♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Ces livres ressemblent à une chronologie apostolique. Apparemment, des détails, repris par des scientifiques, (Egypte, Bethsaïda, Nécropole de Rachel) corroborent les écrits de Maria.
Les similitudes entre les trois mystiques sont difficiles à évaluer, mais elles ont l'air, malgré l'influence des écrits, d'être passées aux mêmes endroits.(Avis personnel de logique et de raison)
Les similitudes entre les trois mystiques sont difficiles à évaluer, mais elles ont l'air, malgré l'influence des écrits, d'être passées aux mêmes endroits.(Avis personnel de logique et de raison)
Henryk- Hosanna au plus haut des cieux!
- Messages : 451
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Merci Maud pour ces oeuvres.
Je me régale en les lisant. C'est fascinant !
Je resterai des heures et des heures à lire.
Avec la bible il y a beaucoup de paraboles, là ce sont des conversations, des lieux, des personnes avec leurs caractéristiques propres etc... on est plongés dans l'histoire.
J'en suis qu'à la neuvième page. Jonas le martyr m'a fait de la peine.
Je me régale en les lisant. C'est fascinant !
Je resterai des heures et des heures à lire.
Avec la bible il y a beaucoup de paraboles, là ce sont des conversations, des lieux, des personnes avec leurs caractéristiques propres etc... on est plongés dans l'histoire.
J'en suis qu'à la neuvième page. Jonas le martyr m'a fait de la peine.
Liza2028- Avec Saint Joseph
- Messages : 1366
Inscription : 26/09/2013
Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Merci Liza2028
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Inscription : 16/01/2010
Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
À Sichem
Voilà Sichem, toute belle et ornée. Elle est pleine de gens de la Samarie qui se rendent au temple samaritain, pleine de pèlerins de toutes les régions qui vont au Temple de Jérusalem. Le soleil l'inonde toute entière, étendue comme elle l'est sur les pentes est du Garizim qui la domine à l'ouest, tout vert autant qu'elle est blanche. À son nord-est l'Ebal, encore plus sauvage à le voir, semble la protéger contre les vents du nord. L'endroit est fertile, enrichi par les eaux qui descendent des monts. Elles se partagent entre deux petits fleuves riants, nourris par cent rivières et qui descendent vers le Jourdain. La magnificence de la fertilité déborde hors des murs des jardins et des haies des cultures maraîchères.
Chaque maison est enguirlandée de verdure, de fleurs, de branches où se gonflent les petits fruits. L'œil, en se tournant vers les alentours bien visibles à cause de la configuration du sol, ne voit que le vert des oliviers, des vignobles, des vergers et la couleur blonde des champs qui quittent chaque jour davantage le ton glauque du grain en herbe pour se donner un jaune délicat de paille, d'épis mûrs, que le soleil et le vent, en les enveloppant et les courbant, rendent presque de la couleur de l'or blanc.
Vraiment les grains "blondissent" comme dit Jésus; ils sont maintenant vraiment blonds, après avoir été "blanchissants" à leur naissance, puis d'un vert de joyau précieux pendant qu'ils grandissaient et épiaient. Maintenant le soleil les prépare à la mort après les avoir préparés à la vie. Et on ne sait pas quand il faut le bénir davantage maintenant qu'il les conduit au sacrifice, ou quand, paternel, il échauffait les sillons pour faire germer le grain et peignait la pâleur de la tige, qui venait de percer, d'un beau vert plein de vigueur et de promesses.
Jésus, qui a parlé de cela en entrant dans la ville et en montrant l'endroit de la rencontre avec la Samaritaine et en faisant allusion à cette lointaine conversation, s'adresse à ses apôtres, à tous sauf Jean qui a déjà pris sa place de consolateur auprès de Marie, si affligée : "Est-ce que ne s'accomplit pas maintenant ce que j'ai dit alors ? Nous sommes entrés ici, inconnus et isolés. Nous avons semé. Maintenant : regardez ! Une moisson abondante est née de cette semence. Et elle grandira encore et vous la moissonnerez. Et d'autres moissonneront plus que vous..."
"Et Toi, Seigneur ?" demande Philippe.
"Moi, j'ai moissonné où avait semé mon Précurseur et puis j'ai semé pour que vous moissonniez et semiez la semence que je vous ai donnée. Mais comme Jean n'a pas moissonné ce qu'il avait semé, ainsi je ne ferai pas cette moisson. Nous sommes..."
"Quoi, Seigneur ?" demande Jude d'Alphée troublé.
"Les victimes, mon frère. Il faut de la sueur pour rendre les champs fertiles, maïs il faut le sacrifice pour rendre fertiles les cœurs. On se lève, on travaille, on meurt. Quelqu'un après nous, nous succède, se lève, travaille, meurt... Et il y a quelqu'un qui moissonne ce que nous avons abreuvé de notre mort."
"Oh ! non ! Ne le dis pas, mon Seigneur !" s'écrie Jacques de Zébédée.
"Et c'est toi, disciple de Jean avant d'être le mien, qui dis cela ? Tu ne te rappelles pas les paroles de ton premier maître ? "Il faut que Lui grandisse et que moi je diminue". Lui comprenait la beauté et la justice de mourir pour donner aux autres la justice. Je ne lui serai pas inférieur."
"Mais Toi, Maître, c'est Toi : Dieu ! Lui était un homme."
"Je suis le Sauveur. En tant que Dieu, je dois être plus parfait que l'homme. Si Jean, qui était un homme, sut diminuer pour faire lever le vrai Soleil, Moi je ne dois pas offusquer la lumière de mon soleil par un nuage de lâcheté. Je dois vous laisser un limpide souvenir de Moi. Pour que vous, vous alliez de l'avant. Pour que le monde grandisse dans l'Idée chrétienne. Le Christ s'en ira, retournera là d'où il est venu, et c'est de là qu'il vous aimera en vous suivant dans votre travail, en vous préparant la place qui sera votre récompense. Mais le Christianisme reste. Le Christianisme grandira par mon départ... et par celui de tous ceux qui, sans s'attacher au monde et à la vie terrestre, sauront comme Jean et comme Jésus, s'en aller... mourir pour faire vivre."
"Alors tu trouves juste que l'on te donne la mort ?..." demande l'Iscariote comme s'il était angoissé.
"Je ne trouve pas juste qu'on me donne la mort. Je trouve juste de mourir pour ce qu'amènera mon sacrifice. L'homicide sera toujours homicide pour celui qui l'accomplît, même s'il a une valeur et un aspect différent pour celui que l'on tue."
"Que veux-tu dire ?"
"Je veux dire que celui qui est homicide parce qu'on le lui commande ou qu'on l'y force, comme un soldat dans la bataille, ou un bourreau qui doit obéir au magistrat, ou quelqu'un qui se défend contre un larron, n'a pas du tout de crime sur la conscience ou n'a que le crime relatif de tuer un de ses semblables, mais celui qui sans en avoir l'ordre et sans y être contraint tue un innocent, ou coopère à son meurtre, va devant Dieu avec le visage horrible de Caïn."
"Mais ne pourrions-nous pas parler d'autre chose ? Le Maître en souffre, tu as les yeux de quelqu'un que l'on tourmente, il nous semble être à l'agonie, si la Mère entend, elle pleure. Déjà elle pleure tant derrière son voile ! Il y a tant de choses dont on peut parler !... Oh ! voilà ! Les notables arrivent. Cela vous fera taire. Paix à vous ! Paix à vous !" Pierre, qui était un peu en avant et s'était retourné pour parler, s'incline pour saluer devant un groupe serré desichémites pompeux qui viennent vers Jésus.
"Paix à Toi, Maître. Les maisons qui t'ont reçu l'autre fois sont toutes disposées à te recevoir et beaucoup d'autres avec elles, pour les femmes disciples et ceux qui sont avec Toi. Vont venir ceux qui ont reçu tes bienfaits récemment ou la première fois. Une seule manquera, car elle s'est éloignée de l'endroit pour mener une vie d'expiation. C'est ce qu'elle a dit, et je le crois. En effet, quand une femme se dépouille de tout ce qu'elle aimait, et repousse le péché et donne ses biens aux pauvres, c'est signe que vraiment elle veut suivre une vie nouvelle. Mais je ne saurais te dire où elle est. Personne ne l'a plus vue depuis qu'elle a quitté Sichem. Quelqu'un de nous a cru la voir en qualité de servante dans un village près du Fialé . Un autre jure l'avoir reconnue vêtue misérablement à Bersabée . Mais leurs affirmations manquent de certitude. Appelée par son nom, elle n'a pas répondu, et la femme répondait au nom de Jeanne dans un endroit, et au nom de Agar dans l'autre ."
"Il n'est pas nécessaire de savoir autre chose sinon qu'elle s'est rachetée. Toute autre connaissance est vaine et toute recherche est une curiosité indiscrète. Laissez votre compatriote dans sa paix secrète, satisfaits seulement qu'elle ne donne plus de scandale. Les anges du Seigneur savent où elle est pour lui donner l'unique secours dont elle a besoin, l'unique qui ne puisse pas lui faire du mal à l'âme... Aux femmes qui sont fatiguées, faites la charité de les conduire dans les maisons. Demain je vous parlerai. Aujourd'hui je vais tous vous écouter et j'accueillerai les malades."
"Tu ne restes pas beaucoup avec nous ? Ne feras-tu pas le sabbat ici ?"
"Non. Le sabbat, je le ferai ailleurs, en prière."
"Nous espérions t'avoir longuement avec nous..."
"J'ai à peine le temps de retourner en Judée pour les fêtes. Je vous laisserai les apôtres et les femmes, s'ils veulent rester jusqu'au soir du sabbat. Ne vous regardez pas ainsi. Vous le savez que je dois honorer le Seigneur notre Dieu plus que tout autre. En effet d'être ce que je suis ne m'exempt pas d'être fidèle à la Loi du Très-Haut."
Ils se dirigent vers les maisons, et dans chacune entrent deux femmes disciples et un apôtre : Marie d'Alphée et Suzanne avec Jacques d'Alphée, Marthe et Marie avec le Zélote, Élise etNique avec Barthélemy, Salomé et Jeanne avec Jacques de Zébédée. Puis, en groupe, vont ensemble Thomas, Philippe, Judas de Kériot et Matthieu dans une maison, Pierre et Andrédans une autre, et Jésus avec Jude d'Alphée et Jean entre avec Marie, sa Mère, dans celle de l'homme qui a toujours parlé au nom de ses concitoyens.
Ceux qui suivent Jésus et ceuxd'Éphraïm, Silo et Lébona, sans compter d'autres pèlerins qui étaient déjà en route pour Jérusalem, se sont mis à la suite de Jésus, en interrompant leur voyage, tous se dispersent dans la ville à la recherche d'un logement.
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-032.htm
TOME : 8 /32
https://lepeupledelapaix.forumactif.com/t18376-oeuvre-de-maria-valtorta-presentation-des-disciples-de-jesus
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Inscription : 16/01/2010
Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
La valeur que le juste donne aux conseils
La place principale de Sichem connaît un invraisemblable fourmillement de gens. Je crois que la ville toute entière est là et que sont venus aussi les habitants des campagnes et des villages voisins. Ceux de Sichem, dans l'après-midi du premier jour, ont dû se répandre pour donner l'avis en tout lieu, et tous sont accourus : bien portants et malades, les pécheurs et les innocents. Une fois la place remplie, bondées les terrasses sur les toits, les gens se sont juchés jusque sur les arbres qui ombragent la place.
Au premier rang, vers l'endroit tenu libre pour Jésus, contre une maison qui est surélevée de quatre marches, se trouvent les trois enfants que Jésus a enlevés aux larrons, et leurs parents. Comme ils sont anxieux de voir leur Sauveur, les trois petits ! Tout cri les fait retourner pour le chercher Lui. Et quand s'ouvre la porte de la maison et que Jésus apparaît dans l'entrebâillement, les trois enfants volent en avant en criant : "Jésus ! Jésus ! Jésus !" et ils montent les hautes marches sans même attendre que Lui descende pour les embrasser. Jésus se penche et les embrasse, les élevant ensuite : vivant bouquet de fleurs innocentes, et il baise les petits visages qui Lui rendent la pareille.
Les gens font entendre un murmure ému, et s'élève quelque voix qui dit : "Il n'y a que Lui pour savoir baiser nos innocents." Et d'autres voix : "Voyez-vous comme il les aime ? Il les a sauvés des larrons, il leur a donné une maison après les avoir rassasiés et vêtus, et maintenant il les embrasse comme s'ils étaient les fils de ses entrailles."
Jésus, qui a déposé les enfants par terre, sur la plus haute marche, tout près, de Lui, répond à tous en répondant à ces dernières paroles anonymes : "En vérité c'est plus que des fils de mes entrailles qu'ils sont pour Moi. C'est que je suis pour eux un père pour leur âme, et celle-ci m'appartient, non pendant le temps qui passe, mais pendant l'éternité qui demeure. Si je pouvais le dire de tout homme que de Moi, la Vie, il tire la vie pour sortir de la mort ! Je vous ai invités à cela quand je suis venu pour la première fois parmi vous, et vous pensiez que vous aviez beaucoup de temps pour vous décider à le faire. Une seule a montré de l'empressement pour suivre l'appel et pour aller sur le chemin de la Vie : la créature la plus pécheresse d'entre vous. Peut-être justement parce qu'elle s'est sentie morte, qu'elle s'est vue morte, pourrie dans son péché, et qu'elle a eu hâte de sortir de la mort. Vous, vous ne vous sentez pas et vous ne vous voyez pas morts, et vous n'avez pas son empressement.
Mais quel est le malade qui attend d'être mort pour prendre les remèdes de vie ? Celui qui est mort n'a besoin que d'un linceul et d'aromates et d'un tombeau où reposer pour devenir poussière après avoir été pourriture. Car, si pour des fins qui sont sages, la pourriture de Lazare que vous regardez avec des yeux dilatés par la crainte et la stupeur, retrouva la santé par l'intervention de l'Éternel, cela ne doit tenter personne à arriver à la mort de l'esprit en disant : "Le Très-Haut me rendra la vie de l'âme". Ne tentez pas le Seigneur votre Dieu. C'est à vous de venir à la Vie. Il n'y a plus le temps d'attendre. La Vigne va être cueillie et pressée. Préparez votre esprit au Vin de la Grâce qui va vous être donné. Ne faites-vous pas ainsi quand vous devez prendre part à un grand banquet ? Ne préparez-vous pas votre estomac à recevoir les nourritures et les vins choisis, en faisant précéder le banquet d'une abstinence prudente qui rend le goût net et l'estomac vigoureux pour goûter et désirer la nourriture et les boissons ?
Et n'agit-il pas de même le vigneron pour essayer le vin fait depuis peu ? Il ne corrompt pas son palais le jour où il veut essayer le vin nouveau. Il s'en garde parce qu'il veut se rendre compte avec exactitude des qualités et des défauts pour corriger les uns et exalter les autres, et pour bien vendre sa marchandise. Mais s'il sait faire cela celui qui est invité à un banquet pour goûter avec plus de plaisir les mets et les vins, et s'il le fait le vigneron pour bien vendre son vin, ou pour rendre vendable le vin qui à cause de ses défauts serait repoussé par l'acheteur, l'homme ne devrait-il pas savoir le faire pour son esprit, pour goûter le Ciel, pour gagner le trésor pour pouvoir entrer au Ciel ?
Écoutez mon conseil. Oui, ce conseil, écoutez-le. C'est un bon conseil. C'est un conseil juste du Juste qu'en vain on a mal conseillé et qui veut vous sauver des fruits des conseils mauvais que vous avez eus. Soyez justes comme je le suis. Et sachez donner une juste valeur aux conseils qui vous sont donnés. Si vous savez vous rendre justes, vous leur donnerez une juste valeur.
Écoutez une parabole : elle ferme le cycle de celles que j'ai dites à Silo et à Lébona et parle toujours des conseils donnés et reçus.
Un roi envoya son fils chéri visiter son royaume. Le royaume de ce roi était divisé en de nombreuses provinces, car il était très vaste. Ces provinces avaient des connaissances différentes de leur roi. Certaines le connaissaient si bien qu'elles se considéraient comme les préférées et pour cela se laissaient aller à l'orgueil. Selon ces dernières, il n'y avait qu'elles de parfaites et qui connussent le roi et ce que le roi voulait. D'autres le connaissaient, mais sans se regarder comme sages pour autant, elles s'efforçaient de le connaître toujours plus. D'autres avaient la connaissance du roi mais elles l'aimaient à leur manière, car elles s'étaient donné un code spécial qui n'était pas le vrai code du royaume. Du code véritable, ils avaient pris ce qui leur plaisait et dans la mesure où cela leur plaisait et, même ce peu, ils l'avaient amoindri en le mélangeant avec d'autres lois empruntées à d'autres royaumes, ou qu'ils s'étaient données eux-mêmes, et qui n'étaient pas bonnes. Oui, qui n'étaient pas bonnes. D'autres encore ignoraient davantage leur roi, et certaines savaient seulement qu'il y avait un roi. Rien de plus. Mais ce peu qu'ils croyaient, ils croyaient même que c'était un conte.
Le fils du roi vint visiter le royaume de son père pour donner à toutes les différentes régions une connaissance exacte du roi, ici en corrigeant l'orgueil, là en relevant ceux que l'on avait avilis, ailleurs en redressant des idées erronées, plus loin en persuadant d'enlever les éléments impurs de la loi qui était pure, ici en enseignant pour combler les lacunes, là en essayant de donner un minimum de connaissances et de foi en ce roi réel dont tout homme était le sujet. Ce fils de roi pensait pourtant que, pour tous, une première leçon était l'exemple d'une justice conforme au code aussi bien dans les parties sérieuses que dans les choses de moindre importance. Et il était parfait, si bien que les gens de bonne volonté devenaient meilleurs parce qu'ils suivaient tant les actions que les paroles du fils du roi car ses paroles et ses actions étaient une unique chose tant elles se correspondaient sans dissonances.
Pourtant ceux des provinces qui se considéraient comme parfaites seulement parce qu'ils connaissaient à la lettre la lettre du code, mais n'en possédaient pas l'esprit, voyaient que de l'observance de ce que faisait le fils du roi et de ce qu'il exhortait à faire, il ressortait trop clairement qu'eux connaissaient la lettre du code mais ne possédaient pas l'esprit de la loi du roi, et qu'ainsi leur hypocrisie se trouvait démasquée. Alors ils pensèrent à faire disparaître ce qui les faisait apparaître tels qu'ils étaient. Et pour y arriver, ils prirent deux chemins : un contre le fils du roi, l'autre contre ses partisans. Pour le premier, les mauvais conseils et les persécutions; pour les seconds, les mauvais conseils et les intimidations. Il y a tant de choses qui sont des mauvais conseils. C'est un mauvais conseil de dire : "Ne fais pas cette chose qui peut te nuire", en feignant un intérêt bienveillant, et c'est un mauvais conseil de persécuter pour persuader celui que l'on veut dévoyer de manquer à sa mission. C'est un mauvais conseil de dire aux partisans : "Défendez à tout prix et par tous les moyens le juste persécuté", et c'est un mauvais conseil de dire aux partisans : "Si vous le protégez, vous vous heurterez à notre indignation".
Mais je ne parle pas ici des conseils donnés aux partisans. Je parle des conseils que l'on a donnés ou fait donner au fils du roi. Avec une fausse bonhomie, avec une haine livide, ou par la bouche d'instruments ignorants que l'on portait à nuire en leur faisant croire qu'ils rendraient service.
Le fils du roi écouta ces conseils. Il avait des oreilles, des yeux, de l'intelligence et du cœur. Il ne pouvait donc pas ne pas les entendre, ne pas les voir, ne pas les comprendre et ne pas les juger. Mais le fils du roi avait surtout l'esprit droit du vrai juste et à tout conseil donné sciemment ou inconsciemment pour le faire pécher en donnant un mauvais exemple aux sujets de son père et une infinie douleur à son père, il répondit : "Non. Je fais ce que veut mon père. Je suis son code. D'être fils du roi ne m'exempt pas d'être le plus fidèle de ses sujets pour observer la Loi. Vous qui me haïssez et voulez m'effrayer, sachez que rien ne me fera violer la Loi. Vous qui m'aimez et voulez me sauver, sachez que je vous bénis pour votre intention, mais sachez aussi que votre amour et l'amour que je vous porte, car vous m'êtes plus fidèles que ceux qui se disent 'sages', ne doit pas me rendre injuste dans mon devoir envers le plus grand amour qui est celui qu'il faut donner à mon père".
Voilà la parabole, mes fils. Et elle est si claire que chacun de vous peut l'avoir comprise. Et chez les esprits justes il ne peut s'élever qu'une seule voix : "Il est vraiment le juste car aucun conseil humain ne peut l'entraîner sur la voie de l'erreur".
Oui, fils de Sichem, rien ne peut m'induire en erreur. Malheur si je tombais dans l'erreur ! Malheur à Moi et malheur à vous. Au lieu d'être votre Sauveur, je serais pour vous un traître, et vous auriez raison de me haïr. Mais je ne le ferai pas. Je ne vous reproche pas d'avoir accepté des suggestions et pensé à des mesures contraires à la justice. Vous n'êtes pas coupables puisque vous l'avez fait par esprit d'amour, mais je vous dis ce que je vous ai dit au commencement et à la fin, je vous le dis à vous : vous m'êtes plus chers que si vous étiez les fils de mes entrailles, car vous êtes les fils de mon esprit. Votre esprit, je l'ai amené à la Vie, et je le ferai encore plus.
Sachez, et que ce soit votre souvenir de Moi, sachez que je vous bénis pour la pensée que vous avez eue dans le cœur. Mais grandissez dans la justice, en voulant seulement ce qui honore le vrai Dieu pour qui il faut avoir un amour absolu qu'on ne doit donner à aucune autre créature. Venez à cette parfaite justice dont je vous donne l'exemple, une justice qui foule aux pieds les égoïsmes du propre bien-être, la peur des ennemis et de la mort, qui piétine tout, pour faire la volonté de Dieu.
Préparez votre esprit. L'aube de la Grâce se lève, le banquet de la Grâce s'apprête. Vos âmes, les âmes de ceux qui veulent venir à la Vérité, sont à la veille de leurs noces, de leur libération, de leur rédemption. Préparez-vous, dans la justice, à la fête de la Justice."
Jésus fait signe aux parents des enfants, qui sont près d'eux, d'entrer dans la maison avec Lui et il se retire après avoir pris dans ses bras les trois enfants, comme au début.
Sur la place se croisent les commentaires, très divers. Les meilleurs disent : "Il a raison. Nous avons été trahis par ces faux envoyés."
Les moins bons disent : "Mais alors il ne devait pas nous flatter. Il nous fait haïr encore plus. Il nous a bernés. C'est un vrai juif."
"Vous ne pouvez pas le dire. Nos pauvres connaissent ses secours, nos malades sa puissance, nos orphelins sa bonté. Nous ne pouvons pas prétendre qu'il pèche pour nous faire plaisir."
"Il a déjà péché car il nous a haïs en nous faisant haïr..."
"Et par qui ?"
"Par tout le monde. Il nous a bernés. Oui, il nous a bernés."
Les opinions diverses remplissent la place, mais elles ne troublent pas l'intérieur de la maison où Jésus se trouve avec les notables, les enfants et leurs parents.
Une fois de plus se vérifie la parole prophétique : "Il sera une pierre de contradiction."
*
SOURCE :
http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-033.htm
TOME : 8/33
Sichem sur la carte
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Inscription : 16/01/2010
Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Jésus va à Enon
Jésus est seul. Il médite, assis sous un chêne vert gigantesque qui a poussé sur une pente du mont qui domine Sichem. La ville, d'un blanc rosé dans le premier soleil, est tout en bas, s'étendant sur les pentes les plus basses du mont. Vue d'en haut, elle semble une poignée de grands cubes blancs renversés par un grand enfant sur un pré vert en pente. Les deux cours d'eau, près desquels elle s'élève, font un demi-cercle bleu argenté autour de la ville; puis l'un d'eux y pénètre chantant et scintillant entre les maisons blanches, pour en sortir ensuite et courir dans la verdure, apparaissant et disparaissant de dessous les oliviers et les vergers luxuriants dans la direction du Jourdain. L'autre, plus modeste, reste hors des murs, les lèche pour ainsi dire, irriguant les cultures maraîchères fertiles, et puis s'en va abreuver des troupeaux de brebis blanches qui paissent dans des prés que les fleurs des trèfles rougissent de leurs capitules. Un vaste horizon s'ouvre en face de Jésus.
Après une ondulation de collines de plus en plus basses, on voit en raccourci la verte vallée du Jourdain et, au-delà, les monts de l'autre côté du Jourdain qui aboutissent au nord-est aux sommets caractéristiques de l'Auranitide. Le soleil, qui s'est levé en arrière de ces monts, a frappé trois nuages bizarres qui ressemblent à trois rubans de gaze légère, disposés horizontalement sur le voile bleu turquoise du firmament, et la gaze légère des trois nuages longs et étroits a pris la couleur rosé orange de certains coraux précieux. Le ciel semble barré par cette grille aérienne, très belle. Jésus la fixe ou plutôt regarde dans cette direction, absorbé. Qui sait si même il la voit. Le coude appuyé sur le genou, la main soutenant le menton appuyé dans le creux de la paume, il regarde, pense, médite. Au-dessus de Lui, les oiseaux se livrent à un joyeux et bruyant manège de vols.
Jésus abaisse les yeux sur Sichem qui se réveille toujours plus dans le soleil du matin. À présent, aux bergers et aux troupeaux qui étaient seuls d'abord à animer le panorama, se joignent les groupes de pèlerins, et au tintement des cloches des troupeaux, se mêle celui des grelots des ânes, et des voix, et le bruit des pas et des paroles. Le vent apporte par vagues à Jésus la rumeur de la ville qui se réveille, des gens qui quittent le repos de la nuit.
Jésus se lève. Il quitte en soupirant sa place tranquille et descend rapidement, par un raccourci, vers la ville. Il y entre au milieu des caravanes de maraîchers et de pèlerins qui se hâtent les premiers de décharger leurs denrées, les seconds de faire des achats avant de se mettre en route. Dans un coin de la place du marché, se trouvent déjà groupés et qui attendent, les apôtres et les femmes disciples, et autour d'eux ceux d'Éphraïm, de Silo, deLébona et un grand nombre de Sichem.
Jésus va vers eux, les salue, puis il dit à ceux de Samarie : "Et maintenant, nous nous quittons. Retournez chez vous. Rappelez-vous mes paroles. Croissez dans la justice." Il se tourne vers Judas de Kériot : "As-tu donné, comme je l'ai dit, pour les pauvres de tous les endroits ?"
"J'ai donné, sauf à ceux d'Éphraïm car eux ont déjà reçu."
"Alors allez. Faites en sorte que chaque pauvre soit soulagé."
"Nous te bénissons pour eux."
"Bénissez les femmes disciples. Ce sont elles qui m'ont donné l'argent. Allez. La paix soit avec vous."
Ils s'en vont à regret, désolés. Mais ils obéissent.
Jésus reste avec les apôtres et les femmes disciples. Il leur dit : "Je vais à Enon. Je veux saluer l'endroit du Baptiste, puis je descendrai à la route de la vallée. Elle est plus commode pour les femmes."
"Ne vaudrait-il pas mieux, au contraire, prendre la route de Samarie ?" demande l'Iscariote.
"Nous n'avons pas à craindre les voleurs, même si nous sommes sur un chemin voisin de leurs cavernes. Qui veut venir avec Moi, qu'il vienne. Que celui qui ne désire pas venir à Enon, reste ici jusqu'au lendemain du sabbat. Ce jour-là, j'irai à Tersa, et que celui qui reste ici me rejoigne en ce lieu."
"Moi, vraiment... je préférerais rester. Je ne suis pas en bonne santé... je suis fatigué..." dit l'Iscariote.
"Cela se voit. Tu sembles malade. Regards sombres, humeur sombre, et jusqu'à la peau. Je t'observe depuis quelque temps..." dit Pierre.
"Mais personne ne me demande si je souffre, pourtant..."
"Cela t'aurait-il fait plaisir ? Je ne sais jamais ce qui te plaît. Mais si cela te fait plaisir, je te le demande maintenant et je suis disposé à rester avec toi pour te soigner..." lui répond Pierre patiemment.
"Non, non ! C'est seulement de la fatigue. Va, va ! Moi, je reste où je suis."
"Je reste, moi aussi. Je suis vieille. Je me reposerai en te servant de mère" dit à l'improvisteÉlise.
"Tu restes ? Tu avais dit..." interrompt Salomé.
"Si tous y allaient, je venais moi aussi, pour ne pas rester seule ici. Mais étant donné que Judas reste..."
"Mais alors je viens. Je ne veux pas que tu te sacrifies, femme. Certainement tu iras volontiers voir le refuge du Baptiste..."
"Je suis de Béthsour et je n'ai jamais senti le besoin d'aller à Bethléem pour voir la grotte où le Maître est né. C'est ce que je ferai quand je n'aurai plus le Maître. Pense si je brûle de voir l'endroit où Jean a été… Je préfère exercer la charité, sûre qu'elle a plus de valeur qu'un pèlerinage."
"Tu fais un reproche au Maître. Tu ne t'en aperçois pas ?"
"Je parle pour moi. Lui y va, et il fait bien. Lui est le Maître. Moi, je suis une vieille à qui les douleurs ont enlevé toute curiosité et à qui l'amour pour le Christ a enlevé le désir de tout ce qui n'est pas le servir."
"Alors, pour toi, c'est un service de m'espionner."
"Fais-tu des choses dignes de reproches ? On surveille celui qui fait des choses nuisibles, mais je n'ai jamais espionné personne, homme. Je n'appartiens pas à la famille des serpents. Et je ne trahis pas."
"Moi non plus."
"Dieu le veuille pour ton bien. Mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi il t'est si odieux que je reste me reposer ici..."
Jésus, muet jusqu'alors, qui écoute au milieu des autres étonnés de cette prise de becs, lève la tête qu'il tenait un peu inclinée et dit : "Suffit. Le désir que tu as, peut l'avoir à plus forte raison une femme, et de plus une femme âgée. Vous resterez ici jusqu'à l'aurore du lendemain du sabbat, puis vous me rejoindrez. En attendant, va acheter ce qui peut être nécessaire pour ces jours. Va et dépêche-toi."
Judas s'en va, à contrecœur, acheter la nourriture. André s'apprête à le suivre, mais Jésus le prend par le bras en lui disant; "Reste. Il peut le faire tout seul." Jésus est très sévère.
Élise le regarde et puis va près de Lui pour Lui dire : "Pardon, Maître, si je t'ai déplu."
"Je n'ai pas à te pardonner, femme. Et toi, plutôt, pardonne à cet homme, comme si c'était ton fils."
"C'est avec ce sentiment que je reste près de lui... même s'il croit le contraire... Tu me comprends..."
"Oui, et je te bénis. Et je te dis que tu as bien parlé en disant que les pèlerinages aux endroits où j'ai été seront une nécessité qui viendra quand je ne serai plus parmi vous... une nécessité de réconfort pour votre esprit. Pour le moment, c'est seulement servir les désirs de votre Jésus. Et tu as compris un de mes désirs, puisque tu te sacrifies pour protéger un esprit imprudent..."
Les apôtres se regardent entre eux... Les femmes disciples aussi. Marie seulement reste toute voilée et elle ne lève pas la tête pour échanger un regard avec quelqu'un. Marie de Magdala, debout comme une reine qui juge, n'a jamais perdu de vue Judas qui tourne parmi les vendeurs, et a un regard courroucé et un pli méprisant sur sa bouche serrée. Son expression en dit plus que si elle parlait...
Judas revient. Il donne à ses compagnons ce qu'il a acheté. Il réajuste son manteau dont il s'était servi pour porter les achats qu'il avait faits, et il fait le geste de donner la bourse à Jésus.
Jésus la repousse de la main : "Ce n'est pas nécessaire. Pour les aumônes, il y a encore Marie. À toi d'être bienfaisant ici. Il y a de nombreux mendiants qui descendent de tous les côtés pour aller vers Jérusalem ces jours-ci. Donne, sans préventions et avec charité, en te rappelant que nous sommes tous pour Dieu des mendiants de sa miséricorde et de son pain... Adieu. Adieu, Élise. La paix soit avec vous." Et il se tourne rapidement pour se mettre à marcher d'un pas décidé sur la route qui était près de Lui, sans donner à Judas le temps de le saluer...
Tous le suivent en silence. Ils sortent de la ville pour se diriger vers le nord-est, à travers la très belle campagne...
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-034.htm
TOME : 8 / 34
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Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
À Énon. Le jeune Benjamin
Enon, une poignée de maisons, est plus haut vers le nord. C'était l'endroit où était le Baptiste : une grotte entourée d'une végétation luxuriante. À peu de distance, des sources clapotent pour former ensuite un ruisseau bien nourri d'eaux qui vont vers le Jourdain.
Jésus est assis en dehors de la grotte, là où il se trouvait quand il salua son cousin. Il est seul. L'aurore teint à peine de rouge l'orient et les bois se réveillent avec le pépiement des oiseaux qui s'éveillent. Des bêlements arrivent des bercails d'Enon. Un braiement déchire l'air tranquille. Un trottinement de pas sur le sentier. Il passe un troupeau de chèvres conduites par un adolescent qui s'arrête un instant, indécis, pour regarder Jésus. Puis il s'en va. Mais peu après il revient, car une chevrette s'est arrêtée là pour observer l'homme qu'elle n'avait pas l'habitude de voir en cet endroit, et qui tend sa longue main pour lui offrir une tige de marjolaine et caresse sa tête intelligente. Le pastoureau reste interdit. Il ne sait pas s'il doit éloigner la bête ou laisser Jésus la caresser en souriant comme s'il était content qu'elle vienne sans crainte s'accroupir à ses pieds en posant la tête sur ses genoux. Les autres chèvres aussi reviennent en arrière pour brouter l'herbe parsemée de fleurettes.
Le pastoureau demande : "Veux-tu du lait ? Je n'ai pas encore trait deux chèvres rétives qui, si elles ne sont pas repues, donnent des coups de cornes à celui qui leur presse les mamelles. Elles sont comme leur maître qui, s'il n'est pas soûl de gain, nous donne des coups de bâton."
"Tu es serviteur berger ?"
"Je suis orphelin, je suis seul et je suis serviteur. Lui m'est parent car c'est le mari de la sœur de la mère de ma mère. Et tant qu'il y eut Rachel... Mais elle est morte depuis plusieurs mois... Et je suis très malheureux... Prends-moi avec Toi ! Je suis habitué à vivre de rien... Je serai ton serviteur... un peu de pain me suffit comme paiement. Ici aussi je n'ai rien... S'il me payait, je m'en irais. Mais il dit : "Voilà ton argent ? Mais je le garde pour te vêtir et te nourrir". Il me vêt !... Tu le vois ? Il me nourrit !... Regarde-moi... Et cela, ce sont les coups... Voilà mon pain d'hier..." il montre des bleus sur ses bras et ses épaules très maigres.
"Qu'avais-tu fait ?"
"Rien. Tes compagnons, les disciples je veux dire, parlaient du Royaume des Cieux, et moi, je les écoutais... C'était le sabbat. Même si je ne travaillais pas, je n'étais pas oisif parce que c'était le sabbat... Il m'a frappé brutalement, tellement que... que je ne veux plus rester avec lui. Prends-moi. Ou je vais m'enfuir... je suis venu exprès ici, ce matin. J'avais peur de parler. Mais tu es bon. Je parle."
"Et le troupeau ? Tu ne voudras pas certainement t'enfuir avec lui..."
"...Je le ramènerai au bercail... L'homme, d'ici peu, va aller au bosquet pour couper du bois... Je vais ramener le troupeau et m'enfuir. Oh ! prends-moi !"
"Mais tu sais qui je suis ?"
"Tu es le Christ ! Le Roi du Royaume des Cieux. Qui te suit est bienheureux dans l'autre vie. Je n'ai jamais eu de joie ici... mais, ne me repousse pas... que je l'aie là haut..." il pleure prosterné aux pieds de Jésus, près de la chevrette.
"Comment me connais-tu si bien ? Tu m'as peut-être entendu parler ?.
"Non. Je sais, depuis hier, que tu te trouves où était le Baptiste. Mais par Enon, quelquefois, il passe de tes disciples. Je les ai entendu. Ils s'appellent Mathias, Jean,Siméon, et ils étaient souvent ici car le Baptiste a été leur maître avant Toi . Et puis Isaac... En Isaac j'ai retrouvé père et mère. Isaac voulait même m'enlever au maître et il avait donné l'argent. Mais lui ! Oui, il a pris l'argent, mais ensuite, il ne m'a pas donné, raillant ton disciple."
"Tu sais beaucoup de choses. Mais sais-tu où je vais ?"
"À Jérusalem. Mais je ne porte pas écrit sur mon visage que je suis d'Enon."
"Je vais plus loin. Je m'en vais bientôt. Je ne puis te prendre."
"Prends-moi pour le peu de temps que tu peux."
"Et puis ?"
"Et puis... Je pleurerai, mais j'irai avec ceux de Jean qui, les premiers, ont dit au pauvre enfant que la joie que les hommes ne donnent pas sur la Terre, c'est Dieu qui la donne au Ciel à ceux qui ont eu bonne volonté. Moi, pour l'avoir, j'ai reçu tant de coups et j'ai eu si faim pour demander à Dieu de me donner cette paix. Tu vois que j'ai eu bonne volonté... Mais, maintenant, si tu me repousses, je ne pourrai plus espérer..." Il pleure doucement, en suppliant Jésus de ses yeux pleins de larmes plus qu'avec ses lèvres.
"Je n'ai pas d'argent pour te racheter et je ne sais pas si ton maître y consentirait."
"Mais j'ai déjà été payé. J'ai des témoins : Éli, Lévi et Jonas ont vu et fait des reproches à l'homme, et ce sont les plus grands d'Enon, tu sais, eux !"
"S'il en est ainsi... Allons. Lève-toi et viens."
"Où ?"
"Chez ton maître."
"J'ai peur ! Vas-y seul. Il est là-bas, sur ce mont, au milieu des arbres qu'il coupe. Moi, j'attends ici."
"Ne crains pas. Regarde : mes disciples viennent ici. Nous serons si nombreux contre lui. Il ne te fera pas de mal. Lève-toi. Nous irons à Enon chercher les trois témoins et nous irons trouver ton maître. Donne-moi la main. Par la suite, je te confierai aux disciples que tu connais. Comment t'appelles-tu ?"
"Benjamin."
"J'ai deux autres petits amis de ce nom . Tu seras le troisième."
"Ami ? C'est trop ! Je suis serviteur."
"Du Seigneur très Haut. Pour Jésus de Nazareth, tu es l'ami. Viens. Rassemble le troupeau et partons."
Jésus se lève et, pendant que le pastoureau rassemble les chèvres et pousse celles qui sont rétives sur le chemin du retour, Jésus fait signe aux apôtres, qui avancent sur le sentier et regardent du côté de Jésus, de venir rapidement. Ils hâtent le pas. Mais le troupeau est désormais en route et Jésus, tenant le pastoureau par la main, va vers eux...
"Seigneur ! Tu es devenu pasteur de chevreaux ? Vraiment la Samarie peut être appelée la chèvre ... Mais Toi..."
"Mais je suis le bon Pasteur et je change aussi les chevreaux en agneaux. Puis les enfants sont tous des agneaux et celui-ci n'est qu'un peu plus qu'enfant."
"N'est-ce pas peut-être l'enfant que cet homme hier a emmené si brutalement ?" dit Matthieu en l'observant.
"Je crois que c'est lui. Était-ce toi ?"
"C'est moi."
"Oh ! Pauvre garçon ! Ton père ne t'aime certainement pas !" dit Pierre.
"Mon maître. Je n'ai pas d'autre père que Dieu."
"Oui. Les disciples de Jean ont instruit son ignorance et réconforté son cœur, et au bon moment le Père de tous nous a fait rencontrer. Nous allons à Enon pour prendre avec nous trois témoins, et puis allons trouver son maître..." dit Jésus.
"Pour se faire donner l'enfant ? Et où est l'argent ? Marie a donné les derniers deniers qu'elle avait..." observe Pierre.
"Pas besoin d'argent. Il n'est pas esclave, et on a déjà donné l'argent pour l'avoir du maître. C'est Isaac qui l'a donné, car l'enfant lui faisait peine."
"Et pourquoi ne l'a-t-il pas eu ?"
"C'est que nombreux sont ceux qui bafouent Dieu et le prochain. Voici ma Mère avec les femmes. Allez leur dire qu'elles n'aillent pas plus loin."
Jacques de Zébédée et André s'en vont en courant, légers comme des gazelles. Jésus se hâte vers la Mère et les femmes disciples et les rejoint quand déjà elles savent et observent l'enfant avec pitié.
Ils retournent rapidement vers Enon; ils y entrent. Ils vont, conduits par le garçon, à la maison d'Éli. C'est un vieillard aux yeux embués par les ans, mais encore vigoureux. Dans sa jeunesse il devait être robuste comme un chêne de ces régions.
"Éli, le Rabbi de Nazareth me prend si..."
"Te prend ? Il ne pouvait faire une plus grande bonté. Tu finirais par devenir mauvais en restant ici. Le cœur s'endurcit quand l'injustice dure trop. Et elle est trop dure. Tu l'as trouvé ? Le Très-Haut écoute donc tes pleurs, même s'ils viennent d'un enfant samaritain. 305> Tu es heureux alors, toi qui, grâce à ton âge, es délivré de toute chaîne et qui peux suivre la Vérité sans que rien te retienne de la suivre, pas même la volonté d'un père ou d'une mère. Cela paraît providentiel maintenant ce qui pendant tant d'années a semblé un châtiment. Dieu est bon. Mais que veux-tu de moi, pour être venu ici ? Ma bénédiction ? Je te la donne comme l'Ancien de l'endroit."
"Ta bénédiction, je la veux, car tu es bon. Et puis je suis venu pour que toi, avec Lévi et Jonas, vous alliez avec le Rabbi trouver mon maître pour qu'il ne réclame pas d'autre argent."
"Mais, où est le Rabbi ? Je suis vieux et j'y vois bien peu et je ne reconnais que ceux que je connais beaucoup. Moi, je ne connais pas le Rabbi."
"Il est ici. Il est devant toi."
"Ici ? Puissance éternelle !" Le vieillard se lève et il s'incline vers Jésus en disant : "Pardonne au vieux dont les yeux sont enténébrés. Je te salue car il n'y a qu'un juste dans tout Israël, et tu es celui-là. Allons. Lévi est dans son jardin autour de sa cuve, et Jonas est à ses fromages." Le vieillard se relève. Il est grand comme Jésus, bien que voûté par l'âge. Il se met en route en tâtant le mur, évitant à l'aide de son bâton les obstacles du chemin.
Jésus, qui l'a salué par sa paix, le secourt dans un endroit où trois marches rudimentaires rendent la route dangereuse pour un demi-aveugle. Avant de se mettre en route, Jésus avait dit aux femmes disciples de l'attendre à cet endroit. Pendant ce temps, Benjamin va à son bercail.
Le vieillard dit : "Tu es bon, mais Alexandre est un fauve. C'est un loup. Je ne sais pas si... Mais je suis assez riche pour te donner ce qu'il faut d'argent pour Benjamin, si encore Alexandre en veut. Mes enfants n'ont pas besoin de mon argent. Je suis près du siècle et l'argent ne sert pas pour l'autre vie. Un acte d'humanité, oui, il a de la valeur..."
"Pourquoi ne l'as-tu pas fait plus tôt ?"
"Ne me fais pas de reproches, Rabbi. Je donnais à manger à l'enfant et je le réconfortais, pour qu'il ne devienne pas un malfaiteur. Alexandre est capable de rendre féroce une tourterelle, mais je ne pouvais pas, personne ne pouvait lui enlever l'enfant. Toi... tu t'en vas loin. Mais nous... nous restons ici et nous craignons ses vengeances. Un jour, quelqu'un d'Enon s'interposa parce que, ivre, il battait à mort l'enfant et lui, je ne sais pas comment il fit, réussit à empoisonner le troupeau."
"N'est-ce pas mal penser ?"
"Non. Il attendit plusieurs mois. L'hiver, quand les brebis restent enfermées et il empoisonna l'eau du bassin. Elles burent, elles gonflèrent, elles moururent toutes. Nous sommes tous bergers ici, et nous avons compris… Pour en être sûr, on a fait manger de leur viande à un chien et le chien est mort. Et il y eut quelqu'un qui vit Alexandre entrer furtivement dans l'enclos... Oh ! C'est un malfaiteur ! Nous le craignons... Cruel, toujours ivre le soir. Impitoyable avec tous les siens. Maintenant qu'ils sont tous morts, il torture le garçon."
"Et alors, ne viens pas si..."
"Oh ! non. Je viens. Il faut dire la vérité. Voilà. J'entends le marteau, c'est Lévi." Et il l'appelle à haute voix près d'une haie : "Lévi ! Lévi !"
Un vieillard, qui est moins vieux que le premier, sort dehors en vêtements courts, un marteau dans la main. Il salue Éli et lui demande : "Que veux-tu, ami ?"
"J'ai à côté de moi le Rabbi de Galilée. Il est venu pour prendre Benjamin. Viens, car Alexandre est dans le bois, pour témoigner que lui a déjà eu l'argent de ce disciple."
"Je viens. On m'a toujours dit que le Rabbi était bon. Maintenant je le crois. Paix à toi !" Il dépose le marteau, dit à je ne sais qui de l'attendre, et il s'en va avec Éli et Jésus.
Ils sont vite arrivés au bercail de Jonas. Ils l'appellent, expliquent...
"Je viens. Toi, commande-t-il à un garçon, avance le travail." Il s'essuie les mains à un linge qu'il jette sur une pioche et suit Jésus, après l'avoir salué en même temps que Lévi et Éli.
Jésus parle pendant ce temps avec le vieillard. Il lui dit : "Tu es un juste, Dieu te donnera la paix."
"Je l'espère. Le Seigneur est juste ! Ce n'est pas ma faute si je suis né en Samarie..."
"Ce n'est pas ta faute. Dans l'autre vie, il n'y a pas de frontières pour les justes. Seule la faute dresse une frontière entre le Ciel et l'Abîme."
"C'est vrai. Comme je te verrais volontiers ! Ta voix est douce, et douce est ta main pour conduire le vieil aveugle. Douce et forte. Il me semble que c'est celle de mon fils bien-aimé :Éli, comme moi, fils de Joseph, mon fils. Si ton aspect est comme ta main, bienheureux qui te voit."
"Il vaut mieux m'entendre que me voir. Cela rend plus saint l'esprit."
"C'est vrai. Moi, j'écoute ceux qui parlent de Toi. Mais ils passent rarement... Mais cela n'est-il pas un bruit de hache sur les troncs ?"
"Si."
"Alors... Alexandre est près d'ici... Appelle-le."
"Oui. Vous, restez ici. Si je puis faire seul, je ne vous appellerai pas. Ne vous montrez pas si je ne vous appelle pas." Il avance et appelle à haute voix.
"Qui me veut ? Qui es-tu ?" dit un homme âgé, très robuste, au profil dur, avec une poitrine et des membres de lutteur. Un coup de ces mains doit être comme un brutal coup de massue.
"C'est Moi, un inconnu qui te connaît. Je viens prendre ce qui m'appartient."
"À Toi ? Ah ! Ah ! Qu'est-ce qui est à toi dans mon bois ?"
"Rien dans le bois. Dans ta maison, il y a Benjamin."
"Tu es fou ! Benjamin est mon serviteur."
"Et ton parent. Et toi, tu es son geôlier. Un de mes envoyés t'a donné, pour avoir l'enfant, l'argent que tu demandais. Toi, tu as pris l'argent et gardé l'enfant. Mon envoyé, homme de paix, n'a pas réagi. Je viens au nom de la justice."
"Ton envoyé a dû boire l'argent. Moi, je n'ai rien eu, et je garde Benjamin. Je l'aime bien."
"Non. Tu le hais. Ce que tu aimes, c'est le profit dont tu ne lui donnes rien. Ne mens pas. Dieu punit les menteurs."
"Moi, je n'ai pas eu d'argent. Si tu as parlé avec mon serviteur, sache que c'est un rusé menteur. Et moi je le frapperai, puisqu'il me calomnie. Adieu !" il tourne le dos à Jésus et va s'éloigner.
"Attention, Alexandre, que Dieu est présent. Ne défie pas sa bonté."
"Dieu ! Est-Il par hasard chargé de protéger mes intérêts, Dieu ? C'est à moi seul de sauvegarder mes intérêts, et je m'en charge."
"Gare à toi !"
"Mais qui es-tu, misérable galiléen ? Comment te permets-tu de me faire des reproches ? Moi, je ne te connais pas."
"Tu me connais : je suis le Rabbi de Galilée, et..."
"Ah ! oui ! Et tu crois me faire peur ? Je ne crains ni Dieu ni Belzébuth, moi, et tu veux que je te craigne, Toi ? Un fou ? Va, va ! Laisse-moi travailler. Va-t'en, te dis-je. Ne me regarde pas. Crois-tu que tes yeux puissent me faire peur ? Que veux-tu voir ?"
"Tes crimes non, car je les connais tous. Tous. Même ceux que personne ne connaît. Mais je veux voir si tu ne comprends même pas que cette heure est la dernière que te donne la miséricorde de Dieu pour te repentir. Je veux voir si le remords ne se lève pas pour fendre ton cœur de pierre, si..."
L'homme, qui a sa hache dans les mains, la lance vers Jésus qui se penche rapidement. La hache fait un arc au-dessus de sa tête et va frapper un jeune chêne vert qui se trouve coupé net et tombe avec un grand bruit de feuillage et un frémissement d'ailes d'oiseaux épouvantés.
Les trois, cachés à peu de distance, sortent en criant, craignant que Jésus aussi ait été frappé, et celui qui ne voit pas crie : "Oh ! y voir ! Voir si Lui est réellement sans blessure ! Pour cela seulement y voir, ô Dieu éternel !" Et sourd à toutes les assurances des autres, il avance à l'aveuglette car il a perdu son bâton et il veut toucher Jésus, pour se rendre compte s'il ne saigne pas en quelque partie du corps, et il gémit : "Un clair rayon de lumière, et puis les ténèbres. Mais voir, voir, sans ce voile qui me permet à peine de deviner les obstacles..."
"Je n'ai rien, père, touche-moi" dit Jésus en le touchant et en se faisant toucher.
Pendant ce temps les autres adressent au brutal de dures paroles et lui reprochent ses coups et ses mensonges. N'ayant plus sa hache, il sort un couteau et il s'avance pour frapper, en blasphémant Dieu, en se moquant de l'aveugle, en menaçant les autres, vraiment semblable à un fauve furieux. Mais il chancelle, s'arrête, laisse tomber le poignard, se frotte les yeux, les ouvre, les ferme, puis il pousse un cri terrifiant : "Je n'y vois plus ! À l'aide ! Mes yeux... Les ténèbres... Qui me sauve ?"
Les autres crient aussi, de stupeur. Et même ils se moquent de lui en disant : "Dieu t'a entendu."
En effet, parmi ses blasphèmes, il y avait ceci : "Que Dieu m'aveugle si je mens et si j'ai péché, Et que je m'aveugle plutôt que d'adorer un fou nazaréen ! En ce qui vous concerne, je me vengerai, et je briserai Benjamin comme cet arbuste..."
Et ils se moquent de lui en disant : "Maintenant venge-toi..."
"Ne soyez pas comme lui, ne haïssez pas" conseille Jésus, et il caresse le vieillard qui ne se préoccupe de rien autre que de la sauvegarde de Jésus et Jésus, pour le rassurer, lui dit : "Lève le visage ! Regarde !"
Le miracle s'accomplit. Comme là-bas, pour le brutal, les ténèbres; de même, ici, pour le juste, la lumière. Et c'est un cri différent, bienheureux, qui s'élève sous les arbres robustes : "J'y vois ! Mes yeux ! La lumière ! Béni sois-tu !" et le vieillard fixe Jésus avec des yeux qui rayonnent d'une nouvelle vie et puis il se prosterne pour baiser ses pieds.
"Allons, nous deux. Vous, vous reconduirez à Enon ce malheureux. Et ayez pitié car Dieu l'a déjà puni. Et Dieu suffit. Que l'homme soit bon pour tout malheur."
"Prends pour toi l'enfant, les brebis, le bois, la maison, l'argent. Mais rends-moi la vue. Je ne peux rester ainsi."
"Je ne puis. Je te laisse tout ce par quoi tu es devenu pécheur. Je prends avec Moi l'innocent car il a déjà souffert le martyre. Que dans les ténèbres ton âme puisse s'ouvrir à la Lumière."
Jésus salue Lévi et Jonas, et descend rapidement avec le vieillard qui paraît rajeuni et qui, arrivé aux premières maisons, crie sa joie... Enon toute entière est en émoi...
Jésus se fraie un passage, va trouver le pastoureau qui est près des apôtres, et lui dit : "Viens ! Partons, car on nous attend à Tersa."
"Libre ? Libre ? Avec Toi ? Oh ! Je n'y croyais pas ! Je salue Éli. Et les autres ?" Le garçon est agité...
Éli l'embrasse, le bénit et lui dit : "Et pardonne au malheureux."
"Pourquoi ? Pardonner, oui. Mais pourquoi malheureux ?"
"Parce qu'il a blasphémé le Seigneur et la lumière s'est éteinte dans ses yeux. Personne de nous ne le pourra plus craindre. Il est dans les ténèbres et l'infirmité. Redoutable puissance de Dieu !..." Le vieillard paraît un prophète inspiré, ainsi, les bras levés, tourné vers le ciel, pensant à ce qu'il a vu.
Jésus le salue et fend la petite foule agitée. Il s'en va et à sa suite s'en vont les apôtres et les femmes disciples, et Benjamin s'en va, salué par les femmes qui veulent donner au préféré du Seigneur un gage de leur affection : un fruit, une bourse, un pain, un vêtement, ce qu'elles trouvent sur place. Et lui, heureux, les salue, les remercie et leur dit : "Toujours bonnes avec moi ! Je m'en souviendrai. Je prierai pour vous. Envoyez vos fils au Seigneur. Il est beau d'être avec Lui. Il est la Vie. Adieu ! Adieu !..."
Ils ont dépassé Enon. Ils descendent vers le Jourdain : vers la plaine de la vallée jordanique, vers de nouveaux événements, encore inconnus...
Mais l'enfant ne se tourne pas pour regarder. Il ne commente pas. Il ne pense pas. Il ne soupire pas. Il sourit. Il regarde Jésus, là-bas, tout en avant, vrai Berger suivi de son troupeau, du troupeau dans lequel il est maintenant lui aussi, le pauvre enfant... et à l'improviste, il chante, à gorge déployée...
Les apôtres sourient en disant : "Le garçon est heureux."
Les femmes sourient en disant :"L'oiseau prisonnier a retrouvé la liberté et son nid."
Jésus sourit, en se tournant pour le regarder, et son sourire, comme toujours, parait rendre tout plus lumineux et il l'appelle en disant : "Viens ici, agnelet de Dieu. Je veux t'enseigner un beau chant." Et, suivi par les autres, il entonne le psaume : "Le Seigneur est mon Berger. Il ne me manquera rien. Il m'a mis dans un lieu d'abondants pâturages" et cætera. La voix très belle de Jésus se répand à travers la campagne fertile, l'emporte sur les autres, même sur les meilleures, tant elle exprime puissamment sa joie.
"Il est heureux, ton Fils, Marie" dit Marie d'Alphée.
"Oui. Il est heureux. Il a encore quelque joie..."
"Aucun voyage n'est sans fruit. Il passe en répandant les grâces, et toujours il y a quelqu'un qui rencontre vraiment le Sauveur. Te souviens-tu de ce soir-là à Bethléem de Galilée ?" demande Marie de Magdala.
"Oui. Mais je ne voudrais pas me rappeler ces lépreux et cet aveugle..."
"Tu pardonnerais toujours. Tu es tellement bonne ! Mais la justice aussi est nécessaire* observe Marie Salomé.
"Elle est nécessaire, mais heureusement pour nous que la miséricorde est plus grande" dit encore Marie de Magdala.
"Toi, tu peux le dire. Mais Marie..." répond Jeanne.
"Marie ne veut que le pardon, bien qu'elle-même n'ait pas besoin de pardon. N'est-ce pas, Marie ?" dit Suzanne.
"Je ne voudrais que le pardon, oui. Cela seulement. Être mauvais doit être déjà une terrible souffrance..." Elle soupire en le disant.
"Tu pardonnerais à tous, à tous vraiment ? Mais serait-ce juste de le faire ? Il y a des obstinés dans le mal qui empêchent tout pardon en s'en moquant comme d'une faiblesse" dit Marthe.
"Je pardonnerais. Pour moi, je pardonnerais. Non par sottise, mais parce que je vois en toute âme un petit enfant plus ou moins bon. Comme un fils... Une mère pardonne toujours... même si elle dit : "La justice veut un juste châtiment". Oh ! si une mère pouvait mourir pour engendrer un cœur nouveau, bon, pour le fils mauvais, croyez-vous qu'elle ne le ferait pas ? Mais cela ne se peut. Il y a des cœurs qui repoussent toute aide... Et je pense qu'à eux aussi la pitié doit donner le pardon. Car il est déjà si grand le poids qu'ils ont sur le cœur : de leurs fautes, de la rigueur de Dieu... Oh ! pardonnons, pardonnons aux coupables... Et plût à Dieu accueillir notre pardon absolu pour diminuer leur dette..."
"Mais pourquoi pleures-tu toujours, Marie ? Même maintenant que ton Fils a une heure de joie !" se plaint Marie d'Alphée.
"Cela n'a pas été toute joie car le coupable ne s'est pas repenti. Jésus est dans une joie complète quand il peut racheter..."
Qui sait pourquoi Nique, qui n'a jamais parlé, dit à l'improviste : "D'ici peu, nous serons de nouveau avec Judas de Kériot."
Les femmes se regardent comme si cette simple phrase était une chose extraordinaire, comme si derrière elle se cachait je ne sais quelle grande chose. Mais aucune ne dit mot.
Jésus s'est arrêté dans une très belle oliveraie. Tous s'arrêtent. Jésus bénit la nourriture et la partage et puis il la répartit.
Benjamin regarde et range ce qu'on lui a donné : vêtements trop longs ou trop larges, sandales qui ne lui vont pas, amandes encore dans leur enveloppe, les dernières noix, un petit fromage, quelques pommes ridées, un coutelas. Il est heureux de son trésor. Il veut offrir les aliments, et il plie les vêtements en disant : "Je mettrai le plus beau pour Pâque."
Marie d'Alphée promet : "À Béthanie, je te remettrai tout en ordre. En attendant, laisse-le dehors. À Tersa, il y aura de l'eau pour le rafraîchir et plus loin il y aura du fil pour le mettre aux mesures. Pour les sandales, ensuite... je ne sais comment faire."
"On va les donner au premier pauvre que l'on rencontre si elles vont à son pied et, à Tersa, on va en acheter une paire de neuves" dit tranquillement Marie de Magdala.
"Avec quel argent, ma sœur ?" lui demande Marthe.
"Ah ! c'est vrai ! Nous n'avons plus une piécette... Mais Judas a de l'argent... Ainsi chaussé, Benjamin ne peut faire une longue route. Et puis, le pauvre enfant ! Son âme a eu une grande joie, mais son humanité aussi doit avoir un sourire... Certaines choses font plaisir."
Suzanne, jeune et de bonne humeur, lui dit en riant : "Tu parles comme si tu savais par expérience qu'une paire de sandales neuves fait la joie de qui n'en a jamais possédées de pareilles !"
"C'est vrai. Mais c'est parce que, en effet, je sais comment peut faire plaisir un vêtement sec quand on est trempé, et un vêtement frais quand on n'en a qu'un. Moi, je me souviens..." Et elle penche la tête sur l'épaule de Marie très Sainte en disant : "Tu te rappelles, Ô Mère ?" et elle l'embrasse avec tendresse
Jésus donne l'ordre de partir pour être à Tersa avant le soir : "Ils vont s'inquiéter les deux qui ne sont pas au courant..."
"Veux-tu que l'on aille en avant pour leur dire que tu arrives ?" propose Jacques d'Alphée.
"Oui. Allez tous, sauf Jean et Jacques et mon frère Jude. Tersa n'est pas loin désormais... Allez donc. Cherchez Judas et Élise et préparez en même temps les places pour nous, car ayant tant tardé et ayant les femmes avec nous, il est bien d'y passer la nuit... Nous vous suivrons pendant ce temps. Faites en sorte qu'on vous trouve aux premières maisons..."
Les huit apôtres s'en vont rapidement et Jésus les suit plus lentement.
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SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-035.htm
TOME : 8/ 35
Les Saintes femmes, disciples de Jésus
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Jésus repoussé par les samaritains
Tersa est tellement environnée d'oliveraies luxuriantes qu'il faut en être bien proche pour remarquer que la ville est là. Une enceinte de jardins potagers d'une fertilité merveilleuse fait pour les maisons un dernier abri contre le vent. Dans les jardins, la chicorée, les salades, les légumes, les jeunes plantes de cucurbitacées, les arbres fruitiers, les tonnelles, fondent et entrelacent leurs verts de nuances variées. Les fleurs apportent la promesse des fruits et les petits fruits promettent leurs délices. Les petites fleurs de la vigne et celles des oliviers plus précoces pleuvent, au passage d'un petit vent plutôt énergique, et saupoudrent le sol d'une neige blanche verte.
De derrière un rideau de roseaux et de saules qui ont poussé près d'un canal desséché mais au fond encore humide, en entendant le bruit des pas de ceux qui arrivent, émergent les huit apôtres envoyés en avant précédemment. Ils sont visiblement inquiets et affligés et font signe de s'arrêter. Ils courent en avant. Quand ils sont assez proches pour qu'on puisse les entendre sans qu'ils aient besoin de crier, ils disent : "En allez-vous ! En allez-vous ! En arrière, dans la campagne. On ne peut entrer dans la ville. Pour un peu ils nous lapideraient. Écartez-vous, là, dans ce bosquet et nous allons parler..." Ils poussent en arrière dans le fond du canal desséché Jésus, les trois apôtres, le garçon, les femmes, impatients de s'éloigner sans être vus, et ils disent : "Qu'on ne nous voie pas ici. Partons ! Partons !"
Inutilement Jésus, Jude et les deux fils de Zébédée cherchent à savoir ce qui est arrivé. Inutilement ils disent : "Mais Judas de Simon ? Mais Élise ?"
Les huit ne veulent rien entendre. Marchant dans le fouillis des tiges et des plantes aquatiques, les pieds lacérés par les joncs, frappés au visage par les saules et les roseaux, glissant sur la vase du fond, s'accrochant aux herbes, s'appuyant aux bords, se couvrant de boue, ils s'éloignent ainsi, poussés par derrière par les huit qui marchent avec la tête presque tournée pour voir si de Tersa il sort quelqu'un à leur poursuite. Mais sur la route il n'y a que le soleil qui commence le crépuscule, et un chien maigre qui erre.
Finalement ils sont près d'un fourré de ronces qui sert de limite à une propriété. Derrière le fourré, un champ de lin dont le vent fait onduler les hautes tiges qui commencent à sortir leurs fleurs de couleur bleu ciel.
"Là, là-dedans. En restant assis, personne ne nous verra, et à la tombée de la nuit nous partirons..." dit Pierre en essuyant sa sueur..."
"Où ?" demande Jude d'Alphée. "Nous avons les femmes."
"Nous irons n'importe où. Du reste les prés sont pleins de foin coupé, cela fera un lit. Pour les femmes, nous ferons des tentes avec nos manteaux et nous veillerons."
"Oui. Il suffit de ne pas être vus et de descendre à l'aube vers le Jourdain. Tu avais raison, Maître, de ne pas vouloir la route de Samarie. Pour nous qui sommes pauvres, il vaut mieux les voleurs que les samaritains !..." dit Barthélemy encore hors d'haleine.
"Mais qu'est-il arrivé en somme ? C'est Judas qui a fait quelque..." dit le Thaddée.
Thomas l'interrompt : "Judas a reçu certainement des coups. J'en suis fâché pour Élise..."
"Tu as vu Judas ?"
"Moi, non. Mais il est facile d'être prophètes. S'il s'est dit ton apôtre, certainement il a été frappé. Maître, ils ne veulent pas de Toi."
"Oui, ils se sont tous révoltés contre Toi."
"Ce sont de vrais samaritains."
Ils parlent tous ensemble. Jésus impose le silence à tous et il dit : "Qu'un seul parle. Toi, Simon le Zélote, qui es le plus calme."
"Seigneur, c'est vite dit. Nous sommes entrés dans la ville, et personne ne nous a dérangés tant qu'ils n'ont pas su qui nous sommes, tant qu'ils ont cru que nous étions des pèlerins de passage.
Mais nous avons demandé — il fallait bien le faire — si un homme jeune, grand, brun, vêtu de rouge et avec un taleth à bandes rouges et blanches, accompagné d'une femme âgée, maigre, avec des cheveux plutôt blancs que noirs et un vêtement gris très foncé, étaient entrés dans la ville et s'ils avaient cherché le Maître galiléen et ses compagnons. Alors ils se sont fâchés tout de suite... Peut-être nous n'aurions pas dû parler de Toi. Nous nous sommes certainement trompés... Mais dans les autres endroits nous avions été accueillis si bien que... Je ne comprends pas ce qui est arrivé !... Ils semblaient des vipères ceux qui, il y a seulement trois jours, étaient respectueux avec Toi !..."
Le Thaddée l'interrompt : "Travail de juifs..."
"Je ne crois pas. Je ne le crois pas à cause des reproches qu'ils nous ont fait et de leurs menaces. Moi, je crois... Ou plutôt je suis sûr, nous sommes sûrs que la cause de la colère des samaritains c'est que Jésus a repoussé leur offre de protection. Ils criaient : "Partez ! Partez ! Vous et votre Maître ! Il veut aller adorer sur le Moriah. Qu'il y aille, et qu'il meure, Lui et tous les siens. Il n'y a pas de place parmi nous pour ceux qui ne nous considèrent pas comme amis, mais seulement comme des serviteurs. Nous ne voulons pas d'autres ennuis si ce n'est pas compensé par le profit. Des pierres au lieu de pain pour le Galiléen, les chiens pour l'attaquer au lieu de maisons pour l'accueillir". Ainsi parlaient-ils et ils en disaient davantage. Et comme nous insistions pour savoir au moins ce qu'il en était de Judas, ils ont pris des pierres pour nous frapper et ils ont réellement lancés les chiens. Et ils criaient entre eux : "Mettons-nous près de toutes les entrées. Si Lui vient, nous nous vengerons". Nous avons fui. Une femme — il y a toujours quelqu'un de bon, même parmi les mauvais — nous a poussés dans son jardin et de là nous a conduits par un sentier entre les jardins jusqu'au canal qui était sans eau, car on avait irrigué avant le sabbat et elle nous a cachés là. Et puis elle nous a promis de nous donner des nouvelles de Judas. Mais elle n'est plus venue. Mais attendons-la ici, car elle a dit que si elle ne nous trouve pas dans le canal, elle viendra ici."
Il y a de nombreux commentaires. Certains continuent d'accuser les juifs. Certains font à Jésus un léger reproche, un reproche voilé sous les mots : "Tu as parlé trop clairement à Sichem et puis tu t'es éloigné. Pendant ces trois jours, ils ont décidé qu'il est inutile qu'ils s'illusionnent et qu'ils se fassent tort pour quelqu'un qui ne les satisfait pas... et ils te chassent...".
Jésus répond : "Je ne me repens pas d'avoir dit la vérité et de faire mon devoir. Maintenant ils ne comprennent pas. D'ici peu, ils comprendront ma justice et me vénéreront plus que si je ne l'avais pas respectée, et qui est plus grande que l'amour que j'ai pour eux."
"Voilà ! Voilà la femme sur la route. Elle ose se faire voir..." dit André.
"Ne va-t-elle pas nous trahir, hein ?" dit Barthélemy soupçonneux.
"Elle est seule !"
"Elle pourrait être suivie par des gens cachés dans le canal..."
Mais la femme, qui avance avec un panier sur la tête, continue sa route et dépasse les champs de lin où attendent Jésus et les apôtres et puis elle prend un sentier et disparaît... pour réapparaître à l'improviste derrière ceux qui l'attendent et qui se retournent presque effrayés en entendant le froissement des herbes.
La femme parle aux huit qu'elle connaît : "Voilà ! Pardonnez-moi si je vous ai fait beaucoup attendre... Je ne voulais pas qu'on me suive. J'ai dit que j'allais chez ma mère... Je sais... Et j'ai apporté ici de quoi vous restaurer. Le Maître... Qui est-ce ? Je veux le vénérer."
"Voici le Maître."
La femme, qui a déposé son panier, se prosterne en disant : "Pardonne la faute de mes concitoyens. S'il n'y avait pas eu des gens pour les exciter... Mais ils en ont influencé un grand nombre à propos de ton refus..."
"Je n'ai pas de rancœur, femme. Lève-toi et parle. As-tu des nouvelles de mon apôtre et de la femme qui était avec lui ?"
"Oui. Chassés comme des chiens, ils sont en dehors de la ville, de l'autre côté, attendant qu'il fasse nuit. Ils voulaient revenir vers Enon pour te chercher. Ils voulaient venir ici, sachant que leurs compagnons y étaient. J'ai dit que non, qu'ils ne le fassent pas. Qu'ils restent tranquilles et que je vous conduirai vers eux et je le ferai dès le crépuscule. Par un heureux hasard, mon époux est absent et je suis libre de quitter la maison. Je vous conduirai chez une de mes sœurs, mariée sur les terres de la plaine. Vous dormirez là sans dire qui vous êtes, pas à cause de Mérod, mais à cause des hommes qui sont avec elle. Ce ne sont pas des samaritains : ils sont de la Décapole, établis ici. Mais il vaut mieux..."
"Que Dieu te récompense. Les deux disciples ont-ils été blessés ?"
"L'homme un peu. La femme pas du tout. Et certainement le Très-Haut l'a protégée car elle, fièrement, a protégé son fils de sa personne quand les habitants ont pris des pierres. Oh ! quelle femme courageuse ! Elle criait : "C'est ainsi que vous frappez quelqu'un qui ne vous a pas offensés ? Et vous ne me respectez pas, moi qui le défends et qui suis mère ? N'avez-vous pas de mères, vous tous qui ne respectez pas quelqu'une qui a engendré ? Etes-vous nés d'une louve, ou bien vous êtes vous faits de boue et de fumier ?" et elle regardait les agresseurs en tenant son manteau ouvert pour défendre l'homme et, pendant ce temps, elle reculait en le poussant hors de la ville... Et maintenant encore elle le réconforte en disant : "Que le Très-Haut veuille, ô mon Judas, faire de ce sang répandu pour le Maître un baume pour ton cœur". Mais il est peu blessé. L'homme a peut-être plus de peur que de mal. Mais maintenant prenez et mangez. Pour les femmes il y a du lait qu'on vient de traire et du pain avec du fromage et des fruits. Je n'ai pas pu cuire de la viande, j'aurais trop tardé. Ici il y a du vin pour les hommes. Mangez, pendant que le soir descend puis, par des chemins sûrs, nous irons trouver les deux, et ensuite chez Mérod."
"Que Dieu te récompense encore" dit Jésus et il offre et distribue la nourriture, en mettant de côté deux parts pour ceux qui sont éloignés.
"Non. Non. J'ai pensé à eux et leur ai porté sous mes vêtements des œufs et du pain, avec un peu de vin et d'huile pour les blessures. Mangez, pendant que je surveille la route..."
Ils mangent, mais l'indignation dévore les hommes, et les femmes accablées sont nonchalantes. Toutes, sauf Marie de Magdala. Ce qui effraie et humilie les autres a toujours pour elle l'effet d'une liqueur qui excite les nerfs et son courage, Les yeux lancent des éclairs vers la ville hostile. Seule la présence de Jésus qui a déjà dit de ne pas avoir de rancœur, retient des paroles méprisantes. Ne pouvant parler ni agir, elle déverse sa colère sur le pain innocent qu'elle mord d'une manière tellement significative que le Zélote ne peut se retenir de lui dire en souriant : "Heureusement pour les gens de Tersa qu'ils ne peuvent tomber entre tes mains ! Tu ressembles à un fauve enchaîné, Marie !"
"J'en suis un. Tu as vu juste. Et aux yeux de Dieu j'ai plus de mérite de me retenir d'entrer là-bas, comme ils le méritent, que pour tout ce que j'ai fait jusqu'ici pour expier."
"Brave, Marie ! Dieu t'a pardonné des fautes plus grandes que la leur."
"C'est vrai. Eux t'ont offensé, toi, mon Dieu, une fois, et suggestionnés par autrui. Et moi... de nombreuses fois... et par ma propre volonté... et je ne puis être intransigeante ni orgueilleuse..." Elle rebaisse les yeux sur son pain sur lequel tombent deux larmes.
Marthe lui met la main sur les genoux en lui disant à voix basse : "Dieu t'a pardonnes. Ne te mortifie plus... Rappelle-toi ce que tu as eu : notre Lazare..."
"Je ne me mortifie pas. C'est de la reconnaissance, c'est de l'émotion... Et la constatation que je n'ai pas encore cette miséricorde que j'ai si largement reçue... Pardonne-moi, Rabboni!" dit-elle en levant ses yeux splendides auxquels l'humilité a rendu leur douceur.
"On ne refuse jamais le pardon à qui est humble de cœur, Marie."
Le soir descend, en teintant l'air d'une nuance délicate de violet. Les choses un peu éloignées se confondent. Les tiges de lin dont la grâce était si visible, se fondent à présent en une masse sombre. Les oiseaux se taisent dans les feuillages. La première étoile s'allume. La première cigale fait retentir son crissement dans l'air. C'est le soir.
"Nous pouvons aller. Ici, dans les champs, on ne nous verra pas. Venez avec assurance. Je ne vous trahis pas. Je ne le fais pas pour en tirer profit. Je demande seulement au ciel la pitié, car de pitié, nous en avons tous besoins dit la femme en soupirant.
Ils se lèvent, ils la suivent. Ils passent au large de Tersa, au milieu des champs et des jardins déjà obscurs, mais pas assez loin pour ne pas voir les hommes autour des feux au point de départ des routes...
"Ils nous guettent..." dit Matthieu.
"Maudits !" siffle Philippe entre ses dents.
Pierre ne parle pas, mais il agite ses bras vers le ciel dans un appel ou une protestation muette.
Mais Jacques et Jean de Zébédée qui se sont parlé sans arrêt là-bas, un peu en avant des autres, reviennent sur leurs pas pour dire : "Maître, si Toi, à cause de la perfection de ton amour, tu ne veux pas recourir au châtiment, veux-tu que nous le fassions ? Veux-tu que nous disions au feu du ciel de descendre et de consumer ces pécheurs ? Tu nous as dit que nous pouvions tout ce que nous demandions avec foi et..."
Jésus qui marchait un peu penché, comme s'il était fatigué, se redresse brusquement et les foudroie de deux regards qui étincellent à la lumière de la lune. Les deux reculent en silence, effrayés devant ce regard. Jésus, en les fixant toujours ainsi, leur dit : "Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. Le Fils de l'homme n'est pas venu pour perdre les âmes mais pour les sauver. Vous ne vous rappelez pas ce que je vous ai dit ? J'ai dit dans la parabole du bon grain et de l'ivraie : "Pour l'instant laissez le bon grain et l'ivraie croître ensemble, car à vouloir les séparer maintenant, vous risqueriez d'arracher le bon grain avec l'ivraie. Laissez-les donc jusqu'à la moisson. Au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : ramassez maintenant l'ivraie et liez-la en bottes pour la brûler et rentrez le bon grain dans mon grenier". Jésus a déjà modéré son indignation envers les deux qui, à cause d'une colère qu'avait suscitée leur amour pour lui, demandaient de punir ceux de Tersa et qui maintenant se tiennent tête basse devant Lui. Il les prend par le coude, l'un à droite, l'autre à gauche, et se remet en route en les conduisant ainsi et en parlant à tous qui s'étaient serrés autour de Lui quand il s'était arrêté. "En vérité, je vous dis que le temps de la moisson est proche, ma première moisson, et pour beaucoup, il n'y en aura pas une seconde. Mais — louons-en le Très-Haut — certains qui dans mon temps n'ont pas su devenir épi de bon grain, après la purification du sacrifice pascal renaîtront avec une âme nouvelle. Jusqu'à ce jour, je ne m'acharnerai contre personne... Après ce sera la justice..."
"Après la Pâque ?" demande Pierre.
"Non. Après le temps. Je ne parle pas de ces hommes, de maintenant. Je regarde les siècles futurs. L'homme ne cesse de se renouveler comme les moissons dans les champs, et les récoltes se suivent. Et Moi, je laisserai ce qu'il faut pour que ceux qui viendront à l'avenir puissent se faire bon grain. S'ils ne le veulent pas, à la fin du monde, mes anges sépareront l'ivraie du bon grain. Alors ce sera le Jour éternel de Dieu seul. Pour l'instant, dans le monde, c'est le jour de Dieu et de Satan. Le Premier semant le Bien, le second jetant parmi les semences de Dieu son ivraie de damnation, ses scandales, ses iniquités, ses semences qui font naître l'iniquité et les scandales. Car toujours il y aura des gens pour exciter contre Dieu, comme ici, avec ceux-ci qui, en vérité, sont moins coupables que ceux qui les poussent au mal."
"Maître, chaque année on se purifie à la Pâque des Azymes, mais toujours on reste ce qu'on était. Est-ce que peut-être ce sera différent cette année ?" demande Matthieu.
"Très différent."
"Pourquoi ? Explique-nous."
"Demain... Demain, ou quand nous serons en route, et que Judas de Simon sera avec nous, je vous le dirai."
"Oh ! oui. Tu nous le diras et nous nous rendrons meilleurs... En attendant, pardonne-nous, Jésus" dit Jean.
"Je vous ai bien appelé par votre vrai nom [2]. Mais le tonnerre ne fait pas de mal. La foudre, oui, peut tuer. Pourtant souvent le tonnerre annonce la foudre. Ainsi en arrive-t-il à celui qui n'enlève pas de son esprit tout désordre contre l'amour. Aujourd'hui il demande de pouvoirpunir. Demain il punit sans demander. Après-demain il punit même sans raison. Il est facile de descendre... Aussi je vous dis de vous dépouiller de toute dureté de cœur envers votre prochain. Faites comme je fais, et vous serez sûrs de ne pas vous tromper. M'avez-vous peut-être jamais vu me venger de quelqu'un qui m'afflige ?"
"Non, Maître. Tu..."
"Maître ! Maître ! Nous sommes ici, Élise et moi. Oh ! Maître, quel souci pour Toi ! Et quelle peur de mourir..." dit Judas de Kériot en débouchant de derrière des rangs de vigne et en courant vers Jésus. Une bande lui entoure le front. Élise, plus calme, le suit.
"Tu as souffert ? Tu as craint de mourir ? La vie t'est-elle tellement chère ?" demande Jésus en se dégageant de Judas qui l'embrasse et pleure.
"Pas la vie. Je craignais Dieu. Mourir sans ton pardon... Je ne cesse pas de t'offenser. J'offense tout le monde. Même elle... Et elle m'a répondu en me servant de mère. Je me suis senti coupable et j'ai craint la mort..."
"Oh ! crainte salutaire, si elle peut te rendre saint ! Mais moi, je te pardonne, toujours, tu le sais. Il suffit que tu aies la volonté de te repentir. Et toi, Élise, as-tu pardonné ?"
"C'est un grand enfant déchaîné. Je sais être indulgente."
"Tu as été courageuse, Élise. Je le sais."
"Si elle n'avait pas été là ! Je ne sais pas si je t'aurais revu. Maître !"
"Tu vois donc que ce n'est pas par haine, mais par amour qu'elle était restée près de toi... N'as-tu pas été blessée, Élise ?"
"Non, Maître. Les pierres tombaient tout autour de moi sans me blesser, mais mon cœur a été très angoissé en pensant à Toi..."
"Tout est fini désormais. Suivons la femme qui veut nous conduire dans une maison sûre."
Ils se remettent en route en prenant un petit chemin éclairé par la lune... qui s'en va vers l'orient.
Jésus a pris l'Iscariote par le bras et il est en avant avec lui. Il lui parle doucement. Il essaie de travailler son cœur secoué par la peur passée du jugement de Dieu : "Tu vois, Judas, comme il est facile de mourir. La mort est toujours aux aguets autour de nous. Tu vois comme ce qui nous paraît une chose négligeable quand nous sommes pleins de vie devient une chose grande, effroyablement grande, quand la mort nous effleure. Mais pourquoi vouloir avoir ces peurs, se les créer pour les trouver en face de soi au moment de mourir, alors qu'avec une vie sainte, on peut ignorer l'épouvante du proche jugement de Dieu ? Ne te semble-t-il pas qu'il vaut la peine de vivre en juste pour avoir une mort tranquille ? Judas, mon ami, la divine, paternelle miséricorde a permis cet événement pour qu'il fût un appel à ton cœur. Il est encore temps pour toi, Judas... Pourquoi ne veux-tu pas donner à ton Maître qui va mourir la grande, la très grande joie de te savoir revenu au Bien ?"
"Mais peux-tu encore me pardonner, Jésus ?"
"Et te parlerais-je ainsi, si je ne le pouvais pas ? Comme tu me connais peu encore ! Moi, je te connais. Je sais que tu es comme quelqu'un qui est saisi par une pieuvre géante. Mais si tu voulais, tu pourrais encore te libérer. Oh ! tu souffrirais, certainement. T'arracher à ces chaînes qui te mordent et t'empoisonnent serait douloureux. Mais après quelle joie. Judas ! Tu crains de ne pas avoir la force de réagir contre ceux qui te suggestionnent ? Moi, je puis t'absoudre à l'avance du péché de transgression du rite pascal... Tu es un malade. Pour les malades, la Pâque n'est pas obligatoire. Personne n'est plus malade que toi. Tu es comme un lépreux. Les lépreux ne montent pas à Jérusalem, tant qu'ils sont tels. Crois, Judas, que de comparaître devant le Seigneur avec un esprit immonde tel que le tien, ce n'est pas l'honorer, mais l'offenser. Il faut d'abord..."
"Pourquoi, alors, ne me purifies-tu pas et ne me guéris-tu pas ?" demande Judas, déjà dur, récalcitrant.
"Je ne te guéris pas ! Quand quelqu'un est malade, il cherche à se guérir par lui-même, à moins que ce ne soit un tout petit ou un sot qui ne sait pas vouloir..."
"Traite-moi comme de telles personnes. Traite-moi en sot, et pourvois Toi-même, à mon propre insu".
"Ce ne serait pas juste, parce que tu peux vouloir. Tu sais ce qui est bien et ce qui est mal pour toi. Et il ne servirait à rien que je te guérisse sans ta volonté de rester guéri."
"Donne-la-moi aussi."
"Te la donner ? T'imposer alors une volonté bonne ? Et ton libre arbitre ? Que deviendrait-il alors ? Que serait ton moi d'homme, de créature libre ? Succube ?"
"Comme je suis succube de Satan, je pourrais l'être de Dieu !"
"Comme tu me blesses, Judas ! Comme tu transperces mon cœur ! Mais pour ce que tu me fais, je te pardonne... Succube de Satan, as-tu dit. Moi, je ne disais pas cette chose redoutable..."
"Mais tu la pensais parce qu'elle est vraie et que tu la connais, s'il est vrai que tu lis dans les cœurs des hommes. S'il en est ainsi, tu sais que je ne suis plus libre de moi... Il m'a pris et..."
"Non. Il s'est approché de toi, en te tentant, en t'essayant, et tu l'as accueilli. Il n'y a pas dépossession s'il n'y a pas au début une adhésion à quelque tentation satanique. Le serpent insinue sa tête entre les barreaux serrés mis pour défendre les cœurs, mais il n'entrerait pas si l'homme ne lui élargissait pas un passage pour admirer son aspect séducteur, pour l'écouter, pour le suivre... Alors seulement l'homme devient succube, possédé, mais parce qu'il le veut. Dieu aussi flèche des cieux les lumières très douces de son paternel amour, et ses lumières pénètrent en nous. Ou plutôt : Dieu, à qui tout est possible, descend dans le cœur des hommes. C'est son droit. Pourquoi alors l'homme qui sait qu'il devient esclave, succube de l'Horrible, ne sait-il pas se rendre serviteur de Dieu, ou plutôt fils de Dieu, et pourquoi chasse-t-il son Père très Saint ? Tu ne me réponds pas ? Tu ne me dis pas pourquoi tu as préféré Satan à Dieu, pourquoi tu as voulu Satan ? Mais il serait encore temps pour te sauver ! Tu sais que je vais à la mort. Personne ne le sait comme toi... Je ne refuse pas de mourir... Je vais. Je vais à la mort, parce que ma mort sera la Vie pour tant d'hommes. Pourquoi ne veux-tu pas être de ceux-ci ? Est-ce que ce sera pour toi seulement, mon ami, mon pauvre ami malade, que ma mort sera inutile ?"
"Elle sera inutile pour tant de gens, ne te fais pas d'illusions. Tu ferais mieux de fuir et de vivre loin d'ici, de jouir de la vie, d'enseigner ta doctrine, car elle est bonne, mais ne pas te sacrifier."
"Enseigner ma doctrine ! Mais qu'est-ce que j'enseignerais désormais de vrai, si je faisais le contraire de ce que j'enseigne ? Quel Maître serais-je si je prêchais l'obéissance à la volonté de Dieu et ne la faisais pas ? L'amour des hommes, et qu'ensuite je ne les aimais pas ? Le renoncement à la chair et au monde et qu'ensuite j'aimais ma chair et les honneurs du monde, le refus de donner le scandale et qu'ensuite je scandalisais non seulement les hommes, mais les anges ? C'est Satan qui parle par toi en ce moment, comme il a parlé à Éphraïm, comme tant de fois il a parlé et agi, par ton intermédiaire, pour me troubler. Je les reconnais toutes ces actions de Satan, accomplies grâce à toi, et je ne t'ai pas haï, je n'ai pas éprouvé de lassitude de toi, mais seulement de la peine, une peine infinie. Comme une mère qui suit les progrès d'un mal qui amène son fils à la mort, j'ai observé la progression du mal en toi. Comme un père qui ne regrette rien pourvu qu'il trouve des remèdes pour son fils malade, Moi je n'ai rien épargné pour te sauver, j'ai surmonté les répugnances, les indignations, les amertumes, les découragements... Comme un père et une mère désolés, désillusionnés de toute puissance terrestre, se tournent vers le Ciel pour obtenir la vie d'un fils, ainsi j'ai gémi et je gémis pour implorer un miracle qui te sauve, te sauve, te sauve sur le bord de l'abîme qui déjà s'ouvre sous tes pieds. Judas, regarde-moi ! Sous peu mon Sang sera répandu pour les péchés des hommes. II ne m'en restera pas une goutte. Le boiront la terre, les pierres, les herbes, les vêtements de mes persécuteurs et les miens... le bois, le fer, les cordes, les épines du nabacà... et le boiront les esprits qui attendent le salut... Est-ce que toi seul tu ne veux pas le boire ? Moi, pour toi seul, je donnerais tout le Sang que j'ai. Tu es mon ami. Comme on meurt volontiers pour l'ami ! Pour le sauver ! On dit : "Je meurs, mais je continuerai de vivre dans l'ami auquel j'ai donné la vie". Comme une mère, comme un père qui continuent de vivre dans leur descendance même après qu'ils se sont éteints. Judas, Moi, je t'en supplie ! Je ne demande rien d'autre en cette veille de ma mort. Au condamné, les juges eux-mêmes, même les ennemis accordent une ultime grâce, exaucent le dernier désir. Moi, je te demande de ne pas te damner. Je ne le demande pas tant au Ciel qu'à toi, à ta volonté... Pense à ta mère, Judas. Que sera ta mère, ensuite ? Que sera le nom de ta famille ? Je fais appel à ton orgueil, il est plus fier que jamais, pour te défendre contre ton déshonneur. Ne te déshonore pas. Judas, Réfléchis. Les années passeront et les siècles, les royaumes et les empires tomberont, les étoiles perdront leur éclat, la configuration de la Terre changera, et tu seras toujours Judas, comme Caïn est toujours Caïn, si tu persistes dans ton péché. Les siècles auront une fin et il restera seulement le Paradis et l'Enfer. Dans le Paradis et dans l'Enfer, pour les hommes ressuscités et accueillis âmes et corps, pour l'éternité, là où il est juste qu'ils soient, tu seras toujours Judas, le maudit, le plus grand coupable, si tu ne te repens pas.
Je descendrai pour libérer les esprits des Limbes, je les tirerai en foules du Purgatoire, et toi... je ne pourrai t'attirer où je suis... Judas, je vais mourir, j'y vais heureux, car elle est venue l'heure que j'attendais depuis des millénaires : l'heure de réunir les hommes à leur Père. Il y en a beaucoup que je ne réunirai pas. Mais le nombre des sauvés que je contemplerai en mourant me consolera du déchirement de mourir inutilement pour un si grand nombre. Mais, c'est Moi qui te le dis, il sera terrible de te voir parmi ces derniers, toi, mon apôtre, mon ami. Ne me donne pas cette inhumaine douleur !... Je veux te sauver, Judas. Te sauver. Regarde. Nous descendons au fleuve. Demain, à l'aube, quand tous dorment encore, nous le passerons, nous deux, et tu iras à Bozra, à Arbela, à Aéra, où tu veux. Tu connais les maisons des disciples. À Bozra, cherche Joachim et Marie, la lépreuse que j'ai guérie. Je te donnerai un écrit pour eux. Je dirai que pour ta santé, il te faut un repos tranquille dans un air différent. Et c'est la vérité, malheureusement, puisque tu as l'esprit malade et l'air de Jérusalem te serait mortel. Mais eux croiront qu'il s'agit de ton corps. Tu resteras là jusqu'à ce que je vienne t'en tirer. À tes compagnons, Moi, j'y penserai... Mais ne viens pas à Jérusalem, Tu vois ? Je n'ai pas voulu des femmes, sauf des plus courageuses parmi elles, et celles qui par leur droit de mère doivent être près de leurs enfants."
"La mienne aussi ?"
"Non. Marie ne sera pas à Jérusalem..."
"C'est la mère d'un apôtre, elle aussi, et elle t'a toujours honoré."
"Oui, elle aurait le droit comme les autres d'être près de Moi, elle qui m'aime avec une parfaite justice. Mais c'est justement pour cela qu'elle n'y sera pas. Parce que je lui ai dit de ne pas y être, et elle sait obéir."
"Pourquoi ne doit-elle pas y être ? Qu'a-t-elle de différent de la mère de tes frères et de celle des fils de Zébédée ?"
"Toi. Et tu sais pourquoi je te le dis. Mais si tu m'écoutes, si tu vas à Bozra, j'enverrai prévenir ta mère et je la ferai accompagner pour qu'elle, qui est si bonne, t'aide à guérir. Crois-le : nous seuls t'aimons ainsi, sans mesure. Ils sont trois qui t'aiment dans le Ciel : le Père, le Fils, l'Esprit Saint, qui t'ont contemplé et qui attendent ta décision pour faire de toi la gemme de la Rédemption, la proie la plus grande arrachée à l'Abîme; et ils sont trois sur la Terre : ta mère, ma Mère et Moi. Rends-nous heureux, Judas ! Nous du Ciel, nous de la Terre, ceux qui t'aiment d'un amour véritable."
"Tu le dis : il n'y en a que trois qui m'aiment; les autres... non."
"Pas comme nous, mais ils t'aiment tant. Élise t'a défendu. Les autres étaient inquiets pour toi. Quand tu es éloigné, tous te portent dans leur cœur et ont ton nom sur leurs lèvres. Tu ne connais pas tout l'amour qui t'entoure. Celui qui t'opprime te le cache. Mais crois à ma parole."
"Je te crois et je chercherai à te satisfaire. Mais je veux agir de moi-même. C'est de moi-même que j'ai erré, c'est de moi-même que je dois guérir du mal."
"Il n'y a que Dieu qui puisse agir de Lui-même. Cette pensée est de l'orgueil. Dans l'orgueil se trouve encore Satan. Sois humble, Judas. Prends cette main qui t'offre son amitié. Réfugie-toi sur ce cœur qui s'ouvre pour te protéger. Ici, avec Moi, Satan ne pourrait te faire du mal."
"J'ai essayé d'être avec Toi... Je suis descendu toujours plus... C'est inutile !"
"Ne dis pas cela ! Ne dis pas cela ! Repousse le découragement. Dieu peut tout. Serre-toi à Dieu. Judas ! Judas !"
"Tais-toi ! Que les autres n'entendent pas..."
"Tu te préoccupes des autres et non de ton esprit ? Malheureux Judas !..."
Jésus ne parle plus, mais il continue de rester à côté de l'apôtre jusqu'à ce que la femme, qui était en avant de quelques mètres, entre dans une maison qui émerge d'un bois d'oliviers. Alors Jésus dit à son disciple : "Je ne dormirai pas cette nuit. Je prierai pour toi, et je t'attendrai... Que Dieu parle à ton cœur. Et toi, écoute-le... Je resterai ici où je suis maintenant pour prier, jusqu'à l'aube... Rappelle-le-toi."
Judas ne Lui répond pas. Les autres sont arrivés et aussi les femmes, et tous restent ensemble en attendant le retour de la samaritaine. Elle ne tarde guère à revenir. Elle a avec elle une autre femme qui lui ressemble et qui les salue en disant : "Je n'ai pas beaucoup de pièces car j'ai déjà les moissonneurs qui pour le moment travaillent aux oliviers. Mais j'ai un grand grenier avec beaucoup de paille. Pour les femmes, j'ai de la place. Venez."
"Allez ! Moi je reste ici à prier. La paix à vous tous" dit Jésus. Et pendant que les autres s'en vont, il retient sa Mère pour lui dire : "Je reste à prier pour Judas, ma Mère. Aide-moi, toi aussi..."
"Je t'aiderai, mon Fils. Peut-être renaît-il en lui la volonté ?"
"Non, Maman. Mais nous devons faire comme si... Le Ciel peut tout, Maman !"
"Oui. Et moi, je puis encore avoir des illusions. Pas Toi, mon Fils. Tu sais, mon Saint Fils ! Mais moi, je t'imiterai toujours. Va et sois tranquille, mon amour ! Même quand tu ne pourras plus lui parler parce qu'il te fuira, j'essaierai de te l'amener. Que seulement le Père très Saint écoute ma souffrance... Me laisses-tu prier avec Toi, Jésus ? Nous prierons ensemble et ce sera autant d'heures pour te posséder pour moi seule..."
"Reste, Maman. Je t'attends ici."
Marie s'en va rapidement et revient de même. Ils s'assoient sur leurs sacs, aux pieds des oliviers. Dans le grand silence, on entend le bruissement du fleuve peu éloigné, et le chant des cigales semble puissant dans le grand silence de la nuit. Puis, c'est le chant des rossignols. Une chouette rit et un petit duc pleure. Les étoiles se déplacent lentement dans le firmament où elles sont reines, maintenant que la lune qui est couchée ne les offusque plus. Puis un coq rompt l'air tranquille de son cri vibrant. Beaucoup plus loin, à peine perceptible, un autre coq lui répond. Puis de nouveau le silence rompu par un arpège de gouttes qui tombent des tuiles d'une maison toute proche sur le pavé qui l'entoure. Et puis un nouveau bruissement dans les feuillages comme s'ils secouaient l'humidité de la nuit et un cri isolé d'un oiseau qui se réveille, et en même temps un changement dans le ciel, un retour de la lumière. C'est l'aube. Et Judas n'est pas venu...
Jésus regarde sa Mère, blanche comme un lys contre l'olivier sombre, et il lui dit : "Nous avons prié, Mère. Notre prière, Dieu s'en servira..."
"Oui, mon Fils. Tu es pâle comme la mort. Vraiment toute ta vitalité s'est exhalée pendant cette nuit, pour presser sur les portes des Cieux et sur les décrets de Dieu !"
"Toi aussi, tu es pâle, Mère. Grande est ta fatigue."
"Grande est ma douleur, à cause de ta douleur."
La porte de la maison s'ouvre avec précaution... Jésus tressaille. Mais ce n'est que la femme qui les a conduits, qui sort sans faire de bruit. Jésus soupire : "J'ai espéré que j'avais pu me tromper !"
La femme s'avance avec son panier vide. Elle voit Jésus. Elle le salue et allait continuer, mais Lui l'appelle et lui dit : "Que le Seigneur te récompense pour tout. Je voudrais pourtant, mais je n'ai rien avec Moi."
"Je ne voudrais rien, Rabbi. Aucune compensation. Mais si je ne veux pas d'argent, il y a une chose que je voudrais pourtant. Et celle-là, tu peux me la donner !"
"Quoi, femme ?"
"Que change le cœur de mon époux. Et cela tu peux le faire parce que tu es vraiment le Saint de Dieu."
"Va en paix. Il te sera fait comme tu le demandes. Adieu."
La femme s'en va rapidement vers sa maison qui doit être bien triste. Marie commente; "Une autre malheureuse. C'est pour cela qu'elle est bonne !..."
Depuis le grenier, la tête ébouriffée de Pierre se montre, et derrière elle le visage lumineux de Jean, et puis le profil sévère du Thaddée et le visage brunâtre du Zélote et le visage maigre du jeune Benjamin... Ils sont tous réveillés. Voici que de la maison sort, la première de toutes, Marie de Magdala et derrière Nique, et puis les autres. Toutes sont réunies et la femme qui leur a donné l'hospitalité apporte une seille de lait encore écumeux. Alors apparaît l'Iscariote. Il n'a plus sa bande mais le bleu du coup qu'il a reçu lui colore la moitié du front et l'œil est encore plus sombre dans le cercle violâtre. Jésus le regarde. Judas regarde Jésus, et puis tourne la tête ailleurs.
Jésus lui dit : "Achète à la femme ce qu'elle peut nous fournir. Nous allons en avant. Rejoins-nous."
Et réellement Jésus s'éloigne après avoir salué la femme. Tous le suivent.
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-036.htm
TOME : 8/36
Marie de Magdala
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
La rencontre avec le jeune homme riche
C'est une autre très belle matinée d'avril. La terre et le firmament déploient toutes leurs beautés printanières. On respire la lumière, les chants, les parfums, tant l'air est saturé de clarté, de voix joyeuses et affectueuses, de parfums. Il a dû tomber pendant la nuit une courte averse qui a fait tomber la poussière des routes et les a assombries, sans les rendre boueuses, et a lavé les tiges et les feuilles qui tremblent maintenant, claires et propres, sous une douce brise qui descend des monts vers la plaine fertile qui annonce Jéricho. Des rives du Jourdain montent continuellement des gens qui ont fait la traversée depuis l'autre rive, ou bien qui ont suivi le chemin qui côtoie le fleuve en venant sur celle-ci qui va directement sur Jéricho et sur Doco, comme l'indiquent les inscriptions de la route. Et aux hébreux nombreux, qui de tous côtés se dirigent vers Jérusalem pour les cérémonies rituelles, se mêlent des marchands d'autres endroits, et des bergers avec les agneaux des sacrifices qui bêlent, ignorants de leur sort.
Plusieurs reconnaissent Jésus et le saluent. Ce sont des hébreux de la Pérée et de la Décapole et de lieux plus éloignés. Il y a un groupe de Césarée Panéade. Et il y a des bergers qui, étant plutôt nomades et suivant leurs troupeaux, ont une certaine connaissance du Maître, qu'ils ont rencontré ou que ses disciples leur ont annoncé.
L'un d'eux se prosterne et Lui dit : "Puis-je t'offrir l'agneau ?"
"Ne t'en défais pas, homme. C'est ton gain."
"Oh ! C'est ma reconnaissance. Tu ne te souviens pas de moi. Moi, oui. Je suis un de ceux que tu as guéris, en en guérissant un si grand nombre [1]. Tu m'as consolidé l'os de la cuisse que personne ne guérissait et me rendait infirme. Je te donne volontiers l'agneau, le plus beau : celui-ci. Pour le banquet de réjouissance. Je sais que pour l'holocauste, tu es tenu à la dépense. Mais pour la réjouissance ! Tu m'en as tant donné. Prends-le, Maître."
"Mais oui, prends-le. Ce sera de l'argent que nous économiserons, ou plutôt ce sera la possibilité de manger car avec toutes les prodigalités que l'on fait, moi, je n'ai plus d'argent" dit l'Iscariote.
"Prodigalité ? Mais depuis Sichem, on n'a pas dépensé la moindre piécette !" dit Matthieu.
"Enfin, je n'ai plus d'argent. Ce qui me restait, je l'ai donné à Mérode."
"Homme, écoute, dit Jésus au berger, pour mettre fin aux explications de Judas. Pour l'instant, je ne vais pas à Jérusalem et je ne puis emmener l'agneau avec Moi. Autrement je l'accepterais pour te montrer que ton cadeau m'est agréable."
"Mais ensuite, tu iras dans la ville. Tu t'y arrêteras pour les fêtes. Tu auras un lieu de repos. Dis-moi où et je le confierai à tes amis..."
"Je n'ai rien de cela... Mais à Nobé j'ai un ami âgé et pauvre. Écoute-moi bien : le lendemain du sabbat pascal, à l'aube, tu iras à Nobé et tu diras à Jean, l'Ancien de Nobé — tout le monde te l'indiquera — : "Cet agneau t'est envoyé par Jésus de Nazareth, ton ami, pour que tu en fasses en ce jour un joyeux banquet car il n'y a pas de plus grande joie que celle de ce jour pour les vrais amis du Christ". Le feras-tu ?"
"Si tu le veux, je le ferai."
"Et tu me feras plaisir. Pas avant le lendemain du sabbat. Rappelle-toi bien, et rappelle-toi les paroles que je t'ai dites. Maintenant va, et que la paix soit avec toi. Et garde ton cœur bien ferme dans cette paix dans les jours à venir. Rappelle-toi cela aussi et continue à croire en ma Vérité. Adieu."
Des gens se sont approchés pour écouter le dialogue et ne se sont dispersés que quand le berger les a obligés à le faire en remettant son troupeau en route. Jésus suit le troupeau pour profiter du sillage qu'il Lui offre.
Les gens parlotent : "Mais alors il va vraiment à Jérusalem ? Mais il ne sait pas qu'il y a l'affiche contre Lui ?"
"Hé ! mais personne ne peut empêcher un fils de la Loi de se présenter au Seigneur pour la Pâque. Est-il coupable de quelque délit public ? Non. Car s'il l'était, le Proconsul l'aurait fait emprisonner comme Barabbas."
Et d'autres : "Tu as entendu ? Il n'a pas d'asile ni d'amis à Jérusalem. Est-ce que tous l'ont abandonné ? Même le ressuscité ? Belle reconnaissance !"
"Tais-toi donc ! Ces deux sont les sœurs de Lazare. Je suis des campagnes de Magdala, et je les connais bien. Si ses sœurs sont avec Lui, c'est que la famille de Lazare Lui est fidèle."
"Il n'ose peut-être entrer dans la ville."
"Il a raison."
"Dieu Lui pardonnera s'il reste au dehors."
"Ce n'est pas sa faute s'il ne peut monter au Temple."
"Sa prudence est sagesse. S'il venait à être pris, tout serait fini avant son heure."
"Certainement il n'est pas prêt pour se proclamer notre roi, et il ne veut pas être pris."
"On dit que pendant qu'on le croyait à Éphraïm, il est allé un peu partout, jusqu'auprès des tribus nomades, pour recruter des partisans et des soldats et chercher des protections."
"Qui te l'a dit ?"
"Ce sont les mensonges habituels. Lui est le Roi saint et non le roi des troupes."
"Peut-être qu'il fera la Pâque supplémentaire. Il est plus facile alors de passer inaperçu. LeSanhédrin est dissous après les fêtes, et tous les synhédristes vont à leurs maisons pour la moisson. Jusqu'à la Pentecôte, il ne se réunit pas de nouveau."
"Et une fois les sanhédristes partis, qui voulez-vous qui Lui fasse du mal ? Ce sont eux les chacals."
"Hum ! Que Lui use de tant de prudence ? C'est une chose trop humaine. Lui est plus qu'un homme et n'usera pas d'une prudence lâche."
"Lâche ? Pourquoi ? On ne peut traiter de lâche celui qui s'épargne pour sa mission."
"C'est toujours de la lâcheté, car toute mission est toujours inférieure à Dieu. En effet le culte de Dieu doit avoir toujours la préséance sur toute autre chose."
Ces paroles passent de bouche en bouche. Jésus fait semblant de ne pas les entendre.
Jude d'Alphée s'arrête pour attendre les femmes et, lorsqu'elles sont arrivées — elles étaient avec le garçon en arrière à une trentaine de pas — il dit à Nique : "Avez-vous donné beaucoup à Sichem après que nous sommes partis ?"
"Pourquoi ?"
"Parce que Judas n'a plus la moindre piécette. Tes sandales, Benjamin, ne vont pas tenir. C'est écrit. À Tersa, on n'a pas pu entrer [3] et même si nous l'avions pu, le manque d'argent aurait empêché tout achat... Tu devras entrer ainsi à Jérusalem..."
"Avant, il y a Béthanie" dit Marthe en souriant.
"Et avant, il y a Jéricho et ma maison" dit Nique, en souriant aussi.
"Et avant tout cela, il y a moi. J'ai promis et je tiendrai la promesse. Voyage d'expérience que celui-là ! J'ai connu ce que c'est de ne pas avoir une didrachme, et maintenant je vais connaître ce que c'est de devoir vendre un objet par besoin" dit Marie de Magdala.
"Et que veux-tu vendre, Marie, si tu ne portes plus de bijoux ?" demande Marthe à sa sœur.
"Mes grosses épingles à cheveux en argent. Elles sont nombreuses. Mais pour tenir en place ce poids inutile, des épingles de fer peuvent suffire. Je les vendrai. Jéricho est remplie de gens qui achètent ces choses et aujourd'hui c'est jour de marché et aussi demain et toujours à cause de ces fêtes."
"Mais, ma sœur !"
"Quoi ? Tu te scandalises en pensant qu'on puisse me croire assez pauvre pour devoir vendre mes épingles d'argent ? Oh ! je voudrais t'avoir toujours donné de ces scandales ! C'était pire quand sans besoin, je me vendais moi-même pour satisfaire les vices d'autrui et les miens."
"Mais, tais-toi ! Il y a le garçon qui ne sait pas !"
"Il ne sait pas encore. Peut-être ne sait-il pas encore que j'étais la pécheresse. Demain il le saurait par des gens qui me haïssent parce que je ne le suis plus, et certainement avec des détails que mon péché n'a pas eus, tout en étant si grand. Il vaut donc mieux qu'il l'apprenne de moi et qu'il voie combien peut le Seigneur qui l'a accueilli : faire d'une pécheresse une repentie, d'un mort un ressuscité : de moi, morte dans mon esprit, de Lazare, mort dans son corps, deux vivants. Car, Benjamin, c'est cela qu'il nous a fait à nous le Rabbi. Souviens-t'en toujours et aime-le de tout ton cœur, car il est vraiment le Fils de Dieu."
Un obstacle, le long de la route, a arrêté Jésus, et les apôtres et les femmes le rejoignent, Jésus dit : "Allez en avant, vous, vers Jéricho, et entrez-y si vous voulez. Moi, je vais à Docoavec lui. Au coucher du soleil, je serai avec vous."
"Oh ! pourquoi nous éloignes-tu ? Nous ne sommes pas lasses" protestent toutes.
"Parce que je voudrais que vous, pendant ce temps, du moins quelques-unes, préveniez les disciples que je serai chez Nique demain."
"S'il en est ainsi, Seigneur, nous partons. Viens, Élise, et toi Jeanne, et toi Suzanne etMarthe. Nous préparerons tout ce qu'il faut" dit Nique.
"Et le garçon et moi. Nous ferons nos achats. Bénis-nous, Maître, et viens vite. Toi, Mère, tu restes ?"
"Oui, avec mon Fils."
On se sépare. Avec Jésus restent seulement les trois Marie : sa Mère, sa belle-sœur Marie de Cléophas, et Marie Salomé.
Jésus quitte la route de Jéricho pour un chemin secondaire qui va à Doco. Il s'y trouve depuis peu quand, d'une caravane qui vient je ne sais d'où — une riche caravane qui certainement vient de loin. Les femmes sont montées sur des chameaux, renfermées dans des palanquins qui oscillent, attachés sur les échines gibbeuses . Les hommes sont montés sur des chevaux fougueux ou d'autres chameaux — se détache un jeune homme qui fait agenouiller son chameau et glisse en bas de la selle pour aller vers Jésus. Un serviteur qui est accouru lui tient la bête par la bride.
Le jeune homme se prosterne devant Jésus et Lui dit après une profonde salutation : "Je suisPhilippe de Canata, fils de vrais Israélites et resté tel. Disciple de Gamaliel jusqu'à la mort de mon père qui m'a mis à la tête de son commerce. Je t'ai entendu plus d'une fois. Je connais tes actions, j'aspire à une vie meilleure pour avoir cette vie éternelle dont tu assures la possession à celui qui crée ton Royaume en lui-même. Dis-moi, bon Maître : que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ?"
"Pourquoi m'appelles-tu bon ? Dieu seul est bon."
"Tu es le Fils de Dieu, bon comme ton Père. Oh ! dis-moi que dois-je faire ?"
"Pour entrer dans la vie éternelle, observe les commandements."
"Lesquels, mon Seigneur ? Les anciens ou les tiens ?"
"Dans les anciens, les miens se trouvent déjà. Les miens ne changent pas les anciens. Ils sont toujours : adorer d'un amour vrai l'Unique vrai Dieu et respecter les lois du culte, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre l'adultère, ne pas attester le faux, honorer père et mère, ne pas faire du tort au prochain, mais au contraire l'aimer comme tu t'aimes toi-même. En agissant ainsi, tu auras la vie éternelle."
"Maître, toutes ces choses, je les ai observées depuis mon enfance."
Jésus le regarde d'un œil affectueux et doucement il lui demande : "Et cela ne te paraît pas encore suffisant ?"
"Non, Maître. C'est une si grande chose le Royaume de Dieu en nous et dans l'autre vie. C'est un don infini Dieu, qui se donne à nous. Je sens que tout est peu de chose de ce qui est devoir, par rapport au Tout, à l'Infini Parfait qui se donne. Je pense qu'on doit l'obtenir avec des choses plus grandes que celles qui sont commandées pour ne pas se damner et Lui être agréable."
"Tu parles bien. Pour être parfait il te manque encore une chose. Si tu veux être parfait comme le veut notre Père des Cieux, va, vends ce que tu as, et donne-le aux pauvres, et tu auras dans le Ciel un trésor qui te fera aimer du Père qui a donné son Trésor pour les pauvres de la terre. Puis viens et suis-moi,"
Le jeune homme s'attriste et devient pensif, puis il se relève en disant : "Je me rappellerai ton conseil..." et il s'éloigne tout triste.
Judas a un petit sourire ironique et il murmure : "Je ne suis pas le seul à aimer l'argent !"
Jésus se retourne et le regarde... et puis il regarde les onze autres visages qui sont autour de Lui, puis il soupire : "Comme difficilement un riche entrera dans le Royaume des Cieux dont la porte est étroite, dont le chemin est escarpé, et que ne peuvent parcourir pour y entrer ceux qui sont chargés du poids volumineux des richesses ! Pour entrer là-haut, il ne faut que des trésors de vertus, immatériels, et il faut savoir se séparer de tout ce qui est attachement aux choses du monde et aux vanités." Jésus est très triste.
Les apôtres, entre eux, se regardent du coin de l'œil...
Jésus reprend, en regardant la caravane du jeune homme riche qui s'éloigne : "En vérité je vous dis qu'il est plus facile qu'un chameau passe par le chas d'une aiguille que pour un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu."
"Mais alors qui pourra jamais se sauver ? La misère rend souvent pécheur à cause de l'envie et du peu de respect pour ce qui appartient à autrui et de la défiance envers la Providence... La richesse est un obstacle à la perfection... Et alors ? Qui pourra se sauver ?"
Jésus les regarde et leur dit : "Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu, car à Dieu, tout est possible. Il suffit que l'homme aide son Seigneur par sa bonne volonté. Et c'est de la bonne volonté d'accepter le conseil reçu et de s'efforcer d'arriver à se libérer des richesses. À se libérer de tout pour suivre Dieu. Car voici ce que c'est que la vraie liberté de l'homme : suivre les paroles que Dieu murmure au cœur et ses commandements, ne pas être esclave ni de soi-même, ni du monde, ni du respect humain, et donc pas esclave de Satan. User de la splendide liberté d'arbitre que Dieu a donné à l'homme pour vouloir librement et uniquement le Bien et obtenir ainsi la vie éternelle, toute lumineuse. libre, bienheureuse. Il ne faut pas être esclave même de sa propre vie si pour la seconder on doit résister à Dieu. Je vous l'ai dit : "Celui qui perdra sa vie par amour pour Moi et pour servir Dieu la sauvera pour l'éternité"
"Voilà ! Pour te suivre nous avons quitté toutes choses, même les plus licites. Que nous en arrivera-t-il donc ? Entrerons-nous alors dans ton Royaume ?" demande Pierre.
"En vérité, en vérité, je vous dis que ceux qui m'auront suivi de cette façon, et qui me suivront — car il est toujours temps de réparer la paresse et les fautes faites jusqu'ici, toujours temps, tant que l'on est sur la Terre et que l'on a devant soi des jours où on peut réparer le mal commis - ceux qui me suivront seront avec Moi dans mon Royaume. En vérité je vous dis que vous qui m'avez suivi dans la régénération vous siégerez sur des trônes pour juger les tribus de la Terre avec le Fils de l'homme assis sur le trône de sa gloire. En vérité je vous dis encore qu'il n'y aura personne qui, ayant par amour de mon Nom quitté maison, champs, père, mère, frères, épouse, enfants et sœurs, pour répandre la Bonne Nouvelle et me continuer, qui ne reçoive le centuple en ce temps et la vie éternelle dans le siècle futur."
"Mais si nous perdons tout, comment pourrons-nous centupler notre avoir ?" demande Judas de Kériot.
"Je répète : ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. Et Dieu donnera le centuple de joie spirituelle à ceux qui d'hommes du monde auront su se rendre fils de Dieu, c'est-à-dire hommes spirituels. Ils jouiront de la vraie joie ici et au-delà de la Terre. Et je vous dis encore que ce ne sont pas tous ceux qui semblent les premiers, et devraient l'être ayant reçu plus que tous, qui seront tels. Et ce ne sont pas tous ceux qui semblent les derniers, et moins que les derniers, n'étant pas en apparence mes disciples et n'appartenant même pas au Peuple élu, qui seront les derniers. En vérité beaucoup des premiersdeviendront derniers et beaucoup de derniers, de tout à fait derniers, deviendront premiers...[6] Mais voilà Doco. Allez tous en avant, sauf Judas de Kériot et Simon le Zélote. Allez m'annoncer à ceux qui peuvent avoir besoin de Moi."
Et Jésus attend avec les deux qu'il a retenus de se joindre aux trois Marie qui le suivent à quelques mètres de distance.
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-037.htm
TOME : 8 /37
https://lepeupledelapaix.forumactif.com/t18376-oeuvre-de-maria-valtorta-presentation-des-disciples-de-jesus
Le jeune homme riche s'en alla tout triste
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Troisième prophétie de la Passion.
La mère et les fils de Zébédée
L'aube éclaire à peine le ciel et rend la marche encore difficile quand Jésus quitte Doco encore endormie. On n'entend certainement pas le bruit des pas car ils avancent avec précaution et les gens dorment encore dans les maisons fermées. Personne ne parle avant qu'ils ne soient sortis de la ville dans la campagne qui se réveille lentement dans la lumière faible et toute fraîche après la rosée.
Alors l'Iscariote dit : "Route inutile, sans repos. Il aurait mieux valu ne pas venir jusqu'ici."
"Ils ne nous ont pas mal reçus, le peu d'entre eux que nous avons trouvés ! Ils ont perdu leur nuit pour nous écouter et pour aller prendre les malades des campagnes, et cela a été vraiment bien d'être venus. En effet ceux qui, à cause de la maladie ou d'autre chose, ne pouvaient espérer voir le Seigneur à Jérusalem, l'ont vu ici et ont été consolés par la santé ou d'autres grâces. Les autres, on le sait, sont déjà allés à la ville... C'est l'usage pour nous d'y aller, pourvu qu'on le puisse, quelques jours avant la fête" dit doucement Jacques d'Alphée, car il est toujours doux, à l'opposé de Judas de Kériot qui, même dans ses meilleures heures, est toujours violent et autoritaire.
"Justement parce que nous allons nous aussi à Jérusalem, il était inutile de venir ici... Ils nous auraient entendus et vus là-bas..."
"Mais pas les femmes ni les malades" réplique en l'interrompant Barthélemy qui vient à l'aide de Jacques d'Alphée.
Judas feint de ne pas entendre et il dit, comme s'il continuait la conversation : "Du moins je crois que nous allons à Jérusalem, bien que maintenant je n'en sois plus sûr après le discours au berger."
"Et où veux-tu qu'on aille sinon là ?" demande Pierre.
"Bah ! Je ne sais pas. Tout est tellement irréel de ce que nous faisons depuis quelques mois, tout tellement contraire à ce que l'on peut prévoir, au bon sens, à la justice même, que..."
"Ohé ! Mais je t'ai vu boire du lait à Doco et pourtant tu parles comme si tu étais ivre ! Où les vois-tu les choses contraires à la justice ?" demande Jacques de Zébédée avec des yeux peu rassurants. Et il renchérit : "Assez de reproches au Juste ! As-tu compris que cela suffit ? Tu n'as pas le droit, toi, de Lui faire des reproches. Personne n'a ce droit car Lui est parfait, et nous... Aucun de nous ne l'est, et toi moins que tous."
"Mais oui ! Si tu es malade, soigne-toi, mais ne nous ennuie pas avec tes discussions. Si tu es lunatique, le Maître est là. Fais-toi guérir et n'en parlons plus !" dit Thomas qui perd patience.
En effet Jésus est en arrière avec Jude d'Alphée et Jean, et ils aident les femmes qui, moins habituées à marcher dans la pénombre, ont de la peine à avancer par le sentier difficile et encore plus sombre que les champs, parce qu'il est taillé dans une épaisse oliveraie. Et Jésus ne cesse de parler avec les femmes restant étranger à ce qui arrive plus en avant et que pourtant entendent ceux qui sont avec Lui. En effet, si les paroles arrivent difficilement, leur ton indique que ce ne sont pas des paroles douces mais qu'elles sentent déjà la dispute. Les deux apôtres, le Thaddée et Jean, se regardent... mais ne parlent pas. Ils regardent Jésus et Marie. Mais Marie est tellement voilée par son manteau qu'on ne lui voit pour ainsi dire pas le visage et Jésus semble ne pas avoir entendu. Ils parlaient de Benjamin et de son avenir, et ils parlent de la veuve Sara d'Afec qui s'est établie à Capharnaüm et est la mère affectueuse non seulement de l'enfant de Giscala mais aussi des petits enfants de la femme de Capharnaüm qui, après un second mariage, n'aimait plus les enfants du premier lit et qui ensuite est morte "si malheureusement que vraiment on a vu la main de Dieu dans sa mort" dit Salomé. Pourtant, à la fin de la conversation, Jésus va en avant avec Jude Thaddée et il se joint aux apôtres après avoir dit en partant : "Reste pourtant, Jean, si tu le veux. Je vaisrépondre à l'inquiet et mettre la paix."
Mais Jean, après avoir fait encore quelques pas avec les femmes, comme désormais le sentier devient plus ouvert et plus clair, rejoint Jésus en courant justement quand il dit : "Rassure-toi donc, Judas. Comme nous ne l'avons jamais fait, nous ne ferons rien d'irréel. Même maintenant nous ne faisons rien d'opposé à ce que l'on pouvait prévoir. C'est le temps où il est prévisible que tout véritable israélite, non empêché par des maladies ou des choses très graves, monte au Temple. Et nous, nous montons au Temple."
"Pas tous pourtant. J'ai entendu dire que Margziam n'y sera pas. Est-il malade peut-être ? Pour quel motif ne vient-il pas ? Te paraît-il possible de le remplacer par le samaritain ?" Le ton de Judas est insupportable...
Pierre murmure : "O Prudence, enchaîne ma langue à moi qui suis un homme !" et il serre fortement ses lèvres pour ne pas en dire davantage. Ses yeux, un peu bovins, ont un regard émouvant, tant y sont visibles l'effort que fait l'homme pour freiner son indignation et sa peine d'entendre Judas parler de cette façon.
La présence de Jésus tient tranquilles toutes les langues et c'est seulement Lui qui parle pour dire, avec un calme vraiment divin : "Venez un peu en avant, que les femmes n'entendent pas. J'ai une chose à vous dire depuis quelques jours. Je vous l'ai promis dans les campagnes deTersa, mais je voulais que vous y fuissiez tous pour l'entendre, vous tous, pas les femmes. Laissons-les dans leur humble paix... Dans ce que je vous dirai, il y aura aussi la raison pour laquelle Margziam ne sera pas avec nous, ni ta mère, Judas de Kériot, ni tes filles, Philippe, ni les femmes disciples de Bethléem de Galilée avec la jeune fille. Il y a des choses que tous ne peuvent pas supporter. Moi, le Maître, je sais ce qui est bien pour mes disciples et ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas supporter.
Même vous, vous n'avez pas la force de supporter l'épreuve et ce serait une grâce pour vous d'en être exclus. Mais vous devez me continuer, et vous devez savoir combien vous êtes faibles pour être ensuite miséricordieux avec les faibles. Vous ne pouvez donc pas être exclus de cette épreuve redoutable qui vous donnera la mesure de ce que vous êtes, de ce que vous êtes restés après trois ans passés avec Moi, et de ce que vous êtes devenus après trois ans passés avec Moi. Vous êtes douze. Vous êtes venus à Moi presque en même temps. Ce n'est pas le petit nombre de jours qui vont de ma rencontre avec Jacques, Jean et André, jusqu'au jour où tu as été accueilli parmi nous, Judas de Kériot, ni à celui où toi, Jacques mon frère, et toi, Matthieu, vous êtes venus avec Moi, qui puisse justifier une si grande différence de formation entre vous. Vous étiez tous, même toi docte Barthélemy, même vous mes frères, très informes, absolument informes par rapport à ce qu'est la formation dans ma doctrine. Et même votre formation, meilleure que celle des autres parmi vous dans la doctrine du vieil Israël, était pour vous un obstacle pour vous former en Moi.
Et pourtant aucun d'entre vous n'a parcouru autant de chemin qu'il aurait fallu pour vous amener tous à un point unique. L'un de vous l'a atteint, d'autres en sont proches, d'autres plus éloignés, d'autres très en arrière, d'autres... oui, je dois aussi le dire, au lieu d'aller de l'avant ont reculé. Ne vous regardez pas ! Ne cherchez pas parmi vous qui est le premier et qui le dernier. Celui qui, peut-être, se croit le premier ou que l'on croit le premier doit encore s'éprouver lui-même. Celui qui se croit le dernier ne va pas tarder de resplendir dans sa formation comme une étoile au ciel. Aussi, une fois de plus, je vous dis : ne jugez pas. Les faits jugeront par leur évidence. Pour le moment vous ne pouvez pas comprendre. Mais bientôt, vous vous rappellerez mes paroles et vous les comprendrez."
"Quand ? Tu nous as promis de nous dire, de nous expliquer même pourquoi la purification pascale sera différente cette année, et tu ne nous le dis jamais" se lamente André.
"C'est de cela que j'ai voulu vous parler. Parce qu'aussi bien ces paroles que je vais vous dire que les autres sont une chose unique qui a sa racine dans une unique chose. Nous, voilà, nous allons monter à Jérusalem pour la Pâque et là s'accompliront toutes les choses dites par les prophètes qui concernent le Fils de l'homme. En vérité, comme l'ont vu les prophètes, comme déjà il est dit dans l'ordre donné aux hébreux d'Égypte, comme il fut ordonné à Moïse dans le désert, l'Agneau de Dieu va être immolé et son sang va laver les huisseries des cœurs, et l'ange de Dieu passera sans frapper ceux qui auront sur eux, et avec amour, le Sang de l'Agneau immolé, qui va être élevé comme le serpent de métal précieux sur la barre transversale, pour être un signe à ceux qui sont blessés par le serpent infernal, pour être le salut à ceux qui le regarderont avec amour.
Le Fils de l'homme, votre Maître Jésus, va être livré aux mains des princes des prêtres, des scribes et des anciens qui le condamneront à mort et le livreront aux gentils pour qu'il soit livré au mépris.
Et on le giflera, on le frappera, on le couvrira de crachats, on le traînera sur les routes comme un chiffon immonde et puis les gentils, après l'avoir flagellé et couronné d'épines, le condamneront à la mort de la croix réservée aux malfaiteurs, suivant la volonté du peuple hébreu rassemblé à Jérusalem, exigeant sa mort à la place de celle d'un larron, et Lui sera ainsi mis à mort. Mais, comme il est dit dans les signes des prophéties, après trois jours, il ressuscitera. Voilà l'épreuve qui vous attend, celle qui montrera votre formation.
En vérité je vous le dis, à vous tous qui vous croyez assez parfaits pour mépriser ceux qui n'appartiennent pas à Israël, et même pour mépriser beaucoup de notre propre peuple, en vérité je vous dis que vous, la partie élue de mon troupeau, une fois le Pasteur pris, serez saisis par la peur et vous vous débanderez en fuyant comme si les loups qui me saisiront de toutes parts se tournaient contre vous. Mais, je vous le dis : ne craignez pas. On ne touchera pas un cheveu de vos têtes. Moi, je suffirai pour rassasier les loups féroces..."
Les apôtres, à mesure que Jésus parle, semblent des gens sous une grêle de pierres. Ils se courbent même de plus en plus à mesure que Jésus parle. Et quand il termine : "Et ce que je vous dis est désormais imminent. Ce n'est pas comme les autres fois où il y avait du temps avant l'heure. Présentement, l'heure est venue. Je vais être donné à mes ennemis et immolé pour le salut de tous, et ce bouton de fleur n'aura pas encore perdu ses pétales, après avoir fleuri, que je serai déjà mort", les uns se cachent le visage de leurs mains, d'autres gémissent comme si on les avait blessés. L'Iscariote est livide, littéralement livide...
Le premier à se ressaisir, c'est Thomas qui proclame : "Cela ne t'arrivera pas, car nous te défendrons ou nous mourrons avec Toi, et ainsi nous montrerons que nous t'avions rejoint dans ta perfection et que nous étions parfaits dans ton amour."
Jésus le regarde sans parler.
Barthélemy dit, après un long moment de réflexion : "Tu as dit que tu seras livré... Mais qui, qui peut te livrer aux mains de tes ennemis ? Ce n'est pas dit dans les prophéties. Non, ce n'est pas dit. Ce serait trop horrible qu'un de tes amis, un de tes disciples, un de ceux qui te suivent, même le dernier de tous, te livre à ceux qui te haïssent. Non ! Quelqu'un qui t'a entendu avec amour, même une seule fois, ne peut commettre ce crime. Ce sont des hommes, pas des fauves, pas des satans... Non, mon Seigneur. Et même ceux qui te haïssent ne le pourront pas... Ils ont peur du peuple, et le peuple sera tout entier autour de Toi !"
Jésus regarde aussi Nathanaël et ne parle pas.
Pierre et le Zélote n'arrêtent pas de parler entre eux. Jacques de Zébédée adresse des paroles de reproche à son frère qu'il voit calme, et Jean lui répond : "C'est parce que je sais cela depuis trois mois" et deux larmes coulent sur son visage.
Les fils d'Alphée parlent avec Matthieu qui secoue la tête, découragé.
André s'adresse à l'Iscariote : "Toi qui as tant d'amis au Temple..."
"Jean connaît Anna en personne réplique Judas et il termine : "Mais que peut-on y faire ? Que veux-tu que puisse une parole d'homme si c'est ainsi marqué ?"
"Tu le crois vraiment ?" demandent ensemble Thomas et André.
"Non. Moi, je ne crois rien. Ce sont des alarmes inutiles. Barthélemy le dit bien : tout le peuple sera autour de Jésus. On le voit déjà par ceux que l'on rencontre et ce sera un triomphe. Vous verrez qu'il en sera ainsi" dit Judas de Kériot.
"Mais alors pourquoi Lui..." dit André en montrant Jésus qui s'est arrêté pour attendre les femmes.
"Pourquoi le dit-il ? Parce qu'il est impressionné... et parce qu'il veut nous éprouver. Mais il n'arrivera rien. Du reste, moi j'irai..."
"Oh ! oui. Va te rendre compte !" supplie André.
Il se taisent, car Jésus les suit de nouveau, se trouvant entre sa Mère et Marie d'Alphée.
Marie a un pâle sourire parce que sa belle-sœur lui montre des graines, prises je ne sais où, et lui dit qu'elle veut les semer à Nazareth, après la Pâque, justement près de la petite grotte si chère à Marie : "Quand tu étais petite, je te vois toujours avec ces fleurs dans tes menottes. Je les appelais les fleurs de ta venue. En effet, quand tu es née, ton jardin en était plein et ce soir-là, quand Nazareth toute entière est accourue pour voir la fille de Joachim, les touffes de ces petites étoiles n'étaient qu'un diamant à cause de l'eau qui était descendue du ciel et du dernier rayon du soleil qui depuis le couchant les frappait . Et comme tu t'appelais "Étoile", tout le monde disait en regardant la multitude de ces petites étoiles brillantes : "Les fleurs se sont parées pour faire fête à la fleur de Joachim, et les étoiles ont quitté le ciel pour venir près de l'Étoile", et tous souriaient, heureux du présage et de la joie de ton père.
Et Joseph, le frère de mon époux, dit : "Étoiles et gouttelettes. C'est vraiment Marie !" Qui lui aurait dit alors que tu étais destinée à devenir son étoile ? Quand il revint de Jérusalem, choisi pour être ton époux, tout Nazareth voulait lui faire fête parce que grand était l'honneur qui lui était venu du Ciel et venu de ses fiançailles avec toi, fille de Joachim et d'Anne, et tous voulaient l'inviter à un banquet. Mais lui, d'une volonté douce mais ferme, refusa toute fête, étonnant tout le monde. En effet quel est l'homme destiné à une union honorable et par un tel décret du Très-Haut qui ne fête pas le bonheur de son âme, de sa chair et de son sang ? Mais lui disait : "À grande élection, grande préparation". Et il gardait aussi la continence de paroles et de nourriture, en plus de la continence proprement dite qu'il avait toujours gardée, il passa ainsi ce temps dans le travail et la prière, car je crois que chaque coup de marteau, chaque marque de son ciseau était devenu oraison, s'il est possible de prier par le travail. Son visage était comme extatique.
, j'allais ranger la maison, blanchir les draps et toute chose laissés par ta mère, et que le temps avait jaunis, et je le regardais pendant qu'il travaillait dans le jardin et la maison, pour les refaire beaux comme si jamais ils n'avaient été à l'abandon, et je lui parlais aussi... mais il était comme absorbé. Il souriait. Mais ce n'était pas à moi ni à d'autres, à sa pensée qui n'était pas, non, la pensée de tout homme près de ses noces. Cette dernière est un sourire de joie maligne et charnelle... Lui... paraissait sourire aux anges invisibles de Dieu, parler avec eux et leur demander conseil... Oh ! je suis bien certaine qu'ils lui indiquaient comment te traiter ! Parce que, autre étonnement de Nazareth toute entière, et presque de l'indignation de la part de mon Alphée, il recula les noces le plus possible, et on ne comprit jamais comment à l'improviste il se décida avant le temps fixé . Et aussi, quand on sut que tu étais mère, comme Nazareth s'étonna de sa joie contenue !... Mais même mon Jacques est un peu ainsi. Et il le devient de plus en plus.
que je l'observe bien — je ne sais pourquoi, mais depuis que nous sommes venues à Éphraïm, il me paraît tout changé — je le vois ainsi... absolument comme Joseph. Regarde-le maintenant aussi, Marie, alors qu'il se retourne encore pour nous regarder, n'a-t-il pas l'air absorbé si habituel en Joseph, ton époux ? Il a ce sourire dont on ne sait dire s'il est triste ou lointain. Il regarde et il a ce regard prolongé, au-delà de nous, qu'avait si souvent Joseph. Te souviens-tu comment Alphée le taquinait ? Il disait : "Frère : tu vois encore les pyramides ?" Et lui secouait la tête sans parler, patient et secret en ses pensées. Toujours peu bavard. Mais après que tu es revenue d'Hébron ! Il ne venait même plus seul à la fontaine comme il le faisait auparavant et comme tous le font. Ou avec toi, ou à son travail. Et, sauf pour le sabbat à la synagogue, ou quand il se rendait ailleurs pour affaires, personne ne peut dire qu'il ait vu Joseph aller ça et là pendant ces mois. Puis vous êtes partis... Quelle angoisse de ne plus rien savoir de vous après le massacre ! Alphée se rendit jusqu'à Bethléem... "Partis" dirent-ils. Mais comment croire quand on vous hait à mort dans une ville encore rouge du sang innocent et où fumaient les ruines et où on vous accusait que c'était à cause de vous que ce sang avait été répandu ? Il alla à Hébron, et puis au Temple, car Zacharie était de service. Élisabeth ne lui donna que des larmes, Zacharie des paroles de réconfort.
L'un et l'autre, angoissés pour Jean, craignant de nouvelles atrocités, l'avaient caché et tremblaient pour lui. De vous, ils ne savaient rien et Zacharie dit à Alphée : "S'ils sont morts, leur sang est sur moi, car c'est moi qui les ai persuadés de rester à Bethléem". Ma Marie ! Mon Jésus, qu'on avait vu si beau à la Pâque qui suivit sa naissance ! Et ne savoir rien. Pendant si longtemps ! Mais pourquoi jamais une nouvelle ?..."
"Parce qu'il valait mieux se taire. Là où nous étions, il y avait beaucoup de Marie et de Joseph, et il valait mieux passer pour un couple quelconque" répond tranquillement Marie, et elle dit en soupirant : "Et c'étaient encore des jours heureux dans leur tristesse. Le mal était encore si loin ! S'il manquait tant de choses à nos besoins humains, notre esprit se rassasiait de la joie de t'avoir, mon Fils !"
"Maintenant aussi, Marie, tu l'as ton Fils. Il manque Joseph, c'est vrai ! Mais Jésus est ici et avec son amour complet d'adulte" observe Marie d'Alphée.
Marie lève la tête pour regarder son Jésus. Son regard trahit son déchirement malgré le léger sourire sur les lèvres, mais elle n'ajoute pas un mot.
Les apôtres se sont arrêtés pour les attendre et se sont tous réunis, même Jacques et Jean qui étaient en arrière de tous avec leur mère. Pendant qu'ils se reposent de la marche et que certains mangent un peu de pain, la mère de Jacques et Jean s'approche de Jésus et se prosterne devant Jésus qui ne s'est même pas assis dans sa hâte de reprendre la marche.
Jésus l'interroge, car il est visible qu'elle désire Lui demander quelque chose : "Que veux-tu, femme ? Parle."
"Accorde-moi une grâce, avant que tu t'en ailles, comme tu le dis."
"Et laquelle ?"
"Celle d'ordonner que mes deux fils, qui pour Toi ont tout quitté, siègent l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, quand tu siégeras dans ta gloire dans ton Royaume."
Jésus regarde la femme et puis il regarde les deux apôtres et leur dit : "C'est vous qui avez suggéré cette pensée à votre mère en interprétant très mal mes promesses d'hier. Le centuple pour ce que vous avez quitté, vous ne l'aurez pas dans un royaume de la Terre. Vous aussi donc vous devenez avides et sots ? Mais ce n'est pas vous. C'est déjà le crépuscule empoisonné des ténèbres qui s'avance et l'air souillé de Jérusalem qui approche et vous corrompt et vous aveugle... Moi, je vous dis que vous ne savez pas ce que vous demandez ! Pouvez-vous peut-être boire le calice que Moi je boirai ?"
"Nous le pouvons, Seigneur."
"Comment pouvez-vous le dire si vous n'avez pas compris quelle sera l'amertume de mon calice ? Ce ne sera pas seulement l'amertume que je vous ai décrite hier, mon amertume d'Homme de toutes les douleurs. Il y aura des tortures que même si je vous les décrivais vous ne seriez pas en condition de comprendre... Et pourtant, oui, puisque, bien qu'étant comme deux enfants qui ne connaissent pas la portée de ce qu'ils demandent, puisque vous êtes deux esprits justes et que vous m'aimez, certainement vous boirez à mon calice. Cependant siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne dépend pas de Moi de vous l'accorder. C'est une chose accordée à ceux auxquels mon Père l'a préparée."
Les autres apôtres, pendant que Jésus parle encore, critiquent âprement la demande des fils de Zébédée et de leur mère. Pierre dit à Jean : "Toi aussi ! Je ne te reconnais plus pour ce que tu étais !"
Et l'Iscariote, avec son sourire de démon : "Vraiment les premiers sont les derniers ! Temps de découvertes surprenantes..." et il rit jaune.
"Est-ce par hasard pour les honneurs, que nous avons suivi notre Maître ?" dit Philippe d'un ton de reproche.
Thomas, au contraire, pour excuser les deux, s'en prend à Salomé en lui disant : "Pourquoi faire mortifier tes enfants ? Tu devais réfléchir, si eux ne l'ont pas fait, et empêcher cela."
"C'est vrai. Notre mère ne l'aurait pas fait" dit le Thaddée.
Barthélemy ne parle pas, mais son visage marque clairement sa désapprobation.
Simon le Zélote dit, pour calmer l'indignation : "Nous pouvons tous nous tromper..."
Matthieu, André et Jacques d'Alphée ne parlent pas, mais visiblement ils souffrent de l'incident qui entache la belle perfection de Jean.
Jésus fait un geste pour imposer le silence et il dit : "Et quoi ? D'une erreur va-t-il en venir un grand nombre ? Vous qui exprimez des reproches indignés, ne vous apercevez-vous pas que vous péchez vous aussi ? Laissez tranquilles vos deux frères. Mon reproche suffit. Leur humiliation est visible, leur repentir humble et sincère. Vous devez vous aimer entre vous, vous soutenir mutuellement. Car, en vérité, aucun d'entre vous n'est encore parfait. Vous ne devez pas imiter le monde et les hommes qui en font partie. Dans le monde, vous le savez, les chefs des nations les dominent et les grands exercent sur elles leur autorité au nom du chef. Mais parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Vous ne devez pas avoir la prétention de dominer les hommes, ni vos compagnons. Au contraire que celui qui parmi vous veut devenir plus grand, se fasse votre ministre, et que celui qui veut être le premier se fasse le serviteur de tous, comme l'a fait votre Maître, Suis-je venu par hasard pour opprimer et dominer ? Pour être servi ? Non, en vérité, non. Je suis venu pour servir. Et de même que le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie pour racheter un grand nombre, ainsi vous devrez savoir faire, si vous voulez être comme je suis et où je suis. Maintenant, allez, et soyez en paix entre vous comme je le suis avec vous."
Jésus me dit :
"Marque fortement le point : "... vous boirez certainement à mon calice". Dans les traductions on lit : "mon calice". J'ai dit : "à mon calice" et non pas "mon calice". Aucun homme n'aurait pu boire mon calice. Moi seul, le Rédempteur, j'ai dû boire mon calice tout entier. À mes disciples, à mes imitateurs et à ceux qui m'aiment, il est certainement permis de boire à ce calice où j'ai bu, une goutte, Une gorgée, ou les gorgées que la prédilection de Dieu leur permet de boire. Mais jamais personne ne boira le calice tout entier comme je l'ai bu. Il est donc juste de dire : "à mon calice" et non pas "mon calice".
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-038.htm
TOME : 8/38
Marie
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
À Jéricho,
avant de se rendre à Béthanie
Déjà les murs blancs des maisons de Jéricho et ses palmiers se profilent contre un ciel d'un bleu intense de céramique ou d'émail, quand, près d'un bosquet de tamaris ébouriffés, de mimosas sensibles, d'aubépines aux longues épines, d'autres arbres la plupart épineux, qui semblent être renversés là de la montagne ardue qui est en arrière de Jéricho, Jésus se rencontre avec un groupe important de disciples conduits par Manaën. Ils semblent attendre et ils attendent en effet, et ils le disent après avoir salué le Maître ajoutant que d'autres s'étaient répandus sur d'autres routes pour savoir, car le retard d'une nuit toute entière pour l'arrivée à Jéricho les avait impressionnés.
"Je suis venu ici avec eux, et je ne te quitterai plus jusqu'à ce que je te sache en sécurité chezLazare" dit Manaën.
"Pourquoi ? Y a-t-il quelque danger ?..." demande Jude Thaddée.
"Vous êtes en Judée... Le décret vous le connaissez, et la haine aussi. Par conséquent tout est à craindre" répond Manaën et, s'étant tourné vers Jésus, il explique : "J'ai pris avec moi les plus courageux car on pouvait présumer que, s'ils ne t'avaient pas pris, tu serais passé par là. Et nous avons compté sur notre valeur de disciples et d'hommes pour pouvoir impressionner les mauvais et te faire respecter."
En effet il a avec lui des anciens disciples de Gamaliel, le prêtre Jean, Nicolaï d'Antioche, Jeand'Éphèse et d'autres hommes vigoureux dans la fleur de l'âge, d'un air plus distingué que le commun, que je ne connais pas. De quelques-uns d'entre eux Manaën fait rapidement la présentation, alors que d'autres ne sont pas présentés. Ce sont des hommes de toutes les régions de la Palestine parmi lesquels ceux de la cour d'Hérode Philippe.. Des noms des plus anciennes familles d'Israël résonnent ainsi sur la route près du bosquet ébouriffé où le vent fait trembler les feuilles des mimosas et incline les rejetons des aubépines.
"Allons. N'y a-t-il personne avec les femmes chez Nique ?" demande Jésus.
"Les bergers. Tous, sauf Jonathas qui attend Jeanne dans son palais de Jérusalem. Mais le nombre de tes disciples a augmenté sans mesure. Hier ils étaient environ cinq cents qui attendaient à Jéricho, tellement que les serviteurs d'Hérode en étaient impressionnés et l'avaient rapporté à leur maître. Et lui ne savait pas s'il fallait trembler ou sévir. Mais il est obsédé par le souvenir de Jean et il n'ose plus lever la main sur aucun prophète..."
"Bien ! Cela ne te fera pas de mal !" s'écrie Pierre en se frottant joyeusement les mains.
"C'est celui qui a le moins d'importance, cependant. C'est une idole que chacun peut manœuvrer à son gré et qui l'a en mains sait le manœuvrer."
"Et qui le tient ? Pilate, peut-être ?" demande Barthélemy.
"Pilate, pour agir, n'a pas besoin d'Hérode. C'est un serviteur, Hérode. Ce n'est pas aux serviteurs que s'adressent les puissants" répond Manaën.
*Et qui alors ?" demande Barthélemy.
"Le Temple" dit avec assurance quelqu'un qui est avec Manaën.
"Mais pour le Temple, Hérode est anathème. Son péché..."
"Tu es bien naïf, Barthélemy, malgré ta science et ton âge ! Tu ne sais donc pas que le Temple sait passer sur beaucoup de choses, sur trop de choses, pour atteindre son but ? C'est pour cela qu'il n'est plus digne d'exister" dit Manaën avec un geste de souverain mépris.
"Tu es Israélite. Tu ne dois pas parler ainsi. Le Temple est toujours le Temple pour nous" dit Barthélemy pour l'avertir.
"Non. C'est le cadavre de ce qu'il était. Et un cadavre devient charogne immonde quand il est mort depuis un certain temps. C'est pour cela que Dieu a envoyé le Temple vivant : pour que nous puissions nous prosterner devant le Seigneur sans que ce soit une pantomime immonde."
"Tais-toi !" susurre à Manaën un autre qui est avec lui, parce qu'il parle trop clairement. C'est un de ceux qui n'ont pas été présentés et qui reste entièrement couvert.
"Et pourquoi devrais-je me taire, si c'est ainsi que parle mon cœur ? Penses-tu que ce que je dis puisse nuire au Maître ? S'il en est ainsi, je me tairai, pas pour une autre raison. Même s'ils me condamnaient, je saurai dire : "C'est ce que je pense et ne châtiez pas d'autres que moi"."
"Manaën a raison. Cela suffit de se taire par peur. C'est le moment pour chacun de se prononcer pour ou contre et pour dire ce qu'il a sur le cœur. Je pense comme toi, frère en Jésus. Et si cela peut causer notre mort, nous mourrons ensemble en confessant encore la vérité" dit impétueusement Étienne.
"Soyez prudents ! Soyez prudents !" exhorte Barthélemy. "Le Temple est toujours le Temple. Il faillira, certainement il n'est pas parfait, mais il est... il est... Après Dieu, il n'y a personne de plus grand, et forces de plus grandes que le Grand Prêtre et le Sanhédrin... Ils représentent Dieu, et nous devons voir ce qu'ils représentent, non ce qu'ils sont. Je me trompe peut-être, Maître ?"
"Tu ne te trompes pas. En toute constitution, il faut savoir considérer l'origine : dans ce cas le Père Éternel, qui a constitué le Temple et les hiérarchies, les rites et l'autorité des hommes préposés pour le représenter. Il faut savoir remettre au Père le jugement. Lui sait quand et comment intervenir. Comment pourvoir à ce que la corruption en se propageant ne corrompe pas tous les hommes et ne les fasse pas douter de Dieu... Et en cela Manaën a su voir juste, en voyant la raison de ma venue en cette heure. Il faut enfin tempérer ton immobilisme, Barthélemy, par l'esprit novateur de Manaën, afin que la mesure soit juste et par conséquent parfaite la façon de juger. Tout excès est toujours dommageable. Pour celui qui l'accomplit, pour celui qui le subit, ou qui s'en scandalise et, si ce n'est pas une âme honnête, en s'en servant contre les frères pour les dénoncer. Mais cela est une action de Caïn, et elle ne sera pas faite par des fils de la Lumière, car c'est une œuvre de Ténèbres.
Celui qui, tout enveloppé par son manteau de façon qu'on ne voit à peine ses yeux noirs, très vifs, a averti Manaën de ne pas trop parler, s'agenouille près de Jésus et prend sa main en disant : "Tu es bon, Maître. Trop tard je t'ai connue, ô Parole de Dieu ! Mais encore à temps pour t'aimer comme tu le mérites, si ce n'est pour te servir longuement comme je l'aurais voulu, comme je voudrais maintenant."
"Il n'est jamais trop tard pour l'heure de Dieu. Elle vient au bon moment. Et lui accorde le temps qu'il faut pour servir, selon sa volonté, la Vérité."
"Mais qui est-ce ?" murmurent entre eux les apôtres et ils le demandent aux disciples. Inutilement. Personne ne sait qui c'est ou, s'il le sait, ne veut le dire.
Qui est-ce, Maître ?" demande Pierre quand il peut s'approcher de Jésus qui marche au milieu du groupe et qui a les femmes en arrière, les disciples en avant, à ses côtés ses cousins et tout autour les apôtres.
"Une âme, Simon, rien de plus que cela."
"Mais... tu t'y fies, ne sachant pas qui c'est ?"
"Je sais qui c'est, et je connais son cœur."
"Ah ! j'ai compris ! C'est comme pour la femme voilée de la Belle Eau... Je ne demanderai plus autre chose..." et Pierre est heureux car Jésus, s'éloignant de Jacques, le prend près de Lui.
ont désormais rejoint Jéricho. De la porte des murs sort la foule qui crie des hosannas et c'est difficilement que Jésus peut avancer en traversant la ville, pour aller chez Nique qui est en dehors de Jéricho, du côté opposé. On le supplie de parler. On élève à bout de bras les bébés pour en faire une haie vivante et infranchissable, en tablant sur l'amour de Jésus pour les petits. On crie : "Tu peux parler. Il s'est déjà enfui à Jérusalem" et, en disant ces paroles, on montre du doigt le magnifique palais d'Hérode, maintenant fermé.
confirme : "C'est vrai. Il est parti pendant la nuit, sans faire de bruit. Il a peur."
Mais rien n'arrête Jésus qui avance en disant : "Paix ! Paix ! Que celui qui a des peines ou des douleurs vienne chez Nique. Que celui qui veut m'entendre vienne à Jérusalem. Ici, je suis le Pèlerin, comme vous tous. C'est dans la maison du Père que je parlerai. Paix ! Paix et bénédiction ! Paix !"
C'est déjà un petit triomphe, un prélude à l'entrée à Jérusalem, désormais si proche.
Je suis étonnée de l'absence de Zachée, jusqu'au moment où je le vois debout à la limite du domaine de Nique, au milieu de ses amis et avec les bergers et les femmes disciples. Tous accourent à la rencontre de Jésus et se prosternent, et l'escortent alors que Lui, les bénissant, entre sous le verger, se dirigeant vers la maison hospitalière.
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SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-039.htm
TOME : 8 /39
https://lepeupledelapaix.forumactif.com/t18376-oeuvre-de-maria-valtorta-presentation-des-disciples-de-jesus
Jéricho , la plus vieille ville
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Jésus parle à des disciples inconnus
Un grand nombre de gens sont groupés dans les prés de Nique où les foins sèchent au soleil. Deux chars lourds et couverts attendent près de ces prés. Je comprends la raison de cette attente, en voyant qu'on y conduit toutes les femmes disciples et qu'elles y montent après que le Maître les a congédiées et bénies. Marie très Sainte s'en va avec les autres disciples et aussi le jeune garçon d'Enon, et des disciples nombreux se placent de chaque côté des chars et, quand ceux-ci s'ébranlent au pas lent des bœufs, les disciples aussi se mettent en route. Dans les prés, il reste les apôtres, Zachée et ses amis, et un petit groupe de personnages tout couverts de leurs manteaux, comme s'ils ne voulaient pas être bien reconnus.
Jésus revient lentement sur ses pas, au milieu du pré, et il s'assoit sur un tas de foin déjà à demi sec qu'on portera bientôt au fenil. Il est absorbé, et tous respectent cette concentration en Lui-même, se tenant en trois groupes distincts un peu distants de Lui, et l'un de l'autre.
Sa méditation se prolonge et se prolonge l'attente. Le soleil devient de plus en plus fort et frappe le pré qui dégage la forte odeur des foins qui sèchent. Ceux qui attendent se réfugient aux bords du pré, là où les derniers arbres du verger projettent une ombre rafraîchissante.
Jésus reste seul, seul sous le soleil déjà fort, tout blanc dans son vêtement de lin et avec son couvre-chef de soie légère qui remue légèrement au passage de la brise. C'est peut-être celui que Sintica a tissé. D'une étable voisine vient un meuglement lent et lamentable, et un piaillement d'oisillons arrive des branches du verger et des aires, oiseaux sans plumes et poulets impertinents. C'est la vie qui continue en se renouvelant à chaque printemps. Les colombes tournoient en l'air d'un vol assuré et tranquille avant de revenir à leurs nids sous l'avant-toit. Je ne sais si c'est dans une maison voisine de celle de Nique, ou venant de quelque champ, une voix de femme fait entendre une berceuse et la petite voix de l'enfant, d'abord aiguë et tremblante, comme le bêlement d'un agnelet, baisse et puis se tait...
Jésus réfléchit, il réfléchit encore, toujours, insensible au soleil. J'ai remarqué plusieurs fois la résistance supérieure de Jésus béni aux rigueurs des saisons. Je n'ai jamais compris s'il sentait fortement le chaud et le froid et s'il les supportait sans se plaindre par esprit de mortification ou si, de même qu'il dominait les éléments déchaînés, il dominait aussi le froid ou la chaleur excessifs. Je ne sais pas. Je sais que tout en le voyant absolument trempé sous les averses, tout en sueur à la canicule, je n'ai jamais remarqué chez Lui de gestes d'ennui pour le froid ou la chaleur, et je ne Lui ai jamais vu prendre ces mesures préventives que d'ordinaire l'homme prend contre les excès du soleil ou du gel.
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On m'a fait observer un jour qu'en Palestine on ne reste pas la tête découverte et que par conséquent je m'exprimais mal quand je dis que la tête blonde de Jésus brille découverte sous le soleil. Il est fort possible qu'en Palestine on ne puisse pas aller la tête découverte. Je n'y ai pas été, et je ne sais pas. Ce que je sais, c'est que Jésus habituellement allait sans rien sur la tête. Et s'il a un couvre-chef au début de la marche, il l'enlève bientôt, comme s'il ne le supportait pas, et le porte à la main, s'en servant principalement pour essuyer de son visage la poussière et la sueur. S'il pleut, il lève un pan de son manteau sur sa tête. S'il y a du soleil, surtout s'il est en route, il cherche un peu d'ombre, même intermittente, pour s'abriter des rayons du soleil. Mais il est rare qu'il ail, comme aujourd'hui, un voile léger sur la tête
C'est une observation que certains pourront trouver inutile, mais cela aussi fait partie de ce que je vois et j'en parle pendant que Jésus pense...
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"Mais cela va Lui faire mal de rester là si longtemps !" s'écrie quelqu'un qui n'appartient pas au groupe apostolique ni à celui de Zachée.
"Allons le dire à ses disciples... Et puis... je voudrais... Je voudrais ne pas trop m'attarder" répond un autre.
"Hé ! Oui. Les monts Adomin sont peu sûrs la nuit..." Ils vont près des apôtres et parlent avec eux,
"C'est bien. Je vais aller leur dire que vous voulez vous en aller" dit l'Iscariote.
"Non, ce n'est pas cela. Nous voudrions être au moins à Ensémès avant le soir."
Judas s'en va en souriant ironiquement. Il se penche sur le Maître et Lui dit : "Ils disent que c'est parce que le soleil peut te faire du mal — mais ce qui est vrai, c'est que cela peut leur faire du mal qu'on les voie trop — mais les juifs veulent être congédiés."
"Je viens... Je pensais... Ils ont raison" et Jésus se lève.
"Tous, sauf moi..." bougonne l'Iscariote.
Jésus le regarde et se tait. Ils vont ensemble vers ces hommes que Judas a appelés juifs.
"Je vous avais déjà congédiés tous. Je vous l'ai dit hier. Je ne parlerai qu'à Jérusalem..."
"C'est vrai. Mais c'est que nous voudrions te parler, nous que... Pourrions-nous te parler en particulier."
"Contente-les. Ils ont peur de nous, ou de moi, plus particulièrement" dit encore Judas deKériot avec son sourire de serpent.
"Nous n'avons peur de personne. Si nous voulions, nous saurions comment faire pour protéger notre tranquillité. Mais tout le monde n'est pas encore lâche en Palestine. Nous sommes des descendants des preux de David, et si tu n'es pas esclave et encore méprisé, tu dois rendre hommage à notre ascendance. Les premiers aux côtés du saint roi, les premiers aux côtés des Macchabées. Et les premiers maintenant encore, quand il s'agit de rendre honneur au Fils de David et de le conseiller. Parce que Lui est grand, mais toute créature, pour grande qu'elle soit, peut avoir besoin d'un ami aux heures décisives de la vie" répond avec véhémence quelqu'un, dont le vêtement est tout de lin y compris le manteau et le couvre-chef et qui laisse peu à découvert son visage sévère.
"Il a nous pour amis. Nous le sommes depuis trois ans, depuis que vous..."
"Nous ne le connaissions pas. Trop de fois nous avons été trompés par de faux Messies pour croire facilement à celui qui s'affirme tel. Mais les derniers événements nous ont éclairés. Ses œuvres sont de Dieu, et nous l'appelons Fils de Dieu."
"Et vous pensez qu'il a besoin de vous ?"
"Comme Fils de Dieu, non. Mais comme Homme, oui. Il est venu pour être l'Homme, et l'Homme a toujours besoin des hommes ses frères. Du reste, pourquoi crains-tu ? Pourquoi ne veux-tu pas qu'on Lui parle ? Nous te le demandons."
"Moi ? Parlez ! Parlez ! Les pécheurs sont plus écoutés que les justes."
"Judas ! Je croyais que de telles paroles devraient paraître du feu pour tes lèvres !
Comment oses-tu juger là où ton Maître ne juge pas ? Il est dit : "Si vos péchés étaient comme de l'écarlate, ils deviendront blancs comme la neige, et s'ils étaient vermeils comme la cochenille, ils deviendront blancs comme la laine"
"Mais tu ne sais pas que parmi eux..."
"Silence ! Parlez, vous."
"Seigneur, nous le savons. L'accusation est préparée pour Toi. On t'accuse de violer la Loi et le sabbat, d'aimer ceux de Samarie plus que nous, de défendre les publicains et les prostituées, de recourir à Belzébuth, et à d'autres forces ténébreuses, de magie noire, de haïr le Temple et de vouloir sa destruction, de..."
"Assez. Tout le monde peut accuser. Prouver l'accusation est plus difficile."
"Mais ils ont parmi eux des gens qui la soutiennent. Crois-tu par hasard qu'ils sont justes là-dedans ?"
"Je vais vous répondre par les paroles de Job, qui est une figure du Patient que Moi je suis : "Loin de moi la pensée de vous estimer tous justes. Mais jusqu'au bout je soutiendrai mon innocence, je ne renoncerai pas à ma justification que j'ai commencée, car mon cœur ne me reproche rien pendant toute ma vie". Voilà : tout Israël peut témoigner, car je ne me justifie pas par Moi-même, par les paroles que le menteur aussi peut dire, tout Israël peut témoigner que j'ai toujours enseigné le respect de la Loi, et même davantage; que j'ai perfectionné l'obéissance à la Loi, et que je n'ai pas violé les sabbats... Que veux-tu dire ? Parle ! Tu as fait un geste et puis tu t'es retenu. Parle !"
Quelqu'un du petit groupe mystérieux... dit : "Seigneur, à la dernière séance du Sanhédrin, on a lu une dénonciation contre Toi. Elle venait de la Samarie, d'Éphraïm où tu étais, et elle disait qu'il était prouvé que plusieurs et plusieurs fois tu avais violé le sabbat et..."
"Et encore, je te réponds avec Job : "Et quel est l'espoir de l'hypocrite s'il s'approprie par avarice, et que Dieu ne délivre pas son âme ?" Ce malheureux qui se donne un visage et sous cette apparence a un cœur différent et qui veut commettre la grande rapine parce qu'il ne désire pas mon bien, marche déjà sur la route de l'Enfer et il lui sera inutile d'avoir de l'argent et d'espérer des honneurs, et de rêver de s'élever là où Moi je n'ai pas voulu pour ne pas trahir le Décret saint. Mais allons-nous peut-être nous occuper de lui sinon pour prier pour lui ?"
"Le Sanhédrin, pourtant, t'a ridiculisé en disant : "Voilà l'amour des samaritains pour Lui ! Ils l'accusent pour gagner nos bonnes grâces."
"Et êtes-vous sûrs que ce soit une main samaritaine qui ait écrit ces mots ?"
"Non. Mais la Samarie en ces jours a été dure pour Toi..."
"Parce que les envoyés du Sanhédrin l'ont bouleversée et excitée par de faux conseils pour susciter des espérances folles que Moi j'ai dû briser. Du reste il est dit, d'Éphraïm et de Juda, et peut se dire de tout endroit, car changeant est le cœur de l'homme qui oublie les bienfaits et s'incline devant les menaces : "Votre bonté est comme la nuée du matin, comme la rosée qui s'évapore au matin". Mais ceci ne prouve pas que ce soit eux, les samaritains, qui sont les accusateurs de l'Innocent. Un amour faussé les a lancés férocement contre Moi, mais c'est un amour qui délire. Quelle autre preuve prouve l'accusation de préférence pour les samaritains ?"
"On t'accuse de toujours dire, tant tu les aimes : "Écoute, Israël" au lieu de dire : "Écoute, Juda", Et que tu ne peux reprocher à Juda..."
"En vérité ? La sagesse des rabbis s'égare-t-elle ici ? Et ne suis-je pas le Germe de justice sorti de David à cause duquel, comme dit Jérémie, Juda sera sauvé ? Alors le Prophète prévoit que Juda, surtout Juda, aura besoin de salut. Et ce Germe, dit toujours le Prophète, sera appelé : le Seigneur, notre Juste "parce que, dit le Seigneur, il ne manquera jamais à David un descendant assis sur le trône de la maison d'Israël". Et quoi ? Le Prophète s'est-il trompé ? Était-il ivre, peut-être ? De quoi ? De pénitence et pas d'autre chose, car pour m'accuser, personne ne pourra soutenir que Jérémie ait été un noceur. Et lui dit pourtant que le Germe de David sauvera Juda et s'assoira sur le trône d'Israël. On dirait donc que, à cause de ses lumières, le Prophète voit que plutôt que Juda ce sera Israël qui sera élu, que le Roi ira vers Israël, et que ce sera déjà une grâce si Juda a uniquement le salut. Le Royaume sera donc appelé Royaume d'Israël ? Non, ce sera le Royaume du Christ, de Celui qui réunit les parties séparées et reconstruit dans le Seigneur après avoir, selon l'autre Prophète, en un mois — que dis-je en un mois ? — en moins d'un jour, jugé et condamné les trois faux pasteurs et leur avoir fermé mon âme parce que la leur était restée fermée à Moi et, en me désirant en figure, ils n'ont pas su m'aimer en Nature. Or donc Celui qui m'envoie et m'a donné les deux verges, brisera l'une et l'autre, pour que la Grâce soit perdue pour ceux qui sont cruels, pour que le Fléau vienne non plus du Ciel, mais du monde.
Et rien n'est plus dur que les fléaux que les hommes donnent aux hommes. Il en sera ainsi. Oh ! ainsi ! Je serai frappé et les brebis seront dispersées pour les deux tiers. Un tiers seul, toujours un seul tiers, se sauveront et persévéreront jusqu'à la fin. Et ce tiers passera par le feu par lequel je passe le premier, et sera purifié et éprouvé comme l'argent et l'or, et c'est à lui qu'il sera dit : "Tu es mon peuple" et lui me dira : "Tu es mon Seigneur".Et il y aura quelqu'un qui aura pesé les trente deniers, prix de l'œuvre horrible, salaire infâme. Et là d'où ils sortiront, ils ne pourront plus rentrer, parce que les pierres crieront d'horreur en voyant cet argent, souillé par le sang de l'Innocent et par la sueur de celui qui sera poursuivi par le désespoir le plus atroce, et ils serviront, comme il est dit, à acheter aux esclaves de Babylone le champ pour les étrangers. Oh ! le champ pour les étrangers ! Savez-vous qui ils sont ? Ceux de Juda et d'Israël, ceux qui bientôt, et pour des siècles des siècles, n'auront plus de patrie. Et la terre même de ce qui fut leur sol ne voudra pas les accueillir. Elle les vomira d'elle-même, même une fois morts, parce qu'ils ont voulu rejeter la Vie. Horreur infinie !..."
Jésus se tait, comme accablé, la tête inclinée. Puis il la lève et son regard fait un tour, il voit ceux qui sont présents : les apôtres, les disciples occultes, Zachée avec les siens. Il soupire comme s'il se réveillait d'un cauchemar. Il dit : "Quoi d'autre disiez-vous ? Ah ! que l'on m'accuse d'aimer les publicains et les prostituées. C'est vrai. Ce sont des malades, des mourants. Moi : Vie, je me donne à eux comme vie. Venez, les rachetés de mon troupeau" ordonne-t-il à Zachée et aux siens. "Venez et écoutez mon commandement. J'ai dit à beaucoup, et ils étaient plus blancs que vous : "Ne venez pas à Jérusalem". A vous, je dis : "Venez". Cela pourra paraître une injustice..."
"Et ce l'est en effet" interrompt l'Iscariote.
Jésus est comme s'il n'entendait pas. Il continue de parler à Zachée et à ses compagnons : "Mais je vous dis : venez, précisément parce que vous êtes des arbres qui ont plus besoin que d'autres de la rosée, pour que votre bonne volonté soit aidée par le Puissant et que désormais vous grandissiez librement dans la Grâce. Sur les autres choses... le Ciel lui-même répondra par des signes qu'on ne saurait confondre. En vérité il pourra être détruit le Temple vivant et être reconstruit en trois jours et pour l'éternité. Mais le Temple mort, qui sera seulement secoué et croira avoir vaincu, périra pour ne plus se relever. Allez ! Et ne craignez pas. Attendez mon Jour dans la pénitence et son aurore vous conduira définitivement à la Lumière" dit-il en s'adressant à ceux qui sont couverts de leurs manteaux. Et puis à Zachée : "Et vous aussi allez, mais pas maintenant. Soyez à Jérusalem pour l'aurore du lendemain du sabbat. A côté des justes je veux ceux qui ont été relevés, car dans le Royaume du Christ en nombre infini sont les places, autant qu'il y a d'hommes de bonne volonté." Et il se dirige vers la maison de Nique à travers le verger touffu et ombreux.
Un petit sentier jette un ruban jaunâtre au milieu de la verdure du sol et une poule qui caquette le traverse, suivie de ses poussins couleur d'or, et la mère tremblante devant tant d'inconnus se blottit et étend ses ailes pour les défendre, en caquetant plus fort, craignant des embûches pour ses petits et eux, avec un pépiement qui s'éteint quand ils sont en sécurité, accourent et se cachent dans la plume maternelle, et semblent ne plus exister...
Jésus s'arrête pour la contempler... et des larmes tombent de ses yeux.
"Il pleure ! Pourquoi pleure-t-il ? Il pleure !" murmure tout le monde : apôtres, disciples, pécheurs rachetés. Et Pierre dit à Jean : "Demande-lui pourquoi il pleure..."
Et Jean, dans son attitude habituelle, un peu penché par respect, en regardant Jésus par en dessous, Lui demande : "Pourquoi pleures-tu, mon Seigneur ? Peut-être à cause de ce que l'on t'a dit et de ce que tu disais auparavant ?"
Jésus se secoue. Il a un sourire triste et montrant la poule qui continue de protéger affectueusement ses petits dit : "Moi aussi, qui suis Un avec mon Père, j'ai vu Jérusalem, comme il est dit par Ezéchiel, nue et honteuse. Et j'ai vu et je suis passé près d'elle, et une fois venu le temps, le temps de mon amour, j'ai étendu mon manteau sur elle et j'ai couvert sa nudité. Je voulais la faire reine après avoir été pour elle un père, et la protéger, comme fait la poule pour ses petits... Mais alors que les petits de la poule sont reconnaissants à leur mère des soins qu'elle leur donne et se réfugient sous ses ailes, Jérusalem repousse mon manteau... Mais je maintiendrai mon dessein d'amour... Moi... Mon Père ensuite agira selon sa volonté." Et Jésus descend dans l'herbe pour ne pas troubler la poule, et passe, et des larmes descendent encore sur son visage affligé et pâle.
Tout le monde l'imite en le suivant et en bavardant jusqu'au seuil de la maison de Nique. Là Jésus entre seul avec les apôtres et les autres vont à leurs occupations...
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-040.htm
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Sintica
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Les deux aveugles de Jéricho
C'est une aube qui nuance à peine sa candeur d'un premier rosé d'aurore. Le frais silence de la campagne disparaît de plus en plus en s'embellissant des trilles des oiseaux réveillés.
Jésus sort le premier de la maison de Nique, pousse silencieusement la porte et se dirige vers le verger tout vert où s'égrènent les notes limpides des mésanges et où les merles flûtent leur chant.
Mais il n'y est pas encore arrivé, quand il en sort quatre personnes qui s'avancent vers Lui. Quatre de ceux qui étaient hier dans le groupe inconnu et qui n'avaient pas du tout découvert leurs visages. Ils se prosternent jusqu'à terre, et au commandement et à la question que Jésus leur fait, après les avoir salués de son salut de paix : "Levez-vous ! Que voulez-vous de Moi ?", ils se lèvent et rejettent leurs manteaux et leurs couvre-chefs de lin dans lesquels ils avaient gardé caché leurs visages comme autant de bédouins.
Je reconnais le visage pâle et maigre du scribe Joël d'Abia, vu dans la vision de Sabéa. Les autres me sont inconnus jusqu'à ce qu'ils se nomment : "Moi, Judas de Béteron, le dernier des vrais assidéens, amis de Matthatias l'Asmonéen."
"Moi, Éliel, et mon frère Elcana de Bethléem de Juda, frères de Jeanne, ta disciple, et il n'y a pas pour nous de titre plus grand. Absents quand tu étais fort, présents maintenant que tu es persécuté."
"Moi, Joël d'Abia, aux yeux si longtemps aveugles, mais maintenant ouverts à la Lumière."
"Je vous avais déjà congédiés. Que voulez-vous de Moi ?"
"Te dire que... si nous sommes restés couverts, ce n'est pas à cause de Toi, mais..." ditÉliel.
"Allons, parlez !"
"Mais... Parle toi, Joël, car tu es le plus au courant..."
"Seigneur... Ce que je sais est tellement... horrible... Je voudrais que même les mottes ne le sachent pas, n'entendent pas ce que je vais dire..."
"Les mottes en vérité tressailliront. Pas Moi, car je sais ce que tu veux dire. Mais parle quand même..."
"Si tu le sais... permets que mes lèvres ne frémissent pas en disant cette horrible chose. Ce n'est pas que je pense que tu mens en disant que tu sais et que tu veux que je le dise pour savoir, mais vraiment parce que..."
"Oui, parce que c'est une chose qui crie vers le Seigneur. Mais je vais la dire pour persuader tout le monde que je connais le cœur des hommes. Toi, membre du Sanhédrin et conquis à la Vérité, tu as découvert une chose que tu n'as pas su porter par toi-même, car elle est trop grande. Et tu es allé les trouver eux, vrais juifs en lesquels se trouve un esprit uniquement bon, pour leur demander conseil. Tu as bien fait, même si ce que tu as fait ne sert à rien. Le dernier des assidéens serait prêt à répéter le geste de ses pères pour servir le vrai Libérateur, et il n'est pas le seul. Son parent Barzelaï (Barzillaï) le ferait aussi, et beaucoup avec lui. Et les frères de Jeanne, par amour pour Moi et pour leur sœur, en plus que pour la Patrie, seraient avec lui. Mais ce n'est pas avec les lances et les épées que je triompherai. Entrez complètement dans la Vérité. Mon triomphe sera céleste.
Toi, voilà que tu deviens encore plus pâle et plus hâve qu'à l'ordinaire, tu sais qui a présenté les charges contre Moi. Ces charges, si elles sont fausses dans leur esprit, sont vraies dans la matérialité des mots; en vérité j'ai violé le sabbat quand j'ai dû m'enfuir, mon heure n'étant pas encore venue, et quand j'ai arraché des innocents aux voleurs. Je pourrais dire que la nécessité justifie l'acte comme la nécessité justifia David de s'être nourri des pains de proposition. En vérité je me suis réfugié en Samarie, même si, mon heure étant venue et ayant reçu la proposition des samaritains de rester près d'eux comme Pontife, j'ai refusé les honneurs et la sécurité pour rester fidèle à la Loi, même quand cela voulait dire me livrer aux ennemis. Il est vrai que j'aime les pécheurs et les pécheresses au point de les arracher au péché. Il est vrai que j'annonce la ruine du Temple, même si mes paroles ne sont que la confirmation du Messie aux paroles de ses prophètes. Celui qui fournit ces accusations et d'autres, et fait, même des miracles, un motif d'accusation, et s'est servi de toutes les choses de la Terre pour essayer de m'entraîner dans le péché et pour pouvoir ajouter d'autres accusations aux premières, celui-là est un de mes amis.
Cela aussi a été dit par le roi prophète, dont je descends par ma Mère; "Celui qui mangeait mon pain a levé contre Moi son talon". Je le sais. Je ne puis empêcher que lui accomplisse le crime — désormais... sa volonté s'est donnée à la Mort, et Dieu ne violente pas la liberté de l'homme — mais qu'au moins... oh ! qu'au moins le déchirement de l'horreur accomplie le jette repenti aux pieds de Dieu... Pour cela je mourrais deux fois. C'est pour cela que toi, Judas de Béteron, tu as averti hier Manaën de se taire, car le serpent était présent et pouvait faire du tort au disciple en même temps qu'au Maître. Non. Seul le Maître sera frappé. Ne craignez pas. Ce ne sera pas à cause de Moi que vous aurez peines et malheurs. Mais c'est à cause du crime de tout un peuple, que vous aurez tous ce qui a été dit par les prophètes.
Ma malheureuse, malheureuse Patrie ! Malheureuse terre qui connaîtra le châtiment de Dieu ! Malheureux habitants et enfants que maintenant je bénis et que je voudrais sauver et qui, bien qu'innocents, connaîtront, une fois adultes, la morsure du plus grand malheur. Regardez-la votre terre florissante, belle, verte et fleurie comme un merveilleux tapis, fertile comme un Eden... Imprimez-vous-en la beauté dans le cœur, et puis... quand je serai retourné là d'où je suis venu... fuyez. Fuyez tant qu'il vous sera possible de le faire, avant que comme un rapace d'enfer la désolation de la ruine se répande ici et abatte et détruise et rende stérile et brûle, plus qu'à Gomorrhe, plus qu'à Sodome... Oui, plus que là où il n'y eut qu'une mort rapide. Ici... Joël, te rappelles-tu Sabéa ? Elle a prophétisé une dernière fois l'avenir du Peuple de Dieu qui n'a pas voulu du Fils de Dieu."
Les quatre sont tout abasourdis. La peur de l'avenir les rend muets. Enfin Éliel parle : "Tu nous conseilles ?..."
"Oui. Partez. Il n'y aura plus rien ici qui vaille la peine de retenir les fils du peuple d'Abraham. Et d'ailleurs, vous spécialement, les notables, on ne vous laissera pas... Les puissants, faits prisonniers, embellissent le triomphe du vainqueur. Le Temple nouveau et immortel emplira de lui-même la Terre et tout homme qui me cherche me possédera car je serai partout où un cœur m'aime. Allez. Éloignez vos femmes, vos enfants, les vieux... Vous m'offrez salut et aide. Je vous conseille de vous sauver, et je vous aide par ce conseil... Ne le méprisez pas."
"Mais désormais... en quoi Rome peut-elle nous nuire davantage ? Ils sont nos maîtres. Et si sa loi est dure, il est vrai aussi que Rome a reconstruit les maisons et les villes et..."
"En vérité, sachez-le, en vérité pas une seule pierre de Jérusalem ne demeurera intacte. Le feu, les béliers, les frondes et les javelots mettront par terre, saccageront, bouleverseront toutes les maisons, et la Cité sacrée deviendra une caverne, et pas elle seule... Une caverne, cette Patrie qui est la nôtre. Pâturages d'onagres et de lamies, comme disent les prophètes, et non pas pour une ou plusieurs années, ou pour des siècles, mais pour toujours. Désert, terres brûlées, stérilité... Voilà le sort de ces terres ! Champ de querelles, lieu de torture, rêve de reconstruction toujours détruit par une condamnation inexorable, tentatives de résurrection éteintes à leur naissance. Le sort de la Terre qui a repoussé le Sauveur et a voulu une rosée qui est feu sur les coupables."
"Il n'y aura donc plus... jamais plus un royaume d'Israël ? Nous ne serons jamais plus ce que nous rêvions ?" demandent d'une voix angoissée les trois notables juifs. Le scribe Joël pleure...
"Avez-vous jamais observé un vieil arbre dont la mœlle est détruite par la maladie ? Pendant des années, il végète péniblement, si péniblement qu'il ne donne ni fleurs ni fruits. Seulement quelques rares feuilles sur les branches épuisées indiquent qu'il monte un peu de sève... Puis, un mois d'avril, le voilà qui fleurit miraculeusement et se couvre de feuilles nombreuses. Le maître s'en réjouit, lui qui pendant tant d'années l'a soigné sans avoir de fruits. Il se réjouit en pensant que l'arbre est guéri et redevient luxuriant après tant d'épuisement... Oh ! tromperie ! Après une explosion si exubérante de vie, voilà la mort subite. Les fleurs tombent et les feuilles et les petits fruits qui semblaient déjà se nouer sur les branches et promettre une récolte copieuse, et avec un bruit inattendu, l'arbre, pourri à la base, s'effondre sur le sol. Ainsi fera Israël. Après avoir pendant des siècles végété sans donner de fruits, dispersé, il se rassemblera sur le vieux tronc et aura une apparence de reconstruction. Finalement réuni le Peuple dispersé. Réuni et pardonné. Oui. Dieu attendra cette heure pour arrêter te cours des siècles. Il n'y aura plus de siècles alors, mais l'éternité. Bienheureux ceux qui, pardonnes, formeront la floraison fugace du dernier Israël, devenu, après tant de siècles, le domaine du Christ, et qui mourront rachetés, en même temps que tous les peuples de la Terre, bienheureux avec eux ceux qui, parmi eux, auront non seulement connu mon existence, mais embrassé ma Loi, comme une loi de salut et de vie. J'entends les voix de mes apôtres. Partez avant qu'ils n'arrivent..."
"Ce n'est pas par lâcheté, Seigneur, que nous cherchons à rester inconnus, mais pour te servir, afin de pouvoir te servir. Si on savait que nous, moi surtout, nous sommes venus te trouver, nous serions exclus des délibérations..." dit Joël.
"Je comprends. Mais faites attention que le serpent est rusé. Toi, spécialement, Joël, sois prudent..."
"Oh ! Ils me tueraient ! Je préférerais ma mort à la tienne ! Et ne pas voir les jours dont tu parles ! Bénis-moi, Seigneur, pour me fortifier... "
"Je vous bénis tous au nom du Dieu Un et Trin et au nom du Verbe qui s'est Incarné afin d'être le salut pour les hommes de bonne volonté." Il les bénit collectivement d'un large geste et puis, pour chacun d'eux, il pose sa main sur la tête inclinée de ceux qui sont à ses pieds.
Ensuite eux se lèvent, se couvrent de nouveau le visage, et se cachent parmi les arbres du verger et les haies de mûres qui séparent les poiriers des pommiers et ceux-ci des autres arbres. Juste à temps, car les douze apôtres sortent en groupe de la maison afin de chercher le Maître pour se mettre en route.
Et Pierre dit : "Par devant la maison, du côté de la ville, il y a une foule de gens que nous avons eu du mal à retenir pour te laisser prier. Ils veulent te suivre. Personne n'est parti de ceux que tu avais congédiés. Au contraire, beaucoup sont revenus sur leurs pas, et beaucoup d'autres sont survenus. Nous les avons grondés..."
"Pourquoi ? Laissez-les me suivre ! Qu'il en fût ainsi de tous ! Partons !" Et Jésus, après s'être ajusté le manteau que Jean Lui présente, se met à la tête des siens, rejoint la maison, la côtoie, met le pied sur la route qui va à Béthanie et entonne à haute voix un psaume.
Les gens, une vraie foule, avec en tête les hommes, puis les femmes et les enfants, le suivent, chantant avec Lui...
La ville s'éloigne avec son enceinte de verdure. La route est parcourue par de nombreux pèlerins. Sur le bord de la route des mendiants nombreux élèvent leurs plaintes pour émouvoir la foule et faire ainsi une quête fructueuse. Estropiés, manchots, aveugles... La misère habituelle qui, en tout temps et en tout pays, a coutume de se réunir là où une festivité appelle les foules.
Et si les aveugles ne voient pas Celui qui passe, les autres voient, et connaissant la bonté du Maître pour les pauvres, jettent leur cri plus fort qu'à l'ordinaire pour attirer l'attention de Jésus. Pourtant, ils ne demandent pas de miracle, seulement une obole, et c'est Judas qui la donne.
Une femme, de condition aisée, arrête l'âne, sur lequel elle était en selle, près d'un arbre robuste qui ombrage une bifurcation et elle attend Jésus. Quand il est proche, elle glisse de sa monture et elle se prosterne, non sans mal, car elle a dans ses bras un petit enfant absolument inerte. Elle le soulève sans dire un mot. Ses yeux prient dans son visage affligé. Mais Jésus est entouré de gens qui forment une haie et il ne voit pas la pauvre mère agenouillée au bord de la route. Un homme et une femme, qui semblent accompagner la mère affligée, lui parlent :"Il n'y a rien pour nous" dit l'homme en secouant la tête. Et la femme : "Maîtresse, il ne t'a pas vu. Appelle-le avec foi et il t'exaucera."
La mère l'écoute et elle crie à haute voix pour vaincre le bruit des chants et des pas : "Seigneur, pitié pour moi !"
Jésus, qui est déjà en avant de quelques mètres, s'arrête et se tourne pour chercher qui a crié, et la servante dit : "Maîtresse, il te cherche. Lève-toi donc et va le trouver et Fabia va être guérie" et elle l'aide à se lever pour la conduire vers le Seigneur qui dit : "Que celui qui m'a appelé vienne à Moi. C'est un temps de miséricorde pour qui sait espérer en elle."
Les deux femmes se fraient un passage, avec la servante devant pour ouvrir le chemin à la mère, puis la mère elle-même, et elles vont rejoindre Jésus quand une voix crie : "Mon bras perdu ! Regardez ! Béni le Fils de David, notre vrai Messie, toujours puissant et saint !"
Il se produit un remue-ménage car plusieurs se tournent et la foule subit un brassage, un mouvement de îlots contraires autour de Jésus, Tout le monde veut savoir et voir... On interroge un vieillard qui agite son bras droit comme si c'était un drapeau et qui répond : "Il s'était arrêté. J'ai réussi à saisir un pan de son manteau et à m'en couvrir, et il m'est couru comme un feu et une vie à travers le bras mort, et voilà : le droit est comme le gauche rien que pour avoir touché son vêtement."
Jésus, pendant ce temps, demande à la femme : "Que veux-tu ?"
La femme tend son enfant et elle dit : "Elle aussi a droit à la vie. Elle est innocente. Elle n'a pas demandé d'être d'un lieu ou d'un autre, d'un sang ou d'un autre. C'est moi la coupable. Pour moi la punition, pas pour elle."
"Espères-tu que la miséricorde de Dieu soit plus grande que celle des hommes ?"
"Je l'espère, Seigneur. Je crois. Pour mon enfant et pour moi, à laquelle j'espère que tu rendes la pensée et le mouvement. On dit que tu es la Vie..." et elle pleure.
"Je suis la Vie, et celui qui croit en Moi aura la vie de l'esprit et des membres. Je veux !" Jésus a crié ces mots d'une voix forte et maintenant il abaisse sa main sur l'enfant inerte qui a un frémissement, un sourire, un mot : "Maman !"
"Elle bouge ! Elle sourit ! Elle a parlé ! Fabius ! Maîtresse !" Les deux femmes ont suivi les phases du miracle et les ont annoncées à haute voix, et elles ont appelé le père qui s'est fait un passage à travers les gens et arrive aux femmes quand déjà elles sont aux pieds de Jésus en larmes, et pendant que la servante dit : "Je te l'avais dit que Lui a pitié de tous !". La mère dit : "Et maintenant, pardonne-moi aussi mon péché."
"Le Ciel ne te montre-t-il pas, par la grâce qu'il t'a accordée, que ton erreur est pardonnée ? Lève-toi et marche dans la vie nouvelle avec ta fille et avec l'homme que tu as choisi. Va ! Paix à toi, et à toi, fillette, et à toi, fidèle Israélite. Une grande paix pour toi, à cause de ta fidélité à Dieu et à la fille de la famille que tu as servi et qu'avec ton cœur tu as tenue proche de la Loi. Et paix aussi à toi, homme, qui as été plus respectueux pour le Fils de l'homme que beaucoup d'autres d'Israël."
Il prend congé pendant que la foule, après avoir quitté le vieillard, s'intéresse au nouveau miracle sur la fillette paralysée et idiote, peut-être par suite d'une méningite, et qui maintenant saute joyeusement en disant les seuls mots qu'elle sait, ceux que peut-être elle savait quand elle est tombée malade et qu'elle retrouve intacts dans son esprit qui s'est réveillé : "Père, mère, Élise. Le beau soleil ! Les fleurs !..."
Jésus fait le geste de partir, mais du carrefour désormais dépassé, près des ânes laissés là par les miraculés, deux autres cris s'élèvent lamentables avec la cadence caractéristique des hébreux : "Jésus, Seigneur ! Fils de David, aie pitié de moi !" Et de nouveau, plus fort, pour dépasser les cris de la foule qui dit : "Taisez-vous, laissez aller le Maître La route est longue et le soleil tape de plus en plus fort. Qu'il puisse être sur les collines avant la chaleur", mais ils crient de nouveau : "Jésus, Seigneur, Fils de David, aie pitié de moi."
Jésus s'arrête de nouveau pour dire : "Allez prendre ceux qui crient et amenez-les ici."
> Des volontaires s'en vont. Ils rejoignent les deux aveugles et leur disent : "Venez. Il a pitié de vous. Levez-vous car il veut vous exaucer. Il nous a envoyés pour vous appeler en son nom" et ils cherchent à conduire les deux aveugles à travers la foule.
Mais si l'un se laisse conduire, l'autre, plus jeune et peut-être plus croyant, prévient le désir des volontaires et il s'avance seul, avec son bâton qu'il pointe en avant, le sourire et l'attitude caractéristiques des aveugles sur leur visage levé pour chercher la lumière, et il semble que son ange le conduise tant sa marche est rapide et sûre. S'il n'avait pas les yeux blancs, il ne semblerait pas aveugle. Il arrive le premier devant Jésus qui l'arrête en disant : "Que veux-tu que je te fasse ?"
"Que je voie, Maître, Fais, Ô Seigneur, que s'ouvrent mes yeux et ceux de mon compagnon." Et l'autre aveugle étant arrivé, on le fait agenouiller près de son compagnon.
Jésus met les mains sur leurs visages levés et il dit : "Qu'il soit fait comme vous le demandez. Allez ! Votre foi vous a sauvés !"
Il enlève ses mains et deux cris sortent des lèvres des aveugles : "Je vois, Uriel !"; "Je vois,Bartimée !" et puis, ensemble : "Béni Celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni Celui qui l'a envoyé ! Gloire à Dieu ! Hosanna au Fils de David" et ils se jettent tous deux, le visage au sol, pour baiser les pieds de Jésus. Ensuite les deux aveugles se lèvent et celui qui s'appelle Uriel dit : "Je vais me montrer à mes parents et puis je reviens te suivre, ô Seigneur."
Mais Bartimée dit de son côté : "Je ne te quitte pas. Je vais envoyer quelqu'un pour les prévenir. Ce sera toujours de la joie. Mais me séparer de Toi, non. Tu m'as donné la vue, je te consacre ma vie. Aie pitié du désir du dernier de tes serviteurs."
"Viens et suis-moi. La bonne volonté rend égales toutes les conditions et seul est grand celui qui sait le mieux servir le Seigneur."
Jésus reprend sa marche au milieu des hosannas de la foule et Bartimée s'y mêle, criant hosanna avec les autres, et disant : "J'étais venu pour avoir un pain, et j'ai trouvé le Seigneur. J'étais pauvre, maintenant je suis ministre du Roi saint. Gloire au Seigneur et à son Messie."
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SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-041.htm
TOME : 8/41
Les deux aveugles de Jéricho
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Jésus arrive à Béthanie
Ils doivent s'être arrêtés à mi-chemin entre Jéricho et Béthanie car, quand ils arrivent aux premières maisons de Béthanie, la rosée finit de s'évaporer sur les feuilles et les herbes des prés et le soleil gravit encore la voûte du ciel.
Les agriculteurs de l'endroit jettent leurs outils et accourent autour de Jésus qui passe en bénissant hommes et plantes, comme les agriculteurs le demandent avec insistance. Des femmes et des enfants accourent avec les premières amandes encore enveloppées dans la peluche vert argent de leur brou, et avec les dernières fleures des arbres fruitiers dont la floraison est plus tardive. J'observe pourtant que dans la région de Jérusalem, peut-être à cause de l'altitude, peut-être à cause des vents qui arrivent des sommets les plus hauts de la Judée, ou je ne sais pour quelle autre raison, peut-être aussi à cause des variétés différentes, nombreux sont encore les arbres fruitiers qui forment des touffes de couleur blanc rosé suspendues comme des nuées légères au-dessus de la verdure des prés. Sous les troncs élevés palpitent les feuilles tendres des vignes comme de grands papillons d'une émeraude précieuse, tenues attachées par un fil aux sarments raboteux.
Jésus s'arrête à la fontaine qui marque l'endroit où la campagne se transforme déjà en petite ville, et reçoit là les hommages de Béthanie presque toute entière. A ce moment accourt Lazare avec ses sœurs et ils se prosternent devant leur Seigneur. Bien qu'il n'y ait qu'un peu plus de deux jours que Marie a quitté son Maître, il semble qu'il y ait des siècles qu'elle ne l'a vu tellement qu'elle ne se lasse pas de baiser ses pieds poussiéreux dans ses sandales.
"Viens, mon Seigneur, la maison t'attend pour avoir la joie de ta présence" dit Lazare en se mettant à côté de Jésus pendant qu'ils avancent lentement autant que les gens le leur permettent. En effet ils se pressent autour de Lui, les enfants s'attachent aux vêtements de Jésus et marchent en avant, tournés vers Lui, la tête levée, de manière qu'ils butent et font buter les autres. Aussi Jésus pour commencer, et puis Lazare et les apôtres prennent dans leurs bras les plus petits pour pouvoir avancer plus vite.
A l'endroit où une allée mène à la maison de Simon le Zélote, se trouvent Marie avec sa belle-sœur, Salomé et Suzanne. Jésus s'arrête pour saluer sa Mère, et puis il continue jusqu'au large portail grand ouvert où se trouvent Maximin, Sara, Marcelle, et derrière eux tous les nombreux serviteurs de la maison, en commençant par ceux de la maison pour finir par les paysans. Tous bien rangés, tous joyeux, agités dans leur joie qui éclate en hosanna et en une agitation de couvre-chefs et de voiles. On jette des fleurs et des feuilles de myrtes et de laurier et de rosés et de jasmins qui resplendissent au soleil avec leurs pompeuses corolles ou se répandent comme de blanches étoiles sur le terrain de couleur brune. Une odeur de fleurs effeuillées et de feuilles aromatiques écrasées sous les pieds s'élève du sol que le soleil échauffe. Jésus passe sur ce tapis odorant.
Marie de Magdala qui le suit en regardant le sol, se penche, pas à pas, et on dirait une glaneuse qui suit celui qui attache les gerbes, pour ramasser les feuilles et les corolles et même les pétales effeuillés que Jésus a foulés de son pied.
Maximin, afin de pouvoir fermer le portail et donner la paix aux hôtes, fait donner aux enfants des friandises déjà préparées. C'est une manière pratique d'écarter les enfants du Seigneur et de pouvoir les éloigner sans susciter des chœurs de réclamations. Les serviteurs exécutent l'ordre en portant à l'extérieur, sur le chemin, des paniers remplis de petites fouaces garnies d'une amande de couleur blanche-brune.
Pendant que les petits se rassemblent là, d'autres serviteurs repoussent les adultes, parmi lesquels se trouvent encore Zachée et les, quatre : Joël, Judas, Éliel et Elcana. Avec eux il y en a d'autres dont je ne sais pas qui ils sont car ils restent tous voilés à cause de la poussière que soulève, du chemin, un vent qui souffle par rafales et à cause du soleil déjà fort.
Mais Jésus, qui est déjà très en avant, se retourne et dit : "Attendez ! Je dois dire quelque chose à quelqu'un." Il se dirige vers les frères de Jeanne et les prend à part pour leur dire : "Je vous prie d'aller chez Jeanne et de lui dire qu'elle vienne me trouver avec les femmes qui sont avec elle et avec Annalia, la disciple d'Ophel. Qu'elle vienne demain, car au coucher du soleil de demain commence le sabbat et je veux le faire avec les amis de Béthanie. En paix."
"Nous le dirons, Seigneur. Et Jeanne viendra."
Jésus les congédie et passe à Joël : "Tu diras à Joseph et Nicodème que je suis venu et que le lendemain du sabbat j'entrerai dans la ville."
"Oh ! Attention, Seigneur !" dit angoissé le scribe qui est bon.
"Va et sois courageux. Il ne doit pas trembler celui qui suit la justice et croit en ma vérité. Mais il doit se réjouir, car il est venu l'accomplissement de la Promesse antique."
"Ah ! moi, je m'enfuirai de Jérusalem, Seigneur. Je suis un homme de faible constitution, tu le vois, et tu le sais, et qu'à cause de cela je suis méprisé. Je ne pourrais voir des... des..."
"Ton ange te conduira. Va en paix."
"Te... te verrai-je encore, Seigneur ?"
"Certainement que tu me verras encore. Mais en attendant de me revoir, pense que ton amour m'a donné tant de joie dans les heures de douleur."
Joël prend la main que Jésus avait posée sur son épaule et la presse contre ses lèvres; à travers le voile fin de son couvre-chef baisers et larmes descendent sur la main de Jésus, puis il s'éloigne. Jésus va trouver Zachée : "Où sont les tiens ?"
"Ils sont restés à la fontaine, Seigneur. Je leur ai dit de rester là."
"Va les rejoindre et rends-toi avec eux à Bethphagé où sont mes disciples les plus anciens et les plus fidèles. Dis à Isaac, leur chef, qu'ils se répandent à travers la ville pour aviser tous les groupes de disciples que le lendemain matin du sabbat, Moi, en passant par Bethphagé, vers l'heure de tierce, j'entrerai dans Jérusalem pour monter solennellement au Temple. Tu diras à Isaac que cet avis est pour les seuls disciples. Il comprendra ce que je veux dire."
"Je le comprends aussi, Maître. Tu veux surprendre les juifs pour qu'ils ne puissent pas faire obstacle à ton entrée."
"Oui. Exécute. Rappelle-toi que c'est une charge de confiance que je te donne. Je me sers de toi et non de Lazare."
"Et cela me dit à quel point ta bonté pour moi est sans mesure. Je te remercie, Seigneur." Il baise la main du Maître et s'en va.
Jésus se dispose à revenir près de ses hôtes, mais du portail où les derniers sont en train de sortir, poussés dehors par les serviteurs, un jeune homme se détache et court se jeter aux pieds de Jésus, en criant : "Une bénédiction, Maître ! Me reconnais-tu ?" dit-il en levant son visage libre de tout voile,
"Oui, tu es Joseph, dit Barnabé, le disciple de Gamaliel qui est venu à ma rencontre près de Giscala."
"Et je te suis depuis plusieurs jours. J'étais à Silo, venant de Giscala où j'étais allé avec le rabbi en cette période où tu étais absent, et où j'étais resté pour étudier les rouleaux jusqu'à la lune de nisan. J'étais à Silo quand tu as parlé,[2] et je t'ai suivi à Lébona et à Sichem, et je t'ai attendu àJéricho car j'avais su que tu..." Il s'arrête à l'improviste comme s'il s'apercevait qu'il dit quelque chose qu'il devait taire.
Jésus sourit doucement et dit : "La vérité jaillit impétueusement des lèvres véridiques et souvent dépasse les digues que la prudence met devant la bouche, mais je vais achever ta pensée... "parce que tu avais su par Judas de Kériot resté à Sichem que j'allais à Jéricho pour retrouver mes disciples et leur donner mes ordres". Et tu y es allé pour m'attendre, sans te préoccuper d'être vu, de perdre du temps, et de manquer auprès de ton maître Gamaliel."
"Il ne me le reprochera pas quand il saura que j'ai tardé pour te suivre. Je lui porterai en cadeau tes paroles..."
"Oh ! le Rabbi Gamaliel n'a pas besoin de paroles. C'est le rabbi sage d'Israël !"
"Oui. Nul autre rabbi ne peut lui enseigner rien de ce qui est ancien, rien, parce qu'il sait tout de l'ancien. Mais Toi, oui. Car tu as des paroles nouvelles pleines de la fraîche vie de ce qui est nouveau. C'est comme la sève du printemps ta parole. C'est le rabbi Gamaliel qui le dit, en ajoutant que les sagesses désormais couvertes par la poussière des siècles, et par conséquent desséchées et opaques, redeviennent vivantes et lumineuses quand ta parole les explique. Oh ! Je lui porterai tes paroles."
"Et mon salut. Dis-lui qu'il ouvre son cœur, son intelligence, sa vue, son ouïe; et que la question qu'il a posée il y a plus de deux fois dix ans aura une réponse.[3] Va ! Que Dieu soit avec toi."
Le jeune homme se penche de nouveau pour baiser les pieds du Maître et il s'en va.
Les serviteurs peuvent fermer définitivement le portail et Jésus peut rejoindre ses amis.
"Je me suis permis d'inviter ici, pour demain, les femmes disciples" dit Jésus en se mettant à côté de Lazare et en posant son bras sur ses épaules.
"Tu as bien fait, Seigneur. Ma maison est à Toi, tu le sais. Ta Mère a préféré habiter dans la maison de Simon et j'ai respecté son désir. Mais j'espère que tu resteras sous mon toit."
"Oui, bien que... c'est ton toit aussi l'autre maison. Une de tes premières générosités pour Moi et pour mes amis. De combien j'ai profité, mon ami !"
"Et j'espère que tu pourras en profiter encore pendant longtemps, bien que ce mot soit erroné, Maître sage. Ce n'est pas moi qui suis généreux pour Toi car moi, je reçois de Toi. Je suis ton débiteur. Et si devant les trésors que tu m'as donnés, je dépose une piécette pour Toi, qu'est donc mon misérable cadeau, en comparaison de tes trésors ? "Donnez et il vous sera donné" as-tu dit. "Une mesure foulée et tassée sera versée dans votre sein, et vous aurez le centuple de ce que vous avez donné".[4] Tu l'as dit. Moi j'ai eu le centuple du centuple au moment où je ne t'avais encore rien donné. Oh ! je me rappelle notre première rencontre ! Toi, Seigneur et Dieu que sont indignes d'approcher les séraphins, tu es venu vers moi qui étais seul et affligé... renfermé ici dans ma tristesse, vers l'homme qui était Lazare que tous fuyaient si j'excepte Joseph et Nicodème et mon fidèle ami Simon, qui dans sa tombe de vivant ne cessait pas de m'aimer... Tu n'as pas voulu que ma joie de te voir fût troublée par les éclaboussures corrosives du mépris du monde... Notre première rencontre ! [5] Je pourrais te dire toutes tes paroles d'alors... Que t'avais-je donné alors, quand je ne t'avais jamais vu, pour avoir de Toi, tout de suite, le centuple du centuple ?"
"Tes prières au Très-Haut, notre Père. Le nôtre, Lazare. Le mien, le tien. Le mien comme Verbe et comme Homme. Le tien comme homme. Quand tu priais avec tant de foi, ne me donnais-tu pas déjà tout toi-même ? Tu vois donc que je t'ai donné, comme il est juste, le centuple de ce que tu m'as donné."
"Ta bonté est infinie, Maître et Seigneur. Tu récompenses à l'avance et avec une divine générosité ceux que ta pensée connaît pour tes serviteurs, avant encore qu'ils sachent qu'ils le sont."
"Mes amis, pas mes serviteurs. Car en vérité, ceux qui font la volonté de mon Père et suivent la Vérité qu'il a envoyée, sont mes amis et non plus mes serviteurs. Davantage encore : ce sont mes frères, accomplissant la volonté du Père comme Moi je l'ai accomplie le premier. Celui donc qui fait ce que je fais est mon ami parce que seul l'ami fait spontanément ce que fait son ami."
"Qu'il en soit toujours ainsi entre Toi et moi, Seigneur. Quand vas-tu dans la ville ?"
"Le lendemain matin du sabbat."
"Je viendrai moi aussi."
"Non. Tu ne viendras pas avec Moi. Je te dirai. J'ai d'autres choses à te demander..."
"A tes ordres, Maître. Moi aussi j'ai à te parler..."
"Nous allons parler."
"Préfères-tu que nous fassions le sabbat entre nous, ou bien puis-je inviter les amis communs ?"
"Je te prierais de ne pas faire d'invitations. J'ai un vif désir de passer ces heures dans l'amitié prudente et paisible de vous seuls, sans contraintes de pensées ou de formes.
Dans la douce liberté de celui qui est au milieu d'amis si chers qu'il se sent, parmi eux, comme s'il était dans sa maison."
"Comme tu veux, Seigneur. Et même... c'est ce que je désirais, mais il me semblait que c'était de l'égoïsme envers mes amis. Tous inférieurs à Toi pour l'amitié, à Toi, seul Ami, mais toujours chers.
Mais si c'est ce que tu veux... Tu es peut-être fatigué, Seigneur, ou préoccupé..." Lazare interroge davantage par son regard que par ses paroles son Ami et Maître qui ne lui répond pas autrement que par la lumière de ses yeux un peu tristes, un peu absorbés, par le faible sourire sur ses lèvres.
Ils sont restés seuls près du bassin où chante le jet d'eau... Les autres sont tous rentrés dans la maison où on entend des voix et un bruit de vaisselle...
Marie de Magdala deux ou trois fois sort sa tête blonde hors de la porte cachée par un lourd rideau qui ondule légèrement au vent. Le vent augmente alors que le ciel se couvre de nuages déchiquetés, de plus en plus sombres.
Lazare lève la tête pour scruter le ciel. "Nous allons peut-être avoir un orage dit-il. Et il ajoute : "Il servira à ouvrir les bourgeons rebelles qui ont beaucoup de retard cette année... Peut-être ce sont les froids tardifs qui ont retardé les bourgeons. Mes amandiers aussi ont souffert et beaucoup de fruits sont perdus. Joseph me disait que son jardin en dehors de la Porte Judiciaire semble tout à fait stérile cette année. Les arbres retiennent les bourgeons comme si on leur avait jeté un sort. C'est au point qu'il se demande s'il doit les laisser ou les vendre pour le bois. Rien. Pas une fleur. Comme ils étaient au mois de tébeth, ils sont maintenant. Les têtes des bourgeons, durs, serrés, n'en finissent plus de gonfler. Il est vrai que le vent du nord frappe dur en cet endroit et il a donné beaucoup cet hiver. Même mon jardin au-delà du Cédron a eu ses fruits abîmés. Mais il est si étrange le phénomène du jardin de Joseph, que beaucoup de gens vont voir cet endroit qui ne veut pas se réveiller au printemps."
Jésus sourit...
"Tu souris ? Pourquoi ?"
"A cause de la puérilité de ces éternels enfants que sont les hommes. Tout ce qui paraît étrange les fascine... Mais le verger fleurira. Au bon moment."
"Ce moment est déjà passé, Seigneur. Quand donc, à la lune de nisan, des tas d'arbres rassemblés en un lieu ne montrent-ils pas qu'ils ont fleuri ? Jusqu'à quand cet endroit doit-il attendre pour le faire, pour que ce soit le bon moment ?"
"Quand il y aura lieu de donner gloire à Dieu par leur floraison."
"Ah ! j'ai compris ! Tu iras là-bas bénir cet endroit par amour pour Joseph, et il fleurira pour donner une nouvelle gloire à Dieu et à son Messie par un nouveau miracle ! C'est sûr ! Tu y vas. Si je vois Joseph, puis-je le lui dire ?"
"Si tu crois devoir le dire... Oui, j'y irai..."
"Quel jour, Seigneur ? Je voudrais y être moi aussi."
"Es-tu toi aussi un éternel enfant ?" Jésus sourit plus vivement en hochant la tête avec bonhomie devant la curiosité de l'ami qui s'écrie : "Oh ! Je suis heureux de t'avoir réjoui, Seigneur. Je revois ton visage illuminé par un sourire que depuis longtemps je ne voyais plus ! Alors... je viens ?"
"Non, Lazare. Pour la Parascève tu me seras nécessaire ici."
"Oh ! mais à la Parascève on ne s'occupe que de la Pâque ! Toi... Maître, pourquoi veux-tu faire une chose que l'on te reprochera ? Va là-dedans un autre jour..."
"Je serai contraint d'aller là-dedans précisément à la Parascève. Mais je ne serai pas le seul à faire des choses qui ne sont pas une préparation à la Pâque ancienne. Même les plus rigoureux d'Israël : un Elchias, un Doras, Simon, Sadoc, Ismaël et jusqu'à Caïphe et Anna feront des choses tout à fait nouvelles..."
"Israël devient donc fou ?!"
"Tu l'as dit."
"Mais Toi... Oh ! voilà qu'il pleut. Entrons dans la maison, Maître... Moi... je suis préoccupé... Tu ne vas pas m'expliquer..."
"Si. Avant de te quitter, je te dirai... Voici ta sœur qui a peur de l'eau pour nous et accourt avec une toile épaisse... Oh ! Marthe ! Toujours prudente et active. Mais il ne pleut pas beaucoup."
"Ma sœur chérie ! Ou plutôt : mes sœurs... Maintenant elles sont toutes les deux comme deux tendres fillettes, ignorantes de toute malice, Marie, comme elle. Et quand Marie est venue de Jéricho, avant hier, elle paraissait vraiment une fillette, avec ses tresses qui lui retombaient sur les épaules, car elle avait vendu ses épingles à cheveux pour procurer des sandales à un jeune garçon, et les épingles de fer, trop flexibles, n'arrivaient pas à tenir en place sa coiffure. Elle riait en descendant du char et me disait : "Mon frère, j'ai appris ce que c'est que de devoir vendre pour acheter, et comme elles sont difficiles au pauvre même les choses les plus simples, comme de tenir les cheveux en place avec des épingles à vingt pour une didrachme. Mais je m'en souviendrai pour être encore plus miséricordieuse à l'avenir pour les pauvres". Comme tu l'as changée, Seigneur !"
Celle dont ils parlent, en mettant le pied dans la maison, est déjà toute prête, avec des amphores et des bassins pour servir le Seigneur. Elle ne cède à personne l'honneur de le servir et elle n'est pas satisfaite avant d'avoir restauré les membres et l'appétit de son Maître et de le voir aller avec des sandales fraîches vers la pièce qui Lui est destinée et où sa Mère l'attend avec un frais vêtement de lin tout parfumé par le soleil..
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Source : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-042.htm
TOME : 8 / 42
https://lepeupledelapaix.forumactif.com/t18376-oeuvre-de-maria-valtorta-presentation-des-disciples-de-jesus
Béthanie , le village du temps de Jésus
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Le vendredi d'avant l'entrée à Jérusalem :
1. Jésus et Judas de Kériot
"Vous pouvez aller, comme bon vous semble, où vous désirez. Aujourd'hui je reste ici avec Judas et Jacques. Les femmes disciples doivent venir" dit Jésus à ses apôtres rassemblés autour de Lui sous le portique de la maison. Et il ajoute : "Faites en sorte, pourtant, d'être tous ici avant le coucher du soleil. Et soyez prudents. Cherchez à passer inaperçus pour éviter des représailles sur vous."
"Oh ! Moi je reste, vraiment. Que ferais-je à Jérusalem ?" dit Pierre.
"Moi, j'irai, au contraire. Mon père m'attend certainement. Il veut offrir le vin. C'est une vieille promesse, mais tenue comme toujours, car mon père est un homme honnête. Vous verrez quel vin au banquet pascal ! Les vignes de mon père à Rama ! Célèbres dans la zone" dit Thomas.
"Les vins de Lazare sont excellents aussi. Je n'ai pas oublié le banquet des Encénies..."[1]dit Matthieu involontairement gourmand.
"Et alors demain, plus que jamais, tu te rafraîchiras la mémoire, car je crois que demain Lazare commande un grand banquet. J'ai vu certains préparatifs..." dit Jacques de Zébédée.
"Oui ? Est-ce que d'autres viendront ?" demande André.
"Non. Je l'ai demandé à Maximin. Il m'a dit que non."
"Ah ! Autrement j'aurais mis le vêtement neuf que mon épouse m'a envoyé" dit Philippe.
"Moi, je le ferai. Je voulais le mettre pour la Pâque. Mais je le mettrai demain. Nous serons sûrement plus tranquilles ici, demain, que dans quelques jours..." dit Barthélemy et il s'interrompt, pensif.
"Moi, je m'habille à neuf pour l'entrée dans la ville. Et Toi, Maître ?" demande Jean.
"Moi aussi. Je mettrai le vêtement teint de pourpre."
"Tu ressembleras à un roi !" dit avec admiration le préféré qui le voit déjà, par la pensée, dans son vêtement splendide...
"Mais si je n'avais pas été là pour y penser ! Cette pourpre, c'est moi qui l'ai procurée, il y a des années[2]..." se vante l'Iscariote.
"Vraiment ? Oh ! on n'y avait pas pensé... Le Maître est toujours si humble..."
"Trop. Maintenant c'est le moment qu'il soit Roi. Assez attendu ! S'il n'est pas un roi sur un trône, qu'au moins, à cause de sa dignité, il ait des vêtements conformes à son rang. Moi, je pense à tout."
"Tu as raison, Judas. Toi, tu es du monde. Nous... nous sommes de pauvres pêcheurs..." disent humblement ceux du lac... Et comme il arrive toujours dans la lumière du monde, dans la lumière fausse, crépusculaire du monde, le bas alliage de métal de Judas semble un métal plus noble que l'or grossier, mais pur, sincère, honnête des cœurs galiléens...
Jésus qui parlait avec le Zélote et avec les fils d'Alphée, se retourne et regarde l'Iscariote et il regarde ces hommes honnêtes, si humbles et si mortifiés d'être si... déficients en comparaison de Judas... et il hoche la tête sans parler. Mais voyant que l'Iscariote serre les lacets de ses sandales et ajuste son manteau, comme s'il allait se mettre en route, il lui demande : "Où vas-tu ?"
"À la ville."
"J'ai dit que je te retiens avec Jacques..."
"Ah ! je croyais que tu parlais de Jude, ton frère... Alors... moi... je suis comme un prisonnier... Ah ! Ah !" Il a un mauvais rire.
"Béthanie n'a pas de chaînes ni de barreaux, je crois. Elle a seulement le désir de ton Maître, et je serais heureux d'être son prisonnier" observe le Zélote.
"Oh ! bien sûr ! Je plaisantais... C'est que... je voudrais avoir des nouvelles de ma mère. Certainement les pèlerins de Kériot sont arrivés et..."
"Non. Dans deux jours, nous serons tous à Jérusalem. Maintenant tu restes ici" dit Jésus d'un ton autoritaire.
Judas n'insiste pas. Il enlève son manteau en disant : "Et alors qui va à la ville ? Il serait bien de connaître l'humeur des gens... Ce que font les disciples... Je voulais aussi aller pour me rendre compte auprès des amis... Je l'avais promis à Pierre..."
"Peu importe, reste ici. Rien n'est nécessaire de ce que tu dis. Rien n'est strictement nécessaire..."
"Mais si Thomas y va..."
"Maître, moi aussi je voudrais aller, car je l'ai promis, moi aussi. J'ai des amis chez Anna et..." dit Jean.
"Et tu irais là, mon fils ? Et s'ils te prennent ?" demande Salomé qui s'est approchée.
"S'ils me prennent ? Qu'ai-je fait de mal ? Rien. Je ne dois donc pas craindre le Seigneur, Par conséquent, même s'ils me prennent, je ne craindrai pas."
"Oh ! le lionceau fanfaron ! Tu ne trembleras pas ? Mais tu ne sais pas comme ils nous haïssent ? C'est la mort, sais-tu, s'ils nous prennent ?" dit l'Iscariote pour l'effrayer.
"Et toi, alors, pourquoi veux-tu y aller ? As-tu l'impunité, par hasard ? Qu'as-tu fait pour l'avoir ? Dis-le moi, et je le ferai."
Judas fait un geste de peur et de colère, mais il est si limpide le visage de Jean que le traître se rassure. Il comprend qu'il n'y a pas de piège, ni de soupçon dans ces paroles, et il dit : "Je n'ai rien fait. Mais j'ai quelques bons amis auprès du Proconsul, et donc..."
"Bien ! Qui veut venir, qu'il vienne, puisqu'il ne pleut plus. On perd du temps ici, et à sexte peut-être il pleuvra de nouveau. Que celui qui veut venir se dépêche" exhorte Thomas.
"J'y vais, Maître ?" demande Jean.
"Va."
"Voilà ! Toujours la même chose. Lui, oui; les autres, oui; moi, non. Toujours non !"
"Je chercherai à avoir des nouvelles de ta mère" dit Jean pour le calmer.
"Et moi aussi. Je viens avec toi et Thomas" dit le Zélote. Et il ajoute : "Mon âge sera un frein pour les jeunes, Maître. Et je connais bien ceux de Kériot. Si j'en vois quelqu'un, je vais le trouver. Je t'apporterai des nouvelles de ta mère, Judas. Sois bon ! Sois tranquille ! C'est Pâque, Judas. Tous nous sentons la paix de cette fête, la joie de cette solennité. Pourquoi veux-tu être, toi seul, toujours si inquiet, si sombre, mécontent, sans paix ? Pâque, c'est le passage de Dieu... Pâque, c'est pour nous hébreux la fête de la libération d'un joug dur. Nous en a libérés Dieu Très-Haut. Maintenant, comme on ne peut pas répéter l'événement ancien, il reste son symbole, individuel... Pâque : libération des cœurs, purification, baptême, si tu veux, avec le sang de l'agneau pour que les forces ennemies ne fassent plus de mal à celui qui en a la marque. C'est si beau de commencer l'année nouvelle par cette fête de purification, de libération, d'adoration à Dieu notre Sauveur... Oh ! excuse-moi, Maître ! J'ai parlé quand j'aurais dû me taire car tu es ici pour corriger nos cœurs..."
"C'est ce que je pensais, moi aussi, Simon. Exactement la même chose : que maintenant j'ai deux maîtres au lieu d'un, et cela me paraissait trop" dit l'Iscariote irascible.
Pierre... Oh ! Pierre cette fois ne peut se contenir, et il décoche : "Et si tu n'en finis pas, bientôt tu vas en avoir un troisième, et ce sera moi. Et je te jure que j'aurai des arguments plus persuasifs que des paroles."
"Tu lèverais la main sur un compagnon ? Après tant d'efforts pour tenir au fond le vieux galiléen, ta vraie nature revient donc à la surface ?"
"Elle ne vient pas à la surface. Elle a toujours été claire en surface. Je n'use pas de feinte, moi. Mais c'est que pour les ânes sauvages comme toi, il n'y a qu'un argument pour les dompter : les coups. Tu devrais avoir honte d'abuser de sa bonté et de notre patience ! Viens, Simon ! Viens, Jean ! Viens, Thomas ! Adieu, Maître. Je m'éloigne moi aussi, car si je reste... non, vive Dieu, c'est que je ne me retiens plus" et Pierre saisit son manteau qui était sur un siège et se le met en toute hâte, si agité qu'il ne voit pas qu'il met le haut en bas, et Jean doit l'avertir de l'erreur et l'aider à s'habiller comme il faut, et il s'éloigne brusquement en frappant le sol de son pied pour décharger un peu sa colère. Il semble un petit taureau emballé.
Les autres... oh ! les autres sont comme des livres ouverts sur lesquels ont peut lire ce qui est écrit. Barthélemy lève son visage effilé de vieillard vers le ciel encore orageux et il semble étudier les vents pour ne pas avoir à étudier les visages : trop affligé celui du Christ, trop perfide celui de l'Iscariote. Matthieu et Philippe regardent le Thaddée dont les yeux, semblables à ceux de Jésus, brillent de colère, et une même pensée s'empare d'eux : ils le prennent entre eux deux et le poussent dehors vers l'allée intérieure qui mène à la maison de Simon en lui disant : "Ta mère avait besoin de nous pour ce travail. Viens toi aussi, Jacques de Zébédée" et ils entraînent aussi le fils de Salomé. André regarde Jacques d'Alphée et Jacques le regarde : deux visages qui reflètent la même souffrance contenue et qui, ne sachant que dire, se prennent par la main comme deux enfants et s'éloignent tristement. Des femmes disciples, il n'y a que Salomé qui n'ose pas bouger ni parler, mais qui aussi ne sait pas se décider à s'éloigner comme si elle voulait par sa présence freiner d'autres paroles de l'apôtre indigne. Heureusement personne n'est présent de la famille de Lazare. Marie très Sainte aussi est absente.
Judas se voit seul avec Jésus et Salomé. Il ne veut pas être avec eux, et il leur tourne le dos pour s'éloigner vers le pavillon des jasmins.
Jésus le regarde partir, le surveille. Il voit qu'après avoir feint de s'asseoir dans le pavillon, Judas se glisse en douce au dehors par l'arrière et s'enfonce dans les haies de roses, de lauriers et de buis qui séparent le vrai jardin du terrain des aromates, là où sont les ruches. De là, on peut sortir par une des portes secondaires, ouvertes dans les murs du vaste jardin, un vrai parc qui de deux côtés se termine en haies très hautes, doubles comme une avenue, ouvertes çà et là sur des grilles qui donnent accès aux prés, aux champs, aux vergers et aux oliveraies, et aussi à la maison de Simon, qui continuent le jardin dans les domaines, en les tenant à la fois unis et séparés. Sur les deux autres côtés, il a des murailles puissantes, ouvertes sur deux routes : une secondaire et une maîtresse où débouche la première qui, coupant Béthanie, continue vers Bethléem.
Jésus se dresse autant qu'il peut et se déplace quand il le faut et ses yeux flamboient quand ils regardent ce que fait l'Iscariote. Marie Salomé les voit et se rend compte. Bien que sa petite taille l'empêche de voir, elle se rend compte de ce qui arrive vers la limite du parc, et elle murmure : "Aie pitié de nous, Seigneur !"
Jésus entend ce soupir et se tourne un instant pour la regarder, cette bonne et simple disciple. Elle avait bien pu avoir une pensée d'orgueil maternel, quand elle demandait un poste d'honneur pour ses fils, mais au moins elle pouvait le faire car ce sont de bons apôtres; elle avait reçu humblement la réprimande du Maître et ne s'en était pas offensée, elle ne s'était pas éloignée de Lui, mais au contraire elle s'était rendue plus humble, plus empressée, près du Maître qu'elle suit comme son ombre quand c'est possible, dont elle étudie les moindres expressions afin de pouvoir, quand c'est possible, prévenir ses désirs et Lui faire plaisir. Et maintenant encore, la bonne et humble Salomé cherche à consoler le Maître, à apaiser le soupçon qui le fait souffrir, en disant : "Tu vois ? Il ne va pas loin. Il a jeté là son manteau et ne l'a pas repris. Il va aller à travers les prés exhaler son humeur... Jamais Judas n'irait en ville, sans être tout à fait en tenue..."
"Il y irait même nu s'il voulait y aller. Et en effet... Regarde ! Viens ici !"
"Oh ! Il cherche à ouvrir la grille ! Mais elle est fermée ! Il appelle un serviteur du rucher !"
Jésus crie à haute voix : "Judas ! Attends-moi ! Je dois te parler" et il va s'éloigner.
"Par charité, Seigneur !! Je vais appeler Lazare... ta Mère... Ne va pas seul !'
Jésus, tout en marchant rapidement, se retourne un peu et dit : "Je t'ordonne de ne pas le faire. Tais-toi, au contraire. Avec tout le monde. Si on me demande, je suis sorti avec Judas pour une course brève. Si les femmes disciples viennent, qu'elles attendent, je ne tarderai pas."
Salomé ne réagit pas, comme ne réagit pas l'Iscariote. L'une près de la maison, l'autre près de l'enceinte, ils restent là où la volonté de Jésus les a arrêtés et le regardent : l'une s'éloigner, l'autre venir.
"Ouvre la porte, Jonas. Je sors un moment avec mon disciple, et si tu restes à cet endroit ce n'est pas nécessaire que tu la refermes derrière nous. Je serai bientôt de retour" dit-il avec bonté au serviteur paysan qui était resté interdit avec la grosse clé dans les mains.
La petite porte, une lourde porte de fer, grince quand on l'ouvre comme grince la clé pour faire jouer la serrure.
"Porte qui s'ouvre rarement" dit le serviteur en souriant. "Hé ! tu t'es rouillée ! Quand on reste oisif, on se gâte... La rouille, la poussière.., les gamins... C'est comme pour nous quand nous ne travaillons pas autour de notre âme !"
"Bravo, Jonas ! Tu as eu une sage pensée. Beaucoup de rabbis te l'envieraient."
"Oh ! ce sont mes abeilles qui me les suggèrent... et tes paroles. Vraiment ce sont tes paroles. Mais ensuite même les abeilles me le font comprendre. Car rien n'est sans voix, quand on sait comprendre. Et je me dis : si elles, les abeilles, obéissent à l'ordre de Celui qui les a créées, et ce sont des bestioles dont je ne puis savoir où elles ont le cerveau et le cœur, moi, qui ai cœur, cerveau et esprit, et qui entends le Maître, ne dois-je pas savoir faire ce qu'elles font, et travailler toujours, toujours pour faire ce que le Maître dit de faire, et rendre ainsi mon esprit beau, clair, sans rouille, sans boue, sans paille, mises dans le mécanisme par les esprits infernaux, et aussi les pierres et autres pièges ?"
"Tu parles vraiment bien. Imite tes abeilles, et ton âme deviendra un riche rucher, rempli de vertus précieuses, et Dieu viendra s'y complaire. Adieu, Jonas. La paix soit avec toi."
Il met la main sur la tête grisonnante du serviteur qui se tient penché devant Lui, et il sort sur la route pour aller vers des prés de trèfle rouge, beaux comme des tapis épais, verts et cramoisis. Sur eux, les abeilles volent de fleur en fleur, étincelles bourdonnantes.
Quand ils sont assez loin de l'enceinte pour que personne qui se trouverait dans le jardin de Lazare ne puisse entendre un mot, Jésus dit : "Tu as entendu ce serviteur ? C'est un paysan. C'est déjà beaucoup s'il peut lire quelques mots... Et pourtant... Ses paroles auraient pu être sur mes lèvres sans que ma parole de Maître parût sotte. Il sent qu'il faut veiller pour que les ennemis de l'esprit ne gâtent pas l'esprit... Moi... c'est pour cela que je te garde près de Moi, et tu me hais à cause de cela ! Je veux te défendre d'eux et de toi-même, et tu me hais. Je te fournis le moyen de te sauver, tu peux le faire encore, et tu me hais. Je te le dis encore une fois : éloigne-toi, Judas, va au loin. N'entre pas à Jérusalem. Tu es malade. Ce n'est pas un mensonge de dire que tu es si malade que tu ne peux pas participer à la Pâque. Tu feras la supplémentaire. Il est permis par la Loi de faire la Pâque supplémentaire quand la maladie ou autre grave raison empêchent de faire la Pâque solennelle. Je prierai Lazare — c'est un ami prudent et il ne te demandera rien — de te conduire aujourd'hui même au-delà du Jourdain."
"Non. Je t'ai dit de nombreuses fois de me chasser. Tu n'as pas voulu. Maintenant, c'est moi qui ne veux pas."
"Tu ne veux pas ? Tu ne veux pas te sauver ? Tu n'as pas pitié de toi-même ? Pas pitié de ta mère ?"
"Tu devrais me dire: "Tu n'as pas pitié de Moi ?" Tu serais plus sincère."
"Judas, mon malheureux ami, ce n'est pas pour Moi que je t'en prie. C'est pour toi, pour toi que je t'en prie. Regarde ! Nous sommes seuls, toi et Moi seuls. Tu sais qui je suis; je sais qui tu es. C'est le dernier moment de grâce qui nous est encore accordé pour empêcher ta ruine... Oh ! ne ricane pas ainsi sataniquement, mon ami. Ne te moque pas de Moi comme si j'étais fou parce que je dis : "ta ruine" et non la mienne. La mienne n'est pas une ruine. La tienne, si... Nous sommes seuls : toi et Moi, et au-dessus de nous, il y a Dieu... Dieu qui ne te hait pas encore, Dieu qui assiste à cette lutte suprême entre le Bien et le Mal qui se disputent ton âme. Au-dessus de nous, il y a l'Empyrée[3] qui nous observe, cet Empyrée qui bientôt se remplira de saints. Déjà ils tressaillent d'avance, dans le lieu où ils attendent, parce qu'ils sentent venir la joie... Judas, parmi eux, il y a ton père..."
"C'était un pécheur. Il n'y est pas."
"C'était un pécheur, mais pas un damné. La joie s'approche donc aussi pour lui. Pourquoi veux-tu lui donner une douleur dans sa joie ?"
"Il est hors de la douleur. Il est mort."
"Non. Il n'est pas hors delà douleur de te voir toi coupable, toi... oh ! ne m'arrache pas ce mot !..."
"Mais oui ! Mais oui ! Dis-le ! Moi je me le dis depuis des mois ! Je suis damné, je le sais. Rien ne peut plus changer."
"Tout ! Judas, je pleure. Les dernières larmes de l'Homme, tu veux donc les faire gémir, toi ?... Judas, je t'en prie. Réfléchis, ami : à ma prière, acquiesce le Ciel, et toi, et toi... Me laisseras-tu prier en vain ? Réfléchis qui est devant toi, en prière : le Messie d'Israël, le Fils du Père... Judas, écoute-moi !... Arrête-toi, tant que tu le peux ! ..."
"Non !"
Jésus se couvre le visage de ses mains et se laisse tomber au bord du pré. Il pleure sans bruit, mais il pleure beaucoup. Ses épaules sursautent dans ses sanglots profonds...
Judas le regarde là, à ses pieds, brisé, en larmes, et à cause de son désir de le sauver... et il a un moment de pitié. Il dit, en déposant le ton dur, de vrai démon, qu'il avait avant : "Je ne puis aller... J'ai donné ma parole..."
Jésus lève son visage déchiré pour l'interrompre : "À qui ? À qui ? À de pauvres hommes ! Et tu t'occupes d'eux, de leur paraître déshonoré ? Et ne t'étais-tu pas donné toi-même à Moi depuis trois ans ? Et tu penses aux commentaires d'une poignée de malfaiteurs et non au jugement de Dieu ? Oh ! Mais que dois-je faire, Ô Père, pour ressusciter en lui la volonté de ne pas pécher ?" Il baisse de nouveau la tête, découragé, déchiré... Il semble déjà le Jésus souffrant de l'agonie du Gethsémani.
Judas en a pitié, et il dit : "Je reste. Ne souffre pas ainsi ! Je reste... Aide-moi à rester ! Défends-moi !"
"Toujours ! Toujours, pourvu que tu le veuilles. Viens. Il n'est pas de faute à laquelle je ne compatisse et que je ne pardonne. Dis : "Je le veux". Et je t'aurai racheté..."
Se relevant, il l'a pris dans ses bras. Mais si les pleurs de Jésus-Dieu tombent dans les cheveux de Judas, la bouche de Judas reste fermée. Il ne dit pas la parole demandée. Il ne dit même pas "pardon" quand Jésus murmure dans ses cheveux : "Tu vois si je t'aime ! J'aurais dû te faire des reproches ! Je t'embrasse. J'aurais le droit de te dire : "Demande pardon à ton Dieu" et je te demande seulement d'avoir le désir du pardon. Tu es si malade ! On ne peut demander beaucoup à quelqu'un qui est très malade. À tous les pécheurs qui sont venus me trouver, j'ai demandé le repentir absolu pour pouvoir leur pardonner. À toi, mon ami, je demande seulement le désir de te repentir et puis... Moi, j'agirai."
Judas se tait...
Jésus le laisse aller. Il dit : "Reste au moins ici jusqu'au lendemain du sabbat."
"Je resterai... Revenons à la maison. On va remarquer notre absence. Peut-être les femmes t'attendent. Elles sont meilleures que moi, et tu ne dois pas les négliger à cause de moi."
"Tu ne te rappelles pas la parabole de la brebis égarée ? C'est toi, celle-là... Elles, les disciples, ce sont les bonnes brebis enfermées au bercail. Elles ne sont pas en danger, même si je cherche ton âme toute la journée pour la ramener au bercail..."
"Mais oui ! Mais oui ! Voilà ! Je reviens au bercail ! Et je vais me renfermer dans la bibliothèque de Lazare, pour lire. Je ne veux pas qu'on me dérange. Je ne veux rien voir, ni rien savoir. Ainsi... tu ne me soupçonneras pas toujours. Et si quelque chose de ce qui arrive est rapporté au Sanhédrin, tu devras chercher les serpents parmi tes préférés. Adieu ! J'entre par la grille principale. Ne crains pas. Je ne m'enfuis pas. Tu peux venir vérifier quand tu veux" et tournant le dos, il s'en va à grands pas.
Jésus, altesse blanche dans son vêtement de lin au bord du pré vert rouge, lève les bras vers le ciel serein, lève son visage tout affligé et lève son âme vers son Père, en gémissant : "Oh ! mon Père ! Et pourras-tu peut-être m'accuser d'avoir laissé quelque chose capable de le sauver ? Tu sais que c'est pour son âme, non pour ma vie, que je lutte pour empêcher son crime... Père ! Mon Père ! Je t'en supplie ! Hâte l'heure des ténèbres, l'heure du Sacrifice, car il est pour Moi trop atroce de vivre près de l'ami qui ne veut pas être racheté... La plus grande douleur !" et Jésus s'assoit dans le trèfle touffu, élevé, très beau. Il incline la tête sur ses genoux relevés et enserrés de ses bras et il pleure...
Oh ! je ne puis voir ces pleurs ! Ils rappellent déjà trop en désolation, en solitude, en persuasion que le Ciel ne fera rien pour le consoler, et qu'il devra souffrir cette douleur, ces pleurs du Gethsémani. Et cela me fait trop mal...
Jésus pleure longuement dans l'endroit solitaire, silencieux. Témoins de ses pleurs les abeilles d'or, le trèfle odorant qui remue lentement sous le souffle du vent d'orage, et les nuages qui, au début du matin étaient comme un léger filet sur le ciel bleu et qui maintenant se sont épaissis, obscurcis, amoncelés annonçant qu'il va pleuvoir de nouveau.
Jésus cesse de pleurer. Il lève la tête pour écouter... Un bruit de roues et de grelots arrive de la route principale et puis le bruit des roues cesse, mais pas celui des grelots. Jésus dit : "Allons ! Les disciples... Elles sont fidèles... Mon Père, qu'il soit fait comme Tu veux ! Je t'offre le sacrifice de ce désir de Sauveur et d'Ami. C'est écrit ! Lui l'a voulu. C'est vrai. Laisse-moi pourtant, ô mon Père, continuer mon travail pour lui jusqu'à ce que tout soit fini. Et dès maintenant je te dis : Père, quand je prierai pour les pécheurs, victime désormais impuissante pour toute action directe, Père, Toi prends ma souffrance et force par elle sur l'âme de Judas. Je sais que je te demande une chose que la Justice ne peut accorder. Mais c'est de Toi que la Miséricorde et l'Amour sont venus, et Tu les aimes eux qui viennent de Toi et qui sont Une seule Chose avec Toi, Dieu Un et Trin, saint et béni. Je me donnerai Moi-même à mes bien-aimés en nourriture et en boisson. Père, mon Sang et ma Chair devront donc être condamnation pour l'un d'eux ? Père, aide-moi ! Un germe de repentir en ce cœur !... Père, pourquoi t'éloignes-tu ? Tu t'éloignes déjà de ton Verbe qui prie ? Père, c'est l'heure, je le sais. Que soit faite ta volonté bénie !
Mais laisse à ton Fils, à ton Christ, en qui par un impénétrable décret diminue à cette heure la vision assurée de l'avenir — et je ne te dis pas que de ta part c'est cruauté, mais pitié pour Moi — laisse en Moi l'espoir de le sauver encore. Oh ! mon Père. Je le sais. Je l'ai su depuis que je suis. Je l'ai su depuis que non seulement Verbe, mais Homme, je suis venu ici sur la Terre. Je l'ai su depuis que j'ai rencontré l'homme dans le Temple... Je l'ai toujours su... Mais maintenant... Oh ! grande pitié de ta part, ô Père très Saint ! il me semble que ce soit un horrible rêve suscité par son comportement mais que ce n'est pas inéluctable... et que je puisse espérer encore, encore, toujours, car infinie est ma souffrance, et infini sera le Sacrifice, et que je puisse, même pour lui, quelque chose... Ah ! je délire ! C'est l'Homme qui veut avoir cet espoir ! Le Dieu qui est dans l'Homme, le Dieu fait Homme, ne peut se faire d'illusions ! Se dissipent les nuées légères qui me cachaient pour un moment l'abîme, l'abîme déjà ouvert pour prendre celui qui a préféré les Ténèbres à la Lumière... Pitié quand tu me le caches ! Pitié quand tu me le montres, maintenant que tu m'as réconforté. Oui, Père, même cela ! Tout ! Et je serai Miséricorde jusqu'à la fin car telle est mon Essence."
Il prie encore, d'une prière muette, les bras en croix, et son visage tourmenté s'apaise de plus en plus en prenant un aspect de paix auguste. Il devient presque lumineux, d'une lumière de joie intérieure, bien qu'il n'y ait pas de sourire sur ses lèvres serrées. C'est la joie de son esprit, en communion avec le Père, qui passe hors des voiles de la chair et efface les marques que la douleur a creusées et peintes sur le visage amaigri et spiritualisé qui est venu de plus en plus au Maître à mesure qu'il est entré dans la douleur et qu'il s'est approché du sacrifice. Ce n'est déjà plus un visage de la Terre, le visage du Christ dans les derniers temps de sa vie mortelle, et aucun artiste ne serait capable de nous donner, même si le Rédempteur se montrait à l'artiste, ce visage d'Homme-Dieu dégagé avec une beauté surnaturelle par le ciseau de l'amour et de la douleur parfaits et complets.
Jésus est de nouveau à la porte de l'enceinte, il entre, la ferme avec le verrou et il s'avance vers la maison. Le serviteur de tout à l'heure le voit et court Lui prendre la grosse clé que Jésus a dans les mains.
Il avance et rencontre Lazare : "Maître, les femmes sont venues. Je les ai faites entrer dans la salle blanche car dans la bibliothèque il y a Judas qui lit et qui est souffrant."
"Je le sais. Merci pour les femmes. Sont-elles nombreuses ?"
"Jeanne, Nique, Élise et Valeria avec Plautina et une autre amie ou affranchie, je ne sais, qui a nom Marcella, et une vieille femme qui dit qu'elle te connaît : Anne de Méron, et puisAnnalia, et avec elle une autre jeune fille qui s'appelle Sara. Ta Mère et les sœurs sont avec les femmes disciples,"
"Et ces voix enfantines ?"
"Anne a amené ses petits-enfants, Jeanne ses enfants, Valeria la sienne. Je les ai conduits dans la cour intérieure..."
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-043.htm
TOME : 8/43
Judas de Kériot
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Le vendredi d'avant l'entrée à Jérusalem :
2. Jésus et les femmes disciples
La belle salle - une de celles qui servent aux banquets, avec ses murs blancs et aussi son plafond, ses lourds rideaux blancs, et de même les tapisseries qui recouvrent les sièges, les plaques de mica ou d'albâtre qui remplacent les vitres aux fenêtres et laissent passer la lumière - elle est remplie par le babillage des femmes.
Une quinzaine de femmes qui parlent entre elles, ce n'est pas une petite affaire. Mais dès que Jésus paraît sur le seuil en déplaçant le lourd rideau, il se fait un silence absolu, alors que toutes se lèvent et s'inclinent avec le plus grand respect.
"La paix à vous toutes, dit Jésus avec un doux sourire... De la tempête de douleur qui vient juste de cesser[1], il n'y a aucune trace sur son visage, qui est serein, lumineux, paisible comme si rien de pénible n'était arrivé ou sur le point d'arriver, avec une pleine conscience de sa part.
"Paix à Toi, Maître. Nous sommes venues. Tu as envoyé dire : "avec autant de femmes qu'il y en a chez Jeanne" et je t'ai obéi. Élise était chez moi. Je la garde avec moi ces jours-ci. Et chez moi se trouvait celle qui dit te suivre. Elle était venue s'informer de Toi car on n'ignore pas que je suis ta fidèle disciple. Et Valeria aussi est avec moi, dans ma maison, depuis que je suis dans mon palais. Avec Valeria, il y avait Plautina, venue lui rendre visite. Avec elles était celle-ci. Valeria t'en parlera. Plus tard est venue Annalia, avertie de ton désir, et cette jeune fille, sa parente, je crois. Nous nous sommes arrangées pour venir, et nous n'avons pas oublié Nique. C'est si beau de se sentir sœurs dans une seule foi en Toi... d'espérer que celles qui en sont encore à un amour naturel pour le Maître, montent plus haut, comme a fait Valeria" dit Jeanne en regardant par en dessous Plautina qui... en est restée à l'amour naturel...
"Les diamants se forment lentement, Jeanne. Il faut des siècles de feu caché... Il ne faut pas être pressé, jamais... Et ne jamais se décourager, Jeanne..."
"Et quand un diamant redevient... cendre ?"
"C'est signe que ce n'était pas encore un diamant parfait. Il faut encore de la patience et du feu. Recommencer derechef, en espérant dans le Seigneur. Ce qui semble un échec la première fois, se change souvent en triomphe la seconde."
"Ou la troisième ou la quatrième, ou encore davantage. Moi, j'ai été un échec de nombreuses fois, mais finalement, tu as triomphé, Rabboni !" dit Marie de Magdala avec sa voix d'orgue du fond de la salle.
"Marie est contente chaque fois qu'elle peut s'humilier en rappelant le passé..." soupireMarthe qui le voudrait effacé du souvenir de tous les cœurs.
"C'est vrai, ma sœur, qu'il en est ainsi ! Je suis contente de rappeler le passé, mais non pas pour m'humilier, comme tu dis. Pour monter encore, poussée par le souvenir du mal que j'ai commis et par la reconnaissance pour Celui qui m'a sauvée. Et aussi afin que celui qui hésite pour lui-même, ou pour un être qui lui est cher, puisse reprendre courage et arriver à cette foi dont mon Maître dit qu'elle serait capable de déplacer les montagnes."
"Et tu la possèdes, heureuse que tu es ! Tu ne connais pas la crainte..." dit en soupirant Jeanne, si douce et si timide, et paraît encore l'être davantage si on la compare avec la Magdeleine.
"Je ne la connais pas. Elle n'a jamais été dans ma nature humaine. Maintenant, depuis que j'appartiens à mon Sauveur, je ne la connais même plus dans ma nature spirituelle. Tout a servi pour augmenter ma foi. Serait-il possible que quelqu'une qui est ressuscitée comme moi, et qui voit ressusciter son frère, puisse douter de rien ? Non. Rien ne me fera plus douter."
"Tant que Dieu est avec toi, c'est-à-dire que le Rabbi est avec toi... Mais Lui dit qu'il va nous quitter bientôt. Que sera alors notre foi ? Ou plutôt votre foi, car moi, je n'ai pas encore pénétré au-delà des frontières humaines..." dit Plautina.
"Sa présence matérielle ou son absence matérielle ne blessera pas ma foi. Je ne craindrai pas. Ce n'est pas de l'orgueil de ma part. C'est la connaissance de moi-même. Si les menaces du Sanhédrin devaient se réaliser... voilà : je ne craindrai pas..."
"Mais qu'est-ce que tu ne craindras pas ? Que le Juste soit juste ? Cette crainte, moi aussi je ne l'aurai pas. Nous le croyons de nombreux sages dont nous goûtons la sagesse, je dirais dont nous nous nourrissons avec la vie de leur pensée, après que depuis des siècles ils sont disparus. Mais si toi,.." insiste Plautina.
"Je ne craindrai même pas à cause de sa mort. La Vie ne peut mourir. Lazare est ressuscité, lui qui était un pauvre homme..."
"Mais ce n'est pas de lui-même qu'il est ressuscité, mais parce que le Maître a rappelé son esprit d'au-delà de la tombe. Œuvre que seul le Maître peut faire. Mais qui appellera l'esprit du Maître si le Maître est tué ?"
"Qui ? Lui. C'est-à-dire Dieu. Dieu s'est fait de Lui-même. Dieu peut se ressusciter par Lui-même."
"Dieu... oui... dans votre foi. Dieu s'est fait de Lui-même. C'est déjà difficile pour nous de l'admettre, pour nous qui savons que les dieux viennent l'un de l'autre, par suite d'amours entre dieux."
"Par suite d'amours obscènes, irréels, devrais-tu dire" l'interrompt impétueusement Marie de Magdala.
"Comme tu veux..." dit Plautina conciliante et elle va finir sa phrase, mais Marie de Magdala lui coupe la parole et dit : "Mais l'Homme ne peut se ressusciter par lui-même, veux-tu dire. Mais Lui comme il s'est fait Homme par Lui-même, car rien n'est impossible au Saint des Saints, ainsi Lui, de Lui-même se donnera le commandement de ressusciter. Tu ne peux comprendre. Tu ne connais pas les figures de notre histoire d'Israël. Lui et ses prodiges s'y trouvent. Et tout s'accomplira comme il est dit. Moi, je crois à l'avance, Seigneur. Je crois tout. Que tu es le Fils de Dieu et le Fils de la Vierge, que tu es l'Agneau du salut, que tu es le Messie très Saint, que tu es le Libérateur et le Roi universel, que ton Royaume n'aura pas de fin ni de limites, et enfin que la mort ne prévaudra pas sur Toi, car la vie et la mort, c'est Dieu qui les a crées et elles Lui sont soumises comme toutes choses. Je crois. Et si grande sera la douleur de te voir méconnu et méprisé, plus grande sera ma foi dans ton Être éternel. Je crois. Je crois à tout ce qui est dit de Toi. Je crois à tout ce que tu dis. J'ai su croire aussi pour Lazare. J'ai été la seule qui ait su obéir et croire, la seule qui ait su réagir contre les hommes et les choses qui voulaient me persuader de ne pas croire. Ce n'est qu'à la limite, près de la fin de l'épreuve, que j'ai eu une défaillance... Mais l'épreuve durait depuis si longtemps... et je ne pensais plus que même Toi, Maître béni, tu pourrais t'approcher dugolal après tant de jours de la mort... Maintenant... je ne douterai plus même si, au lieu de jours, un tombeau devrait être ouvert pour rendre la proie que depuis des mois il a en son ventre. Oh ! mon Seigneur ! Je sais qui tu es ! La fange a reconnu l'Étoile !" Marie s'est accroupie aux pieds de Jésus sur le dallage. Elle n'est plus véhémente, mais douce, et son visage tourné vers Jésus exprime l'adoration.
"Qui suis-je ?"
"Celui qui est C'est cela que tu es. L'autre chose, la personne humaine, c'est le vêtement, le vêtement nécessaire mis sur ta splendeur et sur ta sainteté pour venir parmi nous et nous sauver. Mais tu es Dieu, mon Dieu." Et elle se jette par terre pour baiser les pieds du Christ, et il semble qu'elle ne puisse détacher ses lèvres des doigts qui dépassent du long vêtement de lin.
"Lève-toi, Marie. Attache-toi toujours fortement à cette foi que tu possèdes. Et élève-la comme une étoile pendant les heures de la tempête pour que les cœurs s'y fixent, et sachent espérer, cela au moins..."
Puis il s'adresse à toutes et leur dit : "Je vous ai appelées car, dans les jours qui vont venir, nous ne pourrons nous voir que peu dans la paix. Le monde nous entourera, et les secrets des cœurs ont une pudeur plus grande que celle des corps. Je ne suis pas le Maître, aujourd'hui. Je suis l'Ami. Vous n'avez pas toutes d'espoirs ou de craintes à me dire. Mais il plaisait à toutes de me voir dans la paix encore une fois. Et je vous ai appelées vous, fleur d'Israël et du nouveau Royaume, et vous, fleur de la gentilité qui quittez le lieu des ombres pour entrer dans la Vie. Gardez cela dans votre cœur pour les jours à venir : que l'honneur que vous rendez au Roi persécuté d'Israël, à l'Innocent accusé, au Maître qu'on n'écoute pas, adoucisse ma douleur.
Je vous demande de rester très unies, vous d'Israël, vous qui êtes venues en Israël, vous qui venez vers Israël. Les unes secourront les autres. Celles dont l'esprit est plus fort secourent les plus faibles. Les plus sages secourront celles qui savent peu de choses ou même rien, et ont seulement le désir de sagesses nouvelles, de sorte que leur désir humain, grâce aux soins des sœurs plus avancées, se développe en un désir surnaturel de la Vérité. Soyez pleines de pitié les unes pour les autres. Que celles que des siècles de la loi divine ont formées dans la justice compatissent à celles que le gentilisme rend... différentes. Les habitudes morales ne se changent pas du jour au lendemain, sauf dans des cas exceptionnels dans lesquels intervient une puissance divine pour opérer le changement, afin de seconder une volonté très bonne. Ne vous étonnez pas si en celles qui viennent d'autres religions, vous voyez des arrêts dans leurs progrès et parfois même des retours sur les vieux chemins. Pensez au comportement d'Israël envers Moi et n'attendez pas des gentils la souplesse et la vertu qu'Israël n'a pas su, n'a pas voulu avoir envers le Maître.
Regardez-vous comme des sœurs, les unes pour les autres, des sœurs que le destin a réunies autour de Moi, dans ce dernier temps de ma vie mortelle... Ne pleurez pas ! Et qui vous a réunies en vous amenant de lieux différents, par conséquent avec des coutumes et des idiomes différents, qui rendent un peu difficile de se comprendre humainement. Mais, en vérité, l'amour a un langage unique, et le voici : faire ce que l'aimé enseigne et le faire pour lui donner honneur et joie. Voici que sur ce point vous pouvez vous comprendre toutes, et que celles qui comprennent davantage aident les autres à comprendre. Puis... dans l'avenir, dans un avenir plus ou moins lointain, dans des circonstances diverses, vous vous séparerez de nouveau à travers les régions de la Terre, une partie en revenant dans vos pays natals, une partie en s'en allant dans un exil qui ne leur pèsera pas car celles qui le subiront seront déjà arrivées à la perfection de vérité qui leur fera comprendre que ce n'est pas d'être conduites ici ou là qui constitue un exil de la vraie Patrie.
En effet, la vraie Patrie, c'est le Ciel. Car celui qui est dans la vérité est en Dieu et il a Dieu en lui. Il est donc déjà dans le Royaume de Dieu et le Royaume de Dieu ne connaît pas de frontières, et il ne sort pas de ce Royaume celui qui de Jérusalem se trouvera par exemple amené en Ibérie, ou en Pannonie, ou en Gaule ou en Illyrie. Vous serez toujours dans le Royaume si vous restez toujours en Jésus, ou si vous venez en Jésus. Je suis venu rassembler toutes les brebis : celles du troupeau paternel, celles des autres, et aussi celles qui n'ont pas de pasteur, sauvages, perdues plus encore que sauvages, plongées dans des ténèbres si obscures qu'elles ne leur permettent de voir même un iota, non de la loi divine, mais même de la loi morale. Peuplades inconnues qui attendent d'être connues, à l'heure fixée par Dieu pour cela, et qui ensuite viendront faire partie du troupeau du Christ. Quand ? Oh ! années ou siècles c'est la même chose pour l'Éternel ! Mais vous serez les précurseurs de celles qui iront, avec les futurs pasteurs, rassembler dans l'amour chrétien les brebis et les agneaux sauvages pour les amener dans les pâturages divins.
Et que votre premier champ d'expérience ce soit ces lieux. La petite hirondelle qui soulève son aile pour voler ne se jette pas tout de suite dans la grande aventure. Elle essaie son premier vol depuis l'avant-toit jusqu'à la vigne qui ombrage la terrasse, puis elle revient à son nid et de nouveau se lance à une terrasse au-delà de la sienne, et elle revient. Et puis de nouveau plus loin... jusqu'à ce qu'elle sente que devient fort le nerf de l'aile et sûre son orientation, et alors elle joue avec les vents et les espaces et elle va et vient en gazouillant, à la poursuite des insectes, en effleurant l'eau, en remontant vers le soleil, jusqu'à ce qu'au bon moment elle ouvre avec assurance ses ailes pour voler longuement vers les pays plus chauds et riches d'une nourriture nouvelle. Elle ne craint pas de franchir les mers, petite comme elle l'est, point d'acier bruni perdu entre les deux immensités bleues de la mer et du ciel, un point qui s'en va sans peur, alors que tout d'abord elle craignait le petit vol du bord du toit au sarment feuillu, un corps nerveux, parfait qui fend l'air comme une flèche et on ne sait pas si c'est l'air qui le transporte avec amour, ce petit roi de l'air, ou si c'est lui, le petit roi de l'air, qui avec amour sillonne ses domaines. En voyant son vol assuré qui utilise les vents et la densité de l'atmosphère pour aller plus vite, qui pense à son premier battement d'ailes gauche et apeuré ?
Il en sera ainsi de vous. Qu'il en soit ainsi de vous. De vous et de toutes les âmes qui vous imiteront. On ne devient pas capable à l'improviste. Pas de découragement pour les premières défaites, pas d'orgueil pour les premières victoires. Les premières défaites servent à faire mieux une autre fois, les premières victoires servent à être encouragées à faire encore mieux à l'avenir et à se persuader que Dieu aide les bonnes volontés.
Soyez toujours soumises aux Bergers en ce qui est obéissance à leurs conseils et à leurs ordres. Soyez toujours pour eux des sœurs pour ce qui est aide dans leur mission et soutien pour leur fatigue. Dites cela aussi à celles qui ne sont pas présentes aujourd'hui. Dites-le à celles qui viendront à l'avenir.
Et maintenant et toujours, soyez comme des filles pour ma Mère. Elle vous guidera en tout. Elle peut guider les jeunes filles comme les veuves, les épouses comme les mères, car Elle a connu les obligations de tous les états par son expérience personnelle en plus que par sagesse surnaturelle. Aimez-vous et aimez-moi en Marie. Vous ne défaillerez jamais, car elle est l'Arbre de la Vie, la vivante Arche de Dieu, la forme de Dieu en laquelle la Sagesse s'est faite un Siège et en laquelle la Grâce s'est faite Chair.
Et maintenant que j'ai parlé en général, maintenant que je vous ai vues, je désire écouter mes disciples et celles qui sont l'espérance des disciples futures. Allez. Moi, je reste ici. Celles d'entre vous qui ont à me parler, qu'elles viennent, car nous n'aurons jamais plus un moment de paix intime semblable à celui-ci."
Les femmes se consultent entre elles. Élise sort avec Marie et Marie de Cléophas. Marie de Lazare écoute Plautina qui veut la persuader de quelque chose, mais il semble que Marie ne veuille pas, car elle a fait des signes de dénégation avec la tête et puis elle s'en va, laissant en plan son interlocutrice et, en passant, elle prend avec elle sa sœur et Suzanne en disant : "Nous aurons le temps de Lui parler. Laissons ici avec Lui celles qui doivent s'en aller."
"Viens Sara. Nous viendrons les dernières" dit Annalia.
Toutes sortent lentement, sauf Marie Salomé qui reste indécise à la porte.
"Viens ici, Marie. Ferme et viens ici. Que crains-tu ?" lui dit Jésus.
"C'est que moi... je suis toujours avec Toi. Tu as entendu Marie de Lazare ?"
"J'ai entendu, mais viens ici. Tu es mère de mes premiers apôtres. Que veux-tu me dire ?"
La femme s'approche avec la lenteur de quelqu'un qui doit demander une chose importanteet qui ne sait pas s'il peut le faire.
Jésus l'encourage d'un sourire et lui dit : "Quoi ? Veux-tu peut-être me demander une troisième place pour Zébédée ? Mais lui est sage. Certainement il ne t'a pas envoyé me dire cela ! Parle donc..."
"Ah ! Seigneur ! C'est justement de cette place que je voulais te parler. Toi... tu parles d'une façon... Comme si tu devais nous quitter, et je voudrais qu'avant que tu t'en ailles tu m'aies vraiment pardonnée. Je n'ai pas de paix à la pensée que je t'ai déplu."
"Tu y penses encore ? Ne te semble-t-il pas que je t'aime comme avant, plus qu'avant ?"
"Oh ! cela oui, Seigneur. Mais dis-moi-la vraiment la parole de pardon, pour que je puisse dire à mon époux combien tu as été bon avec moi."
"Mais il n'est pas besoin, femme, que tu racontes une faute pardonnée !"
"Si que je la raconterai ! Parce que, tu vois ? Zébédée, voyant comme tu aimes ses fils, pourrait tomber dans le même péché que moi et... si tu nous quittes, qui pourrait nous absoudre ? Je voudrais que nous tous entrions dans ton Royaume. Mon homme aussi. Je ne crois pas être hors de la justice en voulant cela. Je suis une pauvre femme, et je ne connais pas les livres. Mais quand ta Mère nous lit ou nous dit des passages de l'Écriture, à nous les femmes, elle parle souvent des femmes élues d'Israël et des endroits qui parlent de nous. Et dans les Proverbes qui me plaisent tellement, il est dit que le cœur de l'époux se fie à sa femme courageuse. Moi, je pense qu'il est juste que cette confiance, la femme la donne à son propre époux, même pour ce qui est commerce céleste. Si je lui procure une place sûre dans le Ciel, en l'empêchant de pécher, je pense que je fais une chose bonne."
"Oui, Salomé. Tu as vraiment maintenant ouvert ta bouche à la sagesse et tu as sur ta langue des principes de bonté. Va en paix. Tu as plus que mon pardon. Tes fils, selon le livre qui te plaît tant, te proclameront bienheureuse, et ton mari te louera dans la Patrie des justes. Va tranquille. Va en paix. Sois heureuse." Il la bénit et la congédie.
Salomé s'en va toute joyeuse.
Entre la vieille Anne de la maison près du lac de Méron, tenant par la main deux petits garçons et suivie par une fillette timide et pâlotte qui marche en baissant la tête, déjà un peu maman quand elle conduit un petit qui sait à peine marcher.
"Oh ! Anne ! Toi aussi tu veux donc me parler ? Et ton mari ?"
"Malade, Seigneur, malade, très malade. Peut-être je ne vais pas le retrouver vivant..." Des larmes coulent à travers les rides du visage sénile.
"Et tu es ici ?"
"Je suis ici. Lui m'a dit : "Moi, je ne peux pas. Toi, va pour la Pâque et fais attention que nos fils..." Elle pleure plus fort et ne peut parler.
"Pourquoi pleures-tu ainsi, femme ? Ton mari a bien dit : "Fais attention que nos fils ne soient pas contre le Christ pour leur éternelle paix". Jude est un juste. Plus que de sa vie et du réconfort qu'elle aurait de tes soins, il se préoccupe du bien de ses fils. Les voiles se lèvent dans les heures qui précèdent la mort des justes et les yeux de l'esprit voient la Vérité. Mais tes fils ne t'écoutent pas, femme. Et Moi, que puis-je faire s'ils me repoussent ?"
"Ne les hais pas, Seigneur !"
"Et pourquoi devrais-je le faire ? Je prierai pour eux. Et à eux, qui sont innocents, je vais imposer les mains pour tenir loin d'eux la haine qui tue. Venez à Moi. Toi, qui es-tu ?"
"Jude, comme le père de mon père dit le plus grand des garçons, et le plus petit que sa sœur tient par la main saute et crie : "Moi, moi, Jude !"
"Oui. Ils ont honoré le père en donnant son nom à leurs fils, mais pas en autre chose..." dit la petite vieille.
"Ses vertus ressusciteront en eux. Viens toi aussi, fillette. Sois bonne et sage comme celle qui t'a conduite ici."
"Oh ! Marie l'est ! Pour ne pas être seule, je l'amènerai avec moi en Galilée."
Jésus bénit les enfants en laissant sa main sur la tête de la fillette qui est bonne. Puis il demande : "Et pour toi, tu ne demandes rien, Anne ?"
"De retrouver mon Jude vivant et d'avoir la force de mentir, en disant que ses fils..."
"Non, pas de mensonge, jamais. Même pas pour qu'un mourant meure en paix. Tu diras à Jude : "Le Maître a dit qu'il te bénit et qu'avec toi, il bénit ton sang". C'est son sang aussi cette enfance innocente et je l'ai bénie."
"Mais s'il demande si nos fils..."
"Tu diras : "Le Maître a prié pour eux". Jude reposera dans la certitude que ma prière est puissante et la vérité sera dite sans décourager le mourant. Parce que je prierai aussi pour tes fils. Va en paix, toi aussi, Anne. Quand quittes-tu la ville ?"
"Le lendemain du sabbat, pour ne pas être arrêtée en route par le sabbat."
"C'est bien. Je suis heureux que tu sois ici après le sabbat. Reste très unie à Élise et à Nique. Va, et sois forte et fidèle."
La femme est déjà presque à la porte quand Jésus la rappelle : "Écoute. Tes petits-fils restent beaucoup avec toi, n'est-ce pas ?"
"Toujours, pendant que je suis dans la ville."
"Pendant ces jours... laisse-les à la maison, si tu en sors pour me suivre."
"Pourquoi, Seigneur ? Tu crains la persécution ?"
"Oui. Et il est bien que l'innocence ne voie pas et n'entende pas..."
"Mais... que penses-tu qu'il arrive ?"
"Va, Anne. Va."
"Seigneur, si... s'ils devaient te faire ce que l'on dit, certainement mes fils... et alors la maison sera pire que la rue..."
"Ne pleure pas. Dieu pourvoira. Paix à toi."
La vieille femme s'en va en larmes.
Pendant un moment personne n'entre; puis, ensemble, entrent Jeanne et Valeria. Elles sont angoissées, Jeanne surtout. L'autre est pâle et soupire, mais elle a plus de courage.
"Maître, Anne nous a effrayées. Tu lui as dit... Oh ! mais ce n'est pas vrai ! Chouza peut être indécis... calculateur. Mais ce n'est pas un menteur ! Il m'assure qu’Hérode n'a aucun désir de te nuire... Je ne sais rien de Ponce..." et elle regarde Valeria qui se tait. Elle reprend : "J'espérais comprendre quelque chose par Plautina, mais je n'ai pas compris grand-chose..."
"Rien, devrais-tu dire, sauf qu'elle n'a pas avancé d'un pas du point où elle était. A moi aussi, elle n'a pas parlé. Mais, si j'ai bien compris, l'indifférence romaine, toujours si forte quand un fait ne peut avoir de répercussion sur la Patrie ou sur le propre moi, a fermé fortement celles qui paraissaient disposées à se remuer autrefois. Plus encore que de m'être approchée de la synagogue, nous sépare, comme un fossé sépare deux terrains auparavant unis, cette indifférence, cette tranquillité de leur esprit, désormais... si différent du mien. Mais elles sont heureuses. A leur manière, elles sont heureuses... Et la félicité humaine n'aide pas à tenir éveillée la pensée."
"Et à éveiller l'esprit, Valeria" dit Jésus.
"C'est ainsi, Maître. Pour moi...c'est autre chose... Tu as vu cette femme qui était avec nous ? Elle est de la famille. Veuve et seule, elle m'a été envoyée par mes parents pour me persuader de retourner en Italie. Oh ! beaucoup de promesses de joies pour l'avenir ! Ce sont des joies que je n'apprécie plus, et qui pour ce motif ne me paraissent plus telles, et je les piétine. Je n'irai pas en Italie. Ici je t'ai Toi, et ma fillette que tu m'as sauvée, et que tu m'as appris à aimer pour son âme. Je ne quitterai pas ces lieux... Marcella... Je l'ai amenée avec moi pour qu'elle te voie et comprenne que je ne reste pas ici à cause d'un amour déshonorant pour un juif — pour nous, c'est déshonorant — mais parce que j'ai trouvé en Toi le réconfort dans cette souffrance d'épouse répudiée. Marcella n'est pas mauvaise : elle a souffert, elle comprend. Mais elle est pourtant encore incapable de comprendre ma nouvelle religion et elle me réprimande un peu, pensant qu'elle est chimérique... Peu importe. Si elle veut, elle viendra où je suis désormais. Sinon, je resterai ici avec Tusnilde. Je suis libre, je suis riche, je puis faire ce que je veux. Et ne faisant pas de mal, je fais ce que je veux."
"Et quand le Maître n'y sera plus ?"
"Il restera ses disciples. Plautina, Lidia, Claudia elle-même qui, après moi, est celle qui suit de plus près ta doctrine et t'honore davantage, n'ont pas encore compris que je ne suis plus la même femme qu'elles connaissaient et croient connaître encore. Mais je suis sûre de me connaître désormais. Tellement que je dis, que si je perds beaucoup en perdant le Maître, je ne perdrai pas tout, car la foi restera et moi je veux rester où elle est née. Je ne veux pas amener Fausta là où rien ne parle de Toi. Ici... tout parle de Toi et certainement, tu ne nous laisseras pas sans guide, nous qui avons voulu te suivre. Pourquoi ce doit être moi, la gentille, qui doive avoir ces pensées alors que plusieurs de vous, toi-même, vous êtes comme perdues en pensant au jour où le Maître ne sera plus parmi nous ?"
"C'est qu'elles se sont habituées à des siècles d'immobilisme, Valeria. C'est leur idée que le Très-Haut est là, dans sa maison, au-dessus de l'autel invisible, que seul le Grand Prêtre voit dans des occasions solennelles. Cela les a aidées à venir vers Moi. Elles pouvaient finalement s'approcher du Seigneur. Mais elles tremblent de ne plus avoir ni le Très-Haut dans sa gloire, ni le Verbe du Père parmi elles. Mais il faut excuser... Et élever l'esprit, Jeanne.
Je serai en vous. Rappelle-le-toi, Je m'en irai, mais je ne vous laisserai pas orphelins. Je vous laisserai ma maison : mon Église. Ma parole : la Bonne Nouvelle. Mon amour habitera dans vos cœurs. Et enfin je vous laisserai un don plus grand qui vous nourrira de Moi, et fera en sorte, non seulement spirituellement, que je sois parmi vous et en vous. Je le ferai pour vous donner le réconfort et la force. Mais maintenant... Anne est très affligée, à cause des enfants..."
"Elle nous en a parlé, angoissée..."
"Oui. Je lui ai dit de les garder loin des gens. Je te dis la même chose à toi, Jeanne, et à toi, Valeria."
"J'enverrai Fausta avec Tusnilde à Béther, avant le temps fixé. Elles devaient y aller après la Fête."
"Moi, non. Je ne me sépare pas des enfants. Je les garderai à la maison, mais je dirai à Anne d'y laisser les siens. Les fils de cette femme sont de tristes sires, mais ils seront honorés de mon invitation et ils ne contrediront pas leur mère. Et moi..."
"Moi, je voudrais..."
"Quoi, Maître ?"
"Que vous soyez toutes très unies en ces jours. Je garderai avec Moi la sœur de ma Mère, Salomé et Suzanne et les sœurs de Lazare. Mais je voudrais vous voir unies, très unies."
"Mais ne pourrons-nous pas venir où tu es ?"
"En ces jours, je serai comme un éclair qui brille rapidement et disparaît. Je monterai au Temple le matin et puis je quitterai la ville. En dehors de ce passage au Temple, chaque matin, vous ne pourrez me rencontrer. "
*L'an dernier, tu as été chez moi..."
"Cette année, je ne serai dans aucune maison. Je serai l'éclair qui passe rapidement..."
"Mais la Pâque..."
"Je désire la consommer avec mes apôtres, Jeanne. Si c'est la volonté de ton Maître, certainement il a une juste raison."
"C'est vrai... Je serai donc seule... car mes frères[7] m'ont dit qu'ils voulaient être libres pendant ces jours, et Chouza..."
"Maître, je me retire. Il pleut à verse. Je vais trouver les enfants qui se sont rassemblés sous le portique" dit Valeria, qui se retire prudemment.
"Dans ton cœur aussi, il pleut bien fort, Jeanne."
"C'est vrai, Maître. Chouza est tellement... étrange. Je ne le comprends plus. C'est une contradiction continuelle. Peut-être a-t-il des amis qui influencent sa pensée... ou bien on lui a fait quelque menace... ou bien, il craint pour son lendemain."
"Il n'est pas le seul. Je puis même dire qu'ils sont peu nombreux et solitaires dispersés ça et là ceux qui, comme Moi, ne craignent pas le lendemain, et ils seront de moins en moins nombreux. Sois très douce et très patiente avec lui. Ce n'est qu'un homme..."
"Mais il a tant reçu de Dieu, de Toi, qu'il devrait..."
"Qu'il devrait ! Oui. Mais qui n'a pas reçu de Moi en Israël ? J'ai fait du bien aux amis et aux ennemis, j'ai pardonné, guéri, consolé, instruit... Tu vois, et tu verras toujours plus, comme Dieu seul est immuable, comme sont diverses les réactions des hommes, et comme souvent celui qui a le plus reçu est celui qui est le plus prompt à frapper son bienfaiteur. Vraiment on pourra dire que celui qui a mangé avec Moi mon pain a levé contre Moi son pied."
"Moi, je ne le ferai pas, Maître."
"Toi, non. Mais beaucoup, oui."
"Mon époux est peut-être de ceux-ci ? S'il en était ainsi, je ne retournerai pas chez moi ce soir."
"Non, il n'est pas de ceux-ci, ce soir. Mais même s'il en était, ta place est là. Car si lui pèche, toi, tu ne dois pas pécher. Si lui chancelle, tu dois le soutenir. S'il te piétine, tu dois pardonner."
"Oh ! me piétiner, non ! Il m'aime, mais je le voudrais plus sûr de lui. Il peut tant sur Hérode. Je voudrais qu'il arrache au Tétrarque une promesse pour Toi, comme Claudia essaie de l'arracher à Pilate. Mais Chouza a su seulement me rapporter de vagues phrases d'Hérode... et m'assurer qu'Hérode n'a que le désir de te voir accomplir quelque prodige et qu'il ne te persécutera pas... Il espère de cette façon faire taire ses remords pour Jean. Chouza dit : "Mon roi ne cesse de dire : 'Même si le Ciel le commandait, je ne lèverais pas la main sur Lui. J'ai trop peur' !"
"Il dit la vérité. Il ne lèvera pas la main sur Moi. Beaucoup en Israël ne le feront pas, car beaucoup ont peur de me condamner matériellement, mais ils demanderont que d'autres le fassent. Comme s'il y avait une différence aux yeux de Dieu entre celui qui frappe, pressé par la volonté du peuple, et celui qui commande de frapper."
"Oh ! mais le peuple t'aime ! De grandes fêtes se préparent pour Toi. Et Pilate ne veut pas de désordre. Il a renforcé les troupes ces jours-ci. J'espère tant que... Je ne sais pas ce que j'espère, Seigneur. J'espère et désespère. Ma pensée est changeante comme ces jours où le soleil alterne avec la pluie..."
"Prie, Jeanne, et reste en paix. Ne cesse pas de penser que tu n'as jamais donné de douleur au Maître et que Lui s'en souvient. Va."
Jeanne, qui est devenue pâle et s'est amaigrie pendant ces quelques jours, sort toute pensive.
Et c'est le doux visage d'Annalia qui se présente.
"Avance. Ta compagne, où est-elle ?"
"À côté, Seigneur. Elle veut s'en aller, elles vont partir. Marthe a compris mon désir et me garde jusqu'au coucher de soleil de demain. Sara retourne à la maison pour dire que je reste. Elle voudrait ta bénédiction car... Mais je te parlerai ensuite."
"Qu'elle vienne, je la bénirai."
La jeune fille sort pour revenir avec sa compagne qui se prosterne devant le Seigneur.
"La paix soit avec toi, et que la grâce du Seigneur te conduise sur les sentiers où t'a conduite celle qui t'a précédée. Sois affectueuse pour sa mère, et bénis le Ciel qui t'a épargné les liens et les souffrances afin de t'avoir toute entière pour Lui. Un jour, plus que maintenant, tu le béniras d'être restée stérile par ta volonté. Va !"
La jeune fille s'en va toute émue.
"Tu lui as dit tout ce qu'elle espérait. Ces paroles étaient son rêve. Sara disait toujours : "Ta destinée me plaît, bien qu'elle soit nouvelle en Israël, et je la veux moi aussi. N'ayant plus de père, et ma mère étant douce comme une colombe, je ne crains pas de ne pouvoir la suivre. Mais pour être certaine de pouvoir l'accomplir, et qu'elle soit sainte pour moi comme elle l'est pour toi, je voudrais l'entendre de sa bouche". Maintenant tu le lui as dit, et moi aussi, je suis en paix, car je craignais parfois d'avoir exalté un cœur..."
"Depuis quand est-elle avec toi ?"
"Depuis... Quand l'ordre du Sanhédrin est venu, je me suis dit : "L'heure du Seigneur est venue et je dois me préparer à mourir". Car je te l'ai demandé, Seigneur... Et maintenant je te le rappelle... Si tu vas au sacrifice, moi, hostie avec Toi."
"Veux-tu encore fermement la même chose ?"
"Oui, Maître. Je ne pourrais pas vivre dans un monde où tu ne serais pas... et je ne pourrais survivre à ta torture. J'ai tellement peur pour Toi ! Beaucoup d'entre nous se font des illusions... Pas moi ! Je sens que l'heure est venue. Il y a trop de haine... Et j'espère que tu accueilleras mon offrande. Je n'ai que ma vie à te donner, car je suis pauvre, tu le sais. Ma vie et ma pureté. C'est pour cela que j'ai persuadé à maman d'appeler sa sœur chez elle, pour qu'elle ne reste pas seule... Sara sera sa fille à ma place, et la mère de Sara sera pour elle un réconfort.
Ne déçois pas mon cœur, Seigneur ! Le monde n'a aucun attrait pour moi. C'est pour moi une prison où beaucoup de choses me répugnent grandement. C'est peut-être parce que j'ai été au seuil de la mort, que j'ai compris comment ce qui pour beaucoup représente la joie, n'est qu'un vide qui ne rassasie pas. Il est certain que je ne désire que le sacrifice... et te précéder... pour ne pas voir la haine du monde jetée comme une arme de torture sur mon Seigneur, et pour te ressembler dans la souffrance..."
"Nous déposerons alors le lys coupé sur l'Autel où s'immole l'Agneau, et il deviendra rouge du Sang rédempteur. Et il n'y aura que les anges qui sauront que l'Amour a été le sacrificateur d'une agnelle toute blanche, et ils marqueront le nom de la première victime de l'Amour, de la première continuatrice du Christ."
"Quand, Seigneur ?"
"Tiens ta lampe prête et reste en vêtements de noces. L'Époux est à la porte. Tu verras son triomphe et non sa mort, mais tu triompheras avec Lui en entrant dans son Royaume."
"Ah ! je suis la femme la plus heureuse d'Israël ! Je suis la reine couronnée de ton diadème ! Puis-je, comme telle, te demander une grâce ?"
"Laquelle ?"
"J'ai aimé un homme, tu le sais. Je ne l'ai plus aimé comme époux car un amour plus grand est entré en moi et lui ne m'a plus aimée, parce que... Mais je ne veux pas rappeler son passé. Je te demande de racheter ce cœur. Le puis-je ? Ce n'est pas pécher que de vouloir me souvenir, alors que je suis au seuil de la Vie, de celui que j'aimais, pour lui donner la Vie éternelle, n'est-ce pas ?"
"Ce n'est pas pécher. C'est porter l'amour jusqu'au terme saint du sacrifice, pour le bien de l'aimé."
"Bénis-moi, alors. Maître. Absous-moi de tout mon péché. Prépare-moi pour les noces et pour ta venue. Car c'est Toi qui viens, mon Dieu, pour prendre ta pauvre servante et en faire ton épouse."
La jeune fille, radieuse de joie et de santé, se penche pour baiser les pieds du Maître, pendant qu'il la bénit en priant sur elle. Et vraiment la salle, blanche, comme si elle était toute de lys, est un digne environnement pour ce rite, et s'harmonise bien avec ses deux protagonistes, jeunes, beaux, tout de blanc vêtus, dans la splendeur d'un amour angélique et divin.
Jésus quitte la jeune fille absorbée dans sa joie et il sort doucement pour aller bénir les enfants qui, avec des cris de joie, se précipitent vers le char où ils montent joyeux avec les femmes qui s'en vont. Restent Élise et Nique pour reconduire le jour suivant Annalia dans la ville. Il a cessé de pleuvoir et, une fois les nuages dispersés, le ciel montre son azur, et le soleil fait descendre ses rayons pour rendre étincelantes de lumière les gouttes de pluie. Un magnifique arc-en-ciel joint par son arc Béthanie à Jérusalem. Le char s'en va en grinçant et sort par le portail. Il disparaît.
Lazare, qui est près de Jésus, au bout du portique, demande : "T'ont-elles donné de la joie, les disciples ?" et il observe le Maître.
"Non, Lazare. Sauf une, elles m'ont toutes donné leurs douleurs, et aussi des déceptions, si je pouvais me faire des illusions."
"Les romaines, tu veux dire, t'ont déçu ? T'ont-elles parlé de Pilate ?"
"Non."
"Alors, moi, je dois le faire. J'espérais qu'elles t'en parleraient. C'est pour cela que j'avais attendu. Entrons dans cette pièce solitaire. Les femmes sont allées à leurs travaux avec Marthe. Marie, de son côté, est avec ta Mère dans l'autre maison. Ta Mère a été longtemps avec Judas et maintenant l'a conduit avec elle... Assois-toi, Maître... J'ai été chez le Proconsul... Je l'avais promis et je l'ai fait. Mais Simon de Jonas ne serait pas très satisfait de ma mission !... Heureusement Simon n'y pense plus. Le Proconsul m'a écouté et m'a répondu ces mots : "Moi ? Moi m'en occuper ? Mais je n'ai pas l'ombre même de la plus lointaine pensée de le faire ! Je dis seulement ceci, que ce n'est pas à cause de l'Homme — de Toi, Maître — mais à cause de tous les ennuis qui me viennent par son intermédiaire, je suis bien décidé à ne plus m'en occuper, ni en bien ni en mal. Je m'en lave les mains. Je renforcerai la garde car je ne veux pas de désordres. De cette façon, je contenterai César, mon épouse et moi-même, c'est-à-dire les seuls dont je me préoccupe d'une manière sacrée. Et pour le reste, je ne remue pas un doigt. Querelles de ces éternels mécontents. Ce sont eux qui les créent, eux qui y prennent plaisir.
Moi, l'Homme, comme malfaiteur je l'ignore, comme vertueux je l'ignore, comme sage je l'ignore. Et je veux l'ignorer, continuer à l'ignorer. Pourtant, malgré mon désir, je n'y arrive que difficilement, car les chefs d'Israël m'en parlent en se lamentant, Claudia en faisant son éloge, les partisans du Galiléen en récriminant contre le Sanhédrin. Si ce n'était pas à cause de Claudia, je le ferais prendre et je le leur donnerais pour qu'ils en finissent de cette affaire et que je n'en entende plus parler. L'Homme est le sujet le plus tranquille de tout l'Empire, mais malgré cela, il m'a donné tant d'ennuis que je voudrais une solution..." Voilà son humeur, Maître..."
"Tu veux dire qu'il n'y a pas lieu de se rassurer. Avec les hommes, on n'est jamais sûr..."
"Mais pourtant il me résulte que le Sanhédrin est plus calme. On n'a pas rappelé l'ordre d'arrestation, les disciples n'ont pas été importunés. D'ici peu vont revenir ceux qui sont allés à la ville et nous serons renseignés... Te contredire : toujours. Mais t'attaquer ?... Les foules t'aiment trop pour pouvoir les défier imprudemment."
"Allons-nous à la route, au devant de ceux qui reviennent ?" propose Jésus.
"Allons."
Ils sortent dans le jardin et sont à moitié route quand Lazare demande : "Mais Toi. quand as-tu mangé ? Et où ?"
"À prime."
"Mais le soleil va bientôt se coucher. Rentrons."
"Non, je n'en sens pas le besoin. Je préfère aller. Là-bas, à la grille, je vois agrippé un pauvre enfant. Il a peut-être faim. Il est déchiré et pâle. Je l'observe depuis un moment. Il était déjà là quand le char est sorti et il s'est enfui pour n'être pas vu et peut-être chassé. Puis il est revenu et il regarde avec insistance vers la maison et vers nous."
"S'il a faim, il sera bien que j'aille prendre de la nourriture. Va devant, Maître. Je te rejoins tout de suite" et Lazare retourne sur ses pas en courant pendant que Jésus se hâte vers la grille.
L'enfant, un visage souffreteux et irrégulier, où seuls brillent de beaux yeux vifs, le regarde.
Jésus lui sourit doucement et lui dit, tout en poussant le verrou : "Qui cherches-tu, enfant ?"
"Es-tu le Seigneur Jésus ?"
"Je le suis."
"Je te cherche."
"Qui t'envoie ?"
"Personne. Mais je veux te parler. Il y en a tant qui viennent te parler. Moi aussi. Tu en exauces tant. Moi aussi."
Jésus a fait jouer la fermeture et il prie l'enfant de lâcher les barres qu'il tient de ses mains décharnées afin de pouvoir ouvrir. L'enfant s'écarte et, en le faisant, il remue son petit vêtement déteint sur son corps déformé, et on voit que c'est un pauvre enfant rachitique, avec la tête enfoncée dans les épaules à cause d'un commencement de gibbosité, aux jambes écartées par une démarche mal assurée. Vraiment un petit malheureux. Il est peut-être plus âgé que ne le fait penser sa taille, qui est celle d'un enfant de six ans environ, alors que son petit visage est déjà celui d'un homme, un peu fané, avec le menton proéminent, presque un visage de petit vieux.
Jésus se penche pour le caresser et lui dit : "Dis-moi donc ce que tu veux. Je suis ton ami. Je suis l'ami de tous les enfants." Avec quelle affectueuse douceur Jésus prend dans ses mains le petit visage et le baise au front !
"Je le sais, c'est pour cela que je suis venu. Tu vois comme je suis ? Je voudrais mourir pour ne plus souffrir et pour n'appartenir plus à personne... Toi, qui en as tant guéri et as ressuscité des morts, fais-moi mourir, moi que personne n'aime et qui ne pourrai jamais travailler."
"N'as-tu pas des parents ? Es-tu orphelin ?"
"Un père, oui, j'en ai. Mais il ne m'aime pas, parce que je suis ainsi. Il a chassé ma mère et lui a donné un libelle de divorce, et il m'a chassé avec elle, et ma mère est morte à cause de moi qui suis ainsi déformé."
"Mais avec qui vis-tu ?"
"Quand ma mère est morte, les serviteurs m'ont reconduit au père, mais lui, qui s'est marié de nouveau et a de beaux enfants, m'a chassé. Il m'a donné à ses paysans, qui agissent comme leur maître pour lui plaire, et ils me font souffrir."
"Ils te frappent ?"
"Non. Mais ils ont plus soin des bêtes que de moi, et ils me méprisent, et comme je suis souvent malade je les ennuie. Je deviens de plus en plus difforme et leurs enfants me raillent et me font tomber. Personne ne m'aime. Cet hiver, quand j'ai tant toussé et qu'il me fallait des remèdes, mon père ne voulut rien dépenser et disait que ce que je pouvais faire de mieux, c'était de mourir. Depuis ce moment je t'ai attendu pour te dire : "Fais-moi mourir".
Jésus le prend à son cou, sourd aux paroles de l'enfant qui Lui dit : "Mes pieds sont boueux et aussi mon vêtement, car je me suis assis en route. Je vais salir ton vêtement."
"Viens-tu de loin ?"
"Des environs de la ville, car c'est là qu'habite celui qui me garde. J'ai vu passer tes apôtres. Je sais que ce sont eux, car les paysans ont dit : "Voilà les disciples du Rabbi galiléen. Mais Lui n'y est pas". Et je suis venu."
"Tu es trempé, enfant. Pauvre enfant ! Tu vas tomber malade de nouveau."
"Si tu ne m'écoutes pas, qu'au moins la maladie me fasse mourir. Où m'emmènes-tu ?"
"À la maison. Tu ne peux rester ainsi."
Jésus rentre dans le jardin avec dans ses bras l'enfant difforme. Il crie à Lazare qui arrive : "Toi, ferme le portail. J'ai ce petit tout trempé dans les bras."
"Mais qui est-ce, Maître ?"
"Je ne sais pas. Je ne sais même pas son nom."
"Et je ne le dis pas non plus. Je ne veux pas être connu. Je veux ce que je t'ai dit. Maman me disait : "Mon fils, mon pauvre fils, moi je meurs, mais je voudrais que tu meures avec moi, car là-bas tu ne serais plus difforme au point de souffrir dans tes os et dans ton cœur. Là, on ne raille pas ceux qui naissent malheureux, car Dieu est bon pour les innocents et les malheureux". M'envoies-tu à Dieu ?"
"L'enfant veut mourir. C'est une triste histoire..."
Lazare, qui regarde fixement le petit garçon, dit tout à coup : "Mais n'es-tu pas le fils du fils de Nahoum ? N'est-ce pas toi qui restes assis au soleil près du sycomore qui se trouve à la limite des oliviers de Nahum, et que ton père a confié à Josias qui tient son domaine ?"
"C'est moi. Mais pourquoi l'as-tu dit ?"
"Pauvre enfant ! Ce n'est pas pour te railler. Crois, Maître, qu'il est moins triste le sort d'un chien en Israël que celui de cet enfant. S'il ne retournait plus à la maison d'où il est venu, personne ne le chercherait. Les serviteurs comme les maîtres : des hyènes au cœur féroce. Joseph connaît bien l'histoire... Elle a fait beaucoup de bruit, mais moi, alors, j'étais tellement affligé à cause de Marie... Ensuite, après la mort de l'épouse malheureuse lui est venu chez Josias. Je le voyais en passant... Oublié sur l'aire, au soleil ou au vent, car il sut marcher très tard... et toujours bien peu. Je ne sais pas comment aujourd'hui il a pu venir jusqu'ici. Qui sait depuis combien de temps il est en route !"
"Depuis que Pierre est passé par ce lieu."
"Et maintenant, qu'en faisons-nous ?"
"Moi je ne retourne pas à la maison. Je veux mourir, m'en aller. Grâces et pitié pour moi, Seigneur !"
Ils sont entrés dans la maison et Lazare appelle un serviteur pour qu'il apporte une couverture et envoie Noémi pour soigner l'enfant qui est livide de froid dans ses vêtements trempés.
"Le fils de l'un des plus acharnés parmi tes ennemis ! L'un des plus mauvais en Israël. Quel âge as-tu, enfant ?"
"Dix ans."
"Dix ans ! Dix ans de souffrance !"
"Et c'est assez !" dit Jésus à haute voix en posant l'enfant par terre.
Il est bien difforme ! L'épaule droite est plus haute que la gauche, la poitrine ressort excessivement, le cou étroit s'enfonce dans les clavicules, les jambes sont écartées !...
Jésus le regarde avec pitié, pendant que Noémi le dévêt et l'essuie avant de l'envelopper dans une chaude couverture. Lazare aussi le regarde avec pitié.
"Je vais le coucher dans mon lit, Seigneur, après lui avoir donné du lait chaud" dit Noémi.
"Mais tu ne me fais pas mourir ? Aie pitié ! Pourquoi me faire vivre pour être ainsi et tant souffrir ?" et il termine : "J'ai espéré en Toi, Seigneur" et il y a dans sa voix un reproche, une déception.
"Sois bon, obéis, et le Ciel te consolera" dit Jésus et il se penche pour le caresser encore en passant sa main sur les pauvres membres déformés".
"Porte-le au lit et veille-le. Ensuite... on pourvoira."
On emmène l'enfant tout en larmes.
"Et ce sont ces gens qui se croient saints !" s'écrie Lazare en pensant à Nahoum.
On entend Pierre qui appelle son Maître...
"Oh ! Maître ! Tu es ici ? Tout va bien. Pas d'ennuis. Oh ! beaucoup de calme, au contraire. Au Temple, personne ne nous a dérangés. Jean a eu de bonnes nouvelles. On laisse les disciples en paix. Les gens t'attendent joyeusement. Je suis content. Et Toi, Maître, qu'as-tu fait ?"
Ils s'éloignent en parlant ensemble, pendant que Lazare va où l'appelle Maximin.
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-044.htm
TOME : 8/44
https://lepeupledelapaix.forumactif.com/t18376-oeuvre-de-maria-valtorta-presentation-des-disciples-de-jesus
Les Femmes Disciples ou Saintes Femmes
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Le sabbat avant l'entrée à Jérusalem :
1. Le miracle de Mathusalem
(ou Scialem)
Le temps s'est rétabli après les pluies des jours précédents, dans le ciel très pur un soleil resplendissant. La terre, nettoyée par les pluies, est pure comme l'atmosphère. Elle semble créée depuis quelques heures tant elle est fraîche et pure. Tout resplendit et tout chante dans la sérénité du matin.
Jésus se promène lentement le long des sentiers les plus écartés du jardin. Seul quelque serviteur jardinier observe cette promenade solitaire dans les premières heures du matin, mais personne ne trouble le Maître. Au contraire, ils se retirent silencieusement pour le laisser en paix,
Du reste c'est le sabbat, jour de repos et les jardiniers ne sont pas au travail. Mais par suite d'une accoutumance aussi longue que leur vie ils sont dehors pour observer les plantes, les ruches, les fleurs pour lesquels il n'y a pas de sabbat, et qui parfument, bruissent et bourdonnent au soleil et au petit vent d'avril. Puis le jardin s'anime lentement, d'abord les serviteurs de la maison et les servantes, puis les apôtres et les femmes disciples, en dernier lieu Lazare. Jésus les rejoint en leur adressant son salut.
"Depuis quand es-tu ici, Maître ?" demande Lazare en secouant des gouttes de rosée des boucles des cheveux de Jésus.
"Depuis l'aurore. Tes oiseaux m'ont appelé pour louer Dieu et je suis sorti ici. Contempler Dieu dans les beautés de la Création, c'est l'honorer et prier avec l'émotion de l'esprit. Elle est belle la Terre. Et dans ces premières heures du jour, d'un jour comme celui-là, elle nous apparaît fraîche comme elle l'était dans les premières heures de sa vie."
"C'est vraiment un temps de Pâque. Il s'est arrangé et le beau temps durera car il s'est arrangé au début de la lune avec un vent favorable" déclare Pierre.
"Cela me réjouit. La Pâque avec l'eau, c'est triste."
"Davantage encore : elle est nuisible aux moissons. Le grain demande du soleil maintenant qu'il va vers la moisson" dit Barthélemy.
"Je suis heureux d'être ici en paix. Aujourd'hui c'est le sabbat et il ne viendra personne, pas d'étranger parmi nous" dit André.
"Tu te trompes : il y a un hôte, un petit hôte. Il dort encore, Maître. Le lit mœlleux et l'estomac repu lui donnent un long sommeil. Je suis passé pour le voir. Noémi le veille" dit Lazare.
"Mais qui est-ce ? Quand est-il venu ? Qui l'a amené ? Pourquoi en parles-tu comme si c'était un enfant ?" demandent hommes et femmes.
"C'est un enfant, un pauvre enfant. C'est sa souffrance qui l'a amené ici. Il était là, contre les barres de la grille, regardant vers la maison. Et le Maître l'a accueilli."
"On ne savait rien... Pourquoi ?"
"Parce que l'enfant avait besoin de paix" répond Jésus, et son visage s'absorbe en une pensée profonde alors qu'il termine : "Et dans la maison de Lazare, on sait se taire."
Un serviteur vient dire quelque chose à Marthe et puis se retire pour revenir avec les autres qui portent des plateaux garnis d'amphores de lait et des bols, et du pain avec du beurre et du miel. Tous se servent en s'assoyant ça et là sur les sièges disséminés. Mais ensuite, ils décident de se grouper de nouveau autour du Maître et Lui demandent une parabole, "une belle parabole" disent-ils "sereine comme ce jour de nisan."
"Ce n'est pas une, mais deux que je vais vous donner. Écoutez.
Un homme voulut un jour allumer deux lampes pour honorer le Seigneur dans l'une de ses fêtes. Il prit donc deux vases d'égale largeur, y mit la même quantité et la même qualité d'huile, une même mèche. Il les alluma à la même heure afin qu'elles prient à sa place pendant que lui travaillerait comme il lui était permis. Il revint après un moment et il vit que l'une des lampes avait une vive flamme alors que l'autre avait une petite flamme tout à fait tranquille qui mettait tout juste un point lumineux dans le coin où brûlaient les lampes. L'homme pensa que sa mèche était mal faite. Il l'observa. Non, elle allait bien. Mais elle ne voulait pas brûler aussi joyeusement que l'autre lampe. Celle-ci faisait vibrer sa flamme comme une langue de feu et paraissait vraiment murmurer des paroles, tant elle était joyeuse et tant, en s'agitant pour éclairer, elle avait jusqu'à un léger murmure.
"Cette lampe chante vraiment les louanges du Seigneur Très-Haut !" se dit-il. "Alors que celle-ci ! Regarde-la, mon âme ! Il semble qu'il lui pèse d'honorer le Seigneur, tant elle le fait avec peu d'ardeur !" et il retourna à son travail.
Il revint après un moment. Une flamme avait encore plus monté et l'autre avait encore plus baissé et brûlait de plus en plus tranquille alors que l'autre vibrait avec plus de splendeur. Il revint une seconde fois : c'était la même chose. Une troisième fois : la même chose. Mais en venant la quatrième fois, il trouva la pièce pleine d'une fumée nauséabonde et épaisse, au travers de laquelle une seule petite flamme brillait. Il alla à l'étagère où étaient les lampes et il vit que celle qui flamboyait d'abord avec tant d'ardeur s'était totalement consumée et noircie et elle avait même souillé de sa langue la blancheur du mur. L'autre, au contraire, continuait avec sa lumière toujours égale d'honorer le Seigneur.
Il allait parer à l'incident quand une voix se fit entendre près de lui : "Ne change pas l'état des choses, mais médite sur elles qui sont un symbole. Je suis le Seigneur".
L'homme se jeta le visage par terre en adorant, et avec une grande crainte, il osa dire : "Je suis sot. Explique-moi, ô Sagesse, le symbole des lampes dont celle qui paraissait t'honorer le plus activement a fait des dégâts alors que l'autre continue de donner sa lumière".
"Oui, Je vais le faire. Il en est des cœurs des hommes comme de ces deux lampes. Il y en a qui au début brûlent et resplendissent et sont admirées par les hommes tant leur flamme semble parfaite et constante. Et il y en a qui ont un doux éclat qui n'attire pas l'attention et peut paraître tiédeur pour honorer le Seigneur. Mais passée la première flambée, ou la seconde ou la troisième, entre la troisième et la quatrième elles font des dégâts, et puis s'éteignent non sans dommages; c'est qu'elles n'avaient pas une lumière sûre. Elles ont voulu briller plutôt pour les hommes que pour le Seigneur, et l'orgueil les a consumées en peu de temps dans une fumée noire et lourde qui a même obscurci l'air. Les autres ont eu une volonté unique et constante : honorer Dieu seul et, sans se soucier des louanges de l'homme, elles se sont consumées elles-mêmes avec une flamme durable et pure, sans fumée et sans mauvaise odeur. Sache imiter la lumière constante, car elle seule est agréable au Seigneur".
L'homme releva la tête... L'air s'était purifié de la fumée et la fidèle étoile de lumière brillait maintenant seule, pure, ferme, en l'honneur de Dieu, en faisant briller le métal de la lampe comme si c'était de l'or pur. Et il la regarda briller, toujours pareille, pendant des heures et des heures, jusqu'au moment où doucement, sans fumée ni puanteur, sans salir son vêtement, la flamme s'exhala en un dernier éclat : elle paraissait s'élever au ciel pour se fixer parmi les étoiles, après avoir dignement honoré le Seigneur jusqu'à la dernière goutte et le dernier instant de sa vie.
En vérité, en vérité je vous dis que nombreux sont ceux qui au début produisent une grande flamme et s'attirent l'admiration du monde, qui ne voit que l'extérieur des actions humaines, mais qui périssent ensuite en se carbonisant et en répandant leurs acres fumées. Et en vérité je vous dis que Dieu n'apporte pas d'attention à leur flamme, car Il voit qu'elle brûle orgueilleusement pour une fin humaine.
Bienheureux ceux qui savent imiter la seconde lampe et ne pas se carboniser, mais monter au Ciel par la dernière palpitation de leur constant amour."
"Quelle parabole étrange ! Mais vraie ! Belle ! Elle me plaît ! Je voudrais savoir si nous sommes les lumières qui montent vers le Ciel." Les apôtres échangent leurs impressions.
Judas trouve moyen de mordre. Il s'attaque à Marie de Magdala et à Jean de Zébédée : "Attention, Marie, et toi, Jean. Vous êtes parmi nous les lumières flamboyantes... Qu'il ne vous arrive pas malheur !"
Marie de Magdala est sur le point de répondre, mais elle se mord les lèvres pour ne pas dire les paroles qui lui étaient montées du cœur. Elle regarde Judas. Elle se borne à le regarder, mais ce regard est si ardent que Judas cesse de rire et de la fixer.
Jean, au cœur doux, bien que brûlant de charité, répond doucement : "Et à cause de mon manque de capacité, cela pourrait arriver. Mais je me fie à l'aide du Seigneur et j'espère pouvoir me consumer jusqu'à la dernière goutte et jusqu'au dernier instant pour honorer le Seigneur notre Dieu."
"Et l'autre parabole ? Tu en as promis deux" dit Jacques d'Alphée.
"Voilà ma seconde parabole. Elle ne va pas tarder..." et il montre la porte de la maison fermée par le rideau que le vent remue lentement et qui ensuite s'écarte, déplacée par la main d'un serviteur, pour donner passage à la vieille Noémi qui se précipite aux pieds de Jésus en disant : "Mais l'enfant est sain ! Il n'est plus difforme ! Tu l'as guéri pendant la nuit. Il s'était éveillé, et je préparais le bain pour le laver avant de lui mettre la tunique et le vêtement que j'avais cousu pendant la nuit en utilisant un vêtement que Lazare a mis de côté. Mais quand je lui ai dit : "Viens, enfant" et que j'ai écarté les couvertures, j'ai vu que son petit corps, si déformé hier, n'était plus pareil. Et j'ai crié. Sont accourues Sara et Marcella qui ne savaient même pas qu'un enfant dormait dans mon lit et je les ai quittées pour accourir te le dire..."
La curiosité s'empare de tout le monde. Questions, angoisse de voir. Jésus apaise le bruit d'un geste. Il ordonne à Noémi : "Retourne près de l'enfant. Lave-le, passe-lui son vêtement et amène-le-moi ici."
Puis il se tourne vers ses disciples : "Voici la seconde parabole et elle peut être dite : "La vraie justice ne fait pas de vengeance ni de différence".
Un homme, ou plutôt l'Homme, le Fils de l'homme, a des ennemis et des amis. Peu d'amis, beaucoup d'ennemis et des ennemis dont il n'ignore pas la haine ni les pensées, et dont il connaît la volonté et qui ne fléchira devant aucune action, pour horrible qu'elle soit. En cela ils sont plus forts que ses amis dont la peur ou la déception, ou une confiance excessive, font des béliers qui dissipent inutilement leurs forces. Ce Fils de l'homme, aux ennemis nombreux, et auquel on reproche tant de choses qui ne sont pas vraies, a rencontré hier un pauvre enfant, le plus désolé des enfants, fils de quelqu'un qui est son ennemi. L'enfant était difforme et estropié, et il demandait une grâce étrange : celle de mourir. Tous demandent des honneurs et des joies au Fils de l'homme, demandent la santé, demandent la vie. Ce pauvre enfant demandait de mourir pour ne plus souffrir. Il a déjà connu toutes les souffrances de la chair et du cœur, car celui qui l'a engendré et qui me hait sans raison, hait aussi l'innocent malheureux qu'il a engendré. Je l'ai guéri pour qu'il ne souffre plus, pour qu'au-delà de la santé physique, il puisse arriver à la santé spirituelle. Sa petite âme aussi est malade. La haine du père et le mépris des hommes l'ont blessée et privée d'amour. Il lui est resté seulement la foi dans le Ciel et dans le Fils de l'homme auquel, ou plutôt auxquels, il demande de mourir. Le voilà : vous allez l'entendre parler."
L'enfant, peigné et lavé dans son petit vêtement de laine blanche que Noémi lui a cousu rapidement pendant la nuit, s'avance tenu par la main par la vieille nourrice. Il est petit, bien que n'étant plus courbé ni bancal, il semble déjà plus grand qu'hier. Il a un petit visage irrégulier et un peu fané d'un enfant que la souffrance a rendu précocement adulte. Mais il n'est plus difforme. Ses petits pieds nus foulent le sol avec assurance d'un pas qui n'a plus la claudication de ceux qui sont bancals; ses épaules amaigries sont bien droites dans leur maigreur; le cou effilé les dépasse et semble long quand on le compare à hier quand il s'enfonçait dans les clavicules asymétriques.
"Mais... mais c'est le fils d'Anna de Nahoum ! Quel miracle mal venu ! Tu crois qu'avec cela tu te rendras amis son père et Nahoum ? Tu les rendras plus haineux ! Ils souhaitaient seulement la mort de cet enfant, fruit d'un mariage malheureux" s'écrie Judas de Kériot.
"Je n'opère pas des miracles pour me faire des amis, mais par pitié pour les créatures et pour donner honneur à mon Père. Je ne fais pas de distinction ni de calcul, jamais, quand je me penche avec pitié sur une misère humaine. Je ne me venge pas de celui qui me persécute..."
"Nahoum prendra ton acte pour une vengeance."
"Je ne savais rien de cet enfant. J'ignore encore son nom."
"On l'appelle par mépris Mathusala ou Mathusalem."
"Maman m'appelait Scialem. Elle m'aimait, maman. Elle n'était pas méchante comme toi et comme ceux qui me haïssent" dit l'enfant avec un éclair dans les yeux, l'éclair de colère impuissante des hommes et des animaux trop longtemps torturés.
"Viens ici, Scialem, ici avec Moi. Es-tu content d'être sain ?"
"Oui... mais je préférais mourir. De toutes façons, je ne serai pas aimé. S'il y avait encore maman, cela aurait été beau. Mais ainsi... Je serai toujours malheureux."
"Il a raison. Hier, nous avons rencontré cet enfant. Il nous a demandé si tu étais à Béthanie, chez Lazare. Nous voulions lui donner une obole car nous croyions que c'était un mendiant, mais il n'en a pas voulu. Il était au bord d'un champ" dit le Zélote.
"Toi non plus, tu ne le connaissais pas ? C'est étrange" dit Judas de Kériot.
"Il est plus étrange que tu saches si bien ces choses. Oublies-tu que j'ai été parmi les persécutés et ensuite parmi les lépreux, jusqu'au moment où je suis venu avec le Maître ?"
"Et toi, oublies-tu que je suis ami de Nahoum qui est l'homme de confiance d'Anna ? Je ne vous l'ai jamais caché."
"Bien ! Bien ! Cela n'a pas d'importance. L'important est de savoir ce que nous en faisons maintenant de cet enfant. Son père ne l'aime pas, c'est vrai. Mais il a toujours des droits sur lui. Nous ne pouvons pas lui enlever ainsi son fils sans le lui dire. Il faut être prudents et ne pas les heurter, puisqu'ils semblent mieux disposés envers nous" dit Nathanaël.
Judas rit fortement, sarcastique, et il n'explique pas pourquoi il rit.
Jésus, qui a mis l'enfant entre ses genoux, dit lentement : "J'affronterai Nahoum... Je n'en serai pas haï davantage. Sa haine ne peut grandir. C'est impossible : elle est déjà à son comble."
Annalia qui n'a jamais parlé, toute absorbée dans une de ses pensée qui la rend heureuse, dit : "Si j'étais restée, il m'aurait plu de le prendre avec moi. Je suis jeune, mais j'ai un cœur de mère..."
"Tu t'en vas ? Quand ?" demandent les femmes.
"Bientôt."
"Pour toujours ? Et où vas-tu ? Hors de la Judée ?"
"Oui. loin, très loin, pour toujours. Et j'en suis si heureuse."
"Ce que tu ne peux faire, d'autres le pourront, si le père le cède."
"J'en parlerai à Nahoum, si vous y tenez. C'est lui qui compte, plus que le vrai père. J'en parlerai demain" promet Judas de Kériot.
"Si ce n'était pas le sabbat... je serais allé trouver ce Josias qui l'avait en garde" dit André.
"Pour voir s'ils sont affligés de l'avoir perdu ?" demande Matthieu.
"Je crois que si une de leurs abeilles s'égarait, ils en seraient plus angoissés" bougonne entre ses dents Maximin qui s'est approché depuis un moment.
L'enfant ne parle pas. Il reste serré près de Jésus, étudiant les visages qui l'entourent, avec cette acuité de regard qu'ont souvent les enfants maladifs et qui ont vécu dans la souffrance. Il semble scruter les âmes plutôt que les visages et, quand Pierre lui demande : "Que penses-tu de nous ?" l'enfant répond en mettant sa main dans le main de Pierre : "Tu es bon" puis il corrige : "Tous bons. Mais... je voudrais ne pas avoir été reconnu. J'ai peur..." et il regarde Judas de Kériot.
"De moi, n'est-ce pas ? Que je parle à ton père ? Mais certainement je devrai le faire, si je dois lui demander s'il te laisse à nous. Mais il ne t'enlèvera pas !"
"Je le sais. Mais il y a une autre chose... Je voudrais être loin, loin où va cette femme... Dans le pays de ma mère, il y a une mer bleue, au milieu de montagnes toutes vertes. On la voit tout en bas, avec tant de voiles blanches qui volent sur elle, et de belles villes autour. Et sur les monts il y a tant de grottes où les abeilles sauvages font leur miel, doux, si doux. Je n'ai plus mangé de miel depuis que maman est morte et que j'ai été donné à Josias. Philippe, Joseph, Élise et les autres enfants, eux s'en régalent, mais moi, non. S'ils avaient gardé le vase de miel en bas, je l'aurais pris, tant j'en avais envie. Mais ils le mettaient sur de hautes étagères et je ne pouvais monter sur les tables comme le faisait Philippe. Moi, j'ai tant envie de miel !"
"Oh ! pauvre fils ! Je vais t'en chercher autant que tu veux !" dit Marthe émue, et elle s'éloigne rapidement.
"Mais d'où était sa mère ?" demande Pierre.
"Elle avait des maisons et des propriétés près de Séphet. Fille unique, orpheline et héritière, déjà vieille, laide et légèrement bancale. Mais très riche. Par l'intermédiaire du vieux Sadoc, le fils du bien-aimé d'Anna l'obtint en mariage... Un contrat qui fut un véritable marché indigne, tout calcul, sans amour. Il vendit l'avoir de la femme qu'il disait trop éloigné d'ici, sauf une maisonnette qui appartenait d'abord à l'intendant et que ce dernier avait eue en cadeau de l'ancien maître pour toute sa vie et celle de ses héritiers jusqu'à la quatrième génération. Il perdit tout en spéculations malheureuses. Pourtant... moi, je n'y crois pas. Je sais en effet qu'il a, du côté de la rive, de belles terres... qu'il n'avait pas avant... Puis, après quelques années de mariage, alors que la femme était déjà au bord de son déclin, ce fils naquit... et ce fut un prétexte pour renvoyer la femme et en prendre une autre de la plaine de Saron, jeune, belle et riche... La divorcée se réfugia chez le vieil intendant et y mourut. Je ne sais pas pourquoi ils n'ont pas gardé cet enfant. Le père le considérait mort" explique l'Iscariote.
"Parce que Jean était mort et aussi Marie, et les enfants s'en allèrent comme serviteurs autre part. Et qui devait me garder, n'étant pas fils et ne pouvant pas travailler ? Ils étaient bons pourtant Michel et Isaac, et aussi Esther et Judith. Et ils sont bons. Quand ils viennent pour les fêtes ils m'apportent des cadeaux, mais Josias me les prend pour ses fils."
"Pourtant ils ne veulent pas de toi" lui réplique Judas.
"Maintenant que je suis droit et fort, ils voudront bien. Ce sont des serviteurs, eux ! Ils ne pouvaient pas, je l'ai dit, dire au maître : "prends cet estropié malade". Mais maintenant ils le peuvent."
"Mais comme tu t'es enfui de chez Josias, comment peuvent-ils te trouver ?" lui dit Barthélemy pour le faire réfléchir.
L'enfant est frappé par la justesse de l'observation et il réfléchit, car l'infirmité l'a rendu précocement réfléchi, comme elle a rendu précocement adulte son visage, et il dit désespéré : "C'est vrai ! Je n'y avais pas pensé."
"Retourne là-bas. Ils vont venir ces jours-ci..."
"Là-bas ? Non. Je n'y retourne pas. Je ne veux pas y retourner. Plutôt me tuer !" Il entre dans une furie sauvage qui le bouleverse, mais ensuite il se renverse en larmes sur les genoux de Jésus, en disant : "Pourquoi ne m'as-tu pas fait mourir ?"
Marthe, qui revient avec un vase de miel, est étonné de cette désolation, et Barthélemy est affligé de l'avoir provoquée et il s'en excuse : "Je croyais donner un bon conseil, bon pour tous : pour l'enfant, pour Toi, Maître, pour Lazare... Personne de vous ni de nous n'a besoin d'une nouvelle haine..."
"C'est vrai ! Un véritable ennui !" s'écrie Pierre et, méditant sur la situation, il en tire, à part lui, des conclusions qui aboutissent au léger sifflement qui exprime son état d'âme en face de problèmes ardus, difficiles à résoudre.
L'un propose une chose, un autre une autre chose. Aller trouver Nahoum, aller chez Josias et lui dire d'envoyer Michel et Isaac chez Lazare, ou dans un autre endroit où sera l'enfant, car il est prudent de ne pas faire haïr Lazare, plus qu'il ne l'est déjà à cause de son amitié avec Jésus. Ne rien dire à personne, et faire disparaître l'enfant en le donnant à quelque disciple sûr.
Judas de Kériot ne parle pas. Il semble même étranger au débat. Il joue avec les houppes de son vêtement qu'il peigne et dépeigne avec les doigts.
Jésus aussi ne parle pas. Il caresse et calme l'enfant et il lui relève le visage, en lui mettant dans les mains le petit vase de miel.
Scialem est un enfant, un pauvre enfant de dix ans qui a toujours souffert, mais c'est toujours un enfant, même si la douleur l'a mûri, et devant un pareil trésor de miel, les dernières larmes font place à une stupeur extatique. Levant ses yeux, son unique beauté, ses yeux châtains, grands, intelligents, et fixant alternativement Jésus et Marthe, il demande : "Combien puis-je en prendre ? Une de ces cuillers ou deux ?" et il montre la cuiller ronde en argent qu'il enfonce lentement dans le miel blond.
"Autant que tu veux, enfant. Autant qu'il te plaît. Le reste, tu le prendras demain, ou plus tard. Il est tout pour toi !" dit Marthe en le caressant.
"Tout pour moi !!! Oh ! moi, je n'ai jamais eu tant de miel !! Tout pour moi ! Oh !" et il serre respectueusement le vase contre sa poitrine comme si c'était un trésor.
Mais ensuite il sent que plus que le vase, est précieux l'amour qui le lui donne et il met le petit vase sur les genoux de Jésus, il lève ensuite les bras voulant enlacer le cou de Marthe penchée sur lui et la baiser. C'est tout ce que peut sa reconnaissance, tout ce qu'il peut donner, lui, l'enfant abandonné qui n'a rien à donner.
Les autres arrêtent de faire des plans pour observer la scène, et Pierre dit : "Il est encore plus malheureux que Margziam qui avait au moins l'amour du grand-père et des autres paysans ! C'est bien vrai qu'il y a toujours des douleurs plus grandes que celles que nous avons jugées immenses !"
"Oui, l'abîme de la douleur humaine n'a pas encore découvert son fond. Qui sait combien de secrets il cache encore... et qu'il cachera pour les siècles futurs !" dit Barthélemy pensif.
"Tu n'as pas foi dans la Bonne Nouvelle, alors ? Tu ne crois pas qu'elle changera le monde ? C'est dit par les prophètes, et le Maître le répète. Tu es un incrédule, Barthélemy dit l'Iscariote avec une légère ironie.
Le Zélote lui répond : "Je ne vois pas ce qui fait l'incrédulité de Barthélemy. La doctrine du Maître procurera du réconfort à tous les malheurs, modifiera aussi la férocité des usages et des coutumes, mais elle n'éliminera pas la douleur. Elle la rendra supportable par ses divines promesses des joies futures. Pour que la douleur soit abolie, ou du moins une grande partie de la douleur, car resteront toujours les maladies et les morts et les cataclysmes naturels il faudrait que tous aient le cœur que possède le Christ, mais..."
L'Iscariote l'interrompt : "En effet c'est ce qui devrait arriver. Autrement à quoi aurait servi la venue du Messie sur la Terre ?"
"C'est ce qui devrait arriver, disons-nous. Mais, dis-moi, Judas : est-ce que cela peut-être est arrivé parmi nous ? Nous sommes douze et depuis trois ans nous vivons avec Lui, nous absorbons sa doctrine comme l'air que nous respirons. Eh bien ? Sommes-nous tous saints, nous les douze ? Que faisons-nous de différent de ce que fait Lazare, de ce que font Étienne,Nicolaï, Isaac, Manaën, et Joseph et Nicodème, et les femmes, et les enfants ? Je parle des justes de cette Patrie qui est la nôtre. Tous ceux-ci, sages et riches, ou pauvres et ignorants, font ce que nous faisons : un peu bien, un peu mal, mais sans se renouveler complètement. Je te dis même que beaucoup, beaucoup nous sont supérieurs. Oui, beaucoup de ceux qui le suivent nous sont supérieurs, à nous, les apôtres... Et tu prétendrais que le monde entier prenne le cœur que possède le Christ, alors que nous, nous les apôtres, ne l'avons pas pris ? Nous sommes devenus plus ou moins meilleurs... Espérons du moins qu'il en est ainsi, car l'homme a du mal à se connaître et à connaître le frère qui vit à ses côtés. Il est trop opaque et épais le voile de la chair, et la pensée de l'homme est trop attentive à ne pas se laisser pénétrer, pour que l'homme comprenne l'homme. Toujours, en s'observant ou bien en observant les autres, on reste à la surface. Quand il s'agit de nous examiner car nous ne voulons pas nous connaître pour ne pas souffrir dans notre orgueil ou de la nécessité de changer. Quand il s'agit d'autrui, car notre orgueil d'examinateur fait de nous des juges injustes et l'orgueil de celui que l'on examine se serre, comme une huître le fait avec ses valves, sur ce qu'elle a en son intérieur" dit le Zélote.
"Bien parlé ! Simon, tu as vraiment dit des paroles de sagesse !" approuve Jude Thaddée et les autres font chorus.
"Et alors, pourquoi est-il venu s'il ne doit rien changer ?" réplique l'Iscariote.
Jésus prend la parole : "Beaucoup de choses changeront. Pas tout. Parce que contre madoctrine, il y aura dans l'avenir ce qui déjà agit : la haine de ceux qui n'aiment pas la Lumière, car contre la force de ceux qui me suivent, il y aura celle de ceux qui suivent Satan. Combien ! Sous combien d'aspects ! A ma doctrine immuable, parce que parfaite, combien de doctrines hérétiques, toujours nouvelles seront opposées ! Que de douleurs elles feront germer ! Vous ne connaissez pas l'avenir. A vous il semble qu'elle est grande la douleur qui se trouve maintenantdans le monde... Mais Celui qui sait, voit des horreurs qui ne seraient même pas comprises si je vous les expliquais... Malheur si je n'étais pas venu ! Venu pour donner aux hommes à venir un code qui freine les instincts chez les meilleurs, et une promesse de paix future ! Malheur si l'homme n'avait pas, à cause de ma venue, des éléments spirituels capables de le garder"vivant" dans la vie de l'esprit, de le garder sûr d'une récompense !... Si je n'étais pas venu, avec la succession des siècles, la Terre serait devenue un vaste enfer terrestre et la race humaine se serait déchirée, et aurait péri en maudissant le Créateur..."
"Le Très-Haut a promis de ne plus envoyer de châtiments universels comme le Déluge.
La promesse de Dieu ne se trompe pas" dit Judas.
"Oui, Judas de Simon, c'est vrai. Et le Très-Haut n'enverra plus de fléaux universels comme le Déluge, mais les hommes se créeront par eux-mêmes des fléaux de plus en plus atroces, par rapport auxquels le déluge et la pluie de feu qui détruisit Sodome et Gomorrhe paraîtraient des châtiments de pitié. Oh !..."
Jésus se lève en faisant un geste de pitié angoissée pour les gens de l'avenir.
"C'est bien ! Tu sais... mais, en attendant, qu'allons-nous faire pour lui ?" demande l'Iscariote en montrant l'enfant qui déguste son miel à petites doses et est tout à fait heureux.
"A chaque jour sa peine. Demain le dira. Se préoccuper du lendemain est vain, alors que l'on ne sait même pas si demain on sera encore en vie."
"Moi, je ne pense pas comme Toi. Je dis qu'il faudrait savoir où nous irons habiter, où nous consommerons la Cène. Tant de choses, Si nous attendons, attendons, la ville se remplit. Et où irons-nous ? Au Gethsémani, non. Chez Joseph de Sephoris, non. Chez Jeanne, non. Chez Nique, non. Chez Lazare, non. Et où, alors ?"
"Où le Père préparera un refuge pour son Verbe."
"Tu crois que je veux le savoir pour le rapporter ?"
"C'est toi qui le dis. Moi, je n'ai rien dit. Viens, Scialem. Ma Mère sait que tu es là, mais elle ne t'a pas encore vu. Viens que je te conduise à elle."
"Mais elle est malade, ta Mère ?" demande Thomas.
"Non. Elle prie. Elle a beaucoup besoin de prier."
"Oui, elle souffre beaucoup, elle pleure beaucoup, et Marie n'a que la prière pour la consoler. Je l'ai toujours vue beaucoup prier. Dans les moments de plus grande douleur, elle vit de prière pourrais-je dire..." explique Marie d'Alphée pendant que Jésus s'éloigne en tenant l'enfant par la main et ayant de l'autre côté Annalia qu'il a invitée à aller avec Lui voir Marie.
*
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Jésus et l' enfant
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Le sabbat avant l'entrée à Jérusalem :
2. Les pèlerins et les juifs à Béthanie
Amour et haine poussent un grand nombre de pèlerins réunis à Jérusalem, et même des habitants de Jérusalem, à venir à Béthanie sans même attendre que le soleil soit tout à fait couché. Et même le soleil a à peine commencé son coucher quand les premiers d'entre eux arrivent à la maison de Lazare. Et à Lazare, qui appelé par ses serviteurs, s'étonne de cette violation du sabbat, car les premiers arrivés sont justement les plus connus parmi les juifs les plus intransigeants, ces derniers donnent cette réponse vraiment pharisaïque: "De la Porte du Troupeau, on ne voit déjà plus le disque du soleil, et alors nous avons commencé la route en pensant que certainement nous n'aurions pas dépassé la mesure prescrite avant que le soleil tombe derrière les coupoles du Temple."
Lazare a un petit sourire ironique sur son visage plutôt sec, car il est sain, il a bonne mine, mais il n'est sûrement pas gros. Et il leur répond poliment, mais d'un ton légèrement sarcastique: "Et que voulez-vous voir ? Le Maître respecte son sabbat, et il repose. Il ne se borne pas à ne pas voir le disque du soleil pour estimer que le repos est fini, mais il attend que le dernier rayon soit éteint pour dire: "Le sabbat est fini"."
"Nous savons qu'il est parfait ! Nous le savons ! Mais si nous nous sommes trompés, raison de plus pour le voir. Un peu seulement, le temps qu'il nous absolve."
"Je regrette, mais je ne puis. Le Maître est las, et il repose. Je ne vais pas le déranger, "
Mais d'autres gens arrivent, des pèlerins de partout qui prient, insistent pour voir Jésus. Aux hébreux sont mêlés des gentils et, avec eux, des prosélytes. Ils observent et lorgnent Lazare, comme si c'était un être irréel. Lazare supporte l'ennui de cette célébrité qu'il n'a pas recherchée, en répondant patiemment à ceux qui l'interrogent. Mais il ne donne pas l'ordre aux serviteurs d'ouvrir le portail.
"Es-tu l'homme qui est revenu de la mort ?" demande quelqu'un qui d'après son aspect est certainement un sang mêlé car, du juif, il n'a que le nez caractéristique plutôt gros et aquilin alors que son accent et la forme de ses vêtements l'indiquent comme étranger.
"Je le suis pour donner gloire à Dieu, qui m'a tiré de la mort pour faire de moi un serviteur de son Messie."
"Mais était-ce une vraie mort ?" demandent d'autres.
"Demandez-le à ces notables juifs. Ils sont venus à mes funérailles et plusieurs furent présents à ma résurrection."
"Mais qu'as-tu éprouvé ? Où étais-tu ? Que te rappelles-tu ? Quand tu es redevenu vivant, que t'est-il arrivé ? Comment t'a-t-il ressuscité ?... Ne peut-on voir le tombeau où tu étais ? De quoi es-tu mort ? Es-tu vraiment bien maintenant ? N'as-tu plus les marques de tes plaies ?"
Lazare, patiemment, essaie de répondre à tout le monde. Mais s'il lui est facile de dire qu'il se porte très bien et que les marques des plaies sont désormais effacées, pendant les mois qui ont passé depuis sa résurrection, il ne peut dire ce qu'il a éprouvé et comment il est ressuscité. Il répond: "Je ne sais pas. Je me suis trouvé vivant dans mon jardin, parmi mes serviteurs et mes sœurs. Dépouillé du suaire j'ai vu le soleil, la lumière, j'ai eu faim, j'ai mangé, j'ai joui de la vie et du grand amour du Rabbi pour moi. Le reste, mieux que moi, le savent ceux qui étaient présents. En voici trois qui parlent et là-bas deux qui arrivent." (Ces deux derniers sont Jean et Éléazar, membres du Sanhédrin, alors que les trois qui parlent entre eux sont deux scribes et un pharisien que j'ai vus en fait à la résurrection de Lazare, mais dont je ne me rappelle pas les noms).
"Eux ne parlent pas à nous qui sommes gentils ! Allez les interroger vous qui êtes juifs... Mais toi, fais-nous voir le tombeau où tu étais."
Ils insistent comme on ne pourrait le faire davantage. Lazare se décide. Il dit quelque chose aux serviteurs et puis se tourne vers les gens: "Allez sur la route qui est entre cette maison et mon autre maison. Je viendrai à votre rencontre pour vous conduire au tombeau bien qu'il n'y ait à voir qu'une cavité ouverte dans une strate de roche."
"Peu importe ! Allons ! Allons !"
"Lazare ! Arrête-toi ! Pouvons-nous venir nous aussi ? A moins qu'on ne nous défende ce qui est permis aux étrangers ?" dit un scribe.
"Non, Archélaus. Viens aussi, si tu ne te trouves pas contaminé d'approcher d'un tombeau."
"Ce n'est plus un tombeau, puisqu'il ne contient pas la mort."
"Mais il l'a contenue pendant quatre jours. On est, pour beaucoup moins, réputé immonde en Israël ! Celui qui effleure avec son vêtement quelqu'un qui a touché un cadavre, vous dites qu'il est immonde, et mon tombeau dégage encore des relents de mort bien qu'étant ouvert depuis si longtemps."
"Peu importe. Nous nous purifierons."
Lazare regarde les deux pharisiens Jean et Eléazar, et leur dit: "Vous aussi vous venez ?"
"Oui, nous venons."
Lazare va rapidement vers le côté limité par des haies hautes et épaisses comme des murs, et il ouvre un portail inséré dans l'une d'entre elles et il se présente sur la route qui mène à la maison de Simon et il fait signe d'avancer à ceux qui attendent. Il les conduit vers le tombeau. Un rosier en fleurs en contourne l'entrée, mais il ne suffit pas pour supprimer l'horreur qui émane d'une tombe ouverte. Sur la roche inclinée sous l'arc fleuri on lit les mots: "Lazare, viens dehors !"
Les malveillants les voient tout de suite, et disent tout de suite: "Pourquoi as-tu fait graver là ces mots ? Tu ne devais pas !"
"Pourquoi ? Dans ma maison je puis faire ce que je veux, et personne ne peut m'accuser de péché si j'ai voulu fixer sur la roche, afin qu'ils fussent ineffaçables, les mots du cri divin qui m'a rendu la vie. Quand je serai à l'intérieur, et que je ne pourrai plus célébrer la puissance du Rabbi, je veux que le soleil les lise encore sur la pierre, et que les vents les apprennent aux arbres, que les caressent les oiseaux et les fleurs, en continuant à ma place de bénir le cri du Christ qui m'a tiré de la mort."
"Tu es un païen ! Tu es un sacrilège ! Tu blasphèmes notre Dieu. Tu célèbres le sortilège du fils de Belzébuth. Attention à toi, Lazare !"
"Je vous rappelle que je suis dans ma maison et que vous êtes dans ma maison, venus sans être appelés et dans des intentions indignes. Vous êtes pires qu'eux qui sont païens, mais reconnaissent un Dieu en Celui qui a ressuscité."
"Anathème ! Tel Maître, tel disciple. Horreur ! Éloignons-nous ! Loin de ce cloaque impur. Corrupteur d'Israël, le Sanhédrin se souviendra de tes paroles."
"Et Rome de vos complots. Sortez !"
Lazare, toujours doux, se rappelle qu'il est le fils de Théophile, et les chasse comme une bande de chiens. Il reste les pèlerins de toutes les régions et ils demandent, ils regardent, ils implorent de voir le Christ.
"Vous le verrez dans la ville. Maintenant, non. Je ne puis."
"Ah ! mais il vient dans la ville ? Vraiment ? Tu ne mens pas ? Il vient même s'ils le haïssent à ce point ?"
"Il vient. Partez maintenant, tranquilles. Voyez-vous comment repose la maison ? On ne voit personne et on n'entend pas un mot. Vous avez vu ce que vous vouliez : le ressuscité et le lieu de sa sépulture. Maintenant partez, mais ne rendez pas votre curiosité stérile. Que de m'avoir vu, moi, vivante preuve de la puissance de Jésus Christ, l'Agneau de Dieu et le Messie très Saint, puisse vous amener tous sur son chemin. C'est à cause de cette espérance que je suis content d'être ressuscité: car j'espère que le miracle pourra émouvoir ceux qui doutent et convertir les païens, en les persuadant tous qu'un seul est le vrai Dieu et un seul le vrai Messie : Jésus de Nazareth, Maître saint."
Les gens se séparent de mauvais gré. Pour un qui part, il en arrive dix, car de nouvelles gens continuent de venir. Mais Lazare, avec l'aide de quelques serviteurs, réussit à repousser tout le monde dehors et à fermer les grilles.
Il va se retirer en ordonnant: "Surveillez pour qu'on ne force pas la clôture ou qu'on ne la saute pas. Le soir va bientôt descendre et ils vont s'en aller à leurs abris", quand il voit sortir d'un massif de myrtes Eléazar et Jean. "Quoi ? Je ne vous avais pas vus et je croyais..."
"Ne nous chasse pas. Nous sommes entrés dans un massif pour ne pas être vus. Nous devons parler au Maître. Nous sommes venus nous, étant moins suspects que Joseph et Nicodème. Mais nous voudrions n'être vus de personne, sauf de toi et du Maître... Tes serviteurs sont-ils sûrs ?"
"Dans la maison de Lazare, c'est la coutume de ne voir et n'entendre que ce qui plaît au maître, et de ne rien savoir pour les étrangers. Mais venez par ce sentier, entre ces deux murs de verdure plus épais qu'un mur." Il les conduit dans une ruelle qui se trouve entre la double barrière impénétrable des buis et des lauriers. "Restez ici, je vous amènerai Jésus."
"Que personne ne s'en aperçoive !..."
"Ne craignez pas."
L'attente dure peu. Bientôt, sur le sentier à demi-obscur à cause de l'entrelacement des branches, Jésus apparaît, tout blanc dans son vêtement de lin, et Lazare reste au bord du sentier comme s'il était de garde, ou par prudence. Mais Eléazar lui dit, ou plutôt lui fait signe: "Viens ici."
Lazare s'approche alors que Jésus salue les deux qui Lui rendent de profonds hommages.
"Maître, et toi, Lazare, écoutez. Dès que s'est répandue la nouvelle que tu es venu et que tu es ici, le Sanhédrin s'est réuni dans la maison de Caïphe. Tout est abusif de ce qui se fait... Et il a décidé... Ne te flatte pas, Maître ! Sois circonspect, Lazare ! Que ne vous séduise pas une paix qui n'est qu'une feinte, l'apparente somnolence du Sanhédrin, c'est une feinte, Maître. Une feinte pour t'attirer et te prendre sans que la foule s'agite et se prépare à te défendre. Ton sort est fixé, et le décret ne change pas. Que ce soit demain ou dans un an, il s'accomplira. Le Sanhédrin n'oublie jamais ses vengeances. Il attend, il sait attendre l'occasion favorable, mais ensuite !.,. Et toi aussi, Lazare. Ils veulent te faire disparaître, te prendre, te supprimer parce qu'à cause de toi, il y en a trop qui les abandonnent pour suivre le Maître. Toi, tu l'as dit par un mot juste, tu es le témoignage de son pouvoir. Et ils veulent le détruire. Les foules oublieront vite, ils le savent.' Après ta disparition et celle du Rabbi, beaucoup d'ardeurs s'éteindront."
"Non, Eléazar ! Elles flamberont !" dit Jésus.
"Oh ! Maître ! Mais qu'y aura-t-il si tu es mort ? Qu'est-ce qui fera que flambe la foi en Toi, en supposant qu'elle existe, si tu es éteint ? J'espérais pouvoir te dire seulement une chose agréable et te faire une invitation: mon épouse va bientôt mettre au jour le fils que ta justice a fait fleurir, en remettant la paix entre deux cœurs en tempête. Il naîtra pour la Pentecôte. Je voudrais te dire de venir pour le bénir . Si tu entres sous mon toit, tout malheur en sera pour toujours éloigné" dit le pharisien Jean.
"Je te donne dès maintenant ma bénédiction..."
"Ah ! tu ne veux pas venir chez moi ! Tu ne me crois pas loyal ! Je le suis, Maître ! Dieu me voit !"
"Je le sais. C'est que... je ne serai plus parmi vous pour la Pentecôte."
"Mais l'enfant naîtra dans la maison de campagne..."
"Je le sais, mais je n'y serai pas. Et pourtant toi, ton épouse, celui qui va naître et les fils que tu as déjà, ont ma bénédiction. Merci d'être venus. Maintenant partez. Conduis-les par le sentier au-delà de la maison de Simon. Qu'ils ne soient pas vus... Je retourne à la maison. Paix à vous..."
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SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-046.htm
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Lazare
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Le sabbat avant l'entrée à Jérusalem :
3. La cène de Béthanie
Vision du vendredi 28 mars 1947
La cène a été préparée dans la salle toute blanche où Jésus a parlé aux femmes disciples. C'est toute une splendeur de blanc et d'argent, où mettent une nuance moins neigeuse et moins froide des bouquets de branches de pommiers ou de poiriers, ou d'autres arbres fruitiers, candides comme la neige, mais avec un léger souvenir de rose qui fait penser à de la neige effleurée par un baiser d'une lointaine aurore. Elles se dressent de vases pansus ou de grêles amphores d'argent, sur des tables et sur des coffrets et des crédences qui sont le long des murs de la salle. Les fleurs répandent à travers la salle l'odeur caractéristique des fleurs des arbres à fruit, fraîche, un peu amère, du pur printemps...
Lazare entre dans la salle à côté de Jésus. Derrière, deux par deux, ou en groupes plus nombreux, les apôtres. En dernier lieu, les deux sœurs de Lazare avec Maximin.
Je ne vois pas les femmes disciples. Je ne vois pas même Marie. Peut-être elles ont préféré rester dans la maison autour de la Mère affligée.
On approche du crépuscule. Mais il reste quelques rayons de soleil pour frapper la frondaison bruissante de quelques palmiers qui forment un groupe à quelques mètres de la salle, et la cime d'un laurier gigantesque où des passereaux se disputent avant de prendre leur sommeil. Au-delà du palmier et du laurier, au-delà des haies de roses et de jasmins, des parterres de muguets et d'autres fleurs, et des plantes odoriférantes, la tache blanche saupoudrée de vert tendre des premières feuilles d'un groupe de pommiers ou de poiriers tardifs. Elle semble une nuée restée accrochée dans les branches.
Jésus, en passant près d'une amphore garnie de branches, observe : "Elles avaient déjà les premiers petits fruits. Regarde ! À la cime des fleurs alors que plus bas la fleur est déjà tombée et que l'ovaire se gonfle."
"C'est Marie qui a voulu les cueillir. Elle en a apporté des bouquets aussi à ta Mère. Elle s'est levée à l'aube, craignant qu'un jour de soleil de plus n'abîmât ces fragiles corolles. J'ai appris depuis peu ce massacre, mais je n'en ai pas été indigné comme les serviteurs agricoles. J'ai pensé, au contraire, qu'il était juste de t'offrir toutes les beautés de la création, à Toi, Roi de toutes les choses."
Jésus s'assoit en souriant à sa place et il regarde Marie qui, avec sa sœur, se dispose à servir comme si elle était une servante, apportant les coupes pour la purification et les serviettes, puis versant le vin dans les calices et mettant les plateaux des mets sur la table à mesure que les serviteurs les apportent de la cuisine ou les présentent, après les avoir découpés sur les crédences.
Naturellement, si les sœurs servent avec courtoisie tous les convives, leur empressement va spécialement aux deux convives qui leur sont les plus chers : Jésus et Lazare.
À un certain moment Pierre, qui mange avec appétit, observe : "Regarde ! Je m'en aperçois maintenant ! Tous les plats comme on les sert en Galilée. Il me semble... mais oui ! Il me semble être à un repas de noces. Cependant ici le vin ne manque pas comme il manqua à Cana."
Marie sourit en versant à l'apôtre un nouveau calice de vin ambré, très limpide, mais elle ne parle pas.
C'est encore Lazare qui explique : "En effet, c'était l'intention des sœurs et spécialement de Marie : servir un repas dans lequel le Maître aurait l'impression d'être dans sa Galilée, certainement meilleure, bien meilleure, bien que pourtant imparfaite que ce qui se fait en cet endroit..."
"Mais pour le Lui faire penser, il aurait fallu Marie à cette table. À Cana, elle y était. C'est par elle qu'arriva le miracle" observe Jacques d'Alphée.
"Ce devait être un grand vin celui-là !"
"Le vin est symbole de gaieté, et devrait l'être aussi de fécondité, puisque c'est le jus de la vigne féconde. Mais il ne me semble pas qu'il ait beaucoup fécondé : Suzanne n'a pas d'enfant" dit l'Iscariote.
"Oh ! c'était un vin ! Il a fécondé notre esprit..." dit Jean, rêvant un peu comme il l'est toujours quand il contemple en son intérieur les miracles opérés par Dieu, Et il termine : "C'est par une vierge que cela a été fait... et une influence de pureté descendit en celui qui le goûta."
"Mais crois-tu Suzanne vierge ?" demande l'Iscariote en riant.
"Je n'ai pas dit cela. Vierge est la Mère du Seigneur. La virginité découle de tout ce qui est accompli par elle. Je ne cesse de penser comme sont virginisantes toutes les choses qui se font par Marie..." et il rêve de nouveau, souriant à je ne sais quelle vision.
"Bienheureux ce garçon ! Je crois qu'il ne se rappelle même plus le monde en ce moment. Observez-le" dit Pierre en montrant Jean qui, allongé sur son lit, déplace sans y penser des petits morceaux de pain, oubliant de manger.
Jésus aussi se penche un peu pour regarder Jean qui est à un angle du côté de la table disposée en U, et par conséquent un peu en arrière du Seigneur qui est au milieu du côté central, avec son cousin Jacques à gauche et Lazare à droite, et après Lazare, il y a le Zélote et Maximin, comme après Jacques et l'autre Jacques se trouve Pierre. Jean, au contraire, est entre André et Barthélemy, puis il y a Thomas qui a Judas en face, avec Philippe et Matthieu, et le Thaddée qui est exactement à l'angle où commence la table longue, centrale.
Marie de Lazare sort de la salle alors que Marthe met sur la table des plateaux remplis de fleurs de figues nouvelles, de tiges vertes de fenouil et d'amandes fraîches cueillies, des fraises ou des framboises, je ne sais, qui semblent encore plus rouges au milieu des fenouils vert pâle et des fleurs et à côté des amandes, des petits melons et autres fruits du même genre... qui me rappellent les melons verts de la basse Italie, et des oranges dorées.
"Ces fruits déjà ? Je n'en ai vu nulle part de mûrs" dit Pierre en écarquillant les yeux, en montrant les fraises et les melons.
"Ils sont venus en partie de la côte au-delà de Gaza où j'ai un jardin de ces produits, et en partie des serres que j'ai au-dessus de la maison, les pépinières des petites plantes plus délicates qu'il faut protéger de la gelée. Un ami romain m'en a enseigné la culture... C'est tout ce qu'il m'a appris de bon..." Lazare s'assombrit, Marthe soupire... Mais Lazare redevient de suite l'hôte parfait qui n'attriste pas ses invités.
"On est très habitué dans les villas de Baïes et de Syracuse, et le long du golfe de Sybaris, à cultiver ces délices par cette méthode pour les avoir de bonne heure. Mangez : les derniers fruits des oranges de Lybie, les primeurs des melons d'Égypte, qui ont poussé dans les solariums et en eux les fruits latins, et les amandes blanches de notre patrie, les fèves tendres, les tiges digestives qui ont goût d'anis... Marthe, as-tu pensé à l'enfant ?"
"J'ai pensé à tout. Marie a été émue en se rappelant l'Égypte..."
"Nous en avions quelques plantes dans notre pauvre jardin. Dans les grandes chaleurs, c'était une fête de plonger les melons dans le puits du voisin, qui était profond et frais, et en manger le soir... Je me souviens... Et j'avais une chèvre gourmande qu'il fallait garder car elle était avide de jeunes pousses et de fruits tendres..." Jésus, qui parlait la tête un peu inclinée, lève la tête et il regarde les palmiers qui bruissent dans le vent du soir qui tombe. "Quand je vois ces palmiers... Toujours quand je les vois, je revois l'Égypte, sa terre jaune et sableuse que le vent soulevait si facilement, et au loin tremblaient dans l'air raréfié les pyramides... et les hauts fûts des palmiers... et la maison où... mais il est inutile d'en parler. À chaque époque ses soucis... et avec ses soucis sa joie... Lazare, me donnerais-tu quelques-uns de ces fruits ? Je voudrais les apporter à Marie et à Matthias, je ne crois pas que Jeanne en ait."
"Elle n'en a pas. Elle en parlait hier se proposant d'en mettre à Béther en faisant construire des solariums. Mais je ne te les donne pas maintenant. J'ai cueilli tout ce que j'en avais et pendant quelques jours on va manquer de fruits mûrs. Je te les enverrai, ou plutôt, envoie les prendre d'ici jeudi. Nous en préparerons une gracieuse corbeille pour ces enfants, n'est-ce pas, Marthe ?"
"Oui, mon frère. Et nous y mettrons les petits lys des vallées qui plaisent tant à Jeanne."
Marie-Magdeleine rentre. Elle a dans les mains une amphore au col très fin, qui se termine par un bec gracieux comme celui d'un oiseau. L'albâtre est d'une couleur précieuse jaune rosé, comme certaines carnations de blondes. Les apôtres la regardent, croyant peut-être qu'elle apporte quelque friandise rare. Mais Marie ne va pas au centre, à l'intérieur de l'U de la table où se trouve sa sœur. Elle passe derrière les lits-sièges, et va se placer entre celui de Jésus et Lazare et celui où sont les deux Jacques.
Elle ouvre le vase d'albâtre et met sa main sous le bec, pour recueillir quelques gouttes d'un liquide filant qui coule lentement de l'amphore ouverte. Une odeur pénétrante de tubéreuse et d'autres essences, un parfum intense et très agréable se répand à travers la salle. Mais Marie n'est pas contente du peu qui arrive. Elle se penche et casse d'un coup sûr le col de l'amphore contre le coin du lit de Jésus. Le col fin tombe par terre, répandant sur le marbre du pavé des gouttes parfumées. Maintenant l'amphore a une large ouverture et l'abondance de l'onguent en déborde en un jet épais.
Marie se place derrière Jésus et répand l'huile épaisse sur la tête de son Jésus, elle en enduit toutes les boucles, les allonge et puis les met en ordre, sur la tête adorée, avec le peigne qu'elle enlève de ses cheveux. La tête blonde-rouge de Jésus resplendit comme de l'or foncé, très brillant après cette onction. La lumière du lampadaire, que les serviteurs ont allumé, se reflète sur la tête blonde du Christ, comme sur un très beau casque de bronze cuivré. Le parfum est enivrant; il pénètre dans les narines, monte à la tête, à force d'être piquant comme de la poudre à éternuer tant il est pénétrant, répandu ainsi sans mesure.
Lazare tourne la tête en arrière. Il sourit en voyant avec quel soin Marie oint et peigne les boucles de Jésus pour que sa tête paraisse en ordre après l'odorante friction. Elle ne se soucie pas que ses tresses ne sont plus maintenues par le large peigne qui aide les épingles à les tenir en place, et elles tombent de plus en plus sur le cou, prêtes à tomber complètement sur les épaules. Marthe aussi regarde et sourit. Les autres parlent entre eux à voix basse et avec des expressions diverses sur le visage.
Mais Marie n'est pas encore satisfaite. Il y a encore beaucoup d'onguent dans le vase brisé, et les cheveux de Jésus, si touffus qu'ils soient, en sont déjà saturés. Alors Marie répète le geste d'amour d'un soir lointain. Elle s'agenouille au pied du lit, dénoue les lacets des sandales de Jésus, déchausse ses pieds et, plongeant dans le vase les longs doigts de sa très belle main, elle en tire tout de qu'elle peut d'onguent, et l'étend sur les pieds nus, doigt par doigt, puis sur la plante et le talon et au-dessus à la cheville, qu'elle découvre en rejetant en arrière le vêtement de lin, et afin sur le dos du pied, elle s'attarde sur les métatarses où entreront les clous redoutables, insiste jusqu'à ce qu'elle ne trouve plus de baume dans le creux du vase. Alors elle le brise contre le sol et puis ayant les mains libres, enlève ses grosses épingles, défait rapidement ses lourdes tresses et emporte avec cet écheveau d'or, vivant, doux, coulant, ce qui reste de l'onction des pieds de Jésus, qui laissent dégoutter le baume.
Judas jusque-là s'était tu, observant d'un regard impur de luxure et d'envie la femme très belle et le Maître dont elle oignait la tête et les pieds. Il élève la voix, seule voix d'un reproche déclaré. Les autres, pas tous, mais certains, avaient quelque peu murmuré ou fait un geste de désaccord étonné mais paisible. Mais Judas, qui s'est même mis debout pour mieux voir l'onction des pieds du Christ, dit avec mauvaise grâce : "Quel gaspillage inutile et païen ! Pourquoi le faire ? Et après cela, on ne veut pas que les Chefs du Sanhédrin parlent de péché ! Ce sont des actes de courtisane lascive et ils ne s'harmonisent pas avec la nouvelle vie que tu mènes, Ô femme. Ils rappellent trop ton passé !"
L'insulte est telle que tous restent abasourdis. Elle est telle que tous s'agitent, les uns s'assoyant sur leurs lits, les autres se levant. Tous regardent Judas comme s'il était devenu subitement fou.
Marthe rougit. Lazare se lève brusquement en donnant un coup de poing sur la table et il dit : "Dans ma maison..." mais ensuite il regarde Jésus et s'arrête.
"Oui. Vous me regardez ? Tous, vous avez murmuré dans votre cœur. Mais maintenant que je me suis fait votre écho et que j'ai dit ouvertement ce que vous pensiez, vous voilà prêts à me donner tort. Je répète ce que j'ai dit. Bien sûr je ne veux pas dire que Marie soit l'amante du Maître, mais je dis que certains actes ne conviennent ni à Lui, ni à elle. C'est une action imprudente, et même injuste. Oui. Pourquoi ce gaspillage ? Si elle voulait détruire les souvenirs de son passé, elle pouvait me donner ce vase et cet onguent. Il y avait au moins une livre de nard pur, et de grand prix ! Je l'aurais vendu pour trois cent deniers au moins car un nard de cette valeur va jusqu'à ce prix. Et je pouvais vendre le vase qui était beau et précieux. J'aurais donné cet argent aux pauvres qui nous assiègent. Il n'y en a jamais assez, et demain, à Jérusalem, innombrables seront ceux qui demanderont une obole."
"Cela c'est vrai !" admettent les autres. "Tu pouvais en employer un peu pour le Maître, et le reste..."
Marie de Magdala est comme sourde. Elle continue à essuyer les pieds du Christ avec ses cheveux dénoués qui maintenant, surtout en bas, sont eux aussi alourdis par l'onguent et plus foncés que sur le sommet de la tête. Les pieds de Jésus sont lisses et doux avec leur couleur de vieil ivoire, comme s'ils étaient couverts d'un nouvel épiderme. Et Marie chausse de nouveau les sandales au Christ, et elle baise chaque pied avant et après de le chausser, sourde à tout ce qui n'est pas son amour pour Jésus.
Jésus la défend en posant une main sur la tête de Marie inclinée dans le dernier baiser et en disant : "Laissez-la faire. Pourquoi lui donnez-vous peine et ennui ? Vous ne savez pas ce qu'elle a fait. Marie a accompli envers Moi une action juste et bonne. Les pauvres il y en aura toujours parmi vous. Moi, je vais m'en aller. Eux, vous les aurez toujours, mais Moi, bientôt, vous ne m'aurez plus. Aux pauvres, vous pourrez toujours donner une obole. À Moi, d'ici peu, au Fils de l'homme parmi les hommes, il ne sera plus possible de donner aucun honneur, par la volonté des hommes et parce que l'heure est venue. Pour elle, l'amour est lumière.
Elle sent que je vais mourir et elle a voulu donner à l'avance à mon corps les onctions pour sa sépulture. En vérité je vous dis que là où sera prêchée la Bonne Nouvelle, on fera mémoire de son acte d'amour prophétique. Dans le monde entier, dans tous les siècles. Plaise à Dieu de faire de toute créature une autre Marie, qui ne calcule pas la valeur, qui ne nourrit pas d'attachement, qui ne conserve pas de souvenir, même le plus petit du passé, mais détruit et piétine tout ce qui est de la chair et du monde, et se brise et se répand, comme elle a fait du nard et de l'albâtre, sur son Seigneur et par amour pour Lui. Ne pleure pas, Marie. Je te répète, à cette heure, les paroles que j'ai dites au pharisien Simon et à Marthe ta sœur : "Tout t'est pardonné parce que tu as su aimer totalement". Tu as choisi la meilleure part, et elle ne te sera pas enlevée. Va en paix, ma douce brebis retrouvée. Va en paix. Les pâturages de l'amour seront ta nourriture éternellement. Lève-toi. Baise aussi mes mains qui t'ont absoute et bénie... Combien elles en ont absous, bénis, comblés de bienfaits, mes mains ! Et pourtant je vous dis que le peuple que j'ai comblé est en train de préparer pour ces mains la torture..."
Il se fait un lourd silence dans la lourde atmosphère du parfum pénétrant. Marie, les cheveux dénoués sur les épaules pour lui servir de manteau et sur le visage pour lui servir de voile, baise la main droite que Jésus lui présente, et ne sait pas en détacher les lèvres...
Marthe, émue, s'approche d'elle et rassemble ses cheveux, les tresse en la caressant ensuite et en laissant couler les larmes sur les joues en essayant de les essuyer...
Personne n'a plus envie de manger... Les paroles du Christ les rendent pensifs.
Le premier qui se lève, c'est Jude d'Alphée. Il demande la permission de se retirer. Son frère Jacques l'imite, et de même André et Jean. Il reste les autres, mais déjà debout, occupés à se purifier les mains dans les bassins d'argent que les serviteurs leur présentent. Marie et Marthe le font avec le Maître et Lazare.
Un serviteur entre et se penche pour parler à Maximin. "Maître" dit ce dernier après l'avoir écouté "il y a des personnes qui voudraient te voir. Elles viennent de loin, disent-elles. Que faisons-nous ?"
Jésus appelle Philippe, Jacques de Zébédée et Thomas et ordonne : "Allez, évangélisez, guérissez, agissez en mon nom. Annoncez que demain je monterai au Temple."
"Sera-t-il bien de le dire, Seigneur ?" demande Simon le Zélote.
"Il est inutile de le taire, car c'est déjà dit par les ennemis, plus que par les amis, dans la Cité Sainte. Allez !"
"Hum ! Tant que le savent les amis... on le sait. Mais eux ne trahissent pas. Je ne sais pas comment peuvent le savoir les autres."
"Parmi les nombreux amis, il y a toujours quel qu’ennemi, Simon de Jonas. Trop nombreux sont désormais... les amis, et avec trop de facilité on les accueille comme tels. Quand on pense combien moi, j'ai dû prier et attendre !... Mais c'était les premiers temps et on était circonspect. Puis les triomphes ont ébloui et on ne fut plus circonspect. Et ce fut un mal. Mais cela arrive à tous ceux qui sont victorieux. Les victoires offusquent la limpidité du regard et affaiblissent la prudence dans l'action. Je parle de nous disciples, naturellement, pas du Maître. Lui est parfait. Si nous étions restés à douze, on ne devrait pas trembler par crainte de trahison !" dit Judas de Kériot en mentant effrontément.
Il est impossible de décrire le regard que le Christ pose sur l'apôtre traître. Un regard de rappel et de douleur infinis. Mais Judas n'y prête pas attention. Passant devant la table, il se dirige pour sortir... Jésus le suit du regard et quand il voit que réellement il sort, il lui demande : "Où vas-tu ?"
"Dehors..." répond évasivement Judas.
"Hors de cette pièce, ou hors de la maison ?"
"Dehors... Ainsi... Pour marcher un peu."
*Ne pars pas, Judas. Reste avec Moi, avec nous..."
"Tes frères sont sortis et de même Jean avec André. Pourquoi ne dois-je pas sortir, moi ?"
"Tu ne sors pas pour te reposer comme eux..."
Judas ne répond pas, mais entêté, il sort. Dans la salle, on ne parle plus. Les hôtes et les quatre apôtres qui sont restés se regardent entre eux.
Jésus regarde dehors. Il s'est levé pour aller à une fenêtre afin de suivre les mouvements de Judas. Quand il le voit sortir de la maison avec le manteau qu'il a déjà endossé, et se diriger vers le portail que de là on ne voit pas, il l'appelle à haute voix : "Judas ! Attends-moi. J'ai quelque chose à te dire" et il repousse doucement Lazare qui, devinant une douleur en son Maître, l'avait entouré d'un bras à la taille, et il sort de la salle pour rejoindre Judas qui a continué de marcher, bien que plus lentement. Il le rejoint à un bon tiers de la distance de la maison à l'enceinte du jardin, près d'un bosquet d'arbustes aux feuilles épaisses. Ces feuilles semblent de céramique vert sombre, toutes parsemées de petites fleurs à trochet, et chaque fleur est une petite croix avec de lourds pétales comme s'ils étaient faits de cire à peine jaunie, au parfum intense. Je n'en connais pas le nom.
Il l'attire derrière ce massif et, en lui tenant la main toujours serrée sur l'avant-bras, il lui demande de nouveau : "Où vas-tu. Judas ? Je t'en prie, reste ici !"
"Toi qui sais tout, pourquoi me le demandes-tu ? Quel besoin as-tu de demander ? Toi qui lis dans le cœur des hommes ? Tu sais que je vais chez mes amis. Tu ne me permets pas d'y aller. Eux m'appellent. J'y vais."
"Tes amis ! Ta ruine dois-tu dire ! C'est vers elle que tu vas. Tu vas vers tes vrais assassins. N'y va pas, Judas ! N'y va pas ! Tu vas commettre un crime... Tu..."
"Ah ! tu as peur ? ! Tu as peur finalement ? ! Tu te sens homme, finalement ! Tu es un homme ! Rien de plus qu'un homme ! Car l'homme seul a peur de la mort. Dieu sait qu'il ne peut mourir. Si tu te sentais Dieu, tu saurais que tu ne peux mourir et tu n'aurais pas peur. En effet, Toi, maintenant, maintenant que tu sens la mort prochaine, tu l'as cette peur commune à tous les hommes et tu cherches par tous les moyens à l'éloigner, et tu vois partout et en toute chose un danger. Où sont tes belles audaces ? Où sont tes affirmations pleines d'assurance que tu es content, que tu as soif d'accomplir le Sacrifice ? Tu n'en as plus même un écho dans le cœur ! Tu croyais qu'elle ne viendrait jamais cette heure, et alors tu faisais le brave, le généreux, tu disais des phrases solennelles. Va ! Tu ne vaux pas mieux que ceux auxquels tu reproches d'être hypocrites ! Tu nous as flattés et trahis. Et nous qui avions pour Toi quitté toutes choses ! Nous, qui à cause de Toi, sommes haïs ! Tu es la cause de notre ruine..."
"Suffit. Va ! Va ! Il ne s'est pas passé beaucoup d'heures depuis que tu m'as dit : "Aide-moi à rester. Défends-moi !" Je l'ai fait. À quoi cela a-t-il servi ? Dis-moi encore une chose et réfléchis avant de la dire. Est-ce ta pure volonté ? Celle d'aller chez tes amis, de les préférer à Moi ?"
"Oui. C'est cela. Je n'ai pas besoin de réfléchir, car depuis longtemps je n'ai que cette volonté."
"Et alors, va ! Dieu ne violente pas la liberté de l'homme" et Jésus lui tourne le dos pour revenir lentement vers la maison. Quand il en est proche, il lève la tête, attiré par le regard que Lazare, toujours debout à la même place, tient fixé sur Lui. C'est un visage bien pâle qui s'efforce de sourire à l'ami fidèle.
Il rentre dans la salle où les quatre apôtres parlent avec Maximin, pendant que Marthe et Marie dirigent le travail des serviteurs qui remettent la salle en ordre en enlevant les nappes et les serviettes qui ont servi pendant le repas.
Lazare est allé sur le seuil et entouré de nouveau Jésus à la ceinture et, en passant devant un serviteur, il lui dit : "Apporte-moi le rouleau qui est sur la table de mon cabinet de travail."
Il mène Jésus sur l'un de ces larges sièges qui sont dans l'encadrement des fenêtres pour qu'il s'y assoie. Mais Jésus reste debout, s'efforçant de prêter attention a ce que Lui dit Lazare... Mais il est visible que sa pensée est ailleurs et qu'il a le cœur très affligé, bien que quand il s'aperçoit qu'il est observé par les apôtres, il sourit pour dissiper le soupçon qui existe dans le cœur de qui l'a approché en l'entourant et qui bavarde avec son voisin et fait un clin d'œil qui désigne le Maître.
Le serviteur revient avec le rouleau. Pierre qui a vu que ces parchemins contiennent des choses plus élevées que ce que sa tête peut comprendre, se retire en disant : "Les poissons ne mordent pas à certains appâts. Mieux vaut parler avec Maximin d'arbres et de cultures."
Marthe continue son travail. Marie, tout en se taisant, prend part à la conversation de Lazare qui signale au Maître certains passages écrits sur le parchemin, en disant : "N'a-t-il pas une voyance singulière, ce païen, plus que beaucoup d'entre nous ? Peut-être... s'il avait été ici pendant que tu es notre Maître, il aurait été parmi tes disciples et un des meilleurs. Et il t'aurait compris comme beaucoup d'entre nous n'en sont pas capables. Et ce poème aurait attiré à son génie l'admiration pour Toi ! Tes paroles recueillies et conservées par un esprit qui est lumineux tout en étant celui d'un païen !
Ta vie écrite par cette intelligence ouverte et limpide ! Nous n'avons plus d'écrivains ni de poètes. Tu es né trop tard, quand l'égoïsme et la corruption socioreligieuse ont éteint en nous la poésie et le génie. Ce que, sans te connaître, ont écrit de Toi nos sages et nos prophètes ne s'est pas rencontré dans la parole vivante de l'un de ceux qui te suivent. Tes préférés, tes fidèles sont, pour la plupart, des gens sans instruction. Et les autres... Non. Nous n'avons plus des Qoléhet pour transmettre aux foules les paroles de ta sagesse et ta figure. Nous ne les avons plus, car il manque l'esprit et la volonté, plus que la capacité de le faire. La partie la plus choisie humainement d'Israël, est sourde comme une trompette détériorée, et ne sait plus chanter les gloires et les merveilles de Dieu. Je crains que tout se perde ou soit altéré en partie par incapacité, en partie par mauvaise volonté..."
"Cela n'arrivera pas. L'Esprit du Seigneur, quand il sera établi à l'intérieur des cœurs, répétera mes paroles et en expliquera le sens. C'est l'Esprit de Dieu qui parle sur les lèvres du Christ. Puis... Puis, Il parlera directement aux esprits et Il rappellera mes paroles."
"Oh ! que ce soit bientôt ! Bientôt, parce que tes paroles sont si peu écoutées et encore moins comprises. Je pense qu'il sera violent comme le feu qui flambe, le rugissement de l'Esprit-Saint pour graver dans les esprits par la violence ce qu'ils n'ont pas voulu accueillir parce que c'était plein de douceur. Je pense que l'Esprit flamboyant brûlera de ses flammes les consciences tièdes et engourdies pour écrire sur elles tes paroles. Le monde devra t'aimer. Le Très-Haut le veut ! Mais quand sera-ce ?"
"Quand je me serai consumé dans le Sacrifice d'amour. Alors l'Amour viendra. Il sera comme la belle flamme qui s'élève de la Victime immolée, et cette flamme ne s'éteindra pas car le Sacrifice ne cessera pas. Une fois établi, il durera pendant tout le temps de la Terre."
"Mais alors... Tu devrais être réellement immolé pour que cela arrive ?"
"C'est cela." Jésus fait son geste habituel d'adhésion à son propre sort. Il étend les bras avec les mains tournées à l'extérieur et incline la tête. Puis il la relève pour sourire à Lazare affligé, et il dit : "Pourtant elle ne sera pas violente comme un rugissement la voix immatérielle de l'Esprit d'Amour, mais elle sera douce comme l'amour, qui est suave comme le vent de nisan et pourtant fort comme la mort. L'ineffable ministère de l'Amour !
Le complément, l'accomplissement de mon ministère. La perfection de mon ministère de Maître... Je ne crains pas, comme tu le crains, que rien se perd de ce que j'ai donné. Au contraire, je te dis en vérité, que des rayons de lumières seront jetés sur mes paroles et que vous en verrez l'esprit. Moi, je m'en vais sereinement parce que je confie ma doctrine à l'Esprit-Saint et mon esprit à mon Père."
Il baisse la tête en réfléchissant, et puis il pose le rouleau qui a été à l'origine de la conversation sur une espèce de haute crédence ou un coffre d'ébène, ou d'un autre bois de couleur foncée, tout marqueté d'ivoire jaune, que quatre serviteurs ont apporté de la pièce voisine et où Marthe range les nappes les plus précieuses. Il dit ensuite : "Lazare, viens dehors. J'ai besoin de te parler !"
"Tout de suite. Seigneur" et Lazare se lève du siège sur lequel il était assis et il suit Jésus dans le jardin où la lumière baisse, car la dernière clarté du jour est en train de mourir dans le ciel et faiblement encore le clair de lune commence de se manifester.
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2008/08-047.htm
TOME : 8/47
L' Onction de Béthanie
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Instructions diverses
"Le Fils de Dieu et de la Femme sans tache, apparut comme un ver"
Jésus dit :
"Et maintenant, viens. Bien que tu sois ce soir comme quelqu'un qui va expirer, viens, que je t'amène vers mes souffrances. Long sera le chemin que nous devrons faire ensemble, car aucune douleur ne m'a été épargnée: ni celle de la chair, ni celle de la pensée, ni celle du cœur, ni celle de l'esprit. Toutes je les ai éprouvées, de toutes je me suis nourri, de toutes je me suis désaltéré, jusqu'à en mourir.
Si tu posais ta bouche sur mes lèvres, tu sentirais qu'elles gardent encore l'amertume de tant de douleur. Si tu pouvais voir mon Humanité dans son vêtement, maintenant éclatant, tu verrais que cet éclat émane de milliers et de milliers de blessures qui couvrirent d'un vêtement de pourpre vivante mes membres déchirés, exsangues, marqués de coups, transpercés par amour pour vous.
Maintenant mon Humanité est éclatante. Mais il y eut un jour où elle fut semblable à celle d'un lépreux tant elle était frappée et humiliée. L'Homme-Dieu, qui avait en Lui-même la perfection de la beauté physique en tant que Fils de Dieu et de la Femme sans tache, apparut alors, aux yeux de ceux qui le regardaient avec amour, avec curiosité, ou avec mépris, laid : un "ver" comme dit David, l'opprobre des hommes, le rebut du peuple.
Mon amour pour mon Père et pour les enfants de mon Père m'a amené à abandonner mon corps à ceux qui me frappaient, à offrir mon visage à ceux qui me giflaient et me couvraient de crachats, à ceux qui croyaient faire une œuvre méritoire en m'arrachant les cheveux, la barbe, en me transperçant la tête avec les épines, en rendant la terre et ses fruits complices des tourments infligés à son Sauveur, en déboîtant mes membres, en découvrant mes os, en arrachant mes vêtements et donnant ainsi à ma pureté la plus grande des tortures, en m'attachant à un bois, en m'élevant comme un agneau égorgé aux crocs d'un boucher, et aboyant autour de mon agonie comme une meute de chiens affamés que l'odeur du sang rend encore plus féroces.
Accusé, condamné, tué. Trahi, renié, vendu. Abandonné même par Dieu à cause des crimes que j'avais pris sur Moi. Devenu plus pauvre qu'un mendiant dépouillé par des brigands puisqu'on ne me laissa même pas mes vêtements pour couvrir ma nudité livide de martyr. Pas même épargné au-delà de la mort par l'insulte d'une blessure et les calomnies de mes ennemis. Submergé sous la boue de tous vos péchés, précipité jusqu'au fond des ténèbres de la douleur, sans aucune lumière du Ciel qui répondît à mon regard mourant, et sans un mot de Dieu qui répondît à mon dernier appel.
Isaïe dit la raison de tant de douleur : "Il a vraiment pris sur Lui nos maux et il a porté nos douleurs".
Nos douleurs ! Oui, je les ai portées à votre place ! Pour soulever les vôtres, les adoucir, les supprimer, si vous m'aviez été fidèles. Mais vous n'avez pas voulu l'être. Et qu'en ai-je eu ? Vous m'avez "regardé comme un lépreux, comme quelqu'un frappé par Dieu". Oui, j'avais sur Moi la lèpre de vos péchés sans nombre, elle était sur Moi comme un vêtement de pénitence, comme un cilice; mais comment n'avez-vous pas vu transparaître Dieu dans son infinie charité de ce vêtement que pour vous Il avait mis sur sa sainteté ?
"Blessé à cause de nos iniquités, transpercé à cause de nos crimes" dit Isaïe qui, de son regard prophétique, voyait le Fils de l'homme devenu une immense plaie pour guérir celles des hommes. Et s'il n'y avait eu que les blessures de ma chair !
Mais ce que vous m'avez le plus blessé c'est le sentiment et l'esprit. De l'un et de l'autre, vous avez fait un jouet et une cible et vous m'avez frappé dans l'amitié que je vous avais donnée, par l'intermédiaire de Judas; dans la fidélité que j'espérais de vous, par l'intermédiaire de Pierre qui me renia; dans la reconnaissance pour mes bienfaits, par l'intermédiaire de ceux qui me criaient : "Meurs !" après que je les ai eus tirés de tant de maladies; à travers l'amour, pour les déchirements infligés à ma Mère; à travers la religion, en déclarant que je blasphémais Dieu, Moi, qui pour le zèle de la cause de Dieu, m'étais mis entre les mains de l'homme en m'incarnant, en souffrant toute ma vie, et en m'abandonnant à la férocité humaine sans proférer un mot ou une plainte.
Il aurait suffi d'un regard pour réduire en cendres accusateurs, juges et bourreaux. Mais j'étais venu volontairement pour accomplir le sacrifice et comme agneau, parce que j'étais l'Agneau de Dieu et je le suis pour l'éternité, je me suis laissé conduire au dépouillement et à la mort pour faire de ma Chair votre Vie.
Quand j'ai été élevé, j'étais déjà consumé par des souffrances sans nom, avec tous les noms. J'ai commencé de mourir à Bethléem, en voyant la lumière de la Terre qui était si différente d'une façon angoissante pour Moi qui étais le Vivant du Ciel. J'ai continué à mourir dans la pauvreté, dans l'exil, dans la fuite, dans le travail, dans l'incompréhension, dans la fatigue, dans la trahison, dans les affections qu'on m'enlevait, dans les tortures, dans les mensonges, dans les blasphèmes. Voilà ce qu'a donné l'homme à Moi qui venais pour l'unir à Dieu !
Marie, regarde ton Sauveur. Il n'a pas son vêtement blanc, ni sa tête blonde. Il n'a pas le regard de saphir que tu Lui connais. Son habit est rouge de sang, il est déchiré et couvert de saleté et de crachats. Son visage est tuméfié et défiguré, son regard voilé de sang et de pleurs, et ses yeux te regardent à travers la croûte qu'ils forment et la poussière qui alourdit les paupières. Mes mains, tu les vois ? Elles ne sont déjà qu'une plaie en attendant la plaie finale.
Regarde, petit Jean, comme me regarda ton frère Jean. Derrière mes pas, il reste des empreintes sanglantes. La sueur délave le sang qui coule des écorchures des fouets, de ce qui restait encore de l'agonie du Jardin. La parole sort, dans l'essoufflement de l'angoisse d'un cœur qui meurt déjà de tortures de tous noms, de mes lèvres brûlées et contusionnées.
Dorénavant, tu me verras souvent ainsi. Je suis le Roi de la douleur et je viendrai te parler de ma douleur dans mon vêtement royal. Suis-moi, malgré ton agonie. Je saurai, car je suis plein de pitié, devant tes lèvres empoisonnées par ma souffrance, mettre aussi le miel parfumé des plus sereines contemplations. Mais tu dois plutôt préférer ces contemplations sanglantes, car c'est par elles que tu as la Vie et avec elles que tu amèneras les autres à la Vie. Baise ma main sanglante et veille en méditant sur Moi le Rédempteur.
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Je vois Jésus comme Lui-même se dépeint. Ce soir, depuis 19h (il est 1h et quart du 11 février, désormais) je suis vraiment en agonie.
Jésus me dit ce matin 11 février à 7h.30 :
"Hier soir, je n'ai voulu te parler que de Moi en proie à la souffrance, car j'ai commencé la description et la vision de mes douleurs. Hier soir, c'était l'introduction. Et tu étais tellement épuisée, mon amie ! Mais avant que l'agonie revienne, je dois te faire un doux reproche.
Hier matin, tu as été égoïste. Tu as dit au Père : "Espérons que je dure parce que ma fatigue est la plus grande". Non, la sienne est la plus grande car elle est fatigante, sans être compensée par la béatitude de voir et de posséder Jésus comme tu l'as jusqu'avec sa sainte Humanité. Ne sois jamais égoïste, même dans les choses les plus petites. Une disciple, un petit Jean, doit être très humble et très charitable comme son Jésus.
Et maintenant reste avec Moi. "Les fleurs sont apparues... le temps de la taille est venu... et on a entendu dans les campagnes la voix de la tourterelle..." Et ce sont les fleurs qui sont nées dans les flaques de Sang de ton Christ. Et Celui que l'on coupera comme une branche que l'on taille, c'est le Rédempteur. Et la voix de la tourterelle qui appelle l'épouse à son festin de noces douloureuses et saintes, c'est la mienne qui t'aime.
Lève-toi et viens, comme dit la Messe d'aujourd'hui. Viens contempler et souffrir. C'est le don que j'accorde à mes privilégiés."
( ‘’ Petit Jean ‘’ surnom affectueux donné par Jésus à Maria Valtorta dans les dictées .Il fait référence à l’ Apôtre Jean )
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SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-001.htm
TOME : 9 /001
Jésus souffrant du péché des hommes
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Instructions diverses
"Il suffit de dire la vérité pour être haï"
Vision du dimanche 31 décembre 1944
* Ce chapitre est la reprise du Tome 2, chapitre 67, mot pour mot *
Jésus dit :
"Mon regard avait lu dans le cœur de Judas Iscariote. Personne ne doit penser que la Sagesse de Dieu n'a pas été capable de comprendre ce cœur. Mais, comme je l'ai dit à ma Mère, il le fallait. Malheur à Lui d'avoir été le traître ! Mais un traître il le fallait. Plein de duplicité, d'astuce, avide, luxurieux, voleur, et intelligent et cultivé plus que la masse des gens, il avait su s'imposer à tous. Audacieux, il m'aplanissait le chemin même s'il était difficile. Il aimait surtout sortir du rang et faire valoir sa place de confiance auprès de Moi. Sa serviabilité ne venait pas de la charité. Mais il était uniquement ce que vous appelleriez un "faiseur". Cela lui permettait de garder la bourse et d'approcher des femmes. Deux choses, qu'avec la troisième : sa charge humaine, il aimait effrénément.
La Femme pure, humble, détachée des richesses terrestres, ne pouvait ne pas éprouver de dégoût pour ce serpent. Moi aussi, j'en éprouvais du dégoût. Moi seul, et le Père, et l'Esprit, nous savons quels efforts j'ai dû soutenir pour pouvoir le supporter près de Moi. Mais je te l'expliquerai une autre fois.
Je n'ignorais pas non plus l'hostilité des prêtres, des pharisiens, scribes et sadducéens. C'étaient des renards rusés qui cherchaient à me pousser dans leur tanière pour me mettre en pièces. Ils avaient faim de mon Sang. Et ils cherchaient à me tendre partout des pièges pour s'emparer de Moi, pour avoir l'arme des accusations, pour me faire disparaître. Pendant trois ans, longue a été l'embûche et elle ne s'est apaisée que quand ils m'ont su mort. Ce soir-là, ils ont dormi heureux. La voix de leur accusateur était pour toujours éteinte. Ils le croyaient. Non, elle n'était pas encore éteinte. Elle ne le sera jamais et elle tonne, elle tonne et elle maudit leurs semblables d'aujourd'hui. Que de douleurs eut ma Mère à cause d'eux ! Et cette douleur Moi, je ne l'oublie pas.
Que la foule fût changeante, ce n'était pas chose nouvelle. C'est le fauve qui lèche la main du dompteur, s'il est armé de la cravache ou s'il lui offre un morceau de viande pour calmer sa faim. Mais il suffit que le dompteur tombe et ne puisse pas se servir de la cravache, ou bien n'ait plus de proie pour le rassasier, pour qu'il se jette sur lui et le mette en pièces. Il suffit de dire la vérité et d'être bon pour être haï par la foule après le premier moment d'enthousiasme. La vérité est reproche et avertissement. La bonté dépouille de la cravache et fait que ceux qui ne sont pas bons ne craignent plus. De là viennent les "crucifie-le" après que l'on a dit "hosanna". Ma vie de Maître est pleine de ces deux voix. Et la dernière a été "crucifie-le". L'hosanna est comme la respiration du chanteur afin d'avoir du souffle pour monter à l'aigu. Marie, le soir du Vendredi Saint, a entendu de nouveau en elle tous les hosannas mensongers, devenus des cris de mort pour son Enfant, et elle en est restée brisée. Cela aussi, je ne l'oublie pas.
L'humanité des apôtres ! Combien grande ! Je portais sur mes bras, pour les élever vers le Ciel, des blocs qu'attirait la terre. Même ceux qui ne se voyaient pas comme les ministres d'un roi terrestre, comme Judas l'Iscariote, ceux qui ne pensaient pas comme lui à monter, à l'occasion, à ma place sur le trône, étaient toujours cependant désireux de gloire. Un jour vint où même mon Jean et son frère désirèrent cette gloire qui vous éblouit comme un mirage même dans les choses célestes. Ce n'est pas l'aspiration sainte au Paradis que je veux que vous ayez, mais un désir humain que votre sainteté soit connue. Non seulement cela, maïs avidité de changeur, d'usurier pour lequel, en échange d'un peu d'amour donné à celui auquel je vous ai dit que vous devez donner tout vous-mêmes, prétendez avoir une place à sa droite dans le Ciel.
Non, fils. Non. Auparavant il faut savoir boire tout le calice que j'ai bu. Tout : avec sa charité donnée en échange de la haine, avec sa chasteté contre les appels des sens, avec son héroïsme dans les épreuves, avec son holocauste pour l'amour de Dieu et des frères. Puis, quand tout est accompli du propre devoir, dire encore : "Nous sommes des serviteurs inutiles" et attendre que mon Père et le vôtre, vous accorde, grâce à sa bonté, une place dans son Royaume. Il faut se dépouiller, comme tu as vu qu'on me dépouillait dans le Prétoire, de tout ce qui est humain, en gardant seulement l'indispensable qui est respect envers le don de Dieu qu'est la vie, et envers les frères auxquels nous pouvons être utiles plutôt du Ciel que sur la Terre, et laisser que Dieu vous revête du vêtement immortel, purifié dans le Sang de l'Agneau.
Je t'ai montré les douleurs préparatoires de la Passion. Les autres, Je te les montrerai. Bien que ce soit toujours des douleurs, cela a été un repos pour ton âme de les contempler. Maintenant, cela suffit. Reste en paix."
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-002.htm
TOME : 9 / 02
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Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Instructions diverses
"J'ai souffert de voir souffrir ma mère"
Jésus me dit :
"Je n'ai pas oublié non plus les douleurs de Marie, ma Mère. Avoir dû la déchirer par la perspective de ma souffrance, avoir dû la voir pleurer. C'est pour cela que je ne lui refuse rien. Elle m'a tout donné. Moi, je lui donne tout. Elle a souffert toute la douleur. Je lui donne toute la joie.
Je voudrais que quand vous pensez à Marie, vous méditiez la longue agonie qu'elle a soufferte pendant trente-trois ans et couronnée au pied de la Croix. Elle l'a soufferte pour vous. Pour vous, les moqueries de la foule qui la considérait la mère d'un fou. Pour vous, les reproches des parents et des personnages importants. Pour vous, mon désaveu apparent : "Ma Mère et mes frères, ce sont ceux qui font la volonté de Dieu".
Et qui la faisait plus qu'elle, et une Volonté redoutable qui lui imposait la torture de voir supplicier son Fils?
Pour vous, les fatigues de me rejoindre ici et là. Pour vous, les sacrifices : depuis celui de quitter sa maisonnette et de se mêler à la foule, jusqu'à celui de quitter sa petite patrie pour le tumulte de Jérusalem. Pour vous, de devoir rester au contact de celui qui couvait dans son cœur la trahison. Pour vous, la douleur de m'entendre accuser de possession diabolique, d'hérésie. Tout, tout, pour vous.
Vous ne savez pas à quel point je l'ai aimée, ma Mère. Vous ne réfléchissez pas à quel point le cœur du Fils de Marie était sensible aux affections. Et vous croyez que ma torture a été purement physique, tout au plus vous ajoutez la torture spirituelle de l'abandon final du Père.
Non, fils. Même les passions de l'homme, je les ai éprouvées. J'ai souffert de voir souffrir ma Mère, de devoir la conduire comme une douce agnelle au supplice, de devoir la déchirer par les adieux successifs, à Nazareth avant l'évangélisation, en celui que je vous ai montré et qui précède mon imminente Passion, en celui où elle était déjà en acte avec la trahison de Judas, avant la Cène, dans l'adieu atroce sur le Calvaire.
J'ai souffert de me voir méprisé, haï, calomnié, entouré de curiosités malsaines qui ne se tournaient pas vers le bien, mais au contraire vers le mal. J'ai souffert de tous les mensonges que j'ai dû entendre ou voir agir à mes côtés. Ceux des pharisiens hypocrites qui m'appelaient Maître et me posaient des questions non parce qu'ils avaient foi en mon intelligence, mais pour me tendre des pièges, les mensonges de ceux que j'avais comblés de bienfaits et qui se firent des accusateurs au Sanhédrin ou au Prétoire, le mensonge, celui prémédité, prolongé, subtil de Judas qui m'a vendu et a continué de se faire passer pour disciple, qui m'a indiqué aux bourreaux par le signe de l'amour. J'ai souffert du mensonge de Pierre pris par une peur humaine.
Que de mensonges, et tellement révoltants pour Moi qui suis la Vérité ! Combien aussi maintenant il en est qui me concernent ! Vous dites que vous m'aimez, mais vous ne m'aimez pas. Vous avez mon Nom sur vos lèvres, et dans votre cœur vous adorez Satan et vous suivez une loi contraire à la mienne.
J'ai souffert en pensant que devant la valeur infinie de mon Sacrifice : le Sacrifice d'un Dieu, trop peu se seraient sauvés. Tous, je dis : tous ceux qui, au cours des siècles de la Terre, auraient préféré la mort à la vie éternelle, en rendant vain mon Sacrifice, m'ont été présents. Et c'est avec cette connaissance que je suis allé à la rencontre de la mort.
Vois, petit Jean, que ton Jésus et sa Mère, ont souffert profondément dans leur moi moral. Et longuement. Patience donc si tu dois souffrir. "Aucun disciple n'est plus que son Maître". Je l'ai dit.
Demain, je parlerai des douleurs de l'esprit. Maintenant, repose. La paix soit avec toi."
Ensuite Marie, répondant à une prière qui était sortie de mon cœur après avoir dit celle écrite sous l'image du Cœur Immaculé : "Notre Mère toute tendre, révélez-nous les secrets de votre Cœur Immaculé. Faites qu'un de vos rayons très doux et très purs pénètre nos cœurs et les transforme et les prépare aux divines visites du Saint-Esprit." J'avais ajouté : "Oui, Maman de Jésus et la mienne, révèle-moi les secrets de ton Cœur et prépare le mien par ta lumière."
Et Elle : "Je t'ai plongée dans mon Cœur dont je t'ai fait connaître les joies et les larmes. J'ai passé dans ton cœur avec le rayon de ma charité pour te rendre capable de comprendre la voix de mon Fils et les lumières du Divin Esprit. Car sans les lumières du Paraclet, c'est l'obscurité et le silence qui restent dans les cœurs. C'est toujours l'Esprit dont je suis l'épouse, Celui qui vous fait comprendre la Vérité et vous sanctifie pour Dieu. Le Père, le Fils, le Saint-Esprit doivent être dans vos cœurs pour que vous puissiez comprendre les secrets de Dieu dans ses triples manifestations de Puissance, de Rédemption, d'Amour.
Le Père est toujours présent dans ses vrais fils par sa Bonté, le Fils par sa Doctrine, et le Saint-Esprit par sa Lumière, car jamais Il n'est absent là où il y a sanctification, et la parole de mon Jésus est la sanctification permise par la volonté du Père qui vous aime."
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-003.htm
TOME : 9/03
Souffrance de Marie
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Instructions diverses
"J'étais, je suis le Fils de Dieu.
Mais j'étais aussi le Fils de l'Homme"
Jésus dit :
"La souffrance de mon agonie spirituelle, tu l'as contemplée dans la soirée du Jeudi. Tu as vu ton Jésus s'affaisser comme un homme frappé mortellement qui sent fuir sa vie à travers les blessures qui lui font perdre son sang, ou comme une créature dominée par un traumatisme psychique au-dessus de ses forces. Tu as vu la croissance de ce trauma qui a atteint son point extrême dans l'effusion du sang, provoquée par le déséquilibre circulatoire que produisait l'effort de me vaincre et de résister au poids qui s'était abattu sur Moi.
J'étais, je suis le Fils du Dieu Très-Haut, mais j'étais aussi le Fils de l'homme. Je veux que, de ces pages, se dégage nettement cette double nature pareillement totale et parfaite.
De ma Divinité fait foi ma parole qui a des accents que seul un Dieu peut avoir. De mon Humanité les besoins, les passions, les souffrances que je vous présente et que je souffris dans ma chair d'Homme véritable, et que je vous propose comme modèle de votre humanité, de même que je vous instruis l'esprit par ma doctrine de vrai Dieu.
Au cours des siècles, aussi bien ma très sainte Divinité que ma très parfaite Humanité, par l'action de désagrégation de "votre" humanité imparfaite, ont été diminuées, déformées dans leur présentation. Vous avez rendue irréelle mon Humanité, vous l'avez rendue inhumaine comme vous avez rendue petite ma figure divine, en la niant sur tant de points que vous ne vouliez pas reconnaître ou que vous ne pouviez plus reconnaître avec vos esprits diminués par les corruptions du vice et de l'athéisme, de l'humanisme, du rationalisme.
Je viens, en cette heure tragique, prodrome de malheurs universels, je viens rafraîchir dans vos esprits ma double figure de Dieu et d'Homme, pour que vous la connaissiez telle qu'elle est, pour que vous la reconnaissiez après tant d'obscurantisme dont vous l'avez couverte pour vos esprits, pour que vous l'aimiez et reveniez à elle et que vous vous sauviez par son intermédiaire. C'est la figure de votre Sauveur, et celui qui la connaîtra et l'aimera sera sauvé.
Ces jours-ci, je t'ai fait connaître mes souffrances physiques. Elles ont torturé mon Humanité. Je t'ai fait connaître mes souffrances morales liées, entrelacées, fondues avec celles de ma Mère comme le sont les lianes inextricables des forêts équatoriales, que l'on ne peut séparer pour en couper une seule mais que l'on doit briser d'un seul coup de hache pour s'ouvrir un passage, en les coupant toutes ensemble; ou encore comme sont les veines du corps dont on ne peut priver une seule de sang parce qu'un seul liquide les emplit; comme, c'est encore mieux, comme on ne peut empêcher que pour l'enfant qui se forme dans le sein de la mère qu'entre la mort si la mère meurt, car c'est la vie, la chaleur, la nourriture, le sang de la mère qui, par un rythme accordé avec le mouvement du cœur maternel, pénètre, à travers les membranes internes, jusqu'à l'enfant qui doit naître pour faire de lui un être vivant.
Elle, oh! elle, la Mère pure m'a porté non seulement les neufs mois pendant lesquels une femme porte le fruit de l'homme, mais pendant toute sa vie. Nos cœurs étaient unis par des fibres spirituelles et ont palpité ensemble toujours, et il n'y avait pas une larme maternelle qui tombât sans humecter mon cœur de son sel, et il n'y avait pas une seule de mes plaintes intérieures qui ne résonnât en elle pour éveiller sa douleur.
Vous souffrez de voir la mère d'un enfant destiné à mourir par suite d'une maladie incurable, la mère de quelqu'un condamné au dernier supplice par la rigueur de la justice humaine. Mais pensez à ma Mère qui, dès le moment où elle m'a conçu, a tremblé en pensant que j'étais le Condamné, à cette Mère qui, quand elle m'a donné le premier baiser sur ma peau douce et rose de nouveau-né, a senti les plaies futures de son Enfant, à cette Mère qui aurait donné dix, cent, mille fois sa vie pour m'empêcher de devenir Homme et d'arriver au moment de l'Immolation, à cette Mère qui savait et qui devait désirer cette heure terrible pour accepter la volonté du Seigneur, pour la gloire du Seigneur, par bonté envers l'Humanité Non, il n'y a pas eu d'agonie plus longue, et qui ait pris fin en une douleur plus grande, que celle de ma Mère.
Et il n'y a pas eu une douleur plus grande, plus complète que la mienne. J'étais Un avec le Père. Il m'avait de toute éternité aimé comme Dieu seul peut aimer. Il s'était complu en Moi et avait trouvé en Moi sa divine joie. Et Moi, je l'avais aimé comme seul un Dieu peut aimer et j'avais trouvé dans l'union avec Lui ma joie divine. Les ineffables rapports qui lient aba eterno le Père avec son Fils ne peuvent vous être expliqués même par ma Parole, car si elle est parfaite votre intelligence ne l'est pas et vous ne pouvez comprendre et connaître ce qu'est Dieu tant que vous n'êtes pas avec Lui dans le Ciel.
Eh bien, je sentais, comme l'eau qui monte et fait pression contre une digue, croître, heure par heure, la rigueur de mon Père envers Moi. En témoignage contre les hommes-brutes, qui ne voulaient pas comprendre qui j'étais, Il avait, durant le temps de ma vie publique, ouvert par trois fois le Ciel : au Jourdain, au Thabor et à Jérusalem la veille de la Passion. Mais Il l'avait fait pour les hommes, non pour me donner un soulagement à Moi. J'étais, désormais, l'Expiateur.
Souvent, Marie, Dieu fait connaître aux hommes un de ses serviteurs pour les secouer et les entraîner, par son intermédiaire, vers Lui, maïs cela arrive aussi à travers la douleur de ce serviteur. C'est lui-même qui paie personnellement, en mangeant le pain amer de la rigueur de Dieu, les réconforts et le salut de ses frères. N'est-ce pas ? Les victimes d'expiation connaissent la rigueur de Dieu. Ensuite vient la gloire, mais après que la Justice est apaisée .Ce n'est pas comme pour mon amour qui, à ses victimes, donne ses baisers. Je suis Jésus, je suis le Rédempteur, Celui qui a souffert et sait, par expérience personnelle, ce que c'est que la douleur d'être regardé avec sévérité par Dieu et d'être abandonné par Lui, et je ne suis jamais sévère, et je n'abandonne jamais. Je consume pareillement, mais dans un incendie d'amour.
Plus l'heure de l'expiation approchait et plus je sentais le Père s'éloigner. Toujours plus séparé du Père, mon Humanité se sentait moins soutenue par la Divinité de Dieu. Et j'en souffrais de toutes les manières.
La séparation d'avec Dieu amène avec elle la peur, elle amène avec elle l'attachement à la vie, elle amène avec elle la langueur, la lassitude, l'ennui. Plus elle est profonde et plus fortes sont ses conséquences. Quand elle est totale, elle amène au désespoir. Et plus celui qui, par suite d'un décret de Dieu, l'éprouve sans l'avoir méritée, plus il en souffre parce que l'esprit vivant sent la séparation d'avec Dieu comme une chair vivante sent l'amputation d'un membre. C'est un étonnement douloureux, accablant, que ne comprend pas celui qui ne l'a pas éprouvé. Je l'ai éprouvé. J'ai dû tout connaître pour pouvoir plaider sur tout sujet auprès du Père en votre faveur. Même vos désespoirs. Oh ! Je l'ai éprouvé ce que veut dire : "Je suis seul. Tous m'ont trahi, abandonné. Même le Père, même Dieu ne m'aide plus".
Et c'est pour cela que j'opère des prodiges mystérieux de grâce chez les pauvres cœurs que le désespoir accable et que je demande à mes privilégiés de boire mon calice si amer à l'expérience, pour que ceux, qui font naufrage dans la mer du désespoir, ne refusent pas la croix que je leur offre comme ancre de salut, mais qu'ils s'y accrochent et que je puisse les amener à la rive bienheureuse où ne vit que la paix.
Dans la soirée du Jeudi, Moi seul sais si j'aurais eu besoin du Père ! J'étais un esprit déjà à l'agonie à cause de l'effort d'avoir dû surmonter les deux plus grandes douleurs d'un homme : l'adieu à une Mère très aimée, le voisinage de l'ami infidèle. C'étaient deux plaies qui me brûlaient le cœur : l'une par ses larmes, l'autre par sa haine.
J'avais dû rompre mon pain avec mon Caïn. J'avais dû lui parler en ami pour ne pas le dénoncer aux autres dont je pouvais redouter la violence, et pour empêcher un crime, inutile d'ailleurs, puisque tout était déjà marqué dans le grand livre de la vie : et ma Mort sainte et le suicide de Judas. Inutiles d'autres morts réprouvées par Dieu. Aucun autre sang que le mien ne devait être répandu, et ne fut pas répandu. La corde étrangla cette vie en renfermant dans le sac immonde du corps du traître son sang impur vendu à Satan, ce sang qui ne devait pas se mélanger, en tombant sur la Terre, au sang très pur de l'Innocent.
Elles auraient bien suffi ces deux plaies pour faire de Moi un agonisant dans mon Moi. Mais j'étais l'Expiateur, la Victime, l'Agneau. L'Agneau, avant d'être immolé, connaît la marque au fer rouge, il connaît les coups, il connaît le dépouillement, il connaît la vente au boucher. Ce n'est qu'à la fin qu'il connaît le froid du couteau qui pénètre dans la gorge et saigne et tue. Auparavant il doit tout quitter : le pâturage où il a grandi, la mère au sein de laquelle il s'est nourri et réchauffé, les compagnons avec lesquels il a vécu. Tout. Moi j'ai tout connu : Moi, Agneau de Dieu.
Satan est donc venu alors que le Père se retirait dans les Cieux. Il était déjà venu au commencement de ma mission pour essayer de m'en détourner. Maintenant il revenait. C'était son heure. L'heure du sabbat satanique.
Des foules et des foules de démons étaient cette nuit-là sur la Terre pour mener à terme la séduction dans les cœurs et les disposer à vouloir le lendemain le meurtre du Christ. Chaque synhédriste avait le sien, Hérode le sien, Pilate le sien, et le sien chacun des juifs qui aurait appelé mon Sang sur lui. Les apôtres aussi avaient près d'eux leur tentateur qui les assoupissait pendant que je languissais, qui les préparait à la lâcheté. Remarque le pouvoir de la pureté. Jean, le pur, fut le premier de tous à se libérer de la griffe démoniaque et revint tout de suite vers son Jésus et comprit son désir inexprimé et m'amena Marie.
Mais Judas avait Lucifer et Moi j'avais Lucifer. Lui dans le cœur, Moi à mon côté. Nous étions les deux principaux personnages de la tragédie, et Satan s'occupait personnellement de nous. Après avoir amené Judas au point de ne plus pouvoir revenir en arrière, il se tourna vers Moi.
Avec sa ruse parfaite, il me présenta les tortures de ma chair avec un réalisme insurpassable. Au désert aussi, il avait commencé par la chair. Je le vainquis en priant, Mon esprit domina la peur de la chair.
Il me présenta alors l'inutilité de ma mort, l'utilité de vivre pour Moi-même sans m'occuper des hommes ingrats. Vivre riche, heureux, aimé. Vivre pour ma Mère, pour ne pas la faire souffrir. Vivre pour amener à Dieu, par un long apostolat tant d'hommes qui, une fois que je serais mort, m'auraient oublié; alors que si j'avais été Maître non pas pendant trois ans, mais pendant des lustres et des lustres, j'aurais fini par les pénétrer de ma doctrine. Ses anges m'auraient aidé à séduire les hommes. Est-ce que je ne voyais pas que les anges de Dieu n'intervenaient pas pour m'aider ? Ensuite, Dieu m'aurait pardonné en voyant la moisson de croyants que je Lui aurais amenés. Dans le désert aussi il m'avait poussé à tenter Dieu par l'imprudence. Je le vainquis par la prière. Mon esprit domina la tentation morale.
Il me présenta l'abandon de Dieu, Lui, le Père, ne m'aimait plus. J'étais chargé des péchés du monde. Je Lui faisais horreur. Il était absent, Il me laissait seul. Il m'abandonnait aux moqueries d'une foule féroce, et Il ne m'accordait même pas son divin réconfort. Seul, seul, seul. A cette heure, il n'y avait que Satan près du Christ. Dieu et les hommes étaient absents parce qu'ils ne m'aimaient pas, Ils me haïssaient ou étaient indifférents. Je priais pour couvrir par mon oraison les paroles sataniques. Mais ma prière ne montait plus vers Dieu. Elle retombait sur Moi comme les pierres de la lapidation et m'écrasait sous sa masse. La prière qui pour Moi était toujours une caresse donnée au Père, une voix qui montait et à laquelle répondait la caresse et la parole paternelle, maintenant elle était morte, pesante, lancée en vain contre les Cieux fermés.
Alors j'ai senti l'amertume du fond du calice. La saveur du désespoir. C'était ce que voulait Satan. M'amener à désespérer pour faire de Moi son esclave. J'ai vaincu le désespoir et je l'ai vaincu par mes seules forces, parce que j'ai voulu le vaincre. Avec mes seules forces d'Homme. Je n'étais plus que l'Homme. Et je n'étais plus qu'un homme qui n'est plus aidé par Dieu.
Quand Dieu aide, il est facile de soulever le monde lui-même et de le soutenir comme un jouet d'enfant. Mais quand Dieu n'aide plus, même le poids d'une fleur est une fatigue.
J'ai vaincu le désespoir et Satan son créateur pour servir Dieu et vous, en vous donnant la Vie. Mais j'ai connu la Mort. Non pas la mort physique du crucifié — elle fut moins atroce — mais la Mort totale, consciente, du lutteur qui tombe après avoir triomphé, le cœur brisé et le sang se répandant dans le trauma d'un effort au-dessus du possible. Et j'ai sué sang. J'ai sué sang pour être fidèle à la volonté de Dieu.
Voilà pourquoi l'ange de ma douleur m'a présenté l'espérance de tous ceux qui sont sauvés par mon sacrifice comme un remède à ma mort. Vos noms ! Chacun a été pour Moi une goutte de remède infusé dans mes veines pour leur redonner tonus et fonctionnement, chacun a été pour Moi la vie qui revient, la lumière qui revient, la force qui revient. Dans les tortures inhumâmes, pour ne pas crier ma douleur d'Homme, et pour ne pas désespérer de Dieu et dire qu'il était trop sévère et injuste envers sa Victime, je me suis répété vos noms, je vous ai vus. Je vous ai bénis depuis lors. Depuis lors, je vous ai porté dans mon cœur. Et quand pour vous est venue votre heure d'être sur la Terre, je me suis penché du Ciel pour accompagner votre venue, jubilant à la pensée qu'une nouvelle fleur d'amour était née dans le monde et qu'elle aurait vécu pour Moi.
Oh! mes bénis! Réconfort du Christ mourant! Ma Mère, le Disciple, les pieuses Femmes entouraient ma mort, mais vous aussi y étiez. Mes yeux mourants voyaient, en même temps que le visage déchiré de ma Mère, vos visages affectueux et ils se sont fermés ainsi, heureux de se fermer parce qu'ils vous avaient sauvés, ô vous qui méritez le Sacrifice d'un Dieu."
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-004.htm
TOME : 9 /04
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Jésus Fils de Dieu et aussi Fils de l' homme
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Instructions diverses
"Vous ne réfléchissez jamais
à ce que vous m'avez coûté"
Jésus dit :
"Désormais tu as pris connaissance de toutes les douleurs qui ont précédé ma Passion proprement dite. Maintenant je vais te faire connaître les douleurs de ma Passion en acte. Ces douleurs qui frappent davantage votre esprit quand vous les méditez. Mais vous les méditez très peu, trop peu. Vous ne réfléchissez pas à ce que vous m'avez coûté et de quelle torture est fait votre salut.
Vous qui vous plaignez d'une écorchure, d'un coup contre un coin, d'un mal de tête, vous ne réfléchissez pas que Moi, je n'étais qu'une plaie, que ces plaies étaient envenimées par beaucoup de choses, que les choses elles-mêmes servaient à tourmenter leur Créateur parce qu'elles torturaient le Dieu-Fils déjà torturé, sans respect pour Celui qui, Père de la Création, les avait formées.
Mais les choses n'étaient pas coupables. C'était encore et toujours l'homme le coupable. Le coupable depuis le jour où il écouta Satan dans le Paradis terrestre. Elles n'avaient pas d'épines, de poison, de cruauté jusqu'à ce moment-là les choses de la Création pour l'homme créature choisie. Dieu l'avait fait roi cet homme, fait à son image et à sa ressemblance et, dans son paternel amour, Il n'avait pas voulu que les choses puissent être un piège pour l'homme. Satan mit le piège. Dans le cœur de l'homme pour commencer, puis il produisit pour l'homme, avec la punition du péché, des ronces et des épines.
Et voici que Moi, l'Homme, j'ai dû souffrir aussi pour les choses et par les choses en plus que par les personnes. Ces dernières m'ont donné insultes et sévices; les choses en furent les armes. La main que Dieu avait faite pour l'homme pour le distinguer des brutes, la main dont Dieu avait enseigné l'usage à l'homme, la main que Dieu avait mise en rapport avec l'esprit en lui donnant le pouvoir d'exécuter les commandements de l'esprit, cette partie de vous si parfaite et qui n'aurait dû avoir que des caresses pour le Fils de Dieu dont elle n'avait eu que des caresses et la guérison si elle était malade, se révolta contre le Fils de Dieu et elle le frappa de soufflets, de coups de poing, elle s'arma de fouets, se fit tenaille pour arracher les cheveux et la barbe, et marteau pour enfoncer les clous.
Les pieds de l'homme, qui auraient dû uniquement courir avec agilité pour adorer le Fils de Dieu, furent rapides pour venir me capturer, pour me pousser et me traîner par les chemins, vers mes bourreaux, et me frapper de coups de pied comme il n'est pas juste de le faire pour un mulet rétif.
La bouche de l'homme, qui aurait dû user de la parole, la parole qui n'a été donnée qu'à l'homme de tous les animaux créés, pour louer et bénir le Fils de Dieu, s'emplit de blasphèmes et de mensonges et les lança, en même temps que sa bave, contre ma personne.
L'esprit de l'homme, qui est la preuve de son origine céleste, s'est épuisé pour imaginer des tourments d'une rigueur raffinée. L'homme, l'homme tout entier, s'est servi de tout ce qui le constitue pour torturer le Fils de Dieu.
Et il a appelé la terre, sous toutes ses formes, à l'aider dans la torture. Il a fait des pierres du torrent des projectiles pour me blesser, des branches des arbres des matraques pour me frapper, du chanvre tordu une corde pour me traîner en coupant la chair, des épines une couronne de feu qui piquait ma tête lasse, des minéraux un fouet exaspéré, du roseau un instrument de torture, des pierres du chemin un piège pour le pied vacillant de Celui qui montait, en mourant, pour mourir crucifié.
Et aux choses de la terre se joignaient les choses du ciel : le froid de l'aube pour mon corps déjà épuisé par l'agonie du Jardin, le vent qui exaspère les blessures, le soleil qui augmente la brûlure et la fièvre et amène les mouches et la poussière, qui éblouit les yeux fatigués que les mains prisonnières ne peuvent protéger.
Et aux choses du ciel se joignent les fibres données à l'homme pour couvrir sa nudité : le cuir qui devient un fouet, la laine du vêtement qui s'attache aux plaies ouvertes par les fouets et donne torture à chaque mouvement par frottement et déchirement.
Tout, tout, tout a servi pour tourmenter le Fils de Dieu. Lui, par qui toutes les choses ont été créées, à l'heure où il était l'Hostie offerte à Dieu, eut contre Lui toutes les choses devenues hostiles. Il n'a pas reçu de soulagement d'aucune chose, Marie, ton Jésus. Comme des vipères devenues furieuses, tout ce qui existe s'est mis à mordre ma chair et à accroître ma souffrance.
Il faudrait bien y penser quand vous souffrez et, en comparant vos imperfections à ma perfection, et ma douleur à la vôtre, reconnaître que le Père vous aime, comme Il ne m'a pas aimé à cette heure-là, et l'aimer par conséquent de tout vous-mêmes, comme Moi je l'ai aimé malgré sa rigueur."
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-005.htm
TOME : 9/05
Jésus souffrant
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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L’ Adieu à Lazare
Jésus est à Béthanie. C'est le soir, un soir tranquille d'avril. Par les larges fenêtres de la salle du banquet on voit le jardin de Lazare tout en fleurs et, au-delà, le verger qui semble une nuée de pétales légers. Un parfum de verdure nouvelle, du doux-amer des fleurs des arbres à fruits, de roses et d'autres fleurs se mélange, en entrant avec le tranquille vent du soir qui fait onduler légèrement les rideaux tendus sur les portes et trembler les lumières du lampadaire du milieu de la pièce, à un vif parfum de tubéreuse, de muguet, de jasmin, mélangés à l'essence rare, qui reste encore du baume dont Marie de Magdala a parfumé son Jésus dont les cheveux sont restés plus sombres par suite de l'onction.
Dans la salle se trouvent encore Simon, Pierre, Matthieu et Barthélemy. Les autres manquent comme s'ils étaient déjà sortis pour leurs occupations.
Jésus s'est levé de table et observe un rouleau de parchemin que Lazare Lui a montré. Marie de Magdala circule dans la salle... on dirait un papillon attiré par la lumière. Elle ne sait que tourner autour de son Jésus. Marthe surveille les serviteurs qui enlèvent les splendides nappes précieuses étendues sur la table.
Jésus pose le rouleau sur une haute crédence à incrustations d'ivoire qui ressortent du bois noir et brillant, et il dit : "Lazare, viens dehors. J'ai besoin de te parler,"
"Tout de suite, Seigneur" et Lazare se lève de son siège près de la fenêtre et suit Jésus dans le jardin où la dernière lumière du jour se mêle aux premiers rayons d'un splendide clair de lune.
Jésus marche en se dirigeant au-delà du jardin, là où se trouve le tombeau qui fut celui de Lazare et qui maintenant présente un grand encadrement de roses toutes en fleurs sur la bouche vide. En haut, sur la roche légèrement inclinée, est gravé : "Lazare, viens dehors !" Jésus s'arrête là. La maison ne se voit plus, cachée qu'elle est par des arbres et des haies. Il y a un silence absolu et une absolue solitude.
"Lazare, mon ami" demande Jésus en restant debout en face de son ami, et en le fixant avec une ombre de sourire sur son visage amaigri et pâle plus qu'à l'ordinaire. "Lazare, mon ami, sais-tu qui je suis ?"
"Toi ? Mais tu es Jésus de Nazareth, mon doux Jésus, mon saint Jésus, mon puissant Jésus !"
"Cela pour toi. Mais pour le monde, qui suis-je ?"
"Tu es le Messie d'Israël."
"Et puis ?"
"Tu es le Promis, l'Attendu... Mais pourquoi me demandes-tu cela ? Doutes-tu de ma foi ?"
"Non, Lazare. Mais je veux te confier une vérité. Personne ne la sait, sauf ma Mère et l'un des miens. Ma Mère parce qu'elle n'ignore rien. Un autre parce qu'il participe à cette chose. Aux autres je l'ai dite, pendant ces trois années qu'ils sont avec Moi, maintes et maintes fois. Mais leur amour leur a fait l'effet du népenthès[1] et fait obstacle à la vérité annoncée. Ils n'ont pas pu tout comprendre... Et il vaut mieux qu'ils n'aient pas compris, autrement, pour empêcher un crime, ils en auraient commis un autre. Inutile, car ce qui doit arriver arrivera, malgré tout meurtre. Mais à toi, je veux la dire."
"Penses-tu que je t'aime moins qu'eux ? De quel crime parles-tu ? Quel crime doit arriver ? Parle, au nom de Dieu !" Lazare est agité.
"Je parle, oui. Je ne doute pas de ton amour. J'en doute si peu que c'est à toi que je confie mes volontés..."
"Oh ! mon Jésus ! Mais cela on le fait quand on est près de mourir ! Moi, je l'ai fait quand j'ai compris que tu ne viendrais pas et que je devais mourir."
"Et Moi, je dois mourir."
"Non !" Lazare pousse un profond gémissement.
"Ne crie pas. Que personne n'entende. J'ai besoin de parler à toi seul. Lazare, mon ami, sais-tu ce qui arrive en ce moment où tu es près de Moi, dans l'amitié fidèle que tu m'as donnée dès le premier moment, et qui n'a jamais été troublée par aucun motif ? Un homme, avec d'autres hommes, est en train de débattre le prix de l'Agneau. Tu sais quel nom a cet Agneau ? Il s'appelle : Jésus de Nazareth."
"Non ! Tu as des ennemis, c'est vrai. Mais personne ne peut te vendre ! Qui ? Qui est-ce ?"
"C'est un des miens. Ce ne pouvait être que quelqu'un de ceux que j'ai le plus fortement déçus et qui, las d'attendre, veut se débarrasser de Celui qui désormais n'est plus qu'un danger personnel. Il croit se refaire une réputation, d'après ce qu'il pense, auprès des grands du monde. Au contraire, il sera méprisé par le monde des bons et par celui des criminels. Il est arrivé à se lasser ainsi de Moi, de l'attente de ce que par tous les moyens il a essayé d'atteindre : la grandeur humaine, qu'il a poursuivi d'abord au Temple, qu'il a cru atteindre avec le Roi d'Israël, et que maintenant il cherche de nouveau, au Temple et auprès des romains... Il espère... Mais Rome, si elle sait récompenser ses serviteurs fidèles... sait piétiner sous son mépris les vils délateurs. Il est las de Moi, de l'attente, du fardeau qu'il a d'être bon. Pour celui qui est mauvais, être bon, devoir feindre de l'être, c'est un fardeau accablant. Il peut être supporté pendant quelque temps... et puis... et puis on ne peut plus... et on s'en débarrasse pour redevenir libre. Libre ? C'est ce que croient les mauvais. C'est ce qu'il croit. Mais ce n'est pas la liberté. Appartenir à Dieu, c'est la liberté. Être contre Dieu, c'est une prison avec des fers et des chaînes, des fardeaux et des coups de fouet, qu'aucun galérien à la rame, qu'aucun esclave aux constructions, ne supporte sous le fouet du garde-chiourme."
"Qui est-ce ? Dis-le-moi. Qui est-ce ?"
"C'est inutile."
"Si, c'est utile... Ah !... Ce ne peut être que lui : l'homme qui a toujours été une tache dans ton groupe, l'homme qu'il n'y a pas longtemps a offensé ma sœur. C'est Judas de Kériot !"
"Non. C'est Satan. Dieu a pris chair en Moi : Jésus. Satan a pris chair en lui : Judas de Kériot. Un jour... très lointain... ici, dans ton jardin, j'ai consolé des pleurs et j'ai excusé un esprit tombé dans la boue. J'ai dit que la possession c'est la contagion de Satan qui inocule ses sucs dans l'être et le dénature. J'ai dit que c'est le mariage d'un esprit avec Satan et avec l'animalité. Mais la possession est encore peu de chose par rapport à l'incarnation. Je serai possédé par mes saints, et eux seront possédés par Moi. Mais c'est seulement en Jésus Christ qu'est Dieu tel qu'il est au Ciel, car je suis le Dieu fait Chair. Il n'y a qu'une Incarnation divine . De même aussi dans un seul sera Satan, Lucifer, comme il est dans son royaume, car c'est seulement dans l'assassin du Fils de Dieu que Satan s'est incarné. Lui, pendant que je te parle, est devant le Sanhédrin. Il s'occupe de mon meurtre et s'y emploie. Mais ce n'est pas lui : c'est Satan. Maintenant écoute, Lazare, ami fidèle. Je te fais certaines requêtes. Tu ne m'as jamais rien refusé. Ton amour a été si grand que, sans enfreindre le respect, il a été toujours actif à mes côtés par mille aides, par tant d'aides prévoyantes et de sages conseils que j'ai toujours reçus, parce que je voyais dans ton cœur un vrai désir de mon bien."
"Oh ! mon Seigneur ! Mais c'était ma joie de m'occuper de Toi ! Que ferai-je maintenant si je n'ai plus à m'occuper de mon Maître et Seigneur ? C'est trop peu, trop peu que tu m'as permis de faire ! Ma dette envers Toi, qui as rendu Marie à mon amour et à l'honneur, et qui m'as rendu la vie est telle que... Oh ! pourquoi m'as-tu rappelé de la mort pour me faire vivre cette heure ? Désormais toute l'horreur de la mort et toute l'angoisse de l'esprit, porté à la peur par Satan au moment de me présenter au Juge Éternel, je l'avais surmontée, et c'était l'obscurité... Qu'as-tu, Jésus ? Pourquoi frémis-tu et deviens-tu plus pâle encore que tu n'étais ? Ton visage est plus pâle que cette rose de neige qui languit sous la lune. Oh ! Maître ! Il semble que le sang et la vie t'abandonnent..."
"Je suis en fait comme quelqu'un qui meurt, les veines ouvertes. Jérusalem toute entière, et par là je veux dire "tous mes ennemis parmi les puissants d'Israël", attache à Moi ses bouches avides et aspire ma vie et mon sang. Ils veulent faire taire la Voix qui pendant trois ans les a tourmentés, tout en les aimant... parce que toutes mes paroles, même si c'étaient des paroles d'amour, étaient une secousse qui invitait leurs âmes à se réveiller, et ils ne voulaient pas entendre cette âme qui était la leur et qu'ils avaient liée par la triple sensualité. Et non seulement les grands... Mais Jérusalem toute entière va s'acharner sur l'Innocent et vouloir sa mort... et avec Jérusalem, la Judée... et avec la Judée, la Pérée, l'Idumée, la Décapole, la Galilée, la Syro-Phénicie... Israël tout entier s'est rassemblé à Sion pour le "Passage" du Christ de la vie à la mort... Lazare, toi qui es mort et qui es ressuscité, dis-moi : qu'est-ce que la mort ? Qu'as-tu éprouvé ? De quoi te souviens-tu ?"
"La mort ?... Je ne me rappelle pas exactement ce que ce fut. A la grande souffrance succéda une grande langueur... Il me semblait ne plus souffrir et d'avoir seulement un profond sommeil... La lumière et le bruit devenaient de plus en plus faibles et lointains...
Mes sœurs et Maximin disent que je donnais les signes d'une âpre souffrance... Mais moi, je ne m'en souviens pas..."
"Oui. La pitié du Père émousse pour les mourants le sensorium intellectuel de sorte qu'ils souffrent uniquement dans la chair qui elle doit être purifiée par ce pré -purgatoire qu'est l'agonie. Mais Moi... Et de la mort que te rappelles-tu ?"
"Rien, Maître. J'ai un espace obscur dans l'esprit, un espace vide. J'ai, dans le cours de ma vie, une interruption que je ne sais comment remplir. Je n'ai pas de souvenirs. Si je regardais au fond de ce trou noir qui m'a gardé pendant quatre jours, bien que ce soit la nuit et que j'y serais comme une ombre, je sentirais sans le voir le froid humide monter de ses viscères et me souffler en face. C'est déjà une sensation. Mais si je pense à ces quatre jours, je n'ai rien.
Rien. C'est le mot."
"Oui. Ceux qui reviennent ne peuvent parler... Le mystère se dévoile graduellement pour celui qui y entre. Mais Moi, Lazare, je sais ce que je souffrirai. Je sais que je souffrirai en pleine conscience. Il n'y aura aucun adoucissement de boissons ou de langueur pour que mon agonie devienne moins atroce. Je me sentirai mourir. Déjà je le sens... Déjà je meurs, Lazare. Comme quelqu'un qui souffre d'une maladie incurable, j'ai continué de mourir pendant ces trente-trois ans. Et la mort s'est toujours plus accélérée à mesure que le temps me rapprochait de cette heure. Tout d'abord, la mort c'était de savoir que j'étais né pour être le Rédempteur. Puis, ce fut la mort de Celui qui se voit combattu, accusé, ridiculisé, persécuté, entravé... Quelle fatigue ! Puis... la mort d'avoir à mes côtés de plus en plus près, jusqu'à l'avoir enlacé à Moi comme une pieuvre au naufragé, celui qui devait être pour Moi le traître. Quelle nausée ! Maintenant je meurs déchiré de devoir dire "adieu" aux amis les plus chers, et à ma Mère..."
"Oh ! Maître ! Tu pleures ? ! Je sais que tu as pleuré aussi devant mon tombeau parce que tu m'aimais. Mais maintenant... Tu pleures de nouveau. Tu es tout glacé. Tu as les mains déjà froides comme un cadavre. Tu souffres... Tu souffres trop !..."
"Je suis l'Homme, Lazare. Je ne suis pas seulement le Dieu. De l'homme j'ai la sensibilité et les affections. Et mon âme éprouve de l'angoisse quand je pense à ma Mère... Et même, je te le dis, elle est devenue tellement monstrueuse ma torture de subir le voisinage du Traître, la haine satanique de tout un monde, la surdité de ceux qui, sans haïr, ne savent pas aimer activement, car aimer activement c'est d'arriver à être tel que l'aimé le veut et l'enseigne, et au contraire, ici !... Oui, beaucoup m'aiment. Mais ils sont restés "eux". Ils n'ont pas pris un autre "moi" par amour pour Moi. Sais-tu qui, parmi mes plus intimes, a su changer sa nature pour devenir du Christ, comme le Christ le veut ? Une seule : ta sœur Marie. Elle est partie d'une animalité complète et pervertie pour atteindre une spiritualité angélique. Et cela par l'unique force de l'amour."
"Tu l'as rachetée."
"Je les ai tous rachetés par la parole. Mais elle seule s'est changée totalement par activité d'amour. Mais je disais : elle est tellement monstrueuse la souffrance qui me vient de toutes ces choses que je ne soupire qu'après le complet accomplissement. Mes forces plient... La croix sera moins lourde que cette torture de l'esprit et du sentiment..."
"La croix ? ! Non ! Oh ! non ! C'est trop atroce ! C'est trop infamant ! Non !" Lazare, qui a tenu depuis un moment les mains glacées de Jésus dans les siennes, debout en face de son Maître, les laisse et il s'affaisse sur le siège de pierre qui est près de lui. Il cache son visage dans ses mains et il pleure désespérément.
Jésus s'approche de lui, met la main sur ses épaules que secouent des sanglots, et il dit : "Et quoi ? C'est Moi qui meurs qui dois te consoler toi qui vis ? Ami, j'ai besoin de force et d'aide. Et je te le demande. Je n'ai que toi qui puisses me le donner. Les autres, il est bon qu'ils ne sachent pas, car s'ils savaient... Il coulerait du sang. Et je ne veux pas que les agneaux deviennent des loups, même par amour pour l'Innocent. Ma Mère... oh ! comme j'ai le cœur transpercé de parler d'elle !... Ma Mère est déjà tellement angoissée ! Elle aussi est une mourante épuisée... Voilà trente-trois ans qu'elle meurt, elle aussi, et maintenant elle n'est qu'une plaie comme la victime d'un atroce supplice. Je te jure que cela a été un combat entre mon esprit et mon cœur, entre l'amour et la raison, pour décider s'il était juste de l'éloigner, de la renvoyer dans sa maison où elle ne cesse de rêver à l'Amour qui l'a rendu Mère, goûte la saveur de son baiser de feu, tressaille dans l'extase de ce souvenir, et avec les yeux de l'âme ne cesse de voir souffler l'air frappé et remué par la lueur angélique. En Galilée la nouvelle de la Mort arrivera quasi au moment où je pourrai lui dire : "Mère, je suis le Victorieux !" Mais je ne puis pas, non, je ne puis pas faire cela. Le pauvre Jésus, chargé des péchés du monde, a besoin d'un réconfort, et ma Mère me le donnera. Le monde encore plus pauvre a besoin de deux Victimes . Parce que l'Homme a péché avec la femme; et la Femme doit racheter, comme l'Homme rachète.
Mais tant que l'heure ne sera pas sonnée, je donne à ma Mère un sourire assuré... Elle tremble... je le sais. Elle sent que la Torture s'approche. Je le sais. Et elle la repousse par dégoût naturel et par un saint amour, comme Moi je repousse la Mort parce que je suis un "vivant" qui doit mourir. Mais malheur si elle savait que d'ici cinq jours... Elle n'arriverait pas vivante à cette heure, et je la veux vivante pour tirer de ses lèvres la force comme j'ai tiré la vie de son sein. Et Dieu la veut sur mon Calvaire pour mêler l'eau de ses larmes virginales au vin du Sang divin et célébrer la première Messe. Sais-tu ce que sera la Messe ? Tu ne sais pas. Tu ne peux pas savoir. Ce sera ma mort appliquée perpétuellement au genre humain vivant ou souffrant. Ne pleure pas, Lazare. Elle est forte. Elle ne pleure pas. Elle a pleuré pendant toute sa vie de Mère.
Maintenant elle ne pleure plus. Elle a crucifié le sourire sur son visage... As-tu vu quel visage elle a pris ces derniers temps ? Elle a crucifié le sourire sur son visage pour me réconforter. Je te demande d'imiter ma Mère. Je ne pouvais plus garder pour Moi seul mon secret. J'ai regardé autour de Moi pour chercher un ami sincère et sûr. J'ai rencontré ton regard loyal. J'ai dit : "A Lazare". Moi, quand tu avais un poids sur le cœur, j'ai respecté ton secret et je l'ai défendu contre la curiosité même naturelle du cœur. Je te demande le même respect pour le mien. Plus tard... après ma mort, tu en parleras. Tu parleras de cette conversation. Pour que l'on sache que Jésus est allé consciemment à la mort, et à des tortures connues et que l'on sache aussi qu'il n'avait rien ignoré ni pour les personnes ni pour son destin. Pour que l'on sache que pendant qu'il pouvait encore se sauver il ne l'a pas voulu, parce que son amour infini pour les hommes ne brûlait que de consommer son sacrifice pour eux."
"Oh ! Sauve-toi, Maître ! Sauve-toi ! Je peux te faire fuir, cette nuit même. Une fois aussi tu as fui en Égypte ! Fuis aussi maintenant. Viens, partons. Nous prenons avec nous Marie et mes sœurs, et nous partons. Aucune de mes richesses ne me retient, tu le sais. Ma richesse et celle de Marie et de Marthe, c'est Toi. Partons."
"Lazare, alors j'ai fui car ce n'était pas l'heure. Maintenant c'est l'heure. Et je reste."
"Et alors je viens avec Toi. Je ne te quitte pas."
"Non. Tu restes ici. Puisqu'il est permis quand la demeure n'est pas plus loin que le chemin du sabbat de consommer l'agneau dans sa maison, voilà que comme toujours, tu consommeras ici ton agneau. Pourtant, laisse venir tes sœurs... A cause de Maman...
Oh ! que te cachaient, ô Martyr, les roses de l'amour divin ! L'abîme ! L'abîme ! Et de là, maintenant s'élèvent et s'élancent les flammes de la Haine pour te mordre le cœur ! Tes sœurs, oui. Elles sont courageuses et actives... et Maman sera un être qui agonise, penché sur ma dépouille. Jean ne suffit pas. C'est l'amour, Jean, mais il manque encore de maturité. Oh ! il mûrira pour devenir un homme dans le déchirement de ces prochains jours. Mais la Femme a besoin des femmes sur ses terribles blessures. Me les donnes-tu ?"
"Mais je t'ai toujours tout donné, absolument tout, avec joie, et je souffrais seulement que tu me demandes si peu !..."
"Tu le vois. De personne d'autre je n'ai accepté autant que de mes amis de Béthanie. Cela a été une des accusations que l'injuste m'a faite plus d'une fois. Mais je trouvais ici, parmi vous, assez pour consoler l'Homme de toutes ses amertumes d'homme. A Nazareth, c'était le Dieu qui se consolait auprès de l'Unique délice de Dieu. Ici, c'était l'Homme. Et avant de monter vers la mort, je te remercie, ami fidèle, affectueux, gentil, empressé, réservé, docte, discret et généreux. Je te remercie de tout. Mon Père, plus tard, t'en récompensera..."
"J'ai tout eu déjà avec ton amour et avec la rédemption de Marie."
"Oh ! non. Tu dois encore avoir beaucoup. Et tu l'auras. Écoute. Ne te désespère pas ainsi. Donne-moi ton intelligence pour que je puisse te dire ce que je te demande encore. Tu resteras ici à attendre..."
"Non. Cela, non. Pourquoi Marie et Marthe, et pas moi ?"
"Parce que je ne veux pas que tu te corrompes comme tous les hommes se corrompront. Jérusalem, dans les jours qui viennent, sera corrompue comme l'est l'air autour d'une charogne en décomposition, qui éclate à l'improviste par un imprudent coup de talon d'un passant. Infectée et répandant l'infection. Ses miasmes rendront fous même les moins cruels, et jusqu'à mes disciples. Ils s'enfuiront. Et où iront-ils dans leur désarroi ? Chez Lazare. Que de fois, en ces trois années, ils sont venus pour chercher du pain, un lit, protection, un abri, et le Maître !... Maintenant ils vont revenir. Comme des brebis débandées par le loup qui s'est emparé du berger, ils courront à un bercail. Ras semble-les. Rends-leur courage. Dis-leur que je leur pardonne. Je te confie mon pardon pour eux. Ils n'auront pas de paix à cause de leur fuite. Dis-leur de ne pas tomber dans un plus grand péché en désespérant de mon pardon."
"Tous fuiront ?"
"Tous, sauf Jean."
"Maître, tu ne me demanderas pas d'accueillir Judas ? Fais-moi mourir torturé, mais cela, ne me le demande pas. Plusieurs fois ma main a frémi sur mon épée anxieuse de tuer l'opprobre de la famille, et je ne l'ai pas fait parce que je ne suis pas un violent. Je fus seulement tenté de le faire. Mais je te jure que si je revois Judas je l'égorge comme un bouc émissaire."
"Tu ne le verras jamais plus. Je te le jure."
"Il fuira ? N'importe. J'ai dit : "Si je le vois". Maintenant je dis : "Je le rejoindrai, fût-ce aux confins du monde, et je le tuerai"."
"Tu ne dois pas le désirer."
"Je le ferai."
"Tu ne le feras pas car où il sera, tu ne pourras aller."
"Au sein du Sanhédrin ? Dans le Saint ? Là aussi je le rejoindrai et je le tuerai."
"Il ne sera pas là."
"Chez Hérode ? Je serai tué, mais auparavant je le tuerai."
"Il sera chez Satan, et toi, tu ne seras jamais chez Satan. Mais abandonne tout de suite cette pensée homicide, car autrement je te quitte."
"Oh ! oh !... Mais... Oui, pour Toi... Oh ! Maître ! Maître ! Maître !"
"Oui, ton Maître... Tu accueilleras les disciples, tu les réconforteras. Tu les ramèneras vers la paix. Je suis la Paix. Et même ensuite... Ensuite tu les aideras. Béthanie sera toujours Béthanie tant que la Haine ne fouillera pas en ce foyer d'amour croyant en disperser les flammes, et au contraire elle les répandra sur le monde pour l'allumer tout entier. Je te bénis, Lazare, pour tout ce que tu as fait et pour ce que tu feras..."
"Rien, rien. Tu m'as tiré de la mort et tu ne me permets pas de te défendre. Qu'ai-je fait alors ?"
"Tu m'as donné tes maisons. Tu vois ? C'était écrit. Le premier logement à Sion dans une terre qui t'appartient. Le dernier encore dans l'une d'elles. C'était mon destin d'être ton Hôte. Mais de la mort, tu ne pourrais pas me défendre. Je t'ai demandé au commencement de cette conversation : "Sais-tu qui je suis ?" Maintenant je réponds : "Je suis le Rédempteur". Le Rédempteur doit consommer le sacrifice jusqu'à la dernière immolation. Du reste, crois-le : Celui qui montera sur la croix et qui sera exposé aux regards et au mépris du monde, ne sera pas un vivant mais un mort Je suis déjà un mort, tué par l'absence d'amour davantage et avant de l'être par la torture. Et encore une chose, ami. Demain, à l'aurore, je vais à Jérusalem, et tu entendras dire que Sion a acclamé comme un triomphateur son Roi plein de douceur, qui y entrera monté sur un ânon. Que ce triomphe ne t'illusionne pas et ne te fasse pas juger que la Sagesse qui te parle n'a pas été sage dans cette paisible soirée. Plus rapide que l'astre qui raie le ciel et disparaît à travers des espaces inconnus, disparaîtra la faveur du peuple, et dans cinq soirs, à cette même heure, je commencerai la torture avec un baiser trompeur qui ouvrira les bouches, occupées demain à clamer des hosannas, en un chœur d'atroces blasphèmes et de cris féroces de condamnation.
Oui, tu vas l'avoir finalement, ô cité de Sion, ô peuple d'Israël, l'Agneau pascal ! Tu vas l'avoir dans ce prochain rite. Le voici. C'est la Victime préparée depuis des siècles. L'amour l'a engendrée, en préparant comme couche nuptiale un sein où il n'y avait pas de tache. Et l'Amour la consume. Voilà. C'est la Victime consciente. Non comme l'agneau qui, pendant que le boucher affile son couteau pour regorger, broute encore l'herbe du pré, ou ignorant heurte de son museau rosé contre le sein maternel. Mais Moi, je suis l'Agneau qui conscient dit : "Adieu !" à sa vie, à sa Mère, à ses amis, et va vers le sacrificateur en disant : "Me voici !" Je suis la Nourriture de l'homme. Satan a mis une faim qui n'est jamais rassasiée, qui ne peut se rassasier. Il n'y a qu'un aliment qui le rassasie car il calme cette faim. Et cet aliment, le voici. Homme, voici ton pain, voici ton vin. Consomme ta Pâque, Ô Humanité ! Traverse ta mer rouge des flammes sataniques. Teinte de mon Sang, tu passeras, race de l'homme, préservée du feu infernal. Tu peux passer. Les Cieux, pressés par mon désir, entrouvrent déjà les portes éternelles. Regardez, ô esprits des morts ! Regardez, Ô hommes vivants ! Regardez, Ô âmes qui prendrez un corps dans l'avenir ! Regardez, anges du Paradis ! Regardez, démons de l'Enfer ! Regarde, ô Père, regarde, ô Paraclet ! La Victime sourit, elle ne pleure plus...
Tout est dit. Adieu, ami. Toi aussi, je ne te verrai plus avant de mourir. Donnons-nous le baiser d'adieu. Et ne doute pas. Ils te diront : "C'était un fou ! C'était un démon ! Un menteur ! Il est mort alors qu'il disait qu'il était la Vie". A eux, et spécialement à toi-même, réponds : "Il était et il est la Vérité et la Vie. Il est le Vainqueur de la mort. Je le sais. Il ne peut être mort pour toujours. Je l'attends. Et elle ne sera pas consumée toute l'huile de la lampe que l'ami tient toute prête pour faire de la lumière au monde invité aux noces du Triomphateur que Lui, l'Époux, reviendra. Et la lumière, cette fois, ne pourra jamais plus être éteinte. Crois-le, Lazare. Obéis à mon désir. Tu entends ce rossignol comme il chante après s'être tu à cause de tes sanglots ? Fais comme lui. Ton âme, après les inévitables pleurs sur la Victime, qu'elle chante avec assurance l'hymne de ta foi.
Sois béni, par le Père, par le Fils, par le Saint-Esprit."
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-006.htm
TOME : 9/ 06
https://lepeupledelapaix.forumactif.com/t18376-oeuvre-de-maria-valtorta-presentation-des-disciples-de-jesus
Jésus en compagnie de Lazare , Marthe et Marie à Béthanie
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Judas va trouver les chefs du Sanhédrin
Vision du samedi 29 mars 1947 (veille des Rameaux)
Judas arrive à la nuit à la maison de campagne de Caïphe. Mais il y a la lune qui se fait complice de l'assassin en éclairant la route. Il doit être bien sûr de trouver là, dans cette maison hors les murs, ceux qu'il cherchait, car je pense qu'autrement il aurait cherché à entrer dans la ville et serait allé au Temple. Au contraire, il monte avec assurance à travers les oliviers de la petite colline et il est plus sûr de lui que l'autre fois. C'est qu'il fait nuit et les ombres et l'heure le protègent de toute surprise possible. Les chemins de la campagne sont déserts désormais, après avoir été parcourus toute la journée par les foules de pèlerins qui vont à Jérusalem pour la Pâque. Les pauvres lépreux eux-mêmes sont dans leurs cavernes et dorment leur sommeil de malheureux oublieux pour quelques heures de leur sort.
Voilà Judas à la porte de la maison toute blanche au clair de lune. Il frappe : trois coups, un coup, trois coups, deux coups... C'est qu'il connaît à merveille le signe conventionnel !
Et ce doit être vraiment un signal sûr car la porte s'entrouvre sans que le portier jette au préalable un coup d'œil par l'ouverture pratiquée dans la porte.
Judas se glisse à l'intérieur et au portier qui lui rend honneur demande : "L'assemblée est réunie ?"
"Oui, Judas de Kériot. Au complet, pourrais-je dire."
"Conduis-moi. Je dois parler de choses importantes. Vite !"
L'homme ferme la porte avec tous les verrous et il le précède par le couloir presque sombre, et s'arrête devant une lourde porte à laquelle il frappe. Le bruit des voix cesse dans la pièce fermée, remplacé par le bruit de la serrure et le grincement de la porte qui s'ouvre en projetant un cône de lumière vive dans le couloir obscur. "Toi ? Entre !" dit celui qui a ouvert la porte et que je ne connais pas.
Et Judas entre dans la salle alors que celui qui a ouvert ferme de nouveau à clef.
Il y a un mouvement de stupeur, ou du moins d'agitation, quand ils voient entrer Judas. Mais ils le saluent en chœur : "Paix à toi, Judas de Simon."
"Paix à vous, membres du Sanhédrin saint" répond Judas.
"Avance. Que veux-tu ?" lui demandent-ils.
"Vous parler... Vous parler du Christ. Il n'est plus possible de continuer ainsi. Je ne peux plus vous aider si vous ne vous décidez pas à prendre des décisions extrêmes. L'homme soupçonne désormais."
"Tu t'es fait découvrir, sot ?" interrompent-ils.
"Non. C'est vous qui êtes sots, vous qui par une hâte stupide avez fait de fausses manœuvres. Vous le saviez bien que je vous aurais servis ? Vous ne vous êtes pas fiés à moi."
"Tu as la mémoire courte, Judas de Simon ! Ne te rappelles-tu pas comment tu nous as quittés la dernière fois ? Qui pouvait penser que tu nous étais fidèle, à nous, quand tu as proclamé de cette façon que Lui, tu ne pouvais pas le trahir ?" dit Elchias plus ironique, plus serpentin que jamais.
"Et vous croyez qu'il est facile de tromper un ami, le Seul qui m'aime vraiment, l'Innocent ? Vous croyez qu'il est facile d'arriver au crime ?" Judas est déjà agité.
Ils cherchent à le calmer et le flattent. Ils le séduisent, ou du moins essaient de le faire, en lui faisant observer que son crime n'en est pas un "mais une œuvre sainte envers la Patrie, à laquelle il évite des représailles de la part de ceux qui la dominent, et qui déjà donnent des signes de mécontentement pour ces continuelles agitations et ces divisions de partis et de foules dans une province romaine, et envers l'Humanité, s'il est vraiment convaincu de la nature divine du Messie et de sa mission spirituelle."
"Si ce qu'il dit est vrai — loin de nous de le croire — n'es-tu pas le collaborateur de la Rédemption ? Ton nom sera associé au sien au cours des siècles, et la Patrie te comptera parmi ses preux, et t'honorera des charges les plus hautes. Un siège est tout prêt pour toi parmi nous.
Tu monteras, Judas. Tu donneras des lois à Israël. Oh ! nous n'oublierons pas ce que tu as fait pour le bien du Temple sacré, du Sacerdoce sacré, pour la défense de la Loi très sainte, pour le bien de toute la Nation ! Aide-nous seulement et ensuite, nous te le jurons, jete le jure au nom de mon puissant père et de Caïphe qui porte l'éphod, tu seras l'homme le plus grand d'Israël, plus que les tétrarques, plus que mon père lui-même, désormais pontife déposé. Comme un roi, comme un prophète tu seras servi et écouté. Que si ensuite Jésus de Nazareth n'était qu'un faux Messie, même si en réalité il n'était pas passible de mort parce que ses actions ne sont pas d'un larron mais d'un fou, voilà que nous te rappelons les paroles inspirées du pontife Caïphe — tu sais que celui qui porte l'éphod et le rational parle par suggestion divine et prophétise ce qui est bien et ce qu'il faut faire pour le bien — Caïphe, t'en souviens-tu ? Caïphe a dit : "Il est bien qu'un homme meure pour le peuple et que toute la Nation ne périsse pas". C'était une parole de prophétie."
"En vérité, il était prophète. Le Très-Haut a parlé par la bouche du Grand Prêtre. Qu'il soit obéi !" disent en chœur, déjà théâtraux et semblables à des automates qui doivent faire des gestes donnés, ces hideuses marionnettes que sont les membres du grand conseil du Sanhédrin. Judas est suggestionné, séduit... mais un reste de bon sens, sinon de bonté, subsiste encore en lui et le retient de prononcer les paroles fatales.
L'entourant avec respect, avec une affection simulée, ils le pressent : "Tu ne nous crois pas ? Regarde : nous sommes les chefs des vingt-quatre familles sacerdotales, les Anciens du peuple, les scribes, les plus grands pharisiens d'Israël, les rabbis sages, les magistrats du Temple. L'élite d'Israël est ici, autour de toi, prête à t'acclamer, et qui te dit d'une seule voix : "Fais cela que c'est saint".
"Et Gamaliel, où est-il ? Et Joseph et Nicodème, où sont-ils ? Et Éléazar, l'ami de Joseph, etJean de Gaas ? Je ne les vois pas."
"Gamaliel est en grande pénitence, Jean auprès de sa femme enceinte et souffrante ce soir. Eléazar... nous ne savons pas pourquoi il n'est pas venu. Mais un malaise peut frapper n'importe qui et à l'improviste, n'est-ce pas ? Pour ce qui est de Joseph et de Nicodème nous ne les avons pas avisés de cette séance secrète, par amour pour toi, par souci de ton honneur... Pour que, dans le cas malheureux où la chose échouerait, ton nom ne soit pas rapporté au Maître... Nous protégeons ton nom, nous t'aimons Judas, nouveau Maccabée, sauveur de la Patrie."
"Le Maccabée combattait le bon combat. Moi... je commets une trahison."
"Ne regarde pas les détails de l'acte, mais la justice du but. Parle toi, ô Sadoc, scribe d'or. De ta bouche coulent de précieuses paroles. Si Gamaliel est docte, toi tu es sage, car sur tes lèvres se trouve la sagesse de Dieu. Parle toi à celui qui hésite encore."
Cette bonne peau de Sadoc s'avance et avec lui Canania tout décrépit : un renard squelettique et mourant à côté d'un rusé chacal robuste et féroce.
"Écoute, ô homme de Dieu !" commence pompeusement Sadoc en prenant une pose inspirée et oratoire, le bras droit levé en un geste cicéronien, le gauche occupé à soutenir tout cet encombrement de plis que forme son habit de scribe. Et puis il lève aussi le bras gauche, laissant son vêtement monumental perdre ses plis et se mettre en désordre et ainsi, le visage et les bras levés vers le plafond de la pièce, il tonne : "Moi, je te le dis ! Je te le dis devant la Très Haute Présence de Dieu !"
"Maran-Atà ! " font tous écho en se courbant comme si un souffle d'en haut les courbait et puis se relevant les bras croisés sur la poitrine.
"Moi, je te le dis : c'est écrit dans les pages de notre histoire et de notre destin ! C'est écrit dans les signes et les figures laissés par les siècles ! C'est écrit dans le rite qui n'a pas cessé depuis la nuit fatale aux Égyptiens ! C'est écrit dans la figure d'Isaac ! C'est écrit dans la figure d'Abel ! Et que ce qui est écrit se réalise."
"Maran-Atà !" disent les autres dans un chœur assourdi et lugubre, suggestionnant, avec les gestes déjà faits, les visages bizarrement frappés par la lumière des deux lampadaires allumés aux extrémités de la salle, aux micas violet pâle, qui émanent une lumière fantasmagorique. Et cette assemblée d'hommes presque tous vêtus de blanc, avec les couleurs pâles et olivâtres de leur race rendues encore plus pâles et plus olivâtres par la lumière diffuse, semble vraiment une assemblée de spectres.
"La parole de Dieu est descendue sur les lèvres des prophètes pour marquer ce décret. Il doit mourir ! C'est dit !"
"C'est dit ! Maran-Atà !"
"Il doit mourir, et son sort est marqué !"
"Il doit mourir. Maran-Atà !"
"Dans les plus minutieux détails est décrit son destin fatal, et on ne brise pas la fatalité !"
"Maran-Atà !"
"Est indiqué jusqu'au prix symbolique qui sera versé à celui qui se fait l'instrument de Dieu pour la consommation de la promesse."[3]
"C'est indiqué ! Maran-Atà !"
"Comme Rédempteur, ou comme faux prophète, il doit mourir !"
"Il doit mourir ! Maran-Atà !"
"L'heure est venue ! Jéhovah le veut ! J'entends sa voix ! Elle crie : "Que cela s'accomplisse" !"
"Le Très-Haut a parlé ! Que cela s'accomplisse ! Que cela s'accomplisse ! Maran-Atà !"
"Que le Ciel te donne le courage comme Il en a donné à Jahel et à Judith, qui étaient des femmes et surent être des héros; comme Il en a donné à Jephté qui, étant père, sut sacrifier sa fille à la Patrie; comme Il en a donné à David contre Goliath, et a accompli le geste qui rendra Israël éternel dans le souvenir des peuples !"
"Que le Ciel te donne le courage ! Maran-Atà !"
"Que tu sois victorieux !"
"Que tu sois victorieux ! Maran-Atà !"
S'élève la voix éraillée et sénile de Canania; "Celui qui hésite devant l'ordre sacré est condamné au déshonneur et à la mort !"
"Il est condamné. Maran-Atà !"
"Si tu ne veux pas écouter la parole du Seigneur ton Dieu, et si tu n'agis pas selon son commandement, en faisant ce qu'il t'ordonne par notre bouche, que toutes les malédictions tombent sur toi !"
"Toutes les malédictions ! Maran-Atà !"
"Que le Seigneur te frappe par toutes les malédictions mosaïques[4] et te disperse parmi les nations."
"Qu'il te frappe et te disperse ! Maran-Atà !"
Un silence de mort suit cette scène suggestionnante... Tout s'immobilise dans une immobilité effrayante.
Finalement, voilà la voix de Judas qui s'élève, et j'ai du mal à la reconnaître tellement elle est changée : "Oui, je le ferai. Je dois le faire. Et je le ferai. Déjà la dernière partie des malédictions mosaïques me concerne et j'en dois sortir car j'ai déjà trop tardé. Et je deviens fou n'ayant ni trêve ni repos, et le cœur effrayé, et les yeux égarés, et l'âme consumée par la tristesse. Tremblant d'être découvert et foudroyé par Lui dans mon double jeu —car je ne sais pas, je ne sais pas jusqu'à quel point il connaît ma pensée — je vois ma vie suspendue à un fil, et matin et soir je demande d'en finir avec cette heure à cause de l'épouvante qui me serre le cœur. À cause de l'horreur que je dois accomplir. Oh ! hâtez cette heure ! Tirez-moi de l'angoisse qui m'étreint ! Que tout s'accomplisse. Tout de suite ! Maintenant ! Et que je sois délivré ! Allons !"
La voix de Judas s'est affermie et est devenue forte à mesure qu'il parlait. Ses gestes, d'abord automatiques et incertains comme ceux d'un somnambule, sont devenus libres, volontaires. Il se redresse de toute sa taille, en prenant une beauté satanique, et il crie : "Que tombent les liens d'une folle terreur ! Je suis délivré d'une sujétion effrayante. Christ ! Je ne te crains plus et je te livre à tes ennemis ! Allons !" Un cri de démon victorieux, et réellement il se dirige hardiment vers la porte.
Mais ils l'arrêtent : "Doucement ! Réponds-nous : où est Jésus de Nazareth ?"
"Dans la maison de Lazare, à Béthanie."
"Nous ne pouvons pas entrer dans cette maison bien défendue par des serviteurs fidèles. Maison d'un favori de Rome. Nous irions au-devant d'ennuis certains."
"À l'aurore, nous venons dans la ville. Mettez les gardes sur la route de Bethphagé, faites du tumulte et saisissez-le."
"Comment sais-tu qu'il vient par cette route ? Il pourrait aussi prendre l'autre..."
"Non. Il a dit à ceux qui le suivent qu'il la prendra pour entrer dans la ville par la porte d'Éphraïm et de l'attendre près de En Rogel. Si vous le prenez avant..."
"Nous ne pouvons pas. Nous devrions entrer dans la ville avec Lui au milieu des gardes et tous les chemins qui conduisent aux portes, et toutes les rues de la ville sont pleines de la foule depuis l'aube jusqu'à la nuit. Il y aurait du tumulte et cela ne doit pas arriver."
"Il montera au Temple. Appelez-le pour l'interroger dans une salle. Appelez-le au nom du Grand Prêtre. Il viendra car il a plus de respect pour vous que pour sa vie. Une fois qu'il est seul avec vous... vous aurez bien manière de l'amener en lieu sûr et de le condamner à l'heure favorable."
"Il y aurait également du tumulte. Tu devrais t'en être aperçu que la foule est fanatique pour Lui. Et ce n'est pas seulement le peuple, mais aussi les grands et les espoirs d'Israël. Gamaliel perd ses disciples et de même Jonatas ben Uziel et d'autres parmi nous, et tous nous quittent séduits par Lui. Et même les gentils le vénèrent, ou le craignent, ce qui est déjà de la vénération, et ils sont prêts à se révolter contre nous si nous le malmenons.
Par ailleurs certains larrons, que nous avions payés pour faire les faux disciples et provoquer des rixes, ont été arrêtés et ils ont parlé espérant la clémence à cause de leurs délations, et le Préteur sait... Tout le monde le suit alors que nous ne concluons rien. Mais il faut agir avec finesse pour que les foules ne s'en aperçoivent pas."
"Oui, c'est ce qu'il faut faire ! Anna aussi le recommande. Il dit : "Que cela n'arrive pas pendant la fête et qu'il ne naisse pas de tumulte parmi le peuple fanatique". C'est ce qu'il a décidé, en donnant des ordres même pour qu'il soit traité avec respect dans le Temple et ailleurs, et qu'il ne soit pas molesté afin de pouvoir le tromper."
"Et alors, que voulez-vous faire ? Moi, j'étais bien disposé cette nuit, mais vous hésitez..." dit Judas.
"Voilà : tu devrais nous amener à Lui à une heure où il est seul. Tu connais ses habitudes. Tu nous as écrit qu'il te garde près de Lui plus que tous. Tu dois donc savoir ce qu'il veut faire. Nous serons toujours prêts. Quand tu jugeras favorable l'heure et le lieu, viens, et nous viendrons."
"C'est dit. Et quelle compensation en aurai-je ?" Désormais Judas parle froidement comme s'il s'agissait d'un commerce quelconque.
"Ce qui est dit par les prophètes, pour être fidèle à la parole inspirée : trente deniers..."
"Trente deniers pour tuer un homme, et cet Homme ? Le prix d'un agneau ordinaire en ces jours de fête ? ! Vous êtes fous ! Non que j'aie besoin d'argent. J'en ai une bonne provision. Ne pensez donc pas me persuader par besoin d'argent. Mais c'est trop peu pour payer ma douleur de trahir Celui qui m'a toujours aimé."
"Mais nous t'avons dit ce que nous ferons pour toi. Gloire, honneur ! Ce que tu attendais de Lui et que tu n'as pas eu. Nous guérirons ta déception. Mais le prix est fixé par les prophètes ! Oh ! une formalité ! Un symbole et rien de plus. Le reste viendra après..."
"Et l'argent, quand ?"
"Au moment que tu diras : "Venez". Pas avant. Personne ne paie avant d'avoir les mains sur la marchandise. Cela ne te paraît-il pas juste peut-être ?"
"C'est juste. Mais triplez au moins la somme..."
"Non. C'est dit par les prophètes. C'est ce qu'on doit faire. Oh ! nous saurons obéir aux prophètes ! Nous n'omettrons pas un iota de ce qu'ils ont écrit de Lui. Eh ! Eh ! Eh ! Nous sommes fidèles à la parole inspirée ! Eh ! Eh ! Eh !" dit en riant ce rebutant squelette de Canania. Et plusieurs font chorus avec des ricanements lugubres, sournois, sans sincérité, vrais rires de démons qui ne savent que ricaner. C'est que le rire est le propre de l'homme serein et aimant, et le ricanement celui des cœurs troublés et saturés de rancœur.
"Tout est dit. Tu peux aller. Nous attendons l'aube pour rentrer dans la ville par divers chemins. Adieu. La paix soit avec toi, brebis perdue qui reviens au troupeau d'Abraham. Paix à toi ! Paix à toi ! Et la reconnaissance d'Israël tout entier ! Compte sur nous ! Un désir de toi est pour nous une loi. Que Dieu soit avec toi, comme Il l'a été avec tous ses serviteurs les plus fidèles ! Toutes les bénédictions sur toi !"
Avec des embrassements et des protestations d'amour, ils l'accompagnent jusqu'à la sortie... ils le regardent s'éloigner par le corridor à demi obscur... ils écoutent le grincement des verrous de la porte qui s'ouvre et se referme...
Ils rentrent dans la salle en jubilant.
Seulement deux ou trois voix s'élèvent, celles des moins démoniaques : "Et maintenant ? Comment allons-nous faire avec Judas de Simon ? Nous savons bien que nous ne pourrons lui donner ce que nous lui avons promis, à part ces trente pauvres deniers !... Que va-t-il dire quand il va se voir trahi par nous ? N'aurons-nous pas encouru un dommage plus grand ? Ne va-t-il pas aller dire au peuple ce que nous faisons ? Qu'il soit un homme qui n'est pas ferme dans ses résolutions nous le savons bien."
"Vous êtes bien naïfs et bien sots d'avoir ces pensées et de vous donner ces tracas ! On a déjà décidé ce que nous ferons à Judas. Décidé depuis l'autre fois. Ne vous rappelez-vous pas ? Et nous nous ne changeons pas d'idée. Lorsque tout sera fini pour le Christ, Judas mourra. C'est dit."
"Mais s'il parlait auparavant ?"
"À qui ? Aux disciples et au peuple, pour être lapidé ? Il ne parlera pas. L'horreur de son action sera pour lui un bâillon..."
"Mais il pourrait se repentir après cela, avoir des remords, devenir fou aussi... Car si son remords venait à s'éveiller, il ne pourrait que faire de lui un fou..."
"Il n'en aura pas le temps. Nous y pourvoirons avant. Chaque chose en son temps. D'abord le Nazaréen, et ensuite celui qui l'a trahi" dit Elchias avec une lenteur terrible.
"Oui. Et attention ! Pas un mot aux absents. Ils sont déjà trop au courant de notre pensée. Je ne me fie pas à Joseph et à Nicodème, et peu aux autres."
"Tu doutes de Gamaliel ?"
"Lui s'est mis à l'écart depuis plusieurs mois. Sans un ordre direct du Pontife, il ne prendra pas part à nos séances. Il dit qu'il écrit son œuvre avec l'aide de son fils. Mais je parle d'Eléazar et de Jean."
"Oh ! ils ne nous ont jamais contredits" dit tout de suite un synhédriste que j'ai vu d'autres fois avec Joseph d'Arimathie, mais dont je ne me rappelle pas le nom.
"Et même, ils nous ont trop peu contredits. Eh ! Eh ! Eh ! Et il faudra les surveiller ! Beaucoup de serpents se sont nichés au Sanhédrin, je crois... Eh ! Eh ! Eh ! Mais ils seront dénichés... Eh ! Eh ! Eh !" dit Canania en marchant courbé et tremblant, appuyé sur son bâton pour chercher une place confortable sur l'un des sièges larges et bas couverts de lourds tapis qui sont le long des murs de la salle. Il s'y étend satisfait et a vite fait de s'endormir, la bouche ouverte, répugnant dans sa vieillesse méchante.
On l'observe. Et Doras, fils de Doras, dit : "Il a la satisfaction de voir ce jour. Mon père y rêva, mais il ne l'eut pas. Mais je porterai dans mon cœur son esprit pour qu'il soit présent le jour où on se vengera du Nazaréen et qu'il ait sa joie..."
"Rappelez-vous que nous devrons, à tour de rôle, et plusieurs à la fois, être constamment au Temple."
"Nous y serons."
"Nous devrons ordonner qu'à n'importe quelle heure Judas de Simon soit introduit chez le Grand Prêtre." ... "Nous le ferons."
"Et maintenant, préparons notre cœur au dénouement."
"C'est déjà fait ! C'est déjà fait !"
"Avec ruse."
"Avec ruse."
"Avec finesse."
"Avec finesse."
"Pour calmer tout soupçon."
"Pour séduire tous les cœurs."
"Quelque chose qu'il dise ou fasse, pas de réaction. Nous nous vengerons de tout en une seule fois."
"C'est ce que nous ferons. Et ce sera une vengeance féroce."
"Complète !"
"Terrible !"
Et ils s'assoient pour se reposer en attendant l'aube.
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-007.htm
TOME : 9 /007
Caïphe le Grand Prêtre
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
de Béthanie à Jérusalem
Jésus marche parmi des vergers et des oliviers tout en fleurs. Elles paraissent des fleurs même les feuilles argentées des oliviers ainsi emperlées de rosée qui brille frappée par le premier rayon de l'aurore et remuée par un léger vent parfumé. Chaque frondaison est un travail d'orfèvre et l'œil en regarde avec admiration la beauté. Les amandiers, déjà tout couverts de leurs feuilles vertes, se détachent des masses blanc-rosées des autres arbres fruitiers, et par dessous, les vignes montrent les découpures de leurs premières tendres feuilles si claires et soyeuses qu'elles semblent un éclat d'émeraude très fine ou un lambeau de soie précieuse. En haut, un ciel de turquoise foncée, uni, tranquille, solennel. Partout, des chants d'oiseaux et des parfums de fleurs. Un air frais refait les forces et réjouit. C'est vraiment la gaieté d'avril qui sourit partout.
Jésus est au milieu de ses apôtres, des douze, et il parle.
"J'ai envoyé les femmes en avant car c'est à vous seuls que je veux parler. Dans les premiers temps que j'étais avec vous je vous ai dit, à ceux qui étaient avec Moi : "Ne troublez pas ma Mère en lui racontant des mauvaises actions contre Moi". Elles paraissaient des actions si graves, celles-là... Maintenant vous, les trois témoins de celles qui ont été le commencement de la chaîne avec laquelle sera conduit à la mort le Fils de l'homme — toi, Jean, toi, Simon, et toi, Judas de Kériot - vous pouvez bien voir qu'elles étaient comparables à des grains de sable qui tombent d'en haut en comparaison de la roche des roches que sont les actions de maintenant. Mais alors ni vous, ni ma Mère, ni Moi, nous n'étions préparés à la méchanceté humaine. Dans le Bien comme dans le Mal, voilà : l'homme n'atteint pas le sommet tout d'un coup. Il monte ou descend graduellement. C'est ainsi dans la douleur. Maintenant vous qui êtes bons, vous êtes montés dans le Bien et vous pouvez constater, sans le scandale qu'alors vous en auriez eu, à quel point de perversion peut descendre l'homme qui se voue au satanisme, de même que ma Mère et Moi, nous pouvons supporter sans en mourir toute la douleur qui vient de l'homme. Nous avons fortifié notre âme. Tous. Dans le Bien, dans le Mal, ou dans la Douleur. Pourtant nous n'avons pas encore atteint le sommet. Nous n'avons pas encore atteint le sommet... Oh ! si vous saviez quel est le sommet et combien il est haut le sommet du Bien, du Mal, de la Douleur ! Mais je vous répète mes paroles d'alors. Ne répétez pas à ma Mère ce que le Fils de l'homme va vous dire. Elle en aurait trop de douleur. Celui qui doit être mis à mort boit le breuvage qu'on lui donne par pitié, qui étourdit, pour qu'il puisse attendre sans frémir à chaque instant, l'heure du supplice. Votre silence sera comme le breuvage de pitié pour elle, Mère du Rédempteur ! Maintenant je veux, pour que rien ne reste obscur pour vous, vous ouvrir le sens des prophéties. Et je vous demande de rester avec Moi, beaucoup, beaucoup. Dans la journée, j'appartiendrai à tout le monde. La nuit, je vous prie d'être avec Moi car je veux être avec vous. J'ai besoin de ne pas me sentir seul..."
Jésus est très triste. Les apôtres le voient et ils sont angoissés, ils se serrent autour de Lui. Même Judas sait se serrer près du Maître comme s'il était le plus affectueux des disciples.
Jésus les caresse et il poursuit : "Je veux en cette heure qui m'est encore donnée, achever la connaissance du Christ en vous. Au commencement, avec Jean, Simon et Judas, j'ai fait connaître la vérité des prophéties sur ma naissance. Les prophéties m'ont peint comme le meilleur peintre ne pourrait le faire de mon aube à mon crépuscule. Et même, ce sont justement l'aube et le crépuscule, les deux passages les plus mis en lumière par les prophètes. Or le Christ descendu du Ciel, le Juste que les nuées ont laissé pleuvoir sur la Terre, le Germe sublime, va être mis à mort, brisé comme un cèdre par la foudre. Parlons alors de sa mort. Ne soupirez pas, ne hochez pas la tête. Ne murmurez pas en votre cœur, ne maudissez pas les hommes. Cela ne sert à rien. Nous montons à Jérusalem. Pâque est proche désormais.
"Ce mois sera pour vous le premier des mois de l'année" . Ce mois sera pour le monde le commencement d'un temps nouveau. Il ne cessera plus jamais. Inutilement, de temps à autre, l'homme cherchera à en mettre de nouveaux. Ceux qui voudront mettre un temps nouveau, portant leur nom d'idole, seront foudroyés et frappés. Il n'y a qu'un Dieu au Ciel et un Messie sur la Terre : le Fils de Dieu : Jésus de Nazareth. Lui, puisqu'il donne tout de Lui-même, peut tout vouloir et mettre son sceau royal non pas sur ce qui est chair et boue, mais sur ce qui est temps et esprit.
"Au dixième jour de ce mois, que chacun prenne un agneau par famille et par maison. Et si le nombre des personnes de la maison n'est pas suffisant pour consommer l'agneau, que l'on prenne le voisin avec sa famille de façon à pouvoir consommer tout l'agneau" . Car le sacrifice et l'hostie doivent être complets et consommés. Il ne doit pas en rester une parcelle. Il n'en restera pas. Trop nombreux sont ceux qui vont se repaître de l'agneau. Un nombre qu'on ne peut compter, pour un banquet sans limite de temps, et il n'est pas besoin de feu pour consumer les restes parce qu'il n'y a pas de restes. Les parties qui seront offertes et seront repoussées par la haine seront consumées par le feu même de la victime, par son amour. Je vous aime, ô hommes. Vous, mes douze amis que j'ai choisis Moi-même, vous en qui sont les douze tribus d'Israël et les treize veines de l'humanité. J'ai tout rassemblé en vous et en vous je vois tout rassemblé... Tout."
"Mais dans les veines du corps d'Adam se trouve aussi celle de Caïn. Personne de nous n'a levé la main sur son compagnon. Abel, où est-il alors ?" demande l'Iscariote.
"Tu l'as dit. Dans les veines du corps d'Adam se trouve aussi celle de Caïn. Et l'Abel, c'est Moi, le doux Abel pasteur des troupeaux, agréable au Seigneur parce qu'il offrait ses prémices et ce qui était sans imperfection et, parmi toutes les offrandes, lui-même. Je vous aime, Ô hommes. Même si vous ne m'aimez pas, Moi, je vous aime. L'amour accélère et achève le travail des sacrificateurs.
"Que l'agneau soit sans tache, mâle, d'un an" . Le temps n'existe pas pour l'Agneau de Dieu. Lui est. Pareil au dernier jour comme il l'était au premier de cette Terre. Celui qui est comme le Père, ne connaît pas de vieillissement dans sa nature divine. Et sa personne ne connaît qu'un seul vieillissement, qu'une seule lassitude : celle de la déception d'être venu en vain pour un trop grand nombre. Quand vous saurez comment j'ai été mis à mort — et les yeux, qui verront leur Seigneur changé en lépreux couvert de plaies, sont maintenant pleins de larmes à côté de Moi, et ne voient plus cette riante colline car les larmes les aveuglent de leur liquide visière — dites aussi : "Ce n'est pas de cela qu'il est mort, mais d'avoir été un inconnu pour ceux qui Lui étaient le plus chers et repoussé par trop d'humanité". Mais s'il n'est pas question de temps pour le Fils de Dieu, et ainsi il diffère de l'agneau du rite, il lui est semblable parce qu'il est sans tache et que c'est un mâle consacré au Seigneur. Oui. C'est inutilement que les bourreaux, ceux qui me tueront par les armes, ou par leur vouloir, ou par leur trahison, voudront s'excuser en disant : "Il était coupable". Aucune personne sincère ne peut m'accuser de péché. Le pouvez-vous ?
Nous sommes en face de la mort. Je le suis. D'autres encore le sont. Qui ? Tu veux savoir qui, Pierre ? Tous. La mort avance heure après heure et saisit celui qui s'y attend le moins. Mais même ceux qui ont encore une longue vie à tisser, heure après heure sont en face de la mort, parce que le temps est un éclair comparé à l'éternité et qu'à l'heure de la mort même la plus longue vie se réduit à rien et les actions des nombreuses décennies lointaines, depuis celles du premier âge, reviennent en foule pour dire : "Voilà : hier, tu faisais telle chose". Hier ! C'est toujours hier, quand on meurt ! Et c'est toujours de la poussière, l'honneur et l'or que la créature désirait si ardemment ! Et il perd toute saveur le fruit dont on était fou ! La femme ? L'argent ? Le pouvoir ? La science ? Que reste-t-il ? Rien ! Seulement la conscience et le jugement de Dieu devant lequel se présente la conscience pauvre et dénuée des protections et des richesses humaines et chargée seulement de ses actions.
"Qu'ils prennent son sang et en mettent sur les montants et l'architrave et l'Ange ne frappera pas, quand il passera, les maisons sur lesquelles se trouve la marque du sang" . Prenez mon sang. Mettez-le non sur les pierres mortes, mais sur votre cœur mort. C'est la nouvelle circoncision. Et Moi, je me circoncis pour le monde entier. Je ne sacrifie pas l'inutile partie, mais je brise ma magnifique, saine, pure virilité, je la sacrifie complètement, et de mes membres mutilés, de mes veines ouvertes, je prends mon sang, et je trace sur l'Humanité des anneaux de salut, des anneaux d'éternelles épousailles avec Dieu qui est dans les Cieux, avec le Père qui attend, et je dis : "Voilà, maintenant Tu ne peux plus les repousser parce que Tu repousserais ton sang".
"Et Moïse dit : ... et puis plongez une touffe d'hysope dans le sang et aspergez-en les montants" . Alors le sang ne suffit pas ? Il ne suffit pas. À mon sang, il faut joindre votre repentir. Sans le repentir, amer et salutaire, c'est inutilement que je serai mort pour vous.
C'est la première parole qui dans le Livre parle de l'Agneau Rédempteur. Mais le Livre en est rempli. De même qu'à chaque nouveau lever du soleil plus épaisse se fait la floraison sur ces branches, ainsi, à mesure qu'une année succède à une qui est finie et qu'on approche du temps de la Rédemption, voici que la floraison se multiplie.
Et maintenant avec Zacharie, je vous dis, à vous pour Jérusalem : "Voici que vient le Roi plein de douceur, monté sur une ânesse et un ânon. Il est pauvre" . Mais il dispersera les puissants qui oppriment l'homme. Il est doux, et pourtant son bras levé pour bénir vaincra le démon et la mort. "Il annoncera la paix parce qu'il en est le Roi". Lui, étant crucifié, étendra sa domination d'une mer à l'autre. "Lui qui ne crie pas, qui ne brise pas, qui n'éteint pas celui qui n'est pas lumière mais fumée, celui qui n'est pas force mais faiblesse, celui qui mérite tous les reproches, il fera justice selon la vérité". Ton Messie, ô cité de Sion, ton Messie, Ô peuple du Seigneur, ton Messie, ô peuple de la Terre.
"Sans être triste ni turbulent" et vous voyez comme il n'y a pas en Moi la tristesse irritée du vaincu, ni la tristesse rancunière du pervers, mais seulement le sérieux de celui qui voit à quel point peut arriver la possession de Satan dans l'homme, et vous voyez comment, pouvant réduire en cendres et disperser par une seule palpitation de ma volonté, Moi, pendant trois ans, j'ai tendu les mains pour inviter à l'amour, à tous, sans arrêt, et maintenant encore mes mains se tendront et seront blessées ! "Sans être triste ni turbulent, j'arriverai à établir mon Royaume". Ce Royaume du Christ où se trouve le salut du monde.
Le Père, Seigneur éternel, me dit : "Je t'ai appelé, Je t'ai pris par la main, Je t'ai fait alliance entre les peuples et Dieu, Je t'ai fait la lumière des nations" . Et j'ai été lumière. Lumière pour ouvrir les yeux aux aveugles, parole pour donner la parole aux sourds, clef pour ouvrir les prisons souterraines de ceux qui étaient dans les ténèbres de l'erreur.
Et maintenant, Moi qui suis tout cela, je vais mourir. J'entre dans l'obscurité de la mort. La mort, comprenez-vous ?...
Les premières choses annoncées, voilà qu'elles vont s'accomplir, je le dis Moi aussi avec le prophète. Les autres, je vous les dirai avant que le Démon ne nous sépare.
Voilà Sion là-bas au fond. Allez prendre l'ânesse et l'ânon. Dites à l'homme : "Il les faut pour le Rabbi Jésus". Et dites à ma Mère que je vais la rejoindre. Elle est là, sur le talus avec les Marie. Elle m'attend. C'est mon triomphe humain... Qu'il soit son triomphe. Toujours unis. Oh ! unis !...
Et quel est le cœur de hyène qui, d'un coup de griffes de sa patte, arrache le cœur du cœur maternel : Moi, son Fils ? Un homme ? Non. Tout homme naît d'une femme, et par instinct et réflexion morale il ne peut frapper une mère parce qu'il pense à la sienne. Ce n'est donc pas un homme. Qui alors ? Un démon. Mais un démon peut-il offenser la Victorieuse ? Pour l'offenser, il doit la toucher. Et Satan ne supporte pas la lumière virginale de la Rose de Dieu. Et alors ? Qui dites-vous que c'est ? Vous ne parlez pas ? Moi alors je le dis.
Le démon le plus rusé s'est fondu à l'homme le plus corrompu et, ainsi que le venin enfermé dans les dents de l'aspic, il est enfermé en lui qui peut approcher de la Femme et ainsi, traîtreusement, la mordre. Maudit soit l'hybride monstrueux qui est Satan et qui est homme ! Je le maudis ? Non. Elle n'est pas du Rédempteur cette parole. Et alors je dis à l'âme de cet hybride monstrueux ce que j'ai dit à Jérusalem, monstrueuse cité de Dieu et de Satan : "Oh ! si en cette heure qui t'est encore donnée, tu savais venir au Sauveur !" Il n'y a pas d'amour plus grand que le mien ! Et il n'y a pas de plus grand pouvoir. Même le Père consent quand je dis : "Je veux", et je ne sais dire que des paroles de pitié pour ceux qui sont tombés et qui, de leur abîme, me tendent les bras. Âme du plus grand pécheur, ton Sauveur, au seuil de la mort, se penche sur ton abîme et il t'invite à prendre sa main. Ma mort ne sera pas empêchée... Mais toi... mais toi... tu serais sauvé, toi, que j'aime encore, et l'âme de ton Ami ne frémirait pas d'horreur en pensant que c'est par l'œuvre de l'ami qu'il connaît l'horreur de la mort, et de cette mort..."
Jésus se tait... accablé...
Les apôtres bavardent et se demandent entre eux : "Mais de qui parle-t-il ? Qui est-ce ?"
Et Judas sans aucune honte de mentir : "C'est certainement un des faux pharisiens... Moi, je pense à Joseph ou Nicodème, ou bien à Chouza et Manaën... Tous sont avides de pouvoir et d'argent... Je sais que Hérode... Et je sais que le Sanhédrin. Il s'est trop fié à eux ! Vous voyez que hier aussi ils n'étaient pas présents ? ! Ils n'ont pas la hardiesse de l'affronter..."
Jésus n'entend pas. Il est allé en avant et a rejoint sa Mère qui est avec les Marie et avec Marthe et Suzanne. Il ne manque que Jeanne de Chouza dans le groupe des pieuses femmes.
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-008.htm
TOME : 9/08
https://lepeupledelapaix.forumactif.com/t18376-oeuvre-de-maria-valtorta-presentation-des-disciples-de-jesus
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
L'entrée de Jésus à Jérusalem
(Le dimanche des rameaux)
Vision du dimanche 30 mars 1947 (dimanche des Rameaux)
Jésus passe son bras autour des épaules de sa Mère qui s'est levée quand Jean et Jacques d'Alphée l'ont rejointe pour lui dire : "Ton Fils arrive", et puis ils sont revenus en arrière pour se réunir à leurs compagnons qui avancent lentement en parlant, alors que Thomas et André ont couru vers Bethphagé pour chercher l'ânesse et l'ânon et les amener à Jésus.
Jésus, pendant ce temps, parle aux femmes : "Nous voici près de la ville. Je vous conseille d'y aller et d'y aller en toute sûreté. Entrez dans la ville avant Moi. Près d'En Rogel, se trouvent les bergers et les disciples les plus fidèles. Ils ont l'ordre de vous accompagner et de vous protéger."
"C'est que... Nous avons parlé avec Aser de Nazareth et Abel de Bethléem de Galilée et aussi avec Salomon. Ils étaient venus jusqu'ici pour guetter ton arrivée. La foule prépare une grande fête. Et on voulait voir... Tu vois comme remue le haut des oliviers ? Ce n'est pas le vent qui les agite ainsi. Mais ce sont des gens qui coupent des branches pour en joncher le chemin et t'abriter du soleil. Et là-bas ? ! Regarde, ils sont en train de dépouiller les palmiers de leurs éventails. On dirait des grappes et ce sont des hommes grimpés sur les fûts qui n'en finissent pas de cueillir... Et sur les pentes tu vois des enfants qui se baissent pour cueillir des fleurs. Et certainement les femmes dépouillent les jardins des fleurs et des plantes odorantes pour en joncher le chemin. Nous voulions voir... et imiter le geste de Marie de Lazare qui recueillit toutes les fleurs foulées par ton pied quand tu es entré dans le jardin de Lazare" demande Marie de Cléophas au nom de toutes.
Jésus caresse sur la joue sa vieille parente qui semble une enfant désireuse de voir un spectacle, et il lui dit : "Dans la grande foule, tu ne verrais rien. Allez en avant, à la maison de Lazare, celle qui a Matthias comme gardien. Je passerai par là, et vous me verrez d'en haut."
"Mon Fils... et tu vas seul ? Je ne puis rester près de Toi ?" dit Marie en levant son visage si triste et en fixant ses yeux de ciel sur son doux Fils.
"Je voudrais te prier de rester cachée. Comme la colombe dans le creux du rocher. Plus que ta présence, ta prière m'est nécessaire, Maman aimée !"
"Si c'est ainsi, mon Fils, nous prierons, toutes, pour Toi."
"Oui. Après l'avoir vu passer, vous viendrez avec nous dans mon palais de Sion. Et j'enverrai des serviteurs au Temple et toujours à la suite du Maître pour qu'ils nous apportent ses ordres et ses nouvelles" décide Marie de Lazare toujours rapide pour saisir ce qu'il y a de mieux à faire et pour le faire sans retard.
"Tu as raison, ma sœur. Bien qu'il me peine de ne pas le suivre, je comprends le bien fondé de cet ordre. Et du reste Lazare nous a dit de ne contredire le Maître en rien, et de Lui obéir même dans les plus petits détails. Et nous le ferons."
"Et alors, allez. Vous voyez ? Les routes s'animent. Les apôtres vont me rejoindre. Allez. La paix soit avec vous. Je vous ferai venir aux heures que je jugerai bonnes. Maman, adieu. Sois en paix. Dieu est avec nous." Il l'embrasse et la congédie. Et les disciples obéissantes s'en vont sans tarder.
Les dix apôtres rejoignent Jésus : "Tu les as envoyées en avant ?"
"Oui. Elles verront mon entrée d'une maison."
"De quelle maison ?" demande Judas de Kériot.
"Eh ! elles sont désormais si nombreuses les maisons amies !" dit Philippe.
"Pas chez Annalia ?" insiste l'Iscariote.
Jésus répond négativement et se met en chemin vers Bethphagé qui est peu éloignée.
Il en est tout proche quand reviennent les deux qu'il a envoyés prendre l'ânesse et l'ânon. Ils crient : "Nous avons trouvé comme tu l'as dit, et nous t'aurions amené les animaux. Mais leur maître a voulu les étriller et les orner des meilleurs harnachements pour te faire honneur. Et les disciples, unis à ceux qui ont passé la nuit dans les rues de Béthanie pour t'honorer, veulent avoir l'honneur de te les conduire, et nous avons consenti. Il nous a paru que leur amour méritait une récompense."
"Vous avez bien fait. Avançons, en attendant."
"Sont-ils nombreux les disciples ?" demande Barthélemy.
"Oh ! une multitude. On n'arrive pas à passer par les rues de Bethphagé. Aussi j'ai dit àIsaac de conduire l'âne chez Cléonte, le fromager" répond Thomas.
"Tu as bien fait. Allons jusqu'à cet escarpement des collines, et attendons un peu à l'ombre de ces arbres."
Ils vont à l'endroit indiqué par Jésus.
"Mais nous nous éloignons ! Tu dépasses Bethphagé en la contournant par derrière !" s'écrie l'Iscariote.
"Et si je veux le faire, qui peut m'en empêcher ? Suis-je peut-être déjà prisonnier, pour qu'il ne me soit pas permis d'aller où je veux ? Et est-on pressé que je le sois et craint-on que je puisse échapper à la capture ? Et si j'estimais juste de m'éloigner pour des lieux plus sûrs, y a-t-il quelqu'un qui pourrait m'en empêcher ?" Jésus darde son regard sur le Traître qui ne parle plus et hausse les épaules, comme pour dire : "Fais ce que bon te semble."
Ils tournent en effet en arrière du petit village, je dirais un faubourg de la ville elle-même car, du côté ouest, il est vraiment peu éloigné de la ville, faisant déjà partie des pentes de l'Oliveraie qui couronne Jérusalem du côté oriental. En bas, entre les pentes et la ville, le Cédron brille au soleil d'avril.
Jésus s'assoit dans cette silencieuse verdure et se concentre dans ses pensées. Puis il se lève et va réellement sur la cime de l'escarpement.
*
Jésus me dit : "Ici tu mettras la vision du 31 Juillet 1944 :
Jésus qui pleure sur Jérusalem, à partir de la phrase que je t'ai dite pour commencer la vision." Et ensuite, il recommence à me montrer les phases de son entrée triomphale.
le 30 Juillet.
Je ne sais comment faire pour décrire, car je ressens au cœur un tel malaise que j'ai peine à rester assise. Mais il y a si longtemps que c'est ainsi. Je dois écrire ce que je vois.
Pour moi s'éclaire l'Évangile d'aujourd'hui : 5ème dimanche après la Pentecôte.
*
D'un coteau près de Jérusalem, Jésus regarde la ville qui s'étend à ses pieds.
Le coteau n'est pas très haut. Au maximum comme peut l'être la petite place S. Miniato du mont, à Florence; mais cela suffit pour que l'œil domine l'étendue de toutes les maisons et des rues qui montent et descendent sur les petits accidents de terrain sur lesquels se trouve Jérusalem. Cette colline est certainement bien plus haute, si on prend le niveau le plus bas de la ville, que ne l'est le Calvaire, mais elle est plus proche de l'enceinte que ce dernier. Elle commence exactement tout près des murs et s'élève rapidement en s'éloignant de ceux-ci, alors que de l'autre côté elle descend mollement vers une campagne toute verte qui s'étend vers l'est, vers l'orient si j'en juge du moins par la lumière solaire.
Jésus et les siens sont sous un bosquet, à l'ombre, assis. Ils se reposent du chemin parcouru. Puis Jésus se lève, quitte l'endroit boisé où ils étaient assis et s'en va tout à fait au sommet du coteau.
Sa haute personne se détache nettement dans l'espace vide qui l'entoure. Il paraît encore plus grand ainsi, debout, et seul. Il tient les mains serrées sur sa poitrine, sur son manteau bleu, et regarde extrêmement sérieux.
Les apôtres l'observent, mais ils le laissent faire sans bouger ni parler. Ils doivent penser qu'il s'est éloigné pour prier.
Mais Jésus ne prie pas. Après avoir longuement regardé la ville en tous ses quartiers, en toutes ses élévations, en toutes ses particularités, parfois avec de longs regards sur tel ou tel point, parfois en insistant moins, Jésus se met à pleurer sans sanglots ni bruit.
Les larmes gonflent ses yeux, puis coulent et roulent sur ses joues et tombent parterre... des larmes silencieuses et tellement tristes, comme celles de quelqu'un qui sait qu'il doit pleurer, seul, sans espérer de réconfort ni de compréhension de personne. À cause d'une douleur qui ne peut être annulée et qui doit être soufferte absolument.
Le frère de Jean, à cause de sa position, est le premier à voir ces pleurs et il le dit aux autres qui se regardent entre eux, étonnés.
"Personne de nous n'a fait de mal" dit quelqu'un, et un autre : "La foule aussi ne nous a pas insultés. Il ne s'y trouve personne qui Lui soit ennemi."
"Pourquoi pleure-t-il alors ?" demande le plus âgé de tous.
Pierre et Jean se lèvent ensemble et s'approchent du Maître. Ils pensent que l'unique chose à faire c'est de Lui faire sentir qu'ils l'aiment et de Lui demander ce qu'il a.
"Maître, tu pleures ?" dit Jean en mettant sa tête blonde sur l'épaule de Jésus, qui le dépasse de la tête et du cou.
Et Pierre, en Lui mettant une main à la taille, en l'entourant presque d'un embrassement pour l'attirer à lui, Lui dit : "Quelque chose te fait souffrir, Jésus ? Dis-le à nous qui t'aimons."
Jésus appuie sa joue sur la tête blonde de Jean et, desserrant ses bras, il passe à son tour son bras autour de l'épaule de Pierre. Ils restent ainsi embrassés tous les trois, dans une pose si affectueuse. Mais les larmes continuent de couler.
Jean, qui les sent tomber dans ses cheveux, recommence à Lui demander : "Pourquoi pleures-tu, mon Maître ? Peut-être que de nous il te vient de la peine ?"
Les autres apôtres se sont réunis au groupe affectueux et attendent anxieusement une réponse.
"Non, dit Jésus. Pas de vous. Vous êtes pour Moi des amis et l'amitié, quand elle est sincère, est baume et sourire, jamais larme. Je voudrais que vous restiez toujours mes amis. Même maintenant que nous allons entrer dans la corruption qui fermente et qui corrompt celui qui n'a pas une volonté décidée de rester honnête."
"Où allons-nous, Maître ? Pas à Jérusalem ? La foule t'a déjà salué joyeusement. Veux-tu la décevoir ? Allons-nous peut-être en Samarie pour quelque prodige ? Justement maintenant que la Pâque est proche ?"
Les questions viennent en même temps de différents côtés.
Jésus lève la main pour imposer le silence et puis, de sa main droite, il montre la ville. Un geste large comme celui du semeur qui jette son grain devant lui et il dit : "Elle est la Corruption. Nous entrons dans Jérusalem. Nous y entrons. Et seul le Très-Haut sait comment je voudrais la sanctifier en y amenant la Sainteté qui vient des Cieux.
La resanctifier, cette ville qui devrait être la Cité Sainte. Mais je ne pourrai rien lui faire. Corrompue elle est, et corrompue elle reste. Et les fleuves de sainteté qui coulent du Temple vivant, et qui couleront encore davantage dans peu de jours jusqu'à le vider de la vie, ne suffiront pas pour la racheter. Ils viendront au Saint la Samarie et le monde païen. Sur les temples mensongers s'élèveront les temples du vrai Dieu. Les cœurs des gentils adoreront le Christ. Mais ce peuple, cette ville sera toujours pour Lui une ennemie et sa haine l'amènera au plus grand péché. Cela doit arriver. Mais malheur à ceux qui seront les instruments de ce crime. Malheur !..."
Jésus regarde fixement Judas qui est presque en face de Lui.
"Cela ne nous arrivera jamais. Nous sommes tes apôtres et nous croyons en Toi, prêts à mourir pour Toi." Judas ment effrontément et soutient sans embarras le regard de Jésus.
Les autres unissent leurs protestations.
Jésus répond à tous pour éviter de répondre directement à Judas. "Veuille le Ciel que vous soyez tels, mais vous avez encore beaucoup de faiblesse en vous et la tentation pourrait vous rendre semblables à ceux qui me haïssent. Priez beaucoup et veillez beaucoup sur vous. Satan sait qu'il va être vaincu et il veut se venger en vous arrachant à Moi. Satan est autour de nous tous : de Moi, pour m'empêcher de faire la volonté du Père et d'accomplir ma mission; de vous, pour faire de vous ses serviteurs. Veillez. Dans ces murs Satan prendra celui qui ne saura pas être fort. Celui pour lequel cela aura été une malédiction d'être choisi parce qu'il a donné à ce choix un but humain. Je vous ai choisis pour le Royaume des Cieux et non pour celui du monde. Souvenez-vous-en.
Et toi, cité qui veux ta ruine et sur qui je pleure, sache que ton Christ prie pour ta rédemption. Oh ! si au moins en cette heure qui te reste tu savais venir à Celui qui serait ta paix ! Si au moins tu comprenais à cette heure l'Amour qui passe au milieu de toi et si tu te dépouillais de la haine qui te rend aveugle et folle, cruelle pour toi-même et pour ton bien ! Mais un jour viendra où tu te rappelleras cette heure ! Trop tard alors pour pleurer et te repentir ! L'Amour sera passé et sera disparu de tes routes et il restera la Haine que tu as préférée. Et la haine se tournera vers toi, vers tes enfants. Car on a ce qu'on a voulu, et la haine se paie par la haine.
Et ce ne sera pas alors la haine des forts contre le désarmé. Mais ce sera haine contre haine, et donc guerre et mort. Entourée de tranchées et de gens armés, tu souffriras avant d'être détruite et tu verras tomber tes fils tués par les armes et par la faim, et les survivants être prisonniers et méprisés, et tu demanderas miséricorde, et tu ne la trouveras plus parce que tu n'as pas voulu connaître ton Salut.
Je pleure, amis, car j'ai un cœur d'homme et les ruines de la patrie m'arrachent des larmes. Mais que ce qui est juste s'accomplisse puisque dans ces murs la corruption dépasse toute limite et attire le châtiment de Dieu. Malheur aux citoyens qui sont la cause du mal de leur patrie ! Malheur aux chefs qui en sont la principale cause ! Malheur à ceux qui devraient être saints pour amener les autres à être honnêtes, et qui au contraire profanent la Maison de leur ministère et eux-mêmes ! Venez. À rien ne servira mon action. Mais faisons en sorte que la Lumière brille encore une fois au milieu des Ténèbres !"
Et Jésus descend suivi des siens. Il s'en va rapidement par le chemin, le visage sérieux et je dirais presque renfrogné. Il ne parle plus. Il entre dans une maisonnette au pied de la colline et je ne vois pas autre chose.
*
Jésus dit :
"La scène racontée par Luc paraît sans liaison, pour ainsi dire illogique. Je déplore les malheurs d'une ville coupable et je ne sais pas compatir aux habitudes de cette ville ?
Non. Je ne sais pas, je ne puis les compatir, puisque même ce sont justement ces habitudes qui engendrent les malheurs, et de les voir rend plus aiguë ma douleur. Ma colère contre les profanateurs du Temple est la conséquence logique de ma méditation sur les malheurs prochains de Jérusalem.
Ce sont toujours les profanations du culte de Dieu, de la Loi de Dieu, qui provoquent les châtiments du Ciel. En faisant de la Maison de Dieu une caverne de voleurs, ces prêtres indignes et ces indignes croyants (de nom seulement] attiraient sur tout le peuple malédiction et mort. Inutile de donner tel ou tel nom au mal qui fait souffrir un peuple. Cherchez le nom exact en ceci : "Punition d'une vie de brutes". Dieu se retire et le Mal s'avance. Voilà le fruit d'une vie nationale indigne du nom de chrétienne.
Comme alors, maintenant aussi, dans cette partie de siècle, je n'ai pas manqué par des prodiges de secouer et de rappeler. Mais comme alors, je n'ai attiré sur Moi et mes instruments que moquerie, indifférence et haine. Pourtant que les particuliers et les nations se souviennent que c'est inutilement qu'ils pleurent quand auparavant ils ne veulent reconnaître leur salut. Inutilement qu'ils m'invoquent quand à l'heure où j'étais avec eux ils m'ont chassé par une guerre sacrilège qui en partant de consciences particulières, vouées au Mal, s'est répandue dans toute la Nation. Les Patries ne se sauvent pas tant par les armes que par une forme de vie qui attire les protections du Ciel.
Repose, petit Jean, et fais en sorte d'être toujours fidèle au choix que j'ai fait de toi. Va en paix."
Quelle fatigue ! Je n'en peux vraiment plus...
Jésus a à peine le temps d'entrer dans la maison pour en bénir les habitants que l'on entend une gaie sonnerie de grelots et des voix en fête. Et tout de suite après, le visage émacié et pâle d'Isaac apparaît dans l'ouverture de la porte et le fidèle berger entre et se prosterne devant son Seigneur Jésus.
Dans l'encadrement de la porte grande ouverte se pressent de nombreux visages et en arrière on en voit d'autres... On se bouscule, on se presse, on veut s'avancer... Quelques cris de femmes, quelques pleurs d'enfants pris au milieu de la cohue, et des salutations, des cris joyeux : "Heureux jour qui te ramène à nous ! La paix à Toi, Seigneur ! C'est un heureux retour, ô Maître, pour récompenser notre fidélité."
Jésus se lève et fait signe qu'il va parler. Tout le monde se tait, et on entend nettement la voix de Jésus.
"Paix à vous ! Ne vous entassez pas. Maintenant nous allons monter ensemble au Temple. Je suis venu pour être avec vous. Paix ! Paix ! Ne vous faites pas de mal. Faites place, mes aimés ! Laissez-moi sortir et suivez-moi, pour que nous entrions ensemble dans la Cité Sainte."
Les gens obéissent tant bien que mal, et font un peu de place, assez pour que Jésus puisse sortir et monter sur l'ânon. Car Jésus indique le poulain jamais monté jusqu'alors comme sa monture. Alors de riches pèlerins, qui se pressent dans la foule, étendent sur la croupe de l'ânon leurs somptueux manteaux et quelqu'un met un genou à terre et l'autre à servir de marchepied au Seigneur qui s'assoit sur l'ânon, et le voyage commence. Pierre marche à côté du Maître et de l'autre côté Isaac tient la bride de la bête qui n'est pas entraînée, et qui pourtant marche tranquillement comme si elle était habituée à cet office sans s'emballer ou s'effrayer des fleurs qui, jetées comme elles le sont vers Jésus, frappent souvent les yeux et le museau de la bête, ni des branches d'olivier et des feuilles de palmiers agitées devant et autour de lui, jetées par terre pour servir de tapis avec des fleurs, ni des cris de plus en plus forts : "Hosanna, Fils de David !" qui montent vers le ciel serein pendant que la foule se tasse de plus en plus et grossit à cause des nouveaux venus.
Passer par Bethphagé, par les rues étroites et contournées, n'est pas chose facile et les mères doivent prendre les enfants dans leurs bras, et les hommes protéger les femmes de coups trop violents, et il arrive qu'un père place son fils sur ses épaules à califourchon et le porte élevé au-dessus de la foule alors que les voix des petits semblent des bêlements d'agneaux ou des cris d'hirondelles et que leurs menottes jettent des fleurs et des feuilles d'oliviers que leurs mères leur présentent, et envoient aussi des baisers au doux Jésus...
Une fois sorti des rues étroites de la petite bourgade, le cortège se range et se déploie, et de nombreux volontaires s'en vont en avant pour prendre la tête et désencombrer le chemin, et d'autres les suivent en jonchant le sol de branches et quelqu'un, le premier, jette son manteau pour servir de tapis, et un autre, et quatre, et dix, et cent, et mille, l'imitent. Le chemin a en son milieu une bande multicolore de vêtements étendus sur le sol, et après le passage de Jésus ils sont repris et portés plus en avant, avec d'autres, avec d'autres, et toujours des fleurs, des branchages, des feuilles de palmiers s'agitent ou sont jetés par terre, et des cris plus forts s'élèvent tout autour en l'honneur du Roi d'Israël, à l'adresse du Fils de David, de son Royaume !
Les soldats de garde à la porte sortent pour voir ce qui arrive. Mais ce n'est pas une sédition et, appuyés sur leurs lances, ils se rangent de côté pour observer, étonnés ou ironiques, le cortège étrange de ce Roi assis sur un ânon, beau comme un dieu, simple comme le plus pauvre des hommes, doux, bénissant... entouré de femmes et d'enfants et d'hommes désarmés criant : "Paix ! Paix !", de ce Roi qui, avant d'entrer dans la ville, s'arrête un moment à la hauteur des tombeaux des lépreux de Hinnon et de Siloan (je crois bien parler de ces lieux où j'ai vu d'autres fois des miracles de lépreux) et s'appuyant sur l'unique étrier sur lequel il appuie son pied, puisqu'il est assis sur l'âne et non à cheval, il se lève et ouvre les bras en criant dans la direction de ces pentes horribles, où des visages et des corps effrayants se montrent en regardant vers Jésus et élèvent le cri lamentable des lépreux : "Nous sommes infectés !", pour écarter des imprudents qui pour bien voir Jésus monteraient aussi sur les terrasses contaminées : "Que celui qui a foi invoque mon Nom et ait la santé grâce à cela !" et il les bénit en reprenant sa route et en ordonnant à Judas de Kériot : "Tu achèteras de la nourriture pour les lépreux et avec Simon tu la leur porteras avant le soir."
Le cortège entre sous la voûte de la Porte de Siloan et puis comme un torrent se déverse dans la ville en passant par le faubourg d'Ophel —où chaque terrasse est devenue une petite place aérienne remplie de gens qui crient des hosannas, jettent des fleurs et renversent des parfums en bas, sur la route, en essayant de les jeter sur le Maître, et l'air est saturé par l'odeur des fleurs qui meurent sous les pas de la foule et des essences qui se répandent dans l'air avant de tomber dans la poussière de la route — le cri de la foule semble augmenter et se renforcer comme si chacun criait dans un porte-voix, car les nombreux archivoltes dont Jérusalem est remplie l'amplifient ne cessant pas de le faire résonner.
J'entends crier, et je crois que cela veut dire ce que disent les évangélistes : "Scialem,Scialem melchil !" (ou malchit : je m'efforce à rendre le son des paroles, mais il est difficile car elles ont des aspirations que nous n'avons pas). C'est un bruit continu, semblable à celui d'une mer en tempête dans laquelle n'est pas encore tombé le bruit de la lame qui fouette la plage et les écueils, qu'une autre lame ramasse et relève en un nouveau claquement sans jamais s'arrêter. J'en suis assourdie !
Parfums, odeurs, cris, des branches et des vêtements qui s'agitent, couleurs... C'est une vision étourdissante.
Je vois la foule qui n'en finit pas de se mélanger, des visages connus qui apparaissent et disparaissent : tous les disciples de tous les coins de la Palestine, tous ceux qui suivent Jésus... Je vois pendant un instant Jaïre, je vois Jaïa l'adolescent de Pella (me semble-t-il) qui était aveugle avec sa mère et que Jésus guérit, je vois Joachim de Bozra et ce paysande la plaine de Saron avec ses frères, je vois le vieux et solitaire Matthias de cet endroit près du Jourdain (rive orientale) auprès duquel Jésus se réfugia alors que tout était inondé, je vois Zachée avec ses amis convertis, je vois le vieux Jean de Nobé avec presque tous ses concitoyens, je vois le mari de Sara de Jutta... Mais qui peut retenir ces visages et ces noms si c'est un kaléidoscope de visages connus et inconnus, vus plusieurs fois ou une seule ?... Voici maintenant le visage du pastoureau pris à Ennon. Et près de lui le disciple de Corozaïnqui quitta la sépulture de son père pour suivre Jésus; et tout près, pour un instant, le père et la mère de Benjamin de Capharnaüm avec leur jeune fils qui manque de tomber sous les pieds de l'ânon en se jetant en avant pour recevoir une caresse de Jésus. Et — malheureusement — des visages de pharisiens et de scribes, livides de colère à cause de ce triomphe, qui, arrogants, fendent le cercle d'amour qui se serre autour de Jésus, et Lui crient : "Fais taire ces fous ! Rappelle-les à la raison ! Ce n'est qu'à Dieu que l'on adresse des hosannas. Dis-leur de se taire !"
À quoi Jésus répond doucement : "Même si je leur disais de se taire et qu'ils m'obéissent, les pierres crieraient les prodiges du Verbe de Dieu."
En effet les gens crient : "Hosanna, hosanna au fils de David ! Béni Celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna à Lui et à son Règne ! Dieu est avec nous ! L'Emmanuel est venu ! Il est venu le Royaume du Christ du Seigneur ! Hosanna ! Hosanna de la Terre jusqu'en haut des Cieux ! Paix ! Paix, mon Roi ! Paix et bénédiction à Toi, Roi saint ! Paix et gloire dans les Cieux et sur la Terre ! Gloire à Dieu pour son Christ ! Paix aux hommes qui savent l'accueillir ! Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté et gloire dans les Cieux très Hauts car l'heure du Seigneur est venue !" (et ceux qui poussent ce dernier cri, c'est le groupe compact des bergers qui répètent le cri de la naissance). Outre ces cris continuels, les gens de Palestine racontent aux pèlerins de la Diaspora les miracles qu'ils ont vus et à ceux qui ne savent pas ce qui arrive, aux étrangers qui passent par hasard par la ville et qui demandent : "Mais qui est Celui-là ? Qu'arrive-t-il ?", ils expliquent : "C'est Jésus ! Jésus, le Maître de Nazareth de Galilée ! Le Prophète ! Le Messie du Seigneur ! Le Promis ! Le Saint !"
D'une maison dont on a dépassé depuis peu la porte, car la marche est très lente dans une telle confusion, il sort un groupe de robustes jeunes gens portant en l'air des vases de cuivre pleins de charbon allumé et d'encens qui brûle en répandant des nuages de fumée odorante. Et leur geste est bien vu et on le répète. Plusieurs courent en avant ou reviennent en arrière vers leurs maisons pour se faire donner du feu et des résines odorantes pour les brûler en hommage au Christ.
La maison d'Annalia apparaît. La terrasse enguirlandée de vigne avec ses feuilles nouvelles qui tremble à un doux vent d'avril, a sur le côté qui donne sur la rue toute une rangée de jeunes filles vêtues de blanc et voilées de blanc, au milieu desquelles se trouve Annalia, avec des corbeilles de pétales de rosés effeuillées et de muguets qui déjà voltigent en l'air.
"Les vierges d'Israël te saluent, Seigneur !" dit Jean qui s'est frayé un chemin et qui maintenant est à côté de Jésus, pour attirer son attention sur la guirlande de pureté qui se penche en souriant du parapet pour joncher le chemin de pétales rouges comme du sang et de muguets blancs comme des perles.
Jésus retient un instant les rênes et arrête l'ânon. Il lève son visage et sa main pour bénir cette virginité énamourée de Lui, jusqu'à renoncer à tout autre amour terrestre.
Et Annalia se penche et crie : "Ton triomphe, je l'ai vu, Ô mon Seigneur ! Prends ma vie pour ta glorification universelle !" et en criant très fort, pendant que Jésus passe au-dessous de sa maison et avance, elle le salue : "Jésus !"
Et un autre cri, différent, dépasse la clameur de la foule. Mais les gens, bien qu'ils l'entendent, ne s'arrêtent pas. C'est un fleuve d'enthousiasme, un fleuve de peuple en délire qui ne peut s'arrêter. Et alors que les derniers flots de ce fleuve sont encore en dehors de la porte, les premiers montent déjà les pentes qui conduisent au Temple.
"Ta Mère !" dit Pierre en montrant une maison presque à l'angle d'un chemin qui monte au Moriah et par lequel le cortège s'est engagé. Et Jésus lève son visage pour sourire à sa Mère qui est en haut, parmi les femmes fidèles.
La rencontre d'une caravane nombreuse arrête le cortège quelques mètres après que la maison est dépassée. Et pendant que Jésus s'arrête avec les autres, en caressant les enfants que les mères Lui présentent, un homme accourt et se fraie un passage en criant : "Laissez-moi passer ! Une femme est morte. Une jeune fille. Subitement. Sa mère appelle le Maître. Laissez-moi passer ! Lui l'a déjà sauvée une fois !"
Les gens lui font place et l'homme accourt près de Jésus : "Maître, la fille d'Élise est morte. Elle t'a saluée de ce cri, puis elle s'est affaissée en disant : "Je suis heureuse", et elle a expiré. Son cœur s'est brisé dans l'allégresse de te voir triomphant. Sa mère m'a vu sur la terrasse près de sa maison et elle m'a envoyé t'appeler. Viens, Maître."
"Morte ! Morte Annalia ! Mais hier seulement, elle était saine, en bonne santé, heureuse ?" Les apôtres se groupent agités, les bergers aussi. Tout le monde l'a vue hier en parfaite santé. Tout à l'heure ils l'ont vue rose, riante... Ils n'arrivent pas à se persuader du malheur... Ils demandent, s'informent des détails...
"Je ne sais pas. Vous avez tous entendu ses paroles. Elle parlait fort, avec assurance. Puis je l'ai vue s'affaisser plus blanche que ses vêtements et j'ai entendu crier sa mère... Je ne sais pas autre chose."
"Ne vous agitez pas, elle n'est pas morte. Une fleur est tombée et les anges de Dieu l'ont recueillie pour la porter dans le sein d'Abraham. Bientôt le lys de la Terre s'ouvrira heureux au Paradis, ignorant pour toujours l'horreur du monde. Homme, dis à Élise qu'elle ne pleure pas le sort de son enfant. Dis-lui qu'elle a eu une grande grâce de Dieu, et que d'ici six jours elle comprendra quelle grâce Dieu a faite à sa fille. Ne pleurez pas. Que personne ne pleure. Son. triomphe est encore plus grand que le mien parce que les anges escortent la vierge pour la conduire à la paix des justes. Et c'est le triomphe éternel qui grandira sans jamais connaître de descente. En vérité je vous dis que c'est pour vous tous, mais non pour Annalia, que vous avez raison de pleurer. Allons." Et il répète aux apôtres et à ceux qui l'entourent : "Une fleur est tombée. Elle s'est couchée en paix et les anges l'ont recueillie. Bienheureuse celle qui est pure de chair et de cœur car bientôt elle va voir Dieu."
"Mais comment, de quoi est-elle morte, Seigneur ?" demande Pierre qui ne peut y croire.
"D'amour. D'extase, De joie infinie. Heureuse mort !" Ceux qui sont loin en avant ne savent pas; ceux qui sont très en arrière ne savent pas. Aussi les hosannas continuent, bien qu'auprès de Jésus il s'est formé un cercle de pensif silence.
C'est Jean qui le rompt : "Oh ! je voudrais le même sort avant les heures qui vont venir !"
"Moi aussi" dit Isaac. "Je voudrais voir le visage de la jeune fille morte d'amour pour Toi..."
"Je vous prie de me sacrifier votre désir. J'ai besoin de vous près de Moi..."
"Nous ne te laisserons pas, Seigneur. Mais pour cette mère aucun réconfort ?" demande Nathanaël.
"J'y pourvoirai..."
Ils sont aux portes de l'enceinte du Temple. Jésus descend de l'ânon que quelqu'un deBethphagé prend en garde.
Il faut se rappeler que Jésus ne s'est pas arrêté à la première porte du Temple, mais qu'il a suivi l'enceinte, en s'arrêtant seulement quand il se trouve sur le côté nord de l'enceinte, près de l'Antonia. C'est là qu'il descend et entre dans le Temple comme pour faire voir qu'il ne se cache pas au pouvoir qui domine, se sentant innocent dans toute sa conduite.
La première cour du Temple présente le chahut habituel des changeurs et des vendeurs de colombes, passereaux et agneaux, seulement que maintenant les vendeurs sont délaissés car tout le monde est accouru pour voir Jésus.
Et Jésus entre, solennel dans son vêtement de pourpre, et il tourne ses regards sur ce marché et sur un groupe de pharisiens et de scribes qui l'observent de dessous un portique.
Son regard est fulgurant d'indignation. Il se précipite au milieu de la cour. Son saut inattendu paraît un vol. Le vol d'une flamme, car son vêtement est une flamme dans le soleil qui inonde la cour. Et il tonne d'une voix puissante : "Hors de la maison de mon Père ! Ce n'est pas un lieu d'usure et de marché. Il est écrit : "Ma maison sera appelée maison de prière". Pourquoi donc en avez-vous fait une caverne de voleurs, de cette maison où on invoque le Nom du Seigneur ? Hors d'ici ! Purifiez ma Maison. Qu'il ne vous arrive pas qu'au lieu de me servir de cordes je vous frappe avec les foudres de la colère céleste. Hors d'ici ! Hors d'ici les voleurs, les brocanteurs, les impudiques, les homicides, les sacrilèges, les idolâtres de la pire idolâtrie : celle du propre moi orgueilleux, les corrupteurs et les menteurs. Dehors ! Dehors ! Ou bien le Dieu Très-Haut balayera pour toujours ce lieu et exercera sa vengeance sur tout un peuple." Il ne répète pas la fustigation de l'autre fois, mais comme les marchands et les changeurs tardent à obéir, il va au comptoir le plus proche et le renverse en répandant balances et pièces de monnaie sur le sol.
Les vendeurs et les changeurs se hâtent de suivre l'ordre de Jésus, après avoir eu ce premier exemple. Et Jésus crie derrière eux : "Combien de fois devrai-je vous dire que ce ne doit pas être un lieu de souillure mais de prière ?" Et il regarde ceux du Temple qui, obéissant aux ordres du Pontife, ne font pas un geste de représailles.
La cour purifiée, Jésus va vers les portiques où sont rassemblés des aveugles, des paralytiques, des muets, des estropiés et autres affligés qui l'invoquent à grands cris.
"Que voulez-vous que je vous fasse ?"
"La vue, Seigneur ! Les membres ! Que mon fils parle ! Que ma femme guérisse ! Nous croyons en Toi, Fils de Dieu !"
"Que Dieu vous écoute. Levez-vous et dites des hosannas au Seigneur !"
Ce n'est pas un par un qu'il guérit les nombreux malades, mais il fait de la main un geste large, et grâce et santé en descendent sur les malheureux qui se dressent sains avec des cris de joie qui se mêlent à ceux des nombreux enfants qui se serrent près de Lui en répétant : "Gloire, gloire au Fils de David ! Hosanna à Jésus de Nazareth, Roi des Rois, et Seigneur des Seigneurs !"
Des pharisiens, en feignant le respect, Lui crient : "Maître, tu les entends ? Ces enfants disent ce qu'il ne faut pas dire. Reprends-les ! Qu'ils se taisent !"
"Et pourquoi ? Le roi prophète, le roi de ma race n'a-t-il pas dit peut-être : "De la bouche des enfants et des nourrissons tu as fait sortir la louange parfaite pour confondre tes ennemis" ? N'avez-vous pas lu ces paroles du psalmiste ? Permettez aux petits de dire mes louanges. Elles leur sont suggérées par leurs anges qui voient sans cesse mon Père et connaissent ses secrets et les suggèrent à ces innocents. Maintenant laissez-moi tous aller prier le Seigneur" et passant devant les gens il passe dans l'atrium des Israélites pour prier...
Et puis, sortant par une autre porte, en frôlant la piscine probatique, il sort de la ville pour revenir sur les collines du mont des Oliviers.
Les apôtres sont enthousiastes... Le triomphe leur a donné de l'assurance, et ils sont oublieux, complètement oublieux de toutes les terreurs que les paroles du Maître avaient suscitées... Ils parlent de tout... Ils brûlent d'être renseignés sur Annalia. Jésus les retient, non sans peine, d'y aller, en les assurant qu'il y pourvoira d'une manière qu'il sait, Lui... Sourds, sourds, sourds à toute parole d'avertissement divin... Hommes, hommes, hommes, qu'un cri d'hosanna rend oublieux de tout...
Jésus parle aux serviteurs de Marie de Magdala qui l'ont rejoint au Temple et puis les congédie...
"Et maintenant, où allons-nous ?" demande Philippe.
"À la maison de Marc de Jonas ?" dit Jean.
"Non. Au camp des galiléens. Peut-être que mes frères sont venus et je veux les saluer" dit Jésus.
"Tu pourrais le faire demain" Lui fait observer le Thaddée.
"C'est une bonne chose de le faire pendant qu'on peut le faire. Allons chez les galiléens. Ils seront contents de nous voir. Vous aurez des nouvelles de vos familles. Moi, je verrai les enfants..."
"Et ce soir ? Où allons-nous dormir ? Dans la ville ? En quel endroit ? Là où est ta Mère ? Ou bien chez Jeanne ?" demande Judas Iscariote.
"Je ne sais. Certainement pas dans la ville. Peut-être encore sous quelques tentes galiléennes..."
"Mais pourquoi ?"
"Parce que je suis le Galiléen et que j'aime ma Patrie. Allons."
Ils se remettent en route pour monter vers le camp des galiléens, qui est sur l'oliveraie du côté de Béthanie et c'est tout un groupement de tentes toutes blanches sous le gai soleil d'avril.
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-009.htm
TOME : 9/009
Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Le soir du dimanche des rameaux
Jésus est avec les siens dans la paix du Jardin des Oliviers. C'est le soir, un tiède soir de pleine lune. Ils sont assis sur les sièges naturels que sont les talus de l'Oliveraie, exactement les premiers, qui se présentent sur cette petite place naturelle que forme une clairière située à l'entrée. Le Cédron fait entendre son bruissement en heurtant les cailloux de son lit et semble se parler à lui-même. Un chant de rossignol; la brise qui soupire et rien d'autre.
Jésus parle.
"Après le triomphe de ce matin, bien différent est votre esprit. Que dois-je dire ? Qu'il est soulagé ? Oh ! oui ! Selon l'humanité il est soulagé. Vous êtes entrés dans la ville, tout tremblants à cause de mes paroles. Il semblait que chacun craignait, pour lui-même, les sicaires au-delà des murs, prêts à l'assaillir et à le faire prisonnier.
En tout homme il y a un autre homme qui se révèle aux heures les plus graves. Il y a le héros qui, aux heures du plus grand danger, bondit de l'homme doux que le monde a l'habitude de voir et juge insignifiant, le héros qui dit à la lutte : "Me voici", qui dit à l'ennemi, à l'arrogant : "Mesure-toi avec moi". Et il y a le saint qui, alors que tous s'enfuient terrorisés devant les tyrans qui veulent des victimes, dit : "Prenez-moi en otage et en sacrifice. Je paie pour tous". Et il y a le cynique qui profite personnellement des malheurs de tous et rit sur les corps des victimes. Il y a le traître qui a son courage particulier : celui du mal. Le traître qui est l'amalgame du cynique et du lâche, qui est aussi une catégorie qui se manifeste dans les heures graves. Car cyniquement il tire profit d'un malheur et lâchement il passe au parti le plus fort, osant, pour en tirer profit, affronter le mépris des ennemis et les malédictions de ceux qu'il abandonne. Il y a enfin le type le plus répandu, le lâche qui, aux heures graves, n'est capable que de regretter d'avoir fait connaître son appartenance à un parti et à un homme, maintenant frappé par l'anathème, et de s'enfuir... Ce lâche n'est pas aussi criminel que le cynique ni aussi dégoûtant que le traître. Mais il montre toujours l'imperfection de sa structure spirituelle.
Vous... vous êtes tels. Ne le niez pas. Je lis dans les consciences. Ce matin, vous pensiez entre vous : "Qu'est-ce qui va nous arriver ? Allons-nous à la mort, nous aussi ?" Et la partie la plus basse gémissait : "Que jamais !..."
Oui. Mais vous ai-je jamais trompés ? Dès mes premières paroles, je vous ai parlé de persécution et de mort. Et quand l'un d'entre vous, par excès d'admiration, a voulu voir en Moi un roi et a voulu me présenter comme un roi, un des pauvres rois de la Terre, toujours pauvre même s'il est roi et qu'il restaure le royaume d'Israël, j'ai tout de suite corrigé son erreur, et j'ai dit : "Je suis Roi de l'esprit. J'offre privations, sacrifices, douleurs. Je n'ai pas autre chose. Ici, sur la Terre, je n'ai pas autre chose. Mais après ma mort, et votre mort dans ma foi, je vous donnerai un Royaume éternel : celui des Cieux". Vous ai-je dit, peut-être, quelque chose de différent ? Non. Vous dites non.
Et vous, alors, vous disiez aussi : "Nous ne voulons que cela. Avec Toi, comme Toi, à cause de Toi, nous voulons être, et être traités, et souffrir". Oui, vous parliez ainsi. Et vous étiez sincères aussi. Mais c'était parce que vous ne raisonniez que comme des enfants, comme des enfants étourdis. Vous pensiez qu'il était facile de me suivre, et vous étiez tellement imprégnés de la triple sensualité que vous ne pouviez admettre que fût vrai ce à quoi je faisais allusion. Vous pensiez : "Lui est le Fils de Dieu. Il le dit pour éprouver notre amour. Mais Lui ne pourra être frappé par l'homme. Lui qui opère des miracles saura bien faire un grand miracle en sa faveur !" Et chacun ajoutait : "Je ne puis croire que Lui soit trahi, pris, tué". Si forte était la foi humaine que vous aviez en ma puissance que vous arriviez à n'avoir pas foi dans mes paroles, la Foi vraie, spirituelle, sainte et sanctifiante.
"Lui qui fait des miracles pourra en faire un en sa faveur !" disiez-vous. Ce n'est pas un, mais un grand nombre encore que je ferai. Et deux seront tels qu'aucune intelligence ne peut y penser. Ils seront tels que seulement ceux qui croient dans le Seigneur pourront les admettre. Tous les autres, dans les siècles des siècles, diront : "Impossible !" Et même au-delà de la mort je serai un objet de contradiction pour beaucoup.
En une douce matinée de printemps j'ai annoncé d'une montagne les diverses béatitudes. Il y en a encore une : "Bienheureux ceux qui savent croire sans voir". J'ai déjà dit en allant à travers la Palestine : "Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l'observent", et encore : "Bienheureux ceux qui font la volonté de Dieu" et d'autres, j'en ai dit d'autres, car dans la maison de mon Père nombreuses sont les joies qui attendent les saints. Mais il y a aussi celle-ci. Oh ! bienheureux ceux qui croient sans avoir vu avec leurs yeux corporels ! Ils seront tellement saints que, étant sur la Terre, ils verront déjà Dieu, le Dieu caché dans le Mystère d'amour.
Mais vous, depuis trois ans que vous êtes avec Moi, vous n'êtes pas encore arrivés à cette foi. Et vous croyez seulement à ce que vous voyez. C'est pour cela que depuis ce matin, après le triomphe, vous dites : "C'est ce que nous disions. Il triomphe, et nous avec Lui". Et comme des oiseaux qui remettent en place leurs plumes froissées par quelqu'un de cruel, vous vous levez pour voler, ivres de joie, pleins d'assurance, libres de cette constriction que mes paroles vous avaient mise dans le cœur.
Êtes-vous plus soulagés alors, même dans votre esprit ? Non. En lui, vous êtes encore moins soulagés, car vous êtes encore plus impréparés à l'heure qui arrive. Vous avez bu les hosannas comme du vin fort et agréable. Et vous en êtes ivres. Un homme ivre est-il jamais fort ? Il suffit d'une main d'enfant pour le faire chanceler et tomber. C'est ainsi que vous êtes. Et il suffira qu'apparaissent des sicaires pour vous faire fuir comme de timides gazelles qui voient se présenter près d'un rocher de la montagne le museau pointu du chacal, et rapides comme le vent se dispersent à travers les solitudes du désert.
Oh ! prenez garde de ne pas mourir d'une horrible soif dans ce sable brûlé qu'est le monde sans Dieu ! Ne dites pas, ne dites pas, ô mes amis, ce que dit Isaïe en faisant allusion à votre état d'esprit faux et dangereux. Ne dites pas : "Celui-là ne parle que de conjurations. Mais il n'y a pas à craindre, il n'y a pas lieu de s'épouvanter. Nous ne devons pas craindre ce que Lui nous prophétise. Israël l'aime, et nous l'avons vu". Que de fois le tendre pied nu d'un petit enfant foule les herbes fleuries du pré, pour cueillir des fleurs qu'il portera à sa mère, et croit ne trouver que des fleurs, et au contraire posé son talon sur la tête d'un serpent, en est mordu et en meurt ! Les fleurs cachaient le serpent.
Ce matin aussi... ce matin aussi c'était ainsi ! Je suis le Condamné couronné de roses. Les roses !... Combien de temps durent les roses ? Que reste-t-il d'elles lorsque leurs corolles se sont effeuillées en une neige de pétales parfumés ? Des épines.
Moi — Isaïe l'a dit — je serai pour vous, et je dis qu'avec vous je serai pour le monde, sanctification, mais aussi pierre d'achoppement, pierre de scandale et lacs et ruine pour Israël et pour la Terre. Je sanctifierai ceux qui auront bonne volonté et je ferai tomber et briser en mille morceaux ceux qui auront mauvaise volonté.
Les anges ne disent pas des paroles mensongères, ni des paroles de peu de durée. Ils viennent de Dieu, qui est Vérité et qui est Éternel, et ce qu'ils disent est vérité et parole immuable. Ils ont dit : "Paix aux hommes de bonne volonté". Il naissait alors, ô Terre, ton Sauveur. Maintenant il va à la mort ton Rédempteur. Mais pour avoir de Dieu la paix, c'est-à-dire sanctification et gloire, il faut avoir "bonne volonté". Inutile ma naissance, inutile ma mort pour ceux qui n'ont pas cette volonté bonne. Mon vagissement et mon râle, le premier pas et le dernier, la blessure de la circoncision et celle de la consommation, auront existé en vain si en vous, si dans les hommes, il n'y aura pas la bonne volonté de se racheter et de se sanctifier.
Et je vous le dis : un très grand nombre de gens se butteront contre Moi qui ai été placé comme colonne de soutènement et non comme un piège pour l'homme, et ils tomberont parce qu'ivres d'orgueil, de luxure, d'avarice, et ils seront enfermés dans le filet de leurs péchés et pris et donnés à Satan. Mettez ces paroles dans vos cœurs et scellez-les pour les futurs disciples.
Allons. La Pierre se lève. Un autre pas en avant. Sur la montagne. Elle doit resplendir au sommet car Il est le soleil, Il est la Lumière, Il est l'Orient. Et le Soleil brille sur les cimes. Il doit être sur la montagne car le vrai Temple doit être vu du monde entier. Et de Moi-même je l'édifie avec la Pierre vivante de ma Chair immolée. J'en assemblerai les parties avec le mortier fait de ma sueur et de mon sang. Et je serai sur mon trône recouvert d'une pourpre vivante, couronné d'une couronne nouvelle, et ceux qui sont au loin viendront à Moi, ils travailleront dans mon Temple, autour de lui. Je suis la base et le sommet. Mais tout autour, toujours plus grande, s'étendra la demeure. Et Moi-même, je travaillerai mes pierres et mes artisans. Comme j'ai été travaillé au ciseau par le Père, par l'Amour, et par l'homme et par la Haine, de même je les travaillerai. Et après qu'en un seul jour aura été enlevée l'iniquité de la Terre, sur la pierre de celui qui est Prêtre pour l'éternité viendront les sept yeux pour voir Dieu et déboucheront les sept sources pour vaincre le feu de Satan.
Satan... Judas, allons. Et rappelle-toi que le temps presse et que pour le soir du Jeudi l'Agneau doit être livré."
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SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-010.htm
TOME : 9/010
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Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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Re: ♥ Découverte quotidienne de l'Oeuvre de Maria Valtorta ♥
Le lundi après l'entrée à Jérusalem :
I – le jour
Vision du lundi 31 mars 1947 (lundi saint )
Jésus sort de bonne heure de la tente d'un galiléen, là-bas, sur le plateau de l'Oliveraie où de nombreux galiléens se rassemblent à l'occasion de la solennité. Le camp dort tout entier sous la clarté de la lune qui se couche lentement, enveloppant d'une blancheur argentée les tentes, les arbres, les pentes et la ville qui dort tout en bas...
Jésus passe avec assurance et sans bruit entre les tentes et, une fois sorti du camp, descend rapidement par des sentiers à pic vers le Gethsémani, le traverse, en sort, dépasse le petit pont sur le Cédron, ruban d'argent qui arpège à la lune, arrive à la porte gardée par des légionnaires. C'est peut-être une mesure de précaution du Proconsul cette garde de nuit aux portes closes. Les soldats, au nombre de quatre, parlent assis sur de grosses pierres qui leur servent de sièges contre le mur puissant, et se chauffent à un feu de brindilles qui jette une lueur rougeâtre sur les cuirasses brillantes et les casques sévères de dessous lesquels émergent des visages si différents, en leur physionomie italique, de ceux des hébreux.
"Qui va là !" dit le premier qui voit apparaître la haute figure de Jésus de derrière le coin d'une masure voisine de la porte, et il saisit la hampe de la lance pointue qu'il tenait appuyée au mur voisin, et imité par les autres, il se met en position réglementaire. Sans donner à Jésus le temps de répondre, il dit : "On n'entre pas. Ne sais-tu pas que la seconde veille est déjà à sa fin ?"
"Je suis Jésus de Nazareth. J'ai ma Mère dans la ville. Je vais la trouver."
"Oh ! l'Homme qui a ressuscité le mort de Béthanie ! Par Jupiter ! Je vais le voir finalement !" Et il s'approche de Lui pour le regarder avec curiosité, tournant tout autour de Lui comme pour s'assurer que ce n'est pas quelque chose d'irréel, d'étrange, mais vraiment un homme comme tout le monde. Et il dit : "Oh ! Dieux ! Il est beau comme Apollon, mais tout à fait comme nous ! Et il n'a ni bâton, ni barrette, ni aucun insigne de son pouvoir !" Il est perplexe. Jésus le regarde patiemment en lui souriant avec douceur.
Les autres qui sont moins curieux — peut-être ils ont déjà vu Jésus d'autres fois — disent : "Cela aurait été une bonne chose qu'il eût été ici au milieu de la première veille, quand on a porté au tombeau la belle jeune fille morte ce matin. Nous l'aurions vue ressusciter..."
Jésus répète doucement : "Puis-je aller trouver ma Mère ?"
Les quatre soldats se secouent. Le plus âgé parle : "Vraiment l'ordre serait de ne pas laisser passer, mais tu passerais quand même. Celui qui force les portes de l'Hadès peut bien forcer les portes d'une ville fermée. Et tu n'es pas homme à provoquer des soulèvements. La défense tombe pour Toi. Fais en sorte de n'être pas vu par les rondes à l'intérieur. Ouvre,Marcus Gratus. Et Toi, passe sans bruit. Nous sommes soldats et nous devons obéir..."
"Ne craignez pas. Votre bonté ne se changera pas pour vous en punition."
Un légionnaire ouvre avec précaution un portillon ouvert dans le portail colossal et dit : "Passe vite. La veille finit d'ici peu et nous sommes remplacés par ceux qui vont arriver."
"Paix à vous."
"Nous sommes des hommes de guerre..."
"Même dans la guerre la paix que je donne demeure, car c'est la paix de l'âme."
Et Jésus s'engouffre dans l'obscurité de l'arcade ouverte dans l'épaisseur des murs. Il passe en silence devant le corps de garde qui par la porte ouverte laisse passer la lumière tremblante d'une lampe à huile, une lanterne ordinaire, suspendue à un crochet du plafond bas, qui permet de voir des corps de soldats endormis sur des nattes étendues sur le sol, enveloppés dans leurs manteaux, les armes à leurs côtés.
Jésus est dans la ville désormais... et je le perds de vue pendant que je regarde rentrer deux des soldats de tout à l'heure qui regardent si Lui s'est éloigné avant d'entrer pour éveiller ceux qui dorment pour la relève.
"On ne le voit déjà plus... Qu'aura-t-il voulu dire par ses paroles ? J'aurais voulu le savoir" dit le plus jeune.
"Il fallait le Lui demander. Il ne nous méprise pas. L'unique hébreu qui ne nous méprise pas et ne nous étrangle pas en aucune façon" lui répond l'autre qui est dans toute la force de l'âge.
"Je n'ai pas osé, moi, paysan de Bénévent, parler à quelqu'un que l'on dit Dieu ?"
"Un dieu sur un âne ? Ah ! Ah ! S'il était ivre comme Bacchus, il pourrait. Mais il n'est pas ivre. Je crois qu'il ne boit même pas du mulsum. Tu ne vois pas comme il est pâle et maigre ?"
"Et pourtant les hébreux..."
"Eux, oui, ils boivent, bien qu'ils affectent de ne pas le faire ! Et ivres des vins forts de ces terroirs et de leur sicera, ils ont vu un dieu dans un homme. Crois-moi : les dieux, c'est une fable. L'Olympe est vide, et la Terre n'en a pas."
"S'ils t'entendaient !..."
"Tu es encore enfant au point de n'être pas candidat et de ne pas savoir que César lui-même ne croit pas aux dieux, et que n'y croient pas les pontifes les augures, les aruspices, les arvales, les vestales, ni personne ?"
"Et alors pourquoi..."
"Pourquoi les rites ? Parce qu'ils plaisent au peuple et sont utiles aux prêtres et servent à César pour se faire obéir comme s'il était un dieu terrestre tenu par la main par les dieux de l'Olympe. Mais les premiers à ne pas y croire sont ceux que nous vénérons comme ministres des dieux. Je suis pyrrhonien. J'ai fait le tour du monde. J'ai fait beaucoup d'expériences. Mes cheveux blanchissent aux tempes et ma pensée a mûri. J'ai comme règle personnelle trois principes : Aimer Rome, unique déesse et unique certitude, jusqu'au sacrifice de ma vie. Ne rien croire puisque tout est illusion de ce qui nous entoure, exceptée la Patrie sacrée et immortelle. Nous devons aussi douter de nous-mêmes car il n'est pas certain même que nous vivons. Les sens et la raison ne suffisent pas pour nous donner la certitude d'arriver à connaître la Vérité, et la vie et la mort ont la même valeur car nous ne savons pas ce que c'est que la vie et ce que c'est que la mort" dit-il en affectant un scepticisme philosophique d'un être supérieur...
L'autre le regarde, hésitant. Puis il dit : "Moi, au contraire, je crois. Et j'aimerais savoir... Savoir de cet Homme qui est passé tout à l'heure. Lui certainement connaît la Vérité. Il sort de Lui quelque chose d'étrange. C'est comme une lumière qui vous pénètre !"
"Qu'Esculape te sauve ! Tu es malade ! C'est depuis peu que tu es monté à la ville de la vallée, et les fièvres surgissent facilement chez ceux qui font ce voyage et ne sont pas encore acclimatés à cette région. Tu délires. Viens. Il n'y a rien de tel que le vin chaud et les aromates pour faire sortir en sueur le venin de la fièvre jordanique..." et il le pousse vers le corps de garde.
Mais l'autre se dégage en disant : "Je ne suis pas malade. Je ne veux pas de vin drogué. Je veux veiller là, en dehors des murs (il montre l'intérieur du bastion) et attendre l'homme qui s'est nommé Jésus."
"Si cette attente ne t'ennuie pas... Je vais réveiller ceux-ci pour la relève. Adieu..."
Et il entre bruyamment dans le corps de garde pour éveiller ses compagnons, en criant : "Déjà l'heure est sonnée. Allons, fainéants paresseux ! Je suis las !..." Il baille bruyamment et maugrée parce qu'ils ont laissé éteindre le feu et ont bu tout le vin chaud "si nécessaire pour essuyer la rosée palestinienne..."
L'autre, le jeune légionnaire, adossé au mur que la lune effleure du couchant, attend que Jésus revienne sur ses pas. Les étoiles veillent son espoir...
Jésus, pendant ce temps, est arrivé à la maison de Lazare sur la colline de Sion, et il frappe. Lévi Lui ouvre.
"Toi, Maître ? ! Les maîtresses dorment. Pourquoi n'as-tu pas envoyé un serviteur si tu avais besoin de quelque chose ?"
"Ils ne l'auraient pas laissé passer."
"Ah ! c'est vrai ! Mais Toi, comment es-tu passé ?"
"Je suis Jésus de Nazareth, et les légionnaires m'ont laissé passer. Mais il ne faut pas le dire, Lévi."
"Je ne le dirai pas... Eux sont meilleurs que beaucoup de nous !"
"Conduis-moi où dort ma Mère et ne réveille personne d'autre dans la maison."
"Comme tu veux, Seigneur. Lazare a donné l'ordre à tous ceux qui dirigent les maisons de t'obéir en tout, sans discussion ni retard. C'était depuis peu l'aurore quand cet ordre a été apporté par un serviteur, par plusieurs serviteurs, à toutes les maisons. Obéir et se taire. Nous le ferons. Tu nous as rendu le maître..."
L'homme trottine en avant à travers les couloirs vastes comme des galeries du splendide palais de Lazare sur la colline de Sion, et la lampe qu'il a dans la main illumine d'une manière fantastique le mobilier et les tapisseries qui ornent ces larges couloirs. L'homme s'arrête devant une porte fermée : "C'est là qu'est ta Mère."
"Tu peux disposer."
"Et la lampe ? Ne la veux-tu pas ? Je puis retourner dans l'obscurité. J'ai l'habitude de la maison. J'y suis né."
"Laisse-la et n'enlève pas la clef de la porte. Je sors tout de suite."
"Tu sais où me trouver. Je vais fermer par précaution, mais je serai prêt à t'ouvrir la porte quand tu viendras."
Jésus reste seul. Il frappe légèrement, un coup si léger que seulement quelqu'un de bien éveillé peut entendre.
Un bruit dans la pièce, comme celui d'un siège qu'on déplace, un léger bruit de pas, et une voix basse : "Qui frappe ?"
"Moi, Maman. Ouvre-moi."
La porte s'ouvre de suite. La lumière de la lune est la seule lumière qui éclaire la pièce tranquille et étend ses rayons sur le lit intact. Un siège est près de la fenêtre grande ouverte sur le mystère de la nuit.
"Tu ne dormais pas encore ? Il est tard !"
"Je priais... Viens, mon Fils. Assieds-toi où j'étais" et elle indique le siège près de la fenêtre.
"Je ne puis m'arrêter. Je suis venu te prendre pour aller chez Élise, dans le quartier d'Ophel .Annalia est morte. Vous ne le saviez pas encore ?"
"Non. Personne... Quand, Jésus ?"
"Après mon passage."
"Après ton passage'. Tu as donc été pour elle l'Ange libérateur ?! Cette Terre était pour elle une telle prison ! Elle est heureuse ! Moi, je voudrais être à sa place ! Elle est morte... naturellement ? Je veux dire : pas par suite d'un malheur ?"
"Elle est morte par la joie d'aimer. Je l'ai su que j'étais déjà sur la montée du Temple. Viens avec Moi, Maman. Nous ne craignons pas de nous profaner pour consoler une mère qui a eu dans ses bras sa fille morte d'une joie surnaturelle... Notre première vierge ! Celle qui vint à Nazareth, à toi, pour me trouver et me demander cette joie... Jours lointains et sereins."
"Avant-hier elle chantait comme une mésange énamourée et m'embrassait en disant : "Je suis heureuse !" et elle était avide de savoir tout de Toi. Comment Dieu t'a formé. Comment Il m'a choisie. Et mes premières palpitations de vierge consacrée... Maintenant je comprends... Je suis prête, Fils."
Marie, tout en parlant, a épinglé ses tresses qui étaient retombées sur ses épaules et qui la faisaient paraître si jeune, et elle a pris son voile et son manteau.
Ils sortent en faisant le moins de bruit possible. Lévi est déjà près du portail. Il explique : "J'ai préféré... À cause de mon épouse... Les femmes sont curieuses. Elle m'aurait posé cent questions. Ainsi, elle ne sait pas..."
Il ouvre, il va fermer. Jésus dit : "Avant la fin de cette veille, je reconduirai ma Mère."
"Je veillerai tout près. Ne crains pas."
"Paix à toi."
Ils s'en vont par les rues silencieuses, désertes, desquelles la lune se retire lentement éclairant encore le sommet des hautes maisons de la colline de Sion. Plus éclairé est le faubourg d'Ophel aux maisonnettes plus humbles et plus basses.
Voilà la maison d'Annalia, fermée, sombre, silencieuse. Il y a encore des fleurs fanées sur les marches de la maison, peut-être celles jetées par la vierge avant de mourir, ou celles qui sont tombées de son lit funèbre...
Jésus frappe à la porte. Il frappe de nouveau...
Le bruit d'une fenêtre ouverte en haut. Une voix accablée : "Qui frappe ?"
"Marie et Jésus de Nazareth" répond Marie.
"Oh ! Je viens !..."
Une brève attente et puis le bruit des verrous que l'on pousse. La porte s'ouvre montrant le visage défait d'Élise qui s'appuie péniblement aux montants de la porte, et quand Marie en entrant lui ouvre ses bras, elle tombe sur son sein avec les faibles sanglots de qui a tant pleuré que ses pleurs ne se font plus entendre.
Jésus ferme la porte et attend patiemment que sa Mère calme cette désolation. Il y a une pièce près de la porte. Ils y entrent, Jésus portant la lampe posée par Élise sur le pavé de l'entrée avant d'ouvrir la porte.
Les pleurs de la mère semblent ne pas pouvoir finir. C'est entre des sanglots rauques qu'elle parle à Marie. La mère parle à la Mère. Jésus, debout contre un mur, se tait... Élise ne peut se résigner à cette mort, arrivée ainsi... Et dans sa souffrance, elle en fait retomber la cause sur Samuel, le fiancé parjure : "Il lui a brisé le cœur, ce maudit ! Elle ne le disait pas, mais certainement elle souffrait qui sait depuis quand ! Et dans la joie, dans un cri, s'est ouvert son cœur. Qu'il soit maudit pour toujours."
"Non, ma chérie. Non. Ne maudis pas. Ce n'est pas cela. Dieu l'a tant aimée qu'il l'a voulue dans sa paix. Mais même si elle était morte à cause de Samuel — ce qui n'est pas, mais supposons-le un instant — pense à la mort de joie qu'elle a eue, et dis que l'action mauvaise lui a procuré une mort heureuse."
"Je ne l'ai plus ! Elle est morte ! Elle est morte ! Tu ne sais pas ce que c'est que de perdre une fille ! Moi, j'ai deux fois goûté cette douleur. Car déjà je la pleurais morte quand ton Fils l'a guérie. Mais maintenant... Mais maintenant... Lui n'est pas revenu ! Il n'a pas eu pitié... Je l'ai perdue ! Perdue ! Elle est déjà dans la tombe, mon enfant ! Sais-tu ce que c'est que de voir agoniser un enfant ? Savoir qu'il doit mourir ? Le voir mort quand on le croyait guéri et fort ?
Tu ne sais pas. Tu ne peux pas en parler... Elle était belle comme une rose éclose au lever du soleil pendant qu'elle se parait ce matin. Elle avait voulu revêtir le vêtement que je lui avais fait pour ses noces. Elle voulait même se couronner comme une épouse. Puis elle préféra défaire la guirlande déjà faite et effeuiller les fleurs pour les jeter à ton Fils, et elle chantait ! Elle chantait ! Sa voix emplissait la maison. Elle était gracieuse comme le printemps. La joie faisait briller ses yeux comme des étoiles, et elles étaient empourprées comme la pulpe de la grenade ses lèvres ouvertes sur la blancheur de ses dents, et elle avait des joues roses et fraîches comme des roses nouvelles embellies par la rosée. Elle est devenue blanche comme le lys à peine éclos. Elle s'est affaissée sur mon sein comme une tige brisée... Plus de paroles ! Plus de soupirs ! Plus de couleurs ! Plus de regard ! Tranquille, belle comme un ange de Dieu, mais sans vie. Tu ne sais pas, toi qui te réjouis du triomphe de ton Fils et le vois sain et fort, ce qu'est ma douleur ! Pourquoi n'est-il pas revenu en arrière ? En quoi Lui avait-elle déplu, et moi avec elle, pour ne pas avoir pitié de ma prière ?"
"Élise ! Élise ! Ne parle pas... La douleur te rend aveugle et sourde... Élise, tu ne connais pas ma souffrance. Et tu ne connais pas la mer profonde que deviendra ma souffrance. Tu l'as vue tranquille et belle se raidir dans la paix. Dans tes bras. Moi... Moi cela fait plus de six lustres que je contemple mon Fils, et par-delà la peau lisse et pure que je contemple et caresse, je vois les plaies de l'Homme des douleurs que deviendra mon Fils. Sais-tu, toi qui dis que je ne sais pas ce que c'est que de voir un enfant s'en aller deux fois vers la mort, et y entrer une fois et y demeurer en paix, sais-tu ce que c'est de voir, pendant tant d'années, cette vision, pour une mère ? Mon Fils ! Le voilà. Il est déjà vêtu de rouge comme s'il sortait d'un bain de sang. Et bientôt, dans peu de temps, alors que ne sera pas devenu sombre le visage de ta fille dans le tombeau, je le verrai revêtu de la pourpre de son Sang innocent, de ce Sang que je Lui ai donné. Et si tu as reçu sur ton cœur ta fille, sais-tu quelle sera ma douleur de voir mourir mon Fils comme un malfaiteur sur le bois ? Regarde-le, le Sauveur de tous ! Dans l'esprit et dans la chair, car la chair de ceux qu'il aura sauvés sera incorrompue et bienheureuse dans son Royaume. Et regarde-moi ! Regarde cette Mère qui heure après heure accompagne et conduit — oh ! je ne le retiendrais pas d'un seul pas ! — son Fils au Sacrifice ! Moi, je puis te comprendre, pauvre maman. Mais toi, comprends mon cœur ! Ne hais pas mon Fils. Annalia n'aurait pas supporté l'agonie de son Seigneur.
Et son Seigneur l'a rendue heureuse en une heure d'allégresse."
Élise a cessé de pleurer devant la révélation. Elle fixe Marie, au pâle visage de martyre mouillé de larmes silencieuses, regarde Jésus qui la regarde avec pitié... et glisse aux pieds de Jésus en gémissant : "Mais elle est morte ! Elle est morte, Seigneur ! Comme un lys, un lys brisé. Les poètes disent de Toi que tu es celui qui se plaît parmi les lys ! Oh ! vraiment, Toi, né du Lys-Marie, tu descends souvent dans les parterres fleuris, et des roses pourpres tu fais des lys blancs, et tu les cueilles en les enlevant au monde. Pourquoi ? Pourquoi, Seigneur ? N'est-il pas juste qu'une mère jouisse de la rose qui est née d'elle ? Pourquoi en éteindre la pourpre dans la froide blancheur de mort du lys ?"
"Les lys ! Ils seront le symbole de celles qui m'aimeront comme ma Mère a aimé Dieu. Le blanc parterre du Roi Divin."
"Mais nous, les mères, nous pleurerons. Nous, les mères, nous avons droit à nos enfants. Pourquoi les enlever à la vie ?"
"Ce n'est pas ce que je veux dire, femme. Les filles resteront, mais consacrées au Roi comme les vierges dans les palais de Salomon. Rappelle-toi le Cantique... Et elles seront épouses, les bien-aimées, sur la Terre et au Ciel."
"Mais ma fille est morte ! Elle est morte !" Ses pleurs reprennent déchirants.
"Je suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en Moi, vit même s'il vient à mourir, et en vérité je te dis qu'il ne meurt pas pour l'éternité. Ta fille vit. Elle vit pour l'éternité parce qu'elle a cru dans la Vie. Ma mort sera pour elle la Vie complète. Elle a connu la joie de vivre en Moi avant de connaître la douleur de me voir arraché à la vie. Ta douleur te rend aveugle et sourde. Ma Mère a raison de le dire. Mais bientôt tu diras ce que je t'ai envoyé dire ce matin : "Vraiment sa mort a été une grâce de Dieu". Crois-le, femme. L'horreur attend ce lieu. Et viendra un jour où les mères frappées comme toi diront : "Louange à Dieu qui a épargné ces jours à nos enfants". Et les mères qui n'auront pas été frappées crieront au Ciel : "Pourquoi, ô Dieu, n'as-tu pas tué nos fils avant cette heure ?" Crois-le, femme. Crois à mes paroles. N'élève pas entre toi et Annalia la vraie clôture qui sépare : celle de la différence de foi. Tu vois ? Je pouvais ne pas venir. Tu sais combien je suis haï. Que ne t'illusionne pas le triomphe d'une heure !... Chaque recoin peut cacher une embûche pour Moi. Et je suis venu seul, de nuit, pour te consoler et te dire ces paroles. Je compatis à la douleur d'une mère.Mais pour la paix de ton âme, je viens te dire ces paroles. Aie la paix ! La paix !"
"Donne-la-moi, Toi, Seigneur ! Moi, je ne peux pas ! Je ne peux pas dans ma souffrance me donner la paix. Mais Toi, qui donnes la vie aux morts et la santé aux mourants, donne la paix au cœur déchiré d'une mère."
"Qu'il en soit ainsi, femme. La paix pour toi." Il lui impose les mains en la bénissant et en priant en silence sur elle. Marie s'est agenouillée à son tour près d'Élise en l'entourant de son bras.
"Adieu, Élise. Je m'en vais..."
"Nous ne nous verrons plus, Seigneur ? Je ne sortirai pas de la maison pendant plusieurs jours et tu t'en iras après les fêtes pascales. Toi... tu es encore un peu quelque chose de ma fille... parce que Annalia... parce que Annalia vivait en toi et pour Toi." Elle pleure, plus calme, mais combien elle pleure !
Jésus la regarde... Caresse sa tête chenue. Il lui dit : "Tu me verras encore."
"Quand ?"
"D'ici huit nuits."
"Et tu me réconforteras encore ? Tu me béniras pour me donner de la force ?"
"Mon cœur te bénira avec toute la plénitude de mon amour pour ceux qui m'aiment. Viens, ma Mère."
"Mon Fils, si tu le permets, je voudrais rester encore avec cette mère. La douleur est un flot qui revient après que s'est éloigné Celui qui donne la paix... Je rentrerai à l'heure de prime. Je n'ai pas peur d'aller seule, tu le sais. Et tu sais que je passerai à travers toute une armée ennemie pour réconforter un frère en Dieu."
"Que ce soit comme tu veux. Je m'en vais. Dieu soit avec vous."
Il sort sans faire de bruit, en fermant derrière Lui la porte de la pièce et celle de la maison. Il revient vers les murs, à la Porte d'Ephraïm ou Stercoraire, ou du Fumier, car plusieurs fois j'ai entendu indiquer ces deux portes voisines avec ces trois noms, peut-être parce que l'une s'ouvre sur le chemin de Jéricho qui est au fond, chemin qui mène à Ephraïm, et l'autre parce qu'elle est proche de la vallée de Hinnom où l'on brûle les ordures de la ville, et elles se ressemblent tant que je les confonds.
Le ciel commence à blanchir du côté de l'orient tout en étant encore criblé d'étoiles. Les chemins sont enveloppés dans une pénombre plus pénible que l'obscurité de la nuit que la lune tempérait de sa blanche clarté.
Mais le soldat romain a de bons yeux, et voyant Jésus s'avancer vers la porte, il va à sa rencontre.
"Salut. Je t'ai attendu..." Il s'arrête hésitant.
"Parle sans crainte. Que veux-tu de Moi ?"
"Savoir. Tu as dit : "La paix que je donne demeure même dans la guerre car c'est une paix d'âme". Je voudrais savoir quelle est cette paix et ce que c'est que l'âme. Comment l'homme qui est en guerre peut-il être en paix ? Quand on ouvre le temple de Janus, on ferme celui de la Paix. Les deux choses ne peuvent exister ensemble dans le monde." Il parle adossé au muret verdâtre d'un petit jardin, dans une ruelle étroite comme un sentier dans des champs, humide, sombre, obscur, au milieu de pauvres maisons. À part une légère lueur que fait voir le casque bruni, on ne voit rien des deux qui parlent. L'ombre enveloppe les visages et les corps dans une unique obscurité.
La voix de Jésus résonne douce et lumineuse dans sa joie de jeter une semence de lumière chez le païen : "Dans le monde, en vérité, la paix et la guerre ne peuvent exister ensemble. L'une exclut l'autre. Mais dans l'homme de guerre peut exister la paix même s'il fait une guerre commandée. Il peut exister ma paix. Parce que ma paix vient du Ciel et elle n'est pas blessée par le fracas de la guerre et la férocité des massacres. Elle, chose divine, envahit la chose divine que l'homme a en lui-même, et que l'on appelle l'âme.*
"Divine ? En moi ? César est divin. Moi, je suis fils de paysans. Maintenant je suis un légionnaire sans aucun grade. Si je suis brave je pourrai peut-être devenir centurion. Mais divin, non."
"Il y a en toi une partie divine : c'est l'âme. Elle vient de Dieu, du vrai Dieu. Aussi elle est divine, perle vivante dans l'homme, et elle se nourrit de choses divines et vivantes; la foi, la paix, la vérité. La guerre ne la trouble pas. La persécution ne la blesse pas. La mort ne la tue pas. Seul le mal, faire ce qui est mauvais, la blesse ou la tue, et la prive aussi de la paix que Moi je donne. Car le mal sépare l'homme de Dieu."
"Et qu'est-ce que le mal ?"
"Être dans le paganisme et adorer les idoles quand la bonté du vrai Dieu nous a fait connaître qu'existe le vrai Dieu. Ne pas aimer son père, sa mère, ses frères et le prochain. Voler, tuer, être rebelle, être luxurieux, être faux. C'est cela le mal."
"Ah ! alors, moi je ne peux pas avoir ta paix ! Je suis soldat et on nous commande de tuer. Pour nous alors, il n'y a pas de salut ? !"
"Sois juste dans la guerre comme dans la paix. Accomplis ton devoir sans férocité et sans avidité. Pendant que tu combats et que tu conquiers pense que l'ennemi est semblable à toi, et que toute ville a ses mères et ses jeunes filles comme ta mère et tes sœurs, et sois un preux sans être une brute. Tu ne sortiras pas de la justice et de la paix et ma paix restera en toi."
"Et ensuite ?"
"Et ensuite ? Que veux-tu dire ?"
"Après la mort ? Qu'advient-il du bien que j'ai fait et de l'âme dont tu dis qu'elle ne meurt pas si on ne fait pas le mal ?"
"Elle vit, elle vit ornée du bien que tu as fait, dans une paix joyeuse, plus grande que celle dont on jouit sur la Terre."
"Alors en Palestine, un seul avait fait le bien ! J'ai compris."
"Qui ?"
"Lazare de Béthanie. Son âme n'est pas morte !"
"En vérité, c'est un juste. Pourtant beaucoup lui sont semblables et meurent sans ressusciter, mais leur âme vit dans le Dieu vrai. Car l'âme a une autre demeure, dans le Royaume de Dieu. Et celui qui croit en Moi entrera dans ce Royaume."
"Même moi, romain ?"
"Même toi, si tu crois à la Vérité."
"Qu'est-ce que la Vérité ?"
"Je suis la Vérité, et le Chemin pour aller à la Vérité, et je suis la Vie et je donne la Vie car celui qui accueille la Vérité accueille la Vie."
Le jeune soldat réfléchit... se tait... Puis il lève son visage : un visage encore pur de jeune homme et il a un sourire limpide, serein, et il dit : "J'essayerai de me rappeler cela et d'en savoir plus encore. Il me plaît..."
"Comment t'appelles-tu ?"
"Vital, de Bénévent . Des campagnes de la ville."
"Je me souviendrai de ton nom. Rends vraiment vital ton esprit en le nourrissant de Vérité Adieu. On ouvre la porte. Je sors de la ville."
"Salut !"
"Jésus va rapidement vers la porte et prend en hâte le chemin qui conduit au Cédron et au Gethsémani et de là au Camp des Galiléens.
Dans les oliviers de la montagne, il rejoint Judas de Kériot qui monte lui aussi vers le camp qui s'éveille.
Judas fait un geste presque d'épouvante en se trouvant en face de Jésus. Jésus le regarde fixement, sans parler.
"Je suis allé apporter la nourriture aux lépreux. Mais... j'en ai trouvé deux à Hinnom, cinq à Siloan. Les autres : guéris. Encore là, mais si bien guéris qu'ils m'ont prié d'avertir le prêtre. J'étais descendu au point du jour pour être libre ensuite. La chose va faire du bruit. Un si grand nombre de lépreux guéris ensemble après que tu les as bénis en présence de tant de gens !"
Jésus ne parle pas. Il le laisse parler. Il ne lui dit ni : "Tu as bien fait", ni autre chose ayant trait à l'action de Judas et au miracle, mais s'arrêtant à l'improviste et regardant fixement l'apôtre, il lui demande : "Eh bien ? Qu'est-ce que cela a changé de t'avoir laissé la liberté et l'argent ?"
"Que veux-tu dire ?"
"Ceci : je te demande si tu t'es sanctifié depuis que je t'ai rendu la liberté et l'argent. Et tu me comprends... Ah ! Judas ! Souviens-toi ! Souviens-toi toujours : tu as été celui que j'ai aimé plus que tout autre, en recevant de toi moins d'amour que tous les autres m'en ont donné. En recevant même une haine plus grande, car c'était la haine de quelqu'un que je traitais en ami, que la haine la plus féroce du plus féroce pharisien. Et rappelle-toi encore ceci : que Moi, même maintenant je ne te hais pas mais, pour autant que cela dépend du Fils de l'homme, je te pardonne. Va, maintenant. Il n'y a plus rien à se dire entre toi et Moi. Tout est déjà fait..."
Judas voudrait dire quelque chose, mais Jésus, d'un geste impérieux, lui fait signe d'aller en avant... Et Judas, tête basse comme un vaincu, s'en va...
À la limite du Camp des Galiléens les apôtres et les deux serviteurs de Lazare sont déjà prêts.
"Où as-tu été, Maître ? Et toi, Judas ? Vous étiez ensemble ?"
Jésus devance la réponse de Judas : "J'avais quelque chose à dire à des cœurs. Judas est allé chez les lépreux... Mais ils sont tous guéris, sauf sept."
"Oh ! pourquoi y es-tu allé ? Je voulais venir moi aussi !" dit le Zélote.
"Pour être libre maintenant de venir avec nous" dit encore Jésus. "Allons. Nous entrerons dans la ville par la Porte du Troupeau. Faisons vite."
Il va en avant, en passant par les oliveraies qui conduisent du Camp, à moitié route entre Béthanie et Jérusalem, à l'autre petit pont qui passe le Cédron près de la Porte du Troupeau.
Des maisons de paysans sont éparses sur les pentes, et tout en bas, près des eaux du torrent, un figuier ébouriffé se penche sur la rivière. Jésus se dirige vers lui et il cherche si dans le feuillage fourni et gras il y a quelque figue mûre. Mais le figuier est tout en feuilles, nombreuses, inutiles, mais il n'a pas un seul fruit sur ses branches. "Tu es comme beaucoup de cœurs en Israël. Tu n'as pas de douceurs pour le Fils de l'homme, et pas de pitié. Qu'il ne puisse plus jamais naître de toi un seul fruit et que personne ne se rassasie de toi à l'avenir" dit Jésus.
Les apôtres se regardent. La colère de Jésus pour la plante stérile, peut-être sauvage, les étonne. Mais ils ne disent rien. Ce n'est que plus tard, après avoir passé le Cédron, que Pierre Lui demande : "Où as-tu mangé ?"
"Nulle part."
"Oh ! Alors tu as faim ! Voici là-bas un berger avec quelques chèvres qui paissent. Je vais demander du lait pour Toi. Je fais vite" et il s'en va à grands pas et revient doucement avec une vieille écuelle pleine de lait.
Jésus boit et il rend le bol au pastoureau qui a accompagné Pierre, en le caressant...
Ils entrent dans la ville et montent au Temple, et après avoir adoré le Seigneur, Jésus revient dans la cour où les rabbis donnent leurs leçons.
Les gens l'entourent et une mère, venue de Cintium, présente son enfant qu'un mal a rendu aveugle, je crois. Il a les yeux blancs comme s'il avait une vaste cataracte sur la pupille ou un albugo.
Jésus le guérit en effleurant les orbites avec les doigts. Et puis de suite il commence à parler :
"Un homme acheta un terrain. Il y planta des vignes, construisit une maison pour les fermiers, une tour pour la surveillance, des celliers et des endroits pour presser le raisin, et en confia l'entretien à des fermiers en qui il avait confiance. Puis il s'en alla au loin.
Quand arriva le temps où les vignes purent donner des fruits, les vignes ayant poussé au point de donner des fruits, le maître de la vigne envoya ses serviteurs chez les fermiers pour retirer le revenu de la récolte. Mais les fermiers entourèrent ces serviteurs, ils en frappèrent une partie à coups de bâtons, en lapidèrent une partie avec de lourdes pierres en les blessant grièvement, et en tuèrent une partie. Ceux qui purent revenir vivants chez le maître, racontèrent ce qui leur était arrivé. Le maître les soigna et les consola, et il envoya d'autres serviteurs encore plus nombreux. Les fermiers les traitèrent comme ils avaient traité les premiers.
Alors le maître de la vigne dit : "Je vais leur envoyer mon cher fils. Certainement ils respecteront mon héritier".
Mais les fermiers, l'ayant vu venir et ayant su que c'était l'héritier, s'appelèrent l'un l'autre en disant : "Venez, réunissons-nous pour être nombreux. Entraînons-le dehors, dans un endroit écarté, et tuons-le. Son héritage nous restera". Ils l'accueillirent avec des honneurs hypocrites, l'entourèrent comme pour lui faire fête. Ensuite ils le ligotèrent après l'avoir embrassé, le frappèrent fortement et avec mille moqueries, ils l'amenèrent au lieu du supplice et le tuèrent.
Maintenant, vous, dites-moi. Ce père et maître s'apercevra un jour que son fils et héritier ne revient pas, et découvrira que ses fermiers, auxquels il avait donné la terre fertile pour qu'ils la cultivent en son nom, en jouissant de ce qui était juste et en donnant à leur seigneur ce qui était juste, ont tué son fils. Alors que fera-t-il ?" et Jésus darde ses iris de saphir, enflammés comme par un soleil, sur ceux qui sont venus et spécialement sur les groupes des juifs les plus influents, pharisiens et scribes répandus dans la foule. Personne ne parle.
"Dites donc ! Vous au moins, rabbis d'Israël. Dites une parole de justice qui persuade le peuple de la justice. Moi, je pourrais dire une parole qui ne serait pas bonne, d'après votre pensée. Parlez donc vous, pour que le peuple ne soit pas induit en erreur."
Les scribes, contraints, répondent ainsi : "Il punira les scélérats en les faisant périr d'une manière atroce, et il donnera sa vigne à d'autres fermiers pour qu'ils lui la cultivent honnêtement, en lui donnant le revenu de la terre qui leur est confiée."
"Vous avez bien parlé. Il est écrit dans l'Écriture : "La pierre que les constructeurs ont rejetée est devenue pierre angulaire. C'est une œuvre faite par le Seigneur et c'est une chose admirable à nos yeux". Puisque donc ceci est écrit, et vous le savez, et vous estimez juste que soient punis atrocement ces fermiers meurtriers du fils héritier du maître de la vigne, et qu'elle soit donnée à d'autres fermiers qui la cultivent honnêtement, voilà que pour ce motif, je vous dis : "Le Royaume de Dieu vous sera enlevé et il sera donné à des gens qui en produisent des fruits. Et celui qui tombera contre cette pierre se brisera, et celui sur lequel la pierre tombera sera écrasé".
Les chefs des prêtres, les pharisiens et les scribes, par un acte vraiment... héroïque, ne réagissent pas. Si forte est la volonté d'atteindre un but ! Pour beaucoup moins d'autres fois ils l'ont contré, et aujourd'hui où le Seigneur Jésus leur dit ouvertement que le pouvoir leur sera enlevé, ils n'éclatent pas en reproches, ils ne font pas d'actes de violence, ils ne menacent pas, faux agneaux patients qui sous l'apparence hypocrite de douceur cachent l'immuable cœur du loup.
Ils se bornent à s'approcher de Lui qui a repris sa marche en avant et en arrière en écoutant tel et tel des nombreux pèlerins qui sont rassemblés dans la vaste cour, et desquels beaucoup Lui demandent conseil pour des questions qui intéressent l'âme ou pour des situations familiales ou sociales, en attendant de pouvoir Lui dire quelque chose après l'avoir écouté donner un jugement à un homme sur une question embrouillée d'héritage : elle a produit division et rancœur entre les différents héritiers à cause d'un fils du père qu'il a eu d'une servante de la maison mais qu'il a adopté. Les fils légitimes ne le veulent pas avec eux, ni comme héritier dans le partage des maisons et des terres. Ils ne veulent plus avoir rien en commun avec le bâtard et ils ne savent pas comment résoudre la question car, avant sa mort, le père a fait jurer que comme toujours il avait partagé le pain entre le fils illégitime et les légitimes dans la même mesure, ainsi ils devaient partager l'héritage dans la même mesure.
Jésus dit à celui qui l'interroge au nom des trois autres frères : "Sacrifiez tous une parcelle de terre pour la vendre de façon à réunir une somme d'argent équivalente au cinquième de la fortune totale et donnez-le au fils illégitime en lui disant : "Voilà ta part. Tu n'es pas frustré de ce qui t'appartient et on n'a pas fait tort à la volonté de notre père. Va et que Dieu soit avec toi". Et soyez généreux en lui donnant même davantage que la valeur stricte de sa part. Faites-le avec des témoins qui soient justes et personne ne pourra sur la Terre, ni au-delà de la Terre, élever une voix de reproche et de scandale. Et vous aurez la paix entre vous et en vous, n'ayant pas le remords d'avoir désobéi à votre père et n'ayant pas parmi vous celui qui, vraiment innocent, a été pour vous une cause de trouble plus que si on avait mis un voleur parmi vous."
L'homme dit : "Ce bâtard, en vérité, a enlevé la paix à notre famille, la santé à notre mère qui est morte de chagrin, et une place qui ne lui appartient pas."
"Ce n'est pas lui le coupable, homme. C'est celui qui l'a engendré. Lui n'a pas demandé à naître pour porter la marque de bâtard, Ce fut la convoitise de votre père qui l'engendra pour lui donner la douleur et pour vous donner la douleur. Soyez donc justes envers l'innocent qui paie déjà durement une faute qui n'est pas la sienne.
N'ayez pas d'anathème pour l'esprit de votre père. Dieu l'a jugé. Il n'est pas besoin des foudres de vos malédictions. Honorez le père, toujours, même s'il est coupable, non pour lui-même, mais parce qu'il a représenté sur la Terre votre Dieu, vous ayant créés par ordre de Dieu et étant le seigneur de votre maison. Les parents viennent immédiatement après Dieu. Rappelle-toi le Décalogue, et ne pèche pas. Va en paix."
Les prêtres et les scribes s'approchent alors de Lui pour l'interroger : "Nous t'avons entendu. Tu as dit ce qui était juste. Un conseil plus sage n'aurait pu le donner Salomon. Mais dis-nous, Toi qui opères des prodiges et donnes des jugements tels que seul le sage roi pouvait en donner, par quelle autorité fais-tu ces choses ? D'où te vient un tel pouvoir ?"
Jésus les regarde fixement. Il n'est ni agressif ni méprisant, mais très imposant. Il dit : "Moi aussi, j'ai à vous poser une question, et si vous me répondez, je vous dirai par quelle autorité, Moi, homme sans autorité de charges et pauvre — car c'est cela que vous voulez dire — je fais ces choses. Dites : le baptême de Jean, d'où venait-il ? Du Ciel ou de l'homme qui le donnait ? Répondez-moi. Par quelle autorité Jean le donnait-il comme rite purificateur et pour vous préparer à la venue du Messie, puisque Jean était encore plus pauvre, plus ignorant que Moi, et sans charge d'aucune sorte, ayant passé sa vie dans le désert depuis son enfance ?"
Les scribes et les prêtres se consultent entre eux. Les gens, les yeux grands ouverts et les oreilles attentives, sont prêts à protester et à acclamer si les scribes disqualifient le Baptiste et offensent le Maître, ou s'ils paraissent déconfits par la question du Rabbi de Nazareth, divinement sage, se serrent autour d'eux. Il est frappant le silence absolu de cette foule qui attend la réponse. Il est si profond que l'on entend la respiration et les chuchotements des prêtres ou des scribes qui communiquent entre eux quasi sans parler, et observent pendant ce temps le peuple dont ils devinent les sentiments prêts à exploser. Enfin, ils se décident à répondre. Ils se tournent vers le Christ qui, appuyé à une colonne, les bras croisés, les scrute sans jamais les perdre de vue, et ils disent : "Maître, nous ne savons pas par quelle autorité Jean faisait cela ni d'où venait son baptême. Personne n'a pensé à le demander au Baptiste pendant qu'il était vivant, et lui ne l'a jamais dit spontanément."
"Et Moi non plus je ne vous dirai pas par quelle autorité je fais de telles choses." Il leur tourne le dos en appelant à Lui les douze et, fendant la foule qui l'acclame, il sort du Temple.
Quand ils sont déjà dehors, au-delà de la Probatique, Barthélemy Lui dit : "Ils sont devenus très prudents tes adversaires. Peut-être vont-ils se convertir au Seigneur qui t'a envoyé et te reconnaître pour le Messie saint."
"C'est vrai. Ils n'ont pas discuté ta question ni ta réponse..." dit Matthieu.
"Qu'il en soit ainsi. C'est beau que Jérusalem se convertisse au Seigneur, son Dieu" dit encore Barthélemy.
"Ne vous faites pas des illusions ! Cette partie de Jérusalem ne se convertira jamais. Ils n'ont pas répondu autrement parce qu'ils ont craint la foule. Je lisais leur pensée bien que n'entendant pas leurs paroles dites à voix basse."
"Et que disaient-ils ?" demande Pierre.
"Ils disaient cela. Je désire que vous le sachiez pour les connaître à fond et que vous puissiez donner une exacte description à ceux qui viendront plus tard des cœurs des hommes de mon temps. S'ils ne m'ont pas répondu, ce n'est pas qu'ils se convertissent au Seigneur, mais parce qu'ils disaient entre eux : "Si nous répondons : 'Le baptême de Jean venait du Ciel" le Rabbi répondra : "Et alors pourquoi n'avez-vous pas cru à ce qui venait du Ciel et enseignait la préparation au temps messianique ?" , et si nous disons : "De l'homme" alors ce sera la foule qui se rebellera en disant : "Et alors pourquoi ne croyez-vous pas à ce que Jean, notre prophète, a dit de Jésus de Nazareth ?" Il vaut donc mieux dire : "Nous ne savons pas". Voilà ce qu'ils disaient. Ce n'était pas parce qu'ils étaient revenus à Dieu, mais par un lâche calcul, et pour ne pas avoir à reconnaître par leurs bouches que je suis le Christ et que je fais ces choses que je fais parce que je suis l'Agneau de Dieu dont a parlé le Précurseur. Et Moi non plus, je n'ai pas voulu dire par quelle autorité je fais les choses que je fais. Déjà, de nombreuses fois, je l'ai dit dans ces murs et dans toute la Palestine, et mes prodiges parlent encore plus que mes paroles. Maintenant je ne le dirai plus par mes paroles. Je laisserai parler les prophètes et mon Père, et les signes du Ciel, car le moment est venu où tous ces signes vont être donnés. Ceux qui ont été dits par les prophètes et marqués des symboles de notre histoire, et ceux que j'ai dits : le signe de Jonas; vous vous souvenez de ce jour à Cédés ? C'est le signe qu'attend Gamaliel. Toi, Étienne, toi, Hermas, et toi, Barnabé qui as quitté tes compagnons aujourd'hui pour me suivre, certainement plusieurs fois vous avez entendu le rabbi parler de ce signe. Eh bien, bientôt le signe sera donné."
Il s'éloigne en montant à travers les oliviers de la montagne, suivi des siens et de nombreux disciples (des soixante-douze) en plus d'autres, comme Joseph Barnabé qui le suit pour l'entendre parler encore.
*
SOURCE : http://www.maria-valtorta.org/Publication/TOME%2009/09-011.htm
TOME : 9 / 011
Jésus en compagnie de Sa Mère
Maud- Citoyen d'honneur vers la sainteté
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