Forum catholique LE PEUPLE DE LA PAIX

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Bannie10

Bienvenue sur le Forum catholique Le Peuple de la Paix!
Les sujets de ce forum sont: La Foi, la vie spirituelle, la théologie, la prière, les pèlerinages, la Fin des temps, le Nouvel ordre mondial, la puce électronique (implants sur l`homme), les sociétés secrètes, et bien d'autres thèmes...

Pour pouvoir écrire sur le forum, vous devez:
1- Être un membre enregistré
2- Posséder le droit d`écriture

Pour vous connecter ou vous enregistrer, cliquez sur «Connexion» ou «S`enregistrer» ci-dessous.

Pour obtenir le droit d`écriture, présentez-vous en cliquant sur un des liens "droit d`écriture" apparaissant sur le portail, sur l'index du forum ou encore sur la barre de navigation visible au haut du forum. Notre mail : moderateurlepeupledelapaix@yahoo.com

Rejoignez le forum, c’est rapide et facile

Forum catholique LE PEUPLE DE LA PAIX

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Bannie10

Bienvenue sur le Forum catholique Le Peuple de la Paix!
Les sujets de ce forum sont: La Foi, la vie spirituelle, la théologie, la prière, les pèlerinages, la Fin des temps, le Nouvel ordre mondial, la puce électronique (implants sur l`homme), les sociétés secrètes, et bien d'autres thèmes...

Pour pouvoir écrire sur le forum, vous devez:
1- Être un membre enregistré
2- Posséder le droit d`écriture

Pour vous connecter ou vous enregistrer, cliquez sur «Connexion» ou «S`enregistrer» ci-dessous.

Pour obtenir le droit d`écriture, présentez-vous en cliquant sur un des liens "droit d`écriture" apparaissant sur le portail, sur l'index du forum ou encore sur la barre de navigation visible au haut du forum. Notre mail : moderateurlepeupledelapaix@yahoo.com
Forum catholique LE PEUPLE DE LA PAIX
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -55%
Friteuse sans huile – PHILIPS – Airfryer ...
Voir le deal
49.99 €

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Page 1 sur 2 1, 2  Suivant

Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:32

Le Dogme du Purgatoire
illustré par des Faits et des Révélations Particulières

Abbé François-Xavier Schouppe,s.j. (1823-1904)

IMPRIMATUR
Mechlinioe, 15 aprilis 1888
† Petrus Lambertus,
Archiep. Mechlin.


Chapitre préliminaire

But de l'ouvrage. — A quelle classe de lecteurs il s'adresse. — Ce qu'on est obligé de croire, ce qu'on peut croire pieusement, et ce qu'on est libre de ne pas admettre. — Visions et apparitions. — Crédulité aveugle et incrédulité outrée.

Le dogme du purgatoire est trop oublié de la plupart des fidèles ; l'Église souffrante, où ils ont tant de frères à secourir, où ils doivent prévoir qu'ils passeront bientôt eux-mêmes, semble leur être étrangère.
Cet oubli, vraiment déplorable, faisait gémir saint François de Sales. « Hélas ! disait ce pieux docteur de l'Église, « nous ne nous souvenons pas assez de nos chers trépassés : leur mémoire semble périr avec le son des cloches. »
La cause principale en est dans l'ignorance et le manque de foi : nous avons au sujet du purgatoire des notions trop vagues, une foi trop faible.
Il nous faut donc considérer de plus près cette vie d'outre-tombe, cet état intermédiaire des âmes justes, non dignes encore d'entrer dans la Jérusalem céleste, afin de nous faire des notions plus distinctes et de raviver notre foi.

C'est le but de cet ouvrage : on s'y propose, non de prouver l'existence du purgatoire à des esprits sceptiques ; mais de le faire mieux connaître aux pieux fidèles, qui croient d'une foi divine ce dogme révélé de Dieu. C'est à eux proprement que ce livre s'adresse, pour leur donner du purgatoire une idée moins confuse, je dirais volontiers une idée plus actuelle qu'on n'en a communément, en répandant sur cette grande vérité de la foi le plus de jour possible.

A cet effet nous possédons trois sources de lumière bien distinctes. Premièrement, la doctrine dogmatique de l'Église ; ensuite la doctrine explicative des docteurs de l'Église ; en troisième lieu, les révélations des Saints et les apparitions, qui viennent confirmer l'enseignement des docteurs.
1° La doctrine dogmatique de l'Église au sujet du purgatoire, comprend deux articles que nous indiquerons plus bas au chapitre 3. Ces deux articles sont de foi, et doivent être crus par tout catholique.
2° La doctrine des docteurs et théologiens, ou, si l'on veut, leurs sentiments et explications sur plusieurs questions relatives au purgatoire (Voir aussi plus bas, chap. III et suiv.), ne s'imposent pas comme des articles de foi ; on peut ne pas les admettre sans cesser d'être catholique. Toutefois il serait imprudent, téméraire même de s'en écarter ; et c'est l'esprit de l'Église de suivre les opinions les plus communément enseignées par les docteurs.
3° Les révélations des saints, appelées aussi révélations particulières, n'appartiennent pas au dépôt de la foi, confié par Jésus-Christ à son Église ; ce sont des faits historiques basés sur le témoignage humain. Il est permis de les croire et la piété y trouve un aliment salutaire. On peut aussi ne pas les croire sans pécher contre la foi ; mais s'ils sont constatés, on ne les peut rejeter sans offenser la raison : parce que la saine raison commande à tout homme de donner son assentiment à la vérité, quand elle est suffisamment démontrée.
Pour éclaircir davantage cette matière, expliquons d'abord la nature des révélations dont nous parlons.
Les révélations particulières sont de deux sortes : les unes consistent dans des visions, les autres dans des apparitions. On les appelle particulières, parce que, à la diffé-rence de celles qui se trouvent dans la sainte Écriture, elles ne font point partie de la doctrine révélée pour tous les hommes, et que l'Église ne les propose pas à croire comme des dogmes de foi.
Les visions proprement dites sont des lumières subjectives, que Dieu répand dans l'intelligence d'une créature pour lui découvrir ses mystères. Telles sont les visions des prophètes, celles de saint Paul, celles de sainte Brigitte et de beaucoup d'autres saints. Les visions ont lieu d'ordinaire dans l'état d'extase : elles consistent dans certains spectacles mystérieux, qui se présentent aux yeux de l'âme, et qui ne doivent pas se prendre toujours à la lettre. Souvent ce sont des figures, des images symboliques, qui représentent d'une manière proportionnée à notre intelligence des choses purement spirituelles, dont le langage ordinaire ne saurait donner une idée.
Les apparitions sont, au moins souvent, des phénomènes objectifs, qui ont un objet réel, extérieur. Telle fut l'appa-rition de Moïse et d'Élie sur le Thabor, celle de Samuël évoqué par la Pythonisse d'Endor, celle de l'ange Raphaël à Tobie, celle de beaucoup d'autres anges ; enfin telles sont les apparitions des âmes du purgatoire.
Que les esprits des morts apparaissent quelquefois aux vivants, c'est un fait qu'on ne saurait nier. L'Évangile ne le suppose-t-il pas clairement ? Quand Jésus ressuscité apparut la première fois à ses disciples réunis, ceux-ci crurent voir un esprit. Le Sauveur, loin de dire que les esprits n'apparaissent pas, leur parle ainsi : Pourquoi êtes-vous troublés, et pourquoi ces pensées s'élèvent-elles dans vos cœurs ? Voyez mes mains et mes pieds, c'est moi-même ; touchez et voyez, car un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai. Luc. XXIV, 37 suiv.
Les apparitions des âmes qui sont au purgatoire, ont lieu fréquemment. On les trouve en grand nombre dans les Vies des saints, elles arrivent même parfois aux fidèles ordinaires. Nous avons recueilli et nous présentons au lecteur ceux de ces faits qui paraissent les plus propres à l'instruire ou à l'édifier.
Mais, nous demandera-t-on, tous ces faits sont-ils histo-riquement certains ? —Nous avons choisi les plus avé-rés (1). Si quelque lecteur en trouve dans le nombre qui lui semblent ne pouvoir soutenir la rigueur de la critique, il peut ne pas les admettre.
Toutefois, pour ne pas donner dans une sévérité exces-sive et voisine de l'incrédulité, il est bon de remarquer que, parlant en général, les apparitions des âmes ont lieu, et ne sauraient être révoquées en doute, qu'elles arrivent même fréquemment.

(1) C'est dans les vies des Saints, honorés comme tels par l'Église, et d'autres illustres serviteurs de Dieu, que nous avons recueilli la plupart des faits que nous citons. Le lecteur qui voudra con-trôler ces faits et les estimer à leur juste valeur, pourra sans peine recourir aux premières sources à l'aide de nos indications. Si le récit est tiré d'une vie de Saint, nous indiquons le jour où son nom est marqué dans le martyrologe, ce qui suffit pour con-sulter les Acta Sanctorum. Si nous mentionnons quelque per-sonnage vénérable, comme le P. Joseph Anchieta, apôtre et thaumaturge du Brésil, dont la vie n'est pas insérée dans les volumes des Bollandistes, il faudra recourir alors à des biogra-phies et des histoires particulières. — Pour les traits que nous empruntons au P. Rossignoli, Merveilles divines dans les âmes du purgatoire (trad. Postel, Tournai, Casterman), ou qui, du moins, se retrouvent en cet ouvrage, nous nous contentons d'in-diquer le numéro de la Merveille, parce que l'auteur y a marqué une ou plusieurs sources où lui-même a puisé.
« Ces sortes d'apparitions, dit l'abbé Ribet (1), ne sont pas rares. Dieu les permet pour le soulagement des âmes, qui viennent exciter notre compassion, et aussi pour nous faire entendre à nous-mêmes combien sont terribles les rigueurs de sa justice contre les fautes que nous réputons légères.
» Saint Grégoire dans ses Dialogues rapporte plusieurs exemples, dont on peut, il est vrai, contester la pleine authenticité ; mais qui, dans la bouche du saint Docteur, prouvent du moins qu'il croyait à la possibilité et à l'exis-tence de ces faits. D'autres auteurs en grand nombre, non moins recommandables que saint Grégoire par la sainteté et la science, rapportent des faits analogues.
» Au reste, ces sortes de récits surabondent dans l'his-toire des saints : pour s'en convaincre, il suffit de parcourir les tables des Acta Sanctorum. Toujours l'Église souffrante a imploré les suffrages de l'Église de la terre ; et ce com-merce, empreint de tristesse, mais aussi plein d'instruction, est pour l'une une source intarissable de soulagement, et pour l'autre une excitation puissante à la sainteté.
» La vision du purgatoire a été accordée à plusieurs saintes âmes. Sainte Catherine de Ricci descendait en esprit au purgatoire toutes les nuits des dimanches ; sainte Lidvine pénétrait pendant ses ravissements dans ce lieu d'expiation, et, conduite par son ange gardien, y visitait les âmes dans leurs tourments. Un ange conduit également la B. Osanne de Mantoue à travers ces sombres abîmes. La B. Véronique de Binasco, sainte Françoise de Rome et bien d'autres, reçoivent des visions tout à fait semblables, avec les mêmes impressions de terreur.
» Plus souvent ce sont les âmes souffrantes elles--mêmes qui s'adressent aux vivants et réclament leur intercession. Plusieurs apparurent ainsi à la B. Marguerite-Marie Alacoque, à une foule d'autres saints person-nages. Les âmes des défunts imploraient fréquemment la pitié de Denys le Chartreux. On demandait un jour à ce grand serviteur de Dieu combien de fois ces pauvres âmes lui apparaissaient ? « Oh ! cent et cent fois », répon-dit-il.
» Sainte Catherine de Sienne, pour épargner à son père les peines du purgatoire, s'était offerte à la justice divine pour souffrir à sa place durant la vie. Dieu l'exauça, lui infligea de vives douleurs d'entrailles jusqu'à la mort, et admit dans la gloire l'âme de son père. En retour, cette âme bienheureuse apparaissait fréquemment à sa fille, pour la remercier et lui faire les révélations les plus utiles.
» Les âmes du purgatoire, lorsqu'elles apparaissent aux vivants, se présentent toujours dans une attitude qui excite la compassion, tantôt sous les traits qu'elles avaient de leur vivant ou à leur mort, avec un visage triste, des regards suppliants, en habits de deuil, avec l'expression d'une douleur extrême ; tantôt comme une clarté, une nuée, une ombre, une figure fantastique quelconque, accompagnée d'un signe ou d'une parole qui les fait recon-naître. D'autres fois, elles accusent leur présence par des gémissements, des sanglots, des soupirs, une respiration haletante, des accents plaintifs. Souvent elles apparaissent environnées de flammes. Quand elles parlent, c'est pour manifester leurs souffrances, pour déplorer leurs fautes passées, pour demander des suffrages, ou même pour adresser des reproches à ceux qui devraient les secourir. »
« Une autre sorte de révélation, ajoute le même auteur, se fait par des coups invisibles que reçoivent les vivants, par des frappements à la porte, des bruits de chaînes, des bruits de voix. Ces faits sont trop multipliées pour qu'on puisse les révoquer en doute : la seule difficulté est d'éta-blir leur rapport avec le monde de l'expiation. Mais quand ces manifestations coïncident avec la mort de personnes

(1) La mystique divine, distinguée des contrefaçons diaboliques et des analogies humaines. Paris, Poussielgue.
chéries, et qu'elles cessent après qu'on a offert à Dieu des prières et des réparations, n'est-il pas raison-nable d'y voir des signes par lesquels ces âmes avertissent de leur détresse ?
» Aux divers indices que nous venons de signaler, on reconnaîtra les pauvres âmes du purgatoire. Mais il est un cas où l'apparition devrait être tenue pour suspecte : c'est lorsqu'un pécheur scandaleux, surpris inopinément par la mort, vient implorer les prières des vivants pour être délivré du purgatoire. Le démon est intéressé à faire croire que l'on peut vivre dans les plus grands désordres jusqu'à la mort, et échapper cependant à l'enfer. Toute-fois, même dans ces rencontres, il n'est pas défendu de penser que l'âme qui apparaît s'est repentie, et qu'elle est dans les flammes de l'expiation temporaire, ni, con-séquemment de prier pour elle ; mais il convient d'ob-server la plus grande réserve sur ces sortes de visions et sur la créance qu'on leur donne (1). »
Les détails dans lesquels nous venons d'entrer, suffisent pour justifier aux yeux du lecteur la citation des faits qu'il trouvera dans le cours de cet ouvrage.
Ajoutons que le chrétien doit se garder d'être trop incrédule dans les faits surnaturels, qui se rattachent aux dogmes de sa foi. Saint Paul nous dit que la charité croit tout (2), c'est-à-dire, comme expliquent les interprètes, tout ce que l'on peut croire prudemment, et dont la croyance ne saurait être nuisible. S'il est vrai que la pru-dence réprouve une crédulité aveugle et superstitieuse, il est vrai aussi qu'on doit éviter un autre excès, celui que le Sauveur reproche à l'Apôtre saint Thomas : Vous croyez, lui dit-il, parce que vous avez vu et touché ; il fallait croire au témoignage de vos frères. En exigeant davantage vous avez été incrédule : c'est une faute, que doivent éviter tous mes disciples : Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu. Ne soyez pas incrédule mais croyant. (Joan. xx, 27.)
Le théologien qui démontre les dogmes de la foi, doit être sévère dans le choix de ses preuves ; l'historien aussi doit procéder avec une critique rigoureuse dans la rela-tion des faits ; mais, l'écrivain ascétique, quand il cite des exemples et des faits pour éclaircir les vérités et édi-fier les fidèles, n'est pas tenu à cette stricte rigueur. Les personnages les plus autorisés dans l'Église, tels que saint Grégoire, saint Bernard, saint François de Sales, saint Alphonse de Liguori, Bellarmin, et bien d'autres, aussi distingués par leurs lumières que par leur piété, n'ont pas connu en écrivant leurs excellents ouvrages, les exigences rigoureuses de notre époque, exigences qui ne constituent nullement un progrès.
En effet, si l'esprit de nos pères dans la foi était plus simple, quelle est la cause qui a fait disparaître parmi nous cette ancienne simplicité ? N'est-ce pas le rationalisme pro-testant, qui de nos jours se déteint sur beaucoup de catho-liques ? N'est-ce pas cet esprit raisonneur et critique sorti de la réforme luthérienne, propagé par le philosophisme français, qui leur fait envisager les choses de Dieu d'une manière tout humaine, qui les rend froids et étrangers à l'esprit de Dieu ? Le vénérable abbé Louis de Blois, par-lant des Révélations de sainte Gertrude, dit que « ce livre renferme des trésors. Les hommes orgueilleux et charnels, ajoute-t-il, qui n'entendent rien à l'esprit de Dieu, traitent de rêveries les écrits de la vierge sainte Gertrude, de sainte Mechtilde, sainte Hildegarde et autres ; c'est qu'ils ignorent avec quelle familiarité Dieu se communique aux âmes humbles, simples et aimantes ; et comment, dans ces communications intimes, il se plaît à illuminer ces âmes des pures lumières de la vérité sans aucune ombre d'erreur (3) ».

(1) Ribet, Mystique divine, t. II, chap. X. — (2) I. Cor. XIII, 7. — (3) Ludov. Blos. Epist. ad florentium, § 4.
Ces paroles de Louis de Blois sont graves. Nous n'avons pas voulu encourir les reproches de ce grand maître de la vie spirituelle ; et tout en évitant une crédulité blâ-mable, nous avons recueilli avec une certaine liberté les faits qui nous ont paru à la fois les plus avérés et les plus instructifs. Puissent-ils accroître dans ceux qui les liront, la dévotion envers les défunts ! Puissent-ils imprimer profondément dans les âmes la sainte et salutaire pensée du purgatoire !

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:34

PREMIÈRE PARTIE
LE PURGATOIRE, MYSTÈRE DE JUSTICE


Chapitre 1er

Le purgatoire dans le plan divin.
Le purgatoire occupe une grande place dans notre sainte religion : il forme une des parties principales de l'oeuvre de Jésus-Christ, et joue un rôle essentiel dans l'économie du salut des hommes.
Rappelons-nous que la sainte Église de Dieu, consi-dérée dans sa totalité, se compose de trois parties : l'Église militante, l'Église triomphante et l'Église souffrante, ou le purgatoire. Cette triple Église constitue le corps mystique de Jésus-Christ, et les âmes du purgatoire ne sont pas moins ses membres que les fidèles sur la terre et les élus dans le ciel.
L'Église dans l'Évangile est appelée d'ordinaire le Royaume des cieux ; or, le purgatoire, tout comme le ciel et l'Église terrestre, est une province de ce vaste Royaume.
Les trois Églises-sœurs ont entre elles des relations incessantes, une communication continuelle, qu'on appelle la communion des saints. Ces relations n'ont d'autre objet que de conduire les âmes à la gloire, terme final où tendent tous les élus. Les trois Églises s'entr'aident à peupler le Ciel, qui est la cité permanente, la Jérusalem glorieuse.
Si nous considérons les rapports que nous autres, membres de l'Église militante sur la terre, nous avons avec les âmes du purgatoire, ils consistent à les secourir dans leurs peines. Dieu nous a mis dans les mains les clefs de leurs prisons mystérieuses : c'est la prière pour les défunts, c'est la dévotion pour les âmes du purgatoire.

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:35

Chapitre 2

Prière pour les défunts. — Crainte et confiance.
La prière pour les défunts, les sacrifices, les suffrages pour les morts font partie du culte chrétien, et la dévotion envers les âmes du purgatoire est une dévotion que le Saint-Esprit répand avec la charité dans le coeur des fidèles. C'est une pensée sainte et salutaire, dit l'Écriture, de prier pour les morts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés (1).

(1) II Machab. XII, 46.
Pour être parfaite, la dévotion envers les défunts doit être animée tout à la fois d'un esprit de crainte et de confiance. D'un côté la sainteté de Dieu et sa justice nous inspirent une crainte salutaire ; de l'autre, son infinie miséricorde, nous donne une confiance sans bornes.
Dieu est la sainteté même bien plus que le soleil n'est la lumière, et aucune ombre de péché ne peut subsister devant sa face. Vos yeux sont purs, dit le prophète, et ils ne peuvent supporter la vue de l'iniquité. (1) Aussi, quand l'iniquité se produit dans les créatures, la sainteté de Dieu en exige l'expiation ; et lorsque cette expiation se fait dans toute la rigueur de la justice, elle est terrible. C'est pourquoi l'Écriture dit encore : Son nom est saint et terrible (2) : comme si elle disait : sa justice est terrible parce que sa sainteté est infinie.
La justice de Dieu est terrible et elle punit avec une extrême rigueur les fautes les plus légères. La raison en est que ces fautes, légères à nos yeux, ne le sont nulle-ment devant Dieu. Le moindre péché lui déplaît infini-ment, et à cause de la Sainteté infinie qui est offensée, la plus petite transgression prend des proportions énormes, réclame une énorme expiation. C'est ce qui explique la terrible sévérité des peines de l'autre vie, et ce qui doit nous pénétrer d'une sainte frayeur.
La crainte du purgatoire est une crainte salutaire : elle a pour effet de nous animer non seulement d'une charita-ble compassion pour les âmes souffrantes ; mais encore d'un zèle vigilant pour nous-mêmes. Pensez au feu du purgatoire, et vous tâcherez d'éviter les moindres fautes ; pensez au feu du purgatoire et vous pratiquerez la péni-tence, pour satisfaire à la divine justice en ce monde plutôt qu'en l'autre.
Gardons-nous toutefois d'une crainte excessive et ne per-dons pas la confiance. N'oublions pas la miséricorde de Dieu, qui n'est pas moins infinie que sa justice. Votre miséricorde, Seigneur, surpasse la hauteur des cieux, dit le prophète (3) ; et ailleurs : Le Seigneur est plein de miséricorde et de clémence, il est patient et prodigue de miséricorde (4). — Cette miséricorde ineffable doit calmer nos trop vives appréhensions, et nous remplir d'une sainte confiance, selon cette parole : In te Domine speravi, non confundar in oeternum, j'ai mis en vous ma confiance, ô mon Dieu, jamais je ne serai confondu (5).
Si nous sommes animés de ce double sentiment, si notre confiance en la miséricorde de Dieu égale la crainte que nous inspire sa justice, nous aurons le véritable esprit de la dévotion envers les défunts.
Or ce double sentiment se puise naturellement dans le dogme du purgatoire bien compris, dogme qui renferme le double mystère de la justice et de la miséricorde : de la justice qui punit, de la miséricorde qui pardonne.
C'est à ce double point de vue que nous allons envisager le purgatoire et en illustrer la doctrine.

(1) Habac. I, 13 — (2) Ps. 110. — (3) Ps. 107. — (4) Ps. 144. — (5) Ps. 70.

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:36

Chapitre 3
Le mot purgatoire. — Doctrine catholique. — Concile de Trente.—
Questions controversées.

Le mot purgatoire se prend tantôt pour un lieu, tantôt pour un état intermédiaire entre l'enfer et le ciel. C'est proprement la situation des âmes qui, au moment de la mort, se trouvent en état de grâce, mais n'ont pas complè-tement expié leurs fautes, ni atteint le degré de pureté nécessaire pour jouir de la vision de Dieu.
Le purgatoire est donc un état passager, qui se termine à la vie bienheureuse. Ce n'est plus une épreuve, où l'on peut mériter et démériter ; mais un état de satisfaction et d'expiation. L'âme est arrivée au terme de sa vie mor-telle : cette vie était un temps d'épreuve, temps de mérite pour l'âme, et temps de miséricorde de la part de Dieu. Ce temps une fois expiré, il n'y a plus de la part de Dieu que justice ; et l'âme de son côté ne peut plus ni mériter ni démériter. Elle est fixée dans l'état où la mort l'a trouvée ; et comme elle a été trouvée dans la grâce sanctifiante, elle est sûre de ne plus déchoir de cet heureux état et de parvenir à la possession immuable de Dieu. Cependant, comme elle est chargée de certaines dettes de peines temporelles, elle doit satisfaire la divine justice en subissant ces peines dans toute leur rigueur.
Telle est la signification du mot purgatoire, et la situation des âmes qui s'y trouvent.
Or l'Église propose à ce sujet deux vérités nettement définies comme dogmes de foi : premièrement, qu'il y a un purgatoire ; secondement, que les âmes, qui sont dans le purgatoire, peuvent être secourues par les suffrages des fidèles, surtout par le saint sacrifice de la messe.
Outre ces deux points dogmatiques, il y a plusieurs ques-tions doctrinales que l'Église n'a pas décidées, et qui sont plus ou moins clairement résolues par les docteurs. Ces questions se rapportent : 1. au lieu du purgatoire ; 2. à la nature des peines ; 3. au nombre et à l'état des âmes qui sont au purgatoire ; 4. à la certitude qu'elles y ont de leur béatitude ; 5. à la durée de leurs peines ; 6. à l'interven-tion des vivants en leur faveur et à l'application des suffrages de l'Église.


Chapitre 4


Lieu du purgatoire. — Doctrine des théologiens. —
Catéchisme du Concile de Trente. — Saint Thomas.
Bien que la foi ne nous dise rien de précis sur le lieu du purgatoire, l'opinion la plus commune, celle qui s'ac-corde le mieux avec le langage de l'Écriture et qui est plus généralement reçue parmi les théologiens, le place dans les entrailles de la terre, non loin de l'enfer des réprouvés. Les théologiens sont presque unanimes, dit Bellarmin (1), à enseigner que le purgatoire, du moins le lieu ordinaire des expiations,
(1) De purgat. lib. 2. cap. 6.
est situé dans le sein de la terre, que les âmes du purgatoire et les, réprouvés sont dans les mêmes espaces souterrains, dans ces régions profondes que l'Écriture appelle les enfers.
Quand nous disons dans le Symbole des apôtres, que Jésus-Christ après sa mort est descendu aux enfers, « le nom d'enfers, dit le catéchisme du Concile de Trente (1), signifie ces lieux cachés, où sont détenues les âmes qui n'ont point encore obtenu la béatitude éternelle. Mais ces lieux sont de plusieurs espèces. L'un est une prison noire et obscure, où les âmes des réprouvés sont continuelle-ment tourmentées, avec les esprits immondes, par un feu qui ne s'éteint jamais. Ce lieu, qui est l'enfer propre-ment dit, s'appelle encore géhenne et abîme.
» Il y a un autre enfer, où est le feu du purgatoire. C'est là que les âmes des justes souffrent pendant un certain temps, pour être entièrement purifiées, avant que l'entrée leur soit ouverte dans la céleste patrie ; car rien de souillé ne saurait y entrer jamais.
» Un troisième enfer, était celui où étaient reçues, avant la venue de Jésus-Christ, les âmes des saints, et dans lequel elles jouissaient d'un repos tranquille, exemp-tes de douleurs, consolées et soutenues par l'espérance de leur rédemption. Ce sont ces âmes saintes qui atten-daient Jésus-Christ dans le sein d'Abraham, et qui furent délivrées lorsqu'il descendit aux enfers. Le Sauveur alors répandit subitement au milieu d'elles une brillante lumière, qui les remplit d'une joie infinie, et les fit jouir de la souveraine béatitude, qui est dans la vision de Dieu. Alors se vérifia cette promesse de Jésus au larron : Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis. »
« Un sentiment très-probable, dit saint Thomas (2), et qui répond d'ailleurs aux paroles des saints et aux révélations particulières, c'est qu'il y aurait pour l'expiation du purgatoire un double lieu. Le premier serait destiné à la généralité des âmes, et il est situé en bas, près de l'enfer ; le second serait pour des cas particuliers, et c'est de là que seraient sorties tant d'apparitions. » — Le saint docteur admet donc, comme beaucoup d'autres avec lui, que parfois la justice divine assigne un lieu spécial à la purification de certaines âmes, et permet même qu'elles apparaissent, soit pour instruire les vivants, soit pour procurer aux défunts les suffrages dont ils ont besoin, soit pour d'autres raisons dignes de la sagesse et de la miséricorde de Dieu.
Tel est l'aperçu général de la doctrine sur le lieu du purgatoire. Comme nous ne faisons pas un traité de con-troverse, nous n'ajoutons ni preuves ni réfutations : on peut les voir dans les auteurs tels que Suarez et Bellar-min. Nous nous contenterons de faire remarquer que l'opinion des enfers souterrains n'a rien à craindre de la science moderne. Une science purement naturelle est incompétente dans les questions, qui appartiennent comme celle-ci à l'ordre surnaturel. Nous savons d'ail-leurs que les esprits peuvent se trouver dans un lieu occupé par des corps comme si ces corps n'existaient pas. Quel que soit donc l'intérieur de la terre, qu'il soit tout en feu, comme les géologues le disent communément, ou qu'il soit en tout autre état, rien n'empêche qu'il ne serve de séjour à des esprits, même à des esprits revêtus d'un corps ressuscité. L'apôtre saint Paul nous apprend que l'air est rempli d'une foule d'esprits de ténèbres : Nous avons à combattre, dit-il, contre les puissances des ténèbres, contre les esprits malins répandus dans l'air (3). D'autre part, nous savons que les bons anges qui nous protègent, ne sont pas moins nombreux en ce monde. Or, si les anges et autres esprits peuvent


(1) Catech. Rom. cap. 6. §1. — (2) Supplém. Part. 3. Quest. Ult. — (3) Ephes. VI, 12.
habiter notre atmosphère sans que le monde physique en éprouve la moindre modification, comment les âmes des morts ne pourraient-elles pas demeurer dans le sein de la terre?

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:37

Chapitre 5

Lieu du purgatoire.— Révélations des saints. — Sainte Thérèse. —
Saint Louis Bertrand. — Sainte Madeleine de Pazzi.
Sainte Thérèse avait une grande charité pour les âmes du purgatoire et les aidait autant qu'il était en elle par ses prières et ses bonnes oeuvres. Pour la récompenser Dieu lui montrait fréquemment les âmes qu'elle avait délivrées ; elle les voyait au moment de leur sortie de l'expiation et de leur entrée dans le ciel. Or, elles sor-taient généralement du sein de la terre.
« On m'annonça, écrit-elle (1), la mort d'un religieux, qui avait été jadis provincial de cette province, et qui l'était alors d'une autre ; j'avais eu des rapports avec lui, et il m'avait rendu de bons offices. Cette nouvelle me causa un grand trouble. Quoique ce fût un homme recom-mandable par bien des vertus, j'appréhendais pour le salut de son âme, parce qu'il avait été durant vingt ans supérieur, et que je crains toujours beaucoup pour ceux qui ont charge d'âmes. Je m'en allai fort triste à un oratoire ; là je conjurai Notre Seigneur d'appliquer à ce religieux le peu de bien que j'avais fait en ma vie, et de suppléer au reste par ses mérites infinis, afin de tirer son âme du purgatoire.
» Pendant que je demandais cette grâce avec toute la ferveur dont j'étais capable, je vis, à mon côté droit, cette âme sortir du fond de la terre et monter au ciel
(1) Vie de sainte Thér. écrite par elle-même, chap. 38. Fête, 15 octob.
p.26 fin

p.27
dans des transports d'allégresse. Bien que ce Père fût fort âgé, il m'apparut sous les traits d'un homme qui n'avait pas encore trente ans, et avec un visage tout res-plendissant de lumière. Cette vision fort courte dans sa durée me laissa inondée de joie, et sans ombre de doute sur la vérité de ce que j'avais vu. Comme j'étais séparée par une grande distance de l'endroit où ce serviteur de Dieu avait fini ses jours, je n'appris qu'après un certain temps les particularités de sa mort édifiante : tous ceux qui en furent témoins ne purent voir sans admiration la connaissance qu'il garda jusqu'au dernier moment, les larmes qu'il versait, et les sentiments d'humilité dans lesquels il rendit son âme à Dieu.
» Une religieuse de ma communauté, grande servante de Dieu, était décédée il n'y avait pas encore deux jours. On célébrait l'office des morts pour elle dans le chœur ; une soeur disait une leçon, et j'étais debout pour dire le verset : à la moitié de la leçon, je vis l'âme de cette reli-gieuse sortir, comme celle dont je viens de parler, du fond de la terre, et s'en aller au ciel. Cette vision fut purement intellectuelle, tandis que la précédente s'était présentée à moi sous des images. Mais l'une et l'autre laissent à l'âme une égale certitude.
» Dans ce même monastère venait de mourir, à l'âge de dix-huit ou vingt ans, une autre religieuse, vrai modèle de ferveur, de régularité et de vertu. Sa vie n'avait été qu'un tissu de maladies et de souffrances patiemment supportées. Je ne doutais point qu'après avoir ainsi vécu, elle n'eût plus de mérites qu'il ne lui en fallait pour être exempte du purgatoire. Cependant, tandis que j'étais à l'office, avant qu'on la portât en terre, et environ quatre heures après sa mort, je vis son âme sortir également de terre et monter au ciel. » — Voilà ce qu'écrit sainte Thérèse.
Un fait analogue est rapporté dans la vie de saint Louis Bertrand, de l'Ordre de saint Dominique. Cette vie écrite par le P. Antist, religieux du même ordre, qui avait vécu avec le saint, est insérée dans les Acta Sanctorum, sous le 10 octobre. — L'an 1557, lorsque saint Louis Bertrand résidait au couvent de Valence, la peste se déclara dans cette ville. Le terrible fléau multipliant ses coups, menaçait tous les habitants et chacun tremblait pour sa vie. Un religieux de la communauté, le P. Clément Benet, vou-lant se préparer avec ferveur à la mort, fit au saint une confession générale de toute sa vie ; et en le quittant, « mon Père, lui dit-il, s'il plaît maintenant à Dieu de m'appeler, je viendrai vous faire connaître mon état dans l'autre vie. » — Il mourut en effet peu de temps après, et la nuit suivante il apparut au saint. Il lui dit qu'il était retenu au purgatoire pour quelques fautes légères qui lui restaient à expier, et le supplia de le faire recommander à la communauté. Le saint communiqua aussitôt cette demande au père prieur, qui s'empressa de recommander l'âme du défunt aux prières et aux saints sacrifices de tous les Frères réunis au chapitre.
Six jours après, un homme de la ville, qui ne savait rien de ce qui s'était passé au couvent, étant venu se confesser au père Louis, lui dit « que l'âme du P. Clément lui était apparue. Il avait vu, disait-il, la terre s'entr'ouvrir et l'âme du Père défunt en sortir toute glorieuse : elle ressemblait, ajoutait-il, à un astre resplendissant et s'élevait dans les airs vers le ciel. »
Nous lisons dans la vie de sainte Madeleine de Pazzi (1), écrite par son confesseur, le P. Cépari de la Compagnie de Jésus, que cette servante de Dieu fut rendue témoin de la délivrance d'une âme dans les circonstances sui-vantes. Une de ses soeurs en religion était morte depuis quelque temps, lorsque la sainte, se trouvant en prière devant le très-saint Sacrement, vit sortir de terre l'âme de cette soeur, captive encore dans les prisons du purgatoire. Elle était enveloppée d'un manteau de flammes, au-dessous duquel une robe d'une éblouissante blancheur la proté-geait contre les

1) 25 mai.
trop vives ardeurs du feu ; et elle demeura une heure entière au pied de l'autel, adorant, dans un anéantissement indicible, le Dieu caché sous les espèces eucharistiques.
Cette heure d'adoration que Madeleine lui voyait faire, était la dernière de sa pénitence ; cette heure expirée, elle se leva et prit son vol vers le ciel.

Chapitre 6

Lieu du purgatoire. — Sainte Françoise de Rome.
Sainte Madeleine de Pazzi.

Il a plu à Dieu de faire voir en esprit les tristes demeures du purgatoire à quelques âmes privilégiées, qui devaient ensuite révéler ces douloureux mystères pour l'édification de tous les fidèles. De ce nombre fut l'illustre sainte Fran-çoise (1), fondatrice des Oblates, qui mourut en 1440 à Rome, où ses vertus et ses miracles jetèrent le plus vif éclat. Dieu la favorisa de grandes lumières sur l'état des âmes dans l'autre vie. Elle vit l'enfer et ses horribles sup-plices ; elle vit aussi l'intérieur du purgatoire, et l'ordre mystérieux, je dirais presque la hiérarchie des expiations, qui règne dans cette partie de l'Église de Jésus-Christ. Pour obéir à ses supérieurs, qui crurent devoir lui imposer cette obligation, elle fit connaître tout ce que Dieu lui avait manifesté ; et ses visions, écrites sous sa dictée par le vénérable chanoine Matteotti, directeur de son âme, ont toute l'authenticité qu'on peut demander en ces matières.
Or la servante de Dieu déclara qu'après avoir subi avec un inexprimable effroi la vision de l'enfer, elle sortit de cet abîme et fut conduite par son guide céleste, l'archange Raphaël, dans les régions du purgatoire. Là ne régnait plus ni l'horreur du désordre, ni le désespoir, ni les ténè-bres éternelles ; la divine espérance y répandait sa lumière, et on lui dit que ce lieu de purification s'appelait aussi séjour de l'espérance. Elle y vit des âmes qui souffraient cruellement, mais des anges les visitaient et les assistaient dans leurs souffrances.
Le purgatoire, dit-elle, est divisé en trois parties dis-tinctes, qui sont comme les trois grandes provinces de ce royaume de la douleur. Elles sont situées l'une au-dessus de l'autre, et occupées par des âmes de diverses catégories. Ces âmes sont ensevelies d'autant plus profondément qu'elles sont plus souillées et plus éloignées de la déli-vrance.
La région inférieure est remplie d'un feu très-ardent, mais qui n'est pas ténébreux comme celui de l'enfer : c'est une vaste mer embrasée, jetant d'immenses flammes. D'innombrables âmes y sont plongées : ce sont celles qui se sont rendues coupables de péchés mortels, qu'elles ont dûment confessés, mais non suffisamment expiés durant la vie. La servante de Dieu apprit alors que, pour tout péché mortel pardonné il reste à subir une peine de sept années de purgatoire. — Ce terme ne peut se prendre évi-demment comme une mesure fixe, puisque les péchés mor-tels diffèrent d'énormité ; mais comme une taxe moyenne.
Quoique les âmes soient enveloppées dans les mêmes flammes, leurs souffrances ne sont pas les mêmes ; elles diffèrent selon le nombre et la qualité de leurs anciens péchés.


(1) 9 mars
Dans ce purgatoire inférieur la sainte distingua des laïques et des personnes consacrées à Dieu. Les laïques étaient ceux qui, après une vie de péché, avaient eu le bon-heur de se convertir sincèrement ; les personnes consacrées à Dieu étaient celles qui n'avaient pas vécu selon la sain-teté de leur état : elles se trouvaient dans la partie la plus profonde. En ce moment même, elle y vit descendre l'âme d'un prêtre qu'elle connaissait, mais dont elle s'abstient de révéler le nom. Elle remarqua qu'il avait la tête enveloppée d'un voile qui couvrait une souillure, la souillure de la sensualité. Bien qu'il eût mené une vie édifiante, ce prêtre n'avait pas toujours gardé une stricte tempérance et avait trop cherché les satisfactions de la table.
La sainte fut conduite alors dans le purgatoire inter- médiaire, destiné aux âmes qui ont mérité des peines moins rigoureuses. Il y avait là trois espaces distincts : l'un ressemblait à une vaste glacière, où régnait un froid inex-primable ; la seconde, au contraire, était comme une chau-dière immense remplie d'huile et de poix bouillantes ; la troisième, comme un étang de métal liquide, qui ressem-blait à de l'or ou de l'argent en fusion.
Le purgatoire supérieur, que la sainte ne décrit pas, est le séjour des âmes qui, ayant été purifiées par les peines du sens, ne souffrent plus guère que la peine du dam, et approchent de l'heureux moment de leur délivrance.
Telle est en substance la vision de sainte Françoise relative au purgatoire.
Voici maintenant celle de sainte Madeleine de Pazzi, carmélite de Florence, telle qu'elle est rapportée dans sa vie par le P. Cépari. C'est un tableau détaillé du purgatoire, tandis que la vision précédente n'en a tracé que les grandes lignes.
Quelque temps avant sa sainte mort, qui arriva en 1607, la servante de Dieu Madeleine de Pazzi, se trouvant sur le soir avec plusieurs religieuses dans le jardin du couvent, fut ravie en extase et vit le purgatoire s'ouvrir devant elle. En même temps, comme elle le fit connaître plus tard, une voix l'invita à visiter toutes les prisons de la divine justice, afin de voir de près combien sont dignes de pitié les pauvres âmes qui les habitent.
En ce moment on l'entendit dire : Oui, j'en ferai le tour. Elle acceptait de faire ce douloureux voyage.
En effet, elle commença à circuler autour du jardin qui est fort grand, pendant deux heures entières, en s'arrêtant de temps en temps. Toutes les fois qu'elle interrompait sa marche, elle considérait attentivement les peines qu'on lui montrait. On la voyait alors se tordre les mains par commisération : son visage devenait pâle, son corps se courbait sous le poids de la douleur en présence du spec-tacle qu'elle avait sous les yeux.
Elle commença par s'écrier d'une voix lamentable : « Miséricorde, mon Dieu, miséricorde ! Descendez, ô Sang précieux, et délivrez ces âmes de leur prison. Pauvres âmes, vous souffrez si cruellement, et cependant vous êtes contentes et joyeuses. Les cachots des martyrs, en comparaison de ceux-ci, étaient des jardins délicieux. Cependant il en est de plus profonds encore. Que je m'estimerais heureuse si l'on ne m'y faisait pas descendre ! »
Cependant elle y descendit, car on la vit continuer sa route. Mais quand elle eut fait quelques pas, elle s'arrêta épouvantée, et, poussant un grand soupir, elle s'écria : Eh quoi ! des religieux aussi dans ces tristes lieux ! Bon Dieu, comme ils sont tourmentés ! Ah, Seigneur ! Elle n'expliquait pas leurs souffrances ; mais l'horreur qu'elle éprouvait en les contemplant, la faisait soupirer presque à chaque pas.
Elle passa de là dans des lieux moins lugubres : c'était les cachots des âmes simples et des enfants, dont l'igno-rance et le peu de raison atténuent beaucoup les fautes. Aussi leurs tourments lui parurent beaucoup plus toléra-bles que ceux des autres. Il n'y avait là que de la glace et du feu. Elle remarqua que ces âmes avaient auprès d'elles leurs anges gardiens, qui les fortifiaient beaucoup par leur présence ; mais elle voyait aussi des démons, dont l'aspect horrible aggravait leurs souffrances.
Ayant fait quelques pas elle vit des âmes beaucoup plus malheureuses, et on l'entendit s'écrier : « Oh ! que ce lieu est horrible ! il est plein de démons hideux et d'incroyables tourments ! Quels sont donc, mon Dieu, les tristes victimes si cruellement torturées ? Hélas ! on les perce avec des glaives aigus, et on les coupe en pièces. » — Il lui fut répondu que c'étaient les âmes dont la conduite avait été entachée d'hypocrisie.
En avançant un peu, elle vit une grande multitude d'âmes qui étaient foulées et comme écrasées sous un pressoir ; et elle comprit que c'étaient des âmes qui pen-dant la vie, avaient été sujettes à l'impatience et à la désobéissance. En les contemplant, son regard, ses sou-pirs, toute en attitude exprimait la compassion et l'effroi.
Un moment après, elle parut plus consternée et poussa un cri d'épouvante : c'était le cachot du mensonge qui venait de s'ouvrir à ses regards. Après l'avoir considéré avec attention, elle dit d'une voix fort haute : « Les menteurs sont placés dans un lieu voisin de l'enfer, et leurs peines sont bien grandes. On leur verse dans la bouche du plomb fondu ; je les vois brûler et trembler de froid en même temps. »
Elle arriva ensuite à la prison des âmes qui avaient péché par faiblesse, et on l'entendit s'écrier : « Hélas ! je vous croyais avec celles qui ont péché par ignorance : mais je me trompais, vous brûlez dans un feu plus ardent. »
Plus loin, elle aperçut les âmes qui furent trop atta- chées aux biens de ce monde et péchèrent par avarice. « Quel aveuglement, dit-elle, de tant chercher une fortune périssable ! Ceux qui autrefois étaient insatiables de richesses, sont rassasiés ici de tourments : ils se liquéfient comme le métal dans la fournaise. »
De là passant au lieu où sont renfermées les âmes qui se souillèrent jadis du vice de l'impureté, elle les vit dans un cachot si sale et si infect qu'il lui faisait soulever le coeur. Elle détourna promptement les yeux de cette vue dégoûtante.
Ayant aperçu les ambitieux et les superbes, elle dit : « Voilà ceux qui voulaient paraître avec éclat parmi les hommes : maintenant ils sont condamnés à vivre dans cette effrayante obscurité. »
On lui fit voir ensuite les âmes ingrates envers Dieu. Elles étaient en proie à des tourments indicibles et comme noyées dans un lac de plomb fondu, pour avoir desséché par leur ingratitude la source de la piété.
Enfin, on lui montra, dans un dernier cachot, les âmes qui n'eurent aucun vice bien saillant, mais qui, ne veillant pas assez sur elles-mêmes, avaient commis toutes sortes de fautes légères ; elle remarqua que ces âmes avaient part aux châtiments de tous les vices, dans un degré mitigé, parce que les fautes commises, comme en passant, rendent moins coupables que les habitudes.
Après cette dernière station, la sainte sortit du jardin, en priant Dieu de ne plus la rendre témoin d'un si déchi-rant spectacle : elle ne sentait plus la force de le supporter. Cependant son extase durait encore, et, conversant avec son Jésus, elle lui dit : « Apprenez-moi, Seigneur, quel a été votre dessein en me découvrant ces prisons terribles que je connaissais si peu et que je comprenais encore moins ?... Ah ! je le vois à cette heure : vous avez voulu me faire connaître votre infinie sainteté et me faire haïr davantage les moindres péchés, si abominables à vos yeux. »

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:38

Chapitre 7

Lieu du purgatoire. — Sainte Lidvine de Schiedam.

Citons une troisième vision concernant l'intérieur du purgatoire, celle de sainte Lidvine de Schiedam (1), qui mourut le 11 avril 1433, et dont l'histoire, écrite par un prêtre son contemporain, est de la plus parfaite authenti-cité. Cette admirable vierge, vrai prodige de patience chrétienne, fut en proie à toutes les douleurs des plus cruelles maladies durant le long espace de trente-huit ans. Ses douleurs lui rendant le sommeil impossible, elle passait ses longues nuits dans la prière, et alors souvent ravie en esprit, elle était conduite par son ange gardien dans les régions mystérieuses du purgatoire. Elle y voyait des demeures, des prisons, des cachots divers, plus tristes les uns que les autres, elle y rencontrait des âmes qu'elle connaissait, et on lui montrait leurs châtiments divers.
On pourrait demander quelle était la nature de ces voyages extatiques ? et il est difficile de l'expliquer ; mais on peut conclure de certaines autres circonstances qu'ils avaient plus de réalité qu'on ne serait porté à le croire. La sainte malade faisait des voyages analogues et des pèleri-nages sur la terre, aux saints lieux de Palestine, aux églises de Rome et aux monastères du voisinage. Elle rapportait des endroits ainsi parcourus les connaissances les plus exactes. Un religieux du monastère de sainte Élisabeth, s'entretenant un jour avec elle, et parlant des cellules, du chapitre, du réfectoire de sa communauté, elle lui fit de toute sa maison une description exacte et détaillée, comme si elle y eût passé toute sa vie. Le religieux lui en ayant témoigné sa surprise : « Sachez, mon père, dit-elle, que j'ai parcouru votre monastère, j'ai visité toutes les cellules, j'ai vu les anges gardiens de tous ceux qui les habitent. » — Or voici un des voyages de notre Sainte dans le purgatoire.
Un malheureux pécheur, engagé dans les routes per- dues du monde, s'était enfin converti, grâce aux prières de Lidvine et à ses pressantes exhortations, il fit une confession sincère de tous ses désordres, en reçut l'abso-lution, mais n'eut pas le temps de pratiquer beaucoup de pénitences, parce qu'il mourut de la peste peu après.
La sainte offrit pour son âme beaucoup de prières et de souffrances ; et quelque temps après, ayant été conduite par son ange au purgatoire, elle désira savoir s'il y était encore et quelle était sa situation. — « Il y est, dit son guide céleste, et il souffre beaucoup. Seriez-vous disposée à endurer quelque peine pour diminuer les siennes ? — Sans doute, répondit-elle, je suis prête à tout pour l'aider. » — Aussitôt l'ange la conduisit dans un lieu de tortures effroyables : « Est-ce donc ici l'enfer, mon frère, demanda la sainte fille, saisie d'horreur ? — Non, ma soeur, répondit l'ange ; mais cette partie du purgatoire est contiguë à l'enfer. »
En regardant de tout côté, elle aperçut comme une immense prison, entourée de murailles d'une hauteur pro-digieuse, dont la noirceur et les pierres monstrueuses faisaient horreur. En approchant de cette sinistre enceinte, elle entendit un bruit confus de voix lamentables, de cris de fureur, de chaînes, d'instruments de torture, de coups violents que des bourreaux déchargeaient sur leurs victimes. Ce bruit était tel que tous les fracas du monde dans les tempêtes et les batailles ne sauraient y être comparés. — « Quel est donc cet horrible lieu ? demanda Lidvine à son bon ange. — C'est l'enfer, répondit-il. Voulez-vous que je vous le fasse voir ? — Non, de grâce, dit-elle, glacée d'épouvante : le bruit que j'entends est si affreux que je n'y puis tenir davantage ; comment pourrais-je supporter la vue de ces horreurs ? »


(1) 14 avril.
En continuant sa route mystérieuse, elle vit un ange tristement assis sur le bord d'un puits. « Quel est cet ange, demanda-t-elle à son guide ? — C'est, répondit-il, l'ange gardien du pécheur dont le sort vous intéresse. Son âme est dans ce puits où elle fait un purgatoire spécial. » — Lidvine à ces mots jeta sur son ange un regard expressif : elle désirait voir cette âme qui lui était chère, et travailler à la retirer de cet affreux cachot. Son ange, qui la comprit, ayant soulevé le couvercle de ce puits par un acte de sa puissance, un tourbillon de flammes s'en échappa ainsi que des cris plaintifs. —
« Reconnaissez-vous cette voix, lui dit l'ange. — Hélas ! oui, répondit la servante de Dieu. — Désirez-vous voir cette âme, ajouta-t-il ? » — Sur sa réponse affirmative il l'appela par son nom ; et aussitôt notre vierge vit paraître à l'ouverture du puits, un esprit tout en feu, semblable à un métal incandescent, qui lui dit d'une voix mal articulée : « Ô Lidvine, servante de Dieu, qui me donnera de pouvoir contempler la face du Très-Haut ! »
La vue de cette âme en proie au plus terrible tourment du feu produisit en notre sainte un tel saisissement, que sa ceinture, toute neuve et très-forte qu'elle portait autour du corps, se rompit en deux ; et que ne pouvant plus longtemps soutenir cette vue, elle revint subitement de son extase. Les personnes présentes, s'apercevant de son effroi, lui demandèrent ce qu'elle avait ? — « Hélas ! répondit-elle, qu'elles sont affreuses les prisons du purgatoire ! C'est pour aider les âmes que je consens à y descendre. Sans ce motif, on me donnerait le monde entier que je ne voudrais pas subir les terreurs que me cause un si affreux spectacle. »
Quelques jours après, le même ange qu'elle avait vu si triste, lui apparut avec un visage joyeux : il lui apprit que l'âme de son protégé était sortie du puits et avait passé au purgatoire ordinaire. Ce soulagement partiel ne pouvait suffire à la charité de Lidvine : elle continua à prier pour le pauvre patient et à lui appliquer le mérite de ses souffrances, jusqu'à ce qu'elle vit s'ouvrir devant lui les portes du ciel.

Chapitre 8

Lieu du purgatoire. — Saint Grégoire le Grand. — Le diacre Paschase et le prêtre de Centumcelle. — Le B. Étienne, francis-cain et le religieux dans sa stalle. — Théophile Renaud et la malade de Dôle

Selon saint Thomas et d'autres docteurs, comme nous avons vu plus haut, dans des cas particuliers la divine justice assigne un lieu spécial sur la terre à la purification de certaines âmes. Ce sentiment se trouve confirmé par plusieurs faits ; parmi lesquels nous citerons en premier lieu les deux que rapporte saint Grégoire-le-Grand dans ses Dialogues (1). « Lorsque j'étais jeune et encore laïque, écrit le saint Pape, j'ai entendu raconter aux anciens qui étaient bien informés, comment le diacre Paschase apparut à Germain, évêque de Capoue. Paschase, diacre de ce siège apostolique, de qui nous possédons encore les excellents livres sur le Saint-Esprit, était un homme d'éminente sainteté, adonné aux oeuvres de charité, zélé pour le soulagement des pauvres, et fort oublieux de lui-même. Une contestation s'étant élevée au sujet d'une élection pontificale, Paschase se sépara des Évêques et embrassa le parti de celui que l'épiscopat n'avait point approuvé. Or, il mourut bientôt, avec une réputation de sainteté que Dieu confirma par un miracle : Une guérison éclatante eut lieu le jour de ses funérailles, au simple attouchement de sa dalmatique.

(1) Dialogor. IV, 40.
p.38 fin
p.39
« Longtemps après, Germain, Évêque de Capoue, fut envoyé par les médecins aux bains de Sant-Angelo, dans les Abruzzes. Quel ne fut pas son étonnement d'y trouver, employé aux derniers offices des bains, le même diacre Paschase ! — J'expie ici, lui dit l'apparition, le tort que j'eus de me ranger au parti mauvais. Je vous en supplie, priez pour moi le Seigneur : vous saurez que vous êtes exaucé dès que vous cesserez de me voir en ces lieux.
» Germain commença de prier pour le défunt, et, au bout de quelques jours, étant revenu, il chercha vaine-ment Paschase, qui avait disparu. — Il n'eut à subir, ajoute saint Grégoire, qu'un châtiment temporaire après cette vie, parce qu'il avait péché par ignorance et non par malice. »
Le même saint Pape parle ensuite d'un prêtre de Cen-tumcelle, aujourd'hui Cività-Vecchia, qui lui aussi était allé aux eaux thermales. Un homme se présenta pour le servir dans les derniers offices de la domesticité, et durant plusieurs jours lui donna ses soins avec une complaisance et un empressement extrêmes. Le bon prêtre, pensant qu'il devait récompenser tant d'égards, arriva le len-demain porteur de deux pains bénits, et, après le service ordinaire, les offrit au complaisant serviteur. Celui-ci, d'un air triste, lui répondit : Pourquoi, mon père, me présenter ce pain ? Je ne puis le manger. Moi, que vous voyez, je fus ici le maître autrefois, et, après ma mort, pour l'expiation de mes fautes, j'y ai été renvoyé dans l'état que vous voyez. Si vous me voulez du bien, oh ! je vous en prie, offrez pour moi le Pain Eucharistique.
A ces mots il disparut subitement, et celui qu'on avait cru un homme, montra en s'évanouissant qu'il n'était qu'un esprit. Pendant toute une semaine le prêtre se livra aux exercices de la pénitence, et offrit chaque jour l'Hostie salutaire en faveur du défunt ; puis étant retourné aux mêmes bains, il ne l'y trouva plus, et en conclut qu'il était délivré.
Il semble que la divine justice condamne parfois les âmes à subir leur peine au lieu même où elles commirent leurs fautes. On lit dans les chroniques des Frères-Mineurs (1), que le bienheureux Étienne, religieux de cet institut, avait pour le Saint-Sacrement une dévotion singulière, qui lui faisait passer en adoration une partie de ses nuits. Dans une de ces circonstances, étant seul à la chapelle au milieu des ténèbres, que rompait l'unique lueur d'une petite lampe, il aperçoit tout à coup dans une stalle un religieux, profondément recueilli et la tête ensevelie dans son capuchon. Étienne s'approche de lui, et demande s'il a bien la permission de quitter sa cellule à pareille heure ? — Je suis un religieux défunt, répond-il. C'est ici que je dois accomplir mon purgatoire, d'après un arrêt de la justice de Dieu, parce que c'est ici que j'ai péché par tiédeur et négligence dans l'office divin. Le Seigneur me permet de vous faire connaître mon état, afin que vous m'aidiez par vos prières.
Ému de ces paroles, le B. Étienne se mit à genoux aus- sitôt pour réciter le De profundis et autres prières ; et il remarqua que pendant qu'il priait, le visage du défunt exprimait la joie. — Plusieurs fois encore, les nuits sui-vantes, l'apparition se montra de la même manière, plus heureuse chaque fois, à mesure qu'elle approchait de sa délivrance. Enfin après une dernière prière du B. Étienne, elle se leva de sa stalle toute radieuse, témoigna sa reconnaissance à son libérateur, et disparut dans les clartés de la gloire.
Le fait suivant a quelque chose de si merveilleux, que nous hésiterions, dit le chanoine Postel, à le reproduire, s'il n'avait été consigné en maint ouvrage, d'après le Père Théophile Raynaud, théologien et controversiste distingué du


(1) Liv. 4, chap. 30. Cf. Rossignoli, Merveilles du purgatoire. Merv. 27.
XVIIe siècle (1), qui le rapporte comme un événement arrivé de son temps et presque sous ses yeux. L'abbé Louvet ajoute que le vicaire-général de l'arche-vêque de Besançon, après en avoir examiné tous les détails, en avait reconnu la vérité. — L'an 1629, à Dôle en Franche-Comté, Huguette Roy, femme de médiocre condition, était retenue au lit par une fluxion de poitrine qui faisait craindre pour sa vie. Le médecin ayant cru devoir la saigner, eut la maladresse de lui couper l'artère du bras gauche : ce qui la réduisit promptement à toute extrémité.
Le lendemain, à la pointe du jour, elle voit entrer dans sa chambre une jeune fille, toute vêtue de blanc, d'un maintien fort modeste, qui lui demande si elle consent à accepter ses services et à être soignée par elle. La malade, heureuse de cette offre, répond que rien ne lui sera plus agréable ; et aussitôt l'étrangère allume le feu, en appro-che Huguette, la remet doucement dans son lit ; puis continue de la veiller et de la servir comme ferait l'infir-mière la plus dévouée. Chose merveilleuse ! Le contact des mains de cette inconnue était si bienfaisant, que la mourante s'en trouva grandement soulagée et se sentit bientôt entièrement guérie. Alors elle voulut absolument savoir quelle était cette aimable inconnue, et l'appela pour l'interroger, mais elle s'éloigna en disant qu'elle reviendrait le soir. — Cependant l'étonnement, la curio-sité furent extrêmes, quand on eut connaissance de cette guérison soudaine, et il n'était bruit dans toute la ville de Dôle que de ce mystérieux événement.
Quand l'inconnue revint le soir, elle dit à Huguette Roy, sans plus chercher à se cacher : « Sachez, ma chère nièce, que je suis votre tante, Léonarde Collin, qui mourut il y a dix-sept ans, en vous laissant héritière de son petit bien. Grâce à la bonté divine, je suis sauvée, et c'est la sainte Vierge Marie, pour laquelle j'eus une grande dévotion, qui m'a obtenu ce bonheur. Sans elle j'étais perdue. Quand la mort est venue me frapper subitement, j'étais en péché mortel ; mais la miséricordieuse Vierge m'obtint à ce moment un mouvement de contrition parfaite, et me sauva ainsi de la damnation éternelle. Depuis lors je suis au purgatoire, et le Seigneur me permet de venir achever mon expiation en vous servant pendant quarante jours. Au bout de ce temps, je serai délivrée de mes peines, si de votre côté vous avez la charité de faire pour moi trois pèlerinages à trois sanctuaires de la sainte Vierge. »
Huguette étonnée, ne sachant que penser de ce langage, ne pouvant croire à la réalité de cette apparition, et crai-gnant quelque piège de l'esprit malin, consulta son con-fesseur, le père Antoine Rolland, jésuite, qui l'engagea à menacer l'inconnue des exorcismes de l'Église. Cette menace ne la troubla point ; elle dit tranquillement qu'elle ne craignait pas les prières de l'Église : « Elles n'ont de force, ajouta-t-elle, que contre les démons et les damnés, nullement contre des âmes prédestinées, et en grâce avec Dieu, comme je le suis. » — Huguette n'était pas convaincue : « Comment, dit-elle à la jeune fille, pouvez-vous être ma tante Léonarde ? Celle-ci était vieille et cassée, désagréable et quinteuse ; tandis que vous êtes jeune, douce et prévenante. — Ah ! ma nièce, répondit l'apparition, mon véritable corps est dans le tombeau, où il restera jusqu'à la résurrection ; celui que vous me voyez est un autre corps, formé miraculeusement de l'air, pour me permettre de vous parler, de vous servir et d'obtenir vos suffrages. Quant à mon caractère difficile, colérique, dix-sept ans de terribles souffrances m'ont bien appris la patience et la dou-ceur. Sachez d'ailleurs, qu'en purgatoire on est confirmé en grâce, marqué du sceau des élus, et par là même exempt de tous les vices. »

(1) Dans son ouvrage intitulé Heteroclita spiritualia, part. 2, sect. 3, punct. 5 (Grenoble, 1646 in-4o), alias punct. 6, quaesit. 9, Cf. Rossignoli, Merv. 99.
Après de telles explications, l'incrédulité n'était plus possible. Huguette, à la fois émerveillée et reconnais-sante, reçut avec bonheur les services qui lui étaient rendus, pendant les quarante jours marqués. Elle seule pouvait voir et entendre la défunte, qui venait à certaines heures et disparaissait ensuite. Dès que ses forces le lui permirent, elle accomplit pieusement les pèlerinages qu'on lui avait demandés.
Au bout des quarante jours, les apparitions cessèrent. Léonarde se montra une dernière fois pour annoncer sa délivrance : elle était alors dans l'état d'une incomparable gloire, étincelante comme un astre et portant sur son visage l'expression de la plus parfaite béatitude. Elle témoigna à son tour sa reconnaissance à sa nièce, lui promit de prier pour elle et pour toute sa famille, et l'en-gagea à se souvenir toujours, au milieu des peines de la vie, du but suprême de notre existence, qui est le salut de notre âme.

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:40

Chapitre 9

Peines du purgatoire, leur nature, leur rigueur. — Doctrine des théologiens.
— Bellarmin. — Saint François de Sales. — Crainte et confiance

Il y a dans le purgatoire comme dans l'enfer une double peine, la peine du dam et la peine du sens.
La peine du dam (damnum, dommage) consiste à être privé, pour un temps de la vue de Dieu, qui est le bien suprême, l'objet béatifique pour lequel nos âmes sont faites, comme nos yeux pour la lumière. C'est une soif morale dont l'âme est tourmentée.
La peine du sens, ou la douleur sensible, est semblable à celle que nous éprouvons dans notre chair. La nature n'en est pas définie par la foi ; mais c'est le sentiment commun des docteurs qu'elle consiste dans le feu et autres genres de souffrances. — Le feu du purgatoire est de la même nature, disent les pères, que celui de l'enfer dont parle le Mauvais Riche : Quia crucior in hac flamma, je souffre, dit-il, cruellement dans cette flamme.
Quant à la rigueur de ces peines, comme elles sont infligées par la plus équitable justice, elles sont propor-tionnées à la nature, à la gravité et au nombre des fautes. Chacun reçoit selon ses oeuvres, chacun doit acquitter les dettes dont il se trouve chargé devant Dieu. Or ces dettes sont très-inégales. Il y en a qui, accumulées durant toute une longue vie, s'élèvent aux dix mille talents de l'Évan-gile, c'est-à-dire à des millions et des milliards ; tandis que d'autres se réduisent à quelques oboles, faible reste de ce qui n'a pas été expié sur la terre. — Il s'ensuit que les âmes subissent des peines très-différentes, qu'il y a dans les expiations du purgatoire d'innombrables degrés et que les unes sont incomparablement plus rigoureuses que les autres.
Toutefois, parlant en général, les docteurs s'accordent à dire que ces peines sont très-rigoureuses. C'est le même feu, dit saint Grégoire, qui tourmente les damnés et purifie les élus (1). Presque tous les théologiens, dit Bellarmin, enseignent que les réprouvés et les âmes du purgatoire souffrent l'action du même feu (2).
Il faut tenir pour certain, écrit le même Bellarmin (3), qu'il n'y a point de proportion entre les souffrances de cette vie et celles du purgatoire. Saint Augustin le déclare


(1) In psalm. 37. — (2) De purgat. 1. 2. cap. 6. — (3) De gemitu columboe, lib. 2. cap. 9.nettement dans son commentaire sur le psaume 31 : Sei-gneur, dit-il, ne me punissez pas dans votre fureur, et ne me rejetez pas avec ceux à qui vous direz : Allez au feu éternel ; mais ne me châtiez pas non plus dans votre colère : purifiez-moi plutôt tellement en tette vie, que je n'aie pas besoin d'être purifié par le feu dans l'autre. Oui, je crains ce feu qui a été allumé pour ceux qui seront sauvés il est vrai, mais qui ne le seront, qu'en passant aupara- vant par le feu (1). Ils seront sauvés, sans doute, après l'épreuve du feu ; mais cette épreuve sera terrible, ce tourment sera plus insupportable que tout ce qu'on peut souffrir de plus douloureux en ce monde. — Voilà ce que dit saint Augustin, et ce qu'ont dit après lui saint Grégoire, le vénérable Bède, saint Anselme, saint Bernard. — Saint Thomas va même plus loin, il soutient que la moindre peine du purgatoire, surpasse toutes les peines de cette vie, quelles qu'elles puissent être. — La douleur, disait le B. Pierre Lefèvre, est plus profonde et beaucoup plus intime quand elle saisit directement l'âme et l'esprit, que quand elle n'y atteint que par l'intermédiaire du corps. Le corps mortel et les sens eux-mêmes absorbent et détournent une partie des peines physiques ou même morales (2).
L'auteur du livre de l'Imitation exprime cette doctrine par une sentence pratique et saisissante. En parlant en général des peines de l'autre vie : Là, dit-il, une heure dans le tourment sera plus terrible qu'ici cent années de la plus rigoureuse pénitence (3).
Pour prouver cette doctrine, il est constant, ajoute Bellarmin, que toutes les âmes souffrent au purgatoire la peine du dam. Or cette peine surpasse toute souffrance sensible. Mais pour ne parler que de la seule peine du sens, nous savons combien terrible est le feu, si faible qu'il soit, que nous allumons dans nos maisons, et com-bien la moindre brûlure cause de douleur : or il est bien autrement terrible ce feu qui ne se nourrit ni de bois ni d'huile, et que rien ne saurait éteindre. Allumé par le souffle de Dieu pour être l'instrument de sa justice, il s'attaque aux âmes et les tourmente avec une activité incomparable.
Ce que nous venons dire et ce que nous avons à dire encore est bien propre à nous inspirer cette crainte salu-taire qui nous est recommandée par Jésus-Christ. Mais de peur que certains lecteurs, oubliant la confiance chrétienne qui doit tempérer nos craintes, ne se livrent à une frayeur excessive, rapprochons de la doctrine précédente celle d'un autre docteur de l'Église, saint François de Sales, qui présente les peines du purgatoire tempérées par les consolations qui les accompagnent.
« Nous pouvons, disait ce saint et aimable directeur des âmes, tirer de la pensée du purgatoire plus de conso-lation que d'appréhension. La plupart de ceux qui craignent tant le purgatoire, songent plutôt à leur propre intérêt qu'aux intérêts de la gloire de Dieu ; ce qui provient de ce qu'ils envisagent uniquement les peines de ce lieu, sans considérer en même temps les félicités et la paix que Dieu y fait goûter aux âmes. Il est vrai que les tourments en sont si grands que les plus extrêmes douleurs de cette vie n'y peuvent être comparées ; mais aussi les satisfactions intérieures y sont telles, qu'il n'y a point de prospérité ni de contentement sur la terre qui les puisse égaler.
» Les âmes y sont dans une continuelle union avec Dieu. Elles y sont parfaitement soumises à sa volonté ; ou, pour mieux dire, leur volonté est tellement transformée en celle de Dieu, qu'elles ne peuvent vouloir que ce que Dieu veut : en sorte que, si le paradis leur était ouvert, elles se précipi-teraient plutôt en enfer, que de paraître devant Dieu avec les souillures qu'elles voient encore en elles. Elles s'y purifient


(1) 1 Cor. III, 15. — (2) Sentim. du B. Lefèvre sur le purg. Messager du Sacré C. novembre 1873. — (3) Imit. 1. I, chap. 24.
volontairement et amoureusement, parce que tel est le bon plaisir divin. Elles veulent y être en la façon qu'il plaît à Dieu, et pour autant de temps qu'il lui plaira.
» Elles sont impeccables, et ne peuvent avoir le moindre mouvement d'impatience ni commettre la moindre imper-fection. Elles aiment Dieu plus qu'elles ne s'aiment elles-mêmes et plus que toute chose : elles l'aiment d'un amour accompli, pur, désintéressé. — Elles sont consolées par les anges. Elles sont assurées de leur salut et remplies d'une espérance qui ne peut être confondue dans son attente. — Leur amertume très-amère est dans une paix très-profonde. Si c'est une espèce d'enfer quant à la souf-france, c'est un paradis quant à la douceur répandue dans leur coeur par la charité : charité plus forte que la mort et plus puissante que l'enfer ; charité dont les lampes sont tout de feu et de flammes. (Cantic. VIII.)
» Heureux état, continue le saint Évêque, heureux état, plus désirable que redoutable, puisque ces flammes, sont des flammes d'amour et de charité (1). »
Voilà les enseignements des docteurs : il en résulte que si les peines du purgatoire sont rigoureuses, elles ne sont pas sans consolations. Le bon Jésus, qui a bu son calice si amer sans aucun adoucissement, a voulu adoucir le nôtre. En nous imposant sa croix dans cette vie, il y répand son onction, et en purifiant les âmes du purgatoire comme l'or dans la fournaise, il tempère leurs ardeurs par des consolations ineffables. Nous ne pouvons perdre de vue cet élément consolateur, ce côté lumineux, dans les tableaux parfois bien sombres que nous aurons à con-templer.

Chapitre 10

Peines du purgatoire. — Peine du dam. —
Sainte Catherine de Gênes. — Sainte Thérèse. — Le Père Nieremberg
Après avoir entendu les théologiens et les docteurs de l'Église, nous allons écouter des docteurs d'un autre genre : ce sont les Saints qui parlent des peines de l'autre vie, et qui racontent ce que Dieu leur en a montré par des com-munications surnaturelles.
Sainte Catherine de Gênes, dans son Traité du purga-toire (2), dit que « les âmes éprouvent un tourment si extrême, qu'aucune langue ne pourrait le raconter, ni aucun entendement en concevoir la moindre notion, si Dieu ne le faisait connaître par une grâce spéciale.
» Aucune langue, ajoute-t-elle, ne saurait exprimer, aucun esprit ne saurait se faire une idée de ce qu'est le purgatoire. Quant à la grandeur de la peine, elle égale l'enfer. »
Sainte Thérèse, dans le Château de l'âme (3), parlant de la peine du dam, s'exprime ainsi : « La peine du dam ou la privation de la vue de Dieu, surpasse tout ce qu'on peut imaginer de plus douloureux : parce que les âmes, poussées vers Dieu, comme vers le centre de toutes leurs aspirations, en sont continuellement repoussées par sa justice. Qu'on se figure un naufragé qui, après s'être longtemps débattu contre les flots, va toucher le rivage, mais qui s'en voit éloigné sans cesse par une main irrésistible : quelles douloureuses angoisses ! Celles des âmes du purgatoire le sont mille fois davantage. »



(1) Esprit de saint François de Sales, p. 16, chap. 9. — (2) Chap. II, VIII. — (3) Sixième demeure, chap. XI.
Le Père Nieremberg de la Compagnie de Jésus, qui mou-rut en odeur de sainteté à Madrid en 1658, rapporte (1) un fait arrivé à Trèves, et qui fut reconnu, dit le P. Rossi-gnoli (2), par le vicaire général de ce diocèse comme pré-sentant tous les caractères de la vérité. Le jour de la Tous-saint, une jeune fille d'une rare piété vit apparaître devant elle une dame de sa connaissance, morte peu de temps auparavant. L'apparition était vêtue de blanc, un voile de même couleur sur la tête, et tenant un long rosaire à la main, signe de la tendre dévotion qu'elle avait toujours professée pour la Reine du ciel. Elle implorait la charité de sa pieuse amie, disant qu'elle avait fait vœu autrefois de faire célébrer trois messes à l'autel de la sainte Vierge, et que n'ayant pu l'accomplir, cette dette ajoutait à ses souffrances. Elle la pria donc de s'en acquitter à sa place.
La jeune personne accorda volontiers la charité qu'on lui demandait ; et quand les trois messes eurent été célé-brées, la défunte lui apparut de nouveau, lui témoignant sa joie et sa reconnaissance. Elle continua même à lui apparaître tout le mois de novembre, presque toujours dans l'église. Son amie la voyait en adoration devant le saint sacrement, abîmée dans un respect dont rien ne sau-rait donner une idée ; ne pouvant encore voir son Dieu face à face, elle semblait vouloir s'en dédommager en le contemplant au moins sous les espèces eucharistiques. Pendant le divin Sacrifice de la messe, au moment de l'élévation, son visage s'irradiait de telle sorte, qu'on eût dit un séraphin descendu du ciel ; la jeune fille en était dans l'admiration et déclarait n'avoir jamais rien vu de si beau.
Cependant les jours se passaient, et, malgré les messes et les prières offertes pour elle, cette sainte âme demeurait en son exil, loin des Tabernacles éternels. Le 3 décembre, fête de Saint François-Xavier, sa protectrice devant com-munier à l'église des Pères Jésuites, l'apparition l'accom-pagna à la sainte table et se tint ensuite à ses côtés, durant tout le temps de son action de grâces, comme pour par-ticiper au bonheur de la sainte Communion et jouir aussi de la présence de Jésus-Christ.
Le 8 décembre, fête de l'Immaculée Conception, elle revint encore, mais si brillante que son amie ne pouvait la regarder. Elle approchait visiblement du terme de son expiation. Enfin le 10 décembre, pendant la sainte messe elle apparut dans un éclat plus merveilleux encore : après s'être inclinée profondément devant l'autel, elle remercia la pieuse fille de ses prières et monta au ciel en compagnie de son ange gardien.
Quelque temps auparavant cette sainte âme avait fait connaître qu'elle ne souffrait plus que la peine du dam, ou de la privation de Dieu ; mais elle ajouta que cette privation lui causait un supplice intolérable. — Cette révélation justifie la parole de saint Chrysostome dans sa quarante-septième homélie : Supposez, dit-il, tous les tourments du monde, vous n'en trouverez point qui égale celui d'être privé de la vue béatifique de Dieu.
En effet, le supplice du dam, dont il s'agit ici, est, selon tous les saints et tous les docteurs, bien plus rigoureux que la peine du sens. Il est vrai que dans la vie présente nous ne saurions le comprendre, parce que nous connaissons trop peu le souverain bien pour lequel nous sommes créés. Mais dans l'autre vie, cet ineffable bien apparaît aux âmes comme le pain à un homme affamé, comme l'eau vive à celui qui meurt de soif, comme la santé à un malade torturé par de longues souffrances ; il excite en elles des désirs brûlants qui les tourmentent sans pouvoir se satisfaire.

(1) De pulchritud. Dei 1. 2. c. XI. — (2) Merveille 69.

p.50 fin
p.51

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:41

Chapitre 11
Peine de sens – Tourment du feu et tourment du froid –
Le vénérable Bède et Drithelme.

Si nous sommes faiblement impressionnés par la peine du dam, il en est tout autrement de la peine du sens : le tourment du feu, le supplice d’un froid âpre et intense, effraye notre sensibilité. C’est pourquoi la divine miséricorde, voulant exciter dans nos âmes une sainte frayeur, ne nous parle guère de la peine du dam ; mais elle nous donne sans cesse le feu, le froid et autres tourments qui constituent la peine du sens. C’est ce que nous voyons dans l’Evangile et dans les révélations particulières, par lesquelles il lui plaît de manifester de temps en temps à ses serviteurs les mystères de l’autre vie.
Citons quelques-unes de ces révélations. Voici d’abord celle que rapporte, d’après le vénérable Bède, le pieux et savant cardinal Bellarmin .
L’Angleterre a été témoin de nos jours, écrit Bède, d’un prodige insigne, comparable aux miracles des premiers siècles de l’Eglise. Pour exciter les vivants à craindre la mort de l’âme, Dieu a permis qu’un homme, après s’être endormis du sommeil de la mort, revint à la vie corporelle et révélât ce qu’il avait vu dans l’autre monde. Les détails effrayants, inouïs, qu’il raconta, et sa vie de pénitence extraordinaire qui répondait à ses paroles, produisirent dans tout le pays la plus vive impression. Je résumerai les principales circonstances de cette histoire.
Il y avait dans le Northumberland un homme appelé Drithelme, qui vivait fort chrétiennement avec toute sa famille. Il tomba malade, et son mal s’aggrava de jour en jour au point qu’il fut enfin réduit à l’extrémité, et mourut à la grande désolation de sa femme et de ses enfants. Ceux-ci passèrent la nuit en pleurs auprès de son corps ; mais le lendemain, avant de l’ensevelir, ils le virent tout d’un coup reprendre vie, se soulever et se mettre sur son séant. A cette vue ils furent saisis d’une telle frayeur qu’ils prirent tous la fuite, à l’exception de la femme, qui resta seule toute tremblante avec son mari ressuscité. Il la rassura aussitôt : Ne craignez point, lui dit-il, c’est Dieu qui me rend à la vie : il veut montrer en ma personne un homme ressuscité de la mort. Je sois vivre encore quelques temps sur la terre ; mais ma nouvelle vie sera bien différente de celle que j’ai menée jusqu’ici.
Alors il se leva plain de santé, s’en alla droit à la chapelle ou église du lieu, et y demeura longtemps en prière. Il ne rentre chez lui, que pour prendre congé de ceux qui lui avaient été chers sur la terre, il leur déclara qu’il ne voulait plus vivre que pour se préparer à la mort et les engagea tous à en faire autant. Puis ayant partagé son bien en trois parts, il en donna une à ses enfants, une autre à sa femme et se réservé la troisième pour en faire des aumônes. Quand il eut tout distribué aux pauvres et se fut réduit lui-même à une extrême indigence, il alla frapper à la porte d’un monastère et supplia l’abbé de la recevoir comme un religieux pénitent, qui serait le serviteur de tous les autres.
L’abbé lui donna une cellule à l’écart, qu’il habita le reste de sa vie. Trois exercices partageaient tout son temps, la prière, les plus durs travaux et des pénitences extraordinaires. Les jeûnes les plus rigoureux étaient pour lui peu de choses ; de plus, on le voyait en hiver se plonger dans l’eau glacée et y demeurer des heures et des heures en prières, jusqu’à réciter tous les psaumes du psautier de David.
La vie si mortifiée de Drithelme, ses yeux toujours baissés, les traits même de son visage, dénotaient une âme frappée de la crainte des jugements de Dieu. Il gardait un silence perpétuel, mais on le pressa de dire pour l’édification des autres ce que Dieu lui avait montré après sa mort. Alors il racontait ainsi sa vision.
Au sortir de mon corps, je fus accueilli par un personnage bienveillant qui me pris sous sa conduite : il avait le visage rayonnant et paraissait environné de lumière. Nous arrivâmes dans une vallée large, profonde, et d’une étendue immense, toute de feu d’un côté, toute de neige et de glace de l’autre ; ici des brasiers et des tourbillons de flammes, là le froid le plus intense et le souffle d’un vent glacial.
Cette vallée mystérieuse était pleine d’âmes innombrables qui, agitées comme par une furieuse tempête, se portaient sans cesse d’un côté à l’autre. Quand elles ne pouvaient pas supporter la violence du feu, elles cherchaient à se rafraîchir au sein des glaces et des neiges ; mais n’y trouvant qu’un nouveau supplice, elles se rejetaient au milieu des flammes.
Je considérais avec stupeur ces vicissitudes continuelles d’horribles tourments ; et aussi loin que ma vue pouvait s’étendre, je ne voyais que des multitudes d’âmes, qui souffraient toujours et n’avaient jamais de repos. Leur seul aspect inspirait l’effroi. Je crus d’abord que je voyais l’enfer ; mais mon guide, qui marchait devant, se tourna vers mois et me dit : « Non, ce n’est pas ici l’enfer des réprouvés, comme vous le pensez. Savez-vous, continua-t-il, quel est ce lieu ? – Non, répondis-je. – Sachez, reprit-il, que cette vallée où vous voyez tant de feu et tant de glace, est le lieu où sont punies les âmes de ceux qui ont négligé toute leur vie de se confesser et qui ont différé leur conversion jusqu’à la fin. Grâce à une miséricorde spéciale de Dieu, ils ont eu avant de mourir le bonheur de se repentir sincèrement, de confesser et de détester leurs péchés. C’est pourquoi elles ne sont point réprouvées, et entreront dans le royaume des cieux au grand jour du jugement. Plusieurs même d’entr’eux obtiennent leur délivrance avant ce temps, par le mérite des prières, des aumônes et des jeûnes faits par les vivants en leur faveur, surtout par la vertu du Sacrifice de la messe, qu’on offre pour leur soulagement. »
Tel était le récit de Drithelme. Quand on lui demandait pourquoi il traitait si rudement son corps, pourquoi il se plongeait dans l’eau glacée ? il répondait qu’il avait vu d’autres tourments et un froid autrement rigoureux.
- Si l’on s’étonnait qu’il pût soutenir ces étranges austérités : j’ai vu, disait-il, des pénitences autrement surprenantes. – Aussi, jusqu’au jour où Dieu le rappela à lui, il ne cessa d’affliger son corps ; et bien qu’il fût cassé de vieillesse, il ne voulut accepter aucun adoucissement.
Cet événement produisit une profonde sensation en Angleterre : grand nombre de pécheurs, touchés des discours de Drithelme et frappés par l’austérité de sa vie, se convertirent sincèrement.
Ce fait, ajoute Bellarmin, me paraît d’une vérité incontestable : outre qu’il est conforme à ces paroles de l’Ecriture : Ils passeront du froid des neiges aux brûlantes ardeurs du feu , le vénérable Bède le rapporte comme un événement récent et bien connu. De plus, il fut suivi de la conversion d’un grand nombre de pécheurs, ce qui est signe des œuvres de Dieu qui a coutume d’opérer des prodiges pour produire du fruit dans les âmes.

Chapitre 12
Peines du purgatoire
– Bellarmin et sainte Christine l’admirable.

Le savant et pieux cardinal rapporte ensuite l’histoire de sainte Christine l’admirable , qui vécut en Belgique à la fin du douzième siècle, et dont le corps se conserve aujourd’hui à Saint-Trond, dans l’église des Pères Rédemptoristes. La vie de cette illustre vierge fut, dit-il, écrite par Thomas de Cantimpré, religieux de l’Ordre de saint Dominique, auteur très-digne de foi et contemporain de la Sainte. Le cardinal Jacques de Vitry, dans la préface de la Vie de sainte Marie d’Ognies, parle d’une foule de saintes femmes et d’illustres vierges ; mais celle qu’il admire au-dessus de toutes, est sainte Christine, dont il résume des étonnantes actions.
Cette servante de Dieu, après avoir passé dans l’humilité et la patience les premières années de sa vie, mourut à l’âge de trente-deux ans. Lorsqu’on allait l’ensevelir et que son corps était déjà dans l’église, couché dans une bière ouverte, selon l’usage de l’époque, elle se leva plaine de vie, jetant dans la stupeur toute la ville de Saint-Trond, témoin de cette merveille. L’étonnement fut bien plus grand, quand on apprit de sa bouche ce qui lui était arrivé après sa mort. Ecoutons-la raconter elle-même son histoire.
« Aussitôt, dit-elle, que mon âme fut séparée de mon corps, elle fut reçue par les anges, qui la conduisirent dans un lieu fort sombre et tout rempli d’âmes. Les tourments qu’elles y souffraient me semblaient si excessifs, qu’il est impossible d’en exprimer la rigueur. Je vis, parmi elles beaucoup de personnes de ma connaissance, et profondément touchée de leur triste état, je demandais quel était ce lieu, car je croyais que c’était l’enfer. Mon guide me répondit que c’était le purgatoire, où l’on punissait les pécheurs qui, avant de mourir, s’étaient repentis de leurs fautes, mais qui n’en avaient pas fait à Dieu une digne satisfaction. – De là je fus conduite dans l’enfer, et j’y reconnus aussi quelques malheureux réprouvés, que j’avais vu autrefois.
« Les anges alors me transportèrent dans le ciel, jusqu’au trône de la Majesté divine. Le Seigneur me regarda d’un œil favorable, et j’en eu une extrême joie, parce que je croyais obtenir la grâce de demeurer éternellement auprès de lui. Mais mon père céleste voyant ce qui se passait dans mon cœur, me dit ces paroles : Sans doute, ma chère fille, vous serez ici avec moi un jour. Pour le moment néanmoins je vous permets de choisir, ou bien d’être avec moi dès à présent, ou de retourner encore sur la terre pour y remplir une mission de charité et de souffrance. Afin de délivrer des flammes du purgatoire ces âmes qui vous ont inspiré tant de compassion, vous souffrirez pour elles sur la terre, vous endurerez de très-grands tourments sans portant en mourir. Et non seulement vous soulagerez les défunts, mais l’exemple que vous donnerez aux vivants et votre vie pleine de souffrances portera les pécheurs à se convertir et à expirer leurs crimes. Après avoir achevé cette nouvelle vie, vous retournerez ici comblée de mérites.
« A ces paroles, voyant les grands avantages qui m’étaient offerts pour les âmes, je répondis sans hésiter, que je voulais reprendre la vie, et je suis ressuscitée au-même instant. C’est dans le seul but de m’employer au soulagement des trépassés et à la conversion des pécheurs que je suis revenue dans ce monde. C’est pourquoi ne soyez pas étonnés des pénitences que vous me verrez faire ni de la vie que je mènerai désormais : elle sera si extraordinaire que jamais on n’aura rien vu de semblable. »
Tout ce récit est de la Sainte ; voici ce que l’historien ajoute dans les divers chapitres de sa vie. Christine commença aussitôt à faire les choses pour lesquelles elle était envoyée de Dieu. Rejetant tous les adoucissements de la vie, se réduisant à un extrême dénuement, elle vivait sans feu ni lieu, plus misérable que les oiseaux du ciel qui ont un nid pour s’abriter. Non contente de ces privations, elle recherchait tout ce qui pouvait la faire souffrir et la tourmenter. Elle se jetait dans des fournaises ardentes, et y souffrait de si terribles douleurs, que, n’en pouvant plus, elle poussait des cris effroyables. Elle se tenait longtemps dans le feu, et quand elle en sortait, il ne paraissait dans son corps nulle marque de brûlure. – En hiver, quand la Meuse était glacée, elle s’y plongeait, et demeurait dans ce bain affreux, non seulement des heures et des jours, mais des semaines entières, priant Dieu tout ce temps et implorant sa miséricorde. – Quelquefois quand elle priait dans les eaux glaciales, elle se laissait emporter par le courant jusqu’à un moulin, dont la roue l’enlevait et la faisait tourner horriblement, sans pourtant briser ni disloquer aucun de ses os. – D’autres fois, poursuivie par des chiens qui la mordaient et la déchiraient, elle courait en les agaçant parmi les halliers et les épines, jusqu’à ce qu’elle fût toute en sang ; néanmoins, quand elle était de retour, on ne lui voyait ni blessure ni cicatrice.
Voilà quelques traits des admirables pénitences, décrites par l’historien de sainte Christine. Cet auteur était évêque, suffragant de l’archevêque de Cambrai ; et nous avons, dit Bellarmin, tout sujet d’ajouter foi à son témoignage, tant parce qu’il a pour garant un autre très-grave auteur, Jacques de Vitry, évêque et cardinal ; que parce qu’il rapporte ce qui était arrivé de son temps et dans la province même qu’il habitait. D’ailleurs ce que souffrait cette admirable vierge n’était point caché : tout le monde a pu la voir au milieu des flammes, sans qu’elle fût consumée, et couverte de plaies volontaires, sans qu’il en parût la moindre marque un moment après. Ce qui plus est, sa merveilleuse vie dura quarante-deux ans, depuis quelle fut ressuscitée, et Dieu montra clairement que tout en elle se faisait par la vertu d’en haut. Les conversions insignes qu’elle opéra pendant sa vie et les miracles évidents qu’elle fit après sa mort firent voir manifestement le doigt de Dieu et la vérité de ce que, après sa résurrection, elle avait révélé de l’autre vie.
Ainsi, conclut Bellarmin, Dieu voulut fermer la bouche à ces libertins qui font profession de ne rien croire, et qui ont la témérité de dire en raillant : Qui est revenu de l’autre monde ? Qui a jamais vu les tourments de l’enfer et du purgatoire ? Voilà deux témoins fidèles : ils assurent qu’ils les ont vus et qu’ils sont épouvantables. Que s’ensuit-il donc, sinon que les incrédules sont inexcusables ? mais ceux qui croient, et néanmoins de font pas pénitence, sont plus condamnables encore.

Chapitre 13

Peines du purgatoire – Antoine Pereyra -
La vénérable Angèle Tholoméi.

Aux deux faits qui précèdent ajoutons un troisième, tiré des annales de la Compagnie de Jésus. Nous parlons du prodige arrivé dans la personne d’Antoine Pereyra, frère conducteur de cette Compagnie, qui mourut en odeur de sainteté au collège d’Evora en Portugal, le 1er août 1645. Quarante-six ans auparavant, en 1599, cinq ans après son entrée au noviciat, ce frère fut atteint d’une maladie mortelle dans l’île de Saint-Michel, l’une des Açores ; et peu d’instants après qu’il eu reçu les derniers sacrements, sous les yeux de toute la communauté qui assistait à son agonie, il sembla rendre l’âme, et devint bientôt froid comme un cadavre . L’apparence presque imperceptible d’un léger battement de cœur empêcha seule de l’ensevelir sur-le-champ. On le laissa donc trois jours entiers sur son lit de mort, et l’on découvrait déjà dans son corps des signes évidents de décomposition ; lorsque tout à coup, le quatrième jour, il ouvrit les yeux, respira et parla.
Il lui fallu alors par obéissance raconter à son supérieur, le P. Louis Pinheyro, tout ce qui s’était passé en lui, depuis les dernières transes de son agonie ; et voici l’abrégé de la relation qu’il en écrivit de sa propre main : « D’abord je vis, dit-il, de mon lit de mort, mon Père Saint-Ignace, accompagné de quelques-uns de nos Pères du ciel, qui venait visiter ses enfants malades, cherchant ceux qui lui sembleraient dignes d’être offerts par lui et par ses compagnons à Notre-Seigneur. Quand il fut près de moi, je crus un moment qu’il m’emmènerait, et mon cœur tressaillit de joie ; mais bientôt il me signala ce qu’il fallait me corriger avant d’obtenir un si grand bonheur. »
Alors néanmoins, par une disposition mystérieuse de la Providence, l’âme du F. Pereyra se détacha momentanément de son corps ; et aussitôt, la vue d’une hideuse troupe de démons, se précipitant vers elle, la remplit d’effroi. Mais en même temps son ange gardien, et Saint-Antoine de Padoue, son compatriote et son patron, descendant du ciel, mirent en fuite ses ennemis, et l’invitèrent à venir, en leur compagnie, entrevoir et goûter un moment, quelque chose des joies et des douleurs de l’éternité. « Ils me conduisirent donc tour à tour, ajoute-t-il, vers un lieu de délices, où ils me montrèrent une couronne de gloire incomparable, mais que je n'avais pas encore méritée ; puis, sur les bords du puit de l’abîme, où je vis les âmes maudites tomber dans le feu éternel aussi pressées que les grains de blé, jetés sous une meule tournant sans relâche ; le gouffre infernal était comme un de ces fours à chaux, où par moments, la flamme est comme étouffée sous l’amas des matériaux qu’on y précipite, mais pour se relever, en s’en nourrissant, avec une effroyable violence. »
Mené de là au tribunal du souverain Juge, Antoine Pereyra s’entendit condamner au feu du purgatoire ; et rien ne saurait ici-bas, assure-t-il, faire comprendre ce qu’on y endure, ni l’état d’angoisse où l’on y est réduit par le désir et le délai de la jouissance de Dieu et de sa bienheureuse présence.
Aussi, lorsque son âme eut été de nouveau réunie à son corps par le commandement de Notre-Seigneur, ni les nouvelles tortures de la maladie, qui acheva pendant six mois entiers de faire tomber par lambeaux, avec le secours journalier du fer et du feu, sa chair irrémédiablement attaquée par la corruption de cette première mort ; ni les effrayantes pénitences, auxquelles il ne cessa plus de se livrer, autant que l’obéissance le lui permettrait, durant les quarante-six ans de sa nouvelle vie, ne purent apaiser sa soif de douleurs et d’expiations. « Tout cela, disait-il, n’est rien, auprès de ce que la justice et la miséricorde infinies de Dieu m’ont fait, non seulement voir, mais endurer. »
- Enfin comme sceau authentique de tant de merveilles, le F. Pereyra découvrit en détail à son supérieur les secrets desseins de la Providence sur la future restauration du royaume du Portugal, encore éloignée alors de plus d’un demi-siècle. Mais on peut sans crainte ajouter, que la plus irrécusable garantie de tous ces prodiges fut la surprenante sainteté à laquelle Antoine Pereyra ne cessa plus un seul jour de s’élever.
Citons encore un fait analogue, et qui confirme en tout point ceux qu’on vient de lire. Nous le trouvons dans la vie de la vénérable servante de Dieu, Angèle Tholoméi, religieuse dominicaine . Elle fut ressuscité de la mort par son propre frère ; et rendit à la rigueur des jugements de Dieu un témoignage entièrement conforme à ceux qui précèdent.
Le B. Jean-Baptiste Tholoméi , que ses rares vertus et le don des miracles ont fait élever sur les autels, avait une sœur, Angèle Tholoméi, dont l’héroïcité des vertus a été aussi reconnue par l’Eglise. Elle tomba gravement malade et son saint frère demanda sa guérison par d’instantes prières. Le Seigneur lui répondit, comme autrefois aux sœurs de Lazare, qu’il ne guérirait pas Angèle ; mais qu’il ferait plus, qu’il la ressusciterait pour la glorification de Dieu et le bien des âmes.
Elle mourut, en effet, en se recommandant aux prières de son saint frère.
Comme on portait son corps au tombeau, le B. Jean-Baptiste, obéissant sans doute à un mouvement du Saint-Esprit, s’approcha du cercueil, et au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, commanda à sa sœur d’en sortir. Aussitôt elle se réveilla comme d’un profond sommeil et revint à la vie.
Cette âme si sainte paraissait toute frappée de stupeur et racontait de la sévérité des jugements de Dieu des choses qui font frémir. Elle commença en même temps à mener une vie qui prouvait bien la vérité de ses paroles. Sa pénitence était effrayante : non contente des exercices ordinaires usités par les saints, tels que les jeûnes, les veilles, les cilices, les disciplines sanglantes ; elle allait jusqu’à se jeter dans les flammes, et s’y roulait jusqu’à ce que sa chair fût toute brûlée. Son corps martyrisé était devenu un objet de pitié et d’horreur. On la blâmait hautement, on l’accusait de dénaturer par des excès la vraie pénitence chrétienne ; elle n’en continuait pas moins, et se contentait de répondre : « Si vous connaissiez la rigueur des jugements de Dieu, vous ne parleriez point ainsi. Qu’est-ce que mes faibles pénitences, en comparaison des supplices réservés dans l’autre vie aux infidélités qu’on se permet si aisément en ce monde ? Qu’est-ce que cela ? Qu’est-ce que cela ? Je voudrais en faire cent fois davantage. »
Il ne s’agit pas ici, comme on voit, des peines qu’ont à subir au purgatoire les grands pécheurs, quand ils se convertissent avant la mort ; mais des châtiments que Dieu inflige à une religieuse fervente pour les fautes les plus légères.

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:42

Chapitre 14

Peines du purgatoire – Apparition de Foligno -
Le religieux dominicain de Zamorra.

La même rigueur se révèle dans une apparition plus récente, où une religieuse, morte après une vie exemplaire, manifesta ses souffrances de manière à jeter l’effroi dans toutes les âmes. L’événement arriva le 16 novembre 1859 à Foligno, près d’Assise, en Italie. Il produisit un grand retentissement dans la contrée ; et, outre la preuve sensible qu’il laissa après lui, une enquête faite en due forme par l’autorité compétence en établit la vérité incontestable.
Il y avait au couvent des tertiaires franciscaines de Foligno une sœur, appelée Thérèse Gesta, qui était depuis de longues années maîtresse des novices, et à la fois chargée du pauvre vestiaire de la communauté. Elle était née à Bastia, en Corse, l’an 1707, et était entrée au monastère en février 1826.
La sœur Thérèse était un modèle de ferveur et de charité ; il ne faudrait pas s’étonner, disait le directeur, si Dieu la glorifiait par quelque prodige après sa mort. Elle mourut subitement le 4 novembre 1859 d’un coup d’apoplexie foudroyante.
Douze jours après, le 16 novembre, une sœur, nommée Anna-Félicie, qui la remplaçait dans son office, montait au vestiaire et allait y entrer, lorsqu’elle entendit des gémissements qui semblaient venir de l’intérieur de cette chambre. Un peu effrayée, elle s’empressa d’ouvrir la porte : il n’y avait personne. Mais de nouveaux gémissements se firent entendre, si bien accentués, que, malgré son courage ordinaire, elle se sentit envahie par la peur. Jésus ! Marie ! s’écria-t-elle, qu’est-ce que cela ? – Elle n’avait pas fini, qu’elle entendit une voix plaintive, accompagnée de ce douloureux soupir : Oh ! mon Dieu, que je souffre ! Oh ! Dio, che peno tanto ! – La sœur stupéfaite reconnut aussitôt la voix de la pauvre sœur Thérèse. Alors, toute la salle se remplit d’une épaisse fumée, et l’ombre de sœur Thérèse apparut, se dirigeant vers la porte, en se glissant le long de la muraille. Arrivée près de la porte, elle s’écria avec force : Voici un témoignage de la miséricorde de Dieu. En disant ces mots, elle frappa le panneau le plus élevé de la porte, et y laissa l’empreinte de sa main droite, brûlée dans le bois comme avec un fer rouge ; puis elle disparut.
La sœur Anna-Félicie était restée à moitié morte de frayeur. Toute bouleversée, elle se mit à pousser des cris et à appeler au secours. Une de ses compagnes accourt, puis une autre, puis toute la communauté ; on s’empresse autour d’elle, et toutes s’étonnent de sentir une odeur de bois brûlé. La sœur Anna-Félicie leur dit ce qui vient de se passer et leur montre sur la porte la terrible empreinte. Elles reconnaissent aussitôt la main de sœur Thérèse, laquelle était remarquablement petite. Epouvantées, elles s’enfuient, courent au chœur, se mettent en prière, passent la nuit à prier et à faire des pénitences pour la défunte, et le lendemain toutes communient pour elle.
La nouvelle se répand au dehors, et les diverses communautés de la ville joignent leurs prières à celles des Franciscaines. – Le surlendemain, 18 novembre, sœur Anna-Félicie étant entrée dans sa cellule pour se coucher, s’entendit appeler par son nom, et reconnu parfaitement la voix de sœur Thérèse. Au même instant, un globe de lumière tout resplendissant apparaît devant elle, éclairant la cellule comme en plein jour, et elle entend sœur Thérèse qui, d’une voix joyeuse et triomphante, dit ces paroles : Je suis morte un vendredi, le jour de la passion ; et voici qu’un vendredi je m’en vais à la gloire ! Soyez fortes pour porter la croix, soyez courageuses pour souffrir, aimez la pauvreté. Puis ajoutant avec amour : Adieu, adieu, adieu ! elle se transfigure en une nuée légère, blanche, éblouissante, s’envole au ciel et disparaît.
Dans l’enquête qui fut ouverte aussitôt, le 23 novembre, en présence d’un grand nombre de témoins, on ouvrit le tombeau de sœur Thérèse, et l’empreinte brûlée de la porte se trouva exactement conforme à la main de la défunte. – La porte avec l’empreinte brûlée, ajoute MGR de Ségur est conservée dans le couvent avec vénération. La mère abbesse, témoin du fait, a daigné me la montrer elle-même.
Voulant m’assurer de la parfaite exactitude de ces détails, rapportés par PGR de Ségur, j’en ai écrit à l’évêché de Foligno. On m’a répondu en m’envoyant une relation circonstanciée parfaitement d’accord avec le récit qui précède, et accompagnée d’un fac-simile de l’empreinte miraculeuse. Cette relation expliquait la cause de la terrible expiation que subit la sœur Thérèse. Après avoir dit : Ah ! combien je souffre ! Oh ! Dio, che peno tanto ! elle ajouta, que c’était pour avoir, dans l’exercice de son office du vestiaire, manqué à quelques points de la stricte pauvreté prescrite par la règle.
La divine justice punit donc bien sévèrement les moindres fautes.
On pourrait ici demander pourquoi l’apparition, en faisant la mystérieuse empreinte sur la porte, l’appela un témoignage de la miséricorde de Dieu ? C’est parce qu’en nous donnant un semblable avertissement, Dieu nous fait une grande miséricorde : il nous presse d’aider les âmes et de pourvoir à nous-même.
Puisque nous avons parlé d’une empreinte brûlée, rapportons un fait analogue, arrivé en Espagne et qui eut dans ce pays une grande célébrité. Voici comment le raconte Ferdinand de Castille, dans son Histoire de saint Dominique . Un religieux dominicain vivait saintement dans son couvent de Zamorra, ville du royaume de Léon. Il était lié d’amitié avec un frère franciscain, comme lui homme de grande vertu. Un jour qu’ils s’entretenaient ensemble des choses éternelles, ils se promirent mutuellement, que le premier qui mourrait, si Dieu voulait bien le permettre, apparaîtrait à l’autre pour lui donner des avis salutaires. Le frère mineur mourut le premier ; et un jour que son ami, le fils de saint Dominique, préparait le réfectoire, il lui apparut. Après l’avoir salué avec respect et affection, il lui dit qu’il était du nombre des élus ; mais qu’avant de pouvoir jouir du bonheur céleste, il lui restait beaucoup à souffrir pour une infinité de petites fautes dont il n’avait pas eu assez de repentir pendant sa vie. Rien sur la terre, ajouta-t-il, ne peut donner une idée des tourments que j’endure, et Dieu me permet de vous en montrer un effet sensible. – En disant ces mots, il étendit la main droite sur la table du réfectoire et la marque en resta empreinte dans le bois carbonisé, comme si l’on y eût appliqué un fer rouge.
Telle fut la leçon de ferveur que le franciscain défunt donna à son ami vivant. Elle profita non seulement à lui, mais à tous ceux qui virent cette marque de feu, si profondément significative. Car cette table devint un objet de piété, qu’on venait contempler de tout part ; on la voit encore à Zamorra, dit le P. Rossignoli , au moment où j’écris ; pour la garantir on l’a recouverte d’une feuille de cuivre. Elle s’est conservée jusqu’à la fin du siècle dernier ; depuis, les révolutions l’ont fait disparaître, comme tant d’autres souvenirs religieux.


Chapitre 15
Peines du purgatoire – Le frère de sainte Madeleine de Pazzi -
Stanislas Chocosca – La B. Catherine de Racconiggi.

Sainte Madeleine de Pazzi, dans sa célèbre vision où les différentes prisons du purgatoires lui furent montrées, aperçut l’âme de son frère, qui était mort après avoir mené une vie fort chrétienne. Cependant cette âme était retenue dans les souffrances pour certaines fautes qu’elle n’avait pas expiées sur la terre. « Ce sont, dit la sainte, des souffrances intolérables et cependant supportées avec joie. Que n’est-il donné de les comprendre à ceux qui manquent de courage pour porter leur croix ici-bas ! ». Toute saisie du douloureux spectacle qu’elle venait de contempler, elle courut chez sa prieure, et se jetant à genoux. « O ma Mère, s’écria-t-elle, qu’elles sont terribles les peines du purgatoire ! Jamais je ne les aurais crues telles, si le Seigneur ne me les eût montrées…Et néanmoins je ne puis les appeler cruelles, elles sont plutôt avantageuses, ces peines qui conduisent à l’ineffable félicité du paradis. »
Pour impressionner davantage nos sens, il a plu à Dieu de faire sentir à quelques saints personnages une légère atteinte des peines expiatrices : comme une goutte de la
p.66 fin
p.67

coupe amère que les âmes ont à boire, comme une étincelle du feu qui les dévore.
L'historien Bzovius, dans son Histoire de Pologne, sous l'année 1590, rapporte un événement miraculeux, arrivé au vénérable Stanislas Chocosca, l'une des lumières de l'Ordre de saint Dominique en Pologue (1). Un jour que ce religieux, plein de charité pour les défunts, récitait le saint Rosaire, il vit apparaître près de lui une âme toute dévorée de flammes. Comme elle le suppliait d'avoir pitié d'elle et d'adoucir les intolérables douleurs, que le feu de la divine justice lui faisait endurer, le saint homme lui demanda si ce feu était plus douloureux que celui de la terre ? — « Ah ! s'écria cette âme, tous les feux de la terre comparés à celui du purgatoire, sont comme un souffle rafraîchissant. Ignes alii levis auroe locum tenent, si cum ardore meo comparentur. » — Stanislas avait peine à le croire. — « Je voudrais, dit-il, en faire l'épreuve. Si Dieu le permet, pour votre soulagement et pour le bien de mon âme, je consens à endurer une partie de vos peines. — Hélas ! vous ne le sauriez. Sachez qu'un homme mortel ne pourrait sans mourir aussitôt, supporter un tel tourment. Toutefois Dieu vous permet d'en ressentir une légère atteinte : étendez la main. » — Chocosca étendit la main, et le défunt y laissa tomber une goutte de sa sueur, ou du moins d'un liquide qui en avait l'apparence. A l'instant le religieux, poussant un cri perçant, tomba par terre sans connaissance, tant la dou-leur était affreuse.
Ses frères accoururent et s'empressèrent de lui donner les soins que réclamait son état. Quand il revint à lui, tout plein encore de terreur, il raconta l'effroyable événe-ment qui lui était arrivé et dont tous voyaient la preuve. « Ah ! mes pères, ajouta-t-il, si nous connaissions la rigueur des châtiments divins, jamais nous ne commettrions le moindre péché ; et nous ne cesserions de faire pénitence en cette vie, pour ne pas devoir la faire en l'autre. »
Stanislas se mit au lit dès ce moment ; il vécut encore une année dans les cruelles souffrances que lui causait l'ardeur de sa plaie, puis, exhortant une dernière fois ses frères à se souvenir des rigueurs de la divine justice dont il avait fait une si terrible expérience, il expira dans la paix du Seigneur. — L'historien ajoute que cet exemple ranima la ferveur dans tous les monastères de cette province.
Nous lisons un fait analogue dans la vie de la B. Catherine de Racconigi (2). Un jour qu'elle était fort souffrante, au point d'avoir besoin de l'assistance de ses soeurs, elle pensa aux âmes du purgatoire ; et, pour tempérer les ardeurs de leurs flammes, elle offrit à Dieu les ardeurs que la fièvre lui faisait éprouver. En ce moment entrant en extase, elle fut conduite en esprit dans le lieu des expiations, où elle vit les flammes et les brasiers où les âmes sont purifiées avec d'immenses douleurs. Pen-dant qu'elle contemplait pleine de compassion ce lamen-table spectacle, elle entendit une voix qui lui dit : Catherine, afin que tu procures plus efficacement la déli-vrance de ces âmes, tu vas éprouver quelque peu leurs tourments et en faire une expérience sensible. — A l'in-stant une étincelle se détache et vient la frapper à la joue gauche. Les soeurs présentes virent très-bien cette étin-celle, et elles virent aussi avec terreur le visage de la malade s'enfler aussitôt d'une manière prodigieuse. Il de-meura plusieurs jours en cet état, et, comme la bienheureuse le racontait à ses soeurs, les souffrances que cette simple étincelle lui avait fait éprouver surpassaient de loin tout ce qu'elle avait souffert dans le cours de plusieurs maladies douloureuses.
Jusque-là Catherine s'était employée avec charité à soulager les âmes du purgatoire ; mais à partir de ce moment elle redoubla de ferveur et d'austérités pour accélérer leur délivrance ; parce qu'elle savait par expé-rience le grand besoin qu'elles ont de notre secours.

(1) Cf. Rossign. Merv. 67 — (2) Diario Domenicano, 4 septemb. Cf. Rossig Merv. 63.

Chapitre 16

Peines du purgatoire. — Saint Antonin, le religieux malade. — Le P. Rossignoli, durée d'un quart d'heure au purgatoire. — Le Frère Angélique.

Ce qui montre encore la rigueur du purgatoire, c'est que le temps le plus court y paraît très-long. Tout le monde sait que les jours de joie passent vite et paraissent courts, tandis que nous trouvons très-long le temps de la souffrance. Oh ! combien lentement s'écoulent les heures de la nuit pour les pauvres malades qui les passent dans l'insomnie et les douleurs ! Oh ! combien longue paraîtrait une minute, s'il fallait, pendant cette minute, tenir la main plongée dans le feu ! L'on peut dire que, plus les peines qu'on souffre sont intenses, plus la plus courte durée en paraît longue. Cette règle nous fournit un nou-veau moyen d'apprécier les peines du purgatoire.
On trouve dans les Annales des Frères-Mineurs, sous l'année 1285, un fait que rapporte aussi saint Antonin dans sa Somme, partie IV, § 4. Un religieux souffrant depuis longtemps d'une douloureuse maladie, se laissa vaincre par le découragement et supplia Dieu de le laisser mourir afin d'être délivré de ses maux. Il ne songeait pas que le prolongement de sa maladie était une miséricorde de Dieu, qui voulait par là lui épargner des souffrances plus rigoureuses.
En réponse à sa prière, Dieu chargea son ange gardien de lui offrir le choix, ou de mourir immédiatement et de subir trois jours de purgatoire, ou d'endurer sa maladie pendant une année encore, et d'aller ensuite directement au ciel. Le malade ayant à choisir entre trois jours de Purgatoire et une année de souffrances, ne balança pas et prit les trois jours de purgatoire. Il mourut donc sur l'heure et alla au séjour de l'expiation.
Au bout d'une heure son ange vint le visiter dans ses souffrances. En le voyant, le pauvre patient se plaignit de ce qu'il l'avait laissé si longtemps dans ces supplices. Cependant, ajouta-t-il, vous m'aviez promis que je n'y serais que trois jours. — Combien de temps, demanda l'ange, pensez-vous avoir déjà souffert ? — Au moins plu-sieurs années, répondit-il, et je ne devais souffrir que trois jours. — Sachez, reprit l'ange, qu'il y a une heure seulement que vous êtes ici. La rigueur de la peine vous trompe sur le temps : elle fait qu'un instant vous paraît un jour, et une heure des années. — Hélas ! dit-il alors en gémissant, j'ai été bien aveugle, bien inconsidéré dans le choix que j'ai fait. Priez Dieu, mon bon ange, qu'il me pardonne et me permette de retourner sur la terre : je suis prêt à souffrir les plus cruelles infirmités, non seulement pendant deux ans, mais aussi longtemps qu'il lui plaira. Plutôt dix ans de maladies affreuses, qu'une seule heure dans ce séjour d'inexprimables angoisses.
Le trait suivant est tiré d'un pieux auteur cité par le Père Rossignoli (1). Deux religieux d'éminente vertu s'ex-citaient mutuellement à mener la vie la plus sainte. L'un d'eux tomba malade et connut par vision qu'il mour-rait bientôt, qu'il serait sauvé, et qu'il serait seulement au purgatoire jusqu'à la première messe qu'on célé-brerait pour lui. — Plein de joie à cette nouvelle, il s'em-pressa d'en faire part à son ami, et le conjura de ne pas tarder après sa mort à célébrer la messe qui devait lui ouvrir le ciel.
Il mourut le lendemain matin, et son saint compagnon, sans perdre de temps, alla offrir pour lui le saint sacri-fice. Après la messe, comme il faisait son action de grâces et continuait à prier pour le défunt, celui-ci lui apparut rayonnant de gloire ; mais d'un ton de plainte amicale, il lui demanda pourquoi il avait tant différé de célébrer cette seule messe dont il avait eu besoin ? — « Mon bienheureux frère, répondit le religieux, j'ai tant différé, dites-vous ? Je ne vous comprends pas. — Eh ! ne m'avez-vous pas laissé souffrir plus d'une année, avant de dire la messe pour moi ? — En vérité, mon frère, j'ai

(1) Merv. 17.

commencé le saint sacrifice aussitôt après votre décès : il n'y a pas eu un quart d'heure d'intervalle. » — Le bienheureux le regar-dant alors avec émotion, s'écria : « Qu'elles sont donc terribles ces peines expiatrices, puisqu'elles m'ont fait prendre quelques minutes pour une année ! Servez Dieu, mon frère, avec une exacte fidélité afin d'éviter de tels châtiments. Adieu, je vole au ciel, où vous viendrez bientôt me joindre. »
Cette rigueur de la divine justice à l'égard des âmes les plus ferventes, s'explique par l'infinie sainteté de Dieu qui découvre des taches dans ce qui nous paraît le plus pur. Les annales de l'Ordre de Saint-François (1) parlent d'un religieux que son éminente piété avait fait surnom-mer l'Angélique. Il mourut saintement dans un couvent de Frères-Mineurs à Paris ; et un de ses confrères, doc-teur en théologie, persuadé qu'après une vie si parfaite il était allé droit au ciel et qu'il n'avait nul besoin de prières, omit de célébrer pour lui les trois messes d'obligation selon l'institut pour chaque défunt. — Au bout de quel-ques jours, comme il se promenait en méditant dans un endroit solitaire, le défunt se présenta à lui tout environné de flammes et lui dit d'une voix lamentable : « Cher maître, je vous en conjure, ayez pitié de moi. — Eh quoi ! frère Angélique, vous avez besoin de mon secours ? — Je suis retenu dans les feux du purgatoire, et j'attends le fruit du saint Sacrifice que vous deviez offrir trois fois pour moi. — Frère bien-aimé, j'ai cru que vous étiez déjà en possession de la gloire. Après une vie fervente et exemplaire comme la vôtre, je n'ai pu m'imaginer qu'il vous restât quelque peine à subir. — Hélas ! hélas ! reprit le défunt, personne ne croirait avec quelle sévérité Dieu juge et punit sa créature. Son infinie sainteté découvre dans nos meilleures actions des côtés défectueux, des imperfections qui lui déplaisent. Il nous fait rendre compte jusqu'à la dernière obole usque ad novissimum quadrantem. »

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:43

Chapitre 17

Peines du purgatoire. — La Bienheureuse Quinziani. —
L'empereur Maurice.

Dans la vie de la B. Étiennette Quinziani (2), reli-gieuse dominicaine, il est parlé d'une soeur, appelée Paule, qui mourut au couvent de Mantoue, après une longue vie, sanctifiée par les plus excellentes vertus. Le corps avait été porté à l'église et placé à découvert dans le choeur, au milieu des religieuses. Pendant l'office, la B. Quinziani s'était agenouillée auprès de la bière, recommandant à Dieu la défunte qui lui avait été fort chère ; lorsque celle-ci tout à coup, laissant tomber le crucifix qu'on lui avait mis entre les mains, étend le bras gauche, et saisissant la main droite de la bienheu-reuse, la serre étroitement, comme ferait une malade qui dans les ardeurs de la fièvre demande secours à une amie. Elle la tint serrée pendant un temps considérable, puis retira son bras qui retomba inanimé dans le cercueil. Les religieuses, étonnées de ce prodige, en demandèrent l'explication à la bienheureuse. Elle répondit que lorsque la défunte lui serrait la main, une voix non articulée lui avait parlé au fond du coeur, disant : « Secourez-moi, ma soeur, secourez-moi dans les affreux supplices que j'endure. Oh ! si vous saviez la sévérité du Juge qui veut notre amour, quelle expiation il exige des moindres fautes avant de nous admettre à la récompense ! Si vous saviez combien il faut être pur pour voir la face de Dieu ! Priez, priez et faites pénitence pour moi, qui ne peux plus m'aider. »

(1) Chronique des Frères Min. p. 2. 1. 4. c. 8. Cf. Rossign. Merv. 36.
(2) Auctore Franc. Seghizzo. Cf. Merv. 42. Marchese 2 janv.

La Bienheureuse, touchée de la prière de son amie, se livra à toutes sortes de pénitences et d'oeuvres satisfac-toires, jusqu'à ce qu'une nouvelle révélation vint lui apprendre que soeur Paule était enfin délivrée de ses supplices et admise dans la gloire.
La conclusion naturelle qui ressort de ces terribles manifestations de la divine justice, c'est qu'il faut se hâter de satisfaire en cette vie. Certes, un coupable condamné à être brûlé vif, ne refuserait pas une peine plus légère si on lui en laissait le choix. Supposez qu'on lui dise : Vous pouvez vous libérer de ce terrible supplice, à condition que durant trois jours vous jeûniez au pain et à l'eau ; s'y refuserait-il ? Celui qui préférerait le tourment du feu à cette légère pénitence, ne serait-il pas regardé comme ayant perdu la raison ? Or, préfé-rer le feu du purgatoire à la pénitence chrétienne en cette vie, est une extravagance incomparablement plus grande.
L'empereur Maurice le comprit et fut plus sage. L'histoire rapporte (1) que ce prince, malgré ses bonnes qualités qui l'avaient rendu cher à saint Grégoire-le-Grand, commit sur la fin de son règne une faute considérable, et l'expia par un repentir exemplaire.
Ayant perdu une bataille contre le Kan ou roi des Avares, il refusa de payer la rançon des prisonniers, quoiqu'on ne demandât par tête que la sixième partie d'un sou d'or, ce qui faisait moins de vingt sous de notre monnaie. Ce refus sordide mit le vainqueur barbare dans une telle colère, qu'il fit massacrer sur-le-champ les sol-dats Romains, au nombre de douze mille. Alors l'empe-reur reconnut sa faute et la sentit si vivement, qu'il envoya de l'argent et des cierges aux principales églises et aux principaux monastères, afin qu'on y priât le Seigneur de le punir en cette vie plutôt qu'en l'autre.
Ces prières furent exaucées. L'an 602, ayant voulu obliger ses troupes à passer l'hiver au delà du Danube, elles se mutinèrent avec fureur, chassèrent leur général Pierre, frère de Maurice, et proclamèrent empereur un simple centurion, nommé Phocas. La ville impériale suivit l'exemple de l'armée. Maurice fut obligé de s'enfuir de nuit, après avoir quitté toutes les marques de sa puis-sance, qui ne faisaient plus que son effroi. Il n'en fut pas moins reconnu.
On l'arrêta avec sa femme, cinq de ses fils et ses trois filles, c'est-à-dire tous ses enfants, excepté l'aîné de ses fils, nommé Théodose, qu'il avait fait déjà couronner empereur, et qui échappa pour lors au tyran. Maurice et ses cinq fils furent impitoyablement égorgés, près de Chalcédoine. Le carnage commença par les jeunes princes, qu'on fit mourir sous les yeux de cet infortuné père, sans qu'il lui échappât un seul mot de plainte. Songeant aux peines de l'autre vie, il s'estimait heureux de pouvoir souffrir dans la vie présente ; et durant tout le massacre, on n'entendit sortir de sa bouche que ces paroles du psaume : Vous êtes juste, Seigneur, et votre jugement est équitable. Ps. 118.

Chapitre 18

Peines du purgatoire. — Sainte Perpétue. — Sainte Gertrude. —
Sainte Catherine de Gênes. — Le Frère Jean de Via

Comme nous l'avons dit plus haut, la peine du sens a divers degrés d'intensité : elle est moins terrible pour les âmes qui n'ont pas de péchés graves à expier, ou qui ayant fini déjà cette expiation plus rigoureuse, approchent de leur délivrance. Beaucoup de
(1) Bérault, Histoire ecclés. année 602.

ces âmes ne souffrent plus alors que la seule peine du dam, même elles commencent déjà à briller des premiers rayons de la gloire et à goûter comme les prémices de la béatitude.
Lorsque sainte Perpétue (1) vit au purgatoire son jeune frère Dinocrate, cet enfant ne semblait pas soumis à de cruelles tortures. L'illustre martyre écrivit elle-même le récit de cette vision, dans sa prison de Carthage, où elle avait été enfermée pour la foi de Jésus-Christ, lors de la persécution de Septime-Sévère, l'an 205. Le purgatoire lui apparut sous la figure d'un désert aride, où elle vit son frère Dinocrate qui était mort à l'âge de sept ans. L'enfant avait un ulcère au visage, et tourmenté par la soif, il cherchait vainement à boire des eaux d'une fon-taine, qui était devant lui, mais dont les bords étaient trop élevés pour qu'il y pût atteindre.
La sainte martyre comprit que l'âme de son frère était au lieu des expiations et réclamait le secours de ses prières. Elle pria donc pour lui ; et trois jours après, dans une nouvelle vision, elle vit le même Dinocrate au milieu d'un jardin délicieux : son visage était beau comme celui d'un ange, il était revêtu d'une très belle robe, les bords de la fontaine étaient abaissés devant lui, il puisait dans ses eaux vives avec une coupe d'or, et se désaltérait à longs traits. — La sainte connut alors que l'âme de son jeune frère jouissait enfin des joies du paradis.
Nous lisons dans les révélations de sainte Gertrude (2), qu'une jeune religieuse de son monastère, qu'elle aimait singulièrement à cause de ses grandes vertus, était morte dans les plus beaux sentiments de piété. Pendant qu'elle recommandait ardemment cette chère âme à Dieu, elle fut ravie en extase, et eût une vision. La défunte lui fut montrée devant le trône de Dieu, environnée d'une bril-lante auréole et couverte de riches vêtements. Cependant elle paraissait triste et préoccupée : ses yeux étaient baissés, comme si elle eût eu honte de paraître devant la face de Dieu ; on eût dit qu'elle voulait se cacher et s'en-fuir. — Gertrude, toute surprise, demanda au divin Époux des vierges, la cause de cette tristesse et de cet embarras dans une âme si sainte : Très-doux Jésus, s'écria-t-elle, pourquoi dans votre bonté infinie n'invitez-vous pas votre épouse à s'approcher de vous et à entrer dans la joie de son Seigneur ? Pourquoi la laissez-vous à l'écart triste et craintive ? » — Alors Notre-Seigneur, avec un sourire d'amour, fit signe à cette sainte âme de s'ap-procher ; mais elle, de plus en plus troublée, après avoir hésité un peu, toute tremblante, s'inclina profondément et s'éloigna.
A cette vue sainte Gertrude, s'adressant directement à l'âme : « Eh ! quoi, ma fille, lui dit-elle, vous vous éloignez quand le Seigneur vous appelle ? Vous qui avez soupiré toute votre vie après Jésus, maintenant qu'il vous tend les bras, vous reculez devant lui ! » — « Ah ! ma mère, répondit cette âme, je ne suis pas digne encore de paraître devant l'Agneau immaculé ; il me reste des souillures que j'ai contractées sur la terre. Pour s'approcher du soleil de justice, il faut être plus pur que le rayon de la lumière : je n'ai pas encore cette pureté parfaite qu'il veut contempler dans ses saints. Sachez que, si la porte du ciel m'était ouverte, je n'oserais en franchir le seuil, avant d'être entièrement purifiée des plus petites taches ; il me semble que le choeur des vierges qui suivent les pas de l'Agneau, me repousserait avec horreur. — Et pourtant, reprit la sainte Abbesse, je vous vois environnée de lumière et de gloire ! — Ce que vous voyez, répondit l'âme, n'est que la frange du vêtement de la gloire : pour revêtir cette robe ineffable du ciel, il faut ne plus avoir une ombre de souillure. »
Cette vision nous montre une âme bien près de la gloire ; mais elle indique en même temps que cette âme est éclairée tout autrement que nous sur l'infinie sainteté de Dieu. La connaissance claire de cette sainteté lui fait rechercher, comme un bien, les expiations dont elle a besoin pour être digne des regards du Dieu trois fois saint.

(1) 7 mars. — (2) 15 novembre. Revelationes Gertrudianoe ac Mechtildianoe. Henri Oudin, Pictav. 1875.

C'est, du reste, ce qu'enseigne expressément sainte Cathe-rine de Gênes. On sait que cette sainte a reçu de Dieu des lumières toutes particulières sur l'état des âmes dans le purgatoire : elle a écrit un opuscule, intitulé Traité du purgatoire, qui jouit d'une autorité semblable aux oeuvres de sainte Thérèse. Or, au chapitre VIII, elle s'exprime ainsi :
« Le Seigneur est tout miséricorde : il se tient, vis-à-vis de nous, les bras ouverts pour nous recevoir dans sa gloire. Mais je vois aussi que cette divine essence est d'une telle pureté, que l'âme ne saurait soutenir son regard, à moins d'être absolument immaculée. Si elle trouvait en soi le moindre atome d'imperfection, plutôt que de demeurer avec une tache en la présence de la Majesté infinie, elle se précipiterait au fond de l'enfer. — Trouvant donc le purgatoire disposé pour lui enlever ses souillures, elle s'y élance ; et elle estime que c'est par l'effet d'une grande miséricorde, qu'un lieu lui est donné pour se délivrer de l'empêchement au bonheur suprême qu'elle voit en elle. »
L'Histoire de l'origine de l'Ordre séraphique (1) fait mention d'un saint religieux, appelé le Frère Jean de Via, qui mourut pieusement dans un couvent des îles Canaries. Son infirmier, le Frère Ascension, était en prière dans sa cellule et recommandait à Dieu l'âme du défunt, lorsque tout à coup il aperçut devant lui un religieux de son ordre, mais qui paraissait transfiguré : il était tout radieux et remplissait la cellule d'une douce clarté. Le frère tout hors de lui, ne le reconnut pas, mais s'enhardit assez pour lui demander qui il était et quel était le sujet de sa visite. — « Je suis, répondit l'apparition, l'esprit du Frère Jean de Via : je vous rends grâces pour les prières que vous faites monter au ciel en ma faveur, et je viens vous demander encore un acte de charité. Sachez que, grâce à la divine miséricorde, je suis dans le lieu du salut, parmi les prédestinés à la gloire : la lumière qui m'environne en est une preuve. Cependant je ne suis pas digne encore de voir la face du Seigneur, à cause d'un manquement qu'il me faut expier. Durant ma vie mortelle, j'ai omis par ma faute, et cela plusieurs fois, de réciter l'office pour les défunts, lorsqu'il était prescrit par la règle. Je vous conjure, mon frère, par l'amour que vous avez pour Jésus-Christ, de faire en sorte que ma dette soit acquittée en cette matière, afin que je puisse jouir de la vue de mon Dieu. »
Le Frère Ascension courut au Père Gardien, raconta ce qui lui était arrivé, et on s'empressa d'acquitter les offices demandés. Alors l'âme du bienheureux Frère Jean de Via se fit voir de nouveau, mais bien plus brillante encore : elle était en possession de la félicité complète.

Chapitre 19

Peines du purgatoire. — Sainte Madeleine de Pazzi et la soeur Benoîte. — Sainte Gertrude. — La B. Marguerite-Marie et la Mère de Montoux

On lit dans la vie de sainte Madeleine de Pazzi, qu'une de ses soeurs nommée Marie-Benoîte, religieuse d'une éminente vertu, mourut entre ses bras. Pendant son agonie, elle aperçut une multitude d'anges, qui l'environ-naient d'un air joyeux, attendant qu'elle rendît son âme pour la porter dans la Jérusalem céleste ; et, au moment où elle expira, la sainte les vit recevoir cette âme bien-heureuse sous la forme d'une colombe, dont la tête était dorée, et disparaître avec elle.
Trois heures après, veillant et priant auprès du saint corps, Madeleine connut que l'âme de la défunte n'était ni en paradis ni au purgatoire, mais dans un lieu particulier où, sans souffrir aucune peine sensible, elle était privée de la vue de son Dieu.

(1) Partie 4. n. 7. Cf. Merv. 83.

Le lendemain, comme on célébrait la messe pour l'âme de Marie-Benoîte, au Sanctus, Madeleine fut ravie de nouveau en extase, et Dieu lui fit voir cette âme bienheu-reuse au sein de la gloire, où elle venait d'entrer.
Madeleine se permit de demander au Sauveur Jésus pourquoi il n'avait pas admis plus tôt cette âme chérie en sa sainte présence ? Elle reçut pour réponse que, dans sa dernière maladie, la soeur Benoîte s'était montrée trop sensible aux peines qu'on se donnait pour elle, ce qui avait interrompu quelque temps son union habituelle avec Dieu, et sa conformité parfaite à la divine volonté.
Revenons encore aux révélations de sainte Gertrude, que nous avons citées plus haut : nous y trouvons un autre trait qui montre comment, pour certaines âmes du moins, le soleil de la gloire est précédé d'une aurore et se lève par degrés. Une religieuse était morte à la fleur de son âge, dans le baiser du Seigneur. Elle s'était fait remarquer par une tendre dévotion au Saint-Sacrement. Après sa mort, sainte Gertrude la vit toute brillante de célestes clartés, agenouillée devant le divin Maître, dont les plaies glorifiées paraissaient comme des foyers lumi-neux : il s'en échappait cinq rayons enflammés qui allaient atteindre les cinq sens de la défunte. Celle-ci néanmoins gardait sur le front comme un nuage d'ineffable tristesse. « Seigneur Jésus, s'écria la sainte, comment pouvez-vous illuminer de la sorte votre servante, sans qu'elle éprouve une joie parfaite ? — Jusqu'à cette heure, répondit le doux Maître, cette soeur a été digne seulement de contempler mon humanité glorifiée et de jouir de la vue de mes cinq plaies, en récompense de sa tendre dévotion au mystère de l'Eucharistie ; mais, à moins de nombreux suffrages en sa faveur, elle ne peut être admise encore à la vision béatifique, à cause de quelques légers manquements dans l'observation de ses saintes règles. »
Terminons ce que nous avons à dire sur la nature des peines par quelques détails que nous trouvons dans la vie de la B. Marguerite Marie de la Visitation. Ils sont tirés en partie du mémoire de la mère Greffier, cette Supérieure qui, sagement défiante au sujet des grâces extraordi-naires accordées à la Bienheureuse soeur Marguerite, ne commença à en reconnaître la vérité qu'après mille épreuves. — La mère Philiberte Emmanuel de Montoux, Supérieure d'Annecy, mourut le 2 février 1683, après une vie qui édifia tout l'Institut. La mère Greffier la recommanda particulièrement aux prières de sœur Marguerite. Au bout de quelque temps, celle-ci dit à sa supérieure que Notre-Seigneur lui avait fait connaître que cette âme lui était fort chère, à cause de son amour et de sa fidélité à son service ; qu'il lui gardait une ample récompense dans le ciel, après qu'elle aurait achevé de se purifier dans le purgatoire.
La Bienheureuse vit la défunte dans le lieu des expia-tions : Notre-Seigneur la lui montra dans les souffrances, mais recevant de grands soulagements par l'application des suffrages et des bonnes oeuvres, qu'on offrait tous les jours pour elle dans tout l'Ordre de la Visitation. La nuit du jeudi-saint au vendredi, tandis que soeur Marguerite priait encore pour elle, il la lui fit voir comme étant placée sous le calice qui contenait l'hostie, au reposoir de l'Adora-tion : là elle participait aux mérites de son agonie au jardin des Olives.
Le jour de Pâques, qui cette année tombait au 18 avril, la bienheureuse la vit comme dans un commencement de félicité, désirant et espérant bientôt la vue et la posses-sion de Dieu.
Enfin, quinze jours après, le 2 mai, dimanche du Bon Pasteur, elle la vit comme s'abîmant doucement dans la gloire, chantant mélodieusement le cantique de l'amour divin.
Voici comment la B. Marguerite rend compte elle-même de cette dernière apparition dans une lettre adressée ce jour même, 2 mai 1623, à la mère de Saumaise à Dijon (1) :
« Vive Jésus ! Mon âme se sent pénétrée d'une si grande joie, que j'ai peine à la contenir en moi-même. Permettez-moi, ma bonne Mère, de la communiquer à votre coeur, qui ne fait qu'un avec le mien en celui de Notre-Seigneur. Ce matin, dimanche du Bon Pasteur, deux de mes bonnes amies souffrantes, à mon réveil, me sont venues dire adieu : c'était aujourd'hui que le souverain Pasteur les recevait dans son bercail éternel, avec plus d'un million d'autres âmes. Toutes deux, mêlées à cette multitude bienheureuse, s'en allaient avec des chants d'allégresse inexprimables. — L'une est la bonne mère Philiberte Emmanuel de Monthoux ; l'autre, ma soeur Jeanne Cathe-rine Gâcon. L'une répétait sans cesse ces paroles : L'amour triomphe, l'amour jouit, l'amour en Dieu se réjouit. L'autre disait : Bienheureux sont les morts qui meurent dans le Sei-gneur, et les religieux qui vivent et meurent dans l'exacte observance de leurs règles. — Toutes deux veulent que je vous dise de leur part, que la mort peut bien séparer les amis, mais non les désunir.
» Si vous saviez combien mon âme a été transportée de joie ! Car en leur parlant je les voyais peu à peu s'abîmer dans la gloire, comme une personne qui se noie dans un vaste océan. — Elles vous demandent en action de grâces à la très-auguste Trinité, un Laudate et trois Gloria Patri. — Comme je les priais de se souvenir de nous, elles m'ont dit, pour dernières paroles, que l'ingratitude n'est jamais entrée dans le ciel. »

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:44

Chapitre 20

Diversité des peines. — Le roi Sanche et la reine Gude. — Sainte Lidvine et l'âme transpercée. — La B. Marguerite et le lit de feu.

D'après les révélations des saints, il y a dans les peines afflictives du purgatoire une grande diversité. Bien que le feu soit le supplice dominant, il y a aussi le tourment du froid, il y a la torture des membres, et des supplices appliqués aux différents sens du corps humain. Cette diversité de peines est ordonnée par la divine Justice,
(1) Écrits et correspond. de la B. Marg. Marie.
p.82 fin

p.83
et semble surtout répondre à la nature des péchés, qui exigent chacun son châtiment propre, selon cette parole : Quia per quoe peccat quis, per hoec et torquetur, l'homme est puni par où il a péché (1). — Il convient au reste qu'il en soit ainsi pour le châtiment, puisque la même diversité existe pour les récompenses. Chacun reçoit au ciel selon ses oeuvres, et, comme dit le vénérable Bède, chacun reçoit sa couronne, son vêtement de gloire : vête-ment qui pour le martyr a la splendeur de la pourpre, et pour le confesseur l'éclat d'une blancheur éblouis-sante.
L'historien Jean Vasquez (2), dans sa Chronique, sous l'année 940, rapporte comment Sanche, roi de Léon, apparut à la reine Gude, et fut délivré du purgatoire par la piété de cette princesse. — Sanche avait vécu en excellent chrétien et mourut empoisonné par un de ses sujets. La reine Gude, sa femme, s'occupa de prier et de faire prier pour le repos de son âme ; non contente de faire célébrer un grand nombre de messes, elle prit le voile dans le monastère de Castille, où le corps de son mari avait été déposé, afin de pouvoir pleurer et prier auprès de ces chères dépouilles.
Comme elle priait un jour de samedi aux pieds de la très-sainte Vierge, pour lui recommander l'âme de son mari, Sanche lui apparut, mais dans quel état, grand Dieu ! il était couvert d'habits de deuil, et portait comme ceinture un double rang de chaînes rougies au feu. Après avoir remercié sa pieuse veuve pour ses suffrages, il la conjura de continuer son oeuvre de charité. « Ah ! si vous saviez, Gude, ce que j'endure, lui dit-il, vous feriez bien davantage encore. Par les entrailles de la divine miséricorde, secourez-moi, chère Gude, secourez-moi : ces flammes me dévorent ! »
La reine redoubla de prières, de jeûnes et de bonnes œuvres : elle répandit de royales aumônes dans le sein des pauvres, fit célébrer des messes de toutes parts, et donna au monastère un magnifique ornement pour les offices de l'autel.
Au bout de quarante jours, le roi lui apparut de nou-veau : il était délivré de sa ceinture brûlante et de toutes ses souffrances ; à la place de ses habits de deuil, il portait un manteau d'une éclatante blancheur, semblable à l'ornement sacré que Gude avait donné pour lui au monastère. « Me voici, chère Gude, dit-il à la reine : grâce à vous, je suis délivré de mes souffrances. Soyez bénie, à jamais ! Persévérez dans vos saints exercices, méditez souvent la rigueur des peines de l'autre vie et les joies du paradis, où je vais vous attendre. » — A ces mots il disparut, laissant la pieuse Gude inondée de consolation.
Un jour une femme toute désolée vint annoncer à sainte Lidvine qu'elle venait de perdre son frère. « Mon frère, dit-elle, vient de mourir et je recommande sa pauvre âme à votre charité. Offrez à Dieu pour elle quelques prières et une partie des souffrances de votre maladie. » — La sainte malade le lui promit, et peu de temps après, dans un de ses ravissements si fré-quents, elle fut conduite par son ange gardien dans les prisons souterraines, où elle vit avec une extrême com-passion les tourments des pauvres âmes plongées dans les flammes. L'une d'elles attira particulièrement son attention : elle la voyait transpercée de part en part par des broches de fer. Son ange lui dit que c'était là le frère défunt de cette femme, qui était venue demander pour lui le secours de ses prières. « Si vous voulez, ajouta-t-il, demander quelque grâce en sa faveur, elle ne vous sera pas refusée. — Je demande donc, répondit-elle, qu'il soit délivré de ces horribles fers qui le transpercent. » — Aussitôt elle vit qu'on les arrachait au malheu-reux et qu'on le conduisait de cette prison spéciale, dans la prison commune aux âmes qui n'ont encouru aucun supplice particulier.

1) Sap. XI, 17. — (2) Cf. Merv. 8.
La soeur du défunt étant revenue peu après auprès de sainte Lidvine, celle-ci lui fit connaître la triste situation de son frère, et l'engagea à l'aider en multiptiant pour lui les prières et les aumônes. Elle-même offrit à Dieu ses supplications et ses souffrances, jusqu'à ce que la pauvre âme fût enfin délivrée (1).
Nous lisons dans la Vie de la B. Marguerite-Marie, qu'une âme fut torturée dans un lit de tourment, à cause de sa paresse durant la vie ; qu'en même temps elle eut à subir un supplice particulier dans son coeur, à cause de ses mauvais sentiments, et dans sa langue, en punition de ses paroles peu charitables. En outre, elle eut à souffrir une peine affreuse d'un genre tout différent, causée, non par le feu ou par le fer, mais par la vue épouvantable d'une damnation. Voici comment la Bienheureuse rapporte elle-même cet événement dans ses écrits :
« Je vis en songe, dit-elle, une de nos soeurs décédée depuis quelque temps. Elle me dit qu'elle souffrait beaucoup en purgatoire ; mais que Dieu venait de lui faire sentir une douleur qui surpassait toutes ses peines, en lui montrant une de ses proches parentes précipitée dans l'enfer.
» Je me réveillai sur ces paroles, et je sentis tout mon corps comme si brisé, que j'avais peine à me remuer. Comme on ne doit point croire aux songes, je ne fis pas grande réflexion sur celui-là ; mais cette religieuse m'en fit bien faire malgré moi. Car, depuis ce moment, elle ne me donna point de repos, et elle me disait incessamment : Priez Dieu pour moi, offrez-lui vos souffrances, unies à celles de Jésus-Christ, pour soulager les miennes, et donnez-moi tout ce que vous ferez jusqu'au premier vendredi de mai, où vous communierez pour moi.
» Je le fis avec la permission de ma supérieure.
» Cependant la peine que cette fille souffrante me com-muniquait, s'augmenta si fort, qu'elle m'accablait et me rendait impossible tout soulagement et repos. — L'obéis-sance me fit retirer pour en prendre dans mon lit ; mais, je n'y fus pas plutôt, qu'il me semblait l'avoir proche de moi qui me disait : « Te voilà dans ton lit bien à ton aise ; regarde celui où je suis couchée, et où je souffre des maux intolérables. » Je vis ce lit, qui me fait encore fré-mir toutes les fois que j'y pense. Le dessus et le dessous était de pointes aiguës et enflammées, qui entraient dans la chair : elle me dit alors que c'était à cause de sa paresse et négligence dans l'observance des règles. — « On me déchire le coeur, ajouta-t-elle, ce qui est ma plus cruelle douleur, pour mes pensées de murmure et désapprouvement, dans lesquelles je me suis entretenue contre mes supérieures. — Ma langue est rongée de vermine, et on me l'arrache continuellement, pour les paroles que j'ai dites contre la charité et pour mon peu de silence. — Ah ! que je voudrais bien que toutes les âmes consacrées à Dieu pussent me voir dans ces horribles tourments ! Si je pouvais leur faire voir ce qui est préparé à celles qui vivent négligemment dans leur vocation, elles marcheraient avec une tout autre ardeur dans leurs observances, et se garderaient bien de tomber dans les défauts qui me font maintenant tant souffrir. »
» Je fondis en larmes à ce spectacle. Cependant l'âme souffrante continua : Hélas ! dit-elle, un jour d'exactitude au silence, observé par toute la communauté, guérirait ma bouche altérée ; un autre, passé dans la pratique de la sainte charité, guérirait ma langue ; un troisième, passé sans aucun murmure ni désapprouvement contre la supérieure, guérirait mon coeur déchiré : mais personne ne pense à me soulager. »
» Après que j'eus fait la communion qu'elle m'avait demandée, elle me dit que ses horribles tourments étaient bien diminués ; mais qu'elle était encore en purgatoire pour longtemps, condamnée à souffrir les peines qui sont dues aux âmes tièdes dans le service de Dieu.

1) Vie de sainte Lidvine.
» Pour moi, ajoute la B. Marguerite, je me trouvai dès lors affranchie de mes peines, lesquelles, m'avait-elle dit, ne diminueraient point qu'elle-même ne fût sou-lagée (1). »
____________


Chapitre 21

Diversité des peines. — Blasio ressuscité par saint Bernardin. — La vénérable Françoise de Pampelune et la plume de feu. — Saint Corprée et le roi Malachie.

Le célèbre Blasio Masseï, ressuscité par saint Bernardin de Sienne (2), vit aussi au purgatoire une grande diversité de peines. Ce miracle se trouve exposé au long dans les Acta Sanctorum, appendice au 20 mai.
Peu de temps après la canonisation de saint Bernardin de Sienne, mourut à Cascia au royaume de Naples, un enfant de onze ans, appelé Blasio Masseï. Ses parents lui avaient inspiré la dévotion qu'ils avaient eux-mêmes à ce nouveau Saint, et celui-ci sut les en récompenser. Le lendemain de la mort, comme on allait l'ensevelir, Blasio se réveilla comme d'un profond sommeil, et dit que saint Bernardin le ramenait à la vie pour raconter les merveilles qu'il lui avait fait voir dans l'autre monde.
On comprend l'étonnement et la curiosité que produisit cet événement. Pendant un mois entier le jeune Blasio ne fit que parler de ce qu'il avait vu, et répondre aux ques-tions que lui faisaient les visiteurs. Il parlait avec une naïveté d'enfant, mais en même temps avec une exactitude d'expression, une connaissance des choses de la vie future, qui était de loin au-dessus de son âge.
Au moment de sa mort, disait-il, saint Bernardin s'était présenté devant lui, et l'avait pris par la main en lui disant : « N'ayez pas peur ; mais regardez bien tout ce que je vous montrerai, afin de le retenir et de le raconter après. »
Or le saint conduisit successivement son jeune protégé, dans les régions de l'enfer, du purgatoire, des limbes, et enfin il lui fit voir le ciel.
Dans l'enfer Blasio vit des horreurs inexprimables, et les supplices divers par lesquels les orgueilleux, les avares, les impudiques et les autres pécheurs étaient tour-mentés. Parmi eux il en reconnut plusieurs qu'il avait vus durant la vie, et même il en vit arriver deux qui venaient de mourir, Buccerelli et Frascha. Ce dernier était damné pour avoir possédé des biens mal acquis. Le fils de Frascha, frappé de cette révélation comme d'un coup de foudre, connaissant d'ailleurs la vérité des choses, s'empressa de faire une restitution complète ; et non content de cet acte de justice, pour ne point s'exposer à partager un jour le triste sort de son père, il distribua aux pauvres le reste de sa fortune et embrassa la vie monastique.
Conduit de là au purgatoire, Blasio y vit aussi des sup- plices effroyables, diversifiés d'après les péchés dont ils étaient le châtiment. Il y reconnut un grand nombre d'âmes, et plusieurs d'entr'elles le prièrent d'avertir leurs parents et proches de leur douloureuse situation, elles leur indiquaient même les suffrages et bonnes oeuvres dont elles avaient besoin. — Lorsqu'on l'interrogeait sur l'état d'un défunt, il répondait sans hésiter et donnait les détails les plus précis. « Votre père, dit-il, à un de ses visiteurs, est au purgatoire depuis tel jour ; il vous a chargé de distribuer telle somme en aumônes, et vous ne l'avez pas exécuté. — Votre

1) Languet, Vie de la B. Marg. — (2) 20 mai.
frère, dit-il à un autre, vous avait demandé de faire célébrer autant de messes, et vous en étiez convenu avec lui ; mais vous n'avez pas rempli votre engagement : il reste encore autant de messes à acquitter. »
Blasio parlait aussi du ciel où il avait été conduit en dernier lieu ; mais il en parlait à peu près comme saint Paul, qui, ayant été ravi au troisième ciel, avec son corps ou sans son corps, ce qu'il ne savait pas ; y avait entendu des paroles mystérieuses qu'une bouche mortelle ne sau-rait redire. — Ce qui avait surtout frappé les regards de l'enfant, c'était l'immense multitude des anges qui entou-raient le trône de Dieu, et la beauté incomparable de la sainte Vierge Marie, élevée au-dessus de tous les choeurs des anges.
La vie de la vénérable mère Françoise du Saint-Sacre-ment, religieuse de Pampelune (1), présente plusieurs faits qui montrent comment les peines sont appropriées aux fautes à expier. Cette vénérable servante de Dieu avait les communications les plus intimes avec les âmes du purgatoire, jusque-là qu'elles venaient en grand nombre et remplissaient sa cellule, attendant humblement, cha-cune à son tour, qu'elle les aidât par ses prières. Souvent, pour mieux exciter sa compassion, elles lui apparais-saient avec les instruments de leurs péchés, devenus dans l'autre vie des instruments de torture. Elle vit un jour un religieux, entouré d'objets précieux, de tableaux, de fau-teuils embrasés. Il avait amassé ces sortes de choses dans sa cellule contrairement à la pauvreté religieuse ; après sa mort, elles faisaient son tourment. — D'autres fois c'étaient des prêtres, avec leurs ornements en feu : l'étole transformée en chaîne brûlante, les mains couver-tes d'ulcères hideux. Ils étaient ainsi punis pour avoir célé-bré sans respect les divins Mystères.
Un notaire lui apparut un jour avec tous les insignes de sa profession, lesquels tout en feu et accumulés autour de lui, le faisaient souffrir horriblement. « J'ai employé cette plume, cette encre, ce papier, lui dit-il, à dresser des actes illicites. J'avais aussi la passion du jeu, et ces cartes brûlantes que je suis forcé de tenir continuellement en main, font mon châtiment. Cette bourse embrasée contient mes gains illicites et me les fait expier. »
De tout ceci ressort un grand et salutaire enseignement. Les créatures sont données à l'homme comme moyens pour servir Dieu : il doit en faire des instruments de vertus et de bonnes œuvres ; s'il en abuse et en fait des instru-ments de péché, il est juste qu'elles soient tournées con-tre lui et deviennent les instruments de son châtiment.
La vie de saint Corprée, Évêque d'Irlande, qu'on trouve dans les Bollandistes sous le 6 mars, nous fournit un autre exemple du même genre. Un jour que ce saint Prélat était en prière après l'office, il vit se dresser devant lui un personnage horrible, le visage pâle, un collier de feu autour du cou, et sur les épaules un misérable manteau tout déchiré. — « Qui es-tu ? demanda le saint, sans se troubler. — Je suis une âme passée à l'autre vie. — D'où vient le triste état où je te vois ? — De mes fautes, qui m'ont attiré ces châtiments. Malgré la misère où je me trouve réduit maintenant, je suis Malachie, autre fois roi d'Irlande. Je pouvais dans cette haute position faire beaucoup de bien, c'était d'ailleurs mon devoir ; je l'ai négligé : voilà pourquoi je suis puni. — N'as-tu pas fait pénitence de tes fautes ? — Je n'en ai pas fait assez, grâce à la coupable faiblesse de mon confesseur, que j'ai plié à mes caprices en lui offrant un anneau d'or. C'est à cause de cela que je porte maintenant au cou ce collier de flammes. — Je voudrais savoir, reprit l'Évêque, pourquoi vous êtes couvert de ces haillons. — C'est encore un châtiment : je n'ai pas vêtu ceux qui étaient nus, je n'ai pas aidé les pauvres


1) Sa Vie par le F. Joachim. Cf. Merv. 26.
avec la charité, avec le respect et la libéralité que me commandait ma dignité de roi et mon titre de chrétien. C'est pourquoi vous me voyez habillé moi-même en pauvre et couvert d'un vêtement de confusion. »
L'histoire ajoute que saint Corprée, s'étant mis en prière avec tout son chapitre, obtint au bout de six mois, un allègement de peine, et, un peu plus tard, la délivrance entière du roi Malachie.

Chapitre 22

Durée du purgatoire. — Sentiment des docteurs. — Bellarmin. —
Calcul du Père de Munford.

La foi ne nous fait pas connaître la durée précise des peines du purgatoire : nous savons en général qu'elle est mesurée par la divine justice et proportionnée pour chacun à la gravité et au nombre de ses fautes, non encore expiées. Dieu peut cependant, sans préjudicier, à sa justice, abréger ces peines en augmentant leur intensité ; l'Église militante aussi peut en obtenir la rémission, totale ou partielle, par le saint Sacrifice de la messe et les autres suffrages offerts pour les défunts.
D'après le sentiment commun des docteurs, les peines expiatrices sont de longue durée. « Il est hors de doute, dit Bellarmin (1), que les peines du purgatoire ne sont limitées ni à dix ni à vingt ans, et qu'elles durent quel-quefois des siècles entiers. Mais, quand il serait vrai que leur durée ne dépasse point dix ou vingt ans, compte-t-on pour rien d'endurer pendant dix ou vingt ans des peines très-douloureuses, des peines inconcevables, sans aucun soulagement ? Si un homme était assuré que vingt ans durant il devrait souffrir aux pieds, ou à la tête ou aux dents, quelque violente douleur, sans jamais pouvoir dormir ou prendre le moindre repos, n'aimerait-il pas mieux mourir cent fois que de vivre de la sorte ? Et si on lui donnait le choix, ou d'une vie si misérable ou de la perte de tous ses biens, balancerait-il à sacrifier sa fortune pour se délivrer de ce tourment ? Quoi donc ? Pour nous délivrer des flammes du purgatoire, ferons-nous difficulté d'embrasser les travaux de la pénitence ? Craindrons-nous d'en pratiquer les plus pénibles exer-cices : les veilles, les jeûnes, les aumônes, les longues prières, et surtout la contrition accompagnée de gémissements et de larmes ? »
Ces paroles de Bellarmin résument toute la doctrine des théologiens et des Saints. Le Père de Munford de la Compagnie de Jésus, dans son Traité de la charité envers les défunts, établit la longue durée du purgatoire sur un calcul de probabilité, dont nous donnerons la substance. Il part du principe que, selon la parole de l'Esprit-Saint, le juste tombe sept fois le jour (2), c'est-à-dire que ceux-là même qui s'appliquent à servir Dieu parfaitement, malgré leur bonne volonté, commettent encore une foule de fautes aux yeux infiniment purs de Dieu. Nous n'avons qu'à descendre dans notre conscience, à analyser devant Dieu nos pensées, nos paroles et oeuvres, pour nous con-vaincre de ce triste effet de la misère humaine. Oh ! qu'il est facile de manquer de respect dans la prière, de pré-férer ses aises au devoir à remplir, de pécher par vanité, par impatience, par sensualité, par pensées et paroles peu charitables, par manque de conformité à la volonté de Dieu ! La journée est longue : est-il bien difficile à une personne même vertueuse de commettre, je ne dirai pas sept, mais vingt ou trente de ces sortes de fautes ou imperfections ?

(1) De gemitu, 1. II. c. 9. — (2) Prov. XXIV, 16.
Prenons une estimation modérée et supposons que vous commettiez tous les jours une moyenne de 10 fautes ; au bout des 365 jours de l'année vous aurez une somme de 3,650 fautes. Diminuons, et pour la facilité du calcul, mettons 3,000 par an. Au bout de dix ans, ce sera 30,000 ; au bout de 20 ans, 60,000.
Supposons que de ces 60,000 fautes, vous ayez expié la moitié par la pénitence et les bonnes oeuvres ; il vous en reste encore 30,000 à acquitter.
Continuons notre hypothèse : vous mourez après ces vingt ans de vie vertueuse et vous paraissez devant Dieu avec une dette de 30,000 fautes, que vous devrez acquitter dans le purgatoire. Combien faudra-t-il de temps pour accomplir cette expiation ?
Supposons qu'en moyenne chaque faute exige une heure de purgatoire. Cette mesure est très-modérée, si nous en jugeons par les révélations des saints ; mais enfin, mettons une heure par faute, cela vous fait un purgatoire de 30,000 heures. Or 30,000 heures, savez-vous combien elles repré-sentent d'années ? 3 années, 3 mois, et 15 jours.
Ainsi un bon chrétien, qui veille sur lui-même, qui évite tout péché mortel, qui s'applique à la pénitence et aux bonnes oeuvres, se trouve au bout de vingt ans de vie, passible de 3 ans, 3 mois, et 15 jours de purgatoire.
Le calcul qui précède est basé sur une estimation bénigne à l'excès. Or, si vous majorez la peine, et qu'au lieu d'une heure, vous mettiez un jour pour l'expiation d'une faute ; si au lieu de n'avoir que des péchés véniels, vous apportez devant Dieu une dette de peines provenant de péchés mortels, plus ou moins nombreux commis autrefois ; si vous mettez, comme le dit sainte Françoise de Rome, une moyenne de sept années pour l'expiation d'un péché mor-tel, remis quant à la coulpe ; qui ne voit qu'on arrive à une durée terrifiante et que les expiations peuvent facilement se prolonger durant de longues années et durant des siècles ?
Des années et des siècles dans les tourments ! Oh ! si l'on y pensait, avec quel soin on éviterait les moindres fautes, avec quelle ferveur on pratiquerait la pénitence pour satisfaire en ce monde !

Chapitre 23

Durée du purgatoire. — Sainte Lutgarde, l'abbé de Citeaux,
et le Pape innocent III. — Jean de Lierre.

Dans la Vie de sainte Lutgarde (1), écrite par son con-temporain Thomas de Cantimpré, il est fait mention d'un religieux, d'ailleurs fervent, mais qui pour un excès de zèle, fut condamné à quarante ans de purgatoire. C'était un abbé de l'Ordre de Citeaux, nommé Simon, qui tenait Lutgarde en grande vénération ; la sainte de son côté suivait volon-tiers ses avis, et de fréquents rapports avaient formé entre eux une sorte d'intimité spirituelle.
Mais l'abbé n'était pas envers ses subordonnés aussi doux qu'envers la sainte. Sévère à lui-même, il l'était aussi dans son administration, et poussait l'exigence de la dis-cipline jusqu'à la dureté, oubliant trop la leçon du Maître qui nous apprend à être doux et humbles de coeur. Étant venu à mourir, comme sainte Lutgarde priait ardemment pour lui et s'imposait des pénitences pour le soulagement de son âme, il lui apparut et avoua qu'il était condamné à quarante ans de purgatoire. Heureusement

1) 16 juin.
il avait en Lutgarde une amie généreuse et puissante. Elle prodigua ses prières et ses austérités ; puis, ayant reçu de Dieu l'assurance que le défunt serait délivré prochainement, la charitable sainte répondit : Je ne cesserai de pleurer, Sei-gneur, je ne cesserai d'importuner votre miséricorde, jus-qu'à ce que je le voie libéré de ses peines. Elle le vit en effet lui apparaître bientôt plein de reconnaissance, res-plendissant de gloire et au comble du bonheur.
Puisque je viens de citer sainte Lutgarde, faut-il que je parle de la célèbre apparition du Pape Innocent III ? J'avoue que ce fait m'a choqué d'abord, et que j'aurais voulu le passer sous silence. Il me répugnait de penser qu'un Pape et un tel Pape eût été condamné à un long et terri-ble purgatoire. On sait en effet qu'Innocent III, qui pré-sida le célèbre Concile de Latran en 1215, fut un des plus grands Pontifes qui occupèrent le Siège de saint Pierre : sa piété et son zèle lui firent accomplir les plus grandes choses pour l'Église de Dieu et la sainte discipline. Or, comment admettre qu'un tel homme eût été jugé au tribunal suprême avec une telle sévérité ? Comment conci-lier cette révélation de sainte Lutgarde avec la divine miséricorde ?
J'aurais donc voulu n'y voir qu'une illusion, et je cher- chai des raisons à l'appui de cette idée. Mais j'ai trouvé, tout au contraire, que la réalité de l'apparition est admise par les plus graves auteurs et qu'aucun ne la rejette. Au reste, l'historien Thomas de Cantimpré est très-affirmatif et en même temps très-réservé : « Remarquez, lecteur, écrit-il en finissant son récit, que j'ai appris de la bouche de la pieuse Lutgarde les fautes mêmes, révélées par le défunt, et que je ne les supprime ici que par respect pour un si grand Pape. »
D'ailleurs, considérant le fait en lui-même, y trouve-t-on une vraie raison qui oblige de le révoquer en doute? Ne sait-on pas que Dieu ne fait aucune acception de per-sonnes ? que les Papes paraissent devant son tribunal comme les derniers des fidèles ? que tous, grands et petits, sont égaux devant lui et que chacun reçoit selon ses œuvres ? Ne sait-on pas, que ceux qui gouvernent les autres ont une grande responsabilité et auront à rendre un compte sévère ? Judicium durissimum his qui proesunt fiet, un jugement très-rigoureux est réservé aux supé-rieurs (1) : c'est l'Esprit-Saint qui le déclare. Or, Inno-cent III a régné pendant dix-huit ans, dans des temps très-difficiles. Et, ajoutent les Bollandistes, n'est-il pas écrit que les jugements de Dieu sont insondables et sou-vent bien différents des jugements des hommes ? Judicia tua abyssus multa (2).
La réalité de l'apparition ne saurait donc être raison-nablement révoquée en doute. Dès lors je ne vois aucune raison de la supprimer, puisque Dieu ne révèle ces sortes de mystères qu'afin qu'on les fasse connaître pour l'édifi-cation de son Église.
Or, le Pape Innocent III mourut le 16 juillet 1216. Le même jour il apparut à sainte Lutgarde dans son monas-tère d'Aywières en Brabant. Elle, surprise de voir un fantôme environné de flammes, lui demanda qui il était et ce qu'il voulait. « Je suis, lui répondit-il, le Pape Innocent. — Est-il possible que vous, notre Père commun, vous soyez dans un tel état ? — Il n'est que trop vrai : j'expie trois fautes que j'ai commises et qui ont failli causer ma perte éternelle. Grâce à la sainte Vierge Marie, j'en ai obtenu le pardon, mais il me reste à en subir l'expiation. Hélas ! elle est terrible et elle durera pendant des siècles, à moins que vous ne veniez puissamment à mon Secours. Au nom de Marie, qui m'a obtenu la faveur de venir vous implorer, secourez-moi ! » — Il dit et disparut. Lutgarde annonça la mort du Pape à ses soeurs, et se livra avec elles à des prières et des exercices de pénitence en faveur de l'auguste et vénéré défunt, dont le trépas leur fut annoncée quelques semaines après, par une autre voie.

(1) Sap. VI, 6. — (2) Ps. 35.
Ajoutons ici un fait plus consolant, que nous trouvons dans la vie de la même Sainte. Un célèbre prédicateur, appelé Jean de Lierre, homme d'une grande piété, était fort connu de sainte Lutgarde. Il avait fait avec elle un pacte, par lequel ils se promettaient mutuellement que celui des deux qui mourrait le premier, rendrait une visite à l'autre, si Dieu le permettait. — Jean mourut le premier. Ayant entrepris le voyage de Rome pour régler certaines affaires qui intéressaient les religieuses, il trouva la mort dans les Alpes.
Fidèle à sa promesse, il se présenta aux yeux de Lutgarde dans le cloître d'Aywières. La sainte en le voyant, ne se doutant pas qu'il fût mort, l'invita selon la règle à entrer au parloir pour s'entretenir avec lui. « Je ne suis plus de ce monde, répondit-il, et je ne viens ici que pour m'acquitter de ma promesse. » — A ces mots Lutgarde tomba à genoux et demeura quelque temps toute interdite. Puis relevant les yeux sur son bienheureux ami : « Pourquoi, dit-elle, êtes-vous vêtu si splendidement ? Que signifie ce triple vêtement dont je vous vois orné ? — L'habit blanc, répondit-il, signifie l'innocence virginale que j'ai toujours conservée ; la tunique rouge marque les travaux et les souffrances qui m'ont consumé avant le temps ; le manteau bleu qui recouvre tout, désigne la perfection de la vie spirituelle. » Ayant dit ces paroles, il quitta subitement Lutgarde, qui resta par-tagée entre les regrets d'avoir perdu un si bon Père, et la joie qu'elle ressentait de son bonheur.
Saint Vincent Ferrier, le célèbre thaumaturge de l'Ordre de saint Dominique, qui prêcha avec tant de force la grande vérité du jugement de Dieu, avait une soeur qui n'était nullement touchée ni des paroles ni des exemples de son saint frère. Elle était remplie de l'esprit du monde, éblouie de ses vanités, enivrée de ses plaisirs, et marchait à grands pas vers sa ruine éternelle. Cependant le saint priait pour sa conversion, et sa prière fut enfin exaucée. La malheureuse pécheresse tomba mortellement malade ; et au moment de mourir, rentrant en elle-même se confessa avec un repentir sincère.
Quelques jours après sa mort, tandis que son frère célébrait pour elle le divin sacrifice, elle lui apparut au milieu des flammes, en proie à des maux intolérables. « Hélas ! mon frère, dit-elle, je suis condamnée à ces supplices jusqu'au jour du dernier jugement. Cependant vous pouvez m'aider. La vertu du saint sacrifice est si puissante : offrez pour moi une trentaine de messes, j'en espère le plus heureux effet. » — Le saint s'empressa d'accéder à cette demande ; il célébra les trente messes, et le trentième jour, sa soeur lui apparut entouré d'anges et montant au ciel (1). Grâce à la vertu du divin sacrifice, une expiation de plusieurs siècles se trouva réduite à trente jours.
Ce trait nous montre tout à la fois la durée des peines qu'une âme peut encourir, et l'effet puissant de la sainte messe, lorsque Dieu daigne l'appliquer à une âme. Mais cette application, comme celle des autres suffrages, n’a pas lieu toujours, du moins, ce n'est pas toujours avec la même plénitude.

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:46

Chapitre 24

Durée du purgatoire. — Le duelliste. — Le Père Schoofs
et l'apparition d'Anvers.

L'exemple suivant fait voir non seulement la longue durée des expiations infligées pour certaines fautes, mais en outre la difficulté de fléchir la divine

(1) Bayle, Vie de saint Vincent Ferr.
justice en faveur de ceux qui ont commis ces sortes de fautes. L'histoire de la Visitation Sainte-Marie mentionne parmi les premières religieuses de cet institut la soeur Marie Denyse, qui s'était appelée dans le monde Mll e de Martignat. Elle avait pour les âmes du purga-toire la plus charitable dévotion, et se sentait parti-culièrement portée à recommander à Dieu les défunts qui avaient été grands dans le monde ; car elle con-naissait par expérience les dangers de leur position. Or un prince, dont on a supprimé le nom, mais que l'on croit appartenir à la Maison de France, était mort en duel, et Dieu permit qu'il apparut à soeur Denyse pour lui demander un secours, dont il avait le plus grand besoin. Il lui déclara qu'il n'était pas damné, malgré son crime qui méritait la damnation. Grâce à un acte de con-trition parfaite qu'il avait formé au moment de mourir, il était sauvé ; mais en punition de sa vie et de sa mort coupables, il était condamné aux plus rigoureux châti-ments du purgatoire, jusqu'au jour du jugement.
La charitable soeur profondément touchée de l'état de cette âme, s'offrit généreusement en victime pour elle. Mais on ne saurait dire ce qu'elle eut à souffrir, durant plu-sieurs années, en conséquence de cet acte héroïque. Le pauvre prince ne lui laissait aucun repos et lui faisait partager ses tourments. Elle finit par en mourir ; mais avant d'expirer, elle confia à sa Supérieure que, pour prix de tant d'expiations, elle avait obtenu pour son protégé une remise de peine de quelques heures.
Comme la Supérieure paraissait étonnée d'un pareil résultat, qui lui semblait tout à fait disproportionné avec ce que la soeur avait souffert : « Ah ! ma Mère, répliqua soeur Marie Denyse, les heures du purgatoire ne se comptent pas comme celles de la terre : des années entières de tristesse, d'ennui, de pauvreté ou de maladie en ce monde, ne sont rien en comparaison d'une heure de souffrances au purgatoire. C'est déjà beaucoup que la divine miséricorde nous ait permis d'exercer quelque influence sur sa justice. — Je suis moins touchée d'ailleurs du lamentable état dans lequel j'ai vu languir cette âme, que de l'admirable retour de la grâce qui a consommé l'oeuvre de son salut. L'action dans laquelle le prince est mort, méritait l'enfer ; un million d'autres eussent trouvé leur perte éternelle dans l'acte où il a trouvé son salut. Il ne recouvra sa connaissance que pour un instant, juste le temps de coopérer à ce précieux mouvement de la grâce, qui le mit en état de faire un acte sincère de contrition. Ce moment béni me semble un excès de la bonté, de la douceur, de l'amour infini de Dieu. »
Ainsi parla la sainte sœur Denyse : elle admirait tout à la fois la sévérité de la justice de Dieu et son infinie miséricorde. L'une et l'autre, en effet, éclatent dans cet exemple d'une manière saisissante.
Au sujet de la longue durée du purgatoire pour cer- taines âmes, citons ici un trait plus récent et plus rapproché de nous. Le P. Philippe Schoofs, de la Com-pagnie de Jésus, qui mourut à Louvain en 1878, racontait le fait suivant, arrivé à Anvers dans les premières années de son ministère en cette ville. Il venait de prêcher une mission et, était rentré au collège de Notre-Dame, situé alors rue de l'Empereur, lorsqu'il fut averti qu'on le demandait au parloir. Étant descendu aussitôt, il y trouva deux jeunes gens à la fleur de l'âge avec un enfant de neuf ou dix ans, pâle et maladif. « Mon père, lui dirent-ils, voici un enfant pauvre que nous avons recueilli, et qui mérite notre protection, parce qu'il est sage et pieux. Nous lui donnons la nourriture et l'éducation ; et depuis plus d'une année qu’il fait partie de notre famille, il a été aussi heureux que bien portant. Depuis quelques semaines seulement, il a commencé à maigrir et à dépérir comme vous voyez. — Quelle est la cause de ce changement ? demanda le père. — Ce sont des frayeurs, répondirent-ils : l'enfant est éveillé toutes les nuits par des apparitions. Un homme, à ce qu'il nous assure, se pré-
sente à ses yeux : il le voit aussi clairement qu'il nous voit ici en plein jour. De là des frayeurs, des agitations continuelles. Nous venons, mon Père, vous demander un remède. — Mes amis, répondit le P. Schoofs, il y a remède à toutes choses auprès du bon Dieu. Commencez, vous deux, par faire une bonne confession et une bonne communion ; priez le Seigneur qu'il vous délivre de tout mal, et soyez sans crainte. Pour vous, mon enfant, dit-il au petit, faites bien votre prière, puis endormez-vous si profondément qu'aucun revenant ne puisse vous réveiller. » — Après cela il les congédia en leur disant de revenir, s'il arrivait encore quelque chose.
Quinze jours se passent, et les voilà qui reviennent. « Mon père, disent-ils, nous avons rempli vos prescriptions, et les apparitions continuent comme avant. L'enfant voit toujours apparaître le même homme. — Dès ce soir, répond le P. Schoofs, veillez à la porte de l'enfant, munis de papier et d'encre, pour écrire les réponses. Lorsqu'il vous avertira de la présence de cet homme, approchez, demandez au nom de Dieu qui il est, l'époque de sa mort, le lieu qu'il a habité et le sujet de sa venue. »
Dès le lendemain, ils reviennent, portant le papier où étaient écrites les réponses qu'ils avaient reçues. « Nous avons vu, disaient-ils, l'homme que voyait l'enfant. » Puis ils s'expliquèrent : c'était un vieillard, dont on n'aper-cevait que le buste et qui portait un costume du vieux temps. Il leur avait dit son nom et la maison qu'il avait habitée à Anvers. Il était mort en 1636, avait exercé la profession de banquier dans cette même maison, laquelle, de son vivant, comprenait aussi les maisons qui aujour-d'hui sont attenantes à droite et à gauche. Disons ici en passant, qu'on a depuis découvert dans les archives de la ville d'Anvers des documents, qui constatent l'exactitude de ces indications. — Il ajouta qu'il était au purgatoire, qu'on avait peu prié pour lui ; et il suppliait les personnes de la maison de faire une communion pour lui ; il deman-dait enfin qu'on fît un pèlerinage à Notre-Dame des Fièvres, à Louvain, et un autre à Notre-Dame de la Cha-pelle à Bruxelles. — « Vous ferez bien, dit le P. Schoofs, d'accomplir ces œuvres ; et, si l'esprit revient encore, avant de le faire parler, exigez qu'il récite le Pater, l'Ave Maria et Credo. »
Ils accomplirent les oeuvres indiquées avec toute la piété possible, et des conversions eurent lieu dans cette circons-tance. Quand tout fut achevé, les jeunes gens revinrent : « Mon père, il a prié, dirent-ils au P. Schoofs, mais avec un accent de foi et de piété indicible. Jamais nous n'avons entendu prier ainsi : Quel respect dans son Pater ! Quel amour dans son Ave Maria ! Quelle fermeté dans son Credo ! Maintenant nous savons ce que c'est que prier. — Il nous a ensuite remerciés pour nos prières : il en était grandement soulagé ; il eût même été délivré entièrement, disait-il, sans la faute de la fille de magasin, qui avait fait une confession sacrilège. — Nous avons, ajoutèrent-ils, rapporté cette parole à la fille ; elle a pâli et avoué sa faute, puis, courant à son confesseur, elle s'est empressée de tout réparer. »
Depuis ce jour, ajoutait le P. Schoofs en terminant son récit, cette maison n'a plus été troublée. La famille qui l'habitait a prospéré rapidement et est riche aujourd'hui. Les deux frères continuent à se conduire d'une manière exemplaire, et leur soeur s'est faite religieuse dans un couvent où elle est actuellement supérieure.
Tout porte à croire que la prospérité de cette famille lui est venue du défunt qu'elle a secouru. Celui-ci, après ses deux siècles de purgatoire n'avait plus besoin que d'un reste d'expiation et des quelques œuvres qu'il a demandées. Ces œuvres accomplies, il a été délivré, et il aura voulu témoigner sa gratitude en obtenant les bénédictions de Dieu pour ses libérateurs.
p.102 fin.

p.103

Chapitre 25

Durée du purgatoire. — L'abbaye de Latrobe. —
Cent ans de supplices pour délai des derniers sacrements.

Le fait suivant a été rapporté avec preuve authentique par le journal le Monde, numéro du 4 avril 1860. Il s'est passé en Amérique, dans une abbaye de Bénédictins, située au village de Latrobe. Une série d'apparitions y avait eu lieu dans le courant de l'année 1859. La presse américaine s'en était emparée et avait traité ces graves questions avec sa légèreté ordinaire ; et pour mettre fin à cette sorte de scandale, l'abbé Wimmer, supérieur de la maison, adressa aux journaux la lettre suivante :
« Voici la vérité : dans notre abbaye de Saint-Vincent, près de Latrobe, le 10 septembre 1859, un novice a vu apparaître un religieux bénédictin, en costume complet de choeur. Cette apparition s'est renouvelée chaque jour depuis le 18 septembre jusqu'au 19 novembre, soit de onze heures à midi, soit de minuit à deux heures du matin. Le 19 novembre seulement le novice a interrogé l'esprit en présence d'un autre membre de la communauté, et lui a demandé quel était le motif de ses apparitions. — Il a répondu qu'il souffrait depuis soixante-dix-sept ans, pour avoir omis de célébrer sept messes d'obligation ; qu'il était déjà apparu à diverses époques à sept autres bénédictins, mais qu'il n'avait pas été entendu ; qu'il serait contraint d'apparaître encore après onze années, si lui, le novice, ne venait pas à son secours. — Enfin, l'esprit demandait que ces sept messes fussent célébrées pour lui ; de plus, le novice devait pendant sept jours demeurer en retraite, gardant un profond silence ; et pendant trente-trois jours, réciter trois fois par jour le psaume Miserere, les pieds nus et les bras en croix.
» Toutes ces conditions ont été remplies, à dater du 20 novembre jusqu'au 25 décembre : ce jour-là, après la célébration de la dernière messe, l'apparition a disparu.
» Pendant cette période, l'esprit s'était montré encore plusieurs fois, exhortant le novice dans les termes les plus pressants, à prier pour les âmes du purgatoire : car, disait-il, elles souffrent affreusement, et elles sont profondément reconnaissantes envers ceux qui concourent à leur déli-vrance. — Il ajouta, chose bien triste à dire, que des cinq prêtres déjà décédés à notre abbaye, aucun n'était encore au ciel : que tous souffraient dans le purgatoire. Je ne tire pas de conclusion, mais ceci est exact. »
Ce récit signé de la main de l'abbé est un document historique irrécusable. — Quant à la conclusion que le vénérable prélat nous laisse le soin de déduire de ces faits, elle est évidemment multiple. Qu'il nous suffise, en voyant un religieux souffrir depuis soixante-dix-sept ans en pur-gatoire, d'apprendre ce qu'il faut penser de la durée des expiations futures, tant pour les prêtres et les religieux, que pour les simples fidèles qui vivent au milieu de la corruption du monde.
Une cause trop fréquente de la longue durée du pur-gatoire, c'est qu'on se prive du grand moyen établi par Jésus-Christ pour l'abréger, en tardant, quand on est gra-vement malade, à recevoir les derniers sacrements. Ces sacrements destinés à préparer les âmes au dernier pas-sage, à les purifier des restes de leurs péchés et à leur épargner les expiations de l'autre vie, requièrent pour produire leurs effets, que le malade les reçoive avec les dispositions voulues. Or, pour peu qu'on diffère de les recevoir et qu'on laisse affaiblir les facultés de l'infirme, ces dispositions sont défectueuses. Que dis-je ? trop souvent il arrive que, par suite de ces délais imprudents, le malade vient à mourir, totalement privé de ces secours si néces-saires. La conséquence en est, si le défunt n'est pas damné, qu'il descend dans les plus profonds abîmes du purgatoire avec tout le poids de ses dettes.
Michel Alix (1) parle d'un ecclésiastique qui, au lieu de recevoir promptement les sacrements des infirmes, et de donner le bon exemple aux fidèles, se rendit coupable de négligence à cet égard et en fut puni par cent ans de purgatoire. Se trouvant gravement malade et en danger de mort, ce pauvre prêtre aurait dû s'éclairer sur son état et demander au plus tôt les secours que l'Église réserve à ses enfants pour l'heure suprême. Il n'en fit rien : et, soit que, par une illusion trop commune aux malades, il ne voulût pas s'avouer la gravité de sa situa-tion, soit qu'il fût sous l'empire de ce fatal préjugé qui fait redouter à tant de faibles chrétiens la réception des derniers sacrements ; il ne les demandait pas, il ne son-geait pas à les recevoir. Mais on connaît les surprises de la mort : le malheureux différa et tarda si bien, qu'il mourut sans avoir le temps de recevoir ni Viatique ni Extrême-Onction. — Or, Dieu voulut en cette circons-tance donner un grave avertissement. Le défunt vint lui-même révéler à un confrère qu'il était condamné à cent ans de purgatoire. « Je suis puni ainsi, dit-il, de mes retards à recevoir la grâce de la purification dernière. Si j'avais reçu les sacrements, comme j'aurais dû le faire, j'aurais échappé à la mort par la vertu de l'Extrême-Onction, et j'aurais eu le temps de faire pénitence. »

Chapitre 26

Durée du purgatoire. — La vénérable Catherine Paluzzi et la sœur Bernardine. — Les Frères Finetti et Rudolfini. — Saint Pierre Claver et les deux pauvres femmes.

Citons encore quelques exemples, qui achèveront de nous édifier sur la durée des expiations : nous y verrons que la divine justice se montre relativement sévère pour les âmes appelées à la perfection et qui ont reçu beau-coup de grâces. Au reste, Jésus-Christ ne dit-il pas dans l'Évangile qu'on exigera beaucoup de celui à qui l'on a donné beaucoup, et que l'on demandera plus à celui à qui l'on a plus confié (2) ?
On lit dans la Vie de la vénérable Catherine Paluzzi qu'une sainte religieuse, morte entre ses bras, ne fut admise à l'éternelle béatitude qu'après une année entière de purgatoire. Catherine Paluzzi vécut saintement dans le diocèse de Nerpi, en Italie, où elle fonda un couvent de dominicaines. Là vivait avec elle une religieuse, nom-mée Bernardine, très-avancée aussi dans les voies inté-rieures. Ces deux saintes âmes rivalisaient de ferveur et s'entr'aidaient à progresser de plus en plus dans la per-fection où Dieu les appelait. L'historien de la vénérable les compare à deux charbons allumés qui se communiquent leurs ardeurs ; et encore, à deux lyres accordées pour résonner ensemble et faire entendre un hymne d'amour perpétuel à la gloire du Seigneur.
Bernardine vint à mourir. Une maladie douloureuse, qu'elle supporta chrétiennement, la conduisit au tombeau. Avant d'expirer, elle dit à Catherine qu'elle ne l'oublie-rait pas devant Dieu, et si Dieu le permettait, qu'elle viendrait lui dire encore des paroles spirituelles, propres à contribuer à sa sanctification.
Catherine pria beaucoup pour l'âme de son amie, suppliant en même temps le Seigneur de lui permettre qu'elle vînt la visiter. Une année entière s'écoula, mais la défunte ne vint point.
Enfin le jour anniversaire de la mort de Bernardine, Catherine étant en oraison, aperçut un puits, d'où s'échappaient des torrents de fumée et de flammes, puis

(1) Hort. Past. tract. 6. Cf. Rossign. Merv. 86. — (2) Luc. XII, 48.
elle vit sortir de ce puits une personne, d'abord tout environnée de ténèbres. Peu à peu l'apparition se dégagea de ces nuages, s'éclaira, et enfin parut brillante d'un éclat extraordinaire. Dans cette personne glorieuse Catherine reconnut alors la soeur Bernardine, et courant à elle : « C'est vous, dit-elle, ma soeur bien-aimée ? Mais d'où donc sortez-vous ? Que signifie ce puits, cette fumée enflammée ? Est-ce seulement aujourd'hui que vous achevez votre purgatoire ? — Vous dites vrai, répondit l'âme : durant toute une année j'ai été retenue dans le lieu des expiations : et ce n'est qu'à cette heure que je vais être introduite dans la céleste Jérusalem. Pour vous, persévérez dans vos saints exercices : continuez à être charitable et miséricordieuse, vous obtiendrez miséricorde (1). »
Le fait suivant appartient à l'histoire de la Compagnie de Jésus. Deux scolastiques ou jeunes religieux de cet institut faisaient leurs études au collège Romain vers la fin du XVIe siècle, les FF. Finetti et Rudolfini. Tous deux étaient des modèles de piété et de régularité ; tous deux aussi reçurent un avis du ciel, qu'ils découvrirent selon la règle au directeur de leur âme, Dieu leur avait fait con-naître leur mort prochaine et l'expiation qui leur restait à faire au purgatoire : l'un devait y rester deux ans et l'autre quatre. Ils moururent, en effet, l'un après l'autre.
Leurs frères aussitôt firent pour leurs âmes les plus ferventes prières et toutes sortes de pénitences. Ils savaient que si la sainteté de Dieu impose à ses élus de longues expiations, elles peuvent être abrégées et remises entièrement par les suffrages des vivants.
Si Dieu est sévère pour ceux qui ont reçu beaucoup de connaissances et de grâces, il est d'autre part fort indul-gent envers les pauvres et les simples, pourvu que ceux-ci le servent avec droiture et patience. — Saint Pierre Claver, de la Compagnie de Jésus, apôtre des nègres de Carthagène, connut le purgatoire de deux âmes, qui avaient vécu pauvres et humbles sur la terre : cette expiation se réduisait à quelques heures. Voici ce que nous lisons dans la vie de ce grand serviteur de Dieu (2).
Il avait engagé une vertueuse négresse, nommée Angèle, à retirer chez elle une autre, appelée Ursule, per-cluse de tous ses membres, et toute couverte de plaies. Un jour qu'il allait la visiter, comme il le faisait de temps en temps, pour la confesser et lui porter quelques petites provisions, la charitable hôtesse lui dit d'un air affligé, qu'Ursule était sur le point d'expirer. Non, non, répondit le père en la consolant, elle a encore quatre jours à vivre, et elle ne mourra que samedi. Le samedi étant arrivé, il dit la messe à son intention, et sortit pour aller la dis-poser à la mort. Après avoir été quelque temps en prière : Consolez-vous, dit-il à l'hôtesse d'un air assuré, Dieu aime Ursule, elle mourra aujourd'hui ; mais elle ne sera que trois heures en purgatoire. Qu'elle se souvienne seulement quand elle sera avec Dieu, de prier pour moi, et pour celle qui jusqu'ici lui a tenu lieu de mère. Elle mourut en effet à midi, et l'accomplissement d'une partie de la prophétie ne servit pas peu à faire ajouter foi à l'autre.
Ayant été un autre jour pour confesser une pauvre malade qu'il avait coutume de visiter, il apprit qu'elle venait d'expirer. Les parents étaient extrêmement affligés, et lui-même, qui n'avait pas cru qu'elle dût si tôt mourir, ne pouvait se consoler de ne l'avoir pas assistée dans ses derniers moments. Il se mit aussitôt en prière auprès du corps, puis se levant tout à coup d'un air serein : Une telle mort, dit-il, est plus digne de notre envie que de nos larmes : cette âme n'est condamnée qu'à vingt-quatre heures de purgatoire. Tâchons d'abréger le temps de ses peines par la ferveur de nos prières.


(1) Diario Domenic. Cf. Rossig. Merv. 100. — (2) Vie de S. Pierre Claver par le P. Fleurian.
En voilà assez sur la durée des peines. Nous voyons qu'elles se prolongent pendant des espaces effrayants ; les plus courtes même, vu leur rigueur, sont toujours lon-gues. Tâchons donc de les abréger pour les autres, de les adoucir d'avance pour nous-mêmes, ou mieux encore, de les prévenir entièrement.
Or, on les prévient en supprimant les causes. Quelles sont les causes ? quelle est la matière des expiations du purgatoire ?


Chapitre 27

Cause des peines, matière des expiations du purgatoire. —
Doctrine de Suarez. — Sainte Catherine de Gênes.

Pourquoi les âmes, avant d'être admises à voir la face de Dieu, doivent-elles ainsi souffrir ? Quelle est la matière, quel est le sujet de ces expiations ? Qu'est-ce que le feu du purgatoire doit purifier et consumer en elles ? — Ce sont, répondent les docteurs, les souillures provenant de leurs péchés.
Mais que faut-il entendre ici par souillure ? D'après la plupart des théologiens, ce n'est pas la coulpe du péché, mais la peine ou la redevance de la peine, provenant du péché.
Pour le bien comprendre, il faut se rappeler que tout péché produit en l'âme un double effet, qu'on appelle la dette (reatus) de la coulpe et celle de la peine : il rend le pécheur non seulement coupable, mais encore digne d'une peine ou châtiment. — Or, après que la coulpe est par-donnée, d'ordinaire la peine reste à subir, en tout ou en partie, et elle doit être acquittée en cette vie ou en l'autre. — Les âmes du purgatoire n'ont plus aucune souillure de coulpe : ce qu'elles avaient de coulpe vénielle au moment de leur mort, a disparu dans l'ardeur de la pure charité dont elles se sont enflammées dans l'autre vie ; mais elles portent toute la dette des peines qu'elles n'ont pas déposée avant de mourir.
Cette dette provient de toutes les fautes commises durant la vie, surtout des péchés mortels, remis, quant à la coulpe, par une sincère confession, mais qu'on a négligé d'expier par de dignes fruits de pénitence exté-rieure.
Telle est la doctrine commune, que Suarez résume ainsi dans son traité du sacrement de Pénitence (1) : « Nous concluons donc, dit-il, que tous les péchés véniels avec lesquels un homme juste vient à mourir, sont remis quant à la coulpe, au moment où l'âme se sépare du corps, en vertu d'un acte d'amour de Dieu, et de contrition parfaite, qu'elle produit alors sur toutes ses fautes passées. En effet, l'âme en ce moment connaît parfaitement son état et les péchés dont elle est coupable devant Dieu, elle est en même temps maîtresse de ses facultés pour agir ; d'autre part, du côté de Dieu, le secours le plus efficace lui est donné pour agir selon la mesure de grâce sanctifiante qu'elle possède. Il s'ensuit que, dans cette disposition parfaite, l'âme agit sans le moindre retard, se porte tout entière directement vers son Dieu, et se trouve dégagée, par un acte de souveraine détestation, de tous ses péchés véniels. Cet acte efficace et universel suffit pour les effacer quant à la coulpe. »
Toute souillure de coulpe a donc disparu ; mais la peine reste à subir dans toute sa rigueur et pour toute sa durée, à moins que les âmes ne soient aidées par les vivants. Elles ne sauraient plus obtenir aucune remise par elles-mêmes, parce que


(1) Tom. 19 De pœnit. Disput. XI, sect. 4.
le temps du mérite est passé : elles ne peuvent plus mériter, elles ne peuvent que souffrir et payer ainsi à la terrible justice de Dieu tout ce qu'elles lui doivent, jusqu'à la dernière obole : Usque ad novissimum quadrantem (1).
Ces dettes de peine sont des restes du péché, et une sorte de souillure, qui empêche la vision de Dieu et met obstacle à l’union de l'âme avec sa fin dernière. « La tache ou la coulpe du péché n'existant pas dans les âmes du purgatoire, écrit sainte Catherine de Gênes (2), il n'y a plus d'autre obstacle à leur union avec Dieu que les restes du péché dont elles doivent se purifier. Cet obstacle qu'elles sentent en elles, leur cause le supplice du dam dont je viens de parler, et retarde le moment, où l'instinct qui les porte vers Dieu comme leur souveraine béatitude, recevra sa pleine perfection. Elles voient clairement ce qu'est devant Dieu le plus petit empêchement causé par les restes du péché, et que c'est par nécessité de justice qu'il retarde le plein rassasiement de leur instinct béatifique. — De cette vue naît en elles un feu d'une ardeur extrême et semblable à celui de l'enfer, sauf la coulpe du péché. »

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:47

Chapitre 28

Matière des expiations. — Restes des péchés mortels. — Le baron Sturton. — Péchés de luxure incomplètement expiés sur la terre. — Sainte Lidvine.

Nous avons dit que le montant de la dette de peines au purgatoire provient de toutes les fautes non expiées sur la terre, mais surtout des péchés mortels, remis seulement quant à la coulpe. Or les hommes dont la vie entière se passe dans l'habitude du péché mortel et qui remettent jusqu'à la mort de se convertir, supposé que Dieu leur accorde cette grâce exceptionnelle, auront à subir, on le conçoit, des expiations épouvantables. L'exemple du baron Sturton est de nature à les faire réfléchir.
Le baron Jean Sturton, noble Anglais, était catholique au fond du coeur, bien que, pour garder ses charges à la cour, il assistât régulièrement au service protestant. Il cachait même chez lui un prêtre catholique, au prix des plus grands dangers, se promettant bien d'user de son ministère pour se réconcilier avec Dieu, à l'heure de la mort ; mais il fut surpris par un accident, et comme cela arrive souvent, par un juste décret de Dieu, il n'eut pas le temps de réaliser son voeu de conversion tardive. Cependant la divine miséricorde, tenant compte de ce qu'il avait fait pour la sainte Église persécutée, lui avait accordé la grâce de la contrition parfaite, et par suite le salut. Mais il devait payer bien cher sa coupable négli-gence.
De longues années se passèrent ; sa veuve se remaria, eut des enfants, et c'est une de ses filles, lady Arundel, qui raconte ce fait comme témoin oculaire.
« Un jour, ma mère pria le P. Corneille, jésuite de beaucoup de mérite, qui devait mourir plus tard martyr de la foi catholique (3), de célébrer la messe pour l'âme de Jean Sturton, son premier mari. Il accepta l'invitation, et étant à l'autel, entre la consécration et le Memento des morts, il s'arrêta longtemps, comme absorbé dans l'orai-son. Après la messe, dans une exhortation qu'il adressa à l'assistance, il nous fit connaître une vision qu'il venait d'avoir pendant le sacrifice. Il avait vu une forêt immense qui s'étendait devant lui, mais elle était toute en feu et ne formait qu'un vaste

(1) Matth. V, 26. — (2) Traité du purgatoire, chap. III. — (3) Il fut trahi par un serviteur de la famille Arundel et subit la mort à Dorchester en 1594.
brasier : au milieu s'agitait le Baron défunt, poussant des cris lamentables, pleurant et s'accu-sant de la vie coupable qu'il avait menée dans le monde et à la cour. Après avoir fait l'aveu détaillé de ses fautes, le malheureux avait terminé par les paroles que l'Écriture met dans la bouche de Job : Pitié, pitié ! vous au moins qui êtes mes amis, car la main du Seigneur m'a touché ! Puis il avait disparu.
» Pendant que le P. Corneille racontait ces choses, il pleurait beaucoup, et nous tous, membres de la famille, qui l'écoutions, au nombre de quatre-vingts personnes, nous pleurions tous de même ; et tout à coup, pendant que le père parlait, nous aperçûmes sur le mur auquel était adossé l'autel, comme un reflet de charbons ardents. »
Tel est le récit de lady Arundel, que l'on peut lire dans l'Histoire d'Angleterre par Daniel (1).
Sainte Lidvine vit au purgatoire une âme qui souffrait aussi pour des péchés mortels, incomplètement expiés sur la terre. Voici comment ce fait est rapporté dans la Vie de la sainte. Un homme qui avait été longtemps esclave du démon de la luxure, eut enfin le bonheur de se con-vertir. Il se confessa, en effet, avec une grande contrition ; mais prévenu par la mort, il n'eut pas le temps de satis-faire pour ses nombreux péchés par une pénitence équitable. Lidvine, qui le connaissait, priait beaucoup pour lui.
Douze ans après sa mort, elle priait encore, lorsque dans un de ces ravissements où elle était conduite par son ange gardien au purgatoire, elle entendit une voix lugubre qui sortait d'un puits profond. « C'est l'âme de cet homme, dit l'ange, pour lequel vous avez prié avec tant de fer-veur et de constance. » — Elle fut étonnée de le trou-ver encore dans ce lieu si bas douze ans après sa mort. — L'ange voyant qu'elle était profondément affectée, lui demanda si elle voulait souffrir quelque chose pour sa délivrance ? — « De tout mon coeur », répondit cette vierge charitable. — Elle souffrit donc depuis ce moment de nouvelles douleurs et des tourments affreux, qui semblaient surpasser les forces humaines. Elle les supporta cependant avec courage, soutenue par une charité plus forte que la mort ; jusqu'à ce qu'il plût à pieu de la soulager. Alors elle respira comme rendue à la vie, et en même temps elle vit cette âme pour laquelle elle avait tant souffert, sortir de l'abîme, blanche comme la neige, et prendre son vol vers le ciel.


Chapitre 29

Matière des expiations. — Mondanité. — Sainte Brigitte : la jeune personne, le soldat. — La B. Marie Villani et la dame mondaine.

Les âmes qui se laissent éblouir par les vanités du monde, si elles ont le bonheur d'échapper à la damnation, auront à subir des expiations terribles. Ouvrons les Révéla-tions de sainte Brigitte (2), qui jouissent dans l'Église d'une juste considération. On y lit au livre VI, qu'un jour la Sainte se vit transportée en esprit dans le lieu du purgatoire, et que, parmi beaucoup d'autres, elle y aperçut une jeune demoiselle de haute naissance, qui s'était aban-donnée autrefois au luxe et à la mondanité. Cette âme infortunée lui fit connaître toute sa vie et sa triste situa-tion.


(1) Liv. V, chap. 7. Cf. Rossign. Merv. 4. — (2) 8 octob.
« Heureusement, dit-elle, qu'avant la mort je me suis confessée en des dispositions suffisantes pour éviter l'enfer ; mais combien je souffre ici pour expier la vie mondaine que ma malheureuse mère ne m'a pas empêché de mener ! Hélas ! ajoutait-elle en gémissant, cette tête qui se plaisait aux parures, et qui cherchait à attirer les regards, est maintenant dévorée de flammes au-dedans et au dehors, et ces flammes sont si cuisantes qu'il me semble mourir continuellement. Ces épaules et ces bras que je faisais admirer, sont cruellement étreints dans des chaînes de fer rouge. Ces pieds jadis formés pour la danse, sont maintenant entourés de vipères qui les déchirent de leurs morsures et les souillent de leur bave immonde ; tous ces membres que je chargeais de joyaux, de fleurs, de parures diverses, sont maintenant livrés à des tortures épouvantables. Ah ! ma mère, ma mère, ajoutait cette âme, que vous avez été coupable à mon égard ! C'était vous, qui par une funeste indulgence encouragiez mes goûts de parure et de vaines dépenses ; c'était vous qui me conduisiez aux spectacles, aux festins, aux bals, à toutes ces réunions mondaines qui sont la ruine des âmes... Si je n'ai pas encouru l'éternelle damnation, c'est grâce à une miséricorde toute spéciale de Dieu, qui a touché mon coeur d'un sincère repentir. J'ai fait une bonne confession et j'ai été ainsi délivrée de l'enfer, mais pour me voir précipiter dams les plus horribles tourments du purgatoire. » — Nous avons dit déjà qu'il ne faut pas prendre à la lettre ce qui est dit des membres tourmentés, puisque l'âme est séparée de son corps ; mais Dieu, suppléant au défaut des organes corpo-rels, fait éprouver à cette âme les sensations qui viennent d'être décrites.
L'historien de la Sainte nous apprend qu'elle raconta sa vision à une cousine de la défunte, qui s'abandonnait elle aussi aux illusions de la mondanité. La cousine en fut si frappée, qu'elle renonça au luxe et aux amusements dangereux du monde pour se vouer à la pénitence dans un Ordre austère.
La même sainte Brigitte, dans une autre extase, assista au jugement d'un soldat qui venait de mourir. II avait vécu dans les vices, trop communs dans sa profession, et serait tombé en enfer ; mais la sainte Vierge, qu'il avait toujours honorée, le préserva de ce malheur, et lui obtint la grâce d'un sincère repentir. La sainte le vit donc com-paraître devant le tribunal de Dieu, et condamner à un long purgatoire pour les péchés de toutes sortes qu'il avait commis. « La peine des yeux, dit le Juge, sera de contempler des objets affreux ; celle de la langue, d'être percée de pointes aiguës et tourmentée de la soif ; celle du toucher, d'être plongé dans un océan de feu. » — La sainte Vierge intervint alors et obtint quelque adou-cissement à la rigueur de cette sentence.
Citons encore un exemple des châtiments réservés aux mondains dans le purgatoire, lorsqu'ils ne sont pas, comme le mauvais riche de l'Évangile, ensevelis dans l'enfer. La B. Marie Villani, religieuse dominicaine (1), avait une dévotion très vive pour les âmes, et maintes fois elles se firent voir à elle, soit pour la remercier, soit pour réclamer ses prières et ses bonnes oeuvres. Comme elle priait un jour à leur intention avec une grande fer-veur, elle fut transportée en esprit au lieu de l'expiation. Parmi les âmes qui y souffraient, elle en vit une plus cruellement tourmentée que les autres, au milieu de flam-mes horribles qui l'enveloppaient tout entière. Émue de compassion, la servante de Dieu interrogea cette âme. « Je suis ici, répondit-elle, depuis très-longtemps, punie pour mes vanités et mon luxe scandaleux. Jusqu'à cette heure, je n'ai pas obtenu le moindre soulagement. Quand j'étais sur la terre, occupée de ma toilette, de mes plaisirs, des fêtes et des joies mondaines, je ne songeais que bien peu à mes devoirs de chrétienne, et ne m'en acquittais qu'avec lâcheté. Ma seule préoccupation sérieuse était d'accroître le renom et la fortune des

(1) Sa Vie, par Marchi, 1. Il, c. 5. Cf. Merv. 41
miens. Or voyez comme j'en suis punie : ils ne m'accordent pas un souvenir : mes parents, mes enfants, mes amis les plus intimes d'autrefois, tous m'ont oubliée. »
Marie Villani pria cette âme de lui faire sentir quelque chose de ce qu'elle endurait ; et il lui sembla aussitôt qu'un doigt de feu la touchait au front, la douleur qu'elle en éprouva la fit aussitôt sortir d'extase. Or, la marque lui en resta, si profonde et si douloureuse, que deux mois après on la voyait encore, et que la sainte religieuse en souffrait cruellement. Elle endura cette douleur en esprit de pénitence en faveur de la défunte qui s'était manifestée à elle, et au bout d'un certain temps, cette âme vint annoncer elle-même sa délivrance.

Chapitre 30

Matière des expiations. — Péchés de la jeunesse. —
Sainte Catherine de Suède et la princesse Gida

Souvent les bons chrétiens ne songent pas assez à faire pénitence pour les péchés de leur jeunesse : il faudra qu'ils les expient un jour par les rigoureuses pénitences du purgatoire. C'est ce qui arriva à la princesse Gida, belle-fille de sainte Brigitte, comme on peut le lire dans les Actes des Saints, 24 mars, Vie de sainte Catherine (1).
Sainte Brigitte se trouvait à Rome avec sa fille, sainte Catherine, lorsque celle-ci vit lui apparaître l'esprit de Gida dont elle ignorait la mort. Se trouvant un jour en prière dans l'antique basilique du Prince des Apôtres, Catherine aperçut devant elle une femme, vêtue d'une robe blanche et d'un manteau noir, qui venait lui deman-der des prières pour une défunte. « C'est une de vos compatriotes, ajouta-t-elle, qui a besoin qu'on s'intéresse à son âme. — Son nom ? demanda la sainte. — C'est la princesse Gida, de Suède, femme de votre frère Charles. » — Catherine pria alors l'étrangère de l'accompagner chez sa mère Brigitte, pour lui annon-cer cette triste nouvelle. — « Je suis chargée d'un message pour vous seule, dit l'inconnue, et il ne m'est pas permis de faire d'autres visites, car je dois repartir aussitôt. Du reste, vous n'avez pas à douter de la vérité du fait : dans quelques jours arrivera un autre envoyé de Suède, vous apportant la couronne d'or de la princesse Gida. Elle vous l'a léguée par testament, pour s'assurer le secours de vos prières ; mais accordez-lui ce charitable secours dès à présent, car elle en a un pressant besoin. » — En achevant ces mots, elle s'éloigna.
Catherine voulut la suivre, mais il lui fut impossible de la retrouver, bien que son costume la fît distinguer facilement ; elle interrogea ceux qui priaient dans l'église : personne n'avait vu cette étrangère. — Frappée et sur-prise de cette rencontre, elle s'empressa de retourner auprès de sa mère et lui raconta ce qui lui était arrivé. — Sainte Brigitte répondit en souriant : « C'est votre belle-soeur Gida elle-même, qui vous est apparue. Notre-Seigneur a daigné me faire tout connaître par révélation. La chère défunte est morte dans des sentiments de piété consolants : c'est ce qui lui .a valu la faveur de venir auprès de vous, implorer des prières. Elle a encore à expier les nombreuses fautes de sa jeunesse : faisons donc toutes deux ce qui est en notre pouvoir pour la soulager. La couronne d'or qu'elle vous envoie, nous en fait une obligation plus pressante. »


(1) Cf. Merv. 85.
Quelques semaines après, un officier de la cour du prince Charles arriva à Rome, apportant la couronne, et ce qu'il croyait être la première nouvelle du trépas de la princesse Gida. La couronne qui était fort belle fut ven-due, et le prix employé en messes et bonnes oeuvres, pour le soulagement de la défunte.

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:48

Chapitre 31

Matière des expiations. — Le scandale donné —
Peinture indécente. — Le Père Zucchi et la novice.

Ceux qui ont eu le malheur de donner mauvais exem-ple, et de perdre ou de blesser les âmes par le scandale, doivent prendre garde de tout réparer en ce monde, s'ils ne veulent avoir à subir une terrible expiation en l'autre. Ce n'est pas en vain que Jésus-Christ s'est écrié : Malheur au monde à cause de ses scandales ! Malheur à celui par qui le scandale arrive ! (1)
Voici ce que rapporte le P. Rossignoli dans ses Merveilles du purgatoire (2). Un peintre de grand talent, d'une vie exemplaire d'ailleurs, avait fait autrefois un tableau peu conforme aux lois sévères de la modestie chrétienne. C'était une de ces malheureuses peintures, que sous prétexte d'art, on trouve quelquefois dans les meilleures familles et dont la vue cause la perte de tant d'âmes. L'art véritable est une inspiration du ciel, qui élève l'âme vers Dieu ; le génie réaliste qui ne s'adresse qu'aux sens, qui ne présente aux yeux que des beautés de chair et de sang, n'est qu'une inspiration de l'esprit immonde : ses oeuvres, brillantes peut-être, ne sont pas des œuvres d'art, c'est faussement qu'on les décore de ce nom ; ce sont des productions infâmes d'une imagination dévergondée. — Le peintre dont nous parlons, avait cédé sur ce point à l'entraînement du mauvais exemple. Bien-tôt cependant, renonçant à ce mauvais genre, il s'était astreint à ne faire plus que des tableaux religieux ou du moins parfaitement irréprochables.
En dernier lieu, il venait de peindre un grand tableau dans un couvent de Carmes déchaussés, quand il fut atteint d'une maladie mortelle. Se sentant mourir, il demanda au père Prieur la faveur d'être enterré dans l'église du monastère, et légua à la communauté le prix assez élevé de son travail, à la charge de célébrer des messes pour son âme.
Il mourut pieusement, et quelques jours se passèrent, lorsqu'un religieux, qui était resté au choeur après les matines, le vit apparaître au milieu des flammes et poussant des gémissements douloureux. — « Eh quoi ! dit-il, mon frère, vous avez de telles peines à endurer, après une vie si chrétienne et une mort si sainte ? — Hélas ! répondit-il, c'est à cause d'un mauvais tableau que j'ai peint autrefois. Lorsque j'ai comparu au tribunal du Souverain Juge une foule d'accusateurs y sont venus déposer contre moi : ils déclaraient avoir été excités à de mauvaises pensées et à de mauvais désirs par une peinture immodeste due à mon pinceau. Par suite de ces pensées mauvaises les uns étaient au purgatoire, les autres en enfer. Ces derniers demandaient vengeance, disant que, étant cause de leur perte éternelle, je méritais au moins le même châtiment. — Alors la sainte
(1) Matth. XVIII, 7. — (2) Merv. 24.
p.120 fin

p.121
Vierge et les Saints que j'ai glorifiés par mes peintures ont pris ma défense : ils ont représenté au Juge que cette malheureuse toile était une oeuvre de jeunesse, dont je m'étais repenti, que je l'avais réparée plus tard par une foule de tableaux religieux, qui avaient été pour les âmes une source d'édification.
» En présence de ces raisons de part et d'autre le Souverain Juge a déclaré que, à cause de mon repentir et de mes bonnes oeuvres, je serais exempt de la damnation éternelle ; mais en même temps il m'a condamné à souffrir dans ces flammes, jusqu'à ce que la maudite peinture soit brûlée, de manière à ne plus scandaliser personne. »
En conséquence, le pauvre patient pria le religieux Carme de faire des démarches pour que le tableau fût détruit. « Je vous en prie, ajouta-t-il, allez de ma part chez un tel, propriétaire du tableau ; dites-lui en quel état je me trouve, pour l'avoir peint en cédant à ses instances, et conjurez-le d'en faire le sacrifice. S'il refuse, malheur à lui ! Au reste, pour montrer que tout ceci n'est pas une illusion, et pour le punir lui-même de sa faute, dites-lui qu'avant peu il perdra ses deux enfants. S'il refuse d'obéir aux ordres de Celui qui nous a créés l'un et l'autre, il le payera d'une mort prématurée. »
Le religieux ne tarda pas à faire ce que la pauvre âme lui demandait, et se rendit chez le possesseur du tableau. Celui-ci en apprenant ces choses, saisit la toile et la jeta au feu. Néanmoins, selon la parole du défunt, il perdit en moins d'un mois ses deux enfants. Le reste de ses jours, il s'appliqua à faire pénitence du mal qu'il avait commis en commandant et en conservant chez lui cette mauvaise peinture.
Si telles sont les conséquences d'un tableau immodeste, comment seront punis les scandales, autrement désas-treux des mauvais livres, des mauvais journaux, des mauvaises écoles et des mauvaises conversations ? Voe mundo a scandalis ! Voe homini illi per quem scandalum venit ! Malheur au monde, à cause de ses scandales ! Mal-heur à l'homme par qui le scandale arrive ! (1)
Le scandale exerce de grands ravages dans les âmes par la séduction de l'innocence. Ah ! les maudits séducteurs ! Ils rendront à Dieu un compte terrible du sang de leurs victimes. Voici ce que nous lisons dans l'historien Daniel Bartoli, de la Compagnie de Jésus, Vie du Père Nicolas Zucchi (2).
Le saint et zélé père Zucchi, qui mourut à Rome le 21 mai 1670, avait engagé dans les voies de la perfection trois jeunes personnes, qui se consacrèrent à Dieu dans le cloître. L'une d'elles, avant de quitter le monde, avait été recherchée en mariage par un jeune seigneur. Après qu'elle fut entrée au noviciat, ce gentilhomme, au lieu de respecter une vocation si sainte, n'en continua pas moins d'adresser des lettres à celle qu'il voulait appeler sa fiancée, l'invitant à quitter, comme il disait, le triste service de Dieu, pour se reprendre aux joies de la vie. Le Père le rencontrant un jour dans la rue, le supplia de cesser de telles poursuites : « Je vous assure, ajouta-t-il, qu'avant peu vous paraîtrez au tribunal de Dieu, et qu'il est grand temps pour vous de vous y préparer par une sincère pénitence. »
En effet, quinze jours après, ce jeune homme mourut, enlevé par une prompte mort, qui lui laissa peu de temps pour mettre ordre à sa conscience, en sorte qu'on devait tout craindre pour son salut.
Un soir que les trois novices s'entretenaient ensemble des choses de Dieu, on vint appeler la plus jeune au par-loir. Elle y trouva un homme, enveloppé dans un large manteau, qui se promenait à grands pas. — « Monsieur, dit-elle, qui êtes-vous ? et pourquoi m'avez-vous fait demander ? » — L'étranger, sans répondre, s'approche, et écarte le manteau mystérieux qui le couvre. La reli-gieuse alors reconnaît le malheureux défunt, et voit avec effroi qu'il est tout entouré de liens de feu, qui le serrent au cou, aux poignets, aux genoux et aux chevilles des pieds. Priez pour moi ! s'écria-t-il, et il disparut.
(1) Matth. XVIII. 7. — (2) Cf. Merv. 97.
Cette manifestation miraculeuse montrait que Dieu avait eu pitié de lui au dernier moment, qu'il n'était pas damné, mais qu'il payait ses essais de séduction par un horrible purgatoire.

Chapitre 32

Matière des expiations. — La vie de plaisir, la recherche du bien-être. — La vénérable Françoise de Pampelune, et l'homme du monde. — Sainte Élisabeth et la reine sa mère.

Il y a de nos jours beaucoup de chrétiens, totalement étrangers à la croix et à la mortification de Jésus-Christ. Leur vie molle et sensuelle n'est qu'un enchaînement de plaisirs ; ils ont peur de tout ce qui est sacrifice : à peine observent-ils les strictes lois du jeûne et de l'abstinence prescrites par l'Église. Puisqu'ils ne veulent se soumettre à aucune pénitence en ce monde, qu'ils songent bien à celle qui leur sera imposée en l'autre. Il est certain que dans cette vie mondaine on ne fait qu'accumuler des dettes ; la pénitence étant absente, on n'en paye aucune, et l'on arrive à un total qui effraye l'imagination. La véné-rable servante de Dieu Françoise de Pampelune, qui fut favorisée de plusieurs visions sur le purgatoire, vit un jour un homme du monde, quoiqu'il eût été assez bon chrétien d'ailleurs, passer cinquante-neuf ans dans les expiations, à cause de sa recherche du bien-être. — Un autre y passa trente-cinq ans pour la même raison ; et un troisième, qui avait eu en plus la passion du jeu, y demeura soixante-quatre ans. — Hélas, ces chrétiens malavisés ont laissé subsister toutes leurs dettes devant Dieu, et ce qu'ils auraient pu acquitter facilement avec quelques oeuvres de pénitence, ils l'ont dû payer après par des années de supplices.
Si Dieu se montre sévère envers les riches et les heureux du siècle, il ne le sera pas moins envers les princes, les magistrats, les parents, et généralement tous ceux qui ont charge d'âmes et autorité sur les autres. Un jugement sévère, dit-il lui-même, attend les supérieurs (1).
Laurent Surius rapporte (2) comment une illustre Reine rendit après sa mort témoignage à cette vérité. Dans la Vie de sainte Élisabeth (3), duchesse de Thuringe, il est dit que cette servante de Dieu perdit sa mère Gertrude, reine de Hongrie, vers l'an 1220. En fille chrétienne et sainte, elle fit des aumônes considérables, redoubla ses mortifi-cations et ses prières, épuisa toutes les ressources de sa charité pour le soulagement de cette âme si chère. Dieu lui fit connaître qu'elle n'en faisait pas trop. Une nuit la défunte lui apparut, le visage triste et défait : elle se mit à genoux auprès de son lit, et lui dit en pleurant : « Ma fille, vous voyez à vos pieds votre mère accablée de douleur. Je viens vous supplier de multiplier vos suffrages, afin que la divine miséricorde me délivre des tourments épouvantables que j'endure. Oh ! que ceux-là sont à plaindre qui exercent l'autorité sur les autres ! J'expie maintenant les fautes que j'ai commises sur le trône. O ma fille, au nom des angoisses que j'ai endurées pour vous mettre au monde, au nom des soins et des veilles que m'a coûté votre éducation, je vous conjure de me délivrer de mes supplices. » — Elisabeth profondément émue, se lève aussitôt, prend une sanglante discipline et supplie le Seigneur avec larmes de faire miséricorde à sa mère Gertrude, déclarant qu'elle ne cesserait de prier qu'elle n'eût obtenu sa délivrance. — Elle fut exaucée en effet, comme elle en reçut bientôt l'assurance.


(1) Sap. VI, 6. — (2) Cf. Merv. 93. — (3) 19 nov.
Remarquons que dans l'exemple précédent il ne s'agit que d'une reine ; combien plus sévèrement seront traités les rois, les magistrats, tous les supérieurs dont la responsabilité et l'influence sont bien plus grandes ?

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:49

Chapitre 33

Matière des expiations. — La tiédeur. — Saint Bernard et le religieux de Citeaux. — La vénérable mère Agnès et la soeur de Haut-Villars. — Le P. Seurin et la religieuse de Loudun.

Les bons chrétiens, les prêtres, les religieux, qui veu-lent servir Dieu de tout leur coeur, doivent bien se garder de l'écueil de la tiédeur et de la négligence. Dieu veut être servi avec ferveur : ceux qui sont tièdes et noncha-lants soulèvent son dégoût ; il va jusqu'à menacer de sa malédiction celui qui fait négligemment les choses saintes. C'est assez dire qu'il punira sévèrement en purgatoire toute négligence en son service.
Parmi les disciples de saint Bernard qui embaumaient par leur sainteté la célèbre vallée de Clairvaux, il s'en trouva un, dont la négligence contrastait tristement avec la ferveur de ses frères. Malgré son double caractère de prêtre et de religieux, il s'était laissé aller à une déplora-ble tiédeur. Le moment de mourir arriva et il fut appelé devant Dieu, sans qu'il eût donné des preuves d'amende-ment.
Pendant qu'on chantait la messe de ses funérailles, un religieux de la communauté, vieillard d'une vertu peu commune, connut par une lumière intérieure que son âme, sans être damnée, était dans le plus malheureux état. — La nuit suivante, le défunt lui apparut en personne, dans un extérieur misérable et profondément désolé : « Hier, lui dit-il, vous avez eu connaissance de mon malheureux état, voyez maintenant les tortures auxquelles je suis livré en punition de ma coupable tiédeur. » — II con-duisit alors le vieillard au bord d'un puits, large et profond, tout rempli de fumée et de flammes : « Voici le lieu, ajouta-t-il, où les ministres de la divine justice ont ordre de me tourmenter : ils ne cessent de me précipiter dans ce gouffre, et m'en retirent aussitôt après, pour m'y précipiter de nouveau, sans m'accorder un instant de trêve ou de repos. »
Le lendemain matin, ce religieux alla trouver saint Bernard pour lui faire part de sa vision. Le saint abbé, qui avait eu une apparition semblable, y vit un avis du ciel, donné à sa communauté. Il convoqua aussitôt le chapitre, et les larmes aux yeux raconta la double vision, exhortant ses religieux à secourir par de charitables suffrages leur pauvre frère défunt, et à profiter de ce triste exemple pour se conserver dans la ferveur et pour éviter les moindres négligences dans le service de Dieu (1).
Le fait suivant est rapporté par M. de Lantages, dans la Vie de la vénérable Mère Agnès de Langeac, religieuse dominicaine (2). Tandis que cette servante de Dieu priait dans le choeur, une religieuse qu'elle ne connaissait pas parut tout d'un coup devant elle, misérablement habillée et avec un visage fort triste. Elle la considérait avec étonnement, se demandant qui cela pouvait être, lors-qu'elle entendit une voix qui lui dit distinctement : C'est la soeur de Haut-Villars.
Cette soeur de Haut-Villars était une religieuse du monastère du Puy, décédée il y avait plus de dix ans. L'apparition ne disait mot, mais témoignait assez par son triste maintien le grand besoin qu'elle avait d'être secourue. La mère Agnès le comprenait parfaitement, et commença dès ce jour à faire pour elle les plus ferventes prières. La

(1) Rossign. Merv. 47. — (2) 19 octob.
défunte ne se contenta pas de cette première visite : elle continua à lui apparaître durant plus de trois semaines, presque partout et en tout temps, surtout après la communion et l'oraison, marquant toujours ses souf-frances par la douloureuse expression de son visage.
Agnès, par le conseil de son confesseur, sans parler à personne de l'apparition, demanda à sa Prieure que la communauté fît des prières extraordinaires pour les défunts à son intention. Comme malgré ces prières l'appa-rition revenait toujours, elle conçut de grandes craintes que ce ne fût une illusion. Dieu daigna la tirer de cette peine : il fit clairement connaître à sa charitable ser-vante par la voix de son ange gardien que c'était véritablement une âme du purgatoire, et qu'elle souffrait ainsi pour sa tiédeur au service de Dieu. — Depuis le moment de ces paroles, les apparitions cessèrent, et on ne put savoir combien de temps encore cette infortunée demeura au purgatoire.
Citons un autre exemple bien propre à stimuler la fer-veur des pieux fidèles. Une sainte religieuse, nommée Marie de l'Incarnation, du monastère des Ursulines de Loudun apparut quelque temps après sa mort à sa Supé-rieure, femme d'intelligence et de mérite, qui en écrivit les détails au Père Surin de la Compagnie de Jésus. Sa lettre se trouve insérée dans la correspondance de ce Père. « Le six novembre, lui écrivait-elle, entre trois et quatre heures du matin, la Mère de l'Incarnation s'est présentée à moi avec un visage très-doux, qui paraissait plus humilié que souffrant : je vis bien cependant qu'elle souffrait beaucoup.
» D'abord, en la voyant auprès de moi, j'eus une grande frayeur ; mais comme elle n'avait rien d'effrayant en elle-même, je me rassurai bientôt. Je lui demandai en quel état elle était, et si nous pouvions lui rendre quelque ser-vice ? — Elle répondit : « Je satisfais à la justice divine dans le purgatoire. » — Je la priai de me dire ce qui l'y retenait. — Alors, poussant un profond soupir, elle répondit : « Ce sont plusieurs négligences aux exercices communs ; une certaine faiblesse que j'ai eue à me laisser entraîner par l'exemple des religieuses imparfaites ; enfin et surtout, l'habitude où j'ai été de retenir par devers moi des choses dont je n'avais pas la permission de disposer, et de m'en servir selon mes besoins et mes inclinations naturelles. Oh! si l'on savait, continua la bonne mère, le mal que l'on fait à son âme en ne s'appliquant pas à la perfection, et combien durement on devra expier un jour les satisfactions qu'on se donne contre les lumières de la conscience ; on aurait une autre ardeur à se faire violence pendant la vie ! Ah ! Dieu voit les choses d'un autre oeil que nous, il les juge autrement. »
» Je lui demandai de nouveau si nous pouvions lui être de quelque utilité pour abréger ses souffrances ? — Elle me répondit : « Je désire voir et posséder Dieu ; mais je suis contente de satisfaire à sa justice, tant qu'il lui plaira.» — Je la priai de me dire si elle souffrait beau-coup ? — « Mes douleurs répondit-elle, sont incompréhensibles à ceux qui ne les sentent pas. » — En disant ces mots, elle s'approcha de mon visage, comme pour pren-dre congé de moi : or il me sembla que c'était un charbon de feu qui me brûlait, quoique son visage ne touchât point au mien ; et mon bras, ayant un peu frisé sa manche, se trouva brûlé : j'y ressentis une vive douleur. »
Un mois après elle apparut de nouveau à cette même Supérieure pour lui annoncer sa délivrance.


Chapitre 34

Matière des expiations. — Négligence dans la sainte Communion. — Louis de Blois. — Sainte Madeleine de Pazzi et la défunte en adoration.

A la tiédeur se rattache la négligence à se préparer au banquet Eucharistique. Si l’Église ne cesse d'appeler ses enfants à la Table sainte, si elle désire qu'ils communient fréquemment, elle entend toujours qu'ils le fassent avec la piété et la ferveur que demande un si grand mystère. Toute négligence volontaire dans une action si sainte, est une offense à la sainteté de Jésus-Christ, offense qui devra être réparée par une juste expiation. Le vénérable Louis de Blois, dans son Miroir spirituel, parle d'un grand serviteur de Dieu, qui apprit par voie surnaturelle com-bien sévèrement ces sortes de fautes sont punies dans l'autre vie. Il reçut la visite d'une âme du purgatoire, implorant son secours au nom de l'amitié qui les avait unis autrefois : elle endurait, disait-elle, de cruels tour-ments pour la négligence avec laquelle elle s'était prépa-rée à recevoir la sainte Eucharistie, pendant les jours de son pèlerinage. Elle ne pouvait être délivrée que par une communion fervente, qui compensât sa tiédeur passée. — Son ami s'empressa de la satisfaire, fit une commu-nion avec toute la pureté de conscience, avec toute la foi, avec toute la dévotion possible ; et alors il vit la sainte âme lui apparaître brillante d'un incomparable éclat, et montant au ciel (1).
L'an 1589, au monastère de Sainte-Marie-des-Anges à Florence, mourut une religieuse très-estimée de ses sœurs ; mais qui apparut bientôt à sainte Madeleine de Pazzi, pour implorer son secours dans le rigoureux purgatoire auquel elle était condamnée. La sainte était en prière devant l'autel du Saint-Sacrement, lorsqu'elle aperçut la défunte agenouillée au milieu de l'église, dans l'acte d'une adoration profonde, et dans un état étrange. Elle avait autour d'elle un manteau de flammes qui sem-blaient la consumer ; mais une robe blanche dont son corps était couvert, la protégeait en partie de l'action du feu. Madeleine étonnée, désira savoir ce que signifiait cette apparition, et il lui fut répondu que cette âme souf-frait ainsi, pour avoir eu trop peu de dévotion envers l'auguste Sacrement : malgré les prescriptions et les saintes coutumes de son Ordre, elle n'avait communié que rarement et avec négligence ; c'est pourquoi la divine justice l'avait condamnée à venir chaque jour adorer la sainte Eucharistie et subir le tourment du feu aux pieds de Jésus-Christ. Toutefois, en récompense de sa pureté virginale, représentée par la robe blanche, le divin Époux avait grandement mitigé ses souffrances.
Telle fut la connaissance que le Seigneur donna à sa servante. Elle en fut profondément touchée et s'efforça d'aider la pauvre âme par tous les suffrages en son pou-voir. Elle raconta souvent cette apparition, et s'en servit pour exhorter ses filles spirituelles au zèle pour la sainte communion (2).

(1) Merv. 44. — (2) Cepari, Vie de sainte Mad. de Pazzi. Cf. Rossign. Merv. 84.
p.131fin
p.131

Chapitre 35

Matière des expiations. — Manque de respect dans la prière. — La Mère Agnès de Jésus et la soeur Angélique. — Saint Séverin de Cologne. — La vénérable Françoise de Pampelune et les prêtres — Le Père Streit S. J.

Nous devons traiter saintement les choses saintes : toute irrévérence dans les exercices religieux déplaît sou-verainement au Seigneur. Quand la vénérable Agnès de Langeac, dont nous avons parlé plus haut, était Prieure de son couvent, elle recommandait beaucoup à ses reli-gieuses le respect et la ferveur dans tous leurs rapports avec Dieu, leur rappelant cette parole de l'Écriture : Maudit celui qui fait l'oeuvre de Dieu négligemment ! — Une soeur de la communauté, appelée Angélique, vint à mourir et la pieuse Supérieure priait près de son tombeau, lors-qu'elle vit soudain devant elle la soeur défunte, en habit de religieuse ; elle sentit en même temps comme une flamme ardente qu'on lui portait au visage. La soeur Angé-lique la remercia de ce qu'elle l'avait stimulée à la ferveur, et en particulier de ce que souvent pendant sa vie, elle lui avait répété cette parole des saints Livres : Maudit soit celui qui fait l'oeuvre de Dieu négligemment ! — « Continuez, ma Mère, ajouta-t-elle, à porter les soeurs à la ferveur : qu'elles le servent avec une diligence suprême et qu'elles l'aiment de tout leur cœur, de toute la puissance de leur âme. Si on pouvait comprendre combien rigoureux sont les tourments du purgatoire, on ne pourrait se laisser aller à la moindre négligence. »
L'avertissement qui précède regarde surtout les prêtres, dont les rapports avec Dieu sont continuels et plus subli-mes : qu'ils s'en souviennent toujours et ne l'oublient jamais, soit qu'ils offrent à Dieu l'encens de la prière, soit qu'ils dispensent les trésors divins des sacrements, soit qu'ils célèbrent à l'autel les mystères du corps et du sang de Jésus-Christ. Voici ce que rapporte saint Pierre Damien, dans sa Lettre XIV à Desiderius (1).
Saint Séverin, archevêque de Cologne (2), édifiait son église par l'exemple de toutes les vertus : sa vie tout apos-tolique, ses grands travaux pour l'accroissement du règne de Dieu dans les âmes, devaient lui mériter les honneurs de la canonisation. Néanmoins, après sa mort, il apparut à un des chanoines de sa cathédrale pour demander des prières. Comme ce digne prêtre ne pouvait comprendre qu'un saint prélat, tel qu'il avait connu Séverin, eût besoin de prières dans l'autre vie : « Il est vrai, répondit le défunt, Dieu m'a fait la grâce de le servir de tout mon coeur, et de travailler longtemps à sa vigne ; mais je l'ai offensé souvent par la manière trop pressée dont j'ai récité le saint Office. Les affaires et les préoccupations de chaque jour m'absorbaient tellement, que lorsque venait l'heure de la prière, je m'acquittais de ce grand devoir sans assez de recueillement, et quelquefois à d'autres heures que celles fixées par l'Église. En ce moment j'expie ces infidélités, et Dieu me permet de venir réclamer vos prières. » — L'histoire ajoute que Séverin fut six mois au purgatoire pour cette seule faute.
La vénérable soeur Françoise de Pampelune, mention-née plus haut, vit un jour au purgatoire un pauvre prêtre dont les doigts étaient rongés d'ulcères hideux. Il était ainsi puni pour avoir fait à l'autel les signes de croix avec trop de légèreté, et sans la gravité nécessaire. — Elle disait que, pour l'ordinaire, les prêtres restent au pur-gatoire plus longtemps que les laïcs, et que l'intensité de leurs tourments est proportionnée à leur dignité. Dieu lui fit connaître le sort de plusieurs prêtres défunts : l'un d'eux resta quarante ans dans les souffrances pour avoir laissé mourir, par sa négligence, une personne sans sacrements ; un autre y resta quarante-cinq ans pour avoir rempli avec une certaine légèreté les sublimes fonctions de son ministère ; un Évêque, que sa

(1) Cf. Merv. 37. — (2) 23 octob.
libéralité avait fait surnommer l'aumônier, y demeura cinq ans pour avoir un peu ambitionné sa dignité ; un autre, qui n'était pas si charitable, y demeura quarante ans pour la même cause (1).
Dieu veut que nous le servions de tout notre coeur et que nous évitions, autant que le comporte la fragilité humaine, jusqu'aux moindres imperfections ; mais le soin de lui plaire et la crainte de lui déplaire doivent être accompagnés d'une humble confiance en sa miséricorde. Jésus-Christ nous a recommandé d'écouter ceux qu'il a établis en sa place pour diriger nos âmes, comme nous l'écouterions lui-même, et d'acquiescer à la parole du supérieur ou du confesseur avec une entière confiance. Un excès de crainte devient alors une offense à sa misé-ricorde.
Le 12 novembre 1643 mourut au noviciat de Brünn en Bohême, le père Philippe Streit, de la Compagnie de Jésus, religieux d'une grande sainteté. Il faisait tous les jours l'examen de sa conscience avec le plus grand soin, et acquit par ce moyen une grande pureté d'âme. Quelques heures après sa mort, il apparut glorieux à un père de son Ordre, le vénérable Martin Strzeda : « Une seule faute, lui dit-il, l'empêcha de monter droit au ciel et le retint huit heures en purgatoire, ce fut de n'avoir pas cru avec un assez plein abandon, les paroles de son supérieur, qui, à son lit de mort, s'efforçait de calmer ses dernières inquiétudes de conscience, et dont il aurait dû regarder plus parfaitement l'assurance comme la voix même de Dieu. »

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:50

Chapitre 36

Matière des expiations et châtiments. — L'immortification des sens. —
Le Père François d'Aix. — Immortification de la langue. — Durand.

Les chrétiens qui veulent éviter les rigueurs du purga-toire, doivent aimer la mortification de leur divin Maître et se garder d'être des membres délicats sous un Chef couronné d'épines. Le 10 février de l'an 1656, dans la province de Lyon de la Compagnie de Jésus, le père Fran-çois d'Aix passa à une vie meilleure. Il porta à un haut degré de perfection la pratique de toutes les vertus reli-gieuses. Pénétré d'une profonde vénération envers la très-sainte Trinité, il avait pour intention particulière dans toutes ses oraisons et ses mortifications, d'honorer cet auguste mystère. Son attrait particulier le portait à embrasser de préférence les oeuvres pour lesquelles les autres montraient moins d'inclination. Il visitait souvent le Saint-Sacrement, même pendant la nuit, et ne retour-nait jamais de la porte à sa chambre sans aller faire une prière au pied de l'autel. Ses pénitences, en quelque sorte excessives, lui firent donner le nom d'homme de douleurs. Il répondit à quelqu'un qui l'engageait à les modérer : Le jour que j'aurais passé sans répandre quel-ques gouttes de mon sang pour l'offrir au Seigneur, serait pour moi plus pénible que la plus rude mortification. Puis-que je ne puis espérer de souffrir le martyre pour l'amour de Jésus-Christ, je veux au moins avoir quelque part à ses douleurs.
Un autre religieux, Frère coadjuteur du même Ordre, n'imitait pas l'exemple du père d'Aix. Il n'aimait guère la mortification, cherchait au contraire ses aises, ses com-modités et tout ce qui flattait les sens. Ce Frère étant venu à mourir, apparut au père d'Aix, quelques jours après sa mort, le corps couvert d'un affreux cilice et souffrant de grands tourments, en punition des fautes de sensualité qu'il avait commises dans le cours de sa vie. Il réclama le secours de ses prières et disparut aussitôt.
(1) Vie de la vénér. Mère Franç. Cf. Merv. 26.
Un autre défaut, dont on doit bien se garder parce qu'on y tombe facilement, c'est l'immortification de la langue. Oh ! qu'il est facile de faillir dans les paroles ! Qu'il est rare de parler longtemps sans proférer quelques mots contraires à la douceur, à l'humilité, à la sincérité, à la charité chrétienne ! Les personnes pieuses même sont souvent sujettes à ces fautes : quand elles ont échappé à toutes les autres ruses du démon, elles se laissent pren-dre, dit saint Jérôme, dans un dernier piège, la médi-sance. Écoutons ce que rapporte Vincent de Beauvais (1).
Lorsque le célèbre Durand, qui, au onzième siècle, illustra l'Ordre de saint Benoît, était encore simple reli-gieux, il se montrait un modèle de régularité et de fer-veur ; mais il avait un défaut. La vivacité de son esprit le portait à trop parler : il aimait à l'excès le mot pour rire, souvent aux dépens de la charité. Hugues, son abbé, lui fit des représentations à cet égard, lui prédisant même, que, s'il ne se corrigeait pas, il aurait certainement à souffrir dans le purgatoire de ces jovialités déplacées.
Durand n'attacha pas assez d'importance à ces avis, et continua à s'abandonner sans beaucoup de retenue au dérèglement de sa langue. Après sa mort, la prédiction de l'abbé Hugues se réalisa. Durand apparut à un reli-gieux de ses amis, le suppliant de l'aider de ses prières, parce qu'il était cruellement puni de l'intempérance de son langage. A la suite de cette apparition, la commu-nauté se réunit, on convint de garder, pendant huit jours, un rigoureux silence, et de pratiquer d'autres bonnes oeuvres, pour soulager le défunt. Ces charitables prières produisirent leur effet : à quelque temps de là, Durand apparut de nouveau pour annoncer sa délivrance.

Chapitre 37

Matière des expiations. — Intempérance de la langue. — Le religieux dominicain. — Les soeurs Gertrude et Marguerite. — Saint Hugues de Cluni et l'infracteur du silence.

Nous venons de voir comment on expie en purgatoire l'inconsidération dans les paroles. Le P. Rossignoli parle d'un religieux Dominicain qui encourut les châtiments de la divine justice pour un défaut semblable. Ce reli-gieux, prédicateur plein de zèle, une gloire de son Ordre, apparut après sa mort à un de ses frères à Cologne : il était couvert de vêtements magnifiques, portait une cou-ronne d'or sur la tête ; mais sa langue était cruellement tourmentée. Ces ornements représentaient la récompense de son zèle pour les âmes, et de sa parfaite exactitude pour tous les points de sa règle. Cependant sa langue endurait des tourments, parce qu'il n'avait pas assez veillé sur ses paroles, et que son langage n'avait pas toujours été digne des lèvres sacrées d'un prêtre et d'un religieux.
Le trait suivant est tiré de Césaire (2). Dans un monas-tère de l'Ordre de Citeaux, dit cet auteur, vivaient deux jeunes religieuses, nommées soeur Gertrude et soeur Mar-guerite. La première, quoique d'ailleurs vertueuse, ne veillait pas suffisamment sur sa langue, elle se permet-tait fréquemment de manquer au silence prescrit, quel-quefois même dans le choeur, avant et après l'office. Au lieu de se recueillir avec respect dans le lieu saint et de préparer son coeur à la prière, elle se dissipait en adressant à soeur Marguerite placée à côté d'elle, des paroles inutiles ; en sorte que, outre la violation de sa règle et le manque de piété, elle était pour sa compagne un sujet de scandale. Elle


(1) Specul. historiale 1. 26. c. 5. Cf. Merv. 37. — (2) Dial. de miraculis
mourut étant encore jeune ; et voilà que peu de temps après sa mort, soeur Marguerite venant à l'office, la voit venir aussi et s'asseoir dans la stalle qu'elle occupait de son vivant.
A cette vue, la sœur fut près de défaillir. Quand elle eut bien repris ses sens elle raconta à sa Supérieure ce qu'elle venait de voir. La Supérieure lui dit de ne pas se troubler ; mais, si la défunte reparaissait, de lui demander au nom du Seigneur le sujet de sa venue.
Elle reparut en effet le lendemain, de la même manière, et, selon l'ordre de la prieure, Marguerite lui dit : « Ma chère soeur Gertrude, d'où venez-vous et que voulez-vous ? — « Je viens, dit-elle, satisfaire à la justice de Dieu dans le lieu où j'ai péché. C'est ici, dans ce lieu saint, consacré à la prière, que j'ai offensé Dieu par des paroles inutiles et contraires au respect religieux, par la mauvaise édification que j'ai donnée à la communauté, et par le scandale que je vous ai donné, à vous en particulier. Oh ! si vous saviez, ajouta-t-elle, ce que je souffre : je suis toute dévorée de flammes, ma langue surtout en est cruellement tourmentée. » — Elle disparut, après avoir demandé des prières.
Lorsque saint Hugues (1), qui succéda en 1049 à saint Odilon, gouvernait le fervent monastère de Cluni, un de ses religieux qui avait été peu fidèle à la règle du silence, étant venu à mourir, apparut au saint Abbé pour implo-rer le secours de ses prières. Il avait la bouche remplie d'affreux ulcères, en punition, disait-il, de ses paroles oiseuses. — Hugues ordonna sept jours de silence à toute sa communauté. On les passa dans le recueillement et la prière. Alors le défunt apparut de nouveau, délivré de ses ulcères, le visage radieux, et témoignant sa reconnais-sance pour le charitable secours qu'il avait reçu de ses frères.
Si tel est le châtiment des paroles simplement oiseuses, quel sera celui des paroles plus coupables ?


Chapitre 38

Matière des expiations. — Manquements à la justice. — Le Père d'Espinoza et les payements. — La B. Marguerite de Cortone et les marchands assassinés.

Une foule de révélations nous montrent que Dieu punit avec une rigueur implacable tous les péchés contraires à la justice et à la charité. Et en matière de justice, il sem-ble exiger que la réparation se fasse avant que la peine soit remise ; comme, dans l'Église militante, ses ministres doivent exiger la restitution pour remettre la coulpe, selon l'axiome : Sans restitution point de rémission.
Le P. Rossignoli (2) parle d'un religieux de sa com-pagnie, appelé Augustin d'Espinoza, dont la sainte vie n'était qu'un acte de dévouement continuel aux âmes du purgatoire. Un homme riche, qui se confessait à lui, étant mort sans avoir suffisamment réglé ses affaires, lui apparut, et lui demanda d'abord s'il le connaissait ? — « Sans doute, répondit le Père, je vous ai administré le sacrement de pénitence, peu de jours avant votre mort. — Sachez donc, ajouta le défunt, que je viens par grâce spéciale de Dieu vous conjurer d'apaiser sa justice, et de faire pour moi ce que je ne puis plus faire moi-même. Veuillez me suivre. »
Le Père va d'abord trouver son supérieur, lui rend compte de ce qu'on lui demande, et sollicite la permis-sion de suivre son étrange visiteur. La permission obte-nue, il sort et

(1) 29 avril. — (2) Merv. 94.
suit l'apparition qui, sans prononcer une parole, le mène jusqu'à l'un des ponts de la ville. Là elle prie le Père d'attendre un peu, s'éloigne et disparaît un moment, puis revient avec un sac d'argent qu'elle prie le père de porter, et tous deux rentrent dans la cellule du religieux. Alors le mort lui remet un billet écrit, et mon-trant l'argent : « Tout cela, dit-il, est à votre disposition. Ayez la charité d'en prendre pour satisfaire mes créanciers, dont les noms sont marqués sur ce billet, avec le montant de ce qui leur est dû. Veuillez prendre ensuite ce qui restera de la somme et l'employer en bonnes oeuvres à votre choix, pour le repos de mon âme. » — A ces mots il disparut, et le Père se mit en devoir de remplir toutes ses intentions.
Huit jours s'étaient à peine écoulés qu'il se fit voir de nouveau au Père d'Espinoza. Il remercia cette fois le Père avec effusion : « Grâce à la charitable exactitude, lui dit-il, avec laquelle vous avez payé les dettes que j'avais laissées sur la terre, grâce aussi aux saintes messes que vous avez célébrées pour moi, je suis délivré de toutes mes peines, et admis dans l'éternelle béatitude. »
Nous trouvons un exemple du même genre dans la Vie de la B. Marguerite de Cortone (1). Cette illustre pénitente se distinguait aussi par sa charité envers les défunts, et ils lui apparaissaient en grand nombre pour implorer le secours de ses suffrages. Un jour entr'autres elle vit devant elle deux voyageurs, qui la supplièrent de les aider à réparer des injustices restées à leur charge. « Nous sommes deux marchands, lui dirent-ils, qui avons été assassinés en chemin par des brigands. Nous n'avons pu nous confesser ni recevoir l'absolution de nos péchés ; mais par la miséricorde du Sauveur et la clémence de sa sainte Mère, nous eûmes le temps de faire un acte de contrition parfaite, et nous fûmes sauvés. Mais nos tourments sont affreux au purgatoire, parce que dans l'exercice de notre profession nous avons commis beaucoup d'injustices. Tant que ces injustices ne sont pas réparées, nous n'aurons ni repos, ni soulagement. C'est pourquoi nous vous supplions, servante de Dieu, d'aller trouver tels et tels de nos parents et héritiers, pour les avertir de restituer au plus tôt tout l'argent que nous avons mal acquis. » — Ils donnèrent à la Bienheureuse les indications nécessaires et disparu-rent.
____________

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:51

Chapitre 39

Matière des expiations. — Péchés contre la charité. — La B. Marguerite-Marie. — Deux personnes de condition dans les peines du purgatoire. — Plusieurs âmes punies pour manque de con-corde

Il a été dit plus haut que la divine justice se montre aussi particulièrement rigoureuse pour les péchés con-traires à la charité du prochain. La charité est, en effet, la vertu qui tient le plus au coeur du divin Maître, et qu'il recommande à ses disciples comme devant les distinguer aux yeux de tous les hommes : La marque, dit-il, à laquelle on reconnaîtra que vous êtes mes vrais disciples, c'est la charité que vous aurez les uns pour les autres (2). Il n'est donc pas étonnant que la dureté pour le prochain et tout autre manque de charité soient sévèrement punis dans l'autre vie.
En voici d'abord quelques preuves, tirées de l'Histoire de la B. Marguerite-Marie. « J'ai appris de la soeur Marguerite, dit la mère Greffier dans son mémoire, qu'elle priait un jour pour deux personnes de grande considération dans le monde, qui venaient de mourir. Elle les vit toutes les deux en purgatoire : l'une lui fut montrée comme

(1) Voir les Actes des Saints, 22 févr. — (2) Joan. XIII, 35.
condamnée pour plusieurs années à ces peines, nonobstant les services solennels et le grand nombre de messes qu'on célébrait pour elle. Toutes ces prières et ces suffrages étaient appliqués par la divine justice aux âmes de quelques familles de ses sujets, qui avaient été ruinées par son défaut de charité et d'équité à leur égard. Comme il n'était rien resté à ces pauvres gens pour faire prier Dieu pour eux après leur mort, Dieu y suppléait, comme il vient d'être dit. — L'autre était en purgatoire pour autant de jours qu'elle avait vécu d'années sur la terre. Notre-Seigneur fit connaître à soeur Marguerite, qu'entre toutes les bonnes oeuvres que cette personne avait faites, il avait eu particulièrement égard à la charité avec laquelle elle avait supporté les défauts du prochain et dissimulé les déplaisirs qu'on lui avait causés. »
Une autre fois Notre-Seigneur montra à la B. Margue-rite une quantité d'âmes du purgatoire, lesquelles pour avoir été désunies durant leur vie d'avec leurs Supérieurs, et pour avoir eu avec eux quelques mésintelligences, avaient été sévèrement punies, et privées après la mort, du secours de la sainte Vierge et des Saints, et de la visite de leurs anges gardiens. Plusieurs de ces âmes étaient destinées à rester longtemps dans d'horribles flammes. Quelques-unes même d'entr'elles n'avaient point d'autres marques de leur prédestination que de ne point haïr Dieu. D'autres qui avaient été en Religion, et qui pendant leur vie avaient eu peu d'union et de charité pour leurs soeurs, étaient privées de leurs suffrages, et n'en recevaient aucun secours.
Ajoutons encore un extrait du mémoire de la Mère Greffier. « Il arriva, tandis que la soeur Marguerite priait pour deux religieuses décédées, que leurs âmes lui furent montrées dans les prisons de la divine justice : mais l'une souffrait des peines incomparablement plus grandes que l'autre. Celle-là se plaignait grandement d'elle-même, de ce que par ses défauts contraires à la mutuelle charité, et à la sainte amitié qui doit régner dans les communautés religieuses, elle s'était attiré entre autres punitions, de n'avoir point de part aux suffrages que la communauté offrait à Dieu pour elle ; elle ne recevait de soulagement que des seules prières de trois ou quatre personnes de la même communauté, pour lesquelles elle avait eu pendant sa vie moins d'inclination et de penchant. Cette âme souffrante s'accusait encore de la trop grande facilité qu'elle avait eue à prendre des dispenses de la règle et des exercices communs. Enfin elle déplorait les soins qu'elle avait pris sur la terre pour procurer à son corps des soulagements et des commodités. — Elle fit connaître en même temps à notre chère soeur, que pour punition de ces trois défauts, elle avait pendant son agonie souffert trois furieux assauts du démon ; et que chaque fois se croyant perdue, elle s'était vue sur le point de tomber dans le désespoir ; mais que la Sainte Vierge, à laquelle elle avait eu grande dévotion pendant sa vie, l'avait tirée toutes les trois fois des griffes de l'ennemi. »

Chapitre 40

Matière des expiations. — Manque de charité et de respect envers le prochain. — Saint Louis Bertrand et le défunt demandant pardon. — Le Père Nieremberg. — La B. Marguerite-Marie et le religieux Bénédictin.

La vraie charité est humble et s'incline devant ses frères, les respectant tous comme s'ils lui étaient supé-rieurs. Ses paroles toujours amicales et pleines d'égards pour tout le monde, n'ont rien d'amer ni de froid, rien qui sente le mépris, parce qu'elles coulent d'un cœur doux et humble, comme celui de Jésus. Elle évite aussi avec soin tout ce qui pourrait troubler l'union ; et si quel-que différend se produit, elle fait toutes les démarches, tous les sacrifices, pour amener la réconciliation, selon cette parole du divin Maître : Si vous présentez votre offrande à l'autel, et que là vous vous souveniez que votre frère a quelque chose contre vous, laissez là votre offrande devant l'autel, et allez d'abord vous réconcilier avec votre frère, et alors vous viendrez présenter votre offrande (1).
Un religieux ayant blessé la charité à l'égard de saint Louis Bertrand, en reçut après sa mort un châtiment terrible. Il fut plongé dans le feu du purgatoire, qu'il dut subir jusqu'à ce que la justice divine fût satisfaite ; de plus, il ne put être admis au séjour des élus avant d'avoir accompli un acte extérieur de réparation, qui servit d'exemple aux vivants. Voici comment le fait est rapporté dans la Vie du saint (2).
Quand saint Louis Bertrand, de l'Ordre de saint Domi-nique, résidait au couvent de Valence, il y avait dans la communauté un jeune religieux, qui attachait trop d'im-portance à la science humaine. Sans doute, les lettres et l'érudition ont leur prix, mais, comme le Saint-Esprit le déclare, elles le cèdent à la crainte de Dieu et à la science des saints : Non super timentem Dominum (3). Cette science des saints que l'éternelle sagesse est venue nous enseigner, consiste dans l'humilité et la charité. Or le jeune religieux, dont nous parlons, encore peu avancé dans cette divine science, se permit de reprocher au Père Louis son peu de savoir, et de lui dire : On le voit, mon Père, vous n'êtes pas bien savant ! — Mon frère, répondit le Saint avec une douce fermeté, Lucifer a été fort savant et il n'en est pas moins réprouvé.
Le Frère qui avait commis cette faute ne songea pas à la réparer. Cependant il n'était pas un mauvais religieux ; et à quelque temps de là, étant tombé malade, il reçut fort bien tous les sacrements et mourut dans la paix du Sei-gneur. Un temps assez considérable s'écoula, pendant lequel saint Louis fut nommé Prieur. Alors, étant resté dans le choeur après matines, le défunt lui apparut envi-ronné de flammes, et s'inclinant humblement devant lui, il lui dit : « Mon père, pardonnez-moi les paroles blessantes que je vous ai adressées autrefois. Dieu ne permet pas que je voie sa face avant que vous ne m'ayez pardonné cette faute et célébré ensuite pour moi le saint sacrifice de la Messe. » — Le Saint lui pardonna volont-iers et offrit le lendemain la Messe pour lui.
La nuit suivante, se trouvant encore dans le choeur, il vit de nouveau le défunt lui apparaître, mais glorieux et allant au ciel.
Le Père Eusèbe Nieremberg, religieux de la Compagnie de Jésus, auteur du beau livre Différence entre le temps et l'éternité, résidait au collège de Madrid, où il mourut en odeur de sainteté en 1658. Ce serviteur de Dieu, sin-gulièrement dévot aux âmes du purgatoire, priait un jour avec ferveur dans l'église du collège pour un Père récemment décédé. Le défunt qui avait longtemps professé la théologie, ne s'était pas montré moins bon reli-gieux que savant théologien : il avait eu surtout une grande dévotion à la Sainte Vierge ; mais un vice s'était mêlé à ses vertus : il manquait de charité dans ses paroles et parlait fréquemment des défauts du prochain.
Or, comme le P. Nieremberg recommandait son âme à Dieu, ce religieux lui apparut et lui révéla son état. Il était livré à de rudes tourments pour avoir souvent parlé contre la charité. Sa langue, en particulier, instrument de ses fautes, était tourmentée par un feu cuisant. La Sainte Vierge, en récompense de la tendre dévotion qu'il avait eue pour elle, lui avait obtenu de venir solliciter des prières ; il devait en même temps servir d'exemple à ses frères, pour leur apprendre à veiller avec soin sur toutes leurs paroles. — Le Père Nieremberg ayant prié et fait beaucoup de pénitences pour lui, obtint enfin sa déli-vrance (4).
Le religieux dont il est parlé dans la Vie de la Bienheu-reuse Marguerite, et pour qui cette servante de Dieu souffrit si cruellement pendant trois mois, était aussi puni, entre autres fautes, pour ses péchés contre la charité. Voici comment eut lieu cette révélation.
(1) Matth. V, 23. — (2) Acta Sanctor. 10 octob. — (3) Eccli. XXV, 13. — (4) Vie du P. Nieremberg.
La B. Marguerite-Marie, lisons-nous dans sa Vie, étant une fois devant le Saint-Sacrement, tout à coup se présenta à elle un homme totalement en feu, et dont les ardeurs la pénétrèrent si fort qu'elle se sentait comme brûler avec lui. L'état pitoyable où elle vit ce défunt lui fit verser des larmes. C'était un religieux bénédictin de la congréga-tion de Cluni, à qui elle s'était confessée autrefois et qui avait fait du bien à son âme en lui ordonnant de com-munier. En récompense de ce service, Dieu lui avait per-mis de s'adresser à elle pour trouver du soulagement dans ses peines.
Le pauvre défunt lui demanda que durant l'espace de trois mois, tout ce qu'elle ferait ou souffrirait lui fût appliqué : elle le lui promit, après en avoir demandé la permission. — Il lui dit alors, que la première cause de ses grandes souffrances était d'avoir cherché son propre intérêt avant la gloire de Dieu et le bien des âmes, par trop d'attache à sa réputation. La seconde, ses manques de charité envers ses frères. La troisième, l'affection naturelle pour les créatures, à laquelle il avait eu la fai-blesse de céder, et dont il leur avait donné des témoi-gnages dans les entretiens spirituels, ce qui, ajoutait-il déplaisait beaucoup à Dieu.
Il est difficile de dire tout ce que la Bienheureuse eut à souffrir, l'espace des trois mois qui suivirent. Le défunt ne la quittait pas : du côté où il était, elle se sentait tout en feu, avec de si vives douleurs qu'elle en pleurait toujours. Sa Supérieure, touchée de compassion, lui ordonnait des pénitences et des disciplines, parce que les peines et les souffrances qu'on lui accordait, la soulageaient beaucoup. Les tourments, disait-elle, que la sainteté de Dieu impri-mait en elle, étaient insupportables. C'était un échantillon de ce qu'endurent les âmes.

Chapitre 41

Matière des expiations. — Abus de la grâce. — Sainte Madeleine de Pazzi et la religieuse défunte. — La B. Marguerite et les trois âmes en purgatoire.

Il est un autre dérèglement de l'âme que Dieu punit sévèrement en purgatoire, savoir l'abus de la grâce. On entend par là le manque de correspondance aux secours que Dieu nous accorde et aux invitations qu'il nous fait pour la pratique du bien, pour la sanctification de nos âmes. Cette grâce qu'il nous présente est un don précieux, qu'on ne peut laisser tomber par terre, c'est une semence de salut et de mérite qu'il n'est pas permis de rendre stérile. Or on commet cette faute, quand on ne répond pas avec générosité à l'invitation divine. J'ai reçu de Dieu les moyens de faire l'aumône : une voix intérieure m'invite à la faire ; je ferme mon coeur, ou je ne donne que d'une main avare : c'est un abus de grâce. — Je puis entendre la messe, assister au sermon, fréquenter les sacrements : une voix intérieure m'y invite ; mais je ne veux pas m'en donner la peine : c'est un abus de grâce. — Une personne religieuse doit être obéissante, humble, mortifiée, dévouée à ses devoirs : Dieu le demande et lui en donne la force en vertu de sa vocation ; elle ne s'y applique pas, elle ne travaille pas à se vaincre pour coopérer avec le secours que Dieu lui offre : c'est un abus de grâce.
Or ce péché, disons-nous, est rigoureusement puni au purgatoire. Sainte Madeleine de Pazzi nous apprend, qu’une de ses soeurs en religion eut beaucoup à souffrir après la mort pour n'avoir pas correspondu à la grâce en trois occasions. Il lui était arrivé, un jour de fête, de sentir l'envie de faire un petit travail : il ne s'agissait que d'un ouvrage de femme, mais il n'était pas nécessaire et il convenait de le remettre à un autre moment. L'inspiration de la grâce lui disait de s'en abstenir, par respect pour la sainteté du jour ; mais elle préféra satisfaire l'envie natu-relle qu'elle avait de faire cet ouvrage, sous prétexte que c'était une chose légère. — Une autre fois, ayant remarqué qu'un point d'observance était oublié, et qu'en le faisant connaître à ses supérieurs il en résulterait un bien pour la communauté, elle omit d'en parler. L'inspiration de la grâce lui disait d'accomplir cet acte de charité, mais le respect humain l'empêcha de le faire. — Une troisième faute fut un attachement déréglé pour les siens qui étaient dans le monde. Comme épouse de Jésus-Christ, elle devait toutes ses affections à ce divin Époux ; mais elle parta-geait son coeur en s'occupant trop des membres de sa famille. Quoiqu'elle sentît que sa conduite à cet égard était défectueuse, elle n'obéit pas à ce mouvement de la grâce et ne travailla pas sérieusement à se corriger.
Cette soeur, d'ailleurs fort édifiante, étant venue à mourir, Madeleine pria pour elle avec sa ferveur ordi-naire. Seize jours se passèrent et elle apparut à la Sainte, lui annonçant sa délivrance. Comme Madeleine s'étonnait de ce qu'elle avait été si longtemps dans les tourments, elle lui fit connaître qu'elle avait dû expier son abus de la grâce dans les trois cas dont nous avons parlé ; et elle ajouta que ces fautes l'auraient retenue plus longtemps dans les supplices, si Dieu n'avait eu égard à un côté plus satisfaisant de sa conduite : il avait abrégé ses peines à raison de sa fidélité à garder la règle, de sa pureté d'intention, et de sa charité envers ses soeurs (1).
Ceux qui ont eu plus de grâces en ce monde et plus de moyens d'acquitter leurs dettes spirituelles, seront traités au purgatoire avec moins d'indulgence, que d'autres qui ont eu moins de facilité à satisfaire pendant la vie.
La B. Marguerite-Marie, ayant appris la mort de trois personnes récemment décédées, deux religieuses et une séculière, se mit aussitôt à prier pour le repos de leurs âmes. C'était le premier jour de l'an. Notre-Seigneur touché de sa charité et usant d'une familiarité ineffable, daigna lui apparaître ; et les lui montrant toutes les trois dans ces prisons de feu où elles gémissaient, lui dit : « Ma fille, pour vos étrennes, je vous accorde la délivrance d'une de ces trois âmes, et je vous laisse le choix. Laquelle voulez-vous que je délivre ? — Qui suis-je, Seigneur, répondit-elle, pour désigner celle qui mérite la préférence ? Daignez faire vous-même le choix. » — Alors Notre-Seigneur délivra la séculière, disant, qu'il avait moins de peine à voir souffrir des personnes religieuses, parce qu'elles avaient eu plus de moyens d'expier leurs péchés pendant la vie.

p.148 fin
(1) Cépari, Vie de sainte Madeleine de Pazzi.

p.149

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 20:52

SECONDE PARTIE

LE PURGATOIRE MYSTÈRE DE MISÉRICORDE

____________

Chapitre 1er

Crainte et confiance. — Miséricorde de Dieu. — Sainte Lidvine
et le prêtre. — Le vénérable Père Claude de la Colombière.

Nous venons de considérer les rigueurs de la divine justice dans l'autre vie : elles sont terrifiantes, et il n'est pas possible d'y penser sans effroi. Ce feu allumé par la divine justice, ces peines douloureuses, auprès desquelles les pénitences des Saints et les souffrances des Martyrs sont peu de chose, quelle âme croyante pourrait les envisager sans crainte ?
Cette crainte est salutaire et conforme à l'esprit de Jésus-Christ. Le divin Maître veut que nous craignions, que nous craignions non seulement l'enfer, mais encore le purgatoire, sorte d'enfer mitigé. C'est pour nous ins-pirer cette sainte frayeur qu'il nous montre la prison du Juge suprême, d'où l'on ne sortira point avant que la dernière obole ne soit payée (1) ; et l'on peut étendre au feu du purgatoire ce qu'il dit du feu de la géhenne : Ne craignez point ceux qui font mourir le corps et qui ne peu-vent rien sur l'âme ; mais craignez celui qui peut jeter le corps et l'âme en enfer (2).
Toutefois l'intention du Sauveur n'est pas que nous ayons une crainte excessive et stérile, cette crainte qui tourmente les âmes et les abat, cette crainte sombre et sans confiance ; non, il veut que notre crainte soit tem-pérée par une grande confiance en sa miséricorde ; il veut que nous craignions le mal pour le prévenir et l'éviter ; il veut que la pensée des flammes vengeresses stimule notre ferveur dans son service, et nous porte à expier nos fautes en ce monde plutôt qu'en l'autre. Il vaut mieux extirper maintenant nos vices, et expier nos péchés, dit l'Auteur de l'Imitation, que de remettre à les expier en l'autre monde (3). — Au reste si, malgré notre zèle à bien vivre et à satisfaire en ce monde, nous avons encore des craintes fondées d'avoir un purgatoire à subir, nous devons envi-sager cette éventualité avec une grande confiance en Dieu qui ne laisse pas sans consolation les âmes qu'il purifie par les souffrances.
Or pour donner à notre crainte ce caractère pratique et ce contrepoids de confiance, après avoir contemplé le purgatoire dans ses peines et ses rigueurs, il nous le faut considérer sous une autre face et à un autre point de vue, celui de la miséricorde de Dieu, qui n'y éclate pas moins que sa justice.
Si Dieu réserve aux moindres fautes des châtiments terribles dans l'autre vie, il ne les inflige point sans un tempérament de clémence ; et rien ne montre mieux que le purgatoire l'admirable harmonie des perfections divines, puisque la plus sévère justice s'y exerce en même temps que la plus ineffable miséricorde. Si le Seigneur châtie les âmes qui lui sont chères, c'est dans son amour, selon cette parole : Je corrige et je châtie ceux que j'aime (4). D'une main il les frappe, de l'autre il les guérit, il leur offre miséricorde et rédemption en abondance : Quoniam apud Dominum misericordia, et copiosa apud eum redemptio (5).

(1) Matth. V, 26. — (2) Matth. X, 28. — (3) Imit. I, 24. — (4) Apol. III, 19. — (5) Ps. 129.
Cette miséricorde infinie de notre Père céleste doit être le fondement inébranlable de notre confiance et, à l'exemple des Saints, nous devons l'avoir toujours devant les yeux. Les Saints ne la perdaient point de vue ; c'est pourquoi la crainte du purgatoire ne leur ôtait ni la paix ni la joie du Saint-Esprit.
Sainte Lidvine, qui connaissait si bien la rigueur effrayante des peines expiatrices, était animée de cet esprit de confiance et tâchait de l'inspirer aux autres. Un jour elle reçut la visite d'un prêtre pieux. Comme il se trouvait assis auprès du lit de la sainte malade avec d'autres personnes vertueuses, la conversation s'engagea sur les peines de l'autre vie. Le prêtre voyant dans les mains d'une femme un vase rempli de graine de sénevé, en prit occasion pour dire qu'il tremblait en pensant au feu du purgatoire ; « néanmoins, ajouta-t-il, je voudrais y être pour autant d'années qu'il y a de petits grains dans ce vase ; alors du moins j'aurais la certitude de mon salut. — Que dites-vous là, mon Père, reprit la Sainte ? Pourquoi si peu de confiance dans la miséricorde de Dieu ? Ah ! si vous saviez mieux ce que c'est que le purgatoire, quels tourments affreux on y endure ! — Que le purgatoire soit ce qu'il voudra, répondit-il, je persiste dans ce que j'ai dit. »
Ce prêtre mourut quelque temps après ; et les mêmes personnes qui avaient été présentes à son entretien avec Lidvine, interrogeant la sainte malade sur l'état de son âme en l'autre monde, elle répondit : « Le défunt est bien, à cause de sa vie vertueuse ; mais il serait mieux, s'il se fût confié davantage en la passion de Jésus-Christ, et s'il eût embrassé un sentiment plus doux au sujet du purgatoire. »
En quoi consistait le manque de confiance que la Sainte désapprouvait en ce bon prêtre ? Dans le sentiment où il était, qu'il est presque impossible de se sauver, et qu'on ne saurait guère entrer au ciel qu'après d'innombrables années de tourments. Cette idée est fausse et contraire à la confiance chrétienne. Le Sauveur est venu apporter la paix aux hommes de bonne volonté, et nous imposer comme condition de salut un joug suave et un fardeau qui n'est point pesant. — Ainsi, que votre volonté soit bonne et vous trouverez la paix, vous verrez s'évanouir les difficultés et les terreurs. La bonne volonté : tout est là. Soyez de bonne volonté, soumettez-vous à la volonté de Dieu, mettez sa sainte loi au-dessus de tout ; servez le Seigneur de tout votre coeur, et il vous aidera si bien que vous arriverez en paradis avec une étonnante facilité : je n'aurais jamais cru, direz-vous, qu'il fût si facile d'entrer au ciel ! — Toutefois, je le répète, pour opérer en nous cette merveille de miséricorde, Dieu demande de notre part le coeur droit, la bonne volonté.
La bonne volonté consiste proprement à soumettre et à conformer notre volonté à celle de Dieu, qui est la règle de tout bon vouloir ; et ce bon vouloir atteint sa plus haute perfection, quand on embrasse la volonté divine comme le bien suprême alors même qu'elle impose les plus grands sacrifices, les plus rigoureuses souffrances. Chose admirable ! l'âme ainsi disposée semble perdre le sentiment des douleurs. C'est que cette âme est animée de l'esprit d'amour, et, comme dit S. Augustin, quand on aime, on ne souffre pas, ou si l'on souffre on aime la souf-france : Aut si laboratur, labor ipse amatur.
Il avait ce coeur aimant, cette bonne et parfaite volonté, le Vén. Père Claude de la Colombière, de la Compagnie de Jésus, qui, dans sa Retraite spirituelle, exprimait ainsi ses sentiments : « Il ne faut pas laisser d'expier par la pénitence les dérèglements de sa vie ; mais il le faut faire sans inquiétude, parce que le pis qui puisse arriver, quand on a bonne volonté, et qu'on est soumis à l’obéissance, c'est d'être longtemps en purgatoire, et l'on peut dire en un bon sens que ce n'est pas là un fort grand mal.
» Je ne crains point le purgatoire. Quant à l'enfer je n'en veux pas parler ; car je ferais tort à la miséricorde de Dieu de craindre l'enfer le moins du monde, quand je l'aurais plus mérité que tous les démons. Mais le purgatoire, je ne le crains point : je voudrais bien ne l'avoir pas mérité, parce que cela ne s'est pu faire sans déplaire à Dieu ; mais puisque c'est une chose faite, je suis ravi d'aller satisfaire à sa justice de la manière la plus rigoureuse qu'il soit possible d'imaginer, et même jusqu'au jour du jugement. Je sais que les tourments y sont horribles ; mais je sais qu'ils honorent Dieu, et ne peuvent altérer les âmes, qu'on y est assuré de ne s'opposer jamais à la volonté de Dieu, qu'on ne lui saura point mauvais gré de sa rigueur, qu'on aimera jusqu'à sa sévérité, qu'on attendra avec patience qu'elle se soit entièrement satisfaite. Ainsi j'ai donné de tout mon coeur toutes mes satisfactions aux âmes du purgatoire, et cédé même à d'autres tous les suffrages qu'on fera pour moi après ma mort, afin que Dieu soit glorifié dans le paradis par des âmes qui auront mérité d'y être élevées à une plus grande gloire que moi. »
Voilà jusqu'où va la charité, l'amour de Dieu et du prochain, quand il a pris possession d'un coeur : il trans-forme, il transfigure la souffrance au point qu'elle perd son amertume et se change en douceur. Lorsque vous en serez venu, dit le livre de l'Imitation, à trouver douce la tribulation et à la goûter par amour pour Jésus-Christ, alors estimez-vous heureux, car vous avez trouvé le para-dis sur la terre (Imit. II, 12). Ayons donc beaucoup d'amour de Dieu, beaucoup de charité, et nous crain-drons peu le purgatoire : le Saint-Esprit nous rendra témoignage au fond du coeur, qu'étant enfants de Dieu, nous n'avons pas à redouter les châtiments d'un Père.
____________

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:00

Chapitre 2

Confiance. — Miséricorde de Dieu envers les âmes. — Il les con-sole. — Sainte Catherine de Gênes. — Le frère de sainte Made-leine de Pazzi.

Il est vrai que tous ne sont pas à ce haut degré de cha-rité ; mais il n'est personne qui ne puisse avoir confiance dans la divine miséricorde. Cette miséricorde est infinie, et elle donne la paix à toutes les âmes qui l'ont bien devant les yeux et se confient en elle. — Or la miséricorde de Dieu s'exerce au sujet du purgatoire de trois manières : 1° en consolant les âmes ; 2° en mitigeant leurs peines ; 3° en nous donnant à nous-mêmes avant la mort mille moyens d'éviter le purgatoire.
D'abord Dieu console les âmes du purgatoire : il les console par lui-même, par la Sainte Vierge et par les saints anges. Il console les âmes en les remplissant au plus haut degré de foi, d'espérance et d'amour divin, vertus qui produisent en elles la conformité à la volonté divine, la résignation, la patience la plus parfaite. « Le Seigneur, écrit sainte Catherine de Gênes, imprime à l'âme du purgatoire un tel mouvement d'amour attractif, qu'il serait suffisant pour l'annihiler si elle n'était immortelle. Illuminée et enflammée par cette pure charité, autant elle aime Dieu, autant elle déteste la moindre souillure qui lui déplaît, le moindre obstacle qui l'empêche de s'unir à lui. Ainsi, si elle pouvait découvrir un autre purgatoire, plus terrible que celui dans lequel elle se trouve, cette âme s'y précipiterait, vivement poussée par l'impétuosité de l'amour qui existe entre Dieu et elle, afin de se délivrer plus vite de tout ce qui la sépare du souverain bien (1). »
« Ces âmes, dit encore la même Sainte, sont intimement unies à la volonté de Dieu, et si complètement transformées en elle, que toujours elles sont satisfaites de sa très-sainte ordonnance. » — « Les âmes du purgatoire n'ont plus d'élection propre ; elles ne

(1) Traité du purg. chap. 9.
peuvent plus vouloir que ce que Dieu veut. Elles reçoivent ainsi avec la soumission la plus parfaite tout ce que Dieu leur donne ; et ni plaisir, ni contentement, ni peine, ne peuvent jamais les faire se replier sur elles-mêmes (1). ».
Sainte Madeleine de Pazzi, après la mort d'un de ses frères, étant allée au chœur prier pour lui, vit son âme en proie à des souffrances excessives. Touchée de com-passion, elle fondit en pleurs et s'écria d'une voix lamen-table : « Frère, misérable et bienheureux tout ensemble ! ô âme affligée et pourtant contente ! ces peines sont intolérables, et cependant elles sont supportées. Que n'est-il donné de les comprendre à ceux qui manquent de courage pour porter leurs croix ici-bas ! Pendant que vous étiez dans ce monde, ô mon frère, vous ne vouliez pas m'écouter, et maintenant vous désirez ardemment que je vous écoute... O Dieu également juste et miséricordieux ! soulagez ce frère qui vous servit dès son enfance. Regardez votre bonté, je vous en conjure, et usez de votre grande miséricorde à son égard. O Dieu très-juste ! s'il n'a pas toujours été attentif à vous plaire, du moins il n'a jamais méprisé ceux qui faisaient profession de vous servir fidèlement... »
Le jour où elle eut cette célèbre extase pendant laquelle elle parcourut les diverses prisons du purgatoire, ayant de nouveau aperçu l'âme de son frère : « Pauvre âme, lui dit-elle, que vous êtes souffrante ! et cependant vous vous réjouissez. Vous brûlez, et vous êtes contente ; c'est que vous savez bien que ces peines doivent vous conduire à une grande et inénarrable félicité. Que je me trouverais heureuse, si je ne devais jamais souffrir davantage ! Demeurez ici, mon frère, et achevez en paix votre purification. »

____________

Chapitre 3

Consolations des âmes. — S. Stanislas de Cracovie
et le ressuscité Pierre Milès.

Ce contentement au milieu des plus amères souffran-ces ne peut s'expliquer que par les divines consolations que le Saint-Esprit répand dans les âmes du purgatoire. Ce divin Esprit, par la foi, l'espérance et la charité les met dans la disposition d'un malade qui subit un traite-ment très-douloureux, mais dont l'effet certain sera de lui rendre une santé parfaite. Ce malade souffre, mais il aime des souffrances si salutaires. L'Esprit consolateur donne aux âmes un contentement semblable. Nous en avons un exemple frappant dans ce Pierre Milès, ressuscité par S. Stanislas de Cracovie, et qui préférait retour-ner en purgatoire que de vivre encore sur la terre.
Le célèbre miracle de cette résurrection arriva en 1070. Voici comment on le trouve rapporté dans les Acta Sanctorum, sous le 7 mai. Saint Stanislas était Évêque de Cracovie lorsque le duc Boleslas II gouvernait la Pologne. Il ne manquait pas de rappeler ses devoirs à ce prince, qui les violait scandaleusement devant tout son peuple. Boleslas s'irrita de la sainte liberté du prélat ; et pour se venger, il excita contre lui les héritiers d'un certain Pierre Milès, qui était mort trois années auparavant, après avoir vendu une terre à l'église de Cracovie. Les héritiers accu-sèrent l'Évêque d'avoir envahi ce terrain sans le payer au propriétaire. Stanislas eut beau affirmer qu'il avait effectué le payement ; comme les témoins qui devaient le soutenir se trouvaient subornés ou intimidés, il fut déclaré usur-pateur du bien d'autrui, et condamné à restituer la terre en litige. Alors, voyant que la justice humaine lui faisait défaut, il éleva son cœur à Dieu et


(1) Ibid. chap. 13 et 14.
en reçut une inspira-tion soudaine : il demanda trois jours de délai, promettant de faire comparaître en personne Pierre Milès, son ven-deur, qui lui-même rendrait témoignage. On le lui accorda par moquerie.
Le Saint jeûna, veilla, pria Notre-Seigneur de défendre sa cause ; et le troisième jour, après avoir célébré la sainte Messe, il partit escorté de ses clercs et de beaucoup de fidèles, et vint à l'endroit où Pierre était enterré. Par son ordre on ouvrit la tombe, qui ne contenait plus que des ossements ; il les toucha de son bâton pastoral, et au nom de Celui qui est la résurrection et la vie, il com-manda au mort de se lever. Soudain ces ossements se raffermirent, se rapprochèrent, se couvrirent de chair, et aux regards stupéfaits de tout un peuple, on vit le mort tenant le saint Évêque par la main s'acheminer vers le lieu du tribunal. Boleslas avec sa cour et une foule con-sidérable étaient dans l'attente la plus vive. « Voici Pierre, dit le Saint à Boleslas, il vient, Prince, rendre témoignage devant vous. Interrogez-le, il répondra. »
Impossible de peindre la stupéfaction du Duc, de ses assesseurs, de toute cette foule. Le ressuscité affirma que sa terre lui avait été payée ; ensuite se tournant vers ses héritiers, il leur fit de justes reproches pour avoir accusé le pieux prélat contre tout droit et toute justice ; puis il les exhorta à faire pénitence d’un si grave péché.
C'est ainsi que l'iniquité, qui se croyait déjà sûre du succès, fut confondue. Maintenant vient la circonstance qui regarde notre sujet et que nous voulons faire ressortir. Voulant achever pour la gloire de Dieu un si grand miracle, Stanislas proposa au défunt, s'il voulait encore vivre quelques années, de le lui obtenir de Notre-Seigneur. — Pierre répondit qu'il ne le désirait pas. Il était au purgatoire, mais il aimait mieux y retourner tout de suite et en souffrir les peines, que de s'exposer au danger de la damnation dans cette vie terrestre. Il conjura seu-lement le Saint de prier Dieu afin que ses peines fussent abrégées, et qu'il pût bientôt entrer dans le séjour des bienheureux. — Après cela, accompagné de l'Évêque et d'une grande multitude, Pierre s'en retourna à son tom-beau, s'y recoucha, et aussitôt son corps se défit, ses os se détachèrent et retombèrent dans leur premier état. — On a lieu de croire que le Saint obtint promptement la déli-vrance de son âme.
Ce qui est particulièrement remarquable en cet exem-ple, et doit attirer toute notre attention, c'est qu'une âme du purgatoire, après avoir fait l'essai des plus cruels supplices, préfère cet état si douloureux à la vie dans ce monde ; et la raison qu'elle donne de cette préférence, c'est que dans cette vie mortelle nous sommes exposés au dan-ger de nous perdre et d'encourir la damnation éternelle.
____________

Chapitre 4

Consolations des âmes. — Sainte Catherine de Ricci
et l'âme d'un prince.

Citons un autre exemple des consolations intérieures et du contentement mystérieux que les âmes éprouvent au milieu des plus cuisantes douleurs : nous le trouvons dans la vie de sainte Catherine de Ricci (1), religieuse de l'Or-dre de S. Dominique, qui mourut au monastère de Prato le 2 février 1590. Cette servante de Dieu portait la charité envers les âmes du purgatoire, jusqu'à souffrir en leur place sur la terre ce qu'elles devaient endurer dans l'autre monde. Entr'autres, elle délivra des flammes expiatrices l'âme d'un prince, en souffrant pour lui pen-dant quarante jours des tourments inouïs.

(1) 13 février.
Ce prince, que l'histoire ne nomme pas, par égard sans doute pour sa famille, avait mené une vie mondaine ; et la Sainte fit beaucoup de prières, de jeûnes et de péni-tences, pour que Dieu l'éclairât et qu'il ne fût pas réprouvé. Dieu daigna l'exaucer, et le malheureux pécheur donna avant sa mort des preuves évidentes d'une sincère con-version. Il mourut dans ces bons sentiments et passa en purgatoire.
Catherine en eut connaissance par révélation divine dans l'oraison, et s'offrit à satisfaire elle-même pour cette âme à la justice divine. Le Seigneur agréa ce charitable échange, reçut dans la gloire l'âme du prince et fit subir à Catherine des peines tout-à-fait étranges, durant l'espace de quarante jours. Elle fut saisie d'un mal qui, au juge-ment des médecins, n'était pas naturel, et qu'ils ne pou-vaient ni guérir ni soulager. Voici, d'après les témoins, en quoi ce mal consistait. Le corps de la Sainte se cou-vrit d'ampoules, remplies d'une humeur visiblement en ébullition, comme l'eau bouillante sur le feu. Il en résul-tait une chaleur extrême, au point que sa cellule s'échauffait comme un four et paraissait pleine de feu : on ne pouvait y demeurer quelques instants sans sortir pour respirer.
Il était évident que la chair de la malade bouillait, et sa langue ressemblait à une plaque de métal rougie au feu. Par intervalles, l'ébullition cessait, et alors la chair paraissait comme rôtie ; mais bientôt les ampoules se reproduisaient et répandaient la même chaleur.
Cependant, au milieu de ce supplice, la Sainte ne per-dait ni la sérénité du visage ni la paix de l'âme : au contraire, elle semblait jouir dans ces tourments. Les douleurs allaient parfois à un tel degré d'intensité qu'elle en perdait la parole pendant dix ou douze minutes. Quand les religieuses, ses soeurs, lui disaient qu'elle semblait être dans le feu ; elle répondait simplement qu'oui, sans ajouter rien de plus. Lorsqu'elles lui représentaient qu'elle poussait le zèle trop loin, et qu'elle ne devrait pas demander à Dieu de si excessives douleurs : « Pardonnez-moi, mes Mères, disait-elle, si je vous réplique. Jésus a tant d'amour pour les âmes, que tout ce que nous faisons pour leur salut lui est infiniment agréable. C'est pourquoi je supporte volontiers quelque peine que ce soit, tant pour la conversion des pécheurs que pour la délivrance des âmes détenues au purgatoire. »
Les quarante jours expirés, Catherine revint à son état ordinaire. Les parents du prince lui demandèrent où était son âme : « N'ayez aucune crainte, répondit-elle, son âme jouit de la gloire éternelle. » On connut par là que c'était pour cette âme qu'elle avait tant souffert.
Ce trait peut nous apprendre bien des choses ; mais nous l'avons cité pour montrer comment les plus grandes souffrances ne sont pas incompatibles avec la paix inté-rieure. Notre Sainte, tout en souffrant visiblement les peines du purgatoire, jouissait d'une paix admirable et d'un contentement surhumain.

____________

Chapitre 5

Consolations des âmes. — La Sainte Vierge. — Révélations de sainte Brigitte.
— Le Père Jérôme Carvalho — Le B. Renier de Cîteaux.

Les âmes du purgatoire reçoivent aussi de grandes consolations de la Sainte Vierge. N'est-elle pas la Conso-latrice des affligés ? et quelle affliction comparable à celle des pauvres âmes? N'est-elle pas la Mère de miséricorde ?
p.160 fin
p.161 début

et n'est-ce pas à l'égard de ces âmes saintes et souffrantes qu'elle doit montrer toute la miséricorde de son Cœur ? Il ne faut donc pas s'étonner que dans les Révélations de sainte Brigitte la Reine des cieux se donne à elle-même le beau nom de Mère des âmes du purgatoire : « Je suis, dit-elle à cette Sainte, la Mère de tous ceux qui sont dans le lieu de l'expiation ; mes prières adoucissent les châtiments qui leur sont infligés pour leurs fautes (1). »
Le 25 octobre 1604, au collège de la Compagnie de Jésus à Coïmbre, mourut en odeur de sainteté le Père Jerôme Carvalho, âgé de 60 ans. Cet admirable et humble serviteur de Dieu sentait une très-vive appréhension des peines du purgatoire. Ni les rudes macérations auxquelles il se livrait plusieurs fois chaque jour, sans compter celles que lui suggérait encore chaque semaine le souvenir plus particulier de la Passion, ni les six heures qu'il con-sacrait soir et matin à la méditation des choses saintes, ne lui semblaient devoir le mettre à l'abri des châtiments, dus après sa mort à ses prétendues infidélités. Mais, un jour, la Reine du ciel, à laquelle il avait une tendre dévotion, daigna consoler elle-même son serviteur par la simple assurance qu'elle était Mère de miséricorde pour ses chers enfants du purgatoire, aussi bien que pour ceux qui vivent sur la terre. — Cherchant plus tard à répandre une doctrine si consolante, le saint homme laissa, par mégarde et dans la chaleur du discours, échapper ces mots : Elle me l'a dit.
On rapporte qu'un autre grand serviteur de Marie, le Bien-heureux Renier de Cîteaux (2), tremblait à la pensée de ses péchés et de la justice terrible de Dieu après la mort. Dans sa frayeur, s'étant adressé à sa grande protectrice, qui s'appelle la Mère de miséricorde, il fut ravi en esprit, et vit la Mère de Dieu supplier son Fils en sa faveur. « Mon Fils, disait-elle, faites-lui grâce du purgatoire, puisqu'il se repent humblement de ses péchés. » — « Ma Mère, répondit Jésus-Christ, je remets sa cause entre vos mains » ; ce qui voulait dire, qu'il soit fait à votre client comme vous souhaitez. — Le Bienheureux comprit avec une ineffable joie que Marie lui avait obtenu l'exemption du purgatoire.

____________

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:04

Chapitre 6

Consolations du purgatoire. — La Sainte Vierge Marie, privilège du samedi. — La vén. Paule de Sainte-Thérèse. — S. Pierre Damien et la défunte Marozi

C'est à certains jours surtout que la Reine des cieux exerce sa miséricorde au purgatoire. Ces jours privilégiés sont d'abord tous les samedis, ensuite les diverses fêtes de Marie, qui deviennent ainsi comme les jours de fête du purgatoire. — Nous voyons dans les révélations des Saints que le samedi, jour spécialement consacré à la Sainte Vierge, la douce Mère des miséricordes descend dans les cachots du purgatoire pour visiter et consoler ses dévots serviteurs. Alors, selon la pieuse croyance des fidèles, elle délivre les âmes qui, ayant porté le saint Scapulaire, ont droit au privilège de la Sabbatine ; ensuite elle prodigue les douceurs de ses consolations aux autres âmes qui l'ont particulièrement honorée. Voici ce que vit à ce sujet la Vénérable Soeur Paule de Sainte-Thérèse, religieuse Dominicaine du monastère de Sainte-Catherine à Naples (3).
Ayant été ravie en extase, un jour de samedi, et trans-portée en esprit dans le purgatoire, elle fut toute surprise de le trouver transformé comme en un paradis de délices, éclairé par une vive lumière, en place des ténèbres habi-tuelles. Comme elle se

(1) Révél. S. Brig. 1. 4. c. 1. — (2) 30 mars. — (3) Rossign. Merv. 50. Marchese, t. I, p. 56.
demandait la raison de ce chan-gement, elle aperçut la Reine des cieux, entourée d'une infinité d'anges, auxquels elle ordonnait de délivrer les âmes qui lui avaient été spécialement dévouées et de les conduire au ciel.
S'il en est ainsi des simples samedis, on ne peut guère douter qu'il n'en soit de même des jours de fête consacrés à la Mère de Dieu. Parmi toutes ces fêtes, celle de la glo-rieuse Assomption de Marie semble être le grand jour des délivrances. S. Pierre Damien (1) nous dit que, chaque année au jour de l'Assomption, la Sainte Vierge délivre plusieurs milliers d'âmes. Voici la vision miraculeuse qu'il rapporte à ce sujet.
C'est un pieux usage, dit-il, qui existe parmi le peuple de Rome, de visiter les églises un cierge à la main, pen-dant la nuit qui précède la fête de l'Assomption de Notre--Dame. Or il arriva à cette occasion qu'une personne de qua-lité, se trouvant agenouillée dans la basilique de l'Ara-Coeli, au capitole, aperçut en prière devant elle une autre Dame, sa marraine, qui était morte plusieurs mois auparavant. Surprise et ne pouvant en croire ses yeux, elle voulut éclaircir ce mystère, et alla se placer près de la porte de l'église. Dès qu'elle la vit sortir, elle la prit par la main et la tirant à l'écart : « N'êtes-vous pas, lui dit-elle, ma marraine Marozi, qui m'avez tenue sur les fonts du baptême ? — Oui, répond aussitôt l'apparition, c'est moi--même. — Eh ! comment se fait-il que je vous retrouve parmi les vivants, puisque vous êtes morte il y a près d'une année ? — Jusqu'à ce jour je suis restée plongée dans un feu épouvantable, à cause des nombreux péchés de vanité que j'ai commis dans ma jeunesse ; mais dans cette grande solennité, la Reine du ciel est descendue au milieu des flammes du purgatoire, et m'a délivrée ainsi qu'un grand nombre d'autres défunts, afin que nous entrions au ciel le jour de son Assomption. Ce grand acte de clémence elle l'exerce chaque année ; et, dans la circonstance actuelle, le nombre de ceux qu'elle a délivrés égale celui du peuple de Rome. »
Voyant que sa filleule restait stupéfaite et semblait dou-ter encore, l'apparition ajouta : « En preuve de la vérité de mes paroles, sachez que vous-même vous mourrez dans un an, à la fête de l'Assomption : si vous passez ce terme, tenez tout ceci pour illusion. »
Saint Pierre Damien termine ce récit en disant, que la jeune Dame passa l'année en bonnes oeuvres pour se pré-parer à paraître devant Dieu. L'année suivante, l'avant-veille de l'Assomption, elle tomba malade, et mourut le jour même de la fête, comme il lui avait été prédit.
La fête de l'Assomption est donc le grand jour des misé-ricordes de Marie envers les âmes : elle se plaît à intro-duire ses enfants la gloire l'anniversaire du jour où elle-même y fit son entrée. Cette pieuse croyance, ajoute l'abbé Louvet, est appuyée sur un grand nombre de révé-lations particulières ; c'est pourquoi, à Rome, l'église de Sainte-Marie in Montorio, qui est le centre de l'archi-confrérie des suffrages pour les trépassés, est dédiée sous le vocable de l'Assomption.

____________

Chapitre 7

Consolations du purgatoire. — Les anges. — Sainte Brigitte. —
La vén. Paule de Sainte-Thérèse. — Le Frère Pierre de Basto.

Outre les consolations que les âmes reçoivent de la Sainte Vierge Marie, elles sont encore aidées et consolées par les saints anges, surtout par leurs anges gardiens. Les Docteurs enseignent que la mission tutélaire de l'ange gardien ne se termine qu'à

(1) Opusc. 34, p. 2, c. 3.
l'entrée de son client dans le paradis. Si, au moment de la mort, une âme en état de grâce n'est pas digne encore de voir la face du Très-Haut, l'ange gardien la conduit au lieu des expiations et y demeure avec elle pour lui procurer tous les secours et toutes les consolations en son pouvoir.
C'est, dit le Père Rossignoli, une opinion assez com-mune parmi les saints Docteurs, que le Seigneur, qui enverra un jour ses anges pour rassembler tous ses élus, les envoie de temps en temps au purgatoire, visiter les âmes souffrantes et les consoler. Aucun adoucissement, sans doute, ne leur saurait être plus précieux que la vue des habitants de la Jérusalem céleste, dont ils partageront un jour l'admirable et éternelle félicité. Les révélations de sainte Brigitte sont remplies de traits de ce genre, et les vies de plusieurs autres saints en offrent un grand nombre.
La vénérable soeur Paule de Sainte-Thérèse, dont nous avons parlé plus haut, était d'une merveilleuse dévotion envers l'Église souffrante, et elle en fut récompensée dès ici-bas par des visions miraculeuses. Un jour, pendant qu'elle faisait dans cette intention une prière fervente, elle fut transportée en esprit au purgatoire, et elle y vit une foule d'âmes plongées dans les flammes. Tout auprès se tenait le Sauveur, escorté de ses anges, qui en dési-gnait l'une après l'autre quelques-unes pour le ciel, où elles montaient aussitôt avec une joie inexprimable. A cette vue, la servante de Dieu, s'adressant à son divin Époux, lui dit : « O Jésus, pourquoi ce choix dans une si grande multitude ? — J'ai délivré, daigna-t-il répondre, celles qui pendant leur vie ont produit de grands actes de charité et de miséricorde, et qui ont mérité que j'en use de même à leur égard, selon ma parole : Bienheureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde. » (1)
Nous trouvons dans la vie du serviteur de Dieu Pierre de Basto un trait qui montre comment les saints anges, même tandis qu'ils veillent à notre garde sur la terre, s'intéressent au soulagement des âmes du purgatoire. — Et puisque nous avons prononcé le nom du Frère de Basto, nous ne pouvons résister au désir de faire con-naître à nos lecteurs cet admirable religieux : son histoire est aussi intéressante que propre à nous édifier.
Pierre de Basto, Frère Coadjuteur de la Compagnie de Jésus, que son biographe appelle l'Alphonse Rodriguez du Malabar, mourut en odeur de sainteté à Cochin, le 1er mars 1645. Il était né en Portugal de l'illustre famille de Machado, unie par le sang à tout ce que la province d'Entre-Douro-et-Minho comptait alors de plus nobles races. Les ducs de Pastrano et de Hixar étaient au nom-bre de ses alliés ; et le monde offrait à son coeur une carrière toute semée des plus séduisantes espérances. Mais Dieu se l'était réservé et l'avait prévenu de ses dons les plus merveilleux. Tout petit enfant, quand Pierre Machado, conduit à l'église, priait avec la ferveur d'un ange devant le Saint-Sacrement, il croyait que le peuple entier voyait comme lui, des yeux du corps, des légions d'esprits célestes en adoration près de l'autel et du taber-nacle ; et dès lors aussi le Sauveur, caché sous les voiles eucharistiques, devint par excellence le centre de toutes ses affections et des innombrables merveilles qui rempli-rent sa longue et sainte vie.
Ce fut là que plus tard, comme dans un divin soleil, il découvrit sans voiles l'avenir et ses détails les plus imprévus. Ce fut là encore que Dieu lui montra les mystérieux symboles d'une échelle d'or qui unissait le ciel à la terre, s'appuyant au saint tabernacle ; et du lis de la pureté, plongeant ses racines et puisant sa vie dans la fleur du divin froment des élus, et dans le vin qui seul fait germer les vierges.
Vers dix-sept ans, grâce à cette pureté de coeur et à cette force, dont le sacrement de l'Eucharistie était pour lui la source inépuisable, Pierre fit, à Lisbonne, le voeu de chasteté perpétuelle, aux pieds de Notre-Dame-de-la--Victoire. Il ne songeait pas encore

(1) Merv. 50.
cependant à quitter le monde, et s'embarqua, peu de jours après, pour les Indes, où il porta les armes pendant deux ans. Mais au bout de ce temps, près de périr dans un naufrage, où il fut cinq jours entiers le jouet des flots, soutenu et sauvé par la Reine du ciel et par son divin Fils, qui lui apparurent, il leur promit de consacrer uniquement à leur service, dans l'état religieux, tout ce qui lui resterait de vie ; et dès qu'il fut de retour à Goa, n'ayant encore que dix-neuf ans, il alla s'offrir en qualité de Coadjuteur temporel aux supérieurs de la Compagnie de Jésus. Dans la crainte que son nom ne lui attirât quelque honneur ou quelque louange des hommes, il emprunta dès lors celui de l'humble vil-lage où il avait reçu le baptême, et ne fut plus appelé que Pierre de Basto.
C'est à lui qu'arriva peu de temps après, durant une des épreuves du noviciat, ce trait célèbre dans les annales de la Compagnie et bien consolant pour tous les enfants de saint Ignace. Le maître des novices du F. Pierre l'avait envoyé en pèlerinage, avec deux jeunes compa-gnons, dans l'île de Salsette, en leur ordonnant de n'ac-cepter nulle part l'hospitalité chez les missionnaires, mais de mendier dans les villages leur pain de chaque jour et leur asile de chaque nuit. Or un jour, fatigué d'une longue course, ils rencontrèrent une humble famille, composée d'un vieillard, d'une femme et d'un petit enfant, qui les accueillirent avec une charité incomparable, et s'empressèrent de leur servir un modeste repas. Mais au moment de les quitter, après leur avoir rendu mille actions de grâces, comme Pierre de Basto priait ses hôtes de lui dire leurs noms, voulant sans doute les recommander à Dieu : « Nous sommes, » lui ré-pondit la mère, « les trois fondateurs de la Compagnie de Jésus » ; et tous trois disparurent au même instant.
Toute la vie religieuse de ce saint homme, jusqu'à sa mort, c'est-à-dire pendant près de cinquante-six ans, ne fut qu'un tissu de merveilles et de grâces extraordinaires ; mais il faut ajouter qu'il les méritait et les achetait en quelque sorte au prix des vertus, des travaux, des sacrifices les plus héroïques. Chargé tour à tour de la lingerie, de la cuisine ou de la porte, dans les collèges de Goa, de Tutucurin, de Coulao et de Cochin, jamais Pierre de Basto ne chercha ni à se soustraire aux plus durs travaux, ni à se réserver un peu de loisir aux dépens de ses différents offices, pour goûter les délices de l'orai-son. De graves infirmités, dont la seule cause avait été l'excès du travail, étaient, disait-il en riant, ses plus joyeuses distractions. En outre, abandonné pour ainsi dire à toute la rage des démons, le serviteur de Dieu ne jouissait presque d'aucun repos. Ces esprits de ténèbres lui apparaissaient sous les formes les plus hideuses, et le flagellaient bien souvent, surtout à l'heure où chaque nuit il avait coutume d'interrompre son sommeil et d'aller prier devant le Saint-Sacrement.
Un jour qu'il était en voyage, ses compagnons s'en-fuirent au bruit d'une troupe formidable d'hommes, de chevaux et d'éléphants, qui semblait s'approcher avec furie ; lui seul demeura calme ; et quand ses compagnons parurent s'étonner qu'il n'eût pas même manifesté le plus léger signe de trouble : « Si Dieu, répondit-il, ne permet pas aux démons d'exercer sur nous leur fureur, que pourrions-nous craindre ? et s'il leur en donne la permission, pourquoi donc tenterais-je de me dérober à leurs coups ? » Il n'avait du reste qu'à invoquer la Reine du ciel, pour qu'elle se montrât soudain près de lui, et mit en fuite l'enfer saisi d'effroi.
Souvent il se sentait bouleversé jusqu'au fond de l'âme, et ne retrouvait le calme avec la victoire qu'auprès de son refuge ordinaire, Jésus présent dans la sainte Eucharistie. Abreuvé une fois d'indignes outrages, qui l'avaient ému plus qu'à l'ordinaire, il était allé se prosterner au pied de l'autel et demandait instamment au Sauveur le don de la patience. Alors Notre-Seigneur lui apparut tout couvert de plaies, un lambeau de pourpre sur les épaules, une corde au cou, un roseau à la main, une couronne d'épines sur la tête, et s'adressant à Pierre de Basto : « Pierre, lui dit-il, contemple donc ce qu'a souffert le vrai Fils de Dieu, pour apprendre aux hommes à souffrir. »
Mais nous n'avons point touché encore le point que nous voulions signaler dans cette sainte vie : je veux dire la dévotion de Pierre de Basto pour les âmes du purga-toire, dévotion admirablement encouragée et secondée par son ange gardien. Malgré ses travaux multipliés, il récitait chaque jour le saint Rosaire pour les trépassés. Un jour, par oubli, il s'était mis au lit sans l'avoir récité ; mais à peine endormi il fut réveillé par son ange gardien : « Mon fils, lui dit cet esprit céleste, les âmes du purgatoire attendent l'effet ordinaire de votre charité. » Pierre se leva aussitôt pour remplir ce pieux devoir (1).

____________

Chapitre 8

Consolations du purgatoire. — Les anges.
La B. Émilie de Verceil. — Les Saints du ciel.

Si les saints anges s'intéressent ainsi aux âmes du pur-gatoire en général, on comprend aisément qu'ils auront un zèle tout particulier pour celles de leurs clients. Dans le couvent dont la Bienheureuse Émilie (2), religieuse Dominicaine, était prieure, à Verceil, c'était un point de la règle de ne jamais boire hors des repas, à moins d'une autorisation expresse de la supérieure. Cette autorisation, la Bienheureuse avait pour pratique ordinaire de ne point l'accorder ; elle engageait ses soeurs à faire de bonne grâce ce petit sacrifice, en souvenir de la soif ardente que le Sauveur avait éprouvée pour leur salut sur la croix. Et pour les encourager encore mieux, elle leur conseillait de confier ces quelques gouttes d'eau à leur ange gardien, afin qu'il les leur réservât dans l'autre vie, pour apaiser les ardeurs du purgatoire. L'événement suivant montra combien cette pieuse pratique était agréable à Dieu.
Une soeur, nommée Cécile Avoyadra, vint un jour lui demander la permission de se rafraîchir, car elle était pressée de soif. — « Ma fille, dit la prieure, faites ce léger sacrifice par amour pour Dieu et en vue du purgatoire. — Ma mère, ce sacrifice n'est pas si léger : je meurs de soif, » répondit la bonne soeur ; néanmoins, quoique un peu contristée, elle obéit au conseil de sa supérieure. Cet acte tout à la fois d'obéissance et de mor-tification fut précieux aux yeux de Dieu, et la soeur Cécile en fut bien récompensée. — Quelques semaines après, elle mourait, et au bout de trois jours elle apparut rayonnante de gloire à la Mère Émilie. « O ma Mère, lui dit-elle, combien je vous suis reconnaissante ! J'étais condamnée à un long purgatoire pour avoir trop aimé ma famille ; et voilà qu'au bout de trois jours, j'ai vu venir dans ma prison mon ange gardien tenant à la main ce verre d'eau dont vous m'avez fait faire le sacrifice à mon divin Époux : il a répandu cette eau sur les flammes qui me dévoraient : elles se sont éteintes aussitôt et j'ai été délivrée. Je prends mon essor vers le ciel, où ma reconnaissance ne vous oubliera pas (3). »
C'est ainsi que les anges de Dieu aident et consolent les âmes du purgatoire. — On pourrait demander ici comment les Saints et les Bienheureux déjà couronnés dans le ciel peuvent les secourir ? Il est certain, comme dit le Père Rossignoli, et tel est l’enseignement des maîtres de la théologie, S. Augustin et S. Thomas, que les Saints sont très-puissants à cet égard par voie de supplication, ou comme on dit, par voie d'impétration, mais non de satisfaction. En d'autres termes, les saints du ciel peuvent prier pour les âmes et obtenir ainsi de la divine miséricorde la diminution de leur peine ;

1) Ménol. de la Comp. de Jésus. — (2) 17 août. — (3) Rossig. Merv. 60.
mais ils ne peuvent point satisfaire pour elles, ni acquitter, leurs dettes devant la divine justice : c'est là un privilège que Dieu a réservé à son Église militante.

____________

Chapitre 9

Secours accordés aux âmes. — Les suffrages. — Oeuvres méri-toires, impétratoires, satisfactoires. — Miséricorde de Dieu. — Sainte Gertrude. — Judas Machabée.

Si le Seigneur console les âmes avec tant de bonté, sa miséricorde se révèle avec bien plus d'éclat dans le pou-voir qu'il accorde à son Église d'abréger leurs peines. Voulant exécuter avec clémence les arrêts sévères de sa justice, il accorde des réductions et des mitigations de peine ; mais il le fait d'une manière indirecte et par l'in-tervention des vivants. C'est à nous qu'il accorde tout pouvoir de secourir nos frères affligés par voie de suffrage, c'est-à-dire, par voie d'impétration et de satisfaction.
Le mot suffrage dans la langue ecclésiastique est syno-nyme de prière ; cependant quand le Concile de Trente définit que les âmes du purgatoire sont aidées par les suffrages des fidèles, le sens du mot suffrage est plus étendu : il comprend en général tout ce que nous pouvons offrir à Dieu en faveur des trépassés. Or nous pouvons offrir ainsi, non seulement des prières, mais toutes nos bonnes oeuvres, en tant qu'elles sont impétratoires et satisfactoires.
Pour comprendre ces termes, rappelons-nous que chacune de nos bonnes oeuvres, accomplie en état de grâce, possède d'ordinaire une triple valeur aux yeux de Dieu.
1° Cette oeuvre est méritoire, c'est-à-dire qu'elle ajoute à nos mérites, qu'elle nous donne droit à un nouveau degré de gloire dans ciel.
2° Elle est impétratoire (impétrer, obtenir), c'est-à-dire qu'à la manière d'une prière, elle a la vertu d'obtenir de Dieu quelque grâce.
3° Elle est satisfactoire, c'est-à-dire qu'à la manière d'une valeur pécuniaire, elle est propre à satisfaire la justice divine, à payer nos dettes de peines temporelles devant Dieu.
Le mérite est inaliénable, et demeure le bien propre de la personne qui fait l'action. — Au contraire, la valeur impétratoire et satisfactoire peut profiter à d'autres, en vertu de la communion des saints.
Ces notions supposées, posons cette question pratique : Quels sont les suffrages, par lesquels selon la doctrine de l'Église, nous pouvons aider les âmes du purgatoire ?
A cette question on répond : ce sont les prières, les aumônes, les jeûnes et pénitences quelconques, les indul-gences et surtout le saint Sacrifice de la messe.
Toutes ces oeuvres, accomplies en état de grâce, Jésus-Christ nous permet de les offrir à la divine Majesté pour le soulagement de nos frères du purgatoire ; et Dieu les applique à ces âmes selon les règles de sa justice et de sa miséricorde.
Par cette admirable disposition, tout en sauvegardant les droits de sa justice, notre Père céleste multiplie les effets de sa miséricorde, qui s'exerce ainsi tout à la fois envers l'Église souffrante et envers l'Église militante. Le secours miséricordieux qu'il nous permet de porter à nos frères souffrants nous profite excellemment à nous-mêmes : c'est une oeuvre, non seulement avantageuse pour les défunts, mais encore sainte et salutaire pour les vivants : Sancta et salubris est cogitatio pro de functis exorare.
Nous lisons dans les Révélations de sainte Gertrude (1), qu'une humble religieuse de sa communauté, ayant cou-ronné une vie exemplaire par une mort très-pieuse, Dieu

(1) Legatus div. pietatis, 1. 5. c. 5.
daigna montrer à la Sainte l'état de cette défunte. Gertrude vit son âme, ornée d'une beauté ineffable, et chère à Jésus qui la regardait avec amour. Néanmoins, à cause de quel-ques légères négligences non expiées, elle ne pouvait encore entrer dans la gloire, et était obligée de descendre dans le sombre séjour des souffrances. A peine avait-elle disparu dans ces profondeurs, que la Sainte la vit reparaître et s'élever vers le ciel, portée par les suffrages de l'Église : Ecclesioe precibus sursum Ferri.
Déjà dans l'ancienne Loi, on faisait des prières et on offrait des sacrifices pour les morts. L'Écriture rapporte en le louant l'acte pieux de Judas Machabée, après la victoire qu'il remporta sur Gorgias, général du roi Antio-chus. Cette victoire coûta la vie à un certain nombre de soldats israélites. Ces soldats avaient commis une faute, en prenant parmi les dépouilles de l'ennemi des objets consacrés aux idoles, ce qui était défendu par la loi. C'est alors que Judas, chef de l'armée d'Israël, ordonna des prières et des sacrifices pour la rémission de leur péché et le soulagement de leurs âmes. Voici le passage où l’Écriture rapporte ces faits, II Machab. XIII, 39.
« Après le sabbat, Judas vint avec les siens enlever les corps de ceux qui avaient été tués, pour les ensevelir, à l'aide de leurs parents, dans le tombeau de leurs pères.
» Or ils trouvèrent sous les tuniques de ceux qui étaient morts au combat des objets consacrés aux idoles, pris à Jammia, et que la loi interdit aux Juifs. Tout le monde reconnut clairement que c'était la cause de leur mort.
» C'est pourquoi tous bénirent le juste jugement du Seigneur, qui avait découvert ce qu'on avait voulu cacher.
» Et, se mettant en prière, ils conjurèrent le Seigneur d'oublier le péché qui avait été commis. Mais le vaillant Judas exhortait le peuple à se conserver sans péché, à la vue de ce qui était arrivé à cause des péchés de ceux qui avaient été tués.
» Et, après avoir fait une collecte, il envoya douze mille drachmes d'argent à Jérusalem, afin qu'on offrît un sacrifice pour les péchés de ceux qui étaient morts. Il avait de bons et religieux sentiments touchant la résurrection.
» (Car s'il n'eût pas espéré que ceux qui avaient été tués ressusciteraient un jour, il eût regardé comme une chose vaine et superflue de prier pour les morts) ;
» Car il croyait qu'une grande miséricorde est réservée à ceux qui meurent dans la piété.
» C'est donc une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés. »

____________

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:07

Chapitre 10

Secours accordés aux âmes. — La sainte Messe. —
S. Augustin et sainte Monique.

Dans la nouvelle Loi nous avons le divin sacrifice de la Messe, dont les divers sacrifices de la Loi Mosaïque n'étaient que de faibles figures. Le Fils de Dieu l'institua, non seulement comme un digne hommage rendu par la créature à la divine Majesté ; mais encore comme une propitiation pour les vivants et les morts : c'est-à-dire, comme un moyen efficace d'apaiser la justice de Dieu irritée par nos péchés.
La sainte Messe fut célébrée pour les défunts dès l'ori-gine de l'Église. « Nous célébrons l'anniversaire du triomphe des Martyrs, écrivait Tertullien au IIIe siècle (1), et


1) De corona, c. 5.
suivant la tradition de nos Pères, nous offrons le Sacrifice pour les défunts au jour anniversaire de leur mort.»
» Il n'y a pas à en douter, écrit S. Augustin (1), les prières de l'Église, le Sacrifice salutaire, les aumônes distribuées pour les défunts, soulagent les âmes, et font que Dieu en use envers elles avec plus de clémence que ne méritent leurs péchés. C'est la pratique universelle de l'Église, pratique qu'elle observe comme l'ayant reçue de ses Pères, c'est-à-dire des saints Apôtres. »
Sainte Monique, la digne mère de S. Augustin, ne demandait en mourant qu'une chose à son fils, c'est qu'il se souvint d'elle à l'autel du Seigneur ; et le saint Docteur en rapportant cette touchante circonstance au livre de ses Confessions (2), conjure tous ses lecteurs de se joindre à lui pour la recommander à Dieu au saint Sacrifice.
Voulant retourner en Afrique, sainte Monique vint avec Augustin à Ostie pour s'y embarquer ; mais elle tomba malade et sentit bientôt que sa mort était proche. « C'est ici, dit-eIle à son fils, que vous donnerez la sépulture à votre mère. La seule chose que je vous demande, c'est que vous vous souveniez de moi à l'autel du Seigneur, ut ad altare Domini memineritis mei.
» Que l'on me pardonne, ajoute S. Augustin, les lar-mes que j'ai alors versées : car il ne fallait pas pleurer cette mort qui n'était que l'entrée dans la véritable vie. Toutefois, considérant des yeux de la foi la misère de notre nature déchue, je pouvais répandre devant vous, Seigneur, des larmes autres que celles de la chair, les larmes qui coulent à la pensée du péril où se trouve toute âme qui a péché en Adam.
» Certes ma mère a vécu de manière à glorifier votre nom par la vivacité de sa foi et la pureté de ses mœurs ; cependant, oserais-je affirmer qu'aucune parole contraire à la sainteté de votre loi n'est sortie de ses lèvres ? Hélas ! que devient la vie la plus sainte, si vous l'examinez dans la rigueur de votre justice ?
» C'est pourquoi, ô le Dieu de mon coeur, ma gloire et ma vie ! je laisse de côté les bonnes oeuvres que ma mère a faites, pour vous demander seulement le pardon de ses péchés. Exaucez-moi par les blessures sanglantes de Celui qui mourut pour nous sur la croix, et qui maintenant, assis à votre droite, est notre intercesseur.
» Je sais que ma mère a toujours fait miséricorde, qu'elle a pardonné de bon coeur les offenses, remis les dettes qu'on avait contractées envers elle ; remettez-lui donc ses dettes à elle-même, si durant les longues années de sa vie elle en a contracté envers vous. Pardonnez-lui, Seigneur, pardonnez-lui, et n'entrez pas en jugement avec elle, car vos paroles sont véritables : vous avez promis miséricorde aux miséricordieux.
» Cette miséricorde, je crois que vous la lui avez déjà faite, ô mon Dieu ; mais acceptez l'hommage de ma prière. Souvenez-vous qu'au moment de son passage à l'autre vie, votre servante ne songea pour son corps ni à de pompeuses funérailles, ni à des parfums précieux ; elle ne demanda pas un sépulcre magnifique, ni qu'on la transportât dans celui qu'elle avait fait construire à Tagaste, sa patrie ; mais seulement que nous fissions mémoire d'elle à votre autel, dont elle appréciait les mystères. Vous le savez, Seigneur, tous les jours de sa vie elle avait participé à ces divins mystères, qui renferment la Victime sainte dont le sang a effacé la cédule de notre condamnation.
» Qu'elle repose donc en paix avec mon père son mari, avec l'époux auquel elle fut fidèle dans les jours de son union, et dans les tristesses de son veuvage ; avec celui dont elle s'était faite l'humble servante pour le gagner à vous, Seigneur, par sa douceur et sa patience. Et vous, ô mon Dieu, inspirez à vos serviteurs qui sont mes frères, inspirez à tous ceux qui liront ces lignes, de se souvenir à votre autel de Monique, votre servante, et de Patrice, qui fut son époux. Que tous ceux qui vivent encore dans la


(1) Serm. 34, de verbis apost. — (2) Liv. 9. c. 12.
lumière trompeuse de ce monde, se souviennent donc pieusement de mes parents, afin que la dernière prière de ma mère mourante soit exaucée, au delà même de ses voeux. »
Ce beau passage de S. Augustin nous montre le sen-timent de ce grand Docteur au sujet des suffrages pour les défunts ; et il fait voir clairement que le premier et le plus puissant de tous les suffrages est le saint Sacrifice de la messe.

____________

Chapitre 11


Secours accordé aux âmes. — La sainte Messe. — Jubilé de Léon XIII, commémoration solennelle des morts le dernier dimanche de septembre.

Nous avons vu, nous voyons encore le saint enthou-siasme avec lequel l'Église a voulu célébrer le Jubilé sacerdotal de son Chef vénéré, le Pape Léon XIII. Tous les fidèles du monde sont venus à Rome, soit en personne soit au moins de coeur, déposer aux pieds du Vicaire de Jésus-Christ leurs hommages et leurs offrandes ; l'Église militante tout entière a tressailli de joie au milieu de ses longues épreuves.
L'Église triomphante du ciel a été associée à cette allégresse par la canonisation et la béatification d'un groupe nombreux de ses glorieux membres ; ne fallait-il pas que l'Église souffrante vint aussi y prendre part ?
Nos frères du purgatoire pouvaient-ils être oubliés ? Ces âmes, si chères au coeur de Jésus-Christ, ne devaient-elles pas, elles aussi, ressentir les doux effets de cette admirable fête ? On le sent, il eut manqué quelque chose aux saintes réjouissances de l'Église entière, si l'Église souffrante n'y eût pas participé.
Léon XIII l'a compris. Toujours dirigé par l'Esprit-Saint quand il agit en Pasteur Suprême, le Pape, par une Lettre encyclique, datée du 1er avril 1888, a statué que dans
le monde entier, on célèbrerait une solennelle Commémoration des morts, le dernier dimanche du mois de septembre.
Après avoir rappelé avec quel admirable amour l'Église militante a fait éclater sa joie, et comment l'Église triom-phante s'est réjouie avec elle : « Pour mettre en quelque sorte, dit le Saint-Père, le comble à cette joie commune, Nous désirons remplir aussi largement que possible le devoir de Notre charité apostolique, en étendant aussi la plénitude des trésors spirituels infinis à ces fils bien-aimés de l'Église qui, ayant fait la mort des justes, ont quitté cette vie de combat avec le signe de la foi et sont devenus les rejetons de la vigne mystique ; bien qu'il ne leur soit permis d'entrer dans la paix éternelle, que lorsqu'ils auront payé jusqu'à la dernière obole la dette qu'ils ont contractée envers la justice vengeresse de Dieu.
» Nous sommes mû en cela et par les pieux désirs des catholiques, auxquels Nous savons que Notre résolution sera particulièrement chère, et par l'atrocité lamentable des peines dont souffrent les âmes des défunts ; mais Nous Nous inspirons surtout de l'usage de l'Église, qui, au milieu même des plus joyeuses solennités de l'année, n'oublie pas de faire la sainte et salutaire commémoration des défunts, afin qu'ils soient acquittés de leurs fautes.
» C'est pourquoi, comme il est certain, de par la doctrine catholique, que les âmes retenues dans le purgatoire sont soulagées par les suffrages des fidèles et surtout par l'auguste Sacrifice de l'autel, Nous pensons ne pouvoir leur donner de gage plus utile et plus désirable de Notre amour, qu'en multipliant partout, pour l'expiation de leurs peines, l'oblation pure du très-saint sacrifice de notre divin Médiateur.
» Nous établissons donc, avec toutes les dispenses et dérogations nécessaires, le dernier dimanche du mois de septembre prochain, comme un jour de très-ample expiation, dans lequel il sera célébré par Nous et pareillement par chacun de Nos Frères les patriarches, les archevêques et évêques et par les autres prélats exerçant leur juridiction dans un diocèse, chacun dans sa propre église patriarcale, métropolitaine ou cathédrale, une messe spéciale pour les défunts, avec la plus grande solennité possible et d'après le rite indiqué par le missel pour la Commémoration de tous les fidèles défunts. Nous approuvons que cela se fasse de même dans les églises paroissiales et collégiales, aussi bien du clergé séculier que régulier, et par tous les prêtres en général, pourvu que l'on n'omette pas l'office propre de la messe du jour partout où il y en a l'obligation.
» Quant aux fidèles, Nous les exhortons vivement, après avoir fait la confession sacramentelle, à se nourrir dévotement du pain des anges, en suffrage des âmes du purgatoire.
» Nous accordons par Notre autorité apostolique à ces fidèles de gagner l'indulgence plénière pour les défunts ; et la faveur de l'autel privilégié à tous ceux qui, comme il a été dit plus haut, célèbreront la messe.
» Ainsi, les pieuses âmes qui expient par de si grandes peines les restes de leurs fautes, recevront un soulagement spécial et très-opportun, grâce à l'Hostie salutaire que l'Église universelle, unie à son Chef visible et animée d'un même esprit de charité, offrira à Dieu pour qu'il les admette au séjour de la consolation, de la lumière et de la paix éternelle.
» En attendant, Vénérables Frères, Nous vous accordons affectueusement dans le Seigneur, comme gage des dons célestes, la bénédiction apostolique à vous, à tout le clergé et au peuple confié à vos soins.
» Donné à Rome, près Saint-Pierre, en la solennité de Pâques de l'année 1888, la onzième de Notre pontificat. »
LÉON XIII, PAPE.
____________

Chapitre 12

Moyens de secourir les âmes. — La sainte Messe. — Religieux de
Cîteaux délivré par l'Hostie salutaire. — Le B. Henri Suzo.

Non, de tout ce qu'on peut faire en faveur des âmes du purgatoire, il n'est rien d'aussi précieux que l'immolation du divin Sauveur à l'autel. Outre que c'est la doctrine expresse de l'Église, manifestée dans ses conciles, beau-coup de faits miraculeux, authentiques, ne laissent point de doute à cet égard.
Nous avons déjà parlé d'un religieux de Clairvaux qui fut délivré du purgatoire par les prières de S. Bernard et de sa communauté. Ce religieux, dont la régularité avait laissé à désirer, était apparu après sa mort pour demander à S. Bernard des secours extraordinaires. Le saint Abbé avec tous ses fervents disciples, s'empressa de faire offrir des prières, des jeûnes et des messes pour le pauvre défunt. Celui-ci fut bientôt délivré, et apparut plein de reconnaissance à un vieillard de la communauté qui s'était intéressé plus particulièrement à lui. Interrogé sur l'œuvre d'expiation qui lui avait profité davantage, au lieu de répondre, il prit le vieillard par la main, le conduisit à l'église où l'on célébrait la messe en ce moment : « Voilà, dit-il en montrant l'autel, la grande force libératrice, qui a rompu mes chaînes, voilà le prix de ma rançon : c'est l'Hostie salutaire qui ôte les péchés du monde ! » (1)
(1) L'abbé Postel, Le purgatoire. Chap. 5. Cf. Rossign. Merv. 47.
Voici un autre fait, rapporté par l'historien Ferdinand de Castille et cité par le Père Rossignoli. Il y avait à Cologne, parmi les étudiants des cours supérieurs de l'université, deux religieux dominicains d'un talent dis-tingué, dont l'un était le Bienheureux Henri Suzo (1). Les mêmes études, le même genre de vie, et par-dessus tout le même goût pour la sainteté, leur avaient fait contracter une amitié intime, et ils se faisaient part mutuellement des faveurs qu'ils recevaient du ciel.
Quand ils eurent terminé leurs études, se voyant à la veille de se séparer pour retourner chacun dans leur couvent, ils convinrent et se promirent l'un à l'autre, que le premier des deux qui mourrait, serait secouru par l'autre, une année entière, de deux messes par semaine : le lundi, une messe de Requiem, selon l'usage, et le ven-dredi, celle de la Passion, autant que le permettraient les rubriques. Ils s'y engagèrent, se donnèrent le baiser de paix, et quittèrent Cologne.
Pendant plusieurs années ils continuèrent, chacun de son côté, à servir Dieu avec la plus édifiante ferveur. Le Frère, dont le nom n'est pas exprimé, fut le premier appelé au jugement, et Suzo en reçut la nouvelle avec de grands sentiments de soumission à la divine volonté. Quant à l'engagement qu'il avait pris, le temps le lui avait fait oublier. Il priait beaucoup pour son ami, s'imposait en sa faveur des pénitences nouvelles et bien des oeuvres saintes, mais ne songeait point à dire les messes convenues.
Un matin qu'il méditait à l'écart dans une chapelle, il voit tout d'un coup paraître devant lui son ami défunt, qui, le regardant tendrement, lui reproche d'avoir été infidèle à une parole donnée, acceptée, sur laquelle il avait droit de compter avec confiance. — Le Bienheu-reux, surpris, s'excusa de son oubli en énumérant les oraisons et mortifications qu'il avait faites, et qu'il con-tinuait à faire pour un ami, dont le salut lui était aussi précieux que le sien même. « Est-ce donc, mon frère, ajouta-t-il, que tant de prières et de bonnes oeuvres que j'ai offertes à Dieu pour vous, ne vous suffisent pas ? — » Oh ! non, non, mon frère, reprit l'âme souffrante ; non, cela ne me suffit pas ! C'est le sang de Jésus-Christ qu'il faut pour éteindre les flammes dont je suis consumé ; c'est l'auguste Sacrifice qui me rachètera de ces tourments épouvantables. Je vous en conjure donc, tenez votre parole, et ne me refusez pas ce que vous me devez en justice. »
Le Bienheureux s'empressa de répondre à cet infor-tuné qu'il s'acquitterait au plus tôt ; et que, pour réparer sa faute, il célébrerait et ferait célébrer plus de messes qu'il n'en avait promis.
En effet, dès le lendemain, plusieurs prêtres à la prière de Suzo, s'unissant à lui, montaient à l'autel pour le défunt, et continuèrent les jours suivants cet acte de cha-rité. Au bout de quelque temps, l'ami de Suzo lui apparut de nouveau, mais dans un tout autre état : il avait la joie sur le visage et une lumière très-pure l'environnait : « Oh ! merci, mon fidèle ami, lui dit-il ; voici que, grâce au sang
(1) 25 janvier.

p.183
du Sauveur. Je suis délivré de l'épreuve. Je monte au ciel pour contempler Celui "que nous avons si souvent adoré ensemble sous les voiles eucharistiques." Suzo se prosterna pour remercier le Dieu de toute miséricorde, et il comprit mieux que jamais l'inestimable prix du sacrifice auguste de nos autels (Rossignoli, Merveille 34, d'après Ferdinand de Castille).

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:09

Chapitre 14

Soulagement des âmes. – La sainte Messe. – Sainte Elisabeth et la reine  Constance. – S. Nicolas de Tolentino et Pellegrino d'Osima.

Nous lisons dans la vie de sainte Elisabeth de Portugal (8 juillet), qu'après la mort de sa fille Constance, elle connut le triste état de la défunte au purgatoire et le prix que Dieu exigeait pour sa rançon. La jeune princesse, mariée depuis peu au roi de Castille, fut ravie par une mort inopinée à l'affection de sa famille et de ses sujets. Elisabeth venait d'apprendre cette triste nouvelle, et elle se rendait avec le roi son mari dans la ville de Santarem, lorsqu'un ermite, sorti de sa solitude, se mit à courir derrière le cortège royal, en criant qu'il avait à parler à la reine. Les gardes le repoussaient ; mais la Sainte s'étant aperçue de son insistance, donna ordre qu'on lui amenât ce serviteur de Dieu.
Dès qu'il fut en sa présence, il lui raconta que plus d'une fois, pendant qu'il priait dans son ermitage, la reine Constance lui était apparue et l'avait instamment conjuré de faire savoir à sa mère qu'elle gémissait au fond du purgatoire, qu'elle était condamnée à des peines longues
184
et rigoureuses, mais qu'elle serait délivrée si pendant l'espace d'un an on célébrait chaque jour la Sainte Messe pour elle. – Les courtisans, qui avaient entendu cette communication, s'en moquaient tout haut, et traitaient l'ermite de visionnaire, d'intrigant ou de fou.
Quant à Elisabeth, elle se tourna vers le roi et lui demanda ce qu'il en pensait ? "Je crois, répondit le prince, qu'il est sage de faire ce qui vous est "marqué par cette voie extraordinaire. Après tout, faire célébrer des messes pour "notre chère défunte, est une œuvre qui n'a rien que de très-paternel et de très-"chrétien." – On chargea donc de ce soin un saint prêtre, Ferdinand Mendez.
Au bout de l'année, Constance apparut à sainte Elisabeth, vêtue de blanc et rayonnante de gloire. "Aujnourd'hui, ma mère, lui dit-elle, je suis délivrée des "peines du purgatoire et je monte au ciel." – La sainte remplie de consolation et de joie se rendit à l'église pour remercier le Seigneur. Elle y trouva le prêtre Mendez qui lui déclara que, la veille, il avait fini de célébrer les trois cent soixante-cinq messes dont on l'avait chargé. La reine comprit alors que Dieu
184
avait tenu la promesse qu'il lui avait faite par le pieux ermite, et elle lui en témoigna sa reconnaissance en versant d'abondantes aumônes dans le sein des pauvres.
Vous nous avez délivrés de nos persécuteurs et vous avez confondu ceux qui nous haïssaient (Psaume 43). Telles furent les paroles qu'adressèrent à l'illustre saint Nicolas de Tolentino les âmes qu'il avait délivrées en offrant pour elles le sacrifice de la messe. – une des plus grandes vertus de cet admirable serviteur de Dieu, dit le père Rossignoli (Merv. 21, Vie de S. Nic. de Tolentino, 10 sept.), fut sa charité, son dévouement pour l'Eglise souffrante. Pour elle il jeûnait souvent au pain et à l'eau, il se donnait des disciplines cruelles, il se mettait autour des reins
185
une chaîne de fer étroitement serrée. Quand le sanctuaire s'ouvrit devant lui, et qu'on voulut lui conférer le sacerdoce, il recula longtemps devant cette sublime dignité ; ce qui le décida enfin à se laisser imposer les mains, ce fut la pensée qu'en célébrant chaque jour, il pourrait assister plus efficacement ses chères âmes du purgatoire. De leur côté, les âmes qu'il soulageait par tant de suffrages, lui apparurent plusieurs fois pour le remercier ou pour se recommander à sa charité.
Il demeurait à Vallimanesé, près de Pise, tout occupé de ses exercices spirituels, lorsqu'un samedi pendant la nuit, il vit en songe une pauvre âme en peine, qui le suppliait de vouloir bien, le lendemain matin, célébrer la sainte messe pour elle et pour quelques autres âmes, qui souffraient d'une manière affreuse au purgatoire. Nicolas reconnaissait très-bien la voix, mais ne pouvait se rappeler distinctement la personne qui parlait ainsi. Il demanda donc qui elle était. – "Je suis, répondit l'apparition, votre défunt ami, Pellegrino d'Osima. Par "la miséricorde divine, j'ai évité les châtiments éternels par une sincère "pénitence, mais non les peines temporelles dues à mes péchés. Je viens au nom "de beaucoup d'âmes aussi malheureuses que moi, vous supplier d'offrir demain "la sainte messe pour nous : nous en espérons notre délivrance, ou du moins un "grand soulagement." Le saint répondit avec sa bonté accoutumée : "Que le "Seigneur daigne vous secourir par les mérites de son sang précieux ! Mais cette "messe pour les morts, je ne puis la dire demain : c'est moi qui dois chanter au "chœur la messe conventuelle. – Ah ! Venez au moins avec moi, s'écria le "défunt, avec des gémissements et des larmes ; je vous en conjure pour l'amour "de Dieu, venez contempler nos souffrances, et vous ne me refuserez plus : vous "êtes trop bon pour nous laisser dans de pareilles angoisses."
Alors il lui sembla qu'il était transporté dans le purga-
p.186 (début)
-toire. Il vit une plaine immense, où une grande multitude d'âmes de tout âge et de toute condition étaient livrées à des tortures diverses et épouvantables : du geste et de la voix elles imploraient tristement son assistance. "Voilà, lui dit "Pellegrino, la situation de ceux qui m'ont envoyé vers vous. Comme vous êtes "agréable à Dieu, nous avons la confiance qu'il ne refuserait rien à l'oblation du "Sacrifice faite par vous, et que sa divine miséricorde nous délivrerait."
A ce lamentable spectacle, le saint ne put retenir ses larmes. Il se mit aussitôt en prière pour soulager tant d'infortunés, et le lendemain matin il alla trouver son Prieur, lui rendit compte de sa vision et de la demande de Pellegrino concernant sa messe pour ce jour-là même. Le père Prieur, partageant son émotion, le dispensa pour ce jour et pour toute la semaine, de sa fonction d'hebdomadaire, afin qu'il pût offrir le saint sacrifice à l'intention demandée, et se consacrer tout entier au soulagement des pauvres âmes. Heureux de cette permission, Nicolas se rendit à l'église et célébra avec une dévotion extraordinaire la sainte Messe pour les défunts. Pendant toute la semaine, il continua d'offrir le saint sacrifice à la même intention, pratiquant en outre, jour et nuit des oraisons, des macérations et toutes sortes de bonnes œuvres.
A la fin de la semaine, Pellegrino lui apparut de nouveau, mais non plus dans un état de souffrance : il était revêtu d'une robe blanche, et environné d'une splendeur toute céleste, dans laquelle se montraient une foule d'autres âmes bienheureuses. Toutes ensemble lui rendaient grâces et l'appelaient leur libérateur, puis elles s'élevèrent au ciel en chantant le verset du Psalmiste : Salvasti nos de affligentibus nos, et odientes nos confudisti, vous nous avez délivrés de nos persécuteurs et vous avez confondu ceux qui nous haïssaient (Ps. 43). Les ennemis dont il est ici parlé sont les péchés, et les démons qui en sont les instigateurs.

187

Chapitre 14

Soulagement des âmes. – la sainte Messe. – Le Père Gérard.
Le trentain ou les trente messes de S. Grégoire

Voici des effets surnaturels d'un genre différent, mais qui rendent également sensible la vertu de la messe pour les défunts. Nous le trouvons dans les mémoires du Père Gérard, missionnaire jésuite anglais et confesseur de la foi, pendant les persécutions d'Angleterre au XVIe siècle. Après avoir raconté comment il reçut l'abjuration d'un gentilhomme protestant, marié à l'une de ses cousines, le Père Gérard ajoute :

187
"Cette conversion en amena une autre, entourée de circonstances assez extraordinaires. Mon nouveau converti alla voir un de ses amis, dangereusement malade : c'était un homme droit, retenu dans l'hérésie plus par illusion que pour d'autres motifs. Le visiteur le pressant vivement de se convertir et de penser à son âme, obtint de lui la promesse de se confesser. Il l'instruisit de tout, lui apprit à exciter dans son âme la douleur de ses péchés, et alla chercher un prêtre. Il eut beaucoup de peine à en trouver un, et pendant ce temps le malade mourut. – Avant d'expirer, le pauvre mourant avait souvent demandé si son ami reviendrait avec le médecin qu'il avait promis de lui amener : il appelait ainsi le prêtre catholique.
"Ce qui arriva ensuite sembla montrer que Dieu avait agréé la bonne volonté du défunt. Les nuits qui suivirent sa mort, sa femme, une protestante, vit dans la chambre une lumière qui s'agitait autour d'elle et pénétra même dans son alcôve. Effrayée, elle voulut que ses filles de service couchassent dans la chambre ; mais celles-ci ne virent rien, bien que la lumière continuât de paraître aux yeux de leur maîtresse. La pauvre Dame envoya chercher
188
l'ami, dont son mari avait attendu le retour avec un si vif désir, lui exposa ce qui se passait, et demanda ce qu'il y avait à faire.
"Cet ami, avant de répondre, consulta un prêtre catholique. Le prêtre lui dit que, probablement, cette lumière était pour la femme du défunt un signe surnaturel, par lequel Dieu l'invitait à revenir à la vraie foi. La Dame fut vivement impressionnée de cette parole : elle ouvrit son cœur à la grâce et se convertit à son tour.
"Un fois catholique, elle fit célébrer la messe dans sa chambre pendant assez longtemps ; mais la lumière revenait toujours. Le prêtre considérant les circonstances devant Dieu, pensa que le défunt, sauvé par son repentir accompagné du désir de la confession, se trouvait au purgatoire et avait besoin de prières. Il conseilla à la Dame de faire dire la messe pour lui pendant trente jours, conformément au vieil usage des catholiques anglais. La bonne veuve le fit ; et la nuit du trentième jour, au lieu d'une lumière, elle en aperçut trois : deux semblaient en soutenir une autre. Les trois lumières entrèrent dans l'alcôve, puis montèrent au ciel pour ne plus revenir. – Ces lumières mystérieuses semblent avoir indiqué les trois conversions et l'efficacité du sacrifice de la messe pour ouvrir aux défunts l'entrée au ciel."
Le trentain, ou les trente messes qu'on dit pendant trente jours consécutifs, n'est pas seulement un usage anglais, comme l'appelle le P. Gérard ; il est aussi fort répandu en Italie et dans d'autres pays de la chrétienté. On appelle ces messes les trente messes de S. Grégoire, parce que la pieuse coutume en semble remonter à ce grand Pape. Voici ce qu'il rapporte dans ses Dialogues, liv. 4, cham. 40.

188
Un religieux de son monastère, appelé Juste, avait reçu et gardé en propriétaire trois écus d'or. C'était une faute grave contre son vœu de pauvreté ; il fut découvert et frappé d'excommunication. Cette peine salutaire le fit rentrer en lui-même, et quelque temps après il mourut
189
dans de vrais sentiments de repentir. Cependant S. Grégoire, pour inspirer à tous les frères une vive horreur du crime de propriété dans un religieux, ne leva pas pour cela l'excommunication ; Juste fut enterré à l'écart, et on jeta dans la fosse les trois écus, pendant que les religieux répétaient tous ensemble la parole de S. Pierre à Simon le Magicien : Pecunia tua tecum sit in perditionem, que ton argent périsse avec toi.
Quelque temps après, le saint Abbé, jugeant que le scandale était assez réparé, et touché de compassion pour l'âme de Juste, fit appeler l'économe, et lui dit avec tristesse : "Depuis le moment de sa mort notre frère défunt est torturé "dans les flammes du purgatoire ; nous devons par charité nous efforcer de l'en "délivrer. Allez donc, et à partir d'aujourd'hui, ayez soin que le saint Sacrifice "soit offert pour lui pendant trente jours : n'en laissez passer aucun sans que "l'Hostie de propitiation soit immolée pour sa délivrance."
L'économe obéit ponctuellement. Les trente messes furent célébrées dans le cours de trente jours. Or quand le trentième jour fut venu et que la trentième messe fut finie, le défunt apparut à un Frère appelé Copiosus en disant : "Bénissez Dieu, mon frère : aujourd'hui même je suis délivré et admis dans la "société des Saints."
C'est depuis lors que s'établit le pieux usage de faire célébrer des trentains de messes pour les défunts.

190

Chapitre 15

Soulagement des âmes. – La sainte Messe. – Eugénie d'Ardoye.-
Lacordaire et le prince Polonais.

Rien n'est plus conforme à l'esprit chrétien que le soin de faire offrir le saint Sacrifice pour le soulagement des défunts ; et ce serait un bien grand mal si le zèle des fidèles à cet égard venait à se refroidir. Aussi Dieu semble multiplier les prodiges pour les empêcher de tomber dans ce funeste relâchement. Voici un fait attesté par un prêtre respectable du diocèse de Bruges, qui le tenait de source première, et en avait toute la certitude d'un témoin oculaire. Le 13 octobre 1849 mourut dans la commune d'Ardoye, en Flandre, la fermière Eugénie van de Kerchove, épouse de Jean Wybo, âgée de 52 ans. C'était une femme pieuse, charitable, faisant l'aumône avec une générosité proportionnée à l'aisance de sa
190
condition. Elle eut jusqu'à la fin de sa vie une grande dévotion à la S. Vierge et pratiquait l'abstinence en son honneur le mercredi et le samedi de chaque semaine. Quoique sa conduite ne fût pas exempte de certains défauts domestiques, elle était du reste fort édifiante et même exemplaire.
Une servante, appelée Barbe Vannecke, âgée de 28 ans, fille vertueuse et dévouée, qui avait assisté sa maîtresse Eugénie dans sa dernière maladie, continua à servir son maître Jean Wybo, veuf d'Eugénie.
Environ trois semaines après sa mort, la défunte apparut à cette servante dans les circonstances que nous allons rapporter. C'était au milieu de la nuit : Barbe dormait profondément, lorsqu'elle s'entendit appeler trois fois distinctement par son nom. Elle s'éveille en sursaut, et voit son ancienne maîtresse, la fermière Wybo, en habit
191
de travail, jupon et jaquette courte, assise sur le bord de son lit. A cette vue, chose remarquable, bien que saisie d'étonnement, Barbe ne fut point effrayée et conserva toute sa présence d'esprit.
L'apparition lui adressa la parole : Barbe, lui dit-elle d'abord, en prononçant simplement son nom. – Que désirez-vous, Eugénie ? répondit la servante. – Prenez, dit la maîtresse, le petit râteau que je vous ai fait mettre en place bien souvent, remuez le tas de sable dans la chambrette que vous connaissez. Vous y trouverez une somme d'argent : employer-la pour faire célébrer des messes, au taux de deux francs, à mon intention ; car je suis encore dans les souffrances. – Je le ferai, Eugénie, répondit Barbe ; et au même moment l'apparition disparut. La servante, toujours calme, se rendormit et reposa tranquillement jusqu'au lendemain.
A son réveil, Barbe se crut d'abord le jouet d'un songe ; mais son esprit était si frappé, elle avait été si bien éveillée, elle avait vu son ancienne maîtresse sous une forme si nette et si vivante, elle avait entendu de sa bouche des indications si précises, qu'elle ne put s'empêcher de dire : "Ce n'est pas ainsi "qu'on rêve. J'ai vu ma maîtresse en personne, qui s'est montrée à mes yeux et "qui m'a parlé : ce n'est pas un songe, mais une réalité." – Elle s'en va donc prendre le râteau désigné, fouille le sable et en retire bientôt une bourse, contenant la somme de cinq cents francs.
Dans ces circonstances étranges et exceptionnelles, la bonne fille crut devoir recourir aux conseils de son curé, et alla lui exposer ce qui était arrivé. Le vénérable abbé R. alors curé d'Ardoye, répondit que les messes demandées par la défunte devaient être célébrées ; mais, pour disposer de la somme découverte, il fallait le consentement du fermier Jean Wybo. Celui-ci consentit volontiers à un si saint emploi de cet argent, et les messes furent célébrées pour la défunte au taux de deux francs.


192
Cette circonstance des honoraires doit être signalée, parce qu'elle répond aux pieuses habitudes de la défunte. Le taux fixé par le tarif diocésain était d'environ un franc et demi ; mais l'épouse Wybo, par dévouement pour le clergé, obligé, à cette époque de disette, de soulager une foule de pauvres, donnait deux francs pour toutes les messes qu'elle faisait célébrer.
Deux mois après la première apparition, Barbe fut réveillée de nouveau au milieu de la nuit. Cette fois sa chambre était illuminée d'une vive clarté, et sa maîtresse Eugénie, belle et fraîche comme dans ses plus beaux jours, revêtue d'une robe éblouissante de blancheur, se tenait devant elle et la regardait avec un aimable sourire : Barbe, lui dit-elle d'une voix claire et intelligible, je vous remercie : je suis délivrée. – Après avoir prononcé ces mots, elle disparut, la chambre rentra dans l'obscurité, et la bonne servante, émerveillée de ce qu'elle venait de voir, fut inondée de bonheur. Cette apparition fit la plus vive impression sur son esprit et elle en a conservé jusqu'à ce jour le plus consolant souvenir. C'est d'elle que nous tenons tous ces détails, par l'intermédiaire du vénérable abbé L. qui était vicaire à Ardoye quand ces faits sont arrivés.
Le célèbre Père Lacordaire, au début des conférences sur l'immortalité de l'âme, qu'il adressait, peu d'années avant sa mort, aux élèves de Sorèze, leur racontait le fait suivant.
"Le Prince polonais de X.… incrédule et matérialiste avoué, venait de composer un ouvrage contre l'immortalité de l'âme ; il était même sur le point de le livrer à l'impression, quand, se promenant un jour dans son parc, une femme tout en larmes se jette à ses pieds, et lui dit avec l'accent d'une profonde douleur : "Mon bon Prince, mon mari vient de mourir… En ce moment, son âme est "peut-être au purgatoire, dans les souffrances !… Je suis dans une telle indigence, que je n'ai
193
"pas même la petite somme qu'il faudrait pour faire célébrer la messe des "défunts. Que votre bonté daigne me venir en aide en faveur de mon pauvre mari !"
"Quoique le gentilhomme se tint pour convaincu que cette femme était abusée par sa crédulité, il n'eut pas le courage de la repousser. Une pièce d'or se rencontre sous sa main ; il la lui donne, et l'heureuse femme de courir à l'église, et de prier le prêtre d'offrir quelques messes pour son mari.
"Cinq jours après, vers le soir, le prince, retiré et enfermé dans son cabinet, relisait son manuscrit et retouchait quelques détails, quand, levant les yeux, il voit à deux pas de lui un homme vêtu comme les paysans de la contrée. "Prince, lui dit l'inconnu, je viens vous remercier. Je suis le mari de cette pauvre "femme qui vous suppliait, il y a peu de jours, de lui donner l'aumône, afin de "faire offrir le sacrifice de la messe pour le repos de mon âme. Votre charité a "été agréable à Dieu : c'est lui qui m'a permis de venir vous remercier."

193
"Ces paroles dites, le paysan polonais disparaissait comme une ombre. – L'émotion du Prince fut indicible et eut pour lui ce résultat : il mit au feu son ouvrage, et se rendit si bien à la vérité que sa conversion fut éclatante ; il persévéra jusqu'à la mort."

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:11

Chapitre 16

Soulagement des âmes. – Liturgie de l'Eglise.
Commémoration des morts. – S. Odilon

La sainte Eglise possède une liturgie particulière pour les défunts : elle se compose des vêpres, des matines, des laudes et de la messe, appelée communément messe de
194
Requiem. Cette liturgie aussi touchante que sublime, à travers le deuil et les larmes fait briller aux yeux des fidèles la consolante lumière de l'immortalité. Elle se déploie aux funérailles de ses enfants, et surtout au jour solennel de la Commémoration des morts. La sainte Messe y tient la première place, elle est comme le centre divin auquel toutes les autres prières et cérémonies se rapportent. Le lendemain de la Toussaint, à la grande solennité des Trépassés, tous les prêtres doivent célébrer le Sacrifice pour les défunts ; tandis que les fidèles se font un devoir d'y assister, et même d'offrir la sainte Communion, des prières et des aumônes, pour soulager leurs frères du purgatoire.
Cette Fête des défunts n'est pas très-ancienne. Dès le principe l'Eglise a prié pour ses enfants trépassés : elle chantait des psaumes, récitait des prières, offrait la sainte messe pour le repos de leurs âmes. Cependant nous ne voyons pas qu'il y eût une fête particulière pour recommander à Dieu tous les morts en général. Ce ne fut qu'au Xe siècle, que l'Eglise, toujours dirigée par le Saint-Esprit, institua la Commémoration de tous les fidèles défunts, pour engager les fidèles vivants à remplir avec plus de soin et de ferveur, le grand devoir de la prière pour les morts, prescrit par la charité chrétienne.
Le berceau de cette touchante solennité fut l'abbaye de Cluni. Saint Odilon (Premier janvier), qui en était abbé à la fin du Xe siècle, édifiait la France par sa charité envers le prochain. Etendant jusqu'aux morts sa commisération, il ne cessait de prier et de faire prier pour les âmes du purgatoire. Ce fut cette tendre charité qui lui inspira d'établir dans son monastère de Cluni ainsi que dans toutes les dépendances, la fête de la Commémoration de tous les trépassés. On croit, dit l'historien Bérault, qu'il y fut engagé par une révélation du ciel ; car Dieu daigna
195
manifester d'une manière miraculeuse combien la dévotion d'Odilon lui était agréable. Voici comme la chose est rapportée par les historiens.
195
Tandis que le saint Abbé gouvernait son monastère en France, un pieux ermite vivait dans une petite île sur les côtes de Sicile. Un pèlerin français qui revenait de Jérusalem, fut jeté sur ce rocher par une tempête. L'ermite qu'il alla visiter, lui demanda s'il connaissait l'abbaye de Cluni et l'Abbé Odilon ? "Assurément, répondit le pèlerin, je les connais et me fais gloire de les connaître "; mais vous, comment les connaissez-vous ? Et pourquoi me faites-vous cette "question ? – J'entends souvent, répliqua le solitaire, les malins esprits se "plaindre des personnes pieuses, qui, par leurs prières et leurs aumônes, "délivrent les âmes des peines qu'elles souffrent en l'autre vie ; mais ils se "plaignent principalement d'Odilon, Abbé de Cluni, et de ses religieux. Quand "donc vous serez arrivé dans votre patrie, je vous prie au nom de Dieu d'exhorter "ce saint Abbé et ses moines à redoubler leurs bonnes œuvres en faveur des "pauvres âmes."
Le pèlerin se rendit à l'abbaye de Cluni et s'acquitta de sa commission. En conséquence, saint Odilon ordonna que dans tous les monastères de son institut, on fit tous les ans, le lendemain de la Toussaint, la commémoration de tous les fidèles trépassés, en récitant dès la veille les vêpres des morts et le lendemain les matines ; en sonnant toutes les cloches et en célébrant une Messe solennelle pour les défunts. – On conserve encore le décret qui en fut dressé à Cluni, l'an 998, tant pour ce monastère que pour tous ceux de sa dépendance. Une pratique si pieuse passa bientôt à d'autres églises, et devint après quelque temps l'observance universelle de tout le monde catholique.

196

Chapitre 17

Soulagement des âmes. – Sacrifice de la Messe. – Le Frère Jean de l'Alverne, à l'autel. – Sainte Mad. de Pazzi. – Saint Malachie et sa sœur.

Les annales de l'ordre séraphique nous parlent d'un saint religieux appelé Jean de l'Alverne : il aimait ardemment Notre-Seigneur Jésus-Christ, et embrassait dans le même amour les âmes rachetées par son sang et si chères à son Cœur. Celles qui souffrent dans les prisons du purgatoire avaient une large part à ses prières, à ses pénitences, à ses Sacrifices. Dieu daigna un jour lui faire voir les admirables et consolants effets du divin Sacrifice offert, le jour des morts, sur tous les autels. Le serviteur de Dieu célébrait la messe pour les défunts en cette solennité, lorsque ravi en esprit, il vit le purgatoire ouvert et les âmes qui en sortaient, délivrées par la vertu du Sacrifice de propitiation : elles ressemblaient à d'innombrables étincelles qui s'échappaient d'une fournaise ardente.

196
On s'étonnera moins des puissants effets de la sainte messe, si l'on se rappelle que ce sacrifice est identiquement le même que celui que le Fils de Dieu offrit sur la croix : c'est le même prêtre, dit le saint Concile de Trente, c'est la même victime ; il n'y a que le mode d'immolation qui diffère : sur la croix l'immolation fut sanglante, sur nos autels elle est non-sanglante.
Or le sacrifice de la croix étant d'un prix infini, celui de l'autel est aux yeux de Dieu d'une valeur égale. Remarquons toutefois, que l'efficacité de ce divin sacrifice n'est appliquée aux défunts que partiellement, et dans une mesure connue de la seule justice de Dieu.
La passion de Jésus-Christ et son précieux sang,
197
répandu pour notre salut, sont un océan inépuisable de mérites et de satisfactions. C'est par la vertu de cette passion sainte que nous obtenons tous les dons et toutes les miséricordes du Seigneur. La seule commémoration qu'on en fait par manière de prière, lorsqu'on offre à Dieu le sang de son Fils unique pour implorer sa miséricorde, cette prière, dis-je, appuyée ainsi sur la passion de Jésus-Christ, est d'une grande puissance devant Dieu. Sainte Madeleine de Pazzi avait appris de Notre-Seigneur à offrir au Père éternel le sang de son divin Fils : c'était une simple commémoration de la passion. Elle la faisait cinquante fois chaque jour ; et dans une de ses extases, le Sauveur lui fit voir un grand nombre de pécheurs convertis et d'âmes du purgatoire délivrées par cette pratique : "Toutes les fois, ajouta-t-il, qu'une créature offre à mon Père ce sang par lequel "elle a été rachetée, elle lui offre un don d'un prix infini." – Si telle est la valeur d'une offrande commémorative de la passion, que dire du sacrifice de la Messe, qui est le renouvellement véritable de cette même passion ?
Beaucoup de chrétiens ne connaissent pas suffisamment la grandeur des Mystères divins qui s'accomplissent sur nos autels ; la faiblesse de leur foi se joignant au manque de connaissance, les empêche d'apprécier le trésor qu'ils possèdent dans le divin sacrifice, et le leur fait regarder avec une sorte d'indifférence. Hélas ! Ils verront plus tard avec de douloureux regrets combien, ils se sont trompés. La sœur de saint Malachie, archevêque d'Armagh en Irlande nous en offre un frappant exemple.
Dans sa belle Vie de S. Malachie (8 novembre), S. Bernard loue hautement la dévotion de ce prélat envers les âmes du purgatoire. N'étant encore que diacre, il aimait à assister aux funérailles des pauvres et à la messe qu'on célébrait pour eux ; il accompagnait même leurs corps jusqu'au cime-
198
tière, avec d'autant plus de zèle, qu'il voyait ces malheureux d'ordinaire trop négligés après leur mort. Mais il avait une sœur qui, toute remplie de l'esprit du monde, trouvait que son frère, en se rapprochant ainsi des pauvres, se dégradait, s'avilissait, et sa famille avec lui. Elle lui en fit des reproches et montra par son langage qu'elle ne comprenait ni la charité chrétienne, ni la divine excellence du
198
sacrifice de la messe. – Malachie n'en continua pas moins l'exercice de son humble charité, se contentant de répondre à sa sœur qu'elle oubliait les enseignements de Jésus-Christ, et qu'elle se repentirait un jour de ses paroles indiscrètes.
Cependant le ciel ne laissa pas impunie l'imprudente témérité de cette femme : elle mourut jeune encore, et alla rendre compte au souverain Juge de sa vie peu chrétienne. Malachie avait eu à se plaindre d'elle ; mais quand elle fut morte, il oublia tous les torts qu'elle avait eus à son égard ; ne pensant plus qu'aux besoins de son âme, il offrit le saint sacrifice et pria beaucoup pour elle. A la longue cependant, ayant à prier pour bien d'autres défunts, il perdit un peu de vue sa pauvre sœur. On peut croire, ajoute le P. Rossignoli, que Dieu avait permis cet oubli en punition de l'insensibilité qu'elle avait témoignée envers les trépassés.
Quoi qu'il en soit, elle apparut à son saint frère pendant son sommeil. Malachie la vit se tenant au milieu de la cour qui s'étendait devant l'église, triste, vêtue de noir, sollicitant sa compassion et se plaignant de ce que depuis trente jours il ne l'avait plus soulagée. Il se réveilla en sursaut et se rappela qu'en effet depuis trente jours il n'avait plus célébré la messe pour sa sœur. Dès le lendemain il recommença à offrir pour elle le saint sacrifice. Alors la défunte lui apparut à la porte de l'église, assise sur le seuil et gémissant de n'y pourvoir entrer. Il continua donc ses suffrages. Quelques jours après il la vit entrer dans l'église et s'avancer jusqu'au milieu, mais sans pou-
199
Voir, malgré tous ses efforts se rapprocher de l'autel. Il fallait donc l'aider davantage, et le Saint offrit d'autres messes. Enfin quelques jours après, il la vit près de l'autel, vêtue d'habits magnifiques, toute rayonnante de joie et délivrée de ses peines.
On voit par là, ajoute S. Bernard, combien grande est l'efficacité du saint Sacrifice pour ôter les péchés, pour combattre les puissances adverses, et pour introduire au ciel les âmes qui ont quitté la terre.

Chapitre 18

Soulagement des âmes. – Le sacrifice de la Messe. – S. Malachie à Clairvaux. – La sœur Zénaïde. – Le vén. Joseph Anchieta et la messe de Requiem.

Nous ne devons point ici omettre le récit de la grâce toute particulière, qui valut à S. Malachie sa grande charité envers les âmes du purgatoire. Un jour qu'il se trouvait avec plusieurs personnes pieuses et les entretenait familièrement des choses spirituelles, il vint à parler du dernier passage. "Si on laissait, dit-il, à "chacun de vous le choix, à quel jour et en quel lieu souhaiteriez-vous de mourir ?" A cette question les uns indiquaient une fête, les autres une autre ; ceux-ci tel
endroit et ceux-là tel autre. Quand ce fut au tour du Saint de manifester sa pensée, il dit qu'il ne finirait nulle part plus volontiers sa vie qu'au monastère de Clairvaux, gouverné par S. Bernard, afin de jouir tout de suite des sacrifices de ces fervents religieux ; et quant au temps, il préférerait, disait-il, le jour de la Fête des morts, afin d'avoir part à toutes les messes, à toutes les prières, qui se font ce jour-là pour les défunts dans tout le monde catholique.


p.200
Ce souhait de sa piété fut accompli de point en point. Il se rendait à Rome auprès du Pape Eugène III, quand, arrivé à Clairvaux, peu avant la Toussaint, il fut surpris par une grave maladie, qui l'obligea de s'arrêter dans cette pieuse maison. Il comprit bientôt que le Seigneur avait exaucé ses vœux, et s'écria avec le prophète : C'est ici le lieu de mon repos pour toujours : j'y demeurerai parce que je l'ai choisi (Psalm. 131). En effet le lendemain de la Toussaint, tandis que toute l'Eglise priait pour les défunts, il rendit son âme au Créateur.
Nous avons connu, dit l'abbé Postel, une sainte religieuse, la sœur Zénaïde P. qui, attaquée d'une maladie affreuse depuis plusieurs années, demandait à Notre-Seigneur la grâce de mourir le jour de la Commémoration des morts, pour lesquels elle avait eu toujours une grande dévotion. Il lui fut accordé comme elle désirait. Le 2 novembre au matin, après deux ans de souffrances, supportées avec le courage le plus chrétien, elle se mit à chanter un cantique d'action de grâces, et expira doucement quelques instants avant l'heure où commence la célébration des messes dans toutes les églises.
On sait qu'il y a dans la liturgie catholique une messe spéciale pour les défunts : elle se célèbre en ornement noir et on la nomme messe de Requiem. On pourrait demander si cette messe est plus profitable aux âmes que les autres ? – Le sacrifice de la Messe, malgré la diversité des cérémonies est toujours le même, le sacrifice infiniment saint du Corps et du Sang de Jésus-Christ. Mais comme la messe des morts contient des prières particulières pour les âmes, elle leur obtient aussi des secours particuliers, du moins toutes les fois que les règles liturgiques permettent au prêtre de célébrer en noir. Cette opinion fondée sur l'institution et la pratique de l'Eglise, se trouve confirmée par un fait que nous
201
lisons dans la vie du vénérable Père Joseph Anchieta.
Ce saint religieux de la Compagnie de Jésus, surnommé à juste titre le thaumaturge du Brésil, avait comme tous les saints une grande charité pour les âmes du purgatoire. Un jour, c'était pendant l'octave de Noël, où l'Eglise défend les messes de Requiem, le 27 décembre, fête de S Jean l'Evangéliste, cet homme de Dieu au grand étonnement de tous, monta à l'autel en ornement noir et célébra une messe de morts.
Son supérieur, le Père Nobréga, connaissant la sainteté d'Anchieta, ne doutait point qu'il n'agit par inspiration divine ; néanmoins pour ôter à cette conduite le caractère d'irrégularité qu'elle paraissait avoir, il le reprit devant tous ses confrères. "Eh ! Quoi, mon Père, lui dit-il, ne savez-vous pas que l'Eglise "défend de célébrer en noir aujourd'hui ? Avez-vous donc oublié les règles "liturgiques ?" – Le bon Père, humble et obéissant, répondit avec une respectueuse simplicité que Dieu lui avait fait connaître la mort d'un Père de la Compagnie. Ce Père, son ancien condisciple à l'université de Coïmbre, et qui

201

résidait pour lors en Italie au collège de la sainte Maison de Lorette, était mort cette nuit-là même. "Dieu, ajouta-t-il, en m'en donnant connaissance, m'a fait "comprendre que je devais aussitôt offrir pour lui le saint Sacrifice et faire tout "ce qui était en mon pouvoir pour soulager cette âme. – Mais, continua le "supérieur, savez-vous si la sainte Messe célébrée, comme vous l'avez fait, lui a "été utile ? – Oui, repris modestement Anchieta : immédiatement après la "commémoraison des morts, lorsque je disais ces paroles : A Dieu le Père tout-"puissant, dans l'unité du Saint-Esprit, tout honneur et gloire ! le Seigneur m'a "fait voir cette chère âme, délivrée de toute peine, monter au ciel, où l'attendait "la couronne."

202

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:13

Chapitre 19

Soulagement des âmes par le sacrifice de la Messe. – La vén. Mère Agnès et la sœur Séraphique. – Marguerite d'Autriche. – L'archiduc Albert. – Le Père Mancinelli.

Nous venons de parler de l'efficacité du saint Sacrifice de la Messe pour le soulagement des âmes. C'est la foi vive à ce consolant mystère qui enflamme la dévotion des vrais fidèles, et adoucit l'amertume de leur deuil. La mort leur enlève-t-elle un père, une mère, un ami ? Ils tournent leurs yeux mouillés vers l'autel, qui leur offre le moyen de témoigner au cher défunt leur amour et leur reconnaissance. De là ces messes nombreuses qu'ils font célébrer, de là cet empressement pieux à assister en faveur des défunts au sacrifice de propitiation.
La vénérable Mère Agnès de Langeac, religieuse Dominicaine dont nous avons déjà parlé, assistait à la sainte Messe avec la plus grande dévotion, et engageait ses sœurs à la même ferveur. Elle leur disait que ce divin sacrifice est l'action la plus sainte de la religion, l'œuvre de Dieu par excellence ; et elle leur rappelait la parole des Livres saints : maudit soit celui qui fait l'œuvre de Dieu négligemment. Une sœur de la communauté, nommée sœur Séraphique, vint à mourir : elle n'avait pas assez tenu compte des salutaires avis de sa supérieure, et fut condamnée à un rude purgatoire.
La mère Agnès en eut connaissance. Dans un ravissement, elle se trouva en esprit au lieu des expiations, y vit beaucoup d'âmes dans les flammes, et reconnut parmi elles la sœur Séraphique, qui d'une voix lamentable lui demandait du secours. Touchée de la plus vive compassion, la charitable Supérieure fit tout ce qu'elle put pendant huit jours : elle jeûnait, communiait et assistait à la sainte Messe, pour la chère défunte. Comme elle priait


203
avec beaucoup de larmes et de gémissements, conjurant la divine miséricorde par le précieux sang de Jésus-Christ, qu'il lui plût de tirer sa chère fille des flammes, et de l'admettre au bonheur de voir sa face ; elle entendit une voix qui lui disait : Continue encore de prier, il n'est pas temps de la délivrer. La mère Agnès persévéra avec confiance, et deux jours après, tandis qu'elle assistait au divin sacrifice, au moment de l'élévation, elle vit l'âme de sœur Séraphique monter au ciel avec une extrême joie. Cette vue si consolante fut la récompense de sa charité et enflamma d'une nouvelle ardeur sa dévotion au saint Sacrifice de la messe.
Les familles, chrétiennes, où règne l'esprit de foi, se font un devoir de faire célébrer un grand nombre de messes pour leurs morts, selon leur condition et leur fortune : elles s'épuisent en de saintes prodigalités, pour multiplier les suffrages de l'Eglise et soulager ainsi les âmes. Il est rapporté dans la Vie de la reine Marguerite d'Autriche, femme de Philippe III, qu'en un seul jour, qui fut celui de ses obsèques, on célébra dans la ville de Madrid, près de onze cents messes pour le repos de son âme. Cette Princesse avait demandé mille messes dans son testament ; le roi en fit ajouter vingt mille. – Quand l'archiduc Albert mourut à Bruxelles, sa veuve, la pieuse Isabelle, fit célébrer pour lui quarante mille messes ; et pendant un mois tout entier, elle-même en entendit dix par jour, avec la plus grande piété (Le Père Munford, Charité envers les défunts).
Un des plus parfaits modèles de la dévotion à la sainte messe et de la charité envers les âmes du purgatoire, fut le Père Jules Mancinelli de la Compagnie de Jésus. Les Sacrifices offerts par ce digne religieux, dit le P. Rossignoli (Merveille 23), semblaient avoir auprès du Seigneur une efficacité particulière pour le soulagement des défunts.
204
Les âmes lui apparaissaient fréquemment pour lui demander la grâce d'une seule messe.
César Costa, oncle du P. Mancinelli, était archevêque de Capoue. Un jour rencontrant son saint neveu fort pauvrement vêtu, malgré la rigueur du froid, il lui donna avec beaucoup de charité une aumône pour se procurer un manteau. A quelque temps de là, l'Archevêque mourut ; et le Père étant sorti pour visiter ses malades, couvert de son nouveau vêtement, vit son oncle défunt venir à lui tout entouré de flammes, le suppliant de lui prêter son manteau. Le Père le lui donna, et le défunt s'en étant enveloppé, ses flammes s'éteignirent aussitôt. Mancinelli comprit que cette âme souffrait dans le purgatoire et qu'elle lui demandait de la soulager dans ses peines, en retour de la charité dont elle avait usé à son égard. Aussi, reprenant son manteau, il lui promit de prier pour elle avec le plus grand zèle, surtout à l'autel du Seigneur.
Ce fait fut si notoire et produisit une si salutaire impression, qu'après la mort du Père, on le reproduisit sur un tableau qui se conserve au collège de Macerata, sa patrie. On y voit le P. Jules Mancinelli à l'autel, revêtu des
204
ornements sacerdotaux ; il est un peu élevé au-dessus du marchepied de l'autel, pour signifier les ravissements dont Dieu le favorisait. De sa bouche sortent des étincelles, image de ses brûlantes prières et de sa ferveur pendant le saint Sacrifice. Au-dessous de l'autel on aperçoit le purgatoire et les âmes qui y reçoivent le bienfait des suffrages. Au-dessus, deux anges puisent dans des vases précieux et répandent une pluie d'or, qui marque les bénédictions, les grâces, les délivrances accordées à ces pauvres âmes, en vertu des Sacrifices du pieux célébrant. On y voit aussi le manteau, dont il a été parlé, et une inscription en vers dont voici le sens : O miraculeux vêtement, donné pour garantir des rigueurs du froid et qui a servi ensuite à tempérer les ardeurs du feu. C'est ainsi que la charité réchauffe ou rafraîchit, suivant la nature des maux qu'elle doit soulager.

205

Chapitre 20

Soulagement des âmes par la sainte Messe. – Sainte Thérèse et Bernardin de Mendoza. – Multiplicité des Messes, pompe des obsèques. – Cérémonies saintes de l'Eglise et couronnes profanes dont on couvre le cercueil.

Terminons ce que nous avons à dire sur la sainte messe, par le récit de sainte Thérèse, concernant Bernardin de Mendoza. Elle raconte ce fait dans son livre des Fondations, chapitre X.
Le jour des Trépassés, don Bernardin de Mendoza avait donné à sainte Thérèse une maison et un beau jardin, situés à Valladolid, pour y fonder un monastère en l'honneur de la Mère de Dieu. "Deux mois après, écrit la Sainte, ce gentilhomme tomba malade subitement et perdit tout d'un coup la parole ; en sorte qu'il ne put se confesser, encore qu'il témoignât par signes le désir de le faire, et la vive contrition qu'il ressentait de ses péchés.
"Il ne tarda pas à mourir, loin de l'endroit où j'étais à cette époque ; mais Notre-Seigneur me parla et me fit connaître qu'il était sauvé, quoiqu'il eût couru grand risque de ne pas l'être : la miséricorde de Dieu s'était étendue sur lui, à cause des dons qu'il avait faits au couvent de la Sainte-Vierge ; toutefois son âme ne devait pas sortir du purgatoire avant que la première messe fut célébrée dans la nouvelle maison.
"Je ressentis si profondément les souffrances de cette âme, que, malgré mon vif désir d'achever dans le plus court délai la fondation de Tolède, je partis immédiatement pour Valladolid.
"Un jour que j'étais en prière à Médina del Campo, Notre-Seigneur me dit de me hâter ; car l'âme de Mendoza était en proie aux plus vives souffrances. Je repartis donc sur-le-champ, bien que je n'y fusse pas préparée, et

206
j'arrivai à Valladolid le jour de la fête de S. Laurent.
"Aussitôt j'appelai des maçons pour élever sans tarder les murs de clôture ; mais comme cela devait prendre beaucoup de temps, je demandai au Seigneur Evêque, l'autorisation de faire une chapelle provisoire à l'usage des sœurs qui m'avaient accompagné. L'ayant obtenue, j'y fis célébrer la messe ; et, à la communion, au moment où je quittai ma place pour m'approcher de la sainte Table, je vis notre bienfaiteur, qui, les mains jointes et le visage resplendissant, me remerciait de ce que j'avais fait pour le tirer du purgatoire. Je le vis ensuite monter plein de gloire au ciel. Je fus d'autant plus joyeuse que je n'osais espérer un tel succès. Car, bien que Notre-Seigneur m'eût révélé que la délivrance de cette âme suivrait la première messe célébrée dans la maison, je pensais que cela devait s'entendre de la première messe, où le Saint-Sacrement serait renfermé dans le tabernacle."
Ce beau trait nous fait voir, non seulement l'efficacité de la sainte Messe ; mais aussi la tendre bonté avec laquelle Jésus-Christ s'intéresse aux âmes et en vient jusqu'à solliciter nos suffrages en leur faveur.
Puisque le divin Sacrifice est d'un si grand prix, on pourrait ici demander si un grand nombre de messes procure aux âmes plus de soulagement qu'un moindre nombre, mais en compensation, des obsèques magnifiques et d'abondantes aumônes ? – La réponse à cette question se déduit de l'esprit de l'Eglise, qui est l'esprit de Jésus-Christ lui-même, et l'expression de sa volonté.
Or l'Eglise engage les fidèles à faire pour les défunts des prières, des aumônes et autres bonnes œuvres, à leur appliquer des indulgences, mais surtout à faire célébrer la sainte Messe et à y assister. Tout en donnant une place à part au divin Sacrifice, elle approuve et emploie les divers genres de suffrages, selon les circonstances, la dévotion et la condition sociale du défunt ou de ses héritiers.
207
C'est une coutume catholique, que les fidèles ont religieusement observée depuis la plus haute antiquité, de célébrer pour les défunts un service solennel et des funérailles aussi splendides que le comportent leurs moyens. La dépense qu'ils font à cet effet est une aumône à l'Eglise, aumône qui élève grandement aux yeux de Dieu le prix du divin Sacrifice et sa valeur satisfactoire pour le défunt.
Il est bon cependant de régler de telle manière le degré des funérailles, qu'il laisse encore assez de ressources pour un nombre convenable de messes et pour des aumônes aux pauvres.
Ce qu'il faut éviter, c'est d'oublier le caractère chrétien des funérailles, et d'envisager le service funèbre, moins comme un grand acte de religion, que comme un étalage de vanité mondaine.
Ce qu'il faut éviter encore, se sont des symboles de deuil tout profanes, et qui ne sont pas conformes aux traditions chrétiennes. Telles sont les couronnes
207
de fleurs, dont on charge à grands frais le cercueil du défunt. C'est là une innovation justement désapprouvée par l'Eglise, à qui Jésus-Christ a confié le soin du culte et des cérémonies saintes, sans excepter les cérémonies funèbres. Celles dont elle se sert à la mort de ses enfants, sont vénérables par leur antiquité, pleines de sens et de consolation pour la foi. Tout l'appareil déployé aux yeux des fidèles, la croix et l'eau bénite, le luminaire et l'encens, les larmes et les prières, respirent la compassion pour les âmes, la foi à la divine miséricorde et l'espérance de l'immortalité.
Qu'y a-t-il de semblable dans les froides couronnes de violettes ? Elles ne disent rien à l'âme chrétienne, elles ne présentent tout au plus qu'un symbole profane de la vie mortelle, symbole qui contraste avec la sainte image de la croix et qui est étranger aux rites sacrés de l'Eglise.
208

Chapitre 21

Soulagement des âmes. – La prière. – Le Frère Corrado d'Offida.
– L'hameçon d'or et le fil d'argent

Après le saint sacrifice de la Messe, nous avons pour soulager les âmes une foule de moyens secondaires, mais bien efficaces aussi, quand on les emploie en esprit de foi et de ferveur.
D'abord c'est la prière, la prière sous toutes les formes. Les annales de l'Ordre séraphique parlent avec admiration du Frère Corrado d'Offida, un des premiers disciples de S. François. Il se distinguait par un esprit de prière et de charité qui contribuait grandement à l'édification de ses frères. Parmi ceux-ci il y en avait un, jeune encore, dont la conduite relâchée et turbulente troublait la sainte communauté ; mais grâce aux prières et aux charitables exhortations de Corrado, il se corrigea entièrement et devint un modèle de régularité. Bientôt après cette heureuse conversion, il vint à mourir, et ses frères firent pour son âme les suffrages ordinaires.
Peu de jours s'étaient écoulés, lorsque le Frère Corrado se trouvant en prière devant l'autel, entendit une voix qui lui demandait le secours de ses prières. – "Qui êtes-vous ? dit le serviteur de Dieu." – "Je suis, répondit la voix, "l'âme du jeune religieux que vous avez si bien ramené à la ferveur. – Mais "n'êtes vous pas mort saintement ? Avez-vous encore tant besoin de prières ? – "Ma mort a été bonne, en effet, et je suis sauvé ; mais à cause de mes anciens "péchés que je n'ai pas eu le temps d'expier, je souffre les plus rigoureux "châtiments, et je vous en supplie, ne me refusez pas le secours de vos prières." Aussitôt le bon Frère s'inclinant devant le tabernacle récita un Pater suivi du Requiem aeternam. "O mon bon Père, s'écria l'apparition


209
"que votre prière me procure de rafraîchissement ! Oh ! comme elle me soulage!
"Je vous en prie continuez." – Corrado répéta dévotement les mêmes prières. "Père bien-aimé, reprit l'âme, je vous en conjure, encore ! encore !... J'éprouve "tant de soulagement quand vous priez !..." – Le charitable religieux continua ses prières avec une nouvelle ferveur, et répéta jusqu'à cent fois l'Oraison dominicale. Alors, avec un accent d'indicible joie, le défunt lui dit : "Je vous "rends grâces de la part de Dieu, ô Père chéri : je suis entièrement délivré ; voici "que je me rends au royaume des cieux."
On voit par l'exemple précédent combien les moindres prières, les plus courtes supplications sont efficaces pour adoucir les souffrances des pauvres âmes. J'ai lu quelque part, dit le P. Rossignoli, qu'un saint Evêque, ravi en esprit, vit un enfant, lequel, avec un hameçon d'or et un fil d'argent, tirait du fond d'un puits une femme qui s'y noyait. – Après son oraison, comme il se rendait à l'église, il aperçut ce même enfant agenouillé, priant sur une tombe du cimetière. "Que fais-tu là, mon petit ami, lui demanda-t-il ? – Je dis, répondit l'enfant, "Notre Père et Je vous salue Marie pour l'âme de ma mère, dont le corps repose "en ce lieu." – Le prélat comprit aussitôt que Dieu avait voulu lui montrer l'efficacité de la prière la plus simple ; il connut que l'âme de cette mère venait d'être délivrée, que l'hameçon d'or était le Pater, et que l'Ave était le fil d'argent de cette ligne mystique.

210

Chapitre 22

Soulagement des âmes. – Saint Rosaire. – Le Père Nieremberg.
La Mère Françoise du Saint-Sacrement et le chapelet

Nous savons que le saint Rosaire occupe la première place parmi les prières que l'Eglise recommande aux fidèles ; cette excellente prière, source de tant de grâces pour les vivants, est aussi singulièrement efficace pour le soulagement des morts. Nous en avons une preuve touchante dans la Vie du Père Nieremberg, dont nous avons fait mention ailleurs. Ce charitable serviteur de Dieu, pour soulager les âmes du purgatoire, s'imposait des mortifications fréquentes accompagnées d'oraisons et de prières. Il ne manquait point de réciter chaque jour le chapelet à leur intention, et de gagner pour elles le plus d'indulgences qu'il se pouvait, dévotion à laquelle il invita les fidèles dans un ouvrage spécial qu'il publia sur cette matière. Le chapelet dont il se servait, était garni de pieuses médailles et enrichi de nombreuses indulgences. Un jour il lui arriva de le perdre, et il en fut désolé : non que ce saint religieux dont le cœur ne tenait plus à rien sur la terre, eût quelque attache matérielle à ce chapelet ; mais parce qu'il se voyait empêché par là de procurer à ses chères âmes les secours habituels.
210
Il eut beau chercher partout, il eut beau interroger ses souvenirs pour retrouver son pieux trésor ; tout fut inutile, et le soir étant venu, il se vit réduit à remplacer sa prière indulgenciée par des oraisons communes. Pendant qu'il priait, seul dans sa cellule, il entendit au plafond un bruit semblable à celui de son chapelet, qui lui était bien connu ; et levant les yeux, il vit en effet son chapelet, tenu par des mains invisibles, descendre vers lui et tomber à ses pieds avec toutes les médailles qui y étaient attachées. – Il ne douta pas que les invisibles mains qui
211
le lui rapportaient ne fussent celles des âmes soulagées par ce moyen. Qu'on juge avec quelle ferveur nouvelle il récita les cinq dizaines accoutumées, et combien cette merveille l'encouragea à persévérer dans une pratique si visiblement favorisée du ciel.
La vénérable Mère Françoise du Saint-Sacrement, avait aussi la pieuse habitude de réciter fréquemment le rosaire pour soulager les âmes ; et Dieu daigna par des faveurs sensibles marquer à sa servante combien cette prière lui était agréable.
Françoise du Saint-Sacrement (sa vie par le P. Joachim. Voir Rossignoli, merv. 26) avait eu dès son enfance la plus grande dévotion aux âmes souffrantes, et elle y persévéra tant qu'elle vécut. Elle était tout cœur, tout dévouement envers ces pauvres et saintes âmes : pour les aider, elle récitait chaque jour le rosaire, qu'elle avait coutume d'appeler son aumônier, et elle en terminait chaque dizaine par le Requiescant in pace. Les jours de fête où elle était plus libre de son temps, elle y ajoutait l'Office des morts. A la prière elle joignait les pénitences. La meilleure partie de l'année elle jeûnait au pain et à l'eau, elle pratiquait des veilles et d'autres austérités ; elle avait à endurer beaucoup de travaux et de fatigues, des peines et des persécutions : or toutes ces œuvres tournaient au profit des âmes, Françoise offrait tout à Dieu pour leur soulagement.
Non contente de les assister elle-même, elle engageait tant qu'elle pouvait, les autres à le faire : si des prêtres venaient au monastère, elle les exhortait à célébrer la messe ; si c'étaient des laïques, elle les engageait à distribuer beaucoup d'aumônes pour les fidèles trépassés. En récompense de sa charité, Dieu permettait aux âmes de la visiter fréquemment, tant pour solliciter ses suffrages que pour l'en remercier. Des témoins ont assuré que, plusieurs fois, elles l'attendirent visiblement à sa porte,
212
quand elle se rendait à l'office de matines, pour se recommander à elle ; d'autres fois, elles pénétrèrent dans sa chambre, afin de lui présenter leur requête ; elles se rangeaient autour de son lit jusqu'à ce qu'elle s'éveillât. Ces apparitions, auxquelles elle était habituée, ne lui causaient aucune frayeur ; et afin qu'elle ne


212
se crût point le jouet de quelque rêve ou d'une illusion du démon, elles lui disaient en entrant : "Salut, servante de Dieu, épouse du Seigneur ! que Jésus "soit avec vous toujours !" – Puis, elles témoignaient leur vénération pour une grande croix et pour les reliques des Saints, que leur bienfaitrice conservait dans sa cellule. – Si elles la trouvaient récitant le rosaire, ajoutent les mêmes témoins, elles le lui prenaient des mains et le baisaient avec amour, comme l'instrument de leur délivrance.

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:18

Chapitre 23

Soulagement des âmes. – Le jeûne, les pénitences et les mortifications, même légères. – Un verre d'eau. – La B. Marguerite.

Après la prière vient le jeûne, c'est-à-dire non seulement le jeûne proprement dit, qui consiste dans l'abstinence de la nourriture ; mais encore toutes les œuvres de pénitence de quelque nature qu'elles soient. Il faut bien remarquer qu'il ne s'agit pas seulement ici des grandes austérités pratiquées par les Saints ; mais de toutes les tribulations, de toutes les contrariétés de la vie, ainsi que des moindres mortifications, des plus petits sacrifices, qu'on s'impose ou qu'on accepte en vue de Dieu, et qu'on offre à sa divine miséricorde pour le soulagement des âmes.
Un verre d'eau qu'on se refuse quand on a soif, c'est bien peu de chose ; et si l'on considère cet acte en
213
lui-même on ne voit guère quelle efficacité il possède pour adoucir les terribles peines du purgatoire. Mais telle est la divine bonté, qu'elle daigne l'accepter comme un sacrifice de grande valeur. Qu'on me permette, dit à ce sujet l'abbé Louvet, de citer un exemple presque personnel. Une de mes parentes était religieuse dans une communauté, qu'elle édifiait, non par l'héroïsme des vertus qui éclatent dans les saints, mais par une vertu toute commune et une conduite régulière. Or il arriva qu'elle perdit une amie qu'elle avait dans le monde ; et dès qu'elle apprit la nouvelle de sa mort, elle se fit un devoir de la recommander à Dieu. Le soir étant venu, comme elle se sentit pressée de soif, son premier mouvement fut de vouloir se rafraîchir, sa règle d'ailleurs ne s'y opposait nullement ; mais se rappelant son amie défunte, elle eut le bonne pensée de se refuser ce petit soulagement en faveur de son âme, et au lieu de boire le verre d'eau qu'elle tenait à la main, elle la répandit en priant Dieu de faire miséricorde à la défunte. – Ceci rappelle comment le roi David, se trouvant avec son armée en un endroit sans eau, pressé par la soif, refusa de boire l'eau fraîche qu'on lui apportait de la citerne de Bethlehem : au lieu de la porter à ses lèvres, il la répandit en libation au Seigneur ; et l'Ecriture cite ce trait du saint Roi comme une action agréable à Dieu. – Or la légère mortification que s'imposa notre
213
religieuse en se privant de ce verre d'eau, plut tellement au Seigneur, qu'il permit à la défunte de le manifester par une apparition. Elle se montra la nuit suivante à la sœur, en la remerciant vivement de ce qu'elle avait fait pour elle. Ces quelques gouttes d'eau, dont la mortification avait fait le sacrifice, s'étaient changées en un bain rafraîchissant, pour tempérer les ardeurs du purgatoire.
Et, qu'on veuille bien le remarquer, ce que nous disons ici ne doit nullement se restreindre aux actes de mortification surérogatoires ; il faut l'étendre à la mortifi-
214
cation obligée, c'est-à-dire à toutes les peines qu'on doit se donner pour remplir ses devoirs ; et généralement, à toutes les bonnes œuvres auxquelles nous sommes tenus par devoir de chrétiens, ou par devoir d'état particulier.
Ainsi tout chrétien est tenu, en vertu de la loi de Dieu de s'abstenir de paroles lascives, de paroles de médisance, de paroles de murmure ; ainsi tout religieux doit garder le silence, la charité, l'obéissance prescrite par sa règle ; or ces observances, quoique obligatoires, pratiquées chrétiennement, en vue de Dieu, en union avec les œuvres et les souffrances de Jésus-Christ, peuvent devenir des suffrages et servir à assister les âmes. Dans cette célèbre apparition, où la B. Marguerite Marie vit une religieuse défunte, souffrant cruellement pour avoir vécu dans la tiédeur ; la pauvre âme, après avoir fait connaître en détail les tourments qu'elle endurait, ajouta ces paroles : "Hélas ! un jour d'exactitude au "silence, gardé par toute la communauté, guérirait ma bouche altérée ; un autre, "passé dans la pratique de la sainte charité, guérirait ma langue ; un troisième, "passé sans aucun murmure ni désapprobation à l'égard de la Supérieure, "guérirait mon cœur déchiré…"
On le voit, cette âme ne demande pas des œuvres surérogatoires ; mais seulement qu'on lui applique celles auxquelles les religieuses étaient obligées.

Chapitre 24

Soulagement des âmes. – La sainte Communion. – Sainte Mad. de Pazzi délivrant son frère. – Communion générale dans l'église de Sainte-Marie- au-delà-du-Tibre.

Si les bonnes œuvres ordinaires procurent tant de secours aux âmes, que ne fera point l'œuvre la plus sainte
215
que le chrétien puisse accomplir, je veux dire la Communion Eucharistique ? Lorsque sainte Madeleine de Pazzi vît l'âme de son frère dans les souffrances du purgatoire, touchée de compassion, elle fondit en pleurs et s'écria d'une voix lamentable : "O âme affligée, que vos peines sont terribles ! Que n'est-il donné

215
"de les comprendre à ceux qui manquent de courage pour porter leurs croix ici-"bas ! Pendant que vous étiez dans le monde, ô mon frère, vous ne vouliez pas "m'écouter, et maintenant vous désirez ardemment que je vous écoute. Pauvre "victime, qu'exigez-vous de moi ?" – Ici elle s'arrêta, et on l'entendit compter jusqu'au nombre cent et sept ; puis elle dit tout haut que c'étaient autant de communions qu'il lui demandait d'une voix suppliante. "Oui, lui répondit-elle, je "puis facilement faire ce que vous me demandez ; mais hélas ! combien il faudra "de temps pour acquitter cette dette ! Oh ! que j'irais volontiers où vous êtes, si "Dieu voulait me le permettre, pour vous délivrer, ou empêcher que d'autres y "descendent !"
La Sainte, sans omettre les prières et autres suffrages, fit avec la plus grande ferveur les Communions que son frère réclamait pour sa délivrance.
C'est, dit le P. Rossignoli, un pieux usage (Merveille 45), établi dans les églises de la Compagnie de Jésus, de faire chaque mois une Communion générale pour le soulagement des âmes du purgatoire ; et Dieu a daigné montrer par un prodige combien cette pratique lui est agréable.
L'an 1615, comme les Pères de la Compagnie célébraient solennellement cette Communion mensuelle à Rome, dans l'église de Sainte-Marie-au-delà-du-Tibre, une foule immense de peuple y accourut. Parmi les chrétiens fervents se trouvait aussi un grand pécheur qui, tout en prenant part aux pieuses cérémonies de la religion, menait depuis longtemps une vie très-mauvaise. Cet
216
homme, avant d'entrer dans l'église, en vit sortir et venir à lui un pauvre de bonne apparence, qui lui demanda l'aumône pour l'amour de Dieu ; il la lui refusa d'abord. Mais le pauvre, selon l'usage des mendiants, insista jusqu'à trois fois, employant les formules de supplication les plus touchantes. A la fin, cédant à un bon sentiment, notre pécheur le rappela, tira sa bourse et lui donna une pièce de monnaie.
Alors le pauvre, changeant ses prières en un tout autre langage : "Gardez "votre argent, lui dit-il, je n'ai pas besoin de vos largesses ; mais vous, vous avez "grandement besoin de changer de vie. Sachez que je suis venu du mont "Gargano à la cérémonie qui s'accomplit en cette église, pour vous donner un "avertissement salutaire. Voici vingt années que vous menez une vie déplorable, "provoquant la colère de Dieu, au lieu de l'apaiser par une sincère confession. "Hâtez-vous de faire pénitence, si vous voulez échapper aux coups de la divine "justice prête à éclater sur votre tête."
Le pécheur fut tout saisi à ce discours : une frayeur secrète s'empara de lui quand il s'entendait révéler les iniquités de sa conscience, que Dieu seul pouvait connaître. Son émotion fut bien lus grande encore, quand il vit ce pauvre disparaître à ses yeux, comme une fumée qui se dissipe en l'air. Ouvrant son cœur à la grâce, il entra dans l'église, se jeta à genoux, en versant un torrent de larmes ; puis, sincèrement repentant, il alla faire à un confesseur l'aveu de ses
216
crimes et demander le pardon. Après la confession, il rendit compte au prêtre du prodige qui lui était arrivé, le priant de le faire connaître pour l'accroissement de la dévotion envers les défunts ; car il ne douta point que ce ne fût une âme délivrée tout à l'heure, qui lui eût obtenu cette grâce de conversion.
On pourrait demander quel était le mystérieux mendiant, apparaissant à ce pécheur pour le convertir ? Quelques-uns ont cru qu'il n'était autre que l'archange
217
S. Michel, parce qu'il se disait venir du mont Gargano ; on sait en effet que cette montagne est célèbre dans toute l'Italie par une apparition de l'archange S. Michel, auquel on y a élevé un magnifique sanctuaire. Quoi qu'il en soit, la conversion de ce pécheur par un tel miracle, et dans le moment même où l'on priait et communiait solennellement pour les défunts, montre bien l'excellence de cette dévotion et le prix qu'elle a aux yeux de Dieu.
Concluons donc par la parole de S. Bonaventure : "Que la charité vous "porte à communier, car il n'y a rien de plus efficace pour le repos éternel des "défunts" (De proepar. Maissae).

Chapitre 25

Soulagement des âmes. – Le Chemin de la Croix.
La vén. Marie d'Antigna.

Après la sainte Communion, parlons du Chemin de la Croix. Ce saint exercice peut être envisagé en lui-même et dans les indulgences dont il est enrichi. En lui-même, c'est une manière solennelle et très-excellente de méditer la passion du Sauveur, et par conséquent l'exercice le plus salutaire de notre sainte Religion.
Dans son acception littérale, le Chemin de la Croix est l'espace que l'Homme-Dieu parcourut, sous le fardeau de sa croix, depuis le palais de Pilate où il fut condamné à mort, jusqu'au sommet du Calvaire où il fut condamné à mort, jusqu'au sommet du Calvaire où il fut crucifié. Après l'Ascension de son Fils, la sainte Vierge Marie, ou seule, ou en compagnie de saintes femmes, suivait fréquemment cette voie douloureuse. A son exemple, les fidèles de la Palestine d'abord, et dans les âges suivants de nombreux
218
pèlerins des contrées même les plus reculées, allèrent visiter ces lieux sacrés, arrosés des sueurs et du sang de Jésus-Christ ; et l'Eglise pour favoriser leur piété, leur ouvrit le trésor de ses grâces spirituelles.
Mais tout le monde ne pouvant point se transporter dans la Judée, le Saint-Siège a permis qu'on érigeât en d'autres lieux, dans les églises et chapelles, des

218
croix et tableaux ou bas-reliefs, représentant les scènes touchantes qui s'étaient accomplies sur le vrai chemin du Calvaire, à Jérusalem.
En permettant d'ériger ces saintes Stations, les Pontifes Romains, qui comprirent toute l'excellence et toute l'efficacité de cette dévotion, daignèrent aussi l'enrichir de toutes les Indulgences qu'ils avaient accordées à la visite réelle des saints Lieux. Et ainsi, suivant les Brefs et les Constitutions des Souverains Pontifes Innocent XI, Innocent XII, Benoît XIII, Clément XII, Benoît XIV, ceux qui font le Chemin de la Croix avec les dispositions convenables, gagnent toutes les Indulgences accordées aux fidèles qui visitent en personne les saints Lieux de Jérusalem, et ces Indulgences sont applicables aux défunts.
Or il est très-certain que de nombreuses Indulgences, soit plénières, soit partielles, furent accordées à ceux qui visitent les saints Lieux de Jérusalem, comme on peut le voir dans le Bullarium Terrae Sanctae ; en sorte que, au point de vue des Indulgences, on peut dire, que de toutes les pratiques de piété, le Chemin de la Croix en est doté le plus richement.
Ainsi cette dévotion, tant à cause de l'excellence de son objet qu'à raison des Indulgences, constitue un suffrage du plus grand prix pour les défunts.
Voici ce qu'on lit à ce sujet dans la vie de la Vénérable Marie d'Antigna (Louvet, Le purgatoire, p. 332). Elle avait eu longtemps la sainte pratique de faire chaque jour le Chemin de la croix pour le
219
soulagement des défunts ; mais plus tard, par des motifs plus apparents que solides, elle le fit plus rarement, puis l'abandonna tout-à-fait. Notre-Seigneur, qui avait de grands desseins sur cette pieuse vierge, et qui voulait en faire une victime d'amour pour la consolation des pauvres âmes du purgatoire, daigna lui donner une leçon qui devait servir d'instruction à nous tous. Une religieuse du même monastère, décédée depuis peu, lui apparut, et se plaignant tristement : "Ma sœur, lui dit-elle, pourquoi ne faites-vous plus les stations du Chemin de la "croix pour les âmes souffrantes ? Vous aviez coutume auparavant de nous "soulager chaque jour par ce saint exercice ; pourquoi nous privez-vous de ce "secours ?"
Cette âme parlait encore, lorsque le Sauveur lui-même se montra à sa servante et lui reprocha sa négligence. "Sache, ma fille, ajouta-t-il, que les "stations du Chemin de la Croix sont très-profitables aux âmes du purgatoire et "constituent un suffrage d'une importance majeure. C'est pourquoi j'ai permis à "cette âme, en son nom et au nom de toutes les autres, de le réclamer de toi. "Sache encore que c'est parce que tu pratiquais exactement autrefois cette "salutaire dévotion, que tu as été favorisée de communications habituelles avec "les défunts ; c'est pour cela aussi que ces âmes reconnaissantes ne cessent de "prier pour toi, et de plaider ta cause au tribunal de ma justice. Fais connaître ce "trésor à tes sœurs, et dis-leur d'y puiser largement pour elles et pour les défunts."
p.219 fin
p.220

Chapitre 26

Soulagement des âmes. – Indulgences. – La B. Marie de Quito
et les monceaux d'or.

Passons aux indulgences applicables aux défunts. C'est ici que la divine miséricorde se révèle avec une sorte de prodigalité. On sait que l'Indulgence est la rémission des peines temporelles dues au péché, accordée par le pouvoir des clefs en dehors du sacrement.
En vertu du pouvoir des clefs qu'elle a reçu de Jésus-Christ, la sainte Eglise peut délivrer les fidèles soumis à sa juridiction, de tout obstacle à leur entrée dans la gloire. Elle exerce ce pouvoir dans le sacrement de Pénitence, où elle les absout de leurs péchés ; elle l'exerce aussi hors du sacrement, pour leur ôter la dette des peines temporelles qui leur reste après l'absolution : dans ce second cas c'est l'indulgence.
La rémission des peines par l'indulgence ne s'accorde qu'aux fidèles vivants ; mais l'Eglise peut, en vertu de la communion des saints, autoriser ses enfants encore en vie, à céder la remise qui leur est faite à leurs frères défunts : c'est l'indulgence applicable aux âmes du purgatoire. Appliquer une indulgence aux défunts, c'est l'offrir à Dieu au nom de sa sainte Eglise, pour qu'il daigne l'attribuer aux âmes souffrantes. Les satisfactions offertes ainsi à la divine justice au nom de Jésus-Christ et de son Eglise, sont toujours agréées, et Dieu les applique soit à telle âme en particulier qu'on a l'intention d'aider, soit à certaines âmes qu'il veut lui-même favoriser, soit à toutes en général.
Les indulgences sont plénières ou partielles. L'indulgence plénière est la rémission, accordée à celui qui gagne cette indulgence, de toute la peine temporelle dont il est
221
Passible devant Dieu. Supposé que pour acquitter cette dette il faille pratiquer cent ans de pénitence canonique sur la terre, ou souffrir plus longtemps encore les peines du purgatoire ; par le fait que l'indulgence plénière est parfaitement gagnée, toutes ces peines sont remises ; et l'âme ne présente plus aux yeux de Dieu aucune ombre qui l'empêche de voir sa face divine.
L'indulgence partielle consiste dans la rémission d'un certain nombre de jours ou d'années. Ces jours et ces années ne représentent nullement des jours ou des années de souffrances au purgatoire ; il faut les entendre des jours et des années de pénitence publique, canonique, consistant surtout en jeûnes, et telle qu'on l'imposait autrefois aux pécheurs, selon l'ancienne discipline de l'Eglise. Ainsi une indulgence de quarante jours ou de sept années, c'est la rémission qu'on mériterait devant Dieu par quarante jours ou sept années de pénitence
221
canonique. Quelle est la proportion qui existe entre ces jours de pénitence, et la durée des peines au purgatoire ? C'est un secret qu'il n'a pas plu à Dieu de nous révéler.
Les indulgences dans l'Eglise sont un vrai trésor spirituel, exposé publiquement devant les fidèles : il est permis à tous d'y puiser pour acquitter leurs dettes et payer celles des autres. C'est sous cette figure que Dieu daigna les montrer un jour à la B. Marie de Quito (26 mai). Elle fut ravie en extase et vit, au milieu d'une grande place, une immense table chargée de monceaux d'argent, d'or, de rubis, de perles, de diamants ; en même temps elle entendit une voix qui disait : "Ces richesses sont publiques : chacun peut s'approcher et en recueillir "autant qu'il lui convient." Dieu lui fit connaître que c'était là une image des indulgences (Rossignoli, Merv. 29). Combien donc, dirons-nous avec le pieux auteur des Merveilles, combien ne sommes-nous pas coupables, dans une abondance pareille, de
222
rester pauvres et dénués pour nous-mêmes, et de ne point songer à aider les autres ? Hélas ! les âmes du purgatoire sont dans une nécessité extrême, elles nous supplient avec larmes au milieu de leurs tourments : nous avons dans les indulgences le moyen d'acquitter leurs dettes, et nous n'en faisons rien !
L'accès de ce trésor exige-t-il des efforts pénibles, des jeûnes, des voyages, des privations insupportables à la nature ? Quand même cela serait, disait avec raison l'éloquent Père Segneri, il faudrait nous y résoudre. Eh ! ne voit-on pas les hommes par amour pour l'or, par zèle pour les arts, afin de conserver une partie de leur fortune ou de sauver une toile précieuse, s'exposer aux flammes d'un incendie ? Ne faudrait-t-il pas au moins en faire autant pour sauver des flammes expiatrices les âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ ? Mais la divine bonté ne demande rien de trop pénible : elle n'exige que des œuvres communes et faciles : un chapelet, une prière, une communion, la visite d'un sanctuaire, une aumône, les éléments du catéchisme enseignés à des enfants abandonnés. Et nous négligeons l'acquisition si aisée du plus précieux trésor, et nous n'avons point d'ardeur pour l'appliquer à nos pauvres frères qui gémissent dans les flammes !

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:19

Chapitre 27

Soulagement des âmes. – Indulgences. – La Mère Françoise de
Pampelune et l'évêque Ribéra. – Sainte Mad. de Pazzi. –
Sainte Thérèse.

La vénérable Mère Françoise du Saint-Sacrement, religieuse de Pampelune, dont nous avons déjà fait connaître la charité envers les âmes, avait aussi le lus grand zèle à les secourir au moyen des indulgences. Un jour Dieu
223
lui fit voir les âmes de trois Prélats, qui avaient occupé précédemment le siège épiscopal de Pampelune, et qui gémissaient encore dans les souffrances du purgatoire. La servante de Dieu comprit qu'elle devait mettre tout en œuvre pour obtenir leur délivrance. Comme le Saint-Siège avait alors accordé à l'Espagne des Bulles, dites de la Croisade, qui permettaient de gagner une indulgence plénière à certaines conditions, elle crut que le meilleur moyen de venir en aide à ces âmes, serait de leur procurer à chacune l'avantage d'une indulgence plénière.
Elle parla donc à son Evêque, Cristophe de Ribéra, lui découvrit le triste état des trois prélats, et lui demanda la faveur de trois indulgences de la croisade. Cristophe de Ribéra, apprenant que trois de ses prédécesseurs étaient encore au purgatoire, s'empressa de procurer à la servante de Dieu les Bulles indulgenciées. Elle remplit aussitôt toutes les conditions requises et appliqua une indulgence plénière à chacun des trois Evêques. La nuit suivante tous les trois apparurent à la Mère Françoise délivrés de toutes leurs peines : ils la remercièrent de sa charité, et la prièrent de remercier aussi l'Evêque Ribéra pour les indulgences qui leur avaient enfin ouvert les portes du ciel (Vie de Françoise du S. Sacrem. Merv. 26).
Voici ce que rapporte le Père Cépari dans la Vie de sainte Madeleine de Pazzi. Une religieuse professe, qui avait reçu de Madeleine les soins les plus attentifs pendant sa maladie, étant morte, et son corps exposé dans l'église selon l'usage, Madeleine se sentit inspirée d'aller encore une fois la contempler. Elle fut donc se placer à la grille du chapitre d'où elle pouvait l'apercevoir ; mais à peine arrivée, elle fut ravie en extase et vit l'âme de cette mère qui prenait son vol vers le ciel. Transportée de joie à ce spectacle, on l'entendit qui disait : "Adieu, ma sœur, adieu, âme bienheureuse ! Comme une très
224
pure colombe, vous volez au céleste séjour, et vous nous laissez dans ce lieu de "misères. Oh ! que vous êtes belle et glorieuse ! Qui pourra expliquer la gloire "dont Dieu a couronné vos vertus ? Que vous avez passé peu de temps dans les "flammes purgatives ! Votre corps n'a pas encore été rendu à la terre, et voilà "que votre âme est déjà reçue dans le sacré palais !... Vous connaissez "maintenant la vérité de ces paroles que je vous disais naguère : Que toutes les "peines de la vie présente sont peu de chose en comparaison des biens immenses "que Dieu garde à ses amis." – Dans cette même vision, le Seigneur lui fit connaître que cette âme n'avait passé que quinze heures en purgatoire, parce qu'elle avait beaucoup souffert pendant la vie, et qu'elle avait été soigneuse de gagner les indulgences, que l'Eglise accorde à ses enfants en vertu des mérites de Jésus-Christ.
Sainte Thérèse, dans un de ses ouvrages, parle d'une religieuse qui faisait le plus grand cas des moindres indulgences accordées par l'Eglise, et s'appliquait à gagner toutes celles qu'elle pouvait. Sa conduite n'avait d'ailleurs rien que de
224
fort ordinaire et sa vertu était très commune. Elle vint à mourir, et la Sainte la vit, à sa grande surprise, monter au ciel presque aussitôt après sa mort, en sorte qu'elle n'eut pas pour ainsi dire de purgatoire à faire. Comme Thérèse en exprimait son étonnement à Notre-Seigneur, le Sauveur lui fit connaître que c'était le fruit du soin qu'elle avait eu de gagner le plus d'indulgences possible pendant sa vie : "C'est par là, ajouta-t-il, qu'elle a acquitté presque entièrement "ses dettes, quoique nombreuses, avant de mourir, et qu'elle a apporté une si "grande pureté au tribunal de Dieu."
225

Chapitre 28

Soulagement des âmes. – Indulgences. – Prières indulgenciées.

Il y a certaines indulgences faciles à gagner et applicables aux défunts. Nous croyons faire plaisir au lecteur en indiquant ici les principales (Voir Maurel, Le chrétien éclairé sur les indulgences).
1. La prière : O bon et très doux Jésus… Indulgence plénière pour quiconque, s'étant confessé et ayant communié, récite cette prière devant une image de Jésus crucifié, et y ajoute quelque autre prière à l'intention du Souverain-Pontife.
2. Chapelet bénit. De grandes indulgences sont attachées à la récitation du saint Rosaire, si l'on se sert d'un chapelet indulgencié, soit par Notre Saint-Père le Pape, soit par un prêtre qui en a reçu le pouvoir.
3. Chemin de la Croix. Comme nous l'avons dit plus haut (Chap. XXV), plusieurs indulgences plénières et un grand nombre de partielles sont attachées aux Stations du Chemin de la Croix. Ces indulgences ne requièrent pas la confession et la communion ; il suffit d'être en état de grâce et d'avoir un sincère repentir de tous ses péchés. – Quant à l'exercice même du Chemin de la Croix, il ne requiert que deux conditions : 1° de parcourir les quatorze stations, en passant de l'une à l'autre, autant que les circonstances le permettent ; 2° de méditer en même temps sur la passion de Jésus-Christ. Les personnes qui ne savent point faire une méditation un peu suivie, peuvent se contenter de penser affectueusement à quelque circonstance de la passion, selon leur capacité. On les exhorte néanmoins, sans leur en imposer l'obligation, à réciter
226
un Pater et un Ave Maria devant chaque croix, et à faire un acte de contrition de leurs péchés (Décret du 16 février 1839).
4. Les actes de foi, d'espérance et de charité. Indulg. de sept années et sept quarantaines, chaque fois qu'on les récite.
5. Les litanies de la S. Vierge, 300 jours chaque fois.

226
6. Le signe de la croix. 50 jours chaque fois ; et avec de l'eau bénite 100 jours.
7. Prières diverses. Mon Jésus, miséricorde ! 100 jours chaque fois. – Jésus, doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre. 300 jours, une fois le jour. – Doux cœur de Marie, soyez mon salut. 300 jours, chaque fois.
V Loué soit Jésus-Christ. – R Dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. 50 jours, chaque fois que deux personnes se saluent par ces paroles.
8. L'Angelus Domini. Indulgence de 100 jours chaque fois qu'on le récite, ou le matin, ou à midi, ou le soir, avec un cœur contrit, à genoux, et au son de la cloche.

Chapitre 29

Soulagement des âmes. – L'aumône. – Raban-Maur
et Edélard au monastère de Fulde.

Il nous reste à parler d'un dernier moyen très-puissant pour soulager les âmes : c'est l'aumône. Le Docteur Angélique, S. Thomas, préfère au jeûne et à la prière le mérite de l'aumône, quant il s'agit d'expier les fautes passées. "L'aumône, dit-il (In 4. dist. 15, q. 3), possède plus complètement la vertu de la "satisfaction que la prière, et la prière plus complètement que le jeûne." C'est pourquoi
227
de grands serviteurs de Dieu et de grands Saints l'ont principalement choisie comme moyen de secourir les défunts. Nous pouvons citer parmi eux, comme l'un des plus remarquables, le saint Abbé Raban-Maur (4 février) premier abbé de Fulde au IXe siècles, puis Archevêque de Mayence.
L'abbé Trithème, écrivain distingué de l'Ordre de S. Benoît, raconte que Raban faisait distribuer beaucoup d'aumônes pour les trépassés. Il avait établi comme règle que, toutes les fois qu'un des religieux viendrait à mourir, sa portion serait pendant trente jours distribuée aux pauvres, afin que l'âme du défunt fût soulagée par cette aumône. Or il arriva, l'an 830, que le monastère de Fulde fut éprouvé par une sorte de contagion, qui emporta un grand nombre de religieux. Raban-Maur, plein de zèle et de charité pour leurs âmes, fit venir Edélard, économe du monastère et lui rappela la règle des aumônes établie pour les défunts. "Ayez grand soin, lui dit-il, que nos constitutions soient fidèlement "observées, et qu'on gratifie les pauvres pendant un mois entier, de la nourriture "destinée aux frères que nous venons de perdre."
Edélard manquait tout à la fois d'obéissance et de charité. Sous prétexte que ces largesses étaient excessives et qu'il devait ménager les ressources du monastère, mais en réalité parce qu'il était dominé par une secrète avarice, il

227
négligea de faire les distributions prescrites, ou ne les fit que d'une façon fort incomplète. Or la justice divine ne laissa pas impunie cette infidélité.
Le mois n'était pas écoulé, lorsqu'un soir, après que la communauté s'était retirée, il traversait la salle du chapitre, tenant une lanterne à la main. Quel ne fut pas son étonnement, lorsqu'à une heure où cette salle devait être vide, il y trouva un grand nombre de religieux. Son étonnement changea en effroi quand regardant plus attentivement il reconnut ses frères récemment décédés. La
228
terreur le saisit, un froid glacial parcourut toutes ses veines et le fixa immobile à sa place comme une statue sans vie. Alors un des morts prenant la parole lui adressa de terribles reproches : "Malheureux ! lui dit-il, pourquoi n'as-tu pas "distribué les aumônes qui devaient soulager les âmes de tes frères défunts ? "Pourquoi nous as-tu privé de ce secours dans les tourments du purgatoire ? "Reçois dès à présent le châtiment de ton avarice : un autre plus terrible t'est "réservé, lorsque dans trois jours tu paraîtras à ton tour devant Dieu."
A ces mots Edélard tomba comme frappé de la foudre, et resta sans mouvement jusqu'après minuit, à l'heure où la communauté se rendit au chœur. Alors il fut trouvé à demi-mort, dans le même état où fut trouvé l'impie Héliodore, après qu'il eut été flagellé par les anges dans le temple de Jérusalem (II Machab. III).
On le porta à l'infirmerie et on lui prodigua des soins qui le firent un peu revenir à lui. Dès qu'il put parler, en présence de l'Abbé et de tous ses frères il raconta avec larmes le terrible événement, dont son triste état rendait un trop sensible témoignage. Puis, ayant ajouté qu'il devait mourir dans trois jours, il demanda les derniers sacrements, avec toutes les marques du plus humble repentir. Il les reçut très-saintement, et trois jours après, il expira au milieu des prières de ses frères.
On chanta aussitôt la messe des morts, et on distribua pour le défunt la part des pauvres. Cependant la punition n'était pas finie. Edélard apparut à son abbé Raban, pâle, défiguré. Raban touché de compassion, lui demanda ce qu'il y avait à faire pour lui. "Ah ! répondit l'âme infortunée, malgré les prières de notre "sainte communauté, je ne puis obtenir ma grâce avant la délivrance de tous "ceux de mes frères que mon avarice a frustrés des suffrages qui leur étaient dus. "Ce qu'on a donné aux pauvres pour moi n'a profité qu'à eux, selon l'ordre de la "divine justice. Je vous supplie donc, ô Père vénéré
229
"et miséricordieux, de faire redoubler les aumônes. J'espère que par ce puissant "moyen la divine clémence daignera nous délivrer tous, eux d'abord, et après "eux moi, qui suis le moins digne de miséricorde."
Raban-Maur prodigua donc les aumônes, et un autre mois était à peine écoulé, qu'Edélard lui apparut de nouveau, mais vêtu de blanc, entouré de rayons lumineux, la joie peinte sur le visage. Il rendit à son pieux abbé et à tout le
229
monastère les plus touchantes actions de grâces pour la charité dont on avait usé envers lui (Vie de Raban Maur ; Rossignoli, merv. 2).
Que d'enseignements se dégagent de cette histoire ! D'abord la vertu des aumônes pour les défunts y paraît avec éclat. On y voit ensuite comment Dieu châtie, même en cette vie, ceux qui par avarice ne craignent pas de priver les morts de leurs suffrages. Je ne parle pas ici des héritiers coupables, qui négligent d'acquitter les fondations pieuses dont ils sont chargés par le défunt, négligence qui constitue une injustice sacrilège ; mais des enfants ou des parents qui, par de misérables motifs d'intérêt, font célébrer le moins possible de messes, distribuent le moins possible d'aumônes, sans pitié pour l'âme de leur défunt, qu'ils laissent gémir dans les effroyables supplices du purgatoire. C'est là une noire ingratitude, une dureté de cœur absolument contraire à la charité chrétienne, et qui aura son châtiment, peut-être déjà dès ce monde.

230

Chapitre 30

Soulagement des âmes. – Aumône, miséricorde chrétienne.
S. François de Sales et la veuve de Padoue.

L'aumône chrétienne, cette miséricorde, que Jésus-Christ recommande tant dans l'Evangile, ne comprend pas seulement les secours corporels donnés aux indigents ; mais encore tout le bien qu'on fait au prochain en travaillant à son salut, en supportant ses défauts, en pardonnant ses offenses. Toutes ces œuvres de charité peuvent être offertes à Dieu pour les défunts et renferment une grande vertu satisfactoire.
Saint François de Sales rapporte qu'à Padoue, où il fit une partie de ses études, régnait une détestable coutume ; les jeunes gens s'amusaient à parcourir pendant la nuit les rues de la ville, armés d'arquebuses, et criant à ceux qu'ils rencontraient : Qui va là ? – Il fallait leur répondre ; car ils tiraient sur ceux qui ne répondaient pas ; et bien des personnes furent ainsi blessées ou tuées.
Or il arriva un soir, qu'un écolier, n'ayant pas répondu à l'interpellation, fut atteint d'une balle à la tête et tomba mort. L'auteur de ce coup, saisi d'épouvante, prit la fuite et alla se réfugier dans la maison d'une bonne veuve qu'il connaissait et dont le fils était son compagnon d'étude. Il lui confessa avec larmes qu'il venait de tuer un inconnu, et la supplia de lui accorder un asile dans sa maison. Touchée de compassion, et ne soupçonnant pas qu'elle avait devant elle le meurtrier de son fils, la Dame enferma le fugitif dans un cabinet, où les officiers de la justice ne pourraient pas le découvrir.


230
Une demi-heure ne s'était pas écoulée, lorsqu'un bruit tumultueux se fit entendre à la porte : on apportait un cadavre et on le plaça sous les yeux de la veuve. Hélas ! c'était son fils qui venait d'être tué et dont le meurtrier
231
était caché dans sa maison. La pauvre mère éplorée poussait des cris lamentables, et étant entrée dans la cachette de l'assassin : "Malheureux, dit-elle, que vous avait fait mon fils, pour l'avoir tué si cruellement ?..." – Le coupable, apprenant qu'il avait tué son ami, se mit à crier, à s'arracher les cheveux, à se tordre les bras de désespoir. Puis, se jetant à genoux, il demanda pardon à sa protectrice, et la supplia de le livrer entre les mains du magistrat pour qu'il expiât un crime si horrible.
Cette mère désolée n'oublia pas en ce moment qu'elle était chrétienne : l'exemple de Jésus-Christ, pardonnant à ses bourreaux, lui inspira un acte héroïque. Elle répondit, pourvu qu'il demandât son pardon à Dieu et changeât de vie, qu'elle le laisserait aller et s'opposerait à toute poursuite contre lui.
Ce pardon fut si agréable à Dieu qu'il voulut en donner à la généreuse mère un témoignage éclatant : il permit que l'âme de son fils lui apparût toute glorieuse, disant qu'elle allait jouir de l'éternelle béatitude : "Dieu m'a fait "miséricorde, ma mère, ajouta cette âme bienheureuse, parce que vous avez usé "de miséricorde envers mon assassin. En considération du pardon que vous avez "accordé, j'ai été délivrée du purgatoire, où, sans le secours que vous m'avez "ainsi procuré, j'eusse été détenue fort longtemps."

Chapitre 31

Soulagement des âmes. – L'acte héroïque de charité envers les défunts. – Le Père Munford. – Denis le Chartreux et sainte Gertrude.

Nous avons parlé jusqu'ici des divers genres de bonnes œuvres que nous pouvons offrir à Dieu, comme suffrages
232
pour les défunts. Il nous reste à faire connaître un acte, qui renferme toutes les œuvres et tous les moyens propres à soulager les âmes : c'est le vœu héroïque, ou comme d'autres l'appellent, l'acte héroïque de charité envers les âmes du purgatoire.
Cet acte consiste à céder aux âmes toutes nos satisfactions, c'est-à-dire la valeur satisfactoire de toutes les œuvres de notre vie et de tous les suffrages qui nous seront accordés après notre mort, sans en réserver rien pour nous-mêmes et pour acquitter nos propres dettes. Nous les déposons dans les mains de la très-sainte Vierge, afin qu'elle les distribue, selon son gré, aux âmes qu'elle veut délivrer des peines du purgatoire.

232
C'est une donation totale, en faveur des âmes, de tout ce qu'on peut leur donner : on offre à Dieu pour elles tout le bien qu'on fera en tout genre, pensées, œuvres, paroles ; tout le mal qu'on souffrira d'une manière méritoire pendant toute sa vie, sans rien excepter de ce qu'on peut raisonnablement leur donner, et en ajoutant encore les suffrages qu'on recevra soi-même après la mort.
Il faut bien remarquer que la matière de cette sainte donation est la valeur satisfactoire des œuvres (Voir plus haut chap. IX), et nullement le mérite, auquel correspond le degré de gloire dans le ciel ; car le mérite est strictement personnel et inaliénable.
Formule de l'Acte héroïque : "O sainte et adorable Trinité, désirant "coopérer à la délivrance des âmes du purgatoire et témoigner mon dévouement "à la très-sainte Vierge Marie, je cède et je résigne, au profit de ces âmes "souffrantes, la partie satisfactoire de toutes mes œuvres et tous les suffrages "qu'on pourra m'accorder après ma mort, les abandonnant entre les mains de la "très-sainte Vierge, afin qu'elle les applique, selon son gré, aux âmes des fidèles "défunts qu'elle veut délivrer de leurs peines.
233
"Daignez, ô mon Dieu, agréer et bénir l'offrande que je vous fais en ce moment. "Ainsi soit-il."
Les Souverains Pontifes, Benoît XIII, Pie VI, Pie IX, ont approuvé cet Acte héroïque et l'ont enrichi d'indulgences et de privilèges, dont voici les principaux. 1° Les prêtres qui auront fait cette offrande, pourront jouir de l'autel privilégié personnel, tous les jours de l'année. 2° Les simples fidèles pourront gagner l'indulgence plénière, applicable seulement aux âmes du purgatoire, chaque fois qu'ils communieront, pourvu qu'ils visitent une église ou un oratoire public, et qu'ils y prient selon l'intention de Sa Sainteté. 3° Ils peuvent appliquer aux défunts toutes les indulgences qui ne leur sont point applicables en vertu des concessions, et qui ont été accordées jusqu'à ce jour ou qui le seront à l'avenir (Pie IX, Décr. 30 sept. 1852).
Je conseille à tout véritable chrétien, dit le P. Munford (Charité envers les défunts), de céder, avec un saint désintéressement, aux âmes des défunts tout le fruit des bonnes œuvres dont il peut disposer. Je ne crois pas qu'il puisse en faire un meilleur usage, puisqu'il les rend par là plus méritoires, et plus efficaces, tant pour obtenir de Dieu des grâces, que pour expier ses propres péchés et abréger son purgatoire, et même, pour parvenir à en être exempté tout-à-fait.
Ces paroles résument bien les avantages précieux de l'Acte héroïque ; et pour dissiper toute crainte d'inconvénient qui pourrait naître dans l'esprit, nous ajouterons encore trois remarques. 1° Cet acte nous laisse la pleine liberté de prier pour les âmes auxquelles nous nous intéressons plus particulièrement : l'application de ces prières demeure subordonnée aux dispositions de l'adorable volonté de Dieu, qui est toujours infiniment parfaite et infiniment aimable. – 2°

233
Il n'oblige pas sous peine de péché, et il est toujours révocable. On peut le faire sans prononcer aucune formule ; il suffit de le vouloir et de le
234
faire de cœur. Il est cependant utile de réciter de temps en temps la formule d'offrande, pour stimuler notre zèle à soulager les âmes par la pratique de la prière, de la pénitence et des bonnes œuvres. – 3° L'acte héroïque ne nous expose nullement à la fâcheuse conséquence d'avoir à subir nous-mêmes un plus long purgatoire ; au contraire, il nous permet de compter avec une confiance plus assurée, sur la miséricorde de Dieu à notre égard, comme le montre l'exemple de sainte Gertrude.
Le vénérable Denis le Chartreux (12 mars) rapporte que la vierge sainte Gertrude avait fait donation complète de toutes ses œuvres satisfactoires en faveur des trépassés, sans rien se réserver pour l'acquittement de ses propres dettes devant Dieu. Etant proche de la mort, et d'une part, considérant, comme font les Saints, avec beaucoup de douleur, le grand nombre de ses péchés ; de l'autre, se ressouvenant que toutes ses œuvres satisfactoires avaient été employées à l'expiation des péchés d'autrui et non pas des siens ; elle commença à s'affliger dans la crainte que, ayant tout donné aux autres et ne s'étant rien réservé, son âme, au sortir du corps, ne fût condamnée à d'horribles peines. Dans le fort de ces inquiétudes, Notre-Seigneur lui apparut et la consola en lui disant : "Rassurez-vous, ma fille, votre charité envers les défunts ne saurait vous attirer "aucun mécompte. Sachez que la généreuse cession que vous avez faite aux "âmes de toutes vos œuvres, m'a été singulièrement agréable ; et pour vous en "donner un témoignage, je vous déclare que toutes les peines que vous auriez à "souffrir en l'autre vie, vous sont remises dès maintenant ; de plus, pour vous "récompenser de votre charité si généreuse, j'élèverai le prix et le mérite de vos "œuvres pour vous donner dans le ciel un grand surcroît de gloire."

235

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:21

Chapitre 32

Soulagement des âmes. – Lesquelles doivent être l'objet de notre charité ? – tous les fidèles défunts. – S. André Avellino. – Les pécheurs mourant sans sacrements. – S. François de Sales.

Nous avons vu les ressources et les nombreux moyens que la divine miséricorde a mis entre nos mains pour soulager les âmes du purgatoire ; mais quelles sont les âmes qui sont en ce lieu d'expiation et auxquelles nous devons porter secours ? Pour quelles âmes devons-nous prier et offrir à Dieu nos suffrages ?

235
A cette question il faut répondre, que nous devons prier pour les âmes de tous les fidèles défunts, omnium fidelium defunctorum, selon l'expression de l'Eglise. Bien que la piété filiale nous impose des devoirs particuliers envers nos parents et nos proches, la charité chrétienne nous commande de prier pour tous les fidèles défunts en général, parce que tous sont nos frères en Jésus-Christ, tous sont notre prochain, que nous devons aimer comme nous-mêmes.
Par ce mot fidèles défunts l'Eglise entend toutes les âmes qui sont actuellement en purgatoire : c'est-à-dire, celles qui ne sont ni en enfer, ni dignes encore d'être admises à la gloire du paradis. Mais quelles sont ces âmes ? Pouvons-nous les connaître ? – Dieu s'est réservé cette connaissance ; et à moins qu'il ne lui plaise de nous le révéler, nous ignorons complètement quel est le sort des âmes dans l'autre vie. Or rarement il fait connaître qu'une âme se trouve au purgatoire ou dans la gloire du ciel ; plus rarement encore révèle-t-il une réprobation.
Dans cette incertitude nous devons prier en général, comme le fait l'Eglise, pour tous les défunts, sans préjudice des âmes que nous voulons secourir plus particulièrement.
p.236
Nous pourrions évidemment restreindre notre intention à ceux des défunts qui sont encore dans le besoin, si Dieu nous accordait comme à S. André Avellino le privilège de connaître l'état des âmes dans l'autre vie. Lorsque ce saint religieux de l'Ordre des Théatins suivant sa pieuse coutume, priait avec une angélique ferveur pour les défunts, il lui arrivait parfois d'éprouver en lui-même une sorte de résistance, un sentiment d'invincible répulsion ; d'autres fois, c'était au contraire une grande consolation, un attrait particulier. Il comprit bientôt ce que signifiaient ces impressions si différentes : la première marquait que sa prière était inutile, que l'âme qu'il voulait aider était indigne de miséricorde et condamnée au feu éternel ; l'autre indiquait que sa prière était efficace pour le soulagement de l'âme au purgatoire. De même, quand il voulait offrir le saint Sacrifice pour quelque défunt, s'il sentait au sortir de la sacristie comme une main irrésistible qui le retenait, il comprenait que cette âme était en enfer ; mais quand il était inondé de joie, de lumière, et de dévotion, il était sûr de contribuer à la délivrance d'une âme.
Ce charitable Saint priait donc avec la plus vive ardeur pour les défunts qu'il savait être dans les souffrances, et il ne cessait ses suffrages que lorsque les âmes, en venant le remercier, lui donnaient l'assurance de leur délivrance (Vie du Saint).
Pour nous qui n'avons point ces lumières surnaturelles nous devons prier pour tous les défunts, même pour les plus grands pécheurs et pour les chrétiens les plus vertueux. Saint Augustin connaissait la grande vertu de sa mère sainte Monique ; néanmoins, non content d'offrir à Dieu ses suffrages pour elle, il demanda à tous ses lecteurs de ne jamais cesser de la recommander à Dieu.
Quant aux grands pécheurs qui meurent sans s'être
p.237
extérieurement réconciliés avec Dieu, nous ne pouvons les exclure de nos suffrages, parce que nous n'avons pas la certitude de leur impénitence intérieure. La foi nous enseigne que tout homme mourant en état de péché mortel, encourt la damnation ; mais quels sont ceux qui de fait meurent en ce triste état ? Dieu seul, qui s'est réservé le jugement suprême des vivants et des morts, en a la certitude. Quant à nous, nous ne pouvons que déduire des circonstances extérieures une conclusion conjecturale, qui peut tromper, et dont nous devons nous abstenir.
Il faut bien avouer pourtant qu'il y a tout à craindre pour ceux qui meurent sans s'être préparés à la mort ; et tout espoir semble s'évanouir pour ceux qui refusent les sacrements. Ces derniers quittent la vie avec les signes extérieurs de la réprobation. Toutefois il faut laisser le jugement à Dieu, selon ces paroles : Dei judicium est, c'est à Dieu qu'appartient le jugement (Deut. I, 17). – Il y a plus à espérer pour ceux qui ne sont pas positivement hostiles à la religion, qui sont bienfaisants envers les pauvres, qui conservent quelque pratique de piété chrétienne, ou qui du moins approuvent et favorisent la piété ; il y a plus, dis-je, à espérer pour ceux-là, lorsqu'il arrive qu'après avoir ainsi vécu, ils meurent subitement, sans avoir le temps de recevoir les sacrements de l'Eglise.
Saint François de Sales ne voulait pas qu'on désespérât de la conversion des pécheurs jusqu'au dernier soupir ; et même après la mort, il défendait de juger mal de ceux qui avaient mené une mauvaise vie. A l'exception des pécheurs dont la damnation est manifeste par l'Ecriture, il ne faut, disait-il, damner personne, mais respecter le secret de Dieu. – Sa raison principale était que, comme la première grâce ne tombe pas sous le mérite, la dernière, qui est la persévérance finale ou la bonne mort, ne se donne pas non plus au mérite. C'est pourquoi il
238
voulait qu'on espérât bien de la personne défunte, quelque fâcheuse mort qu'on lui eût vu faire ; parce que nous ne pouvons avoir que des conjectures fondées sur l'extérieur, où les plus habiles peuvent se tromper (Esprit de S. Fr. de Sales, part. 3).

Chapitre 33

Soulagement des âmes. – Pour lesquelles devons-nous prier ? – les grands pécheurs. – Le P. de Ravignan et le général Exelmans. – La veuve en deuil et le vén. Curé d'Ars. – La sœur Catherine de Saint-Augustin et la pécheresse morte dans une grotte.

Le Père de Ravignan, illustre et saint prédicateur de la Compagnie de Jésus, aimait aussi à espérer beaucoup pour les pécheurs surpris par la mort,
238
lorsque d'ailleurs ils n'avaient pas eu au cœur la haine des choses de Dieu. Volontiers il parlait des mystères du moment suprême, et son sentiment paraît avoir été qu'un grand nombre de ces pécheurs se convertissent à leurs derniers instants, et sont réconciliés avec Dieu, sans qu'on puisse le voir à l'extérieur. Il y a dans certaines morts des mystères de miséricorde et des coups de grâce, où l'œil de l'homme ne voit que des coups de justice. A la lueur d'un dernier éclair, Dieu quelquefois se révèle à des âmes dont le plus grand malheur avait été de l'ignorer ; et le dernier soupir, compris de Celui qui sonde les cœurs, peut être un gémissement qui appelle le pardon, c'est-à-dire un acte de contrition parfaite. – le général Exelmans, parent du bon Père, fut précipité subitement dans la tombe par un accident de cheval, et malheureusement il ne pratiquait pas la religion. Il avait promis pourtant de se confesser un jour mais il
239
n'en eut pas le temps. Le P. de Ravignan, qui depuis longtemps priait et faisait prier pour lui, demeura dans la consternation quand il apprit cette mort. Or, le jour même, une personne habituée aux communications célestes, crut entendre une voix intérieure qui lui disait : "Qui donc connaît l'étendue de ma miséricorde "? Sait-on la profondeur de la mer et ce qu'il y a d'eau dans l'océan ? Beaucoup "sera pardonné à certaines âmes qui ont beaucoup ignoré."
L'historien à qui nous empruntons ce récit, le Père de Ponlevoy, ajoute plus loin : "Chrétiens, placés sous la loi de l'espérance, non moins que de la foi et de l'amour, nous devons nous élever sans cesse du fond de nos peines jusqu'à la pensée de la bonté infinie du Sauveur. Aucune borne, aucune impossibilité, n'est placée ici-bas entre la grâce et l'âme, tant qu'il reste un souffle de vie. Il faut donc toujours espérer, et adresser au Seigneur d'humbles et persévérantes instances. On ne saurait dire jusqu'à quel point elles peuvent être exaucées. De grands saints et de grands docteurs ont été bien loin en parlant de cette efficacité puissante des prières pour des âmes chéries, quelle qu'ait été leur fin. Nous connaîtrons un jour ces ineffables merveilles de la miséricorde divine. Il ne faut jamais cesser de l'implorer avec une profonde confiance."
Voici un trait qu'on a pu lire dans le Petit Messager du Cœur de Marie, novembre 1880. Un religieux, prêchant une retraite aux Dames de Nancy, avait rappelé dans une conférence qu'il ne faut jamais désespérer du salut d'une âme, et que parfois les actes les moins importants aux yeux des hommes sont récompensés par le Seigneur à l'heure de la mort. – Au moment de quitter l'église, une Dame en deuil s'approcha de lui et lui dit : Mon Père, vous venez de nous recommander la confiance et l'espoir : ce qui m'est arrivé justifie pleinement vos paroles. J'avais un époux, toujours bon, affectueux, irréprochable, mais qui était resté en dehors de toute pratique religieuse. Mes
240
prières, mes paroles bien souvent hasardées, étaient restées sans résultat.

240
Durant le mois de mai qui précéda sa mort, j'avais élevé, comme j'en avais l'habitude, dans mon appartement, un petit autel à la sainte Vierge, et je l'ornais de fleurs, renouvelées de temps en temps. Mon mari passait le dimanche à la campagne, et chaque fois à son retour, il m'offrait un bouquet qu'il avait lui-même cueilli, j'employais ces fleurs à l'ornementation de mon oratoire. S'en apercevait-il ? Agissait-il uniquement pour m'être agréable ? Ou un sentiment de piété envers la sainte Vierge l'animait-il ? Je l'ignore ; mais il ne manqua pas un dimanche de m'apporter des fleurs.
Dans les premiers jours du mois suivant, il fut subitement frappé par la mort, sans avoir le temps de recevoir les secours de la religion. J'en fus inconsolable, surtout parce que je voyais s'évanouir toutes mes espérances pour son retour à Dieu. Par suite de ma douleur, ma santé se trouva bientôt profondément altérée, et ma famille me força de partir pour le midi. Comme je passais par Lyon, je voulus voir le curé d'Ars. Je lui écrivis pour demander une audience et recommander à ses prières mon mari, mort subitement. Je ne lui donnai pas d'autres détails.
Arrivée à Ars, à peine étais-je entrée dans l'appartement du vénérable curé, qu'il m'adressa ces étonnantes paroles : "Madame vous êtes désolée ; mais "avez-vous donc oublié les bouquets de fleurs de chaque dimanche du mois de "mai ?" – Impossible de dire quel fut mon étonnement en entendant M. Vianney rappeler une circonstance dont je n'avais parlé à personne, et qu'il ne pouvait connaître que par révélation. Il ajouta : "Dieu a eu pitié de celui qui avait honoré "sa sainte Mère : A l'instant de la mort, votre époux a pu se repentir ; son âme "est dans le purgatoire : nos prières et nos bonnes œuvres l'en feront sortir."
On lit dans la vie d'une sainte religieuse, la sœur
241
Catherine de Saint-Augustin (S. Alphonse, Paraphr. du Salve Regina), que dans le lieu qu'elle habitait se trouvait une femme, appelée Marie, qui s'était livrée au désordre pendant sa jeunesse, et qui, devenue âgée, s'obstinait tellement dans le mal, que les habitants du pays, ne pouvant souffrir cette peste au milieu d'eux, la chassèrent honteusement. Elle ne trouva pas d'autre asile qu'une grotte dans les forêts, où elle mourut au bout de quelques mois, sans assistance et sans sacrements. Son corps fut enterré dans un champ comme un objet immonde.
La sœur Catherine, qui avait coutume de recommander à Dieu les âmes de tous ceux dont elle apprenait la mort, ne songea pourtant point à prier pour celle-ci, jugeant avec tout le monde qu'elle était sûrement damnée. Quatre mois après, la servante de Dieu entendit une voix, qui disait : "Sœur Catherine, quel malheur "est le mien ! Vous recommandez à Dieu les âmes de tous, il n'y a que la mienne "dont vous n'avez point de pitié ! – Qui donc êtes-vous ? répondit la sœur. – Je "suis cette pauvre Marie, morte dans la grotte. – Comment ! Marie, vous êtes "sauvée ? – Oui, je le suis, par la miséricorde divine. Sur le point de mourir, "épouvantée au souvenir de mes crimes et à la vue de mon abandon, je criai vers
241
"la sainte Vierge. Elle fut assez bonne pour m'entendre, et m'obtint une "contrition parfaite, accompagnée du désir de me confesser si je le pouvais. Je "rentrai ainsi dans la grâce de Dieu, et j'échappai à l'enfer ; mais il m'a fallu "descendre dans le purgatoire, où je souffre cruellement. Mon temps serait "abrégé et j'en sortirais bientôt, si l'on offrait pour moi quelques messes. Oh ! "Faites les célébrer, ma bonne sœur, et je vous promets de prier toujours Jésus et "Marie pour vous."
La sœur Catherine se hâta de faire dire ces messes, et,
242
après quelques jours l'âme se fit voir à elle, brillante comme un astre, montant au ciel et la remerciant de sa charité.

Chapitre 34


Motifs d'aider les âmes. – Excellence de cette œuvre. – S. François de Sales. – S. Thomas d'Aquin. – Sainte Brigitte.

Nous venons de passer en revue les moyens et les ressources que la divine miséricorde nous met entre les mains pour soulager nos frères du purgatoire. Ces moyens sont puissants, ces ressources sont riches, prodigieuses ; mais en faisons-nous un abondant usage ? Pouvant aider les pauvres âmes, avons-nous du zèle pour le faire ? Sommes-nous aussi riches en charité que Dieu est riche en miséricorde ? Hélas ! Combien de chrétiens ne font presque rien pour les défunts ! Et ceux qui ne les oublient pas, ceux qui ont assez de charité pour les aider de leurs suffrages, comme ils le font souvent avec peu de zèle et de ferveur ! Comparez le secours qu'on donne aux malades avec celui qu'on accorde aux âmes souffrantes : quand un père ou une mère est affligée de quelque maladie, quand un enfant ou toute autre personne chérie est en proie à la souffrance, quel soin, quelle sollicitude, quel dévouement ne montre-t-on pas pour les aider ! Mais les âmes, qui ne nous sont pas moins chères, et qui gémissent dans les étreintes, non d'une cruelle maladie, mais des tourments mille fois plus cruels de l'expiation, est-ce avec le même zèle, avec le même dévouement qu'on s'applique à les aider ?
"Non, disait S. François de Sales, nous ne nous souvenons pas assez de "nos chers trépassés. Leur mémoire semble périr, avec le son des cloches ; et "nous oublions
243
"que l'amitié qui peut finir, même par la mort, ne fut jamais véritable."
D'où vient ce triste et coupable oubli ? La cause principale en est dans le manque de réflexion : Quia nullus est qui recogitat corde, parce que personne ne réfléchit dans son cœur (Jérém. XII, 11). On perd de vue les grands motifs qui nous pressent d'exercer la charité envers les défunts. C'est pourquoi afin de
243
stimuler notre zèle, nous allons rappeler ces motifs et tâcher de les exposer dans tout leur jour.
On peut dire que tous les motifs se résument dans cette parole du Saint-Esprit : C'est une pensée, une œuvre sainte et salutaire de prier pour les morts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés, c'est-à-dire des peines temporelles dues à leurs péchés (II Machab. XII, 46). D'abord c'est une œuvre sainte et excellente en elle-même, agréable et méritoire aux yeux de Dieu. Ensuite c'est une œuvre salutaire, souverainement avantageuse pour notre propre salut, pour notre bien en ce monde et en l'autre.
Une des œuvres les plus saintes, un des meilleurs exercices de piété qu'on puisse pratiquer en ce monde, dit S. Augustin, c'est d'offrir des sacrifices, des aumônes et des prières pour les défunts (Homél. 16, alias 50). Le soulagement que nous procurons aux défunts, dit S. Jérôme, nous fait obtenir une miséricorde semblable.
Considérée en elle-même, la prière pour les défunts est une œuvre de foi, de charité, souvent même de justice, ayant toutes les circonstances qui en portent le prix à son comble. Quelles sont en effet, 1° les personnes qu'il s'agit d'assister ? Ce sont des âmes prédestinées, saintes, très-chères à Dieu et à Notre-Seigneur Jésus-Christ très-chères à l'Eglise leur mère, qui les recommande sans cesse à notre charité ; des âmes qui nous sont aussi bien
244
chères à nous-mêmes, qui nous furent peut-être étroitement unies sur la terre, et qui nous supplient par ces touchantes paroles : Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous surtout qui êtes mes amis (Job. XIX, 21). – 2° Quelles sont les nécessités où elles se trouvent ? Hélas ! Ces nécessités sont extrêmes, et les âmes qui les souffrent ont d'autant plus de droit à notre assistance qu'elles sont impuissantes pour s'aider elles-mêmes. – 3° Quel est le bien que nous procurons aux âmes ? C'est le bien suprême, puisque nous les mettons en possession de la béatitude éternelle.
Assister les âmes du purgatoire, disait S. François de Sales, c'est faire la plus excellente des œuvres de miséricorde, ou plutôt c'est pratiquer de la manière la plus sublime toutes les œuvres de miséricorde à la fois : "c'est visiter "les malades, c'est donner à boire à ceux qui ont soif de la vision de Dieu, c'est "nourrir les affamés, racheter les prisonniers, revêtir les nus, procurer aux exilés "l'hospitalité dans la Jérusalem céleste ; c'est consoler les affligés, éclairer les "ignorants, faire enfin toutes les œuvres de miséricorde en une seule." – Cette doctrine est d'accord avec celle de S. Thomas, qui dit dans sa Somme : "Les suffrages pour les morts sont plus agréables à Dieu que les suffrages pour les vivants, parce que les premiers se trouvent dans un plus pressant besoin, ne pouvant se secourir eux-mêmes, comme ceux qui vivent encore (Suppelem. q. 71. Art. 5)."

244
Notre-Seigneur regarde comme faite à lui-même toute œuvre de miséricorde exercée envers le prochain : C'est à moi, dit-il, que vous l'avez fait, mihi fecistis. Ceci est vrai d'une manière toute particulière de la miséricorde pratiquée envers les âmes. Il fut révélé à sainte Brigitte, que celui qui délivre une âme du purgatoire, a le même mérite que s'il délivrait Jésus-Christ lui-même de la captivité.
245

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:25

Chapitre 35

Motifs d'aider les âmes. – Excellence de l'œuvre. – Controverse entre le Frère Benoît et le Frère Bertrand.

Quand nous élevons si haut le mérite de la prière pour les morts, nous n'en voulons nullement conclure qu'il faut laisser toutes les autres œuvres pour celle-ci ; car toutes les bonnes œuvres doivent s'exercer en temps et lieu, selon les circonstances ; nous avons uniquement en vue de donner une juste idée de la miséricorde pour les défunts, et d'en faire aimer la pratique.
Du reste, les œuvres de miséricorde spirituelles, qui tendent à sauver les âmes, sont toutes également excellentes ; et ce n'est qu'à certains égards qu'on peut mettre l'assistance des défunts au-dessus des œuvres de zèle pour la conversion des pécheurs vivants.
Il est rapporté dans les Chroniques des Frères-Prêcheurs (Cf. Rossign. Merv. 1), qu'une vive controverse s'éleva entre deux religieux de cet Ordre, Frère Benoît et Frère Bertrand, au sujet des suffrages pour les défunts. En voici l'occasion. Le Frère Bertrand célébrait souvent la sainte Messe pour les pécheurs, et faisait pour leur conversion de continuelles oraisons, jointes à des pénitences rigoureuses ; mais rarement on le voyait célébrer en noir pour les défunts. Le Frère Benoît, qui avait une grande dévotion pour les âmes du purgatoire, ayant remarqué sa conduite, lui demanda pourquoi il en agissait ainsi ?
"Parce que les âmes du purgatoire sont sûres de leur salut, répondit-il ; tandis que les pécheurs sont exposés continuellement à tomber en enfer. Quel état plus triste que celui d'une âme en état de péché mortel ? Elle est dans l'inimitié de Dieu et dans les chaînes du démon ; sus-
246
pendue sur l'abîme de l'enfer par le fil si fragile de la vie, qui peut se rompre à tout moment. Le pécheur marche dans la voie de la perdition : s'il continue d'avancer, il tombera dans l'abîme éternel. Il faut donc venir à son aide, le préserver de ce malheur suprême en opérant sa conversion. D'ailleurs n'est-ce pas pour sauver les pécheurs que le Fils de Dieu est venu sur la terre et qu'il est mort sur la croix ? Aussi S. Denis nous assure-t-il, que ce qu'il y a de plus divin
246
dans les choses divines, c'est de travailler avec Dieu à sauver les pécheurs. – Quant aux âmes du purgatoire, il n'y a plus à travailler à leur salut, puisque leur salut éternel est assuré. Elles souffrent, il est vrai, elles sont en proie à de grands tourments, mais elles n'ont rien à craindre pour l'enfer, et leurs souffrances finiront. Les dettes qu'elles ont contractées s'acquittent chaque jour, et bientôt elles jouiront de la lumière éternelle ; tandis que les pécheurs sont continuellement menacés de la damnation, malheur suprême, le plus effroyable qui puisse arriver à une créature humaine."
- "Tout ce que vous venez de dire est vrai, repartit le frère Benoît ; mais n'y a-t-il pas une autre considération à faire ? Si les pécheurs sont esclaves de Satan, c'est qu'ils le veulent bien : leurs chaînes sont volontaires, il dépend d'eux de les briser ; tandis que les pauvres âmes du purgatoire ne peuvent que gémir et implorer le secours des vivants. Il leur est impossible de briser les fers qui les tiennent enchaînées dans les flammes expiatrices. – Supposez que vous rencontriez deux pauvres qui vous demandent l'aumône : l'un est estropié et perclus de tous ses membres, absolument incapable de rien faire pour gagner sa vie ; l'autre au contraire, bien que dans une grande détresse, est jeune et vigoureux. Tous deux implorent votre charité : auquel croirez-vous devoir donner la meilleure part de vos aumônes ?
- "A celui qui ne peut point travailler, répondit le Frère Bertrand.
247
- "Hé bien, mon Père, continua Benoît, les âmes du purgatoire sont dans ce cas : elles ne peuvent plus s'aider elles-mêmes. Le temps de la prière, de la confession et des bonnes œuvres est passé pour elles : nous seuls pouvons les soulager. Il est vrai d'autre part, qu'elles souffrent pour leurs fautes passées, mais ces fautes elles les pleurent et les détestent ; elles sont dans la grâce de Dieu et les amies de Dieu : tandis que les pécheurs sont des rebelles, des ennemis du Seigneur. Certes nous devons prier pour leur conversion, mais sans préjudice de ce que nous devons aux âmes souffrantes, si chères au Cœur de Jésus. Ayons pitié des pécheurs, mais n'oublions pas qu'ils ont à leur disposition tous les moyens de salut : ils peuvent et ils doivent se soustraire au péril de la damnation qui les menace. Ne vous semble-t-il pas que les âmes souffrantes sont dans une nécessité plus grande et méritent la meilleure part de notre charité ?"
Malgré la force de ces raisons, le Frère Bertrand persista dans sa première idée, et dit que l'œuvre capitale était de sauver les pécheurs. Dieu permit que la nuit suivante une âme du purgatoire lui fit éprouver durant quelque temps les peines qu'elle souffrait elle-même : elles étaient si terribles qu'il lui semblait impossible de les supporter. Alors, comme dit Isaïe, le tourment lui donna l'intelligence : Vexatio intellectum dabit (Isaïe XXVIII, 19), et il comprit qu'il devait faire davantage pour les âmes souffrantes. Dès le lendemain matin, la compassion dans le cœur et les larmes aux yeux, il monta au saint autel revêtu de l'ornement noir et offrit le sacrifice pour les défunts.
248

Chapitre 36

Motifs d'aider les âmes. – Liens intimes qui nous unissent à elles. – Piété filiale. – Cimon d'Athènes, et son père en prison. – S. Jean de Dieu sauvant les malades de l'incendie.

Si nous devons aider les âmes à cause de leur nécessité extrême, combien ce motif devient plus pressant quand on songe que ces âmes nous sont unies par les liens les plus sacrés, par les liens du sang, par le sang divin de Jésus-Christ, et par le sang humain d'où nous sommes issus selon la chair ? Oui, il y a au purgatoire des âmes qui nous sont unies par la parenté la plus étroite. C'est un père, c'est une mère qui gémit dans les tourments et me tend les bras ! Que ne ferions-nous pas pour notre père, pour notre mère, s'ils languissaient dans une dure prison ? Un ancien Athénien, le célèbre Cimon, avait eu la douleur de voir emprisonner son père par d'impitoyables créanciers qu'il n'avait pu satisfaire. Pour comble d'infortune il ne put trouver les ressources nécessaires pour le délivrer, et le vieillard mourut dans les fers. Désolé, inconsolable, Cimon court à la prison et demande qu'on lui donne du moins le corps de son père pour l'ensevelir. On le lui refuse, sous prétexte que, n'ayant pas payé ses dettes, il ne pouvait être rendu à la liberté. "Laissez-moi donc d'abord ensevelir mon père, "s'écria Cimon, je viendrai après prendre sa place dans la prison."
On admire ce trait de piété filiale ; mais ne devons-nous pas l'imiter ? N'avons-nous pas peut-être aussi un père, une mère dans la prison du purgatoire ? Ne devons-nous pas les délivrer au prix de tous les sacrifices ?... Plus heureux que Cimon, nous sommes à même de payer leurs dettes ; nous n'aurons pas à prendre leur place : au contraire, les délivrer de la captivité, c'est nous en affranchir nous-mêmes par anticipation.
249
On admire aussi la charité de S. Jean de Dieu (8 mars), qui affronta la fureur des flammes pour sauver de pauvres malades du milieu d'un incendie. Ce grand serviteur de Dieu mourut à Grenade, l'an 1550, à genoux devant une image de Jésus crucifié, qu'il embrassait et qu'il continua de tenir serrée dans ses bras, après qu'il eut rendu son âme à Dieu. Né de parents fort pauvres, et obligé de garder les troupeaux pour subsister, il était riche de foi et de confiance en Dieu. Son bonheur était de prier et d'entendre la parole de Dieu : ce fut le principe de la sainteté à laquelle il s'éleva bientôt. Un sermon du vénérable Père Jean d'Avila, apôtre de l'Andalousie, le toucha tellement qu'il résolut de consacrer sa vie entière au service des pauvres et des malades. Sans autre ressource que sa charité et sa confiance en Dieu, il parvint à acheter une maison où il recueillit des infirmes abandonnés, pour les nourrir, pour soigner leurs corps et leurs âmes. Cet asile s'élargit bientôt et devint l'hôpital royal de
249
Grenade, vaste établissement, rempli d'une multitude de vieillards et de malades de tout genre.
Un jour le feu ayant pris à cet hôpital, plusieurs malades allaient y périr d'une mort affreuse. Les flammes les environnaient de toutes parts et empêchaient qu'on ne les approchât pour les sauver. Ils poussaient des cris lamentables, appelant le ciel et la terre à leur secours. Jean les a vus, sa charité s'enflamme, il s'élance dans l'incendie, pénètre à travers le feu et la fumée jusqu'au lit des malades ; il charge sur ses épaules et porte en lieu de sûreté l'un après l'autre tous ces malheureux. Obligé de traverser à plusieurs reprises ce vaste brasier, courant et travaillant dans le feu pendant toute une demi-heure que dura le sauvetage, le Saint ne souffrit pas la moindre lésion : les flammes respectèrent sa personne, ses vêtements et jusqu'au moindre cheveu de sa tête : Dieu voulut montrer
250
par un miracle combien lui était agréable la charité de son serviteur.
Et ceux qui sauvent, non pas les corps, mais les âmes des flammes du purgatoire, font-ils une œuvre moins agréable au Seigneur ? La nécessité, les cris et gémissements de ces âmes sont-ils moins touchants pour un cœur qui a la foi ? Est-il plus difficile de les secourir ? Est-il nécessaire pour les aider de se jeter soi-même dans les flammes ?
Certes, nous avons les moyens les plus faciles de leur porter secours, et Dieu ne demande pas que nous nous imposions de grandes peines. Toutefois la charité des âmes ferventes va jusqu'aux plus grands sacrifices, jusqu'à partager les douleurs de leurs frères du purgatoire.

Chapitre 37

Motifs d'aider les âmes. – la facilité de les secourir. – L'exemple des saints et de tous les fervents chrétiens. – La servante de Dieu Marie Villani. – La brûlure au front.

Nous avons vu déjà, comment sainte Catherine de Ricci et plusieurs autres portèrent l'héroïsme jusqu'à souffrir à la place des âmes du purgatoire ; ajoutons encore quelques exemples d'une si admirable charité. La servante de Dieu Marie Villani, de l'Ordre de S. Dominique, dont la vie a été écrite par le Père Marchi (Cf. Rossig. Merv. 41), s'appliquait nuit et jour à pratiquer des œuvres satisfactoires en faveur des défunts. Un jour, c'était la veille de l'Epiphanie, elle fit pour eux de longues prières, suppliant le Seigneur d'adoucir leurs souffrances en vue de celles de Jésus-Christ, lui offrant à cet effet les cruels tourments du Sauveur, sa flagellation,


251
sa couronne d'épines, ses liens, ses clous et sa croix, toutes les douleurs en un mot, tous les détails et tous les instruments de la passion. La nuit suivante, le ciel se plut à lui manifester combien lui était agréable cette sainte pratique.
Pendant sa prière, étant ravie en extase elle vit une longue procession de personnes vêtues de blancs, éclatantes de lumières, portant dans leurs mains les divers insignes de la passion et faisant leur entrée dans la gloire. La servante de Dieu connut en même temps que c'étaient les âmes délivrées par ses ferventes prières et par les mérites de la passion de Jésus-Christ.
Un autre jour, celui de la Commémoration des Morts, on lui avait ordonné de travailler à un manuscrit et de passer la journée à écrire. Ce travail, imposé par l'obéissance, coûtait à sa piété : elle en éprouvait une sensible répugnance, parce qu'elle aurait voulu consacrer tout ce jour à la prière, à la pénitence et autres exercices de dévotion pour le soulagement des âmes du purgatoire. Elle oubliait un peu que l'obéissance doit l'emporter sur tout et qu'il est écrit : Melior est obedientia quam victimoe, l'obéissance vaut mieux que les victimes et les sacrifices les plus précieux (1 Reg. XV, 22). Le Seigneur, voyant sa grande charité pour les âmes, daigna lui apparaître, l'instruire et la consoler. "Obéissez, ma "fille, lui dit-il, faites le travail que l'obéissance vous impose et offrez-le pour les "âmes : chaque ligne que vous écrirez aujourd'hui en cet esprit d'obéissance et de "charité, procurera la délivrance d'une âme." – On comprend qu'elle travailla toute la journée avec la plus grande ardeur et qu'elle traça le plus possible de ces lignes si agréables à Dieu.
Sa charité envers les âmes ne se bornait point à des prières et des jeûnes, elle désira endurer elle-même une partie de leurs souffrances. Comme elle priait un jour
252
dans cette intention, elle fut ravie en esprit et conduite en purgatoire. Là parmi la multitude des âmes souffrantes, elle en vit une plus cruellement tourmentée que les autres et qui lui inspira la plus vive compassion.
"Pourquoi, lui demanda-t-elle, avez-vous à souffrir des peines si atroces ? Ne recevez-vous point de soulagement ? – Je suis, répondit-elle, depuis fort longtemps en ce lieu, endurant des tourments effroyables en punition de mes vanités passées et de mon luxe scandaleux. Je n'ai pas obtenu jusqu'à cette heure, le moindre soulagement, parce que le Seigneur a permis que je fusse oubliée de mes parents, de mes enfants, de toute ma famille et de mes amis : ils ne font pour moi aucune prière. Quand j'étais sur la terre, livrée aux toilettes immodérées, aux pompes mondaines, aux fêtes et aux plaisirs, je n'avais de Dieu et de mes devoirs qu'un rare et stérile souvenir. Les seules préoccupations sérieuses de ma vie, étaient d'accroître le renom et les richesses périssables des miens. J'en suis bien punie, vous le voyez, puisqu'ils ne m'accordent pas un souvenir."

252
Ces paroles firent sur Marie Villani une douloureuse impression. Elle pria cette âme de lui communiquer une partie de ce qu'elle souffrait. A l'instant même il lui semblait qu'on la touchait au front avec un doigt de feu, et la douleur qu'elle en éprouva fut si forte, si aigüe, qu'elle la fit revenir de son extase. La marque lui en resta au front si profondément imprimée, qu'on la voyait encore deux mois après, et elle lui causait une douleur insupportable. La servante de Dieu offrit cette douleur, avec des prières et d'autres œuvres, pour l'âme qui lui avait parlé. Cette âme lui apparut au bout de deux mois, et lui dit que, délivrée par son intercession, elle montait au ciel. Dès ce moment, la brûlure du front s'effaça pour toujours.
253

Chapitre 38


Motifs d'aider les âmes. – Exemple de saints personnages. – Le Père Jacques Laynez. – le Père Fabricius. – Le Père Nieremberg, victime de sa charité.

Celui qui oublie son ami, après que la mort l'a fait disparaître à ses yeux, n'a pas eu d'amitié véritable. Cette sentence, le Père Laynez, second Général de la Compagnie de Jésus, ne cessait de la répéter aux fils de S. Ignace : il voulait que les intérêts des âmes leur fussent à cœur après la mort comme pendant la vie. Joignant l'exemple aux pieux conseils, Laynez appliquait aux âmes du purgatoire une bonne partie de ses prières, de ses sacrifices et des satisfactions qu'il méritait devant Dieu par ses travaux pour la conversion des pécheurs. Les Pères de la Compagnie furent fidèles à ces leçons de charité, en tout temps ils montrèrent un zèle particulier pour cette dévotion, comme on peut le voir dans le livre intitulé Héros et victimes de la charité dans la Compagnie de Jésus. J'en transcrirai ici une seule page.
A Munster en Westphalie, vers le milieu du XVIIe siècle, éclata un mal contagieux qui faisait chaque jour d'innombrables victimes. La crainte paralysait la charité du grand nombre ; et on trouvait peu de personnes qui voulussent se dévouer aux malheureux, atteints du fléau. Alors le Père Jean Fabricius, animé de l'esprit des Laynez et des Ignace, s'élança dans cette arène du dévouement. Mettant de côté toute préoccupation personnelle, il employait ses journées à visiter les malades, à leur procurer des remèdes, à les disposer à une mort chrétienne : il les confessait, leur donnait les autres sacrements, les ensevelissait de ses mains, et célébrait ensuite la sainte messe pour leurs âmes.
Du reste durant toute sa vie, ce serviteur de Dieu eut
254
la plus grande dévotion pour les défunts. Parmi ses exercices de piété les plus chers, et qu'il recommandait davantage, était celui de célébrer la messe des défunts, toutes les fois que les règles liturgiques le permettaient. Ses conseils
254
eurent assez d'effet pour engager les Pères de Munster à consacrer chaque mois un jour aux défunts : ils tendaient alors leur église de noir et priaient solennellement pour les morts.
Dieu daigna, comme il le fait souvent, récompenser le P. Fabricius et encourager son zèle par plusieurs apparitions des âmes. Les unes le suppliaient de hâter leur délivrance, les autres le remerciaient du secours qu'il leur avait procuré, d'autres encore lui annonçaient que le moment bienheureux du triomphe était enfin venu pour elles.
Son plus grand acte de charité fut celui qu'il accomplit à sa mort. Avec une générosité vraiment admirable, il fit le sacrifice de tous les suffrages, prières, messes, indulgences et mortifications que la Compagnie applique à ses membres décédés : il demanda à Dieu de l'en priver lui-même pour en gratifier les âmes souffrantes les plus agréables à sa divine Majesté.
Déjà nous avons parlé du Père Jean-Eusèbe Nierembert, Jésuite espagnol, également célèbre par les ouvrages de piété qu'il a publiés et par ses éclatantes vertus. Sa dévotion envers les âmes ne se contentait pas de sacrifices et de prières fréquentes ; elle le portait à souffrir pour elles, avec une générosité qui allait jusqu'à l'héroïsme. Il y avait à la cour de Madrid, parmi ses pénitentes, une Dame de qualité, qui, sous sa sage direction, était parvenue à une haute vertu au milieu du monde ; mais elle était tourmentée d'une crainte excessive de la mort, dans la perspective du purgatoire qui devrait la suivre. Elle tomba dangereusement malade, et ses craintes redoublèrent au point qu'elle en perdait presque ses sentiments chrétiens. Le saint confesseur eut beau
255
user de toutes les industries de son zèle, il ne put réussir à la calmer, ni même à lui faire recevoir les derniers sacrements.
Pour comble de malheur, elle perdit tout à coup connaissance, et fut bientôt réduite à la dernière extrémité. Le Père, justement alarmé du péril où se trouvait cette âme, se retira dans une chapelle voisine, près de la chambre de la moribonde. Il y offrit le saint Sacrifice avec une grande ferveur pour obtenir à la malade le temps de se reconnaître, et de recevoir en pleine liberté d'esprit les sacrements de l'Eglise. En même temps, poussé par une charité vraiment héroïque, il s'offrit en victime à la justice divine, pour souffrir lui-même en cette vie, les peines réservées à cette pauvre âme dans l'autre.
Sa prière fut agréable à Dieu. La messe était à peine achevée, que la malade revint à elle, et se trouva toute changée : ses dispositions étaient si bonnes, qu'elle demanda elle-même les sacrements, et les reçut avec la plus édifiante ferveur. Son confesseur lui ayant dit ensuite qu'elle n'avait plus à craindre le purgatoire, elle expira, le sourire sur les lèvres, dans la plus parfaite tranquillité.
A partir de cette heure, le Père Nieremberg fut accablé de toutes sortes de peines dans son corps et dans son âme : pendant seize ans qu'il vécut encore, son
255
existence ne fut plus qu'un martyre et un rigoureux purgatoire. Aucun remède naturel ne pouvait soulager ses douleurs : son unique adoucissement était le souvenir de la sainte cause pour laquelle il les endurait. Enfin la mort vint mettre un terme à ses prodigieuses souffrances, et en même temps, on est bien fondé à le croire, lui ouvrir la porte du paradis : car il est écrit : Bienheureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde.

256

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:26

Chapitre 39

Motifs, stimulants de la dévotion envers les âmes. – Exemples de générosité. – S. Pierre Damien et son père. – La jeune Annamite. – Le portier de séminaire et la Propagation de la foi.

Les exemples de charité généreuse envers les trépassés ne manquent pas ; et il est toujours utile de se les rappeler. Nous ne pouvons pas omettre la belle et touchante action de S Pierre Damien (23 février), évêque d'Ostie, cardinal et Docteur de la sainte Eglise, exemple qu'on ne se lasse jamais d'entendre répéter. Etant encore fort jeune, Pierre Damien eut le malheur de perdre sa mère ; et, bientôt après, son père s'étant remarié, il tomba dans les mains d'une marâtre. Quoiqu'il se montrât plein d'affection pour elle, cette femme ne sut pas aimer ce tendre enfant : elle le traita avec une dureté barbare et finit pas s'en débarrasser en le mettant au service de son frère aîné, qui l'employa à garder les pourceaux.
Son père, qui aurait dû le protéger, l'abandonnait à son malheureux sort. Mais l'enfant levant les yeux au ciel, y voyait un autre Père, en qui il mit toute sa confiance. Il accepta tout ce qui lui arrivait de ses mains divines et se résigna volontiers à la dure situation qui lui était ménagée : "Dieu, disait-il, a ses vues en "tout, et ce sont des vues de miséricorde : nous n'avons qu'à nous abandonner à "lui : il fera tout servir à notre bien." – Il ne se trompait pas : ce fut dans cette pénible épreuve que le futur cardinal de la sainte Eglise, celui qui devait étonner son siècle par l'étendue de ses lumières et édifier le monde par l'éclat de ses vertus, fit l'apprentissage de la sainteté. A peine couvert de haillons, l'histoire dit
257
qu'il n'avait pas même toujours de quoi rassasier sa faim ; mais il priait Dieu, il était content.
Or il arriva sur ces entrefaites que son père mourut. Le jeune saint, oubliant la dureté qu'il avait éprouvé de sa part, le pleura comme un bon fils et ne cessait de prier Dieu pour son âme. Un jour, il trouva sur le chemin un écu, que la Providence semblait y avoir déposé pour lui : c'était toute une fortune pour le pauvre enfant. Mais au lieu de s'en servir pour adoucir sa propre misère, sa première pensée fut de le porter à un prêtre, en le priant de célébrer la messe
257
pour l'âme de son père. La sainte Eglise a trouvé ce trait si beau, qu'elle l'a inséré, tout au long, dans la légende de l'Office, qui se lit le jour de sa fête.
Qu'on me permette, dit l'abbé missionnaire Louvet, d'ajouter ici un souvenir personnel. Quand je prêchais la foi en Cochinchine, une pauvre petite fille Annamite, baptisée depuis peu, vint à perdre sa mère. A quatorze ans elle se trouvait chargée de pourvoir avec son faible gain, cinq tiên par jour, environ huit sous de France, à sa nourriture et à celle de ses deux petits frères. Quelle fut ma surprise de la voir venir, à la fin de la semaine, m'apporter le gain de deux journées, pour que je dise la messe à l'intention de sa mère ! Ces pauvres petits avaient jeûné une partie de la semaine, pour procurer à leur mère défunte cet humble suffrage. O sainte aumône du pauvre et de l'orphelin ! Si mon cœur en fut si profondément ému, comme elle a dû toucher le cœur du Père céleste et attirer ses bénédictions sur cette mère et sur ses enfants !
Voilà la générosité des pauvres. Quel exemple et quel reproche pour tant de riches, prodigues en fait de luxe et de plaisirs, mais qui sont si avares quand il s'agit d'aumônes et de messes en faveur de leurs défunts !
Bien qu'avant tout il faille consacrer ses aumônes à faire offrir le saint Sacrifice pour les âmes des siens ou pour sa propre âme ; il convient d'en affecter une partie
258
au soulagement des pauvres ou à d'autres bonnes œuvres, telles que les écoles catholiques, la propagation de la foi et bien d'autres, selon le besoin des circonstances. Toutes ces libéralités sont saintes, conformes à l'esprit de l'Eglise, et fort efficaces pour les âmes du purgatoire.
L'abbé Louvet, que nous avons cité plus haut, rapporte un autre trait qui mérite de trouver ici sa place. Il s'agit d'un homme de condition pauvre, qui fit une libéralité en faveur de la Propagation de la foi, mais dans des circonstances qui ont rendu cet acte particulièrement précieux pour le besoin futur de son âme au purgatoire.
Un pauvre portier de séminaire avait, durant sa longue vie, amassé sou par sou la somme de huit cents francs. N'ayant pas de famille, il destinait cet argent à faire dire des messes après sa mort. Mais que ne peut la charité dans un cœur embrasé de ses saintes flammes ? Un jeune prêtre se préparait à quitter le séminaire pour entrer aux Missions étrangères. Le pauvre vieillard, apprenant cette nouvelle, fut inspiré de lui donner son petit trésor pour l'œuvre si belle de la Propagation de la foi. Il le prit donc en particulier et lui dit : "Cher Monsieur, "je vous prie d'accepter cette petite aumône pour vous aider dans l'œuvre de la "propagation de l'Evangile. Je l'avais réservée pour faire dire des messes après "ma mort ; mais j'aime mieux rester un peu plus longtemps dans le purgatoire, et "que le nom du bon Dieu soit glorifié." – Le séminariste était ému jusqu'aux larmes. Il voulait ne pas accepter l'offrande trop généreuse de ce pauvre homme ; mais celui-ci insista tellement qu'il y aurait eu cruauté à lui infliger un refus.
258
A quelques mois de là, ce bon vieillard mourait. Aucune révélation n'est venue annoncer ce qui lui arriva dans l'autre monde. Mais en est-il besoin ? Ne connaissons-nous pas assez le Cœur de Jésus, qui ne saurait se laisser vaincre en générosité ? Ne comprenons-nous pas qu'un
259
Homme assez généreux pour se dévouer aux flammes du purgatoire afin de faire connaître Jésus-Christ aux nations infidèles, aura trouvé devant le Souverain Juge une abondante miséricorde ?

Chapitre 40

Motifs d'aider les âmes. – Obligation, non seulement de charité, mais encore de justice. – Legs pieux. – Le P. Rossignoli, et la propriété ravagée. – Thomas de Cantimpré et le soldat de Charlemage.

Nous venons de considérer la dévotion envers les âmes comme œuvre de charité. La prière pour les morts avons-nous dit est une œuvre sainte parce que c'est un exercice très-excellent de la plus excellente des vertus, la charité.
Cette charité envers les défunts n'est pas purement facultative et de conseil, elle est de précepte, non moins que l'aumône à faire aux pauvres. Comme il existe une obligation générale de charité pour l'aumône corporelle, ainsi, et à plus forte raison, sommes-nous tenus par la loi générale de la charité d'assister nos frères souffrants du purgatoire.
A cette obligation de charité vient se joindre souvent une obligation de stricte justice. Lorsque un mourant exprime de vive voix ou par disposition testamentaire, ses dernières volontés en matière d'œuvres pies ; lorsqu'il charge ses héritiers de faire célébrer autant de messes, de distribuer autant d'aumônes, n'importe en faveur de quelle bonne œuvre ; les héritiers sont obligés en stricte justice, du moment qu'ils acceptent la succession, d'en remplir toutes les charges, et d'acquitter sans retard les legs pieux établis par le défunt.
Ce devoir de justice est d'autant plus sacré, que
260
souvent les legs pieux ne sont que des restitutions déguisées.
Or que nous montre l'expérience journalière ? Est-ce avec zèle, avec un soin religieux que l'on s'empresse d'acquitter toutes les charges pieuses et qui concernent l'âme du défunt ? Hélas ! Le contraire est un fait qui se passe tous les jours sous nos yeux : une famille, qui vient d'être mise en possession d'une fortune quelquefois considérable, marchandera à un malheureux défunt les quelques suffrages qu'il s'était réservés ; et, si les subtilités de la loi civile s'y prêtent, on n'aura pas honte de faire casser un testament, sous prétexte de captation, afin de se débarrasser de l'obligation d'en acquitter les legs pieux. Ce n'est pas en vain que l'auteur de l'Imitation nous avertit de faire des œuvres
260
satisfactoires pendant notre vie, et de ne pas trop compter sur nos héritiers, qui trop souvent négligent d'acquitter les pieuses fondations que nous avions faites pour le soulagement de notre pauvre âme.
Eh bien ! C'est là, que les familles le sachent, c'est là une injustice sacrilège jointe à une cruauté abominable. Voler un pauvre, dit le IVe concile de Carthage, c'est se faire son meurtrier : Egentium necatores. Que dire de ceux qui dépouillent les défunts, qui les privent injustement de leurs suffrages et les laissent sans secours dans les terribles tourments du purgatoire ?
Aussi, ceux qui se rendent coupables de ce vol infâme, sont bien souvent punis de Dieu dès cette vie, et d'une manière très-sévère. On s'étonne quelquefois de voir se fondre entre les mains d'héritiers avides une fortune considérable ; une sorte de malédiction semble planer sur certains héritages. Au jour du jugement, lorsque tout ce qui est caché sera découvert, on verra que la cause de ces ruines a souvent été l'avarice et l'injustice des héritiers, qui n'ont pas acquitté les legs pieux dont leur succession était chargée.
261
Il est arrivé à Milan, dit le P. Rossignoli (Merv. 20), qu'une magnifique propriété, peu éloignée de la ville, fut toute ravagée par la grêle, tandis que les champs voisins étaient restés complètement intacts. Ce phénomène excita l'attention et l'étonnement : on se rappelait le fléau d'Egypte, cette grêle qui ravagea les champs des Egyptiens et respecta la terre de Gessen, habitée par les enfants d'Israël. On voyait ici un fléau semblable : cette grêle étrange n'avait pu se renfermer si exactement dans les limites d'une propriété unique, sans avoir obéi à une cause intelligente. On ne savait comment expliquer ce mystère, lorsque l'apparition d'une âme du purgatoire fit connaître que c'était un châtiment infligé à des enfants ingrats et coupables, qui n'avaient pas exécuté la dernière volonté de leur père relativement à des œuvres pies.
On sait que dans tous les pays, dans toutes les localités on parle de maisons hantées, rendues inhabitables, au grand détriment de leurs propriétaires : or quand on va au fond des choses, on trouve généralement une âme oubliée des siens, et qui réclame l'acquittement des suffrages qui lui sont dus. Ne soyons pas crédules et faisons aussi large que l'on voudra la part de l'imagination, de l'illusion, de la fourberie même ; il restera toujours assez de faits parfaitement prouvés, pour apprendre aux héritiers sans entrailles comment Dieu punit, même dès cette vie, ces procédés injustes et sacrilèges.
Le trait suivant, emprunté à Thomas de Cantimpré (Rossignoli, Merv. 15), fait bien ressortir combien sont coupables aux yeux de Dieu les héritiers injustes envers les défunts. Pendant les guerres de Charlemagne, un valeureux soldat avait servi de longues années dans des charges importantes et honorables. Sa vie avait été celle d'un chrétien : content de sa paye, il s'interdisait tout acte de violence, et le tumulte des camps ne lui faisait omettre aucun de ses devoirs

262
essentiels ; il avait toutefois commis quantité de petites fautes, ordinaires aux gens de sa profession. Etant arrivé à un âge fort avancé, il tomba malade ; et voyant approcher la mort, il appela auprès de son lit un neveu orphelin, dont il s'était fait le père, et lui exprima ses dernières volontés. "Mon fils, lui dit-il, vous "savez que je n'ai pas de richesses à vous léguer : je n'ai que mes armes et mon "cheval. Mes armes seront pour vous. Quant au cheval, lorsque j'aurai rendu "mon âme à Dieu, vous le vendrez et vous en partagerez le prix entre les prêtres "et les pauvres, afin que les premiers offrent pour moi le divin sacrifice, et que "les autres me secourent de leurs prières."
Le neveu pleura et promit d'exécuter ponctuellement, sans retard, ce que demandait de lui son oncle et son bienfaiteur. Le vieillard étant mort bientôt après, l'héritier prit les armes, et emmena le cheval. C'était un animal fort beau et d'un grand prix. Au lieu de le vendre aussitôt, selon la dernière volonté du défunt, il commença par s'en servir pour quelques petits voyages ; et comme il en était fort satisfait, il désirait ne pas s'en priver de sitôt. Il différa donc, sous le double prétexte que rien ne pressait d'exécuter si promptement sa promesse, et qu'il pouvait attendre une bonne occasion pour obtenir peut-être un meilleur prix. En tardant ainsi de jour en jour, de semaine en semaine, de mois en mois, il finit par étouffer les réclamations de sa conscience et oublia l'obligation sacrée qu'il avait à remplir envers l'âme de son bienfaiteur.
Six mois s'étaient éculés, lorsqu'un matin le défunt lui apparut et lui adressa les plus sévères reproches. "Malheureux, lui dit-il, tu as oublié l'âme de "ton oncle ; tu as violé l'engagement sacré que tu avais pris à mon lit de mort. "Où sont les saintes messes que tu devais faire offrir, où sont les aumônes que tu "devais distribuer aux pauvres pour mon âme ? A cause de ta cou-
263
"pable négligence, j'ai souffert dans le purgatoire des tourments inouïs. Enfin, "Dieu a eu pitié de moi : aujourd'hui même j'entre dans la félicité des saints.
"Mais toi, par un juste jugement de Dieu, tu mourras dans peu de jours, et "tu subiras en ma place les peines, qui me fussent restées à subir, si Dieu n'eût "pas usé d'indulgence à mon égard. Tu souffriras tout le temps dont Dieu m'a fait "grâce ; après quoi, tu commenceras les expiations dues à tes propres fautes."
Quelques jours après le neveu tomba gravement malade. Aussitôt il appela un prêtre, raconta sa vision et se confessa avec beaucoup de larmes. "Je mourrai "bientôt, dit-il, et j'accepte la mort des mains de Dieu comme un châtiment que "je n'ai que trop mérité." – Il expira en effet dans ces sentiments d'un humble repentir : ce n'était que la moindre partie de la peine qui lui avait été annoncée en punition de son injustice ; on frémit en pensant à la seconde qu'il allait subir dans l'autre vie.
263

Chapitre 41

Motif de justice. – S. Bernardin de Sienne et la veuve infidèle.
Restitutions déguisées. – Non exécution des dernières volontés.

S. Bernardin de Sienne rapporte que deux époux, qui n'avaient pas d'enfants, firent une convention pour le cas où l'un d'eux viendrait à mourir : le survivant devait distribuer le bien laissé par le défunt en aumônes, pour le repos de son âme. Le mari mourut le premier, et sa veuve négligea de remplir sa promesse. La mère de cette veuve vivait encore : le défunt lui apparut, la priant d'aller trouver sa fille, pour la presser au nom de Dieu de remplir son engagement. "Si elle diffère, ajouta-t-il, de
264
"distribuer en aumônes la somme que j'ai destinée aux pauvres, dites-lui de la "part de Dieu que, dans trente jours, elle sera frappée de mort subite." – Quand la veuve impie entendit ce grave avertissement, elle osa le traiter de rêverie, et persista dans sa sacrilège infidélité. Trente jours s'écoulèrent et la malheureuse étant montée à une chambre haute, tomba d'une fenêtre et se tua sur le coup.
Les injustices envers les défunts, dont nous parlons, et les manœuvres frauduleuses par lesquelles on se soustrait à l'exécution des legs pieux, sont des péchés graves, des crimes qui méritent l'enfer. A moins d'en faire une sincère confession et en même temps une due restitution, ce n'est pas en purgatoire, mais en enfer, qu'on en subira le châtiment.
Hélas ! Oui, c'est surtout dans l'autre vie que la justice divine punira comme ils le méritent les coupables détenteurs du bien des morts. Un jugement sans miséricorde, dit l'Esprit-Saint, attend celui qui a été sans miséricorde (Jacob. II, 13). Si cette parole est vraie, à quelle rigueur de jugement ne doit pas s'attendre celui dont l'abominable avarice a laissé, pendant des mois, des années, des siècles peut-être, l'âme d'un parent, d'un bienfaiteur, au milieu des effroyables supplices du purgatoire ?
Ce crime, comme nous avons dit plus haut, est d'autant plus grave, que dans bien des cas les suffrages que le défunt avait demandés pour son âme, ne sont, au fond, que des restitutions déguisées. C'est là ce que les familles ignorent trop souvent. On trouve très-commode de parler de captations et d'avidité cléricale ; on fait casser un testament sous ces beaux prétextes ; et bien souvent, le plus souvent peut-être, il s'agissait d'une restitution nécessaire. Le prêtre n'était que l'intermédiaire de cet acte indispensable, obligé au secret le plus absolu, en vertu de son ministère sacramentel.
265
Expliquons-nous plus clairement. Un mourant a commis des injustices durant sa vie : cela arrive plus fréquemment qu'on ne pense, même à des très-honnêtes gens selon le monde. Au moment de paraître devant Dieu, ce pécheur se confesse : il veut réparer, comme il le doit, tous les préjudices qu'il a causés au prochain ; mais le temps lui manque pour le faire lui-même, et il ne veut pas révéler à ses enfants ce triste secret. Que fait-il ? Il couvre sa restitution sous le voile d'un legs pieux.
Or si ce legs n'est pas acquitté, et conséquemment si l'injustice n'est pas réparée, que deviendra l'âme du défunt ? Sera-t-elle retenue au purgatoire indéfiniment ? Nous ne connaissons pas toutes les lois de la divine justice, mais des apparitions nombreuses témoignent dans ce sens : "toutes déclarent qu'elles ne peuvent être admises au séjour de la béatitude, tant que la justice reste lésée." – D'ailleurs ces âmes ne sont-elles pas coupables d'avoir différé jusqu'à leur mort une restitution à laquelle elles étaient obligées depuis longtemps ? Et si maintenant leurs héritiers négligent de le faire pour elles, n'est-ce, pas une déplorable conséquence de leur propre péché, de leurs délais coupables ? C'est par leur faute qu'il reste dans leur famille du bien mal acquis, et ce bien ne cesse de crier, tant que restitution n'est pas faite. Res clamat domino, le bien d'autrui crie vers son maître légitime, il crie contre son injuste détenteur.
Que si, par le mauvais vouloir des héritiers, la restitution ne devait jamais se faire, il est clair que cette âme ne saurait rester toujours en purgatoire ; mais dans ce cas, un long retard à son entrée dans le ciel semble être le juste châtiment d'une injustice, que cette âme infortunée a rétractée, il est vrai, mais dont elle avait posé la cause toujours subsistance et toujours efficace.
Que l'on songe donc à ces graves conséquences, quand on laisse s'écouler les jours, les semaines, les mois, les années peut-être, avant d'acquitter une dette aussi sacrée.
266
Hélas ! Que notre foi est faible ! Si un animal domestique, un petit chien, tombait dans le feu, est-ce que vous tarderiez à le retirer ? Et voilà que vos parents, vos bienfaiteurs, les personnes qui vous furent les plus chères, se tordent dans les flammes du purgatoire, et vous ne croyez point devoir vous presser de les secourir, vous tardez, vous différez, vous laissez passer des jours si longs et si douloureux pour les âmes, sans vous mettre en peine d'accomplir les œuvres qui doivent les soulager !

Chapitre 42

Motif de justice. – larmes stériles. – Thomas de Cantimpré et son aïeule. -
La B. Marguerite de Cortone.


266
Nous venons de parler de l'obligation de justice qui incombe aux héritiers pour l'exécution des legs pieux. Il y a un autre devoir de stricte justice qui regarde les enfants : ils sont obligés de prier pour leurs parents défunts. Réciproquement, les parents à leur tour sont tenus de droit naturel à ne pas oublier devant Dieu ceux de leurs enfants qui les ont précédés dans l'éternité. Hélas ! Il y a des parents qui sont inconsolables de la mort d'un fils, d'une fille bien-aimée ; et qui, au lieu de prières, ne leur donnent que des larmes stériles. Ecoutez ce que raconte à ce sujet Thomas de Cantimpré (Rossignoli, Merv. 68) : le fait était arrivé dans sa propre famille.
La grand'mère de Thomas avait perdu un fils, sur lequel elle avait fondé les plus belles espérances. Jour et nuit, elle le pleurait et ne voulait recevoir aucune consolation. Dans l'excès de sa tristesse, elle oubliait le grand devoir de l'amour chrétien, et ne songeait pas à prier
267
pour cette âme si chère. Aussi, au milieu des flammes du purgatoire, le malheureux objet d'une tendresse stérile se désolait de ne recevoir aucun soulagement dans ses souffrances. Dieu eut enfin pitié de lui.
Un jour au plus fort de sa douleur, cette femme reçut une vision miraculeuse. Elle vit au milieu d'une belle route une procession de jeunes gens, gracieux comme des anges, qui s'avançaient pleins de joie vers une cité magnifique. Elle comprit que c'étaient des âmes du purgatoire faisant leur entrée dans le ciel. Elle regarde avec avidité pour voir si dans leurs rangs elle ne découvrirait pas son cher fils. Hélas ! L'enfant n'y était point ; mais elle l'aperçut qui venait, bien loin derrière tous les autres, triste, souffrant, fatigué, et les vêtements trempés d'eau. "O cher objet de mes douleurs, lui cria-t-elle, pourquoi "donc restes-tu en arrière de cette brillante troupe ? Je voudrais te voir à la tête "de tes compagnons."
-"O ma mère, répond l'enfant d'une voix triste, c'est vous, ce sont les "larmes que vous versez sur moi, qui trempent et souillent mes vêtements, qui "retardent mon entrée dans la gloire. Cessez donc de vous livrer à une douleur "aveugle et stérile. Ouvrez votre cœur à des sentiments plus chrétiens. S'il est "vrai que vous m'aimez, soulagez-moi dans mes souffrances : appliquez-moi "quelque indulgence, faites des prières, des aumônes pour moi, obtenez-moi les "fruits du saint Sacrifice. Voilà comment vous me témoignerez votre amour ; "c'est par là que vous me délivrerez de la prison où je gémis, et que vous "m'enfanterez à la vie éternelle, bien plus désirable que la vie terrestre que vous "m'aviez donnée."
La vision disparut alors ; et cette mère rappelée ainsi aux vrais sentiments chrétiens, au lieu de se livrer à une douleur immodérée, s'appliqua aux bonnes œuvres qui devaient soulager l'âme de son fils.
La grande cause des oublis, de l'indifférence, de la négligence coupable et de l'injustice envers les défunts,
268
c'est le manque de foi. Aussi voit-on ces vrais chrétiens que l'esprit de foi anime, faire les plus nobles sacrifices pour les âmes de leurs défunts. Pénétrant du regard dans le lieu des expiations, considérant les rigueurs de la divine justice, écoutant la voix des défunts qui implorent leur pitié, ils ne songent qu'à les secourir, et ils regardent comme le premier et le plus saint de tous leurs devoirs de procurer à leurs parents et amis défunts le plus de suffrages possibles, selon les moyens de leur état. Heureux ces chrétiens : ils montrent leur foi par leurs œuvres, ils sont miséricordieux, et ils obtiendront à leur tour miséricorde.
La bienheureuse Marguerite de Cortone avait été d'abord une grande pécheresse ; mais s'étant convertie sincèrement, elle effaça ses désordres passés par de grandes pénitences et par des œuvres de miséricorde. Sa charité envers les âmes ne connaissait point de bornes : elle sacrifiait tout, temps, repos, satisfactions, pour obtenir de Dieu leur délivrance. Comprenant que la piété bien entendue envers les morts a pour premier objet les parents, son père et sa mère étant morts, elle ne cessa d'offrir pour eux ses prières, ses mortifications, ses veilles, ses souffrances, ses communions, les messes auxquelles elle avait le bonheur d'assister. Or, pour la récompenser de sa piété filiale, Dieu lui fit connaître que par tous ses suffrages elle avait abrégé les longues souffrances que ses parents auraient dû endurer au purgatoire, qu'elle avait obtenu leur délivrance complète et leur entrée dans le paradis.

269

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Charles-Edouard Lun 29 Aoû 2016 - 21:27

Chapitre 43

Motif de justice. - Prière pour les parents défunts.
Sainte Catherine de Sienne et son père Jacomo.

Sainte Catherine de Sienne (30 avril) nous a donné un exemple semblable. Voici comment il est rapporté par son historien, le B. Raymond de Capoue. "La servante de Dieu, écrit-il, avait un zèle ardent pour le salut des âmes. Je dirai d'abord ce qu'elle fit pour son père, Jacomo, dont nous avons déjà parlé. Cet excellent homme avait reconnu la sainteté de sa fille, et il était rempli pour elle d'une respectueuse tendresse ; il recommandait à tout le monde dans la maison, de ne jamais la contrarier en rien, et de la laisser pratiquer ses bonnes œuvres comme elle le voudrait. Aussi l'affection qui unissait le père et la fille augmentait tous les jours. Catherine priait sans cesse pour le salut de son père ; Jacomo se réjouissait saintement des vertus de sa fille, et comptait bien, par ses mérites, obtenir grâce devant Dieu.
"La vie de Jacomo approcha enfin de son terme, et il se mit au lit, très-gravement malade. Dès que sa fille le vit dans cet état, elle eut, selon son habitude, recours à la prière, et demanda à son céleste Epoux de guérir celui
269
qu'elle aimait tant. Il lui fut répondu que Jacomo était sur le point de mourir, et qu'il lui était utile de ne pas vivre davantage. Catherine alors se rendit près de son père et trouva son esprit si parfaitement disposé à quitter le monde sans y rien regretter, qu'elle en remercia Dieu de tout son cœur.
"Mais son affection filiale n'était pas satisfaite ; elle se remit en prière pour obtenir de Dieu, source de toute grâce, de vouloir bien, non seulement pardonner à
270
son père toutes ses fautes, mais encore, à l'heure de sa mort, le conduire au ciel, sans le faire passer par les flammes du purgatoire. Il lui fut répondu que la justice ne pouvait perdre ses droits, et qu'il fallait que l'âme fût parfaitement pure pour jouir des splendeurs de la gloire. "Ton père, dit Notre-Seigneur, a bien "vécu dans l'état du mariage, il a fait beaucoup de choses qui m'ont été "agréables, et je lui sais gré surtout de sa conduite envers toi ; mais ma justice "demande que son âme passe par le feu, pour se purifier des souillures qu'elle a "contractées dans le monde." – "O mon aimable Sauveur, répondit Catherine, "comment supporter la pensée de voir tourmenter dans des flammes si cruelles, "celui qui m'a nourrie, qui m'a élevée avec tant de soin, qui a été si bon pour moi "pendant toute sa vie ! Je supplie votre infinie bonté de ne pas permettre que son "âme quitte son corps, avant d'être, d'une manière ou d'une autre, si parfaitement "purifiée, qu'elle n'ait pas besoin de passer par le feu du purgatoire."
"Chose admirable, Dieu céda à la prière et au désir de sa créature. Les forces de Jacomo étaient éteintes, mais son âme ne pouvait partir tant que durait le conflit entre Notre-Seigneur, qui alléguait sa justice, et Catherine, qui invoquait sa miséricorde. Enfin, Catherine se mit à dire : "Si je ne puis obtenir "cette grâce sans satisfaire à votre justice, que cette justice s'exerce sur moi ; je "suis prête à souffrir pour mon père toutes les peines que votre bonté voudra "bien m'envoyer." – Notre-Seigneur y consentit. "Je veux bien, lui dit-il, à cause "de ton amour pour moi, accepter ta proposition. J'exempte de toute expiation "l'âme de ton père ; mais je te ferai souffrir à toi, tant que tu vivras, la peine qui "lui était destinée." – Catherine, pleine de joie, s'écria : "Merci de votre parole, "Seigneur, et que votre volonté s'accomplisse !"
"La sainte retourna aussitôt près du lit de son père,
271
qui entrait en agonie ; elle le remplit de force et de joie, en lui donnant, de la part de Dieu même, l'assurance de son salut éternel, et elle ne le quitta que lorsqu'il eut rendu le dernier soupir.
"Au moment même où l'âme de son père se sépara du corps, Catherine fut saisie de violentes douleurs de côté, qui lui restèrent jusqu'à la mort, sans jamais lui laisser un moment de relâche. Elle-même, ajoute le B. Raymond, me l'a bien souvent assuré, et tous ceux qui l'approchaient en voyaient au dehors des preuves évidentes. Mais sa patience était plus grande que son mal. Tout ce que
271
je viens de dire, je l'ai su de Catherine, lorsque, touché de ses douleurs, je lui en demandai la cause. – Je dois ajouter que, au moment où son père expirait, on l'entendit s'écrier, le visage tout joyeux et le sourire sur les lèvres : "Que Dieu "soit béni ! Mon père, je voudrais bien être comme vous." – Pendant qu'on célébrait ses funérailles et que tous pleuraient, Catherine montrait une véritable allégresse. Elle consolait sa mère et tout le monde, comme si cette mort lui eut été étrangère. C'est qu'elle avait vu cette âme bien-aimée sortir triomphante de la prison de son corps, et s'élancer sans obstacle dans l'éternelle lumière : cette vue l'avait inondée de consolation, parce que peu de temps avant, elle avait elle-même goûté le bonheur des clartés célestes.
"Admirons ici la sagesse de la Providence : elle pouvait certainement purifier l'âme de Jacomo d'une autre manière, et le faire entrer sur-le-champ dans la gloire, comme l'âme du bon larron qui confessa Notre-Seigneur sur la croix ; mais elle voulut que ce fût par les souffrances de Catherine qui le demandait : et cela non pas pour l'éprouver, mais pour augmenter ses mérites et sa couronne. Il fallait que cette sainte fille, qui aimait tant l'âme de son père, retirât de son amour filial quelque récompense, et parce qu'elle avait préféré le salut de cette âme à celui de son propre corps, les souffrances de son corps profi-
272
tèrent au bonheur de son âme. Aussi parlait-elle toujours de ses douces, de ses chères souffrances ; et elle avait bien raison, puisque ces souffrances augmentaient les douceurs de la grâce en cette vie, et les délices de la gloire dans l'autre. – Elle m'a confié que, longtemps encore après sa mort, l'âme de son père Jacomo se présentait sans cesse devant elle pour la remercier du bonheur qu'elle lui avait procuré. Elle lui révélait beaucoup de choses cachées, l'avertissait des pièges du démon, et la préservait de tout danger."

Chapitre 44

Motifs, stimulants de la dévotion envers les défunts. – Avantages personnels. – Pensée salutaire. – Saint Jean de Dieu. Faites l'aumône pour l'amour de vous-mêmes. – Sainte Brigitte. – Le B. Pierre Lefèvre.

Nous venons de voir combien la charité envers les défunts est sainte et méritoire devant Dieu : Sancta cogitatio. Il nous reste à considérer combien elle est en même temps salutaire pour nous-mêmes : Salubris cogitatio. Si l'excellence de l'œuvre en elle-même est un si puissant motif pour nous y appliquer, les avantages précieux que nous y trouvons ne sont pas un moindre stimulant. Ils consistent d'une part dans les grâces, que nous recevons en retour de notre bienfaisance ; de l'autre, dans la ferveur chrétienne, que cette bonne œuvre nous inspire.

272
Bienheureux, dit le Sauveur, ceux qui sont miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde (Matth. V, 7). – Heureux l'homme, dit l'Esprit-Saint, qui se souvient de l'indigent et du pauvre, le Seigneur le délivrera au jour mauvais (Ps. 40).
273
–En vérité je vous le dis, toutes les fois que vous avez exercé la miséricorde envers le moindre de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait (Matth. XXV, 40). –Que le Seigneur vous soit miséricordieux, comme vous l'avez été envers ceux qui sont morts (Ruth. 1, Cool. Ces diverses paroles s'entendent, dans leur sens le plus élevé, de la charité envers les défunts.
Tout ce qu'on offre à Dieu par charité pour les morts, dit S. Ambroise dans son livre des Offices, se change en mérite pour nous, et nous le retrouvons au centuple après la mort : Omne quod defunctis impenditur, in nostrum tandem meritum commutatur, et illud post mortem centuplum recipimus duplicatum. On peut dire que le sentiment de l'Eglise, de ses Docteurs et de ses Saints peut s'exprimer par cette seule parole : Ce que vous faites pour les défunts, vous le faites de la manière la plus excellente pour vous-même. La raison en est, que cette œuvre de miséricorde vous sera rendue au centuple, au jour où vous-même serez dans la détresse. On peut appliquer ici la célèbre parole de S. Jean de Dieu, lorsqu'il demandait aux habitants de Grenade de donner l'aumône pour l'amour d'eux-mêmes. Ce charitable saint, pour subvenir aux besoins des malades qu'il entretenait dans son hôpital, parcourait les rues de Grenade, en criant : Faites l'aumône, mes frères, faites l'aumône pour l'amour de vous-mêmes. On s'étonnait de cette nouvelle formule, parce qu'on était accoutumé à entendre dire : l'aumône pour l'amour de Dieu ; pourquoi disait-on au Saint, demandez-vous l'aumône pour l'amour de nous-mêmes ? - "Parce que, répondait-il, c'est le grand "moyen de racheter vos péchés, selon cette parole du Prophète : Rachetez vos "péchés par l'aumône, et vos iniquités par la miséricorde envers les pauvres "(Daniel IV, 24). En faisant l'aumône vous agissez dans votre propre intérêt, "puisque par elle vous vous soustrayez aux plus terribles châtiments que vos "péchés ont mérités." –
274
Ne faut-il pas convenir que tout ceci est vrai pour l'aumône que nous faisons aux pauvres âmes du purgatoire ? Les aider, c'est nous préserver nous-mêmes de ces terribles expiations, auxquelles autrement nous ne pourrons échapper. Nous pouvons donc crier avec S. Jean de Dieu, Faites leur l'aumône de vos suffrages, secourez-les pour l'amour de vous-mêmes.
La bienfaisance envers les morts, avons-nous dit, est payée de retour, elle est récompensée par toutes sortes de grâces, dont la source est la reconnaissance des âmes, et celle de Jésus-Christ, qui regarde comme fait à lui-même tout le bien que nous faisons aux âmes.

274
Sainte Brigitte atteste dans ses révélations, et son témoignage est cité par Benoît XIII (Serm. 4. n. 12), que du fond des cavernes enflammées du purgatoire, elle entendit une voix, prononçant ces paroles : "Qu'il soit béni, qu'il soit "récompensé, quiconque nous soulage dans ces peines !" Et une autre fois : "O "Seigneur Dieu, déployez votre toute-puissance pour récompenser au centuple "ceux qui nous viennent en aide par leurs suffrages, et qui font luire à nos yeux "un rayon de vos divines clartés." – Dans une autre vision la même Sainte entendit la voix d'un ange disant : "Béni soit sur la terre quiconque par des "prières et des bonnes œuvres vient en aide aux pauvres âmes souffrantes !"
Le bienheureux Pierre Lefèvre de la Compagnie de Jésus, si connu par sa piété envers les saints anges, avait aussi une singulière dévotion pour les âmes du purgatoire. – "Ces âmes, disait-il, ont des entrailles de charité, toujours "ouvertes sur ceux qui marchent encore dans les sentiers si dangereux de la vie ; "elles sont pleines de reconnaissance pour ceux qui les assistent. Elles peuvent "nous aider par leurs prières et offrir à Dieu leurs tourments en notre faveur. C'est chose
275
"excellente d'invoquer les âmes du purgatoire, pour obtenir par elles du Seigneur "une vraie connaissance et un sentiment profond de contrition de ses péchés, la "ferveur dans les bonnes œuvres, le soin de porter de dignes fruits de pénitence, "et en général toutes les vertus, dont l'absence leur a fait infliger un si terrible "châtiment (Mémorial du B. Lefèvre. Voir Messager du Sacré-Cœur, novembre 1873)."

Chapitre 45

Avantages de la dévotion envers les âmes. – Reconnaissance de leur part. – Sainte Marg. De Cortone. – S. Philippe de Néri. – Le Card. Baronius et la mourante.

La reconnaissance des âmes est-elle d'ailleurs bien difficile à comprendre ? Si vous aviez délivré un captif du plus dur esclavage, ne serait-il pas reconnaissant d'un tel bienfait ? Lorsque l'empereur Charles-Quint s'empara de la ville de Tunis, il remit en liberté vingt mille esclaves chrétiens, réduits avant sa victoire à la plus affreuse condition. Pénétrés de reconnaissance pour leur bienfaiteur, ils l'entouraient en le bénissant, en chantant ses louanges. Si vous rendiez la santé à un malade désespéré, la fortune à un malheureux tombé dans l'indigence, ne recueilleriez-vous pas leur gratitude et leurs bénédictions ? Et les âmes si saintes et si bonnes se conduiront-elles autrement à l'égard de leurs bienfaiteurs, elles, dont la captivité, la souffrance, la nécessité fut bien autrement pressante et dure que toute captivité, toute indigence, toute maladie terrestre. Elles viennent surtout à leur rencontre au moment de la mort, pour les protéger, les
p.276
accompagner et les lieu de l'éternel repos.
Nous avons parlé plus haut de sainte Marguerite de Cortone ('1) et de son dévouement pour les défunts. L'histoire rapporte qu'à sa mort elle vît venir à elle une multitude d'âmes qu'elle avait délivrées, et qui venaient lui faire cortège pour la conduire en paradis. Dieu révéla cette faveur accordée à Marguerite, par l'intermédiaire d'une sainte personne de la ville de Castello. Cette servante de Dieu, ravie en esprit au moment où Marguerite quittait la terre, vit son âme bienheureuse au milieu du cortège céleste; et revenue à elle, elle fit connaître à ses amis ce que le Seigneur lui avait donné à contempler.
S. Philippe de Néri(2), fondateur de la Congrégation de l'Oratoire, avait pour les âmes du purgatoire une dévotion très tendre; et son attrait le portait surtout à prier pour celles dont il avait dirigé la conscience. Il se croyait plus obligé envers elles, parce que la Providence les avait particulièrement confiées, à son zèle. A ses yeux, sa charité devait les suivre jusqu'à leur entière purification et à leur entrée dans la gloire. Il avouait que beaucoup de ses enfants spirituels lui apparaissaient après leur mort, pour lui demander des prières, ou pour le remercier de, celles qu'II avait faites en leur faveur. Il assurait également que par leur moyen il avait, reçu plus d'une grâce.
- Après sa, mort, un père Franciscain d'une grande piété priait dans la chapelle où l'on avait déposé ses restes vénérés, lorsque le Saint lui apparut, environné de gloire, au milieu d'un cortège brillant. Le religieux, gagné par l'air de bonté et de familiarité avec lequel le Saint le regardait, s'enhardit à lui demander quelle était cette troupe de bienheureux qui l'entouraient Le Saint lui répondit que c'étaient les âmes de ceux à qui il avait été utile durant sa vie mortelle, et que par ses suffrages il avait
1) 22 févr.l (2) 26 mai.

277
délivrées du purgatoire. Il ajouta qu'elles étaient venues a sa rencontre au sortir de ce monde, pour l'introduire à leur tour dans la Jérusalem céleste.
Il n'y a pas à douter, dit le pieux Père Rossignoli, qu'après leur entrée dans la gloire, les premières faveurs qu'elles demandent à la divine miséricorde, ne soient pour ceux qui leur ont ouvert la porte du paradis; et elles ne manqueront point de prier pour eux toutes les fois qu'elles les verront dans quelque besoin ou dans quelque péril. Dans les revers de fortune, les maladies, les accidents de tout genre, elles seront leurs protectrices. Leur zèle grandira quand il s'agira des intérêts de l'âme, elles les aideront puissamment à vaincre les tentations, à pratiquer les bonnes œuvres, à mourir chrétiennement, à échapper aux peines de l'autre vie. Le Cardinal Baronius, dont l'autorité historique est ,connue, raconte qu'une personne fort charitable envers les âmes, se trouva au lit de la mort dans de vives angoisses. L'esprit de ténèbres lui suggéra de sombres craintes, et voilant à Son esprit la douce lumière des divines miséricordes, s'efforçait de la plonger dans le désespoir; lorsque tout à coup le ciel sembla s'ouvrir à ses yeux et des milliers de défenseurs en descendaient, volant à son secours, ranimant sa confiance et lui promettant la victoire. Réconfortée par ce secours inattendu, elle demanda à ses défenseurs qui ils étaient: « Nous sommes, répondirent-ils, les âmes que vos suffrages ont tirées du purgatoire; nous venons vous aider à notre tour, et bientôt nous vous conduirons en paradis. A ces paroles consolantes la malade se sentit toute changée et remplie de la plus douce con fiance.. Peu de temps après elle expira tranquillement, la sérénité sur le front et l'allégresse dans le cœur.


p.278

Chapitre 46

Avantages. - Reconnaissance des âmes. - Retour d'un prêtre émigré. - Faveurs temporelles. - Le Père Mun(ord et l’imprimeur Guill. Freyssen.
Pour bien comprendre la reconnaissance des âmes, nous devrions avoir une notion plus claire du bienfait qu'elles reçoivent de leurs libérateurs: nous devrions savoir ce que c'est que l'entrée dans le ciel. Qui nous dira, dit l'abbé Louvet, les joies de cette heure bénie! Représentez-vous le bonheur d'un exilé qui rentre enfin dans ,la patrie. Pendant les jours de la terreur, un pauvre prêtre de la Vendée avait fait partie des célèbres noyades de Carrier. Échappé par miracle à la mort, il avait dû émigrer pour sauver ses jours. Quand la paix fut rendue à l'Église et à la France, il s'empressa de rentrer dans sa chère paroisse. .
Ce jour-là, le village s'était mis en fête, tous les paroissiens étaient venus au-devant de leur pasteur et de leur père; les cloches sonnaient joyeusement dans le vieux clocher, et l'église s'était parée comme au jour des grandes solennités. Le vieillard s'avançait souriant au milieu de ses enfants; mais quand les portes du saint lieu s'ouvrirent devant lui, quand il revit cet autel qui avait réjoui si longtemps les jours de sa jeunesse, son cœur se brisa dans sa poitrine trop faible pour supporter une telle joie.
Il entonna d'une voix tremblante le Te Deum, mais c'était le Nunc dimittis de sa vie sacerdotale: il tomba mourant, au pied même de l'autel. L'exilé n'avait pas eu la force de supporter les joies du retour.
Si telles sont les joies du retour de l'exil dans la patrie terrestre, qui nous dira celles de l'entrée au ciel, la vraie patrie de nos âmes! Et comment s'étonner de la reconnaissance des bienheureux que nous y avons introduits ?

p.279
Le Père Jacques Munford, de la Compagnie de Jésus, né en Angleterre en 1605, et qui combattit pendant quarante ans pour la cause de l'Église, dans ce pays livré à l'hérésie, avait composé sur le purgatoire un ouvrage remarquable (1), qu'il fit imprimer à Cologne par Guillaume Freyssen, éditeur catholique et bien connu. Ce livre se répandit beaucoup, fit un grand bien dans les âmes, et l'éditeur Freyssen fut un de ceux qui en tira les plus grands avantages. Voici ce qu'il écrivit au Père Munford en 1649.
Je Vous écris, mon Père, pour vous faire part de la double et miraculeuse guérison de mon fils et de ma femme. Pendant les jours de fête où mon magasin était fermé, je me mis à lire le livre dont vous m'avez confié l'impression: De la miséricorde à exercer envers les âmes du purgatoire. J'étais tout pénétré encore de cette lecture, quand on vint m'avertir que mon jeune fils, âgé de quatre ans, éprouvait les premiers symptômes d'une grave maladie. Le mal empira promptement, les médecins désespéraient, et déjà on songeait aux préparatifs de l'enterrement La pensée me vint alors que je pourrais peut-être le sauver en faisant un vœu en faveur des âmes du purgatoire.
» Je me rendis donc à l'église de grand matin, et je suppliai avec ferveur le bon Dieu d'avoir pitié de moi, m'engageant par vœu à distribuer gratuitement cent exemplaires de votre livre aux ecclésiastiques et aux religieux, afin de leur rappeler avec quel zèle ils doivent s'intéresser aux membres de l'Église souffrante, et quelles sont les meilleures pratiques pour s'acquitter de ce devoir.
J'étais, je l'avoue, plein d'espoir. De retour à la maison, je trouvai l'enfant en meilleur état. li demandait déjà de la nourriture, bien que, depuis plusieurs jours, il

1) De la charité envers les défunts. Ce livre a été traduit en français par le P. Marcel Bouix.


- 280 -

n'eût pu avaler une seule goutte de liquide. Le lendemain, sa guérison était complète: il se leva, sortit en promenade et mangea d'aussi bon appétit que s'il n'avait jamais été malade. -Pénétré de reconnaissance, je n'eus rien de plus pressé que d'accomplir ma promesse: je me rendis au collège de.la Compagnie, et je priais vos Pères d'accepter mes cent exemplaires: d'en garder pour eux ce qu'ils en voudraient, et de distribuer les autres aux communautés et aux ecclésiastiques de leur connaissance; afin que les âmes souffrantes, mes bienfaitrices, fussent soulagées par de nouveaux suffrages.
» trois semaines après, un autre accident non moins grave, m'arriva. Ma femme, en rentrant chez elle, fut prise tout à coup d'un tremblement dans tous ses membres, tellement violent, qu'il la jetait à terre et lui ôtait tout sentiment.
» Elle perdit bientôt l'appétit et jusqu'à l'usage de la parole. Vainement on employa tous les remèdes, le mal ne faisait que s'aggraver et tout espoir sembla perdu. Son confesseur, la voyant en cet état, m'adressait des paroles de consolation, et déjà m'exhortait paternellement à me résigner à la volonté de Dieu. - Pour moi, après l'expérience que j'avais faite de la protection des bonnes âmes , du purgatoire, je me refusais à désespérer. Je retournai donc à la même église; prosterné devant l'autel du Saint- Sacrement, je renouvelai mes supplications avec toute
.l'ardeur dont j'étais capable : « 0 mon Dieu, m’écriai-je, votre miséricorde est sans mesure. Au nom de cette bonté infinie, ne permettez pas que la guérison de mon fils soit payée par la mort de ma femme! » - Je fis vœu alors de distribuer deux cents exemplaires de votre livre, afin d'obtenir pour les âmes souffrantes de nombreux secours. En même temps je suppliai les âmes qui avaient été délivrées précédemment d'unir leurs prières à celles des autres, encore retenues en purgatoire.
» Après cette prière, je m'en retournais à la maison,

- 281 -
quand je vis accourir mes serviteurs au-devant de moi. Ils venaient m'annoncer que ma chère malade éprouvait un soulagement notable: le délire avait cessé, la parole était revenue. Je courus m'en assurer; tout était vrai. Je lui offre des aliments, elle les prend avec appétit Très- peu de temps après, elle était si complètement remise, qu'elle vint à l'église avec moi, remercier le Dieu de toute miséricorde.
Votre Révérence peut ajouter une foi entière à ce récit. Je la prie de m'aider à remercier Notre-Seigneur de ce double miracle. - Freyssen. (1}

Charles-Edouard
Grand Emérite du combat contre l'antichrist

Masculin Messages : 17678
Age : 41
Localisation : Ile de France, Nord, Bretagne
Inscription : 25/05/2005

http://armeeprovidence.populus.org/

Revenir en haut Aller en bas

Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations Empty Re: Le Dogme du Purgatoire illustré par des Faits et des Révélations

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 1 sur 2 1, 2  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum