Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
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Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Tome 2 des Sermons de saint Jean Marie Vianney
TABLE DES MATIERES
Dimanche de Quasimodo 2
Sur la Confession pascale. 2
2ème Dimanche après Pâques 14
Sur la Persévérance 14
3ème dimanche après Pâques 31
Sur les Afflictions 31
5ème dimanche après Pâques 44
Sur la Prière 44
Sur les Rogations et les Processions 61
L'Abstinence et les Quatre-Temps 61
Pour le jour de l’Ascension 76
Pour le jour de la Fête-Dieu. 91
2ème dimanche après la Pentecôte 105
Sur la sainte Messe 105
3ème dimanche après la Pentecôte 124
Sur la miséricorde de Dieu 124
3ème dimanche après la Pentecôte 139
Sur la miséricorde de Dieu envers le Pécheur. 139
4ème dimanche après la Pentecôte 149
Sur l'Espérance 149
5ème dimanche après la Pentecôte. 166
Sur le deuxième Commandement de Dieu 166
6ème dimanche après la Pentecôte 183
Sur la Communion 183
7ème dimanche après la Pentecôte 201
Sur la fausse et vraie Vertu 201
7ème dimanche après la Pentecôte 219
Sur le Mensonge 219
7ème dimanche après la Pentecôte 235
Nécessité de faire de bonnes œuvres 235
8ème dimanche après la Pentecôte 253
Sur le jugement particulier 253
9ème dimanche après la Pentecôte 267
Sur les larmes de Jésus-Christ 267
10ème dimanche après la Pentecôte 285
Sur l’orgueil 285
11ème dimanche après la Pentecôte 301
Sur le jugement téméraire 301
11ème dimanche après la Pentecôte 318
Sur la Médisance 318
11ème dimanche après la Pentecôte 333
Sur les péchés cachés en confession 333
TABLE DES MATIERES
Dimanche de Quasimodo 2
Sur la Confession pascale. 2
2ème Dimanche après Pâques 14
Sur la Persévérance 14
3ème dimanche après Pâques 31
Sur les Afflictions 31
5ème dimanche après Pâques 44
Sur la Prière 44
Sur les Rogations et les Processions 61
L'Abstinence et les Quatre-Temps 61
Pour le jour de l’Ascension 76
Pour le jour de la Fête-Dieu. 91
2ème dimanche après la Pentecôte 105
Sur la sainte Messe 105
3ème dimanche après la Pentecôte 124
Sur la miséricorde de Dieu 124
3ème dimanche après la Pentecôte 139
Sur la miséricorde de Dieu envers le Pécheur. 139
4ème dimanche après la Pentecôte 149
Sur l'Espérance 149
5ème dimanche après la Pentecôte. 166
Sur le deuxième Commandement de Dieu 166
6ème dimanche après la Pentecôte 183
Sur la Communion 183
7ème dimanche après la Pentecôte 201
Sur la fausse et vraie Vertu 201
7ème dimanche après la Pentecôte 219
Sur le Mensonge 219
7ème dimanche après la Pentecôte 235
Nécessité de faire de bonnes œuvres 235
8ème dimanche après la Pentecôte 253
Sur le jugement particulier 253
9ème dimanche après la Pentecôte 267
Sur les larmes de Jésus-Christ 267
10ème dimanche après la Pentecôte 285
Sur l’orgueil 285
11ème dimanche après la Pentecôte 301
Sur le jugement téméraire 301
11ème dimanche après la Pentecôte 318
Sur la Médisance 318
11ème dimanche après la Pentecôte 333
Sur les péchés cachés en confession 333
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Dimanche de Quasimodo
Sur la Confession pascale.
Erat autem proximum Pascha, dies festus Judœorum.
La fête de Pâques, qui était la grande fête des Juifs, était proche.
(S. Jean, VI, 4.)
Oui, M.F., le voilà arrivé et passé ce temps heureux où tant de chrétiens ont quitté le péché, le démon, et ont arraché leurs pauvres âmes d'entre les griffes de l'enfer, pour se remettre sous le joug aimable du Sau-veur. Ah ! Plût à Dieu que nous fussions nés dans le temps heureux des premiers chrétiens, qui voyaient venir ce moment avec une sainte allégresse ! O beau jour ! O jour de salut et de grâce, qu'êtes-vous devenu ? Où sont ces joies saintes et célestes qui font le bonheur des enfants de Dieu ? Oui, M.F., ou ce temps de grâces tournera à notre salut ou il tournera à notre perte : il sera la cause de notre bonheur si nous correspondons aux grâces qui nous sont offertes dans ce moment pré-cieux, ou il tournera à notre perte si nous n'en profitons pas ou que nous en abusions. – Mais, me direz-vous, que veut dire ce mot de Pâques ? – Vous ne le savez donc pas, mon ami ? Eh bien ! écoutez-le et vous allez le savoir. Cela veut dire passage, c'est-à-dire sortie de la mort du péché et passage à la vie de la grâce. D'après cela, vous allez voir si vos pâques sont bonnes, et si vous pouvez être tranquilles, surtout vous, nos braves gens, qui vous contentez d'accomplir le commandement de l'Église, de faire seulement une confession et une communion pour Pâques.
I. – Pourquoi est-ce, M.F., que l'Église a établi le saint temps de Carême ? – C'est, me direz-vous, pour nous préparer à célébrer dignement le saint temps de Pâques, qui est un temps où le bon Dieu semble redoubler ses grâces, et excite le remords de nos consciences pour nous faire sortir du péché. – C'est très bien, mon ami, c'est ce que vous enseigne votre catéchisme ; mais si je demandais à un enfant quel est le péché de ceux qui ne font point de pâques ? II me répondrait tout simplement que c'est un gros péché mortel ; et si je lui disais : Com-bien faut-il de péchés mortels pour être damné ? Il me dirait : Un seul suffit, si l'on meurt sans en avoir obtenu le pardon. Eh bien ! mon ami, que dites-vous de cela ? Vous n'avez point fait de pâques ? – Eh non ! me direz-vous. – Mais, puisque vous n'avez point fait de pâques, et que de les manquer c'est un péché mortel, vous serez donc damné. Qu'en pensez-vous, mon ami ? N'est-ce pas, cela ne vous fait rien ? – Ah ! vous avez bien raison, dites--vous en vous-même ; mais si je suis damné, je ne serai pas le seul. – A la bonne heure, si cela ne vous fait rien, si vous aimez autant être damné que sauvé, il fau-dra aussi vous en consoler ; si vous espérez adoucir votre malheur en vous refiant que vous ne serez pas seul, il ne faudra donc plus vous tourmenter. Pauvre âme ! que dites-vous du langage que tient ce corps de péché où vous avez le malheur d'habiter ? Oh ! que de larmes vous allez répandre pendant l'éternité ! Oh ! que de gémissements ! Oh ! que de hurlements vous allez pous-ser dans les flammes, sans espérer d'en sortir ! Oh ! que vous êtes malheureux d'avoir tant coûté à Jésus-Christ, et vous en voir séparé pour jamais ! Pourquoi, M.F., n'avez-vous point fait de pâques ? – C'est, me direz-vous, parce que je n'ai pas voulu. – Mais si vous mou-rez dans cet état, vous serez damné. – Tant pis ! – Eh bien ! dites-moi, croyez-vous avoir une âme ? – Ah ! je sais bien que j'ai une âme. – Mais, peut-être croyez--vous que, quand vous serez mort, tout sera fini ?- Ah ! vous pensez en vous-même : Je sais bien que notre âme sera heureuse ou malheureuse, selon qu'elle aura bien ou mal fait. – Et qui peut la rendre malheureuse ? – C'est le péché, me direz-vous. – Vous vous sentez coupable de péché, donc je conclus que vous êtes damné. N'est--ce pas, mon ami, vous êtes bien venu vous confesser une fois ou deux ; mais vous vous en êtes tenu là. Pour-quoi cela ? C'est que vous n'avez pas voulu vous corriger et que vous aimez autant vivre dans le péché et être damné, que de le quitter pour être sauvé. Vous voulez être damné ? Eh bien ! ne vous inquiétez pas, vous le serez bien. – N'est-ce pas, ma sœur, vous avez laissé passer les pâques sans vous confesser ; le Carême, vous avez vécu dans le péché, et à Pâques aussi ; pourquoi cela ? En voici la raison : c'est que vous n'avez plus de religion, que vous avez perdu la foi, que vous ne pensez plus qu'à vous réjouir un peu dans le monde, en atten-dant que vous soyez jetée dans les flammes. Nous vous verrons, ma sœur, oui, nous vous verrons un jour ; oui, nous verrons vos larmes, votre désespoir ; je vous recon-naîtrai, du moins, je crois ; vous vous serez perdue, vous en êtes bien la maîtresse. Oui, M.F., tirons le ban-deau, laissons cachées toutes ces ordures dans les ténè-bres jusqu'au jour du jugement.
Examinons maintenant ce que c'est que la confession et la communion de ceux qui se contentent d'une fois tous les ans, et nous verrons s'ils ont lieu d'être tran-quilles ou non. Mon ami, si pour faire une bonne con-fession, il suffisait de demander pardon à Dieu, de dé-clarer ses péchés et de faire quelques pénitences, le péché, dont la religion nous fait un monstre, n'aurait rien qui dût tant nous effrayer ; rien ne serait plus facile que de réparer la perte de la grâce de Dieu, et de suivre le chemin qui conduit au ciel, qui est cependant si diffi-cile selon Jésus-Christ même. Écoutez le langage qu'il tient à ce jeune homme, qui lui demandait s'il y en au-rait bien de sauvés et si le chemin qui conduit au ciel est bien malaisé à suivre : Que lui répond le Sauveur ? « Oh ! que ce chemin est étroit ! Oh ! qu'il y en a peu qui le suivent ! Oh ! que parmi ceux qui le commencent, peu vont jusqu'au bout . » En effet, M.F., après avoir vécu une année entière sans gêne, sans contrainte, ne restant occupé que de vos affaires temporelles, de vos biens, ou même de vos plaisirs, sans vous mettre en peine de vous corriger, ni de travailler à acquérir les vertus qui vous manquent ; vous viendrez seulement dans la quinzaine de Pâques, toujours le plus tard que vous pourrez, ra-conter vos péchés, de la même manière que vous feriez le récit d'une histoire : vous lirez dans un livre quelques prières, ou vous en ferez quelques autres pendant un certain temps. Moyennant cela, tout sera dit, vous irez votre train ordinaire ; vous ferez ce que vous avez fait, vous vivrez comme de coutume, l'on vous a vu dans les jeux et les cabarets, l'on vous y reverra ; l'on vous a trouvé dans la danse et les bals, l'on vous y retrouvera : ainsi de tout le reste. Les pâques prochaines, vous répé-terez la même chose. Ainsi vous ferez ce commerce jus-qu'à la mort : c'est-à-dire, que le sacrement de Péni-tence, où Dieu semble oublier sa justice pour ne mani-fester que sa miséricorde, ne sera plus pour vous qu'un jeu ou un amusement ! Vous sentez très bien, mon ami, que si vos confessions n'ont rien de mieux, vous pouvez très bien conclure qu'elles ne valent rien, pour ne pas dire autre chose.
Sur la Confession pascale.
Erat autem proximum Pascha, dies festus Judœorum.
La fête de Pâques, qui était la grande fête des Juifs, était proche.
(S. Jean, VI, 4.)
Oui, M.F., le voilà arrivé et passé ce temps heureux où tant de chrétiens ont quitté le péché, le démon, et ont arraché leurs pauvres âmes d'entre les griffes de l'enfer, pour se remettre sous le joug aimable du Sau-veur. Ah ! Plût à Dieu que nous fussions nés dans le temps heureux des premiers chrétiens, qui voyaient venir ce moment avec une sainte allégresse ! O beau jour ! O jour de salut et de grâce, qu'êtes-vous devenu ? Où sont ces joies saintes et célestes qui font le bonheur des enfants de Dieu ? Oui, M.F., ou ce temps de grâces tournera à notre salut ou il tournera à notre perte : il sera la cause de notre bonheur si nous correspondons aux grâces qui nous sont offertes dans ce moment pré-cieux, ou il tournera à notre perte si nous n'en profitons pas ou que nous en abusions. – Mais, me direz-vous, que veut dire ce mot de Pâques ? – Vous ne le savez donc pas, mon ami ? Eh bien ! écoutez-le et vous allez le savoir. Cela veut dire passage, c'est-à-dire sortie de la mort du péché et passage à la vie de la grâce. D'après cela, vous allez voir si vos pâques sont bonnes, et si vous pouvez être tranquilles, surtout vous, nos braves gens, qui vous contentez d'accomplir le commandement de l'Église, de faire seulement une confession et une communion pour Pâques.
I. – Pourquoi est-ce, M.F., que l'Église a établi le saint temps de Carême ? – C'est, me direz-vous, pour nous préparer à célébrer dignement le saint temps de Pâques, qui est un temps où le bon Dieu semble redoubler ses grâces, et excite le remords de nos consciences pour nous faire sortir du péché. – C'est très bien, mon ami, c'est ce que vous enseigne votre catéchisme ; mais si je demandais à un enfant quel est le péché de ceux qui ne font point de pâques ? II me répondrait tout simplement que c'est un gros péché mortel ; et si je lui disais : Com-bien faut-il de péchés mortels pour être damné ? Il me dirait : Un seul suffit, si l'on meurt sans en avoir obtenu le pardon. Eh bien ! mon ami, que dites-vous de cela ? Vous n'avez point fait de pâques ? – Eh non ! me direz-vous. – Mais, puisque vous n'avez point fait de pâques, et que de les manquer c'est un péché mortel, vous serez donc damné. Qu'en pensez-vous, mon ami ? N'est-ce pas, cela ne vous fait rien ? – Ah ! vous avez bien raison, dites--vous en vous-même ; mais si je suis damné, je ne serai pas le seul. – A la bonne heure, si cela ne vous fait rien, si vous aimez autant être damné que sauvé, il fau-dra aussi vous en consoler ; si vous espérez adoucir votre malheur en vous refiant que vous ne serez pas seul, il ne faudra donc plus vous tourmenter. Pauvre âme ! que dites-vous du langage que tient ce corps de péché où vous avez le malheur d'habiter ? Oh ! que de larmes vous allez répandre pendant l'éternité ! Oh ! que de gémissements ! Oh ! que de hurlements vous allez pous-ser dans les flammes, sans espérer d'en sortir ! Oh ! que vous êtes malheureux d'avoir tant coûté à Jésus-Christ, et vous en voir séparé pour jamais ! Pourquoi, M.F., n'avez-vous point fait de pâques ? – C'est, me direz-vous, parce que je n'ai pas voulu. – Mais si vous mou-rez dans cet état, vous serez damné. – Tant pis ! – Eh bien ! dites-moi, croyez-vous avoir une âme ? – Ah ! je sais bien que j'ai une âme. – Mais, peut-être croyez--vous que, quand vous serez mort, tout sera fini ?- Ah ! vous pensez en vous-même : Je sais bien que notre âme sera heureuse ou malheureuse, selon qu'elle aura bien ou mal fait. – Et qui peut la rendre malheureuse ? – C'est le péché, me direz-vous. – Vous vous sentez coupable de péché, donc je conclus que vous êtes damné. N'est--ce pas, mon ami, vous êtes bien venu vous confesser une fois ou deux ; mais vous vous en êtes tenu là. Pour-quoi cela ? C'est que vous n'avez pas voulu vous corriger et que vous aimez autant vivre dans le péché et être damné, que de le quitter pour être sauvé. Vous voulez être damné ? Eh bien ! ne vous inquiétez pas, vous le serez bien. – N'est-ce pas, ma sœur, vous avez laissé passer les pâques sans vous confesser ; le Carême, vous avez vécu dans le péché, et à Pâques aussi ; pourquoi cela ? En voici la raison : c'est que vous n'avez plus de religion, que vous avez perdu la foi, que vous ne pensez plus qu'à vous réjouir un peu dans le monde, en atten-dant que vous soyez jetée dans les flammes. Nous vous verrons, ma sœur, oui, nous vous verrons un jour ; oui, nous verrons vos larmes, votre désespoir ; je vous recon-naîtrai, du moins, je crois ; vous vous serez perdue, vous en êtes bien la maîtresse. Oui, M.F., tirons le ban-deau, laissons cachées toutes ces ordures dans les ténè-bres jusqu'au jour du jugement.
Examinons maintenant ce que c'est que la confession et la communion de ceux qui se contentent d'une fois tous les ans, et nous verrons s'ils ont lieu d'être tran-quilles ou non. Mon ami, si pour faire une bonne con-fession, il suffisait de demander pardon à Dieu, de dé-clarer ses péchés et de faire quelques pénitences, le péché, dont la religion nous fait un monstre, n'aurait rien qui dût tant nous effrayer ; rien ne serait plus facile que de réparer la perte de la grâce de Dieu, et de suivre le chemin qui conduit au ciel, qui est cependant si diffi-cile selon Jésus-Christ même. Écoutez le langage qu'il tient à ce jeune homme, qui lui demandait s'il y en au-rait bien de sauvés et si le chemin qui conduit au ciel est bien malaisé à suivre : Que lui répond le Sauveur ? « Oh ! que ce chemin est étroit ! Oh ! qu'il y en a peu qui le suivent ! Oh ! que parmi ceux qui le commencent, peu vont jusqu'au bout . » En effet, M.F., après avoir vécu une année entière sans gêne, sans contrainte, ne restant occupé que de vos affaires temporelles, de vos biens, ou même de vos plaisirs, sans vous mettre en peine de vous corriger, ni de travailler à acquérir les vertus qui vous manquent ; vous viendrez seulement dans la quinzaine de Pâques, toujours le plus tard que vous pourrez, ra-conter vos péchés, de la même manière que vous feriez le récit d'une histoire : vous lirez dans un livre quelques prières, ou vous en ferez quelques autres pendant un certain temps. Moyennant cela, tout sera dit, vous irez votre train ordinaire ; vous ferez ce que vous avez fait, vous vivrez comme de coutume, l'on vous a vu dans les jeux et les cabarets, l'on vous y reverra ; l'on vous a trouvé dans la danse et les bals, l'on vous y retrouvera : ainsi de tout le reste. Les pâques prochaines, vous répé-terez la même chose. Ainsi vous ferez ce commerce jus-qu'à la mort : c'est-à-dire, que le sacrement de Péni-tence, où Dieu semble oublier sa justice pour ne mani-fester que sa miséricorde, ne sera plus pour vous qu'un jeu ou un amusement ! Vous sentez très bien, mon ami, que si vos confessions n'ont rien de mieux, vous pouvez très bien conclure qu'elles ne valent rien, pour ne pas dire autre chose.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
II. – Mais pour vous convaincre davantage, examinons la chose de plus près. Pour faire une bonne confession, qui puisse nous réconcilier avec Dieu, il faut détester nos péchés de tout notre cœur, non parce que nous sommes obligés de dire au prêtre des choses que nous voudrions pouvoir nous cacher à nous-mêmes ; mais il faut nous repentir d'avoir offensé un Dieu si bon, d'être resté si longtemps dans le péché, d'avoir méprisé toutes ses grâces par lesquelles il nous sollicitait d'en sortir. Voilà, M.F., ce qui doit faire couler nos larmes et bri-ser notre cœur. Dites-moi, mon ami, si vous aviez cette véritable douleur, ne vous empresseriez-vous pas de réparer le mal qui en est la cause et de vite rentrer en grâce avec Dieu ? Que diriez-vous d'un homme qui, mal à propos, se serait brouillé avec son ami, mais qui, reconnaissant sa faute, s'en repent de suite ; ne cher-chera-t-il pas la manière de se réconcilier ? Si son ami fait quelques démarches auprès de lui pour cela, ne profitera-t-il pas de l'occasion ? Mais au contraire, s'il méprisait tout, n'auriez-vous pas raison de dire qu'il lui est égal d'être bien ou mal avec cette personne ? La com-paraison est sensible. Celui qui a eu le malheur de tom-ber dans le péché, soit par faiblesse ou surprise, ou même par malice, s'il en a un véritable regret, pourra--t-il rester longtemps dans cet état ? N'aura-t-il pas de suite recours au sacrement de Pénitence ? Mais au con-traire, s'il reste un an dans le péché, et qu'il ne voie même venir le saint temps de Pâques qu'avec peine, parce qu'il faut se confesser ; si, bien loin de venir se présenter au tribunal de la pénitence au commencement du Carême, afin d'avoir quelque temps pour faire péni-tence, et ne point passer, de suite, du péché à la table sainte ; s'il ne veut entendre parler qu'à Pâques de la confession, que même il tâche de retarder jusqu'à la quinzaine, où il viendra se présenter avec les mêmes dispositions qu'un criminel que l'on conduit à la mort que signifie cela, mon ami ? Le voici : c'est que, si les pâques étaient prolongées jusqu'à la Pentecôte, vous ne vous confesseriez qu'à la Pentecôte, ou que si elles ne venaient que tous les dix ans, vous ne vous confesseriez que tous les dix ans ; et enfin, que si l'Église ne vous en faisait pas un commandement, vous ne vous confes-seriez qu'à la mort. Qu'en pensez-vous, mon frère ? N'est-ce pas, mon ami, que ce n'est ni le regret d'avoir offensé Dieu qui vous fait vous confesser, ni l'amour de Dieu qui vous fait faire vos pâques ? – Ah ! me direz-vous, c'est bien quelque chose, nous ne les faisons pas sans savoir pourquoi. – Ah ! vous n'en savez rien du tout ; vous les faites par habitude, pour dire que vous avez fait vos pâques, ou, si vous vouliez dire la vérité, vous diriez que vous avez ajouté à vos anciens péchés un péché nouveau. Ce n'est donc ni l'amour de Dieu, ni le regret de l'avoir offensé, qui vous fait confesser et faire vos pâques, ni même le désir de mener une vie plus chrétienne. En voici la preuve : si vous aimiez le bon Dieu, pourriez-vous consentir à commettre le péché avec tant de facilité, et même avec tant de plaisir ? Si vous aviez horreur du péché, comme vous devriez l'avoir, pourriez-vous le garder un an entier sur votre conscience ? Si vous aviez un vrai désir de mener une vie plus chrétienne, ne verrait-on pas au moins quelque petit changement dans votre manière de vivre ? Non, M.F., je ne veux pas vous parler aujourd'hui de ces malheureux qui ne disent que la moitié de leurs péchés, crainte de ne pas faire leurs pâques ou d'être renvoyés ; peut-être même pour couvrir leur vie honteuse du voile de la vertu ; et qui, dans cet état, s'approchent de la table sainte et vont consommer leur réprobation, livrer leur Dieu au démon, et vomir leur maudite âme en enfer.
Non, j'ose espérer que cela ne vous regarde pas ; mais cependant je continuerai à vous dire que les confessions d'un an n'ont rien qui puisse vous tranquilliser. – Mais, me direz-vous, que faut-il faire afin qu'une confession soit bonne ? – Vous le voulez savoir, mon ami, le voici ; écoutez-le bien, et vous verrez si vous êtes en sûreté. Pour que votre confession mérite le pardon, il faut qu'elle soit humble et sincère, accompagnée d'une véri-table douleur causée par le regret d'avoir offensé Dieu, et non à cause des châtiments que le péché mérite, avec un ferme propos de ne plus pécher à l'avenir. D'après cela, je dis qu'il est très difficile que toutes ces dispo-sitions se trouvent dans ceux qui ne se confessent qu'une fois l'année : vous allez le voir. Qu'est-ce qu'un chrétien aux pieds du prêtre auquel il fait l'aveu de ses péchés ? C'est un pécheur qui vient avec la douleur dans le cœur, et se jette aux pieds de son Dieu comme un criminel devant son juge, pour s'accuser lui-même afin de demander sa grâce. Comment s'accusera-t-il ? Le voici : Je suis un criminel indigne d'être appelé enfant ; j'ai vécu jusqu'à présent d'une manière tout opposée à ce que ma religion me commandait ; je n'ai eu que du dégoût pour tout ce qui avait rapport au service de Dieu ; les saints jours de dimanche et de fête n'ont été pour moi que des jours de plaisirs et de débauches : ou, pour mieux dire, je n'ai rien fait jusqu'à présent ; je suis perdu et damné si Dieu n'a pas pitié de moi. Voilà, M.F., les sentiments d'un chrétien qui a le péché en horreur.
Mais, dites-moi, est-ce de cette manière que s'accusent ceux qui trouvent que ce n'est pas assez de rester douze mois dans le péché, qui trouvent que les pâques vien-nent toujours trop tôt ? Hélas ! mon Dieu, vous voyez ces confessions d'un an que font ces pauvres malheu-reux, qui ne les font qu'avec un dégoût mortel. Oh ! non, non, mon ami, ce n'est plus un criminel couvert de honte et pénétré de douleur d'avoir offensé Dieu, qui s'humilie, qui s'accuse lui-même, qui demande un par-don dont il se reconnaît infiniment indigne ; mais, hélas ! oserai-je bien le dire ? c'est un homme qui semble ra-conter une histoire et qui la raconte mal, qui tâche de se défigurer et de paraître le moins coupable qu'il peut. Écoutez-le : ce n'est pas lui qui a commis ce péché d'im-pureté, c'est un autre qui l'a sollicité, comme s'il n'avait pas été maître de ne pas suivre son conseil. Ce n'est pas lui qui s'est mis en colère, c'est son voisin qui lui a dit une parole piquante. II a manqué la messe, c'est vrai ; mais c'est la compagnie qui en est la cause. C'est une fois qu'il fit gras, un jour défendu ; si on ne l'avait sollicité il ne l'aurait pas fait. Il a mal parlé, c'est celui qui s'est trouvé auprès de lui qui l'a fait pécher. Disons mieux le mari accuse la femme, la femme le mari ; le frère, la sœur, et la sœur, le frère ; le maître, le domestique, et le domestique tâche, autant qu'il peut, de se décharger dessus son maître. En disant leur confiteor, ils s'accusent eux-mêmes, en disant : C'est par ma faute ; deux minutes après, ils s'excusent et accusent les autres. Point d'hu-milité, point de sincérité et point de douleur : voilà pré-cisément les dispositions de ceux qui ne se confessent que tous les ans. Un pauvre pasteur verra bien à la manière dont ils s'accusent, qu'ils n'ont nullement les dispositions nécessaires pour recevoir l'absolution. Veut--il leur donner quelque temps pour ne pas leur faire faire un sacrilège, que font-ils ? Écoutez-les : ils murmurent en disant qu'ils n'ont pas le temps de revenir et qu'une autre fois ils ne seront pas mieux disposés ; et ils finis-sent pour vous dire que si l'on ne veut pas les recevoir, ils iront à un autre qui ne sera pas si scrupuleux, qui les passera bien... Comme si Dieu ne pouvait pas vivre sans eux ! Pauvres aveugles !... Jugez d'après cela quelles sont leurs dispositions. Le prêtre voit bien à la manière dont ils s'accusent, qu'ils ne disent pas tout ; il est obligé de leur faire mille questions ; ils ne disent ni le nombre, ni les circonstances qui changent l'espèce. II y a certains péchés qu'ils ne voudraient pas dire, ni les cacher. Que font-ils ? Ils les disent à moitié, comme si le prêtre pouvait savoir ce qui se passe dans leur cœur. L'on se contente de raconter en gros les péchés, sans même distinguer les pensées d'avec les désirs. Le prêtre lui dira : N'avez-vous jamais eu des pensées d'orgueil, de vanité, de vengeance ou d'impureté ? Vous savez bien que toutes ces choses sont des péchés mortels quand on s'y arrête volontairement. Avez-vous commis quelques -unes de ces fautes ? – Peut-être bien, dira-t-il, mais je ne m'en souviens pas. – Mais il faut dire à peu près le nombre, sans quoi vos confessions ne valent rien. -Ah ! monsieur, comment voulez-vous que je me rappelle toutes les pensées que j'ai eues pendant l'année ? cela m'est impossible. – Ah ! mon Dieu, que de confessions, ou plutôt que de sacrilèges !... Non, M.F., presque jamais l'on ne s'accuse des circonstances qui aggravent le péché et qui peuvent rendre le péché mortel. Écoutez comment l'on s'accuse : je me suis enivré, j'ai calomnié mon prochain, j'ai commis le péché contre la sainte vertu de pureté, je me suis disputé, je me suis vengé ; si le confesseur ne fait point de question, il n'y a rien de plus. – Mais, lui dira le confesseur, combien de fois cela vous est-il arrivé ? Avez-vous commis de ces péchés dans l'église ? Est-ce un saint jour de dimanche ? Est--ce en présence de vos enfants, de vos domestiques ? Y avait-il bien du monde ? La réputation de votre prochain en a-t-elle souffert quelque dommage ? Ces pensées d'or-gueil vous sont-elles venues dans l'église, pendant la sainte Messe ? Vous y êtes-vous arrêté longtemps ? Ces pensées contraires à la sainte vertu de pureté, ont-elles été accompagnées de mauvais désirs ? Cet autre péché, est-ce par surprise ou par malice ? N'avez-vous pas ajouté péché sur péché, dans la pensée qu'il ne vous en coûterait pas plus de vous confesser de beaucoup que de peu ? Il y en a qui ne se contentent pas de ne faire au-cun détail de leurs péchés, ils vous disent qu'ils n'ont rien à se reprocher, qu'ils n'ont pas le temps, qu'il faut qu'ils s'en aillent. Vous n'avez pas le temps, mon ami, eh bien ! allez vous-en. De vous en aller, ou de demeurer, l'un vaut autant que l'autre.
Non, j'ose espérer que cela ne vous regarde pas ; mais cependant je continuerai à vous dire que les confessions d'un an n'ont rien qui puisse vous tranquilliser. – Mais, me direz-vous, que faut-il faire afin qu'une confession soit bonne ? – Vous le voulez savoir, mon ami, le voici ; écoutez-le bien, et vous verrez si vous êtes en sûreté. Pour que votre confession mérite le pardon, il faut qu'elle soit humble et sincère, accompagnée d'une véri-table douleur causée par le regret d'avoir offensé Dieu, et non à cause des châtiments que le péché mérite, avec un ferme propos de ne plus pécher à l'avenir. D'après cela, je dis qu'il est très difficile que toutes ces dispo-sitions se trouvent dans ceux qui ne se confessent qu'une fois l'année : vous allez le voir. Qu'est-ce qu'un chrétien aux pieds du prêtre auquel il fait l'aveu de ses péchés ? C'est un pécheur qui vient avec la douleur dans le cœur, et se jette aux pieds de son Dieu comme un criminel devant son juge, pour s'accuser lui-même afin de demander sa grâce. Comment s'accusera-t-il ? Le voici : Je suis un criminel indigne d'être appelé enfant ; j'ai vécu jusqu'à présent d'une manière tout opposée à ce que ma religion me commandait ; je n'ai eu que du dégoût pour tout ce qui avait rapport au service de Dieu ; les saints jours de dimanche et de fête n'ont été pour moi que des jours de plaisirs et de débauches : ou, pour mieux dire, je n'ai rien fait jusqu'à présent ; je suis perdu et damné si Dieu n'a pas pitié de moi. Voilà, M.F., les sentiments d'un chrétien qui a le péché en horreur.
Mais, dites-moi, est-ce de cette manière que s'accusent ceux qui trouvent que ce n'est pas assez de rester douze mois dans le péché, qui trouvent que les pâques vien-nent toujours trop tôt ? Hélas ! mon Dieu, vous voyez ces confessions d'un an que font ces pauvres malheu-reux, qui ne les font qu'avec un dégoût mortel. Oh ! non, non, mon ami, ce n'est plus un criminel couvert de honte et pénétré de douleur d'avoir offensé Dieu, qui s'humilie, qui s'accuse lui-même, qui demande un par-don dont il se reconnaît infiniment indigne ; mais, hélas ! oserai-je bien le dire ? c'est un homme qui semble ra-conter une histoire et qui la raconte mal, qui tâche de se défigurer et de paraître le moins coupable qu'il peut. Écoutez-le : ce n'est pas lui qui a commis ce péché d'im-pureté, c'est un autre qui l'a sollicité, comme s'il n'avait pas été maître de ne pas suivre son conseil. Ce n'est pas lui qui s'est mis en colère, c'est son voisin qui lui a dit une parole piquante. II a manqué la messe, c'est vrai ; mais c'est la compagnie qui en est la cause. C'est une fois qu'il fit gras, un jour défendu ; si on ne l'avait sollicité il ne l'aurait pas fait. Il a mal parlé, c'est celui qui s'est trouvé auprès de lui qui l'a fait pécher. Disons mieux le mari accuse la femme, la femme le mari ; le frère, la sœur, et la sœur, le frère ; le maître, le domestique, et le domestique tâche, autant qu'il peut, de se décharger dessus son maître. En disant leur confiteor, ils s'accusent eux-mêmes, en disant : C'est par ma faute ; deux minutes après, ils s'excusent et accusent les autres. Point d'hu-milité, point de sincérité et point de douleur : voilà pré-cisément les dispositions de ceux qui ne se confessent que tous les ans. Un pauvre pasteur verra bien à la manière dont ils s'accusent, qu'ils n'ont nullement les dispositions nécessaires pour recevoir l'absolution. Veut--il leur donner quelque temps pour ne pas leur faire faire un sacrilège, que font-ils ? Écoutez-les : ils murmurent en disant qu'ils n'ont pas le temps de revenir et qu'une autre fois ils ne seront pas mieux disposés ; et ils finis-sent pour vous dire que si l'on ne veut pas les recevoir, ils iront à un autre qui ne sera pas si scrupuleux, qui les passera bien... Comme si Dieu ne pouvait pas vivre sans eux ! Pauvres aveugles !... Jugez d'après cela quelles sont leurs dispositions. Le prêtre voit bien à la manière dont ils s'accusent, qu'ils ne disent pas tout ; il est obligé de leur faire mille questions ; ils ne disent ni le nombre, ni les circonstances qui changent l'espèce. II y a certains péchés qu'ils ne voudraient pas dire, ni les cacher. Que font-ils ? Ils les disent à moitié, comme si le prêtre pouvait savoir ce qui se passe dans leur cœur. L'on se contente de raconter en gros les péchés, sans même distinguer les pensées d'avec les désirs. Le prêtre lui dira : N'avez-vous jamais eu des pensées d'orgueil, de vanité, de vengeance ou d'impureté ? Vous savez bien que toutes ces choses sont des péchés mortels quand on s'y arrête volontairement. Avez-vous commis quelques -unes de ces fautes ? – Peut-être bien, dira-t-il, mais je ne m'en souviens pas. – Mais il faut dire à peu près le nombre, sans quoi vos confessions ne valent rien. -Ah ! monsieur, comment voulez-vous que je me rappelle toutes les pensées que j'ai eues pendant l'année ? cela m'est impossible. – Ah ! mon Dieu, que de confessions, ou plutôt que de sacrilèges !... Non, M.F., presque jamais l'on ne s'accuse des circonstances qui aggravent le péché et qui peuvent rendre le péché mortel. Écoutez comment l'on s'accuse : je me suis enivré, j'ai calomnié mon prochain, j'ai commis le péché contre la sainte vertu de pureté, je me suis disputé, je me suis vengé ; si le confesseur ne fait point de question, il n'y a rien de plus. – Mais, lui dira le confesseur, combien de fois cela vous est-il arrivé ? Avez-vous commis de ces péchés dans l'église ? Est-ce un saint jour de dimanche ? Est--ce en présence de vos enfants, de vos domestiques ? Y avait-il bien du monde ? La réputation de votre prochain en a-t-elle souffert quelque dommage ? Ces pensées d'or-gueil vous sont-elles venues dans l'église, pendant la sainte Messe ? Vous y êtes-vous arrêté longtemps ? Ces pensées contraires à la sainte vertu de pureté, ont-elles été accompagnées de mauvais désirs ? Cet autre péché, est-ce par surprise ou par malice ? N'avez-vous pas ajouté péché sur péché, dans la pensée qu'il ne vous en coûterait pas plus de vous confesser de beaucoup que de peu ? Il y en a qui ne se contentent pas de ne faire au-cun détail de leurs péchés, ils vous disent qu'ils n'ont rien à se reprocher, qu'ils n'ont pas le temps, qu'il faut qu'ils s'en aillent. Vous n'avez pas le temps, mon ami, eh bien ! allez vous-en. De vous en aller, ou de demeurer, l'un vaut autant que l'autre.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
O mon Dieu ! quelles dispositions ! O mon Dieu ! sont--ce là des pécheurs qui viennent pour pleurer leurs péchés ? Il faut cependant convenir qu'il y en a qui font tout ce qu'ils peuvent pour bien s'examiner, et qui disent leurs péchés autant qu'ils peuvent ; mais, avec une telle indifférence, une telle froideur, et une si grande insensibilité que cela déchire le cœur d'un pau-vre prêtre. Point de soupirs, point de gémissements, point de larmes ! pas un seul signe qui annonce la dou-leur que leur donnent leurs péchés ! Il faut que le prêtre, pour leur donner l'absolution, soit persuadé qu'ils ont de meilleures dispositions qu'ils ne le montrent. Je sais bien que les larmes et les soupirs ne sont pas des marques infaillibles de contrition ni de conversion. Il n'arrive que trop souvent qu'il y en a qui pleurent leurs péchés au tribunal de la pénitence, et qui ne sont pas plus chrétiens. Mais aussi il est bien difficile de raconter avec tant de froideur et d'indifférence ce qui doit néces-sairement nous attrister et exciter nos larmes. Si un homme était sûr de recevoir sa grâce en faisant l'aveu de ses crimes, je vous laisse à penser s'il pourrait même les déclarer sans faire couler ses larmes, dans l'espé-rance que son extérieur touchera le cœur de son juge, qui lui accordera son pardon. Voyez un malade, quand il découvre ses plaies à son médecin, de suite vous entendez ses soupirs et vous voyez ses larmes qui cou-lent. Voyez un ami qui vous fera le récit de ses peines ses gestes, son ton de voix, sa manière de s'exprimer, tout en lui vous dépeint son chagrin et sa douleur. Pourquoi est-ce, M.F., que rien de tout cela ne paraît quand nous accusons nos péchés ? N'est-ce pas, mon ami, vous n'en savez rien ? Souvent vous en êtes étonné. Eh bien ! je vais vous l'apprendre : c'est que votre cœur n'est pas plus touché que vos paroles, et que votre inté-rieur est semblable à votre extérieur, que vos péchés ne vous donnent pas plus de douleur que vous n'en faites paraître. Cela est bien facile à concevoir, puisque, après vos pâques, vous êtes si peu chrétien, et que vous n'êtes ni plus sage, ni moins pécheur qu'auparavant.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
III. – Nous avons dit que le regret d'avoir offensé Dieu, s'il est véritable, doit nécessairement renfermer une volonté sincère de ne plus pécher ; que si cette volonté est sincère, elle nous portera à nous tenir sur nos gar-des ; à regretter toutes ces mauvaises pensées, soit de vengeance, soit d'impureté, aussitôt que nous les aper-cevons ; à fuir les occasions qui nous avaient portés au péché ; ou bien à ne rien négliger pour nous corriger de nos mauvaises habitudes. Eh bien ! mon ami, votre volonté de ne plus offenser le bon Dieu n'a donc pas été sincère, puisque l'on vous a vu dans les cabarets et que l'on vous y voit encore ; l'on vous a trouvé dans cette compagnie où vous avez commis ce péché et que vous y paraissez encore aujourd'hui. Vous conviendrez avec moi que vous n'avez fait aucun effort pour mieux vivre que vous n'aviez fait pendant l'année. Pourquoi cela, mon ami ? Pourquoi ? Le voici : c'est que vous ne désirez nullement de vous corriger, que votre confession n'a été que mensonge et votre contrition un fantôme de péni-tence.
En voulez-vous une seconde preuve ? La voici. De quoi vous accusiez-vous l'année passée ? D'ivrognerie, d'im-pureté, d'orgueil, de colère, de négligence dans le ser-vice de Dieu ? Et de quoi vous accusez-vous cette année ? De la même chose. Et de quoi vous accuserez-vous l'année prochaine si vous êtes en vie ? Encore de la même chose. Pourquoi cela, M.F. ? C'est que vous ne désirez nullement de mener une vie plus chrétienne ; mais vous vous confessez seulement par manière d'ac-quit et pour dire que vous avez fait vos pâques ; ou, si vous disiez la vérité, vous diriez que vous vous confes-sez chaque année pour ajouter un nouveau péché à vos anciens : alors, disant cela, vous diriez ce que vous faites. Vous ne voyez donc pas que c'est le démon qui vous trompe. S'il vous proposait de tout abandonner, à vous qui avez l'habitude de vous confesser tous les ans, vous auriez horreur de cela, vous ne voudriez pas le croire. Mais pour vous avoir un jour, il se contente de -vous tenir toujours dans vos mauvaises habitudes. Doutez-vous de ce que je vous dis ? Examinez votre con-duite et voyez si vous vous êtes corrigés de quelques péchés depuis tant d'années que vous vous confessez tous les ans ; ou, si je disais mieux, chaque année vous enfonce plus profond dans les abîmes.
Mais, me direz-vous, tout cela n'est pas trop enga-geant à nous faire faire nos pâques. – C'est bien ; mais pourquoi vous tromper ? Il y a déjà bien assez du démon qui vous trompe, sans me mettre encore avec lui. Je -vous dis la vérité telle quelle est ; ensuite vous en ferez ce que vous voudrez. Je me comporte envers vous. comme un médecin au milieu d'un grand nombre de malades : il commence à leur proposer à chacun les remèdes convenables pour rétablir leur santé ; ceux qui méprisent ces remèdes, il les laisse de côté ; mais ceux qui veulent les prendre, ils les instruit de la manière de les prendre, il leur dit le grand bien qu'ils leur feront s'ils les reçoivent avec toutes les préparations qu'il leur indiquera, et en même temps le mal que ces remèdes, leur feront s'ils ne font pas tout ce qu'il ordonne avant de s'en servir. Oui, M.F., je fais la même chose, je vous fais considérer combien sont grands les avantages que nous promettent les sacrements ; ou, pour mieux dire, que si nous ne fréquentons pas les sacrements, jamais nous ne verrons la face de Dieu, et nous sommes sûrs d'être damnés. Pour ceux qui, soit par ignorance, soit par impiété, méprisent ces remèdes salutaires, seuls capables de les réconcilier avec le bon Dieu, je fais comme ce médecin qui laisse de côté ceux qui ne veu-lent pas de ses remèdes. Mais à ceux qui témoignent le désir de les prendre, il faut absolument leur faire con-naître les dispositions qu'il faut y apporter. Je pense, M.F., que peut-être tout ce que je viens de vous dire vous donnera quelque inquiétude sur vos confessions passées : je le désire de tout mon cœur, afin qu'étant vivement touchés par la grâce du bon Dieu et par vos remords de conscience, vous preniez les moyens que Dieu vous offre encore aujourd'hui pour sortir du péché.
Mais, me direz-vous, que faut-il faire pour réparer tout cela ? – Voulez-vous le savoir et le faire, mon ami ? Le voici. C'est de recommencer vos confessions, d'aussi loin que vous pouvez juger les avoir faites sans contri-tion ; vous vous accuserez du nombre de confessions et de communions : et vous direz bien si vous avez déguisé quelque péché, si vous avez fait quelques efforts pour ne plus retomber. Il faut, pour que vos confessions puis-sent vous consoler, que chaque confession ait opéré en vous quelque changement ; il faut que vous fassiez comme nous dit l'évangile de Pâques, en parlant de Jésus-Christ, qu'une fois sorti du tombeau, il n'y rentre plus ; de même, vous étant confessés de vos péchés, vous ne devez plus les recommettre. Il faut que vous fassiez naître dans votre cœur, la douceur, la bonté et la charité, à la place de cette colère, de cet air de mépris que vous faisiez paraître à la moindre injure qu'on vous faisait. Vous manquiez vos prières le matin et le soir, l'on vous voyait les faire sans attention et sans respect ; maintenant si vous êtes véritablement sorti du péché, l'on vous verra faire vos prières tous les matins et tous les soirs avec ce respect et cette attention que doit vous inspirer la pensée de la présence de Dieu. Les saints jours de dimanche l'on vous voyait souvent venir à l'église que les offices étaient bien avancés ; mainte-nant, si vous avez bien fait vos pâques, l'on vous verra de bonne heure commencer à vous préparer pour assis-ter saintement à cette grande action. L'on verra cette mère, au lieu de courir de maison en maison, repassant la conduite de l'un et de l'autre, on la verra occupée à son ménage, à instruire ses enfants, ou, pour mieux dire, la vertu paraîtra dans tout ce qu'elle fera. Elle fera comme cette jeune fille, qui, pendant quelque temps, s'était livrée aux plaisirs, même les plus honteux ; mais ayant réfléchi sur l'état affreux où elle se plongeait, et ayant horreur d'elle-même, elle se convertit. Quelque temps après elle rencontra un jeune homme avec lequel elle avait souvent couru dans les plaisirs ; il commença à lui tenir le même langage qu'autrefois. Elle le regarda d'un air de mépris et d'indignation, en se rappelant com-ment ce malheureux avait été cause qu'elle avait offensé le bon Dieu. Tout étonné, il lui dit que sans doute elle ne le connaissait plus. « Ah ! malheureux, je ne t'ai que trop connu ! Je vois bien que tu es toujours le même, enseveli dans la fange du crime ; mais, pour moi, grâce à Dieu, je ne suis plus la même ; j'ai quitté ce maudit péché qui avait tant défiguré ma pauvre âme. Ah ! non, plutôt mille fois mourir que de retomber dans mes anciens péchés ! » O ! beau modèle pour un chrétien qui a eu le malheur de pécher !
Que devons-nous conclure de tout cela ? Le voici, M.F. C'est que si vous voulez ne pas être damnés, vous ne devez pas vous contenter de vous confesser une fois l'année ; parce que, à chaque fois que vous seriez en état de péché vous courriez risque d'y périr et d'être perdus pour une éternité. C'est que si vous aviez été assez malheureux d'avoir caché quelque péché par crainte ou par honte, ou, que vous les ayez confessés sans contrition, sans désir de vous en corriger ; ou même, si depuis tant d'années que vous vous confessez, vous n'avez connu aucun changement dans votre vie concluez de là que toutes vos confessions ne valent rien, et par conséquent n'ont été que des sacrilèges et des abominations qui vous jetteront en enfer. Pour ceux qui ne font point de pâques, je n'ai rien à leur dire ; puisqu'ils veulent absolument se damner, ils en sont les maîtres. Pleurons leur malheur, prions pour eux : la charité que nous devons avoir les uns pour les autres nous y oblige. Demandons à Dieu de ne pas tom-ber dans un tel aveuglement ! Résistons courageuse-ment au monde et au démon ! Soupirons sans cesse après notre véritable patrie qui est le ciel, notre gloire, notre récompense et notre félicité. C'est ce que je vous souhaite...
En voulez-vous une seconde preuve ? La voici. De quoi vous accusiez-vous l'année passée ? D'ivrognerie, d'im-pureté, d'orgueil, de colère, de négligence dans le ser-vice de Dieu ? Et de quoi vous accusez-vous cette année ? De la même chose. Et de quoi vous accuserez-vous l'année prochaine si vous êtes en vie ? Encore de la même chose. Pourquoi cela, M.F. ? C'est que vous ne désirez nullement de mener une vie plus chrétienne ; mais vous vous confessez seulement par manière d'ac-quit et pour dire que vous avez fait vos pâques ; ou, si vous disiez la vérité, vous diriez que vous vous confes-sez chaque année pour ajouter un nouveau péché à vos anciens : alors, disant cela, vous diriez ce que vous faites. Vous ne voyez donc pas que c'est le démon qui vous trompe. S'il vous proposait de tout abandonner, à vous qui avez l'habitude de vous confesser tous les ans, vous auriez horreur de cela, vous ne voudriez pas le croire. Mais pour vous avoir un jour, il se contente de -vous tenir toujours dans vos mauvaises habitudes. Doutez-vous de ce que je vous dis ? Examinez votre con-duite et voyez si vous vous êtes corrigés de quelques péchés depuis tant d'années que vous vous confessez tous les ans ; ou, si je disais mieux, chaque année vous enfonce plus profond dans les abîmes.
Mais, me direz-vous, tout cela n'est pas trop enga-geant à nous faire faire nos pâques. – C'est bien ; mais pourquoi vous tromper ? Il y a déjà bien assez du démon qui vous trompe, sans me mettre encore avec lui. Je -vous dis la vérité telle quelle est ; ensuite vous en ferez ce que vous voudrez. Je me comporte envers vous. comme un médecin au milieu d'un grand nombre de malades : il commence à leur proposer à chacun les remèdes convenables pour rétablir leur santé ; ceux qui méprisent ces remèdes, il les laisse de côté ; mais ceux qui veulent les prendre, ils les instruit de la manière de les prendre, il leur dit le grand bien qu'ils leur feront s'ils les reçoivent avec toutes les préparations qu'il leur indiquera, et en même temps le mal que ces remèdes, leur feront s'ils ne font pas tout ce qu'il ordonne avant de s'en servir. Oui, M.F., je fais la même chose, je vous fais considérer combien sont grands les avantages que nous promettent les sacrements ; ou, pour mieux dire, que si nous ne fréquentons pas les sacrements, jamais nous ne verrons la face de Dieu, et nous sommes sûrs d'être damnés. Pour ceux qui, soit par ignorance, soit par impiété, méprisent ces remèdes salutaires, seuls capables de les réconcilier avec le bon Dieu, je fais comme ce médecin qui laisse de côté ceux qui ne veu-lent pas de ses remèdes. Mais à ceux qui témoignent le désir de les prendre, il faut absolument leur faire con-naître les dispositions qu'il faut y apporter. Je pense, M.F., que peut-être tout ce que je viens de vous dire vous donnera quelque inquiétude sur vos confessions passées : je le désire de tout mon cœur, afin qu'étant vivement touchés par la grâce du bon Dieu et par vos remords de conscience, vous preniez les moyens que Dieu vous offre encore aujourd'hui pour sortir du péché.
Mais, me direz-vous, que faut-il faire pour réparer tout cela ? – Voulez-vous le savoir et le faire, mon ami ? Le voici. C'est de recommencer vos confessions, d'aussi loin que vous pouvez juger les avoir faites sans contri-tion ; vous vous accuserez du nombre de confessions et de communions : et vous direz bien si vous avez déguisé quelque péché, si vous avez fait quelques efforts pour ne plus retomber. Il faut, pour que vos confessions puis-sent vous consoler, que chaque confession ait opéré en vous quelque changement ; il faut que vous fassiez comme nous dit l'évangile de Pâques, en parlant de Jésus-Christ, qu'une fois sorti du tombeau, il n'y rentre plus ; de même, vous étant confessés de vos péchés, vous ne devez plus les recommettre. Il faut que vous fassiez naître dans votre cœur, la douceur, la bonté et la charité, à la place de cette colère, de cet air de mépris que vous faisiez paraître à la moindre injure qu'on vous faisait. Vous manquiez vos prières le matin et le soir, l'on vous voyait les faire sans attention et sans respect ; maintenant si vous êtes véritablement sorti du péché, l'on vous verra faire vos prières tous les matins et tous les soirs avec ce respect et cette attention que doit vous inspirer la pensée de la présence de Dieu. Les saints jours de dimanche l'on vous voyait souvent venir à l'église que les offices étaient bien avancés ; mainte-nant, si vous avez bien fait vos pâques, l'on vous verra de bonne heure commencer à vous préparer pour assis-ter saintement à cette grande action. L'on verra cette mère, au lieu de courir de maison en maison, repassant la conduite de l'un et de l'autre, on la verra occupée à son ménage, à instruire ses enfants, ou, pour mieux dire, la vertu paraîtra dans tout ce qu'elle fera. Elle fera comme cette jeune fille, qui, pendant quelque temps, s'était livrée aux plaisirs, même les plus honteux ; mais ayant réfléchi sur l'état affreux où elle se plongeait, et ayant horreur d'elle-même, elle se convertit. Quelque temps après elle rencontra un jeune homme avec lequel elle avait souvent couru dans les plaisirs ; il commença à lui tenir le même langage qu'autrefois. Elle le regarda d'un air de mépris et d'indignation, en se rappelant com-ment ce malheureux avait été cause qu'elle avait offensé le bon Dieu. Tout étonné, il lui dit que sans doute elle ne le connaissait plus. « Ah ! malheureux, je ne t'ai que trop connu ! Je vois bien que tu es toujours le même, enseveli dans la fange du crime ; mais, pour moi, grâce à Dieu, je ne suis plus la même ; j'ai quitté ce maudit péché qui avait tant défiguré ma pauvre âme. Ah ! non, plutôt mille fois mourir que de retomber dans mes anciens péchés ! » O ! beau modèle pour un chrétien qui a eu le malheur de pécher !
Que devons-nous conclure de tout cela ? Le voici, M.F. C'est que si vous voulez ne pas être damnés, vous ne devez pas vous contenter de vous confesser une fois l'année ; parce que, à chaque fois que vous seriez en état de péché vous courriez risque d'y périr et d'être perdus pour une éternité. C'est que si vous aviez été assez malheureux d'avoir caché quelque péché par crainte ou par honte, ou, que vous les ayez confessés sans contrition, sans désir de vous en corriger ; ou même, si depuis tant d'années que vous vous confessez, vous n'avez connu aucun changement dans votre vie concluez de là que toutes vos confessions ne valent rien, et par conséquent n'ont été que des sacrilèges et des abominations qui vous jetteront en enfer. Pour ceux qui ne font point de pâques, je n'ai rien à leur dire ; puisqu'ils veulent absolument se damner, ils en sont les maîtres. Pleurons leur malheur, prions pour eux : la charité que nous devons avoir les uns pour les autres nous y oblige. Demandons à Dieu de ne pas tom-ber dans un tel aveuglement ! Résistons courageuse-ment au monde et au démon ! Soupirons sans cesse après notre véritable patrie qui est le ciel, notre gloire, notre récompense et notre félicité. C'est ce que je vous souhaite...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
2ème Dimanche après Pâques
Sur la Persévérance
Qui autem perseveraverit usque in finem, hic salvus erit.
Celui qui persévérera jusqu'à la fin, sera sauvé.
(S.Matth., x, 22.)
Celui, nous dit le Sauveur du monde, qui combattra et qui persévérera jusqu'à la fin de ses jours, sans avoir -été vaincu, ou qui, étant tombé, s'est relevé et persé-vère, sera couronné, c'est-à-dire sauvé : paroles, M.F., qui devraient nous faire trembler et nous glacer d'effroi, si nous considérons d'un côté les dangers auxquels nous sommes exposés, et de l'autre, notre faiblesse et le nombre des ennemis qui nous environnent ; ne soyons pas étonnés si les plus grands saints ont quitté leurs parents et leurs amis, leurs biens et leurs plaisirs, pour aller les uns s'enfoncer dans les forêts, les autres pleurer entre des rochers ; enfin d'autres s'en-fermer entre quatre murs pour y pleurer le reste de leurs jours, pour être plus libres et débarrassés de -tous les tracas du monde, et n'être occupés qu'à com-battre les ennemis de leur salut, bien convaincus que le ciel ne serait accordé qu'à leur persévérance. – Mais, me direz-vous, qu'est-ce que c'est que persévérer ? – Mon ami, le voici. C'est être prêt à tout sacrifier : ses biens, sa volonté, sa liberté et sa vie même, plutôt que de déplaire à Dieu. – Mais, me direz-vous encore, qu'est--ce que c'est que de ne pas persévérer ? – Le voici. C'est de retomber dans les péchés que nous avons déjà con-fessés, de suivre les mauvaises compagnies qui nous ont portés au péché qui est le plus grand de tous les malheurs, puisque nous y avons perdu notre Dieu ; nous avons tourné contre nous toute sa colère, nous arrachons notre âme du ciel, nous la traînons en enfer. Plût à Dieu que les chrétiens qui ont le bonheur de se réconcilier avec Dieu par le sacrement de Pénitence, le comprissent bien ! Et pour vous en donner une idée, je vais vous montrer les moyens que vous devez pren-dre pour persévérer dans la grâce que vous avez reçue dans le saint temps de Pâques. J'en trouve cinq prin-cipaux qui sont : la fidélité à suivre les mouvements de la grâce de Dieu, la fuite des mauvaises compagnies, la prière, la fréquentation des sacrements et enfin la mortification.
C'est vraiment aujourd'hui que vous pourrez dire que tout ce que vous allez entendre ne vous regarde pas, du moins un bon tiers. Moi, vous parler de la persévé-rance ! mais je suis donc un faux pasteur, je ne viens donc travailler qu'à votre perte ! II faudra que le démon se serve de moi pour accélérer votre réprobation ! je vais donc faire tout le contraire de ce que le bon Dieu m'a commandé de faire : il ne m'envoie au milieu de vous que pour vous sauver, et mon occupation serait donc de vous conduire dans les abîmes ! Moi, être le cruel bourreau de vos pauvres âmes ! Mon Dieu ! quel malheur ! Moi, vous parler de la persévérance ! mais ce langage ne convient qu'à ceux qui ont quitté le péché pour tout de bon, qui sont dans, la résolution de perdre mille vies, plutôt que de recommettre le péché ; mais dire à un pécheur de persévérer dans ses désordres. O mon Dieu ! ne serais-je pas la plus malheureuse créature que la terre ait jamais portée ? Non, non, ce n'est pas le langage que je devrais tenir. Ah ! plutôt, cesse, mon ami ; ah ! cesse de persévérer dans ton état déplorable, sans quoi tu es damné. Moi, dire à cet homme qui depuis nombre d'années ne fait point de pâques ou qui les fait mal, de persévérer ! Non, non, mon ami, si tu persévères, tu es perdu, jamais de ciel pour toi ! Moi, dire à cette personne qui se contente de faire ses pâques de persévérer ; mais ne serait-ce pas lui mettre un bandeau devant les yeux et la traîner en enfer ? Moi, dire à ces pères et mères qui font leurs pâques, et qui lâchent la bride à leurs enfants, de per-sévérer ! Ah ! non, non, je ne veux pas être le bourreau de leur pauvre âme. Moi, dire de persévérer à ces jeunes filles qui ont fait leurs pâques avec la pensée et le désir de retourner dans les danses et les plaisirs ! Oh ! malheur à moi ! ô horreur ! ô abomination ! ô chaîne de crimes et de sacrilèges ! Moi, dire de persévérer à ces personnes qui fréquentent cinq ou six fois les sacrements par année, qui ne font paraître aucun chan-gement dans leur manière de vivre : mêmes murmures dans leurs peines, mêmes emportements, même ava-rice, même dureté envers les pauvres ; toujours aussi empressés à calomnier et à noircir la réputation de leur prochain... O mon Dieu ! que de chrétiens aveu-gles et vendus à l'iniquité ! Moi, dire de persévérer à ces personnes qui, sans se gêner, ou par respect hu-main, mangent de la viande les jours défendus et qui travaillent sans scrupule le saint jour du dimanche ! O mon Dieu ! quel malheur ! A qui vais-je m'adresser ? Je n'en sais rien.
Ah ! non, non, M.F., ce n'était pas sur la persévérance dans la grâce que j'aurais dû vous parler aujour-d'hui ! Ah ! plutôt, il aurait fallu vous dépeindre l'état affreux et désespérant d'un pécheur qui n'a point fait de pâques ou qui les a mal faites, et qui persévère dans cet état. Ah ! plût à Dieu qu'il me fût permis de dessiner à vos yeux le désespoir d'un pécheur cité devant le tri-bunal de son juge, dont les mains sont garnies de foudres et d'éclairs, et de vous faire entendre ces torrents de malédiction : « Va, maudit réprouvé, va, pécheur endurci, va pleurer ta vie criminelle et tes sacrilèges. Oh ! ce n'est pas encore assez d'y avoir croupi pendant ta vie... » Il faudrait les traîner jusqu'à la porte de l'enfer, avant que le démon les y précipite pour n'en sortir jamais, et leur faire entendre les cris, les hurle-ments de ces malheureux réprouvés et leur montrer à chacun la place qui leur est désignée. O mon Dieu ! pourraient-ils encore vivre ? Un ciel perdu... Un enfer... une éternité... Ils ont méprisé, profané les souffrances :.. Ah ! que dis-je ? les souffrances, la mort d'un Dieu... Voilà la récompense de la persévérance dans le péché ; oui, voilà le sujet que j'aurais dû traiter aujourd'hui. Mais vous parler de la persévérance, qui suppose une âme qui craint plus le péché que la mort même, qui passe ses jours dans l'amour de son Dieu ; une âme, dis--je, dépouillée de toute affection terrestre, dont les désirs ne sont que pour le ciel... Eh bien, où voulez-vous donc que j'aille ? Où pourrais-je donc la trouver, cette âme ! Ah ! où est-elle ? Où est la terre qui est si heureuse que de la posséder. Hélas ! je n'en ai point trouvée, ou du moins, je n'en trouve presque point. O mon Dieu ! peut--être en voyez-vous quelqu'une que je ne connais pas. Je vais donc parler comme si j'étais sûr qu'il y en eût au moins une ou deux, pour leur montrer les moyens qu'elles doivent employer pour continuer la route heureuse qu'elles ont commencée. Écoutez-moi bien, âmes saintes, si toutefois il s'en trouve parmi ceux qui m'é-coutent, ce que Dieu vous dira par ma bouche.
Sur la Persévérance
Qui autem perseveraverit usque in finem, hic salvus erit.
Celui qui persévérera jusqu'à la fin, sera sauvé.
(S.Matth., x, 22.)
Celui, nous dit le Sauveur du monde, qui combattra et qui persévérera jusqu'à la fin de ses jours, sans avoir -été vaincu, ou qui, étant tombé, s'est relevé et persé-vère, sera couronné, c'est-à-dire sauvé : paroles, M.F., qui devraient nous faire trembler et nous glacer d'effroi, si nous considérons d'un côté les dangers auxquels nous sommes exposés, et de l'autre, notre faiblesse et le nombre des ennemis qui nous environnent ; ne soyons pas étonnés si les plus grands saints ont quitté leurs parents et leurs amis, leurs biens et leurs plaisirs, pour aller les uns s'enfoncer dans les forêts, les autres pleurer entre des rochers ; enfin d'autres s'en-fermer entre quatre murs pour y pleurer le reste de leurs jours, pour être plus libres et débarrassés de -tous les tracas du monde, et n'être occupés qu'à com-battre les ennemis de leur salut, bien convaincus que le ciel ne serait accordé qu'à leur persévérance. – Mais, me direz-vous, qu'est-ce que c'est que persévérer ? – Mon ami, le voici. C'est être prêt à tout sacrifier : ses biens, sa volonté, sa liberté et sa vie même, plutôt que de déplaire à Dieu. – Mais, me direz-vous encore, qu'est--ce que c'est que de ne pas persévérer ? – Le voici. C'est de retomber dans les péchés que nous avons déjà con-fessés, de suivre les mauvaises compagnies qui nous ont portés au péché qui est le plus grand de tous les malheurs, puisque nous y avons perdu notre Dieu ; nous avons tourné contre nous toute sa colère, nous arrachons notre âme du ciel, nous la traînons en enfer. Plût à Dieu que les chrétiens qui ont le bonheur de se réconcilier avec Dieu par le sacrement de Pénitence, le comprissent bien ! Et pour vous en donner une idée, je vais vous montrer les moyens que vous devez pren-dre pour persévérer dans la grâce que vous avez reçue dans le saint temps de Pâques. J'en trouve cinq prin-cipaux qui sont : la fidélité à suivre les mouvements de la grâce de Dieu, la fuite des mauvaises compagnies, la prière, la fréquentation des sacrements et enfin la mortification.
C'est vraiment aujourd'hui que vous pourrez dire que tout ce que vous allez entendre ne vous regarde pas, du moins un bon tiers. Moi, vous parler de la persévé-rance ! mais je suis donc un faux pasteur, je ne viens donc travailler qu'à votre perte ! II faudra que le démon se serve de moi pour accélérer votre réprobation ! je vais donc faire tout le contraire de ce que le bon Dieu m'a commandé de faire : il ne m'envoie au milieu de vous que pour vous sauver, et mon occupation serait donc de vous conduire dans les abîmes ! Moi, être le cruel bourreau de vos pauvres âmes ! Mon Dieu ! quel malheur ! Moi, vous parler de la persévérance ! mais ce langage ne convient qu'à ceux qui ont quitté le péché pour tout de bon, qui sont dans, la résolution de perdre mille vies, plutôt que de recommettre le péché ; mais dire à un pécheur de persévérer dans ses désordres. O mon Dieu ! ne serais-je pas la plus malheureuse créature que la terre ait jamais portée ? Non, non, ce n'est pas le langage que je devrais tenir. Ah ! plutôt, cesse, mon ami ; ah ! cesse de persévérer dans ton état déplorable, sans quoi tu es damné. Moi, dire à cet homme qui depuis nombre d'années ne fait point de pâques ou qui les fait mal, de persévérer ! Non, non, mon ami, si tu persévères, tu es perdu, jamais de ciel pour toi ! Moi, dire à cette personne qui se contente de faire ses pâques de persévérer ; mais ne serait-ce pas lui mettre un bandeau devant les yeux et la traîner en enfer ? Moi, dire à ces pères et mères qui font leurs pâques, et qui lâchent la bride à leurs enfants, de per-sévérer ! Ah ! non, non, je ne veux pas être le bourreau de leur pauvre âme. Moi, dire de persévérer à ces jeunes filles qui ont fait leurs pâques avec la pensée et le désir de retourner dans les danses et les plaisirs ! Oh ! malheur à moi ! ô horreur ! ô abomination ! ô chaîne de crimes et de sacrilèges ! Moi, dire de persévérer à ces personnes qui fréquentent cinq ou six fois les sacrements par année, qui ne font paraître aucun chan-gement dans leur manière de vivre : mêmes murmures dans leurs peines, mêmes emportements, même ava-rice, même dureté envers les pauvres ; toujours aussi empressés à calomnier et à noircir la réputation de leur prochain... O mon Dieu ! que de chrétiens aveu-gles et vendus à l'iniquité ! Moi, dire de persévérer à ces personnes qui, sans se gêner, ou par respect hu-main, mangent de la viande les jours défendus et qui travaillent sans scrupule le saint jour du dimanche ! O mon Dieu ! quel malheur ! A qui vais-je m'adresser ? Je n'en sais rien.
Ah ! non, non, M.F., ce n'était pas sur la persévérance dans la grâce que j'aurais dû vous parler aujour-d'hui ! Ah ! plutôt, il aurait fallu vous dépeindre l'état affreux et désespérant d'un pécheur qui n'a point fait de pâques ou qui les a mal faites, et qui persévère dans cet état. Ah ! plût à Dieu qu'il me fût permis de dessiner à vos yeux le désespoir d'un pécheur cité devant le tri-bunal de son juge, dont les mains sont garnies de foudres et d'éclairs, et de vous faire entendre ces torrents de malédiction : « Va, maudit réprouvé, va, pécheur endurci, va pleurer ta vie criminelle et tes sacrilèges. Oh ! ce n'est pas encore assez d'y avoir croupi pendant ta vie... » Il faudrait les traîner jusqu'à la porte de l'enfer, avant que le démon les y précipite pour n'en sortir jamais, et leur faire entendre les cris, les hurle-ments de ces malheureux réprouvés et leur montrer à chacun la place qui leur est désignée. O mon Dieu ! pourraient-ils encore vivre ? Un ciel perdu... Un enfer... une éternité... Ils ont méprisé, profané les souffrances :.. Ah ! que dis-je ? les souffrances, la mort d'un Dieu... Voilà la récompense de la persévérance dans le péché ; oui, voilà le sujet que j'aurais dû traiter aujourd'hui. Mais vous parler de la persévérance, qui suppose une âme qui craint plus le péché que la mort même, qui passe ses jours dans l'amour de son Dieu ; une âme, dis--je, dépouillée de toute affection terrestre, dont les désirs ne sont que pour le ciel... Eh bien, où voulez-vous donc que j'aille ? Où pourrais-je donc la trouver, cette âme ! Ah ! où est-elle ? Où est la terre qui est si heureuse que de la posséder. Hélas ! je n'en ai point trouvée, ou du moins, je n'en trouve presque point. O mon Dieu ! peut--être en voyez-vous quelqu'une que je ne connais pas. Je vais donc parler comme si j'étais sûr qu'il y en eût au moins une ou deux, pour leur montrer les moyens qu'elles doivent employer pour continuer la route heureuse qu'elles ont commencée. Écoutez-moi bien, âmes saintes, si toutefois il s'en trouve parmi ceux qui m'é-coutent, ce que Dieu vous dira par ma bouche.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. – Je dis donc 1° que le premier moyen de persévérer dans le chemin qui conduit au ciel, c'est d'être fidèle à suivre et à profiter des mouvements de la grâce que Dieu veut bien nous accorder. Tous les saints ne sont redevables de leur bonheur qu'à leur fidélité à suivre les mouvements que l'Esprit-Saint leur a donnés, et les damnés ne peuvent attribuer leur malheur qu'au mépris qu'ils en ont fait. Cela seul peut suffire pour vous en faire sentir tout le prix et la nécessité d'y être fidèles. – Mais, me direz-vous, comment, par quel moyen pouvons-nous connaître que nous correspondons à ce que la grâce veut de nous, ou bien que nous y résistons ? – Si vous ne savez pas, écoutez-moi un instant, et vous en connaî-trez le plus essentiel. Je dis d'abord que la grâce, c'est une pensée qui nous fait sentir la nécessité d'éviter le mal et de faire le bien. Entrons dans quelques détails familiers pour mieux vous le faire comprendre, et vous verrez quand vous y résistez ou quand vous y êtes fidèles. Le matin, en vous éveillant, le bon Dieu vous suggère la pensée de lui donner votre cœur, de lui offrir votre travail, de faire votre prière de suite et à genoux si vous le faites de suite, de bon cœur, vous suivrez le mouvement de la grâce ; et, si vous ne le faites pas, ou bien si vous le faites mal, vous ne le suivez pas. Vous vous sentez, tout à coup, le désir d'aller vous confesser et de vous corriger de vos défauts, de ne pas rester comme vous êtes ; vous pensez que si vous veniez à mourir vous seriez damnés. Si vous suivez ces bonnes inspirations que le bon Dieu vous donne, vous êtes fidèles à la grâce. Mais vous laissez passer cela sans rien faire... ; vous avez la pensée de faire quelque aumône, quelque pénitence, d'aller à la messe les jours ouvriers, d'y envoyer vos domestiques ; vous ne le faites pas. Voilà, M.F., ce que c'est que suivre la grâce ou y résister. Tout ceci, c'est ce que l'on appelle des grâces intérieures. Pour celles qui sont appelées grâces exté-rieures, c'est, par exemple, une bonne lecture, une conversation que vous aurez eue avec quelques personnes sages, qui vous font sentir la nécessité de changer de vie, de mieux servir le bon Dieu, le regret que vous aurez à l'heure de la mort ; c'est un bon exemple que vous aurez devant les yeux, qui semble vous tourmenter de vous convertir ; c'est enfin une instruction qui vous apprend les moyens qu'il faut prendre pour servir Dieu et remplir vos devoirs envers lui, envers vous-mêmes et envers votre prochain. Votre salut ou votre damnation en dépend, faites-y bien attention. Les saints ne se sont sanctifiés que par leur grande attention à suivre toutes les bonnes inspirations que le bon Dieu leur envoyait, et les damnés ne sont tombés en enfer que parce qu'ils les ont méprisées ; vous allez en voir la preuve.
Nous voyons dans l'Évangile que toutes les conver-sions que Jésus-Christ a opérées pendant sa vie ont été appuyées sur la persévérance. Comment savons-nous, M.F., que saint Pierre a été converti ? Il est bien dit que Jésus-Christ le regarda, que saint Pierre pleura son péché , mais qui nous assure sa conversion, sinon qu'il a persévéré dans la grâce, et qu'il n'a plus péché ? Comment est-ce que saint Matthieu a été converti ? Nous savons bien que Jésus-Christ, l'ayant vu dans son bu-reau, lui dit de le suivre, et qu'il le suivit , mais ce qui nous assure que sa conversion a été véritable, c'est qu'il ne rentra plus dans ce bureau, qu'il ne commit plus d'injustice ; c'est qu'après avoir commencé à suivre Jésus-Christ, il ne le quitta plus. La persévérance dans la grâce, le renoncement pour toujours au péché, furent les marques très certaines de sa conversion. Oui, M.F., quand vous auriez vécu vingt ou trente ans dans la vertu et dans la pénitence, si vous ne persévérez pas, tout est perdu pour vous. Oui, dit un saint évêque à son peuple, quand vous auriez donné tout votre bien aux pauvres, quand vous auriez déchiré votre corps, quand vous l'au-riez mis tout en sang, quand, à vous seul, vous auriez souffert autant que tous les martyrs ensemble, quand vous auriez été écorché comme un saint Barthélemy, scié entre deux planches comme un prophète Isaïe, brûlé à petit feu comme un saint Laurent, si, par malheur, vous manquez de persévérance, c'est-à-dire, si vous retombez dans le péché que vous avez déjà confessé, tout est perdu pour vous si la mort vous surprend dans cet état. Qui de nous sera sauvé ? Est-ce celui qui aura combattu qua-rante ou soixante ans ? Non, M.F. Est-ce celui qui aura blanchi ses cheveux dans le service de Dieu ? Non, M.F., s'il manque de persévérance : tel qu'un Salomon, dont l'Esprit-Saint, parlant de lui, dit qu'il est le plus sage des rois de la terre ; il semblait être parfaitement assuré de son salut, et cependant, il nous laisse sur ce point dans une grande incertitude. Saül nous en présente une image encore plus effrayante. Choisi de Dieu même pour ré-gner sur son peuple, comblé de tant de bienfaits, il meurt en réprouvé . « Ah ! malheureux ! nous dit saint Jean Chrysostome, prends garde, après avoir reçu la grâce de ton Dieu, de ne pas la mépriser. Ah ! je tremble quand je considère combien le pécheur retombe facile-ment dans son péché déjà confessé ; comment oserait-il bien redemander son pardon ? Oui, M.F., il vous suffirait, avec le secours de la grâce, pour ne jamais retomber dans le péché, de comparer l'é-tat malheureux où le péché vous avait réduits avec celui où la grâce vous a mis. Oui, M.F., une âme, qui retombe dans le péché, livre son Dieu au démon, lui sert de bourreau, et le crucifie sur la croix de son cœur ; arrache son âme d'entre les mains de son Dieu, la traîne en enfer, la livre à toute la fureur et à la rage des démons, lui ferme le ciel, et tourne à sa condamna-tion toutes les souffrances de son Dieu. Ah ! mon Dieu, qui pourrait recommettre le péché, si l'on faisait toutes ces réflexions ? Écoutez, M.F., ces terribles paroles du Sauveur : « Celui qui aura combattu jusqu'à la fin sera sauvé. » D'après cela, M.F., tremblons, nous qui tom-bons à chaque instant. Jamais de ciel, si nous ne sommes pas plus fermes que nous n'avons été jusqu'à présent ; mais ce n'est pas encore tout. Vos confessions sont-elles bien faites ? Car vous pouvez persévérer dans la pratique de la vertu et être damnés . Avez-vous pris toutes les précautions que vous deviez prendre pour bien faire et confession et communion ? Avez-vous bien examiné votre conscience avant de vous approcher du tribunal de la pénitence ? Avez-vous bien déclaré tous vos péchés, tels que vous les connaissiez, sans dire, peut-être, que ce n'est pas mal fait, que ce n'est rien, ou : je le dirai une autre fois ? Avez-vous cette véritable contrition de vos péchés ? L'avez-vous bien demandée à Dieu en sortant du confessionnal ? Auriez-vous préféré la mort plutôt que de recommettre les péchés que vous veniez de confesser ? -Êtes-vous bien dans la résolution ferme de ne plus revoir les personnes avec lesquelles vous avez fait le mal ? Té-moignez-vous au bon Dieu que si vous deviez encore l'offenser, vous aimeriez mieux qu'il vous fasse mourir ? Et cependant quand vous seriez dans toutes ces disposi-tions, tremblez toujours, vivez entre une espèce de dé-sespoir et l'espérance. Vous êtes aujourd'hui dans l'amitié de Dieu, tremblez que, peut-être demain, vous ne soyez dans sa haine et un réprouvé. Écoutez saint Paul, ce vase d'élection, qui avait été choisi de Dieu pour porter son nom devant les princes et les rois de la terre, qui a conduit tant d'âmes à Dieu, dont les yeux se troublaient à chaque instant par l'abondance des larmes qu'il répan-dait ; il s'écriait à tout moment : « Hélas ! je ne cesse de traiter durement mon corps, et de le réduire en servi-tude, crainte qu'après avoir prêché aux autres et montré les moyens d'aller au ciel, je n'en sois moi-même banni et réprouvé . » Dans un autre endroit, il semble avoir un peu plus de confiance ; mais sur quoi est-elle fondée cette confiance ? » « Oui, mon Dieu, s'écrie-t-il, je suis comme une victime prête à être immolée, bientôt mon corps et mon âme seront séparés, je vois bien que je ne vivrai pas longtemps ; mais toute ma confiance est que j'ai toujours suivi les mouvements que la grâce de Dieu m'a donnés. Depuis que j'ai eu le bonheur de me con-vertir, j'ai conduit autant d'âmes à Dieu qu'il m'a été possible, j'ai toujours combattu, j'ai fait une guerre con-tinuelle à mon corps. Ah ! combien de fois j'ai demandé à Dieu la grâce de me défaire de ce misérable corps qui toujours tendait vers le mal ; enfin grâce à mon Dieu, je vais recevoir « la récompense de celui qui a combattu et persévéré jusqu'à la fin . » O mon Dieu ! qu'il y en a peu qui persévèrent, et par conséquent, qu'il y en a peu de sauvés !
Nous voyons dans l'Évangile que toutes les conver-sions que Jésus-Christ a opérées pendant sa vie ont été appuyées sur la persévérance. Comment savons-nous, M.F., que saint Pierre a été converti ? Il est bien dit que Jésus-Christ le regarda, que saint Pierre pleura son péché , mais qui nous assure sa conversion, sinon qu'il a persévéré dans la grâce, et qu'il n'a plus péché ? Comment est-ce que saint Matthieu a été converti ? Nous savons bien que Jésus-Christ, l'ayant vu dans son bu-reau, lui dit de le suivre, et qu'il le suivit , mais ce qui nous assure que sa conversion a été véritable, c'est qu'il ne rentra plus dans ce bureau, qu'il ne commit plus d'injustice ; c'est qu'après avoir commencé à suivre Jésus-Christ, il ne le quitta plus. La persévérance dans la grâce, le renoncement pour toujours au péché, furent les marques très certaines de sa conversion. Oui, M.F., quand vous auriez vécu vingt ou trente ans dans la vertu et dans la pénitence, si vous ne persévérez pas, tout est perdu pour vous. Oui, dit un saint évêque à son peuple, quand vous auriez donné tout votre bien aux pauvres, quand vous auriez déchiré votre corps, quand vous l'au-riez mis tout en sang, quand, à vous seul, vous auriez souffert autant que tous les martyrs ensemble, quand vous auriez été écorché comme un saint Barthélemy, scié entre deux planches comme un prophète Isaïe, brûlé à petit feu comme un saint Laurent, si, par malheur, vous manquez de persévérance, c'est-à-dire, si vous retombez dans le péché que vous avez déjà confessé, tout est perdu pour vous si la mort vous surprend dans cet état. Qui de nous sera sauvé ? Est-ce celui qui aura combattu qua-rante ou soixante ans ? Non, M.F. Est-ce celui qui aura blanchi ses cheveux dans le service de Dieu ? Non, M.F., s'il manque de persévérance : tel qu'un Salomon, dont l'Esprit-Saint, parlant de lui, dit qu'il est le plus sage des rois de la terre ; il semblait être parfaitement assuré de son salut, et cependant, il nous laisse sur ce point dans une grande incertitude. Saül nous en présente une image encore plus effrayante. Choisi de Dieu même pour ré-gner sur son peuple, comblé de tant de bienfaits, il meurt en réprouvé . « Ah ! malheureux ! nous dit saint Jean Chrysostome, prends garde, après avoir reçu la grâce de ton Dieu, de ne pas la mépriser. Ah ! je tremble quand je considère combien le pécheur retombe facile-ment dans son péché déjà confessé ; comment oserait-il bien redemander son pardon ? Oui, M.F., il vous suffirait, avec le secours de la grâce, pour ne jamais retomber dans le péché, de comparer l'é-tat malheureux où le péché vous avait réduits avec celui où la grâce vous a mis. Oui, M.F., une âme, qui retombe dans le péché, livre son Dieu au démon, lui sert de bourreau, et le crucifie sur la croix de son cœur ; arrache son âme d'entre les mains de son Dieu, la traîne en enfer, la livre à toute la fureur et à la rage des démons, lui ferme le ciel, et tourne à sa condamna-tion toutes les souffrances de son Dieu. Ah ! mon Dieu, qui pourrait recommettre le péché, si l'on faisait toutes ces réflexions ? Écoutez, M.F., ces terribles paroles du Sauveur : « Celui qui aura combattu jusqu'à la fin sera sauvé. » D'après cela, M.F., tremblons, nous qui tom-bons à chaque instant. Jamais de ciel, si nous ne sommes pas plus fermes que nous n'avons été jusqu'à présent ; mais ce n'est pas encore tout. Vos confessions sont-elles bien faites ? Car vous pouvez persévérer dans la pratique de la vertu et être damnés . Avez-vous pris toutes les précautions que vous deviez prendre pour bien faire et confession et communion ? Avez-vous bien examiné votre conscience avant de vous approcher du tribunal de la pénitence ? Avez-vous bien déclaré tous vos péchés, tels que vous les connaissiez, sans dire, peut-être, que ce n'est pas mal fait, que ce n'est rien, ou : je le dirai une autre fois ? Avez-vous cette véritable contrition de vos péchés ? L'avez-vous bien demandée à Dieu en sortant du confessionnal ? Auriez-vous préféré la mort plutôt que de recommettre les péchés que vous veniez de confesser ? -Êtes-vous bien dans la résolution ferme de ne plus revoir les personnes avec lesquelles vous avez fait le mal ? Té-moignez-vous au bon Dieu que si vous deviez encore l'offenser, vous aimeriez mieux qu'il vous fasse mourir ? Et cependant quand vous seriez dans toutes ces disposi-tions, tremblez toujours, vivez entre une espèce de dé-sespoir et l'espérance. Vous êtes aujourd'hui dans l'amitié de Dieu, tremblez que, peut-être demain, vous ne soyez dans sa haine et un réprouvé. Écoutez saint Paul, ce vase d'élection, qui avait été choisi de Dieu pour porter son nom devant les princes et les rois de la terre, qui a conduit tant d'âmes à Dieu, dont les yeux se troublaient à chaque instant par l'abondance des larmes qu'il répan-dait ; il s'écriait à tout moment : « Hélas ! je ne cesse de traiter durement mon corps, et de le réduire en servi-tude, crainte qu'après avoir prêché aux autres et montré les moyens d'aller au ciel, je n'en sois moi-même banni et réprouvé . » Dans un autre endroit, il semble avoir un peu plus de confiance ; mais sur quoi est-elle fondée cette confiance ? » « Oui, mon Dieu, s'écrie-t-il, je suis comme une victime prête à être immolée, bientôt mon corps et mon âme seront séparés, je vois bien que je ne vivrai pas longtemps ; mais toute ma confiance est que j'ai toujours suivi les mouvements que la grâce de Dieu m'a donnés. Depuis que j'ai eu le bonheur de me con-vertir, j'ai conduit autant d'âmes à Dieu qu'il m'a été possible, j'ai toujours combattu, j'ai fait une guerre con-tinuelle à mon corps. Ah ! combien de fois j'ai demandé à Dieu la grâce de me défaire de ce misérable corps qui toujours tendait vers le mal ; enfin grâce à mon Dieu, je vais recevoir « la récompense de celui qui a combattu et persévéré jusqu'à la fin . » O mon Dieu ! qu'il y en a peu qui persévèrent, et par conséquent, qu'il y en a peu de sauvés !
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Nous lisons dans la vie de saint Grégoire, qu'une dame romaine lui écrivit pour lui demander le secours de ses prières, afin que Dieu lui fit connaître si ses péchés lui avaient été pardonnés, et si, un jour, elle re-cevrait la récompense de ses bonnes œuvres. « Ah ! disait-elle, je tremble que Dieu ne m'ait pas pardonnée ! – Hélas ! lui dit saint Grégoire, vous me demandez une chose très difficile ; cependant je vous dirait-que vous pouvez espérer que Dieu vous pardonnera et que vous irez au ciel si vous persévérez ; mais, malgré tout ce que vous avez fait, vous serez damnée si vous ne persévérez pas. » Hélas ! combien de fois ne tenons--nous pas le même langage en nous tourmentant pour savoir si nous serons damnés ou sauvés ! Pensées inu-tiles, M.F. ! Écoutons un Moïse qui, étant sur le point de mourir, fit assembler les douze tribus d'Israël : « Vous savez, leur dit-il, que je vous ai tendrement aimés, que je n'ai recherché que votre salut et votre bien ; maintenant que je vais rendre compte à Dieu de toutes mes actions, il faut que je vous avertisse, que je vous presse de ne jamais oublier ceci : servez le Seigneur fidèlement, rappelez-vous tant de grâces dont il vous a comblés ; quoi qu'il vous en coûte, ne vous séparez jamais de lui. Vous aurez des ennemis qui vous persécuteront, et qui feront ce qu'ils pourront pour vous le faire abandonner ; mais prenez courage, vous êtes sûrs de les vaincre si vous êtes fidèles à Dieu . »
Hélas ! M.F., les grâces que le bon Dieu nous accorde sont encore bien plus nombreuses et les ennemis qui nous environnent sont bien plus puissants. Je dis : les grâces, parce qu'ils n'avaient reçu que quelques biens temporels et la manne ; et nous, qui avons eu le bon-heur de recevoir le pardon de nos péchés, d'arracher notre âme de l'enfer et d'être nourris, non d'une manne, mais du corps et du sang adorable de Jésus-Christ !... O mon Dieu ! quel bonheur ! Il ne faut donc pas retour-ner travailler continuellement à nous faire perdre ce trésor. O combien peu qui persévèrent, parce qu'ils craignent le combat !
Nous lisons dans l'histoire qu'un saint prêtre rencon-tra un jour un chrétien, qui était dans une appréhension continuelle de succomber à la tentation. « Pourquoi crai-gnez-vous ? lui dit le prêtre. – Hélas ! mon père, lui dit-il, je crains d'être tenté, de succomber et de périr. Ah ! s'écrie-t-il en pleurant, n'ai-je pas lieu de trembler, si tant de millions d'anges ont succombé dans le ciel, si Adam et Ève ont été vaincus dans le paradis terrestre, si Salomon, qui a passé pour le plus sage des rois, et qui était parvenu jusqu'au plus haut degré de perfection, a souillé ses cheveux blancs par les crimes les plus hon-teux et les plus déshonorants ; si cet homme, après avoir fait l'admiration du monde, en est devenu l'horreur et l'opprobre ; quand je considère un Judas, qui succomba en compagnie de Jésus-Christ même ; si tant de brillantes lumières se sont éteintes, que dois-je penser de moi--même, qui ne suis que péché ? Qui pourrait compter le nombre d'âmes qui sont en enfer, et qui, sans la tenta-tion, seraient dans le ciel ? O mon Dieu ! s'écriait-il, qui est celui qui tremble et qui pourra espérer persé-vérer ? – Mais, mon ami, lui dit le saint prêtre, ne savez-vous pas ce que nous dit saint Augustin, que le démon est comme un gros chien à l'attache, il aboie et fait grand bruit ; mais il ne mord que celui qui s'approche de trop près. Ayez confiance en Dieu, fuyez les occa-sions du péché, et vous ne succomberez pas. Si Eve n'avait pas écouté le démon, si elle avait pris la fuite dès qu'il lui parla de transgresser les commandements de Dieu, elle n'aurait pas succombé. Lorsque vous serez tenté, rejetez de suite les tentations, et, si vous pouvez, faites dévotement le signe de la croix, pensez aux tour-ments qu'endurent les réprouvés pour n'avoir pas su résister à la tentation ; levez les yeux vers le ciel, et vous verrez la récompense de celui qui combat ; appelez votre bon ange à votre secours, jetez-vous promptement entre les bras de la Mère de Dieu, en réclamant sa pro-tection ; vous êtes sûr d'être victorieux de vos ennemis, et vous les verrez bientôt couverts de confusion. »
Si nous succombons, M.F., cela ne vient donc que de ce que nous ne voulons pas prendre les moyens que le bon Dieu nous offre pour combattre. Il faut surtout être bien convaincus que, de nous-mêmes, nous ne pou-vons que nous perdre ; mais qu'avec une grande con-fiance en Dieu, nous pouvons tout. Voyez saint Philippe de Néri, il disait souvent à Dieu : « Hélas ! Seigneur, tenez-moi bien, je suis si mauvais qu'il me semble qu'à chaque instant je vais vous trahir ; je suis si peu de chose, que même lorsque je sors pour faire une bonne œuvre, je me dis en moi-même : Tu sors chrétien, peut--être vas-tu rentrer comme un païen, après avoir renié ton Dieu. » Un jour, se croyant seul dans un désert, il se mit à crier : « Hélas ! je suis perdu, je suis damné ! » Quelqu'un qui l'entendit vint à lui, en lui disant : « Mon ami, est-ce que vous désespérez de la miséricorde de Dieu ? est-ce qu'elle n'est pas infinie ? – Hélas ! lui dit ce grand saint, je ne désespère pas, au contraire, j'espère beaucoup ; mais je dis que je suis perdu et damné si Dieu m'abandonne à moi-même. Quand je considère combien de personnes qui ont persévéré jus-qu'à la fin et qu'une seule tentation a perdues : voilà ce qui me fait trembler nuit et jour, dans la crainte d'être du nombre de ces malheureux. »
Hélas ! M.F., si tous les saints ont tremblé toute leur vie, crainte de ne pas persévérer, que sera-ce donc de nous qui, sans vertu, presque sans confiance en Dieu, de nous-mêmes chargés de péchés, ne sommes nulle-ment attentifs à prendre garde de ne pas nous laisser enfiler dans les pièges que le démon nous tend ; nous qui marchons comme des aveugles au milieu des plus grands dangers, qui dormons tranquillement parmi une foule d'ennemis, les plus acharnés à notre perte ! – Mais, me direz-vous, que faut-il donc faire pour ne pas suc-comber ? – Mon ami, le voici : il faut fuir les occasions qui nous ont fait tomber les autres fois ; avoir sans cesse recours à la prière, et enfin, fréquenter souvent et di-gnement les sacrements, si vous le faites, si vous suivez ce chemin, vous êtes sûr de persévérer ; mais si vous ne prenez ces précautions, vous aurez beau faire et prendre toutes vos mesures, vous ne laisserez pas d'être perdu.
Hélas ! M.F., les grâces que le bon Dieu nous accorde sont encore bien plus nombreuses et les ennemis qui nous environnent sont bien plus puissants. Je dis : les grâces, parce qu'ils n'avaient reçu que quelques biens temporels et la manne ; et nous, qui avons eu le bon-heur de recevoir le pardon de nos péchés, d'arracher notre âme de l'enfer et d'être nourris, non d'une manne, mais du corps et du sang adorable de Jésus-Christ !... O mon Dieu ! quel bonheur ! Il ne faut donc pas retour-ner travailler continuellement à nous faire perdre ce trésor. O combien peu qui persévèrent, parce qu'ils craignent le combat !
Nous lisons dans l'histoire qu'un saint prêtre rencon-tra un jour un chrétien, qui était dans une appréhension continuelle de succomber à la tentation. « Pourquoi crai-gnez-vous ? lui dit le prêtre. – Hélas ! mon père, lui dit-il, je crains d'être tenté, de succomber et de périr. Ah ! s'écrie-t-il en pleurant, n'ai-je pas lieu de trembler, si tant de millions d'anges ont succombé dans le ciel, si Adam et Ève ont été vaincus dans le paradis terrestre, si Salomon, qui a passé pour le plus sage des rois, et qui était parvenu jusqu'au plus haut degré de perfection, a souillé ses cheveux blancs par les crimes les plus hon-teux et les plus déshonorants ; si cet homme, après avoir fait l'admiration du monde, en est devenu l'horreur et l'opprobre ; quand je considère un Judas, qui succomba en compagnie de Jésus-Christ même ; si tant de brillantes lumières se sont éteintes, que dois-je penser de moi--même, qui ne suis que péché ? Qui pourrait compter le nombre d'âmes qui sont en enfer, et qui, sans la tenta-tion, seraient dans le ciel ? O mon Dieu ! s'écriait-il, qui est celui qui tremble et qui pourra espérer persé-vérer ? – Mais, mon ami, lui dit le saint prêtre, ne savez-vous pas ce que nous dit saint Augustin, que le démon est comme un gros chien à l'attache, il aboie et fait grand bruit ; mais il ne mord que celui qui s'approche de trop près. Ayez confiance en Dieu, fuyez les occa-sions du péché, et vous ne succomberez pas. Si Eve n'avait pas écouté le démon, si elle avait pris la fuite dès qu'il lui parla de transgresser les commandements de Dieu, elle n'aurait pas succombé. Lorsque vous serez tenté, rejetez de suite les tentations, et, si vous pouvez, faites dévotement le signe de la croix, pensez aux tour-ments qu'endurent les réprouvés pour n'avoir pas su résister à la tentation ; levez les yeux vers le ciel, et vous verrez la récompense de celui qui combat ; appelez votre bon ange à votre secours, jetez-vous promptement entre les bras de la Mère de Dieu, en réclamant sa pro-tection ; vous êtes sûr d'être victorieux de vos ennemis, et vous les verrez bientôt couverts de confusion. »
Si nous succombons, M.F., cela ne vient donc que de ce que nous ne voulons pas prendre les moyens que le bon Dieu nous offre pour combattre. Il faut surtout être bien convaincus que, de nous-mêmes, nous ne pou-vons que nous perdre ; mais qu'avec une grande con-fiance en Dieu, nous pouvons tout. Voyez saint Philippe de Néri, il disait souvent à Dieu : « Hélas ! Seigneur, tenez-moi bien, je suis si mauvais qu'il me semble qu'à chaque instant je vais vous trahir ; je suis si peu de chose, que même lorsque je sors pour faire une bonne œuvre, je me dis en moi-même : Tu sors chrétien, peut--être vas-tu rentrer comme un païen, après avoir renié ton Dieu. » Un jour, se croyant seul dans un désert, il se mit à crier : « Hélas ! je suis perdu, je suis damné ! » Quelqu'un qui l'entendit vint à lui, en lui disant : « Mon ami, est-ce que vous désespérez de la miséricorde de Dieu ? est-ce qu'elle n'est pas infinie ? – Hélas ! lui dit ce grand saint, je ne désespère pas, au contraire, j'espère beaucoup ; mais je dis que je suis perdu et damné si Dieu m'abandonne à moi-même. Quand je considère combien de personnes qui ont persévéré jus-qu'à la fin et qu'une seule tentation a perdues : voilà ce qui me fait trembler nuit et jour, dans la crainte d'être du nombre de ces malheureux. »
Hélas ! M.F., si tous les saints ont tremblé toute leur vie, crainte de ne pas persévérer, que sera-ce donc de nous qui, sans vertu, presque sans confiance en Dieu, de nous-mêmes chargés de péchés, ne sommes nulle-ment attentifs à prendre garde de ne pas nous laisser enfiler dans les pièges que le démon nous tend ; nous qui marchons comme des aveugles au milieu des plus grands dangers, qui dormons tranquillement parmi une foule d'ennemis, les plus acharnés à notre perte ! – Mais, me direz-vous, que faut-il donc faire pour ne pas suc-comber ? – Mon ami, le voici : il faut fuir les occasions qui nous ont fait tomber les autres fois ; avoir sans cesse recours à la prière, et enfin, fréquenter souvent et di-gnement les sacrements, si vous le faites, si vous suivez ce chemin, vous êtes sûr de persévérer ; mais si vous ne prenez ces précautions, vous aurez beau faire et prendre toutes vos mesures, vous ne laisserez pas d'être perdu.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
II. – Je dis 2° que vous devez fuir le monde autant que vous le pourrez, parce que son langage et sa ma-nière de vivre sont entièrement opposés à ce que doit faire un bon chrétien, c'est-à-dire une personne qui cherche les moyens les plus sûrs pour aller au ciel. Demandez à Sainte Marie Égyptienne qui quitta le monde et passa sa vie au fond d'un affreux désert ; elle vous dira qu'il est impossible de pouvoir sauver son âme et plaire à Dieu si l'on ne fuit pas le monde ; car partout l'on n'y trouve que pièges et embûches ; et, comme il est opposé à Dieu, il faut absolument le mépriser et le quitter pour jamais. Où avez-vous entendu des mauvaises chansons, les propos les plus infâmes, qui vous donnent une infinité de mauvaises pensées et de mau-vais désirs ? N'est-ce pas dans ce moment où vous vous êtes trouvé dans cette compagnie de libertins ? Qui vous a fait faire des jugements téméraires ? N'est-ce pas en entendant parler du prochain dans la compagnie de ce médisant ? Qui vous a donné l'habitude de faire des regards ou des touchements abominables sur vous ou sur d'autres ? N'est-ce pas depuis que vous avez fréquenté cet impudique ? Quelle est la cause que vous ne fréquen-tez plus les sacrements ? N'est-ce pas depuis que vous allez avec cet impie, qui a tâché de vous faire perdre la foi, en vous disant que tout ce que le prêtre vous disait, c'étaient des bêtises ; que la religion n'était que pour retenir les jeunes gens ; que l'on était des imbéciles d'aller conter à un homme ce qu'on avait fait ; que tous ceux qui sont instruits se moquent de tout cela, c'est-à--dire, jusqu'à la mort ; ensuite ils avoueront qu'ils se sont trompés . Eh bien ! mon ami, sans cette mau-vaise compagnie, auriez-vous eu tous ces doutes ? Non, sans doute. Dites-moi, ma sœur, depuis quel temps est-ce que vous avez tant de goût pour les plaisirs, les danses, les bals, les rendez-vous, les parures mondaines ? N'est-ce pas depuis le moment que vous avez fréquenté cette jeune fille mondaine, qui n'est pas encore con-tente d'avoir perdu sa pauvre âme et qui a perdu la vôtre ? Dites-moi, mon ami, combien y a-t-il de temps que vous fréquentez les cabarets, les jeux ? N'est-ce pas depuis l'instant que vous avez connu ce débauché ? Dites-moi depuis quel temps l'on vous entend vomir toute sorte de jurements et de malédictions ? N'est-ce pas depuis que vous êtes en condition chez ce maître dont la bouche et le gosier crie et n'est qu'un tuyau d'abomination ?
Oui, M.F., au jour du jugement, chaque libertin verra l'autre libertin lui demander son âme, son Dieu et son paradis. Ah ! malheureux, se diront-ils les uns aux autres, rends-moi mon âme que tu m'as perdue, et rends-moi le ciel que tu m'as ravi. Malheureux, où est mon âme ? Arrache-la donc de l'enfer où tu me jettes. Ah ! sans toi, je n'aurais pas commis ce péché qui me damne. Non, non, je ne le connaissais pas. Non, non, jamais je n'aurais eu cette pensée ; ah ! ce beau ciel que tu m'as fait perdre ! Adieu, beau ciel que tu m'as ravi ! Oui, chaque pécheur se jettera sur celui qui lui a donné mauvais exemple, et qui l'a porté le premier au péché. « Ah ! dira-t-il, plût à Dieu que je ne t'aie jamais connu ! Ah ! si du moins j'étais mort avant de te voir, je serais dans l’enfer et jamais je n'irai... Adieu, beau ciel, je t'ai perdu pour bien peu de chose !... » Non, M.F., non, ja-mais vous ne persévérerez dans la vertu si vous ne fuyez les compagnies du monde ; vous aurez beau vouloir vous sauver, vous ne laisserez pas d'être damnés. Ou l'enfer, ou la fuite ; point de milieu. Choisissez lequel des deux vous voulez prendre. Dès qu'une jeune fille ou un jeune homme suit ses plaisirs, fille et jeune homme réprou-vés... Vous aurez beau dire que vous ne faites point de mal, que peut-être je suis scrupuleux. Moi je vous dis que vous en viendrez toujours là, qu'un jour vous serez en enfer, si vous ne changez pas ; non seulement vous le verrez, mais, de plus, vous le sentirez. Tirons le voile, M.F., et passons à un autre sujet.
Oui, M.F., au jour du jugement, chaque libertin verra l'autre libertin lui demander son âme, son Dieu et son paradis. Ah ! malheureux, se diront-ils les uns aux autres, rends-moi mon âme que tu m'as perdue, et rends-moi le ciel que tu m'as ravi. Malheureux, où est mon âme ? Arrache-la donc de l'enfer où tu me jettes. Ah ! sans toi, je n'aurais pas commis ce péché qui me damne. Non, non, je ne le connaissais pas. Non, non, jamais je n'aurais eu cette pensée ; ah ! ce beau ciel que tu m'as fait perdre ! Adieu, beau ciel que tu m'as ravi ! Oui, chaque pécheur se jettera sur celui qui lui a donné mauvais exemple, et qui l'a porté le premier au péché. « Ah ! dira-t-il, plût à Dieu que je ne t'aie jamais connu ! Ah ! si du moins j'étais mort avant de te voir, je serais dans l’enfer et jamais je n'irai... Adieu, beau ciel, je t'ai perdu pour bien peu de chose !... » Non, M.F., non, ja-mais vous ne persévérerez dans la vertu si vous ne fuyez les compagnies du monde ; vous aurez beau vouloir vous sauver, vous ne laisserez pas d'être damnés. Ou l'enfer, ou la fuite ; point de milieu. Choisissez lequel des deux vous voulez prendre. Dès qu'une jeune fille ou un jeune homme suit ses plaisirs, fille et jeune homme réprou-vés... Vous aurez beau dire que vous ne faites point de mal, que peut-être je suis scrupuleux. Moi je vous dis que vous en viendrez toujours là, qu'un jour vous serez en enfer, si vous ne changez pas ; non seulement vous le verrez, mais, de plus, vous le sentirez. Tirons le voile, M.F., et passons à un autre sujet.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
III. – J'ai dit 3° que la prière est absolument néces-saire pour avoir le bonheur de persévérer dans la grâce de Dieu après l'avoir reçue dans le sacrement de Péni-tence. Avec la prière vous pouvez tout, vous êtes, pour ainsi dire, maîtres des volontés de Dieu, si j'ose parler ainsi ; et, sans la prière, vous n'êtes capables de rien, et cela seul suffit pour vous montrer la nécessité de la prière. Tous les saints ont commencé leur conversion par la prière et ont persévéré par la prière ; et tous les damnés se sont perdus par leur négligence de la prière. Je dis donc que la prière nous est absolument nécessaire pour persévérer ; mais je distingue : non une prière faite en dormant, appuyé sur une chaise, ou couché contre son lit ; non une prière faite en s'habillant et se déshabillant, en marchant ; non une prière faite en poussant son bois au feu, en criant après ses enfants et ses domestiques ; non une prière faîte en tournant son chapeau ou son bonnet par ses mains ; non une prière faite en baisant ses enfants, ou rangeant son mouchoir ou son tablier ; non une prière faite en laissant occuper son esprit par un étranger ; non une prière que nous faisons avec précipitation comme une chose qui ennuie, dont nous ne voyons que le moment de nous dé-barrasser : tout ceci n'est plus une prière, mais une insulte que nous faisons à Dieu. Bien loin d'y trouver les moyens de nous garantir de tomber dans le péché, cette prière elle-même nous est un sujet de chute ; parce que, au lieu d'y trouver un nouveau degré de grâce ! Dieu nous retire celle qu'il nous avait donnée, pour punir le mépris que nous faisons de sa présence. Au lieu d'affaiblir nos ennemis, nous les fortifions ; au lieu de leur arracher les armes qu'ils avaient pour nous com-battre, nous leur en donnons de nouvelles ; au lieu de fléchir la justice de Dieu, nous l'irritons davantage ! Voilà, M.F., le profit que nous faisons et que nous retirons de nos prières.
Mais la prière dont je vous parle, qui est si puissante auprès de Dieu, qui nous attire tant de grâces, qui semble même lier la volonté de Dieu, qui semble, pour ainsi dire, le forcer à nous accorder ce que nous lui demandons, c'est une prière faite dans une espèce de désespoir et d'espérance. Je dis désespoir, considérant notre indignité et le mépris que nous avons fait de Dieu et de ses grâces, nous reconnaissant indignes de paraître devant lui et d'oser lui demander notre grâce, nous qui l'avons tant de fois déjà reçue, et l'avons toujours payé d'ingratitude, ce qui doit nous porter, à chaque instant de notre vie, à croire que la terre va s'ouvrir sous nos pieds, que toutes les foudres du ciel sont prêtes à nous frapper, et que toutes les créatures crient vengeance à la vue des outrages que nous avons faits à leur Créa-teur ; là, tout tremblant devant lui, nous attendons si Dieu lancera sa foudre pour nous écraser ou s'il voudra bien nous pardonner encore une fois. Le cœur brisé de regret d'avoir offensé un Dieu si bon, nous laissons couler nos larmes de repentir et de reconnaissance ; notre cœur et notre esprit sont tout abîmés dans la pro-fondeur de notre néant et de la grandeur de celui que nous avons outragé et qui nous laisse encore l'espérance de notre grâce. Bien loin de regarder le temps de la prière comme un moment perdu, nous le regardons comme le plus heureux et le plus précieux de notre vie, parce qu'un chrétien pécheur ne doit avoir d'autres occupations dans ce monde que de pleurer ses péché aux pieds de son Dieu ; bien loin de faire passer ses affaires temporelles les premières et de les préférer à celles de son salut, il les regarde comme des riens ou plutôt comme des obstacles à son salut, il n'y donne des soins et de l'attention qu'autant que Dieu le lui com-mande, bien convaincu que s'il ne les fait pas, d'autres les feront ; mais que, s'il n'a pas le bonheur d'obtenir sa grâce et de se rendre Dieu favorable, tout est perdu pour lui, personne ne le fera pour lui. Il ne quitte la prière qu'avec la plus grande peine, les moments où il est en la présence de Dieu ne sont rien ou plutôt passent comme un éclair ; si son corps quitte la présence de Dieu, son cœur et son esprit y sont toujours. Pendant sa prière, il n'est plus question ni de travail, ni de se cou-cher sur une chaise ou contre son lit...
Je dis qu'un chrétien doit être entre le désespoir et l'espérance. Je dis l'espérance, en se représentant la grandeur de la miséricorde de Dieu, le désir qu'il a de nous rendre heureux, ce qu'il a fait pour nous mériter le ciel. Animés par une pensée si consolante, nous nous adresserons à lui avec une grande confiance ; nous dirons comme saint Bernard : « Mon Dieu, ce que je vous demande je ne l'ai pas mérité, mais vous l'avez mérité pour moi. Si vous m'accordez, ce n'est que parce que vous êtes bon et miséricordieux. » Dans ces senti-ments, que fait un chrétien ? Le voici. Pénétré de la plus vive reconnaissance, il prend la plus ferme résolution de ne plus outrager son Dieu, qui vient de lui accorder sa grâce. Voilà, M.F., la prière dont je veux parler, qui nous est absolument nécessaire pour avoir notre pardon et le don précieux de la persévérance.
Mais la prière dont je vous parle, qui est si puissante auprès de Dieu, qui nous attire tant de grâces, qui semble même lier la volonté de Dieu, qui semble, pour ainsi dire, le forcer à nous accorder ce que nous lui demandons, c'est une prière faite dans une espèce de désespoir et d'espérance. Je dis désespoir, considérant notre indignité et le mépris que nous avons fait de Dieu et de ses grâces, nous reconnaissant indignes de paraître devant lui et d'oser lui demander notre grâce, nous qui l'avons tant de fois déjà reçue, et l'avons toujours payé d'ingratitude, ce qui doit nous porter, à chaque instant de notre vie, à croire que la terre va s'ouvrir sous nos pieds, que toutes les foudres du ciel sont prêtes à nous frapper, et que toutes les créatures crient vengeance à la vue des outrages que nous avons faits à leur Créa-teur ; là, tout tremblant devant lui, nous attendons si Dieu lancera sa foudre pour nous écraser ou s'il voudra bien nous pardonner encore une fois. Le cœur brisé de regret d'avoir offensé un Dieu si bon, nous laissons couler nos larmes de repentir et de reconnaissance ; notre cœur et notre esprit sont tout abîmés dans la pro-fondeur de notre néant et de la grandeur de celui que nous avons outragé et qui nous laisse encore l'espérance de notre grâce. Bien loin de regarder le temps de la prière comme un moment perdu, nous le regardons comme le plus heureux et le plus précieux de notre vie, parce qu'un chrétien pécheur ne doit avoir d'autres occupations dans ce monde que de pleurer ses péché aux pieds de son Dieu ; bien loin de faire passer ses affaires temporelles les premières et de les préférer à celles de son salut, il les regarde comme des riens ou plutôt comme des obstacles à son salut, il n'y donne des soins et de l'attention qu'autant que Dieu le lui com-mande, bien convaincu que s'il ne les fait pas, d'autres les feront ; mais que, s'il n'a pas le bonheur d'obtenir sa grâce et de se rendre Dieu favorable, tout est perdu pour lui, personne ne le fera pour lui. Il ne quitte la prière qu'avec la plus grande peine, les moments où il est en la présence de Dieu ne sont rien ou plutôt passent comme un éclair ; si son corps quitte la présence de Dieu, son cœur et son esprit y sont toujours. Pendant sa prière, il n'est plus question ni de travail, ni de se cou-cher sur une chaise ou contre son lit...
Je dis qu'un chrétien doit être entre le désespoir et l'espérance. Je dis l'espérance, en se représentant la grandeur de la miséricorde de Dieu, le désir qu'il a de nous rendre heureux, ce qu'il a fait pour nous mériter le ciel. Animés par une pensée si consolante, nous nous adresserons à lui avec une grande confiance ; nous dirons comme saint Bernard : « Mon Dieu, ce que je vous demande je ne l'ai pas mérité, mais vous l'avez mérité pour moi. Si vous m'accordez, ce n'est que parce que vous êtes bon et miséricordieux. » Dans ces senti-ments, que fait un chrétien ? Le voici. Pénétré de la plus vive reconnaissance, il prend la plus ferme résolution de ne plus outrager son Dieu, qui vient de lui accorder sa grâce. Voilà, M.F., la prière dont je veux parler, qui nous est absolument nécessaire pour avoir notre pardon et le don précieux de la persévérance.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
IV. – En quatrième lieu, nous avons dit que nous devons joindre la fréquentation des sacrements pour avoir le bonheur de conserver la grâce de Dieu. Un chrétien qui fait un saint usage de la prière et des sacrements, est aussi redoutable au démon qu'un dragon monté sur un coursier, les yeux étincelants, armé de sa cuirasse, de son sabre et de ses pistolets, en présence de son ennemi sans armes : sa seule présence le ren-verse de front et le met en fuite. Mais, qu'il descende de son cheval et qu'il quitte ses armes : de suite son ennemi lui tombe dessus, le foule sous ses pieds et s'en rend maître ; tandis que, muni de ses armes, sa seule présence semblait anéantir cet ennemi. Image sensible d'un chrétien qui est muni des armes de la prière et des sacrements. Non, non, un chrétien qui prie, et qui fré-quente les sacrements avec les dispositions nécessaires, est plus redoutable au démon que ce dragon dont je viens de vous parler. Qu'est-ce qui rendait saint Antoine si terrible aux puissances de l'enfer, sinon la prière ? Écoutez le langage que le démon lui tenait un jour, lui disant : pourquoi il le faisait tant souffrir, qu'il était son plus cruel ennemi. « Ah ! que vous êtes peu de chose, lui dit saint Antoine moi qui ne suis qu'un pauvre solitaire qui ne peux me tenir sur mes pieds, d'un seul signe de croix je vous mets en fuite. » Voyez encore ce que le démon dit à sainte Thérèse, que par le grand amour qu'elle avait pour Dieu, par la fréquentation des sacrements, il ne pouvait pas même respirer là où elle avait passé. Pourquoi ? C'est que les sacrements nous donnent tant de force pour persévérer dans la grâce de Dieu, que jamais l'on n'a vu un saint s'éloigner des sacrements et persévérer dans l'amitié de Dieu ; et que dans les sacrements, ils ont trouvé toutes les forces pour ne pas se laisser vaincre au démon : en voici la raison. Quand nous prions, Dieu nous donne des amis, il nous envoie tantôt un saint ou un ange pour nous consoler ; comme il fit à Agar, la servante d'Abraham , au chaste Joseph lorsqu'il était dans sa prison ; de même à saint Pierre... ; il nous fait sentir avec plus d'abon-dance ses grâces pour nous fortifier et nous encourager. Mais dans les sacrements, c'est non un saint ou un ange, c'est lui-même qui vient avec ses foudres pour anéantir notre ennemi. Le démon, le voyant, dans notre cœur, se précipite comme un désespéré dans les abîmes ; voilà précisément pourquoi le démon fait tout ce qu'il peut pour nous en éloigner et nous les faire profaner. Oui, M.F., dès qu'une personne fréquente les sacrements, le démon perd toute sa puissance. Disons cependant, il faut bien distinguer : ce sont ceux qui les fréquentent avec les dispositions nécessaires, qui ont véritablement le péché en horreur, qui prennent tous les moyens que Dieu nous donne pour ne plus y retomber et profiter des grâces qu'il nous fait. Je ne veux pas vous parler de ceux qui se confessent aujour-d'hui et qui demain retombent dans leur faute ; je ne veux pas parler de ceux qui s'accusent de leurs péchés avec aussi peu de regret et de repentir que s'ils faisaient le récit d'une histoire faite à plaisir, ni de ceux qui n'apportent point ou presque point de préparation, qui viendront se confesser sans peut-être s'examiner, qui diront ce qui se présente à leur esprit ; ils s'approcheront de la table sainte sans avoir sondé les replis de leur cœur, sans avoir demandé la grâce de connaître leurs péchés et la douleur qu'ils doivent en avoir, sans avoir pris aucune résolution de ne plus pécher. Non, non, tous ceux-ci ne travaillent qu'à leur perte. Au lieu de combattre contre le démon, ils se tournent de son côté, et se creusent eux-mêmes un enfer. Non, non, ce n'est, pas de ceux-là dont je veux vous parler. Si tous ceux qui fréquentent les sacrements étaient de ces personnes, quoique le nombre en soit bien petit, il y en aurait plus de sauvés qu'il n'y en aura. Mais je parle de ceux qui sortent, soit du tribunal de la pénitence, soit de la table sainte, pour paraître avec grande confiance devant le tribunal de Dieu, sans crainte d'être condamnés pour les défauts de préparation dans leurs confessions ou communions. O mon Dieu ! qu'ils sont rares, que de chrétiens se sont ainsi perdus !
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
V. – Je dis 5° que pour avoir le bonheur de conserver la grâce que nous avons reçue dans le sacrement de Péni-tence, nous devons pratiquer la mortification : c'est le chemin que tous les saints ont tenu. Ou châtiez ce corps de péché, ou vous ne serez pas longtemps sans tomber. Voyez le saint roi David : pour demander au bon Dieu la grâce de persévérer, il châtia son corps toute sa vie. Voyez saint Paul qui vous dit qu'il traitait son corps comme un cheval. D'abord, nous ne devons jamais passer un repas sans nous priver de quelque chose, pour qu'à la fin de chaque repas, nous puissions offrir à Dieu quel-que privation. Pour notre sommeil, de temps en temps, en retrancher un peu. Dans notre démangeaison de parler, dès lors que nous avons la pensée de dire quel-que chose, nous en priver pour le bon Dieu. Eh bien ! M.F., qui sont ceux qui prennent toutes ces précautions dont je viens de vous montrer l'importance ? Où sont-ils ? Hélas ! je n'en sais rien. Qu'ils sont rares ! et que le nom-bre en est petit ! Mais aussi, où sont ceux qui, ayant reçu le pardon de leurs péchés, persévèrent dans l'état heureux où le sacrement de Pénitence les a mis ? Hélas ! mon Dieu, où faut-il les aller chercher ? Y en a-t-il parmi ceux qui m'écoutent, qui soient de ces heureux chré-tiens ? Hélas ! je n'en sais rien.
Que devons-nous conclure de tout cela, M.F. ? Le voici. Si nous retombons, comme auparavant, dès que les occasions se présentent, c'est que nous ne prenons pas de meilleures résolutions, que nous n'augmentons pas nos pénitences, que nous ne redoublons pas nos prières et nos mortifications. Tremblons sur nos confes-sions, qu'à l'heure de la mort nous ne trouvions que des sacrilèges, et par conséquent, notre perte éternelle. Heu-reux, et mille fois heureux, ceux qui persévèreront jus-qu'à la fin, puisque le ciel est pour ceux-là !...
Que devons-nous conclure de tout cela, M.F. ? Le voici. Si nous retombons, comme auparavant, dès que les occasions se présentent, c'est que nous ne prenons pas de meilleures résolutions, que nous n'augmentons pas nos pénitences, que nous ne redoublons pas nos prières et nos mortifications. Tremblons sur nos confes-sions, qu'à l'heure de la mort nous ne trouvions que des sacrilèges, et par conséquent, notre perte éternelle. Heu-reux, et mille fois heureux, ceux qui persévèreront jus-qu'à la fin, puisque le ciel est pour ceux-là !...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
3ème dimanche après Pâques
Sur les Afflictions
Amen, amen dico vobis : quia plorabitis et flebitis vos ; mundus autem gaudebit.
En vérité, en vérité je vous le dis : vous pleurerez et vous gémirez, et le monde se réjouira.
(S. Jean, XVI, 20.)
Qui pourrait, M.F., entendre sans étonnement le lan-gage que le Sauveur tient à ses disciples avant de monter au ciel, en leur disant que leur vie ne serait qu'une suite de larmes, de croix et de souffrances ; tandis que les gens du monde se livreraient et s'abandonneraient à une joie insensée et riraient comme des frénétiques ? « Ce n'est pas, nous dit saint Augustin, que les gens du monde, c'est-à-dire les méchants, n'aient aussi leurs peines, puisque les troubles et les chagrins sont les suites d'une conscience criminelle, et qu'un cœur déré-glé trouve son supplice dans son propre dérèglement. » Hélas ! ils sont enveloppés dans la malédiction que Jésus-Christ prononce contre ceux qui ne pensent qu’à se livrer au plaisir et à la joie. Le partage des bons chré-tiens est bien différent : il leur faut se résoudre à passer leur vie à souffrir et à gémir ; mais, de leurs larmes et de leurs souffrances, ils passeront à une joie et à un plaisir infini dans sa grandeur et sa durée ; au lieu que les gens du monde, après quelques instants d'une joie mêlée de bien des amertumes, passeront leur éternité dans les flammes. « Malheur à vous, leur dit Jésus-Christ, à vous qui ne pensez qu'à vous réjouir, parce que vos plaisirs vous engendrent des maux infinis dans le lieu de ma justice. Ah ! bienheureux, dit-il ensuite aux bons chrétiens, ah ! bienheureux, vous qui passez vos jours dans les larmes, parce qu'un jour viendra que je vous consolerai moi-même. » Je vais donc vous montrer M.F., que les croix, les souffrances, la pauvreté, et les mépris sont le partage d'un chrétien qui cherche à sauver son âme et à plaire à Dieu. Il faut ou souffrir dans ce monde, ou ne jamais espérer de voir Dieu dans le ciel. Exami-nons cela d'un peu plus près.
Sur les Afflictions
Amen, amen dico vobis : quia plorabitis et flebitis vos ; mundus autem gaudebit.
En vérité, en vérité je vous le dis : vous pleurerez et vous gémirez, et le monde se réjouira.
(S. Jean, XVI, 20.)
Qui pourrait, M.F., entendre sans étonnement le lan-gage que le Sauveur tient à ses disciples avant de monter au ciel, en leur disant que leur vie ne serait qu'une suite de larmes, de croix et de souffrances ; tandis que les gens du monde se livreraient et s'abandonneraient à une joie insensée et riraient comme des frénétiques ? « Ce n'est pas, nous dit saint Augustin, que les gens du monde, c'est-à-dire les méchants, n'aient aussi leurs peines, puisque les troubles et les chagrins sont les suites d'une conscience criminelle, et qu'un cœur déré-glé trouve son supplice dans son propre dérèglement. » Hélas ! ils sont enveloppés dans la malédiction que Jésus-Christ prononce contre ceux qui ne pensent qu’à se livrer au plaisir et à la joie. Le partage des bons chré-tiens est bien différent : il leur faut se résoudre à passer leur vie à souffrir et à gémir ; mais, de leurs larmes et de leurs souffrances, ils passeront à une joie et à un plaisir infini dans sa grandeur et sa durée ; au lieu que les gens du monde, après quelques instants d'une joie mêlée de bien des amertumes, passeront leur éternité dans les flammes. « Malheur à vous, leur dit Jésus-Christ, à vous qui ne pensez qu'à vous réjouir, parce que vos plaisirs vous engendrent des maux infinis dans le lieu de ma justice. Ah ! bienheureux, dit-il ensuite aux bons chrétiens, ah ! bienheureux, vous qui passez vos jours dans les larmes, parce qu'un jour viendra que je vous consolerai moi-même. » Je vais donc vous montrer M.F., que les croix, les souffrances, la pauvreté, et les mépris sont le partage d'un chrétien qui cherche à sauver son âme et à plaire à Dieu. Il faut ou souffrir dans ce monde, ou ne jamais espérer de voir Dieu dans le ciel. Exami-nons cela d'un peu plus près.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. – Je dis 1° que dès l'instant que nous sommes admis au nombre des enfants de Dieu, nous prenons une croix qui ne doit nous quitter qu'à la mort. Dans quel-que endroit que Jésus-Christ nous parle du ciel il ne manque jamais de nous dire que ce n'est que par les croix et les souffrances que nous pouvons le mériter : « Prenez votre croix, nous dit Jésus-Christ, et suivez-moi, non un jour, un mois, une année, mais toute votre vie. » Saint Augustin nous dit : « Laissez les plaisirs et la joie aux gens du monde ; mais pour vous, qui êtes les en-fants de Dieu, pleurez avec les enfants de Dieu. » Les souffrances et les persécutions nous sont très avantageuses sous deux rapports. Le premier est que nous y trouvons des moyens très efficaces pour expier nos péchés passés, puisque, ou dans ce monde ou dans l'autre, il faut en subir la peine. Dans ce monde, les peines ne sont infinies ni dans leur rigueur ni dans leur durée : c'est un Dieu miséricordieux qui ne nous châtie que parce qu'il a de grands desseins de miséricorde sur nous ; il nous fait souffrir un instant, pour nous rendre heureux pendant toute une éternité. Quel-que grandes que soient nos peines, ce n'est que son petit doigt qui nous touche ; au lieu que, dans l'autre vie, les supplices et les tourments que nous endurerons seront engendrés par sa puissance et sa fureur. Il semblera prendre à tâche de s'épuiser à nous faire souffrir. Nos maux seront infinis dans leur durée et leur rigueur. Dans ce monde, nos peines sont encore adoucies par les con-solations et les secours que nous trouvons dans notre sainte religion ; mais, dans l'autre, point de consolations ni d'adoucissement : au contraire, tout sera pour nous comme un sujet de désespoir. Oh ! heureux est le chré-tien qui passe sa vie dans les larmes et les souffrances, puisqu'il pourra éviter tant de maux et se procurer tant de plaisirs et de joies éternelles !
Le saint homme Job nous dit que la vie de l'homme n'est qu' « une suite de misères. » Entrons dans quel-ques détails. En effet, si nous allons de maisons en maisons, nous y trouvons partout plantée la croix de Jésus-Christ ; ici, c'est une perte de biens, une injus-tice qui a réduit une pauvre famille à la misère ; là, c'est une maladie, qui tient ce pauvre homme sur un lit de douleur, pour qu'il passe ses jours dans les souf-frances ; ailleurs, c'est une pauvre femme qui trempe son pain dans ses larmes, par le chagrin qu'elle éprouve de la part d'un mari brutal et sans religion. Si je me tourne vers une autre, je vois la tristesse peinte sur son front : si je lui en demande la raison, elle me répondra qu'elle est accusée de choses auxquelles elle n'a jamais pensé. Dans un endroit, ce sont de pauvres vieillards rejetés et méprisés de leurs enfants, réduits à mourir de chagrin et de misères. Enfin, dans un autre endroit, j'entends une maison retentir des cris causés par la perte d'un père, d'une mère ou d'un enfant. Voilà en général, M.F., ce qui rend la vie de l'homme si triste et si misérable, si nous ne considérons tout cela qu'humainement ; mais si nous nous tournons du côté de la religion, nous verrons que nous sommes infiniment malheureux de nous désoler et de nous plaindre, comme nous le faisons.
Le saint homme Job nous dit que la vie de l'homme n'est qu' « une suite de misères. » Entrons dans quel-ques détails. En effet, si nous allons de maisons en maisons, nous y trouvons partout plantée la croix de Jésus-Christ ; ici, c'est une perte de biens, une injus-tice qui a réduit une pauvre famille à la misère ; là, c'est une maladie, qui tient ce pauvre homme sur un lit de douleur, pour qu'il passe ses jours dans les souf-frances ; ailleurs, c'est une pauvre femme qui trempe son pain dans ses larmes, par le chagrin qu'elle éprouve de la part d'un mari brutal et sans religion. Si je me tourne vers une autre, je vois la tristesse peinte sur son front : si je lui en demande la raison, elle me répondra qu'elle est accusée de choses auxquelles elle n'a jamais pensé. Dans un endroit, ce sont de pauvres vieillards rejetés et méprisés de leurs enfants, réduits à mourir de chagrin et de misères. Enfin, dans un autre endroit, j'entends une maison retentir des cris causés par la perte d'un père, d'une mère ou d'un enfant. Voilà en général, M.F., ce qui rend la vie de l'homme si triste et si misérable, si nous ne considérons tout cela qu'humainement ; mais si nous nous tournons du côté de la religion, nous verrons que nous sommes infiniment malheureux de nous désoler et de nous plaindre, comme nous le faisons.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
II. – Ensuite, je vous dirai que ce qui vous fait vous trouver si malheureux, c'est que vous regardez tou-jours ceux qui sont mieux que vous. Un pauvre, dans les misères de sa pauvreté, au lieu de penser aux cri-minels qui sont chargés de fer, condamnés à passer leurs jours dans les prisons, ou à perdre sur un gibet leur vie languissante, portera sa pensée dans la maison d'un grand du monde, qui regorge de biens et de plai-sirs. – Un malade, bien loin de penser aux tourments qu'endurent les malheureux réprouvés qui hurlent dans les flammes, qui sont écrasés par la colère de Dieu, dont une éternité de tourments ne sera pas dans le cas d'effacer le moindre des péchés, jettera les yeux sur ceux que la maladie et la pauvreté n'ont jamais touchés. Voilà, M.F., ce qui nous fait trouver nos maux insupporta-bles. Mais que s'ensuit-il de là, M.F., sinon des mur-mures et des plaintes, qui nous en font perdre tout le mérite pour le ciel ? Car, d'un côté, nous souffrons sans consolations et sans espérance d'en être récom-pensés ; d'un autre côté, au lieu de nous en servir pour expier nos péchés, nous ne faisons que les augmenter par nos murmures et notre défaut de patience. En voici la preuve : depuis que vous dites du mal de cette per-sonne qui a cherché à vous nuire, en êtes-vous plus avancé ? Sa haine s'est-elle apaisée ? Non, M.F., non. Depuis tant d'années que vous ne cessez de crier après ce mari qui vous désole par son ivrognerie, ses débau-ches et ses folles dépenses, en est-il devenu plus rai-sonnable ? Non, ma sœur, non. Lorsqu'étant accablés de maladies et de perte vous vous êtes laissés aller au désespoir, presque jusqu'à vouloir vous détruire, jus-qu'à maudire ceux qui vous ont donné la vie ; vos maux ont-ils cessé, vos peines sont-elles moins cui-santes ? Non, M.F., non. Cet enfant qui vous a tant fait verser de larmes, est-il ressuscité ? Non, M.F., non. Ainsi, M.F., vos impatiences, votre défaut de sou-mission à la volonté de Dieu et votre désespoir n'ont donc servi qu'à vous rendre plus malheureux, vous n'avez donc fait qu'ajouter de nouveaux péchés à vos anciens. Hélas ! M.F., voilà le sort malheureux et désespérant d'une personne qui a perdu de vue la fin pour laquelle Dieu lui envoie ses croix.
Mais, me direz-vous, nous avons cent fois entendu ce langage, ce sont des paroles et non des consolations ; nous en disons autant à ceux qui sont dans les peines. – Ah ! mon ami, regarde, regarde en haut ; tire ton cœur du limon de la terre où tu l'as plongé, déchire ces brouillards qui te cachent les biens que tes peines peu-vent te procurer. Ah ! regarde en haut, considère la main d'un bon père qui te destine une place heureuse dans son royaume ; un Dieu te frappe pour guérir les plaies que le péché a faites à ta pauvre âme ; un Dieu te fait souffrir pour te couronner d'une gloire immor-telle !...
Voulez-vous savoir, M.F., comment il faut recevoir les croix qui nous viennent ou de la main de Dieu ou de celle des créatures ? Le voici. Je veux dire, comme le saint homme Job, qui, après avoir perdu des biens immenses et une famille nombreuse, ne s'en prit, ni au feu du ciel qui avait brûlé une partie de ses troupeaux, ni aux voleurs qui avaient emporté le reste, ni au vent impétueux qui, en renversant sa maison, avait écrasé ses pauvres enfants : mais il se contenta de dire « Hélas ! la main du Seigneur s'est appesantie sur moi. » Lorsque, couché pendant un an sur un fumier, tout couvert d'ulcères, sans ressources et sans consolations, méprisé des uns, abandonné des autres, persécuté même par sa femme qui, au lieu de le consoler, se moquait de lui, en lui disant : « Demande à Dieu la mort, afin de faire fuir ces maux. Vois-tu ton Dieu, que tu sers avec tant de fidélité, vois-tu comment il te traite ? – Taisez-vous, lui dit le saint homme, si nous avons reçu avec actions de grâces les biens de sa main bienfaisante, pourquoi ne recevrions-nous pas les maux dont il nous afflige ? »
Mais, pensez-vous, je ne peux pas comprendre que ce soit Dieu qui nous afflige, lui qui est la bonté même qui nous aime infiniment. Demandez-moi donc aussi s'il est possible qu'un bon père châtie son enfant, qu'un médecin donne le remède amer à ses malades. Penseriez-vous qu'il serait plus à propos de laisser vivre cet enfant dans le libertinage, plutôt que de le châtier pour le faire vivre dans le chemin du salut et le conduire au ciel ? Croiriez-vous qu'un médecin ferait mieux de laisser périr son malade, crainte de lui donner des re-mèdes amers ? Oh ! que nous sommes aveugles si nous raisonnons de la sorte ! Il faut bien que le bon Dieu nous châtie, sinon, nous ne serions pas du nombre de ses enfants ; puisque Jésus-Christ lui-même nous dit que le ciel ne sera donné qu'à ceux qui souffrent et qui combattent jusqu'à la mort. Pensez-vous, M.F., que Jésus-Christ ne dit pas la vérité ? Eh bien ! examinez la vie que les saints ont menée, voyez le chemin qu'ils ont pris ; dès l'instant qu'ils ne souffrent pas, ils se croient perdus et abandonnés de Dieu. « Mon Dieu, mon Dieu, s'écriait saint Augustin en pleurant, ne m'épargnez pas en ce monde, faites-moi bien souffrir ; pourvu que vous me fassiez miséricorde dans l'autre, je suis content. » « O que je suis heureux, disait saint François de Sales dans ses maladies, de trouver un moyen si facile d'expier mes fautes ! Oh ! qu'il est bien plus doux et consolant de satisfaire à la justice de Dieu sur un lit de douleur que d'aller y satisfaire dans les flammes ! » Et moi je dis, après tous les saints, que les souffrances, les persécutions et autres misères, sont les moyens les plus efficaces pour attirer une âme à Dieu. En effet, nous voyons que les plus grands saints sont ceux qui ont le plus souffert : Dieu ne distingue ses amis que par les croix. Voyez saint Alexis qui demeura pendant qua-torze ans couché sur un côté tout écorché, et, dans cette cruelle situation, il se contentait de dire : « Mon Dieu, vous êtes juste, vous me châtiez parce que je suis un pécheur et que vous m'aimez. » Voyez encore sainte Liduvine, dont la beauté était extraordinaire, demander à Dieu, si sa beauté pouvait être un sujet de chute et de perte pour son âme, de lui faire la grâce de la perdre. Dès l'instant même, elle devint toute couverte de lèpre, ce qui la rendit un objet d'horreur aux yeux du monde, et cela pendant trente-huit ans, c'est-à-dire jusqu'à sa mort. Et pendant ce temps, elle ne laissa pas même échapper une parole de plainte. Combien, M.F., qui sont en enfer seraient maintenant dans le ciel, si Dieu leur avait fait la grâce d'avoir été longtemps malades. Écoutez saint Augustin : « Mes enfants, nous dit-il, dans les sacrifices, encouragez-vous par la pensée de la récom-pense qui vous est préparée.
Il est rapporté dans l'histoire qu'une pauvre femme était depuis nombre d'années étendue sur un lit de douleur ; on lui demanda ce qui pouvait lui donner tant de courage pour souffrir avec tant de patience. « Hé ! leur dit-elle, je suis si contente d'être ce que Dieu veut, que je ne changerais pas mon état contre tout l'empire du monde. Lorsque je pense que Dieu veut que je souffre, je suis toute consolée. » Sainte Thérèse nous dit qu'un jour Jésus-Christ lui ayant apparu, lui dit : « Mon enfant, ne vous étonnez pas de ce que vous voyez ; mes fidèles serviteurs passent leur vie dans les croix, le mépris ; plus mon Père aime quelqu'un, plus il lui envoie de quoi souffrir. » Saint Bernard recevait les croix avec tant d'actions de grâces, qu'un jour il disait à Dieu en pleu-rant – « Ah ! Seigneur, que je serais heureux si j'avais la force de tous les hommes, afin de pouvoir souffrir toutes les croix de l'univers ! » Sainte Elisabeth, reine de Hongrie, ayant été chassée de son palais par ses propres sujets et traînée dans la boue, au lieu de penser à les punir, courut à l'église pour faire chanter le Te Deum en actions de grâces. Saint Jean Chrysostome, ce grand amateur de la croix, disait qu'il aimait mieux souffrir avec Jésus-Christ que de régner avec lui dans le ciel. Saint Jean de la Croix, après avoir essuyé toute la cruauté de ses frères, qui le mirent en prison et le frap-pèrent avec tant de cruauté qu'il était tout couvert de sang ; que répond-il à ceux qui étaient témoins de ces horreurs ? « Quoi ! mes amis, vous pleurez sur ce que je souffre, je n'ai jamais passé un moment si heureux. » Jésus-Christ lui étant apparu lui dit : « Jean, que veux--tu que je te donne pour te récompenser de tout ce que tu souffres pour l'amour de moi ? – Ah ! s'écria-t-il, Seigneur, faites que je souffre de plus en plus ! » Conve-nons tous ensemble, M.F., que les saints comprenaient bien mieux que nous le bonheur de souffrir pour Dieu.
L'on entend dire à plusieurs d'entre vous, lorsqu'ils ont des peines : Mais qu'ai-je donc fait au bon Dieu pour avoir tant de misères ? – Quel mal vous avez fait, mon ami, pour que le bon Dieu vous afflige de la sorte ?... Prenez tous les commandements de Dieu, les uns après les autres, voyez s'il y en a un seul contre lequel vous n'ayez pas péché. Quel mal vous avez fait ?... Parcourez toutes les années de votre jeunesse, repassez dans votre mémoire tous les jours de votre misérable vie ; après cela, demandez quel mal vous avez fait pour que le bon Dieu vous afflige de la sorte ? Vous comptez donc pour rien toutes les habitudes honteuses dans lesquelles vous avez croupi depuis longtemps ? Vous comptez donc pour rien cet orgueil, qui vous fait croire que l'on doit se mettre à vos pieds pour quelques pièces de terre que vous avez de plus que les autres et qui, peut-être, seront cause de votre damnation ? Vous comptez donc pour rien cette ambition qui fait que vous n'êtes jamais content, cet amour-propre, cette vanité qui vous occupent conti-nuellement, ces vivacités, ces ressentiments, ces intem-pérances, ces jalousies ? Vous comptez donc pour rien cette négligence affreuse pour les sacrements et tout ce qui regarde le salut de votre pauvre âme : tout cela vous l'avez oublié ; mais êtes-vous moins coupable ? Eh bien ! mon ami, si vous êtes coupable, n'est-il pas juste que le bon Dieu vous châtie ? Dites-moi, mon ami, quelle péni-tence avez-vous faite pour expier tant de péchés ? Où sont vos jeûnes, vos mortifications et vos bonnes œuvres ? Si après tant de péchés, vous n'avez pas versé une larme ; si après tant d'avarice, vous vous êtes seulement contenté de faire quelque légère aumône ; si après tant d'orgueil, vous ne voulez pas essuyer les moindres humi-liations ; si après avoir fait servir tant de fois votre corps au péché, vous ne voulez pas entendre parler de péni-tence, il faut que le ciel se fasse justice puisque vous ne voulez pas la lui faire vous-même.
Hélas ! que nous sommes aveugles ! Nous voudrions faire le mal sans être punis, ou plutôt, nous voudrions que Dieu ne fût pas juste. Eh bien ! Seigneur, laissez vivre ce pécheur tranquille, n'appesantissez pas votre main sur lui, laissez-le s'engraisser comme une victime destinée aux vengeances éternelles, et dans ce feu, vous aurez le temps de le faire satisfaire à votre justice ; épargnez-le en ce monde, puisqu'il le veut ; dans les flammes vous saurez bien lui faire faire une pénitence inutile, sans fin. O mon Dieu ! que ce malheur ne nous arrive jamais. « Oh ! plutôt, s'écrie saint Augustin, multipliez mes afflictions et mes souffrances autant qu'il vous plaira, pourvu que vous me fassiez miséricorde dans l'autre vie ! »
Mais, me direz-vous, nous avons cent fois entendu ce langage, ce sont des paroles et non des consolations ; nous en disons autant à ceux qui sont dans les peines. – Ah ! mon ami, regarde, regarde en haut ; tire ton cœur du limon de la terre où tu l'as plongé, déchire ces brouillards qui te cachent les biens que tes peines peu-vent te procurer. Ah ! regarde en haut, considère la main d'un bon père qui te destine une place heureuse dans son royaume ; un Dieu te frappe pour guérir les plaies que le péché a faites à ta pauvre âme ; un Dieu te fait souffrir pour te couronner d'une gloire immor-telle !...
Voulez-vous savoir, M.F., comment il faut recevoir les croix qui nous viennent ou de la main de Dieu ou de celle des créatures ? Le voici. Je veux dire, comme le saint homme Job, qui, après avoir perdu des biens immenses et une famille nombreuse, ne s'en prit, ni au feu du ciel qui avait brûlé une partie de ses troupeaux, ni aux voleurs qui avaient emporté le reste, ni au vent impétueux qui, en renversant sa maison, avait écrasé ses pauvres enfants : mais il se contenta de dire « Hélas ! la main du Seigneur s'est appesantie sur moi. » Lorsque, couché pendant un an sur un fumier, tout couvert d'ulcères, sans ressources et sans consolations, méprisé des uns, abandonné des autres, persécuté même par sa femme qui, au lieu de le consoler, se moquait de lui, en lui disant : « Demande à Dieu la mort, afin de faire fuir ces maux. Vois-tu ton Dieu, que tu sers avec tant de fidélité, vois-tu comment il te traite ? – Taisez-vous, lui dit le saint homme, si nous avons reçu avec actions de grâces les biens de sa main bienfaisante, pourquoi ne recevrions-nous pas les maux dont il nous afflige ? »
Mais, pensez-vous, je ne peux pas comprendre que ce soit Dieu qui nous afflige, lui qui est la bonté même qui nous aime infiniment. Demandez-moi donc aussi s'il est possible qu'un bon père châtie son enfant, qu'un médecin donne le remède amer à ses malades. Penseriez-vous qu'il serait plus à propos de laisser vivre cet enfant dans le libertinage, plutôt que de le châtier pour le faire vivre dans le chemin du salut et le conduire au ciel ? Croiriez-vous qu'un médecin ferait mieux de laisser périr son malade, crainte de lui donner des re-mèdes amers ? Oh ! que nous sommes aveugles si nous raisonnons de la sorte ! Il faut bien que le bon Dieu nous châtie, sinon, nous ne serions pas du nombre de ses enfants ; puisque Jésus-Christ lui-même nous dit que le ciel ne sera donné qu'à ceux qui souffrent et qui combattent jusqu'à la mort. Pensez-vous, M.F., que Jésus-Christ ne dit pas la vérité ? Eh bien ! examinez la vie que les saints ont menée, voyez le chemin qu'ils ont pris ; dès l'instant qu'ils ne souffrent pas, ils se croient perdus et abandonnés de Dieu. « Mon Dieu, mon Dieu, s'écriait saint Augustin en pleurant, ne m'épargnez pas en ce monde, faites-moi bien souffrir ; pourvu que vous me fassiez miséricorde dans l'autre, je suis content. » « O que je suis heureux, disait saint François de Sales dans ses maladies, de trouver un moyen si facile d'expier mes fautes ! Oh ! qu'il est bien plus doux et consolant de satisfaire à la justice de Dieu sur un lit de douleur que d'aller y satisfaire dans les flammes ! » Et moi je dis, après tous les saints, que les souffrances, les persécutions et autres misères, sont les moyens les plus efficaces pour attirer une âme à Dieu. En effet, nous voyons que les plus grands saints sont ceux qui ont le plus souffert : Dieu ne distingue ses amis que par les croix. Voyez saint Alexis qui demeura pendant qua-torze ans couché sur un côté tout écorché, et, dans cette cruelle situation, il se contentait de dire : « Mon Dieu, vous êtes juste, vous me châtiez parce que je suis un pécheur et que vous m'aimez. » Voyez encore sainte Liduvine, dont la beauté était extraordinaire, demander à Dieu, si sa beauté pouvait être un sujet de chute et de perte pour son âme, de lui faire la grâce de la perdre. Dès l'instant même, elle devint toute couverte de lèpre, ce qui la rendit un objet d'horreur aux yeux du monde, et cela pendant trente-huit ans, c'est-à-dire jusqu'à sa mort. Et pendant ce temps, elle ne laissa pas même échapper une parole de plainte. Combien, M.F., qui sont en enfer seraient maintenant dans le ciel, si Dieu leur avait fait la grâce d'avoir été longtemps malades. Écoutez saint Augustin : « Mes enfants, nous dit-il, dans les sacrifices, encouragez-vous par la pensée de la récom-pense qui vous est préparée.
Il est rapporté dans l'histoire qu'une pauvre femme était depuis nombre d'années étendue sur un lit de douleur ; on lui demanda ce qui pouvait lui donner tant de courage pour souffrir avec tant de patience. « Hé ! leur dit-elle, je suis si contente d'être ce que Dieu veut, que je ne changerais pas mon état contre tout l'empire du monde. Lorsque je pense que Dieu veut que je souffre, je suis toute consolée. » Sainte Thérèse nous dit qu'un jour Jésus-Christ lui ayant apparu, lui dit : « Mon enfant, ne vous étonnez pas de ce que vous voyez ; mes fidèles serviteurs passent leur vie dans les croix, le mépris ; plus mon Père aime quelqu'un, plus il lui envoie de quoi souffrir. » Saint Bernard recevait les croix avec tant d'actions de grâces, qu'un jour il disait à Dieu en pleu-rant – « Ah ! Seigneur, que je serais heureux si j'avais la force de tous les hommes, afin de pouvoir souffrir toutes les croix de l'univers ! » Sainte Elisabeth, reine de Hongrie, ayant été chassée de son palais par ses propres sujets et traînée dans la boue, au lieu de penser à les punir, courut à l'église pour faire chanter le Te Deum en actions de grâces. Saint Jean Chrysostome, ce grand amateur de la croix, disait qu'il aimait mieux souffrir avec Jésus-Christ que de régner avec lui dans le ciel. Saint Jean de la Croix, après avoir essuyé toute la cruauté de ses frères, qui le mirent en prison et le frap-pèrent avec tant de cruauté qu'il était tout couvert de sang ; que répond-il à ceux qui étaient témoins de ces horreurs ? « Quoi ! mes amis, vous pleurez sur ce que je souffre, je n'ai jamais passé un moment si heureux. » Jésus-Christ lui étant apparu lui dit : « Jean, que veux--tu que je te donne pour te récompenser de tout ce que tu souffres pour l'amour de moi ? – Ah ! s'écria-t-il, Seigneur, faites que je souffre de plus en plus ! » Conve-nons tous ensemble, M.F., que les saints comprenaient bien mieux que nous le bonheur de souffrir pour Dieu.
L'on entend dire à plusieurs d'entre vous, lorsqu'ils ont des peines : Mais qu'ai-je donc fait au bon Dieu pour avoir tant de misères ? – Quel mal vous avez fait, mon ami, pour que le bon Dieu vous afflige de la sorte ?... Prenez tous les commandements de Dieu, les uns après les autres, voyez s'il y en a un seul contre lequel vous n'ayez pas péché. Quel mal vous avez fait ?... Parcourez toutes les années de votre jeunesse, repassez dans votre mémoire tous les jours de votre misérable vie ; après cela, demandez quel mal vous avez fait pour que le bon Dieu vous afflige de la sorte ? Vous comptez donc pour rien toutes les habitudes honteuses dans lesquelles vous avez croupi depuis longtemps ? Vous comptez donc pour rien cet orgueil, qui vous fait croire que l'on doit se mettre à vos pieds pour quelques pièces de terre que vous avez de plus que les autres et qui, peut-être, seront cause de votre damnation ? Vous comptez donc pour rien cette ambition qui fait que vous n'êtes jamais content, cet amour-propre, cette vanité qui vous occupent conti-nuellement, ces vivacités, ces ressentiments, ces intem-pérances, ces jalousies ? Vous comptez donc pour rien cette négligence affreuse pour les sacrements et tout ce qui regarde le salut de votre pauvre âme : tout cela vous l'avez oublié ; mais êtes-vous moins coupable ? Eh bien ! mon ami, si vous êtes coupable, n'est-il pas juste que le bon Dieu vous châtie ? Dites-moi, mon ami, quelle péni-tence avez-vous faite pour expier tant de péchés ? Où sont vos jeûnes, vos mortifications et vos bonnes œuvres ? Si après tant de péchés, vous n'avez pas versé une larme ; si après tant d'avarice, vous vous êtes seulement contenté de faire quelque légère aumône ; si après tant d'orgueil, vous ne voulez pas essuyer les moindres humi-liations ; si après avoir fait servir tant de fois votre corps au péché, vous ne voulez pas entendre parler de péni-tence, il faut que le ciel se fasse justice puisque vous ne voulez pas la lui faire vous-même.
Hélas ! que nous sommes aveugles ! Nous voudrions faire le mal sans être punis, ou plutôt, nous voudrions que Dieu ne fût pas juste. Eh bien ! Seigneur, laissez vivre ce pécheur tranquille, n'appesantissez pas votre main sur lui, laissez-le s'engraisser comme une victime destinée aux vengeances éternelles, et dans ce feu, vous aurez le temps de le faire satisfaire à votre justice ; épargnez-le en ce monde, puisqu'il le veut ; dans les flammes vous saurez bien lui faire faire une pénitence inutile, sans fin. O mon Dieu ! que ce malheur ne nous arrive jamais. « Oh ! plutôt, s'écrie saint Augustin, multipliez mes afflictions et mes souffrances autant qu'il vous plaira, pourvu que vous me fassiez miséricorde dans l'autre vie ! »
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Mais, dira un autre, tout cela est bien bon pour ceux qui ont commis de gros péchés ; mais, pour moi, grâces à Dieu, je n'ai pas fait grand mal. – Eh ! vous croyez donc que, parce que vous pensez n'avoir pas fait beaucoup de mal, vous ne devez pas souffrir ; et moi je vous dirai : précisément parce que vous avez tâché de bien faire, le bon Dieu vous afflige et il permet que l'on se moque de vous, qu'on vous méprise et que l'on tourne en ridicule votre dévotion, et c'est Dieu lui-même qui vous fait éprouver des chagrins et des maladies. Vous vous éton-nez de cela, mon ami ? Jetez un coup d'œil sur Jésus--Christ, votre véritable modèle, voyez s'il a passé un seul instant sans souffrir ce que jamais l'homme ne pourra comprendre. Dites-moi, pourquoi est-ce que les phari-siens le persécutaient, et cherchaient sans cesse le moyen de le surprendre pour le condamner à la mort ? Est-ce parce qu'il était coupable ? Non, sans doute ; mais en voici la raison. C'est que ses miracles et ses exemples d'humilité et de pauvreté étaient la condam-nation de leur orgueil et de leurs mauvaises actions.
Disons mieux, M.F., si nous parcourions les saintes Écritures, nous verrions que, dès le commencement du monde, les souffrances, le mépris et les railleries ont été le partage des enfants de Dieu : c'est-à-dire, de ceux qui ont pensé à plaire à Dieu. En effet, qui peut mépri-ser et railler une personne qui remplit ses devoirs de religion, sinon un pauvre malheureux réprouvé, que l'enfer a vomi sur la terre pour faire souffrir les bons, ou pour essayer de les entraîner dans les abîmes où il est déjà pour jamais ? En voulez-vous la preuve ? La voici. Pourquoi est-ce que Caïn tua son frère Abel ? N'est-ce pas parce qu'il faisait mieux que lui ? N'est-ce pas parce qu'il ne put le porter au mal, qu'il lui ôta la vie ? Quel était le dessein des frères de Joseph, lorsqu'ils le jetèrent dans une citerne, n'est-ce pas parce que sa vie sainte condamnait leur vie libertine ? Qui attira tant de persécutions aux apôtres, qui, à chaque instant, pour ainsi dire, étaient jetés en prison, fouettés, garrottés, ou plutôt, dont la vie depuis la mort de Jésus-Christ ne fut qu'un martyre continuel ; tous ont fini leur vie de la manière la plus cruelle et la plus douloureuse ? Or, quel mal faisaient-ils, puisqu'ils ne cherchaient que la gloire de Dieu et le salut des âmes ? On vous méprise, on vous raille et on vous persécute quoique vous ne disiez et ne fassiez rien à personne ? Tant mieux que l'on vous mé-prise, que l'on vous raille. Si vous n'aviez rien à souf-frir, qu'auriez-vous donc à offrir à Dieu à l'heure de la mort ?
Mais, me direz-vous, ils offensent Dieu ; ils se per-dent en faisant souffrir les autres ; si Dieu voulait, il les en empêcherait bien. – Certainement qu'il les empê-cherait, s'il le voulait. Pourquoi est-ce que Dieu souffrait les tyrans ? II lui était aussi facile de les punir que de les conserver ; mais il se servait de leurs mauvais desseins pour éprouver les bons et hâter leur bonheur. Il n'y a pas de doute que vous devez les plaindre et prier pour eux, non pas parce qu'ils vous méprisent et qu'ils vous raillent, puisque Dieu s'en sert pour vous faire gagner le ciel ; mais à cause du mal qu'ils se font. En effet, il faut convenir que c'est être bien aveugle que de mépri-ser quelqu'un parce qu'il sert le bon Dieu mieux que nous, qu'il cherche avec plus d'empressement le che-min du ciel, et qu'il fera plus de bonnes œuvres ou de pénitences. Ici c'est un mystère vraiment incompréhen-sible. Si tu veux te damner : eh bien ! fais-le. Pourquoi es-tu fâché que j'aille où tu ne veux pas aller ? Je veux aller au ciel, si tu n'y vas pas c'est bien parce que tu ne veux pas. Ouvre les yeux, mon ami, reconnais ton aveuglement : quand tu m'auras empêché de servir le bon Dieu, ou que tu seras la cause que je serai damné, qu'en auras-tu de plus ? Encore une fois, ouvre les yeux et reviens de ton égarement. Tâche d'imiter ceux que tu as méprisés jusqu'à présent, et tu y trouveras ton bonheur dans ce monde ainsi que dans l'autre.
Mais, me direz-vous, je ne leur fais point de mal, pourquoi veulent-ils m'en faire ? – Tant mieux, mon ami, c'est bonne marque, vous êtes sûr d'être dans le chemin qui conduit au ciel. Écoutez Notre-Seigneur : « Prenez votre croix et suivez-moi ; l'on me persécute, on vous persécutera ; l'on me méprise, on vous mépri-sera ; mais, bien loin de vous décourager, réjouissez--vous, parce qu'une grande récompense vous est promise dans le ciel. Celui qui n'est pas prêt à tout souffrir, jus-ques à perdre la vie pour l'amour de moi, n'est pas digne de moi. » Pourquoi est-ce que le saint homme Tobie devint aveugle ? N'est-ce pas parce qu'il était un homme de bien ? Écoutez Jésus-Christ parlant à saint Pierre, martyr, lorsqu'il se plaignit d'un outrage qu'on lui faisait, quoique innocent. « Et moi, Pierre, lui dit Jésus-Christ, quel mal avais-je fait lorsqu'on me fit mourir ? »
Convenons tous ensemble, M.F., que nous faisons de belles promesses au bon Dieu tant que personne ne nous dit rien, que tout va selon nos désirs ; mais la première petite raillerie, le premier petit mépris, ou bien la moindre plaisanterie qu'un impie, qui n'a pas la force de faire ce que vous faites, vous fera, vous rou-gissez et abandonnez le service de Dieu. Ah ! ingrat, tu ne te rappelles pas ce que ton Dieu a souffert pour l'a-mour de toi ? N'est-ce pas, mon ami, parce que l'on vous a dit que vous faisiez le sage, que vous n'étiez qu'un hypocrite, et que vous étiez plus méchant que ceux qui ne se confessent jamais, que vous avez abandonné Dieu pour vous mettre du côté de ceux qui seront des réprou-vés ? Arrêtez-vous, mon ami, n'allez pas plus loin, re-connaissez votre folie et ne vous jetez pas en enfer.
Disons mieux, M.F., si nous parcourions les saintes Écritures, nous verrions que, dès le commencement du monde, les souffrances, le mépris et les railleries ont été le partage des enfants de Dieu : c'est-à-dire, de ceux qui ont pensé à plaire à Dieu. En effet, qui peut mépri-ser et railler une personne qui remplit ses devoirs de religion, sinon un pauvre malheureux réprouvé, que l'enfer a vomi sur la terre pour faire souffrir les bons, ou pour essayer de les entraîner dans les abîmes où il est déjà pour jamais ? En voulez-vous la preuve ? La voici. Pourquoi est-ce que Caïn tua son frère Abel ? N'est-ce pas parce qu'il faisait mieux que lui ? N'est-ce pas parce qu'il ne put le porter au mal, qu'il lui ôta la vie ? Quel était le dessein des frères de Joseph, lorsqu'ils le jetèrent dans une citerne, n'est-ce pas parce que sa vie sainte condamnait leur vie libertine ? Qui attira tant de persécutions aux apôtres, qui, à chaque instant, pour ainsi dire, étaient jetés en prison, fouettés, garrottés, ou plutôt, dont la vie depuis la mort de Jésus-Christ ne fut qu'un martyre continuel ; tous ont fini leur vie de la manière la plus cruelle et la plus douloureuse ? Or, quel mal faisaient-ils, puisqu'ils ne cherchaient que la gloire de Dieu et le salut des âmes ? On vous méprise, on vous raille et on vous persécute quoique vous ne disiez et ne fassiez rien à personne ? Tant mieux que l'on vous mé-prise, que l'on vous raille. Si vous n'aviez rien à souf-frir, qu'auriez-vous donc à offrir à Dieu à l'heure de la mort ?
Mais, me direz-vous, ils offensent Dieu ; ils se per-dent en faisant souffrir les autres ; si Dieu voulait, il les en empêcherait bien. – Certainement qu'il les empê-cherait, s'il le voulait. Pourquoi est-ce que Dieu souffrait les tyrans ? II lui était aussi facile de les punir que de les conserver ; mais il se servait de leurs mauvais desseins pour éprouver les bons et hâter leur bonheur. Il n'y a pas de doute que vous devez les plaindre et prier pour eux, non pas parce qu'ils vous méprisent et qu'ils vous raillent, puisque Dieu s'en sert pour vous faire gagner le ciel ; mais à cause du mal qu'ils se font. En effet, il faut convenir que c'est être bien aveugle que de mépri-ser quelqu'un parce qu'il sert le bon Dieu mieux que nous, qu'il cherche avec plus d'empressement le che-min du ciel, et qu'il fera plus de bonnes œuvres ou de pénitences. Ici c'est un mystère vraiment incompréhen-sible. Si tu veux te damner : eh bien ! fais-le. Pourquoi es-tu fâché que j'aille où tu ne veux pas aller ? Je veux aller au ciel, si tu n'y vas pas c'est bien parce que tu ne veux pas. Ouvre les yeux, mon ami, reconnais ton aveuglement : quand tu m'auras empêché de servir le bon Dieu, ou que tu seras la cause que je serai damné, qu'en auras-tu de plus ? Encore une fois, ouvre les yeux et reviens de ton égarement. Tâche d'imiter ceux que tu as méprisés jusqu'à présent, et tu y trouveras ton bonheur dans ce monde ainsi que dans l'autre.
Mais, me direz-vous, je ne leur fais point de mal, pourquoi veulent-ils m'en faire ? – Tant mieux, mon ami, c'est bonne marque, vous êtes sûr d'être dans le chemin qui conduit au ciel. Écoutez Notre-Seigneur : « Prenez votre croix et suivez-moi ; l'on me persécute, on vous persécutera ; l'on me méprise, on vous mépri-sera ; mais, bien loin de vous décourager, réjouissez--vous, parce qu'une grande récompense vous est promise dans le ciel. Celui qui n'est pas prêt à tout souffrir, jus-ques à perdre la vie pour l'amour de moi, n'est pas digne de moi. » Pourquoi est-ce que le saint homme Tobie devint aveugle ? N'est-ce pas parce qu'il était un homme de bien ? Écoutez Jésus-Christ parlant à saint Pierre, martyr, lorsqu'il se plaignit d'un outrage qu'on lui faisait, quoique innocent. « Et moi, Pierre, lui dit Jésus-Christ, quel mal avais-je fait lorsqu'on me fit mourir ? »
Convenons tous ensemble, M.F., que nous faisons de belles promesses au bon Dieu tant que personne ne nous dit rien, que tout va selon nos désirs ; mais la première petite raillerie, le premier petit mépris, ou bien la moindre plaisanterie qu'un impie, qui n'a pas la force de faire ce que vous faites, vous fera, vous rou-gissez et abandonnez le service de Dieu. Ah ! ingrat, tu ne te rappelles pas ce que ton Dieu a souffert pour l'a-mour de toi ? N'est-ce pas, mon ami, parce que l'on vous a dit que vous faisiez le sage, que vous n'étiez qu'un hypocrite, et que vous étiez plus méchant que ceux qui ne se confessent jamais, que vous avez abandonné Dieu pour vous mettre du côté de ceux qui seront des réprou-vés ? Arrêtez-vous, mon ami, n'allez pas plus loin, re-connaissez votre folie et ne vous jetez pas en enfer.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
III. – Dites-moi, M.F., qu'est-ce que nous répon-drons lorsque Dieu va confronter notre vie avec celle de tant de martyrs, dont les uns ont été hachés en mor-ceaux par les bourreaux, les autres ont pourri dans les prisons, plutôt que de trahir leur foi ? Non, M.F., si nous sommes bons chrétiens, nous ne nous plaindrons jamais des railleries qu'on fera de nous : au contraire, plus on nous méprisera, plus nous serons contents, et plus nous prierons le bon Dieu pour ceux qui nous per-sécutent ; nous remettrons toute la vengeance entre les mains de Dieu, et, s'il le trouve à propos pour sa gloire et notre salut, il le fera. Voyez Moïse, accablé d'injures de la part de son frère et de sa sœur : à tous ces mépris, il oppose une bonté et une charité si grandes que Dieu en fut touché. L'Esprit-Saint dit qu'il était « le plus doux des hommes qui fussent alors sur la terre. » Le Seigneur frappa sa sœur d'une lèpre affreuse pour la punir de ce qu'elle avait murmuré contre son frère. Moïse, la voyant punie, bien loin d'en être content, dit à Dieu : « Ah ! Seigneur, pourquoi punissez-vous ma sœur ? Vous savez bien que je n'ai jamais demandé vengeance ; guérissez, s'il vous plaît, ma sœur. » Dieu ne put résister à sa bonté : à l'instant il la guérit.
O quel bonheur pour nous, M.F., si, dans les mépris et les railleries que l'on fait de nous, nous nous comportions de la même manière ! Que de trésors pour le ciel ! Non, M.F., tant que l'on ne nous verra pas faire du bien à ceux qui nous méprisent, les préférer même à nos amis, et n'opposer à leurs outrages que bonté et charité, nous ne serons pas du nombre de ceux que Dieu a destinés pour le ciel. Savez-vous ce que nous sommes ? Le voici. Nous faisons comme ces soldats qui, tant qu'il n'y a point de danger, semblent être invincibles, et qui, au premier danger, prennent la fuite ; de même, tant que l'on nous flatte dans notre manière de nous conduire, et que l'on loue nos bonnes œuvres, nous croyons que rien ne nous pourra faire tomber, et un rien nous fait tomber et tout abandonner. Mon Dieu, que l'homme est aveugle lorsqu'il se croit capable de quelque chose, tandis qu'il n'est capable que de vous trahir et de se per-dre ! Et moi je dis, M.F., que rien n'est plus capable de convertir ceux qui déchirent notre réputation que la douceur et la charité. Ils ne peuvent pas y résister. S'ils sont trop endurcis, et qu'ils aient mis déjà le sceau à leur réprobation, ils seront tout confus, ils s'en iront comme des désespérés : en voici la preuve. Il est rap-porté que saint Martin avait un clerc depuis son enfance. Quoiqu'il eût fait tout ce qu'il avait pu pour le bien éle-ver dans le service de Dieu, il devint un véritable libertin, un scandaleux ; il n'y avait sorte d'injures et d'ou-trages qu'il ne fit à son saint évêque. Mais saint Martin, au lieu de le chasser de chez lui comme il le méritait, lui montra une si grande charité, qu'il semblait multiplier ses soins à proportion des insultes qu'il en recevait. A chaque instant il répandait des larmes au pied de son crucifix, pour solliciter sa conver-sion. Tout à coup, le jeune homme ouvre les yeux ; con-sidérant, d'un côté, la charité de son évêque, de l'autre, les injures dont il l'avait accablé, il court se jeter à ses pieds pour lui demander pardon. L'évêque l'embrasse et bénit le bon Dieu d'avoir eu pitié de cette pauvre âme. Ce jeune homme fut toute sa vie un modèle de vertu et regardé comme un saint. Avant de mourir, il répéta plu-sieurs fais que la patience et la charité de Martin, lui avaient valu la grâce de sa conversion.
Oui, M.F., voilà ce que nous ferions si, au lieu de rendre injure pour injure, nous avions le bonheur de n'y opposer que douceur et charité. Hélas ! quand les saints n'avaient pas l'occasion d'être méprisés, ils la cher-chaient : en voici la preuve. Nous lisons dans la vie de saint Athanase, qu'une dame, désirant de travailler à gagner le ciel, alla trouver l'évêque et lui demanda un des pauvres que l'on nourrissait d'aumônes, pour en avoir soin chez elle ; parce que, disait-elle, je voudrais que ma patience soit un peu exercée. Le saint évêque lui envoya une femme qui était extrêmement humble, et ne pouvait souffrir d'être servie par cette dame. Chaque fois qu'elle lui rendait quelque service, elle lui faisait mille remerciements. Non contente de tous ces remerciements, la dame toute triste, va trouver l'évêque, lui disant « Monseigneur,, vous ne m'avez pas bien servie comme je le désirais ; vous m'avez donné une personne qui me couvre de confusion par son humilité. Au moindre service que je lui rends, elle s'abaisse jusqu'à terre ; donnez-m'en une autre. » L'évêque, voyant son courage à souffrir, lui en donna une qui était d'un caractère orgueil-leux, colère, méprisant. Chaque fois que cette dame la servait, elle l'accablait d'injures, en lui disant qu'elle l'avait demandée, non pour en avoir soin, mais pour la faire souffrir. Elle alla même jusqu'à la frapper ; et que fit-elle, M.F. ? Le voici : plus elle méprisait la dame, plus celle-ci la servait avec empressement et sans cesser malgré tant de peines. De là que s'ensuivit--il ? sinon que, touchée de tant de charité, cette femme se convertit et mourut comme une sainte. Oh ! M.F., que d'âmes, au jour du jugement, nous reprocheront que si nous n'avions opposé que bonté et charité à leurs injures, elles seraient dans le ciel, tandis qu'elles brûleront pen-dant une éternité !
Si nous avons dit, M.F., en commençant, que les croix, ainsi que toutes les misères de la vie, nous étaient données de Dieu pour satisfaire à sa justice pour nos péchés, nous pouvons dire aussi qu'elles sont un préser-vatif contre le péché. Pourquoi est-ce que Dieu a permis que l'on vous fît tort, qu'un autre vous trompât ? En voici la raison. C'est que Dieu, qui voit l'avenir, a prévu que votre cœur s'attacherait trop aux choses de la terre et que vous perdriez de vue le ciel. Il permet que l'on noircisse votre réputation, que l'on vous décrie : pour-quoi cela, M.F. ? sinon parce que vous êtes trop orgueil-leux, trop jaloux de votre réputation ; c'est pour cela qu'il a permis que vous fussiez humiliés, sans quoi vous vous seriez damnés. Je dis donc, M.F., en finis-sant, qu'il n'y a rien de si malheureux dans les croix, qu'un homme sans religion. Tantôt il s'accuse lui-même en disant : Si j'avais pris ces mesures, ce malheur ne me serait pas arrivé. Tantôt il accuse les autres : C'est cette personne qui est cause de mes maux ; je ne lui pardonnerai jamais. Il se souhaite la mort, il la lui souhaite. Il maudit le jour de sa naissance ; il fera mille bassesses qu'il se croira permises pour se tirer d'em-barras ; mais non, sa croix, ou plutôt son enfer, le suivra.
Telle est la fin malheureuse de celui qui souffre sans se tourner du côté de Dieu, qui seul peut le consoler et le soulager. Mais regardez une personne qui aime Dieu, qui désire de l'aller voir dans le ciel : O mon Dieu, dit--elle, que mes souffrances sont peu de chose en compa-raison de ce que mes péchés méritent de souffrir dans l'autre vie ! Vous me faites souffrir un petit moment dans ce monde pour me rendre heureux pendant toute l'éternité. Que vous êtes bon, mon Dieu ! faites-moi souffrir, que je sois un objet de mépris et d'horreur aux yeux du monde ; pourvu que j'aie le bonheur de vous plaire, je ne veux rien autre. Concluons de cela que celui qui aime Dieu est heureux même au milieu de toutes les tempêtes de ce monde. Mon Dieu, faites que nous souffrions toujours, afin qu'après vous avoir imité ici-bas, nous allions régner avec vous dans le ciel !
O quel bonheur pour nous, M.F., si, dans les mépris et les railleries que l'on fait de nous, nous nous comportions de la même manière ! Que de trésors pour le ciel ! Non, M.F., tant que l'on ne nous verra pas faire du bien à ceux qui nous méprisent, les préférer même à nos amis, et n'opposer à leurs outrages que bonté et charité, nous ne serons pas du nombre de ceux que Dieu a destinés pour le ciel. Savez-vous ce que nous sommes ? Le voici. Nous faisons comme ces soldats qui, tant qu'il n'y a point de danger, semblent être invincibles, et qui, au premier danger, prennent la fuite ; de même, tant que l'on nous flatte dans notre manière de nous conduire, et que l'on loue nos bonnes œuvres, nous croyons que rien ne nous pourra faire tomber, et un rien nous fait tomber et tout abandonner. Mon Dieu, que l'homme est aveugle lorsqu'il se croit capable de quelque chose, tandis qu'il n'est capable que de vous trahir et de se per-dre ! Et moi je dis, M.F., que rien n'est plus capable de convertir ceux qui déchirent notre réputation que la douceur et la charité. Ils ne peuvent pas y résister. S'ils sont trop endurcis, et qu'ils aient mis déjà le sceau à leur réprobation, ils seront tout confus, ils s'en iront comme des désespérés : en voici la preuve. Il est rap-porté que saint Martin avait un clerc depuis son enfance. Quoiqu'il eût fait tout ce qu'il avait pu pour le bien éle-ver dans le service de Dieu, il devint un véritable libertin, un scandaleux ; il n'y avait sorte d'injures et d'ou-trages qu'il ne fit à son saint évêque. Mais saint Martin, au lieu de le chasser de chez lui comme il le méritait, lui montra une si grande charité, qu'il semblait multiplier ses soins à proportion des insultes qu'il en recevait. A chaque instant il répandait des larmes au pied de son crucifix, pour solliciter sa conver-sion. Tout à coup, le jeune homme ouvre les yeux ; con-sidérant, d'un côté, la charité de son évêque, de l'autre, les injures dont il l'avait accablé, il court se jeter à ses pieds pour lui demander pardon. L'évêque l'embrasse et bénit le bon Dieu d'avoir eu pitié de cette pauvre âme. Ce jeune homme fut toute sa vie un modèle de vertu et regardé comme un saint. Avant de mourir, il répéta plu-sieurs fais que la patience et la charité de Martin, lui avaient valu la grâce de sa conversion.
Oui, M.F., voilà ce que nous ferions si, au lieu de rendre injure pour injure, nous avions le bonheur de n'y opposer que douceur et charité. Hélas ! quand les saints n'avaient pas l'occasion d'être méprisés, ils la cher-chaient : en voici la preuve. Nous lisons dans la vie de saint Athanase, qu'une dame, désirant de travailler à gagner le ciel, alla trouver l'évêque et lui demanda un des pauvres que l'on nourrissait d'aumônes, pour en avoir soin chez elle ; parce que, disait-elle, je voudrais que ma patience soit un peu exercée. Le saint évêque lui envoya une femme qui était extrêmement humble, et ne pouvait souffrir d'être servie par cette dame. Chaque fois qu'elle lui rendait quelque service, elle lui faisait mille remerciements. Non contente de tous ces remerciements, la dame toute triste, va trouver l'évêque, lui disant « Monseigneur,, vous ne m'avez pas bien servie comme je le désirais ; vous m'avez donné une personne qui me couvre de confusion par son humilité. Au moindre service que je lui rends, elle s'abaisse jusqu'à terre ; donnez-m'en une autre. » L'évêque, voyant son courage à souffrir, lui en donna une qui était d'un caractère orgueil-leux, colère, méprisant. Chaque fois que cette dame la servait, elle l'accablait d'injures, en lui disant qu'elle l'avait demandée, non pour en avoir soin, mais pour la faire souffrir. Elle alla même jusqu'à la frapper ; et que fit-elle, M.F. ? Le voici : plus elle méprisait la dame, plus celle-ci la servait avec empressement et sans cesser malgré tant de peines. De là que s'ensuivit--il ? sinon que, touchée de tant de charité, cette femme se convertit et mourut comme une sainte. Oh ! M.F., que d'âmes, au jour du jugement, nous reprocheront que si nous n'avions opposé que bonté et charité à leurs injures, elles seraient dans le ciel, tandis qu'elles brûleront pen-dant une éternité !
Si nous avons dit, M.F., en commençant, que les croix, ainsi que toutes les misères de la vie, nous étaient données de Dieu pour satisfaire à sa justice pour nos péchés, nous pouvons dire aussi qu'elles sont un préser-vatif contre le péché. Pourquoi est-ce que Dieu a permis que l'on vous fît tort, qu'un autre vous trompât ? En voici la raison. C'est que Dieu, qui voit l'avenir, a prévu que votre cœur s'attacherait trop aux choses de la terre et que vous perdriez de vue le ciel. Il permet que l'on noircisse votre réputation, que l'on vous décrie : pour-quoi cela, M.F. ? sinon parce que vous êtes trop orgueil-leux, trop jaloux de votre réputation ; c'est pour cela qu'il a permis que vous fussiez humiliés, sans quoi vous vous seriez damnés. Je dis donc, M.F., en finis-sant, qu'il n'y a rien de si malheureux dans les croix, qu'un homme sans religion. Tantôt il s'accuse lui-même en disant : Si j'avais pris ces mesures, ce malheur ne me serait pas arrivé. Tantôt il accuse les autres : C'est cette personne qui est cause de mes maux ; je ne lui pardonnerai jamais. Il se souhaite la mort, il la lui souhaite. Il maudit le jour de sa naissance ; il fera mille bassesses qu'il se croira permises pour se tirer d'em-barras ; mais non, sa croix, ou plutôt son enfer, le suivra.
Telle est la fin malheureuse de celui qui souffre sans se tourner du côté de Dieu, qui seul peut le consoler et le soulager. Mais regardez une personne qui aime Dieu, qui désire de l'aller voir dans le ciel : O mon Dieu, dit--elle, que mes souffrances sont peu de chose en compa-raison de ce que mes péchés méritent de souffrir dans l'autre vie ! Vous me faites souffrir un petit moment dans ce monde pour me rendre heureux pendant toute l'éternité. Que vous êtes bon, mon Dieu ! faites-moi souffrir, que je sois un objet de mépris et d'horreur aux yeux du monde ; pourvu que j'aie le bonheur de vous plaire, je ne veux rien autre. Concluons de cela que celui qui aime Dieu est heureux même au milieu de toutes les tempêtes de ce monde. Mon Dieu, faites que nous souffrions toujours, afin qu'après vous avoir imité ici-bas, nous allions régner avec vous dans le ciel !
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5ème dimanche après Pâques
Sur la Prière
Amen, amen dico vobis : si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis.
En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera.
(Saint Jean, XVI, 23.)
Non, M.F., rien de plus consolant pour nous que les promesses que Jésus-Christ nous fait dans l'Évangile, en nous disant que tout ce que nous demanderons à son Père en son nom, il nous l'accordera. Non content de cela, M.F., non seulement il nous permet de lui demander ce que nous désirons ; mais il va jusqu'à nous le com-mander, il nous en prie. Il disait à ses Apôtres : « Voilà bien trois ans que je suis avec vous et vous ne me demandez rien. Demandez-moi donc, afin que votre joie soit pleine et parfaite. » Ce qui nous montre que la prière est la source de tous les biens et de tout le bonheur que nous pouvons espérer sur la terre. D'après cela, M.F., si nous sommes si pauvres, si dénués de lumières et des biens de la grâce ; c'est que nous ne prions pas ou que nous prions mal. Hélas ! M.F., disons--le en gémissant : une grande partie ne savent pas même ce que c'est que de prier, et d'autres n'ont qu'une grande répugnance pour un exercice qui est si doux et si consolant pour un bon chrétien. Parfois, nous en voyons quelques-uns qui prient, mais qui n'obtiennent rien, cela vient de ce qu'ils prient mal : c'est-à-dire, sans préparation, et sans savoir même ce qu'ils vont demander au bon Dieu. Mais pour mieux vous faire sentir la grandeur du bien que la prière nous attire, M.F., je vous dirai que tous les maux qui nous acca-blent sur la terre ne viennent que de ce que nous ne prions pas, ou que nous prions mal ; et, si vous voulez en savoir la raison, la voici. C'est que si nous avions le bonheur de prier le bon Dieu comme il faut, il nous serait impossible de tomber dans le péché ; et si nous étions exempts de péché, nous nous retrouverions pour ainsi dire comme Adam avant sa chute. Pour vous engager, M.F., à prier souvent et à prier comme il faut, je vais vous montrer 1° que sans la prière, il nous est impossible de nous sauver ; 2° que la prière est toute puissante auprès de Dieu ; 3° quelles sont les qualités que doit avoir une prière pour être agréable à Dieu et méritoire pour celui qui la fait.
Sur la Prière
Amen, amen dico vobis : si quid petieritis Patrem in nomine meo, dabit vobis.
En vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera.
(Saint Jean, XVI, 23.)
Non, M.F., rien de plus consolant pour nous que les promesses que Jésus-Christ nous fait dans l'Évangile, en nous disant que tout ce que nous demanderons à son Père en son nom, il nous l'accordera. Non content de cela, M.F., non seulement il nous permet de lui demander ce que nous désirons ; mais il va jusqu'à nous le com-mander, il nous en prie. Il disait à ses Apôtres : « Voilà bien trois ans que je suis avec vous et vous ne me demandez rien. Demandez-moi donc, afin que votre joie soit pleine et parfaite. » Ce qui nous montre que la prière est la source de tous les biens et de tout le bonheur que nous pouvons espérer sur la terre. D'après cela, M.F., si nous sommes si pauvres, si dénués de lumières et des biens de la grâce ; c'est que nous ne prions pas ou que nous prions mal. Hélas ! M.F., disons--le en gémissant : une grande partie ne savent pas même ce que c'est que de prier, et d'autres n'ont qu'une grande répugnance pour un exercice qui est si doux et si consolant pour un bon chrétien. Parfois, nous en voyons quelques-uns qui prient, mais qui n'obtiennent rien, cela vient de ce qu'ils prient mal : c'est-à-dire, sans préparation, et sans savoir même ce qu'ils vont demander au bon Dieu. Mais pour mieux vous faire sentir la grandeur du bien que la prière nous attire, M.F., je vous dirai que tous les maux qui nous acca-blent sur la terre ne viennent que de ce que nous ne prions pas, ou que nous prions mal ; et, si vous voulez en savoir la raison, la voici. C'est que si nous avions le bonheur de prier le bon Dieu comme il faut, il nous serait impossible de tomber dans le péché ; et si nous étions exempts de péché, nous nous retrouverions pour ainsi dire comme Adam avant sa chute. Pour vous engager, M.F., à prier souvent et à prier comme il faut, je vais vous montrer 1° que sans la prière, il nous est impossible de nous sauver ; 2° que la prière est toute puissante auprès de Dieu ; 3° quelles sont les qualités que doit avoir une prière pour être agréable à Dieu et méritoire pour celui qui la fait.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. – Pour vous montrer, M.F., le pouvoir de la prière et les grâces qu'elle vous attire du ciel, je vous dirai que ce n'est que par la prière que tous les justes ont eu le bonheur de persévérer. La prière est à notre âme ce que la pluie est à la terre. Fumez une terre, tant que vous voudrez ; si la pluie manque, tout ce que vous ferez ne servira de rien. De même, faites des bonnes œuvres tant que vous voudrez ; si vous ne priez pas souvent et comme il faut, jamais vous ne serez sauvés ; parce que la prière ouvre les yeux de notre âme, lui fait sentir la grandeur de sa misère, la nécessité d'avoir recours à Dieu, elle lui fait redouter sa faiblesse. Le chrétien compte pour tout sur Dieu seul, et rien sur lui--même. Oui, M.F., c'est par la prière que tous les justes ont persévéré. En effet, qui a porté tous ces saints à faire de si grands sacrifices que d'abandonner tous leurs biens, leurs parents et toutes leurs commodités, pour aller passer le reste de leur vie dans les forêts, afin d'y pleurer leurs péchés ? C'est, M.F., la prière, qui enflam-mait leur cœur de la pensée de Dieu, du désir de lui plaire, et de ne vivre uniquement que pour lui. Voyez Magdeleine, quelle est son occupation après sa conver-sion ? N'est-ce pas la prière ? Voyez saint Pierre ; voyez encore saint Louis, roi de France, qui, dans ses voyages, au lieu de passer la nuit dans son lit, la passait dans une église, pour y prier, en demandant au bon Dieu le don précieux de persévérer dans sa grâce. Mais sans aller si loin, M.F., ne voyons-nous pas nous-mêmes que dès que nous négligeons nos prières, nous perdons de suite le goût des choses du ciel : nous ne pensons plus qu'à la terre ; et si nous reprenons la prière, nous sentons renaître en nous la pensée et le désir des choses du ciel. Oui, M.F., si nous avons le bonheur d'être dans la grâce de Dieu, ou nous aurons recours à la prière, ou nous sommes sûrs de ne pas persévérer longtemps dans le chemin du ciel.
En second lieu, nous disons, M.F., que tous les pé-cheurs ne doivent, sans un miracle extraordinaire, qui arrive très rarement, leur conversion qu'à la prière. Voyez sainte Monique, ce qu'elle fait pour demander la conversion de son fils : tantôt elle est au pied de son crucifix, qui prie et qui pleure ; tantôt, auprès des per-sonnes qui sont sages, pour demander le secours de leurs prières. Voyez saint Augustin lui-même, lorsqu'il voulut sérieusement se convertir ; voyez-le dans un jardin, livré à la prière et aux larmes, afin de toucher le cœur de Dieu et de changer le sien. Oui, M.F., comme que nous soyons pécheurs, si nous avions recours à la prière, et si nous priions comme il faut, nous serions sûrs que le bon Dieu nous pardonnerait. Ah ! M.F., ne soyons pas étonnés de ce que le démon fait tout ce qu'il peut pour nous faire manquer nos prières, et nous les faire faire mal ; c'est qu'il comprend bien mieux que nous combien la prière est redoutable à l'enfer, et qu'il est impossible que le bon Dieu puisse nous refuser ce que nous lui demandons par la prière. Oh ! que de pécheurs sortiraient du péché, s'ils avaient le bonheur d'avoir recours à la prière !
En troisième lieu, je dis que tous les damnés se sont damnés parce qu'ils n'ont pas prié, ou ont prié mal. De là je conclus, M.F., que sans la prière, nous ne pou-vons que nous perdre pour l'éternité, et qu'avec la prière bien faite, nous sommes sûrs de nous sauver. Oui, M.F., tous les saints étaient tellement convaincus que la prière leur était absolument nécessaire pour se sauver, qu'ils ne se contentaient pas de passer les jours à prier, mais encore les nuits entières. Pourquoi est-ce, M.F., que nous avons tant de répugnance pour un exercice si doux et si consolant ? Hélas ! M.F., c'est que, le faisant mal, nous n'avons jamais senti les dou-ceurs que les saints y éprouvaient. Voyez saint Hila-rion, qui pria pendant cent ans sans discontinuer, et ces cent ans de prières furent si courts que sa vie lui sembla passer comme un éclair. En effet, M.F., une prière bien faite est une huile embaumée qui se répand dans toute notre âme, qui semble déjà lui faire sentir le bonheur dont jouissent les bienheureux dans le ciel. Cela est si vrai, que nous lisons dans la vie de saint François d'Assise que, souvent, quand il priait, il tom-bait dans le ravissement, au point qu'il ne pouvait distinguer s'il était sur la terre ou dans le ciel parmi les bienheureux. C'est qu'il était embrasé par le feu divin que la prière allumait dans son cœur, et qui lui com-muniquait une chaleur sensible. Un jour qu'il était à l'église, il se sentit un amour si violent qu'il se mit à crier à haute voix : « Mon Dieu, je ne peux plus y tenir. » – Mais, pensez-vous en vous-mêmes, cela est bien bon pour ceux qui savent bien prier et dire de belles prières. – M.F., ce ne sont ni les longues, ni les belles prières que le bon Dieu regarde ; mais celles qui se font du fond du cœur, avec un grand respect et un véritable désir de plaire à Dieu. En voici un bel exemple. Il est rapporté dans la vie de saint Bonaven-ture, qui était un grand docteur de l'Église, qu'un reli-gieux très simple lui dit : « Mon père, moi qui suis peu instruit, pensez-vous que je puisse prier le bon Dieu, et l'aimer ? » Saint Bonaventure lui dit : « Ah ! mon ami, c'est principalement ceux-là que le bon Dieu chérit le plus, et qui lui sont le plus agréables. » Ce bon religieux, tout étonné d'une si bonne nouvelle, va se mettre à la porte du monastère, disant à tous ceux qu'il voyait passer : « Venez, mes amis, j'ai une bonne nouvelle à vous donner ; le docteur Bonaventure m'a dit que nous autres, quoique ignorants, nous pouvions autant aimer le bon Dieu que les savants. Quel bonheur pour nous de pouvoir aimer le bon Dieu et lui plaire, sans rien savoir ! » D'après cela, M.F., je vous dirai que rien n'est plus facile que de prier le bon Dieu, et qu'il n'est rien de plus consolant.
Nous disons que la prière est une élévation de notre cœur vers Dieu. Disons mieux, M.F., c'est un doux entretien d'un enfant avec son père, d'un sujet avec son roi, d'un serviteur avec son maître, d'un ami avec son ami, dans le sein duquel il dépose ses chagrins et ses peines. Pour mieux encore vous exprimer ce bonheur, c'est une vile créature que le bon Dieu reçoit entre ses bras pour lui prodiguer toutes sortes de bénédictions. Que vous dirai-je encore, M.F. ? C'est la réunion de tout ce qu'il y a de plus vil, avec tout ce qu'il y a de plus grand, de plus puissant, de plus parfait en toutes sortes de manières. Dites-moi, M.F., nous en faut-il davantage, pour nous faire sentir le bonheur de la prière et la nécessité de la prière ? D'après cela, M.F., vous voyez que la prière nous est absolument néces-saire si nous voulons plaire à Dieu et nous sauver.
En second lieu, nous disons, M.F., que tous les pé-cheurs ne doivent, sans un miracle extraordinaire, qui arrive très rarement, leur conversion qu'à la prière. Voyez sainte Monique, ce qu'elle fait pour demander la conversion de son fils : tantôt elle est au pied de son crucifix, qui prie et qui pleure ; tantôt, auprès des per-sonnes qui sont sages, pour demander le secours de leurs prières. Voyez saint Augustin lui-même, lorsqu'il voulut sérieusement se convertir ; voyez-le dans un jardin, livré à la prière et aux larmes, afin de toucher le cœur de Dieu et de changer le sien. Oui, M.F., comme que nous soyons pécheurs, si nous avions recours à la prière, et si nous priions comme il faut, nous serions sûrs que le bon Dieu nous pardonnerait. Ah ! M.F., ne soyons pas étonnés de ce que le démon fait tout ce qu'il peut pour nous faire manquer nos prières, et nous les faire faire mal ; c'est qu'il comprend bien mieux que nous combien la prière est redoutable à l'enfer, et qu'il est impossible que le bon Dieu puisse nous refuser ce que nous lui demandons par la prière. Oh ! que de pécheurs sortiraient du péché, s'ils avaient le bonheur d'avoir recours à la prière !
En troisième lieu, je dis que tous les damnés se sont damnés parce qu'ils n'ont pas prié, ou ont prié mal. De là je conclus, M.F., que sans la prière, nous ne pou-vons que nous perdre pour l'éternité, et qu'avec la prière bien faite, nous sommes sûrs de nous sauver. Oui, M.F., tous les saints étaient tellement convaincus que la prière leur était absolument nécessaire pour se sauver, qu'ils ne se contentaient pas de passer les jours à prier, mais encore les nuits entières. Pourquoi est-ce, M.F., que nous avons tant de répugnance pour un exercice si doux et si consolant ? Hélas ! M.F., c'est que, le faisant mal, nous n'avons jamais senti les dou-ceurs que les saints y éprouvaient. Voyez saint Hila-rion, qui pria pendant cent ans sans discontinuer, et ces cent ans de prières furent si courts que sa vie lui sembla passer comme un éclair. En effet, M.F., une prière bien faite est une huile embaumée qui se répand dans toute notre âme, qui semble déjà lui faire sentir le bonheur dont jouissent les bienheureux dans le ciel. Cela est si vrai, que nous lisons dans la vie de saint François d'Assise que, souvent, quand il priait, il tom-bait dans le ravissement, au point qu'il ne pouvait distinguer s'il était sur la terre ou dans le ciel parmi les bienheureux. C'est qu'il était embrasé par le feu divin que la prière allumait dans son cœur, et qui lui com-muniquait une chaleur sensible. Un jour qu'il était à l'église, il se sentit un amour si violent qu'il se mit à crier à haute voix : « Mon Dieu, je ne peux plus y tenir. » – Mais, pensez-vous en vous-mêmes, cela est bien bon pour ceux qui savent bien prier et dire de belles prières. – M.F., ce ne sont ni les longues, ni les belles prières que le bon Dieu regarde ; mais celles qui se font du fond du cœur, avec un grand respect et un véritable désir de plaire à Dieu. En voici un bel exemple. Il est rapporté dans la vie de saint Bonaven-ture, qui était un grand docteur de l'Église, qu'un reli-gieux très simple lui dit : « Mon père, moi qui suis peu instruit, pensez-vous que je puisse prier le bon Dieu, et l'aimer ? » Saint Bonaventure lui dit : « Ah ! mon ami, c'est principalement ceux-là que le bon Dieu chérit le plus, et qui lui sont le plus agréables. » Ce bon religieux, tout étonné d'une si bonne nouvelle, va se mettre à la porte du monastère, disant à tous ceux qu'il voyait passer : « Venez, mes amis, j'ai une bonne nouvelle à vous donner ; le docteur Bonaventure m'a dit que nous autres, quoique ignorants, nous pouvions autant aimer le bon Dieu que les savants. Quel bonheur pour nous de pouvoir aimer le bon Dieu et lui plaire, sans rien savoir ! » D'après cela, M.F., je vous dirai que rien n'est plus facile que de prier le bon Dieu, et qu'il n'est rien de plus consolant.
Nous disons que la prière est une élévation de notre cœur vers Dieu. Disons mieux, M.F., c'est un doux entretien d'un enfant avec son père, d'un sujet avec son roi, d'un serviteur avec son maître, d'un ami avec son ami, dans le sein duquel il dépose ses chagrins et ses peines. Pour mieux encore vous exprimer ce bonheur, c'est une vile créature que le bon Dieu reçoit entre ses bras pour lui prodiguer toutes sortes de bénédictions. Que vous dirai-je encore, M.F. ? C'est la réunion de tout ce qu'il y a de plus vil, avec tout ce qu'il y a de plus grand, de plus puissant, de plus parfait en toutes sortes de manières. Dites-moi, M.F., nous en faut-il davantage, pour nous faire sentir le bonheur de la prière et la nécessité de la prière ? D'après cela, M.F., vous voyez que la prière nous est absolument néces-saire si nous voulons plaire à Dieu et nous sauver.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
D'un autre côté, nous ne pouvons trouver notre bon-heur sur la terre qu'en aimant Dieu ; et nous ne pou-vons l'aimer qu'en le priant. Nous voyons que Jésus--Christ, pour nous encourager à avoir souvent recours à lui par la prière, nous promet de ne jamais rien nous refuser si nous le prions comme il faut. Mais, sans aller chercher de grands détours pour vous montrer que nous devons souvent prier, vous n'avez qu'à ouvrir votre catéchisme, et vous y verrez que le devoir d'un bon chrétien est de prier le matin et le soir et souvent pen-dant le jour : c'est-à-dire, toujours.
Je dis que, le matin, un chrétien qui désire de sau-ver son âme doit, dès l'instant qu'il s'éveille, faire le signe de la croix, donner son cœur à Dieu, lui offrir toutes ses actions, se préparer à faire sa prière. Il ne faut jamais travailler avant de la faire ; mais la faire à genoux, après avoir pris de l'eau bénite, et la faire de-vant son crucifix. Ne perdons jamais de vue, M.F., que c'est le matin que le bon Dieu nous prépare toutes les grâces qui nous sont nécessaires pour passer sainte-ment la journée ; parce que le bon Dieu sait toutes les occasions que nous aurons de pécher, toutes les tenta-tions que le démon nous livrera pendant le jour ; et, si nous prions à genoux et comme il faut, il nous donne toutes les grâces dont nous avons besoin pour ne pas succomber. C'est pour cela que le démon fait tout ce qu'il peut pour nous les faire manquer ou pour nous les faire faire mal ; étant très convaincu, comme il l'avoua un jour par la bouche d'un possédé, que s'il peut avoir le premier moment de la journée, il est sûr d'avoir tout le reste. Qui de nous, M.F., pourrait entendre, sans pleurer de compassion, ces pauvres chrétiens qui osent vous dire qu'ils n'ont pas le temps de prier ! Vous n'avez pas le temps ! pauvres aveugles ; quelle est l'action la plus précieuse, ou de travailler à plaire à Dieu et à sauver votre âme, ou d'aller donner à manger à vos bêtes qui sont à l'écurie, ou bien d'appeler vos enfants ou vos domestiques pour les envoyer remuer la terre ou le fumier ? Mon Dieu, que l'homme est aveugle !... Vous n'avez pas le temps ! mais, dites-moi, ingrats, si le bon Dieu vous avait fait mourir cette nuit, auriez-vous tra-vaillé ? Si le bon Dieu vous avait envoyé trois ou quatre mois de maladie, auriez-vous travaillé ? Allez, miséra-bles, vous méritez que le bon Dieu vous abandonne à votre aveuglement, que vous périssiez. Nous trouvons que c'est trop de lui donner quelques minutes pour le remercier des grâces qu'il nous accorde à chaque instant. – Vous voulez faire votre ouvrage, dites-vous. – Mais, mon ami, vous vous trompez grandement, vous n'avez pas d'autre ouvrage que de plaire à Dieu et de sauver votre âme, tout le reste n'est pas votre ouvrage : si vous ne le faites pas, d'autres le feront ; mais si vous perdez votre âme, qui la sauvera ? Allez, vous êtes un insensé, quand vous serez en enfer, vous apprendrez ce que vous eussiez dû faire ; mais ce que, malheureusement, vous n'avez pas fait.
Mais, me direz-vous, quels sont donc les avantages que nous recevons par la prière, que nous devons si souvent prier ? – M.F., les voici. La prière fait que nos croix sont moins pesantes, elle adoucit nos peines et nous sommes moins attachés à la vie, elle attire sur nous le regard de la miséricorde de Dieu, elle fortifie notre âme contre le péché, elle nous fait désirer la pénitence et nous la fait pratiquer avec plaisir, elle nous fait sentir et comprendre combien le péché outrage le bon Dieu. Disons mieux, M.F., par la prière nous plaisons à Dieu, nous enrichissons nos âmes, et nous nous assurons la vie éternelle. Dites-moi, M.F., en faut-il davantage pour nous porter à faire que notre vie ne soit qu'une prière continuelle par notre union avec Dieu ? Quand on aime quelqu'un, a-t-on besoin de le voir pour penser à lui ? Non, sans doute. De même, M.F., si nous aimons le bon Dieu, la prière nous sera aussi familière que la respiration. Cependant, M.F., je vous dirai que pour prier de manière qu'elle puisse nous attirer tous ces biens, il ne suffit pas d'y employer un instant à la hâte, c'est-à-dire, avec précipitation. Le bon Dieu veut que nous y passions un temps convenable, que nous ayons au moins le temps de lui demander les grâces qui nous sont nécessaires, de le remercier de ses bienfaits, et de gémir sur nos fautes passées en lui en demandant pardon.
Mais, me direz-vous, comment pouvons-nous donc prier sans cesse ? – M.F., rien de plus facile : c'est de nous occuper du bon Dieu, de temps en temps, pendant notre travail ; tantôt faisant un acte d'amour, pour lui témoigner que nous l'aimons, parce qu'il est bon et digne d'être aimé ; tantôt, un acte d'humilité, nous reconnaissant indignes des grâces dont il ne cesse de nous combler ; tantôt un acte de confiance, de ce que, quoique bien misérables, nous savons qu'il nous aime et qu'il veut nous rendre heureux. Ou bien, nous penserons à la mort et passion de Jésus-Christ, nous le verrons au jar-din des Olives, portant sa croix ; nous nous rappellerons son couronnement d'épines, son crucifiement ; ou, si vous voulez, son incarnation, sa naissance, sa fuite en Égypte ; ou bien encore, la pensée de la mort, du juge-ment, de l'enfer ou du ciel. Nous ferons quelques prière en l'honneur de notre saint ange gardien, et ne man-querons jamais de dire nos Benedicite, nos actions de grâces, nos Angelus, le Salut, Marie, quand l'heure sonne : ce qui nous fait ressouvenir de nos fins dernières, que bientôt nous ne serons plus sur la terre, et ce qui nous porte à ne pas nous y attacher, et à ne pas rester dans le péché, crainte que la mort nous y surprenne. Voyez, M.F., combien il est facile de prier sans cesse en faisant cela. Voilà, M.F., comme les saints priaient toujours.
Je dis que, le matin, un chrétien qui désire de sau-ver son âme doit, dès l'instant qu'il s'éveille, faire le signe de la croix, donner son cœur à Dieu, lui offrir toutes ses actions, se préparer à faire sa prière. Il ne faut jamais travailler avant de la faire ; mais la faire à genoux, après avoir pris de l'eau bénite, et la faire de-vant son crucifix. Ne perdons jamais de vue, M.F., que c'est le matin que le bon Dieu nous prépare toutes les grâces qui nous sont nécessaires pour passer sainte-ment la journée ; parce que le bon Dieu sait toutes les occasions que nous aurons de pécher, toutes les tenta-tions que le démon nous livrera pendant le jour ; et, si nous prions à genoux et comme il faut, il nous donne toutes les grâces dont nous avons besoin pour ne pas succomber. C'est pour cela que le démon fait tout ce qu'il peut pour nous les faire manquer ou pour nous les faire faire mal ; étant très convaincu, comme il l'avoua un jour par la bouche d'un possédé, que s'il peut avoir le premier moment de la journée, il est sûr d'avoir tout le reste. Qui de nous, M.F., pourrait entendre, sans pleurer de compassion, ces pauvres chrétiens qui osent vous dire qu'ils n'ont pas le temps de prier ! Vous n'avez pas le temps ! pauvres aveugles ; quelle est l'action la plus précieuse, ou de travailler à plaire à Dieu et à sauver votre âme, ou d'aller donner à manger à vos bêtes qui sont à l'écurie, ou bien d'appeler vos enfants ou vos domestiques pour les envoyer remuer la terre ou le fumier ? Mon Dieu, que l'homme est aveugle !... Vous n'avez pas le temps ! mais, dites-moi, ingrats, si le bon Dieu vous avait fait mourir cette nuit, auriez-vous tra-vaillé ? Si le bon Dieu vous avait envoyé trois ou quatre mois de maladie, auriez-vous travaillé ? Allez, miséra-bles, vous méritez que le bon Dieu vous abandonne à votre aveuglement, que vous périssiez. Nous trouvons que c'est trop de lui donner quelques minutes pour le remercier des grâces qu'il nous accorde à chaque instant. – Vous voulez faire votre ouvrage, dites-vous. – Mais, mon ami, vous vous trompez grandement, vous n'avez pas d'autre ouvrage que de plaire à Dieu et de sauver votre âme, tout le reste n'est pas votre ouvrage : si vous ne le faites pas, d'autres le feront ; mais si vous perdez votre âme, qui la sauvera ? Allez, vous êtes un insensé, quand vous serez en enfer, vous apprendrez ce que vous eussiez dû faire ; mais ce que, malheureusement, vous n'avez pas fait.
Mais, me direz-vous, quels sont donc les avantages que nous recevons par la prière, que nous devons si souvent prier ? – M.F., les voici. La prière fait que nos croix sont moins pesantes, elle adoucit nos peines et nous sommes moins attachés à la vie, elle attire sur nous le regard de la miséricorde de Dieu, elle fortifie notre âme contre le péché, elle nous fait désirer la pénitence et nous la fait pratiquer avec plaisir, elle nous fait sentir et comprendre combien le péché outrage le bon Dieu. Disons mieux, M.F., par la prière nous plaisons à Dieu, nous enrichissons nos âmes, et nous nous assurons la vie éternelle. Dites-moi, M.F., en faut-il davantage pour nous porter à faire que notre vie ne soit qu'une prière continuelle par notre union avec Dieu ? Quand on aime quelqu'un, a-t-on besoin de le voir pour penser à lui ? Non, sans doute. De même, M.F., si nous aimons le bon Dieu, la prière nous sera aussi familière que la respiration. Cependant, M.F., je vous dirai que pour prier de manière qu'elle puisse nous attirer tous ces biens, il ne suffit pas d'y employer un instant à la hâte, c'est-à-dire, avec précipitation. Le bon Dieu veut que nous y passions un temps convenable, que nous ayons au moins le temps de lui demander les grâces qui nous sont nécessaires, de le remercier de ses bienfaits, et de gémir sur nos fautes passées en lui en demandant pardon.
Mais, me direz-vous, comment pouvons-nous donc prier sans cesse ? – M.F., rien de plus facile : c'est de nous occuper du bon Dieu, de temps en temps, pendant notre travail ; tantôt faisant un acte d'amour, pour lui témoigner que nous l'aimons, parce qu'il est bon et digne d'être aimé ; tantôt, un acte d'humilité, nous reconnaissant indignes des grâces dont il ne cesse de nous combler ; tantôt un acte de confiance, de ce que, quoique bien misérables, nous savons qu'il nous aime et qu'il veut nous rendre heureux. Ou bien, nous penserons à la mort et passion de Jésus-Christ, nous le verrons au jar-din des Olives, portant sa croix ; nous nous rappellerons son couronnement d'épines, son crucifiement ; ou, si vous voulez, son incarnation, sa naissance, sa fuite en Égypte ; ou bien encore, la pensée de la mort, du juge-ment, de l'enfer ou du ciel. Nous ferons quelques prière en l'honneur de notre saint ange gardien, et ne man-querons jamais de dire nos Benedicite, nos actions de grâces, nos Angelus, le Salut, Marie, quand l'heure sonne : ce qui nous fait ressouvenir de nos fins dernières, que bientôt nous ne serons plus sur la terre, et ce qui nous porte à ne pas nous y attacher, et à ne pas rester dans le péché, crainte que la mort nous y surprenne. Voyez, M.F., combien il est facile de prier sans cesse en faisant cela. Voilà, M.F., comme les saints priaient toujours.
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II. – Le deuxième motif qui doit nous porter à avoir recours à la prière, c'est que tout l'avantage tourne contre nous. Le bon Dieu veut notre bonheur, et il sait que ce n'est que par la prière que nous pouvons nous le procurer. D'ailleurs, M.F., quel plus grand honneur pour une vile créature comme nous, que Dieu veuille bien s'abaisser jusqu'à elle, en s'entretenant avec elle aussi familièrement qu'un ami avec son ami. Voyez quelle bonté de sa part en nous permettant de lui faire part de nos chagrins, de nos peines. Et ce bon Sauveur s'empresse de nous consoler, de nous soutenir dans les épreuves, ou, pour mieux dire, il souffre pour nous. Dites-moi, M.F., ne serait-ce pas vouloir renoncer à notre salut et à notre bonheur sur la terre que de ne pas prier ? puisque, sans la prière, nous ne pouvons être que malheureux, et qu'avec la prière nous sommes sûrs de tout obtenir ce qui nous est nécessaire pour le temps et pour l'éternité, comme nous allons le voir.
Je dis 1° M.F., que tout est promis à la prière, et 2° que la prière obtient tout quand elle est bien faite : c'est une vérité que Jésus-Christ nous répète presque à chaque page de la sainte Écriture. La promesse que Jésus-Christ nous en fait est formelle : « Deman-dez, nous dit-il, et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez, l'on vous ouvrira. Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, vous l'obtiendrez, si vous le faites avec foi. » Jésus-Christ ne se contente pas de nous dire que la prière bien faite obtient tout. Pour mieux encore nous en convaincre, il nous l'assure avec serment : « En vérité, en vérité je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera. » D'après les paroles de Jésus-Christ même, il me semble, M.F., qu'il serait impossible de douter du pouvoir de la prière. D'ailleurs, M.F., d'où pourrait venir notre défiance ? Serait-ce de notre indi-gnité ? Mais, le bon Dieu sait bien que nous sommes pécheurs et coupables, et que nous comptons en tout sur sa bonté qui est infinie, et que c'est en son nom que nous prions. Et notre indignité n'est-elle pas couverte, et comme cachée par ses mérites ? Est-ce parce que nos péchés sont trop affreux ou trop nombreux ? Mais, ne lui est-il pas aussi facile de nous pardonner mille péchés qu'un seul ? N'est-ce pas principalement pour les pé-cheurs qu'il a donné sa vie ? Écoutez ce que nous dit le saint Roi-Prophète : « A-t-on jamais vu quelqu'un qui ait prié le Seigneur, et dont la prière n'ait pas été exaucée ? » « Oui, nous dit-il, tous ceux qui invoquent le Seigneur, et qui ont recours à lui, ont éprouvé les effets de sa miséricorde. ».
Voyons cela par des exemples, ce qui vous sera plus sensible. Voyez Adam après son péché demander misé-ricorde. Non seulement le Seigneur lui pardonne, mais encore à tous ses descendants ; il lui promet son Fils, qui devait s'incarner, souffrir et mourir pour réparer son péché. Voyez les Ninivites qui étaient si coupables, puisque le Seigneur leur envoie son prophète Jonas, pour les avertir qu'il allait les faire périr de la manière la plus épouvantable : c'est-à-dire, par le feu du ciel . Tous se livrent à la prière, et le Seigneur leur accorde à tous leur pardon. Lors même que le bon Dieu était prêt à faire périr l'univers par un déluge universel, si ces pécheurs avaient eu recours à la prière, ils auraient été sûrs que le Seigneur les aurait pardonnés. Si vous allez plus loin, voyez Moïse sur la montagne, pendant que Josué combat les ennemis du peuple de Dieu. Tant que Moïse prie, les Israélites sont victorieux ; et aussitôt qu'il cesse de prier, ils sont vaincus. Voyez encore ce même Moïse qui va demander au Seigneur le pardon de trente mille coupables que le Seigneur avait résolu de faire périr : par ses prières, il força pour ainsi dire le Seigneur à les pardonner. « Non, Moïse, lui dit le Seigneur, ne demande pas grâce pour ce peuple, je ne veux pas le pardonner. » Moïse continue, et le Seigneur est vaincu par les prières de son serviteur, et les pardonne. Que fait Judith, M.F., pour délivrer sa patrie de son redoutable ennemi ? Elle se met en prière, et, pleine de confiance en celui qu'elle vient de prier, elle va chez Holopherne, lui tranche la tête et sauve sa patrie. Voyez le pieux roi Ézéchias, à qui le Seigneur envoie son prophète pour lui dire de mettre ordre à ses affaires parce qu'il va mourir. Il se prosterne devant le Seigneur, en le priant de ne pas l'ôter encore de ce monde. Le Seigneur, touché de sa prière, lui donne encore quinze ans de vie. Si vous passez plus loin, voyez le publicain qui, se reconnaissant coupable, va dans le temple prier le Seigneur de le par-donner. Jésus-Christ nous dit lui-même que ses péchés lui sont pardonnés. Voyez la pécheresse qui, prosternée aux pieds de Jésus-Christ, le prie avec larmes. Jésus--Christ ne lui dit-il pas : « Vos péchés vous sont par-donnés ? » Le bon larron prie sur la croix, quoique tout couvert des crimes les plus énormes : non seulement Jésus-Christ le pardonne ; mais, bien plus, lui promet qu'au même jour, il sera dans le ciel avec lui. Oui, M.F., s'il vous fallait citer tous ceux qui ont obtenu leur par-don par la prière, il faudrait vous citer tous les saints qui ont été pécheurs ; puisque ce n'est que par la prière qu'ils ont eu le bonheur de se réconcilier avec le bon Dieu, qui se laissa toucher par leurs prières.
Je dis 1° M.F., que tout est promis à la prière, et 2° que la prière obtient tout quand elle est bien faite : c'est une vérité que Jésus-Christ nous répète presque à chaque page de la sainte Écriture. La promesse que Jésus-Christ nous en fait est formelle : « Deman-dez, nous dit-il, et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez, l'on vous ouvrira. Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, vous l'obtiendrez, si vous le faites avec foi. » Jésus-Christ ne se contente pas de nous dire que la prière bien faite obtient tout. Pour mieux encore nous en convaincre, il nous l'assure avec serment : « En vérité, en vérité je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l'accordera. » D'après les paroles de Jésus-Christ même, il me semble, M.F., qu'il serait impossible de douter du pouvoir de la prière. D'ailleurs, M.F., d'où pourrait venir notre défiance ? Serait-ce de notre indi-gnité ? Mais, le bon Dieu sait bien que nous sommes pécheurs et coupables, et que nous comptons en tout sur sa bonté qui est infinie, et que c'est en son nom que nous prions. Et notre indignité n'est-elle pas couverte, et comme cachée par ses mérites ? Est-ce parce que nos péchés sont trop affreux ou trop nombreux ? Mais, ne lui est-il pas aussi facile de nous pardonner mille péchés qu'un seul ? N'est-ce pas principalement pour les pé-cheurs qu'il a donné sa vie ? Écoutez ce que nous dit le saint Roi-Prophète : « A-t-on jamais vu quelqu'un qui ait prié le Seigneur, et dont la prière n'ait pas été exaucée ? » « Oui, nous dit-il, tous ceux qui invoquent le Seigneur, et qui ont recours à lui, ont éprouvé les effets de sa miséricorde. ».
Voyons cela par des exemples, ce qui vous sera plus sensible. Voyez Adam après son péché demander misé-ricorde. Non seulement le Seigneur lui pardonne, mais encore à tous ses descendants ; il lui promet son Fils, qui devait s'incarner, souffrir et mourir pour réparer son péché. Voyez les Ninivites qui étaient si coupables, puisque le Seigneur leur envoie son prophète Jonas, pour les avertir qu'il allait les faire périr de la manière la plus épouvantable : c'est-à-dire, par le feu du ciel . Tous se livrent à la prière, et le Seigneur leur accorde à tous leur pardon. Lors même que le bon Dieu était prêt à faire périr l'univers par un déluge universel, si ces pécheurs avaient eu recours à la prière, ils auraient été sûrs que le Seigneur les aurait pardonnés. Si vous allez plus loin, voyez Moïse sur la montagne, pendant que Josué combat les ennemis du peuple de Dieu. Tant que Moïse prie, les Israélites sont victorieux ; et aussitôt qu'il cesse de prier, ils sont vaincus. Voyez encore ce même Moïse qui va demander au Seigneur le pardon de trente mille coupables que le Seigneur avait résolu de faire périr : par ses prières, il força pour ainsi dire le Seigneur à les pardonner. « Non, Moïse, lui dit le Seigneur, ne demande pas grâce pour ce peuple, je ne veux pas le pardonner. » Moïse continue, et le Seigneur est vaincu par les prières de son serviteur, et les pardonne. Que fait Judith, M.F., pour délivrer sa patrie de son redoutable ennemi ? Elle se met en prière, et, pleine de confiance en celui qu'elle vient de prier, elle va chez Holopherne, lui tranche la tête et sauve sa patrie. Voyez le pieux roi Ézéchias, à qui le Seigneur envoie son prophète pour lui dire de mettre ordre à ses affaires parce qu'il va mourir. Il se prosterne devant le Seigneur, en le priant de ne pas l'ôter encore de ce monde. Le Seigneur, touché de sa prière, lui donne encore quinze ans de vie. Si vous passez plus loin, voyez le publicain qui, se reconnaissant coupable, va dans le temple prier le Seigneur de le par-donner. Jésus-Christ nous dit lui-même que ses péchés lui sont pardonnés. Voyez la pécheresse qui, prosternée aux pieds de Jésus-Christ, le prie avec larmes. Jésus--Christ ne lui dit-il pas : « Vos péchés vous sont par-donnés ? » Le bon larron prie sur la croix, quoique tout couvert des crimes les plus énormes : non seulement Jésus-Christ le pardonne ; mais, bien plus, lui promet qu'au même jour, il sera dans le ciel avec lui. Oui, M.F., s'il vous fallait citer tous ceux qui ont obtenu leur par-don par la prière, il faudrait vous citer tous les saints qui ont été pécheurs ; puisque ce n'est que par la prière qu'ils ont eu le bonheur de se réconcilier avec le bon Dieu, qui se laissa toucher par leurs prières.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
III. – Mais peut-être pensez-vous : D'où peut donc venir que, malgré tant de prières, nous sommes toujours pécheurs et pas meilleurs une fois que l'autre ? – Mon ami, notre malheur vient de ce que nous ne prions pas comme il faut, c'est-à-dire que nous prions sans pré-paration et sans désir de nous convertir, souvent même sans savoir ce que nous voulons demander au bon Dieu. Rien de si sûr, M.F., que cela, puisque tous les pécheurs qui ont demandé au bon Dieu leur conversion l'ont obtenue, et que tous les justes qui ont demandé à Dieu la persévérance ont persévéré. – Mais peut-être me direz-vous : L'on est trop tenté. – Vous êtes trop tenté, mon ami ? Vous pouvez prier et vous êtes sûr que la prière vous donnera la force de résister à la tenta-tion. Vous avez besoin de grâce ? Eh bien ! la prière vous l'obtiendra. Si vous en doutez, écoutez ce que nous dit saint Jacques, qu'avec la prière nous domi-nons sur le monde, sur le démon et sur nos penchants. Oui, M.F., dans quelques peines que nous soyons, si nous prions, nous aurons le bonheur de les supporter avec résignation à la volonté de Dieu ; et quelque vio-lentes que soient nos tentations, si nous avons recours à la prière, nous les surmonterons. Mais que fait le pécheur ? Le voici. II est très persuadé que la prière lui est absolument nécessaire pour éviter le mal et pour faire le bien, et pour sortir du péché quand il a le malheur d'y être tombé ; mais comprenez, si vous le pouvez, son aveuglement ; il ne fait presque point de prière ou il la fait mal. Cela n'est-il pas vrai, M.F. ? Voyez la manière dont un pécheur fait sa prière, sup-posé même qu'il en fasse, car la plupart des pécheurs n'en font point ; hélas ! on les voit se lever et se cou-cher comme des bêtes. Mais examinons ce pécheur faisant sa prière : voyez-le se couchant sur une chaise ou contre son lit, la faisant en s'habillant ou se désha-billant, en allant ou en criant, et peut-être même en jurant après ses domestiques ou ses enfants. Quelle préparation y apporte-t-il ? Hélas ! point du tout. Sou-vent et la plupart du temps, ces hommes ont fini leur prétendue prière, non seulement sans savoir ce qu'ils ont dit, mais encore sans penser devant qui ils étaient et ce qu'ils venaient faire et demander. Voyez-les dans la maison du bon Dieu, cela ne vous ferait-il pas mou-rir de compassion ? Pensent-ils qu'ils sont en la sainte présence de Dieu ? Non, sans doute : ils regardent qui entre et qui sort, ils parlent à l'un et à l'autre, ils bâil-lent, ils dorment, ils s'ennuient, peut-être même sont--ils en colère de ce que les offices sont, selon eux, trop longs. Ils ont de la dévotion en prenant l'eau bénite à peu près comme quand ils en prennent dans le seau pour boire. A peine mettent-ils les deux genoux par terre, il leur semble que c'est beaucoup que de courber un petit peu la tête pendant la Consécration ou la Bénédiction. Vous les voyez promener leurs regards dans l'église, peut-être même sur des objets qui peuvent les porter au mal ; ils ne sont pas même entrés, qu'ils voudraient déjà être dehors. Quand ils sortent, vous les entendez crier comme des personnes que l'on tire d'une prison pour les mettre en liberté. Eh bien ! M.F., voilà le besoin du pécheur : vous voyez qu'il est bien grand. D'après cela, devons-nous nous étonner si un pécheur reste toujours dans son péché, et de plus, s'il y per-sévère ?
Nous avons dit, en troisième lieu, que les avantages de la prière sont attachés à la manière dont nous nous acquittons de ce devoir, comme vous allez le voir. 1° Pour qu'une prière soit agréable à Dieu et avanta-geuse à celui qui la fait, il faut être en état de grâce ou du moins dans une bonne résolution de sortir du péché promptement, parce que la prière d'un pécheur qui ne veut pas sortir du péché est une insulte qu'il fait à Dieu ; 2° Pour qu'une prière soit bonne, il faut nous y être préparé. Toute prière qui est faite sans préparation est une prière mal faite, et cette préparation c'est, au moins, de s'occuper un instant du bon Dieu avant de se mettre à genoux, pensant à qui vous allez parler, ce que vous allez lui demander. Hélas ! que le nombre de ceux qui s'y préparent est petit, et par conséquent qu'il y en a peu qui prient comme il faut, c'est-à-dire de manière à être exaucés ? D'ailleurs, M.F., que voulez--vous que le bon Dieu vous accorde, puisque vous ne voulez rien et ne désirez rien ! Disons encore mieux c'est un pauvre qui ne veut pas d'aumône, c'est un malade qui ne veut pas de guérison, c'est un aveugle qui veut rester dans son aveuglement ; enfin, c'est un damné qui ne veut point de ciel et qui consent d'aller en enfer.
En deuxième lieu, nous avons dit que la prière est l'élévation de notre cœur vers Dieu, c'est un doux et heureux entretien d'une créature avec son Dieu. Ce n'est donc pas, M.F., prier le bon Dieu comme il faut, lorsque nous pensons à autre chose pendant que nous prions. Aussitôt que nous nous apercevons que notre esprit s'égare, il faut vite revenir en la présence du bon Dieu, nous en humilier devant lui, et ne jamais laisser nos prières parce que nous ne sentons point de plaisir à prier. Au contraire, plus nous avons de dégoût, plus notre prière est méritoire aux yeux de Dieu, si nous continuons toujours dans la pensée de plaire à Dieu. Il est rapporté dans l'histoire qu'un jour un saint disait à un autre saint : « Pourquoi est-ce que quand l'on prie le bon Dieu, notre esprit se remplit de mille pensées étran-gères, et que, bien souvent, si l'on n'était pas occupé à la prière, l'on n'y penserait pas. » L'autre lui répon-dit : « Mon ami, cela n'est pas étonnant : d'abord, le démon prévoit les grâces abondantes que nous pouvons obtenir par la prière, et par conséquent, il désespère de gagner une personne qui prie comme il faut ; ensuite, plus nous prions avec ferveur plus nous le rendons furieux ». Un autre à qui le démon apparut, lui de-manda pourquoi il était continuellement occupé à ten-ter les chrétiens ? Le démon lui répondit lui-même qu'il ne pouvait pas souffrir qu'un chrétien, qui tant de fois a péché, puisse encore obtenir son pardon, et que tant qu'il y aurait un chrétien sur la terre, il le tente-rait. Ensuite il lui demanda comment il les tentait. Le démon lui répondit, le voici : « Aux uns, je leur mets le doigt dans la bouche pour les faire bâiller ; les autres, je les endors ; et d'autres, je transporte leur esprit de ville en ville. » Hélas ! M.F., cela n'est que trop véritable ; nous éprouvons chaque jour ces choses, toutes les fois que nous sommes en la sainte présence de Dieu pour le prier.
Il est rapporté que le supérieur d'un monastère voyant un de ses religieux qui, avant de commencer ses prières, se donnait certain mouvement et semblait parler avec quelqu'un, lui demanda de quoi il s'occu-pait avant de commencer ses prières. « Mon père, lui dit-il, c'est qu'avant de commencer mes prières, j'ai la coutume d'appeler toutes mes pensées et mes désirs en leur disant : Venez tous et nous adorerons Jésus-Christ notre Dieu. » « Ah ! M.F., nous dit Cassien, qu'il faisait bon voir prier les premiers fidèles ! Ils avaient un si grand respect en la présence de Dieu, qu'il semblait qu'ils étaient morts, tant le silence était grand ; on les voyait dans l'église tout tremblants ; il n'y avait ni chaises ni bancs ; ils se tenaient prosternés comme des criminels qui attendent leur sentence. Mais aussi, M.F., que le ciel se peuplait vite et qu'il faisait bon vivre sur la terre ! Ah ! bonheur infini pour ceux qui ont vécu dans ces temps heureux ! »
3° Nous avons dit qu'il faut que nos prières soient faites avec confiance, et avec une espérance ferme que le bon Dieu peut et veut nous accorder ce que nous lui demandons, si nous le demandons comme il faut. Dans tous les endroits où Jésus-Christ nous promet de tout accorder à la prière, il met toujours cette condition « Si vous la faites avec foi. » Quand quelqu'un lui de-mandait sa guérison ou autre chose, il ne manquait jamais de leur dire : « Qu'il vous soit fait selon votre foi. » D'ailleurs, M.F., qui pourrait nous porter à dou-ter, puisque notre confiance est appuyée sur la toute -puissance de Dieu qui est infinie, et sur sa miséricorde qui est sans bornes, et sur les mérites infinis de Jésus--Christ au nom duquel nous prions. Quand nous prions au nom de Jésus-Christ, ce n'est pas nous qui prions, mais c'est Jésus-Christ lui-même qui prie son Père pour nous. L'Évangile nous donne un bel exemple de la foi que nous devons avoir en priant, dans la personne de cette femme qui était atteinte d'une perte de sang. Elle se disait en elle-même : « Si je peux seulement toucher le bord de son manteau, je suis sûre d'être guérie. » Vous voyez qu'elle croyait fermement que Jésus-Christ pouvait la guérir ; elle attendait avec une grande con-fiance une guérison qu'elle désirait ardemment. En effet, le Sauveur passant près d'elle, elle se jette aux pieds de Jésus-Christ, lui touche son manteau, et aussi-tôt elle est guérie. Jésus-Christ, voyant sa foi, la regarde avec bonté, en lui disant : « Allez, votre foi vous a sauvée. » Oui, M.F., c'est à cette foi et à cette confiance que tout est promis.
4° Nous disons que quand nous prions, il faut avoir des intentions bien pures dans tout ce que nous de-mandons, et ne rien demander que ce qui peut contri-buer à la gloire de Dieu et à notre salut. « Vous pouvez, nous dit saint Augustin, demander des choses tempo-relles ; mais toujours dans la pensée que vous vous en servirez pour la gloire de Dieu et le salut de votre âme, ou pour celui de votre prochain ; autrement, vos de-mandes ne sont formées que par l'orgueil et l'ambition ; et si, dans ce cas, le bon Dieu refuse de vous accorder ce que vous lui demandez, c'est qu'il ne veut pas contri-buer à votre perte. Mais que faisons-nous dans nos prières, nous dit encore saint Augustin ? Hélas ! nous demandons une chose, et nous en désirons une autre. En récitant notre Pater, nous disons : « Notre Père, qui êtes aux cieux ; c'est-à-dire : Mon Dieu, détachez-nous de ce monde ; faites-nous la grâce de mépriser toutes les choses qui ne sont que pour la vie présente ; faites--moi la grâce que toutes mes pensées et tous mes désirs soient pour le ciel ! » Hélas ! nous serions bien fâchés si le bon Dieu nous faisait cette grâce ; du moins, un grand nombre .
Nous avons dit, en troisième lieu, que les avantages de la prière sont attachés à la manière dont nous nous acquittons de ce devoir, comme vous allez le voir. 1° Pour qu'une prière soit agréable à Dieu et avanta-geuse à celui qui la fait, il faut être en état de grâce ou du moins dans une bonne résolution de sortir du péché promptement, parce que la prière d'un pécheur qui ne veut pas sortir du péché est une insulte qu'il fait à Dieu ; 2° Pour qu'une prière soit bonne, il faut nous y être préparé. Toute prière qui est faite sans préparation est une prière mal faite, et cette préparation c'est, au moins, de s'occuper un instant du bon Dieu avant de se mettre à genoux, pensant à qui vous allez parler, ce que vous allez lui demander. Hélas ! que le nombre de ceux qui s'y préparent est petit, et par conséquent qu'il y en a peu qui prient comme il faut, c'est-à-dire de manière à être exaucés ? D'ailleurs, M.F., que voulez--vous que le bon Dieu vous accorde, puisque vous ne voulez rien et ne désirez rien ! Disons encore mieux c'est un pauvre qui ne veut pas d'aumône, c'est un malade qui ne veut pas de guérison, c'est un aveugle qui veut rester dans son aveuglement ; enfin, c'est un damné qui ne veut point de ciel et qui consent d'aller en enfer.
En deuxième lieu, nous avons dit que la prière est l'élévation de notre cœur vers Dieu, c'est un doux et heureux entretien d'une créature avec son Dieu. Ce n'est donc pas, M.F., prier le bon Dieu comme il faut, lorsque nous pensons à autre chose pendant que nous prions. Aussitôt que nous nous apercevons que notre esprit s'égare, il faut vite revenir en la présence du bon Dieu, nous en humilier devant lui, et ne jamais laisser nos prières parce que nous ne sentons point de plaisir à prier. Au contraire, plus nous avons de dégoût, plus notre prière est méritoire aux yeux de Dieu, si nous continuons toujours dans la pensée de plaire à Dieu. Il est rapporté dans l'histoire qu'un jour un saint disait à un autre saint : « Pourquoi est-ce que quand l'on prie le bon Dieu, notre esprit se remplit de mille pensées étran-gères, et que, bien souvent, si l'on n'était pas occupé à la prière, l'on n'y penserait pas. » L'autre lui répon-dit : « Mon ami, cela n'est pas étonnant : d'abord, le démon prévoit les grâces abondantes que nous pouvons obtenir par la prière, et par conséquent, il désespère de gagner une personne qui prie comme il faut ; ensuite, plus nous prions avec ferveur plus nous le rendons furieux ». Un autre à qui le démon apparut, lui de-manda pourquoi il était continuellement occupé à ten-ter les chrétiens ? Le démon lui répondit lui-même qu'il ne pouvait pas souffrir qu'un chrétien, qui tant de fois a péché, puisse encore obtenir son pardon, et que tant qu'il y aurait un chrétien sur la terre, il le tente-rait. Ensuite il lui demanda comment il les tentait. Le démon lui répondit, le voici : « Aux uns, je leur mets le doigt dans la bouche pour les faire bâiller ; les autres, je les endors ; et d'autres, je transporte leur esprit de ville en ville. » Hélas ! M.F., cela n'est que trop véritable ; nous éprouvons chaque jour ces choses, toutes les fois que nous sommes en la sainte présence de Dieu pour le prier.
Il est rapporté que le supérieur d'un monastère voyant un de ses religieux qui, avant de commencer ses prières, se donnait certain mouvement et semblait parler avec quelqu'un, lui demanda de quoi il s'occu-pait avant de commencer ses prières. « Mon père, lui dit-il, c'est qu'avant de commencer mes prières, j'ai la coutume d'appeler toutes mes pensées et mes désirs en leur disant : Venez tous et nous adorerons Jésus-Christ notre Dieu. » « Ah ! M.F., nous dit Cassien, qu'il faisait bon voir prier les premiers fidèles ! Ils avaient un si grand respect en la présence de Dieu, qu'il semblait qu'ils étaient morts, tant le silence était grand ; on les voyait dans l'église tout tremblants ; il n'y avait ni chaises ni bancs ; ils se tenaient prosternés comme des criminels qui attendent leur sentence. Mais aussi, M.F., que le ciel se peuplait vite et qu'il faisait bon vivre sur la terre ! Ah ! bonheur infini pour ceux qui ont vécu dans ces temps heureux ! »
3° Nous avons dit qu'il faut que nos prières soient faites avec confiance, et avec une espérance ferme que le bon Dieu peut et veut nous accorder ce que nous lui demandons, si nous le demandons comme il faut. Dans tous les endroits où Jésus-Christ nous promet de tout accorder à la prière, il met toujours cette condition « Si vous la faites avec foi. » Quand quelqu'un lui de-mandait sa guérison ou autre chose, il ne manquait jamais de leur dire : « Qu'il vous soit fait selon votre foi. » D'ailleurs, M.F., qui pourrait nous porter à dou-ter, puisque notre confiance est appuyée sur la toute -puissance de Dieu qui est infinie, et sur sa miséricorde qui est sans bornes, et sur les mérites infinis de Jésus--Christ au nom duquel nous prions. Quand nous prions au nom de Jésus-Christ, ce n'est pas nous qui prions, mais c'est Jésus-Christ lui-même qui prie son Père pour nous. L'Évangile nous donne un bel exemple de la foi que nous devons avoir en priant, dans la personne de cette femme qui était atteinte d'une perte de sang. Elle se disait en elle-même : « Si je peux seulement toucher le bord de son manteau, je suis sûre d'être guérie. » Vous voyez qu'elle croyait fermement que Jésus-Christ pouvait la guérir ; elle attendait avec une grande con-fiance une guérison qu'elle désirait ardemment. En effet, le Sauveur passant près d'elle, elle se jette aux pieds de Jésus-Christ, lui touche son manteau, et aussi-tôt elle est guérie. Jésus-Christ, voyant sa foi, la regarde avec bonté, en lui disant : « Allez, votre foi vous a sauvée. » Oui, M.F., c'est à cette foi et à cette confiance que tout est promis.
4° Nous disons que quand nous prions, il faut avoir des intentions bien pures dans tout ce que nous de-mandons, et ne rien demander que ce qui peut contri-buer à la gloire de Dieu et à notre salut. « Vous pouvez, nous dit saint Augustin, demander des choses tempo-relles ; mais toujours dans la pensée que vous vous en servirez pour la gloire de Dieu et le salut de votre âme, ou pour celui de votre prochain ; autrement, vos de-mandes ne sont formées que par l'orgueil et l'ambition ; et si, dans ce cas, le bon Dieu refuse de vous accorder ce que vous lui demandez, c'est qu'il ne veut pas contri-buer à votre perte. Mais que faisons-nous dans nos prières, nous dit encore saint Augustin ? Hélas ! nous demandons une chose, et nous en désirons une autre. En récitant notre Pater, nous disons : « Notre Père, qui êtes aux cieux ; c'est-à-dire : Mon Dieu, détachez-nous de ce monde ; faites-nous la grâce de mépriser toutes les choses qui ne sont que pour la vie présente ; faites--moi la grâce que toutes mes pensées et tous mes désirs soient pour le ciel ! » Hélas ! nous serions bien fâchés si le bon Dieu nous faisait cette grâce ; du moins, un grand nombre .
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Nous devons souvent prier, M.F., mais nous devons redoubler nos prières dans les épreuves et les tentations. En voici un bel exemple. Nous lisons dans l'histoire que, du temps de l'empereur Licinius, l'on voulut que tous les soldats fissent des sacrifices au démon. Dans le nom-bre il y en eut quarante qui refusèrent, en disant que les sacrifices n'étaient dus qu'à Dieu seul, et non au démon. On leur fit toutes sortes de promesses. Voyant que rien ne pouvait les vaincre, ils furent condamnés après bien des tourments à être jetés nus dans un étang d'eau glacée, pendant une nuit, dans les rigueurs de l'hiver, afin de les faire mourir par la rigueur du froid. Les saints martyrs, se voyant ainsi condamnés, se dirent les uns aux autres : « Mes amis, que nous reste-t-il à présent, sinon de nous jeter entre les mains du Dieu tout-puissant, de qui seul nous devons attendre la force et la victoire ? Ayons recours à la prière, et prions sans cesse pour attirer sur nous les grâces du Ciel ; deman-dons à Dieu que tous les quarante nous ayons le bonheur de persévérer. » Mais pour les tenter, l'on mit près de là un bain chaud. Malheureusement, un d'entre eux perdant courage, quitte le combat, et va se mettre dans le bain chaud ; mais en y entrant il perdit la vie. Celui qui les gardait voyant trente-neuf couronnes des-cendre du ciel, une seule restait. « Ah ! s'écria-t-il, c'est ce malheureux qui a quitté les autres !... » Il se met à sa place, reçoit la quarantième et est baptisé dans son sang. Le lendemain, comme ils respiraient encore, le gouverneur ordonna qu'ils fussent jetés dans le feu. Les ayant mis sur un chariot, excepté le plus jeune qu'on espérait encore pouvoir gagner ; sa mère qui en fut témoin, s'écria : « Ah ! mon fils, courage ! un moment de souffrance te vaudra une éternité de bonheur. » Et prenant elle-même son fils, elle le porte sur le chariot avec les autres ; pleine de joie, elle le conduit, comme en triomphe, à la gloire du martyre. Ils ne cessèrent de prier pendant tout le temps de leur martyre, tant ils étaient persuadés que la prière est le moyen le plus puis-sant pour attirer sur nous les secours du Ciel. Nous voyons que saint Augustin, après sa conversion, se retira pendant longtemps dans un petit désert, pour demander au bon Dieu la grâce de persévérer dans ses bonnes résolutions. Étant évêque, une bonne partie de ses nuits était occu-pée à la prière. Saint Vincent Ferrier, qui a tant converti d'âmes, disait que rien n'était si puissant pour convertir les pécheurs que la prière ; qu'elle était semblable à un dard qui perce le cœur du pécheur.
Oui, M.F., nous pouvons dire que la prière fait tout ; c'est elle qui nous fait connaître nos devoirs, c'est elle qui nous fait connaître l'état misérable de notre âme après le péché, c'est elle qui y met les dispositions qui nous sont nécessaires pour recevoir les sacrements ; c'est elle qui nous fait comprendre combien la vie et les biens de ce monde sont peu de chose, ce qui nous porte à ne pas nous y attacher ; c'est elle qui imprime vivement la crainte salutaire de la mort, du jugement, de l'enfer et de la perte du ciel. Ah ! M.F., si nous avions le bonheur de prier comme il faut, que nous serions bientôt de saints pénitents ! Nous voyons que saint Hugues, évêque de Grenoble, dans sa maladie, ne pouvait se contenter de dire le « Notre Père. » On lui dit que cela pourrait contribuer à augmenter sa maladie. « Ah ! non, leur répondit-il, au contraire, cela soulage. »
Nous avons dit, M.F., que la troisième condition afin que notre prière soit bien agréable à Dieu, est la persé-vérance. Nous voyons souvent que le bon Dieu ne nous accorde pas toujours de suite ce que nous lui deman-dons ; c'est pour nous le faire désirer davantage, ou pour nous le faire mieux apprécier. Ce retard n'est pas un refus, mais une épreuve, qui nous dispose à recevoir avec plus d'abondance ce que nous demandons. Voyez saint Augustin qui, pendant cinq ans, demande au bon Dieu la grâce de sa conversion. Voyez sainte Marie Égyptienne qui, pendant dix-neuf ans, demanda au bon Dieu la grâce de la délivrer des sales pensées. Mais qu'ont fait les saints ? Le voici. Ils ont toujours persévéré à demander, et par leur persévérance, ils ont toujours obtenu ce qu'ils ont demandé au bon Dieu. Pour nous, quoique tout couverts de péchés, si le bon Dieu ne nous accorde pas de suite ce que nous lui demandons, nous pensons que le bon Dieu ne veut pas nous accorder ce que nous lui demandons, et de suite, nous laissons la prière. Non, M.F., ce n'est pas là la conduite qu'ont tenue les saints en persévérance : ils ont toujours pensé qu'ils étaient indignes d'être exaucés, et que, si Dieu le leur accordait, il n'écoutait que sa miséricorde et non leur mérite. Je dis donc que quand nous prions, quoi-qu'il semble que le bon Dieu n'écoute pas nos prières, il ne faut pas se lasser de prier ; mais toujours continuer. Si le bon Dieu ne nous accorde pas ce que nous lui demandons, il nous accorde une autre grâce qui nous est plus avantageuse que celle que nous demandons. Nous avons un exemple de la manière dont nous devons persévérer dans la prière, en la personne de cette femme chananéenne, qui s'adresse à Jésus-Christ pour lui demander la guérison de sa fille. Voyez son humi-lité et sa persévérance, etc... Voici un autre exemple admirable de la puissance de la prière. Nous lisons dans l'histoire des Pères du désert, que les catholiques étant allés trouver un saint dont la réputation s'étendait bien au loin, pour le prier de venir confondre un certain hérétique, dont les discours séduisaient beaucoup de monde, ce saint s'étant mis en dispute avec ce mal-heureux, sans pouvoir le porter à convenir qu'il avait tort, et qu'il était un malheureux qui semblait n'être né que pour perdre les âmes ; voyant toujours que, par ses détours, il voulait faire croire qu'il n'avait pas tort ; le saint lui dit : « Malheureux, le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en œuvres ; allons tous les deux, et avec tout ce monde qui seront autant de témoins, allons au cimetière ; nous invoquerons le bon Dieu sur le premier mort que nous trouverons, et nos œuvres feront voir notre foi. » Cet hérétique fut tout interdit de cette proposition, il n'osa se rendre à l'invi-tation : il demanda au saint d'attendre jusqu'au lende-main ; le saint y consentit. Le lendemain, le peuple qui désirait avec empressement de savoir à quoi cela abou-tirait, se rendit en foule au cimetière. L'on attendit jusqu'à trois heures du soir ; mais on annonça au saint que son adversaire avait pris la fuite pendant la nuit et s'était retiré en Égypte. Alors saint Macaire conduisit tout ce peuple qui attendait le résultat de leur confé-rence, et surtout ceux que ce malheureux avait trompés, il les mena au cimetière. S'étant arrêté sur un tombeau, là, en leur présence, il se mit à genoux, pria quelque temps, et s'adressant au plus ancien cadavre qui fût enterré dans ce lieu, lui dit : « O homme ! écoute-moi : si cet hérétique fût venu ici avec moi, et que, devant lui, j'eusse invoqué le nom de Jésus-Christ mon Sau-veur, ne te serais-tu pas levé pour rendre témoignage à la vérité de ma foi ? » A ces mots, le mort se lève et en présence de tout le monde, dit qu'il l'aurait de suite fait comme il faisait maintenant. Saint Macaire lui dit « Qui es-tu ? et en quel âge du monde as-tu vécu ? As-tu connaissance de Jésus-Christ ? » Le mort ressuscité lui répondit qu'il avait vécu du temps des plus anciens rois ; mais qu'il n'avait jamais entendu nommer le nom de Jésus-Christ. Alors saint Macaire, voyant que tout le monde était bien convaincu que ce malheureux héré-tique était un trompeur, dit au mort : « Dors en paix jusqu'à la résurrection générale. » Et tout le monde se retira en louant Dieu, qui avait si bien fait connaître la vérité de notre sainte religion. Pour saint Macaire, il retourna dans son désert pour y continuer à faire péni-tence .
Voyez-vous, M.F., la puissance de la prière quand elle est bien faite ? Ne conviendrez-vous pas avec moi que si nous n'obtenons pas ce que nous demandons au bon Dieu, c'est que nous ne prions pas avec foi, avec un cœur assez pur, avec une confiance assez grande, ou que nous ne persévérons pas assez dans la prière ? Non, M.F., jamais Dieu n'a refusé et ne refusera rien à tous ceux qui lui demandent quelque grâce comme il faut. Oui, M.F., c'est la seule ressource qui nous reste pour sortir du péché, pour persévérer dans la grâce, pour toucher le cœur de Dieu, et pour nous attirer tou-tes sortes de bénédictions du ciel, soit pour l'âme, soit même pour les choses temporelles.
De là, je conclus que si nous restons dans le péché, si nous ne nous convertissons pas, si nous nous trou-vons si malheureux dans les peines que le bon Dieu nous envoie, c'est que nous ne prions pas ou que nous prions mal. Sans la prière, nous ne pouvons pas fré-quenter dignement les sacrements ; sans la prière, vous ne connaîtrez jamais l'état où le bon Dieu vous appelle. Sans la prière, nous ne pouvons qu'aller en enfer. Sans la prière, jamais nous ne goûterons les douceurs que nous pouvons goûter en aimant Dieu. Sans la prière, toutes nos croix sont sans mérite. Oh ! que de plaisirs, M.F., nous aurions en priant, si nous avions le bonheur de savoir prier comme il faut ! Ne prions donc jamais sans bien penser à qui nous parlons et à ce que nous voulons demander au bon Dieu. Prions surtout, M.F., avec humilité et confiance, et par là, nous aurons le bonheur d'obtenir tout ce que nous désirons, si nos demandes sont selon Dieu. Ce que je vous souhaite...
Oui, M.F., nous pouvons dire que la prière fait tout ; c'est elle qui nous fait connaître nos devoirs, c'est elle qui nous fait connaître l'état misérable de notre âme après le péché, c'est elle qui y met les dispositions qui nous sont nécessaires pour recevoir les sacrements ; c'est elle qui nous fait comprendre combien la vie et les biens de ce monde sont peu de chose, ce qui nous porte à ne pas nous y attacher ; c'est elle qui imprime vivement la crainte salutaire de la mort, du jugement, de l'enfer et de la perte du ciel. Ah ! M.F., si nous avions le bonheur de prier comme il faut, que nous serions bientôt de saints pénitents ! Nous voyons que saint Hugues, évêque de Grenoble, dans sa maladie, ne pouvait se contenter de dire le « Notre Père. » On lui dit que cela pourrait contribuer à augmenter sa maladie. « Ah ! non, leur répondit-il, au contraire, cela soulage. »
Nous avons dit, M.F., que la troisième condition afin que notre prière soit bien agréable à Dieu, est la persé-vérance. Nous voyons souvent que le bon Dieu ne nous accorde pas toujours de suite ce que nous lui deman-dons ; c'est pour nous le faire désirer davantage, ou pour nous le faire mieux apprécier. Ce retard n'est pas un refus, mais une épreuve, qui nous dispose à recevoir avec plus d'abondance ce que nous demandons. Voyez saint Augustin qui, pendant cinq ans, demande au bon Dieu la grâce de sa conversion. Voyez sainte Marie Égyptienne qui, pendant dix-neuf ans, demanda au bon Dieu la grâce de la délivrer des sales pensées. Mais qu'ont fait les saints ? Le voici. Ils ont toujours persévéré à demander, et par leur persévérance, ils ont toujours obtenu ce qu'ils ont demandé au bon Dieu. Pour nous, quoique tout couverts de péchés, si le bon Dieu ne nous accorde pas de suite ce que nous lui demandons, nous pensons que le bon Dieu ne veut pas nous accorder ce que nous lui demandons, et de suite, nous laissons la prière. Non, M.F., ce n'est pas là la conduite qu'ont tenue les saints en persévérance : ils ont toujours pensé qu'ils étaient indignes d'être exaucés, et que, si Dieu le leur accordait, il n'écoutait que sa miséricorde et non leur mérite. Je dis donc que quand nous prions, quoi-qu'il semble que le bon Dieu n'écoute pas nos prières, il ne faut pas se lasser de prier ; mais toujours continuer. Si le bon Dieu ne nous accorde pas ce que nous lui demandons, il nous accorde une autre grâce qui nous est plus avantageuse que celle que nous demandons. Nous avons un exemple de la manière dont nous devons persévérer dans la prière, en la personne de cette femme chananéenne, qui s'adresse à Jésus-Christ pour lui demander la guérison de sa fille. Voyez son humi-lité et sa persévérance, etc... Voici un autre exemple admirable de la puissance de la prière. Nous lisons dans l'histoire des Pères du désert, que les catholiques étant allés trouver un saint dont la réputation s'étendait bien au loin, pour le prier de venir confondre un certain hérétique, dont les discours séduisaient beaucoup de monde, ce saint s'étant mis en dispute avec ce mal-heureux, sans pouvoir le porter à convenir qu'il avait tort, et qu'il était un malheureux qui semblait n'être né que pour perdre les âmes ; voyant toujours que, par ses détours, il voulait faire croire qu'il n'avait pas tort ; le saint lui dit : « Malheureux, le royaume de Dieu ne consiste pas en paroles, mais en œuvres ; allons tous les deux, et avec tout ce monde qui seront autant de témoins, allons au cimetière ; nous invoquerons le bon Dieu sur le premier mort que nous trouverons, et nos œuvres feront voir notre foi. » Cet hérétique fut tout interdit de cette proposition, il n'osa se rendre à l'invi-tation : il demanda au saint d'attendre jusqu'au lende-main ; le saint y consentit. Le lendemain, le peuple qui désirait avec empressement de savoir à quoi cela abou-tirait, se rendit en foule au cimetière. L'on attendit jusqu'à trois heures du soir ; mais on annonça au saint que son adversaire avait pris la fuite pendant la nuit et s'était retiré en Égypte. Alors saint Macaire conduisit tout ce peuple qui attendait le résultat de leur confé-rence, et surtout ceux que ce malheureux avait trompés, il les mena au cimetière. S'étant arrêté sur un tombeau, là, en leur présence, il se mit à genoux, pria quelque temps, et s'adressant au plus ancien cadavre qui fût enterré dans ce lieu, lui dit : « O homme ! écoute-moi : si cet hérétique fût venu ici avec moi, et que, devant lui, j'eusse invoqué le nom de Jésus-Christ mon Sau-veur, ne te serais-tu pas levé pour rendre témoignage à la vérité de ma foi ? » A ces mots, le mort se lève et en présence de tout le monde, dit qu'il l'aurait de suite fait comme il faisait maintenant. Saint Macaire lui dit « Qui es-tu ? et en quel âge du monde as-tu vécu ? As-tu connaissance de Jésus-Christ ? » Le mort ressuscité lui répondit qu'il avait vécu du temps des plus anciens rois ; mais qu'il n'avait jamais entendu nommer le nom de Jésus-Christ. Alors saint Macaire, voyant que tout le monde était bien convaincu que ce malheureux héré-tique était un trompeur, dit au mort : « Dors en paix jusqu'à la résurrection générale. » Et tout le monde se retira en louant Dieu, qui avait si bien fait connaître la vérité de notre sainte religion. Pour saint Macaire, il retourna dans son désert pour y continuer à faire péni-tence .
Voyez-vous, M.F., la puissance de la prière quand elle est bien faite ? Ne conviendrez-vous pas avec moi que si nous n'obtenons pas ce que nous demandons au bon Dieu, c'est que nous ne prions pas avec foi, avec un cœur assez pur, avec une confiance assez grande, ou que nous ne persévérons pas assez dans la prière ? Non, M.F., jamais Dieu n'a refusé et ne refusera rien à tous ceux qui lui demandent quelque grâce comme il faut. Oui, M.F., c'est la seule ressource qui nous reste pour sortir du péché, pour persévérer dans la grâce, pour toucher le cœur de Dieu, et pour nous attirer tou-tes sortes de bénédictions du ciel, soit pour l'âme, soit même pour les choses temporelles.
De là, je conclus que si nous restons dans le péché, si nous ne nous convertissons pas, si nous nous trou-vons si malheureux dans les peines que le bon Dieu nous envoie, c'est que nous ne prions pas ou que nous prions mal. Sans la prière, nous ne pouvons pas fré-quenter dignement les sacrements ; sans la prière, vous ne connaîtrez jamais l'état où le bon Dieu vous appelle. Sans la prière, nous ne pouvons qu'aller en enfer. Sans la prière, jamais nous ne goûterons les douceurs que nous pouvons goûter en aimant Dieu. Sans la prière, toutes nos croix sont sans mérite. Oh ! que de plaisirs, M.F., nous aurions en priant, si nous avions le bonheur de savoir prier comme il faut ! Ne prions donc jamais sans bien penser à qui nous parlons et à ce que nous voulons demander au bon Dieu. Prions surtout, M.F., avec humilité et confiance, et par là, nous aurons le bonheur d'obtenir tout ce que nous désirons, si nos demandes sont selon Dieu. Ce que je vous souhaite...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Sur les Rogations et
les Processions
L'Abstinence et les Quatre-Temps
Surrexit David et abiit, et universus populus... ut adducerent arcam Dei.
David s'en alla, accompagné de tout son peuple pour amener l'arche du Seigneur.
(II Liv. des Rois, VI, 2).
Pouvons-nous, M.F., trouver une cérémonie plus touchante que de voir le saint roi, accompagné de tous les prêtres et des lévites, qui étaient eux-mêmes suivis de tout le peuple, transportant l'arche sainte du taber-nacle de Silo dans le lieu qu'il lui avait préparé à Jérusalem. Les prêtres et les lévites exerçaient autour d'elle les fonctions de leur ministère, et chaque tribu marchait sous son étendard. Nous voyons en cela, c'est--à-dire en ce triomphe du peuple Juif conduisant l'arche, une figure bien naturelle du pieux concours des chré-tiens qui vont en processions d'un endroit à un autre, sous la conduite de leur pasteur, ayant à leur tête la croix et les bannières. Réunis ensemble, ils forment un petit corps d'armée redoutable au démon et puissant auprès de Dieu, pour le remercier de quelques grâces, ou pour lui en demander. Il est donc très nécessaire de vous faire comprendre pourquoi l'on a établi ces proces-sions et comment nous devons y assister. Nous dirons aussi un mot sur l'abstinence, qui est établie à peu près pour les mêmes motifs : c'est-à-dire, pour demander au bon Dieu de conserver les récoltes, de nous fournir les moyens de satisfaire à sa justice pour nos péchés, et, en même temps, nous préserver d'en commettre de nou-veaux. II est donc de votre intérêt de bien écouter cette instruction, qui vous apprendra les moyens de profiter de ces biens que l'Église nous présente.
I. – Je vous dirai d'abord, M.F., que la première et la plus ancienne loi que le bon Dieu ait imposée à l'homme est celle de l'abstinence. Dès qu'Adam eut été créé, et que le bon Dieu l'eut placé dans le paradis terrestre, en lui donnant la puissance sur toutes les créatures, il lui défendit, en même temps, de toucher au fruit d'un cer-tain arbre qu'il lui marqua. Si Adam avait été fidèle à cette loi, nous n'aurions pas eu besoin que l'Église nous imposât de nouvelles abstinences. Mais, par le péché, notre chair s'étant soulevée contre notre esprit, il a fallu nécessairement la dompter par le jeûne et l'abstinence. C'est pour cela que l'Église ordonne à ses enfants, outre les jeûnes de Carême, ceux des Vigiles et des Quatre--Temps, et l'abstinence du vendredi et du samedi. Voilà, M.F., la fin générale que l'Église se propose en ordon-nant l'abstinence et le jeûne en certains jours : c'est d'entretenir dans ses enfants l'esprit de pénitence, que Jésus-Christ n'a cessé de recommander lorsqu'il était sur la terre, et qui est comme l'abrégé de la divine morale. Oui, M.F., c'est en mortifiant nos corps que nous affaiblissons nos passions, que nous pouvons expier nos péchés passés, et que nous trouverons un remède pour nous préserver d'en commettre de nou-veaux. Puisque, M.F., nous avons tant de fautes à expier, il faut donc profiter des moyens si efficaces pour satisfaire à la justice de Dieu. Oui, M.F., nous avons tous des passions à dompter, et c'est précisément en retranchant tout ce qui peut nous flatter dans le goût, que nous pourrons les surmonter. L'Église, qui sait le besoin que nous en avons et notre répugnance à le faire, vient à notre secours, en nous en faisant un comman-dement, afin de déterminer plus efficacement notre volonté à nous y soumettre .
Mais, outre cette loi générale, elle a encore des vues particulières : elle nous ordonne aussi des jeûnes, les veilles de grandes fêtes, pour nous disposer, par la pénitence, à les célébrer avec plus de piété et en retirer plus de fruit. Comme l'Église a consacré le dimanche à la mémoire de la résurrection de Jésus-Christ, de même, elle a consacré le vendredi au souvenir de la mort et passion de Jésus-Christ. N'est-il pas juste que nous con-sacrions ce jour à la pénitence et à la mortification, puisque ce sont nos péchés qui ont attaché Jésus-Christ à la croix ? N'est-il pas juste que nous prenions part à ses souffrances, si nous voulons avoir part à la grâce de la rédemption ? C'est pour cela, M.F., que, dans les premiers siècles de l'Église, tous les vendredis étaient des jours de jeûne. L'on jeûnait aussi le samedi pour honorer la sépulture de Jésus-Christ, et, en même temps, pour se préparer à la sanctification du dimanche. Puisque ces jours, M.F., sont des jours de grâce et de bénédiction, nous devons donc nous y préparer par la mortification, si nous voulons recevoir avec abondance les biens que le bon Dieu veut nous y donner. Aujour-d'hui, M.F., comme vous le voyez, ce jeûne du vendredi et du samedi se réduit seulement à se priver de manger de la viande, et l'Église nous en fait un commandement « Vendredi chair ne mangeras, ni le samedi mêmement. » Oui, M.F., nous devons tous nous soumettre à cette loi, et même les enfants, dès qu'ils le peuvent ; il n'y a que ceux qui véritablement ne le peuvent pas, qui en sont exempts .
Mais, hélas ! dans quel siècle misérable sommes-nous venus ? L'on ne connaît plus parmi les chrétiens s'ils sont des enfants de l'Église : presque tous semblent se faire une joie de violer les lois de l'abstinence. Hélas ! l'on ne se fait plus de scrupule de manger de la viande le samedi ou le vendredi ; la mauvaise compagnie vous fait renoncer à votre religion. Hélas ! que de péchés mortels ! Vous voit-on faire des fiançailles le samedi sans que l'on mange de la viande comme des païens ou des idolâtres ? Hélas ! quel scandale pour les enfants, et quelle source de malédictions pour ceux qui se marient ! – C'est l'habitude. – Hélas ! mon ami : si c'est l'habi-tude de manger de la viande le vendredi, le bon Dieu ne prendra jamais l'habitude de mettre dans le ciel ceux qui méprisent sa loi. La religion se perd donc parmi nous, parce que nous ne faisons plus cas de ses lois. Si Adam, M.F., s'est perdu en mangeant du fruit défendu, de même nous nous perdons en mangeant de la viande les jours défendus. Oh ! triste pensée, de mieux aimer aller brûler dans les enfers pour une éternité, que de se priver de manger de la viande ! – Mais, me direz-vous, c'est la compagnie. – Ah ! la compagnie, M.F. ! vous aussi ! eh ! quoi, la compagnie ! elle ne vous y force pas ; l'on ne vous ouvre pas la bouche pour vous mettre de la viande dedans. – Malheureux, vous aurez bien le temps de vous repentir !... Non, non, M.F., que jamais ce maudit respect humain ne vous fasse faire une action si indigne d'un chrétien et qui montre une si grande ingratitude envers le bon Dieu. Eh ! quoi, mon ami, vous craignez le monde ; mais jetez donc vos regards sur cette croix : voyez donc si votre Dieu a eu honte d'y mourir tout nu, à la vue d'une foule immense de monde ; allez, malheureux, vous êtes ingrats ; le bon Dieu vous attend devant son tribunal, où vous paierez cher votre respect humain. Vous craignez qu'on vous raille ? Oh ! certainement, vous êtes bien tant une belle relique, pour tant craindre que l'on se moque de vous ! Regardez donc votre modèle, M.F. ; a-t-il craint les railleries qu'on lui a faites pendant sa passion ? S'il les avait craintes, ne nous aurait-il pas laissés dans l'escla-vage du démon ? Allez, misérable, allez manger votre viande, vous aurez bien le temps de la regretter pen-dant l'éternité !... Non, M.F., que jamais ce maudit respect humain ne vous fasse trahir si lâchement votre devoir . Mais passons à une deuxième réflexion sur les jeûnes des Quatre-Temps.
Nous lisons dans l'Écriture sainte que les Juifs chas-sés de Jérusalem à cause de leurs infidélités, conduits en captivité à Babylone, éloignés du temple du Sei-gneur, reconnaissant que leurs péchés leur avaient mé-rité tous ces châtiments, voulurent essayer d'apaiser la colère de Dieu, et pour cela, ils se prescrivirent de jeûner le quatrième, le cinquième, le septième et le dixième jour du mois et c’est à cet exemple que l'Église a institué les jeûnes des Quatre-Temps, afin de nous faire expier les péchés que nous ne cessons de commettre chaque jour, et afin d'attirer sur nous par cette pénitence générale, qui est beaucoup plus méri-toire que si nous nous l'imposions à nous-mêmes, pour nous attirer, dis-je, la miséricorde et les bénédictions du Ciel. Vous conviendrez avec moi que les trois jours de jeûne que nous pratiquons chaque saison : c'est-à--dire, tous les trois mois, n'ont guère de proportion avec les péchés que nous avons le malheur de commettre tous les jours. Cependant, l'Église, qui est une bonne mère et qui aime ses enfants, se contente de ce peu, si nous le faisons bien et de bon cœur : c'est-à-dire, du jeûne et des autres bonnes œuvres que nous pourrons faire. Pour mieux nous faire sentir la nécessité où nous sommes de bien accomplir ces saints jeûnes, elle nous en fait un commandement : « Quatre-Temps, Vigiles, jeûneras. » Elle veut, par ces jeûnes des Quatre-Temps, nous faire ressouvenir que, comme il n'y a point de temps où nous n'ayons le malheur d'offenser le bon Dieu, il n'y en a point aussi où nous ne fassions péni-tence, afin d'apaiser la colère du bon Dieu par le sacrifice d'un cœur contrit et humilié. Voilà la pre-mière raison qui a porté l'Église à instituer les Quatre--Temps.
La deuxième raison se rapporte à nos besoins tempo-rels. Vous savez qu'il y a des jeûnes de Quatre-Temps dans le printemps, parce que c'est dans ce moment que le retour du soleil commence à ranimer la nature, et à ouvrir la terre pour la production des fruits. L'Église nous avertit de demander à Dieu qu'il veuille bien donner la fécondité à la terre par ses bénédictions. Dans l'été, comme la récolte est exposée à mille accidents fâcheux, l'intention de l'Église est que nous priions le bon Dieu de les conserver et de nous accorder, par miséricorde, ce qui nous est nécessaire à la vie pendant l'année. Je dis, M.F., par miséricorde : c'est parce que, étant pécheurs comme nous le sommes, nous n'avons aucun droit aux biens même nécessaires à la vie. D'après cela, nous devons donc humblement demander au bon Dieu la nourriture, le vêtement, comme une aumône qu'il peut nous refuser sans injustice, et les recevoir avec beaucoup de reconnaissance, comme un bienfait tout gratuit qu'il répand sur nous par sa pure bonté. C'est pour cela qu'en automne, où l'on est occupé à la récolte, et en hiver, lorsqu'elle est achevée, l'Église veut que nous offrions à Dieu nos jeûnes et nos aumônes comme un sacrifice d'actions de grâces, pour tous les biens qu'il nous a accordés pendant l'année.
La troisième raison pour laquelle l'Église a institué les Quatre-Temps, c'est pour demander au bon Dieu la grâce de faire un bon usage des biens qu'il nous a don-nés, et de ne jamais perdre de vue Celui qui nous les a donnés. Mais, malheureusement, ce n'est pas ce que nous faisons ! Hélas ! M.F., qui de nous pourrait ne pas déplorer l'aveuglement des chrétiens, qui, dans le temps des récoltes, devraient remercier le bon Dieu des biens qu'il nous donne, et qui, bien loin de là, sem-blent redoubler leur fureur envers lui par les péchés qu'ils commettent dans ces mêmes temps qu'ils ramas-sent les biens que le bon Dieu leur a donnés. Nous devons donc conclure, M.F., que si nous sommes en état de jeûner, et que nous ne le fassions pas, nous péchons mortellement, et que, si nous ne pouvons pas jeûner, nous devons toujours le remplacer par quelque bonnes œuvres : soit en nous privant de quelque chose dans nos repas, soit en assistant à la sainte messe, ou bien en faisant quelque prière de plus que les autre jours. Nous devons, pour nous unir à l'Église, nous exciter à la contrition de nos péchés, gémir de ce que nous ne pouvons pas faire pénitence, afin de satisfaire au moins ainsi pour nos péchés à la justice de Dieu.
La quatrième raison qui a porté l'Église à instituer le jeûne, c'est de demander au bon Dieu que les évêques n'ordonnent que de bons prêtres ; puisque c'est par le ministère du prêtre que le bon Dieu nous éclaire, nous conduit, nous distribue ses grâces et nous applique dans les sacrements le prix du sang de Jésus-Christ. Un bon pasteur, un pasteur selon le cœur de Dieu : c'est là le plus grand trésor que le bon Dieu puisse accorder à une paroisse, et un des plus précieux dons de la mi-séricorde divine. Au contraire, un mauvais prêtre est un des plus terribles fléaux de la colère de Dieu ; c'est pour cela que l'Église invite et commande à tout le monde qui sont en état de faire le jeûne, afin d'attirer sur les évêques les lumières nécessaires pour bien connaître ceux que le bon Dieu destine à son service, et pour qu'il répande ses grâces et ses dons sur ceux qui vont être ordonnés. Vous voyez, M.F., combien nous y sommes tous intéressés, puisqu'il semble que notre salut en dépend ; en effet, si vous êtes conduits par un bon prêtre, vous pouvez recevoir toute sorte de béné-dictions, soit par les prières qu'il fera pour vous, soit par les bons conseils qu'il vous donnera,
les Processions
L'Abstinence et les Quatre-Temps
Surrexit David et abiit, et universus populus... ut adducerent arcam Dei.
David s'en alla, accompagné de tout son peuple pour amener l'arche du Seigneur.
(II Liv. des Rois, VI, 2).
Pouvons-nous, M.F., trouver une cérémonie plus touchante que de voir le saint roi, accompagné de tous les prêtres et des lévites, qui étaient eux-mêmes suivis de tout le peuple, transportant l'arche sainte du taber-nacle de Silo dans le lieu qu'il lui avait préparé à Jérusalem. Les prêtres et les lévites exerçaient autour d'elle les fonctions de leur ministère, et chaque tribu marchait sous son étendard. Nous voyons en cela, c'est--à-dire en ce triomphe du peuple Juif conduisant l'arche, une figure bien naturelle du pieux concours des chré-tiens qui vont en processions d'un endroit à un autre, sous la conduite de leur pasteur, ayant à leur tête la croix et les bannières. Réunis ensemble, ils forment un petit corps d'armée redoutable au démon et puissant auprès de Dieu, pour le remercier de quelques grâces, ou pour lui en demander. Il est donc très nécessaire de vous faire comprendre pourquoi l'on a établi ces proces-sions et comment nous devons y assister. Nous dirons aussi un mot sur l'abstinence, qui est établie à peu près pour les mêmes motifs : c'est-à-dire, pour demander au bon Dieu de conserver les récoltes, de nous fournir les moyens de satisfaire à sa justice pour nos péchés, et, en même temps, nous préserver d'en commettre de nou-veaux. II est donc de votre intérêt de bien écouter cette instruction, qui vous apprendra les moyens de profiter de ces biens que l'Église nous présente.
I. – Je vous dirai d'abord, M.F., que la première et la plus ancienne loi que le bon Dieu ait imposée à l'homme est celle de l'abstinence. Dès qu'Adam eut été créé, et que le bon Dieu l'eut placé dans le paradis terrestre, en lui donnant la puissance sur toutes les créatures, il lui défendit, en même temps, de toucher au fruit d'un cer-tain arbre qu'il lui marqua. Si Adam avait été fidèle à cette loi, nous n'aurions pas eu besoin que l'Église nous imposât de nouvelles abstinences. Mais, par le péché, notre chair s'étant soulevée contre notre esprit, il a fallu nécessairement la dompter par le jeûne et l'abstinence. C'est pour cela que l'Église ordonne à ses enfants, outre les jeûnes de Carême, ceux des Vigiles et des Quatre--Temps, et l'abstinence du vendredi et du samedi. Voilà, M.F., la fin générale que l'Église se propose en ordon-nant l'abstinence et le jeûne en certains jours : c'est d'entretenir dans ses enfants l'esprit de pénitence, que Jésus-Christ n'a cessé de recommander lorsqu'il était sur la terre, et qui est comme l'abrégé de la divine morale. Oui, M.F., c'est en mortifiant nos corps que nous affaiblissons nos passions, que nous pouvons expier nos péchés passés, et que nous trouverons un remède pour nous préserver d'en commettre de nou-veaux. Puisque, M.F., nous avons tant de fautes à expier, il faut donc profiter des moyens si efficaces pour satisfaire à la justice de Dieu. Oui, M.F., nous avons tous des passions à dompter, et c'est précisément en retranchant tout ce qui peut nous flatter dans le goût, que nous pourrons les surmonter. L'Église, qui sait le besoin que nous en avons et notre répugnance à le faire, vient à notre secours, en nous en faisant un comman-dement, afin de déterminer plus efficacement notre volonté à nous y soumettre .
Mais, outre cette loi générale, elle a encore des vues particulières : elle nous ordonne aussi des jeûnes, les veilles de grandes fêtes, pour nous disposer, par la pénitence, à les célébrer avec plus de piété et en retirer plus de fruit. Comme l'Église a consacré le dimanche à la mémoire de la résurrection de Jésus-Christ, de même, elle a consacré le vendredi au souvenir de la mort et passion de Jésus-Christ. N'est-il pas juste que nous con-sacrions ce jour à la pénitence et à la mortification, puisque ce sont nos péchés qui ont attaché Jésus-Christ à la croix ? N'est-il pas juste que nous prenions part à ses souffrances, si nous voulons avoir part à la grâce de la rédemption ? C'est pour cela, M.F., que, dans les premiers siècles de l'Église, tous les vendredis étaient des jours de jeûne. L'on jeûnait aussi le samedi pour honorer la sépulture de Jésus-Christ, et, en même temps, pour se préparer à la sanctification du dimanche. Puisque ces jours, M.F., sont des jours de grâce et de bénédiction, nous devons donc nous y préparer par la mortification, si nous voulons recevoir avec abondance les biens que le bon Dieu veut nous y donner. Aujour-d'hui, M.F., comme vous le voyez, ce jeûne du vendredi et du samedi se réduit seulement à se priver de manger de la viande, et l'Église nous en fait un commandement « Vendredi chair ne mangeras, ni le samedi mêmement. » Oui, M.F., nous devons tous nous soumettre à cette loi, et même les enfants, dès qu'ils le peuvent ; il n'y a que ceux qui véritablement ne le peuvent pas, qui en sont exempts .
Mais, hélas ! dans quel siècle misérable sommes-nous venus ? L'on ne connaît plus parmi les chrétiens s'ils sont des enfants de l'Église : presque tous semblent se faire une joie de violer les lois de l'abstinence. Hélas ! l'on ne se fait plus de scrupule de manger de la viande le samedi ou le vendredi ; la mauvaise compagnie vous fait renoncer à votre religion. Hélas ! que de péchés mortels ! Vous voit-on faire des fiançailles le samedi sans que l'on mange de la viande comme des païens ou des idolâtres ? Hélas ! quel scandale pour les enfants, et quelle source de malédictions pour ceux qui se marient ! – C'est l'habitude. – Hélas ! mon ami : si c'est l'habi-tude de manger de la viande le vendredi, le bon Dieu ne prendra jamais l'habitude de mettre dans le ciel ceux qui méprisent sa loi. La religion se perd donc parmi nous, parce que nous ne faisons plus cas de ses lois. Si Adam, M.F., s'est perdu en mangeant du fruit défendu, de même nous nous perdons en mangeant de la viande les jours défendus. Oh ! triste pensée, de mieux aimer aller brûler dans les enfers pour une éternité, que de se priver de manger de la viande ! – Mais, me direz-vous, c'est la compagnie. – Ah ! la compagnie, M.F. ! vous aussi ! eh ! quoi, la compagnie ! elle ne vous y force pas ; l'on ne vous ouvre pas la bouche pour vous mettre de la viande dedans. – Malheureux, vous aurez bien le temps de vous repentir !... Non, non, M.F., que jamais ce maudit respect humain ne vous fasse faire une action si indigne d'un chrétien et qui montre une si grande ingratitude envers le bon Dieu. Eh ! quoi, mon ami, vous craignez le monde ; mais jetez donc vos regards sur cette croix : voyez donc si votre Dieu a eu honte d'y mourir tout nu, à la vue d'une foule immense de monde ; allez, malheureux, vous êtes ingrats ; le bon Dieu vous attend devant son tribunal, où vous paierez cher votre respect humain. Vous craignez qu'on vous raille ? Oh ! certainement, vous êtes bien tant une belle relique, pour tant craindre que l'on se moque de vous ! Regardez donc votre modèle, M.F. ; a-t-il craint les railleries qu'on lui a faites pendant sa passion ? S'il les avait craintes, ne nous aurait-il pas laissés dans l'escla-vage du démon ? Allez, misérable, allez manger votre viande, vous aurez bien le temps de la regretter pen-dant l'éternité !... Non, M.F., que jamais ce maudit respect humain ne vous fasse trahir si lâchement votre devoir . Mais passons à une deuxième réflexion sur les jeûnes des Quatre-Temps.
Nous lisons dans l'Écriture sainte que les Juifs chas-sés de Jérusalem à cause de leurs infidélités, conduits en captivité à Babylone, éloignés du temple du Sei-gneur, reconnaissant que leurs péchés leur avaient mé-rité tous ces châtiments, voulurent essayer d'apaiser la colère de Dieu, et pour cela, ils se prescrivirent de jeûner le quatrième, le cinquième, le septième et le dixième jour du mois et c’est à cet exemple que l'Église a institué les jeûnes des Quatre-Temps, afin de nous faire expier les péchés que nous ne cessons de commettre chaque jour, et afin d'attirer sur nous par cette pénitence générale, qui est beaucoup plus méri-toire que si nous nous l'imposions à nous-mêmes, pour nous attirer, dis-je, la miséricorde et les bénédictions du Ciel. Vous conviendrez avec moi que les trois jours de jeûne que nous pratiquons chaque saison : c'est-à--dire, tous les trois mois, n'ont guère de proportion avec les péchés que nous avons le malheur de commettre tous les jours. Cependant, l'Église, qui est une bonne mère et qui aime ses enfants, se contente de ce peu, si nous le faisons bien et de bon cœur : c'est-à-dire, du jeûne et des autres bonnes œuvres que nous pourrons faire. Pour mieux nous faire sentir la nécessité où nous sommes de bien accomplir ces saints jeûnes, elle nous en fait un commandement : « Quatre-Temps, Vigiles, jeûneras. » Elle veut, par ces jeûnes des Quatre-Temps, nous faire ressouvenir que, comme il n'y a point de temps où nous n'ayons le malheur d'offenser le bon Dieu, il n'y en a point aussi où nous ne fassions péni-tence, afin d'apaiser la colère du bon Dieu par le sacrifice d'un cœur contrit et humilié. Voilà la pre-mière raison qui a porté l'Église à instituer les Quatre--Temps.
La deuxième raison se rapporte à nos besoins tempo-rels. Vous savez qu'il y a des jeûnes de Quatre-Temps dans le printemps, parce que c'est dans ce moment que le retour du soleil commence à ranimer la nature, et à ouvrir la terre pour la production des fruits. L'Église nous avertit de demander à Dieu qu'il veuille bien donner la fécondité à la terre par ses bénédictions. Dans l'été, comme la récolte est exposée à mille accidents fâcheux, l'intention de l'Église est que nous priions le bon Dieu de les conserver et de nous accorder, par miséricorde, ce qui nous est nécessaire à la vie pendant l'année. Je dis, M.F., par miséricorde : c'est parce que, étant pécheurs comme nous le sommes, nous n'avons aucun droit aux biens même nécessaires à la vie. D'après cela, nous devons donc humblement demander au bon Dieu la nourriture, le vêtement, comme une aumône qu'il peut nous refuser sans injustice, et les recevoir avec beaucoup de reconnaissance, comme un bienfait tout gratuit qu'il répand sur nous par sa pure bonté. C'est pour cela qu'en automne, où l'on est occupé à la récolte, et en hiver, lorsqu'elle est achevée, l'Église veut que nous offrions à Dieu nos jeûnes et nos aumônes comme un sacrifice d'actions de grâces, pour tous les biens qu'il nous a accordés pendant l'année.
La troisième raison pour laquelle l'Église a institué les Quatre-Temps, c'est pour demander au bon Dieu la grâce de faire un bon usage des biens qu'il nous a don-nés, et de ne jamais perdre de vue Celui qui nous les a donnés. Mais, malheureusement, ce n'est pas ce que nous faisons ! Hélas ! M.F., qui de nous pourrait ne pas déplorer l'aveuglement des chrétiens, qui, dans le temps des récoltes, devraient remercier le bon Dieu des biens qu'il nous donne, et qui, bien loin de là, sem-blent redoubler leur fureur envers lui par les péchés qu'ils commettent dans ces mêmes temps qu'ils ramas-sent les biens que le bon Dieu leur a donnés. Nous devons donc conclure, M.F., que si nous sommes en état de jeûner, et que nous ne le fassions pas, nous péchons mortellement, et que, si nous ne pouvons pas jeûner, nous devons toujours le remplacer par quelque bonnes œuvres : soit en nous privant de quelque chose dans nos repas, soit en assistant à la sainte messe, ou bien en faisant quelque prière de plus que les autre jours. Nous devons, pour nous unir à l'Église, nous exciter à la contrition de nos péchés, gémir de ce que nous ne pouvons pas faire pénitence, afin de satisfaire au moins ainsi pour nos péchés à la justice de Dieu.
La quatrième raison qui a porté l'Église à instituer le jeûne, c'est de demander au bon Dieu que les évêques n'ordonnent que de bons prêtres ; puisque c'est par le ministère du prêtre que le bon Dieu nous éclaire, nous conduit, nous distribue ses grâces et nous applique dans les sacrements le prix du sang de Jésus-Christ. Un bon pasteur, un pasteur selon le cœur de Dieu : c'est là le plus grand trésor que le bon Dieu puisse accorder à une paroisse, et un des plus précieux dons de la mi-séricorde divine. Au contraire, un mauvais prêtre est un des plus terribles fléaux de la colère de Dieu ; c'est pour cela que l'Église invite et commande à tout le monde qui sont en état de faire le jeûne, afin d'attirer sur les évêques les lumières nécessaires pour bien connaître ceux que le bon Dieu destine à son service, et pour qu'il répande ses grâces et ses dons sur ceux qui vont être ordonnés. Vous voyez, M.F., combien nous y sommes tous intéressés, puisqu'il semble que notre salut en dépend ; en effet, si vous êtes conduits par un bon prêtre, vous pouvez recevoir toute sorte de béné-dictions, soit par les prières qu'il fera pour vous, soit par les bons conseils qu'il vous donnera,
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II. – En deuxième lieu, nous avons dit que nous par-lerions des différentes processions qui se font pendant l'année, qui ont chacune un objet particulier. La pro-cession du Saint-Sacrement a pour objet de célébrer le triomphe que Jésus-Christ a fait remporter à son Église sur ses ennemis qui nient la présence réelle dans le sacrement adorable, et, en même temps, de se faire rendre les hommages qui lui sont dus dans ce sacre-ment d'amour. C'est la plus auguste de toutes les pro-cessions, puisque Jésus-Christ y marche en personne. Oh ! de quel respect et de quel amour ne devrions-nous -pas être pénétrés dans ce moment si heureux, si nous avions le bonheur de le bien comprendre, puisque nous avons le même avantage que ceux qui suivaient le Sau-veur lorsqu'il était sur la terre ! La procession des Ra-meaux se fait pour honorer la marche, l'entrée triom-phante de Jésus-Christ à Jérusalem, cinq jours avant sa mort ; celle de la Purification, pour représenter le voyage que la sainte Vierge fit au Temple, portant Jésus-Christ entre ses bras ; celle de l'Assomption a été instituée pour célébrer le triomphe de la Mère de Dieu élevée au ciel, et pour renouveler la consécration de la France à cette auguste Reine, qui nous a tant donné de preuves de sa protection. Les dimanches, avant la messe de paroisse, on fait une procession pour honorer Jésus--Christ ressuscité, qui alla de Jérusalem en Galilée ; parce que tous les dimanches sont une suite de la résurrection de Jésus-Christ. L'on fait cette procession avant la Messe, pour rappeler le voyage que Jésus-Christ fit en allant au Calvaire ; puisque le saint sacrifice de la Messe n'est autre chose qu'une continuation du sacrifice de la croix. Dites-moi, si vous aviez bien réfléchi que la procession que nous faisons les dimanches avant la sainte Messe était pour honorer le voyage que Jésus-Christ fit en allant au Calvaire, avec quel empressement ne vous y ren-driez-vous pas pour avoir le bonheur de suivre en esprit Jésus-Christ qui va s'immoler une deuxième fois pour nous ? Avec quelle piété, M.F., et avec quel respect, vous y assisteriez ! Ne vous semblerait-il pas voir le sang que ce divin Sauveur a répandu en allant au Cal-vaire ? Hélas ! si nous voyons tant d'indifférence et si peu de respect, c'est que l'on ne connaît pas ce que l'on fait et les mystères que ces différentes cérémonies nous rappellent. Heureux le chrétien qui est instruit et qui entre dans l'esprit de l'Église !
Nous voyons que, dans les temps de calamités publi-ques, les évêques ordonnent des processions extraordi-naires pour apaiser la colère de Dieu, ou pour obtenir de sa miséricorde quelque grâce particulière. Dans ces processions, l'on porte quelquefois les reliques des saints, afin que le bon Dieu, à la vue de ce dépôt pré-cieux, se laisse fléchir en notre faveur. L'Église a fixé quatre jours dans l'année pour faire ces processions de pénitence, qui sont : le jour de Saint-Marc et les trois jours des Rogations. Dans ces processions, l'on porte une croix et des bannières, où est peinte l'image de la sainte Vierge et du patron de la paroisse : c'est pour avertir les fidèles qu'ils doivent toujours marcher à la suite de Jésus-Christ crucifié, et s'efforcer d'imiter les saints que l'Église nous a donnés pour patrons, protec-teurs et modèles. Nous devons regarder toutes les pro-cessions que nous faisons comme une espèce de triom-phe où nous accompagnons Jésus-Christ et les saints ou saintes. Jésus-Christ se plaît à répandre les bénédictions dans tous les lieux où son image ou celle des saints a passé : c'est ce qui s'est vu d'une manière particulière à Rome, lorsque la peste semblait ne vouloir laisser personne. Le Pape voyant que ni les pénitences, ni les autres bonnes œuvres, ne pouvaient faire cesser ce fléau, ordonna une procession générale, où l'on porta l'image de la sainte Vierge peinte par saint Luc. Dès que l'on fut en route, partout où l'image de la sainte Vierge passait, la peste cessait et l'on entendit des anges qui chantaient : « Regina cæli lætare, Alleluia. » Alors la peste cessa entièrement. Cette marche, que nous faisons en suivant la croix, nous rappelle que notre vie ne doit être autre chose qu'une imitation de celle de Jésus-Christ qui s'est donné pour être notre modèle, et en même temps notre guide ; et que, toutes les fois que nous le quittons, nous sommes surs de nous égarer. La croix et les bannières, M.F., que nous voyons à la tête des pro-cessions, sont pour les vrais fidèles un grand sujet de joie, parce que nous faisons un petit corps d'armée qui est formidable au démon et nous donne droit aux grâces de Dieu, puisqu'il n'y a rien de si puissant que les priè-res qui se font, tous réunis ensemble, sous la conduite des pasteurs . Voyez, M.F., ce qui arriva aux Israé-lites sous la conduite de Josué : ils firent pendant sept jours le tour des remparts de la ville de Jéricho avec l'arche, marchant respectueusement avec les ministres sacrés. Les Chananéens s'en moquaient du haut de leurs murailles ; mais ils changèrent bientôt de sentiments . A la fin de cette étrange procession, les fortifications tombèrent au seul son des trompettes, et le Seigneur livra leurs ennemis entre leurs mains avec la même faci-lité que des agneaux sans aucune résistance. Tel est, M.F., la victoire que Jésus-Christ nous fait remporter sur les ennemis de notre salut, lorsque nous avons le bonheur d'assister à ces processions avec beaucoup de religion et de respect.
Nous voyons que, dans les temps de calamités publi-ques, les évêques ordonnent des processions extraordi-naires pour apaiser la colère de Dieu, ou pour obtenir de sa miséricorde quelque grâce particulière. Dans ces processions, l'on porte quelquefois les reliques des saints, afin que le bon Dieu, à la vue de ce dépôt pré-cieux, se laisse fléchir en notre faveur. L'Église a fixé quatre jours dans l'année pour faire ces processions de pénitence, qui sont : le jour de Saint-Marc et les trois jours des Rogations. Dans ces processions, l'on porte une croix et des bannières, où est peinte l'image de la sainte Vierge et du patron de la paroisse : c'est pour avertir les fidèles qu'ils doivent toujours marcher à la suite de Jésus-Christ crucifié, et s'efforcer d'imiter les saints que l'Église nous a donnés pour patrons, protec-teurs et modèles. Nous devons regarder toutes les pro-cessions que nous faisons comme une espèce de triom-phe où nous accompagnons Jésus-Christ et les saints ou saintes. Jésus-Christ se plaît à répandre les bénédictions dans tous les lieux où son image ou celle des saints a passé : c'est ce qui s'est vu d'une manière particulière à Rome, lorsque la peste semblait ne vouloir laisser personne. Le Pape voyant que ni les pénitences, ni les autres bonnes œuvres, ne pouvaient faire cesser ce fléau, ordonna une procession générale, où l'on porta l'image de la sainte Vierge peinte par saint Luc. Dès que l'on fut en route, partout où l'image de la sainte Vierge passait, la peste cessait et l'on entendit des anges qui chantaient : « Regina cæli lætare, Alleluia. » Alors la peste cessa entièrement. Cette marche, que nous faisons en suivant la croix, nous rappelle que notre vie ne doit être autre chose qu'une imitation de celle de Jésus-Christ qui s'est donné pour être notre modèle, et en même temps notre guide ; et que, toutes les fois que nous le quittons, nous sommes surs de nous égarer. La croix et les bannières, M.F., que nous voyons à la tête des pro-cessions, sont pour les vrais fidèles un grand sujet de joie, parce que nous faisons un petit corps d'armée qui est formidable au démon et nous donne droit aux grâces de Dieu, puisqu'il n'y a rien de si puissant que les priè-res qui se font, tous réunis ensemble, sous la conduite des pasteurs . Voyez, M.F., ce qui arriva aux Israé-lites sous la conduite de Josué : ils firent pendant sept jours le tour des remparts de la ville de Jéricho avec l'arche, marchant respectueusement avec les ministres sacrés. Les Chananéens s'en moquaient du haut de leurs murailles ; mais ils changèrent bientôt de sentiments . A la fin de cette étrange procession, les fortifications tombèrent au seul son des trompettes, et le Seigneur livra leurs ennemis entre leurs mains avec la même faci-lité que des agneaux sans aucune résistance. Tel est, M.F., la victoire que Jésus-Christ nous fait remporter sur les ennemis de notre salut, lorsque nous avons le bonheur d'assister à ces processions avec beaucoup de religion et de respect.
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III. – En troisième lieu, nous disons que les proces-sions doivent nous faire penser que nous ne sommes que de pauvres voyageurs sur la terre, que le ciel est notre véritable patrie, et que nous avons des lumières et des grâces de Jésus-Christ pour y arriver. Il est lui--même le chemin, puisque c'est lui qui nous a montré tout ce que nous devions faire pour y parvenir. L'Église veut nous inspirer par ces processions que nous ne devons point nous attacher à la vie, mais à Jésus-Christ jusqu'à la mort, puisqu'il est notre récompense pour l'éternité. Oui, M.F., voilà les avantages que nous trou-vons dans les processions, si nous avons le bonheur de bien nous pénétrer de ce que nous faisons. Hélas ! quel mépris Jésus-Christ ne reçoit-il pas dans les pro-cessions que nous faisons ? Les uns ne savent plus ce qui les y conduit ; ils y vont comme en riant ; les autres y parlent comme dans une place ordinaire, regardent d'un côté et d'un autre. Hélas ! si j'osais le dire, com-bien promènent leurs regards sur des objets qui ani-ment et enflamment leurs passions et qui, à la fin de la procession, sortent beaucoup plus criminels que dans le moment où ils sont entrés parmi les fidèles ! Mon Dieu, que de grâces méprisées ! que de péchés qui se commet-tent dans un moment si précieux pour obtenir les grâ-ces les plus abondantes ! que de choses pour conten-ter le démon !... Si nous y paraissions avec de bonnes dispositions !... Nous devons donc nous faire un devoir d'assister aux processions autant que nous le pouvons ; si absolument nous ne pouvons pas y assister, il nous faut y suppléer en faisant toutes les prières que font ceux qui ont le bonheur d'y assister et nous efforcer de les accompagner avec les saintes dispositions que l'Église nous commande.
La première disposition, c'est de nous pénétrer de ce que l'Église veut nous représenter dans chaque proces-sion. Ne perdons jamais de vue, M.F., que pour plaire à Dieu et mériter ses grâces, il faut l'adorer en esprit et en vérité, et que nous faisons comme les Juifs quand nous nous contentons de n'y être que de corps. Mais un bon chrétien doit se pénétrer l'esprit de ce que l'Église veut lui représenter dans toutes les cérémonies qu'elle fait. Il faut que nous croyions véritablement que nous sommes en la présence de Dieu, que nous le suivions comme faisaient les premiers chrétiens dans le cours de sa vie mortelle, et que nous ne venions dans ces proces-sions que pour y demander miséricorde, et par consé-quent, être sensiblement affligés d'avoir offensé un Dieu si bon.
La seconde disposition que le bon Dieu veut que nous ayons dans les processions, c'est de marcher avec beaucoup d'ordre : parce qu'il y a assez d'une personne qui va mal, pour donner combien de distractions aux autres. L'ordre consiste à marcher avec modestie sans regarder d'un côté et d'un autre, sans parler, sans rire ; parce que ceci serait un mépris que l'on ferait de la présence de Dieu et des choses saintes.
La troisième disposition est de joindre ses prières à celles que la sainte Église fait pendant la procession ; c'est-à-dire que vous devez vous unir au prêtre en fai-sant toutes les prières qu'on y fait. Si vous ne savez pas lire, eh bien ! vous dites votre chapelet, en unissant vos prières à celles du prêtre et de tous les autres fidèles. Il faut bien prendre garde de ne pas laisser égarer notre esprit par les différents objets que nous voyons devant nous ; mais il faut un peu baisser les yeux pour que le démon n'y ait pas tant d'occasions de nous distraire. Avant que de commencer, il faut bien demander au bon Dieu pardon de nos péchés, afin qu'il arrête sa miséri-corde sur nous. Hélas ! depuis combien d'années assis-tons-nous aux saintes processions, et malgré cela, nous n'en valons pas mieux ! Savez-vous, M.F., d'où nous peut venir ce malheur ? C'est que nous ne nous sommes jamais bien pénétrés de ce que nous faisons, et que toujours nous l'avons fait par habitude, par coutume, et non par un esprit de piété et d'amour. Oui, M.F., un bon chrétien doit toujours assister aux prières et à tous les exercices de la religion avec un nouveau goût, tou-jours avec un nouveau désir d'en profiter mieux qu'il n'a fait. Quelle bonté de la part du bon Dieu que de nous souffrir en sa sainte présence, et de nous permet-tre de faire ce que font les saints dans le ciel ! Que l'homme serait mieux sur la terre s'il avait le bonheur de connaître la sainte religion !
Mais voyons maintenant un mot de ce que c'est que la procession de Saint-Marc et celle des Rogations. Écoutez bien : ceci est assez intéressant. Il faut que vous sachiez qui les a instituées, quand elles ont été instituées, et pourquoi elles ont été instituées.
En l'année 492, les tremblements de terre furent si grands, et les habitants de la ville de Vienne en Dau-phiné furent si épouvantés qu'ils se croyaient à la fin du monde. Ce qui les effraya encore plus, ce fut le feu du ciel qui tomba sur la maison de ville, et la réduisit en cendres avec plusieurs maisons voisines. Les bêtes féroces sortaient des forêts, et venaient attaquer les hommes au milieu des places publiques. Les habitants, tout effrayés, courent dans l'église avec leur évêque, pour se garantir de ces monstres. Saint Mamert, qui était leur évêque, fit faire beaucoup de prières et de pénitences ; et ensuite, pour demander à Dieu la cessa-tion de ces maux, il ordonna, trois jours avant l'Ascen-sion, des processions solennelles et des jeunes pour apaiser la colère de Dieu. Les autres églises de France, et plusieurs autres églises en firent de même, et ensuite ces processions se firent dans tout le monde chrétien. Rien n'était plus édifiant que la manière dont ces pro-cessions se faisaient alors : on y assistait nu-pieds, revêtu de cilice et couvert de cendres ; on observait un jeûne très rigoureux pendant les trois jours ; il était défendu de travailler, afin que l'on eût plus de temps pour la prière, et tout ce temps était employé à deman-der pardon au bon Dieu des péchés, à prier pour la conservation des fruits de la terre et pour les besoins de l'État.
Pour la procession de Saint-Marc, elle a été instituée par le pape saint Grégoire le Grand, en 590, à l'occasion d'une horrible calamité qui ravageait Rome. Les eaux ayant croupi longtemps après une furieuse inondation, elles corrompirent l'air, ce qui causa une peste cruelle qui fit périr une multitude considérable de monde, de tout âge et de tout état. La procession que saint Gré-goire le Grand ordonna se fit avec tant de piété, de ferveur et de larmes que la peste cessa sur-le-champ. L'Église, voyant combien le péché se multipliait sur la terre, voyant que le bon Dieu nous châtiait rigoureuse-ment, ordonna de continuer ces saintes processions, afin de nous porter à la pénitence, d'apaiser la justice de Dieu et de conserver les fruits de la terre, qui sont exposés pendant neuf mois de l'année à mille accidents. On appelle ces processions grandes et petites Litanies, ce qui veut dire : prière et supplication. Les litanies n'étaient au commencement que des cris redoublés qu'on poussait vers le bon Dieu en demandant miséricorde par ces deux mots : Kyrie eleison. On y a ensuite ajouté les noms de la sainte Vierge et des saints, pour les prier de s'intéresser à nous auprès du bon Dieu. L'Église, après avoir invoqué le nom de Dieu, réclame l'intercession des saints, expose dans ces litanies les maux dont elle se sent pressée et les biens dont elle se sent le besoin ; elle conjure la bonté de Dieu, par tous les mystères de Jésus-Christ, et surtout par sa qualité d'Agneau et de Victime de Dieu pour nos péchés, qui est le titre le plus capable d'apaiser la colère de Dieu. Oui, ces litanies, ces processions, la sainte Messe et l'abstinence que l'Église nous prescrit ces jours-là nous montrent parfaitement quelles sont ses vues dans tout cela.
Nous devons donc, M.F., pour nous conformer à son intention, regarder ces jours comme des jours consa-crés à la prière, à la pénitence et aux autres bonnes œuvres ; nous faire un grand scrupule d'y man-quer ; et y paraître avec un extérieur modeste et recueilli, avec un cœur contrit et profondément humi-lié sous la puissante main de Dieu, par la vue de nos péchés et des châtiments qu'ils méritent. Étant animés de ces sentiments, nous devons solliciter avec instance, au nom de Jésus-Christ, la divine Miséricorde pour nous, pour nos frères, pour tous les besoins de l'Église, pour les besoins de l'État, et particulièrement pour la conservation des biens de la terre. Mais, hélas ! des devoirs si nécessaires et fondés sur des motifs si intéressants sont presque entièrement oubliés ; tandis qu'on voit certaines personnes sans cesse aux vogues du monde. Eh quoi ! si l'Église nous prescrit des prières pendant ces quatre jours, nous nous ferions une peine d'y assister, puisque ce n'est que pour apai-ser la colère du bon Dieu et pour détourner les maux que méritent nos péchés ?
Savez-vous, M.F., à quoi l'Église nous invite lors-qu'elle nous appelle aux processions ? Le voici, M.F. C'est de quitter quelques moments le travail de la terre, pour nous occuper de celui de notre salut. Quel bonheur, quelle grâce de nous forcer en quelque sorte de sauver notre âme ! Mon Dieu, quel don ! nous cherchons le ciel dans ces processions. Disons encore que nous fai-sons, dans ce moment, ce que les saints ont fait toute leur vie. Dites-moi, M.F., qu'a fait Jésus-Christ pen-dant sa vie ? Rien autre, sinon que de travailler à nous sauver. Eh bien ! M.F., voilà ce que nous faisons pen-dant les jours de Saint-Marc et des Rogations. Quel bonheur, M.F., de travailler dans ce moment au salut de notre âme ! Hélas ! M.F., que le bon Dieu se contente de peu de chose, si nous comparons ce que nos péchés méritent à ce que les saints ont fait ! Ils ne se sont pas contentés de quelques jours de jeûne et de quelques voyages de dévotion, ni de quelques jours d'abstinence ; mais voyez combien d'années de larmes et de péni-tences pour bien moins de péchés que nous ! Voyez un saint Hilarion, qui pleura pendant quatre-vingts ans dans un bois. Voyez un saint Arsène, qui passa le reste de sa vie entre deux roches. Voyez un saint Clément, qui a enduré un martyre qui a duré trente-deux ans. Voyez encore ces foules de martyrs, qui ont donné leur vie pour assurer leur salut. On en voit un exemple bien frappant dans la personne de sainte Félicité, mère de sept enfants, qui vivait sous l'empereur Antonin. Les prêtres des idoles, voyant comment cette sainte savait faire sortir les gens de l'idolâtrie, dirent à l'empereur : « Nous croyons, Seigneur, devoir vous avertir qu'il y a dans Rome une veuve avec ses sept enfants qui, étant de cette secte impie que l'on nomme chrétienne, font des vœux sacrilèges qui rendront vos dieux implaca-bles. » Sur-le-champ, l'empereur dit au préfet de faire venir cette veuve, de la forcer, par toutes sortes de tourments, à sacrifier à ses dieux ; et à son refus, de la faire mourir. Le préfet l'ayant fait venir, la pria avec bonté de quitter sa religion impie, et de sacrifier aux dieux de l'empire ; sinon l'empereur avait ordonné de la faire mourir. Mais sainte Félicité lui répondit avec une sainte fierté : « N'espérez pas, Publius, que vous me gagnerez par vos prières ni par vos menaces. Vous avez le choix, ou de me laisser vivre, ou de me faire mourir ; mais vous êtes sûr d'être vaincu par une femme. » – « Mais, lui dit le préfet, si tu veux mourir, meurs ; mais au moins ne sois pas la cause que tes enfants périssent. » – « Mes enfants périraient, s'ils savaient sacrifier aux démons qui sont tes dieux ; mais s'ils meurent pour le vrai Dieu, ils vivront éternellement. » Mais le préfet : « Ayez au moins pitié de vos enfants qui sont à la fleur de leur âge. » – « Gardez votre compassion pour d'au-tres, nous n'en voulons point. » Ensuite se tournant contre ses enfants qui étaient présents : « Voyez-vous, mes enfants, ce ciel si beau et si élevé, c'est là que Jésus-Christ vous attend pour vous récompenser ; com-battez généreusement, mes enfants, pour le grand Roi du Ciel et de la terre. » On la fit frapper cruellement au visage. Le préfet fit venir le premier de ses enfants nommé Janvier ; ne pouvant le gagner, il le fit cruellement fouetter, puis conduire en prison. Félix se pré-senta ensuite, et lui répondit : « Non, préfet, vous ne nous ferez pas renoncer à notre Dieu pour sacrifier au démon ; faites-nous endurer tous les tourments que vous voudrez, nous ne les craignons pas. » Publius, les ayant fait passer devant son tribunal sans rien pouvoir gagner, le dernier lui dit : « Ah ! préfet, si tu savais les feux qui te sont préparés pour te brûler pendant toute l'éternité ! Ah ! si tu savais que la justice de Dieu est prête à te frapper ! Profite du temps que notre Dieu te laisse encore pour te repentir. » Rien ne put le gagner, il les fit tous mourir ; mais pendant l'exécution, la mère les engageait à souffrir généreusement pour Jésus-Christ : « Courage, mes enfants ; voyez le ciel où Jésus-Christ vous attend pour vous récompenser. »
Eh bien ! voilà des saints qui n'avaient qu'une âme à sauver, qu'un Dieu à servir comme nous, et voyez ce qu'ils ont fait. Oui, M.F., ils ne se sont pas contentés de quelques prières comme nous les faisons pendant quelques moments où l'Église nous appelle à prier ; mais ils ont courageusement donné leur vie pour sauver leur âme. Finissons, M.F., en disant que nous devons nous faire un grand plaisir, une grande joie d'assister à toutes ces saintes processions qui se font dans le cou-rant de l'année, et tâchons d'y venir avec un désir sin-cère pour demander miséricorde. Faisons que jamais le respect humain, ni la moindre incommodité ne soient capables de nous faire transgresser la loi de l'abstinence et du jeûne. Heureux, M.F., si nous remplissons toutes ces petites pratiques de piété, puisque le bon Dieu veut s'en contenter...
La première disposition, c'est de nous pénétrer de ce que l'Église veut nous représenter dans chaque proces-sion. Ne perdons jamais de vue, M.F., que pour plaire à Dieu et mériter ses grâces, il faut l'adorer en esprit et en vérité, et que nous faisons comme les Juifs quand nous nous contentons de n'y être que de corps. Mais un bon chrétien doit se pénétrer l'esprit de ce que l'Église veut lui représenter dans toutes les cérémonies qu'elle fait. Il faut que nous croyions véritablement que nous sommes en la présence de Dieu, que nous le suivions comme faisaient les premiers chrétiens dans le cours de sa vie mortelle, et que nous ne venions dans ces proces-sions que pour y demander miséricorde, et par consé-quent, être sensiblement affligés d'avoir offensé un Dieu si bon.
La seconde disposition que le bon Dieu veut que nous ayons dans les processions, c'est de marcher avec beaucoup d'ordre : parce qu'il y a assez d'une personne qui va mal, pour donner combien de distractions aux autres. L'ordre consiste à marcher avec modestie sans regarder d'un côté et d'un autre, sans parler, sans rire ; parce que ceci serait un mépris que l'on ferait de la présence de Dieu et des choses saintes.
La troisième disposition est de joindre ses prières à celles que la sainte Église fait pendant la procession ; c'est-à-dire que vous devez vous unir au prêtre en fai-sant toutes les prières qu'on y fait. Si vous ne savez pas lire, eh bien ! vous dites votre chapelet, en unissant vos prières à celles du prêtre et de tous les autres fidèles. Il faut bien prendre garde de ne pas laisser égarer notre esprit par les différents objets que nous voyons devant nous ; mais il faut un peu baisser les yeux pour que le démon n'y ait pas tant d'occasions de nous distraire. Avant que de commencer, il faut bien demander au bon Dieu pardon de nos péchés, afin qu'il arrête sa miséri-corde sur nous. Hélas ! depuis combien d'années assis-tons-nous aux saintes processions, et malgré cela, nous n'en valons pas mieux ! Savez-vous, M.F., d'où nous peut venir ce malheur ? C'est que nous ne nous sommes jamais bien pénétrés de ce que nous faisons, et que toujours nous l'avons fait par habitude, par coutume, et non par un esprit de piété et d'amour. Oui, M.F., un bon chrétien doit toujours assister aux prières et à tous les exercices de la religion avec un nouveau goût, tou-jours avec un nouveau désir d'en profiter mieux qu'il n'a fait. Quelle bonté de la part du bon Dieu que de nous souffrir en sa sainte présence, et de nous permet-tre de faire ce que font les saints dans le ciel ! Que l'homme serait mieux sur la terre s'il avait le bonheur de connaître la sainte religion !
Mais voyons maintenant un mot de ce que c'est que la procession de Saint-Marc et celle des Rogations. Écoutez bien : ceci est assez intéressant. Il faut que vous sachiez qui les a instituées, quand elles ont été instituées, et pourquoi elles ont été instituées.
En l'année 492, les tremblements de terre furent si grands, et les habitants de la ville de Vienne en Dau-phiné furent si épouvantés qu'ils se croyaient à la fin du monde. Ce qui les effraya encore plus, ce fut le feu du ciel qui tomba sur la maison de ville, et la réduisit en cendres avec plusieurs maisons voisines. Les bêtes féroces sortaient des forêts, et venaient attaquer les hommes au milieu des places publiques. Les habitants, tout effrayés, courent dans l'église avec leur évêque, pour se garantir de ces monstres. Saint Mamert, qui était leur évêque, fit faire beaucoup de prières et de pénitences ; et ensuite, pour demander à Dieu la cessa-tion de ces maux, il ordonna, trois jours avant l'Ascen-sion, des processions solennelles et des jeunes pour apaiser la colère de Dieu. Les autres églises de France, et plusieurs autres églises en firent de même, et ensuite ces processions se firent dans tout le monde chrétien. Rien n'était plus édifiant que la manière dont ces pro-cessions se faisaient alors : on y assistait nu-pieds, revêtu de cilice et couvert de cendres ; on observait un jeûne très rigoureux pendant les trois jours ; il était défendu de travailler, afin que l'on eût plus de temps pour la prière, et tout ce temps était employé à deman-der pardon au bon Dieu des péchés, à prier pour la conservation des fruits de la terre et pour les besoins de l'État.
Pour la procession de Saint-Marc, elle a été instituée par le pape saint Grégoire le Grand, en 590, à l'occasion d'une horrible calamité qui ravageait Rome. Les eaux ayant croupi longtemps après une furieuse inondation, elles corrompirent l'air, ce qui causa une peste cruelle qui fit périr une multitude considérable de monde, de tout âge et de tout état. La procession que saint Gré-goire le Grand ordonna se fit avec tant de piété, de ferveur et de larmes que la peste cessa sur-le-champ. L'Église, voyant combien le péché se multipliait sur la terre, voyant que le bon Dieu nous châtiait rigoureuse-ment, ordonna de continuer ces saintes processions, afin de nous porter à la pénitence, d'apaiser la justice de Dieu et de conserver les fruits de la terre, qui sont exposés pendant neuf mois de l'année à mille accidents. On appelle ces processions grandes et petites Litanies, ce qui veut dire : prière et supplication. Les litanies n'étaient au commencement que des cris redoublés qu'on poussait vers le bon Dieu en demandant miséricorde par ces deux mots : Kyrie eleison. On y a ensuite ajouté les noms de la sainte Vierge et des saints, pour les prier de s'intéresser à nous auprès du bon Dieu. L'Église, après avoir invoqué le nom de Dieu, réclame l'intercession des saints, expose dans ces litanies les maux dont elle se sent pressée et les biens dont elle se sent le besoin ; elle conjure la bonté de Dieu, par tous les mystères de Jésus-Christ, et surtout par sa qualité d'Agneau et de Victime de Dieu pour nos péchés, qui est le titre le plus capable d'apaiser la colère de Dieu. Oui, ces litanies, ces processions, la sainte Messe et l'abstinence que l'Église nous prescrit ces jours-là nous montrent parfaitement quelles sont ses vues dans tout cela.
Nous devons donc, M.F., pour nous conformer à son intention, regarder ces jours comme des jours consa-crés à la prière, à la pénitence et aux autres bonnes œuvres ; nous faire un grand scrupule d'y man-quer ; et y paraître avec un extérieur modeste et recueilli, avec un cœur contrit et profondément humi-lié sous la puissante main de Dieu, par la vue de nos péchés et des châtiments qu'ils méritent. Étant animés de ces sentiments, nous devons solliciter avec instance, au nom de Jésus-Christ, la divine Miséricorde pour nous, pour nos frères, pour tous les besoins de l'Église, pour les besoins de l'État, et particulièrement pour la conservation des biens de la terre. Mais, hélas ! des devoirs si nécessaires et fondés sur des motifs si intéressants sont presque entièrement oubliés ; tandis qu'on voit certaines personnes sans cesse aux vogues du monde. Eh quoi ! si l'Église nous prescrit des prières pendant ces quatre jours, nous nous ferions une peine d'y assister, puisque ce n'est que pour apai-ser la colère du bon Dieu et pour détourner les maux que méritent nos péchés ?
Savez-vous, M.F., à quoi l'Église nous invite lors-qu'elle nous appelle aux processions ? Le voici, M.F. C'est de quitter quelques moments le travail de la terre, pour nous occuper de celui de notre salut. Quel bonheur, quelle grâce de nous forcer en quelque sorte de sauver notre âme ! Mon Dieu, quel don ! nous cherchons le ciel dans ces processions. Disons encore que nous fai-sons, dans ce moment, ce que les saints ont fait toute leur vie. Dites-moi, M.F., qu'a fait Jésus-Christ pen-dant sa vie ? Rien autre, sinon que de travailler à nous sauver. Eh bien ! M.F., voilà ce que nous faisons pen-dant les jours de Saint-Marc et des Rogations. Quel bonheur, M.F., de travailler dans ce moment au salut de notre âme ! Hélas ! M.F., que le bon Dieu se contente de peu de chose, si nous comparons ce que nos péchés méritent à ce que les saints ont fait ! Ils ne se sont pas contentés de quelques jours de jeûne et de quelques voyages de dévotion, ni de quelques jours d'abstinence ; mais voyez combien d'années de larmes et de péni-tences pour bien moins de péchés que nous ! Voyez un saint Hilarion, qui pleura pendant quatre-vingts ans dans un bois. Voyez un saint Arsène, qui passa le reste de sa vie entre deux roches. Voyez un saint Clément, qui a enduré un martyre qui a duré trente-deux ans. Voyez encore ces foules de martyrs, qui ont donné leur vie pour assurer leur salut. On en voit un exemple bien frappant dans la personne de sainte Félicité, mère de sept enfants, qui vivait sous l'empereur Antonin. Les prêtres des idoles, voyant comment cette sainte savait faire sortir les gens de l'idolâtrie, dirent à l'empereur : « Nous croyons, Seigneur, devoir vous avertir qu'il y a dans Rome une veuve avec ses sept enfants qui, étant de cette secte impie que l'on nomme chrétienne, font des vœux sacrilèges qui rendront vos dieux implaca-bles. » Sur-le-champ, l'empereur dit au préfet de faire venir cette veuve, de la forcer, par toutes sortes de tourments, à sacrifier à ses dieux ; et à son refus, de la faire mourir. Le préfet l'ayant fait venir, la pria avec bonté de quitter sa religion impie, et de sacrifier aux dieux de l'empire ; sinon l'empereur avait ordonné de la faire mourir. Mais sainte Félicité lui répondit avec une sainte fierté : « N'espérez pas, Publius, que vous me gagnerez par vos prières ni par vos menaces. Vous avez le choix, ou de me laisser vivre, ou de me faire mourir ; mais vous êtes sûr d'être vaincu par une femme. » – « Mais, lui dit le préfet, si tu veux mourir, meurs ; mais au moins ne sois pas la cause que tes enfants périssent. » – « Mes enfants périraient, s'ils savaient sacrifier aux démons qui sont tes dieux ; mais s'ils meurent pour le vrai Dieu, ils vivront éternellement. » Mais le préfet : « Ayez au moins pitié de vos enfants qui sont à la fleur de leur âge. » – « Gardez votre compassion pour d'au-tres, nous n'en voulons point. » Ensuite se tournant contre ses enfants qui étaient présents : « Voyez-vous, mes enfants, ce ciel si beau et si élevé, c'est là que Jésus-Christ vous attend pour vous récompenser ; com-battez généreusement, mes enfants, pour le grand Roi du Ciel et de la terre. » On la fit frapper cruellement au visage. Le préfet fit venir le premier de ses enfants nommé Janvier ; ne pouvant le gagner, il le fit cruellement fouetter, puis conduire en prison. Félix se pré-senta ensuite, et lui répondit : « Non, préfet, vous ne nous ferez pas renoncer à notre Dieu pour sacrifier au démon ; faites-nous endurer tous les tourments que vous voudrez, nous ne les craignons pas. » Publius, les ayant fait passer devant son tribunal sans rien pouvoir gagner, le dernier lui dit : « Ah ! préfet, si tu savais les feux qui te sont préparés pour te brûler pendant toute l'éternité ! Ah ! si tu savais que la justice de Dieu est prête à te frapper ! Profite du temps que notre Dieu te laisse encore pour te repentir. » Rien ne put le gagner, il les fit tous mourir ; mais pendant l'exécution, la mère les engageait à souffrir généreusement pour Jésus-Christ : « Courage, mes enfants ; voyez le ciel où Jésus-Christ vous attend pour vous récompenser. »
Eh bien ! voilà des saints qui n'avaient qu'une âme à sauver, qu'un Dieu à servir comme nous, et voyez ce qu'ils ont fait. Oui, M.F., ils ne se sont pas contentés de quelques prières comme nous les faisons pendant quelques moments où l'Église nous appelle à prier ; mais ils ont courageusement donné leur vie pour sauver leur âme. Finissons, M.F., en disant que nous devons nous faire un grand plaisir, une grande joie d'assister à toutes ces saintes processions qui se font dans le cou-rant de l'année, et tâchons d'y venir avec un désir sin-cère pour demander miséricorde. Faisons que jamais le respect humain, ni la moindre incommodité ne soient capables de nous faire transgresser la loi de l'abstinence et du jeûne. Heureux, M.F., si nous remplissons toutes ces petites pratiques de piété, puisque le bon Dieu veut s'en contenter...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Pour le jour de l’Ascension
Gaudete, et exultate, quoniam merces vestra copiosa est in cælis.
Réjouissez-vous, faites éclater votre joie, parce qu'une grande récompense vous est promise dans le ciel.
(S. Matth., V, 12.)
Telles furent, M.F., les consolantes paroles que Jésus-Christ adressa à ses Apôtres pour les consoler et les animer à souffrir courageusement les croix et les persécutions qui devaient leur arriver. « Oui, mes en-fants, leur dit ce tendre Père, vous allez devenir l'objet de la haine et des mépris des méchants, vous serez la victime de leur fureur, les hommes vous haïront, vous conduiront devant les princes de la terre, pour être jugés et condamnés aux supplices les plus affreux, à la mort la plus cruelle, la plus honteuse ; mais, bien loin de vous décourager, réjouissez-vous parce qu'une grande récompense vous est réservée dans le ciel. » O beau ciel ! qui ne vous aimerait pas, puisque tant de biens sont renfermés dans vous ! N'est-ce pas, en effet, M.F., la pensée de cette récompense qui rendait les Apôtres infatigables dans leurs travaux apostoliques, invincibles contre les persécutions qu'ils eurent à souffrir de la part de leurs ennemis ? N'est-ce pas la pensée de ce beau ciel qui faisait paraître les martyrs devant leurs juges avec un courage qui étonnait les tyrans ? N'est-ce pas la vue d'un tel objet, qui éteignait l'ardeur des flammes destinées à les dévorer, et qui émoussait le tranchant des glaives qui les frappaient ? Oh ! combien ils se trou-vaient heureux de sacrifier leurs biens, leur vie, pour leur Dieu, dans l'espérance qu’ « ils passeraient à une meilleure vie qui ne finirait jamais ! O heureux habi-tants de la cité céleste, que de larmes vous avez versées et que de souffrances vous avez endurées pour acquérir la possession de votre Dieu ! Oh ! nous crient-ils du haut de ce trône de gloire où ils sont assis, oh ! comme Dieu nous récompense pour le peu de bien que nous avons fait ! Oui, nous le verrons, ce tendre Père ; oui, nous le bénirons, cet aimable Sauveur ; oui, nous le remercierons, ce charitable Rédempteur, pendant des années sans fin. O heureuse éternité ! s'écrient-ils, que tu vas nous faire éprouver de douceurs et de joies ! Beau ciel, quand te verrons-nous ? O heureux mo-ment, quand viendras-tu ? Sans doute, M.F., que tous, nous désirons et soupirons après de si grands biens ; mais pour vous les faire désirer avec encore plus d'ardeur, je vais vous montrer, autant qu'il me sera possible, le bonheur dont les saints sont enivrés ; en-suite, le chemin qu'il faut prendre pour y aller.
Gaudete, et exultate, quoniam merces vestra copiosa est in cælis.
Réjouissez-vous, faites éclater votre joie, parce qu'une grande récompense vous est promise dans le ciel.
(S. Matth., V, 12.)
Telles furent, M.F., les consolantes paroles que Jésus-Christ adressa à ses Apôtres pour les consoler et les animer à souffrir courageusement les croix et les persécutions qui devaient leur arriver. « Oui, mes en-fants, leur dit ce tendre Père, vous allez devenir l'objet de la haine et des mépris des méchants, vous serez la victime de leur fureur, les hommes vous haïront, vous conduiront devant les princes de la terre, pour être jugés et condamnés aux supplices les plus affreux, à la mort la plus cruelle, la plus honteuse ; mais, bien loin de vous décourager, réjouissez-vous parce qu'une grande récompense vous est réservée dans le ciel. » O beau ciel ! qui ne vous aimerait pas, puisque tant de biens sont renfermés dans vous ! N'est-ce pas, en effet, M.F., la pensée de cette récompense qui rendait les Apôtres infatigables dans leurs travaux apostoliques, invincibles contre les persécutions qu'ils eurent à souffrir de la part de leurs ennemis ? N'est-ce pas la pensée de ce beau ciel qui faisait paraître les martyrs devant leurs juges avec un courage qui étonnait les tyrans ? N'est-ce pas la vue d'un tel objet, qui éteignait l'ardeur des flammes destinées à les dévorer, et qui émoussait le tranchant des glaives qui les frappaient ? Oh ! combien ils se trou-vaient heureux de sacrifier leurs biens, leur vie, pour leur Dieu, dans l'espérance qu’ « ils passeraient à une meilleure vie qui ne finirait jamais ! O heureux habi-tants de la cité céleste, que de larmes vous avez versées et que de souffrances vous avez endurées pour acquérir la possession de votre Dieu ! Oh ! nous crient-ils du haut de ce trône de gloire où ils sont assis, oh ! comme Dieu nous récompense pour le peu de bien que nous avons fait ! Oui, nous le verrons, ce tendre Père ; oui, nous le bénirons, cet aimable Sauveur ; oui, nous le remercierons, ce charitable Rédempteur, pendant des années sans fin. O heureuse éternité ! s'écrient-ils, que tu vas nous faire éprouver de douceurs et de joies ! Beau ciel, quand te verrons-nous ? O heureux mo-ment, quand viendras-tu ? Sans doute, M.F., que tous, nous désirons et soupirons après de si grands biens ; mais pour vous les faire désirer avec encore plus d'ardeur, je vais vous montrer, autant qu'il me sera possible, le bonheur dont les saints sont enivrés ; en-suite, le chemin qu'il faut prendre pour y aller.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. – Si je devais, M.F., vous faire le triste et déplo-rable tableau des peines qu'endurent les réprouvés dans les abîmes, je commencerais à vous prouver la certitude de ces peines ; ensuite, j'étalerais devant vos yeux avec un tremblement, ou pour mieux dire, avec une espèce de désespoir, la grandeur et la durée des maux qu'ils souffrent et qu'ils souffriront éternellement. A ce récit lamentable, vous vous sentiriez saisis d'horreur, et pour vous le faire encore mieux comprendre, je vous montre-rais quelles sont les causes qui peuvent si vivement dévorer leurs âmes de désespoir et d'horreur. Il y en a quatre, vous dirais-je, qui sont : la privation de la vue de Dieu, la douleur qu'ils ressentent, la certitude qu'ils ont qu'elle ne finira jamais, et les moyens qu'ils avaient eus, par lesquels ils pouvaient si facilement s'en exemp-ter : ce qui sera comme autant de bourreaux qui les dévoreront pendant une éternité entière. En effet, quand un damné demanderait pendant mille éternités, s'il était possible d'en avoir mille, avec les cris les plus déchi-rants et les plus attendrissants, le bonheur de voir Dieu une seule minute, il est certain que jamais cela ne lui sera accordé. En deuxième lieu, je dis qu'à chaque ins-tant, lui seul souffre plus que jamais n'ont souffert tous les martyrs ensemble, ou, pour mieux dire, il endure, à chaque minute de l'éternité, toutes les souffrances qu'il doit souffrir pendant l'éternité. La troisième cause de leurs supplices c'est que, malgré la rigueur de leurs peines, ils sont assurés qu'elles ne finiront jamais. Mais ce qui achèvera de mettre le comble à leurs tourments, à leur désespoir, c'est qu'ils verront tant de moyens si faciles, non seulement pour éviter toutes ces horreurs, mais encore pour être heureux pendant toute l'éternité ; ils verront sans cesse toutes les grâces que Dieu leur a offertes pour se sauver, ce qui sera autant de bourreaux qui les dévoreront. Du fond des flammes, ils verront les bienheureux assis sur des trônes de gloire, saisis d'un amour ardent et si tendre qu'ils seront dans une ivresse continuelle ; pour eux, la pensée des grâces que Dieu leur a faites, le souvenir du mépris qu'ils en ont fait, leur feront pousser des hurlements de rage et de désespoir si affreux que l'univers entier, si Dieu permettait qu'ils fussent entendus, en perdrait la vie et tomberait dans le néant. De là s'ensuivront les blasphèmes les plus horribles, qu'ils vomiront les uns contre les autres. Un enfant criera qu'il n'est perdu que parce que ses parents l'ont bien voulu ; il invoquera la colère de Dieu, et lui demandera, avec les plus horribles cris, de lui accorder d'être le bourreau de son père. Une fille arrachera les yeux à sa mère qui, au lieu de la conduire au ciel, l'a poussée, traînée en enfer par ses mauvais exem-ples, par des paroles qui ne respiraient que la monda-nité, le libertinage. Ces enfants vomiront des blasphè-mes horribles contre Dieu de n'avoir pas assez de puis-sance et de fureur pour faire souffrir leurs parents ; ils courront dans les abîmes comme des désespérés qu'ils seront, pour arracher et traîner les démons, pour les jeter sur leurs pères et mères ; afin de faire sentir que jamais ils ne seront assez tourmentés pour les avoir perdus, tandis qu'ils pouvaient si bien les sauver. O éternité malheureuse ! ô malheureux pères et mères, que les tourments qui vous sont réservés sont affreux ! Encore un instant, et vous les éprouverez, encore un instant et vous brûlerez dans les flammes !...
Mais non, M.F., n'allons pas plus loin ; ce n'est pas le moment de nous entretenir d'un objet aussi triste et aussi malheureux ; ne troublons pas la joie que nous avons ressentie en... aux approches d'un jour consacré à publier le bonheur dont jouissent les élus dans la cité céleste et permanente. Je vous ai dit, M.F., que quatre choses accableront de maux les réprouvés dans les flammes ; de même, par rapport aux bienheureux, je vous dirai que quatre choses s'unissent ensemble pour ne rien laisser à désirer. Ces choses sont : 1° la vue et la présence du Fils de Dieu, qui se manifestera dans tout l'éclat de sa gloire, de sa beauté et de toutes ses amabilités ; c'est-à-dire, tel qu'il est dans le sein de son Père ; 2° c'est ce torrent de douceur et de chastes plaisirs qu'ils ressentiront, qui sera semblable au débordement d'une mer agitée par les fureurs d'une horrible tempête ; elle transporte dans ses flots, et les plonge dans une ivresse si ravissante qu'ils en ou-blient qu'ils existent. La troisième cause de leur bon-heur, au milieu de toutes ces délices, c'est l'assurance où ils seront qu'elles ne finiront jamais ; et enfin, ce qui achèvera de les noyer dans ces torrents d'amour, c'est que tous ces biens leur sont donnés pour récom-pense des vertus et des pénitences qu'ils auront faites. Ces saintes âmes verront que c'est à leurs bonnes œuvres qu'elles sont redevables des chastes embrasse-ments de leur époux.
Je dis d'abord que le premier transport d'amour qui s'emparera de leur cœur, c'est à la vue des beautés qu'elles découvriront aux approches de la présence de Dieu. Dans ce monde, si beau et si flatteur que soit un objet qui se présente à nous, après un instant de plai-sir, notre esprit se lasse et se tourne d'un autre côté, s'il y trouve de quoi se satisfaire ; il va d'une chose à l'autre sans pouvoir trouver de quoi se contenter ; mais, dans, le ciel, il n'en est pas de même ; il faut, au con-traire, que Dieu nous rende participants de ses forces, pour pouvoir soutenir l'éclat de ses beautés et des choses tendres et ravissantes qui s'offrent continuelle-ment à nos yeux ; ce qui jette les âmes des élus dans un tel abîme de douceur et d'amour, qu'elles ne peu-vent pas distinguer si elles vivent, ou si elles se chan-gent en amour. O heureuse demeure ! O bonheur per-manent ! qui de nous te goûtera un jour ?
En deuxième lieu, je dis que quelque grandes et ravissantes que soient ces douceurs, nous entendrons continuellement les anges qui chanteront qu'elles dure-ront toujours. Je vous laisse à penser ce que les bien-heureux ressentent de tout cela.
En troisième lieu, dans ce monde, si nous goûtons quelques plaisirs, nous ne tardons pas à ressentir quel-ques peines qui en diminuent les douceurs, soit par la crainte que nous avons de les perdre, soit aussi par les soins qu'il faut prendre pour les conserver : ce qui fait que nous ne sommes jamais parfaitement contents. Dans le ciel, ce n'est pas de même ; nous sommes dans la joie et les délices, et assurés que jamais rien ne pourra nous les ravir ni les diminuer.
En quatrième lieu, je dis que le dernier trait d'amour dont notre cœur sera percé, c'est le tableau que Dieu mettra devant nos yeux de toutes les larmes que nous aurons versées et de toutes les pénitences que nous aurons faites pendant notre vie, sans même laisser échapper une bonne pensée, un bon désir. Oh ! quelle joie pour un bon chrétien, qui verra le mépris qu'il a eu pour lui-même, les duretés qu'il aura exercées sur son corps, le plaisir qu'il éprouvait en se voyant mé-prisé ! Il verra sa fidélité à rejeter toutes ces mauvaises pensées dont le démon avait tâché de salir son imagina-tion ; il se rappellera ses préparations pour ses confes-sions, son empressement à nourrir son âme à la table sainte ; il aura devant les yeux chaque fois qu'il s'est dépouillé pour couvrir son frère pauvre et souffrant. « O mon Dieu ! O mon Dieu ! s'écriera-t-il à chaque ins-tant, que de biens pour si peu de chose ! » Mais Dieu, pour enflammer les élus d'amour et de reconnaissance, placera sa croix sanglante au milieu de sa cour, et leur fera la description de toutes les souffrances qu'il a endurées pour les rendre heureux, guidé qu'il était par son seul amour. Je laisse à penser quels seront leurs transports d'amour et de reconnaissance ; quels chastes embrassements ne vont-ils pas lui prodiguer pendant l'éternité, en se rappelant que cette croix est l'instru-ment dont Dieu s'est servi pour leur donner tant de biens !
Les saints Pères, en nous faisant la description des peines qu'endurent les réprouvés, nous disent que cha-cun de leurs sens est tourmenté, selon les crimes qu'ils ont commis et les plaisirs qu'ils ont goûtés : une per-sonne qui aura eu le malheur de s'être livrée au vice impur sera couverte de serpents et de dragons qui la dévoreront pendant l'éternité ; ses yeux qui auront eu des regards déshonnêtes, ses oreilles qui auront pris plaisir aux chansons et discours impudiques, sa bouche qui aura vomi ces impudicités, seront autant de canaux par où sortiront des tourbillons de flammes qui les dévoreront ; leurs yeux ne verront que les objets les plus horribles. Un avare y ressentira une faim à se dévo-rer lui-même ; un orgueilleux sera foulé sous les pieds des autres damnés, un vindicatif sera traîné par les démons dans les flammes. Non, M.F., il n'y aura aucune partie de notre corps qui ne souffrira à proportion des crimes qu'elle aura commis. O horreur ! O malheur épouvantable !...
D'après cela, je dis que, par rapport au bonheur des bienheureux dans le ciel, il en sera de même : leur bon-heur, leurs plaisirs et leurs joies seront grands à pro-portion de ce qu'ils auront fait souffrir leur corps pen-dant leur vie. Si nous avons eu horreur des chansons et des discours infâmes, nous n'entendrons, dans le ciel, que des cantiques tendres et ravissants, dont les anges feront retentir la voûte des cieux ; si nous avons été chastes dans nos regards, nos yeux ne seront occupés qu'à contempler des objets dont la beauté les tiendra dans un ravissement continuel sans pouvoir s'en lasser : c'est-à-dire que toujours nous découvrirons de nouvelles beautés semblables à une source d'amour qui coule sans cesse. Notre cœur qui aura gémi, pleuré pendant son exil, ressentira une telle ivresse de douceur qu'il ne sera plus à lui-même. Le Saint-Esprit nous dit que les personnes chastes seront semblables à une personne couchée sur un lit de roses, dont les odeurs la tiennent dans une extase continuelle. Pour mieux dire, ce ne sont que des plaisirs chastes et purs dont les saints seront nourris et enivrés pendant l'éternité.
Mais, pensez-vous en vous-même, quand nous serons dans le ciel, nous serons bien tous heureux de même. – Oui, mon ami, mais il y a quelque chose à distinguer. Si les damnés sont malheureux, et souffrent selon les crimes qu'ils ont commis ; de même, il ne faut pas douter que plus les saints ont fait de pénitences, plus leur gloire est brillante ; et voici comment cela se fera. Il est nécessaire, ou plutôt il faut que Dieu nous donne des forces proportionnées à l'état de gloire dont il veut nous environner, de sorte qu'il nous donnera des forces à proportion des douceurs qu'il veut nous faire éprouver. A ceux qui ont fait de grandes pénitences sans avoir commis de péchés, il donnera des forces suffisantes pour soutenir les grâces qu'il leur communiquera pendant toute l'éternité. Il est très véritable que nous serons tous très heureux et tous contents, parce que nous trouve-rons des délices autant qu'il nous en faudra pour ne rien nous laisser à désirer. « O mon Dieu ! mon Dieu ! s'écrie saint François de Sales, dans une furieuse tentation qu'il éprouve, vos jugements sont épouvantables ; mais si j'étais assez malheureux que de ne pas vous aimer dans l'éternité, ah ! du moins, accordez-moi la grâce de vous aimer autant que je pourrai en ce monde. » Ah ! si du moins, pauvres pécheurs qui ne voulez pas revenir à votre Dieu, si du moins, vous aviez les mêmes désirs que ce grand saint, que vous aimassiez le bon Dieu autant que vous le pouvez en cette vie ! O mon Dieu ! combien de chrétiens qui m'écoutent ne vous verront jamais ! O beau ciel ! ô belle demeure ! quand te verrons-nous ? O mon Dieu ! jusques à quand nous laisserez-vous lan-guir dans cette terre étrangère ? dans ce bannissement ?... Ah ! si vous voyiez celui que mon cœur aime ! ah ! dites--lui que je languis d'amour, que je ne vis plus, mais que je meurs à toute heure !...Oh ! qui me donnera des ailes comme à la colombe pour quitter cet exil et voler dans le sein de mon bien-aimé !... O cité heureuse ! d'où sont bannies toutes les peines et où l'on nage dans un déli-cieux torrent d'amour éternel !...
Mais non, M.F., n'allons pas plus loin ; ce n'est pas le moment de nous entretenir d'un objet aussi triste et aussi malheureux ; ne troublons pas la joie que nous avons ressentie en... aux approches d'un jour consacré à publier le bonheur dont jouissent les élus dans la cité céleste et permanente. Je vous ai dit, M.F., que quatre choses accableront de maux les réprouvés dans les flammes ; de même, par rapport aux bienheureux, je vous dirai que quatre choses s'unissent ensemble pour ne rien laisser à désirer. Ces choses sont : 1° la vue et la présence du Fils de Dieu, qui se manifestera dans tout l'éclat de sa gloire, de sa beauté et de toutes ses amabilités ; c'est-à-dire, tel qu'il est dans le sein de son Père ; 2° c'est ce torrent de douceur et de chastes plaisirs qu'ils ressentiront, qui sera semblable au débordement d'une mer agitée par les fureurs d'une horrible tempête ; elle transporte dans ses flots, et les plonge dans une ivresse si ravissante qu'ils en ou-blient qu'ils existent. La troisième cause de leur bon-heur, au milieu de toutes ces délices, c'est l'assurance où ils seront qu'elles ne finiront jamais ; et enfin, ce qui achèvera de les noyer dans ces torrents d'amour, c'est que tous ces biens leur sont donnés pour récom-pense des vertus et des pénitences qu'ils auront faites. Ces saintes âmes verront que c'est à leurs bonnes œuvres qu'elles sont redevables des chastes embrasse-ments de leur époux.
Je dis d'abord que le premier transport d'amour qui s'emparera de leur cœur, c'est à la vue des beautés qu'elles découvriront aux approches de la présence de Dieu. Dans ce monde, si beau et si flatteur que soit un objet qui se présente à nous, après un instant de plai-sir, notre esprit se lasse et se tourne d'un autre côté, s'il y trouve de quoi se satisfaire ; il va d'une chose à l'autre sans pouvoir trouver de quoi se contenter ; mais, dans, le ciel, il n'en est pas de même ; il faut, au con-traire, que Dieu nous rende participants de ses forces, pour pouvoir soutenir l'éclat de ses beautés et des choses tendres et ravissantes qui s'offrent continuelle-ment à nos yeux ; ce qui jette les âmes des élus dans un tel abîme de douceur et d'amour, qu'elles ne peu-vent pas distinguer si elles vivent, ou si elles se chan-gent en amour. O heureuse demeure ! O bonheur per-manent ! qui de nous te goûtera un jour ?
En deuxième lieu, je dis que quelque grandes et ravissantes que soient ces douceurs, nous entendrons continuellement les anges qui chanteront qu'elles dure-ront toujours. Je vous laisse à penser ce que les bien-heureux ressentent de tout cela.
En troisième lieu, dans ce monde, si nous goûtons quelques plaisirs, nous ne tardons pas à ressentir quel-ques peines qui en diminuent les douceurs, soit par la crainte que nous avons de les perdre, soit aussi par les soins qu'il faut prendre pour les conserver : ce qui fait que nous ne sommes jamais parfaitement contents. Dans le ciel, ce n'est pas de même ; nous sommes dans la joie et les délices, et assurés que jamais rien ne pourra nous les ravir ni les diminuer.
En quatrième lieu, je dis que le dernier trait d'amour dont notre cœur sera percé, c'est le tableau que Dieu mettra devant nos yeux de toutes les larmes que nous aurons versées et de toutes les pénitences que nous aurons faites pendant notre vie, sans même laisser échapper une bonne pensée, un bon désir. Oh ! quelle joie pour un bon chrétien, qui verra le mépris qu'il a eu pour lui-même, les duretés qu'il aura exercées sur son corps, le plaisir qu'il éprouvait en se voyant mé-prisé ! Il verra sa fidélité à rejeter toutes ces mauvaises pensées dont le démon avait tâché de salir son imagina-tion ; il se rappellera ses préparations pour ses confes-sions, son empressement à nourrir son âme à la table sainte ; il aura devant les yeux chaque fois qu'il s'est dépouillé pour couvrir son frère pauvre et souffrant. « O mon Dieu ! O mon Dieu ! s'écriera-t-il à chaque ins-tant, que de biens pour si peu de chose ! » Mais Dieu, pour enflammer les élus d'amour et de reconnaissance, placera sa croix sanglante au milieu de sa cour, et leur fera la description de toutes les souffrances qu'il a endurées pour les rendre heureux, guidé qu'il était par son seul amour. Je laisse à penser quels seront leurs transports d'amour et de reconnaissance ; quels chastes embrassements ne vont-ils pas lui prodiguer pendant l'éternité, en se rappelant que cette croix est l'instru-ment dont Dieu s'est servi pour leur donner tant de biens !
Les saints Pères, en nous faisant la description des peines qu'endurent les réprouvés, nous disent que cha-cun de leurs sens est tourmenté, selon les crimes qu'ils ont commis et les plaisirs qu'ils ont goûtés : une per-sonne qui aura eu le malheur de s'être livrée au vice impur sera couverte de serpents et de dragons qui la dévoreront pendant l'éternité ; ses yeux qui auront eu des regards déshonnêtes, ses oreilles qui auront pris plaisir aux chansons et discours impudiques, sa bouche qui aura vomi ces impudicités, seront autant de canaux par où sortiront des tourbillons de flammes qui les dévoreront ; leurs yeux ne verront que les objets les plus horribles. Un avare y ressentira une faim à se dévo-rer lui-même ; un orgueilleux sera foulé sous les pieds des autres damnés, un vindicatif sera traîné par les démons dans les flammes. Non, M.F., il n'y aura aucune partie de notre corps qui ne souffrira à proportion des crimes qu'elle aura commis. O horreur ! O malheur épouvantable !...
D'après cela, je dis que, par rapport au bonheur des bienheureux dans le ciel, il en sera de même : leur bon-heur, leurs plaisirs et leurs joies seront grands à pro-portion de ce qu'ils auront fait souffrir leur corps pen-dant leur vie. Si nous avons eu horreur des chansons et des discours infâmes, nous n'entendrons, dans le ciel, que des cantiques tendres et ravissants, dont les anges feront retentir la voûte des cieux ; si nous avons été chastes dans nos regards, nos yeux ne seront occupés qu'à contempler des objets dont la beauté les tiendra dans un ravissement continuel sans pouvoir s'en lasser : c'est-à-dire que toujours nous découvrirons de nouvelles beautés semblables à une source d'amour qui coule sans cesse. Notre cœur qui aura gémi, pleuré pendant son exil, ressentira une telle ivresse de douceur qu'il ne sera plus à lui-même. Le Saint-Esprit nous dit que les personnes chastes seront semblables à une personne couchée sur un lit de roses, dont les odeurs la tiennent dans une extase continuelle. Pour mieux dire, ce ne sont que des plaisirs chastes et purs dont les saints seront nourris et enivrés pendant l'éternité.
Mais, pensez-vous en vous-même, quand nous serons dans le ciel, nous serons bien tous heureux de même. – Oui, mon ami, mais il y a quelque chose à distinguer. Si les damnés sont malheureux, et souffrent selon les crimes qu'ils ont commis ; de même, il ne faut pas douter que plus les saints ont fait de pénitences, plus leur gloire est brillante ; et voici comment cela se fera. Il est nécessaire, ou plutôt il faut que Dieu nous donne des forces proportionnées à l'état de gloire dont il veut nous environner, de sorte qu'il nous donnera des forces à proportion des douceurs qu'il veut nous faire éprouver. A ceux qui ont fait de grandes pénitences sans avoir commis de péchés, il donnera des forces suffisantes pour soutenir les grâces qu'il leur communiquera pendant toute l'éternité. Il est très véritable que nous serons tous très heureux et tous contents, parce que nous trouve-rons des délices autant qu'il nous en faudra pour ne rien nous laisser à désirer. « O mon Dieu ! mon Dieu ! s'écrie saint François de Sales, dans une furieuse tentation qu'il éprouve, vos jugements sont épouvantables ; mais si j'étais assez malheureux que de ne pas vous aimer dans l'éternité, ah ! du moins, accordez-moi la grâce de vous aimer autant que je pourrai en ce monde. » Ah ! si du moins, pauvres pécheurs qui ne voulez pas revenir à votre Dieu, si du moins, vous aviez les mêmes désirs que ce grand saint, que vous aimassiez le bon Dieu autant que vous le pouvez en cette vie ! O mon Dieu ! combien de chrétiens qui m'écoutent ne vous verront jamais ! O beau ciel ! ô belle demeure ! quand te verrons-nous ? O mon Dieu ! jusques à quand nous laisserez-vous lan-guir dans cette terre étrangère ? dans ce bannissement ?... Ah ! si vous voyiez celui que mon cœur aime ! ah ! dites--lui que je languis d'amour, que je ne vis plus, mais que je meurs à toute heure !...Oh ! qui me donnera des ailes comme à la colombe pour quitter cet exil et voler dans le sein de mon bien-aimé !... O cité heureuse ! d'où sont bannies toutes les peines et où l'on nage dans un déli-cieux torrent d'amour éternel !...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
II. – Eh bien ! mon ami, vous en fâcherait-il d'être de ce nombre, tandis que les damnés brûleront, et pousse-ront des cris horribles sans jamais espérer de fin ? – Oh ! me direz-vous, non seulement il ne m'en fâcherait pas ; mais je voudrais déjà y être. – Je pensais bien que vous m'alliez dire cela ; mais il y a plus qu'à le désirer, il faut travailler pour le mériter. – Eh bien ! que faut-il donc faire ? – Vous ne le savez donc pas, mon ami ; eh bien ! le voici : écoutez-le bien et vous le saurez. Il faudrait ne pas tant vous attacher aux biens de ce monde, avoir un peu plus de charité pour votre femme, vos enfants, vos domestiques et vos voisins ; avoir un cœur un peu plus tendre pour les malheu-reux ; au lieu de ne penser qu'à ramasser de l'argent, à acheter des terres, il faudrait penser à vous acheter une place dans le ciel ; au lieu de travailler le diman-che, il faudrait le bien sanctifier en venant dans la maison de Dieu pour y pleurer vos péchés, lui demander de ne plus y retomber et de vous pardonner ; bien loin de ne pas donner le temps à vos enfants et à vos domestiques de remplir leurs devoirs de religion, vous devriez être les premiers à les y porter par vos paroles et vos bons exemples ; au lieu de vous emporter à la moindre perte ou contradiction qui vous arrive, vous devriez considérer qu'étant pécheur, vous en méritez bien plus, et que Dieu ne se conduit envers vous que de la manière la plus sûre pour vous rendre heureux un jour. Voilà, mon ami, ce qu'il faudrait faire pour aller au ciel, et vous ne le faites pas.
Non, me direz-vous. – Et qu'allez-vous devenir, mon frère, puisque vous tenez le chemin qui conduit dans un lieu où l'on souffre des maux si affreux ? Prenez garde, si vous ne quittez pas cette route, vous ne tar-derez pas d'y tomber ; faites là-dessus vos réflexions, et ensuite vous me direz ce que vous aurez trouvé, et moi je vous dirai ce qu'il faudra faire. N'est-ce pas, mon ami, que vous portez envie à ces heureux habi-tants de la cour céleste ? – Ah ! je voudrais y être déjà ; au moins je serais délivré de toutes les misères de ce monde. – Et moi aussi, je voudrais ; mais c'est qu'il y a autre chose à faire et à penser. – Que faut-il donc faire ? Je le ferai. – Vos pensées sont très bonnes eh bien ! écoutez un instant et je vais vous le montrer. Ne dormez pas, s'il vous plaît. Il faudrait, ma sœur, être un peu plus soumise à votre mari, ne pas vous laisser monter le sang à la tête pour un rien ; il fau-drait un peu plus le prévenir, et lorsque vous le voyez revenir dans le vin, ou bien ayant fait quelque mau-vais marché, il ne faudrait pas vous déchaîner contre lui jusqu'à ce que vous l'ayez fait mettre dans une fureur à ne plus se posséder. De là viennent les blasphèmes et les malédictions sans nombre contre vous, et qui scandalisent vos enfants et vos domesti-ques ; bien loin d'aller courir les maisons pour rappor-ter ce que vous dit ou fait votre mari, vous devriez employer ce temps-là en prières pour demander au bon Dieu de vous donner la patience et la soumission que vous devez à votre mari ; demander que Dieu lui touche le cœur pour le changer. Je sais bien ce qu'il faudrait encore faire pour aller au ciel : ma mère, écoutez-le bien et cela ne vous sera pas inutile. Ce serait de donner un peu plus de temps à instruire vos enfants et vos domestiques, à leur apprendre ce qu'ils doivent faire pour aller au ciel ; ce serait de ne leur acheter pas tout à fait de si beaux habits, pour avoir de quoi faire l'aumône, et attirer les bénédictions de Dieu, et peut-être même vous donner de quoi payer vos dettes ; il faudrait laisser les vanités de côté, et que sais-je encore ? Il faudrait qu'il n'y ait dans votre conduite que de bons exemples, cette exactitude à faire vos prières le matin et le soir, à vous préparer à la sainte communion, à approcher des sacrements ; il faudrait ce détachement des biens du monde, un langage qui montre le mépris que vous faites de toutes les choses d'ici-bas et l'estime que vous faites des choses de l'autre vie. Voilà quels devraient être vos occupations et tous vos soins ; si vous vous comportez autrement, vous êtes perdus ; pen-sez-y bien aujourd'hui, peut-être que demain il ne sera plus temps ; faites votre examen là-dessus, et ensuite, jugez-vous vous-même ; pleurez vos fautes, et tâchez de mieux faire, sinon vous ne serez jamais au ciel.
N'est-ce pas, ma sœur, que toutes ces ravissantes beautés dont les saints sont enivrés vous font envie ? – Ah ! me direz-vous, l'on porterait bien envie à un bonheur moins grand que celui-là. – Vous avez bien raison, je serais, je crois, comme vous ; mais ce qui me donne de l'inquiétude, c'est que je n'ai rien fait pour le mériter ; peut-être que vous êtes comme moi ? – Quoi qu'il faille faire, pensez-vous, je le ferais bien si je le savais ; que ne doit-on pas entreprendre pour se procurer tant de biens ? S'il était nécessaire de tout quitter et de tout sacrifier, même d'abandonner le monde, pour passer le reste de ses jours dans un monastère, je le ferais bien volontiers. – Voilà qui est très bien : ces pensées sont vraiment dignes d'une bonne chrétienne ; je ne croyais pas que votre courage fût si grand ; mais je vous dirai que Dieu n'en demande pas autant. – Eh bien ! pensez-vous, dites ce qu'il faut faire, et je le ferai très volontiers. – Je vais donc vous le dire et vous prier d'y bien faire réflexion. Ce serait de ne pas autant prendre soin de votre corps, le faire un peu plus souffrir ; ne pas tant craindre que cette beauté se perde ou se diminue ; n'être pas tout à fait si longue, le dimanche matin, à vous arranger, à vous considérer devant une glace de miroir, afin d'avoir plus de temps à donner au bon Dieu. Ce serait seulement d'avoir un peu plus de soumission à vos parents, en vous rappelant qu'après Dieu c'est à eux que vous devez là vie, et que vous devez leur obéir de bon cœur et non en murmurant. Ce serait aussi, au lieu de vous voir dans les plaisirs, dans les danses et les rendez-vous, de vous voir dans la maison du Sei-gneur, à le prier, à vous purifier de vos péchés et à nourrir votre âme du pain des anges. Ce serait aussi d'être un peu plus réservée dans vos paroles, un peu plus réservée dans les entretiens que vous avez avec les personnes d'un sexe différent. Voilà seulement ce que Dieu demande de vous ; si vous le faites, vous irez au ciel.
Non, me direz-vous. – Et qu'allez-vous devenir, mon frère, puisque vous tenez le chemin qui conduit dans un lieu où l'on souffre des maux si affreux ? Prenez garde, si vous ne quittez pas cette route, vous ne tar-derez pas d'y tomber ; faites là-dessus vos réflexions, et ensuite vous me direz ce que vous aurez trouvé, et moi je vous dirai ce qu'il faudra faire. N'est-ce pas, mon ami, que vous portez envie à ces heureux habi-tants de la cour céleste ? – Ah ! je voudrais y être déjà ; au moins je serais délivré de toutes les misères de ce monde. – Et moi aussi, je voudrais ; mais c'est qu'il y a autre chose à faire et à penser. – Que faut-il donc faire ? Je le ferai. – Vos pensées sont très bonnes eh bien ! écoutez un instant et je vais vous le montrer. Ne dormez pas, s'il vous plaît. Il faudrait, ma sœur, être un peu plus soumise à votre mari, ne pas vous laisser monter le sang à la tête pour un rien ; il fau-drait un peu plus le prévenir, et lorsque vous le voyez revenir dans le vin, ou bien ayant fait quelque mau-vais marché, il ne faudrait pas vous déchaîner contre lui jusqu'à ce que vous l'ayez fait mettre dans une fureur à ne plus se posséder. De là viennent les blasphèmes et les malédictions sans nombre contre vous, et qui scandalisent vos enfants et vos domesti-ques ; bien loin d'aller courir les maisons pour rappor-ter ce que vous dit ou fait votre mari, vous devriez employer ce temps-là en prières pour demander au bon Dieu de vous donner la patience et la soumission que vous devez à votre mari ; demander que Dieu lui touche le cœur pour le changer. Je sais bien ce qu'il faudrait encore faire pour aller au ciel : ma mère, écoutez-le bien et cela ne vous sera pas inutile. Ce serait de donner un peu plus de temps à instruire vos enfants et vos domestiques, à leur apprendre ce qu'ils doivent faire pour aller au ciel ; ce serait de ne leur acheter pas tout à fait de si beaux habits, pour avoir de quoi faire l'aumône, et attirer les bénédictions de Dieu, et peut-être même vous donner de quoi payer vos dettes ; il faudrait laisser les vanités de côté, et que sais-je encore ? Il faudrait qu'il n'y ait dans votre conduite que de bons exemples, cette exactitude à faire vos prières le matin et le soir, à vous préparer à la sainte communion, à approcher des sacrements ; il faudrait ce détachement des biens du monde, un langage qui montre le mépris que vous faites de toutes les choses d'ici-bas et l'estime que vous faites des choses de l'autre vie. Voilà quels devraient être vos occupations et tous vos soins ; si vous vous comportez autrement, vous êtes perdus ; pen-sez-y bien aujourd'hui, peut-être que demain il ne sera plus temps ; faites votre examen là-dessus, et ensuite, jugez-vous vous-même ; pleurez vos fautes, et tâchez de mieux faire, sinon vous ne serez jamais au ciel.
N'est-ce pas, ma sœur, que toutes ces ravissantes beautés dont les saints sont enivrés vous font envie ? – Ah ! me direz-vous, l'on porterait bien envie à un bonheur moins grand que celui-là. – Vous avez bien raison, je serais, je crois, comme vous ; mais ce qui me donne de l'inquiétude, c'est que je n'ai rien fait pour le mériter ; peut-être que vous êtes comme moi ? – Quoi qu'il faille faire, pensez-vous, je le ferais bien si je le savais ; que ne doit-on pas entreprendre pour se procurer tant de biens ? S'il était nécessaire de tout quitter et de tout sacrifier, même d'abandonner le monde, pour passer le reste de ses jours dans un monastère, je le ferais bien volontiers. – Voilà qui est très bien : ces pensées sont vraiment dignes d'une bonne chrétienne ; je ne croyais pas que votre courage fût si grand ; mais je vous dirai que Dieu n'en demande pas autant. – Eh bien ! pensez-vous, dites ce qu'il faut faire, et je le ferai très volontiers. – Je vais donc vous le dire et vous prier d'y bien faire réflexion. Ce serait de ne pas autant prendre soin de votre corps, le faire un peu plus souffrir ; ne pas tant craindre que cette beauté se perde ou se diminue ; n'être pas tout à fait si longue, le dimanche matin, à vous arranger, à vous considérer devant une glace de miroir, afin d'avoir plus de temps à donner au bon Dieu. Ce serait seulement d'avoir un peu plus de soumission à vos parents, en vous rappelant qu'après Dieu c'est à eux que vous devez là vie, et que vous devez leur obéir de bon cœur et non en murmurant. Ce serait aussi, au lieu de vous voir dans les plaisirs, dans les danses et les rendez-vous, de vous voir dans la maison du Sei-gneur, à le prier, à vous purifier de vos péchés et à nourrir votre âme du pain des anges. Ce serait aussi d'être un peu plus réservée dans vos paroles, un peu plus réservée dans les entretiens que vous avez avec les personnes d'un sexe différent. Voilà seulement ce que Dieu demande de vous ; si vous le faites, vous irez au ciel.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Et vous, mon frère, que pensez-vous de tout cela ? De quel côté portez-vous vos désirs ? – Ah ! dites-vous, j'aimerais bien mieux aller au ciel, puisque l'on y est si bien, que d'être jeté en enfer où l'on souffre tant et de toutes sortes de tourments ; mais c'est qu'il y a bien à faire pour y aller, c'est qu'il me manque du courage. Si un seul péché nous condamne, moi qui à chaque ins-tant, me mets en colère, je n'ose pas même entrepren-dre ! – Vous n'osez pas entreprendre ? Voulez-vous m'écouter un moment, et je vais vous montrer bien clairement que ce n'est pas si malaisé que vous le croyez bien ; et que vous aurez moins de peine à plaire à Dieu et à sauver votre âme, que vous en avez à vous procurer des plaisirs et à contenter le monde. Tournez seulement vos soins et vos peines que vous avez donnés au monde du côté du bon Dieu, et vous verrez qu'il n'en demande pas tant que le monde vous en demande. Vos plaisirs sont toujours mêlés de tristesses et d'amertumes, et de plus, suivis du repentir de les avoir goûtés. Combien de fois vous dites en revenant de passer une partie de la nuit dans un cabaret ou une danse : « Je suis fâché d'y avoir été ; si j'avais su tout ce qui s'y passe, je n'y aurais pas été. » Mais, au contraire, si vous aviez passé une partie de la nuit en prières, bien loin d'être fâché, vous sentiriez au dedans de vous-même une certaine joie, une douceur qui dévorerait votre cœur par ses traits d'amour. Plein de joie, vous diriez comme le saint roi David : « O mon Dieu ! qu'un jour passé dans votre temple est préférable à mille passés dans les assemblées du monde. » Les plaisirs que vous goûtez pour le monde vous dégoûtent ; presque chaque fois que vous vous y livrez, vous prenez des résolutions de n'y plus retourner ; souvent même vous vous livrez aux larmes, pres-que jusqu'à vous désespérer de ce que vous ne pouvez pas vous corriger ; vous maudissez les personnes qui ont commencé à vous déranger ; vous vous en plaignez à chaque instant ; vous enviez le bonheur de ceux qui passent tranquillement leurs jours dans la pratique de la vertu, dans un entier mépris des plaisirs du monde ; combien de fois même vos yeux laissent couler des larmes en voyant cette paix, cette joie qui brillent sur le front des bons chrétiens ; que sais-je ? vous portez envie jusqu'aux personnes qui ont le bon-heur d'habiter sous le même toit.
J'ai dit, mon ami, que quand vous avez passé les nuits dans les excès du vice, et de quelque autre liber-tinage que je n'ose nommer, vous ne trouvez après vous que trouble, qu'ennuis, que regrets et désespoir ; cependant vous avez fait tout ce que vous avez pu pour vous contenter, sans en pouvoir venir à bout. Eh bien ! mon ami, voyez combien il est plus doux de souffrir pour Dieu que pour le monde. Quand on a passé une nuit ou deux en prière, bien loin d'en être fâché, de s'en repentir, de porter envie à ceux qui passent ce temps dans le sommeil et la mollesse : au contraire, l'on pleure leur malheur et leur aveuglement ; l'on bénit mille fois le Seigneur de nous avoir inspiré la pensée de nous procurer tant de douceurs et de consolations ; bien loin de maudire les personnes qui nous ont fait embras-ser un tel genre de vie, nous ne pouvons les voir sans laisser couler des larmes de reconnaissance, tant nous nous trouvons heureux ; bien loin de prendre la résolu-tion de n'y plus retourner, nous nous sentons résolus d'en faire davantage, et nous portons une sainte envie à ceux qui ne sont occupés qu'à louer le bon Dieu. Si vous avez dépensé votre argent pour vos plaisirs, le lendemain, vous le pleurez ; mais un chrétien qui l'a donné pour conserver la vie à un pauvre homme qui ne pou-vait vivre, un chrétien qui a vêtu un malheureux qui était nu, bien loin de le regretter, au contraire, il cherche continuellement le moyen d'en faire davantage ; il est prêt, s'il le faut, à se refuser le nécessaire, à se dépouiller de tout, tant il a de joie de soulager Jésus--Christ dans la personne de ses pauvres. Mais, sans aller si loin, mon ami, il ne vous en coûterait pas plus, quand vous êtes à l'église, de vous y tenir avec respect et modestie que d'y rire et tourner la tête ; vous seriez aussi bien d'avoir vos deux genoux par terre que d'en tenir un en l'air ; lorsque vous entendez la parole de Dieu, vous serait-il plus pénible de l'écouter dans l'espé-rance d'en profiter, et de la mettre en pratique dès que vous le pourrez, que de sortir dehors pour vous amuser à causer de choses indifférentes, peut-être mauvaises ? Ne seriez-vous pas plus content si votre conscience ne vous reprochait rien, et si vous vous approchiez de temps en temps des sacrements, ce qui vous donnerait tant de force : pour supporter avec patience les misères de la vie ? Si vous en doutez, M.F., demandez à ceux qui ont fait leurs pâques, combien ils étaient contents pendant quelque temps : c'est-à-dire, tant qu'ils ont eu le bon-heur d'être les amis du bon Dieu.
Dites-moi, mon ami, vous serait-il aussi pénible que vos parents vous grondent, parce que vous avez trop resté à l'église, que s'ils vous reprochent d'avoir passé la nuit dans la débauche ? Non, non, mon ami, de quel-que côté, que vous considériez ce que vous faites pour le monde, il vous en coûte beaucoup plus que pour plaire à Dieu et sauver votre âme. Je ne vous parlerai pas de la différence qu'il y a, à l'heure de la mort, entre un chrétien qui a bien servi le bon Dieu, et les regrets et le désespoir de celui qui n'a suivi que ses plaisirs, qui n'a cherché qu'à contenter les désirs corrompus de son cœur ; car rien de si beau que de voir mourir un saint : Dieu lui-même se fait honneur d'y être présent, ainsi qu'il est rapporté dans la vie de plusieurs. Peut-on le comparer avec les horreurs qui se passent à celle du pécheur, où les démons le suivent de si près, et se dé-vorent les uns les autres, à celui qui aura la barbare sa-tisfaction de le traîner le premier dans les abîmes ? Mais non, laissons tout cela ; et considérons seulement la vie présente.
Concluons que si vous faisiez pour Dieu ce que vous faites pour le monde, vous seriez des saints. – Oh ! dites--vous en vous-mêmes, vous nous dites qu'il n'est pas difficile d'aller au ciel ; il me semble qu'il y a encore bien des sacrifices à faire. – Cela n'est pas douteux : il y a des sacrifices à faire, sinon ce serait faussement que Jésus-Christ nous aurait dit que la porte du ciel est étroite, qu'il faut faire des efforts pour y entrer, qu'il faut se renoncer soi-même, prendre sa croix et le suivre, qu'il y en a beaucoup qui ne seront pas du nombre des élus ; aussi nous promet-il le ciel comme une récom-pense que nous aurons méritée. Voyez ce qu'ont fait les saints pour se la procurer. Allez, M.F., dans ces antres du fond des déserts, entrez dans les monastères, par-courez ces rochers, et demandez à toutes ces troupes de saints : Pourquoi tant de larmes et de pénitences ? Montez sur les échafauds, et informez-vous de ce qu'ils préten-dent faire. Tous vous diront que c'est pour acheter le ciel. O mon Dieu ! que de larmes ces pauvres solitaires ont versées pendant tant d'années ! O mon Dieu ! que de pénitences et de rigueurs n'ont-ils pas exercées sur leur corps, tous ces illustres anachorètes ! Et moi, je ne vou-drais rien souffrir, moi qui ai la même espérance qu'eux, et le même juge qui doit m'examiner ? O mon Dieu ! que je suis lâche lorsqu'il s'agit de travailler pour le ciel ! Que vos saints vont me servir de condamnation, lorsqu'ils vont vous montrer tant de sacrifices qu'ils ont faits pour vous plaire ! Vous dites qu'il en coûte pour aller au ciel : dites-moi, mon ami, ne coûtait-il rien à saint Barthélemy de se laisser écorcher tout vif pour plaire à Dieu ? N'en coûtait-il rien à saint Vincent lors-qu'on l'étendit sur un chevalet et qu'on lui faisait brûler le corps avec des torches allumées, jusqu'à ce que ses entrailles tombèrent dans le feu ; lorsque ensuite on le conduisit en prison, et lui ayant fait un lit de morceaux de bouteilles de verre, on le coucha dessus ? Mon ami demandez à saint Hilarion ce qu'il fit pendant quatre--vingts ans dans son désert, à pleurer nuit et jour ? Allez, interrogez un saint Jérôme, ce grand savant : demandez--lui pourquoi il se frappait la poitrine avec des pierres, jusqu'à ce qu'il en fût tout meurtri. Allez dans les ro-chers trouver le grand saint Arsène, et demandez-lui pourquoi il a quitté les plaisirs du monde pour venir pleu-rer le reste de ses jours parmi les bêtes sauvages. Point d'autre réponse, mon ami : « Ah ! c'est pour gagner le beau ciel, encore l'avons-nous pour rien ; oh ! que ces pénitences sont peu de chose, si nous les comparons au bonheur qu'elles nous préparent ! » Non, M.F., les saints, il n'y a sorte de tourments qu'ils n'aient été prêts à endurer pour acheter ce beau ciel.
Nous lisons que du temps de l'empereur Néron, il fit aux chrétiens des cruautés si affreuses, que la seule pensée en fait frémir. Ne sachant de quelle manière ou-vrir sa persécution contre les chrétiens, il mit le feu dans la ville, afin de faire croire que c'étaient les chré-tiens qui l'avaient fait. Se voyant applaudi de tous ses sujets, il se livre à tout ce que sa fureur peut lui inspirer. Semblable à un tigre en fureur, qui ne respire que le carnage, les uns, il les faisait coudre dans des peaux de bêtes et les faisait jeter dans les champs pour les faire manger aux chiens ; aux autres, il faisait prendre une robe enduite de poix et de soufre, et les faisait pen-dre aux arbres des grands chemins pour servir de torches aux passants pendant la nuit ; lui-même en avait formé deux allées dans son jardin, et, la nuit, il y faisait mettre le feu pour avoir le barbare plaisir de conduire son char à la lueur de ce spectacle triste et déchirant. Sa fureur ne se trouvant pas encore assez satisfaite, il inventa un autre supplice, le voici : il fit faire des masses de cuivre comme des taureaux, les faisait rougir pendant plusieurs jours, et tous les chrétiens que l'on pouvait prendre, on les jetait dedans, où il les voyait impitoyablement brûler. Ce fut dans cette même persécution que saint Pierre fut mis à mort. Étant en prison avec saint Paul qui eut la tête tranchée, saint Pierre trouva le moyen de sortir de la prison. En chemin, Notre-Seigneur lui apparut et lui dit : « Pierre, je vais mourir une seconde fois à Rome », et il disparut. Saint Pierre connaissant par là qu'il ne devait pas fuir la mort, retourna dans sa prison, où il fut condamné à mourir en croix. Lorsqu'il entendit pro-noncer sa sentence : « O grâce ! ô bonheur ! de mourir de la mort de mon Dieu ! » Mais il demanda une grâce à ses bourreaux, c'est de lui permettre d'être crucifié la tête en bas : « parce que, disait-il, je ne mérite pas ce bonheur de mourir d'une manière semblable à mon Dieu. » Eh bien ! mon ami, n'en a-t-il rien coûté aux saints d'aller au ciel ? O beau ciel ! si vous nous coûtez tant qu'à tous ces bien-heureux, qui de nous ira ? Mais non, M.F., consolons--nous, Dieu n'en demande pas tant de nous.
J'ai dit, mon ami, que quand vous avez passé les nuits dans les excès du vice, et de quelque autre liber-tinage que je n'ose nommer, vous ne trouvez après vous que trouble, qu'ennuis, que regrets et désespoir ; cependant vous avez fait tout ce que vous avez pu pour vous contenter, sans en pouvoir venir à bout. Eh bien ! mon ami, voyez combien il est plus doux de souffrir pour Dieu que pour le monde. Quand on a passé une nuit ou deux en prière, bien loin d'en être fâché, de s'en repentir, de porter envie à ceux qui passent ce temps dans le sommeil et la mollesse : au contraire, l'on pleure leur malheur et leur aveuglement ; l'on bénit mille fois le Seigneur de nous avoir inspiré la pensée de nous procurer tant de douceurs et de consolations ; bien loin de maudire les personnes qui nous ont fait embras-ser un tel genre de vie, nous ne pouvons les voir sans laisser couler des larmes de reconnaissance, tant nous nous trouvons heureux ; bien loin de prendre la résolu-tion de n'y plus retourner, nous nous sentons résolus d'en faire davantage, et nous portons une sainte envie à ceux qui ne sont occupés qu'à louer le bon Dieu. Si vous avez dépensé votre argent pour vos plaisirs, le lendemain, vous le pleurez ; mais un chrétien qui l'a donné pour conserver la vie à un pauvre homme qui ne pou-vait vivre, un chrétien qui a vêtu un malheureux qui était nu, bien loin de le regretter, au contraire, il cherche continuellement le moyen d'en faire davantage ; il est prêt, s'il le faut, à se refuser le nécessaire, à se dépouiller de tout, tant il a de joie de soulager Jésus--Christ dans la personne de ses pauvres. Mais, sans aller si loin, mon ami, il ne vous en coûterait pas plus, quand vous êtes à l'église, de vous y tenir avec respect et modestie que d'y rire et tourner la tête ; vous seriez aussi bien d'avoir vos deux genoux par terre que d'en tenir un en l'air ; lorsque vous entendez la parole de Dieu, vous serait-il plus pénible de l'écouter dans l'espé-rance d'en profiter, et de la mettre en pratique dès que vous le pourrez, que de sortir dehors pour vous amuser à causer de choses indifférentes, peut-être mauvaises ? Ne seriez-vous pas plus content si votre conscience ne vous reprochait rien, et si vous vous approchiez de temps en temps des sacrements, ce qui vous donnerait tant de force : pour supporter avec patience les misères de la vie ? Si vous en doutez, M.F., demandez à ceux qui ont fait leurs pâques, combien ils étaient contents pendant quelque temps : c'est-à-dire, tant qu'ils ont eu le bon-heur d'être les amis du bon Dieu.
Dites-moi, mon ami, vous serait-il aussi pénible que vos parents vous grondent, parce que vous avez trop resté à l'église, que s'ils vous reprochent d'avoir passé la nuit dans la débauche ? Non, non, mon ami, de quel-que côté, que vous considériez ce que vous faites pour le monde, il vous en coûte beaucoup plus que pour plaire à Dieu et sauver votre âme. Je ne vous parlerai pas de la différence qu'il y a, à l'heure de la mort, entre un chrétien qui a bien servi le bon Dieu, et les regrets et le désespoir de celui qui n'a suivi que ses plaisirs, qui n'a cherché qu'à contenter les désirs corrompus de son cœur ; car rien de si beau que de voir mourir un saint : Dieu lui-même se fait honneur d'y être présent, ainsi qu'il est rapporté dans la vie de plusieurs. Peut-on le comparer avec les horreurs qui se passent à celle du pécheur, où les démons le suivent de si près, et se dé-vorent les uns les autres, à celui qui aura la barbare sa-tisfaction de le traîner le premier dans les abîmes ? Mais non, laissons tout cela ; et considérons seulement la vie présente.
Concluons que si vous faisiez pour Dieu ce que vous faites pour le monde, vous seriez des saints. – Oh ! dites--vous en vous-mêmes, vous nous dites qu'il n'est pas difficile d'aller au ciel ; il me semble qu'il y a encore bien des sacrifices à faire. – Cela n'est pas douteux : il y a des sacrifices à faire, sinon ce serait faussement que Jésus-Christ nous aurait dit que la porte du ciel est étroite, qu'il faut faire des efforts pour y entrer, qu'il faut se renoncer soi-même, prendre sa croix et le suivre, qu'il y en a beaucoup qui ne seront pas du nombre des élus ; aussi nous promet-il le ciel comme une récom-pense que nous aurons méritée. Voyez ce qu'ont fait les saints pour se la procurer. Allez, M.F., dans ces antres du fond des déserts, entrez dans les monastères, par-courez ces rochers, et demandez à toutes ces troupes de saints : Pourquoi tant de larmes et de pénitences ? Montez sur les échafauds, et informez-vous de ce qu'ils préten-dent faire. Tous vous diront que c'est pour acheter le ciel. O mon Dieu ! que de larmes ces pauvres solitaires ont versées pendant tant d'années ! O mon Dieu ! que de pénitences et de rigueurs n'ont-ils pas exercées sur leur corps, tous ces illustres anachorètes ! Et moi, je ne vou-drais rien souffrir, moi qui ai la même espérance qu'eux, et le même juge qui doit m'examiner ? O mon Dieu ! que je suis lâche lorsqu'il s'agit de travailler pour le ciel ! Que vos saints vont me servir de condamnation, lorsqu'ils vont vous montrer tant de sacrifices qu'ils ont faits pour vous plaire ! Vous dites qu'il en coûte pour aller au ciel : dites-moi, mon ami, ne coûtait-il rien à saint Barthélemy de se laisser écorcher tout vif pour plaire à Dieu ? N'en coûtait-il rien à saint Vincent lors-qu'on l'étendit sur un chevalet et qu'on lui faisait brûler le corps avec des torches allumées, jusqu'à ce que ses entrailles tombèrent dans le feu ; lorsque ensuite on le conduisit en prison, et lui ayant fait un lit de morceaux de bouteilles de verre, on le coucha dessus ? Mon ami demandez à saint Hilarion ce qu'il fit pendant quatre--vingts ans dans son désert, à pleurer nuit et jour ? Allez, interrogez un saint Jérôme, ce grand savant : demandez--lui pourquoi il se frappait la poitrine avec des pierres, jusqu'à ce qu'il en fût tout meurtri. Allez dans les ro-chers trouver le grand saint Arsène, et demandez-lui pourquoi il a quitté les plaisirs du monde pour venir pleu-rer le reste de ses jours parmi les bêtes sauvages. Point d'autre réponse, mon ami : « Ah ! c'est pour gagner le beau ciel, encore l'avons-nous pour rien ; oh ! que ces pénitences sont peu de chose, si nous les comparons au bonheur qu'elles nous préparent ! » Non, M.F., les saints, il n'y a sorte de tourments qu'ils n'aient été prêts à endurer pour acheter ce beau ciel.
Nous lisons que du temps de l'empereur Néron, il fit aux chrétiens des cruautés si affreuses, que la seule pensée en fait frémir. Ne sachant de quelle manière ou-vrir sa persécution contre les chrétiens, il mit le feu dans la ville, afin de faire croire que c'étaient les chré-tiens qui l'avaient fait. Se voyant applaudi de tous ses sujets, il se livre à tout ce que sa fureur peut lui inspirer. Semblable à un tigre en fureur, qui ne respire que le carnage, les uns, il les faisait coudre dans des peaux de bêtes et les faisait jeter dans les champs pour les faire manger aux chiens ; aux autres, il faisait prendre une robe enduite de poix et de soufre, et les faisait pen-dre aux arbres des grands chemins pour servir de torches aux passants pendant la nuit ; lui-même en avait formé deux allées dans son jardin, et, la nuit, il y faisait mettre le feu pour avoir le barbare plaisir de conduire son char à la lueur de ce spectacle triste et déchirant. Sa fureur ne se trouvant pas encore assez satisfaite, il inventa un autre supplice, le voici : il fit faire des masses de cuivre comme des taureaux, les faisait rougir pendant plusieurs jours, et tous les chrétiens que l'on pouvait prendre, on les jetait dedans, où il les voyait impitoyablement brûler. Ce fut dans cette même persécution que saint Pierre fut mis à mort. Étant en prison avec saint Paul qui eut la tête tranchée, saint Pierre trouva le moyen de sortir de la prison. En chemin, Notre-Seigneur lui apparut et lui dit : « Pierre, je vais mourir une seconde fois à Rome », et il disparut. Saint Pierre connaissant par là qu'il ne devait pas fuir la mort, retourna dans sa prison, où il fut condamné à mourir en croix. Lorsqu'il entendit pro-noncer sa sentence : « O grâce ! ô bonheur ! de mourir de la mort de mon Dieu ! » Mais il demanda une grâce à ses bourreaux, c'est de lui permettre d'être crucifié la tête en bas : « parce que, disait-il, je ne mérite pas ce bonheur de mourir d'une manière semblable à mon Dieu. » Eh bien ! mon ami, n'en a-t-il rien coûté aux saints d'aller au ciel ? O beau ciel ! si vous nous coûtez tant qu'à tous ces bien-heureux, qui de nous ira ? Mais non, M.F., consolons--nous, Dieu n'en demande pas tant de nous.
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