Correction filiale : « les accusations d’hérésie ne sont pas fondées »
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Correction filiale : « les accusations d’hérésie ne sont pas fondées »
http://www.famillechretienne.fr/eglise/vie-de-l-eglise/correction-filiale-les-accusations-d-heresie-ne-sont-pas-fondees-225878
Le texte a fait grand bruit. Dans une correction filiale adressée au pape François le 11 août, rendue publique le 24 septembre, un groupe de laïcs, de clercs et de théologiens l’accuse de propager sept hérésies avec son exhortation Amoris Lætitia. Ces accusations sont-elles fondées ? Amoris Lætitia porte-t-elle atteinte au magistère de l’Église ? Éléments de réponses du père Thomas Michelet op., professeur à l’Angelicum, l’Université Pontificale Saint-Thomas d’Aquin à Rome.
La correction filiale affirme que le pape François a propagé sept hérésies. Il s’agit d’une accusation grave. Est-ce une première ?
N’exagérons rien. Ce n’est pas la première fois que des chrétiens accusent le pape d’hérésie. C’est même habituel de la part de groupes schismatiques, ou en passe de le devenir, qui justifient ainsi leur rupture.
Dans le cas d’Amoris Lætitia, il y avait déjà eu en juin 2016 un texte de 45 signataires auquel celui-ci fait d’ailleurs référence. Il dressait une liste de 19 propositions assorties de censures : 11 jugées hérétiques et contraires à la Révélation (scandalosa, prava, perversa, perniciosa, impia, blasphema, etc.) ; d’autres tombant sous des qualificatifs moins graves (contraires à la foi, téméraires, ou simplement fausses). La presse s’en était fait un peu l’écho à l’époque, puis on n’en a plus du tout parlé. C’est retombé comme un soufflé.
Le présent texte constitue une sorte de relance, 18 des premiers signataires étant les mêmes. Pour l’instant, il semble avoir plus de succès. Peut-être est-ce dû à un « choc de simplification » : de onze hérésies, on passe à seulement sept (excusez du peu !) Il y a la force du symbole, le chiffre sept ayant des résonances apocalyptiques. Sans doute aussi le fait qu’il s’agit d’une pétition que l’on peut signer sur un site internet dédié (233 signataires à ce jour). Mais souvenons-nous qu’une « supplique au pape François en vue du Synode » à l’initiative du cardinal Burke avait recueilli en 2015 près de 500 000 signatures…
On pourrait se laisser impressionner par la qualité des signataires, souvent des autorités académiques ou civiles, ou des pasteurs. Mais à y regarder de plus près, il ne s’y trouve aucun théologien de renom, aucun évêque en poste. Les fameux dubia des quatre cardinaux étaient autrement plus sérieux, s’agissant de proches collaborateurs du pape. Accuser le pape d’hérésie, c’est évidemment grave. Mais ça le serait beaucoup plus si ces accusations étaient fondées ; ce qui n’est pas le cas.
Le pape a-t-il « directement ou indirectement approuvé les croyances selon lesquelles l’obéissance à la loi de Dieu peut se trouver être impossible ou non souhaitable » comme le laisse entendre la correction ?
L’Abbé Guillaume de Tanoüarn, de l’Institut du Bon Pasteur, déclarait récemment sur les ondes : « Tout cela me semble disproportionné et déplacé. Le pape est le pape […] Je n’ai jamais vu sous sa plume, ou entendu dans sa prédication, la moindre chose qui puisse ressembler à une hérésie. En réalité, on juge un silence. […] On peut contester les raisons pour lesquelles le pape garde le silence, mais on ne peut pas de ce silence tirer une hérésie. Cela ne me semble pas logique. »
Ce qui est frappant dans ce texte de dénonciation, c’est que contrairement au texte précédent des 45, il ne s’agit pas de citations d’Amoris Lætitia, mais de propositions qui ne se trouvent nulle part dans le texte alors qu’on les met entre guillemets. Procédé parfaitement malhonnête. Qu’ils produisent donc leurs sources ; et s’ils ne le peuvent, qu’ils se taisent.
Selon les signataires, le pape approuverait que « l’adultère soit considéré comme compatible avec le fait d’être un catholique pratiquant ». Est-ce juste ?
Ce sont eux qui le disent. Mais ce n’est pas ce que dit le texte, qui parle bien de « situations objectives de péché » (AL 305). C’est donc toujours un péché, et ça le reste. Mais il faut distinguer le plan objectif et le plan subjectif, l’acte extérieur et les intentions et circonstances.
Voici ce que dit le pape : « À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église » (AL 305).
C’est plutôt une bonne nouvelle. Ce n’est pas parce que l’on est engagé dans une situation peccamineuse que l’on ne peut pas recevoir des grâces – à commencer par des grâces de conversion. Qu’y trouve-t-on à redire ? En quoi cela n’est-il pas catholique ?
Souvenons-nous de Jésus qui proclamait déjà : « les publicains et les prostituées vous précèdent au Royaume de Dieu ». Lui aussi a été jugé hérétique et blasphémateur. La logique de l’Évangile bouscule souvent nos habitudes de pensée et nos conceptions de la morale. Prêchez l’amour, et l’on vous crucifiera.
Sur quels textes se basent les signataires ? Ont-ils la même valeur ?
Précisément, on est en peine de trouver à quoi ces signataires peuvent faire allusion. Au moins, dans le texte de 2016, on citait réellement le texte d’Amoris Lætitia, puis on en donnait une interprétation qui paraissait possible et l’on présentait des textes du magistère dans le sens contraire. Ici, rien de tel. On prête au pape des propos qu’il n’a pas tenu ; ou s’il l’avait fait, on n’en donne pas les sources, ce qui ne permet pas de les vérifier. On est très deçà du minimum requis pour un travail universitaire ou journalistique. Ce n’est pas sérieux.
Pourquoi Amoris Lætitia suscite-t-elle autant d’oppositions ?
Il faut du temps pour comprendre les changements. Car il y a bien un changement. D’abord d’attitude pastorale : accueillir plutôt que rejeter ; ne pas fermer des portes, mais ouvrir des chemins. Accompagner dans la durée plutôt que de se satisfaire d’une solution instantanée (que ce soit pour donner la communion ou la refuser). Bref, rechercher le salut des âmes, plutôt que le confort du pasteur. Ensuite, il y a un changement d’appréciation : il faut discerner pastoralement. Autrefois, si l’on était engagé dans une situation de péché public, on était jugé d’office coupable, interdit de communier. À présent, on nous demande de discerner à la lumière des consciences, ne pas se contenter des apparences mais voir la réalité des cœurs. Ne pas condamner en bloc, mais voir le bien qui est possible, pour faire progresser vers le bien (via caritatis). Faut-il s’en offusquer ?
On peut regretter que le texte de l’Exhortation, très long, ne soit pas très précis quant au parcours concret de l’accompagnement, quant aux étapes à franchir et aux conditions à remplir pour retrouver l’accès à la communion pour les divorcés remariés civilement. Certains ont cru que le pape voulait brader l’enseignement traditionnel, proposer une nouvelle conception du mariage qui ne soit plus catholique, autorisant le divorce ou la communion aux pécheurs publics. C’est lui faire un mauvais procès. Le texte ne dit rien de tel, et affirme régulièrement le contraire. Ce qui est certain, c’est que le pape ne veut pas donner la communion à quelqu’un qui ait un péché grave sur la conscience. Tout ce qu’il demande, c’est de vérifier que tel est bien le cas in concreto, sans se contenter de juger in abstracto.
Amoris Lætitia porte-t-elle atteinte à l’enseignement traditionnel de l’Église ?
Dom Basile Valuet, préfet des études de l’Abbaye du Barroux, a publié dans la Revue thomiste un long article qui montre qu’Amoris Lætitia n’est en rien une révolution. Il y voit plutôt un développement homogène de l’enseignement du Magistère sur l’erreur invincible, autrefois appliquée aux seuls païens, et désormais reconnue pour les chrétiens eux-mêmes. Les vérités autrefois évidentes en pays de chrétienté ne sont plus forcément accessibles à tous dans des pays en voie de déchristianisation où les mentalités sont de plus en plus gravement déformées par l’esprit du monde qui les imprègne. Il faut en tenir compte.
Par ailleurs, tout texte du magistère doit être lu dans la lumière de la foi catholique, de l’Écriture, de la Tradition et du Magistère précédent, en marquant davantage la continuité et le développement homogène que la rupture. C’est une règle constante d’interprétation. Partir du principe qu’il contredit l’enseignement traditionnel de l’Église, c’est se mettre soi-même en rupture avec la Tradition, car c’est adopter une « herméneutique de rupture » que partagent ceux qui veulent la Révolution dans l’Église. Plus on soutiendra qu’Amoris Lætitia permet de faire ce qui était auparavant interdit, plus on donnera du poids à ceux qui le revendiquent. Les contestataires des deux bords se rejoignent ; les extrêmes sont dans un même genre.
Le pape doit-il répondre aux contestataires, ceux de la correction filiale comme aux cardinaux des dubia ?
On ne peut pas reprocher aux quatre cardinaux d’avoir écrit au pape ces fameux dubia. Ils en avaient parfaitement le droit, et ils l’ont fait selon les règles. Mais en aucun cas, ils ne devaient les publier. C’est là une faute grave, qui compromet définitivement les chances d’une réponse.
D’une certaine manière, le pape a répondu un an après, le 8 septembre dernier, en supprimant l’Institut Jean-Paul II dont le cardinal Caffara était le fondateur, soit deux jours après sa mort. Désormais, c’est un nouvel Institut Jean-Paul II qui prend la place, avec un nouveau fondateur. Si l’on veut savoir comment interpréter Amoris Lætitia, c’est de ce côté-là qu’il faut regarder. Dans le fait que l’on ne se contente pas d’un modèle idéal des familles, mais que l’on doit partir de leur réalité concrète, existentielle, avec les difficultés qui sont les leurs, pour montrer comment un chemin de croissance évangélique peut s’ouvrir pour elles, quelle que soit leur situation.
Dans le cas de la « correction filiale », la lettre aurait été remise au pape le 11 août 2017, et elle a été publiée dès le 24 septembre 2017. Ce n’est pas raisonnable. Même pour l’administration française, il faut au moins deux mois de silence pour que l’on puisse considérer qu’il s’agit d’un refus (d’ailleurs, depuis 2014, le principe est renversé : le silence vaut accord, sauf exceptions). Cela montre qu’on ne cherchait pas au fond une vraie réponse, mais plutôt à créer un mouvement d’opinion. Or l’Église n’est pas une démocratie ; encore moins une société de consommation régie à coups de pressions médiatiques ou de lobbies.
Le pape est souverain : il est libre de répondre ou non. Exiger de lui une réponse, c’est le mettre à notre niveau. Le mettre publiquement en situation d’accusé, ce n’est pas faire preuve de respect filial envers notre Saint-Père. S’il y a manque de respect de la tradition, c’est plutôt là qu’il se trouve.
Le texte a fait grand bruit. Dans une correction filiale adressée au pape François le 11 août, rendue publique le 24 septembre, un groupe de laïcs, de clercs et de théologiens l’accuse de propager sept hérésies avec son exhortation Amoris Lætitia. Ces accusations sont-elles fondées ? Amoris Lætitia porte-t-elle atteinte au magistère de l’Église ? Éléments de réponses du père Thomas Michelet op., professeur à l’Angelicum, l’Université Pontificale Saint-Thomas d’Aquin à Rome.
La correction filiale affirme que le pape François a propagé sept hérésies. Il s’agit d’une accusation grave. Est-ce une première ?
N’exagérons rien. Ce n’est pas la première fois que des chrétiens accusent le pape d’hérésie. C’est même habituel de la part de groupes schismatiques, ou en passe de le devenir, qui justifient ainsi leur rupture.
Dans le cas d’Amoris Lætitia, il y avait déjà eu en juin 2016 un texte de 45 signataires auquel celui-ci fait d’ailleurs référence. Il dressait une liste de 19 propositions assorties de censures : 11 jugées hérétiques et contraires à la Révélation (scandalosa, prava, perversa, perniciosa, impia, blasphema, etc.) ; d’autres tombant sous des qualificatifs moins graves (contraires à la foi, téméraires, ou simplement fausses). La presse s’en était fait un peu l’écho à l’époque, puis on n’en a plus du tout parlé. C’est retombé comme un soufflé.
Le présent texte constitue une sorte de relance, 18 des premiers signataires étant les mêmes. Pour l’instant, il semble avoir plus de succès. Peut-être est-ce dû à un « choc de simplification » : de onze hérésies, on passe à seulement sept (excusez du peu !) Il y a la force du symbole, le chiffre sept ayant des résonances apocalyptiques. Sans doute aussi le fait qu’il s’agit d’une pétition que l’on peut signer sur un site internet dédié (233 signataires à ce jour). Mais souvenons-nous qu’une « supplique au pape François en vue du Synode » à l’initiative du cardinal Burke avait recueilli en 2015 près de 500 000 signatures…
On pourrait se laisser impressionner par la qualité des signataires, souvent des autorités académiques ou civiles, ou des pasteurs. Mais à y regarder de plus près, il ne s’y trouve aucun théologien de renom, aucun évêque en poste. Les fameux dubia des quatre cardinaux étaient autrement plus sérieux, s’agissant de proches collaborateurs du pape. Accuser le pape d’hérésie, c’est évidemment grave. Mais ça le serait beaucoup plus si ces accusations étaient fondées ; ce qui n’est pas le cas.
Le pape a-t-il « directement ou indirectement approuvé les croyances selon lesquelles l’obéissance à la loi de Dieu peut se trouver être impossible ou non souhaitable » comme le laisse entendre la correction ?
L’Abbé Guillaume de Tanoüarn, de l’Institut du Bon Pasteur, déclarait récemment sur les ondes : « Tout cela me semble disproportionné et déplacé. Le pape est le pape […] Je n’ai jamais vu sous sa plume, ou entendu dans sa prédication, la moindre chose qui puisse ressembler à une hérésie. En réalité, on juge un silence. […] On peut contester les raisons pour lesquelles le pape garde le silence, mais on ne peut pas de ce silence tirer une hérésie. Cela ne me semble pas logique. »
Ce qui est frappant dans ce texte de dénonciation, c’est que contrairement au texte précédent des 45, il ne s’agit pas de citations d’Amoris Lætitia, mais de propositions qui ne se trouvent nulle part dans le texte alors qu’on les met entre guillemets. Procédé parfaitement malhonnête. Qu’ils produisent donc leurs sources ; et s’ils ne le peuvent, qu’ils se taisent.
Selon les signataires, le pape approuverait que « l’adultère soit considéré comme compatible avec le fait d’être un catholique pratiquant ». Est-ce juste ?
Ce sont eux qui le disent. Mais ce n’est pas ce que dit le texte, qui parle bien de « situations objectives de péché » (AL 305). C’est donc toujours un péché, et ça le reste. Mais il faut distinguer le plan objectif et le plan subjectif, l’acte extérieur et les intentions et circonstances.
Voici ce que dit le pape : « À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église » (AL 305).
C’est plutôt une bonne nouvelle. Ce n’est pas parce que l’on est engagé dans une situation peccamineuse que l’on ne peut pas recevoir des grâces – à commencer par des grâces de conversion. Qu’y trouve-t-on à redire ? En quoi cela n’est-il pas catholique ?
Souvenons-nous de Jésus qui proclamait déjà : « les publicains et les prostituées vous précèdent au Royaume de Dieu ». Lui aussi a été jugé hérétique et blasphémateur. La logique de l’Évangile bouscule souvent nos habitudes de pensée et nos conceptions de la morale. Prêchez l’amour, et l’on vous crucifiera.
Sur quels textes se basent les signataires ? Ont-ils la même valeur ?
Précisément, on est en peine de trouver à quoi ces signataires peuvent faire allusion. Au moins, dans le texte de 2016, on citait réellement le texte d’Amoris Lætitia, puis on en donnait une interprétation qui paraissait possible et l’on présentait des textes du magistère dans le sens contraire. Ici, rien de tel. On prête au pape des propos qu’il n’a pas tenu ; ou s’il l’avait fait, on n’en donne pas les sources, ce qui ne permet pas de les vérifier. On est très deçà du minimum requis pour un travail universitaire ou journalistique. Ce n’est pas sérieux.
Pourquoi Amoris Lætitia suscite-t-elle autant d’oppositions ?
Il faut du temps pour comprendre les changements. Car il y a bien un changement. D’abord d’attitude pastorale : accueillir plutôt que rejeter ; ne pas fermer des portes, mais ouvrir des chemins. Accompagner dans la durée plutôt que de se satisfaire d’une solution instantanée (que ce soit pour donner la communion ou la refuser). Bref, rechercher le salut des âmes, plutôt que le confort du pasteur. Ensuite, il y a un changement d’appréciation : il faut discerner pastoralement. Autrefois, si l’on était engagé dans une situation de péché public, on était jugé d’office coupable, interdit de communier. À présent, on nous demande de discerner à la lumière des consciences, ne pas se contenter des apparences mais voir la réalité des cœurs. Ne pas condamner en bloc, mais voir le bien qui est possible, pour faire progresser vers le bien (via caritatis). Faut-il s’en offusquer ?
On peut regretter que le texte de l’Exhortation, très long, ne soit pas très précis quant au parcours concret de l’accompagnement, quant aux étapes à franchir et aux conditions à remplir pour retrouver l’accès à la communion pour les divorcés remariés civilement. Certains ont cru que le pape voulait brader l’enseignement traditionnel, proposer une nouvelle conception du mariage qui ne soit plus catholique, autorisant le divorce ou la communion aux pécheurs publics. C’est lui faire un mauvais procès. Le texte ne dit rien de tel, et affirme régulièrement le contraire. Ce qui est certain, c’est que le pape ne veut pas donner la communion à quelqu’un qui ait un péché grave sur la conscience. Tout ce qu’il demande, c’est de vérifier que tel est bien le cas in concreto, sans se contenter de juger in abstracto.
Amoris Lætitia porte-t-elle atteinte à l’enseignement traditionnel de l’Église ?
Dom Basile Valuet, préfet des études de l’Abbaye du Barroux, a publié dans la Revue thomiste un long article qui montre qu’Amoris Lætitia n’est en rien une révolution. Il y voit plutôt un développement homogène de l’enseignement du Magistère sur l’erreur invincible, autrefois appliquée aux seuls païens, et désormais reconnue pour les chrétiens eux-mêmes. Les vérités autrefois évidentes en pays de chrétienté ne sont plus forcément accessibles à tous dans des pays en voie de déchristianisation où les mentalités sont de plus en plus gravement déformées par l’esprit du monde qui les imprègne. Il faut en tenir compte.
Par ailleurs, tout texte du magistère doit être lu dans la lumière de la foi catholique, de l’Écriture, de la Tradition et du Magistère précédent, en marquant davantage la continuité et le développement homogène que la rupture. C’est une règle constante d’interprétation. Partir du principe qu’il contredit l’enseignement traditionnel de l’Église, c’est se mettre soi-même en rupture avec la Tradition, car c’est adopter une « herméneutique de rupture » que partagent ceux qui veulent la Révolution dans l’Église. Plus on soutiendra qu’Amoris Lætitia permet de faire ce qui était auparavant interdit, plus on donnera du poids à ceux qui le revendiquent. Les contestataires des deux bords se rejoignent ; les extrêmes sont dans un même genre.
Le pape doit-il répondre aux contestataires, ceux de la correction filiale comme aux cardinaux des dubia ?
On ne peut pas reprocher aux quatre cardinaux d’avoir écrit au pape ces fameux dubia. Ils en avaient parfaitement le droit, et ils l’ont fait selon les règles. Mais en aucun cas, ils ne devaient les publier. C’est là une faute grave, qui compromet définitivement les chances d’une réponse.
D’une certaine manière, le pape a répondu un an après, le 8 septembre dernier, en supprimant l’Institut Jean-Paul II dont le cardinal Caffara était le fondateur, soit deux jours après sa mort. Désormais, c’est un nouvel Institut Jean-Paul II qui prend la place, avec un nouveau fondateur. Si l’on veut savoir comment interpréter Amoris Lætitia, c’est de ce côté-là qu’il faut regarder. Dans le fait que l’on ne se contente pas d’un modèle idéal des familles, mais que l’on doit partir de leur réalité concrète, existentielle, avec les difficultés qui sont les leurs, pour montrer comment un chemin de croissance évangélique peut s’ouvrir pour elles, quelle que soit leur situation.
Dans le cas de la « correction filiale », la lettre aurait été remise au pape le 11 août 2017, et elle a été publiée dès le 24 septembre 2017. Ce n’est pas raisonnable. Même pour l’administration française, il faut au moins deux mois de silence pour que l’on puisse considérer qu’il s’agit d’un refus (d’ailleurs, depuis 2014, le principe est renversé : le silence vaut accord, sauf exceptions). Cela montre qu’on ne cherchait pas au fond une vraie réponse, mais plutôt à créer un mouvement d’opinion. Or l’Église n’est pas une démocratie ; encore moins une société de consommation régie à coups de pressions médiatiques ou de lobbies.
Le pape est souverain : il est libre de répondre ou non. Exiger de lui une réponse, c’est le mettre à notre niveau. Le mettre publiquement en situation d’accusé, ce n’est pas faire preuve de respect filial envers notre Saint-Père. S’il y a manque de respect de la tradition, c’est plutôt là qu’il se trouve.
Joannes Maria- Gloire à toi Seigneur Jésus-Christ
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Inscription : 19/05/2010
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