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Le Purgatoire d'après les Révélations des Saints

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:40

Le Purgatoire d'après les Révélations des Saints
Abbé Louvet

Préface de la 1ère édition
La foi catholique, en établissant d'abord au Concile de Florence, puis au Concile de Trente, la vérité du dogme du Purgatoire, a laissé à dessein dans une ombre discrète la plupart des questions qui se rattachent à ce lieu d'épreuves, par lequel passent presque tous les prédestinés après la mort ; sur tous les points de détail, et même sur la nature des peines, par lesquelles sont purifiées ces pauvres âmes, elle a laissé la plus grande latitude aux docteurs et aux théologiens. Mais à côté de l'enseignement officiel de l'école, il y a dans la sainte Église de Dieu une riche mine de matériaux, je veux parler des révélations des saints et de leurs rapports surnaturels avec les âmes du Purgatoire : j'ai pensé à exploiter ce trésor. Retenu loin de mes occupations ordinaires par une longue maladie, que l'on prévoyait devoir être mortelle, ma pensée s'est tournée tout naturellement vers ces sombres bords où je croyais bientôt aborder ; pour mon édification personnelle, j'ai lu presque tout ce que les saints nous apprennent du Purgatoire ; j'ai été effrayé et consolé en même temps : j'ai été effrayé des sévérités de la justice, j'ai été consolé des splendeurs de la miséricorde. Il n'en est pas en effet du Purgatoire comme du séjour dont il a été écrit : Quia in inferno nulla erit redemptio. La miséricorde et

page II : la justice s'y rencontrent, et s'y donnent la main dans un accord fraternel. Ce travail m'a fait du bien ; on m'a dit qu'il pourrait en faire à d'autres, et la bonté de Dieu, m'ayant rappelé à la vie pour le servir encore quelques jours sur la terre, j'ai voulu lui payer ma dette de reconnaissance, en mettant en ordre ces quelques notes. Si cet humble travail pouvait encourager quelques âmes à servir plus fidèlement Notre Seigneur, et à éviter avec plus de soin le péché, je me croirais payé bien au-delà de ma peine, c'est ce que je demande à la Vierge Immaculée en lui offrant ces pauvres pages, que je commence à écrire le jour de la fête de Notre-Dame de la Merci (24 septembre 1874). Marie qui s'est déclarée publiquement la protectrice des esclaves chrétiens détenus autrefois chez les Maures, est aussi et à meilleur titre la protectrice et la rédemptrice de ces pauvres âmes tombées, pour un temps, dans une captivité bien plus dure. Puisse-t-elle bénir mes efforts, et en inspirant à ceux qui me liront un salutaire effroi de la justice de Dieu, les détourner du péché et les amener à prier beaucoup pour la délivrance des âmes du Purgatoire ; nous les oublions trop vite, et nous croyons trop facilement quelles ont satisfait entièrement à la justice rigoureuse de Celui qu'elles ont offensé, et qui leur fait payer après la mort jusqu'au dernier denier, usque ad novissimum quadrantem, la dette que la légèreté, l'immortification et la tiédeur leur ont fait contracter envers Lui pendant leur vie.
Je ne me dissimule pas les imperfections et les lacunes de ce travail ; mon métier n'est pas d'écrire mais de prêcher ; ces notes prises au courant de la maladie, ont été

Page III:
rédigées plus tard au milieu des labeurs de la vie apostolique, bien souvent le soir, en prenant sur mon sommeil, d'autres fois en barque, le long des grands fleuves de la Cochinchine, en me rendant d'un poste à un autre. A trois mille lieues de la France, loin de toute bibliothèque, je n'ai pu vérifier toujours l'exactitude de telle citation. J'ai dû me contenter des notes prises auparavant, et des souvenirs que mes lectures avaient laissés dans ma mémoire.

Si quelque erreur de détail s'est glissée dans ce travail, le lecteur charitable voudra bien l'excuser. Il a fallu, pour me décider à le livrer à l'impression, les instances trop bienveillantes peut-être de mes amis, et les encouragements de celui que Dieu m'a donné pour supérieur et pour père. J'espère que le divin Maître bénira mon obéissance.

Biên-Hoa (Cochinchine), août 1879.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:41

PRÉFACE de la 3ème édition

Ce petit ouvrage sur le Purgatoire a vraiment été béni de Dieu. Sans aucune publicité, sans réclames d'aucune sorte, puisque je suis à 3 500 lieues de Paris, il a fait tout seul son chemin dans le monde. Deux éditions, enlevées en quelques années, me prouvent qu'il répondait aux besoins de certaines âmes. Des lettres nombreuses, des confidences reçues au saint tribunal m'ont appris, à ma grande surprise, qu'il a contribué à ramener à Dieu plusieurs pécheurs. Certes, s'ils m'avaient consulté, je me serais gardé de leur mettre entre les mains ce livre, qui est écrit pour les gens de la maison, et non pour ceux du dehors. Mais Dieu se sert de tous les instruments, même des plus faibles, pour faire son œuvre. C'est ce qui me décide à faire paraître une troisième édition, revue avec soin, et corrigée, de manière à tenir compte des observations que j'ai reçues de différents côtés, et dont je suis très reconnaissant à ceux qui me les ont envoyées.

Ces observations peuvent se ranger en deux classes : Plusieurs m'ont reproché ma sévérité, et l'on a même prononcé, à ce sujet, le nom de Jansénisme. Cela m'a bien surpris, car théologiquement je suis, grâce à Dieu, aussi éloigné que possible de cette hérésie, qui a été pendant deux siècles, le fléau de la piété en France. Je crois, il est vrai, à l'encontre des apologistes modernes,

page VI:
au petit nombre des élus ; mais on ne peut disconvenir que cette opinion a pour elle l'antiquité et la majeure partie des Pères et des théologiens. La vérité ne varie pas avec les caprices d'une époque. Parce que notre sensiblerie est en train de rayer la peine de mort de nos codes, ce n'est pas une raison pour nous faire un christianisme fin de siècle, dans lequel l'enfer n'existe presque plus que pour les pires scélérats, et qui a d'ailleurs, comme le bagne, ses jours de relâche (Voir Bougaud. - Le christianisme présenté aux gens du monde.).

Quant au Purgatoire, ce n'est plus qu'une salle d'attente, plus ou moins confortable, dans laquelle les âmes s'arrêtent quelques instants, avant de prendre l'express pour le Ciel. Tout le monde en Paradis, et surtout le moins d'expiation possible. De peur de rebuter les âmes, on voile, avec soin, toute la partie sévère du dogme chrétien ; on croit les attirer, en dissimulant, autant que l'on peut, les responsabilités de l'avenir. Certes l'intention est bonne, et je n'ai ni la volonté, ni le droit de blâmer les apologistes qui, sur des questions demeurées libres, pensent autrement que moi ; mais, je demande à jouir de la même liberté. Sur les expiations du Purgatoire, je m'en tiens à la doctrine de saint Augustin, de saint Thomas, de saint Bonaventure et de Suarez, qui enseignent que la plus petite des peines du Purgatoire dépasse toutes les souffrances de cette vie, et qu'à considérer leur nature, ces peines sont analogues à celles de l'enfer, moins le désespoir et la durée. - Tel est l'enseignement unanime des saints et des docteurs - on voit que, si je suis sévère, je le suis en bonne compagnie.

page VII:
Si l'on a tant de difficulté, de nos jours, à comprendre les responsabilités et les châtiments de l'autre vie, cela vient, j'en ai peur, des fausses idées qu'on se fait des droits de Dieu et de ceux de sa justice. En France, où nous ne savons jamais garder la mesure, on a vu presque sans transition succéder au Dieu étroit et dur du Jansénisme, la figure d'un Dieu bon enfant, avec qui il n'y a pas à se gêner ; comme ces fils qui, à force de se familiariser avec leurs parents, en arrivent à ne plus les respecter, ni les craindre. On est trop porté, de nos jours, à traiter avec Dieu d'égal à égal. Certes, j'aurais horreur de resserrer les cœurs et de les éloigner des voies dilatées de l'amour ; mais je demande que l'on n'oublie pas que si Dieu est infiniment bon, il est, au même titre, infiniment saint et infiniment juste. Il n'a rien de la sensiblerie de nos papas modernes, qui, pour épargner une larme à leurs fils, laissent insulter par eux les droits de l'autorité paternelle. Gardons-nous donc soigneusement de ces atténuations, de ces diminutions de la vérité, comme dit le roi-prophète (1). Si l'amour est le couronnement de la vie parfaite, (2) la crainte du Seigneur, une crainte raisonnable et vraie, est le commencement de la sagesse. (3).

Voilà ce que j'ai à répondre à ceux qui m'accusent d'être trop sévère.

Un second reproche m'a été fait au sujet de l'autorité qu'il convient d'attribuer aux diverses révélations que je cite. On a dit, et avec raison, que toutes ces histoires n'étaient pas d'égale valeur, que quelques-unes sont par

(1) Quoniam diminutae sunt veritates. Ps II. 2.

(2) Quod est vinculum perfectionis. Coloss. 3. 14.

(3) Initium sapientiae timor domini. P. 11. 10

page VIII:
trop invraisemblables, et que j'aurais mieux fait de les passer sous silence.
J'ai tenu largement compte, dans cette édition, des observations qui m'ont été faites à ce sujet. Un certain nombre de traits, empruntés la plupart à des auteurs italiens, ont été mis de côté, bien qu'on les trouve dans d'autres ouvrages sur le Purgatoire, Je me suis appliqué, du mieux que j'ai pu, à donner sur chaque point important, la pure doctrine des saints, telle qu'on la trouve dans leurs œuvres.

Maintenant, pour être juste et ne pas me faire dire ce que ne n'ai jamais pensé, il faut avoir soin de ne pas s'exagérer l'autorité des Révélations, même de celles qui appartiennent à des saints canonisés. On sait avec quelle discrétion l'Église en use à cet égard, c'est la doctrine universelle des mystiques, en particulier de sainte Thérèse et de saint Jean de la Croix, que l'erreur peut parfaitement se glisser dans des documents de ce genre, quelque respectables qu'ils soient d'ailleurs. Quand il s'agit, comme dans la plupart des faits que je cite, de saints canonisés, la bonne foi de l'extatique n'est pas en cause ; il rapporte certainement ce qu'il a vu, tel au moins qu'il a cru le voir, mais est-il certain qu'il ait toujours bien vu ? D'ailleurs quant il rapporte ses visions, et traduit en langage de la terre ce qui lui est apparu dans les joies de l'extase, l'instrument qu'il a en sa possession ne trahira-t-il pas quelquefois sa pensée ? Sainte Angèle de Foligno et plusieurs autres extatiques se sont plaint amèrement de cette pauvreté du langage humain pour rendre les mystères de l'invisible.

page IX:
De là les imperfections qu'on trouve dans la plupart de ses œuvres. On a remarqué que les différentes visions de la Passion de Jésus-Christ sont loin de concorder chez les principales voyantes : sainte Brigitte, la vénérable Marie d'Agréda et Catherine Emmerich. Il semble prouvé que les idées de l'esprit, les habitudes de l'entourage, se reflètent inconsciemment dans ces compositions. Qu'est-ce à dire ? Que l'extatique s'est trompée ou a voulu tromper ? Pas le moins du monde ; mais, comme le remarque très justement le P. Olivier (1), on demande à l'extase ce qu'elle ne peut donner :

"De ce que sainte Brigitte voit le crucifiement avec les yeux des artistes byzantins, et Marie d'Agréda avec ceux des artistes espagnols, il ne s'ensuit pas que leur âme n'a pas été merveilleusement pénétrée d'amour et de compassion, comme elle eût pu l'être, si elles se fussent trouvées avec Madeleine au pied de la croix."

Sous l'inspiration surnaturelle, qui l'élève au-dessus des sens pour lui révéler les réalités du monde invisible, le voyant conserve sa nature, ses habitudes d'esprit, et jusqu'au cachet littéraire de son époque. Lisez, dans ce volume, les révélations de saint Perpétue sur le Purgatoire ; à la pureté des lignes, à la sobriété des détails, vous croirez voir une fresque des catacombes. Parcourez, un peu plus loin, le Purgatoire de sainte Françoise Romaine ou celui de sainte Madeleine de Pazzi, vous y trouverez l'exubérance et la fantaisie du moyen âge. C'est un de ces drames touffus, comme les imagiers en pierre de taille en sculptaient des centaines au portail de nos vieilles cathédrales. Ouvrez après cela les visions de
(1) La Passion. Introduction, page XVII.

page X:
la bienheureuse Marguerite-Marie ; la correction de la forme, la sobriété des détails vous rappelleront tout de suite que l'ouvrage date des premières années du grand siècle. C'est que l'homme demeure toujours sous le saint, et que le phénomène mystique laisse à chacun sa personnalité et ses habitudes d'esprit.

Il ne faut donc pas demander aux révélations des saints ce qu'elles ne comportent pas. Ce ne sont pas des thèses de théologie, ce sont des effusions pieuses, des élévations, dans lesquelles l'âme, arrachée pour un instant aux choses extérieures, entrevoit quelque chose des mystères de l'autre monde, mais en gardant toujours le cachet de sa personnalité et le reflet de ses habitudes intellectuelles. C'est ce qu'a parfaitement établi Benoît XIV, dans son grand Traité de la canonisation des saints.

Je souscris donc très volontiers à ce qu'a écrit à ce sujet Mgr Gay : "A part les points de doctrine définis, et ils sont peu nombreux, la théologie du Purgatoire est l'une des pages les plus humiliantes de la science sacrée : je veux dire l'une de celles où notre ignorance et notre insuffisance sont le plus impitoyablement constatées (1)."

Est-ce à dire que la lecture des révélations des saints au sujet du Purgatoire, est inutile, et même dangereuse, comme on l'a écrit ? Je ne le crois pas, ces révélations que l'Église n'accepte pas comme sources de son enseignement théologique, n'en sont pas moins tenues par elle en très haute estime, à cause de la sainteté des personnages dont elles émanent et des grandes leçons quelles renferment.
(1) La vie et les vertus chrétiennes, IIe vol., chap. XVII

page XI :
Dans ces matières sur lesquelles l'enseignement des théologiens a peu de choses à nous dire, le regard des saints, cet œil du cœur illuminé par l'amour (1), a entrevu bien des choses qu'il est bon de recueillir. D'ailleurs si les détails varient, avec le caractère et les habitudes d'esprit du voyant, les grandes lignes du tableau se retrouvent partout les mêmes : la sévérité des jugements de Dieu, la rigueur des expiations du Purgatoire, la nécessité de fuir le péché pour épargner ces supplices, le devoir pressant de nous souvenir de nos chers défunts et de procurer leur soulagement par tous les moyens qui sont en notre pouvoir. Voilà ce qui fait le fond de toutes ces révélations, et ce qu'il faut en retenir. Qu'importe ici la part plus ou moins grande qui reste à la personnalité de l'extatique ? En nous faisant assister aux spectacles qu'il a contemplés dans les rayonnements de l'extase, en nous répétant les cris de détresse qu'il a entendus monter des profondeurs de l'abîme, il touche nos cœurs, les arrache à leurs préoccupations égoïstes, à cette dissipation habituelle, à cette fascination de la niaiserie qui, selon la pensée de l'Écriture, énerve les plus belles intelligences. Il nous force à réfléchir sérieusement aux responsabilités de l'avenir, à la sainteté infinie de Dieu, à la gravité du péché, même véniel, toutes choses que l'on est trop porté à oublier dans l'habitude de la vie ; oubli fatal qui est la cause de la plupart de ces fautes. Si nous pensions plus souvent à nos fins dernières, à ce qui nous attend au lendemain de la mort, jamais nous ne pécherions, dit l'Esprit Saint. C'est précisément pour raviver le souvenir de ces fins der
(1) Illuminatos cordis oculos. Ephes., I-18.

page XII:
-nières, que ce petit livre a été composé.
Il s'adresse particulièrement aux chrétiens, à ceux pour qui la question de l'enfer ne se pose pas, à ceux par conséquent qui sont destinés à expérimenter un jour les expiations du Purgatoire. Je me sui proposé un double but : faire réfléchir un peu ces chrétiens sur les souffrances que, de gaîté de cœur, ils se préparent par leurs fautes de chaque jour, et surtout ranimer leur charité à l'égard des pauvres défunts. Hélas ! on les oublie bien vite à notre époque. Notre vanité se console par de pompeuses et théâtrales funérailles ; on couvre de fleurs ce cadavre suivant un usage païen, que les siècles chrétiens n'ont jamais connu, et qui répugne à la liturgie de l'Église. Quant à l'âme immortelle et responsable, on la laisse en tête-à-tête avec son Juge, sans messes, sans prières. Tout pour le cadavre, rien pour l'âme. C'est là une des nombreuses manifestations du matérialisme contemporain, qui, à la faveur de la mode, envahit jusqu'aux familles chrétiennes. On a hâte d'oublier ses morts, on se rassure en les canonisant de suite : "c'était un si brave homme ; il est au ciel". C'est contre ce matérialisme pratique, et l'oubli d'un devoir sacré, que j'ai voulu protester en composant ce livre.

Tân-dinh (Cochinchine), juin 1892.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:42

Vicariat Apostolique Saïgon, 15 août 1879
de CONCHINCHINE OCCIDENTALE


Mon Cher Confrère,

J'ai lu, pendant les longues heures de ma dernière traversée de Saïgon à Marseille, les premiers cahiers de votre traité du Purgatoire. Par sa doctrine, qui me paraît sûre, comme par l'ensemble des exemples qu'il rappelle ou qu'il apprend, votre travail me semble ne pas devoir rester à l'état de manuscrit.

La lecture en sera utile à toute âme qui a la foi : les paresseux, les lâches, les tièdes et ceux qui sont presque arrivés à l'indifférence pratique, en seront profondément impressionnés ; les fervents, dans le clergé ou dans la vie religieuse, se sentiront portés à plus de perfection.

Je crois donc, mon cher confrère, que vous ferez œuvre utile et salutaire à plusieurs, en livrant au public chrétien le fruit de vos recherches.

C'est dans l'espérance que vous obtiendrez ce résultat, que je vous renouvelle l'assurance de mon entier dévouement.

Isidore, évêque de Samosate,
Vicaire apostolique





Chapitre 1 De la mort et du jugement particulier p.1 - 28

La personne du juge, du lieu du jugement. - Matière du jugement - Des prières des vivants. - De l'intercession de la Sainte Vierge et des Saints. - Présence de l'ange gardien et du démon. - De la sentence. - Du grand nombre des réprouvés. - Du petit nombre de ceux qui vont au Ciel tout droit. - Combien descendent chaque jour au purgatoire ?

1:
La dernière heure a sonné pour le chrétien mourant ; L’Église a répandu sur lui ses dernières bénédictions avec les dernières prières, il a reçu pour la dernière fois le pardon de ses fautes, pour la dernière fois aussi il a senti le cœur de Jésus reposer sur son cœur dans le sacrement de l’Amour ;l’ami de la première communion, en apprenant que son ami est malade, a quitté son tabernacle pour venir le visiter ;porté entre les mains de son prêtre, il a passé inaperçu dans les rues de nos grandes cités, ou bien ,suivi
2:
de quelques fidèles, il est acheminé le long des sentiers de la campagne ;il est entré dans cette chambre funèbre, transformée pour le moment en sanctuaire, il a reposé un instant sur ses lèvres que la mort va glacer, et dans un dernier et mystérieux colloque avec l’âme, il a laissé entrevoir les mystères de l’avenir et les splendeurs de l’Éternité bienheureuse ;pour assurer encore mieux la victoire de son enfant, l’Église a oint ses membres de l’huile sainte comme on faisait, aux temps antiques, pour les athlètes qui se préparaient au combat .C’en est fait ; le prêtre s’est retiré, le laissant seul en face de la mort ;autour de son lit, ses parents parlent à voix basse et se détournent pour cacher leur larmes ;on récite les dernières prières ;déjà son oreille a entendu le formidable appel : partez , âme chrétienne ; tout à coup, un soupir s’exhale, il retombe inanimé sur sa couche .Il est mort.

Alors les sanglots de la famille se mêlent ;on s’approche avec terreur de ce quelque chose d’inanimé, qui n’est déjà plus qu’un cadavre ;on ferme ces yeux qui ne s’ouvriront plus avant le grand jour du réveil général ;on joint ces main dans l’attitude de la prière ;le plus souvent, pour cacher aux survivants l’horreur de la mort, on jette un voile sur ce visage déjà défiguré ;puis les amis, les voisins se retirent en faisant l’éloge de ce défunt ; à cette heure, il faudrait avoir été bien mauvais pour ne pas jouir d’un petit panégyrique en règle, et si la Congrégation des Rites devait connaître de tous les procès de canonisation qui se font ainsi dans les huit jours après la mort, le travail le travail de plusieurs milliers de consulteurs n’y suffiraient pas.

Voilà le ôté extérieur de ce grand drame de la mort ; mais, quelque saisissant qu’il soit pour nous, ce n’en est
3 :
pourtant que le côté le moins intéressant. Nous avons laissé le défunt étendu sur son lit funèbre, les mains jointes, le crucifix sur la poitrine, dans l’attitude qu’a si bien saisie le chantre des harmonies.

Les saints flambeaux jetaient une dernière flamme.
Le prêtre murmurait ces doux chants de la mort,
Pareils aux chants plaintifs que murmure une femme
A l’enfant qui s’endort.

De son pieux espoir son front perdait la trace
Et sur ses traits, frappés d’une auguste beauté,
La douleur fugitive avait empreint sa grâce,
La mort sa majesté.

C’est là tout ce que voit le poète dans la mort, mais il y a autre chose ; nous avons sous les yeux le corps qui se glace et qui va bientôt tomber en décomposition ; qu’est devenue l’âme immortelle et incorruptible ? C’est là la question vraiment intéressante pour nous dans cette étude sur le Purgatoire.

La foi nous apprend qu’à l’instant où elle s’est séparée du corps, l’âme a paru devant son juge, et les révélations des Saints confirment toutes ce grand fait du jugement particulier, immédiat et sans appel ; mais ici se présentent plusieurs questions intéressantes qu’il convient d’étudier par ordre.

Avant tout, ce qui attire l’attention, ce qui doit fixer tout d’abord le regard de l’âme, c’est la personne du juge. Nous voyons dans les Saintes Écritures que ce Juge n’est autre que Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est écrit dans saint Jean, que le Père ne juge personne, parce qu’il a abandonné tout jugement à son Fils : Pater non judicat quequam, omne judicum dedit Filio, et nous lisons au livre des Actes que le Christ a été constitué de Dieu le juge
4 :
des vivants et des morts : constitutus est a Deo judex vivorum et mortuorum . Hermas dans son livre du pasteur, saint Grégoire le Grand, dans ses dialogues, saint Jean Damascène, saint Jean Climaque, et, dans des temps plus rapprochés, sainte Gertrude, sainte Lutgarde, sainte Françoise Romaine, sainte Thérèse, toutes les saintes âmes à qui Dieu, confirment par leurs révélations particulières ces données de la foi.

Les Théologiens se demandent si l’humanité de Notre Seigneur se manifeste visiblement à chaque âme, et là-dessus ils sont partagés. Le Cardinal Bona, dans son savant traité du discernement des esprits, s’exprime ainsi : "A la fin du monde, Jésus-Christ paraîtra dans son corps, avec sa gloire ,lorsqu’il viendra juger les vivants et les morts, mais il est incertain s’il apparaît à chaque homme en une forme visible, comme quelques-uns l’on écrit. On n’est pas no plus assuré de la manière avec laquelle Notre Seigneur exerce ce jugement particulier de chaque homme ; on sait seulement que cela se fait en un moment et en un clin d’œil. C’est pourquoi une apparition intellectuelle de ce souverain juge suffit pour ce jugement." (V. ouvrage cité , ch. xx.) On voit par ce passage que le savant cardinal évite de se prononcer, bien qu’il penche évidemment pour la négative. Néanmoins il ne manque pas de théologiens de mérite qui pensent que le divin Maître se révèle à chacun dans la vérité de sa chair transfigurée et glorieuse ; cette seconde opinion a pour elle des raisons plausibles ; il est certain que c’est comme homme, en vertu des mérites de son immolation et de sa mort que Jésus-Christ a le droit de juger tous les hommes ; il y a donc au moins une raison de convenance, à ce qu’ils comparaissent devant son

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:42

5
humanité glorifiée, et qu’ils voient, dans leur réalité, ces plaies bénies qu’ils lui ont infligées par leur péchés : Videbunt in quem transfixerunt .Il est inutile de se poser l’objection de ces quatre-vingt mille âmes, qui d’après les calculs des statisticiens, comparaissent chaque jour au tribunal suprême, sur tous les points du globe, ce qui semblerait réclamer pour l’humanité sainte du Sauveur une sorte d’ubiquité ; celui qui n’est pas arrêté par le mystère de l’eucharistie, en vertu duquel Jésus-Christ est rendu réellement présent à la fois sur des milliers de points ne s’arrêtera pas davantage à cette difficulté. J’inclinerai donc vers la seconde opinion qui me paraît plus conforme à la grandeur du juge et à l’analogie des autres mystères chrétiens ; mais quel que soit le mode suivant lequel le divin Sauveur se révèle à l’âme, une chose est certaine ; c’est au moment où les yeux du corps se ferment à la lumière d’en bas, le regard de l’âme s’illumine, et elle aperçoit soudain devant elle l’adorable figure de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Ceci nous amène à nous demander où se fait le jugement. La réponse est facile ; le jugement se fait au lieu même où l’âme vient de quitter son corps ; en effet, qu’est-il besoin d’aller chercher au loin un tribunal ? La terre est au Seigneur, dit l’Écriture, et il remplit le monde de sa présence ; ce qui nous empêche de le voir, oublieux que nous sommes, ce sont les murs de cette prison de chair, dans laquelle nous sommes renfermés ; mais, à l’heure de la mort, le voile qui nous cachait les réalités invisibles s’écarte, et l’âme se trouve immédiatement sous les regards de son juge. Quel instant ! Quel saisissement ! Alors commence ce redoutable jugement dont la pensée faisait trembler les saints dans leur désert. D’un seul coup d’œil, le regard de l’âme embrasse tous et chacun de ses
6 :
actes, avec toutes les circonstances qui les ont accompagnés, et il lui faut rendre compte de tout, même d’une parole inutilement prononcée par mégarde plus de vingt ans auparavant, et complètement oubliée depuis. Qui aurait pu croire à une exactitude si rigoureuse, si la vérité éternelle ne nous en avait avertis d’avance ! Omne verbum otiosum quod locuti fuerinthimines, reddent de eo rationem in die judicii.

Et cala doit être ainsi ; s’il est vrai, en effet, comme l’enseignent les Thomistes, et, comme me paraît beaucoup plus probable, qu’il n’y a pas d’actes indifférents, mais que chacune de nos actions a sa moralité bonne ou mauvaise, comptez, si vous le pouvez, le nombre effroyable d’actions dont il faudra rendre compte, pendant une vie de cinquante à soixante années, et quelquefois plus. Mais comment l’âme pourra-t-elle embrasser d’un seul regard l’ensemble des actes d’une vie tout entière ? Elle les verra dans l’intelligence infinie de Dieu, aux rayons de ce soleil de vérité qui les illumine tous, et qui n’en laisse échapper aucun. C’est là ce livre où tout est écrit, et qui sera mis alors sous les regards de l’âme.

Liber scriptum proferetur,
In quo tuum confinetur,
Unde mundus judicetur.

L’âme y verra chacun de ses actes, et de plus, elle découvrira toutes les circonstances qui les ont accompagnés et qui en ont modifié plus ou moins la moralité. J’ai lu dans la vie d’un saint personnage, qu’en ce jour du jugement, les péchés paraissent bien plus graves que pendant la vie, mais aussi, par une juste compensation, les vertus véritables y brillent d’un éclat bien plus vif. Rien de plus conforme aux données de la Théologie ; les Théolo-

7:
-giens nous apprennent, en effet, que la moralité de chacun de nos actes se tire de plusieurs chefs : 1° de la fin pour laquelle on agit, et qui suffit quelquefois à changer complètement la moralité de l’acte ; comme si, par exemple, on faisait une bonne œuvre par vanité, ou par quelque autre intention mauvaise ;2° de l’objet de l’acte considéré en lui-même, et 3° des circonstances qui accompagnent cette action, et qui peuvent en augmenter ou en diminuer beaucoup le mérite ; comme lorsque l’on fait quelque bonne action, par exemple, un acte de religion, avec tiédeur et négligence, ou encore lorsque l’on se complaît dans des retours de vanité, après que l’on a fait quelque bien. Or au jugement de Dieu tout cela est connu et pesé, en sorte que les actes où tout a été bon, la fin, l’objet et les circonstances, apparaissent dans toute leur beauté, au lieu que ceux où tout a été mauvais, sont révélés dans toute leur laideur.

Et maintenant, enrendons la terrible parole du Juge, qui sera adressée à chacun de nous : Redde rationem villicationis tuae, jam enim non poteris villicare. Le temps du mérite ou du démérite est passé, l’épreuve est finie, irrévocablement finie, rendez vos comptes .Redde rationem : Rendez compte de tous vos péchés ; j’étais là, présent, quand vous les commettiez, j’ai tout vu ; impossible de me rien cacher ; péchés contre Dieu, péchés contre le prochain, péchés contre vous-même, péché contre vos devoirs d’état, contre vos obligations particulières. Oh !quelle masse effroyable de péchés, depuis le premier péché que nous avons commis à l’aurore de notre raison naissante, jusqu’à ce dernier péché que nous commettrons peut-être sur notre lit de mort, au moment de paraître devant notre Juge. Sainte Thérèse raconte qu’elle vit dans l’enfer un enfant de trois ans, qui, dans un âge aussi

8 :
tendre, avait trouvé le temps de devenir l’ennemi de Dieu ; et saint Augustin , dans ses immortelles Confessions, s’accuse de fautes qu’il avait commises dans un âge encore plus tendre. O misère du cœur de l’homme ! un tout petit enfant est déjà un grand pêcheur, tantillus puer, et tantus peccator ! N’est-ce pas le cas de s’écrier, avec le prophète, que le nombre de nos iniquités surpasse de beaucoup celui des cheveux de notre tête. Iniquitates meae multiplicatoe sunt super capillos papitis pei.

Redde rationem : Rendez compte du bien que vous auriez dû faire et que vous n’avez pas fait. Un prêtre était sur son lit de mort, et son confesseur essayait en vain de l’exciter à la confiance en Dieu ; il lui parlait du bien qu’il avait fait pendant sa vie, des âmes qu’il avait sauvées. <> chose affreuse à dire et plus encore à penser : dans les tribunaux de la terre, on n’est interrogé d’ordinaire que sur ce que l’on a fait, mais ici, au tribunal de Dieu, il faudra rendre compte de tout ce que l’on aura pas fait par une négligence coupable. Dieu mettra en regard toutes les grâces accordées à l’âme : le baptême, l’instruction chrétienne, tant de confessions, tant de communions, tant de bonnes pensées qu ‘il nous a envoyées, tant de facilités qu’il nous a données pour faire le bien, et de l’autre côté nos œuvres ; et malheur à celui dont les œuvres ne seront pas trouvées pleines, car il sera beaucoup demandé à celui qui a beaucoup reçu ; et c’est justice.

Redde rationem : Rendez compte du bien que vous avez fait, mais que peut-être vous n’avez pas bien fait ; voyons ces prétendues vertus dont vous étiez fiers pendant la vie.

9 :
Oh ! que d’alliage dans cet or ! C’est un axiome de théologiens, que le mal existe dès qu’il y a dans un acte la moindre défectuosité, au lieu que le bien, pour être bien, doit être bien fait dans tout ses détails :bonum ex integra causa, malum ex quocumque defectu. S’il en est ainsi, et nous n’en saurions douter, combien d’actions vertueuses en apparence, qu seront devant Dieu de véritables péchés, parce qu’elles auront été faites par une mauvaise fin. Les pharisiens faisaient beaucoup de bonnes œuvres, mais, parce qu’il n’agissaient que pour plaire aux hommes et s’attirer le renom de saints personnages, je vous déclare en vérité qu’ils ont reçu leur récompense. Receperunt mercedem suam. Combien d’actes vertueux dans leur objet, seront encore rejetés de Dieu, parce qu’ils auront été accomplis dans de mauvaises circonstances, avec tiédeur, par routine, ou parce qu’ils auront étés faits à contretemps, ou encore avec ces pensées de vaine complaisance qui en font perdre presque tout le fruit !

Redde rationem :est-ce tout ?hélas !voilà bien de quoi accabler une pauvre âme ! mais quelles sont ces voix qui montent de l’abîme ?c’est la voix du scandale, c’est le cri du sang : Seigneur, justice et vengeance, s’écrient les damnés du fond de l’enfer, justice et vengeance contre ce père, contre cette mère, dont la fatale négligence nous a laissé grandir dans le vice et nous a perdus ; justice et vengeance contre cet ami qui a partagé nos plaisirs coupables, à son tour de partager maintenant nos supplices ; justice et vengeance contre ce compagnon dont les mauvais conseils et les mauvais exemples nous ont appris à connaître le mal et à l’aimer ; justice et vengeance contre ce malheureux dont les propos impies nous ont empêchés de nous convertir et de nous sauver ;ah ! C’est à cause de lui que nous sommes condamnés aux supplices de l’enfer ;
10 :
est-ce qu’il va monter au ciel pendant que nous brûlerons ici dans les flammes éternelles ! hélas ! pauvre âme, que répondrez-vous à ces formidables accusations, et n’aviez-vous pas assez de vos fautes, sans vous charger encore de celles des autres ?

Voilà le jugement de Dieu, tel qu’il sera très certainement pour chacun de nous ; c’est là, quand on y réfléchit, ce qui fait comprendre les angoisses des saints, et les austérités de leurs pénitences ; leurs histoires sont pleines de révélations épouvantables sur la rigueur des jugements de Dieu. Entre tant d’exemples, j’en choisirai deux seulement.

J’ai lu, dans la vie des Pères du désert, qu’un religieux nommé Etienne, fut transporté en esprit au jugement de Dieu ; il était sur son lit de mort, réduit à l’agonie, lorsqu’on le vit se troubler et répondre à un interlocuteur invisible ; ses frères en religion qui l’environnaient en priant, entendaient avec terreur ses réponses.- >> J’ai fait telle action, c’est vrai, mais je me suis imposé tant d’années de jeûne. >>->> Je ne conteste pas ce fait, mais j’ai pleuré cette faute pendant tant d’années. >>->>Ceci est vrai encore, mais en expiation j’ai servi le prochain trois ans. >>-Puis après un moment de silence :>>Oh ! pour ceci, je n’ai rien à répondre ; vous m’accusez à juste titre, et je n’ai rien à dire pour ma défense, que de me recommander à la miséricorde infinie de Dieu. >>

Saint Jean Climaque, qui rapporte ce fait, comme témoin oculaire, nous apprend que ce religieux avait passé quarante ans dans son monastère, qu’il avait le don des langues et plusieurs autres grands privilèges ; qu’il se distinguait entre tous par la régularité de sa vie et les rigueurs de sa pénitence, et, après cela, il conclut en ces termes : <11:
-je espérer, misérable que je suis, si l’enfant du désert et de la pénitence reste sans défense devant quelques fautes légères ? Il compte une longue suite d’années passées dans les austérités de la retraite ; Dieu l’a enrichi de privilèges et de dons singuliers, et il quitte ce monde en nous laissant dans l’incertitude de son salut !>>

Mais peut-être on dira, pour se rassurer, que ce bon religieux, n’était pas encore mort, ses terreurs au jugement de Dieu n’ont été qu’un effet de son imagination échauffée par la fièvre.

Voici l’histoire authentique d’une âme rappelée du jugement de Dieu, par une faveur toute spéciale, pour recommencer son épreuve terrestre ; il s’agit de la vénérable Angèle Tholoméi, religieuse dominicaine, et sœur du Bienheureux de ce nom.

Elle avait grandi dans la vertu, et par sa fidélité à correspondre à la grâce, elle était parvenue à un degré de perfection remarquable, lorsqu’elle tomba dangereusement malade ; son frère l B. Jean-Baptiste Tholoméi, qui était déjà puissant en œuvres devant Dieu, ne put, malgré ses instantes prières obtenir se guérison ; elle reçut donc avec piété les derniers sacrements et un peu avant d’expirer elle eut une vision : elle vit la place qui lui était réservée en Purgatoire, en punition de certains défauts qu’elle n’avait pas assez corrigés pendant sa vie ; en même temps elle eut une vue d’ensemble du Purgatoire, et des différents supplices que les âmes y endurent ;après cela elle mourut en se recommandant aux prières de son saint frère.

Pendant que l’on portait son cadavre pour l’enterrer, le B. Jean-Baptiste s’approcha du cercueil, et au nom de N.-S. Jésus-Christ, commanda à sa sœur d’en sortir ; aussitôt elle s’éveilla comme d’un profond sommeil, et revint à la vie.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:43

12:
Cette âme sainte racontait du jugement de Dieu des choses qui font frémir ;mais ce qui, plus que tout le reste, prouvait la vérité de ses paroles, ce fut la vie qu’elle mena depuis ; sa pénitence était vraiment effrayante ; non contente des industries ordinaires aux austérités des saints, des veilles, des cilices, des jeûnes, des disciplines, elle avait inventé des secrets pour martyriser son corps ;pendant l’hiver, elle se plongeait jusqu’au cou dans un étang glacé, et y demeurait de longues heures à réciter le psautier, d’autre fois elle se jetait dans les flammes, et s’y roulait jusqu’à ce que sa chair fût toute brûlée ; son pauvre corps était devenu objet d’horreur et de pitié ; on la blâmait hautement, mais comme elle ne s’en inquiétait guère, et se contentait de répondre à ceux qui trouvaient qu’elle en faisait trop : << Ah ! si vous connaissiez la rigueur des jugements de Dieu, vous ne parleriez pas ainsi !qu’est ce que cela ? Qu’est-ce que cela ? Je voudrais en faire cent fois davantage. >>

Après quelques années passées dans ces terribles pénitences, elle fut appelée pour la seconde fois devant son Juge, et nous pouvons espérer qu ‘elle le trouva moins sévère, puisque l’Église, en la proclamant vénérable, a déclaré qu’elle avait pratiqué les vertus chrétiennes à un degré héroïque. Ce qu’il y a de bien remarquable dans cette histoire, c’est qu’il ne s’agit pas d’un pécheur mourant dans la haine de Dieu, il s’agit d’une bonne et fervente religieuse, tout appliquée aux devoirs de son état, et qui, pour quelques imperfections légères au jugement des hommes, subit les rigueurs du jugement de Dieu. Hélas !pauvre pécheur que je suis, qu’en sera-t-il de moi, si les autres
13 :
justes sont ainsi traités ! (Vita V. Angelae Tholoméi.)

Qu’ils sont donc terribles, les jugements de Dieu ! Et quand on songe qu’à chacun des battements de notre cœur, cette grande scène se renouvelle !à chaque seconde, en moyenne, une âme quitte la terre, et paraît devant Dieu. Représentez-vous un vaste champ de bataille : les deux armées sont en présence, la mitraille éclate des deux côtés, les boulets passent en sifflant, traçant leur sillon sanglant dans les rangs ; à chaque instant, des hommes tombent pour ne pas se relever . C’est là un spectacle affreux, et qu’on n’oublie plus, quand une fois on a eu le malheur d’en être le témoin : Eh bien, agrandissez la scène ; le monde est un vaste champ de bataille, où la mort frappe sans relâche ;à la fin du jour, quatre-vingt mille hommes, cela fait trois mille cent trente-trois hommes par heure, cela fait cinquante-cinq hommes par minute, cela fait un homme par seconde ; chaque fois que nous respirons, nous pouvons dire qu’un homme expire .Ah ! si nous y pensions !comme nous serions pris d’une immense compassion, et comme nous prierions avec ferveur pour tant de malheureux qui comparaissent devant leur Juge !

Mais, hélas !nous n’y pensons guère ; nous rions, nous nous amusons, et, un jour, on nous rendra la pareille : pendant que nous serons dans les transes de l ‘agonie, d’autres riront et prendront du bon temps à leur tour. Prions pour les agonisants, afin qu’un jour on prie aussi pour nous, à cette heure terrible où nous en aurons si grand besoin.

Cependant que fera l’âme pour adoucir les rigueurs de ce jugement ? Si l’on s’en rapporte simplement aux données de la théologie, il semble que l’on se trouve là sans
14 :
autre défense que ses bonnes œuvres. Il ne serait pourtant pas téméraire de penser que, dans certains cas, la justice relâche un peu de ses droits, en prévision des prières que les survivants offriront pour le défunt.

Nous lisons dans Gennade(Defensio concilii Florentini, sect. V) que l’empereur de Constantinople Théophile, iconoclaste et hérétique endurci, obtint ainsi un jugement favorable, grâce aux prières réunies de la pieuse impératrice Théodora et du patriarche saint Méthode ; ce trait est trop consolant pour que je ne le rapporte pas ici.

L’Empereur Théophile fut un des iconoclastes les plus acharnés, et des persécuteurs les plus odieux de l'Église catholique. Sa femme l'impératrice Théodora, se consumait en jeûnes et en prières pour obtenir sa conversion; elle fut exaucée; sur la fin de sa vie l'empereur détesta ses erreurs, et mourut dans de vrais et profonds sentiments de pénitence. Après sa mort Théodora pria et fit prier beaucoup pour le repos de son âme.

L’Empereur Théophile lui apparut couvert de chaînes, et traîné par une troupe de démons, au tribunal de Dieu ; tous avaient à la main des instruments de torture ; en même temps, il lui semblait qu’elle même suivait ce triste cortège, en essayant, mais en vain, d’arrêter la rage de ces mauvais esprits. On arriva ainsi devant le tribunal du Juge ; celui-ci avait un visage irrité et les démons lui présentèrent le malheureux, en demandant à grands cris une sentence de condamnation contre le persécuteur qui avait versé le sang des saints. Alors Théodora, s’approchant du trône à son tour, se jeta aux pieds du Christ, lui représentant humblement la pénitence de son mari à l’heure de la mort, les prières qu’elle ne cessait d’offrir et de faire offrir chaque jour pour le repos de cette âme ; soudain le

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:43

15:
regard du juge s’adoucit : << Femme, répondit-il, votre foi est grande : mulier, magna est fides tua ;votre époux avait mérité d’être condamné, mais, à cause de vous, en considération des prières de mes prêtres, je lui accorde sa grâce. >> Puis s’adressant aux exécuteurs de sa justice ;

<< Déliez-le commanda-t-il, et rendez-le à sa femme. >>

Le lendemain matin ,l’impératrice raconta ce songe au saint patriarche Méthode, qui avait beaucoup souffert de l’empereur à cause de sa foi, et qui s’en vengeait en évêque, multipliant ses prières et ses bonnes œuvres pour Théophile. Or, cette même nuit, il avait eu un songe, lui aussi ; il lui semblait être dans l’église de Sainte-Sophie, lorsqu’un ange lui apparût et lui dit : >> Tes prières, ô pontife, ont été exaucées, et Théophile a obtenu sa grâce. >>Le lendemain matin, il s’était rendu à l’église et y avait trouvé la confirmation de sa vision ;il avait la pieuse coutume d’écrire sur un petit livret les noms des principaux iconoclastes, et de déposer ce livre sur l’autel, pour les recommander à Dieu en offrant le divin sacrifice ; l’empereur était naturellement en t^te de cette liste ; or, ce jour-là, son nom se trouva miraculeusement effacé ;on eut ainsi la plus grande assurance possible que l’empereur Théophile, malgré ses fautes, avait trouvé un jugement miséricordieux, grâce aux prières que l’on avait offertes pour lui.

Ceci nous amène à nous demander si, à cette heure du jugement, l’âme se trouve seule en présence de son juge, ou si les esprits d’en haut y sont présents. On ne peut guère douter que l’ange gardien ne soit là pour assister l’âme sur laquelle il a veillé pendant la vie, et il est bien à craindre que l’on n’y rencontre aussi le démon, particulièrement ce démon qui, selon l’opinion de plusieurs théologiens de mérite, est attaché à Lucifer à chaque
16 :
âme pour la tenter et l'entraîner dans l'abîme, horrible contrefaçon de l'ange protecteur, bien digne des ruses de celui que Tertullien appelait le singe de Dieu. Les révélations des saints, d'accord en cela avec les sculpteurs de nos vieilles cathédrales, sont pleines de récits qui nous montrent ces deux esprits en présence au Tribunal de Dieu. Je choisis, parmi ces révélations, celle qui fut accordée à sainte Brigitte (Révél., liv. VI, ch. Xxxv).
Il s'agit d'un soldat dont elle vit l'âme comparaître devant son juge, au moment de la mort. Cet homme avait pratiqué plusieurs vertus pendant sa vie ; il était charitable, priait souvent et avec ferveur, et, au milieu de la licence des camps, il s'adonnait au jeûne et à la mortification ; néanmoins, il avait aussi bien des fautes à se reprocher, comme on va voir. La sainte aperçut son âme au tribunal de Dieu, ayant à sa droite son ange gardien qui lui servait d'avocat, et, à sa gauche, le démon qui faisait la fonction d'accusateur, accusator fratrum, comme l'appelle saint Jean dans l'Apocalypse ; celui-ci lui reprochait particulièrement trois fautes : premièrement, d'avoir péché par les yeux, en regardant avec complaisance des nudités et autres objets dangereux ; deuxièmement, d'avoir péché par la langue, en prononçant des paroles obscènes, des jurements et des malédictions ; troisièmement, de s'être souillé de toutes sortes de luxure et de larcins. L'ange gardien rapportait, pour sa défense, les actes de vertu qu'il avait accomplis pendant sa vie, et particulièrement sa tendre dévotion à la très sainte Vierge, dévotion qui lui avait valu, à l'heure de la mort, la grâce de la contrition.
La cause ainsi entendue, le souverain juge prononça la sentence ; il fit grâce à cet homme de l'enfer ; mais il le condamna à un long et douloureux purgatoire, et déclara
17 :
que l'expiation serait conforme aux fautes commises. Alors, la Mère des miséricordes se présenta, demandant à son Fils un adoucissement à tant de supplices ; elle rappelait que ce soldat s'était toujours montré son dévot serviteur, et qu'il jeûnait régulièrement la veille de ses fêtes. Notre Seigneur, à la prière de sa mère, adoucit la rigueur de sa sentence, et il ajouta que, pour obtenir la délivrance complète de cette âme, il faudrait beaucoup de prières, d'aumônes et de pénitences.
On voit, par cet exemple, que la sainte Vierge assiste quelque fois au jugement pour secourir ses fidèles serviteurs ; il paraît qu'il en est de même des saints à qui l'on a témoigné une particulière dévotion pendant la vie. Une célèbre vision nous montre le roi Dagobert, déjà entraîné dans les flammes de l'enfer, pour ses crimes : lorsqu'il est arraché aux mains des démons par les saints martyrs Denys et Maurice, assisté du glorieux pontife saint Martin, qu'il avait honorés particulièrement tous trois pendant sa vie, leur élevant, dans ses États, de magnifiques basiliques. Cette histoire m'a paru digne d'être rapportée ici tout au long. On la trouve dans le benedictin Aymon (Histoire des Français, liv. IV, ch. XXIV).
Un évêque de Poitiers, nommé Ansoald, avait fait le voyage en Sicile pour s'occuper des affaires de son église ; à son retour, une tempête furieuse l'assaillit dans la Méditerranée, et le jeta dans une petite île à moitié déserte ; il y trouva un pieux ermite, avec qui il s'entretint longtemps des choses de Dieu et de la félicité des saints ; à la fin, la conversation tomba sur le pays d'où il venait, et sur le roi de France, Dagobert, dont le prélat fit le plus magnifique éloge ; l'ermite l'interrompant : " Vous paraissez ignorer, dit-il, que depuis votre départ de France, ce prince est passé à une vie meilleure. "

18 :
L'évêque paraissant tout surpris de cette nouvelle, le solitaire, pour le convaincre, lui rapporta une vision qu'il avait eue, quelque temps auparavant. " Un matin, fatigué d'une longue veille passée en prières, je m'étais endormi, lui dit il ; soudain, je vois paraître devant mes yeux un vénérable vieillard qui me prend par le bras, me secoue et m'éveille en me criant : vite, debout, levez-vous et mettez-vous en oraison afin d'implorer la divine miséricorde pou le roi Dagobert, dont l'âme a paru aujourd'hui devant Dieu ; je me lève, je commence à prier, lorsque j'aperçois tout à coup, sur les flots de la Méditerranée, une troupe de démons conduisant le roi dans une barque et se dirigeant vers le volcan de Stromboli, d'où s'élancent continuellement des flammes et de la lava ; en même temps ils le poussaient, le frappaient, le torturaient de toutes les manières ; le malheureux prince invoquait avec des gémissements, les saints patrons de France, saint Denys, saint Maurice et saint Martin, les suppliant de se souvenir des magnifiques églises qu'il leur avait bâties de son vivant et de le secourir en cette extrémité. Un moment après, le ciel se couvre de nuages, la foudre éclate, les démons sont renversés, et l'on voit apparaître tout brillants de la gloire des bienheureux les trois saints que le roi avait invoqués : Oh ! qui êtes-vous, s'écrie-t-il d'une voix suppliante, venez-vous enfin à mon secours ? — Nous sommes les martyrs, Denys et Maurice, et celui-ci est l'évêque Martin de Tours : parce que tu nous as invoqués, et que de ton vivant tu t'es montré notre fidèle serviteur, nous venons, à ton appel, te tirer des mains des démons et te conduire à l'éternité bienheureuse. Aussitôt, malgré les cris de rage des esprits infernaux, ils leur arrachent leur victime encore toute tremblante, et, plaçant le prince au milieu d'eux, ils l'emportent au ciel en chantant : Bea-
19 :
tus quem elegisti et assumpsisti, Domine ; inhabitabit in atriis tuis, replebitur in bonis domus tuæ. "
Tel fut le récit du solitaire ; l'évêque, étant rentré dans son diocèse, fit connaître cette vision ; on remarqua qu'elle correspondait justement à la mort de Dagobert ; c'est pourquoi on grava toute cette histoire sur le marbre de son tombeau où je l'ai vue et où chacun peut la voir aussi.
Quant à l'intervention de la très sainte Vierge, les traits en sont trop multipliés pour pouvoir être racontés tous ici ; je me contenterai d'ajouter le fait suivant à l'histoire du soldat citée plus haut ; j'ai trouvé cette histoire dans saint Liguori. (V. Paraphrase du Salve Regina.)
Une sainte religieuse, nommée sœur Catherine de Saint-Augustin, avait l'excellente dévotion de prier pour tous les défunts qu'elle avait connus sur la terre ; or, en son pays, vivait une femme de mauvaise vie, nommée Marie ; les scandales de cette malheureuse étaient tels que les habitants de l'endroit, indignés de sa conduite, la chassèrent du pays. Elle se retira dans les bois, et au bout de quelques mois mourut sans assistance et sans sacrements dans une grotte abandonnée ; on traita son cadavre comme celui d'une bête morte, et on l'enterra dans un champ sans aucune prière ; personne ne doutait que la vieille pécheresse, après une pareille fin, ne fût irrémédiablement damnée, aussi on ne pensa pas à prier pour elle, et la sœur Catherine pas plus que les autres ; quatre ans se passèrent ; au bout de ce temps, la sœur aperçut un jour une âme du Purgatoire qui lui dit en gémissant : " Sœur Catherine, je suis bien malheureuse ; vous avez la charité de recommander à Dieu tous ceux de votre connaissance qui viennent à mourir, il n'y a que moi pour qui vous ne priez pas ! " — " Eh ! qui êtes-vous donc ? " — " Je
20:
suis cette pauvre Marie, qui mourut seule dans la grotte. "
— " Eh ! quoi, Marie, vous êtes sauvée ! " — " Je suis sauvée par l'intercession de la vierge Marie. Qui me vis près de la mort, seule, sans aucun secours spirituel ni corporel, considérant en même temps le nombre et l'énormité de mes péchés, je me tournai avec confiance vers la mère de Dieu, et je lui dis : ô ma reine, vous êtes le refuge des pécheurs et des délaissés ; vous voyez qu'en ce moment suprême, je suis abandonnée de tout le monde, vous êtes mon unique espoir ; vous seule pouvez me secourir ; ayez pitié de moi, je vous prie. La bienheureuse Vierge exauça ma prière, et m'obtint la grâce de la contrition parfaite, c'est ainsi que je mourus et que je fus sauvée. Cette divine Mère ne borna pas là ses miséricordes ; quand je comparus au jugement devant Dieu, elle obtint de son Fils que ma peine dans le Purgatoire serait considérablement abrégée ; mais comme la justice de Dieu ne peut plus rien relâcher de ses droits, j'ai souffert en intensité ce que j'aurais dû souffrir en durée ; présentement, je n'ai plus besoin que de quelques messes, et aussitôt qu'on les aura dites, je serai délivrée de toutes mes peines ; soyez assez charitable pour les faire célébrer pour moi, et je vous promets, quand je serai au ciel, de prier sans cesse Dieu et Marie pour vous. " Sœur Catherine s'empressa de faire dire les messes demandées, et quelques jours après, cette âme bienheureuse lui apparut montant au ciel, et la remercia de sa charité.
Ces exemples sont consolants ; mais en les rapprochant des enseignements de la théologie, on ne peut s'empêcher de rabattre un peu de la confiance qu'ils sembleraient devoir inspirer aux pécheurs. Il est certain que le sort éternel de l'homme est irrévocablement fixé au moment de sa mort ; croire que les prières des survivants, que

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:43

21 :
l’intercession même de la Sainte Vierge et des saints peuvent obtenir le salut éternel à une personne décédée dans l’état du péché mortel, ce serait se tromper grossièrement. Il faut donc interpréter les visions que je viens de rapporter, et toutes celles du même genre, comme une expression symbolique des grâces obtenues par l’intercession des bienheureux au pécheur mourant, pour l’amener au repentir, et par le repentir, au salut. Penser autrement, ce serait aller contre l’enseignement unanime des docteurs.
Du reste, il ne faut pas se représenter ce jugement se déroulant peu à peu dans un ordre successif, comme cela se fait dans les tribunaux d’ici-bas. C’est une suite de l’imperfection humaine de ne pas pouvoir arriver à la connaissance de la vérité que pas à pas et par une série d’investigations ; mais à la lumière de Dieu, il en sera bien autrement ; en un clin d’œil, in ictu oculi, la cause sera entendue ; pas besoin d’appeler des témoins : le jugé était là ; il a tout vu ; pas d’interrogatoire : d’un seul regard, l’âme verra toute sa vie, ses fautes et ses vertus, ce qui la condamne et ce qui l’absout ; pas de plaidoiries pour ou contre ; inutile d’essayer de fléchir la personne du juge ; l’arrêt suit nécessairement la constatation de l’état de l’âme ; Dieu ne se laisse pas émouvoir comme les hommes ; il agit en vertu des décrets éternels :à telle mesure de mérites, tel degré de gloire, à telle quantité de fautes, telle mesure de châtiments ; l’âme voit en même temps son état et sa sentence.
Cette sentence est différente selon les différents états de l’âme à la mort : à celui qui meurt dans le péché mortel, n’en eût-il qu’un seul, la sentence de réprobation : Va, maudit, au feu éternel, que j’avais préparé pour Satan et pour ses anges ; tu as voulu lui obéir sur la terre, va main-
22 :
tenant, misérable, partager ses supplices dans l’enfer. A l’âme qui meurt dans l’état de grâce, et qui n’a plus ni une seule souillure, ni une seule expiation à subir pour ses fautes passées, la parole de l’amour et de l’éternelle béatitude : Courage, bon et fidèle serviteur ; parce que pendant les jours de ta vie mortelle, tu as été fidèle en de petites choses, je vais maintenant t’établir sur de grandes ; entre dans la joie de ton Seigneur, intra in gaudium Domini tui. Enfin, à ceux qui meurent en état de grâce mais qui ont encore des fautes vénielles à se reprocher ou qui n’ont pas encore suffisamment expié leurs fautes passées, la parole de l’amour et de la récompense différée : Pauvre âme, un jour tu jouiras de ma gloire, car tu es chère à mon cœur ; mais tu n’es pas encore assez pure en ce moment : aucune tache ne saurait subsister sous le regard de ma sainteté infinie ; va donc te purifier dans les flammes expiatrices ; le temps de ton supplice sera proportionné au nombre et à la gravité de tes fautes.
Dans quelles proportions chacune de ces trois sentences sera-t-elle prononcée ? et quelle est en particulier la part de Purgatoire au jugement de Dieu ? Question bien intéressante et bien grave ; les théologiens sont très partagés sur la solution : les uns, inclinant davantage du côté de la miséricorde, les autres, du côté de la justice. La question est loin d’être tranchée. Je dirai simplement ce qui me paraît le plus probable, en m’appuyant sur les données de l’expérience, et sur les révélations des saints.
Un premier point, qui me paraît malheureusement trop certain, c’est que le très grand nombre de ceux qui paraissent devant Dieu tombent immédiatement dans les abîmes de l’enfer. Je sais bien que l’Apologétique moderne s’est efforcée de voiler cette vérité évangélique du petit nombre des élus, que notre siècle énervé
23:
ne saurait plus porter parait-il le P. Faber dans son beau traité Créateur et créature s'efforce de prouver en s'appuyant surtout sur des raisons de convenance qu'au moins le plus grand nombre des catholiques est sauvé le P.Lacordaire dans une conférence restée célèbre a cru devoir prendre le contre-pied du fameux sermon de Massillon mais la beauté de son éloquence
n'a pu séduire mes convictions et je m'en tiens à la parole du Maître beaucoup d'appelés peu d'élus multi enim sunt vocati pauci vero électi on lit dans la vie des Pères du désert que le grand patriache de la Thébaide saint Antoine eut une vision à ce sujet il lui semblait que le monde était couvert comme d'un immense réseau les ames tombaient toutes dans ces rets à
peine si deux ou trois parvenaient à y échapper semblables à ces rares oiseaux que nous voyons traverser le ciel dans une brumeuse journée de novembre si nous y réfléchir nous verrons bien que cette vision est l'expression exacte de ce qui se passe dans la réalité la terre compte environ un milliard deux cents millions d'habitants sur ce grand nombre il y a plus de 400 millions de chrétiens c'est donc 800 millions de païens qui vivent et qui meurent hors de la voie du salut faisons aussi larges que vous voudrez la part des païens honnêtes qui n'ont pu honnêtes le Christ
ajoutons-y les enfants qui meurent avant de s'être souillés du crime du paganisme cette troupe d'élite que je suppose un peu bénévolement former la moitié soit 400 millions n'en reste pas moins exclue du ciel puisque personne ne peut être sauvé que par la foi au Rédempteur le mieux qui puisse lui advenir c'est de tomber après la mort dans les Limbes c'est-à-dire après tout dans le vestibule de l'enfer voilà
24:
pour les païens qui forment à eux seuls les deux tiers de la population totale du globe la moitié est très certainement damnée pour ses vices et l'autre moitié en tenant compte des petits enfants si elle échappe à l'enfer demeure à jamais exclue du ciel mais pour quiconque à vu de près ces malheureuses populations il est clair que mon appréciation est bien indulgente l'excuse de la bonne foi devient de jour en jour plus difficile car la bonne nouvelle a été annoncée partout et quant à l'honnêteté morale des païens quand on les connait on sait a quoi s'en tenir à cet égard.
Restent un peu plus de 400 millions de chrétiens sur ce nombre voyons combien se sauvent de ces 400 millions de chrétiens 120 millions sont hérétiques et 80 millions schismatiques leurs salut aux uns comme aux autres est bien exposé car il leur faut l'excuse de la bonne foi et pour les hérétiques qui n'ont pas su garder les sacrements de la sainte Église il leur faut de plus la contrition parfaite pour rentrer en grâce avec Dieu après qu'ils l'ont offensé mortellement or chacun sait que c'est là un moyen assez difficile. J'arrive aux 200 millions de catholiques c'est-à-dire au
sixième de la population totale du globe c'est là le peuple choisi le petit troupeau à qu'il a été dit de ne pas craindre mais grand Dieu que de boucs parmi ces brebis on peut mettre en principe qu'à notre époque les trois quarts des catholiques vivent dans l'habitude du péchés mortel sans confessions et sans pratiques religieuses c'est au moins la proportion pour la France, en prenant dans chaque diocèse le catalogue des communions pascales et je ne crois pas que sous ce rapport la France soit dans une condition pire que les autres états catholiques. S'il y a ailleurs un peu
plus de pratique je crains bien qu'il
25:
n'y ait comme compensation plus de sacrilèges au fond notre pauvre patrie malgré ses défaillances est encore restée la nation catholique celle ou le dévouement de l'esprit chrétien sont le plus vivants prenons donc la proportion pour la France et généralisons les trois quarts des adultes catholiques ne se confessent plus voilà la triste vérité je sais bien qu'il reste au fond des âmes la foi et qu'on se confesse presque toujours à l'heure de la mort hélas quelles confessions je le dis avec tristesse mais je le dis parce que c'est ma conviction intime je crois peu à ces conversions à l'heure de la mort les anciens pères les vieux théologiens sont unanimes à déclarer qu'il faut s'en défier je ne vois pas pourquoi les hommes du XIXe siècle seraient privilégiés en cela telle vie telle mort
voilà l'oracle de l'esprit de Dieu et le témoignage de l'expérience pour moi j'ai vu bien des malades dans cette situation je ne sais si j'oserais garantir le salut éternel de dix presque toujours la contrition fait défaut le bon propos n'existe pas la charité est nulle ce qui le prouve c'est que si par hasard quelqu'un de ces pénitents in extremis revient à la santé il est excessivement rare de le voir persévérer la conversion n'était pas sérieuse au fond ces pauvres gens n'aiment pas Dieu parce qu'ils ont encore un peu de foi ils le craignent mais ils ne l'aiment pas de cet amour initial
qui d'après le concile de trente suffit à l'attrition ils voudraient bien mourir parce qu'ils ont peur de l'enfer mais ils se soucient pas de bien vivre s'ils pouvaient analyser ce qui se passe alors dans leur conscience ils y verraient cette arrière pensée je me confesse parce que cela est nécessaire il a la famille les convenances sociales ont ne peut pour
26:
tant pas se faire enterrer comme un chien et puis qui sait personne n'est revenu nous dire ce qu'il y a de l'autre coté de la vie mais si tu reviens en santé murmure la conscience ma foi si je reviens en santé ce sera comme par le passé ces choses là sont bonnes pour mourir mais elles me gêneraient singulièrement pour vivre de là une absolution nulle remarquez que je ne dis pas sacrilège car je veux mettre les choses au mieux je les suppose même de bonne foi ce qui du reste est fréquent avec leur incroyable ignorance des choses de Dieu mais même avec la bonne foi on reviendra qu'après une vie tout entière passée dans l'oubli de Dieu une absolution nulle est un mauvais passeport pour le ciel paraissez maintenant justes de la terre petit troupeau demeuré fidèle femmes pieuses religieuses ferventes ministres des autels sans doute voilà les prédestinés hélas là encore il y a des âmes pour l'enfer que dis-je si j'en crois les saints docteurs la plus grande part
serait encore pour l'enfer capita sacerdotum pavimenta inferorum qui a prononcé ce blasphème c'est saint Jean Chrysostome un de ceux qui ont le mieux connu le prêtre et ses misères hélas hélas qui nous dira les illusions des âmes pieuses les mystères des fausses consciences les aveuglements volontaires les replâtrages et les puanteurs des sépulcres blanchis optimi pessima corruptio qui nous dira la profondeur de corruption ou peut descendre une âme de choix quand refusant de correspondre à la grâce elle se met dans l'impossibilité de répondre à la sublimité de sa vocation
le prêtre surtout dès qu'il cesse d'être l'homme Dieu devient presque infailliblement l'homme de Satan chez lui le péché mortel est presque inséparable du sacrilège de l'endurcissement voyez Judas c'est l'histoire du mauvais prêtre
27:
j'en appelle à saint Liguori à tous les confesseurs des retraites ecclésiastiques trouvent-ils exagérée la parole de saint Jean Chrysostome que je viens de rappeler pour moi en considérant non pas une époque mais toutes les époques de la vie de l'Église non pas telle ou telle contrée mais toutes les contrées du monde catholique j'en viens à me dire que ces paroles ne sont que l'expression juste d'une triste mais irréfragable vérité O Dieu ou sont vos élus Ah je comprends maintenant cette révélation de saint Bernard citée par le P.Lejeune ce saint ayant eu la révélation du sort
éternel de toutes les âmes qui avaient comparu à deux jours différents devant le tribunal de Dieu remarqua avec horreur que sur ces quatre-vingt mille trois seulement parmi les adultes furent sauvées le premier jour et deux le second jour et encore de ces cinq âmes ainsi sauvées en deux jours aucune n'alla au Ciel directement voilà pour le grand nombre des réprouvés ceci bien établi je dis en second lieu que parmi le petit nombre des élus l'immense majorité descend en Purgatoire en sorte que le grand nombre de qui vont tout droit au Ciel est si petit qu'il ne compte vraiment pas voici ce qu'on lit dans la vie de sainte Thérèse (chap.XXXVIII. "je ferai observer c'est la sainte qui parle que de tant d'âmes je n'en ai vu que trois aller directement au Ciel sans passer par le Purgatoire celle du religieux dont je viens de parler celle du vénérable Pierre d'Alcantara et celle de ce Père Dominicain plus haut mentionné" (il s'agit du Père Pierre Ybanez un de ses confesseurs) quand on réfléchit au grand nombre de visions du Purgatoire qu'elle eut dans sa vie et au grand nombre des saintes âmes qui vivaient alors dans l'Église

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:44

28:
ce témoignage de sainte Thérèse est décisif et dispense d'en chercher d'autres il y a plus nous voyons que les saints canonisés eux mêmes ne sont pas toujours exempts des peines du Purgatoire on lit dans saint Pierre Damien que saint Sévérin archevêque de Cologne y demeura quelque temps malgré son zèle apostolique et ses admirables vertus l'histoire du diacre Paschase rapportée par saint Grégoire dans ses dialogues (livre IV chap XI ) est aussi étonnante après sa mort sa dalmatique placée sur son cercueil avait fait des miracles après cela comment ne pas croire qu'il était déjà
dans la gloire il n'en était rien cependant et il lui restait encore une longue expiation à faire comme il le déclara à saint Germain de Capoue après cet exemple qui pourrait se flatter d'échapper au Purgatoire tout ceci est triste mais à quoi servirait de voiler la vérité si les jugements de Dieu sont si formidables demandons donc avec crainte et humilité d'être du petit nombre des élus et pour assurer notre salut vivons dans la crainte comme ont vécu tous les saints en méditant ces paroles du Prophète-Roi : Domine confige timore tuo carnes meas.
fin page 28.



Chapitre 2 De l'existence et du lieu du purgatoire p.29 - 43

29:
L'existence du Purgatoire prouvée par le fait de la prière pour les morts histoire du culte des morts dans l'Eglise le memento des défunts vision de sainte Perpétue saint Augustin et sa mère Odilon de Cluny et la fête des morts Purgatoire du Dante les morts au moyen- age le concile de Florence Luther définition du Concile de Trente Le culte des morts dans ces trois
derniers siècles et particulièrement a notre époque Du lieu du Purgatoire Opinion des anciens et raisonnements à l'appui de ceux qui font leur Purgatoire en dehors du lieu assigné conclusion de Saint Thomas

Nous avons supposé admise par tous l'existence du Purgatoire il n'en est rien cependant et les protestants relèguent cette vérité au rang des superstitions de l'Église catholique il faut donc y revenir et donner les preuves qui l'établissent nous partons de ce principe évident que la prière pour les morts suppose le dogme du Purgatoire en effet à quoi bon prier pour les saints qui sont déjà dans la gloire ou pour les malheureux plongés dans les flammes éternelles puisque les saints n'ont aucun besoin de nos suffrages et que les damnés sont dans l'impossibilité absolue d'en profiter la prière pour les morts suppose donc un état intermédiaire entre la béatitude du Ciel et les éternels désespoirs de l'enfer état de souffrances mais de souffrances temporaires dans lequel les âmes peuvent être soulagées par nos suffrages la prière pour les morts suppose donc l'existence du Purgatoire or la prière pour les

début page 30
morts est de toute antiquité. La Synagogue l’a connue et pratiquée, puisque nous voyons Judas Machabée faire une collecte, pour offrir de sacrifices en souvenir des soldats de son armée qui
avaient succombé dans la bataille; et l’Écriture bien loin de le blâmer, ajoute cette belle réflexion : c’est une belle et salutaire pensée de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés; sancta ergo et salubris est cogitatio pro defunctis orare, ut a peccatis solvantur.
De la Synagogue, ce rite passa à l’Église du Christ; les plus anciennes liturgies en font foi; après avoir lu sur les saints dyptiques les noms de tous les personnages encore vivants, avec qui
on était en communion de prières, on lisait les noms des défunts plus spécialement recommandés, et le prêtre, comme il le fait encore de nos jours, se recueillait, pour demander en faveur des défunts le lieu du rafraîchissement, de la lumière et de la paix; locum refrigerii, lucis et pacis; toutes les anciennes liturgies, sans exception,
font mention de ce rite, qui prit de là le nom de prières sur les dyptiques; oratio super dyptichos.
La prière pour les morts, sous sa forme la plus sainte, remonte donc très certainement aux temps apostoliques, et nous est un sûr garant de la foi de ces premiers siècles au Purgatoire. Il y a plus : parmi les actes des martyrs dont l’authenticité est indiscutée et indiscutable, il faut ranger, de l’avis de tous les critiques, les actes de sainte Perpétue, écrits en grande partie par la sainte elle-même dans sa prison; or, dans ces actes, qui remontent au troisième siècle, nous trouvons exprimée explicitement la foi au Purgatoire.
La Sainte, après avoir parlé des circonstances de son arrestation, et des premiers jours passés dans la prison, en la compagnie des saints confesseurs de la foi, poursuit en ces termes :
"Comme nous étions tous en prières, il m’échappa de nommer Dinocrate, et je fus étonnée que son souvenir ne me fût pas encore venu à l’esprit. La pensée de son malheur m’affligea, et je connus en même temps que j’étais digne de prier pour lui, et que je le devais. Je commençai donc à le faire avec ferveur, en gémissant devant Dieu, et, la même nuit, j’eus cette vision.
"Je vis Dinocrate sortir d’un lieu ténébreux, où il y avait plusieurs autres personnes; il était tout brûlant, et dévoré de soif, le visage sordide, le teint pâle, la face encore rongé de l’ulcère
dont il mourut. Ce Dinocrate était mon frère selon la chair; à sept ans, il mourut malheureusement d’un cancer au visage, qui en faisait un objet d’horreur à tous ceux qui le voyaient. C’était pour lui que j’avais prié. Or, il me semblait qu’il y avait une grande distance entre lui et moi, en sorte qu’il nous était impossible de nous rapprocher l’un de
l’autre. Près de lui était un bassin plein d’eau, dont le bord était plus haut que la taille de l’enfant; il s’allongeait pour boire, et quoiqu’il y eut de l’eau en abondance, il ne pouvait y
atteindre, ce qui m’affligeait fort. Je m’éveillai là-dessus, et je connus par là que mon frère était dans la peine, mais j’eus confiance que je pourrais le soulager. Je commençai donc à prier, pour demander à Dieu, jour et nuit, avec larmes, qu’il m’accordât sa grâce; je continuai ainsi jusqu’à ce que nous fussions transférés à la prison du camp, pour être donnés en spectacle, à la fête de César Géta. Le jour que nous étions dans les ceps, j’eus encore une vision, je vis le même lieu que précédemment et Dinocrate, le corps net, revêtu de beaux habits, et ne portant plus de cicatrice à la place de la plaie. Le bord du bassin que j’avais vu, était abaissé jusqu’au nombril de l’enfant, et il y avait là une fiole d’or, pour puiser de l’eau. Dinocrate s’étant donc approché, commença boire de cette eau, sans qu’elle diminuât; lorsqu’il se fut rassasié, il quitta le bassin avec joie pour aller jouer, comme font les enfants
de son âge; je m’éveillai là-dessus, et je connus par là que mon frère désormais était hors de peine" (Acta sanctae Perpetuae, apud Bolland. 7 martii).
Au quatrième siècle, nous lisons dans Eusèbe, que l’empereur Constantin ordonna de placer son tombeau dans l’église des saints Apôtres, qu’il avait fait élever à Constantinople, et cela dans l’espérance d’avoir part après sa mort aux prières qui se feraient en ce saint lieu,comme il le déclara dans son testament.
Au cinquième siècle, nous avons le célèbre témoignage que saint Augustin rend à la piété de sa mère Monique. Il faut citer en entier ce beau passage des confessions, qui est un témoignage si magnifique de la croyance au Purgatoire (Augus. Conf. Lire IX, ch.11
et suiv.).
"Un certain jour, ma mère éprouva une faiblesse, et perdit connaissance; nous accourûmes, mais déjà elle avait repris ses sens, et regardant les assistants, elle nous reconnut mon frère et
moi, et nous dit d’une voix plaintive; où donc étais-je? et comme elle nous vit tout accablés de chagrin : c’est ici, ajouta-t-elle que vous laisserez votre mère. Je ne répondis rien, dévorant mes pleurs; mais mon frère; ajoutant quelques mots de consolation, lui dit qu’il espérait bien qu’elle aurait le bonheur de reposer dans la terre de sa patrie. Alors, lui lançant un regard tout empreint de tristesse, pour lui montrer qu’elle avait compris, elle jeta les yeux sur moi, et me dit : vois ce qu’il dit; et, un moment après, s’adressant à tous les deux : vous mettrez mon corps où vous voudrez; n’en prenez pas de peine. La seule chose que je vous demande, c’est que, partout où vous vous trouverez, vous vous souveniez de moi à l’autel du Seigneur."
Sur quoi saint Augustin fait ces belles réflexions.
"Maintenant que cette première douleur, à laquelle on pourrait reprocher une affection trop naturelle est passée, je vous louerai, Seigneur, au nom de votre servante, et je répandrai devant vous d’autres larmes, non les larmes de la chair, mais ce larmes de l’esprit, qui coulent à la pensée du péril où se trouve toute âme qui a péché en Adam; car, bien que ma mère ait
été vivifiée en Jésus-Christ , et qu’elle ait vécu dans la chair, de manière à glorifier votre nom par la vivacité de sa foi et la pureté de ses moeurs, cependant, je n’ose affirmer que, depuis le
jour où vous l’avez régénérée par le baptême, aucune parole contre vos commandements n’est sortie de ses lèvres. Malheur à la vie la plus sainte, si vous voulez la juger sans miséricorde ! Mais, parce que vous n’aimez pas à rechercher les iniquités, j’ai la confiance filiale qu’elle aura trouvé auprès de vous un peu d’indulgence."

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:44

"Ainsi donc, ô Dieu de mon coeur, ma gloire et ma vie, je laisse de côté à dessein les bonnes oeuvres que ma mère a faites, et dont je me réjouis avec tant de grâces, pour vous demander seulement le pardon de ses péchés. Exauce-moi par les blessures sanglantes de Celui qui mourut pour nous sur le bois infâme, et qui maintenant assis à votre droite, est notre intercesseur."
"Je sais qu’elle a toujours fait miséricorde et qu’elle a remis de bon coeur les dettes que l’on avait contractées envers elle; remettez-lui donc ses dettes à elle-même, si elle en a contracté
quelqu’une envers vous, dans les nombreuses années qui se sont écoulées, depuis le jour où elle a été régénérée par le baptême.
Pardonnez-lui, Seigneur, pardonnez-lui, je vous en conjure, et n’entrez pas en jugement avec elle, car votre miséricorde surpasse votre justice, vos paroles sont véritables, et vous avez promis miséricorde aux miséricordieux.
"Cette miséricorde, je crois que vous l’avez déjà faite, ô mon Dieu; mais acceptez l’hommage de mes lèvres. Souvenez-vous qu’au moment de son passage à l’autre vie, votre servante ne songea pour son corps ni à de pompeuses funérailles, ni à des parfums précieux; elle ne demanda pas un sépulcre magnifique, ni qu’on la rapportât dans celui qu’elle avait
fait faire à Tagaste, sa patrie, mais seulement que nous fissions mémoire d’elle à votre autel, au mystère duquel elle avait participé tous les jours de sa vie, sachant que c’est là qu’on
dispense la Victime sainte, dont le sang a effacé la cédule fatale de notre condamnation."
"Qu’elle repose donc en paix avec son mari, avec l’époux à qui elle a été fidèle dans les joies de sa virginité et dans les tristesses de son veuvage; avec celui dont elle s’était faite la servante pour le gagner à vous, par sa patience fructueuse. Et vous, Seigneur mon Dieu, inspirez à mes fils spirituels, qui sont mes maîtres, puisque mon coeur, ma voix, mes écrits sont à leur service, inspirez à tous ceux qui me liront de se souvenir à votre autel de Monique votre servante et de Patrice qui fut son époux. Ce sont eux qui m’ont introduit en ce monde; comment ? Je n’en sais rien. Que tous ceux qui vivent encore dans la lumière trompeuse de ce monde, se souviennent donc pieusement de mes parents, afin que la dernière prière de ma mère mourante soit exaucée, au delà même de ses voeux, et qu’elle n’ait pas seulement le secours de mes prières, mais encore celui d’un grand nombre d’autres."
J’ai voulu rapporter presque tout au long cette admirable prière de saint Augustin pour sa mère défunte. Quand on songe à la sainteté de Monique, que l’Église a depuis placée sur les autels, quand on fait réflexion qu’au moment où son fils écrivait ces lignes, il y avait vingt ans environ qu’elle était devant Dieu, on voit ce que pensait ce grand docteur de l’Église latine du Purgatoire et des sévérités de la justice de Dieu.
Saint Grégoire le Grand, dans ses dialogues, rapporte beaucoup d’apparitions d’âmes du Purgatoire; j’en citerai quelques-unes dans le cours de cet ouvrage. Voici ce que dit à ce sujet le P. Faber : "saint le Grand, dans ses dialogues, peut être considéré comme le père de la dévotion qu’on a eue pour les âmes du Purgatoire dans les siècles qui suivirent; aussi le P. Lefebvre avait coutume de dire que si saint Grégoire le Grand devait être honoré et aimé par plusieurs raisons, cependant il n’en était pas de plus forte que celle-ci, c’est parce qu’il a exposé d’une manière aussi claire que touchante la doctrine du Purgatoire. Le P. Lefebvre croyait que, si saint Grégoire n’avait pas parlé avec tant d’éloquence de ces saintes âmes, la dévotion qu’on a eue pour elles dans les siècles postérieurs aurait été moins ardente; c’est pourquoi toutes les fois qu’il prêchait lui-même sur cette dévotion, il avait soin de la faire marcher de front avec celle que nous devons avoir pour saint Grégoire." (Tout pour Jésus, ch. IX).
Au sixième siècle, nous voyons établi l’office des défunts, et les témoignages de la tradition deviennent si nombreux qu’il serait impossible de les citer tous; je me contenterai donc d’esquisser à grands traits l’histoire du culte des morts dans l’Église, à partir de cette époque.
A la fin du dixième siècle, vivait à Cluny un saint abbé nommé Odilon, c’est à lui que l’on doit la touchante institution de la fête des morts, qui depuis lors se célèbre chaque année dans l’Église le 2 novembre, au lendemain du jour où l’Église a célébré dans la fête de tous les saints les joies de l’Église triomphante; voici à quelle occasion cette fête fut instituée.
Un religieux du pays de Rouergue ayant visité les saints lieux de Jérusalem, s’embarqua sur mer pour revenir en son pays, et fut jeté par la tempête dans une île déserte, près des côtes de la Sicile, si connues par leurs volcans, il y rencontra un pieux solitaire qui l’entretint longuement des choses de Dieu. A la fin, l’hermite, s’informa de son pays, et apprenant qu’il était d’Aquitaine, il lui demanda si le monastère de Cluny était dans cette contrée, et s’il en connaissait l’abbé, nommé Odilon. Le religieux lui ayant répondu qu’il connaissait parfaitement l’abbé Cluny et son monastère, voulut savoir à son tour pourquoi il lui faisait cette demande : "Il y a près d’ici, répondit l’hermite, des lieux souterrains, d’où s’échappent à chaque instant du jour et de la nuit des flammes et des torrents de fumée, on y entend gémir, au milieu de ces embrasements épouvantables, les âmes de ceux qui n’ont pas encore satisfait entièrement pour leurs péchés.
Or dernièrement j’entendis les démons, qui sont les exécuteurs de la justice de Dieu en ces lieux, se plaindre et se lamenter, disant qu’Odilon par ses prières et ses bonnes oeuvres leur ravissait un grand nombre de ces âmes; c’est pourquoi, quand vous serez de retour dans votre pays, je vous prie d’aller voir Odilon de ma part, et de lui raconter fidèlement tout ce que je vous dis, afin que lui et ses amis frères continuent de plus en plus leurs prières, leurs jeûnes, leurs aumônes pour ces malheureuses âmes, pour qu’elles soient bientôt délivrées de telles peines.
Le religieux, de retour à Cluny, ne manqua pas de raconter, en plein chapitre, à Odilon, ce qu’il avait appris dans son voyage.
- L’abbé, frappé de cette vision, fit un décret général pour tous les Monastères relevant de Cluny, par lequel le 2 novembre était consacré à la mémoire et au soulagement des fidèles défunts retenus dans le Purgatoire ; des Monastères de Cluny ce pieux usage passa peu à peu dans l’Église, et le pape Jean XVI l’étendit à l’Église universelle par décret apostolique.
Deux siècles plus tard, le grand poète de l’Italie, Dante Alighieri, résumant dans sa magnifique épopée toutes les pieuses croyances de son époque, réservait ses chants les plus suaves , ses inspirations les plus touchantes, pour redire, en des vers immortels, les expiations du Purgatoire.
On sait d’ailleurs quelle fut la dévotion du moyen âge pour les morts; dans la plupart des villes, quand les ombres de la nuit étaient descendues sur la cité, comme un voile funèbre, et que chacun se reposait dans le sommeil des travaux de la journée, la voix de veilleur de nuit se faisait entendre, au milieu du silence, pour répéter cet avertissement : Bonnes gens qui veillez, priez pour les trépassés.
Notre siècle, qui écarte avec tant de soin les images de la mort, ne pas de trouver un pareil avertissement bien lugubre; mais dans ces âges de foi on était moins délicat; l’Église militante et l’Église souffrante ne formaient qu’une seule famille; le souvenir des morts n’attristait pas; sous prétexte de sensibilité, on ne s’étudiait pas à bannir impitoyablement les chers défunts de la mémoire de ceux qu’ils ont aimés; chaque jour, chaque dimanche, au moins, en allant à l’église, on s’agenouillait au cimetière sur la tombe des aïeux. Ce souvenir était bon pour tous. Il apprenait aux vivants à bien vivre pour bien mourir; il procurait aux trépassés de nombreux suffrages.
Pendant que nos pères reposaient tranquillement dans leurs alcôves bien fermées, ils trouvaient bon qu’on leur rappelât leurs parents, leurs amis, couchés à la même heure sur des lits de flammes; à la voix du crieur de nuit, plus d’une prière fervente montait vers le Ciel pour faire descendre le rafraîchissement et la paix dans ces cachots embrasés; le pécheur faisait un retour sur lui-même; la voix de la mort lui rappelait les responsabilités de l’avenir, et jusque dans les bras vice, il sentait son coeur ébranlé, et prenait souvent la résolution de se convertir.
Aujourd’hui nous avons changé tout cela; le souvenir des morts nous importune, nous nous en débarrassons par l’éloignement et par l’oubli; nous avons commencé par reléguer nos morts loin, bien loin, à la limite extrême de nos villes. Cependant ils sont encore trop près de nous; on les transporte à des distances telles que ce sera bientôt voyage que d’aller les visiter; ce n’est pas assez, on voudrait les anéantir, pour anéantir en même temps les leçons importunes qui sortent de ces tombes. Au rite chrétien de l’inhumation dans la terre bénie, au dortoir commun, où dormaient nos pères à l’ombre de la croix, on parle de substituer le rite tout païen de la crémation. Quand un peuple en est là, quand il a perdu le sens de la mort, on peut dire que c’est un peuple fini; ce n’est plus lui-même qu’un cadavre qui se décompose, et déjà les fossoyeurs sont à la porte. O Christ Jésus ! Est-ce ainsi que devait finir ce vieux peuple Franc que vous aimiez tant, si j’en crois le cri national de nos pères !
L’émotion m’a écarté de mon sujet; j’y reviens. Au quinzième siècle, le concile de Florence s’occupa longuement de la question du Purgatoire. Il ne s’agissait pas entre les Grecs et les Latins de l’existence même du Purgatoire, puisque toutes les liturgies orientales sont pleines de témoignages à cet égard, mais la controverse s’était élevée sur la nature et la durée des expiations, et, comme nous le verrons ailleurs, pour ne pas faire obstacle à la réunion désirée des Églises grecque et latine, le saint concile s’abstint de rien définir à cet égard.
Au quinzième siècle, une voix blasphématrice, s’éleva dans l’Église, condamnant pour la première fois la prière pour les morts. Luther brisa, d’un trait de plume, les liens sacrés qui nous rattachent à ceux qui ne sont plus; il glaça la prière sur les lèvres, et l’espérance dans le coeur de ceux qui pleurent une chère mémoire.
Plus de Purgatoire, plus d’état intermédiaire entre la béatitude du ciel et les éternels désespoirs de l’Enfer. C’était allé contre les inspirations les plus touchantes du coeur de l’homme. Mais par une heureuse inconséquence, plus d'un protestant se retrouve catholique auprès du tombeau de ceux qui lui étaient chers, et malgré les sophismes de son esprit, la prière jaillit naturellement de son coeur en faveur d’une épouse ou d’un fils chéris, témoignage d’une âme sens contraire. - Après avoir, au concile de Trente, vengé solennellement l’ancienne foi sur ce point, en déclarant anathème à quiconque nie le Purgatoire et l’utilité des suffrages pour les morts.
(Sess. XI, can. XXX. et sess. XXII, ch. 11, sess. XXV decretum.)
L’Église provoque de toutes parts la formation de pieuses sociétés qui s’engagent à prier pour les défunts. A Rome, le pape Paul V autorise et encourage la (fin page 39)

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:45

40 :

pratique de communier un dimanche chaque mois en faveur des défunts a Bruxelles on voit se former une congrégation dont le but est de prier pour la délivrance des âmes du Purgatoire car disent les statuts de cette association s'il y a dans l'Église des ordres religieux très saintement établis pour la rédemption des captifs à combien plus forte raison doit-il y avoir des congrégations et des confréries qui s'emploient non pas à tirer des fers les corps des chrétiens mais à délivrer leurs âmes du Purgatoire ces pieuses confréries se multiplient en France en Espagne par tout le monde chrétien et partout elles sont enrichies de privilèges et de nombreuses indulgences par les Évêques et les Souverains Pontifes notre dix-neuvième siècle qui a tant de misères morales et qui malgré cela ou peut-être à cause de cela restera le siècle des bonnes oeuvres n'a pas voulu demeurer en arrière de ce magnifiques mouvement jamais peut-être les personnes pieuses n'ont davantage prié pour les morts la pratique du voeu héroïque en faveur des défunts pratique qui n'existait guère qu'à l'état d'exception s'est si bien généralisée qu'on a vu des communautés entières faire ainsi aux défunts l'abandon de tout le mérite de leurs bonnes oeuvres en beaucoup d'endroits s'est établi l'usage de consacrer le mois de novembre tout au soulagement des âmes du Purgatoire enfin dans ces dernières année un ordre religieux s'est formé dont le but est de procurer par la prière et le sacrifice le soulagement de ces pauvres âmes on lira avec intérêt dans l'excellent petit livre du P. Blot intitulé les Auxiliatrices du Purgatoire l'histoire de cette nouvelle famille religieuse dont les débuts eurent l'honneur d'être inspirés soutenus et bénis par le V. curé d'Ars
fin 40.
41:
en voilà assez pour prouver que si les impies cherchent à effacer parmi le souvenir des morts si les indifférents les oublient facilement et ne s'occupent guère de prier pour eux Dieu a voulu remédier à ce mal en suscitant des âmes généreuses qui ont adopté pour ainsi dire ces déshérités du Purgatoire et qui ont entrepris de faire pour ceux que l'on oublie si vite ce que chaque famille faisait pour les siens aux ages de foi voilà à grand traits l'histoire du culte des morts dans l'Église on voit par là que les définitions du concile de Trente la tradition et les révélations des saints concordent ensemble pour établir d'une manière irréfragable la foi au Purgatoire l'existence du Purgatoire une fois bien établie une question fort intéressante se présente ou est situé le Purgatoire l'Église s'est bien gardée de rien définir à cet égard les théologiens abondent chacun dans leur sens la question est parfaitement libre j'essayerai donc à l'aide du raisonnement appuyé sur les révélations des saints d'établir ce qui me parait le plus probable la tradition de tous les peuples les enseignements des anciens docteurs l'étymologie même du mot placent l'Enfer au centre de la terre Sainte Françoise Romaine dans ses révélations nous apprend que le Purgatoire est un simple département de l'Enfer suivant elle l'Enfer est divisée en quatre compartiments ou zones au centre même est le séjour des damnés puis en rapprochant de la surface du globe on rencontre le Purgatoire le limbe des anciens part times et enfin le limbe des petits enfants morts sans baptême tout ceci est parfaitement conforme au sentiment de saint Thomas d'après lequel le feu du Purgatoire est le même que celui de l'Enfer d'ou il s'ensuit que le Purgatoire et l'Enfer sont voisins ce sentiment
fin 41.
42 :
s'accorde très bien avec les données de la science moderne sur le feu central il faut admettre néanmoins qu'il y a des exceptions et que la justice de Dieu permet quelquefois que l'expiation d'une âme se fasse aux lieux mêmes ou elle a péché (Illust. miracula, lib. XXVIII , cap. XXXVI ). d'autre fois surtout pour ceux qui sont morts de mort violente il parait que c'est au lieu même ou ils ont été tués que se fait l'expiation les légendes de tous les grands champs de bataille de tous les endroits ou le sang a coulé par le crime nous parlent de voix plaintives entendues la nuit pour demander des prières en faisant aussi large que l'on voudra la part de la superstition et de la frayeur il me paraîtrait dur de rejeter en bloc tous les faits de ce genre que l'on rapporte d'autant plus qu'un bon nombre ont pour garants des auteurs sérieux c'est ainsi que Trithème dans sa CHRONIQUE (année 1058 ) raconte l'histoire de nombreux soldats apparaissant à des religieux sur le champ de bataille ou ils étaient tombés pour réclamer des prières et dans un ouvrage plus récent la Vie du P. Joseph Anchieta surnommé à cause de son zèle apostolique l'apôtre du Brésil on voit de malheureux assassinés se dresser sur le bord du lac ou leurs dépouilles avaient été jetées pour réclamer les prières du saint prêtre faut-il en conclure qu'il n'y a pas de lieu spécial assigné à la purification des âmes ? ce serait aller trop loin et généraliser des exceptions le très grand nombre des révélations qui concernent le Purgatoire assigne aux âmes qui y sont condamnées un lieu spécial ou elles sont réunis pour souffrir et pour expier un très grand nombre d'autres révélations assignent à ce lieu les entrailles de la terre l'Église semble insinuer cette opinion
43:
dans sa liturgie quand elle demande pour les défunts que la miséricorde de Dieu les arrache des portes de l'Enfer ( A porta inferi erue, Domine, animas eorum ; ) et quand elle leur fait pousser leurs gémissements des profondeurs de l'abîme De profundis clamavi ad te domine nous conclurons donc avec saint Thomas " que quant au lieu du Purgatoire il n'y a rien d'expressément déterminé dans l'écriture et l'on ne peut à ce sujet apporter de raisons décisives cependant il est probable et tout à fait conforme au sentiment des saints et aux révélations faites à plusieurs que le lieu du Purgatoire est double le premier et c'est la loi commune est voisin de l'Enfer en sorte que c'est le mme feu qui tourmente les damnés dans l'Enfer et qui purifie les justes dans le Purgatoire le second lieu du Purgatoire n'existe que par une sorte de dispense et c'est ainsi que nous lisons que des âmes ont été punies en différents lieux soit pour l'instruction des vivants soit pour le soulagement des morts qui sont mis ainsi en état de réclamer nos suffrages et de voir diminuer leurs peines " IIIa parte, in suppl. -- De Purgat., art. 2. )
fin 43.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:45

Chapitre 3 Les peines du Purgatoire - Leur Rigueur p.44 - 67

Entrée de l'ame dans le Purgatoire - Peines du Purgatoire - Double peine, peine du dam, peine du sens - Rigueur des peines du Purgatoire.- Exemples nombreux à ce sujet. - Chatiments des plus petites fautes - Nécessité de prier pour les plus saints.

44:
Nous avons laissé l'âme au tribunal de Dieu attendant avec anxiété sa sentence supposons qu'elle est condamnée au Purgatoire voici ce qui va arriver aussitôt que le juge à parlé l'âme est conduite au lieu qui lui est assigné pour son expiation Sainte Catherine de Genes dans son admirable traité du Purgatoire nous apprend que l'âme court s'y précipiter d'elle-même tant elle se fait horreur aux clarté de la Sainteté infinie et tant elle a hâte de se purifier de ses souillures voici ses paroles traité du Purg., VII et VIII. " Comme l'esprit net et purifié ne trouve son repos qu'en Dieu pour lequel il a été crée ainsi l'âme qui est en péché n'aura d'autre place que l'Enfer Dieu le lui assigne pour sa fin a l'instant de la séparation de l'esprit et du corps l'âme qui a quitté son enveloppe en état de péché mortel se rend au lieu qui lui est destiné elle y est conduite par la nature même du péché et si dans ce moment elle ne trouvait pas cette disposition émanée de la justice de Dieu elle demeurerait dans un Enfer pire que celui qui existe car elle serait en dehors d'une ordonnance qui participe de la divine miséricorde et ou la souffrance est moindre que la peine méritée "
45:
"Il en est de même du Purgatoire l'âme séparée du corps n'étant pas nette voit en elle un empêchement qui ne peut lui être ôté que par le moyen du Purgatoire elle va volontairement s'y jeter si ce lieu préparé pour la délivrer de l'obstacle qui la sépare de Dieu n'existait pas un Enfer pire que le Purgatoire s'engendrerait en elle au moment même car elle comprendrait que cet obstacle ne lui permettrait pas de s'approcher de son but et de sa fin" "Je dirai plus encore de la part de Dieu le Paradis n'a point de portes mais quiconque veut y entrer entre car le Seigneur est tout miséricorde et il se tient vis-à-vis de nous les bras ouverts pour nous recevoir dans sa gloire" "Mais je vois aussi que cette divine essence est d'une telle pureté que l'âme qui trouve en soi le moindre atome
d'imperfection se précipiterait en mille Enfers plutôt que de demeurer avec une tache en la présence de la Majesté infinie" "Trouvant donc le Purgatoire disposé pour lui enlever ses souillures elle s'y élance et elle estime que c'est par l'effet d'une grande miséricorde qu'elle découvre un lieu ou elle peut se délivrer de l'empêchement qu'elle voit en elle" Les révélations des saints confirment ces vues de Sainte Catherine de Genes sur la spontanéité avec laquelle l'âme se précipite au Purgatoire pour y demeurer jusqu'a ce qu'elle ait expié toutes ses fautes voici ce que j'ai lu dans Sainte Gertrude une jeune religieuse de son monastère qu'elle aimait singulièrement à cause de ses grandes vertus était mort dans les plus beaux sentiments de piété pendant qu'elle recommandait ardemment cette chère âme à Dieu elle fut
46:
ravie en extase elle aperçut la défunte devant le trône de Dieu environnée d'une brillante auréole et couverte de riches vêtements cependant elle paraissait triste et préoccupée ses yeux étaient baissés comme si elle eut honte de paraître devant la face de Dieu on eut dit qu'elle voulait se cacher et s'enfuir Gertrude toute surprise demanda au divin Époux des vierges la cause de cette tristesse et de cet embarras extraordinaire :" Très doux Jésus s'écria t-elle pourquoi dans votre bonté infinie n'invitez-vous pas votre épouse à s'approcher de vous et à entrer dans la joie de son Seigneur ? pourquoi ne lui ouvrez-vous pas vos bras et la laissez-vous à l'écart triste et craintive ?" Alors Notre Seigneur fit signe à cette bonne religieuse de s'approcher et il lui souriait avec amour mais elle de plus en plus troublée hésitait et enfin toute tremblante elle fit une grande inclinaison et s'éloigna alors sainte Gertrude encore plus étonnée s'adresse directement à l'âme : Eh bien ! ma fille le Sauveur vous appelle et vous vous éloignez vous avez désiré ce bonheur toute votre vie et maintenant que vous étés appelée à en jouir vous n'avez plus que de la froideur ne voyez-vous pas le bon Jésus qui vous attend ?" Ah ma mère répondit cette âme je ne suis pas encore digne de paraître devant l'Agneau immaculé il me reste des souillures que j'ai contractées sur terre pour s'approcher du soleil de justice il faut être plus pur que le rayon de la lumière je n'ai pas encore cette pureté parfaite qu'il aime à contempler dans ses saints sachez que lors même que la porte du Ciel me serait ouverte toute grande quand il dépendrait de moi de m'y élancer d'un bond je n'oserais le faire avant d'être entièrement purifiée des plus petites taches il me semble que
le choeur des vierges qui suit l'Agneau en tous lieux me repousserait bien loin." "Eh quoi !
47 :
reprit la sainte abbesse je vous vois pourtant environnée de lumière et de gloire !" -"Ce que vous voyez répondit l'âme n'est que la frange du vêtement de l'immortalité c'est bien autre chose quand on voit Dieu qu'on vit en lui et qu'on le possède à jamais mais pour cela il ne faut pas avoir une souillure." L'âme est donc portée d'elle-même à se plonger dans les flammes du Purgatoire cependant d'après sainte Françoise Romaine et plusieurs autres saints l'ange gardien est chargé d'introduire l'âme en ce lieu d'expiation ce qui du reste ne contredit nullement ce que je viens de dire Vassite Anna-Marie Taigi morte en odeur de sainteté dans le courant de ce siècle vit ainsi l'âme d'un excellent prêtre conduite en Purgatoire par son ange gardien il semble par là que le démon n'a pas de pouvoir sur ces saintes âmes qui ont triomphé de ses ruses et de ses assauts pendant la vie conduite par son ange gardien cette âme prédestinée court au lieu des expiations et une place lui est assignée selon la nature de ses fautes O Dieu quelle terrible impression doit alors se faire dans cette âme il n'y a qu'un instant alors qu'elle vivait encore dans la chair elle reposait dans un bon lit et chacun de ceux qui l'assistaient s'ingéniait par tous les moyens possibles à adoucir les souffrances de son agonie maintenant la voici plongée dans les flammes n'ayant pour couche que des brasiers ardents sans aucun soulagement sans aucune autre consolation que l'espérance de voir dans un temps bien éloigné peut-être finir ces indicibles tourments ah si l'on pensait souvent à cette heure effroyable on ne pêcherait pas et l'on se consumerait en pénitences et en expiations pour effacer les derniers reste de ses souillures et pour ceux qui sont là auprès de

48:
ce cadavre (encore chaud), s'ils y pensaient, quelle prédication convaincante ! Mais au lieu de cela, l'esprit de foi est si peu vivant dans les âmes qu'on éprouve d'ordinaire un sentiment de soulagement, en pensant que le pauvre malade en est quitte des souffrances de la vie. On dit, je l'ai entendu bien des fois : Il est bien heureux, il ne souffre plus; parole païenne, parole exécrable, que je n'ai jamais entendue sans frémir ! Il ne souffre plus ! Et qu'en savez-vous ? Avez-vous donc la certitude que cette âme était assez pure pour entrer de suite au Ciel ? Ah ! Chrétiens, en présence de ce cadavre qui ne souffre plus, c'est vrai, pensez donc à cette âme qui commence, à cette heure, à savoir ce que c'est que souffrir, car les souffrances de la maladie la plus aiguë ne sont rien, en comparaison des peines de l'autre vie ; pensez au Purgatoire où cette âme fait son entrée à cette heure ; pensez à ces flammes dévorantes au milieu desquelles elle doit habiter désormais, et au lieu de prodiguer au défunt ces louanges banales, qui ne sauraient lui servir, tombez à genoux près de ce lit funèbre, et commencez par une prière fervente ce grand ministère de soulagement, que vous devez continuer, jusqu'au jour où vous pourrez penser qu'à force de prières, de bonnes œuvres et d'expiations de votre part, cette âme est enfin arrivée à la béatitude. Alors seulement vous pourrez vous reposer et dire : il est bien heureux, il ne souffre plus.

En effet, d'après l'enseignement de tous les docteurs, les souffrances du Purgatoire sont sans proportion aucune avec ce que l'on appelle de ce nom sur la terre. D'après saint Thomas, qui résume ici tout l'enseignement de l'école, les peines du Purgatoire sont les mêmes que celles de l'Enfer, à la durée près. Après les théologiens voulez-vous consulter les mystiques ? Voici ce que dit sainte Catherine de Gênes à ce sujet :

49 :
"Les âmes éprouvent un tourment si extrême qu'aucune langue ne pourrait le raconter, ni aucun entendement en donner la moindre notion si Dieu ne le faisait connaître par grâce spéciale." (Traité du purg. II.)

"Aucune langue ne saurait exprimer, aucun esprit ne saurait se faire une idée de ce qu'est le Purgatoire. Quant à la grandeur de la peine, elle égale l'Enfer.". (Même traité. VIII.)

Il y a dans le Purgatoire comme dans l'Enfer une double peine, la peine du dam qui consiste en la privation de Dieu, et la peine du sens.

La peine du dam est sans comparaison la plus grande ; elle est d'autant plus vive que ces âmes, étant dans l'amitié de Dieu, ressentent un besoin plus vif de s'unir à Lui. Voici la belle similitude qu'emploie à cette occasion sainte Catherine.

"Si dans le monde entier il n'y avait qu'un seul pain, dont la simple vue dût rassasier toutes les créatures, et si, d'autre part, l'homme ayant par nature, quand il est sain, l'instinct de manger, ne mangeait point, et que cependant il ne pût ni tomber malade ni mourir, sa faim croîtrait toujours, parce que jamais son instinct de manger ne diminuerait, et sachant que le pain en question le rassasierait, et sachant que le pain en question pourrait lui être ôté, il serait nécessairement dans une peine intolérable ; plus il approcherait de ce pain, sans le voir, plus aussi s'enflammerait en lui le désir naturel qui le pousserait constamment vers cet aliment, objet de toute son envie.
Mais s'il était sûr de ne jamais voir ce pain, il aurait en ce point, un enfer accompli, comme les âmes damnées, lesquelles sont privées de l'espérance de voir

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:46

50 :
jamais Dieu, notre Rédempteur, qui est le vrai pain. Les âmes du Purgatoire, au contraire, ont l'espérance de voir le pain et de s'en rassasier complètement, mais elles souffrent une faim très cruelle, et sont dans une grande peine, tant qu'elles ne peuvent pas se nourrir de ce pain qui est Jésus-Christ, vrai Dieu Sauveur et notre amour". (Traité du Purg. VI.)

L'Église ne s'est pas prononcée sur la nature de la peine du sens. - Au concile de Florence, la question fut longuement débattue entre les Grecs et les Latins, mais pour ne pas mettre obstacle à la réunion projetée des deux Églises, on s'abstint de rien décider. Néanmoins touts les Théologiens enseignent que cette peine est celle du feu, comme pour les damnés. Il y aurait donc témérité à s'écarter de cette opinion, qui a pour elle toute l'école. D'après saint Grégoire le Grand, saint Augustin et saint Thomas, ce feu est substantiellement le même que celui de l'Enfer ; l'éternité seule fait la différence. Et maintenant que nous avons entendu les Théologiens, il faut en venir aux révélations des saints et descendre, à leur suite, dans ces sombres et brûlants cachots. C'est un triste spectacle, mais il est trop instructif pour que nous le laissions passer. Après tout, empruntant la pensée de saint Augustin au sujet de l'Enfer, je dirai qu'il vaut encore mieux descendre par la pensée dans ces mystérieux abîmes pendant la vie, que de s'exposer à y descendre en réalité après la mort.

J'ai trouvé le fait suivant dans l'historien du Père Stanislas Chocosca, Dominicain, et je le rapporte parce qu'il est bien propre à nous inspirer une juste terreur des rigueurs du Purgatoire (V. Bzovius. Hist. De Pologne, année 1590.)

Un jour qu'il priait pour les défunts, une âme lui

51 :
apparut toute dévorée de flammes ; le Saint lui demanda si ce feu était plus pénétrant que celui d'ici-bas. "Ah ! s'écria cette âme, tous les feux de la terre comparés à celui du Purgatoire sont comme un souffle rafraîchissant."

- "Eh quoi ! Est-ce possible, reprit le religieux, je voudrais bien en faire l'épreuve, à condition que ce fût autant d'ôté à mon expiation future." - "Un homme mortel ne pourrait sans mourir aussitôt en supporter la moindre partie ; cependant pour te convaincre, étends la main."

Stanislas, sans s'effrayer, lui tend la main, sur laquelle le défunt laisse tomber une goutte de sa sueur, ou au moins d'un liquide qui en avait l'apparence ; à l'instant celui-ci pousse un cri perçant et tombe sans connaissance, tant la douleur est affreuse.

Les religieux de la maison accourent, on s'empresse autour de lui, on lui prodigue tous les soins que réclame son état ; à la fin il revient à lui, et tout plein encore de terreur, il raconte l'effrayant événement dont il a été le témoin et la victime : "Ah ! disait-il avec une éloquence convaincue et convaincante, ah ! mes Pères, si nous connaissions la rigueur des châtiments divins, jamais nous ne pécherions ; faisons pénitence pendant la vie, pour n'avoir pas à la faire dans l'autre, car ces expiations sont terribles ; combattons nos défauts pour nous en corriger, et surtout gardons-nous des petites fautes, car le Juge éternel en tient compte. La majesté divine est si sainte qu'elle ne souffre pas la moindre tache dans ses élus ; ils fuiraient d'eux-mêmes le séjour de la gloire immortelle, s'il leur était donné d'y pénétrer en cet état…"

Ayant ainsi parlé, il se mit au lit et vécut encore un an, dans des souffrances intolérables que lui causait l'ardeur de sa plaie ; avant d'expirer, il exhorta encore une fois ses

52 :
frères à se souvenir des rigueurs de la justice divine, et il mourut dans la paix des enfants de Dieu.

L'historien, sur la foi duquel je rapporte cette histoire, dit que cet exemple terrible ranima la ferveur dans tous les Monastères, et que chaque religieux s'excitait à l'envi à servir Dieu avec ferveur, pour éviter ces supplices vraiment effroyables.

Un fait presque semblable arriva à la bienheureuse Catherine de Racconigi. - (V. Diario Dominicano, vie de la Bienheureuse, 4 sept.).

Un soir qu'elle était étendue dans son lit, avec une grosse fièvre, elle se mit à penser aux ardeurs du Purgatoire.

Bientôt, selon son habitude, elle s'éleva de la méditation à l'extase, et elle fut conduite par Notre Seigneur dans le Purgatoire. Elle vit ces brasiers ardents, ces flammes dévorantes, au milieu desquelles sont retenues les âmes à qui il reste quelque expiation après la mort ; pendant qu'elle contemplait ce lamentable spectacle, elle entendit une voix qui lui dit : "Catherine, afin que tu puisses procurer avec plus de ferveur la délivrance de ces âmes, tu vas ressentir tout cela pour un moment". A l'instant une étincelle se détache et vient la frapper à la joue gauche ; ses compagnes qui se tenaient auprès d'elle pour la soigner, virent très bien cette étincelle, et elles virent en même temps avec terreur son visage enfler d'une manière prodigieuse ; il demeura plusieurs jours dans cet état, et la Bienheureuse racontait à ses Sœurs que les souffrances qu'elle avait endurées, et elle avait beaucoup souffert jusqu'à ce jour, n'étaient rien en comparaison de ce que cette simple étincelle lui faisait éprouver. Jusque-là, elle s'était occupée d'une manière toute spéciale de soulager les âmes du Purgatoire, mais à partir de ce moment, elle
53 :
redoubla de ferveur et d'austérités pour accélérer leur délivrance, car elle savait par expérience le grand besoin qu'elles ont d'être délivrées de leurs supplices.

Voici encore un trait que j'ai trouvé dans la vie de saint Nicolas Tolentino, et qui est bien intéressant pour le sujet que je traite dans ce chapitre. (V. Vie de saint Nicolas Tolentino, Surius, 10 sept.).

Un samedi qu'il reposait pendant la nuit, il vit en songe une pauvre âme en peine, qui le suppliait de dire, le lendemain matin, la sainte messe pour elle, et pour plusieurs autres âmes qui souffraient de manière affreuse dans le Purgatoire ; Nicolas reconnaissait très bien la voix, bien qu'il ne pût se rappeler celui à qui elle appartenait. "Qui êtes-vous donc, demanda-t-il ?" - "Je suis répondit l'âme, votre défunt ami, le frère Pellegrino d'Osimo ; j'avais mérité, par mes fautes, les châtiments éternels de l'Enfer ; je leur ai échappé par la miséricorde de Dieu, mais je n'ai pu éviter l'expiation douloureuse qui me reste à faire pour un long temps. Je viens, en mon nom et en celui d'âmes malheureuses, vous supplier de dire demain la sainte messe ; nous en attendons notre délivrance, ou au moins un grand soulagement."

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:46

"Que le Seigneur, répondit le saint, vous applique lui-même les mérites de son sang, mais pour moi je ne puis vous secourir en vous disant demain cette messe de Requiem, car je suis l'officiant de semaine, et demain dimanche je ne puis célébrer au chœur la messe des défunts". - "Ah ! venez au moins avec moi, s'écria le défunt, avec des gémissements et des larmes, je vous en conjure par l'amour de Dieu, venez contempler nos souffrances et vous ne me laisserez pas plus longtemps dans de pareilles angoisses.

Alors, il lui sembla qu'il était transporté dans le Pur-
54 :
gatoire. Il vit une plaine immense où une grande multitude d'âmes de tout âge, de toute condition, étaient livrées à des tortures diverses et épouvantables. Il faudrait la plume du change de l'Enfer et du Purgatoire pour redire les tourments indicibles de ces pauvres âmes, et encore l'imagination du Dante paraît pâle pour rendre de pareils tableaux. Je n'essayerai donc pas de le faire. Qu'il me suffise de dire que toutes ces pauvres âmes imploraient tristement le bienheureux Nicolas. Voilà, lui dit le frère Pellegrino, la situation de ceux qui m'ont envoyé vers vous ; or comme vous êtes agréable à Dieu, nous avons la confiance qu'il ne refuserait rien à l'oblation du saint sacrifice faite par vous, et nous sommes sûrs que la divine miséricorde nous délivrerait. A ce lamentable spectacle, le saint, dont la bonté était grande, ne pouvait retenir ses larmes : il se mit aussitôt en prière pour soulager tant le malheureux, et le lendemain matin, il alla trouver son prieur pour lui raconter ce qui s'était passé. Celui-ci, partageant son émotion, le dispensa, pour ce jour-là et pour toute la semaine, de sa fonction d'hebdomadaire, afin qu'il pût offrir le saint sacrifice, et se consacrer tout entier au soulagement de ces pauvres âmes ; le saint se rendit à la sacristie, et célébra avec une extraordinaire dévotion la messe demandée. Pendant toute la semaine, il continua d'offrir le saint sacrifice à cette intention, s'occupant en outre, jour et nuit, à toutes sortes de bonnes œuvres et de macérations ; il prolongeait ses oraisons, jeûnant au pain et à l'eau, se donnait de sanglantes disciplines, et portait autour des reins une chaîne de fer étroitement serrée. Plusieurs fois, pendant cette semaine, le démon essaya de le trouver dans ces saints exercices, mais il tint bon avec courage, et à la fin de la semaine, le frère Pellegrino lui apparut de nouveau, mais non plus
55:
livré à d'effroyables tortures ; il était revêtu d'une robe blanche, et tout environné d'une splendeur céleste dans laquelle se jouaient une quantité d'âmes bienheureuses ; toutes le saluèrent en l'appelant leur libérateur, et en s'élevant au ciel, elles chantaient le verset du psalmiste, (Salvasti nos de affligentibus, nos,, et odientes nos confudisti;) Vous nous avez délivrés de ceux qui nous……

Je terminerai ce que j'ai à dire des rigueurs du Purgatoire par l'histoire suivante. (Ferd. De Castille, hist. De saint Dominique. IIè partie, liv. I, chap. XXIII).

A Zamora, ville du royaume de Léon, en Espagne, vivait, dans un couvent de dominicains, un bon religieux qui s'était lié d'une étroite et sainte amitié avec un franciscain, comme lui, homme de grande vertu ; un jour qu'ils causaient entre eux des choses éternelles, ils se promirent mutuellement que le premier qui mourrait, apparaîtrait à l'autre, s'il plaisait à Dieu, pour l'instruire de son sort en l'autre monde. Ce fut le frère mineur qui mourut le premier ; il tint sa promesse, et un jour que le fils de Saint-Dominique préparait le réfectoire, il lui apparut, en après l'avoir salué avec affection, il dit à son ami qu'il était sauvé mais qu'il lui restait beaucoup à souffrir, pour une infinité de petites fautes dont il n'avait pas eu assez de repentir pendant sa vie. "Rien sur la terre ne peut donner, lui dit-il, une idée de ces tortures ; en voulez-vous une preuve sensible ?" Il étendit la main droite sur la table du réfectoire ; la marque s'y enfonça aussi profondément que si l'on y eût appliqué un fer rouge. On peut se faire une idée de l'émotion du dominicain. Cette table se conserva à Zamora jusqu'à la fin du siècle dernier ; depuis, les révolutions l'ont fait disparaître, comme tant d'autres souvenirs intéressants pour la piété.
Mais peut-être on dira que ces affreux supplices sont
56 :
réservés aux grands pêcheurs, à ceux qui ayant accumulé leurs dettes pendant la vie, ne se sont convertis qu'à la mort, et n'ont pas eu le temps de faire pénitence. Hélas ; il faut encore perdre cette illusion ; ce sont des fautes relativement légères qui sont punies avec cette rigueur ; on a pu voir dans les exemples cités plus haut qu'il ne s'agit pas de grands pécheurs, ce sont de bons religieux, de fervents chrétiens, qui subissent ces rudes expiations ; mais les faits que je vais rapporter, mettront encore mieux cette vérité dans son jour.

On lit dans la vie de la vénérable Agnès de Jésus, religieuse dominicaine, que pendant plus d'une année elle s'imposa de grandes pénitences et adressa à Dieu beaucoup de ferventes prières pour le repos de l'âme du père de son confesseur, le Père Panassière. Cet homme lui apparaissait souvent, sollicitant instamment ses suffrages ; un jour il lui appliqua simplement la main sur l'épaule, et c'en fut assez pour qu'elle ressentît pendant plus de six heures les ardeurs intolérables du Purgatoire. Il fut enfin délivré après treize mois de tortures ; sur quoi les auteurs des mémoires sur la vie de la Mère Agnès font remarquer la rigueur des jugements de Dieu : c'est homme avait vécu saintement dans le siècle ; c'était un confesseur de la foi, car il avait été rudement éprouvé par les protestants de Nîmes, jusque-là qu'on s'était emparé de ses biens, qu'on l'avait jeté en prison et vexé de toutes manières ; avant de mourir il avait supporté avec patience une longue et douloureuse maladie, et nonobstant tant de mérites acquis, nonobstant les jeûnes, les prières, les disciplines de la charitable Agnès, nonobstant les messes nombreuses célébrées par le Père Panssière, son fils, il resta ainsi plus d'un an livré à d'effroyables tortures.
Voici un exemple plus remarquable encore. Pendant
57:
que cette même Mère Agnès était Prieure de son couvent, une de ses religieuses, nommée sœur Angélique, vint à mourir, et le lendemain, le confesseur de la communauté ordonna à la Mère d'aller prier sur son tombeau ; elle y fut aussitôt, et se trouvant là, seule, à genoux, pendant la nuit, elle fut saisie d'une frayeur subite ; c'était vraisemblablement l'ennemi des âmes qui voulait détourner la Prieure de son charitable office ; mais habituée depuis longtemps à ses ruses, elle tint ferme, et offrit à Dieu cet effroi comme expiation, lui représentant, en même temps, que ce n'était pas la curiosité mais l'obéissance qui la portait à s'enquérir de l'état de cette âme et que, puisqu'il lui avait plu de la faire bergère de cette pauvre brebis, il était naturel qu'elle s'en mît en peine après sa mort. A l'instant elle vit devant elle la défunte, en habit de religieuse, et elle sentit comme une flamme ardente qu'on lui portait au visage. Alors la sœur, avec une grande humilité, lui demanda pardon des peines qu'elle lui avait causées pendant la vie, et à la mort, la remerciant de l'assistance qu'elle avait bien voulu lui donner. La Mère Agnès, de son côté, lui demandait pardon, toute confuse, prétendant dans son humilité ne lui avoir pas rendu tous les offices auxquels elle était tenue, par sa charge de supérieure. Cependant la sœur Angélique la remerciait en particulier de ce que souvent, pendant sa vie, elle lui avait répété cette parole des saints livres : " Maudit soit celui qui fait l'œuvre de Dieu négligemment". Elle l'invitait en même temps à continuer de former les sœurs à servir Dieu avec diligence, et à l'aimer de tout leur cœur. "Si on pouvait comprendre, lui dit-elle, combien grands sont les tourments du Purgatoire, on serait toujours sur ses gardes".
(Vie de la V. Mère Agnès de Jésus, IIIè part., chap. X).

On sait quelle était la ferveur des premières compagnes
58 :
de sainte Thérèse, de ces âmes d'élite qu'elle s'était associées, pour la réforme du Carmel. Cependant, malgré leur sainteté, malgré leur héroïque pénitence, presque toutes passèrent par les supplices du Purgatoire. Voici ce que la Sainte raconte de l'une d'elle (Vie de sainte Thérèse, écrite par elle-même, chap. XXXVIII) : "Une religieuse de ce monastère, grande servante de Dieu, était décédée, il n'y avait pas encore deux jours ; on célébrait l'office des morts pour elle dans le chœur, une sœur lisait une leçon et j'étais debout pour dire le verset ; à la moitié de la leçon, je vis l'âme de cette religieuse sortir du fond de la terre et aller au Ciel".

"Dans ce même monastère venait de mourir à l'âge de dix-huit à vingt ans une autre religieuse, vrai modèle de ferveur, de régularité et de vertu ; sa vie n'avait été qu'un tissu de maladies et de souffrances patiemment endurées. Je ne doutais pas qu'après avoir ainsi vécu, elle n'eût plus de mérite qu'il ne lui en fallait pour être exempte du Purgatoire ; cependant tandis que j'étais à l'office, avant qu'on ne la portât en terre et environ quatre heures après sa mort, je vis son âme sortir également de terre et aller au Ciel".

Un lecteur dira peut-être, qu'après tout, voilà un Purgatoire assez léger, et que ces deux saintes âmes s'en sont tirées à bon compte, mais qu'il réfléchisse d'une part à la sainteté de vie de ces premières Carmélites et de l'autre à l'atrocité des supplices du Purgatoire, et il sera épouvanté des rigueurs de la justice divine. Hélas ! si nous étions condamnés à mourir dans les flammes, et que la cruauté du bourreau pût nous y conserver la vie pendant deux jours, ou même pendant quatre heures, quels ne seraient pas nos cris et notre désespoir ; et qu'est-ce que le feu de la terre, en comparaison de celui de l'autre vie ? un
59 :
souffle rafraîchissant, lenis aura, dit la révélation faite au Père Stanislas Chocosa, dont j'ai parlé plus haut. J'insiste sur ce point parce que la sévérité de la justice de Dieu, s'exerçant ainsi sur les plus saintes âmes, est bien propre à faire réfléchir les pauvres pécheurs comme nous, qui, par nos fautes répétées, nous préparons, sans y penser, un effroyable Purgatoire ; c'est pourquoi avant de conclure, je veux encore citer deux ou trois faits à l'appui. - Le trait suivant est tiré de la vie de la bienheureuse Etiennette Quinzana. (Vie de la Bienheureuse).

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:46

Une religieuse dominicaine, nommée sœur Paule
était morte à Mantoue, après une longue vie sanctifiée par les plus excellentes vertus. Le corps avait été porté à l'église et placé à découvert dans le chœur, au milieu de religieuses ; or, pendant que l'on chantait le Libera pour l'absoute, selon les rites de la sainte Église, la bienheureuse Etiennette Quinzana, qui était liée d'une étroite amitié avec la défunte, s'agenouilla auprès de la bière, et se mit à recommander à Dieu son amie, avec toute la ferveur dont elle était capable. Mais voici que, tout à coup, la défunte laissant tomber le crucifix qu'on lui avait mis entre les mains, étende la main gauche, et saisissant la main droite de la bienheureuse, la serre avec tant de force qu'on ne peut lui faire lâcher prise. Pendant plus d'une heure, ces deux mains restèrent étroitement serrées ; en même temps, la sœur Etiennette entendait au fond de son cœur une parole non articulée qui disait : "Secourez-moi, ma sœur, secourez-moi dans les affreux supplices que j'endure ; oh ! si vous saviez la rage de nos ennemis invisibles à l'heure de la mort, et la sévérité du Juge qui veut notre amour, avec quel soin les moindres fautes sont discutées, et quelle expiation on est condamné à en faire avant d'arriver à la récompense ! si vous saviez comme il faut
60 :
être pur pour obtenir la couronne immortelle ! priez bien pour moi maintenant ; placez-vous entre la justice de Dieu et les fautes de sa servent : priez, priez et faites pénitence pour moi qui ne peux plus m'aider". Toute la communauté voyait avec stupéfaction cette étreinte des deux mains, bien que personne n'entendit les plaintes de la défunte ; enfin le supérieur intervient et, au nom de l'obéissance, commanda à sœur Paule de lâcher Etiennette. Aussitôt la morte obéit, et sa main retomba inanimée dans son cercueil.

L'histoire de la bienheureuse rapporte qu'elle fut fidèle à la prière de son amie ; elle se livra à toutes sortes de pénitences, d'œuvres satisfactoires, jusqu'à ce qu'une nouvelle révélation vînt lui apprendre que sœur Paule était enfin délivrée de ses supplices et admise dans la gloire.

Je voudrais que les âmes pieuses se pénétrassent parfaitement de ces exemples et en profitassent pour s'amender. Les petites imperfections, ces fautes de chaque jour qu'elles portent chaque semaine au saint tribunal, sans en avoir, hélas ! bien souvent, une contrition suffisante, trouvent là une expiation rigoureuse ; c'est ce que l'on verra dans l'histoire suivante. (Vie de Cornélie Lamprognana, par Hipp. Portus, ch. XXVIII).

Cornélie Lamprognana était une sainte femme qui vécut à Milan, à l'imitation de sainte Françoise Romaine, dans la profession parfaite des trois états de vierge, d'épouse et de veuve ; elle était très étroitement unie par une amitié surnaturelle, avec une religieuse du tiers-ordre de Saint-dominique ; un jour qu'elles s'entretenaient ensemble des choses de l'autre vie, elles se promirent que, si Dieu l'agréait, la première qui mourrait apparaîtrait à l'autre.
61:
Cinq ans après cette promesse, Cornélie fut appelée au tribunal de Dieu, et au bout de trois jours elle apparut à sa compagne agenouillée dans sa cellule au pied d'un crucifix. - "O Madame Cornélie, que je suis heureuse de vous revoir ! dites-moi bien vite où vous êtes placée ? sans doute vous êtes déjà dans le sein de ce Dieu que vous serviez avec tant de zèle et d'amour ?" - "Pas encore, répondit l'âme ; oh ! combien les jugements de Dieu sont différents de ceux des hommes ! je suis retenue dans le lieu de souffrances, et j'y dois rester encore quelque temps, en expiation des fautes de ma vie, qui aurait pu être plus fidèle et plus fervente". Puis prenant son amie par la main, elle ajouté : "Venez avec moi ; vous verrez des choses surprenantes". Elles arrivèrent dans un vaste jardin tout rempli de vignes en fleurs ; des caractères étaient gravés sur chaque feuille. "Lisez, dit l'apparition". La sœur se pencha et à sa grande surprise, elle lut sur ces feuilles ses propres fautes, ces imperfections de chaque jour. Stupéfaite, elle demandait ce que cela signifiait. "Il n'y a point, ma sœur, à vous étonner ainsi, reprit la défunte ; n'avez-vous pas lu bien des fois les paroles de Notre Seigneur à la Cène : Je suis le cep et vous êtes les branches ? Chacune de nos actions bonnes mauvaises est une feuille de cette vigne mystique ; pour entrer au ciel, il faut de toute nécessité que les feuilles du mal soient effacées ou consumées par le feu : mais, ma chère sœur, consolez-vous ; en y regardant de près, vous verrez qu'il vous reste peu à effacer, car vous avez fidèlement persévéré dans vos promesses virginales, et vous avez servi votre bon Maître de votre mieux : vos manquements sont encore nombreux cependant, mais pas autant que les miens, parce que j'ai parcouru sur la terre des états bien différents : vous allez vous en convaincre de suite".
62 :
Elles firent quelques pas en avant, et se trouvèrent de nouveau dans un endroit rempli de vignes qui serpentaient de toutes parts, en sorte que les feuilles couvraient le sol ; la sœur s'approchait avec empressement pour voir ce qui était écrit sur ces feuilles. "Arrêtez, lui dit son amie, mon divin Sauveur ne veut pas que vous connaissiez à cette heure toutes mes offenses ; il m'épargne cette confusion. Lisez seulement ce qui est tout de près de vous". Elle regarde, et voit les manquements dans le saint lieu, les irrévérences, les distractions, les discours inutiles tenus à l'église. - "O bon Jésus, s'écria la religieuse, comment faire pour anéantir tout cela ? Pourquoi, après vos communions, vos confessions si fréquentes, les indulgences que vous avez dû gagner, vous reste-t-il encore à expier tant de fautes ," - "Votre réflexion est juste, mais il faut savoir que, par tiédeur et par routine, je n'ai pas tiré tout le fruit que je devais de mes communions et de mes confessions : quant aux indulgences, j'en ai gagné très peu, trois ou quatre au plus, par suite de mes distractions habituelles et de mes manques de ferveur. Il faut donc que je fasse maintenant la pénitence que je n'ai pas faite alors que cela m'était si facile."

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:47

Voici un second fait à peu près semblable (Vie de la vénérable Catherine Paluzzi).

Deux saintes vierges, la vénérable Catherine Paluzzi, fondatrice d'un couvent de dominicaine dans le diocèse de Nerpi (Etats Romains), et une religieuse nommée Bernardin, très avancée, elle aussi, dans les voies intérieurs, étaient liées l'une à l'autre d'une de ces amitiés surnaturelles qui prennent racine au fond des âmes chrétiennes, et qui, dans les desseins de Dieu, servent si merveilleusement à faire progresser dans la piété ceux qui sont appelés. L'historien de la vénérable compare ces deux
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belles âmes à deux charbons enflammés qui se communiquent leurs ardeurs, et encore à deux lyres accordées pour résonner ensemble et faire entendre un hymne d'amour perpétuel en l'honneur du Seigneur ; ainsi ces deux excellentes religieuses s'excitaient l'une l'autre à servir leur divin Époux, et, comme ces amitiés toutes célestes ne sauraient être brisées par la mort, elles s'étaient promis de diminuer à s'aimer et à s'assister mutuellement après la vie, ajoutant qu'avec la permission de Dieu, celle qui serait entrée la première dans son éternité apparaîtrait à l'autre, pour lui faire connaître son sort et l'instruire des mystères d'outre-tombe.

Ce fut Bernardine qui fut appelée devant Dieu la première ; après une douloureuse maladie, chrétiennement supportée, elle mourut, en promettant à Catherine de venir l'instruire de ce qu'elle serait devenue après son jugement.

Les mois se passèrent, les semaines s'accumulèrent, rien n'annonçait que la défunte se souvint de sa promesse. Cependant Catherine redoublait de prières, conjurant nuit et jour Notre Seigneur d'avoir pitié de son amie, et de lui permettre de venir la visiter, comme Bernardin le lui demandait sans doute, car elle était trop fidèle pour oublier sa promesse.

Un an s'écoula ainsi. Le jour anniversaire de la mort de Bernardin, Catherine était recueillie dans l'oraison, lorsqu'elle aperçut un puits, d'où s'échappaient des torrents de fumée et de flammes, puis elle vit sortir de ce puits une personne d'abord tout environnée de ténèbres : peu à peu l'apparition se dégagea de ces nuages, s'éclaira, et enfin parut brillante d'un éclat extraordinaire. Dans cette personne, Catherine reconnut alors son amie, et courant à elle : - "Comment êtes-vous restée si longtemps sans
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m'apparaître, lui demanda-t-elle ? D'où sortez-vous ? Que signifie ce puits, cette fumée enflammée ? Est-ce que vous achevez seulement aujourd'hui votre Purgatoire ?" - "Il est vrai : depuis un an, je suis retenue dans le lieu des expiations ; répondit l'âme, et ce n'est qu'à cette heure que je vais être introduite dans la céleste Jérusalem ; pour vous, persévérez dans vos saints exercices, et sachez que vous êtes très agréable à Dieu, et qu'il a sur vous de grands desseins".

Mais voici qui est plus extraordinaire encore, et si je n'avais comme garant de ce fait l'autorité du savant cardinal Jacques de Vitry, qui le rapporte sur la foi de la vénérable Marie d'Oignies, je ne voudrais pas y ajouter foi, tant il s'écarte de nos idées habituelles. Les grâces les plus merveilleuses, les faveurs les plus insignes accordées à une sainte âme, pendant la vie et à l'heure de la mort, ne la garantissent pas toujours des flammes du Purgatoire. Voici ce fait. (Vie de la vénérable Marie d'Oignies dans Surius, liv. II, Ch. III, au 23 juin).

L'an 1208 de N.-S. vivait, dans un village de la province de Liège, une sainte veuve très aimée de la vénérable Marie d'Oignies. Cette femme tomba malade et fut bientôt à la mort. La vénérable accourut à son chevet pour l'assister et l'encourager à bien mourir. O prodige ! en entrant dans la chambre de la malade, elle aperçut la Mère de Dieu, assise à côté du lit, et prodiguant à la mourante les soins les plus empressés, jusque-là qu'avec un éventail elle rafraîchissait son front embrasé des ardeurs de la fièvre. Les démons se tenaient à la porte, armés de tous leurs pièges pour assaillir cette âme d'élite, et tâcher de la faire tomber ; pais l'apôtre saint Pierre les mit tous en fuite, et la malade mourut dans le baiser du Seigneur.

Après sa mort, les merveilles continuèrent ; pendant la
65 :
cérémonie des funérailles, la vénérable Marie d'Oignies vit la très sainte Vierge, accompagnée d'une troupe de vierges qui, partagées en deux chœurs, chantaient l'office des défunts auprès du saint corps ; elle vit Notre Seigneur lui-même présider à la cérémonie des funérailles et faire officiant à la place du prêtre.

Qui n'aurait cru après cela qu'une âme ainsi favorisée était déjà entrée dans la béatitude ?

Mais, ô jugements de Dieu, qui vous êtes redoutables ! La vénérable s'étant retirée dans son oratoire, après ces glorieuses funérailles, pour remercier Dieu des grâces qu'il avait accordées à sa servante, fut ravie en extase ; elle vit l'âme de la pieuse veuve portée en Purgatoire, et condamnée à de dures expiations, pour être purifiée de plusieurs imperfections. Épouvantée, elle se hâta d'avertir les deux filles de la défunte, vierges pleines de vertus ; toutes trois s'unirent pour satisfaire à la justice divine par de ferventes prières, des aumônes, des jeûnes et de grandes mortifications ; ce ne fut qu'au bout d'un temps assez long que cette sainte âme apparut de nouveau à Marie d'Oignies, et lui apprit qu'elle était enfin délivrée de ses souffrances, et qu'elle allait entrer dans les joies de la Béatitude sans fin. Après cet exemple qui ne tremblerait pour lui-même ?

Ce serait donc bien mal raisonné que de ne pas prier pour un défunt, à cause du renom de sainteté dans lequel il a vécu et il est mort. Oh ! Combien déplorent amèrement, dans le Purgatoire, ces jugements trop favorables que l'on fait de leur sort, et ce renom de sainteté qui glace la prière sur les lèvres de leurs amis. Nous avons vu que saint Augustin avait une bien autre idée de la rigueur des jugements divins, puisqu'au bout de vingt ans, il priait tous les jours et suppliait ses lecteurs de prier pour le repos de l'âme de sa sainte mère Monique. Le fait suivant
66 :
montrera quel tort on fait souvent aux pauvres défunts, en les canonisant trop vite (Chronique des frères Mineurs. IIè partie, liv. IV, chap. VII).

Dans le couvent des frères Mineurs de Paris, mourut un saint religieux, que sa piété éminente avait fait surnommer angélique ; un de ses confrères, docteur en théologie, très versé dans la spiritualité, omit de célébrer les trois messes d'obligation que l'on doit dire pour chacun des frères défunts. Il lui semblait que c'était faire injure à la miséricorde et à la justice de Dieu que de prier pour un religieux si saint, qui devait être, pensait-il, au plus haut degré dans la gloire. Mais voilà qu'au bout de quelques jours, comme il se promenait en méditant dans une allée du jardin, le défunt se présente à lui tout environné de flammes, et lui crie d'une voix lamentable : "Cher maître, je vous en conjure, ayez pitié de moi." - "Eh quoi ! âme sainte, quel besoin avez-vous de mon secours ?" - "Je suis retenu dans les feux du Purgatoire, dans l'attente de trois messes que vous deviez célébrer pour moi ; si vous vous étiez acquitté de cette obligation, je serais déjà dans la Jérusalem céleste". "Je l'aurais fait avec bonheur, si j'avais pu penser que vous en eussiez besoin ; mais en songeant à la vie sainte que vous meniez parmi nous, je m'imaginais que vous étiez déjà en possession de la couronne de vie. N'étiez-vous pas le premier et le plus édifiant au chœur, au chapitre, à l'oraison ? Y avait-il un seul point de la règle auquel vous ne fussiez pas scrupuleusement fidèle ? Chacun vous admirait et vous prenait pour modèle, estimant que s'il pouvait vous imiter, il arriverait d'emblée à la perfection de la vie religieuse. Mais en outre de vos obligations, ne vous imposiez-vous pas des prières, des pénitences sans nombre qui faisaient de votre vie un acte de vertu continuel ? non, je n'aurais
67:
pu m'imaginer qu'il y eût encore à s'inquiéter de vous".
- "Hélas, hélas, reprit le défunt, personne ne croit, personne ne comprend avec quelle sévérité Dieu juge et punit sa créature. Son infinie sainteté découvre dans nos meilleures actions des côtés défectueux, par où elles lui déplaisent. Les cieux mêmes ne sont pas exempts d'imperfections devant lui ; comment l'homme le serait-il ? Il faut lui rendre compte jusqu'au dernier denier, (usque ad novissimum quadrantem).

"Au reste cette justice rigoureuse n'est encore que de la miséricorde, puisqu'elle nous assurer la possession de cette éternité de délices, qu'on ne saurait acheter au prix de trop de sacrifices et de trop de souffrances. Nous ne nous plaignons que de nous-mêmes dans le Purgatoire ; si avec toute votre science, vous aviez mieux compris la sainteté infinie de Dieu, vous ne m'auriez pas traité avec tant de rigueur".

Le bon religieux se mit aussitôt en devoir de célébrer les trois messes demandées, et le troisième jour, cette âme bienheureuse lui apparut pour le remercier ; l'épreuve était finie, la récompense allait commencer.

La conclusion, de tout ceci c'est qu'on ne pense pas assez à la rigueur des supplices du Purgatoire, et à la sainteté infinie de Celui qui ne peut souffrir aucune tache dans ses saints. Si l'on y pensait davantage, si l'on méditait plus souvent ces ceux vérités, on éviterait plus soigneusement les fautes les plus légères, et on prierait avec plus de ferveur pour les pauvres suppliciés, qu'il nous serait si facile de secourir.
Fin page 67.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:47

Chapitre 4 Des peines particulières de chaque péché p.68 - 79

Des peines particulières à chaque péché Vue d'ensemble du Purgatoire d'après sainte Madeleine de Pazzi. - Que les peines sont ordinairement conformes aux péchés commis. -Châtiments symboliques. - Des peines particulières à chaque péché. - Du péché de vanité - Du scandale. - Des paroles légères. - Du mensonge. - De la violation des voeux. - De la vie mondaine. - Des scrupules. - De la tiédeur. - De ceux qui remettent leur conversion à la mort. - Des fautes contre la justice et contre la charité. - Conclusion.

68 :
Si maintenant, de ces considérations générales sur les rigueurs des peines du Purgatoire, nous voulons descendre dans le détail des peines propres à chaque péché, il nous faut étudier les
révélations de la sainte Madeleine de Pazzi, qui, de toutes les saintes canonisées, est certainement, avec sainte Françoise Romaine, celle qui a laissé la plus détaillée, et pour ainsi dire la topographie la plus exacte du Purgatoire.

Un soir qu'elle se promenait avec quelques soie¦surs dans le jardin du monastère, elle fut tout à coup saisie par l'extase, accident fort ordinaire du reste dans sa vie, et on l'entendit s'écrier à deux reprises : Oui j'en ferai le tour ; oui j'en ferai le tour. C'était son ange qui l'invitait à visiter le Purgatoire, et ces paroles marquaient son acquiescement. Ses soe¦urs la virent avec une admiration mêlée de terreur, entreprendre ce douloureux voyage, et au sortir de l'extase, elle rendit compte de ce qu'elle y avait vu.

Elle se mit à circuler autour du jardin du monastère
69:
était fort grand, considérant avec attention ce qu'on lui montrait ; sa marche extatique dura deux heures ; on la voyait se tordre les mains de commisération, son vissage était devenu très pâle ; elle avançait le corps courbé vers la terre, et comme écrasée sous le poids d'un fardeau trop lourd pour ses forces ; enfin elle donnait de si grands signes d'horreur que son seul aspect imprimait la crainte ; ses s¦urs la suivaient, recueillant avec une pieuse avidité les exclamations que lui arrachaient la terreur ou la pitié. D'abord on l'entendit soupirer douloureusement, et s'écrier : " O compassion ! ô compassion ! miséricorde, mon Dieu, miséricorde ! ô sang précieux de mon Sauveur, descendez et délivrez ces âmes de leurs peines ?
Pauvres âmes, vous souffrez bien cruellement, et cependant, vous êtes contentes et joyeuses. Les cachots des martyrs, en comparaison de ceux -ci, étaient des jardins délicieux. Cependant il en est de plus profond encore.
Que je m'estimerais heureuse si on ne m'y faisait descendre ! " Cependant il fallut obéir et descendre en ces abîmes. Après avoir fait quelques pas, elle s'arrêta épouvantée, et poussant un grand cri, elle dit :
- " Eh quoi ! des prêtres, des religieuses dans ces tristes lieux ! Bon Dieu ! comme ils sont tourmentés ! Ah ! Seigneur ! " Elle se tut ; mais, l'horreur et le tremblement qui agitait ses membres faisaient connaître l'intensité des souffrances qu'elle avait sous les yeux.

Au sortir du cachot des prêtres, elle passa en des lieux moins lugubres ; c'était le cachot des âmes simples, des enfants, de tous ceux dont l'ignorance atténue beaucoup les fautes. Il n'y avait là que de la glace et du feu, et les âmes passaient alternativement de l'un à l'autre ; nous trouvons ce même détail, exprimé absolument de la même manière dans le Purgatoire de sainte Françoise
70:
Romaine, et cette concordance m'a frappé. C'est en cet endroit que sainte Madeleine reconnut l'âme de son frère, qui était mort quelques temps auparavant, et on l'entendit lui dire :

- " pauvre âme, comme vous souffrez, et cependant vous vous réjouissez ; vous brûlez et vous êtes contente, c'est que vous savez bien que les peines doivent vous conduire à une inénarrable félicité. Que je me trouvais heureuse, si je ne devais jamais souffrir davantage ! Demeurez ici, mon frère, et achevez en paix votre purification. "

Elle fit quelques pas, et donna aussitôt à entendre qu'elle voyait des âmes bien plus malheureuses. On l'entendit s'écrier : - "
Oh ! que ce lieu est horrible ! il est plein de démons hideux et d'incroyables tourments ; quels sont donc, ô mon Dieu, les malheureux si cruellement torturés ! hélas ! on les perce avec des glaives aigus ! on les découpés en morceaux ? " - Il lui fut répondu que c'étaient des âmes qui avaient cherché à plaire aux hommes et dont la conduite n'avait pas été exempte d'hypocrisie.

En avançant encore d'un pas, elle aperçut des âmes en grand nombre, foulées et comme écrasées sous un pressoir. Elle comprit par révélation que c'étaient des âmes qui pendant leur vie s'étaient laissé aller à l'impatience et à la désobéissance. En les contemplant, elle faisait des gestes très variés ; tantôt elle courbait la tête jusqu'à terre ; tantôt elle fixait des regards terrifiés sur quelque point, d'autres fois elle levait en soupirant les épaules, d'un air de compassion profonde.

Au bout d'un moment, elle parut plus consternée encore, et poussa un cri d'épouvante ; le cachot du mensonge venait de s'ouvrir à ses regards ; après l'avoir contemplé attentivement, elle dit d'une voix très haute : - " Les menteurs sont placés dans un lieu voisin de l'enfer, et
71:
leurs peines sont très grandes ; on leur verse du plomb fondu dans la bouche, et ils sont plongés dans un étang glacé ; en sorte qu'on leur voit brûler et trembler de froid en même temps. "
Elle arriva ensuite à la prison où sont renfermés ceux qui ont péché par faiblesse ; et on l'entendit s'écrier : - " Hélas ! je vous croyais avec les âmes qui ont péché par ignorance, mais je me trompais, et vous brûlez dans un feu bien plus ardent. "
Un peu plus loin, elle reconnu les avares, et dit : ceux qui autrefois ne pouvaient se rassasier de richesses sont ici rassasiés de tourments ; ils se liquéfient comme le plomb dans la fournaise. "
Elle passa de là dans le lieu où sont retenus ceux qui sont redevables à la justice divine, par suite des péchés d¹impureté pardonnés, mais non suffisamment expiés pendant leur vie. Leur cachot était si sale et si infect que sa vue seulement soulevait le c¦ur. La s¦ur passa alors sans rien dire, mais à la fin de son douloureux pèlerinage, on l¹entendit qui parlait ainsi au Seigneur Jésus : - " Apprenez-moi, Seigneur, quel a été votre dessein en me découvrant ce soir ces peines terribles, que je connaissais si peu, et que je comprenais moins encore ? Est-ce de satisfaire le désir que j¹avais de savoir où est l¹âme de mon frère ? Est-ce de m¹engager à prier pour ces âmes souffrantes, avec plus de ferveur que je ne l¹ai fais jusqu¹à ce jour ?
Non, je le comprends à cette heure, vous avez voulu que je connusse mieux votre délicate pureté, et que je haïsse davantage ce monstre qui causait tant d¹horreur à votre chaste épouse Catherine de Sienne, le péché contraire à la sainte vertu. "

Du cachot des impudiques, elle passa à celui des ambitieux et des superbes ; ils souffraient effroyablement, au
72 :
milieu d¹épaisses ténèbres : - " Voilà, dit-elle, ceux qui voulaient paraître avec éclat parmi leurs semblables ; maintenant ils sont condamnés à souffrir en cette affreuse obscurité !"
On lui fit voir ensuite les âmes ingrates envers Dieu, les c¦urs durs et sans reconnaissance qui n¹avaient jamais su ce que c¹est que d¹aimer leur Créateur, leur Rédempteur et leur Père ; elles étaient comme noyées dans un lac de plomb fondu, pour avoir desséché par leur ingratitude les sources de la grâce.
Enfin, dans un dernier cachot, on lui montra les âmes qui n¹avaient aucun vice particulier, mais qui participaient de tous par beaucoup de fautes de détail, et elle remarqua qu¹elles avaient part aux châtiments de tous les vices, mais dans un degré mitigé, parce que les fautes commises en passant sont beaucoup moins graves que les péchés d¹habitude.
Il y avait plus de deux heures que durait ce pèlerinage extatique, lorsque la sainte revint à elle, mais dans un tel état de fatigue et de prostration morale qu¹elle fut plusieurs jours à se
remettre du terrible spectacle qu¹elle avait eu sous les yeux.
On trouvera tous les détails, et d¹autres que j¹ai omis pour abréger, dans la vie de sainte Madeleine de Pazzi, écrite par son confesseur, le P. Cépari de la Compagnie de Jésus impossible de rien lire de plus sûr comme authenticité et comme véracité.
Du reste, on retrouve la même précision de détails, chez tous les saints personnages qui ont été spécialement en rapport avec les âmes souffrantes.
La vie de la vénérable Mère François du Saint-Sacrement est particulièrement instructive à cet égard. (Vie de la Mère Françoise du Saint-Sacrement, liv.II.)

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:47

73 :
Elle avait les communications les plus intimes avec les âmes du Purgatoire, jusque-là qu¹elles remplissaient sa cellule, attendant humblement, chacune à son tour, que la pieuse religieuse intercédât pour elles, et pour exciter sa compassion, elles lui apparaissaient d¹ordinaire avec les instruments de leurs péchés, devenus dans l¹autre vie des instruments de tortures.
Les évêques se faisaient voir à elle, une mitre de feu sur la tête, une crosse brûlante à la main, revêtus d¹une chasuble de flammes ; ils s¹accusaient d¹être ainsi punis pour avoir recherché ambitieusement les dignités, ou pour n¹avoir pas bien remplis les nombreux devoirs attachés à leur charge. D¹autres fois, c¹étaient les prêtres, avec leurs ornements en feu, l¹étole transformée en chaînes brûlantes, les mains couvertes d¹ulcères hideux ; ils étaient ainsi punis pour avoir traité sans respect les divins mystères.
Elle vit un jour un religieux, entouré d¹objets précieux, d¹écrins, de fauteuils, de tableaux embrasés ; contre son v¦u de pauvreté, il avait amassé ces futilités dans sa cellule : après sa mort, ces objets faisaient son tourment. Un notaire lui apparut avec tous les insignes de sa profession qui, accumulés autour de lui, le faisaient souffrir horriblement : - J¹ai employé cette plume, cette encre, ce papier, lui dit-il, à des actes illicites ; j¹avais aussi la passion du jeu, et ces cartes brûlantes que je suis forcé de tenir continuellement en main font mon châtiment ; cette bourse embrasée contient mes gains illicites et me les fait expier.
C¹est ainsi que, par la permission de Dieu, ce qui en ce monde a servi d¹instrument u péché, fait notre expiation en l¹autre.
Il arrive aussi quelquefois que la peine d¹un péché, au lieu de se faire au moyen de l¹instrument même de la
74 :
faute, s¹accomplit par un châtiment, qui le rappelle d¹une manière frappante à l¹esprit.
Un jeune homme recherchait en mariage une jeune fille de Rome, qui, d¹après les conseils de P. Zucchi, son confesseur, avait voué sa virginité au Seigneur ; et il osait la poursuivre de ses sollicitations jusque dans le saint asile où elle avait abrité son innocence ; un jour le P. Zucchi le rencontrant dans les rues de Rome, lui avait reproché avec une vigueur toute apostolique, l¹indignité de sa conduite, le menaçant de la rigueur des châtiments divins, mais sans le convertir.
Quinze jours après, le cavalier mourut ; et à peu de temps de là, la jeune novice se sentit tirer par derrière, et elle entendit une voix lui dire : - " Venez tout de suite au parloir." Elle y va et trouve un homme qui se promenait à grands pas : " Qui êtes vous ? demanda-t-elle sans se troubler, que venez-vous faire à cette heure ? L¹étranger s¹approche, entrouvre son manteau, et elle reconnaît son ancien amant, attaché par des chaînes de feu au cou, aux poignets, aux genoux et aux pieds : châtiment bien dû à celui qui avait voulu enchaîner dans les liens une épouse de Jésus-Christ. Il ne dit qu¹un seul mot : " Priez pur moi, " et disparut.
(Vita P. Niclai Zucchi, lib. I, cap. IX.)
Mais il faut descendre encore plus dans le détail, et non content de cette vue d¹ensemble des différents supplices du Purgatoire, il faut voir maintenant, dans les révélations des saints, les peines particulières imposées par la justice divine aux fautes que la sainteté infinie a plus spécialement en aversion. IL y a là, je l¹espère, des leçons utiles pour toutes les âmes, et que je ne veux pas négliger.
Parmi les péchés que Dieu punit d¹une manière plus rigoureuse, il faut placer la vanité ! J¹en citerai deux
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exemples, empruntés, le premier aux révélations si précieuses de sainte Brigitte, et le second à la vie de la B. Marie Villani ; puissent-ils faire réfléchir tant de jeune personne frivoles consument leur temps en parures, s¹exposant au danger de perdre leur âme, et se préparant des supplices effroyables dans l¹autre vie.
Dans une extase, pendant laquelle sainte Brigitte fut ravie dans le Purgatoire, elle aperçut, parmi beaucoup d¹autres, une jeune demoiselle de haute naissance, qui lui fit connaître combien elle souffrait, pour expier ses péchés de vanité : " Maintenant, disait-elle, en gémissant, cette tête qui se plaisait aux parures, et qui cherchait à attirer les regards, est dévorée de flammes à l¹intérieur et à l¹extérieur, et ces flammes à l¹intérieur et à l¹extérieur, et ces flammes sont si cuisantes qu¹il me semble que je suis le point de mire de toutes les flèches décochées par la colère de Dieu ; ces épaules, ces bras, que j¹aimais à découvrir sont cruellement étreints dans des chaînes de fer ; ces pieds, si légers à la danse sont entourés de vipères qui les mordent et les souillent des leur lave immonde ; tous ces membres que je chargeais de colliers, de bracelets, de fleurs, de joyaux, sont livrés à des tortures épouvantables, qui leur font éprouver à la fois la consomption du feu et les rigueurs de la glace.
Ah ! ma mère, ajoutait la malheureuse condamnée, ma mère, que vous avez été coupable à mon endroit ! votre indulgence, pire que la haine, en m¹abandonnant à mes goûts de parures et de vaines dépenses m¹a bien été fatale. C¹était vous qui me conduisiez aux spectacles, aux festins, aux bals, à toutes ces réunions mondaines qui sont la ruine des âmes. Il est vrai, disait à la Sainte l¹infortunée, que ma mère me conseillait de temps en temps quelques actes de vertu, et plusieurs dévotions utiles ; mais comme, d¹autre part, elle consentait à mes égarements, ce bien se
76:
trouvait mêlé et comme perdu dans le mal qu¹elle me permettait.
Toutefois, je dois rendre grâce à l¹infinie miséricorde de mon Sauveur, qui n¹a pas permis ma damnation éternelle, que je méritais si bien par mes fautes. Avant de mourir, touchée de repentir, je me confessai, et quoique cette conversion, étant l¹effet de la crainte, fût insuffisante, au moment d¹entrer en agonie, je me souvins de la douloureuse passion du Sauveur, et j¹arrivai ainsi à une vrai contrition ; ne pouvant déjà plus parler, je m¹écriai de peur : Seigneur Jésus, je crois que vous êtes mon Dieu ; ayez pitié de moi, ô fils de la Vierge Marie, au nom de vos douleurs sur le Calvaire. J¹ai un vif regret de mes péchés et je souhaiterais les réparer, si j¹avais le temps. En achevant ces mots, j¹expirai. J¹ai été ainsi délivrée de l¹enfer, mais pour me voir précipiter dans les plus graves tourments du Purgatoire. "
L¹historien de la Sainte nous apprend que celle-ci, ayant raconté sa vision à une cousine de la défunte, qui s¹abandonnait, elle aussi, à la mondanité, l¹impression de ce récit sur elle fut telle qu¹elle renonça à tous les vains ajustements, et se voua à la pénitence dans un ordre très austère. (Révélations de sainte Brigitte, liv. VI, chap.
LII.)
L¹autre exemple est non moins certain, puisqu¹il est tiré de la vie de la bienheureuse Marie Villani, dont personne ne récusera, je l¹espère, le témoignage. (Vita Mariæ Villani. P. Marchi, lib. II, cap. V.)
Comme la bienheureuse priait un jour pour les âmes du Purgatoire, elle fut conduite en esprit au lieu des expiations et parmi tous les malheureux qui y souffraient, elle vit une personne plus tourmentée que les autres, à cause des flammes horribles qu'il¹enveloppaient de la tête aux pieds. "
Amen infortunée, s¹écria-t-elle, pourquoi êtes-
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vous si cruellement traitée ?
Est-ce que vous n¹éprouvez jamais de soulagement au milieu de supplices si rigoureux ? " " Je suis ici, répond l¹âme, depuis un temps bien long, effroyablement punie pour mes vanités passées et mon luxe scandaleux. Jusqu¹à cette heure, je n¹ai pas obtenu le moindre soulagement ; le Seigneur a permis dans sa justice que je fusse oubliée de mes parents, de mes enfants, de mes amis. Quand j¹étais sur la terre livrée aux toilettes inutiles, aux pompes mondaines, aux fêtes et aux plaisirs, je pensais bien rarement à Dieu et à mes devoirs ; ma seule préoccupation sérieuse était d¹accroître le renom et la richesse des miens ; vous voyez
comme j¹en suis punie, puisqu¹ils ne m¹accordent pas un souvenir. "
Malheur, a dit le Fils de l¹homme, malheur à celui par qui le scandale arrive ; si votre ¦il vous scandalise, arrachez-le et jetez-le au feu ; il vaut mieux entrer dans la vie avec un ¦il, ou un pied seulement, que s¹exposer à descendre avec les deux, dans la géhenne. Si ces paroles
n¹étaient sorties des lèvres de la Vérité éternelle, on les taxerait certainement d¹exagération ; voici un exemple qui montrera ce que la justice divine pense à cet égard, dans l¹autre monde.
Il s¹agit de ces malheureuses peintures, que sous prétexte d¹art, on trouve quelquefois chez les meilleurs chrétiens, et dont la vue a causé la perte de tant d¹âmes. Un peintre de grand talent, d¹une vie exemplaire d¹ailleurs, avait cédé sur ce point à l¹entraînement du mauvais exemple ; depuis, il avait complètement renoncé à ces malheureuses représentations, et ne faisait plus que des images de sainteté. En dernier lieu, il venait de peindre un grand tableau dans un couvent de Carmes déchaussés, quand il fut atteint d¹une maladie mortelle ; il demanda
78 :
au Père Prieur la faveur d¹être enterré dans l¹église du monastère, et légua à la Communauté le prix assez élevé de son travail, à la charge pour les religieux d¹acquitter des messes pour lui.
Il y avait quelques jours qu¹il était mort dans la paix du Seigneur lorsqu¹un religieux qui était resté au ch¦ur après les matines, le vit apparaître tout éploré, et se débattant au milieu des flammes : " Eh quoi ! c¹est vous qui êtes ainsi punis pour avoir vécu en si bon renom de vertu ? "
- " Lorsque j¹eus rendu l¹âme, répondit le patient, je fus présenté au tribunal du Juge, et aussitôt je vis déposer contre moi plusieurs personnes qui avaient été excitées à de mauvaises pensées et à de mauvais désirs, par une peinture immodeste que j¹ai faites autrefois. A cause de des fautes, elles étaient condamnées au Purgatoire, mais ce qui était bien pis, j¹en vis d¹autres sortir de l¹enfer, pour déposer contre moi, à la même occasion ; elles déclaraient que, puisque j¹étais la cause de leur perte éternelle, j¹étais digne au moins de mêmes châtiments ; alors sont descendus du ciel plusieurs saints qui ont pris ma défense ; ils ont présenté au Juge que cette malheureuse peinture était une oe¦uvre de jeunesse, que j¹avais expiée depuis lors par une foule d¹autres travaux à la gloire de Dieu et de ses saints, ce qui avait été pour beaucoup d¹âmes une source de grande édification. Le souverain Juge, après avoir pesé les raisons de part et d¹autre déclara qu¹à cause de mon repentir et de mes autres bonnes ¦oeuvres, je serais exempt de la peine éternelle mais, suis condamné à souffrir dans ces flammes, jusqu¹à ce que la maudite peinture soit brûlée de manière à ne plus scandaliser personne. Allez donc de ma part, chez le propriétaire du tableau, dites-lui en quel état je me trouve, pour avoir cédé à ses instances, et conjurez

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:48

79 :
-le d¹en faire le sacrifice. S¹il refuse, malheur a lui ! en preuve que tout ceci n¹est pas une illusion, et pour le punir lui-même de sa faute, sachez, mon père, qu¹avant peu, il perdra ses deux enfants, et s¹il refuse d¹obéir aux ordres de celui qui nous a créés l¹un et l¹autre, il ne tardera pas à le payer d¹une mort prématurée. " Le possesseur du tableau, en apprenant ces choses, le saisit et le jeta au feu : néanmoins selon la parole su Seigneur, il perdit en moins d¹un mois ses deux enfants, et le reste de ses jours, il s¹appliqua à faire pénitence de la faute qu¹il avait commise tant en commandant qu¹en conservant chez lui cette maudite peinture.
Cette histoire est tirée de Rossignoli. Les merveilles du Purgatoire, XXVe merveille ; il l¹avait trouvée lui-même dans le P. Joachim de Jésus-Marie, de la Chasteté, liv. IV, ch. IX.
Bien qu¹il ne s¹agisse pas ici de révélation, accordée à un saint canonisé, j¹ai cru pouvoir faire exception, à raison du caractère de véracité qu¹on trouve dans tout ce récit.
Chacun connaît la parole de Saint Jacques : si quis non offendit in verbo, perfectus est vir ; en effet pour suivre le texte de l¹apôtre, la langue est un monde d¹iniquité : sans parler des paroles de blasphèmes, des propos licencieux, des médisances et des calomnies, qui de nous n¹a à se reprocher des milliers de paroles légères, de ces paroles au moins inutiles dont le divin Maître a déclaré qu¹il demanderait compte le jour du jugement.

L¹exemple suivant est bien propre à faire réfléchir ces plaisants de profession qui tiennent le haut bout des conversations, et qui sont toujours prêts à faire rire les autres ; je le rapporte sur la foi de Vincent de Beauvais. (Speculum hist., lib. XXVI, cap. V.)
L'abbé Durand, d'abord prieur d¹un monastère de Bénédictins, puis évêque de Toulouse, était un religieux d¹une
fin page 79.
80 :
rare piété, d’une mortification singulière, et plein de zèle pour son avancement spirituel ; avec tout cela, il aimait un peu trop le mot pour rire, et ne veillait pas assez sur sa langue. Alors qu’il était simple religieux, Hugues, son abbé, lui avait fait des représentations à cet égard, lui prédisant même que s’il ne se corrigeait pas, il aurait certainement à souffrir dans le Purgatoire pour ces jovialités qui ne conviennent pas à un moine et surtout à un prêtre dont les lèvres sont les gardiennes de la science sacrée. Durand n’attacha pas assez d’importance à cet avis, et continua, étant abbé, et plus tard évêque, à s’abandonner sans beaucoup de retenue, aux facéties enjouées.
Après sa mort, la prédiction de l’abbé Hugues se réalisa ; Durand apparut à un religieux de ses amis, le priant d’intercéder pour lui, car il était cruellement puni pour son intempérance de langage. On assembla les religieux, et on convint de garder, pendant huit jours, rigoureux silence pour cette âme en peine. Mais voilà qu’au bout de huit jours, le défunt apparaît de nouveau et se plain qu’un des frères ayant manqué au silence, cette infraction l’avait privé du fruit de la bonne œuvre. On recommença et la semaine suivante, Durand apparut, revêtu de ses ornements pontificaux et le sourire sur les lèvres ; son expiation était finie.
Puisque j’en suis aux pêchés de la parole, je dirai un mot du mensonge. On a déjà vu, dans sainte Madeleine de Pazzi, que ce vice est puni à part et d’une manière terrible ; c’est que selon la parole des saints livres, Dieu, qui est l’éternelle vérité, a horreur du plus léger mensonge. Aussi dans un grand nombre d’apparitions, on voit les pauvres âmes recommander de s’abstenir soigneusement du mensonge et déclarer qu’elles expient bien cruellement des fautes que le monde regarde d’ordinaire comme des plaisanteries inoffensives, ou de simple exagérations.
Les mêmes apparitions recommandent aussi très soigneusement de s’abstenir de faire des vœux à la légère, et de les accomplir rigoureusement, quand on en a fait, car la justice divine se montre impitoyable à cet égard ; c’est ce que l’on verra dans l’exemple suivant, tiré de la vie du V. Denys le Chartreux (vide apud Bolland, Vita Ven. Dyonisii, 2 martii).
Ce vénérable religieux assistait à la mort d’un novice dans la Chartreuse de Ruremonde ; ce jeune homme avait fait vœu de réciter deux fois le psautier en entier, puis il avait négligé cette obligation. Averti de se préparer à mourir, la pensée de son vœu lui revint, et dans l’impossibilité de l’accomplir alors, il se désolait à la pensée des jugements de Dieu. Denys, pour l’encourager et le réconforter, à ce moment suprême, lui promit de l’acquitter à sa place, mais, par une permission de la justice divine, après la mort du jeune homme, le bon père oublia entièrement sa promesse, et pendant ce temps, l’infortuné était retenu dans les flammes, attendant pour en sortir, l’accomplissement de son vœu. Un jour, enfin, il eut permission d’apparaître à Denys pour lui rappeler sa promesse, et il ne fit entendre que ces deux mots : - " Pitié, pitié ! " Étonné et désolé de son oubli, le bon père voulait expliquer la cause de son omission, mais le défunt lui cria d’une voix suppliante :-" Ah ! si vous enduriez la millième partie de mes tourments, vous n’admettriez pas l’excuse en apparence la plus légitime, et en ce moment même, vous ne différeriez pas d’une seconde à vous acquitter de ce que vous avez promis à Dieu, en mon nom. "
Je voudrais que ces hommes du monde dont la vie molle et sensuelle n’est qu’un enchaînement de plaisirs, songeassent un peu à la pénitence qu’ils se préparent par leur immortification ; sans parler des dangers auxquels elle expose leur âme, il est certain qu’une vie mondaine réserve à ses adeptes un effroyable Purgatoire, car dans une pareille vie on ne fait qu’accumuler ses dettes, la pénitence étant absente, on n’en paye aucune, et l’on arrive à un total qui effraye l’imagination. La vénérable sœur Françoise de Pampelune, dont les visions au sujet du Purgatoire font vraiment autorité, vit ainsi un homme du monde, assez bon chrétien d’ailleurs, passer cinquante neuf ans dans le Purgatoire, à cause de son goût pour le bien-être ; un autre y passa trente-cinq ans pour la même raison, et un troisième, qui avait en plus la passion du jeu, y demeura soixante-quatre ans. C’est qu’il est bien difficile de ne pas commettre des multitudes de petites fautes dans une vie dissipée, et comme dans une pareille vie il n’y a pas de place pour la pénitence, on arrive avec une dette énorme au tribunal de Dieu, et ce que l’on aurait acquitté facilement avec quelques œuvres de pénitence, il faut le payer alors par des années de supplices.
" Celui, dit sainte Catherine de Gênes, qui se purifie de ses fautes dans la vie présente, satisfait avec un sou à une dette de 1000 ducats, et celui qui attend, pour s’acquitter, aux jours de l’autre vie, se résigne à donner 1000 ducats, pour ce qu’il aurait pu payer avec un sou en temps opportun. "
Le scrupule n’est pas un péché, mais il est malheureusement trop certain qu’il fait commettre aux âmes des multitudes de péchés, par le trop d’attache à la propre volonté, et l’orgueil qu’il suppose presque toujours ; aussi la Sœur Françoise de Pampelune, dont je suis ici pas à pas les révélations, vit beaucoup d’âmes scrupuleuses extraordinairement tourmentées dans le Purgatoire par des troubles des obscurités, des incertitudes mêmes sur leur sort éternel. Dieu le permettait ainsi pour les punir de s’être trop abandonnées aux scrupules pendant leur vie, et de n’avoir pas assez obéi, en cela, à leur confesseur.
La tiédeur est aussi punie sévèrement dans le Purgatoire, et on ne saurait s’en étonner, quand on se rappelle l’horreur que Dieu en témoigne dans la Sainte Écriture. Voici comment, au récit de sainte Madeleine de Pazzi, fut punie, après sa mort, une bonne religieuse, qui n’avait guère d’autres fautes à se reprocher qu’une certaine négligence à communier , aux jours marqués par la règle.(Vie de sainte Madel.,ch. v.)
Un jour que la sainte priait devant le très saint Sacrement, elle vit sortir de terre l ‘âme de cette sœur ; elle était couverte d’un manteau de feu, qui cachait une robe d’une éblouissante blancheur ; elle s’approcha de l’autel avec un respect indicible, fit une profonde génuflexion, en passant devant le saint Tabernacle, et demeura une heure dans l’acte d’une adoration recueillie. Madeleine, ayant désiré savoir ce que tout cela signifiait, connut par révélation que cette âme, en punition de sa tiédeur à recevoir la sainte Eucharistie, était condamnée à venir chaque jour rendre ses devoirs à l’adorable hostie, sous un manteau de feu, afin de compenser ainsi ses froideurs passées ; quant à la robe blanche qui la garantissait en partie du châtiment, c’était la récompense de sa parfaite virginité. Elle persévéra dans un certain temps, jusqu’à ce qu’enfin les prières de Madeleine, jointes à sa propre expiation, eussent amené sa délivrance.
Un ecclésiastique fut puni plus rigoureusement encore ; il est vrai que sa faute était beaucoup plus grave (Voir Hortus pastorum, tract. VI ,cap. ii.) qu’il ne voulût pas connaître sa position (par une illusion trop commune aux ministres du sanctuaire), soit qu’il fut sous l’empire de ce fatal préjugé qui fait redouter à tant de malades la réception des derniers sacrements, retarda si bien qu’il mourut sans recevoir les derniers secours que l’Église réserve à ses enfants pour cette heure suprême. Or, pendant qu’on se préparait à l’ensevelir, ses yeux s’ouvrirent, et il fit entendre ces paroles :-" Pour me punir de mes retards à recevoir la grâces de purification dernière, je suis condamné à cent ans de Purgatoire ; si j’avais reçu le sacrement des mourants, comme je le devais d’ailleurs, j’aurais échappé à la mort, grâce à la vertu qui lui est propre, et j’aurais eu le temps de faire pénitence. "Cela dit, le mort referma les yeux, rentra dans son repos, laissant tous les assistants concernés.
Quant à ceux dont la vie tout entière se passe dans l’habitude du pêché mortel, et qui remettent à la mort à se convertir ; en supposant que Dieu leur accorde cette grâce, ce qui n’est pas sûr, l’exemple suivant est de nature à les faire réfléchir sur les expiations qu’ils se préparent.
Le baron Jean Sturton, noble anglais, était catholique au fond du cœur, bien que, pour garder ses charges à la cour, il assistât régulièrement au service protestant. Il cachait même chez lui un prêtre catholique, au prix des plus grand dangers, se promettant bien d’user se son ministère pour se réconcilier avec Dieu, à l’heure de la mort ; mais il fut surpris par un accident, et comme cela arrive souvent, par un juste décret de Dieu, il n ‘eut pas le temps de réaliser son vœu de conversion tardive. Cependant la divine miséricorde, tenant compte de ce qu’il avait fait pour la sainte Église persécutée, lui avait obtenu la grâce de la contrition parfaite, et par suite le salut, mais devait payer bien plus cher sa coupable négligence.

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:49

De longues années se passèrent ; sa veuve de remaria ; eut des enfants, et c’est une de ses filles, lady Arundell, qui raconte ce fait, comme témoin oculaire.
" Un jour, ma mère pria le P.Corneille, jésuite de beaucoup de mérites, qui devait mourir plus tard martyr de la foi catholique, de célébrer la messe pour le repos de l’âme de Jean Sturton, son premier mari ; il accepta l’invitation, et étant à l’autel, entre la consécration et le mémento des morts, il resta longtemps en oraison ; après la messe, il fit une exhortation dans laquelle il raconta qu’il venait d’avoir une vision : devant lui s’étendait une forêt immense, qui n’était qu’un vaste brasier ; au milieu s’agitait le baron, poussant des cris lamentables, pleurant et s’accusant de la vie coupable qu’il avait menée dans le monde et à la cour ? Après avoir fait l’aveu détaillé de ses fautes, le malheureux avait terminé par les paroles que l’Écriture met dans la bouche de Job. Pitié, pitié !vous au moins qui êtes mes amis, car la main du Seigneur m’a frappé ! Et il avait disparu.
Pendant que le Père Corneille racontait ces choses, il pleurait beaucoup, et toute la famille qui l’écoutait, au nombre de quatre-vingts personnes, nous pleurions tous de même ; tout à coup pendant que le père parlait, nous aperçûmes sur le mur auquel était adossé l’autel comme un reflet de charbons ardents. "
Tel est le récit de Lady Arundell, que l’on peut lire dans Daniel (Histoire d’Angleterre, liv. V, chap.vii).
Mais les deux péchés que Dieu semble poursuivre dans l’autre vie avec une rigueur plus implacable, ce sont les péchés contre la justice et ceux contre la charité !
Quant aux fautes contre la justice, il semble que Dieu s’en tient précisément à l’axiome des théologiens ;(non remitiitur peccatum, nisi restituutur ablatum) -Pas de restitution, pas de Paradis.-En parlant de la durée du Purgatoire, j’examinerai ailleurs cette question, au point de vue théologique ; mais si l’on s’en tient aux révélations des saints, elle semblerait tranchée dès maintenant et dans le sens le plus rigoureux. Entre de très nombreux exemples que je pourrais citer, car ils abondent sur ce point, en voici deux ou trois.
Un homme riche était mort sans mettre ordre à ses affaires ; quelques temps après, il apparut au P.Augustin d’Espinoza, religieux de la Compagnie de Jésus, dont la sainte vie a été un acte de dévouement continuel aux âmes du Purgatoire. " Me reconnaissez-vous, demanda le défunt ? " -" Sans doute, répond le père, je me souviens de vous avoir administré le sacrement de pénitence, peu de jours avant que vous fussiez appelé devant Dieu. " -" C’est cela en effet ; or, sachez que je viens ici, par permission du Sauveur, vous conjurer d’apaiser sa justice, et de faire pour moi ce que je ne puis plus faire maintenant. Suivez-moi un instant. " Le religieux va trouver son Supérieur, lui raconte l’affaire, et lui demande la permission d’accompagner son étrange guide. La permission obtenue, il sort et suit l’apparition qui, sans prononcer une parole, le mène sur un des points de la ville, puis elle disparaît un moment, revient avec un sac d’argent dont elle donne une partie à porter au père, et tous deux rentrent à la cellule du religieux.
Dès qu’ils sont de retour, le mort met dans la mai du père le reste de l’argent, avec un billet écrit, en lui disant.-" Ce billet vous indiquera à qui je dois, et dans quelle proportion : vous distribuerez cette somme à mes créanciers, et vous emploierez le reste en bonnes œuvres pour le repos de mon âme. " A ces mots l’apparition disparut, et le bon père se mit en devoir de remplir aussitôt ses intentions.
Huit jours s’étaient à peine écoulés, que le défunt se fait voir de nouveau au Père et le remercie avec effusion de son empressement à remplir ses intentions. Grâce à cette exactitude à payer les dettes qu’il avait laissées sur la terre, grâce aussi aux messes que le père avait célébrées pour lui, il était délivré de toutes ses peines, et admis dans l’éternelle béatitude. (Voir Rossignoli : les Merveilles du Purgatoire, xciv merveille.)
Le second exemple est tiré de la vie de sainte Marguerite de Cortone (voir les Bolland., 22 février).
Cette illustre pénitent se faisait particulièrement remarquer par sa charité envers les défunts ; aussi ils lui apparaissaient en grand nombre pour implorer le secours de ses prières.
Deux marchands avaient été assassinés en chemin par des brigands.-" Nous n’avons pu, lui dirent-ils, recevoir l’absolution de nos péchés, mais par la bonté du Sauveur, et la clémence de sa divine Mère, nous eûmes le temps de faire un acte de contrition parfaite, ce qui nous sauva ; néanmoins dans l’exercice de notre profession, nous avons commis bien des injustices, aussi nos tourments sont affreux, c’est pourquoi nous vous supplions, servante de Dieu, d’avertir nos parents(et ils les nommèrent) de restituer au plus tôt tout l’argent que nous avons mal acquis, car avant cela nous ne pourrons reposer en paix. "
Du reste, lorsque la restitution ne peut se faire, Notre Seigneur trouve dans les secrets de sa justice les moyens d’y suppléer.
Un jour que la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque priait pour deux personnes d’un rang élevé dans le monde, elle connut par révélation qu’une de ces personnes était condamnée, pour de longues années au Purgatoire, toutes les prières et les messes, fort nombreuses, que l’on célébrait pour elle, étant appliquées par la justice aux âmes de quelques familles de ses sujets qui avaient été ruinées, par son défaut de charité et de justice à leur égard, et comme il n’était rien resté à ces malheureux afin de faire dire des messes pour eux après leur mort, le Seigneur y suppléait comme je viens de le dire.(Vie de la Bienheureuse. Lettre à la Mère Greyfié, sa supérieure).
Pour les fautes contre la charité, Dieu les punit aussi très grièvement, surtout dans les âmes qui lui sont consacrées ; la raison en est bien simple : Dieu est amour, comme dit le disciple bien-aimé ; par conséquent rien de plus opposé à son être que les inimitiés, les petites rancunes, les médisances, les jugements téméraires, et toutes cas fautes contre la charité, que l’on trouve quelquefois chez des personnes d’ailleurs pieuses et d’une conduite exemplaire.
Voici ce qu’on lit à cet égard dans la vie de la bienheureuse Marguerite-Marie : deux religieuses pour qui elle priait après leur mort, lui furent montrées dans ces prisons de la justice divine, où l’une souffrait des peines incomparablement plus grandes que celles de l’autre. La première se plaignait grandement d’elle-même, qui, pour ces défauts contraires à la mutuelle charité et sainte amitié qui doit régner dans les communautés religieuses, s’était attiré, entre autres punitions, celles de n’avoir pas de part aux suffrages que la Communauté taisait et offrait à Dieu pour elle, ne recevant de soulagement dans ces effroyables maux que des seules prières de trois ou quatre personne de la même communauté, pour lesquelles elle avait eu pendant sa vie le moins d’estime et de penchant.( Vie de la Bienheureuse. Lettre à la Mère Greyfié)
Voici, d’après les révélations les plus authentiques, les différents châtiments infligés par la justice de Dieu aux différents péchés ; j’aurais pu multiplier beaucoup ces exemples ; mais à quoi bon ? Outre la nécessité de se borner, ce que j’ai dit suffit bien pour éclairer les âmes de bonne volonté et les faire réfléchir. Recommençons, à la vie de sainte Madeleine de Pazzi, ce douloureux pèlerinage du Purgatoire, pour y trouver notre place ; voyons, dans les diverses relations que je viens de citer, ce qui convient le mieux aux misères de notre âmes ; et puis après, demandons-nous sérieusement si nous nous sentons le courage d’affronter de pareils supplices ? Vraiment, quand on lit ces choses, quand on se dit qu’il s’agit de révélations authentiques, faites presque toutes à des Saints canonisés par l ‘Église, ce qui exclut tout soupçon de mensonge, quand on pèse tout cela devant Dieu, dans le silence d’une âme recueillie, on est forcé de s’avouer que tous ici, et moi qui écrits ces lignes, et vous qui les lisez nous sommes des fous, de vrai fous. Oui, nous sommes de ces insensés dont l’Esprit Saint nous apprend que le nombre est infini (Stultorum infinitus est numerous). Comment s’expliquer autrement que nous, qui n’avons pas le courage de nous faire une légère violence pour nous corriger de nos défauts, nous que le seul mot de pénitence effraie, nous nous destinons , de gaieté de cœur à de pareils châtiments. Ah ! les Saints, ces Saints que le monde ne comprend pas , et que volontiers il traite d’insensés, les Saints sont les sages, les vrais sages, parce que seuls, ils ont les secrets du temps et ceux de l’éternité.
fin 89.

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:49

Chapitre 5 Des différentes divisions du Purgatoire p.90 - 105

Des trois grandes divisions du Purgatoire d'après sainte Françoise Romaine. - Du Purgatoire supérieur. - Des âmes qui ne souffrent que la peine du dam. - De celles qui n'ont que des peines
légères.- De la région moyenne du Purgatoire. - De la région intérieure et de ses trois sous divisions. - Du Purgatoire des laïcs.

90:
Nous avons déjà entrevu dans sainte Madeleine de Pazzi et dans les différentes révélations que j'ai fait connaître que le Purgatoire n'est pas un lieu unique, mais qu'il se subdivise en plusieurs cachots distincts, selon le plus ou moins de gravité des péchés à expier.
Pour mieux connaître la division de ce lieu de supplices, il faut à la célèbre vision de sainte Françoise Romaine, qui nous donne la topographie exacte, et comme la carte géographique du royaume de la douleur (Bolland, Vie de Ste Françoise, 9 mars).

Sainte Françoise nous apprend que le Purgatoire est divisé en trois parties distinctes : dans la région la plus élevée, sont les âmes qui n'ont à souffrir que la peine du dam ou tout au plus quelques peines légères et de peu de durée ; au milieu, est la région moyenne, où elle vit écrit en grosses lettres le mot : Purgatoire, là sont renfermées les âmes qui ont commis des fautes légères, mais qui exigent cependant une expiation sensible.

Cette région est partagée en trois zones distinctes. La première est comme un étang glacé, la seconde et remplie
91 :
de poix mêlée d'huile bouillante, la troisième est remplie d'un métal qui ressemble à de l'or ou à de l'argent en fusion.
Des anges au nombre de trente-six, sont chargés par Dieu de plonger alternativement ces âmes de l'étang glacé dans le bain d'huile bouillante ou de métal, et ils s'acquittent de ce ministère, avec grand respect et grande charité, pour les pauvres âmes ainsi tourmentées.

Enfin tout au fond de l'abîme et dans le voisinage de I'enfer, est la troisième région, ou le Purgatoire inférieur, tout rempli d'un feu clair et pénétrant, en quoi il diffère du feu de l'enfer qui est obscur et ténébreux. Dans cette région inférieure, il y a aussi trois lieux séparés. Le premier, où l'on souffre moins, pour les laïcs qui ont des fautes graves à expier; le second, où les peines sont plus grandes, pour les clercs non encore honorés du Sacerdoce et pour les religieux et religieuses. Le troisième, où les peines sont encore plus intolérables, pour les prêtres et les Évêques.

Je reviendrai, au chapitre suivant, sur ce triste sujet du Purgatoire des prêtres et des religieuses; pour le moment, je me contenterai de dire quelques mots de chacune de ces trois divisions du Purgatoire.

Qu'il y ait un Purgatoire supérieur, où les âmes n'éprouvent aucune peine sensible, c'est ce dont nous ne pouvons douter, car indépendamment des révélations si précises de sainte Françoise Romaine, un grand nombre de révélations particulières confirment ce fait. La sainte Vierge prit là peine de révéler elle-même à sainte Brigitte qu'il y a un Purgatoire spirituel, appelé Purgatoire de désir, dans lequel sont retenues les âmes qui n'ont aucune expiation à subir, mais qui, dans les jours de leur vie mortelle, n'ont pas assez soupiré après leur Créateur.
Parmi les révélations très nombreuses qui confirment cette
92 :
doctrine, j'en choisirai seulement quelques-unes, pour ne pas trop allonger ce récit.

On lit dans la vie de sainte Madeleine de Pazzi qu'une de ses sœurs nommée Marie-Benoîte-Victoire, religieuse d'une éminente vertu, étant morte entre ses bras, elle aperçut pendant son agonie une multitude d'Anges qui l'environnaient d'un air joyeux, attendant son âme pour la porter dans la Jérusalem céleste; au moment où elle expira, la sainte les vit recevoir cette âme bienheureuse, sous la forme d'une colombe, dont la tête était dorée, et disparaître avec elle. Trois heures après, veillant auprès du saint corps, en compagnie d'une sœur nommée Pacifique de Tonaglia, celle-ci interrompit ses prières pour lui demander : où est notre sœur à présent ? au Ciel ou dans le Purgatoire?" - " Ni dans l'un, ni dans l'autre ", répondit la sainte. La sœur frémit intérieurement à cette réponse, dont elle croyait pénétrer le sens; mais elle ne dit rien pour le moment; quelque temps après, en récitant avec Madeleine l'office des défunts, il lui arriva de terminer un psaume par le Gloria Patri. " Je me trompe, reprit-elle aussitôt : Requiem aeternam. " " Vous ne vous trompez pas, répliqua la sainte, cette âme n'a pas besoin qu'on demande pour elle le repos." Sœur Pacifique ne comprit pas encore, mais elle n'osa pas interrompre sa compagne.

Le lendemain matin, comme on célébrait la messe pour la défunte, au Sanctus, Madeleine fut ravie en extase et Dieu lui fit voir cette âme bienheureuse dans la gloire où elle était entrée; elle avait sur le front une étoile d'or, signe et récompense de son ardente ; ses doigts étaient chargés d'anneaux précieux, et la couronne qu'elle portait était plus riche que celle d'une autre religieuse de grande perfection, qui était morte un peu auparavant.

La raison de cette différence, c'est que, pendant sa vie,
93 :
cette bonne religieuse, lorsqu'elle souffrait, ne s'était pas assez défendue de quelque légers retours sur elle-même, au lieu que Marie-Benoîte avait un tel désir de souffrir qu'il lui semblait toujours qu'elle n'endurait rien pour le Bien-Aimé. De plus, elle avait toujours parlé avantageusement du prochain, et avait traité ses sœurs pendant tout le temps de sa vie, avec une charité aussi douce que cordiale; en récompense de quoi, la bouche appliquée sur le côté sacré du Sauveur, elle buvait à longs traits un breuvage délicieux. À ce spectacle, Madeleine, ravie, hors d'elle-même, se mit à la féliciter tout haut de son bonheur; ensuite elle demanda au Sauveur Jésus pourquoi il n'avait pas admis plus tôt cette bonne âme en sa sainte présence; en effet elle avait passé cinq heures, non dans le Purgatoire, mais dans un lieu particulier, où sans souffrir aucune peine sensible, elle était privée de la vue de son Dieu. Elle reçut pour réponse que, dans sa dernière maladie, cette sœur s'était montrée trop sensible aux peines que l'on se donnait pour elle, ce qui avait interrompu quelque temps son union habituelle avec Notre Seigneur.

À cause de ce reste d'amour-propre, il avait fallu qu'elle subît ce retardement à la jouissance de son tout, pour être entièrement purifiée.

La même sainte vit, une autre fois, une religieuse de sa communauté qui venait de mourir, toute brillante de clartés ; les mains seules étaient encore privées de cet éclat céleste, à cause de certaines imperfections contraires au vœu de pauvreté. Au bout de quelque temps, les mains s'irradièrent à leur tour, et elle fut mise en pleine jouissance de la gloire. (Vie de sainte Madeleine, chap. x.)

Le père François Gonzague, depuis évêque de Mantoue, rapporte un fait du même genre dans son livre de l'origine de la religion Séraphique (IVè partie, n 7).
94 :
Frère Jean de Via, franciscain d'un grand mérite, tomba malade et mourut dans ni) couvent des îles Canaries. Son infirmier, frère Ascension, fort avancé, lui aussi, dans la perfection religieuse, priait pour le repos de son âme, quand il aperçut devant lui un religieux de son ordre, tout baigné de rayons lumineux, qui remplissaient la cellule d'une douce clarté; le frère tout hors de lui, ne le connut pas pour lors l'apparition et n'osa lui demander son nom; elle se renouvela ainsi, une seconde et une troisième fois. A la fin, le frère Ascension s'enhardit :
- " Qui êtes-vous donc, demande-t-il ? Pourquoi venez-vous si souvent en ce lieu ? Je vous conjure, au nom de Dieu, de me répondre. " - " Je suis, répond l'esprit, l'âme du frère Jean de Via, qui vous suis bien reconnaissant pour les prières que vous faites monter au ciel en ma faveur.
Je viens vous apprendre que, grâce à la divine miséricorde, je suis dans le lieu de salut parmi les prédestinés à la gloire, et ces rayons vous en sont une preuve, cependant je n'ai pas encore été jugé digne de voir la face du Seigneur, à cause d'un manquement qu'il me faut expier. Durant ma vie terrestre, j'ai oublié, par ma faute, la récitation de certains offices pour les défunts, à quoi j'étais obligé par la règle. Je vous conjure, au nom de l'amour que vous avez pour Jésus-Christ, faites en sorte que ces offices soient acquittés pour moi, afin que je puisse jouir de la vue de mon Dieu. " Frère Ascension courut raconter sa vision au père gardien ; on s'empressa d'acquitter les offices de mandés, et, dès que cette obligation fat remplie, l'âme du frère Jean de Via, se fit voir de nouveau, mais bien plus brillante encore; elle était en possession de la félicité complète.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:49

Voici encore un fait du même genre, tiré des révélations de sainte Gertrude :
95 :
Une pieuse religieuse était morte, à la fleur de son âge, dans le baiser du Seigneur. Pendant les jours de son pèlerinage, elle s'était fait remarquer par une tendre dévotion au Saint-Sacrement; après sa mort, Gertrude la vit, toute brillante de célestes clartés, agenouillée devant le divin Maître, qui laissait échapper, de ses plaies glorifiées, cinq rayons enflammés qui allaient doucement frapper les cinq sens de la défunte. Elle gardait néanmoins sur le front comme un nuage d'ineffable tristesse : " Seigneur Jésus, s'écria la sainte, comment pouvez-vous illuminer de la sorte votre servante, sans qu'elle éprouve une joie parfaite ? " - " Jusqu'à cette heure, répondit le doux Maître, cette sœur a été jugée digne de contempler seulement mon humanité glorifiée et de jouir de la vue de mes cinq plaies, en considération de sa tendre dévotion au mystère de l'Eucharistie mais elle ne peut pas être admise à la vision béatifique, par suite de quelques taches légères qu'elle à contractées dans l'observation de ses règles. "

La sainte ayant intercédé pour elle, Notre Seigneur lui fit connaître qu'à moins de nombreux suffrages en sa faveur, il lui fallait attendre jusqu'à l'entier accomplissement de sa peine; ainsi l'exigeait la justice divine qui ne peut rien relâcher de ses droits, en l'autre monde. Cette âme le comprenait si bien d'ailleurs que, malgré son ardent désir de voir Dieu, elle fit signe à Gertrude qu'elle ne voulait pas être délivrée avant d'avoir satisfait entièrement pour ses fautes, et Notre Seigneur, en signe de particulière bienveillance, étendit la main sur sa tête et la bénit.

On avait recommandé aux prières de la bienheureuse Marguerite-Marie, l'âme d'une supérieure de la Visitation, lui assura que cette Âme lui était fort chère pour
96:
l'amour et la fidélité qu'elle avait eus à son service, dont il lui gardait une ample récompense dans le ciel, après qu'elle aurait achevé de se purifier dans le Purgatoire, où il la lui fit voir,
recevant de grands soulagements dans ses peines, par l'application des suffrages et bonnes œuvres qui étaient toujours offerts pour elle.

Il s'agissait, comme on peut le voir par les mémoires de la Visitation, de la mère de M... supérieure d'Annecy, décédée en odeur de sainteté le 5 février 1683. Or, le jeudi saint de la même année, la bienheureuse priant pour elle devant le Saint- Sacrement, Notre Seigneur la lui fit voir sous le pied du calice dans lequel il reposait lui-même; là cette âme achevait de se purifier, recevant participation de l'agonie de Notre Seigneur au jardin des Olives. Le jour de Pâques, elle la vit dans un état de félicité consommée, et le dimanche du bon Pasteur, elle la vit comme se perdant et s'abîmant dans la gloire, en proférant ces paroles : "L'amour triomphe, l'amour jouit, l'amour en Dieu se réjouit." Son Purgatoire avait duré plus de deux mois. (Vie de la bienh. Marguerite-Marie. Lettre d la M. Greyfié.)

Voici maintenant, pour terminer ce sujet, l'histoire très authentique d'une âme qui passa un temps assez long dans cette douloureuse épreuve de l'attente de Dieu; je la citerai tout au long afin de faire connaître les sentiments intérieurs de ces saintes âmes. Puissent leurs ardeurs brûlantes réchauffer un peu nos pauvres cœurs glacés, qui ont tant de peine à comprendre, pendant les jours de l'exil, cette faim et cette soif de Dieu ! Ce récit a été examiné et approuvé par le vicaire général de l'archevêque de Trèves, il présente par conséquent des garanties sérieuses de vérité; on le trouve dans le P. Nieremberg, (de Pulchritudin. Dei, lib. 11, cap. II.)
97 :
Le jour de la Toussaint, une jeune fille d'une rare piété et modestie, vit apparaître devant elle l'âme d'une dame de sa connaissance, morte un peu auparavant; elle lui fit connaître qu'elle ne souffrait que de la privation de Dieu, mais elle ajouta que cette privation était pour elle un supplice intolérable. Elle se fit voir ainsi à elle plusieurs fois, et presque toujours dans l'église, parce que, ne pouvant voir Dieu face à face dans le ciel, elle s'en voulait dédommager en le contemplant au moins sous les espèces Eucharistiques.

Du reste, rien ne saurait donner une idée de sa profonde adoration et de son respect sans bornes dans l'église. Quand elle assistait au divin sacrifice, au moment de l'élévation, son visage s'irradiait de telle sorte qu'on eût dit un séraphin descendu du ciel; la jeune fille en était dans l'admiration, et déclarait n'avoir jamais rien vu de beau. Quand son amie communiait, cette âme l'accompagnait à la sainte table et demeurait auprès d'elle tout le temps de son action de grâces comme pour participer à son bonheur et jouir elle aussi de la présence de Jésus. Elle était vêtue de blanc, un voile de même couleur sur la tête, et tenait ordinairement un long rosaire à la main, signe de la tendre dévotion qu'elle avait toujours professée pour la reine du ciel.

Un jour que la jeune fille, avec quelques compagnes, décorait l'autel de la bonne Mère, toutes s'inclinèrent, après avoir fini leur tâche, pour baiser les pieds de la statue; les ayant embrassés l'autre monde elle la vit accourir toute joyeuse qui la remerciait avec affection. Ce jour-là, elle lui apprit qu'elle avait fait vœu autrefois de faire dire trois messes à l'autel de la très sainte Vierge, et que n'ayant pu l'accomplir, cette dette
98:
sacrée ajoutait à son tourment; elle la pria donc de s'en acquitter à sa place, ce qu'ayant fait la jeune personne, la défunte lui apparut toute joyeuse pour la remercier, et en reconnaissance elle lui conseilla de ne jamais faire de vœu, à moins qu'elle ne fût bien résolue à l'accomplir, car la justice de Dieu est impitoyable à cet égard.

Elle l'exhortait en même temps à une filiale dévotion envers Marie, spécialement à se souvenir de ses douleurs sur le Calvaire. Quand vous rencontrerez quelqu'une de ses images, lui disait-elle, ayez soin de la saluer en répétant ces trois invocations des litanies. Mater admirabilis, Consolatrix afflictorum, Regina sanctorum omnium. Plus vifs seront votre amour et votre dévotion envers cette bonne mère, plus assurée et plus efficace sera son assistance, au moment terrible du jugement qui fixe notre sort éternel.

Elle lui conseillait aussi d'avoir une tendre charité et compassion pour les pauvres âmes du Purgatoire qui sont si à plaindre, puisqu'elles ne peuvent s'aider. " Offrez pour elles, lui disait-elle, vos prières, vos pénitences, vos bonnes œuvres, elles vous le rendront bien plus tard, quand elles seront devant Dieu. "

Un jour, docile à ces conseils, la jeune fille récitait cinq Pater et cinq Ave, les bras en croix, pour les défunts, l'apparition accourut, et lui soutenait les bras pour l'aider dans sa prière.

Un autre jour, pendant qu'elle lui parlait à l'église, la clochette de l'élévation s'étant mise à sonner à un autel voisin elle y courut aussitôt, et se prosternant, adora Notre Seigneur avec un profond respect. Chaque fois qu'elle prononçait, ou entendait prononcer les noms sacrés de Jésus et de Marie, elle s'inclinait dans un recueillement angélique.
99 :
Cependant les jours passaient, sans que, malgré ses ardents désirs et les prières de son amie, cette sainte âme fût admise devant la face du Seigneur. Le 3 décembre, fête de saint François-Xavier, sa protectrice devant communier à l'église des pères jésuites, l'invita à s'y trouver; la défunte fut fidèle au rendez-vous, l'accompagna à la sainte table, et demeura auprès d'elle tout le temps de son action de grâces qui fut fort long, alors elle la remercia et lui annonça que l'épreuve touchait à sa fin. Le 8 décembre, fête de l'Immaculée Conception, elle revint encore, mais elle était déjà si brillante que son amie ne pouvait la regarder. Enfin le 10 décembre, pendant la sainte messe, la jeune fille la vit dans un éclat plus merveilleux encore; elle s'approcha de l'autel, qu'elle salua respectueusement, remercia son amie de ses prières, et monta au ciel en compagnie de son Ange gardien; elle allait enfin jouir de la vue de celui après lequel elle avait tant soupiré.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:50

De tout ceci ressort clairement l'existence d'un Purgatoire supérieur, où les âmes achèvent de se purifier, à l'abri de tout supplice, et par la seule ardeur de leurs désirs. D'autres apparitions nous apprennent encore que plusieurs âmes sont tourmentées sensiblement, mais d'une manière légère, bien qu'elles soient déjà entrées en partie dans la gloire des élus. Ceci se rapporte parfaitement à l'opinion la plus commune des théologiens, qu'il y a dans le Purgatoire certaines peines inférieures à celles que l'on éprouve en ce monde.

Sainte Madeleine de Pazzi vit un jour une de ses sœurs revêtue d'un manteau de feu, dont elle était préservée en grande partie par une robe formée de lis entrelacés. Le manteau était le châtiment de son trop de recherche dans l'habillement, et la robe de lis la récompense de son admirable pureté
100 :
Un religieux dominicain, grand prédicateur dans son ordre, apparut ainsi à Cologne, couvert de vêtements magnifiques, une couronne d'or sur la tète. Ces ornements représentaient les âmes qu'il avait sauvées par ses prédications, et la couronne d'or était la récompense de sa parfaite exactitude à accomplir tous les points de sa règle et de sa pureté d'intention. En même temps, la langue endurait des tourments à cause de sa trop grande facilité à dire le mot pour rire et à plaisanter, ce qui ne convient pas aux religieux et moins encore à un prêtre. (Voir Rossignoli, Merv. du Purg., LXXXIIIè merv.)

Il nous faut maintenant descendre dans la région moyenne du Purgatoire; ce lieu, d'après la description de sainte Françoise Romaine que nous avons vue plus haut, convient parfaitement à ce que sainte Madeleine de Pazzi nous a appris du cachot où sont renfermées les âmes qui ont péché par ignorance ou par faiblesse; même genre de fautes, mêmes supplices mitigés, même expiation par le feu et par la glace. Pour mieux faire connaître cette région intermédiaire, je transcrirai ici ce que sainte Madeleine nous apprend de l'âme de son frère, qu'elle reconnut en cet endroit (Vie de la sainte par son confesseur, ch. x).

La première fois qu'elle aperçut l'âme de son frère livrée à ces tourments excessifs, si on les compare à ceux de la terre, bien que légers par rapport à ceux du Purgatoire inférieur, elle s'écria : " 0 frère misérable et bien- heureux tout ensemble! ô âme affligée et pourtant glorieuse! ces peines sont intolérables, et cependant elles sont supportées avec joie; que n'est-il donné de les coin- prendre à ceux qui manquent de courage pour porter leur croix ici-bas 1 Pendant que vous étiez dans le monde, ô mon frère, vous ne vouliez pas m'écouter, et maintenant, vous désirez ardemment que je vous écoute. Pauvre victime, qu'exigez-vous de moi ?
101 :
Elle s'arrêta un moment et compta jusqu'à cent sept-, puis elle fit connaître que c'était autant de communions que son frère lui demandait d'une voix suppliante. " Oui, répondit-elle, je puis facilement faire ce que vous demandez ; mais, hélas! qu'il faudra de temps pour acquitter cette dette ! oh ! que j'irais volontiers où vous êtes, si Dieu voulait me le permettre, pour vous délivrer ou pour empêcher que, d'autres y descendent ! Dieu de bonté, l'amour que vous portez à vos créatures est bien supérieur à celui qu'elles ont pour vous ! Vous désirez qu'elles viennent à vous avec plus d'empressement qu'elles n'en éprouvent elles- mêmes, ô Dieu également juste et miséricordieux ! soulagez ce frère qui vous servit dès son enfance, regardez-le avec bonté, je vous en conjure, et usez de votre grande miséricorde à son égard. Ô Dieu très juste, s'il n'a pas toujours été assez attentif à vous plaire, du moins il n'a jamais méprisé ceux qui faisaient profession de vous servir plus fidèlement. Il est vrai qu'il a commis des fautes, mais il ne les louait ni ne les excusait. "
Après avoir dit ces mots, elle se mit,' toujours dans l'extase, à réciter des psaumes pour le repos de l'âme de son frère, puis au sortir de sa vision, elle courut, encore tout émue, chez la mère Prieure, et tombant à genoux elle lui dit :

" 0 ma Mère, qu'elles sont terribles les souffrances du Purgatoire ! je ne les aurais jamais crues telles, si Dieu ne me les eût montrées. " Mon Dieu, disait-elle encore, après une vision du même genre, je ne puis plus vivre sur cette terre, ni agir avec les créatures, après avoir vu ces choses; " puis ayant vu la gloire qui doit suivre cette purification sévère, elle dit d'un visage joyeux : " Non, je ne vous appellerai plus désormais peines cruelles, mais avantageuses, puisque vous conduisez les âmes à une telle gloire et à une si grande félicité. "
102:
On voit par ces passages que les peines de ce Purgatoire moyen sont encore très grandes et surpassent de beaucoup tout ce que l'on pourrait souffrir en ce monde, bien que, si on les compare aux peines du Purgatoire inférieur, qui nous attendent bien probablement, on soit tenté de s'écrier avec sainte Madeleine, et à meilleure raison, heureuses peines! que je voudrais n'avoir jamais à souffrir davantage !

Et maintenant pour être complet, il nous faudrait descendre dans la région inférieure du Purgatoire, où sont punis les grands pécheurs, les religieux et les prêtres. Mais comme je traiterai dans un chapitre à part du Purgatoire des personnes consacrées à Dieu, ce que j'ai dit au chapitre III de la rigueur des peines du Purgatoire, et au chapitre IV des peines propres à chaque péché suffit, je le crois, à nous faire bien connaître ces régions désolées; c'est pourquoi je me contenterai de prendre çà et là, dans sainte Françoise Romaine, quelques traits nouveaux pour faire mieux connaître le Purgatoire des laïcs, qui ont des fautes graves à expier.

On a vu que ce lieu est tout plein d'un feu clair et pénétrant. Les âmes qui ont commis des fautes graves sont plongées par les Anges dans ce feu qui les brûle plus ou moins, selon le degré de culpabilité. On doit rester sept ans dans ce feu pour chaque péché mortel que l'on a fini, les âmes montent au Purgatoire moyen pour y expier leurs petites fautes.

La force des souffrances ainsi endurées dans le feu du Purgatoire arrache sans cesse à ces pauvres âmes des gémissements humbles et pieux, mais si plaintifs que personne ne pourrait l'imaginer en cette vie ; toutes savent qu'elles souffrent justement, qu'elles ont bien mérité
103:
les peines que la justice divine leur inflige, et leurs plaintes tout affectueuses, leur procurent quelque consolation ; ce n'est pas qu'elles sortent du feu pour cela, mais Dieu voit avec bonté et miséricorde qu'elles acceptent leurs souffrances, et elles en reçoivent quelque soulagement, sachant bien qu'un jour elles parviendront à la gloire.

On voit aussi que les âmes du Purgatoire passent ordinairement d'une région dans une autre ; c'est ce que con- firme une apparition très intéressante, arrivée dans les mois de septembre à décembre 1870, au monastère des Religieuses Rédemptoristes, à Malines, en Belgique.
Comme cette révélation à été examinée et approuvée par l'autorité épiscopale, je ne crains pas de la citer malgré la date toute récente,

Le père d'une religieuse de ce couvent, nommée sœur Marie- Séraphine, et dans le monde Mademoiselle Angèle Aubépin, étant venu à mourir, apparut pendant trois mois à sa fille, pour lui demander des prières.

Pendant un peu plus du premier mois, il lui apparut tout enveloppé de flammes, et lui criant : " Pitié, ma fille, aie pitié de ton père. Regarde, lui dit-il un jour, regarde cette plusieurs centaines. Oh ! si l'on savait ce que c'est que le Purgatoire, on ferait tout pour l'éviter et pour secourir ces pauvres âmes qui y sont renfermées. " En même temps, du milieu des flammes où il était plongé, il s'écriait continuellement : " J'ai soif ! j'ai soif! "

A partir du 14 octobre, le pauvre patient, quoique livré aux plus affreuses tortures, ne parut plus environné de flammes; sans doute il était passé à la région moyenne du Purgatoire.

Étant dans cette deuxième période, il dit un jour à sa fille que les théologiens n'avaient rien exagéré, en enseignant
104 :
que les tourments des martyrs sont inférieurs à ceux que subissent les âmes du Purgatoire ; et la veille de la Toussaint, la religieuse lui ayant demandé, d'après l'ordre de son confesseur, sur quel sujet il fallait prêcher le jour de la fête : " Hélas! lui répondit-il, les hommes ignorent, ou ils ne croient pas assez que le feu du Purgatoire est semblable à celui de l'Enfer ; si on pouvait faire une seule visite au Purgatoire, on ne voudrait plus commettre un seul péché véniel, tant on y est rigoureusement puni. "

Le 30 octobre, la religieuse entendit son père, prononcer ces paroles avec un douloureux soupir : " il me semble qu'il y a une éternité que je suis ici; ma plus grande peine maintenant est une soif dévorante de voir Dieu et de le posséder, je m'élance sans cesse vers Lui, et je me sens constamment repoussé dans l'abîme, parce que je n'ai pas encore pleinement accompli ma peine. " On petit augurer de ces paroles, qu'il était déjà passé au Purgatoire supérieur ; d'ailleurs, le 5 décembre, on n'en put douter, car il apparut déjà tout resplendissant, à travers une auréole de tristesse.

Du 3 décembre au 12, l'apparition ne revint pas mais le 12 et les trois jours suivants, elle se montra de plus en plus resplendissante.

Enfin, pendant la messe de minuit, entre les deux élévations, le défunt apparut, pour la dernière fois, tout éblouissant de lumière et de béatitude. J'ai achevé mon temps d'expiation, dit-il à sa fille, je viens te remercier, toi et ta communauté qui a tant prié pour moi. À mon tour, je prierai pour vous toutes. Je demanderai pour toi une soumission parfaite à la volonté de Dieu, et la grâce d'entrer dans le ciel sans passer par le Purgatoire. "

Ce furent ses dernières paroles; sa fille ne put qu'entre-
105 :
-voir son visage, car il était perdu et comme abîmé dans la lumière.

Cette histoire est fort remarquable, en ce qu'elle montre comment les différentes divisions du Purgatoire sont unies, et comment les âmes passent de l'une dans l'autre, selon les différents degrés de leur expiation. C'est ainsi que Dieu rend à chacun selon ses œuvres et fait concorder exactement la mesure de la peine avec celle de la faute, tenant compte aux âmes, dans sa justice et sa miséricorde, du plus ou moins de grâces accordées, du plus ou moins de lumières reçues, car selon la parole de l’Écriture : il sera demandé davantage à qui aura reçu davantage.
Cui multum datum est multum quoeretur ab eo.
fin page 105

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:50

Chapitre 6 Du Purgatoire des personnes consacrées à Dieu p.106 - 131

Du Purgatoire des religieux et des prêtres. - Sévérité de la justice divine à leur égard et raisons de cette sévérité ! - Du Purgatoire des religieux et religieuses. – Des fautes que Dieu punit particulièrement en eux. – De la tiédeur au service de Dieu. – Des manquements aux vœux d’obéissance et de pauvreté. – Des fautes contre la charité. – Du Purgatoire des prêtres, la grandeur de leur vocation donne la mesure de leur châtiment; ce châtiment croit avec la dignité des personnes. – Du purgatoire des évêques. – Du Purgatoire des Papes. – Des fautes que Dieu punit plus sévèrement dans ses prêtres. – Tiédeur, négligence dans la récitation de l’office. – La célébration de la sainte messe. – Des fautes contre le prochain. – Du trop de sévérité. – Défaut de zèle, fautes contre la charité. – Exemples nombreux.

En commençant ce chapitre, ma main tremble et mon cœur est ému. Prêtre, je vais dire les sévérités de la justice divine sur mes frères dans le sacerdoce; appelé à servir l’Église dans les rangs de la milice apostolique, je vais parler des châtiments infligés aux âmes d’élite, à ceux que Notre Seigneur sur la terre appelait ses amis : Jam non dicam vos servos, vos autem dixi amicos.

Hélas ! je vais écrire d’avance mon jugement et prononcer ma condamnation. Puisse au moins la divine miséricorde me tenir compte de la violence que je me fais, pour servir mes frères, et me donner la force de me corriger enfin de mes nombreux défauts, afin que, si l’amour ne suffit pas à me convertir, la crainte du Purgatoire que je me prépare m’arrête au moins et me fasse éviter le péché.

On a vu, dans les précédents chapitres, que Dieu, dans son éternelle justice, proportionne les châtiments à la mesure des grâces dont on aura abusé. Les personnes consacrées à Dieu ont donc à subir, après la mort, des expiations en rapport avec la grandeur de leur vocation. D’après sainte Françoise Romaine, il faut descendre dans la région inférieure du Purgatoire, au-dessous des laïcs qui ont commis les fautes les plus graves, pour trouver le cachot des clercs non encore honorés du sacerdoce, des religieux et des religieuses; quant aux prêtres, il faut descendre encore plus bas, tout au fond de l’abîme et sur les confins mêmes de l’Enfer, pour trouver leur place. Les prêtres et les religieux sont ainsi traités avec plus de sévérité que les simples chrétiens, même lorsqu’ils ont moins de fautes à se reprocher, à cause de leur dignité qu’ils n’ont pas assez honorée, et de la connaissance plus grande qu’ils avaient de leurs devoirs en cette vie. Quoique réunis en un même lieu, chacun d’eux est puni selon le nombre et la grandeur de ses fautes, et selon le rang qu’il occupait dans l’Église. La même proportion est observée pur la durée de la peine. (Voir la vie de la Sainte dans les Bolland.)

Ces révélations de sainte Françoise Romaine sont confirmées par un grand nombre de visions particulières. " Ma fille, disait une âme du Purgatoire à une bonne religieuse de Belgique, soit sainte, car le Purgatoire des religieuses est terrible ! "

Vincent de Beauvais, dans son Speculum historicum, Lib. VII, cap. CIX, nous apprend qu’un moine bénédictin, au moment de mourir, eut une vision du Purgatoire des religieux : les uns étaient en proie à des flammes dévorantes qui les pénétraient comme autant de dards; d’autres étaient couchés sur des grils ardents, dont la seule vue faisait frémir. Son Ange lui dit alors : " Ceux que tu vois livrés à des tourments si atroces sont des religieux de tous les ordres; ils n’ont jamais commis de fautes graves, mais ils se sont rendus coupables de plusieurs négligences qu’ils doivent expier sévèrement, avant d’être admis devant Dieu. Les uns n’ont pas observé assez exactement le silence, les autres ne se sont pas appliqués avec assez de ferveur au chant de l’office divin : les autres ont cédé à la paresse, à la somnolence ou à la curiosité; d’autres enfin ont trop aimé la plaisanterie et ont montré dans leur extérieur une légèreté pardonnable à peine dans un laïc. A cause de ces fautes, relativement légères, tu les vois livrés à ces affreux supplices, jusqu’à ce qu’ils aient entièrement satisfait à la justice de Dieu pour tous leurs manquements. "

Un premier jour de l’an, la bienheureuse Marguerite-Marie priait pour trois personnes récemment décédées; deux de ces personnes étaient religieuses et la troisième séculière. Notre Seigneur délivra l’âme de la personne séculière, disant qu’il avait moins de peine à voir souffrir des personnes religieuses, à cause qu’il leur donne plus de moyens de mériter et d’expier leurs péchés pendant cette vie, par la fidèle observance de leurs règles. (Vie de la Bienh. déjà citée.)

Nous avons vu, dans sainte Françoise, que les simples clercs, les religieux et les religieuses sont traités avec moins de sévérité que les ministres des autels, bien que leurs châtiments soient plus rigoureux que ceux des laïcs. Voici maintenant les fautes que la divine justice punit en eux d’une manière spéciale; c’est d’abord la tiédeur au service de Dieu. Je rapporterai à ce sujet un trait remarquable, que j’ai trouvé dans la vie de la V. mère Agnès de Langeac, dont j’ai déjà parlé.

Comme la mère Agnès priait dans le chœur, une religieuse qu’elle ne connaissait pas, parut devant elle, avec un visage fort abattu, et habillée comme le sont de nuit les religieuses. La considérant attentivement elle ouït une voix qui lui dit : c’est la sœur du Haut-Villars (c’était une religieuse du monastère du Puy, décédée il y avait plus de dix ans). En cette apparence, elle ne disait mot, mais elle témoignait assez, par son triste maintien, le grand besoin qu’elle avait d’être secourue. Aussi la mère Agnès, entendant bien ce qu’elle voulait dire, se mit à prier pour elle de la bonne sorte. Cela dura plus de trois semaines, pendant lesquelles cette pauvre défunte, toujours en peine, lui apparaissait presque en tout temps et en tous lieux, surtout après la communion ou l’oraison. La charitable mère ayant cru devoir en communiquer avec le confesseur, ce bon Père était d’avis qu’on fit savoir la chose au monastère de Sainte-Catherine du Puy, dont la défunte avait été religieuse; mais la mère Agnès ayant représenté que cela serait pris pour une rêverie, il demeura d’accord qu’on n’en manderait rien à personne, et que pour en parler à Dieu plus efficacement, elle ferait quelques prières extraordinaires, ce qu’elle put réaliser, ayant demandé à sa Prieure de faire des prières particulières pour les âmes du Purgatoire; de quoi cette victime de la charité s’acquittant fort fervemment, la défunte continuait toujours ses apparitions à son ordinaire, si bien qu’elle entra en de grandes craintes qu ce ne fût une illusion; mais son ange la tira de cette peine, en l’assurant que c’était vraiment une âme du Purgatoire qui souffrait ainsi, pour sa tiédeur au service de Dieu. Depuis cette apparition de l’ange, celle de l’âme cessa, en sorte qu’on ne put savoir combien de temps encore cette infortunée demeura au Purgatoire.

Nous avons déjà vu une des sœurs de la mère Agnès la remercier, après sa mort, de ce que pendant la vie elle lui avait rappelé souvent la parole des saints livres : maudit soit celui qui fait l’œuvre de Dieu négligemment, et l’avait ainsi empêchée de s’abandonner à une fatale tiédeur. La sœur, dont je vais parler, n’avait probablement pas assez tenu compte de ces avis de la mère Agnès, car après sa mort elle fut condamnée à un rude Purgatoire.

Voici le fait tiré, ainsi que le précédent, de la vie de la V. mère Agnès, par M. de Lantages.

Il mourut une religieuse de Langeac, nommée sœur Séraphique. Aussitôt le confesseur commanda à la mère Agnès de demander à Dieu qu’il lui plût lui faire connaître l’état de cette âme. Pour obéir, elle fit cette demande à Notre Seigneur en l’oraison; et s’étant offerte à lui pour la religieuse, elle sentit incontinent une grande ardeur par tout le corps, par où elle comprit que Dieu lui voulait signifier que la pauvre sœur souffrait le feu du Purgatoire; et en effet, y ayant été menée aussitôt en esprit, elle l’y reconnut parmi plusieurs âmes qui brûlaient dans ces flammes, et entendit que d’une voix lamentable elle lui demandait du secours. Cette même sœur lui apparut une autre fois, et lui demanda sa bénédiction, que la mère Agnès lui donna, et environ huit jours après, la charitable supérieure ayant communié, descendit au chapitre, et se prosternant sur le tombeau de cette sœur, elle demanda avec beaucoup de larmes et de gémissements qu’il plût à la divine bonté de son Époux de tirer cette sienne fille des flammes qui la tourmentaient et retardaient de sa bienheureuse jouissance; à ces demandes si ferventes, une voix répondit sensiblement : " Continue encore de prier, il n’est pas temps de la délivrer. " Enfin deux jours après, la mère Agnès assistant à la messe, vit au moment de l’élévation, cette âme monter au ciel avec une extrême joie, et quand elle fut rentrée dans sa chambre, deux anges, en forme de jeunes garçons, lui apparurent, l’un desquels lui annonça que la sœur Séraphique était au ciel, et la remercia pour elle de ce qu’elle avait hâté sa délivrance du Purgatoire.

J’ai parlé précédemment d’une religieuse de la Visitation, qui apparut à la B. Marguerite-Marie, pour solliciter ses prières dans les rigoureux supplices qu’elle endurait : or cette pauvre sœur se lamentait surtout, au milieu de son supplice, pour sa trop grande facilité à prendre des dispenses de la règle et des exercices communs; elle déplorait aussi bien vivement les soins qu’elle avait pris pour se procurer des soulagements et commodités, disant que, sans la sainte Vierge, elle aurait été perdue. Une autre religieuse qui lui apparut en même temps et qui souffrait moins, ne demandait aucun soulagement, de quoi la B. Marguerite s’étonnait; il lui fut répondu que cela ne lui était pas permis, à cause qu’elle avait manqué de correspondre à l’attrait que Dieu lui avait donné pour la pure souffrance, et que, contre les vues de la Providence, elle avait cherché son soulagement avec trop d’inquiétude.

Ces exemples sont propres à faire impression sur les âmes religieuses qui, après avoir commencé à se donner à Dieu, languissent au service d’un si bon Maître, et résistent aux inspirations de sa grâce, se traînant toute leur vie dans l’ornière de la routine et de la tiédeur. En voici d’autres qui montreront avec quelle sévérité sont punis les manquements aux vœux de pauvreté et d’obéissance, je ne parle pas ici des manquements au vœu de chasteté, car pour ceux qui ne craignent pas de souiller sacrilègement le don qu’ils ont fait d’eux-mêmes au divin Époux des âmes, leur place n’est pas dans le Purgatoire, mais ailleurs.

Au rapport de sainte Madeleine de Pazzi, une religieuse fut détenue pendant seize jours dans le Purgatoire, pour trois fautes qui nous paraîtraient bien légères : 1? Elle avait travaillé sans nécessiter à de petits ouvrages de femme, pendant trois jours de fête; 2 ? elle avait omis, par respect humain, de faire connaître à ses supérieurs certaines inspirations que Dieu lui avait données, pour le bien de la communauté; 3 ? elle aimait un peu trop les siens. Ces fautes l’auraient même retenue plus longtemps dans le Purgatoire, mais ses peines avaient été abrégées à raison de sa fidélité à garder la règle, de sa pureté d’intention et de sa charité envers ses sœurs.

Ceci nous amène à parler des fautes contre la charité, que Dieu a spécialement en horreur dans les personnes religieuses, et cela se conçoit, car rien n’est plus opposé à la sainte cordialité et dilection, qui doivent toujours régner entre ceux qui se donnent les doux noms de frères et de sœurs.

Saint Louis Bertrand, priant une nuit dans le chœur après matines, selon sa sainte habitude, vit venir è lui un religieux, tout enveloppé de flammes, qui se jeta à ses pieds, le supplia de lui pardonner une parole injurieuse qu’il avait prononcée contre lui bien des années auparavant : " Car, disait ce malheureux, c’est à cause de cela seulement que je Juge suprême me retient en Purgatoire. Je vous supplie encore, mon Père, au nom de la sainte charité, de dire pour moi une seule messe, et j’espère que je serai aussitôt délivré de mes peines. " - " Quant à la parole que vous me rappelez, reprit le saint, je vous la pardonne bien volontiers, et dès demain, je dirai la messe que vous me demandez. " La nuit suivante, le défunt lui apparut radieux et glorifié, il montait au ciel. (Vita sancti Ludovici, in diario Dominicano, 10 octobre.)

Ce trait rappelle la parole de Notre Seigneur dans l’Évangile : Quiconque dira à son frère : vous êtes un four, sera condamné au feu.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:51

La Bienheureuse Marguerite-Marie ayant vu en songe une religieuse décédée depuis longtemps, celle-ci lui dit qu’elle souffrait beaucoup en Purgatoire, mais que Dieu venait de lui faire souffrir une peine incomparable en lui montrant une de ses parentes précipitée en Enfer. "Je n’éveillai là-dessus, écrit la Bienheureuse, avec de si grandes peines qu’il me semblait qu’elle m’avait imprimé les siennes, sentant mon corps si brisé que je ne me remuais qu’avec peine; mais comme on ne doit pas croire aux songes, je n’y faisais pas grande réflexion, mais elle m’y fit faire attention malgré moi, car elle me pressait si fort qu’elle ne me donnait pas de repos, me disant incessamment : priez Dieu pour moi : offrez-lui vos souffrances, unies à celles de Jésus-Christ, pour soulager les miennes. Donnez-moi tout ce que vous ferez, jusqu’au premier vendredi du mois, que vous communierez pour moi; ce que je fis, avec la permission de ma supérieure. "

"Mais ma peine s’augmenta si fort qu’elle m’accablait, sans pouvoir trouver de soulagement et de repos; car l’obéissance m’ayant fait retirer pour en prendre, je ne fus pas sitôt au lit qu’il me sembla la voir près de moi, me disant ces paroles : te voilà dans ton lit, bien à ton aise, regarde-moi, couchée sur un lit de flammes, où je souffre des maux intolérables. Et me faisant voir cet horrible lit, qui me fait frémir chaque fois que j’y pense dont le dessus était de pontes aiguës qui étaient tout en feu et lui entraient dans la chair; elle me disait que c’était à cause de sa paresse et de ses négligences à l’observance de la règle, et de ses infidélités à Dieu. On me déchire le cœur avec des peignes de fer tout ardents, ce qui est ma plus grande douleur, pour la peine de mes murmures et des désapprouvements dans lesquels je me suis entretenue contre mes supérieurs; ma langue est mangée de vermine pour punir mes paroles contre la charité; et pour mes manquements au silence, ma bouche est tout ulcérée. Ah ! que je voudrais que toutes les âmes consacrées à Dieu me pussent voir dans cet horrible tourment; si je pouvais leur faire sentir la grandeur de mes peines et celles qui sont préparées à celles qui vivent négligemment dans leur vocation, sans doute qu’elles y marcheraient avec une autre ardeur dans l’exacte observance. Tout cela me faisait fondre en larmes; on me voulait donner quelques remèdes; elle me dit : on pense bien à te soulager dans tes maux, mais personne ne pense à alléger les miens; hélas ! un jour d’exactitude au silence de toute la communauté guérirait ma bouche ulcérée; un autre jour passé dans la pratique de la charité sans faire aucune faute contre elle, guérirait ma langue; un troisième passé, sans aucun murmure ou désapprouvement contre les supérieurs, guérirait mon cœur déchiré! "

Voici ce que la même sainte écrivait à propos d’une autre religieuse à sa supérieure, la mère de Saumaise :

" Je vous demande encore, comme à ma bonne mère, quelques secours particuliers pour cette pauvre sœur H. (c’était une religieuse décédée quelques mois auparavant) pour laquelle, dès le commencement de l’année, j’ai offert tout ce que je pourrais faire et souffrir. Elle ne m’a pas donné de repos que je ne lui aie fait cette promesse de faire pénitence pour elle, me disant qu’elle souffrait beaucoup, particulièrement pour trois choses, la première pour le trop de mollesse et de délicatesse de corps; la seconde pour les rapports et les manquements contre la charité; la troisième pour de certaines petites ambitions. Je vous demande pour elle, quelque charité et le secret. "

On voit par ces exemples, combien les personnes consacrées à Dieu par la profession religieuse doivent veiller sur toutes leurs paroles, sur toutes leurs actions, pour ne pas donner prise aux sévérités de la justice divine, qui les traitera selon la mesure de leur grâce, et l’étendue des lumières qu’il leur a données.

Mais que dire de ceux qui, par la grâce du sacerdoce, ont été faits des Christs vivants au milieu des hommes ! Dépositaires de la science sacrée, pour eux l’excuse d’ignorance est presque impossible; dispensateurs des sacrements, qui sont les canaux par où la grâce et la vertu de Dieu se répandent dans les âmes, ils ne peuvent arguer de leur faiblesse; élevés à la plus haute dignité qui soit sur la terre, et dans le ciel, faits participants du sacerdoce éternel de Jésus-Christ, revêtus de sont autorité, pour traiter avec les âmes, ce haut degré d’honneur donne la mesure de leur châtiment, lorsqu’ils sont infidèles ou prévaricateurs. Hélas ! à combien d’entre eux ne s’appliquent pas les terribles paroles de l’Apôtre : hic jam quoeritur inter dispensatores ut fidelis quis inveniatur. Aussi les révélations des saints sont vraiment effroyables quant à ce qui regarde le Purgatoire des prêtres.

La sœur Françoise de Pampelune, dont j’ai déjà parlé, nous apprend que les prêtres restent ordinairement dans le Purgatoire plus longtemps que les laïcs, et les évêques plus longtemps que les simples prêtres, et l’intensité de leurs tourments est proportionnée à leur dignité. Elle nous apprend ainsi qu’un prêtre resta quarante ans en Purgatoire pour avoir laissé, par sa négligence, une personne mourir sans sacrements; un autre y resta quarante-cinq ans, pour avoir rempli avec une certaine légèreté les sublimes fonctions de son ministère; un évêque, que sa libéralité avait fait surnommer l’aumônier, y demeura cinq ans pour la même cause : un troisième, qu’on vénérait comme un saint, fut condamné à cinquante-neuf ans de Purgatoire pour certaines fautes d’administration.

Les vicaires de Jésus-Christ eux-mêmes, devenus après leur mort simples justiciables du tribunal de Dieu, sont punis d’ordinaire plus sévèrement que de simples évêques. Je ne saurais dire combien j’ai été frappé de ce que j’ai lu, à cet égard, dans la vie de la vénérable servante de Dieu, Anne-Marie Taïgi. Chacun a présentes à la mémoire les épreuves du vénérable Pie VI; arraché de sa demeure par les mains impies de la révolution française, outragé ignominieusement dans sa double dignité de Pontife et de Roi, traîné de ville en ville comme un criminel, il arrive à Valence, pour y mourir de la mort des confesseurs de la foi, le 29 août 1799. Sa vie sur le trône pontifical avait été une digne préparation de cette mort héroïque. Il avait fait de grandes choses comme administrateur, avait lutté, avec une intrépidité tout apostolique, contre le gallicanisme et le joséphisme, ces deux précurseurs de la Révolution; en un mot, son long pontificat de vingt-quatre ans restera comme un des plus grands de l’histoire de l’Église. Or, en 1816, dix-sept ans après sa mort, Marie Taïgi vit son âme se présenter à la porte du Purgatoire, et redes
fin page 116.
117 :
cendre ensuite dans l'abîme son expiation n'était pas encore achevée combien de temps devait-elle durer encore ? c'est le secret de Dieu on sait par la même source que pie VII qui eut tant à souffrir de la part de Napoléon Ier et qui fut un si digne et si saint Pontife qu'il força l'admiration et le respect des incrédules demeura en Purgatoire près de cinq ans Léon XII n'y demeura que quelques mois à cause de son éminente piété et du peu de temps qu'il passa sur le trône pontifical au temps de saint Odilon de Cluny Benoît VIII de sainte et douce mémoire éprouva lui aussi les rigueurs du jugement de Dieu quelques jours après sa mort il apparut à Jean évêque de Porto et lui apprit qu'il était condamné à une terrible expiation pour n'avoir pas répondu parfaitement à la grandeur de sa dignité suprême il espérait néanmoins éprouver du soulagement par les suffrages du saint abbé Odilon qui avait été son ami intime et à qui il avait accordé beaucoup de grâces spirituelles pendant les jours de sa vie mortelle :"je vous supplie conclut-il faites-lui donner avis de ma terrible position si vous avez encore quelque attachement pour moi pour plus de célébrité priez mon successeur Jean d'expédier de suite un messager à Cluny pour que cette vertueuse communauté se souvienne." Dès que saint Odilon eut été informé de cette vision il se mit ainsi que toute la communauté à prier pour le pontife défunt il ajouta à ses prières beaucoup d'aumônes et d'autres oeuvres afin de satisfaire à la divine justice au bout de quelque temps l'économe Edelbert qui en cette qualité était chargé spécialement de la distribution des aumônes eut une vision à son tour il vit entrer au

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:52

118:
chapitre un personnage à l'aspect vénérable couvert d'un riche manteau portant une couronne enrichie de pierres précieuses il fit le tour de la salle s'inclinant plus ou moins profondément devant chaque religieux mais quand il fut arrivé au siège de l'Abbé il inclina la tête jusqu'au genoux du Saint Edelbert étonné de ce spectacle ne savait qu'en penser lorsqu'il entendit une voix qui disait distinctement :"Celui-ci est le souverain pontife Benoît qui vient d'être délivré du Purgatoire par les suffrages de votre saint Abbé et de sa communauté ; avant de monter au Ciel il a voulu venir témoigner sa gratitude à ses bienfaiteurs et les assurer qu'à son tour il ne les oubliera pas devant Dieu." C'est ainsi que la plus haute majesté qu'il y ait sur la terre celui à qui ont été confiées les clefs du royaume du Ciel ne peut y entrer lui-même qu'après avoir satisfait entièrement pour ses propres fautes (Ce trait est tiré du Speculum historicum de Vincent de Beauvais, livre XXIV, chapitre cv ; on le trouve aussi dans la vie de saint Odilon, par les Bollandistes.) Mais voici qui est vraiment effroyable et qu'on n'oserait croire si on n'avait pour garants de ce fait sainte Lutgarde dont la prudence et la discrétion sont connues et le pieux cardinal Bellarmin qui après avoir étudié en théologien tous les détails de cette révélation déclare qu'il ne peut en douter et qu'elle le fait trembler pour lui-même il s'agit du grand pontife Innocent III celui qui célébra le concile de Latran et fit tant pour la réforme de l'Église et des ecclésiastiques après sa mort il apparut à sainte Lutgarde tout environné de flammes :-"Qui donc êtes-vous âme infortunée ? demanda la sainte." -"Je suis
119 :
le feu pape Innocent III.) -- (Quoi ! un si grand et si saint pontife notre père et notre modèle et d’ou vous vient un si terrible châtiment ?" -- (J'expie trois fautes pour lesquelles je devais être damné si au dernier moment la Mère de miséricorde ne m'avait obtenu de son divin Fils la grâce de la contrition parfaite ; mes fautes ont été pardonnées mais il me reste à en subir l'expiation." --Combien de temps doit-elle durer ? -- "Elle sera bien longue encore car je suis condamné aux supplices les plus atroces jusqu'à la fin du monde ; (oeternam quidem mortem evasi, sed poenis atrocissimis usque ad diem judiciicruciabor) Marie m'a encore obtenu cette faveur de venir vous trouver pour vous intéresser à mon sort ayez donc pitié de moi je vous en conjure." La sainte se mit aussitôt avec ses religieuses à intercéder de toutes ses forces pour le malheureux pontife mais rien ne vint lui indiquer que ses prières avaient été exaucées et il est bien possible qu'au bout de cinq siècles l'infortuné soit encore plongé dans ces peines atroces dont il demandait avec tant d'instances d'être délivré sur quoi le cardinal Bellarmin fait ces réflexions :"Cet exemple me remplit vraiment de terreur toutes les fois que j'y pense en voyant un pontife si digne d'éloges qui passe pour un saint aux yeux des hommes sur le point de manquer son salut et condamné aux plus horribles tourments du Purgatoire la fin du monde quel sera le prélat qui ne tremblera de tous ses membres ? qui ne sondera les derniers replis de son coeur pour en chasser les moindres fautes ?". (On peut consulter sur cette histoire : Surius, Vie de sainte Lutgarde, liv.III, chap. IV, et Bellarmin, de gemitu columboe, liv.II, ch. IX.) On comprend après cela combien sont insensés ceux
120:
qui désirent des prélatures et autres dignités ecclésiastiques malheureux qui ne considèrent pas que la responsabilité grandit avec la charge et que plus on est élevé en dignité dans l'Église plus on aura de comptes à rendre à Dieu pour son administration on peut voir dans la vie de sainte Thérèse ce qu'elle pensait à cet égard "On m'annonça c'est la sainte qui écrit la mort d'un religieux qui avait été jadis provincial de cette province et qui l'était alors d'une autre cette nouvelle me causa de grands troubles quoique ce fût un homme recommandable par bien des vertus j'appréhendais pour le salut de son âme parce qu'il avait été vingt ans supérieur et je crains toujours beaucoup pour ceux qui ont charge d'âmes je m'en allais fort triste à un oratoire là je conjurais le Seigneur d'appliquer à ce religieux le peu de bien que j'avais fait en cette vie et de tirer du Purgatoire pendant que je demandais cette grâce avec toute la ferveur dont j'étais capable je vis à mon côté droit cette âme sortir de terre et monter au Ciel dans des transports d'allégresse." (Vie de sainte Thérèse par elle-même, chap.XXXVIII.) Je rapporterai encore un exemple qui est bien propre à guérir du désir des dignités ecclésiastiques la bienheureuse Jeanne de la Croix religieuse Franciscaine avait eu de fréquents rapports avec un des plus grands prélats de son époque que son historien ne nomme pas pendant longtemps il l'avait traitée avec affection et respect puis un jour à la suite d'un avertissement qu'elle lui fit de la part de Dieu pour l'inviter à se corriger de certains défauts de caractère il se fâcha et depuis la persécuta de plusieurs manières or il advint qu'il mourut
121:
et la sainte voulant rendre le bien pour le mal se mit à prier pour lui de toutes ses forces une nuit qu'elle priait à cette intention le défunt lui apparut avec un visage abattu et lamentable une mître brûlante sur le front une crosse de feu en main des chaîne embrasées fermaient ses lèvres et l'empêchaient de pousser autre chose que des gémissements étouffés au lieu de ses riches habits il était couvert de misérables haillons il était environné de quelques âmes que ses exemples avaient portées au relâchement et les démons le tourmentaient de mille façons douloureuses et humiliantes la bienheureuse effrayée de ce spectacle demanda à son ange gardien si c'étaient les peines de l'Enfer ou du Purgatoire mais celui-ci lui répondit :" Dieu vous le fera savoir en temps utile." Elle continua nonobstant cette terrible incertitude à prier pour lui et quelques jours après l'âme du défunt lui apparut de nouveau mais ses tourments étaient diminués il la remercia de ce qu'elle faisait pour lui la conjurant de continuer ses suffrages et lui demanda humblement pardon maintenant qu'il pouvait parler de son injustice à son égard."Béni soit Dieu s'écria la bonne religieuse pour la consolation que j'éprouve à vous savoir préservé de l'Enfer j'avais redouté ce sort affreux pour vous en vous voyant entouré de démons quand vous m'apparûtes pour la première fois." Jeanne continua d'intercéder pour lui et au bout de quelque temps encore il fut délivré de ses peines. (Voir chron.des frères Mineurs, IV p. liv.II, ch.XVIII.) Voyons maintenant pour notre instruction à tous quelles sont les fautes que Dieu punit si sévèrement dans ses prêtres
122 :
la tièdeur est une bien triste et bien dangereuse maladie dans les simples fidèles mais que dire de la tiédeur dans les prêtres ? Comment ce coeur qui chaque matin dans le mystère de l'autel repose sur le coeur de Jésus peut-il ne pas être dévoré des saintes flammes de l'amour de Dieu ? Saint Bernard va nous faire connaître quelle fut la punition d'un de ses moines qui malgré son double caractère de prêtre et de religieux s'était laissé aller à cette déplorable négligence si commune hélas ! Pendant qu'on chantait la messe des funérailles un vieux religieux d'une sainteté peu commune vit une troupe de démons qui se réjouissaient en criant :"Enfin nous y voilà ! de cette indigne vallée ( allusion au nom de Clairveaux) nous n'avons pu tirer encore qu'une seule âme mais celle-là est à nous !..." la nuit suivante le défunt lui apparut en personne dans un extérieur misérable et désolé :"Hier lui dit-il vous avez eu connaissance de mon supplice et de la joie des esprits mauvais voyez maintenant les tortures auxquelles je suis livré en punition de ma coupable négligence." il conduisit alors le vénérable vieillard à un puits large et profond tout rempli de fumée et de flammes :"
Voici le lieu ou les démons pleins de rage ont permission de me précipiter continuellement ils m'en retirent à chaque instant pour m'y précipiter de nouveau sans m'accorder un instant de trêve ou de repos." le lendemain matin le bon moine alla trouver saint Bernard pour lui faire part de sa vision le saint qui avait eu pendant la nuit une apparition semblable convoqua aussitôt le chapitre et les larmes aux yeux raconta la double vision exhortant ses religieux à prier pour leur pauvre frère défunt et à profiter de ce triste exemple pour avancer eux-mêmes dans la ferveur et dans
le soin d'éviter les petites fautes on dit qu'en
123:
effet ces fervents religieux profitèrent du malheur de leur frère pour accomplir avec plus de ferveur encore tous les devoirs de leur sainte profession une des fonctions les plus importantes du prêtre c'est sans contredit d'être sur la terre le ministre officiel de la prière de l'Église pendant que les laïcs vaquent à leurs travaux dans les jours de la semaine et se contentent d'un léger souvenir accordé à Dieu matin et soir le prêtre placé comme un autre Moise sur la montagne sainte élève sept fois le jour son coeur et sa pensée vers le Ciel pour en faire descendre la bénédiction de Dieu sur tout le peuple chrétien qui combat dans la plaine quelle faute j'allais presque dire quel crime quand le prêtre manque à ce grand ministère de l'intercession ou ce qui revient à peu près au même quand il s'en acquitte avec tant de négligence que la sainte Église est privée du fruit qu'elle devait retirer de l'oblation de ses lèvres le saint bréviaire sera pour beaucoup de prêtres, ( et puisse t-il ne le devenir jamais pour moi ) l'occasion de beaucoup de fautes et d'un rigoureux Purgatoire voici un exemple bien remarquable à ce sujet : je l'ai trouvé dans saint Pierre Damien. ( lettre XIV à l'abbé Desiderius.) Saint Séverin archevêque de Cologne avait été honoré du don des miracles sa vie tout apostolique ses grands travaux pour l'accroissement du règne de Dieu dans les âmes devaient lui mériter les honneurs de la canonisation or après sa mort voilà qu'il apparut à un des chanoines de sa cathédrale pour demander des prières
--"Comment ! vous ! s'écria le prêtre consterné, vous, pasteur si pieux et si zélé vous qui avez fait tant de bien dans votre diocèse vous que nous invoquions déjà comme notre protecteur et notre père ?" -- "Il est vrai,
répondit le prélat,
124:
Dieu m'a fait la grâce de le servir de tout mon coeur et de travailler longtemps à sa vigne néanmoins je l'ai offensé souvent par la manière pressée dont je récitais mon bréviaire les affaires et les préoccupations de chaque jour m'absorbaient tellement que lorsque venait l'heure de la prière je m'acquittais de ce devoir sans assez de recueillement et quelquefois à d'autres heures que celles fixées par l'Église en ce moment j'expie ces infidélités et Dieu me permet de venir réclamer vos prières ne me les refusez pas." L'histoire ajoute que Séverin fut un peu plus de six mois dans
le Purgatoire pour cette seule faute Saint Séverin était un saint qui rachetait ses fautes légères commises dans le religieux dont je vais parler était sans doute plus coupable car il fut rigoureusement puni Le bienheureux Etienne religieux Franciscain avait la sainte coutume de passer chaque nuit plusieurs heures auprès du Saint-Sacrement une nuit il aperçut dans une des stalles du choeur un religieux assis le capuchon rabattu sur la figure étonné de le voir en ce lieu à cette heure il s'approche et lui demande ce qu'il fait ainsi à l'église pendant que tous les frères reposent."Je suis répond le frère d'une voix lugubre un religieux défunt de ce monastère condamné par la justice divine à endurer ici un rigoureux Purgatoire à cause des fautes nombreuses que j'ai commises à cette place dans la récitation de l'office divin ; j'expie ainsi mes distractions volontaires et ma tiédeur dans la prière; Quand me sera t-il donné de sortir de cette situation douloureuse ?" Le Bienheureux se mit aussitôt à réciter le De profundis avec l'oraison Fidelium de quoi ce pauvre défunt témoigna être fort

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Grand Emérite du combat contre l'antichrist

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:53

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soulagé il lui apparut encore un grand nombre de nuits pour exciter sa compassion une fois après le De profundis il quitta sa stalle avec un soupir de satisfaction il était enfin délivré de ses peines (voir Chroniq.des frères mineurs,liv.ch.xxx.) En même temps que le saint Bréviaire le prêtre a un autre grand ministère dans l'accomplissement duquel il ne saurait trop se surveiller tous les jours il monte à l'autel pour y offrir le pain des Anges avec quelle ferveur avec quel saint tremblement ne fit-il pas cette grande action pour la première fois ! mais hélas ! ( assueta vilescunt !) peu à peu si on n'y prend garde la ferveur sensible diminue les irrévérences se multiplient heureux qui dans le cours de sa vie sacerdotale a pu se préserver de l'effroyable malheur de la messe sacrilège ? Mais l'enfer n'est pas de trop pour expier un tel crime s'il n'est pas expié avant la mort par une sincère pénitence dans cette étude sur le Purgatoire il ne s'agit que de fautes moins graves et je veux dire un mot ici de l'observance des rubriques la soeur Françoise de Pampelune vit une fois dans le Purgatoire un pauvre prêtre dont les doigts étaient rongés d'ulcères hideux il était ainsi puni pour avoir fait les signes de la croix avec trop de légèreté et sans la gravité nécessaire c'est une bien petite faute dira t-on sans doute mais c'est une faute l'Église a pris la peine de prescrire dans le moindre détail tout l'ordre des saintes cérémonies elle a voulu et avec raison que rien ne fût laissé à l'arbitraire et à la fantaisie afin d'obtenir une simple et majestueuse uniformité si ces prescriptions rubricistes étaient mieux observées les pieux fidèles ne seraient pas contristés comme ils le sont si souvent par le spectacle de ces messes célébrées sans dignité de ces signes de croix qui semblent chasser les
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mouches de génuflexions à ressorts de ces irrévérences qui font demander aux impies si tout cet apparat est sérieux ou si ce n'est pas une comédie d'ou la foi est absente (Sacrificat an insultat ) un abus beaucoup plus grave bien qu'heureusement moins fréquent c'est d'accumuler par défaut d'ordre des intentions de messe que l'on est exposé à oublier ensuite il est bon que l'on sache que la justice de Dieu qui est inflexible pour les dettes de justice comme nous l'avons vu déjà se montre vraiment impitoyable pour une dette sacrée comme celle-là voici un fait assez récent qui a été rapporté par le journal le Monde (n° du 4 avril 1860). Le fait se passe en Amérique dans une abbaye de Bénédictins située au village de Latrobe une série d'apparitions avait eu lieu dans le couvent à cette époque et la presse américaine avait traité ces graves questions avec sa légèreté ordinaire l'abbé Wimmer supérieur de la maison écrivit la lettre suivante aux journaux pour faire cesser le scandale "Voici la vérité : dans notre abbaye de Saint-Vincent près de Latrobe en septembre 1859 un novice a vu apparaître un religieux Bénédictin en costume complet de choeur cette apparition s'est renouvelée chaque jour depuis le 18 septembre jusqu'au 19 novembre soit de onze heures à midi soit de minuit à deux heures du matin le 19 novembre seulement le novice a interrogé l'esprit en présence d'un autre membre de la communauté sur ce qu'il demandait l'esprit a répondu qu'il souffrait depuis soixante-dix-sept ans pour n'avoir pas dit sept messes d'obligation qu'il était déjà apparu à diverses époques à sept autres Bénédictins qu'il n'avait pas été entendu qu'il serait encore contraint d'apparaître dans onze années si lui novice ne venait pas à
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son secours l'esprit demandait que ces messes fussent dites pour lui de plus le novice devait pendant sept jours demeurer en retraite et garder un profond silence en outre et pendant trente trois jours il devait réciter trois fois par jour le psaume Miserere, les pieds nus et les bras en croix."
"Toutes ces conditions ont été remplies à dater du 20 novembre jusqu'au 25 décembre ou après la célébration de la dernière messe l'esprit s'était montré encore plusieurs fois exhortant le novice dans les termes les plus pressants à prier pour les âmes du Purgatoire disant qu'elles souffrent affreusement et qu'elles sont profondément reconnaissantes envers ceux qui concourent à leur rédemption l'esprit a ajouté chose bien triste à dire que des cinq prêtres qui sont déjà morts à notre abbaye aucun n'était encore au Ciel que tous souffraient dans le Purgatoire je ne tire pas de conclusion mais ceci est exact ce récit signé de la main de l'abbé n'a pas besoin en effet d'autres conclusions il se passe de commentaires mais le prêtre n'est pas seulement l'homme de Dieu il est encore l'homme de ses frères et à ce titre il a de nombreux et graves devoirs à remplir malheur à lui s'il y manque ! ( non pavisti occidisti. Sanguinem ejus de manutua requiram.) Dieu demandera sang pour sang âme pour âme l'exemple suivant montrera combien il faut avoir soin de se corriger des défauts de caractère qui sont si nuisibles à la pratique du zèle un religieux nommé Germain abbé d'un monastère de Bénédictins relevant de Citeaux avait mené la vie d'un saint dans le cloître mais il avait ce défaut de n'avoir pas
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une sainteté aimable son zèle dur et sans miséricorde aurait voulu faire des saints de chacun de ses religieux aussi sa sévérité poussée à l'excès était plus propre à éloigner les âmes de la perfection qu'à leur en donner l'amour il mourut jeune et comme il était en relation de spiritualité avec sainte Lutgarde celle-ci pensant qu'il aurait peut-être à expier sa rigueur dans le Purgatoire se condamna à des jeûnes à des prières à des mortifications nombreuses en sa faveur notre Seigneur apparut une première fois à la sainte et lui dit :"Aie courage ma fille j'aurai égard à ton intercession." Elle continua ses prières notre Seigneur lui apparut de nouveau et lui dit "Sois tranquille avant peu Germain sera délivré de ses peines." La sainte lui répondit :"Sauveur très aimant je vous prie de reporter sur cette âme souffrante toutes les consolations que dans votre miséricorde infinie vous destiniez à votre servante car je ne cesserai de me lamenter et de gémir jusqu'à ce que je sache qu'elle est dans la gloire." Le divin Sauveur se laissa toucher à ces instantes prières au bout de quelque temps il apparut pour la troisième fois à Lutgarde en compagnie de l'âme de l'abbé et lui dit :"Sois en paix ma bien-aimée voici l'âme pour laquelle tu as tant prié." En même temps l'âme de Germain inondée d'allégresse la remerciait en lui disant :"Sans vous ma soeur j'étais condamné à onze ans encore de Purgatoire à cause de mon zèle trop amer mais grâce à Dieu et à vos prières l'épreuve est finie et je vais au Ciel." (Vie de sainte Lutgarde dans Surius, au 16
juin.) Les paroles contre la charité que Dieu comme nous l'avons vu punit si rigoureusement dans la bouche des laïcs et des religieux ne trouvent pas grâce devant lui quand il les rencontre sur ces lèvres sacerdotales qui sanctifiées
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chaque jour par l'attouchement eucharistique ne devraient laisser échapper que des paroles de paix et d'amour le père de Nieremberg religieux de la compagnie de Jésus était très dévot aux âmes du Purgatoire une nuit qu'il priait pour elles dans le choeur de l'église du collège à Madrid il vit apparaître un père qui avait professé longtemps la théologie dans la maison et qui venait de mourir il était livré à de rudes tourments pour avoir souvent parlé contre la charité sa langue en particulier instrument de ses fautes était dévorée par un feu cuisant la très sainte Vierge en récompense
de la tendre dévotion qu'il avait eue pour elle lui avait obtenu de venir solliciter des prières et servir en même temps d'exemple à ses frères pour leur apprendre à mieux veiller sur toutes leurs paroles le père de Nieremberg ayant prié et fait beaucoup de pénitences pour lui obtint enfin sa délivrance.(Voir vie du P.Nieremberg,ch.IX.) Voici maintenant le châtiment des fautes contre les supérieurs le mauvais esprit les cabales et les petites intrigues contre l'autorité tous ces défauts déplaisent fort à Notre Seigneur et l'on ne peut rien imaginer de plus contraire à l'esprit ecclésiastique qui est un esprit d'obéissance et de dilection un prieur de la Grande Chartreuse s'était laissé aller au schisme du Conciliabule de Pise il avait été relevé des censures avant de mourir et avait fait pénitence de sa faute néanmoins Dieu qui a horreur de l'esprit d'orgueil et de désobéissance contre les supérieurs lui imposa de grandes souffrances dans le Purgatoire jusqu'à ce que par les prières de la bienheureuse Catherine de Racconigi à qui il était apparu il fût délivré au bout d'un temps assez long.( Vie de la bienh.in diaro dominicano,4 sept.)
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je terminai tout ce que j'ai à dire du Purgatoire des prêtres par le trait suivant ou sont rassemblés plusieurs des défauts les plus communs dans le sarcerdoce la bienheureuse Marguerite-Marie étant une fois devant le Saint-Sacrement tout à coup se présenta à elle une personne tout en feu dont les ardeurs la pénétrèrent si fort qu'il lui sembla brûler avec elle l'état pitoyable ou elle vit ce défunt lui fit verser des larmes c'était un religieux bénédictin de la congrégation de Cluny à qui elle s'était confessée auparavant et qui lui avait ordonné de faire la communion en récompense de quoi Dieu lui avait permis de s'adresser à elle pour trouver du soulagement dans ses peines ce pauvre prêtre lui demandait que dans l'espace de trois mois tout ce qu'elle ferait ou souffrirait lui fût appliqué ce qu'elle promit après en avoir demandé la permission il lui dit que la première cause de ses grandes souffrances était d'avoir préféré son propre intérêt à la gloire de Dieu par trop d'attache à sa réputation la seconde ses manques de charité envers ses frères la troisième le trop d'attache naturelle qu'il avait eue pour les créatures et les témoignages qu'il leur en avait donnés dans les entretiens spirituels ce qui déplaisait beaucoup à Dieu il est difficile de dire tout ce que la bienheureuse eut à souffrir l'espace des trois mois pendant lesquels il ne la quittait pas du côté ou il était elle se sentait tout en feu avec de si vives douleurs qu'elle en pleurait toujours sa supérieure touchée de compassion lui ordonnait des pénitences et des disciplines car les peines et les souffrances qu'on lui accordait la soulageaient beaucoup les tourments que la sainteté de Dieu imprimait en elle comme un échantillon de ce que ces pauvres âmes endurent étaient insupportables. (Vie de la bienheureuse.)
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ces exemples sont bien tristes dira t’on c'est vrai et plus d'un sera peut-être tenté de s'écrier s'il en est ainsi mieux vaut ne pas être prêtre ou religieux il n'en est rien cependant d'abord si Dieu vous a appelé à vous consacrer à son service il est probable que vous ne pouvez guère vous sauver qu'en répondant à son appel en sorte que reculer devant le sacerdoce ou la vie religieuse à cause des responsabilités de l'avenir ce serait s'exposer tout simplement à échanger le Purgatoire contre l'Enfer en second lieu pour la consolation de mes bien-aimés frères dans le sacerdoce je dirai que si nous avons bien des occasions de multiplier nos dettes nous en avons beaucoup aussi d'accumuler nos mérites or les dettes se payent par une peine temporelle plus ou moins longue plus ou moins rigoureuse au lieu que les mérites acquis se changent en une récompense éternelle et comme il n'y a aucune proportion possible de ce qui finit à ce qui ne finit pas le plus petit degré de gloire de plus dans le ciel est incomparablement supérieur à tous les tourments du Purgatoire dussions-nous les subir jusqu'à la fin du monde nous pouvons hardiment même en ce triste sujet répéter bien haut les paroles du psalmiste :(Funes ceciderunt mihi in proeclaris; etenin hoereditas mea proeclara est mihi ! ) Cet héritage c'est la possession plus entière de Dieu pendant les jours sans fin de l'éternité ! (Dominus pars hoereditatis meoe et calicis mei.) Que ces exemples ne nous découragent donc pas mais qu'ils nous excitent à redoubler de vigilance sur nous-mêmes pour éviter ces petites fautes qui selon le Concile de Trente sont toujours graves dans les prêtres. ( Levia étiam delicta quoe in ipsis gravia essent, effugiant.)

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:53

Chapitre 7 Etat surnaturel des âmes du purgatoire p.132 - 151

Elles sont constituées extra viam ; De la, impuissance absolue a méditer et a satisfaire par leurs propres œuvres. - Sciences des âmes du Purgatoire.- Connaissent – elles Dieu, la cause de leur condamnation, leur sort éternel, la durée de leurs peines ? Connaissent-elles les pèches les unes des autres ? Voient-elles ce qui se passe sur la terre ? Connaissent les bonnes œuvres que l’on fait pour elles ? Ont-elles la science des futurs contingents ? Comment ont-elles ces diverses connaissances ? Opinions diverses a ce sujet. – Vertus des âmes du Purgatoire – Foi, Espérance, Charité, religion, soumission a la volonté de Dieu, contrition, humilité, patience, zèle, et amour du prochain, reconnaissance envers leurs bienfaiteurs ; Si des maintenant, les âmes du Purgatoire peuvent prier pour nous- Expose des diverses opinions.

p.132
Assez de descriptions lugubres et d’analyse de la souffrance ; Je vais aborder maintenant une étude plus consolante ; appuie comme toujours sur la théologie et sur les révélations des saints, je vais essayer de pénétrer dans ces âmes, pour y découvrir leur disposition et me faire une idée de leur état surnaturel. C’est un beau sujet mais bien obscur ; car qui nous dira, avant de l’avoir éprouve soi même, ce qui se passe dans ces âmes toutes resplendissantes déjà de l’auréole de la sainteté, bien que leur gloire soit encore voilée sous les ombres de la pénitence et de l’expiation. Il y a cependant au milieu de ces obscurités quelques points plus brillants qui servent à éclairer le reste ; C’est à eux que je m’attacherai plus spécialement.

Une première vérité sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est que les âmes du Purgatoire sont constituées extra viam ; De la, pour elles, l’impossibilité absolue ou elles sont de méditer davantage et d’expier quoi que ce soit, autrement qu’en subissant leur peine ; Si elles pouvaient s’aider elles même par leurs œuvres, leur ferveur est telle, et leur désir de voir Dieu si grand, qu’en un instant, au prix des plus grandes souffrances, le Purgatoire serait vide ; Mais elles sont plongées dans cette nuit dont parle l’écriture. ( Venix nox, quando nemo potest operari)
Quelques théologiens catholiques ont pense cependant peuvent mériter un accroissement accidentel de gloire, et même satisfaire pour leur penches véniels. Ce fut d’abord la pensée de St Thomas, qui dit dans sa Somme (IV, dist. XXI, q I art. 3.3) : << Après cette vie, on ne peut plus mériter ce qui fait l’essence même du bonheur du ciel, mais bien un accroissement accidentel de gloire, et cela tant que l’homme reste en quelque manière in via ; C’est pourquoi dans le purgatoire on peut mériter la remissions des fautes vénielles. >> Mais plus tard le grand docteur paraît avoir change d’avis, car en traitant du mal (q. VII, art. 11), il décide positivement que dans le purgatoire, il ne peut y avoir aucun mérite ni naturel, ni accidentel.
D’autres pensent, avec Sylvius (q. LXXI, art.2), que les défunts ne peuvent mériter, ni satisfaire pour leurs fautes, mais qu’ils peuvent s’aider eux-mêmes en priant ; Et la raison qu’il en donne, c’est que l’Église dans sa liturgie nous montre les âmes du purgatoire priant pour elles-mêmes ; Or, si elles peuvent prier, pourquoi cette prière serait-elle privée de tout mérite impetratoire ?
Ces âmes sont saintes ; Elles apportent à la prière toutes les conditions de ferveur et d’humilité requise ; L’objet de leur demande est conforme à la volonté de Dieu, puisqu’elles prient pour que son règne arrive en elles ; Pourquoi cette prière serait-elle inutile ?
Ainsi raisonnent les théologiens, et leurs raisonnements paraissent fondes ; Malheureusement ils sont sur ce point en désaccord avec la révélation des saints, toujours c’est un long cri d’impuissance qui monte de l’abîme, et toutes les apparitions peuvent se résumer dans cette plainte lamentable : O vous qui étés encore sur la terre, aidez-nous car nous ne pouvons plus rien faire que souffrir, en attendant que nous n’ayons paye toute notre dette.
Étudions maintenant ce qui se passe dans l’intelligence de ces âmes ; Que savent-elle de la vie future ! Que savent-elles de ce qui se passe sur la terre ?
Au moment de la mort, le voile s’est déchire ; L’âme a vu Dieu, dans la réalité, dans la majesté de sa gloire ; Elle a emporte dans les ténèbres de son cachot, comme une consolation et comme une espérance, l’adorable vision de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais tout le temps que dure son expiation, elle soit privée de la vision béatifique, car autrement le purgatoire deviendrait aussitôt le ciel et il n’y aurait plus de place pour la souffrance ; Ce n’est que lorsqu'elle aura passe le seuil rayonnant du ciel que son intelligence sera élevée à la claire vision de Dieu et du Mystère de l’Éternité, in lumine tuo videbimus lumen.
A l’heure du jugement, l’âme a vu sa vie entière ; Dans le livre de ses actes, elle a pu lire la cause de sa condamnation.
Il semble naturel après cela de penser que ce souvenir de ses fautes l’accompagne au lieu de ces expiations.
Néanmoins sainte Catherine de Gênes, au premier chapitre de son beau traite du Purgatoire, nous affirme positivement le contraire : << Ces âmes ne sauraient plus se retourner vers
elles-mêmes et dire : J’ai fait tels pèches, pour lesquels je mérite de rester ici ; Je voudrais ne les avoir pas faits parce que j’irai au Paradis ; Elles ne voient qu’une seule fois, au moment du passage de cette vie a l’autre, la cause du Purgatoire qu’elles ont en elles-mêmes ; A partir de ce moment, elles ne le voient plus. >> (Traite du Purg. , chap. I.).
Malgré la haute autorité de Sainte Catherine, j’ai peine à croire qu’il en soit ainsi.
Pourquoi ce souvenir des fautes commises serait-il pour une âme une imperfection et un retour d’amour propre ? La contrition qui nous fait pleurer nos pèches pendant la vie est-elle une imperfection, elle aussi ? D’ailleurs toutes les révélations que j’ai citées dans les chapitres précédents attestent ce souvenir persévérant des fautes. Les âmes qui viennent solliciter nos prières savent et disent pourquoi elles sont condamnées.
Je suis donc force, à mon grand regret, de ce point de l’autorité, si grave cependant, de sainte Catherine. Ce qui me permet d’être si hardi, c’est que j’ai pour moi Sainte Françoise Romaine qui m’apprend que, non seulement les âmes du Purgatoire ont le souvenir actuel de leur pèche, mais encore qu’elles connaissent les pèches de tous ceux qui souffrent avec elles.
Cette vue, dit la sainte, les excitent à de grands sentiments de conformité a la volonté de Dieu et les ravit d’admiration, parce qu’elles voient distinctement comment la justice divine punit chaque âme, précisément dans la mesure de ses fautes. Les âmes du purgatoire se connaissent les unes les autres : << Ma sœur, disait une âme du Purgatoire a une religieuse inquiète du sort éternel de son père qui venait de mourir subitement, votre père est sauf, mais il est condamne à 20 ans d’un terrible purgatoire ; Cependant je dois ajouter, pour votre consolation, que votre petite sœur, N., vient d’être délivrée des flammes et qu’elle est au ciel. >>
Dans le même ordre de connaissances, il semble certain que les âmes du purgatoire connaissent les reprouves, j’ai cite, au chapitre V, l’exemple d’une religieuse qui disait à la bienheureuse Marguerite-Marie que la vue d’une de ses parentes, précipitée en enfer, lui avait cause un accroissement de douleur intolérable.
Les âmes du Purgatoire connaissent-elles leur sort éternel ? Sont-elles sures de leur salut ? Denys le Chartreux rapporte plusieurs faits qui semblent indiquer le contraire. Gerson pense que cette incertitude du salut est la plus grande peine du Purgatoire ; Quelques vieux théologiens sont du même avis ; Mais ce sentiment n’est plus soutenable, depuis qu’il a été condamne par Léon X dans Luther, qui en avait fait une de ses thèses. Aussi aujourd’hui tous les théologiens catholiques tiennent que les âmes du Purgatoire connaissent leur sort éternel, et les révélations des saints confirment presque toute cette opinion.
Si donc on admet comme véritables les apparitions citées par Denys le Chartreux, et je crois qu’on que cette incertitude du salut est une peine exceptionnelle et très grave, infligées à quelques âmes seulement. Ces âmes sont dans l’état de grâce, elles aiment Dieu de tout cœur, mais elles n’ont pas conscience de cet amour, comme cela est arrive à plusieurs saints pendant leur vie.
Les âmes du Purgatoire connaissent-elles la durée de leur épreuve ? La grande majorité des théologiens le nie, mais j’avoue avoir bien de la peine à comprendre leurs raisons.
Quand l’âme a été jugée, il semble naturel de penser que Dieu lui ai fait connaître sa sentence ; Or la durée d’une peine, qui peut varier entre quelques heures et les siècles inconnus qui nous séparent du jugement dernier, n’est pas chose indifférente.
Comprendrait-on un Juge qui, après avoir condamne un coupable a la prison, ne lui ferait pas connaître s’il s’agit de 20 ans travaux forces ou de quelques heures de détention ? Du reste ce qui incline encore plus a me séparer sur ce point de la presque unanimité des théologiens, c’est que, dans toutes les révélations faites à des saints personnages, les âmes qui apparaissent connaissent la durée de leur épreuve et les abréviations qu’y fera la divine miséricorde, en considération de telle ou telle bonne œuvre qu’elles sollicitent.
J’admettrais cependant, pour tout concilier, que par une disposition spéciale de la justice de Dieu, certaines âmes ignorent la durée de leur châtiment ;
Mais je pense que cette peine exceptionnelle, qui n’est pas médiocre, ne saurait faire loi générale.
Voilà ce qui regarde la science que les âmes du purgatoire ont de l’autre vie ; Voyons maintenant ce qu’elles connaissent de la vie présente.
Connaissent-elles ce que l’on fait pour elles ici-bas ? La plupart des théologiens disent non, mais les révélations des saints répondent, oui. On demandait un jour à une apparition, si les âmes du purgatoire connaissent ceux qui prient pour elles ; La réponse est affirmative. Les aimes du Purgatoire nous voient-elles ? Savent-elles ce qui ce passe dans le monde, dans leur famille ? << Oui, répond l’apparition arrivée a Malines en 1870, et que j’ai déjà cité plusieurs fois, oui, les âmes du purgatoire nous voient, et la vue des pèche des leurs est un de leurs principaux châtiments. >> Les théologiens, Suarez entre autres, qui admettent que les âmes connaissent ainsi ce qui se passe sur la terre, se demande par quel moyen cela se fait ; La plupart concluent que les anges, spécialement l’ange gardien des âmes, sont des intermédiaires que Dieu charge de leur révéler les choses d’ici bas. Ce sentiment, qui est tout à fait conforme aux visions de sainte Françoise romaine, me paraît certain, pourvu que l’on ait soin de réserver la liberté de Dieu, qui peut passer de ces agents ou en choisir d’autres a son gré.
Une dernière question au sujet de la science des âmes du purgatoire : Connaissent-elles les futurs contingents ?
Ici, je suis tout à fait porte à répondre négativement avec la plupart des théologiens, car la connaissance des futurs contingents ne peut être communique aux âmes que par Dieu, et l’on ne voit pas pourquoi Dieu ferait ce don aux âmes du purgatoire. Néanmoins il paraît prouve par un certain nombre d’apparitions authentiques, que Dieu a fait quelque fois cette révélation. On a des preuves certaines de certaines prophéties réalisées, après avoir été faite par des âmes du purgatoire. C’est ainsi que la reine Claude, femme de François Ier, apparut, étant encore dans le purgatoire, a la bienheureuse Catherine de Racconigi, et lui annonça que les Français, a la suite de leur roi, allaient descendre en Italie, et que leur roi serait battu à Pavie, et fait prisonnier. Quelques mois après, l’évènement donnait raison à la prophétie (voir la vie de la bienh. Diario dominicano, 4 sept.)

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:54

Dans nos jours troubles, beaucoup de prophéties ont couru par le monde, et la voie infaillible du vicaire de Jésus-Christ nous a avertis de ne pas croire à tout esprit, et de nous tenir en garde contre l’illusion.
Plusieurs de ces prophéties étaient attribuées à des âmes du purgatoire. Je les passerai sous silence car l’évènement ne les a pas encore justifiées. Je ferai pourtant une exception pour cette apparition arrivée en Belgique, du mois de septembre 1870, parce qu’elle fut examinée sérieusement et approuve par l’autorité épiscopale, ce qui est une garantie. Ayant été interrogé sur les malheurs de la France qui se précipitaient alors, et sur leur durée, l’apparition dit : << La France est bien humiliée, mais elle est bien coupable aussi ; Elle a fait une lourde chute dont elle ne se relèvera qu’en redevenant chrétienne.
Oui la France se relèvera, mais il ne m’a pas permis de t’en dire le moment. >>
Je termine sur cette parole consolante, ce que j’avais à dire de la science du purgatoire. Puisse la prophétie se réaliser bientôt !
Il faut passer maintenant de l’ordre intellectuel à l’ordre moral. Il est certain que les âmes du purgatoire saintes puisque personne n’est admis dans ce séjour des expiations temporaires, sans être en état de grâce ; Non seulement elles sont saintes, mais encore leur sainteté est inamissible.
Elles sont confirmées en grâce et dans l’heureuse impuissance du péché désormais. ; C’est la comme je le dirai d’ailleurs un de leurs plus grands privilèges, et une de leurs joies. Il reste à examiner comment et dans quel degré elles peuvent pratiquer les vertus chrétiennes.
Commençons par les 3 vertus théologales, comme fait l’Église quand elle procède à la canonisation des saints. Et d’abord les âmes du purgatoire ont-elles la foi ? On pourrait supposer que non, car le doute est devenu impossible pour elles, puisqu’elles ont vu Dieu et qu’elles connaissent par expérience les responsabilités de la vie future. Néanmoins, elles ne sont pas encore arrivées à ce terme, dont parle l’apôtre ou les ombres de la foi s’évanouissent aux clartés de l’éternité (Fides evacuatur). En fait, elles ne connaissent que par le désir les joies du ciel qui les attendent ; elles sont donc encore susceptibles d’avoir la foi, puisque la foi, d’après l’apôtre, est le fondement de l’espérance, la démonstration de l’invisible : Fides est sperandarum substantia rerum, argumentum non apparentium.
L’espérance, cette douce consolation des affliges, est la vertu privilégies du purgatoire. Privées du ciel, mais cependant sures de le posséder un jour, avec quelle sainte impatience, avec quelle ferme certitude, ces âmes prédestinées n’attendent-elles pas le jour qui leur ouvrira les portes de la patrie. Loetatus sum in his quoe dicta sunt mihi in domum domini ibimus. Charité ; Elles ont vu Dieu à l’heure du jugement ;
Elles ont entrevu l’Éternelle Beauté de sa face ;
Comment ne l’aimeraient-elles pas de tout leur cœur ?
Qui nous dira les actes d’amour qui s’élèvent à chaque instant du milieu de ces flammes, actes de la charité la plus parfaite, qui compensent amplement pour la gloire de Dieu les cris de rage et de haine qui montent, en même temps, des profondeurs de l’abîme infernal. Voulons-nous connaître quelques-uns de ces élans enflammes de l’amour le plus pur ? Écoutons une âme du purgatoire : << Voici trois actes d’amour que je fais continuellement : O mon Dieu ! Donnez-moi l’amour dont brûlent les Séraphins ! Donnez--moi plus encore, donnez-moi l’amour qui embrase le cœur de la très sainte Vierge !
O mon Dieu, que puis-je vous aimer autant que vous vous aimiez vous-même ! >>
Écoutons encore, a ce sujet, les admirables enseignements de sainte Catherine de Gênes :
<< J’aperçois une conformité si grande entre Dieu et l’âme du purgatoire, que, pour ramener cette dernière a la pureté originelle, le seigneur lui imprime un mouvement d’amour attractif, suffisant pour l’annihiler, si elle n’était immortelle, et lorsque l’âme intérieurement illuminée, se sent attirée de la sorte par le feu du grand amour de Dieu. Elle se liquéfie complètement à la chaleur de cet ardent amour de son très doux seigneur. Cet amour et cette attraction unitive agissent continuellement et puissamment sur l’âme ; Ainsi sur l’âme, si elle pouvait découvrir un autre purgatoire plus terrible que celui dans lequel elle se trouve, s’y précipiterait, vivement poussée par l’impétuosité de l’amour qui existe en Dieu, et elle, afin de se délivrer au plus vite de tout ce qui la sépare du souverain Bien ( Traite du Purgatoire, ch. IX. On peut donc dire que les âmes du Purgatoire pratiquent les vertus de Foi, d’Espérance et de Charité dans un degré héroïque, auquel il est donne à bien peu d’âmes de s’élever pendant la vie ; Et c’est la une consolation pour nous, pauvres pêcheurs, nous dont la foi est si faible, l’espérance si fragile, la charité si tiède et si languissante ; Quelle joie de penser qu’un jour au moins, au milieu des flammes aimerions à la mesure des saints !
Ce que j’ai dit des trois vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, on peut le dire, au même titre, de toutes les autres vertus morales. Nous avons vu, dans plusieurs des révélations précédentes, avec quelle profonde religion les âmes du purgatoire assistent à l’oblation du divin sacrifice et se tenions en présence de l’adorable Eucharistie ; C’est que leur foi est plus vive que la notre et qu’elles connaissent mieux que nous la grandeur suprême de Dieu ; a l’audition du saint nom de Jésus, sainte Françoise romaine les voyait s’incliner profondément et faire le genou flexion, avec un sourire qui marquait la vertu de leur âme. (Vie de la Sainte dans les Bolland)
Mais la vertu qu’elles semblent préférer entre toutes, parce que c’est celle qui convient le mieux a leur état présent, c’est la résignation à la volonté de Dieu. Il faut entendre encore à ce sujet saint Catherine de Gênes, que je ne me lasse pas de citer à cause des lumières toutes spéciales qu’elles ont reçues de Dieu, au sujet des âmes du Purgatoire. << Ces âmes, dit-elle, sont intimement unies à la
volonté de Dieu, et si complètement transformées en elle, que toujours elles sont satisfaites de sa très sainte ordonnance>> Et dans cet autre endroit : << Les âmes du Purgatoire n’ont plus d’élection propre ; elles ne peuvent plus voir ni vouloir que ce que Dieu veut. ; Elles sont ainsi fixées. Elles reçoivent dans l’impassibilité tout ce que Dieu leur donne, et ni plaisir, ni contentement, ni peine, ne peuvent jamais les faire se replier sur elles-mêmes. >> (traite du Purgatoire, ch. XIII et XIV)
Cette sainte et entière résignation a la volonté de Dieu n’est pas la stupide indifférence des quiétistes, et ne les empêche nullement de déplorer leurs fautes, par une vive et sincère contrition.
Voici ce qu’on lit, a ce sujet dans Sainte Catherine : "Il me semble comprendre que les peines qu’ p.142
143 :
" prouvent les âmes du Purgatoire de voir en elles des " choses qui déplaisent au Seigneur, et d'avoir offensé " une si grande bonté, surpassent infiniment tous les " autres tourments qu'elles endurent, dans le lieu de la " purification. Étant en grâce, elles comprennent la " puissance et la gravité de l'empêchement qui leur interdit " l'approche de Dieu. "
Ces sentiments de vive contrition sont unis à la plus profonde humilité. Le père Faber rapporte, d'après une révélation arrivée à la vénérable Marie Crocifissa, que plusieurs saints sur la terre ont eu pour Dieu plus d'amour que n'en ont les bienheureux dans le ciel, mais que le plus grand saint sur la terre n'est jamais arrivé au degré d'humilité des âmes du Purgatoire, sur quoi le père Faber fait cette réflexion que rien de ce qu'il a lu dans la vie des saints ne l'a aussi fortement impressionné.
La patience est fille de l'humilité, puisque plus on s'estime vil et méprisable, mieux on est disposé à tout souffrir de la part des autres ; aussi les âmes du Purgatoire pratiquent-elles éminemment cette vertu de patience. Sans parler de la rigueur de leurs supplices, qu'elles endurent sans murmurer, en se conformant à la volonté de Dieu, que n'ont-elles pas à souffrir de nous quelquefois, de notre tiédeur qui les oublie au milieu des flammes, alors qu'il nous serait si facile de les soulager ; de notre égoïsme, qui ne songe qu'à entrer bien vite en possession des biens terrestres qu'elles ont laissés, et refuse quelquefois d'accomplir les legs sacrés sur lesquels ces pauvres âmes avaient compté pour racheter leurs fautes. Oh ! Que nous sommes durs pour ces infortunés ! ils ne se plaignent pas, ils ne s'irritent pas, ils souffrent en patience ces retards, ces injustices, qu'ils regardent comme permis par la justice de Dieu.

144 :
A Dôle, en Franche-Comté, l'an 1629, une âme du Purgatoire apparaît à une personne malade, et se met à son service pendant quarante jours ; elle vient la visiter régulièrement, deux fois par jour pendant tout ce temps, et lui rend tous les services qu'une domestique dévouée rend à ses maîtres. — " Qui donc êtes-vous ? Lui demande un jour la malade reconnaissante. " — " Je suis, répond l'apparition, votre défunte tante Léonarde Colin, qui mourut il y a dix-sept ans, en vous laissant héritière de son petit bien. Par la miséricorde de Dieu, je suis sauvée ; c'est la très sainte Vierge Marie, à qui j'ai eu toute ma vie une tendre dévotion, qui m'a obtenu cette faveur ; j'étais perdue sans cela, car je fus frappée subitement en péché mortel, mais la très miséricordieuse Vierge m'obtint à ce moment un mouvement de contrition parfaite, qui ferma l'enfer sous mes pas. Notre Seigneur me permet aujourd'hui de venir me mettre à votre service, pendant quarante jours, et au bout de ce temps, je serai délivrée de mes peines, si vous faites pour moi trois pèlerinages à trois sanctuaires de la très sainte Vierge. "
La malade doutait de la réalité de l'apparition, craignant les pièges de Satan ; après avoir consulté son confesseur, et essayé sans résultat des exorcismes de l'Église, elle s'avisa de faire à la défunte cette objection : " Comment pourriez-vous être ma tante Léonarde ? celle-ci de son vivant était quinteuse et désagréable, ne voulant supporter aucune contrariété, et vous, vous êtes douce, prévenante et pleine de patience. "
— " Ah ! ma nièce, répondit l'apparition, que dix-sept ans de Purgatoire sont propres à enseigner la patience, la douceur et le support du prochain ! Sachez, d'ailleurs, que nous sommes confirmées en grâce, et qu'une fois marquées du sceau des élus, nous ne saurions plus avoir de vice. "

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:54

145:
Cette histoire est rapportée par Théophile Raynaud : Heterocliti spiritus, part. II, sect. III, ch. v.
Le fait s'était passé de son temps et presque sous ses yeux, l'autorité archiépiscopale avait été consultée, le vicaire général de l'archevêque de Besançon avait étudié tous les détails de l'apparition et finalement l'avait approuvée ; voilà pourquoi je lui ai donné place ici, bien que nous n'ayons pas la garantie qui s'attache aux révélations des saints canonisés.
La charité envers Dieu ne va guère sans l'amour du prochain. Les âmes du Purgatoire sont donc remplies d'amour les unes pour les autres. Bien loin d'envier le sort de celles qui, plus heureuses, voient abréger le temps de leur bonheur, c'est fête dans le Purgatoire quand une âme s'en échappe pour monter au ciel.
" Nous avons été bien consolées aujourd'hui, disait une âme, un soir du 2 novembre 1870, un grand nombre d'entre nous sont montées au ciel. "
Mais c'est surtout, à notre égard, que cette douce vertu de charité trouve à s'exercer ; quand, du milieu de leurs brasiers, ces âmes abaissent leurs regards vers l'ancien séjour de leur exilé et qu'elles y voient leurs parents, leurs amis, luttant péniblement pour arriver au port où elles sont en sûreté, je crois vraiment que le sentiment qui doit dominer en elles, c'est la compassion ; sûres de leur sort éternel, comment ne plaindraient-elles pas, de tout leur cœur, les malheureux qui sont encore dans l'incertitude du ciel ou de l'enfer ; c'est pourquoi un grand nombre de révélations nous les montrent s'intéressant à nous de tout leur cœur : " Ma fille, disait à son enfant un père apparaissant après sa mort, j'ai prié pour toi et je continuerai de le faire. "
Ici se représente la question que j'ai touchée en passant,

146 :
lorsque j'ai parlé de la science des âmes du Purgatoire. Ces âmes saintes, pour s'intéresser à nous, pour nous aider de leurs prières, doivent savoir ce que nous faisons, être en communication quelconque avec nous, mais cela est-il vrai ? n'est-ce pas l'illusion de la douleur qui cherche à établir des rapports entre nous et ceux qui ne sont plus ? Y a-t-il là autre chose qu'une imagination poétique ? en un mot, les âmes du Purgatoire peuvent-elles, dès maintenant, avant d'être entrées dans le ciel, nous assister de leurs prières ?
Les théologiens sont très divisés là-dessus ; j'exposerai simplement les raisons pour et contre, mais je déclare tout d'abord que, pour moi, le doute n'est pas même possible, les révélations des saints tranchant la question par l'affirmation.
Il faut pourtant connaître les raisons de part et d'autre :
Voici d'abord, à ce sujet, la doctrine du cardinal Bellarmin : " Il est croyable que les âmes du Purgatoire prient et obtiennent " des grâces pour nous, puisque dans l'enfer, le mauvais riche priait " pour ses frères, quoiqu'il souffrit beaucoup plus qu'on ne souffre " dans le Purgatoire. Néanmoins, encore que cela soit vrai, il " semble que, pour l'ordinaire, il est inutile de leur demander " qu'elles prient pour nous, puisqu'elles ne peuvent ordinairement " savoir ce que nous faisons en particulier, et qu'elles savent " seulement en général que nous sommes exposés à bien des " dangers, car il n'est pas vraisemblable que Dieu leur révèle, pour " l'ordinaire, ce que nous leur demandons. " D'où l'on voit que ce pieux docteur du Purgatoire regarde comme inutile de s'adresser aux défunts, par la même raison qu'il est inutile de s'adresser à un sourd, puisqu'il ne peut pas nous entendre ;

147 :
ce qui, d'après lui, n'empêche pas les âmes du Purgatoire de prier pour nous, au moins en général.
Le père de Munford, dans son Traité de la charité que l'on doit avoir pour les défunts est du même sentiment pour une autre raison : " Que chacun, dit-il, se mette bien dans l'esprit qu'il est " beaucoup plus avantageux d'intercéder pour ces âmes que de " réclamer leur intercession, car, en intercédant pour elles, il les " engage immanquablement à user de tout leur crédit auprès de " Dieu, ce qu'on peut comprendre par cette similitude : Si un roi " souffrait d'horribles douleurs, et qu'il fût en mon pouvoir de le " guérir sans beaucoup de peine, n'est-il pas vrai qu'il me serait " bien plus facile de gagner son affection et d'obtenir tout ce que je " voudrais de lui, en le secourant promptement, qu'en m'amusant à " lui demander des grâces ? il en est de même, à l'égard des âmes " qui brûlent dans le Purgatoire. Le royaume du ciel leur " appartient ; c'est leur héritage, et par conséquent, je dois " rechercher leur faveur dans l'espérance qu'elle me sera très utile. " Mais elles sont dans les tourments, elles gémissent, elles " implorent mon secours, et je puis les délivrer de leurs peines ou " en modérer du moins la rigueur ; que ferai-je pour me rendre " digne de leur amitié ? ne m'est-il pas plus facile de la mériter, en " priant pour leur délivrance qu'en les conjurant elles-mêmes de " prier pour moi et en souhaitant qu'elles me fassent du bien sans " que je pense à leur en faire ? il est hors de doute que, si je prie " pour elles avec ferveur et que je n'épargne rien pour les soulager, " je les mets dans une espèce de nécessité d'employer pour moi " tout ce qu'elles ont de pouvoir auprès de Dieu. "
On voit par là que le père de Munford admet que les âmes du Purgatoire prient pour nous ; mais il pense que,

148 :
pour les incliner à nous secourir, il vaut mieux prier pour elles que de leur adresser nos prières.
Enfin d'autres Théologiens pensent qu'il est inutile de prier les âmes du Purgatoire, parce qu'elles sont tellement absorbées par leurs souffrances, qu'elles ne peuvent penser à autre chose.
Mais ces raisonnements sont contredits par l'expérience ; dans la plupart des révélations que j'ai citées, nous voyons que les âmes du Purgatoire sont en communion de prières avec nous, et qu'elles rendent dès maintenant au centuple à leurs bienfaiteurs ce que ceux-ci font pour elles.
Sainte Catherine de Bologne, lorsqu'elle voulait obtenir quelque grâce signalée, s'adressait aux âmes du Purgatoire, et elle se voyait toujours promptement exaucée ; elle disait que, n'ayant pu obtenir plusieurs grâces des saints du paradis, elles les avaient reçues par l'intermédiaire de ces âmes bénies. (Voir la vie de la sainte, dans les Bolland.)
Il ne manque pas d'ailleurs de Théologiens qui se rattachent à cette pensée consolante que les âmes du Purgatoire peuvent prier, et prient en effet pour nous. Je citerai seulement ce que dit Suarez :
" S'il est vrai que les âmes du Purgatoire n'entendent pas nos " prières, il ne sert de rien de les invoquer. Mais je dis qu'il n'est " pas certain qu'elles n'entendent pas nos prières, et que " vraisemblablement leurs anges gardiens ou les nôtres les leur " font connaître, parce qu'il n'y a rien là qui soit au-dessus de leur " état et qui ne convienne au ministère des anges. S'il se trouve " donc quelqu'un qui sente de la dévotion à prier de cette manière " et qui en tire profit, on ne doit pas l'en détourner. "
Quant aux objections des Théologiens qui pensent le contraire, il ne me paraît pas impossible d'y répondre.

149 :
Bellarmin prétend que ces âmes ne peuvent nous entendre, mais qu'en sait-il ? beaucoup de révélations prouvent le contraire, et nous venons de voir à ce sujet la pensée de Suarez. Les âmes du Purgatoire, dit le Père de Munford sont bien plus touchées, que l'on prie pour elles que de recevoir nos prières ; mais l'un n'empêche pas l'autre ; je puis bien prier pour les âmes du Purgatoire, et leur demander en même temps de prier pour moi. Ce saint échange de la prière ne se fait-il pas continuellement entre les fidèles vivant sur la terre ?

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:55

Quant aux Théologiens qui pensent que les âmes du Purgatoire sont trop absorbées par leurs souffrances pour pouvoir prier et penser à nous, ils se font l'idée la plus mesquine de la vie future. Ici-bas les souffrances, quand elles sont un peu vives, nous absorbent extrêmement ; il est vrai ; mais c'est la suite de l'infirmité du corps ; dans l'autre vie, l'âme, dégagée de ces liens, souffre sans éprouver ces défaillances de la nature. Le mauvais riche, dans l'enfer, était torturé jusqu'à la rage ; cela l'empêchait-il de penser à ses frères restés dans le monde et de désirer leur conversion ? Pourquoi les âmes du Purgatoire qui souffrent moins, ne pourraient-elles s'intéresser à leurs amis et bienfaiteurs ?
En résumé, ces âmes sont saintes, elles sont très agréables à Dieu, elles nous aiment, ne fût-ce qu'en vertu de ce lien sacré de la communion des saints ; il me paraît donc infiniment plus probable, même en laissant de côté les révélations des saints, qu'elles prient pour nous et que ces prières nous sont très utiles.
Mais quand même il faudrait penser, ce que je n'admets pas, que les âmes du Purgatoire ne peuvent nous secourir actuellement, la reconnaissance étant une vertu chrétienne, il est certain au moins qu'elles le feront avec usure dès

150 :
qu'elles seront admises au Ciel. Je pourrais citer bien des faits pour établir combien les âmes du Purgatoire se montrent reconnaissantes envers leurs bienfaiteurs, mais j'en parlerai ailleurs, plus au long, en traitant dans un chapitre à part de la protection des âmes du Purgatoire ; deux traits seulement en passant.
Baronius rapporte qu'une personne, à son lit de mort, se vit assaillie des plus fâcheuses tentations ; déjà elle se croyait perdue, mais comme, pendant sa vie, elle avait été dévouée aux âmes du Purgatoire, quelle fut sa surprise et sa consolation de les voir descendre du Ciel, en grand nombre, et voler à son secours. " Nous sommes, lui dirent-elles, les âmes que vos suffrages ont tirées du Purgatoire, nous venons vous rendre la pareille, en vous conduisant directement au Ciel. " A ces mots, la malade expira, le sourire des prédestinés sur les lèvres.
On rapporte un fait semblable de saint Philippe de Néri : après sa mort, il se fit voir à un religieux Franciscain de ses amis, entouré d'une couronne de Bienheureux : — " Quelle est, demande le Père, cette armée brillante qui vous environne ? " — " Ce sont, répondit le Saint, les âmes des religieux de mon ordre, que j'ai délivrées du Purgatoire pendant ma vie ; à cette heure, elles me font cortège pour m'introduire dans la Jérusalem céleste. "
Telles sont les vertus du Purgatoire, heureux état d'une âme confirmée en grâce, incapable de pécher, ornée des plus belles vertus, dans un degré où peu de Saints se sont élevés pendant la vie. " Si, dit le P. Faber, si la souffrance muette, endurée avec " douceur et résignation, est un spectacle si vénérable sur la terre, " combien belle doit être cette région désolée de l'Église ! Oh ! " oui, on se sent accablé sous la pensée sublime de ce saint " royaume, de cette région où règne la souffrance. Pas un cri, pas un

151 :
" murmure ; là tout est muet et silencieux, comme Jésus dans sa " passion. Nous ne saurons jamais à quel point nous aimons " Marie, jusqu'à ce que nous levions les yeux vers elle du fond de " ce vallon, où brûle un feu aussi terrible que mystérieux. O " magnifique région du royaume de Dieu, ô aimable portion du " troupeau de Marie ! Quel spectacle s'offre à mes regards lorsqu'ils " s'abaissent sur cet empire consacré à l'innocence recouvrée et aux " plus cruelles angoisses ! On y admire la beauté de ces âmes sans " tache, leur douce et inaltérable patience, la grandeur des dons " qu'elles ont reçus, la dignité de leurs solennelles et muettes " souffrances.
" Le trône de Marie brillant, comme le disque de l'astre des " nuits, jette sa douce lumière sur cette région de douleur et " d'indicible attente ; les Anges, en voltigeant au-dessus de ce " vaste royaume, y font scintiller leurs ailes d'argent ; enfin, ô la " plus douce des consolations ! il reste le souvenir de cette face de " Jésus qu'on ne voit pas, mais qu'on se rappelle si bien, qu'elle " semble toujours présente devant les yeux. Oh ! quelle pureté " dans cette liturgie de la souffrance sanctifiée ! ô monde, séjour " bruyant de l'ennui et du péché, qui ne voudrait s'échapper comme " une colombe, loin de tes périlleuses fatigues, de ton dangereux " pèlerinage pour s'envoler avec joie vers la plus humble place de " cette région si pure, si assurée, si sainte, où règnent la souffrance " et l'amour sans partage. " (Faber, Tout pour Jésus, ch. IX.

Chapitre 8 Les joies du Purgatoire. p.152 - 165

Trois sujets de joies pour ces âmes : premièrement, elles sont confirmées en grâce, sûres de leur salut, incapables de pécher désormais. - Seconde joie du Purgatoire, joie d'expiation ; les pénitents en ce monde trouvent leur bonheur à souffrir pour expier leurs fautes ; il en est de même, à plus forte raison, des âmes du Purgatoire, de plus elles voient que ces souffrances effacent leurs souillures et les rendent de plus en plus agréables à Dieu, et cela ajoute à leur bonheur. - Troisième joie du Purgatoire, joie de l'amour, la charité qui remplit le cœur de ces âmes leur rend tout facile. - Que le Purgatoire est un vrai martyre. - Conclusion de sainte Catherine de Gênes.

152 :
Les auteurs mystiques se sont placés à deux points de vue absolument opposés pour traiter du Purgatoire. Les uns, préoccupés surtout de retenir les pécheurs en les effrayant, ont insisté sur la rigueur des châtiments. Ils nous font des descriptions effroyables des brasiers dévorants où sont plongées ces âmes infortunées. Considéré à ce point de vue, le Purgatoire, c'est l'Enfer, moins le désespoir et l'éternité. Les autres, plus sensibles au côté moral, se sont surtout occupés des sentiments qui animent ces saintes âmes, au milieu de leurs terribles expiations. De ce point de vue, tout est lumière et rayonnement. On a pu s'en convaincre en lisant la page exquise que j'ai empruntée au P. Faber, pour terminer le chapitre précédent. Y a-t-il contradiction entre ces deux écoles ? Non ; mais ce sont deux points de vue différents où l'on se place pour découvrir ces mystérieuses régions. Pour avoir une idée exacte de ce vaste royaume de l'expiation, il faut réunir
153 :
ces deux points de vue et en faire la synthèse ; c'est ce que je me propose ici. J'ai assez parlé des souffrances du Purgatoire, il est temps maintenant de dire un mot de ses joies.

Les joies du Purgatoire ! Voilà un titre qui paraîtra bien extraordinaire. Je me rappelle, qu'ayant eu un jour la pensée de prêcher sur ce sujet, dans une communauté religieuse, et devant un auditoire qui me semblait capable de comprendre, j'obtins ce résultat d'étonner beaucoup, et de scandaliser presque les mêmes à qui je m'adressais. Et cependant, il y a là autre chose qu'un paradoxe ou qu'un jeu d'esprit. Oui ! le séjour de la douleur et de l'expiation a ses joies ; joies austères, comme celles du prisonnier, mais qui, dégagées de tout élément sensible, n'en pénètrent que mieux jusqu'au fond même de l'âme. A tout considérer, je pense que les joies de ce monde n'approchent pas de ces joies, et que les âmes du Purgatoire, lorsqu'elles pensent à leurs amis de la terre, éprouvent pour eux plus de compassion que d'autres sentiments. Dante, errant avec Virgile dans les espaces sans limites, se sent ébloui à la vue d'un Ange qui traverse la mer et fait avancer une barque, toute chargée d'âmes qui se rendent au Purgatoire. Leur esquif glisse légèrement sur les flots, dont il effleure à peine la surface, tandis que les âmes, qui, depuis un instant, viennent de laisser derrière elles la vie, la mort et le jugement, chantent, avec un sentiment de joie mêlé de tristesse, le psaume de la délivrance, In exitu Israel de Egypto. C'est là de la poésie, dira-t-on ; oui, mais c'est en même temps de la Théologie et de la plus belle. Dante était théologien, en même temps que poète, ne l'oublions pas, et, dans sa grande épopée, il résume toutes les croyances de son époque, à propos de la vie future.
154 :
Entrons donc hardiment dans notre sujet. Je laisse de côté les joies accidentelles du Purgatoire, les secours que ces âmes reçoivent de leurs amis restés sur la terre, les abréviations quelquefois inespérées de peine, la miséricorde de Dieu qui trouve à s'exercer là comme partout, les visites de la très sainte Vierge et des anges protecteurs, tout cela sera traité ailleurs ; pour le moment, je veux parler des joies essentielles du Purgatoire, de ces joies qui sont de tous les instants, et pour toutes les âmes, même pour les plus délaissées, et j'en découvre trois : les joies de la confirmation en grâce, les joies de l'expiation, les joies de l'amour.

Première joie : L'âme se sent confirmée en grâce et, par là même, sûre de son salut éternel et dans l'heureuse impuissance de pécher désormais. L'incertitude du sort éternel, la facilité au péché, cette double infirmité de notre nature est une des plus lourdes croix de l'âme chrétienne. Quand, par une belle nuit étoilée, je lève les yeux vers cette voûte céleste, qui n'est, d'après le psalmiste que l'escabeau des pieds du Seigneur, et que je me dis : par delà les espaces sans limites, il y a le trône de Dieu, le séjour de N.-S. Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des Saints ; là, j'ai ma place, qui m'a été assignée au jour de mon baptême ; là je dois un jour être éternellement heureux avec Dieu et ses Saints, alors l'âme s'élève, et le pauvre cœur se fond de désirs et d'amour ; mais voilà qu'au plus intime de ma conscience, j'ai entendu une voix qui disait : Peut-être ? Le Ciel est pour toi, c'est certain, mais peut-être que tu ne seras pas fidèle ; peut-être que tu ne persévéreras pas, et celui-là seulement sera sauvé qui aura persévéré jusqu'à la fin. Oh ! alors, comme le cœur se resserre, et quelle amertume dans ce doute ! et si, après cela, je descends en moi-même et que je me con-
155:
sidère avec mes défauts et mes fautes de chaque jour, avec ce penchant au mal qui est au fond du cœur de tout homme, alors je suis bien forcé de me dire que, si je suis sauvé, ce qui n'est pas sûr, ce ne sera que grâce à la très grande miséricorde de Dieu : et quand même mes rechutes continuelles dans le péché ne compromettraient pas mon salut éternel, quel plus grand supplice, pour une âme qui aime Jésus, que de traîner après soi le fardeau de ce corps de mort ! quelle fatigue de porter toujours au tribunal les même fautes, de ne se relever que pour tomber et se relever encore, de prendre toujours des résolutions qu'on ne tient jamais, et de batailler des années entières pour se corriger d'un défaut de rien quelquefois ! Mais, patience ! voici venir le temps où le péché sera détruit ; plus de fautes, plus d'ingratitudes, plus de trahisons ; et aussi plus de craintes pour l'avenir : en ce monde les saints eux-mêmes doivent trembler ; des exemples terribles sont venus prouver que les plus hautes vertus, les plus glorieux privilèges ne mettent pas toujours à l'abri d'une chute finale, mais pour l'âme du Purgatoire, c'est fini, c'est bien fini ; quels qu'aient été dans sa vie passée sa tiédeur, ses fautes, ses crimes peut-être, la pénitence a tout réparé ; peut-être un dernier acte, un cri de suprême repentir, exhalé avec un dernier souffle, a été l'instrument du salut, n'importe ; désormais tout est sauvé ; l'arbre est tombé du bon côté, il y restera ; peut-être l'expiation sera bien longue et bien sévère, mais qu'importe ! tout prend fin de ce qui n'est pas éternel ; la peine finira, les flammes expiatrices s'éteindront, et alors commencera le jour sans fin de l'éternité bienheureuse. Mais, que dis-je ? Les peines passeront ; elles passent ; chaque minute ajoutée à son expiation est une minute qui rapproche l'âme de sa récompense ; avec quelle sainte
156 :
impatience, mais aussi, avec quelle joie intime et profonde, cette âme prédestinée doit compter les années, les mois, les jours, les instants qui s'écoulent, et qui, en s'écoulant, la rapprochent de Dieu. Non, je ne crains pas de dire, dans cet état d'une âme sainte, délivrée du péché avec ses honteuses misères, et sûre d'arriver au but final de ses désirs, il y a une large compensation à tous les supplices que j'ai décrits, et n'y eût-il que cela, je ne crains pas de le dire, avec le père Faber, je préférerais une des dernières places dans ce séjour de la sécurité, à toutes les joies trompeuses et incertaines de ce monde

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