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Le Purgatoire d'après les Révélations des Saints

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Le Purgatoire d'après les Révélations des Saints - Page 2 Empty Re: Le Purgatoire d'après les Révélations des Saints

Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:55

Mais comme on serait peut-être tenté de m'accuser d'exagération, je veux montrer que les âmes du Purgatoire qui parlent par expérience, sont du même sentiment que moi.

Un des faits les plus intéressants et les mieux prouvés de l'histoire de l'Église de Pologne, c'est ce qui arriva en 1070 à saint Stanislas, évêque de Cracovie. Boleslas, prince impie et cruel, était alors sur le trône et persécutait le saint par tous les moyens en son pouvoir ; il excita contre lui les héritiers d'un certain Pierre Milès, qui était mort depuis trois ans, en laissant une terre à l'église. Les héritiers bien sûrs d'être soutenus, intentèrent un procès au saint, et tous les témoins, s'étant trouvés subornés ou intimidés, le saint fut condamné à restituer la terre en litige ; alors, voyant que la justice des hommes lui faisait défaut, il en appela hardiment à la justice de Dieu, et promit de faire comparaître, comme témoin, celui qui reposait dans le tombeau depuis trois ans : sa parole fut accueillie naturellement avec des sarcasmes ou de grossières plaisanteries, mais après trois jours de jeûne et de supplications solennelles, l'évêque, s'étant rendu avec tout le clergé à la tombe de Pierre Milès, la fit ouvrir ; comme on s'y attendait, on ne trouva que des ossements tombant en poussière, et déjà les rires de l'incrédulité triomphante
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s'élevaient de tous côtés, quand le saint commandant au mort, au nom de Celui qui est la résurrection et la vie, soudain ces ossements se raffermirent, se rapprochèrent, se couvrirent de chair, et aux regards stupéfaits de tout un peuple, on vit le mort, tenant le saint évêque par la main paraître devant Boleslas, et certifier la vérité de la donation qu'il avait faite. C'est ainsi que l'iniquité, qui se croyait déjà sûre du succès, fut confondue : mais voici qui vient à notre sujet. Lorsque Pierre Milès eut fait sa déposition, saint Stanislas lui demanda lequel il préférait de retourner au tombeau ou de vivre encore quelques années ; le ressuscité répondit : "A cause de mes nombreux péchés, je suis dans le Purgatoire où je soufre beaucoup ; cependant je préfère mourir de nouveau que de rester dans une vie si misérable et si périlleuse".
- "Mais ne pourrais-tu pas faire pénitence de tes fautes et éviter ainsi de retomber dans les supplices dont je t'ai tiré". - Cela est vrai, mais je pourrais aussi me perdre et me damner pour toujours ; j'aime donc beaucoup mieux achever ma peine, que de rentrer dans la vie, avec l'incertitude de plaire à Dieu ou d'y faire mon salut. La plus grande grâce que vous puissiez m'accorder, ô Père très saint, c'est de prier le Seigneur d'abréger mes supplices, et de me recevoir au plus tôt parmi ses élus". - "Je le ferai," répondit l'évêque. Alors, accompagné de tout son clergé, il reconduisit processionnellement le mort au sépulcre, celui-ci s'y recoucha aussitôt, et à l'instant ses os se détachèrent et retombèrent en poussière. On croit que le saint obtint promptement la délivrance de cette âme. Mais cet exemple est très remarquable, en ce qu'il montre une âme au Purgatoire après avoir fait l'essai de ses plus cruels supplices, préférer cet état si douloureux à l'incertitude où nous sommes, tant que nous restons en ce
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monde. (Vid. Bolland. Vita sancti Stanislai, 7 maii).

J'ai dit en second lieu les joies de l'expiation :

Pour comprendre cela, il suffit d'avoir eu une fois dans sa vie un vrai repentir de ses fautes. N'est-il pas vrai qu'alors, le pécheur saintement irrité contre lui-même, prend à cœur les intérêts de la justice de Dieu, trop longtemps outragée ? alors le pénitent ne se contente pas de supporter chrétiennement ces peines de chaque jour, qui dans la pensée de Dieu, doivent servir de supplément à la pénitence sacramentelle, trop souvent disproportionnée au nombre et à la gravité des fautes ; il se fait lui-même l'exécuteur des justices divines. Alors on voit apparaître les disciplines, les haires, les cilices, toutes ces saintes inventions de la pénitence, qui ont étonné le monde plus que n'avaient fait les délicatesses et les raffinements du paganisme. Pour s'être permis des plaisirs défendus, le pécheur repentant se privera désormais des satisfactions les plus légitimes : il commandera à ses yeux de ne pas voir, à ses oreilles de ne pas entendre, à sa langue de garder un silence perpétuel : il se consumera dans les jeûnes et dans les veilles, il passera les jours au travail et les nuits à la prière ; et après tout cela, il se plaindra encore de n'avoir pas fait assez pour apaiser Dieu et satisfaire à sa justice. Si l'on était tenté de m'accuser d'exagération, je dirais : relisez la vie de tous les saints, qui tous, même les plus justes, se sont livrés aux saintes folies de la pénitence chrétienne. Relisez la vie des Pères du désert, ces héros de la pénitence. Voyez ce qui se fait autour de nous, à la Trappe, chez les Chartreux, au Carmel, dans tous les ordres religieux voués plus spécialement à l'expiation, et vous direz après si ce tableau est exagéré.

Eh bien ! Il est un fait incontestable qui domine tous ces faits particuliers, c'est que ces saints pénitents ont trouvé
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leur bonheur dans ces expiations. Comment cela peut-il se faire ? Comment l'homme naturellement porté à s'aimer lui-même peut-il s'oublier au point de mettre sa joie à souffrir ? c'est le secret du cœur de l'homme, et un des plus beaux mystères de la vie chrétienne. Or, cet esprit de pénitence qui porte l'homme à se faire justice et à souffrir avec joie pour expier ses fautes, ce sentiment, disons mieux, ce besoin inné de se faire justice, en sorte que le coupable est malheureux jusqu'à ce qu'il ait expié sa faute, tandis que l'expiation, en le purifiant, le relève à ses propres yeux, tout cela existe dans le Purgatoire, à un degré bien supérieur à ce qui a jamais été dans les plus saints pénitents, pendant la vie ; c'est ce qui explique comment ces saintes âmes, dévorées d'un désir brûlant d'expier leurs fautes, trouvent leur joie dans leurs supplices. Mais il faut laisser parler là-dessus sainte Catherine de Gênes, que l'on pourrait appeler avec raison le docteur des joies du Purgatoire, tant elle a reçu de lumières à cet égard.

"Dieu me découvre dans les âmes du Purgatoire deux opérations de sa grâce, dont il leur donne à elles-mêmes la vue. La première opération leur fait souffrir avec bonheur leurs peines ; elles les regardent comme une grande miséricorde de Dieu à leur égard, considérant d'un côté l'incompréhensible majesté de Dieu, et de l'autre l'audace de leurs offenses, et les châtiments qui leur étaient dus. Ces âmes souffrent donc leurs peines avec tant de joie que, pour rien au monde, elles ne voudraient qu'on leur en enlevât le moindre atome ; elles savent trop combien justement elles les ont méritées, et combien saintement elles sont ordonnées de Dieu, en sorte que, pour ce qui est de la volonté, loin de se plaindre de
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ce qu'elles souffrent, elles l'acceptent de la main de Dieu, avec autant de bonheur que si elles étaient déjà au Ciel.

La seconde opération de la grâce dans les âmes est un ineffable contentement qu'elles éprouvent, en se voyant dans l'ordre de Dieu, et en considérant ce que son amour et sa miséricorde font en elles. Dieu imprime en un instant dans leur esprit la vue de ces deux opérations, et parce qu'elles sont en état de grâce, elles les entendent et les comprennent chacune selon sa capacité. Elles en éprouvent une grande joie qui ne diminue jamais, mais qui va toujours croissant, à mesure qu'elles approchent de Dieu. Et cependant, la joie en elles n'ôte rien à la peine, et la peine n'ôte rien à la joie". (Traité du Purg., ch. XVI).

C'est ainsi que les âmes du Purgatoire acceptent avec joie leurs supplices, pour satisfaire à la justice de Dieu, et ce qui les encourage encore plus à souffrir, c'est qu'elles voient s'opérer en elles, grâce à ces mystères de la souffrance, la transformation qui doit, en les purifiant de plus en plus, leur permettre de s'unir enfin à leur Dieu dans le Ciel.

"Lorsque l'âme, c'est encore sainte Catherine qui parle, se trouve en chemin pour retourner à l'état de sa première création, et qu'elle connaît que, pour y arriver, elle doit entièrement se transformer en Dieu, il s'allume en elle un tel désir de cette transformation que ce désir même fait son principal Purgatoire". (Chap. XI.).
"Je ne crois pas, dit encore la même sainte, qu'après la félicité des Saints du Paradis, il puisse exister une joie comparable à celle des âmes du Purgatoire ; une incessante communication avec Dieu rend de jour en jour leur joie plus vive, et cette communication de Dieu
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devient de plus en plus intime à mesure qu'elle consume, dans ces âmes, l'obstacle qu'elle y trouve.

Cet obstacle n'est pas autre chose, en effet, que la rouille du péché ; comme le feu du Purgatoire va sans cesse la consumant, l'âme s'ouvre de plus en plus à la communication avec Dieu.

J'explique ma pensée par une comparaison : exposez au soleil un cristal couvert d'un épais voile, il ne peut recevoir ses rayons ; la faute n'en est point au soleil qui ne cesse de briller, mais au voile qui intercepte ses rayons ; que cette enveloppe vienne peu à peu à se consumer, le cristal, successivement découvert, recevra de plus en plus les rayons du soleil, et quand l'obstacle aura entièrement disparu, le cristal sera tout entier pénétré par le soleil.

Ainsi en est-il des âmes du Purgatoire ; la rouille du péché est le voie qui intercepte, pour elles, les rayons du vrai soleil qui est Dieu. Le feu va consumant cette rouille de jour en jour, et à mesure qu'elle est consumée, les âmes réfléchissent de plus en plus la lumière de leur vivant soleil ; leur joie augmente à mesure que la rouille diminue, et qu'elles sont plus exposées aux divins rayons. Ainsi la joie va toujours en augmentant, et la rouille toujours en diminuant, jusqu'à ce que le temps de l'épreuve soit accompli. Qu'on ne croie pas cependant que la peine diminue ; ce qui diminue uniquement, c'est le temps de sa durée. Mais dans l'intime de leur volonté, ces âmes ne pourront jamais se résoudre à dire que ces peines soient des peines, tant elles sont heureuses de souffrir dans la disposition de Dieu, à laquelle leur volonté est unie par le lien de la plus pure charité". (Ch. II.).

Non seulement les âmes du Purgatoire acceptent avec
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joie leurs supplices, mais si la justice de Dieu le permettait, elles désireraient souffrir bien davantage encore pour hâter le moment de leur purification.

"Oh ! s'écrie sainte Catherine, s'il était au pouvoir des âmes du Purgatoire de se purifier par la contrition de toutes les taches qui les éloignent de Dieu, qu'elles seraient bientôt pures, et qu'elles payeraient leurs dettes en peu d'instants : Voyant avec une souveraine clarté ce que c'est que d'être éloignées de Dieu, leur fin et leur amour, elles s'embraseraient d'un feu de contrition si actif, qu'il consumerait en un instant toutes leurs taches". (Ch. XIII).

Les joies de la pénitence ne sont pas, avec le bonheur de se sentir confirmé en grâce et sûr du salut, les seules joies du Purgatoire. Il en est d'autres encore dont le motif est plus relevé, et dont la jouissance est sans amertume. Je veux parler des joies de l'amour. L'amour rend tout facile et anéantit la souffrance, a dit un philosophe de l'antiquité ; rien de plus vrai ; c'est le mot de saint Augustin, Ubi amatur, non laboratur, aut si laroratur, labor amatur.

Malgré l'imperfection et la misère de notre pauvre cœur, nous comprenons déjà cela sur la terre. Qui n'a aimé, fût-ce une fois dans sa vie ? Et qui, dans les joies d'un amour partagé, n'a rêvé de l'immolation et du sacrifice jusqu'à la mort ? Quel prêtre, dans les joies de son nouveau sacerdoce, n'a envié le sort du martyr qui donne à Dieu le grand témoignage de l'amour, le témoignage du sang ? Souffrir pour expier, souffrir pour témoigner son amour, voilà, a dit le P. Lacordaire, qui s'y connaissait, les deux pôles de la vie chrétienne. Ce double sentiment se trouve dans le Purgatoire. J'ai dit les joies de l'expiation, il faut maintenant parler de ces joies de l'amour si
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intimes et si pures. mais pour dire ces choses, il faut la parole embrasée des saints ; voilà pourquoi, sentant trop bien mon impuissance, je vais revenir encore à sainte Catherine de Gênes.

"Je vois que ce Dieu d'amour, ce Dieu infiniment aimant, lance à l'âme certains rayons et certains éclairs embrasés, qui sont si pénétrants qu'ils anéantiraient l'âme elle-même, si cela était possible. Les âmes du Purgatoire éprouvent une joie si grande de se voir dans l'ordre de Dieu, qui accomplit en elles tout ce qui lui plaît et de la manière qu'il lui plaît, qu'aucune considération capable d'augmenter leurs souffrances ne peut se présenter à leur esprit. Elles contemplent uniquement l'opération de la bonté de Dieu, et cette ineffable miséricorde dont il use envers l'homme, en faisant du Purgatoire du chemin qui conduit à Lui. Quant à ce qui est de leur intérêt propre, peines ou biens, il leur est absolument impossible d'y arrêter leurs regards, car si elles le pouvaient, elles ne seraient pas dans la charité pure". (Ch. I.).

"Les âmes du Purgatoire ont une volonté en tout conforme à celle de Dieu ; aussi, Dieu, dans sa bonté, leur fait ressentir l'amour infini qu'il a pour elles ; ce qui fait que, du côté de la volonté, elles éprouvent un véritable bonheur". (Ch. V.).

Et cependant elles souffrent cruellement, et l'amour ne les empêche nullement de sentir leurs souffrances. Que dis-je ? l'amour quelles ont pour Dieu devient l'instrument même de leur plus vive souffrance, car l'âme possédée du désir de voir Dieu et de s'unir à Lui, souffre d'autant plus de ce retardement qu'elle aime davantage.

"Ainsi donc, dit sainte Catherine, le retard de son union avec Dieu, dont l'âme trouve en elle-même la
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cause, lui fait éprouver une peine intolérable. Ces perfections où elle doit atteindre, lui sont montrées à la lumière de la grâce ; ne pouvant y atteindre, et sachant cependant qu'elle est appelée à les posséder, elle demeure livrée à une peine indicible qui n'a de comparable que l'estime qu'elle fait de Dieu. Cette estime croît en elle avec la connaissance de Dieu, et sa connaissance augmente à mesure que l'âme se dépouille des restes du péché, aussi la peine que lui cause le retard de son union avec Dieu devient de plus en plus intolérable, parce que l'âme en cet état est toute recueillie en Dieu et que rien ne l'empêche plus de la connaître tel qu'il est". (Ch. XVII).

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:56

L'âme est donc heureuse en cet état, mais heureuse comme le martyr sur son bûcher, heureuse d'un bonheur tout surnaturel, auquel le monde ne comprend rien, c'est encore la comparaison de sainte Catherine.

"De même qu'un martyr, qui se laisse tuer plutôt que d'offenser Dieu, sent les tortures qui lui arrachent la vie, mais les méprise par le zèle que la grâce lui communique pour la gloire de Dieu, de même l'âme qui connaît la disposition de Dieu à son égard, en a une telle estime que tous les tourments intérieurs et extérieurs qu'elle éprouve ne lui sont rien en comparaison, quelques terribles qu'ils puissent être d'ailleurs ; et cela parce que Dieu, qui met ces sentiments dans l'âme excède infiniment tout ce que les créatures sont capables de sentir et même d'imaginer. Aussi, pour peu que Dieu se révèle à une âme, il la tient tellement absorbée dans la contemplation de sa Majesté que tout le reste n'est rien".

J'ai dit les joies du royaume de la douleur ; que conclure de tout ceci ? Qu'il faut désormais vivre bien tranquille
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sans se préoccuper des responsabilités de l'avenir ? Ce serait étrangement méconnaître la pensée des saints, en particulier celle de sainte Catherine de Gênes. Je ne puis mieux conclure tout ce chapitre, qui n'est qu'un résumé de son célèbre traité du Purgatoire, qu'en transcrivant cette exhortation brûlante qu'elle adresse à tous les hommes du monde sur ce sujet.

"Il me prend envie de crier assez fort pour remplir d'épouvante tous les hommes qui sont sur la terre, et de leur dire : ô malheureux ! Pourquoi vous laissez-vous aveugler par le monde, au point de ne pourvoir en rien à la grande et cruelle nécessité en laquelle vous vous trouverez au moment de la mort ?

Quoi ! Vous vous tenez tous à couvert, sous l'espérance de la miséricorde de Dieu que vous dites être si grande ; eh ! ne voyez-vous pas que c'est précisément cette immense bonté de Dieu qui vous jugera et qui vous condamnera. Misérables, qui agissez contre la volonté du meilleur des maîtres ! Sa bonté devrait vous porter à vous soumettre à tous ses commandements, et non lui désobéir, dans l'espérance du pardon, car la justice, sachez-le, aura infailliblement son cours, et il faut que de manière ou d'autre, elle soit pleinement satisfaite.

Ne vous rassurez pas non plus en disant : je me confesserai, je gagnerai une indulgence plénière, et par elle je serai en un instant purifié de mes péchés. Croyez que la contrition et la confession, nécessaires pour obtenir l'indulgence plénière, sont choses si difficiles à acquérir, que si vous connaissiez cette difficulté, vous trembleriez de peur, et loin de vous flatter d'avoir un jour cette précieuse disposition, vous vous tiendriez plutôt pour certain du contraire". (Ch. XV)

Chapitre 9 La durée du Purgatoire p.166 - 177

Double aspect sous lequel on peut la considérer.- De la durée du Purgatoire considérée en elle-même; elle varie entre quelques heures et plusieurs siècles, mais ordinairement elle est très longue. – Exemples d’âmes condamnées jusqu’au jour du jugement.- Raison de cette longueur.- De la durée du Purgatoire, considérée dans l’appréciation qu’en font les âmes.- Que le plus court instant passé dans le Purgatoire paraît sans proportion aucune avec le même espace de temps passé sur la terre.- Exemples à l’appui.

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Pour terminer ce que j’ai à dire des peines du Purgatoire, il nous reste à traiter une question qui ne manque pas d’intérêt : combien de temps reste-t-on en Purgatoire ? La durée du Purgatoire peut être considérée sous un double aspect, en elle-même, ou dans l’estimation qu’en font les âmes. La durée du Purgatoire, considérée en elle-même, varie entre quelques heures et plusieurs siècles. On a des exemples, en bien petit nombre, de saintes âmes qui n’ont fait véritablement qu’y passer. Sainte Madeleine de Pazzi vit plusieurs religieuses de sa communauté monter au Ciel avant qu’on n’eût eu le temps de faire la cérémonie de leurs funérailles.

Sainte Thérèse dans sa vie (ch. XXXIV), rapporte qu’une de ses sœurs selon la chair lui apparut, huit jours après sa mort, au moment où la sainte venait de communier pour elle, et lui dit qu’elle était délivrée de ses peines et qu’elle se rendait au séjour de la gloire. J’ai cité d’autres exemples du même genre et je n’y reviens pas. Ce qu’il

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faut savoir, c’est que ce sont là des exceptions en faveur des plus saintes âmes. D’ordinaire on reste dans le Purgatoire plusieurs années, quelquefois même plusieurs siècles. Aussi, par la bouche du pape Alexandre VII, l’Église a condamné la témérité de plusieurs théologiens qui enseignaient qu’au bout de dix ans, on pouvait abandonner les fondations en faveur des défunts, et de fait la pratique de l’Église est de célébrer indéfiniment les fondations perpétuelles; car, dit le cardinal Bellarmin, vouloir déterminer le temps précis qu’une âme demeure en Purgatoire, ce serait témérité, puisque la chose ne peut être connue sans une révélation spéciale de Dieu.

J’ai parlé de plusieurs siècles; à ceux qui seraient étonnés d’un semblable énoncé, je citerai le fait suivant qui est rapporté par le Père de Nieremberg. (Trophoeus Mariannus, lib. IV, ch. XXIX.)

Une jeune fille du royaume d’Aragon, qui vivait du temps de saint Dominique, l’ayant entendu prêcher la dévotion au Saint Rosaire, entra dans la confrérie; mais livrée, Hélas ! à toutes les vanités du siècle, elle ne tarda pas à oublier ses saints engagements. Deux jeunes gens, qui se la disputaient, s’étant battus en duel à son occasion, un d’eux fut tué, et les parents du mort pour se venger, surprenant la misérable fille dans la campagne, la tuèrent et précipitèrent son cadavre sans un puits.

Saint Dominique qui prêchait dans une autre ville, ayant appris, par révélation de la divine Mère, cette tragique aventure, accourut dès qu’il le put, et s’étant rendu au bord du puits où gisait le cadavre appela à haute voix : Alexandra, Alexandra; c’était le nom de l’infortunée; aussitôt à la voix du saint, la tête qui avait été séparée du tronc, se rapprocha, et la malheureuse sortit du puits, vivante, mais couverte de sang; elle se confessa avec les

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larmes, et vécut encore deux jours, pour réciter un grand nombre de rosaires que le saint lui avait donnés comme pénitence.

Saint Dominique lui ayant demandé ce qui lui était arrivé après sa mort, elle déclara trois choses bien remarquables. La première qu’elle eût été infailliblement damnée, n’ayant pas eu le temps de se confesser à la mort sans les mérites du Saint Rosaire, par lesquels elle obtint la grâce de la contrition parfaite; la seconde, qu’au moment où elle rendait l’âme, une troupe de démons hideux étaient venus la saisir, et qu’ils l’auraient emportée en enfer, si la très sainte Vierge ne l’avait arrachée de leurs mains; la troisième, qui revient à notre sujet, concerne la durée du Purgatoire, auquel elle avait été condamnée. Pour le meurtre dont elle était cause, elle devrait faire deux cents ans de Purgatoire, et pour ses autres péchés, cinq cents ans; total, sept cents ans. On croit que saint Dominique obtint par ses prières une abréviation de peine.

Saint Vincent Ferrier avait une sœur, nommée Françoise, beaucoup trop adonnée à la mondanité; au moment de mourir, elle confessa néanmoins avec le repentir le plus sincère; mais quelques jours après sa mort, comme son frère célébrait pour elle le divin sacrifice, elle lui apparut au milieu des flammes, et souffrant des maux intolérables.

" Je suis condamnée à ces supplices jusqu’au jour du dernier jugement, lui dit-elle, mais je serai grandement soulagée, peut-être même délivrée, si vous célébrez pour moi les trente messes de saint Grégoire. " La sainte s’empressa d’accéder à cette demande, et le trentième jour, sa sœur lui apparut entourée d’anges et montant au Ciel. (Vie de saint Vincent Ferrier, Bayle, ch. XIII.).

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On lit dans la vie des premières religieuses de la Visitation, que la sœur Marie Denyse, qui s’était appelée dans le monde mademoiselle de Martignat, avait pour les âmes du Purgatoire la plus tendre dévotion; son attrait surnaturel la portait surtout à recommander à Dieu ceux qui avaient été grands dans le monde, car elle connaissait par expérience les dangers de leur position. Or un prince, que l’on croit appartenir à la Maison de France, était mort en duel, lui apparut pour lui annoncer qu’il était sauvé, grâce à un acte de contrition parfaite qu’il avait formulé in articulo mortis, mais, en punition de sa vie et de sa mort coupable, il était condamné aux plus rigoureux châtiments du Purgatoire, jusqu’au jour du jugement. On ne saurait dire ce que la pauvre sœur, qui s’était offerte en victime pour ce malheureux, eut à souffrir, pendant plusieurs années à cause de lui. A la fin elle en mourut, pour le prix de tant d’expiations, elle avait obtenu pour ce prince une remise de peine de quelques heures et comme la supérieure paraissait étonnée d’un pareil résultat, qui lui semblait tout à fait disproportionné avec ce que la sœur avait souffert : " Ah ! ma mère, répliqua la sœur Marie Denyse, les heures du Purgatoire ne se comptent pas comme celles de la terre; des années entières de tristesse, d’ennui, de pauvreté ou de maladie en ce monde ne sont rien en comparaison d’une heure de souffrances en Purgatoire; c’est déjà beaucoup que la divine miséricorde nous ait permis d’exercer quelque influence sur elle. Je suis moins touchée d’ailleurs du lamentable état dans lequel j’ai vu languir cette âme, que de l’admirable retour de la grâce, qui a consommé l’œuvre de son salut. Ce moment béni me semble un excès de la bonté, de la douceur, de l’amour infini de Dieu. L’action dans laquelle il est mort méritait

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l’Enfer; un million d’âmes eussent trouvé leur perte, dans l’acte même où ce prince a trouvé son salut. Il ne recouvra sa connaissance que pour un instant, juste le temps de coopérer à ce précieux mouvement de la grâce, qui le mit en état de faire un acte sincère de contrition. Sans ce moment de grâce, l’âme du prince serait maintenant plongée au fond de l’Enfer, et depuis que le démon est démon, jamais peut-être il n’a été aussi trompé dans son attente qu’en perdant cette âme, car il était resté complètement étranger aux mouvements intérieurs de sa victime, pendant les quelques instants que Dieu lui accorda, après qu’il eût été blessé mortellement.

En lisant ces choses, on ne sait vraiment ce qu’il faut admirer le plus des splendeurs de la miséricorde ou des sévérités de la justice; cet exemple est un de ceux où l’une et l’autre s’exercent également pour la plus grande gloire du Seigneur.

La durée du Purgatoire est donc ordinairement très longue, bien que toujours proportionnée au nombre et à la gravité des fautes commises; car, dit saint Augustin, celui qui a plus vieilli dans le péché, demeure plus longtemps à traverser ce fleuve de feu, et à proportion de la faute, la flamme accroît le châtiment. Plus la folle malice s’est emparée de l’âme, plus sera rude la sage peine à laquelle on satisfait. Là les paroles oiseuses, les vaines pensées et plusieurs péchés légers, qui ont sali la pureté de notre nature, seront brûlés et consumés. (S. Augustin, Sermons.).

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:56

Jusqu’ici j’ai considéré la durée du Purgatoire en elle-même; il faut maintenant la considérer dans l’appréciation qu’en font les âmes; nous y verrons avec terreur, le mot n’est pas trop fort, qu’une heure de Purgatoire paraît plus longue qu’un siècle à ces pauvres âmes, tant à cause de la grande impatience où elles sont de voir Dieu, qu’à cause

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de l’extrême rigueur de leurs supplices. Laissons donc la parole aux intéressés; aussi bien les témoignages ne manquent pas.

Voici d’abord une histoire curieuse que j’ai tirée des annales des Pères Capucins, tome III, année 1618 : Le P. Hippolyte de Scalvo, ayant été nommé Père Gardien et Maître des Novices d’une maison de son Ordre dans les Flandres, s’efforçait, par tous les moyens en son pouvoir, de développer dans les âmes dont il avait la charge, les vertus de leur saint état; or, il arriva qu’un de ses novices, qui avait déjà fait de très grands progrès dans la vertu, vint à mourir en son absence, ce qui lui causa une grande douleur, car, aimant beaucoup ce jeune homme, il aurait voulu lui donner une dernière bénédiction. Le soir de la mort du défunt, étant de retour au noviciat, comme il faisait oraison dans le chœur après matines, il vit tout d’un coup paraître devant lui un fantôme tout enveloppé de flammes. " O Père très charitable, disait le novice avec de profonds gémissements, donnez-moi votre bénédiction; hélas ! j’ai commis un manquement léger à la règle, manquement qui n’est pas même un péché en soi, et c’est à cause de cela seulement que je satisfais à la justice divine dans le Purgatoire; mais la bonté du Sauveur m’autorise, par une faveur toute spéciale, à m’adresser à vous. Vous-même, imposez-moi la punition convenable, ce sera celle que je ferai. "

Le Père Gardien restait terrifié, en présence de cette apparition et de ces flammes; à la fin, il répondit : " Autant que je le puis, mon fils, je vous absous et vous bénis; et quant à la pénitence de votre faute, puisque vous m’assurez que je puis vous la marquer, vous resterez en Purgatoire, jusqu’à l’heure de prime " (environ huit heures du matin).

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A ces mots le novice, comme pris de désespoir, se mit à courir par toute l’église en criant : " Ô Père sans miséricorde, ô cœur impitoyable pour votre fils affligé ! eh quoi ! punir de la sorte une faute que pendant ma vie vous eussiez à peine jugée digne d’une légère discipline ! Vous ignorez donc l’atrocité des supplices du Purgatoire, ô pénitence sans charité! " puis il disparut, la vision avait cessé.

Le pauvre Père Gardien, qui avait cru se montrer bien indulgent en limitant à quelques heures la pénitence demandée, sentait ses cheveux se dresser sur la tête de terreur et de regrets. Il aurait bien voulu revenir sur sa sentence, mais que faire ? Tout à coup une bonne pensée l’illumine; il court à la cloche, réveille tous les frères et les réunit dans le chœur; alors il leur expose ce qui vient de se passer et demande que l’on commence aussitôt l’office de prime, ce que l’on fit. Mais il garda toute la vie l’impression de cette terrible scène, et on l’entendit dire, plus d’une fois, que jusque-là il n’avait eu qu’une idée très imparfaite des supplices de l’autre vie, et qu’il n’aurait jamais pensé que quelques heures de Purgatoire formassent une expiation si épouvantable.

Voici encore un fait du même genre, à l’appui de la même vérité. Je l’ai pris dans Rossignoli, qui renvoie lui-même à un sermon de Joseph Hariolus : de animabus Purgatorii.

Deux religieux s’aimaient comme deux frères, et s’excitaient l’un l’autre à mener la vie la plus sainte dans leur monastère. L’un d’eux ayant été attaqué d’une maladie mortelle, eut une vision, quelques heures avant de mourir. Son ange lui apparut pour lui dire qu’il était sauvé, et qu’il resterait seulement en Purgatoire, jusqu’à ce qu’on eût célébré pour lui une seule messe. Aussitôt, tout joyeux, le mourant appelle son ami, et au nom de la tendre

173:
charité qui les avait unis pendant la vie, il le conjure de ne pas le laisser languir loin du Ciel, et de célébrer, aussitôt qu’il aura expiré, cette bienheureuse messe, qui doit lui ouvrir les portes de la patrie.

Le bon religieux le lui promet en pleurant; le malade expire le lendemain matin, aussitôt, sans perdre un instant, son ami court à la sacristie, se revêt de ses ornements sacrés, et célèbre la messe de la délivrance, avec toute la dévotion dont il était capable.

Il venait à peine de déposer ses ornements que son ami défunt lui apparut tout rayonnant de gloire, mais avec un air de mécontentement encore empreint sur le visage. – " Cher frère, lui dit-il, qu’est devenue votre charité ? avez-vous oublié votre promesse, ou n’avez-vous pas la foi ? Vous mériteriez que Dieu vous traitât avec la même rigueur dont vous avez usé envers moi. " - " Comment cela ? répond l’autre tout surpris. " - " Eh ! ne m’avez-vous pas laissé plus d’une année au milieu du feu vengeur, sans que ni vous, ni aucun de mes frères prît la peine de dire pour moi une seule messe, alors qu’il vous était si facile de me délivrer, n’est-ce pas là un oubli bien cruel ? " - " En vérité, vous me surprenez : aussitôt que vous eûtes fermé les yeux, je courus m’acquitter de ma promesse, et je viens à peine de descendre de l’autel, il n’y a pas encore une heure que vous avez quitté la terre, vos funérailles ne sont pas encore faites, mais voulez-vous vous en assurer par vous-même, venez avec moi; votre cadavre est encore chaud. ".

Alors le défunt s’éveillant comme d’un profond sommeil; - " Quelles sont donc épouvantables les souffrances du Purgatoire, puisqu’une heure y paraît plus longue qu’une année ! Béni soit Dieu qui a abrégé l’épreuve ! je vous remercie de votre charitable empressement, ô frère bien-

174:
aimé; je vole au Ciel, où je prierai Dieu qu’il nous réunisse un jour dans le bonheur de la gloire comme nous l’avons été sur la terre. "

On voit par là combien sont insensés ceux qui ne se préoccupent pas de faire pénitence pendant la vie, remettant au Purgatoire d’acquitter les dettes du passé. L’empereur Maurice fut plus sage. On raconte de lui dans l’histoire ecclésiastique, qu’ayant commis plusieurs fautes graves sur le trône, Dieu lui envoya un ange pour lui demander lequel des deux il préférait : d’être châtié en ce monde ou en l’autre : " Ah! Seigneur, répondit l’empereur, éclairé par la foi, punissez-moi en ce monde ! " Sa pieuse prière fut exaucée. A quelque temps de là, un de ses généraux, nommé Phocas, s’étant emparé de l’Empire, se fit amener Maurice dans le cirque; là il le fit coucher par terre, et lui ayant mis le pied sur la gorge, devant tout le peuple de Constantinople, il fit égorger sous ses yeux tous ses enfants, et le fit tuer à la fin, et pendant cette sanglante tragédie, l’empereur pénitent ne cessait de répéter ce verset du Psalmiste : Justus es, Domine, et judicia tua oequitas.

Le religieux dont je vais parler ne fut pas si prudent; aussi il eut lieu de s’en repentir bien amèrement. J’ai tiré cette histoire des annales des frères Mineurs, à l’année 1185.

Il s’agit d’un religieux franciscain, qui souffrait depuis longtemps d’une douloureuse maladie; à la fin, la patience lui échappa, et il se prit à désirer la mort afin d’être délivré de ses maux. Alors, son Ange lui fut envoyé pour lui proposer de choisir. – " Puisque vous êtes fatigué de souffrir en cette vie, Dieu a résolu d’exaucer votre prière; choisissez de sortir immédiatement de ce monde et de subir trois jours de Purgatoire, ou de vivre encore un an

175:
dans vos souffrances et alors vous irez directement au Ciel. " Le choix fut bientôt fait : - " J’aime mieux mourir tout de suite, répondit le pauvre religieux, au risque de souffrir au Purgatoire non pas seulement trois jours, mais tant qu’il plaira à Dieu. Ma vie présente est une mort continuelle, et je ne pense pas que je puisse jamais éprouver rien de pareil. " - " Eh bien! Il sera fait comme vous le souhaitez, vous allez mourir aujourd’hui, préparez-vous donc à recevoir au plus tôt les derniers sacrements. " raconta la vision, reçut les derniers sacrements et expira.

Au bout d’un jour, son ange vint le visiter dans le Purgatoire : - " Eh bien ! que vous semble de l’épreuve que vous avez choisie, la préférez-vous encore aux souffrances de la terre ? " - " Oh ! Combien j’ai été aveugle, répondit l’âme, mais vous vous avez été bien cruel; vous me parliez de trois jours, et voici plusieurs siècles que je suis dans les flammes ! oh ! Quelles sont les longues années dont je vois se dérouler devant moi l’interminable série ! et encore, rien ne m’annonce ma délivrance prochaine ! " - " Est-ce ainsi qu’une âme infortunée peut tomber dans l’erreur ? Eh quoi ? vous vous lamentez de la sorte, et vous m’accusez de vous avoir trompé ! mais, il n’y a pas encore vingt-quatre heures que vous êtes mort ! ce n’est pas le temps, c’est la rigueur de la peine qui vous trompe; un instant vous paraît une année, une heure vous semble un siècle; mais je vous l’affirme, il n’y a pas encore un jour que vous souffrez, et votre corps n’a pas reçu la sépulture; c’est pourquoi, si vous vous repentez de votre choix, Dieu vous permet de retourner sur la terre, afin d’y subir l’année de maladie qui vous était destinée. " - " Oh ! Oui, je préfère ce parti, je le demande en grâce. L’expérience a

176 :
bien changé mes idées. Plutôt deux, trois, dix années de maladies affreuses qu’une seule heure dans ce séjour d’inexprimables angoisses. "

Alors à la vue de toute la communauté stupéfaite, l’âme rentra dans le corps qu’elle avait quitté, et le défunt ressuscita. Dès qu’il put parler, il raconta tout ce qui lui était arrivé, en exhortant ses frères à faire une rigoureuse pénitence de leurs moindres fautes, afin d’éviter la rigueur des expiations de l’autre vie. Pendant l’année qu’il vécut, il supporta avec patience les douleurs les plus aiguës, qui ne lui paraissaient plus rien; puis au bout de l’année, il mourut, et on a lieu de croire qu’il alla au ciel tout droit, selon la promesse qui lui en avait été faite.

Ce trait rappelle le mot connu de saint Augustin : un seul jour de Purgatoire peut être comparé à mille ans de supplices sur la terre, car le feu qui dévore les âmes y est plus insupportable que tout ce que l’on peut endurer ici-bas.

On voit d’après ces exemples : premièrement que la durée du Purgatoire est d’ordinaire assez longue, et en second lieu, que le moindre instant passé en ce lieu de souffrance y paraît sans proportion aucune avec le même temps passé sur la terre. Ces deux vérités qui se complètent l’une l’autre, doivent nous remplir d’une sainte terreur pour nous-mêmes, et nous inspirer la plus ardente compassion pour les pauvres âmes que nous oublions trop vite, au milieu de ces feux vengeurs. Un jour, dans l’éternité, nous verrons avec surprise combien nous avons été cruellement flatteurs envers nos parents et nos amis défunts, en les canonisant trop vite, et en cessant ainsi de prier pour eux. " C’est là, dit le P. Faber, une exagération égoïste, car ce n’est autre chose qu’un prétexte pour se consoler et se décharger du soin de prier pour

177:
ses chers défunts; " et pendant ce temps, l’infortuné que l’on va prônant partout comme étant mort en odeur de sainteté, souffre des tourments indicibles, sans que la rosée d’aucune prière vienne rafraîchir et tempérer les flammes qui le dévorent.

Connaissons mieux et l’extrême sainteté de Dieu, qui ne peut souffrir aucune tache dans les siens, et la profonde corruption du cœur de l’homme, qui, ne cessant pendant la vie d’accumuler les souillures, arrive au Tribunal du souverain Juge avec une somme de fautes dont le total épouvante l’imagination.

Chapitre 10 Rapports des âmes du Purgatoire avec Dieu p.178-194

Que le Purgatoire manifeste admirablement toutes les perfections de Dieu, et particulièrement sa sainteté, sa sagesse et sa bonté. - Comment la miséricorde trouve place dans le Purgatoire sans léser le justice - De la justice distributive dans le Purgatoire. - Si Dieu accepte nécessairement les suffrages qu’on lui adresse pour un défunt particulier ; opinions diverses de théologiens et exemple de l’appui. - De l’amour que Dieu porte aux pauvres âmes du Purgatoire et du désir qu’on les soulage

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:57

178
Nous voici arrivés à un autre point de vue sous lequel il nous faut considérer le Purgatoire. Jusqu’à présent, j’ai parlé du lieu des expiations comme s’il était isolé, et qu’il n’y eût que lui dans le monde surnaturel ; il n’en est pas ainsi en réalité. En vertu de la communion des saints, l’Église souffrante du Purgatoire est en rapports continuels avec l’Église triomphante du Ciel, avec l’Église militante de la terre, nous étudierons ces relations, mais auparavant il faut parler des rapports qui existent entre les âmes du Purgatoire et Dieu, entre le juge qui condamne et le coupable qui subit la peine, entre le père qui tend les bras à son fils exilé, s’apprêtant à le couronner, dès qu’il en sera digne, et l’âme tout embrasée d’amour, qui hâte de ses vœux le moment où il lui sera donné d’entrer dans la maison paternelle. Ce sera l’objet du présent chapitre.
Un premier point dont l’évidence éclate, pour peu que l’on ait suivi ce que j’ai dit dans les chapitres précédents, c’est que le Purgatoire manifeste admirablement toutes les perfections de Dieu. Le psalmiste a chanté que les cieux
179 :
racontent la gloire de Dieu ; on peut en dire autant de ces sombres cachots, d’où semblerait devoir ne s’exhaler que des plaintes et des gémissements. Dieu y recueille une ample moisson de gloire, et s’y découvre à nos regards distraits sous un aspect bien digne de fixer l’attention, et d’attirer les cœurs. Nulle part peut-être, excepté dans le Ciel où il récompense ses élus, Dieu ne se révèle aussi grand, aussi puissant, aussi terrible, aussi Dieu. Mais parmi toutes les perfections de Dieu, qui trouvent leur manifestation dans les flammes du Purgatoire, il en est trois surtout qui s’y révèlent d’une manière toute spéciale ; je veux parler de sa sainteté, de sa sagesse et de sa bonté.
Que le Purgatoire manifeste la sainteté infinie de Dieu, c’est ce dont personne ne saurait douter sérieusement. Voilà des âmes saintes, qui sont sorties de la vie dans l’exercice de la charité ; ce sont des prédestinés à la gloire, de futurs citoyens du Ciel ; ces âmes sont l’objet des complaisances de l’adorable Trinité ; ce sont des âmes de choix qui après bien des combats, sont arrivés au but pour lequel le Père les avait crées et mises au monde ; quand le Fils de Dieu abaisse sur elle ses regards, il les voit toutes resplendissantes de son sang divin qui les a lavé dans la pénitence ; le Saint-Esprit contemple avec complaisance ses fidèles épouses qui ont correspondu à sa grâce ; et cependant, parce que, dans les jours de leur pèlerinage , ces âmes ont contracté quelques légères souillures, parce qu’en cheminant dans les rudes sentiers de la vie, leur pieds se sont salis au contact de la poussière du chemin, Dieu les rejette impitoyablement loin de Lui ; ces saints, ces prédestinés, ces rachetés par le sang du Christ, il les condamne à d’ineffables tortures, jusqu’à ce qu’ils soient devenus dignes de paraître sans tache à ses yeux. Peut-être ils
180 :
ont fait de grandes choses pour la gloire de Dieu : ce sont de saints prêtres qui l’ont fait connaître et aimer dans le monde ; ce sont les religieux qui ont tout quitté pour Lui , et qui se sont imposé de plus une vie de souffrances et de sacrifices ; ce sont des apôtres qui ont porté son nom aux extrémités du monde ; n’importe, dès le moment, toutes leurs œuvres, tous leur sacrifices ; il a l’éternité pour les récompenser, mais d’abord il faut qu’ils se purifient.
Il me semble qu’entre les âmes du Purgatoire et Dieu, il doit ses passer quelque chose d’analogue à la grande scène du Calvaire. Jésus-Christ était le fils bien-aimé du Père , la splendeur de sa gloire, l’objet de ses éternelles complaisances. Cependant à peine il a pris sur Lui la ressemblance du péché, il semble que Dieu ne le connaît plus que pour le frapper. Accumulez toutes les ignominies de la passion, les soufflets, les crachats, les dérisions ; apportez la robe blanche d’Hérode, et le manteau de pourpre du prétoire, et les fouets de la flagellation, et la couroNne d’épines, et la croix, instrument du dernier supplice. Pas de pitié pour cet homme qui s’est fait la rançon des péchés du monde. La terre tremble, les rochers se fendent, le soleil s’éclipse, en présence d’un pareil crime, mais Dieu reste impassible, dans le silence de son éternité, comptant tous les coups, toutes les douleurs, toutes les ignominies, afin que rien n’y manque. Rien ne l’émeut, rien ne l’attendrit, pas même ce cri déchirant de la victime : Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as tu abandonné !Il faut que tout soit consommé et que la justice ait son cours ; alors seulement il se souviendras qu’il est Père.
Eh bien ! revenons maintenant aux âmes du Purgatoire ; entre elles et Dieu je vois la même situation. Elles, aussi,
181 :
sont les filles chéries de Dieu, mais parce qu’elles ont sur elles les marques du péché, Dieu ne les connaît plus, au moins pour un temps. Que les feux vengeurs s’allument, que tous les supplices, que tous les supplices, que toutes les expiations s’accumulent sur cette âme ; Dieu assistera impassible à ses tortures ; bien plus il s’en réjouira parce que sa justice sera satisfaite. Inutile de crier vers le ciel, le ciel est fermé ; la sainteté et la justice de Dieu l’exigent également. Il faut que tout soit consommé, que le péché soit détruit ; alors seulement il se souviendra qu’il est Père.
La B. Marguerite-Marie avait éprouvé en elle-même ces rigueurs de la sainteté de Dieu. Voici ce qu’elle en dit : " Les tourments que la sainteté d’amour imprime en moi comme un échantillon de ce que souffrent les âmes du Purgatoire sont insupportables. "Et dans un autre passage : " Je ne me souviens pas d’avoir passé une pareille année pour le regard de la souffrance. Rien ne me fait plus souffrir que cette sainteté de Dieu. Le Sacré Cœur donne souvent sa chétive victime aux âmes du Purgatoire pour les aider à satisfaire à la divine justice, c’est dans ce temps que je souffre une peine à peu près comme la leur, ne trouvant de repos ni de jour, ni de nuit. "(Vie de la Bienheureuse.)
Nous pouvons encore à ce sujet nous inspirer des beaux enseignements de sainte Catherine de Gênes ; voici comment elle parle de ce martyre que la sainteté de Dieu fait endurer aux âmes du Purgatoire :
" La cause de toute peine est le péché ou originel ou actuel, car Dieu a créé l ‘âme pure, simple, nette de toute tache et avec un certain instinct qui la porte vers Lui comme vers sa fin béatifique.
Le péché originel qui souille l’âme dès qu’elle est créée, l’éloigne de ce bienheureux instinct. Le péché
182 :
actuel venant se joindre au péché originel, l’en éloigne encore davantage ; et plus cet éloignement augmente, plus l’âme devient mauvaise, parce que le cœur de Dieu se retire d’elle de plus en plus.
" Or comme tous les degrés de bonté qui peuvent se trouver dans les êtres n’existent que par la participation de Dieu qui se communique à ses créatures, comme il lui plaît, et selon l’ordre qu’il a établi, sans y manquer jamais, il en résulte que lorsqu’une âme retourne à la pureté et à la netteté de sa première création, cet instinct qui la portait vers Dieu, comme vers son terme béatifique, se réveille en elle aussitôt, croissant à tout moment, il agit sur elle avec une effrayante impétuosité, et le feu de la charité qui la brûle, lui imprime un si irrésistible élan vers Dieu, et plus elle reçoit de lumière, plus sa souffrance est extrême.
" La tache ou la coulpe du péché n’existant pas dans les âmes du Purgatoire, il n’y a plus d’autre obstacle à leur union avec Dieu que les restes du péché dont elles doivent se purifier. Cet obstacle, qu’elles sentent en elles, leur cause le tourment que je viens de dire, et retarde le moment où l’instinct, qui les porte vers Dieu comme vers leur souveraine béatitude, recevra sa pleine perfection. Elles voient avec certitude ce qu’est devant Dieu le plus petit empêchement causé par les restes du péché, et que c’est par nécessité de justice qu’il retarde le plein rassasiement de leur instinct béatifique.
" De cette vue naît en elles un feu d’une ardeur extrême et semblable à celui de l’Enfer, sauf la coulpe du péché. "(Op.citato, ch xii.)

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:57

Le Purgatoire manifeste non moins admirablement la
183 :
sagesse et la bonté de Dieu, et c‘est ce que n’ont pas voulu comprendre les protestants, qui ont ainsi méconnu la beauté du plan rédempteur et brisé l’harmonie des perfections divines. Dieu ne peut souffrir en sa présence rien de souillé ; sa sainteté s’y oppose absolument, nous venons de le voir ; cependant ces malheureux sont morts en état de grâce, dans l’exercice actuel de l’amour et du repentir ; impossible de les condamner aux haines et aux désespoirs éternels de l’Enfer.
Le séjour de la gloire et les portes de l’abîme leur sont également fermées ; qu’en fera Dieu ? Il créera un lieu intermédiaire entre le Ciel et l’Enfer, un séjour destiné aux expiations temporaires, où l’amour trouvera sa place, sans que la justice et la sainteté y perdent rien. Oui, c’est l’amour, et l’amour le plus tendre qui a créé le purgatoire. "Pour bien comprendre ceci, dit encore sainte Catherine de Gênes, il faut savoir que ce qui se passe d’ordinaire pour perfection aux yeux des hommes, est défaut aux yeux de Dieu, car toutes les choses que l’homme fait et qui, selon sa manière de voir, lui semblent parfaites, impriment cependant en lui des taches et des souillures lorsqu’il ne reconnaît pas que la perfection dans ce qu’il fait est un don de Dieu ? "(Op. citato, ch.xii.)
Vu la corruption du cœur de l’homme, le Purgatoire était le seul moyen qui restât à Dieu pour nous sauver ; car quel est celui d’entre nous qui pourrait se promettre d’arriver sans souillure au tribunal du souverain Juge ? Sans le Purgatoire, il fallait ou que la justice de Dieu laissât le pêché impuni ; ce qui répugne à l’essence divine, ou que la presque universalité des âmes fût privée à jamais de la vue de Dieu ; mais grâce à cette admirable invention du Purgatoire, les faibles, les lâches, les pé-
184 :
cheurs comme moi peuvent encore aspirer aux joies de la vision béatifique ; c’est là, selon l’ingénieuse pensée du P.Faber, comme un huitième sacrement du feu, qui sauve les âmes à qui n’ont pas suffi les sept sacrements de l’Église militante. Ainsi aucune des perfections divines n’est lésée ; la miséricorde et la vérité se rencontrent dans ce séjour de la souffrance, la justice et la paix s’y embrassent et s’y donnent la main, tout est dans l’ordre ; le péché est expié, les bonnes oeuvres sont récompensées, et l’homme est sauvé !
C ‘est ce que comprennent bien les âmes du Purgatoire ; aussi, au lieu des cris de rage et de désespoir qui s’élèvent à chaque instant de l’abîme infernal, ce sont, comme nous l’avons vu, des chants d’amour, des hymnes d’actions de grâce qui montent du Purgatoire jusqu’au trône de Dieu. Les saints, à leur tour, éclairés d’une lumière plus haute, ne tarissent pas quand ils exaltent les miséricordes de Dieu sur les âmes du Purgatoire. Nous avons entendu Madeleine de Pazzi, s’écrier : Heureuses peines ! Sainte Catherine de Gênes aurait voulu rester dans le Purgatoire jusqu’à la fin des temps pour y glorifier Dieu. Plusieurs saints ont formé ce vœu héroïque, ce qui nous montre la merveilleuse estime qu’ils faisaient de cette admirable invention de la miséricorde divine.
Mais comment, dira –t’on, la miséricorde peut-elle s’exercer dans le Purgatoire, puisqu’il est certain que Dieu s’est lié les mains à l’égard de ces pauvres âmes et que la justice seule doit avoir son cours ? Cela est vrai ; mais telle est l’harmonie des perfections divines que jamais l’une ne nuit à l’autre ; la justice est pleinement satisfaite dans le Purgatoire, et cependant la miséricorde trouve le moyen de s’y exercer ; Dieu qui est amour, fait pénétrer dans ces sombres cachots quelques rayons de son immense charité.
185 :
Vous demandez comment cela peut se faire sans léser la justice ? Voici quatre canaux par où la divine miséricorde se répand continuellement sur ces pauvres âmes.

Premièrement, c’est presque toujours en vertu d’un décret de la miséricorde, et d’une miséricorde toute spéciale que nous sommes envoyés en Purgatoire. Quel est celui d’entre nous qui n’a mérité l’Enfer au moins une fois dans sa vie ?Nous sommes à cette heure, bien tranquilles dans nos maisons, mous parcourons en liberté les rues de nos grandes villes, nous respirons l’air pur des campagnes, en un mot, nous jouissons de notre mieux des agréments de la vie ; c’est bien ; je ne veux pas troubler votre quiétude ; mais au lieu d’être ici, pourquoi n’êtes vous pas là-bas à vous tordre dans les angoisses d’un désespoir éternel ? Si Dieu vous avait appelé à telle ou telle heure que vous connaissez bien, où seriez-vous maintenant ? n’y a t’il pas à cette heure dans l’Enfer des âmes moins coupable que vous ? Mais il y a plus ; j’admets que vous avez gardé votre innocence baptismale, que vous ne vous soyez jamais souillé d’aucun péché mortel ; qui vous promet la persévérance ? de plus forts, de plus saints que vous ne sont ils pas tombés misérablement à la fin ? Si donc par la grâce de la persévérance finale, vous arrivez un jour au Purgatoire, ce sera un don de la miséricorde. Mais le cas de l’innocence conservée est presque chimérique ; la plus grande partie des âmes tombent plus ou moins souvent dans le péché mortel et se rendent ainsi dignes de l’Enfer ; après une vie de tiédeur et de négligences, de chutes et de rechute dans le péché, une dernière confession bien faite couvre tout, purifie tout ; ces âmes sont sauvées ; il leur reste il est vrai ,de longues et terribles expiations dans le Purgatoire, mais de bonne foi, ont-elles le droit de s’en
186 :
plaindre, alors que des centaines de fois elles ont mérité l’enfer ?
Et que dire de ceux qui se ne sont sauvés qu’au dernier moment par un acte de contrition parfaite ? Ces âmes ont vécu toute leur vie peut-être dans l’illusion, accumulant les confessions nulles, les communions sacrilèges ; leur dernière confession n’a pas été meilleure ; les voilà perdues ; déjà le démon tressaille de joie et s’apprête à saisir sa victime. Tout à coup, en vertu d’une grâce toute gratuite et bien imméritée ; la lumière se fait dans cette âme ; sur le seuil de l’Éternité, au milieu des affres de l’agonie, elle voit sa position ; un cri de suprême repentir, un acte de contrition parfaite monte vers le Ciel ; c’en est fait ; le pécheur est pardonné ; justiciable de l’Enfer, il ne lui reste plus que les expiations temporaires du Purgatoire. J’ai cité plusieurs faits de ce genre.
Qui nous dira les mystères de la mort, et ce qui se passe à cette heure entre Dieu et l’âme !
Le Père de Ravignan pensait que , dans nos jours troublés, alors que tant d’âmes sont éloignées de la religion par des préjugés presque invincibles, un grand nombre étaient sauvés de la sorte par l’intervention directe de la divine miséricorde, agissant elle-même sur ces âmes, au dernier moment. Après cela, ces âmes auront à subir un rude Purgatoire, mais qu’importe ! L’Éternité est à elles !
Prolongez leur supplice jusqu’à la fin des temps ; croyez-vous qu’elles s’en plaindront ? Ah ! quelle hymne de reconnaissance j’entends monter sans cesse des profondeurs de l’abîme ; c’est l’hymne de la délivrance, c’est le chant des rachetés de la dernière heure. Représentez-vous la joie du criminel condamné à mort à qui on vient annoncer sur l’échafaud que la peine est commuée en quelques années de prison. C’est l’image, mais l’image
187 :
bien affaiblie de la joie de ces âmes coupables, alors que, paraissant au tribunal de Dieu, elles s’entendent condamner aux expiations du Purgatoire.
En second lieu, la miséricorde divine se manifeste encore dans le Purgatoire dans l’application même de la peine. Quelque terribles, en effet, que soient les supplices du Purgatoire, comme on a pu s’en convaincre en lisant ce qui précède, il faut bien avouer, néanmoins, qu’ils sont bien inférieurs à ce que mérite le péché. Toute offense à Dieu, si légère qu’elle soit, s’adressent à une Majesté infinie, comporte une expiation infinie. Quant on considère le péché de ce point de vue, on est bien forcé de s’avouer, avec sainte Catherine de Gênes, que la miséricorde a sa place jusqu’en Enfer : " L’homme mort en état de péché mortel mérite dit-elle, une peine infinie, et quant à l’intensité et quant à la durée ; mais la douce bonté de Dieu ne l’a rendue infinie que pour la durée et a donné des limites à son intensité. Si Dieu n’eût écouté que sa justice seule, il eût pu infliger aux damnés des peines plus grandes que celles qu’il leur a fait subir.
Il en est de même, à plus forte raison, des âmes du Purgatoire, qui s’étaient trouvées à la mort, avec une vraie contrition de leur fautes, n’ont plus en elles la coulpe du péché, et n’emportent en l’autre monde que la peine ; cette peine est limitée et quant au temps et quant à l’intensité, en sorte que les âmes du Purgatoire souffrent moins qu’elles ne le méritent en réalité. " (Oper. Citato, cap. iv.)
En troisième lieu, la miséricorde trouve encore à se manifester dans le Purgatoire, en ce que Dieu abrège souvent la durée de la peine, sans léser en rien cependant les droits de la justice.
188 :
Voici comment : Par rapport à l’éternité, le temps n’est rien ; en soi, ce n’est qu’une relation d’actes qui s’enchaînent aux autres. En multipliant les actes de l’âme, Dieu peut lui donner en un instant la sensation de plusieurs siècles, et c’est vraisemblablement ainsi qui mourront aux derniers jours du monde expieront en quelques minutes toutes leur fautes. Il est bien vrai que toutes les sensations douloureuses se trouvant ainsi accumulées en un très petit espace de temps, l’intensité du châtiment croît dans une proportion effrayante ; la justice garde donc tous ses droits, mais la miséricorde y gagne néanmoins, car l’âme est mise plus tôt en possession de la gloire qui l’attend.
D’après les révélations que j’ai citées précédemment, et un grand nombre d’autres que j’ai passées sous silence, il semble que cette abréviation de peine est surtout accordée aux prières de la très sainte Vierge, en faveur de ses dévots serviteurs ; et c’est peut-être ainsi qu’il faut entendre le fameux privilège de la bulle Sabbatine dont je parlerai plus bas à propos des indulgences.
Que si Dieu n’use plus souvent de ce moyen de miséricorde pour réduire la durée du Purgatoire, c’est, dit le Père de Munford, à cause de nous, qui, tout charnels et peu spirituels que nous sommes pour la plupart, aurions de la peine à comprendre comment, en quelques instants, Dieu peut faire souffrir à une âme la peine de plusieurs années.
C’est donc pour nous inspirer plus de crainte de sa justice et nous engager plus efficacement à éviter le péché, qu’il n’abrège pas d’ordinaire la durée des peines du Purgatoire, mais quand il le fait, c’est une grande miséricorde dont il use envers ces pauvres âmes.
Enfin la miséricorde se manifeste en quatrième lieu dans

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:58

189 :
le Purgatoire, quand Dieu permet à une âme d’en sortir pour faire connaître sa position et ré*clamer les suffrages des vivants. Depuis que le Purgatoire existe, on compte par milliers les âmes qui ont vu ainsi abréger leurs peines ; certes, c’est une grande miséricorde de Dieu de suspendre ainsi les lois de la nature pour permettre à un défunt de venir se recommander aux prières de ses amis de la terre. Dieu ne fait pas ce miracle pour tous, car alors ce ne serait plus un miracle, mais on peut dire néanmoins que ces apparitions de quelques âmes servent à toutes, parce qu’elles tendent à ranimer notre foi au Purgatoire, à nous réveiller de notre apathie et de notre égoïsme, d’autant plus qu’en ces matières, il est facile de conclure du particulier au général, et les rigueurs de la justice divine sur quelques âmes, prises dans toutes les situations, apprennent aux hommes à veiller sur eux-mêmes, et à prier avec plus de ferveur pour tous les défunts.
C’est ainsi que ce qui, en soi, n’est qu’un privilège accordé à quelques âmes, n’en sert pas moins à toutes dans les desseins de l’éternelle miséricorde.
Mais en voilà assez sur ce sujet, il faut dire maintenant quelques mots de la justice de Dieu dans le Purgatoire. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit des sévérités de la justice, mais une question bien intéressante se présente ici, c’est de savoir si Dieu se croit tenu en justice d’appliquer à un défunt les suffrages que l’on fait spécialement pour lui. Sur ce point les théologiens sont partagés ; les docteurs scholastiques inclinent assez à croire que Dieu s’est réservé la plus grande liberté à cet égard. Il est certain ,au moins pour les indulgences ,que les Souverains Pontifes de l’Église n’ayant plus juridiction sur les âmes du Purgatoire, ces indulgences ne leur sont pas appliquées, comme aux vivants, par mode d’absolution, mais seule-
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ment par mode d’impétration, ce qui revient à dire que l’Église au lieu de remettre directement telle ou telle partie de ma peine due au péché, se contente de prier Dieu d’accepter cette indulgence et l’appliquer lui-même dans la proportion qui convient à sa justice. D’un autre côté, les théologiens mystiques inclinent visiblement vers l’autre sentiment, qui enseigne que tous les suffrages que l’on fait en faveur d’un défunt lui sont appliqués par Dieu. C’est l’opinion du Père Faber, et de ce fait, il paraît tout à fait convenable que Dieu ait une attention particulière à l’intention de ceux qui prient, en sorte qu’il en tient toujours compte, à moins de raisons spéciales ; mais a t’il souvent de ces raisons spéciales de ne pas en tenir compte ? Là est précisément le nœud de la difficulté.
Voici ce que dit à ce sujet sainte Françoise Romaine : "Les prières et bonnes œuvres que l’on fait en cette vie pour quelque pauvre âme du Purgatoire lui profitent d’abord, mais à cause de ce lien de charité qui les unit toutes, elles servent aussi aux autres âmes ; si ces prières ou aumônes sont offertes à Dieu pour une âme déjà dans la gloire, le mérite en revient à ceux qui les ont faites, et le fruit s’en répand sur les âmes du Purgatoire. Quant aux damnés pour qui on prie, ces prières ne sauraient leur être appliquées ; elle ne profitent qu’à celui qui les faits ; les âmes du Purgatoire n’en ressentent aucun soulagement. "
Nous voyons par les révélations des saints, que la justice de Dieu refuse quelquefois de soulager ceux pour qui l’on prie. J’ai cité plusieurs faits de ce genre ; je rappellerai seulement ce que j’ai dit plus haut de ce prince à la délivrance duquel sœur Marie-Denyse consacrera les neuf dernières années de sa vie. Il est probable que, pendant ce temps, elle gagna plusieurs indulgences plénières
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pour son protégé, et cependant aucune ne lui fut appliquée intégralement, puisqu’au bout d neuf années de prières , de mortifications et de souffrances, couronnes par le sacrifice de sa vie, elle n’avait obtenu qu’une diminution de quelques heures
Qu’on se rappelle aussi l’exemple rapporté par la B. Marguerite-Marie de ce grand monde qui, ayant commis des injustices envers ses sujets, pendant sa vie, vit, après sa mort, tous les suffrages que l’on faisait pour lui, appliqués par la justice de Dieu au soulagement des âmes de ceux qu’il avait ruinés.
Il faut donc conclure , je crois, que Dieu en ces matières s’est réservé sa liberté tout entière ; le plus souvent, toujours mais peut-être, celui pour qui l’on prie est soulagé, mais pas toujours dans la mesure que l’on pense ; autrement il suffirait de gagner une indulgence plénière, en faveur d’une âme du Purgatoire, ou de célébrer à son intention une messe à un autel privilégié, pour être sûr de la délivrer ; or cela est également contraire à la pratique de l’Église et à ce que les saints nous apprennent par leur révélations. Ne nous tranquillisons donc pas trop vite sur le sort de nos chers défunts, mais prions beaucoup pour eux et longtemps, car, à moins d’une révélation spéciale, il est impossible de ne jamais être sûr qu’ils n’en ont plus besoin.
On demande ici ce que Dieu fait de l’excédent des suffrages qu’il refus d’appliquer au défunt que l’on avait en vue. Il me paraît très probable et tout à fait conforme aux lois de la justice distributive que ces prières ne sont pas perdues ; elles sont appliquées à d’autres âmes dans la mesure du bon plaisir de Dieu ; les âmes du Purgatoire ; par la communion des saints, ne font qu’une seule famille, ce qui ne profite pas à l’un retombe sur l’autre. Je veux
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citer encore là-dessus mon grand docteur, sainte Catherine de Gênes.
" Si les personnes qui sont dans le monde offrent à Dieu pour les âmes du Purgatoire, des prières et des aumônes dans l’intention de diminuer leur souffrances, il n’est pas au pouvoir de ces âmes de détourner leur vue du divin objet qu’elles contemplent plou la porter sur ces actes de charité ; elles ne peuvent les voir que dans cette très juste balance de la volonté divine, laissant Dieu disposer souverainement de tout, pour satisfaire ses droits en la manière qui plaît le plus à son infinie bonté. "(Opere citato, capxiii.). Ces âmes ont bien raison de s’en remettre ainsi pleinement à la bonté de Dieu ; il est certain que ce qui domine dans les rapports entre Dieu et les âmes du Purgatoire, ce n’est pas la justice, comme ion le pense communément, c’est l’amour ; et comment ne les aimerait-il pas ces pauvres âmes ?Il recueille en elles les fruits de la passion et de la mort de son Fils ; il contemple en elles les futurs habitants du Ciel ; s’il voit en elles le reste des souillures de péché, il n’y voit plus du moins la coulpe qui a été effacée par le repentir ; ces âmes sont saintes ; elles aiment et elles sont aimées. Aussi Dieu ne peut s’empêcher de désirer la fin de leur épreuve, et si la justice lui lie les mains, il nous invite à le secourir dans ses membres souffrants ; tibi derelictus est pauper, orphano tu eris adjutor. Ces paroles du psaume conviennent bien à ces âmes. Dieu ne peut rien pour les tirer d la misère où elles sont plongées, mais il nous confie le soin de leur venir en aide : tibi derelictus est pauper ; pour le moment, ces âmes sont orphelines ; leur Père du Ciel ne les connaît plus ; à nous de soulager ses orphelins : orphano tu eris adjutor. Notre Seigneur apparut un jour à sainte Gertrude, et lui dit : "Toutes les
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fois que vous délivrez une âmes du Purgatoire, vous faites un acte aussi agréable à Dieu que si vous le rachetiez lui-même de la captivité, et il saura vous récompenser quand le moment sera venu. " Plus d’une fois Notre Seigneur s’est abaissé à solliciter nos suffrages en faveur de ses chères âmes du Purgatoire. Je pourrais citer bien des exemples ; je dirai seulement ce qui arriva à sainte Thérèse ; c’est elle-même qui raconte le fait dans son livre des fondations. (chap. x.)
Le jour des trépassés, don Bernardin de Mendoza avait donné à sainte Thérèse une maison et un beau jardin situés à Valladolid, pour y fonder un monastère en l’honneur de la Mère de Dieu. " Deux mois après, dit la sainte, ce gentilhomme tomba malade subitement et perdit tout d’un coup la parole, en sorte qu’il ne put se confesser, encore qu’il témoignât , par signes, le désir de la faire, et la vive contrition qu’il ressentait de ses péchés. "
" Il ne tarda pas à mourir, loin de l’endroit où j’étais à cette époque, mais Notre-Seigneur me parla, et me fit connaître qu’il était sauvé, quoiqu’il eût couru grand risque de ne pas l’être, car la miséricorde de Dieu s’était étendue sur lui, à cause de dons qu’il avait faits au couvent de la très sainte Vierge ; toutefois son âme ne devait pas sortir du Purgatoire avant que la première messe fût célébrée dans la nouvelle maison. "
" Je ressentis si profondément les douleurs de cette âme, que malgré mon vif désir d’achever dans le plus court délai la fondation de Tolède, je partis immédiatement pour Valladolid. "
" Un jour que j’étais en prières à Médina de Campo, Notre-Seigneur me dit de me hâter, car l’âme de Mendoza étais en proie aux plus vives souffrances. Je re-
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partis donc sur-le-champ, bien que je n’y fusse pas préparée, et j’arrivais à Valladolid, le jour de la fête de saint Laurent. "
" Aussitôt, j’appelai des maçons pour élever sans tarder les murs de la clôture, mais comme cela devait prendre beaucoup de temps, je demandai au seigneur évêque l’autorisation de faire une chapelle provisoire à l’usage des sœurs qui m’avait accompagnée ; l’ayant obtenu, j’y fis célébrer la messe, et à la communion , au moment où je quittais ma place pour m’approcher de l’autel, je vis notre bienfaiteur, qui , les mains jointes et le visage resplendissant, me remerciait de ce que j’avais fait pour le tirer du Purgatoire ; je le vis ensuite monter plein de gloire au Ciel. Je fus d’autant plus joyeuse que je n’osais espérer un tel succès, car bien que Notre-Seigneur m’eut révélé que la délivrance de cette âme suivrait la première messe célébrée dans la maison, je pensais que cela devait s’entendre de la première messe où le saint Sacrement serait renfermé dans le tabernacle. "
On voit par ce trait avec délicate bonté Dieu s’intéresse aux pauvres âmes du Purgatoire. Que ces tendres attentions de Celui qui sera notre juge un jour nous encouragent à prier beaucoup pour les chères âmes du Purgatoire ; c’est le meilleur moyen de nous préparer un jugement favorable, quand l’heure sera venue pour nous de comparaître à notre tour au tribunal de Dieu et d’éprouver peut-être les rigueurs de sa justice : Heureux les miséricordieux, parce qu’il leur sera fait miséricorde. " Beati misericrdes, quoniam ipsi misericordam consequenturs. "

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:58

Chapitre 11 Rapports de l'Eglise triomphante avec l'Église souffrante p.195-209.

De l’assistance des saints anges. -Si les bons et les mauvais anges pénètrent dans le Purgatoire. – Des services que les saints anges rendent à ces âmes. – Raison de l’intérêt que les anges et les saints portent aux âmes du Purgatoire. – De l’assistance des saints, spécialement des saints patrons et fondateurs d’ordre. – De l’assistance de la très sainte Vierge. – Marie, reine du Purgatoire. – Le samedi, les fêtes de la sainte Vierge, et la fête de l’Assomption, au Purgatoire

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Le beau spectacle que celui de la communion des saints ! Grâce à ce dogme béni, les frontières de l’Église catholique reculent à l’infini. La terre ne la borne plus ; au lieu de deux cent millions de catholiques, répandus sur la surface du globe, il faut compter par milliards les générations qui en font partie. Tous ceux qui, depuis les premiers jours du monde, ont vécu et sont morts dans la communion de l’Église, et dans l’exercice de la charité, sont les citoyens de cette immense cité. Le Ciel est incomparablement plus peuplé que la terre, puisqu’il comprend tous les saints de l’ancienne et de l a nouvelle loi ; le Purgatoire n’est guère moins nombreux probablement si l’on tient compte des générations de justes qui s’y accumulent pendant un temps plus ou moins long ; ce monde n’est en réalité que le plus petit des trois grands royaumes des fils de l’homme.
Or, ces millions d’âmes qui se partagent les espaces infinis du Ciel, du Purgatoire et de la terre, ne forment toutes qu’une même famille, où tous est mis fra-
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éternellement en commun, les joies et les peines, les triomphes des saints, les expiations des âmes souffrantes, les épreuves des vivants, au milieu de nos tristesses, nous nous réjouissons de la gloire des saints, et nous trouvons les temps de compatir aux épreuves des âmes du Purgatoire. De leur côté, les saints, qui nous ont précédés dans la gloire, sont émus de compassion à la pensée des dangers que nous courons encore, et quand, du haut du ciel, ils abaissent leurs regards vers les régions désolées du Purgatoire, ils y voient d’autres frères dont le salut est en sûreté, il est vrai, mais qui pour le moment, n’en sont pas moins livrés à d’ineffables tourments. Les âmes du Purgatoire ne restent pas non plus étrangères à ces joies de la communion fraternelle, elles sont pénétrées de la plus vive reconnaissance pour les bienfaiteurs de la terre , et quand , du milieu de leurs brasiers , elles lèvent les yeux vers les trônes qui les attendent, elles voient à côté d’autres places occupées par ceux qui, plus heureux et plus fidèles, sont déjà arrivés au séjour de l’éternelle béatitude, et cette vue ranime en elles l’espérance, car elle savent qu’elles ont là auprès de Dieu des intercesseurs et des amis. Ce sont ces rapports si intimes et si doux que la communion des saints établit entre les âmes du Purgatoire et les habitants du Ciel et de la terre, qui nous restent à étudier. Je parlerai dans ce chapitre des rapports qui existent entre les âmes du Purgatoire et l’Église triomphante.
Commençons par les anges, qui, bien qu’ils ne soient pas en communion proprement dite, comme les saints, avec les âmes du Purgatoire, n’en ont pas moins des rapports très fréquents avec elles : "En effet, dit le P. Faber, les âmes du Purgatoire sont destinées à remplir des vides affreux causés dans les chœurs angéliques par la chute
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de Lucifer et d’un tiers de l’armée céleste. De plus un grand nombre d’anges ont un intérêt personnel dans le Purgatoire ; des milliers, ce n’est pas assez dire des millions d’entre eux ont été commis à la garde de ces âmes, et leur mission n’est pas encore accomplie, ils ont là des clients qui les honorés d’un culte spécial pendant leur vie. Des chœurs entiers s’intéressent à d’autres âmes, soit parce qu’elles doivent finalement leur être réunies, soit parce qu’elles doivent finalement leur être réunies, soit parce qu’elles avaient pour eux une dévotion particulière.(Tour pour Jésus,, chap.ix .)
Nous voyons dans la liturgie de la sainte Église que l’archange Michel a été établi de Dieu pour recevoir les âmes à leur sortie de la vie et les introduire dans le Ciel.
Arachangele Michael, constitui te principem super omnes animas suscipiendas(3 Ant. De laud.) Cui tradidit Deus animas sanctorum, ut perducat eas in paradisum exultationis.(5 repons. Matutin.)
Saint Michel est comme le prince de ce grand royaume de la douleur, et l’on ne saurait douter qu’il n’ait grande compassion des âmes qui lui sont confiées. Aussi l’Église nous fait-elle chanter chaque année au jour de sa fête que c’est son intercession qui ouvre le Ciel aux âmes.Cujus oratio perducit ad regna coelorum(4 rep. Matutin). Un grand nombre de révélations particulières confirment ce titre de gardien des âmes justes et préposé du Paradis que lui donne l’Église :Dei nuntius pro animabus justis praepositus paradisi.
Les saints Anges gardiens des âmes n’ont pas accompli leur tâche tant qu’ils ne les ont pas amenées au Ciel ; il est donc à croire qu’ils continuent à s’intéresser très vivement à leurs protégés, mais nous n’en sommes pas réduits aux conjonctures à cet égard. Sainte Françoise Romaine a reçu
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pour les communiquer à tout le peuple chrétien de grandes lumières au sujet des Anges. Écoutons donc ce qu’elle en dit : "Quand un homme meurt, son ange gardien conduit son âme, selon qu’elle l’a mérité, dans la région inférieure de Purgatoire, et se place à sa droite, le démon à sa gauche : tous les deux hors du Purgatoire. L’ange présente à Dieu toutes les prières qui lui sont faites pour cette âme, soit par ses parents, soit par ses amis, ou par tous les autres chrétiens, et la bonté divine les rend à cet ange pour l’abréviation de la peine et le soulagement de la pauvre âme dont il est chargé. "
" Le démon qui a spécialement tenté une âme pendant sa vie, reste à sa gauche, mais en dehors du Purgatoire, où il ne peut entrer, et là, sur l’ordre de Lucifer, il est tourmenté d’une manière toute spéciale pour n’avoir pas su conduire cette âme en Enfer. Une des plus grandes souffrances de celle-ci c’est d’avoir sous les yeux cette horrible vision e son mauvais esprit, et d’entendre les railleries que lui inspirent les peines qu’elle endure pour avoir cédé à ses suggestions. Voici, lui dit-il, que tu endures de grandes souffrances à cause des injures que tu a faites au Dieu qui t’a créée, rachetée et qui a veillé sur toi pendant la vie. Au lieu d’obéir à ses commandements, tu as préféré suivre mes suggestions, tu t’es laissé sottement séduire par mes illusions, et c’est pourquoi te voilà ici. Les peines du feu sont bien grandes, mais ces reproches les augmentent encore, et c’est ainsi que la justice divine se satisfait. Quand le temps de l’expiation dans le Purgatoire inférieur est terminé, l’âme remonte à la région moyenne, et le démon retourne avec les siens, où il reçoit à son tour les railleries et les reproches des autres démons
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pour avoir laissé échapper cette âme par sa négligence et sa paresse. Désormais Lucifer ne lui confie plus d'autres âmes à perdre ; il erre triste et misérable, cherche partout quelque mal à commettre. " (Vita Sanctæ Franciscæ apud. Boll., 9 mars.)
On voit par là ce que sainte Françoise pensait d'une question très agitée dans les écoles, à savoir si les démons ont le pouvoir de tourmenter les âmes dans le Purgatoire et d'exercer sur elles des violences directes. La Sainte se prononce nettement pour la négative : " Les âmes n'ont rien à souffrir des démons que ces railleries dont j'ai parlé, car ils n'entrent pas dans le Purgatoire. "
Cependant, un certain nombre de révélations nous montrent les démons tourmentant les âmes souffrantes ; mais en présence de l'affirmation si nette de sainte Françoise Romaine, j'incline à croire qu'il faut l'entendre des railleries et autres opprobres que les mauvais anges font subir à ces pauvres âmes, et non des violences proprement dites, comme celles qui s'exercent sur les damnés ; et ce qui me confirme dans ce sentiment, c'est qu'il paraît équitable qu'après avoir triomphé des ruses de ces maudits pendant la vie, les âmes ne retombent pas sous leur cruelle domination après la mort.
Nous avons vu ailleurs que ce ne sont pas les démons mais les bons anges qui sont les exécuteurs de la justice divine sur les âmes du Purgatoire. Remarquons aussi ce que dit sainte Françoise, que la présence du mauvais ange est réservée au Purgatoire inférieur, quand l'âme passe au Purgatoire moyen, à plus fore raison quand elle monte au Purgatoire supérieur, le démon la quitte et son bon ange pénètre seul auprès d'elle pour la consoler.
Que l'ange gardien pénètre dans le Purgatoire, pour visiter et consoler ses anciens protégés, c'est ce qu'il est
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impossible de révoquer en doute, tant les témoignages sont nombreux à cet égard. C'est même en cela surtout que consiste l'assistance que les saints anges rendent aux âmes du Purgatoire. Incapables de mériter pour eux-mêmes, ils ne peuvent, comme nous, satisfaire pour ces âmes souffrantes ; on ne voit pas non plus qu'ils prient pour elles, au moins ordinairement, mais ils les visitent, les consolent et leur servent d'intermédiaires soit avec le ciel, soit avec la terre.
" Je suis pleine d'espérance dans mon doux Sauveur, qu'il me délivrera bientôt, disait une âme du Purgatoire, dont j'ai parlé plus haut ; déjà il me console par la vue de cet éclat que j'aperçois dans ma prison, et qui n'est autre que celui de mon bon ange gardien ; ce fidèle ami, à ma prière, m'obtiendra des suffrages précieux, et je serai bientôt réunie à Jésus et à Marie. "
Depuis la longue visite que fit sainte Madeleine de Pazzi au Purgatoire, quand elle fur arrivée au cachot de ceux qui ont péché par ignorance et par faiblesse, elle aperçut leurs anges gardiens qui se tenaient auprès d'eux pour les consoler ; en même temps, elle vit les démons, placés de l'autre côté, dont l'aspect horrible et les railleries impitoyables les faisaient beaucoup souffrir (on peut constater ici en passant l'accord parfait entre cette révélation de sainte Madeleine de Pazzi et celles de sainte Françoise Romaine.)
On trouve les mêmes détails dans la vie de B. Marguerite-Marie. Dans une de ces maladies extraordinaires qu'elle eut à souffrir, son ange lui vint dire un jour : " Allons faire une promenade dans le Purgatoire " ce qu'ayant dit, il la conduisit dans un lieu fort spacieux, tout rempli de brasiers et de flammes, où elle vit une grande quantité de pauvres âmes en forme humaine, qui

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 11:59

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levaient les bras en haut et criaient miséricorde. Elle y vit aussi plusieurs anges qui les consolaient et sut que c'étaient leurs anges gardiens. (Vie de la bienheureuse)
Ces révélations sont parfaitement conformes aux données de la théologie. D'après la plupart des docteurs, ce sont en effet, comme je l'ai dot ailleurs, les saints anges gardiens qui introduisent les âmes en Purgatoire, et qui les mettent en communication avec les vivants, en nous inspirant de prier pour elles, en leur faisant connaître ceux qui leur rendent ce charitable office. La vie de la vénérable Agnès de Jésus, qui vivait dans la familiarité habituelle des saints anges, est toute pleine d'apparitions, où nous voyons ces fidèles amis des hommes intercéder en faveur de leurs clients, leur porter au milieu des flammes le rafraîchissement après lequel elles soupirent, les conduire au Ciel quand le temps de l'expiation est fini, et venir annoncer aux vivants que leurs prières ont été exaucées.
On trouve les mêmes faits dans un grand nombre de vies des saints, en sorte que l'on ne peut douter que les saints anges ne soient les intermédiaires naturels entre le Purgatoire et la terre.
Ce sont eux encore qui servent d'intermédiaires entre le Ciel et le Purgatoire. Nous avons vu qu'ils offrent à Dieu les suffrages que l'on fait en faveur des défunts, et qu'ils apportent aux âmes souffrantes les diminutions de peine et les autres soulagements que Dieu leur accorde. Il faut savoir aussi que chaque fois que Notre Seigneur ou sa très sainte Mère descendent au séjour des expiations, ils sont toujours accompagnés d'un grand nombre d'anges, dont la présence et l'éclat réjouissent beaucoup, et consolent ces pauvres âmes. Ce sont eux enfin qui servent de
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ministres à la divine miséricorde, pour tirer les pauvres âmes de peine et les amener au Ciel.
Tels sont les bons offices que les saints rendent aux âmes du Purgatoire. Que personne ne s'étonne de voir ces pures intelligences se mettre ainsi au service des hommes. Ces âmes sont saintes ; elles sont destinées à entrer un jour dans les chœurs angéliques pour chanter avec eux les louanges su Seigneur ; il est donc tout naturel qu'ils s'intéressent à elles.
Il n'y a rien là d'ailleurs qui déroge à leur dignité. Pendant que ces âmes étaient dans une chair mortelle, les anges ne dédaignaient pas de se faire, sur l'ordre de Dieu, leurs gardiens, leurs compagnons, j'allais presque dire leurs serviteurs ; pourquoi ne leur continueraient-ils pas ce ministère de charité après leur mort, et cela jusqu'à ce qu'ils les aient introduits dans la patrie ?
Voici pour terminer ce qui se rapporte aux saints anges, un trait bien touchant, qui montre à quel point les anges s'intéressent aux pauvres âmes du Purgatoire ; je l'ai tiré de Rossignoli, qui le rapporte lui-même sur l'autorité de la vén. Sœur Paule de Sainte-Thérèse, de l'ordre des dominicaines. (Les Merveilles du Purg., 4e merveille.)
Dans le monastère des dominicaines du couvent de Sainte Catherine de Naples, où la sainte résidait, c'était une pieuse coutume de réciter chaque soir avant de se coucher, les vêpres de l'office des morts ; ces bonnes sœurs voulaient ainsi procurer le repos aux pauvres défunts, avant d'aller prendre le leur. Or, un soir, il arriva que, par suite d'un travail prolongé, les sœurs fatiguées ne purent s'acquitter de ce pieux suffrage ; mais les pauvres âmes n'y perdirent rien, car une troupe de saints anges, descendant du ciel dans le chœur des religieuses, se mit à réciter d'une voix céleste, l'office accoutumé ;


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cependant la sœur Paule, qui était en oraison, entendant ces voix mélodieuses, prête l'oreille, ouvre la porte de sa cellule et aperçoit la troupe angélique en nombre exactement pareil à celui des religieuses.
Les saints du Ciel ne s'intéressent pas moins que les anges au soulagement et à la délivrance des âmes du Purgatoire. Sous un certain rapport, je dirais même qu'ils s'y intéressent d'avantage, parce qu'en vertu de la communion des saints, le lien qui les unit aux âmes du Purgatoire est plus intime et plus fort. Ce ne sont pas seulement, comme pour les saints anges, des clients, ce sont des frères qu'ils voient souffrir au milieu des flammes ; comment resteraient-ils indifférents à leurs tourments ?
Quelques théologiens ont prétendu que les saints ne peuvent intercéder pour les âmes du Purgatoire ; mais un grand nombre de révélations nous apprennent le contraire. Ces théologiens ont confondu l'interprétation et la satisfaction. Il est certain que les saints, ne pouvant plus mériter pour eux-mêmes, ne peuvent pas d'avantage satisfaire pour les autres ; et par conséquent, sous ce rapport, leur situation à l'égard des âmes du Purgatoire est moins avantageuse que la nôtre ; mais ils peuvent prier ; il est de foi qu'ils prient pour nous ; pourquoi leur intercession s'arrêterait-elle aux portes du Purgatoire ? Les saints prient donc pour les âmes souffrantes, pour ceux qui furent leurs amis sur la terre, et de nombreux exemples nous autorisent à dire que cette prière des saints est bien puissante auprès de Dieu, et cela est naturel, car les saints sont les amis privilégiés de Dieu, et leurs prières sont accompagnées de toutes les qualités qui manquent trop souvent aux nôtres.
Je pourrais citer bien des faits du même genre, car les vies des saints en sont pleines. Les saints patrons dont

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nous avons porté les noms, et qui nous ont protégés pendant la vie, continuent leur assistance à leurs clients qui gémissent dans les flammes du Purgatoire. " Non seulement, dit le Père Faber, les liens d'affection qui les unissaient à leurs protégés ne sont pas rompus par la mort, mais il s'y mêle un sentiment de tendresse tout spécial, à cause des souffrances terribles qu'endurent les êtres qui en sont l'objet, et un plus vif intérêt à cause de la victoire qu'ils ont remportée. Les saints contemplent dans ces âmes l'ouvrage de leurs soins, le fruit de leurs exemples, leurs prières exaucées, le succès qui a si magnifiquement couronné leur affectueux patronage. " (Tout pour Jésus, chap. IX.)
Il est de même des saints fondateurs d'ordres. Voici encore ce que dit à ce sujet le P. Faber : " Ce que j'ai dit des saints en général, s'applique en particulier aux fondateurs d'ordres et de congrégations. Ah ! ces saints, ces fondateurs sont les enfants du Sacré-Cœur ; ils ont été conçus au fond de ses replis les plus intimes ; ils ont été nourris de son sang le plus pur ; leur charité a surpris le secret de ses palpitations. Qui pourrait donc exprimer la sollicitude que ressentent ces pieux fondateurs pour ceux de leurs enfants qui achèvent dans les flammes l'œuvre de la purification ? Ces enfants, tant qu'ils ont été sur terre, les ont honorés ; ils ont vécu dans la maison de leur Père et de leur fondateur, sa voix retentissait sans cesse à leurs oreilles : ses fêtes étaient des jours de bonheur et de réjouissance spirituelle ; sa règle étaient pour eux un second Évangile ; son habit leur était aussi cher que les plus riches vêtements. Quoi donc d'étonnant si ce fondateur, à son tour, chérit ses enfants, quand il les voit retenus au milieu des
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flammes, eux la couronne de son ordre, l'honneur de sa paternité. " (Loco citato.)
Après sa mort, saint Philippe de Néri se fit voir entouré d'un grand nombre de religieux de son ordre qu'il avait délivré par ses prières.
Saint François d'Assise promit aux siens de descendre au Purgatoire, après leur mort, pour en tirer ceux d'entre eux qui auraient été fidèles observateurs de sa règle, en particulier de la sainte Pauvreté ? Notre seigneur lui avait donné ce pouvoir, et un grand nombre de faits consignés dans les chroniques des frères Mineurs, montrent qu'il en use quand il est besoin. La plupart des grandes familles religieuses ont des traditions analogues.
Un autre privilège que nous voyons réservé à plusieurs saints, c'est de délivrer un grand nombre d'âmes le jour de leur entrée au Ciel, et d'arriver ainsi dans la gloire, comme Notre Seigneur Jésus-Christ, au jour de son ascension, avec une nombreuse escorte d'âmes rachetées.
C'est ce que nous apprenons en particulier du B. Œgidius, un des douze premiers disciples de saint François d'Assise. Un religieux dominicain étant mort, le même jour apparut à quelque temps de là à un de ses frères à qui il avait promis de faire connaître son sort. – " Eh bien ! qu’est-il advenu de vous ? " demande l’ami avec anxiété. – " Je suis bienheureux répond le dominicain, car je suis mort le même jour qu’un saint frère Mineur nommé Œgidius, auquel Notre Seigneur, en récompense de ses grandes vertus, a accordé la faveur d’introduire avec lui dans le Ciel la plupart des âmes qui se trouvaient alors en Purgatoire. J’ai été de ce nombre, et me voici délivré par les mérites de ce saint Père. " (Vita B Œgidii apud Bolland.)
Il faut parler maintenant de la douce influence de Marie
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dans le Purgatoire ; la Reine des anges et des saints, si compatissante aux malheureux de toute sorte, s’est proclamée elle même la Reine du Purgatoire. Je suis, dit-elle à sainte Brigitte, la mère et la reine de tous ceux qui sont dans le lieu de l’expiation ; mes prières adoucissent les châtiments qui leur sont infligés pour leurs fautes. (Rév., liv ; IX, chap. I.)
Il s’est pourtant trouvé des théologiens, en petit nombre, j’ai hâte de le dire, qui ont soutenu que la douce Marie ne peut rien pour les âmes du Purgatoire, mais, comme dit le Père Faber, je n’aime pas que l’on parle de quelque chose que Marie ne peut pas faire ? D’ailleurs les révélations des saints font justice de ces doctrines désolantes. Si j’entreprenais de rapporter ici tous les faits qu’ils nous font connaître de la miséricordieuse bonté de Marie à l’égard des âmes du Purgatoire, ce serait matière d’un nouvel ouvrage ; comme j’ai cité plusieurs faits où l’on voit la mère de Dieu intervenir en faveur de ces pauvres âmes, je me contenterais de rapporter un ou deux exemples.
Nous voyons dans les révélations des saints, que le samedi, qui est le jour spécialement consacré à la très sainte Vierge, est jour de fête au Purgatoire ; ce jour-là, la douce mère des miséricordes descend dans les cachots du Purgatoire visiter et consoler ses dévots serviteurs.
En vertu du privilège de la bulle Sabbatine, tous ceux qui ont porté le scapulaire de la B. Vierge, et rempli certaines conditions, dont je parlerai ailleurs, sont délivrés des flammes expiatrices, le premier samedi après leur mort. Voici ce que raconte à ce sujet la V. sœur Paule de Sainte-Thérèse, de l’ordre des dominicaines.
Après avoir été ravie en extase, un jour de samedi, et transportée dans le Purgatoire, elle fut toute surprise de le
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trouver transformé comme en un paradis des délices, avec une grande lumière au milieu, en place des ténèbres habituelles ; comme elle se demandait la raison de ce changement, elle aperçut Marie, entourée d’une infinité d’anges, auxquels elle ordonnait d’aller délivrer les âmes qui lui avaient été spécialement dévouées, et de les conduire au Ciel. (V. Rossignoli, les Merveilles du Purgatoire, IVe merveille.)
S’il en est ainsi des simples samedis consacrées à la très sainte Vierge, on ne peut guère douter qu’il en soit de même, à plus forte raison, quand le cours de l’année liturgique ramène quelqu’un des glorieux anniversaires de la mère de Dieu. Les fêtes de Marie deviennent ainsi les fêtes du Purgatoire, et parmi toutes ces fêtes, l’anniversaire du jour où la B. Vierge monta au ciel en corps et en âme, est le grand jour de la délivrance. Saint Pierre Damien nous apprend (Opusc. XXXIV, II p., ch. III,) que, chaque année, au jour de l’Assomption, la sainte Vierge délivre ainsi plusieurs milliers d’âmes. Voici la vision miraculeuse qu’il rapporte à cette occasion.
C’est un pieux usage d peuple Romain de visiter les églises, un cierge à la main, pendant la nuit qui précède la fête de l’Assomption de la B. Vierge Marie ; or, une année, une dame de qualité était agenouillée dans la basilique de l’Ara-Cœli, au Capitole ; à sa grande surprise, elle aperçut devant elle une femme qu’elle avait beaucoup connue, et qui était morte pendant l’année ; elle l’attendit à la porte de l’église, désireuse d’éclaircir ce mystère et dès qu’elle la vit sortir, elle la prit par la main, et la tirant à l’écart : " N’êtes-vous pas, lui dit-elle, ma marraine Mazorie qui m’a tenue sur les fonds du baptême ? "
- " Oui, répond aussitôt l’apparition, c’est moi-même. "
- " Eh ! comment vous retrouvé-je au milieu des
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- vivants, puisque vous êtes morte depuis près d’un an ? qu’êtes-vous donc devenue dans l’autre vie ? " - " Jusqu’à ce jour, je suis restée plongée dans un feu épouvantable, à cause des nombreux péchés de vanité que j’ai commis dans ma jeunesse ; mais dans cette grande solennité, la Reine du Cie est descendue au milieu des flammes du Purgatoire, et m’a délivrée ainsi qu’un grand nombre d’autres âmes, afin que nous entrions au Ciel le jour de son Assomption ; c’est ce qu’elle fait chaque année, et dans cette circonstance le nombre de ceux qu’elle a délivrés est aussi considérable que celui du peuple de Rome. A cause de cela nous nous transportons cette nuit dans les sanctuaires dédiés à Marie. Vous ne voyez que moi, mais nous sommes une grande multitude. "
En voyant que cette dame restait stupéfaite et semblait douter encore, l’apparition ajouta :
" En preuve de la vérité de ce que je vous dis : sachez que vous-même vous mourrez dans un an, à la fête de l’Assomption ; si vous passez ce terme, tenez tout cela d’une illusion. "
Saint Pierre Damien rapporte que cette dame passa cette année en bonnes œuvres pour se préparer au redoutable passage. L’année suivante, l’avant-veille de la fête, elle tomba malade et mourut le jour même de l’Assomption, comme il lui avait été prédit.
Une foule d’écrivains, Gerson, Théophile Reynaud, Rossignoli, saint Alphonse de Liguori, le P. Faber, confirment cette pieuse croyance, qui est appuyée sur un nombre très considérable de révélations particulières, c’est pourquoi, à Rome, l’église de Sainte-Marie in Montori, qui est le centre de l’archiconfrérie des suffrages en faveur des âmes du Purgatoire, est place sous le vocable de l’Assomption.
C’est ainsi que l’Eglise du Ciel, ayant sa reine à sa tête,
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se penche avec amour vers l’Eglise du Purgatoire, pour la secourir, la consoler, et l’aider à entrer le plus tôt en possession de la gloire. Touchante fraternité des âmes, qu’on ne trouve que dans l’Eglise catholique ! Là seulement la mort perd ses droits ; ceux qu’elle sépare pour un temps ne cessent de s’aimer, et de faire partie d’une même famille, où ceux qui restent sur la terre, et ceux qui expient dans le Purgatoire, et ceux qui sont déjà couronnés dans le Ciel, sa regardant comme les enfants d’un même père, n’aspirent qu’au grand jour qui les verra tous réunis au foyer domestique, à la table du Père commun.
Oh ! qu’il fera bon, et quand donc viendra ce bienheureux jour !

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:00

Chapitre 12 Rapport des âmes du purgatoire avec l'Église militante: des apparitions des morts p.210 - 229

Des apparitions des morts. La question des revenants dans l'histoire et devant la foi. -Du mode de ces apparitions. - Des illusions diaboliques. - De l’évocation des morts. - Du Spiritisme. -Règles pour discerner 1es vrais apparitions des fausses.

210:
Redescendons sur la terre : il s'agit d'étudier maintenant les rapports des âmes du Purgatoire avec l’Église militante, et la première question qui se présente, c'est de savoir si les âmes du Purgatoire peuvent se mettre directement en rapport avec nous, et nous apparaître ; au fond c'est la vieille question des revenants qui se pose ici; et cette question semble bien définitivement tranchée par la négation ; un éclat de rire universel ne manquerait pas d'accueillir celui qui voudrait la traiter scientifiquement, tant la génération actuelle est habituée il considérer tout cela comme des contes de bonne femme, dont ne s'effrayent plus même les enfants ; et cependant tous les faits que j'ai cités, sont là qui déposent en sens contraire, et il est dur de répondre ainsi par une fin de- non- recevoir absolue à l'histoire
tout entière ; car il ne faut pas se le dissimuler, tous les peuples et tous les siècles ont cru à ces communications d'outre-tombe; les anciens païens avaient leurs apparitions, tout comme le moyen âge catholique; il Y a plus: le culte païen tout entier repose sur ces manifestations extraordinaires; et nous voyons, par les anathèmes de la Bible, et par les histoires
211:
anciennes que l'évocation des morts, le culte des mânes fut le grand péché de l'antiquité."

Laissons de côté les Assyriens, les Égyptiens et les Grecs, malgré les témoignages que nous fournissent les ruines de Ninive et de Memphis ; voyons ce qui se passait chaque année, chez les Romains : on sait que les Lémuries ou fêtes expiatrices en l’honneur des morts y étaient célébrées religieusement chaque année. Au jour marqué, le Souverain Pontife de Jupiter se rendait processionnellement auprès du gouffre Manal, situé au milieu du champ de Mars ; à ce cri sinistre Mundus patet, les morts sortaient en foule du sein de la terre ; leurs parents, leurs amis a1laient au-devant d'eux, on les conduisait dans les maisons, où un festin était préparé en leur honneur ; la fête finie, on 1es reconduisait à leur sombre séjour. Or ces rites 1ugubres existent chez tous les peuples non chrétiens ; au seizième siècle, saint François Xavier les retrouve, identiquement les mêmes, chez les Japonais, et de nos jours, dans ce grand empire Chinois, qui couvre un quart du globe, nos missionnaires nous apprennent que les choses se passent encore de même, et que l'évocation des morts, le culte des ancêtres forme à peu près toute la religion de ce peuple extraordinaire. D'où peut venir une pareille unanimité ?

Il n'y a rien là qui attire; au contraire, ces communications avec le monde invisible impriment naturellement la terreur; comment les retrouve-t-on partout ? Qui a fait connaître ces mêmes rites aux anciens Mexicains et à tous les peuples de I’Amérique, chez qui les Espagnols les trouvèrent établis lorsqu'ils débarquèrent sur leurs plages ? Qui les a révélés aux Vaudoux et ces peuplades abruties du centre de l’Afrique, qui n'ont jamais eu de relations avec les peuples civilisés de l'antiquité, ou du
212:
monde moderne. A qui fera-t-on croire que ces milliers d'hommes, vivant sous toutes les latitudes, à des, époques si éloignées les unes des autres, ont cru voir, entendre ce qui n'a jamais eu de réalité que dans leur imagination ? Faisons la part de l'illusion et de la superstition dans ces manifestations étranges. De cette universalité de croyance aux apparitions des morts, je crois être en droit de conclure qu'une réalité sérieuse se cache sous ces phénomènes.

L'Église ne s'y est pas trompée; également éloignée de la superstition qui croit tout, et du scepticisme qui rejette, sans examen les faits les mieux prouvés, elle admet en principe l'existence de ces manifestations, et quand un fait particulier se présente, elle examine la part qu'il faut faire à la supercherie ou à l’illusion démoniaque; si rien de tout cela n'est à craindre, elle admet la réalité de l'apparition, et il le faut bien, car autrement nous devrions déchirer toutes nos vies de saints, puisque à chaque page ces phénomènes s'y reproduisent ; tantôt ce sont des âmes souffrantes qui viennent solliciter nos prières; plus rarement, ce sont des réprouvés, qui sortent un instant de l'abîme, pour raconter leurs souffrances.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:00

En dehors de ces récits, empruntés aux annales de l’Église, il y a la tradition de tous les peuples qui parle de maisons hantées, de bruits étranger, d'apparitions effrayantes. Si je n'entre pas dans l'étude de ces faits, ce n'est pas que je les rejette en bloc, comme nos beaux esprits modernes, je tiens au. contraire, qu'au milieu de beaucoup de superstitions et d'erreurs, il y a un fond de vérité à la plupart de ces récits; à moins de renverser les lois du témoignage humain, il faut bien avouer que sur tant de faits de ce genre, que l'on raconte, il y en a qui sont parfaitement prouvés; la seule raison qui me force de les
213:
passer sous silence, c'est la loi que je me suis imposée, en commençant ce travail, de ne citer que des révélations appartenant à la vie des saints, afin d’écarter tout péril d'illusion. Pour ceux qui voudraient étudier ces faits plus en détail, je les renverrai à M. de Mirville, dans son livre des esprits et de leurs manifestations, ou à la mystique de Goerres. En me renfermant dans mon programme, je veux raconter ce qui arriva au grand docteur du moyen âge, saint Thomas d'Aquin; il serait dur de rejeter ce grand esprit parmi les gens crédules, qui se laissent prendre à des contes de bonnes femmes. Voici ce qu'on trouve dans sa vie (V. Rolland, 7 mars,)

Lorsque saint Thomas était lecteur en théologie à l'Université de Paris, il vit un jour paraître devant lui l'âme de sa sœur, qui venait de mourir au couvent de Capoue, dont elle était abbesse; elle souffrait cruellement pour divers manquements à la vie religieuse et se recommandait à ses prières; le saint le lui promit, et tint parole; à quelque temps de là, ayant été envoyé à Rome par ses supérieurs, il vit cette chère âme lui apparaître de nouveau, mais cette fois, dans l'extérieur de la gloire; elle venait le remercier de ses suffrages qui avaient hâté sa délivrance. Familiarisé depuis longtemps avec les choses surnaturelles, le saint ne craignit pas d'entrer en conversation avec l'apparition et de lui demander ce qu'étaient devenus deux de ses frères morts auparavant : " Arnould est au Ciel, répondit l'âme, et il jouit d'un haut degré de gloire, pour avoir défendu l'Église et le Souverain Pontife contre les impies agressions de l'empereur Frédéric; quand à Ludolphe, il est encore dans le Purgatoire où il souffre beaucoup, parce que personne ne pense à prier pour lui; pour vous, cher frère, une place magnifique vous attend
214:
dans le Paradis, en récompense de tout ce que vous avez fait pour l'Église : hâtez.vous donc de mettre la dernière main aux divers travaux que vous avez entrepris, car certainement vous viendrez bientôt nous rejoindre. " L'histoire rapporte qu'en effet le grand docteur mourut peu de temps après.

Un autre jour, le même saint était en prières dans l'église de Saint-Dominique à Naples; il vit venir au devant de lui frère Romain, qui lui avait succédé à Paris dans la charge de lecteur en théologie. Le saint crut d'abord qu'il venait d'arriver de Paris, car il ignorait sa mort, il se leva donc pour s'informer de sa santé et des motifs de son voyage.- " Je ne suis plus sur la terre, lui dit le bon religieux en souriant, j'ai passé quinze jours seulement en Purgatoire; par la miséricorde de notre Dieu, je suis déjà en possession de ma couronne, et je, viens par ses ordres vous encourager dans vos travaux.) -" Suis-je en état de grâce" demanda aussitôt Thomas. -Oui, mon! frère, et je dois vous dire que vos œuvres sont très agréables à Dieu ! " Alors le théologien, rassuré sur son propre état, voulut profiter de l'occasion pour sonder quelques mystères de la science sacrée en particulier le mystère de la vision béatifique, mais il lui fut répondu par ce verset du psalmiste Sicut audiv imus sic vidimus in civitate Dei nostri, et l'apparition disparut.

Voici encore un fait très intéressant qui arriva à saint Gothard, évêque d'Hidesheim, en Hanovre. (Vide apud Bolland, vita sancti Gothard, die 4 maii.)

C'était à une des plus tristes périodes du moyen âge. Sous la main de fer des empereurs, défenseurs officiels de la sainte Église, en réalité, ses oppresseurs, le brigandage et la révolte contre l'autorité épiscopale avaient fait des progrès effrayants dans cette partie de l'Allemagne.Plus
215 :
d'immunités ecclésiastiques, plus de sécurité pour les clercs et les religieux; on pillait les terres de l’Église et on se moquait de ses censures. Le saint évêque s'était vu forcé de recourir à l'excommunication contre ces orgueilleux, mais ils n'en tinrent pas compte, et le lendemain au moment où l'évêque prenait les ornements sacrés, ils entrèrent dans l'église pour braver sa sentence. Le saint se tourna vers eux, et, avec la double majesté du caractère sacré et de sa vertu bien connue : " J'ordonne, dit-il, au nom du Saint-Esprit, en vertu de l'obéissance chrétienne, à tous ceux qui sont excommuniés de sortir du lieu saint. " Les impies se regardent en ricanant, bien décidés à ne pas bouger. Mais, ô stupeur, voilà qu'en présence de tout le peuple, les dalles se soulèvent, et un certain nombre de morts ensevelis sous le pavé du temple sortent de leur tombe, et se dirigent vers la porte de l'église. Dans cet âge de fer, l'excommunication était la seule arme qui restât à l'Église pour faire un peu respecter ses lois, on en usait donc assez largement, et ces malheureux, atteints par les censures pour des fautes secrètes probablement, avaient été enterrés dans le lieu saint parce qu'on ignorait leur état. A cette vue, le peuple se mit à jeter de grands cris, et les pécheurs publics s'enfuirent épouvantés de la leçon.

La messe finie, l'évêque accompagné du clergé se rendit à la porte de l'église, où les morts l'attendaient prosternés humblement, comme pour implorer leur pardon. L'évêque les interrogea, et ils répondirent que, malgré les censures dont ils étaient liés, ils avaient été sauvés à la mort, grâce à leur contrition; ils demandaient la levée de l'excommunication pour pouvoir participer aux suffrages des fidèles, et reposer en paix dans, la terre bénite; alors l'évêque, après les avoir loués du bon exemple qu'ils venaient de
216 :
donner, leur donna l'absolution des censures, et aussitôt. Ils se relevèrent, rentrèrent dans l'église, et sans ajouter, un seul mot, se recouchèrent dans la tombe qui se referma sur eux.

Dans ce cas, on voit les apparitions se rendre visibles à tout un peuple; ce qui exclut la possibilité d'une hallucination.

Voici encore un exemple de ces apparitions collectives il est plus récent, puisqu'on le trouve dans la vie du V. Punir, ami particulier de saint Charles Borromée, archiprêtre d'Aroua, au diocèse de Milan. Pendant que la fameuse peste, qui fit tant de victimes au diocèse de Milan, ce saint archiprêtre, non content de se multiplier pour administrer les secours de son ministère aux malheureux atteints de la contagion, n'avait pas craint de se faire fossoyeur, pour ensevelir dans la terre sainte les cadavres des défunts, la peur ayant paralysée tous les courages, et personne n'osant se charger de cette terrible besogne; or, à quelque temps de là, comme il passait le long du cimetière, à l'issue des vêpres, il s'arrêta tout à coup frappé d'une vision extraordinaire; craignant d'être le jouet d'une hallucination, il se tourna vers don Sanchez, alors gouverneur d'Arona qui l'accompagnait, et lui demanda: -" Voyez.:vous, Monsieur, le même spectacle qui se
présente à mes regards ? – " Oui reprit le Gouverneur, qui venait lui aussi de s'arrêter dans la même contemplation, je vois une procession de morts qui s'avancent vers l'église; et je vous avoue qu'avant que vous m'en eussiez parlé, j'avais peine à en croire mes yeux." - " Ce sont probablement, reprit l'archiprêtre, les récentes victimes de la peste qui nous font connaître ainsi qu'elles ont besoin de nos prières.' Aussi- tôt il fit sonner les cloches et convoquer les paroissiens
217:
pour le lendemain à un service solennel en faveur des défunts, (Vie du V. Punzoni, chap. VII.) On voit ici. deux personnages que l'élévation de leur prit met en garde contre tout péril d'illusion, et qui, frappés tous deux, en même temps, de la même vision, ne se décident à y ajouter foi qu'après avoir constaté que leu yeux sont frappés d'un même phénomène. Il n'y a pas là la plus petite place à l'hallucination, à moins qu'on suppose que deux hommes sérieux, sans aucun accord préalable, sans aucune cause extérieure, sont frappés au même instant d'un même trouble d'esprit qui leur fait voir les mêmes objets. Qu'on interroge les médecins sérieux, ils diront que l'hallucination n'agit pas ainsi, et qu’'il n'y a rien de plus mobile, de plus capricieux et de plus personnel que les
tableaux qu'elle enfante.

D'autres fois, ces apparitions laissent un témoignage sensible de leur présence, ce qui ne peut faire douter de leur réalité objective : voici ce qui arriva à sainte Brigitte à sa fille, sainte Catherine, pendant le séjour qu'elles eurent à Rome.

Catherine était un jour en prière dans l'antique basilique du prince des apôtres. Elle vit venir à elle une femme revêtue d'une robe blanche et d'un manteau noir, qui lui demanda de prier pour une de ses compatriotes défuntes, qui avait besoin qu'on s'intéressât à elle. – " Son nom ", demanda la sainte.- "C'est la princesse Gida, de Suède; femme de votre frère Charles." Catherine pria alors l'étrangère de l'accompagner chez sa mère Brigitte, pour lui annoncer cette triste nouvelle. " Je suis chargée : d'un message pour vous seule, et il ne m'est pas permis de faire d'autres visites, car je dois repartir de suite. Du reste vous n'avez pas à douter de la vérité du fait; dans quelques jours arrivera ici un autre envoyé de Suède vous
218:
apportant la couronne d'or de la princesse Gida ; elle vous l'a léguée par testament, pour s'assurer "le secours de vos prières, mais accordez-les-lui dès maintenant, car elle en a un pressant besoin"; en disant ces mots, elle s'éloigna et disparut. Catherine, de plus en plus surprise, courut après elle, mais elle ne vit, personne; elle interrogea ceux qui priaient dans l'église; aucun n'avait vu l'étrangère. De retour à la maison, elle raconta à sa mère, sainte Brigitte, ce qui lui était arrivé; celle-ci lui en souriant : "C'est votre belle.sœur Gida qui vous est apparue elle-même.
Notre Seigneur a daigné me le faire Notre Seigneur en révélation ; la chère défunte est morte dans des sentiments de piété consolants, c'est ce qui lui a valu de venir auprès de vous, implorer des prières, mais comme elle a à expier les nombreuses fautes de sa jeunesse, il faut que toutes" deux nous fassions notre possible pour la soulager, la couronne d'or qu'elle vous envoie de si loin, vous en fait une obligation plus pressante. " Quelques semaines après, un officier" de la cour du prince Charles arriva à Rome, apportant la fameuse couronne, et ce qu'il croyait bien être la première nouvelle du trépas de Gida. Mais dès ce temps-là, le bon Dieu avait son système télégraphique fonctionnant à l'usage de ses saints. La couronne, qui était fort belle, fut vendue, et le prix appliqué en bonnes œuvres pour le soulagement de l'âme de la princesse. (Vid. apud /Jolland., vita sanctœ Cath, 24 mars.)

Il faut maintenant étudier en théologien le mode de ces apparitions; il y a là plusieurs questions intéressantes, sur lesquelles les docteurs sont divisés. Comment les défunts nous apparaissent-ils ? est-ce dans
219 :
leur propre corps ou revêtent-ils pour cela un corps d’emprunt ? On peut ramener les différentes opinions des docteurs à ce sujet à cinq principales. Quelques-uns pensent que les défunts apparaissent dans leur propre chair, à qui Dieu permet de reprendre pour un moment sa forme vivante. Dans cette opinion, qui se présente la première à l'esprit, les apparitions seraient de véritables résurrections momentanées.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:00

Un plus grand nombre tient que, lorsque Dieu permet à un défunt d'apparaître, celui-ci revêt un corps d'emprunt pris dans la substance de l'air. Cette opinion, qui parait d'abord assez étrange, se trouve confirmée par une apparition dont j'ai parlé assez longuement au chapitre septième. Comme la personne favorisée de l'apparition s'étonnait du peu de ressemblance qu'elle lui trouvait avec la défunte : "Sachez, lui fut-il répondu, que ce que vous voyez ici n'est pas mon corps qui gît dans le sépulcre, et qui y restera jusqu'au jour de la résurrection générale,- mais un autre, formé miraculeusement de la substance de l'air pour pouvoir vous parler et obtenir vos suffrages. Plusieurs théologiens et médecins ont pensé qu'entre le corps et l'âme, il y a une substance intermédiaire, qui participe de l'un et de l'autre, et qu'elle est le lien qui les unit l'un à l'autre. D'après ces théologiens, ce serait ce principe vital, appelé encore périsprit, qui se manifesterait dans les apparitions.

D'autres pensent que ces apparitions n'ont aucune réalité objective, mais qu'elles se font par une impression purement subjective produite sur le sens de la personne qui croit voir, entendre, toucher ce qui n’à aucune réalité à l'extérieur. Ceci revient à dire que les apparitions sont
220 :
de simples visions intellectuelles, ce que les médecins appellent des hallucinations. Enfin un grand nombre de théologiens, surtout les scolastiques, enseignent que les apparitions des âmes se font sans la participation des défunts, souvent même à leur insu, par le ministère des bons ou des mauvais anges, agissant ainsi, bien qu'avec des vues différentes, par la permission de Dieu. Avant de dire ce qui me parait plus probable dans ces différentes opinions, je veux citer au long le cardinal Bona, qui est un maître en ces matières si difficiles. (Bona. Trait. du discernement des esprits; ch. XVIII.)

Voici d'abord ce qu'il pense de la réalité des apparitions. Il nous reste à parler des apparitions des âmes, soit des bienheureux qui règnent avec Dieu, soit des damnés, soit de ceux qui sont détenus dans le Purgatoire, dont on a tant de témoignages dans l'Écriture et tant d'histoires rapportées par de saints et très graves auteurs, et même par des païens, lesquelles sont entre les mains de tout le monde, en sorte qu'on a sujet de s'étonner qu'il se soit trouvé des hommes de bon sens qui aient osé les nier ,tout à fait, ou les attribuer à une imagination trompée. Il est certain qu'il y a des hommes qu'on ne saurait, excuser d'erreur et de témérité de ce qu'ils se moquent de toutes sortes d'apparitions comme d'autant de tromperies, d'illusions et de rêveries.
Il est vrai qu'il y a des, personnes qui croient trop facilement toutes les apparitions qu'on raconte, en les embrassant toutes sans discernement; il faut tenir pour assuré que, comme il y en a de très véritables, par lesquelles les hommes sont instruits pour leur salut et ont portés à la vertu, il y en a aussi de fausses par lesquelles
221 :
Dieu permet que quelques personnes soient trompées. Il faut donc éviter l'une et l'autre extrémité~J (Loco cita- to, chap. XIX,)

Quelles sont les personnes qui nous apparaissent ainsi ? Quelques-uns pensent, dit le docte et pieux cardinal, que les justes peuvent sortir pour un temps du lieu où ils sont, mais que les damnés ne le peuvent jamais. D'autres estiment, avec saint Thomas, que les damnés le peuvent pour corriger les vivants, et pour leur donner de la terreur, mais nous ne lisons nulle part que les âmes des enfants, qui sont morts avec le péché originel aient apparu, car ils ne peuvent recevoir de nous aucun secours, et il ne semble pas qu'il y ait aucune utilité dans leurs apparitions. Et dans un autre endroit : Les âmes des hommes qui sont hors de cette vie, lesquelles jouissent de l'éternelle félicité, ou sont tourmentées pour l'éternité dans les flammes de l'Enfer, ou sont purifiées de leurs péchés dans le Purgatoire, peuvent nous apparaître. D (Loco citato, même chap.) Le savant Cardinal, si affirmatif sur la réalité des apparitions, l'est beaucoup moins, comme on va le voir, sur le mode de ces mêmes apparitions. De savoir si les âmes apparaissent en leur propre corps ou en des corps feints et empruntés, et en cas que ce soit dans des corps empruntés, savoir si elles peuvent leur donner, par la puissance naturelle, la forme en laquelle on les voit, ou si elles ont besoin du secours des anges pour former ce corps, ou si elles apparaissent par elles-mêmes, ou si ce sont des anges qui les représentent; ce sont des questions qu'on agite problématiquement dans les écoles. D (Loco citato.)

Saint Augustin, cité à cet endroit par le cardinal Bona, incline manifestement vers l'opinion
qui attribue les appa-
222 :
ritions des âmes aux anges. Après avoir parlé de quelques apparitions de morts aux vivants, et même de vivants à d'autres vivants, après avoir raconté que lui-même, Augustin, étant à Milan, apparut ainsi, sans le savoir, à Eulogius de Carthage, pour lui expliquer un passage difficile du traité de la rhétorique de Cicéron, le grand docteur de l'Église latine, conclut en ces termes: " Pourquoi ne croirions-nous pas que ces choses sont des opérations des anges, lesquelles arrivent par la dispensation de la providence de Dieu ? puis, avec son humilité ordinaire le saint docteur déclare que pour lui il ignore comment. les choses se passent. " Cela, dit-il est trop haut pour que je puisse y atteindre." (Saint Augustin, de cura pro mortuis. )

Sur quoi le pieux cardinal conclut avec la même humilité et simplicité : " Si saint Augustin a ignoré ces choses, qui suis-je pour me promettre d'en avoir la connaissance ? " (Loco citato.)

Après cela, il pourra paraître bien impertinent et bien présomptueux d'avoir une opinion, quand ces grands et saints personnages refusent de prononcer; mais comme, une question étant posée, il est impossible d'empêcher l'esprit de l'homme de se porter d'un côté ou de l'autre, je dirai simplement ce qui me parait le plus probable à ce sujet. Je crois, en étudiant les nombreuses révélations faites à de saints personnages, et que j'ai sous les yeux. qu'il y a du vrai dans chacune des cinq opinions exposées plus haut, en sorte que le seul tort des opinions exposées serait d'être exclusives, et de vouloir limiter la toute-puissance de Dieu entre les bornes toujours étroites de nos propres conceptions. ! Ainsi, pour la première opinion, qui tient que les morts
223 :
apparaissent dans leur chair momentanément ressuscités, cela est évident dans certains cas : par exemple dans le cas de l'apparition de Pierre Milès à saint Stanislas de Cracovie, d’ont j'ai parlé au chapitre huitième, ou encore dans le cas, des excommuniés d'Hildesheim, dont j'ai fait mention précédemment. Là, pas de doute; les morts sortent véritablement de leur tombe; on voit leur corps décharné se ranimer, reprendre sa forme, et l'apparition finie, se recoucher dans son sépulcre. Il s'agit bien d'une apparition du défunt dans sa propre chair; mais comme ces cas sont fort rares, et qu'il ne faut pas inutilement multiplier 1es miracles, je crois, qu'à moins d'indications spéciales, il ne faut pas recourir à l'hypothèse d'une résurrection momentanée pour expliquer les apparitions des défunts.

La seconde opinion, qui enseigne que les défunts apparaissent dans un corps d'emprunt formé de la substance de l'air; me parait la plus vraie en pratique, en ce sens que la très
grande majorité des apparitions se font, je le crois du moins, de cette manière.

La troisième opinion, qui les fait apparaître à l'aide d'une substance intermédiaire entre le corps et l'âme, me sourirait encore plus, si l'existence de ce périsprit ou principe vital était parfaitement
démontrée; mais comme nous sommes en présence d'une hypothèse assez nouvelle, et que la science n'a pu encore constater, je m'abstiens de prononcer.

La quatrième opinion, qui réduit toutes les apparitions à simples visions intellectuelles, me parait fausse, en ce sens surtout qu'elle est exclusive. Tous les théologiens distinguent les visions et apparitions en trois classes : les corporelles, les imaginaires et les intellectuelles. Il est certain que les morts peuvent se manifester des deux der-
224 :
nières manières, ce qui revient à la quatrième opinion, mais est-il démontré qu'ils ne peuvent apparaître corporellement ? surtout, quand l'apparition se fait voir à plusieurs personnes à la fois, quand elle laisse un témoignage extérieur de sa présence. Il faut bien avouer alors que l'apparition ne s'adresse pas seulement à l'intelligence, mais aux sens, par l'intermédiaire d'un corps.

La cinquième opinion qui fait apparaître les défunts par l'intermédiaire des anges, a pour elle le grand nom de saint Augustin, qui pourtant, on l'a vu, a évité de se prononcer, et la grande majorité des théologiens scolastiques. J'avoue néanmoins que j'éprouve la plus grande répugnance à admettre que ce soit le mode ordinaire par lequel les âmes se mettent en rapport avec nous.
Il y a là une espèce de mensonge en action qui me répugne. Pourquoi apparaître sous des noms et sous des formes d'emprunt pour solliciter nos prières, nous décrire, comme les éprouvant eux-mêmes, les peines qu'endurent leurs clients. Ne serait-il pas beaucoup plus simple de faire apparaître les intéressés eux-mêmes, puisque, dans ce cas comme dans l'autre, le miracle est le même.

Je ne veux pas dire que jamais les anges n'ont apparu sous le nom des défunts, mais je crois que ces illusions doivent être réservées à la malice des mauvais anges. Il n'est que trop bien constaté, en effet, que souvent les démons apparaissent sous la forme d'une âme, du Purgatoire, afin de tromper les hommes.

Voici ce que dit encore à ce sujet le cardinal Bona :

" Entre une infinité de tromperies par lesquelles cet artificieux ennemi s'efforce de surprendre ceux qui ne sont pas sur leurs gardes, il ne faut pas oublier celle par laquelle il appara1t quelquefois sous la forme d'une per-
225 :
sonne qui n'est plus au monde, et qui est morte dans le Il péché. Ils font demander pour cette personne des aumônes, des prières, des jeûnes, des pèlerinages, des messes et d'autres bonnes œuvres, comme si elle était dans un état de salut, afin que ceux qui sont dans le péché s’y, conforment encore davantage, étant trompés par la vaine espérance que leur donnent ces illusions. Mais, ajoute le savant cardinal, il est facile de se garantir de ces illusions, car les prières que demandent ces fausses apparitions sont ordinairement déterminées à un certain nombre, et jointes à de certaines observances vaines, ambiguës et superstitieuses; le tout est accompagné de menace et de terreur, ce qui fait suffisamment reconnaître l'esprit d'ou cela vient. " (Loco citato.)

C'est donc avec raison, que les saintes Écritures et les lois de l'Église prohibent sévèrement l'évocation des morts; d'abord, parce qu'il n'est pas permis de les troubler sans raison de leur
repos, et ensuite, parce qu’en provoquant ainsi leur apparition, on s'expose à tomber dans les pièges du démon. En effet, les morts sont entrés dans l'éternel repos; ni les saints du Ciel, ni les âmes du Purgatoire, ni les réprouvés' ne peuvent, sans la permission de Dieu, répondre à notre appel, et se mettre en communication avec nous.
Or, il n'est pas probable que Dieu suspende les lois générales de sa Providence, pour satisfaire nos caprices; mais le démon est toujours là, pour exploiter cette curiosité malsaine, qui nous pousse à soulever le voile derrière lequel se cachent les réalités de l'avenir. 11 ne doit donc être permis qu'aux saints, éclairés d'une inspiration spéciale, de se mettre en communication avec les défunts et
de solliciter ainsi un miracle; quant aux pauvres pécheurs comme nous, ce serait ten-
226:
-ter Dieu et s'exposer infailliblement à être trompés. On voit par là ce qu'il faut penser du spiritisme, qui repose tout entier sur l'évocation des morts. Un homme, sans aucune délégation divine,
se proclame medium, c'est- dire intermédiaire entre ce monde et l'autre. A sa voix, on entend répondre les plus grands noms de l'histoire et de l'Église, Socrate, Platon, saint Paul, saint Augustin, saint Thomas d'Aquin, saint Louis, Luther. Calvin, Voltaire, Lamennais et le Père Lacordaire défilent pêle-mêle et viennent déposer contre les convictions de leur vie tout entière. Les malheureux n'ont pas reculé devant le nom du Sauveur Jésus. Le divin Rédempteur est venu à leurs voix déposer contre l'Évangile, et annoncer au monde que sa loi sainte allait recevoir son complément sous la direction de ces nouveaux apôtres.
L'ensemble de ces réponses à travers bien des incohérences et des contradictions, trahit une pensée commune, c'est que l'Église du Christ a fait son temps, et que l'Église spirite va prendre sa place désormais dans la direction des âmes; plus d'enfer, mais un progrès continu vers le bien, à travers des milliers de réincarnations successives; plus de célibat ecclésiastique, plus de confessions, plus de jeûnes, de mortifications, une morale facile, la morale de l'honnête comme, dépourvue de sanction; voilà des traits à quoi l'on peut reconnaître l'inspiration commune qui dicte ces différentes réponses, et qui n'est autre que celle du père du mensonge, juste châtiment de ceux qui, par une curiosité présomptueuse, et sans aucune des préparations nécessaires, ont voulu se mettre en communication directe avec les habitants de l'autre monde.

Il faut donc nous éloigner avec horreur de ces pratiques démoniaques, que l'on est surpris de voir renaître dans notre siècle matérialiste et incrédule. Dans les premiers
227 :
temps de l'Église, aux jours de sa primitive ferveur, plus tard, au moyen âge, à cette époque de foi vive, où les âmes étaient toutes préparées à ces communications surnaturelles, on a pu se montrer plus large, Nous voyons les saints, les grands thaumaturges de ces époques, en communication fréquente avec l'autre monde, et quand ces communications se font attendre, ils ne craignent pas de les provoquer. Dans le silence du cloître, deux âmes qui s'étaient aimées, faisaient souvent le pacte que le premier qui mourrait apparaîtrait à son ami resté sur la terre, pour lui apprendre son sort en l'autre monde; j’ai cité plusieurs de ces faits touchants, et nous avons vu que Dieu se plaisait à ratifier ces promesses de l'amitié chrétienne; mais ces appels à la tombe, ces communications surnaturelles, désirées et provoquées, supposent un état qui n'existe plus, une pureté, une vivacité de foi que nos tristes jours ne connaissent guère.
Déjà au dix-septième siècle, le cardinal Bona blâmait sévèrement ces sortes de conventions, et les raisons de s'en abstenir sont plus fortes encore à notre époque.

Néanmoins, comme le bras de Dieu n'est pas raccourci, et qu'il peut toujours permettre ces manifestations surnaturelles, ainsi que le prouvent des faits récents et incontestables; comme d'autre part, vu l'imperfection de notre foi et notre peu d’habitude du surnaturel, le danger des illusions diaboliques devient plus grand que jamais, il ne sera pas inutile d'indiquer, en terminant ce chapitre, à quelles règles on peut distinguer les apparitions d'avec les illusions diaboliques.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:01

Première règle, - Toute apparition désirée ou provoquée est suspecte,

Deuxième règle, - Si le défunt apparaît sous une forme noire, difforme, mutilée, c'est une preuve que c'est un
228 :
mauvais esprit, à plus forte raison s'il apparaît sous la forme d'un animal, excepté pourtant la colombe et l'agneau, dont le démon ne prend jamais la figure.

Troisième règle. - Si l'apparition fait voir un visage morne, courroucé, si elle s'exprime d'une, voix tremblante, enrouée, confuse, croyez certainement que vous avez affaire au démon.

Quatrième règle. - Si l'apparition agit d'une manière désordonnée, si elle révèle des choses cachées qu'il serait expédient de taire, si elle enseigne quoi que ce soit contre la foi catholique, si elle blasphème, si elle a horreur des choses saintes, l'eau bénite, le crucifix, etc., il est prouvé qu'on a affaire au démon ou à un réprouvé.

Cinquième règle. - Les exhortations à la vertu, les bons conseils, les corrections faites aux pécheurs ne sont pas toujours la marque d'un bon esprit; le démon ayant coutume de persuader un moindre bien, pour en empêcher un plus grand.

Sixième règle. - Les âmes du Purgatoire apparaissent ordinairement pour solliciter nos prières ou recommander quelques restitutions; cela fait, elles ne reviennent plus, si ce n'est pour remercier, si donc l'apparition continue et devient importune et menaçante, c'est la marque d'un mauvais esprit.

Septième règle. - N'acceptez qu'avec défiance, les services d'une âme du Purgatoire, qui vient se mettre à votre disposition, et habiter dans votre maison pour un certain temps.

Huitième règle. - Tous les théologiens mystiques enseignent que les bonnes apparitions jettent d'abord dans un certain trouble, qui fait place à la joie et à l'onction divine, laquelle, se répandant dans l'âme, augmente, son humilité, sa charité et excite en elle le désir de la perfec-
229:
-tion ; c'est le contraire dans les apparitions diaboliques, elles commencent par un sentiment de joie, de vaine complaisance; pour amener bientôt l'inquiétude, la tristesse, la vaine gloire; l'âme, après ces sortes de communications, se retrouve sans onction, comme une terre desséchée et frappée de la foudre; ou si elle conçoit quelque projet, ce n'est que présomption, esprit de désobéissance et d'orgueil, et le tout aboutit à la confusion.

Neuvième règle, - Qui à elle seule peut tenir lieu de toutes les autres. Ayez un bon directeur; exposez-lui tout, sans exagération et sans réticences" et tenez-vous-en simplement à sa décision. Toutes ces règles sont extraites du cardinal Bona et dès différents auteurs mystiques qui ont traité ces questions délicates.
fin page 229.

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:02

Chapitre 13 La protection des âmes du Purgatoire p.230 - 245

La reconnaissance, vertu du Purgatoire, proportionnée à la sainteté de ces âmes et à la grandeur du don qui leur est fait. – Les âmes du Purgatoire nous protègent dès maintenant; à plus forte raison quand elles sont entrées au ciel. – Exemples de protection dans l’ordre temporal, dans l’ordre spirituel. – Assistance à la mort.

230 :
La reconnaissance est la vertu des nobles âmes. – Pendant que les méchants cherchent tous les moyens d’en alléger le fardeau, les âmes généreuses ne sont jamais plus fières que lorsqu’elles ont pu témoigner à leurs bienfaiteurs qu’elles étaient dignes de leurs dons. Or les âmes du Purgatoire sont des âmes saintes, des prédestinés, de futures citoyens du ciel. Quelles qu’aient été leurs dispositions aux jours de leur vie mortelle, leur Coeur s’est agrandi aux révélations de l’éternité. Ces saints ne sauraient être ingrates, parce qu’ils ont laissé à tout jamais derrière eux les bassesses de leur vie mondaine. Nous n’avons donc pas à craindre qu’ils n’oublient jamais leurs bienfaiteurs.

Il faut se rappeler aussi que, d’après les règles élémentaires de la justice, la reconnaissance se mesure à la grandeur du don, et au besoin plus ou moins grand que l’on en a; or, ici, il s’agit d’un bien infini; il s’agit de donner Dieu à ces âmes qui ont faim et soif de Lui, et nous, pauvres et misérables habitants de la terre, ce bien sans limite, ce don inestimable, dont nous ne pouvons, pendant les jours de notre pèlerinage nous assurer la possession à
231:
nous mêmes, il est entre nos mains, et nous pouvons en disposer en faveur des âmes du Purgatoire; avec une prière, une aumône, une légère mortification, nous pouvons les mettre en possession de Dieu! Ah ! celui qui sait ce que c’est que Dieu, celui qui a médité, aux clartés de l’amour, les mystères de l’infini, celui-là seul peut comprendre la grandeur du don de Dieu que nous faisons à ces âmes. L’entrée du ciel, la vision béatifique, les joies de l’éternité bienheureuse, tous ces trésors qui sont des grâces absolument gratuites, qu’aucune oeuvre des saints n’a jamais pu mériter de condigno, voilà le cadeau inestimable que nos bonnes oeuvres font aux âmes du Purgatoire; à la grandeur du don, à la faim surnaturelle que ces âmes en ont, vous pouvez mesurer le degré de leur reconnaissance.

Mais cette reconnaissance n’est pas stérile; elle n’est pas réservée aux jours, peut-être encore lointains, où ces âmes seront en possession définitive de la gloire.

J’ai prouvé ailleurs que les âmes du Purgatoire, dès maintenant, connaissent leurs bienfaiteurs et prient pour eux; je n’y reviendrai pas. Aussi bien, mieux vaut que les meilleurs arguments de l’école, comment les âmes du Purgatoire s’intéressent à leurs bienfaiteurs de la terre.

Nous lisons dans les révélations de sainte Brigitte (liv. IV, Ch. VII), qu’un jour, elle entendit la voix d’un ange qui, descendu en ce lieu d’expiation pour consoler ces âmes, répétait ces paroles: "Béni soit celui qui, vivant encore sur la terre, aide les âmes du Purgatoire de ses oraisons et de ses bonnes oeuvres! car la justice de Dieu exige nécessairement que les âmes soient purifiées par le feu, à moins qu’elles ne soient délivrées par les bonnes oeuvres de leurs amis."
232:
En même temps, des profondeurs de l’abîme, la sainte entendit un choeur de voix suppliantes qui disaient: "O Christ, très juste juge, au nom de votre miséricorde infinie, n’ayez pas égard à nos fautes, qui sont sans nombre, mais aux mérites de votre très précieuse passion."

"Mettez au Coeur des ecclésiastiques et des religieux, des prélats et des simples prêtres, un sentiment de vraie charité, afin que, par leurs prières, leurs mortifications, leurs aumônes et les indulgences qu’ils peuvent nous appliquer, ils nous secourent dans notre triste situation."

"Il dépend d’eux de nous soulager et d’abréger nos tourments en nous faisant admettre plus tôt auprès de vous, ô Dieu très juste et très bon."

"Et d’autres voix répondaient à ces touchantes supplications, en disant: "Grâces, et mille fois grâces, à ceux qui nous soulagent dans notre malheur; ô Seigneur, que votre puissance infinie rende au centuple à nos bienfaiteurs le bien qu’ils nous font, en intercédant pour nous et en nous amenant au séjour de votre douce et très divine lumière."

J’ai parlé ailleurs de la V. Mère Françoise du Saint-Sacrement et des nombreuses visites qu’elle recevait des âmes du Purgatoire qui venaient implorer ses suffrages. Mais ce qu’il faut bien que l’on sache, parce que cela revient à notre sujet, c’est que bien souvent ces saintes âmes lui apparaissaient pour lui témoigner leurs reconnaissance et l’assurer de leur protection. Elles la prévenaient des pièges de Satan, des tentations qu’il lui préparait, des illusions par lesquelles il cherchait à la faire tomber. Elles lui apprenaient à déjouer les unes et à triompher des autres, par le moyen des sacrements et de la prière; et l’auteur de sa vie ne fait pas difficulté d’avouer que c’est à ces avis surnaturels qu’elle dut de triompher

233:
toujours des artifices de l’ennemi. (Vie de la Mère Françoise du Saint-Sacrement, liv. II.)

On a vu d’ailleurs dans un grand nombre d’apparitions citées précédemment que, Presque toujours, les âmes du Purgatoire aussitôt délivrées s’empressent d’apparaître à leurs bienfaiteurs, pour les remercier; mais il faut maintenant entrer dans le détail, et voir, à la lumière des faits, comment les âmes du Purgatoire nous protègent, soit dans l’ordre temporél, soit dans l’ordre spirituel. Les exemples de protection surnaturelle surabondent, mais comme il faut se borner, j’en choisis trois ou quatre parmi ceux qui m’ont paru le plus incontestablement prouvés.

En 1949 vivait à Cologne, un célèbre libraire, nommé Guillaume Freyssen, c’est lui-même qui, dans une lettre adressée au Père du Munford, jésuite anglais, don’t j’ai cité plusieurs passages, va nous apprendre l’assistance miraculeuse qu’il reçut de ces saintes âmes à deux reprises différentes.

"Je vous écris, mon révérend Père, pour vous faire part de la double et miraculeuse guérison de mon fils et de ma femme. Pendant les jours de fête où ma maison était fermée, je me suis mis à lire le livre don’t vous m’avez confié l’impression: De la Miséricorde à exercer envers les âmes du Purgatoire. J’étais tout pénétré encore de cette lecture, quand on vint m’avertir que mon petit garçon, âgé de quatre ans, éprouvait les premières atteintes d’une maladie singulière qui s’aggrava rapidement et mit ses jours en danger. La pensée me vint que je pourrais peut-être le sauver en faisant un voeu en faveur des âmes du Purgatoire."

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:02

"Je me rendis de bon matin à l’église, et je suppliai le bon Dieu de m’exaucer, m’engageant par voeu à distribuer gratuitement cent exemplaires de votre livre aux ecclésias-

234:
tiques et aux religieux, afin de leur rappeler avec quel zèle ils doivent s’intéresser aux membres de l’Église souffrante, et quelles sont les meilleures pratiques pour s’acquitter de ce devoir.

"Je me sentis le coeur plein d’espérance; de retour à la maison mon fils était déjà mieux; lui qui, depuis plusieurs jours, ne pouvait avaler une seule goutte de liquide demandait de la nourriture. Le lendemain, la guérison était complete; il se leva, sortit et se promena, puis mangea d’aussi bon appétit que s’il n’avait jamais été malade. Pénétré de reconnaissance, je n’eu rien de plus pressé que d’accomplir ma promesse; j’allais au collège de la Compagnie, je priai vos Pères d’accepter mes cent exemplaires, en gardant pour eux ce qu’il voudraient, et distribuant les autres aux religieux et aux ecclésiastiques de leur connaissance, afin que les âmes du Purgatoire, mes chères bienfaitrices, fussent soulagées par de nombreux souffrages.

"Trois semaines après, un autre accident non moins grave m’arriva. Ma femme, en rentrant chez elle, fut prise, tout à coup, d’un tremblement dans tous les membres qui la renversait à terre et lui ôtait tout sentiment.

"Elle perdit bientôt l’appétit, et jusqu’à l’usage de la parole. Je lui fis administrer, mais en vain, tous les remèdes possibles. Son confesseur, la voyant en cet état, essayait de me consoler, et m’exhortait paternellement à me soumettre à la volonté de Dieu. Pour moi, après l’expérience que j’avais faite de la protection des bonnes âmes du Purgatoire, je me refusais à désespérer. Je retournai donc à la même église; prosterné devant l’autel du Saint-Sacrement, je renouvelai mes supplications avec toute l’ardeur dont je suis capable: -- Ô mon Dieu, m’ecriai-je, votre miséricorde est sans mesure, au nom de cette bonté

235:
infinie, ne permettez pas que la guérison de mon fils soit payee, hélas! par la mort de ma femme. Je fis voeu alors de distribuer deux cents exemplaires de votre livre, afin d’obtenir pour les âmes souffrantes un plus grand nombre de suffrages. En même temps je suppliai celles qui avaient été délivrées précédemment d’unir leurs prières à celles des autres encore retenues en Purgatoire.

" Je m’en retournais à la maison; quand je vis accourir mes domestiques au-devant de moi. Ils venaient m’annoncer que ma chère malade éprouvait un soulagement notable; le délire avait cessé, la parole était revenue, je courus m’en assurer; tout était vrai; je lui offer des aliments, elle les prend avec appêtit; au bout de quelques heures, elle était si complètement remise qu’elle venait avec moi à l’église remercier le bon Dieu, ce père si miséricordieux à ceux qui le servent. Vous pensez si je fus exact à porter au college les exemplaires promis, et non seulement chez vos pères, mais au couvent des dominicains et chez d’autres différents orders que je priai instamment de s’ùnir tous pour la délivrance des âmes du Purgatoire.

" Votre Révérence peut ajouter une foi entière à ce récit. Je la prie de m’aider à remercier Notre-Segineur de ce double miracle." Cette letter est citée tout au long dans l’ouvrage du Père Hautin (Puteus defunctorum, liv. I, ch. V, art. 9.)

Le trait suivant, qui m’a paru singulièrement touchant est emprunté à l’abbé Postel, traducteur de Rossignoli; je le cite, bien qu’il soit tout à fait moderne, sur la foi de et auteur estimé. (Merveilles du Purgatoire, LIº merveille.)

Ce trait paraît être arrive à Paris en 1817.

Une pauvre servante, élevée chrétiennement dans son village, avait adopté la sainte pratique de faire dire
236
Chaque mois, sur ses modiques épargnes, une messe pour les âmes souffrantes.

Amenée avec ses maîtres à Paris, elle n’y manqua pas une seule fois; se faisant d’ailleurs une loi d’assister elle-même au divin sacrifice, et d’unir ses prières à celles du prêtre, spécialement en faveur de l’âme dont l’expiation n’avait plus besoin que de quelque chose pour être achevée; c’était sa demande ordinaire. Dieu l’éprouva bientôt par une longue maladie, qui non seulement la fit cruellement souffrir, mais lui fit également perdre sa place, et épuiser ses dernières ressources. Le jour où elle put sortir de l’hospice, il ne lui restait plus que vingt sous pour tout argent. Après avoir fait au Ciel une prière pleine de confiance, elle se mit en quête d’une condition; on lui avait parlé d’un bureau de placement, à l’autre bout de la ville. Elle s’y rendait, lorsque l’église Sainte-Eustache se trouvant sur sa route, y entra. La vue d’un prêtre à l’autel lui rappela qu’elle avait manqué ce mois-là, à sa messe ordinaire des défunts, et que ce jour était précisément celui où depuis des années elle s’était procuré cette consolation. Mais comment faire ? Si elle dessaisit de son dernier franc, il ne lui restera pas même de quoi apaiser sa faim. Ce fut un combat entre sa dévotion et la prudence humaine. La dévotion l’emporta: " après tout, se dit-elle, le bon Dieu voit bien que c’est pour lui; il ne saurait m’abandonner. "

Elle entre à la sacristie, remet son offrande, puis assiste avec sa ferveur accoutumée à cette messe.

Elle continuait sa route quelques instants après, pleine d’une inquiétude que l’on comprend; dénuée de tout que faire si un emploi lui manque ? Elle était dans ses pensées , quand un jeune homme pâle, d’une taille élancée, d’un air distingué, s’approche d’elle et lui dit: " vous cherchez une place ? "

" oui, Monsieur "
237

" Eh bien, allez à telle rue, tel numéro chez madame…; je crois que vous lui conviendrez et que vous serez bien là! " Et il disparaît dans la foule des passants, sans attendre les remerciements de la pauvre fille.

Elle se fait indiquer la rue, arrive au numéro, et monte à l’appartement qu’on lui désigne. Sur le palier, une domestique en sortait, un paquet sous le bras et murmurant des paroles de plainte et de colère. " Madame y-est-elle ? " demande la nouvelle venue . " Peut être oui, peut être non , répond l’autre; que m’importe ?Madame ouvrira elle même si cela lui convient; je n’ai plus à m’en mêler, adieu! "

Et elle descend, et notre pauvre fille sonne en tremblant, et une voix douce lui dit d’entrer. Elle se trouve en face d’une dame âgée, d’un aspect vénérable qui l’encourage à exposer sa demande.

" Madame, dit la servante, j’ai appris que vous aviez besoin d’une femme de chambre, et je viens m’offrir à vous ; on m’a assuré que vous m’accueilleriez avec bonté. "

" Mais ma chère enfant, ce que vous dites là est bien extraordinaire. Ce matin, je n’avais absolument besoin de personne. Depuis une demi-heure seulement, j’ai chassé une insolente domestique, et il n’est personne au monde, hormis elle et moi, qui le sache encore! Qui donc vous envoie ?" " c’est un Monsieur que j’ai rencontré dans la rue, qui m’a arrêtée pour cela, et j’en bénis Dieu car il faut absolument que je sois placée aujourd’hui, il ne me reste pas un sou! "

La vielle dame ne pouvait comprendre qui était ce personnage et se perdait en conjectures, lorsque la servante, levant les yeux au-dessus d’un meuble du petit salon, aperçut un portrait. " Tenez Madame, dit-elle aussitôt, ne cherchez pas plus longtemps, voilà exactement la figure du jeune homme qui m’a parlé, c’est de sa part que je viens! "
238

A ces mots, la dame pousse un grand cri, et semble prête à perdre connaissance. Elle se fait redire toute cette histoire, celle de la dévotion aux âmes du Purgatoire, de la messe du matin, de la rencontre de l’étranger, puis se jetant au cou de la pauvre fille, elle l’embrasse avec effusion. " vous ne serez point ma servante. Dès cet instant, je vous regarde comme mon enfant. C’est mon fils, mon fils unique que vous avez vu, mon fils mort depuis deux ans qui vous a dû sa délivrance, je n’en puis douter , et à qui Dieu a permis de vous envoyer ici. Soyez donc bénie, et désormais nous prierons ensemble pour tous ceux qui souffrent avant d’entrer dans la bienheureuse éternité. "

Voici maintenant ce qui arriva au Père Magnanti de l’Oratoire, un des plus fidèles disciples de saint Philippe de Néri, et comme lui saintement passionné pour le soulagement des défunts.

Les âmes qu’il soulageait par ses prières n’étaient pas ingrates. Elles lui obtinrent bien des grâces signalées et des dons extraordinaires , entre autres de connaître les choses éloignées, de découvrir les fautes cachées , de déjouer les pièges de Satan, et d’autres privilèges surnaturels du même genre. C’est lui-même qui attribuait aux âmes du purgatoire ces faveurs célestes, mais comme on pourrait soupçonner ce témoignage de pure illusion, j etrouve dans sa vie le récit d’un péril ostensible, dont il fut tiré par ses chères âmes comme il les appelait.

Il revenait de Lorette, et arrivé à Nocera, près d’une église dédiée à la mère de Dieu, il voulut s’y arrêter pour célébrer le saint-sacrifice.

Or, en sortant de là, les pèlerins avaient à traverser un lieu très dangereux, où plusieurs assassinats s’étaient commis quelques jours auparavant . On se met gaiement en route sous la protection de la Bonne Mère, et voilà nos
239


Pauvres pèlerins qui tombent entre les mains des brigands, ceux-ci les chargent de liens, les attachent solidement aux arbres de la forêt, et s’apprêtent à leur faire un mauvais parti; mais voilà que tout à coup, en haut de la montagne qui domine la route, apparaissent deux enfants inconnus qui se mettent à pousser de grands cris, comme pour appeler tout le pays à la délivrance des prisonniers. Les brigands étaient une douzaine; sans s’intimider, ils déchargent leurs armes sur les deux enfants, mais eux continuent de crier plus fort, en s’avançant au secours des pèlerins, ce que voyant, les bandits prirent peur et s’enfuirent à la hâte. Les deux enfants s’approchent des captifs, les délient et disparaissent aussitôt. Les compagnons du Père Magnanti étaient dans la stupéfaction, mais lui sans s’étonner : " nous devons notre délivrance dit-il, à deux âmes du purgatoire, et Dieu leur a permis de prendre cette forme enfantine pour nous rappeler cette parole du Divin Maître, si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:02

On raconte un trait à peu près semblable au Père Monaci, religieux de l’ordre des clercs Mineurs, très affectionné lui aussi à la délivrance des âmes du Purgatoire.

Une nuit, il traversait seul une plaine déserte, et selon sa pieuse habitude , il utilisait le temps de sa marche pour réciter le chapelet pour les défunts; or, il y avait sur la route deux de ces bandits italiens, gens de sac et de corde, habitués depuis longtemps à faire peu de cas de la vie de leurs semblables.

En voyant venir de loin le bon Père, seul et désarmé, ils se mettent en embuscade, bien décidés à le dépouiller, et même à le tuer s’il tente de leur résister; mais voilà qu’ils entendent tout à coup le son d’une trompette guerrière,
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Tout étonnés, ils regardent. Devant le Père, marchait un soldat qui jouait de la trompette, et de chaque côté, marchaient une troupe de soldats armés de pied en cape, lui faisaient escorte. Aussitôt, les brigands s’échappent au plus vite, s’imaginant avoir affaire à quelque officier envoyé à leur poursuite.

Cependant, le bon religieux ainsi escorté continuait sa route en récitant dévotement son chapelet, comme un homme qui ne se doute de rien. Arrivé à l’hôtellerie, il s’arrête et demande à souper. Pendant ce temps, nos deux bandits s’étaient rapprochés des maisons; ils s’informent où sont passées les troupes qu’ils ont rencontrées sur la route.

" Quelles troupes ? Nous n’avons vu personne! Le seul étranger qui vient d‘arriver est un pauvre religieux, qui certes n‘a rien de belliqueux dans son air. " Intrigués au plus haut point, nos hommes entrent dans l’hôtellerie, ils s’approchent du Père, lient conversation avec lui, et finissent par lui demander ce qu’est devenue son escorte.

" Mon escorte, répond le Père; je ne sais pas de quoi vous voulez parler, je suis venu seul. "

" Eh bien mon Père, vous pouvez rendre grâce à Dieu, car il a fait un miracle en votre faveur. Vous aviez autour de vous une forte escorte, et elle vous a sauvé de nos mains, car nous vous l’avouons avec quelque honte, nous nous étions apostés sur la route dans l’intention de vous dépouiller, et même de vous tuer en cas de résistance. Nous n’en sommes pas en effet à reculer devant un meurtre. "

Le bon Père, un peu effrayé, leur raconta alors qu’à ce moment même il récitait son chapelet pour les âmes du purgatoire, et que probablement ce sont elles que Dieu a envoyées à son secours. Les deux brigands furent si touchés de ce miracle, qu’avec cette facilité de foi qui est le caractère propre des italiens, ils demandèrent aussitôt à
241

Se confesser et devinrent à leur tour de zélés propagateurs de la dévotion aux âmes du purgatoire.

Si les âmes du purgatoire sont si empressés à nous secourir dans nos besoins temporels, on peut en conclure avec quel pieux empressement elles nous protègent dans l’ordre spirituel. Car, à la différence de la plupart qui vivent sur la terre, elles savent combien les biens spirituels l’emportent sur les autres. Malheureusement, les nécessités de l’âme sont moins visibles que celles du corps; il en résulte que bien des assistances surnaturelles passent inaperçues à nos regards inattentifs, mais on ne peut douter que bien des saintes inspirations, bien des grâces de salut ne nous soient accordées à la prière de ces âmes.

Voici l’heure de la tentation, heure terrible, heure décisive peut-être; si cette âme succombe, Dieu va s’éloigner d’elle; cette chute sera le premier anneau de la chaîne de fautes qui doit la lier un jour aux brasiers éternels de l’enfer. Cependant, la pauvre âme hésite fascinée par la vue des plaisirs promis.

Le Ciel et la terre sont attentifs; le divin Sauveur Jésus jette sur cette âme un regard attristé, et il me semble entre sortir de ses lèvres ce reproche si tendre qu’il adressait autrefois aux siens : et toi aussi, veux-tu me quitter ? Dans les profondeurs de l’abîme, Satan tressaille de joie; qui va l’emporter de la vie ou de la mort ? Et quel drame que celui de la tentation , où de si grands intérêts sont en jeu, et qui se renouvelle des milliers de fois chaque heure!

Mais voici que la lutte est finie, et c’est le bien qui l’a emporté; cette pauvre âme a reculé au bord du précipice; elle est sauvée pour cette fois, et sa victoire va devenir pour elle le point de départ d’une série de grâces, qui
242

Assureront sa couronne. Cependant, que s’est-il passé au moment où la malheureuse hésitait entre le bien et le mal ? Regardez dans le Purgatoire. Entendez-vous cette humble prière de l’âme souffrante qui monte des profondeurs de l’abîme ? De profundis clamavi ad te Domine! C’est là ce qui a fait descendre du Ciel une surabondance de grâces et amené la victoire. Oh, qui nous dira les mystères de la communion des saints ! Comme le dit quelque part le comte de Maistre, quel superbe tableau que celui de cette immense cité des esprits, avec ses trois ordres toujours en rapport, où le monde qui combat présente une main au monde qui souffre, et saisit de l’autre celle du monde qui triomphe. L’éternité seule nous dira ces mystères du salut des âmes, et les siècles sans fin ne seront pas trop longs pour admirer l’action que les âmes exercent les unes sur les autres, au moyen de la communion des saints.

C’est surtout à l’heure de la mort, à cette heure où la lutte est la plus acharnée, parc que l’issue en est décisive que les âmes du purgatoire viennent au secours de leurs bienfaiteurs. J’ai rapporté ailleurs un trait que cite Baronius à ce sujet. En voici un second encore plus frappant à cause des circonstances extérieures qui l’entourent, et que j’emprunte à Ségala. (Triumphus animarum, II° partie, chap. XXII n°1)

La scène se passe en Bretagne. Un bon chrétien qui joignait à ses autres vertus une grande charité envers les pauvres défunts, était à l’extrémité. On appela le Recteur pour lui donner le saint Viatique, mais celui-ci se trouvant fatigué envoya le vicaire à sa place.

Après lui avoir administré tous les secours que la sainte Eglise, cette bonne mère, réserve à ses enfants pour la dernière heure, le prêtre s’en revenait à la maison , mais
243
En arrivant au cimetière situé près de la cure, autour de l’église, il se sent arrêté par une force invisible qui l’empêche de faire un pas. Effrayé, il regarde, la vision d’Ezéchiel était sous ses yeux. L’église qu’il avait fermée soigneusement était grande ouverte, les cierges brillaient au fond du sanctuaire, et il entendit une voix, partie de l’autel qui disait : " ossements arides, écoutez la parole du Seigneur, morts levez-vous et venez prier pour votre bienfaiteur qui vient de mourir ". En même temps, il se fit un grand fracas; les ossements s’agitaient au fond des tombes, se choquaient les uns contre les autres avec un bruit lugubre. Bientôt, la vision du prophète s’accomplit à la lettre : les morts sortirent des tombeaux, se rangèrent processionnellement dans le chœur, et, s’étant assis dans les stalles, commencèrent à chanter d’une voix triste l’office des défunts. Quand tout fut fini, les morts retournèrent dans leurs tombes, les cierges de l’autel s’éteignirent, et tout rentra dans le silence.

Le vicaire, encore tout épouvanté, rentre à sa maison, et raconte à son curé ce qu’il avait vu. Celui-ci refusait d’y croire, attribuant le tout à l’effet d’une imagination frappée. " Au moins, disait-il, il faudrait s’assurer d’abord que votre homme est mort, ce qui n’est pas probable ". Comme il achevait ces mots, on vint lui apporter la nouvelle du décès.

Le vicaire fut si frappé de cette vision qu’il entra au monastère de Saint-Martin de Tours, dont plus tard, il fut élu prieur. C’est lui-même qui fit connaître les détails de cette prodigieuse histoire.

On lit dans la vie de plusieurs saints, que les âmes du purgatoire, délivrées par eux, sont venus les chercher sur leur lit de mort pour les conduire au Ciel.

C’est ce que j’ai rapporté déjà de saint Philippe de Néri.
244

La pieuse sainte Marguerite de Cortone jouit du même privilège , comme on peut le voir dans les Bollandistes (Bolland, acta sanct, au 22 février).

Mais, dans l’impossibilité où nous sommes trop souvent de scruter ces mystères du monde surnaturel, et de connaître les assistances invisibles que les âmes du purgatoire prêtent à leurs bienfaiteurs, je demande la permission de faire appel, en terminant, à mon expérience professionnelle.

J’ai bien eu souvent recours aux saintes âmes du purgatoire, soit pour moi, soit surtout pour les âmes dont j’ai la charge devant Dieu.

Je dois à la vérité de déclarer que presque toujours j’ai été exaucé au-delà de mes espérances. Quand j’ai un pécheur désespéré, une grâce difficile à obtenir, je célèbre la messe aux intentions de la sainte Vierge pour la délivrance de l’âme qu’il lui plaira de choisir; avec le secours réuni de la bonne Vierge et de mes chers défunts, j’obtiens ainsi bien des grâces que Dieu aurait refusées à la tiédeur de ma prière.

O chères âmes, continuez à me protéger comme vous l’avez fait jusqu’ici; je fais bien peu de choses pour vous, et ce peu, je le fais bien mal; mais ayez égard à mes misères spirituelles. Dieu m’est témoin que je voudrais avoir la ferveur des saints pour vous secourir plus efficacement. Obtenez moi donc les grâces qui me sont nécessaires pour sortir de ma misérable tiédeur. Et puis aidez-moi à sauver les âmes, ces chères âmes que Dieu m’a confiées, et qui périssent par ma faute, parce que je ne sais pas prier, parce que je n’attire pas sur elles les bénédictions d’En-Haut. O saintes âmes du purgatoire, pensez à ces pauvres âmes, priez pour elles, aidez moi à éclairer les païens, à convertir les pécheurs, à échauffer les tièdes, à
245:
sanctifier les justes et quand viendra pour moi l'heure terrible ou il me sera demandé compte de mon administration obtenez-moi la grâce d'une sainte mort fléchissez en ma faveur la colère du juge et faites que j'ai une petite part à la bénédiction de la pécheresse : Que beaucoup de péchés me soient pardonnés parce que je vous ai beaucoup aimées.
fin p.245.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:03

Chapitre 14 Le soulagement des âmes du purgatoire, oeuvre de Justice p.246 - 262

De l'exécution des legs pieux.- Comment Dieu punit ceux qui y manquent. -
De l'obligation spéciale que nous avons de soulager nos parents défunts. -
Nos pères spirituels - Ceux qui sont en Purgatoire à cause de nous. - De
l'ordre à garder dans la répartition de nos suffrages.

246:
Nous avons vu ce que les âmes du Purgatoire font pour nous ; il faut dire
maintenant ce que nous devons faire pour elles il y a là ( comme je le dirai
plus loin) une obligation générale de charité mais quelquefois il y a plus à
l'égard de certaines âmes il y a obligation rigoureuse de justice et c'est
ce que je vais établir ici ce n'est pas en vain que l'auteur de l'Imitation
nous avertit de faire des oeuvres satisfactoires pendant notre vie et de ne
pas trop compter sur nos héritiers toujours pressés d'entrer en possession
des biens que nous laissons mais qui trop souvent négligent d'acquitter les
pieuses fondations que nous avions faites pour le soulagement de notre
pauvre âme c'est un fait d'expérience journalière une famille qui vient
d'être mise en possession d'une fortune quelquefois considérable marchandera
à un malheureux défunt les quelques suffrages qu'il s'était réservés et si
les subtilités de la loi civile s'y prê^trent on n'aura pas la honte de
faire casser un testament sous prétexte de captation afin de se débarrasser
de l'obligation d'acquitter les legs pieux qui y sont réclamés.
247:
Eh bien ! il faut que les familles le sachent c'est là une cruauté
abominable voler un pauvre dit le IVe concile de Carthage c'est se faire
son meurtrier que dire de celui qui ne rougit pas de dépouiller un
malheureux défunt ! (Egentium necatores ! ) Aussi ceux qui se rendent
coupables de ce vol sacrilège sont ordinairement punis de Dieu et d'une
manière très sévère on s'étonne quelquefois de voir se fondre entre les
mains d'héritiers avides une belle fortune une sorte de malédiction semble
planer sur certains héritages au jour de la manifestation des consciences on
verra souvent que la cause de ces ruines était dans l'avarice et la dureté
de coeur des héritiers qui avaient négligé d'acquitter les legs dont leur
héritage était chargé a Milan raconte Rossignoli ( Merveilles du
Purgatoire, XXe merveille) une magnifique propriété avait été ravagée par la
grêle alors que les voisins n'avaient rien éprouvé de fâcheux on ne savait à
quoi attribuer cet accident lorsque l'apparition d'une âme du Purgatoire fit
connaitre que c'était le juste châtiment dont Dieu avait puni des enfants
ingrats et sans coeur les histoires sont pleines de récits ou l'on parle de
maisons hantées rendues inhabitables au grand détriment de leurs
propriétaires quand on va au fond de tout cela on trouve toujours une âme
oubliée des siens et qui réclame l'acquittement des suffrages qui lui sont
dus faisons aussi large que vous le voudrez la part de l'imagination de
l'illusion de la fourberie même il restera toujours assez de faits
parfaitement prouvés pour apprendre aux héritiers sans entrailles comment
Dieu punit même dès cette vie ces vols sacrilèges mais c'est surtout dans
l'autre vie que la justice divine trouve à s'exerçer sur ces coupables
détenteurs du bien des morts
248:
Le Saint-Esprit l'a dit par la bouche de Saint Jacques : Un jugement sans miséricorde à qui
s'est
montré sans miséricorde.- JUDICIM SINE MISERICORDIA, ILLI QUI NON FECIT
MISERICORDIAM. (Saint Jacq.11-13).Si cela est vrai, à quelle rigueur de jugement ne doit
pas
s'attendre celui dont l'abominable avarice a laissé, pendant des mois, des années, des siècles
peut-etre, l'ame d'un parent, d'un bienfaiteur, au milieu de ces effroyables supplices du
Purgatoire que
j'ai décrits au commenement de ce traité.Au temps de l'empereur Charlemagne, un brave
soldat, qui
avait guerroyé sur tous les champs de bataille de l'Europe, se voyant sur son lit de mort, fit
venir un
sien neveu, son unique héritier, et lui dit :"beau fils, je t'ai pour tout bien que mon cheval et
mes armes ;
inutile de faire un testament.Les armes seront pour toi ; quant au cheval, lorsque je ne serai
plus, je te
recommande instamment de vendre cet animal, et d'en distribuer le prix aux pauvres et aux
pretres, pour que les uns offrent à mon intention le divin sacrifice, et que les autres me secourent
dans la prieres." Le neveu promet tout en pleurant.Le défunt une fois en terre, il prend le cheval et
l'emmene pour le vendre.La bete était belle et d'un prix bien supérieur à celui des armes.Il commença
par trouver que rien ne pressait de s'en défaire de suite, que peut-etre, en attendant un peu, il trouverait un meilleur prix, ce qui serait à l'avantage du défunt ; puis il s'en servit pour quelques petits voyages, car à quoi bon laisser cette bete à l'écurie ?. Les jours se passèrent, puis les semaines, puis les mois ; le neveu ne pensait plus à s'acquitter de sa promesse, mais Dieu sut bien la lui rappeler.
Un matin, il y avait six mois que le défunt était mort,

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:03

249:
il apparut à son héritier infidèle."Malheureux, lui
dit-il, tu n'as pas eu pitié de l'ame de ton oncle ; ou est la promesse que tu m'as faite, à mon
lit de mort ; coeur plus dur que la pierre ; à cause de ton manque de foi, j'ai souffert des supplices
inexprimables dans le Purgatoire : mais Dieu a eu pitié de moi, aujourd'hui j'entre dans la félicité des
saints ; mais toi, tu vas mourrir à ton tour, et, par un juste jugement, tu souffriras tout le temps qu'il me restait à expier, et cela, sans préjudice du temps réservé à tes propres fautes." Quelques jours après le neveu tomba malade ; il fit appeler un pretre, lui raconta la vision qu'il avait eue ;puis il mourut, et sans doute il alla subir la seconde partie de la peine qui lui avait été annonçée en punition de son injustice.--
Avis aux héritiers infidèles.(Catimpré, Apum, liv.II,chap.LIII.) Je trouve, dans la vie de Raban Maur,
par Trithème, un récit encore plus émouvant des justices du Seigneur sur ces voleurs sacrilèges.(Trithème,
vie de Raban Maur,liv.II.)Raban Maur, premier abbé du célèbre monastère de Fulda, et plus
tard archeveque de Mayence, était plein de charité pour les défunts. Selon les constitutions de
l'ordre de Saint-Benoit, lorsqu'un frère vient à mourir, on doit donner pendant trente jours, sa ration
aux pauvres, afin que l'ame du défunt soit soulagée par cette aumone, qui est faite en son nom. Or, il
arriva, en l'an 830, qu'une sorte de peste enleva coup sur coup, un grand nombre de religieux, et parmi eux, un des
supérieurs. Raban Maur fit appeler le père Procureur, nommé Edelard, et lui recommanda de faire
distribuer aux pauvres les rations accoutumées, ajoutant que s'il y manquait, Dieu le chatirait
sévèrement.
250:
Hélas ! l'avarice se glisse jusque dans le cloitre, Edelard promit tout et n'en fit rien. A quoi bon,
pensait-il, nourir tant de mendiants ? mieux vaut réserver ce que nous avons, pour les Pères
qui ont survécu au fléau." Un soir, accablé d'affaires, il avait veillé au delà du temps marqué par la
règle, et il s'en allait se reposer à son tour. Comme il traversait la salle du Chapitre, un flambeau à la
main, il voit l'abbé entouré de ses moines, qui tenaient conseil. Que peuvent-ils faire à cette heure ? il
regarde tout surpris ; O terreur ! ce n'est pas l'abbé ; c'est le Supérieur défunt, entouré des autres moines défunts.
L'épouvante le retenait sur place, quand deux moines se détachant de leur stalle, viennent à
lui, le dépouillent de ses habits, et sur l'ordre du Supérieur, lui administrent une forte discipline.
En meme temps le Supérieur lui disait : " Reçois, malheureux, le chatiment de ton avarice ; mais ce
n'est rien encore, un chatiment plus terrible t'attend dans la tombe, ou tu descendras dans trois
jours.Alors tous les suffrages qui te sont réservés seront appliqués à ceux que ton abominable avarice a privés des leurs." En descendant au choeur, à minuit, pour chanter matines, la communauté le trouva étendu, sanglant et tout couvert de plaies. On s'empresse autour de lui, on le transporte à l'infirmerie ; mais lui,
d'une voix mourante : "Hatez-vous, dit-il, d'appeler le Père abbé. J'ai plus besoin des remedes spirituels que d'aucun autre, car ces membres ne doivent pas guérir." Dès que l'abbé fut là, il raconta
en présence de ses frères la terrible vision qu'il avait eue, et dont ses blessures attestaient assez
la vérité,
puis il reçut les sacrements avec de vifs sentiments de contrition, et s'éteignit 251: doucement, au
bout des trois jours qui lui avaient été marqués.
- On chanta aussitot la messe des défunts, on célébra pour lui les trente messes de regle,
et, pendant un mois on distribua fidèlement sa ration aux pauvres ; au bout de ce mois, le
défunt apparut à Raban Maur, pale et défiguré par d'atroces souffrances. "Cher frere, que pouvons-nous encore faire pour vous ?." -"Je vous remercie, O Père très miséricordieux, des suffrages que vous m'avez déjà accordés, mais ils n'ont pas pu me délivrer de mes peines ; la justice de Dieu les ayant appliqués à ceux de mes freres que j'avais frustrés des leurs. Je vous prie donc, O Père très bon, de redoubler de prières et d'aumones, car je ne puis sortir d'ici avant la délivrance de mes frères, il faut donc travailler à nous délivrer tous, eux d'abord, moi ensuite ; ainsi le veut la justice divine." On continua à prier et à faire des aumones ; au bout d'un second mois, l'ame d'Adélard apparut de nouveau, il était vétu de blanc, le visage joyeux, son expiation et celle de ses freres était achevée. Mais il ne suffit pas d'acquitter fidèlement les legs pieux auxquels les défunts ont droit, il faut encore le faire sans retard.Quelques théologiens ont prétendu, il est vrai, que la négligence à cet égard ne saurait préjudicier au défunt, qui bénéficie immédiatement des suffrages qu'il s'est réservés, et la
raison qu'ils en donnent, c'est que le défunt ayant fait de sa part tout ce qu'il fallait pour s'assurer ces
suffrages, il ne serait pas juste qu'il en fut privée par la négligence d'autrui : mais cette raison ne me
parait rien moins que convaincante. N'oublions pas que nous sommes ici sous le régime de la justice
stricte.
Des fautes ont été commises, l'expiation doit suivre nécessairement, à moins
252:
que
l'on n'offre à Dieu des oeuvres satisfactoires ; or, ces oeuvres n'existent pas encore ; la justice de Dieu peut donc les regarder comme non avenues, et, de fait, toutes les apparitions des ames, qui viennent se plaindre de la négligence qu'on met à les secourir, montrent bien que Dieu ne leur applique ces suffrages qu'au moment précis ou ils lui sont offerts. Mais, dira-t'on, il dépend donc de nous de prolonger le Purgatoire d'un malheureux défunt, sans qu'il y ait en rien de sa faute ? Oui, répondrai-je, et c'est en cela précisément que consiste le crime de ces héritiers avides, qui diffèrent sans fin d'acquitter les legs pieux d'une succession ; cela me parait d'autant plus certain que bien souvent ces suffrages que le défunt avait demandés pour son ame, ne sont, au fond, que des restitutions déguisées. C'est là ce que les familles ignorent trop souvent. On trouve très commode de parler de captations et d'avidité cléricale ; on fait casser un testament sous ces beaux prétextes ; et, bien souvent, le plus souvent peut-etre, il s'agissait d'une restitution nécessaire.Le pretre n'était que l'intermédiaire, obligé au secret le plus absolu, par la confession dont il est le dépositaire.Un mourant a commis des injustices, cela arrive plus souvent que l'on ne le pense, meme à de très honnetes gens selon le monde ; au moment de paraitre devant Dieu, ce malheureux se confesse ; il veut réparer, mais le temps lui manque, il ne veut pas révéler à ses enfants ce triste secret. Que fait-il ? il couvre sa restitution sous le voile d'un legs pieux. Si ces legs ne sont pas acquittés, que va t-il advenir ? l'infortuné sera t-il retenu dans le Purgatoire indéfiniment ? ce serait bien dur. Cependant ne nous rassurons pas trop vite ; des apparitions fort nombreuses témoignent en ce sens.
- Nous ne pouvons etre admis au séjour de la béa-
253:
titude tant que la justice reste
lésée.Voilà ce
quelles déclarent toutes ; d'ailleurs ces ames sont coupables, en un certain sens, de ce long
retard
apporté aux droits de leurs créanciers si, comme elles le devaient, elles n'avaient pas attendu
au
dernier moment pour régler leurs affaires temporelles, le prochain n'aurait pas à attendre,
indéfiniment
peut-etre, le payement de ce qui lui est du. Elles souffrent cruellement, dit-on ; mais le
pauvre prochain
qu'elles ont lésé, est ce qu'il ne souffre pas lui aussi ? Reslamas Domino ; tant que la
restitution ne sera pas faite, ce cri de la justice lésée se fera entendre contre ces ames. Il faut donc, je le crois, s'en tenir à l'axiome des théologiens : pas de restitution, pas de Paradis. Que si, par la mauvaise foi des héritiers, la restitution ne doit jamais se faire, il est clair que cette ame ne saurait rester indéfiniment en Purgatoire ; mais dans ce cas, un long retard à son entrée dans le ciel me parait une compensation très équitable d'une injustice que cette ame infortunée a retractée dans le Ciel me parait une compensation très équitable d'une injustice que cette ame infortunée a rétractée, il est vrai, mais dont elle avait posé la cause toujours subsistante et toujours efficace. Et maintenant, songeons-y, quelle effroyable dureté de coeur ne faut-il pas pour laisser s'écouler les jours, les semaines, les mois, les années quelquefois avant d'acquitter une dette aussi sacrée. Oh ! que notre foi est faible ! si un animal domestique, si un chien tombait dans le feu, est-ce que nous attendrions pour l'en retirer ?
Mais ce sont nos parents, nos bienfaiteurs nos amis, qui se tordent dans les flammes du Purgatoire ; rien ne presse. Ils passeront après tous les autres créanciers, après nos commodités et les exigences de notre luxe. Ne faut-il pas liquider la succession, nous mettre en possession de l'héritage, nous habituer à notre nouvelle position ? Il sera toujours temps d'acquitter cette dette, et les ames du Pur-
254:
-gatoire sont des créancieres commodes ;
- On ne risque pas, au moins d'ordinaire, de les rencontrer sur son chemin pour réclamer ce qui leur est du. Oh ! l'effroyable dureté de coeur ! oh ! la cruelle injustice ! Il n'y a pas que les legs pieux laissés par les défunts qui créent une obligation de justice à leur égard. Nous avons des parents, des bienfaiteurs, des amis ; est-ce que nous ne leur devons rien ? hélas ! c'est bien souvent à cause de nous qu'ils sont punis.Cette mère a été trop faible pour ces enfants ; ce père a commis des injustices pour arrondir leur fortune. Leur dirons-nous la froide parole des pretres déicides à Judas.
Cela ne vous regarde pas ; c'est votre affaire. N'entendez-vous pas, fils dénaturés, ces voix plaintives qui montent de l'abime ! - Miseremini mei, miseremini mei, saltem vos, amici mei, pitié, pitié, O vous du moins qui futes nos amis.Ne reconnaissez-vous pas ces accents ? c'est la voix d'un père qui se plaint d'avoir été oublié par son frère. Ah ! Seigneur ! au moment de la mort, ceux qui restaient sur la terre promettaient, en pleurant, de ne nous oublier jamais ; on nous fit de pompeuses funérailles ; la vanité trouvait à s'y signaler. Mais depuis, plus une prière, plus un souvenir, plus rien.
L'oubli a recouvert notre tombe, et aucune brise d'ici-bas ne vient rafraichir nos ames dévorées par d'intolérables ardeurs. Sainte Elisabeth de Hongrie fut plus charitables à l'égard de sa mère Gerdrude.
Lorsque celle-ci mourut, elle fit des aumones pour le soulagement de cette chère ame. Une nuit, la défunte lui apparut, le visage triste et défait ; elle se mit à genoux, auprès de son lit et lui dit en pleurant : "Ma fille, vous voyez à vos pieds votre mère accablée de
255:
douleur - -Je viens vous supplier de multiplier vos suffrages, afin que la divine miséricorde me délivre des tourments épouvantables que j'endure, Oh ! que ceux-là sont à plaindre qui exercent l'autorité sur les autres ! j'expie maintenant les fautes que j'ai commises sur le trone. Au nom des angoisses au milieu desquelles je vous ai mise au monde, au nom des fatigues et des veilles que m'a coutées votre éducation, je vous conjure de tout faire pour me retirer des supplices que j'endure." A cette voix chérie, Sainte Elisabeth se leve aussitot, elle prie, elle pleure, elle se donne une sanglante discipline.
Le sommeil la surprend, au milieu de cet acte de charité ; alors sa mère Gertrude lui apparait de nouveau vetue de blanc, le visage rayonnant d'allégresse. Les prières de sa fille l'avaient délivrée et lui avaient ouvert les portes du Ciel. ( vide apud Surium. 19 Nov. Vie de Sainte Elisabeth.)

Charles-Edouard
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Le Purgatoire d'après les Révélations des Saints - Page 2 Empty Re: Le Purgatoire d'après les Révélations des Saints

Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:04

Sainte Marguerite de Cortone ne fut pas moins secourable à son père et à sa mère ; après leur mort, elle offrit pour eux un grand nombre de prières, de mortifications, de communications, Dieu lui fit connaitre dans l'oraison que, par ce moyen, elle avait considérablement abrégé le temps qu'ils devaient passer en Purgatoire.
La meme Sainte eut aussi un pieux souvenir d'une simple servante nommée Gillia, qui était restée de longues années auprès d'elle, Dieu lui fit connaitre combien cette charité lui était agréable, en lui révélant qu'à sa considération, Gillia n'aurait qu'un mois de Purgatoire à faire, et que le jour de purification, elle serait conduite au Ciel par quatre anges ( vid. apud Bolland? 22 Fébr.)


Quand le père de la V. Catherine Paluzzi vint à mourir elle passa huit jours entiers en prières et en
macérations de toutes sortes, jeunes, cilices, disciplines ; à la fin de
256:
cette octave, elle fit célébrer un service
funèbre, suivi d'un grand nombre de messes ; alors elle fut ravie en extase et le divin
Sauveur, en compagnie de Sainte Catherine de Sienne, la conduisit en Purgatoire ! là, elle entendit la
voix lamentable de son père, qui, du milieu des flammes, la conjurait d'avoir pitié de lui, et
d'achever l'oeuvre de sa délivrance ; à ces cris de douleur, la sainte fut saisie d'une angoisse indicible. Se tournant vers Notre Seigneur, elle le supplia de faire miséricorde, et conjura en meme temps Sainte Catherine d'intercéder pour lui faire obtenir l'effet de sa prière. Mais il lui fut répondu que la justice devait suivre son cours. Alors, dans son corps, ce qui restait à expier à son père. Le Sauveur l'exauça, les flammes s'écartèrent, l'ame de son père monta au Ciel, en bénissant sa fille, mais à partir de cette heure, sa vie ne fut plus qu'un long martyre. ( V.diaro Dominico, 16 oct.) Il arrive souvent, que nous voudrions connaitre le sort qui est réservé à ceux que nous avons aimés sur la terre. C'est là une curiosité qui déplait à Dieu, et qui ne sert de rien à ces pauvres ames. Il est bien plus expédient de prier pour elles, afin que Dieu les soulage, si elles sont encore dans le lieu des expiations. C'est ce que nous apprend l'exemple du V. Denys le chartreux. (V. apud Bolland, 2 mart.) Quand il perdit son père, au lieu de prier pour lui, il se laissa aller à ce désir immodéré de connaitre son sort éternel ; c'était là sa préoccupation constante, et il en oubliait de soulager cette ame, qui pourtant lui était si chère. Il fut repris de Dieu. Un soir qu'après vepres, retiré dans son oratoire, il sup-
257:
pliait Dieu de ne pas lui refuser cette consolation il entendit une voix qui lui disait : -"Pourquoi te laisser tenter de cette vaine curiosité ? ne vaudrait-il pas mieux employer le mérite de tes oraisons à délivrer ton père des flammes du Purgatoire qu'à savoir en quel état il se trouve ? ces oraisons lui seraient utiles et à toi aussi au lieuque celles que tu fais en ce moment ne servent de rien à personne". Il se mit donc à prier pour le soulagement de l'âme de son père la nuit suivante il vit en songe cette âme que deux démons plongeaient dans une fournaise ardente et qui lui criait d'une voix déchirante : -Ah ! mon fils ! mon cher fils, pourquoi m'as-tu oublié ? Pitié, pitié pour ton malheureux père ; que tes prières me viennent en aide ; accomplis pour moi des pénitences, des bonnes oeuvres ; hâte-toi !
c'est le devoir de la piété filiale". Le pauvre religieux tout confus de sa négligence se hâta de la réparer et il continua de prier jusqu'à ce qu'il sût par révélation que son père était délivré de ses tourments s'il y a une obligation de justice stricte de prier pour nos parents défunts il y a une
obligation de droit naturel pour les parents de ne pas oublier ceux de leurs enfants qui les ont précédés dans l'éternité eh quoi vous leur deviez la nourriture le vêtement l'education vous étiez chargés de pouvoir à tous leurs besoins spirituels et temporels est-ce que cette obligation de droit
naturel a cessé parce que ces besoins sont devenus plus pressants ? Une mère sera inconsolable de la mort de son fils elle voudra entendre à rien elle négligera son mari et ses autres enfants comme Rachel elle rejettera toutes consolations parce que celui qu'elle aimait n'est plus là eh pauvre mère à
quoi servent à votre enfant bien-aimé toutes ces larmes ? elles n'éteindront pas les flammes qui
258:
le dévorent. Priez, et faites prier pour lui : ce sera le meilleur moyen de lui témoigner votre amour.

Sainte Elisabeth de Portugal s'était montrée bien plus véritablement affectionnée à sa fille Constance.

Cette jeune princesse venait d'être mariée au roi de Castille, quand une mort inopinée l'enleva à l'affection des siens.

La reine Elisabeth avait appris ce malheur, et elle se rendait avec son mari à Santarem, quand un ermite se mit à courir après le cortège royal, disant qu'il avait à parler à la reine. Les courtisans le repoussaient avec mépris, mais la sainte reine l'ayant aperçu, se le fit amener. Il lui raconta alors que la reine Constance lui était apparue plusieurs fois, quelle était condamnée à un long et rigoureux Purgatoire, mais qu'elle avait l'assurance d'être délivrée au bout d'un an, si on célébrait chaque jour pour elle, la sainte Messe. Les courtisans qui entouraient le cortège royal, ne se gênaient pas pour rire de l'ermite et de sa communication : - C'est un fou", disaient les uns. - "C'est un intrigant", répétaient les autres. Mais la reine avait pris la chose au sérieux ; elle demanda au roi son mari ce qu'il en pensait : - "Je crois, dit celui-ci, qu'il est sage de faire ce qui vous est marqué par cette voie extraordinaire. Après tout, quel risque y a-t-il ? Faire dire des messes pour notre chère défunte n'a rien que de très paternel et de très chrétien". Il fut donc résolu que l'on s'en tiendrait à l'avis de l'ermite et l'on chargea un saint prêtre, nommé Mendez, d'acquitter ces messes.

Au bout de l'année, Constance apparut à sainte Elisabeth, vêtue de blanc et rayonnante de gloire. - "Aujourd'hui mère, grâce à vos prières, je suis délivrée de mes tourments et je monte au Ciel". La sainte, toute
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joyeuse, se rendit alors à l'église, pour y remercier Dieu ; elle y trouva le prêtre Mendez qui lui déclara que la veille il avait fini ses trois cent soixante-cinq intentions. Elle comprit alors que Dieu avait tenu la promesse qu'il lui avait fait faire par le pieu ermite, et elle lui en rendit de solennelles actions de grâces (Vie de sainte Elisabeth).

Nous avons encore une grave obligation de prier pour nos pères spirituels, pour eux qui ont pris soin de notre âme et qui ont répondu de nous devant Dieu. Pauvres prêtres ! Leur fardeau est bien lourd (Onus Angelicis humeris tremendum !) et qui songe à prier pour eux après leur mort ? Ils ont passé, seuls dans le monde, ils n'ont point laissé de famille ; à peine quelques parents éloignés, qui ne pensent guère à eux ; et leur postérité spirituelle, leur vraie famille presque toujours, elle se montre oublieuse et ingrate. Et cependant, comme la vie de l'âme l'emporte, et de beaucoup, sur la vie du corps, l'obligation où nous sommes de prier pour nos pères selon l'esprit, est plus stricte encore que celle de prier pour nos pères selon la chair ; hélas ! bien souvent, les fautes qu'ils ont à expier, c'est pour vous, c'est à l'occasion du ministère apostolique, qu'ils les ont commises : comme saint Paul, ils se sont dépensés, corps et âme, à votre service ; ils sont presque devenus anathèmes, pour vous sauver ; et vous, pour qui ils ont ainsi contracté des dettes nombreuses, vous les oublieriez dans les flammes !

J'ai parlé, ailleurs, des rigueurs de la justice de Dieu sur ses prêtres ; appuyé sur les révélations des saints, j'ai prouvé qu'ils restent d'ordinaire en Purgatoire bien plus longtemps que les simples fidèles ; mais, indépendamment des raisons qui se tirent de leur éminente dignité, et des obligations si nombreuses et si graves qui leur sont imposées, ne pourrait-on pas dire que, si les prêtres restent si
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longtemps en Purgatoire, c'est que presque personne ne songe à prier pour eux. Je livre cette réflexion à la méditation des pieux fidèles ; puisse-t-elle leur apprendre à prier davantage pour leurs prêtres.

Enfin, la justice nous fait encore une obligation rigoureuse de prier pour ceux qui sont retenus en Purgatoire, à cause de nous ; nous n'y songeons pas assez. Hélas ! Combien il est rare qu'un péché reste solitaire, et n'entraîne avec lui, par la contagion du mauvais exemple, une multitude d'autres fautes ! Presque toujours, une faute exerce son action sur ceux qui en sont les témoins, et quelquefois les complices ; il est tel acte qui aura son action pendant des années, des siècles quelquefois. Le scandale ; quelle effroyable responsabilité ce mot ne rappelle-t-il pas à des cœurs chrétiens ! Il n'y a personne qui y échappe entièrement dans le cours de sa vie ; au jour de la grande manifestation des consciences, on verra avec horreur qu'il y a peu de prédestinés qui n'aient contribué à pousser quelque âme en Purgatoire. Quel est celui d'entre nous qui peut se rendre ce témoignage, qu'il n'a jamais fait un acte, dit une parole, omis un devoir, donné un exemple qui ait été pour quelqu'un de ses frères une occasion de chute, au moins légère ? Or, cette faute, dont il a été l'occasion, elle a dû s'expier en ce monde, par la pénitence, ou, en l'autre, par le feu.

Il est donc à peu près certain qu'à cette heure où nous sommes bien tranquilles, dans nos maisons, jouissant de toutes les commodités de la vie, il y a là-bas des âmes qui pleurent, et qui souffrent à cause de nous. Et nous les oublions ! Quelle injustice révoltante !

- Mais, ces âmes que nous avons scandalisées, nous ne les connaissons pas, dites-vous ; - qu'importe ? Dieu les connaît, cela suffit. Ayons donc chaque jour un souvenir
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spécial pour les pauvres âmes du Purgatoire qui nous doivent leur malheur ; la justice la plus stricte, le bon sens et l'honneur nous en font un devoir.

Ceci m'amène à dire un mot, en terminant, de l'ordre que nous devons garder dans la répartition de nos suffrages, en faveur des âmes du Purgatoire, si nous voulons rendre à chacun ce qui lui est dû.

En premier lieu, en vertu de cet axiome que personne n'a le droit de se montrer libéral, s'il n'a commencé par se libérer de ses dettes (nemo liberalis, nisi liberatus) il faut commencer par ceux envers qui nous sommes tenus par une obligation spéciale de justice ; Prêtres, ceux pour qui nous avons reçu des honoraires de messes, Héritiers, ceux qui nous ont laissé quelques legs pieux à acquitter pour eux.

Ce premier devoir rempli, il faut prier pour les pasteurs de nos âmes ; pour les souverains pontifes qui ont porté le poids de l'Eglise tout entière, et qui ont été les canaux par où toutes les grâces qui sont dans l'Eglise nous sont parvenues ; pour Monseigneur notre Evêque, qui a pris soin de former, et de nous envoyer des prêtres ; qui a veillé sur eux, et sur nous, afin que nous ayons toujours en abondance tous les secours spirituels qui nous sont nécessaires pour faire notre salut ; enfin, pour nos pasteurs immédiats, pour ceux qui ont eu la charge directe de nos âmes : le prêtre qui nous a baptisé, celui qui nous a fait faire notre première communion, celui qui a été l'instrument de notre conversion, celui qui a été l'instrument de notre conversion, celui qui a possédé, de longues années peut-être tous les secrets de notre âme, qui nous a pardonné tant de fois au nom de Dieu, qui nous a dirigé dans les sentiers du bien.

En troisième lieu, il faut prier pour nos parents, le père, la mère qui ont élevé notre enfance, au prix de
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quelles peines, nous ne le saurons jamais ! Ce frère, cette sœur, qui ont partagé nos premières joies et nos premières peines, (et époux, cette épouse, qui était le guide, la consolation de notre vie, ces enfants bien-aimés, à qui nous avions donné la vie du corps, et qui maintenant nous demandent en gémissant de les mettre en pleine possession de la vie de l'âme) ; et, proportion gardée, tous nos autres parents.

En quatrième lieu, la justice demande que nous nous souvenions de nos bienfaiteurs, de nos amis, de tous ceux qui, à un titre quelconque, nous ont fait du bien. Là, encore, le champ de la reconnaissance est vaste : les maîtres qui nous ont élevés, les magistrats qui ont veillé à notre sécurité, ces pauvres et fidèles domestiques qui nous ont servis, quelquefois pendant tout le cours d'une longue vie. Oh ! que le nombre de nos bienfaiteurs est considérable, si nous voulons y réfléchir un peu.

Enfin, il faut toujours avoir une intention générale pour tous ceux qui sont en Purgatoire, à cause de nous, c'est, je le répète, non pas une affaire de dévotion plus ou moins libre, mais une obligation de justice ; mais cela même n'est pas peu de chose, au milieu d'un monde oublieux et ingrat, ainsi nous pourrions attendre, avec confiance, sinon sans crainte, les arrêts de la divine justice sur nous-mêmes, car il est écrit : qu'il nous sera fait à nous-mêmes comme nous aurons fait à nos frères, (Eadem mensura, remetietur vobis)

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:05

Chapitre 15 Le soulagement des âmes du Purgatoire considéré comme œuvre de charité.

p.263-276

Il y a une obligation de charité de soulager les âmes du Purgatoire. - Motif d'où se tire cette obligation de charité. - La prière pour les morts méritoire entre toutes les œuvres pies. - S'il vaut mieux prier pour les défunts ou pour la conversion des pécheurs. - Opinion de saint Thomas et exemple à ce sujet. - Comment Dieu punit le manque de charité à l'égard des âmes du Purgatoire. - Quelles sont, parmi toutes les âmes du Purgatoire, celles pour qui la charité nous oblige davantage de prier ?

263:
Jusqu'ici, je me suis placé au point de vue de la justice stricte, mais, entre nous et les âmes du Purgatoire, il y a quelque chose de plus ; il y a le lien de la charité fraternelle qui qu'aucune de ces saintes âmes ne nous est étrangère, et ne peut nous rester indifférente ; en vertu de la communion des saints, elles font partie comme nous de la grande famille du Christ ; leurs intérêts sont les nôtres, leurs peines et leurs épreuves sont les nôtres ; dans une famille bien réglée, est-ce qu'un membre peut souffrir sans que tous les autres souffrent avec lui ? La compassion, la souffrance partage, voilà la règle évangélique de nos rapports avec nos frères ; les âmes du Purgatoire ne sauraient demeurer en dehors de ces rapports, car elles n'ont pas cessé d'être nos sœurs. N'eussions-nous donc aucune obligation de justice à l'égard d'aucune de ces âmes ce qui est bien difficile à croire, si l'on se rappelle ce que j'ai dit plus haut, la charité ne nous ferait pas moins une
264:
obligation de nous intéresser à elles. Tout ce que j'ai dit précédemment nous montre la gravité de ce devoir, mais puisque mon sujet m'y ramène, je veux résumer ici les principaux motifs qui doivent exciter notre charité en faveur de ces pauvres âmes.

C'est d'abord la grandeur et la durée de leurs souffrances. On comprend en effet que, plus le besoin est grand, plus stricte aussi est l'obligation que la charité nous fait de courir au secours de nos frères. Or, ici, les maux qu'il s'agit de soulager sont extrêmes, et sans aucune proportion avec les douleurs qui se recommandent à nous en ce monde. Un pauvre meurt de faim à notre porte : nous pouvons le soulager, nous refusons de le faire, par égoïsme et par dureté de cœur, nous sommes ses meurtriers, disent les saints Pères. (Non pavisti, occidisti).

Mais ici, il s'agit d'une faim surnaturelle ; ces âmes ont faim et soif de Dieu, et qui dira la grandeur de ce tourment ! Or, il se trouve qu'avec une légère prière, nous pouvons les soulager, les rassasier peut-être ; et nous refuserions de le faire ! Quelle cruauté ! Un malheureux est torturé par la douleur physique : chacun s'empresse autour de lui ; c'est à qui le soulagera ; c'est un inconnu que nous avons rencontré au bord du chemin : n'importe, il souffre, c'en est assez, nos entrailles s'émeuvent, le cri de sa douleur nous remue au plus intime de notre être ; ses souffrances nous font mal, et cela est si vrai, que, si nous ne pouvons absolument rien pour lui, nous ferons comme Agard au désert, nous nous éloignerons pour ne pas le voir souffrir. Hélas ! qu'avons-nous fait de notre foi ? Parce que nous ne voyons pas des yeux de notre chair les tortures de ces pauvres âmes en sont-elles moins atroces pour cela ? Parce que nous n'entendons pas leurs cris, en sont-ils moins déchirants ? qu'un malheureux, dans un incendie,
265:
tombe au milieu des flammes : aussitôt, vingt hommes de cœur s'y précipitent pour l'en arracher au péril de leur vie. - C'est bien, c'est beau, c'est sublime ! mais encore une fois croyons-nous à la parole de Dieu ? Nos frères, des hommes comme nous, se tordent au milieu de ces flammes surnaturelles, dont l'activité vengeresse dépasse la violence des plus grands incendies ; nous pouvons les secourir, les tirer de là ; nous le savons, et nous demeurons insensibles. O effroyable dureté de cœur ! qui donc sera capable de nous émouvoir, si de pareilles souffrances nous laissent indifférents.

Sur la terre, les plus vives souffrances ont peu de durée ; plus elles sont vives, plus elles sont courtes ; le corps succombe bien vite sous l'étreinte de la douleur ; et l'âme du martyr échappe par la mort à la cruauté des tyrans ; mais ici, il s'agit de supplices qui durent des années, des siècles quelquefois, et nous ne faisons rien pour abréger ces tortures !

Et ces âmes malheureuses, que notre paresse refuse de soulager, ce sont des âmes saintes, des prédestinées, l'élite de l'humanité, les futurs compagnons de notre gloire, si nous avons le bonheur d'aller au ciel un jour ; et elles ne peuvent rien sans nous ; nous seuls, entendons-le bien, pouvons les secourir dans leur malheur, les soulager d'une manière efficace. Et cela nous est si facile ; il ne s'agit pas de dépenser notre fortune en aumônes, en fondations pieuses, de nous exposer à la mort pour secourir un malheureux, de nous jeter dans les flammes pour en retirer ceux qui y sont tombés ; une légère prière, une bonne œuvre faite en état de grâce, une messe que nous faisons célébrer, une communion fervente, une indulgence plénière, que nous appliquons à ces âmes ; en voilà assez : les cachots embrasés s'entrouvrent, la rosée du ciel y descend,
266:
quelquefois, il n'en faut pas davantage pour délivrer une âme, lui ouvrir le ciel, la mettre en possession de Dieu ; ici nous travaillons à coup sûr ; quand nous soulageons un pauvre, quand nous cherchons à adoucir une souffrance, nous ne sommes pas sûrs que notre protégé ne retombera pas un jour dans le même état ; mais ici, le succès est infaillible ; jamais notre prière ne monte stérile vers Dieu.

Si nous ne délivrons pas ces pauvres âmes, nous les soulagerons au moins toujours. Quel encouragement !

Considérons maintenant les choses du côté de Dieu. Les âmes du Purgatoire sont ses filles chéries ; sa justice lui lie les mains, mais sa miséricorde demande qu'on les secoure. En avançant le temps de leur entrée au Ciel, nous avançons le jour où elles y glorifieront Dieu. Avons-nous pensé à cela ? Nous, les créatures de Dieu, à qui nous devons tout, nous pouvons augmenter efficacement sa gloire, lui donner quelque chose qui lui manque, qu'il attend de nous, dont il restera privé, si nous ne le faisons pas. Nous obligeons Dieu, en quelque sorte, puisqu'il ne peut se passer de nous dans cette œuvre de rédemption. Ah ! ce Dieu, notre grand, notre unique bienfaiteur, comment lui témoigner notre reconnaissance ? Quid retribuam Domino ?

Ouvrons aux âmes du Purgatoire la porte du ciel : nous aurons augmenté sa gloire extrinsèque, nous aurons consolé sa miséricorde, qui souffre en voyant souffrir ces âmes chéries.

"Toutes les fois que vous délivrez une âme du Purgatoire, dit Notre-Seigneur à sainte Gertrude, vous faites une œuvre aussi agréable à Dieu que si vous le délivriez lui-même de la captivité". En faut-il davantage pour exciter votre zèle et votre charité ?

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:05

267:
Voilà pourquoi, dans plusieurs des révélations que j'ai citées, nous voyons Dieu descendre vis-à-vis de nous jusqu'à la prière, pour nous engager à secourir ces pauvres âmes.

Souvent, dans ces communications intimes qu'il réserve à ses saints, le Sauveur Jésus s'est plaint amèrement de notre indifférence à cet égard. Voici ce qu'il dit un jour à sainte Marguerite de Cortone : - "Va trouver mes frères Mineurs, tu leur commanderas, de ma part, de se souvenir davantage des âmes du Purgatoire, qui sont en ce moment en nombre incalculable, parce que personne presque ne prie pour elles".

Les saints avaient bien compris ces recommandations sorties du cœur brûlant du Sauveur Jésus. Tous ont eu la compassion la plus vive pour ces pauvres âmes, et quelques-uns ont poussé ce dévouement jusqu'à l'héroïsme. Je me propose d'y revenir, en parlant des différentes œuvres par lesquelles nous pouvons venir en aide aux défunts : je me contenterai ici de citer l'exemple du père Nieremberg, de la Compagnie de Jésus, qui nous montrera jusqu'où les saints ont poussé l'héroïsme à cet égard.

Il avait parmi ses pénitentes, alors qu'il résidait à Madrid une dame de qualité, très pieuse, mais tourmentée d'une crainte excessive de la mort, à cause du Purgatoire qui devait la suivre.

Elle tomba dangereusement malade, et ses craintes redoublèrent, au point qu'elle en perdait presque ses sentiments chrétiens, et que, malgré les exhortations de son confesseur, elle se refusait obstinément à recevoir les derniers sacrements. Pendant ces délais, elle perdit tout à coup connaissance, et fut bientôt réduite à la dernière extrémité. Que faire ? Le bon Père, justement alarmé du
268:
péril où se trouvait cette âme, offrit le saint Sacrifice pour lui obtenir le temps de se reconnaître et de recevoir en pleine liberté d'esprit les secours de la sainte Eglise. En même temps, poussé par une charité vraiment héroïque, il s'offrit à la justice divine comme victime, pour souffrir lui-même, en cette vie, les peines qui attendaient cette dame dans l'autre monde. Sa pieuse et charitable prière fut accueillie de Dieu. Cette personne revient tout à coup à elle, dans les meilleures dispositions ; elle demanda d'elle-même les derniers sacrements, et son confesseur lui ayant dit qu'elle n'avait plus à craindre du Purgatoire, elle expira, le sourire sur les lèvres, et dans les sentiments de la parfaite résignation. Mais, à partir de cette heure, le bon Père fut accablé de toutes sortes de peines dans son corps et dans son âme. Sa vie ne fut plus qu'un long Purgatoire et ce martyre de la charité ne trouva de soulagement que dans la mort, qui n'arriva qu'au bout de seize ans. (Vie du P. Joseph Nieremberg, de la Compagnie de Jésus).

Voilà ce qu'un saint a fait ; des multitudes de pieux personnages ont montré le même héroïsme ; ils ont donné leur vie pour les âmes du Purgatoire, et nous refusons de leur donner un souvenir, quelques prières ! C'est qu'ils aimaient Dieu, et qu'ils étaient passionnés pour les intérêts de sa gloire, tandis que nous, pauvres pécheurs, nous ne comprenons rien à ces mystères de l'éternité ; tout ce qui ne tombe pas sous nos sens, nous laisse insensibles et froids, parce que nous ne savons pas contempler dans l'oraison les réalités de l'invisible. Notre vie se gaspille à mille soins ridicules ou coupables, et, suivant l'énergique expression de l'écriture, la fascination de la niaiserie obscurcit en nous l'intelligence, (fascinatio nugacitatis obscurat sensum).

On voit par là quel est devant Dieu le mérite de la
269:
Prière pour les morts. Il s'est élevé à ce sujet une controverse intéressante entre les théologiens, pour savoir lequel est le plus avantageux à la gloire de Dieu de prier pour la conversion des pécheurs, ou pour la délivrance des âmes du Purgatoire. L'une et l'autre opinion ont trouvé d'éloquents défenseurs, mais la victoire est restée aux avocats des défunts.

Voici à cet égard l'opinion de l'Ange de l'école : "Les suffrages pour les morts sont plus agréables à Dieu que ceux qu'on fait pour les vivants, parce que les premiers se trouvent dans un plus pressant besoin, puisqu'ils ne peuvent se secourir eux-mêmes".

L'opinion de saint Thomas sur ce point a rallié, comme d'ordinaire, le plus grand nombre de théologiens.

Voici maintenant un exemple à l'appui. Les chroniques des Frères Prêcheurs racontent qu'une vive controverse s'éleva une fois à ce sujet entre deux dominicains, frère Benoît et frère Bertrand ; frère Bertrand était l'avocat des pauvres pécheurs, il célébrait souvent la sainte messe pour leur conversion, priait beaucoup et s'imposait de rudes pénitences à cette intention. - Les pécheurs, disait-il, sont exposés à l'Enfer ; ils sont dans la voie de perdition, et s'avancent chaque jour vers des supplices épouvantables et sans fin. Le Sauveur ne s'est pas incarné pour les âmes du Purgatoire ; il est descendu en ce monde, il a souffert la mort pour sauver les pécheurs. Il n'est donc pas d'œuvre plus digne de Dieu, puisqu'il n'en est pas qui ressemble davantage à l'œuvre de la rédemption . aussi saint Denys nous assure que ce qu'il y a de plus divin dans les œuvres divines, c'est de coopérer à l'œuvre Rédemptrice du Christ. Laisser périr une âme, c'est laisser perdre le Sang du Sauveur, or, les âmes du Purgatoire ne sont pas dans ce danger ; elles sont sûres de leur salut éternel ; elles souffrent,
270:
il est vrai, elles sont plongées dans de rudes tourments, mais enfin elles n'ont rien à craindre pour l'Enfer. Les dettes qu'elles ont contractées s'acquittent chaque jour, bientôt elles jouiront de la liberté des enfants de Dieu, tandis que les pécheurs sont les esclaves de Satan, malheur le plus effroyable qui puisse arriver à une créature humaine.

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:06

Frère Benoît, de son côté, plaidait la cause des défunts : - Si les pécheurs sont les esclaves de Satan, disait-il, c'est qu'ils le veulent bien ; leurs chaînes sont volontaires, il dépend d'eux de les briser ; mais les pauvres âmes du Purgatoire ne peuvent que gémir et réclamer le secours des vivants, il leur est impossible de briser ces fers qui les retiennent enchaînées à ces brasiers dévorants.

Voici deux mendiants ; l'un est fort, capable de travailler, pour gagner sa vie, l'autre est infirme, et ne peut pourvoir à ses besoins, auquel des deux réserverez-vous votre compassion ? A celui qui, privé de l'usage de ses membres, ne peut s'aider.

Notre cas est le même ; ces âmes souffrent un effroyable martyre ; il leur est impossible de rien faire pour s'en délivrer. Il est vrai qu'elles souffrent pour leurs fautes passées, mais ces fautes, elles les ont pleurées et détestées ; elles sont rentrées en grâce avec Dieu, elles sont redevenues ses amies, au lieu que les pécheurs sont des rebelles, des ennemis de Dieu. La volonté de Dieu est donc qu'on s'attache à secourir ceux qu'il aime, de préférence à ceux qui se révoltent contre lui.

Tels étaient les arguments de part et d'autre ; et comme il arrive d'ordinaire, dans ces controverses, aucun des deux interlocuteurs n'était convaincu par les raisons de son adversaire, et la question demeurait en suspens. Une miraculeuse vision vint trancher cette controverse. La
271:
nuit suivante, frère Bertrand, se rendant au chœur pour les matines, vit venir à lui une âme du Purgatoire qui paraissait écrasée sous un pesant fardeau. L'apparition s'approcha de lui en gémissant, et lui mit ce poids épouvantable sur les épaules.

Il comprit alors, par son expérience, quelle rude chose sont les tourments du Purgatoire, et sans cesser de prier pour la conversion des pécheurs, il se résolut à faire quelque chose aussi pour les âmes du Purgatoire, et, dès le lendemain matin, il offrit pieusement le saint Sacrifice pour leur délivrance.

Ce qui ressort de cela, ce n'est pas qu'il faille s'abstenir de prier pour la conversion des pécheurs, mais seulement qu'au jugement de Dieu, qui est le meilleur juge en ces matières, la charité pour les morts l'emporte sur toutes les œuvres de charité corporelles et spirituelles.

Il ne faut donc pas s'étonner si la justice de Dieu punit et très sévèrement la dureté de cœur de ceux qui ne prient pas pour les morts. On se servira pour vous de la même mesure dont vous vous serez servi pour les autres : (eadem mensura remetietur vobis).

Telle est la règle évangélique de nos rapports avec Dieu et avec nos frères. A qui a été oublieux, l'oubli ; à qui s'est montré sans entrailles, l'indifférence et l'abandon après la mort. Un grand nombre d'apparitions nous montrent que telle est la punition ordinaire de ceux qui n'ont pas eu pitié des défunts. J'ai déjà cité plusieurs exemples à ce sujet, en voici d'autres.

Un religieux Carme apparaît après sa mort à un bon frère de son ordre, pour demander des prières. Le père prieur, esprit un peu rationaliste, traite ces apparitions de rêveries, et refuse de faire célébrer les messes demandées ; il meurt à sont tour, et Dieu lui permet d'apparaître, lui
272:
aussi, pour se recommander aux suffrages de ses frères, mais, par une juste permission de Dieu, sa prière est rejetée ; le nouveau prieur traite tout cela de rêverie d'une imagination frappée, et le malheureux, puni par où il avait péché, apprend à ses dépens que, s'il ne faut pas croire légèrement à tout esprit, la charité commande au moins de ne pas traiter sans façon de si graves intérêts, et que, dans le doute, il vaut mieux hasarder une prière pour un malheureux défunt que de s'exposer, par une trop grande prudence à le laisser languir au milieu des flammes. (Chronique des pères Carmes déchaussés, tom. II, liv. VII, chap. XLIV).

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:06

Une femme mondaine apparaît à une sainte âme, de longues années après sa mort : elle se plaint que ses enfants l'ont oubliée, et ne prient jamais pour elle. Jamais la moindre goutte de la rosée céleste ne vient tempérer les ardeurs qui la dévorent. Interrogée sur les causes d'un abandon si complet, elle avoue que c'est la punition ordinaire que Dieu inflige à ceux qui, pendant les jours de vie mortelle, n'ont jamais ou presque jamais prié pour les morts.

Mais voici quelque chose de plus étonnant encore. La vénérable Archangèle Pinagarola, religieuse dominicaine, avait la plus vive dévotion aux âmes du Purgatoire ; elle priait et faisait prier pour toutes ses connaissances, et même pour les inconnus, qui ne lui étaient attachés par aucun lien. Son père vient à mourir ; qui ne croirait que cette sainte fille va redoubler de prières et de bonnes œuvres pour cette chère âme ? Mais, cet homme était un de ces mondains qui ne s'occupent guère des âmes du Purgatoire. Par une sorte de miracle psychologique, Dieu permet à sa fille l'oublie à peu près complètement dans le Purgatoire. Enfin son père lui apparaît, et lui reproche
273:
en gémissant de l'abandonner ainsi, alors qu'elle avait la plus tendre compassion pour ceux qui ne lui étaient rien. La sainte ne pouvait revenir de son étonnement. - "Comment se fait-il, dit-elle à son ange gardien qui l'assistait, que j'aie oublié si longtemps mon pauvre père ? Bien des fois pourtant j'ai pris la résolution de prier pour lui, puis je pensais à d'autres âmes et je n'en faisais rien. Je me rappelle même qu'un matin, comme je commençais à prier pour lui, je fus ravie en esprit, et il me sembla que je lui offrais un pain très blanc qu'il regardait d'un air dédaigneux, et refusait de prendre ; ce qui me fit craindre qu'il ne fût damné. Le fait est que je ne m'occupais plus guère à prier pour lui, tandis que j'y songeais pour tant d'autres personnes qui ne m'étaient rien". - L'ange lui répondit : "Cet oubli a été permis de Dieu, en punition du peu de zèle de votre père, quand il était en vie. Il n'avait pas de mauvaises mœurs, il est vrai, mais il ne montrait aucun empressement pour les œuvres pieuses que le ciel lui inspirait, et, quand il en accomplissait quelqu'une, c'était sans l'attention ni l'intention désirable. Dieu impose d'ordinaire cette peine à ceux qui ont ainsi passé leur vie sans empressement pour le bien ; il permet qu'on se conduise envers eux comme ils se sont conduits envers Dieu et envers leurs frères. Oubli pour oubli !…(Vie de la sœur Archangèle, Iè part., chap. II).

Ces exemples sont bien capables de faire réfléchir ceux que les motifs tirés de la charité fraternelle, qui doit unir tous les membres de la grande famille des saints, laisseraient froids et indifférents à l'égard des âmes du Purgatoire ; il nous sera fait comme nous aurons fait aux autres. Hélas ! nous aurons si grand besoin de prières après notre mort ! Voulons-nous nous assurer en abondance ces pieux suffrages, prions beaucoup pour les âmes du Pur-
274:
gatoire, Dieu ne permettra pas qu'on nous oublie à notre tour.

A la fin du chapitre précédent, j'ai parlé de l'ordre que la justice nous oblige à garder dans la répartition de nos suffrages. Ici, il ne saurait être question de rien de semblable, puisqu'il s'agit simplement d'une obligation de charité, qui nous lie également à toutes ces pauvres âmes. Chacun peut donc laisser libre cours à sa dévotion, et à ses attraits particuliers. Je me contenterai d'indiquer ici quelques-unes des intentions que l'on peut se proposer, chacun restant libre de choisir celle qui lui convient le mieux.

Un grand nombre de saints ont eu la dévotion de prier pour les âmes les plus abandonnées, celles pour qui personne ne prie ; c'était la pratique favorite de saint Vincent de Paul, ce grand bienfaiteur de tous les abandonnés. C'est là une excellente pensée et bien pratique, à notre époque surtout. Que de pauvres défunts appartiennent à des familles irréligieuses, indifférentes ou sceptiques ; une fois la cérémonie des funérailles accomplie, l'oubli le plus complet recouvre leur tombe, et plus une prière, plus un seul suffrage ne vient leur apporter le soulagement dans leurs maux.

Une pensée toute différente, mais qui n'en est pas moins touchante, porte d'autres âmes à prier pour ceux qui sont arrivées à la fin de leur expiation, et à qui il ne manque plus qu'un dernier suffrage pour entrer en possession de la gloire ; de la sorte on est sûr de se procurer immédiatement un grand nombre de protecteurs au Ciel, de glorifier Dieu sans retard, et de délivrer, sans grand'peine, beaucoup de ces pauvres âmes. Notre-Seigneur révéla à la Mère Françoise du Saint-Sacrement que le jour de la commémoration des morts, il délivre chaque année un grand
275:
nombre d'âmes, et particulièrement celles de cette catégorie.

D'autres ont la dévotion de s'intéresser plus spécialement à telle ou telle classe de personnes. Il en est qui par suite de la misère de leur famille, sont bien exposés à manquer de suffrages après leur mort, comme ils ont manqué de pain pendant la vie. La sœur Marie Denize, visitandine, qui dans le monde s'était appelée Mademoiselle de Martignat, et qui appartenait aux premières familles de la noblesse, avait la dévotion contraire. Elle priait surtout pour les riches et les grands de la terre, à cause de l'effroyable accumulation de dettes spirituelles qu'ils sont exposés à contracter dans une vie, où tout est ménagé pour flatter les sens et développer la triple concupiscence. D'autres se sentent attirés à prier pour les prêtres, pour les religieux et religieuses, pour ceux qui ont vécu dans le même état de vie où ils se trouvent eux-mêmes.

Il en est qui réservent leurs suffrages pour les âmes du Purgatoire qui ont pratiqué leurs dévotions particulières. Sainte Madeleine de Pazzi priait particulièrement pour les dévots du très saint Sacrement. La bienheureuse Marguerite-Marie pour les dévots du Sacré Cœur. Un grand nombre de saintes âmes ont un attrait spécial vers les dévotes de la B. V. Marie, et pensent ainsi témoigner eux-mêmes leur dévotion à la très sainte Vierge, en s'intéressant à ses enfants de prédilection. On peut aussi se sentir attiré à soulager spécialement les amis de saint Joseph, ou encore ceux qui, portant le même nom que nous, ont particulièrement honoré les saints Anges. Par là on secourt les âmes du Purgatoire, et en même temps, on satisfait l'attrait de sa dévotion spéciale.

Enfin j'ai trouvé dans la vie d'un saint personnage une
276:
autre dévotion qui m'a paru très pratique pour notre propre amendement, c'est de prier spécialement pour les âmes du Purgatoire qui souffrent en expiation des fautes et des défauts qui sont les nôtres. Chacun peut examiner ici son défaut dominant, l'orgueil, la paresse, la colère et prier pour la délivrance des âmes qui sont punies pour avoir commis ces mêmes fautes. Rien ne me paraît plus propre à produire en nous-mêmes un sérieux amendement.

Toutes ces dévotions sont bonnes, chacun peut choisir celle qui répond le mieux à son attrait. L'essentiel est de faire quelque chose, de ne pas s'engourdir dans la tiédeur et la négligence, de songer que Dieu et sa gloire ont dans ce monde invisible de graves intérêts, et que si la justice nous fait une loi stricte de nous intéresser à quelques âmes, la charité fraternelle, les liens de la communion des saints qui nous réunissent tous en une seule famille, nous font une obligation non moins sérieuse de ne rester indifférents aux souffrances d'aucune de ces âmes. Puissions-nous ne jamais l'oublier dans la pratique !

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:07

Chapitre 16 Des œuvres que l'on peut faire pour soulager les âmes du Purgatoire
Des différentes manières de soulager les défunts.
De l'offrande des bonnes oeuvres en général p.277 - 287


Comment nous pouvons appliquer aux âmes du Purgatoire le mérite de nos propres œuvres. - Que ce don ne nous appauvrit pas. - Des conditions requises pour qu'une œuvre puisse être appliquée aux défunts. - Exemples des saints. - Quelles sont les œuvres que l'on peut appliquer ainsi.

277:
Voyons maintenant ce que nous pouvons faire pour le soulagement des défunts ; mais, avant d'entrer dans le détail des œuvres que l'on peut leur appliquer, il ne sera pas inutile de traiter la question de l'offrande de ces œuvres en général. Voyons donc avec la théologie, appuyée sur les exemples des saints, dans quelles limites et à quelles conditions ce don de nos bonnes œuvres peut être fait aux défunts.

Les théologiens remarquent trois propriétés qui se rencontrent d'ordinaire dans chacune de nos bonnes œuvres.

1. Cette œuvre est méritoire, c'est-à-dire qu'elle nous donne droit à un nouveau degré de gloire dans le Ciel.
2. Cette œuvre est impétratoire, c'est-à-dire qu'elle incline Dieu à nous accorder quelque grâce particulière, soit pour nous soit pour les autres.
3. Cette œuvre est satisfactoire, c'est-à-dire qu'elle nous remet une partie plus ou moins grande de la peine qui reste à subir en ce monde ou en l'autre pour nos offenses passées.
278:
Prenons un exemple pour mieux être compris ; le jeûne ou bien je fais une aumône pour obtenir le succès d'une affaire qui me tient au cœur ; par là, 1° je mérite un accroissement de gloire dans le ciel ; 2° j'obtiens la grâce que j'ai demandée, si toutefois elle est dans les desseins de Dieu ; 3° je satisfais pour une partie de mes fautes.

Il faut maintenant établir solidement cette doctrine.

Que toute bonne œuvre, faite avec les conditions requises, soit méritoire pour le ciel, c'est un point de foi que le concile de Trente a tranché contre les protestants, qui plaçaient le mérite dans la foi seule, séparée des œuvres. Les promesses évangéliques sont formelles à cet égard ; c'est parce qu'il a été fidèle en de petites choses que le bon serviteur est récompensé : (Quia super pauca fuisti fidelis). (Saint Matth., XVV).

Il nous est commandé de nous faire par nos oeuvres des trésors dans le ciel (St Matth. VI, 20). Au jour du jugement, c'est pour leurs œuvres de charité que les élus sont mis en possession de la gloire éternelle. J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger. J'ai eu soif et vous m'avez donné à boire. (Saint Matthieu, XVV). Et de peur qu'on ne s'imagine que les œuvres d'importance sont seules récompensées : En vérité je vous dis : Si vous donnez un verre d'eau à un pauvre, en mon nom, vous en recevrez la récompense. (Saint Matth., X. 42). Rien de plus clair ; toute bonne œuvre, si petite qu'elle soit, mérite une récompense éternelle.

Mais de plus cette œuvre peut être impétratoire, c'est-à-dire qu'elle peut obtenir telle ou telle grâce de Dieu pour nous et pour les autres. Nous voyons dans l'Ecriture Judith qui jeûne et distribue des aumônes, pour obtenir le succès de sa grande entreprise. David en fait autant pour demander la guérison du fils qu'il a eu de Bethsabée.
279:
Enfin N.-S. Lui-même nous exhorte à jeûner pour chasser certains démons qu'on ne peut vaincre sans cela. Tous ces exemples, et beaucoup d'autres que j'aurais pu citer, montrent clairement que nos bonnes œuvres sont, en même temps, si nous le voulons, des prières, qui inclinent Dieu, notre bon maître, à nous faire miséricorde.

J'ai dit, si nous le voulons ; en effet, notre œuvre n'est pas nécessairement impétratoire ; cela dépend de notre intention.

Il est clair, en effet, que si en faisant une bonne œuvre nous ne nous proposons rien autre chose, il n'y a pas de raisons pour que Dieu nous accorde ce que nous ne lui demandons pas. Mais chaque fois qu'en accomplissant une œuvre pie, nous nous proposons d'obtenir quelque grâce pour nous ou pour les autres, cette œuvre, sans rien perdre d'ailleurs de son mérite, incline Dieu, toujours libéral et miséricordieux, à nous accorder notre demande.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:07

Enfin nos œuvres sont satisfactoires, c'est encore un point de foi qui s'appuie sur les textes de l'Ecriture, où il est dit que l'aumône couvre les péchés et empêche que l'âme ne tombe dans les ténèbres de l'abîme ; les œuvres de piété les plus consolantes, la prière, la communion, gardent ce caractère statisfactoire, car la corruption de notre nature est telle, qu'il n'est pas de bonne œuvre, si facile et si consolante qu'elle soit, qui ne coûte, et souvent beaucoup, à nos répugnances et à notre lâcheté, en sorte qu'il n'en est aucune qui ne révèle un caractère pénitentiel et expiatoire ; que si la ferveur de la charité ôte à nos œuvres ce caractère pénitentiel, et nous les rend faciles, ces œuvres n'en restent pas moins satisfactoires, dit saint Thomas ; au contraire, loin d'être diminuée, cette vertu satisfactoire est accrue, à cause de la charité plus
280:
parfaite avec laquelle nous agissons alors. (In suppl.,III p.,q.xv,art. 2.)
Ceci posé, quelle est, dans nos bonnes oeuvres, la part que nous pouvons appliquer aux âmes du Purgatoire ?
1.Nous ne pouvons leur céder notre mérite, c'est quelque chose d'inaliénable, qui n'appartient qu'à nous, et que le péché seul peut nous faire perdre.
2.Quant à l'impération, les téologiens sont partagés : les uns pensent qu'on ne peut l'appliquer aux défunts, les autres n'y voient point de difficultés. Je suis de ce dernier sentiment. Puisque nous pouvons, par nos bonnes oeuvres, obtenir des grâces à nos frères encore vivants, pourquoi les défunts feraient-ils exception ?
Je puis jeûner pour implorer la guérison d'un malade, pourquoi me serait-il interdit de jeûner pour demander le soulagement et la délivrance d'une âme qui m'est chère ? Néanmoins la chose était controversée, il sera plus prudent de réserver notre interprétation pour obtenir de Dieu les grâces si nombreuses dont nous avons besoin tous les jours.
3.Tout le monde est d'accord que nous pouvons céder aux âmes du Purgatoire la partie satisfaction de nos oeuvres, et c'est en cela proprement que consiste l'offrande en question. C'est un acte de charité très pure, car on se prive par-là de satisfaire pour soi-même ; la raison dit, en effet, qu'il est impossible avec la même somme de payer deux dettes à la fois.
Néanmoins, je veux établir maintenant qu'en réalité nous n'y perdons rien, car:
1.Cet acte de charité très pure accroît très considérablement le mérite de notre oeuvre, et par suite de la récompense. Or, le plus petit degré de gloire dans le Ciel, devant durer éternellement, et sans proportion aucune avec les souffrances du Purgatoire, si longues et si dûres qu'elles puissent être.
2.Il nous reste les indulgences de la sainte Eglise pour payer nos propres dettes, et la disposition de charité où nous met ce don de nos oeuvres aux défunts, est tout à fait propre à nous les faire gagner dans leur intégrité.
3.Les âmes que nous aurons ainsi soulagées à nos dépens, nous assisteront à la vie et à la mort ; peut-être devrons nous aux grâces de choix qu'elles nous obtiendront par leurs prières, d'échapper à l'Enfer.
4.Notre charité pour les pauvres défunts nous méritera, comme je l'ai dit au chapitre précédent, de nombreux suffrages après notre mort, lesquels suppléeront largement aux satisfactions que nous ne nous serons pas réservées pendant la vie.
5.Dieu, qui ne se laisse jamais vaincre en générosité, nous récompensera de notre générosité, en nous accordant des grâces plus abondantes, qui nous feront éviter beaucoup de péchés, ce qui diminuera d'autant notre Purgatoire.
Tout ceci nous est confirmé dans une apparition de Notre-Seigneur à une pieuse vierge nommée Gertrude. C'est Denys le Chartreux qui nous fait connaître cette histoire.
Cette sainte fille offrait chaque matin toutes les bonnes oeuvres de sa journée pour les âmes du Purgatoire ; quand elle fut elle-même près de mourir, le démon l'assaillit d'une tentation de désespoir.
-"Que tu as été sotte et présomptueuse de te dépouiller ainsi pour les autres ; maintenant il va falloir expier toutes tes fautes dans les plus horribles supplices, et je rirai de tes tourments. Qu'avais-tu besoin de prodiguer ainsi toutes satisfactions à des étrangers ? C'est l'orgueil qui t'a aveuglée, mais tu vas le payer bien cher ! >>
En entendant ces cruelles paroles, cette bonne âme commença à gémir et à se désoler. - << Oh! que je suis malheureuse! dans peu d'instants je vais rendre compte de toutes mes actions, et parce que je n'ai rien gardé pour moi de toutes mes bonnes oeuvres, j'ai en perspective un effroyable Purgatoire, sans adoucissement et sans espérance de soulagement. >>
Mais notre doux Sauveur ne voulant pas laisser sa fidèle servante dans cette angoisse, lui apparut plein de douceur et de majesté et lui dit :
- <> - Vous le savez , Seigneur c'est parce que j'ai tout donné aux autres, et qu'il ne me reste plus rien pour payer mes propres dettes.>>
- << Console-toi, lui répondit le Sauveur en souriant ; pour te montrer combien cette charité m'a été agréable, je te remets dès maintenant toutes les peines qui t'étaient réservées . De plus comme j'ai promis le centuple à ceux qui s'oublient par amour pour moi, j'augmenterai d'autant ta récompense céleste ; sache aussi que, par mon ordre toutes les âmes que tu as secourues vont venir à ta rencontre pour t'introduire dans la sainte Jérusalem. >> A cette douce assurance, la pieuse vierge sentit sa tristesse se dissiper. Elle raconta à ses sœurs ce qui venait de se passer, et, le sourire des prédestinés sur les lèvres, elle alla recevoir la récompense de son héroïque charité.
Disons un mot maintenant des conditions requises pour que ces bonnes oeuvres soient applicables aux âmes du Purgatoire.
1° Il faut que cette oeuvre soit faite d'une manière surnaturelle ; Dieu ne récompensant que ces sortes d’œuvres.
2° Il faut qu'elle soit faite en état de grâce, car, dans l'état de pêché mortel, on ne peut satisfaire ni pour soi ni pour les autres.
3°Il faut que nous ayons l'intention d'appliquer cette oeuvre aux âmes du Purgatoire, soit à quelque âme en particulier, soit à une catégorie d'âmes, selon que je l'ai indiqué à la fin du chapitre précédent. Rien n'empêche non plus de remettre ces satisfactions aux mains de N.-S. ou de la très sainte Vierge, pour être distribués à leur volonté.
Il reste maintenant à montrer comment les saints nous ont donné l'exemple de se dépouiller du mérite de leurs bonnes oeuvres, en faveur des défunts. Les exemples à citer seraient innombrables, car tous les saints ont pratiqués plus ou moins cet héroïque dévouement ; je me bornerai à quelques traits plus saillants.
Christine, surnommée l'Admirable à cause des merveilles de sa vie, merveilles plus admirables en effet qu'imitables, avait consacré sa vie pénitente tout entière au soulagement des âmes du Purgatoire. On frémit en lisant le récit des pénitences qu'elle s'imposait pour les soulager. Les haires, les disciplines sanglantes ne suffisant pas à l'ardeur de son zèle, elle passait plusieurs jours de suite sans rien boire , ni manger; elle se roulait dans les épines, d'où elle ne pouvait évidemment sortir que par miracle, puis, à peine retirée du milieu des flammes, elle courait se jeter dans un étang glacé, où elle demeurait de longues heures en prière.
Une fois, elle se fit entraîner sous la roue d'un moulin, qui lui broya tous les membres ; si Dieu ne l'eût sauvée miraculeusement, elle serait morte cent fois ; mais Dieu, qui lui inspirait tous ces actes extraordinaires, la soutenait dans la pratique de cette rude pénitence; les âmes du Purgatoire, qu'elle délivrait par milliers, lui apparaissaient en troupe pour la remercier . Mais voici le trait le plus héroïque de toute sa vie.

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:07

Un jour, elle mourut, et fut présentée au tribunal de Dieu : <>
La généreuse âme répondit aussitôt: << Seigneur, je demande à retourner sur la terre pour souffrir et me sacrifier en faveur des défunts. >>
Elle ressuscita donc en présence de ceux qui étaient venus l'ensevelir, et redoubla ses mortifications et ses pénitences, au point que si les auteurs les plus sérieux et témoins oculaires ne nous avaient certifié ces choses, je me refuserais à les croire, tant elles dépassent ce que l'on peut attendre des forces humaines.(Voyez, Vie de Christine l'Admirable. Surius 23 juin.)
L'humble et douce vierge Marie Villani, sans pratiquer des pénitences si extraordinaires, n'en délivra pas moins un grand nombre d'âmes, que Dieu lui fit voir un jour, dans une procession de personnages richement habillés, et conduits par elle. Aussi elle offrait chaque jour à N.-S. tout le mérite de ses oeuvres pour la délivrance de ces âmes, et elle poussa la charité jusqu'à demander à éprouver dans sa chair leurs souffrances, en quoi elle fut exaucée comme je l'ai dit ailleurs.
Un jour de la commémoration des morts, elle était occupée à copier un manuscrit ; et elle regrettait que ce devoir imposé par l'obéissance l'empêchât de consacrer ce jour au soulagement des défunts . N.-S. lui apparut et lui promit que chaque ligne qu'elle transcrirait ce jour-là, procurerait la délivrance à une âme du Purgatoire. Par là on voit qu'il n'est pas d’œuvre petite, pour Dieu, quand elles sont relevées par la charité. (V. Vie de Marie Villani).
La Bienheureuse Ursule Beninsaca , religieuse théatine, montra le même dévouement dans un cas particulier . Sa sœur Christine étant à l'agonie, et redoutant un terrible Purgatoire?elle pria N.-S. de lui infliger à elle-même, en cette vie, les tourments qui attendaient sa sœur dans l'autre. Elle fut exaucée : Christine expira dans la paix des élus, et aussitôt sa sœur fut saisie des plus violentes douleurs qui durèrent jusqu'à sa mort.(Vie de le B. Ursule Beninsaca, par Bagata.)
Le P. Hippolyte de Scavo, capucin, offrait pour les âmes du Purgatoire les premières de ses actions de la journée ; il se levait avant ses frères pour réciter l'office des défunts, sans préjudice des mortifications qu'il faisait pour elles, pendant le jour.

Il avait un attrait particulier à prêcher pour elles, et leur obtenir ainsi les nombreux suffrages des fidèles que sa parole brûlante avait convaincus de l'importance de cette oeuvre . Aussi Dieu, pour les récompenser de sa charité, permit qu'il eut une vision miraculeuse, que j'ai racontée ailleurs, une juste idée de la grandeur de ces tourments.(Annales des Capucins, t. III, année 1618,n°xiii.)

Saint Philippe de Néri offrait une partie de ses oeuvres pour les âmes du Purgatoire, et l'autre pour la conversion des pécheurs . Il se croyait spécialement redevable envers ses anciens pénitents, et jamais, dit l'historien de sa vie, il ne manqua à prier spécialement pour chacun d'eux après leur mort . Ceux-ci apparaissaient souvent d'ailleurs, pour le remercier et se recommander à ses prières, et à sa mort, les âmes qu'il avait ainsi délivrées vinrent au-devant de lui pour lui faire cortège et le conduire dans la gloire.(Vie de Saint Philippe de Néri.)
Saint Louis Bertrand faisait de même; il;partageait tous ses suffrages en deux parts, la première pour la délivrance des âmes de Purgatoire, et le seconde pour la conversion des pêcheurs ; il s'imposait, à cette double intention, une infinité de prières, de jeûnes et d'autres mortifications . Si l'on juge de son succès pour la délivrance des âmes des défunts par celui qu'il obtenait dans la conversion des pêcheurs, c'est par milliers qu'il dut délivrer de ces saintes âmes . (Vie de saint Bertrand ,dans le diario Dominicano, au 10 octobre.)
La Compagnie de Jésus, toujours à l'avant-garde de toutes les bonnes oeuvres, n'est pas restée en arrière de beaux dévouements. Saint Ignace, son fondateur, priait beaucoup pour les âmes du Purgatoire. Le P.Linez, son second général offrait chaque jour à cette intention la meilleure partie de ses prières, de ses études et des grandes oeuvres qu'il faisait dans l'Eglise ; il exhortait tous ses frères à offrir de même leurs études, leurs prédications, leurs travaux apostoliques, et la plupart furent fidèles à cet enseignement de charité.
Toujours l'illustre Compagnie a montré un zèle particulier pour cette dévotion. J'ai cité déjà l'exemple de beaucoup de Pères Jésuites; il m'en reste beaucoup d'autres, parmi lesquels je veux nommer le P.Rem, du collège d'Ingolstadt : il avait fait de la délivrance et du soulagement des âmes du Purgatoire son oeuvre principale, jour et nuit il s'en occupait . Le jour, il offrait pour elles, ses mortifications, ses prières, toutes ses actions . La nuit, les âmes venaient le visiter, s'approchaient de son lit, et lui demandaient de prier pour elles ; il se levait de suite, sans regretter son sommeil interrompu et se mettait en oraison.
Un grand nombre de témoins ont déposé, après sa mort, avoir entendu bien souvent sortir du cimetière voisins des cris plaintifs : <> (Jacques Hautin. Patonicium defunct.chap. ii, art. 2.)
En voila assez ; je ne puis parcourir la vie de tous les saints, et il faudrait le faire, si on voulait nommer tous ceux qui ont travaillé par leurs oeuvres au soulagement des âmes du Purgatoire . Puisse ces exemples ne pas être perdus pour nous . Nous pouvons offrir pour le soulagement des défunts toute espèce d’œuvres, pourvu qu'elles soient surnaturelles et faites en état de grâce. Pour plus de clarté, je rangerai toutes ces différentes oeuvres sous trois ou quatre chefs, qui résument tout :L'aumône, la mortification , la prière, la messe, l'application des indulgences.
Ce sera l'objet d'autant de chapitres.
fin 287.

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:09

Chapite 17 L'aumône p.288 - 297

Combien l'aumône nous est recommandée dans les saintes Ecritures. - Double mérite de cette oeuvre appliquée aux défunts. - Exhortations des saints Pères. - Exemple des saints. - Que l'aumône préserve du Purgatoire.

288:
Parmi toutes les oeuvres de la charité évangélique, il en est peu qui nous soient recommandées avec plus d'instance que l'aumône. C'est elle, disait l'Ange de Tobie, qui sauve l'homme de la mort, qui efface les péchés et qui fait trouver grâce devant Dieu.(Tobie, xii. 9.) Dans le Nouveau Testament, les élus ne semblent récompensés que pour avoir pratiqué cette vertu ; c'est parce qu'ils ont secouru le Sauveur Jésus qui avait faim et soif, dans ses membres souffrants, les pauvres ; c'est parce qu'ils ont habillé ceux qui étaient nus ; parce qu'ils ont visité les malades et les prisonniers, qu'ils sont appelés aux récompenses éternelles.
Enfin l'Ecclésiaste nous apprend que, de même que l'eau éteint le feu le plus ardent, ainsi l'aumône efface le pêché . (Ecclés., ii,33.)
Faire l'aumône en vue d'en appliquer le mérite aux âmes du Purgatoire, c'est donc verser de l'eau sur les flammes qui les dévorent . Il y a plus, cet acte revêt alors pour celui qui le fait un double mérite, celui de la charité exercée envers les pauvres ; et celui du soulagement des âmes du Purgatoire ; par conséquent, celui qui fait l'aumône de cette façon, acquiert par un seul acte un double degré de gloire de plus dans le Ciel.
289:
Cet acte contribue aussi en deux manières au soulagement des défunts ; d'abord par la valeur satisfactoire qu'il a en lui-même ; puis par les prières que les pauvres ainsi soulagés font pour leurs bienfaiteurs, prières que Dieu a promis d'exaucer tout spécialement . (Deprecationem pauperum exaudivit Dominus)
Il y a quelque chose à dire encore : l'aumône est, à peu près, la seule oeuvre que ceux qui sont dans le malheureux état du péché mortel, puissent faire utilement pour les âmes du Purgatoire. Car ils sont alors incapables de satisfaire, soit pour eux, soit pour les autres, parce que leur oeuvres sont mortes : prières, mortifications, tout ce qu'ils feraient en cet état pour la délivrance des défunts seraient stériles, tandis que l'aumône, si elle n'a pas alors ; sa vertu satisfactoire, n'en garde pas moins une certaine efficacité, car les prières des pauvres profitent et à celui qui fait l'aumône pour lui obtenir des grâces de conversion, et à l'âme en vue de qui on fait pour adoucir ses souffrances.
Il ne faut donc pas s'étonner de voir les amis des âmes du Purgatoire recourir à cet excellent moyen de les secourir . C'était l’œuvre de prédilection du pape saint Grégoire le Grand, si dévoué aux âmes souffrantes . Pour les soulager plus efficacement, il ne séparait jamais l'aumône de l'oblation du divin sacrifice, et de nombreuses apparitions lui apprirent, et à nous aussi, combien cette double charité est efficace . Ce pieux usage passa donc en loi chez les Bénédictins et dans plusieurs familles religieuses . Comme je l'ai dit ailleurs, d'après la règle de saint Benoît, quand un des frères vient de mourir, on offre pendant trente jours le saint Sacrifice pour le repos de son âme, et pendant tout ce temps, on distribue sa ration aux pauvres .
Rien de plu instructif et de plus encourageant que les
290:
exhortations des Saint Pères à ce sujet . Ecoutons saint Ambroise : << Vous avez perdu un fils chéri ; vous ne savez que faire pour témoigner votre douleur; vous voudriez pouvoir lui être utile encore ; rien de plus simple . Voulez-vous vraiment rendre service à celui qui devait être votre héritier ; assistez son cohéritier . Donnez aux pauvres ce que vous vouliez donner à celui que vous pleurez . Vous n'avez pas perdu l'héritier de vos biens, si vous assistez son cohéritier qui est le plus pauvre . Au lieu de quelques misérables biens temporels que vous comptiez lui laisser, vous le mettrez ainsi en possession des biens éternels . Voilà comment vous pouvez encore secourir celui que vous aimiez plus que tout autre chose au monde.>>(Saint Ambroise, Sermo de fide resurrectionis.)
Comme la face de ce monde serait changée, si on suivait fidèlement ces conseils du saint évêque ! Alors, les pauvres seraient abondamment soulagés ; on ne verrait plus cette plaie effroyable du paupérisme, qui grandit chaque jour parmi nous et dévore nos sociétés pourries ; on ne verrait plus cet insolent gaspillage de la richesse, qui attire la malédiction de Dieu, et met au cœur du pauvre la haine de ceux qui possèdent, et le désir insatiable d'arracher aux heureux de ce monde une part de leurs jouissances . Il y aurait peut-être moins de luxe; le commerce, pour parler comme nos économistes, pourraient en souffrir, mais il n'y aurait pas de questions sociales, et l'on ne verrait pas, tous les quinze ans, le peuple se ruer implacable à l'assaut des prospérités qu'il envie . D'un autre côté, les âmes du Purgatoire seraient efficacement soulagées ; elles auraient ainsi leur part dans ces biens qui devaient leur appartenir ; avec cet or, cet argent, qui sert trop souvent à nourrir la vanité des survivants, jusque
fin 290.
Page 291 :
Dans les vaines démonstrations de leur deuil, ces malheureux achèteraient le Ciel. O Dieu, mettez donc au cœur des riches cette intelligence du pauvre qui fait le bonheur. Beatus qui intelligit super egenum et pauperem.

Un pieux auteur nous donne un motif qui n’est pas moins utile. Quand un pauvre se présente à votre porte, ou vous tend la main dans la rue, figurez-vous, nous dit-il, que c’est une âme du Purgatoire, l’âme d’un de vos proches peut-être, qui s’adresse à vous, et vous supplie humblement de ne pas l’oublier.

Cette pensée, qui est fort belle et fort vraie, devrait être profondément gravée dans notre esprit; les pauvres y gagneraient d’être assistés; et les âmes du Purgatoire en retireraient de grands avantages.

Voyons maintenant comment les saints, nos modèles en toutes choses, ont compris ces divines leçons.

Le père Magnanti, de l’Oratoire, bien que pratiquant pour lui-même la plus stricte pauvreté, était saintement prodigue lorsqu’il s’agissait de soulager les chères âmes du Purgatoire à qui il avait dévoué sa vie.

Chaque année, il distribuait à cette intention des sommes immenses, que de pieux fidèles, connaissant sa tendre charité, faisaient passer par ses mains. Il se faisait mendiant, pour solliciter des aumônes en faveur des défunts. Il avait dans sa chambre une bourse qu’il appelait le trésor des âmes, crumena animarum. Cette bourse était toujours vide, bien qu’elle se remplît chaque jour; et ce pauvre religieux, qui ne possédait au monde que sa soutane et son bréviaire, distribua ainsi, dans le cours de sa longue vie, des aumônes vraiment royales.

Il avait trouvé ainsi le moyen de secourir à la fois les membres souffrants du Sauveur Jésus, en ce monde et en l’autre. (V.Hist. Congr. Orator., liv.II, chap. XXIX.)

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:09

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Cette bourse du P. Magnanti me rappelle que, dès le cinquième siècle, saint Jean Chrysostome donnait le même conseil aux fidèles de Constantinople : " Ayez, leur disait-il, une boîte au chevet de votre lit, et tous les soirs avant de vous endormir, n’oubliez pas d’y mettre quelques pièces de monnaie, mais gardez-vous de détourner jamais à votre usage ce que vous y aurez déposé; ce serait une espèce de larcin et de sacrilège. Donnez-le aux pauvres en vue de délivrer des flammes quelque âme souffrante. Vous vous amasserez ainsi des trésors dans le ciel . "

Que si vous êtes pauvre vous-même, ne croyez pas être dispensé pour cela de faire l’aumône, donnez dans la mesure de votre pauvreté, et Dieu, qui a béni le denier de la veuve, préférablement aux fastueuses offrandes du Pharisien, vous tiendra compte de votre bonne volonté; vous ne pouvez absolument donner d’argent, dites-vous, vous n’êtes pas pour cela exclu de l’honneur et du bénéfice de l’aumône; donnez votre temps, vos soins, vos bons offices; donnez une parole de consolation à l’affligé; donnez un service matériel, qui vous coûte peu, et qui réjouira le cœur de votre frère; donnez votre âme, votre cœur, votre bonne volonté. Allez ! si pauvre que vous soyez, vous avez bien des trésors à mettre au service du prochain; les plus pauvres sont quelquefois ceux qui savent le mieux s’assister les uns les autres, parce qu’ils ont été formés aux rudes leçons de la misère.

D’ailleurs la charité est bien ingénieuse, plus ingénieuse que l’avarice et la soif du gain; quand la douce charité est entrée dans un cœur, elle trouve toujours le moyen de se satisfaire. Écoutez plutôt cette touchante histoire.

Il y avait un pauvre frère de la Compagnie de Jésus, nommé André Simoni, tout brûlant d’ardeur pour le sou-


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lagement des âmes du Purgatoire. S’il avait été prêtre, il aurait célébré la sainte messe pour leur délivrance, mais que peut un pauvre frère sans ressources et sans relations dans le monde ? Vous allez voir ! Il était portier de la maison, et quand il voyait venir quelque grand personnage, il mendiait à l’intention de ces pauvres âmes, une partie des aumônes qu’il recevait était destinée à entretenir un certain nombre d’ecclésiastiques pour dire la sainte messe à l’intention des défunts; l’autre était versée dans le sein des pauvres. Pour accroître son trésor, cet humble frère cultivait, près de la porte, un jardin rempli de belles fleurs, dont il faisait des bouquets qu’il offrait aux visiteurs, en leur demandant, en échange, une aumône pour les chères âmes souffrantes. Tant de zèle et de piété ouvraient les cœurs à la charité; les bourses se déliaient largement, et le bon frère voyait avec joie grossir son petit trésor. Quand il fut près de mourir, les âmes du Purgatoire, qu’il avait secourues et délivrées en grand nombre vinrent l’assister sur son lit d’agonie, et sans doute le conduisirent au Ciel recevoir la récompense de son ingénieuse charité. (Heroes et victimoe societatis Jesu, anno 1656).

Le P. de Munford, dans son traité de la charité à exercer envers les défunts, nous conseille de mettre chaque soir, après notre examen de conscience, une petite aumône de côté, comme pénitence des fautes commises pendant le jour, et à la fin de la semaine, de distribuer ces aumônes, à l’intention des âmes du Purgatoire; sur quoi il ajoute : " Vous ne pouvez mieux placer votre argent et le faire mieux fructifier; c’est là une sorte d’usure spirituelle, qui n’est nullement défendue, et dont vous toucherez plus tard les gros intérêts. " (Opere citato, ch. XII.)

" Voulez-vous, dit saint Augustin, apprendre à bien


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trafiquer et à tirer de gros intérêts de votre argent ? donnez ce que vous ne pouvez conserver afin d’obtenir ce que vous ne pouvez perdre. "

En effet, l’aumône, qui est si utile pour soulager les défunts, a une vertu très particulière pour empêcher de tomber en Purgatoire, ou pour abréger l’épreuve de celui qui a été fidèle à la faire. Dieu ne se laisse jamais vaincre en générosité par ses créatures, ne l’oublions pas. Donnez et il vous sera donné, telle est la règle évangélique.

Les faits suivants montreront bien la vertu préservative de l’aumône.

Saint Pierre Damien raconte une apparition qui se fit voir à un prêtre, dans la basilique de Sainte-Cécile à Rome.

Ce prêtre aperçut, sur un trône magnifique placé au milieu de l’église, la très sainte Vierge entourée de sainte Cécile, de sainte Agnès, de sainte Agathe et d’une couronne d’anges et de bienheureux. Au milieu de cette noble assemblée parut tout à coup une pauvre vieille, revêtue d’habits sordides, mais ayant sur les épaules un manteau de riches fourrures; elle s’approcha du trône, se mit à genoux et dit en pleurant : " Ô Mère des miséricordes, au nom de votre bonté pour tous les malheureux, je vous conjure d’avoir pitié de l’âme de Jean Patrizi, mon bienfaiteur, qui vient de mourir, et qui souffre de cruels tourments dans le Purgatoire. " Cependant, la très sainte Vierge gardait un visage sévère, et ne répondait rien, cette femme répéta une seconde et une troisième fois la même prière; toujours pas de réponse. Alors elle éleva la voix en pleurant : " Vous savez bien, ô reine très miséricordieuse, que je suis cette mendiante, qui au cœur de l’hiver, vêtue de misérables haillons, demandait l’aumône à la porte de votre grande basilique. Oh! Comme je tremblais de froid !


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c’est alors que Jean, à qui je demandais l’aumône en votre nom, ôtant de ses épaules cette riche fourrure me la donna pour me réchauffer. Une si grande charité, faite en votre nom, mérite bien un peu d’indulgence. "

Alors la Reine des Vierges, jetant sur la suppliante un regard d’amour : " Celui pour qui tu pries, répondit-elle, est condamné pour longtemps à de rudes souffrances, à cause de ses péchés nombreux et graves; mais parce qu’il a eu deux vertus spéciales, la miséricorde envers les pauvres, et la dévotion à mes autels, je veux user de miséricorde à son égard; qu’on l’amène en ma présence. "

Patrizi parut alors, conduit par une troupe de démons qui le tenaient enchaîné; il était pâle et défiguré, comme un homme qui souffre de violentes douleurs. La Mère de Dieu commanda aux démons de lâcher leur proie et de le mettre en liberté à l’instant même, afin qu’il pût se joindre à l’assemblée des saints. Ils le firent aussitôt, alors la vision disparut, et le bon prêtre qui en avait été l’heureux témoin apprit ainsi le grand mérite de l’aumône, et son efficacité pour préserver les âmes du Purgatoire. (V. saint Pierre Damien, opus. XXXIV, ch. IV.)

Voici maintenant ce qui arriva au Père Mancinelli, de la Compagnie de Jésus; son oncle, César Costa, était archevêque de Capoue. Un jour qu’il rencontra le Père, pauvrement vêtu, à son ordinaire, il lui donna de l’argent pour acheter un manteau qui le préservât un peu du froid de l’hiver très rigoureux cette année là.

Or, à quelque temps de là, l’archevêque mourut. Un jour que le bon Père sortait pour visiter ses malades, revêtu du fameux manteau, il vit venir à lui le défunt tout enveloppé de flammes, qui le supplia de lui prêter un moment. Le Père le lui donna de suite. Le défunt s’en


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enveloppa, et soudain, ô merveille de la charité ! les flammes s’éteignirent.

Le défunt, ainsi rafraîchi, ne voulait plus rendre le précieux vêtement. Le Père lui dit qu’il était envoyé quelque part, pour la gloire de Dieu, et que la chose pressait, il lui rendit son manteau, mais contre la promesse que, désormais, le bon Père prierait avec plus de zèle que par le passé pour son bienfaiteur.

Cette scène a été reproduite sur un tableau que l’on conserve au collège de Macerata; au bas du tableau on a inscrits quelques vers italiens dont voici la traduction : O miraculeux vêtement, donné pour garantir des rigueurs de l’hiver et qui, rendu ensuite un moment, a tempéré les flammes de l’expiation. C’est ainsi que la charité réchauffe ou rafraîchit tour à tour, selon les maux qu’elle doit adoucir. (Vie du P. Jules Mancinelli, par Celsius, liv. III, ch.II.)

En terminant, je ferai une réflexion qui s’applique à tant de saintes âmes, que l’on voit toujours prêtes à venir en aide à toutes les bonnes œuvres : Denier de Saint-Pierre, œuvre de la Propagation de la foi, de la Sainte-Enfance, souscription pour les universités catholiques, les écoles, les prêtres persécutés, la construction de l’église votive du Sacré-Cœur, etc; elles ne se refusent à aucune demande, et les impies sont confondus de voir tant de généreux dévouements dans les fils de la sainte Église. Tout cela est assurément très beau; et c’est une grande consolation que Dieu donne à son Église, dans ces tristes jours, que de voir le dévouement de ses fils restés fidèles. Mais pourquoi ne ferions-nous pas double profit spirituel, en distribuant ces aumônes en faveur des âmes du Purgatoire ? Ce serait double mérite pour nous, et nous aurions ainsi le moyen de secourir tout à la fois


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l’Église militante et l’Église souffrante. Je me rappelle à cette occasion un trait bien touchant, et dont j’ai été moi-même le témoin.

Il s’agit d’un pauvre portier de séminaire, qui, dans sa longue vie, avait amassé, sou par sou, la somme de huit cents francs.

N’ayant pas de famille, il destinait cet argent à faire dire des messes après sa mort; mais que ne peut la charité dans un cœur embrasé de ses saintes flammes ? Un de nos confrères se préparait à quitter le séminaire pour entrer aux Missions étrangères. Ce pauvre vieillard, apprenant cela, fut inspiré de lui donner son petit trésor, pour l’œuvre si belle de la Propagation de la foi. Il le prit donc en particulier et lui parla à peu près ainsi. – " Cher Monsieur, je vous prie d’accepter cette petite aumône pour vous aider dans l’œuvre de la propagation de l’Évangile. Je l’avais réservée pour faire dire des messes après ma mort, mais j’aime mieux rester un peu plus longtemps dans le Purgatoire, et que le nom du bon Dieu soit glorifié. " Le jeune séminariste était ému à pleurer, il voulait refuser l’offrande si généreuse de ce pauvre homme, mais l’autre insista tellement qu’il y aurait eu cruauté à le refuser.

À quelques mois de là, ce bon vieillard mourait; aucune révélation n’est venue me dire ce qui lui arriva en l’autre monde, mais je n’en ai pas besoin. Je connais assez le cœur de Jésus, mon maître pour être sûr que celui qui s’était dévoué aux flammes du Purgatoire afin de faire connaître son saint Nom aux nations infidèles, reçut la récompense de son héroïque charité, et s’en alla au Ciel, sans retard, contempler dans les rayonnements de l’amour, le Dieu qu’il avait tant aimé sur la terre.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:10

Chapitre 18 De la Mortification

Son efficacité pour le soulagement des âmes du Purgatoire. – Pratique de cette vertu. – Des exemples des saints. – De la mortification intérieure et extérieure. – De l’acceptation des peines de chaque jour.

Le jeûne, telle est la seconde manière de secourir les défunts, et sous ce nom générique on comprend tous les actes de mortification intérieure et extérieure, tout ce qui contrarie la nature, et la fait souffrir. Il n’est pas besoin d’insister pour montrer combien cette œuvre est efficace à procurer le soulagement des défunts. Les autres œuvres, comme la prière et l’aumône, ne revêtent que par accident un caractère pénitentiel et satisfactoire, tandis que la mortification est l’œuvre satisfactoire par essence. C’est la rançon des péchés commis.

Cette œuvre doit nous être d’autant plus à cœur que, dans un certain degré, elle est indispensable au salut; c’est l’oracle de la sagesse éternelle qui a prononcé que, si nous ne faisons pénitence, nous périrons tous. Nisi poenitentiam egeritis, omnes similiter peribitis. Se mortifier à l’intention des âmes du Purgatoire, c’est donc, d’un côté, assurer sa propre sanctification, et, de l’autre, procurer efficacement le soulagement des défunts. Du reste ce n’est pas d’aujourd’hui que la pratique de se mortifier, à l’intention des défunts, ou au moins à leur occasion, est établie, puisque nous lisons, au premier livre des Rois, que les habitants de Jabès en Galaad, ayant appris la mort de Saül et de ses trois fils, se levèrent aussitôt, dit le texte


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sacré, en marchant toute la nuit, prirent les corps et les ayant ensevelis, jeûnèrent pendant sept jours. (Reg., XXXI, 13.)

Je sais que ce mot de mortification répugne tout particulièrement à la délicatesse de notre siècle. Il semble que ce soit un reste du moyen âge, destiné à disparaître avec d’autres vieilleries. Les haires, les disciplines, les cilices, sont aussi étrangers à la plupart des chrétiens de nos jours, que les fusils à rouet et les vieilles arquebuses de nos pères le sont à nos armées. Le jeûne et l’abstinence eux-mêmes sont tombés en désuétude. On a fait tout ce que l’on a pu pour en atténuer les antiques rigueurs, et malgré cela, devant les répugnances de ses enfants, l’Église, cette mère toujours indulgente, a dû lâcher la corde, et donner dispense sur dispense. Le carême n’est plus guère qu’un mot vide de sens; l’abstinence du samedi est tombée à peu près dans tous les diocèses, et le peu qui reste d’obligatoire est méprisé par le plus grand nombre des chrétiens.

Ce n’est plus dans nos mœurs, dit-on; j’en suis bien fâché pour nos mœurs, mais l’évangile ne change pas avec nos caprices. Tant qu’il y aura des pécheurs au monde, il y aura pour eux obligation de faire pénitence en ce monde ou en l’autre; permis à chacun d’user des dispenses que la sainte Église s’est vue forcée d’accorder à notre lâcheté, mais la loi de la pénitence ne change pas, et si, en continuant de pécher, nous ne nous préoccupons pas de payer nos dettes, nous aurons un terrible compte à solder en Purgatoire. Nous avons les indulgences, dites-vous; d’accord, mais vous oubliez que l’Église ne les accorde qu’aux vrais pénitents, vere poenitentibus.

Elle ne prétend pas encourager la tiédeur, mais venir en aide à ceux qui font déjà tout ce qu’ils peuvent.


Page 300 :
Il faut donc en revenir à la pratique de la mortification si nous ne voulons pas laisser s’accumuler ces effroyables arriérés, et nous préparer un terrible Purgatoire. Après cela, il semble qu’ayant tant à payer pour nous-mêmes, il est imprudent de nous exhorter à payer encore pour les autres, il n’en est rien cependant.

Si nous avons la charité de payer les dettes de nos frères, nous pouvons espérer, comme je l’ai dit en parlant de l’aumône, que nous inclinerons Dieu, notre grand créancier, à user de miséricorde à notre égard, et d’ailleurs nous garderons toujours le mérite de nos œuvres, puisqu’il est inaliénable, et cette part l’emporte infiniment sur l’autre.

Imitons les Saints; ils nous ont donné à ce sujet d’illustres exemples. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit ailleurs des mortifications vraiment incroyables de la sainte vierge Christine, surnommée l’Admirable. Mais voici d’autres exemples qui sont mieux à la portée de notre faiblesse.

Le bienheureux François de Fabriano avait coutume d’offrir pour le soulagement des âmes du Purgatoire, toutes les austérités imposées par la règle (il était frère Mineur); il offrait en plus toutes les pénitences que sa ferveur lui imposait de surérogation. Il ne se réservait absolument rien, s’en remettant à la miséricordieuse bonté du Sauveur Jésus, pour le payement de ses propres dettes. Pour rendre ses pénitences plus agréables à Dieu, il les unissait aux souffrances de Jésus-Christ sur la croix.

Du reste, sa compassion pour les pauvres défunts était si vive, qu’il ne pouvait arrêter sa pensée sur les tourments du Purgatoire sans trembler de tous ses membres. De nombreuses apparitions d’âmes délivrées par lui,


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vinrent lui apprendre combien sa charité était agréable à Dieu (Bagata, liv. II, ch. I.)

La bienheureuse Catherine de Raconigi reçut de Notre-Seigneur lui-même l’ordre de se mortifier à l’intention des âmes du Purgatoire. Dans une de ses extases, il lui sembla voir le divin Sauveur lui ouvrir le cœur, et en tirer du sang, dont une partie tombait sur la tête des pécheurs, et l’autre part sur les âmes du Purgatoire. Elle comprit par là qu’elle devait travailler par la pénitence à ces deux grandes œuvres : la conversion des pécheurs et la délivrance des âmes du Purgatoire. Dieu bénit visiblement ses austérités pur les premiers, quand aux secondes, de nombreuses visions lui apprirent que ses mortifications ne produisaient pas moins de fruit dans le Purgatoire que sur la terre (Voir Vie de la bienh. Diario Dominicano, 4 sept.)

Saint Nicolas de Tolentino jeûnait souvent au pain et à l’eau pour les âmes du Purgatoire; il se donnait à cette intention de sanglantes disciplines, et pour ne pas perdre le souvenir de ses chères âmes, il s’était mis autour des reins une ceinture de fer étroitement serrée, dont les pointes pénétraient profondément dans sa chair, et lui servaient de memento jour et nuit; aussi, les âmes du Purgatoire lui apparaissaient très souvent, comme je l’ai raconté ailleurs, pour se recommander à ses pieux suffrages, ou pour le remercier de les avoir secourues (Surius, vie du Saint, 18 sept.)

Dans ces derniers temps, la vénérable Mère Françoise du Saint-Sacrement ne montra pas une moins grande charité; elle jeûnait presque toute l’année, au pain et à l’eau, à l’intention des défunts. Chaque jour elle déchirait sa chair sous les coups de la discipline. Jamais elle ne quittait un rude cilice qu’elle portait nuit et jour, en

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:10

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sorte que le peu de repos qu’elle était forcée de donner à la nature était encore une mortification non petite. J’ai dit ailleurs comment des apparitions continuelles et d’innombrables délivrances étaient la récompense de sa charité vraiment héroïque (Vie de Françoise du Saint-Sacrement, liv. II.)

Tout cela est bien dur, dira-t-on : Durus est hic sermo ! J’en conviens; tout cela paraît bien extraordinaire à notre lâcheté; mais que voulez-vous ? je ne puis, pour vous faire plaisir, refaire l’Évangile et la vie des saints ! Du reste, que les personnes faibles de santé ou de courage se rassurent; là, comme pour l’aumône, Dieu regarde moins à l’acte en lui-même, qu’à la générosité du cœur; vous ne pouvez jeûner, porter le cilice, vous donner la discipline, imiter en un mot les exemples héroïques des saints; consolez-vous, il vous reste bien des moyens de vous mortifier, sans affaiblir vos forces et sans détruire votre santé. S’abstenir, pour l’amour de Dieu, et en esprit de pénitence, de quelque distraction permise, mais, où la charité ne nous oblige pas à prendre part; se retrancher, dans les repas, quelque chose qui serait à notre goût, mais qui n’est pas nécessaire à notre santé, qui peut-être même lui est nuisible; donner un peu moins de liberté à nos yeux, à notre langue, à nos oreilles; ne pas chercher à tout savoir, à tout voir, à être au courant des mille futilités, qui se disent chaque jour dans le monde; voilà des mortifications qui ne sont certainement pas bien terribles et bien héroïques, mais la bonté de notre Dieu est si grande, qu’il veut bien les accepter, en expiation de nos fautes, et en payement des fautes des défunts.

Qui donc serait assez lâche pour se refuser à ces légers sacrifices, que nous avons l’occasion de pratiquer chaque jour, à chaque heure du jour, pour ainsi dire ?


Page 303 :
Qu’on me permette de citer un exemple presque personnel : Une de mes parentes, bonne religieuse, mais bien éloignée de l’héroïsme des saints, perdit une amie qu’elle avait dans le monde; or, il arriva qu’un soir, à quelque temps de là, elle se sentit pressée de soif, et son premier mouvement fut de se rafraîchir; sa règle ne s’y opposait nullement, mais elle eut la bonne pensée de se refuser ce petit soulagement, en faveur de son amie défunte; c’est bien peu de chose que le sacrifice d’un verre d’eau, un homme du monde ne manquerait pas de traiter cette mortification de puérilité. Dieu n’en jugea pas ainsi, paraît-il, car la nuit suivante, cette pauvre âme apparut à la sœur, en la remerciant vivement de ce qu’elle avait fait pour elle. Ces quelques gouttes d’eau, dont la mortification avait fait le sacrifice, s’étaient changées en un bain rafraîchissant, pour tempérer les ardeurs du Purgatoire.

Après cela, quel prétexte pourrions-nous invoquer pour ne pas pratiquer la mortification en faveur des défunts ? est-il quelqu’un d’assez faible pour ne pouvoir faire à l’occasion le sacrifice d’un verre d’eau ?

Pour la consolation de ceux qui vivent sous l’obéissance religieuse, je veux ajouter ici qu’en faisant la volonté de leurs supérieurs, ils sont plus agréables à Dieu, et secourent plus efficacement les âmes du Purgatoire, que s’ils faisaient de grandes mortifications. L’exemple de la bienheureuse Marguerite-Marie est bien instructif à cet égard. Comme la générosité la poussait toujours à excéder la mesure de ses forces, ses supérieures étaient forcées de surveiller ses pas dans le chemin de la mortification. Chaque jour elle les tourmentaient pour s’infliger de nouvelles rigueurs, et son déplaisir était grand quand on les lui refusait. Or, un jour, qu’elle avait obtenu la permis-


Page 304 :
sion de se donner la discipline pour les âmes du Purgatoire, elle se laissa emporter par son zèle, et dépassa les limites de la permission; mais aussitôt les âmes du Purgatoire l’entourèrent en gémissant et se plaignant qu’elle frappait sur elles, au lieu de les soulager. Notre-Seigneur voulut lui apprendre ainsi que l’obéissance est la plus excellente mortification d’une religieuse, et qu’il n’agrée pas ce que l’on fait en dehors. (Vie de la B.)

Du reste, s’ils sont bien fidèles à pratiquer tous les points de leur règle, ceux qui vivent en communauté trouvent assez d’occasions de se mortifier. " Ma plus grande pénitence, disait le frère Berchmans, c’est la vie commune; " et un saint religieux comparaît la vie monastique, quand elle est pratiquée sérieusement, à un martyre aussi méritoire et plus pénible que le martyre sanglant, à cause de sa durée.

La V. Agnès, prieure de Langeac, vit un jour une de ses religieuses défunte lui apparaître, pour la remercier de ce qu’en lui faisant pratiquer nombre de fois la mortification de l’obéissance, elle avait considérablement abrégé son Purgatoire. (Vie de la mère Agnès.)

C’était aussi la pratique de saint Louis Bertrand. Étant maître des novices, il était très sévère à exiger d’eux la parfaite observance des règles, et punissait rigoureusement les moindres infractions à la discipline monastique; tous les vendredis, après matines, il tenait au milieu de la nuit, le chapitre des coulpes, et il se montrait impitoyable aux moindres fautes. Il disait à ses chers enfants que la charité qu’il avait pour eux l’obligeait à cette rigueur, car il leur était plus avantageux d’expier en ce monde leurs manquements par quelques bons coups de discipline, que de réserver à faire cette expiation dans le Purgatoire. Mais, comme tous les saints, il avait la charité de prendre sur

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Message par Charles-Edouard Jeu 7 Aoû 2008 - 12:11

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lui la plus grande part des satisfactions qu’il imposait, et une fois rentré dans sa cellule, il se disciplinait vigoureusement lui-même pour suppléer à ce que ses pauvres novices n’avaient pu faire; quand la mort lui enlevait quelqu’un, il ne se donnait pas de relâche qu’à force de mortifications, il ne l’eût délivré des flammes du Purgatoire. (Voir la vie du saint dans le diario Dominicano, au 10 octobre.)

L’exemple suivant nous montrera combien l’obéissance religieuse, unie à la mortification, a d’efficacité pour préserver du Purgatoire.

Dans le couvent dont la B. Émilie, dominicaine, était prieure, à Verceil, c’était un des points de la règle de ne jamais boire entre les repas à moins d’une autorisation expresse de la supérieure. Cette autorisation, la sainte avait pour pratique ordinaire de ne jamais l’accorder; elle engageait ses sœurs à faire de bonne grâce ce petit sacrifice, en souvenir de la soif ardente que le Sauveur Jésus avait éprouvée pour leur salut sur la croix, et, pour les encourager encore mieux, elle leur conseillait de confier ces quelques gouttes d’eau à leur ange gardien, afin qu’il les leur réservât dans l’autre vie, pour apaiser les ardeurs du Purgatoire; une vision miraculeuse montra combien cette pieuse pratique était agréable à Dieu.

Une sœur, nommée Cécile Avogadra, vint un jour lui demander la permission de se rafraîchir, car elle était pressée de soif : " Faites ce léger sacrifice par amour pour Dieu et en vue du Purgatoire, lui répondit la Prieure. " - " Mais, ma mère, ce sacrifice n’est pas déjà si léger, je meurs de soif. " - Néanmoins la bonne sœur, un peu contristée, se rendit à l’obéissance. Elle en fut bien récompensée. Quelques semaines après, elle mourait, et au bout de trois jours, elle apparaissait toute rayonnante de gloire


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à la mère Émilie. – O ma mère, combien je vous remercie, lui dit-elle; figurez-vous que j’étais condamnée à un long Purgatoire pour avoir trop aimé ma famille, et voilà qu’au bout de trois jours à peine, je vis arriver dans ma prison mon ange gardien tenant à la main ce verre d’eau, dont vous m’avez fait autrefois offrir, un peu malgré moi, je l’avoue, le sacrifice à mon divin époux. A peine il avait répandu cette eau sur les flammes au milieu desquelles j’étais plongée, elles se sont éteintes tout d’un coup, et voilà que je prends mon essor vers le ciel, où ma reconnaissance ne vous oubliera pas. " (Vie de la bienh. au diario Dominicano, 3 mars.)

Mais tout le monde n’est pas appelé à pratiquer l’obéissance religieuse. Pour les nombreux chrétiens qui vivent dans le monde, le moyen le plus pratique de faire pénitence, et de se préserver du Purgatoire, ou de soulager ceux qui y sont prisonniers, c’est d’accepter avec résignation, et sans murmurer, ces peines de chaque jour, que notre Père céleste nous envoie, dans la pensée de nous mettre en état de payer nos dettes spirituelles. Je crois fermement que celui qui serait fidèle à accepter simplement ces épreuves, se trouverait à la mort et sans autre pratique de pénitence, avoir satisfait pleinement à la Justice divine; car Dieu, qui fait tout avec poids et mesure, doit proportionner l’expiation terrestre à la somme des fautes commises. Cela est vrai de la générosité des âmes, et s’il en est à qui Dieu réserve une part surabondante d’épreuves, ces privilégiés de la croix ne sont ainsi frappés que pour augmenter leurs mérites, et donner au monde ce grand exemple du juste triomphant par la patience. Mais, en thèse générale, je crois que l’épreuve de chacun est proportionnée à ce qu’il doit expier. Si donc, on avait soin de ne rien perdre du mérite de ces précieuses souffrances, on


Page 307 :
serait quitte envers Dieu, et le Purgatoire n’aurait plus de raison d’exister.

C’est ce que nous apprend l’histoire de ce bon religieux, dont parle Rodriguez. Pendant sa vie, il n’avait rien fait d’extraordinaire, ni pratiqué aucune vertu bien héroïque, mais il avait été fidèle particulièrement à recevoir avec soumission les peines que Dieu lui avait envoyées. Après sa mort, son Père Abbé apprit avec surprise, par révélation, qu’il avait été tout droit au Ciel, sans passer par le Purgatoire, en récompense de son entière résignation à la volonté de Dieu.

Mais, hélas ! comme ils sont rares ceux qui savent profiter de la souffrance; verus patiens raro invenitur, rien de plus rare que de trouver un homme patient, dit l’auteur de l’Imitation. Trop souvent, ces souffrances miséricordieuses, que Dieu nous envoyait pour nous mettre en état de nous acquitter, n’ont eu d’autre résultat que de grossir le chiffre de notre dette. On ne trouve presque plus de chrétiens, à notre époque, qui comprennent les mystères de miséricorde que Dieu a cachés sous l’épreuve.

- " Qu’ai-je fait à Dieu pour qu’il me frappe ainsi ? " Ah ! pauvre âme affligée ! ce que vous avez fait à Dieu ! mais, comptez-donc les fautes innombrables de votre vie, fautes encore inexpiées, et remerciez la bonté de Celui qui vous éprouve maintenant, pour n’avoir pas à vous punir plus tard.

Que si vous croyez sincèrement que l’épreuve où Dieu vous met dépasse la mesure de vos fautes, je vous dirai : Chère âme, âme privilégiée, regardez au-dessous de vous dans les abîmes du Purgatoire ces amis, ces parents qui vous implorent. Vous êtes malade, la souffrance a brisé vos forces; ou bien, vous êtes éprouvé dans votre fortune, dans votre réputation, dans votre honneur; on vous mé-


Page 308 :
prise, on vous calomnie, vos amis vous abandonnent; vous éprouvez, dans toute leur amertume, les injustices de l’envie et la bassesse des âmes subalternes, votre pauvre cœur est brisé, et la parole de Gethsémani est sur vos lèvres : Mon âme est triste jusqu’à la mort; ô trop heureuse prédestinée, offrez tout cela pour le soulagement des âmes qui vous sont chères; souffrez pour vos proches, pour vos amis, pour vos ennemis même, qui, du milieu des flammes, se recommandent à vous.

En agissant ainsi, vous embellirez votre couronne, et vous imiterez le Sauveur Jésus, qui a racheté le monde en souffrant pour lui sur la Croix. Vous aussi, du haut de votre calvaire, vous pouvez être rédempteur, racheter les âmes qui souffrent, en les faisant passer des obscurités de leur prison aux rayonnantes clartés de la gloire céleste.

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