Mai 68. « Le 29 le général de Gaulle a disparu ! »
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Mai 68. « Le 29 le général de Gaulle a disparu ! »
Mai 68. « Le 29, le général de Gaulle a disparu ! »
Le Costarmoricain François Flohic, 97 ans, était l’aide de camp du général de Gaulle en mai 68. Il a vécu, heure après heure, le voyage express du chef de l’État à Baden-Baden.
Dans un livre passionnant, François Flohic raconte ce jour où la France n’avait plus de président. Nous l’avons rencontré.
Comment le général de Gaulle a-t-il vécu le début de mai 68 ?
Le Général ne voit dans les premiers défilés et les premiers slogans de mai qu’un chahut estudiantin un peu poussé… Mais très rapidement, il déchante : le mouvement se durcit et s’étend en province. Les ouvriers se joignent aux étudiants. Le 13 mai, c’est l’appel à la grève générale. La Sorbonne est occupée. De Gaulle s’inquiète alors de la tournure des événements et trouve le gouvernement de Georges Pompidou trop laxiste…
Les deux hommes n’ont pas la même perception des événements ?
Ils étaient clairement en opposition sur la tactique à suivre. De Gaulle prônait la fermeté. Le Général n’excluait d’ailleurs pas une intervention militaire pour reprendre le contrôle de la rue. Georges Pompidou, lui, voulait donner l’apparence d’un homme de dialogue, de consensus… attendant le retournement de l’opinion. Ce n’est qu’à partir du 25 mai qu’il changera de posture et envisagera à son tour l’utilisation des forces de l’ordre au Quartier latin…
On peut parler de tension au sein même du pouvoir ? Vous évoquez même dans votre livre un « coup d’État intérieur »…
Oui. Pompidou estime qu’il est un homme neuf. Que lui seul peut régler la crise… et que de Gaulle doit s’en aller. « C’est moi qui commande à présent », lance le Premier ministre à son collègue Louis Joxe, qui s’interroge sur le bien-fondé de certaines décisions du gouvernement… Dans la majorité, beaucoup militent ouvertement pour le départ pur et simple du chef de l’État. Même Philippe, le fils du général, estime que son père doit partir. Vous imaginez l’ambiance…
À ce moment précis, de Gaulle a-t-il encore la maîtrise du pouvoir ?
Il sent qu’il lui échappe. D’autant que Pompidou poursuit son cavalier seul en entamant les négociations des accords de Grenelle avec les syndicats ouvriers et patronaux. Les fidèles du Général, comme Michel Debré, ont été écartés des discussions… Malgré ces négociations menées par Matignon, la situation reste très tendue : une grande manifestation géante, organisée par la CGT et le PC, est prévue le 29 mai à Paris. On craint le pire : l’hypothèse d’un assaut contre l’Élysée n’est pas écartée. De Gaulle, qui ne dort plus depuis plusieurs jours, est très fatigué et un peu abattu. Il va cependant jouer sa dernière carte. « Dans cette débandade générale, il me faut provoquer un choc dans l’opinion publique », confie-t-il à son gendre, Philippe de Boissieu, le 28 mai au soir.
Ce choc, c’est la fameuse fugue à Baden-Baden ?
Tout à fait. Officiellement, de Gaulle part se reposer à Colombey. C’est en tout cas ce qu’il affirme au téléphone à Pompidou le 29 mai. Le Conseil des ministres, prévu dans la matinée, est repoussé au lendemain. Quelques minutes après le décollage de l’hélicoptère censé l’emmener à Colombey, coup de théâtre. De Gaulle révèle notre véritable destination : Baden-Baden où se trouve la résidence du général Massu, commandant en chef des forces françaises en Allemagne.
La suite du voyage doit s’effectuer dans le plus grand secret. Je décide donc de renvoyer l’hélicoptère de la gendarmerie qui nous accompagne. Je demande au pilote de déjouer les radars en volant en rase-mottes et d’observer un silence radio absolu. À partir de cet instant, le Général a disparu de la sphère politique française. Personne ne sait où il est… La nouvelle de sa disparition s’est très vite répandue et va susciter un vent de panique au gouvernement.
Tout cela ressemble à la fuite du roi à Varennes. Pourquoi aller voir Massu ?
Même s’ils ont eu de sérieux désaccords sur la question algérienne, Jacques Massu est un patriote sur qui de Gaulle sait pouvoir compter dans un moment grave. En descendant de l’hélicoptère, j’entends le Général lui murmurer : « Tout est foutu… On ne veut plus de moi… » Les deux hommes s’enferment près d’une heure. À la sortie de ce tête à tête, je trouve le chef de l’État transformé, ragaillardi. Il avait pris sa résolution et l’intervention de Massu s’est révélée déterminante.
Alors, coup médiatique ou coup de déprime ?
De Gaulle est un stratège hors pair. Je pense à ce qu’il écrit dans Le Fil de l’épée sur l’importance « d’organiser la surprise ». Mais le Général est aussi un cyclothymique qui connaît des apogées lumineux et des périodes de grand doute, voire de désarroi.
Comment le général de Gaulle a-t-il vécu le début de mai 68 ?
Le Général ne voit dans les premiers défilés et les premiers slogans de mai qu’un chahut estudiantin un peu poussé… Mais très rapidement, il déchante : le mouvement se durcit et s’étend en province. Les ouvriers se joignent aux étudiants. Le 13 mai, c’est l’appel à la grève générale. La Sorbonne est occupée. De Gaulle s’inquiète alors de la tournure des événements et trouve le gouvernement de Georges Pompidou trop laxiste…
Les deux hommes n’ont pas la même perception des événements ?
Ils étaient clairement en opposition sur la tactique à suivre. De Gaulle prônait la fermeté. Le Général n’excluait d’ailleurs pas une intervention militaire pour reprendre le contrôle de la rue. Georges Pompidou, lui, voulait donner l’apparence d’un homme de dialogue, de consensus… attendant le retournement de l’opinion. Ce n’est qu’à partir du 25 mai qu’il changera de posture et envisagera à son tour l’utilisation des forces de l’ordre au Quartier latin…
On peut parler de tension au sein même du pouvoir ? Vous évoquez même dans votre livre un « coup d’État intérieur »…
Oui. Pompidou estime qu’il est un homme neuf. Que lui seul peut régler la crise… et que de Gaulle doit s’en aller. « C’est moi qui commande à présent », lance le Premier ministre à son collègue Louis Joxe, qui s’interroge sur le bien-fondé de certaines décisions du gouvernement… Dans la majorité, beaucoup militent ouvertement pour le départ pur et simple du chef de l’État. Même Philippe, le fils du général, estime que son père doit partir. Vous imaginez l’ambiance…
À ce moment précis, de Gaulle a-t-il encore la maîtrise du pouvoir ?
Il sent qu’il lui échappe. D’autant que Pompidou poursuit son cavalier seul en entamant les négociations des accords de Grenelle avec les syndicats ouvriers et patronaux. Les fidèles du Général, comme Michel Debré, ont été écartés des discussions… Malgré ces négociations menées par Matignon, la situation reste très tendue : une grande manifestation géante, organisée par la CGT et le PC, est prévue le 29 mai à Paris. On craint le pire : l’hypothèse d’un assaut contre l’Élysée n’est pas écartée. De Gaulle, qui ne dort plus depuis plusieurs jours, est très fatigué et un peu abattu. Il va cependant jouer sa dernière carte. « Dans cette débandade générale, il me faut provoquer un choc dans l’opinion publique », confie-t-il à son gendre, Philippe de Boissieu, le 28 mai au soir.
Ce choc, c’est la fameuse fugue à Baden-Baden ?
Tout à fait. Officiellement, de Gaulle part se reposer à Colombey. C’est en tout cas ce qu’il affirme au téléphone à Pompidou le 29 mai. Le Conseil des ministres, prévu dans la matinée, est repoussé au lendemain. Quelques minutes après le décollage de l’hélicoptère censé l’emmener à Colombey, coup de théâtre. De Gaulle révèle notre véritable destination : Baden-Baden où se trouve la résidence du général Massu, commandant en chef des forces françaises en Allemagne.
La suite du voyage doit s’effectuer dans le plus grand secret. Je décide donc de renvoyer l’hélicoptère de la gendarmerie qui nous accompagne. Je demande au pilote de déjouer les radars en volant en rase-mottes et d’observer un silence radio absolu. À partir de cet instant, le Général a disparu de la sphère politique française. Personne ne sait où il est… La nouvelle de sa disparition s’est très vite répandue et va susciter un vent de panique au gouvernement.
Tout cela ressemble à la fuite du roi à Varennes. Pourquoi aller voir Massu ?
Même s’ils ont eu de sérieux désaccords sur la question algérienne, Jacques Massu est un patriote sur qui de Gaulle sait pouvoir compter dans un moment grave. En descendant de l’hélicoptère, j’entends le Général lui murmurer : « Tout est foutu… On ne veut plus de moi… » Les deux hommes s’enferment près d’une heure. À la sortie de ce tête à tête, je trouve le chef de l’État transformé, ragaillardi. Il avait pris sa résolution et l’intervention de Massu s’est révélée déterminante.
Alors, coup médiatique ou coup de déprime ?
De Gaulle est un stratège hors pair. Je pense à ce qu’il écrit dans Le Fil de l’épée sur l’importance « d’organiser la surprise ». Mais le Général est aussi un cyclothymique qui connaît des apogées lumineux et des périodes de grand doute, voire de désarroi.
Toujours est-il que le coup de poker a réussi. C’est un homme décidé qui repart pour Colombey le 29 mai en fin d’après-midi. Le lendemain, il est de retour à Paris. Lors d’une allocution à la radio, les Français peuvent entendre la voix déterminée de l’homme du 18-Juin. En même temps, ses partisans défilent massivement le long des Champs-Élysées… La reconquête de la rue par les gaullistes commence. En juin, après deux mois de grèves et de manifestations, la droite gaulliste se forge une très large majorité aux élections législatives. Le Président a su reconquérir l’opinion… pour quelques mois encore.
M1234- Hiérophante contre le nouvel ordre mondial
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