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La Prédestination en théologie

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:05

V. LA PREDESTINATION D’APRES LES DOCTEURS DU MOYEN AGE. – La question de la prédestination a été étudiée par les docteurs du Moyen Âge à la lumière des principes formulés par saint Augustin pour défendre la doctrine de l’Evangile et de saint Paul contre les pélagiens et les semi-pélagiens.. Plusieurs théologiens, comme saint Anselme, se contentent, comme Pierre Lombard, de recueillir les principaux enseignements de saint Augustin en les éclairant les uns par les autres et en rappelant l’erreur prédestinatienne opposée à celle des pélagiens. Un bon nombre aussi cherche à concilier la doctrine de saint Augustin avec ce qu’a écrit saint Jean Damascène sur la volonté salvifique universelle, appelée par lui antécédente.

Pour mieux voir le sens et la portée des travaux du Moyen Âge, il convient donc de rappeler au début la différence des points de vue de saint Jean Damascène et de saint Augustin. Le Damascène, De fide orth., l. II, c. XXIX, n’a guère considéré la question que du point de vue moral, par rapport à la bonté de Dieu et aux péchés des hommes. Si Dieu est souverainement bon, se demandait-il, d’où vient que tous les hommes ne sont pas sauvés ? Il répondait simplement : cela s’explique parce que plusieurs pèchent et persévèrent dans leur péché : conséquemment Dieu les punit ; mais antécédemment au péché, Dieu veut le salut de tous les hommes, parce qu’il est souverainement bon ; s’il punit après le péché, c’est qu’il est aussi souverainement juste.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:05

Cette réponse de saint Jean Damascène, qui est une réponse de sens commun et de sens chrétien, faisait en quelque sorte abstraction de la toute-puissance divine et de l’efficacité de la grâce. Aussi laissait-elle subsister au point de vue spéculatif bien des difficultés, celles mêmes auxquelles répondait saint Augustin dans sa lutte contre les pélagiens, qui prétendaient, en niant le mystère de la prédestination, que Dieu veut également le salut de tous les hommes, et abusaient du texte de saint Paul, I Tim., II, 4.

Sans doute, le Damascène avait bien affirmé au même endroit que « tout bien vient de Dieu » et que le mal n’arrive pas sans être permis par lui. Mais, cependant, après avoir lu sa distinction de la volonté antécédente et de la volonté conséquente, plusieurs se demandaient : Si Dieu est tout-puissant, comment expliquer que sa volonté antécédente du salut de tous les hommes ne s’accomplisse que partiellement ? La volonté divine trouve-t-elle un obstacle insurmontable en la malice de plusieurs ? Et que devient, dans cette conception, le mystère révélé de la prédestination, qui ne permet pas d’affirmer avec les pélagiens que Dieu veut également ou de la même manière le salut de tous ?

Tandis que le Damascène insistait sur la volonté salvifique universelle, saint Augustin, pour corriger les interprétations pélagiennes et semi-pélagiennes du texte de saint Paul, I Tim., II, 4 : Deus omnes homines vult salvos fierit, avait mis l’accent sur le mystère de la prédestination, tout en maintenant que Dieu ne commande jamais l’impossible, et veut rendre ainsi et rend de fait le salut réellement possible à tous ceux qui ont à observer les préceptes.

Les deux aspects extrêmes du mystère se trouvaient ainsi affirmés, l’effort des théologiens consistait à les bien formuler, de façon que l’un ne soit pas l’exclusion de l’autre. Et tous accordaient que leur intime conciliation est inaccessible, comme celle de l’infinie miséricorde et de l’infinie justice.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:05

I. Saint Anselme. II. Pierre. Lombard. III. Alexandre de Halès. IV. Saint Bonaventure. V. Saint Albert le Grand. VI. Saint Thomas. VII. Les premiers thomistes. VIII. Duns Scot. IX. Conclusion.


I. SAINT ANSELME. – C’est dans son traité De concordia præscientiæ et prædestinationis nec non gratiæ Dei cum libero arbitrio, P. L., t. CLVIII, col. 507-542, qu’Anselme examine la question de la prédestination. Nous savons par Eadmer, Vita, l. II, n. 71, col. 114, qu’Anselme l’écrivit dans les derniers temps de sa vie.

Comme le titre l’indique, ce traité se divise en trois questions. L’opinion d’Anselme sur les sujets de la première et de la troisième n’a pas lieu d’être étudiée ici. Nous résumerons seulement la marche et le contenu de la q. II, De concordia prædestinationis cum libero arbitrio, col. 519-521, malheureusement la plus brève du traité.

C. I. Le problème que pose l’accord de la prédestination avec la liberté humaine. Après avoir donné la définition commune de prédestination, l’auteur appuie sur la difficulté de saisir l’accord de celle-ci avec notre libre arbitre. Si Dieu prédestine bons et méchants, plus rien ne reste au libre arbitre, mais tout arrive par nécessité. S’il prédestine seulement les bons, le libre arbitre aurait pour champ d’action tout ce qui est mauvais. Les deux termes semblent donc s’exclure.

C. II. Après ce début, qui paraît aujourd’hui tout à fait vénérable, saint Anselme recherche en quel sens on peut parler de prédestination non seulement des bons, mais encore des méchants : Deum prædestinare malos, et eorum mala opera, quando eos et eorum mala opera non corrigit. Sed bona specialius… quia in illis facit quod sunt et quod bona sunt, in malis autem nonnisi quod sunt essentialiter, non quod mala sunt.

C. III. L’auteur en vient enfin au point précis : comment, dans l’accomplissement ou les effets de la prédestination, l’action divine n’intervient-elle pas seule, comment est-elle accompagnée de la coopération de l’homme, sans que l’un des facteurs supprime l’autre ? Anselme répons surtout par des affirmations. D’abord, non… habet justitiam, qui eam non servat libera voluntate. Puis, quædam… prædestinata non eveniunt ea necessitate quæ præcedit rem et facit, sed ea quæ rem sequitur. Ensuite, le grand point de la doctrine de l’auteur : Dieu, quand il prédestine, ne le fait en forçant la volonté humaine ou en lui résistant, mais in sua illam potestate dimittendo. Et, bien que notre volonté use de son pouvoir, elle ne fait cependant rien que Dieu ne réalise par sa grâce dans les bons, alors que la faute des mauvais doit être imputée à leur seule volonté.

On voit le procédé adopté par saint Anselme : une application, peut-être trop succincte et aussi trop facile, de son exposé antérieur de la prescience divine. Dieu prévoit et sans porter atteinte à leur contingence les actions libres futures ; il peut donc prédestiner à ces actions. Les effets de cette prédestination dans le temps pourront être réalisés ou non, si l’on considère leur cause, par notre volonté libre ; ils sont prévus et réglés par Dieu de toute éternité et sont immuables et nécessaires, en vertu d’une nécessité de conséquence. Dans le troisième et plus important chapitre de son traité, l’auteur, à côté de la grâce, fait ressortir la nécessité de notre libre coopération.

Anselme ne trouve vraiment aucune idée originale pour tenter de résoudre le problème. Il cherche la solution chez saint Augustin. Cependant, Scot Érigène et Gotescalc ont déjà interprété l’évêque d’Hippone, et il semble que notre auteur hésite entre les deux. Mais on aura remarqué, dans les textes cités plus haut, avec quelle force et quelle clarté saint Anselme tient à certains grands principes, qu’il soutient d’ailleurs avec le presque totalité de ses prédécesseurs et de ses contemporains : tout bien venant de Dieu, la détermination libre salutaire qui est en tout ce qui la constitue, vient toute de Dieu, comme elle vient toute de nous en tant que cause seconde ; cf. c. III. Autre principe énoncé au même endroit : ce n’est pas indépendamment de Dieu que cette détermination libre salutaire se trouve ou se trouvera en tel homme plutôt qu’en tel autre chez qui Dieu permettra le péché, dont la seule volonté de cet autre sera cependant cause.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:06

II. PIERRE LOMBARD. – Le Maître des Sentences conçoit la prédestination et la réprobation comme saint Augustin ; cf. I Sent., dist. XL : Prædestinatione ea Deus præscivit quæ fuerat ipse facturus ; sed præscivit ea Deus etiam quæ non est ipse facturus, id est omnia mala. Prædestinavit eos quos elegit, reliquos vero reprobavit, id est ad mortem æternam præscivit peccaturos. Dieu a prédestiné ceux qu’il a choisis (et l’on ne voit ici aucune passivité ou dépendance de la prescience à l’égard de quelque détermination d’ordre créé). Il n’a pas choisi les autres, il a prévu et permis leur persévérance dans le péché, qui mérite la peine de la damnation. De même, un peu plus loin, 2 : Cumque prædestinatio sit gratiæ præparatio, id est divina electio, qua elegit quos voluit ante mundi constitutionem, ut ait Apost., Eph., I, 4, reprobatio e converso intelligenda est præscientia iniquitatis quorumdam et præparatio damnationis eorumdem… quorum alterum præscit et non præparat, id est iniquitatem, alterum præscit et præparat, scilicet æternam pœnam.

La prédestination ne suppose donc pas la prévision des mérites, cf. I Sent., dist. XLI, 1 : Si autem quærimus meritum obdurationis et misericordiæ (seu prædestinationis), obdurationis meritum invenimus, misericordiæ autem meritum non invenimus ; quia nullum est misericordiæ meritum, ne gratia evacuetur, si non gratis donetur, sed meritis redditur. Miseretur itaque (Deus) secundum gratiam quæ gratis datur ; obdurat autem secundum judicium quod meritis redditur. P. Lombard se fait ensuite une objection prise d’une opinion admise par saint Augustin peu après sa conversion et d’après laquelle l’élection des uns et la non-élection des autres viendraient de certains mérites très cachés. Mais il répond que saint Augustin renonça ensuite à cette opinion (Retract., I, XXIII). Pierre Lombard insiste surtout sur ceci : Reprobatio non ita est causa mali, sicut prædestinatio est causa boni.

Quant à la volonté salvifique universelle, il la considère, I Sent., dist. XLVI et XLVII, non pas seulement comme Jean Damascène par rapport à la souveraine bonté de Dieu, mais aussi, comme Augustin, par rapport à la toute-puissance divine et à l’efficacité de la grâce. Le Lombard écrit : Quis enim tam impie desipiat, ut dicat Deum malas hominum voluntates, si voluerit et quando voluerit et ubi voluerit, in bonum non posse converte ? I Sent., dist. XLVI, 2. Et donc, ajoute-t-il, lorsque nous lisons (I Tim., II, 4) que Dieu veut sauver tous les hommes, il ne faut pas entendre que sa toute-puissance trouve un insurmontable obstacle en la malice de plusieurs ; mais il faut entendre avec saint Augustin que nul homme ne se sauve que Dieu ne l’ait voulu. Avec cela, P. Lombard maintient fermement aussi que Dieu ne commande jamais l’impossible, mais qu’il donne à tous la possibilité d’observer les préceptes et, par suite, celle de se sauver. En ce sens, il reconnaît, comme Augustin, que Dieu veut le saut de tous ceux qui ont à observer les préceptes, quoi qu’il en soit de la difficulté des enfants morts sans baptême ; cf. I Sent., dist. XLVI, 7 : Quod in Deo non est causa ut sit homo deterior. Les deux aspects du mystère sont ainsi nettement affirmés par Pierre Lombard.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:06

III. ALEXANDRE DE HALÈS, dans sa Summa theologica, Ia, q. XXVIII, membr. I, a. 1-3, rapporte les définitions de la prédestination courantes chez les augustiniens, et qui ne supposent aucune passivité ou dépendance en Dieu. Un peu plus loin, membr. III, a. 1, il se demande si les mérites sont cause de la prédestination. Il répond : « Sous le nom de prédestination, on entend la préparation des secours divins, unie à la prescience, et ses effets : la grâce et la gloire, qui sera donnée aux élus. Or, les mérites ne sont cause que de la collation de la gloire, et non pas du choix éternel de Dieu, ni de la collation de la grâce. »

Si Alexandre, ibid., ad 2um, dit que la prescience des mérites peut être raison de la collation de la grâce et de la gloire », il ne veut certes pas dire, comme les pélagiens, que le pécheur puisse mériter la justification, mais seulement s’y disposer sous l’influx de la grâce actuelle. Cette remarque est faite par les éditeurs des œuvres de saint Bonaventure, I Sent., dist. XLI, a. 1, q. II, scholion (Quaracchi), et ils notent qu’il y a accord sur ce point entre Alexandre de Halès, saint Bonaventure et Albert le Grand.

Cette doctrine s’éclaire par ce qu’Alexandre dit plus loin, q. XXX, a. 1, et q. XXXI, De dilectione divina, membr. III : Utrum Deus omnem creaturam æque diligat, et q. XXXII, membr. I : Utrum inter homines Deus plus diligat præscitum qui est in præsenti justitia, quam prædestinatum nunc existentem in peccato. Il répond d’après le principe : Dieu aime davantage ceux auxquels il veut plus de bien ; et nul ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’avait été plus aimé de Dieu.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:07

IV. SAINT BONAVENTURE conserve la définition augustinienne de la prédestination : I Sent., dist. XL : la préordination des élus à la gloire, avec prescience des secours qui les y feront certainement parvenir, préordination qui suppose élection.

L’élection suppose elle-même une dilection gratuite et spéciale, qui appartient non seulement à la volonté salvifique antécédente, mais à la volonté conséquente ; cf. ibid., a. 3, q. I. Bonaventure enseigne nettement, ibid., le principe de prédilection ; comme saint Albert le Grand et saint Thomas, il tient que la prédilection divine, à l’opposé de la nôtre, est cause de la bonté plus ou moins grande des créatures et des élus. C’est le grand principe traditionnel : nul ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé de Dieu : Electio duplex est : quædam, quæ causatur a diversitate et præeminentia eligibilium, et hæc consequitur eligibilia, ut electio humana ; quædam, quæ est ratio diversitatis in eligendo, ut divina, et hæc dissimilium, non quæ sunt, sed quæ futura sunt. Et talis præcedit et est æterna. I Sent., dist. XL, a. 3, q. I, n. 4. Les éditeurs de Quaracchi ajoutent, ibid. : Et confirmatur conc. Arausic. II, can. 12 : Tales nos amat Deus, quales futuri sumus ipsius dono, non quales sumus nostro merito. Les textes de saint Bonaventure relatifs au principe de prédilection sont très nombreux, cf. édit. de Quaracchi, index au mot Dilectio. Il n’y a donc aucune passivité ou dépendance dans la prescience à l’égard d’une détermination libre salutaire d’ordre créé.

A la lumière de ce principe, que répond-il à la question : les mérites prévus sont-ils cause de la prédestination ? Il répond, I Sent., dist. XLI, a. 1, q. I : La prédestination comporte trois choses : un dessein éternel, puis comme effets : la justification et la glorification. Or, les mérites des élus sont cause de la glorification qui les suit, mais non pas du dessein éternel, qui les précède. Quant à la justification, elle ne peut être méritée ex condigno, mais seulement ex congruo, d’un mérite improprement dit ; en tant que Dieu ne refuse pas la grâce sanctifiante au pécheur qui fait ce qui est en soi pour l’obtenir. Mais, en vertu du principe de prédilection, énoncé plus haut, saint Bonaventure tient que de deux pécheurs l’un ne devient pas meilleur que l’autre, en se disposant à la conversion, sans avoir été plus aimé par Dieu, et plus aidé par la grâce actuelle. C’est toujours l’enseignement de saint Augustin et, comme le fera saint Thomas, Ia, q. XXIII, a. 5, saint Bonaventure écrit, I Sent., dist. XLV, a. 2, q. II, ad 1um, à propos des actes salutaires : totus effectus est a causa creata et totus a voluntate increata.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:07

Cependant, saint Bonaventure, I Sent., dist. XLI, a 1, q. II, cherche si tel homme n’a pas été choisi plutôt que tel autre, Pierre plutôt que Judas, non pas pour quelque mérite, mais pour quelque raison de convenance, inconnue de nous. Il répond affirmativement. Si quæramus IN SPECIALI : quare magis vult justificare unum quam alium, duobus similibus demonstratis ? quia nullæ possunt esse rationes congruentiæ, ideo non est certitudo a parte rei. Et ideo cum cognitio nostra pendeat a certitudine rei, nullus certam posset invenire rationem, nisi habeat per revelationem illius cui dubia sunt certa. Albert le Grand parle à peu près de même. Sum. theol., Ia pars, tr. XVI, q. XLV.

Saint Thomas dira, au contraire, en vertu du principe de prédilection, Ia, q. XXIII, a. 5, ad 3um : Quare hos elegit in gloriam et illos reprobavit, non habet rationem nisi divinam voluntatem… sicut ex simplici voluntate artificis dependet quod ille lapsis est in ista parte parietis et ille in alia. Scot s’exprimera, sur ce point, comme saint Thomas, et affirmera la souveraine liberté de Dieu dans le choix des élus. I Sent., dist. XLI, q. I.

La raison de convenance, non méritoire, dont parle saint Bonaventure, est-elle prise des mérites futurs des élus ? Il y aurait, dit-il, témérité à l’affirmer. I Sent., dist. XLI, dub. I, éd. Quaracchi, t. I, p. 742. En tout cas, il maintient le principe de prédilection qu’il a fortement affirmé plus haut : nul ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé de Dieu : dilectio divina non causatur a diversitate eligibilium, sed est ejus causa.

Tous ces théologiens sont d’ailleurs d’accord sur ceci que, de même qu’il n’y aurait eu aucun inconvénient pour Dieu à ne pas créer, il n’y en aurait eu aucun à mettre Judas plutôt que Pierre parmi les élus, et à lui accorder les grâces qui l’auraient infailliblement conduit à mériter librement la vie éternelle et à persévérer. Cf. saint Bonaventure, I Sent., dist. XL, a. 2, n. 5 : Quamvis possint esse (prædestinati) alii et plures, tamen nunquam erunt ; et si essent, tunc ab æterno prædestinati essent : et ideo non potest ibi cadere aliqua mutatio. Il reste que Dieu veut sauver tous les hommes en tant qu’il leur a donné à tous la nature humaine et qu’il offre à tous par le Christ la grâce nécessaire au salut. Ibid., dist. XLVI, a. 1, q. I.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:07

V. SAINT ALBERT LE GRAND. – Ce docteur a traité de la prédestination et de la volonté salvifique universelle dans son Commentaire sur les Sentences, l. I, dist. XLVI et XLVII (1245), et dans sa Summa theologiæ, Ia, q. XLIII et XLIV (composée en 1270 après la Ia pars de la Somme théologique de saint Thomas). La doctrine qu’il soutient en ces deux ouvrages est en substance la même que celle de saint Bonaventure.

Il affirme nettement que la science divine est cause des choses et non pas mesurée par elles, I Sent., dist. XXXVIII, A, a. 1 ; D, a. 3, qu’elle n’impose pourtant pas à toutes un caractère de nécessité, car il peut y avoir, comme l’a dit Aristote, nécessité de conséquence, sans qu’il y ait nécessité de contentement, selon l’exemple de Boèce : Il est nécessaire que ce que je vois soit ; or, je vois que Pierre marche ; donc, il est nécessaire qu’il marche, bien qu’il le fasse librement. Ainsi Dieu a prévu infailliblement les faits contingents. Ibid., dist. XXXVIII, E, a. 4. De même, Dieu a voulu efficacement de toute éternité la conversion du bon larron, et celui-ci se convertit infailliblement sans que sa liberté soit violentée en rien. Ibid., dist. XLVI, C., a. 1, et dist. XLVII, A, a. 1, ad 1um. Albert parle de même dans sa Summa theologiæ, Ia, tr. XV, q. LXI, m. 2, 5, 8.

Il dit aussi, comme saint Bonaventure, que la prédestination à la gloire suppose l’élection, et que celle-ci suppose la prédilection divine : Dilectio declinat ad separandum unum ab alio et ab diligendum in finem salutis ; ergo præcedit dilectio electionem et electio prædestinationem ex parte diligentis et eligentis et prædestinantis. I Sent., dist. XL, D., a. 19. Cette doctrine est une affirmation du principe de prédilection : nul être créé ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé par Dieu.

Que suit-il de là lorsqu’on demande : La prédestination a-t-elle une cause méritoire de notre part ? Albert le Grand répond à cette question, I Sent., dist. XLI, B, a. 3, et plus clairement, plus tard, dans sa Summa theologiæ, Ia, tr. XVI, q. LXIII, m. 3, a. 1. En ce dernier endroit, il dit : Solutio : Catholica fides est, quod prædestinationis in prædestinante nulla sit causa nec ratio bona, nisi sua voluntas et dilectio… Adhuc catholica fides est, quod nullum meritum prævenit gratiam… Cependant, Albert affirme, ibid. : Appositio gratiæ, qui actus in tempore est et tempore mensuratur et non potest habere causam, potest tamen habere rationem ut rationabilis esse videatur : et hæc ratio non est antecedens, sed concomitans. Unde hæc ratio potest esse scientia meritorum, quia scilicet dat illi quem scit bene gratia usurum.

Ces derniers mots font penser à une position de Henri de Gand, rapportée et discutée par Cajetan, In Iam, q. XXIII, a. 5, n. 4. Mais Albert les atténue singulièrement une page plus loin, en disant ad quæst. I, ad 3um : Aliquando Deus dat gratiam ei quem scit male usurum : et hoc propter aliquam utilitatem quam inde elicit, sicut proditione Judæ usus est ad redemptione generis humani. Sed non esset bonus dispensator, si nulla utilitate considerata daret ei gratiam qui male usurus est.

On voit par là que ces formules signifient que Dieu donne la grâce soit en vue des mérites futurs, soit pour quelque autre utilité. Ainsi Albert prépare la formule beaucoup plus simple qui se lit chez saint Thomas, Ia, q. XXIII, a. 5 : Deus præordinavit se daturum alicui gratiam ut mereretur gloriam.

Albert reste fidèle au principe de prédilection qu’il formule assez clairement dans sa Summa theologiæ, Ia, tr. XVI, q. XLIV, ad quæst. I : Illud magis amatur, cui majus bonum influitur. Ibid., ad 3um : In omnibus diligit (Deus) bonum quod ab ipso est. Nul être créé ne serait donc meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé par Dieu. Quid habes non accepisti ? Mais par ailleurs Dieu ne commande jamais l’impossible et donne à tous la possibilité d’observer ses commandements. Ia, tr. XX, q. LXXIX, m. 2, a. 2, part. 2, sol. Cf. notre article : La volonté salvifique et la prédestination selon le bienheureux Albert le Grand, dans Revue thomiste, mars 1931, p. 371-386.

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Message par Invité Ven 2 Déc 2011 - 13:07

Et nous sommes-nous prédestiné à vivre jusqu'à l'avénement du Christ.

Votre soeur en Christ

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:08

VI. SAINT THOMAS D’AQUIN parvint à une vue plus haute, plus simple et plus compréhensive de ce grand problème de la conciliation de la volonté salvifique universelle avec le mystère de la prédestination.

Les limites de cet article ne nous permettent pas de suivre la pensée de saint Thomas en ses différentes œuvres, selon leur ordre chronologique. Il nous a donné son interprétation des textes de saint Paul sur ce sujet dans ses commentaires sur l’épître aux Romains, c. I, et il a traité la question du point de vue spéculatif dans son Commentaire sur les Sentences, I, dist. XL et XLI, dans le Contra gentes, l. III, 164, dans le De veritate, q. VI, et enfin dans la Somme théologique, Ia, q. XXIII, où, à la fin de sa vie, il a exposé sa pensée définitive.

C’est cette pensée que nous exposerons ici en insistant sur le principe de cette synthèse, sur ce qui en dérive relativement à la volonté salvifique universelle et relativement au principe de prédilection dont tous les articles de la q. XXIII de la Ia pars de la Somme sont autant de corollaires. Quant au fondement scripturaire de cette doctrine, pour éviter les redites, nous l’examinerons à propos de l’article central Ia, q. XXIII, a. 5 : la prédestination dépend-elle de la prévision de nos mérites ? Nous verrons que saint Thomas, comme saint Augustin, estime que la gratuité absolue de la prédestination à la gloire est affirmée par saint Paul. Cette exégèse sera conservée dans la suite par saint Robert Bellarmin et par Suarez.

Nous exposerons ici assez longuement la doctrine de saint Thomas sur le point qui nous occupe, cela pour trois raisons : 1° parce qu’il la propose lui-même comme l’explication de la doctrine révélée transmise par saint Paul, telle que l’a comprise Augustin ; 2° parce que, étant donnée l’autorité de saint Thomas, presque tous les théologiens postérieurs, même les molinistes de nos jours, prétendent ne pas s’écarter de lui ; 3° parce que, dans la partie théorique, de cet article, nous pourrons ainsi être bref, il nous suffira de revenir aux principes de cette doctrine de saint Thomas en en montrant la supériorité sur les essais de synthèse proposés dans la suite.

1° Le principe de la synthèse thomiste. – Plus qu’Albert le grand et les théologiens antérieurs, saint Thomas a vu l’élévation et la virtualité sans limites du principe amor Dei est causa bonitatis rerum, l’amour de Dieu est cause de la bonté des choses créées. Il l’a exprimé avec beaucoup de force, Ia, q. XX, a. 2 : « La volonté de Dieu est cause de toutes les choses, comme il a été montré q. XIX, a. 4, et donc nul être n’a l’existence et quelque bien que ce soit que si Dieu l’a voulu. A tout être existant Dieu veut donc quelque bien. Et comme aimer c’est vouloir du bien à un être, il est manifeste que Dieu aime tous les êtres qui existent, mais non pas comme nous aimons. Notre volonté n’est pas cause de la bonté des choses, mais elle la présuppose, de même notre amour. Au contraire, l’amour de Dieu produit et crée la bonté des choses, amor Dei est infudens et creans bonitatem in rebus. » En substance, cela était déjà dit dans les deux articles fondamentaux, Ia, q. XIV, a. 8 : Utrum scientia sit causa rerum, et q. XIX, a. 4 : Utrum voluntas Dei sit causa rerum, articles d’où dérivent tous ceux dont nous allons parler.

2° La volonté salvifique universelle. – A la lumière de ce principe, amor Dei est cause bonitatis rerum, saint Thomas éclaire les deux aspects extrêmes et en apparence contradictoires du mystère qui nous occupe, d’une part, la volonté salvifique universelle, sur laquelle insistait saint Jean Damascène, d’autre part, le dogme de la prédestination, sur lequel insistait saint Augustin.

Tout d’abord, la volonté salvifique universelle se conçoit non seulement comme une volonté de signe, à la façon d’un précepte extérieurement formulé, mais comme une volonté de bon plaisir, existant réellement en Dieu. De veritate, q. XXIII, a. 3. Si, en effet, l’amour de Dieu est cause de la bonté des choses, c’est par volonté de bon plaisir et par amour que Dieu donne à tous les hommes non seulement la nature humaine ordonnée à le connaître et à l’aimer naturellement, mais aussi la possibilité réelle d’observer les préceptes de la loi surnaturelle et, par là même, la possibilité du Salut. Dieu ne peut en effet jamais commander l’impossible, ce serait l’injustice même ; le péché deviendrait inévitable, dès lors il ne serait plus péché et ne pourrait plus être justement puni, ni en cette vie, ni dans l’autre. Dieu donne donc par amour à tous la réelle possibilité d’observer les préceptes, d’éviter le péché, par suite d’être sauvés, cf. Ia, q. XXI, a. 1, ad 3um : Deus dat unicuique quod et debetur secundum rationem suæ naturæ et conditionis, Ia, q. XXIII, a. 5, ad 3um : Deus nulli substrahit debitum ; Ia-IIæ, q. CVI, a. 2, ad 2um : Sufficiens auxilium dat ad non peccandum. Saint Thomas dit aussi que, même dans l’ordre des choses dues, Dieu donne plus que n’exige la stricte justice, car la miséricorde ou la bonté toute gratuite et surabondante est à la racine de toutes les œuvres divines de justice, lesquelles supposent que les créatures intellectuelles par un amour purement gratuit ont été créées et ordonnées à la vie surnaturelle de l’éternité. Ia, q. XXI, a. 4.

Charles-Edouard
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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:08

C’est là le point sur lequel insistait saint Jean Damascène, mais il ne considérait guère le problème que du point de vue moral, par rapport à la bonté divine et à la malice des hommes. Dieu, disait-il, antécédemment, par bonté, veut sauver tous les hommes, mais, comme plusieurs pèchent et persévèrent dans le péché, conséquemment Dieu les punit éternellement car il est juste.

Il restait à approfondir cette distinction en la considérant du point de vue non pas seulement moral, mais métaphysique, par rapport à la toute-puissance ou à l’efficacité de la volonté et de l’amour de Dieu. C’est ce qu’a fait saint Thomas, à la lumière du principe qui domine, selon lui, tout le problème, et d’où dérive toute une suite de corollaires.

Si la volonté et l’amour de Dieu sont la caus de la bonté des créatures, Ia, q. XIX, a. 4, cette volonté, en tant qu’elle est celle du Tout-Puissant, produit infailliblement le bien qu’elle veut, de façon non conditionnelle, réaliser « hic et nunc », Ia, q. XIX, a. 6, ad 1um, même celui qui doit être réalisé par notre liberté, car Dieu est assez puissant pour la porter infailliblement vers ce bien, sans la violenter, assez puissant pour produire en elle et avec elle jusqu’au mode libre de nos actes : Cum voluntas divina sit efficacissima, non solum sequitur quod fiant ea, quæ Deus vult fieri, sed et quod eo modo fiant, quo Deus ea fieri vult. Vult autem Deus quæ fieri necessario, quædam contigenter, ut sit ordo in rebus ad complementum universi. Ia, q. XIX, a. 8. Ce mode libre de nos actes est encore de l’être et tombe donc sous l’objet adéquat de la toute puissance et de l’amour de Dieu créateur, Ia, q. XXII, a. 4, ad 3um. Il n’y a que le mal qui soit en dehors de cet objet adéquat, et donc Dieu ne peut être cause du péché ni directement, ni indirectement, ex insufficiencia auxilii. Cf. Ia-IIæ, q. LXXIX, a. 1, 2.

Comment, dès lors, définir métaphysiquement la volonté conséquente et la volonté antécédente ? Saint Thomas répond en substance, Ia, q. XIX, a. 6, ad 1um : L’objet de la volonté est le bien, or, le bien, à la différence du vrai, est formellement, non pas dans l’esprit, mais dans les choses qui n’existent que hic et nunc. Et donc nous voulons simpliciter, purement et simplement, ce que nous voulons comme devant être réalisé hic et nunc, et c’est la volonté conséquente, qui, en Dieu, est toujours efficace : Voluntas comparatur ad res, secundum quod in seipsis sunt, in seipsis autem sunt in particulari. Unde simpliciter volumus aliquid, secundum quod volumus illud, consideratis omnibus circum stantus particularibus, quod est consequenter velle. Et2 sic patet quod quidquid Deus SIMPLICITER vult, fit. Loc. cit. C’est le fondement suprême, pour saint Thomas, de la distinction entre la grâce efficace et la grâce suffisante, comme nous allons le voir.

Si, au contraire, la volonté se porte sur ce qui est bon en soi indépendamment des circonstances, non hic et nunc, c’est la volonté antécédente, qui de soi et comme telle n’est pas efficace, puisque le bien, naturel ou surnaturel, ne se réalise que hic et nunc : Aliquid potest esse, in prima sui consideratione, secundum quod absolute consideratur bonum vel malum, quod tamen prout, cum aliquo adjuncto consideratur, quæ est consequens consideratio ejus, e contrario se habet sicut hominem vivere est bonum ; sed si addatur circa aliquem hominem, quod sit homicida ; bonum est eum occidi. Loc. cit. Ainsi le marchand pendant la tempête voudrait (au conditionnel) conserver ses marchandises, mais il veut de fait les jeter à la mer pour sauver sa vie. Ia-IIæ, q. VI, a. 6, corp. Ainsi encore, Dieu veut antécédemment que tous les fruits de la terre arrivent à maturité, bien qu’il permette pour un bien supérieur que tous n’y arrivent pas, il veut aussi antécédemment que tous les hommes soient sauvés, bien qu’il permette, en vue d’un bien supérieur, dont lui seul est juge, le péché et la perte de plusieurs.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:08

Il reste que Dieu ne commande jamais l’impossible, que, par volonté et par amour, il rend l’observation de ses commandements possible à tous : sufficiens auxilium dat ad non peccandum, Ia-IIæ, q. CVI, a. 5, ad 3um, il donne même plus à chacun que n’exige la stricte justice, Ia, q. XXI, a. 4. Ainsi saint Thomas explique métaphysiquement la notion de volonté antécédente en la rapprochant de celle de la toute-puissance, qui en saurait être oubliée, et en vertu de laquelle tout ce que Dieu veut simpliciter s’accomplit, Ia, q. XIX, a. 6.

3° Le principe de prédilection et ce qu’il suppose. – D’autre part, relativement à la volonté conséquente, saint Thomas affirme plus clairement que qu’on ne l’avait fait avant lui le principe de prédilection : nul être ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu : Cum amor Dei sit causa bonitatis rerum, ut dictum est, non esset aliquid alio melius, si Deus non vellet uni majus bonum quam alteri. Ia, q. XX, a. 3. Ex hoc sunt aliqua meliora, quod Deus eis majus bonum vult. Unde sequitur quod meliora plus amet. Ibid., a. 4.

Ce principe de prédilection est le corollaire du précédent : l’amour de Dieu est la cause de la bonté des êtres créés. Il apparaît ainsi, dans l’ordre philosophique, comme une conséquence nécessaire du principe de causalité : tout ce qui arrive à l’existence a une cause efficiente et une cause suprême qui est l’Être même, source de tout être et de tout bien. C’est aussi une conséquence du principe de finalité : tout agent agit pour une fin, et l’agent suprême agit pour manifester sa bonté, en en produisant une similitude, une participation plus ou moins parfaite.

Ce principe de prédilection n’est pas seulement évident dans l’ordre philosophique, il est aussi révélé, car il s’applique surtout dans l’ordre de la grâce, qui, de sa nature même, est gratuite et nos rend agréables aux yeux de Dieu. C’est ce principe qui est énoncé dès le livre de l’Exode, XXXIII, 19, en une parole de Dieu à Moïse : Miserebor cui voluero, et clemens ero in quem mihi placuerit. « Je fais grâce à qui je fais grâce, et miséricorde à qui je fais miséricorde. » C’est à cette vérité révélée qu’a recours saint Paul lorsqu’il écrit, Rom, IX, 15, au sujet de l’élection divine : « Y a-t-il de l’injustice en Dieu ? Loin de là ! Car il a dit à Moïse : « Je ferai miséricorde à qui je veux faire miséricorde et j’aurai compassion de qui je veux avoir compassion. » Ainsi donc l’élection ne dépend ni de la volonté, ni des efforts, mais de Dieu qui fait miséricorde. » C’est toujours en vertu du même principe que saint Paul écrit aussi, I Cor., IV, 7 : « Qui est-ce qui te distingue ? Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu ? » Saint Thomas explique ainsi ces paroles dans son commentaire sur cette épître : « Qui est-ce qui te discerne de la masse de ceux qui se perdent ? Tu ne le peux. Qui est-ce qui te rend supérieur à un autre ? Tu ne le peux par toi-même, et donc pourquoi t’enorgueillir ? » Il le dit même dans le commentaire sur saint Matthieu, XXV, 15, à propos de la parabole des talents : Qui plus conatur, plus habet de gratia, sed quod plus conetur, indiget altiori causa. De même, Ia-IIæ, q. CXII, a. 4 : Utrum gratia sit major in uno quam alio ? – Ex parte subjecti (seu hominis) non potest accipi prima ratio hujusce diversitatis, quia præparatio ad gratiam non est hominis, nisi in quantum liberum arbitrium ejus præparatur a Deo. Unde prima ratio hujus diversitatis accipienda est ex parte ipsius Dei, qui diversimode suæ gratiæ dona dispensat, ad hoc quod ex diversis gradbus pulchritudo et perfectio Ecclesiæ consurgat, sicut etiam diversos gradus rerum instituit, ut esset universum perfectum. Unde Apostolus ad Ephes., IV, 7, postquam dixerat : « Unicuique data est gratia secundum mensuram donationis Christis », enumeratis diversis gratiis, subjungit : « ad consummationem sanctorum in ædificationem corporis Christi. »

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:08

Ce principe de prédilection, saint Thomas l’avait trouvé formulé de différentes manières chez saint Augustin, par exemple à propos des anges bons et mauvais, De civitate Dei, l. XII, c. IX : Si utrique boni æqualiter creati sunt, istis mala voluntate cadentibus, illi amplius adjuti ad eam beatitudinis plenitudinem, unde se nunquam casuros certissimi fierent, pervenerunt. Les bons anges ne seraient pas meilleurs que les autres, s’ils n’avaient été plus aimés et plus aidés par Dieu. C’est la même idée qui revient constamment sous différentes formes dans les écrits de saint Augustin sur la prédestination contre les pélagiens et semi-pélagiens, surtout De prædestinatione sanctorum, VIII, 13-14, et De dono perseverantiæ, IX, 21, 23. C’est aussi le sens du texte fameux In Joannem, tr. XXVI, 2, souvent cité par saint Thomas : Quare hunc trahat, et illum nion trahat, noli velle judicare si non vis errare.

Ce principe de prédilection : nul être créé ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu, saint Thomas, après l’avoir formulé, Ia, q., XX, a. 3, en fait la clef de voûte de son traité sur la prédestination, Ia, q. XXIII.

Pour voir toute l’importance de ce principe, il faut noter d’abord avec plus de précision ce qu’il suppose du côté de l’efficacité de l’amour divin, cause de tout bien créé quel qu’il soit. Le principe de prédilection suppose, pour saint Thomas, que les décrets de la volonté divine relatifs à nos actes salutaires et futurs sont infailliblement efficaces par eux-mêmes, et non par la prévision divine de notre consentement, il faut en dire autant de la grâce actuelle, qui nous fait poser librement ces actes salutaires : elle est efficace par elle-même. De ces décrets, saint Thomas a parlé, Ia, q. XIX, a. 4 : Effectus determinati ab inifinita Dei perfectione procedunt secundum determinationem voluntatis et intellectus ipsius. Et encore, ibid., ad 4um : Unius et ejusdem effectus etiam in nobis est causa scientia ut dirigens, qua concipitur forma operis, et voluntas ut imperans, quia forma, ut est in intellectu tantum, non determinatur ad hoc quod sit vel non sit in effectu nisi per voluntatem. Semblablement, Ia, q. XIV, a. 8 : Scientia Dei est causa rerum, secundum quod habet voluntatem conjunctam.

Ces décrets de la volonté divine relatifs à nos actes salutaires sont infailliblement efficaces par eux-mêmes, et non par la prévision de notre consentement, c’est manifestement le sens du célèbre article 8 de la Ia, q. XIX, que nous avons déjà cité : Cum voluntas divina sit efficacissima, non solum sequitur quod fiant ea, quæ Deus vult fieri, sed et quod eo modo fiant quo Deus ea fieri vult. Vult autem quædam fieri necessario, quæ dam contigenter, ut sit ordo in rebus ad complementtum universi. Saint Thomas s’objecte, ibid., 2e obj. : « Mais on ne peut résister de fait au décret efficace de la volonté divine ; il suit donc de là que notre liberté est détruite. » Il répond, ibid., ad 2um : Ex hoc ipso quod nihil voluntati divinæ resistit, sequitur quod non solum fiant ea quæ Deus vult fieri, sed et quod fiant contigenter vel necessario quæ sic fieri vult.

Si, comme le remarquent sans exception tous les thomistes, ces décrets et la grâce qui assure leur exécution n’étaient pas efficaces par eux-mêmes, mais seulement par notre consentement prévu, il arriverait, contrairement au principe de prédilection, que, de deux hommes ou de deux anges, également aimés et aidés par Dieu, l’un deviendrait meilleur que l’autre. Il deviendrait meilleur soit par un acte initial, soit par un acte final, soit par un acte facile, soit par un acte difficile, sans avoir été plus aimé et plus aidé par Dieu, et ce serait donc en dehors de l’intention divine (dans l’ordre des futuribles, et celui des futurs) que plus de bien se trouverait en l’un de ces deux hommes également aimés, également aidés et placés dans les mêmes circonstances.

Ce fondement du principe de prédilection, saint Augustin l’avait énoncé en écrivant au sujet de l’efficacité de la grâce, dans le De prædestinatione sanctorum, VIII, 13 : Hæc itaque gratia quæ occulte humanis cordibus divina largitate tribuitur, a nullo duro corde respuitur, ideo quippe tribuitur, ut cordis duritia primitus auferatur. Cf. ibid., X, 19 ; De dono perseverantiæ, IX, 21-23 ; De correptione et gratia, XIV, 43 ; De gratia Christi, XXIV, 25.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:09

Saint Thomas exprime non moins clairement que saint Augustin ce fondement du principe de prédilection en distinguant nettement la volonté antécédente, principe de la grâce suffisante, et la volonté conséquente, principe de la grâce efficace. Cf. Ia, q. XIX, a. 6, ad 1um : Quidquid Deus simpliciter vult, fit, licet illud quod antecedenter vult non fiat. Dieu veut simpliciter le bien qu’il veut comme devant s’accomplir hic et nunc, par exemple la conversion du bon larron, qui fut plus aimé et plus aidé que l’autre. Cependant, Dieu a réellement rendu possible l’accomplissement des préceptes à ce dernier, qui, bien par sa faute, a résisté à la grâce suffisante, offerte et même donnée par le Christ qui mourrait pour lui.

Saint Thomas a souvent distingué ces deux grâces, par exemple dans son commentaire In Ep. ad Tim., II, 6, où il dit à propos du Christ rédempteur : Ipse est propitiatio pro peccatis nostris, pro aliquibus efficaciter, sed pro omnibus sufficienter, quia pretium sanguinis ejus est sufficiens ad salutem omnium, sed non habet efficaciam nisi in electis, propter impedimentum. A cet impedimentum, Dieu remédie souvent, pas toujours ; c’est là le mystère : Deus nulli subtrahit debitum, Ia, q. XXIII, a. 5, ad 3um ; sufficiens auxilium dat ad non peccandum, Ia-IIæ, q. CVI, a. 2, ad 2um. Quant à la grâce efficace, si elle est donnée à tel pécheur, c’est par miséricorde ; si elle est refusée à tel autre, c’est par justice. Cf. IIa-IIæ, q. II, a. 5, ad 1um.

On pourrait citer de nombreux textes de saint Thomas qui montrent clairement que, pour lui, la grâce est efficace par elle-même, comme les décrets divins dont elle assure l’exécution. Voir, par exemple, In Ep. ad Ephes, c. III, lect. 2 : Ipsam operationem (salutatem) confert Deus in quantum operatur in nobis, interius movendo et instigando ad bonum…, in quantum virtus ejus operatur in nobis et velle perficere pro bona voluntate. – Ia-IIæ, q. CIX, a. 1 : Quantumcumque aliqua natura corporalis vel spiritualis ponatur perfecta, non potest in suum actum procedere, nisi moveatur a Deo. – Ia-IIæ, q. CXII, a. 3 : Intentio Dei deficere non potest, secundum quod Augustinis dicit in libro de dono persev., c. XIV, quod « per beneficia Dei certissime liberantur quicumque liberantur ». Unde si ex intentione Dei moventis est, quod homo, cujus cor movet, gratiam conseuquatur, infaillibiliter ipsam consequitur, secundum illud Joan., VI, 45 : « Omnis qui audivit a Patre, et didicit, venit ad me. » – Ia-IIæ, q. X, a. 4, ad 3um : Si Deus movet voluntatem ad aliquid, incompossibile est huic positioni, quod voluntas ad illud non moveatur. Non tamen est impossibile simpliciter. Unde non sequitur, quod voluntas a Deo ex necessitate moveatur.

C’est la nécessité de conséquence, non de conséquent, déjà bien expliquée par Albert le Grand, et mieux encore par saint Thomas, lorsqu’il a montré, Ia, q. XIX, a. 8, que la volonté divine, à raison même de sa souveraine efficacité, s’étend fortiter et suaviter, jusqu’au mode libre de nos actes ; elle veut qu’ils s’accomplissent librement ; et infailliblement c’est ainsi qu’ils s’accomplissent. Bossuet exprime admirablement la pensée de saint Thomas lorsqu’il écrit, Traité du libre arbitre, c. VIII : « Ainsi Dieu veut, dès l’éternité, tout l’exercice futur de la liberté humaine, en tout ce qu’il a de bon et de réel. Qu’y a-t-il de plus absurde de dire qu’il n’est pas, à cause que Dieu veut qu’il soit ? Ne faut-il pas dire, au contraire, qu’il est parce que Dieu le veut, et comme il arrive que nous sommes libres par la force du décret qui veut que nous soyons libres, il arrive aussi que nous agissons librement en tel ou tel acte, par la force même du décret qui descend à tout ce détail. » Saint Thomas avait dit de même, De veritate, q. XXII, a. 8 : Deus voluntatem immutat sine eo quod voluntatem cogat. Potest autem Deus voluntatem immutare ex hoc quod ipse in voluntate operatur sicut in natura… Unde sicut voluntas potest immutare actum suum in aliud, ita et multo amplius, Deus ; et ibid., a. 9 : Solus Deus potest inclinationem voluntatis quam et dedit transferre de uno in aliud, secundum quod vult. Saint Thomas dit encore, De malo, q. VI, a. 1, ad 3um : Deus movet voluntatem immutabiliter propter efficaciam virtutis moventis, quæ deficere non potest, sed, propter naturam voluntatis motæ quæ indifferenter se habet ad diversa, non inducitur necessitas, sed manet libertas. Les thomistes ne diront rien de plus dans la suite.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:09

Saint Thomas considère même comme une vérité révélée cette efficacité intrinsèque des décrets divins relatifs à nos actes salutaires. Il cite en effet en ce sens, Contra gentes, l. III, 88, 89, les textes scripturaires bien connus : Omnia opera nostra operatuses in nobis, Domine, Is., XXVI, 12 ; sicut divisiones aquarum, ita cor regis in manu Domini, et quocumque voluerit inclinabit illud. Prov., XXI, 1. Ailleurs, Ia, q. CIII, a. 7, il cite les textes suivants d’Esther, XIII, 9 : Domine, rex omnipotens, in ditione enim tua cuncta sunt posita et non est qui possit tuæ resistere voluntati, si decreveris salvare Israel ; Ezéchiel, XXXVI, 26 : Et dabo vobis cor novum et spiritum novum ponam in medio vestri ; et auferam cor lapideum de carne vestra et dabo vobis cor carneum. Et spiritum meum ponam in medio vestri et faciam ut in præceptis meis ambuletis, et judicia mea custodiatis et operemini ; Phil., II, 13 : Deus est qui operatur in nobis et velle et perficere pro bona voluntate. Dans ces textes scripturaires, saint Thomas voit l’efficacité intrinsèque de la grâce et de même dans plusieurs canons du IIe concile d’Orange, can. 4, can. 9, can. 12, can. 16, can. 20 : voir ici, t. XI, col. 1093 sq. Ces textes du concile d’Orange sont extraits pour la plupart des œuvres de saint Augustin et de saint Prosper ; or, saint Augustin, nous l’avons vu, tenait que la grâce est efficace par elle-même. Les cinq canons du concile d’Orange que nous venons de citer expriment sous différentes formes cette vérité que tout bien, soit naturel soit surnaturel, vient de Dieu ; or, c’est là le fondement même du principe de prédilection.

Ainsi Dieu a voulu efficacement de toute éternité que la Vierge Marie consentît librement au mystère de l’incarnation, qui devait infailliblement s’accomplir, et, sous une grâce très forte et très douce, Marie a dit infailliblement son fiat avec une pleine liberté ; ainsi encore le Christ a voulu librement mourir pour nous sur la croix à l’heure immuablement fixée d’avance ; ainsi le bon larron et le centurion se sont convertis comme Dieu l’avait efficacement voulu. C’est pour saint Thomas la suite normale de la toute-puissance de la volonté et de l’amour de Dieu ; le grand mystère commence surtout avec le péché. Ce qui est manifeste, pour saint Thomas comme pour saint Augustin, c’est que tout bien, même celui de notre détermination libre salutaire, vient de Dieu, et vient tout entier de lui comme cause première, lors même que cette détermination libre vient tout entière de nous comme cause seconde. Ia, q. XXIII, a. 5 : Non est distinctum quod est ex libero arbitrio et ex prædestinatione, sicut nec est distinctum quod est ex causa secunda et ex causa prima.

Or, si les décrets relatifs à nos actes salutaires et si la grâce actuelle, qui assure l’exécution de ces décrets, n’étaient pas efficaces par eux-mêmes, mais seulement par notre consentement prévu, la science et la volonté divines ne seraient plus cause de ce qu’il y a de plus intime et de meilleur dans nos déterminations libres salutaires ; il y aurait quelque bien et même le meilleur de nos mérites qui ne viendrait pas de la source de tout bien ; de plus, à l’égard de cette détermination libre salutaire, la science et la volonté divines n’étant plus causes, seraient passives ou dépendantes ; il faudrait admettre une passivité dans l’acte pur ; sa science, à l’égard de certaines déterminations, d’ordre créé et à l’égard même des meilleurs, serait passive, mesurée par cette réalité créée au lieu de la mesurer. Cf. Ia, q. XIV, a. 8 ; q. XIX, a. 4 et 8. Enfin, il faudrait rejeter le principe de prédilection : nul être ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’avait été plus aimé par Dieu. Ia, q. XX, a. 3.

4° La nature et la raison de la prédestination selon saint Thomas. – C’est à la lumière de ce principe de prédilection que saint Thomas a écrit toute la question de la prédestination dans sa Somme théologique, Ia, q. XXIII, où il donne l’expression définitive de sa pensée sur ce point. On peut dire que tous les articles de cette question sont autant de corollaires du principe de prédilection. Notons attentivement la conclusion de chacun et sa preuve ; nous y reviendrons dans la partie théorique de cet article.

1. L’article 1er définit la prédestination : ratio transmissionis creaturæ rationalis in finem vitæ æternæ ; nam detinare est mittere. C’est donc dans l’esprit de Dieu le plan de l’aboutissement de tel homme ou de tel ange à la fin ultime surnaturelle : c’est ce plan, à la fois ordonné et voulu, qui, de toute éternité, détermine les moyens efficaces qui conduiront tel homme ou tel ange à sa fin dernière. En cela, saint Thomas est pleinement fidèle à la définition donnée par saint Augustin : Præscientia et præparatio beneficiorum quibus certissime liberantur quicumque liberantur (De dono pers., XIV, 35) ; prædestinatione Deus novit quid ipse sit facturus (De præd. sanct., X, 19). Il ne s’agit pas d’une prescience de nos mérites qui supposerait en Dieu une passivité ou une dépendance à l’égard de nos déterminations libres futuribles, puis futures ; il s’agit de la prescience de ce que Dieu fera, des grâces efficaces qu’il accordera pour conduire tel homme ou tel ange à sa fin dernière. La prédestination est ainsi, à raison de son objet, comme une partie de la providence. Il faut bien noter que la prédestination ainsi définie est la prédestination à la gloire « in fine vitæ æternæ », le texte est formel. Du reste, la prédestination à la grâce seulement n’est pas la vraie prédestination, puisqu’elle ne s’oppose pas à la réprobation. Cela est admis non seulement par les thomistes, mais par les congruistes à la manière de Bellarmin et de Suarez, et même par les molinistes comme le P. Billot.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:09

2. L’article 2 montre que la prédestination est en Dieu et non dans le prédestiné, mais qu’elle a pour effets en lui la vocation, la justification et la glorification.

3. L’article 3 définit par opposition la réprobation : c’est une partie de la providence qui permet que certains tombent pour toujours dans le péché (réprobation négative) et qui, pour cette faute, leur inflige la peine de la damnation (réprobation positive). Mais, tandis que la prédestination est la cause de la grâce et de nos actes salutaires, la réprobation n’est nullement cause du péché. Ad 2um. On ne trouve nullement dans cet article que la réprobation négative consiste, comme l’ont pensé plus tard certains thomistes, dans une exclusio positiva a gloria titulo beneficii indebiti, c’est seulement la non electio et la volonté de permettre que certains tombent pour toujours dans le péché. Quant au motif de cette réprobation négative, il est indiqué par saint Thomas, a. 5, ad 3um, comme nous allons le voir.

4. L’article 4 montre que les prédestinés sont élus par Dieu, de telle sorte que la prédestination présuppose l’élection, et celle-ci la dilection : « prædestinatio secundum rationem præsupponit electionem, et electio dilectionem ».

C’est ici qu’on voit l’application de deux principes méconnus par plusieurs théologiens postérieurs. Tout d’abord ce principe que Dieu, ici comme toujours, veut la fin avant les moyens, et donc qu’il veut aux prédestinés la gloire avant de leur vouloir la grâce qui la leur fera mériter. Ce n’est donc pas Duns Scot, comme on l’a récemment prétendu, qui introduit ce principe. Saint Thomas dit nettement (ibid., a. 4) : Non autem præcipitur aliquid ordinandum in finem, nisi præexistente voluntate finis. Unde prædestinatio aliquorum in salutem æternam præsupponit secundum rationem, quod Deus illorum velit salutem, ad quod pertinet electio et dilectio. Dilectio quidem, in quantum vult eis hoc bonum salutis æternæ, non diligere est velle alicui bonum, ut supra dictum, q. XX, a. 2 et 3. Electio autem in quantum hoc bonum aliquibus præ aliis vult, cum quosdam reprobet, ut art. 3, dictum est.

Le second principe appliqué ici est celui de prédilection : nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu. Saint thomas, sans aucune allusion à la prévision de nos mérites, soit futuribles, soit futurs, écrit en excluant toute passivité ou dépendance dans la prescience divine : Electio tamen et dilectio aliter ordinantur in nobis et Deo, eo quod in nobis voluntas diligendo non causat bonum, sed ex bono præexistente incitamur ad diligendum ; et ideo eligimusaliquem, quem diligamus ; et sic electio dilectionem præcedit in nobis ; in Deo autem est e converso : nam voluntas ejus, qua vult bonum alicui diligendo, est CAUSA quod illud bonum ab eo præ aliis habeatur. Et sic patet quod dilectio præsupponitur electioni secundum rationem, et electio prædestinationi. Unde omnes prædestinati sunt electi et dilecti. Pour les pélagiens, Dieu est seulement le spectateur, non l’auteur, du bon consentement salutaire qui distingue le juste de l’impie. Pour saint Thomas, comme pour saint Augustin, ce qu’il y a de meilleur et de plus intime dans la détermination libre de ce bon consentement doit dériver de la source de tout bien. Nul ne l’a mieux affirmé que le docteur angélique.

[Molina s’écartera de cet article fondamental de saint Thomas en affirmant dans sa Concordia, éd. de Paris, 1876, p. 51, selon une définition de la liberté inconciliable, aux yeux des thomistes, avec le principe de prédilection : Fieri potest, ut duorum, qui æquali auxilio interius a Deo vocantur, unus pro libertate sui arbitrii convertatur et alter in infidelitate permaneat. Il affirme même, ibid., et p. 565, que, de deux pécheurs, celui qui se convertit, c’est parfois celui qui a été le moins aidé par Dieu ; il devient ainsi meilleur que l’autre sans avoir été plus aimé par Dieu, contrairement au principe de prédilection formulé par saint Thomas et énoncé sous diverses formes par beaucoup de ses prédécesseurs. On s’explique dès lors que Molina, ibid., p. 429, dise, contrairement à saint Thomas : Electio non antecessit prædestinationem. Il reconnaît que l’opinion contraire paraît être celle de saint Thomas, a. 4, mais il ajoute : Hæc tamen setentia mihi nunquam placuit. Il parle même, ibid., p. 152, à propos de la motion divine et, p. 547-550, en regrettant que saint Thomas et la plupart des scolastiques aient admis avec saint Augustin une prédestination non fondée sur la prescience des mérites. On saisit ici le point sur lequel, dans la suite, thomistes et molinistes seront en désaccord : il s’agit entre eux de savoir si le principe de prédilection, qui suppose l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce, est vrai ou faux.]

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:09

5. Dans l’article 5, saint Thomas déduit d’autres conséquences du principe de prédilection, en se demandant : la prescience des mérites est-elle cause de la prédestination ? Il répond négativement et explique cette réponse par plusieurs conclusions précises dans le corps de l’article et l’ad 3um.

C’est surtout à propos de ce point capital que saint Thomas nous donne son interprétation des principaux textes de saint Paul relatifs à la prédestination.

a) Epître aux Ephésiens. – Voyons d’abord son exégèse des deux passages de l’épître aux Ephésiens, I, 3-5 et 11-12. : Benedixit nos Deus in omni benedictione spirituali in cælestibus in Christo, sicut ELEGIT NOS IN IPSO ante mundi constitutionem, ut essemus sancti et immaculati in conspectu ejus in caritate, qui PRÆDESTINAVIT nos in adoptionem filiorum per Jesum Christum in ipsum, secundum propositum voluntatis suæ, in laudem gloriæ gratiæ suæ. In quo [Christo] etiam et nos sorte vocati sumus, prædestinavit secundum propositum ejus, qui operatur omnia secundum consilium voluntatis suæ ut simus in laudem gloriæ ejus.

Dans son commentaire sur cette épître, saint Thomas fait trois remarques importantes, signalées ensuite par tous les thomistes :

a. Il note que, lorsque l’Apôtre écrit prædestinavit nos in adoptionem filiorum, on peut l’entendre de la filiation adoptive réalisée dès ici-bas par la grâce sanctifiante, mais que ces paroles se réfèrent mieux encore à la parfaite assimilation à Dieu, réalisée dans la patrie, selon ce que saint Paul dit lui-même, Rom., VIII, 23 : « Nous avons les prémices de l’Esprit, nous gémissons en nous-mêmes, attendant l’adoption [définitive] des enfants de Dieu. » La grâce, en effet, est ordonnée à la gloire et, selon saint Thomas, Ia, q. XXIII, a. 4, Dieu, comme tout sage, veut la fin avant les moyens. De plus, la prédestination à la seule vie de la grâce, et non à la gloire, n’aurait plus de la prédestination que le nom, puisqu’elle se vérifie en beaucoup de réprouvés.

Cette remarque de saint Thomas est conservée en substance par plusieurs exégètes modernes, comme le P. Lagrange (Epître aux Romains, 1916, c. IX) et le P. Vosté (In Ep. ad Eph., I, 11), d’après lesquels, dans ce texte de saint Paul, il s’agit immédiatement de l’élection générale des chrétiens à une vie de sainteté, mais de telle façon que les principes énoncés à ce sujet s’appliquent par voie de conséquence à l’élection particulière de tel homme plutôt que de tel autre. C’est sur ces principes énoncés par saint Paul qu’insiste saint Thomas.

b. Il remarque que Dieu nous a élus non pas parce que nous étions saints, mais pour que nous le devenions : Elegit nos, non quia sancti essemus, quia nec eramus, sed ad hoc elegit nos, ut essemus sancti virtutibus et immaculati a vitiis.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:09

c. Saint Thomas fait observer que, pour saint Paul, la raison de la prédestination ne se trouve pas dans nos mérites prévus, mais dans le dessein ou décret éternel, prædestinavit nos secundum propositum voluntatis suæ, dessein bienfaisant, qui provient de son amour très pur. Saint Thomas insiste particulièrement sur ce point, In Ep. ad Ephes., ibid. : Quod autem aliquis prædestinatur ad vitam æternam, est gratia pure gratis data, quia nullis meritis præcedentibus. Il s’agit non seulement de la prédestination à la grâce, mais de la prédestination à la gloire, la seule qui ne puisse être commune aux élus et aux réprouvés.

Le saint docteur y insiste encore, à propos du v. 11 : IN QUO sorte vocati sumus, prædestinati secundum propositum ejus, « la raison de la prédestination n’est donc pas, dit-il, la prévision de nos mérites, mais la pure volonté de Dieu : propter quod subdit secundum propositum ejus, qui operatur omnia secundum consistium voluntatis suæ ». Ces derniers mots nous montrent que, d’ailleurs, tout ce qui arrive dépend de la volonté de Dieu. Rien dans ce texte de saint Paul aux Ephésiens ne montre donc que la prédestination ait sa raison dans la prévision de nos mérites.

b) Epître aux Romains. – La pensée de saint Paul est encore plus clairement exprimée, selon saint Thomas, dans l’épître aux Romains, VIII, 28, où il est directement et explicitement question de la prédestination qui a pour effet la glorification : Scimus autem quoniam diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum, iis qui secundum propositum vocati sunt sancti. Nam quos præscivit et prædestinavit conformes fieri imagini Filii sui, ut sit ipse primogenitus in multis fratribus. Quos autem prædestinavit, hos et vocati, et quos vocavit, hos et justificavit, quos autem justificavit, illos et glorificavit.

Saint Thomas, dans l’explication de ce texte, insiste sur ceci que tout concourt au bien dans la vie de ceux qui persévèrent jusqu’à la fin dans l’amour de Dieu, c’est-à-dire dans la vie des prédestinés secundum Dei propositum. Il refuse de voir dans les mots quos præscivit la prescience des mérites, car, selon saint Paul, les mérites des prédestinés sont effets de la prédestination. Il pense aux textes si souvent cités à ce sujet : Quis enim te discernit ? Quid autem habes quod non accepisti ? I Cor., IV, 7 ; Deus est qui operatur in vobis et velle et perficere, pro bona voluntate. Phil., II, 13. Saint Thomas tient donc que, d’après ce texte de saint Paul, Rom., VIII, 28, 30, tout ce qui ordonne le prédestiné au salut éternel est l’effet de la prédestination. Ce sera la formule définitive de la Somme, Ia, q. XXIII, a. 5 : Quidquid est in homine ordinans ipsum in salutem comprehenditur TOTUM sub effectu prædestinationis, même la détermination libre salutaire.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:10

Quant au chapitre IX de l’épître aux Romains, saint Thomas reconnaît qu’il traite d’abord de l’appel des gentils à la grâce du christianisme et, par contraste, de l’incrédulité des Juifs, mais qu’il contient aussi des principes qui s’appliquent aux individus. Comme le dit le P. Lagrange (Epître aux Romains, 1916, p. 244), dont la pensée s’harmonise parfaitement avec celle de saint Thomas : « Il est incontestable que cet appel des gentils est en même temps un appel au salut. On pense invinciblement au sort de chacun, on transpose les termes, on applique les principes de saint Paul au salut individuel. Dieu appelle à la justice par pure faveur. Mais Dieu ne procède pas de la même façon envers ceux qu’il appelle et envers ceux qu’il n’appelle pas. D’après saint Paul, l’homme est vraiment cause de sa réprobation [positive] par ses péchés ; cf. IX, 32 : Offerenderunt enim in lapidem offensionis. »

Saint Thomas est ainsi conduit à expliquer le v. 13 : Jacob dilexi en généralisant, et il formule le principe de prédilection en ces termes : Electio et dilectio aliter ordinantur in Deo et in homine. In homine enim electio præcedit dilectionem, voluntas enim hominis movetur ad amandum ex bono quod in re amata considerat, ratione cujus ipsam præeligit alteri et præelecte suum amorem impendit. Mais, quoi qu’en aient dit les pélagiens et les semi-pélagiens, une telle dépendance et passivité ne peut se trouver en Dieu, aussi saint Thomas continue-t-il : Sed voluntas Dei est causa omnis boni quod est in creatura et ideo bonum, per quod una creatura præfertur alteri per modum electionis, consequitur voluntatem Dei, quæ est de bono illius, quæ pertinet ad rationem dilectionis. Et donc, conclut saint Thomas, « la prescience des mérites ne peut être la raison de la prédestination, puisque les mérites prévus sont effets de la prédestination », au contraire, les démérites, dont Dieu ne peut nullement être cause, sont la raison de la damnation. Ce que saint Thomas trouve exprimé dans la parole d’Osée, XIII, 9 : Perditio tua ex te Israel, tantummodo in me auxilium tuum.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:10

Tel est le mystère que saint Thomas, après saint Augustin, trouve exprimé par saint Paul, il ne cherche pas à diminuer son obscurité, ce serait dissimuler son élévation. Mais il rapporte les objections de l’humaine raison prévues par saint Paul et il souligne ce qu’il y a de plus caractéristique dans la réponse de l’Apôtre.

L’objection faite par les pélagiens et les semi-pélagiens contre saint Augustin est celle qui se lit déjà dans l’épître aux Romains, IX, 14 : « Que dirons-nous donc ? Y a-t-il de l’injustice en Dieu ? » Y a-t-il injustice de la part de Dieu à distribuer si inégalement ses dons à des hommes égaux par nature ?

Saint Thomas remarque que saint Paul n’a pas répondu à cette objection en ayant recours à la prescience des mérites des élus, comme si elle était la raison de leur prédestination. Il a répondu en restant dans le mystère révélé au lieu de descendre au-dessous de lui : Numquid iniquitas apud Deum ? Absit Moysi enim dicit : « Miserebor cujus misereor et misericordiam præstabo cujus miserebor. » Igitus non est volentis, neque currentis, sed miserentis est Dei. Ergo cujus vult miseretur, et quem vult indurat. Saint Paul, remarque saint Thomas, répond par une affirmation nouvelle du principe de prédilection qu’il trouve révélé dans Ex., XXXIII, 19, en cette parole de Dieu à Moïse : « Je ferai miséricorde à qui je veux faire miséricorde, et j’aurai compassion de qui je veux avoir compassion. » Ainsi, l’élection ne dépend ni de la volonté ni des efforts, mais de Dieu qui fait miséricorde.

Saint Thomas, à propos des v. 15 et 16, dit de nouveau : l’effet de la prédestination ne peut pas être la raison de celle-ci, or, le bon usage de la grâce ou le mérite est l’effet de la prédestination, donc le mérite prévu ne peut être raison de la prédestination, cette raison n’est autre que la seule volonté de Dieu. Or, continue-t-il, il n’y a pas à parler de justice ni d’injustice dans les choses de pure miséricorde, par exemple si, rencontrant deux pauvres, nous donnons à l’un et pas à l’autre, ou si, de deux personnes qui nous font offense, nous pardonnons à l’une et exigeons réparation de l’autre. De même à l’égard des pécheurs, Dieu est miséricordieux envers celui qu’il relève, il est juste envers celui qu’il ne relève pas, il n’est injuste envers personne. Saint Thomas conclut donc que, selon saint Paul, la prescience des mérites ne peut être cause de la prédestination, et il l’entend de la prédestination à la gloire, la seule digne de ce nom, car la prédestination à la seule grâce est commune aux élus et à bien des réprouvés, de plus, les mérites qui suivent la justification, étant l’effet de la prédestination propre aux élus, ne peuvent être cause de celle-ci. La pensée de saint Thomas est des plus claires, elle sera encore plus nettement exprimée dans l’article de la Somme dont nous donnons ici les preuves.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:10

Il termine le commentaire du c. IX de l’épître aux Romains par l’examen d’une dernière objection que se fait saint Paul, v. 19 : Tu le diras : « De quoi donc Dieu se plaint-il encore ? Car qui peut s’opposer à sa volonté ? » Saint Thomas entend ainsi l’objection : Comment reprocher au pécheur de n’avoir pas fait ce qui n’était pas en son pouvoir : frustra requiritur ab aliquo quod non est in ejus potestate. C’est l’objection bien connue ex insufficientia auxilii divini.

La réponse à cette difficulté est que Dieu ne commande jamais l’impossible, qu’il rend le salut réellement possible à tous ceux qui ont à suivre ses commandements, en ce sens il veut les sauver tous, comme il est dit I Tim., II, 4, mais, d’autre part, nul ne serait meilleur qu’un autre, s’il n’était plus aimé par Dieu. Et c’est par une affirmation nouvelle du principe de prédilection que saint Paul répond, v. 21-23 : « Mais plutôt, ô homme ! Qui est-tu pour converser avec Dieu ? Est-ce que le vase d’argile dit à celui qui l’a façonné : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Le potier n’est-il pas maître de son argile pour faire de la même masse un vase d’honneur et un vase d’ignominie ? Et si Dieu, voulant montrer sa colère [sa justice] et faire connaître sa puissance, a supporté avec une grande patience des vases de colère, disposés à la perdition, et s’il a voulu faire connaître aussi les richesses de sa gloire à l’égard des vases de miséricorde, qu’il a d’avance préparés à la gloire, [où est l’injustice] ? »

Cette réponse de Paul à l’objection confirme tout ce qui précède, de même qu’il ajoute, c. XI, 1-8 : « Est-ce que Dieu a rejeté son peuple ? Loin de là ! [Comme au temps d’Elie], Dieu s’est réservé certains selon un choix de grâce. Or, si c’est par grâce, ce n’est plus par les œuvres ; autrement, la grâce cesse d’être une grâce. »

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:10

Dans son commentaire sur la fin du c. IX de cette épître aux Romains, à propos des v. 21-23, saint Thomas remarque une fois de plus : Quidquid boni habet homo debet bonitati divinæ quasi principali agenti adscribere (cf. Is., LXVI, 8 : Nunc, Domine, pater es tu, nos vero lutum, et fictor noster tu et opus manuum tuarum omnes nos). Si vero Deus hominem ad meliora non promoveat, sed, in sua infirmitate eum dimittens, deputat eum ad infimum usum, nullam et facit injuriam,ut possit juste de Deo conqueri. Où est l’injustice, si Dieu permet dans le mauvais larron le péché d’impénitence finale dont il n’est nullement cause, et s’il relève l’autre pour faire connaître en lui les richesses de sa gloire ?

Résumé de cette argumentation scripturaire. – Dans la Somme théologique, Ia, q. XXIII, a. 5, corp. et ad 3um, saint Thomas ne fait que résumer en l’ordonnant ce qu’il a dit dans son Commentaire sur l’épître aux Romains, c. IX. Le titre de l’article est : Utrum præscientia meritorum sit causa prædestinationis, c’est-à-dire, comme il est expliqué au début du corps de l’article : Utrum Deus præordinaverit se daturum effectum prædestinationis alicui propter meriter aliqua. Cet article contient la même doctrine que celle qui est exposée dans le Commentaire sur les Sentences, I, dist. XLI, q. I, a. 3, et dans le De veritate, q. VI, a. 2, mais elle s’exprime ici d’une façon à la fois plus simple, plus élevée et plus précise. Selon son habitude, dans le status quæstionis, saint Thomas pose trois difficultés, dont la principale est celle même qui est formulée par saint Paul, Rom., IX, 14 : Numquid iniquitas apud Deum ?

Il donne d’abord une réponse générale négative (arg. sed contra). L’Apôtre écrit à Tite, II, 5 : « Ce n’est pas à cause des œuvres de justice que nous avons faites, mais selon sa miséricorde que Dieu nous a sauvés. » Or, comme il nous sauve de fait, il nous a prédestinés au salut. La prescience des mérites n’est donc pas cause ni raison de la prédestination. Il s’agit de la prédestination telle que saint Thomas l’a définie à l’article 1, c’est-à-dire la prédestination à la gloire.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:10

Après avoir formulé cette réponse générale négative, fondée sur l’autorité de saint Paul, saint Thomas l’explique en rappelant et en réfutant l’erreur d’Origène, les hérésies pélagienne et semi-pélagienne, et une opinion de quelques scolastiques. Il formule ainsi les conclusions suivantes : a. la raison de la prédestination ne saurait être la prévision de mérites antérieurs à cette vie (cf. Rom., IX, 2) ; b. ni celle de mérites antérieurs à la justification (cf. II Cor., III, 5) ; c. ni celles de mérites postérieurs à la justification.

Pour prouver cette troisième conclusion, saint Thomas a recours à un principe dont la valeur sera reconnue par bien des théologiens postérieurs, il dit de ceux qui ont soutenu l’opinion contraire : Sed isti videntur distinxisse inter id quod est ex gratia et id quod est ex libero arbitrio quasi non possit esse IDEM ex utroque. Manifestum est autem quod id quod est gratiæ (dans la vie des prédestinés) est prædestinationis effectus et hoc non potest poni ut ratio prædestinationis, cum hoc sub prædestinatione claudatur. Si igitur aliquid aliud ex parte nostra sit ratio prædestinationis, hoc erit præter effectum prædestinationis. Non autem distinctum est (dans la vie des prédestinés) id quod est ex libero arbitrio et ex prædestinatione, sicut nec est distinctum quod est ex causa secunda et ex causa prima. Divina enim providentia producit effectus per operationes causarum secundarum, ut supra dictum est (Ia, q. XIX, a. Cool. Unde et id quod est per liberum arbitrium est ex prædestinatione. En d’autres termes, dans la vie des prédestinés, ni le bon usage du libre arbitre, ni le bon usage de la grâce ne peuvent être raison de la prédestination, car ils en sont les effets. Pourquoi en sont-ils les effets ? Parce qu’on ne peut distinguer ce qui est produit par la cause seconde et ce qui est produit par la cause première, ce sont deux causes totales non pas coordonnées, mais subordonnées ; non seulement tout l’effet provient de l’une et de l’autre, comme dans le cas de deux chevaux tirant un lourd véhicule, qu’un seul d’entre eux ne parviendrait pas à déplacer, mais, tandis qu’un de ces chevaux n’est pas mû par l’autre, la cause seconde n’agit que mue par la cause première. Sur ce point, Molina se séparera très nettement de saint Thomas (Conc., q. XIV, a. 13, disp. XXVI, p. 152-158). On voit, par ce texte du Docteur angélique littéralement cité, que, pour lui, même la détermination libre salutaire est tout entière de nous, comme cause seconde, et tout entière de Dieu, comme cause première, sans laquelle nous ne nous déterminerions pas. C’est l’application des principes exposés plus haut, Ia, q. XIX, a. 8. Aussi saint Thomas va-t-il écrire : Quidquid est in homine ordinans ipsum in salutem, comprehenditur totum sub effectu prædestinationis.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:10

Dans la suite de cet article 5, saint Thomas formule une conclusion qui nous paraît préciser et mettre au point plusieurs assertions de saint Albert et de saint Bonaventure. Il écrit : Nihil prohibet aliquem effectum prædestinationis esse causam et rationem alterius, posteriorem quidem prioris secundum rationem causæ finalis, priorem vero posterioris secundum rationem causæ meritoriæ, quæ reducitur ad dispositionem materiæ, sicut si dicamus quod Deus præordinavit se daturum alicui gloriam ex meritis, et quod præordinavit se daturum alicui gratiam, ut mereretur gloriam. Comment entendre ces derniers mots ? D’après tout ce qui précède et en particulier la réfutation de la troisième erreur contenue dans le paragraphe précédent, il faut entendre : Dieu a décidé de donner à tel homme, par exemple au bon larron de préférence à son compagnon, la grâce de soi efficace, pour qu’il méritât la gloire, à laquelle il l’a prédestiné. Saint Thomas ne veut pas dire : Dieu a décidé de donner au bon larron une grâce qui sera rendue efficace par le bon consentement de celui-ci. Cette interprétation est exclue par le paragraphe précédent (non est distinctum quod est ex causa secunda et ex causa prima) et aussi par la dernière conclusion du corps de l’article, qui est la suivante : Alio modo potest considerari prædetinationis effectus in communi, et sic impossibile est quod totus prædestinationis effectus in communi habeat aliquam causam ex parte nostra, quia QUIDQUID est in homine ordinans ipsum in salutem comprehenditur TOTUM sub effectu prædestinationis, etiam ipsa præparatio ad gratiam.

[Plusieurs théologiens postérieurs, tel Molina, Concordia, q. XXIII, a. 4 et 5, disp. I, membrum ultimum, p. 546, diront au contraire que la détermination libre de l’acte salutaire n’est pas l’effet de la causalité divine, ni de la prédestination. Ils accorderont sans doute que la prédestination ADÆQUATE SUPMTA ne dépend pas de la prévision de nos mérites, en ce sens qu’elle contient la première grâce que nous ne saurions mériter, mais non pas en ce sens exprimé ici par saint Thomas que tout ce qui dans l’homme ordonne au salut, même la détermination libre de l’acte salutaire, est l’effet de la causalité divine, et de la prédestination. Ils reviendront plus ou moins à l’opinion de ceux auxquels saint Thomas a répondu un peu plus haut en disant : Non est distinctum quod est ex libero arbitrio et ex prædestinatione, sicut nec est distinctum quod est ex causa secunda et causa prima.]

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:10

On voit que ces différentes conclusions du corps de l’article 5 expriment la réponse générale négative de l’argument sed contra : la prescience des mérites n’est pas cause ou raison de la prédestination, c’est-à-dire de la prédestination à la gloire qui est la seule prédestination qui corresponde à la définition donnée à l’article 1er, tandis que la prédestination à la grâce ne s’oppose pas à la réprobation. On voit aussi que cette réponse générale et les conclusions qui l’expliquent sont autant de corollaires du principe de prédilection : nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu.

Dans la réponse ad 3um du même article 5 se trouvent deux dernières conclusions, qui mettent encore plus en relief la portée de ce grand principe.

L’avant-dernière conclusion est : Voluit Deus in hominibus quantum ad aliquos, quos prædestinat, suam repræsentare bonitatem per modum misericordiæ parcendo, et quantum ad aliquos, quos reprobat, per modum justitiæ puniendo. Et hæc est ratio quare Deus quosdam eligit et quosdam reprobat. Cette conclusion générale est fondée, dit saint Thomas, sur la révélation telle qu’elle s’exprime dans l’épître aux Romains, IX, 22 : « Si Dieu voulant manifester sa colère (c’est-à-dire sa justice) et faire connaître sa puissance, a supporté (c’est-à-dire permis) avec une grande patience des vases de colère, disposés à la perdition, et s’il a voulu faire connaître aussi les richesses de sa gloire à l’égard des vases de miséricorde, qu’il a préparés d’avance pour la gloire, (où est l’injustice ?) » La bonté divine, d’une part, tend à se communiquer, par là, elle est le principe de la miséricorde, et, d’autre part, elle a un droit imprescriptible à être aimée par-dessus tout ; elle est ainsi le principe de la justice. Il convient que cette bonté suprême soit manifestée sous ses deux aspects et que la splendeur de l’infinie justice apparaisse comme l’éclat de l’infinie miséricorde. Le mal n’est ainsi permis par Dieu que pour un bien supérieur dont la sagesse infinie est juge et que contempleront les élus.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:11

Enfin, la dernière conclusion de saint Thomas vise non plus les bons et les mauvais en général, mais chaque personne en particulier : Sed quare hos elegit in gloriam et illos reprobavit, non habet rationem nisi divinam voluntatem, cf. De veritate, q. VI, a. 2. Augustin avait dit : Quare hunc trahat et illum non trahat, noli velle dijudicare, si non vis errare. Il avait même montré que la prescience des mérites futurs ou futuribles ne pouvait être raison de la prédestination. Voir ci-dessus, col. 2857 sq. Cette dernière conclusion, commune à saint Augustin et à saint Thomas, est une conséquence rigoureuse du principe de prédilection : puisque l’amour de Dieu est cause de la bonté des êtres créés, nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu, cf. Ia, q. XX, a. 3. La dernière conclusion de la synthèse rejoint ainsi le principe de celle-ci. Saint Thomas la confirme par une analogie des choses soit naturelles, soit artificielles ; c’est de la seule volonté de Dieu qu’il dépend que telle partie de matière soit sous cette forme infime, et que telle autre soit sous une forme très noble. C’est aussi de la seule volonté de l’artiste qu’il dépend que, parmi plusieurs pierres égales, celle-ci soit mise en cette partie du mur, et celle-là en telle autre. Dans le choix des élus la liberté divine apparaît souveraine, Dieu aurait pu sans aucun inconvénient ne pas créer, ne pas vouloir nous élever à l’ordre de la grâce, ne pas vouloir l’incarnation, à plus forte raison il aurait pu ne pas choisir Pierre plutôt que Judas, s’il l’a choisi, c’est que très librement il l’a aimé davantage. Toute cette doctrine est contenue dans le principe : Nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu.

Reste l’autre aspect du mystère, que saint Thomas affirme très fortement pour terminer : Neque tamen propter est iniquitas apud Deum, si inæqualia non inæqualibus præparat. In his enim, quæ ex

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:11

gratia dantur, potest aliquis pro libito suo dare cui vult plus vel minus, dummodo nulli subtrahat debitum, absque præjudicio justitiæ. Ibid., ad 3um. Dieu n’enlève à personne ce qui lui est dû, car il ne commande jamais l’impossible, mais, au contraire, par son amour, il rend réellement possible à tous l’accomplissement des préceptes, et même il accorde par bonté plus que la stricte justice n’exigerait (Ia, q. XXI, a. 4), car souvent il relève les hommes à maintes reprises du péché, alors qu’il pourrait les y laisser.

Pour conclure cet exposé de la doctrine du Docteur angélique, nous dirons : saint Thomas, plus que ses prédécesseurs, a mis en lumière les principes qui constituent les deux aspects extrêmes et en apparence contradictoires de ce grand mystère. Il ne voit que mieux l’élévation de celui-ci. Il a mis en très puissant relief le contraste de clair-obscur théologique d’une part, la lumière éclatante des deux principes énoncés, dont l’un exprime, contre le prédestinatianisme, l’infinie justice : Dieu ne commande jamais l’impossible et il rend le salut possible à tous, tandis que l’autre, contre le pélagianisme, manifeste la libre intervention de l’infinie miséricorde : nul ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu. Mais, autant ces deux principes pris à part sont certains et lumineux, autant leur intime conciliation est d’une obscurité impénétrable. Pourquoi ? Parce que l’infinie justice, l’infinie miséricorde et la souveraine ne se concilient intimement que dans l’éminence de la Déité, de la vie intime de Dieu, où elles s’identifient sans aucune distinction réelle. Or, saint Thomas a montré que nous ne pouvons avoir in via aucun concept positif de la divinité comme telle, Ia, q. XIII, a. 1. Nous ne pouvons connaître Dieu que par ce qu’il a d’analogiquement commun avec les créatures, et ce qui lui est propre ne nous est connu que négativement (être non fini) ou relativement (être suprême). En ce sens, nous disons : Deitas est super ens et super unum. De même, la paternité, la filiation, la spiration divines ne nous sont manifestées qu’analogiquement par la révélation. D’où le mystère, et particulièrement l’obscurité du problème qui nous occupe. L’intime conciliation de l’infinie justice et de l’infinie miséricorde dépasse la spéculation théologique et son procédé discursif, c’est, dans l’obscurité, l’objet même de la foi (fides est de non visis) et de la contemplation, qui procède de la foi éclairée par les dons d’intelligence et de sagesse. O altitudo divitiarum sapientiæ et scientiæ Dei ! Rom., XI, 33. Voir le commentaire de saint Thomas sur ce passage.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:11

Bossuet exprime admirablement la pensée du Docteur angélique en écrivant à ce sujet : « Je ne nie pas la bonté dont Dieu est touché pour tous les hommes, ni les moyens qu’il leur prépare pour leur salut éternel dans sa providence générale. Mais quelques grandes soient les vues qu’il a sur tout le monde, il a un certain regard particulier et de préférence sur un nombre qui lui est connu. Tous ceux qu’il regarde ainsi pleurent leurs péchés et sont convertis en leur temps. La volonté de mon Père est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés. (Joa., VI, 39.) Et pourquoi nous fait-il entrer dans ces sublimes vérités ? Est-ce pour nous troubler, nous alarmer ? Le dessein de notre Sauveur est que, contemplant ce regard secret qu’il jette sur ceux qu’il sait, et que son Père lui a donnés par un certain choix, et reconnaissant qu’il les sait conduire à leur salut éternel par des moyens qui ne manquent pas, nous apprenions premièrement à les demander, à nous unir à sa prière, à dire avec lui : Préservez-nous de tout mal (Matth., VI, 13), ou, comme parle l’Eglise : « Ne permettez pas que nous soyons séparés de vous si notre volonté veut échapper, ne le permettez pas, tenez-la sous votre main, changez-la et ramenez-la à vous. » Une seconde chose qu’il veut nous apprendre, c’est de nous abandonner à sa bonté, non qu’il ne faille agir et travailler, mais c’est qu’en agissant de tout notre cœur il faut au-dessus de tout nous abandonner à Dieu seul pour le temps et pour l’éternité. Qu’on ne me dise donc pas que cette doctrine de grâce et de préférence met les bonnes âmes au désespoir. Quoi ! On pense me rassurer davantage en me renvoyant à moi-même, et en me livrant à mon inconstance ? Non, mon Dieu, je n’y consens pas. Je ne puis trouver d’assurance qu’en m’abandonnant à vous. « Aides-moi et je serai sauvé » (Ps. CXVIII, 117) ; « Guérissez-moi et je serai guéri » (Jér., XVII, 14) ; « Convertissez-moi et je serai converti » (ibid., XXXI, 18). » Méditations sur l’Evangile, IIe part., 72e jour. Tout cela est bien conforme à ce qu’enseigne saint Thomas, IIa-IIæ, q. XVII, sur le motif formel de l’espérance, qui est non pas notre effort, mais Dieu secourable : Deus auxilians.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:11

VII. LES PREMIERS THOMISTES qui ont écrit sur la prédestination reproduisent la doctrine de saint Thomas comme nous venons de l’exposer. C’est ce que font en particulier Capréolus, Cajetan et Silvestre de Ferrare.

1° Capréolus (I Sent., dist. XLI, a. 3) relève chez saint Thomas les sept conclusions que nous avons signalées et il défend nettement la prédestination à la gloire ante prævisa merita, comme le montre le docteur Joan Ude, Doctrina Capreoli de influxu Dei inactus voluntatis humanæ, Gratz (Styrie), 1905.

Il est établi dans le même ouvrage, p. 149-217, que Capréolus a enseigné l’efficacité intrinsèque des décrets divins relatifs à nos actes salutaires, et aussi l’efficacité intrinsèque de la grâce expliquée par la prédétermination physique non nécessitante. Cf. I Sent., dist. XLV, q. I, concl. 5 : Licet Dei voluntas consequens semper impleatur, non tamen necessitatem rebus volitis generaliter imponit. Capréolus prouve cette conclusion par beaucoup d’autres textes de saint Thomas, entre autres par celui du Contra gentes, l. I, 85 : Voluntas divina contigentiam non tollit, nec necessitatem absolutam rebus imponit. Vult enim Deus omnia quæ requiruntur ad rem quam vult, ut dictum est. Sed aliquibus rebus secundum modum suæ naturæ competit, quod sint contingentes, non necessariæ, igitur vult aliquas res esse contigentes. Efficacia autem divinæ voluntatis exigit, ut non solum sit quod Deus vult esse, sed etiam ut hoc modo sit, sicut Deus vult illud esse… Igitur efficacia divinæ voluntatis contingentiam non tollit. La volonté divine conséquente est donc toujours efficace par elle-même. Capréolus dit aussi, I Sent., dist. XXXV, q. II, a. 2(éd. Paban-Pègues, p. 483) : Nullus effectus procedit a divina scientia nisi mediante voluntate, quæ determinat scientiam ad opus. C’est le décret sans lequel l’intelligence divine ne saurait connaître infailliblement les futurs libres, soit conditionnels, soit absolus. Cf. Ude, op. cit., p. 222-245, où se trouvent cités les principaux textes de Capréolus, qui admet du reste, comme tous les thomistes, que nul homme ne serait meilleur qu’un autre s’il n’était plus aimé par Dieu. I, dist. XLI, q. I, a. 2.

2° Cajetan (In Iam, q. XXIII, a. 4 et 5) défend contre Henri de Gand la doctrine de saint Thomas telle que nous l’avons exposée. Il a d’ailleurs nettement affirmé plus haut, q. XIX, a. 8, l’efficacité transcendante de la causalité divine : Quia illud velle efficacissimum est, et res et modi voliti fiunt. Ibid., n. 10. Loin de détruire le mode libre de nos actes, la causalité divine souverainement efficace le produit en nous et avec nous ; cf. q. CV, a. 4 et 5. Cajetan admet du reste aussi le principe de prédilection. Ibid., q. XX, a. 3 et 4 : Ex hoc aliqua sunt meliora, quod Deus eis majus bonum vult, et q. XXIII, a. 4 : Dilectio electionis est ratio apud Deum. Cf. In Iam, q. XIV, a. 13, n. 17 ; In Rom., IX, 23.

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Message par Charles-Edouard Ven 2 Déc 2011 - 13:11

3° Silvestre de Ferrare, à la même époque que Cajetan, défend la même doctrine dans son commentaire sur le Contra gentes, l. III, 163 : Secundum quod aliquos ab æterno Deus præordinavit ut dirigendos in ultimum finem, dicitur eos prædestinasse… Illos autem quibus ab æterno disposuit se gratiam, scilicet finalem, non daturum, dicitur reprobasse… sub ipso totali effectu prædestinationis comprehenditur quicquid est in homine ipsum ordinans in salutem. La prédestination à la gloire ne peut donc être ex prævisis meritis.

Silvestre, comme Cajetan réfute ici Henri de Gand, et, comme lui aussi, il admet que les décrets de la volonté divine relatifs à nos actes salutaires sont efficaces par eux-mêmes. Cf. In contra gentes, l. I, 85 ; l. II, 29, 30 ; l. III, 72, 73, 90, 94 ; d’où le principe de prédilection, cf. l. I, 91 ; l. III, 150. Ce principe avait été trop nettement affirmé par saint Thomas pour être nié par aucun de ses commentateurs. Or, il suppose, nous l’avons vu, que les décrets divins relatifs à nos actes salutaires sont efficaces non par notre consentement libre prévu, mais par eux-mêmes.

Sur ce point capital et sur l’efficacité intrinsèque de la grâce, presque tous les anciens théologiens, soit augustiniens, soit thomistes, soit scotistes, sont d’accord, bien qu’ils diffèrent sur un point secondaire, relatif à la motion divine qui assure l’exécution des décrets divins. Les thomistes, suivant l’enseignement de leur maître, Ia, q. XIX, a. 8 ; q. CV, a. 4 et 5 ; Ia-IIæ, q. IX, a. 6 ; q. X, a. 4, ad 3um, etc., soutiennent que cette motion n’est pas seulement morale ou d’ordre objectif, par manière d’attrait, mais physique, quoad exercitium, et qu’elle n’est pas seulement une prémotion générale indifférente, mais une prémotion qui, sans nous nécessiter, nous porte infailliblement, fortifer et suaviter à nous déterminer à tel acte salutaire, plutôt qu’à l’acte contraire. Les augustiniens expliquent l’efficacité intrinsèque des décrets divins et de la grâce par une motion d’ordre moral ou objectif, qu’ils ont appelé souvent delectatio victrix. A quoi les thomistes répondent que cette delectatio n’existe pas pour les actes salutaires accomplis dans une grande aridité et avec beaucoup de difficulté, et que, de plus, dans l’ordre des motions morales par manière d’attrait, une seule attire infailliblement, c’est celle de Dieu vu face à face.

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