Chikungunya : le moustique progresse dans le Midi

Chikungunya : le moustique progresse dans le Midi

Jean-Michel Bader
15/02/2008 | Mise à jour : 11:37 | Commentaires 7
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La Direction générale de la santé a renforcé le dispositif de déclaration obligatoire d'éventuels cas humains.

En février 2006, Le Figaro avait annoncé que le moustique vecteur du chikungunya, Aedes Albopictus, était en train de conquérir la planète, qu'il traversait les océans et s'était installé durablement en France métropolitaine, à Nice, à Menton, à Grasse. Didier Fontenille, de l'IRD de Montpellier, avait averti alors les autorités et le public dans un communiqué. Depuis, les moustiques et les chercheurs ont continué à travailler.

Marie Vazeille, de l'Institut Pasteur de Paris, vient de publier dans Acta Tropica (2008, vol. 205) un travail expérimental sur la famille des moustiques vecteurs de ces arbovirus (dont la dengue). La confirmation de la transmission du virus par ce vecteur en pays tempéré est survenue en été 2007 lors d'une épidémie dans deux villes proches de Ravenne (Italie) : les 200 cas humains répertoriés alors étaient associés à la présence d'Albopictus sur place, et il était infecté par le virus du «chik».

Dans douze pays européens

Prudents, les chercheurs estiment qu'il était le suspect numéro un dans la transmission. Certes Aedes Egypti (qui transmet aussi le paludisme) peut véhiculer le chikungunya, mais Albopictus a un avantage évolutif considérable sur ses cousins tropicaux : il supporte très bien le climat tempéré. D'ailleurs, sa première détection en France en octobre 1999 avait pour lieu d'origine un village de l'Orne (Basse-Normandie), et plus précisément une entreprise de recyclage qui importait des pneus usés des États-Unis et du Japon. Il était déjà arrivé auparavant en Albanie (1979), en Italie (1990). Aujourd'hui, ce moustique expansionniste, qui prend la place des espèces autochtones, est présent dans douze pays européens !

Depuis 2005, sa progression (notre carte) depuis l'Italie n'a pas cessé dans les Alpes-Maritimes et la Corse. Aujourd'hui, la confirmation de la transmission expérimentale du virus chez le moustique est faite : des échantillons d'œufs de moustique Albopictus ont été capturés en 2006 dans les Alpes-Maritimes, des larves d'Aedes Vitatus ont été prélevées dans l'Hérault et des larves ou des nymphes des autres espèces d'Aedes ont été capturées dans les Bouches-du-Rhône, toutes ont été élevées dans un «insectarium» de haute sécurité. C'est la souche du virus de chikungunya isolée lors de l'épidémie deLa Réu­nion en novembre 2005 qui a été utilisée.

Pour infester les moustiques affamés, dans un laboratoire P3, on chauffe à 37 °C du sang mélangé au virus, qui est caché sous une peau fraîche de poulet, à travers laquelle le moustique pique pour son repas de sang. Résultat : au bout de 12 à 14 jours : les femelles d'Aedes Albopictus (seules les femelles piquent et transmettent) récoltées sur la Côte d'Azur ont des taux d'infection élevés (77 %) comparables à ceux des moustiques capturés pendant l'épidémie à La Réunion et sur l'île de Mayotte.

Surprise : d'autres Aedes De­tritus ont aussi des taux d'infection élevés (67 %). Voilà qui confirme la possibilité pour le moustique invasif, qui continue son expansion en Espagne et en Italie, de transmettre la maladie dans le sud-est de la France. Marie Vazeille précise qu' Albopictus « a le potentiel d'être un vecteur actif, si l'on se base sur sa sus­ceptibilité à l'infection expé­rimentale. Cependant, dans la nature, d'autres facteurs importants comptent : la densité des insectes, leur durée de vie, leur cycle reproductif, leur préférence pour l'hôte humain».

Modèle animal expérimental

La direction générale de la santé et l'institut de veille sanitaire ont renforcé le dispositif de déclaration obligatoire d'éventuels cas autochtones humains. Albopictus est en Europe strictement un moustique urbain : pots de fleur, bidons, vases à fleurs des cimetières sont les niches préférées de l'insecte. À l'Entente interdépartementale de démoustication du Sud-Est, on précise que c'est la sensibilisation et la communication sur les gîtes auprès des citadins qui priment, même si des opérations de traitements insecticides ponctuels sont envisageables.

Autre moyen futur d'étude de la maladie : la mise au point d'un modèle animal expérimental. Marc Lecuit (Institut Pasteur Paris) a fait des souris dépourvues du gène codant pour l'interféron, l'une des protéines clefs de la réponse immune antivirale aiguë. [b]

http://www.lefigaro.fr/sante/2008/02/15/01004-20080215ARTFIG00405-chikungunya-le-moustique-progresse-dans-le-midi-.php