mon Jésus, parlez, car votre petite fille vous écoute... Je souhaite ardemment être instruite à votre école.
— Je souhaite aussi ardemment que tu apprennes toutes mes leçons. J’ai beaucoup à t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent apprendre les mêmes leçons, qu’ils marchent sur les mêmes traces et qu’ils suivent les mêmes chemins.
(...)
— Avise ton directeur spirituel que J’exige que l’on prêche et que l’on propage la dévotion aux Tabernacles, et d’avantage encore : qu’elle soit rallumée dans les âmes. Je ne suis pas resté sur les autels par amour uniquement de ceux qui m’aiment, mais pour l’amour de tous; même en travaillant on peut me consoler.
(...)
— Veille sur mes tabernacles. J’y suis si seul dans un très grand nombre !... Des jours et des jours passent sans que quelqu’un me rende visite. On ne m’aime pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent, ils le font soit par habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui ne cesse pas de tomber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne de péchés et de crimes. Ce sont là les actes d’amour qu’ils y déposent ; c’est ainsi qu’ils me consolent ; c’est ainsi qu’ils réparent; c’est ainsi encore qu’ils m’aiment !...
(...)
Ne me refuse pas les souffrances et les sacrifices pour les pécheurs ! La Justice de Dieu pèse sur eux. Toi, tu peux les secourir.
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur faiblesse Je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Oublie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras : Je choisirai tes sentiers.
(...)
— Console-moi et aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes afflictions et dans tous tes besoins.
(...)
— J’ai établi en toi ma demeure... tu es un tabernacle construit non pas par des mains d’homme, mais par des mains divines... J’habite en toi comme si dans le monde toi seule, tu existais, comme si dans le monde je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand je t’appellerai en ma divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors seulement j’abandonnerai ton corps... Me le donnes-tu librement afin que je le crucifie pour les pécheurs ? (27)
« Je suis le prisonnier des prisonniers !... »
Peu avant de dicter cette lettre, Notre-Seigneur m’a demandé mon cœur pour le placer dans le sien, afin que je n’ai pas d’autre amour que lui et celui de ses œuvres. Il m’a dit que toutes les âmes y ont leur place, dans son divin Cœur, mais que j’y avais une place de choix. Il m’a encore dit :
— Ma fille, n’as-tu pas compassion de moi ?...
Je suis seul et abandonné, dans mes tabernacles, et tellement offensé ! Viens me consoler, viens réparer ; réparer pour tant d’abandon...
Visiter les prisonniers dans leurs cachots et les consoler est une œuvre de miséricorde. Moi, je suis prisonnier et prisonnier par amour ; je suis le Prisonnier des prisonniers !...
Notre-Seigneur m’a dit que je suis son temple. Temples de la très Sainte-Trinité sont toutes les âmes en état de grâce, mais que moi, par une grâce particulière, je suis un tabernacle qu’il s’est choisi pour y habiter et s’y reposer afin de davantage rassasier la soif que j’ai de son Sacrement d’Amour... Jésus me dit encore qu’il se sert de moi afin que par moi beaucoup d’âmes soient stimulées à l’aimer dans la sainte Eucharistie.
(...)
— Je t’ai choisie pour moi. Correspond à mon amour. Je veux être ton Époux, ton Bien-Aimé, ton tout. Je t’ai choisie aussi pour le bonheur de beaucoup d’âmes. Tu es mon temple, temple de la très Sainte Trinité. Toutes les âmes en état de grâce le sont, mais tu l’es de façon spéciale. Tu es un tabernacle choisi par moi, afin que J’y habite et m’y repose. Je veux rassasier ta soif pour mon Sacrement d’amour.
Tu es comme le canal par où passeront les grâces que Je veux distribuer aux âmes et à travers lequel les âmes viendront à moi. Je me sers de toi afin que beaucoup d’âmes viennent à moi: par ton intermédiaire, beaucoup d’âmes seront stimulées à m’aimer dans la très Sainte Eucharistie.
— Reçois, maintenant, ma fille, le Sang de mon divin Cœur : c'est la vie dont tu as besoin, c'est la vie que Je donne aux âmes.
— Dis au monde entier qu'il écoute la voix de son pasteur, le Pape, laquelle est la voix de Jésus. Je veux de l'amour, de la pureté d'âme, changement de vie. Que la voix du Saint-Père soit pour le monde un aussi vibrant appel que celui de Noé...
Qu'il parle aux nations et à ses gouvernants, afin qu'un terme soit mis à tant d'immoralité...
J'ai renouvelé, à perpétuité, mon vœu de virginité et de pureté, suppliant la Sainte Vierge de me purifier de toute tache, de me consacrer toute à Jésus et de me renfermer dans son Sacré-Cœur. Je tressaillais de joie. Peu après, Notre-Seigneur m'a parlé ainsi :
— J'ai reçu ton offrande, par l'entremise de ma très Sainte Mère. Si tu savais combien tu as consolé ton Jésus et réjoui la Très Sainte Trinité !... Si tu pouvais comprendre la gloire que ton oblation t'a acquise pour le ciel, tu mourrais de bonheur !...
— Désormais, Je te comblerai de bienfaits... tu arrêteras le bras de la Justice divine prête à foudroyer les pécheurs... tu seras un puissant secours à tant d'âmes enchaînées par le péché... tu es la victime de mes prisons eucharistiques.
(...)
J’ai eu un bon Maître. C’est vous le premier, ô mon Jésus, que depuis toute petite, m’avez appris ! (28)
« Donne-moi ton cœur... »
— Donne-moi ton cœur, que je le place dans le mien, afin que tu n’aies pas d’autre amour que le mien et celui de mes affaires (29).
« Quelle sainte union est la nôtre !... »
— Veux-tu voir comment je t’embrase ? (30)
J’ai alors commencé à sentir une union si grande et une chaleur et une force qui semblait me broyer. Mon Jésus m’a dit :
— Comme nous nous aimons ! Quelle sainte union est la nôtre !
(...)
— Écoute, ma fille, ton Jésus. Je suis avec toi pour t’enrichir de mes divins trésors. Combien je t’aime ! Je t’ai choisie pour ma demeure. Je te prépare selon mes désirs. Ne vis que pour moi. Aime-moi beaucoup. Ne pense qu’à moi. Et, parce que tu t’es généreusement offerte comme victime pour les pécheurs du monde, Je ferai de toi comme un canal pour distribuer les grâces aux âmes coupables de toutes sortes de crimes. Ainsi tu feras venir à moi un grand nombre...
En même temps je ne sais pas ce qui s’est passé en moi, je ne sais pas l’expliquer; je ressentais un très, très grand poids. J’avais l’impression que mon cœur devenait aussi grand que le monde... (31)
« Je suis avec toi, ma fille... »
Cela faisait presque deux jours que Jésus ne me parlait plus. J’ai pleuré, de peur d’être dans l’illusion. Quand je me suis un peu rassérénée, j’ai fait la Communion spirituelle. Mon bon Jésus m’a, alors, parlé ainsi :
— Ma fille, ma fille très chère, ma bien-aimée, ne t’attriste pas à cause de moi. Je fais pénétrer en toi mon Amour. Ce fut une bonne préparation. C’était moi qui te provoquait, pour voir jusqu’où irait ta confiance. M’aimer dans les douceurs et les tendresses, cela ne coûte pas. J’ai fait semblant de t’abandonner, de te laisser naviguer toute seule, sans que tu te sentes dans les bras de ton Époux, pour voir jusqu’où irais-tu. Mais, je ne t’abandonne pas.
— Combien Je t’aime ! Quand tu te sens froide, c’est moi qui, chaque fois d’avantage infuse en toi mon amour. Quand Je ne te parle pas, c’est pour t’inspirer beaucoup plus de foi en moi. Ne t’ai-je pas dit que je ne t’abandonnerais jamais et ne m’éloignerais jamais de toi ? Je t’aime tellement ! Viens à mon école; apprends de ton Jésus à aimer le silence, l’humilité, l’obéissance et l’abandon. Viens dans mes Tabernacles... Prosterne-toi devant moi et demande-moi pardon pour ton découragement et pour ton infidélité.
(...)
— Je suis avec toi, ma fille... et quand tu te sens froide, c’est que moi, je fais pénétrer davantage en toi mon amour.
(...)
Quels heureux moments, quelle grande union, quelle force à me contraindre, pendant que la chaleur me donnait l’impression que des langues de feu me transperçaient ! (32)
« Mon Cœur se fait violence... »
— Aie courage, ma fille. Cela coûte beaucoup d’être traitée de la sorte, je le sais bien. Mais, plus cela coûte, plus c’est agréable à ton Jésus. Mon Cœur se fait violence en te voyant souffrir autant. Je te veux dans mes bras très saints avec la même simplicité qu’un enfant dans les bras de sa mère. Je veux enlever tous les doutes que tu puisses encore avoir (33). Je te veux plus brillante que les anges. Oui, parce que les anges sont brillants par nature, et toi, tu l’es parce que tu t’es restée brillante, parce que tu as permis à Jésus de travailler en toi librement, et t’enrichir des plus belles vertus (34).
« Je suis toujours avec toi... »
— Ma fille, je suis toujours avec toi. Si tu savais combien je t’aime, tu mourrais de joie. Je te prépare afin de réaliser en toi mes desseins (35).
Jésus m’a dit que de la même manière qu’il est fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que moi aussi je devais être fidèle à demeurer en esprit auprès de ses Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner mon corps pour être victime ; que des milliers de victimes ne seraient pas de trop pour réparer tant de péchés et les crimes du monde...
(...)
Quelques fois, avant même qu’il me parle, je sens comme des embrassements. D’autres fois je les sens à la fin. Je ressens, subitement une forte chaleur, une chaleur que je ne sais pas expliquer. Parfois encore, je me sens tellement caressée par Notre-Seigneur! Et moi, je ne sais pas comment correspondre à tant de bienfaits...
(...)
— Parlez, mon Jésus, parlez, car votre petite fille vous écoute... Je souhaite ardemment être instruite à votre école.
— Je souhaite aussi ardemment que tu apprennes toutes mes leçons. J’ai beaucoup à t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent apprendre les mêmes leçons, qu’ils marchent sur les mêmes traces et qu’ils suivent les mêmes chemins.
(...)
— Veille sur mes tabernacles. J’y suis si seul dans un très grand nombre !... Des jours et des jours passent sans que quelqu’un me rende visite. On ne m’aime pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent, ils le font soit par habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui ne cesse pas de tomber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne de péchés et de crimes. Ce sont là les actes d’amour qu’ils y déposent ; c’est ainsi qu’ils me consolent; c’est ainsi qu’ils réparent ; c’est ainsi encore qu’ils m’aiment !...
(...)
— Fais que je sois aimé par tous dans mon sacrement d’Amour, le plus grand de tous les sacrements, le plus grand miracle de ma divine Sagesse !
(...)
— Console-moi et aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes afflictions et dans tous tes besoins.
(...)
— J’ai établi en toi ma demeure... tu es un tabernacle construit non pas par des mains d’homme, mais par des mains divines... J’habite en toi comme si dans le monde toi seule, tu existais, comme si dans le monde je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand je t’appellerai en ma divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors seulement j’abandonnerai ton corps... Me le donnes-tu librement afin que je le crucifie pour les pécheurs ? (36)
« Tu as choisi la meilleure part... »
— Comme Madeleine, tu as choisi la meilleure part. Aimer mon Cœur ! M’aimer crucifié, c’est très bien. M’aimer dans mes tabernacles, où tu peux me contempler, non pas des yeux du corps mais de ceux de l’âme et de l’esprit ; où j’habite avec mon Corps, mon Âme et ma Divinité comme dans le Ciel, c’est choisir ce qu’il y a de plus sublime.
(...)
— Ils ne croient pas à mon existence. Ils ne croient pas que j’y habite (37). Ils blasphèment contre moi. D’autres croient que j’y suis, mais ils ne m’aiment pas, ne me visitent pas: ils vivent comme si je n’y habitais... Viens dans mes tabernacles; elles sont à toi mes prisons; je t’ai choisie pour m’y tenir compagnie, dans ces abris qui sont très souvent, extérieurement, si pauvres ! Mais à l’intérieur, ô, quelle richesse ! C’est la richesse du Ciel et de la terre !
(...)
— Veux-tu me consoler ? Veux-tu consoler le sanctificateur de ton âme ? Va dans les tabernacles !... Consoler les attristé, c’est faire œuvre de miséricorde... Et moi je suis si triste; je suis si offensé !...
Là tu peux servir de victime pour les péchés du monde, en cette période où le monde se révolte contre moi et contre mon Église.
(...)
— Fais que je sois aimé par tous dans mon sacrement d’Amour, le plus grand de tous les sacrements, le plus grand miracle de ma divine Sagesse ! (38)
« Ne cesse pas de prier... »
Ne cesse pas de prier pour les pécheurs. Je te les confie, afin que tu me les rendes. Viens dans mes tabernacles.
Il m’a dit encore que “ou bien je réparais et la dévotion aux tabernacles était prêchée, ou le monde allait être puni avec beaucoup de sévérité”.
J’ai demandé à mon Jésus ce que je pouvais faire pour beaucoup l’aimer et il m’a dit :
— Viens dans mes tabernacles; viens me consoler; viens réparer. Ne cesse pas de réparer ; donne-moi ton corps pour que je le crucifie. J’ai besoin de beaucoup de victimes pour soutenir le bras de ma justice et j’en ai si peu ! Viens les remplacer... Fais que je sois aimé de tous dans mon Sacrement d’Amour, le plus grand de mes Sacrements et le plus grand miracle de ma divine sagesse...
— O mon Jésus, Vous me caressez si tendrement en me disant des choses si magnifiques. Ne voyez-vous pas ma petitesse... ma misère ?...
— Ma fille, c'est dans ta petitesse et dans ta misère que Je cache ma grandeur, ma gloire !... (39)
« J’ai besoin de plusieurs victimes... »
— J'ai besoin de plusieurs victimes pour arrêter le bras de ma Justice et J'en ai si peu !... Remplace-les. Je veux que tu me fasses aimer dans mon sacrement d'amour, le plus grand des sacrements... le plus extraordinaire miracle de ma Sagesse...
(...)
Oh ma fille chérie, je veux que tu sois toute à moi, toute à moi et que tu ne vives que pour moi et n’aimes que moi et ne cherches que moi !... (40)
« Veux-tu vraiment me consoler ?... »
J’ai commencé à goûter les effets de Notre-Seigneur avant même qu’il me parle : une grande chaleur, une force qui m’enlaçait tellement qu’elle semblait m’arracher de ce monde. Je ressentais l’impression que l’on a quand on reçoit des caresses et j’avais l’impression aussi de recevoir des baisers...
(...)
Mes souffrances continuent d’augmenter de plus en plus, mais je ne crains pas, parce que mon cher Jésus souffre avec moi. Bien au contraire, je me sens joyeuse et contente, car par l’augmentation de mes souffrances, je peux davantage aider les pauvres pécheurs et réparer les offenses dont Notre-Seigneur est victime de leur part.
(...)
La mission que je t’ai confiée, ce sont les tabernacles et les pécheurs...
Par toi, beaucoup, beaucoup de pécheurs seront sauvés ; non par tes mérites, mais par les miens. Je cherche tous les moyens pour les sauver...
Veux-tu vraiment consoler et aimer ton Époux, l’Époux des âmes vierges que j’aime avec prédilection ?
Viens dans mes tabernacles, reste là, vis là, et donne-moi ton corps pour que je le crucifie, afin de satisfaire à mes desseins. Sois ma victime de réparation pour les pécheurs du monde entier ; c’est ainsi que tu me consoleras beaucoup...
— Ta couronne est plus brillante que toutes les perles précieuses du monde. Elle est embellie par toutes tes souffrances et par les âmes des pécheurs que tu as sauvés. Une très haute place est préparée pour toi [dans le Ciel]. (41)
« Combien de victimes j'ai choisies... »
— Combien de victimes j'ai choisies et qui se sont refusées !... Combien j'ai appelées et ne m'ont pas entendu !... Combien j'ai invitées à une grande élévation vers moi et Je n'ai rien obtenu !
En toi Je me suis consolé ; de toi J'ai tout reçu !... Si tu voyais le nombre d'âmes qui se sont sauvées grâce à toi, et spécialement en ces dernières années par ton jeûne ! (42)
« Ma pensée était avec Jésus... »
— Ma petite fille, enfant de prédilection de Jésus, viens : Je suis la Mère du Rosaire, je suis la Mère du Carmel. Cachée dans mon sein, serrée contre mon Cœur, reçois dans tes mains le Rosaire qui pend des miennes. Sur le Rosaire je place le Scapulaire.
(...)
Notre-Seigneur m’a recommandé de ne pas me distraire pendant la journée avec les visites, aussi nombreuses qu’elles puissent être. Et en vérité, lors de la visite au Saint-Sacrement (43), j’étais si unie à Jésus, qu’il me semblait que nul ne pouvait me distraire... Je les laissais tous parler, mais ma pensée était avec Jésus au Tabernacle (44).
● ● ●
Invocations...
O ma Petite-Maman du ciel, voici à vos pieds très saints une âme que désire beaucoup vous aimer. O mon adorable Dame, je veux vivre d’un amour aussi grand qu’il me permette de souffrir uniquement pour vous et pour mon Jésus : oui, pour mon cher Jésus qui est le tout de mon âme. Il est la lumière qui m’éclaire, le pain qui me rassasie ; il est mon chemin, le seul que je veux suivre... (1)
O Jésus, quelle meilleure compagnie puis-je avoir dans ce lit de douleur que votre continuelle présence en moi, moi qui ne veut vivre que pour vous ? O Jésus, Vous savez bien quels sont mes désirs: être toujours devant vos Tabernacles, ne jamais m’en éloigner, ne fusse qu’un moment ! Donnez-moi la force, o bon Jésus, afin que je sache le faire !
O mon Jésus, je suis ici, malade, et je ne peux vous visiter dans vos églises, mais j’accomplis la mission à laquelle vous m’avez destinée: que votre sainte Volonté soit faite !... Vu que je ne puis venir, je Vous envoie mon cœur, mon intelligence pour apprendre toutes vos leçons, ma pensée afin que je ne pense qu’à vous; uniquement à vous, mon Jésus, en tout et pour tout... Je vous envoie tout ce que j’ai et qui puisse vous faire plaisir dans vos Tabernacles d’amour...
J’aimerais être en votre présence jour et nuit, à toute heure, unie à vous, et ne plus jamais vous quitter, o Jésus abandonné dans les Tabernacles ! Pas un seul instant je ne voudrais m’en absenter; j’aimerais vous donner tout ce que je possède et qui vous appartient entièrement: mon cœur, mon corps, avec tout ce qu’il ressent. C’est là toute ma richesse.
« Ma souffrance a beaucoup augmenté... »
Quoique le Saint-Sacrement soit mon meilleur ami, je regrette de devoir le dire, je ne le reçois que rarement. Au début on me portait la Sainte Communion tous les premiers vendredis, samedis et dimanches; maintenant, il ne vient plus le dimanche (2). Que dois-je faire ? Souffrir pour l’amour de mon Bien-Aimé Jésus.
(...)
Ma souffrance a beaucoup augmentée. Maintenant je ne prends que des liquides, car je n’arrive pas à mâcher à cause d’un abcès dans la bouche. Peut-être que, de la même façon dont il est apparu, aussi il s’en aille. D’un autre côté, il me sera impossible de vivre, étant donné l’état de faiblesse dans lequel je me trouve... Je ressens le manque du peu que je mangeais. Ne prendre que des liquides, cela me cause de continuels vomissements. Mais, en tout cas, ce n’est pas cela qui m’attriste, car tous les jours je demande à Dieu de ne pas m’abandonner, sachant pertinemment que sans Lui, je ne supporterais rien (3).
« Il m’est impossible de tenir la plume... »
J’aurais voulu vous remercier en écrivant de ma propre main (4), et je le fais en vous écrivant quelques lignes, qui seront certainement les dernières. Je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais je ne peux pas continuer (5). Ma souffrance a beaucoup augmenté. C’est pour cette raison que je dis que ce sont les dernières lignes que je vous écris. Il m’est impossible de tenir la plume, même pour à peine quelques instants... les douleurs sont atroces. On ne m’a jamais gratté les os, mais j’ai l’impression que cela doit produire le même effet...
J’ai reçu de Jésus un beau présent pour Pâques : en plus des souffrances physiques, j’ai beaucoup souffert spirituellement (6).
« Je ne comprends pas... »
Quelques-unes de mes côtes se sont déplacées. Le médecin me disait que ce n’était rien... Je ne peux m’appuyer sur celles-ci qu’au prix d’un grand sacrifice, car je ne supporte même pas que les couvertures reposent sur mes côtes. Et le pire c’est que ce sont les côtes du côté droit, sur lequel j’avais l’habitude de me reposer...
(...)
Même sans être tombée, le bon Jésus a fait que mes côtes se déplacent. Le médecin m’a dit qu’il les avait trouvés ainsi. Mon Père, je ne comprends pas, et je vous demande, par l’amour de Dieu, de m’expliquer si toutes les contrariétés viennent du Seigneur, ou si elles peuvent aussi venir du démon. En effet, dernièrement, des faits se sont produits qui semblent bien être son œuvre... (7)
« Même parler m’est douloureux... »
(...)
J’ai l’impression que les os de ma poitrine touchent ceux de mon dos et me causent de telles angoisses que je ne sais plus comment me placer. Quand les douleurs sont plus fortes, je me place quelques minutes par moitié sur le lit et l’autre partie de mon corps sur les genoux de Deolinda. Ceci oblige ma sœur à passer les nuits en ma compagnie. Même parler m’est douloureux .
(...)
J’ai répété à Jésus: envoyez-moi, mon Jésus, ce que vous voudrez, afin que je puisse réparer (9) les offenses que vous recevez (10).
Je ne sais pas si c’est grâce aux prières que vous faites pour moi, que je me sens à chaque heure qui passe davantage forte dans mes souffrances ; mais je me sens le courage de souffrir de plus en plus, et j’espère que Notre-Seigneur, petit à petit, augmentera ma douleur jusqu’à ce que je meure embrasée par son divin Amour, clouée sur la Croix avec lui (11).
Lettre à Sãozinha
Ma bonne petite sœur ;
Je vous appelle ainsi, non seulement parce que vous traitez avec charité la plus indigne des enfants de Dieu, mais aussi parce que toutes deux, nous recevons du Seigneur la croix bénie de chaque jour. Celle-ci, portée avec amour et résignation, est un moyen efficace pour nous élever de plus en plus dans l’amour de Jésus; pour nous sanctifier et pour aider, par nos souffrances, les âmes qui, sourdes à la voix de Jésus et aveuglées devant sa lumière, s’abandonnent aux plaisirs du monde sans jamais penser à leur salut.
Combien elle est belle notre mission !
En ce qui me concerne, j’avoue me considérer indigne d’un aussi heureux sort !...
Vous dites dans votre lettre que vous viendrez pour apprendre avec moi la science de la croix. Que dois-je vous enseigner ? Et à qui... alors que moi j’ai tant besoin d’apprendre ?... Vous êtes, Madame, plus instruite que moi pour enseigner; mais si c’est la volonté de Dieu, je suis prête à devenir votre maîtresse et élève à la fois.
J’ai souvent dit que j’étais venue en ce monde pour travailler, souffrir et offenser le Seigneur. Triste vérité... car, je l’ai déjà tant offensé ! C’est celle-ci la plus grande peine qui m’aiguillonne toujours. La souffrance est ma plus grande consolation, et je ne l’échangerais pas contre le monde entier.
Quelle ingrate je ferais, si je refusais de donner mon corps, qui ne vaut rien, à Celui qui, à cause de moi, a tant souffert !... À Celui qui désire se procurer beaucoup de victimes d’amour pour sauver les âmes !
Depuis seize années, la maladie, jour après jour, s’est propagée dans tout mon corps... et depuis dix années je suis prisonnière dans mon lit sans pouvoir me lever...
Combien j’ai été favorisée par le Seigneur ! Combien suave est le joug sous lequel il me tient !
Je reçois ceci comme une preuve d’amour de la part de Jésus pour mon âme.
Que soit béni Celui qui n’a pas dédaigné mon indignité ! (12)
« Donne-moi tes mains... »
Je sais que ce ne fut pas sans un gros sacrifice que vous êtes venu à Balasar, mais, je pense que, plus que la pluie, d’autres circonstances vous ont davantage gêné... Soyons sûrs que plus grand est le sacrifice, plus grande sera aussi la récompense du Seigneur. Voila ma conviction.
Mon Père, je vais moi aussi faire un grand sacrifice. Notre Seigneur le sait bien, et vous-même, vous pourrez vous faire une idée de ce que ceci me coûte. Mais avant de le faire, je l’ai offert au bon Jésus...
Jeudi 6, Monsieur le Curé est venu apporter la Communion à une voisine malade et, par la même occasion, il est venu me la donner. Après avoir communié, je me sentais froide et incapable de toute action de grâces; mais, loué soit mon Jésus, car il n’a regardé ni ma froideur ni mon indignité. Il m’a semblé entendre alors ces paroles :
— Donne-moi tes mains : je veux les clouer avec les miennes ; donne-moi tes pieds : je veux les clouer avec les miens ; donne-moi ta tête : je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi ; donne-moi ton cœur : je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien ; consacre-moi tout ton corps ; offre-toi toute à moi ; je veux te posséder entièrement.
Ceci fut suffisant pour me tenir en haleine, très préoccupée. Je ne savais que faire : me taire et ne rien dire, me semblait ne pas correspondre à la volonté de Notre-Seigneur; il me semblait que mon bon Jésus ne voulait pas que j’occulte ses paroles...
Il faut encore que je vous dise que vendredi et aujourd’hui (13), Notre-Seigneur a renouvelé ses demandes. Il m’a recommandé aussi l’obéissance en tout, comme je vous l’ai déjà expliqué (14).
S’agit-il d’une illusion de ma part ? O mon Jésus, pardonnez-moi si je vous offense, mais je ne veux pas vous offenser... je le fais par obéissance... (15)
« Il m’a demandé ceci deux fois... »
Il m’a demandé ceci deux fois — le 6 et le 8 septembre (16).
Je ne sais pas expliquer mon tourment, parce que je ne peux pas écrire (17). Je ne voulais rien dire à ma sœur, mais je ne voulais pas non plus le taire, car j’ai compris que je ne devais pas le faire, taire la parole de Dieu: je devais tout dire à mon directeur spirituel (18).
Je me suis décidée à faire le sacrifice et j’ai demandé à Deolinda d’écrire tout ce que je lui dicterais. Nous l’avons fait sans échanger le moindre regard. La lettre étant écrite, tout cela est resté entre nous et nous n’en avons plus parlé.
Si jusque là toutes les lettres de mon directeur spirituel me rendaient joyeuse, à partir de ce moment, je n’en éprouvais plus la moindre consolation : je vivais dans la crainte qu’il me désapprouve et me dise que tout cela n’était qu’illusion.
J’avais cédé à l’invitation du Seigneur, mais je pensais que les sacrifices qu’Il me demandait n’étaient que ceux résultant de ma maladie, même si majorés ; il ne m’était pas venu à l’esprit qu’Il me ferait passer par des phénomènes singuliers.
Le directeur m’a exigé de tout écrire et, pendant deux ans et demi il ne m’a jamais dit qu’il s’agissait bien de choses de Dieu. Ce silence m’a fait beaucoup souffrir (19).
Visites de Jésus
À cette époque Jésus m'apparaissait, et me parlait souvent. La consolation spirituelle était grande et les souffrances plus faciles à supporter. En toute chose je sentais de l'amour pour mon Jésus et je sentais qu'Il m'aimait, étant donné que je recevais abondance de tendresses. Je cherchais le silence. O comme je me sentais bien dans le recueillement et bien unie à Lui !... Jésus se confiait à moi. Il me disait des choses tristes, mais le réconfort et l'amour qu'Il me procurait, rendaient plus douces ses lamentations. Je passais des nuits et des nuits sans dormir, à converser avec Lui, dans la contemplation de ce qu'Il me montrait (20).
Une certaine fois j'ai vu Jésus tel un jardinier qui soigne ses fleurs, les arrosant, etc. (21). Il se promenait au milieu de celles-ci, m'en montrait les variétés. D'autres fois il m'apparaissait pour me montrer les rayons éblouissants de son Cœur. Une fois j'ai vu la Petite-Maman avec l’Enfant Jésus dans ses bras et une autre fois je l'ai vue en Immaculée Conception (22) : O combien Elle était belle !... Comme j'aimerais n'aimer qu'Elle et Jésus !... Je ne serais vraiment bien qu'en leur compagnie (23).
(...)
Une nuit, Jésus m’est apparu, grandeur nature, dévêtu jusqu’à la ceinture. Sur ses divines mains, sur ses pieds et sur sa poitrine, de profondes plaies étaient ouvertes. Le sang coulait jusqu’à sa taille, et traversant le linge qui le ceignait, tombait à terre. Jésus s’est assis sur le bord de mon lit. J’ai embrassé avec amour les plaies de ses mains et je désirais ardemment embrasser celles de ses pieds. Comme j’étais couchée, je ne pouvais y parvenir, mais je n’ai rien dit au Seigneur. Mais Lui, qui connaît mes désirs, m’a présenté, l’un après l’autre ses pieds, afin que je puisse les embrasser. J’ai contemplé ensuite la plaie de son côté et le sang qui, abondamment, coulait de celle-ci. Grandement attendrie, je me suis jetée dans les bras de Jésus et je lui ai dit :
— O mon Jésus, combien avez-vous souffert par amour pour moi !
Je suis restée quelques instants la tête inclinée sur la poitrine de Jésus qui, ensuite a disparu.
Il est inutile de dire que plus jamais je ne pourrai l’oublier et, que toujours je m’en souviendrai comme quelque chose qui serait toujours présente.
Je sens mon cœur blessé rien qu’au souvenir de cette scène; l’obéissance seule et l’amour de Jésus m’obligent à en parler.
Je pense que Jésus, en se présentant à moi dans cet état, voulait me préparer à ce que je vais maintenant vous décrire. Qu’il m’en donne la force et sa grâce afin que je puisse bien le faire.
« Prie pour les prêtres... »
C’est avec regret et nostalgie que je vous informe que je n’ai plus communié. Ah ! si je pouvais obtenir qu’on me portât la Sainte Communion, en payant avec de l’argent cette faveur, combien ne donnerais-je pas !... Mais je fais beaucoup de communions spirituelles, avec le plus de ferveur qu’il m’est possible et Notre-Seigneur m’en récompense. Voyez comme mon bon Jésus m’aime: il m’a dit que lui-même sera mon Directeur !...
(...)
Jésus m’a dit de ne rien m’attribuer de tout cela, car — me dit-il — je ne suis que poussière et que je ne possède rien que je ne l’ai reçu de Lui. Il m’a dit aussi que les faibles, il les rend dort ; que c’est sous mes fautes qu’il cache son pouvoir, son amour et sa gloire.
(...)
Voulez-vous que je vous dise ce que me dit, quelquefois, Notre-Seigneur, quand il commence à me parler ?
— Ma fille, ma fille bien-aimée, mon aimée, mon épouse, ma préférée, me voici tout à l’intérieur de ton âme.
Mon Bien-Aimé Jésus m’a dit qu’il sera mon Directeur et mon Maître, continuel, fréquent et habituel; que vous-même le serez de loin (24) ; mais que je dois vous obéir jusqu’à préférer votre direction à la sienne.
Notre-Seigneur ne cesse pas de renouveler ses demandes dont je vous ai déjà parlé, et il me rappelle continuellement ses Tabernacles.
— Viens, ma fille, viens t’attrister avec moi ; viens me tenir compagnie dans mes prisons d’amour ; viens réparer tant d’abandon et d’oubli !...
Il m’a demandé aussi de ne lui refuser ni souffrances ni sacrifices pour les pécheurs, sur lesquels la divine Justice menaçait de frapper, si je n’allais pas à leur secours.
Il me demande d’oublier le monde et de me livrer tout entière à Lui :
— Abandonne-toi dans mes bras, je choisirai tes chemins...
Je ne sais pas quoi Lui donner d’autre, car je ne Lui refuse rien...
(...)
— Avise ton directeur spirituel que j’exige que l’on prêche et que l’on propage la dévotion aux Tabernacles, et d’avantage encore: qu’elle soit rallumée dans les âmes. Je ne suis pas resté sur les autels par amour uniquement de ceux qui m’aiment, mais pour l’amour de tous; même en travaillant on peut me consoler (25).
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur faiblesse Je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Oublie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras: Je choisirai tes sentiers (26).
« Avise ton directeur spirituel... »
Quelques fois, avant même qu’il me parle, je sens comme des embrassements. D’autres fois je les sens à la fin. Je ressens, subitement une forte chaleur, une chaleur que je ne sais pas expliquer. Parfois encore, je me sens tellement caressée par Notre-Seigneur ! Et moi, je ne sais pas comment correspondre à tant de bienfaits...
(...)
Jésus m’a dit que de la même manière qu’il est fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que moi aussi je devais être fidèle à demeurer en esprit auprès de ses Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner mon corps pour être victime ; que des milliers de victimes ne seraient pas de trop pour réparer tant de péchés et les crimes du monde...
(...)
— Parlez, mon Jésus, parlez, car votre petite fille vous écoute... Je souhaite ardemment être instruite à votre école.
— Je souhaite aussi ardemment que tu apprennes toutes mes leçons. J’ai beaucoup à t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent apprendre les mêmes leçons, qu’ils marchent sur les mêmes traces et qu’ils suivent les mêmes chemins.
(...)
— Avise ton directeur spirituel que J’exige que l’on prêche et que l’on propage la dévotion aux Tabernacles, et d’avantage encore : qu’elle soit rallumée dans les âmes. Je ne suis pas resté sur les autels par amour uniquement de ceux qui m’aiment, mais pour l’amour de tous; même en travaillant on peut me consoler.
(...)
— Veille sur mes tabernacles. J’y suis si seul dans un très grand nombre !... Des jours et des jours passent sans que quelqu’un me rende visite. On ne m’aime pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent, ils le font soit par habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui ne cesse pas de tomber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne de péchés et de crimes. Ce sont là les actes d’amour qu’ils y déposent ; c’est ainsi qu’ils me consolent ; c’est ainsi qu’ils réparent; c’est ainsi encore qu’ils m’aiment !...
(...)
Ne me refuse pas les souffrances et les sacrifices pour les pécheurs ! La Justice de Dieu pèse sur eux. Toi, tu peux les secourir.
Prie pour les prêtres: ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles pour les rendre forts. Sous leur faiblesse Je cache mon pouvoir, mon amour et ma gloire. Oublie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi entre mes bras : Je choisirai tes sentiers.
(...)
— Console-moi et aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes afflictions et dans tous tes besoins.
(...)
— J’ai établi en toi ma demeure... tu es un tabernacle construit non pas par des mains d’homme, mais par des mains divines... J’habite en toi comme si dans le monde toi seule, tu existais, comme si dans le monde je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand je t’appellerai en ma divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors seulement j’abandonnerai ton corps... Me le donnes-tu librement afin que je le crucifie pour les pécheurs ? (27)
« Je suis le prisonnier des prisonniers !... »
Peu avant de dicter cette lettre, Notre-Seigneur m’a demandé mon cœur pour le placer dans le sien, afin que je n’ai pas d’autre amour que lui et celui de ses œuvres. Il m’a dit que toutes les âmes y ont leur place, dans son divin Cœur, mais que j’y avais une place de choix. Il m’a encore dit :
— Ma fille, n’as-tu pas compassion de moi ?...
Je suis seul et abandonné, dans mes tabernacles, et tellement offensé ! Viens me consoler, viens réparer ; réparer pour tant d’abandon...
Visiter les prisonniers dans leurs cachots et les consoler est une œuvre de miséricorde. Moi, je suis prisonnier et prisonnier par amour ; je suis le Prisonnier des prisonniers !...
Notre-Seigneur m’a dit que je suis son temple. Temples de la très Sainte-Trinité sont toutes les âmes en état de grâce, mais que moi, par une grâce particulière, je suis un tabernacle qu’il s’est choisi pour y habiter et s’y reposer afin de davantage rassasier la soif que j’ai de son Sacrement d’Amour... Jésus me dit encore qu’il se sert de moi afin que par moi beaucoup d’âmes soient stimulées à l’aimer dans la sainte Eucharistie.
(...)
— Je t’ai choisie pour moi. Correspond à mon amour. Je veux être ton Époux, ton Bien-Aimé, ton tout. Je t’ai choisie aussi pour le bonheur de beaucoup d’âmes. Tu es mon temple, temple de la très Sainte Trinité. Toutes les âmes en état de grâce le sont, mais tu l’es de façon spéciale. Tu es un tabernacle choisi par moi, afin que J’y habite et m’y repose. Je veux rassasier ta soif pour mon Sacrement d’amour.
Tu es comme le canal par où passeront les grâces que Je veux distribuer aux âmes et à travers lequel les âmes viendront à moi. Je me sers de toi afin que beaucoup d’âmes viennent à moi: par ton intermédiaire, beaucoup d’âmes seront stimulées à m’aimer dans la très Sainte Eucharistie.
— Reçois, maintenant, ma fille, le Sang de mon divin Cœur : c'est la vie dont tu as besoin, c'est la vie que Je donne aux âmes.
— Dis au monde entier qu'il écoute la voix de son pasteur, le Pape, laquelle est la voix de Jésus. Je veux de l'amour, de la pureté d'âme, changement de vie. Que la voix du Saint-Père soit pour le monde un aussi vibrant appel que celui de Noé...
Qu'il parle aux nations et à ses gouvernants, afin qu'un terme soit mis à tant d'immoralité...
J'ai renouvelé, à perpétuité, mon vœu de virginité et de pureté, suppliant la Sainte Vierge de me purifier de toute tache, de me consacrer toute à Jésus et de me renfermer dans son Sacré-Cœur. Je tressaillais de joie. Peu après, Notre-Seigneur m'a parlé ainsi :
— J'ai reçu ton offrande, par l'entremise de ma très Sainte Mère. Si tu savais combien tu as consolé ton Jésus et réjoui la Très Sainte Trinité !... Si tu pouvais comprendre la gloire que ton oblation t'a acquise pour le ciel, tu mourrais de bonheur !...
— Désormais, Je te comblerai de bienfaits... tu arrêteras le bras de la Justice divine prête à foudroyer les pécheurs... tu seras un puissant secours à tant d'âmes enchaînées par le péché... tu es la victime de mes prisons eucharistiques.
(...)
J’ai eu un bon Maître. C’est vous le premier, ô mon Jésus, que depuis toute petite, m’avez appris ! (28)
« Donne-moi ton cœur... »
— Donne-moi ton cœur, que je le place dans le mien, afin que tu n’aies pas d’autre amour que le mien et celui de mes affaires (29).
« Quelle sainte union est la nôtre !... »
— Veux-tu voir comment je t’embrase ? (30)
J’ai alors commencé à sentir une union si grande et une chaleur et une force qui semblait me broyer. Mon Jésus m’a dit :
— Comme nous nous aimons ! Quelle sainte union est la nôtre !
(...)
— Écoute, ma fille, ton Jésus. Je suis avec toi pour t’enrichir de mes divins trésors. Combien je t’aime ! Je t’ai choisie pour ma demeure. Je te prépare selon mes désirs. Ne vis que pour moi. Aime-moi beaucoup. Ne pense qu’à moi. Et, parce que tu t’es généreusement offerte comme victime pour les pécheurs du monde, Je ferai de toi comme un canal pour distribuer les grâces aux âmes coupables de toutes sortes de crimes. Ainsi tu feras venir à moi un grand nombre...
En même temps je ne sais pas ce qui s’est passé en moi, je ne sais pas l’expliquer; je ressentais un très, très grand poids. J’avais l’impression que mon cœur devenait aussi grand que le monde... (31)
« Je suis avec toi, ma fille... »
Cela faisait presque deux jours que Jésus ne me parlait plus. J’ai pleuré, de peur d’être dans l’illusion. Quand je me suis un peu rassérénée, j’ai fait la Communion spirituelle. Mon bon Jésus m’a, alors, parlé ainsi :
— Ma fille, ma fille très chère, ma bien-aimée, ne t’attriste pas à cause de moi. Je fais pénétrer en toi mon Amour. Ce fut une bonne préparation. C’était moi qui te provoquait, pour voir jusqu’où irait ta confiance. M’aimer dans les douceurs et les tendresses, cela ne coûte pas. J’ai fait semblant de t’abandonner, de te laisser naviguer toute seule, sans que tu te sentes dans les bras de ton Époux, pour voir jusqu’où irais-tu. Mais, je ne t’abandonne pas.
— Combien Je t’aime ! Quand tu te sens froide, c’est moi qui, chaque fois d’avantage infuse en toi mon amour. Quand Je ne te parle pas, c’est pour t’inspirer beaucoup plus de foi en moi. Ne t’ai-je pas dit que je ne t’abandonnerais jamais et ne m’éloignerais jamais de toi ? Je t’aime tellement ! Viens à mon école; apprends de ton Jésus à aimer le silence, l’humilité, l’obéissance et l’abandon. Viens dans mes Tabernacles... Prosterne-toi devant moi et demande-moi pardon pour ton découragement et pour ton infidélité.
(...)
— Je suis avec toi, ma fille... et quand tu te sens froide, c’est que moi, je fais pénétrer davantage en toi mon amour.
(...)
Quels heureux moments, quelle grande union, quelle force à me contraindre, pendant que la chaleur me donnait l’impression que des langues de feu me transperçaient ! (32)
« Mon Cœur se fait violence... »
— Aie courage, ma fille. Cela coûte beaucoup d’être traitée de la sorte, je le sais bien. Mais, plus cela coûte, plus c’est agréable à ton Jésus. Mon Cœur se fait violence en te voyant souffrir autant. Je te veux dans mes bras très saints avec la même simplicité qu’un enfant dans les bras de sa mère. Je veux enlever tous les doutes que tu puisses encore avoir (33). Je te veux plus brillante que les anges. Oui, parce que les anges sont brillants par nature, et toi, tu l’es parce que tu t’es restée brillante, parce que tu as permis à Jésus de travailler en toi librement, et t’enrichir des plus belles vertus (34).
« Je suis toujours avec toi... »
— Ma fille, je suis toujours avec toi. Si tu savais combien je t’aime, tu mourrais de joie. Je te prépare afin de réaliser en toi mes desseins (35).
Jésus m’a dit que de la même manière qu’il est fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que moi aussi je devais être fidèle à demeurer en esprit auprès de ses Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner mon corps pour être victime ; que des milliers de victimes ne seraient pas de trop pour réparer tant de péchés et les crimes du monde...
(...)
Quelques fois, avant même qu’il me parle, je sens comme des embrassements. D’autres fois je les sens à la fin. Je ressens, subitement une forte chaleur, une chaleur que je ne sais pas expliquer. Parfois encore, je me sens tellement caressée par Notre-Seigneur! Et moi, je ne sais pas comment correspondre à tant de bienfaits...
(...)
— Parlez, mon Jésus, parlez, car votre petite fille vous écoute... Je souhaite ardemment être instruite à votre école.
— Je souhaite aussi ardemment que tu apprennes toutes mes leçons. J’ai beaucoup à t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent apprendre les mêmes leçons, qu’ils marchent sur les mêmes traces et qu’ils suivent les mêmes chemins.
(...)
— Veille sur mes tabernacles. J’y suis si seul dans un très grand nombre !... Des jours et des jours passent sans que quelqu’un me rende visite. On ne m’aime pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent, ils le font soit par habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui ne cesse pas de tomber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne de péchés et de crimes. Ce sont là les actes d’amour qu’ils y déposent ; c’est ainsi qu’ils me consolent; c’est ainsi qu’ils réparent ; c’est ainsi encore qu’ils m’aiment !...
(...)
— Fais que je sois aimé par tous dans mon sacrement d’Amour, le plus grand de tous les sacrements, le plus grand miracle de ma divine Sagesse !
(...)
— Console-moi et aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes afflictions et dans tous tes besoins.
(...)
— J’ai établi en toi ma demeure... tu es un tabernacle construit non pas par des mains d’homme, mais par des mains divines... J’habite en toi comme si dans le monde toi seule, tu existais, comme si dans le monde je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand je t’appellerai en ma divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors seulement j’abandonnerai ton corps... Me le donnes-tu librement afin que je le crucifie pour les pécheurs ? (36)
« Tu as choisi la meilleure part... »
— Comme Madeleine, tu as choisi la meilleure part. Aimer mon Cœur ! M’aimer crucifié, c’est très bien. M’aimer dans mes tabernacles, où tu peux me contempler, non pas des yeux du corps mais de ceux de l’âme et de l’esprit ; où j’habite avec mon Corps, mon Âme et ma Divinité comme dans le Ciel, c’est choisir ce qu’il y a de plus sublime.
(...)
— Ils ne croient pas à mon existence. Ils ne croient pas que j’y habite (37). Ils blasphèment contre moi. D’autres croient que j’y suis, mais ils ne m’aiment pas, ne me visitent pas: ils vivent comme si je n’y habitais... Viens dans mes tabernacles; elles sont à toi mes prisons; je t’ai choisie pour m’y tenir compagnie, dans ces abris qui sont très souvent, extérieurement, si pauvres ! Mais à l’intérieur, ô, quelle richesse ! C’est la richesse du Ciel et de la terre !
(...)
— Veux-tu me consoler ? Veux-tu consoler le sanctificateur de ton âme ? Va dans les tabernacles !... Consoler les attristé, c’est faire œuvre de miséricorde... Et moi je suis si triste; je suis si offensé !...
Là tu peux servir de victime pour les péchés du monde, en cette période où le monde se révolte contre moi et contre mon Église.
(...)
— Fais que je sois aimé par tous dans mon sacrement d’Amour, le plus grand de tous les sacrements, le plus grand miracle de ma divine Sagesse ! (38)
« Ne cesse pas de prier... »
Ne cesse pas de prier pour les pécheurs. Je te les confie, afin que tu me les rendes. Viens dans mes tabernacles.
Il m’a dit encore que “ou bien je réparais et la dévotion aux tabernacles était prêchée, ou le monde allait être puni avec beaucoup de sévérité”.
J’ai demandé à mon Jésus ce que je pouvais faire pour beaucoup l’aimer et il m’a dit :
— Viens dans mes tabernacles; viens me consoler; viens réparer. Ne cesse pas de réparer ; donne-moi ton corps pour que je le crucifie. J’ai besoin de beaucoup de victimes pour soutenir le bras de ma justice et j’en ai si peu ! Viens les remplacer... Fais que je sois aimé de tous dans mon Sacrement d’Amour, le plus grand de mes Sacrements et le plus grand miracle de ma divine sagesse...
— O mon Jésus, Vous me caressez si tendrement en me disant des choses si magnifiques. Ne voyez-vous pas ma petitesse... ma misère ?...
— Ma fille, c'est dans ta petitesse et dans ta misère que Je cache ma grandeur, ma gloire !... (39)
« J’ai besoin de plusieurs victimes... »
— J'ai besoin de plusieurs victimes pour arrêter le bras de ma Justice et J'en ai si peu !... Remplace-les. Je veux que tu me fasses aimer dans mon sacrement d'amour, le plus grand des sacrements... le plus extraordinaire miracle de ma Sagesse...
(...)
Oh ma fille chérie, je veux que tu sois toute à moi, toute à moi et que tu ne vives que pour moi et n’aimes que moi et ne cherches que moi !... (40)
« Veux-tu vraiment me consoler ?... »
J’ai commencé à goûter les effets de Notre-Seigneur avant même qu’il me parle : une grande chaleur, une force qui m’enlaçait tellement qu’elle semblait m’arracher de ce monde. Je ressentais l’impression que l’on a quand on reçoit des caresses et j’avais l’impression aussi de recevoir des baisers...
(...)
Mes souffrances continuent d’augmenter de plus en plus, mais je ne crains pas, parce que mon cher Jésus souffre avec moi. Bien au contraire, je me sens joyeuse et contente, car par l’augmentation de mes souffrances, je peux davantage aider les pauvres pécheurs et réparer les offenses dont Notre-Seigneur est victime de leur part.
(...)
La mission que je t’ai confiée, ce sont les tabernacles et les pécheurs...
Par toi, beaucoup, beaucoup de pécheurs seront sauvés ; non par tes mérites, mais par les miens. Je cherche tous les moyens pour les sauver...
Veux-tu vraiment consoler et aimer ton Époux, l’Époux des âmes vierges que j’aime avec prédilection ?
Viens dans mes tabernacles, reste là, vis là, et donne-moi ton corps pour que je le crucifie, afin de satisfaire à mes desseins. Sois ma victime de réparation pour les pécheurs du monde entier ; c’est ainsi que tu me consoleras beaucoup...
— Ta couronne est plus brillante que toutes les perles précieuses du monde. Elle est embellie par toutes tes souffrances et par les âmes des pécheurs que tu as sauvés. Une très haute place est préparée pour toi [dans le Ciel]. (41)
« Combien de victimes j'ai choisies... »
— Combien de victimes j'ai choisies et qui se sont refusées !... Combien j'ai appelées et ne m'ont pas entendu !... Combien j'ai invitées à une grande élévation vers moi et Je n'ai rien obtenu !
En toi Je me suis consolé ; de toi J'ai tout reçu !... Si tu voyais le nombre d'âmes qui se sont sauvées grâce à toi, et spécialement en ces dernières années par ton jeûne ! (42)
« Ma pensée était avec Jésus... »
— Ma petite fille, enfant de prédilection de Jésus, viens : Je suis la Mère du Rosaire, je suis la Mère du Carmel. Cachée dans mon sein, serrée contre mon Cœur, reçois dans tes mains le Rosaire qui pend des miennes. Sur le Rosaire je place le Scapulaire.
(...)
Notre-Seigneur m’a recommandé de ne pas me distraire pendant la journée avec les visites, aussi nombreuses qu’elles puissent être. Et en vérité, lors de la visite au Saint-Sacrement (43), j’étais si unie à Jésus, qu’il me semblait que nul ne pouvait me distraire... Je les laissais tous parler, mais ma pensée était avec Jésus au Tabernacle (44).
● ● ●
1) En la fête de l’Annonciation de 1934.
2) Elle fait allusion ici au nouveau Curé de Balasar.
3) Lettre du 8 mars 1934 au Père Mariano Pinho.
4) Le Père Mariano Pinho lui avait envoyé une carte pour son anniversaire.
5) Alexandrina passe la plume à sa sœur Deolinda.
6) Lettre du 7 avril 1934 au Père Mariano Pinho.
7) Lettre du 22 juin au Père Mariano Pinho.
Lettre du 16 juillet 1934 au Père Mariano Pinho.
9) Dans un village voisin de Balasar, une fête religieuse était profanée par des divertissements profanes. Ceci explique la demande d’Alexandrina.
10) Lettre du 15 août 1934 au Père Mariano Pinho.
11) Et ces ardents désirs d’Alexandrina s’accompliront à la lettre, au delà de ses espérances!... – Lettre du 30 août 1934 au Père Mariano Pinho.
12) Cette lettre d’Alexandrina est la réponse à la lettre de Sãozinha du 1 septembre 1934.
« Cela m’a fait plaisir d’apprendre que tu continues de porter, avec patience et résignation la croix de ta vie. Oh, si seulement je savais vivre de la sorte! Me permets-tu que j’aille à ton école pour apprendre avec toi? Je serai une élève bien rebelle à tes leçons. Toutefois, j’essaierai et peut-être que, voyant et entendant, je me souvienne de quelque chose, par la suite. » — Maria da Conceição (Sãozinha). – Lettre du 5 septembre (?) 1934 à Sãozinha.
13) Samedi.
14) Notre-Seigneur plus d’une fois lui avait dit d’obéir en tout à son directeur spirituel, en ce qui concerne la direction de son âme. Je dois dire que je n’ai jamais rencontré une personne qui soit aussi scrupuleusement docile aux instructions que je lui donnait.
15) Lettre du 8 septembre 1934 au Père Mariano Pinho.
Après ceci, le Père Mariano Pinho recommanda à Deolinda d’observer tout ce qui arriverait, d’en prendre note afin de l’informer et aussi de servir de secrétaire à Alexandrina, pour tout ce que celle-ci aurait besoin d’écrire.
16) Comme il en ressort des lettres envoyées au Père Mariano Pinho s j.
17) Dans une lettre du 7 avril 1934, au Père Mariano Pinho, elle explique: “... il m’est impossible de tenir la plume, même pour à peine quelques instants... On ne mas jamais gratté les os, mais j’ai l’impression que cela doit produire le même effet...”.
18) Après ceci, le Père Mariano Pinho recommanda à Deolinda d’observer tout ce qui arriverait, d’en prendre note afin de l’informer et aussi de servir de secrétaire à Alexandrina, pour tout ce que celle-ci aurait besoin d’écrire.
19) Journal.
20) Il faut remarquer l’importance de cette dernière phrase. En effet, Alexandrina avait une connaissance très approfondie des choses de Dieu, au dire de certains théologiens qui l’ont fréquentée et qui ont témoigné: « Je n’ai jamais entendu un tel discours »; « Je ne saurais jamais parler de la sorte du mystère de la Sainte Trinité »; « Elle, toute seule, converti davantage de pécheurs que cent prêtres... », etc.
21) Voir, dans le « Cantique Spirituel » de saint Jean de la Croix, strophe 17,18 la signification mystique des fleurs.
22) L’Immaculée Conception a été couronnée, par le Roi Jean IV, Reine du Portugal, vers 1642. Depuis, plus aucun roi ou reine du Portugal n’a porté de couronne. En outre, la presque totalité des églises portugaises possèdent une statue de la Vierge Immaculée, aux pieds de laquelle sont sculptées les armes du pays.
23) Autobiographie.
24) En effet, le Père Mariano Pinho fut exilé au Brésil (de loin), mais continua de donner ses directives à Alexandrina.
25) Quel que soit le travail, fait avec honnêteté, aimé ou du moins accepté avec sérénité, comme devoir humain et offert consciemment à Dieu, a valeur de prière.
Cette vérité fut débattue et clairement définie lors du Concile Vatican II.
Un témoignage, concernant Alexandrina, est celui de Felizmina dos Santos Martins: “ Un jour, me trouvant à côté du lit d’Alexandrina, elle m’expliqua comment nous pouvions nous unir spirituellement au Seigneur, y compris pendant le travail. Ce fut alors qu’elle m’expliqua comment faire la Communion spirituelle pour m’unir aux Tabernacles les plus abandonnés et au Tabernacle de notre église”.
26) Lettre du 27 septembre 1934 au Père Mariano Pinho.
27) Quel que soit le travail, fait avec honnêteté, aimé ou du moins accepté avec sérénité, comme devoir humain et offert consciemment à Dieu, a valeur de prière. Cette vérité fut débattue et clairement définie lors du Concile Vatican II.
28) Lettre du 4 octobre 1934 au Père Mariano Pinho.
29) Lettre du 5 octobre 1934 au Père Mariano Pinho.
30) Alexandrina subissait alors l’aridité. Elle se sentait froide...
31) Lettre du 11 octobre 1934 au Père Mariano Pinho.
32) Lettre du 15 octobre 1934 au Père Mariano Pinho.
33) Alexandrina avait beaucoup pleuré, car elle avait des doutes concernant les manifestations divines; particulièrement après un assaut terrible du démon qui lui avait, à plusieurs reprises, affirmé que tout ce qu’elle entendais, voyais ou croyait voir, n’était autre chose qu’un chimère, une illusion et qu’elle trompait tous ceux qui étaient autour d’elle.
34) Lettre du 17 octobre 1934 au Père Mariano Pinho.
35) Lettre du 26 octobre 1934 au Père Mariano Pinho.
36) Lettre du 1er novembre 1934 au Père Mariano Pinho.
37) Dans les tabernacles des églises.
38) Lettre du 8 novembre 1934 au Père Mariano Pinho.
39) Lettre du 10 novembre 1934 au Père Mariano Pinho.
40) Lettre du 9 décembre 1934 au Père Mariano Pinho.
41) Lettre du 20 décembre 1934 au Père Mariano Pinho.
42) Journal: 22 décembre 1934.
43) Elle en faisait beaucoup, tout le long de la journée.
44) Lettre du 27 décembre 1934 au Père Mariano Pinho.
Dernière édition par Marie du 65 le Dim 12 Fév 2017 - 9:40, édité 1 fois
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ALONSO DE OROZCO
(1500 – 1591)
● ● ●
Alonso de Orozco naît le 17 octobre 1500 à Oropesa (Tolède, Espagne). Il sent mûrir en lui la vocation à la vie consacrée et entre chez les Augustins, émettant en 1523 sa profession religieuse. Ordonné prêtre en 1527, il est destiné à la mission de prédicateur par ses supérieurs, et est envoyé à l'âge de 30 ans à Medina del Campo en qualité de prieur.
En 1549, il souhaite partir pour le Mexique comme missionnaire, mais doit renoncer à son voyage pour des raisons de santé. En 1554, alors qu'il était supérieur du couvent de Valladolid, il est nommé prédicateur royal de l'Empereur Charles V, et lorsqu'en 1561, la Cour se transfère à Madrid, il s'établit dans la nouvelle capitale du Royaume, et réside au couvent augustin de Saint-Philippe Royal. Là, renonçant à ses privilèges, il mène une vie de pauvreté et de privation et s'occupe des malades, des prisonniers et des pauvres. Il prêche avec ferveur, simplicité et affection à la Cour, devant le peuple et dans les églises. Son dévouement, sa charité, sa sensibilité et sa ferveur lui valent l'estime de tous, des plus hauts personnages de la société et de la culture aux plus humbles, qui l'appellent "le saint de Saint-Philippe".
Il écrit plusieurs oeuvres pastorales, inspirées de son coeur contemplatif et de la lecture des Saintes Écritures. Cultivant un amour particulier pour son ordre, il s'intéresse à son histoire et à sa spiritualité dans l'intention de susciter des vocations et, mû par un désir de réforme interne, fonde divers couvents de religieux augustins et augustines de vie contemplative.
En août 1591, il est frappé d'une forte fièvre mais continue de célébrer la Messe. Au cours de sa maladie, la famille royale et l'Archevêque de Tolède lui rendent visite, de même que de nombreuses autres personnes, attirées par la renommée de sainteté d'Alonso qui s'était diffusée dans la ville et le pays.
La nouvelle de sa mort, le 19 septembre 1591, au Collège de l'Incarnation, qu'il avait fondé deux ans auparavant - aujourd'hui siège du Sénat espagnol - suscite l'émotion de tous. Le 15 janvier 1882, il est béatifié par Léon XIII. Sa dépouille repose dans l'église des Augustines de Madrid.
(1500 – 1591)
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Alonso de Orozco naît le 17 octobre 1500 à Oropesa (Tolède, Espagne). Il sent mûrir en lui la vocation à la vie consacrée et entre chez les Augustins, émettant en 1523 sa profession religieuse. Ordonné prêtre en 1527, il est destiné à la mission de prédicateur par ses supérieurs, et est envoyé à l'âge de 30 ans à Medina del Campo en qualité de prieur.
En 1549, il souhaite partir pour le Mexique comme missionnaire, mais doit renoncer à son voyage pour des raisons de santé. En 1554, alors qu'il était supérieur du couvent de Valladolid, il est nommé prédicateur royal de l'Empereur Charles V, et lorsqu'en 1561, la Cour se transfère à Madrid, il s'établit dans la nouvelle capitale du Royaume, et réside au couvent augustin de Saint-Philippe Royal. Là, renonçant à ses privilèges, il mène une vie de pauvreté et de privation et s'occupe des malades, des prisonniers et des pauvres. Il prêche avec ferveur, simplicité et affection à la Cour, devant le peuple et dans les églises. Son dévouement, sa charité, sa sensibilité et sa ferveur lui valent l'estime de tous, des plus hauts personnages de la société et de la culture aux plus humbles, qui l'appellent "le saint de Saint-Philippe".
Il écrit plusieurs oeuvres pastorales, inspirées de son coeur contemplatif et de la lecture des Saintes Écritures. Cultivant un amour particulier pour son ordre, il s'intéresse à son histoire et à sa spiritualité dans l'intention de susciter des vocations et, mû par un désir de réforme interne, fonde divers couvents de religieux augustins et augustines de vie contemplative.
En août 1591, il est frappé d'une forte fièvre mais continue de célébrer la Messe. Au cours de sa maladie, la famille royale et l'Archevêque de Tolède lui rendent visite, de même que de nombreuses autres personnes, attirées par la renommée de sainteté d'Alonso qui s'était diffusée dans la ville et le pays.
La nouvelle de sa mort, le 19 septembre 1591, au Collège de l'Incarnation, qu'il avait fondé deux ans auparavant - aujourd'hui siège du Sénat espagnol - suscite l'émotion de tous. Le 15 janvier 1882, il est béatifié par Léon XIII. Sa dépouille repose dans l'église des Augustines de Madrid.
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ALPHONSE MARIE DE LIGUORI
Évêque, Fondateur, Docteur de l'Église, Saint
1696-1787
Évêque, Fondateur, Docteur de l'Église, Saint
1696-1787
PRÉFACE
La vie de saint Alphonse est une des plus édifiantes et des plus délicieuses, éminemment digne d'être présentée aux pieux fidèles.
Déjà, plusieurs livres estimables ont été publiés sur cette grande figure; mais aucun ne paraît fait pour devenir populaire : les uns sont volumineux, ou font partie de grands travaux qui ne peuvent arriver entre les mains de tous; les autres laissent beaucoup à désirer. Il fallait, pour obtenir une pieuse popularité, adopter un genre simple et sans prétention littéraire, donner, avec le bon marché, beaucoup de substance édifiante, dans un format commode et attrayant. Animé d'un sentiment de prédilection et de reconnaissance pour saint Alphonse ; excité par des personnes religieuses ; honoré de l'approbation épiscopale et de suffrages respectables, j'ose offrir ce modeste travail aux familles chrétiennes, aux maisons d'éducation et aux bibliothèques paroissiales.
Une vie monumentale, digne de saint Alphonse, sera tôt ou tard donnée à l'élite des lecteurs; mais il faut toujours être utile au grand nombre. Je veux donc retracer pour tous un grand modèle dans ce qu'il a de plus imitable; préconiser une congrégation chère à l'Église; populariser le désir de connaître les ouvrages d'un excellent auteur ascétique, par un choix méthodique de citations et de pieux exercices. De telles intentions méritent assurément l'indulgence en faveur d'un essai timide.J'ai puisé, avant tout, dans les volumineux mémoires du R. P. Tannoja. J'ai mis aussi à contribution, avec plaisir et reconnaissance, l'excellente notice sur les Rédemptoristes, dans le 4e vol. de l'histoire des Ordres religieux, publiée par M. Migne ; la nouvelle traduction des œuvres de saint Alphonse, par le R. P. Dujardin; la première traduction complète de ces mêmes oeuvres; la vie qui accompagne cette première édition; enfin les vies de saint Alphonse, par M. Jeancard et M. Verdier.
En mettant le plus possible de substance édifiante dans cet abrégé populaire, j'ai dû laisser bien des choses intéressantes, mille
détails précieux sur les admirables compagnons et les successeurs de saint Alphonse dans la Congrégation; mais ces riches trésors ne sont pas perdus. Si mon premier travail est accueilli favorablement, je présenterai un second volume, déjà commencé. Il renferme une grande richesse de doctrine ascétique et de beaux exemples; il sera intitulé : L'Esprit de saint Alphonse et de sa Congrégation.
DÉCLARATION DE L'AUTEUR.
Pour me conformer aux décrets d'Urbain VIII, je proteste n'attribuer à mon récit, dans cet ouvrage, qu'une autorité purement humaine et privée, excepté les choses sur lesquelles le Saint-Siège a prononcé.
Je déclare en particulier: 1° En appelant saint Alphonse (page 3) un des plus grands sauveurs d'âmes, j'ai voulu seulement relever son ministère, d'après les termes consacrés dans la pieuse tradition, (v. saint Jérôme, Comment. sur Abdias ; V. le Selva de saint Alphonse) ; sans rien déroger à l'incomparable respect dû au titre incommunicable de Jésus, le Sauveur par excellence.
– 2° En disant, (page 292) que les grandes idées de saint Alphonse sur le Souverain Pontife et l'épiscopat sont la doctrine catholique, je n'ai pas voulu trancher les questions sur lesquelles l'autorité infaillible n'a pas prononcé ; j'ai voulu dire seulement que, dans les questions délicates, saint Alphonse a suivi le sentiment commun des Docteurs, le plus conforme au vœu du Saint-Siège et à l'Unité de l'Église.
– 3° La remise du revenu patrimonial, faite par les membres de la congrégation entre les mains des supérieurs, (pages 121 et 180) ne doit pas être prise dans le sens d'une obligation absolue ou préjudiciable au désintéressement religieux; elle s'est toujours faite et se fait toujours avec des clauses contre lesquelles les familles ne peuvent élever de plaintes légitimes.
– 4° Pour conserver la couleur locale et la rigoureuse vérité de l'histoire, j'ai présenté les faits conformément aux usages de l'Italie et du siècle passé, et j'ai cité textuellement certaines paroles de saint Alphonse, contraires aux pensées vulgaires et profanes. Je n'ai pas voulu hérisser le texte d'explications fastidieuses ; le lecteur actuel aura bien assez de sagacité impartiale, pour ne pas prendre les choses de travers, en opposant les usages de son siècle et de son pays ; il ne verra pas de contradiction entre les prescriptions fondamentales et certaines modifications accidentelles que saint Alphonse adopterait le premier, s'il vivait aujourd'hui ; enfin, la piété comprendra que le langage sublime des saints est vrai à des points de vue relatifs ou supérieurs, et fera taire la raison mondaine en face du langage dicté par le véritable esprit de Dieu.
PROMESSE ET PRIÈRE AU LECTEUR.
« Mon cher lecteur, je vous prie de ne pas dédaigner ce petit ouvrage, que j'ai écrit de la manière la plus simple, afin de le rendre plus utile à la dévotion de toute sorte de personnes. Chaque fois que vous en ferez usage, ayez la charité de me recommander à Jésus-Christ, soit pendant ma vie, soit après ma mort. De mon côté, je vous promets de prier, en célébrant la sainte Messe, pour quiconque me fera cette grâce. »
C'est ainsi que l'humble Alphonse dédiait aux âmes pieuses le livre des Visites, et se recommandait à leurs prières. Pour ce grand Saint une telle recommandation est devenue sans objet; dans la gloire éternelle, il prie pour ses clients. Mais permettez-moi, cher lecteur, d'emprunter à ce saint de prédilection la pieuse et modeste formule de sa dédicace, et de vous faire la même promesse et la même prière.
Ce deux Août 1862, fête de saint. Alphonse, le 22° anniversaire de ma prêtrise.
BERNARD.
VIE DE SAINT ALPHONSE DE LIGUORI
INTRODUCTION.
Importance et dignité de la vie de saint Alphonse de Liguori. – Elle est dominée, inspirée par une même pensée, et nous présente un enseignement universel et fondamental. – Comment cet enseignement éclate dans chaque période de son histoire.
Dans tous les âges du monde, la Providence a suscité des personnages extraordinaires, pour subvenir aux grands besoins de l'humanité; le Seigneur, qui veille incessamment au bien de son Église, l'a pourvue, dans tous les siècles, de ces hommes d'élite qui la défendent et l'édifient. Or, selon le témoignage des Souverains Pontifes, parmi les plus grandes lumières qui font l’ornement de l'Église catholique, on voit briller du plus bel éclat saint Alphonse de Liguori; parmi les écrivains distingués qui arrêtèrent le torrent des mauvaises doctrines, on compte à bon droit cet homme très saint et très savant, dont les ouvrages sont remplis de la plus sublime sagesse et de la plus tendre piété. "Il a reçu d'en haut la science des saints, le Seigneur l'a enrichi de mérites dans les plus glorieux travaux; destiné de Dieu pour faire entrer les peuples dans la pénitence, il a exterminé les abominations de l'impiété; il a tourné son coeur vers Dieu et affermi la piété dans un temps de péchés ; tant qu'il a vécu, il a été une des principales colonnes de la maison du Seigneur, et il a fortifié le temple de Dieu tous les jours de sa vie. Il s'est levé comme un prophète puissant en paroles et en oeuvres, au milieu d'une génération perverse et corrompue. " L'importance de sa mission se mesure sur la grandeur des maux de son époque, mais cette mission n'a point cessé avec sa vie; sa voix se fait encore entendre après sa mort: voix onctueuse de la parole dans ses écrits ; voix puissante de l'action dans ses exemples; voix aimable et populaire de la florissante congrégation fondée par son zèle apostolique. La plupart de ses actions sont pour tous des modèles à imiter, des règles à suivre. Il a passé par tous les âges et toutes les conditions. Il est le miroir de l'enfance, de la jeunesse, de l'âge mûr, de la vieillesse ; celui des séculiers, des magistrats, des ecclésiastiques, des prêtres, des confesseurs, des prédicateurs, des missionnaires, des supérieurs et des évêques; des personnes persécutées, tentées, éprouvées ou malades. Le rang qu'il a tenu dans le monde relève l'éclat de ses vertus et nous excite à l'imiter ; celui qu'il a occupé dans l'Église l'a rendu le modèle de tous, et comme l'image renouvelée du Bon Pasteur.
Toutes les vies des saints font rayonner une vérité générale : " Les vertus chrétiennes sont la source de la perfection et du bonheur. " Chaque saint pris à part offre un enseignement spécial, et semble inspiré par une pensée dominante, qui lui donne un caractère distinctif. La vie détachée, humble, laborieuse, apostolique, de saint Alphonse nous révèle surtout le prix surnaturel de l'âme. Image de Dieu, rachetée par le sang d'un Dieu, appelée à imiter ici-bas les perfections de l'Homme-Dieu, destinée à goûter dans l'éternité le bonheur de Dieu même, l'âme est le seul bien précieux, le reste n'est rien ; le monde entier même ne servirait de rien, si nous venions à la perdre. Aussi, pour sauver son âme, Alphonse refuse tous les biens, tous les plaisirs, toutes les gloires de la terre; pour sauver celle des autres, il embrasse la vie humble et dévouée du prêtre de Jésus-Christ ; c'est trop peu pour son zèle ; il fonde une congrégation de missionnaires et d'apôtres , pour gagner plus d'âmes à Jésus-Christ; ce saint tremblement qui refuse la haute responsabilité de l'épiscopat, cette docile résignation qui l'accepte, cette terreur religieuse qui l'abdique entre les mains du Souverain Pontife, voilà autant de,formes diverses de l'estime, de l'amour et du respect des âmes ; enfin, les merveilles de souffrance, de vertu , de pénitence, dans les dernières années de sa vie , sont l'effort suprême de saint Alphonse, pour sauver son âme et celles de ses frères. " Âme chrétienne, quel est ton prix ! Quel malheur si tu te perds ! " A chaque instant, de chacun de ses actes, de tous les écrits émanés de son coeur, sort ce cri profond qui fait les apôtres, les missionnaires : O anima! quanti vales ! O âme! quel est ton prix ! Après Jésus-Christ, le divin Sauveur des âmes, au prix de sa vie et de son sang, saint Alphonse de Liguori est un des plus grands sauveurs d'âmes. A l'exemple du Bon Pasteur, il a cherché les brebis égarées. Ouvrier infatigable, plus qu'infatigable, je dirais presque forcené, il confond, il effraie, il désespère notre lâcheté par les travaux surhumains et les succès incroyables de son apostolat.
Les saints Pères, en nous montrant Jésus-Christ mourant pour les âmes, nous crient: Âme chrétienne, connais ce que tu vaux devant Dieu ! " O anima ! tanti vales ! " En lisant cette vie apostolique de saint Alphonse, vous direz aussi : O mon âme ! connais ce que tu vaux devant Dieu ! Tel est l'enseignement, tel est le fruit que nous vous proposons en faisant connaître les différentes phases de cette admirable histoire.
Dans le premier livre, nous dirons combien saint Alphonse pouvait être grand dans le monde: sa naissance, ses talents, sa fortune, son avenir. Apprenez ce que vaut une âme, en voyant tout ce que saint Alphonse a sacrifié pour sauver la sienne, et rougissez de faire si peu vous-mêmes pour votre salut.
Dans le second livre, nous montrerons saint Alphonse recevant. le sacerdoce et accomplissant déjà des merveilles de sanctification et d'apostolat. Apprenez à correspondre aux grâces de Dieu, qui , vous sollicite par les prêtres zélés, et ne rendez pas inutile le sang de Jésus-Christ qu'ils versent à flots sur vos âmes.
Dans le troisième livre, vous verrez saint Alphonse établir la Congrégation du Saint-Rédempteur, pour le salut des âmes les plus abandonnées, et lui donner le modèle parfait du zèle apostolique. Apprenez à sauver votre âme, à la vue des travaux prodigieux que Dieu fait accomplir aux prêtres selon son cœur.
Le quatrième livre vous offrira l'histoire de l'épiscopat de saint Alphonse ; nouveaux prodiges de zèle, de charité , de sainteté et d'humilité, qui nous enseignent la valeur des grâces, des sacrements donnés par le divin Pontife, pour sanctifier cette âme , prix de sa vie et de tout son sang.
Enfin, le cinquième livre montrera saint Alphonse depuis l'abdication de l'épiscopat jusqu'à sa mort : efforts suprêmes de toutes les vertus, épreuves héroïques, et la plus sainte mort qui ouvre l'éternel bonheur à cette âme qui a si bien compris ce qu'elle valait devant Dieu.
Nulle autre vie, peut-être, n'offre d'une manière aussi suivie les principales phases de cette grande vérité religieuse; et nous osons dire que cette histoire, ainsi présentée, est un vrai sermon sur le salut et la démonstration complète du christianisme.
La vie de saint Alphonse est une des plus édifiantes et des plus délicieuses, éminemment digne d'être présentée aux pieux fidèles.
Déjà, plusieurs livres estimables ont été publiés sur cette grande figure; mais aucun ne paraît fait pour devenir populaire : les uns sont volumineux, ou font partie de grands travaux qui ne peuvent arriver entre les mains de tous; les autres laissent beaucoup à désirer. Il fallait, pour obtenir une pieuse popularité, adopter un genre simple et sans prétention littéraire, donner, avec le bon marché, beaucoup de substance édifiante, dans un format commode et attrayant. Animé d'un sentiment de prédilection et de reconnaissance pour saint Alphonse ; excité par des personnes religieuses ; honoré de l'approbation épiscopale et de suffrages respectables, j'ose offrir ce modeste travail aux familles chrétiennes, aux maisons d'éducation et aux bibliothèques paroissiales.
Une vie monumentale, digne de saint Alphonse, sera tôt ou tard donnée à l'élite des lecteurs; mais il faut toujours être utile au grand nombre. Je veux donc retracer pour tous un grand modèle dans ce qu'il a de plus imitable; préconiser une congrégation chère à l'Église; populariser le désir de connaître les ouvrages d'un excellent auteur ascétique, par un choix méthodique de citations et de pieux exercices. De telles intentions méritent assurément l'indulgence en faveur d'un essai timide.J'ai puisé, avant tout, dans les volumineux mémoires du R. P. Tannoja. J'ai mis aussi à contribution, avec plaisir et reconnaissance, l'excellente notice sur les Rédemptoristes, dans le 4e vol. de l'histoire des Ordres religieux, publiée par M. Migne ; la nouvelle traduction des œuvres de saint Alphonse, par le R. P. Dujardin; la première traduction complète de ces mêmes oeuvres; la vie qui accompagne cette première édition; enfin les vies de saint Alphonse, par M. Jeancard et M. Verdier.
En mettant le plus possible de substance édifiante dans cet abrégé populaire, j'ai dû laisser bien des choses intéressantes, mille
détails précieux sur les admirables compagnons et les successeurs de saint Alphonse dans la Congrégation; mais ces riches trésors ne sont pas perdus. Si mon premier travail est accueilli favorablement, je présenterai un second volume, déjà commencé. Il renferme une grande richesse de doctrine ascétique et de beaux exemples; il sera intitulé : L'Esprit de saint Alphonse et de sa Congrégation.
DÉCLARATION DE L'AUTEUR.
Pour me conformer aux décrets d'Urbain VIII, je proteste n'attribuer à mon récit, dans cet ouvrage, qu'une autorité purement humaine et privée, excepté les choses sur lesquelles le Saint-Siège a prononcé.
Je déclare en particulier: 1° En appelant saint Alphonse (page 3) un des plus grands sauveurs d'âmes, j'ai voulu seulement relever son ministère, d'après les termes consacrés dans la pieuse tradition, (v. saint Jérôme, Comment. sur Abdias ; V. le Selva de saint Alphonse) ; sans rien déroger à l'incomparable respect dû au titre incommunicable de Jésus, le Sauveur par excellence.
– 2° En disant, (page 292) que les grandes idées de saint Alphonse sur le Souverain Pontife et l'épiscopat sont la doctrine catholique, je n'ai pas voulu trancher les questions sur lesquelles l'autorité infaillible n'a pas prononcé ; j'ai voulu dire seulement que, dans les questions délicates, saint Alphonse a suivi le sentiment commun des Docteurs, le plus conforme au vœu du Saint-Siège et à l'Unité de l'Église.
– 3° La remise du revenu patrimonial, faite par les membres de la congrégation entre les mains des supérieurs, (pages 121 et 180) ne doit pas être prise dans le sens d'une obligation absolue ou préjudiciable au désintéressement religieux; elle s'est toujours faite et se fait toujours avec des clauses contre lesquelles les familles ne peuvent élever de plaintes légitimes.
– 4° Pour conserver la couleur locale et la rigoureuse vérité de l'histoire, j'ai présenté les faits conformément aux usages de l'Italie et du siècle passé, et j'ai cité textuellement certaines paroles de saint Alphonse, contraires aux pensées vulgaires et profanes. Je n'ai pas voulu hérisser le texte d'explications fastidieuses ; le lecteur actuel aura bien assez de sagacité impartiale, pour ne pas prendre les choses de travers, en opposant les usages de son siècle et de son pays ; il ne verra pas de contradiction entre les prescriptions fondamentales et certaines modifications accidentelles que saint Alphonse adopterait le premier, s'il vivait aujourd'hui ; enfin, la piété comprendra que le langage sublime des saints est vrai à des points de vue relatifs ou supérieurs, et fera taire la raison mondaine en face du langage dicté par le véritable esprit de Dieu.
PROMESSE ET PRIÈRE AU LECTEUR.
« Mon cher lecteur, je vous prie de ne pas dédaigner ce petit ouvrage, que j'ai écrit de la manière la plus simple, afin de le rendre plus utile à la dévotion de toute sorte de personnes. Chaque fois que vous en ferez usage, ayez la charité de me recommander à Jésus-Christ, soit pendant ma vie, soit après ma mort. De mon côté, je vous promets de prier, en célébrant la sainte Messe, pour quiconque me fera cette grâce. »
C'est ainsi que l'humble Alphonse dédiait aux âmes pieuses le livre des Visites, et se recommandait à leurs prières. Pour ce grand Saint une telle recommandation est devenue sans objet; dans la gloire éternelle, il prie pour ses clients. Mais permettez-moi, cher lecteur, d'emprunter à ce saint de prédilection la pieuse et modeste formule de sa dédicace, et de vous faire la même promesse et la même prière.
Ce deux Août 1862, fête de saint. Alphonse, le 22° anniversaire de ma prêtrise.
BERNARD.
VIE DE SAINT ALPHONSE DE LIGUORI
INTRODUCTION.
Importance et dignité de la vie de saint Alphonse de Liguori. – Elle est dominée, inspirée par une même pensée, et nous présente un enseignement universel et fondamental. – Comment cet enseignement éclate dans chaque période de son histoire.
Dans tous les âges du monde, la Providence a suscité des personnages extraordinaires, pour subvenir aux grands besoins de l'humanité; le Seigneur, qui veille incessamment au bien de son Église, l'a pourvue, dans tous les siècles, de ces hommes d'élite qui la défendent et l'édifient. Or, selon le témoignage des Souverains Pontifes, parmi les plus grandes lumières qui font l’ornement de l'Église catholique, on voit briller du plus bel éclat saint Alphonse de Liguori; parmi les écrivains distingués qui arrêtèrent le torrent des mauvaises doctrines, on compte à bon droit cet homme très saint et très savant, dont les ouvrages sont remplis de la plus sublime sagesse et de la plus tendre piété. "Il a reçu d'en haut la science des saints, le Seigneur l'a enrichi de mérites dans les plus glorieux travaux; destiné de Dieu pour faire entrer les peuples dans la pénitence, il a exterminé les abominations de l'impiété; il a tourné son coeur vers Dieu et affermi la piété dans un temps de péchés ; tant qu'il a vécu, il a été une des principales colonnes de la maison du Seigneur, et il a fortifié le temple de Dieu tous les jours de sa vie. Il s'est levé comme un prophète puissant en paroles et en oeuvres, au milieu d'une génération perverse et corrompue. " L'importance de sa mission se mesure sur la grandeur des maux de son époque, mais cette mission n'a point cessé avec sa vie; sa voix se fait encore entendre après sa mort: voix onctueuse de la parole dans ses écrits ; voix puissante de l'action dans ses exemples; voix aimable et populaire de la florissante congrégation fondée par son zèle apostolique. La plupart de ses actions sont pour tous des modèles à imiter, des règles à suivre. Il a passé par tous les âges et toutes les conditions. Il est le miroir de l'enfance, de la jeunesse, de l'âge mûr, de la vieillesse ; celui des séculiers, des magistrats, des ecclésiastiques, des prêtres, des confesseurs, des prédicateurs, des missionnaires, des supérieurs et des évêques; des personnes persécutées, tentées, éprouvées ou malades. Le rang qu'il a tenu dans le monde relève l'éclat de ses vertus et nous excite à l'imiter ; celui qu'il a occupé dans l'Église l'a rendu le modèle de tous, et comme l'image renouvelée du Bon Pasteur.
Toutes les vies des saints font rayonner une vérité générale : " Les vertus chrétiennes sont la source de la perfection et du bonheur. " Chaque saint pris à part offre un enseignement spécial, et semble inspiré par une pensée dominante, qui lui donne un caractère distinctif. La vie détachée, humble, laborieuse, apostolique, de saint Alphonse nous révèle surtout le prix surnaturel de l'âme. Image de Dieu, rachetée par le sang d'un Dieu, appelée à imiter ici-bas les perfections de l'Homme-Dieu, destinée à goûter dans l'éternité le bonheur de Dieu même, l'âme est le seul bien précieux, le reste n'est rien ; le monde entier même ne servirait de rien, si nous venions à la perdre. Aussi, pour sauver son âme, Alphonse refuse tous les biens, tous les plaisirs, toutes les gloires de la terre; pour sauver celle des autres, il embrasse la vie humble et dévouée du prêtre de Jésus-Christ ; c'est trop peu pour son zèle ; il fonde une congrégation de missionnaires et d'apôtres , pour gagner plus d'âmes à Jésus-Christ; ce saint tremblement qui refuse la haute responsabilité de l'épiscopat, cette docile résignation qui l'accepte, cette terreur religieuse qui l'abdique entre les mains du Souverain Pontife, voilà autant de,formes diverses de l'estime, de l'amour et du respect des âmes ; enfin, les merveilles de souffrance, de vertu , de pénitence, dans les dernières années de sa vie , sont l'effort suprême de saint Alphonse, pour sauver son âme et celles de ses frères. " Âme chrétienne, quel est ton prix ! Quel malheur si tu te perds ! " A chaque instant, de chacun de ses actes, de tous les écrits émanés de son coeur, sort ce cri profond qui fait les apôtres, les missionnaires : O anima! quanti vales ! O âme! quel est ton prix ! Après Jésus-Christ, le divin Sauveur des âmes, au prix de sa vie et de son sang, saint Alphonse de Liguori est un des plus grands sauveurs d'âmes. A l'exemple du Bon Pasteur, il a cherché les brebis égarées. Ouvrier infatigable, plus qu'infatigable, je dirais presque forcené, il confond, il effraie, il désespère notre lâcheté par les travaux surhumains et les succès incroyables de son apostolat.
Les saints Pères, en nous montrant Jésus-Christ mourant pour les âmes, nous crient: Âme chrétienne, connais ce que tu vaux devant Dieu ! " O anima ! tanti vales ! " En lisant cette vie apostolique de saint Alphonse, vous direz aussi : O mon âme ! connais ce que tu vaux devant Dieu ! Tel est l'enseignement, tel est le fruit que nous vous proposons en faisant connaître les différentes phases de cette admirable histoire.
Dans le premier livre, nous dirons combien saint Alphonse pouvait être grand dans le monde: sa naissance, ses talents, sa fortune, son avenir. Apprenez ce que vaut une âme, en voyant tout ce que saint Alphonse a sacrifié pour sauver la sienne, et rougissez de faire si peu vous-mêmes pour votre salut.
Dans le second livre, nous montrerons saint Alphonse recevant. le sacerdoce et accomplissant déjà des merveilles de sanctification et d'apostolat. Apprenez à correspondre aux grâces de Dieu, qui , vous sollicite par les prêtres zélés, et ne rendez pas inutile le sang de Jésus-Christ qu'ils versent à flots sur vos âmes.
Dans le troisième livre, vous verrez saint Alphonse établir la Congrégation du Saint-Rédempteur, pour le salut des âmes les plus abandonnées, et lui donner le modèle parfait du zèle apostolique. Apprenez à sauver votre âme, à la vue des travaux prodigieux que Dieu fait accomplir aux prêtres selon son cœur.
Le quatrième livre vous offrira l'histoire de l'épiscopat de saint Alphonse ; nouveaux prodiges de zèle, de charité , de sainteté et d'humilité, qui nous enseignent la valeur des grâces, des sacrements donnés par le divin Pontife, pour sanctifier cette âme , prix de sa vie et de tout son sang.
Enfin, le cinquième livre montrera saint Alphonse depuis l'abdication de l'épiscopat jusqu'à sa mort : efforts suprêmes de toutes les vertus, épreuves héroïques, et la plus sainte mort qui ouvre l'éternel bonheur à cette âme qui a si bien compris ce qu'elle valait devant Dieu.
Nulle autre vie, peut-être, n'offre d'une manière aussi suivie les principales phases de cette grande vérité religieuse; et nous osons dire que cette histoire, ainsi présentée, est un vrai sermon sur le salut et la démonstration complète du christianisme.
LES GLOIRES DE MARIE
SUPPLIQUE DE L'AUTEUR
À JÉSUS ET MARIE
Mon très aimant Rédempteur et Seigneur Jésus-Christ, moi votre misérable serviteur, sachant combien réjouissent votre cœur ceux qui s'efforcent de glorifier votre très sainte Mère, que vous aimez tant, et que vous désirez si vivement de voir aimée et honorée de tout le monde, j'ai formé le dessein de publier ce livre qui traite de ses gloires. Or, je ne sais à qui je pourrais mieux recommander qu'à vous-même, puisque vous avez tant à cœur la gloire de cette auguste Mère. C'est donc à vous que je le dédie et le recommande. Daignez agréer ce faible hommage de mon amour pour vous et pour votre Mère chérie; protégez-le; remplissez ceux qui le liront d'une pleine confiance et d'un amour ardent envers cette Vierge Immaculée, en qui vous avez placé l'espérance et le refuge de toutes les âmes rachetées par vous. Et, pour récompense de mon humble travail, je vous prie de m'accorder autant d'amour envers Marie que j'ai voulu en allumer par cet ouvrage dans le coeur de tous mes lecteurs.
Je m'adresse aussi à vous, ô ma douce Souveraine et ma tendre Mère, Marie. Après Jésus, vous le savez, c'est en vous que j'ai mis toute l'espérance de mon salut éternel; car, tout mon bien, ma conversion, ma vocation à quitter le monde, et toutes les autres grâces que j'ai reçues de Dieu, je m'en reconnais redevable à votre intercession. Vous savez aussi que, pressé de vous voir aimée de tous les hommes comme vous le méritez, et de vous donner quelque marque de ma gratitude pour les bienfaits que vous m'avez prodigués, j'ai cherché sans cesse, en public et en particulier, à vous faire connaître en tous lieux et à inspirer à tous le goût des douces et salutaires pratiques de votre culte. J'espère continuer ainsi jusqu'à mon dernier souffle; mais mon âge déjà avancé et ma santé affaiblie m'avertissent que j'entrerai bientôt dans l'éternité; c'est pourquoi j'ai voulu, avant de mourir, laisser au monde ce livre, afin qu'après moi il continue à vous louer et à porter aussi les autres à publier vos gloires et votre grande bonté envers vos dévots serviteurs. Ma bien-aimée Reine! j'ai la confiance que ce pauvre don, quoique si inférieur à votre mérite, ne laissera pas d'être agréable à votre coeur généreux, car c'est un don tout d'amour. Étendez donc cette main si douce qui m'a délivrée du monde et de l'enfer, acceptez mon livre et protégez-le comme une chose qui vous appartient. Mais sachez que j'attends de vous, pour cette légère offrande, une récompense: faites que désormais je vous aime plus ardemment, et que chacun de ceux entre les mains de qui parviendra cet ouvrage, s'embrase d'amour pour vous; qu'il sente aussitôt croître en lui le désir de vous aimer et de vous voir aimer aussi des autres, et qu'en conséquence il s'emploie de tout coeur à publier vos louanges et à augmenter autant qu'il le pourra chez les autres la confiance en votre puissante intercession. Ainsi j'espère, ainsi soit-il.
ALPHONSE DE LIGUORI
du Très Saint Rédempteur.
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INTRODUCTION
QU'IL EST NÉCESSAIRE DE LIRE
Mon cher Lecteur, et mon frère en Marie, puisque la dévotion qui m'a porté à écrire et qui vous porte maintenant à lire ce livre, nous rend tous deux heureux enfants de cette bonne Mère, si vous entendez dire que je pouvais m'épargner ce travail, vu qu'il existe déjà tant d'ouvrages savants et renommés sur le même sujet, répondez, je vous prie, par les paroles de l'abbé Francon, dans la Bibliothèque des Pères: « La louange de Marie est une source tellement abondante, que, plus on la dilate, plus elle se remplit, et, plus on la remplit, plus elle se dilate ». En d'autres termes, cette bienheureuse Vierge est si grande et si sublime, que, plus on célèbre ses louanges, plus on trouve de nouveaux sujets de la louer. Et, selon la pensée de saint Augustin, quand même tous les membres des hommes se changeraient en autant de langues, ces langues, si nombreuses fussent-elles, ne sauraient la louer autant qu'elle le mérite.
J'ai vu, il est vrai, une quantité innombrable de livres, grands et petits, qui traitent des gloires de Marie; mais, considérant qu'ils sont ou fort rares ou trop volumineux ou peu conformes à mon dessein, j'ai pris à tâche d'extraire de tous les auteurs que j'ai pu avoir en main, et d'exposer brièvement, comme on le verra dans cet ouvrage, ce qu'il y a de plus exquis et de plus substantiel dans les sentiments des Pères et des théologiens. Mon désir a été que les personnes pieuses puissent avoir à peu de frais un livre d'un usage facile et propre à leur inspirer un ardent amour envers Marie; et les prêtres, des matériaux pour des prédications tendant à favoriser le progrès du culte de cette divine Mère.
On est naturellement porté à parler souvent et à faire l'éloge des personnes qu'on aime, afin de voir l'objet de ses affections estimé et loué aussi des autres; il faut donc supposer bien faible l'amour de ceux qui, tout en se glorifiant d'aimer Marie, pensent peu à parler d'elle et à la faire aimer des autres. Bien différente est la conduite de ceux qui aiment véritablement cette très aimable Dame: ils voudraient publier ses louanges en tout lieu et la voir aimée de tout le monde; aussi, chaque fois qu'ils le peuvent, soit en public, soit en particulier, ils tâchent de communiquer à tous les cœurs les heureuses flammes dont ils se sentent embrasés envers leur bien-aimée Reine.
Pour se persuader du bien qu'on se fait à soi-même, et qu'on procure aux peuples, en propageant la dévotion envers Marie, il est bon d'entendre ce qu'en disent les docteurs. Selon saint Bonaventure, ceux qui s'emploient à publier les gloires de Marie, sont assurés du paradis; ce que confirme Richard de Saint-Laurent, en disant qu'honorer la Reine des Anges est la même chose que faire l'acquisition de la vie éternelle; car, ajoute-t-il, cette Dame pleine de gratitude ne manquera pas d'honorer dans l'autre monde ceux qui ont soin de l'honorer dans celle-ci. Et qui d'ailleurs ignore cette promesse de Marie elle-même à ceux qui s'attachent à la faire connaître et aimer sur la terre: Ceux qui me font connaître auront la vie éternelle. Ces paroles, la sainte Église les applique à Marie, dans l'office de son Immaculée Conception. — Réjouis-toi donc, mon âme, s'écriait saint Bonaventure, qui a déployé tant de zèle à publier les grandeurs de Marie; tressaille de joie en elle; car des biens sans nombre sont réservés à ceux qui la glorifient. Et, puisque les saintes Écritures, ajoute un autre auteur, sont remplies des louanges de Marie, ne cessons pas de célébrer de coeur et de bouche cette divine Mère, afin qu'un jour elle nous conduise au royaume des Bienheureux.
Le bienheureux Héming, évêque, avait coutume de commencer ses sermons par les louanges de Marie. La sainte Vierge apparut un jour à sainte Brigitte, et lui parla ainsi: « Dites à ce prélat qui a coutume de commencer ses sermons par mes louanges, que je veux lui servir de mère, que je présenterai son âme à Dieu, et qu'il fera une bonne mort ». En effet, il mourut saintement, en priant, et dans une paix céleste. — On rapporte ainsi d'un religieux dominicain, qui terminait ses sermons en parlant de Marie, qu'elle lui apparut au moment de sa mort, le défendit contre les démons, le fortifia, et conduisit elle-même dans le ciel son âme bienheureuse. — Le dévot Thomas a Kempis présente Marie recommandant à son divin Fils ceux qui publient ses louanges, et la fait ainsi parler: O mon Fils, ayez pitié d'une âme qui m'a aimée et glorifiée.
Pour ce qui concerne l'utilité que retire le peuple de la prédication des gloires de la divine Mère, saint Anselme affirme que, l'auguste sein de Marie étant la voie par laquelle le Fils de Dieu est venu ici-bas sauver les pécheurs, il ne peut se faire que la prédication des louanges de Marie n'amène pas les pécheurs à se convertir et à se sauver. Et s'il est vrai, comme je le pense, s'il est même indubitable, comme je le prouverai au Chapitre Ve de cet ouvrage, que toutes les grâces nous sont disposées uniquement par les mains de Marie, et que tous ceux qui se sauvent, ne sont sauvés que par l'entremise de cette divine Mère, on peut dire, par une conséquence nécessaire, que le salut de tous les hommes est attaché à la prédication des grandeurs de Marie, et de la confiance en son intercession. Et c'est par ce moyen, on le sait, que saint Bernardin de Sienne sanctifia l'Italie, et que saint Dominique convertit tant de provinces. Saint Louis Bertrand ne prêchait jamais sans exhorter la dévotion envers Marie; il en est de même pour beaucoup d'autres.
Le Père Paul Segneri le Jeune, célèbre missionnaire, faisait dans toutes ses missions un sermon sur la dévotion à Marie, et il l'appelait son sermon favori. Et nous qui, dans nos missions, avons pour règle invariable de ne jamais omettre le sermon sur la sainte Vierge, nous pouvons attester en toute vérité qu'aucun discours, pour l'ordinaire, n'excite autant la componction, et ne produit autant de fruit que le sermon sur la miséricorde de Marie. Je dis: “Sur la MISÉRICORDE de Marie”; car, selon saint Bernard, nous louons, il est vrai, son humilité, nous admirons sa virginité; mais, parce que nous sommes de pauvres pécheurs, ce qui nous touche et nous attire davantage, c'est d'entendre parler de sa miséricorde; et certes, c'est sa miséricorde que nous embrassons le plus affectueusement, que nous nous rappelons le plus souvent, et que nous invoquons le plus fréquemment.
Voilà pourquoi, dans cet ouvrage, laissant à d'autres le soin de décrire les autres prérogatives de Marie, je me suis principalement attaché à parler de sa grande miséricorde et de sa puissante intercession. Dans ce dessein, j'ai recueilli, autant qu'il m'a été possible par un travail de plusieurs années, tout ce que les saints Pères et les auteurs le plus célèbres ont dit de la miséricorde et de la puissance de Marie; et comme cette miséricorde et cette puissance de la bienheureuse Vierge se trouvent merveilleusement caractérisées dans la magnifique antienne Salve Regina, que l'Église a elle-même approuvée et donnée à réciter pendant la majeure partie de l'année à tout le clergé, régulier et séculier, j'ai entrepris d'expliquer cette dévote prière.
Pieux Lecteur, si vous agréez mon travail, comme je l'espère, je vous prie de me recommander à la sainte Vierge, afin qu'elle me donne une grande confiance en sa protection; et si vous me faites la charité de demander pour moi cette grâce, qui que vous soyez, je vous promets de la demander aussi pour vous. Oh! heureux celui qui s'attache fortement, par l'amour et la confiance, à ces deux ancres de salut, Jésus et Marie! Certainement, il ne périra point! Disons donc, mon cher Lecteur, et répétons l'un et l'autre du fond de notre cœur, avec le dévot Alphonse Rodriguez: Jésus et Marie, doux objets de mes amours! que je souffre pour vous, que je meure pour vous, que je soit tout à vous, et plus aucunement à moi-même. Aimons Jésus et Marie, et tâchons de nous sanctifier; c'est la plus grande fortune à laquelle nous puissions aspirer. Adieu! au revoir dans le paradis, aux pieds de cette tendre Mère et de Fils si aimant, pour les louer, les remercier, et les aimer ensemble, en jouissant de leur douce présence pendant toute l'éternité! Amen.
PRIERE A LA BIENHEUREUSE VIERGE
POUR OBTENIR UNE BONNE MORT.
O Marie, doux refuge des malheureux pécheurs, quand mon âme devra sortir de ce monde, je vous en supplie, ma très douce Mère, par la douleur que vous ressentîtes en voyant votre Fils qui se mourrait sur la Croix, assistez-moi alors de votre miséricorde, Éloignez de moi les ennemis infernaux, et venez vous-même recueillir mon âme, pour la présenter au juge éternel. Ma souveraine, ne m'abandonnez pas. Vous devez être, après Jésus, mon appui dans ce moment redoutable. Priez votre Fils de m'accorder dans sa bonté la faveur de mourir en embrassant vos pieds, et d'exhaler mon âme dans ses saintes plaies, en disant: Jésus et Marie, je vous donne mon cœur et mon âme!
SUPPLIQUE DE L'AUTEUR
À JÉSUS ET MARIE
Mon très aimant Rédempteur et Seigneur Jésus-Christ, moi votre misérable serviteur, sachant combien réjouissent votre cœur ceux qui s'efforcent de glorifier votre très sainte Mère, que vous aimez tant, et que vous désirez si vivement de voir aimée et honorée de tout le monde, j'ai formé le dessein de publier ce livre qui traite de ses gloires. Or, je ne sais à qui je pourrais mieux recommander qu'à vous-même, puisque vous avez tant à cœur la gloire de cette auguste Mère. C'est donc à vous que je le dédie et le recommande. Daignez agréer ce faible hommage de mon amour pour vous et pour votre Mère chérie; protégez-le; remplissez ceux qui le liront d'une pleine confiance et d'un amour ardent envers cette Vierge Immaculée, en qui vous avez placé l'espérance et le refuge de toutes les âmes rachetées par vous. Et, pour récompense de mon humble travail, je vous prie de m'accorder autant d'amour envers Marie que j'ai voulu en allumer par cet ouvrage dans le coeur de tous mes lecteurs.
Je m'adresse aussi à vous, ô ma douce Souveraine et ma tendre Mère, Marie. Après Jésus, vous le savez, c'est en vous que j'ai mis toute l'espérance de mon salut éternel; car, tout mon bien, ma conversion, ma vocation à quitter le monde, et toutes les autres grâces que j'ai reçues de Dieu, je m'en reconnais redevable à votre intercession. Vous savez aussi que, pressé de vous voir aimée de tous les hommes comme vous le méritez, et de vous donner quelque marque de ma gratitude pour les bienfaits que vous m'avez prodigués, j'ai cherché sans cesse, en public et en particulier, à vous faire connaître en tous lieux et à inspirer à tous le goût des douces et salutaires pratiques de votre culte. J'espère continuer ainsi jusqu'à mon dernier souffle; mais mon âge déjà avancé et ma santé affaiblie m'avertissent que j'entrerai bientôt dans l'éternité; c'est pourquoi j'ai voulu, avant de mourir, laisser au monde ce livre, afin qu'après moi il continue à vous louer et à porter aussi les autres à publier vos gloires et votre grande bonté envers vos dévots serviteurs. Ma bien-aimée Reine! j'ai la confiance que ce pauvre don, quoique si inférieur à votre mérite, ne laissera pas d'être agréable à votre coeur généreux, car c'est un don tout d'amour. Étendez donc cette main si douce qui m'a délivrée du monde et de l'enfer, acceptez mon livre et protégez-le comme une chose qui vous appartient. Mais sachez que j'attends de vous, pour cette légère offrande, une récompense: faites que désormais je vous aime plus ardemment, et que chacun de ceux entre les mains de qui parviendra cet ouvrage, s'embrase d'amour pour vous; qu'il sente aussitôt croître en lui le désir de vous aimer et de vous voir aimer aussi des autres, et qu'en conséquence il s'emploie de tout coeur à publier vos louanges et à augmenter autant qu'il le pourra chez les autres la confiance en votre puissante intercession. Ainsi j'espère, ainsi soit-il.
ALPHONSE DE LIGUORI
du Très Saint Rédempteur.
● ● ●
INTRODUCTION
QU'IL EST NÉCESSAIRE DE LIRE
Mon cher Lecteur, et mon frère en Marie, puisque la dévotion qui m'a porté à écrire et qui vous porte maintenant à lire ce livre, nous rend tous deux heureux enfants de cette bonne Mère, si vous entendez dire que je pouvais m'épargner ce travail, vu qu'il existe déjà tant d'ouvrages savants et renommés sur le même sujet, répondez, je vous prie, par les paroles de l'abbé Francon, dans la Bibliothèque des Pères: « La louange de Marie est une source tellement abondante, que, plus on la dilate, plus elle se remplit, et, plus on la remplit, plus elle se dilate ». En d'autres termes, cette bienheureuse Vierge est si grande et si sublime, que, plus on célèbre ses louanges, plus on trouve de nouveaux sujets de la louer. Et, selon la pensée de saint Augustin, quand même tous les membres des hommes se changeraient en autant de langues, ces langues, si nombreuses fussent-elles, ne sauraient la louer autant qu'elle le mérite.
J'ai vu, il est vrai, une quantité innombrable de livres, grands et petits, qui traitent des gloires de Marie; mais, considérant qu'ils sont ou fort rares ou trop volumineux ou peu conformes à mon dessein, j'ai pris à tâche d'extraire de tous les auteurs que j'ai pu avoir en main, et d'exposer brièvement, comme on le verra dans cet ouvrage, ce qu'il y a de plus exquis et de plus substantiel dans les sentiments des Pères et des théologiens. Mon désir a été que les personnes pieuses puissent avoir à peu de frais un livre d'un usage facile et propre à leur inspirer un ardent amour envers Marie; et les prêtres, des matériaux pour des prédications tendant à favoriser le progrès du culte de cette divine Mère.
On est naturellement porté à parler souvent et à faire l'éloge des personnes qu'on aime, afin de voir l'objet de ses affections estimé et loué aussi des autres; il faut donc supposer bien faible l'amour de ceux qui, tout en se glorifiant d'aimer Marie, pensent peu à parler d'elle et à la faire aimer des autres. Bien différente est la conduite de ceux qui aiment véritablement cette très aimable Dame: ils voudraient publier ses louanges en tout lieu et la voir aimée de tout le monde; aussi, chaque fois qu'ils le peuvent, soit en public, soit en particulier, ils tâchent de communiquer à tous les cœurs les heureuses flammes dont ils se sentent embrasés envers leur bien-aimée Reine.
Pour se persuader du bien qu'on se fait à soi-même, et qu'on procure aux peuples, en propageant la dévotion envers Marie, il est bon d'entendre ce qu'en disent les docteurs. Selon saint Bonaventure, ceux qui s'emploient à publier les gloires de Marie, sont assurés du paradis; ce que confirme Richard de Saint-Laurent, en disant qu'honorer la Reine des Anges est la même chose que faire l'acquisition de la vie éternelle; car, ajoute-t-il, cette Dame pleine de gratitude ne manquera pas d'honorer dans l'autre monde ceux qui ont soin de l'honorer dans celle-ci. Et qui d'ailleurs ignore cette promesse de Marie elle-même à ceux qui s'attachent à la faire connaître et aimer sur la terre: Ceux qui me font connaître auront la vie éternelle. Ces paroles, la sainte Église les applique à Marie, dans l'office de son Immaculée Conception. — Réjouis-toi donc, mon âme, s'écriait saint Bonaventure, qui a déployé tant de zèle à publier les grandeurs de Marie; tressaille de joie en elle; car des biens sans nombre sont réservés à ceux qui la glorifient. Et, puisque les saintes Écritures, ajoute un autre auteur, sont remplies des louanges de Marie, ne cessons pas de célébrer de coeur et de bouche cette divine Mère, afin qu'un jour elle nous conduise au royaume des Bienheureux.
Le bienheureux Héming, évêque, avait coutume de commencer ses sermons par les louanges de Marie. La sainte Vierge apparut un jour à sainte Brigitte, et lui parla ainsi: « Dites à ce prélat qui a coutume de commencer ses sermons par mes louanges, que je veux lui servir de mère, que je présenterai son âme à Dieu, et qu'il fera une bonne mort ». En effet, il mourut saintement, en priant, et dans une paix céleste. — On rapporte ainsi d'un religieux dominicain, qui terminait ses sermons en parlant de Marie, qu'elle lui apparut au moment de sa mort, le défendit contre les démons, le fortifia, et conduisit elle-même dans le ciel son âme bienheureuse. — Le dévot Thomas a Kempis présente Marie recommandant à son divin Fils ceux qui publient ses louanges, et la fait ainsi parler: O mon Fils, ayez pitié d'une âme qui m'a aimée et glorifiée.
Pour ce qui concerne l'utilité que retire le peuple de la prédication des gloires de la divine Mère, saint Anselme affirme que, l'auguste sein de Marie étant la voie par laquelle le Fils de Dieu est venu ici-bas sauver les pécheurs, il ne peut se faire que la prédication des louanges de Marie n'amène pas les pécheurs à se convertir et à se sauver. Et s'il est vrai, comme je le pense, s'il est même indubitable, comme je le prouverai au Chapitre Ve de cet ouvrage, que toutes les grâces nous sont disposées uniquement par les mains de Marie, et que tous ceux qui se sauvent, ne sont sauvés que par l'entremise de cette divine Mère, on peut dire, par une conséquence nécessaire, que le salut de tous les hommes est attaché à la prédication des grandeurs de Marie, et de la confiance en son intercession. Et c'est par ce moyen, on le sait, que saint Bernardin de Sienne sanctifia l'Italie, et que saint Dominique convertit tant de provinces. Saint Louis Bertrand ne prêchait jamais sans exhorter la dévotion envers Marie; il en est de même pour beaucoup d'autres.
Le Père Paul Segneri le Jeune, célèbre missionnaire, faisait dans toutes ses missions un sermon sur la dévotion à Marie, et il l'appelait son sermon favori. Et nous qui, dans nos missions, avons pour règle invariable de ne jamais omettre le sermon sur la sainte Vierge, nous pouvons attester en toute vérité qu'aucun discours, pour l'ordinaire, n'excite autant la componction, et ne produit autant de fruit que le sermon sur la miséricorde de Marie. Je dis: “Sur la MISÉRICORDE de Marie”; car, selon saint Bernard, nous louons, il est vrai, son humilité, nous admirons sa virginité; mais, parce que nous sommes de pauvres pécheurs, ce qui nous touche et nous attire davantage, c'est d'entendre parler de sa miséricorde; et certes, c'est sa miséricorde que nous embrassons le plus affectueusement, que nous nous rappelons le plus souvent, et que nous invoquons le plus fréquemment.
Voilà pourquoi, dans cet ouvrage, laissant à d'autres le soin de décrire les autres prérogatives de Marie, je me suis principalement attaché à parler de sa grande miséricorde et de sa puissante intercession. Dans ce dessein, j'ai recueilli, autant qu'il m'a été possible par un travail de plusieurs années, tout ce que les saints Pères et les auteurs le plus célèbres ont dit de la miséricorde et de la puissance de Marie; et comme cette miséricorde et cette puissance de la bienheureuse Vierge se trouvent merveilleusement caractérisées dans la magnifique antienne Salve Regina, que l'Église a elle-même approuvée et donnée à réciter pendant la majeure partie de l'année à tout le clergé, régulier et séculier, j'ai entrepris d'expliquer cette dévote prière.
Pieux Lecteur, si vous agréez mon travail, comme je l'espère, je vous prie de me recommander à la sainte Vierge, afin qu'elle me donne une grande confiance en sa protection; et si vous me faites la charité de demander pour moi cette grâce, qui que vous soyez, je vous promets de la demander aussi pour vous. Oh! heureux celui qui s'attache fortement, par l'amour et la confiance, à ces deux ancres de salut, Jésus et Marie! Certainement, il ne périra point! Disons donc, mon cher Lecteur, et répétons l'un et l'autre du fond de notre cœur, avec le dévot Alphonse Rodriguez: Jésus et Marie, doux objets de mes amours! que je souffre pour vous, que je meure pour vous, que je soit tout à vous, et plus aucunement à moi-même. Aimons Jésus et Marie, et tâchons de nous sanctifier; c'est la plus grande fortune à laquelle nous puissions aspirer. Adieu! au revoir dans le paradis, aux pieds de cette tendre Mère et de Fils si aimant, pour les louer, les remercier, et les aimer ensemble, en jouissant de leur douce présence pendant toute l'éternité! Amen.
PRIERE A LA BIENHEUREUSE VIERGE
POUR OBTENIR UNE BONNE MORT.
O Marie, doux refuge des malheureux pécheurs, quand mon âme devra sortir de ce monde, je vous en supplie, ma très douce Mère, par la douleur que vous ressentîtes en voyant votre Fils qui se mourrait sur la Croix, assistez-moi alors de votre miséricorde, Éloignez de moi les ennemis infernaux, et venez vous-même recueillir mon âme, pour la présenter au juge éternel. Ma souveraine, ne m'abandonnez pas. Vous devez être, après Jésus, mon appui dans ce moment redoutable. Priez votre Fils de m'accorder dans sa bonté la faveur de mourir en embrassant vos pieds, et d'exhaler mon âme dans ses saintes plaies, en disant: Jésus et Marie, je vous donne mon cœur et mon âme!
(A suivre...)
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
MANIÈRE D'ENTRETENIR AVEC DIEU
une Conversation continuelle et familière
SAINT ALPHONSE MARIE DE LIGUORI
Évêque, Fondateur des Rédemptoristes et Docteur de l’Église
Il faut parler à Dieu avec confiance et familiarité
1. A considérer la préoccupation qu'a notre grand Dieu de faire du bien aux hommes, à ne découvrir dans son Cœur divin de soin plus pressant que d'aimer les hommes et de s'en faire aimer, le saint homme Job était dans la stupeur. « Seigneur, s’écriait-il, qu'est-ce que l’homme pour que Vous fassiez de lui si grand cas ? ou pourquoi votre cœur est-il en souci de lui ? » (Jb 7, 17.)
Voilà qui nous fait comprendre quelle erreur c'est de penser qu'il y ait manque de respect envers la Majesté divine à mettre, dans nos relations avec Dieu. de l'abandon et de la familiarité.
Sans doute, âme pieuse, vous devez, en toute humilité, respecter Dieu et vous tenir bien petite en sa présence, au souvenir surtout de vos ingratitudes et des procédés offensants dont vous avez usé à son égard. Mais cela ne doit pas vous empêcher de le traiter avec l'amour le plus tendre et le plus confiant dont vous soyez capable.
Il est majesté infinie, mais en même temps infinie bonté et amour sans mesure. Vous trouvez en Dieu la plus haute Souveraineté qui se puisse concevoir; mais vous rencontrez aussi, en lui, l'Ami le plus affectueusement attaché que vous puissiez avoir.
Si vous apportez, dans vos rapports avec lui, la confiante liberté et la naïve affection des enfants pour leurs mères, loin d'en être fâché, il en est heureux. Écoutez comment il vous invite à venir près de lui et quelles tendresses il vous promet: « Vous serez de petits enfants portés à la mamelle et caressés sur les genoux: de même qu'une mère caresse un de ses enfants, ainsi moi je vous consolerai ». (Is 66, 12-13). Une mère jouit de prendre son enfant sur ses genoux, et là, de lui donner sa nourriture et de lui prodiguer ses caresses; notre Dieu si bon prend plaisir à traiter de semblable manière les âmes chéries qui se donnent entièrement à lui et placent dans sa bonté toutes leurs espérances.
2. Croyez bien qu'il n'est au monde ni ami, ni frère. ni père, ni mère, ni époux, ni fiancé qui aime plus que ne vous aime votre Dieu. La grâce divine est ce trésor de grand prix, ce « trésor infini dont parle le Sage, qui, dès que nous en usons. nous rend participants de l'amitié de Dieu ». (Sg. 7, 14). Devant ce Dieu, nous n'étions que de bien chétives créatures, de pauvres serviteurs; et voilà que nous devenons les amis, les amis très chers de notre Créateur lui-même. En vue précisément de nous rendre plus confiants avec lui, « il s'est anéanti » (Ph. 2, 7) pour ainsi dire, s'abaissant jusqu'à se faire homme pour « converser familièrement avec les hommes ». (Bar. 3, 38). Ce n'était pas assez : il s'est fait enfant ; il s'est fait pauvre ; il s'est même laissé mettre à mort, par arrêt de justice, devant tout un peuple, sur une croix. Plus encore: il va jusqu'à se placer sous les espèces du pain pour se faire notre compagnon de tous les jours et s'unir, d'intime union, à chacun de nous : « Celui, dit-il, qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui ». (Jn 6, 57). Bref, on dirait qu'il n'a d'amour que pour vous, tant il vous aime. Aussi, est-ce lui que vous devez aimer, et nul autre. De lui, vous pouvez et vous devez dire : « Mon Bien-Aimé est à moi et je suis à Lui » (Ct. 2, 16) ; mon Dieu s'est donné à moi sans réserve, et sans réserve à lui je me donne ; j'ai été choisi par lui comme objet de sa tendresse ; et lui, « entre mille, entre tous, lui, blanc et vermeil, si aimable et si aimant, il est l'élu » (Cant. 5, 10) de mon cœur, celui que je veux uniquement aimer.
3. Dites-lui donc souvent : Mon doux Seigneur, pourquoi m'aimez-vous à ce point ? Que voyez-vous de bon en moi ? avez-vous oublié quelles offenses je vous ai faites ? Ah ! dès lors que vous m'avez traité avec tant d'amour, au lieu de m'envoyer en enfer, vous m'avez comblé de vos grâces, à qui donc voudrai-je désormais porter mon amour, sinon à vous, ô Bien qui êtes mon bien et tout mon bien ? Mon Dieu, Dieu tout aimable, dans mes péchés passés, ce qui m'afflige le plus, ce ne sont point les châtiments que j'ai mérités : c'est le déplaisir que je vous ai causé, à vous qui êtes digne d'un amour infini. Mais vous ne savez pas « mépriser un cœur qui se repent et s'humilie ». (Ps. 50, 19). Ah ! désormais, pour cette vie et pour l'autre, mon cœur n'aspire plus qu'à vous posséder, vous. « Qu'y a-t-il pour moi au ciel, et hormis vous, qu'est-ce que je désire sur la terre ? Vous êtes le Dieu de mon cœur, le Dieu qui est mon partage pour l'éternité » (Ps. 72, 25-26). Oui, vous êtes et à jamais vous serez l’unique Maître de mon cœur, de ma volonté, et mon unique trésor, mon paradis, le terme de mes espérances et de mes affections, mon tout, en un mot : vous, le Dieu de mon cœur et mon partage pour toujours.
4. Il faut affermir toujours davantage votre confiance en Dieu. Pour cela, rappelez-vous fréquemment la conduite, toute de tendresse, qu'il a tenue à votre égard, les doux moyens qu'a employés sa miséricorde pour vous ramener des chemins où vous vous égariez, vous dégager de vos attaches à la terre, et vous attirer à son saint amour. Craignez, dès lors, cette crainte même qui vous retiendrait de traiter votre Dieu avec une confiante liberté, maintenant que vous vous êtes arrêtée à la résolution de l'aimer et de le servir selon votre pouvoir.
Les miséricordes dont vous avez été l'objet sont des gages extrêmement sûrs de son amour pour vous. Or, quand Dieu aime une âme et qu'il en est sincèrement aimé, il lui déplaît de trouver en elle de la défiance. Si donc vous voulez réjouir son Cœur si aimant, allez à lui, à partir de ce jour, dans toute la mesure que vous pourrez atteindre, avec la plus entière confiance et la plus libre tendresse.
« J'ai gravé ton nom sur mes mains, disait le Seigneur à Jérusalem : tes murailles sont toujours devant mes yeux ». (Is. 49, 16). Ainsi vous parle-t-il à vous-même: « Âme chérie, que crains-tu ? pourquoi cette défiance ? Ton nom, je le porte écrit dans mes mains : c'est-à-dire que je ne perds jamais de vue le bien à te faire. Ce sont tes ennemis qui te font trembler ? Sache que le souci de ta défense est tellement présent à ma pensée, qu'il m'est impossible de m'en distraire ».
Cette assurance mettait David en joie. « Seigneur, s'écriait-il, votre bienveillance nous couvre comme un bouclier » (Ps. 5, 13) ; qui jamais pourra nous nuire alors que votre bonté et votre amour nous enveloppent de toutes parts pour nous défendre ?
Par-dessus tout, avivez votre confiance par la pensée du don que Dieu nous a fait de Jésus-Christ: « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique ». (Jn 3, 16). D'où pourrait, s'écrie l'Apôtre, nous venir la crainte que Dieu nous refusât aucun bien, après qu'il a daigné nous faire donation de son Fils même: « Il l'a livré pour nous tous : comment ne nous aurait-il pas donné aussi toutes choses avec lui ? »» (Rm. 8, 32).
5. « Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes ». (Pr. 8, 31). Le paradis de Dieu, pouvons-nous dire, c'est le cœur de l'homme. Dieu vous aime ? Aimez-le. Ses délices sont d'être avec vous ? Mettez vos délices à rester avec lui, à passer votre vie entière en sa tout aimable compagnie, qui sera, vous l'espérez bien, le charme de votre
L'entretien avec Dieu est agréable et facile
6. Prenez l'habitude de vous entretenir seul à seul avec Dieu, familièrement, avec confiance et amour, comme avec l'ami le plus cher que vous ayez, et le plus affectueux.
C'est une grande erreur, nous l'avons vu, de mettre de la défiance dans nos rapports avec Dieu, de ne vouloir jamais paraître en sa présence que comme un esclave timide et honteux, tout tremblant d'épouvante devant son Maître. Mais c'est une erreur plus grande encore de s'imaginer que la conversation avec Dieu n'ait que peine et ennui. Oh ! non, cela n'est pas: « Il n'y a pas d'amertume à converser avec lui, ni d'ennui à vivre auprès de lui ! » (Sg. 8, 16). Interrogez les âmes qui l'aiment de vrai amour : elles vous diront que, dans les épreuves de la vie, elles trouvent leur meilleure et plus solide consolation à s'entretenir amoureusement avec Dieu.
7. On ne réclame pas de vous une application continuelle de l'esprit, qui vous fasse oublier vos affaires, ni même vos délassements. La seule chose qu'on vous demande, c'est que, sans négliger vos occupations, vous vous comportiez avec Dieu comme vous agissez, dans les différentes circonstances qui se présentent, avec les personnes qui vous aiment et que vous aimez.
8. Votre Dieu est toujours auprès de vous, voire au-dedans de vous: « En lui, nous avons la vie, le mouvement et l'être ! » . Qui désire lui parler n'a pas à faire antichambre, loin de là : Dieu désire vous voir le traiter sans cérémonie. Entretenez-vous avec lui de vos affaires, de vos projets, de vos ennuis, de vos craintes, de tout ce qui vous intéresse. L'essentiel, je le répète, c'est que vous le fassiez sans gêne et à cœur ouvert.
Dieu, en effet, ne parle guère à l'âme qui ne lui parle pas et qui, dès lors, n'entendrait que difficilement sa voix, n'étant pas habituée à converser avec lui. C'est de quoi il se plaint dans le Cantique des cantiques « Notre sœur est encore une entant dans mon amour : Comment ferons-nous pour lui parler, si elle ne comprend pas ? »
Sans doute, Dieu, alors que nous repoussons sa grâce, se montre à nous comme le Maître tout-puissant, dont la colère est redoutable; mais, dès que nous l'aimons, tout change : il veut alors être traité comme l'ami le plus affectionné et que nous soyons à l'aise avec lui, que nous lui parlions souvent et de façon toute familière.
9. Il est vrai que nous devons toujours à Dieu un souverain respect : mais quand il vous favorise du sentiment de sa présence et qu'il vous sollicite à lui parler comme au meilleur de vos amis, laissez aller votre cœur librement et en toute confiance.
« Il prévient ceux qui le désirent ardemment, afin de se montrer à eux le premier ». (Sg. 6, 14). Non, il n'attend pas que vous alliez à lui : dès que vous désirez son amour, il vous prévient, il se présente à vous, vous apportant grâces et remèdes selon vos besoins. A peine aurez-vous parlé à votre tour, qu'il vous révélera sa présence par sa promptitude à vous écouter et à vous consoler, car son « oreille est ouverte, se tend à votre prière ». (Ps. 33, 16).
10. Par son immensité, Dieu se trouve partout ; mais il a deux sanctuaires préférés dont il a fait sa propre demeure : l'un est le ciel empyrée, où, par sa présence, il communique sa gloire aux bienheureux ; l'autre est sur la terre : c'est l'âme humble dont il est aimé. « Il habite avec le cœur contrit et avec l'esprit humble ». (Is. 57, 15).
Ainsi donc, notre Dieu, qui a son trône au plus haut des cieux, ne dédaigne pas de passer les jours et les nuits avec ses serviteurs dans leurs grottes ou leurs cellules : là, il leur fait part de ses divines consolations, dont une seule dépasse les délices que le monde pourrait accumuler ; à ne pas les désirer, il n'y a que celui qui ne les a pas goûtées: « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux ». (Ps. 33, 9).
11. Les autres amis — ceux du monde — ont des heures pour s'entretenir, des heures aussi où il leur faut bien rester séparés : entre Dieu et vous, si vous le voulez, il n'y aura jamais d'heure de séparation. « Tu reposeras, et doux sera ton sommeil ... Car le Seigneur sera à ton côté ». (Pr. 3, 24-26) Tandis que tu dormiras, il se tiendra près de toi, et, si tu t'éveilles, il veillera sur toi. — Vous pouvez dire : « Je reposerai avec lui » (Sg. 8, 16). « Et il sera l'encourageant conseiller de ma pensée ». (Sg. 8, 9).
En vérité, pendant votre repos même, Dieu ne s'éloigne pas de votre chevet et continue à penser à vous sans relâche. Il veut, si vous vous éveillez, vous parler par ses inspirations et recevoir de vous quelque acte d'amour, d'offrande, de remerciement, pour entretenir ainsi avec vous, même durant ces heures de la nuit, une aimable et douce conversation. Il pourra même arriver qu'il vous parle durant votre sommeil, qu'il vous fasse entendre ses volontés, pour que, à votre réveil, vous les mettiez à exécution: « Je lui parlerai en songe ». (Nb. 12, 6).
12. Le matin, il est là encore, pour cueillir sur vos lèvres une parole d'affection ou de confiance, pour recevoir la confidence de vos premières pensées et l'offrande de toute votre journée : actes de vertu et bonnes œuvres auxquels vous promettez de vous employer pour lui plaire, peines que vous vous déclarez prêt à souffrir volontiers pour sa gloire et son amour.
Voyant votre Dieu si empressé à se présenter à vous dès le moment de votre réveil, ne manquez pas, de votre côté, de jeter sur lui un regard plein d'amour, de laisser votre âme s'épanouir à l'entendre vous donner lui-même la douce assurance qu'il n'est pas loin de vous, comme au temps malheureux où vos péchés le tenaient à l'écart, qu'il vous aime et qu'il veut être aimé de vous : à ce moment-là même, il vous dicte son suave précepte: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur ». (Dt. 6, 5).
De quoi faut-il parler à Dieu ?
13. N'oubliez donc jamais sa douce présence, comme font, hélas ! la plupart des hommes. Parlez-lui le plus souvent que vous pouvez : il n'en marquera ni ennui, ni dédain, à la façon des grands seigneurs. Si vous l'aimez, vous trouverez toujours que lui dire. Parlez-lui de tout ce qui vous est à cœur, de vous-même, de vos intérêts, comme vous en parleriez à un ami dévoué. N'allez pas le tenir pour un souverain altier qui ne consent à traiter qu’avec des personnages importants et d'affaires importantes. Notre Dieu, lui, se plaît à descendre jusqu'à nous, et jouit de ce que nous le mettions au courant, dans le détail, de nos occupations les plus banales, les moins relevées. Il vous aime et il a soin de vous, comme s'il n'avait à penser qu'à vous seul. Vos intérêts retiennent toute son attention : c'est au point, dirait-on, qu'il n'emploie sa providence qu'à vous secourir, sa toute-puissance qu'à vous aider, sa miséricorde et sa bonté qu'à vous porter compassion, à vous faire du bien, et à gagner par ses délicates prévenances votre confiance et votre amour.
Mettez donc sous ses yeux, avec une complète liberté, le fond de votre âme, et priez-le de vous guider en vue de l'exécution parfaite de sa sainte volonté : n'ayez, d'ailleurs, en tous vos désirs et projets, d'autre pensée que de rencontrer son bon plaisir et de contenter son Cœur divin. « Découvre la voie au Seigneur (Ps. 36, 5), et demande-lui qu'il dirige tes voies et que tous tes desseins demeurent fermes en lui ». (Tb. 4, 20).
14. Vous allez dire : « A quoi sert-il de découvrir à Dieu tous mes besoins, alors qu'il les voit et les connaît bien mieux que moi-même ? » Il les connaît, oui ; mais les nécessités dont on ne lui parle pas, pour lesquelles on n'implore pas son assistance, Dieu fait comme s'il les ignorait. Notre bon Sauveur savait bien que Lazare était mort: il n'en attendit pas moins que ses sœurs lui en eussent parlé, et alors il les consola par la résurrection de leur frère.
15. Aussi, lorsqu'il vous survient une affliction : maladie, tentation, mauvais procédés du prochain ou une autre épreuve quelconque, vite recourez au Seigneur pour que sa main vous soutienne. Il suffira que vous mettiez sous son regard votre souffrance, en lui disant : « Voyez, Seigneur, la tribulation où je suis ». (Thrèn. I, 20). Il ne manquera pas de vous consoler, ou, tout au moins, de vous donner force et patience pour supporter votre épreuve ; ce qui vous sera de plus grand profit que d'en être entièrement délivré.
Manifestez-lui toutes les pensées de crainte ou de tristesse qui vous tourmentent. « Mon Dieu, lui direz-vous, mon espoir est en vous seul; je vous offre cette peine et je me résigne à votre volonté ; mais vous, ayez pitié de moi : ou délivrez-moi de cette croix, ou donnez-moi le courage de la porter ». Vous le verrez, n'en doutez pas, tenir la promesse qu'il a faite, dans son Évangile, de donner la consolation ou la force à ceux qui recourent à lui dans leurs épreuves. « Venez à moi, Vous tous qui êtes fatigués et qui ployez sous un fardeau. et je vous ranimerai ». (Mt. 11, 28).
16. Ce n'est pas que Dieu s'offense si vous cherchez quelque adoucissement à vos peines auprès de vos amis ; mais il veut être votre principal appui. Aussi, au moins quand vous aurez eu recours aux créatures et qu'elles n'auront pu donner à votre cœur la consolation, réfugiez-vous auprès du Créateur, et dites-lui : « Mes amis n'ont que des paroles » (Jb 16, 21), des paroles impuissantes, et je ne veux plus chercher auprès des hommes mon réconfort. Vous seul êtes mon espérance, comme vous êtes mon amour : c'est vous seul que je veux pour consolateur ; que ma meilleure consolation soit de me conformer, en cette occasion, à votre bon plaisir. J'accepte, s'il le faut, de souffrir cette peine durant toute ma vie ; je l'accepterais éternelle, si vous le vouliez ainsi ; mais vous, mon Dieu, soyez mon soutien.
17. Il ne déplaît point à Dieu que, parfois, vous vous plaigniez doucement à lui. Ne craignez pas de lui dire: « Pourquoi, Seigneur, vous êtes-vous retiré au loin ? » (Ps. 9, 22). Vous savez bien que je vous aime et que je n'aspire qu'à votre amour. Par charité, secourez-moi, ne m'abandonnez pas.
Si la désolation se prolonge et que votre angoisse soit extrême, unissez votre voix à celle de Jésus, de Jésus mourant accablé sur la croix ; dites, en implorant la pitié divine: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? » (Mt. 27, 46). Mais profitez de cette épreuve, d'abord pour vous abaisser davantage, en vous répétant qu'on ne mérite point de consolations quand on a offensé Dieu ; puis, pour aviver davantage votre confiance, en vous rappelant que, quoi qu'il fasse ou permette, Dieu n'a en vue que votre bien, et qu'ainsi « toutes choses coopèrent au bien » (Rm. 8, 28) de votre âme. Plus le trouble et le découragement vous assiègent, plus vous devez vous armer d'un grand courage et vous écrier : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut; qui craindrai-je ? » (Ps. 26, 1). Oui, Seigneur, c'est vous qui m'éclairerez, c'est vous qui me sauverez; en vous je me confie, « en vous j'ai mis mon espoir : Je ne serai pas confondu à jamais ». (Ps. 30, 2). Établissez-vous ainsi dans la paix, certain que « nul n'a espéré dans le Seigneur et n'a été confondu » (Si. 2, 11), nul ne s'est perdu alors qu'il avait placé sa confiance en Dieu.
Pesez ceci : votre Dieu vous aime plus que vous ne pouvez vous aimer vous-même; dès lors, qu'avez-vous à craindre ? « Le Seigneur a souci de moi » , répétait David, et cette pensée le réconfortait. Dites à votre tour: « Dans vos bras, Seigneur, je m'abandonne ; je n'admets d'autre souci que de vous aimer et de vous plaire : me voici prêt à faire tout ce que vous voudrez. Vous, vous avez plus que le désir de me faire du bien, vous en aurez le souci : c'est donc à vous que je laisse le soin de mon salut, puisque vous m'ordonnez de placer en vous tous mes espoirs. « Je m'endormirai et me reposerai en paix, parce que vous-même, Seigneur, m'avez affermi dans l'espérance en votre seule protection ». (Ps. 4, 9-10).
18. « Ayez du Seigneur des sentiments dignes de sa bonté ». (Sg. 1, 1). Par ces paroles, le Sage nous exhorte à nous confier en la miséricorde de Dieu bien plus que nous ne craignons sa justice. Dieu, en effet, est immensément plus enclin à bénir qu'à châtier, selon la parole de saint Jacques: « La miséricorde s'élève au-dessus de la justice ». (Jc. 2, 13). De là cette recommandation de l'apôtre saint Pierre: « Déchargez-vous sur Dieu de toutes vos sollicitudes, parce qu'il a lui-même soin de vous ». (I Pi. 5, 7). Il s'agit là de nos anxiétés au sujet de nos intérêts aussi bien temporels qu'éternels : nous devons nous abandonner sans réserve à la bonté de Dieu, mais surtout nous fier au soin extrême qu'il prend de notre salut.
Et, à ce propos, comme il est beau le titre que David donne au Seigneur : « Notre Dieu, dit-il, est le Dieu qui sauve ! » (Ps. 67, 21 ). Cela veut dire, comme l'explique saint Robert Bellarmin, que « l'emploi propre de Dieu est de sauver » non de condamner. En effet, s'il se contente de menacer de sa colère ceux qui le méprisent, c'est une promesse assurée de sa miséricorde qu'il fait à ceux qui le révèrent, ainsi que la divine Mère l'a chanté : « Sa miséricorde se répand sur ceux qui le craignent ». (Lc 1, 50).
Âme dévote, j'accumule à dessein ces passages de l’Écriture. Il vous arrive de vous demander avec angoisse si vous serez sauvée ou non, si vous êtes ou non prédestinée, vous qui pourtant êtes résolue de le servir et de l'aimer comme il vous le demande. Laissez votre cœur s'épanouir, et comprenez, aux promesses que vous fait ce Dieu, quel désir il a lui-même de vous sauver.
19. Certaines âmes recourent bien à Dieu dans l'affliction, mais vienne la prospérité, elles l'oublient et l'abandonnent. C'est là trop d'infidélité et d'ingratitude. N'agissez pas ainsi.
Quand vous recevez quelque nouvelle agréable, usez-en avec Dieu comme avec un ami dévoué et qui s'intéresse à votre bonheur. Vite, faites-lui part de votre joie, reconnaissez qu'elle est un don de sa main; louez-le, remerciez-le. Que le meilleur, pour vous, dans cette joie, soit d'y trouver son bon plaisir. C'est ainsi que vous placerez en Dieu toute votre allégresse, toute votre consolation: « Je tressaillirai de joie en Dieu mon Sauveur. Je chanterai au Seigneur qui m'a comblé de biens ». (Ps. 12, 6).
Parlez ainsi à Jésus: « Je vous bénis et toujours je vous bénirai : vous me faites tant de grâces ! Et ce ne sont pas des grâces, mais des châtiments que je mériterais, moi qui vous ai tant offensé ». Dites-lui encore avec l’Épouse sacrée : « Toutes les sortes de fruits, anciens et nouveaux, ô mon Bien-Aimé, je vous les ai gardés ». (Ct. 7, 13). Ces fruits, ce sont vos faveurs, dont je vous remercie ; anciennes ou nouvelles, j'en garde le souvenir pour vous en rendre gloire éternellement.
20. Mais puisque vous aimez Dieu, vous devez vous réjouir de ses joies plus encore que des vôtres. Il se rencontre qu'un ami, dans l'ardeur de l'amitié, goûte le bonheur de son ami plus que le sien propre.
Soyez donc heureux de savoir que votre Dieu est heureux infiniment. Dites-lui souvent: « Mon Seigneur adoré, je jouis plus de votre félicité que de tout ce qui m'est bon à moi : oh ! oui, car je vous aime plus que je ne m'aime moi-même ».
21. Voulez-vous donner au Dieu qui vous aime une marque d'intime confiance dont il sera extrêmement touché ? Quand vous commettez quelque faute, n'hésitez point à courir aussitôt vous jeter à ses pieds pour lui demander pardon.
Comprenez-le bien, Dieu est si enclin à pardonner que, si les pécheurs s'obstinent à vivre loin de lui, privés de la vie de la grâce, il gémit sur leur perdition et leur fait entendre ces appels de sa tendresse: « Pourquoi voulez-vous mourir, maison d'Israël, ô mon peuple ? Revenez à moi et vivez ». (Ez. 18, 31-32). Il promet d'accueillir l'âme fugitive, dès qu'elle vient se jeter dans ses bras : « Revenez à moi, et je reviendrai à vous ». (Za. I, 3).
Oh ! si les pauvres pécheurs comprenaient avec quelle bonté Notre-Seigneur les attend pour leur pardonner ! « Le Seigneur attend le moment d'avoir pitié de vous ». (Is. 30, 18). S'ils comprenaient qu'il a hâte, non de les châtier, mais de les voir convertis, afin de les embrasser et de les serrer sur son cœur ! Écoutons sa déclaration solennelle: « Par ma vie, dit le Seigneur Dieu, je ne veux pas la mort de l'impie, mais que l'impie se détourne de sa voie, et qu'il vive ». (Ez. 33, 11). Il va jusqu'à dire : « Et venez, et accusez-moi, dit le Seigneur : quand vos péchés seraient comme l'écarlate, ils deviendront blancs comme la neige ». (Is. 1, 18). Adjuration dont voici le sens : « Pécheurs, repentez-vous de m'avoir offensé, puis venez à moi; et si je ne vous pardonne pas, “accusez-moi”, adressez-moi des reproches, traitez-moi de parjure. Mais non, non, je ne vous manquerai pas de parole; répondez à mon appel et, si cramoisies que soient vos âmes par les péchés accumulés, sachez que ma grâce leur donnera la blancheur de la neige ».
22. Enfin — Dieu l'a déclaré formellement — quand une âme se repent de l'avoir offensé, il perd jusqu'au souvenir de ses péchés: « De toutes ses iniquités, je ne me souviendrai pas. »(Ez. 18, 22).
Ainsi donc, dès que vous êtes tombé en quelque faute, levez les yeux vers Dieu, offrez-lui un acte d'amour, et, confessant votre péché, comptez fermement sur son pardon. Exprimez-lui ces sentiments : « Seigneur, cette âme que vous aimez est malade » (Jn l I, 3), couverte de plaies : « guérissez mon âme, car j'ai péché contre vous ». (Ps. 40, 5). Vous allez à la recherche des pécheurs repentants : je vais de mon côté à votre recherche, me voici à vos pieds. Hélas ! le mal est fait: qu'attendez-vous de moi ? Vous ne voulez pas que je me décourage ; même après ce péché, vous m’aimez encore, et moi aussi je vous aime. Oui, mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur, et je regrette le déplaisir que je vous ai causé ; je suis résolu de ne plus retomber. Vous qui êtes un Dieu « suave et doux, et riche en miséricorde » (Ps. 85, 5), pardonnez-moi; adressez-moi la même parole qu'à Madeleine : « Tes péchés te sont remis » (Lc 7, 48), et donnez-moi pour l'avenir la force de vous rester fidèle.
23. Pour ne point tomber dans le découragement, ne manquez pas de jeter alors un regard sur Jésus en croix ; offrez ses mérites au Père Éternel, et, par là, ayez l'espérance assurée de votre pardon ; car c'est pour vous pardonner à vous que Dieu « n'a pas épargné son propre Fils. » (Rom. 8, 32). Dites-lui avec confiance: Mon Dieu, « jetez les yeux sur la face de votre Christ » (Ps. 83, 10), de votre Fils mort pour moi, et, pour l'amour de ce divin Fils, pardonnez-moi.
Gravez, âme dévote, gravez très profondément dans votre esprit cet enseignement, commun aux maîtres de la vie spirituelle : il faut, après vos infidélités, revenir tout de suite à Dieu, alors même que vous tomberiez cent fois le jour ; et, cela fait, vous remettre aussitôt dans la paix. Sinon, votre âme restant découragée et troublée par la faute commise, vos rapports avec Dieu se feront rares, la cordiale confiance sera absente, le désir d'aimer Dieu s'alanguira, et vous ne serez plus guère en état d'avancer dans la voie du Seigneur. Au contraire, si vous recourez sans retard à Dieu pour lui demander pardon et lui promettre de vous amender, les chutes mêmes serviront à vous faire entrer plus avant dans le divin amour. Entre amis qui s'aiment du fond du cœur, il n'est pas rare qu’un froissement réparé par d'humbles excuses, resserre encore l'amitié. Faites qu'il en soit ainsi entre Dieu et vous : utilisez vos fautes pour rendre plus étroite votre union d'amour avec lui.
24. Il vous arrive d'être embarrassé devant une décision à prendre ou un conseil à donner. Ici encore, ne craignez pas et ne manquez pas d'agir avec Dieu comme font entre eux les amis fidèles. En toute occasion, ils se consultent : consultez Dieu, priez-le de vous suggérer la solution qui sera davantage de son gré : « Seigneur, mettez sur mes lèvres la parole à dire, et dans mon cœur la résolution à prendre ! » (Judith 9, 18). Suggérez-moi ce qu'il faut que je fasse ou réponde, et ainsi je ferai. « Parlez, Seigneur, car voire serviteur écoute ». (1 R., 3, 10).
25. Donnez encore à Dieu ce témoignage d'amicale confiance de l'entretenir, non seulement de vos affaires personnelles, mais aussi de celles du prochain. Quel grand plaisir vous procurerez à son cœur, si, allant même parfois jusqu'à oublier vos propres soucis, vous lui rappelez les intérêts de sa gloire, et les infortunes d'autrui ! Recommandez-lui spécialement les malheureux qui sont dans les larmes, les âmes du purgatoire — ses chères épouses qui soupirent après sa vue — et les pauvres pécheurs qui vivent privés de sa grâce. Intercédez tout particulièrement pour ceux-ci. « Seigneur, direz-vous, n'êtes-vous pas tout aimable ? ne méritez-vous pas un amour infini ? Et comment donc supportez-vous que tant d'âmes, de par le monde, des âmes comblées de vos bienfaits, se refusent à vous connaître, se refusent à vous aimer, ne craignent pas de vous offenser et de vous mépriser ? O Dieu, si digne de tout amour, faites-vous connaître et faites-vous aimer. Sanctificetur nomen tuum, adveniat regnum tuum : que votre nom soit adoré et béni par tous, que votre amour règne dans tous les cœurs ! Ah ! ne me laissez point partir sans m'accorder quelque grâce pour ces infortunés dont j 'implore la grâce !
26. On dit que, dans le purgatoire, il y a une peine particulière, appelée peine de langueur, infligée aux âmes qui, en cette vie, ont peu désiré le paradis ; et ce n'est que justice. Le ciel est un si grand bien ! notre Rédempteur nous l'a gagné par sa mort : n'est-ce pas le mésestimer que de le désirer peu ?
Ne vous laissez pas aller à cette négligence, âme dévote : soupirez souvent après le paradis. Dites à Dieu que les jours vous paraissent des siècles, dans l'attente du bonheur de le voir et de l'aimer face à face. Aspirez à échanger cet exil, ce séjour du péché où vous courez sans cesse le risque de perdre sa grâce, contre la patrie de l'amour où vous l'aimerez avec la plénitude de vos forces.
Répétez-lui souvent : « Seigneur, tant que je vis sur la terre, je suis en perpétuel danger de vous abandonner et de perdre votre amitié. Quand donc pourrai-je enfin quitter cette vie où toujours je vous offense, pour aller vous aimer au ciel de toute mon âme, et m'unir à vous sans plus aucune crainte de séparation ? »
C'était là l'objet des perpétuels soupirs d'une sainte Thérèse ; chaque fois que l'heure sonnait, elle tressaillait de joie, à penser qu'elle avait une heure de moins à vivre dans le péril de perdre Dieu. Son désir de mourir pour voir Dieu était si brûlant qu'elle en était consumée à en mourir ; c'est ce qui lui inspira son cantique d'amour : « Je me meurs de ne point mourir ».
27. Concluons. Si vous voulez charmer le Cœur aimant de votre Dieu, appliquez-vous à lui parler le plus souvent possible, et, en quelque sorte continuellement, avec la plus entière et la plus confiante liberté. Il ne dédaignera pas de vous répondre et d'entretenir pour sa part la conversation. Il ne se fera point entendre de vous par une voix extérieure qui frappera vos oreilles, mais par un langage intérieur que votre cœur saisira fort bien : il suffit pour cela de vous détacher assez du commerce des créatures pour rester en tête-à-tête avec votre Dieu : « Je la mènerai dans la solitude, et je parlerai à son cœur » (Os. 2, 14).
Il vous parlera par ces inspirations, par ces lumières intérieures, par ces impressions révélatrices de sa bonté, par ces touches suaves au cœur, par ces assurances de pardon, par ces avant-goûts de paix céleste, par ces attentes du bonheur éternel. par ces jubilations intenses, par ces douces prévenances de sa grâce, par ces embrassements et étreintes de son amour, en un mot par tout ce langage de l'amour que comprennent bien les âmes dont il est aimé et qui ne cherchent que lui.
Pratique détaillée de la conversation avec Dieu
28. Avant de terminer, je crois bon, tout en résumant les conseils épars ci-dessus, de vous tracer une méthode pratique pour utiliser, en vue de plaire à Dieu, les détails de chacune de vos journées.
Le matin, dès votre réveil, que votre première pensée soit d'élever votre cœur vers Dieu, de lui offrir et consacrer toutes les actions et souffrances de ce jour, en lui demandant l'aide de sa grâce. Faites ensuite les actes du chrétien pour le matin : actes de remerciement, d'amour, de demande, accompagnés du bon propos de passer ce jour comme si c'était le dernier de votre vie.
Le Père Saint-Jure vous suggère de convenir avec Dieu d'un signe par lequel, chaque fois que vous le feriez, vous entendriez exprimer un sentiment de votre âme. Le signe serait de porter la main à votre cœur, de lever les yeux au ciel, de regarder le crucifix, ou autre chose semblable ; l'acte renouvelé par là, celui d'amour de Dieu, ou de désir de voir Dieu aimé par tous, ou d'offrande de vous-même, ou tel autre acte à votre choix. Vous pouvez renouveler cette convention chaque matin.
Placez votre âme dans le côté sacré de Jésus et sous le manteau de Marie. Priez le Père Éternel. pour l'amour de Jésus et de Marie. de vous garder durant ce jour.
Après quoi — et, autant que possible avant toute autre action et pendant une demi-heure au moins — faites votre oraison ou méditation.
Que le sujet préféré et habituel de vos méditations soit la Passion de Jésus-Christ, les souffrances et les mépris qu'il a endurés. C'est là le sujet d'oraison le plus cher aux âmes aimantes, et le plus propre à les enflammer d'amour divin. Il y a trois dévotions que, par-dessus toutes les autres, vous aurez particulièrement à cœur, si vous voulez avancer dans la vie spirituelle : la dévotion à la Passion, la dévotion au Saint-Sacrement, et la dévotion à la Sainte Vierge.
Dans l'oraison même, multipliez les actes de contrition, d'amour de Dieu et d'offrande de vous-même. Au dire du vénérable Père Charles Carafa, Fondateur des Pieux Ouvriers, un bon acte d'amour de Dieu, le matin dans l'oraison, c'en est assez pour maintenir l'âme dans la ferveur toute la journée.
29. Je n'entre pas ici dans le détail de vos différents exercices de piété : confession. communion, grand ou petit office, etc. …
Dans votre activité extérieure : étude, travail manuel, occupations variées de votre état, ne manquez pas, au commencement de chaque action de l'offrir à Dieu, en lui demandant son assistance pour vous en acquitter parfaitement. A l'exemple de sainte Catherine de Sienne, regardez votre cœur comme un oratoire secret, où vous vous retirez souvent pour vous y unir à Dieu. En un mot quoi que vous lassiez, faites-le avec Dieu et pour Dieu.
En sortant de votre chambre ou de votre maison, et aussi en y rentrant, recommandez-vous à la divine Mère par la récitation d'un Ave Maria.
En allant à table, offrez à Dieu tout ce que vous éprouverez de désagréable ou d'agréable dans le boire et le manger. Après le repas, rendez grâces en disant : « Seigneur, que de bien vous faites à qui vous a tant offensé ! »
Dans la journée, n'omettez point votre lecture spirituelle, la visite au Saint-Sacrement et à la Sainte Vierge, ni le chapelet.
Le soir, après l'examen de conscience et les actes du chrétien : foi, espérance, charité, contrition et bon propos, renouvelez l'intention de recevoir les sacrements pendant la vie et à la mort et de gagner les indulgences attachées à cette réception.
En vous mettant au lit, pensez que vous devriez être dans le feu de l'enfer. Endormez-vous en tenant embrassé le crucifix, et dites : « Sous votre protection, ô mon Sauveur, je dormirai et je reposerai en paix ». (Ps. 4, 9).
30. Je veux ici, en passant et brièvement, vous rappeler les indulgences attachées à la récitation de certaines prières et à certains actes de dévotion.
Notez qu'il est bon de former, dès le matin. l'intention de gagner ce jour-là toutes les indulgences que l'on pourra.
Pour les actes des vertus théologales. trois ans pour chacun d'eux ; pour la récitation quotidienne durant un mois, indulgence plénière, applicable aux âmes du purgatoire ; indulgence plénière pour soi-même à l'article de la mort, si l'on a récité ces actes fréquemment durant sa vie.
Ayez l'intention de gagner les indulgences attachées à l'usage d'un chapelet bénit ; à la récitation du rosaire ou d'une partie du rosaire ; à l’Angelus, trois fois le jour ; aux litanies de la Sainte Vierge, au Salve Regina, à l'Ave Maria et au Gloria Parti. — Indulgences à qui récite cette invocation : Bénie soit la Sainte et Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu ; ou celle-ci : Loué et adoré soit toujours le Très Saint Sacrement ; ou la prière Anima Christi ; ou le Gloria Patri ainsi que les saints noms de Jésus et de Marie ; à qui entend la messe ; à qui fait oraison mentale : et si l'on s'en acquitte tous les jours une demi-heure, ou au moins un quart d'heure, indulgence plénière une fois le mois, moyennant confession et communion : à qui fait la génuflexion devant le Saint-Sacrement ; à qui baise la croix. Ayez l'intention de gagner les indulgences attachées à vos pratiques de dévotion.
31. Pour vous maintenir, autant qu'il est possible, dans un perpétuel recueillement et dans l'union à Dieu, appliquez-vous à profiter de tout ce que vous voyez ou entendez pour élever votre esprit vers Dieu ou donner une pensée à 1' éternité. Voici quelques exemples.
Quand vous voyez une eau qui s'écoule. songez qu'ainsi s'écoulent vos jours et que vous courez vers la mort.
Quand vous voyez une flamme qui s'éteint faute d'aliment, dites-vous qu'ainsi, un jour, s'éteindra votre vie.
A la rencontre d'un convoi funèbre ou à la vue d'une personne morte, considérez que c'est là le sort qui vous attend, vous aussi.
Quand vous voyez les heureux de la terre se réjouir de leurs grandeurs ou de leurs richesses, compatissez à leur folie, et dites: « A moi, Dieu suffit. Les uns ont leurs chars; les autres, leurs chevaux : nous, nous avons le nom du Seigneur ». Que les insensés se glorifient de ce qui n'est que vanité : pour moi, il n'est d'autre gloire que d'être aimé de Dieu et de l'aimer ! »
Au spectacle des funérailles pompeuses ou devant les mausolées magnifiques de défunts illustres, dites-vous : « S'ils sont damnés. de quoi leur servent ces splendeurs ? »
Une mer tranquille ou soulevée par la tempête vous rappellera quelle différence il y a entre une âme dans la grâce de Dieu et une âme dans sa disgrâce.
Un arbre desséché vous sera l'image d'une âme privée de la vie divine et qui n'est bonne qu'à être jetée au feu.
S'il vous arrivait de voir un coupable trembler de honte ou d'épouvante devant son juge, ou son père, ou son supérieur, songez à l'effroi du pécheur au tribunal de Jésus-Christ.
Quand le tonnerre gronde et vous impressionne, pensez à la terreur des malheureux damnés sur qui tombent sans cesse les foudres de la colère divine.
Si on vous parle du désespoir d'un condamné à mort devant son irrémédiable malheur, faites-vous une idée de l'accablement d'une âme condamnée à l'enfer, et qui doit se dire : « Il n'y a plus de remède à ma ruine éternelle ! »
32. Lorsque vous contemplez de riches campagnes, d'agréables rivages, des fleurs et des fruits qui vous charment par leur beauté ou leur parfum, dites: « Que de belles choses Dieu a faites pour moi, dès ici-bas ! Ne faut-il pas que je l'aime ? Et quelles autres délices il me réserve en paradis ! »
A la vue de riantes collines ou de quelque beau paysage, Sainte Thérèse se reprochait son ingratitude envers Dieu.
L'Abbé de Rancé, fondateur de la Trappe, trouvait dans les beautés de la nature un rappel à l'obligation d'aimer Dieu.
Pénétré de la même pensée, Saint Augustin s'écriait : « Le ciel, la terre, toutes les créatures, me prêchent, Seigneur, votre amour ».
On raconte d'un pieux serviteur de Dieu que, rencontrant par les champs, fleurs et herbettes, il les frappait doucement avec une baguette, en leur disant: « Silence ! ne me reprochez plus mon ingratitude envers Dieu. J'ai compris, c'est assez, taisez-vous ! »
Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, lorsqu'elle avait en main un beau fruit, une jolie fleur, en recevait une blessure de divin amour, et elle se disait : « Mon Dieu à donc pensé, dès l'éternité, à créer ce fruit, cette fleur, pour me donner une marque de son amour ! »
33. Une rivière, un simple ruisseau, dont les eaux courent vers la mer sans que rien ne les arrête, vous rappelleront que votre âme doit toujours tendre vers Dieu, votre unique bien.
Quand, dans vos voyages, vous utilisez des animaux de selle ou de trait, dites-vous : « Quelle peine ne se donnent pas ces innocentes créatures pour me servir ! Et moi, qu'est-ce que je fais pour le service et le plaisir de mon Dieu ? »
En voyant un petit chien qui, pour un misérable morceau de pain, est si fidèle à son maître, demandez-vous combien plus vous devriez être fidèle à ce Dieu qui vous a créé, vous conserve la vie, étend sur vous sa providence et vous comble de tant de bienfaits !
Entendez-vous des oiseaux chanter ? « Mon âme, direz-vous, écoute comment ces petites créatures louent leur Créateur : et toi ? » Mettez-vous alors à le louer par des actes d'amour. Mais si c'est le chant du coq qui retentit, rappelez-vous que vous avez autrefois, comme Saint Pierre, renié votre Dieu, et renouvelez alors vos regrets et vos larmes. Pareillement, lorsque vous passez là où vous avez commis quelque faute, tournez-vous vers Dieu pour lui dire : « Seigneur, des fautes de ma jeunesse et de mes égarements, ne vous souvenez plus » (Ps. 24, 7).
34. A l'aspect des vallées, considérez qu'elles sont fertilisées par les eaux qui descendent des montagnes : ainsi les grâces du ciel descendent sur les humbles et délaissent les orgueilleux.
Quand vous admirez une église, belle et ornée, songez à la beauté d'une âme en état de grâce, vrai temple de Dieu.
Quand votre regard s'arrête sur la mer, réfléchissez à la grandeur et à l'immensité de Dieu.
A la vue d'un feu, de cierges allumés sur l'autel, dites: « Depuis combien d'années je devrais brûler en enfer ! Mais puisque vous m'avez épargné ce malheur, faites, ô mon Dieu, que mon cœur se consume maintenant d'amour pour vous, comme se consument ce brasier ou ces flambeaux ».
Quand vous contemplez le ciel étoilé, écriez-vous avec Saint André d'Avellin : « O mes pieds, un jour vous foulerez ces étoiles ! »
35. Il vous faut aussi rappeler souvent les mystères d'amour de notre bon Sauveur.
Voyez-vous de la paille, une crèche, une grotte ? pensez à Jésus Enfant dans l'étable de Bethléem.Quand vous apercevez des scies, des marteaux, des planches, des haches, rappelez-vous Jésus travaillant comme simple apprenti dans l'atelier de Nazareth.
Si votre regard s'arrête sur des cordes, des épines, des clous, des poutres, songez aux douleurs et à la mort de votre Rédempteur. Saint François d'Assise, à la vue d'un agneau se mettait à pleurer : « Mon doux Seigneur, disait-il. a été pour moi conduit à la mort comme un agneau ».
Enfin, autels, calices, ornements sacerdotaux, vous feront souvenir de l'immense amour qui débordait du Cœur de Jésus, alors qu'il nous donnait la Sainte Eucharistie.
36. Au cours de la journée. renouvelez fréquemment, à l'exemple de sainte Thérèse, l'offrande de vous-même à Dieu. « Seigneur, direz-vous, me voici : faites de moi ce que bon vous semble; donnez-moi de connaître votre volonté, car je veux l'accomplir tout entière ».
Multipliez aussi, le plus possible, les actes d'amour envers Dieu. C'est là, disait encore Sainte Thérèse, « le bois qui alimente dans le cœur le brasier du saint amour ». La vénérable Sœur Séraphine de Capri fut prise un jour, devant la mule du monastère, d'un sentiment de compassion ; elle s'écria : « Pauvre bête ! tu ne sais pas, tu ne peux pas aimer le bon Dieu ! » La mule se mit à pleurer : de ses yeux coulaient de grosses larmes en abondance. Tirez de là une leçon : que la vue des êtres privés de raison, incapables de connaître et d'aimer Dieu, vous peine, et unissez votre volonté à la sainte porte, vous qui le pouvez, à produire de nombreux actes d'amour.
Après une faute, humiliez-vous aussitôt, et, par un fervent acte d'amour, relevez-vous résolument.
Vous survient-il quelque chose de fâcheux ? offrez tout de suite à Dieu votre volonté de Dieu. Prenez l'habitude de redire dans chaque contrariété : « Dieu le veut ainsi, je le veux aussi ». Il n'est point d'actes d'amour aussi chers et aussi agréables au Cœur de Dieu que les actes de résignation.
37. Si vous avez à prendre une décision ou à donner un conseil. commencez par vous recommander à Dieu, puis agissez ou répondez.
A l'exemple de sainte Rose de Lima, répétez fréquemment, très fréquemment, cette prière: « Deus, in adjutorium meum intende : Seigneur, venez à mon aide; ne m'abandonnez pas à moi-même ».
Dans le même but, jetez souvent les yeux sur le crucifix ou sur l'image de la Sainte Vierge, que vous devez avoir dans votre chambre. Invoquez assidûment les noms de Jésus et de Marie, surtout aux heures de la tentation.
Dieu, étant la bonté infinie, ne désire que nous communiquer ses dons. Un jour, le vénérable Père Balthasar Alvarez vit notre Sauveur les mains remplies de grâces et cherchant sur qui les répandre. Encore veut-il que nous les lui demandions : « Demandez et vous recevrez » (Jn 16, 24) ; sinon, il retire sa main. Mais, par contre, il l'ouvre volontiers à l'âme qui le prie. « Qui donc, s'écrie l'Ecclésiastique, a invoqué le Seigneur et a été méprisé de lui ? » (Si. 2, 12). Qui a eu recours à lui. et a vu sa supplication repoussée ? Et David nous en assure, ce n'est pas seulement de miséricorde que Dieu use envers ceux qui le prient, mais de grande miséricorde : « car, Seigneur, vous êtes suave et doux. et votre miséricorde est abondante pour chacun de ceux qui vous invoquent » (Ps. 85, 5).
38. Oh ! que « le Seigneur est bon » et libéral, « pour l’âme qui le cherche » (Thrèn. 3, 25) avec amour ! Il va jusqu'à « se laisser trouver par qui ne le cherche point ». Combien plus volontiers se fera-t-il trouver par qui le cherche, et le cherche pour le servir et l'aimer ?
Terminons par cette pensée de sainte Thérèse : « Les âmes justes sur la terre doivent être une même chose en amour avec les bienheureux du ciel ». Là-haut, les saints n'ont de commerce qu'avec Dieu, ils ne connaissent ni pensées, ni plaisirs qui soient étrangers à sa gloire et à son amour ; commencez, dès ici-bas, cette vie céleste. Que Dieu seul soit votre félicité ; Dieu seul. l'objet de vos affections ; Dieu seul, la fin de vos actions et le terme de vos désirs. Vous atteindrez ainsi le royaume éternel, où votre amour sera, de tout point parfait et consommé, et votre cœur pleinement assouvi et rassasié...
Vivent Jésus notre amour, et Marie notre espérance !
une Conversation continuelle et familière
SAINT ALPHONSE MARIE DE LIGUORI
Évêque, Fondateur des Rédemptoristes et Docteur de l’Église
Il faut parler à Dieu avec confiance et familiarité
1. A considérer la préoccupation qu'a notre grand Dieu de faire du bien aux hommes, à ne découvrir dans son Cœur divin de soin plus pressant que d'aimer les hommes et de s'en faire aimer, le saint homme Job était dans la stupeur. « Seigneur, s’écriait-il, qu'est-ce que l’homme pour que Vous fassiez de lui si grand cas ? ou pourquoi votre cœur est-il en souci de lui ? » (Jb 7, 17.)
Voilà qui nous fait comprendre quelle erreur c'est de penser qu'il y ait manque de respect envers la Majesté divine à mettre, dans nos relations avec Dieu. de l'abandon et de la familiarité.
Sans doute, âme pieuse, vous devez, en toute humilité, respecter Dieu et vous tenir bien petite en sa présence, au souvenir surtout de vos ingratitudes et des procédés offensants dont vous avez usé à son égard. Mais cela ne doit pas vous empêcher de le traiter avec l'amour le plus tendre et le plus confiant dont vous soyez capable.
Il est majesté infinie, mais en même temps infinie bonté et amour sans mesure. Vous trouvez en Dieu la plus haute Souveraineté qui se puisse concevoir; mais vous rencontrez aussi, en lui, l'Ami le plus affectueusement attaché que vous puissiez avoir.
Si vous apportez, dans vos rapports avec lui, la confiante liberté et la naïve affection des enfants pour leurs mères, loin d'en être fâché, il en est heureux. Écoutez comment il vous invite à venir près de lui et quelles tendresses il vous promet: « Vous serez de petits enfants portés à la mamelle et caressés sur les genoux: de même qu'une mère caresse un de ses enfants, ainsi moi je vous consolerai ». (Is 66, 12-13). Une mère jouit de prendre son enfant sur ses genoux, et là, de lui donner sa nourriture et de lui prodiguer ses caresses; notre Dieu si bon prend plaisir à traiter de semblable manière les âmes chéries qui se donnent entièrement à lui et placent dans sa bonté toutes leurs espérances.
2. Croyez bien qu'il n'est au monde ni ami, ni frère. ni père, ni mère, ni époux, ni fiancé qui aime plus que ne vous aime votre Dieu. La grâce divine est ce trésor de grand prix, ce « trésor infini dont parle le Sage, qui, dès que nous en usons. nous rend participants de l'amitié de Dieu ». (Sg. 7, 14). Devant ce Dieu, nous n'étions que de bien chétives créatures, de pauvres serviteurs; et voilà que nous devenons les amis, les amis très chers de notre Créateur lui-même. En vue précisément de nous rendre plus confiants avec lui, « il s'est anéanti » (Ph. 2, 7) pour ainsi dire, s'abaissant jusqu'à se faire homme pour « converser familièrement avec les hommes ». (Bar. 3, 38). Ce n'était pas assez : il s'est fait enfant ; il s'est fait pauvre ; il s'est même laissé mettre à mort, par arrêt de justice, devant tout un peuple, sur une croix. Plus encore: il va jusqu'à se placer sous les espèces du pain pour se faire notre compagnon de tous les jours et s'unir, d'intime union, à chacun de nous : « Celui, dit-il, qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui ». (Jn 6, 57). Bref, on dirait qu'il n'a d'amour que pour vous, tant il vous aime. Aussi, est-ce lui que vous devez aimer, et nul autre. De lui, vous pouvez et vous devez dire : « Mon Bien-Aimé est à moi et je suis à Lui » (Ct. 2, 16) ; mon Dieu s'est donné à moi sans réserve, et sans réserve à lui je me donne ; j'ai été choisi par lui comme objet de sa tendresse ; et lui, « entre mille, entre tous, lui, blanc et vermeil, si aimable et si aimant, il est l'élu » (Cant. 5, 10) de mon cœur, celui que je veux uniquement aimer.
3. Dites-lui donc souvent : Mon doux Seigneur, pourquoi m'aimez-vous à ce point ? Que voyez-vous de bon en moi ? avez-vous oublié quelles offenses je vous ai faites ? Ah ! dès lors que vous m'avez traité avec tant d'amour, au lieu de m'envoyer en enfer, vous m'avez comblé de vos grâces, à qui donc voudrai-je désormais porter mon amour, sinon à vous, ô Bien qui êtes mon bien et tout mon bien ? Mon Dieu, Dieu tout aimable, dans mes péchés passés, ce qui m'afflige le plus, ce ne sont point les châtiments que j'ai mérités : c'est le déplaisir que je vous ai causé, à vous qui êtes digne d'un amour infini. Mais vous ne savez pas « mépriser un cœur qui se repent et s'humilie ». (Ps. 50, 19). Ah ! désormais, pour cette vie et pour l'autre, mon cœur n'aspire plus qu'à vous posséder, vous. « Qu'y a-t-il pour moi au ciel, et hormis vous, qu'est-ce que je désire sur la terre ? Vous êtes le Dieu de mon cœur, le Dieu qui est mon partage pour l'éternité » (Ps. 72, 25-26). Oui, vous êtes et à jamais vous serez l’unique Maître de mon cœur, de ma volonté, et mon unique trésor, mon paradis, le terme de mes espérances et de mes affections, mon tout, en un mot : vous, le Dieu de mon cœur et mon partage pour toujours.
4. Il faut affermir toujours davantage votre confiance en Dieu. Pour cela, rappelez-vous fréquemment la conduite, toute de tendresse, qu'il a tenue à votre égard, les doux moyens qu'a employés sa miséricorde pour vous ramener des chemins où vous vous égariez, vous dégager de vos attaches à la terre, et vous attirer à son saint amour. Craignez, dès lors, cette crainte même qui vous retiendrait de traiter votre Dieu avec une confiante liberté, maintenant que vous vous êtes arrêtée à la résolution de l'aimer et de le servir selon votre pouvoir.
Les miséricordes dont vous avez été l'objet sont des gages extrêmement sûrs de son amour pour vous. Or, quand Dieu aime une âme et qu'il en est sincèrement aimé, il lui déplaît de trouver en elle de la défiance. Si donc vous voulez réjouir son Cœur si aimant, allez à lui, à partir de ce jour, dans toute la mesure que vous pourrez atteindre, avec la plus entière confiance et la plus libre tendresse.
« J'ai gravé ton nom sur mes mains, disait le Seigneur à Jérusalem : tes murailles sont toujours devant mes yeux ». (Is. 49, 16). Ainsi vous parle-t-il à vous-même: « Âme chérie, que crains-tu ? pourquoi cette défiance ? Ton nom, je le porte écrit dans mes mains : c'est-à-dire que je ne perds jamais de vue le bien à te faire. Ce sont tes ennemis qui te font trembler ? Sache que le souci de ta défense est tellement présent à ma pensée, qu'il m'est impossible de m'en distraire ».
Cette assurance mettait David en joie. « Seigneur, s'écriait-il, votre bienveillance nous couvre comme un bouclier » (Ps. 5, 13) ; qui jamais pourra nous nuire alors que votre bonté et votre amour nous enveloppent de toutes parts pour nous défendre ?
Par-dessus tout, avivez votre confiance par la pensée du don que Dieu nous a fait de Jésus-Christ: « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique ». (Jn 3, 16). D'où pourrait, s'écrie l'Apôtre, nous venir la crainte que Dieu nous refusât aucun bien, après qu'il a daigné nous faire donation de son Fils même: « Il l'a livré pour nous tous : comment ne nous aurait-il pas donné aussi toutes choses avec lui ? »» (Rm. 8, 32).
5. « Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes ». (Pr. 8, 31). Le paradis de Dieu, pouvons-nous dire, c'est le cœur de l'homme. Dieu vous aime ? Aimez-le. Ses délices sont d'être avec vous ? Mettez vos délices à rester avec lui, à passer votre vie entière en sa tout aimable compagnie, qui sera, vous l'espérez bien, le charme de votre
L'entretien avec Dieu est agréable et facile
6. Prenez l'habitude de vous entretenir seul à seul avec Dieu, familièrement, avec confiance et amour, comme avec l'ami le plus cher que vous ayez, et le plus affectueux.
C'est une grande erreur, nous l'avons vu, de mettre de la défiance dans nos rapports avec Dieu, de ne vouloir jamais paraître en sa présence que comme un esclave timide et honteux, tout tremblant d'épouvante devant son Maître. Mais c'est une erreur plus grande encore de s'imaginer que la conversation avec Dieu n'ait que peine et ennui. Oh ! non, cela n'est pas: « Il n'y a pas d'amertume à converser avec lui, ni d'ennui à vivre auprès de lui ! » (Sg. 8, 16). Interrogez les âmes qui l'aiment de vrai amour : elles vous diront que, dans les épreuves de la vie, elles trouvent leur meilleure et plus solide consolation à s'entretenir amoureusement avec Dieu.
7. On ne réclame pas de vous une application continuelle de l'esprit, qui vous fasse oublier vos affaires, ni même vos délassements. La seule chose qu'on vous demande, c'est que, sans négliger vos occupations, vous vous comportiez avec Dieu comme vous agissez, dans les différentes circonstances qui se présentent, avec les personnes qui vous aiment et que vous aimez.
8. Votre Dieu est toujours auprès de vous, voire au-dedans de vous: « En lui, nous avons la vie, le mouvement et l'être ! » . Qui désire lui parler n'a pas à faire antichambre, loin de là : Dieu désire vous voir le traiter sans cérémonie. Entretenez-vous avec lui de vos affaires, de vos projets, de vos ennuis, de vos craintes, de tout ce qui vous intéresse. L'essentiel, je le répète, c'est que vous le fassiez sans gêne et à cœur ouvert.
Dieu, en effet, ne parle guère à l'âme qui ne lui parle pas et qui, dès lors, n'entendrait que difficilement sa voix, n'étant pas habituée à converser avec lui. C'est de quoi il se plaint dans le Cantique des cantiques « Notre sœur est encore une entant dans mon amour : Comment ferons-nous pour lui parler, si elle ne comprend pas ? »
Sans doute, Dieu, alors que nous repoussons sa grâce, se montre à nous comme le Maître tout-puissant, dont la colère est redoutable; mais, dès que nous l'aimons, tout change : il veut alors être traité comme l'ami le plus affectionné et que nous soyons à l'aise avec lui, que nous lui parlions souvent et de façon toute familière.
9. Il est vrai que nous devons toujours à Dieu un souverain respect : mais quand il vous favorise du sentiment de sa présence et qu'il vous sollicite à lui parler comme au meilleur de vos amis, laissez aller votre cœur librement et en toute confiance.
« Il prévient ceux qui le désirent ardemment, afin de se montrer à eux le premier ». (Sg. 6, 14). Non, il n'attend pas que vous alliez à lui : dès que vous désirez son amour, il vous prévient, il se présente à vous, vous apportant grâces et remèdes selon vos besoins. A peine aurez-vous parlé à votre tour, qu'il vous révélera sa présence par sa promptitude à vous écouter et à vous consoler, car son « oreille est ouverte, se tend à votre prière ». (Ps. 33, 16).
10. Par son immensité, Dieu se trouve partout ; mais il a deux sanctuaires préférés dont il a fait sa propre demeure : l'un est le ciel empyrée, où, par sa présence, il communique sa gloire aux bienheureux ; l'autre est sur la terre : c'est l'âme humble dont il est aimé. « Il habite avec le cœur contrit et avec l'esprit humble ». (Is. 57, 15).
Ainsi donc, notre Dieu, qui a son trône au plus haut des cieux, ne dédaigne pas de passer les jours et les nuits avec ses serviteurs dans leurs grottes ou leurs cellules : là, il leur fait part de ses divines consolations, dont une seule dépasse les délices que le monde pourrait accumuler ; à ne pas les désirer, il n'y a que celui qui ne les a pas goûtées: « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux ». (Ps. 33, 9).
11. Les autres amis — ceux du monde — ont des heures pour s'entretenir, des heures aussi où il leur faut bien rester séparés : entre Dieu et vous, si vous le voulez, il n'y aura jamais d'heure de séparation. « Tu reposeras, et doux sera ton sommeil ... Car le Seigneur sera à ton côté ». (Pr. 3, 24-26) Tandis que tu dormiras, il se tiendra près de toi, et, si tu t'éveilles, il veillera sur toi. — Vous pouvez dire : « Je reposerai avec lui » (Sg. 8, 16). « Et il sera l'encourageant conseiller de ma pensée ». (Sg. 8, 9).
En vérité, pendant votre repos même, Dieu ne s'éloigne pas de votre chevet et continue à penser à vous sans relâche. Il veut, si vous vous éveillez, vous parler par ses inspirations et recevoir de vous quelque acte d'amour, d'offrande, de remerciement, pour entretenir ainsi avec vous, même durant ces heures de la nuit, une aimable et douce conversation. Il pourra même arriver qu'il vous parle durant votre sommeil, qu'il vous fasse entendre ses volontés, pour que, à votre réveil, vous les mettiez à exécution: « Je lui parlerai en songe ». (Nb. 12, 6).
12. Le matin, il est là encore, pour cueillir sur vos lèvres une parole d'affection ou de confiance, pour recevoir la confidence de vos premières pensées et l'offrande de toute votre journée : actes de vertu et bonnes œuvres auxquels vous promettez de vous employer pour lui plaire, peines que vous vous déclarez prêt à souffrir volontiers pour sa gloire et son amour.
Voyant votre Dieu si empressé à se présenter à vous dès le moment de votre réveil, ne manquez pas, de votre côté, de jeter sur lui un regard plein d'amour, de laisser votre âme s'épanouir à l'entendre vous donner lui-même la douce assurance qu'il n'est pas loin de vous, comme au temps malheureux où vos péchés le tenaient à l'écart, qu'il vous aime et qu'il veut être aimé de vous : à ce moment-là même, il vous dicte son suave précepte: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur ». (Dt. 6, 5).
De quoi faut-il parler à Dieu ?
13. N'oubliez donc jamais sa douce présence, comme font, hélas ! la plupart des hommes. Parlez-lui le plus souvent que vous pouvez : il n'en marquera ni ennui, ni dédain, à la façon des grands seigneurs. Si vous l'aimez, vous trouverez toujours que lui dire. Parlez-lui de tout ce qui vous est à cœur, de vous-même, de vos intérêts, comme vous en parleriez à un ami dévoué. N'allez pas le tenir pour un souverain altier qui ne consent à traiter qu’avec des personnages importants et d'affaires importantes. Notre Dieu, lui, se plaît à descendre jusqu'à nous, et jouit de ce que nous le mettions au courant, dans le détail, de nos occupations les plus banales, les moins relevées. Il vous aime et il a soin de vous, comme s'il n'avait à penser qu'à vous seul. Vos intérêts retiennent toute son attention : c'est au point, dirait-on, qu'il n'emploie sa providence qu'à vous secourir, sa toute-puissance qu'à vous aider, sa miséricorde et sa bonté qu'à vous porter compassion, à vous faire du bien, et à gagner par ses délicates prévenances votre confiance et votre amour.
Mettez donc sous ses yeux, avec une complète liberté, le fond de votre âme, et priez-le de vous guider en vue de l'exécution parfaite de sa sainte volonté : n'ayez, d'ailleurs, en tous vos désirs et projets, d'autre pensée que de rencontrer son bon plaisir et de contenter son Cœur divin. « Découvre la voie au Seigneur (Ps. 36, 5), et demande-lui qu'il dirige tes voies et que tous tes desseins demeurent fermes en lui ». (Tb. 4, 20).
14. Vous allez dire : « A quoi sert-il de découvrir à Dieu tous mes besoins, alors qu'il les voit et les connaît bien mieux que moi-même ? » Il les connaît, oui ; mais les nécessités dont on ne lui parle pas, pour lesquelles on n'implore pas son assistance, Dieu fait comme s'il les ignorait. Notre bon Sauveur savait bien que Lazare était mort: il n'en attendit pas moins que ses sœurs lui en eussent parlé, et alors il les consola par la résurrection de leur frère.
15. Aussi, lorsqu'il vous survient une affliction : maladie, tentation, mauvais procédés du prochain ou une autre épreuve quelconque, vite recourez au Seigneur pour que sa main vous soutienne. Il suffira que vous mettiez sous son regard votre souffrance, en lui disant : « Voyez, Seigneur, la tribulation où je suis ». (Thrèn. I, 20). Il ne manquera pas de vous consoler, ou, tout au moins, de vous donner force et patience pour supporter votre épreuve ; ce qui vous sera de plus grand profit que d'en être entièrement délivré.
Manifestez-lui toutes les pensées de crainte ou de tristesse qui vous tourmentent. « Mon Dieu, lui direz-vous, mon espoir est en vous seul; je vous offre cette peine et je me résigne à votre volonté ; mais vous, ayez pitié de moi : ou délivrez-moi de cette croix, ou donnez-moi le courage de la porter ». Vous le verrez, n'en doutez pas, tenir la promesse qu'il a faite, dans son Évangile, de donner la consolation ou la force à ceux qui recourent à lui dans leurs épreuves. « Venez à moi, Vous tous qui êtes fatigués et qui ployez sous un fardeau. et je vous ranimerai ». (Mt. 11, 28).
16. Ce n'est pas que Dieu s'offense si vous cherchez quelque adoucissement à vos peines auprès de vos amis ; mais il veut être votre principal appui. Aussi, au moins quand vous aurez eu recours aux créatures et qu'elles n'auront pu donner à votre cœur la consolation, réfugiez-vous auprès du Créateur, et dites-lui : « Mes amis n'ont que des paroles » (Jb 16, 21), des paroles impuissantes, et je ne veux plus chercher auprès des hommes mon réconfort. Vous seul êtes mon espérance, comme vous êtes mon amour : c'est vous seul que je veux pour consolateur ; que ma meilleure consolation soit de me conformer, en cette occasion, à votre bon plaisir. J'accepte, s'il le faut, de souffrir cette peine durant toute ma vie ; je l'accepterais éternelle, si vous le vouliez ainsi ; mais vous, mon Dieu, soyez mon soutien.
17. Il ne déplaît point à Dieu que, parfois, vous vous plaigniez doucement à lui. Ne craignez pas de lui dire: « Pourquoi, Seigneur, vous êtes-vous retiré au loin ? » (Ps. 9, 22). Vous savez bien que je vous aime et que je n'aspire qu'à votre amour. Par charité, secourez-moi, ne m'abandonnez pas.
Si la désolation se prolonge et que votre angoisse soit extrême, unissez votre voix à celle de Jésus, de Jésus mourant accablé sur la croix ; dites, en implorant la pitié divine: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? » (Mt. 27, 46). Mais profitez de cette épreuve, d'abord pour vous abaisser davantage, en vous répétant qu'on ne mérite point de consolations quand on a offensé Dieu ; puis, pour aviver davantage votre confiance, en vous rappelant que, quoi qu'il fasse ou permette, Dieu n'a en vue que votre bien, et qu'ainsi « toutes choses coopèrent au bien » (Rm. 8, 28) de votre âme. Plus le trouble et le découragement vous assiègent, plus vous devez vous armer d'un grand courage et vous écrier : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut; qui craindrai-je ? » (Ps. 26, 1). Oui, Seigneur, c'est vous qui m'éclairerez, c'est vous qui me sauverez; en vous je me confie, « en vous j'ai mis mon espoir : Je ne serai pas confondu à jamais ». (Ps. 30, 2). Établissez-vous ainsi dans la paix, certain que « nul n'a espéré dans le Seigneur et n'a été confondu » (Si. 2, 11), nul ne s'est perdu alors qu'il avait placé sa confiance en Dieu.
Pesez ceci : votre Dieu vous aime plus que vous ne pouvez vous aimer vous-même; dès lors, qu'avez-vous à craindre ? « Le Seigneur a souci de moi » , répétait David, et cette pensée le réconfortait. Dites à votre tour: « Dans vos bras, Seigneur, je m'abandonne ; je n'admets d'autre souci que de vous aimer et de vous plaire : me voici prêt à faire tout ce que vous voudrez. Vous, vous avez plus que le désir de me faire du bien, vous en aurez le souci : c'est donc à vous que je laisse le soin de mon salut, puisque vous m'ordonnez de placer en vous tous mes espoirs. « Je m'endormirai et me reposerai en paix, parce que vous-même, Seigneur, m'avez affermi dans l'espérance en votre seule protection ». (Ps. 4, 9-10).
18. « Ayez du Seigneur des sentiments dignes de sa bonté ». (Sg. 1, 1). Par ces paroles, le Sage nous exhorte à nous confier en la miséricorde de Dieu bien plus que nous ne craignons sa justice. Dieu, en effet, est immensément plus enclin à bénir qu'à châtier, selon la parole de saint Jacques: « La miséricorde s'élève au-dessus de la justice ». (Jc. 2, 13). De là cette recommandation de l'apôtre saint Pierre: « Déchargez-vous sur Dieu de toutes vos sollicitudes, parce qu'il a lui-même soin de vous ». (I Pi. 5, 7). Il s'agit là de nos anxiétés au sujet de nos intérêts aussi bien temporels qu'éternels : nous devons nous abandonner sans réserve à la bonté de Dieu, mais surtout nous fier au soin extrême qu'il prend de notre salut.
Et, à ce propos, comme il est beau le titre que David donne au Seigneur : « Notre Dieu, dit-il, est le Dieu qui sauve ! » (Ps. 67, 21 ). Cela veut dire, comme l'explique saint Robert Bellarmin, que « l'emploi propre de Dieu est de sauver » non de condamner. En effet, s'il se contente de menacer de sa colère ceux qui le méprisent, c'est une promesse assurée de sa miséricorde qu'il fait à ceux qui le révèrent, ainsi que la divine Mère l'a chanté : « Sa miséricorde se répand sur ceux qui le craignent ». (Lc 1, 50).
Âme dévote, j'accumule à dessein ces passages de l’Écriture. Il vous arrive de vous demander avec angoisse si vous serez sauvée ou non, si vous êtes ou non prédestinée, vous qui pourtant êtes résolue de le servir et de l'aimer comme il vous le demande. Laissez votre cœur s'épanouir, et comprenez, aux promesses que vous fait ce Dieu, quel désir il a lui-même de vous sauver.
19. Certaines âmes recourent bien à Dieu dans l'affliction, mais vienne la prospérité, elles l'oublient et l'abandonnent. C'est là trop d'infidélité et d'ingratitude. N'agissez pas ainsi.
Quand vous recevez quelque nouvelle agréable, usez-en avec Dieu comme avec un ami dévoué et qui s'intéresse à votre bonheur. Vite, faites-lui part de votre joie, reconnaissez qu'elle est un don de sa main; louez-le, remerciez-le. Que le meilleur, pour vous, dans cette joie, soit d'y trouver son bon plaisir. C'est ainsi que vous placerez en Dieu toute votre allégresse, toute votre consolation: « Je tressaillirai de joie en Dieu mon Sauveur. Je chanterai au Seigneur qui m'a comblé de biens ». (Ps. 12, 6).
Parlez ainsi à Jésus: « Je vous bénis et toujours je vous bénirai : vous me faites tant de grâces ! Et ce ne sont pas des grâces, mais des châtiments que je mériterais, moi qui vous ai tant offensé ». Dites-lui encore avec l’Épouse sacrée : « Toutes les sortes de fruits, anciens et nouveaux, ô mon Bien-Aimé, je vous les ai gardés ». (Ct. 7, 13). Ces fruits, ce sont vos faveurs, dont je vous remercie ; anciennes ou nouvelles, j'en garde le souvenir pour vous en rendre gloire éternellement.
20. Mais puisque vous aimez Dieu, vous devez vous réjouir de ses joies plus encore que des vôtres. Il se rencontre qu'un ami, dans l'ardeur de l'amitié, goûte le bonheur de son ami plus que le sien propre.
Soyez donc heureux de savoir que votre Dieu est heureux infiniment. Dites-lui souvent: « Mon Seigneur adoré, je jouis plus de votre félicité que de tout ce qui m'est bon à moi : oh ! oui, car je vous aime plus que je ne m'aime moi-même ».
21. Voulez-vous donner au Dieu qui vous aime une marque d'intime confiance dont il sera extrêmement touché ? Quand vous commettez quelque faute, n'hésitez point à courir aussitôt vous jeter à ses pieds pour lui demander pardon.
Comprenez-le bien, Dieu est si enclin à pardonner que, si les pécheurs s'obstinent à vivre loin de lui, privés de la vie de la grâce, il gémit sur leur perdition et leur fait entendre ces appels de sa tendresse: « Pourquoi voulez-vous mourir, maison d'Israël, ô mon peuple ? Revenez à moi et vivez ». (Ez. 18, 31-32). Il promet d'accueillir l'âme fugitive, dès qu'elle vient se jeter dans ses bras : « Revenez à moi, et je reviendrai à vous ». (Za. I, 3).
Oh ! si les pauvres pécheurs comprenaient avec quelle bonté Notre-Seigneur les attend pour leur pardonner ! « Le Seigneur attend le moment d'avoir pitié de vous ». (Is. 30, 18). S'ils comprenaient qu'il a hâte, non de les châtier, mais de les voir convertis, afin de les embrasser et de les serrer sur son cœur ! Écoutons sa déclaration solennelle: « Par ma vie, dit le Seigneur Dieu, je ne veux pas la mort de l'impie, mais que l'impie se détourne de sa voie, et qu'il vive ». (Ez. 33, 11). Il va jusqu'à dire : « Et venez, et accusez-moi, dit le Seigneur : quand vos péchés seraient comme l'écarlate, ils deviendront blancs comme la neige ». (Is. 1, 18). Adjuration dont voici le sens : « Pécheurs, repentez-vous de m'avoir offensé, puis venez à moi; et si je ne vous pardonne pas, “accusez-moi”, adressez-moi des reproches, traitez-moi de parjure. Mais non, non, je ne vous manquerai pas de parole; répondez à mon appel et, si cramoisies que soient vos âmes par les péchés accumulés, sachez que ma grâce leur donnera la blancheur de la neige ».
22. Enfin — Dieu l'a déclaré formellement — quand une âme se repent de l'avoir offensé, il perd jusqu'au souvenir de ses péchés: « De toutes ses iniquités, je ne me souviendrai pas. »(Ez. 18, 22).
Ainsi donc, dès que vous êtes tombé en quelque faute, levez les yeux vers Dieu, offrez-lui un acte d'amour, et, confessant votre péché, comptez fermement sur son pardon. Exprimez-lui ces sentiments : « Seigneur, cette âme que vous aimez est malade » (Jn l I, 3), couverte de plaies : « guérissez mon âme, car j'ai péché contre vous ». (Ps. 40, 5). Vous allez à la recherche des pécheurs repentants : je vais de mon côté à votre recherche, me voici à vos pieds. Hélas ! le mal est fait: qu'attendez-vous de moi ? Vous ne voulez pas que je me décourage ; même après ce péché, vous m’aimez encore, et moi aussi je vous aime. Oui, mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur, et je regrette le déplaisir que je vous ai causé ; je suis résolu de ne plus retomber. Vous qui êtes un Dieu « suave et doux, et riche en miséricorde » (Ps. 85, 5), pardonnez-moi; adressez-moi la même parole qu'à Madeleine : « Tes péchés te sont remis » (Lc 7, 48), et donnez-moi pour l'avenir la force de vous rester fidèle.
23. Pour ne point tomber dans le découragement, ne manquez pas de jeter alors un regard sur Jésus en croix ; offrez ses mérites au Père Éternel, et, par là, ayez l'espérance assurée de votre pardon ; car c'est pour vous pardonner à vous que Dieu « n'a pas épargné son propre Fils. » (Rom. 8, 32). Dites-lui avec confiance: Mon Dieu, « jetez les yeux sur la face de votre Christ » (Ps. 83, 10), de votre Fils mort pour moi, et, pour l'amour de ce divin Fils, pardonnez-moi.
Gravez, âme dévote, gravez très profondément dans votre esprit cet enseignement, commun aux maîtres de la vie spirituelle : il faut, après vos infidélités, revenir tout de suite à Dieu, alors même que vous tomberiez cent fois le jour ; et, cela fait, vous remettre aussitôt dans la paix. Sinon, votre âme restant découragée et troublée par la faute commise, vos rapports avec Dieu se feront rares, la cordiale confiance sera absente, le désir d'aimer Dieu s'alanguira, et vous ne serez plus guère en état d'avancer dans la voie du Seigneur. Au contraire, si vous recourez sans retard à Dieu pour lui demander pardon et lui promettre de vous amender, les chutes mêmes serviront à vous faire entrer plus avant dans le divin amour. Entre amis qui s'aiment du fond du cœur, il n'est pas rare qu’un froissement réparé par d'humbles excuses, resserre encore l'amitié. Faites qu'il en soit ainsi entre Dieu et vous : utilisez vos fautes pour rendre plus étroite votre union d'amour avec lui.
24. Il vous arrive d'être embarrassé devant une décision à prendre ou un conseil à donner. Ici encore, ne craignez pas et ne manquez pas d'agir avec Dieu comme font entre eux les amis fidèles. En toute occasion, ils se consultent : consultez Dieu, priez-le de vous suggérer la solution qui sera davantage de son gré : « Seigneur, mettez sur mes lèvres la parole à dire, et dans mon cœur la résolution à prendre ! » (Judith 9, 18). Suggérez-moi ce qu'il faut que je fasse ou réponde, et ainsi je ferai. « Parlez, Seigneur, car voire serviteur écoute ». (1 R., 3, 10).
25. Donnez encore à Dieu ce témoignage d'amicale confiance de l'entretenir, non seulement de vos affaires personnelles, mais aussi de celles du prochain. Quel grand plaisir vous procurerez à son cœur, si, allant même parfois jusqu'à oublier vos propres soucis, vous lui rappelez les intérêts de sa gloire, et les infortunes d'autrui ! Recommandez-lui spécialement les malheureux qui sont dans les larmes, les âmes du purgatoire — ses chères épouses qui soupirent après sa vue — et les pauvres pécheurs qui vivent privés de sa grâce. Intercédez tout particulièrement pour ceux-ci. « Seigneur, direz-vous, n'êtes-vous pas tout aimable ? ne méritez-vous pas un amour infini ? Et comment donc supportez-vous que tant d'âmes, de par le monde, des âmes comblées de vos bienfaits, se refusent à vous connaître, se refusent à vous aimer, ne craignent pas de vous offenser et de vous mépriser ? O Dieu, si digne de tout amour, faites-vous connaître et faites-vous aimer. Sanctificetur nomen tuum, adveniat regnum tuum : que votre nom soit adoré et béni par tous, que votre amour règne dans tous les cœurs ! Ah ! ne me laissez point partir sans m'accorder quelque grâce pour ces infortunés dont j 'implore la grâce !
26. On dit que, dans le purgatoire, il y a une peine particulière, appelée peine de langueur, infligée aux âmes qui, en cette vie, ont peu désiré le paradis ; et ce n'est que justice. Le ciel est un si grand bien ! notre Rédempteur nous l'a gagné par sa mort : n'est-ce pas le mésestimer que de le désirer peu ?
Ne vous laissez pas aller à cette négligence, âme dévote : soupirez souvent après le paradis. Dites à Dieu que les jours vous paraissent des siècles, dans l'attente du bonheur de le voir et de l'aimer face à face. Aspirez à échanger cet exil, ce séjour du péché où vous courez sans cesse le risque de perdre sa grâce, contre la patrie de l'amour où vous l'aimerez avec la plénitude de vos forces.
Répétez-lui souvent : « Seigneur, tant que je vis sur la terre, je suis en perpétuel danger de vous abandonner et de perdre votre amitié. Quand donc pourrai-je enfin quitter cette vie où toujours je vous offense, pour aller vous aimer au ciel de toute mon âme, et m'unir à vous sans plus aucune crainte de séparation ? »
C'était là l'objet des perpétuels soupirs d'une sainte Thérèse ; chaque fois que l'heure sonnait, elle tressaillait de joie, à penser qu'elle avait une heure de moins à vivre dans le péril de perdre Dieu. Son désir de mourir pour voir Dieu était si brûlant qu'elle en était consumée à en mourir ; c'est ce qui lui inspira son cantique d'amour : « Je me meurs de ne point mourir ».
27. Concluons. Si vous voulez charmer le Cœur aimant de votre Dieu, appliquez-vous à lui parler le plus souvent possible, et, en quelque sorte continuellement, avec la plus entière et la plus confiante liberté. Il ne dédaignera pas de vous répondre et d'entretenir pour sa part la conversation. Il ne se fera point entendre de vous par une voix extérieure qui frappera vos oreilles, mais par un langage intérieur que votre cœur saisira fort bien : il suffit pour cela de vous détacher assez du commerce des créatures pour rester en tête-à-tête avec votre Dieu : « Je la mènerai dans la solitude, et je parlerai à son cœur » (Os. 2, 14).
Il vous parlera par ces inspirations, par ces lumières intérieures, par ces impressions révélatrices de sa bonté, par ces touches suaves au cœur, par ces assurances de pardon, par ces avant-goûts de paix céleste, par ces attentes du bonheur éternel. par ces jubilations intenses, par ces douces prévenances de sa grâce, par ces embrassements et étreintes de son amour, en un mot par tout ce langage de l'amour que comprennent bien les âmes dont il est aimé et qui ne cherchent que lui.
Pratique détaillée de la conversation avec Dieu
28. Avant de terminer, je crois bon, tout en résumant les conseils épars ci-dessus, de vous tracer une méthode pratique pour utiliser, en vue de plaire à Dieu, les détails de chacune de vos journées.
Le matin, dès votre réveil, que votre première pensée soit d'élever votre cœur vers Dieu, de lui offrir et consacrer toutes les actions et souffrances de ce jour, en lui demandant l'aide de sa grâce. Faites ensuite les actes du chrétien pour le matin : actes de remerciement, d'amour, de demande, accompagnés du bon propos de passer ce jour comme si c'était le dernier de votre vie.
Le Père Saint-Jure vous suggère de convenir avec Dieu d'un signe par lequel, chaque fois que vous le feriez, vous entendriez exprimer un sentiment de votre âme. Le signe serait de porter la main à votre cœur, de lever les yeux au ciel, de regarder le crucifix, ou autre chose semblable ; l'acte renouvelé par là, celui d'amour de Dieu, ou de désir de voir Dieu aimé par tous, ou d'offrande de vous-même, ou tel autre acte à votre choix. Vous pouvez renouveler cette convention chaque matin.
Placez votre âme dans le côté sacré de Jésus et sous le manteau de Marie. Priez le Père Éternel. pour l'amour de Jésus et de Marie. de vous garder durant ce jour.
Après quoi — et, autant que possible avant toute autre action et pendant une demi-heure au moins — faites votre oraison ou méditation.
Que le sujet préféré et habituel de vos méditations soit la Passion de Jésus-Christ, les souffrances et les mépris qu'il a endurés. C'est là le sujet d'oraison le plus cher aux âmes aimantes, et le plus propre à les enflammer d'amour divin. Il y a trois dévotions que, par-dessus toutes les autres, vous aurez particulièrement à cœur, si vous voulez avancer dans la vie spirituelle : la dévotion à la Passion, la dévotion au Saint-Sacrement, et la dévotion à la Sainte Vierge.
Dans l'oraison même, multipliez les actes de contrition, d'amour de Dieu et d'offrande de vous-même. Au dire du vénérable Père Charles Carafa, Fondateur des Pieux Ouvriers, un bon acte d'amour de Dieu, le matin dans l'oraison, c'en est assez pour maintenir l'âme dans la ferveur toute la journée.
29. Je n'entre pas ici dans le détail de vos différents exercices de piété : confession. communion, grand ou petit office, etc. …
Dans votre activité extérieure : étude, travail manuel, occupations variées de votre état, ne manquez pas, au commencement de chaque action de l'offrir à Dieu, en lui demandant son assistance pour vous en acquitter parfaitement. A l'exemple de sainte Catherine de Sienne, regardez votre cœur comme un oratoire secret, où vous vous retirez souvent pour vous y unir à Dieu. En un mot quoi que vous lassiez, faites-le avec Dieu et pour Dieu.
En sortant de votre chambre ou de votre maison, et aussi en y rentrant, recommandez-vous à la divine Mère par la récitation d'un Ave Maria.
En allant à table, offrez à Dieu tout ce que vous éprouverez de désagréable ou d'agréable dans le boire et le manger. Après le repas, rendez grâces en disant : « Seigneur, que de bien vous faites à qui vous a tant offensé ! »
Dans la journée, n'omettez point votre lecture spirituelle, la visite au Saint-Sacrement et à la Sainte Vierge, ni le chapelet.
Le soir, après l'examen de conscience et les actes du chrétien : foi, espérance, charité, contrition et bon propos, renouvelez l'intention de recevoir les sacrements pendant la vie et à la mort et de gagner les indulgences attachées à cette réception.
En vous mettant au lit, pensez que vous devriez être dans le feu de l'enfer. Endormez-vous en tenant embrassé le crucifix, et dites : « Sous votre protection, ô mon Sauveur, je dormirai et je reposerai en paix ». (Ps. 4, 9).
30. Je veux ici, en passant et brièvement, vous rappeler les indulgences attachées à la récitation de certaines prières et à certains actes de dévotion.
Notez qu'il est bon de former, dès le matin. l'intention de gagner ce jour-là toutes les indulgences que l'on pourra.
Pour les actes des vertus théologales. trois ans pour chacun d'eux ; pour la récitation quotidienne durant un mois, indulgence plénière, applicable aux âmes du purgatoire ; indulgence plénière pour soi-même à l'article de la mort, si l'on a récité ces actes fréquemment durant sa vie.
Ayez l'intention de gagner les indulgences attachées à l'usage d'un chapelet bénit ; à la récitation du rosaire ou d'une partie du rosaire ; à l’Angelus, trois fois le jour ; aux litanies de la Sainte Vierge, au Salve Regina, à l'Ave Maria et au Gloria Parti. — Indulgences à qui récite cette invocation : Bénie soit la Sainte et Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu ; ou celle-ci : Loué et adoré soit toujours le Très Saint Sacrement ; ou la prière Anima Christi ; ou le Gloria Patri ainsi que les saints noms de Jésus et de Marie ; à qui entend la messe ; à qui fait oraison mentale : et si l'on s'en acquitte tous les jours une demi-heure, ou au moins un quart d'heure, indulgence plénière une fois le mois, moyennant confession et communion : à qui fait la génuflexion devant le Saint-Sacrement ; à qui baise la croix. Ayez l'intention de gagner les indulgences attachées à vos pratiques de dévotion.
31. Pour vous maintenir, autant qu'il est possible, dans un perpétuel recueillement et dans l'union à Dieu, appliquez-vous à profiter de tout ce que vous voyez ou entendez pour élever votre esprit vers Dieu ou donner une pensée à 1' éternité. Voici quelques exemples.
Quand vous voyez une eau qui s'écoule. songez qu'ainsi s'écoulent vos jours et que vous courez vers la mort.
Quand vous voyez une flamme qui s'éteint faute d'aliment, dites-vous qu'ainsi, un jour, s'éteindra votre vie.
A la rencontre d'un convoi funèbre ou à la vue d'une personne morte, considérez que c'est là le sort qui vous attend, vous aussi.
Quand vous voyez les heureux de la terre se réjouir de leurs grandeurs ou de leurs richesses, compatissez à leur folie, et dites: « A moi, Dieu suffit. Les uns ont leurs chars; les autres, leurs chevaux : nous, nous avons le nom du Seigneur ». Que les insensés se glorifient de ce qui n'est que vanité : pour moi, il n'est d'autre gloire que d'être aimé de Dieu et de l'aimer ! »
Au spectacle des funérailles pompeuses ou devant les mausolées magnifiques de défunts illustres, dites-vous : « S'ils sont damnés. de quoi leur servent ces splendeurs ? »
Une mer tranquille ou soulevée par la tempête vous rappellera quelle différence il y a entre une âme dans la grâce de Dieu et une âme dans sa disgrâce.
Un arbre desséché vous sera l'image d'une âme privée de la vie divine et qui n'est bonne qu'à être jetée au feu.
S'il vous arrivait de voir un coupable trembler de honte ou d'épouvante devant son juge, ou son père, ou son supérieur, songez à l'effroi du pécheur au tribunal de Jésus-Christ.
Quand le tonnerre gronde et vous impressionne, pensez à la terreur des malheureux damnés sur qui tombent sans cesse les foudres de la colère divine.
Si on vous parle du désespoir d'un condamné à mort devant son irrémédiable malheur, faites-vous une idée de l'accablement d'une âme condamnée à l'enfer, et qui doit se dire : « Il n'y a plus de remède à ma ruine éternelle ! »
32. Lorsque vous contemplez de riches campagnes, d'agréables rivages, des fleurs et des fruits qui vous charment par leur beauté ou leur parfum, dites: « Que de belles choses Dieu a faites pour moi, dès ici-bas ! Ne faut-il pas que je l'aime ? Et quelles autres délices il me réserve en paradis ! »
A la vue de riantes collines ou de quelque beau paysage, Sainte Thérèse se reprochait son ingratitude envers Dieu.
L'Abbé de Rancé, fondateur de la Trappe, trouvait dans les beautés de la nature un rappel à l'obligation d'aimer Dieu.
Pénétré de la même pensée, Saint Augustin s'écriait : « Le ciel, la terre, toutes les créatures, me prêchent, Seigneur, votre amour ».
On raconte d'un pieux serviteur de Dieu que, rencontrant par les champs, fleurs et herbettes, il les frappait doucement avec une baguette, en leur disant: « Silence ! ne me reprochez plus mon ingratitude envers Dieu. J'ai compris, c'est assez, taisez-vous ! »
Sainte Marie-Madeleine de Pazzi, lorsqu'elle avait en main un beau fruit, une jolie fleur, en recevait une blessure de divin amour, et elle se disait : « Mon Dieu à donc pensé, dès l'éternité, à créer ce fruit, cette fleur, pour me donner une marque de son amour ! »
33. Une rivière, un simple ruisseau, dont les eaux courent vers la mer sans que rien ne les arrête, vous rappelleront que votre âme doit toujours tendre vers Dieu, votre unique bien.
Quand, dans vos voyages, vous utilisez des animaux de selle ou de trait, dites-vous : « Quelle peine ne se donnent pas ces innocentes créatures pour me servir ! Et moi, qu'est-ce que je fais pour le service et le plaisir de mon Dieu ? »
En voyant un petit chien qui, pour un misérable morceau de pain, est si fidèle à son maître, demandez-vous combien plus vous devriez être fidèle à ce Dieu qui vous a créé, vous conserve la vie, étend sur vous sa providence et vous comble de tant de bienfaits !
Entendez-vous des oiseaux chanter ? « Mon âme, direz-vous, écoute comment ces petites créatures louent leur Créateur : et toi ? » Mettez-vous alors à le louer par des actes d'amour. Mais si c'est le chant du coq qui retentit, rappelez-vous que vous avez autrefois, comme Saint Pierre, renié votre Dieu, et renouvelez alors vos regrets et vos larmes. Pareillement, lorsque vous passez là où vous avez commis quelque faute, tournez-vous vers Dieu pour lui dire : « Seigneur, des fautes de ma jeunesse et de mes égarements, ne vous souvenez plus » (Ps. 24, 7).
34. A l'aspect des vallées, considérez qu'elles sont fertilisées par les eaux qui descendent des montagnes : ainsi les grâces du ciel descendent sur les humbles et délaissent les orgueilleux.
Quand vous admirez une église, belle et ornée, songez à la beauté d'une âme en état de grâce, vrai temple de Dieu.
Quand votre regard s'arrête sur la mer, réfléchissez à la grandeur et à l'immensité de Dieu.
A la vue d'un feu, de cierges allumés sur l'autel, dites: « Depuis combien d'années je devrais brûler en enfer ! Mais puisque vous m'avez épargné ce malheur, faites, ô mon Dieu, que mon cœur se consume maintenant d'amour pour vous, comme se consument ce brasier ou ces flambeaux ».
Quand vous contemplez le ciel étoilé, écriez-vous avec Saint André d'Avellin : « O mes pieds, un jour vous foulerez ces étoiles ! »
35. Il vous faut aussi rappeler souvent les mystères d'amour de notre bon Sauveur.
Voyez-vous de la paille, une crèche, une grotte ? pensez à Jésus Enfant dans l'étable de Bethléem.Quand vous apercevez des scies, des marteaux, des planches, des haches, rappelez-vous Jésus travaillant comme simple apprenti dans l'atelier de Nazareth.
Si votre regard s'arrête sur des cordes, des épines, des clous, des poutres, songez aux douleurs et à la mort de votre Rédempteur. Saint François d'Assise, à la vue d'un agneau se mettait à pleurer : « Mon doux Seigneur, disait-il. a été pour moi conduit à la mort comme un agneau ».
Enfin, autels, calices, ornements sacerdotaux, vous feront souvenir de l'immense amour qui débordait du Cœur de Jésus, alors qu'il nous donnait la Sainte Eucharistie.
36. Au cours de la journée. renouvelez fréquemment, à l'exemple de sainte Thérèse, l'offrande de vous-même à Dieu. « Seigneur, direz-vous, me voici : faites de moi ce que bon vous semble; donnez-moi de connaître votre volonté, car je veux l'accomplir tout entière ».
Multipliez aussi, le plus possible, les actes d'amour envers Dieu. C'est là, disait encore Sainte Thérèse, « le bois qui alimente dans le cœur le brasier du saint amour ». La vénérable Sœur Séraphine de Capri fut prise un jour, devant la mule du monastère, d'un sentiment de compassion ; elle s'écria : « Pauvre bête ! tu ne sais pas, tu ne peux pas aimer le bon Dieu ! » La mule se mit à pleurer : de ses yeux coulaient de grosses larmes en abondance. Tirez de là une leçon : que la vue des êtres privés de raison, incapables de connaître et d'aimer Dieu, vous peine, et unissez votre volonté à la sainte porte, vous qui le pouvez, à produire de nombreux actes d'amour.
Après une faute, humiliez-vous aussitôt, et, par un fervent acte d'amour, relevez-vous résolument.
Vous survient-il quelque chose de fâcheux ? offrez tout de suite à Dieu votre volonté de Dieu. Prenez l'habitude de redire dans chaque contrariété : « Dieu le veut ainsi, je le veux aussi ». Il n'est point d'actes d'amour aussi chers et aussi agréables au Cœur de Dieu que les actes de résignation.
37. Si vous avez à prendre une décision ou à donner un conseil. commencez par vous recommander à Dieu, puis agissez ou répondez.
A l'exemple de sainte Rose de Lima, répétez fréquemment, très fréquemment, cette prière: « Deus, in adjutorium meum intende : Seigneur, venez à mon aide; ne m'abandonnez pas à moi-même ».
Dans le même but, jetez souvent les yeux sur le crucifix ou sur l'image de la Sainte Vierge, que vous devez avoir dans votre chambre. Invoquez assidûment les noms de Jésus et de Marie, surtout aux heures de la tentation.
Dieu, étant la bonté infinie, ne désire que nous communiquer ses dons. Un jour, le vénérable Père Balthasar Alvarez vit notre Sauveur les mains remplies de grâces et cherchant sur qui les répandre. Encore veut-il que nous les lui demandions : « Demandez et vous recevrez » (Jn 16, 24) ; sinon, il retire sa main. Mais, par contre, il l'ouvre volontiers à l'âme qui le prie. « Qui donc, s'écrie l'Ecclésiastique, a invoqué le Seigneur et a été méprisé de lui ? » (Si. 2, 12). Qui a eu recours à lui. et a vu sa supplication repoussée ? Et David nous en assure, ce n'est pas seulement de miséricorde que Dieu use envers ceux qui le prient, mais de grande miséricorde : « car, Seigneur, vous êtes suave et doux. et votre miséricorde est abondante pour chacun de ceux qui vous invoquent » (Ps. 85, 5).
38. Oh ! que « le Seigneur est bon » et libéral, « pour l’âme qui le cherche » (Thrèn. 3, 25) avec amour ! Il va jusqu'à « se laisser trouver par qui ne le cherche point ». Combien plus volontiers se fera-t-il trouver par qui le cherche, et le cherche pour le servir et l'aimer ?
Terminons par cette pensée de sainte Thérèse : « Les âmes justes sur la terre doivent être une même chose en amour avec les bienheureux du ciel ». Là-haut, les saints n'ont de commerce qu'avec Dieu, ils ne connaissent ni pensées, ni plaisirs qui soient étrangers à sa gloire et à son amour ; commencez, dès ici-bas, cette vie céleste. Que Dieu seul soit votre félicité ; Dieu seul. l'objet de vos affections ; Dieu seul, la fin de vos actions et le terme de vos désirs. Vous atteindrez ainsi le royaume éternel, où votre amour sera, de tout point parfait et consommé, et votre cœur pleinement assouvi et rassasié...
Vivent Jésus notre amour, et Marie notre espérance !
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ALPHONSE-MARIE FUSCO
1839-1910
Les parents du bienheureux, Aniello Fusco et Joséphine Schiavone, étaient tous deux de souche paysanne et vivaient à Angri au pied du Vésuve, dans la province de Salerne en Campanie. Désolés de ne pas avoir d'enfant après quatre ans de mariage, ils vont non loin de là à Pagani où Saint Alphonse de Liguori a exercé un ministère marqué par la prière et des conversions, et où des reliques du saint sont conservées. Un Père rédemptoriste leur dit : "Vous aurez un fils, vous l'appellerez Alphonse, il sera prêtre et vivra la vie de Saint Alphonse." Effectivement ils ont un enfant qui sera le premier de cinq. Il naît à Agri le 23 mars 1839 et ses parents lui donnent le nom d'Alfonso Maria (Alphonse-Marie). A 11 ans, il entre au petit séminaire. Il est ordonné prêtre à 24 ans, le 29 mai 1863.
Il commence son ministère à la Collégiale Saint-Jean-Baptiste d'Angri (là où ses parents s'étaient mariés). Il se distingue par son zèle, spécialement pour le sacrement de la réconciliation (comme son patron Saint Alphonse!), manifestant une paternelle compréhension pour ses pénitents. Il prêche au peuple dans un style simple et incisif. Mais il lui reste encore à réaliser un rêve : en effet, une nuit, lors de sa dernière année de séminaire, Jésus lui était apparu en songe, lui demandant de fonder, dès qu'il serait ordonné, un Institut de Sœurs et un orphelinat pour garçons et filles. Il rencontre alors Madeleine Caputo, une femme au caractère énergique qui désire entrer en religion et qui le pousse à réaliser son projet le plus tôt possible. Avec trois autres jeunes filles, Madeleine s'établit dans un bâtiment délabré à Ardinghi dans le district d'Angri : la maison Scarcella. C'est l'origine de la Congrégation des Sœurs de Saint-Jean-Baptiste (saint auquel était dédié la paroisse où œuvrait le Père Alphonse). Privations, combat et opposition marquent les débuts, mais l'œuvre de la maison Scarcella, devenue la "Petite maison de la Providence", croît avec rapidité. L'épreuve visite aussi le fondateur. A la suite de fausses accusations, l'évêque lui retire la direction de l'Institut. A Rome, où les Sœurs baptistines ont une maison, on lui ferme la porte, et le Cardinal-Vicaire Respighi dit au Père Alphonse : "Vous avez fondé cette communauté de bonnes Sœurs; elles font de leur mieux. Maintenant, retirez-vous." Il obéit héroïquement et se réfugie angoissé dans la prière.
Il continue son action avec de nombreux écrits courts et simples qui témoignent de son amour de l'Eucharistie et de la Vierge des douleurs. Son esprit d'humilité et sa paix lui attirent sympathie et confiance. Les épreuves passées, il continue à veiller sur son Institut avec sagesse et prudence, faisant preuve d'une tendresse quasi maternelle, spécialement envers les orphelins les plus déshérités. Pour eux, il a toujours de la place, même s'il ne reste rien ou presque rien à manger. Il dit aux sœurs: "Pas de soucis, mes filles ! Je vais aller trouver Jésus et il se souciera de vous." Et le Seigneur répond rapidement et généreusement. On a appelé don Fusco le "don Bosco du Sud" en raison de ses choix innovateurs.
A une époque où l'éducation et l'instruction sont le privilège d'un petit nombre et sont déniés aux pauvres et aux femmes, le chanoine Alphonse ne recule devant aucun sacrifice pour donner aux enfants un milieu de vie paisible et aux plus âgés, instruction et métier, afin qu'ils puissent devenir d'honnêtes citoyens et des chrétiens engagés. Aux Sœurs, il demande de s'instruire pour qu'elles puissent éduquer à leur tour les pauvres et préparer les voie à Jésus dans le cœur des enfants et des jeunes. La devise qu'il leur propose est: "Parate viam Domini", "Préparez les voies du Seigneur."
Grâce à la volonté tenace du Père, à sa confiance absolue en la Providence et à la sage collaboration de Madeleine Caputo, devenue Sœur Crocifissa, et des Sœurs, l'Institut connaît un extraordinaire développement. Ainsi se réalise son 'rêve'. Les demandes d'accueil pour orphelins affluent et il faut créer de nouvelles maisons. D'une simple bâtisse d'accueil est donc né un Institut qui est aujourd'hui présent dans seize pays et quatre continents, aux côtés des humbles et des "derniers". Quant à Don Alfonso, il meurt paisiblement dans la nuit du 5 février 1910, après avoir béni et consolé les Sœurs qui l'entourent.
1839-1910
Les parents du bienheureux, Aniello Fusco et Joséphine Schiavone, étaient tous deux de souche paysanne et vivaient à Angri au pied du Vésuve, dans la province de Salerne en Campanie. Désolés de ne pas avoir d'enfant après quatre ans de mariage, ils vont non loin de là à Pagani où Saint Alphonse de Liguori a exercé un ministère marqué par la prière et des conversions, et où des reliques du saint sont conservées. Un Père rédemptoriste leur dit : "Vous aurez un fils, vous l'appellerez Alphonse, il sera prêtre et vivra la vie de Saint Alphonse." Effectivement ils ont un enfant qui sera le premier de cinq. Il naît à Agri le 23 mars 1839 et ses parents lui donnent le nom d'Alfonso Maria (Alphonse-Marie). A 11 ans, il entre au petit séminaire. Il est ordonné prêtre à 24 ans, le 29 mai 1863.
Il commence son ministère à la Collégiale Saint-Jean-Baptiste d'Angri (là où ses parents s'étaient mariés). Il se distingue par son zèle, spécialement pour le sacrement de la réconciliation (comme son patron Saint Alphonse!), manifestant une paternelle compréhension pour ses pénitents. Il prêche au peuple dans un style simple et incisif. Mais il lui reste encore à réaliser un rêve : en effet, une nuit, lors de sa dernière année de séminaire, Jésus lui était apparu en songe, lui demandant de fonder, dès qu'il serait ordonné, un Institut de Sœurs et un orphelinat pour garçons et filles. Il rencontre alors Madeleine Caputo, une femme au caractère énergique qui désire entrer en religion et qui le pousse à réaliser son projet le plus tôt possible. Avec trois autres jeunes filles, Madeleine s'établit dans un bâtiment délabré à Ardinghi dans le district d'Angri : la maison Scarcella. C'est l'origine de la Congrégation des Sœurs de Saint-Jean-Baptiste (saint auquel était dédié la paroisse où œuvrait le Père Alphonse). Privations, combat et opposition marquent les débuts, mais l'œuvre de la maison Scarcella, devenue la "Petite maison de la Providence", croît avec rapidité. L'épreuve visite aussi le fondateur. A la suite de fausses accusations, l'évêque lui retire la direction de l'Institut. A Rome, où les Sœurs baptistines ont une maison, on lui ferme la porte, et le Cardinal-Vicaire Respighi dit au Père Alphonse : "Vous avez fondé cette communauté de bonnes Sœurs; elles font de leur mieux. Maintenant, retirez-vous." Il obéit héroïquement et se réfugie angoissé dans la prière.
Il continue son action avec de nombreux écrits courts et simples qui témoignent de son amour de l'Eucharistie et de la Vierge des douleurs. Son esprit d'humilité et sa paix lui attirent sympathie et confiance. Les épreuves passées, il continue à veiller sur son Institut avec sagesse et prudence, faisant preuve d'une tendresse quasi maternelle, spécialement envers les orphelins les plus déshérités. Pour eux, il a toujours de la place, même s'il ne reste rien ou presque rien à manger. Il dit aux sœurs: "Pas de soucis, mes filles ! Je vais aller trouver Jésus et il se souciera de vous." Et le Seigneur répond rapidement et généreusement. On a appelé don Fusco le "don Bosco du Sud" en raison de ses choix innovateurs.
A une époque où l'éducation et l'instruction sont le privilège d'un petit nombre et sont déniés aux pauvres et aux femmes, le chanoine Alphonse ne recule devant aucun sacrifice pour donner aux enfants un milieu de vie paisible et aux plus âgés, instruction et métier, afin qu'ils puissent devenir d'honnêtes citoyens et des chrétiens engagés. Aux Sœurs, il demande de s'instruire pour qu'elles puissent éduquer à leur tour les pauvres et préparer les voie à Jésus dans le cœur des enfants et des jeunes. La devise qu'il leur propose est: "Parate viam Domini", "Préparez les voies du Seigneur."
Grâce à la volonté tenace du Père, à sa confiance absolue en la Providence et à la sage collaboration de Madeleine Caputo, devenue Sœur Crocifissa, et des Sœurs, l'Institut connaît un extraordinaire développement. Ainsi se réalise son 'rêve'. Les demandes d'accueil pour orphelins affluent et il faut créer de nouvelles maisons. D'une simple bâtisse d'accueil est donc né un Institut qui est aujourd'hui présent dans seize pays et quatre continents, aux côtés des humbles et des "derniers". Quant à Don Alfonso, il meurt paisiblement dans la nuit du 5 février 1910, après avoir béni et consolé les Sœurs qui l'entourent.
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
SAINT
ALPHONSE RODRIGUEZ
frère coadjuteur de la Compagnie de Jésus
(1531-1617)
● ● ●
EXTRAIT BIOGRAPHIQUE
Saint Alphonse Rodriguez, fils d'un riche marchand drapier, naquit à Ségovie, en Espagne. Après avoir fait ses études au collège d'Alcala, sous la direction des Pères de la Compagnie de Jésus, il retourna à Ségovie à cause du décès de son père et dut s'occuper de l'administration des biens familiaux. Après avoir essuyé des revers de fortune, perdu sa femme et sa fille en l'espace de quelques mois, Alphonse Rodriguez abandonna le soin des affaires et se retira dans une chambre avec son fils à peine âgé de trois ans. Plein de sollicitude pour l'âme de son enfant, il pria Dieu de l'appeler à Lui s'il devait un jour L'offenser. Le Seigneur ravit ce petit ange à sa tendresse quelques jours après sa fervente prière.
Durant six ans, saint Alphonse pratiqua dans le monde toutes les vertus chrétiennes. A l'âge de trente-sept ans, de plus en plus absorbé dans la pensée de la mort et de son salut éternel, il ne songea plus qu'à entrer dans un Ordre religieux. Sur le conseil d'un Père de la Compagnie de Jésus, il commença à étudier le latin, mais le succès ne répondit pas à ses efforts. Laissant ce projet de côté, il pensa à se retirer auprès d'un ermite de Valence, mais son confesseur l'en dissuada.
Âgé de trente-neuf ans, Alphonse entra au noviciat de la Compagnie de Jésus, au couvent de Saint-Paul de Valence où on l'admit en qualité de Frère coadjuteur. Ses premiers pas dans la vie religieuse révélèrent le haut degré de vertu où il était déjà parvenu. Son humilité que rien ne pouvait déconcerter, sa patience devant les exigences les plus indiscrètes ou les reproches les moins mérités, sa scrupuleuse obéissance, son oraison continuelle suscitaient l'admiration et l'édification de tous ses confrères.
Après six mois de noviciat, ses supérieurs l'envoyèrent sur l'île Majorque, au collège de la Ste Vierge du mont Sion où il prononça ses voeux simples et solennels le même jour. Pendant trente ans, saint Alphonse Rodriguez se sanctifiera dans le modeste emploi de portier, accueillant toutes les personnes qui se présentaient avec le même empressement que si c'eût été Notre-Seigneur. Le matin, au son de la cloche, il demandait à Dieu de le garder sans péché durant le jour, ensuite il se mettait sous la protection de la Très Sainte Vierge en récitant Ses Litanies.
A sa prière incessante, il joignait une mortification extraordinaire. "En toutes choses, témoigna son supérieur, Alphonse cherchait ce qui répugnait le plus à la nature." Ainsi, il ne voulait porter que des vêtements usés. Un crucifix et une image de la Très Sainte Vierge sans nulle valeur artistique ornait la cellule de ce pauvre de Jésus-Christ. Il couchait sur la dure et jeûnait souvent. Regardant le réfectoire comme un lieu de mortification, il offrait tous les sacrifices qu'il s'y imposait pour le soulagement et la délivrance des saintes âmes du purgatoire. Avant de sortir de la maison, saint Alphonse Rodriguez demandait à Notre-Seigneur de le faire mourir plutôt que de le voir consentir à aucun péché mortel. Pendant ses visites, il observait une modestie si exemplaire, parlait si peu et rarement, que cet empire acquis sur ses sens l'avait fait surnommer: le frère mort.
L'obéissance de saint Alphonse Rodriquez était aussi aveugle que parfaite, car ce bon Saint était convaincu qu'en accomplissant les ordres de son supérieur, il exécutait ceux du ciel même. Pour savoir jusqu'où sa sublime dépendance pouvait aller, le recteur du collège de Majorque lui commanda un jour de s'embarquer. Saint Alphonse partit aussitôt sans poser de question. Chemin faisant, un religieux vint lui dire que le supérieur le redemandait. "Où alliez-vous, lui demanda le recteur, puisque vous ignoriez le but du voyage et quel vaisseau vous deviez prendre? – J'allais faire l'obéissance, répondit le saint portier."
Alphonse Rodriguez reçut de Dieu le don de prophétie et celui des miracles. Après quarante-cinq années passées dans la pratique des plus admirables vertus, affligé depuis longtemps d'une douloureuse maladie, le saint religieux reçut le sacrement des infirmes. Ayant communié avec ferveur, l'agonisant ferma les yeux et entra dans un ravissement qui dura trois jours. Durant ce temps, son visage demeura tout rayonnant d'une céleste clarté. Le 31 octobre 1617, le saint Jésuite revint à lui, prononça distinctement le nom adorable de Jésus et Lui rendit son âme, à l'âge de quatre-vingt-six ans. Il fut canonisé par Sa Sainteté Léon XIII, le 8 janvier 1888.
ALPHONSE RODRIGUEZ
frère coadjuteur de la Compagnie de Jésus
(1531-1617)
● ● ●
EXTRAIT BIOGRAPHIQUE
Saint Alphonse Rodriguez, fils d'un riche marchand drapier, naquit à Ségovie, en Espagne. Après avoir fait ses études au collège d'Alcala, sous la direction des Pères de la Compagnie de Jésus, il retourna à Ségovie à cause du décès de son père et dut s'occuper de l'administration des biens familiaux. Après avoir essuyé des revers de fortune, perdu sa femme et sa fille en l'espace de quelques mois, Alphonse Rodriguez abandonna le soin des affaires et se retira dans une chambre avec son fils à peine âgé de trois ans. Plein de sollicitude pour l'âme de son enfant, il pria Dieu de l'appeler à Lui s'il devait un jour L'offenser. Le Seigneur ravit ce petit ange à sa tendresse quelques jours après sa fervente prière.
Durant six ans, saint Alphonse pratiqua dans le monde toutes les vertus chrétiennes. A l'âge de trente-sept ans, de plus en plus absorbé dans la pensée de la mort et de son salut éternel, il ne songea plus qu'à entrer dans un Ordre religieux. Sur le conseil d'un Père de la Compagnie de Jésus, il commença à étudier le latin, mais le succès ne répondit pas à ses efforts. Laissant ce projet de côté, il pensa à se retirer auprès d'un ermite de Valence, mais son confesseur l'en dissuada.
Âgé de trente-neuf ans, Alphonse entra au noviciat de la Compagnie de Jésus, au couvent de Saint-Paul de Valence où on l'admit en qualité de Frère coadjuteur. Ses premiers pas dans la vie religieuse révélèrent le haut degré de vertu où il était déjà parvenu. Son humilité que rien ne pouvait déconcerter, sa patience devant les exigences les plus indiscrètes ou les reproches les moins mérités, sa scrupuleuse obéissance, son oraison continuelle suscitaient l'admiration et l'édification de tous ses confrères.
Après six mois de noviciat, ses supérieurs l'envoyèrent sur l'île Majorque, au collège de la Ste Vierge du mont Sion où il prononça ses voeux simples et solennels le même jour. Pendant trente ans, saint Alphonse Rodriguez se sanctifiera dans le modeste emploi de portier, accueillant toutes les personnes qui se présentaient avec le même empressement que si c'eût été Notre-Seigneur. Le matin, au son de la cloche, il demandait à Dieu de le garder sans péché durant le jour, ensuite il se mettait sous la protection de la Très Sainte Vierge en récitant Ses Litanies.
A sa prière incessante, il joignait une mortification extraordinaire. "En toutes choses, témoigna son supérieur, Alphonse cherchait ce qui répugnait le plus à la nature." Ainsi, il ne voulait porter que des vêtements usés. Un crucifix et une image de la Très Sainte Vierge sans nulle valeur artistique ornait la cellule de ce pauvre de Jésus-Christ. Il couchait sur la dure et jeûnait souvent. Regardant le réfectoire comme un lieu de mortification, il offrait tous les sacrifices qu'il s'y imposait pour le soulagement et la délivrance des saintes âmes du purgatoire. Avant de sortir de la maison, saint Alphonse Rodriguez demandait à Notre-Seigneur de le faire mourir plutôt que de le voir consentir à aucun péché mortel. Pendant ses visites, il observait une modestie si exemplaire, parlait si peu et rarement, que cet empire acquis sur ses sens l'avait fait surnommer: le frère mort.
L'obéissance de saint Alphonse Rodriquez était aussi aveugle que parfaite, car ce bon Saint était convaincu qu'en accomplissant les ordres de son supérieur, il exécutait ceux du ciel même. Pour savoir jusqu'où sa sublime dépendance pouvait aller, le recteur du collège de Majorque lui commanda un jour de s'embarquer. Saint Alphonse partit aussitôt sans poser de question. Chemin faisant, un religieux vint lui dire que le supérieur le redemandait. "Où alliez-vous, lui demanda le recteur, puisque vous ignoriez le but du voyage et quel vaisseau vous deviez prendre? – J'allais faire l'obéissance, répondit le saint portier."
Alphonse Rodriguez reçut de Dieu le don de prophétie et celui des miracles. Après quarante-cinq années passées dans la pratique des plus admirables vertus, affligé depuis longtemps d'une douloureuse maladie, le saint religieux reçut le sacrement des infirmes. Ayant communié avec ferveur, l'agonisant ferma les yeux et entra dans un ravissement qui dura trois jours. Durant ce temps, son visage demeura tout rayonnant d'une céleste clarté. Le 31 octobre 1617, le saint Jésuite revint à lui, prononça distinctement le nom adorable de Jésus et Lui rendit son âme, à l'âge de quatre-vingt-six ans. Il fut canonisé par Sa Sainteté Léon XIII, le 8 janvier 1888.
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ALPHONSINE MUTTATHUPADATHU
Alphonsine de l'Immaculée Conception Muttathupadathu
religieuse clarisse, bienheureuse
1910-1946
Anna Muttathupadathu naît à Kudamaloor, dans la province du Kérala, au sud-est de l’Inde. A trois mois, elle perd sa mère ; elle est confiée à une tante qui se charge de son éducation, et à un grand-oncle prêtre. On lui donne le surnom familier d’Annakutti. Encore enfant, elle est impressionnée par la vie de sainte Thérèse de Lisieux et prend la résolution de devenir sainte elle aussi au moyen de la prière et de la pénitence. Désormais, pour elle, le chemin vers la sainteté sera “le chemin de la Croix, le chemin de la maladie et de la souffrance” (Jean-Paul II). Elle a une autre dévotion : le Père Chavara qui a œuvré dans la même région du Kérala au siècle précédent. Un jour, la tante décide de marier Annakutti; elle est belle et, bien qu’elle n’ait pas de dot, les prétendants ne manquent pas. Elle s’y refuse tant qu’elle peut, mais en dernière extrémité, quand elle voit qu’une cérémonie de fiançailles est prévue à l’église, elle décide de s’enlaidir et se brûle le pied ; malheureusement, elle tombe dans le feu et elle est gravement brûlée. Sur ce, la tante laisse l'idée de la marier et l'autorise à rejoindre un couvent. Annakutty achève ses études scolaires et, à 17 ans, en 1927, elle entre chez les clarisses de Bharananganam.
Le 12 août 1935, elle devient novice et le 12 août 1936, elle fait ses voeux sous le nom de soeur Alphonsine de l'Immaculée Conception. A plusieurs reprises, elle tombe gravement malade, mais elle se rétablit, une fois, à la suite d'une neuvaine au Père Chavara; une autre fois, à la suite d'une apparition de ce Père, puis le même jour, de sainte Thérèse. Un soir, un voleur, qui s'était introduit dans le couvent, lui cause une peur terrible; elle reste en état de choc pendant quelque temps. Malgré toutes ces souffrances, elle garde constamment un sourire aux lèvres, elle est gaie comme un enfant. « Elle sait trouver son bonheur dans les choses simples et ordinaires. (...) Elle ne cesse de rendre grâces à Dieu pour la joie et le privilège de sa vocation religieuse, pour la grâce de ses voeux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance. (...) Elle en vient à aimer la souffrance, parce qu'elle aime le Christ souffrant, et la Croix à travers son amour pour le Christ crucifié. » (Jean-Paul II) Aux souffrances physiques s'ajoutent celles causées par l'incompréhension, la jalousie et les faux jugements à son égard. Pour ces personnes, elle redouble de charité et c'est un sujet d'édification pour les témoins, notamment ses petites élèves.
Elle est dotée de phénomènes mystiques et de charismes. En juillet 1945, en réponse à sa prière, elle est prise de nouvelles souffrances qui lui causent de violentes convulsions. Elles se produisent chaque Vendredi. Elle obtient la grâce que cela passe inaperçu. Dans une lettre écrite en février 1946, peu avant sa mort, elle dit : « Je me suis complètement donnée à Jésus. Qu’il fasse de moi comme il l’entend. Mon seul désir en ce monde est de souffrir pour l’amour de Dieu et de me réjouir en le faisant. » C’est à la suite d’une de ces convulsions qu’elle meurt dans la paix, un Dimanche, le 26 juillet 1946, à l’âge de 36 ans. Son enterrement a lieu dans l’intimité, bien que l’aumônier célébrant parle de cette gloire cachée qui attirerait des foules si on la connaissait ! Effectivement, à travers les élèves de l’école de son couvent qui la révéraient comme une sainte, son renom prend de l’ampleur. Des grâces sont obtenues sur sa tombe qui devient un lieu de pèlerinage. Elle attire actuellement de nombreux chrétiens, mais aussi des hindouistes et des musulmans.
Béatifiée par le Pape Jean-Paul II le 8 février 1986 à Kottayam (Kerala - Inde)
Alphonsine de l'Immaculée Conception Muttathupadathu
religieuse clarisse, bienheureuse
1910-1946
Anna Muttathupadathu naît à Kudamaloor, dans la province du Kérala, au sud-est de l’Inde. A trois mois, elle perd sa mère ; elle est confiée à une tante qui se charge de son éducation, et à un grand-oncle prêtre. On lui donne le surnom familier d’Annakutti. Encore enfant, elle est impressionnée par la vie de sainte Thérèse de Lisieux et prend la résolution de devenir sainte elle aussi au moyen de la prière et de la pénitence. Désormais, pour elle, le chemin vers la sainteté sera “le chemin de la Croix, le chemin de la maladie et de la souffrance” (Jean-Paul II). Elle a une autre dévotion : le Père Chavara qui a œuvré dans la même région du Kérala au siècle précédent. Un jour, la tante décide de marier Annakutti; elle est belle et, bien qu’elle n’ait pas de dot, les prétendants ne manquent pas. Elle s’y refuse tant qu’elle peut, mais en dernière extrémité, quand elle voit qu’une cérémonie de fiançailles est prévue à l’église, elle décide de s’enlaidir et se brûle le pied ; malheureusement, elle tombe dans le feu et elle est gravement brûlée. Sur ce, la tante laisse l'idée de la marier et l'autorise à rejoindre un couvent. Annakutty achève ses études scolaires et, à 17 ans, en 1927, elle entre chez les clarisses de Bharananganam.
Le 12 août 1935, elle devient novice et le 12 août 1936, elle fait ses voeux sous le nom de soeur Alphonsine de l'Immaculée Conception. A plusieurs reprises, elle tombe gravement malade, mais elle se rétablit, une fois, à la suite d'une neuvaine au Père Chavara; une autre fois, à la suite d'une apparition de ce Père, puis le même jour, de sainte Thérèse. Un soir, un voleur, qui s'était introduit dans le couvent, lui cause une peur terrible; elle reste en état de choc pendant quelque temps. Malgré toutes ces souffrances, elle garde constamment un sourire aux lèvres, elle est gaie comme un enfant. « Elle sait trouver son bonheur dans les choses simples et ordinaires. (...) Elle ne cesse de rendre grâces à Dieu pour la joie et le privilège de sa vocation religieuse, pour la grâce de ses voeux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance. (...) Elle en vient à aimer la souffrance, parce qu'elle aime le Christ souffrant, et la Croix à travers son amour pour le Christ crucifié. » (Jean-Paul II) Aux souffrances physiques s'ajoutent celles causées par l'incompréhension, la jalousie et les faux jugements à son égard. Pour ces personnes, elle redouble de charité et c'est un sujet d'édification pour les témoins, notamment ses petites élèves.
Elle est dotée de phénomènes mystiques et de charismes. En juillet 1945, en réponse à sa prière, elle est prise de nouvelles souffrances qui lui causent de violentes convulsions. Elles se produisent chaque Vendredi. Elle obtient la grâce que cela passe inaperçu. Dans une lettre écrite en février 1946, peu avant sa mort, elle dit : « Je me suis complètement donnée à Jésus. Qu’il fasse de moi comme il l’entend. Mon seul désir en ce monde est de souffrir pour l’amour de Dieu et de me réjouir en le faisant. » C’est à la suite d’une de ces convulsions qu’elle meurt dans la paix, un Dimanche, le 26 juillet 1946, à l’âge de 36 ans. Son enterrement a lieu dans l’intimité, bien que l’aumônier célébrant parle de cette gloire cachée qui attirerait des foules si on la connaissait ! Effectivement, à travers les élèves de l’école de son couvent qui la révéraient comme une sainte, son renom prend de l’ampleur. Des grâces sont obtenues sur sa tombe qui devient un lieu de pèlerinage. Elle attire actuellement de nombreux chrétiens, mais aussi des hindouistes et des musulmans.
Béatifiée par le Pape Jean-Paul II le 8 février 1986 à Kottayam (Kerala - Inde)
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
AMBROSIO MARIA DE TORRENTE
tertiaire capucin
1866-1936
Salvador Chuliá Ferrandis, c’était son vrai nom, naquit à Torrent (Valence), le 16 avril 1866. Il fit ses études ecclésiastiques au Séminaire Conciliaire de Valence mais, aussitôt après son ordination diaconale, il entra chez les tertiaires Capucins. Le 4 avril 1892 il fut ordonné prêtre et prononça ses vœux perpétuels le 5 juillet 1898.
Homme d’excellente culture, mais de caractère peu enclin à exercer l’autorité, il se manifesta toujours plus propice à l’exercice de l’obéissance qu’à celui de responsable Dans son ministère pastoral, par contre, il se montra toujours un homme de bon conseil, un bon directeur spirituel et un confesseur très attentif vis-à-vis des religieux et des élèves.
Fait prisonnier dans la maison paternelle, le 21 août 1936, il fut conduit à la prison de La Torre, dans son village natal. Au sein de celle-ci, le Père Ambrosio et neuf autres tertiaires Capucins mennèrent une vie presque monacale. Depuis la rue on les entendait chanter les Douleurs de la Vierge et les plaies de saint François.
Aux premières heures du 18 septembre 1936, avec sept autres prêtres et religieux, il fut exécuté à La Mantellina, aussi appelée Puchá d’Alt.
Le Père Ambrosio, malgré sa timidité naturelle fut celui qui affronta le martyr avec le plus grand courage, et encouragea ses compagnons, levant même ses mais pour les bénir et pour pardonner à ses bourreaux.
Cherchant à brosser son portrait spirituel, les divers biographes sont tous d’accord pour affirmer que le Père Ambrosio fut une digne fleur franciscaine : sensible, humble, conciliateur, pauvre, obéissant, silencieux, avare de mots, ne disant jamais du mal de personne. Il est défini comme un homme d’une profonde piété, très dévot de l’Eucharistie, grand apôtre du confessionnal et un excellent directeur d’âmes.
Ses restes mortels reposent dans la Chapelle des Martyrs, paroisse de Notre-Dame du Mont Sion, à Torrent (Valence), où ils sont l’objet de nombreuses visites et d’une vénération respectueuse.
tertiaire capucin
1866-1936
Salvador Chuliá Ferrandis, c’était son vrai nom, naquit à Torrent (Valence), le 16 avril 1866. Il fit ses études ecclésiastiques au Séminaire Conciliaire de Valence mais, aussitôt après son ordination diaconale, il entra chez les tertiaires Capucins. Le 4 avril 1892 il fut ordonné prêtre et prononça ses vœux perpétuels le 5 juillet 1898.
Homme d’excellente culture, mais de caractère peu enclin à exercer l’autorité, il se manifesta toujours plus propice à l’exercice de l’obéissance qu’à celui de responsable Dans son ministère pastoral, par contre, il se montra toujours un homme de bon conseil, un bon directeur spirituel et un confesseur très attentif vis-à-vis des religieux et des élèves.
Fait prisonnier dans la maison paternelle, le 21 août 1936, il fut conduit à la prison de La Torre, dans son village natal. Au sein de celle-ci, le Père Ambrosio et neuf autres tertiaires Capucins mennèrent une vie presque monacale. Depuis la rue on les entendait chanter les Douleurs de la Vierge et les plaies de saint François.
Aux premières heures du 18 septembre 1936, avec sept autres prêtres et religieux, il fut exécuté à La Mantellina, aussi appelée Puchá d’Alt.
Le Père Ambrosio, malgré sa timidité naturelle fut celui qui affronta le martyr avec le plus grand courage, et encouragea ses compagnons, levant même ses mais pour les bénir et pour pardonner à ses bourreaux.
Cherchant à brosser son portrait spirituel, les divers biographes sont tous d’accord pour affirmer que le Père Ambrosio fut une digne fleur franciscaine : sensible, humble, conciliateur, pauvre, obéissant, silencieux, avare de mots, ne disant jamais du mal de personne. Il est défini comme un homme d’une profonde piété, très dévot de l’Eucharistie, grand apôtre du confessionnal et un excellent directeur d’âmes.
Ses restes mortels reposent dans la Chapelle des Martyrs, paroisse de Notre-Dame du Mont Sion, à Torrent (Valence), où ils sont l’objet de nombreuses visites et d’une vénération respectueuse.
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
BIENHEUREUX
ANDRÉ DE PHU YEN
laïc, catéchiste
1625-1644
BIOGRAPHIE
Le Bienheureux André est originaire de Phu Yen, dans la province de RanRan où il est né en 1625 ou 1626. Il est faible de constitution, mais très intelligent et naturellement bon. Sur la requête de sa mère, veuve, il est accueilli parmi les étudiants du Père de Rhodes, célèbre missionnaire Jésuite. A 16 ans, en 1641, il reçoit le baptême avec sa mère. Depuis ce jour, il s'attache à développer une profonde vie spirituelle. Le Père de Rhodes en fait l'un de ses proches collaborateurs et après une année, en 1642, il est admis dans le groupe des catéchistes fondé par le Père et appelé 'Maison Dieu'. Comme le demande cette association, André s'engage publiquement à consacrer sa vie au service de l'Église en aidant les missionnaires et en diffusant l'Évangile.
En juillet 1644, le mandarin Ong Nghe Bo revient de chez le roi d'Annam qui, ayant appris que beaucoup de Cochinchinois se sont convertis, donne l'ordre d'empêcher l'expansion du christianisme dans son royaume (dont dépend la Cochinchine). Les chrétiens sont exposés à de lourdes peines. Le mandarin somme le Père d'arrêter l'enseignement de la doctrine chrétienne et de retourner à Macao (enclave portugaise en Chine). Il décide d'agir en premier lieu contre les catéchistes. Des soldats, dépêchés par lui, se rendent à la maison du Père et ils arrêtent le jeune André, à défaut d'un autre qu'ils cherchaient. Ils le frappent à coups de bâton et l'emmènent, ligoté, en barque chez le mandarin. Il comparaît devant lui dans la soirée du 25 juillet 1644. Le gouverneur fait des tentatives pour le faire renoncer à sa 'stupide opinion' et pour lui faire abandonner la foi. André répond qu'il est prêt à subir n'importe quel tourment pour ne pas l'abandonner. Pour cette cause, dit-il, toute souffrance, même la mort, est une très grande gloire. Le 26 juillet, vers 5 heure du soir, on l'emmène au lieu du supplice. En chemin il exhorte les chrétiens à demeurer fermes dans la foi, à l'aider par leurs prières et à ne pas s'affliger de sa mort. "Rendons amour pour amour à notre Dieu, répète-t-il. Rendons vie pour vie." Le Père obtient que conformément à la coutume, on lui mette une natte sous les genoux, mais André préfère que son sang tombe à terre comme celui du Christ. On lui transperce le côté gauche de plusieurs coups de lance et avant qu'on le décapite d'un coup de cimeterre, d'une voix forte, il s'écrie: "Jésus".
"Depuis plus de 350 ans, les catholiques du Vietnam n'ont jamais oublié ce témoin de l'Évangile, proto-martyr de leur pays." (Jean Paul II) Puisse-t-il donner aux catéchistes "l'audace" d'être des témoins de la foi "par une vie toute donnée au Christ et à leurs frères".
Béatifié le 5 mars 2000 à Rome par Jean Paul II
ANDRÉ DE PHU YEN
laïc, catéchiste
1625-1644
BIOGRAPHIE
Le Bienheureux André est originaire de Phu Yen, dans la province de RanRan où il est né en 1625 ou 1626. Il est faible de constitution, mais très intelligent et naturellement bon. Sur la requête de sa mère, veuve, il est accueilli parmi les étudiants du Père de Rhodes, célèbre missionnaire Jésuite. A 16 ans, en 1641, il reçoit le baptême avec sa mère. Depuis ce jour, il s'attache à développer une profonde vie spirituelle. Le Père de Rhodes en fait l'un de ses proches collaborateurs et après une année, en 1642, il est admis dans le groupe des catéchistes fondé par le Père et appelé 'Maison Dieu'. Comme le demande cette association, André s'engage publiquement à consacrer sa vie au service de l'Église en aidant les missionnaires et en diffusant l'Évangile.
En juillet 1644, le mandarin Ong Nghe Bo revient de chez le roi d'Annam qui, ayant appris que beaucoup de Cochinchinois se sont convertis, donne l'ordre d'empêcher l'expansion du christianisme dans son royaume (dont dépend la Cochinchine). Les chrétiens sont exposés à de lourdes peines. Le mandarin somme le Père d'arrêter l'enseignement de la doctrine chrétienne et de retourner à Macao (enclave portugaise en Chine). Il décide d'agir en premier lieu contre les catéchistes. Des soldats, dépêchés par lui, se rendent à la maison du Père et ils arrêtent le jeune André, à défaut d'un autre qu'ils cherchaient. Ils le frappent à coups de bâton et l'emmènent, ligoté, en barque chez le mandarin. Il comparaît devant lui dans la soirée du 25 juillet 1644. Le gouverneur fait des tentatives pour le faire renoncer à sa 'stupide opinion' et pour lui faire abandonner la foi. André répond qu'il est prêt à subir n'importe quel tourment pour ne pas l'abandonner. Pour cette cause, dit-il, toute souffrance, même la mort, est une très grande gloire. Le 26 juillet, vers 5 heure du soir, on l'emmène au lieu du supplice. En chemin il exhorte les chrétiens à demeurer fermes dans la foi, à l'aider par leurs prières et à ne pas s'affliger de sa mort. "Rendons amour pour amour à notre Dieu, répète-t-il. Rendons vie pour vie." Le Père obtient que conformément à la coutume, on lui mette une natte sous les genoux, mais André préfère que son sang tombe à terre comme celui du Christ. On lui transperce le côté gauche de plusieurs coups de lance et avant qu'on le décapite d'un coup de cimeterre, d'une voix forte, il s'écrie: "Jésus".
"Depuis plus de 350 ans, les catholiques du Vietnam n'ont jamais oublié ce témoin de l'Évangile, proto-martyr de leur pays." (Jean Paul II) Puisse-t-il donner aux catéchistes "l'audace" d'être des témoins de la foi "par une vie toute donnée au Christ et à leurs frères".
Béatifié le 5 mars 2000 à Rome par Jean Paul II
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ANDRÉ HYACINTHE LONGHIN
évêque, saint
1863-1936
Andrea Giacinto (André Hyacinthe) Longhin naît en 1863 à Fiumicello di Campodarsego (diocèse de Padoue, Vénétie). Ses parents sont des paysans pauvres mais de fervents chrétiens. Très vite germe en lui la vocation au sacerdoce et à la vie religieuse. A 16 ans il entre chez les Capucins. Après ses études philosophiques à Padoue et théologiques à Venise, il est ordonné prêtre en 1886, à 23 ans. Durant 18 années, il assume la charge de directeur spirituel et professeur des jeunes religieux de sa Province ; il s'y révèle guide et maître éclairé. Il prend lui-même conscience d'appartenir à un ordre destiné à l'évangélisation universelle et se forge ainsi une âme missionnaire. En 1902 il est élu ministre provincial des Capucins de Venise. C'est à cette époque qu'il est remarqué par le patriarche de Venise, Guiseppe Sarto, le futur Pie X, qui l'engage dans la prédication et lui confie de multiples ministères dont certains sont délicats. Une union étroite entre eux deux les aidera mutuellement à monter vers la sainteté. Pie X n'est Pape que depuis quelques mois quand, le 13 avril 1904, il le nomme évêque de Trévise et veut qu'il soit consacré à Rome, ce qui a lieu quelques jours plus tard à l'église de la Trinité des Monts par le Cardinal Merry del Val, secrétaire d'état du Pape. Avant d'entrer dans son nouveau diocèse, Mgr Longhin envoie deux lettres pastorales qui indiquent son programme de réforme. Il arrive à Trévise le 6 août 1904. Son épiscopat durera 32 ans. Il commence tout de suite une visite pastorale qui durera cinq ans, car son diocèse est vaste et peuplé, et elle se conclut par ce qu'on peut appeler son chef-d'œuvre: le Synode. Il entend mettre en œuvre les réformes prônées par Pie X, faire que l'Église locale devienne 'militante', convier tous les gens, prêtre et laïcs, à la sainteté de vie. Humble et généreux, l'évêque mène une vie simple et pauvre dans la tradition franciscaine. Il se révèle un père pour les prêtres et un pasteur zélé pour son peuple, anticipant ainsi ce que devait souligner le Concile Vatican II en indiquant dans l'évangélisation "l'un des principaux devoirs des Évêques" (Christus Dominus n.12). On l'appelle "l'Évêque des choses essentielles".
Quand éclate la première guerre mondiale, Trévise se trouve sur la ligne de front. Elle subit de ce fait les premiers bombardements aériens qui détruisent la ville et plus de cinquante paroisses, et elle est occupée. Alors que les autorités civiles quittent les lieux, Mgr Longhin reste à son poste et veut que ses prêtres fassent de même. Il assiste tout le monde sans distinction, ce qui lui vaut des critiques. Après la guerre, il reprend une seconde visite pastorale qu'il avait dû interrompre. De graves tensions surgissent dues à la montée du fascisme. Il y a même des heurts violents avec les organisations catholiques pour cible. L'évêque fait face aux divisions idéologiques au sein des fidèles et du clergé. Avant de mourir il déclarera que la justice et la paix sociale exigent la voie étroite de la non-violence. Pie XI (Pape de 1922 à 1939) qui le tient en grande estime lui confie la tâche délicate de Visiteur apostolique à Padoue et à Udine afin de ramener la paix dans ces diocèses où une partie du clergé s'oppose à l'évêque. Dieu permet qu'il subisse une dernière purification avec une maladie qui peu à peu le prive de ses facultés mentales, épreuve qu'il subit avec foi. Il meurt le 26 juin 1936.
évêque, saint
1863-1936
Andrea Giacinto (André Hyacinthe) Longhin naît en 1863 à Fiumicello di Campodarsego (diocèse de Padoue, Vénétie). Ses parents sont des paysans pauvres mais de fervents chrétiens. Très vite germe en lui la vocation au sacerdoce et à la vie religieuse. A 16 ans il entre chez les Capucins. Après ses études philosophiques à Padoue et théologiques à Venise, il est ordonné prêtre en 1886, à 23 ans. Durant 18 années, il assume la charge de directeur spirituel et professeur des jeunes religieux de sa Province ; il s'y révèle guide et maître éclairé. Il prend lui-même conscience d'appartenir à un ordre destiné à l'évangélisation universelle et se forge ainsi une âme missionnaire. En 1902 il est élu ministre provincial des Capucins de Venise. C'est à cette époque qu'il est remarqué par le patriarche de Venise, Guiseppe Sarto, le futur Pie X, qui l'engage dans la prédication et lui confie de multiples ministères dont certains sont délicats. Une union étroite entre eux deux les aidera mutuellement à monter vers la sainteté. Pie X n'est Pape que depuis quelques mois quand, le 13 avril 1904, il le nomme évêque de Trévise et veut qu'il soit consacré à Rome, ce qui a lieu quelques jours plus tard à l'église de la Trinité des Monts par le Cardinal Merry del Val, secrétaire d'état du Pape. Avant d'entrer dans son nouveau diocèse, Mgr Longhin envoie deux lettres pastorales qui indiquent son programme de réforme. Il arrive à Trévise le 6 août 1904. Son épiscopat durera 32 ans. Il commence tout de suite une visite pastorale qui durera cinq ans, car son diocèse est vaste et peuplé, et elle se conclut par ce qu'on peut appeler son chef-d'œuvre: le Synode. Il entend mettre en œuvre les réformes prônées par Pie X, faire que l'Église locale devienne 'militante', convier tous les gens, prêtre et laïcs, à la sainteté de vie. Humble et généreux, l'évêque mène une vie simple et pauvre dans la tradition franciscaine. Il se révèle un père pour les prêtres et un pasteur zélé pour son peuple, anticipant ainsi ce que devait souligner le Concile Vatican II en indiquant dans l'évangélisation "l'un des principaux devoirs des Évêques" (Christus Dominus n.12). On l'appelle "l'Évêque des choses essentielles".
Quand éclate la première guerre mondiale, Trévise se trouve sur la ligne de front. Elle subit de ce fait les premiers bombardements aériens qui détruisent la ville et plus de cinquante paroisses, et elle est occupée. Alors que les autorités civiles quittent les lieux, Mgr Longhin reste à son poste et veut que ses prêtres fassent de même. Il assiste tout le monde sans distinction, ce qui lui vaut des critiques. Après la guerre, il reprend une seconde visite pastorale qu'il avait dû interrompre. De graves tensions surgissent dues à la montée du fascisme. Il y a même des heurts violents avec les organisations catholiques pour cible. L'évêque fait face aux divisions idéologiques au sein des fidèles et du clergé. Avant de mourir il déclarera que la justice et la paix sociale exigent la voie étroite de la non-violence. Pie XI (Pape de 1922 à 1939) qui le tient en grande estime lui confie la tâche délicate de Visiteur apostolique à Padoue et à Udine afin de ramener la paix dans ces diocèses où une partie du clergé s'oppose à l'évêque. Dieu permet qu'il subisse une dernière purification avec une maladie qui peu à peu le prive de ses facultés mentales, épreuve qu'il subit avec foi. Il meurt le 26 juin 1936.
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ANGE D'ACRI
capucin, bienheureux
(1669-1739)
Le bienheureux Ange d'Acri, né dans la Calabre, de parents pauvres, eut le bonheur d'avoir pour maître, dans son enfance, un pieux capucin qui lui apprit à méditer chaque jour la Passion de Jésus-Christ et à s'approcher souvent du sacrement de Pénitence et de la Table Sainte. Quelle édification pour tous de voir cet enfant passer deux ou trois heures de suite dans la contemplation des souffrances du Sauveur!
A dix-huit ans, il entra chez les Capucins; mais il en sortit plusieurs fois par inconstance. La troisième fois il se mortifia si bien, il se mit à l'oeuvre avec tant de courage, qu'il obtint la grâce de la persévérance et même dépassa de beaucoup la mesure commune de la perfection des religieux. Au jour de sa première Messe, il tomba en extase après la consécration, ce qui lui arriva souvent dans la suite. Son désir était de passer sa vie dans le silence du couvent, tout occupé de Dieu et de son âme; mais le Ciel le destinait à de grandes oeuvres.
Ses premières prédications furent laborieuses, car la mémoire lui fit défaut, et il lui fut impossible de prêcher ses sermons comme il les avait écrits. Craignant de ne pas être appelé à la vie de missionnaire, il pria Dieu avec ferveur de lui manifester Sa Volonté. Il entendit un jour, pendant sa prière, une voix qui lui dit: "Ne crains rien, je te donnerai le don de la prédication, et désormais toutes tes fatigues seront bénies. Tu prêcheras à l'avenir dans un style familier, afin que tous puissent comprendre tes discours."
Désormais il abandonne ses écrits et ses livres, pour se borner à l'étude de l'Écriture Sainte et du grand livre du Crucifix. Son éloquence, puisée à ces sources, devint si chaude et si profonde, que les plus savants eux-mêmes en étaient ravis d'admiration. Pendant trente-huit années d'apostolat, malgré les efforts de l'enfer, il opéra un bien immense dans la Calabre. Sa grande force, son argument invincible, était surtout le souvenir de la Passion; il n'en parlait jamais sans faire pleurer son auditoire.
capucin, bienheureux
(1669-1739)
Le bienheureux Ange d'Acri, né dans la Calabre, de parents pauvres, eut le bonheur d'avoir pour maître, dans son enfance, un pieux capucin qui lui apprit à méditer chaque jour la Passion de Jésus-Christ et à s'approcher souvent du sacrement de Pénitence et de la Table Sainte. Quelle édification pour tous de voir cet enfant passer deux ou trois heures de suite dans la contemplation des souffrances du Sauveur!
A dix-huit ans, il entra chez les Capucins; mais il en sortit plusieurs fois par inconstance. La troisième fois il se mortifia si bien, il se mit à l'oeuvre avec tant de courage, qu'il obtint la grâce de la persévérance et même dépassa de beaucoup la mesure commune de la perfection des religieux. Au jour de sa première Messe, il tomba en extase après la consécration, ce qui lui arriva souvent dans la suite. Son désir était de passer sa vie dans le silence du couvent, tout occupé de Dieu et de son âme; mais le Ciel le destinait à de grandes oeuvres.
Ses premières prédications furent laborieuses, car la mémoire lui fit défaut, et il lui fut impossible de prêcher ses sermons comme il les avait écrits. Craignant de ne pas être appelé à la vie de missionnaire, il pria Dieu avec ferveur de lui manifester Sa Volonté. Il entendit un jour, pendant sa prière, une voix qui lui dit: "Ne crains rien, je te donnerai le don de la prédication, et désormais toutes tes fatigues seront bénies. Tu prêcheras à l'avenir dans un style familier, afin que tous puissent comprendre tes discours."
Désormais il abandonne ses écrits et ses livres, pour se borner à l'étude de l'Écriture Sainte et du grand livre du Crucifix. Son éloquence, puisée à ces sources, devint si chaude et si profonde, que les plus savants eux-mêmes en étaient ravis d'admiration. Pendant trente-huit années d'apostolat, malgré les efforts de l'enfer, il opéra un bien immense dans la Calabre. Sa grande force, son argument invincible, était surtout le souvenir de la Passion; il n'en parlait jamais sans faire pleurer son auditoire.
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
ANGÈLE DE LA CROIX GUERRERO GONZALEZ
religieuse, fondatrice
1846-1932
Maria de los Angeles (Marie des Anges) Guerrero Gonzalèz naît le 30 janvier 1846 à Séville (sud de l’Espagne) dans une famille laborieuse et pieuse. A 12 ans, Angélita – comme on l’appelle affectueusement – commence à travailler dans un atelier de chaussures. La patronne, Antonia Maldonado, une sainte femme, dit le chapelet tous les jours avec ses employées et leur lit la vie des saints. Elle a un directeur spirituel, le Frère Torres, qui devient aussi celui d’Angelita lorsqu’elle a 16 ans. A 19 ans Angèle fait un essai de vie religieuse chez les Carmélites, puis chez d’autres religieuses, qu’elle doit interrompre à chaque fois pour raison de santé. Elle finit par retourner à son atelier de chaussures. Entre temps, sur le conseil de Frère Torres, elle soigne les malades lors d’une épidémie de choléra qui frappe spécialement les milieux pauvres. En 1871, Angèle fait des vœux privés. Un jour qu’elle est plongée dans la prière, elle voit, devant la croix du Christ crucifié, une croix vide. Elle comprend qu’elle doit s’immoler sur cette croix, « être pauvre avec le pauvre pour lui apporter le Christ ». Cette expérience spirituelle éclaire l’horizon de sa vie et de la vie de l’Institut qu’elle doit fonder. Sur les conseils de son directeur, elle commence à écrire un journal spirituel dans lequel elle expose en détail le style de vie qu’elle est appelée à vivre avec ses filles.
Le 2 août 1875, avec trois compagnes qui s’occupent des pauvres avec elle, Angela fonde les Sœurs de la Compagnie de la Croix. Jour et nuit, les Sœurs sont au service des gens qui, sans elles, ne seraient pas secourus. Mère Angéla « se distingue par son naturel et sa simplicité ; elle cherche la sainteté avec un esprit de mortification ». (Jean-Paul II) Admirée de tous, et appelée par la population “la mère des pauvres”, elle n’a de goût que pour l’humilité.
Admirée de tous et appelée par la population la "mère des pauvres", elle méprisa toujours toute gloire humaine et rechercha l'humiliation la plus complète.
Elle meurt à Séville le 2 mars 1932.
Sainte Angela de la Croix a eu « un très fort impact sur l’Église et la société sévillane de son époque. » (Jean Paul II) De son vivant, 23 couvents ont été fondés.
religieuse, fondatrice
1846-1932
Maria de los Angeles (Marie des Anges) Guerrero Gonzalèz naît le 30 janvier 1846 à Séville (sud de l’Espagne) dans une famille laborieuse et pieuse. A 12 ans, Angélita – comme on l’appelle affectueusement – commence à travailler dans un atelier de chaussures. La patronne, Antonia Maldonado, une sainte femme, dit le chapelet tous les jours avec ses employées et leur lit la vie des saints. Elle a un directeur spirituel, le Frère Torres, qui devient aussi celui d’Angelita lorsqu’elle a 16 ans. A 19 ans Angèle fait un essai de vie religieuse chez les Carmélites, puis chez d’autres religieuses, qu’elle doit interrompre à chaque fois pour raison de santé. Elle finit par retourner à son atelier de chaussures. Entre temps, sur le conseil de Frère Torres, elle soigne les malades lors d’une épidémie de choléra qui frappe spécialement les milieux pauvres. En 1871, Angèle fait des vœux privés. Un jour qu’elle est plongée dans la prière, elle voit, devant la croix du Christ crucifié, une croix vide. Elle comprend qu’elle doit s’immoler sur cette croix, « être pauvre avec le pauvre pour lui apporter le Christ ». Cette expérience spirituelle éclaire l’horizon de sa vie et de la vie de l’Institut qu’elle doit fonder. Sur les conseils de son directeur, elle commence à écrire un journal spirituel dans lequel elle expose en détail le style de vie qu’elle est appelée à vivre avec ses filles.
Le 2 août 1875, avec trois compagnes qui s’occupent des pauvres avec elle, Angela fonde les Sœurs de la Compagnie de la Croix. Jour et nuit, les Sœurs sont au service des gens qui, sans elles, ne seraient pas secourus. Mère Angéla « se distingue par son naturel et sa simplicité ; elle cherche la sainteté avec un esprit de mortification ». (Jean-Paul II) Admirée de tous, et appelée par la population “la mère des pauvres”, elle n’a de goût que pour l’humilité.
Admirée de tous et appelée par la population la "mère des pauvres", elle méprisa toujours toute gloire humaine et rechercha l'humiliation la plus complète.
Elle meurt à Séville le 2 mars 1932.
Sainte Angela de la Croix a eu « un très fort impact sur l’Église et la société sévillane de son époque. » (Jean Paul II) De son vivant, 23 couvents ont été fondés.
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
SAINTE
ANGÈLE DE FOLIGNO
franciscaine et visionnaire
(1245-1309)
● ● ●
EXTRAIT BIOGRAPHIQUE
Sainte Angèle naquit à Foligno, à trois lieues d'Assise. Mariée fort jeune, elle ne prit point au sérieux ses devoirs d'épouse et de mère, et elle connut trop, avec les plaisirs du monde, ses excès et ses désordres. Mais soudain, au milieu du tourbillon qui l'emportait, Angèle sentit l'aiguillon de la grâce, vit l'inutilité de sa vie mondaine et dissipée, et comprit les dangers que courait son salut. L'ennemi des âmes tenta en vain d'entraver sa conversion; une fois sa confession faite, elle s'élança généreusement dans la voie de la perfection.
Devenue libre par la mort de son mari, elle entra dans le Tiers-Ordre de Saint-François. Sa vie dès lors fut remplie de sacrifices et d'austérités. Un jour qu'elle était tentée de découragement: "Quand il serait vrai, Seigneur, dit-elle, que Vous m'auriez condamnée à l'enfer que je mérite, je ne cesserais de faire pénitence et de demeurer, s'il Vous plaît, à Votre service." Une fois, après avoir lavé les pieds d'un lépreux, elle proposa à sa compagne de boire l'eau qui leur avait servi. Surmontant toute délicatesse, elle avala toute cette eau fétide: "Je n'ai jamais, disait-elle, trouvé meilleur goût à aucune liqueur, et cependant j'avais bien senti dans ma bouche les écailles qui étaient tombées des mains de ce pauvre."
Sa grande grâce fut l'amour de Jésus crucifié. La contemplation des souffrances du Sauveur lui devint si familière, que la vue d'un crucifix provoquait spontanément chez elle des torrents de larmes: "Quand je méditais sur la Passion, dit-elle, je souffrais le supplice de la Compassion; j'éprouvais dans les os et les jointures une douleur épouvantable et une sensation comme si j'avais été transpercée corps et âme." Cette grande pénitente ne fut pas moins admirable par ses visions, ses écrits et ses extases que par ses vertus.
ANGÈLE DE FOLIGNO
franciscaine et visionnaire
(1245-1309)
● ● ●
EXTRAIT BIOGRAPHIQUE
Sainte Angèle naquit à Foligno, à trois lieues d'Assise. Mariée fort jeune, elle ne prit point au sérieux ses devoirs d'épouse et de mère, et elle connut trop, avec les plaisirs du monde, ses excès et ses désordres. Mais soudain, au milieu du tourbillon qui l'emportait, Angèle sentit l'aiguillon de la grâce, vit l'inutilité de sa vie mondaine et dissipée, et comprit les dangers que courait son salut. L'ennemi des âmes tenta en vain d'entraver sa conversion; une fois sa confession faite, elle s'élança généreusement dans la voie de la perfection.
Devenue libre par la mort de son mari, elle entra dans le Tiers-Ordre de Saint-François. Sa vie dès lors fut remplie de sacrifices et d'austérités. Un jour qu'elle était tentée de découragement: "Quand il serait vrai, Seigneur, dit-elle, que Vous m'auriez condamnée à l'enfer que je mérite, je ne cesserais de faire pénitence et de demeurer, s'il Vous plaît, à Votre service." Une fois, après avoir lavé les pieds d'un lépreux, elle proposa à sa compagne de boire l'eau qui leur avait servi. Surmontant toute délicatesse, elle avala toute cette eau fétide: "Je n'ai jamais, disait-elle, trouvé meilleur goût à aucune liqueur, et cependant j'avais bien senti dans ma bouche les écailles qui étaient tombées des mains de ce pauvre."
Sa grande grâce fut l'amour de Jésus crucifié. La contemplation des souffrances du Sauveur lui devint si familière, que la vue d'un crucifix provoquait spontanément chez elle des torrents de larmes: "Quand je méditais sur la Passion, dit-elle, je souffrais le supplice de la Compassion; j'éprouvais dans les os et les jointures une douleur épouvantable et une sensation comme si j'avais été transpercée corps et âme." Cette grande pénitente ne fut pas moins admirable par ses visions, ses écrits et ses extases que par ses vertus.
VISIONS
et
instructions
traduction
Ernest Hello
PREMIÈRE PARTIE
● ● ●
Nous déclarons, pour nous conformer aux décrets d'Urbain VIII en date du 13 mars 1625, du 5 juin 1631, du 5 juillet 1634, concernant la canonisation des saints et la béatification des bienheureux, que nous ne prétendons donner à aucun des faits ou des mots contenus dans cet ouvrage, plus d'autorité que ne lui en donne ou ne lui en donnera l'Église catholique, à laquelle nous nous faisons gloire d'être très humblement soumis.
Ernest Hello
PREFACE
De loin toutes les étoiles se ressemblent. Nos yeux sont si faibles, que ces mondes, cachés par la distance, sont pour nous des points d'or, qui, dans les nuits d'été, tremblent dans l'azur noir du même tremblement. Mais, s'il était permis d'approcher, s'il était possible de regarder, nous apercevrions avec des admirations inconnues des différences inconnues. Nous verrions que la distance qui sépare les soleils établit entre eux des rapports et des contrastes singuliers. Nous verrions que la main du Créateur a semé dans ses champs des graines différentes, que ses pieds n'ont pas laissé partout la même trace dans la poussière que sa voix faisait sortir du néant.
De loin tous les élus se ressemblent, et l'opinion vulgaire croit pouvoir les confondre dans une même indifférence. L'ignorance, qui affirme toujours, croit que la vie des élus est une chose monotone, que, pour être élu, il faut être coulé dans un certain moule, et que ce moule, toujours le même, promet l'uniformité aux figures qu'il confectionne.
Or rien n'est plus faux.
Le monde des élus est un univers ; plus grand que l'univers matériel, mais composé, comme celui-ci, d'unité, et de variété. Pour nommer l'univers, il faut nommer ces deux éléments.
Les élus sont tous élus ; mais chacun a sa vertu propre.
Jésus-Christ, qui est leur unité, leur paix, leur type universel, marque sur eux, comme un sceau royal, l'unité sacrée de l'Esprit. Mais se souvenant d'avoir fait les violettes, les lis et les roses différemment capables de s'assimiler les rayons du même soleil, il a laissé à chacun sa marque, son caractère, sa forme et son nom. Il n'y a pas dans le monde deux feuilles d'arbre qui soient semblables exactement. Toutes les pierres de l'éternel temple sont les pierres de la Jérusalem qui ne finira pas ; mais pas une d'entre elles n'est taillée comme sa voisine.
Si sainte Gertrude fut, dit Olier, la sainte de l'humanité de Jésus-Christ et sainte Catherine de Gênes la sainte de sa divinité, il semble que la bienheureuse Angèle de Foligno réunit ces deux genres de contemplation, de lumière et d'adoration. Il semble qu'elle pénétra dans les abîmes de la hauteur, comme dans ceux de la profondeur. Le double abîme, dont elle parle quelquefois, nommant sans s'en apercevoir un des douze apôtres, Thomas Didyme (Thomas Didyme en hébreu signifie double abîme), le double abîme fut la demeure où elle passa sa vie terrestre. Ce fut son palais, son temple, sa résidence royale. Quand elle interroge la profondeur, la Passion de Jésus-Christ lui dit des secrets redoutables. Elle plonge dans ses douleurs humaines, et même dans ses douleurs physiques, un regard effrayé et effrayant. Elle voit comme elle aime, c'est pourquoi elle voit jusqu'à la forme des clous ; elle mesure la douleur au nombre de leurs facettes. Elle calcule les aggravations de cette douleur d'après les détails qu'elle a découverts.
Parmi ces récits de la Passion, il y a des choses terribles, auxquelles on oublie de penser. La vie de l'homme, qui d'ailleurs est beaucoup trop courte pour jeter la sonde dans les abîmes, se passe en outre à autre chose. Angèle a eu avec les tortures physiques de la Passion de redoutables familiarités, qui ont permis à ses yeux dévorants de suivre la chair de Jésus, la chair des pieds et des mains dans l'intérieur du bois où les clous les enfonçaient. Elle assiste à la tension atroce des bras, des jambes et des nerfs. Elle raconte comme si elle avait vu, comme si elle avait vu ce que ne voyaient pas même les bourreaux.
L'amour est plus perçant que la haine. Il entend ce qu'on dit. Il entend ce qu'on ne dit pas. il entend le silence, lit ce qui n'est pas écrit, et devine ce qu'il faut deviner pour grandir. Il s'augmente de ses découvertes, s'enrichit de ses trésors, et se plaint ensuite de sa pauvreté, pour arracher de nouveaux secrets.
Quand elle interroge l'abîme de la hauteur, sa parole n'est qu'un cri d'impuissance, une lamentation éternelle ; elle pleure sur la limite qui l'arrête dans son vol au moment du départ. Son éloquence consiste à se plaindre, de ne pouvoir dire ce qu'elle sent, et cette plainte, à chaque instant répétée, n'est jamais monotone, parce qu'elle est toujours vraie.
Heurtant dans son vol les secrets ineffables, les mystères non révélés, elle a l'air d'un aigle qui, ayant pris son élan du haut de la montagne où la neige est éternelle, arrive aux régions où il n'y a plus, même pour lui, d'air respirable. Ses pensées lui font défaut. Elle redescend, se débat contre les paroles qui manquent à leur tour, engage contre elles une lutte corps à corps, où elle est à la fois vaincue et victorieuse, et alors elle a l'air d'un aigle qui, les serrant et les secouant dans
ses griffes, car il se souvient de la montagne et du désert, ébranle les barreaux de sa cage...
Au vingt-septième chapitre, plusieurs âmes qui manquent de paroles trouveront peut-être du pain pour elles. Il y a là des abîmes entrevus, de magnifiques tentatives pour dire l'Ineffable, suivies d'un repentir plus magnifique qu'elles-mêmes ; le pardon qu'Angèle demande pour ses blasphèmes, après avoir balbutié les choses du ravissement, déchire l'horizon, comme l'éclair dans la nuit noire. Les abîmes s'ouvrent derrière les abîmes ; l'intelligence humaine apparaît courte et brève, et l'âme se rassure dans sa soif. Car Dieu se déclare infini, et les trésors de l'éternité ne s'épuiseront pas.
Le P. Faber parle de cette vie intime de Dieu, cette vie qu'il appelle inimaginable, où fonctionnent les attributs qui n'ont pas de nom ici-bas. Au delà, dit-il, de ce qui est probable, Dieu vit sa vie de gloire. C'est l'infinie réunion des choses ignorées.
Si les mystères que nous connaissons, dit-il quelque part, sont déjà si redoutables, que devons-nous penser de ces mystères, plus grands encore, dont la moindre pensée n'a jamais été donnée à l'homme ?
C'est de cette autorité sublime que jaillissaient les foudres dont les reflets lointains, éblouissant le cœur d'Angèle, jetaient son corps à terre sans mouvement dans sa chambre. Heurtant dans son vol superbe les mystères non révélés, vivant dans la redoutable familiarité de l'ombre, elle en jouissait sans les connaître. Foudroyée à chaque instant par quelque joie terrible, c'est toujours, dit-elle, pour la première fois ; car le dernier éclair éclipse tous les autres. Toutes les lumières sont des ombres auprès de la dernière lumière. Les trésors où fouille son regard sont inépuisables à jamais, et l'éternité promet à sa joie toujours renouvelée des fraîcheurs qui ne finiront pas. Quand après avoir entassé les montagnes de bonheur dont les élus ont joui sur les montagnes de bonheur dont tous les hommes auraient joui, si toutes les joies fausses étaient changées en joies vraies, et duraient, sans interruption, jusqu'à la fin du monde, elle fouille de tous les côtés, avec l'inquiétude de l'impuissance, pour atteindre, s'il était possible, l'exagération, et quand, après avoir additionné toutes les joies connues et inconnues, elle se déclare prête à les abandonner toutes, s'il fallait choisir entre elles et une seconde de la gloire ineffable pour laquelle il n'y a pas de mot, cette gloire qui est sa gloire à elle, son éblouissement et son foudroiement, quand elle frappe l'air de ses lèvres comme pour lui arracher des sons qu'il ne contient pas, ce qu'il faut admirer le plus dans sa parole, c'est le silence, qui est au delà.
Au soixante et unième chapitre, creusant la Passion, comme si elle interrogeait la profondeur pour lui arracher cette raison inconnue d'adorer qui se dérobe dans la hauteur, elle compte un à un les instruments de la Passion, et comme les récits ne disent pas tout, comme l’Évangile est très sobre, comme les détails connus augmentent sa soif au lieu de l'apaiser, elle aborde face à face la croix du Christ, dans le secret de l'oraison.
Là, comme dans un champ clos, seul à seul, dans le secret de la vision elle demande à chaque épine de la croix comment coulait le sang du front du Fils de l'Homme. Interrogeant, chaque instrument de torture sur la nature des supplices, devinant par la divination de l'amour, derrière les tortures connues, plusieurs tortures inconnues, appelant successivement à son secours la parole et le silence, elle raconte quelques-unes des compassions qui accompagnèrent la Passion, compassion de Jésus pour lui-même, pour ses disciples, pour sa mère, pour son père. Les inventions de l'amour, qui est le plus grand des inventeurs, conduisent Angèle, si on ose ainsi parler, dans l'intérieur des plaies de Jésus ; avec l'audace de l'adoration elle regarde fixement, et son oeil ne se trouble pas. Car l'amour est plus fort que la mort, et s'il connaît les tremblements du désir, il ignore ceux de la peur.
Le P. Faber remarque que les douleurs de la Vierge furent augmentées par la puissance qu'elle avait de les regarder en face sans distraction, au lieu de les fuir, comme font les autres créatures, secourues par leur faiblesse.
Angèle de Foligno voit l'ineffable douleur de Jésus, qui lui fut accordée et dispensée, avec la lumière divine, par la main de Dieu. Cette lumière, par laquelle il voyait lui-même ce qu'il était en lui-même, ce que le péché avait fait de lui, cette lumière terrible par laquelle il voyait dans toute leur horreur sa mort et le crime de sa mort, et le péché et le Calvaire, cette lumière qui transforma, dit-elle, Jésus-Christ en douleur, et en douleur ineffable, semble avoir révélé à la contemplatrice quelque chose de ce qu'elle révéla à l'âme humaine de Jésus. Et, dans la soif qui la dévore, d'autant plus altérée de science et d'amour qu'elle en a bu davantage, tour à tour interrogeant toutes les créatures sur la Passion de leur Dieu crucifié, et tour à tour les défiant de la lui raconter telle qu'elle la voit, elle lance ce cri sublime :
« Si quelqu'un me la racontait, je lui dirais : « C'est toi, c'est toi qui l'as soufferte. » Et dans la sécurité de ses transports, si un ange lui prédisait la mort de son amour, elle répondrait : « C'est toi qui es tombé du ciel. »
Saint Denys l'Aréopagite, ayant éprouvé les insuffisances de la parole et de la lumière, s'adresse à l'obscurité pour adorer, au fond d'elle, le Dieu inconnu : Obscurité très lumineuse, dit-il, obscurité merveilleuse qui rayonne en splendides éclairs, et qui, ne pouvant être ni vue, ni saisie, inonde de la beauté de ses feux les esprits saintement aveuglés (Saint Denys l'Aréopagite, Traité de la Théologie mystique, traduction de Mgr Darboy, p. 466).
Ceux qui sont familiers avec les grands docteurs de la théologie mystique, avec saint Denys l'Aréopagite, avec saint Jean de la Croix, etc., reconnaîtront dans Angèle de Foligno la pratique ardente et pure des sublimes théories qui ont illustré la haute science.
La parole manque toujours à Angèle et toujours de plus en plus, parce que la gloire qu'elle contemple recule en s'élevant toujours et toujours de plus en plus. La parole est un blasphème à ses yeux, parce qu'au delà des choses que cette parole détermine, son oeil contemple celles qu'elle ne peut pas déterminer.
Cela ressemble un peu à ces traînées aperçues dans les nuits d'été qui se déterminent en nébuleuses, quand les télescopes se perfectionnent.
Puis au-dessus apparaît une autre traînée de lumière vague, qui va devenir un nouvel amas d'étoiles au prochain perfectionnement du télescope.
Après chaque explosion de lumière et d'amour, Angèle demande pardon. Le sentiment qu'elle a de Dieu fait que son adoration est un blasphème aux yeux de son âme.
Le ciel est une figure, superbe quoique limitée, immense quoique finie. Comme la pécheresse du désert, il étale une chevelure d'or.
On dirait que la lumière, ne se trouvant pas assez pure pour subsister devant la face de Dieu, voudrait essuyer avec ses cheveux les pieds du trône, et porter plus haut que les regards le repentir des soleils.
La traduction est toujours une oeuvre difficile. La traduction d'une chose intime est une oeuvre très difficile. Quand il s'agit d'une oraison funèbre, d'un discours d'apparat, on peut, jusqu'à un certain point, remplacer les périodes latines par des périodes françaises. Mais quand il s'agit de pénétrer dans les abîmes de l'âme, quand il s'agit de lutter avec l'intimité des forces intérieures, quand ce sont, non pas seulement des paroles, mais des cris qu'il faut rendre, des cris, des silences et des sanglots, la tâche devient redoutable : l'exactitude est la loi de la traduction. Mais il y a deux sortes d'exactitudes : l'exactitude selon la lettre, qui rend les mots les uns après les autres ; l'exactitude selon l'esprit, qui infuse le sang de l'auteur d'une langue dans une autre. Sans négliger la première de ces deux exactitudes, j'ai essayé surtout de m'attacher à la seconde. J'ai essayé de faire vivre en français le livre qui vivait en latin. J'ai essayé de faire crier en français l'âme qui criait en latin. J'ai essayé de traduire les larmes.
Le frère Arnaud, qui écrivait sous la dictée d'Angèle, a mis en tète de son livre les deux prologues qu'on va lire. J'ai essayé de conserver aussi à cet excellent homme les caractères qui le distinguent, son profond respect et son admirable sincérité.
La vie d'Angèle est un drame où la vie spirituelle se déclare comme une réalité visible. La vérité secrète devient quelque chose de tangible et de palpable. Il n'est plus possible de la prendre pour un rêve ; elle est un drame plein de sang et de feu. En revanche, la vie extérieure des hommes menteurs, la vie sans lumière, sans vérité, la vie loin de l'Esprit, apparaît comme une ombre, comme une figure, comme un fantôme et comme un cauchemar.
L'affinité des choses intimes et des choses sublimes est la lumière qui éclaire ce drame, où la hauteur et la profondeur se donnent le baiser de la paix.
Ce drame a pour théâtre l'Ineffable. C'est un éclair qui déchire une nuée. Le langage d'Angèle est une lutte corps à corps avec les choses qui ne peuvent pas se dire. Dans l'atmosphère où elle est introduite, comme un profane épouvanté par le voisinage du sanctuaire, le vocabulaire des hommes recule silencieusement. Captive dans la parole humaine, Angèle fait comme Samson. Manué en hébreu veut dire repos. Comme Samson, fils de Manué, Angèle fille de l'Extase, prend sur ses épaules les portes de sa prison, et les emporte sur la Hauteur.
Vous qui lirez ce livre, ne portez pas sur lui le regard froid de la curiosité. Souvenez-vous des réalités glorieuses, souvenez-vous des réalités terribles, et priez le Dieu d'Angèle pour le traducteur de son livre.
A suivre...et
instructions
traduction
Ernest Hello
PREMIÈRE PARTIE
● ● ●
Nous déclarons, pour nous conformer aux décrets d'Urbain VIII en date du 13 mars 1625, du 5 juin 1631, du 5 juillet 1634, concernant la canonisation des saints et la béatification des bienheureux, que nous ne prétendons donner à aucun des faits ou des mots contenus dans cet ouvrage, plus d'autorité que ne lui en donne ou ne lui en donnera l'Église catholique, à laquelle nous nous faisons gloire d'être très humblement soumis.
Ernest Hello
PREFACE
De loin toutes les étoiles se ressemblent. Nos yeux sont si faibles, que ces mondes, cachés par la distance, sont pour nous des points d'or, qui, dans les nuits d'été, tremblent dans l'azur noir du même tremblement. Mais, s'il était permis d'approcher, s'il était possible de regarder, nous apercevrions avec des admirations inconnues des différences inconnues. Nous verrions que la distance qui sépare les soleils établit entre eux des rapports et des contrastes singuliers. Nous verrions que la main du Créateur a semé dans ses champs des graines différentes, que ses pieds n'ont pas laissé partout la même trace dans la poussière que sa voix faisait sortir du néant.
De loin tous les élus se ressemblent, et l'opinion vulgaire croit pouvoir les confondre dans une même indifférence. L'ignorance, qui affirme toujours, croit que la vie des élus est une chose monotone, que, pour être élu, il faut être coulé dans un certain moule, et que ce moule, toujours le même, promet l'uniformité aux figures qu'il confectionne.
Or rien n'est plus faux.
Le monde des élus est un univers ; plus grand que l'univers matériel, mais composé, comme celui-ci, d'unité, et de variété. Pour nommer l'univers, il faut nommer ces deux éléments.
Les élus sont tous élus ; mais chacun a sa vertu propre.
Jésus-Christ, qui est leur unité, leur paix, leur type universel, marque sur eux, comme un sceau royal, l'unité sacrée de l'Esprit. Mais se souvenant d'avoir fait les violettes, les lis et les roses différemment capables de s'assimiler les rayons du même soleil, il a laissé à chacun sa marque, son caractère, sa forme et son nom. Il n'y a pas dans le monde deux feuilles d'arbre qui soient semblables exactement. Toutes les pierres de l'éternel temple sont les pierres de la Jérusalem qui ne finira pas ; mais pas une d'entre elles n'est taillée comme sa voisine.
Si sainte Gertrude fut, dit Olier, la sainte de l'humanité de Jésus-Christ et sainte Catherine de Gênes la sainte de sa divinité, il semble que la bienheureuse Angèle de Foligno réunit ces deux genres de contemplation, de lumière et d'adoration. Il semble qu'elle pénétra dans les abîmes de la hauteur, comme dans ceux de la profondeur. Le double abîme, dont elle parle quelquefois, nommant sans s'en apercevoir un des douze apôtres, Thomas Didyme (Thomas Didyme en hébreu signifie double abîme), le double abîme fut la demeure où elle passa sa vie terrestre. Ce fut son palais, son temple, sa résidence royale. Quand elle interroge la profondeur, la Passion de Jésus-Christ lui dit des secrets redoutables. Elle plonge dans ses douleurs humaines, et même dans ses douleurs physiques, un regard effrayé et effrayant. Elle voit comme elle aime, c'est pourquoi elle voit jusqu'à la forme des clous ; elle mesure la douleur au nombre de leurs facettes. Elle calcule les aggravations de cette douleur d'après les détails qu'elle a découverts.
Parmi ces récits de la Passion, il y a des choses terribles, auxquelles on oublie de penser. La vie de l'homme, qui d'ailleurs est beaucoup trop courte pour jeter la sonde dans les abîmes, se passe en outre à autre chose. Angèle a eu avec les tortures physiques de la Passion de redoutables familiarités, qui ont permis à ses yeux dévorants de suivre la chair de Jésus, la chair des pieds et des mains dans l'intérieur du bois où les clous les enfonçaient. Elle assiste à la tension atroce des bras, des jambes et des nerfs. Elle raconte comme si elle avait vu, comme si elle avait vu ce que ne voyaient pas même les bourreaux.
L'amour est plus perçant que la haine. Il entend ce qu'on dit. Il entend ce qu'on ne dit pas. il entend le silence, lit ce qui n'est pas écrit, et devine ce qu'il faut deviner pour grandir. Il s'augmente de ses découvertes, s'enrichit de ses trésors, et se plaint ensuite de sa pauvreté, pour arracher de nouveaux secrets.
Quand elle interroge l'abîme de la hauteur, sa parole n'est qu'un cri d'impuissance, une lamentation éternelle ; elle pleure sur la limite qui l'arrête dans son vol au moment du départ. Son éloquence consiste à se plaindre, de ne pouvoir dire ce qu'elle sent, et cette plainte, à chaque instant répétée, n'est jamais monotone, parce qu'elle est toujours vraie.
Heurtant dans son vol les secrets ineffables, les mystères non révélés, elle a l'air d'un aigle qui, ayant pris son élan du haut de la montagne où la neige est éternelle, arrive aux régions où il n'y a plus, même pour lui, d'air respirable. Ses pensées lui font défaut. Elle redescend, se débat contre les paroles qui manquent à leur tour, engage contre elles une lutte corps à corps, où elle est à la fois vaincue et victorieuse, et alors elle a l'air d'un aigle qui, les serrant et les secouant dans
ses griffes, car il se souvient de la montagne et du désert, ébranle les barreaux de sa cage...
Au vingt-septième chapitre, plusieurs âmes qui manquent de paroles trouveront peut-être du pain pour elles. Il y a là des abîmes entrevus, de magnifiques tentatives pour dire l'Ineffable, suivies d'un repentir plus magnifique qu'elles-mêmes ; le pardon qu'Angèle demande pour ses blasphèmes, après avoir balbutié les choses du ravissement, déchire l'horizon, comme l'éclair dans la nuit noire. Les abîmes s'ouvrent derrière les abîmes ; l'intelligence humaine apparaît courte et brève, et l'âme se rassure dans sa soif. Car Dieu se déclare infini, et les trésors de l'éternité ne s'épuiseront pas.
Le P. Faber parle de cette vie intime de Dieu, cette vie qu'il appelle inimaginable, où fonctionnent les attributs qui n'ont pas de nom ici-bas. Au delà, dit-il, de ce qui est probable, Dieu vit sa vie de gloire. C'est l'infinie réunion des choses ignorées.
Si les mystères que nous connaissons, dit-il quelque part, sont déjà si redoutables, que devons-nous penser de ces mystères, plus grands encore, dont la moindre pensée n'a jamais été donnée à l'homme ?
C'est de cette autorité sublime que jaillissaient les foudres dont les reflets lointains, éblouissant le cœur d'Angèle, jetaient son corps à terre sans mouvement dans sa chambre. Heurtant dans son vol superbe les mystères non révélés, vivant dans la redoutable familiarité de l'ombre, elle en jouissait sans les connaître. Foudroyée à chaque instant par quelque joie terrible, c'est toujours, dit-elle, pour la première fois ; car le dernier éclair éclipse tous les autres. Toutes les lumières sont des ombres auprès de la dernière lumière. Les trésors où fouille son regard sont inépuisables à jamais, et l'éternité promet à sa joie toujours renouvelée des fraîcheurs qui ne finiront pas. Quand après avoir entassé les montagnes de bonheur dont les élus ont joui sur les montagnes de bonheur dont tous les hommes auraient joui, si toutes les joies fausses étaient changées en joies vraies, et duraient, sans interruption, jusqu'à la fin du monde, elle fouille de tous les côtés, avec l'inquiétude de l'impuissance, pour atteindre, s'il était possible, l'exagération, et quand, après avoir additionné toutes les joies connues et inconnues, elle se déclare prête à les abandonner toutes, s'il fallait choisir entre elles et une seconde de la gloire ineffable pour laquelle il n'y a pas de mot, cette gloire qui est sa gloire à elle, son éblouissement et son foudroiement, quand elle frappe l'air de ses lèvres comme pour lui arracher des sons qu'il ne contient pas, ce qu'il faut admirer le plus dans sa parole, c'est le silence, qui est au delà.
Au soixante et unième chapitre, creusant la Passion, comme si elle interrogeait la profondeur pour lui arracher cette raison inconnue d'adorer qui se dérobe dans la hauteur, elle compte un à un les instruments de la Passion, et comme les récits ne disent pas tout, comme l’Évangile est très sobre, comme les détails connus augmentent sa soif au lieu de l'apaiser, elle aborde face à face la croix du Christ, dans le secret de l'oraison.
Là, comme dans un champ clos, seul à seul, dans le secret de la vision elle demande à chaque épine de la croix comment coulait le sang du front du Fils de l'Homme. Interrogeant, chaque instrument de torture sur la nature des supplices, devinant par la divination de l'amour, derrière les tortures connues, plusieurs tortures inconnues, appelant successivement à son secours la parole et le silence, elle raconte quelques-unes des compassions qui accompagnèrent la Passion, compassion de Jésus pour lui-même, pour ses disciples, pour sa mère, pour son père. Les inventions de l'amour, qui est le plus grand des inventeurs, conduisent Angèle, si on ose ainsi parler, dans l'intérieur des plaies de Jésus ; avec l'audace de l'adoration elle regarde fixement, et son oeil ne se trouble pas. Car l'amour est plus fort que la mort, et s'il connaît les tremblements du désir, il ignore ceux de la peur.
Le P. Faber remarque que les douleurs de la Vierge furent augmentées par la puissance qu'elle avait de les regarder en face sans distraction, au lieu de les fuir, comme font les autres créatures, secourues par leur faiblesse.
Angèle de Foligno voit l'ineffable douleur de Jésus, qui lui fut accordée et dispensée, avec la lumière divine, par la main de Dieu. Cette lumière, par laquelle il voyait lui-même ce qu'il était en lui-même, ce que le péché avait fait de lui, cette lumière terrible par laquelle il voyait dans toute leur horreur sa mort et le crime de sa mort, et le péché et le Calvaire, cette lumière qui transforma, dit-elle, Jésus-Christ en douleur, et en douleur ineffable, semble avoir révélé à la contemplatrice quelque chose de ce qu'elle révéla à l'âme humaine de Jésus. Et, dans la soif qui la dévore, d'autant plus altérée de science et d'amour qu'elle en a bu davantage, tour à tour interrogeant toutes les créatures sur la Passion de leur Dieu crucifié, et tour à tour les défiant de la lui raconter telle qu'elle la voit, elle lance ce cri sublime :
« Si quelqu'un me la racontait, je lui dirais : « C'est toi, c'est toi qui l'as soufferte. » Et dans la sécurité de ses transports, si un ange lui prédisait la mort de son amour, elle répondrait : « C'est toi qui es tombé du ciel. »
Saint Denys l'Aréopagite, ayant éprouvé les insuffisances de la parole et de la lumière, s'adresse à l'obscurité pour adorer, au fond d'elle, le Dieu inconnu : Obscurité très lumineuse, dit-il, obscurité merveilleuse qui rayonne en splendides éclairs, et qui, ne pouvant être ni vue, ni saisie, inonde de la beauté de ses feux les esprits saintement aveuglés (Saint Denys l'Aréopagite, Traité de la Théologie mystique, traduction de Mgr Darboy, p. 466).
Ceux qui sont familiers avec les grands docteurs de la théologie mystique, avec saint Denys l'Aréopagite, avec saint Jean de la Croix, etc., reconnaîtront dans Angèle de Foligno la pratique ardente et pure des sublimes théories qui ont illustré la haute science.
La parole manque toujours à Angèle et toujours de plus en plus, parce que la gloire qu'elle contemple recule en s'élevant toujours et toujours de plus en plus. La parole est un blasphème à ses yeux, parce qu'au delà des choses que cette parole détermine, son oeil contemple celles qu'elle ne peut pas déterminer.
Cela ressemble un peu à ces traînées aperçues dans les nuits d'été qui se déterminent en nébuleuses, quand les télescopes se perfectionnent.
Puis au-dessus apparaît une autre traînée de lumière vague, qui va devenir un nouvel amas d'étoiles au prochain perfectionnement du télescope.
Après chaque explosion de lumière et d'amour, Angèle demande pardon. Le sentiment qu'elle a de Dieu fait que son adoration est un blasphème aux yeux de son âme.
Le ciel est une figure, superbe quoique limitée, immense quoique finie. Comme la pécheresse du désert, il étale une chevelure d'or.
On dirait que la lumière, ne se trouvant pas assez pure pour subsister devant la face de Dieu, voudrait essuyer avec ses cheveux les pieds du trône, et porter plus haut que les regards le repentir des soleils.
La traduction est toujours une oeuvre difficile. La traduction d'une chose intime est une oeuvre très difficile. Quand il s'agit d'une oraison funèbre, d'un discours d'apparat, on peut, jusqu'à un certain point, remplacer les périodes latines par des périodes françaises. Mais quand il s'agit de pénétrer dans les abîmes de l'âme, quand il s'agit de lutter avec l'intimité des forces intérieures, quand ce sont, non pas seulement des paroles, mais des cris qu'il faut rendre, des cris, des silences et des sanglots, la tâche devient redoutable : l'exactitude est la loi de la traduction. Mais il y a deux sortes d'exactitudes : l'exactitude selon la lettre, qui rend les mots les uns après les autres ; l'exactitude selon l'esprit, qui infuse le sang de l'auteur d'une langue dans une autre. Sans négliger la première de ces deux exactitudes, j'ai essayé surtout de m'attacher à la seconde. J'ai essayé de faire vivre en français le livre qui vivait en latin. J'ai essayé de faire crier en français l'âme qui criait en latin. J'ai essayé de traduire les larmes.
Le frère Arnaud, qui écrivait sous la dictée d'Angèle, a mis en tète de son livre les deux prologues qu'on va lire. J'ai essayé de conserver aussi à cet excellent homme les caractères qui le distinguent, son profond respect et son admirable sincérité.
La vie d'Angèle est un drame où la vie spirituelle se déclare comme une réalité visible. La vérité secrète devient quelque chose de tangible et de palpable. Il n'est plus possible de la prendre pour un rêve ; elle est un drame plein de sang et de feu. En revanche, la vie extérieure des hommes menteurs, la vie sans lumière, sans vérité, la vie loin de l'Esprit, apparaît comme une ombre, comme une figure, comme un fantôme et comme un cauchemar.
L'affinité des choses intimes et des choses sublimes est la lumière qui éclaire ce drame, où la hauteur et la profondeur se donnent le baiser de la paix.
Ce drame a pour théâtre l'Ineffable. C'est un éclair qui déchire une nuée. Le langage d'Angèle est une lutte corps à corps avec les choses qui ne peuvent pas se dire. Dans l'atmosphère où elle est introduite, comme un profane épouvanté par le voisinage du sanctuaire, le vocabulaire des hommes recule silencieusement. Captive dans la parole humaine, Angèle fait comme Samson. Manué en hébreu veut dire repos. Comme Samson, fils de Manué, Angèle fille de l'Extase, prend sur ses épaules les portes de sa prison, et les emporte sur la Hauteur.
Vous qui lirez ce livre, ne portez pas sur lui le regard froid de la curiosité. Souvenez-vous des réalités glorieuses, souvenez-vous des réalités terribles, et priez le Dieu d'Angèle pour le traducteur de son livre.
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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Re: Saints et Bienheureux!! (Ordre Alphabétique)
PROLOGUE
du Frère Arnaud
I
De peur que l'enflure de la sagesse du monde ne reçût pas du Dieu éternel la confusion qu'elle mérite, le Seigneur a suscité une femme habituée aux choses du siècle, liée par les obligations du monde, qui avait un mari, des enfants, une fortune ; une femme simple, dépourvue de science et de force ; mais qui; ayant reçu et accepté au fond d'elle-même, avec la croix de Jésus-Christ, la puissance infuse de Dieu, brisa les liens du monde, gravit le sommet de la perfection évangélique, renouvela dans sa plénitude absolue la folie de la croix, sagesse des parfaits, et montra, dans la voie abandonnée du bon Jésus, dans cette voie déclarée impossible et insupportable par la parole et l'exemple de quiconque fait le grand personnage, montra, disais-je, non pas seulement une vie possible, non pas seulement une vie , facile, mais les délices inouïes, les délices de la hauteur.
O Sagesse divine et parfaite, comme vous avez révélé dans votre servante la folie de toute sagesse humaine ! Vous avez opposé aux hommes une femme, aux enflés une humble, aux habiles une simple, aux savants une ignorante, aux hypocrites qui s'admirent une créature qui se méprise, aux langues pleines de paroles et aux mains vides d'actions, le silence des lèvres et l'activité dévorante, brûlante, stupéfiante de la vie ! Et la sagesse de la chair a été confrontée avec la sagesse de l'esprit, qui est la science de Jésus, et de Jésus crucifié ! Dans une femme forte, Dieu a manifesté sa lumière, qui était enterrée, comme dans un sépulcre de chair humaine, sous l'aveuglement des théoriciens.
Enfants de notre mère sacrée, prenez garde au respect humain ! Apprenez de notre Angèle, apprenez de notre ange, apprenez de l'Ange du grand conseil, la voix de la magnificence et la sagesse de la croix ! Apprenez la pauvreté, les douleurs, les opprobres et l'obéissance de Jésus ; apprenez Jésus-Christ, apprenez sa Mère, et quand vous aurez appris, enseignez cette science aux hommes, enseignez-la aux femmes, enseignez-la à toute créature dans le langage des actes réels, effectifs et puissants ! Et pour que la gloire de votre vocation, enfants de la haute science, apparaisse à vos yeux, sachez, mes bien-aimés, que celle qui nous a enseigné Dieu a fait ce qu'elle a enseigné. Souvenez-vous, mes bien-aimés, que les apôtres ont appris d'une femme la vie mortelle du Sauveur, et d'une femme sa résurrection.
Ainsi, cher fils de notre mère sacrée, venez apprendre avec moi la loi possédée, la loi prêchée par saint François d'Assise et ses compagnons, la loi immortalisée par la pratique d'Angèle.
Il n'est pas dans l'ordre ordinaire de la Providence qu'une femme enseigne et confonde la grossièreté des savants. Mais saint Jérôme, parlant de la prophétesse Olda, vers qui se faisait le concours des peuples, dit que, pour confondre la fierté de l'homme et la science prévaricatrice, le Seigneur a transporté sur la tête d'une femme le don de prophétie.
II
Au nom de la très sainte Trinité, au nom du Dieu tout-puissant, au nom de Jésus-Christ et de la Vierge, voici la manifestation des dons du Très-Haut faite sur l'esprit de ma mère, Angèle de Foligno. Suivant la parole et la promesse qu'il a faite dans son Évangile : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous demeurerons en lui » ; et : « Celui qui m'aime, je me manifesterai moi-même à lui » [1] .
Le Seigneur nous a permis d'éprouver nous-même la vérité de cette parole. Il s'est manifesté récemment à quelques âmes dévouées, mais très particulièrement à l'esprit de ma mère Angèle.
Moi, frère Arnaud, de l'ordre des Mineurs, à force de supplications, je lui arrachai le secret de ses yeux et de son âme. Intimement uni à elle par une familiarité quotidienne et par la charité du Christ, j'eus cependant besoin, pour lui faire violence, des raisons les plus graves, les plus sacrées qui soient au monde.
Les dons de Dieu étaient enfermés en elle par un sceau redoutable et quand j'approchais, quand j'allais demander, elle répondait : « Mon secret est à moi. » Que de fois j'ai entendu cette parole ! Selon toute probabilité, j'aurais échoué pour toujours, et les hommes eussent été frustrés, si Angèle n'eût vu mon immense douleur. Angèle eut pitié de moi : la compassion fut ce qui l'ébranla d'abord ; puis vint l'intérêt des âmes humaines, et l'amour qu'elle avait pour le prochain ; mais enfin et surtout elle reçut un ordre d'en haut : elle fut forcée, et se rendit. J'écrivis ce qu'on va lire.
Angèle dictait, et j'écrivais ; mais elle parlait malgré elle. Au milieu de ses révélations, elle s'interrompait pour me dire : « Tout ce que je viens d'articuler n'est rien ! tout cela n'a pas de sens ! Je ne peux pas parler. »
Quelquefois, dans les instants les plus sublimes, quand la parole lui manquait, vaincue par la hauteur des choses, comparant ce qu'elle disait avec ce qu'elle aurait voulu dire, elle s'arrêtait et me criait : « Je blasphème ! frère, je blasphème ! Notre pauvre langage humain, disait-elle, ne convient guère que dans les occasions où il s'agit des corps et des idées ; au-delà, il n'en peut plus. S'il s'agit des choses divines et de leurs influences, la parole meurt absolument. »
Quelquefois elle se servait de paroles qui m'étaient absolument inconnues et étrangères : c'était immense, c'était puissant, c'était éblouissant ; c'était mille fois plus admirable que tout ce que j'ai écrit. Elle ne pouvait rien formuler. J'entrevoyais quelque chose d'inouï ; mais, ne sachant pas quoi, je restais là sans écrire. Quelquefois j'ai vu Angèle dans une douleur profonde, parce qu'il lui était impossible de rien manifester.
Quant à moi, pour dire la vérité, je ne comprenais de ses paroles qu'une très petite partie. Je me comparais souvent à un crible qui laisse passer et qui jette au vent ce qu'il y a de plus précieux dans la substance, ne retenant que ce qu'il y a de plus grossier. Je suis évidemment un homme tout à fait incapable ; je n'entends pas les choses divines : en voici la preuve. Après avoir écrit sous sa dictée, je relisais à Angèle, afin de soumettre l'œuvre à ses corrections. Très souvent elle me disait : « C'est singulier ! C'est étonnant ! Qu'avez-vous donc écrit ? Je ne reconnais pas cela. »
Un jour elle me dit :
« Je ne sais comment vous faites : ce que vous avez écrit là n'a aucune saveur» .
Une autre fois, elle me fit cette remarque :
« Les paroles que vous avez écrites servent tout au plus à me rappeler de loin le souvenir de celles que j'ai entendues. Mais si je ne voyais les choses dans la lumière intérieure, ce que vous avez écrit là ne m'en donnerait pas la moindre idée.
Tout ce qu'il y a de bas et d'insignifiant dans mes paroles, me dit-elle, vous l'avez écrit, mais la substance précieuse, la chose de l'âme, vous n'en avez pas dit un mot. »
Vous voyez quel homme je suis. Mille choses ont été perdues par mon incapacité. J'étais là comme un idiot, écoutant et ne comprenant pas. Par exemple je n'ai pas ajouté un mot qui vînt de moi.
C'est l'intelligence qui me manque. Quelquefois je n'ai pu suivre en écrivant sa parole, et, dans le moulent qui suivait celui-là, le temps ou la mémoire m'a fait défaut pour rétablir le texte.
Mille autres causes ont encore altéré mon œuvre. Quelquefois j'allais prés d'elle avec une conscience troublée ; tans ce cas, tout mon travail était absolument manqué. Je ne pouvais écrire deux mots avec suite. Je pris alors l'habitude de recourir, avant d'aborder Angèle, au sacrement de pénitence. Il me semble qu'après l'absolution j'étais moins incapable d'entendre et de reproduire : je sentais le secours de la grâce.
Tel qu'il est, mon travail manque d'ordre. Et cependant, tel que je me connais, je trouve merveilleux d'avoir fait le peu que voila. L'ordre qui s'y trouve, si insuffisant qu'il soit, est dû à mes secours surnaturels.
Une de grandes sollicitudes, une des grandes douleurs de ma vie, c'est de n'avoir pas réussi plus pleinement. Et pourtant je sentais, par les mérites de ma mère bienheureuse, je sentais une grâce spirituelle, absolument inconnue, sans exemple dans ma vie.
Je me rends ce témoignage de n'avoir rien mis qui fût de moi ; j'affirme que je n'ai pas ajouté un mot. J'ai mis le peu de paroles que j'ai comprises, mais je n'ai pas mis autre chose.
Épouvanté de mon redoutable ministère, j'écrivais avec un grand tremblement.
Souvent je me faisais répéter plusieurs fois le mot que je devais écrire. Je tâchais de reproduire les mots dont elle s'était servie, dans la crainte d'altérer l'idée en altérant l'expression. Quelquefois Angèle disait, en relisant mon travail :
« Je me repentirais d'avoir divulgué ces choses, si je n'avais entendu cette parole : «Plus tu donneras la lumière, plus tu la garderas. »
« Écoutez bien disait-elle encore, écoutez bien, frère Arnaud. La voix du Ciel m'a ordonné plusieurs fois de faire écrire à la fin de chaque chapitre : « Que le lecteur rendre grâce à Dieu, puisque ce chapitre est écrit. »
À trois lieues d'Assise, à Foligno, vivait une femme qui venait de se convertir. Elle avait mari et enfants. Elle entra dans la voie d'une pénitence inouïe ; j'en ai la preuve. En outre, elle souffrit dans son âme et dans son corps tentations et tourments. Elle souffrit invisiblement certaines tortures auxquelles plusieurs autres âmes ont été soumises visiblement. Elle souffrit cruellement, car les démons savent torturer beaucoup mieux que les hommes ! Un homme digne de foi tomba un jour dans un étonnement épouvantable, parce qu'il avait entendu de la bouche d'Angèle les tortures que lui faisait subir son ennemi infernal. Cet homme eut une révélation divine qui lui confirma la réalité du fait. Il est impossible de dire de quelle compassion il fut touché.
Angèle était profonde et ardente dans la prière, très sage dans la confession. Un jour elle me confessa tous les péchés de sa vie avec une telle perfection de connaissance, un si profond discernement, avec une telle contrition, avec de telles larmes, et ces larmes ne cessèrent pas un instant de couler depuis la première jusqu'à la dernière parole, avec une telle puissance d'humilité, que je pleurais dans mon cœur : « O mon Dieu, disais-je, Seigneur mon Dieu, quand vous abandonneriez le monde entier à l'erreur, vous ne permettriez pas qu'une telle sincérité, une telle véracité, une telle droiture fût trompée jamais ! »
La nuit suivante, elle fut malade à la mort. Le lendemain matin, elle se traîna très difficilement à l'église des Frères ; je dis la messe et je lui donnai la communion. Je sais que jamais elle n'a communié sans recevoir quelque grâce immense et chaque fois une grâce nouvelle. Telle était la puissance des illuminations, des illustrations et des joies dont son âme était enivrée, que tout cela rejaillissait à chaque instant sur le corps. Très souvent, quand je voulais lui relire ce que j'avais écrit sous sa dictée, le ravissement l'emportait, et elle n'entendait plus un mot. Quand elle causait avec le Seigneur, la joie donnait à Angèle une autre figure et un autre corps j la délectation du Saint-Esprit mettait sa chair en feu : j'ai vu ses yeux ardents comme la lampe de l'autel ; j'ai vu sa figure ressembler à une rose pourpre. Sa tête avait par moments une richesse, une plénitude de vie, une splendeur, une magnificence angéliques qui l'élevaient au-dessus de la condition humaine ; elle oubliait alors de boire et de manger ; on eût dit un esprit sans corps, et pourtant le corps était éblouissant.
Elle avait pour compagne une vierge chrétienne qui vivait avec elle ; cette femme m'a raconté qu'un jour elle était en route avec Angèle. Je ne sais où elles allaient. Tout à coup, dans le chemin, voici la tête d'Angèle qui devient resplendissante, ses joues changent de couleur ; transfigurée par la joie, elle n'offre plus avec elle-même aucun trait de ressemblance. Ses yeux, plus grands qu'à l'ordinaire, étaient éblouissants à regarder. Sa compagne était une femme extraordinairement naïve, et qui, à cette époque, ne connaissait pas encore les coups de foudre de Dieu et les habitudes d'Angèle. Ignorant tout cela, cette bonne femme avait peur de rencontrer quelqu'un. Dans l'excès de sa naïveté, elle se couvrit elle-même la tête.
« Faites comme moi, disait-elle à Angèle ; couvrez-vous, couvrez-vous. Vous ne savez donc pas que vos yeux sont comme deux candélabres. » Et la pauvre femme se lamentait, se frappait la poitrine et disait : « Mais qu'est-ce donc, qu'est-ce donc qui vous est arrivé-là ! Désormais cachez-vous aux hommes. Eh ! qu'est-ce donc que nous allons devenir !
— Ne craignez pas, répondit Angèle ; si nous rencontrons quelqu'un, Dieu veillera sur la rencontre. »
Sa compagne finit par s'habituer, car la transfiguration d'Angèle arrivait à tout instant. Un jour, je tiens ce fait de la même personne, Angèle était étendue et en extase. Son amie vit sur son côté une étoile magnifique qui, sans être très grande, réunissait un nombre immense de couleurs éblouissantes. Puis elle lança des rayons d'une beauté inouïe, les uns très fins, les autres plus gros : ils sortaient du cœur d'Angèle, se repliaient vers lui, puis remontaient au ciel. Ce phénomène dura trois heures.
Quand Angèle était tourmentée par la tentation, ou saisie par des langueurs d'amour, elle pâlissait, elle séchait sur pied, elle faisait compassion.
Cette femme avait un corps débile.
Moi, frère Arnaud, après avoir écrit ce livre, je priai Angèle de demander à Dieu si je n'avais rien écrit de faux ou d'inutile. J'éprouvais le besoin que Dieu lui-même, dans sa miséricorde, me dît si je ne m'étais pas trompé.
Elle répondit :
« J'ai demandé plusieurs fois à Dieu si dans ce que j'ai dit et dans ce que tu as écrit il y avait mensonge ou inutilité. Or, voici quelle réponse me fut faite et quelle certitude me fut donnée : « Tout ce que j'ai dit, tout ce que vous avez écrit, tout cela est vrai ; il n'y a rien de faux, il n'y a rien d'inutile, mais il y a insuffisance. Les choses n'ont pas trouvé la perfection dans nos paroles. La hauteur et la douceur des visions ne pouvait être renfermée dans le langage humain.
« Tout cela, avait dit le Seigneur, est selon ma volonté ; tout cela vient de moi, et je poserai mon sceau sur ce livre (Sigillabo). » Et comme Angèle ne comprenait pas ce mot : « Je poserai mon sceau », la voix reprit, et se servit d'un autre mot : « Je confirmerai ma parole (Firmabo). »
Moi, frère Arnaud, qui écrivais sous sa dictée, je répète que je n'ai rien ajouté, mais que j'ai beaucoup omis ; j'ai omis beaucoup de choses trop hautes pour entrer dans mon misérable entendement.
Par la volonté de Dieu, mon livre a été examiné par deux frères mineurs dignes de foi ; ils l'ont examiné dans la compagnie d'Angèle ; ils ont eux-mêmes entendu ce que j'ai écrit ; ils ont conféré de toutes ces choses avec Angèle elle-même afin d'avoir des renseignements plus certains. Un nouvel examen eut encore lieu plus tard. Ce fut le seigneur Jacques de la Colonne qui s'en chargea. Il prit pour l'aider huit frères mineurs fameux entre tous. Parmi eux il y avait des lecteurs, des inquisiteurs, des custodes. Ils étaient tous dignes de foi, modestes et spirituels. Pas un n'attaqua un seul mot du livre. Ils ne firent que vénérer humblement et embrasser tendrement.
J'engage le lecteur à ne pas s'étonner si les paroles ardentes de l'amour remplissent ce livre. La sainte Écriture en est pleine aussi. Le Cantique des Cantiques est là pour l'attester. Le lecteur sentira, d'ailleurs, qu'au milieu des transports et des sublimités, la grâce divine préserva si parfaitement Angèle de l'orgueil, que la hauteur des révélations approfondit l'âme de son humilité.
J'ai encore une observation à faire.
Angèle déclare plusieurs fois, au milieu des transports et des transformations, qu'elle est élevée pour toujours à un nouvel état de lumière, de joie et de délectation, et que cette joie sera éternelle.
Voici, je pense, dans quel sens il faut entendre ces paroles.
Une nouvelle illustration divine la constitue dans un état nouveau de transformation divine. Cet état est continuel. Elle entre dans une nouvelle lumière, dans un nouveau sentiment de Dieu. Elle entre dans une solitude qu'elle n'a pas encore habitée.
Bien que cette demeure soit permanente, et n'affecte pas la ressemblance d'un acte interrompu, cependant elle est susceptible d'accroissements toujours nouveaux, Angèle y trouve à chaque instant de nouvelles ardeurs, de nouvelles joies, de nouvelles impressions, des suavités nouvelles ; et cependant c'est toujours la même illustration qui dure, quant à son principe immuable. La transformation en elle-même n'est pas un acte passager, elle est continuelle comme une habitude ; mais des transports de plus en plus sublimes, des suavités, des illustrations et des visions de plus en plus hautes peuvent se produire en elle et par elle.
Frère Arnaud
ANGÈLE DE FOLIGNO
Moi, dit Angèle de Foligno, entrant dans la voie de la pénitence, je fis dix-huit pas avant de connaître l'imperfection de la vie.
Premier pas :
· Angèle prend connaissance de ses péchés
Je regardai pour la première fois mes péchés, j'en acquis la connaissance ; mon âme entra en crainte ; elle trembla à cause de sa damnation, et je pleurai, je pleurai beaucoup.
Deuxième pas :
· La confession
Puis je rougis pour la première fois, et telle fut ma honte, que je reculais devant l'aveu. Je ne me confessai pas, je n'osais pas avouer, et j'allai à la sainte table, et ce fut avec mes péchés que je reçus le corps de Jésus-Christ. C'est pourquoi ni jour ni nuit ma conscience ne cessait de gronder. Je priai saint François de me faire trouver le confesseur qu'il me fallait, quelqu'un qui pût comprendre et à qui je pusse parler. La même nuit, le vieillard m'apparut. « Ma sœur, dit-il, si tu m'avais appelé plus tôt, je t'aurais exaucée plus tôt.
Ce que tu demandes est fait. »
Le matin, je trouvai dans l'église de Saint-Félicien un frère qui prêchait.
Après le sermon, je résolus de me confesser à lui. Je me confessai pleinement ; je reçus l'absolution. Je ne sentis pas d’amour ; l'amertume seulement, la honte et la douleur.
Troisième pas :
· La satisfaction
Je persévérai dans la pénitence qui me fut imposée ; j'essayai de satisfaire la justice, vide de consolation, pleine de douleur.
Quatrième pas :
· Considération de la Miséricorde
Je jetai un premier regard sur la divine miséricorde ; je fis connaissance avec celle qui m'avait retirée de l'enfer, avec celle qui m'avait fait la grâce que je raconte. Je reçus sa première illumination ; la douleur et les pleurs redoublèrent. Je me livrai à une pénitence sévère ; mais je ne veux pas dire laquelle.
Cinquième pas
· Connaissance profonde d’elle-même
Ainsi éclairée, je n'aperçus en moi que des défauts, je vis avec une certitude pleine que j'avais mérité l'enfer ; je gémissais dans l'amertume, et je prononçai ma condamnation.
Comprenez que tous ces pas ne se suivirent pas sans intervalle. Ayez donc pitié d'une pauvre âme, qui se meut si lourdement, qui traîne vers Dieu son grand poids, sa grande lourdeur, et qui fait à peine un petit mouvement. Je me souviens qu'à chaque pas je m'arrêtais pour pleurer, et je ne recevais pas d'autre consolation que celle-ci, le pouvoir de pleurer ; c'était la seule, et celle-là était amère.
Sixième pas :
· Elle se reconnaît coupable envers toutes les créatures
Une illumination me donna la vue de mes péchés dans la profondeur. Ici je compris qu'en offensant le Créateur, j'avais offensé toutes les créatures, qui toutes étaient faites pour moi. Tous mes péchés me revenaient profondément à la mémoire, et dans la confession que je faisais à Dieu, je les pesais très profondément. Par la sainte vierge et par tous les saints j'invoquais la miséricorde de Dieu, et me sentant morte, je demandais à genoux la vie. Et je suppliais toutes les créatures que je sentais avoir offensées, de ne pas prendre la parole pour m'accuser devant Dieu. Tout à coup je crus sentir sur moi la pitié de toutes les créatures, et la pitié de tous les saints. Et je reçus alors un don : c'était un grand feu d'amour, et la puissance de prier comme jamais je n'avais prié.
Septième pas :
· Vue de la Croix
Ici je reçus la grâce spéciale du regard sur la croix sur laquelle je contemplais avec l’œil du cœur et celui du corps Jésus-Christ mort pour nous. Mais cette vision était insipide, quoique très douloureuse.
Huitième pas :
· Connaissance de Jésus-Christ
Je reçus, avec le regard sur la croix, une plus profonde connaissance de la façon dont Jésus-Christ était mort pour nos péchés. J'eus de mes propres péchés un sentiment très cruel, et je m'aperçus que l'auteur du crucifiement c'était moi. Mais l'immensité du bienfait de la croix, je ne m'en doutais pas encore. Mon salut, ma conversion, sa mort, je ne pénétrais pas dans le comment de ces choses. La profondeur de l'intelligence me fut donnée plus tard. Dans le regard que je raconte il n'y avait que du feu, feu d'amour et de regret, feu tel, que, debout au pied de la croix, je me dépouillai de toutes choses par la volonté et m'offris tout entière, et avec tremblement, je fis vœu de chasteté, et accusant mes membres, l'un après l'autre, je promis de les garder sans tache désormais. Et je priais qu'il me gardât fidèle à cette chasteté : d'une part je tremblais de faire cette promesse ; de l'autre le feu me l'arrachait, et il me fut impossible de résister.
Neuvième pas :
· La voie de la Croix
Ici le désir me fut donné de connaître la voie de la croix, afin de savoir me tenir debout à ses pieds, et trouver le refuge, l'universel refuge des pécheurs. La lumière vint, et voici comment me fut montrée la voie. Si tu veux aller à la croix, me dit l'Esprit, dépouille-toi de toutes choses, car il faut être légère et libre. Il fallut pardonner toute offense, me dépouiller de toute chose terrestre, hommes ou femmes, amis, parents et toute créature ; et de la possession de moi, et enfin de moi-même, et donner mon cœur à Jésus-Christ, de qui je tenais tout bien, et marcher par la voie épineuse, la voie de la tribulation. Je me défis pour la première fois de mes meilleurs vêtements et des aliments les plus délicats, et des coiffures les plus recherchées. Je sentis beaucoup de peine, beaucoup de honte, peu d'amour divin. J'étais encore avec mon mari, c'est pourquoi toute injure qui m'était dite ou faite avait un goût amer. Cependant je la portais comme je pouvais. Ce fut alors que Dieu voulut m'enlever ma mère, qui m'était, pour aller à lui, d'un grand empêchement. Mon mari et mes fils moururent aussi en peu de temps. Et parce que, étant entrée dans la route, j'avais prié Dieu qu'il me débarrassât d'eux tous, leur mort me fut une grande consolation. [2] Ce n'était pas que je fusse exempte de compassion ; mais je pensais qu'après cette grâce, mon cœur et ma volonté seraient toujours dans le cœur de Dieu, le cœur et la volonté de Dieu toujours dans mon cœur.
Dixième pas :
· Larmes
Je demandai à Dieu la chose la plus agréable à ses yeux. Alors, dans sa pitié, il m'apparut plusieurs fois dans le sommeil, ou dans la veille, crucifié. « Regarde, disait-il, regarde vers mes plaies. » Et par un procédé étonnant il me montrait comment il avait tout souffert pour moi. Ceci se renouvela plusieurs fois. Il me montrait chaque souffrance l'une après l'autre, en détail, et me disait : « Que peux-tu faire pour moi qui me récompense ? » Il m'apparut plusieurs fois dans le jour.
Les visions du jour étaient plus apaisées que celles de la nuit ; toutes avaient l'aspect de la plus horrible douleur. Il me montrait les tortures de sa tète, les poils de sourcils, les poils de barbe arrachés ! Il comptait les coups de la flagellation, me montrait en détail à quelle place chacun d'eux avait porté, et me disait : « C'est pour toi, pour toi, pour toi. » Alors tous mes péchés m'étant présentés à la mémoire, je compris que l'auteur de la flagellation, c'était moi. Je compris quelle devait être ma douleur. Je sentis ce que jamais je n'avais senti. Il continuait toujours, étalant sa Passion devant moi, et disant : « Que peux-tu faire qui me récompense ? » Je pleurai, je pleurai, je pleurai, je sanglotai à ce point que je vis mes larmes brûler ma chair ; quand je vis que je brûlais, j'allai chercher de l'eau froide.
Onzième pas :
· Pénitence
Je me portai vers une pénitence trop rude pour que je la dise ; et je m'efforçai de la pratiquer. Mais comme elle était incompatible avec les choses du siècle, je résolus de tout quitter pour suivre l'inspiration divine qui me poussait vers la croix. Ce projet fut une grâce étonnante, et voici comment elle me fut donnée. Le désir de la pauvreté me vint, et je craignis de mourir avant d'avoir été pauvre : d'un autre côté, j'étais combattue de mille tentations, j'étais jeune, la mendicité était entourée de périls et de hontes. Il me faudra, disais-je, un jour de faim, mourir de froid et mourir nue : personne au monde ne m'approuvera. Enfin Dieu eut pitié, et la lumière se fit dans mon cœur, et l'illumination fut si puissante, que jamais elle ne s'éteindra ; je résolus de persévérer dans mon dessein, dussé-je mourir de faim, de froid, de honte. Je résolus d'aller en avant, eussé-je la certitude de tous les maux possibles. Je sentis qu'au milieu d'eux je mourrais pour Dieu, et je me décidai résolument.
Douzième pas :
· La Passion
Je priai la mère du Christ et son évangéliste saint Jean, par la douleur qu'ils ont supportée, de m'obtenir un signe qui gravât pour l'éternité dans ma mémoire la Passion de Jésus-Christ.
Treizième pas :
· Le Cœur
Au milieu du désir je fus saisie par un songe où le Cœur du Christ me fut montré, et j'entendis ces paroles : « Voici le lieu sans mensonge, le lieu où tout est vérité. » Il me sembla que cela se rapportait aux paroles d'un certain prédicateur dont je m'étais beaucoup moquée.
Quatorzième pas :
· Agrandissement de la connaissance
Comme j'étais debout dans la prière, le Christ se montra à moi et me donna de lui une connaissance plus profonde. Je ne dormais pas. Il m'appela et me dit de poser mes lèvres sur la plaie de son côté. Il me sembla que j'appuyais mes lèvres, et que je buvais du sang, et dans ce sang encore chaud je compris que j'étais lavée. Je sentis pour la première fois une grande consolation, mêlée à une grande tristesse, car j'avais la Passion sous les yeux. Et je priai le Seigneur de répandre mon sang pour lui comme il avait répandu le sien pour moi. Je désirais pour chacun de mes membres une passion et une mort plus terrible et plus honteuse que la sienne. Je réfléchissais, cherchant quelqu'un qui voulût bien me tuer ; je voulais seulement mourir pour la foi, pour son amour, et puisqu'il était mort sur une croix, je demandais à mourir ailleurs, et par un plus vil instrument. Je me sentais indigne de la mort des martyrs ; j'en voulais une plus vile et plus cruelle. Mais je ne pouvais en imaginer une assez honteuse pour me satisfaire, ni assez différente de la mort des saints, auxquels je me trouvais indigne de ressembler.
Quinzième pas :
· Marie et Jean
Je fixai mon désir sur la vierge et saint Jean ; ils habitaient dans ma mémoire, et je les suppliais par la douleur qu'ils reçurent au jour de la Passion de m'obtenir les douleurs de Jésus-Christ, ou au moins celles qui leur furent données, à eux. Ils m'acquirent et m'obtinrent cette faveur, et saint Jean m'en combla tellement un jour, que ce jour-là compte parmi les plus terribles de ma vie. J'entrevis, dans un moment de lumière, que la compassion de saint Jean en face de Jésus et de Marie fit de lui plus qu'un martyr. De là un nouveau désir de me dépouiller de tout avec une pleine volonté. Le démon s'y opposa ; les hommes aussi, tous ceux de qui je prenais conseil, sans excepter les Frères Mineurs ; mais tous les biens, ni tous les maux du monde réunis n'auraient pu m'empêcher de donner ma fortune aux pauvres, ou du moins de la planter là, si on m'eût ôté les moyens de m'en débarrasser autrement. Je sentis que je ne pouvais rien réserver sans offenser Celui de qui venait l'illumination. Cependant je restais encore dans l'amertume, ne sachant si Dieu agréait mes sacrifices ; mais je pleurais, je criais et je disais : « Seigneur, si je suis damnée, je n'en veux pas moins faire pénitence, et me dépouiller et vous servir. » Je restais dans l’amertume du repentir, vide de douceur divine.
Voici comment je fus changée.
Seizième pas :
· L’oraison dominicale
Entrée dans une église, je demandai à Dieu une grâce quelconque. Je priais : je disais le Pater ; tout à coup Dieu écrivit de sa main le Pater dans mon cœur avec une telle accentuation de sa bonté et de mon indignité, que la parole me manque pour en dire un seul mot. Chacune des paroles du Pater se dilatait dans mon cœur ; je les disais l'une après l'autre avec une grande lenteur et contrition profonde, et malgré les larmes que m'arrachait une connaissance plus vive de mes fautes et de mon indignité, je commençai à goûter quelque chose de la douceur divine. La bonté divine se fit sentir à moi dans le Pater mieux que nulle part ailleurs, et cette impression dure au moment où je parle. Cependant, comme le Pater me révélait en même temps mes crimes, mon indignité, je n'osais lever les yeux ni vers le ciel, ni vers le crucifix, ni vers rien ; mais je suppliai la Vierge de demander grâce pour moi, et l'amertume persistait.
O pécheurs ! avec quelle lourdeur l'âme part pour la pénitence ! Que ces chaînes sont pesantes ! Que de mauvais conseillers ! Que d'empêchements ! Le monde, la chair et le démon !
Et à chacun de ces pas, j'étais retardée un certain temps avant de me traîner un pas plus loin : tantôt l’arrêt était plus long, tantôt il était moindre.
Dix-septième pas :
· L’espérance
Il me fut ensuite montré que la Vierge bienheureuse m'avait acquis un privilège par lequel une autre foi me fut donnée que la foi qui est donnée aux hommes. Alors mon ancienne foi me parut morte, et mes anciennes larmes m'apparurent comme de petites choses. Une compassion me fut donnée sur Jésus et sur Marie plus efficace qu'auparavant, et tout ce que je faisais de plus grand m'apparut comme petit, et je conçus le désir d'une pénitence plus énorme. Mon cœur fut enfermé dans la Passion du Christ, et l'espérance me fut donnée de mon salut par cette Passion. Je reçus pour la première fois la consolation par la voie des songes. Mes songes étaient beaux, et la consolation m'était donnée en eux. La douceur de Dieu me pénétra pour la première fois au dedans dans le cœur, au dehors dans le corps. Éveillée ou endormie, je la sentais continuellement. Mais comme je n'avais pas encore la certitude, l'amertume se mêlait à ma joie ; mon cœur n'était pas en repos, il me fallait autre chose.
Un de ces songes, choisi entre beaucoup d'autres. Je m'étais enfermée pendant le carême dans une retraite profonde, j'aimais, je méditais, j'étais arrêtée sur une parole de l'Évangile, parole de miséricorde et d'amour : il y avait un livre à côté de moi, c'était le Missel : j'eus soif de voir écrite la parole qui me tenait fixée. Je m'arrêtai, je me contins, craignant d'agir par amour-propre ; je résistai à la soif excessive, et mes mains n'ouvrirent pas le livre. Je m'endormis dans le désir. Je fus conduite dans le lieu de la vision : et il me fut dit que l'intelligence de l’Écriture contient de telles délices, que l'homme qui la posséderait oublierait le monde. « En veux-tu la preuve ? me dit mon guide. — Oui, oui, » répondis-je. Et j'avais soif, j'avais soif. La preuve me fut donnée : je compris, j'oubliai le monde. Mon guide reprit : « Il n'oublierait pas seulement le monde, celui qui goûterait la délectation inouïe de l'intelligence évangélique, il s'oublierait lui-même.» Il parla et j’éprouvai. Je compris, je sentis, et je demandai à ne plus sortir de là jamais. « Il n'est pas encore temps», dit-il, et il me conduisit. J'ouvris les yeux ; je sentais à la fois la joie immense de la vision donnée, la douleur immense de la vision perdue. Je garde encore aujourd'hui la délectation du souvenir. Alors la certitude me vint et me resta ; c'était une lumière, c'était une ardeur dans laquelle je vis, et j'affirme avec une science parfaite que tout ce qu'on prêche sur l'amour de Dieu n'est absolument rien : les prédicateurs ne sont pas capables d'en parler, et ne comprennent seulement pas ce qu'ils disent. Mon guide me l'avait dit pendant la vision.
Dix-huitième pas
· Le sentiment de Dieu
Ici je commençai à sentir Dieu, et saisie dans la prière par l'immense délectation, je ne me souvenais plus de la nourriture, et j'aurais voulu ne plus manger pour être toujours debout dans la prière. La tentation de ne plus manger se mêla à mon état nouveau, de ne plus manger, ou de manger trop peu ; mais je compris que ceci était une illusion. Tel était le feu dans mon cœur qu'aucune génuflexion ou qu'aucune pénitence ne me fatiguait. Et pourtant je fus conduite vers un plus grand feu et une ardeur plus brûlante. Alors je ne pouvais plus entendre parler de Dieu sans répondre par un cri, et quand j'aurais vu sur ma tète une hache levée, je n'aurais pas pu retenir ce cri. Ceci m'arriva pour la première fois le jour où je vendis mon château pour en donner le prix aux pauvres. C'était la meilleure de mes propriétés.
À partir de ce moment, quand on parlait de Dieu, mon cri m'échappait, même en présence des gens de toute espèce. On me crut possédée. Je ne dis pas le contraire ; c'est une infirmité, disais-je ; mais je ne peux pas faire autrement.
Je ne pouvais donner satisfaction à ceux qui détestaient mon cri : cependant une certaine pudeur me gênait. Si je voyais la Passion du Christ représentée par la peinture, je pouvais à peine me soutenir ; la fièvre me prenait et je me trouvais faible ; c'est pourquoi ma compagne me cachait les tableaux de la Passion. À cette époque j'eus plusieurs illuminations, sentiments, visions, consolations, dont quelques-unes seront écrites plus loin.
A suivre...
du Frère Arnaud
I
De peur que l'enflure de la sagesse du monde ne reçût pas du Dieu éternel la confusion qu'elle mérite, le Seigneur a suscité une femme habituée aux choses du siècle, liée par les obligations du monde, qui avait un mari, des enfants, une fortune ; une femme simple, dépourvue de science et de force ; mais qui; ayant reçu et accepté au fond d'elle-même, avec la croix de Jésus-Christ, la puissance infuse de Dieu, brisa les liens du monde, gravit le sommet de la perfection évangélique, renouvela dans sa plénitude absolue la folie de la croix, sagesse des parfaits, et montra, dans la voie abandonnée du bon Jésus, dans cette voie déclarée impossible et insupportable par la parole et l'exemple de quiconque fait le grand personnage, montra, disais-je, non pas seulement une vie possible, non pas seulement une vie , facile, mais les délices inouïes, les délices de la hauteur.
O Sagesse divine et parfaite, comme vous avez révélé dans votre servante la folie de toute sagesse humaine ! Vous avez opposé aux hommes une femme, aux enflés une humble, aux habiles une simple, aux savants une ignorante, aux hypocrites qui s'admirent une créature qui se méprise, aux langues pleines de paroles et aux mains vides d'actions, le silence des lèvres et l'activité dévorante, brûlante, stupéfiante de la vie ! Et la sagesse de la chair a été confrontée avec la sagesse de l'esprit, qui est la science de Jésus, et de Jésus crucifié ! Dans une femme forte, Dieu a manifesté sa lumière, qui était enterrée, comme dans un sépulcre de chair humaine, sous l'aveuglement des théoriciens.
Enfants de notre mère sacrée, prenez garde au respect humain ! Apprenez de notre Angèle, apprenez de notre ange, apprenez de l'Ange du grand conseil, la voix de la magnificence et la sagesse de la croix ! Apprenez la pauvreté, les douleurs, les opprobres et l'obéissance de Jésus ; apprenez Jésus-Christ, apprenez sa Mère, et quand vous aurez appris, enseignez cette science aux hommes, enseignez-la aux femmes, enseignez-la à toute créature dans le langage des actes réels, effectifs et puissants ! Et pour que la gloire de votre vocation, enfants de la haute science, apparaisse à vos yeux, sachez, mes bien-aimés, que celle qui nous a enseigné Dieu a fait ce qu'elle a enseigné. Souvenez-vous, mes bien-aimés, que les apôtres ont appris d'une femme la vie mortelle du Sauveur, et d'une femme sa résurrection.
Ainsi, cher fils de notre mère sacrée, venez apprendre avec moi la loi possédée, la loi prêchée par saint François d'Assise et ses compagnons, la loi immortalisée par la pratique d'Angèle.
Il n'est pas dans l'ordre ordinaire de la Providence qu'une femme enseigne et confonde la grossièreté des savants. Mais saint Jérôme, parlant de la prophétesse Olda, vers qui se faisait le concours des peuples, dit que, pour confondre la fierté de l'homme et la science prévaricatrice, le Seigneur a transporté sur la tête d'une femme le don de prophétie.
II
Au nom de la très sainte Trinité, au nom du Dieu tout-puissant, au nom de Jésus-Christ et de la Vierge, voici la manifestation des dons du Très-Haut faite sur l'esprit de ma mère, Angèle de Foligno. Suivant la parole et la promesse qu'il a faite dans son Évangile : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous demeurerons en lui » ; et : « Celui qui m'aime, je me manifesterai moi-même à lui » [1] .
Le Seigneur nous a permis d'éprouver nous-même la vérité de cette parole. Il s'est manifesté récemment à quelques âmes dévouées, mais très particulièrement à l'esprit de ma mère Angèle.
Moi, frère Arnaud, de l'ordre des Mineurs, à force de supplications, je lui arrachai le secret de ses yeux et de son âme. Intimement uni à elle par une familiarité quotidienne et par la charité du Christ, j'eus cependant besoin, pour lui faire violence, des raisons les plus graves, les plus sacrées qui soient au monde.
Les dons de Dieu étaient enfermés en elle par un sceau redoutable et quand j'approchais, quand j'allais demander, elle répondait : « Mon secret est à moi. » Que de fois j'ai entendu cette parole ! Selon toute probabilité, j'aurais échoué pour toujours, et les hommes eussent été frustrés, si Angèle n'eût vu mon immense douleur. Angèle eut pitié de moi : la compassion fut ce qui l'ébranla d'abord ; puis vint l'intérêt des âmes humaines, et l'amour qu'elle avait pour le prochain ; mais enfin et surtout elle reçut un ordre d'en haut : elle fut forcée, et se rendit. J'écrivis ce qu'on va lire.
Angèle dictait, et j'écrivais ; mais elle parlait malgré elle. Au milieu de ses révélations, elle s'interrompait pour me dire : « Tout ce que je viens d'articuler n'est rien ! tout cela n'a pas de sens ! Je ne peux pas parler. »
Quelquefois, dans les instants les plus sublimes, quand la parole lui manquait, vaincue par la hauteur des choses, comparant ce qu'elle disait avec ce qu'elle aurait voulu dire, elle s'arrêtait et me criait : « Je blasphème ! frère, je blasphème ! Notre pauvre langage humain, disait-elle, ne convient guère que dans les occasions où il s'agit des corps et des idées ; au-delà, il n'en peut plus. S'il s'agit des choses divines et de leurs influences, la parole meurt absolument. »
Quelquefois elle se servait de paroles qui m'étaient absolument inconnues et étrangères : c'était immense, c'était puissant, c'était éblouissant ; c'était mille fois plus admirable que tout ce que j'ai écrit. Elle ne pouvait rien formuler. J'entrevoyais quelque chose d'inouï ; mais, ne sachant pas quoi, je restais là sans écrire. Quelquefois j'ai vu Angèle dans une douleur profonde, parce qu'il lui était impossible de rien manifester.
Quant à moi, pour dire la vérité, je ne comprenais de ses paroles qu'une très petite partie. Je me comparais souvent à un crible qui laisse passer et qui jette au vent ce qu'il y a de plus précieux dans la substance, ne retenant que ce qu'il y a de plus grossier. Je suis évidemment un homme tout à fait incapable ; je n'entends pas les choses divines : en voici la preuve. Après avoir écrit sous sa dictée, je relisais à Angèle, afin de soumettre l'œuvre à ses corrections. Très souvent elle me disait : « C'est singulier ! C'est étonnant ! Qu'avez-vous donc écrit ? Je ne reconnais pas cela. »
Un jour elle me dit :
« Je ne sais comment vous faites : ce que vous avez écrit là n'a aucune saveur» .
Une autre fois, elle me fit cette remarque :
« Les paroles que vous avez écrites servent tout au plus à me rappeler de loin le souvenir de celles que j'ai entendues. Mais si je ne voyais les choses dans la lumière intérieure, ce que vous avez écrit là ne m'en donnerait pas la moindre idée.
Tout ce qu'il y a de bas et d'insignifiant dans mes paroles, me dit-elle, vous l'avez écrit, mais la substance précieuse, la chose de l'âme, vous n'en avez pas dit un mot. »
Vous voyez quel homme je suis. Mille choses ont été perdues par mon incapacité. J'étais là comme un idiot, écoutant et ne comprenant pas. Par exemple je n'ai pas ajouté un mot qui vînt de moi.
C'est l'intelligence qui me manque. Quelquefois je n'ai pu suivre en écrivant sa parole, et, dans le moulent qui suivait celui-là, le temps ou la mémoire m'a fait défaut pour rétablir le texte.
Mille autres causes ont encore altéré mon œuvre. Quelquefois j'allais prés d'elle avec une conscience troublée ; tans ce cas, tout mon travail était absolument manqué. Je ne pouvais écrire deux mots avec suite. Je pris alors l'habitude de recourir, avant d'aborder Angèle, au sacrement de pénitence. Il me semble qu'après l'absolution j'étais moins incapable d'entendre et de reproduire : je sentais le secours de la grâce.
Tel qu'il est, mon travail manque d'ordre. Et cependant, tel que je me connais, je trouve merveilleux d'avoir fait le peu que voila. L'ordre qui s'y trouve, si insuffisant qu'il soit, est dû à mes secours surnaturels.
Une de grandes sollicitudes, une des grandes douleurs de ma vie, c'est de n'avoir pas réussi plus pleinement. Et pourtant je sentais, par les mérites de ma mère bienheureuse, je sentais une grâce spirituelle, absolument inconnue, sans exemple dans ma vie.
Je me rends ce témoignage de n'avoir rien mis qui fût de moi ; j'affirme que je n'ai pas ajouté un mot. J'ai mis le peu de paroles que j'ai comprises, mais je n'ai pas mis autre chose.
Épouvanté de mon redoutable ministère, j'écrivais avec un grand tremblement.
Souvent je me faisais répéter plusieurs fois le mot que je devais écrire. Je tâchais de reproduire les mots dont elle s'était servie, dans la crainte d'altérer l'idée en altérant l'expression. Quelquefois Angèle disait, en relisant mon travail :
« Je me repentirais d'avoir divulgué ces choses, si je n'avais entendu cette parole : «Plus tu donneras la lumière, plus tu la garderas. »
« Écoutez bien disait-elle encore, écoutez bien, frère Arnaud. La voix du Ciel m'a ordonné plusieurs fois de faire écrire à la fin de chaque chapitre : « Que le lecteur rendre grâce à Dieu, puisque ce chapitre est écrit. »
À trois lieues d'Assise, à Foligno, vivait une femme qui venait de se convertir. Elle avait mari et enfants. Elle entra dans la voie d'une pénitence inouïe ; j'en ai la preuve. En outre, elle souffrit dans son âme et dans son corps tentations et tourments. Elle souffrit invisiblement certaines tortures auxquelles plusieurs autres âmes ont été soumises visiblement. Elle souffrit cruellement, car les démons savent torturer beaucoup mieux que les hommes ! Un homme digne de foi tomba un jour dans un étonnement épouvantable, parce qu'il avait entendu de la bouche d'Angèle les tortures que lui faisait subir son ennemi infernal. Cet homme eut une révélation divine qui lui confirma la réalité du fait. Il est impossible de dire de quelle compassion il fut touché.
Angèle était profonde et ardente dans la prière, très sage dans la confession. Un jour elle me confessa tous les péchés de sa vie avec une telle perfection de connaissance, un si profond discernement, avec une telle contrition, avec de telles larmes, et ces larmes ne cessèrent pas un instant de couler depuis la première jusqu'à la dernière parole, avec une telle puissance d'humilité, que je pleurais dans mon cœur : « O mon Dieu, disais-je, Seigneur mon Dieu, quand vous abandonneriez le monde entier à l'erreur, vous ne permettriez pas qu'une telle sincérité, une telle véracité, une telle droiture fût trompée jamais ! »
La nuit suivante, elle fut malade à la mort. Le lendemain matin, elle se traîna très difficilement à l'église des Frères ; je dis la messe et je lui donnai la communion. Je sais que jamais elle n'a communié sans recevoir quelque grâce immense et chaque fois une grâce nouvelle. Telle était la puissance des illuminations, des illustrations et des joies dont son âme était enivrée, que tout cela rejaillissait à chaque instant sur le corps. Très souvent, quand je voulais lui relire ce que j'avais écrit sous sa dictée, le ravissement l'emportait, et elle n'entendait plus un mot. Quand elle causait avec le Seigneur, la joie donnait à Angèle une autre figure et un autre corps j la délectation du Saint-Esprit mettait sa chair en feu : j'ai vu ses yeux ardents comme la lampe de l'autel ; j'ai vu sa figure ressembler à une rose pourpre. Sa tête avait par moments une richesse, une plénitude de vie, une splendeur, une magnificence angéliques qui l'élevaient au-dessus de la condition humaine ; elle oubliait alors de boire et de manger ; on eût dit un esprit sans corps, et pourtant le corps était éblouissant.
Elle avait pour compagne une vierge chrétienne qui vivait avec elle ; cette femme m'a raconté qu'un jour elle était en route avec Angèle. Je ne sais où elles allaient. Tout à coup, dans le chemin, voici la tête d'Angèle qui devient resplendissante, ses joues changent de couleur ; transfigurée par la joie, elle n'offre plus avec elle-même aucun trait de ressemblance. Ses yeux, plus grands qu'à l'ordinaire, étaient éblouissants à regarder. Sa compagne était une femme extraordinairement naïve, et qui, à cette époque, ne connaissait pas encore les coups de foudre de Dieu et les habitudes d'Angèle. Ignorant tout cela, cette bonne femme avait peur de rencontrer quelqu'un. Dans l'excès de sa naïveté, elle se couvrit elle-même la tête.
« Faites comme moi, disait-elle à Angèle ; couvrez-vous, couvrez-vous. Vous ne savez donc pas que vos yeux sont comme deux candélabres. » Et la pauvre femme se lamentait, se frappait la poitrine et disait : « Mais qu'est-ce donc, qu'est-ce donc qui vous est arrivé-là ! Désormais cachez-vous aux hommes. Eh ! qu'est-ce donc que nous allons devenir !
— Ne craignez pas, répondit Angèle ; si nous rencontrons quelqu'un, Dieu veillera sur la rencontre. »
Sa compagne finit par s'habituer, car la transfiguration d'Angèle arrivait à tout instant. Un jour, je tiens ce fait de la même personne, Angèle était étendue et en extase. Son amie vit sur son côté une étoile magnifique qui, sans être très grande, réunissait un nombre immense de couleurs éblouissantes. Puis elle lança des rayons d'une beauté inouïe, les uns très fins, les autres plus gros : ils sortaient du cœur d'Angèle, se repliaient vers lui, puis remontaient au ciel. Ce phénomène dura trois heures.
Quand Angèle était tourmentée par la tentation, ou saisie par des langueurs d'amour, elle pâlissait, elle séchait sur pied, elle faisait compassion.
Cette femme avait un corps débile.
Moi, frère Arnaud, après avoir écrit ce livre, je priai Angèle de demander à Dieu si je n'avais rien écrit de faux ou d'inutile. J'éprouvais le besoin que Dieu lui-même, dans sa miséricorde, me dît si je ne m'étais pas trompé.
Elle répondit :
« J'ai demandé plusieurs fois à Dieu si dans ce que j'ai dit et dans ce que tu as écrit il y avait mensonge ou inutilité. Or, voici quelle réponse me fut faite et quelle certitude me fut donnée : « Tout ce que j'ai dit, tout ce que vous avez écrit, tout cela est vrai ; il n'y a rien de faux, il n'y a rien d'inutile, mais il y a insuffisance. Les choses n'ont pas trouvé la perfection dans nos paroles. La hauteur et la douceur des visions ne pouvait être renfermée dans le langage humain.
« Tout cela, avait dit le Seigneur, est selon ma volonté ; tout cela vient de moi, et je poserai mon sceau sur ce livre (Sigillabo). » Et comme Angèle ne comprenait pas ce mot : « Je poserai mon sceau », la voix reprit, et se servit d'un autre mot : « Je confirmerai ma parole (Firmabo). »
Moi, frère Arnaud, qui écrivais sous sa dictée, je répète que je n'ai rien ajouté, mais que j'ai beaucoup omis ; j'ai omis beaucoup de choses trop hautes pour entrer dans mon misérable entendement.
Par la volonté de Dieu, mon livre a été examiné par deux frères mineurs dignes de foi ; ils l'ont examiné dans la compagnie d'Angèle ; ils ont eux-mêmes entendu ce que j'ai écrit ; ils ont conféré de toutes ces choses avec Angèle elle-même afin d'avoir des renseignements plus certains. Un nouvel examen eut encore lieu plus tard. Ce fut le seigneur Jacques de la Colonne qui s'en chargea. Il prit pour l'aider huit frères mineurs fameux entre tous. Parmi eux il y avait des lecteurs, des inquisiteurs, des custodes. Ils étaient tous dignes de foi, modestes et spirituels. Pas un n'attaqua un seul mot du livre. Ils ne firent que vénérer humblement et embrasser tendrement.
J'engage le lecteur à ne pas s'étonner si les paroles ardentes de l'amour remplissent ce livre. La sainte Écriture en est pleine aussi. Le Cantique des Cantiques est là pour l'attester. Le lecteur sentira, d'ailleurs, qu'au milieu des transports et des sublimités, la grâce divine préserva si parfaitement Angèle de l'orgueil, que la hauteur des révélations approfondit l'âme de son humilité.
J'ai encore une observation à faire.
Angèle déclare plusieurs fois, au milieu des transports et des transformations, qu'elle est élevée pour toujours à un nouvel état de lumière, de joie et de délectation, et que cette joie sera éternelle.
Voici, je pense, dans quel sens il faut entendre ces paroles.
Une nouvelle illustration divine la constitue dans un état nouveau de transformation divine. Cet état est continuel. Elle entre dans une nouvelle lumière, dans un nouveau sentiment de Dieu. Elle entre dans une solitude qu'elle n'a pas encore habitée.
Bien que cette demeure soit permanente, et n'affecte pas la ressemblance d'un acte interrompu, cependant elle est susceptible d'accroissements toujours nouveaux, Angèle y trouve à chaque instant de nouvelles ardeurs, de nouvelles joies, de nouvelles impressions, des suavités nouvelles ; et cependant c'est toujours la même illustration qui dure, quant à son principe immuable. La transformation en elle-même n'est pas un acte passager, elle est continuelle comme une habitude ; mais des transports de plus en plus sublimes, des suavités, des illustrations et des visions de plus en plus hautes peuvent se produire en elle et par elle.
Frère Arnaud
ANGÈLE DE FOLIGNO
Moi, dit Angèle de Foligno, entrant dans la voie de la pénitence, je fis dix-huit pas avant de connaître l'imperfection de la vie.
Premier pas :
· Angèle prend connaissance de ses péchés
Je regardai pour la première fois mes péchés, j'en acquis la connaissance ; mon âme entra en crainte ; elle trembla à cause de sa damnation, et je pleurai, je pleurai beaucoup.
Deuxième pas :
· La confession
Puis je rougis pour la première fois, et telle fut ma honte, que je reculais devant l'aveu. Je ne me confessai pas, je n'osais pas avouer, et j'allai à la sainte table, et ce fut avec mes péchés que je reçus le corps de Jésus-Christ. C'est pourquoi ni jour ni nuit ma conscience ne cessait de gronder. Je priai saint François de me faire trouver le confesseur qu'il me fallait, quelqu'un qui pût comprendre et à qui je pusse parler. La même nuit, le vieillard m'apparut. « Ma sœur, dit-il, si tu m'avais appelé plus tôt, je t'aurais exaucée plus tôt.
Ce que tu demandes est fait. »
Le matin, je trouvai dans l'église de Saint-Félicien un frère qui prêchait.
Après le sermon, je résolus de me confesser à lui. Je me confessai pleinement ; je reçus l'absolution. Je ne sentis pas d’amour ; l'amertume seulement, la honte et la douleur.
Troisième pas :
· La satisfaction
Je persévérai dans la pénitence qui me fut imposée ; j'essayai de satisfaire la justice, vide de consolation, pleine de douleur.
Quatrième pas :
· Considération de la Miséricorde
Je jetai un premier regard sur la divine miséricorde ; je fis connaissance avec celle qui m'avait retirée de l'enfer, avec celle qui m'avait fait la grâce que je raconte. Je reçus sa première illumination ; la douleur et les pleurs redoublèrent. Je me livrai à une pénitence sévère ; mais je ne veux pas dire laquelle.
Cinquième pas
· Connaissance profonde d’elle-même
Ainsi éclairée, je n'aperçus en moi que des défauts, je vis avec une certitude pleine que j'avais mérité l'enfer ; je gémissais dans l'amertume, et je prononçai ma condamnation.
Comprenez que tous ces pas ne se suivirent pas sans intervalle. Ayez donc pitié d'une pauvre âme, qui se meut si lourdement, qui traîne vers Dieu son grand poids, sa grande lourdeur, et qui fait à peine un petit mouvement. Je me souviens qu'à chaque pas je m'arrêtais pour pleurer, et je ne recevais pas d'autre consolation que celle-ci, le pouvoir de pleurer ; c'était la seule, et celle-là était amère.
Sixième pas :
· Elle se reconnaît coupable envers toutes les créatures
Une illumination me donna la vue de mes péchés dans la profondeur. Ici je compris qu'en offensant le Créateur, j'avais offensé toutes les créatures, qui toutes étaient faites pour moi. Tous mes péchés me revenaient profondément à la mémoire, et dans la confession que je faisais à Dieu, je les pesais très profondément. Par la sainte vierge et par tous les saints j'invoquais la miséricorde de Dieu, et me sentant morte, je demandais à genoux la vie. Et je suppliais toutes les créatures que je sentais avoir offensées, de ne pas prendre la parole pour m'accuser devant Dieu. Tout à coup je crus sentir sur moi la pitié de toutes les créatures, et la pitié de tous les saints. Et je reçus alors un don : c'était un grand feu d'amour, et la puissance de prier comme jamais je n'avais prié.
Septième pas :
· Vue de la Croix
Ici je reçus la grâce spéciale du regard sur la croix sur laquelle je contemplais avec l’œil du cœur et celui du corps Jésus-Christ mort pour nous. Mais cette vision était insipide, quoique très douloureuse.
Huitième pas :
· Connaissance de Jésus-Christ
Je reçus, avec le regard sur la croix, une plus profonde connaissance de la façon dont Jésus-Christ était mort pour nos péchés. J'eus de mes propres péchés un sentiment très cruel, et je m'aperçus que l'auteur du crucifiement c'était moi. Mais l'immensité du bienfait de la croix, je ne m'en doutais pas encore. Mon salut, ma conversion, sa mort, je ne pénétrais pas dans le comment de ces choses. La profondeur de l'intelligence me fut donnée plus tard. Dans le regard que je raconte il n'y avait que du feu, feu d'amour et de regret, feu tel, que, debout au pied de la croix, je me dépouillai de toutes choses par la volonté et m'offris tout entière, et avec tremblement, je fis vœu de chasteté, et accusant mes membres, l'un après l'autre, je promis de les garder sans tache désormais. Et je priais qu'il me gardât fidèle à cette chasteté : d'une part je tremblais de faire cette promesse ; de l'autre le feu me l'arrachait, et il me fut impossible de résister.
Neuvième pas :
· La voie de la Croix
Ici le désir me fut donné de connaître la voie de la croix, afin de savoir me tenir debout à ses pieds, et trouver le refuge, l'universel refuge des pécheurs. La lumière vint, et voici comment me fut montrée la voie. Si tu veux aller à la croix, me dit l'Esprit, dépouille-toi de toutes choses, car il faut être légère et libre. Il fallut pardonner toute offense, me dépouiller de toute chose terrestre, hommes ou femmes, amis, parents et toute créature ; et de la possession de moi, et enfin de moi-même, et donner mon cœur à Jésus-Christ, de qui je tenais tout bien, et marcher par la voie épineuse, la voie de la tribulation. Je me défis pour la première fois de mes meilleurs vêtements et des aliments les plus délicats, et des coiffures les plus recherchées. Je sentis beaucoup de peine, beaucoup de honte, peu d'amour divin. J'étais encore avec mon mari, c'est pourquoi toute injure qui m'était dite ou faite avait un goût amer. Cependant je la portais comme je pouvais. Ce fut alors que Dieu voulut m'enlever ma mère, qui m'était, pour aller à lui, d'un grand empêchement. Mon mari et mes fils moururent aussi en peu de temps. Et parce que, étant entrée dans la route, j'avais prié Dieu qu'il me débarrassât d'eux tous, leur mort me fut une grande consolation. [2] Ce n'était pas que je fusse exempte de compassion ; mais je pensais qu'après cette grâce, mon cœur et ma volonté seraient toujours dans le cœur de Dieu, le cœur et la volonté de Dieu toujours dans mon cœur.
Dixième pas :
· Larmes
Je demandai à Dieu la chose la plus agréable à ses yeux. Alors, dans sa pitié, il m'apparut plusieurs fois dans le sommeil, ou dans la veille, crucifié. « Regarde, disait-il, regarde vers mes plaies. » Et par un procédé étonnant il me montrait comment il avait tout souffert pour moi. Ceci se renouvela plusieurs fois. Il me montrait chaque souffrance l'une après l'autre, en détail, et me disait : « Que peux-tu faire pour moi qui me récompense ? » Il m'apparut plusieurs fois dans le jour.
Les visions du jour étaient plus apaisées que celles de la nuit ; toutes avaient l'aspect de la plus horrible douleur. Il me montrait les tortures de sa tète, les poils de sourcils, les poils de barbe arrachés ! Il comptait les coups de la flagellation, me montrait en détail à quelle place chacun d'eux avait porté, et me disait : « C'est pour toi, pour toi, pour toi. » Alors tous mes péchés m'étant présentés à la mémoire, je compris que l'auteur de la flagellation, c'était moi. Je compris quelle devait être ma douleur. Je sentis ce que jamais je n'avais senti. Il continuait toujours, étalant sa Passion devant moi, et disant : « Que peux-tu faire qui me récompense ? » Je pleurai, je pleurai, je pleurai, je sanglotai à ce point que je vis mes larmes brûler ma chair ; quand je vis que je brûlais, j'allai chercher de l'eau froide.
Onzième pas :
· Pénitence
Je me portai vers une pénitence trop rude pour que je la dise ; et je m'efforçai de la pratiquer. Mais comme elle était incompatible avec les choses du siècle, je résolus de tout quitter pour suivre l'inspiration divine qui me poussait vers la croix. Ce projet fut une grâce étonnante, et voici comment elle me fut donnée. Le désir de la pauvreté me vint, et je craignis de mourir avant d'avoir été pauvre : d'un autre côté, j'étais combattue de mille tentations, j'étais jeune, la mendicité était entourée de périls et de hontes. Il me faudra, disais-je, un jour de faim, mourir de froid et mourir nue : personne au monde ne m'approuvera. Enfin Dieu eut pitié, et la lumière se fit dans mon cœur, et l'illumination fut si puissante, que jamais elle ne s'éteindra ; je résolus de persévérer dans mon dessein, dussé-je mourir de faim, de froid, de honte. Je résolus d'aller en avant, eussé-je la certitude de tous les maux possibles. Je sentis qu'au milieu d'eux je mourrais pour Dieu, et je me décidai résolument.
Douzième pas :
· La Passion
Je priai la mère du Christ et son évangéliste saint Jean, par la douleur qu'ils ont supportée, de m'obtenir un signe qui gravât pour l'éternité dans ma mémoire la Passion de Jésus-Christ.
Treizième pas :
· Le Cœur
Au milieu du désir je fus saisie par un songe où le Cœur du Christ me fut montré, et j'entendis ces paroles : « Voici le lieu sans mensonge, le lieu où tout est vérité. » Il me sembla que cela se rapportait aux paroles d'un certain prédicateur dont je m'étais beaucoup moquée.
Quatorzième pas :
· Agrandissement de la connaissance
Comme j'étais debout dans la prière, le Christ se montra à moi et me donna de lui une connaissance plus profonde. Je ne dormais pas. Il m'appela et me dit de poser mes lèvres sur la plaie de son côté. Il me sembla que j'appuyais mes lèvres, et que je buvais du sang, et dans ce sang encore chaud je compris que j'étais lavée. Je sentis pour la première fois une grande consolation, mêlée à une grande tristesse, car j'avais la Passion sous les yeux. Et je priai le Seigneur de répandre mon sang pour lui comme il avait répandu le sien pour moi. Je désirais pour chacun de mes membres une passion et une mort plus terrible et plus honteuse que la sienne. Je réfléchissais, cherchant quelqu'un qui voulût bien me tuer ; je voulais seulement mourir pour la foi, pour son amour, et puisqu'il était mort sur une croix, je demandais à mourir ailleurs, et par un plus vil instrument. Je me sentais indigne de la mort des martyrs ; j'en voulais une plus vile et plus cruelle. Mais je ne pouvais en imaginer une assez honteuse pour me satisfaire, ni assez différente de la mort des saints, auxquels je me trouvais indigne de ressembler.
Quinzième pas :
· Marie et Jean
Je fixai mon désir sur la vierge et saint Jean ; ils habitaient dans ma mémoire, et je les suppliais par la douleur qu'ils reçurent au jour de la Passion de m'obtenir les douleurs de Jésus-Christ, ou au moins celles qui leur furent données, à eux. Ils m'acquirent et m'obtinrent cette faveur, et saint Jean m'en combla tellement un jour, que ce jour-là compte parmi les plus terribles de ma vie. J'entrevis, dans un moment de lumière, que la compassion de saint Jean en face de Jésus et de Marie fit de lui plus qu'un martyr. De là un nouveau désir de me dépouiller de tout avec une pleine volonté. Le démon s'y opposa ; les hommes aussi, tous ceux de qui je prenais conseil, sans excepter les Frères Mineurs ; mais tous les biens, ni tous les maux du monde réunis n'auraient pu m'empêcher de donner ma fortune aux pauvres, ou du moins de la planter là, si on m'eût ôté les moyens de m'en débarrasser autrement. Je sentis que je ne pouvais rien réserver sans offenser Celui de qui venait l'illumination. Cependant je restais encore dans l'amertume, ne sachant si Dieu agréait mes sacrifices ; mais je pleurais, je criais et je disais : « Seigneur, si je suis damnée, je n'en veux pas moins faire pénitence, et me dépouiller et vous servir. » Je restais dans l’amertume du repentir, vide de douceur divine.
Voici comment je fus changée.
Seizième pas :
· L’oraison dominicale
Entrée dans une église, je demandai à Dieu une grâce quelconque. Je priais : je disais le Pater ; tout à coup Dieu écrivit de sa main le Pater dans mon cœur avec une telle accentuation de sa bonté et de mon indignité, que la parole me manque pour en dire un seul mot. Chacune des paroles du Pater se dilatait dans mon cœur ; je les disais l'une après l'autre avec une grande lenteur et contrition profonde, et malgré les larmes que m'arrachait une connaissance plus vive de mes fautes et de mon indignité, je commençai à goûter quelque chose de la douceur divine. La bonté divine se fit sentir à moi dans le Pater mieux que nulle part ailleurs, et cette impression dure au moment où je parle. Cependant, comme le Pater me révélait en même temps mes crimes, mon indignité, je n'osais lever les yeux ni vers le ciel, ni vers le crucifix, ni vers rien ; mais je suppliai la Vierge de demander grâce pour moi, et l'amertume persistait.
O pécheurs ! avec quelle lourdeur l'âme part pour la pénitence ! Que ces chaînes sont pesantes ! Que de mauvais conseillers ! Que d'empêchements ! Le monde, la chair et le démon !
Et à chacun de ces pas, j'étais retardée un certain temps avant de me traîner un pas plus loin : tantôt l’arrêt était plus long, tantôt il était moindre.
Dix-septième pas :
· L’espérance
Il me fut ensuite montré que la Vierge bienheureuse m'avait acquis un privilège par lequel une autre foi me fut donnée que la foi qui est donnée aux hommes. Alors mon ancienne foi me parut morte, et mes anciennes larmes m'apparurent comme de petites choses. Une compassion me fut donnée sur Jésus et sur Marie plus efficace qu'auparavant, et tout ce que je faisais de plus grand m'apparut comme petit, et je conçus le désir d'une pénitence plus énorme. Mon cœur fut enfermé dans la Passion du Christ, et l'espérance me fut donnée de mon salut par cette Passion. Je reçus pour la première fois la consolation par la voie des songes. Mes songes étaient beaux, et la consolation m'était donnée en eux. La douceur de Dieu me pénétra pour la première fois au dedans dans le cœur, au dehors dans le corps. Éveillée ou endormie, je la sentais continuellement. Mais comme je n'avais pas encore la certitude, l'amertume se mêlait à ma joie ; mon cœur n'était pas en repos, il me fallait autre chose.
Un de ces songes, choisi entre beaucoup d'autres. Je m'étais enfermée pendant le carême dans une retraite profonde, j'aimais, je méditais, j'étais arrêtée sur une parole de l'Évangile, parole de miséricorde et d'amour : il y avait un livre à côté de moi, c'était le Missel : j'eus soif de voir écrite la parole qui me tenait fixée. Je m'arrêtai, je me contins, craignant d'agir par amour-propre ; je résistai à la soif excessive, et mes mains n'ouvrirent pas le livre. Je m'endormis dans le désir. Je fus conduite dans le lieu de la vision : et il me fut dit que l'intelligence de l’Écriture contient de telles délices, que l'homme qui la posséderait oublierait le monde. « En veux-tu la preuve ? me dit mon guide. — Oui, oui, » répondis-je. Et j'avais soif, j'avais soif. La preuve me fut donnée : je compris, j'oubliai le monde. Mon guide reprit : « Il n'oublierait pas seulement le monde, celui qui goûterait la délectation inouïe de l'intelligence évangélique, il s'oublierait lui-même.» Il parla et j’éprouvai. Je compris, je sentis, et je demandai à ne plus sortir de là jamais. « Il n'est pas encore temps», dit-il, et il me conduisit. J'ouvris les yeux ; je sentais à la fois la joie immense de la vision donnée, la douleur immense de la vision perdue. Je garde encore aujourd'hui la délectation du souvenir. Alors la certitude me vint et me resta ; c'était une lumière, c'était une ardeur dans laquelle je vis, et j'affirme avec une science parfaite que tout ce qu'on prêche sur l'amour de Dieu n'est absolument rien : les prédicateurs ne sont pas capables d'en parler, et ne comprennent seulement pas ce qu'ils disent. Mon guide me l'avait dit pendant la vision.
Dix-huitième pas
· Le sentiment de Dieu
Ici je commençai à sentir Dieu, et saisie dans la prière par l'immense délectation, je ne me souvenais plus de la nourriture, et j'aurais voulu ne plus manger pour être toujours debout dans la prière. La tentation de ne plus manger se mêla à mon état nouveau, de ne plus manger, ou de manger trop peu ; mais je compris que ceci était une illusion. Tel était le feu dans mon cœur qu'aucune génuflexion ou qu'aucune pénitence ne me fatiguait. Et pourtant je fus conduite vers un plus grand feu et une ardeur plus brûlante. Alors je ne pouvais plus entendre parler de Dieu sans répondre par un cri, et quand j'aurais vu sur ma tète une hache levée, je n'aurais pas pu retenir ce cri. Ceci m'arriva pour la première fois le jour où je vendis mon château pour en donner le prix aux pauvres. C'était la meilleure de mes propriétés.
À partir de ce moment, quand on parlait de Dieu, mon cri m'échappait, même en présence des gens de toute espèce. On me crut possédée. Je ne dis pas le contraire ; c'est une infirmité, disais-je ; mais je ne peux pas faire autrement.
Je ne pouvais donner satisfaction à ceux qui détestaient mon cri : cependant une certaine pudeur me gênait. Si je voyais la Passion du Christ représentée par la peinture, je pouvais à peine me soutenir ; la fièvre me prenait et je me trouvais faible ; c'est pourquoi ma compagne me cachait les tableaux de la Passion. À cette époque j'eus plusieurs illuminations, sentiments, visions, consolations, dont quelques-unes seront écrites plus loin.
A suivre...
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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