Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
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Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. – Nous avons dit que la tentation nous était nécessaire pour nous faire sentir que nous ne sommes rien de nous mêmes. Saint Augustin nous dit que nous devons autant remercier le bon Dieu des péchés dont il nous a préservés que de ceux qu'il a eu la charité de nous pardonner. Si nous avons le malheur de tomber si souvent dans les pièges du démon, c'est que nous nous refions trop sur nos résolutions et sur nos promesses, pas assez sur le bon Dieu. Cela est très véritable. Lorsque rien ne nous chagrine, que tout va selon nos désirs, nous osons croire que rien ne nous pourra faire tomber ; nous publions notre néant et notre pauvre faiblesse ; nous faisons les plus belles protestations, que nous sommes prêts à mourir plutôt que de nous laisser vaincre. Nous en voyons un bel exemple dans saint Pierre, qui disait au bon Dieu : « Quand même tous les autres vous renieraient, pour moi, je ne le ferai jamais . » Hélas ! le bon Dieu, pour lui montrer combien l'homme livré à lui-même est peu de chose, ne se servit pas des rois, ni des princes, ni des armes, mais de la seule voix d'une servante, qui paraissait même lui parler d'une manière fort indifférente. Tout à l'heure, il était prêt à mourir pour lui, et maintenant il assure qu'il ne le connaît pas, qu'il ne sait pas de qui on veut lui parler ; pour mieux les assurer qu'il ne le connaissait pas, il en fait serment. Mon Dieu, de quoi nous sommes capables, livrés à nous mêmes ! Il y en a qui, à leur langage, semblent porter envie aux saints qui ont fait de grandes pénitences ; ils croient qu'ils en pourraient bien faire autant. En lisant la vie de quelques martyrs, nous serions, disons-nous, prêts à tout souffrir cela pour le bon Dieu. Ce moment est bientôt passé, disons-nous, pour une éternité de récompense. Mais que fait le bon Dieu pour un peu nous apprendre à nous connaître, ou plutôt, nous montrer que nous ne sommes rien ? Le voici : il permet au démon de s'approcher un peu plus près de nous. Écoutez ce chrétien, qui, tout à l'heure, portait envie aux solitaires qui ne vivent que de racines et d'herbes, qui prenait la grande résolution de traiter si durement son corps ; hélas ! un petit mal de tête, une piqûre d'épingle le fait plaindre aussi gros qu'il est : il se tourmente, il crie, tout à l'heure il aurait voulu faire toutes les pénitences des anachorètes, et un rien le désespère. Voyez cet autre, qui semble vouloir donner volontiers toute sa vie pour le bon Dieu, que tous les tourments ne sont pas capables d'arrêter : une petite médisance, une calomnie ; même un air un peu froid, une petite injustice qu'on lui a faite, un bienfait payé d'ingratitude fait de suite naître dans son âme des sentiments de haine, de vengeance, d'aversion, au point souvent de ne vouloir plus voir son prochain ou du moins, d'une manière froide, avec un air qui montre bien ce qui se passe dans son cœur ; et combien de fois en s'éveillant c'est sa première pensée, qui va jusqu'à l'empêcher de dormir. Hélas ! M.F., que nous sommes peu de chose et que nous devons peu compter sur toutes nos belles résolutions !
Vous voyez donc que rien n'est plus nécessaire que la tentation pour nous tenir renfermés dans notre néant, et pour nous empêcher de nous laisser dominer par l'orgueil. Écoutez ce que nous dit saint Philippe de Néri, qui, considérant combien nous sommes faibles et en danger de nous perdre à chaque instant, disait au bon Dieu en versant des larmes : « Mon Dieu, tenez-moi bien, vous savez que je suis un traître, vous connaissez combien je suis mauvais : si vous me quittez un instant, je crains de vous trahir. »
Mais, peut-être pensez-vous, qui sont donc ceux qui sont les plus tentés : ce sont sans doute les ivrognes, les médisants et les impudiques qui se jettent à corps perdu dans leurs ordures, un avare, qui prend de toutes manières ? Non, M.F., non, ce ne sont pas ceux-là ; au contraire, le démon les méprise, ou bien il les retient, crainte qu'ils ne fassent pas le mal assez longtemps, parce que, plus ils vivront, plus leurs mauvais exemples traînent d'âmes en enfer. En effet, si le démon avait pressé fortement ce vieux impudique, qu'il ait abrégé ses jours de quinze ou vingt ans, il n'aurait pas enlevé la fleur de la virginité à cette jeune fille en la plongeant dans le plus infâme bourbier de ses impudicités, il n'aurait pas encore séduit cette femme, ou il n'aurait pas appris le mal à ce jeune homme, qui peut-être le continuera jusqu'à la mort. Si le démon avait porté ce voleur à piller en toute rencontre, depuis longtemps il serait conduit sur l'échafaud, il n'aurait pas porté son voisin à faire comme lui. Si le démon avait sollicité cet ivrogne à se remplir sans cesse de vin, depuis longtemps il aurait péri dans sa crapule ; au lieu qu'en prolongeant ses jours, il en a rendu plusieurs semblables à lui. Si le démon avait ôté la vie à ce musicien, à ce teneur de bal, à ce cabaretier dans une battue ou d'autres occasions, combien qui, sans toutes ces gens, ne seraient pas damnés et qui le seront. Saint Augustin nous apprend que le démon ne tourmente pas beaucoup ces personnes, au contraire, il les méprise et leur crache dessus.
Mais, me direz-vous, qui sont donc ceux qui sont les plus tentés ? Mon ami, le voici, écoutez-le bien. Ce sont ceux qui sont prêts, avec la grâce de Dieu, de tout sacrifier pour le salut de leur pauvre âme ; qui renoncent à tout ce que sur la terre on recherche avec tant d'em-pressement. Ce n'est pas seulement un démon qui les tente, mais des millions qui leur tombent dessus pour les faire tomber dans leurs pièges : en voici un bel exemple. Il est rapporté dans l'histoire que saint Fran-çois d'Assise était rassemblé avec tous ses religieux dans un grand champ où l'on avait bâti de petites maisons de jonc. Saint François, voyant qu'ils faisaient des péni-tences si extraordinaires, leur commande d'apporter tous leurs instruments de pénitence ; l'on en fit comme des monceaux de paille. Dans ce moment, il y avait un jeune homme à qui le bon Dieu fit la grâce de lui rendre son ange gardien visible : d'un côté, il voyait tous ces bons religieux qui ne pouvaient pas assez se rassasier de pénitences ; d'un autre côté, son bon ange gardien lui fit voir une assemblée de dix-huit mille démons, qui tenaient conseil de la manière dont ils pourraient ren-verser ces religieux par la tentation. Il y en eut un qui dit : « Vous n'y comprenez rien, ces religieux sont si humbles, ah ! belle vertu ! si détachés d'eux-mêmes, si attachés à Dieu ; ils ont un supérieur qui les conduit si bien qu'il est impossible de pouvoir les vaincre ; atten-dons que le supérieur soit mort, alors nous tâcherons d'introduire des jeunes gens sans vocation qui porteront le relâchement, et par ce moyen nous les aurons. Un peu plus loin, en entrant dans la ville il vit un démon seul, qui était assis sur les portes de la ville pour tenter ceux qui étaient dedans. Ce saint demanda à son ange gardien, pourquoi est-ce que, pour tenter tous ces reli-gieux, il y avait tant de mille de démons, tandis que pour toute une ville, il n'y en avait qu'un, encore était-il assis ? Son bon ange lui répondit que les gens du monde n'avaient pas même besoin de tentations, qu'ils se por-taient assez d'eux-mêmes au mal, tandis que les reli-gieux faisaient bien, malgré tous les pièges et les combats que le démon pouvait leur livrer .
Voici, M.F., la première tentation que le démon donne à une personne qui a commencé à mieux servir le bon Dieu : c'est le respect humain. Elle n'osera plus paraître, elle se cache des personnes avec lesquelles elle avait autrefois pris ses plaisirs ; si on lui dit qu'elle a donc bien changé : elle en a honte ! Ce qu'en dira-t-on est toujours dans sa tête, de sorte qu'elle n'a plus la force de faire le bien devant le monde. Si le démon ne peut pas la gagner par le respect humain, il fait naître en elle une crainte extraordinaire : que ses con-fessions ne sont pas bonnes, que son confesseur ne la connaît pas, qu'elle aura beau faire, qu'elle sera tout de même damnée : qu'elle gagne autant de tout laisser que de continuer, parce qu'elle a trop d'occasions. Pourquoi est-ce, M.F., que quand une personne ne pense pas à sauver son âme, qu'elle vit dans le péché, elle n'est rien tentée ; mais dès qu'elle veut changer de vie, c'est-à-dire qu'elle le désire pour se donner au bon Dieu, tout l'enfer lui tombe dessus ? Écoutez ce que saint Augustin va vous dire : « Voilà, nous dit-il, la manière dont le démon se comporte envers le pécheur : il fait comme un geôlier qui a plusieurs prisonniers renfermés dans sa prison ; mais qui, tenant la clef dans sa poche, les laisse bien tranquilles, convaincu qu'ils ne peuvent pas sortir. Voilà sa manière d'agir envers un pécheur qui ne pense pas à sortir du péché : il ne se met pas en peine de le tenter ; il regarde ce temps comme un temps perdu, parce que non seulement il ne pense pas à le quitter, mais il ne fait qu'aggraver ses chaînes : ce serait donc inutile de le tenter, il le laisse vivre en paix, si toutefois l'on peut être en paix dans le péché. Il lui cache, autant qu'il lui est possible, son état jusqu'à la mort, où il tâche de lui faire la peinture la plus effrayante de sa vie pour le jeter dans le désespoir. Mais une personne qui a résolu de changer de vie pour se donner au bon Dieu, c'est bien autre chose. » Tant que saint Augustin vécut dans le désordre, il ne s'aperçut presque rien de ce que c'était que d'être tenté. Il se croyait en paix, comme il le raconte lui-même ; mais dès le moment qu'il voulut tourner le dos au démon, il fallut se battre avec le démon, jusqu'à en perdre la respiration : et cela pendant cinq ans ; il employa les larmes les plus amères, les pénitences les plus austères. « Je me débattais avec lui, dit-il, dans mes chaînes. Un jour je me croyais victorieux, le lendemain j'étais par terre. Cette guerre cruelle et opiniâtre dura cinq ans. Cependant, dit-il, le bon Dieu me fit la grâce d'être victorieux de mon ennemi . » Voyez encore les combats qu'éprouva saint Jérôme lorsqu'il voulut se donner au bon Dieu, et qu'il eut la pensée d'aller visiter la Terre-Sainte. Étant à Rome, il conçut un nouveau désir de travailler à son salut. En quittant Rome, il va s'ensevelir dans un affreux désert pour se livrer à tout ce que son amour pour le bon Dieu pourrait lui inspirer. Alors le démon, qui prévoyait combien cette conversion en ferait d'autres, semblait crever de désespoir. Il n'y eut sorte de tentation qu'il ne lui livrât. Je ne crois pas qu'il y ait eu un saint qui ait été si fortement tenté que lui. Voici comment il écrivait à un de ses amis : « Mon cher ami, je viens vous faire part de mon affliction et de l'état où le démon veut me réduire. Combien de fois, dans cette vaste solitude que les ardeurs du soleil rendent insupportables, combien de fois les plaisirs de Rome sont venus m'assaillir ; la douleur et l'amertume dont mon âme est remplie me fait verser, nuit et jour, des torrents de larmes. Je vais me cacher dans les lieux les plus écartés pour combattre mes tentations et y pleurer mes péchés. Mon corps est tout défiguré et couvert d'un rude cilice. Je n'ai point d'autre lit que la terre nue, et pour toute nourriture que des racines crues et de l'eau, même dans mes maladies. Malgré toutes ces rigueurs, mon corps ressent encore la pensée des plaisirs infâmes dont Rome est infectée ; mon esprit se trouve au milieu de ces belles compagnies où j'ai tant offensé le bon Dieu. Dans ce désert auquel je me suis condamné moi-même pour éviter l'enfer, entre ces sombres rochers, où je n'ai point d'autres compagnies que les scorpions et les bêtes farouches, cependant, malgré toutes ces horreurs dont je suis environné et effrayé, mon esprit brûle encore d'un feu impur mon corps, déjà mort avant moi-même ; le démon ose encore lui offrir des plaisirs à goûter. Me voyant si humilié par des tentations dont la seule pensée me fait mourir d'horreur, ne sachant plus quelle rigueur je dois exercer sur mon corps pour le tenir au bon Dieu, je me jette par terre au pied de mon crucifix, en l'arrosant de mes larmes, et lorsque je ne peux plus pleurer, je prends des pierres, je me frappe la poitrine jusqu'à ce que le sang me sorte par la bouche, en criant miséricorde, jusqu'à ce que le Seigneur ait pitié de moi. Qui pourra comprendre combien mon état est misérable, désirant si ardemment de plaire au bon Dieu et de n'aimer que lui seul ? Me voyant sans cesse porté à l'offenser, quelle douleur pour moi ! Aidez-moi, mon cher ami, du secours de vos prières, afin que je sois plus fort pour repousser le démon, qui a juré ma perte éternelle. »
Voilà, M.F., les combats auxquels le bon Dieu permet que ses grands saints soient exposés. Hélas ! M.F., que nous sommes à plaindre, si nous ne sommes pas fortement combattus par le démon ! Selon toute apparence, nous sommes les amis du démon : il nous laisse vivre dans une fausse paix, il nous a endormis sous prétexte que nous avons fait quelques bonnes prières, quelques aumônes, que nous avons moins fait de mal que d'autres. Selon nous, en effet, M.F., si vous demandez à cette colonne de cabaret si le démon le tente, il vous dira tout simplement que non, que rien ne le tourmente. Demandez à cette fille de vanité, quels sont ses combats ? Elle vous répondra en riant qu'elle n'en a point, qu'elle ne sait pas même ce que c'est que d'être tentée. Voilà, M.F., la tentation la plus effroyable, qui est de n'être pas tenté : voilà l'état de ceux que le démon conserve pour l'enfer. Si j'osais, je vous dirais qu'il prend bien garde de les tenter et de les tourmenter sur leur vie passée, crainte de leur faire ouvrir les yeux sur leurs péchés.
Je dis donc, M.F., que le plus grand de tous les malheurs pour les chrétiens, c'est de n'être pas tentés puisqu'il y a lieu de croire que le démon les regarde comme lui appartenant, et qu'il n'attend que la mort pour les traîner en enfer. Rien n'est plus facile à concevoir. Voyez un chrétien qui cherche tant soit peu le salut de son âme : tout ce qui l'environne le porte au mal ; il ne peut souvent pas même lever les yeux sans être tenté, malgré toutes ses prières et ses pénitences ; et un vieux pécheur qui, peut-être depuis vingt ans, se roule et se traîne dans ses ordures, il dira qu'il n'est pas tenté. Tant pis, mon ami, tant pis ! C'est précisément ce qui doit vous faire trembler, c'est que vous ne connaissez pas les tentations ; parce que, dire que vous n'êtes pas tenté, c'est comme si vous disiez qu'il n'y a plus de démon ou qu'il a perdu toute sa rage contre les chrétiens. « Si vous n'avez point de tentations, nous dit saint Grégoire, c'est que les démons sont vos amis, vos conducteurs et vos pasteurs ; en vous laissant passer tranquillement votre pauvre vie, à la fin de vos jours, ils vous traîneront dans les abîmes. » Saint Augustin nous dit que la plus grande tentation, c'est de ne point avoir de tentation, parce que c'est être une personne réprouvée, abandonnée du bon Dieu et livrée entre les mains de ses passions.
Vous voyez donc que rien n'est plus nécessaire que la tentation pour nous tenir renfermés dans notre néant, et pour nous empêcher de nous laisser dominer par l'orgueil. Écoutez ce que nous dit saint Philippe de Néri, qui, considérant combien nous sommes faibles et en danger de nous perdre à chaque instant, disait au bon Dieu en versant des larmes : « Mon Dieu, tenez-moi bien, vous savez que je suis un traître, vous connaissez combien je suis mauvais : si vous me quittez un instant, je crains de vous trahir. »
Mais, peut-être pensez-vous, qui sont donc ceux qui sont les plus tentés : ce sont sans doute les ivrognes, les médisants et les impudiques qui se jettent à corps perdu dans leurs ordures, un avare, qui prend de toutes manières ? Non, M.F., non, ce ne sont pas ceux-là ; au contraire, le démon les méprise, ou bien il les retient, crainte qu'ils ne fassent pas le mal assez longtemps, parce que, plus ils vivront, plus leurs mauvais exemples traînent d'âmes en enfer. En effet, si le démon avait pressé fortement ce vieux impudique, qu'il ait abrégé ses jours de quinze ou vingt ans, il n'aurait pas enlevé la fleur de la virginité à cette jeune fille en la plongeant dans le plus infâme bourbier de ses impudicités, il n'aurait pas encore séduit cette femme, ou il n'aurait pas appris le mal à ce jeune homme, qui peut-être le continuera jusqu'à la mort. Si le démon avait porté ce voleur à piller en toute rencontre, depuis longtemps il serait conduit sur l'échafaud, il n'aurait pas porté son voisin à faire comme lui. Si le démon avait sollicité cet ivrogne à se remplir sans cesse de vin, depuis longtemps il aurait péri dans sa crapule ; au lieu qu'en prolongeant ses jours, il en a rendu plusieurs semblables à lui. Si le démon avait ôté la vie à ce musicien, à ce teneur de bal, à ce cabaretier dans une battue ou d'autres occasions, combien qui, sans toutes ces gens, ne seraient pas damnés et qui le seront. Saint Augustin nous apprend que le démon ne tourmente pas beaucoup ces personnes, au contraire, il les méprise et leur crache dessus.
Mais, me direz-vous, qui sont donc ceux qui sont les plus tentés ? Mon ami, le voici, écoutez-le bien. Ce sont ceux qui sont prêts, avec la grâce de Dieu, de tout sacrifier pour le salut de leur pauvre âme ; qui renoncent à tout ce que sur la terre on recherche avec tant d'em-pressement. Ce n'est pas seulement un démon qui les tente, mais des millions qui leur tombent dessus pour les faire tomber dans leurs pièges : en voici un bel exemple. Il est rapporté dans l'histoire que saint Fran-çois d'Assise était rassemblé avec tous ses religieux dans un grand champ où l'on avait bâti de petites maisons de jonc. Saint François, voyant qu'ils faisaient des péni-tences si extraordinaires, leur commande d'apporter tous leurs instruments de pénitence ; l'on en fit comme des monceaux de paille. Dans ce moment, il y avait un jeune homme à qui le bon Dieu fit la grâce de lui rendre son ange gardien visible : d'un côté, il voyait tous ces bons religieux qui ne pouvaient pas assez se rassasier de pénitences ; d'un autre côté, son bon ange gardien lui fit voir une assemblée de dix-huit mille démons, qui tenaient conseil de la manière dont ils pourraient ren-verser ces religieux par la tentation. Il y en eut un qui dit : « Vous n'y comprenez rien, ces religieux sont si humbles, ah ! belle vertu ! si détachés d'eux-mêmes, si attachés à Dieu ; ils ont un supérieur qui les conduit si bien qu'il est impossible de pouvoir les vaincre ; atten-dons que le supérieur soit mort, alors nous tâcherons d'introduire des jeunes gens sans vocation qui porteront le relâchement, et par ce moyen nous les aurons. Un peu plus loin, en entrant dans la ville il vit un démon seul, qui était assis sur les portes de la ville pour tenter ceux qui étaient dedans. Ce saint demanda à son ange gardien, pourquoi est-ce que, pour tenter tous ces reli-gieux, il y avait tant de mille de démons, tandis que pour toute une ville, il n'y en avait qu'un, encore était-il assis ? Son bon ange lui répondit que les gens du monde n'avaient pas même besoin de tentations, qu'ils se por-taient assez d'eux-mêmes au mal, tandis que les reli-gieux faisaient bien, malgré tous les pièges et les combats que le démon pouvait leur livrer .
Voici, M.F., la première tentation que le démon donne à une personne qui a commencé à mieux servir le bon Dieu : c'est le respect humain. Elle n'osera plus paraître, elle se cache des personnes avec lesquelles elle avait autrefois pris ses plaisirs ; si on lui dit qu'elle a donc bien changé : elle en a honte ! Ce qu'en dira-t-on est toujours dans sa tête, de sorte qu'elle n'a plus la force de faire le bien devant le monde. Si le démon ne peut pas la gagner par le respect humain, il fait naître en elle une crainte extraordinaire : que ses con-fessions ne sont pas bonnes, que son confesseur ne la connaît pas, qu'elle aura beau faire, qu'elle sera tout de même damnée : qu'elle gagne autant de tout laisser que de continuer, parce qu'elle a trop d'occasions. Pourquoi est-ce, M.F., que quand une personne ne pense pas à sauver son âme, qu'elle vit dans le péché, elle n'est rien tentée ; mais dès qu'elle veut changer de vie, c'est-à-dire qu'elle le désire pour se donner au bon Dieu, tout l'enfer lui tombe dessus ? Écoutez ce que saint Augustin va vous dire : « Voilà, nous dit-il, la manière dont le démon se comporte envers le pécheur : il fait comme un geôlier qui a plusieurs prisonniers renfermés dans sa prison ; mais qui, tenant la clef dans sa poche, les laisse bien tranquilles, convaincu qu'ils ne peuvent pas sortir. Voilà sa manière d'agir envers un pécheur qui ne pense pas à sortir du péché : il ne se met pas en peine de le tenter ; il regarde ce temps comme un temps perdu, parce que non seulement il ne pense pas à le quitter, mais il ne fait qu'aggraver ses chaînes : ce serait donc inutile de le tenter, il le laisse vivre en paix, si toutefois l'on peut être en paix dans le péché. Il lui cache, autant qu'il lui est possible, son état jusqu'à la mort, où il tâche de lui faire la peinture la plus effrayante de sa vie pour le jeter dans le désespoir. Mais une personne qui a résolu de changer de vie pour se donner au bon Dieu, c'est bien autre chose. » Tant que saint Augustin vécut dans le désordre, il ne s'aperçut presque rien de ce que c'était que d'être tenté. Il se croyait en paix, comme il le raconte lui-même ; mais dès le moment qu'il voulut tourner le dos au démon, il fallut se battre avec le démon, jusqu'à en perdre la respiration : et cela pendant cinq ans ; il employa les larmes les plus amères, les pénitences les plus austères. « Je me débattais avec lui, dit-il, dans mes chaînes. Un jour je me croyais victorieux, le lendemain j'étais par terre. Cette guerre cruelle et opiniâtre dura cinq ans. Cependant, dit-il, le bon Dieu me fit la grâce d'être victorieux de mon ennemi . » Voyez encore les combats qu'éprouva saint Jérôme lorsqu'il voulut se donner au bon Dieu, et qu'il eut la pensée d'aller visiter la Terre-Sainte. Étant à Rome, il conçut un nouveau désir de travailler à son salut. En quittant Rome, il va s'ensevelir dans un affreux désert pour se livrer à tout ce que son amour pour le bon Dieu pourrait lui inspirer. Alors le démon, qui prévoyait combien cette conversion en ferait d'autres, semblait crever de désespoir. Il n'y eut sorte de tentation qu'il ne lui livrât. Je ne crois pas qu'il y ait eu un saint qui ait été si fortement tenté que lui. Voici comment il écrivait à un de ses amis : « Mon cher ami, je viens vous faire part de mon affliction et de l'état où le démon veut me réduire. Combien de fois, dans cette vaste solitude que les ardeurs du soleil rendent insupportables, combien de fois les plaisirs de Rome sont venus m'assaillir ; la douleur et l'amertume dont mon âme est remplie me fait verser, nuit et jour, des torrents de larmes. Je vais me cacher dans les lieux les plus écartés pour combattre mes tentations et y pleurer mes péchés. Mon corps est tout défiguré et couvert d'un rude cilice. Je n'ai point d'autre lit que la terre nue, et pour toute nourriture que des racines crues et de l'eau, même dans mes maladies. Malgré toutes ces rigueurs, mon corps ressent encore la pensée des plaisirs infâmes dont Rome est infectée ; mon esprit se trouve au milieu de ces belles compagnies où j'ai tant offensé le bon Dieu. Dans ce désert auquel je me suis condamné moi-même pour éviter l'enfer, entre ces sombres rochers, où je n'ai point d'autres compagnies que les scorpions et les bêtes farouches, cependant, malgré toutes ces horreurs dont je suis environné et effrayé, mon esprit brûle encore d'un feu impur mon corps, déjà mort avant moi-même ; le démon ose encore lui offrir des plaisirs à goûter. Me voyant si humilié par des tentations dont la seule pensée me fait mourir d'horreur, ne sachant plus quelle rigueur je dois exercer sur mon corps pour le tenir au bon Dieu, je me jette par terre au pied de mon crucifix, en l'arrosant de mes larmes, et lorsque je ne peux plus pleurer, je prends des pierres, je me frappe la poitrine jusqu'à ce que le sang me sorte par la bouche, en criant miséricorde, jusqu'à ce que le Seigneur ait pitié de moi. Qui pourra comprendre combien mon état est misérable, désirant si ardemment de plaire au bon Dieu et de n'aimer que lui seul ? Me voyant sans cesse porté à l'offenser, quelle douleur pour moi ! Aidez-moi, mon cher ami, du secours de vos prières, afin que je sois plus fort pour repousser le démon, qui a juré ma perte éternelle. »
Voilà, M.F., les combats auxquels le bon Dieu permet que ses grands saints soient exposés. Hélas ! M.F., que nous sommes à plaindre, si nous ne sommes pas fortement combattus par le démon ! Selon toute apparence, nous sommes les amis du démon : il nous laisse vivre dans une fausse paix, il nous a endormis sous prétexte que nous avons fait quelques bonnes prières, quelques aumônes, que nous avons moins fait de mal que d'autres. Selon nous, en effet, M.F., si vous demandez à cette colonne de cabaret si le démon le tente, il vous dira tout simplement que non, que rien ne le tourmente. Demandez à cette fille de vanité, quels sont ses combats ? Elle vous répondra en riant qu'elle n'en a point, qu'elle ne sait pas même ce que c'est que d'être tentée. Voilà, M.F., la tentation la plus effroyable, qui est de n'être pas tenté : voilà l'état de ceux que le démon conserve pour l'enfer. Si j'osais, je vous dirais qu'il prend bien garde de les tenter et de les tourmenter sur leur vie passée, crainte de leur faire ouvrir les yeux sur leurs péchés.
Je dis donc, M.F., que le plus grand de tous les malheurs pour les chrétiens, c'est de n'être pas tentés puisqu'il y a lieu de croire que le démon les regarde comme lui appartenant, et qu'il n'attend que la mort pour les traîner en enfer. Rien n'est plus facile à concevoir. Voyez un chrétien qui cherche tant soit peu le salut de son âme : tout ce qui l'environne le porte au mal ; il ne peut souvent pas même lever les yeux sans être tenté, malgré toutes ses prières et ses pénitences ; et un vieux pécheur qui, peut-être depuis vingt ans, se roule et se traîne dans ses ordures, il dira qu'il n'est pas tenté. Tant pis, mon ami, tant pis ! C'est précisément ce qui doit vous faire trembler, c'est que vous ne connaissez pas les tentations ; parce que, dire que vous n'êtes pas tenté, c'est comme si vous disiez qu'il n'y a plus de démon ou qu'il a perdu toute sa rage contre les chrétiens. « Si vous n'avez point de tentations, nous dit saint Grégoire, c'est que les démons sont vos amis, vos conducteurs et vos pasteurs ; en vous laissant passer tranquillement votre pauvre vie, à la fin de vos jours, ils vous traîneront dans les abîmes. » Saint Augustin nous dit que la plus grande tentation, c'est de ne point avoir de tentation, parce que c'est être une personne réprouvée, abandonnée du bon Dieu et livrée entre les mains de ses passions.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
II. – En second lieu, nous avons dit que la tentation nous est absolument nécessaire pour nous tenir dans l'humilité et la défiance de nous-mêmes, et pour nous obliger à avoir recours au bon Dieu. Nous lisons dans l'histoire qu'un solitaire étant extrêmement tenté par le démon, son supérieur lui dit : « Mon ami, voulez-vous que je demande au bon Dieu de vous délivrer de vos tentations ? » – « Non, mon père, lui répondit le solitaire, parce que cela fait que je ne perds presque jamais la présence du bon Dieu, puisque j'ai toujours besoin d'avoir recours à lui pour m'aider à combattre. » Cependant, M.F., nous pouvons dire que, quoiqu'il soit bien humiliant d'être tenté, c'est la marque la plus sûre que nous sommes dans le chemin du ciel. Il ne nous reste qu'une seule chose, c'est de combattre avec courage, parce que la tentation est un temps de moisson : en voici un bel exemple. Nous lisons dans l'histoire qu'une sainte était depuis longtemps tellement tourmentée par le démon, qu'elle se croyait réprouvée. Le bon Dieu lui apparut pour la consoler, et lui dit qu'elle avait plus gagné depuis cette épreuve que dans tous les autres temps de sa vie. Saint Augustin nous dit que, sans les tentations, tout ce que nous faisons serait de peu de mérite ; bien loin de nous tourmenter dans la tentation, au contraire, nous devons remercier le bon Dieu et combattre avec courage, parce que nous sommes sûrs d'être toujours victorieux, et que jamais le bon Dieu ne permettra au démon de nous tenter au-dessus de nos forces.
Mais, ce qu'il y a de sûr, M.F., c'est que nous devons nous attendre à n'être plus tentés que quand nous serons morts ; le démon étant un esprit, il ne se lasse jamais après nous avoir tentés pendant cent mille ans, il est aussi fort, aussi en fureur que si c'était la première fois. Nous ne devons point croire que nous puissions vaincre le démon, le fuir, pour n'être plus tentés : puisque le grand Origène nous dit que les démons sont si nombreux, qu'ils surpassent les atomes qui sont dans les airs, les gouttes d'eau qui composent les mers, pour nous montrer que le nombre en est infini. Saint Pierre nous dit : « Veillez sans cesse, car le démon rôde autour de vous comme un lion rugissant, qui cherche à dévorer quelqu'un . » Jésus-Christ nous dit lui-même : « Priez sans cesse, pour ne pas succomber à la tentation ; » c'est-à-dire que le démon nous attend partout. De même, il faut nous attendre à être tentés, dans quelque endroit et dans quelque état que nous soyons. Voyez ce saint homme qui était tout couvert de plaies, ou plutôt tout pourri ; le démon ne laissa pas de le tenter pendant sept ans ; sainte Marie Égyptienne, pendant dix-neuf ans ; saint Paul, pendant toute sa vie, c'est-à-dire, depuis le moment qu'il se donna au bon Dieu. Saint Augustin, pour nous consoler, nous dit que le démon est un gros chien à l'attache, qui aboie, qui fait grand bruit, mais qui ne mord que ceux qui s'approchent trop de près. Un saint prêtre trouva un jeune homme qui était bien tourmenté ; il lui demanda pourquoi il se tourmentait tant. Hélas ! mon père, lui dit-il, je crains d'être tenté et de succomber. Vous sentez-vous tenté, dit-il, faites un signe de croix, une élévation de votre cœur vers le bon Dieu ; si le démon continue, continuez aussi, et vous êtes sûr de ne pas souiller votre âme. Voyez ce que fit saint Macaire, qui venant chercher de quoi faire des nattes, rencontra en son chemin un démon avec une faux toute en feu qui lui courait dessus comme pour le tuer et l'écraser. Saint Macaire sans s'étonner éleva son cœur vers Dieu. Le démon en fut si en fureur, qu'il s'écria : « Ah ! Macaire, que tu me fais souffrir de ne pouvoir te maltraiter ! Cependant tout ce que tu fais, je le fais aussi bien que toi : si tu veilles, moi je ne dors rien ; si tu jeûnes, moi je ne mange jamais ; il n'y a qu'une chose que tu as, que je n'ai pas moi-même : Le saint lui demanda ce que c'était ; il lui répondit : « C'est l'humilité ; » et il disparut. Oui, M.F., l'humilité est une vertu redoutable au démon. Aussi, nous voyons que quand saint Antoine était tenté, il ne faisait que s'humilier profondément, en disant à Dieu : « Mon Dieu, ayez pitié de ce grand pécheur ; » de suite le démon prenait la fuite.
Mais, ce qu'il y a de sûr, M.F., c'est que nous devons nous attendre à n'être plus tentés que quand nous serons morts ; le démon étant un esprit, il ne se lasse jamais après nous avoir tentés pendant cent mille ans, il est aussi fort, aussi en fureur que si c'était la première fois. Nous ne devons point croire que nous puissions vaincre le démon, le fuir, pour n'être plus tentés : puisque le grand Origène nous dit que les démons sont si nombreux, qu'ils surpassent les atomes qui sont dans les airs, les gouttes d'eau qui composent les mers, pour nous montrer que le nombre en est infini. Saint Pierre nous dit : « Veillez sans cesse, car le démon rôde autour de vous comme un lion rugissant, qui cherche à dévorer quelqu'un . » Jésus-Christ nous dit lui-même : « Priez sans cesse, pour ne pas succomber à la tentation ; » c'est-à-dire que le démon nous attend partout. De même, il faut nous attendre à être tentés, dans quelque endroit et dans quelque état que nous soyons. Voyez ce saint homme qui était tout couvert de plaies, ou plutôt tout pourri ; le démon ne laissa pas de le tenter pendant sept ans ; sainte Marie Égyptienne, pendant dix-neuf ans ; saint Paul, pendant toute sa vie, c'est-à-dire, depuis le moment qu'il se donna au bon Dieu. Saint Augustin, pour nous consoler, nous dit que le démon est un gros chien à l'attache, qui aboie, qui fait grand bruit, mais qui ne mord que ceux qui s'approchent trop de près. Un saint prêtre trouva un jeune homme qui était bien tourmenté ; il lui demanda pourquoi il se tourmentait tant. Hélas ! mon père, lui dit-il, je crains d'être tenté et de succomber. Vous sentez-vous tenté, dit-il, faites un signe de croix, une élévation de votre cœur vers le bon Dieu ; si le démon continue, continuez aussi, et vous êtes sûr de ne pas souiller votre âme. Voyez ce que fit saint Macaire, qui venant chercher de quoi faire des nattes, rencontra en son chemin un démon avec une faux toute en feu qui lui courait dessus comme pour le tuer et l'écraser. Saint Macaire sans s'étonner éleva son cœur vers Dieu. Le démon en fut si en fureur, qu'il s'écria : « Ah ! Macaire, que tu me fais souffrir de ne pouvoir te maltraiter ! Cependant tout ce que tu fais, je le fais aussi bien que toi : si tu veilles, moi je ne dors rien ; si tu jeûnes, moi je ne mange jamais ; il n'y a qu'une chose que tu as, que je n'ai pas moi-même : Le saint lui demanda ce que c'était ; il lui répondit : « C'est l'humilité ; » et il disparut. Oui, M.F., l'humilité est une vertu redoutable au démon. Aussi, nous voyons que quand saint Antoine était tenté, il ne faisait que s'humilier profondément, en disant à Dieu : « Mon Dieu, ayez pitié de ce grand pécheur ; » de suite le démon prenait la fuite.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
III. – Nous avons dit, troisièmement, que le démon se déchaîne contre les personnes qui ont vraiment à cœur leur salut, et il les poursuit continuellement, vigoureusement, toujours dans l'espérance de les vaincre : en voici un bel exemple. Il est rapporté qu'un jeune solitaire, déjà depuis plusieurs années, avait quitté le monde pour ne penser qu'à sauver son âme. Le démon en fut si en fureur, qu'il semblait à ce pauvre jeune homme que tout l'enfer lui était après. Cassien, qui rapporte cet exemple, nous dit que ce solitaire étant tourmenté de tentations d'impureté, après bien des larmes et des pénitences, il lui vint la pensée d'aller trouver un ancien solitaire pour se consoler, espérant qu'il lui donnerait des remèdes pour mieux vaincre son ennemi, et surtout pour se recommander à ses prières. Mais il en arriva tout autrement : Ce vieillard, qui avait passé sa vie presque sans combats, bien loin de consoler ce jeune homme, lui témoigna une extrême surprise au récit qu'il lui fit de ses tentations, le reprit avec aigreur, lui dit des paroles dures, en l'appelant infâme, malheureux, et lui disant qu'il était indigne de porter le nom de solitaire, puisqu'il lui arrivait de semblables choses. Ce pauvre jeune homme s'en alla si désolé, qu'il se crut perdu et damné, et se laissa aller au désespoir. II se disait à lui-même : « Puisque je suis damné, il ne faut plus résister, ni combattre, il faut m'abandonner à tout ce que le démon voudra ; cependant le bon Dieu sait que je n'ai quitté le monde que pour l'aimer et sauver mon âme. Pourquoi, mon Dieu ! disait-il dans son désespoir, m'avez-vous si peu donné de forces ? Vous savez que je veux vous aimer, puisque j'ai tant de crainte et de douleur de vous déplaire ; et pourtant vous ne m'en donnez pas la force et vous me laissez tomber ! Puisque tout est perdu pour moi, que je n'ai plus le moyen de me sauver, je vais retourner dans le monde. »
Comme, dans ce désespoir, il sortait déjà de sa solitude, il y avait dans le même désert un saint abbé nommé Apollon, qui était en grande réputation de sainteté à qui le bon Dieu fit connaître l'état de son âme ; il alla à sa rencontre ; le voyant si troublé, et s'étant approché de lui, il lui demanda avec beaucoup de douceur ce qu'il avait et quelle était la cause de son égarement et de la tristesse qui paraissait sur son visage. Mais ce pauvre jeune homme était si profondément enseveli dans ses pensées, qu'il ne répondit rien. Le saint abbé, qui voyait le désordre de son âme, le pressa tant de lui dire ce qui l'agitait de la sorte, d'où venait qu'il sortait de sa solitude, et quel était le but qu'il se proposait dans son chemin, que, voyant que son état était à découvert à ce saint abbé, malgré qu'il le cachait autant qu'il le pouvait, ce jeune homme lui dit en versant des larmes en abondance et poussant les sanglots les plus attendrissants : « Je retourne dans le monde, parce que je suis damné ; je n'ai plus d'espérance de pouvoir me sauver. Je suis allé trouver un vieillard qui a été bien scandalisé de ma vie. Puisque j'étais si malheureux de ne pouvoir plaire à Dieu, j'ai résolu d'abandonner ma solitude pour retourner dans le monde où je vais m'abandonner à tout ce que le démon voudra. J'ai cependant bien versé tant des larmes, je voudrais ne pas offenser le bon Dieu ; je voulais bien me sauver, j'avais un grand plaisir à faire pénitence ; mais je n'ai pas assez de force, je ne vais pas plus loin. » Le saint abbé l'entendant parler et le voyant pleurer, lui dit, mêlant ses larmes avec les siennes : « Ah ! mon ami, vous ne voyez donc pas que, bien loin d'avoir offensé le bon Dieu, au contraire, c'est précisément parce que vous lui êtes bien agréable, que vous êtes tenté de la sorte. Consolez-vous, mon cher ami, et reprenez cou-rage, le démon vous croyait vaincu ; mais au contraire, vous allez le vaincre ; retournez au moins jusqu'à demain dans votre cellule. Ne perdez pas courage, mon ami ; je suis moi-même tous les jours tenté de la même manière que vous. Ce n'est pas sur nos forces que nous devons compter, mais sur la miséricorde du bon Dieu, je vais vous aider à vaincre en priant avec vous. O mon ami ! il est trop bon pour nous abandonner à la fureur de nos ennemis sans nous donner la force pour les vaincre ; c'est le bon Dieu, mon cher ami, qui m'en-voie pour vous consoler et vous dire de ne pas vous per-dre : vous allez être délivré. » Ce pauvre jeune homme, déjà tout consolé, retourna dans sa solitude, en se jetant entre les bras de la miséricorde de Dieu, disant : « Je croyais que vous vous étiez retiré de moi pour toujours. »
Pendant ce temps-là, Apollon va auprès de la cellule de ce vieillard qui avait si mal reçu ce pauvre jeune homme, se prosterne la face contre terre en disant « Seigneur, mon Dieu, vous connaissez nos faiblesses délivrez, s'il vous plaît, ce jeune homme de ses ten-tations qui le découragent ; vous voyez les larmes qu'il a versées par la peine qu'il avait de vous avoir offensé ! Faites passer la même tentation à ce vieillard, afin qu'il apprenne à avoir pitié de ceux que vous permettez qu'ils soient tentés. » A peine eût-il achevé sa prière, qu'il vit le démon en forme d'un petit nègre hideux qui lançait une flèche de feu impur à la cellule du vieil-lard, qui n'en eût pas plus tôt senti l'atteinte, que le voilà dans une agitation épouvantable qui ne lui don-nait aucune relâche. Il se lève, il sort, il rentre. Après avoir fait assez longtemps la même chose, enfin, pen-sant que jamais il ne pourrait combattre, il fait comme le jeune solitaire, et prend la résolution de s'en aller dans le monde, puisqu'il ne pouvait plus résister au démon ; il dit adieu à sa cellule et part. Le saint abbé, qui l'observait sans que l'autre s'en aperçut (le bon Dieu lui fit connaître que la tentation du jeune homme avait passé au vieillard), s'étant approché de lui, lui demande où il va, et d'où vient qu'il oublie la gravité de son âge ; paraissant si agité ; que sans doute il avait quelque inquiétude sur le salut de son âme. Le vieillard vit bien que le bon Dieu lui faisait connaître ce qui se passait au-dedans de lui-même. « Retournez, mon ami, lui dit le saint, rappelez-vous bien que cette tentation ne vous est arrivée dans votre vieillesse qu'afin que vous appreniez à compatir aux infirmités de vos frères, et à les consoler dans leurs infirmités. Vous aviez découragé ce pauvre jeune homme qui est allé vous faire part de ses peines ; au lieu de le consoler, vous alliez le jeter au désespoir ; sans une grâce extraordinaire, il aurait été perdu. Savez-vous, mon père, pourquoi le démon avait livré une guerre si opiniâtre et si cruelle à ce pauvre jeune homme, c'est qu'il apercevait en lui de grandes dispositions pour la vertu, ce qui le piquait d'un vif sentiment de jalousie et d'envie, et qu'une vertu si ferme ne pouvait être vaincue qu'après une tentation trop forte et trop violente. Apprenez à avoir compassion des autres, à leur tendre la main pour ne pas les laisser tomber. Si le démon vous a laissé tranquille, malgré tant d'années de solitude, c'est qu'il voyait en vous peu de bien : au lieu de vous tenter, il vous méprise. »
D'après cet exemple, nous voyons que bien loin de nous décourager dans les tentations, au contraire, nous devons nous consoler et même nous réjouir, parce qu'il n'y a de tentés que ceux que le démon prévoit que leur manière de vivre leur gagnera le ciel. D'ailleurs, M.F., nous devons bien être persuadés qu'il est impossible de vouloir plaire au bon Dieu et sauver son âme sans être tenté. Voyez Jésus-Christ : après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il fut bien tenté et emporté deux fois par le démon, lui qui était la sainteté même .
Je ne sais pas, M.F., si vous comprenez bien ce que c'est qu'une tentation. Ce n'est pas seulement une mauvaise pensée d'impureté ou de haine ou de vengeance qu'il faut rejeter, mais ce sont tous les ennuis qui nous arrivent : comme une maladie où nous sommes portés à nous plaindre, une calomnie qu'on fait contre nous, une injustice qu'on nous fait, une perte de biens, d'un père, d'une mère, ou d'un enfant. Si nous ne nous soumettons pas volontiers à la volonté du bon Dieu, alors nous succombons à la tentation, parce que le bon Dieu veut que nous souffrions cela pour son amour ; et d'un autre côté, le démon fait tout ce qu'il peut pour nous faire murmurer contre le bon Dieu. Mais voici les tentations les plus à craindre, et qui perdent bien plus d'âmes qu'on ne croit : ce sont ces petites pensées d'amour-propre, ces pensées d'estime de soi, ces petits applaudissements sur tout ce que l'on fait, sur ce que l'on a dit de nous : nous repassons tout cela dans notre tête, nous aimons à voir les personnes à qui nous avons fait quelque bien, et il nous semble qu'elles y pensent, qu'elles ont bonne opinion de nous ; nous aimons quand on se recommande à nos prières ; nous nous empressons de savoir si ce que nous avons demandé au bon Dieu pour eux, ils l'ont obtenu. Oui, M.F., voilà une des plus rudes tentations du démon ; là, je dis que nous devons grandement veiller sur nous-mêmes, parce que le démon est très adroit ; ce qui doit bien nous porter à demander au bon Dieu tous les matins la grâce de bien connaître toutes les fois que le démon viendra nous tenter. Pourquoi est-ce que si souvent nous faisons le mal et que nous n'y pensons qu'après ? C'est que nous n'avons pas demandé cette grâce au bon Dieu le matin, ou que nous l'avons mal demandée.
Enfin nous disons, M.F., que nous devons combattre vigoureusement, et non comme nous faisons : nous disons non au démon et nous lui tendons la main. Voyez saint Bernard faisant un voyage, étant couché dans une chambre ; une malheureuse femme vient le trouver la nuit pour le solliciter au péché ; il se met à crier au voleur : elle revint jusqu'à trois fois, mais il la renvoya honteusement. Voyez saint Martinien, qu'une femme de mauvaise vie vint tenter, et le reste. Voyez saint Thomas d'Aquin, à qui l'on envoya une fille dans sa chambre pour tâcher de le porter au péché : il prend un tison et la chasse honteusement de sa chambre. Voyez ce que fit saint Bernard qui, étant tenté, alla se jeter dans un étang glacé jusqu'au cou. D'autres se roulèrent dans les épines. Il est rapporté qu'il y avait une fois un saint qui, étant tenté, alla dans un marais où il y avait quantité de guêpes qui se mirent après lui, lui rendirent le corps semblable à une lèpre ; à son retour, son supérieur ne le reconnaissant plus que par sa voix, lui demanda pourquoi il s'était mis dans cet état ? « C'est, lui dit-il, que mon corps voulait perdre mon âme : voilà pourquoi je l'ai réduit dans cet état. »
Que devons-nous conclure de tout cela, M.F. ? Le voici : 1? C'est de ne pas croire que nous serons délivrés de tentations ou d'une manière ou d'une autre, tant que nous vivrons ; par conséquent, il faut nous résoudre à combattre jusqu'à la mort ; 2? Dès que nous sommes tentés, de vite avoir recours au bon Dieu, autant de temps que la tentation dure, parce que, si le démon persévère à nous tenter, c'est toujours dans l'espérance de nous gagner. En troisième lieu, c'est de fuir tout ce qui est capable de nous donner des tentations, du moins si nous le pouvons, et de ne jamais perdre de vue que les mauvais anges n'ont été tentés qu'une fois, et que, de la tentation ils sont tombés en enfer. Il faut avoir une grande humilité, ne jamais croire que, de nous-mêmes, nous pouvons ne pas succomber ; mais seulement, qu'aidés de la grâce du bon Dieu nous ne tomberons pas. Heureux, M.F., celui qui, à l'heure de la mort, pourra dire comme saint Paul : « J'ai bien combattu, mais avec la grâce du bon Dieu, j'ai vaincu ; c'est pour cela que j'attends la couronne de gloire que le bon Dieu donne à celui qui lui a été fidèle jusqu'à la mort . » C'est le bonheur .....
Comme, dans ce désespoir, il sortait déjà de sa solitude, il y avait dans le même désert un saint abbé nommé Apollon, qui était en grande réputation de sainteté à qui le bon Dieu fit connaître l'état de son âme ; il alla à sa rencontre ; le voyant si troublé, et s'étant approché de lui, il lui demanda avec beaucoup de douceur ce qu'il avait et quelle était la cause de son égarement et de la tristesse qui paraissait sur son visage. Mais ce pauvre jeune homme était si profondément enseveli dans ses pensées, qu'il ne répondit rien. Le saint abbé, qui voyait le désordre de son âme, le pressa tant de lui dire ce qui l'agitait de la sorte, d'où venait qu'il sortait de sa solitude, et quel était le but qu'il se proposait dans son chemin, que, voyant que son état était à découvert à ce saint abbé, malgré qu'il le cachait autant qu'il le pouvait, ce jeune homme lui dit en versant des larmes en abondance et poussant les sanglots les plus attendrissants : « Je retourne dans le monde, parce que je suis damné ; je n'ai plus d'espérance de pouvoir me sauver. Je suis allé trouver un vieillard qui a été bien scandalisé de ma vie. Puisque j'étais si malheureux de ne pouvoir plaire à Dieu, j'ai résolu d'abandonner ma solitude pour retourner dans le monde où je vais m'abandonner à tout ce que le démon voudra. J'ai cependant bien versé tant des larmes, je voudrais ne pas offenser le bon Dieu ; je voulais bien me sauver, j'avais un grand plaisir à faire pénitence ; mais je n'ai pas assez de force, je ne vais pas plus loin. » Le saint abbé l'entendant parler et le voyant pleurer, lui dit, mêlant ses larmes avec les siennes : « Ah ! mon ami, vous ne voyez donc pas que, bien loin d'avoir offensé le bon Dieu, au contraire, c'est précisément parce que vous lui êtes bien agréable, que vous êtes tenté de la sorte. Consolez-vous, mon cher ami, et reprenez cou-rage, le démon vous croyait vaincu ; mais au contraire, vous allez le vaincre ; retournez au moins jusqu'à demain dans votre cellule. Ne perdez pas courage, mon ami ; je suis moi-même tous les jours tenté de la même manière que vous. Ce n'est pas sur nos forces que nous devons compter, mais sur la miséricorde du bon Dieu, je vais vous aider à vaincre en priant avec vous. O mon ami ! il est trop bon pour nous abandonner à la fureur de nos ennemis sans nous donner la force pour les vaincre ; c'est le bon Dieu, mon cher ami, qui m'en-voie pour vous consoler et vous dire de ne pas vous per-dre : vous allez être délivré. » Ce pauvre jeune homme, déjà tout consolé, retourna dans sa solitude, en se jetant entre les bras de la miséricorde de Dieu, disant : « Je croyais que vous vous étiez retiré de moi pour toujours. »
Pendant ce temps-là, Apollon va auprès de la cellule de ce vieillard qui avait si mal reçu ce pauvre jeune homme, se prosterne la face contre terre en disant « Seigneur, mon Dieu, vous connaissez nos faiblesses délivrez, s'il vous plaît, ce jeune homme de ses ten-tations qui le découragent ; vous voyez les larmes qu'il a versées par la peine qu'il avait de vous avoir offensé ! Faites passer la même tentation à ce vieillard, afin qu'il apprenne à avoir pitié de ceux que vous permettez qu'ils soient tentés. » A peine eût-il achevé sa prière, qu'il vit le démon en forme d'un petit nègre hideux qui lançait une flèche de feu impur à la cellule du vieil-lard, qui n'en eût pas plus tôt senti l'atteinte, que le voilà dans une agitation épouvantable qui ne lui don-nait aucune relâche. Il se lève, il sort, il rentre. Après avoir fait assez longtemps la même chose, enfin, pen-sant que jamais il ne pourrait combattre, il fait comme le jeune solitaire, et prend la résolution de s'en aller dans le monde, puisqu'il ne pouvait plus résister au démon ; il dit adieu à sa cellule et part. Le saint abbé, qui l'observait sans que l'autre s'en aperçut (le bon Dieu lui fit connaître que la tentation du jeune homme avait passé au vieillard), s'étant approché de lui, lui demande où il va, et d'où vient qu'il oublie la gravité de son âge ; paraissant si agité ; que sans doute il avait quelque inquiétude sur le salut de son âme. Le vieillard vit bien que le bon Dieu lui faisait connaître ce qui se passait au-dedans de lui-même. « Retournez, mon ami, lui dit le saint, rappelez-vous bien que cette tentation ne vous est arrivée dans votre vieillesse qu'afin que vous appreniez à compatir aux infirmités de vos frères, et à les consoler dans leurs infirmités. Vous aviez découragé ce pauvre jeune homme qui est allé vous faire part de ses peines ; au lieu de le consoler, vous alliez le jeter au désespoir ; sans une grâce extraordinaire, il aurait été perdu. Savez-vous, mon père, pourquoi le démon avait livré une guerre si opiniâtre et si cruelle à ce pauvre jeune homme, c'est qu'il apercevait en lui de grandes dispositions pour la vertu, ce qui le piquait d'un vif sentiment de jalousie et d'envie, et qu'une vertu si ferme ne pouvait être vaincue qu'après une tentation trop forte et trop violente. Apprenez à avoir compassion des autres, à leur tendre la main pour ne pas les laisser tomber. Si le démon vous a laissé tranquille, malgré tant d'années de solitude, c'est qu'il voyait en vous peu de bien : au lieu de vous tenter, il vous méprise. »
D'après cet exemple, nous voyons que bien loin de nous décourager dans les tentations, au contraire, nous devons nous consoler et même nous réjouir, parce qu'il n'y a de tentés que ceux que le démon prévoit que leur manière de vivre leur gagnera le ciel. D'ailleurs, M.F., nous devons bien être persuadés qu'il est impossible de vouloir plaire au bon Dieu et sauver son âme sans être tenté. Voyez Jésus-Christ : après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il fut bien tenté et emporté deux fois par le démon, lui qui était la sainteté même .
Je ne sais pas, M.F., si vous comprenez bien ce que c'est qu'une tentation. Ce n'est pas seulement une mauvaise pensée d'impureté ou de haine ou de vengeance qu'il faut rejeter, mais ce sont tous les ennuis qui nous arrivent : comme une maladie où nous sommes portés à nous plaindre, une calomnie qu'on fait contre nous, une injustice qu'on nous fait, une perte de biens, d'un père, d'une mère, ou d'un enfant. Si nous ne nous soumettons pas volontiers à la volonté du bon Dieu, alors nous succombons à la tentation, parce que le bon Dieu veut que nous souffrions cela pour son amour ; et d'un autre côté, le démon fait tout ce qu'il peut pour nous faire murmurer contre le bon Dieu. Mais voici les tentations les plus à craindre, et qui perdent bien plus d'âmes qu'on ne croit : ce sont ces petites pensées d'amour-propre, ces pensées d'estime de soi, ces petits applaudissements sur tout ce que l'on fait, sur ce que l'on a dit de nous : nous repassons tout cela dans notre tête, nous aimons à voir les personnes à qui nous avons fait quelque bien, et il nous semble qu'elles y pensent, qu'elles ont bonne opinion de nous ; nous aimons quand on se recommande à nos prières ; nous nous empressons de savoir si ce que nous avons demandé au bon Dieu pour eux, ils l'ont obtenu. Oui, M.F., voilà une des plus rudes tentations du démon ; là, je dis que nous devons grandement veiller sur nous-mêmes, parce que le démon est très adroit ; ce qui doit bien nous porter à demander au bon Dieu tous les matins la grâce de bien connaître toutes les fois que le démon viendra nous tenter. Pourquoi est-ce que si souvent nous faisons le mal et que nous n'y pensons qu'après ? C'est que nous n'avons pas demandé cette grâce au bon Dieu le matin, ou que nous l'avons mal demandée.
Enfin nous disons, M.F., que nous devons combattre vigoureusement, et non comme nous faisons : nous disons non au démon et nous lui tendons la main. Voyez saint Bernard faisant un voyage, étant couché dans une chambre ; une malheureuse femme vient le trouver la nuit pour le solliciter au péché ; il se met à crier au voleur : elle revint jusqu'à trois fois, mais il la renvoya honteusement. Voyez saint Martinien, qu'une femme de mauvaise vie vint tenter, et le reste. Voyez saint Thomas d'Aquin, à qui l'on envoya une fille dans sa chambre pour tâcher de le porter au péché : il prend un tison et la chasse honteusement de sa chambre. Voyez ce que fit saint Bernard qui, étant tenté, alla se jeter dans un étang glacé jusqu'au cou. D'autres se roulèrent dans les épines. Il est rapporté qu'il y avait une fois un saint qui, étant tenté, alla dans un marais où il y avait quantité de guêpes qui se mirent après lui, lui rendirent le corps semblable à une lèpre ; à son retour, son supérieur ne le reconnaissant plus que par sa voix, lui demanda pourquoi il s'était mis dans cet état ? « C'est, lui dit-il, que mon corps voulait perdre mon âme : voilà pourquoi je l'ai réduit dans cet état. »
Que devons-nous conclure de tout cela, M.F. ? Le voici : 1? C'est de ne pas croire que nous serons délivrés de tentations ou d'une manière ou d'une autre, tant que nous vivrons ; par conséquent, il faut nous résoudre à combattre jusqu'à la mort ; 2? Dès que nous sommes tentés, de vite avoir recours au bon Dieu, autant de temps que la tentation dure, parce que, si le démon persévère à nous tenter, c'est toujours dans l'espérance de nous gagner. En troisième lieu, c'est de fuir tout ce qui est capable de nous donner des tentations, du moins si nous le pouvons, et de ne jamais perdre de vue que les mauvais anges n'ont été tentés qu'une fois, et que, de la tentation ils sont tombés en enfer. Il faut avoir une grande humilité, ne jamais croire que, de nous-mêmes, nous pouvons ne pas succomber ; mais seulement, qu'aidés de la grâce du bon Dieu nous ne tomberons pas. Heureux, M.F., celui qui, à l'heure de la mort, pourra dire comme saint Paul : « J'ai bien combattu, mais avec la grâce du bon Dieu, j'ai vaincu ; c'est pour cela que j'attends la couronne de gloire que le bon Dieu donne à celui qui lui a été fidèle jusqu'à la mort . » C'est le bonheur .....
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
1er DIMANCHE DE CARÊME
(DEUXIÈME SERMON)
Sur les Indulgences.
Cum immundus spiritus exierit de homine, dicit : Revertar in domum meam unde exivi.
Lorsque l'esprit impur est sorti d'un homme il dit : Je retournerai dans ma maison d'où je suis sorti.
(S. Luc, XI, 24.)
Je viens vous montrer par là combien la fureur du démon est grande contre ceux qui l'ont chassé de leur cœur par une bonne confession : ce qui doit les porter à veiller continuellement sur tous les mouvements de leur cœur, de crainte que le démon ne les fasse retomber dans leur péché, ce qui les mettrait dans un état plus mauvais qu'ils n'étaient avant leur confession. C'est précisément pour nous préserver de ce malheur que l'Église nous impose des pénitences lorsque nous nous confessons. Elles sont pour deux fins : l'une pour satisfaire à la justice de Dieu pour nos péchés confessés, et l'autre, pour nous préserver de retomber dans le péché. Si nous avons le malheur de ne pas accomplir nos pénitences, nous commettons un péché mortel, si les péchés que nous avons accusés étaient des péchés mortels. Cependant, M.F., il faut avouer que, quand même nous faisons bien nos pénitences imposées dans le saint tribunal, comme elles ne sont nullement proportionnées à nos péchés, il doit nécessairement nous rester des peines à subir ou dans ce monde ou dans les flammes du purgatoire. C'est, M.F., parce que le bon Dieu désire tant nous procurer, de suite après notre mort, le bonheur d'aller jouir de sa sainte présence, qu'il nous accorde, par le ministère de son Église, un moyen très facile et très efficace pour retrancher ces peines : ce moyen, M.F., ce sont les indulgences que nous pouvons gagner pendant que nous sommes sur la terre. Ces indulgences sont une diminution ou une entière remise des pénitences que l'on imposait autrefois aux pécheurs, afin de satisfaire à peu près autant que l'on croyait leur être nécessaire pour éviter le purgatoire. Mais pour mieux vous les faire apprécier, je vais vous montrer 1? ce que c'est qu'une indulgence ; 2? de quoi elles sont composées ; 3? quelles sont les dispositions nécessaires pour les gagner.
(DEUXIÈME SERMON)
Sur les Indulgences.
Cum immundus spiritus exierit de homine, dicit : Revertar in domum meam unde exivi.
Lorsque l'esprit impur est sorti d'un homme il dit : Je retournerai dans ma maison d'où je suis sorti.
(S. Luc, XI, 24.)
Je viens vous montrer par là combien la fureur du démon est grande contre ceux qui l'ont chassé de leur cœur par une bonne confession : ce qui doit les porter à veiller continuellement sur tous les mouvements de leur cœur, de crainte que le démon ne les fasse retomber dans leur péché, ce qui les mettrait dans un état plus mauvais qu'ils n'étaient avant leur confession. C'est précisément pour nous préserver de ce malheur que l'Église nous impose des pénitences lorsque nous nous confessons. Elles sont pour deux fins : l'une pour satisfaire à la justice de Dieu pour nos péchés confessés, et l'autre, pour nous préserver de retomber dans le péché. Si nous avons le malheur de ne pas accomplir nos pénitences, nous commettons un péché mortel, si les péchés que nous avons accusés étaient des péchés mortels. Cependant, M.F., il faut avouer que, quand même nous faisons bien nos pénitences imposées dans le saint tribunal, comme elles ne sont nullement proportionnées à nos péchés, il doit nécessairement nous rester des peines à subir ou dans ce monde ou dans les flammes du purgatoire. C'est, M.F., parce que le bon Dieu désire tant nous procurer, de suite après notre mort, le bonheur d'aller jouir de sa sainte présence, qu'il nous accorde, par le ministère de son Église, un moyen très facile et très efficace pour retrancher ces peines : ce moyen, M.F., ce sont les indulgences que nous pouvons gagner pendant que nous sommes sur la terre. Ces indulgences sont une diminution ou une entière remise des pénitences que l'on imposait autrefois aux pécheurs, afin de satisfaire à peu près autant que l'on croyait leur être nécessaire pour éviter le purgatoire. Mais pour mieux vous les faire apprécier, je vais vous montrer 1? ce que c'est qu'une indulgence ; 2? de quoi elles sont composées ; 3? quelles sont les dispositions nécessaires pour les gagner.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. – Je ne veux pas, M.F., m'amuser à vous prouver que l'Église a le pouvoir de nous appliquer les indulgences, ce serait perdre mon temps ; vous savez que Jésus-Christ a dit à ses apôtres, et dans leur personne. à tous leurs successeurs : « Je vous donne les clefs du royaume des cieux ; tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur là terre sera délié dans le ciel . » Nous voyons que les apôtres mêmes ont commencé à accorder des indulgences. Non seulement l'Église a le pouvoir d'imposer des pénitences pour l'expiation de nos péchés, mais elle peut encore abréger les peines que nous devons souffrir en purgatoire.
Vous savez, M.F., qu'il y a deux sortes de péchés actuels : c'est-à-dire, le péché mortel et le péché véniel. Le péché mortel mérite une peine éternelle : car c'est un article de foi que, si nous avons le malheur de mourir avec un péché mortel sans en avoir obtenu le pardon, nous serons damnés. Quoique les mauvais chrétiens osent dire que le bon Dieu n'est pas aussi méchant que les prêtres le disent bien, il n'en sera pas autrement. Quand nous avons confessé nos péchés mortels, il nous reste encore à souffrir en ce monde ou des peines à subir dans l'autre vie ; car, si nous considérons la grandeur de nos péchés avec les pénitences que l'on nous donne dans le tribunal de la pénitence, il n'y a point de proportion. Il faut donc nécessairement faire quelque chose qui puisse nous aider à satisfaire à la justice de Dieu. II est vrai que toutes les misères de la vie, les maladies, les chagrins, les calomnies, les infirmités, les pertes de biens, si nous avons le bonheur de les offrir au bon Dieu en expiation de nos péchés, nous aident à y satisfaire.
Dès le commencement de l'Église, on donnait des pénitences aussi grandes et aussi longues qu'on les croyait être capables de satisfaire à la justice de Dieu. Quand un pécheur voulait revenir au bon Dieu, il venait en pénitent se présenter devant l'évêque, confessant publiquement ses péchés, ayant les pieds nus, les habits tout déchirés et la tête couverte de cendres. On le faisait passer par les degrés de pénitences : le premier était celui des pleurants, le deuxième celui des écoutants, le troisième celui des prosternés, le quatrième celui des assistants. Aussitôt qu'un pécheur rentrait en lui-même, on l'obligeait à rester à genoux hors de la porte de l'église, comme étant indigne d'y entrer, et il se recommandait aux prières des fidèles qui passaient : c'était le premier degré, qui durait quelquefois bien longtemps et qu'on appelait degré des pleurants : il était suffisant de les voir pour pleurer avec eux ; ils n'avaient point de honte de confesser publiquement leurs péchés pour exciter les fidèles à prier pour eux. Après ce degré de pénitence, on les faisait passer dans un endroit, près de la porte de l'église, où ils avaient le bonheur d'entendre les instructions qui se faisaient ; mais dès que l'instruction était finie, on les faisait se retirer sans avoir le bonheur de prier avec les fidèles ; ils se retiraient avec tant de douleur de se voir privés de prier avec eux, que leur repentir seul convertissait d'autres pécheurs, qui n'avaient pas honte d'aller se joindre aux premiers pour se réconcilier avec le bon Dieu. Après cela, l'on permettait à ces pénitents d'assister à la sainte messe jusqu'à l'évangile ; ensuite, on les faisait sortir comme étant indignes de participer aux saints mystères ; mais avant que de les renvoyer, on faisait différentes prières sur eux, étant prosternés devant tout le monde ; c'est là où l'on voyait couler les larmes avec abondance.
A la fin du troisième degré de pénitence, on leur donnait solennellement l'absolution : alors ils avaient le bonheur d'assister à toutes les prières et même à la sainte messe ; mais ils n'avaient pas la liberté d'y communier pendant un certain temps. Nous voyons que tout le temps de leur pénitence ils étaient obligés de s'abstenir de tout divertissement, de toute fonction publique ; on les forçait à garder la retraite, à jeûner au pain et à l'eau plusieurs fois la semaine, à faire des aumônes, afin de leur donner les moyens de satisfaire à la justice de Dieu. Pour avoir juré le saint Nom de Dieu, même sans y penser, il fallait jeûner sept jours au pain et à l'eau ; et si l'on y retombait une deuxième fois, quinze jours. Pour avoir blasphémé contre Dieu, la sainte Vierge et les saints, il fallait rester à genoux, hors de l'église, sans souliers, la corde au cou, et jeûner sept vendredis au pain et à l'eau, privé tout ce temps-là d'entrer à l'église. Pour avoir fait quelque travail le saint jour du dimanche, il fallait jeûner trois jours au pain et à l'eau ; pour avoir voyagé le dimanche sans nécessité, sept jours de pénitence ; pour avoir dansé devant la porte d'une église, trois ans de pénitence. Si une fille ou un garçon retournaient à la danse, on les menaçait de les excommunier. Pour avoir parlé à l'église pendant la sainte messe, dix jours de pénitence. Pour les jeûnes de carême que l'on manquait, il fallait jeûner après Pâques sept jours pour chaque jour manqué ; pour avoir violé les jeûnes des Quatre-Temps, quarante jours de jeûne. Pour avoir méprisé les instructions de son évêque ou de son curé, quarante jours de pénitence. Pour avoir vécu dans la haine contre quelqu'un, il fallait jeûner autant de temps que l'on avait laissé écouler de temps où l'on voulait mal à son prochain. Pour les péchés d'impureté, les pénitences étaient grandes, selon la grandeur de ce péché, qui se commet en plusieurs manières.
Voilà, M.F., la manière dont l'Église se conduisait autrefois envers les chrétiens qui voulaient se sauver. Vous voyez que maintenant l'on ne donne plus ces rudes pénitences, quoique nos péchés ne soient ni moins affreux, ni moins outrageants au bon Dieu. Voyez-vous, M.F., combien le bon Dieu est bon et combien il désire de nous sauver ? Il nous présente les indulgences, qui peuvent suppléer aux pénitences que nous n'avons pas le courage de faire.
Vous savez, M.F., qu'il y a deux sortes de péchés actuels : c'est-à-dire, le péché mortel et le péché véniel. Le péché mortel mérite une peine éternelle : car c'est un article de foi que, si nous avons le malheur de mourir avec un péché mortel sans en avoir obtenu le pardon, nous serons damnés. Quoique les mauvais chrétiens osent dire que le bon Dieu n'est pas aussi méchant que les prêtres le disent bien, il n'en sera pas autrement. Quand nous avons confessé nos péchés mortels, il nous reste encore à souffrir en ce monde ou des peines à subir dans l'autre vie ; car, si nous considérons la grandeur de nos péchés avec les pénitences que l'on nous donne dans le tribunal de la pénitence, il n'y a point de proportion. Il faut donc nécessairement faire quelque chose qui puisse nous aider à satisfaire à la justice de Dieu. II est vrai que toutes les misères de la vie, les maladies, les chagrins, les calomnies, les infirmités, les pertes de biens, si nous avons le bonheur de les offrir au bon Dieu en expiation de nos péchés, nous aident à y satisfaire.
Dès le commencement de l'Église, on donnait des pénitences aussi grandes et aussi longues qu'on les croyait être capables de satisfaire à la justice de Dieu. Quand un pécheur voulait revenir au bon Dieu, il venait en pénitent se présenter devant l'évêque, confessant publiquement ses péchés, ayant les pieds nus, les habits tout déchirés et la tête couverte de cendres. On le faisait passer par les degrés de pénitences : le premier était celui des pleurants, le deuxième celui des écoutants, le troisième celui des prosternés, le quatrième celui des assistants. Aussitôt qu'un pécheur rentrait en lui-même, on l'obligeait à rester à genoux hors de la porte de l'église, comme étant indigne d'y entrer, et il se recommandait aux prières des fidèles qui passaient : c'était le premier degré, qui durait quelquefois bien longtemps et qu'on appelait degré des pleurants : il était suffisant de les voir pour pleurer avec eux ; ils n'avaient point de honte de confesser publiquement leurs péchés pour exciter les fidèles à prier pour eux. Après ce degré de pénitence, on les faisait passer dans un endroit, près de la porte de l'église, où ils avaient le bonheur d'entendre les instructions qui se faisaient ; mais dès que l'instruction était finie, on les faisait se retirer sans avoir le bonheur de prier avec les fidèles ; ils se retiraient avec tant de douleur de se voir privés de prier avec eux, que leur repentir seul convertissait d'autres pécheurs, qui n'avaient pas honte d'aller se joindre aux premiers pour se réconcilier avec le bon Dieu. Après cela, l'on permettait à ces pénitents d'assister à la sainte messe jusqu'à l'évangile ; ensuite, on les faisait sortir comme étant indignes de participer aux saints mystères ; mais avant que de les renvoyer, on faisait différentes prières sur eux, étant prosternés devant tout le monde ; c'est là où l'on voyait couler les larmes avec abondance.
A la fin du troisième degré de pénitence, on leur donnait solennellement l'absolution : alors ils avaient le bonheur d'assister à toutes les prières et même à la sainte messe ; mais ils n'avaient pas la liberté d'y communier pendant un certain temps. Nous voyons que tout le temps de leur pénitence ils étaient obligés de s'abstenir de tout divertissement, de toute fonction publique ; on les forçait à garder la retraite, à jeûner au pain et à l'eau plusieurs fois la semaine, à faire des aumônes, afin de leur donner les moyens de satisfaire à la justice de Dieu. Pour avoir juré le saint Nom de Dieu, même sans y penser, il fallait jeûner sept jours au pain et à l'eau ; et si l'on y retombait une deuxième fois, quinze jours. Pour avoir blasphémé contre Dieu, la sainte Vierge et les saints, il fallait rester à genoux, hors de l'église, sans souliers, la corde au cou, et jeûner sept vendredis au pain et à l'eau, privé tout ce temps-là d'entrer à l'église. Pour avoir fait quelque travail le saint jour du dimanche, il fallait jeûner trois jours au pain et à l'eau ; pour avoir voyagé le dimanche sans nécessité, sept jours de pénitence ; pour avoir dansé devant la porte d'une église, trois ans de pénitence. Si une fille ou un garçon retournaient à la danse, on les menaçait de les excommunier. Pour avoir parlé à l'église pendant la sainte messe, dix jours de pénitence. Pour les jeûnes de carême que l'on manquait, il fallait jeûner après Pâques sept jours pour chaque jour manqué ; pour avoir violé les jeûnes des Quatre-Temps, quarante jours de jeûne. Pour avoir méprisé les instructions de son évêque ou de son curé, quarante jours de pénitence. Pour avoir vécu dans la haine contre quelqu'un, il fallait jeûner autant de temps que l'on avait laissé écouler de temps où l'on voulait mal à son prochain. Pour les péchés d'impureté, les pénitences étaient grandes, selon la grandeur de ce péché, qui se commet en plusieurs manières.
Voilà, M.F., la manière dont l'Église se conduisait autrefois envers les chrétiens qui voulaient se sauver. Vous voyez que maintenant l'on ne donne plus ces rudes pénitences, quoique nos péchés ne soient ni moins affreux, ni moins outrageants au bon Dieu. Voyez-vous, M.F., combien le bon Dieu est bon et combien il désire de nous sauver ? Il nous présente les indulgences, qui peuvent suppléer aux pénitences que nous n'avons pas le courage de faire.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
II. – Mais de quoi sont composées ces indulgences qui nous procurent tant de bien ? M.F., écoutez-le bien et retenez-le ; parce que celui qui le comprend bien ne peut pas s'empêcher de bénir le bon Dieu et d'en profiter au tant qu'il peut. Quel bonheur pour nous, M.F., qui par quelques prières pouvons nous retrancher des siècles de peines dans l'autre vie ! Je dis que ces indulgences sont composées des mérites surabondants de Jésus-Christ, de la-sainte Vierge et des saints, qui ont beaucoup plus souffert ou fait pénitence qu'ils n'avaient de péchés à expier : ce qui forme un trésor inépuisable dont l'Église fait part à ses enfants qui sont les chrétiens. Je dis donc que les indulgences sont la remise des peines que nos péchés, quoique pardonnés dans le tribunal de la pénitence, nous ont mérité de souffrir. Pour rendre ceci plus intelligible, il faut distinguer l'offense et la peine : l'offense, c'est l'injure que le péché fait à Dieu, pour laquelle le pécheur mérite d'être puni pendant toute l'éternité ; or, cette peine éternelle ne peut être remise que par le sacrement de Pénitence. C'est pour achever de nous purifier de nos péchés, quoique pardonnés dans le sacrement, que nous gagnons les indulgences, parce que, après nous être confessés, il faut encore plus faire de pénitences que le confesseur ne nous en impose, si nous voulons nous exempter des peines du purgatoire.
Nous voyons que, quoique les saints fussent sûrs de leur pardon, Dieu leur a aussi imposé l'obligation de se punir eux-mêmes. Voyez David, voyez sainte Madeleine, saint Pierre et tant d'autres. Autrefois l'on donnait de longues pénitences qui duraient dix ans, vingt ans, et des fois toute la vie. Il fallait se lever la nuit pour prier et pour pleurer ses péchés ; il fallait coucher sur la dure, se couvrir d'un cilice, faire beaucoup d'aumônes.
Vous allez voir comment ont commencé les indulgences. Comme au commencement de l'Église, celle-ci était presque toujours persécutée, les martyrs allant à la mort, faisaient dire à leur évêque d'abréger la pénitence d'un tel pénitent de tant de jours, de mois ou d'années : ainsi l'on abrégeait d'autant leur pénitence. Voilà ce que nous appelons indulgences partielles, qui sont de quarante jours ou de deux cents, ou trois cents, etc. D'autres fois, les martyrs priaient l'évêque de retrancher toute la pénitence : c'est ce que nous appelons indulgence plénière, qui est la remise de toutes les peines que nous devions souffrir après notre mort. Voici, M.F., les effets et les avantages des indulgences : elles nous aident à satisfaire à la justice de Dieu, et elles sont le supplément des pénitences que nous devions faire et que nous ne faisons pas. Si vous ne le comprenez pas bien, écoutez-moi. C'est comme si plusieurs personnes avaient des dettes, et étaient dans l'impossibilité de pouvoir jamais payer, et qu'une personne bien riche leur dit : « Vous ne pouvez pas me payer, prenez dans mes coffres pour payer vos dettes. » Voilà ce que nous font les indulgences envers la justice de Dieu, parce que nous sommes dans l'impossibilité de pouvoir jamais satisfaire à cette justice, malgré toutes les pénitences que nous pouvons faire.
Quel bonheur pour nous, M.F., de trouver un moyen si facile que celui des indulgences, qui nous exemptent des peines du purgatoire qui nous paraîtront si longues et si dures ! Oui, M.F., un pécheur qui aurait le bonheur de gagner une indulgence plénière dans tout son entier, se trouverait pleinement quitte devant le bon Dieu. Il paraîtrait aussi pur et aussi net aux yeux de Dieu que s'il sortait des fonts sacrés du baptême, il serait dans les mêmes dispositions, pour être admis dans le ciel, que les martyrs après leur mort. Non, M.F., il n'y a point de différence entre le baptême, le martyre et une indulgence plénière gagnée dans, tout son entier. O grâce précieuse, mais ignorée du plus grand nombre des chrétiens, et méprisée de ceux qui ont le bonheur de la connaître !
Hélas ! M.F., qu'il y a des pauvres âmes en purgatoire, pour n'avoir pas voulu profiter des indulgences, et, qui, peut-être, resteront là jusqu'à la fin du monde ! Mais afin de mieux vous faire sentir le besoin que nous avons de gagner les indulgences pour nous aider à satisfaire à la justice de Dieu pour nos péchés, considérons, d'un côté, le nombre et l'énormité de nos péchés, et de l'autre, les pénitences que nous faisons pour les expier : comparons nos dettes avec ce que nous avons fait pour les acquitter. Hélas ! M.F., des siècles entiers ne seraient pas suffisants pour expier un seul péché ! Eh M.F., où sont nos pénitences qui égalent nos péchés ? Convenons, M.F., où en serions-nous, si l'Église ne venait pas à notre secours ? Quand même nous mourrions convertis, la justice de Dieu réclamerait ses droits, un feu vengeur nous châtierait rigoureusement, et cela pendant, nombre d'années. Hélas ! M.F., qui pourrait comprendre notre aveuglement, de consentir à aller brûler tant d'années dans les feux ; et de ne pas vouloir profiter des grâces que le bon Dieu veut bien nous accorder.
Mais quand est-ce que les indulgences cessent, c'est-à-dire, que l'on ne peut plus les gagner ? C'est comme si l'église de Fourvière était en partie écroulée ; de même, une croix, une médaille, un crucifix, seraient cassés, cabossés ; un chapelet auquel il manquerait une partie notable des grains, ou qui serait tout défilé : alors les indulgences n'y seraient plus ; mais pourvu qu'ils ne perdent pas leur forme, quand on les renouvelle, ils ne perdent pas les indulgences. Pour les fêtes qui sont renvoyées, Monseigneur a obtenu du Saint-Père que les indulgences seraient transportées avec la fête : de sorte que les indulgences ne sont pas le jour de la fête, mais le jour qu'elle est célébrée. Pour gagner les indulgences ; il faut que le chapelet soit bénit pour cela ; s'il ne l'était pas, quoique l'on fasse une prière bien agréable à Dieu, l'on ne gagnerait point l'indulgence. Pour ceux qui sont de la sainte confrérie du Rosaire, en disant les trois chapelets chaque semaine, ils gagnent toutes les indulgences qui se rencontrent dans toutes les fêtes de la sainte Vierge, et aux grandes fêtes, en se confessant et en communiant. Une personne qui est de la confrérie du Saint Rosaire peut gagner plusieurs indulgences plénières. A l'heure de la mort, ceux qui sont autour du malade doivent bien faire attention si le prêtre n'y pensait pas et faire donner au malade l'indulgence plénière. Il y a indulgence plénière : 1? lorsque le malade reçoit les derniers sacrements ; 2? lorsqu'il reçoit l'absolution du Saint Rosaire ; 3? en disant de bouche ou au fond du cœur le nom de Jésus ; 4? en disant le Salve Regina et tenant à la main un cierge bénit pour le Saint-Rosaire. Les croix, médailles, chapelets, ne peuvent pas se donner à d'autres pour gagner les indulgences, parce que les indulgences ne peuvent être gagnées que par ceux pour qui ils ont été bénits, où à qui ils ont été donnés la première fois. Mais en présentant un chapelet, les indulgences ne se perdent pas pour celui qui le prête ; lorsqu'il le reprend, il les regagne.
Nous vous ferons voir maintenant ce que c'est que les indulgences. D'abord je vous dirai que, dans toutes les confréries, il y a une indulgence plénière le jour de la fête : de sorte qu'une personne qui serait de plusieurs confréries, en se confessant et en faisant la sainte communion, peut gagner toutes les indulgences plénières de toutes ces fêtes : ainsi, si vous êtes de quatre ou cinq confréries, vous pouvez gagner une indulgence plénière pour vous, et toutes les autres pour les âmes du purgatoire. Il y a encore d'autres indulgences à gagner sans être des confréries, comme pour ceux qui ont des chapelets que l'on appelle Brigittains. Ce mot Brigittain vient de ce que sainte Brigitte avait été la fondatrice du monastère à qui le Saint-Père avait donné le pouvoir d'accorder ces grandes indulgences. Ceux qui ont ces chapelets gagnent sur tous les grains cent jours d'indulgences. Voilà la différence qu'il y a entre ces chapelets et ceux du Saint-Rosaire : par ceux du Saint Rosaire, vous ne gagnez vos indulgences que dans le moment que vous le finissez, au lieu qu'avec les Brigittains, sur chaque grain vous gagnez vos cent jours. Mais pour gagner ces indulgences, il faut avoir un chapelet entre les mains, et mettre les doigts sur les grains dont on a l'intention de gagner les indulgences. Pour tous les chapelets, l'on ne peut gagner les indulgences qu'après avoir dit trois chapelets : un pour toute l'Église, un pour le Saint-Père, et un pour celui qui l'a bénit. L'on peut gagner les indulgences quand on est deux et que chacun répond sa partie. L'un dit : Salut Marie, et l'autre : Sainte Marie. Quand on fait le Chemin de la Croix, il y a indulgence plénière à chaque tableau, c'est-à-dire quatorze : une pour soi, et toutes les autres pour les âmes du purgatoire, et cela autant de fois qu'on veut le faire dans un jour. Il y a trois manières de le faire. Il n'y a pas besoin de se confesser ni de communier pour gagner l'indulgence du Chemin de la Croix : Si nous ne sommes pas en état de grâce, nous ne pouvons pas les gagner pour nous ; mais, quoique nous soyons dans le péché, nous pouvons les gagner pour les âmes du purgatoire . Il est vrai que c'est bien rare que nous gagnions les indulgences plénières dans leur entier mais ce qu'il y a de vrai, c'est que nous les gagnons à proportion de nos dispositions. Plus nos dispositions sont parfaites, plus nous approchons du terme de leur mérite. Quand nous offrons nos indulgences, il ne faut pas les offrir pour toutes les âmes ; mais il faut désigner les âmes pour lesquelles l'on a l'intention de les gagner pour son père, sa mère ou d'autres. Pour les indulgences qui sont attachées aux médailles, aux croix, aux crucifix, si tous ces objets de piété ont été indulgenciés par le Saint-Père, ou un prêtre qui en a reçu le pouvoir, il y a des indulgences plénières toutes les fois que, les ayant sur vous ou dans un endroit propre de votre maison, vous mettant à genoux, vous dites cinq Pater et cinq Ave, selon l'intention de l'Église qui est la conversion des pécheurs et la persévérance des justes, etc .... et cela autant de fois que vous voudrez le faire. Quand tous ces objets n'ont été indulgenciés que par les évêques, ils n'ont que quarante jours d'indulgences. Il faut remarquer que l'on peut gagner toutes les indulgences qui se rencontrent pendant la semaine, quand il n'y a pas plus de huit jours que l'on s'est confessé. Ceux qui se confessent et communient la veille de la fête où il y a indulgence, peuvent tout de même les gagner sans attendre au lendemain. Il y a une indulgence de deux ans en baisant avec respect la croix de son chapelet qui a été bénite ; il y a une indulgence plénière quand on vient adorer Jésus-Christ le vendredi saint ; il y a une indulgence plénière le jour du saint patron. – En faisant la génuflexion avec respect, il y a cent jours d'indulgences ; de même quand on se prépare bien à entendre la sainte messe ; il y a une indulgence, quand on fait son examen de conscience tous les soirs. En disant un acte d'amour de Dieu sur les perfection de Jésus-Christ, c'est-à-dire en pensant à sa sagesse, à sa miséricorde, sa bonté et le reste ; il y a remise de toutes nos fautes vénielles et même mortelles, en danger de mort. Il est vrai qu'il y a beaucoup d'indulgences que l'on pourrait gagner, mais que l'on ne connaît pas. Voilà ce qu'il faut faire tous les matins, il faut dire cinq Pater et cinq Ave selon l'intention de l'Église pour ga-gner toutes ces indulgences que l'on peut gagner dans le courant du jour : quand même nous n'y penserions pas dans le moment, nous les gagnerons tout de même. Il y a encore beaucoup d'autres indulgences : comme en disant les litanies de la Sainte Vierge, il y a trois cents jours ; celles du saint Nom de Jésus, trois cents jours ; les actes de Foi, d'Espérance et de Charité ; il y a une indulgence plénière chaque mois en se confessant et en communiant, on choisit le jour que l'on veut. Il y a encore cent jours d'indulgences pour ceux qui instrui-sent les ignorants. Il y a sept ans d'indulgences toutes les fois que les pères et mères, maîtres et maîtresses mènent leurs enfants ou leurs domestiques à l'église pour entendre le catéchisme. Pour ceux qui accompagnent le Saint-Sacrement quand on le porte aux malades, il y a sept ans et sept quarantaines, c'est-à-dire sept fois qua-rante jours ; ceux qui l'accompagnent sans un flambeau ne gagnent que cinq ans et cinq quarantaines. Quand on ne peut pas l'accompagner, en disant un Pater et un Ave à genoux, il y a cent jours. II y a trois cents jours d'in-dulgences pour ceux qui disent : « Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon cœur, mon esprit et ma vie ; Jésus, Marie, Joseph, assistez-moi dans ma dernière agonie ; Jésus, Marie, Joseph, faites que je meure dans votre sainte compagnie ; » pour ceux qui sont de la confrérie du Sacré-Cœur de Jésus, il y a une indulgence plénière le jour que l'on est reçu, tous les premiers vendredis du mois et tous les premiers dimanches du mois ; et aussi une fois le mois à sa volonté, si l'on s'est confessé, si l'on a communié et si l'on dit cinq Pater et cinq Ave pour les besoins de l'Église.
Il y en a un nombre infini d'autres, mais je vous parle seulement de celles que vous pouvez le mieux gagner. Je ne sais pas si vous avez bien compris tout cela. Quand vous ne le comprenez pas, eh bien ! il faut me demander ; il ne faut pas que le respect humain vous retienne. Un prêtre n'est que pour vous instruire en vous apprenant ce que vous ne savez pas et qui est nécessaire pour vous aider à vous sauver. Hélas ! si nous nous perdons ou si nous allons souffrir nombre d'années en purgatoire, cela viendra bien de notre faute, puisque nous avons tant de moyens de nous procurer le ciel. Voilà, M.F., de grands trésors qui sont mis à notre disposition.
Nous voyons que, quoique les saints fussent sûrs de leur pardon, Dieu leur a aussi imposé l'obligation de se punir eux-mêmes. Voyez David, voyez sainte Madeleine, saint Pierre et tant d'autres. Autrefois l'on donnait de longues pénitences qui duraient dix ans, vingt ans, et des fois toute la vie. Il fallait se lever la nuit pour prier et pour pleurer ses péchés ; il fallait coucher sur la dure, se couvrir d'un cilice, faire beaucoup d'aumônes.
Vous allez voir comment ont commencé les indulgences. Comme au commencement de l'Église, celle-ci était presque toujours persécutée, les martyrs allant à la mort, faisaient dire à leur évêque d'abréger la pénitence d'un tel pénitent de tant de jours, de mois ou d'années : ainsi l'on abrégeait d'autant leur pénitence. Voilà ce que nous appelons indulgences partielles, qui sont de quarante jours ou de deux cents, ou trois cents, etc. D'autres fois, les martyrs priaient l'évêque de retrancher toute la pénitence : c'est ce que nous appelons indulgence plénière, qui est la remise de toutes les peines que nous devions souffrir après notre mort. Voici, M.F., les effets et les avantages des indulgences : elles nous aident à satisfaire à la justice de Dieu, et elles sont le supplément des pénitences que nous devions faire et que nous ne faisons pas. Si vous ne le comprenez pas bien, écoutez-moi. C'est comme si plusieurs personnes avaient des dettes, et étaient dans l'impossibilité de pouvoir jamais payer, et qu'une personne bien riche leur dit : « Vous ne pouvez pas me payer, prenez dans mes coffres pour payer vos dettes. » Voilà ce que nous font les indulgences envers la justice de Dieu, parce que nous sommes dans l'impossibilité de pouvoir jamais satisfaire à cette justice, malgré toutes les pénitences que nous pouvons faire.
Quel bonheur pour nous, M.F., de trouver un moyen si facile que celui des indulgences, qui nous exemptent des peines du purgatoire qui nous paraîtront si longues et si dures ! Oui, M.F., un pécheur qui aurait le bonheur de gagner une indulgence plénière dans tout son entier, se trouverait pleinement quitte devant le bon Dieu. Il paraîtrait aussi pur et aussi net aux yeux de Dieu que s'il sortait des fonts sacrés du baptême, il serait dans les mêmes dispositions, pour être admis dans le ciel, que les martyrs après leur mort. Non, M.F., il n'y a point de différence entre le baptême, le martyre et une indulgence plénière gagnée dans, tout son entier. O grâce précieuse, mais ignorée du plus grand nombre des chrétiens, et méprisée de ceux qui ont le bonheur de la connaître !
Hélas ! M.F., qu'il y a des pauvres âmes en purgatoire, pour n'avoir pas voulu profiter des indulgences, et, qui, peut-être, resteront là jusqu'à la fin du monde ! Mais afin de mieux vous faire sentir le besoin que nous avons de gagner les indulgences pour nous aider à satisfaire à la justice de Dieu pour nos péchés, considérons, d'un côté, le nombre et l'énormité de nos péchés, et de l'autre, les pénitences que nous faisons pour les expier : comparons nos dettes avec ce que nous avons fait pour les acquitter. Hélas ! M.F., des siècles entiers ne seraient pas suffisants pour expier un seul péché ! Eh M.F., où sont nos pénitences qui égalent nos péchés ? Convenons, M.F., où en serions-nous, si l'Église ne venait pas à notre secours ? Quand même nous mourrions convertis, la justice de Dieu réclamerait ses droits, un feu vengeur nous châtierait rigoureusement, et cela pendant, nombre d'années. Hélas ! M.F., qui pourrait comprendre notre aveuglement, de consentir à aller brûler tant d'années dans les feux ; et de ne pas vouloir profiter des grâces que le bon Dieu veut bien nous accorder.
Mais quand est-ce que les indulgences cessent, c'est-à-dire, que l'on ne peut plus les gagner ? C'est comme si l'église de Fourvière était en partie écroulée ; de même, une croix, une médaille, un crucifix, seraient cassés, cabossés ; un chapelet auquel il manquerait une partie notable des grains, ou qui serait tout défilé : alors les indulgences n'y seraient plus ; mais pourvu qu'ils ne perdent pas leur forme, quand on les renouvelle, ils ne perdent pas les indulgences. Pour les fêtes qui sont renvoyées, Monseigneur a obtenu du Saint-Père que les indulgences seraient transportées avec la fête : de sorte que les indulgences ne sont pas le jour de la fête, mais le jour qu'elle est célébrée. Pour gagner les indulgences ; il faut que le chapelet soit bénit pour cela ; s'il ne l'était pas, quoique l'on fasse une prière bien agréable à Dieu, l'on ne gagnerait point l'indulgence. Pour ceux qui sont de la sainte confrérie du Rosaire, en disant les trois chapelets chaque semaine, ils gagnent toutes les indulgences qui se rencontrent dans toutes les fêtes de la sainte Vierge, et aux grandes fêtes, en se confessant et en communiant. Une personne qui est de la confrérie du Saint Rosaire peut gagner plusieurs indulgences plénières. A l'heure de la mort, ceux qui sont autour du malade doivent bien faire attention si le prêtre n'y pensait pas et faire donner au malade l'indulgence plénière. Il y a indulgence plénière : 1? lorsque le malade reçoit les derniers sacrements ; 2? lorsqu'il reçoit l'absolution du Saint Rosaire ; 3? en disant de bouche ou au fond du cœur le nom de Jésus ; 4? en disant le Salve Regina et tenant à la main un cierge bénit pour le Saint-Rosaire. Les croix, médailles, chapelets, ne peuvent pas se donner à d'autres pour gagner les indulgences, parce que les indulgences ne peuvent être gagnées que par ceux pour qui ils ont été bénits, où à qui ils ont été donnés la première fois. Mais en présentant un chapelet, les indulgences ne se perdent pas pour celui qui le prête ; lorsqu'il le reprend, il les regagne.
Nous vous ferons voir maintenant ce que c'est que les indulgences. D'abord je vous dirai que, dans toutes les confréries, il y a une indulgence plénière le jour de la fête : de sorte qu'une personne qui serait de plusieurs confréries, en se confessant et en faisant la sainte communion, peut gagner toutes les indulgences plénières de toutes ces fêtes : ainsi, si vous êtes de quatre ou cinq confréries, vous pouvez gagner une indulgence plénière pour vous, et toutes les autres pour les âmes du purgatoire. Il y a encore d'autres indulgences à gagner sans être des confréries, comme pour ceux qui ont des chapelets que l'on appelle Brigittains. Ce mot Brigittain vient de ce que sainte Brigitte avait été la fondatrice du monastère à qui le Saint-Père avait donné le pouvoir d'accorder ces grandes indulgences. Ceux qui ont ces chapelets gagnent sur tous les grains cent jours d'indulgences. Voilà la différence qu'il y a entre ces chapelets et ceux du Saint-Rosaire : par ceux du Saint Rosaire, vous ne gagnez vos indulgences que dans le moment que vous le finissez, au lieu qu'avec les Brigittains, sur chaque grain vous gagnez vos cent jours. Mais pour gagner ces indulgences, il faut avoir un chapelet entre les mains, et mettre les doigts sur les grains dont on a l'intention de gagner les indulgences. Pour tous les chapelets, l'on ne peut gagner les indulgences qu'après avoir dit trois chapelets : un pour toute l'Église, un pour le Saint-Père, et un pour celui qui l'a bénit. L'on peut gagner les indulgences quand on est deux et que chacun répond sa partie. L'un dit : Salut Marie, et l'autre : Sainte Marie. Quand on fait le Chemin de la Croix, il y a indulgence plénière à chaque tableau, c'est-à-dire quatorze : une pour soi, et toutes les autres pour les âmes du purgatoire, et cela autant de fois qu'on veut le faire dans un jour. Il y a trois manières de le faire. Il n'y a pas besoin de se confesser ni de communier pour gagner l'indulgence du Chemin de la Croix : Si nous ne sommes pas en état de grâce, nous ne pouvons pas les gagner pour nous ; mais, quoique nous soyons dans le péché, nous pouvons les gagner pour les âmes du purgatoire . Il est vrai que c'est bien rare que nous gagnions les indulgences plénières dans leur entier mais ce qu'il y a de vrai, c'est que nous les gagnons à proportion de nos dispositions. Plus nos dispositions sont parfaites, plus nous approchons du terme de leur mérite. Quand nous offrons nos indulgences, il ne faut pas les offrir pour toutes les âmes ; mais il faut désigner les âmes pour lesquelles l'on a l'intention de les gagner pour son père, sa mère ou d'autres. Pour les indulgences qui sont attachées aux médailles, aux croix, aux crucifix, si tous ces objets de piété ont été indulgenciés par le Saint-Père, ou un prêtre qui en a reçu le pouvoir, il y a des indulgences plénières toutes les fois que, les ayant sur vous ou dans un endroit propre de votre maison, vous mettant à genoux, vous dites cinq Pater et cinq Ave, selon l'intention de l'Église qui est la conversion des pécheurs et la persévérance des justes, etc .... et cela autant de fois que vous voudrez le faire. Quand tous ces objets n'ont été indulgenciés que par les évêques, ils n'ont que quarante jours d'indulgences. Il faut remarquer que l'on peut gagner toutes les indulgences qui se rencontrent pendant la semaine, quand il n'y a pas plus de huit jours que l'on s'est confessé. Ceux qui se confessent et communient la veille de la fête où il y a indulgence, peuvent tout de même les gagner sans attendre au lendemain. Il y a une indulgence de deux ans en baisant avec respect la croix de son chapelet qui a été bénite ; il y a une indulgence plénière quand on vient adorer Jésus-Christ le vendredi saint ; il y a une indulgence plénière le jour du saint patron. – En faisant la génuflexion avec respect, il y a cent jours d'indulgences ; de même quand on se prépare bien à entendre la sainte messe ; il y a une indulgence, quand on fait son examen de conscience tous les soirs. En disant un acte d'amour de Dieu sur les perfection de Jésus-Christ, c'est-à-dire en pensant à sa sagesse, à sa miséricorde, sa bonté et le reste ; il y a remise de toutes nos fautes vénielles et même mortelles, en danger de mort. Il est vrai qu'il y a beaucoup d'indulgences que l'on pourrait gagner, mais que l'on ne connaît pas. Voilà ce qu'il faut faire tous les matins, il faut dire cinq Pater et cinq Ave selon l'intention de l'Église pour ga-gner toutes ces indulgences que l'on peut gagner dans le courant du jour : quand même nous n'y penserions pas dans le moment, nous les gagnerons tout de même. Il y a encore beaucoup d'autres indulgences : comme en disant les litanies de la Sainte Vierge, il y a trois cents jours ; celles du saint Nom de Jésus, trois cents jours ; les actes de Foi, d'Espérance et de Charité ; il y a une indulgence plénière chaque mois en se confessant et en communiant, on choisit le jour que l'on veut. Il y a encore cent jours d'indulgences pour ceux qui instrui-sent les ignorants. Il y a sept ans d'indulgences toutes les fois que les pères et mères, maîtres et maîtresses mènent leurs enfants ou leurs domestiques à l'église pour entendre le catéchisme. Pour ceux qui accompagnent le Saint-Sacrement quand on le porte aux malades, il y a sept ans et sept quarantaines, c'est-à-dire sept fois qua-rante jours ; ceux qui l'accompagnent sans un flambeau ne gagnent que cinq ans et cinq quarantaines. Quand on ne peut pas l'accompagner, en disant un Pater et un Ave à genoux, il y a cent jours. II y a trois cents jours d'in-dulgences pour ceux qui disent : « Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon cœur, mon esprit et ma vie ; Jésus, Marie, Joseph, assistez-moi dans ma dernière agonie ; Jésus, Marie, Joseph, faites que je meure dans votre sainte compagnie ; » pour ceux qui sont de la confrérie du Sacré-Cœur de Jésus, il y a une indulgence plénière le jour que l'on est reçu, tous les premiers vendredis du mois et tous les premiers dimanches du mois ; et aussi une fois le mois à sa volonté, si l'on s'est confessé, si l'on a communié et si l'on dit cinq Pater et cinq Ave pour les besoins de l'Église.
Il y en a un nombre infini d'autres, mais je vous parle seulement de celles que vous pouvez le mieux gagner. Je ne sais pas si vous avez bien compris tout cela. Quand vous ne le comprenez pas, eh bien ! il faut me demander ; il ne faut pas que le respect humain vous retienne. Un prêtre n'est que pour vous instruire en vous apprenant ce que vous ne savez pas et qui est nécessaire pour vous aider à vous sauver. Hélas ! si nous nous perdons ou si nous allons souffrir nombre d'années en purgatoire, cela viendra bien de notre faute, puisque nous avons tant de moyens de nous procurer le ciel. Voilà, M.F., de grands trésors qui sont mis à notre disposition.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
III. – Mais que devons-nous faire pour en profiter ? C'est ce que nous allons voir. Quand un médecin a vu la ma-ladie de son malade, il ordonne les remèdes et ensuite la manière de les prendre, parce que, sans cette précau-tion, les remèdes lui seraient plus nuisibles que salu-taires. Il en est de même par rapport aux moyens que nous devons employer pour que nos âmes se fortifient. Je sais bien qu'il y en a qui n'écoutent tout cela qu'avec une espèce de dédain et de mépris ; mais plaignons-les, ce sont de pauvres aveugles qui croient y voir bien clair, tandis que le péché leur a tiré les yeux. Puisqu'ils veulent se perdre, malgré tant de grâces que le bon Dieu leur fait, laissons-les faire, ils auront le temps de pleurer et de nous dire : « Que vous avez été heureux d'obéir à la grâce qui vous conduisait ! » Marchons à la lueur du flambeau de la foi, cherchons et employons tous les moyens que le bon Dieu nous fournit pour nous assurer le ciel.
Mais, pensez-vous, que devons-nous faire pour gagner toutes les indulgences dont nous venons de parler ?
M.F., vous allez le voir : la première condition c'est d'être en état de grâce et de détester tous ses péchés ; la seconde c'est d'accomplir toutes les prières qui nous sont commandées par le Saint-Père ou l'évêque. Cette deuxième condition nous est absolument nécessaire.
1? Je dis premièrement, qu'il faut être en état de grâce, parce que les indulgences sont des grâces que le bon Dieu n'accorde qu'aux justes qui ont en eux la grâce sanctifiante ; aussi voyons-nous que l'Église nous recommande grandement de nous confesser et de communier et qu'il faut renoncer au péché tout de bon. Puisqu'il est nécessaire d'être en état de grâce, il faut donc renoncer au péché de tout son cœur, parce que vous savez aussi bien que moi que jamais la grâce du bon Dieu ne se trouve avec le péché. Oui, M.F., le bon Dieu peut bien remettre les péchés sans remettre la peine, mais jamais il ne remettra la peine du péché tant que l'offense existera dans le cœur. Il est vrai que le bon Dieu est toujours prêt à nous combler de toutes sortes de biens, mais il veut que notre cœur se détache du péché pour s'attacher à lui sans conditions et sans réserve. Il faut que notre cœur se tourne tout entier du côté du bon Dieu, et toute sa haine du côté du péché. D'après cela, vous sentez aussi bien que moi, que tant que nous n'avons pas confessé nos péchés et que nous ne les avons pas quittés tout de bon, nous ne pouvons pas gagner les grâces des indulgences.
En deuxième lieu, je dis que pour gagner les indulgences, il faut renoncer à tous les péchés que nous avons commis : il nous suffirait d'avoir la conscience chargée d'un seul péché mortel pour nous rendre toutes ces grâces inutiles. Je dis, de plus, que, quand nous n'aurions d'attachement qu'à un seul péché véniel, nous ne pourrions gagner les indulgences dans toute leur étendue. Un péché véniel que nous avons commis, si nous n'en avons pas un véritable repentir, nous ne pouvons pas gagner les indulgences pour celui-là. Voilà l'ordre de Dieu, qui est plein de justice et qui ne se relâche de ses droits, quant à la peine due à nos péchés, qu'à mesure et à proportion que nous nous détachons de l'offense. Nous devons détester nos péchés et être véritablement repentant de nos fautes. Le Saint-Père dit, dans les Indulgences qu'il accorde : S'ils sont véritablement pénitents ; il ne dit pas seulement de se confesser de ses péchés, mais il faut que le pécheur soit bien fâché d'avoir offensé le bon Dieu, qu'il soit résolu d'embrasser selon ses forces les rigueurs de la pénitence ; il faut qu'il pleure ses péchés. – Mais, me direz-vous, l'on est bien toujours fâché d'avoir fait le mal. -Vous vous trompez : si vous étiez fâchés d'avoir outragé le bon Dieu par vos péchés, vous ne retomberiez pas aussi vite que vous le faites. Dites-moi, M.F., si passant dans un chemin, vous aviez été menacés d'être tués, y passeriez-vous le lendemain ? Non, sans doute, la pensée du danger que vous avez couru vous ferait prendre d'autres précautions ; il en serait de même si nous étions bien fâchés d'avoir offensé le bon Dieu, nous ne retomberions pas si tôt et peut-être à la première occasion. Hélas ! combien qui craignent plus le péché parce qu'il faut s'en accuser, que parce qu'il outrage le bon Dieu ! Mon Dieu, que de mauvaises confessions ! Examinez cela, et vous verrez que le plus grand nombre des chrétiens appréhendent plus et sont plus fâchés d'avoir fait le mal à cause de l'humiliation qu'ils ont pour s'en accuser, que par rapport à l'injure qu'il fait à Dieu. Hélas ! que de chrétiens qui se damnent de cette manière, qui confessent bien leurs péchés, mais qui n'en obtiennent pas le pardon ! On le voit assez par toutes ces rechutes, qui vous font bien juger que toutes ces confessions n'aboutissent qu'à des sacrilèges. Nous disons donc que pour gagner les indulgences il faut être en état de grâce et bien détester ses péchés, sans en excepter un seul, même véniel le plus petit.
2? La deuxième condition, c'est de faire toutes les prières que le Saint-Père commande et dans le temps prescrit il faut les dire de bouche ; c'est comme les pénitences que l'on nous donne dans le tribunal de la pénitence, il ne faut pas se contenter de les dire seulement de cœur, il faut encore prononcer les mots, car nous ne pourrions pas accomplir ainsi notre pénitence de manière à espérer notre pardon. Il faut faire les prières que l'on nous commande pour gagner les indulgences en esprit de pénitence, parce qu'elles ne nous sont accordées que pour suppléer aux pénitences que nous ne pouvons pas faire. Voici, M.F., toutes les œuvres qu'il faut faire pour gagner les indulgences : ce sont la confession, la communion et la prière. Lorsque les Indulgences portent qu'il faut se confesser et communier, il faut toujours commencer par la confession, comme nous venons de le voir. Si nous avions quelque péché sur la conscience, nous ne pourrions pas gagner les indulgences. Nous devons faire cette confession et cette communion comme si c'était la dernière de notre vie, puisque l'effet des indulgences est de nous mettre en état de nous disposer d'aller jouir sans délai de la gloire de Dieu, de suite après notre mort. En second lieu, il faut communier saintement, parce que c'est par la sainte communion que Jésus-Christ vient en nous et demande grâce pour nous. En troisième lieu, il faut prier, c'est-à-dire, il faut faire toutes les prières qui sont ordonnées dans la bulle du Saint-Père pour obtenir cette grâce. Et voilà pourquoi l'on fait des prières pour gagner les indulgences : c'est pour la conversion des pécheurs et la persévérance des justes.
Pour gagner toutes les indulgences, quand on n'a pas désigné les prières on peut dire cinq Pater et cinq Ave ; quand il y a quelques bonnes œuvres, il faut les faire avec un véritable esprit de pénitence, c'est-à-dire avec un grand désir de recevoir la grâce que nous demandons. Il faut bien se persuader que nous gagnons les indulgences à proportion des dispositions que nous y apportons ; de sorte que plus nos dispositions sont parfaites, plus nous recevons de grâces. Dites-moi, pouvons-nous nous empêcher d'admirer la bonté de Dieu de nous fournir des moyens si faciles pour éviter les peines du purgatoire ? Il est vrai que toutes ces confréries auxquelles sont attachées tant d'indulgences, sont quelque chose de bien consolant pour un chrétien ; mais la fin pour laquelle elles sont établies est si précieuse et si propre à nous porter à les embrasser, que quand nous voulons réfléchir sur leur fin, nous ne pouvons comprendre qu'un chrétien qui désire tant soit peu de se sauver et plaire à Dieu, puisse ne pas s'en mettre. Disons seulement un mot là-dessus. Pourquoi est-ce que la confrérie du Saint-Sacrement est établie ? Pour remercier Dieu d'avoir institué ce grand sacrement d'amour ; pour lui demander pardon du mépris que l'on fait de sa sainte présence. Celle du Saint-Rosaire, pour honorer la vie cachée, la vie souffrante de Jésus-Christ, sa vie glorieuse, pour honorer les glorieux privilèges de la Très Sainte Vierge. Celle du Sacré-Cœur de Jésus, pour honorer ce Cœur adorable qui nous a tant aimés et qui nous aime tant ; celle du Saint-Scapulaire, pour nous consacrer à la Sainte Vierge pour toute la vie : elle nous promet de prendre un soin tout particulier de nos âmes et de nos corps, elle nous assure qu'elle ne nous perdra pas de vue un seul instant de notre vie. Celle de Notre-Dame des Sept-Douleurs, c'est pour honorer la Sainte Vierge dans le courant de la Passion de Jésus-Christ où elle a tant versé de larmes. Celle du Saint-Esclavage nous fait mettre notre personne et toutes nos actions entre les mains de la Sainte Vierge.
Je vous laisse à penser, M.F., combien toutes ces confréries sont capables de nous aider à nous sauver, puisqu'il n'y a pas un seul instant dans la journée que l'on ne prie pour nous sur la terre. Que de prières, que de bonnes œuvres font nos confrères ! Dans le ciel, que de confrères sont occupés à demander à Dieu toutes les grâces qui nous sont nécessaires ; disons mieux, il est très difficile qu'un chrétien, quelque mauvais qu'il soit, périsse s'il a le bonheur d'être de quelque confrérie et s'il fait quelque prière : comme nous le voyons dans l'histoire, où tant de pécheurs se convertissent d'une manière miraculeuse. Quand je vois un chrétien qui n'est d'aucune confrérie, je ne sais sur quoi m'appuyer pour espérer son pardon ; mais si un pécheur a le bonheur d'être de quelque confrérie, j'ai toujours l'espérance, malgré qu'il soit mauvais, que tôt ou tard les prières des autres confrères obtiendront du bon Dieu la grâce de son retour. Concluons, M.F., en disant que, non seulement nous pouvons nous enrichir par la part que nous avons aux prières des confrères ; mais nous nous mettons, avec le moindre effort que nous faisons, dans une disposition qui nous assure le ciel ; c'est le bonheur que je vous souhaite.
Mais, pensez-vous, que devons-nous faire pour gagner toutes les indulgences dont nous venons de parler ?
M.F., vous allez le voir : la première condition c'est d'être en état de grâce et de détester tous ses péchés ; la seconde c'est d'accomplir toutes les prières qui nous sont commandées par le Saint-Père ou l'évêque. Cette deuxième condition nous est absolument nécessaire.
1? Je dis premièrement, qu'il faut être en état de grâce, parce que les indulgences sont des grâces que le bon Dieu n'accorde qu'aux justes qui ont en eux la grâce sanctifiante ; aussi voyons-nous que l'Église nous recommande grandement de nous confesser et de communier et qu'il faut renoncer au péché tout de bon. Puisqu'il est nécessaire d'être en état de grâce, il faut donc renoncer au péché de tout son cœur, parce que vous savez aussi bien que moi que jamais la grâce du bon Dieu ne se trouve avec le péché. Oui, M.F., le bon Dieu peut bien remettre les péchés sans remettre la peine, mais jamais il ne remettra la peine du péché tant que l'offense existera dans le cœur. Il est vrai que le bon Dieu est toujours prêt à nous combler de toutes sortes de biens, mais il veut que notre cœur se détache du péché pour s'attacher à lui sans conditions et sans réserve. Il faut que notre cœur se tourne tout entier du côté du bon Dieu, et toute sa haine du côté du péché. D'après cela, vous sentez aussi bien que moi, que tant que nous n'avons pas confessé nos péchés et que nous ne les avons pas quittés tout de bon, nous ne pouvons pas gagner les grâces des indulgences.
En deuxième lieu, je dis que pour gagner les indulgences, il faut renoncer à tous les péchés que nous avons commis : il nous suffirait d'avoir la conscience chargée d'un seul péché mortel pour nous rendre toutes ces grâces inutiles. Je dis, de plus, que, quand nous n'aurions d'attachement qu'à un seul péché véniel, nous ne pourrions gagner les indulgences dans toute leur étendue. Un péché véniel que nous avons commis, si nous n'en avons pas un véritable repentir, nous ne pouvons pas gagner les indulgences pour celui-là. Voilà l'ordre de Dieu, qui est plein de justice et qui ne se relâche de ses droits, quant à la peine due à nos péchés, qu'à mesure et à proportion que nous nous détachons de l'offense. Nous devons détester nos péchés et être véritablement repentant de nos fautes. Le Saint-Père dit, dans les Indulgences qu'il accorde : S'ils sont véritablement pénitents ; il ne dit pas seulement de se confesser de ses péchés, mais il faut que le pécheur soit bien fâché d'avoir offensé le bon Dieu, qu'il soit résolu d'embrasser selon ses forces les rigueurs de la pénitence ; il faut qu'il pleure ses péchés. – Mais, me direz-vous, l'on est bien toujours fâché d'avoir fait le mal. -Vous vous trompez : si vous étiez fâchés d'avoir outragé le bon Dieu par vos péchés, vous ne retomberiez pas aussi vite que vous le faites. Dites-moi, M.F., si passant dans un chemin, vous aviez été menacés d'être tués, y passeriez-vous le lendemain ? Non, sans doute, la pensée du danger que vous avez couru vous ferait prendre d'autres précautions ; il en serait de même si nous étions bien fâchés d'avoir offensé le bon Dieu, nous ne retomberions pas si tôt et peut-être à la première occasion. Hélas ! combien qui craignent plus le péché parce qu'il faut s'en accuser, que parce qu'il outrage le bon Dieu ! Mon Dieu, que de mauvaises confessions ! Examinez cela, et vous verrez que le plus grand nombre des chrétiens appréhendent plus et sont plus fâchés d'avoir fait le mal à cause de l'humiliation qu'ils ont pour s'en accuser, que par rapport à l'injure qu'il fait à Dieu. Hélas ! que de chrétiens qui se damnent de cette manière, qui confessent bien leurs péchés, mais qui n'en obtiennent pas le pardon ! On le voit assez par toutes ces rechutes, qui vous font bien juger que toutes ces confessions n'aboutissent qu'à des sacrilèges. Nous disons donc que pour gagner les indulgences il faut être en état de grâce et bien détester ses péchés, sans en excepter un seul, même véniel le plus petit.
2? La deuxième condition, c'est de faire toutes les prières que le Saint-Père commande et dans le temps prescrit il faut les dire de bouche ; c'est comme les pénitences que l'on nous donne dans le tribunal de la pénitence, il ne faut pas se contenter de les dire seulement de cœur, il faut encore prononcer les mots, car nous ne pourrions pas accomplir ainsi notre pénitence de manière à espérer notre pardon. Il faut faire les prières que l'on nous commande pour gagner les indulgences en esprit de pénitence, parce qu'elles ne nous sont accordées que pour suppléer aux pénitences que nous ne pouvons pas faire. Voici, M.F., toutes les œuvres qu'il faut faire pour gagner les indulgences : ce sont la confession, la communion et la prière. Lorsque les Indulgences portent qu'il faut se confesser et communier, il faut toujours commencer par la confession, comme nous venons de le voir. Si nous avions quelque péché sur la conscience, nous ne pourrions pas gagner les indulgences. Nous devons faire cette confession et cette communion comme si c'était la dernière de notre vie, puisque l'effet des indulgences est de nous mettre en état de nous disposer d'aller jouir sans délai de la gloire de Dieu, de suite après notre mort. En second lieu, il faut communier saintement, parce que c'est par la sainte communion que Jésus-Christ vient en nous et demande grâce pour nous. En troisième lieu, il faut prier, c'est-à-dire, il faut faire toutes les prières qui sont ordonnées dans la bulle du Saint-Père pour obtenir cette grâce. Et voilà pourquoi l'on fait des prières pour gagner les indulgences : c'est pour la conversion des pécheurs et la persévérance des justes.
Pour gagner toutes les indulgences, quand on n'a pas désigné les prières on peut dire cinq Pater et cinq Ave ; quand il y a quelques bonnes œuvres, il faut les faire avec un véritable esprit de pénitence, c'est-à-dire avec un grand désir de recevoir la grâce que nous demandons. Il faut bien se persuader que nous gagnons les indulgences à proportion des dispositions que nous y apportons ; de sorte que plus nos dispositions sont parfaites, plus nous recevons de grâces. Dites-moi, pouvons-nous nous empêcher d'admirer la bonté de Dieu de nous fournir des moyens si faciles pour éviter les peines du purgatoire ? Il est vrai que toutes ces confréries auxquelles sont attachées tant d'indulgences, sont quelque chose de bien consolant pour un chrétien ; mais la fin pour laquelle elles sont établies est si précieuse et si propre à nous porter à les embrasser, que quand nous voulons réfléchir sur leur fin, nous ne pouvons comprendre qu'un chrétien qui désire tant soit peu de se sauver et plaire à Dieu, puisse ne pas s'en mettre. Disons seulement un mot là-dessus. Pourquoi est-ce que la confrérie du Saint-Sacrement est établie ? Pour remercier Dieu d'avoir institué ce grand sacrement d'amour ; pour lui demander pardon du mépris que l'on fait de sa sainte présence. Celle du Saint-Rosaire, pour honorer la vie cachée, la vie souffrante de Jésus-Christ, sa vie glorieuse, pour honorer les glorieux privilèges de la Très Sainte Vierge. Celle du Sacré-Cœur de Jésus, pour honorer ce Cœur adorable qui nous a tant aimés et qui nous aime tant ; celle du Saint-Scapulaire, pour nous consacrer à la Sainte Vierge pour toute la vie : elle nous promet de prendre un soin tout particulier de nos âmes et de nos corps, elle nous assure qu'elle ne nous perdra pas de vue un seul instant de notre vie. Celle de Notre-Dame des Sept-Douleurs, c'est pour honorer la Sainte Vierge dans le courant de la Passion de Jésus-Christ où elle a tant versé de larmes. Celle du Saint-Esclavage nous fait mettre notre personne et toutes nos actions entre les mains de la Sainte Vierge.
Je vous laisse à penser, M.F., combien toutes ces confréries sont capables de nous aider à nous sauver, puisqu'il n'y a pas un seul instant dans la journée que l'on ne prie pour nous sur la terre. Que de prières, que de bonnes œuvres font nos confrères ! Dans le ciel, que de confrères sont occupés à demander à Dieu toutes les grâces qui nous sont nécessaires ; disons mieux, il est très difficile qu'un chrétien, quelque mauvais qu'il soit, périsse s'il a le bonheur d'être de quelque confrérie et s'il fait quelque prière : comme nous le voyons dans l'histoire, où tant de pécheurs se convertissent d'une manière miraculeuse. Quand je vois un chrétien qui n'est d'aucune confrérie, je ne sais sur quoi m'appuyer pour espérer son pardon ; mais si un pécheur a le bonheur d'être de quelque confrérie, j'ai toujours l'espérance, malgré qu'il soit mauvais, que tôt ou tard les prières des autres confrères obtiendront du bon Dieu la grâce de son retour. Concluons, M.F., en disant que, non seulement nous pouvons nous enrichir par la part que nous avons aux prières des confrères ; mais nous nous mettons, avec le moindre effort que nous faisons, dans une disposition qui nous assure le ciel ; c'est le bonheur que je vous souhaite.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
2ème DIMANCHE DE CARÊME
Sur l'aumône
Date eleeomosynam, et ecce omnia munda sunt vobis.
Donnez l'aumône, et vos péchés seront effacés.
(S. Luc, XI, 41.)
Que pouvons-nous imaginer, M.F., de plus consolant pour un chrétien qui a été assez malheureux que de pécher, de trouver un moyen si facile de satisfaire à la justice de Dieu pour ses péchés ? Jésus-Christ, notre divin Sauveur, ne respire que notre bonheur, et il n'a laissé aucun moyen de nous le prouver. Oui, M.F., par l'aumône nous pouvons facilement racheter nos péchés et attirer sur nous les bénédictions du ciel les plus abondantes, sur nos biens et sur nous-mêmes ; disons mieux, M.F., par l'aumône nous pouvons éviter les peines éternelles. Oh ! M.F., que le bon Dieu est bon de se contenter de si peu de chose.
M.F., si le bon Dieu avait voulu, nous aurions tous été égaux. Mais non, il prévoyait qu'étant si orgueilleux nous n'aurions voulu nous soumettre ni les uns ni les autres. C'est précisément pour cela qu'il a mis des riches et des pauvres dans le monde, afin que nous puissions nous aider à nous sauver les uns et les autres. Les pauvres se sauveront en souffrant avec patience leur pauvreté et en demandant avec patience des secours aux riches. Les riches trouveront de leur côté de quoi racheter leurs péchés, en portant compassion aux pauvres et en les soulageant autant qu'ils le pourront. Vous voyez ; M.F., que de cette manière nous pouvons tous nous sauver. Si c'est un devoir indispensable aux pauvres de souffrir la pauvreté avec patience et de demander avec humilité du secours aux riches, c'est aussi un devoir indispensable aux riches de faire l'aumône aux pauvres, leurs frères, quand ils le pourront, puisque leur salut en dépend. Mais très malheureux aux yeux de Dieu est celui qui voit souffrir son frère sans le soulager, pouvant le faire. Pour vous engager à faire l'aumône autant que vous le pourrez et avec des intentions purement pour Dieu, je vais vous montrer : 1? combien l'aumône est puissante auprès de Dieu pour obtenir tout ce que nous désirons ; 2? que l'aumône enlève à ceux qui la font la crainte du jugement général ; 3? combien nous sommes ingrats, lorsque nous sommes durs envers les pauvres, puisque, en les méprisant, c'est Jésus-Christ lui-même que nous méprisons.
Sur l'aumône
Date eleeomosynam, et ecce omnia munda sunt vobis.
Donnez l'aumône, et vos péchés seront effacés.
(S. Luc, XI, 41.)
Que pouvons-nous imaginer, M.F., de plus consolant pour un chrétien qui a été assez malheureux que de pécher, de trouver un moyen si facile de satisfaire à la justice de Dieu pour ses péchés ? Jésus-Christ, notre divin Sauveur, ne respire que notre bonheur, et il n'a laissé aucun moyen de nous le prouver. Oui, M.F., par l'aumône nous pouvons facilement racheter nos péchés et attirer sur nous les bénédictions du ciel les plus abondantes, sur nos biens et sur nous-mêmes ; disons mieux, M.F., par l'aumône nous pouvons éviter les peines éternelles. Oh ! M.F., que le bon Dieu est bon de se contenter de si peu de chose.
M.F., si le bon Dieu avait voulu, nous aurions tous été égaux. Mais non, il prévoyait qu'étant si orgueilleux nous n'aurions voulu nous soumettre ni les uns ni les autres. C'est précisément pour cela qu'il a mis des riches et des pauvres dans le monde, afin que nous puissions nous aider à nous sauver les uns et les autres. Les pauvres se sauveront en souffrant avec patience leur pauvreté et en demandant avec patience des secours aux riches. Les riches trouveront de leur côté de quoi racheter leurs péchés, en portant compassion aux pauvres et en les soulageant autant qu'ils le pourront. Vous voyez ; M.F., que de cette manière nous pouvons tous nous sauver. Si c'est un devoir indispensable aux pauvres de souffrir la pauvreté avec patience et de demander avec humilité du secours aux riches, c'est aussi un devoir indispensable aux riches de faire l'aumône aux pauvres, leurs frères, quand ils le pourront, puisque leur salut en dépend. Mais très malheureux aux yeux de Dieu est celui qui voit souffrir son frère sans le soulager, pouvant le faire. Pour vous engager à faire l'aumône autant que vous le pourrez et avec des intentions purement pour Dieu, je vais vous montrer : 1? combien l'aumône est puissante auprès de Dieu pour obtenir tout ce que nous désirons ; 2? que l'aumône enlève à ceux qui la font la crainte du jugement général ; 3? combien nous sommes ingrats, lorsque nous sommes durs envers les pauvres, puisque, en les méprisant, c'est Jésus-Christ lui-même que nous méprisons.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. -Oui, M.F., de quelque côté que nous considérions l'aumône, le prix en est si grand qu'il est impossible de vous en faire connaître tout le mérite ; ce ne sera qu'au jour du jugement que nous en comprendrons toute la valeur. Si vous m'en demandez la raison, la voici : Nous pouvons dire qu'elle surpasse toutes nos autres bonnes actions, parce qu'une personne charitable possède ordinairement toutes les autres vertus.
Nous lisons dans l'Écriture sainte que le Seigneur dit à son prophète Isaïe : « Va dire à mon peuple que leurs crimes m'ont tellement irrité que je ne peux plus les souffrir : je vais les punir et les perdre pour jamais. » Le prophète se présente au milieu de ce peuple qui était assemblé, en disant : « Écoutez, peuple ingrat et rebelle, voici ce que dit le Seigneur votre Dieu : « Vos crimes m'ont tellement mis en fureur contre vous, que mes mains sont garnies de foudre pour vous écraser et vous perdre pour toujours. » Vous voilà donc, leur dit Isaïe sans ressource ; vous aurez beau prier le Seigneur il se bouchera les oreilles pour ne pas vous entendre ; vous aurez beau pleurer, jeûner, vous couvrir de cendres ; il ne détournera pas ses yeux vers vous ; s'il vous regarde ce ne sera que pour vous détruire. Cependant, au milieu de tant de maux, j'ai un conseil à vous donner : il est très puissant pour attendrir le cœur du Seigneur, et vous pourrez en quelque sorte le forcer de vous faire miséricorde. Voici ce que vous avez à faire : donnez une partie de votre bien à vos frères qui sont pauvres ; donnez du pain à celui qui a faim, des habits à ceux qui sont nus, et vous verrez subitement changer votre sentence. » En effet, à peine eurent-ils commencé à faire ce que le prophète leur avait conseillé que le Seigneur appela Isaïe, en lui disant : « Prophète, va dire à mon peuple qu'il m'a vaincu, que la charité qu'ils ont exercée envers leurs frères a été plus forte que ma colère. Va leur dire que je les pardonne et que je leur promets mon amitié. » O belle vertu de charité, que vous êtes puissante pour fléchir la justice de Dieu ? Mais, hélas ! que vous êtes peu connue de la plupart des chrétiens de nos jours ! Pourquoi cela, M.F. ? C'est que nous sommes trop attachés à la terre, que nous ne pensons qu'à la terre, que nous ne semblons vivre que pour la terre et que nous avons perdu de vue les biens du ciel et que nous ne les estimons pas.
Nous voyons aussi que les saints l'ont tellement aimée qu'ils croyaient impossible de se sauver sans elle.
D'abord je vous dirai que Jésus-Christ, qui à voulu nous servir de modèle en tout, la porte à l'infini. S'il a quitté le sein de son Père pour venir sur la terre, s'il est né dans la pauvreté, s'il a vécu dans les souffrances et est mort dans la douleur, ce n'est que sa charité pour nous qui l'a porté à tout cela. Nous voyant tous perdus, sa charité l'a porté à faire tout ce qu'il a fait, pour nous sauver de cet abîme de maux éternels où le péché nous avait précipités. Nous voyons que pendant qu'il était sur la terre, son cœur était si rempli de charité qu'il ne pouvait voir ni malades, ni morts, ni infirmes, sans les soulager, les ressusciter ou les consoler. Il est allé plus loin : et contentant son inclination pour les malheureux, il est allé jusqu'à faire des miracles. Un jour, voyant que ceux qui le suivaient dans ses prédications étaient sans nourriture, avec cinq pains et quelques poissons, il rassasia quatre mille hommes, sans compter les femmes et les enfants : un autre jour, il en rassasia cinq mille. Il ne s'en tint pas là. Pour leur montrer combien il était sensible à leurs misères, il se tourna vers ses apôtres, en disant d'un air de tendresse : « J'ai pitié de ce peuple qui me donne tant de marques d'attachement ; je ne puis plus y résister : Je vais faire un miracle pour les soulager. Je crains que, si je les renvoie sans leur donner à manger, ils ne meurent en chemin. Faites-les tous asseoir ; distribuez-leur cette petite provision, ma puissance suppléera à son insuffisance . » Il eut une si grande joie de pouvoir les soulager qu'il ne pensa pas même à lui.
O vertu de charité, que vous êtes belle, que les grâces qui vous sont attachées sont abondantes et précieuses ! Aussi voyons-nous que les saints de l'ancien Testament semblaient prévoir combien cette vertu serait chérie du Fils de Dieu, et nous voyons que plusieurs font consister tout leur bonheur et passent toute leur vie à exercer cette belle et aimable vertu. Nous lisons dans l'Écriture sainte que le saint homme Tobie, qui avait été conduit en captivité en Syrie , est dans le comble de la joie de pouvoir exercer cette vertu envers les malheureux. Soir et matin, il distribuait tout ce qu'il avait à ses frères pauvres, sans jamais rien garder pour lui. Tantôt, on le voyait auprès des malades les exhortant à souffrir leurs douleurs avec soumission à la volonté de Dieu, et leur montrant combien leur récompense serait grande dansa l'éternité ; tantôt on le voyait même se dépouiller de ses propres habits pour les donner à ses frères pauvres. Un jour, l'on vint lui dire qu'un pauvre était mort, et que personne ne lui donnait la sépulture. Étant à manger, de suite il se lève, va le prendre sur ses épaules et le porte dans le lieu destiné pour cela. Se croyant près de sa fin, il manda son fils près de son lit : « Mon fils, lui dit-il, je crois que bientôt le Seigneur va me retirer de ce monde, J'ai une grande chose à vous recommander avant de mourir. Promettez-moi, mon fils, de l'observer. Faites l'aumône tous les jours de votre vie ; ne détournez jamais vos regards des pauvres. Faites l'aumône en la manière que vous pourrez. Si vous avez beaucoup, donnez beaucoup ; si vous avez peu, donnez peu, mais donnez de bon cœur et avec joie. Par là, vous amasserez de grands trésors pour le jour du Seigneur. Ne perdez jamais de vue que l'aumône efface nos péchés et nous préserve d'en commettre d'autres. Le Seigneur a promis qu'une âme charitable ne tombera pas dans les ténèbres de l'enfer, où il n'y a plus de miséricorde. Non, mon fils, ne méprisez jamais les pauvres, et ne fréquentez point ceux qui les méprisent, parce que le Seigneur vous perdrait. La maison, lui dit-il, de celui qui fait l'aumône, prend son fondement sur les pierres dures qui ne s'écrouleront point, tandis que celui qui refusera l'aumône, sa maison tombera par les fondements » ; voulant nous montrer par là, M.F., qu'une maison charitable ne deviendra jamais pauvre, et qu'au contraire, ceux qui sont durs, envers les pauvres périront avec leurs biens.
Le prophète Daniel nous dit : « Si nous voulons porter le Seigneur à oublier nos péchés, faisons l'aumône, et de suite le Seigneur les effacera de sa mémoire. » Le roi Nabuchodonosor ayant eu pendant la nuit un songe qui l'avait entièrement effrayé, fit venir le prophète Daniel en le priant de lui expliquer ce songe. Le prophète lui dit : « Prince, vous allez être chassé de la compagnie des hommes, vous mangerez l'herbe comme une bête, la rosée du ciel trempera votre corps,, et vous resterez sept ans dans cet état, afin que vous reconnaissiez que tous les royaumes appartiennent à Dieu, qu'il les donne à qui il lui plaît, et qu'il les ôte quand il lui plaît. Prince, ajouta le prophète, voici le conseil que je vous donne : Rachetez vos péchés par l'aumône, et vos iniquités par vos bonnes œuvres envers les malheureux ». En effet, le Seigneur se laissa tellement toucher par ces aumônes et toutes ces bonnes œuvres que le roi fit envers les pauvres, qu'il lui rendit son royaume et lui pardonna ses péchés .
Nous voyons encore que du temps des premiers chrétiens, les fidèles semblaient n'être contents d'avoir du bien que pour avoir le plaisir de le donner à Jésus-Christ dans la personne des pauvres ; nous voyons dans les Actes des apôtres que leur charité était si grande, qu'ils ne voulaient rien avoir en particulier. Un grand nombre vendaient leurs biens pour en donner l'argent aux pauvres . Saint Justin nous dit : « Quand nous n'avions pas le bonheur de connaître Jésus-Christ, nous avions toujours peur que le pain nous manque ; mais depuis que nous avons le bonheur de le connaître, nous n'aimons plus les richesses. Si nous en gardons quelque peu, c'est pour en faire part à nos frères pauvres ; et nous vivons beaucoup plus contents maintenant que nous ne cherchons que Dieu seul ».
Écoutez Jésus-Christ lui-même qui nous dit dans l'Évangile : « Si vous faites l'aumône, je bénirai vos biens d'une manière toute particulière. Donnez, nous dit-il, et il vous sera donné ; si vous donnez en abondance, il vous sera donné avec abondance . » Le Saint-Esprit nous dit par la bouche du Sage : « Voulez-vous devenir riches ? Faites l'aumône, parce que le sein de l'indigent est un champ très fertile qui rend cent pour un . » Saint Jean, surnommé l'Aumônier, à cause de sa charité pour les pauvres, nous dit que plus il donnait, plus il recevait : « Un jour, nous dit-il, je trouvai un pauvre sans habit, je lui donnai celui que j'avais sur moi. De suite, une personne me donna de quoi en avoir plusieurs. » Le Saint-Esprit nous dit que celui qui méprisera le pauvre sera malheureux tous les jours de sa vie .
Le saint roi David nous dit : « Mon fils, ne souffrez pas que votre frère meure de misère, si vous avez de quoi lui donner, parce que le Seigneur promet une bénédiction abondante pour celui qui soulage le pauvre et il veillera à sa conservation : » Et il ajoute que ceux qui seront miséricordieux envers les pauvres, le Seigneur les préservera d'une mauvaise mort . Nous en trouvons un bel exemple dans la personne de la veuve de Sarepta. Le Seigneur envoya son prophète Élie pour la soulager dans sa pauvreté, tandis qu'il laissa toutes les veuves d'Israël souffrir la faim. Si vous en voulez savoir la raison : « C'est, dit le Seigneur à son prophète, qu'elle a été charitable tous les jours de sa vie. » Le prophète lui dit : « Votre charité vous a mérité une protection toute particulière de Dieu ; les riches, avec leur argent, périront de faim ; mais pour vous, vous êtes si charitable envers les pauvres ; que vous serez soulagée, car vos provisions ne diminueront pas jusqu'à la fin de la famine . »
Nous lisons dans l'Écriture sainte que le Seigneur dit à son prophète Isaïe : « Va dire à mon peuple que leurs crimes m'ont tellement irrité que je ne peux plus les souffrir : je vais les punir et les perdre pour jamais. » Le prophète se présente au milieu de ce peuple qui était assemblé, en disant : « Écoutez, peuple ingrat et rebelle, voici ce que dit le Seigneur votre Dieu : « Vos crimes m'ont tellement mis en fureur contre vous, que mes mains sont garnies de foudre pour vous écraser et vous perdre pour toujours. » Vous voilà donc, leur dit Isaïe sans ressource ; vous aurez beau prier le Seigneur il se bouchera les oreilles pour ne pas vous entendre ; vous aurez beau pleurer, jeûner, vous couvrir de cendres ; il ne détournera pas ses yeux vers vous ; s'il vous regarde ce ne sera que pour vous détruire. Cependant, au milieu de tant de maux, j'ai un conseil à vous donner : il est très puissant pour attendrir le cœur du Seigneur, et vous pourrez en quelque sorte le forcer de vous faire miséricorde. Voici ce que vous avez à faire : donnez une partie de votre bien à vos frères qui sont pauvres ; donnez du pain à celui qui a faim, des habits à ceux qui sont nus, et vous verrez subitement changer votre sentence. » En effet, à peine eurent-ils commencé à faire ce que le prophète leur avait conseillé que le Seigneur appela Isaïe, en lui disant : « Prophète, va dire à mon peuple qu'il m'a vaincu, que la charité qu'ils ont exercée envers leurs frères a été plus forte que ma colère. Va leur dire que je les pardonne et que je leur promets mon amitié. » O belle vertu de charité, que vous êtes puissante pour fléchir la justice de Dieu ? Mais, hélas ! que vous êtes peu connue de la plupart des chrétiens de nos jours ! Pourquoi cela, M.F. ? C'est que nous sommes trop attachés à la terre, que nous ne pensons qu'à la terre, que nous ne semblons vivre que pour la terre et que nous avons perdu de vue les biens du ciel et que nous ne les estimons pas.
Nous voyons aussi que les saints l'ont tellement aimée qu'ils croyaient impossible de se sauver sans elle.
D'abord je vous dirai que Jésus-Christ, qui à voulu nous servir de modèle en tout, la porte à l'infini. S'il a quitté le sein de son Père pour venir sur la terre, s'il est né dans la pauvreté, s'il a vécu dans les souffrances et est mort dans la douleur, ce n'est que sa charité pour nous qui l'a porté à tout cela. Nous voyant tous perdus, sa charité l'a porté à faire tout ce qu'il a fait, pour nous sauver de cet abîme de maux éternels où le péché nous avait précipités. Nous voyons que pendant qu'il était sur la terre, son cœur était si rempli de charité qu'il ne pouvait voir ni malades, ni morts, ni infirmes, sans les soulager, les ressusciter ou les consoler. Il est allé plus loin : et contentant son inclination pour les malheureux, il est allé jusqu'à faire des miracles. Un jour, voyant que ceux qui le suivaient dans ses prédications étaient sans nourriture, avec cinq pains et quelques poissons, il rassasia quatre mille hommes, sans compter les femmes et les enfants : un autre jour, il en rassasia cinq mille. Il ne s'en tint pas là. Pour leur montrer combien il était sensible à leurs misères, il se tourna vers ses apôtres, en disant d'un air de tendresse : « J'ai pitié de ce peuple qui me donne tant de marques d'attachement ; je ne puis plus y résister : Je vais faire un miracle pour les soulager. Je crains que, si je les renvoie sans leur donner à manger, ils ne meurent en chemin. Faites-les tous asseoir ; distribuez-leur cette petite provision, ma puissance suppléera à son insuffisance . » Il eut une si grande joie de pouvoir les soulager qu'il ne pensa pas même à lui.
O vertu de charité, que vous êtes belle, que les grâces qui vous sont attachées sont abondantes et précieuses ! Aussi voyons-nous que les saints de l'ancien Testament semblaient prévoir combien cette vertu serait chérie du Fils de Dieu, et nous voyons que plusieurs font consister tout leur bonheur et passent toute leur vie à exercer cette belle et aimable vertu. Nous lisons dans l'Écriture sainte que le saint homme Tobie, qui avait été conduit en captivité en Syrie , est dans le comble de la joie de pouvoir exercer cette vertu envers les malheureux. Soir et matin, il distribuait tout ce qu'il avait à ses frères pauvres, sans jamais rien garder pour lui. Tantôt, on le voyait auprès des malades les exhortant à souffrir leurs douleurs avec soumission à la volonté de Dieu, et leur montrant combien leur récompense serait grande dansa l'éternité ; tantôt on le voyait même se dépouiller de ses propres habits pour les donner à ses frères pauvres. Un jour, l'on vint lui dire qu'un pauvre était mort, et que personne ne lui donnait la sépulture. Étant à manger, de suite il se lève, va le prendre sur ses épaules et le porte dans le lieu destiné pour cela. Se croyant près de sa fin, il manda son fils près de son lit : « Mon fils, lui dit-il, je crois que bientôt le Seigneur va me retirer de ce monde, J'ai une grande chose à vous recommander avant de mourir. Promettez-moi, mon fils, de l'observer. Faites l'aumône tous les jours de votre vie ; ne détournez jamais vos regards des pauvres. Faites l'aumône en la manière que vous pourrez. Si vous avez beaucoup, donnez beaucoup ; si vous avez peu, donnez peu, mais donnez de bon cœur et avec joie. Par là, vous amasserez de grands trésors pour le jour du Seigneur. Ne perdez jamais de vue que l'aumône efface nos péchés et nous préserve d'en commettre d'autres. Le Seigneur a promis qu'une âme charitable ne tombera pas dans les ténèbres de l'enfer, où il n'y a plus de miséricorde. Non, mon fils, ne méprisez jamais les pauvres, et ne fréquentez point ceux qui les méprisent, parce que le Seigneur vous perdrait. La maison, lui dit-il, de celui qui fait l'aumône, prend son fondement sur les pierres dures qui ne s'écrouleront point, tandis que celui qui refusera l'aumône, sa maison tombera par les fondements » ; voulant nous montrer par là, M.F., qu'une maison charitable ne deviendra jamais pauvre, et qu'au contraire, ceux qui sont durs, envers les pauvres périront avec leurs biens.
Le prophète Daniel nous dit : « Si nous voulons porter le Seigneur à oublier nos péchés, faisons l'aumône, et de suite le Seigneur les effacera de sa mémoire. » Le roi Nabuchodonosor ayant eu pendant la nuit un songe qui l'avait entièrement effrayé, fit venir le prophète Daniel en le priant de lui expliquer ce songe. Le prophète lui dit : « Prince, vous allez être chassé de la compagnie des hommes, vous mangerez l'herbe comme une bête, la rosée du ciel trempera votre corps,, et vous resterez sept ans dans cet état, afin que vous reconnaissiez que tous les royaumes appartiennent à Dieu, qu'il les donne à qui il lui plaît, et qu'il les ôte quand il lui plaît. Prince, ajouta le prophète, voici le conseil que je vous donne : Rachetez vos péchés par l'aumône, et vos iniquités par vos bonnes œuvres envers les malheureux ». En effet, le Seigneur se laissa tellement toucher par ces aumônes et toutes ces bonnes œuvres que le roi fit envers les pauvres, qu'il lui rendit son royaume et lui pardonna ses péchés .
Nous voyons encore que du temps des premiers chrétiens, les fidèles semblaient n'être contents d'avoir du bien que pour avoir le plaisir de le donner à Jésus-Christ dans la personne des pauvres ; nous voyons dans les Actes des apôtres que leur charité était si grande, qu'ils ne voulaient rien avoir en particulier. Un grand nombre vendaient leurs biens pour en donner l'argent aux pauvres . Saint Justin nous dit : « Quand nous n'avions pas le bonheur de connaître Jésus-Christ, nous avions toujours peur que le pain nous manque ; mais depuis que nous avons le bonheur de le connaître, nous n'aimons plus les richesses. Si nous en gardons quelque peu, c'est pour en faire part à nos frères pauvres ; et nous vivons beaucoup plus contents maintenant que nous ne cherchons que Dieu seul ».
Écoutez Jésus-Christ lui-même qui nous dit dans l'Évangile : « Si vous faites l'aumône, je bénirai vos biens d'une manière toute particulière. Donnez, nous dit-il, et il vous sera donné ; si vous donnez en abondance, il vous sera donné avec abondance . » Le Saint-Esprit nous dit par la bouche du Sage : « Voulez-vous devenir riches ? Faites l'aumône, parce que le sein de l'indigent est un champ très fertile qui rend cent pour un . » Saint Jean, surnommé l'Aumônier, à cause de sa charité pour les pauvres, nous dit que plus il donnait, plus il recevait : « Un jour, nous dit-il, je trouvai un pauvre sans habit, je lui donnai celui que j'avais sur moi. De suite, une personne me donna de quoi en avoir plusieurs. » Le Saint-Esprit nous dit que celui qui méprisera le pauvre sera malheureux tous les jours de sa vie .
Le saint roi David nous dit : « Mon fils, ne souffrez pas que votre frère meure de misère, si vous avez de quoi lui donner, parce que le Seigneur promet une bénédiction abondante pour celui qui soulage le pauvre et il veillera à sa conservation : » Et il ajoute que ceux qui seront miséricordieux envers les pauvres, le Seigneur les préservera d'une mauvaise mort . Nous en trouvons un bel exemple dans la personne de la veuve de Sarepta. Le Seigneur envoya son prophète Élie pour la soulager dans sa pauvreté, tandis qu'il laissa toutes les veuves d'Israël souffrir la faim. Si vous en voulez savoir la raison : « C'est, dit le Seigneur à son prophète, qu'elle a été charitable tous les jours de sa vie. » Le prophète lui dit : « Votre charité vous a mérité une protection toute particulière de Dieu ; les riches, avec leur argent, périront de faim ; mais pour vous, vous êtes si charitable envers les pauvres ; que vous serez soulagée, car vos provisions ne diminueront pas jusqu'à la fin de la famine . »
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
II. – En second lieu, nous avons dit que ceux qui auront fait l'aumône ne craindront pas le jour du jugement général. Il est certain que ce moment sera terrible : le prophète Joël l'appelle le jour des vengeances du Seigneur, jour sans miséricorde, jour effrayant et désespérant pour le pécheur . « Mais, nous dit ce saint, voulez-vous que ce jour soit pour vous non un jour de désespoir, mais de consolation : faites l'aumône et vous serez heureux. »
Un autre saint nous dit : « Si vous ne voulez pas craindre le jugement, faites l'aumône et vous serez bien reçu de votre juge. » D'après cela, M.F., ne dirait-on pas que notre salut est attaché à l'aumône ? En effet, Jésus-Christ, quand il nous parle du jugement qu'il nous fera subir, ne nous parle uniquement que de l'aumône, en disant aux bons : « J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'ai été nu et vous m'avez revêtu ; j'ai été en prison et vous m'êtes venu visiter. Venez posséder le royaume de mon Père, qui vous a été préparé dès le commencement du monde. » Au contraire, il dira aux pécheurs : « Retirez-vous de moi, maudits : j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'ai été nu, et vous ne m'avez pas revêtu, j'ai été malade et en prison et vous n'êtes pas venu me visiter. » – « Quand est-ce, lui diront les pécheurs, que nous vous avons fait tout cela ? » – « Toutes les fois que vous avez manqué de le faire aux plus petits des miens, qui sont les pauvres . » Vous voyez, M. P., le jugement ne se fait que sur l'aumône.
Peut-être que cela vous étonne ? Hé ! M.F., cela n'est pas difficile à comprendre. C'est que celui qui a une véritable charité dans l'âme, qui ne cherche que Dieu et qui ne veut que lui plaire, possède toutes les autres vertus dans un haut degré de perfection, comme nous le verrons tout à l'heure. Il est certain que la mort effraie les pécheurs et même les plus justes, à cause du terrible rendement de compte qu'il faudra faire à un Dieu qui dans ce moment sera sans miséricorde. Cette pensée a fait trembler saint Hilarion, qui, depuis plus de soixante-dix ans, pleurait ses péchés ; et saint Arsène, qui avait quitté la cour de l'empereur pour aller passer sa vie entre deux rochers et y pleurer tout le reste de sa vie. Quand il pensait au jugement, il faisait trembler son pauvre grabat. Le saint roi David, pensant à ses péchés, s'écriait : « Ah ! Seigneur, ne, pensez plus à mes péchés. » Il nous dit encore : « Faites l'aumône de votre bien et vous ne craindrez pas ce moment si épouvantable pour le pécheur. » Écoutez Jésus-Christ lui-même qui nous dit : « Bienheureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront eux-mêmes miséricorde . » Dans un autre endroit, il dit : « Comme vous aurez traité votre frère, vous serez traité . » C'est-à-dire que si vous avez eu pitié de votre frère pauvre, Dieu aura pitié de vous.
Nous lisons dans les Actes des apôtres qu'il y avait à Joppé une bonne veuve qui venait de mourir. Les pauvres coururent devant saint Pierre pour le prier de venir la ressusciter ; les uns lui montraient des habits que leur avait fait cette bonne veuve, les autres autre chose . Saint Pierre laissa couler ses larmes. « Le Seigneur est trop bon, leur dit-il, pour ne pas vous accorder ce que vous demandez. » Il s'approcha de la morte, en lui disant : « Levez-vous, vos aumônes vous valent une seconde fois la vie. » Elle se lève et saint Pierre la rend à ses pauvres. Ce n'est pas seulement les pauvres, M.F., qui prieront pour vous, mais les aumônes elles-mêmes qui seront comme autant de protecteurs auprès du bon Dieu, qui demanderont grâce pour vous. Nous lisons dans l'Évangile que le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit rendre compte à ses serviteurs de ce qu'ils lui devaient. On lui en présenta un qui devait dix mille talents. Parce qu'il n'avait pas de quoi payer, le roi commanda aussitôt de le faire mettre en prison avec toute sa famille jusqu'à ce qu'il lui eût payé tout ce qu'il devait. Mais le serviteur se jeta à ses pieds et le pria en grâce d'attendre quelque temps, qu'il le paierait aussitôt qu'il le pourrait. Ce maître, étant touché de compassion, lui fit la remise de tout ce qu'il lui devait. Ce serviteur étant sorti de là, rencontra son compagnon qui lui devait cent deniers, le prit à la gorge en lui disant : « Rends-moi ce que tu me dois. » L'autre le suppliait de lui donner quelque temps, qu'il le paierait ; mais il ne le voulut pas, il le fit mettre en prison jusqu'à ce qu'il eût payé. Le maître, irrité de cette conduite, lui dit : « Méchant serviteur, ne deviez-vous pas avoir pitié de votre frère comme j'ai eu pitié de vous ? »
Voilà, M.F.., la manière dont Jésus-Christ traitera au jour du jugement, ceux qui auront été bons et miséricordieux envers leurs frères les pauvres, représentés par la personne du débiteur recevant miséricorde de la part de Jésus-Christ même ; mais ceux qui auront été cruels et durs envers les pauvres, il leur arrivera comme à ce malheureux, à qui le maître, qui est Jésus-Christ, commanda qu'on lui liât pieds et mains pour le jeter dans les ténèbres extérieures, où il y a des pleurs et des grincements de dents. Vous voyez donc, M.F., qu'il est impossible à une personne qui est charitable d'être damnée.
Un autre saint nous dit : « Si vous ne voulez pas craindre le jugement, faites l'aumône et vous serez bien reçu de votre juge. » D'après cela, M.F., ne dirait-on pas que notre salut est attaché à l'aumône ? En effet, Jésus-Christ, quand il nous parle du jugement qu'il nous fera subir, ne nous parle uniquement que de l'aumône, en disant aux bons : « J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'ai été nu et vous m'avez revêtu ; j'ai été en prison et vous m'êtes venu visiter. Venez posséder le royaume de mon Père, qui vous a été préparé dès le commencement du monde. » Au contraire, il dira aux pécheurs : « Retirez-vous de moi, maudits : j'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'ai été nu, et vous ne m'avez pas revêtu, j'ai été malade et en prison et vous n'êtes pas venu me visiter. » – « Quand est-ce, lui diront les pécheurs, que nous vous avons fait tout cela ? » – « Toutes les fois que vous avez manqué de le faire aux plus petits des miens, qui sont les pauvres . » Vous voyez, M. P., le jugement ne se fait que sur l'aumône.
Peut-être que cela vous étonne ? Hé ! M.F., cela n'est pas difficile à comprendre. C'est que celui qui a une véritable charité dans l'âme, qui ne cherche que Dieu et qui ne veut que lui plaire, possède toutes les autres vertus dans un haut degré de perfection, comme nous le verrons tout à l'heure. Il est certain que la mort effraie les pécheurs et même les plus justes, à cause du terrible rendement de compte qu'il faudra faire à un Dieu qui dans ce moment sera sans miséricorde. Cette pensée a fait trembler saint Hilarion, qui, depuis plus de soixante-dix ans, pleurait ses péchés ; et saint Arsène, qui avait quitté la cour de l'empereur pour aller passer sa vie entre deux rochers et y pleurer tout le reste de sa vie. Quand il pensait au jugement, il faisait trembler son pauvre grabat. Le saint roi David, pensant à ses péchés, s'écriait : « Ah ! Seigneur, ne, pensez plus à mes péchés. » Il nous dit encore : « Faites l'aumône de votre bien et vous ne craindrez pas ce moment si épouvantable pour le pécheur. » Écoutez Jésus-Christ lui-même qui nous dit : « Bienheureux les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront eux-mêmes miséricorde . » Dans un autre endroit, il dit : « Comme vous aurez traité votre frère, vous serez traité . » C'est-à-dire que si vous avez eu pitié de votre frère pauvre, Dieu aura pitié de vous.
Nous lisons dans les Actes des apôtres qu'il y avait à Joppé une bonne veuve qui venait de mourir. Les pauvres coururent devant saint Pierre pour le prier de venir la ressusciter ; les uns lui montraient des habits que leur avait fait cette bonne veuve, les autres autre chose . Saint Pierre laissa couler ses larmes. « Le Seigneur est trop bon, leur dit-il, pour ne pas vous accorder ce que vous demandez. » Il s'approcha de la morte, en lui disant : « Levez-vous, vos aumônes vous valent une seconde fois la vie. » Elle se lève et saint Pierre la rend à ses pauvres. Ce n'est pas seulement les pauvres, M.F., qui prieront pour vous, mais les aumônes elles-mêmes qui seront comme autant de protecteurs auprès du bon Dieu, qui demanderont grâce pour vous. Nous lisons dans l'Évangile que le royaume des cieux est semblable à un roi qui fit rendre compte à ses serviteurs de ce qu'ils lui devaient. On lui en présenta un qui devait dix mille talents. Parce qu'il n'avait pas de quoi payer, le roi commanda aussitôt de le faire mettre en prison avec toute sa famille jusqu'à ce qu'il lui eût payé tout ce qu'il devait. Mais le serviteur se jeta à ses pieds et le pria en grâce d'attendre quelque temps, qu'il le paierait aussitôt qu'il le pourrait. Ce maître, étant touché de compassion, lui fit la remise de tout ce qu'il lui devait. Ce serviteur étant sorti de là, rencontra son compagnon qui lui devait cent deniers, le prit à la gorge en lui disant : « Rends-moi ce que tu me dois. » L'autre le suppliait de lui donner quelque temps, qu'il le paierait ; mais il ne le voulut pas, il le fit mettre en prison jusqu'à ce qu'il eût payé. Le maître, irrité de cette conduite, lui dit : « Méchant serviteur, ne deviez-vous pas avoir pitié de votre frère comme j'ai eu pitié de vous ? »
Voilà, M.F.., la manière dont Jésus-Christ traitera au jour du jugement, ceux qui auront été bons et miséricordieux envers leurs frères les pauvres, représentés par la personne du débiteur recevant miséricorde de la part de Jésus-Christ même ; mais ceux qui auront été cruels et durs envers les pauvres, il leur arrivera comme à ce malheureux, à qui le maître, qui est Jésus-Christ, commanda qu'on lui liât pieds et mains pour le jeter dans les ténèbres extérieures, où il y a des pleurs et des grincements de dents. Vous voyez donc, M.F., qu'il est impossible à une personne qui est charitable d'être damnée.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
III. – Troisièmement, M.F., ce qui nous doit porter à faire l'aumône avec joie et de bon cœur, c'est que nous la faisons à Jésus-Christ lui-même. Nous lisons dans la, vie de sainte Catherine de Sienne qu'une fois trouvant un pauvre, elle lui donna une croix ; une autre fois, elle donna sa robe à une pauvre femme. Quelques jours après, Jésus-Christ lui apparut, en lui disant qu'il avait reçu cette croix et cette robe qu'elle avait mises dans la main de ses pauvres, et qu'elles lui avaient été si agréables qu'il attendait le jour du jugement pour les montrer à tout l'univers. Saint Jean Chrysostome nous dit : « Mon fils, donnez un morceau de pain à votre frère pauvre, et vous recevrez le paradis ; donnez un peu, et vous recevrez beaucoup ; donnez les biens périssables, et vous recevrez des biens éternels. Pour les présents que vous donnez à Jésus-Christ en la personne des pauvres, vous recevrez une récompense éternelle ; donnez un peu de terre et vous recevrez le ciel. » Saint Ambroise nous dit que l'aumône est presque un second baptême et un sacrifice de propitiation, qui apaise la colère de Dieu et nous fait trouver grâce devant le Seigneur. Oui, M.F., et cela est si vrai que, quand nous donnons, c'est à Dieu même que nous donnons.
Nous lisons dans la vie de saint Jean de la Croix, qu'un jour, ayant trouvé un pauvre tout couvert de plaies, il le prit et le porta dans son hôpital qu'il avait fondé en faveur des pauvres. Lorsqu'il fut arrivé et qu'il lui eut lavé les pieds pour le mettre dans son lit, il s'aperçut que les pieds du pauvre étaient percés. Tout étonné, et levant les yeux, il reconnut Jésus-Christ lui-même, qui s'était caché sous la forme de ce pauvre pour exciter sa compassion. Il lui dit : « Jean, je prends plaisir de voir combien tu as soin des miens et des pauvres. » Une autre fois, il trouva un enfant tout misérable ; il le chargea sur ses épaules, puis passant près d'une fontaine, il lui dit de descendre, parce qu'il était fatigué, il voulait boire de l'eau. C'était encore Jésus-Christ lui-même qui lui dit : « Jean, ce que tu fais à mes pauvres, c'est comme si tu le faisais à moi-même. »
Les services que l'on rend aux pauvres et aux malades sont si agréables à Dieu que nombre de fois, l'on a vu des anges descendre du ciel pour aider de leurs mains saint Jean à servir ses malades, après quoi ils disparaissaient.
Nous lisons dans la vie de saint François-Xavier, qu'allant prêcher dans le pays des barbares il trouva dans son chemin un pauvre tout couvert de lèpre : il lui donna l'aumône. Quand il eut fait quelques pas, il se repentit de ne l'avoir pas embrassé pour lui montrer combien il prenait part à ses souffrances. Se retournant pour le voir, il ne vit personne : c'était un ange qui s'était mis sous la forme de ce pauvre. Dites-moi, quel regret au jugement pour ceux qui auront méprisé et raillé les pauvres, lorsque Jésus-Christ leur montrera que c'est à lui-même qu'ils ont fait injure. Mais aussi, M.F., quelle joie pour ceux qui verront que le bien qu'ils ont fait aux pauvres, c'est à Jésus-Christ lui-même qu'ils l'ont fait. « Oui, leur dira Jésus-Christ, c'est moi-même que vous êtes venu voir dans la personne de ce pauvre ; c'est à moi-même que vous avez rendu service ; c'est à moi à qui vous avez donné l'aumône à votre porte. »
Cela est si vrai, M.F., qu'il est rapporté dans l'histoire qu'un saint pape avait tous les jours à sa table douze pauvres en l'honneur des douze apôtres. Un jour, voyant qu'il y en avait treize, il demanda à celui qui en était chargé pourquoi est-ce qu'il en avait treize au lieu de douze, comme il lui avait commandé. – « Saint Père, lui dit son économe, je n'en vois que douze. » Mais pour lui il en voyait toujours treize. Il demanda à ceux qui étaient à côté de lui s'ils n'en voyaient pas treize. Ils lui répondirent qu'ils n'en voyaient que douze. Après qu'ils eurent mangé, il prit par la main le treizième : il l'avait distingué en ce qu'il l'apercevait de temps en temps changeant de couleur ; il le mena dans sa chambre, lui de-manda qui il était ? Cet homme lui répondit qu'il était un ange qui s'était mis sous la forme d'un pauvre ; qu'il avait déjà reçu de lui une aumône lorsqu'il était religieux, et que le bon Dieu, en considération de sa charité, l'avait chargé de le garder pendant toute sa vie, et de lui faire connaître tout ce qu'il faudrait faire pour bien se conduire dans tout ce qu'il devait faire pour le bien de son âme et le salut de son prochain. Voyez-vous, M.F., combien Dieu le récompensa de sa charité.
Ne dirions-nous pas que notre salut semble être attaché à l'aumône ?
Voyez ce qui arriva à saint Martin qui passait dans une rue. Il rencontra un pauvre extrêmement misérable, il en fut si touché que, n'ayant rien de quoi le soulager, il coupe la moitié de son habit et le lui donne. La nuit suivante, Jésus-Christ lui apparut avec la moitié de son habit, environné d'une troupe d'anges à qui il disait : « Martin, qui n'est encore que catéchumène, m'a donné la moitié de son manteau (quoique saint Martin ne l'eût donné qu'à un passant). » Non, M.F., nous ne trouvons point d'actions pour lesquelles le bon Dieu fasse tant de miracles qu'il en fait en faveur des aumônes. Il est rapporté dans l'histoire qu'un bourgeois, rencontrant un pauvre, fut touché de sa misère jusqu'à verser des larmes. Sans rien examiner, il prend son habit de dessus et le lui donne. Quelques jours après, il apprit que ce pauvre l'avait vendu et en eut beaucoup de chagrin. Étant en prières, il disait à Jésus-Christ : « Mon Dieu, je vois bien que je ne méritais pas que ce pauvre portât mon habit. » Notre-Seigneur lui apparut tenant son habit entre les mains, et lui disant : « Reconnais-tu cet habit ? » II se mit à crier : « Ah, mon Dieu, c'est celui que j'ai donné à ce pauvre. » – « Tu vois bien qu'il n'est pas perdu, et que tu m'as fait plaisir en me le donnant dans la personne du pauvre. »
Saint Ambroise nous dit que comme il donnait l'au-mône à plusieurs pauvres, il se trouva un ange mêlé avec les pauvres : il reçut son aumône en souriant, et dis-parut. Nous pouvons dire, M.F., d'une personne qui est charitable, quelque misérable qu'elle soit, qu'il y a grande espérance pour son salut. Nous lisons dans les Actes des apôtres qu'après la résurrection de Jésus-Christ il apparut à saint Pierre en lui disant : « Va trouver le centenier Corneille, car ses aumônes sont montées jus-qu'à moi ; elles lui ont mérité le salut. » Saint Pierre alla trouver Corneille qu'il trouva en prières, et il lui dit : « Vos aumônes ont été si agréables~à Dieu, qu'il m'envoie pour vous annoncer le royaume du ciel et vous baptiser . » Vous voyez, M.F., que ses aumônes furent cause que lui et toute sa famille furent baptisés.
Mais voici un exemple qui va vous montrer combien l'aumône a de pouvoir pour arrêter la justice de Dieu. Il est rapporté dans l'Histoire de l'Église, que l'empereur Zénon prenait plaisir à faire du bien aux pauvres, mais il était fort sensuel et voluptueux, si bien qu'il avait enlevé la fille d'une dame honnête et vertueuse, et qu'il en abusait au grand scandale de tout le monde. Cette pauvre mère, désolée presque jusqu'au désespoir, allait souvent à l'église de Notre-Dame se plaindre du tort qu'on faisait à sa fille : « Vierge sainte, lui disait-elle, n'êtes-vous pas le refuge des misérables, l'asile des affligés et la protectrice des faibles ? Comment donc permettez-vous cette oppression si injuste, ce déshonneur que l'on fait à ma famille ? » La Sainte Vierge lui apparut et lui dit : « Sachez, ma fille, qu'il y a longtemps que mon fils aurait pris vengeance de l'injure qu'on vous fait ; mais cet empereur a une main qui lie celle de mon fils et qui arrête le cours de sa justice. Les aumônes qu'il fait avec abondance l'ont empêché d'être puni jusqu'à présent. »
Voyez-vous, M.F., combien l'aumône est puissante pour empêcher que le bon Dieu nous punisse après que nous l'avons tant de fois mérité. Saint Jean l'Aumônier, patriarche d'Alexandrie, nous rapporte un exemple fort remarquable qui lui est arrivé à lui-même. Il nous raconte qu'un jour il avait vu plusieurs pauvres assis et se chauffant au soleil en hiver ; ils comptaient entre eux les maisons dont les habitants donnaient l'aumône et celles où on la donnait de mauvaise grâce ou dont ils ne recevaient jamais rien. Ils en vinrent à parler de la maison d'un mauvais riche qui ne leur donnait jamais l'aumône, ils en parlaient fort mal, lorsque l'un d'entre eux dit à ses compagnons que s'ils voulaient gager avec lui, il irait lui demander l'aumône, qu'il était sûr qu'il en recevrait quelque chose.
Les autres lui dirent qu'ils voulaient bien gager, mais qu'il était sûr d'être rebuté et de ne rien avoir ; que n'ayant jamais rien donné, il ne voulait pas commencer ce jour-là. Étant convenus ensemble, il va trouver le riche et lui demande avec beaucoup d'humilité de lui donner quelque chose au nom de Jésus-Christ. Ce riche fut si fort en colère que, ne trouvant point de pierre pour lui jeter à la tête, et voyant son domestique qui venait de chez le boulanger chercher du pain pour ses chiens, il en attrape un avec une fureur épouvantable et le lui jette à la tête. Le pauvre, pour gagner ce qu'il avait gagé avec ses compagnons, va vite le ramasser, et le porte à ses camarades pour leur montrer que ce riche lui avait fait une bonne aumône .
Deux jours après, ce riche tombe malade, et étant près de mourir, il lui sembla voir en dormant qu'il était au tribunal de Jésus-Christ pour être jugé. Il crut voir quelqu'un qui présentait une balance pour peser le bien et le mal. Il vit Dieu d'un côté, et de l'autre le démon qui présenta les péchés qu'il avait commis pendant sa vie et qui étaient en grand nombre. Le bon ange n'avait rien pour mettre de son côté ; il ne voyait aucune bonne œuvre pour faire le contre-poids. Le bon Dieu lui demanda ce qu'il avait à mettre de son côté. Le bon ange, tout triste de ne l'en avoir, lui dit en pleurant : « Hélas !Seigneur, il n'y a rien. » Mais Jésus-Christ lui dit : « Et ce pain qu'il a jeté par la tête de ce pauvre : Mettez-le dans la balance et il emportera le poids de ses péchés. » En effet, l'ange l'ayant mis dans la balance, il fit tomber la balance du bon côté. Alors, son ange le regarda en lui disant : « Misérable, sans ce pain tu allais être jeté en enfer, va faire pénitence tant que tu pourras, donne tout ce que tu pourras aux pauvres, sans quoi tu seras damné. » S'étant éveillé, il alla trouver saint Jean l'Aumônier, lui conta sa vision et toute sa vie, en pleurant amèrement son ingratitude envers Dieu, de qui il tenait tout ce qu'il avait, et sa dureté pour les pauvres, en lui disant : « Ah ! mon père, un seul pain donné de mauvaise grâce à un pauvre, me tire d'entre les mains, du démon, combien je peux me rendre Dieu favorable en lui donnant tout mon bien dans la personne des pauvres ! » Il alla si loin, que, dès qu'il trouvait un pauvre, s'il n'avait rien, il quittait son habit et changeait avec lui ; il passa toute sa vie à pleurer ses péchés, donnant aux pauvres tout ce qu'il possédait.
Nous lisons dans la vie de saint Jean de la Croix, qu'un jour, ayant trouvé un pauvre tout couvert de plaies, il le prit et le porta dans son hôpital qu'il avait fondé en faveur des pauvres. Lorsqu'il fut arrivé et qu'il lui eut lavé les pieds pour le mettre dans son lit, il s'aperçut que les pieds du pauvre étaient percés. Tout étonné, et levant les yeux, il reconnut Jésus-Christ lui-même, qui s'était caché sous la forme de ce pauvre pour exciter sa compassion. Il lui dit : « Jean, je prends plaisir de voir combien tu as soin des miens et des pauvres. » Une autre fois, il trouva un enfant tout misérable ; il le chargea sur ses épaules, puis passant près d'une fontaine, il lui dit de descendre, parce qu'il était fatigué, il voulait boire de l'eau. C'était encore Jésus-Christ lui-même qui lui dit : « Jean, ce que tu fais à mes pauvres, c'est comme si tu le faisais à moi-même. »
Les services que l'on rend aux pauvres et aux malades sont si agréables à Dieu que nombre de fois, l'on a vu des anges descendre du ciel pour aider de leurs mains saint Jean à servir ses malades, après quoi ils disparaissaient.
Nous lisons dans la vie de saint François-Xavier, qu'allant prêcher dans le pays des barbares il trouva dans son chemin un pauvre tout couvert de lèpre : il lui donna l'aumône. Quand il eut fait quelques pas, il se repentit de ne l'avoir pas embrassé pour lui montrer combien il prenait part à ses souffrances. Se retournant pour le voir, il ne vit personne : c'était un ange qui s'était mis sous la forme de ce pauvre. Dites-moi, quel regret au jugement pour ceux qui auront méprisé et raillé les pauvres, lorsque Jésus-Christ leur montrera que c'est à lui-même qu'ils ont fait injure. Mais aussi, M.F., quelle joie pour ceux qui verront que le bien qu'ils ont fait aux pauvres, c'est à Jésus-Christ lui-même qu'ils l'ont fait. « Oui, leur dira Jésus-Christ, c'est moi-même que vous êtes venu voir dans la personne de ce pauvre ; c'est à moi-même que vous avez rendu service ; c'est à moi à qui vous avez donné l'aumône à votre porte. »
Cela est si vrai, M.F., qu'il est rapporté dans l'histoire qu'un saint pape avait tous les jours à sa table douze pauvres en l'honneur des douze apôtres. Un jour, voyant qu'il y en avait treize, il demanda à celui qui en était chargé pourquoi est-ce qu'il en avait treize au lieu de douze, comme il lui avait commandé. – « Saint Père, lui dit son économe, je n'en vois que douze. » Mais pour lui il en voyait toujours treize. Il demanda à ceux qui étaient à côté de lui s'ils n'en voyaient pas treize. Ils lui répondirent qu'ils n'en voyaient que douze. Après qu'ils eurent mangé, il prit par la main le treizième : il l'avait distingué en ce qu'il l'apercevait de temps en temps changeant de couleur ; il le mena dans sa chambre, lui de-manda qui il était ? Cet homme lui répondit qu'il était un ange qui s'était mis sous la forme d'un pauvre ; qu'il avait déjà reçu de lui une aumône lorsqu'il était religieux, et que le bon Dieu, en considération de sa charité, l'avait chargé de le garder pendant toute sa vie, et de lui faire connaître tout ce qu'il faudrait faire pour bien se conduire dans tout ce qu'il devait faire pour le bien de son âme et le salut de son prochain. Voyez-vous, M.F., combien Dieu le récompensa de sa charité.
Ne dirions-nous pas que notre salut semble être attaché à l'aumône ?
Voyez ce qui arriva à saint Martin qui passait dans une rue. Il rencontra un pauvre extrêmement misérable, il en fut si touché que, n'ayant rien de quoi le soulager, il coupe la moitié de son habit et le lui donne. La nuit suivante, Jésus-Christ lui apparut avec la moitié de son habit, environné d'une troupe d'anges à qui il disait : « Martin, qui n'est encore que catéchumène, m'a donné la moitié de son manteau (quoique saint Martin ne l'eût donné qu'à un passant). » Non, M.F., nous ne trouvons point d'actions pour lesquelles le bon Dieu fasse tant de miracles qu'il en fait en faveur des aumônes. Il est rapporté dans l'histoire qu'un bourgeois, rencontrant un pauvre, fut touché de sa misère jusqu'à verser des larmes. Sans rien examiner, il prend son habit de dessus et le lui donne. Quelques jours après, il apprit que ce pauvre l'avait vendu et en eut beaucoup de chagrin. Étant en prières, il disait à Jésus-Christ : « Mon Dieu, je vois bien que je ne méritais pas que ce pauvre portât mon habit. » Notre-Seigneur lui apparut tenant son habit entre les mains, et lui disant : « Reconnais-tu cet habit ? » II se mit à crier : « Ah, mon Dieu, c'est celui que j'ai donné à ce pauvre. » – « Tu vois bien qu'il n'est pas perdu, et que tu m'as fait plaisir en me le donnant dans la personne du pauvre. »
Saint Ambroise nous dit que comme il donnait l'au-mône à plusieurs pauvres, il se trouva un ange mêlé avec les pauvres : il reçut son aumône en souriant, et dis-parut. Nous pouvons dire, M.F., d'une personne qui est charitable, quelque misérable qu'elle soit, qu'il y a grande espérance pour son salut. Nous lisons dans les Actes des apôtres qu'après la résurrection de Jésus-Christ il apparut à saint Pierre en lui disant : « Va trouver le centenier Corneille, car ses aumônes sont montées jus-qu'à moi ; elles lui ont mérité le salut. » Saint Pierre alla trouver Corneille qu'il trouva en prières, et il lui dit : « Vos aumônes ont été si agréables~à Dieu, qu'il m'envoie pour vous annoncer le royaume du ciel et vous baptiser . » Vous voyez, M.F., que ses aumônes furent cause que lui et toute sa famille furent baptisés.
Mais voici un exemple qui va vous montrer combien l'aumône a de pouvoir pour arrêter la justice de Dieu. Il est rapporté dans l'Histoire de l'Église, que l'empereur Zénon prenait plaisir à faire du bien aux pauvres, mais il était fort sensuel et voluptueux, si bien qu'il avait enlevé la fille d'une dame honnête et vertueuse, et qu'il en abusait au grand scandale de tout le monde. Cette pauvre mère, désolée presque jusqu'au désespoir, allait souvent à l'église de Notre-Dame se plaindre du tort qu'on faisait à sa fille : « Vierge sainte, lui disait-elle, n'êtes-vous pas le refuge des misérables, l'asile des affligés et la protectrice des faibles ? Comment donc permettez-vous cette oppression si injuste, ce déshonneur que l'on fait à ma famille ? » La Sainte Vierge lui apparut et lui dit : « Sachez, ma fille, qu'il y a longtemps que mon fils aurait pris vengeance de l'injure qu'on vous fait ; mais cet empereur a une main qui lie celle de mon fils et qui arrête le cours de sa justice. Les aumônes qu'il fait avec abondance l'ont empêché d'être puni jusqu'à présent. »
Voyez-vous, M.F., combien l'aumône est puissante pour empêcher que le bon Dieu nous punisse après que nous l'avons tant de fois mérité. Saint Jean l'Aumônier, patriarche d'Alexandrie, nous rapporte un exemple fort remarquable qui lui est arrivé à lui-même. Il nous raconte qu'un jour il avait vu plusieurs pauvres assis et se chauffant au soleil en hiver ; ils comptaient entre eux les maisons dont les habitants donnaient l'aumône et celles où on la donnait de mauvaise grâce ou dont ils ne recevaient jamais rien. Ils en vinrent à parler de la maison d'un mauvais riche qui ne leur donnait jamais l'aumône, ils en parlaient fort mal, lorsque l'un d'entre eux dit à ses compagnons que s'ils voulaient gager avec lui, il irait lui demander l'aumône, qu'il était sûr qu'il en recevrait quelque chose.
Les autres lui dirent qu'ils voulaient bien gager, mais qu'il était sûr d'être rebuté et de ne rien avoir ; que n'ayant jamais rien donné, il ne voulait pas commencer ce jour-là. Étant convenus ensemble, il va trouver le riche et lui demande avec beaucoup d'humilité de lui donner quelque chose au nom de Jésus-Christ. Ce riche fut si fort en colère que, ne trouvant point de pierre pour lui jeter à la tête, et voyant son domestique qui venait de chez le boulanger chercher du pain pour ses chiens, il en attrape un avec une fureur épouvantable et le lui jette à la tête. Le pauvre, pour gagner ce qu'il avait gagé avec ses compagnons, va vite le ramasser, et le porte à ses camarades pour leur montrer que ce riche lui avait fait une bonne aumône .
Deux jours après, ce riche tombe malade, et étant près de mourir, il lui sembla voir en dormant qu'il était au tribunal de Jésus-Christ pour être jugé. Il crut voir quelqu'un qui présentait une balance pour peser le bien et le mal. Il vit Dieu d'un côté, et de l'autre le démon qui présenta les péchés qu'il avait commis pendant sa vie et qui étaient en grand nombre. Le bon ange n'avait rien pour mettre de son côté ; il ne voyait aucune bonne œuvre pour faire le contre-poids. Le bon Dieu lui demanda ce qu'il avait à mettre de son côté. Le bon ange, tout triste de ne l'en avoir, lui dit en pleurant : « Hélas !Seigneur, il n'y a rien. » Mais Jésus-Christ lui dit : « Et ce pain qu'il a jeté par la tête de ce pauvre : Mettez-le dans la balance et il emportera le poids de ses péchés. » En effet, l'ange l'ayant mis dans la balance, il fit tomber la balance du bon côté. Alors, son ange le regarda en lui disant : « Misérable, sans ce pain tu allais être jeté en enfer, va faire pénitence tant que tu pourras, donne tout ce que tu pourras aux pauvres, sans quoi tu seras damné. » S'étant éveillé, il alla trouver saint Jean l'Aumônier, lui conta sa vision et toute sa vie, en pleurant amèrement son ingratitude envers Dieu, de qui il tenait tout ce qu'il avait, et sa dureté pour les pauvres, en lui disant : « Ah ! mon père, un seul pain donné de mauvaise grâce à un pauvre, me tire d'entre les mains, du démon, combien je peux me rendre Dieu favorable en lui donnant tout mon bien dans la personne des pauvres ! » Il alla si loin, que, dès qu'il trouvait un pauvre, s'il n'avait rien, il quittait son habit et changeait avec lui ; il passa toute sa vie à pleurer ses péchés, donnant aux pauvres tout ce qu'il possédait.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Que pensez,-vous de cela, M.F. ? N'est-ce pas que vous ne vous êtes jamais formé une idée de la grandeur de l'aumône ?
Mais cet homme alla encore plus loin. Vous allez le voir passant par une rue : il rencontra un valet qui autrefois avait été à son service ; sans avoir ni respect humain ni autre chose, il lui dit : « Mon ami, peut-être que je ne t'ai pas assez récompensé de tes peines ; fais-moi une grâce mène-moi à la ville, et tu me vendras, afin que tu sois récompensé du tort que j'aurais pu te faire en ne te payant pas assez. » Il le vendit trente deniers. Plein de joie de se voir réduit au dernier degré de pauvreté, il servait son maître avec un plaisir incroyable : ce qui donna une telle jalousie aux autres, qu'ils le méprisaient et le frappaient très souvent. Jamais on ne lui vit ouvrir la bouche pour se plaindre. Le maître s'apercevant de ce que l'on faisait à son esclave qu'il aimait, leur fit de grands reproches, comment ils osaient le traiter ainsi. Il appela le riche converti, dont il ne connaissait pas même le nom, et lui demanda qui il était, quelle était sa condition. Le riche lui raconta tout ce qui lui était arrivé, ce qui toucha son maître qui était l'empereur lui-même. Il en fut si étonné et si touché, qu'il se mit à verser des larmes avec abondance, se convertit sur le champ et passa toute sa vie à faire des aumônes autant qu'il lui fut possible. Dites-moi, avez-vous bien senti la grandeur du mérite de l'aumône, combien elle est méritoire pour celui qui l'a faite ? M.F., je vous dirai, de l'aumône et de la dévotion à la Sainte Vierge, qu'il est impossible que celui qui la fait de bon cœur soit perdu. Ne soyons donc pas étonnés, M.F., si cette vertu a été commune à tous les saints de l'ancien et du nouveau Testament.
Je sais bien, M.F., que celui qui a le cœur dur, est avare et insensible aux misères de son prochain ; il trouvera mille excuses pour ne pas faire l'aumône. Vous me direz : « Il y a de bons pauvres et il y en a bien qui ne valent rien : les uns mangent dans les cabarets ce qu'on leur donne ; les autres dans les jeux ou en gourmandises. » – Cela est très vrai, il y a bien peu de pauvres qui fassent un bon usage du bien qu'ils reçoivent de la main des riches, ce qui nous prouve qu'il y a très peu de bons pauvres. Les uns murmurent dans leur pauvreté, si on ne leur donne pas autant qu'ils veulent ; les autres portent envie aux riches, les maudissent même, en leur souhaitant que le bon Dieu leur fasse perdre leurs biens, afin, disent-ils, qu'ils apprennent ce que c'est que la misère. Nous convenons que cela est très mal ; c'est précisément ceux-là que l'on appelle de mauvais pauvres, mais à tout cela, je n'ai qu'un mot à vous dire, et le voici : c'est que ces pauvres que vous blâmez en disant que ce sont de fameux mange-tout, qui n'ont point de conduite, qu'il n'y a point de pauvres sans cause, ils ne vous demandent pas l'aumône en leur nom, mais au nom de Jésus-Christ. Qu'ils soient bons ou mauvais, peu importe, puisque c'est Jésus-Christ lui-même à qui vous donnez, comme nous venons de voir par ce que nous avons dit. C'est donc Jésus-Christ lui-même qui va vous en récompenser.
Mais, me direz-vous, c'est une mauvaise langue, c'est un vindicatif, c'est un ingrat. – Mais, mon ami, tout cela ne vous regarde pas : vous avez de quoi faire l'aumône au nom de Jésus-Christ, dans la pensée de plaire à Jésus-Christ ; de racheter vos péchés : laissez tout le reste de côté ; vous avez affaire à Dieu ; soyez bien tranquille ; vos aumônes ne seront pas perdues dans les mauvais pauvres que vous méprisez. D'ailleurs, mon ami, ce pauvre qui vous a scandalisé, il y a huit jours, que vous avez vu dans le vin ou dans quelque débauche, qui vous a dit qu'il n'est pas converti aujourd'hui et très agréable à Dieu ? Voulez-vous, mon ami, savoir pourquoi vous trouvez tant de prétextes pour vous exempter de faire l'aumône ? Écoutez une parole, vous y reconnaîtrez la vérité, si ce n'est aujourd'hui, vous la reconnaîtrez du moins à l'heure de la mort : c'est que l'avarice a pris racine dans votre cœur : Otez cette maudite plante, et vous aimerez à faire l'aumône : vous serez content de la faire, vous en ferez votre joie. » Ah ! dites-vous, quand je n'ai rien, personne ne me donne rien. » – Personne ne vous donne rien ? Ah ! mon ami, de qui vient ce que vous avez ? N'est-ce pas de la main de Dieu qui vous l'a donné, de préférence à tant d'autres qui sont pauvres et bien moins pécheurs que vous ? Pensez donc à Dieu, mon ami... Voulez-vous donner quelque chose de plus, donnez ; vous aurez ainsi le bonheur de racheter vos péchés en faisant du bien à votre prochain.
Savez-vous, M.F., pourquoi nous n'avons pas de quoi donner aux pauvres, et pourquoi nous ne sommes jamais contents de ce que nous avons ? Vous n'avez pas de quoi faire l'aumône, mais vous avez bien de quoi acheter des terres ; vous avez toujours peur que la terre vous manque. Ah ! mon ami, attendez que vous ayez trois ou quatre pieds de terre sur la tête, vous serez alors bien satisfait. N'est-ce pas, mon père, que vous n'avez pas de quoi faire l'aumône, mais vous avez bien de l'argent pour acheter des terres ? Dites plutôt que cela ne vous fait rien, que vous soyez damné ou sauvé, pourvu que votre avarice soit contente. Vous aimez à vous agrandir, parce que les riches sont honorés et respectés, tandis que les pauvres sont méprisés. N'est-ce pas, ma mère, que vous n'avez rien de quoi donner aux pauvres, mais il faut acheter des vanités à vos filles, il faut leur acheter des mouchoirs garnis de dentelles, il faut leur faire porter deux ou trois rangs de cols, il faut acheter des boucles d'oreille et des chaînes, une collerette. – « Ah ! me direz-vous, si je leur fais porter cela, je ne demande rien à personne, c'est nécessaire ; ne vous fâchez pas de cela. »- Ma mère, je vous le dis seulement en passant, afin qu'au jour du jugement vous vous rappeliez bien que je vous l'ai dit : Vous ne demandez rien à personne, cela est bien vrai ; mais je vous dirai que vous n'êtes pas moins coupable, et aussi coupable que si vous trouviez un pauvre en chemin et que vous preniez le peu d'argent qu'il a. – « Ah ! me direz-vous, si j'emploie cet argent pour mes enfants, je sais bien ce qu'il me coûte. » – Et moi, je vous dirai aussi, quoique vous ne vouliez pas en convenir, que vous êtes coupable aux yeux de Dieu, et cela suffit pour vous perdre. Si vous me demandez, pourquoi cela ? Mon ami, parce que votre bien n'est pas autre chose qu'un dépôt que le bon Dieu vous a mis entre les mains ; après votre nécessaire et celui de votre famille, le reste est dû aux pauvres. Combien qui ont de l'argent qu'ils tiennent enfermé, tandis que tant de pauvres meurent de faim ! Combien d'autres qui ont quantité de vêtements, tandis que des malheureux souffrent le froid ! N'est-ce pas, mon ami, que vous êtes en condition et que vous n'avez pas de quoi faire l'aumône, vous n'avez que vos gages ? Vous auriez tout de même de quoi faire l'aumône, si vous vouliez ; vous avez bien de quoi faire damner les filles, de quoi aller au cabaret, au bal. – « Mais, me direz-vous, nous sommes pauvres ; à peine avons-nous de quoi vivre. » – Mon ami, si le jour de la fête patronale vous faisiez moins de dépenses, vous auriez de quoi donner aux pauvres.
Combien de fois n'êtes-vous pas allé à Villefranche pour vous y amuser, sans avoir rien à faire, et à Montmerle, et le reste. N'allons pas plus loin, la vérité est trop claire : cela pourrait vous fâcher. Hélas ! M.F., si les saints avaient fait comme nous, ils n'auraient pas eu de quoi faire l'aumône, mais ils savaient combien ils avaient besoin de la faire, et ils épargnaient autant qu'ils pouvaient pour cela et ils avaient toujours quelques réserves. D'ailleurs, M.F., la charité ne se fait pas toute avec de l'argent. Vous pouvez aller voir un malade, lui tenir compagnie un moment, lui faire quelque chose, faire son lit, ou lui préparer ses remèdes, le consoler dans ses peines, lui faire une lecture de piété. Cependant, il faut vous rendre ce témoignage de justice que, généralement, vous aimez à faire l'aumône aux malheureux, que vous en prenez compassion. Mais ce que je vois, c'est que très peu le font de manière à en recevoir la récompense, et voici pourquoi : les uns le font afin de passer pour être homme de bien, les autres, par compassion, et parce qu'ils sont touchés de la misère des autres ; d'autres, parce qu'ils les aiment, qu'ils sont bons, qu'ils les applaudissent dans leur manière de vivre, peut-être d'autres parce qu'ils leur rendent quelques services ou bien qu'ils en espèrent quelques-uns. Eh bien ! M.F., tous ceux qui, dans leurs aumônes, n'ont que ces vues là, n'ont point les qualités qu'il faut avoir pour rendre l'aumône méritoire. Il y en a qui ont des pauvres qui leur plaisent et à qui ils donneraient tout ce qu'ils ont ; mais pour les autres, ils ont le cœur cruel. Tout cela, M.F., n'est pas autre chose que la manière dont se conduisent les païens, qui, malgré leurs bonnes couvres, ne seront pas sauvés.
Mais, pensez-vous en vous-mêmes, comment faut-il donc faire l'aumône, afin qu'elle soit méritoire ? M.F., le voici en deux mots, écoutez-le bien : c'est d'avoir en vue, dans tout le bien que nous faisons pour notre prochain, de plaire à Dieu qui nous le commande, et de sauver nos âmes. Toutes les fois que vos aumônes ne sont pas accompagnées de ces deux pensées, votre bonne œuvre est perdue pour le ciel. C'est pour cela qu'il y a si peu de bonnes œuvres qui nous accompagneront devant le tribunal de Dieu, parce que nous les faisons tout humainement. Nous aimons quand on nous en remercie, quand on en parle, quand on nous rend quelque service, nous aimons même en parler pour montrer que nous sommes charitables. Nous avons des préférences ; il y en a à qui nous donnons sans mesure, et d'autres à qui nous ne voulons rien donner, bien plus, nous les méprisons.
Prenons bien garde, M.F., quand nous ne voulons ou ne pouvons pas les secourir, ne les méprisons jamais, parce que c'est Jésus-Christ lui-même que nous méprisons. Le peu que nous donnons, donnons-le de bon cœur dans la pensée de plaire à Dieu et de racheter nos péchés. Celui qui a une véritable charité n'a point de préférence, il donne à ses ennemis comme à ses amis, tout également, aux uns comme aux autres, avec la même joie et le même empressement. S'il avait quelque préférence à faire, ce serait plutôt de donner à ceux qui lui ont fait quelque peine. C'est ce que faisait saint François de Sales. Il y en a qui, quand ils ont fait du bien à quelques personnes, si ces personnes leur font quelques peines, ils leur reprochent vite les services qu'ils leur ont rendus. Vous vous trompez, vous en perdez toute la récompense. Savez-vous bien que cette personne vous l'a demandé au nom de Jésus-Christ, et que vous-même l'avez fait pour plaire à Dieu et racheter vos péchés ? Le pauvre n'est qu'un instrument dont Dieu se sert pour vous faire faire ce bien, et rien autre. Voilà encore un piège que le démon vous tend et souvent à nombre d'âmes : c'est de remettre nos bonnes œuvres dans notre esprit, afin de nous y faire prendre plaisir et pour nous en faire perdre la récompense. Il faut, quand le démon nous les met devant les yeux, vite les renvoyer comme une mauvaise pensée.
Que devons-nous conclure de tout cela, M.F. ? Le voici : c'est que l'aumône est d'un si grand mérite aux yeux de Dieu, et si puissante pour nous attirer ses miséricordes, qu'elle semble mettre notre salut en sûreté. Il faut faire l'aumône tant que nous pouvons, tandis que nous sommes sur la terre ; nous serons toujours assez riches si nous avons le bonheur de plaire à Dieu et de sauver notre âme ; mais il ne faut la faire qu'avec des intentions bien pures, c'est-à-dire tout pour Dieu et rien pour le monde. Que nous serions heureux, si nous avions le bonheur que toutes les aumônes que nous aurons faites pendant notre vie nous accompagnent devant le tribunal de Jésus-Christ pour nous aider à gagner le ciel ! C'est le bonheur que je vous souhaite.
Mais cet homme alla encore plus loin. Vous allez le voir passant par une rue : il rencontra un valet qui autrefois avait été à son service ; sans avoir ni respect humain ni autre chose, il lui dit : « Mon ami, peut-être que je ne t'ai pas assez récompensé de tes peines ; fais-moi une grâce mène-moi à la ville, et tu me vendras, afin que tu sois récompensé du tort que j'aurais pu te faire en ne te payant pas assez. » Il le vendit trente deniers. Plein de joie de se voir réduit au dernier degré de pauvreté, il servait son maître avec un plaisir incroyable : ce qui donna une telle jalousie aux autres, qu'ils le méprisaient et le frappaient très souvent. Jamais on ne lui vit ouvrir la bouche pour se plaindre. Le maître s'apercevant de ce que l'on faisait à son esclave qu'il aimait, leur fit de grands reproches, comment ils osaient le traiter ainsi. Il appela le riche converti, dont il ne connaissait pas même le nom, et lui demanda qui il était, quelle était sa condition. Le riche lui raconta tout ce qui lui était arrivé, ce qui toucha son maître qui était l'empereur lui-même. Il en fut si étonné et si touché, qu'il se mit à verser des larmes avec abondance, se convertit sur le champ et passa toute sa vie à faire des aumônes autant qu'il lui fut possible. Dites-moi, avez-vous bien senti la grandeur du mérite de l'aumône, combien elle est méritoire pour celui qui l'a faite ? M.F., je vous dirai, de l'aumône et de la dévotion à la Sainte Vierge, qu'il est impossible que celui qui la fait de bon cœur soit perdu. Ne soyons donc pas étonnés, M.F., si cette vertu a été commune à tous les saints de l'ancien et du nouveau Testament.
Je sais bien, M.F., que celui qui a le cœur dur, est avare et insensible aux misères de son prochain ; il trouvera mille excuses pour ne pas faire l'aumône. Vous me direz : « Il y a de bons pauvres et il y en a bien qui ne valent rien : les uns mangent dans les cabarets ce qu'on leur donne ; les autres dans les jeux ou en gourmandises. » – Cela est très vrai, il y a bien peu de pauvres qui fassent un bon usage du bien qu'ils reçoivent de la main des riches, ce qui nous prouve qu'il y a très peu de bons pauvres. Les uns murmurent dans leur pauvreté, si on ne leur donne pas autant qu'ils veulent ; les autres portent envie aux riches, les maudissent même, en leur souhaitant que le bon Dieu leur fasse perdre leurs biens, afin, disent-ils, qu'ils apprennent ce que c'est que la misère. Nous convenons que cela est très mal ; c'est précisément ceux-là que l'on appelle de mauvais pauvres, mais à tout cela, je n'ai qu'un mot à vous dire, et le voici : c'est que ces pauvres que vous blâmez en disant que ce sont de fameux mange-tout, qui n'ont point de conduite, qu'il n'y a point de pauvres sans cause, ils ne vous demandent pas l'aumône en leur nom, mais au nom de Jésus-Christ. Qu'ils soient bons ou mauvais, peu importe, puisque c'est Jésus-Christ lui-même à qui vous donnez, comme nous venons de voir par ce que nous avons dit. C'est donc Jésus-Christ lui-même qui va vous en récompenser.
Mais, me direz-vous, c'est une mauvaise langue, c'est un vindicatif, c'est un ingrat. – Mais, mon ami, tout cela ne vous regarde pas : vous avez de quoi faire l'aumône au nom de Jésus-Christ, dans la pensée de plaire à Jésus-Christ ; de racheter vos péchés : laissez tout le reste de côté ; vous avez affaire à Dieu ; soyez bien tranquille ; vos aumônes ne seront pas perdues dans les mauvais pauvres que vous méprisez. D'ailleurs, mon ami, ce pauvre qui vous a scandalisé, il y a huit jours, que vous avez vu dans le vin ou dans quelque débauche, qui vous a dit qu'il n'est pas converti aujourd'hui et très agréable à Dieu ? Voulez-vous, mon ami, savoir pourquoi vous trouvez tant de prétextes pour vous exempter de faire l'aumône ? Écoutez une parole, vous y reconnaîtrez la vérité, si ce n'est aujourd'hui, vous la reconnaîtrez du moins à l'heure de la mort : c'est que l'avarice a pris racine dans votre cœur : Otez cette maudite plante, et vous aimerez à faire l'aumône : vous serez content de la faire, vous en ferez votre joie. » Ah ! dites-vous, quand je n'ai rien, personne ne me donne rien. » – Personne ne vous donne rien ? Ah ! mon ami, de qui vient ce que vous avez ? N'est-ce pas de la main de Dieu qui vous l'a donné, de préférence à tant d'autres qui sont pauvres et bien moins pécheurs que vous ? Pensez donc à Dieu, mon ami... Voulez-vous donner quelque chose de plus, donnez ; vous aurez ainsi le bonheur de racheter vos péchés en faisant du bien à votre prochain.
Savez-vous, M.F., pourquoi nous n'avons pas de quoi donner aux pauvres, et pourquoi nous ne sommes jamais contents de ce que nous avons ? Vous n'avez pas de quoi faire l'aumône, mais vous avez bien de quoi acheter des terres ; vous avez toujours peur que la terre vous manque. Ah ! mon ami, attendez que vous ayez trois ou quatre pieds de terre sur la tête, vous serez alors bien satisfait. N'est-ce pas, mon père, que vous n'avez pas de quoi faire l'aumône, mais vous avez bien de l'argent pour acheter des terres ? Dites plutôt que cela ne vous fait rien, que vous soyez damné ou sauvé, pourvu que votre avarice soit contente. Vous aimez à vous agrandir, parce que les riches sont honorés et respectés, tandis que les pauvres sont méprisés. N'est-ce pas, ma mère, que vous n'avez rien de quoi donner aux pauvres, mais il faut acheter des vanités à vos filles, il faut leur acheter des mouchoirs garnis de dentelles, il faut leur faire porter deux ou trois rangs de cols, il faut acheter des boucles d'oreille et des chaînes, une collerette. – « Ah ! me direz-vous, si je leur fais porter cela, je ne demande rien à personne, c'est nécessaire ; ne vous fâchez pas de cela. »- Ma mère, je vous le dis seulement en passant, afin qu'au jour du jugement vous vous rappeliez bien que je vous l'ai dit : Vous ne demandez rien à personne, cela est bien vrai ; mais je vous dirai que vous n'êtes pas moins coupable, et aussi coupable que si vous trouviez un pauvre en chemin et que vous preniez le peu d'argent qu'il a. – « Ah ! me direz-vous, si j'emploie cet argent pour mes enfants, je sais bien ce qu'il me coûte. » – Et moi, je vous dirai aussi, quoique vous ne vouliez pas en convenir, que vous êtes coupable aux yeux de Dieu, et cela suffit pour vous perdre. Si vous me demandez, pourquoi cela ? Mon ami, parce que votre bien n'est pas autre chose qu'un dépôt que le bon Dieu vous a mis entre les mains ; après votre nécessaire et celui de votre famille, le reste est dû aux pauvres. Combien qui ont de l'argent qu'ils tiennent enfermé, tandis que tant de pauvres meurent de faim ! Combien d'autres qui ont quantité de vêtements, tandis que des malheureux souffrent le froid ! N'est-ce pas, mon ami, que vous êtes en condition et que vous n'avez pas de quoi faire l'aumône, vous n'avez que vos gages ? Vous auriez tout de même de quoi faire l'aumône, si vous vouliez ; vous avez bien de quoi faire damner les filles, de quoi aller au cabaret, au bal. – « Mais, me direz-vous, nous sommes pauvres ; à peine avons-nous de quoi vivre. » – Mon ami, si le jour de la fête patronale vous faisiez moins de dépenses, vous auriez de quoi donner aux pauvres.
Combien de fois n'êtes-vous pas allé à Villefranche pour vous y amuser, sans avoir rien à faire, et à Montmerle, et le reste. N'allons pas plus loin, la vérité est trop claire : cela pourrait vous fâcher. Hélas ! M.F., si les saints avaient fait comme nous, ils n'auraient pas eu de quoi faire l'aumône, mais ils savaient combien ils avaient besoin de la faire, et ils épargnaient autant qu'ils pouvaient pour cela et ils avaient toujours quelques réserves. D'ailleurs, M.F., la charité ne se fait pas toute avec de l'argent. Vous pouvez aller voir un malade, lui tenir compagnie un moment, lui faire quelque chose, faire son lit, ou lui préparer ses remèdes, le consoler dans ses peines, lui faire une lecture de piété. Cependant, il faut vous rendre ce témoignage de justice que, généralement, vous aimez à faire l'aumône aux malheureux, que vous en prenez compassion. Mais ce que je vois, c'est que très peu le font de manière à en recevoir la récompense, et voici pourquoi : les uns le font afin de passer pour être homme de bien, les autres, par compassion, et parce qu'ils sont touchés de la misère des autres ; d'autres, parce qu'ils les aiment, qu'ils sont bons, qu'ils les applaudissent dans leur manière de vivre, peut-être d'autres parce qu'ils leur rendent quelques services ou bien qu'ils en espèrent quelques-uns. Eh bien ! M.F., tous ceux qui, dans leurs aumônes, n'ont que ces vues là, n'ont point les qualités qu'il faut avoir pour rendre l'aumône méritoire. Il y en a qui ont des pauvres qui leur plaisent et à qui ils donneraient tout ce qu'ils ont ; mais pour les autres, ils ont le cœur cruel. Tout cela, M.F., n'est pas autre chose que la manière dont se conduisent les païens, qui, malgré leurs bonnes couvres, ne seront pas sauvés.
Mais, pensez-vous en vous-mêmes, comment faut-il donc faire l'aumône, afin qu'elle soit méritoire ? M.F., le voici en deux mots, écoutez-le bien : c'est d'avoir en vue, dans tout le bien que nous faisons pour notre prochain, de plaire à Dieu qui nous le commande, et de sauver nos âmes. Toutes les fois que vos aumônes ne sont pas accompagnées de ces deux pensées, votre bonne œuvre est perdue pour le ciel. C'est pour cela qu'il y a si peu de bonnes œuvres qui nous accompagneront devant le tribunal de Dieu, parce que nous les faisons tout humainement. Nous aimons quand on nous en remercie, quand on en parle, quand on nous rend quelque service, nous aimons même en parler pour montrer que nous sommes charitables. Nous avons des préférences ; il y en a à qui nous donnons sans mesure, et d'autres à qui nous ne voulons rien donner, bien plus, nous les méprisons.
Prenons bien garde, M.F., quand nous ne voulons ou ne pouvons pas les secourir, ne les méprisons jamais, parce que c'est Jésus-Christ lui-même que nous méprisons. Le peu que nous donnons, donnons-le de bon cœur dans la pensée de plaire à Dieu et de racheter nos péchés. Celui qui a une véritable charité n'a point de préférence, il donne à ses ennemis comme à ses amis, tout également, aux uns comme aux autres, avec la même joie et le même empressement. S'il avait quelque préférence à faire, ce serait plutôt de donner à ceux qui lui ont fait quelque peine. C'est ce que faisait saint François de Sales. Il y en a qui, quand ils ont fait du bien à quelques personnes, si ces personnes leur font quelques peines, ils leur reprochent vite les services qu'ils leur ont rendus. Vous vous trompez, vous en perdez toute la récompense. Savez-vous bien que cette personne vous l'a demandé au nom de Jésus-Christ, et que vous-même l'avez fait pour plaire à Dieu et racheter vos péchés ? Le pauvre n'est qu'un instrument dont Dieu se sert pour vous faire faire ce bien, et rien autre. Voilà encore un piège que le démon vous tend et souvent à nombre d'âmes : c'est de remettre nos bonnes œuvres dans notre esprit, afin de nous y faire prendre plaisir et pour nous en faire perdre la récompense. Il faut, quand le démon nous les met devant les yeux, vite les renvoyer comme une mauvaise pensée.
Que devons-nous conclure de tout cela, M.F. ? Le voici : c'est que l'aumône est d'un si grand mérite aux yeux de Dieu, et si puissante pour nous attirer ses miséricordes, qu'elle semble mettre notre salut en sûreté. Il faut faire l'aumône tant que nous pouvons, tandis que nous sommes sur la terre ; nous serons toujours assez riches si nous avons le bonheur de plaire à Dieu et de sauver notre âme ; mais il ne faut la faire qu'avec des intentions bien pures, c'est-à-dire tout pour Dieu et rien pour le monde. Que nous serions heureux, si nous avions le bonheur que toutes les aumônes que nous aurons faites pendant notre vie nous accompagnent devant le tribunal de Jésus-Christ pour nous aider à gagner le ciel ! C'est le bonheur que je vous souhaite.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
4ème DIMANCHE DE CARÊME
Sur la mort du pécheur
(INACHEVÉ)
Quæretis me, et in peccato vestro moriemini.
Vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché.
(S. Jean, VIII, 21.)
Terrible menace, M.F., et d'autant plus terrible qu'elle doit être suivie de son effet. C'est aux Juifs, M.F., que Jésus-Christ parle, à ce peuple chéri, comblé de tant de grâces. Ah ! peuple ingrat, que n'ai-je pas fait pour vous ? Mais un jour viendra que vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et je m'enfuirai de vous, et vous mourrez dans votre péché comme vous aurez vécu. Triste, mais juste punition. Quoi ! un chrétien comblé de tant de grâces pendant sa vie, un chrétien se raidit contre les remords de sa conscience pour pécher ! un chrétien, qui est très persuadé que chaque péché qu'il commet lui mérite l'enfer ! un chrétien qui sait très bien que, s'il veut revenir à Dieu, Dieu lui-même lui en fournit tous les moyens ! Un chrétien, dis-je, qui a tout à sa disposition : les ministres du Seigneur qui le pressent, qui le conjurent de ne pas rester dans cet état, qui prient pour lui, qui lui offrent tous les remèdes nécessaires et très efficaces pour guérir les plaies que le péché a fait à sa pauvre âme ; et qui, malgré tout cela, persévère, croupit dans son péché et se plonge à chaque instant dans de nouveaux crimes ! Un chrétien qui s'en fait un jeu, qui va même jusqu'à mépriser les ministres charitables qui voudraient l'aider à tirer sa pauvre âme du péché et de l'enfer ! Ah ! n'est-il pas de la justice que ce pécheur périsse dans son péché, et que le bon Dieu l'abandonne ; lui qui l'a attendu si longtemps, avec tant de bonté et de patience, lui présentant à tous les instants les mérites de sa passion ? Oui, il est juste que ce malheureux périsse dans son péché ; et, quand il voudra revenir à Dieu, il est juste que Jésus-Christ, qu'il a tant méprisé, le fuie et l'abandonne à son désespoir et à la puissance du démon. « Va, malheureux, lui dit le prophète Amos, va, malheureux, tu périras dans ton péché, puisque tu ne veux pas en sortir, quand le Seigneur t'appelle... » Oh ! que la mort du pécheur est donc affreuse ! Et cependant que le nombre en est grand ! Pour vous la faire craindre et éviter, je vais vous montrer combien les derniers moments d'un pécheur qui n'a pas voulu se convertir, sont désespérants, tant par la pensée de ses péchés, que par celle des grâces qu'il a méprisées et des tourments qui lui sont préparés pour l'éternité.
Sur la mort du pécheur
(INACHEVÉ)
Quæretis me, et in peccato vestro moriemini.
Vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché.
(S. Jean, VIII, 21.)
Terrible menace, M.F., et d'autant plus terrible qu'elle doit être suivie de son effet. C'est aux Juifs, M.F., que Jésus-Christ parle, à ce peuple chéri, comblé de tant de grâces. Ah ! peuple ingrat, que n'ai-je pas fait pour vous ? Mais un jour viendra que vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas, et je m'enfuirai de vous, et vous mourrez dans votre péché comme vous aurez vécu. Triste, mais juste punition. Quoi ! un chrétien comblé de tant de grâces pendant sa vie, un chrétien se raidit contre les remords de sa conscience pour pécher ! un chrétien, qui est très persuadé que chaque péché qu'il commet lui mérite l'enfer ! un chrétien qui sait très bien que, s'il veut revenir à Dieu, Dieu lui-même lui en fournit tous les moyens ! Un chrétien, dis-je, qui a tout à sa disposition : les ministres du Seigneur qui le pressent, qui le conjurent de ne pas rester dans cet état, qui prient pour lui, qui lui offrent tous les remèdes nécessaires et très efficaces pour guérir les plaies que le péché a fait à sa pauvre âme ; et qui, malgré tout cela, persévère, croupit dans son péché et se plonge à chaque instant dans de nouveaux crimes ! Un chrétien qui s'en fait un jeu, qui va même jusqu'à mépriser les ministres charitables qui voudraient l'aider à tirer sa pauvre âme du péché et de l'enfer ! Ah ! n'est-il pas de la justice que ce pécheur périsse dans son péché, et que le bon Dieu l'abandonne ; lui qui l'a attendu si longtemps, avec tant de bonté et de patience, lui présentant à tous les instants les mérites de sa passion ? Oui, il est juste que ce malheureux périsse dans son péché ; et, quand il voudra revenir à Dieu, il est juste que Jésus-Christ, qu'il a tant méprisé, le fuie et l'abandonne à son désespoir et à la puissance du démon. « Va, malheureux, lui dit le prophète Amos, va, malheureux, tu périras dans ton péché, puisque tu ne veux pas en sortir, quand le Seigneur t'appelle... » Oh ! que la mort du pécheur est donc affreuse ! Et cependant que le nombre en est grand ! Pour vous la faire craindre et éviter, je vais vous montrer combien les derniers moments d'un pécheur qui n'a pas voulu se convertir, sont désespérants, tant par la pensée de ses péchés, que par celle des grâces qu'il a méprisées et des tourments qui lui sont préparés pour l'éternité.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I.- Si vous me demandez ce que l'on entend par une mauvaise mort, je vous répondrai : quand une personne meurt à la fleur de l'âge, étant mariée, jouissant d'une bonne santé, ayant des biens en abondance, et qu'elle laisse des enfants et une femme désolés, il n'est pas douteux que cette mort ne soit très cruelle. Le roi Ézéchias disait : « Quoi, mon Dieu ! faut-il que je meure au milieu de mes années, à la fleur de mon âge . » Et le Roi-Prophète demandait à Dieu de ne pas le faire mourir au milieu de ses années. D'autres disent que mourir de la main des bourreaux, sur une potence, c'est une mauvaise mort. D'autres, que mourir d'une mort subite est une mauvaise mort : comme d'être écrasé par un coup de foudre, d'être suffoqué dans l'eau, de tomber du haut d'une maison et rester sur place. Enfin, d'autres disent que c'est mourir d'une maladie fâcheuse, comme de mourir de la peste ou d'autres maladies contagieuses.
Eh bien ! moi, M.F., je vous dirai que toutes ces morts ne sont point mauvaises, : pourvu qu'une personne ait bien vécu, qu'elle meure à la fleur de son âge, sa mort ne laissera pas d'être précieuse aux yeux du Seigneur. Nous avons tant de saints qui sont morts à la fleur de leur âge. Ce n'est pas non plus une mauvaise mort, que de mourir de la main des bourreaux : tous les martyrs sont morts de la main des bourreaux. Mourir d'une mort subite n'est pas encore une mauvaise mort, pourvu que l'on soit prêt ; nous avons tant de saints qui sont morts de la sorte. Saint Siméon fut tué par un coup de foudre sur sa colonne ; saint François de Sales mourut d'apoplexie. Enfin mourir de la peste n'est pas encore une mort funeste : saint Roch, saint François Xavier en sont morts. Mais ce qui rend la mort du pécheur malheureuse, c'est le péché. Ah ! c'est ce maudit péché qui le déchire et le dévore dans ce moment épouvantable. Hélas ! de quelque côté que ce pauvre malheureux tourne ses regards, il ne voit que péché, il ne voit que grâces méprisées. Et, hélas ! s'il lève les yeux au ciel, il ne voit qu'un Dieu en colère, armé de toute la fureur de sa justice qui est prête à lui fondre dessus. S'il tourne ses regards en bas, hélas ! il n'aperçoit que l'enfer et ses fureurs, qui ouvre déjà la gueule pour le recevoir. Hélas ! ce pauvre pécheur n'a pas voulu reconnaître la justice de Dieu pendant sa vie ; dans ce moment, non seulement il la voit, mais il la sent déjà s'appesantir sur lui. Pendant sa vie, il a toujours tâché de cacher ses péchés, ou du moins, de les diminuer ; mais dans ce moment, tout lui est représenté au grand jour. Hélas ! il voit ce qu'il aurait dû voir, ce qu'il n'a pas voulu voir ; il voudrait pleurer ses péchés, mais il n'est plus temps. Il a méprisé le bon Dieu pendant sa vie, Dieu à son tour le méprise et l'abandonne à son désespoir.
Écoutez, pécheurs endurcis, qui vous roulez avez tant de plaisir dans le limon de vos ordures, sans avoir même la pensée d'en sortir,. qui peut-être n'y penserez que quand le bon Dieu vous aura abandonnés, comme il est arrivé à tant d'autres moins coupables que vous. Oui, nous dit le Saint-Esprit, les pécheurs, dans leurs « derniers moments, grinceront des dents, seront saisis d'une frayeur épouvantable, dans la seule pensée de leurs crimes ; » leurs iniquités se soulèveront contre eux, et les accuseront. Hélas ! s'écrieront-ils dans ce moment malheureux, hélas ! « à quoi nous ont servi cet orgueil, cette vaine ostentation, et tous ces plaisirs que nous avons goûtés dans le péché ? Tout est passé, et nous n'avons à notre suite aucune trace de vertu, et nous avons été convaincus par notre malice . »
C'est précisément ce qui arriva au malheureux Antiochus, qui, étant tombé de son chariot, se fracassa tout le corps. Il ressentait une si grande douleur d'entrailles, qu'il lui semblait qu'on les lui arrachait ; les vers le rongeaient tout en vie, son corps était puant comme une charogne. Alors il commença à ouvrir les yeux : c'est ce que font les pécheurs, mais trop tard. « Ah ! s'écriait-il, je reconnais que ce sont les maux que j'ai faits à Jérusalem qui me tourmentent et me rongent le cœur. » Son corps était dévoré par des douleurs affreuses, et son esprit par une tristesse inconcevable. Il fit venir ses amis, croyant trouver près d'eux quelques consolations, mais non, abandonné de Dieu qui fait la consolation, il n'en pouvait pas avoir d'autres. « Hélas ! mes amis, leur disait-il, je suis tombé dans une terrible affliction, le sommeil m'a quitté, je ne saurais reposer un seul instant ; mon cœur est percé de douleur. Hélas ! dans quel état de tristesse et d'angoisse suis-je réduit ! il faut donc que je meure de tristesse, et encore, dans un pays étranger ! Ah ! Seigneur, pardonnez-moi ! Je réparerai tout le mal que j'ai fait ; je rendrai tout ce que j'ai pris dans le temple de Jérusalem ; je ferai de grands présents, à ce temple ; je me ferai juif, j'observerai la loi de Moïse, j'irai partout publier la toute-puissance de Dieu. Ah ! Seigneur, faites-moi, s'il vous plaît, miséricorde ! » Mais sa maladie augmente, et le bon Dieu, qu'il a tant méprisé pendant sa vie, n'a plus d'oreilles pour l'entendre ; il faut qu'il meure, et qu'il meure dans son péché . C'était un orgueilleux, un blasphémateur ; et ; malgré ses instantes prières, il ne fut pas écouté, il lui fallut tomber en enfer.
Triste, mais juste punition des pécheurs qui, après avoir méprisé toutes les grâces que le bon Dieu leur a accordées pendant leur vie, ne trouvent plus de grâce, quand ils voudraient en profiter. Hélas ! que le nombres de ceux qui meurent de cette manière est grand aux yeux de Dieu ! Hélas ! qu'il y en a, de ces aveugles, dans le monde, qui n'ouvrent les yeux que dans le moment où il n'y a plus de remèdes à leurs maux !
Oui, M. F., oui, vie de péchés, et mort de réprouvés ; Vous êtes dans le péché, vous ne voulez pas en sortir ? – Non, me direz-vous. – Eh bien ! mon ami ; vous y périrez : vous allez le voir dans la mort de Voltaire, ce fameux impie. Écoutez bien, et vous verrez que, si l'on méprise toujours le bon Dieu, et que, si le bon Dieu nous attend pendant notre vie, souvent, par un juste jugement, il nous abandonne à la mort, lorsque nous voulons revenir à lui. Vivre dans le péché, en pensant que nous en sortirons un jour, c'est un piège du démon qui vous perdra, comme il en a tant perdu d'autres. Voltaire, se voyant malade, commença à réfléchir sur l'état d'un pécheur qui meurt avec la conscience chargée de péchés. I1 veut rentrer en lui-même, et essayer si le bon Dieu voudra bien lui pardonner tous les péchés de sa vie, qui sont en grand nombre. Il compte sur la miséricorde de Dieu qui est infinie ; et, dans ces belles pensées, il fait venir un de ces prêtres qu'il avait tant outragés et tant calomniés dans ses écrits. Déjà, par la pensée, il se met à ses genoux et lui fait l'aveu de ses fautes, et dépose entre ses mains la rétractation de ses impiétés et de ses scandales. Il se flattait déjà d'achever le grand ouvrage de sa réconciliation ; mais il se trompait grandement ; le bon Dieu l'avait abandonné : vous allez le voir. La mort devance les derniers secours. Hélas ! ce pauvre impie sent renaître en lui toutes ses frayeurs. Il s'écrie : « Hélas ! suis-je donc abandonné de Dieu et des hommes ? » Oui, malheureux, tu l'es. Déjà ton partage et ton espoir sont l'enfer. Écoutez cet impie, il s'écrie avec cette bouche souillée de tant de sacrilèges, de tant de blasphèmes contre Dieu, sa religion et ses ministres : « Ah ! s'écrie-t-il, Jésus-Christ, fils de Dieu, qui êtes mort pour tous les pécheurs sans distinction ; ayez pitié de moi ! » Mais, hélas ! presque un siècle d'impiété a lassé la patience de Dieu, qui l'a déjà réprouvé ; il n'est plus qu'une victime que la colère de Dieu engraisse pour les flammes éternelles. Les prêtres, qu'il avait tant méprisés ; mais que, dans ce moment, il désire tant, n'y sont pas. Le voilà qui entre dans les convulsions et les horreurs du désespoir : les yeux égarés, blême et tremblant d'effroi, il s'agite, il se tourmente, il semble vouloir se venger de ces anciens blasphèmes dont sa bouche avait été si souvent souillée. Ses compagnons d'impiété craignant, qu'on lui apportât les Sacrements, ce qui aurait semblé les déshonorer, l'emportent dans une maison de campagne et là, abandonné à son désespoir…
Eh bien ! moi, M.F., je vous dirai que toutes ces morts ne sont point mauvaises, : pourvu qu'une personne ait bien vécu, qu'elle meure à la fleur de son âge, sa mort ne laissera pas d'être précieuse aux yeux du Seigneur. Nous avons tant de saints qui sont morts à la fleur de leur âge. Ce n'est pas non plus une mauvaise mort, que de mourir de la main des bourreaux : tous les martyrs sont morts de la main des bourreaux. Mourir d'une mort subite n'est pas encore une mauvaise mort, pourvu que l'on soit prêt ; nous avons tant de saints qui sont morts de la sorte. Saint Siméon fut tué par un coup de foudre sur sa colonne ; saint François de Sales mourut d'apoplexie. Enfin mourir de la peste n'est pas encore une mort funeste : saint Roch, saint François Xavier en sont morts. Mais ce qui rend la mort du pécheur malheureuse, c'est le péché. Ah ! c'est ce maudit péché qui le déchire et le dévore dans ce moment épouvantable. Hélas ! de quelque côté que ce pauvre malheureux tourne ses regards, il ne voit que péché, il ne voit que grâces méprisées. Et, hélas ! s'il lève les yeux au ciel, il ne voit qu'un Dieu en colère, armé de toute la fureur de sa justice qui est prête à lui fondre dessus. S'il tourne ses regards en bas, hélas ! il n'aperçoit que l'enfer et ses fureurs, qui ouvre déjà la gueule pour le recevoir. Hélas ! ce pauvre pécheur n'a pas voulu reconnaître la justice de Dieu pendant sa vie ; dans ce moment, non seulement il la voit, mais il la sent déjà s'appesantir sur lui. Pendant sa vie, il a toujours tâché de cacher ses péchés, ou du moins, de les diminuer ; mais dans ce moment, tout lui est représenté au grand jour. Hélas ! il voit ce qu'il aurait dû voir, ce qu'il n'a pas voulu voir ; il voudrait pleurer ses péchés, mais il n'est plus temps. Il a méprisé le bon Dieu pendant sa vie, Dieu à son tour le méprise et l'abandonne à son désespoir.
Écoutez, pécheurs endurcis, qui vous roulez avez tant de plaisir dans le limon de vos ordures, sans avoir même la pensée d'en sortir,. qui peut-être n'y penserez que quand le bon Dieu vous aura abandonnés, comme il est arrivé à tant d'autres moins coupables que vous. Oui, nous dit le Saint-Esprit, les pécheurs, dans leurs « derniers moments, grinceront des dents, seront saisis d'une frayeur épouvantable, dans la seule pensée de leurs crimes ; » leurs iniquités se soulèveront contre eux, et les accuseront. Hélas ! s'écrieront-ils dans ce moment malheureux, hélas ! « à quoi nous ont servi cet orgueil, cette vaine ostentation, et tous ces plaisirs que nous avons goûtés dans le péché ? Tout est passé, et nous n'avons à notre suite aucune trace de vertu, et nous avons été convaincus par notre malice . »
C'est précisément ce qui arriva au malheureux Antiochus, qui, étant tombé de son chariot, se fracassa tout le corps. Il ressentait une si grande douleur d'entrailles, qu'il lui semblait qu'on les lui arrachait ; les vers le rongeaient tout en vie, son corps était puant comme une charogne. Alors il commença à ouvrir les yeux : c'est ce que font les pécheurs, mais trop tard. « Ah ! s'écriait-il, je reconnais que ce sont les maux que j'ai faits à Jérusalem qui me tourmentent et me rongent le cœur. » Son corps était dévoré par des douleurs affreuses, et son esprit par une tristesse inconcevable. Il fit venir ses amis, croyant trouver près d'eux quelques consolations, mais non, abandonné de Dieu qui fait la consolation, il n'en pouvait pas avoir d'autres. « Hélas ! mes amis, leur disait-il, je suis tombé dans une terrible affliction, le sommeil m'a quitté, je ne saurais reposer un seul instant ; mon cœur est percé de douleur. Hélas ! dans quel état de tristesse et d'angoisse suis-je réduit ! il faut donc que je meure de tristesse, et encore, dans un pays étranger ! Ah ! Seigneur, pardonnez-moi ! Je réparerai tout le mal que j'ai fait ; je rendrai tout ce que j'ai pris dans le temple de Jérusalem ; je ferai de grands présents, à ce temple ; je me ferai juif, j'observerai la loi de Moïse, j'irai partout publier la toute-puissance de Dieu. Ah ! Seigneur, faites-moi, s'il vous plaît, miséricorde ! » Mais sa maladie augmente, et le bon Dieu, qu'il a tant méprisé pendant sa vie, n'a plus d'oreilles pour l'entendre ; il faut qu'il meure, et qu'il meure dans son péché . C'était un orgueilleux, un blasphémateur ; et ; malgré ses instantes prières, il ne fut pas écouté, il lui fallut tomber en enfer.
Triste, mais juste punition des pécheurs qui, après avoir méprisé toutes les grâces que le bon Dieu leur a accordées pendant leur vie, ne trouvent plus de grâce, quand ils voudraient en profiter. Hélas ! que le nombres de ceux qui meurent de cette manière est grand aux yeux de Dieu ! Hélas ! qu'il y en a, de ces aveugles, dans le monde, qui n'ouvrent les yeux que dans le moment où il n'y a plus de remèdes à leurs maux !
Oui, M. F., oui, vie de péchés, et mort de réprouvés ; Vous êtes dans le péché, vous ne voulez pas en sortir ? – Non, me direz-vous. – Eh bien ! mon ami ; vous y périrez : vous allez le voir dans la mort de Voltaire, ce fameux impie. Écoutez bien, et vous verrez que, si l'on méprise toujours le bon Dieu, et que, si le bon Dieu nous attend pendant notre vie, souvent, par un juste jugement, il nous abandonne à la mort, lorsque nous voulons revenir à lui. Vivre dans le péché, en pensant que nous en sortirons un jour, c'est un piège du démon qui vous perdra, comme il en a tant perdu d'autres. Voltaire, se voyant malade, commença à réfléchir sur l'état d'un pécheur qui meurt avec la conscience chargée de péchés. I1 veut rentrer en lui-même, et essayer si le bon Dieu voudra bien lui pardonner tous les péchés de sa vie, qui sont en grand nombre. Il compte sur la miséricorde de Dieu qui est infinie ; et, dans ces belles pensées, il fait venir un de ces prêtres qu'il avait tant outragés et tant calomniés dans ses écrits. Déjà, par la pensée, il se met à ses genoux et lui fait l'aveu de ses fautes, et dépose entre ses mains la rétractation de ses impiétés et de ses scandales. Il se flattait déjà d'achever le grand ouvrage de sa réconciliation ; mais il se trompait grandement ; le bon Dieu l'avait abandonné : vous allez le voir. La mort devance les derniers secours. Hélas ! ce pauvre impie sent renaître en lui toutes ses frayeurs. Il s'écrie : « Hélas ! suis-je donc abandonné de Dieu et des hommes ? » Oui, malheureux, tu l'es. Déjà ton partage et ton espoir sont l'enfer. Écoutez cet impie, il s'écrie avec cette bouche souillée de tant de sacrilèges, de tant de blasphèmes contre Dieu, sa religion et ses ministres : « Ah ! s'écrie-t-il, Jésus-Christ, fils de Dieu, qui êtes mort pour tous les pécheurs sans distinction ; ayez pitié de moi ! » Mais, hélas ! presque un siècle d'impiété a lassé la patience de Dieu, qui l'a déjà réprouvé ; il n'est plus qu'une victime que la colère de Dieu engraisse pour les flammes éternelles. Les prêtres, qu'il avait tant méprisés ; mais que, dans ce moment, il désire tant, n'y sont pas. Le voilà qui entre dans les convulsions et les horreurs du désespoir : les yeux égarés, blême et tremblant d'effroi, il s'agite, il se tourmente, il semble vouloir se venger de ces anciens blasphèmes dont sa bouche avait été si souvent souillée. Ses compagnons d'impiété craignant, qu'on lui apportât les Sacrements, ce qui aurait semblé les déshonorer, l'emportent dans une maison de campagne et là, abandonné à son désespoir…
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
4ème DIMANCHE DE CARÊME
Délai de la Conversion
Ego vado et quæretis me, et in peccato vestro moriemini.
Je m'en vais, vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché.
(S. Jean, VIII, 21.)
Oui, M.F., c'est une grande misère, une humiliation profonde pour nous, d'avoir été conçus dans le péché originel, parce que nous venons au monde enfants de malédiction ; c'est sans doute une autre plus grande misère de vivre dans le péché ; mais d'y mourir, c'est le comble de tous les malheurs. Il est vrai, M.F., que nous n'avons pas pu éviter le premier péché qui est celui d'Adam ; mais nous pouvons facilement éviter celui où nous tombons si volontairement, et après y être tombés, nous pouvons nous en retirer avec la grâce du bon Dieu. Hélas ! pouvons-nous bien rester dans un état qui nous expose à tant de malheurs pour l'éternité ! Qui de nous, M.F., ne tremblerait en entendant Jésus-Christ nous dire qu'un jour le pécheur le cherchera, mais qu'il ne le trouvera pas, et qu'il mourra dans son péché ? Je vous laisse à penser dans quels état repose une personne qui vit tranquille dans le péché, la mort étant si certaine et le moment si incertain. Le Saint-Esprit a donc bien raison de nous dire que les pécheurs se sont égarés dans toutes leurs démarches, que leurs cœurs se sont aveuglés, que leurs esprits se sont couverts de ténèbres les plus épaisses, et que leur malice a fini par les tromper et les perdre. Ils ont remis leur retour au Seigneur dans un temps qui ne leur sera point accordé, ils ont espéré faire une bonne mort, en vivant dans le péché ; mais ils se sont trompés, car leur mort sera très mauvaise aux yeux du Seigneur. Voilà précisément, M.F., la conduite de la plupart des chrétiens de nos jours, qui, en vivant dans le péché, espèrent toujours faire une bonne mort, dans la pensée qu'ils quitteront le péché, qu'ils en feront pénitence, et qu'ils répareront avant d'être jugés, les péchés qu'ils ont faits. Mais le démon les a trompés, ils ne sortiront du péché que pour être précipités en enfer.
Pour mieux vous faire comprendre, l'aveuglement du pécheur, je vais vous montrer : 1? que plus nous retardons de sortir du péché et de revenir au bon Dieu, plus nous nous mettons en danger d'y périr, parce que si vous en voulez savoir la raison, plus nos mauvaises habitudes sont difficiles à rompre ; 2? à chaque grâce que nous méprisons, le bon Dieu s'éloigne de nous, nous devenons plus faibles et le démon prend plus d'empire sur nous. De là je conclus que plus nous restons dans le péché, plus nous nous mettons en danger de ne jamais nous convertir.
Délai de la Conversion
Ego vado et quæretis me, et in peccato vestro moriemini.
Je m'en vais, vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché.
(S. Jean, VIII, 21.)
Oui, M.F., c'est une grande misère, une humiliation profonde pour nous, d'avoir été conçus dans le péché originel, parce que nous venons au monde enfants de malédiction ; c'est sans doute une autre plus grande misère de vivre dans le péché ; mais d'y mourir, c'est le comble de tous les malheurs. Il est vrai, M.F., que nous n'avons pas pu éviter le premier péché qui est celui d'Adam ; mais nous pouvons facilement éviter celui où nous tombons si volontairement, et après y être tombés, nous pouvons nous en retirer avec la grâce du bon Dieu. Hélas ! pouvons-nous bien rester dans un état qui nous expose à tant de malheurs pour l'éternité ! Qui de nous, M.F., ne tremblerait en entendant Jésus-Christ nous dire qu'un jour le pécheur le cherchera, mais qu'il ne le trouvera pas, et qu'il mourra dans son péché ? Je vous laisse à penser dans quels état repose une personne qui vit tranquille dans le péché, la mort étant si certaine et le moment si incertain. Le Saint-Esprit a donc bien raison de nous dire que les pécheurs se sont égarés dans toutes leurs démarches, que leurs cœurs se sont aveuglés, que leurs esprits se sont couverts de ténèbres les plus épaisses, et que leur malice a fini par les tromper et les perdre. Ils ont remis leur retour au Seigneur dans un temps qui ne leur sera point accordé, ils ont espéré faire une bonne mort, en vivant dans le péché ; mais ils se sont trompés, car leur mort sera très mauvaise aux yeux du Seigneur. Voilà précisément, M.F., la conduite de la plupart des chrétiens de nos jours, qui, en vivant dans le péché, espèrent toujours faire une bonne mort, dans la pensée qu'ils quitteront le péché, qu'ils en feront pénitence, et qu'ils répareront avant d'être jugés, les péchés qu'ils ont faits. Mais le démon les a trompés, ils ne sortiront du péché que pour être précipités en enfer.
Pour mieux vous faire comprendre, l'aveuglement du pécheur, je vais vous montrer : 1? que plus nous retardons de sortir du péché et de revenir au bon Dieu, plus nous nous mettons en danger d'y périr, parce que si vous en voulez savoir la raison, plus nos mauvaises habitudes sont difficiles à rompre ; 2? à chaque grâce que nous méprisons, le bon Dieu s'éloigne de nous, nous devenons plus faibles et le démon prend plus d'empire sur nous. De là je conclus que plus nous restons dans le péché, plus nous nous mettons en danger de ne jamais nous convertir.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. – Moi, M.F., parler de la mort malheureuse d'un pécheur qui meurt dans le péché à des chrétiens qui ont déjà tant de fois senti le bonheur d'aimer un Dieu si bon, qui connaissent par les lumières de la foi la grandeur des biens que Jésus-Christ prépare à ceux qui conserveront leur âme exempte du péché ! Ce langage ne conviendrait qu'à des païens qui ne connaissent ni Dieu, ni les récompenses qu'il promet à ses enfants. O mon Dieu ! que l'homme est aveugle de perdre tant de biens et de s'attirer tant de maux en restant dans le péché ! Si je demandais à un enfant : « Pourquoi est-ce que le bon Dieu vous a créé et conservé jusqu'à présent ? » il me répondrait : « Pour le connaître, l'aimer, le servir et par ce moyen acquérir la vie éternelle. » Mais si je lui disais : . « Pourquoi est-ce que les chrétiens ne font pas ce qu'ils doivent pour mériter le ciel ? » « C'est, me dirait-il, parce qu'ils ont perdu de vue les biens du ciel et qu'ils croient trouver leur bonheur dans les choses créées. » Le démon les a trompés et les trompera encore ; ils vivent dans l'aveuglement et ils y périront, quoiqu'ils aient l'espérance qu'un jour ils sortiront du péché. Dites-moi, M.F., ne voyons-nous pas tous les jours des personnes qui vivent dans le péché, qui méprisent toutes les grâces que le bon Dieu leur envoie : bonnes pensées, bons désirs, remords de conscience, bons exemples, parole de Dieu ? Toujours dans l'espérance que le bon Dieu les recevra quand elles voudront revenir, ces personnes aveugles ne font pas attention que, pendant ce temps-là, le démon leur réserve une place en enfer. O aveuglement ! que tu en as jetés en enfer, et que tu en jetteras jusqu'à la fin du monde ! En deuxième lieu, je dis que cette considération doit faire trembler un pécheur qui vit dans le péché, quoique avec l'espérance d'en sortir. D'abord, M.F., vous n'êtes pas si peu instruits, pour ne pas savoir qu'un seul péché mortel, si nous venons à mourir sans nous en être confessé, sans en avoir obtenu notre pardon, fait que nous sommes perdus pour jamais.
En troisième lieu, nous savons très bien que Jésus-Christ nous dit de nous tenir toujours prêts ; qu'il nous fera sortir de ce monde dans le moment où nous y penserons le moins ; et que si nous ne quittons pas le péché avant qu'il nous quitte, il nous punira sans miséricorde. O mon Dieu ! peut-on bien vivre dans un état qui nous expose à chaque instant à tomber dans les abîmes ! Si cela, M.F., n'est pas capable de vous toucher, écoutez-moi un moment, ou plutôt ouvrez l'Évangile, et vous verrez si vous pouvez vivre tranquilles dans le péché comme vous le faites.
Oui, M.F., tout annonce que si vous ne sortez pas promptement du péché, vous périrez : les oracles, les menaces, les comparaisons, les figures, les paraboles, : les exemples, tout cela vous dit que, ou vous ne pourrez plus vous convertir, ou vous ne voudrez pas. Écoutez Jésus-Christ lui-même qui dit au pécheur : « Marchez pendant que la lumière de la foi brille devant vous , » crainte qu'en méprisant ce guide, vous ne vous égariez pour jamais. Dans un autre endroit , il nous dit : « Veillez et veillez sans cesse, » parce que l'ennemi de notre salut ne travaille qu'à votre perte. Et priez, priez sans cesse pour attirer sur vous les secours du Ciel, parce que vos ennemis sont très adroits et très puissants. Pourquoi tant avoir, dit-il, tant vivre occupés des choses temporelles et de vos plaisirs, puisque, dans quelques instants, vous aurez tout abandonné. Non, M.F., rien de plus effrayant que la menace que Jésus-Christ fait aux pécheurs en leur disant que s'ils ne veulent revenir à Lui quand il leur offre sa grâce, un jour viendra qu'ils le chercheront et qu'ils lui demanderont miséricorde ; mais, qu'à son tour il les méprisera ; et, dans la crainte de se laisser toucher par leurs prières et leurs larmes, il se bouchera les oreilles et s'enfuira d'eux. O mon Dieu ! quel malheur d'être abandonné de vous ! Oh ! M.F., pouvons-nous bien penser à cela sans mourir de douleur ! Oui., M : F., si vous êtes insensibles à cette parole, vous êtes déjà perdus. Ah ! pauvre âme, pleure d'avance les tourments qu'on te prépare pour l'autre vie !
Allons plus loin, M.F., écoutons Jésus-Christ lui-même et nous verrons, si nous sommes en sûreté en restant dans le péché. Oui, nous dit-il, je viendrai comme un voleur de nuit, qui tâche de surprendre le maître de la maison, dans le moment où il est le plus endormi ; de même, nous dit-il, la mort viendra trancher le fil de la vie criminelle du pécheur dans le moment même que sa conscience sera chargée de crimes, et qu'elle aura pris la plus belle résolution de les quitter sans l'avoir fait. Dans un autre endroit, il nous dit que notre vie passe « avec autant de rapidité qu'un éclair qui se lance de l'Orient à l'Occident ; » de même nous voyons aujourd'hui le pécheur plein de vie et de santé, la tête remplie de mille projets, et demain les larmes de ses gens annonceront qu'il n'est plus de ce monde, qu'il en est sorti sans savoir pourquoi il y était, ni pour quelle fin. Cet insensé a vécu aveugle, et il est mort comme il a vécu. Jésus-Christ nous dit encore que la mort est l'écho de la vie, pour nous montrer que celui qui vit dans le péché est presque sûr d'y mourir, à moins d'un miracle de la grâce. Cela est si vrai que nous lisons dans l'histoire qu'un homme avait fait de son argent son dieu ; quand il fut bien malade, il fit apporter un plein tiroir d'or pour avoir le plaisir de le compter, et quand il n'eut plus la force de le compter, il mit sa main dessous jusqu'à ce qu'il mourut. Un autre, à qui son confesseur présenta un crucifix pour le porter à la contrition de ses péchés, se mit à dire : « Si ce Christ était en or, il vaudrait bien tant... » Ah ! non, M.F., le cœur du pécheur ne quitte pas le péché si facilement qu'on le croit bien. « Vie de pécheur, mort de réprouvé. »
Que veut nous dire Jésus-Christ, M.F., par cette parabole des vierges sages et des vierges folles, dont les unes furent si bien reçues parce qu'elles entrèrent avec l'époux, tandis que les autres trouvèrent la porte fermée ? C'est qu'il voulait nous montrer la conduite des gens du monde : les vierges sages nous représentent les bons chrétiens qui se tiennent toujours prêts à paraître devant le bon Dieu, dans quelque temps qu'il les appelle ; les vierges folles sont la figure des mauvais chrétiens, qui croient qu'ils auront toujours le temps de se préparer et de se convertir, de sortir du péché et de faire de bonnes œuvres. Ainsi passent-ils leur vie, la mort arrive ; mais ils n'ont rien que de mauvais et rien de bon : La mort les frappe, Jésus-Christ les appelle à son tribunal pour leur faire rendre compte de leur vie ; ils voudraient bien mettre ordre à leur conscience, ils se tourmentent, ils voudraient bien quitter le péché ; mais, hélas ! ils n'ont ni le temps, ni la force, et peut-être même la grâce qu'il faudrait. Quand ils demandent à Dieu d'avoir pitié d'eux, de leur faire miséricorde ; il leur répond qu'il ne les connaît pas, leur ferme la porte : c'est-à-dire, les jette en enfer. Voilà, M.F., le sort d'un grand nombre de pécheurs qui vivent si tranquilles dans le péché. Ah ! pauvre âme, que tu es malheureuse d'habiter dans ce corps qui te traîne avec tant de fureur en enfer. Ah ! mon ami, pourquoi veux-tu perdre cette pauvre âme ?… Quel mal t'a-t-elle fait pour la condamner à tant de malheurs !... O mon Dieu, que l'homme est aveugle !...
En second lieu, je dis que nous trouvons dans la conduite d'Ésaü le véritable portrait d'un homme qui se perd en vendant son bien pour un plat de lentilles. Pendant quelque temps, Ésaü « vécut dans la plus grande insensibilité de sa perte , » il ne pensait qu'à se divertir et à se livrer à ses plaisirs ; cependant le moment arrive où il se rappelle la faute qu'il a faite, il rentre en lui-même ; mais, plus il réfléchit, plus il découvre la grandeur de son aveuglement. Tout désolé de son malheur, il voit aussi s'il pourra le réparer, il emploie les prières, les larmes et les sanglots pour tâcher de toucher le cœur de son père ; mais trop tard : le père a donné sa bénédiction à un autre, ses prières sont méprisées et ses sollicitations ne sont point écoutées. Il a beau se tourmenter ; il faut se rendre à rester dans sa misère et y périr. Voilà, M.F., précisément ce qui arrive tous les jours au pécheur : il vend son Dieu et son âme, et la place qu'il a dans le ciel, pour moins qu'un plat de lentilles, c'est-à-dire, pour un plaisir d'un moment, pour une pensée de haine, de vengeance, pour un regard ou attouchement déshonnête sur soi ou sur d'autres, pour une poignée de terre ou pour un verre de vin. Ah ! belle âme, que l'on te donne pour bien peu de chose ! En effet, nous voyons que ces pécheurs vivent pendant quelque temps aussi tranquilles, aussi en paix, du moins en apparence, que si, toute leur vie, ils n'avaient fait que de bonnes œuvres. Les uns pensent à leurs plaisirs, les autres aux biens de ce monde ; mais, semblables à Ésaü, le moment arrive où ils reconnaissent leur faute, ils voudraient pouvoir la réparer, mais trop tard. Ils en versent des larmes, ils en gémissent, ils conjurent le Seigneur de leur rendre les biens qu'ils ont vendus, c'est-à-dire le ciel ; mais le Seigneur leur fait comme le père d'Ésaü, il leur dit qu'il a donné leur place à un autre. Hélas ! ce pauvre pécheur a beau crier et demander miséricorde, il faut se rendre à rester dans sa misère et tomber en enfer. O mon Dieu ! que la mort du pécheur est malheureuse aux yeux du Seigneur !
Hélas ! combien en est-il qui font comme le malheureux Sisara, qu'une femme perfide endormit, en lui faisant boire un peu de lait, et pendant ce temps-là, elle lui ôta la vie, sans qu'il eût le loisir de pleurer son aveuglement de s'être confié à cette perfide . De même, combien de pécheurs que la mort enlève promptement ; sans leur donner le temps de pleurer leur aveuglement d'avoir resté dans le péché. Combien d'autres qui font comme l'impie Antiochus, qui reconnaissent leurs crimes, les pleurent et crient miséricorde sans pouvoir rien obtenir, et descendent en enfer en demandant miséricorde. Voilà cependant, M.F., la fin de bien des pécheurs. Sans doute, M.F., pas un de nous ne voudrait faire une mort malheureuse, et nous avons bien raison ; mais ce qui me désole, c'est que vous viviez dans le péché, que vous vous exposiez si grandement à y périr. Ce n'est pas seulement moi qui vous le dis, mais Jésus-Christ lui-même qui vous l'assure.
N'est-ce pas, mon ami, que vous pensez : laissons dire le prêtre, allons notre train ordinaire. – Savez-vous, mon ami, ce qu'il vous arrivera en laissant dire le prêtre ? – Et que voulez-vous qui nous arrive ? – Mon ami, le voici, c'est que vous serez damné. – Mais j'espère que non, pensez-vous ; il y a bien le temps pour tout.
Mon ami, nous pouvons bien avoir le temps de pleurer et de souffrir, mais non pas de nous convertir ; et pour vous le prouver, je vais vous citer un exemple effrayant. Il est rapporté dans l'histoire qu'un homme du monde, qui avait longtemps vécu dans le plus grand désordre, s'étant converti, il persévéra pendant quelque temps ; mais retomba et ne pensait plus à revenir au bon Dieu. Ses amis ne cessaient de prier pour lui ; mais il méprisait tout ce qu'on lui disait. Pendant ce temps-là, on annonça une retraite qui devait se donner bientôt. L'on crut la circonstance favorable pour engager ce pécheur à profiter de l'occasion que le bon Dieu lui donnait pour rentrer dans le chemin du salut. Après bien des prières et instances de la part de ses amis, et bien des résistances et des refus de la sienne, il consentit, et donna sa parole qu'il se rendrait à la retraite avec les autres. Mais, hélas ! M.F., qu'arriva-t-il ? Oh !jugements de Dieu, que vous êtes impénétrables et redoutables ! Le matin même où on l'attendait, où l'on devait commencer la retraite, l'on annonça que cet homme avait été trouvé mort dans sa maison, sans connaissance, sans secours et sans sacrements. Comprendrons-nous une fois, M.F., ce que c'est que de rester dans le péché, dans l'espérance que nous en sortirons un jour ?
En troisième lieu, nous savons très bien que Jésus-Christ nous dit de nous tenir toujours prêts ; qu'il nous fera sortir de ce monde dans le moment où nous y penserons le moins ; et que si nous ne quittons pas le péché avant qu'il nous quitte, il nous punira sans miséricorde. O mon Dieu ! peut-on bien vivre dans un état qui nous expose à chaque instant à tomber dans les abîmes ! Si cela, M.F., n'est pas capable de vous toucher, écoutez-moi un moment, ou plutôt ouvrez l'Évangile, et vous verrez si vous pouvez vivre tranquilles dans le péché comme vous le faites.
Oui, M.F., tout annonce que si vous ne sortez pas promptement du péché, vous périrez : les oracles, les menaces, les comparaisons, les figures, les paraboles, : les exemples, tout cela vous dit que, ou vous ne pourrez plus vous convertir, ou vous ne voudrez pas. Écoutez Jésus-Christ lui-même qui dit au pécheur : « Marchez pendant que la lumière de la foi brille devant vous , » crainte qu'en méprisant ce guide, vous ne vous égariez pour jamais. Dans un autre endroit , il nous dit : « Veillez et veillez sans cesse, » parce que l'ennemi de notre salut ne travaille qu'à votre perte. Et priez, priez sans cesse pour attirer sur vous les secours du Ciel, parce que vos ennemis sont très adroits et très puissants. Pourquoi tant avoir, dit-il, tant vivre occupés des choses temporelles et de vos plaisirs, puisque, dans quelques instants, vous aurez tout abandonné. Non, M.F., rien de plus effrayant que la menace que Jésus-Christ fait aux pécheurs en leur disant que s'ils ne veulent revenir à Lui quand il leur offre sa grâce, un jour viendra qu'ils le chercheront et qu'ils lui demanderont miséricorde ; mais, qu'à son tour il les méprisera ; et, dans la crainte de se laisser toucher par leurs prières et leurs larmes, il se bouchera les oreilles et s'enfuira d'eux. O mon Dieu ! quel malheur d'être abandonné de vous ! Oh ! M.F., pouvons-nous bien penser à cela sans mourir de douleur ! Oui., M : F., si vous êtes insensibles à cette parole, vous êtes déjà perdus. Ah ! pauvre âme, pleure d'avance les tourments qu'on te prépare pour l'autre vie !
Allons plus loin, M.F., écoutons Jésus-Christ lui-même et nous verrons, si nous sommes en sûreté en restant dans le péché. Oui, nous dit-il, je viendrai comme un voleur de nuit, qui tâche de surprendre le maître de la maison, dans le moment où il est le plus endormi ; de même, nous dit-il, la mort viendra trancher le fil de la vie criminelle du pécheur dans le moment même que sa conscience sera chargée de crimes, et qu'elle aura pris la plus belle résolution de les quitter sans l'avoir fait. Dans un autre endroit, il nous dit que notre vie passe « avec autant de rapidité qu'un éclair qui se lance de l'Orient à l'Occident ; » de même nous voyons aujourd'hui le pécheur plein de vie et de santé, la tête remplie de mille projets, et demain les larmes de ses gens annonceront qu'il n'est plus de ce monde, qu'il en est sorti sans savoir pourquoi il y était, ni pour quelle fin. Cet insensé a vécu aveugle, et il est mort comme il a vécu. Jésus-Christ nous dit encore que la mort est l'écho de la vie, pour nous montrer que celui qui vit dans le péché est presque sûr d'y mourir, à moins d'un miracle de la grâce. Cela est si vrai que nous lisons dans l'histoire qu'un homme avait fait de son argent son dieu ; quand il fut bien malade, il fit apporter un plein tiroir d'or pour avoir le plaisir de le compter, et quand il n'eut plus la force de le compter, il mit sa main dessous jusqu'à ce qu'il mourut. Un autre, à qui son confesseur présenta un crucifix pour le porter à la contrition de ses péchés, se mit à dire : « Si ce Christ était en or, il vaudrait bien tant... » Ah ! non, M.F., le cœur du pécheur ne quitte pas le péché si facilement qu'on le croit bien. « Vie de pécheur, mort de réprouvé. »
Que veut nous dire Jésus-Christ, M.F., par cette parabole des vierges sages et des vierges folles, dont les unes furent si bien reçues parce qu'elles entrèrent avec l'époux, tandis que les autres trouvèrent la porte fermée ? C'est qu'il voulait nous montrer la conduite des gens du monde : les vierges sages nous représentent les bons chrétiens qui se tiennent toujours prêts à paraître devant le bon Dieu, dans quelque temps qu'il les appelle ; les vierges folles sont la figure des mauvais chrétiens, qui croient qu'ils auront toujours le temps de se préparer et de se convertir, de sortir du péché et de faire de bonnes œuvres. Ainsi passent-ils leur vie, la mort arrive ; mais ils n'ont rien que de mauvais et rien de bon : La mort les frappe, Jésus-Christ les appelle à son tribunal pour leur faire rendre compte de leur vie ; ils voudraient bien mettre ordre à leur conscience, ils se tourmentent, ils voudraient bien quitter le péché ; mais, hélas ! ils n'ont ni le temps, ni la force, et peut-être même la grâce qu'il faudrait. Quand ils demandent à Dieu d'avoir pitié d'eux, de leur faire miséricorde ; il leur répond qu'il ne les connaît pas, leur ferme la porte : c'est-à-dire, les jette en enfer. Voilà, M.F., le sort d'un grand nombre de pécheurs qui vivent si tranquilles dans le péché. Ah ! pauvre âme, que tu es malheureuse d'habiter dans ce corps qui te traîne avec tant de fureur en enfer. Ah ! mon ami, pourquoi veux-tu perdre cette pauvre âme ?… Quel mal t'a-t-elle fait pour la condamner à tant de malheurs !... O mon Dieu, que l'homme est aveugle !...
En second lieu, je dis que nous trouvons dans la conduite d'Ésaü le véritable portrait d'un homme qui se perd en vendant son bien pour un plat de lentilles. Pendant quelque temps, Ésaü « vécut dans la plus grande insensibilité de sa perte , » il ne pensait qu'à se divertir et à se livrer à ses plaisirs ; cependant le moment arrive où il se rappelle la faute qu'il a faite, il rentre en lui-même ; mais, plus il réfléchit, plus il découvre la grandeur de son aveuglement. Tout désolé de son malheur, il voit aussi s'il pourra le réparer, il emploie les prières, les larmes et les sanglots pour tâcher de toucher le cœur de son père ; mais trop tard : le père a donné sa bénédiction à un autre, ses prières sont méprisées et ses sollicitations ne sont point écoutées. Il a beau se tourmenter ; il faut se rendre à rester dans sa misère et y périr. Voilà, M.F., précisément ce qui arrive tous les jours au pécheur : il vend son Dieu et son âme, et la place qu'il a dans le ciel, pour moins qu'un plat de lentilles, c'est-à-dire, pour un plaisir d'un moment, pour une pensée de haine, de vengeance, pour un regard ou attouchement déshonnête sur soi ou sur d'autres, pour une poignée de terre ou pour un verre de vin. Ah ! belle âme, que l'on te donne pour bien peu de chose ! En effet, nous voyons que ces pécheurs vivent pendant quelque temps aussi tranquilles, aussi en paix, du moins en apparence, que si, toute leur vie, ils n'avaient fait que de bonnes œuvres. Les uns pensent à leurs plaisirs, les autres aux biens de ce monde ; mais, semblables à Ésaü, le moment arrive où ils reconnaissent leur faute, ils voudraient pouvoir la réparer, mais trop tard. Ils en versent des larmes, ils en gémissent, ils conjurent le Seigneur de leur rendre les biens qu'ils ont vendus, c'est-à-dire le ciel ; mais le Seigneur leur fait comme le père d'Ésaü, il leur dit qu'il a donné leur place à un autre. Hélas ! ce pauvre pécheur a beau crier et demander miséricorde, il faut se rendre à rester dans sa misère et tomber en enfer. O mon Dieu ! que la mort du pécheur est malheureuse aux yeux du Seigneur !
Hélas ! combien en est-il qui font comme le malheureux Sisara, qu'une femme perfide endormit, en lui faisant boire un peu de lait, et pendant ce temps-là, elle lui ôta la vie, sans qu'il eût le loisir de pleurer son aveuglement de s'être confié à cette perfide . De même, combien de pécheurs que la mort enlève promptement ; sans leur donner le temps de pleurer leur aveuglement d'avoir resté dans le péché. Combien d'autres qui font comme l'impie Antiochus, qui reconnaissent leurs crimes, les pleurent et crient miséricorde sans pouvoir rien obtenir, et descendent en enfer en demandant miséricorde. Voilà cependant, M.F., la fin de bien des pécheurs. Sans doute, M.F., pas un de nous ne voudrait faire une mort malheureuse, et nous avons bien raison ; mais ce qui me désole, c'est que vous viviez dans le péché, que vous vous exposiez si grandement à y périr. Ce n'est pas seulement moi qui vous le dis, mais Jésus-Christ lui-même qui vous l'assure.
N'est-ce pas, mon ami, que vous pensez : laissons dire le prêtre, allons notre train ordinaire. – Savez-vous, mon ami, ce qu'il vous arrivera en laissant dire le prêtre ? – Et que voulez-vous qui nous arrive ? – Mon ami, le voici, c'est que vous serez damné. – Mais j'espère que non, pensez-vous ; il y a bien le temps pour tout.
Mon ami, nous pouvons bien avoir le temps de pleurer et de souffrir, mais non pas de nous convertir ; et pour vous le prouver, je vais vous citer un exemple effrayant. Il est rapporté dans l'histoire qu'un homme du monde, qui avait longtemps vécu dans le plus grand désordre, s'étant converti, il persévéra pendant quelque temps ; mais retomba et ne pensait plus à revenir au bon Dieu. Ses amis ne cessaient de prier pour lui ; mais il méprisait tout ce qu'on lui disait. Pendant ce temps-là, on annonça une retraite qui devait se donner bientôt. L'on crut la circonstance favorable pour engager ce pécheur à profiter de l'occasion que le bon Dieu lui donnait pour rentrer dans le chemin du salut. Après bien des prières et instances de la part de ses amis, et bien des résistances et des refus de la sienne, il consentit, et donna sa parole qu'il se rendrait à la retraite avec les autres. Mais, hélas ! M.F., qu'arriva-t-il ? Oh !jugements de Dieu, que vous êtes impénétrables et redoutables ! Le matin même où on l'attendait, où l'on devait commencer la retraite, l'on annonça que cet homme avait été trouvé mort dans sa maison, sans connaissance, sans secours et sans sacrements. Comprendrons-nous une fois, M.F., ce que c'est que de rester dans le péché, dans l'espérance que nous en sortirons un jour ?
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Hélas, M.F., nous abusons du temps quand nous l'avons, nous méprisons les grâces quand le bon Dieu nous les offre ; mais souvent le bon Dieu, pour nous punir, nous les ôte quand nous voudrions en profiter. Si nous ne pensons pas à présent à bien faire, quand nous le voudrons, peut-être nous ne le pourrons pas. N'est-ce pas que vous pensez qu'un jour vous vous confesserez, que vous quitterez le péché et que vous ferez pénitence ? – C'est bien mon intention. – C'est votre intention, mon ami, et moi je vais vous dire ce que vous ferez, et ce que vous serez. Vous êtes maintenant dans le péché, vous ne me direz pas non : eh bien ! après votre mort, vous serez un damné. – Et qu'en savez-vous ? pensez-vous en vous-même. – Si je ne le savais pas, je ne vous le dirais pas. D'ailleurs, je vais vous prouver qu'en vivant dans le péché, quoique avec l'espérance que vous en sortirez, vous ne le ferez pas, même quand vous le voudriez de tout votre cœur, et vous comprendrez ce que c'est que de mépriser le temps et les grâces que le bon Dieu nous présente pour le moment. Il est rapporté dans l'histoire, qu'un certain étranger passant par Donzenac, (cet étranger était Lorrain et libraire de profession), il s'adressa à un prêtre pour l'entendre en confession ; mais le prêtre le refusa, je ne sais pas pourquoi. De là, il va dans une ville qu'on appelait Brives. S'étant présenté devant le procureur du roi en lui disant : « Monsieur, je vous prie de me mettre en prison, parce que je me suis donné au démon il y a quelque temps, et j'ai toujours entendu dire qu'il n'a point de pouvoir sur ceux qui sont entre les mains de la justice. » – « Mon ami, lui répondit le procureur du roi, vous ne savez pas ce que c'est que d'être entre les mains de la justice ; quand on y est une fois l'on n'en sort pas comme l'on veut. » – « Il n'importe, monsieur ; mettez-moi en prison. »
Le procureur s'imagina que c'était un fou, et qu'en le mettant en prison, il s'exposerait à la raillerie du monde ; si même il s'amusait davantage à lui parler. Il vit en même temps passer à la rue un prêtre qu'il connaissait, qui était le confesseur des Ursulines ; il l'appela et lui dit : « Monsieur, s'il vous plaît, prenez soin de l'âme de cet homme. » – « Mon ami, lui dit-il, suivez ce bon prêtre et faites tout ce qu'il vous dira. » Ce prêtre lui ayant parlé, pensa, comme le procureur du roi, qu'il avait l'esprit démonté ; il le pria d'aller ailleurs, que pour lui il ne pouvait pas se charger de sa conduite. Ce pauvre malheureux, ne sachant plus que devenir, alla dans deux communautés pour demander un prêtre qui voulût bien avoir la charité de le confesser. Dans un endroit, on lui dit que les Pères s'étaient retirés, parce qu'ils devaient se lever à minuit ; et dans l'autre, on le fait parler à un Père qui le renvoya au lendemain. Mais ce pauvre misérable se mit à pleurer, en lui disant : « Oh ! mon Père, je suis perdu, si vous n'avez pas pitié de moi ; je me suis donné au diable, et mon temps vient cette nuit. » - » Allez, mon ami, lui dit le Père, recommandez-vous à la sainte Vierge ; » il lui donna un chapelet et le renvoya. Passant par la place et en pleurant de ce qu'il n'avait pas pu trouver un confesseur parmi tant de prêtres qu'il y avait dans ces deux communautés : comme il était sur la place, voyant plusieurs bourgeois qui s'entretenaient ensemble il leur demanda si un d'entre eux aurait la bonté de le loger ? Il y eut un boucher qui lui dit qu'il pouvait le suivre. L'ayant mené en sa maison, ce pauvre malheureux lui conta combien il était malheureux de s'être donné au démon, il croyait bien avoir le temps de se confesser et de quitter le péché et faire pénitence, mais que point de prêtre n'avait voulu le confesser. Le boucher trouva bien extraordinaire que ces prêtres eussent si peu de charité. « Hélas ! monsieur, je vois bien que c'est le bon Dieu qui l’a permis pour me punir du temps et des grâces que j'ai méprisés. » – « Mon ami, lui dit le boucher, il faut bien avoir recours au bon Dieu. » – « Hélas ! monsieur, je suis perdu ; c'est cette nuit que le démon doit me tuer et emporter mon âme. » Le boucher, selon toute apparence, ne s'était pas couché pour savoir si cet homme avait perdu l'esprit ou si cela était bien vrai. En effet, sur minuit, il entendit un bruit effroyable, des cris épouvantables comme deux personnes dont l'une étrangle l'autre. Comme le boucher courait, il vit que le démon traînait ce pauvre malheureux à la cour. Le boucher s'enfuit et se ferma dans sa maison ; et le lendemain on trouva cet homme pendu comme la moitié d'un mouton à un clou de la boucherie. Le démon lui avait coupé un morceau de son manteau, dont il l'avait étranglé et pendu. Le Père Lejeune, qui rapporte cela dans un de ses sermons, dit qu'il le tient de celui qui l'a vu pendu.
Voyez-vous, M.F., que souvent, en remettant notre conversion, nous nous exposons à ne jamais nous convertir. N'est-ce pas que quand vous étiez malade, vous avez bien fait venir un prêtre pour vous confesser, même avec une grande crainte de ne pas bien faire votre confession ? N'avez-vous pas dit vous-même, dans votre maladie, que l'on est bien aveugle d'attendre à la mort pour aimer le bon Dieu, et que, s'il vous rendait la santé, vous feriez bien mieux que vous n'aviez fait, vous seriez plus sage ? Mon ami, ou bien vous, ma sœur, si, le bon Dieu vous rend la santé..., pauvre enfant ! vous ne faites pas attention que votre repentir ne vient pas de Dieu, ni de la douleur de vos péchés, mais seulement de la crainte de l'enfer. Vous faites comme Antiochus, qui pleurait les châtiments que ses crimes lui attiraient ; son cœur n'était pas changé. Eh bien ! ma sœur, le bon Dieu vous a rendu la santé que vous lui aviez demandée avec tant d'ardeur, en lui promettant que vous feriez mieux. Dites-moi, après avoir recouvré la santé, en êtes-vous devenue plus sage ? Avez-vous moins offensé le bon Dieu ? Vous êtes-vous corrigée de quelque défaut ? Vous voit-on plus souvent fréquenter les sacrements ? Voulez-vous que je vous dise ce que vous êtes ? Le voici ; avant votre maladie vous vous confessiez encore de temps en temps ; depuis que le bon Dieu vous a rendu la santé, vous ne faites plus même vos pâques. Hélas ! combien parmi ceux qui m'écoutent sont de ce nombre ! Mais ne vous inquiétez pas, vous verrez qu'à la première maladie, le bon Dieu vous fera sortir de ce monde ; pour vous parler plus clairement, vous serez jetés en enfer. Vous voyez bien qu'en restant dans le péché, quoique avec votre belle espérance que vous en sortirez un jour, vous vous moquez du bon Dieu.
Tenez, M.F., voyez comme vous avez bonne grâce de croire que le bon Dieu vous pardonnera quand vous voudrez lui demander pardon. Je vais vous citer un exemple comme peut-être jamais exemple n'a été, plus conforme à notre sujet. Il est rapporté qu'il y avait un bourgeois qui était extrêmement bon. Il avait un domestique qui ne manquait presque point l'occasion de dire des injures à son maître ; son plaisir était de le faire quand il y avait bien du monde. Il lui vola plusieurs choses assez considérables, il finit par débaucher une de ses demoiselles ; après ce coup, il s'enfuit de la maison, crainte d'être pris par la justice. Au bout de quelque temps, il alla trouver un prêtre qu'il savait avoir un grand crédit auprès de ce monsieur. Le prêtre y va pour prier le bourgeois de vouloir bien pardonner les fautes de ce domestique. Ce gentilhomme eut tant de bonté, qu'il dit au prêtre : « Je ferai tout ce que vous voudrez ; mais je veux qu'il fasse au moins quelque satisfaction, autrement ce serait donner main-levée à tous les scélérats. » Le prêtre, plein de joie, va trouver le valet et lui, dit : « Votre maître a bien eu la charité de vous pardonner ; mais il veut quelque petite satisfaction, comme rien n'est si juste. » Le domestique lui dit : « Quelle est donc la satisfaction que mon maître veut, et dans quel temps ? » Le prêtre lui dit : « Dans sa maison, et à présent, à ses genoux et la tête nue. » « Ah ! mon maître veut bien tant d'honneur ! pour moi je ne veux que lui demander pardon ; il veut que ce soit dans sa maison, à genoux, la tête nue, et moi je veux le faire dans ma chambre et couché dans mon lit. Il le veut à présent, et moi je veux que ce ne soit que dans dix ans, lorsque je penserai et serai prêt à mourir. » Que pensez-vous, M.F., de ce valet, et qu'en dites-vous ? Quel conseil auriez-vous donné à ce gentilhomme ? Ne lui auriez-vous pas dit : « Monsieur, votre valet est un misérable, il mérite d'être jeté dans un cachot, et de n'en être tiré que pour être conduit au gibet. » Eh bien ! M.F., d'après cet exemple, voyez-vous la manière dont vous vous conduisez avec le bon Dieu ? N'est-ce pas le même langage que vous tenez au bon Dieu, quand vous dites que vous avez encore le temps, que rien ne presse, que vous n'êtes pas encore mort ? Hélas ! que de pauvres pécheurs qui sont aveuglés sur l'état de leur pauvre âme ; qui espèrent de faire ce qu'ils ne pourront plus faire quand ils croiront de le faire ! ...
Mais, allons plus loin, et nous verrons que plus vous différez de sortir du péché, plus vous vous mettez dans l'impossibilité d'en sortir. N'est-il pas vrai qu'il y a quelque temps, la parole de Dieu vous touchait, vous faisait faire quelques réflexions, et que, plusieurs fois, vous aviez résolu de quitter le péché et de vous donner au bon Dieu ? N'est-il pas vrai que la pensée du jugement de Dieu et de l'enfer vous a fait verser des larmes, et que, maintenant, tout cela ne vous touche plus, ne vous fait plus faire la moindre réflexion ? Pourquoi cela, M.F. ? Hélas ! c'est que votre cœur est endurci et que le bon Dieu vous abandonne, de sorte que plus vous restez dans le péché, plus le bon Dieu s'éloigne de vous, et plus vous devenez insensibles à votre perte. Ah ! si du moins vous étiez morts à votre première maladie, au moins vous ne seriez pas si profond en enfer ! Mais si je voulais revenir au bon Dieu à présent, le bon Dieu me recevrait bien encore ! – Mon ami, pour cela, je ne vous en dis rien. Si vous n'avez pas encore mis le comble au nombre des péchés que le bon Dieu a résolu de vous pardonner ; si vous n'avez pas encore achevé de mépriser les grâces que le bon Dieu vous avait destinées, vous le pouvez. Mais si la mesure des péchés et des grâces est pleine, tout est perdu pour vous ; vous aurez beau former toutes vos belles résolutions... D'ailleurs vous devez le voir par cet exemple épouvantable que nous venons de rapporter.
Ah ! mon Dieu, pouvons-nous bien penser à tout cela et ne pas faire tout ce que nous pouvons pour essayer si le bon Dieu voudra avoir pitié de nous. – Mais, pensez-vous en vous-mêmes, il y aurait bien de quoi jeter au désespoir ? – Ah ! mon ami, je voudrais pouvoir vous conduire à deux doigts du désespoir, afin que, frappé de l'état affreux où vous êtes, vous preniez au moins les moyens que le bon Dieu vous présente encore aujourd'hui pour en sortir. – Mais, me direz-vous, il y en a bien qui se sont convertis à l'heure de la mort : le bon Larron s'est bien converti en ce moment. – Le bon Larron, M.F., d'abord, il n'avait jamais connu le bon Dieu. Dès qu'il l'a connu, il s'est donné à lui, et encore est-il le seul que l'Écriture sainte nous fournit, pour ne pas tout à fait nous désespérer dans ce moment. – Mais il y en a bien d'autres qui se sont convertis, quoiqu'ils aient vécu longtemps dans le péché. – Mon ami, prenez bien garde, je crois que vous vous trompez : il faut me dire que plusieurs se sont repentis, mais convertis, c'est autre chose. Voilà précisément ce que vous ferez, et ce que vous avez déjà fait dans vos maladies : puisque vous avez fait venir un prêtre, parce que vous étiez fâché d'avoir le mal. Eh bien ! avec votre repentir, vous êtes-vous converti pour cela ? Sans doute vous n'en êtes devenu que plus endurci. Hélas ! M.F., tous ces repentirs ne signifient pas grand'chose. Saül s'est bien repenti, puisqu'il a pleuré ses péchés ; cependant il est damné ; Caïn s'est bien repenti, puisqu'il a poussé des cris affreux d'avoir tué son frère , néanmoins il est en enfer. Judas s'est bien repenti, puisqu'il alla rendre son argent et que sa douleur fut si grande qu'il alla se pendre . Si vous me demandez maintenant où tous ces repentirs les ont conduits ? je vous dirai..., en enfer. Je viendrai toujours à ma conclusion que si vous vivez dans le péché, et que vous y mouriez, vous serez damnés ; mais j'espère que non : vous n'en viendrez pas là.
En troisième lieu, si nous venons plus loin, je vais vous montrer que vous n'avez rien qui puisse vous rassurer dans votre manière de vivre ; au contraire, tout doit vous effrayer, comme vous allez le voir. 1? Vous savez que, de vous-mêmes, vous ne pouvez pas sortir du péché ; vous êtes parfaitement convaincus qu'il faut que le bon Dieu vous aide de sa grâce, puisque saint Paul nous dit que « nous ne sommes pas capables de former une bonne pensée sans la grâce du bon Dieu ; » 2? Vous savez bien que vous ne pouvez obtenir votre pardon que de Dieu même : Pensez bien, M.F., à ces deux réflexions et vous verrez combien vous êtes aveugles ; ou, pour vous parler plus franchement, que vous êtes perdus si vous ne sortez pas promptement du péché. Mais, dites-moi, est-ce en méprisant les grâces du bon Dieu que vous pouvez espérer avoir plus de force pour rompre vos mauvaises habitudes ? N'est-ce pas tout le contraire ? Plus vous allez, plus vous méritez que le bon Dieu se retire de vous et vous abandonne. De là je conclus que, plus vous retardez de revenir à Dieu, plus vous vous mettez en danger de ne vous convertir jamais : Nous disons que nous ne pouvons obtenir notre pardon que de Dieu seul. Eh bien ! dites-moi, est-ce en multipliant vos péchés que vous espérez que le bon Dieu vous pardonnera plus facilement ? Allez, mon ami, vous êtes un aveugle, vous vivez dans le péché pour y périr et vous serez damné. Voilà, mon ami, où votre manière de prier et de vivre vous conduira : « Vie de pécheur, mort de réprouvé. » Mais pour mieux vous le faire sentir, avançons nous jusqu'à ce moment qui est le dernier de la vie.
Le procureur s'imagina que c'était un fou, et qu'en le mettant en prison, il s'exposerait à la raillerie du monde ; si même il s'amusait davantage à lui parler. Il vit en même temps passer à la rue un prêtre qu'il connaissait, qui était le confesseur des Ursulines ; il l'appela et lui dit : « Monsieur, s'il vous plaît, prenez soin de l'âme de cet homme. » – « Mon ami, lui dit-il, suivez ce bon prêtre et faites tout ce qu'il vous dira. » Ce prêtre lui ayant parlé, pensa, comme le procureur du roi, qu'il avait l'esprit démonté ; il le pria d'aller ailleurs, que pour lui il ne pouvait pas se charger de sa conduite. Ce pauvre malheureux, ne sachant plus que devenir, alla dans deux communautés pour demander un prêtre qui voulût bien avoir la charité de le confesser. Dans un endroit, on lui dit que les Pères s'étaient retirés, parce qu'ils devaient se lever à minuit ; et dans l'autre, on le fait parler à un Père qui le renvoya au lendemain. Mais ce pauvre misérable se mit à pleurer, en lui disant : « Oh ! mon Père, je suis perdu, si vous n'avez pas pitié de moi ; je me suis donné au diable, et mon temps vient cette nuit. » - » Allez, mon ami, lui dit le Père, recommandez-vous à la sainte Vierge ; » il lui donna un chapelet et le renvoya. Passant par la place et en pleurant de ce qu'il n'avait pas pu trouver un confesseur parmi tant de prêtres qu'il y avait dans ces deux communautés : comme il était sur la place, voyant plusieurs bourgeois qui s'entretenaient ensemble il leur demanda si un d'entre eux aurait la bonté de le loger ? Il y eut un boucher qui lui dit qu'il pouvait le suivre. L'ayant mené en sa maison, ce pauvre malheureux lui conta combien il était malheureux de s'être donné au démon, il croyait bien avoir le temps de se confesser et de quitter le péché et faire pénitence, mais que point de prêtre n'avait voulu le confesser. Le boucher trouva bien extraordinaire que ces prêtres eussent si peu de charité. « Hélas ! monsieur, je vois bien que c'est le bon Dieu qui l’a permis pour me punir du temps et des grâces que j'ai méprisés. » – « Mon ami, lui dit le boucher, il faut bien avoir recours au bon Dieu. » – « Hélas ! monsieur, je suis perdu ; c'est cette nuit que le démon doit me tuer et emporter mon âme. » Le boucher, selon toute apparence, ne s'était pas couché pour savoir si cet homme avait perdu l'esprit ou si cela était bien vrai. En effet, sur minuit, il entendit un bruit effroyable, des cris épouvantables comme deux personnes dont l'une étrangle l'autre. Comme le boucher courait, il vit que le démon traînait ce pauvre malheureux à la cour. Le boucher s'enfuit et se ferma dans sa maison ; et le lendemain on trouva cet homme pendu comme la moitié d'un mouton à un clou de la boucherie. Le démon lui avait coupé un morceau de son manteau, dont il l'avait étranglé et pendu. Le Père Lejeune, qui rapporte cela dans un de ses sermons, dit qu'il le tient de celui qui l'a vu pendu.
Voyez-vous, M.F., que souvent, en remettant notre conversion, nous nous exposons à ne jamais nous convertir. N'est-ce pas que quand vous étiez malade, vous avez bien fait venir un prêtre pour vous confesser, même avec une grande crainte de ne pas bien faire votre confession ? N'avez-vous pas dit vous-même, dans votre maladie, que l'on est bien aveugle d'attendre à la mort pour aimer le bon Dieu, et que, s'il vous rendait la santé, vous feriez bien mieux que vous n'aviez fait, vous seriez plus sage ? Mon ami, ou bien vous, ma sœur, si, le bon Dieu vous rend la santé..., pauvre enfant ! vous ne faites pas attention que votre repentir ne vient pas de Dieu, ni de la douleur de vos péchés, mais seulement de la crainte de l'enfer. Vous faites comme Antiochus, qui pleurait les châtiments que ses crimes lui attiraient ; son cœur n'était pas changé. Eh bien ! ma sœur, le bon Dieu vous a rendu la santé que vous lui aviez demandée avec tant d'ardeur, en lui promettant que vous feriez mieux. Dites-moi, après avoir recouvré la santé, en êtes-vous devenue plus sage ? Avez-vous moins offensé le bon Dieu ? Vous êtes-vous corrigée de quelque défaut ? Vous voit-on plus souvent fréquenter les sacrements ? Voulez-vous que je vous dise ce que vous êtes ? Le voici ; avant votre maladie vous vous confessiez encore de temps en temps ; depuis que le bon Dieu vous a rendu la santé, vous ne faites plus même vos pâques. Hélas ! combien parmi ceux qui m'écoutent sont de ce nombre ! Mais ne vous inquiétez pas, vous verrez qu'à la première maladie, le bon Dieu vous fera sortir de ce monde ; pour vous parler plus clairement, vous serez jetés en enfer. Vous voyez bien qu'en restant dans le péché, quoique avec votre belle espérance que vous en sortirez un jour, vous vous moquez du bon Dieu.
Tenez, M.F., voyez comme vous avez bonne grâce de croire que le bon Dieu vous pardonnera quand vous voudrez lui demander pardon. Je vais vous citer un exemple comme peut-être jamais exemple n'a été, plus conforme à notre sujet. Il est rapporté qu'il y avait un bourgeois qui était extrêmement bon. Il avait un domestique qui ne manquait presque point l'occasion de dire des injures à son maître ; son plaisir était de le faire quand il y avait bien du monde. Il lui vola plusieurs choses assez considérables, il finit par débaucher une de ses demoiselles ; après ce coup, il s'enfuit de la maison, crainte d'être pris par la justice. Au bout de quelque temps, il alla trouver un prêtre qu'il savait avoir un grand crédit auprès de ce monsieur. Le prêtre y va pour prier le bourgeois de vouloir bien pardonner les fautes de ce domestique. Ce gentilhomme eut tant de bonté, qu'il dit au prêtre : « Je ferai tout ce que vous voudrez ; mais je veux qu'il fasse au moins quelque satisfaction, autrement ce serait donner main-levée à tous les scélérats. » Le prêtre, plein de joie, va trouver le valet et lui, dit : « Votre maître a bien eu la charité de vous pardonner ; mais il veut quelque petite satisfaction, comme rien n'est si juste. » Le domestique lui dit : « Quelle est donc la satisfaction que mon maître veut, et dans quel temps ? » Le prêtre lui dit : « Dans sa maison, et à présent, à ses genoux et la tête nue. » « Ah ! mon maître veut bien tant d'honneur ! pour moi je ne veux que lui demander pardon ; il veut que ce soit dans sa maison, à genoux, la tête nue, et moi je veux le faire dans ma chambre et couché dans mon lit. Il le veut à présent, et moi je veux que ce ne soit que dans dix ans, lorsque je penserai et serai prêt à mourir. » Que pensez-vous, M.F., de ce valet, et qu'en dites-vous ? Quel conseil auriez-vous donné à ce gentilhomme ? Ne lui auriez-vous pas dit : « Monsieur, votre valet est un misérable, il mérite d'être jeté dans un cachot, et de n'en être tiré que pour être conduit au gibet. » Eh bien ! M.F., d'après cet exemple, voyez-vous la manière dont vous vous conduisez avec le bon Dieu ? N'est-ce pas le même langage que vous tenez au bon Dieu, quand vous dites que vous avez encore le temps, que rien ne presse, que vous n'êtes pas encore mort ? Hélas ! que de pauvres pécheurs qui sont aveuglés sur l'état de leur pauvre âme ; qui espèrent de faire ce qu'ils ne pourront plus faire quand ils croiront de le faire ! ...
Mais, allons plus loin, et nous verrons que plus vous différez de sortir du péché, plus vous vous mettez dans l'impossibilité d'en sortir. N'est-il pas vrai qu'il y a quelque temps, la parole de Dieu vous touchait, vous faisait faire quelques réflexions, et que, plusieurs fois, vous aviez résolu de quitter le péché et de vous donner au bon Dieu ? N'est-il pas vrai que la pensée du jugement de Dieu et de l'enfer vous a fait verser des larmes, et que, maintenant, tout cela ne vous touche plus, ne vous fait plus faire la moindre réflexion ? Pourquoi cela, M.F. ? Hélas ! c'est que votre cœur est endurci et que le bon Dieu vous abandonne, de sorte que plus vous restez dans le péché, plus le bon Dieu s'éloigne de vous, et plus vous devenez insensibles à votre perte. Ah ! si du moins vous étiez morts à votre première maladie, au moins vous ne seriez pas si profond en enfer ! Mais si je voulais revenir au bon Dieu à présent, le bon Dieu me recevrait bien encore ! – Mon ami, pour cela, je ne vous en dis rien. Si vous n'avez pas encore mis le comble au nombre des péchés que le bon Dieu a résolu de vous pardonner ; si vous n'avez pas encore achevé de mépriser les grâces que le bon Dieu vous avait destinées, vous le pouvez. Mais si la mesure des péchés et des grâces est pleine, tout est perdu pour vous ; vous aurez beau former toutes vos belles résolutions... D'ailleurs vous devez le voir par cet exemple épouvantable que nous venons de rapporter.
Ah ! mon Dieu, pouvons-nous bien penser à tout cela et ne pas faire tout ce que nous pouvons pour essayer si le bon Dieu voudra avoir pitié de nous. – Mais, pensez-vous en vous-mêmes, il y aurait bien de quoi jeter au désespoir ? – Ah ! mon ami, je voudrais pouvoir vous conduire à deux doigts du désespoir, afin que, frappé de l'état affreux où vous êtes, vous preniez au moins les moyens que le bon Dieu vous présente encore aujourd'hui pour en sortir. – Mais, me direz-vous, il y en a bien qui se sont convertis à l'heure de la mort : le bon Larron s'est bien converti en ce moment. – Le bon Larron, M.F., d'abord, il n'avait jamais connu le bon Dieu. Dès qu'il l'a connu, il s'est donné à lui, et encore est-il le seul que l'Écriture sainte nous fournit, pour ne pas tout à fait nous désespérer dans ce moment. – Mais il y en a bien d'autres qui se sont convertis, quoiqu'ils aient vécu longtemps dans le péché. – Mon ami, prenez bien garde, je crois que vous vous trompez : il faut me dire que plusieurs se sont repentis, mais convertis, c'est autre chose. Voilà précisément ce que vous ferez, et ce que vous avez déjà fait dans vos maladies : puisque vous avez fait venir un prêtre, parce que vous étiez fâché d'avoir le mal. Eh bien ! avec votre repentir, vous êtes-vous converti pour cela ? Sans doute vous n'en êtes devenu que plus endurci. Hélas ! M.F., tous ces repentirs ne signifient pas grand'chose. Saül s'est bien repenti, puisqu'il a pleuré ses péchés ; cependant il est damné ; Caïn s'est bien repenti, puisqu'il a poussé des cris affreux d'avoir tué son frère , néanmoins il est en enfer. Judas s'est bien repenti, puisqu'il alla rendre son argent et que sa douleur fut si grande qu'il alla se pendre . Si vous me demandez maintenant où tous ces repentirs les ont conduits ? je vous dirai..., en enfer. Je viendrai toujours à ma conclusion que si vous vivez dans le péché, et que vous y mouriez, vous serez damnés ; mais j'espère que non : vous n'en viendrez pas là.
En troisième lieu, si nous venons plus loin, je vais vous montrer que vous n'avez rien qui puisse vous rassurer dans votre manière de vivre ; au contraire, tout doit vous effrayer, comme vous allez le voir. 1? Vous savez que, de vous-mêmes, vous ne pouvez pas sortir du péché ; vous êtes parfaitement convaincus qu'il faut que le bon Dieu vous aide de sa grâce, puisque saint Paul nous dit que « nous ne sommes pas capables de former une bonne pensée sans la grâce du bon Dieu ; » 2? Vous savez bien que vous ne pouvez obtenir votre pardon que de Dieu même : Pensez bien, M.F., à ces deux réflexions et vous verrez combien vous êtes aveugles ; ou, pour vous parler plus franchement, que vous êtes perdus si vous ne sortez pas promptement du péché. Mais, dites-moi, est-ce en méprisant les grâces du bon Dieu que vous pouvez espérer avoir plus de force pour rompre vos mauvaises habitudes ? N'est-ce pas tout le contraire ? Plus vous allez, plus vous méritez que le bon Dieu se retire de vous et vous abandonne. De là je conclus que, plus vous retardez de revenir à Dieu, plus vous vous mettez en danger de ne vous convertir jamais : Nous disons que nous ne pouvons obtenir notre pardon que de Dieu seul. Eh bien ! dites-moi, est-ce en multipliant vos péchés que vous espérez que le bon Dieu vous pardonnera plus facilement ? Allez, mon ami, vous êtes un aveugle, vous vivez dans le péché pour y périr et vous serez damné. Voilà, mon ami, où votre manière de prier et de vivre vous conduira : « Vie de pécheur, mort de réprouvé. » Mais pour mieux vous le faire sentir, avançons nous jusqu'à ce moment qui est le dernier de la vie.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
II. – D'abord, je sais bien que vous avez résolu de faire une bonne mort, de vous convertir et de quitter le péché. Allons, M.F., auprès d'un tel, d'un mourant, et nous y trouverons une personne étendue, qui toute sa vie a fait comme vous, a vécu dans le péché ; mais toujours dans l'espérance qu'elle en sortira avant de mourir. Examinez-la bien, considérez bien son repentir, sa douleur, sa confession et sa mort. Ensuite, voyez ce que vous êtes : vous verrez ce que vous serez un jour. Ne sortons pas, M.F., d'auprès du lit de ce mourant, avant que son sort ne soit fixé pour jamais. II s'est toujours promis, quoique vivant dans le péché et dans les plaisirs, qu'il ferait une bonne mort, et qu'il réparerait tout le mal qu'il avait fait pendant sa vie. Gravez bien cela dans votre cœur, afin que vous n'en perdiez jamais le souvenir, et que vous ayez continuellement devant les yeux quel sera votre sort.
D'abord, je vous dirai que, pendant toute sa vie, il a été retenu par des obstacles qu'il avait cru insurmontables. Le premier, qu'il pensait ne pouvoir pas quitter ses mauvaises habitudes ; l'autre, qu'il n'avait pas assez de force ni de grâce. Il comprenait très bien, quoique dans le péché, combien il en coûte, combien il est diffi-cile de faire une bonne confession et de réparer, toute une vie qui n'a été qu'une chaîne de crimes et d'horreurs. Cependant le temps arrive et même il presse ; il faut commencer à faire ce qu'il n'a jamais voulu faire, il faut descendre dans ce cœur qui n'est qu'un abîme d'horreurs, semblable au buisson hérissé d'épines si affreuses que l'on ne sait par où commencer et que l'on finit par le laisser comme il est. Mais la connaissance se perd de temps en temps ; cependant il ne veut pas mourir dans cet état. Il veut se convertir : c'est-à-dire, quitter le péché avant de mourir. Je sais bien qu'il mourra ; mais pour se convertir, je n'en crois rien : il faudrait faire maintenant ce qu'il aurait dû faire en santé. Dans l'impossibilité de le faire, les larmes dans les yeux, il fait les mêmes promesses qu'il a déjà faites toutes les fois qu'il s'est vu mourir ; mais le bon Dieu ne va plus écouter ces mensonges et ces faussetés. Il faudrait pour ça détruire le péché, qui a poussé des racines si profondes qu'il n'a plus la force de l'arracher, il lui faudrait une grâce extraordi-naire. Mais le bon Dieu, en punition du mépris qu'il a fait de toutes celles qu'il lui a accordées pendant sa vie, la lui refuse et lui tourne le dos pour ne plus le voir ; il se bouche les oreilles pour ne pas se laisser attendrir par ses cris et ses sanglots. Hélas ! il faut mourir et point de conversion, même de connaissance ; le voilà qui chan-celle, il répond une chose pour l'autre. Le prêtre se plaint, qu'il fallait le venir chercher hier, que le malade n'a pas assez de connaissance, qu'il ne peut pas se confesser. Mon ami, vous vous trompez, il a toute la connaissance qu'il doit avoir avant de mourir ; si vous étiez venu hier pour le confesser, le bon Dieu lui aurait ôté pareillement sa connaissance ; il est resté dans le péché en méprisant le temps et les grâces que le bon Dieu lui avait donnés, et, selon la justice de Dieu, il doit mourir dans le pêché. Prenez patience, vous ne tarderez pas de le voir entraîné en enfer par les démons à qui il a si bien obéi pendant sa vie ; ne sortez pas vos regards de dessus lui, et vous allez lui voir vomir sa maudite âme en enfer.
Mais avant ce terrible moment, considérons, M.F., les mouvements qu'il se donne, demandez-lui s'il veut bien se confesser, s'il est bien fâché d'avoir offensé le bon Dieu ; il vous fera signe que oui ; qu'il voudrait bien se confesser, mais qu'il ne le peut pas. Hélas ! il faut mourir, et point de confession ! et point de conversion, point de connaissance ! Approchez-vous, mon ami, voyez-vous ce vieux pécheur endurci, qui a tout mé-prisé, qui s'est raillé de tout, qui croyait que quand il serait mort tout serait fini pour lui. Voyez-vous ce jeune libertin, il n'y a pas même quinze jours qu'il faisait retentir les cabarets de ses chansons les plus infâmes, remplissant les jeux et les cabarets. Voyez-vous cette jeune mondaine portée sur les ailes de la vanité, qui croyait ne jamais pouvoir s'arrêter ni mourir ! O mon Dieu ! il faut mourir ! Hélas ! quel changement, il faut mourir et être damnée ! Voyez-vous ces yeux qui étincellent, qui annoncent que la mort est à la porte ; il voit tout le monde dans un mouvement extraordinaire, on le regarde en pleurant. Me connaissez--vous ? lui dit-on. Il se contente d'ouvrir des yeux affreux, qui jettent l'épouvante dans tous ceux qui l'environ-nent. On le regarde en tremblant, on baisse la tête : sortez de là, laissez-le mourir comme il a vécu.
Non, je me trompe, venez, M.F., vous, qui depuis combien d'années, remettez votre confession à un autre temps. Voyez-vous ses lèvres froides et tremblantes qui ne peuvent plus se remuer, qui lui annoncent qu'il faut mourir et être damné. Mon ami, quittez un moment ce cabaret, venez et considérez ces joues pâles et livides, ces cheveux baignés des sueurs de la mort. Voyez-vous ses cheveux se lever sur sa tête ? Hélas ! il semble qu'il éprouve déjà les horreurs de la mort. Hélas ! tout est fini pour lui, il faut mourir, et être damné. Venez, ma sœur, laissez pour un instant ce musicien et cette danse ; venez et vous verrez ce que vous serez un jour. Voyez-vous ces démons qui l'environnent, qui le jettent au désespoir ? Voyez-vous ces convulsions affreuses ? Non, non, M.F., tout est désespéré ; il faut que, cette âme sorte de ce corps. O mon Dieu ! où va aller cette pauvre âme ? Hélas l'enfer seul est sa demeure.
Non, non, M.F., un moment, il lui reste encore quatre minutes de vie pour lui montrer tout son malheur. La voilà qui approche de sa fin..., les assistants et le prêtre se mettent à genoux pour essayer si le bon Dieu voudra avoir pitié de cette pauvre âme : « Ame chrétienne, lui dit le prêtre, sortez de ce monde ! » – Et où voulez-vous qu'elle aille, puisqu'elle n'a vécu que pour le monde ? Elle n'a pensé qu'au monde. D'ailleurs, à la manière dont elle a vécu, elle croyait n'en jamais sortir. Vous lui souhaitez le ciel,, mon père, mais elle ne le connaît pas seulement : Vous vous trompez, mon ami, dites-lui plutôt : « Sortez de ce monde, âme criminelle, allez brûler, parce que vous n'avez travaillé pendant toute votre vie que pour cela. » – « Ame chrétienne, lui dit le prêtre, allez prendre votre repos dans la céleste Jérusalem. » Eh quoi ! mon ami, vous envoyez dans cette belle cité une âme toute couverte de péchés, dont le nombre est plus grand que celui des heures de sa vie ; une âme, dont toute la vie n'a été qu'une chaîne d'impuretés, vous allez la placer avec les anges, avec Jésus-Christ qui est la pureté même. Oh ! horreur ! oh ! abomination ! en enfer, en enfer, puisque sa place y est marquée ! « Mon Dieu, continue le prêtre, Créateur de toutes choses, reconnaissez cette âme comme étant l'ouvrage de vos mains. » Eh ! quoi ! mon père, vous osez présenter au bon Dieu, comme étant son ouvrage, une âme qui n'est qu'un monceau de crimes, une âme qui est toute pourrie ; quittez, mon ami, de vous adresser au ciel, tournez vos regards du côté des abîmes et écoutez les démons qu'il appelle à son secours ; jetez-leur cette maudite âme puisqu'elle n'a travaillé que pour eux. « Mon Dieu, dira peut-être encore le prêtre, recevez cette âme qui vous aime comme son Créateur et son Sauveur. » Elle aime le bon Dieu ! mon ami, où en sont les marques ? Où sont ses bonnes prières, ses bonnes confessions et ses bonnes communions ? Disons encore mieux, où sont ses pâques ? Taisez-vous, écoutez le démon qui crie qu'elle lui appartient, que depuis longtemps elle s'est donnée à lui. Ils ont changé ; il lui a donné de l'argent, les moyens de se venger, il lui a procuré les occasions de satisfaire ses désirs infâmes ; non, non, mon ami, ne lui parlez plus du ciel. D'ailleurs, elle n'en veut point, elle aime mieux aller brûler dans les abîmes étant toute couverte de crimes, que d'aller au ciel, en présence d'un Dieu si pur.
Maintenant arrêtons-nous un instant, M.F., avant que le démon ne se saisisse de ce réprouvé ; il ne lui reste de connaissance qu'autant qu'il lui en faut pour apercevoir les horreurs du passé, du présent et de l'avenir, qui sont autant de torrents de la fureur de Dieu qui lui tombent dessus pour achever son désespoir. Le bon Dieu permet qu'à ce malheureux qui a tout méprisé, les moyens qu'il lui offrait pour sauver son âme se présentent tous, à ce moment, dans son esprit ; il voit qu'il avait besoin de tout ce que le bon Dieu lui a présenté et qui ne lui a servi de rien. Le bon Dieu permet que, dans ce moment, il se rappelle jusqu'à une seule bonne pensée qui lui aura été donnée pendant sa vie ; il voit combien il a été aveugle de ne pas se sauver. O mon Dieu ! quel désespoir en ce moment de voir qu'il pou-vait si bien se sauver, et être damné ! Hélas ! le présent et l'avenir achèvent, son désespoir ! Il est très persuadé qu'en moins de trois minutes il sera en enfer pour n'en sortir jamais... Le prêtre, voyant qu'il n'y a plus de remèdes pour la confession, lui présente un crucifix pour l'exciter à la douleur et à la confiance, en lui disant : « Mon ami, voilà votre Dieu qui est mort pour vous racheter, prenez confiance en sa grande miséri-corde qui est infinie. » – Sortez de là, mon ami, ne voyez-vous pas que vous ne faites qu'augmenter son désespoir. Mais y pense-t-on bien ?.. Un Dieu couronné d'épines, entre les mains d'une volage et mondaine, qui, toute sa vie, n'a cherché qu'à se parer et à plaire au monde !.. Un Dieu dépouillé de tout, jusqu'à ses habits, entre les mains d'un avare !.. O mon Dieu ! quelle horreur !.. Un Dieu couvert de plaies entre les mains d'un impudique !.. Un Dieu qui meurt pour ses ennemis entre les mains d'un vindicatif !.. O mon Dieu ! peut-on bien y penser sans mourir d'horreur ! Oh ! non, non, ne lui présentez plus ce Dieu cloué sur une croix, tout est fini pour lui, sa réprobation est assurée, Hélas ! il faut mourir et être damné, et avoir eu tant de moyens pour se sauver ! Mon Dieu, quelle rage pendant l'éternité pour ce chrétien !
Hélas ! M.F., écoutez-le faire ses tristes adieux. Ce pauvre malheureux voit que ses parents et ses amis s'enfuient de lui et l'abandonnent, en disant en pleurant : « C'est fait, il est mort... » C'est en vain qu'il s'efforce de leur faire ses derniers adieux : Adieu, mon père et ma mère, ! adieu, mes pauvres enfants, adieu, pour tou-jours !... Mais, hélas ! il n'a pas encore rendu le dernier soupir qu'il se voit séparé de tout, et on ne l'écoute plus. Hélas ! je meurs et je suis damné... Ah ! soyez plus sages que moi !...– Oh ! lui dit-on, vous deviez bien faire pendant votre vie ! – Oh ! triste consolation. Mais ce ne sont pas ces adieux-là qui lui font le plus : il savait qu'un jour il quitterait tout cela ; mais avant de tomber en enfer, il lève ses yeux mourants vers le ciel qu'il a perdu pour jamais : Adieu, beau ciel ! adieu, belle de-meure, que j'ai perdue pour bien peu de chose ; adieu, belle compagnie des anges ; adieu, mon bon ange gar-dien, que le bon Dieu ne m'avait donné que pour m'aider à me sauver, et malgré vous, je me suis perdu ! Adieu, Vierge Sainte et tendre Mère, si j'avais voulu implorer votre secours vous auriez obtenu mon pardon ! Adieu, Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui avez tant souffert pour me sauver, et je me suis perdu ; vous qui m'avez fait naître dans une religion si consolante, si facile à obser-ver ! Adieu, mon pasteur, à qui j'ai fait tant de chagrin en vous méprisant, vous et tout ce que votre zèle vous inspirait pour me montrer qu'en vivant comme je vivais je ne pourrais pas me sauver, adieu pour toujours !... Ah ! du moins ceux qui sont encore sur la terre peuvent éviter mon malheur ; mais pour moi tout cela est fini, plus de Dieu, plus de ciel, plus de bonheur !... toujours je pleurerai, toujours je souffrirai, sans espérance de jamais finir !... O mon Dieu ! que votre justice est ter-rible ! Éternité, que tu me fais répandre de larmes et pousser des cris..., moi qui ai toujours vécu dans l'es-pérance qu'un jour je sortirais du péché et je me con-vertirais ! hélas ! la mort m'a trompé, je n'ai pas eu le temps !...
Ah ! mon frère, nous dit saint Jérôme, veux-tu rester dans le péché, puisque tu crains d'y périr ? Un jour, nous dit ce grand saint, étant appelé pour aller voir un pauvre mourant, le voyant tout égaré je lui demande ce qui semblait tant l'effrayer. « Hélas ! mon père, je suis damné ! » Et, en disant ces mots, il rendit le dernier soupir. O terrible destinée que celle d'un pécheur qui a vécu dans le péché ! Hélas ! que le démon en a traîné en enfer avec l'espérance qu'un jour ils se convertiraient.
Hélas ! M.F., que devez-vous penser, vous qui m'écoutez, qui ne faites ni prière, ni confession, et qui ne pensez pas même à vous convertir ? Mon Dieu, peut-on bien rester dans une position qui nous expose à chaque instant à tomber dans les abîmes !... Mon Dieu, donnez-nous la foi, qui nous fera connaître la grandeur de notre malheur si nous nous perdons, et qui nous mettra dans l'impossibilité de rester dans le péché ! C'est le bonheur que je vous souhaite.
D'abord, je vous dirai que, pendant toute sa vie, il a été retenu par des obstacles qu'il avait cru insurmontables. Le premier, qu'il pensait ne pouvoir pas quitter ses mauvaises habitudes ; l'autre, qu'il n'avait pas assez de force ni de grâce. Il comprenait très bien, quoique dans le péché, combien il en coûte, combien il est diffi-cile de faire une bonne confession et de réparer, toute une vie qui n'a été qu'une chaîne de crimes et d'horreurs. Cependant le temps arrive et même il presse ; il faut commencer à faire ce qu'il n'a jamais voulu faire, il faut descendre dans ce cœur qui n'est qu'un abîme d'horreurs, semblable au buisson hérissé d'épines si affreuses que l'on ne sait par où commencer et que l'on finit par le laisser comme il est. Mais la connaissance se perd de temps en temps ; cependant il ne veut pas mourir dans cet état. Il veut se convertir : c'est-à-dire, quitter le péché avant de mourir. Je sais bien qu'il mourra ; mais pour se convertir, je n'en crois rien : il faudrait faire maintenant ce qu'il aurait dû faire en santé. Dans l'impossibilité de le faire, les larmes dans les yeux, il fait les mêmes promesses qu'il a déjà faites toutes les fois qu'il s'est vu mourir ; mais le bon Dieu ne va plus écouter ces mensonges et ces faussetés. Il faudrait pour ça détruire le péché, qui a poussé des racines si profondes qu'il n'a plus la force de l'arracher, il lui faudrait une grâce extraordi-naire. Mais le bon Dieu, en punition du mépris qu'il a fait de toutes celles qu'il lui a accordées pendant sa vie, la lui refuse et lui tourne le dos pour ne plus le voir ; il se bouche les oreilles pour ne pas se laisser attendrir par ses cris et ses sanglots. Hélas ! il faut mourir et point de conversion, même de connaissance ; le voilà qui chan-celle, il répond une chose pour l'autre. Le prêtre se plaint, qu'il fallait le venir chercher hier, que le malade n'a pas assez de connaissance, qu'il ne peut pas se confesser. Mon ami, vous vous trompez, il a toute la connaissance qu'il doit avoir avant de mourir ; si vous étiez venu hier pour le confesser, le bon Dieu lui aurait ôté pareillement sa connaissance ; il est resté dans le péché en méprisant le temps et les grâces que le bon Dieu lui avait donnés, et, selon la justice de Dieu, il doit mourir dans le pêché. Prenez patience, vous ne tarderez pas de le voir entraîné en enfer par les démons à qui il a si bien obéi pendant sa vie ; ne sortez pas vos regards de dessus lui, et vous allez lui voir vomir sa maudite âme en enfer.
Mais avant ce terrible moment, considérons, M.F., les mouvements qu'il se donne, demandez-lui s'il veut bien se confesser, s'il est bien fâché d'avoir offensé le bon Dieu ; il vous fera signe que oui ; qu'il voudrait bien se confesser, mais qu'il ne le peut pas. Hélas ! il faut mourir, et point de confession ! et point de conversion, point de connaissance ! Approchez-vous, mon ami, voyez-vous ce vieux pécheur endurci, qui a tout mé-prisé, qui s'est raillé de tout, qui croyait que quand il serait mort tout serait fini pour lui. Voyez-vous ce jeune libertin, il n'y a pas même quinze jours qu'il faisait retentir les cabarets de ses chansons les plus infâmes, remplissant les jeux et les cabarets. Voyez-vous cette jeune mondaine portée sur les ailes de la vanité, qui croyait ne jamais pouvoir s'arrêter ni mourir ! O mon Dieu ! il faut mourir ! Hélas ! quel changement, il faut mourir et être damnée ! Voyez-vous ces yeux qui étincellent, qui annoncent que la mort est à la porte ; il voit tout le monde dans un mouvement extraordinaire, on le regarde en pleurant. Me connaissez--vous ? lui dit-on. Il se contente d'ouvrir des yeux affreux, qui jettent l'épouvante dans tous ceux qui l'environ-nent. On le regarde en tremblant, on baisse la tête : sortez de là, laissez-le mourir comme il a vécu.
Non, je me trompe, venez, M.F., vous, qui depuis combien d'années, remettez votre confession à un autre temps. Voyez-vous ses lèvres froides et tremblantes qui ne peuvent plus se remuer, qui lui annoncent qu'il faut mourir et être damné. Mon ami, quittez un moment ce cabaret, venez et considérez ces joues pâles et livides, ces cheveux baignés des sueurs de la mort. Voyez-vous ses cheveux se lever sur sa tête ? Hélas ! il semble qu'il éprouve déjà les horreurs de la mort. Hélas ! tout est fini pour lui, il faut mourir, et être damné. Venez, ma sœur, laissez pour un instant ce musicien et cette danse ; venez et vous verrez ce que vous serez un jour. Voyez-vous ces démons qui l'environnent, qui le jettent au désespoir ? Voyez-vous ces convulsions affreuses ? Non, non, M.F., tout est désespéré ; il faut que, cette âme sorte de ce corps. O mon Dieu ! où va aller cette pauvre âme ? Hélas l'enfer seul est sa demeure.
Non, non, M.F., un moment, il lui reste encore quatre minutes de vie pour lui montrer tout son malheur. La voilà qui approche de sa fin..., les assistants et le prêtre se mettent à genoux pour essayer si le bon Dieu voudra avoir pitié de cette pauvre âme : « Ame chrétienne, lui dit le prêtre, sortez de ce monde ! » – Et où voulez-vous qu'elle aille, puisqu'elle n'a vécu que pour le monde ? Elle n'a pensé qu'au monde. D'ailleurs, à la manière dont elle a vécu, elle croyait n'en jamais sortir. Vous lui souhaitez le ciel,, mon père, mais elle ne le connaît pas seulement : Vous vous trompez, mon ami, dites-lui plutôt : « Sortez de ce monde, âme criminelle, allez brûler, parce que vous n'avez travaillé pendant toute votre vie que pour cela. » – « Ame chrétienne, lui dit le prêtre, allez prendre votre repos dans la céleste Jérusalem. » Eh quoi ! mon ami, vous envoyez dans cette belle cité une âme toute couverte de péchés, dont le nombre est plus grand que celui des heures de sa vie ; une âme, dont toute la vie n'a été qu'une chaîne d'impuretés, vous allez la placer avec les anges, avec Jésus-Christ qui est la pureté même. Oh ! horreur ! oh ! abomination ! en enfer, en enfer, puisque sa place y est marquée ! « Mon Dieu, continue le prêtre, Créateur de toutes choses, reconnaissez cette âme comme étant l'ouvrage de vos mains. » Eh ! quoi ! mon père, vous osez présenter au bon Dieu, comme étant son ouvrage, une âme qui n'est qu'un monceau de crimes, une âme qui est toute pourrie ; quittez, mon ami, de vous adresser au ciel, tournez vos regards du côté des abîmes et écoutez les démons qu'il appelle à son secours ; jetez-leur cette maudite âme puisqu'elle n'a travaillé que pour eux. « Mon Dieu, dira peut-être encore le prêtre, recevez cette âme qui vous aime comme son Créateur et son Sauveur. » Elle aime le bon Dieu ! mon ami, où en sont les marques ? Où sont ses bonnes prières, ses bonnes confessions et ses bonnes communions ? Disons encore mieux, où sont ses pâques ? Taisez-vous, écoutez le démon qui crie qu'elle lui appartient, que depuis longtemps elle s'est donnée à lui. Ils ont changé ; il lui a donné de l'argent, les moyens de se venger, il lui a procuré les occasions de satisfaire ses désirs infâmes ; non, non, mon ami, ne lui parlez plus du ciel. D'ailleurs, elle n'en veut point, elle aime mieux aller brûler dans les abîmes étant toute couverte de crimes, que d'aller au ciel, en présence d'un Dieu si pur.
Maintenant arrêtons-nous un instant, M.F., avant que le démon ne se saisisse de ce réprouvé ; il ne lui reste de connaissance qu'autant qu'il lui en faut pour apercevoir les horreurs du passé, du présent et de l'avenir, qui sont autant de torrents de la fureur de Dieu qui lui tombent dessus pour achever son désespoir. Le bon Dieu permet qu'à ce malheureux qui a tout méprisé, les moyens qu'il lui offrait pour sauver son âme se présentent tous, à ce moment, dans son esprit ; il voit qu'il avait besoin de tout ce que le bon Dieu lui a présenté et qui ne lui a servi de rien. Le bon Dieu permet que, dans ce moment, il se rappelle jusqu'à une seule bonne pensée qui lui aura été donnée pendant sa vie ; il voit combien il a été aveugle de ne pas se sauver. O mon Dieu ! quel désespoir en ce moment de voir qu'il pou-vait si bien se sauver, et être damné ! Hélas ! le présent et l'avenir achèvent, son désespoir ! Il est très persuadé qu'en moins de trois minutes il sera en enfer pour n'en sortir jamais... Le prêtre, voyant qu'il n'y a plus de remèdes pour la confession, lui présente un crucifix pour l'exciter à la douleur et à la confiance, en lui disant : « Mon ami, voilà votre Dieu qui est mort pour vous racheter, prenez confiance en sa grande miséri-corde qui est infinie. » – Sortez de là, mon ami, ne voyez-vous pas que vous ne faites qu'augmenter son désespoir. Mais y pense-t-on bien ?.. Un Dieu couronné d'épines, entre les mains d'une volage et mondaine, qui, toute sa vie, n'a cherché qu'à se parer et à plaire au monde !.. Un Dieu dépouillé de tout, jusqu'à ses habits, entre les mains d'un avare !.. O mon Dieu ! quelle horreur !.. Un Dieu couvert de plaies entre les mains d'un impudique !.. Un Dieu qui meurt pour ses ennemis entre les mains d'un vindicatif !.. O mon Dieu ! peut-on bien y penser sans mourir d'horreur ! Oh ! non, non, ne lui présentez plus ce Dieu cloué sur une croix, tout est fini pour lui, sa réprobation est assurée, Hélas ! il faut mourir et être damné, et avoir eu tant de moyens pour se sauver ! Mon Dieu, quelle rage pendant l'éternité pour ce chrétien !
Hélas ! M.F., écoutez-le faire ses tristes adieux. Ce pauvre malheureux voit que ses parents et ses amis s'enfuient de lui et l'abandonnent, en disant en pleurant : « C'est fait, il est mort... » C'est en vain qu'il s'efforce de leur faire ses derniers adieux : Adieu, mon père et ma mère, ! adieu, mes pauvres enfants, adieu, pour tou-jours !... Mais, hélas ! il n'a pas encore rendu le dernier soupir qu'il se voit séparé de tout, et on ne l'écoute plus. Hélas ! je meurs et je suis damné... Ah ! soyez plus sages que moi !...– Oh ! lui dit-on, vous deviez bien faire pendant votre vie ! – Oh ! triste consolation. Mais ce ne sont pas ces adieux-là qui lui font le plus : il savait qu'un jour il quitterait tout cela ; mais avant de tomber en enfer, il lève ses yeux mourants vers le ciel qu'il a perdu pour jamais : Adieu, beau ciel ! adieu, belle de-meure, que j'ai perdue pour bien peu de chose ; adieu, belle compagnie des anges ; adieu, mon bon ange gar-dien, que le bon Dieu ne m'avait donné que pour m'aider à me sauver, et malgré vous, je me suis perdu ! Adieu, Vierge Sainte et tendre Mère, si j'avais voulu implorer votre secours vous auriez obtenu mon pardon ! Adieu, Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui avez tant souffert pour me sauver, et je me suis perdu ; vous qui m'avez fait naître dans une religion si consolante, si facile à obser-ver ! Adieu, mon pasteur, à qui j'ai fait tant de chagrin en vous méprisant, vous et tout ce que votre zèle vous inspirait pour me montrer qu'en vivant comme je vivais je ne pourrais pas me sauver, adieu pour toujours !... Ah ! du moins ceux qui sont encore sur la terre peuvent éviter mon malheur ; mais pour moi tout cela est fini, plus de Dieu, plus de ciel, plus de bonheur !... toujours je pleurerai, toujours je souffrirai, sans espérance de jamais finir !... O mon Dieu ! que votre justice est ter-rible ! Éternité, que tu me fais répandre de larmes et pousser des cris..., moi qui ai toujours vécu dans l'es-pérance qu'un jour je sortirais du péché et je me con-vertirais ! hélas ! la mort m'a trompé, je n'ai pas eu le temps !...
Ah ! mon frère, nous dit saint Jérôme, veux-tu rester dans le péché, puisque tu crains d'y périr ? Un jour, nous dit ce grand saint, étant appelé pour aller voir un pauvre mourant, le voyant tout égaré je lui demande ce qui semblait tant l'effrayer. « Hélas ! mon père, je suis damné ! » Et, en disant ces mots, il rendit le dernier soupir. O terrible destinée que celle d'un pécheur qui a vécu dans le péché ! Hélas ! que le démon en a traîné en enfer avec l'espérance qu'un jour ils se convertiraient.
Hélas ! M.F., que devez-vous penser, vous qui m'écoutez, qui ne faites ni prière, ni confession, et qui ne pensez pas même à vous convertir ? Mon Dieu, peut-on bien rester dans une position qui nous expose à chaque instant à tomber dans les abîmes !... Mon Dieu, donnez-nous la foi, qui nous fera connaître la grandeur de notre malheur si nous nous perdons, et qui nous mettra dans l'impossibilité de rester dans le péché ! C'est le bonheur que je vous souhaite.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
DIMANCHE DE LA PASSION
Sur la Contrition
Væ mihi, quia peccavi nimis in vita mea.
Malheur à moi, parce que j'ai beaucoup péché pendant ma vie.
(Des Conf. de S. Augustin, liv. II, c. 10.)
Tel était., M.F., le langage de saint Augustin, lorsqu'il repassait les années de sa vie, où il s'était plongé avec tant de fureur dans le vice infâme d'impureté. « Ah, ! malheur à moi, parce que j'ai beaucoup péché pendant les jours de ma vie. » Et chaque fois que cette pensée lui venait, il se sentait le cœur dévoré et déchiré par le regret. « O mon Dieu ! s'écriait-il, une vie passée sans vous aimer ! ô mon Dieu, que d'années perdues ! Ah ! Seigneur, daignez, je vous en conjure, ne plus vous rappeler mes fautes passées ! » Ah ! larmes précieuses, ah ! regrets salutaires qui, d'un grand pécheur, en ont fait un si grand saint. Oh ! qu'un cœur brisé de douleur, a bientôt regagné l'amitié de son Dieu ! Ah ! plut à Dieu que chaque fois que nous nous remettons nos péchés devant les yeux, nous puissions dire avec autant de regret que saint Augustin : Ah ! malheur à moi, parce que j'ai beaucoup péché pendant les années de ma vie ! Mon Dieu, faites-moi miséricorde ! Oh ! que nos larmes couleraient bientôt, et comme notre vie ne semblerait bientôt plus la même ! Oui, M.F., convenons, tous, tant que nous sommes, avec autant de douleur que de sincérité, que nous sommes des criminels dignes de porter toute la colère d'un Dieu justement irrité par nos péchés, qui peut-être sont plus multipliés que les cheveux de notre tête. Mais bénissons à jamais la miséricorde de Dieu qui nous ouvre dans ses trésors une ressource à nos malheurs ! Oui, M.F., quelque grands que soient nos péchés, quelque déréglée qu'ait été notre conduite, nous sommes sûrs de notre pardon, si, à l'exemple de l'enfant prodigue, nous allons nous jeter avec un cœur brisé de douleur aux pieds du meilleur de tous les pères. Quel est mon dessein, M.F. ? Le voici : c'est de vous montrer que pour obtenir le pardon de ses péchés, il faut : 1? que le pécheur haïsse et déteste sincèrement ses péchés par la contrition, qui doit renfermer quatre qualités ; 2? il faut qu'il ait conçu un ferme propos de n'y plus retomber. Nous verrons de quelles manières on peut reconnaître que l'on a vraiment un ferme propos.
Sur la Contrition
Væ mihi, quia peccavi nimis in vita mea.
Malheur à moi, parce que j'ai beaucoup péché pendant ma vie.
(Des Conf. de S. Augustin, liv. II, c. 10.)
Tel était., M.F., le langage de saint Augustin, lorsqu'il repassait les années de sa vie, où il s'était plongé avec tant de fureur dans le vice infâme d'impureté. « Ah, ! malheur à moi, parce que j'ai beaucoup péché pendant les jours de ma vie. » Et chaque fois que cette pensée lui venait, il se sentait le cœur dévoré et déchiré par le regret. « O mon Dieu ! s'écriait-il, une vie passée sans vous aimer ! ô mon Dieu, que d'années perdues ! Ah ! Seigneur, daignez, je vous en conjure, ne plus vous rappeler mes fautes passées ! » Ah ! larmes précieuses, ah ! regrets salutaires qui, d'un grand pécheur, en ont fait un si grand saint. Oh ! qu'un cœur brisé de douleur, a bientôt regagné l'amitié de son Dieu ! Ah ! plut à Dieu que chaque fois que nous nous remettons nos péchés devant les yeux, nous puissions dire avec autant de regret que saint Augustin : Ah ! malheur à moi, parce que j'ai beaucoup péché pendant les années de ma vie ! Mon Dieu, faites-moi miséricorde ! Oh ! que nos larmes couleraient bientôt, et comme notre vie ne semblerait bientôt plus la même ! Oui, M.F., convenons, tous, tant que nous sommes, avec autant de douleur que de sincérité, que nous sommes des criminels dignes de porter toute la colère d'un Dieu justement irrité par nos péchés, qui peut-être sont plus multipliés que les cheveux de notre tête. Mais bénissons à jamais la miséricorde de Dieu qui nous ouvre dans ses trésors une ressource à nos malheurs ! Oui, M.F., quelque grands que soient nos péchés, quelque déréglée qu'ait été notre conduite, nous sommes sûrs de notre pardon, si, à l'exemple de l'enfant prodigue, nous allons nous jeter avec un cœur brisé de douleur aux pieds du meilleur de tous les pères. Quel est mon dessein, M.F. ? Le voici : c'est de vous montrer que pour obtenir le pardon de ses péchés, il faut : 1? que le pécheur haïsse et déteste sincèrement ses péchés par la contrition, qui doit renfermer quatre qualités ; 2? il faut qu'il ait conçu un ferme propos de n'y plus retomber. Nous verrons de quelles manières on peut reconnaître que l'on a vraiment un ferme propos.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. – Pour vous faire comprendre ce que c'est que la contrition, c'est-à-dire la douleur que nous devons avoir de nos péchés, il faudrait pouvoir vous faire connaître, d'un côté, l'horreur que Dieu en a eue lui-même, les tourments qu'il a endurés pour nous en obtenir le pardon auprès de son Père ; et de l'autre, les biens que nous perdons en péchant et les maux que nous nous attirons pour l'autre vie : et cela, il ne sera jamais donné à l'homme de le comprendre. Où vais-je vous conduire, M.F., pour vous le faire connaître ? Serait-ce au fond des déserts, où tant de grands saints ont passé vingt, trente, quarante, cinquante et même quatre-vingts ans à pleurer des fautes, qui selon le monde ne sont pas des fautes ? Ah ! non, non, votre cœur ne serait pas encore touché. Serait-ce à la porte de l'enfer pour y entendre les cris, les hurlements et les grincements de dents occasionnés par le seul regret de leur péché ? Ah ! douleur amère, mais douleur et regrets infructueux et inutiles ! Ah ! non, non, M.F., ce n'est pas encore là où vous apprendrez à pleurer vos péchés avec la douleur et le regret que vous devez en avoir ! Ah ! c'est au pied de cette croix encore teinte du sang précieux d'un Dieu qui ne l'a répandu que pour effacer nos péchés. Ah ! s'il m'était permis de vous conduire dans ce jardin de douleurs où un Dieu égal à son Père pleure nos péchés, non avec des larmes ordinaires, mais avec tout son sang qui ruisselle par tous les pores de son corps, et où sa douleur est si violente qu'elle le jette dans une agonie qui semble lui ôter la vie, tant elle lui déchire le cœur. Ah ! si je pouvais vous mener à sa suite, le montrer chargé de sa croix dans les rues de Jérusalem : autant de pas, autant de chutes, et autant de fois relevé à coups de pieds. Ah ! si je pouvais vous faire approcher de ce Calvaire où un Dieu meurt en pleurant nos péchés ! Ah ! dirons-nous encore, il faudrait que Dieu nous donnât cet amour ardent dont il avait embrasé le cœur du grand Bernard, auquel la seule vue de la croix faisait verser des larmes avec tant d'abondance ! Ah ! belle et précieuse contrition, que celui qui te possède est heureux !
Mais à qui vais-je en parler, qui est celui qui la renferme dans son cœur ? Hélas ! je n'en sais rien. Serait-ce à ce pécheur endurci qui peut-être depuis vingt ans, trente ans, a abandonné son Dieu et son âme ? Ah ! non, non, ce serait faire la même fonction que celui qui voudrait attendrir un rocher en y jetant de l'eau dessus, tandis qu'il ne ferait que l'endurcir davantage. Serait-ce à ce chrétien qui a méprisé missions, retraite et jubilé, et toutes les instructions de ses pasteurs ? Ah non, non, ce serait vouloir réchauffer de l'eau en y mettant de la glace. Serait-ce à ces personnes qui se contentent de faire leurs pâques, en continuant leur même genre de vie, et qui tous les ans ont les mêmes péchés à raconter ? Ah ! non, non, ce sont des victimes que la colère de Dieu engraisse pour servir d'aliments aux flammes éternelles. Ah ! disons mieux, ils sont semblables à des criminels qui ont les yeux bandés, et qui, en attendant d'être exécutés, se livrent à tout ce que leur cœur gâté peut désirer. Serait-ce encore à ces chrétiens qui se confessent toutes les trois semaines ou un mois, qui chaque jour retombent ? Ah ! non, non, ce sont des aveugles qui ne savent ni ce qu'ils font ni ce qu'ils doivent faire. A qui pourrais-je donc adresser la parole ? Hélas ! je n'en sais rien... Ô mon Dieu ! où faut-il aller pour la trouver, à qui faut-il la demander ? Ah ! Seigneur, je sais d'où elle vient et qui la donne ; elle vient du ciel, et c'est vous qui la donnez. Ô mon Dieu ! donnez-nous, s'il vous plaît, cette contrition qui déchire et dévore nos cœurs. Ah ! cette belle contrition qui désarme la justice de Dieu, qui change notre éternité malheureuse en une éternité bienheureuse ! Ah ! Seigneur, ne nous refusez pas cette contrition qui renverse tous les projets et les artifices du démon ; cette contrition qui nous rend si promptement l'amitié de Dieu ! Ah ! belle vertu, que tu es nécessaire, mais que tu es rare ! Cependant, sans elle, point de pardon, sans elle, point de ciel ; disons plus, sans elle, tout est perdu pour nous, pénitences, charité et aumônes et tout ce que nous pouvons faire.
Mais, pensez-vous en vous-mêmes, qu'est-ce que cela veut dire, ce mot de contrition, et par quelle marque peut-on connaître si on l'a ? – Mon ami, désirez-vous le savoir ? Le voici. Écoutez-moi un moment : vous allez voir si vous l'avez oui ou non, et ensuite le moyen de l'avoir. Entrons dans un détail bien simple : Si vous me demandez : Qu'est-ce que la contrition ? je vous dirai que c'est une douleur de l'âme et une détestation des péchés que l'on a commis, avec une ferme résolution de ne plus y tomber. Oui, M.F., cette disposition est celle qui est le plus nécessaire de toutes celles que Dieu demande pour pardonner le pécheur ; non seulement elle est nécessaire, mais j'ajoute encore que rien ne peut nous en dispenser. Une maladie qui nous ôte l'usage de la parole peut nous dispenser de la confession, une mort prompte peut nous dispenser de la satisfaction, du moins pour cette vie ; mais il n'en est pas de même de la contrition ; sans elle il est impossible, et tout à fait impossible d'avoir le pardon de ses péchés. Oui, M.F., nous pouvons dire en gémissant que c'est ce défaut de contrition qui est cause d'un nombre infini de confessions et de communions sacrilèges ; mais ce qu'il y a encore de plus déplorable, c'est que l'on ne s'en aperçoit presque jamais, et que l'on vit et meurt dans ce malheureux état. Oui, M.F., rien de plus facile à comprendre. Si nous avons eu le malheur de cacher un péché dans nos confessions, ce crime est continuellement devant nos yeux, comme un monstre qui semble nous dévorer, ce qui fait qu'il est bien rare, si nous ne nous en déchargeons pas une fois on l'autre. Mais pour, la contrition, il n'en est plus de même ; nous nous confessons, notre cœur n'est pour rien dans l'accusation que nous faisons de nos péchés, nous recevons l'absolution, nous nous approchons de la table sainte avec un cœur aussi froid, aussi insensible, aussi indifférent que si nous venions de faire le récit d'une histoire ; nous allons de jour en jour, d'année en année, enfin nous arrivons à la mort où nous croyons avoir fait quelque bien ; nous ne trouvons et ne voyons que des crimes et des sacrilèges que nos confessions ont enfantés. Ô mon Dieu, que de confessions mauvaises par défaut de contrition ! Ô mon-Dieu ! que de chrétiens qui ne vont trouver à l'heure de la mort que des confessions indignes. Mais, sans aller plus loin, crainte de vous troubler ; je dis vous troubler. Ah ! c'est bien à présent qu'il faudrait vous conduire à deux doigts du désespoir, afin que, frappés de votre état, vous puissiez le réparer, sans attendre le moment où vous le connaîtrez sans pouvoir le réparer. Mais venons, M.F., à l'explication, et vous allez voir si, chaque fois que vous vous êtes confessés, vous avez eu la douleur nécessaire, et absolument nécessaire pour avoir l'espérance que vos péchés soient pardonnés.
Je dis que la contrition est une douleur de l'âme. Il faut de toute nécessité que le pécheur pleure ses péchés ou dans ce monde ou dans l'autre. Dans ce monde, vous pouvez les effacer par le regret que vous en ressentez, mais non dans l'autre. Ô combien nous devrions être reconnaissants envers la bonté de Dieu, de ce que, au lieu de ces regrets éternels et de ces douleurs les plus déchirantes que nous méritons de souffrir dans l'autre vie, c'est-à-dire en enfer, Dieu se contente seulement que nos cœurs soient touchés d'une véritable douleur, qui sera suivie d'une joie éternelle ! Ô mon Dieu ! que vous vous contentez de peu de chose !
1? Je dis que cette douleur doit avoir quatre qualités si une seule manque, nous ne pouvons pas obtenir le pardon de nos péchés. Sa première qualité : elle doit être intérieure, c'est-à-dire dans le fond du cœur. Elle ne consiste donc pas dans les larmes : elles sont bonnes et utiles, il est vrai, mais, elles ne sont pas nécessaires. En effet, lorsque saint Paul et le bon larron se sont convertis, il n'est pas dit qu'ils ont pleuré, et leur douleur a été sincère. Non, M.F., non, ce n'est pas sur les larmes que l'on doit compter : elles-mêmes sont souvent trompeuses, bien des personnes pleurent au tribunal de la pénitence et à la première occasion retombent. Mais la douleur que Dieu demande de nous, la voici. Écoutez ce que nous dit le prophète Joël : « Avez-vous eu le malheur de pécher ? Ah ! mes enfants, brisez et déchirez vos cœurs de regrets ! » « Si vous avez perdu le Seigneur par vos péchés, nous dit Moïse, cherchez-le de tout votre cœur, dans l'affliction et l'amertume de votre cœur. » Pourquoi, M.F., Dieu veut-il que notre cœur se repente ? C'est que c'est notre cœur qui a péché : « C'est de votre cœur, dit le Seigneur, que sont nés toutes ces mauvaises pensées, tous ces mauvais désirs ; » il faut donc absolument que si notre cœur a fait le mal, il se repente, sans quoi jamais Dieu ne nous pardonnera.
2? Je dis qu'il faut que la douleur que nous devons ressentir de nos péchés soit surnaturelle, c'est-à-dire que ce soit l'Esprit-Saint qui l'excite en nous, et non des causes naturelles. Je distingue : être affligé d'avoir commis tel ou tel péché, parce qu'il nous exclut du paradis et qu'il mérite l'enfer ; ces motifs sont surnaturels, c'est l'Esprit-Saint qui en est l'auteur ; cela peut nous conduire à une véritable contrition. Mais s'affliger à cause de la honte que le péché entraîne nécessairement avec lui, ainsi que des maux qu'il nous attire, comme la honte d'une jeune personne qui a perdu sa réputation, ou d'une autre personne qui a été prise à voler son voisin ; tout cela n'est qu'une douleur purement naturelle qui ne mérite point notre pardon. De là il est facile de concevoir que la douleur de nos péchés, que le repentir de nos péchés peuvent venir ou de l'amour que nous avons pour Dieu ou de la crainte des châtiments. Celui qui dans son repentir ne considère que Dieu a une contrition parfaite, disposition si éminente qu'elle purifie le pécheur par elle-même avant d'avoir reçu la grâce de l'absolution, pourvu qu'il soit dans la disposition de la recevoir s'il le peut. Mais, pour celui qui n'a le repentir de ses péchés qu'à cause des châtiments, que ses péchés lui attirent, il n'a qu'une contrition imparfaite, qui ne le justifie point ; mais elle le dispose seulement à recevoir sa justification dans le sacrement de Pénitence .
Mais à qui vais-je en parler, qui est celui qui la renferme dans son cœur ? Hélas ! je n'en sais rien. Serait-ce à ce pécheur endurci qui peut-être depuis vingt ans, trente ans, a abandonné son Dieu et son âme ? Ah ! non, non, ce serait faire la même fonction que celui qui voudrait attendrir un rocher en y jetant de l'eau dessus, tandis qu'il ne ferait que l'endurcir davantage. Serait-ce à ce chrétien qui a méprisé missions, retraite et jubilé, et toutes les instructions de ses pasteurs ? Ah non, non, ce serait vouloir réchauffer de l'eau en y mettant de la glace. Serait-ce à ces personnes qui se contentent de faire leurs pâques, en continuant leur même genre de vie, et qui tous les ans ont les mêmes péchés à raconter ? Ah ! non, non, ce sont des victimes que la colère de Dieu engraisse pour servir d'aliments aux flammes éternelles. Ah ! disons mieux, ils sont semblables à des criminels qui ont les yeux bandés, et qui, en attendant d'être exécutés, se livrent à tout ce que leur cœur gâté peut désirer. Serait-ce encore à ces chrétiens qui se confessent toutes les trois semaines ou un mois, qui chaque jour retombent ? Ah ! non, non, ce sont des aveugles qui ne savent ni ce qu'ils font ni ce qu'ils doivent faire. A qui pourrais-je donc adresser la parole ? Hélas ! je n'en sais rien... Ô mon Dieu ! où faut-il aller pour la trouver, à qui faut-il la demander ? Ah ! Seigneur, je sais d'où elle vient et qui la donne ; elle vient du ciel, et c'est vous qui la donnez. Ô mon Dieu ! donnez-nous, s'il vous plaît, cette contrition qui déchire et dévore nos cœurs. Ah ! cette belle contrition qui désarme la justice de Dieu, qui change notre éternité malheureuse en une éternité bienheureuse ! Ah ! Seigneur, ne nous refusez pas cette contrition qui renverse tous les projets et les artifices du démon ; cette contrition qui nous rend si promptement l'amitié de Dieu ! Ah ! belle vertu, que tu es nécessaire, mais que tu es rare ! Cependant, sans elle, point de pardon, sans elle, point de ciel ; disons plus, sans elle, tout est perdu pour nous, pénitences, charité et aumônes et tout ce que nous pouvons faire.
Mais, pensez-vous en vous-mêmes, qu'est-ce que cela veut dire, ce mot de contrition, et par quelle marque peut-on connaître si on l'a ? – Mon ami, désirez-vous le savoir ? Le voici. Écoutez-moi un moment : vous allez voir si vous l'avez oui ou non, et ensuite le moyen de l'avoir. Entrons dans un détail bien simple : Si vous me demandez : Qu'est-ce que la contrition ? je vous dirai que c'est une douleur de l'âme et une détestation des péchés que l'on a commis, avec une ferme résolution de ne plus y tomber. Oui, M.F., cette disposition est celle qui est le plus nécessaire de toutes celles que Dieu demande pour pardonner le pécheur ; non seulement elle est nécessaire, mais j'ajoute encore que rien ne peut nous en dispenser. Une maladie qui nous ôte l'usage de la parole peut nous dispenser de la confession, une mort prompte peut nous dispenser de la satisfaction, du moins pour cette vie ; mais il n'en est pas de même de la contrition ; sans elle il est impossible, et tout à fait impossible d'avoir le pardon de ses péchés. Oui, M.F., nous pouvons dire en gémissant que c'est ce défaut de contrition qui est cause d'un nombre infini de confessions et de communions sacrilèges ; mais ce qu'il y a encore de plus déplorable, c'est que l'on ne s'en aperçoit presque jamais, et que l'on vit et meurt dans ce malheureux état. Oui, M.F., rien de plus facile à comprendre. Si nous avons eu le malheur de cacher un péché dans nos confessions, ce crime est continuellement devant nos yeux, comme un monstre qui semble nous dévorer, ce qui fait qu'il est bien rare, si nous ne nous en déchargeons pas une fois on l'autre. Mais pour, la contrition, il n'en est plus de même ; nous nous confessons, notre cœur n'est pour rien dans l'accusation que nous faisons de nos péchés, nous recevons l'absolution, nous nous approchons de la table sainte avec un cœur aussi froid, aussi insensible, aussi indifférent que si nous venions de faire le récit d'une histoire ; nous allons de jour en jour, d'année en année, enfin nous arrivons à la mort où nous croyons avoir fait quelque bien ; nous ne trouvons et ne voyons que des crimes et des sacrilèges que nos confessions ont enfantés. Ô mon Dieu, que de confessions mauvaises par défaut de contrition ! Ô mon-Dieu ! que de chrétiens qui ne vont trouver à l'heure de la mort que des confessions indignes. Mais, sans aller plus loin, crainte de vous troubler ; je dis vous troubler. Ah ! c'est bien à présent qu'il faudrait vous conduire à deux doigts du désespoir, afin que, frappés de votre état, vous puissiez le réparer, sans attendre le moment où vous le connaîtrez sans pouvoir le réparer. Mais venons, M.F., à l'explication, et vous allez voir si, chaque fois que vous vous êtes confessés, vous avez eu la douleur nécessaire, et absolument nécessaire pour avoir l'espérance que vos péchés soient pardonnés.
Je dis que la contrition est une douleur de l'âme. Il faut de toute nécessité que le pécheur pleure ses péchés ou dans ce monde ou dans l'autre. Dans ce monde, vous pouvez les effacer par le regret que vous en ressentez, mais non dans l'autre. Ô combien nous devrions être reconnaissants envers la bonté de Dieu, de ce que, au lieu de ces regrets éternels et de ces douleurs les plus déchirantes que nous méritons de souffrir dans l'autre vie, c'est-à-dire en enfer, Dieu se contente seulement que nos cœurs soient touchés d'une véritable douleur, qui sera suivie d'une joie éternelle ! Ô mon Dieu ! que vous vous contentez de peu de chose !
1? Je dis que cette douleur doit avoir quatre qualités si une seule manque, nous ne pouvons pas obtenir le pardon de nos péchés. Sa première qualité : elle doit être intérieure, c'est-à-dire dans le fond du cœur. Elle ne consiste donc pas dans les larmes : elles sont bonnes et utiles, il est vrai, mais, elles ne sont pas nécessaires. En effet, lorsque saint Paul et le bon larron se sont convertis, il n'est pas dit qu'ils ont pleuré, et leur douleur a été sincère. Non, M.F., non, ce n'est pas sur les larmes que l'on doit compter : elles-mêmes sont souvent trompeuses, bien des personnes pleurent au tribunal de la pénitence et à la première occasion retombent. Mais la douleur que Dieu demande de nous, la voici. Écoutez ce que nous dit le prophète Joël : « Avez-vous eu le malheur de pécher ? Ah ! mes enfants, brisez et déchirez vos cœurs de regrets ! » « Si vous avez perdu le Seigneur par vos péchés, nous dit Moïse, cherchez-le de tout votre cœur, dans l'affliction et l'amertume de votre cœur. » Pourquoi, M.F., Dieu veut-il que notre cœur se repente ? C'est que c'est notre cœur qui a péché : « C'est de votre cœur, dit le Seigneur, que sont nés toutes ces mauvaises pensées, tous ces mauvais désirs ; » il faut donc absolument que si notre cœur a fait le mal, il se repente, sans quoi jamais Dieu ne nous pardonnera.
2? Je dis qu'il faut que la douleur que nous devons ressentir de nos péchés soit surnaturelle, c'est-à-dire que ce soit l'Esprit-Saint qui l'excite en nous, et non des causes naturelles. Je distingue : être affligé d'avoir commis tel ou tel péché, parce qu'il nous exclut du paradis et qu'il mérite l'enfer ; ces motifs sont surnaturels, c'est l'Esprit-Saint qui en est l'auteur ; cela peut nous conduire à une véritable contrition. Mais s'affliger à cause de la honte que le péché entraîne nécessairement avec lui, ainsi que des maux qu'il nous attire, comme la honte d'une jeune personne qui a perdu sa réputation, ou d'une autre personne qui a été prise à voler son voisin ; tout cela n'est qu'une douleur purement naturelle qui ne mérite point notre pardon. De là il est facile de concevoir que la douleur de nos péchés, que le repentir de nos péchés peuvent venir ou de l'amour que nous avons pour Dieu ou de la crainte des châtiments. Celui qui dans son repentir ne considère que Dieu a une contrition parfaite, disposition si éminente qu'elle purifie le pécheur par elle-même avant d'avoir reçu la grâce de l'absolution, pourvu qu'il soit dans la disposition de la recevoir s'il le peut. Mais, pour celui qui n'a le repentir de ses péchés qu'à cause des châtiments, que ses péchés lui attirent, il n'a qu'une contrition imparfaite, qui ne le justifie point ; mais elle le dispose seulement à recevoir sa justification dans le sacrement de Pénitence .
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
3? Troisième condition de la contrition : elle doit être souveraine, c'est-à-dire la plus grande de toutes les douleurs, plus grande, dis-je, que celle que nous éprouvons en perdant nos parents et notre santé, et généralement tout ce que nous avons de plus cher au monde. Si après avoir péché vous n'êtes pas dans ce regret, tremblez pour vos confessions. Hélas ! combien de fois, pour la perte d'un objet de neuf ou dix sous, l'on pleure, on se tourmente combien de jours, jusqu'à ne pouvoir manger, hélas !... et pour des péchés et souvent des péchés mortels, l'on ne versera ni une larme, ni l'on ne poussera un soupir. Ô mon Dieu, que l'homme connaît peu ce qu'il fait en péchant ! – Mais pourquoi est-ce, me direz-vous, que notre douleur doit être si grande ? Mon ami, en voici la raison : Elle doit être proportionnée à la grandeur de la perte que nous faisons et au malheur où le péché nous jette. D'après cela, jugez quelle doit être notre douleur, puisque le péché nous fait perdre le ciel avec toutes ses douceurs ; Ah ! que dis-je ? Il nous fait perdre notre Dieu avec toutes ses amitiés et nous précipite en enfer qui est le plus grand de tous les malheurs. – Mais, pensez-vous, comment peut-on reconnaître si cette véritable contrition est en nous ? Rien de plus facile. Si vous l'avez véritable, vous n'agirez, vous ne penserez plus de même, elle vous aura totalement changé dans votre manière de vivre : vous haïrez ce que vous avez aimé, et vous aimerez ce que vous avez fui et méprisé ; c'est-à-dire, que si vous vous êtes confessés d'avoir eu de l'orgueil dans vos actions et dans vos paroles, il faut maintenant que vous fassiez paraître en vous une bonté, une charité pour tout le monde. Il ne faut pas que ce soit vous qui jugiez que vous avez fait une bonne confession, parce que vous pourriez bien vous tromper ; mais il faut que les personnes qui vous ont vu et entendu avant votre confession, puissent dire : « Il n'est plus de même ; un grand changement s'est opéré en lui. » Hélas ! mon Dieu ! où sont ces confessions qui opèrent ce grand bien ? Oh ! qu'elles sont rares ; mais que celles qui sont faites avec toutes les dispositions que Dieu demande le sont aussi !
Avouons, M.F., à notre confusion, que si nous paraissons si peu touchés, cela ne peut venir que de notre peu de foi et de notre peu d'amour que nous avons pour Dieu. Ah ! si nous avions le bonheur de comprendre combien Dieu est bon et combien le péché est énorme, et combien noire est notre ingratitude d'outrager un si bon Père, ah ! sans doute, que nous paraîtrions autrement affligés que nous ne le sommes pas. – Mais, me direz-vous, je voudrais l'avoir, cette contrition, lorsque je me confesse, et je ne peux pas l'avoir. – Mais, qu'est-ce que je vous ai dit en commençant ? Ne vous ai-je pas dit qu'elle venait du ciel, que c'était à Dieu qu'il fallait la demander ? Qu'ont fait les saints, mon ami, pour mériter ce bonheur de pleurer leurs péchés ? Ils l'ont demandé à Dieu par le jeûne, la prière, par toutes sortes de pénitences et de bonnes œuvres ; car pour vos larmes, vous n'y devez nullement compter. Je vais vous le prouver : ouvrez les livres saints et vous en serez convaincu. Voyez Antiochus, combien il pleure, combien il demande miséricorde ; cependant le Saint-Esprit nous dit qu'en pleurant, il descendit en enfer. Voyez Judas, il a conçu une si grande douleur de son péché, il le pleure avec tant d'abondance qu'il finit pour se pendre. Voyez Saül, il pousse des cris affreux d'avoir eu le malheur de mépriser le Seigneur, cependant il est en enfer. Voyez Caïn, les larmes qu'il verse d'avoir péché, cependant il brûle. Qui de nous, M.F., qui aurait vu couler toutes ces larmes et ces repentirs, n'eût cru que le bon Dieu les eût pardonnés ; cependant aucun d'eux n'est pardonné ; au lieu que dès que David eût dit : « J'ai péché ; » de suite son péché lui fut remis . – Et pourquoi cela, me direz-vous ? Pourquoi cette différence, que les premiers ne sont pas pardonnés, tandis que David l'est ? – Mon ami, le voici. C'est que les premiers ne se repentent et ne détestent leurs péchés qu'à cause des châtiments et de l'infamie que le péché entraîne nécessairement avec lui, et non par rapport à Dieu ; au lieu que David pleura ses péchés, non à cause des châtiments que le Seigneur allait lui faire subir, mais à la vue des outrages que ses péchés avaient faits à Dieu. Sa douleur fut si vive et si sincère que Dieu ne put lui refuser son pardon. Avez-vous demandé à Dieu la contrition avant de vous confesser ? Hélas ! peut-être que jamais vous ne l'avez fait.
Ah ! tremblez pour vos confessions ; ah ! que de sacrilèges ! Ô mon Dieu ! que de chrétiens damnés !
4? Elle doit être universelle. Il est rapporté dans la vie des Saints, au sujet de la douleur universelle que nous devons avoir de nos péchés, que si nous ne les détestons pas tous, ils ne seront pas pardonnés ni les uns ni les autres. Il est rapporté que saint Sébastien étant à Rome y faisait les miracles les plus éclatants qui remplissaient d'admiration le gouverneur Chromos, qui, dans ce temps, étant accablé d'infirmités, désira ardemment de le voir, pour lui demander la guérison de ses maux. Lorsque le saint fut devant lui : « Il y a bien longtemps que je gémis, couvert de plaies, sans avoir pu trouver un homme dans le monde pour me délivrer ; le bruit court que vous obtenez tout ce que vous voulez de votre Dieu ; si vous voulez lui demander ma guérison, je vous promets que je me ferai chrétien. » – « Eh bien ! lui dit le saint, si vous êtes dans cette résolution, je vous promets de la part du Dieu que j'adore, qui est le Créateur du ciel et de la terre, que dès que vous aurez brisé toutes vos idoles, vous serez parfaitement guéri. » Le gouverneur lui dit : « Non seulement je suis prêt à faire ce sacrifice, mais encore de plus grands s'il le faut. » S'étant séparés l'un de l'autre, le gouverneur commence à briser ses idoles ; la dernière qu'il prit pour la briser, lui parut si respectable qu'il n'eut pas le courage de la détruire ; il se persuada que cette réserve ne lui empêcherait pas sa guérison. Mais ressentant sa douleur plus violente que jamais, tout en fureur, il va trouver le saint en lui faisant les reproches les plus sanglants, qu'après avoir brisé ses idoles comme il le lui avait commandé, bien loin d'être guéri, il souffrait encore davantage. « Mais, lui dit le saint, les avez-vous bien toutes brisées sans en réserver une seule ? » – « Hélas ! fait le gouverneur en pleurant, il ne m'en reste qu'une petite qui, depuis bien des années, est conservée dans notre famille ; ah ! elle m'est trop chère pour la détruire ! » – « Eh bien ! lui dit le saint, est-ce là ce que vous m'aviez promis ? Allez, brisez-la et vous serez guéri. » Il la prend et la brise, et à l'instant même il fut guéri. Voilà, M.F., un exemple qui nous retrace la conduite d'un nombre presque infini qui se repentent de certains péchés et non de tous, et qui, semblables à ce gouverneur, bien loin de guérir les plaies que le péché a faites à leur pauvre âme, ils en font de plus profondes ; et, tant qu'ils n'auront pas fait comme lui, brisé cette idole, c'est-à-dire rompu cette habitude de certains péchés, tant qu'ils n'auront pas quitté cette mauvaise compagnie ; cet orgueil, ce désir de plaire, cet attachement aux biens de la terre, toutes leurs confessions ne feront qu'ajouter crimes sur crimes, sacrilèges sur sacrilèges. Ah, ! mon Dieu, quelle horreur et quelle abomination ! Et dans cet état ils vivent tranquilles, tandis que le démon leur creuse une place en enfer !
Nous lisons dans l'histoire un exemple qui nous montre combien les saints regardaient cette douleur de nos péchés comme nécessaire pour obtenir leur pardon. Un officier du Pape étant tombé malade, le Saint-Père qui l'estimait beaucoup pour sa vertu et sa sainteté, lui envoya un de ses cardinaux pour lui témoigner la douleur que lui causait sa maladie et en même temps lui appliquer les indulgences plénières. « Hélas ! dit le mourant au cardinal, dites bien au Saint-Père que je suis infiniment reconnaissant de la tendresse de son cœur pour moi, mais dites-lui bien aussi que je serais infiniment plus heureux s'il voulait demander à Dieu pour moi la contrition de mes péchés. Hélas ! s'écrie-t-il, que me servira tout cela, si mon cœur ne se brise et ne se déchire de douleur d'avoir offensé un Dieu si bon ? Mon Dieu ! s'écrie ce pauvre mourant, faites, s'il est possible, que le regret de mes péchés égale les outrages que je vous ai faits !... »
Avouons, M.F., à notre confusion, que si nous paraissons si peu touchés, cela ne peut venir que de notre peu de foi et de notre peu d'amour que nous avons pour Dieu. Ah ! si nous avions le bonheur de comprendre combien Dieu est bon et combien le péché est énorme, et combien noire est notre ingratitude d'outrager un si bon Père, ah ! sans doute, que nous paraîtrions autrement affligés que nous ne le sommes pas. – Mais, me direz-vous, je voudrais l'avoir, cette contrition, lorsque je me confesse, et je ne peux pas l'avoir. – Mais, qu'est-ce que je vous ai dit en commençant ? Ne vous ai-je pas dit qu'elle venait du ciel, que c'était à Dieu qu'il fallait la demander ? Qu'ont fait les saints, mon ami, pour mériter ce bonheur de pleurer leurs péchés ? Ils l'ont demandé à Dieu par le jeûne, la prière, par toutes sortes de pénitences et de bonnes œuvres ; car pour vos larmes, vous n'y devez nullement compter. Je vais vous le prouver : ouvrez les livres saints et vous en serez convaincu. Voyez Antiochus, combien il pleure, combien il demande miséricorde ; cependant le Saint-Esprit nous dit qu'en pleurant, il descendit en enfer. Voyez Judas, il a conçu une si grande douleur de son péché, il le pleure avec tant d'abondance qu'il finit pour se pendre. Voyez Saül, il pousse des cris affreux d'avoir eu le malheur de mépriser le Seigneur, cependant il est en enfer. Voyez Caïn, les larmes qu'il verse d'avoir péché, cependant il brûle. Qui de nous, M.F., qui aurait vu couler toutes ces larmes et ces repentirs, n'eût cru que le bon Dieu les eût pardonnés ; cependant aucun d'eux n'est pardonné ; au lieu que dès que David eût dit : « J'ai péché ; » de suite son péché lui fut remis . – Et pourquoi cela, me direz-vous ? Pourquoi cette différence, que les premiers ne sont pas pardonnés, tandis que David l'est ? – Mon ami, le voici. C'est que les premiers ne se repentent et ne détestent leurs péchés qu'à cause des châtiments et de l'infamie que le péché entraîne nécessairement avec lui, et non par rapport à Dieu ; au lieu que David pleura ses péchés, non à cause des châtiments que le Seigneur allait lui faire subir, mais à la vue des outrages que ses péchés avaient faits à Dieu. Sa douleur fut si vive et si sincère que Dieu ne put lui refuser son pardon. Avez-vous demandé à Dieu la contrition avant de vous confesser ? Hélas ! peut-être que jamais vous ne l'avez fait.
Ah ! tremblez pour vos confessions ; ah ! que de sacrilèges ! Ô mon Dieu ! que de chrétiens damnés !
4? Elle doit être universelle. Il est rapporté dans la vie des Saints, au sujet de la douleur universelle que nous devons avoir de nos péchés, que si nous ne les détestons pas tous, ils ne seront pas pardonnés ni les uns ni les autres. Il est rapporté que saint Sébastien étant à Rome y faisait les miracles les plus éclatants qui remplissaient d'admiration le gouverneur Chromos, qui, dans ce temps, étant accablé d'infirmités, désira ardemment de le voir, pour lui demander la guérison de ses maux. Lorsque le saint fut devant lui : « Il y a bien longtemps que je gémis, couvert de plaies, sans avoir pu trouver un homme dans le monde pour me délivrer ; le bruit court que vous obtenez tout ce que vous voulez de votre Dieu ; si vous voulez lui demander ma guérison, je vous promets que je me ferai chrétien. » – « Eh bien ! lui dit le saint, si vous êtes dans cette résolution, je vous promets de la part du Dieu que j'adore, qui est le Créateur du ciel et de la terre, que dès que vous aurez brisé toutes vos idoles, vous serez parfaitement guéri. » Le gouverneur lui dit : « Non seulement je suis prêt à faire ce sacrifice, mais encore de plus grands s'il le faut. » S'étant séparés l'un de l'autre, le gouverneur commence à briser ses idoles ; la dernière qu'il prit pour la briser, lui parut si respectable qu'il n'eut pas le courage de la détruire ; il se persuada que cette réserve ne lui empêcherait pas sa guérison. Mais ressentant sa douleur plus violente que jamais, tout en fureur, il va trouver le saint en lui faisant les reproches les plus sanglants, qu'après avoir brisé ses idoles comme il le lui avait commandé, bien loin d'être guéri, il souffrait encore davantage. « Mais, lui dit le saint, les avez-vous bien toutes brisées sans en réserver une seule ? » – « Hélas ! fait le gouverneur en pleurant, il ne m'en reste qu'une petite qui, depuis bien des années, est conservée dans notre famille ; ah ! elle m'est trop chère pour la détruire ! » – « Eh bien ! lui dit le saint, est-ce là ce que vous m'aviez promis ? Allez, brisez-la et vous serez guéri. » Il la prend et la brise, et à l'instant même il fut guéri. Voilà, M.F., un exemple qui nous retrace la conduite d'un nombre presque infini qui se repentent de certains péchés et non de tous, et qui, semblables à ce gouverneur, bien loin de guérir les plaies que le péché a faites à leur pauvre âme, ils en font de plus profondes ; et, tant qu'ils n'auront pas fait comme lui, brisé cette idole, c'est-à-dire rompu cette habitude de certains péchés, tant qu'ils n'auront pas quitté cette mauvaise compagnie ; cet orgueil, ce désir de plaire, cet attachement aux biens de la terre, toutes leurs confessions ne feront qu'ajouter crimes sur crimes, sacrilèges sur sacrilèges. Ah, ! mon Dieu, quelle horreur et quelle abomination ! Et dans cet état ils vivent tranquilles, tandis que le démon leur creuse une place en enfer !
Nous lisons dans l'histoire un exemple qui nous montre combien les saints regardaient cette douleur de nos péchés comme nécessaire pour obtenir leur pardon. Un officier du Pape étant tombé malade, le Saint-Père qui l'estimait beaucoup pour sa vertu et sa sainteté, lui envoya un de ses cardinaux pour lui témoigner la douleur que lui causait sa maladie et en même temps lui appliquer les indulgences plénières. « Hélas ! dit le mourant au cardinal, dites bien au Saint-Père que je suis infiniment reconnaissant de la tendresse de son cœur pour moi, mais dites-lui bien aussi que je serais infiniment plus heureux s'il voulait demander à Dieu pour moi la contrition de mes péchés. Hélas ! s'écrie-t-il, que me servira tout cela, si mon cœur ne se brise et ne se déchire de douleur d'avoir offensé un Dieu si bon ? Mon Dieu ! s'écrie ce pauvre mourant, faites, s'il est possible, que le regret de mes péchés égale les outrages que je vous ai faits !... »
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Oh ! M.F., que ces douteurs sont rares ; cherchez, hélas ! elles sont aussi rares que les bonnes confessions : Oui, M.F., un chrétien qui a péché et qui veut en obtenir le pardon doit être dans la disposition de souffrir toutes les cruautés les plus affreuses plutôt que de retomber dans les péchés qu'il vient de confesser. !? Je vais vous le prouver par un exemple, et si, après nous être confessés, nous ne sommes dans ces dispositions, point de pardon... Nous lisons dans l'histoire du quatrième siècle, que Sapor, empereur des Perses, étant devenu le plus cruel ennemi des chrétiens, ordonna que tous les prêtres qui n'adoreraient pas le Soleil et qui ne le reconnaîtraient pas pour dieu seraient mis à mort. Le premier qu'il fit prendre ce fut l'archevêque de Séleucie, qui était saint Siméon. Il commença à essayer s'il pourrait le séduire par toutes sortes de promesses. Ne pouvant rien gagner, dans l'espérance de l'effrayer, il étala devant lui tous les tourments que sa cruauté avait pu inventer pour faire souffrir les chrétiens, en lui disant que si son opiniâtreté lui faisait refuser ce qu'il commandait, il le ferait passer par de si affreux et de si rigoureux tourments qu'il le ferait bien obéir, et, de plus, qu'il chasserait tous les prêtres et tous les chrétiens de son royaume. Mais le voyant aussi ferme qu'une roche au milieu des mers battues par les tempêtes, il le fit conduire en prison dans l'espérance que la pensée des tourments qui lui étaient préparés, lui ferait changer de sentiments. En chemin il rencontra un vieil eunuque qui était surintendant du palais impérial. Celui-ci, touché de compassion de voir un saint évêque traité si indignement, se prosterna devant lui pour lui témoigner le respect dont il était plein pour lui. Mais l'évêque, bien loin de paraître sensible au témoignage respectueux de cet eunuque, se tourna de l'autre côté pour lui reprocher le crime de son apostasie, parce que, autrefois, il avait été chrétien et catholique. Ce reproche auquel il ne s'attendait pas lui fut si sensible, lui pénétra si vivement le cœur, qu'à l'instant même, il ne fût plus maître ni de ses larmes, ni de ses sanglots. Le crime de son apostasie lui parut si affreux qu'il arrache les habits blancs dont il était revêtu et en prend de noirs, court comme un désespéré se jeter à la porte du palais, et là se livre à toutes les amertumes de la douleur la plus déchirante. « Ah ! malheureux, se dit-il, que vas-tu devenir ? Hélas ! quels châtiments as-tu à attendre de Jésus-Christ que tu as renoncé, si je suis si sensible au reproche d'un évêque qui n'est que le ministre de Celui que j'ai si honteusement trahi... » Mais l'empereur ayant appris tout ce qui se passait, tout étonné d'un tel spectacle, lui demanda : « Quelle est donc la cause d'une telle douleur et de tant de larmes ? » – « Ah ! plût à Dieu, s'écria-t-il, que toutes les disgrâces et tous les malheurs du monde me fussent tous dessus, plutôt que ce qui est la cause de ma douleur. Ah ! je pleure de ce que je ne suis pas mort. Ah ! pourrais-je encore regarder le soleil que j'ai eu le malheur d'adorer, crainte de vous déplaire. » – L'empereur, qui l'aimait à cause de sa fidélité, essaya s'il pourrait le gagner en lui promettant toutes sortes de biens et de faveurs. -« Ah ! non, non, s'écria-t-il ; ah ! trop heureux si je peux par ma mort réparer les outrages que j'ai faits à Dieu, retrouver le ciel que j'ai perdu. Ô mon Dieu et mon Sauveur, aurez-vous encore pitié de moi ? Ah ! si du moins j'avais mille vies à donner pour vous témoigner mon regret et mon retour. » – L'empereur qui lui entendait tenir ce langage mourait de rage, et, désespérant de pouvoir rien gagner, le condamna à mourir dans les supplices. Écoutez-le allant au supplice : « Ah ! Seigneur, quel bonheur de mourir pour vous ; oui, mon Dieu, si j'ai eu le malheur de vous renoncer, du moins j'aurai le bonheur de donner ma vie pour vous. » Ah ! douleur sincère, douleur puissante, qui avez si promptement regagné l'amitié de mon Dieu !...
Nous lisons dans la vie de sainte Marguerite, qu'elle eut une si grande douleur d'un péché qu'elle avait commis dans sa jeunesse, qu'elle le pleura toute sa vie : étant près de mourir, on lui demanda quel était le péché qu'elle avait commis qui lui avait fait verser tant de larmes. « Hélas ! s'écria-t-elle en pleurant, comment ne pourrais-je pas pleurer ? Ah ! ou plutôt que ne suis-je morte avant ce péché ! À l'âge de cinq ou six ans, j'eus le malheur de dire un mensonge à mon père. – Mais, lui dit-on, il n'y avait pas là tant de quoi pleurer. – Ah ! peut-on bien me tenir un tel langage ! Vous n'avez donc jamais conçu ce que c'est que le péché, l'outrage qu'il fait à Dieu et les malheurs qu'il nous attire ? » Hélas ! M.F., qu'allons-nous devenir, si tant de saints ont fait retentir les rochers et les déserts de leurs gémissements, ont formé, pour ainsi dire, des rivières de leurs larmes pour des péchés dont nous nous faisons un jeu, tandis que nous avons commis des péchés mortels, peut-être plus que nous n'avons de cheveux à la tête. Et pas une larme de douleur et de repentir ! Ah ! triste aveuglement où nos désordres nous ont conduits !
Nous lisons dans la vie des Pères du désert, qu'un voleur nommé Jonathas, poursuivi par la justice, courut se cacher auprès de la colonne de saint Siméon Stylite, espérant que le respect que l'on aurait pour le saint le garantirait de la mort. En effet, personne n'osa le toucher. Le saint s'étant mis en prières pour demander à Dieu sa conversion ; dans le moment même, il ressentit une douleur si vive de ses péchés, que pendant huit jours il ne fit que pleurer. Au bout des huit jours, il demanda à saint Siméon la permission de le quitter. Le saint lui dit : « Mon ami, vous aller retourner dans le monde, recommencer vos désordres. » – « Ah ! Dieu me préserve d'un tel malheur ; mais je vous demande pour m'en aller au ciel ; j'ai vu Jésus-Christ qui m'a dit que tous mes péchés m'étaient pardonnés par la grande douleur que j'en ai ressentie. » – « Allez, mon fils, lui dit le saint ; allez chanter dans le ciel les grandes miséricordes de Dieu pour vous. » Dans ce moment il tombe mort, et le saint rapporte lui-même qu'il vit Jésus-Christ qui conduisait son âme au ciel. Ô belle mort ! ô mort précieuse de mourir de douleur d'avoir offensé Dieu !
Ah ! si du moins nous ne mourons pas de douleur comme ces grands pénitents, voulons-nous, M.F., exciter en nous une véritable contrition, imitons ce saint évêque mort dernièrement, qui chaque fois qu'il se présentait au tribunal de la pénitence pour avoir une vive douleur de ses péchés, faisait trois stations. La première en enfer, la deuxième dans le ciel, la troisième sur le calvaire. D'abord il portait sa pensée dans ces lieux d'horreur et de tourments, il se figurait voir les damnés qui vomissaient des torrents de flammes par la bouche, qui hurlaient et se dévoraient les uns et les autres ; cette pensée lui glaçait le sang dans les veines, il croyait ne plus pouvoir vivre à la vue d'un tel spectacle, surtout en considérant que ses péchés lui avaient mille fois mérité ces supplices. De là son esprit se transportait dans le ciel et faisait la revue de tous ces trônes de gloire où étaient assis les bienheureux ; il se représentait les larmes qu'ils avaient répandues et les pénitences qu'ils avaient faites pendant leur vie pour des péchés si légers et que lui-même en avait tant commis et n'avait encore rien fait pour les expier, ce qui le plongeait dans une tristesse si profonde, qu'il semblait que ses larmes ne pouvaient plus se tarir. Non content de tout cela, il dirigeait ses pas du côté du calvaire, et là, à mesure que ses regards se rapprochaient de la croix où un Dieu était mort pour lui, les forces lui manquaient, il restait immobile à la vue des souffrances que ses péchés avaient causées à son Dieu. On l'entendait à chaque instant répéter ces paroles avec des sanglots : « Mon Dieu, mon Dieu ! puis-je encore vivre en considérant les horreurs que mes péchés vous ont causées ! » Voilà, M.F., ce que nous pouvons appeler une véritable contrition, parce que nous voyons qu'il ne considère ses péchés que par rapport à Dieu.
Nous lisons dans la vie de sainte Marguerite, qu'elle eut une si grande douleur d'un péché qu'elle avait commis dans sa jeunesse, qu'elle le pleura toute sa vie : étant près de mourir, on lui demanda quel était le péché qu'elle avait commis qui lui avait fait verser tant de larmes. « Hélas ! s'écria-t-elle en pleurant, comment ne pourrais-je pas pleurer ? Ah ! ou plutôt que ne suis-je morte avant ce péché ! À l'âge de cinq ou six ans, j'eus le malheur de dire un mensonge à mon père. – Mais, lui dit-on, il n'y avait pas là tant de quoi pleurer. – Ah ! peut-on bien me tenir un tel langage ! Vous n'avez donc jamais conçu ce que c'est que le péché, l'outrage qu'il fait à Dieu et les malheurs qu'il nous attire ? » Hélas ! M.F., qu'allons-nous devenir, si tant de saints ont fait retentir les rochers et les déserts de leurs gémissements, ont formé, pour ainsi dire, des rivières de leurs larmes pour des péchés dont nous nous faisons un jeu, tandis que nous avons commis des péchés mortels, peut-être plus que nous n'avons de cheveux à la tête. Et pas une larme de douleur et de repentir ! Ah ! triste aveuglement où nos désordres nous ont conduits !
Nous lisons dans la vie des Pères du désert, qu'un voleur nommé Jonathas, poursuivi par la justice, courut se cacher auprès de la colonne de saint Siméon Stylite, espérant que le respect que l'on aurait pour le saint le garantirait de la mort. En effet, personne n'osa le toucher. Le saint s'étant mis en prières pour demander à Dieu sa conversion ; dans le moment même, il ressentit une douleur si vive de ses péchés, que pendant huit jours il ne fit que pleurer. Au bout des huit jours, il demanda à saint Siméon la permission de le quitter. Le saint lui dit : « Mon ami, vous aller retourner dans le monde, recommencer vos désordres. » – « Ah ! Dieu me préserve d'un tel malheur ; mais je vous demande pour m'en aller au ciel ; j'ai vu Jésus-Christ qui m'a dit que tous mes péchés m'étaient pardonnés par la grande douleur que j'en ai ressentie. » – « Allez, mon fils, lui dit le saint ; allez chanter dans le ciel les grandes miséricordes de Dieu pour vous. » Dans ce moment il tombe mort, et le saint rapporte lui-même qu'il vit Jésus-Christ qui conduisait son âme au ciel. Ô belle mort ! ô mort précieuse de mourir de douleur d'avoir offensé Dieu !
Ah ! si du moins nous ne mourons pas de douleur comme ces grands pénitents, voulons-nous, M.F., exciter en nous une véritable contrition, imitons ce saint évêque mort dernièrement, qui chaque fois qu'il se présentait au tribunal de la pénitence pour avoir une vive douleur de ses péchés, faisait trois stations. La première en enfer, la deuxième dans le ciel, la troisième sur le calvaire. D'abord il portait sa pensée dans ces lieux d'horreur et de tourments, il se figurait voir les damnés qui vomissaient des torrents de flammes par la bouche, qui hurlaient et se dévoraient les uns et les autres ; cette pensée lui glaçait le sang dans les veines, il croyait ne plus pouvoir vivre à la vue d'un tel spectacle, surtout en considérant que ses péchés lui avaient mille fois mérité ces supplices. De là son esprit se transportait dans le ciel et faisait la revue de tous ces trônes de gloire où étaient assis les bienheureux ; il se représentait les larmes qu'ils avaient répandues et les pénitences qu'ils avaient faites pendant leur vie pour des péchés si légers et que lui-même en avait tant commis et n'avait encore rien fait pour les expier, ce qui le plongeait dans une tristesse si profonde, qu'il semblait que ses larmes ne pouvaient plus se tarir. Non content de tout cela, il dirigeait ses pas du côté du calvaire, et là, à mesure que ses regards se rapprochaient de la croix où un Dieu était mort pour lui, les forces lui manquaient, il restait immobile à la vue des souffrances que ses péchés avaient causées à son Dieu. On l'entendait à chaque instant répéter ces paroles avec des sanglots : « Mon Dieu, mon Dieu ! puis-je encore vivre en considérant les horreurs que mes péchés vous ont causées ! » Voilà, M.F., ce que nous pouvons appeler une véritable contrition, parce que nous voyons qu'il ne considère ses péchés que par rapport à Dieu.
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
II. – Nous avons dit qu'une véritable contrition doit renfermer un bon propos, c'est-à-dire une ferme résolution de ne plus pécher à l'avenir ; il faut que notre volonté soit déterminée et que ce ne soit pas un faible désir de se corriger ; l'on n'obtiendra jamais le pardon de ses péchés si l'on n'y renonce pas de tout son cœur. Nous devons être dans le même sentiment que le saint Roi-Prophète : « Oui, mon Dieu, je vous ai promis d'être fidèle à observer vos commandements ; j'y serai fidèle avec le secours de votre grâce . » Le Seigneur nous dit lui-même : « Que l'impie quitte la voie de ses iniquités et son péché lui sera remis . » Il n'y a donc de miséricorde à espérer que pour celui qui renonce à ses péchés de tout son cœur et pour jamais, parce que Dieu ne nous pardonne que d'autant que notre repentir est sincère et que nous faisons tous nos efforts pour ne plus y retomber. D'ailleurs ne serait-ce pas se moquer de Dieu que de lui demander pardon d'un péché que l'on voudrait encore commettre ?
Mais, me direz-vous, comment peut-on donc connaître et distinguer un ferme propos d'avec un désir faible et insuffisant ? – Si vous désirez le savoir, M.F., écoutez-moi un instant, je vais vous le montrer ; cela se peut connaître de trois manières : !? c'est le changement de vie ; 2? c'est la fuite des occasions prochaines du péché, et 3? c'est de travailler de tout son pouvoir à se corriger et à détruire ses mauvaises habitudes.
Je dis d'abord que la première marque d'un bon propos, c'est le changement de vie ; c'est celui-ci qui nous le montre le plus sûrement et qui est le moins sujet à nous tromper. Venons-en à l'explication : une mère de famille s'accusera de s'être souvent emportée contre ses enfants ou son mari ; après sa confession, allez la visiter dans l'intérieur de son ménage ; il n'est plus question ni d'emportement, ni de malédictions ; au contraire, vous voyez en elle cette douceur, cette bonté, cette prévenance même pour ses inférieurs ; les croix, les chagrins et les pertes ne lui font point perdre la paix de l'âme. Savez-vous pourquoi cela, M.F. ? Le voici : c'est que son retour à Dieu a été sincère, que sa contrition a été parfaite et par conséquent elle a véritablement reçu le pardon de ses péchés ; enfin, que la grâce a pris de profondes racines dans son cœur, et qu'elle y porte des fruits en abondance. Une jeune fille viendra s'accuser d'avoir suivi les plaisirs du monde, les danses, les veillées et autres mauvaises compagnies. Après sa confession, si elle est bien faite, allez la demander dans cette veillée, ou bien allez la chercher dans cette partie de plaisir, que vous dira-t-on ? « Voilà quelque temps nous ne la voyons plus ; je crois que si vous voulez la trouver, il faut aller ou à l'église ou chez ses parents. » En effet, si vous voulez aller chez ses parents, vous la trouverez, et à quoi s'occupe-t-elle ? Est-ce à parler de la vanité comme autrefois ou à se contempler devant une glace de miroir, ou bien à folâtrer avec des jeunes gens ? Ah ! non, M.F., ce n'est plus ici son ouvrage, elle a foulé aux pieds tout cela ; vous la verrez faire une lecture de piété, soulager sa mère dans l'ouvrage de son ménage, instruire ses frères et sœurs, vous la verrez obéissante et prévenante envers ses parents ; elle aimera leur compagnie. Si vous ne la trouvez pas chez elle, allez à l'église, vous la verrez qui témoigne à Dieu sa reconnaissance d'avoir opéré en elle un si grand changement ; vous voyez en elle cette modestie, cette retenue, cette prévenance pour tout le monde, aussi bien pour les pauvres que pour les riches ; la modestie sera peinte sur son front, sa seule présence vous porte à Dieu. – « Pourquoi est-ce, M.F., me direz-vous, que tant de biens sont en elle ? » – Pourquoi, M.F., c'est que sa douleur a été sincère et qu'elle a véritablement reçu le pardon de ses péchés.
Une autre fois ce sera un jeune homme qui va s'accuser d'avoir été dans les cabarets et dans les jeux ; maintenant qu'il a promis à Dieu de tout quitter ce qui pourrait lui déplaire, autant il aimait les cabarets et les jeux, autant maintenant il les fuit. Avant sa confession son cœur ne s'occupait que des choses terrestres, mauvaises ; à présent ses pensées ne sont que pour Dieu, et le mépris des choses du monde. Tout son plaisir est de s'entretenir avec son Dieu et de penser aux moyens de sauver son âme. Voilà, M.F., les marques d'une véritable et sincère contrition ; si après vos confessions vous êtes ainsi, vous pourrez espérer que vos confessions ont été bonnes et que vos péchés vous sont pardonnés. Mais si vous faites tout le contraire de ce que je viens de dire, si quelques jours après ses confessions l'on voit cette fille qui avait promis à Dieu de quitter le monde et ses plaisirs pour ne penser qu'à lui plaire, si je la vois, dis-je, comme auparavant dans ces assemblées mondaines ; si je vois cette mère aussi emportée et aussi négligente envers ses enfants et ses domestiques, aussi querelleuse avec ses voisins qu'avant sa confession ; si je retrouve ce jeune homme de nouveau dans les jeux et les cabarets, ô horreur ! ô abomination ! ô monstre d'ingratitude que tu fais ! Ô grand Dieu ! dans quel état est cette pauvre âme ! ô horreur ! ô sacrilège ! les tourments de l'enfer seront-ils assez longs et assez rigoureux pour punir un tel attentat ?
2? Nous disons que la deuxième marque d'une véritable contrition est la fuite des occasions prochaines du péché. Il y en a de deux sortes : les unes nous y portent par elles-mêmes, comme sont les mauvais livres, les comédies, les bals, les danses, les peintures, les tableaux et chansons déshonnêtes et la fréquentation des personnes de sexe différent ; les autres ne sont une occasion de péché que par les mauvaises dispositions de ceux qui y sont : comme les cabaretiers, les marchands qui trompent ou qui vendent les dimanches ; une personne en place qui ne remplit pas ses devoirs soit par respect humain, soit par ignorance. Que doit faire une personne qui se trouve dans une de ces positions ? Le voici : elle doit tout quitter, quoi qu'il en coûte, sans quoi point de salut. Jésus-Christ nous dit que « si notre œil ou notre main nous scandalise, nous devons les arracher et les jeter loin de nous, parce que, nous dit-il, il vaut beaucoup mieux aller au ciel avec un bras et un œil de moins que d'être jeté en enfer avec tout son corps ; » c'est-à-dire, quoi qu'il nous en coûte, quelque perte que nous fassions, nous ne devons pas laisser que de les quitter ; sans quoi, point de pardon.
3? Nous disons que la troisième marque d'un bon propos, c'est de travailler de tout son pouvoir à détruire ses mauvaises habitudes. L'on appelle habitude, la facilité que l'on a de retomber dans ses anciens péchés. Il faut 1? veiller soigneusement sur soi-même, faire souvent des actions qui soient contraires : comme si nous sommes sujets à l'orgueil, il faut s'appliquer à pratiquer l'humilité, être content d'être méprisé, ne jamais chercher l'estime du monde, soit dans ses paroles, soit dans ses actions ; toujours croire que ce que nous faisons est mal fait ; si nous faisons bien, nous représenter que nous étions indignes que Dieu se servit de nous, ne nous regardant dans le monde que comme une personne qui ne fait que mépriser Dieu pendant sa vie, et que nous méritons bien plus que ce que l'on peut dire de nous en mal. Sommes-nous sujets à la colère ? Il faut pratiquer la douceur, soit dans ses paroles, soit dans la manière de nous comporter envers notre prochain. Si nous sommes sujets à la sensualité, il faut nous mortifier soit dans le boire, soit dans le manger, dans nos paroles, dans nos regards, nous imposer quelques pénitences toutes les fois que nous retombons. Et si vous ne prenez pas ces précautions, toutes les fois que vous recommettrez les mêmes péchés, vous pourrez conclure que toutes vos confessions ne valent rien et que vous n'avez fait que des sacrilèges, crime si horrible, qu'il serait impossible de pouvoir vivre, si vous en connaissiez toute l'horribilité, la noirceur et les atrocités...
Voici la conduite que nous devons tenir, en faisant comme l'enfant prodigue, qui, frappé de l'état où ses désordres l'avaient plongé, fut prêt à tout ce que son père exigeait de lui pour avoir le bonheur de se réconcilier avec lui. D'abord il quitta sur le champ le pays où il avait éprouvé tant de maux, ainsi que les personnes qui avaient été pour lui une occasion de péché ; il ne daigna pas même les regarder, bien convaincu qu'il n'aurait le bonheur de se réconcilier avec son père qu'autant qu'il s'éloignerait d'elles : de sorte qu'après son péché, pour montrer à son père que son retour était sincère, il ne chercha qu'à lui plaire en faisant tout le contraire de ce qu'il avait fait jusqu'à présent . Voilà le modèle sur lequel nous devons former notre contrition : la connaissance que nous devons avoir de nos péchés, la douleur que nous devons en avoir doivent nous mettre dans la disposition de tout sacrifier pour ne plus retomber dans nos péchés. Oh ! qu'elles sont rares ces contritions ! Hélas ! où sont ceux qui sont prêts à perdre la vie même, plutôt que de recommettre les péchés dont ils se sont déjà confessés ? Ah ! je n'en sais rien ! Hélas ! combien au contraire, nous dit saint Jean Chrysostome, qui ne font que des confessions de théâtre, qui cessent de pécher quelques instants sans quitter entièrement le péché ; qui sont, nous dit-il, semblables à des comédiens qui représentent des combats sanglants et opiniâtres, et semblent se percer de coups mortels ; l'on en voit un qui est terrassé, étendu, perdant son sang : il semblerait véritablement qu'il a perdu la vie, mais attendez que la toile soit baissée, vous le verrez se relever plein de force et de santé, il sera tel qu'il était avant la représentation de la pièce. Voilà précisément, nous dit-il, l'état où se trouvent la plupart des personnes qui se présentent au tribunal de la pénitence. A les voir soupirer et gémir sur les péchés dont elles s'accusent, vous diriez que vraiment elles ne sont plus les mêmes, qu'elles se comporteront d'une manière tout autre qu'elles ne l'ont fait jusqu'à présent. Mais, hélas ! attendez, je ne dis pas cinq jours, mais un ou deux jours, vous les retrouverez les mêmes qu'avant leur confession : mêmes emportements, même vengeance, même gourmandise, même négligence dans leurs devoirs de religion : Hélas ! que de confessions et de mauvaises confessions !
Ah ! mes enfants, nous dit saint Bernard, voulez-vous avoir une véritable contrition de vos péchés ? Tournez-vous du côté de cette croix où votre Dieu, a été cloué par amour pour vous ; ah ! bientôt vous verrez couler vos larmes et votre cœur se brisera : En effet, M.F., ce qui fit tant verser de larmes à sainte Magdeleine lorsqu'elle fut dans son désert, nous dit le grand Salvien..., ce ne fut autre chose que la vue de la croix. Nous lisons dans sa vie, qu'après l'Ascension de Jésus-Christ, s'étant retirée dans une solitude, elle demanda à Dieu le bonheur de pleurer toute sa vie les fautes de sa jeunesse. Après sa prière, saint Michel archange lui apparut auprès de sa solitude, planta une croix à la porte ; elle se jeta au pied comme elle avait fait sur le Calvaire, elle pleura toute sa vie avec tant d'abondance, que ses deux yeux étaient semblables à deux fontaines. Le grand Ludolphe rapporte qu'un solitaire demandait un jour à Dieu ce qui pourrait être le plus capable d'attendrir son cœur pour pleurer ses péchés. Dans ce moment Dieu lui apparut tel qu'il était sur l'arbre de la croix, tout couvert de plaies, tout tremblant, chargé d'une pesante croix, et lui disant : « Regarde-moi, ton cœur fût-il plus dur que les rochers des déserts, il se brisera et ne pourra plus vivre à la vue des douleurs que les péchés du genre humain m'ont causées. » Cette apparition le toucha tellement que jusqu'à sa mort, sa vie ne fut qu'une vie de larmes et de sanglots. Tantôt il s'adressait aux anges et aux saints, les priant de venir pleurer avec lui sur les tourments que les péchés avaient causés à un Dieu si bon. Nous lisons dans l'histoire de saint Dominique, qu'un religieux demandant à Dieu la grâce de pleurer ses péchés, Jésus-Christ lui apparut avec ses cinq plaies ouvertes, le sang coulait en abondance. Notre-Seigneur, après l'avoir embrassé, lui dit d'approcher sa bouche de l'ouverture de ses plaies ; il en ressentit tant de bonheur, qu'il ne pouvait comprendre que ses yeux pussent tant verser de larmes. Oh ! qu'ils étaient heureux, M.F., ces grands pénitents, de trouver tant de larmes pour pleurer leurs péchés, crainte d'aller les pleurer dans l'autre vie ! Oh ! quelle différence entre eux et les chrétiens de nos jours qui ont commis tant de péchés ! et point de regrets ou de larmes !... Hélas ! qu'allons-nous devenir ? quelle sera notre demeure ? Oh ! que de chrétiens perdus, parce qu'il faut ou pleurer ses péchés dans ce monde ou aller les pleurer dans les abîmes. Ô mon Dieu ! donnez-nous cette douleur et ce regret qui regagnent votre amitié !
Que devons-nous conclure de ce que nous venons de dire, M.F. ? Le voici : c'est de demander sans cesse à Dieu cette horreur du péché, de fuir les occasions du péché et de ne jamais perdre de vue que les damnés ne brûlent et ne pleurent dans les enfers que parce qu'ils ne se sont pas repentis de leurs péchés dans ce monde et qu'ils n'ont pas voulu les quitter. Non, quelque grands que soient les sacrifices que nous ayons à faire, ils ne doivent pas être capables de nous retenir ; il faut absolument combattre, souffrir et gémir dans ce monde, si nous voulons avoir l'honneur d'aller chanter les louanges de Dieu pendant l'éternité : c'est le bonheur que...
Mais, me direz-vous, comment peut-on donc connaître et distinguer un ferme propos d'avec un désir faible et insuffisant ? – Si vous désirez le savoir, M.F., écoutez-moi un instant, je vais vous le montrer ; cela se peut connaître de trois manières : !? c'est le changement de vie ; 2? c'est la fuite des occasions prochaines du péché, et 3? c'est de travailler de tout son pouvoir à se corriger et à détruire ses mauvaises habitudes.
Je dis d'abord que la première marque d'un bon propos, c'est le changement de vie ; c'est celui-ci qui nous le montre le plus sûrement et qui est le moins sujet à nous tromper. Venons-en à l'explication : une mère de famille s'accusera de s'être souvent emportée contre ses enfants ou son mari ; après sa confession, allez la visiter dans l'intérieur de son ménage ; il n'est plus question ni d'emportement, ni de malédictions ; au contraire, vous voyez en elle cette douceur, cette bonté, cette prévenance même pour ses inférieurs ; les croix, les chagrins et les pertes ne lui font point perdre la paix de l'âme. Savez-vous pourquoi cela, M.F. ? Le voici : c'est que son retour à Dieu a été sincère, que sa contrition a été parfaite et par conséquent elle a véritablement reçu le pardon de ses péchés ; enfin, que la grâce a pris de profondes racines dans son cœur, et qu'elle y porte des fruits en abondance. Une jeune fille viendra s'accuser d'avoir suivi les plaisirs du monde, les danses, les veillées et autres mauvaises compagnies. Après sa confession, si elle est bien faite, allez la demander dans cette veillée, ou bien allez la chercher dans cette partie de plaisir, que vous dira-t-on ? « Voilà quelque temps nous ne la voyons plus ; je crois que si vous voulez la trouver, il faut aller ou à l'église ou chez ses parents. » En effet, si vous voulez aller chez ses parents, vous la trouverez, et à quoi s'occupe-t-elle ? Est-ce à parler de la vanité comme autrefois ou à se contempler devant une glace de miroir, ou bien à folâtrer avec des jeunes gens ? Ah ! non, M.F., ce n'est plus ici son ouvrage, elle a foulé aux pieds tout cela ; vous la verrez faire une lecture de piété, soulager sa mère dans l'ouvrage de son ménage, instruire ses frères et sœurs, vous la verrez obéissante et prévenante envers ses parents ; elle aimera leur compagnie. Si vous ne la trouvez pas chez elle, allez à l'église, vous la verrez qui témoigne à Dieu sa reconnaissance d'avoir opéré en elle un si grand changement ; vous voyez en elle cette modestie, cette retenue, cette prévenance pour tout le monde, aussi bien pour les pauvres que pour les riches ; la modestie sera peinte sur son front, sa seule présence vous porte à Dieu. – « Pourquoi est-ce, M.F., me direz-vous, que tant de biens sont en elle ? » – Pourquoi, M.F., c'est que sa douleur a été sincère et qu'elle a véritablement reçu le pardon de ses péchés.
Une autre fois ce sera un jeune homme qui va s'accuser d'avoir été dans les cabarets et dans les jeux ; maintenant qu'il a promis à Dieu de tout quitter ce qui pourrait lui déplaire, autant il aimait les cabarets et les jeux, autant maintenant il les fuit. Avant sa confession son cœur ne s'occupait que des choses terrestres, mauvaises ; à présent ses pensées ne sont que pour Dieu, et le mépris des choses du monde. Tout son plaisir est de s'entretenir avec son Dieu et de penser aux moyens de sauver son âme. Voilà, M.F., les marques d'une véritable et sincère contrition ; si après vos confessions vous êtes ainsi, vous pourrez espérer que vos confessions ont été bonnes et que vos péchés vous sont pardonnés. Mais si vous faites tout le contraire de ce que je viens de dire, si quelques jours après ses confessions l'on voit cette fille qui avait promis à Dieu de quitter le monde et ses plaisirs pour ne penser qu'à lui plaire, si je la vois, dis-je, comme auparavant dans ces assemblées mondaines ; si je vois cette mère aussi emportée et aussi négligente envers ses enfants et ses domestiques, aussi querelleuse avec ses voisins qu'avant sa confession ; si je retrouve ce jeune homme de nouveau dans les jeux et les cabarets, ô horreur ! ô abomination ! ô monstre d'ingratitude que tu fais ! Ô grand Dieu ! dans quel état est cette pauvre âme ! ô horreur ! ô sacrilège ! les tourments de l'enfer seront-ils assez longs et assez rigoureux pour punir un tel attentat ?
2? Nous disons que la deuxième marque d'une véritable contrition est la fuite des occasions prochaines du péché. Il y en a de deux sortes : les unes nous y portent par elles-mêmes, comme sont les mauvais livres, les comédies, les bals, les danses, les peintures, les tableaux et chansons déshonnêtes et la fréquentation des personnes de sexe différent ; les autres ne sont une occasion de péché que par les mauvaises dispositions de ceux qui y sont : comme les cabaretiers, les marchands qui trompent ou qui vendent les dimanches ; une personne en place qui ne remplit pas ses devoirs soit par respect humain, soit par ignorance. Que doit faire une personne qui se trouve dans une de ces positions ? Le voici : elle doit tout quitter, quoi qu'il en coûte, sans quoi point de salut. Jésus-Christ nous dit que « si notre œil ou notre main nous scandalise, nous devons les arracher et les jeter loin de nous, parce que, nous dit-il, il vaut beaucoup mieux aller au ciel avec un bras et un œil de moins que d'être jeté en enfer avec tout son corps ; » c'est-à-dire, quoi qu'il nous en coûte, quelque perte que nous fassions, nous ne devons pas laisser que de les quitter ; sans quoi, point de pardon.
3? Nous disons que la troisième marque d'un bon propos, c'est de travailler de tout son pouvoir à détruire ses mauvaises habitudes. L'on appelle habitude, la facilité que l'on a de retomber dans ses anciens péchés. Il faut 1? veiller soigneusement sur soi-même, faire souvent des actions qui soient contraires : comme si nous sommes sujets à l'orgueil, il faut s'appliquer à pratiquer l'humilité, être content d'être méprisé, ne jamais chercher l'estime du monde, soit dans ses paroles, soit dans ses actions ; toujours croire que ce que nous faisons est mal fait ; si nous faisons bien, nous représenter que nous étions indignes que Dieu se servit de nous, ne nous regardant dans le monde que comme une personne qui ne fait que mépriser Dieu pendant sa vie, et que nous méritons bien plus que ce que l'on peut dire de nous en mal. Sommes-nous sujets à la colère ? Il faut pratiquer la douceur, soit dans ses paroles, soit dans la manière de nous comporter envers notre prochain. Si nous sommes sujets à la sensualité, il faut nous mortifier soit dans le boire, soit dans le manger, dans nos paroles, dans nos regards, nous imposer quelques pénitences toutes les fois que nous retombons. Et si vous ne prenez pas ces précautions, toutes les fois que vous recommettrez les mêmes péchés, vous pourrez conclure que toutes vos confessions ne valent rien et que vous n'avez fait que des sacrilèges, crime si horrible, qu'il serait impossible de pouvoir vivre, si vous en connaissiez toute l'horribilité, la noirceur et les atrocités...
Voici la conduite que nous devons tenir, en faisant comme l'enfant prodigue, qui, frappé de l'état où ses désordres l'avaient plongé, fut prêt à tout ce que son père exigeait de lui pour avoir le bonheur de se réconcilier avec lui. D'abord il quitta sur le champ le pays où il avait éprouvé tant de maux, ainsi que les personnes qui avaient été pour lui une occasion de péché ; il ne daigna pas même les regarder, bien convaincu qu'il n'aurait le bonheur de se réconcilier avec son père qu'autant qu'il s'éloignerait d'elles : de sorte qu'après son péché, pour montrer à son père que son retour était sincère, il ne chercha qu'à lui plaire en faisant tout le contraire de ce qu'il avait fait jusqu'à présent . Voilà le modèle sur lequel nous devons former notre contrition : la connaissance que nous devons avoir de nos péchés, la douleur que nous devons en avoir doivent nous mettre dans la disposition de tout sacrifier pour ne plus retomber dans nos péchés. Oh ! qu'elles sont rares ces contritions ! Hélas ! où sont ceux qui sont prêts à perdre la vie même, plutôt que de recommettre les péchés dont ils se sont déjà confessés ? Ah ! je n'en sais rien ! Hélas ! combien au contraire, nous dit saint Jean Chrysostome, qui ne font que des confessions de théâtre, qui cessent de pécher quelques instants sans quitter entièrement le péché ; qui sont, nous dit-il, semblables à des comédiens qui représentent des combats sanglants et opiniâtres, et semblent se percer de coups mortels ; l'on en voit un qui est terrassé, étendu, perdant son sang : il semblerait véritablement qu'il a perdu la vie, mais attendez que la toile soit baissée, vous le verrez se relever plein de force et de santé, il sera tel qu'il était avant la représentation de la pièce. Voilà précisément, nous dit-il, l'état où se trouvent la plupart des personnes qui se présentent au tribunal de la pénitence. A les voir soupirer et gémir sur les péchés dont elles s'accusent, vous diriez que vraiment elles ne sont plus les mêmes, qu'elles se comporteront d'une manière tout autre qu'elles ne l'ont fait jusqu'à présent. Mais, hélas ! attendez, je ne dis pas cinq jours, mais un ou deux jours, vous les retrouverez les mêmes qu'avant leur confession : mêmes emportements, même vengeance, même gourmandise, même négligence dans leurs devoirs de religion : Hélas ! que de confessions et de mauvaises confessions !
Ah ! mes enfants, nous dit saint Bernard, voulez-vous avoir une véritable contrition de vos péchés ? Tournez-vous du côté de cette croix où votre Dieu, a été cloué par amour pour vous ; ah ! bientôt vous verrez couler vos larmes et votre cœur se brisera : En effet, M.F., ce qui fit tant verser de larmes à sainte Magdeleine lorsqu'elle fut dans son désert, nous dit le grand Salvien..., ce ne fut autre chose que la vue de la croix. Nous lisons dans sa vie, qu'après l'Ascension de Jésus-Christ, s'étant retirée dans une solitude, elle demanda à Dieu le bonheur de pleurer toute sa vie les fautes de sa jeunesse. Après sa prière, saint Michel archange lui apparut auprès de sa solitude, planta une croix à la porte ; elle se jeta au pied comme elle avait fait sur le Calvaire, elle pleura toute sa vie avec tant d'abondance, que ses deux yeux étaient semblables à deux fontaines. Le grand Ludolphe rapporte qu'un solitaire demandait un jour à Dieu ce qui pourrait être le plus capable d'attendrir son cœur pour pleurer ses péchés. Dans ce moment Dieu lui apparut tel qu'il était sur l'arbre de la croix, tout couvert de plaies, tout tremblant, chargé d'une pesante croix, et lui disant : « Regarde-moi, ton cœur fût-il plus dur que les rochers des déserts, il se brisera et ne pourra plus vivre à la vue des douleurs que les péchés du genre humain m'ont causées. » Cette apparition le toucha tellement que jusqu'à sa mort, sa vie ne fut qu'une vie de larmes et de sanglots. Tantôt il s'adressait aux anges et aux saints, les priant de venir pleurer avec lui sur les tourments que les péchés avaient causés à un Dieu si bon. Nous lisons dans l'histoire de saint Dominique, qu'un religieux demandant à Dieu la grâce de pleurer ses péchés, Jésus-Christ lui apparut avec ses cinq plaies ouvertes, le sang coulait en abondance. Notre-Seigneur, après l'avoir embrassé, lui dit d'approcher sa bouche de l'ouverture de ses plaies ; il en ressentit tant de bonheur, qu'il ne pouvait comprendre que ses yeux pussent tant verser de larmes. Oh ! qu'ils étaient heureux, M.F., ces grands pénitents, de trouver tant de larmes pour pleurer leurs péchés, crainte d'aller les pleurer dans l'autre vie ! Oh ! quelle différence entre eux et les chrétiens de nos jours qui ont commis tant de péchés ! et point de regrets ou de larmes !... Hélas ! qu'allons-nous devenir ? quelle sera notre demeure ? Oh ! que de chrétiens perdus, parce qu'il faut ou pleurer ses péchés dans ce monde ou aller les pleurer dans les abîmes. Ô mon Dieu ! donnez-nous cette douleur et ce regret qui regagnent votre amitié !
Que devons-nous conclure de ce que nous venons de dire, M.F. ? Le voici : c'est de demander sans cesse à Dieu cette horreur du péché, de fuir les occasions du péché et de ne jamais perdre de vue que les damnés ne brûlent et ne pleurent dans les enfers que parce qu'ils ne se sont pas repentis de leurs péchés dans ce monde et qu'ils n'ont pas voulu les quitter. Non, quelque grands que soient les sacrifices que nous ayons à faire, ils ne doivent pas être capables de nous retenir ; il faut absolument combattre, souffrir et gémir dans ce monde, si nous voulons avoir l'honneur d'aller chanter les louanges de Dieu pendant l'éternité : c'est le bonheur que...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
JEUDI SAINT
Caro mea vere est cibus.
Ma chair est vraiment une nourriture.
(S. Jean, VI, 56.)
Pouvons-nous, M.F., dans toute notre sainte religion, trouver un moment plus précieux, une circonstance plus heureuse, que celle de l'instant où Jésus-Christ institua le Sacrement adorable des autels ? Non, M.F., non, parce que cette circonstance nous rappelle l'amour immense d'un Dieu pour ses créatures. Il est vrai que dans tout ce que Dieu a fait, ses perfections se manifestent à l'infini. En créant le monde, il fait éclater la grandeur de sa puissance ; en gouvernant ce vaste univers, il nous prouve une sagesse incompréhensible ; et même nous pouvons dire avec le cent troisième psaume : « Oui, mon Dieu, vous êtes infiniment grand dans les plus petites choses, et dans la création des plus vils insectes. » Mais ce qu'il nous montre dans l'institution de ce grand Sacrement d'amour, ce n'est pas seulement sa puissance et sa sagesse, mais l'amour immense de son cœur pour nous. « Sachant très bien que son temps était proche pour retourner à son Père, » il ne put se résoudre à nous laisser seuls sur la terre, à travers tant d'ennemis, qui tous ne cherchaient que notre perte. Oui, avant que Jésus-Christ instituât ce Sacrement d'amour, il savait très bien à combien de mépris, de profanations il allait s'exposer ; mais tout cela n'est pas capable de l'arrêter ; il veut que nous ayons le bonheur de le trouver toutes les fois que nous voudrons le chercher, et, par ce grand sacrement, il s'engage à rester au milieu de nous, et le jour et la nuit ; et dans Lui nous trouverons un Dieu Sauveur, qui, chaque jour, s'offrira pour nous à la justice de son Père. Ô nation heureuse ! qui a jamais, compris ton bonheur ?
Je vous montrerai combien Jésus-Christ nous a aimés dans l'institution de ce sacrement, afin de vous inspirer un respect et un grand amour envers Jésus-Christ dans le sacrement adorable de l'Eucharistie. Ô quel bonheur, M.F. ! une créature recevoir son Dieu ! s'en nourrir ! et s'en engraisser ! Ô amour infini, immense et incompréhensible !... Un chrétien peut-il bien y penser, et ne pas mourir d'amour et de frayeur à la vue de son indignité !...
Caro mea vere est cibus.
Ma chair est vraiment une nourriture.
(S. Jean, VI, 56.)
Pouvons-nous, M.F., dans toute notre sainte religion, trouver un moment plus précieux, une circonstance plus heureuse, que celle de l'instant où Jésus-Christ institua le Sacrement adorable des autels ? Non, M.F., non, parce que cette circonstance nous rappelle l'amour immense d'un Dieu pour ses créatures. Il est vrai que dans tout ce que Dieu a fait, ses perfections se manifestent à l'infini. En créant le monde, il fait éclater la grandeur de sa puissance ; en gouvernant ce vaste univers, il nous prouve une sagesse incompréhensible ; et même nous pouvons dire avec le cent troisième psaume : « Oui, mon Dieu, vous êtes infiniment grand dans les plus petites choses, et dans la création des plus vils insectes. » Mais ce qu'il nous montre dans l'institution de ce grand Sacrement d'amour, ce n'est pas seulement sa puissance et sa sagesse, mais l'amour immense de son cœur pour nous. « Sachant très bien que son temps était proche pour retourner à son Père, » il ne put se résoudre à nous laisser seuls sur la terre, à travers tant d'ennemis, qui tous ne cherchaient que notre perte. Oui, avant que Jésus-Christ instituât ce Sacrement d'amour, il savait très bien à combien de mépris, de profanations il allait s'exposer ; mais tout cela n'est pas capable de l'arrêter ; il veut que nous ayons le bonheur de le trouver toutes les fois que nous voudrons le chercher, et, par ce grand sacrement, il s'engage à rester au milieu de nous, et le jour et la nuit ; et dans Lui nous trouverons un Dieu Sauveur, qui, chaque jour, s'offrira pour nous à la justice de son Père. Ô nation heureuse ! qui a jamais, compris ton bonheur ?
Je vous montrerai combien Jésus-Christ nous a aimés dans l'institution de ce sacrement, afin de vous inspirer un respect et un grand amour envers Jésus-Christ dans le sacrement adorable de l'Eucharistie. Ô quel bonheur, M.F. ! une créature recevoir son Dieu ! s'en nourrir ! et s'en engraisser ! Ô amour infini, immense et incompréhensible !... Un chrétien peut-il bien y penser, et ne pas mourir d'amour et de frayeur à la vue de son indignité !...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
I. – Il est vrai que, dans tous les sacrements que Jésus-Christ a institués, il nous montre une miséricorde infinie. Dans le sacrement de Baptême, il nous arrache d'entre les mains de Lucifer, et nous rend les enfants de Dieu son Père ; il nous ouvre le ciel qui nous était fermé ; il nous rend participants de tous les trésors de son Église ; et, si nous sommes fidèles à nos engagements, un bonheur éternel nous est assuré. Dans le sacrement de Pénitence, il nous montre et nous fait part de sa miséricorde jusqu'à l'infini ; puisqu'il nous arrache de l'enfer, où nos péchés de malice nous avaient entraînés, et, de nouveau, nous applique les mérites infinis de sa mort et de sa passion. Dans le sacrement de Confirmation, il nous donne, pour nous conduire dans le chemin de la vertu, un esprit de lumière qui nous fait connaître le bien que nous devons faire, et le mal que nous devons éviter ; de plus, il nous donne un esprit de force, pour surmonter tout ce qui peut nous empêcher de faire notre salut. Dans le sacrement de l'Extrême-Onction, nous voyons des yeux de la foi que Jésus-Christ nous couvre des mérites de sa mort et de sa passion. Dans celui de l'Ordre, Jésus-Christ donne tous ses pouvoirs à ses prêtres ; ils le font descendre... Dans celui du Mariage, nous voyons que Jésus-Christ sanctifie toutes nos actions, même celles où l'on semble ne suivre que les penchants corrompus de la nature.
Voilà, me direz-vous, des miséricordes dignes d'un Dieu qui est infini en tout. Mais, dans le sacrement adorable de l'Eucharistie, il va plus loin : tout ceci ne semble être qu'un apprentissage de son amour pour les hommes ; il veut, pour le bonheur de ses créatures, que son corps et son âme et sa divinité se trouvent dans tous les coins du monde, afin que, toutes les fois qu'on voudra, l'on puisse le trouver, et qu'avec Lui nous trouvions toute sorte de bonheur. Si nous sommes dans les peines et le chagrin, il nous consolera et nous soulagera. Sommes-nous malades, ou il nous guérira, ou il nous donnera des forces pour souffrir de manière à mériter le ciel. Si le démon, le monde et nos penchants nous font la guerre, il nous donnera des armes pour combattre, pour résister, et pour remporter la victoire. Si nous sommes pauvres, il nous enrichira de toute sorte de richesses pour le temps et pour l'éternité. – C'est bien assez de grâces, pensez-vous. – Oh ! non, M.F., son amour n'est pas encore satisfait. Il a encore d'autres dons à nous faire, des dons que son amour immense a trouvés dans son cœur brûlant pour le monde, ce monde ingrat, qui ne semble être comblé de tant de biens que pour outrager son bienfaiteur. Mais non, M.F., laissons l'ingratitude des hommes pour un moment, ouvrons la porte de ce Cœur sacré et adorable, renfermons-nous un instant dans ses flammes d'amour, et nous verrons ce que peut un Dieu qui nous aime. Ô mon Dieu ! qui pourra le comprendre, et ne pas mourir d'amour et de douleur, en voyant d'un côté tant de charité et de l'autre tant de mépris et d'ingratitude !
Nous lisons dans l'Évangile que Jésus-Christ, sachant très bien que le moment où les Juifs devaient le faire mourir était arrivé, dit à ses apôtres « qu'il désirait grandement célébrer la Pâque avec eux. » Ce moment à jamais heureux pour nous étant arrivé, il se mit à table, voulant nous laisser un gage de son amour. Il se lève de table, quitte ses vêtements, prend un linge autour de lui ; ayant mis de l'eau dans un vase, il commence à laver les pieds de ses apôtres et même de Judas, sachant très bien qu'il allait le trahir. C'est qu'il voulait nous montrer par là avec quelle pureté nous devions approcher de lui . S'étant remis à table, il prit du pain entre ses mains saintes et vénérables ; puis levant les yeux au ciel pour rendre grâces à son Père, afin de nous faire comprendre que ce grand don nous venait du ciel, il le bénit et le distribua à ses apôtres, en leur disant : « Mangez-en tous, ceci est véritablement mon Corps, qui sera livré pour vous, » Ayant ensuite pris le calice, où il y avait du vin mêlé avec de l'eau, il le bénit de même, et le leur présenta en leur disant : « Buvez-en tous, ceci est mon Sang, qui sera répandu pour la rémission des péchés, et toutes les fois que vous prononcerez les mêmes paroles, vous ferez le même miracle ; c'est-à-dire, vous changerez le pain en mon Corps et le vin en mon sang. » Quel amour pour nous, M.F., que celui d'un Dieu dans l'institution du sacrement adorable de l'Eucharistie ! Dites-moi, M.F., de quel sentiment de respect, n'aurions-nous pas été pénétrés, si nous avions été sur la terre, et que nous eussions vu de nos propres yeux Jésus-Christ lorsqu'il institua ce grand saint Sacrement d'amour. Cependant, M.F., ce grand miracle se fait chaque fois que le prêtre célèbre la sainte messe, où ce divin Sauveur se rend présent sur nos autels. Ah ! si nous avions cette foi vive, de quel respect ne serions-nous pas pénétrés ? Avec quel respect et tremblement ne paraîtrions-nous pas devant ce grand sacrifice, où un Dieu nous montre la grandeur de son amour et de sa puissance ! Il est vrai que vous le croyez ; mais vous agissez comme si vous ne le croyiez pas.
S'il faut vous bien faire comprendre la grandeur de ce mystère, écoutez-moi, et vous allez voir combien devrait être grand le respect que nous devons y apporter. Nous lisons dans l'histoire qu'un prêtre disant la sainte messe dans une église de la ville de Bolsène, et doutant, après avoir prononcé les paroles de la consécration, de la réalité du Corps de Jésus-Christ dans la sainte Hostie, c'est-à-dire, si les paroles de la consécration avaient vraiment changé le pain au Corps, de Jésus-Christ et le vin en son Sang, à l'instant même, la Sainte Hostie fut toute couverte de sang. Jésus-Christ sembla vouloir reprocher à son ministre son infidélité, le porter à en gémir, lui faire recevoir la foi qu'il venait de perdre par son doute ; et, en même temps, nous montrer par ce grand miracle, combien nous devons être convaincu de sa sainte présence dans la sainte Eucharistie. Cette Hostie sainte versa du sang avec tant d'abondance, que le corporal, la nappe et l'autel même en furent tout couverts. Le Pape, à qui l'on fit part de ce miracle, ordonna qu'on lui apportât ce corporal tout sanglant ; il fut porté dans la ville d'Orviette, où il fut reçu avec une pompe, extraordinaire, et déposé dans l'église. On fit ensuite bâtir une magnifique église pour recevoir ce précieux dépôt, et tous les ans on porte en procession cette précieuse relique, le jour de la Fête-Dieu . Voyez, M.F., combien cela doit affermir la foi, pour ceux qui ont quelque doute. Mais, mon Dieu, comment pouvoir douter, après les paroles de Jésus-Christ même, qui a dit à ses apôtres, et en leur personne à tous les prêtres : « Toutes les fois que vous prononcerez ces mêmes paroles, vous ferez le même miracle, c'est-à-dire que vous ferez comme moi, vous changerez le pain en mon Corps et le vin en mon Sang ? »
Quel amour, M.F., quelle charité que celle de Jésus-Christ, de choisir la veille du jour qu'on doit le faire mourir, pour instituer un Sacrement par lequel il va rester au milieu de nous, pour être notre Père, notre Consolateur et tout notre bonheur ! Plus heureux encore que ceux qui vivaient pendant sa vie mortelle, où il n'était que dans un lieu, où il fallait faire bien des lieues pour avoir le bonheur de le voir ; aujourd'hui, nous le trouvons dans tous les lieux du monde, et ce bonheur nous est promis jusqu'à la fin du monde. Ô amour immense d'un Dieu pour ses créatures ! Non, M.F., rien ne peut l'arrêter, quand il s'agit de nous montrer la grandeur de son amour. Dans ce moment heureux pour nous, tout Jérusalem est en feu, toute la populace en fureur, tous conspirent sa perte ; tous veulent répandre, son sang adorable : et c'est précisément dans ce moment qu'il leur prépare, comme à nous, le gage le plus ineffable de son amour. Les hommes trament les plus noirs complots contre lui, tandis que lui n'est occupé qu'à leur donner tout ce qu'il a de plus précieux, qui est lui-même. L'on ne pense qu'à lui élever une croix infâme pour le faire mourir, et il ne pense qu'à élever un autel pour s'immoler lui-même chaque jour pour nous. L'on se prépare à verser son sang, Jésus-Christ veut que ce même sang soit pour nous un breuvage d'immortalité, pour la consolation et le bonheur de nos âmes. Oui, M.F., nous pouvons dire que Jésus-Christ nous aime jusqu'à épuiser les richesses de son amour, se sacrifiant en tout ce que sa sagesse et sa puissance ont pu lui inspirer. Ô amour tendre et généreux d'un Dieu pour de viles créatures comme nous, qui en sommes si indignes ! Ah ! M.F., quel respect ne devrions-nous pas avoir pour ce grand sacrement, où un Dieu fait homme se rend présent chaque jour sur nos autels ! Quoique nous voyions que Jésus-Christ soit la bonté même, il ne laisse pas quelquefois que de punir rigoureusement le mépris que l'on fait de sa sainte présence, comme nous le voyons dans plusieurs endroits de l'histoire .
Il est rapporté qu'un prêtre de Fribourg portant le bon Dieu à un malade, il se trouva de passer sur une place où il y avait beaucoup de monde qui dansaient. Le musicien, quoique sans religion, s'arrêta en disant : « J'entends la clochette, l'on porte le bon Dieu à un malade, mettons-nous à genoux. » Mais dans cette compagnie, il se trouva une femme impie, inspirée.. par la fureur de l'enfer : « Continuons seulement, dit-elle, il y a des sonnettes pendues au cou des bestiaux de mon père ; quand elles passent, l'on ne s'arrête pas, et l'on ne se met pas à genoux. » Toute la compagnie applaudit à cette impiété, et tous continuèrent à danser. Dans le même moment, il vint un orage si fort, que toutes les personnes qui dansaient furent emportées, sans qu'on ait jamais pu savoir ce qu'elles sont devenues. Hélas ! M.F., tous ces misérables payèrent bien cher le mépris qu'ils firent de la présence de Jésus-Christ ! ce qui nous doit faire comprendre combien nous devons respecter la sainte présence de Jésus-Christ, soit dans son temple, soit quand nous apprenons qu'on le porte aux pauvres malades.
Voilà, me direz-vous, des miséricordes dignes d'un Dieu qui est infini en tout. Mais, dans le sacrement adorable de l'Eucharistie, il va plus loin : tout ceci ne semble être qu'un apprentissage de son amour pour les hommes ; il veut, pour le bonheur de ses créatures, que son corps et son âme et sa divinité se trouvent dans tous les coins du monde, afin que, toutes les fois qu'on voudra, l'on puisse le trouver, et qu'avec Lui nous trouvions toute sorte de bonheur. Si nous sommes dans les peines et le chagrin, il nous consolera et nous soulagera. Sommes-nous malades, ou il nous guérira, ou il nous donnera des forces pour souffrir de manière à mériter le ciel. Si le démon, le monde et nos penchants nous font la guerre, il nous donnera des armes pour combattre, pour résister, et pour remporter la victoire. Si nous sommes pauvres, il nous enrichira de toute sorte de richesses pour le temps et pour l'éternité. – C'est bien assez de grâces, pensez-vous. – Oh ! non, M.F., son amour n'est pas encore satisfait. Il a encore d'autres dons à nous faire, des dons que son amour immense a trouvés dans son cœur brûlant pour le monde, ce monde ingrat, qui ne semble être comblé de tant de biens que pour outrager son bienfaiteur. Mais non, M.F., laissons l'ingratitude des hommes pour un moment, ouvrons la porte de ce Cœur sacré et adorable, renfermons-nous un instant dans ses flammes d'amour, et nous verrons ce que peut un Dieu qui nous aime. Ô mon Dieu ! qui pourra le comprendre, et ne pas mourir d'amour et de douleur, en voyant d'un côté tant de charité et de l'autre tant de mépris et d'ingratitude !
Nous lisons dans l'Évangile que Jésus-Christ, sachant très bien que le moment où les Juifs devaient le faire mourir était arrivé, dit à ses apôtres « qu'il désirait grandement célébrer la Pâque avec eux. » Ce moment à jamais heureux pour nous étant arrivé, il se mit à table, voulant nous laisser un gage de son amour. Il se lève de table, quitte ses vêtements, prend un linge autour de lui ; ayant mis de l'eau dans un vase, il commence à laver les pieds de ses apôtres et même de Judas, sachant très bien qu'il allait le trahir. C'est qu'il voulait nous montrer par là avec quelle pureté nous devions approcher de lui . S'étant remis à table, il prit du pain entre ses mains saintes et vénérables ; puis levant les yeux au ciel pour rendre grâces à son Père, afin de nous faire comprendre que ce grand don nous venait du ciel, il le bénit et le distribua à ses apôtres, en leur disant : « Mangez-en tous, ceci est véritablement mon Corps, qui sera livré pour vous, » Ayant ensuite pris le calice, où il y avait du vin mêlé avec de l'eau, il le bénit de même, et le leur présenta en leur disant : « Buvez-en tous, ceci est mon Sang, qui sera répandu pour la rémission des péchés, et toutes les fois que vous prononcerez les mêmes paroles, vous ferez le même miracle ; c'est-à-dire, vous changerez le pain en mon Corps et le vin en mon sang. » Quel amour pour nous, M.F., que celui d'un Dieu dans l'institution du sacrement adorable de l'Eucharistie ! Dites-moi, M.F., de quel sentiment de respect, n'aurions-nous pas été pénétrés, si nous avions été sur la terre, et que nous eussions vu de nos propres yeux Jésus-Christ lorsqu'il institua ce grand saint Sacrement d'amour. Cependant, M.F., ce grand miracle se fait chaque fois que le prêtre célèbre la sainte messe, où ce divin Sauveur se rend présent sur nos autels. Ah ! si nous avions cette foi vive, de quel respect ne serions-nous pas pénétrés ? Avec quel respect et tremblement ne paraîtrions-nous pas devant ce grand sacrifice, où un Dieu nous montre la grandeur de son amour et de sa puissance ! Il est vrai que vous le croyez ; mais vous agissez comme si vous ne le croyiez pas.
S'il faut vous bien faire comprendre la grandeur de ce mystère, écoutez-moi, et vous allez voir combien devrait être grand le respect que nous devons y apporter. Nous lisons dans l'histoire qu'un prêtre disant la sainte messe dans une église de la ville de Bolsène, et doutant, après avoir prononcé les paroles de la consécration, de la réalité du Corps de Jésus-Christ dans la sainte Hostie, c'est-à-dire, si les paroles de la consécration avaient vraiment changé le pain au Corps, de Jésus-Christ et le vin en son Sang, à l'instant même, la Sainte Hostie fut toute couverte de sang. Jésus-Christ sembla vouloir reprocher à son ministre son infidélité, le porter à en gémir, lui faire recevoir la foi qu'il venait de perdre par son doute ; et, en même temps, nous montrer par ce grand miracle, combien nous devons être convaincu de sa sainte présence dans la sainte Eucharistie. Cette Hostie sainte versa du sang avec tant d'abondance, que le corporal, la nappe et l'autel même en furent tout couverts. Le Pape, à qui l'on fit part de ce miracle, ordonna qu'on lui apportât ce corporal tout sanglant ; il fut porté dans la ville d'Orviette, où il fut reçu avec une pompe, extraordinaire, et déposé dans l'église. On fit ensuite bâtir une magnifique église pour recevoir ce précieux dépôt, et tous les ans on porte en procession cette précieuse relique, le jour de la Fête-Dieu . Voyez, M.F., combien cela doit affermir la foi, pour ceux qui ont quelque doute. Mais, mon Dieu, comment pouvoir douter, après les paroles de Jésus-Christ même, qui a dit à ses apôtres, et en leur personne à tous les prêtres : « Toutes les fois que vous prononcerez ces mêmes paroles, vous ferez le même miracle, c'est-à-dire que vous ferez comme moi, vous changerez le pain en mon Corps et le vin en mon Sang ? »
Quel amour, M.F., quelle charité que celle de Jésus-Christ, de choisir la veille du jour qu'on doit le faire mourir, pour instituer un Sacrement par lequel il va rester au milieu de nous, pour être notre Père, notre Consolateur et tout notre bonheur ! Plus heureux encore que ceux qui vivaient pendant sa vie mortelle, où il n'était que dans un lieu, où il fallait faire bien des lieues pour avoir le bonheur de le voir ; aujourd'hui, nous le trouvons dans tous les lieux du monde, et ce bonheur nous est promis jusqu'à la fin du monde. Ô amour immense d'un Dieu pour ses créatures ! Non, M.F., rien ne peut l'arrêter, quand il s'agit de nous montrer la grandeur de son amour. Dans ce moment heureux pour nous, tout Jérusalem est en feu, toute la populace en fureur, tous conspirent sa perte ; tous veulent répandre, son sang adorable : et c'est précisément dans ce moment qu'il leur prépare, comme à nous, le gage le plus ineffable de son amour. Les hommes trament les plus noirs complots contre lui, tandis que lui n'est occupé qu'à leur donner tout ce qu'il a de plus précieux, qui est lui-même. L'on ne pense qu'à lui élever une croix infâme pour le faire mourir, et il ne pense qu'à élever un autel pour s'immoler lui-même chaque jour pour nous. L'on se prépare à verser son sang, Jésus-Christ veut que ce même sang soit pour nous un breuvage d'immortalité, pour la consolation et le bonheur de nos âmes. Oui, M.F., nous pouvons dire que Jésus-Christ nous aime jusqu'à épuiser les richesses de son amour, se sacrifiant en tout ce que sa sagesse et sa puissance ont pu lui inspirer. Ô amour tendre et généreux d'un Dieu pour de viles créatures comme nous, qui en sommes si indignes ! Ah ! M.F., quel respect ne devrions-nous pas avoir pour ce grand sacrement, où un Dieu fait homme se rend présent chaque jour sur nos autels ! Quoique nous voyions que Jésus-Christ soit la bonté même, il ne laisse pas quelquefois que de punir rigoureusement le mépris que l'on fait de sa sainte présence, comme nous le voyons dans plusieurs endroits de l'histoire .
Il est rapporté qu'un prêtre de Fribourg portant le bon Dieu à un malade, il se trouva de passer sur une place où il y avait beaucoup de monde qui dansaient. Le musicien, quoique sans religion, s'arrêta en disant : « J'entends la clochette, l'on porte le bon Dieu à un malade, mettons-nous à genoux. » Mais dans cette compagnie, il se trouva une femme impie, inspirée.. par la fureur de l'enfer : « Continuons seulement, dit-elle, il y a des sonnettes pendues au cou des bestiaux de mon père ; quand elles passent, l'on ne s'arrête pas, et l'on ne se met pas à genoux. » Toute la compagnie applaudit à cette impiété, et tous continuèrent à danser. Dans le même moment, il vint un orage si fort, que toutes les personnes qui dansaient furent emportées, sans qu'on ait jamais pu savoir ce qu'elles sont devenues. Hélas ! M.F., tous ces misérables payèrent bien cher le mépris qu'ils firent de la présence de Jésus-Christ ! ce qui nous doit faire comprendre combien nous devons respecter la sainte présence de Jésus-Christ, soit dans son temple, soit quand nous apprenons qu'on le porte aux pauvres malades.
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II. – Nous disons que Jésus-Christ, pour opérer ce grand miracle, choisit du pain, qui est la nourriture de tout le monde, des riches comme des pauvres, de celui, qui est fort comme de celui qui est languissant, pour nous montrer que cette nourriture céleste est pour tous les chrétiens qui veulent conserver la vie de la grâce et la force pour combattre le démon. Nous voyons que, quand Jésus-Christ opéra ce grand miracle, il leva les yeux au ciel pour rendre grâces à son Père, pour nous faire voir combien ce moment heureux pour nous était désiré par lui, et afin de nous prouver la grandeur de son amour. « Oui, mes enfants, leur dit ce divin Sauveur, mon Sang est impatient de se répandre pour vous ; mon Corps brûle du désir d'être déchiré pour guérir vos plaies ; bien loin d'être effrayé par l'idée de la tristesse amère que m'a causée d'avance la pensée de mes souffrances et de ma mort, au contraire, c'est pour moi le comble de mon plaisir. Ce qui cause cela, c'est que vous trouverez dans mes souffrances et ma mort un remède à tous vos maux. » Oh ! quel amour, M.F., que celui d'un Dieu pour ses créatures ! Saint Paul nous dit que, dans le mystère de l'Incarnation, il a caché sa divinité ; mais que, dans celui du sacrement de l'Eucharistie, il est allé jusqu'à cacher son humanité . Ah ! M.F., il n'y a que la foi qui puisse agir dans un mystère si incompréhensible. Oui, M.F., dans quelque lieu que nous soyions, tournons avec plaisir nos pensées, nos désirs ; du côté où repose ce Corps adorable, pour nous unir aux anges qui l'adorent avec tant de respect. Prenons bien garde de faire comme ces impies, qui n'ont point de respect dans ces temples qui sont si saints, si respectables et si sacrés par la présence d'un Dieu fait homme, qui, jour et nuit, habite au milieu de nous !...
Souvent, nous voyons que le Père éternel punit rigoureusement ceux qui méprisent son divin Fils. Nous lisons dans l'histoire, qu'un tailleur s'étant trouvé dans une maison où l'on apporta le bon Dieu à un malade ; ceux qui étaient auprès du malade lui dirent de se mettre à genoux, il ne voulut pas ; mais, par un horrible blasphème : « Moi, dit-il, me mettre à genoux ? Je respecte beaucoup plus une araignée qui est le plus vil animal, que votre Jésus-Christ, que vous voulez que j'adore. » Hélas ! M.F., de quoi est capable celui qui a perdu la foi ! Mais le bon Dieu ne laissa pas cet horrible péché impuni : dans le même moment, une grosse araignée toute noire se détacha des lambris, et vint se reposer sur la bouche du blasphémateur et lui piqua les lèvres. Aussitôt il enfla et il mourut sur-le-champ. Voyez, M.F., combien nous sommes coupables, lorsque nous n'avons pas ce grand respect pour la présence de Jésus-Christ.
Non, M.F., ne nous lassons pas de contempler ce mystère d'amour où un Dieu, égal à son Père, nourrit ses enfants, non d'une nourriture ordinaire, ni de cette manne dont le peuple juif était nourri dans le désert, mais de son Corps adorable et de son Sang précieux. Qui pourrait jamais le penser, si ce n'était lui-même qui nous le dit et le fait en même temps ? Oh ! M.F., que toutes ces merveilles sont bien dignes de notre admiration et de notre amour ! Un Dieu, après s'être chargé de nos faiblesses, nous fait part de tous ses biens ! Ô nation des chrétiens, que vous êtes heureuse d'avoir un Dieu si bon et si riche !... Nous lisons dans saint Jean qu'il vit un ange à qui le Père éternel remettait le vase de sa fureur pour le verser sur toutes les nations ; mais ici nous voyons tout le contraire. Le Père éternel remet entre les mains de son Fils le vase de sa miséricorde pour être répandu sur toutes les nations de la terre. En nous parlant de son Sang adorable, il nous dit comme à ses apôtres : « Buvez-en tous, et vous y trouverez la rémission de vos péchés et la vie éternelle . » Ô bonheur ineffable !... ô heureuse source, qui prouvera jusqu'à la fin des siècles comme cette croyance devait faire tout notre bonheur ! Jésus-Christ n'a cessé de faire des miracles pour nous porter à une foi vive en sa présence réelle. Nous voyons dans l'histoire qu'il y avait une femme chrétienne, mais bien pauvre. Ayant emprunté d'un Juif une petite somme d'argent, elle lui donna pour gage les meilleurs de ses vêtements. La fête de Pâques étant proche, elle pria le Juif de lui rendre pour un jour la robe qu'elle lui avait donnée. Le Juif lui dit que non seulement il voulait lui remettre ses effets, mais encore son argent, à condition seulement qu'elle apporterait la sainte Hostie quand elle l'aurait reçue de la main du prêtre. Le désir que cette misérable avait d'avoir ses effets, de n'être pas obligée de rendre son argent qu'elle avait emprunté, la porta à une action bien horrible. Dès le lendemain, elle se rendit à l'église de sa paroisse. Après qu'elle eut reçu la sainte Hostie sur la langue, elle se hâta de la prendre et de la mettre dans un mouchoir. Elle la porta à ce misérable Juif, qui ne lui avait fait cette demande que pour exercer sa fureur contre Jésus-Christ. Cet homme abominable traita Jésus-Christ avec une fureur épouvantable ; et nous voyons que Jésus-Christ lui-même montra combien ces outrages qu'on lui faisait lui étaient sensibles. Le Juif commença par mettre la sainte Hostie sur une table, lui donna des coups de canif autant qu'il en fut content ; mais ce malheureux vit aussitôt sortir de la sainte Hostie du sang en abondance, ce qui faisait frémir son enfant. Ensuite l'ayant ôtée avec mépris de dessus la table, il la suspendit par un clou contre la mur et lui donna des coups de fouet autant qu'il voulut. Il la perça d'une lance ; il en sortit de nouveau du sang. Après toutes ces cruautés, il la jeta dans une chaudière d'eau bouillante : aussitôt l'eau sembla se changer en sang. L'Hostie parut alors sous la forme de Jésus-Christ en croix : ce qui l'effraya tellement qu'il courut se cacher dans un coin de sa maison. Pendant ce temps-là les enfants de ce Juif qui voyaient aller les chrétiens à l'église, leur disaient : « Où allez-vous ? Puisque mon père a tué votre Dieu ; il est mort, vous ne le trouverez plus. » Une femme, qui écoutait ce que disaient ces enfants, entra dans leur maison. Et, en effet, elle vit encore la sainte Hostie, qui était sous la forme de Jésus-Christ crucifié ; mais elle reprit bientôt sa forme ordinaire. Cette femme ayant pris un vase qu'elle présenta, la sainte Hostie vint se reposer dedans. Cette femme, heureuse, fort contente, de suite la porta dans l'église de Saint-Jean en Grève, où elle fut placée dans un lieu convenable pour y être adorée. Pour ce malheureux, on lui offrit son pardon, s'il voulait se convertir en se faisant chrétien ; mais il se trouva si endurci, qu'il aima mieux se laisser brûler tout vif que de se faire chrétien. Cependant sa femme, ses enfants et quantité de Juifs se firent baptiser. D'après ces miracles que Jésus-Christ venait d'opérer, et pour ne jamais perdre le souvenir de ces merveilles, l'on changea la maison en église ; on y établit une communauté, afin qu'il y eût continuellement des personnes occupées à faire amende honorable à Jésus-Christ pour les outrages que ce malheureux Juif lui avait faits . Nous ne pouvons pas, entendre cela, M.F., sans frémir. Eh bien ! M.F., voilà à quoi Jésus-Christ s'expose pour l'amour de nous, et à quoi il sera exposé jusqu'à la fin du monde. Quel amour, M.F., d'un Dieu pour nous ! à quels excès il le porte envers ses créatures !
Souvent, nous voyons que le Père éternel punit rigoureusement ceux qui méprisent son divin Fils. Nous lisons dans l'histoire, qu'un tailleur s'étant trouvé dans une maison où l'on apporta le bon Dieu à un malade ; ceux qui étaient auprès du malade lui dirent de se mettre à genoux, il ne voulut pas ; mais, par un horrible blasphème : « Moi, dit-il, me mettre à genoux ? Je respecte beaucoup plus une araignée qui est le plus vil animal, que votre Jésus-Christ, que vous voulez que j'adore. » Hélas ! M.F., de quoi est capable celui qui a perdu la foi ! Mais le bon Dieu ne laissa pas cet horrible péché impuni : dans le même moment, une grosse araignée toute noire se détacha des lambris, et vint se reposer sur la bouche du blasphémateur et lui piqua les lèvres. Aussitôt il enfla et il mourut sur-le-champ. Voyez, M.F., combien nous sommes coupables, lorsque nous n'avons pas ce grand respect pour la présence de Jésus-Christ.
Non, M.F., ne nous lassons pas de contempler ce mystère d'amour où un Dieu, égal à son Père, nourrit ses enfants, non d'une nourriture ordinaire, ni de cette manne dont le peuple juif était nourri dans le désert, mais de son Corps adorable et de son Sang précieux. Qui pourrait jamais le penser, si ce n'était lui-même qui nous le dit et le fait en même temps ? Oh ! M.F., que toutes ces merveilles sont bien dignes de notre admiration et de notre amour ! Un Dieu, après s'être chargé de nos faiblesses, nous fait part de tous ses biens ! Ô nation des chrétiens, que vous êtes heureuse d'avoir un Dieu si bon et si riche !... Nous lisons dans saint Jean qu'il vit un ange à qui le Père éternel remettait le vase de sa fureur pour le verser sur toutes les nations ; mais ici nous voyons tout le contraire. Le Père éternel remet entre les mains de son Fils le vase de sa miséricorde pour être répandu sur toutes les nations de la terre. En nous parlant de son Sang adorable, il nous dit comme à ses apôtres : « Buvez-en tous, et vous y trouverez la rémission de vos péchés et la vie éternelle . » Ô bonheur ineffable !... ô heureuse source, qui prouvera jusqu'à la fin des siècles comme cette croyance devait faire tout notre bonheur ! Jésus-Christ n'a cessé de faire des miracles pour nous porter à une foi vive en sa présence réelle. Nous voyons dans l'histoire qu'il y avait une femme chrétienne, mais bien pauvre. Ayant emprunté d'un Juif une petite somme d'argent, elle lui donna pour gage les meilleurs de ses vêtements. La fête de Pâques étant proche, elle pria le Juif de lui rendre pour un jour la robe qu'elle lui avait donnée. Le Juif lui dit que non seulement il voulait lui remettre ses effets, mais encore son argent, à condition seulement qu'elle apporterait la sainte Hostie quand elle l'aurait reçue de la main du prêtre. Le désir que cette misérable avait d'avoir ses effets, de n'être pas obligée de rendre son argent qu'elle avait emprunté, la porta à une action bien horrible. Dès le lendemain, elle se rendit à l'église de sa paroisse. Après qu'elle eut reçu la sainte Hostie sur la langue, elle se hâta de la prendre et de la mettre dans un mouchoir. Elle la porta à ce misérable Juif, qui ne lui avait fait cette demande que pour exercer sa fureur contre Jésus-Christ. Cet homme abominable traita Jésus-Christ avec une fureur épouvantable ; et nous voyons que Jésus-Christ lui-même montra combien ces outrages qu'on lui faisait lui étaient sensibles. Le Juif commença par mettre la sainte Hostie sur une table, lui donna des coups de canif autant qu'il en fut content ; mais ce malheureux vit aussitôt sortir de la sainte Hostie du sang en abondance, ce qui faisait frémir son enfant. Ensuite l'ayant ôtée avec mépris de dessus la table, il la suspendit par un clou contre la mur et lui donna des coups de fouet autant qu'il voulut. Il la perça d'une lance ; il en sortit de nouveau du sang. Après toutes ces cruautés, il la jeta dans une chaudière d'eau bouillante : aussitôt l'eau sembla se changer en sang. L'Hostie parut alors sous la forme de Jésus-Christ en croix : ce qui l'effraya tellement qu'il courut se cacher dans un coin de sa maison. Pendant ce temps-là les enfants de ce Juif qui voyaient aller les chrétiens à l'église, leur disaient : « Où allez-vous ? Puisque mon père a tué votre Dieu ; il est mort, vous ne le trouverez plus. » Une femme, qui écoutait ce que disaient ces enfants, entra dans leur maison. Et, en effet, elle vit encore la sainte Hostie, qui était sous la forme de Jésus-Christ crucifié ; mais elle reprit bientôt sa forme ordinaire. Cette femme ayant pris un vase qu'elle présenta, la sainte Hostie vint se reposer dedans. Cette femme, heureuse, fort contente, de suite la porta dans l'église de Saint-Jean en Grève, où elle fut placée dans un lieu convenable pour y être adorée. Pour ce malheureux, on lui offrit son pardon, s'il voulait se convertir en se faisant chrétien ; mais il se trouva si endurci, qu'il aima mieux se laisser brûler tout vif que de se faire chrétien. Cependant sa femme, ses enfants et quantité de Juifs se firent baptiser. D'après ces miracles que Jésus-Christ venait d'opérer, et pour ne jamais perdre le souvenir de ces merveilles, l'on changea la maison en église ; on y établit une communauté, afin qu'il y eût continuellement des personnes occupées à faire amende honorable à Jésus-Christ pour les outrages que ce malheureux Juif lui avait faits . Nous ne pouvons pas, entendre cela, M.F., sans frémir. Eh bien ! M.F., voilà à quoi Jésus-Christ s'expose pour l'amour de nous, et à quoi il sera exposé jusqu'à la fin du monde. Quel amour, M.F., d'un Dieu pour nous ! à quels excès il le porte envers ses créatures !
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Nous disons que Jésus-Christ, tenant le calice entre ses mains saintes, dit à ses apôtres : « Encore quelque temps, et ce Sang précieux va être répandu d'une manière sanglante et visible ; c'est pour vous qu'il va être répandu ; l'ardeur que j'ai de le verser dans vos cœurs m'a fait employer ce moyen. Il est vrai que la jalousie de mes ennemis est bien une cause de ma mort, mais elle n'est pas une des principales ; les accusations qu'ils ont inventées contre moi pour me perdre, la perfidie du disciple qui va me trahir, la lâcheté du juge qui va me condamner, et la cruauté des bourreaux qui vont me faire mourir, sont autant d'instruments dont mon amour infini se sert pour vous prouver combien je vous aime. Oui, M.F., c'est pour la rémission de nos péchés que ce sang va être répandu, et ce sacrifice se renouvellera chaque jour pour la rémission de nos péchés. Voyez-vous, M.F., combien Jésus-Christ nous aime, puisqu'il se sacrifie pour nous à la justice de son Père avec tant d'empressement et bien plus, il veut que ce sacrifice se renouvelle tous les jours et dans tous les lieux du monde. Quel bonheur pour nous, M.F., de savoir que nos péchés, même avant d'avoir été commis, ont été expiés dans ce moment du grand sacrifice de la croix ! Venons souvent, M.F., au pied de nos tabernacles, pour nous consoler dans nos peines, pour nous fortifier dans nos faiblesses. Avons-nous le grand malheur d'avoir péché, le Sang adorable de Jésus-Christ demandera grâce pour nous.
Ah ! M.F., que la foi des premiers chrétiens était bien plus vive que la nôtre ! Dans les premiers temps, quantité de chrétiens traversaient les mers pour aller visiter les lieux saints, où s'était opéré le mystère de notre Rédemption. Quand on leur montrait le cénacle où Jésus-Christ avait institué ce divin Sacrement qui a été consacré à nourrir nos âmes, quand on leur faisait voir, l'endroit où il avait arrosé la terre de ses larmes et de son sang pendant sa prière, son agonie, ils ne pouvaient quitter ces lieux saints sans verser des larmes en abondance. Mais lorsqu'on les menait sur le Calvaire, où il avait tant enduré de tourments pour nous, ils semblaient ne plus pouvoir vivre ; ils étaient inconsolables, parce que ces lieux rappelaient le temps, les actions et les mystères qui se sont opérés pour nous ; ils sentaient en eux la foi se rallumer, leur cœur brûler d'un feu nouveau : Ô heureux lieux ! s'écriaient-ils, où tant de prodiges se sont opérés pour nous sauver ! Mais, M.F., sans aller si loin, sans nous donner la peine de traverser les mers et de nous exposer à bien des dangers, n'avons-nous pas ici Jésus-Christ au milieu de nous, non seulement comme Dieu, mais en corps et en âme ? Nos églises ne sont-elles pas aussi dignes de respect que ces lieux saints où allaient ces pèlerins ? Oh ! M.F., notre bonheur est trop grand ; non, non, jamais nous ne le comprendrons. Nation heureuse que celle des chrétiens, de voir se renouveler chaque jour tous les prodiges que la toute-puissance de Dieu opéra autrefois sur le Calvaire pour sauver les hommes !
Pourquoi donc, M.F., que nous ne voyons pas ce même amour, cette même reconnaissance, ce même respect, puisque les mêmes miracles se font tous les jours sous nos yeux ? Hélas ! c'est que nous avons tant abusé des grâces, que le bon Dieu en punition de nos ingratitudes, nous a ôté en partie notre foi ; à peine la soutenons-nous, et comprenons-nous que nous sommes en la présence de Dieu. Mon Dieu ! quel malheur pour celui qui a perdu la foi ! Hélas, M.F., dès que nous avons perdu la foi, nous n'avons plus que du mépris pour cet auguste Sacrement, et combien qui se laissent aller jusqu'à l'impiété, en raillant ceux qui sont si heureux d'y venir puiser les grâces et les forces nécessaires pour se sauver ! Craignons, M.F., que le bon Dieu ne nous punisse du peu de respect que nous avons pour sa présence adorable ; en voici un exemple des plus effrayants.
Le cardinal Baronius rapporte dans ses Annales, qu'il y avait dans la ville de Lusignan, près de Poitiers, une personne qui avait un grand mépris pour la personne de Jésus-Christ : elle raillait et méprisait ceux qui fréquentaient les Sacrements ; elle tournait en ridicule leur dévotion. Cependant le bon Dieu, qui aime bien mieux la conversion du pécheur que sa perte, lui donna plusieurs fois des remords de conscience ; elle voyait bien qu'elle faisait mal, que ceux, dont elle se raillait étaient plus heureux qu'elle ; mais dès que l'occasion s'en présentait, elle recommençait, et, par ce moyen, de peu à peu, elle finit par étouffer ces remords que le bon Dieu lui donnait. Mais pour mieux se cacher, elle tâcha de gagner l'amitié d'un saint religieux, supérieur du monastère de Bonneval, qui était tout voisin. Elle y allait souvent, s'en faisant même gloire, quoiqu'impie, et voulait se croire bonne lorsqu'elle était avec ces bons religieux. Le supérieur, qui apercevait à peu près ce qu'il y avait dans l'âme, lui dit plusieurs fois : « Mon cher ami, vous n'avez pas assez de respect pour la présence de Jésus-Christ dans le Sacrement adorable de nos autels ; mais, je crois que si vous voulez vous convertir, il vous faudra quitter le monde et vous retirer dans un monastère pour y faire pénitence. Vous savez vous-même combien de fois vous avez profané les Sacrements, vous êtes couvert de sacrilèges ; si vous veniez à mourir, vous seriez jeté en enfer pour toute l'éternité. Croyez-moi, pensez à réparer vos profanations ; comment pouvez-vous vivre dans un état si malheureux ? » Ce pauvre homme semblait l'écouter et même profiter de ses conseils, car il sentait bien lui-même que sa conscience était chargée de sacrilèges ; mais il ne voulait pas faire quelques petits sacrifices qu'il devait, de sorte qu'avec toutes ses pensées, il restait toujours de même ; mais le bon Dieu se lassant de son impiété et de ses sacrilèges, l'abandonna à lui-même ; il tomba malade. L'abbé s'empressa d'aller le voir, sachant combien sa pauvre âme était en mauvais état. Ce pauvre homme, voyant ce bon père, qui était un saint, et qui venait le voir, se mit à pleurer de joie, et, peut-être dans l'espérance qu'il allait prier pour lui, pour lui aider à sortir son âme du bourbier de ses sacrilèges, il pria l'abbé de rester un peu longtemps. La nuit étant arrivée, tout le monde se retira, sinon l'abbé qui resta avec le malade. Ce pauvre malheureux se mit à crier horriblement : « Ah ! mon Père, secourez-moi ! ah ! ah ! mon Père, venez, venez à mon secours ! » Mais, hélas ! il n'était plus temps, le bon Dieu l'avait abandonné en punition de ses sacrilèges et de ses impiétés. « Ah ! mon Père, voilà deux lions effroyables qui veulent m'emporter ! Ah ! mon père, à mon secours ! » L'abbé, tout épouvanté, se jeta à genoux pour demander grâce pour lui ; mais c'était trop tard, la justice de Dieu l'avait livré à la puissance des démons. Le malade change tout à coup de voix et prend un ton rassis ; il se met à lui parler comme une personne qui n'est nullement malade et qui a tout son esprit : « Mon Père, lui dit-il, ces lions qui tout à l'heure étaient autour de moi se sont retirés. » Mais, comme ils parlaient familièrement ensemble, le malade perdit la parole et sembla être mort. Cependant, quoique le religieux crût qu'il était mort, il voulut voir la fin malheureuse de tout cela ; il passa le reste de la nuit auprès du malade. Ce pauvre malheureux, après quelques moments, revint à lui-même, reprit la parole comme auparavant, et dit au supérieur : « Mon Père, je viens d'être cité au tribunal de Jésus-Christ, et mes impiétés et mes sacrilèges sont cause que je suis condamné à aller brûler dans les enfers. » Le supérieur, tout épouvanté, se mit à prier, afin de demander s'il y aurait encore ressource pour le salut de ce malheureux ; le mourant, le voyant prier, lui dit : « Mon Père, quittez votre prière ; le bon Dieu ne vous exaucera jamais à mon égard, les démons sont à mes côtés ; ils n'attendent que le moment de ma mort, qui ne tardera pas pour m'entraîner dans les enfers où je vais brûler toute l'éternité. » Tout à coup, saisi de frayeur : « Ah ! mon Père, le démon m'emporte ; adieu mon Père, j'ai méprisé vos conseils, et je suis damné. » En disant cela, il vomit sa maudite âme en enfer.
Le supérieur se retira en versant des larmes sur le sort de ce malheureux qui, de son lit, était tombé en enfer. Hélas ! M.F., que le nombre est grand de ces profanateurs, que de chrétiens qui ont perdu la foi par les sacrilèges ! Hélas ! M.F., si nous voyons tant de chrétiens qui ne fréquentent plus les sacrements, ou qui ne les fréquentent que bien rarement, n'en cherchons point d'autres raisons que les sacrilèges. Hélas ! combien d'autres qui sont déchirés par les remords de leur conscience, qui se sentent coupables de sacrilèges, et qui, dans un état qui fait frémir le ciel et la terre, attendent la mort ! Ah ! M.F., n'allez pas plus loin, vous n'êtes pas encore arrivés au même malheur que ce réprouvé dont nous venons de parler. Mais que savez-vous si, avant la mort, vous ne serez pas abandonnés de Dieu comme lui ; et jetés dans le feu ? Ô mon Dieu ! comment pouvoir vivre dans un état aussi effrayant ? Ah ! M.F., il est encore temps, revenons, allons nous jeter aux pieds de Jésus-Christ, qui repose dans le sacrement adorable de l'Eucharistie. Il offrira de nouveau le mérite de sa mort et passion pour nous à son Père, et nous sommes sûrs d'obtenir miséricorde.
Oui, M.F., nous sommes sûrs que, si nous avons un grand respect pour la présence de Jésus-Christ dans le Sacrement adorable de nos autels, nous obtiendrons tout ce que nous voudrons. Puisque, M.F., ces processions sont toutes consacrées pour adorer Jésus-Christ dans le Sacrement adorable de l'Eucharistie, pour le dédommager des outrages qu'il y reçoit, suivons-le dans les processions, marchons à sa suite avec autant de respect et de dévotion que les premiers chrétiens le suivaient dans ses prédications, où il ne passait jamais dans un endroit sans y répandre toute sorte de bénédictions . Oui, M.F., nous voyons dans l'histoire, par quantité d'exemples, comment le bon Dieu punit les profanateurs de la présence adorable de son Corps et de son Sang. Il est rapporté qu'un voleur, étant entré dans une église pendant la nuit, enleva tous les vases sacrés où étaient renfermées les saintes hosties ; il les emport jusque dans un endroit, c'est-à-dire, une place qui était, près de Saint-Denis. Étant là, il voulut voir de nouveau les vases, afin de savoir s'il avait encore laissé quelques hosties. Il en trouva encore une, qui, dès que le vase fût ouvert, s'envola en l'air et voltigeait après lui : ce fut ce prodige qui fit découvrir le voleur par des personnes qui l'arrêtèrent. L'abbé de Saint-Denis en fut averti, et en donna avis à l'évêque de Paris. La sainte Hostie demeura miraculeusement suspendue en l'air. L'évêque étant venu avec tous ses prêtres et quantité d'autres personnes en procession, la sainte Hostie alla se reposer dans le ciboire du prêtre qui l'avait consacrée. On la porta dans une église, où l'on fonda une grand'messe un jour de chaque semaine en mémoire de ce miracle .
Dites-moi, M.F., en faut-il davantage pour nous inspirer un grand respect pour la présence de Jésus-Christ, soit que nous soyons dans nos églises, soit que nous le suivions dans nos processions ? Venons à Lui avec une grande confiance ; il est bon, il est miséricordieux, il nous aime, et d'après cela, nous sommes sûrs de recevoir tout ce que nous lui demandons ; mais ayons l'humilité, la pureté, l'amour de Dieu, le mépris de la vie ;... prenons bien garde de ne pas nous laisser aller aux distractions... Aimons le bon Dieu, M.F., de tout notre cœur, et par là, nous aurons notre paradis en ce monde...
Ah ! M.F., que la foi des premiers chrétiens était bien plus vive que la nôtre ! Dans les premiers temps, quantité de chrétiens traversaient les mers pour aller visiter les lieux saints, où s'était opéré le mystère de notre Rédemption. Quand on leur montrait le cénacle où Jésus-Christ avait institué ce divin Sacrement qui a été consacré à nourrir nos âmes, quand on leur faisait voir, l'endroit où il avait arrosé la terre de ses larmes et de son sang pendant sa prière, son agonie, ils ne pouvaient quitter ces lieux saints sans verser des larmes en abondance. Mais lorsqu'on les menait sur le Calvaire, où il avait tant enduré de tourments pour nous, ils semblaient ne plus pouvoir vivre ; ils étaient inconsolables, parce que ces lieux rappelaient le temps, les actions et les mystères qui se sont opérés pour nous ; ils sentaient en eux la foi se rallumer, leur cœur brûler d'un feu nouveau : Ô heureux lieux ! s'écriaient-ils, où tant de prodiges se sont opérés pour nous sauver ! Mais, M.F., sans aller si loin, sans nous donner la peine de traverser les mers et de nous exposer à bien des dangers, n'avons-nous pas ici Jésus-Christ au milieu de nous, non seulement comme Dieu, mais en corps et en âme ? Nos églises ne sont-elles pas aussi dignes de respect que ces lieux saints où allaient ces pèlerins ? Oh ! M.F., notre bonheur est trop grand ; non, non, jamais nous ne le comprendrons. Nation heureuse que celle des chrétiens, de voir se renouveler chaque jour tous les prodiges que la toute-puissance de Dieu opéra autrefois sur le Calvaire pour sauver les hommes !
Pourquoi donc, M.F., que nous ne voyons pas ce même amour, cette même reconnaissance, ce même respect, puisque les mêmes miracles se font tous les jours sous nos yeux ? Hélas ! c'est que nous avons tant abusé des grâces, que le bon Dieu en punition de nos ingratitudes, nous a ôté en partie notre foi ; à peine la soutenons-nous, et comprenons-nous que nous sommes en la présence de Dieu. Mon Dieu ! quel malheur pour celui qui a perdu la foi ! Hélas, M.F., dès que nous avons perdu la foi, nous n'avons plus que du mépris pour cet auguste Sacrement, et combien qui se laissent aller jusqu'à l'impiété, en raillant ceux qui sont si heureux d'y venir puiser les grâces et les forces nécessaires pour se sauver ! Craignons, M.F., que le bon Dieu ne nous punisse du peu de respect que nous avons pour sa présence adorable ; en voici un exemple des plus effrayants.
Le cardinal Baronius rapporte dans ses Annales, qu'il y avait dans la ville de Lusignan, près de Poitiers, une personne qui avait un grand mépris pour la personne de Jésus-Christ : elle raillait et méprisait ceux qui fréquentaient les Sacrements ; elle tournait en ridicule leur dévotion. Cependant le bon Dieu, qui aime bien mieux la conversion du pécheur que sa perte, lui donna plusieurs fois des remords de conscience ; elle voyait bien qu'elle faisait mal, que ceux, dont elle se raillait étaient plus heureux qu'elle ; mais dès que l'occasion s'en présentait, elle recommençait, et, par ce moyen, de peu à peu, elle finit par étouffer ces remords que le bon Dieu lui donnait. Mais pour mieux se cacher, elle tâcha de gagner l'amitié d'un saint religieux, supérieur du monastère de Bonneval, qui était tout voisin. Elle y allait souvent, s'en faisant même gloire, quoiqu'impie, et voulait se croire bonne lorsqu'elle était avec ces bons religieux. Le supérieur, qui apercevait à peu près ce qu'il y avait dans l'âme, lui dit plusieurs fois : « Mon cher ami, vous n'avez pas assez de respect pour la présence de Jésus-Christ dans le Sacrement adorable de nos autels ; mais, je crois que si vous voulez vous convertir, il vous faudra quitter le monde et vous retirer dans un monastère pour y faire pénitence. Vous savez vous-même combien de fois vous avez profané les Sacrements, vous êtes couvert de sacrilèges ; si vous veniez à mourir, vous seriez jeté en enfer pour toute l'éternité. Croyez-moi, pensez à réparer vos profanations ; comment pouvez-vous vivre dans un état si malheureux ? » Ce pauvre homme semblait l'écouter et même profiter de ses conseils, car il sentait bien lui-même que sa conscience était chargée de sacrilèges ; mais il ne voulait pas faire quelques petits sacrifices qu'il devait, de sorte qu'avec toutes ses pensées, il restait toujours de même ; mais le bon Dieu se lassant de son impiété et de ses sacrilèges, l'abandonna à lui-même ; il tomba malade. L'abbé s'empressa d'aller le voir, sachant combien sa pauvre âme était en mauvais état. Ce pauvre homme, voyant ce bon père, qui était un saint, et qui venait le voir, se mit à pleurer de joie, et, peut-être dans l'espérance qu'il allait prier pour lui, pour lui aider à sortir son âme du bourbier de ses sacrilèges, il pria l'abbé de rester un peu longtemps. La nuit étant arrivée, tout le monde se retira, sinon l'abbé qui resta avec le malade. Ce pauvre malheureux se mit à crier horriblement : « Ah ! mon Père, secourez-moi ! ah ! ah ! mon Père, venez, venez à mon secours ! » Mais, hélas ! il n'était plus temps, le bon Dieu l'avait abandonné en punition de ses sacrilèges et de ses impiétés. « Ah ! mon Père, voilà deux lions effroyables qui veulent m'emporter ! Ah ! mon père, à mon secours ! » L'abbé, tout épouvanté, se jeta à genoux pour demander grâce pour lui ; mais c'était trop tard, la justice de Dieu l'avait livré à la puissance des démons. Le malade change tout à coup de voix et prend un ton rassis ; il se met à lui parler comme une personne qui n'est nullement malade et qui a tout son esprit : « Mon Père, lui dit-il, ces lions qui tout à l'heure étaient autour de moi se sont retirés. » Mais, comme ils parlaient familièrement ensemble, le malade perdit la parole et sembla être mort. Cependant, quoique le religieux crût qu'il était mort, il voulut voir la fin malheureuse de tout cela ; il passa le reste de la nuit auprès du malade. Ce pauvre malheureux, après quelques moments, revint à lui-même, reprit la parole comme auparavant, et dit au supérieur : « Mon Père, je viens d'être cité au tribunal de Jésus-Christ, et mes impiétés et mes sacrilèges sont cause que je suis condamné à aller brûler dans les enfers. » Le supérieur, tout épouvanté, se mit à prier, afin de demander s'il y aurait encore ressource pour le salut de ce malheureux ; le mourant, le voyant prier, lui dit : « Mon Père, quittez votre prière ; le bon Dieu ne vous exaucera jamais à mon égard, les démons sont à mes côtés ; ils n'attendent que le moment de ma mort, qui ne tardera pas pour m'entraîner dans les enfers où je vais brûler toute l'éternité. » Tout à coup, saisi de frayeur : « Ah ! mon Père, le démon m'emporte ; adieu mon Père, j'ai méprisé vos conseils, et je suis damné. » En disant cela, il vomit sa maudite âme en enfer.
Le supérieur se retira en versant des larmes sur le sort de ce malheureux qui, de son lit, était tombé en enfer. Hélas ! M.F., que le nombre est grand de ces profanateurs, que de chrétiens qui ont perdu la foi par les sacrilèges ! Hélas ! M.F., si nous voyons tant de chrétiens qui ne fréquentent plus les sacrements, ou qui ne les fréquentent que bien rarement, n'en cherchons point d'autres raisons que les sacrilèges. Hélas ! combien d'autres qui sont déchirés par les remords de leur conscience, qui se sentent coupables de sacrilèges, et qui, dans un état qui fait frémir le ciel et la terre, attendent la mort ! Ah ! M.F., n'allez pas plus loin, vous n'êtes pas encore arrivés au même malheur que ce réprouvé dont nous venons de parler. Mais que savez-vous si, avant la mort, vous ne serez pas abandonnés de Dieu comme lui ; et jetés dans le feu ? Ô mon Dieu ! comment pouvoir vivre dans un état aussi effrayant ? Ah ! M.F., il est encore temps, revenons, allons nous jeter aux pieds de Jésus-Christ, qui repose dans le sacrement adorable de l'Eucharistie. Il offrira de nouveau le mérite de sa mort et passion pour nous à son Père, et nous sommes sûrs d'obtenir miséricorde.
Oui, M.F., nous sommes sûrs que, si nous avons un grand respect pour la présence de Jésus-Christ dans le Sacrement adorable de nos autels, nous obtiendrons tout ce que nous voudrons. Puisque, M.F., ces processions sont toutes consacrées pour adorer Jésus-Christ dans le Sacrement adorable de l'Eucharistie, pour le dédommager des outrages qu'il y reçoit, suivons-le dans les processions, marchons à sa suite avec autant de respect et de dévotion que les premiers chrétiens le suivaient dans ses prédications, où il ne passait jamais dans un endroit sans y répandre toute sorte de bénédictions . Oui, M.F., nous voyons dans l'histoire, par quantité d'exemples, comment le bon Dieu punit les profanateurs de la présence adorable de son Corps et de son Sang. Il est rapporté qu'un voleur, étant entré dans une église pendant la nuit, enleva tous les vases sacrés où étaient renfermées les saintes hosties ; il les emport jusque dans un endroit, c'est-à-dire, une place qui était, près de Saint-Denis. Étant là, il voulut voir de nouveau les vases, afin de savoir s'il avait encore laissé quelques hosties. Il en trouva encore une, qui, dès que le vase fût ouvert, s'envola en l'air et voltigeait après lui : ce fut ce prodige qui fit découvrir le voleur par des personnes qui l'arrêtèrent. L'abbé de Saint-Denis en fut averti, et en donna avis à l'évêque de Paris. La sainte Hostie demeura miraculeusement suspendue en l'air. L'évêque étant venu avec tous ses prêtres et quantité d'autres personnes en procession, la sainte Hostie alla se reposer dans le ciboire du prêtre qui l'avait consacrée. On la porta dans une église, où l'on fonda une grand'messe un jour de chaque semaine en mémoire de ce miracle .
Dites-moi, M.F., en faut-il davantage pour nous inspirer un grand respect pour la présence de Jésus-Christ, soit que nous soyons dans nos églises, soit que nous le suivions dans nos processions ? Venons à Lui avec une grande confiance ; il est bon, il est miséricordieux, il nous aime, et d'après cela, nous sommes sûrs de recevoir tout ce que nous lui demandons ; mais ayons l'humilité, la pureté, l'amour de Dieu, le mépris de la vie ;... prenons bien garde de ne pas nous laisser aller aux distractions... Aimons le bon Dieu, M.F., de tout notre cœur, et par là, nous aurons notre paradis en ce monde...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
VENDREDI SAINT
Le péché renouvelle la passion de Jésus-Christ
Prolapsi sunt, rursum crucifigentes sibimetipsis Filium Dei.
Ceux qui pèchent crucifient en eux-mêmes de nouveau le Fils de Dieu.
(Saint Paul aux Hébreux, IV, 6.)
Pouvons-nous, M.F., concevoir un crime plus horrible que celui des Juifs, quand ils firent mourir le Fils de Dieu, qu'ils attendaient depuis quatre mille ans, lui qui avait été l'admiration des prophètes, l'espérance des patriarches, la consolation des justes, la joie du ciel, le trésor de la terre, le bonheur de l'univers ? Quelques jours auparavant, ils l'avaient reçu en triomphe à son entrée à Jérusalem, manifestant ainsi clairement qu'ils le reconnaissaient pour le Sauveur du monde. Dites-moi, M.F., est-il possible que, malgré tout cela, ils veuillent le faire mourir, après l'avoir accablé de toutes sortes d'outrages ? Quel mal leur avait donc fait ce divin Sauveur ? Ou plutôt, quel bien ne leur faisait-il pas, en venant les délivrer de la tyrannie du démon, les réconcilier avec son Père, leur ouvrir la porte du ciel que le péché d'Adam leur avait fermée ? Hélas ! de quoi n'est pas capable l'homme qui se laisse aveugler par ses passions ! Pilate laissa aux Juifs le choix de leur délivrer ou Jésus ou Barabbas, qui était un insigne voleur. Ils délivrent le voleur chargé de crimes ; et Jésus, qui était l'innocence même, bien plus encore, leur Rédempteur ; ils veulent qu'on le fasse mourir ! Ô mon Dieu ! quelle indigne préférence ! Cela vous étonne, M.F., vous avez bien raison ; cependant, si j'osais, je vous dirais que nous faisons cette préférence toutes les fois que nous péchons. Et pour mieux vous le faire sentir, je vais vous montrer combien grand est l'outrage que nous faisons à Jésus-Christ en préférant la voie de nos penchants à la voie de Dieu.
Oui, M.F., la malice des hommes leur a fait trouver, des moyens pour renouveler les souffrances et la mort de Jésus-Christ, non seulement d'une manière aussi cruelle que chez les Juifs, mais encore d'une manière sacrilège et pleine d'horreur. Jésus-Christ, sur la terre, n'avait qu'une vie et qu'un calvaire où il devait être crucifié ; mais, depuis sa mort, l'homme, par son péché, lui fait trouver autant de croix qu'il y a de cœurs sur la terre. Pour mieux vous en convaincre, voyons cela de plus près. Qu'apercevons-nous dans la passion de Jésus-Christ. ? N'est-ce pas un Dieu trahi, abandonné même de ses disciples ; un Dieu mis en parallèle avec un infâme voleur ; un Dieu exposé à la fureur du libertinage et traité comme un roi de théâtre ? Enfin, n'est-ce pas un Dieu crucifié sur une croix ? Tout cela, vous en conviendrez, était bien humiliant et bien cruel dans la mort de Jésus-Christ. Cependant M.F., je ne crains pas de vous dire que ce qui se passe tous les jours parmi les chrétiens, est encore bien plus sensible à Jésus-Christ, que tout ce que les Juifs ont pu lui faire souffrir.
1? Je sais bien que Jésus-Christ fut trahi et abandonné de ses apôtres : ce fut là peut-être même la plaie la plus sensible à son cœur si bon. Mais je dis que par la malice de l'homme et du démon, cette plaie si douloureuse est renouvelée chaque jour, chez un nombre infini de mauvais chrétiens. Si Jésus-Christ, M.F., dans la sainte messe, nous a laissé le souvenir et le mérite de sa passion, il a permis qu'il y eût encore des hommes, des chrétiens portant le caractère de ses disciples, et qui néanmoins le trahissent et l'abandonnent, dès que l'occasion s'en présente. Ils ne se font point scrupule de renoncer à leur baptême, ni de renier leur foi ; et cela, par la crainte d'être raillés ou méprisés de quelques libertins ou de quelques petites ignorantes. De ce nombre sont les trois quarts des gens de nos jours, qui n'osent montrer par leurs actes qu'ils sont chrétiens. Or, nous abandonnons notre Dieu, toutes les fois que nous laissons nos prières soir ou matin, et que nous manquons la sainte Messe, les Vêpres, ou autres exercices qui se font dans l'église. Nous avons abandonné le bon Dieu, depuis que nous ne fréquentons plus les sacrements. Ah ! Seigneur, où sont ceux qui vous sont fidèles, et qui vous suivent jusqu'au Calvaire ?... Jésus-Christ, dans le temps de sa passion, prévoyait déjà combien peu de chrétiens le suivraient partout, combien peu il y en aurait, que ni les tourments, ni la mort ne pourraient séparer de lui. Parmi tous ses disciples, il n'y eut alors que sa sainte Mère et saint Jean, qui eurent assez de courage, pour l'accompagner jusqu'au Calvaire. Tant que Notre-Seigneur combla ses disciples de bienfaits, ils furent toujours prêts à souffrir. Tels étaient saint Pierre, saint Thomas ; mais le moment, de l'épreuve arrivé, tous s'enfuirent, tous l'abandonnèrent. Image évidente de tant de chrétiens qui font à Dieu les plus belles résolutions ; mais qui, à la moindre épreuve, le laissent et l'abandonnent : ils ne veulent reconnaître ni Dieu, ni sa providence ; une petite calomnie, un petit tort qu'on leur fera, une maladie un peu longue, la crainte de perdre l'amitié d'une personne de qui ils ont reçu ou de qui ils attendent quelque bien, leur fait alors regarder la religion comme rien ; ils la mettent de côté, et vont même jusqu'à se déchaîner contre ceux qui la pratiquent. Ils tournent tout en mal, maudissent les personnes qu'ils croient en être cause. Hélas ! mon Dieu, que de déserteurs ! qu'il y a peu de chrétiens pour vous suivre, comme la sainte Vierge, jusqu'au Calvaire !...
Le péché renouvelle la passion de Jésus-Christ
Prolapsi sunt, rursum crucifigentes sibimetipsis Filium Dei.
Ceux qui pèchent crucifient en eux-mêmes de nouveau le Fils de Dieu.
(Saint Paul aux Hébreux, IV, 6.)
Pouvons-nous, M.F., concevoir un crime plus horrible que celui des Juifs, quand ils firent mourir le Fils de Dieu, qu'ils attendaient depuis quatre mille ans, lui qui avait été l'admiration des prophètes, l'espérance des patriarches, la consolation des justes, la joie du ciel, le trésor de la terre, le bonheur de l'univers ? Quelques jours auparavant, ils l'avaient reçu en triomphe à son entrée à Jérusalem, manifestant ainsi clairement qu'ils le reconnaissaient pour le Sauveur du monde. Dites-moi, M.F., est-il possible que, malgré tout cela, ils veuillent le faire mourir, après l'avoir accablé de toutes sortes d'outrages ? Quel mal leur avait donc fait ce divin Sauveur ? Ou plutôt, quel bien ne leur faisait-il pas, en venant les délivrer de la tyrannie du démon, les réconcilier avec son Père, leur ouvrir la porte du ciel que le péché d'Adam leur avait fermée ? Hélas ! de quoi n'est pas capable l'homme qui se laisse aveugler par ses passions ! Pilate laissa aux Juifs le choix de leur délivrer ou Jésus ou Barabbas, qui était un insigne voleur. Ils délivrent le voleur chargé de crimes ; et Jésus, qui était l'innocence même, bien plus encore, leur Rédempteur ; ils veulent qu'on le fasse mourir ! Ô mon Dieu ! quelle indigne préférence ! Cela vous étonne, M.F., vous avez bien raison ; cependant, si j'osais, je vous dirais que nous faisons cette préférence toutes les fois que nous péchons. Et pour mieux vous le faire sentir, je vais vous montrer combien grand est l'outrage que nous faisons à Jésus-Christ en préférant la voie de nos penchants à la voie de Dieu.
Oui, M.F., la malice des hommes leur a fait trouver, des moyens pour renouveler les souffrances et la mort de Jésus-Christ, non seulement d'une manière aussi cruelle que chez les Juifs, mais encore d'une manière sacrilège et pleine d'horreur. Jésus-Christ, sur la terre, n'avait qu'une vie et qu'un calvaire où il devait être crucifié ; mais, depuis sa mort, l'homme, par son péché, lui fait trouver autant de croix qu'il y a de cœurs sur la terre. Pour mieux vous en convaincre, voyons cela de plus près. Qu'apercevons-nous dans la passion de Jésus-Christ. ? N'est-ce pas un Dieu trahi, abandonné même de ses disciples ; un Dieu mis en parallèle avec un infâme voleur ; un Dieu exposé à la fureur du libertinage et traité comme un roi de théâtre ? Enfin, n'est-ce pas un Dieu crucifié sur une croix ? Tout cela, vous en conviendrez, était bien humiliant et bien cruel dans la mort de Jésus-Christ. Cependant M.F., je ne crains pas de vous dire que ce qui se passe tous les jours parmi les chrétiens, est encore bien plus sensible à Jésus-Christ, que tout ce que les Juifs ont pu lui faire souffrir.
1? Je sais bien que Jésus-Christ fut trahi et abandonné de ses apôtres : ce fut là peut-être même la plaie la plus sensible à son cœur si bon. Mais je dis que par la malice de l'homme et du démon, cette plaie si douloureuse est renouvelée chaque jour, chez un nombre infini de mauvais chrétiens. Si Jésus-Christ, M.F., dans la sainte messe, nous a laissé le souvenir et le mérite de sa passion, il a permis qu'il y eût encore des hommes, des chrétiens portant le caractère de ses disciples, et qui néanmoins le trahissent et l'abandonnent, dès que l'occasion s'en présente. Ils ne se font point scrupule de renoncer à leur baptême, ni de renier leur foi ; et cela, par la crainte d'être raillés ou méprisés de quelques libertins ou de quelques petites ignorantes. De ce nombre sont les trois quarts des gens de nos jours, qui n'osent montrer par leurs actes qu'ils sont chrétiens. Or, nous abandonnons notre Dieu, toutes les fois que nous laissons nos prières soir ou matin, et que nous manquons la sainte Messe, les Vêpres, ou autres exercices qui se font dans l'église. Nous avons abandonné le bon Dieu, depuis que nous ne fréquentons plus les sacrements. Ah ! Seigneur, où sont ceux qui vous sont fidèles, et qui vous suivent jusqu'au Calvaire ?... Jésus-Christ, dans le temps de sa passion, prévoyait déjà combien peu de chrétiens le suivraient partout, combien peu il y en aurait, que ni les tourments, ni la mort ne pourraient séparer de lui. Parmi tous ses disciples, il n'y eut alors que sa sainte Mère et saint Jean, qui eurent assez de courage, pour l'accompagner jusqu'au Calvaire. Tant que Notre-Seigneur combla ses disciples de bienfaits, ils furent toujours prêts à souffrir. Tels étaient saint Pierre, saint Thomas ; mais le moment, de l'épreuve arrivé, tous s'enfuirent, tous l'abandonnèrent. Image évidente de tant de chrétiens qui font à Dieu les plus belles résolutions ; mais qui, à la moindre épreuve, le laissent et l'abandonnent : ils ne veulent reconnaître ni Dieu, ni sa providence ; une petite calomnie, un petit tort qu'on leur fera, une maladie un peu longue, la crainte de perdre l'amitié d'une personne de qui ils ont reçu ou de qui ils attendent quelque bien, leur fait alors regarder la religion comme rien ; ils la mettent de côté, et vont même jusqu'à se déchaîner contre ceux qui la pratiquent. Ils tournent tout en mal, maudissent les personnes qu'ils croient en être cause. Hélas ! mon Dieu, que de déserteurs ! qu'il y a peu de chrétiens pour vous suivre, comme la sainte Vierge, jusqu'au Calvaire !...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Mais, me direz-vous, comment pouvons-nous connaître que nous suivons Jésus-Christ ? – M.F., rien de plus facile à savoir. C'est lorsque vous observez fidèlement les commandements. Il nous est ordonné de prier Dieu soir et matin, avec un grand respect : eh bien ! le faites-vous à genoux, avant de travailler, dans le désir de plaire à Dieu et de sauver votre âme ? Ou bien, au contraire, le faites-vous par habitude, par routine, sans penser à Dieu, sans songer que vous êtes en danger de vous perdre, et que, par conséquent, vous avez besoin des grâces du bon Dieu pour ne pas vous damner ? Les commandements de Dieu vous défendent de travailler le saint jour du dimanche. Eh bien ! voyez si vous y êtes fidèles, si vous avez passé saintement ce jour, à prier, à vous confesser de vos péchés, crainte que la mort ne vous surprenne dans un état capable de vous conduire en enfer. Examinez la manière dont vous avez assisté à la sainte Messe, pour voir si vous avez été bien pénétrés de la grandeur de cette action, si vous avez vraiment pensé que c'était Jésus-Christ lui-même, comme homme et comme Dieu, qui était présent à l'autel ? Y êtes-vous venus avec les dispositions que la sainte Vierge avait sur le Calvaire, puisque c'est le même Dieu et le même sacrifice ? Avez-vous témoigné à Dieu combien vous étiez fâchés de l'avoir offensé, et qu'avec le secours de sa grâce, vous aimeriez mieux mourir que de pécher à l'avenir ? Avez-vous fait tout votre possible pour vous rendre dignes des faveurs que le bon Dieu voulait vous accorder ? Lui avez-vous demandé qu'il vous fît la grâce de bien profiter des instructions que vous avez le bonheur d'entendre, et dont le but est de vous instruire sur vos devoirs envers lui et envers votre prochain ? Les commandements de Dieu vous défendent de jurer : voyez quelles paroles sont sorties de votre bouche, consacrée à Dieu par le saint baptême ; examinez si vous n'avez jamais juré le saint nom de Dieu, si vous n'avez point dit de mauvaises paroles, etc. Le bon Dieu vous ordonne par un commandement, d'aimer vos père et mère, et le reste. Vous dites que vous êtes enfant de l'Église : voyez si vous observez ce qu'elle vous commande... (citer les commandements.)
Oui, M.F., si nous sommes fidèles à Dieu comme la sainte Vierge, nous ne craindrons ni le monde, ni le démon ; nous serons prêts à tout sacrifier, même notre vie. Voici un exemple. L'histoire raconte qu'après la mort de saint Sixte, toutes les richesses de l'Église furent confiées à saint Laurent. L'empereur Valérien fit venir le saint, et lui ordonna de lui livrer tous ces trésors. Saint Laurent, sans s'émouvoir, demanda au prince un délai de trois jours. Pendant ce temps, il rassembla tout ce qu'il put trouver d'aveugles, de boiteux et d'autres pauvres ou malades, remplis d'infirmités ou couverts d'ulcères. Les trois jours écoulés, saint Laurent les montra à l'empereur en lui disant que là était tout le trésor de l'Église. Valérien, surpris et épouvanté de se trouver en présence d'une foule qui semblait réunir toutes les misères de la terre, entra en fureur, et se tournant vers ses soldats, il ordonna de charger Laurent de chaînes et de fers, se réservant le plaisir de le faire mourir d'une mort lente et cruelle. En effet, il le fit battre de verges, lui fit déchirer la peau et subir des tourments de toutes sortes : le saint se jouait de toutes ces tortures ; aussi Valérien ne se possédant plus, fit dresser un lit de fer sur lequel Laurent fut étendu ; puis on alluma dessous un petit feu de charbon, afin de le faire rôtir à loisir, et de rendre ainsi sa mort plus cruelle et plus lente. Quand le feu eut consumé une partie de son corps, saint Laurent, se jouant toujours des supplices, se tourna vers l'empereur, le visage riant et tout éclatant de lumière : « Ne vois-tu pas, lui dit-il, que ma chair est assez rôtie d'un côté ? tourne-la donc de l'autre, afin qu'elle soit également glorieuse dans le ciel. » Sur l'ordre du tyran, les bourreaux tournèrent le martyr. Quelque temps après, saint Laurent s'adressa à l'empereur : « Ma chair est présentement assez rôtie, tu peux en manger. » Ne reconnaissez-vous pas là, M.F., un chrétien, qui, imitant la sainte Vierge et sainte Madeleine, sait suivre son Dieu jusqu'au Calvaire ? Hélas ! M.F.,. qu'allons-nous devenir lorsque le bon Dieu va nous mettre en face de ces saints, qui ont préféré tout souffrir, plutôt que de trahir leur religion et leur conscience ?
2? Nous ne nous sommes pas contentés d'abandonner Jésus-Christ, comme les apôtres, qui, après avoir été comblés de ses bienfaits, s'enfuirent alors qu'il avait le plus besoin de consolation. Mais, hélas ! que le nombre est grand de ceux qui donnent la préférence à Barabbas, c'est-à-dire, qui aiment mieux suivre le monde et leurs passions, que Jésus-Christ portant sa croix ! Que de fois nous l'avons reçu comme en triomphe dans la sainte communion ; et quelque temps après, séduits par nos passions, nous avons préféré à ce Roi de gloire, tantôt un plaisir d'un moment, tantôt un vil intérêt ; que nous poursuivons malgré les remords de notre conscience ! Que de fois, M.F., n'avons-nous pas été partagés entre notre conscience et nos passions, et, dans ce combat, n'avons-nous pas étouffé la voix de Dieu, pour n'écouter que celle de nos mauvais penchants ? Si vous en doutez, écoutez-moi un instant, et vous le comprendrez aussi clairement qu'il est possible. Notre conscience, qui est notre juge, lorsque nous faisons quelque chose contre la loi de Dieu, nous dit intérieurement : « Que vas-tu faire ?... Voilà ton plaisir d'un côté et ton Dieu de l'autre ; tu ne peux plaire à tous les deux en même temps : pour lequel des deux veux-tu te déclarer ?.. : Renonce ou à ton Dieu ou à ton plaisir. » Hélas ! que de fois nous faisons comme les Juifs ; nous donnons la préférence à Barabbas, c'est-à-dire, à nos passions ! combien de fois n'avons-nous pas dit : « Je veux mon plaisir ! ». Notre conscience nous a répondu : « Mais ton Dieu, que va-t-il devenir ? » – « Qu'il en soit de mon Dieu ce qu'il lui plaira, reprennent nos passions, je veux me satisfaire. » – « Tu sais bien, nous dit la conscience par le remords qu'elle nous fait éprouver, qu'en prenant ces plaisirs défendus, tu vas faire mourir ton Dieu une seconde fois ! ». – « Que m'importe, répond notre passion, si mon Dieu est crucifié, pourvu que je me contente ? » – « Mais quel mal a fait ton Dieu, et quelle raison as-tu de l'abandonner ? Tu sais bien que chaque fois que tu l'as méprisé, tu t'en es repenti, et qu'en suivant tes mauvais penchants, tu perds ton âme, le ciel et ton Dieu ! » – Mais la passion, qui brûle du désir de se satisfaire : « Mon plaisir, voilà ma raison : Dieu est l'ennemi de mon plaisir, qu'il soit crucifié ! » – « Préféreras-tu un plaisir d'un instant à ton Dieu ? » – « Oui, crie la passion, advienne que pourra de mon âme et de mon Dieu, pourvu que je jouisse. » »
Voilà cependant, M.F., ce que nous faisons toutes les fois que nous péchons. Il est vrai que nous ne nous en rendons pas toujours compte aussi clairement ; mais nous savons très bien qu'il nous est impossible de désirer et de commettre le péché, sans perdre notre Dieu, le ciel et notre âme. N'est-il pas vrai que, chaque fois que nous sommes sur le point de pécher, nous entendons une voix intérieure qui nous crie d'arrêter ; que sinon, nous allons nous perdre et faire mourir notre Dieu ? Ah ! nous pouvons bien le dire, M.F., la Passion que les Juifs firent souffrir à Jésus-Christ, n'était presque rien en comparaison de celle que les chrétiens lui font endurer par les outrages du péché mortel. Les Juifs préférèrent à Jésus-Christ un voleur qui avait commis plusieurs meurtres ; et que fait le chrétien pécheur ?... Ce n'est pas un homme qu'il préfère à son Dieu, c'est, disons-le en gémissant, une misérable pensée d'orgueil, de haine, de vengeance ou d'impureté ; c'est un acte de gourmandise, un verre de vin, un misérable gain de cinq sous à peine ; c'est un regard déshonnête ou quelque action infâme : voilà ce qu'il préfère au Dieu de toute sainteté ! Ah ! malheureux, que faisons-nous ? Quelle ne sera pas notre horreur, lorsque Jésus-Christ nous montrera ce que nous lui aurons préféré !... Ah ! M.F., pouvons-nous porter si loin noire fureur contre un Dieu qui nous a tant aimés !...
Oui, M.F., si nous sommes fidèles à Dieu comme la sainte Vierge, nous ne craindrons ni le monde, ni le démon ; nous serons prêts à tout sacrifier, même notre vie. Voici un exemple. L'histoire raconte qu'après la mort de saint Sixte, toutes les richesses de l'Église furent confiées à saint Laurent. L'empereur Valérien fit venir le saint, et lui ordonna de lui livrer tous ces trésors. Saint Laurent, sans s'émouvoir, demanda au prince un délai de trois jours. Pendant ce temps, il rassembla tout ce qu'il put trouver d'aveugles, de boiteux et d'autres pauvres ou malades, remplis d'infirmités ou couverts d'ulcères. Les trois jours écoulés, saint Laurent les montra à l'empereur en lui disant que là était tout le trésor de l'Église. Valérien, surpris et épouvanté de se trouver en présence d'une foule qui semblait réunir toutes les misères de la terre, entra en fureur, et se tournant vers ses soldats, il ordonna de charger Laurent de chaînes et de fers, se réservant le plaisir de le faire mourir d'une mort lente et cruelle. En effet, il le fit battre de verges, lui fit déchirer la peau et subir des tourments de toutes sortes : le saint se jouait de toutes ces tortures ; aussi Valérien ne se possédant plus, fit dresser un lit de fer sur lequel Laurent fut étendu ; puis on alluma dessous un petit feu de charbon, afin de le faire rôtir à loisir, et de rendre ainsi sa mort plus cruelle et plus lente. Quand le feu eut consumé une partie de son corps, saint Laurent, se jouant toujours des supplices, se tourna vers l'empereur, le visage riant et tout éclatant de lumière : « Ne vois-tu pas, lui dit-il, que ma chair est assez rôtie d'un côté ? tourne-la donc de l'autre, afin qu'elle soit également glorieuse dans le ciel. » Sur l'ordre du tyran, les bourreaux tournèrent le martyr. Quelque temps après, saint Laurent s'adressa à l'empereur : « Ma chair est présentement assez rôtie, tu peux en manger. » Ne reconnaissez-vous pas là, M.F., un chrétien, qui, imitant la sainte Vierge et sainte Madeleine, sait suivre son Dieu jusqu'au Calvaire ? Hélas ! M.F.,. qu'allons-nous devenir lorsque le bon Dieu va nous mettre en face de ces saints, qui ont préféré tout souffrir, plutôt que de trahir leur religion et leur conscience ?
2? Nous ne nous sommes pas contentés d'abandonner Jésus-Christ, comme les apôtres, qui, après avoir été comblés de ses bienfaits, s'enfuirent alors qu'il avait le plus besoin de consolation. Mais, hélas ! que le nombre est grand de ceux qui donnent la préférence à Barabbas, c'est-à-dire, qui aiment mieux suivre le monde et leurs passions, que Jésus-Christ portant sa croix ! Que de fois nous l'avons reçu comme en triomphe dans la sainte communion ; et quelque temps après, séduits par nos passions, nous avons préféré à ce Roi de gloire, tantôt un plaisir d'un moment, tantôt un vil intérêt ; que nous poursuivons malgré les remords de notre conscience ! Que de fois, M.F., n'avons-nous pas été partagés entre notre conscience et nos passions, et, dans ce combat, n'avons-nous pas étouffé la voix de Dieu, pour n'écouter que celle de nos mauvais penchants ? Si vous en doutez, écoutez-moi un instant, et vous le comprendrez aussi clairement qu'il est possible. Notre conscience, qui est notre juge, lorsque nous faisons quelque chose contre la loi de Dieu, nous dit intérieurement : « Que vas-tu faire ?... Voilà ton plaisir d'un côté et ton Dieu de l'autre ; tu ne peux plaire à tous les deux en même temps : pour lequel des deux veux-tu te déclarer ?.. : Renonce ou à ton Dieu ou à ton plaisir. » Hélas ! que de fois nous faisons comme les Juifs ; nous donnons la préférence à Barabbas, c'est-à-dire, à nos passions ! combien de fois n'avons-nous pas dit : « Je veux mon plaisir ! ». Notre conscience nous a répondu : « Mais ton Dieu, que va-t-il devenir ? » – « Qu'il en soit de mon Dieu ce qu'il lui plaira, reprennent nos passions, je veux me satisfaire. » – « Tu sais bien, nous dit la conscience par le remords qu'elle nous fait éprouver, qu'en prenant ces plaisirs défendus, tu vas faire mourir ton Dieu une seconde fois ! ». – « Que m'importe, répond notre passion, si mon Dieu est crucifié, pourvu que je me contente ? » – « Mais quel mal a fait ton Dieu, et quelle raison as-tu de l'abandonner ? Tu sais bien que chaque fois que tu l'as méprisé, tu t'en es repenti, et qu'en suivant tes mauvais penchants, tu perds ton âme, le ciel et ton Dieu ! » – Mais la passion, qui brûle du désir de se satisfaire : « Mon plaisir, voilà ma raison : Dieu est l'ennemi de mon plaisir, qu'il soit crucifié ! » – « Préféreras-tu un plaisir d'un instant à ton Dieu ? » – « Oui, crie la passion, advienne que pourra de mon âme et de mon Dieu, pourvu que je jouisse. » »
Voilà cependant, M.F., ce que nous faisons toutes les fois que nous péchons. Il est vrai que nous ne nous en rendons pas toujours compte aussi clairement ; mais nous savons très bien qu'il nous est impossible de désirer et de commettre le péché, sans perdre notre Dieu, le ciel et notre âme. N'est-il pas vrai que, chaque fois que nous sommes sur le point de pécher, nous entendons une voix intérieure qui nous crie d'arrêter ; que sinon, nous allons nous perdre et faire mourir notre Dieu ? Ah ! nous pouvons bien le dire, M.F., la Passion que les Juifs firent souffrir à Jésus-Christ, n'était presque rien en comparaison de celle que les chrétiens lui font endurer par les outrages du péché mortel. Les Juifs préférèrent à Jésus-Christ un voleur qui avait commis plusieurs meurtres ; et que fait le chrétien pécheur ?... Ce n'est pas un homme qu'il préfère à son Dieu, c'est, disons-le en gémissant, une misérable pensée d'orgueil, de haine, de vengeance ou d'impureté ; c'est un acte de gourmandise, un verre de vin, un misérable gain de cinq sous à peine ; c'est un regard déshonnête ou quelque action infâme : voilà ce qu'il préfère au Dieu de toute sainteté ! Ah ! malheureux, que faisons-nous ? Quelle ne sera pas notre horreur, lorsque Jésus-Christ nous montrera ce que nous lui aurons préféré !... Ah ! M.F., pouvons-nous porter si loin noire fureur contre un Dieu qui nous a tant aimés !...
Re: Tome 1,2,3,4 des Sermons + Etre prêtre selon le curé d'Ars
Ne soyons pas étonnés si les saints,, qui connaissaient la grandeur du péché, ont préféré souffrir tout ce que la fureur des tyrans a pu inventer, plutôt que de le commettre. Nous en voyons un admirable exemple dans la personne de sainte Marguerite. Son père, prêtre idolâtre et de grande réputation, la voyant chrétienne et ne pouvant la faire renoncer à sa religion, la maltraita de la manière la plus indigne, puis la chassa de sa maison. Marguerite ne se rebuta pas, et, malgré la noblesse de son origine, elle alla mener une vie humble et obscure auprès de sa nourrice, qui, dès son jeune âge, lui avait inspiré les vertus chrétiennes. Un certain préfet du prétoire nommé Olybrius, épris de sa beauté, se la fit amener pour lui faire renier sa foi et l'épouser. Aux premières questions que lui fit le préfet, elle répondit : qu'elle était chrétienne, et qu'elle resterait toujours l'épouse du Christ. Olybrius, irrité de la réponse de la sainte, commanda aux bourreaux de la dépouiller de ses habits et de l'étendre sur le chevalet. Là, il la fit battre de verges avec tant de cruauté, que le sang coulait de tous ses membres. Au milieu de ces tourments, on lui disait de sacrifier aux dieux de l'empire, afin de ne pas perdre sa beauté et la vie par son opiniâtreté. Mais au milieu des supplices, elle criait : « Non, non, jamais pour un bien périssable et un plaisir honteux, je ne quitterai mon Dieu ! Jésus-Christ, qui est mon époux, a soin de moi, et il ne m'abandonnera pas. » Le juge, voyant son courage qu'il appelait opiniâtreté, la fit frapper si cruellement, que, tout barbare qu'il était, il fut obligé de détourner ses regards. Craignant qu'elle ne succombât, il la fit conduire en prison. Le démon apparut à la jeune vierge sous la forme d'un horrible dragon qui semblait vouloir l'engloutir. Mais la sainte ayant fait le signe de la croix, il creva à ses pieds. Après ce terrible combat, elle vit une croix brillante comme un globe de lumière, et une colombe d'une blancheur admirable qui planait au-dessus. Elle se sentit toute fortifiée. Quelque temps après, le juge inique, voyant qu'il ne pouvait rien sur elle, malgré les tortures dont les bourreaux, eux-mêmes étaient épouvantés, lui fit enfin trancher la tête.
Eh bien ! M.F., faisons-nous comme sainte Marguerite, nous qui préférons un vil intérêt, à Jésus-Christ ? nous qui aimons mieux transgresser les commandements de Dieu on de l'Église que de déplaire au monde ? nous qui, pour plaire à un ami impie, mangeons de la viande les jours défendus ? nous qui, pour rendre service à un voisin, ne nous faisons point scrupule de travailler, ou de prêter nos bêtes le saint jour du dimanche ! nous, enfin, qui passons une partie de ce jour, et même le temps des offices au jeu ou au cabaret, plutôt que de déplaire à quelque misérable ami ? Hélas ! M.F., les chrétiens qui sont disposés à faire comme sainte Marguerite, à tout sacrifier, leurs biens et leur vie, plutôt que de déplaire à Jésus-Christ, sont aussi rares que les élus, c'est-à-dire aussi rares que ceux qui iront au ciel. Mon Dieu, que le monde a changé !
3? Nous avons dit que Jésus-Christ, fut exposé aux insultes du libertinage, et traité comme un roi de théâtre par une troupe de faux adorateurs. Voyez ce Dieu que le ciel et la terre ne peuvent contenir, qui, s'il le voulait, d'un seul regard anéantirait le monde : on lui jette sur les épaules un vil manteau d'écarlate : on lui met un roseau à la main et une couronne d'épines sur la tête ; on le livre à une cohorte insolente de soldats. Hélas ! dans quel état est réduit celui que les anges n'adorent qu'en tremblant ! On plie le genoux devant lui par la plus amère dérision ; on arrache le roseau qu'il tenait à la main, on lui en frappe la tête. Oh ! quel spectacle ! oh ! quelle impiété !... Mais la charité de Jésus est si grande, que, malgré tant d'outrages, et sans faire entendre aucune plainte, il meurt volontairement pour nous sauver tous. Et pourtant, M.F., ce spectacle que nous ne pouvons considérer qu'en frémissant, se reproduit tous les jours dans la conduite d'un grand nombre de chrétiens.
Considérons la manière dont ces malheureux se comportent pendant les offices divins, en présence d'un Dieu qui s'est anéanti pour nous, qui ne repose sur nos autels et dans nos tabernacles que pour nous combler de toutes sortes de biens ; quelles adorations lui rendent-ils ! Jésus-Christ n'est-il pas traité encore plus cruellement par les chrétiens que par les Juifs, qui n'avaient pas, comme nous, le bonheur de le connaître ? Voyez ces personnes sensuelles : à peine plient-elles un genou pendant les instants les plus redoutables du mystère ; voyez ces rires, ces paroles, ces regards jetés de toute part dans l'église, ces signes que se font tous ces petits impies et ces petits ignorants : et ce n'est encore que l'extérieur ; si nous pouvions pénétrer jusque dans le fond des cœurs, hélas ! que de pensées de haine, de vengeance, d'orgueil ! Oserais-je le dire, que de pensées impures dévorent et corrompent ces cœurs ! Ces pauvres chrétiens n'ont souvent ni livres, ni chapelets pendant la sainte Messe, et ne savent à quoi occuper le temps des offices ; aussi écoutez-les se plaindre et murmurer de ce qu'on les retient trop longtemps en la sainte pré-sence de Dieu. Ô Seigneur ! quel outrage et quelle insulte l'on vous fait, à l'heure même où vous ouvrez avec tant de bonté et d'amour les entrailles de votre miséri-corde !... Je ne m'étonne pas, M.F., que les Juifs aient comblé Jésus-Christ d'opprobres, l'aient regardé comme un criminel, bien plus, aient cru faire en cela une bonne œuvre ; car « s'ils l'avaient connu, nous dit saint Paul, jamais ils n'auraient fait mourir le Roi de gloire . » Mais, des chrétiens qui savent très bien que Jésus-Christ lui-même est présent sur nos autels, et combien leur peu de respect l'offense et leur impiété le méprise !... Ô mon Dieu ! des chrétiens, s'ils n'avaient pas perdu la foi, pourraient-ils paraître dans vos temples sans trembler et sans pleurer amèrement leurs péchés ! Combien vous crachent au visage par trop de soin d'embellir leur tête ; combien vous couronnent d'épines par leur orgueil ; combien vous font sentir les rudes coups de la flagellation, par les actions impures dont ils profanent leur corps et leur âme ; combien, hélas ! vous donnent la mort par leurs sacrilèges ; combien vous tiennent cloué sur la croix en restant dans le péché !... Ô mon Dieu ! que vous retrouvez de Juifs parmi les chrétiens !...
4? Nous ne pouvons penser sans frémir à ce qui se passa au pied de la croix : c'était là que le Père éternel attendait son Fils adorable pour décharger sur lui tous les coups de sa justice. Nous pouvons dire aussi que c'est au pied des autels, que Jésus-Christ reçoit les outrages les plus sanglants. Hélas ! que de mépris de sa sainte présence ! que de confessions mal faites ! que de messes mal entendues ! que de communions sacrilèges ! Ah ! M.F., ne pourrais-je pas vous dire avec saint Bernard : « Que pensez-vous de votre Dieu, quelle idée en avez-vous ? Malheureux, si vous en aviez l'idée que vous devez en avoir, viendriez-vous jusqu'à ses pieds pour l'insulter ? » C'est insulter Jésus-Christ que de venir dans nos églises, à la face de nos autels, avec un esprit distrait et tout rempli des affaires du monde ; c'est insulter la majesté de Dieu, que de se tenir en sa présence avec moins de modestie que dans la maison des grands du monde. Elles l'outragent, ces femmes et ces filles mondaines, qui semblent ne venir au pied des autels que pour étaler leur vanité, attirer les regards, et dérober la gloire et l'adoration qui ne sont dues qu'à Dieu seul. Dieu est patient, M.F., mais il aura son tour... Laissez venir l'éternité !...
Si autrefois Dieu se plaignait que son peuple lui était infidèle et profanait son saint nom, quelles plaintes ne devrait-il pas nous faire maintenant que, non content d'outrager son saint nom par des jurements à faire frémir l'enfer, on profane le corps adorable de son Fils et son sang précieux !... Ô mon Dieu, où en êtes vous réduit ?... Autrefois vous n'avez eu qu'un calvaire, et maintenant, vous en avez autant qu'il y a de ces mauvais chrétiens !...
Que conclure de tout cela, M.F., sinon que nous sommes bien malheureux de faire tant souffrir notre Sauveur qui nous a tant aimés ? Non, ne faisons plus mourir Jésus-Christ par nos péchés, laissons-le vivre en nous ; et vivons nous-mêmes de sa grâce. Ainsi, nous aurons le sort de tous ceux qui ont évité le péché et fait le bien dans la seule vue de lui plaire. C'est ce que je vous souhaite.
Eh bien ! M.F., faisons-nous comme sainte Marguerite, nous qui préférons un vil intérêt, à Jésus-Christ ? nous qui aimons mieux transgresser les commandements de Dieu on de l'Église que de déplaire au monde ? nous qui, pour plaire à un ami impie, mangeons de la viande les jours défendus ? nous qui, pour rendre service à un voisin, ne nous faisons point scrupule de travailler, ou de prêter nos bêtes le saint jour du dimanche ! nous, enfin, qui passons une partie de ce jour, et même le temps des offices au jeu ou au cabaret, plutôt que de déplaire à quelque misérable ami ? Hélas ! M.F., les chrétiens qui sont disposés à faire comme sainte Marguerite, à tout sacrifier, leurs biens et leur vie, plutôt que de déplaire à Jésus-Christ, sont aussi rares que les élus, c'est-à-dire aussi rares que ceux qui iront au ciel. Mon Dieu, que le monde a changé !
3? Nous avons dit que Jésus-Christ, fut exposé aux insultes du libertinage, et traité comme un roi de théâtre par une troupe de faux adorateurs. Voyez ce Dieu que le ciel et la terre ne peuvent contenir, qui, s'il le voulait, d'un seul regard anéantirait le monde : on lui jette sur les épaules un vil manteau d'écarlate : on lui met un roseau à la main et une couronne d'épines sur la tête ; on le livre à une cohorte insolente de soldats. Hélas ! dans quel état est réduit celui que les anges n'adorent qu'en tremblant ! On plie le genoux devant lui par la plus amère dérision ; on arrache le roseau qu'il tenait à la main, on lui en frappe la tête. Oh ! quel spectacle ! oh ! quelle impiété !... Mais la charité de Jésus est si grande, que, malgré tant d'outrages, et sans faire entendre aucune plainte, il meurt volontairement pour nous sauver tous. Et pourtant, M.F., ce spectacle que nous ne pouvons considérer qu'en frémissant, se reproduit tous les jours dans la conduite d'un grand nombre de chrétiens.
Considérons la manière dont ces malheureux se comportent pendant les offices divins, en présence d'un Dieu qui s'est anéanti pour nous, qui ne repose sur nos autels et dans nos tabernacles que pour nous combler de toutes sortes de biens ; quelles adorations lui rendent-ils ! Jésus-Christ n'est-il pas traité encore plus cruellement par les chrétiens que par les Juifs, qui n'avaient pas, comme nous, le bonheur de le connaître ? Voyez ces personnes sensuelles : à peine plient-elles un genou pendant les instants les plus redoutables du mystère ; voyez ces rires, ces paroles, ces regards jetés de toute part dans l'église, ces signes que se font tous ces petits impies et ces petits ignorants : et ce n'est encore que l'extérieur ; si nous pouvions pénétrer jusque dans le fond des cœurs, hélas ! que de pensées de haine, de vengeance, d'orgueil ! Oserais-je le dire, que de pensées impures dévorent et corrompent ces cœurs ! Ces pauvres chrétiens n'ont souvent ni livres, ni chapelets pendant la sainte Messe, et ne savent à quoi occuper le temps des offices ; aussi écoutez-les se plaindre et murmurer de ce qu'on les retient trop longtemps en la sainte pré-sence de Dieu. Ô Seigneur ! quel outrage et quelle insulte l'on vous fait, à l'heure même où vous ouvrez avec tant de bonté et d'amour les entrailles de votre miséri-corde !... Je ne m'étonne pas, M.F., que les Juifs aient comblé Jésus-Christ d'opprobres, l'aient regardé comme un criminel, bien plus, aient cru faire en cela une bonne œuvre ; car « s'ils l'avaient connu, nous dit saint Paul, jamais ils n'auraient fait mourir le Roi de gloire . » Mais, des chrétiens qui savent très bien que Jésus-Christ lui-même est présent sur nos autels, et combien leur peu de respect l'offense et leur impiété le méprise !... Ô mon Dieu ! des chrétiens, s'ils n'avaient pas perdu la foi, pourraient-ils paraître dans vos temples sans trembler et sans pleurer amèrement leurs péchés ! Combien vous crachent au visage par trop de soin d'embellir leur tête ; combien vous couronnent d'épines par leur orgueil ; combien vous font sentir les rudes coups de la flagellation, par les actions impures dont ils profanent leur corps et leur âme ; combien, hélas ! vous donnent la mort par leurs sacrilèges ; combien vous tiennent cloué sur la croix en restant dans le péché !... Ô mon Dieu ! que vous retrouvez de Juifs parmi les chrétiens !...
4? Nous ne pouvons penser sans frémir à ce qui se passa au pied de la croix : c'était là que le Père éternel attendait son Fils adorable pour décharger sur lui tous les coups de sa justice. Nous pouvons dire aussi que c'est au pied des autels, que Jésus-Christ reçoit les outrages les plus sanglants. Hélas ! que de mépris de sa sainte présence ! que de confessions mal faites ! que de messes mal entendues ! que de communions sacrilèges ! Ah ! M.F., ne pourrais-je pas vous dire avec saint Bernard : « Que pensez-vous de votre Dieu, quelle idée en avez-vous ? Malheureux, si vous en aviez l'idée que vous devez en avoir, viendriez-vous jusqu'à ses pieds pour l'insulter ? » C'est insulter Jésus-Christ que de venir dans nos églises, à la face de nos autels, avec un esprit distrait et tout rempli des affaires du monde ; c'est insulter la majesté de Dieu, que de se tenir en sa présence avec moins de modestie que dans la maison des grands du monde. Elles l'outragent, ces femmes et ces filles mondaines, qui semblent ne venir au pied des autels que pour étaler leur vanité, attirer les regards, et dérober la gloire et l'adoration qui ne sont dues qu'à Dieu seul. Dieu est patient, M.F., mais il aura son tour... Laissez venir l'éternité !...
Si autrefois Dieu se plaignait que son peuple lui était infidèle et profanait son saint nom, quelles plaintes ne devrait-il pas nous faire maintenant que, non content d'outrager son saint nom par des jurements à faire frémir l'enfer, on profane le corps adorable de son Fils et son sang précieux !... Ô mon Dieu, où en êtes vous réduit ?... Autrefois vous n'avez eu qu'un calvaire, et maintenant, vous en avez autant qu'il y a de ces mauvais chrétiens !...
Que conclure de tout cela, M.F., sinon que nous sommes bien malheureux de faire tant souffrir notre Sauveur qui nous a tant aimés ? Non, ne faisons plus mourir Jésus-Christ par nos péchés, laissons-le vivre en nous ; et vivons nous-mêmes de sa grâce. Ainsi, nous aurons le sort de tous ceux qui ont évité le péché et fait le bien dans la seule vue de lui plaire. C'est ce que je vous souhaite.
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