Le secret de Gopal
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Le secret de Gopal
A AMAR MON AMI, MON FRERE QUI COMME GOPAL AIME JESUS EN SECRET
La grande salle des fêtes du collège de N… tenu aux Indes par les Pères jésuites, était ce soir-là pleine à craquer. On y passait un film passionnant et, si la salle elle-même se trouvait plongée dans l’obscurité, il émanait assez de clarté de l’écran pour qu’on puisse à la longue discerner les visages, tous tendus vers le même point, et y lire le reflet des sentiments qui faisaient battre le cœur des collégiens. Il y avait là tous les élèves catholiques du collège et eux seuls, car, dans ce pays mystérieux aux castes farouches, les grandes familles hindoues ne confiaient leurs enfants aux Pères qu’à la condition expresse qu’il ne leur serait jamais parlé de religion… Et le film projeté aujourd’hui au collège mettait magnifiquement en scène la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Quand on fut arrivé aux sanglants épisodes de la Passion, le silence se fit plus grave encore dans la salle ; accroché à la colonne de la flagellation, le Christ, dépouillé de ses vêtements et poings liés, se tordait de douleur sous les coups de fouet des bourreaux, et cette atroce vision fascinait les jeunes gens, dont on eût dit que le souffle même s’arrêtait…
C’est alors qu’au fond de la salle, brusquement, jaillit un éclat de rire qui fit sursauter tout le monde.
« Que se passe-t-il ? » interrogea rapidement à voix basse le Père André en se penchant vers l’un des surveillants, placé à sa gauche.
« Je ne sais pas encore, Père, répondit celui-ci… Il me semble reconnaître là, près de la cabine du cinéma, le jeune Gopal qui paraît pris de fou-rire… Je vais voir…
- Non, laissez-moi faire… je vais m’occuper de Gopal. Il est dans ma classe. »
Un instant plus tard, le Père André se penchait sur un jeune garçon de 11 à 12 ans qui s’efforçait de maîtriser un violent fou-rire.
« Gopal ! »
L’enfant tressaillit :
Père ?
- Que fais-tu ici ? Ce n’est pas ta place !
- C’est vrai, Père, reconnut le petit que le ton du missionnaire impressionnait et ramenait au calme, je ne suis pas de ta religion ; mais j’ai voulu voir ce film dont mes camarades parlaient tant et je me suis glissé là tout à l’heure, sans être vu…
- Et tout cela pour te moquer d’eux, sans doute ? Pourquoi ce rire ? »
L’enfant leva vers le Père ses yeux noirs brillants et limpides :
« Mais, Père, est-il possible qu’un homme juste puisse jamais être battu comme cela ? Tu sais bien que c’est fou et c’est pour cela que j’ai ri…
- En tout cas, ton rire était bien mal placé et, pour la première fois, je suis mécontent de toi… Viens avec moi hors de la salle. »
Consterné de l’effet produit par son attitude et un peu penaud, Gopal suivit sans bruit le Père André qu’il rattrapa dans la cour :
« Père, demanda-t-il d’un ton hésitant, es-tu toujours fâché contre moi ? »
Le Père André plongea son regard dans celui de l’enfant hindou :
« Non, Gopal, parce que tu n’as pas compris la portée de ton attitude. Voyons, écoute-moi. Tu as un ami au collège ?
- Oui, Père, tu le connais bien, c’est Kittou.
- Bien, suppose, Gopal, qu’un jour on soit en train de te battre ; que dirais-tu si ton ami Kittou se mettait à rire devant ce spectacle ? »
Gopal frémit et se redressa avec fierté :
« Mais Père, il est impossible que je sois jamais battu. Tu sais bien que je suis un Brahme, et personne n’oserait porter la main sur moi…
- J’ai dit, Gopal, suppose que cela se produise. Eh bien ! sache donc que ce Jésus que tu voyais tout à l’heure battu si durement est mon Ami, à moi, mon plus cher et plus grand Ami, que j’aime beaucoup. À cause de cela, tu ne dois pas rire de ses souffrances…
- Alors, Père, je te demande pardon, je ne savais pas qu’il était ton Ami… »
Le Père André fit quelques pas en silence, puis murmura, comme se parlant à lui-même :
« Et Lui aussi pourtant était un juste ; mais Il n’a pas reculé devant la souffrance et le déshonneur…
- Père, interrogea timidement Gopal, pourquoi donc ne m’as-tu jamais parlé de Lui ?
- C’est que, Gopal, seuls peuvent Le connaître ceux qui le désirent du fond du cœur et sont prêts à souffrir, tout souffrir, même les coups, par amour pour Lui. Mais je puis te dire, cependant, que je Lui parle souvent de toi… »
Et comme l’enfant restait rêveur, le Père André, lui indiquant la cour où d’autres jeunes Hindous se réunissaient :
« Va vite rejoindre tes camarades, Gopal ; l’incident du cinéma est oublié. »
***
Quelques semaines plus tard, de courtes vacances allaient s’achever. Il fallait profiter de ces beaux jours. Montés sur de beaux chevaux, richement caparaçonnés, appartenant au père de Gopal, et suivis de Barmao, chargé de veiller sur eux, Gopal et Kittou revenaient d’une folle randonnée à travers bois et champs. Lancés comme des fous, ils avaient galopé à perdre haleine, ivres d’espace et de liberté.
Vers le soir, lassés de leurs courses, tandis que Barmao les devançait pour leur préparer un lieu où faire halte et se restaurer, Gopal et Kittou se trouvèrent à proximité d’un petit village pauvrement bâti et dont les huttes étaient recouvertes de chaume. Le village paraissait désert.
« Tout semble mort, ici, remarqua Kittou, comme ils atteignaient les premières huttes. »
Gopal jeta un regard circulaire sur l’endroit.
« La maladie s’est abattue sur le village, dit-il.
- Oui, confirma Kittou, c’est le choléra ; on l’a dit à la maison. »
Les chevaux s’ébrouèrent nerveusement.
« Brrr ! Ce n’est pas drôle de rester ici, lança Kittou. Allons-nous-en. »
Il mit son cheval au galop en demandant :
« Gopal, tu viens ? »
Mais, n’entendant aucune réponse, il arrêta sa monture et se retourna pour rester bouche bée devant l’attitude de son ami. Au centre du village se trouvait un puits et, adossés a la margelle du puits, se tenaient, côte à côte, deux enfants a peine couverts d’un lambeau d’étoffe autour des reins ; deux enfants que Kittou n’avait pas vus au passage et dont la maigreur criait la misère et la faim. Or, Gopal, le fier Gopal, avait fait halte à la hauteur de ces petits, et, pensif, les regardait du haut de son cheval.
« Eh bien ! Gopal, » appela Kittou.
Comme tiré d’un rêve, Gopal sursauta puis descendit de sa monture.
« Mais tu es fou ! cria Kittou qui se rapprocha du groupe en se tenant à distance respectueuse. Y penses-tu, toi, un Brahme ? »
Gopal lui fit signe de se taire :
« Je t’expliquerai tout à l’heure, Kittou. »
Et, s’adressant au petit garçon qui le regardait venir, craintif, Gopal demanda :
- « Comment t’appelles-tu ?
- Nathoo.
- Quel âge as-tu ?
- Neuf ans.
- Que fais-tu donc ici ? Où sont tes parents ? »
L’enfant secoua la tête :
« Ils sont morts, dit-il. Tous ici sont morts. La maladie est tombée sur le village et je reste seul avec ma jeune sœur qui est aveugle.
- Mais que faisaient tes parents ?
- Ils étaient des Télis (des presseurs d’huiles) ; la maladie les a emmenés en même temps.
- « Que vas-tu devenir ?
– Ma mère m’a dit avant de mourir d’aller à la ville, là-bas, vers l’Est, chez les hommes blancs qui reçoivent les abandonnés. Mais nous n’avons rien à. manger et pas d’argent. »
Gopal fouilla dans sa ceinture et en tira une poignée d’annas (monnaie hindoue).
« Tiens, dit-il, prends cela ; tu auras assez pour te nourrir avec ta sœur jusqu’à ce que tu .sois chez les hommes blancs. Va jusqu’au village d’à côté acheter du riz… mais ne dis pas que c’est moi qui t’ai donné l’argent. »
Et tandis que le petit, émerveillé devant sa bonne fortune, se jetait le front a terre pour remercier son bienfaiteur, Gopal, sautant à cheval, se lança à fond de train hors du village. Kittou eut peine à le rattraper :
« Ah ! ça, m’expliqueras-tu ? demanda Kittou. Tu es fou, aller te frotter à des Télis !
- Écoute, Kittou, je vais te dire mon secret, mais promets-moi de ne le répéter à personne. »
Encore irrité, Kittou fit pourtant un geste d’assentiment :
« Bien sûr, puisque je suis ton ami. »
- Gopal mit son cheval a la hauteur de celui de Kittou et les bêtes marchèrent côte à côte :
« Tu te souviens, commença Gopal, de mon histoire au cinéma du collège, le jour où j’ai éclaté de rire pendant le film ? Le Père André m’avait expliqué que ce film racontait la vie de son grand Ami. Depuis lors, plusieurs fois je lui en ai parlé, mais le Père refusait de me Le faire connaître :
- Je ne puis en parler, disait-il, qu’à ceux qui le veulent vraiment, et je ne puis le faire pour toi sans que tes parents le permettent.
- Bien sûr, Père, mais il ne s’agit pas pour moi de changer de religion. Je crois que mes parents me tueraient plutôt que de me voir devenir chrétien ; je voudrais seulement connaître mieux la vie de ton Ami…
Finalement, sur mes instances, le Père me raconta la vie de Jésus. Il me dit combien Il était juste et bon… comme Il aimait les petits, les pauvres, les humbles, les enfants, comme Il guérissait les malades et enseignait à tous de s’aimer. Il faisait des prodiges, mais le plus grand à mon sens, ce fut, Lui le plus juste des Brahmes, de se laisser arrêter, battre et insulter et enfin mettre à mort pour sauver les hommes. Le Père me dit encore que ce Jésus avait pensé à moi en mourant et qu’Il m’aimait sans que je Le connaisse. Un jour, j’étais monté sur un tas de pierres près des murs de la chapelle et je regardais par la fenêtre. Le Père André m’a vu :
- Que fais-tu là, Gopal ? me demanda-t-il.
- Père, ai-je répondu, je suis venu voir ton Ami, ou du moins son image, sa statue. Quand tu Le verras, dis-Lui que je L’aime moi aussi !
- C’est promis, Gopal.
Je me sentis alors tout heureux, comme jamais je ne l’avais été, même avec toi Kittou, et il ne faut pas m’en vouloir ; et je fus convaincu que moi aussi, un jour, je verrai l’Ami du Père.
Aussi, tout à l’heure, continua Gopal après un moment de silence, quand j ai vu ces deux pauvres petits Télis près du puits, il m a semblé que Jésus Lui-même me les envoyait pour leur faire du bien, qu’Il me déléguait à sa place pour cela, et c’est pourquoi je me suis approché d’eux. Mais personne ne le saura que toi, Kittou, c’est promis ?
-« Oui, Gopal, c’est promis. Mais ne recommence pas ces folies ou tu te ferais sérieusement punir. Voici Barmao qui revient vers nous. Dépêchons-nous, il se fait tard. »
Et les deux petits Brahmes se lancèrent au galop au-devant de Barmao.
Au collège de N…, depuis huit jours, la rentrée est faite et le travail a repris avec ardeur. Mais ce matin-là, le Père André remarque que Gopal manque à l’appel. Il était déjà absent toute la journée précédente et Kittou, interrogé, n’en savait pas la raison. Il devait s’informer du sort de son ami en passant chez lui.
Le voici qui paraît à l’entrée de la cour.
Le Père, vivement, s’est avancé vers lui.
« Eh bien ! Kittou, demande-t-il d’une voix inquiète, que devient ton ami Gopal ? »
Mais Kittou lève vers le Père un visage bouleversé, tandis que sa voix s’altère, tremblante :
« Père, Gopal ne viendra plus jamais au collège maintenant… »
Le Père pâlit :
« Plus jamais ? Que s’est-il donc passé ?
- Hier matin, Gopal s’est senti malade. Ses parents ont appelé le médecin. C’était le choléra. Très vite dans la journée, mais surtout cette nuit, l’état de Gopal s’est aggravé. Ce matin, au petit jour, il délirait et appelait « son grand Ami ».
Ses parents m’ont envoyé chercher.
- C’est moi, Kittou, ton ami, ai-je dit en m’approchant de lui.
Mais Gopal a secoué la tête en souriant :
- Non, pas Kittou, a-t-il murmure, mais le grand Ami dont le Père m’a parlé. Je veux Le voir…
Et presque aussitôt, il est mort tout doucement. Ah ! Père, pourquoi m’a-t-il quitté ? »
Et Kittou se jeta tout en larmes dans les bras que le Père André venait de lui ouvrir, tandis que des larmes coulaient aussi sur ses joues.
« Va, Kittou, sois fort, murmura le Père ; Gopal est parti vers un Ami, le plus beau de tous, qui, parce qu’il Le désirait et L’aimait de tout son cœur, l’aura sûrement accueilli avec joie. Là-haut, il ne t’oubliera pas… »
Kittou, un long moment, demeura silencieux, puis sa voix s’éleva suppliante :
« Tu m’apprendras, Père, à Le connaître, moi aussi, ce nouvel Ami de Gopal.
- Je te le promets, Kittou. En attendant, viens, nous allons Le prier déjà tous les deux. »
Et, dans le brouhaha de la cour où les autres garçons, encore ignorants du départ de Gopal, continuaient leurs jeux ardents, le Père André récita à mi-voix devant Kittou qui répétait mot à mot sa prière : « Notre Père, qui êtes aux cieux… »
L' AMI DE GOPAL ET NOTRE AMI : JÉSUS !
Auteur : Herbé
Dernière édition par Lumen le Mer 19 Juin 2013 - 22:47, édité 7 fois (Raison : MISE EN FORME DIFFICILE)
Invité- Invité
Re: Le secret de Gopal
C'EST VRAIMENT BEAU MERCI ET TELLEMENT INATTENDU
lyne- Avec Sainte Therese de l'Enfant Jésus
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Inscription : 05/11/2008
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