"L’ÉGLISE NE DOIT PAS CRAINDRE LES PERSÉCUTIONS."(par Benoît XVI)
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"L’ÉGLISE NE DOIT PAS CRAINDRE LES PERSÉCUTIONS."(par Benoît XVI)
Bienheureux les persécutés. La leçon du successeur de Pierre
Benoît XVI explique comment répondre aux persécutions qui, aujourd'hui encore, frappent les chrétiens. De la même manière que les apôtres. Sans peur, sans vengeance. Avec liberté, courage, prière
par Sandro Magister
ROME, le 23 avril 2012 – Que les chrétiens soient, dans le monde, la communauté religieuse qui subit le plus d’attaques, c’est un fait établi.
Et que les violences antireligieuses ne diminuent pas mais qu’au contraire elles augmentent, c’est également un fait, confirmé par les informations qui arrivent chaque jour. Les chrétiens étant plus que tous les autres dans la ligne de mire.
C’est ce que le Pew Forum, entre autres, a constaté à l’issue d’une une enquête menée à l’échelle mondiale
> Liberté religieuse. Le baromètre indique une détérioration
La persécution accompagne la chrétienté depuis ses origines. Mais comment les premiers chrétiens répondaient-ils à la violence ?
Benoît XVI a répondu à cette question lors de l’audience générale de mercredi dernier. En lisant et en expliquant une page tout à fait éclairante des Actes des Apôtres. Et il en a tiré une leçon pour les chrétiens d’aujourd’hui.
Face à la persécution – a déclaré le pape – la première communauté chrétienne de Jérusalem "ne cherche pas à faire des analyses quant à la manière de réagir, de trouver des stratégies, de se défendre, ou quant aux mesures qu’il conviendrait d’adopter".
Lorsqu’elle est mise à l’épreuve, la communauté "ne se laisse pas effrayer et elle ne se divise pas". Elle ne demande pas que Dieu "fasse payer", qu’il tire vengeance des agresseurs. "Elle ne demande pas à ce que les vies des chrétiens soient épargnées par la persécution".
Cela, c’est ce que les premiers chrétiens ne font pas.
Mais, en positif, comment se comportent les premiers chrétiens de Jérusalem, lorsque la persécution les frappe ?
Ils se mettent en prière. Ils prient Dieu d’un seul cœur.
Dans leur prière, ils lisent leur situation "à la lumière du Christ, qui est aussi la clé pour comprendre la persécution ; la croix, qui est toujours la clé pour la résurrection".
Ils comprennent que "comme Jésus, les disciples sont en butte à l’opposition, à l’incompréhension, à la persécution".
Et donc, "justement pour cette raison, la demande que la première communauté chrétienne de Jérusalem adresse à Dieu dans sa prière n’est pas d’être défendue, d’être épargnée par l’épreuve et par la souffrance ; elle ne prie pas pour avoir du succès, mais seulement pour être capable de proclamer la Parole de Dieu avec 'parresia', c’est-à-dire avec franchise, avec liberté, avec courage".
Dans le récit des Actes des Apôtres, l’Esprit-Saint pénètre dans le lieu où les chrétiens s’étaient réunis pour prier et il "pousse les disciples du Seigneur à sortir sans crainte pour porter la bonne nouvelle jusqu’aux extrémités de la terre".
C’est ce qui doit aussi se produire pour les chrétiens d’aujourd’hui : "Comme pour la première communauté chrétienne, la prière nous aide à lire notre histoire individuelle et collective dans la perspective la plus juste et la plus fidèle qui soit, celle de Dieu".
La "pensée éclairée par la prière" doit aussi être l’âme du gouvernement de l’Église, comme Benoît XVI l’a expliqué, le 10 mars 2010, lors d’une audience générale consacrée au saint qu’il a le plus étudié et qu’il préfère, saint Bonaventure :
> Comment piloter l'Église dans la tempête
Mais voici l’allocution de Benoît XVI telle qu’il l’a prononcée lors de l'audience générale du mercredi 18 avril, veille du septième anniversaire de son pontificat.
_________
"L’ÉGLISE NE DOIT PAS CRAINDRE LES PERSÉCUTIONS..."
par Benoît XVI
Chers frères et sœurs, [...] une atmosphère priante accompagne les premiers pas de l’Eglise. La Pentecôte n’est pas un épisode isolé, puisque la présence et l’action de l’Esprit Saint guident et animent constamment le chemin de la communauté chrétienne.
Dans les Actes des Apôtres, en effet, saint Luc non seulement raconte la grande effusion survenue au Cénacle cinquante jours après Pâques (Ac 2, 1-13), mais il fait aussi allusion aux autres irruptions extraordinaires de l’Esprit Saint, qui reviennent dans l’histoire de l’Eglise. Et en ce jour, je désire m’arrêter sur ce que l’on a appelé la « petite Pentecôte », qui s’est produite au terme d’une phase difficile dans la vie de l’Eglise naissante.
Les Actes des Apôtres rapportent qu’après la guérison d’un paralytique près du Temple de Jérusalem (Ac 3, 1-10), Pierre et Jean furent arrêtés (Ac 4, 1) parce qu’ils annonçaient la résurrection de Jésus à tout le peuple (Ac 3, 11-26). Après un procès sommaire, ils furent remis en liberté, ils rejoignirent leurs frères et leur racontèrent ce qu’ils avaient dû subir à cause du témoignage qu’ils avaient rendu à Jésus le Ressuscité.
A ce moment, dit saint Luc, « d’un seul élan, ils élevèrent la voix vers Dieu » (Ac 4, 24). Ici, saint Luc rapporte la prière la plus ample de l’Eglise que nous trouvions dans le Nouveau Testament, à la fin de laquelle [...] « l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ; tous furent alors remplis du Saint-Esprit et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31).
Avant de considérer cette belle prière, notons un comportement de fond important : face au danger, à la difficulté, à la menace, la première communauté chrétienne ne cherche pas à faire des analyses sur la façon de réagir, de trouver des stratégies, de se défendre, sur les mesures à adopter, mais, dans l’épreuve, elle se met en prière, elle prend contact avec Dieu.
Et qu’est-ce qui caractérise cette prière ? C’est la prière unanime et d’un seul cœur de la communauté toute entière, qui est confrontée à une situation de persécution à cause de Jésus.
Dans l’original grec, saint Luc utilise l’expression « homothumadon » - « tous ensemble », « d’un seul cœur » - un mot qui apparaît dans d’autres parties des Actes des Apôtres pour souligner cette prière persévérante et d’un seul cœur (Ac 1, 14 ; 2, 46). Cette union des cœurs est l’élément fondamental de la première communauté et devrait être toujours fondamentale pour l’Eglise. A ce moment-là, ce n’est pas seulement la prière de Pierre et de Jean, qui se sont trouvés en danger, mais celle de toute la communauté, parce que ce que vivent les deux apôtres ne les concernent pas seulement eux, mais cela regarde toute l’Eglise.
Face aux persécutions subies à cause de Jésus, la communauté non seulement ne s’effraie pas ni ne se divise, mais elle est profondément unie dans la prière, comme s’il s’agissait d’une seule personne, pour invoquer le Seigneur. Je dirais que ceci est le premier prodige qui se réalise quand les croyants sont mis à l’épreuve à cause de leur foi : leur unité se consolide, au lieu d’être compromise, parce qu’elle est soutenue par une prière inébranlable. L’Eglise ne doit pas craindre les persécutions, qu’elle subit forcément au cours de son histoire, mais, comme Jésus à Gethsémani, elle doit garder confiance en la présence, l’aide et la force de Dieu, invoqué dans la prière.
Faisons un pas supplémentaire : que demande à Dieu la communauté chrétienne en ce moment d’épreuve ? Elle ne demande pas la sécurité de la vie face à la persécution, ni que le Seigneur se venge de ceux qui ont incarcéré Pierre et Jean ; elle demande seulement qu’il lui soit permis « d’annoncer en toute assurance » la Parole de Dieu (Ac 4, 29), ce qui veut dire qu’elle prie pour ne pas perdre le courage de la foi, le courage d’annoncer sa foi.
Mais avant cela, elle cherche à comprendre en profondeur ce qui s’est passé, elle cherche à lire les événements à la lumière de la foi et elle le fait justement à travers la parole de Dieu qui nous fait déchiffrer la réalité du monde.
Dans la prière qu’elle élève au Seigneur, la communauté part du souvenir et de l’invocation de la grandeur et de l’immensité de Dieu : « Maître, c’est toi qui as fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve » (Ac 4, 24). C’est une invocation au Créateur : nous savons que tout vient de lui, que tout est dans ses mains. C’est dans cette conscience que nous trouvons certitude et courage : tout vient de lui, tout est dans ses mains.
Ensuite, elle reconnaît comment Dieu a agi dans l’histoire – elle commence donc avec la création et continue dans l’histoire – comment il a été proche de son peuple en se montrant un Dieu qui s’intéresse à l’homme, qui ne s’est pas retiré, qui n’abandonne pas l’homme, sa créature ; et c’est ici qu’est cité explicitement le Psaume 2, à la lumière duquel on lit la situation difficile que vit l’Eglise à ce moment-là.
Le Psaume 2 célèbre l’intronisation du roi de Juda, mais il fait référence, de manière prophétique, à la venue du Messie, contre qui ni la rébellion, ni la persécution, ni les débordements des hommes ne pourront rien : « Pourquoi cette arrogance chez les nations, ces vains projets chez les peuples ? Les rois de la terre se sont mis en campagne et les magistrats se sont rassemblés de concert contre le Seigneur et contre son Oint » (Ac 4, 25).
Le psaume dit déjà ceci, de manière prophétique, au sujet du Messie et cette rébellion des puissants contre la puissance de Dieu est caractéristique dans toute l’histoire. C’est justement en lisant la Sainte Ecriture, qui est parole de Dieu, que la communauté peut dire à Dieu, dans sa prière : « Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, … pour accomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais déterminé par avance » (Ac 4, 27).
Les événements sont lus à la lumière du Christ, qui est la clé pour comprendre même la persécution, à la lumière de la Croix, qui est toujours la clé pour la Résurrection. L’opposition à Jésus, sa Passion et sa mort, sont relues, à travers le Psaume 2, comme la réalisation du projet de Dieu le Père pour le salut du monde.
Et c’est là aussi que trouve son sens l’expérience de persécution que la première communauté chrétienne est en train de vivre ; cette première communauté n’est pas une simple association, mais c’est une communauté qui vit dans le Christ ; ce qui lui arrive fait donc partie du dessein de Dieu. Comme cela s’est passé pour Jésus, de même les disciples rencontrent-ils l’opposition, l’incompréhension, la persécution. Dans la prière, la méditation sur l’Ecriture sainte à la lumière du mystère du Christ aide à lire la réalité présente à l’intérieur de l’histoire du salut que Dieu réalise dans le monde, toujours à sa manière.
C’est justement pour cela que la demande que la première communauté chrétienne de Jérusalem formule à Dieu dans la prière n’est pas d’être défendue, d’être épargnée par l’épreuve, la souffrance, ce n’est pas une prière pour obtenir le succès, mais seulement pour pouvoir proclamer avec « parresia », c’est-à-dire avec franchise, avec liberté, avec courage, la parole de Dieu (Ac 4, 29).
Elle ajoute ensuite la demande que cette annonce soit accompagnée de la main de Dieu, pour que s’accomplissent des guérisons, des signes et des prodiges (Ac 4, 30), c’est-à-dire pour que soit visible la bonté de Dieu, comme une force qui transforme la réalité, qui change les cœurs, les esprits, la vie des hommes et qui apporte la nouveauté radicale de l’Evangile.
A la fin de la prière, note saint Luc, « l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ; tous furent alors remplis du Saint-Esprit et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31) ; l’endroit trembla, ce qui veut dire que la foi a la force de transformer la terre et le monde. L’Esprit qui a parlé par le Psaume 2, dans la prière de l’Eglise, fait irruption dans la maison et remplit le cœur de tous ceux qui ont invoqué le Seigneur.
C’est le fruit de la prière unanime que la communauté chrétienne élève vers Dieu ; l’effusion de l’Esprit, don du Ressuscité qui soutient et qui guide l’annonce libre et courageuse de la parole de Dieu, qui pousse les disciples du Seigneur à sortir sans peur pour apporter la bonne nouvelle jusqu’aux extrémités du monde.
Chers frères et sœurs, nous aussi, nous devons savoir porter les événements de notre vie quotidienne dans notre prière, pour en rechercher la signification profonde. Et, comme la première communauté chrétienne, nous aussi, en nous laissant illuminer par la Parole de Dieu, à travers la méditation de l’Ecriture sainte, nous pouvons apprendre à voir que Dieu est présent dans notre vie, présent aussi et justement dans les moments difficiles, et que tout – même ce qui est incompréhensible – fait partie d’un projet d’amour supérieur, dans lequel la victoire finale sur le mal, sur le péché et sur la mort est vraiment celle du bien, de la grâce, de la vie, de Dieu.
Comme pour la première communauté chrétienne, la prière nous aide à lire notre histoire personnelle et collective dans une perspective plus juste et plus fidèle, celle de Dieu. Et nous aussi, nous voulons renouveler notre prière en demandant le don de l’Esprit Saint, afin qu’il réchauffe nos cœurs et illumine nos esprits et que nous puissions reconnaître comment le Seigneur répond à nos requêtes selon sa volonté d’amour et non selon nos idées.
Guidés par l’Esprit de Jésus-Christ, nous serons capables de vivre avec sérénité, courage et joie toutes les situations de la vie et nous pourrons, avec saint Paul, nous vanter « des tribulations, sachant bien que la tribulation produit la constance, la constance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l’espérance » : cette espérance qui « ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné » (Rm 5, 3-5).
chiesa
Benoît XVI explique comment répondre aux persécutions qui, aujourd'hui encore, frappent les chrétiens. De la même manière que les apôtres. Sans peur, sans vengeance. Avec liberté, courage, prière
par Sandro Magister
ROME, le 23 avril 2012 – Que les chrétiens soient, dans le monde, la communauté religieuse qui subit le plus d’attaques, c’est un fait établi.
Et que les violences antireligieuses ne diminuent pas mais qu’au contraire elles augmentent, c’est également un fait, confirmé par les informations qui arrivent chaque jour. Les chrétiens étant plus que tous les autres dans la ligne de mire.
C’est ce que le Pew Forum, entre autres, a constaté à l’issue d’une une enquête menée à l’échelle mondiale
> Liberté religieuse. Le baromètre indique une détérioration
La persécution accompagne la chrétienté depuis ses origines. Mais comment les premiers chrétiens répondaient-ils à la violence ?
Benoît XVI a répondu à cette question lors de l’audience générale de mercredi dernier. En lisant et en expliquant une page tout à fait éclairante des Actes des Apôtres. Et il en a tiré une leçon pour les chrétiens d’aujourd’hui.
Face à la persécution – a déclaré le pape – la première communauté chrétienne de Jérusalem "ne cherche pas à faire des analyses quant à la manière de réagir, de trouver des stratégies, de se défendre, ou quant aux mesures qu’il conviendrait d’adopter".
Lorsqu’elle est mise à l’épreuve, la communauté "ne se laisse pas effrayer et elle ne se divise pas". Elle ne demande pas que Dieu "fasse payer", qu’il tire vengeance des agresseurs. "Elle ne demande pas à ce que les vies des chrétiens soient épargnées par la persécution".
Cela, c’est ce que les premiers chrétiens ne font pas.
Mais, en positif, comment se comportent les premiers chrétiens de Jérusalem, lorsque la persécution les frappe ?
Ils se mettent en prière. Ils prient Dieu d’un seul cœur.
Dans leur prière, ils lisent leur situation "à la lumière du Christ, qui est aussi la clé pour comprendre la persécution ; la croix, qui est toujours la clé pour la résurrection".
Ils comprennent que "comme Jésus, les disciples sont en butte à l’opposition, à l’incompréhension, à la persécution".
Et donc, "justement pour cette raison, la demande que la première communauté chrétienne de Jérusalem adresse à Dieu dans sa prière n’est pas d’être défendue, d’être épargnée par l’épreuve et par la souffrance ; elle ne prie pas pour avoir du succès, mais seulement pour être capable de proclamer la Parole de Dieu avec 'parresia', c’est-à-dire avec franchise, avec liberté, avec courage".
Dans le récit des Actes des Apôtres, l’Esprit-Saint pénètre dans le lieu où les chrétiens s’étaient réunis pour prier et il "pousse les disciples du Seigneur à sortir sans crainte pour porter la bonne nouvelle jusqu’aux extrémités de la terre".
C’est ce qui doit aussi se produire pour les chrétiens d’aujourd’hui : "Comme pour la première communauté chrétienne, la prière nous aide à lire notre histoire individuelle et collective dans la perspective la plus juste et la plus fidèle qui soit, celle de Dieu".
La "pensée éclairée par la prière" doit aussi être l’âme du gouvernement de l’Église, comme Benoît XVI l’a expliqué, le 10 mars 2010, lors d’une audience générale consacrée au saint qu’il a le plus étudié et qu’il préfère, saint Bonaventure :
> Comment piloter l'Église dans la tempête
Mais voici l’allocution de Benoît XVI telle qu’il l’a prononcée lors de l'audience générale du mercredi 18 avril, veille du septième anniversaire de son pontificat.
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"L’ÉGLISE NE DOIT PAS CRAINDRE LES PERSÉCUTIONS..."
par Benoît XVI
Chers frères et sœurs, [...] une atmosphère priante accompagne les premiers pas de l’Eglise. La Pentecôte n’est pas un épisode isolé, puisque la présence et l’action de l’Esprit Saint guident et animent constamment le chemin de la communauté chrétienne.
Dans les Actes des Apôtres, en effet, saint Luc non seulement raconte la grande effusion survenue au Cénacle cinquante jours après Pâques (Ac 2, 1-13), mais il fait aussi allusion aux autres irruptions extraordinaires de l’Esprit Saint, qui reviennent dans l’histoire de l’Eglise. Et en ce jour, je désire m’arrêter sur ce que l’on a appelé la « petite Pentecôte », qui s’est produite au terme d’une phase difficile dans la vie de l’Eglise naissante.
Les Actes des Apôtres rapportent qu’après la guérison d’un paralytique près du Temple de Jérusalem (Ac 3, 1-10), Pierre et Jean furent arrêtés (Ac 4, 1) parce qu’ils annonçaient la résurrection de Jésus à tout le peuple (Ac 3, 11-26). Après un procès sommaire, ils furent remis en liberté, ils rejoignirent leurs frères et leur racontèrent ce qu’ils avaient dû subir à cause du témoignage qu’ils avaient rendu à Jésus le Ressuscité.
A ce moment, dit saint Luc, « d’un seul élan, ils élevèrent la voix vers Dieu » (Ac 4, 24). Ici, saint Luc rapporte la prière la plus ample de l’Eglise que nous trouvions dans le Nouveau Testament, à la fin de laquelle [...] « l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ; tous furent alors remplis du Saint-Esprit et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31).
Avant de considérer cette belle prière, notons un comportement de fond important : face au danger, à la difficulté, à la menace, la première communauté chrétienne ne cherche pas à faire des analyses sur la façon de réagir, de trouver des stratégies, de se défendre, sur les mesures à adopter, mais, dans l’épreuve, elle se met en prière, elle prend contact avec Dieu.
Et qu’est-ce qui caractérise cette prière ? C’est la prière unanime et d’un seul cœur de la communauté toute entière, qui est confrontée à une situation de persécution à cause de Jésus.
Dans l’original grec, saint Luc utilise l’expression « homothumadon » - « tous ensemble », « d’un seul cœur » - un mot qui apparaît dans d’autres parties des Actes des Apôtres pour souligner cette prière persévérante et d’un seul cœur (Ac 1, 14 ; 2, 46). Cette union des cœurs est l’élément fondamental de la première communauté et devrait être toujours fondamentale pour l’Eglise. A ce moment-là, ce n’est pas seulement la prière de Pierre et de Jean, qui se sont trouvés en danger, mais celle de toute la communauté, parce que ce que vivent les deux apôtres ne les concernent pas seulement eux, mais cela regarde toute l’Eglise.
Face aux persécutions subies à cause de Jésus, la communauté non seulement ne s’effraie pas ni ne se divise, mais elle est profondément unie dans la prière, comme s’il s’agissait d’une seule personne, pour invoquer le Seigneur. Je dirais que ceci est le premier prodige qui se réalise quand les croyants sont mis à l’épreuve à cause de leur foi : leur unité se consolide, au lieu d’être compromise, parce qu’elle est soutenue par une prière inébranlable. L’Eglise ne doit pas craindre les persécutions, qu’elle subit forcément au cours de son histoire, mais, comme Jésus à Gethsémani, elle doit garder confiance en la présence, l’aide et la force de Dieu, invoqué dans la prière.
Faisons un pas supplémentaire : que demande à Dieu la communauté chrétienne en ce moment d’épreuve ? Elle ne demande pas la sécurité de la vie face à la persécution, ni que le Seigneur se venge de ceux qui ont incarcéré Pierre et Jean ; elle demande seulement qu’il lui soit permis « d’annoncer en toute assurance » la Parole de Dieu (Ac 4, 29), ce qui veut dire qu’elle prie pour ne pas perdre le courage de la foi, le courage d’annoncer sa foi.
Mais avant cela, elle cherche à comprendre en profondeur ce qui s’est passé, elle cherche à lire les événements à la lumière de la foi et elle le fait justement à travers la parole de Dieu qui nous fait déchiffrer la réalité du monde.
Dans la prière qu’elle élève au Seigneur, la communauté part du souvenir et de l’invocation de la grandeur et de l’immensité de Dieu : « Maître, c’est toi qui as fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve » (Ac 4, 24). C’est une invocation au Créateur : nous savons que tout vient de lui, que tout est dans ses mains. C’est dans cette conscience que nous trouvons certitude et courage : tout vient de lui, tout est dans ses mains.
Ensuite, elle reconnaît comment Dieu a agi dans l’histoire – elle commence donc avec la création et continue dans l’histoire – comment il a été proche de son peuple en se montrant un Dieu qui s’intéresse à l’homme, qui ne s’est pas retiré, qui n’abandonne pas l’homme, sa créature ; et c’est ici qu’est cité explicitement le Psaume 2, à la lumière duquel on lit la situation difficile que vit l’Eglise à ce moment-là.
Le Psaume 2 célèbre l’intronisation du roi de Juda, mais il fait référence, de manière prophétique, à la venue du Messie, contre qui ni la rébellion, ni la persécution, ni les débordements des hommes ne pourront rien : « Pourquoi cette arrogance chez les nations, ces vains projets chez les peuples ? Les rois de la terre se sont mis en campagne et les magistrats se sont rassemblés de concert contre le Seigneur et contre son Oint » (Ac 4, 25).
Le psaume dit déjà ceci, de manière prophétique, au sujet du Messie et cette rébellion des puissants contre la puissance de Dieu est caractéristique dans toute l’histoire. C’est justement en lisant la Sainte Ecriture, qui est parole de Dieu, que la communauté peut dire à Dieu, dans sa prière : « Oui vraiment, ils se sont rassemblés dans cette ville contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, … pour accomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais déterminé par avance » (Ac 4, 27).
Les événements sont lus à la lumière du Christ, qui est la clé pour comprendre même la persécution, à la lumière de la Croix, qui est toujours la clé pour la Résurrection. L’opposition à Jésus, sa Passion et sa mort, sont relues, à travers le Psaume 2, comme la réalisation du projet de Dieu le Père pour le salut du monde.
Et c’est là aussi que trouve son sens l’expérience de persécution que la première communauté chrétienne est en train de vivre ; cette première communauté n’est pas une simple association, mais c’est une communauté qui vit dans le Christ ; ce qui lui arrive fait donc partie du dessein de Dieu. Comme cela s’est passé pour Jésus, de même les disciples rencontrent-ils l’opposition, l’incompréhension, la persécution. Dans la prière, la méditation sur l’Ecriture sainte à la lumière du mystère du Christ aide à lire la réalité présente à l’intérieur de l’histoire du salut que Dieu réalise dans le monde, toujours à sa manière.
C’est justement pour cela que la demande que la première communauté chrétienne de Jérusalem formule à Dieu dans la prière n’est pas d’être défendue, d’être épargnée par l’épreuve, la souffrance, ce n’est pas une prière pour obtenir le succès, mais seulement pour pouvoir proclamer avec « parresia », c’est-à-dire avec franchise, avec liberté, avec courage, la parole de Dieu (Ac 4, 29).
Elle ajoute ensuite la demande que cette annonce soit accompagnée de la main de Dieu, pour que s’accomplissent des guérisons, des signes et des prodiges (Ac 4, 30), c’est-à-dire pour que soit visible la bonté de Dieu, comme une force qui transforme la réalité, qui change les cœurs, les esprits, la vie des hommes et qui apporte la nouveauté radicale de l’Evangile.
A la fin de la prière, note saint Luc, « l’endroit où ils se trouvaient réunis trembla ; tous furent alors remplis du Saint-Esprit et se mirent à annoncer la parole de Dieu avec assurance » (Ac 4, 31) ; l’endroit trembla, ce qui veut dire que la foi a la force de transformer la terre et le monde. L’Esprit qui a parlé par le Psaume 2, dans la prière de l’Eglise, fait irruption dans la maison et remplit le cœur de tous ceux qui ont invoqué le Seigneur.
C’est le fruit de la prière unanime que la communauté chrétienne élève vers Dieu ; l’effusion de l’Esprit, don du Ressuscité qui soutient et qui guide l’annonce libre et courageuse de la parole de Dieu, qui pousse les disciples du Seigneur à sortir sans peur pour apporter la bonne nouvelle jusqu’aux extrémités du monde.
Chers frères et sœurs, nous aussi, nous devons savoir porter les événements de notre vie quotidienne dans notre prière, pour en rechercher la signification profonde. Et, comme la première communauté chrétienne, nous aussi, en nous laissant illuminer par la Parole de Dieu, à travers la méditation de l’Ecriture sainte, nous pouvons apprendre à voir que Dieu est présent dans notre vie, présent aussi et justement dans les moments difficiles, et que tout – même ce qui est incompréhensible – fait partie d’un projet d’amour supérieur, dans lequel la victoire finale sur le mal, sur le péché et sur la mort est vraiment celle du bien, de la grâce, de la vie, de Dieu.
Comme pour la première communauté chrétienne, la prière nous aide à lire notre histoire personnelle et collective dans une perspective plus juste et plus fidèle, celle de Dieu. Et nous aussi, nous voulons renouveler notre prière en demandant le don de l’Esprit Saint, afin qu’il réchauffe nos cœurs et illumine nos esprits et que nous puissions reconnaître comment le Seigneur répond à nos requêtes selon sa volonté d’amour et non selon nos idées.
Guidés par l’Esprit de Jésus-Christ, nous serons capables de vivre avec sérénité, courage et joie toutes les situations de la vie et nous pourrons, avec saint Paul, nous vanter « des tribulations, sachant bien que la tribulation produit la constance, la constance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l’espérance » : cette espérance qui « ne déçoit point, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné » (Rm 5, 3-5).
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