Théologie du Purgatoire
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Re: Théologie du Purgatoire
IV. LA DOCTRINE DU PURGATOIRE AU CONCILE DE FLORENCE (1439).
- Le 8 février 1438, l'empereur Jean VII Paléologue et les représentants de l'Église grecque débarquaient à Venise pour se rendre à l'invitation que leur avait adressée le pape Eugène IV. Voir t. VI, col. 24-25. Dès la IIIe séance du concile (encore à Ferrare), les questions débattues entre Grecs et Latins furent abordées. La question du purgatoire vint la première en discussion. Les Actes de cette discussion ont été enfin publiés en 1920 par Mgr Petit, dans la Patrologia orientalis, (P. O.), t. XV. Ils comprennent six documents, en grec et en latin: 1° exposé de la doctrine catholique par le cardinal Julien Cesarini; 2° mémoire de Marc d'Éphèse en réponse aux Latins; 3° mémoire de Bessarion [ce mémoire, publié une première fois à Bâle, avec une traduction de Jean Hartung, dans Orthodoxographa theologiæ sacrosanctæ ac syncerioris fidei doctores numero LXXVI, Bâle, 1555, p. 1376-1390, parut ensuite, en simple traduction latine due à Vulcanius, Leyde, 1595; il eut d'autres éditions et s'égara au XVIIe siècle sous divers noms; Arcudius l'attribuait au moine Barlaam, De purgatorio igne adversus Barlaam, Rome, 1637; il fut ensuite attribué à Nil Cabasilas, voir ici t. II, [Mgr Petit le restitue à Bessarion]; 4° réponse aux Grecs par le dominicain Jean de Turrecremata; enfin 5° les précisions réclamées par les Latins sont apportées par les deux derniers mémoires, dus à Marc d'Éphèse. Ces documents ont été publiés d'après le ms. grec 653 de la bibliothèque Ambrosienne; le texte latin a dû être traduit du grec par Mgr Petit. Récemment le P. Hoffmann a découvert plusieurs pièces inédites relatives au concile de Florence à la bibliothèque Saint-Marc de Venise: deux de ces documents sont le texte latin original des documents I et IV susindiqués. Orientalia christiana (O. C.), t. XVI, 1929, n. 3; t. XVII, 1930, n. 2. Nous suivrons, dans notre exposé, l'ordre même des documents et nous conclurons par le texte officiel du concile. Nous nous inspirerons du travail d'A. d'Alès, La question du purgatoire au concile de Florence en 1438, dans Gregorianum, 1922, p. 8-50.
1 ° Exposition de la loi catholique par le cardinal Cesarini (P. O., t. XV, p. 25-32; O. C., t. XVI, p. 285-298). -La croyance de l'Église catholique est formulée d'après le texte du IIe concile de Lyon. Le texte édité par le P. Hoffmann, porte pœnis purgatoriis, op. cit., p. 286 (31). La croyance de l'Église romaine s'appuie sur sept arguments: II Mac., XII, 46; Matth., XII, 32; I Cor., III, 13-15, le feu dont il est question ici ne pouvant s'appliquer aux damnés; la tradition de l'Église catholique, latine et grecque, qui prie et toujours a prié pour les morts; sans purgatoire, cette prière serait vaine; l'autorité de l'Église romaine qui toujours a tenu cette doctrine dès le temps de l'union avant le schisme; l'enseignement des Pères latins et grecs; enfin les exigences de la justice divine, qui ne doit laisser aucune faute impunie et qui proportionne l'expiation au péché. Cf. Deut., XXV, 2; Ez., XXXIII, 14, 15; Sap., VII, 25.
Le dossier patristique renferme plusieurs apocryphes. Le P. d'Alès a fait le triage des indications fournies par le document conciliaire (op. cit., p. 12-13). Nous reproduisons son intéressante note.
Ve concile œcuménique (Constantinople, 553), Act. III, Mansi, t. IX, col. 201-202 : {Pseudo-Augustin, en réalité Césaire d'Arles), Serm., CIV, 1, P. L., t. XXXIX, col. 1946; S. Augustin, De civ. Dei, XXI,13 et20, P. L., t. XLI,col. 728 et 738; S. Augustin, De cura pro mortuis gerenda, l, 3, P. L., t. XL, col. 593; IV. 6, col. 596; (Pseudo-Augustin),
De vera et falsa pœnitentia, XVII, 3, P. L., t. XL, col. 1127...; S. Augustin, Sermo, CLXXII, 2, P. L., t. XXXVIII, col. 936; S. Ambroise (Ambrosiaster), In I Cor.; III, P. L., t. XVII, col. 200 C; S. Grégoire le Grand, Dial., IV, 39, P. L., t. LXXVII, col. 396AB; S. Basile, dans ??????????? ??? ????, Liturgie de la Pentecôte, 2e éd., Venise, 1862, p. 375, 376; Liturgie des morts, p. 407; S. Grégoire de Nysse, De consolatione et statu animarum post mortem, P. G., t. XLVI, col. 97 C, 100 A; De mortuis, id., col. 524 B; (Pseudo-Denys), Eccles. hier., VII, 4. P. G., t. III, col. 560 B; S. Épiphane, Hær., LXXV, 8, P. G., t. XLII, col. 513 B; (Pseudo-Damascène), De iis qui in fide dormierunt, III, P. G., t. XCV, col. 249, cité par saint Thomas, In IVum Sent., dist. XLV,q. II a. 1; Théodoret, In I Cor., III, P. G., t. LXXXII, col. 252, note 23 (authenticité douteuse).
2° Mémoire de Marc d'Éphèse (P. O., p. 39-60). -Après avoir énoncé la doctrine des Grecs sur la vie d'outre-tombe, Marc reprend les trois arguments d'Écriture apportés par Cesarini. Les deux premiers seraient étrangers à la question du purgatoire; le troisième est inefficace et favorable à l'origénisme. Marc passe sous silence les arguments tirés de la tradition des Églises; il discute les preuves tirées des témoignages patristiques et rejette le septième argument: la raison théologique. À son tour il prend l'offensive et énonce onze chefs d'argument. Ce mémoire de Marc fut repris dans le mémoire suivant, par Bessarion qui fusionne en une seule réponse la riposte de Marc et la sienne propre.
3° Mémoire de Bessarion (Marc et Bessarion fusionnés (P. O., p. 61-79). -L'inspiration en est plus chrétienne, et la forme plus courtoise. Document de première valeur, qui souligne les profonds malentendus de l'Orient et de l'Occident sur la question du purgatoire et qu'il faut examiner de près.
Les Grecs, déclare Bessarion, n'ont trouvé chez aucun de leurs docteurs .une croyance à l'expiation temporaire accomplie, après cette vie, par le feu. D'autre part, ils admettent, selon l'enseignement de leurs docteurs, que les prières de l'Église sont utiles aux défunts. La controverse du purgatoire se ramène, pour Bessarion, à deux questions: 1. Y a-t-il, après cette vie, une rémission des péchés? 2. S'il existe une rémission des péchés dans l'autre vie, comment s'accomplit-elle? Est-ce par un pur effet de la miséricorde divine, acquiesçant aux prières de l'Église; est-ce par le moyen d'un châtiment? Et, s'il s'agit d'un châtiment, de quel châtiment? La captivité, la crainte, les ténèbres, l'ignorance, ou bien le feu, un feu réel et matériel?
Sur ce dernier point la doctrine grecque est bien arrêtée: pas de feu matériel et temporaire. Si l'on admettait cette sorte de feu, on pourrait craindre de favoriser l'erreur origéniste qui nie l'éternité des peines. Sur le premier point les Grecs admettent qu'après cette vie il y a place pour une rémission des fautes vénielles. Reste donc un unique point à débattre: comment s'accomplit cette rémission. Bessarion, sans apporter une solution complète, insiste surtout sur ce qui lui semble inadmissible dans l'enseignement des Latins touchant le feu purificateur.
Il reprend plusieurs arguments du mémoire de Cesarini. Les deux textes scripturaires, II Mac.. XII, 46, et Matth., XII, 32, visent bien une rémission de certains péchés dans l'autre vie, mais laissent intacte la question de la purification par le feu. Quant à I Cor., III, 11-15, les Grecs l'expliquent conformément à l'interprétation de saint Jean Chrysostome, qui possède une autorité hors de pair, soit comme exégète, soit comme disciple passionné de saint Paul. La tradition de l'Église de Constantinople affirme que l'apôtre Paul vint en personne l'instruire: Proclus, disciple et successeur de Chrysostome, l'a contemplé de ses yeux dans une vision mystérieuse. Or, Chrysostome entend ce texte du feu éternel qui conserve et ne rend pas ses victimes. Saint Augustin, sans doute, a expliqué différemment ce texte; mais, dans l'interprétation d'un texte grec, l'opinion d'un Père grec tel que saint Chrysostome doit être préférée. Saint Augustin avait le souci de confondre l'erreur de ceux qui, étendant ce texte à toutes sortes de fautes, supprimaient en fait l'éternité des peines de l'enfer. Il ne trouva rien de mieux que d'admettre ici un feu temporaire. Il a pris le change sur le sens du mot ?????????; or, les Grecs savent que a??????????, ???????, expriment simplement la conservation d'un être. Ainsi l'ont entendu en cet endroit Jean Chrysostome et tous les Pères grecs. Pour dirimer la controverse, il suffit de se reporter aux Écritures, à Rom., XIII, 12, aux autres passages où il est question du feu du jugement dernier, Dan., VII,10; Ps., XLIX, 4; XCVI, 2; II Petr., III, 12,15. Commentant le ps. XXVIII, 7, Basile montre le feu allumé par la divine justice et produisant un double effet: d'une part, il fait resplendir les vertus des justes, d'autre part, il torture les impies qui lui appartiennent pour toujours. Pour saint Paul, ce feu consumera les œuvres des impies, qui seront perdues; mais l'impie sera réservé pour le châtiment éternel: ?????????.
Quant aux textes des Pères, les uns, ceux qui affirment que la prière des vivants est utile aux trépassés pour la rémission de certaines fautes, sont reçus avec vénération par les Grecs. Mais ils ne prouvent pas le feu du purgatoire. Le texte de Théodoret est introuvable dans ses œuvres. Le seul qui soit vraiment favorable aux Latins est le texte de saint Grégoire de Nysse. Mieux aurait valu, pour l'honneur de ce Père, que son autorité fût passée sous silence, car ici Grégoire, quelle que soit sa sainteté, a participé à la faiblesse humaine et s'est trompé. À son époque, l'éternité des peines était encore une question sur laquelle l'enseignement de l'Église n'était pas fixé. Grégoire admet donc l'apocatastase des pécheurs, doctrine nettement origéniste. D'autres personnages, comme Irénée, Denys d'Alexandrie, ont erré aussi avec leur époque. Grégoire le Théologien (de Nazianze) ne dit-il 'pas lui-même, dans son discours sur le baptême, après diverses considérations sur le feu éternel: «À moins qu'on ne préfère une doctrine plus miséricordieuse et plus digne du souverain Juge.» Orat., XL, n. 36, P. G., t. XXXVI, col. 412. Mais le Ve concile œcuménique condamna cette erreur. Si Grégoire de Nysse a enseigné l'apocatastase, il a erré, et les Grecs aiment mieux s'attacher à l'enseignement de l'Église et à la règle des Écritures qu'aux assertions particulières de tel ou tel docteur. La distinction de deux châtiments et de deux feux n'est conforme ni à l'Écriture ni au Ve concile œcuménique.
Sans doute la purification par le feu se lit expressément chez saint Augustin, saint Ambroise, saint Grégoire-Dialogue; mais ces auteurs latins, développant en latin des vues personnelles, ne s'expriment pas avec une parfaite clarté. Dans leur écrits connus en Orient, on ne trouve qu'une chose certaine: l'utilité pour les défunts des offices et prières de l'Église. Il y a peu d'années que les œuvres d'Augustin et de Grégoire ont été traduites en grec; comment les Grecs pourraient-ils connaître ce qu'ils n'ont jamais vu ni entendu? D'ailleurs l'enseignement des Latins n'est qu'un enseignement de circonstance: désireux d'éliminer une erreur pernicieuse, la rémission finale de tous les péchés, ils se sont jetés dans la voie moyenne, accordant le moins pour ne pas céder le plus. Même en admettant leur parfaite sincérité, il faut s'en tenir à une doctrine contraire, qui découle avec certitude du texte de l'Apôtre, commenté par saint Chrysostome, et expliqué par tout le contexte.
Les révélations et les faits miraculeux rapportés par Grégoire au IVe livre de ses Dialogues sont-ils autre chose que des allégories? Quoi qu'il en soit, l'Écriture ne prouve pas la thèse des Latins, et saint Grégoire la ruine lui-même en disant que les fautes légères des justes peuvent être ou bien compensées dès cette vie par de bonnes œuvres, ou bien expiées à la mort, par la crainte, ou enfin remises après la mort par l'effet des prières offertes à leur intention.
L'autorité de l'Église romaine, à elle seule, ne suffit pas à dirimer la controverse: si le concile est réuni, c'est que précisément on entend bien ne pas s'en tenir à l'enseignement d'une Église. Si l'on persiste à juger d'après les coutumes particulières, chaque parti pourra toujours opposer une fin de non-recevoir aux raisons de l'adversaire, et il n'y aura pas de raison d'en finir.
Enfin les Latins font appel à la raison et tirent argument de la justice divine. Les Grecs ne sont pas à court d'arguments pour appuyer leur sentiment. Présentement ils se bornent à esquisser quelques-unes de leurs raisons. Suivent dix chefs d'arguments, empruntés textuellement, sauf un seul (le troisième), au mémoire de Marc d'Éphèse (Marc avait onze chefs d'arguments; Bessarion a laissé tomber le premier et le neuvième et en a ajouté un, le troisième, de son propre cru). Nous reproduisons ici les dix arguments, dans la traduction du P. d'Alès, op. cit., p. 20-21 (P. O., p. 56-60, p. 76-79).
- Le 8 février 1438, l'empereur Jean VII Paléologue et les représentants de l'Église grecque débarquaient à Venise pour se rendre à l'invitation que leur avait adressée le pape Eugène IV. Voir t. VI, col. 24-25. Dès la IIIe séance du concile (encore à Ferrare), les questions débattues entre Grecs et Latins furent abordées. La question du purgatoire vint la première en discussion. Les Actes de cette discussion ont été enfin publiés en 1920 par Mgr Petit, dans la Patrologia orientalis, (P. O.), t. XV. Ils comprennent six documents, en grec et en latin: 1° exposé de la doctrine catholique par le cardinal Julien Cesarini; 2° mémoire de Marc d'Éphèse en réponse aux Latins; 3° mémoire de Bessarion [ce mémoire, publié une première fois à Bâle, avec une traduction de Jean Hartung, dans Orthodoxographa theologiæ sacrosanctæ ac syncerioris fidei doctores numero LXXVI, Bâle, 1555, p. 1376-1390, parut ensuite, en simple traduction latine due à Vulcanius, Leyde, 1595; il eut d'autres éditions et s'égara au XVIIe siècle sous divers noms; Arcudius l'attribuait au moine Barlaam, De purgatorio igne adversus Barlaam, Rome, 1637; il fut ensuite attribué à Nil Cabasilas, voir ici t. II, [Mgr Petit le restitue à Bessarion]; 4° réponse aux Grecs par le dominicain Jean de Turrecremata; enfin 5° les précisions réclamées par les Latins sont apportées par les deux derniers mémoires, dus à Marc d'Éphèse. Ces documents ont été publiés d'après le ms. grec 653 de la bibliothèque Ambrosienne; le texte latin a dû être traduit du grec par Mgr Petit. Récemment le P. Hoffmann a découvert plusieurs pièces inédites relatives au concile de Florence à la bibliothèque Saint-Marc de Venise: deux de ces documents sont le texte latin original des documents I et IV susindiqués. Orientalia christiana (O. C.), t. XVI, 1929, n. 3; t. XVII, 1930, n. 2. Nous suivrons, dans notre exposé, l'ordre même des documents et nous conclurons par le texte officiel du concile. Nous nous inspirerons du travail d'A. d'Alès, La question du purgatoire au concile de Florence en 1438, dans Gregorianum, 1922, p. 8-50.
1 ° Exposition de la loi catholique par le cardinal Cesarini (P. O., t. XV, p. 25-32; O. C., t. XVI, p. 285-298). -La croyance de l'Église catholique est formulée d'après le texte du IIe concile de Lyon. Le texte édité par le P. Hoffmann, porte pœnis purgatoriis, op. cit., p. 286 (31). La croyance de l'Église romaine s'appuie sur sept arguments: II Mac., XII, 46; Matth., XII, 32; I Cor., III, 13-15, le feu dont il est question ici ne pouvant s'appliquer aux damnés; la tradition de l'Église catholique, latine et grecque, qui prie et toujours a prié pour les morts; sans purgatoire, cette prière serait vaine; l'autorité de l'Église romaine qui toujours a tenu cette doctrine dès le temps de l'union avant le schisme; l'enseignement des Pères latins et grecs; enfin les exigences de la justice divine, qui ne doit laisser aucune faute impunie et qui proportionne l'expiation au péché. Cf. Deut., XXV, 2; Ez., XXXIII, 14, 15; Sap., VII, 25.
Le dossier patristique renferme plusieurs apocryphes. Le P. d'Alès a fait le triage des indications fournies par le document conciliaire (op. cit., p. 12-13). Nous reproduisons son intéressante note.
Ve concile œcuménique (Constantinople, 553), Act. III, Mansi, t. IX, col. 201-202 : {Pseudo-Augustin, en réalité Césaire d'Arles), Serm., CIV, 1, P. L., t. XXXIX, col. 1946; S. Augustin, De civ. Dei, XXI,13 et20, P. L., t. XLI,col. 728 et 738; S. Augustin, De cura pro mortuis gerenda, l, 3, P. L., t. XL, col. 593; IV. 6, col. 596; (Pseudo-Augustin),
De vera et falsa pœnitentia, XVII, 3, P. L., t. XL, col. 1127...; S. Augustin, Sermo, CLXXII, 2, P. L., t. XXXVIII, col. 936; S. Ambroise (Ambrosiaster), In I Cor.; III, P. L., t. XVII, col. 200 C; S. Grégoire le Grand, Dial., IV, 39, P. L., t. LXXVII, col. 396AB; S. Basile, dans ??????????? ??? ????, Liturgie de la Pentecôte, 2e éd., Venise, 1862, p. 375, 376; Liturgie des morts, p. 407; S. Grégoire de Nysse, De consolatione et statu animarum post mortem, P. G., t. XLVI, col. 97 C, 100 A; De mortuis, id., col. 524 B; (Pseudo-Denys), Eccles. hier., VII, 4. P. G., t. III, col. 560 B; S. Épiphane, Hær., LXXV, 8, P. G., t. XLII, col. 513 B; (Pseudo-Damascène), De iis qui in fide dormierunt, III, P. G., t. XCV, col. 249, cité par saint Thomas, In IVum Sent., dist. XLV,q. II a. 1; Théodoret, In I Cor., III, P. G., t. LXXXII, col. 252, note 23 (authenticité douteuse).
2° Mémoire de Marc d'Éphèse (P. O., p. 39-60). -Après avoir énoncé la doctrine des Grecs sur la vie d'outre-tombe, Marc reprend les trois arguments d'Écriture apportés par Cesarini. Les deux premiers seraient étrangers à la question du purgatoire; le troisième est inefficace et favorable à l'origénisme. Marc passe sous silence les arguments tirés de la tradition des Églises; il discute les preuves tirées des témoignages patristiques et rejette le septième argument: la raison théologique. À son tour il prend l'offensive et énonce onze chefs d'argument. Ce mémoire de Marc fut repris dans le mémoire suivant, par Bessarion qui fusionne en une seule réponse la riposte de Marc et la sienne propre.
3° Mémoire de Bessarion (Marc et Bessarion fusionnés (P. O., p. 61-79). -L'inspiration en est plus chrétienne, et la forme plus courtoise. Document de première valeur, qui souligne les profonds malentendus de l'Orient et de l'Occident sur la question du purgatoire et qu'il faut examiner de près.
Les Grecs, déclare Bessarion, n'ont trouvé chez aucun de leurs docteurs .une croyance à l'expiation temporaire accomplie, après cette vie, par le feu. D'autre part, ils admettent, selon l'enseignement de leurs docteurs, que les prières de l'Église sont utiles aux défunts. La controverse du purgatoire se ramène, pour Bessarion, à deux questions: 1. Y a-t-il, après cette vie, une rémission des péchés? 2. S'il existe une rémission des péchés dans l'autre vie, comment s'accomplit-elle? Est-ce par un pur effet de la miséricorde divine, acquiesçant aux prières de l'Église; est-ce par le moyen d'un châtiment? Et, s'il s'agit d'un châtiment, de quel châtiment? La captivité, la crainte, les ténèbres, l'ignorance, ou bien le feu, un feu réel et matériel?
Sur ce dernier point la doctrine grecque est bien arrêtée: pas de feu matériel et temporaire. Si l'on admettait cette sorte de feu, on pourrait craindre de favoriser l'erreur origéniste qui nie l'éternité des peines. Sur le premier point les Grecs admettent qu'après cette vie il y a place pour une rémission des fautes vénielles. Reste donc un unique point à débattre: comment s'accomplit cette rémission. Bessarion, sans apporter une solution complète, insiste surtout sur ce qui lui semble inadmissible dans l'enseignement des Latins touchant le feu purificateur.
Il reprend plusieurs arguments du mémoire de Cesarini. Les deux textes scripturaires, II Mac.. XII, 46, et Matth., XII, 32, visent bien une rémission de certains péchés dans l'autre vie, mais laissent intacte la question de la purification par le feu. Quant à I Cor., III, 11-15, les Grecs l'expliquent conformément à l'interprétation de saint Jean Chrysostome, qui possède une autorité hors de pair, soit comme exégète, soit comme disciple passionné de saint Paul. La tradition de l'Église de Constantinople affirme que l'apôtre Paul vint en personne l'instruire: Proclus, disciple et successeur de Chrysostome, l'a contemplé de ses yeux dans une vision mystérieuse. Or, Chrysostome entend ce texte du feu éternel qui conserve et ne rend pas ses victimes. Saint Augustin, sans doute, a expliqué différemment ce texte; mais, dans l'interprétation d'un texte grec, l'opinion d'un Père grec tel que saint Chrysostome doit être préférée. Saint Augustin avait le souci de confondre l'erreur de ceux qui, étendant ce texte à toutes sortes de fautes, supprimaient en fait l'éternité des peines de l'enfer. Il ne trouva rien de mieux que d'admettre ici un feu temporaire. Il a pris le change sur le sens du mot ?????????; or, les Grecs savent que a??????????, ???????, expriment simplement la conservation d'un être. Ainsi l'ont entendu en cet endroit Jean Chrysostome et tous les Pères grecs. Pour dirimer la controverse, il suffit de se reporter aux Écritures, à Rom., XIII, 12, aux autres passages où il est question du feu du jugement dernier, Dan., VII,10; Ps., XLIX, 4; XCVI, 2; II Petr., III, 12,15. Commentant le ps. XXVIII, 7, Basile montre le feu allumé par la divine justice et produisant un double effet: d'une part, il fait resplendir les vertus des justes, d'autre part, il torture les impies qui lui appartiennent pour toujours. Pour saint Paul, ce feu consumera les œuvres des impies, qui seront perdues; mais l'impie sera réservé pour le châtiment éternel: ?????????.
Quant aux textes des Pères, les uns, ceux qui affirment que la prière des vivants est utile aux trépassés pour la rémission de certaines fautes, sont reçus avec vénération par les Grecs. Mais ils ne prouvent pas le feu du purgatoire. Le texte de Théodoret est introuvable dans ses œuvres. Le seul qui soit vraiment favorable aux Latins est le texte de saint Grégoire de Nysse. Mieux aurait valu, pour l'honneur de ce Père, que son autorité fût passée sous silence, car ici Grégoire, quelle que soit sa sainteté, a participé à la faiblesse humaine et s'est trompé. À son époque, l'éternité des peines était encore une question sur laquelle l'enseignement de l'Église n'était pas fixé. Grégoire admet donc l'apocatastase des pécheurs, doctrine nettement origéniste. D'autres personnages, comme Irénée, Denys d'Alexandrie, ont erré aussi avec leur époque. Grégoire le Théologien (de Nazianze) ne dit-il 'pas lui-même, dans son discours sur le baptême, après diverses considérations sur le feu éternel: «À moins qu'on ne préfère une doctrine plus miséricordieuse et plus digne du souverain Juge.» Orat., XL, n. 36, P. G., t. XXXVI, col. 412. Mais le Ve concile œcuménique condamna cette erreur. Si Grégoire de Nysse a enseigné l'apocatastase, il a erré, et les Grecs aiment mieux s'attacher à l'enseignement de l'Église et à la règle des Écritures qu'aux assertions particulières de tel ou tel docteur. La distinction de deux châtiments et de deux feux n'est conforme ni à l'Écriture ni au Ve concile œcuménique.
Sans doute la purification par le feu se lit expressément chez saint Augustin, saint Ambroise, saint Grégoire-Dialogue; mais ces auteurs latins, développant en latin des vues personnelles, ne s'expriment pas avec une parfaite clarté. Dans leur écrits connus en Orient, on ne trouve qu'une chose certaine: l'utilité pour les défunts des offices et prières de l'Église. Il y a peu d'années que les œuvres d'Augustin et de Grégoire ont été traduites en grec; comment les Grecs pourraient-ils connaître ce qu'ils n'ont jamais vu ni entendu? D'ailleurs l'enseignement des Latins n'est qu'un enseignement de circonstance: désireux d'éliminer une erreur pernicieuse, la rémission finale de tous les péchés, ils se sont jetés dans la voie moyenne, accordant le moins pour ne pas céder le plus. Même en admettant leur parfaite sincérité, il faut s'en tenir à une doctrine contraire, qui découle avec certitude du texte de l'Apôtre, commenté par saint Chrysostome, et expliqué par tout le contexte.
Les révélations et les faits miraculeux rapportés par Grégoire au IVe livre de ses Dialogues sont-ils autre chose que des allégories? Quoi qu'il en soit, l'Écriture ne prouve pas la thèse des Latins, et saint Grégoire la ruine lui-même en disant que les fautes légères des justes peuvent être ou bien compensées dès cette vie par de bonnes œuvres, ou bien expiées à la mort, par la crainte, ou enfin remises après la mort par l'effet des prières offertes à leur intention.
L'autorité de l'Église romaine, à elle seule, ne suffit pas à dirimer la controverse: si le concile est réuni, c'est que précisément on entend bien ne pas s'en tenir à l'enseignement d'une Église. Si l'on persiste à juger d'après les coutumes particulières, chaque parti pourra toujours opposer une fin de non-recevoir aux raisons de l'adversaire, et il n'y aura pas de raison d'en finir.
Enfin les Latins font appel à la raison et tirent argument de la justice divine. Les Grecs ne sont pas à court d'arguments pour appuyer leur sentiment. Présentement ils se bornent à esquisser quelques-unes de leurs raisons. Suivent dix chefs d'arguments, empruntés textuellement, sauf un seul (le troisième), au mémoire de Marc d'Éphèse (Marc avait onze chefs d'arguments; Bessarion a laissé tomber le premier et le neuvième et en a ajouté un, le troisième, de son propre cru). Nous reproduisons ici les dix arguments, dans la traduction du P. d'Alès, op. cit., p. 20-21 (P. O., p. 56-60, p. 76-79).
Re: Théologie du Purgatoire
(Le premier argument de Marc d'Éphèse était: Si l'amour divin purifie les âmes ici-bas, pourquoi le même amour ne les purifierait-il pas après cette vie. À quoi bon le feu du purgatoire?)
1. Il convient moins à la bonté de Dieu de négliger un léger mérite que de punir une légère faute. Or,le peu de bien qui est dans les grands pécheurs n'obtient aucune récompense, à cause de la surabondance du mal: donc il ne convient pas que le peu de mal qui est dans les saints soit puni, en dépit de la prépondérance du bien; car, en l'absence de faute grave, une faute légère apparaît négligeable. Donc il ne convient pas d'admettre un feu purificateur.
2. Il en est du peu de mal des bons comme du peu de bien des méchants. Mais le peu de bien des méchants ne saurait appeler une récompense, mais seulement une différence dans. le châtiment. Ainsi le peu de mal des bons ne saurait appeler un châtiment, mais seulement une différence dans la béatitude. Donc il n'y a pas lieu d'admettre un feu purificateur.
3. La justice du châtiment éternel apparaît surtout dans la disposition irrévocable de la volonté déréglée des pécheurs: car à la perversion éternelle de la volonté est dû un châtiment éternel; inversement et par voie de conséquence, si la volonté irrévocablement fixée dans le mal est punie d'un châtiment éternel, celui qui n'est pas puni éternellement n'a donc pas une volonté irrévocable; car une volonté irrévocable du mal serait destinée à un châtiment éternel; une volonté irrévocable du bien n'appelle aucun châtiment, puisqu'elle mérite des couronnes. Mais vous-mêmes reconnaissez que ceux qui seraient purifiés par ce feu ont une volonté irrévocable: ils n'ont donc pas à être purifiés par le feu (argument propre à Bessarion).
4. Si la parfaite récompense pour la pureté de cœur et d'âme consiste à voir Dieu, et si tous n'y ont point également part, c'est donc que tous ne sont pas également purs. Donc nul besoin de feu purificateur si en quelques-uns la purification laisse à désirer, car ce feu même produirait en tous une égale purification et les disposerait tous également à voir Dieu. Ce qui arriva sur la montagne de la Loi, en symbole et en figure; car alors tous n'apparaissent pas au même lieu ni au même rang, mais en des rangs divers selon la mesure de leur purification respective, suivant Grégoire le Théologien.
5. Le grand Grégoire le Théologien, dans son discours théorique et anagogique sur la Pâque, en vient à dire: «Nous n'emporterons rien et ne laisserons rien pour le lendemain», et il explique en termes clairs et nets qu'après cette nuit il n'y a pas de purification, entendant par nuit la vie présente de chacun et n'admettant aucune purification ultérieure.
6. Le même, dans son discours sur la plaie de la grêle, s'exprime ainsi: «Je ne parle pas des expiations d'outre-tombe,
auxquelles une pensée indulgente ici-bas livre (les pécheurs); car mieux vaut se laisser présentement instruire et purifier que d'être livré aux tourments de l'autre vie, où il ne s'agit plus de purification, mais de châtiment»; donnant clairement à entendre qu'il n'y a pas de purification, au delà de cette vie, mais rien que l'éternel châtiment.
7. Le Seigneur, dans l'évangile selon Luc sur le riche et Lazare, enseignant quel sort atteignit l'un et l'autre, dit que Lazare à sa mort fut porté par les anges dans le sein d'Abraham, et que le riche à sa mort fut enseveli, que son âme fut tourmentée dans l'enfer; ainsi, par le sein d'Abraham, il a désigné l'exaltation dans le bonheur réservé aux amis de Dieu; par l'enfer et les tourments, la condamnation finale et le châtiment éternel des pécheurs; il n'a point laissé entre deux un lieu de tourments temporaires, mais rien qu'un grand et infranchissable abîme, séparant les uns des autres et manifestant la profonde et irréconciliable opposition de leur sort.
8. L'âme délivrée du corps, totalement incorporelle et immatérielle, ne semble pas pouvoir être châtiée par un feu corporel après que son corps, qui devait donner prise au feu, a péri. Mais après la résurrection elle retrouvera un corps impérissable; toute la création sera transformée; le feu sera partagé, nous dit-on; alors elle en éprouvera sans doute un châtiment correspondant, et non pas elle seulement, mais encore les démons, eux aussi ténébreux, revêtus de matière de grossièreté, de corps aériens ou ignés, selon le grand Basile. Mais avant de retrouver son propre corps, n'étant qu'une forme exempte de matière bien que subsistant par elle-même, comment l'âme serait-elle châtiée par un feu corporel?
(Neuvième argument de Marc d'Éphèse: Si le péché originel, qui est bien plus grave, n'est pas puni par le feu dans l'autre vie, pourquoi punir le péché véniel par le feu?)
9. Nos saints Pères, qui ont mené sur terre une vie angélique, initiés en bien des lieux et bien des fois par des visions, des songes et d'autres miracles au châtiment éternel et au sort des impies et des pécheurs qu'il afflige, et faisant part de leurs lumières, contemplant et exposant ces mystères comme présents et actuels, ainsi que la parabole de l'évangile selon Luc décrit la condition du riche et de Lazare, n'ont jamais fait allusion au feu purificateur temporaire.
10. La doctrine de l'apocatastase et de la fin du châtiment éternel, due à Origène et acceptée par quelques personnages ecclésiastiques, comme Didyme et Évagre, doctrine qui met en avant la bonté divine et trouva bon accueil parmi les lâches, selon le mot du divin Jean, architecte de l'échelle céleste, n'en a pas moins été proscrite et anathématisée par le saint concile Ve œcuménique, comme dissolvante des âmes et encourageant la lâcheté chez les lâches, qui escomptent la délivrance de leurs tourments et l'apocatastase promise. Pour les mêmes raisons, la doctrine proposée du feu purificateur semble devoir être rejetée de l'Église, comme énervant les âmes vaillantes et les détournant de faire tous leurs efforts pour se purifier en cette vie, par la perspective d'une autre purification.
4° Réponse de Jean de 'Turrecremata, au nom des Latins (P. O., p. 80-107, le texte latin original dans O. C., t. XVII, p. 215-243). -La réponse des Grecs, déclare-t-il, fonde l'espoir d'une entente, car un point capital est déjà mis hors de doute: l'efficacité des prières de l'Église pour les âmes des défunts quand ces âmes ne sont pas assez pures pour entrer immédiatement au ciel, ni assez coupables pour être jetées en enfer. C'est sur cette catégorie moyenne que doit désormais se concentrer le débat. Mais, pour mettre de côté tout préjugé, pour examiner à fond la question à la lumière des seules Écritures et de l'enseignement des Pères, les Grecs devront s'abstenir d'une réponse qui semble bien une fin de non-recevoir: «Jamais nous n'avons parlé de la purification par le feu! jamais nous n'en parlerons». Ce qu'il faut, c'est prier Dieu pour lui demander simplement le triomphe de la vérité.
L'orateur latin distingue quatre parties dans la réponse des Grecs:
1. Le premier point concerne l'état des âmes saintes après la mort. Sont-elles enlevées immédiatement au ciel? Pareillement, les âmes que la mort a trouvées en état de péché mortel descendent-elles aussitôt en enfer pour y être châtiées? Ou bien les unes et les autres attendent-elles le jour du jugement dernier et la résurrection générale qui doit fixer leur sort? Quant aux âmes de la catégorie moyenne, sur lesquelles porte la controverse, quel est leur sort? Subissent-elles une peine? Quelle peine? Est-ce simplement le délai d'attente? Est-ce une douleur sensible? S'il s'agit d'un tourment proprement dit, en quoi consiste-t-il? Après leur purification, ces âmes sont-elles enlevées au ciel? Sur tous ces points, les Latins attendent la réponse des Grecs.
2. Le second point est relatif à la purification par le feu. Les Grecs craignent que la croyance au feu temporaire ne provoque, chez les chrétiens, l'hérésie de l'apocatastase finale. Crainte peu justifiée, en réalité, et qui doit disparaître devant l'enseignement clair et positif des saints, devant la coutume ancienne de l'Église catholique. Les saints Pères ont puisé leur enseignement du feu purificateur dans la sainte Écriture et ils ont affirmé le feu temporaire sans détriment du feu éternel, le feu temporaire pour les taches légères, le feu éternel pour les péchés graves. L'Église romaine a toujours tenu la doctrine du feu purificateur sans pour autant tomber dans l'hérésie origéniste, qu'elle réprouve et qui d'ailleurs est presque inconnue en Occident. Bien plus, la doctrine du feu purificateur, loin d'engendrer le relâchement, provoque la ferveur: la perspective d'un feu temporaire après cette vie émeut les fidèles bien plus que la perspective d'une relégation en un lieu inconnu. En publiant la doctrine du feu du purgatoire, les saints Pères savaient qu'ils encourageaient beaucoup d'œuvres pieuses, et le saint sacrifice de la messe, et les aumônes, et les prières, en faveur des âmes du purgatoire.
1. Il convient moins à la bonté de Dieu de négliger un léger mérite que de punir une légère faute. Or,le peu de bien qui est dans les grands pécheurs n'obtient aucune récompense, à cause de la surabondance du mal: donc il ne convient pas que le peu de mal qui est dans les saints soit puni, en dépit de la prépondérance du bien; car, en l'absence de faute grave, une faute légère apparaît négligeable. Donc il ne convient pas d'admettre un feu purificateur.
2. Il en est du peu de mal des bons comme du peu de bien des méchants. Mais le peu de bien des méchants ne saurait appeler une récompense, mais seulement une différence dans. le châtiment. Ainsi le peu de mal des bons ne saurait appeler un châtiment, mais seulement une différence dans la béatitude. Donc il n'y a pas lieu d'admettre un feu purificateur.
3. La justice du châtiment éternel apparaît surtout dans la disposition irrévocable de la volonté déréglée des pécheurs: car à la perversion éternelle de la volonté est dû un châtiment éternel; inversement et par voie de conséquence, si la volonté irrévocablement fixée dans le mal est punie d'un châtiment éternel, celui qui n'est pas puni éternellement n'a donc pas une volonté irrévocable; car une volonté irrévocable du mal serait destinée à un châtiment éternel; une volonté irrévocable du bien n'appelle aucun châtiment, puisqu'elle mérite des couronnes. Mais vous-mêmes reconnaissez que ceux qui seraient purifiés par ce feu ont une volonté irrévocable: ils n'ont donc pas à être purifiés par le feu (argument propre à Bessarion).
4. Si la parfaite récompense pour la pureté de cœur et d'âme consiste à voir Dieu, et si tous n'y ont point également part, c'est donc que tous ne sont pas également purs. Donc nul besoin de feu purificateur si en quelques-uns la purification laisse à désirer, car ce feu même produirait en tous une égale purification et les disposerait tous également à voir Dieu. Ce qui arriva sur la montagne de la Loi, en symbole et en figure; car alors tous n'apparaissent pas au même lieu ni au même rang, mais en des rangs divers selon la mesure de leur purification respective, suivant Grégoire le Théologien.
5. Le grand Grégoire le Théologien, dans son discours théorique et anagogique sur la Pâque, en vient à dire: «Nous n'emporterons rien et ne laisserons rien pour le lendemain», et il explique en termes clairs et nets qu'après cette nuit il n'y a pas de purification, entendant par nuit la vie présente de chacun et n'admettant aucune purification ultérieure.
6. Le même, dans son discours sur la plaie de la grêle, s'exprime ainsi: «Je ne parle pas des expiations d'outre-tombe,
auxquelles une pensée indulgente ici-bas livre (les pécheurs); car mieux vaut se laisser présentement instruire et purifier que d'être livré aux tourments de l'autre vie, où il ne s'agit plus de purification, mais de châtiment»; donnant clairement à entendre qu'il n'y a pas de purification, au delà de cette vie, mais rien que l'éternel châtiment.
7. Le Seigneur, dans l'évangile selon Luc sur le riche et Lazare, enseignant quel sort atteignit l'un et l'autre, dit que Lazare à sa mort fut porté par les anges dans le sein d'Abraham, et que le riche à sa mort fut enseveli, que son âme fut tourmentée dans l'enfer; ainsi, par le sein d'Abraham, il a désigné l'exaltation dans le bonheur réservé aux amis de Dieu; par l'enfer et les tourments, la condamnation finale et le châtiment éternel des pécheurs; il n'a point laissé entre deux un lieu de tourments temporaires, mais rien qu'un grand et infranchissable abîme, séparant les uns des autres et manifestant la profonde et irréconciliable opposition de leur sort.
8. L'âme délivrée du corps, totalement incorporelle et immatérielle, ne semble pas pouvoir être châtiée par un feu corporel après que son corps, qui devait donner prise au feu, a péri. Mais après la résurrection elle retrouvera un corps impérissable; toute la création sera transformée; le feu sera partagé, nous dit-on; alors elle en éprouvera sans doute un châtiment correspondant, et non pas elle seulement, mais encore les démons, eux aussi ténébreux, revêtus de matière de grossièreté, de corps aériens ou ignés, selon le grand Basile. Mais avant de retrouver son propre corps, n'étant qu'une forme exempte de matière bien que subsistant par elle-même, comment l'âme serait-elle châtiée par un feu corporel?
(Neuvième argument de Marc d'Éphèse: Si le péché originel, qui est bien plus grave, n'est pas puni par le feu dans l'autre vie, pourquoi punir le péché véniel par le feu?)
9. Nos saints Pères, qui ont mené sur terre une vie angélique, initiés en bien des lieux et bien des fois par des visions, des songes et d'autres miracles au châtiment éternel et au sort des impies et des pécheurs qu'il afflige, et faisant part de leurs lumières, contemplant et exposant ces mystères comme présents et actuels, ainsi que la parabole de l'évangile selon Luc décrit la condition du riche et de Lazare, n'ont jamais fait allusion au feu purificateur temporaire.
10. La doctrine de l'apocatastase et de la fin du châtiment éternel, due à Origène et acceptée par quelques personnages ecclésiastiques, comme Didyme et Évagre, doctrine qui met en avant la bonté divine et trouva bon accueil parmi les lâches, selon le mot du divin Jean, architecte de l'échelle céleste, n'en a pas moins été proscrite et anathématisée par le saint concile Ve œcuménique, comme dissolvante des âmes et encourageant la lâcheté chez les lâches, qui escomptent la délivrance de leurs tourments et l'apocatastase promise. Pour les mêmes raisons, la doctrine proposée du feu purificateur semble devoir être rejetée de l'Église, comme énervant les âmes vaillantes et les détournant de faire tous leurs efforts pour se purifier en cette vie, par la perspective d'une autre purification.
4° Réponse de Jean de 'Turrecremata, au nom des Latins (P. O., p. 80-107, le texte latin original dans O. C., t. XVII, p. 215-243). -La réponse des Grecs, déclare-t-il, fonde l'espoir d'une entente, car un point capital est déjà mis hors de doute: l'efficacité des prières de l'Église pour les âmes des défunts quand ces âmes ne sont pas assez pures pour entrer immédiatement au ciel, ni assez coupables pour être jetées en enfer. C'est sur cette catégorie moyenne que doit désormais se concentrer le débat. Mais, pour mettre de côté tout préjugé, pour examiner à fond la question à la lumière des seules Écritures et de l'enseignement des Pères, les Grecs devront s'abstenir d'une réponse qui semble bien une fin de non-recevoir: «Jamais nous n'avons parlé de la purification par le feu! jamais nous n'en parlerons». Ce qu'il faut, c'est prier Dieu pour lui demander simplement le triomphe de la vérité.
L'orateur latin distingue quatre parties dans la réponse des Grecs:
1. Le premier point concerne l'état des âmes saintes après la mort. Sont-elles enlevées immédiatement au ciel? Pareillement, les âmes que la mort a trouvées en état de péché mortel descendent-elles aussitôt en enfer pour y être châtiées? Ou bien les unes et les autres attendent-elles le jour du jugement dernier et la résurrection générale qui doit fixer leur sort? Quant aux âmes de la catégorie moyenne, sur lesquelles porte la controverse, quel est leur sort? Subissent-elles une peine? Quelle peine? Est-ce simplement le délai d'attente? Est-ce une douleur sensible? S'il s'agit d'un tourment proprement dit, en quoi consiste-t-il? Après leur purification, ces âmes sont-elles enlevées au ciel? Sur tous ces points, les Latins attendent la réponse des Grecs.
2. Le second point est relatif à la purification par le feu. Les Grecs craignent que la croyance au feu temporaire ne provoque, chez les chrétiens, l'hérésie de l'apocatastase finale. Crainte peu justifiée, en réalité, et qui doit disparaître devant l'enseignement clair et positif des saints, devant la coutume ancienne de l'Église catholique. Les saints Pères ont puisé leur enseignement du feu purificateur dans la sainte Écriture et ils ont affirmé le feu temporaire sans détriment du feu éternel, le feu temporaire pour les taches légères, le feu éternel pour les péchés graves. L'Église romaine a toujours tenu la doctrine du feu purificateur sans pour autant tomber dans l'hérésie origéniste, qu'elle réprouve et qui d'ailleurs est presque inconnue en Occident. Bien plus, la doctrine du feu purificateur, loin d'engendrer le relâchement, provoque la ferveur: la perspective d'un feu temporaire après cette vie émeut les fidèles bien plus que la perspective d'une relégation en un lieu inconnu. En publiant la doctrine du feu du purgatoire, les saints Pères savaient qu'ils encourageaient beaucoup d'œuvres pieuses, et le saint sacrifice de la messe, et les aumônes, et les prières, en faveur des âmes du purgatoire.
Re: Théologie du Purgatoire
De plus les textes patristiques invoqués démontrent bien la vérité de l'enseignement des Latins. L'orateur cherche surtout à donner une pleine valeur en faveur du purgatoire à l'autorité de Grégoire de Nysse, dont les écrits ont été proclamés exempts d'erreurs par le Ve concile. Dans le temps même où l'on brillait les écrits d'Origène, on conservait et honorait ceux de Grégoire. Les Grecs parlent d'interpolations origénistes: si de telles interpolations s'étaient produites avant le concile, le concile les aurait dénoncées. Après le concile, elles n'auraient pu se produire par des mains origénistes ni aux fins de l'origénisme. De fait on trouve donc, chez saint Grégoire, l'enseignement des Latins sur le feu du purgatoire. Quant aux Pères latins, saint Augustin en particulier, comment rejeter leur autorité? Les Grecs ne peuvent ignorer un enseignement consigné dans des écrits universellement connus et vénérés. L'Église romaine a toujours su garder la voie de la vérité entre des erreurs extrêmes et opposées; ici encore elle a su rejeter l'apocatastase origéniste sans pour cela méconnaître la réalité des peines temporaires. Quant à saint Grégoire, dont les écrits ont été traduits en grec par le pape Zacharie, il s'est exprimé sur le feu du purgatoire avec une netteté parfaite, et les Grecs n'ont pu s'y méprendre. Un dogme si autorisé, si ancien dans l'Église catholique, ne saurait être remis en question.
Les Grecs prétendent que le texte du IIe livre des Machabées et que Matth., XII, 32, ne concernent aucune peine purifiante et qu'il n'y est question que d'une rémission et absolution des péchés. Or il faut, dans tout péché, distinguer la coulpe et la peine; la coulpe une fois remise, reste la peine à expier. La réponse des Grecs ne marque pas assez clairement auquel des deux éléments correspondent la rémission et l'absolution du péché dans l'autre vie. Dans l'autre vie, l'âme n'est plus capable de détestation du péché ni de contrition; donc la rémission ou l'absolution dont parlent les Grecs ne peuvent s'appliquer qu'à la peine, stipulée par l'Écriture. Deut., XXV, 2; II Reg., XII, 13. Ces textes marquent le lien qui rattache la coulpe à la peine. Quand donc on dit que les prières de l'Église obtiennent la rémission du péché, il s'agit non de la coulpe, mais de la peine. Donc, avant de recevoir, en vertu des suffrages des vivants, rémission de leurs péchés, les âmes des défunts étaient sous le coup de certaines peines. Et, entre autres moyens prévus par la justice divine pour l'accomplissement de ces peines, il faut compter le feu corporel et temporaire du purgatoire.
3. En troisième lieu, Turrecremata examine les textes des Pères interprétant I Cor., III, 13-15. Si les Grecs ont une vénération méritée pour Chrysostome, les Latins peuvent dire qu'Augustin ne le cède en rien à Chrysostome. Les IVe, Ve et VIe conciles attachèrent à son autorité le plus grand prix. Grande également est l'autorité de saint Grégoire: les Latins ont de quoi répondre à la vision de Proclus. Le bienheureux Thomas, exégète de saint Paul, fut, peu avant sa mort, favorisé d'une apparition de l'Apôtre, qui le félicita d'avoir bien rendu le sens de ses épîtres et l'invita à le suivre dans la claire vision... Les Pères latins d'ailleurs, comme les Latins eux-mêmes, connaissent la langue grecque et les doctrines des Pères grecs. Mais les Latins auraient-ils consenti à un moindre mal, le purgatoire, pour échapper à un mal plus grand, la négation de l'enfer? Saint Augustin est l'ennemi du mensonge; il ne craint pas de dire que le texte de l'Apôtre relate au feu du purgatoire n'a pas toujours été bien compris. Et il parle en public pour redresser cette erreur. Il n'y a donc pas à craindre qu'il ait voulu dissimuler la vérité par crainte d'un plus grand mal.
L'orateur passe ensuite au sens de I Cor., III, 11-15. Tout d'abord il admet que l'Écriture puisse renfermer des sens multiples. Chrysostome en a exposé un; Augustin, un autre. L'Apôtre parle ici de fondement et d'édifice. Les pécheurs obstinés, les infidèles, n'édifient rien sur le fondement qu'est le Christ. Sur ce fondement on ne peut appuyer qu'un édifice vivant, composé des pierres vivantes que sont les fidèles (cf. 1 Pet., II,5). Cela suppose la foi, la foi conjointe à la charité; ce qui exclut le péché mortel. Les termes mêmes dont se sert l'apôtre excluent l'hypothèse de pécheurs bâtissant ici un édifice: il est question de bois, de paille, de foin, tous matériaux légers, et non de plomb ou de pierres, matériaux qui figureraient mieux les péchés mortels. Telle est la remarque de Grégoire et d'Augustin. Donc, pour édifier sur le fondement qu'est le Christ, il faut avoir au cœur la foi agissant par la charité.
L'Apôtre a-t-il en vue, comme le pensent les Grecs, le jour du jugement dernier? Quand bien même ce serait exact, il ne s'ensuivrait pas qu'il parle de fautes mortelles, ni qu'il exclue l'idée d'une purification temporaire. Les Latins estiment qu'il ne s'agit pas seulement du jugement dernier, mais encore du jugement particulier. Le fleuve de feu dont parle Daniel, VII, 10, doit non seulement entraîner les méchants au supplice éternel, mais purifier les bons qui auraient encore quelque tache à consumer. L'interprétation des Grecs relative au jugement dernier peut donc être acceptée à condition d'être complétée par une autre interprétation relative au jugement particulier. Le mot ?????????, disent les Grecs, signifie conservation, permanence. Peut-être est-il bien osé pour les Latins de les contredire ici? Mais, dans l'Écriture on ne trouve ce mot qu'appliqué au bien et au salut. Dans la même épître, on peut citer l, 18; v, 5; IX, 22. Voir aussi Act., XVI, 30, 31. Si l'Apôtre a employé ici ce mot ?????????, c'est selon sa pensée connue par ailleurs. De plus la préposition ??? marque un passage, non une permanence: si l'interprétation des Grecs était la vraie, il eût fallu dire ??? ???? et non ???? ?????. Le mot ????????????, disent encore les Grecs, ne saurait désigner une purification qui est en somme un bienfait; il ne peut s'appliquer qu'aux impies. Les Latins sont d'un avis différent: cette purification, quel que soit le bienfait qu'elle apporte, est cependant un dommage, peine plus rigoureuse, au sentiment de saint Augustin, que toutes les peines de cette vie. Donc le sens du mot est sauvegardé.
Quant à l'autorité de l'Église romaine, si elle a été mise en avant, c'est que cette Église n'est pas une Église quelconque; elle est instruite par les apôtres Pierre et Paul, fondements et lumières de la foi; elle est tête et maîtresse des autres Églises, ainsi qu'en témoigne saint Maxime dans sa lettre aux Orientaux (P. G., t. XCI, col. 137 D).
Enfin l'argument des Latins tiré de la justice divine est resté sans réponse; en revanche, les Grecs ont accumulé dix arguments contraires. Les Latins pourraient eux-mêmes apporter de multiples raisons opposées, mais l'orateur veut se contenter de répondre aux arguments de Bessarion.
4. Cette réplique forme le quatrième point. En réalité il suffit de lire les arguments des Grecs pour s'apercevoir de leur peu de consistance. Les réponses de Turrecremata aux arguties des Grecs sont elles-mêmes d'un intérêt médiocre. Toutefois la troisième mérite d'être retenue, parce qu'elle envisage l'immortalité des volontés dans l'au-delà:
Si l'immutabilité de la volonté droite est nécessairement requise dans l'obtention de la béatitude, elle ne suffit pas cependant à elle-même. La poursuite d'une bonne œuvre et surtout l'obtention de la fin dernière requièrent de multiples éléments... Le mal peut surgir de l'un ou l'autre des mille défauts possibles; mais le bien ne peut exister que si toutes les conditions en sont remplies. Donc, il suffit d'un défaut quelconque pour empêcher l'achèvement et l'acquisition du bien. Aussi, bien que pour être digne du châtiment éternel, il suffise à l'âme d'avoir une volonté immobile dans le mal, il ne suffit pas, par contre, pour qu'une âme quittant cette terre, puisse immédiatement entrer en jouissance de la béatitude, qu'elle ait une volonté fixée immuablement dans le bien; il faut de plus qu'elle n'ait plus de faute ou de peine à expier; car, comme on l'a déjà dit, la félicité du ciel n'admet rien de souillé. En outre, si cette immutabilité de la volonté droite en celui qui est prédestiné à la vie éternelle suffisait pour lui faire conférer immédiatement le bonheur, comme l'immobilité de la volonté du damné dans le mal suffit à le plonger dans l'éternelle perdition, que vous servirait de prier pour les défunts, puisque vous dites que cette immutabilité de la volonté dans le bien suffit? ... Hoffmann, op. cit., p. 2 (56).
Les Grecs prétendent que le texte du IIe livre des Machabées et que Matth., XII, 32, ne concernent aucune peine purifiante et qu'il n'y est question que d'une rémission et absolution des péchés. Or il faut, dans tout péché, distinguer la coulpe et la peine; la coulpe une fois remise, reste la peine à expier. La réponse des Grecs ne marque pas assez clairement auquel des deux éléments correspondent la rémission et l'absolution du péché dans l'autre vie. Dans l'autre vie, l'âme n'est plus capable de détestation du péché ni de contrition; donc la rémission ou l'absolution dont parlent les Grecs ne peuvent s'appliquer qu'à la peine, stipulée par l'Écriture. Deut., XXV, 2; II Reg., XII, 13. Ces textes marquent le lien qui rattache la coulpe à la peine. Quand donc on dit que les prières de l'Église obtiennent la rémission du péché, il s'agit non de la coulpe, mais de la peine. Donc, avant de recevoir, en vertu des suffrages des vivants, rémission de leurs péchés, les âmes des défunts étaient sous le coup de certaines peines. Et, entre autres moyens prévus par la justice divine pour l'accomplissement de ces peines, il faut compter le feu corporel et temporaire du purgatoire.
3. En troisième lieu, Turrecremata examine les textes des Pères interprétant I Cor., III, 13-15. Si les Grecs ont une vénération méritée pour Chrysostome, les Latins peuvent dire qu'Augustin ne le cède en rien à Chrysostome. Les IVe, Ve et VIe conciles attachèrent à son autorité le plus grand prix. Grande également est l'autorité de saint Grégoire: les Latins ont de quoi répondre à la vision de Proclus. Le bienheureux Thomas, exégète de saint Paul, fut, peu avant sa mort, favorisé d'une apparition de l'Apôtre, qui le félicita d'avoir bien rendu le sens de ses épîtres et l'invita à le suivre dans la claire vision... Les Pères latins d'ailleurs, comme les Latins eux-mêmes, connaissent la langue grecque et les doctrines des Pères grecs. Mais les Latins auraient-ils consenti à un moindre mal, le purgatoire, pour échapper à un mal plus grand, la négation de l'enfer? Saint Augustin est l'ennemi du mensonge; il ne craint pas de dire que le texte de l'Apôtre relate au feu du purgatoire n'a pas toujours été bien compris. Et il parle en public pour redresser cette erreur. Il n'y a donc pas à craindre qu'il ait voulu dissimuler la vérité par crainte d'un plus grand mal.
L'orateur passe ensuite au sens de I Cor., III, 11-15. Tout d'abord il admet que l'Écriture puisse renfermer des sens multiples. Chrysostome en a exposé un; Augustin, un autre. L'Apôtre parle ici de fondement et d'édifice. Les pécheurs obstinés, les infidèles, n'édifient rien sur le fondement qu'est le Christ. Sur ce fondement on ne peut appuyer qu'un édifice vivant, composé des pierres vivantes que sont les fidèles (cf. 1 Pet., II,5). Cela suppose la foi, la foi conjointe à la charité; ce qui exclut le péché mortel. Les termes mêmes dont se sert l'apôtre excluent l'hypothèse de pécheurs bâtissant ici un édifice: il est question de bois, de paille, de foin, tous matériaux légers, et non de plomb ou de pierres, matériaux qui figureraient mieux les péchés mortels. Telle est la remarque de Grégoire et d'Augustin. Donc, pour édifier sur le fondement qu'est le Christ, il faut avoir au cœur la foi agissant par la charité.
L'Apôtre a-t-il en vue, comme le pensent les Grecs, le jour du jugement dernier? Quand bien même ce serait exact, il ne s'ensuivrait pas qu'il parle de fautes mortelles, ni qu'il exclue l'idée d'une purification temporaire. Les Latins estiment qu'il ne s'agit pas seulement du jugement dernier, mais encore du jugement particulier. Le fleuve de feu dont parle Daniel, VII, 10, doit non seulement entraîner les méchants au supplice éternel, mais purifier les bons qui auraient encore quelque tache à consumer. L'interprétation des Grecs relative au jugement dernier peut donc être acceptée à condition d'être complétée par une autre interprétation relative au jugement particulier. Le mot ?????????, disent les Grecs, signifie conservation, permanence. Peut-être est-il bien osé pour les Latins de les contredire ici? Mais, dans l'Écriture on ne trouve ce mot qu'appliqué au bien et au salut. Dans la même épître, on peut citer l, 18; v, 5; IX, 22. Voir aussi Act., XVI, 30, 31. Si l'Apôtre a employé ici ce mot ?????????, c'est selon sa pensée connue par ailleurs. De plus la préposition ??? marque un passage, non une permanence: si l'interprétation des Grecs était la vraie, il eût fallu dire ??? ???? et non ???? ?????. Le mot ????????????, disent encore les Grecs, ne saurait désigner une purification qui est en somme un bienfait; il ne peut s'appliquer qu'aux impies. Les Latins sont d'un avis différent: cette purification, quel que soit le bienfait qu'elle apporte, est cependant un dommage, peine plus rigoureuse, au sentiment de saint Augustin, que toutes les peines de cette vie. Donc le sens du mot est sauvegardé.
Quant à l'autorité de l'Église romaine, si elle a été mise en avant, c'est que cette Église n'est pas une Église quelconque; elle est instruite par les apôtres Pierre et Paul, fondements et lumières de la foi; elle est tête et maîtresse des autres Églises, ainsi qu'en témoigne saint Maxime dans sa lettre aux Orientaux (P. G., t. XCI, col. 137 D).
Enfin l'argument des Latins tiré de la justice divine est resté sans réponse; en revanche, les Grecs ont accumulé dix arguments contraires. Les Latins pourraient eux-mêmes apporter de multiples raisons opposées, mais l'orateur veut se contenter de répondre aux arguments de Bessarion.
4. Cette réplique forme le quatrième point. En réalité il suffit de lire les arguments des Grecs pour s'apercevoir de leur peu de consistance. Les réponses de Turrecremata aux arguties des Grecs sont elles-mêmes d'un intérêt médiocre. Toutefois la troisième mérite d'être retenue, parce qu'elle envisage l'immortalité des volontés dans l'au-delà:
Si l'immutabilité de la volonté droite est nécessairement requise dans l'obtention de la béatitude, elle ne suffit pas cependant à elle-même. La poursuite d'une bonne œuvre et surtout l'obtention de la fin dernière requièrent de multiples éléments... Le mal peut surgir de l'un ou l'autre des mille défauts possibles; mais le bien ne peut exister que si toutes les conditions en sont remplies. Donc, il suffit d'un défaut quelconque pour empêcher l'achèvement et l'acquisition du bien. Aussi, bien que pour être digne du châtiment éternel, il suffise à l'âme d'avoir une volonté immobile dans le mal, il ne suffit pas, par contre, pour qu'une âme quittant cette terre, puisse immédiatement entrer en jouissance de la béatitude, qu'elle ait une volonté fixée immuablement dans le bien; il faut de plus qu'elle n'ait plus de faute ou de peine à expier; car, comme on l'a déjà dit, la félicité du ciel n'admet rien de souillé. En outre, si cette immutabilité de la volonté droite en celui qui est prédestiné à la vie éternelle suffisait pour lui faire conférer immédiatement le bonheur, comme l'immobilité de la volonté du damné dans le mal suffit à le plonger dans l'éternelle perdition, que vous servirait de prier pour les défunts, puisque vous dites que cette immutabilité de la volonté dans le bien suffit? ... Hoffmann, op. cit., p. 2 (56).
Re: Théologie du Purgatoire
La réplique est bonne et péremptoire. Mais on voit par là à quel genre d'exercice se sont livrés les deux jouteurs.
5° Précisions apportées par les Grecs (P. O., p. 108-151, 152-168). -Marc d'Éphèse apporta les précisions demandées en deux mémoires.
1. Le premier, de beaucoup le plus étendu, déclare que les Grecs vont exposer simplement leur sentiment propre et discuter de plus près le sentiment qu'on leur oppose.
Ils enseignent donc que les justes n'entrent pas immédiatement en possession de la béatitude promise à leurs œuvres; que les pécheurs ne sont pas livrés immédiatement au supplice éternel qui leur est destiné. Les uns et les autres ne parviendront à ce terme qu'après le jugement dernier et la résurrection universelle. Sans doute ils ont déjà quelque chose de leur destinée future. Les bons sont dans le repos et la liberté, soit dans le ciel, près de Dieu, avec les anges, soit dans le paradis terrestre; ils sont parmi nous, dans les temples où on les honore; ils entendent nos prières, prient pour nous, se font nos intercesseurs, opèrent des miracles par leurs reliques, jouissent de la vue bienheureuse de Dieu et du resplendissement de sa gloire, plus parfaitement qu'en cette vie. Les méchants sont enfermés dans l'enfer, plongés dans les ténèbres, dans l'ombre de la mort, dans le lac profond (cf. ps. LXXXVII, 7), dans la terre ténébreuse et obscure, sans lumière, sans spectacle de la vie. Cf. Job, X, 22. Si les premiers sont comblés de joie, les seconds sont dans une tristesse inconsolable. Cependant les premiers n'ont pas encore le véritable héritage céleste; les seconds ne sont pas encore livrés aux tortures éternelles et dévorés par le feu. A l'appui de cette doctrine, Marc d'Éphèse cite plusieurs Pères, le pseudo-Athanase, Quæstiones ad Antiochenum ducem, q. XX, XXI, P. G., t. XXVIII, col. 609; saint Grégoire le Théologien, Orat., VII, In laudem Cæsarii fratris, n. 21; XVI, In patrem tacentem propter plagam grandinis, n. 9, P. G., t. XXXV, col. 781-784; 945 C; XL, In sanctum baptisma, n. 45, t. XXXVI, col. 425 C; saint Jean Chrysostome, Ad populum Antiochenum, hom. VI, n. 3; Adv. Judæos, homo VI, n.1, P. G., t. XLIX, col. 85; t. XLVIII, col. 904, 905. Les visions et révélations sur les châtiments d'outre-tombe, attribuées à de saints personnages, ne sont donc que de simples représentations figurées des réalités à venir, non la description des réalités présentes.
Par là est exclue l'hypothèse du feu purificateur temporaire. Déjà saint Pierre montrait les impies attendant la sentence définitive, II Pet. II, 4; il parlait de captivité. Les Grecs parlent de châtiments déjà commencés: honte, remords ou peines semblables; mais il ne faut pas leur demander d'admettre qu'un feu matériel agit sur les âmes spirituelles. Tout au plus pourraient-ils admettre ces expressions en un sens allégorique.
L'Église, selon la coutume d'origine apostolique, offre le saint sacrifice et d'autres prières pour tous les défunts sans distinction. Aux damnés, à défaut de la délivrance, est procuré un léger soulagement. Maints exemples historiques attestent cette vérité (l'orateur rappelle le texte de saint Basile dans ??????????? ??? ????, voir col. 1253; le fait de Falconille et de Trajan). Et toutefois l'Église ne prie pas publiquement pour de telles âmes; elle se contente de prier pour tous les fidèles trépassés, si grands pécheurs qu'ils soient. On peut citer sur ce point non seulement saint Basile, mais saint Jean Chrysostome, In Joannem, hom. LXII, n. 5, P. G., t. LIX, col. 348; In I Cor., hom. XLI, n.4, P. G., t. LXI, col. 361; In Matth., hom. XXXI, n. 4, P. G., t. LVII, col. 375; In Mac., dans le pseudo-Damascène, De iis qui in fide dormierunt, n. 3, P. G., t. XCV, col. 249 B. Si les prières de l'Église peuvent obtenir un adoucissement aux âmes destinées à l'enfer, combien plus l'obtiendront-elles pour les âmes de la catégorie moyenne! Ces dernières pourront, grâce aux prières de l'Église, être réunies à Dieu. Quant aux âmes justes et saintes, elles recueillent, elles aussi, un véritable bénéfice de ces prières puisqu'elles n'ont pas encore touché au terme. Cf. pseudo-Denys, Eccl. hier., VII, 7, P. G., t. III, col. 561 D-564 A. Aucune raison donc de restreindre l'efficacité des prières et des saints sacrifices à une seule catégorie d'âmes, celles du purgatoire.
Les Latins ont cru pouvoir en appeler à l'autorité de saint Basile, qui prie Dieu d'introduire les âmes dans un lieu de rafraîchissement. Mais cela ne signifie nullement que ces âmes soient dans le feu du purgatoire. Quant à l'autorité de saint Grégoire de Nysse, il faut bien se résigner à reconnaître que ce Père a erré sur ce point. Qu'on montre où il a parlé du feu éternel! D'ailleurs, il place le feu purificateur des pécheurs au jugement dernier. Quoi de commun entre ce feu et celui du purgatoire des Latins?
Les Grecs ont cité largement Grégoire (de Nysse), pour ne pas être accusés de le calomnier comme origéniste. Grégoire, pour les Grecs comme pour les Latins, est un docteur; mais il est malaisé d'expliquer comment il a pu professer cette doctrine du purgatoire sans encourir la condamnation du Ve concile œcuménique. Qu'on lise l'apologie écrite par saint Maxime pour la doctrine de l'apocatastase telle que l'a présentée Grégoire: tout y rappelle l'origénisme. Comment enfin présenter la doctrine du purgatoire comme une doctrine ancienne dans l'Église et tenant le milieu entre deux erreurs, alors que les docteurs les plus nombreux et les plus illustres ont cru devoir expliquer au sens allégorique le feu éternel et les châtiments sans fin? Comment les peines qui précèdent le jugement pourraient-elles être par un feu matériel?
Les textes de saint Matthieu et des Machabées ne prouvent pas la doctrine de la purification ou du châtiment dans l'autre vie, mais celle de la rémission des péchés. Et puis que signifie cette distinction entre la coulpe et la peine? Cette distinction parait aux Grecs contraire aux faits les plus certains: quand les princes pardonnent une offense, les voit-on en poursuivre le châtiment? Le publicain retourne chez lui non seulement absous, mais justifié, Luc., XVIII, 14; Manassé, après s'être humilié, est délivré de ses fers et rétabli sur son trône. II Par., XXXIII, 13; les Ninivites, grâce à leur pénitence, sont soustraits aux coups qui les menaçaient, Jon., 111,5; le paralytique reçoit, avec le pardon de ses péchés, le redressement de son corps. Matth., IX, 6. L'exemple allégué de David n'est pas concluant, car il eut de la même femme un autre fils qui fut le grand Salomon. Donc on ne peut poser en principe qu'après le pardon de l'offense il reste encore à subir une peine; pour démentir un tel principe, l'exemple du baptême suffirait: avec le pardon des péchés, le baptisé ne reçoit-il pas remise de toute sa peine?
En ce qui concerne I Cor., III, 11-15, dont dépend pour ainsi dire tout l'enseignement des Latins, des divergences se sont produites entre docteurs sur ce texte comme sur beaucoup d'autres. Cependant l'interprétation de saint Jean Chrysostome doit être préférée, car il s'est attaché à reproduire la pensée de l'Apôtre. Marc d'Éphèse en appelle à Job, XVI, 19, pour justifier le sens de «conservation» attaché à ????????? par Chrysostome. Et sa conclusion est nette: il faut s'attacher à l'exégèse de Chrysostome si l'on ne veut pas s'écarter de la vérité.
2. Le dernier mémoire de Marc apporte les derniers éclaircissements demandés par les Latins. Ces éclaircissements concernent quatorze points. Les questions précises des Latins ont amené Marc à des précisions nouvelles, qui donnent un prix spécial à ce dernier document.
a) En quel sens les Grecs disent-ils que les âmes des saints ne sont pas encore en possession de la béatitude? Le sort des âmes destinées à la béatitude demeure, jusqu'au dernier jugement, provisoire et imparfait, soit que Dieu ait décidé de ne récompenser les âmes qu'en compagnie de leurs corps, soit qu'il veuille différer la récompense commune jusqu'au moment de la réunion complète du corps des élus.
b) Qu'entendent les Grecs lorsqu'ils disent que les saints sont au ciel avec les anges près de Dieu? C'est le mode spécial de présence des esprits, tel que l'ont exposé saint Jean Damascène, saint Grégoire de Nazianze, Denys l'Aréopagite.
c) La vision bienheureuse dont jouissent les saints dès maintenant est-elle la vision ??? ??????? dont parle l'Apôtre? Les saints voient-ils Dieu par essence? Aucune créature ne peut voir Dieu par essence; la vision qui est le partage des saints,est la vision ??? ???????, mais non la vision face à face (???????? ????? ?????????) qui est réservée pour le séjour de la gloire.
d) Qu'est ce que le rayonnement de Dieu dont les saints jouissent déjà au ciel? Marc répond ici par quelques phrases de Jean Climaque.
e) Que doit-on entendre par le royaume de Dieu et parles biens ineffables dont les saints n'ont pas encore la jouissance? Marc se réfère simplement à saint Maxime.
f) Où sont les âmes de ceux qui moururent dans le péché mortel? Elles sont dans les enfers, torturées par l'attente et la crainte de leur triste sort.
g) Comment les âmes des saints jouissent-elles d'une joie parfaite, sans avoir encore part aux biens ineffables? Elles jouissent par avance d'une félicité bienheureuse, dans l'espérance des biens promis.
h) La privation de la vision divine est-elle pour les damnés une peine plus grande que le feu éternel? Sans aucun doute, cette privation étant le plus dur tourment des âmes déchues de toute espérance.
i) Quelles peines les âmes de la catégorie moyenne endurent-elles? Les souffrent-elles tour à tour? C'est la question proprement dite du purgatoire, la question des âmes «moyennes», destinées à voir Dieu après une expiation temporaire. Marc répond que les peines endurées par ces âmes sont diverses et inégales, comme les fautes qui les leur ont méritées.
j) Qu'est-ce que les Grecs entendent par «l'incertitude de l'avenir»? C'est l'ignorance où demeurent ces âmes quant au temps où, leur expiation étant consommée, elles se verront réunies au chœur des élus.
k) Qu'est-ce que la honte de la conscience? Toute faute inexpiée engendre une certaine honte. Quelquefois, la pénitence est assez complète pour effacer entièrement le péché; mais il n'en est pas toujours ainsi, l'âme qui n'a pas suffisamment fait pénitence doit traverser une période de châtiment; ainsi en est-il pour beaucoup de fautes quotidiennes qui échappent à notre fragilité. On ne songe guère à en faire pénitence. Mais la miséricorde divine peut en faire remise au pécheur, et les prières de l'Église peuvent acquitter sa dette.
l) Que faut-il penser du soulagement des damnés par la prière des vivants? La prière des vivants peut obtenir aux damnés quelque adoucissement avant le jugement général.
m) Quelles sont les fautes petites et légères, qui affectent les âmes de la catégorie moyenne? Sur ce point, les Grecs ont un sentiment différent des Latins. Ils ne reconnaissent pas les fautes vénielles; ils n'admettent pas que les péchés soient remis par la charité. La rémission des péchés est due à la pénitence: si la pénitence est parfaite, rien ne manque à l'expiation du péché; si la pénitence est imparfaite, le péché, dans la mesure où il n'est pas encore remis, devra être expié outre-tombe. Pas de distinction entre la coulpe et la peine.
n) Pourquoi les prêtres grecs imposent-ils une pénitence en absolvant les pécheurs? De cette pratique, Marc apporte cinq raisons et laisse entendre qu'il peut en exister d'autres: toutes raisons d'opportunité, dont la plus admissible est le caractère médicinal des satisfactions sacramentelles. A l'article de la mort on absout et on communie le moribond, en comptant que Dieu suppléera à ce qui lui manque.
6° Définition du concile. -Telles sont les pièces du procès, du moins celles qui sont aujourd'hui connues. La discussion se prolongea un mois et demi encore; cf. Mansi, Concil., t. XXXI a, col. 485-493. L'empereur, pressé d'aboutir, intervint de sa personne et présida un débat public les 16 et 17 juillet 1439. Les Grecs en voulaient particulièrement au feu du purgatoire; les Latins cédèrent sur ce point, qui d'ailleurs ne se présentait pas (nous l'avons constaté au cours de notre enquête) garanti par une tradition ferme. L'accord se fit en fin de compte sur la formule suivante, qui à quelques mots près reproduit la profession de foi du concile de Lyon. Nous juxtaposons les deux textes:
5° Précisions apportées par les Grecs (P. O., p. 108-151, 152-168). -Marc d'Éphèse apporta les précisions demandées en deux mémoires.
1. Le premier, de beaucoup le plus étendu, déclare que les Grecs vont exposer simplement leur sentiment propre et discuter de plus près le sentiment qu'on leur oppose.
Ils enseignent donc que les justes n'entrent pas immédiatement en possession de la béatitude promise à leurs œuvres; que les pécheurs ne sont pas livrés immédiatement au supplice éternel qui leur est destiné. Les uns et les autres ne parviendront à ce terme qu'après le jugement dernier et la résurrection universelle. Sans doute ils ont déjà quelque chose de leur destinée future. Les bons sont dans le repos et la liberté, soit dans le ciel, près de Dieu, avec les anges, soit dans le paradis terrestre; ils sont parmi nous, dans les temples où on les honore; ils entendent nos prières, prient pour nous, se font nos intercesseurs, opèrent des miracles par leurs reliques, jouissent de la vue bienheureuse de Dieu et du resplendissement de sa gloire, plus parfaitement qu'en cette vie. Les méchants sont enfermés dans l'enfer, plongés dans les ténèbres, dans l'ombre de la mort, dans le lac profond (cf. ps. LXXXVII, 7), dans la terre ténébreuse et obscure, sans lumière, sans spectacle de la vie. Cf. Job, X, 22. Si les premiers sont comblés de joie, les seconds sont dans une tristesse inconsolable. Cependant les premiers n'ont pas encore le véritable héritage céleste; les seconds ne sont pas encore livrés aux tortures éternelles et dévorés par le feu. A l'appui de cette doctrine, Marc d'Éphèse cite plusieurs Pères, le pseudo-Athanase, Quæstiones ad Antiochenum ducem, q. XX, XXI, P. G., t. XXVIII, col. 609; saint Grégoire le Théologien, Orat., VII, In laudem Cæsarii fratris, n. 21; XVI, In patrem tacentem propter plagam grandinis, n. 9, P. G., t. XXXV, col. 781-784; 945 C; XL, In sanctum baptisma, n. 45, t. XXXVI, col. 425 C; saint Jean Chrysostome, Ad populum Antiochenum, hom. VI, n. 3; Adv. Judæos, homo VI, n.1, P. G., t. XLIX, col. 85; t. XLVIII, col. 904, 905. Les visions et révélations sur les châtiments d'outre-tombe, attribuées à de saints personnages, ne sont donc que de simples représentations figurées des réalités à venir, non la description des réalités présentes.
Par là est exclue l'hypothèse du feu purificateur temporaire. Déjà saint Pierre montrait les impies attendant la sentence définitive, II Pet. II, 4; il parlait de captivité. Les Grecs parlent de châtiments déjà commencés: honte, remords ou peines semblables; mais il ne faut pas leur demander d'admettre qu'un feu matériel agit sur les âmes spirituelles. Tout au plus pourraient-ils admettre ces expressions en un sens allégorique.
L'Église, selon la coutume d'origine apostolique, offre le saint sacrifice et d'autres prières pour tous les défunts sans distinction. Aux damnés, à défaut de la délivrance, est procuré un léger soulagement. Maints exemples historiques attestent cette vérité (l'orateur rappelle le texte de saint Basile dans ??????????? ??? ????, voir col. 1253; le fait de Falconille et de Trajan). Et toutefois l'Église ne prie pas publiquement pour de telles âmes; elle se contente de prier pour tous les fidèles trépassés, si grands pécheurs qu'ils soient. On peut citer sur ce point non seulement saint Basile, mais saint Jean Chrysostome, In Joannem, hom. LXII, n. 5, P. G., t. LIX, col. 348; In I Cor., hom. XLI, n.4, P. G., t. LXI, col. 361; In Matth., hom. XXXI, n. 4, P. G., t. LVII, col. 375; In Mac., dans le pseudo-Damascène, De iis qui in fide dormierunt, n. 3, P. G., t. XCV, col. 249 B. Si les prières de l'Église peuvent obtenir un adoucissement aux âmes destinées à l'enfer, combien plus l'obtiendront-elles pour les âmes de la catégorie moyenne! Ces dernières pourront, grâce aux prières de l'Église, être réunies à Dieu. Quant aux âmes justes et saintes, elles recueillent, elles aussi, un véritable bénéfice de ces prières puisqu'elles n'ont pas encore touché au terme. Cf. pseudo-Denys, Eccl. hier., VII, 7, P. G., t. III, col. 561 D-564 A. Aucune raison donc de restreindre l'efficacité des prières et des saints sacrifices à une seule catégorie d'âmes, celles du purgatoire.
Les Latins ont cru pouvoir en appeler à l'autorité de saint Basile, qui prie Dieu d'introduire les âmes dans un lieu de rafraîchissement. Mais cela ne signifie nullement que ces âmes soient dans le feu du purgatoire. Quant à l'autorité de saint Grégoire de Nysse, il faut bien se résigner à reconnaître que ce Père a erré sur ce point. Qu'on montre où il a parlé du feu éternel! D'ailleurs, il place le feu purificateur des pécheurs au jugement dernier. Quoi de commun entre ce feu et celui du purgatoire des Latins?
Les Grecs ont cité largement Grégoire (de Nysse), pour ne pas être accusés de le calomnier comme origéniste. Grégoire, pour les Grecs comme pour les Latins, est un docteur; mais il est malaisé d'expliquer comment il a pu professer cette doctrine du purgatoire sans encourir la condamnation du Ve concile œcuménique. Qu'on lise l'apologie écrite par saint Maxime pour la doctrine de l'apocatastase telle que l'a présentée Grégoire: tout y rappelle l'origénisme. Comment enfin présenter la doctrine du purgatoire comme une doctrine ancienne dans l'Église et tenant le milieu entre deux erreurs, alors que les docteurs les plus nombreux et les plus illustres ont cru devoir expliquer au sens allégorique le feu éternel et les châtiments sans fin? Comment les peines qui précèdent le jugement pourraient-elles être par un feu matériel?
Les textes de saint Matthieu et des Machabées ne prouvent pas la doctrine de la purification ou du châtiment dans l'autre vie, mais celle de la rémission des péchés. Et puis que signifie cette distinction entre la coulpe et la peine? Cette distinction parait aux Grecs contraire aux faits les plus certains: quand les princes pardonnent une offense, les voit-on en poursuivre le châtiment? Le publicain retourne chez lui non seulement absous, mais justifié, Luc., XVIII, 14; Manassé, après s'être humilié, est délivré de ses fers et rétabli sur son trône. II Par., XXXIII, 13; les Ninivites, grâce à leur pénitence, sont soustraits aux coups qui les menaçaient, Jon., 111,5; le paralytique reçoit, avec le pardon de ses péchés, le redressement de son corps. Matth., IX, 6. L'exemple allégué de David n'est pas concluant, car il eut de la même femme un autre fils qui fut le grand Salomon. Donc on ne peut poser en principe qu'après le pardon de l'offense il reste encore à subir une peine; pour démentir un tel principe, l'exemple du baptême suffirait: avec le pardon des péchés, le baptisé ne reçoit-il pas remise de toute sa peine?
En ce qui concerne I Cor., III, 11-15, dont dépend pour ainsi dire tout l'enseignement des Latins, des divergences se sont produites entre docteurs sur ce texte comme sur beaucoup d'autres. Cependant l'interprétation de saint Jean Chrysostome doit être préférée, car il s'est attaché à reproduire la pensée de l'Apôtre. Marc d'Éphèse en appelle à Job, XVI, 19, pour justifier le sens de «conservation» attaché à ????????? par Chrysostome. Et sa conclusion est nette: il faut s'attacher à l'exégèse de Chrysostome si l'on ne veut pas s'écarter de la vérité.
2. Le dernier mémoire de Marc apporte les derniers éclaircissements demandés par les Latins. Ces éclaircissements concernent quatorze points. Les questions précises des Latins ont amené Marc à des précisions nouvelles, qui donnent un prix spécial à ce dernier document.
a) En quel sens les Grecs disent-ils que les âmes des saints ne sont pas encore en possession de la béatitude? Le sort des âmes destinées à la béatitude demeure, jusqu'au dernier jugement, provisoire et imparfait, soit que Dieu ait décidé de ne récompenser les âmes qu'en compagnie de leurs corps, soit qu'il veuille différer la récompense commune jusqu'au moment de la réunion complète du corps des élus.
b) Qu'entendent les Grecs lorsqu'ils disent que les saints sont au ciel avec les anges près de Dieu? C'est le mode spécial de présence des esprits, tel que l'ont exposé saint Jean Damascène, saint Grégoire de Nazianze, Denys l'Aréopagite.
c) La vision bienheureuse dont jouissent les saints dès maintenant est-elle la vision ??? ??????? dont parle l'Apôtre? Les saints voient-ils Dieu par essence? Aucune créature ne peut voir Dieu par essence; la vision qui est le partage des saints,est la vision ??? ???????, mais non la vision face à face (???????? ????? ?????????) qui est réservée pour le séjour de la gloire.
d) Qu'est ce que le rayonnement de Dieu dont les saints jouissent déjà au ciel? Marc répond ici par quelques phrases de Jean Climaque.
e) Que doit-on entendre par le royaume de Dieu et parles biens ineffables dont les saints n'ont pas encore la jouissance? Marc se réfère simplement à saint Maxime.
f) Où sont les âmes de ceux qui moururent dans le péché mortel? Elles sont dans les enfers, torturées par l'attente et la crainte de leur triste sort.
g) Comment les âmes des saints jouissent-elles d'une joie parfaite, sans avoir encore part aux biens ineffables? Elles jouissent par avance d'une félicité bienheureuse, dans l'espérance des biens promis.
h) La privation de la vision divine est-elle pour les damnés une peine plus grande que le feu éternel? Sans aucun doute, cette privation étant le plus dur tourment des âmes déchues de toute espérance.
i) Quelles peines les âmes de la catégorie moyenne endurent-elles? Les souffrent-elles tour à tour? C'est la question proprement dite du purgatoire, la question des âmes «moyennes», destinées à voir Dieu après une expiation temporaire. Marc répond que les peines endurées par ces âmes sont diverses et inégales, comme les fautes qui les leur ont méritées.
j) Qu'est-ce que les Grecs entendent par «l'incertitude de l'avenir»? C'est l'ignorance où demeurent ces âmes quant au temps où, leur expiation étant consommée, elles se verront réunies au chœur des élus.
k) Qu'est-ce que la honte de la conscience? Toute faute inexpiée engendre une certaine honte. Quelquefois, la pénitence est assez complète pour effacer entièrement le péché; mais il n'en est pas toujours ainsi, l'âme qui n'a pas suffisamment fait pénitence doit traverser une période de châtiment; ainsi en est-il pour beaucoup de fautes quotidiennes qui échappent à notre fragilité. On ne songe guère à en faire pénitence. Mais la miséricorde divine peut en faire remise au pécheur, et les prières de l'Église peuvent acquitter sa dette.
l) Que faut-il penser du soulagement des damnés par la prière des vivants? La prière des vivants peut obtenir aux damnés quelque adoucissement avant le jugement général.
m) Quelles sont les fautes petites et légères, qui affectent les âmes de la catégorie moyenne? Sur ce point, les Grecs ont un sentiment différent des Latins. Ils ne reconnaissent pas les fautes vénielles; ils n'admettent pas que les péchés soient remis par la charité. La rémission des péchés est due à la pénitence: si la pénitence est parfaite, rien ne manque à l'expiation du péché; si la pénitence est imparfaite, le péché, dans la mesure où il n'est pas encore remis, devra être expié outre-tombe. Pas de distinction entre la coulpe et la peine.
n) Pourquoi les prêtres grecs imposent-ils une pénitence en absolvant les pécheurs? De cette pratique, Marc apporte cinq raisons et laisse entendre qu'il peut en exister d'autres: toutes raisons d'opportunité, dont la plus admissible est le caractère médicinal des satisfactions sacramentelles. A l'article de la mort on absout et on communie le moribond, en comptant que Dieu suppléera à ce qui lui manque.
6° Définition du concile. -Telles sont les pièces du procès, du moins celles qui sont aujourd'hui connues. La discussion se prolongea un mois et demi encore; cf. Mansi, Concil., t. XXXI a, col. 485-493. L'empereur, pressé d'aboutir, intervint de sa personne et présida un débat public les 16 et 17 juillet 1439. Les Grecs en voulaient particulièrement au feu du purgatoire; les Latins cédèrent sur ce point, qui d'ailleurs ne se présentait pas (nous l'avons constaté au cours de notre enquête) garanti par une tradition ferme. L'accord se fit en fin de compte sur la formule suivante, qui à quelques mots près reproduit la profession de foi du concile de Lyon. Nous juxtaposons les deux textes:
Re: Théologie du Purgatoire
IIe CONCILE DE LYON CONCILE DE FLORENCE
Si vere pænitentes in caritate decesserint, antequam dignis pænitentiæ fructibus de commissis satisfecerint et omissis; eorum animas pœnis purgatoriis [seu catharteriis, sicut nobis frater Joannes explanavit] post mortem purgari: et ad pœnas hujusmodi relevandas prodesse eis fidelium vivorum suffragia, missarum scilicet sacrificia, orationes et eleemosynas et alia pietatis officia, quæ a fidelibus pro aliis fidelibus fieri consueverunt secundum Ecclesiæ instituta. Si vere pænitentes in Dei caritate decesserint, antequam dignis pænitentiæ fructibus de commis sis satisfecerint et omissis, eorum animas pœnis purgatoriis post mortem purgari; et ut a pœnis hujusmodi releventur, prodesse eis fidelium vivorum suffragia, missarum scilicet sacrificia, orationes et eleemosynæ, et alia pietatis officia, quæ a fidelibus pro aliis fidelibus fieri consueverunt secundum Ecclesiæ instituta.
Illorum autem animas, qui post sacrum baptisma nullam omnino peccati maculam incurrerunt, illas etiam, quæ post contractam peccati maculam, vel in suis [manentes] corporibus, vel eisdem exutæ, prout superius dictum est, sunt purgatæ, mox in cælum recipi. Illorumque animas, qui post baptisma susceptum nullam omnino peccati maculam incurrerunt, illas etiam quæ post contractam peccati maculam, vel in suis corporibus, vel eisdem exutæ corporibus, prout superius dictum est, sunt purgatæ, in cælum mox recipi et intueri clare ipsum Deum trinum et unum, sicuti est, pro meritorum tamen diversitate alium alio perfectius.
Illorum autem animas, qui in mortali peccato vel cum solo originali decedunt, mox in infernum descendere, pœnis tamen disparibus puniendas. Illorum autem animas, qui in actuali mortali peccato vel solo originali decedunt, mox in infernum descendere, pœnis tamen disparibus puniendas.
À la profession de foi de Michel Paléologue, que les Grecs pouvaient difficilement rejeter, le concile de Florence, s'inspirant de la définition de Benoît XII et pour éliminer les tendances palamites de Marc d'Éphèse, ajoute simplement que les âmes justes, une fois entièrement purifiées, sont reçues immédiatement dans le ciel, pour y voir Dieu clairement, dans son unité et dans sa trinité, tel qu'il est, l'un plus parfaitement que l'autre selon la diversité de leurs mérites.
Deux points d'une importance capitale paraissent avoir été acquis. Les Latins semblent avoir découvert que les Grecs n'ont aucune objection de principe contre la prière pour les morts. Les Grecs constatent que l'origénisme n'existe pas en Occident, comme ils se l'étaient imaginé avec le feu du purgatoire.
Le terrain ainsi déblayé, les divisions n'étaient pas toutes supprimées. On les réduisit au minimum et, pour que l'union fût réalisable, on fit silence sur les questions secondaires où chaque Église avait son enseignement particulier. La nature des peines d'outre-tombe revêt des caractères fort différents selon qu'on la considère dans la doctrine ferme des Occidentaux touchant les rétributions immédiates après la mort, ou qu'on l'envisage dans l'eschatologie fuyante et compliquée des Orientaux. Le vice le plus profond du système exposé par Marc d'Éphèse est peut-être la confusion établie entre la coulpe et la peine. Outre que cette conception semble réduire la pénitence des péchés à une vulgaire liquidation de compte avec Dieu, on se demande ce que peut bien être, pour le péché mortel, cette rémission qui ne remet qu'à moitié et qui laisse l'âme rentrée en grâce avec Dieu à moitié captive du mal; pour le péché véniel, cette tare qui suit dans l'autre vie une âme qui cependant quitte ce monde avec la charité parfaite. Marc d'Éphèse a fait des prodiges de subtilité pour soutenir la thèse d'une satisfaction sacramentelle qui n'en est pas une.
On laissa tomber toutes ces divergences, et, ayant nettement séparé la cause du feu du purgatoire de celle du purgatoire lui-même, l'accord se fit sans peine. La doctrine du purgatoire est un dogme de l'Église; la doctrine dû feu demeure, après les discussions de Ferrare, ce qu'elle était auparavant: une croyance respectable, mais avec ce caractère nouveau que lui confère le concile de Florence, c'est que proposée à la sanction du magistère, celui-ci s'est refusé à la consacrer. (1264)
Si vere pænitentes in caritate decesserint, antequam dignis pænitentiæ fructibus de commissis satisfecerint et omissis; eorum animas pœnis purgatoriis [seu catharteriis, sicut nobis frater Joannes explanavit] post mortem purgari: et ad pœnas hujusmodi relevandas prodesse eis fidelium vivorum suffragia, missarum scilicet sacrificia, orationes et eleemosynas et alia pietatis officia, quæ a fidelibus pro aliis fidelibus fieri consueverunt secundum Ecclesiæ instituta. Si vere pænitentes in Dei caritate decesserint, antequam dignis pænitentiæ fructibus de commis sis satisfecerint et omissis, eorum animas pœnis purgatoriis post mortem purgari; et ut a pœnis hujusmodi releventur, prodesse eis fidelium vivorum suffragia, missarum scilicet sacrificia, orationes et eleemosynæ, et alia pietatis officia, quæ a fidelibus pro aliis fidelibus fieri consueverunt secundum Ecclesiæ instituta.
Illorum autem animas, qui post sacrum baptisma nullam omnino peccati maculam incurrerunt, illas etiam, quæ post contractam peccati maculam, vel in suis [manentes] corporibus, vel eisdem exutæ, prout superius dictum est, sunt purgatæ, mox in cælum recipi. Illorumque animas, qui post baptisma susceptum nullam omnino peccati maculam incurrerunt, illas etiam quæ post contractam peccati maculam, vel in suis corporibus, vel eisdem exutæ corporibus, prout superius dictum est, sunt purgatæ, in cælum mox recipi et intueri clare ipsum Deum trinum et unum, sicuti est, pro meritorum tamen diversitate alium alio perfectius.
Illorum autem animas, qui in mortali peccato vel cum solo originali decedunt, mox in infernum descendere, pœnis tamen disparibus puniendas. Illorum autem animas, qui in actuali mortali peccato vel solo originali decedunt, mox in infernum descendere, pœnis tamen disparibus puniendas.
À la profession de foi de Michel Paléologue, que les Grecs pouvaient difficilement rejeter, le concile de Florence, s'inspirant de la définition de Benoît XII et pour éliminer les tendances palamites de Marc d'Éphèse, ajoute simplement que les âmes justes, une fois entièrement purifiées, sont reçues immédiatement dans le ciel, pour y voir Dieu clairement, dans son unité et dans sa trinité, tel qu'il est, l'un plus parfaitement que l'autre selon la diversité de leurs mérites.
Deux points d'une importance capitale paraissent avoir été acquis. Les Latins semblent avoir découvert que les Grecs n'ont aucune objection de principe contre la prière pour les morts. Les Grecs constatent que l'origénisme n'existe pas en Occident, comme ils se l'étaient imaginé avec le feu du purgatoire.
Le terrain ainsi déblayé, les divisions n'étaient pas toutes supprimées. On les réduisit au minimum et, pour que l'union fût réalisable, on fit silence sur les questions secondaires où chaque Église avait son enseignement particulier. La nature des peines d'outre-tombe revêt des caractères fort différents selon qu'on la considère dans la doctrine ferme des Occidentaux touchant les rétributions immédiates après la mort, ou qu'on l'envisage dans l'eschatologie fuyante et compliquée des Orientaux. Le vice le plus profond du système exposé par Marc d'Éphèse est peut-être la confusion établie entre la coulpe et la peine. Outre que cette conception semble réduire la pénitence des péchés à une vulgaire liquidation de compte avec Dieu, on se demande ce que peut bien être, pour le péché mortel, cette rémission qui ne remet qu'à moitié et qui laisse l'âme rentrée en grâce avec Dieu à moitié captive du mal; pour le péché véniel, cette tare qui suit dans l'autre vie une âme qui cependant quitte ce monde avec la charité parfaite. Marc d'Éphèse a fait des prodiges de subtilité pour soutenir la thèse d'une satisfaction sacramentelle qui n'en est pas une.
On laissa tomber toutes ces divergences, et, ayant nettement séparé la cause du feu du purgatoire de celle du purgatoire lui-même, l'accord se fit sans peine. La doctrine du purgatoire est un dogme de l'Église; la doctrine dû feu demeure, après les discussions de Ferrare, ce qu'elle était auparavant: une croyance respectable, mais avec ce caractère nouveau que lui confère le concile de Florence, c'est que proposée à la sanction du magistère, celui-ci s'est refusé à la consacrer. (1264)
Re: Théologie du Purgatoire
VI. LA CONTROVERSE PROTESTANTE ET LE CONCILE DE TRENTE.
-Nous n'avons pas voulu interrompre l'exposé de la controverse avec les Orientaux avant qu'elle soit close, officiellement du moins,par la définition du concile de Florence. Il nous faut maintenant, jetant un regard sur l'Occident, rappeler que, bien avant ce concile, l'Occident lui-même avait été troublé par la négation du purgatoire, ou, plus exactement, cette négation se greffait sur une hérésie plus vaste dont elle n'était qu'un aspect secondaire.
Au XIIIe siècle, les cathares (albigeois) avaient été entraînés, par leur morale singulière, à la négation du purgatoire. On sait que, pour ces néo-manichéens, la vie spirituelle ne peut exister ici-bas, l'âme étant prisonnière en un corps qui est l'oeuvre de Satan. Le bonheur n'est possible qu'à la délivrance de l'âme, après la mort. Puisque le règne de Satan est limité à ce monde, l'enfer n'existe pas: toutes les âmes finalement doivent revenir à Dieu, mais après une série d'épreuves, de purifications. Et c'est sur terre que les âmes doivent se purifier pour être dignes de Dieu; d'où il suit que les âmes imparfaites reprennent un nouveau corps et une nouvelle existence en vue d'une purification plus complète. Pas de place, en un tel système, pour un purgatoire. Pas de prière non plus pour-l'âme des morts puisqu'il n'y a pas d'expiation dans un purgatoire et que les morts ou bien sont unis à Dieu ou revivent sur terre sous une nouvelle forme. Voir Albigeois, dans Dict. d'hist. et de géogr. eccl., t. I, col. 1626, 1631. Dans sa condamnation de l'hérésie des albigeois, l'Église s'est contentée de formules générales et n'a pas envisagé directement la négation du purgatoire.
La position des vaudois (tout à fait distincts au début des cathares) est assez peu cohérente: au début ils rejettent moins le purgatoire et la prière pour les morts que certains trafics pécuniaires dont ces dogmes sont trop facilement l'occasion.
Il est à remarquer que plus tard Wiclef et Hus, qui, tout autant que les vaudois et les albigeois, préludent aux négations protestantes, n'ont pas osé attaquer directement le dogme du purgatoire, tant la crainte était grande de s'aliéner l'esprit des masses. Néanmoins, Wiclef attaque déjà les indulgences, cf. prop. 42, Denz.-Bannw., n. 622; Hus lui fait écho, prop. 8, ibid., n. 634, et le concile de Constance impose à leurs partisans deux interrogations sur ce point. N. 26,27, ibid., n. 676,677. La négation du purgatoire pourrait être déduite de la négation des indulgences. Mais ce sont les réformateurs du XVIe siècle qui osèrent ouvertement contredire une croyance et des pratiques si populaires. Luther y mit d'abord quelque réserve; Calvin brusqua l'offensive. On fera d'abord l'exposé des négations protestantes; ensuite on retracera la riposte catholique du côté des théologiens et enfin on exposera la doctrine du concile de Trente.
-Nous n'avons pas voulu interrompre l'exposé de la controverse avec les Orientaux avant qu'elle soit close, officiellement du moins,par la définition du concile de Florence. Il nous faut maintenant, jetant un regard sur l'Occident, rappeler que, bien avant ce concile, l'Occident lui-même avait été troublé par la négation du purgatoire, ou, plus exactement, cette négation se greffait sur une hérésie plus vaste dont elle n'était qu'un aspect secondaire.
Au XIIIe siècle, les cathares (albigeois) avaient été entraînés, par leur morale singulière, à la négation du purgatoire. On sait que, pour ces néo-manichéens, la vie spirituelle ne peut exister ici-bas, l'âme étant prisonnière en un corps qui est l'oeuvre de Satan. Le bonheur n'est possible qu'à la délivrance de l'âme, après la mort. Puisque le règne de Satan est limité à ce monde, l'enfer n'existe pas: toutes les âmes finalement doivent revenir à Dieu, mais après une série d'épreuves, de purifications. Et c'est sur terre que les âmes doivent se purifier pour être dignes de Dieu; d'où il suit que les âmes imparfaites reprennent un nouveau corps et une nouvelle existence en vue d'une purification plus complète. Pas de place, en un tel système, pour un purgatoire. Pas de prière non plus pour-l'âme des morts puisqu'il n'y a pas d'expiation dans un purgatoire et que les morts ou bien sont unis à Dieu ou revivent sur terre sous une nouvelle forme. Voir Albigeois, dans Dict. d'hist. et de géogr. eccl., t. I, col. 1626, 1631. Dans sa condamnation de l'hérésie des albigeois, l'Église s'est contentée de formules générales et n'a pas envisagé directement la négation du purgatoire.
La position des vaudois (tout à fait distincts au début des cathares) est assez peu cohérente: au début ils rejettent moins le purgatoire et la prière pour les morts que certains trafics pécuniaires dont ces dogmes sont trop facilement l'occasion.
Il est à remarquer que plus tard Wiclef et Hus, qui, tout autant que les vaudois et les albigeois, préludent aux négations protestantes, n'ont pas osé attaquer directement le dogme du purgatoire, tant la crainte était grande de s'aliéner l'esprit des masses. Néanmoins, Wiclef attaque déjà les indulgences, cf. prop. 42, Denz.-Bannw., n. 622; Hus lui fait écho, prop. 8, ibid., n. 634, et le concile de Constance impose à leurs partisans deux interrogations sur ce point. N. 26,27, ibid., n. 676,677. La négation du purgatoire pourrait être déduite de la négation des indulgences. Mais ce sont les réformateurs du XVIe siècle qui osèrent ouvertement contredire une croyance et des pratiques si populaires. Luther y mit d'abord quelque réserve; Calvin brusqua l'offensive. On fera d'abord l'exposé des négations protestantes; ensuite on retracera la riposte catholique du côté des théologiens et enfin on exposera la doctrine du concile de Trente.
Re: Théologie du Purgatoire
I EXPOSÉ DES NÉGATIONS PROTESTANTES.
-1° Genèse et évolution de la pensée luthérienne. -1. Dans ses thèses du 31 octobre 1517, Luther combat les indulgences, mais non encore le purgatoire. Toutefois il parle de l'état des âmes souffrantes en des termes qui sont contraires aux données traditionnelles: il veut détruire le lien qui pourrait les unir aux
vivants. Les âmes des mourants paient toute leur dette par la mort; le droit canonique ne les atteint pas, et elles ont droit à la remise de leurs fautes, th. XIII; la conscience de leur imperfection morale et de ce qui manque à leur charité comporte une grave crainte, et à elle seule cette crainte éteint le feu du purgatoire th. XIV, XV. Toutefois, pour les âmes du purgatoire, la crainte diminuant, s'accroît la charité, th. XVII; on ne peut prouver par la raison ou l'Écriture que ces âmes soient hors d'état de mériter et d'accroître leur charité th. XVIII. Il ne paraît pas qu'elles soient certaines de leur béatitude, au moins toutes th. XIX. Peut-être même ne désirent-elles pas leur libération immédiate th. XXIX, ou IIe sér. n. 4. Disputatio pro declaratione virtutis indulgentiarum, éd. de Weimar (W.), t. 1, p. 233-234.
Les protestations surgirent de partout. Dans l'apologie publiée en allemand vers la fin de 1519, en réponse à Priérias et à Jean Eck, Luther déclare croire ferme «aux souffrances des pauvres âmes qu'on doit secourir par des prières, des jeûnes, des aumônes et d'autres oeuvres». Il ajoutait cependant ne pouvoir déterminer le genre de leur peine ni savoir si cette peine peut seule servir à la satisfaction requise. Unterricht auf etliche Artikel, W., t. II, p. 70. Cette profession de foi, d'apparence encore catholique, fait écho à la déclaration contenue dans les Resolutiones disput. de indulg. virtute, où Luther proclame sa certitude du purgatoire, concl. 15, discute longuement sur les peines, ibid., mais nie le pouvoir du pape sur ces peines et ne lui accorde (ce qu:i est d'ailleurs la thèse catholique) qu'un pouvoir per modum suffragii. Concl. 22, 25, 26, W., t. 1, p. 555, 556-558, 571,572,574.
2. Mais déjà, dans des lettres privées, il laisse entendre que sa doctrine sur la justification par la foi et sur l'inutilité des bonnes oeuvres ne permet guère de maintenir une expiation des péchés. Dans la Disputatio de Leipzig avec Jean Eck, pressé par ce dernier de déclarer s'il admet encore le purgatoire, Luther répond qu'«en vérité, dans toute l'Écriture, il n'y a pas un mot à ce sujet». W., t. II, p. 324. Si on lui oppose le lie livre des Machabées, il se contente de rejeter ce texte, alléguant que les deux livres des Machabées sont par erreur dans le canon des Écritures. W., t. II, p. 324; cf. Köstlin-Kawerau, Martin Luther, t. 1, Berlin, 1903, p. 248. Il discute toutefois encore sur l'état des âmes du purgatoire, plutôt en
suggérant des doutes qu'en proposant des négations formelles. Cf. Resolutiones lutherianæ super prop. suis Lipsiæ disputatis, concl. 6, 9, W., t. II, p. 423,426. Ces hésitations s'expliquent par la nature même du débat. Déjà, de toute évidence, le purgatoire, comme les indulgences, doit être rejeté; mais, tandis qu'on peut sans crainte bafouer les indulgences si peu populaires en raison des abus qui se sont produits, il est dangereux de s'attaquer à des croyances comme le purgatoire et les prières pour les défunts, croyances si chères aux peuples chrétiens.
3. Voilà pourquoi, dans les propositions condamnées par la bulle Exsurge Domine, on ne relève que des propositions où l'existence même du purgatoire n'est pas en cause:
Prop. 3: Fomes peccati etiamsi nullum adsit actuale peccatum, moratur exeuntem a corpore animam ab ingressu cœli. La concupiscence, même lorsqu'il n'existe aucun péché actuel, retarde l'âme à sa sortie du corps, de son entrée au ciel.
Prop. 4: Imperfecta caritas morituri fert secum necessario magnum timorem, qui se solo satis est facere pœnam purgatorii et impedit introitum regni. La charité imparfaite du moribond comporte nécessairement une grande crainte qui par elle seule suffit à entraîner la peine du purgatoire et à empêcher l'entrée au ciel.
Prop. 37: Purgatorium non potest probari ex sacra Scriptura quæ sit in canone. Le purgatoire ne peut être prouvé par la sainte Écriture qui est dans le canon.
Prop. 38: Animæ in purgatorio non sunt securæ de earum salute, saltem omnes; nec probatum est ullis aut rationibus aut Scripturis, ipsas esse extra statum merendi vel augendæ caritatis. Les âmes du purgatoire ne sont pas, toutes du moins, certaines de leur salut. Ni la raison ni l'Écriture ne peut démontrer qu'elles ne sont plus en état de mériter et d'accroître leur charité.
Prop. 39: Animæ in purgatorio peccant sine intermissione, quamdiu quærunt requiem et horrent pœnas. Les âmes du purgatoire pèchent sans interruption parce qu'elles cherchent le repos et ont horreur de leurs souffrances.
Prop. 40: Animæ ex purgatorio liberatæ suffragiis viventium minus beantur, quam si per se satisfecissent. Denz-Bannw., n. 743-744; 777-780; Cavallera, n. 1460. Les âmes délivrées du purgatoire, grâce aux suffrages des vivants, sont moins heureuses que si elles avaient satisfait par elles-mêmes.
Ces propositions, Luther les reconnaît comme siennes, bien que pour l'une ou l'autre il affirme ne s'être pas encore prononcé catégoriquement. Cf. Assertio omnium articulorum ..., W., t. VII, p. 110-111, 149-150. Il est d'ailleurs facile d'en retrouver le sens et jusqu'à l'expression dans des oeuvres antérieures. Prop. 3 : Resolut. disput. de indulg. virtute, concl. 23, W., t. l, p. 572: Luther reproche aux catholiques de raisonner quasi non sint nisi peccata actualia, ac si fomes relictus nulla sit immunditia, nullum impedimentum, nullum medium, quod moratur ingressum regni. -Prop. 4: Disput. pro declaratione virtutis indulgentiarum, prop. 15, W., t. l, p. 234; Resolut. disput. de indulg. virtute, concl.14, p.554.-Prop. 37: Disput. Lipsiæ, De purgatorio, W., t. II, p. 323, 324; cf. p. 338-339. Dans les Assertiones, Luther insiste sur l'impossibilité de prouver le purgatoire par II Mac. et il ajoute que seul l'amour du lucre a causé tout ce tumulte autour du purgatoire. W., t. VII, p. 149. -Prop. 38: énoncé des thèses de la Disputatio Lipsiæ, th. IX, W., t. II, p. 161, Resolut. disput. de indulg. virtute [1518], concl. 18, 19, W., t. I; p. 562, 564; Disput. I, Lipsiæ [1519], W., t. II, p. 332-333. -Prop. 39: Resolut. disput. de indulg. virtute, concl. 18, W., t. r,p.562.-Prop.40: Disput. I, Lipsiæ, W., t. II, p. 340.
4. Au fur et à mesure que sa popularité croit, Luther prend une position de plus en plus nette. Dans le De abroganda missa(1524), il enseigne ouvertement qu'on ne se trompe pas en niant le purgatoire. W., t. VIII, p. 452. Après le séjour à la Wartbourg, il est plus audacieux encore: «Qui a fait du purgatoire un article de foi? Le pape, uniquement pour s'enrichir, lui et les siens, p?r les messes. Très peu de personnes vont en purgatoire». Kirchenpostille, W., t. x, 1re part. a, p. 585. Il accepte cependant encore qu'on prie pour les morts, mais qu'on le fasse avec prudence; «il est possible d'ailleurs que les âmes dorment d'un profond sommeil jusqu'au jugement dernier.» Dans l'incertitude où nous sommes, il faut donc dire à Dieu: «Je te prie pour cette âme. Il se peut qu'elle dorme ou qu'elle souffre. Si elle souffre, je te demande, au cas où ce serait ta divine volonté, de la soulager dans ses peines.» Du reste, quand on a prié une fois ou deux, c'est bien assez. Predigten, dans l'édition d'Erlangen, t. XVII, 2e part., p. 55. En 1528, Luther autorise encore les prières pour les morts. Vom Abendmahl Christi Bekenntniss, W., t. XXVI, p. 508. Mais il est vraisemblable que de sa part c'est une pure tactique pour que le peuple ne s'aperçoive de rien.
-1° Genèse et évolution de la pensée luthérienne. -1. Dans ses thèses du 31 octobre 1517, Luther combat les indulgences, mais non encore le purgatoire. Toutefois il parle de l'état des âmes souffrantes en des termes qui sont contraires aux données traditionnelles: il veut détruire le lien qui pourrait les unir aux
vivants. Les âmes des mourants paient toute leur dette par la mort; le droit canonique ne les atteint pas, et elles ont droit à la remise de leurs fautes, th. XIII; la conscience de leur imperfection morale et de ce qui manque à leur charité comporte une grave crainte, et à elle seule cette crainte éteint le feu du purgatoire th. XIV, XV. Toutefois, pour les âmes du purgatoire, la crainte diminuant, s'accroît la charité, th. XVII; on ne peut prouver par la raison ou l'Écriture que ces âmes soient hors d'état de mériter et d'accroître leur charité th. XVIII. Il ne paraît pas qu'elles soient certaines de leur béatitude, au moins toutes th. XIX. Peut-être même ne désirent-elles pas leur libération immédiate th. XXIX, ou IIe sér. n. 4. Disputatio pro declaratione virtutis indulgentiarum, éd. de Weimar (W.), t. 1, p. 233-234.
Les protestations surgirent de partout. Dans l'apologie publiée en allemand vers la fin de 1519, en réponse à Priérias et à Jean Eck, Luther déclare croire ferme «aux souffrances des pauvres âmes qu'on doit secourir par des prières, des jeûnes, des aumônes et d'autres oeuvres». Il ajoutait cependant ne pouvoir déterminer le genre de leur peine ni savoir si cette peine peut seule servir à la satisfaction requise. Unterricht auf etliche Artikel, W., t. II, p. 70. Cette profession de foi, d'apparence encore catholique, fait écho à la déclaration contenue dans les Resolutiones disput. de indulg. virtute, où Luther proclame sa certitude du purgatoire, concl. 15, discute longuement sur les peines, ibid., mais nie le pouvoir du pape sur ces peines et ne lui accorde (ce qu:i est d'ailleurs la thèse catholique) qu'un pouvoir per modum suffragii. Concl. 22, 25, 26, W., t. 1, p. 555, 556-558, 571,572,574.
2. Mais déjà, dans des lettres privées, il laisse entendre que sa doctrine sur la justification par la foi et sur l'inutilité des bonnes oeuvres ne permet guère de maintenir une expiation des péchés. Dans la Disputatio de Leipzig avec Jean Eck, pressé par ce dernier de déclarer s'il admet encore le purgatoire, Luther répond qu'«en vérité, dans toute l'Écriture, il n'y a pas un mot à ce sujet». W., t. II, p. 324. Si on lui oppose le lie livre des Machabées, il se contente de rejeter ce texte, alléguant que les deux livres des Machabées sont par erreur dans le canon des Écritures. W., t. II, p. 324; cf. Köstlin-Kawerau, Martin Luther, t. 1, Berlin, 1903, p. 248. Il discute toutefois encore sur l'état des âmes du purgatoire, plutôt en
suggérant des doutes qu'en proposant des négations formelles. Cf. Resolutiones lutherianæ super prop. suis Lipsiæ disputatis, concl. 6, 9, W., t. II, p. 423,426. Ces hésitations s'expliquent par la nature même du débat. Déjà, de toute évidence, le purgatoire, comme les indulgences, doit être rejeté; mais, tandis qu'on peut sans crainte bafouer les indulgences si peu populaires en raison des abus qui se sont produits, il est dangereux de s'attaquer à des croyances comme le purgatoire et les prières pour les défunts, croyances si chères aux peuples chrétiens.
3. Voilà pourquoi, dans les propositions condamnées par la bulle Exsurge Domine, on ne relève que des propositions où l'existence même du purgatoire n'est pas en cause:
Prop. 3: Fomes peccati etiamsi nullum adsit actuale peccatum, moratur exeuntem a corpore animam ab ingressu cœli. La concupiscence, même lorsqu'il n'existe aucun péché actuel, retarde l'âme à sa sortie du corps, de son entrée au ciel.
Prop. 4: Imperfecta caritas morituri fert secum necessario magnum timorem, qui se solo satis est facere pœnam purgatorii et impedit introitum regni. La charité imparfaite du moribond comporte nécessairement une grande crainte qui par elle seule suffit à entraîner la peine du purgatoire et à empêcher l'entrée au ciel.
Prop. 37: Purgatorium non potest probari ex sacra Scriptura quæ sit in canone. Le purgatoire ne peut être prouvé par la sainte Écriture qui est dans le canon.
Prop. 38: Animæ in purgatorio non sunt securæ de earum salute, saltem omnes; nec probatum est ullis aut rationibus aut Scripturis, ipsas esse extra statum merendi vel augendæ caritatis. Les âmes du purgatoire ne sont pas, toutes du moins, certaines de leur salut. Ni la raison ni l'Écriture ne peut démontrer qu'elles ne sont plus en état de mériter et d'accroître leur charité.
Prop. 39: Animæ in purgatorio peccant sine intermissione, quamdiu quærunt requiem et horrent pœnas. Les âmes du purgatoire pèchent sans interruption parce qu'elles cherchent le repos et ont horreur de leurs souffrances.
Prop. 40: Animæ ex purgatorio liberatæ suffragiis viventium minus beantur, quam si per se satisfecissent. Denz-Bannw., n. 743-744; 777-780; Cavallera, n. 1460. Les âmes délivrées du purgatoire, grâce aux suffrages des vivants, sont moins heureuses que si elles avaient satisfait par elles-mêmes.
Ces propositions, Luther les reconnaît comme siennes, bien que pour l'une ou l'autre il affirme ne s'être pas encore prononcé catégoriquement. Cf. Assertio omnium articulorum ..., W., t. VII, p. 110-111, 149-150. Il est d'ailleurs facile d'en retrouver le sens et jusqu'à l'expression dans des oeuvres antérieures. Prop. 3 : Resolut. disput. de indulg. virtute, concl. 23, W., t. l, p. 572: Luther reproche aux catholiques de raisonner quasi non sint nisi peccata actualia, ac si fomes relictus nulla sit immunditia, nullum impedimentum, nullum medium, quod moratur ingressum regni. -Prop. 4: Disput. pro declaratione virtutis indulgentiarum, prop. 15, W., t. l, p. 234; Resolut. disput. de indulg. virtute, concl.14, p.554.-Prop. 37: Disput. Lipsiæ, De purgatorio, W., t. II, p. 323, 324; cf. p. 338-339. Dans les Assertiones, Luther insiste sur l'impossibilité de prouver le purgatoire par II Mac. et il ajoute que seul l'amour du lucre a causé tout ce tumulte autour du purgatoire. W., t. VII, p. 149. -Prop. 38: énoncé des thèses de la Disputatio Lipsiæ, th. IX, W., t. II, p. 161, Resolut. disput. de indulg. virtute [1518], concl. 18, 19, W., t. I; p. 562, 564; Disput. I, Lipsiæ [1519], W., t. II, p. 332-333. -Prop. 39: Resolut. disput. de indulg. virtute, concl. 18, W., t. r,p.562.-Prop.40: Disput. I, Lipsiæ, W., t. II, p. 340.
4. Au fur et à mesure que sa popularité croit, Luther prend une position de plus en plus nette. Dans le De abroganda missa(1524), il enseigne ouvertement qu'on ne se trompe pas en niant le purgatoire. W., t. VIII, p. 452. Après le séjour à la Wartbourg, il est plus audacieux encore: «Qui a fait du purgatoire un article de foi? Le pape, uniquement pour s'enrichir, lui et les siens, p?r les messes. Très peu de personnes vont en purgatoire». Kirchenpostille, W., t. x, 1re part. a, p. 585. Il accepte cependant encore qu'on prie pour les morts, mais qu'on le fasse avec prudence; «il est possible d'ailleurs que les âmes dorment d'un profond sommeil jusqu'au jugement dernier.» Dans l'incertitude où nous sommes, il faut donc dire à Dieu: «Je te prie pour cette âme. Il se peut qu'elle dorme ou qu'elle souffre. Si elle souffre, je te demande, au cas où ce serait ta divine volonté, de la soulager dans ses peines.» Du reste, quand on a prié une fois ou deux, c'est bien assez. Predigten, dans l'édition d'Erlangen, t. XVII, 2e part., p. 55. En 1528, Luther autorise encore les prières pour les morts. Vom Abendmahl Christi Bekenntniss, W., t. XXVI, p. 508. Mais il est vraisemblable que de sa part c'est une pure tactique pour que le peuple ne s'aperçoive de rien.
Re: Théologie du Purgatoire
5. C'est en 1530 que Luther laisse enfin éclater ses sentiments véritables. La question du purgatoire avait été passée prudemment sous silence dans la Confession d'Augsbourg, que Mélanchthon avait rédigée dans le sens du parti de la conciliation, Luther proteste avec véhémence. Epist. ad Melanchthonem, 26 août 1530; éd. De Wette, t. IV, p. 156. Et immédiatement il envoie aux ecclésiastiques de l'assemblée d'Augsbourg un Avertissement où se trouve violemment condamné le principe même de la satisfaction pour les pécheurs: «Dire: Il faut que tu satisfasses pour tes péchés, c'est dire: Il faut que tu renies le Christ, que tu rétractes ton baptême, que tu blasphèmes l'Évangile, que tu accuses Dieu de mensonge, que tu ne croies pas à la rémission des péchés, que tu foules aux pieds le sang et la mort du Christ, que tu violes le Saint-Esprit, que tu montes au ciel par tes propres moyens... Qu'est-ce que cette foi, sinon la foi des Turcs, des païens et des Juifs? Eux aussi voulaient satisfaire par leurs oeuvres. Toutes les abominations sont sorties de là : messes, purgatoire, offices des morts, confréries, indulgences, etc.» Vermahnung an die Geistlichen versammelt auf dem Reichstage zu Augsburg, W., t. XXX, 2e part., p. 289-290. C'est alors que parait le premier écrit dirigé directement contre le purgatoire: Widerruf vom Fegfeuer, W., t. XXX, 2e part., p. 367 sq. C'est une longue diatribe contre la thèse catholique de l'existence du purgatoire, contre les preuves scripturaires qu'on a coutume d'apporter et contre les marchandages que cette doctrine introduit dans la religion. Le Dieu Mammon fait de la Bible tout ce qu'il veut!
6. Les articles de Smalkalde établissent définitivement la doctrine toute négative de Luther. Négation de l'utilité des satisfactions pour soi-même ou pour autrui. Part. III, a. 3, De pænitentia, dans J.-T. Müller, Die symbolische Bücher, Gütersloh,1912, p. 315, n. 20. C'est en partant du principe de la satisfaction qu'on a «relégué» pour le purgatoire ce qui pouvait être encore à désirer dans la satisfaction faite ici-bas. Ibid., n. 21. C'est donc un comble d'abomination de prétendre que la messe, même offerte par un vaurien sans foi ni loi, puisse délivrer l'homme de ses péchés dans cette vie ou au purgatoire. Donc encore superstitions que les messes de vigiles, d'obsèques, de septième, de trentième jour, d'anniversaire, ainsi que le jour des défunts: le purgatoire et toutes les solennités qui s'y rapportent ne sont qu'un masque du diable (mera diaboli larva). Tout cela constitue «une contradiction avec le premier article qui enseigne que la libération des âmes est dans le Christ seul et non dans les oeuvres des hommes. De plus, au sujet des morts, rien ne nous a été commandé par Dieu. Donc toutes ces pratiques, même s'il ne s'y mêlait rien d'erroné ou d'idolâtrique, pourraient être omises.» Part. II, a. 2, De missa, op. cit., p. 303, n. 12. Sans doute on objecte l'autorité d'Augustin au sujet de sa mère Monique. Mais Augustin n'a rien enseigné; il rapporte simplement une recommandation de sa mère: simple dévotion particulière. Ibid., n. 14. Tout ce qu'on fait pour les défunts n'est qu'une invention humaine, comme le culte des reliques. Il faut s'en tenir à la règle de foi contre laquelle même un ange ne saurait prévaloir. Quant aux prétendues apparitions, ce sont d'éhontés mensonges et des contes. Ibid., n. 16,17. Désormais, Luther ne parlera plus du purgatoire que pour le tourner en dérision. Il se moquera du pape, qui à prix d'argent vend les messes, les vigiles, les indulgences en faveur d'âmes du purgatoire qu'il ne connaît pas. Part. III, a. 3, De pænitentia, p. 316, n. 26-27. De ces moqueries les Tischreden (Propos de table) sont remplis. Cf. W. (éd. des Tischreden), t. II, n. 1873; t. III, n. 3695; t. IV, n. 4449, 4819; t. v, n. 5316, 5989, 6022, 6033, 6200, 6427; t. VI, n. 6845.
2° Mélanchthon. -Les peines dues au péché échappent, dit Mélanchthon, au pouvoir des clefs. Loci communes (2a ætas), De satisfactione, dans Corp. reform., t.,XXI, col. 49. En conséquence, pas d'indulgences ou de suffrages possibles. Ailleurs, dans le chapitre sur le sacrifice de la messe, il esquisse la théorie sur laquelle roulera toute la doctrine de la Défense de la Confession d'Augsbourg: le sacrifice ne peut être appliqué à autrui, mais on peut prier pour autrui. Ibid., col. 485.
Ainsi donc, Mélanchthon ne niera pas expressément le purgatoire; dans la Confession d'Augsbourg, il passe sous silence cette question. Dans la Défense, il l'aborde à plusieurs reprises, dans le Sens indiqué par les Loci. Le principe de la justification par la foi seule commande toutes les déductions. C'est faire injure à la réparation offerte par le Christ que supposer encore nécessaire une satisfaction de notre part. Apologia, a. 6, De confessione et satisfactione, dans J.-T. Müller, Symbolische Bücher, p. 200, n. 77. Les catholiques ont transporté dans l'autre vie cette idée d'une satisfaction humaine. Le facile dignos fructus pænitentiæ équivaut pour eux à: «Souffrez les peines du purgatoire dans l'autre vie.» Ibid., p. 192, n. 39,40; cf. p. 189, n. 25. Pour légitimer cette conclusion, il faudrait montrer que les peines éternelles ne sont remises qu'à la condition d'une compensation de peines temporaires au purgatoire, ce que n'enseigne pas l'Écriture. Ibid., p. 200, n. 77. Et voici qu'ils veulent racheter les satisfactions dues par les défunts avec les indulgences et le sacrifice de la messe! Apologia, a. 12 (5), De pænitentia, p. 169, n. 15. Or, d'une part, c'est mal comprendre les indulgences que de leur attribuer de l'efficacité pour délivrer les âmes du purgatoire. Ibid., a. 6, De confessione et satisfactione, p. 262, n. 78; cf. p. 170, n. 26. D'autre part, les papes ont transféré l'application des messes aux âmes du purgatoire, a. 24 (12), De missa, p. 262, n. 64, délivrant ainsi ces âmes des peines du purgatoire par la simple application d'une messe, qui aux vivants même ne saurait profiter sans la foi!
La doctrine positive de Mélanchthon est exposée, dans la même Apologia, dans l'a. 24 (12) sur la messe. La messe ne confère pas la grâce ex opere operato; si elle est appliquée aux vivants et aux défunts, elle ne mérite ex opere operato aucune rémission des péchés, coulpe ou peine.. Ce qu'elle fait, c'est vaincre par la foi les terreurs du péché et de la mort.
P. 250, n. 11.
S'il en est ainsi, il est inutile de célébrer la messe pour les défunts et d'admettre un purgatoire. Ibid., p. 268, n. 90. Sans doute, il faut croire que la cène du Seigneur a été instituée pour la rémission des péchés, et c'est de véritables péchés qu'il s'agit. Et pourtant la messe n'offre pas une satisfaction pour le péché, car elle deviendrait ainsi l'égale de la mort du Christ: la rémission de toute faute ne peut s'obtenir que par la foi; la messe n'est donc pas une satisfaction, mais une promesse, un signe sacré (sacramentum) qui requiert la foi. En appliquant les messes aux défunts, on va donc contre l'Écriture. N. 92. Le canon de la messe grecque «applique» la messe aussi bien aux. saints du ciel qu'aux défunts; donc il ne s'agit pas de satisfaction à offrir à Dieu; c'est une simple mémoire, une action de grâces. Id., p. 269, n. 93. Quand les catholiques allèguent les témoignages des anciens Pères sur l'offrande du sacrifice (oblatio), il ne s'agit en réalité que de prières pour les défunts, et nous-mêmes ne les interdisons pas (scimus veteres loqui de oratiane pro mortuis, quam nos non prohibemus); mais nous rejetons absolument (improbamus) une application de la cène du Seigneur pour les morts, ex opere operato. J.-'T. Müller, op. cit., p. 269, n.94. Si Aérius a été condamné, c'est qu'il refusait de prier pour les morts, et ce n'est. pas pour avoir nié que la messe constituât un sacrifice pour les vivants et pour les morts. Ibid., p. 269, n. 96. Et Mélanchthon de conclure que la doctrine catholique concernant la rémission des péchés par un sacrifice extérieur est une doctrine renouvelée du judaïsme ou même du paganisme. Ibid., n. 97-98. À noter que, dans son commentaire sur la I Cor., III, 13-15, Mélanchthon entend «le feu» des tentations de la vie présente. Opera, dans Corp. Reform., t. XV, p. 1068
6. Les articles de Smalkalde établissent définitivement la doctrine toute négative de Luther. Négation de l'utilité des satisfactions pour soi-même ou pour autrui. Part. III, a. 3, De pænitentia, dans J.-T. Müller, Die symbolische Bücher, Gütersloh,1912, p. 315, n. 20. C'est en partant du principe de la satisfaction qu'on a «relégué» pour le purgatoire ce qui pouvait être encore à désirer dans la satisfaction faite ici-bas. Ibid., n. 21. C'est donc un comble d'abomination de prétendre que la messe, même offerte par un vaurien sans foi ni loi, puisse délivrer l'homme de ses péchés dans cette vie ou au purgatoire. Donc encore superstitions que les messes de vigiles, d'obsèques, de septième, de trentième jour, d'anniversaire, ainsi que le jour des défunts: le purgatoire et toutes les solennités qui s'y rapportent ne sont qu'un masque du diable (mera diaboli larva). Tout cela constitue «une contradiction avec le premier article qui enseigne que la libération des âmes est dans le Christ seul et non dans les oeuvres des hommes. De plus, au sujet des morts, rien ne nous a été commandé par Dieu. Donc toutes ces pratiques, même s'il ne s'y mêlait rien d'erroné ou d'idolâtrique, pourraient être omises.» Part. II, a. 2, De missa, op. cit., p. 303, n. 12. Sans doute on objecte l'autorité d'Augustin au sujet de sa mère Monique. Mais Augustin n'a rien enseigné; il rapporte simplement une recommandation de sa mère: simple dévotion particulière. Ibid., n. 14. Tout ce qu'on fait pour les défunts n'est qu'une invention humaine, comme le culte des reliques. Il faut s'en tenir à la règle de foi contre laquelle même un ange ne saurait prévaloir. Quant aux prétendues apparitions, ce sont d'éhontés mensonges et des contes. Ibid., n. 16,17. Désormais, Luther ne parlera plus du purgatoire que pour le tourner en dérision. Il se moquera du pape, qui à prix d'argent vend les messes, les vigiles, les indulgences en faveur d'âmes du purgatoire qu'il ne connaît pas. Part. III, a. 3, De pænitentia, p. 316, n. 26-27. De ces moqueries les Tischreden (Propos de table) sont remplis. Cf. W. (éd. des Tischreden), t. II, n. 1873; t. III, n. 3695; t. IV, n. 4449, 4819; t. v, n. 5316, 5989, 6022, 6033, 6200, 6427; t. VI, n. 6845.
2° Mélanchthon. -Les peines dues au péché échappent, dit Mélanchthon, au pouvoir des clefs. Loci communes (2a ætas), De satisfactione, dans Corp. reform., t.,XXI, col. 49. En conséquence, pas d'indulgences ou de suffrages possibles. Ailleurs, dans le chapitre sur le sacrifice de la messe, il esquisse la théorie sur laquelle roulera toute la doctrine de la Défense de la Confession d'Augsbourg: le sacrifice ne peut être appliqué à autrui, mais on peut prier pour autrui. Ibid., col. 485.
Ainsi donc, Mélanchthon ne niera pas expressément le purgatoire; dans la Confession d'Augsbourg, il passe sous silence cette question. Dans la Défense, il l'aborde à plusieurs reprises, dans le Sens indiqué par les Loci. Le principe de la justification par la foi seule commande toutes les déductions. C'est faire injure à la réparation offerte par le Christ que supposer encore nécessaire une satisfaction de notre part. Apologia, a. 6, De confessione et satisfactione, dans J.-T. Müller, Symbolische Bücher, p. 200, n. 77. Les catholiques ont transporté dans l'autre vie cette idée d'une satisfaction humaine. Le facile dignos fructus pænitentiæ équivaut pour eux à: «Souffrez les peines du purgatoire dans l'autre vie.» Ibid., p. 192, n. 39,40; cf. p. 189, n. 25. Pour légitimer cette conclusion, il faudrait montrer que les peines éternelles ne sont remises qu'à la condition d'une compensation de peines temporaires au purgatoire, ce que n'enseigne pas l'Écriture. Ibid., p. 200, n. 77. Et voici qu'ils veulent racheter les satisfactions dues par les défunts avec les indulgences et le sacrifice de la messe! Apologia, a. 12 (5), De pænitentia, p. 169, n. 15. Or, d'une part, c'est mal comprendre les indulgences que de leur attribuer de l'efficacité pour délivrer les âmes du purgatoire. Ibid., a. 6, De confessione et satisfactione, p. 262, n. 78; cf. p. 170, n. 26. D'autre part, les papes ont transféré l'application des messes aux âmes du purgatoire, a. 24 (12), De missa, p. 262, n. 64, délivrant ainsi ces âmes des peines du purgatoire par la simple application d'une messe, qui aux vivants même ne saurait profiter sans la foi!
La doctrine positive de Mélanchthon est exposée, dans la même Apologia, dans l'a. 24 (12) sur la messe. La messe ne confère pas la grâce ex opere operato; si elle est appliquée aux vivants et aux défunts, elle ne mérite ex opere operato aucune rémission des péchés, coulpe ou peine.. Ce qu'elle fait, c'est vaincre par la foi les terreurs du péché et de la mort.
P. 250, n. 11.
S'il en est ainsi, il est inutile de célébrer la messe pour les défunts et d'admettre un purgatoire. Ibid., p. 268, n. 90. Sans doute, il faut croire que la cène du Seigneur a été instituée pour la rémission des péchés, et c'est de véritables péchés qu'il s'agit. Et pourtant la messe n'offre pas une satisfaction pour le péché, car elle deviendrait ainsi l'égale de la mort du Christ: la rémission de toute faute ne peut s'obtenir que par la foi; la messe n'est donc pas une satisfaction, mais une promesse, un signe sacré (sacramentum) qui requiert la foi. En appliquant les messes aux défunts, on va donc contre l'Écriture. N. 92. Le canon de la messe grecque «applique» la messe aussi bien aux. saints du ciel qu'aux défunts; donc il ne s'agit pas de satisfaction à offrir à Dieu; c'est une simple mémoire, une action de grâces. Id., p. 269, n. 93. Quand les catholiques allèguent les témoignages des anciens Pères sur l'offrande du sacrifice (oblatio), il ne s'agit en réalité que de prières pour les défunts, et nous-mêmes ne les interdisons pas (scimus veteres loqui de oratiane pro mortuis, quam nos non prohibemus); mais nous rejetons absolument (improbamus) une application de la cène du Seigneur pour les morts, ex opere operato. J.-'T. Müller, op. cit., p. 269, n.94. Si Aérius a été condamné, c'est qu'il refusait de prier pour les morts, et ce n'est. pas pour avoir nié que la messe constituât un sacrifice pour les vivants et pour les morts. Ibid., p. 269, n. 96. Et Mélanchthon de conclure que la doctrine catholique concernant la rémission des péchés par un sacrifice extérieur est une doctrine renouvelée du judaïsme ou même du paganisme. Ibid., n. 97-98. À noter que, dans son commentaire sur la I Cor., III, 13-15, Mélanchthon entend «le feu» des tentations de la vie présente. Opera, dans Corp. Reform., t. XV, p. 1068
Re: Théologie du Purgatoire
3° Calvin. - Calvin n'a jamais eu les «ménagements» de Luther ou de Mélanchthon. Après avoir tonné contre les indulgences, il fond vigoureusement sur le purgatoire: «Maintenant, pareillement qu'ils ne nous rompent plus la tête du purgatoire, lequel est par ceste coignee coupé, abattu et renverse iusques à la racine. Car ie n'approuve point l'opinion d'aucuns (sans doute fait-il allusion à la Confession d'Augsbourg) qui pensent qu'on doive dissimuler ce poinct et se garder de faire mention du purgatoire, dont grandes noises, comme ils disent, s'esmeuvent et peu d'edification en vient. Certes, ie seroye bien aussi d'advis qu'on laissast tels fatras derriere, s'ils ne tiroyent grande consequence après eux: mais veu que le purgatoire est construit de plusieurs blasphèmes et est de iour en iour appuyé encore de plus grans, et suscite de grans scandales, il n'est pas mestier de dissimuler. Cela possible se pouvoit dissimuler pour un temps, qu'il a esté inventé sans la parolle de Dieu, voire avec folle et audacieuse témérité inventé; qu'il a esté reçeu par revelations ie ne say quelles, forgées de l'astuce de Satan; que pour la confirmer on a meschamment corrompu aucuns lieux de l'Escriture ... » Et relevant que le purgatoire n'est pas autre chose, «sinon une peine que souffrent les âmes des trépassez en satisfaction de leurs pechez», il conclut qu'une telle conception est un blasphème contre la satisfaction offerte par le Christ. Institution chrétienne, l. III, c. V, n. 6, Œuvres, t. IV (Corp. Reform., XXXII), col. 168.
Quant aux témoignages des Écritures, Calvin les repousse. Les papiste invoquent Matth., XII, 32; Marc., III, 28; Luc., XII, 10: «Je demande s'il n'est pas évident que le Seigneur parle là de la coulpe du péché.» Donc le purgatoire est inutile pour expliquer ces textes. Mais Calvin veut «bailler une solution plus claire». Voulant montrer comme un péché ne peut être remis ni en ce monde ni en l'autre, il explique que Jésus-Christ a en vue deux jugements: «Pour ce que le Seigneur voulait oster toute esperance de recevoir pardon d'un crime tant exécrable, il n'a pas esté content de dire qu'il ne serait iamais remis; mais pour amplifier il a usé de cette division, mettant d'une part le iugement que la conscience d'un chacun sent en la vie présente et d'autre part le iugement dernier qui sera publié au jour de la résurrection.» Donc aucun pardon, ni maintenant, ni au dernier jour, tel est le sens exact des textes. Ibid., col. 168-169. Les enfers dont il est question dans Phil., II, 10, ce n'est pas le purgatoire: ce texte exprime simplement la seigneurie souveraine du Christ en tous lieux. Ibid., col. 169-170. Reste II Mac, XII, 39-46. Calvin explique le but de Judas Macchabée faisant prier pour les morts. Ce but concerne les vivants, afin de leur donner estime pour ceux qui étaient tombés, «pour que ceux au nom desquels il offrait fussent accompagnez aux fidèles qui restaient morts pour maintenir la vraye religion». Ibid., col. 171. Mais, à coup sûr, le zèle de Judas Macchabée était «inconsidéré», Ibid.
Enfin, il attaque la «forteresse invincible», I Cor., III, 12-15. Mais le feu dont il est question ici n'est que «croix et tribulation, par laquelle le Seigneur examine les siens pour les purifier de toutes ordures». Ibid. Et, de fait, cela est beaucoup plus vrai que d'imaginer un purgatoire. Le «feu» est donc une métaphore, tout comme l'or, l'argent, les pierres précieuses. Le «jour du Seigneur» n'est pas autre chose que sa présence qui se révèle à chaque tribulation. Le «fondement» sur lequel se bâtit l'édifice, ce sont les principaux et nécessaires articles de la foi. Ceux qui édifient avec du bois, de la paille, du foin, ce sont ceux qui s'abusent en d'autres choses: leur ouvrage périra. «Parquoy, conclut Calvin, tous ceux qui ont contaminé la sacrée pureté des Escritures par ceste fiente et ordure du purgatoire, il faut qu'ils laissent perir l'ouvrage.» Ibid., col. 173.
Le plus difficile est de réfuter l'argument tiré de la tradition, c'est-à-dire de la pratique de prier pour les morts. Sans doute, avoue Calvin, cette coutume est «desià introduite devant treze cens ans, ... mais ie leur demanderay selon quelle parolle de Dieu, et par quelle revelation, et suyvant quel exemple cela a esté faict». Ibid., col. 174. Or il n'y a rien dans l'Écriture qui autorise la prière pour les défunts; cette pratique est donc une illusion introduite par Satan, ou un emprunt aux coutumes simplement humaines ou païennes. «L'Escriture donne une bien meilleure consolation, en prononçant que ceux qui sont morts en Nostre Seigneur sont bien heureux, ajoutant la raison qu'ils se reposent de leur peine (Apoc., XIY, 13)» Sans doute, «saint Augustin au livre de ses Confessions recite que Monique sa mère pria fort à son trepas qu'on fist memoire d'elle à la communion de l'autel: mais ie dy que c'est un souhait de vieille, lequel son fils estant esmeu d'humanité n'a pas bien compassé à la règle de l'Escriture, en le voulant faire trouver bon». Ibid., col. 175. Les anciens Pères ont fait quelque mention des morts en leurs prières sobrement et peu souvent, et comme par forme d'acquit. Les «papistes» sont toujours après, préférant cette superstition à toutes oeuvres de charité. Ibid., col. 176. L'interprétation de I Cor., III, 12-15 du feu métaphorique de la tribulation se retrouve dans le commentaire de Calvin sur
cette épître. T. XLIX (Corp. reform., LXXVII), col. 537.
4° Zwingle. -Zwingle est d'accord avec Calvin pour interpréter du feu métaphorique de la tribulation I Cor., III, 12-15. Voir son commentaire, Opera vol. VI, t. II, Zurich, 1833, po 143. Mais sa doctrine concernant le purgatoire est résumée dans les thèses de 1523: th. LVII: «La vraie Écriture sainte ne connaît aucun purgatoire après cette vie»; th. LX: «Que l'homme implore avec insistance Dieu en faveur des défunts pour leur attirer sa miséricorde, je n'y vois aucun inconvénient. Mais pour cela fixer un temps et en vouloir tirer un profit, voilà qui est non pas humain, mais diabolique.» E.-F. Karl Müller, Die Bekenntnisschriften der reformierten Kirche, Leipzig, 1903, p. 6.
Les thèses de Berne, 1528 (de Kolb et Haller), s'inspirent des idées même de Zwingle. La th. VII affirme qu'il n'y a pas de purgatoire dans l'Écriture, que tous les jours consacrés au culte des défunts, vigiles, messes de funérailles, services, messes des septième et trentième jours, anniversaires, sont inutiles (vergeblich). Ibid., p. 30.
Dans la Fidei ratio de 1530, voici comment s'exprime Zwingle: Credo purgatorii ignis figmentum tam contumeliosam rem esse in gratuitam redemptionem per Christum donatam, quam lucrosa fuit auctoribus suis. Nam si suppliciis et cruciatibus scelerum nostrorum commerita eluere est necesse, jam frustra erit Christus mortuus, jam evacuatur gratia. A. 12, Ibid., p. 92.
5° Les confessions de l'Église réformée. -1. Confessio helvetica prior (1532), a. 26: Quod autem quidam tradunt de igne purgatorio, fidei christianæ: «Credo remissionem peccatorum et vitam æternam» purgationique plenæ per Christum, et Christi Domini hisce sententiis (on cite Joa., v, 24; XIII, 10) adversatur. Ibid., p.217.
2.Confessio Gallicana, a. 24 : «Finalement nous tenons le purgatoire pour une illusion procedee d'icelle mesme boutique de laquelle sont aussi procedez les vœuz monastiques, pelerinages, defenses du mariage et de l'usage des viandes, l'observation ceremonieuse des iours, la confession auriculaire, les indulgences et toutes autres telles choses, par lesquelles on pense meriter grâce et salut. Lesquelles choses nous reiettons, non seulement pour la faulse opinion du merite qui y est attachee, mais aussi parce que ce sont inventions humaines, qui imposent ioug aux consciences.» Ibid., p. 227.
3. Confession d'Erlau (1562). De purgatorio: Purgatorium omnium delictorum nostrorum est gratia Dei, sanguis Christi, Spiritus sancti sanctificatio per fidem et verbum ... Meritum gratiæ Dei et redemptionis Christi culpam et pœnam condonavit et combussit. Satisfecit perfecte pro peccatis nostris ... Impium et diabolicum figmentum est papisticum purgatorium, subterraneum ignæ æterno exæstuans ubi purgari animas impie fingunt. Caret enim Scripturæ veritate et contrarium gratiæ Dei, Christi merito est. Ignis et aqua peccata purgans et exurens, gratia Dei, meritum Christi, Spiritus sanctificatio est. (Pauli I Cor., III.) Ignem judicii et condemnationis punientis peccata, intelligit perdiem et ignem, id est tribulationem, ille ignis non purgat peccata, sed damnai impiorum peccata; est enim ignis iræ Dei. Ibid, p. 293.
Les âmes saintes vont donc au ciel. On peut citer Lazare dans le sein d'Abraham, Luc., XVI, ou encore le Cupio dissolvi et esse cum Christo, de saint Paul, Phil., I, 2. Les âmes ne vont donc pas au purgatoire, mais, comme l'écrit saint Jean dans l'Apocalypse: Beati mortui qui in Domino moriuntur ... XIV, 13. Au contraire les âmes des impies sont dans la prison, dans le lieu de tourments, sont elles-mêmes torturées sans fin. Cf. I Petr., III, 19; II Petr., II, 9. C'est ainsi que l'Écriture et les Pères ont défini le sort futur des âmes, et même Pierre Lombard enseigne que les saintes âmes attendent sous l'autel le dernier jour.
4. Confession anglicane. -Les quarante-deux articles de 1552 (les trente-neuf de 1562).
Art. 23 de 1552: Art. 22 de 1562:
Scholasticorum Doctorum romanensium
doctrina de purgatorio, de indulgentiis, de veneratione et adoratione tum imaginum, tum reliquiarum, necnon de invocatione sanctorum, res est futilis, inaniter conficta et nullis Scripturarum testimoniis innititur, imo verbo Dei pernicioce contradicit.
Ibid., p. 513.
Quant aux témoignages des Écritures, Calvin les repousse. Les papiste invoquent Matth., XII, 32; Marc., III, 28; Luc., XII, 10: «Je demande s'il n'est pas évident que le Seigneur parle là de la coulpe du péché.» Donc le purgatoire est inutile pour expliquer ces textes. Mais Calvin veut «bailler une solution plus claire». Voulant montrer comme un péché ne peut être remis ni en ce monde ni en l'autre, il explique que Jésus-Christ a en vue deux jugements: «Pour ce que le Seigneur voulait oster toute esperance de recevoir pardon d'un crime tant exécrable, il n'a pas esté content de dire qu'il ne serait iamais remis; mais pour amplifier il a usé de cette division, mettant d'une part le iugement que la conscience d'un chacun sent en la vie présente et d'autre part le iugement dernier qui sera publié au jour de la résurrection.» Donc aucun pardon, ni maintenant, ni au dernier jour, tel est le sens exact des textes. Ibid., col. 168-169. Les enfers dont il est question dans Phil., II, 10, ce n'est pas le purgatoire: ce texte exprime simplement la seigneurie souveraine du Christ en tous lieux. Ibid., col. 169-170. Reste II Mac, XII, 39-46. Calvin explique le but de Judas Macchabée faisant prier pour les morts. Ce but concerne les vivants, afin de leur donner estime pour ceux qui étaient tombés, «pour que ceux au nom desquels il offrait fussent accompagnez aux fidèles qui restaient morts pour maintenir la vraye religion». Ibid., col. 171. Mais, à coup sûr, le zèle de Judas Macchabée était «inconsidéré», Ibid.
Enfin, il attaque la «forteresse invincible», I Cor., III, 12-15. Mais le feu dont il est question ici n'est que «croix et tribulation, par laquelle le Seigneur examine les siens pour les purifier de toutes ordures». Ibid. Et, de fait, cela est beaucoup plus vrai que d'imaginer un purgatoire. Le «feu» est donc une métaphore, tout comme l'or, l'argent, les pierres précieuses. Le «jour du Seigneur» n'est pas autre chose que sa présence qui se révèle à chaque tribulation. Le «fondement» sur lequel se bâtit l'édifice, ce sont les principaux et nécessaires articles de la foi. Ceux qui édifient avec du bois, de la paille, du foin, ce sont ceux qui s'abusent en d'autres choses: leur ouvrage périra. «Parquoy, conclut Calvin, tous ceux qui ont contaminé la sacrée pureté des Escritures par ceste fiente et ordure du purgatoire, il faut qu'ils laissent perir l'ouvrage.» Ibid., col. 173.
Le plus difficile est de réfuter l'argument tiré de la tradition, c'est-à-dire de la pratique de prier pour les morts. Sans doute, avoue Calvin, cette coutume est «desià introduite devant treze cens ans, ... mais ie leur demanderay selon quelle parolle de Dieu, et par quelle revelation, et suyvant quel exemple cela a esté faict». Ibid., col. 174. Or il n'y a rien dans l'Écriture qui autorise la prière pour les défunts; cette pratique est donc une illusion introduite par Satan, ou un emprunt aux coutumes simplement humaines ou païennes. «L'Escriture donne une bien meilleure consolation, en prononçant que ceux qui sont morts en Nostre Seigneur sont bien heureux, ajoutant la raison qu'ils se reposent de leur peine (Apoc., XIY, 13)» Sans doute, «saint Augustin au livre de ses Confessions recite que Monique sa mère pria fort à son trepas qu'on fist memoire d'elle à la communion de l'autel: mais ie dy que c'est un souhait de vieille, lequel son fils estant esmeu d'humanité n'a pas bien compassé à la règle de l'Escriture, en le voulant faire trouver bon». Ibid., col. 175. Les anciens Pères ont fait quelque mention des morts en leurs prières sobrement et peu souvent, et comme par forme d'acquit. Les «papistes» sont toujours après, préférant cette superstition à toutes oeuvres de charité. Ibid., col. 176. L'interprétation de I Cor., III, 12-15 du feu métaphorique de la tribulation se retrouve dans le commentaire de Calvin sur
cette épître. T. XLIX (Corp. reform., LXXVII), col. 537.
4° Zwingle. -Zwingle est d'accord avec Calvin pour interpréter du feu métaphorique de la tribulation I Cor., III, 12-15. Voir son commentaire, Opera vol. VI, t. II, Zurich, 1833, po 143. Mais sa doctrine concernant le purgatoire est résumée dans les thèses de 1523: th. LVII: «La vraie Écriture sainte ne connaît aucun purgatoire après cette vie»; th. LX: «Que l'homme implore avec insistance Dieu en faveur des défunts pour leur attirer sa miséricorde, je n'y vois aucun inconvénient. Mais pour cela fixer un temps et en vouloir tirer un profit, voilà qui est non pas humain, mais diabolique.» E.-F. Karl Müller, Die Bekenntnisschriften der reformierten Kirche, Leipzig, 1903, p. 6.
Les thèses de Berne, 1528 (de Kolb et Haller), s'inspirent des idées même de Zwingle. La th. VII affirme qu'il n'y a pas de purgatoire dans l'Écriture, que tous les jours consacrés au culte des défunts, vigiles, messes de funérailles, services, messes des septième et trentième jours, anniversaires, sont inutiles (vergeblich). Ibid., p. 30.
Dans la Fidei ratio de 1530, voici comment s'exprime Zwingle: Credo purgatorii ignis figmentum tam contumeliosam rem esse in gratuitam redemptionem per Christum donatam, quam lucrosa fuit auctoribus suis. Nam si suppliciis et cruciatibus scelerum nostrorum commerita eluere est necesse, jam frustra erit Christus mortuus, jam evacuatur gratia. A. 12, Ibid., p. 92.
5° Les confessions de l'Église réformée. -1. Confessio helvetica prior (1532), a. 26: Quod autem quidam tradunt de igne purgatorio, fidei christianæ: «Credo remissionem peccatorum et vitam æternam» purgationique plenæ per Christum, et Christi Domini hisce sententiis (on cite Joa., v, 24; XIII, 10) adversatur. Ibid., p.217.
2.Confessio Gallicana, a. 24 : «Finalement nous tenons le purgatoire pour une illusion procedee d'icelle mesme boutique de laquelle sont aussi procedez les vœuz monastiques, pelerinages, defenses du mariage et de l'usage des viandes, l'observation ceremonieuse des iours, la confession auriculaire, les indulgences et toutes autres telles choses, par lesquelles on pense meriter grâce et salut. Lesquelles choses nous reiettons, non seulement pour la faulse opinion du merite qui y est attachee, mais aussi parce que ce sont inventions humaines, qui imposent ioug aux consciences.» Ibid., p. 227.
3. Confession d'Erlau (1562). De purgatorio: Purgatorium omnium delictorum nostrorum est gratia Dei, sanguis Christi, Spiritus sancti sanctificatio per fidem et verbum ... Meritum gratiæ Dei et redemptionis Christi culpam et pœnam condonavit et combussit. Satisfecit perfecte pro peccatis nostris ... Impium et diabolicum figmentum est papisticum purgatorium, subterraneum ignæ æterno exæstuans ubi purgari animas impie fingunt. Caret enim Scripturæ veritate et contrarium gratiæ Dei, Christi merito est. Ignis et aqua peccata purgans et exurens, gratia Dei, meritum Christi, Spiritus sanctificatio est. (Pauli I Cor., III.) Ignem judicii et condemnationis punientis peccata, intelligit perdiem et ignem, id est tribulationem, ille ignis non purgat peccata, sed damnai impiorum peccata; est enim ignis iræ Dei. Ibid, p. 293.
Les âmes saintes vont donc au ciel. On peut citer Lazare dans le sein d'Abraham, Luc., XVI, ou encore le Cupio dissolvi et esse cum Christo, de saint Paul, Phil., I, 2. Les âmes ne vont donc pas au purgatoire, mais, comme l'écrit saint Jean dans l'Apocalypse: Beati mortui qui in Domino moriuntur ... XIV, 13. Au contraire les âmes des impies sont dans la prison, dans le lieu de tourments, sont elles-mêmes torturées sans fin. Cf. I Petr., III, 19; II Petr., II, 9. C'est ainsi que l'Écriture et les Pères ont défini le sort futur des âmes, et même Pierre Lombard enseigne que les saintes âmes attendent sous l'autel le dernier jour.
4. Confession anglicane. -Les quarante-deux articles de 1552 (les trente-neuf de 1562).
Art. 23 de 1552: Art. 22 de 1562:
Scholasticorum Doctorum romanensium
doctrina de purgatorio, de indulgentiis, de veneratione et adoratione tum imaginum, tum reliquiarum, necnon de invocatione sanctorum, res est futilis, inaniter conficta et nullis Scripturarum testimoniis innititur, imo verbo Dei pernicioce contradicit.
Ibid., p. 513.
Re: Théologie du Purgatoire
II. LES RÉACTIONS DE LA THÉOLOGIE CATHOLIQUE.
-À vrai dire, toutes ces négations protestantes s'appuient sur des bases bien fragiles. L'exposé qu'on a fait plus haut de la tradition catholique montre, mieux encore que l'exégèse des textes scripturaires le plus souvent invoqués, la force et la vigueur de ce mouvement doctrinal qui part de l'idée de l'expiation en général (idée éminemment scripturaire), pour aboutir à celle de l'expiation du péché pardonné par des peines purificatrices de l'autre vie. Cette position traditionnelle sera en somme, nonobstant quelques exagérations dans l'exposé des preuves scripturaires du purgatoire, la position adoptée d'abord par les théologiens controversistes, par les conciles provinciaux, par les facultés de théologie et enfin par le concile de Trente.
1° Les théologiens catholiques contre Luther. -Un assez grand nombre de polémistes catholiques prirent part à la controverse relative au purgatoire. À la suite de K. Werner, Geschichte der apologetischen und polemischen Literatur, Schaffhouse, 1865, nous citerons: Catharin, Apologia pro veritate catholicæ et apostolicæ fidei ac doctrinæ adversus impia et valde pestifera M. Lutheri dogmata, Florence, 1520, 1. IV, p. 85 sq.; Jacques Hoogstraten, De purgatorio seu de expiatione venialium post mortem libellus, Anvers, 1525; Antonio Varani (cf. Jöcher, Lexikon, Leipzig, 1751, t. IV, p. 1444), De purgatorio (s. i.); Berthold de Chiemsee, Teutsche Theologie (s. i.), C. LXXXI-LXXXIII. On peut ajouter: Jean Faber, Responsiones duæ de antilogiis, Cologne, 1523; Malleus in hæresim Lutheri, Cologne, 1524; Fred. Grau, Contra catholicæ fidei adversarios, Mayence, 1524; J. Clichtove, Antilutherus, Paris, 1524; Vinc. Gracchari, De purgatorio et suffragiis, Venise, 1535; J. Tavernier, De purgatorio animarum, Paris, 1.551. Nous n'avons pu consulter que les quatre auteurs suivants:
1. Cajétan. -Les deux questions de Cajétan, qui forment son opuscule (XXIII) De purgatorio ont été écrites à Augsbourg, 25 septembre-17 octobre 1518. Cf. Cajétan, Saint-Maximin, 1934-1935, p. 42-43. Elles visent principalement les erreurs luthériennes de la proposition 38 condamnée par Léon X.
Au purgatoire, dit Cajétan, il ne peut plus y avoir de mérite: les âmes sont en état de satisfaire, non de mériter ou de démériter. Si, en effet, elles pouvaient encore démériter, elles seraient encore capables de se damner: ce qui est contraire à la nature même du purgatoire. De plus, ces âmes sont certaines de leur salut: n'y aurait-il, pour leur donner cette certitude, que l'enseignement de la foi qu'elles ont reçu encore sur terre, ce serait déjà suffisant. Mais elles ont de plus une parfaite connaissance de leur état par la science intuitive qu'elles possèdent d'elles-mêmes. Enfin, elles ne vivent pas dans l'horreur perpétuelle, car «elles aiment la divine justice et subissent volontiers leurs peines par soumission à cette justice».
Cajétan se pose l'objection des visions dans lesquelles certaines âmes auraient affirmé leur incertitude par rapport au salut: «La doctrine de l'Église, répond-il, ne s'appuie pas sur ces visions. L'Église ne les a pas approuvées:ce ne furent peut-être que des songes... ou des illusions diaboliques pour introduire de nouveaux dogmes.» Opuscula, Lyon, 1575, p. 116-117.
2. Priérias (Silvestre Mazolini). -Le titre exact de l'ouvrage de Priérias contre Luther est Errata et argumenta Martini Luteris recitata, detecta, repulsa et copiosissime trita, 1520. Le titre habituellement cité, De juridica et irrefragabili Ecclesiæ veritate, n'est qu'un sous-titre. Ce n'est pas au 1. III, mais au 1. II que se trouve la controverse relative au purgatoire, c. XI-XII, p. CLXI V°-CLXXXV R°. Il est inutile d'entrer dans le détail des idées et des discussions. La réfutation écrite par Priérias a servi de thème à Eck, dont l'ouvrage, plus considérable, ne fait que développer l'écrit de Priérias. Voir plus loin. Mais on trouve déjà chez celui-ci la justification du terme catholique: purgatorium et le rejet de l'expression punitorium. C. CLXXVII.
3. John Fisher. - Dans son Assertionis lutheranæ confutatio, composé en 1520, imprimé à Paris en 1523 (voir FISHER, t. v, col. 2558), l'évêque de Rochester reprend un à un chacun des quarante articles luthériens, condamnés par la bulle de Léon X. En réfutant les art. 2, 3, 4, 37, 38, 39, 40, c'est un véritable traité du purgatoire qu'a écrit John Fisher. Tout l'essentiel de la synthèse bellarminienne s'y trouve déjà. L'écrit, on le sait, est composé sous forme de dialogue entre «l'évêque» et Luther.
a) La réfutation de l'art. 2, In pueris baptizatis manere peccata, op. cit., p. XCVI, prend la théorie luthérienne à son point de départ: même chez les enfants baptisés, le péché demeure, qui leur interdit l'entrée du ciel.
b) Ainsi est rendu intelligible l'art. 3, Fomes peccati, etiamsi nullum adsit actuale peccatum, moratur exeuntem a corpore an imam ab ingressu cæli, p. CXL VI. Article contraire à la doctrine de l'Église qui enseigne que le baptême enlève tout le reatus du péché. En ceux qui sont baptisés, le fomes (la concupiscence) n'est plus un péché; il est un défaut du corps, le péché est une tache de l'âme.
c) L'art. 4 de Luther, p. CL, est reproduit tel que l'a condamné Léon X, mais Fisher y ajoute une remarque empruntée à Luther, se défendant d'avoir pu prendre position à ce sujet puisque l'Écriture ne renferme rien sur l'état des âmes saintes après la mort ni sur le purgatoire. Ce qui amène une excellente remarque de Fisher: «Si l'on doit croire au purgatoire (Luther y croyait encore) et si les saintes Écritures n'en parlent pas, c'est qu'il y a une autre source de preuves, les traditions apostoliques, la pratique de l'Église, les interprètes sacrés (les Pères), etc.» Revenant au sujet même de l'article, Fisher démontre que la charité qui anime les justes sur terre, si elle n'enlève pas la crainte de la mort, suffit cependant à chasser toute crainte relative à la damnation et à donner toute confiance par rapport au salut. P. CLIV.
d) L'art. 37 de Luther nie la possibilité de prouver le purgatoire par l'Écriture. Fisher commence par insister sur l'idée émise déjà dans sa réfutation de l'art. 4. Même si l'Écriture ne pouvait prouver le purgatoire, il y aurait bien d'autres chefs de démonstration, et il rappelle notamment la pratique de la prière pour les morts et l'enseignement formel de tant de Pères grecs et latins. Toutefois il est incroyable qu'un dogme aussi nécessaire que le purgatoire n'ait pas de fondement dans l'Écriture. Mais ce fondement ne sera mis en relief que si l'on veut bien conserver à l'Écriture le sens que lui reconnaît l'autorité souveraine de l'Église catholique. Les textes invoqués par l'évêque de Rochester sont: Matth., XII, 32; 1 Joa., v, 16 (peccatum non ad mortem); Apoc., v, 3 (subtus terram = purgatoire); Phil., II, 10. Le ps. LXVII, 19, reproduit par Eph., IV, 8, indique l'existence d'élus au ciel; Luc., XVI, 22, enseigne l'existence des réprouvés; donc, puisque rien de souillé n'entrera au ciel et qu'il faudra rendre compte de la moindre parole oiseuse au jour du jugement (Matth., XII, 36), il faut un lieu intermédiaire. Luther se moque du texte. Transivimus per ignem et aquam (ps. LXV, 12), et cependant nombre de Pères l'ont appliqué au purgatoire. Enfin on doit invoquer I Cor., III, 11-15, et l'interprétation d'ignis au sens du feu de la conflagration générale, comme le voudrait Luther, en s'appuyant sur II Thess., l, 9, et II Pet., III, 7, ne saurait être retenue. En dernier lieu, l'évêque défend la canonicité et l'autorité de II Mac., XII, 39-46, invoquant, outre l'autorité de l'Église, les témoignages de Jérôme et d'Augustin. L'évêque termine en réfutant. deux assertions luthériennes: le purgatoire n'a été inventé que par esprit de lucre; l'Église grecque n'a pas la croyance de l'Église latine. Fisher invoque ici l'existence du Memento des morts dans toutes les liturgies.
-À vrai dire, toutes ces négations protestantes s'appuient sur des bases bien fragiles. L'exposé qu'on a fait plus haut de la tradition catholique montre, mieux encore que l'exégèse des textes scripturaires le plus souvent invoqués, la force et la vigueur de ce mouvement doctrinal qui part de l'idée de l'expiation en général (idée éminemment scripturaire), pour aboutir à celle de l'expiation du péché pardonné par des peines purificatrices de l'autre vie. Cette position traditionnelle sera en somme, nonobstant quelques exagérations dans l'exposé des preuves scripturaires du purgatoire, la position adoptée d'abord par les théologiens controversistes, par les conciles provinciaux, par les facultés de théologie et enfin par le concile de Trente.
1° Les théologiens catholiques contre Luther. -Un assez grand nombre de polémistes catholiques prirent part à la controverse relative au purgatoire. À la suite de K. Werner, Geschichte der apologetischen und polemischen Literatur, Schaffhouse, 1865, nous citerons: Catharin, Apologia pro veritate catholicæ et apostolicæ fidei ac doctrinæ adversus impia et valde pestifera M. Lutheri dogmata, Florence, 1520, 1. IV, p. 85 sq.; Jacques Hoogstraten, De purgatorio seu de expiatione venialium post mortem libellus, Anvers, 1525; Antonio Varani (cf. Jöcher, Lexikon, Leipzig, 1751, t. IV, p. 1444), De purgatorio (s. i.); Berthold de Chiemsee, Teutsche Theologie (s. i.), C. LXXXI-LXXXIII. On peut ajouter: Jean Faber, Responsiones duæ de antilogiis, Cologne, 1523; Malleus in hæresim Lutheri, Cologne, 1524; Fred. Grau, Contra catholicæ fidei adversarios, Mayence, 1524; J. Clichtove, Antilutherus, Paris, 1524; Vinc. Gracchari, De purgatorio et suffragiis, Venise, 1535; J. Tavernier, De purgatorio animarum, Paris, 1.551. Nous n'avons pu consulter que les quatre auteurs suivants:
1. Cajétan. -Les deux questions de Cajétan, qui forment son opuscule (XXIII) De purgatorio ont été écrites à Augsbourg, 25 septembre-17 octobre 1518. Cf. Cajétan, Saint-Maximin, 1934-1935, p. 42-43. Elles visent principalement les erreurs luthériennes de la proposition 38 condamnée par Léon X.
Au purgatoire, dit Cajétan, il ne peut plus y avoir de mérite: les âmes sont en état de satisfaire, non de mériter ou de démériter. Si, en effet, elles pouvaient encore démériter, elles seraient encore capables de se damner: ce qui est contraire à la nature même du purgatoire. De plus, ces âmes sont certaines de leur salut: n'y aurait-il, pour leur donner cette certitude, que l'enseignement de la foi qu'elles ont reçu encore sur terre, ce serait déjà suffisant. Mais elles ont de plus une parfaite connaissance de leur état par la science intuitive qu'elles possèdent d'elles-mêmes. Enfin, elles ne vivent pas dans l'horreur perpétuelle, car «elles aiment la divine justice et subissent volontiers leurs peines par soumission à cette justice».
Cajétan se pose l'objection des visions dans lesquelles certaines âmes auraient affirmé leur incertitude par rapport au salut: «La doctrine de l'Église, répond-il, ne s'appuie pas sur ces visions. L'Église ne les a pas approuvées:ce ne furent peut-être que des songes... ou des illusions diaboliques pour introduire de nouveaux dogmes.» Opuscula, Lyon, 1575, p. 116-117.
2. Priérias (Silvestre Mazolini). -Le titre exact de l'ouvrage de Priérias contre Luther est Errata et argumenta Martini Luteris recitata, detecta, repulsa et copiosissime trita, 1520. Le titre habituellement cité, De juridica et irrefragabili Ecclesiæ veritate, n'est qu'un sous-titre. Ce n'est pas au 1. III, mais au 1. II que se trouve la controverse relative au purgatoire, c. XI-XII, p. CLXI V°-CLXXXV R°. Il est inutile d'entrer dans le détail des idées et des discussions. La réfutation écrite par Priérias a servi de thème à Eck, dont l'ouvrage, plus considérable, ne fait que développer l'écrit de Priérias. Voir plus loin. Mais on trouve déjà chez celui-ci la justification du terme catholique: purgatorium et le rejet de l'expression punitorium. C. CLXXVII.
3. John Fisher. - Dans son Assertionis lutheranæ confutatio, composé en 1520, imprimé à Paris en 1523 (voir FISHER, t. v, col. 2558), l'évêque de Rochester reprend un à un chacun des quarante articles luthériens, condamnés par la bulle de Léon X. En réfutant les art. 2, 3, 4, 37, 38, 39, 40, c'est un véritable traité du purgatoire qu'a écrit John Fisher. Tout l'essentiel de la synthèse bellarminienne s'y trouve déjà. L'écrit, on le sait, est composé sous forme de dialogue entre «l'évêque» et Luther.
a) La réfutation de l'art. 2, In pueris baptizatis manere peccata, op. cit., p. XCVI, prend la théorie luthérienne à son point de départ: même chez les enfants baptisés, le péché demeure, qui leur interdit l'entrée du ciel.
b) Ainsi est rendu intelligible l'art. 3, Fomes peccati, etiamsi nullum adsit actuale peccatum, moratur exeuntem a corpore an imam ab ingressu cæli, p. CXL VI. Article contraire à la doctrine de l'Église qui enseigne que le baptême enlève tout le reatus du péché. En ceux qui sont baptisés, le fomes (la concupiscence) n'est plus un péché; il est un défaut du corps, le péché est une tache de l'âme.
c) L'art. 4 de Luther, p. CL, est reproduit tel que l'a condamné Léon X, mais Fisher y ajoute une remarque empruntée à Luther, se défendant d'avoir pu prendre position à ce sujet puisque l'Écriture ne renferme rien sur l'état des âmes saintes après la mort ni sur le purgatoire. Ce qui amène une excellente remarque de Fisher: «Si l'on doit croire au purgatoire (Luther y croyait encore) et si les saintes Écritures n'en parlent pas, c'est qu'il y a une autre source de preuves, les traditions apostoliques, la pratique de l'Église, les interprètes sacrés (les Pères), etc.» Revenant au sujet même de l'article, Fisher démontre que la charité qui anime les justes sur terre, si elle n'enlève pas la crainte de la mort, suffit cependant à chasser toute crainte relative à la damnation et à donner toute confiance par rapport au salut. P. CLIV.
d) L'art. 37 de Luther nie la possibilité de prouver le purgatoire par l'Écriture. Fisher commence par insister sur l'idée émise déjà dans sa réfutation de l'art. 4. Même si l'Écriture ne pouvait prouver le purgatoire, il y aurait bien d'autres chefs de démonstration, et il rappelle notamment la pratique de la prière pour les morts et l'enseignement formel de tant de Pères grecs et latins. Toutefois il est incroyable qu'un dogme aussi nécessaire que le purgatoire n'ait pas de fondement dans l'Écriture. Mais ce fondement ne sera mis en relief que si l'on veut bien conserver à l'Écriture le sens que lui reconnaît l'autorité souveraine de l'Église catholique. Les textes invoqués par l'évêque de Rochester sont: Matth., XII, 32; 1 Joa., v, 16 (peccatum non ad mortem); Apoc., v, 3 (subtus terram = purgatoire); Phil., II, 10. Le ps. LXVII, 19, reproduit par Eph., IV, 8, indique l'existence d'élus au ciel; Luc., XVI, 22, enseigne l'existence des réprouvés; donc, puisque rien de souillé n'entrera au ciel et qu'il faudra rendre compte de la moindre parole oiseuse au jour du jugement (Matth., XII, 36), il faut un lieu intermédiaire. Luther se moque du texte. Transivimus per ignem et aquam (ps. LXV, 12), et cependant nombre de Pères l'ont appliqué au purgatoire. Enfin on doit invoquer I Cor., III, 11-15, et l'interprétation d'ignis au sens du feu de la conflagration générale, comme le voudrait Luther, en s'appuyant sur II Thess., l, 9, et II Pet., III, 7, ne saurait être retenue. En dernier lieu, l'évêque défend la canonicité et l'autorité de II Mac., XII, 39-46, invoquant, outre l'autorité de l'Église, les témoignages de Jérôme et d'Augustin. L'évêque termine en réfutant. deux assertions luthériennes: le purgatoire n'a été inventé que par esprit de lucre; l'Église grecque n'a pas la croyance de l'Église latine. Fisher invoque ici l'existence du Memento des morts dans toutes les liturgies.
Re: Théologie du Purgatoire
Finalement Luther est convaincu et obligé d'admettre le purgatoire, mais il prétend qu'on ne doit imposer cette croyance à personne. L'évêque déclare qu'ici il est nécessaire de contraindre (cf. Luc., XIV, 23), et incidemment s'intercale tout un paragraphe sur l'autorité doctrinale de saint Thomas d'Aquin. La conclusion de ce long chapitre est que le point de départ des erreurs de Luther est sa fausse conception d'un purgatoire qui serait une sorte d'enfer, moins l'éternité, et dans lequel, comme en enfer, règnent le trouble, la crainte, l'horreur, le désir de fuir. P. D.
e) L'article suivant: animæ non sunt securæ ..., etc., remarque Fisher, comporte deux parties. Sur le premier point, l'évêque montre que les âmes sont. toutes certaines de leur salut; elles ont fait, avant la mort, une, pénitence suffisante et à elles s'applique le texte de Luc., XV, 7, 10. Elles souffrent, mais elles aiment leur souffrance en ce que cette souffrance
est, pour elles, la condition de leur bonheur futur, et la certitude de leur salut leur apporte une immense consolation. Sur le second point, nec probatum est... ipsas esse extra statum merendi vel augendæ caritatis, Fisher fait une dissertation remarquable sur la mort, terme de la vie: le temps de l'épreuve, de l'opération, du mérite est la vie présente. Il invoque, Joa., IX, 4; Eccl., IX, .10; Gal., VI, 9; 1 Cor., VI, 2; II Cor., v, 10, et, parmi les Pères, Augustin, Jérôme, Chrysostome, Origène. P. DCXXXVII-DCXXXIX.
Mais ce n'est pas assez de dire que le purgatoire est un lieu de pénalité; c'est un lieu de purification, non punitorium, sed purgatorium. P. DCXLII.
f) L'art. 39, animæ in purgatorio peccant sine intermissione, etc., est aussi une injure à la doctrine catholique. Les âmes du purgatoires ne pèchent pas: certes elles désirent le repos, mais elles ne prennent pas en haine leurs peines. Saint Paul encore en vie exprimait le désir de quitter cette vie pour être uni au Christ, Phil., I, 23; ainsi les âmes désirent quitter le purgatoire pour régner avec le Christ. En cela aucune faute. Elles possèdent la charité; or la charité est patiente et supporte tout. I Cor., XIII, 7. Les âmes supportent donc patiemment leurs peines. Et d'ailleurs, si elles péchaient, ce ne pourrait être que mortellement, et elles deviendraient ainsi dignes de l'enfer, p. DCXLVII, puisque aucun remède au péché ne pourrait plus leur être appliqué. Donc il faut maintenir qu'au purgatoire il n'y a plus ni péché, ni mérite Possible; plus de vice nouveau, plus de nouvelle vertu.
g) L'art. 40 peut présenter deux sens différents. La finale, quam si per se satisfecissent, pourrait se rapporter aux satisfactions qu'elles auraient pu offrir au cours de la vie présente. Et, en ce cas, la proposition ne mérite aucune note, car il est exact qu'en satisfaisant en cette vie pour leurs fautes les pécheurs font œuvre plus efficace que la peine du purgatoire ne le saurait être. Mais, si l'on rapporte cette finale aux peines du purgatoire, comme si les âmes délivrées par les suffrages des vivants étaient ensuite moins heureuses qu'elles ne l'auraient été en achevant leur purification d'outre-tombe, la proposition devient erronée, car ces souffrances purificatrices ne leur font acquérir aucun mérite, aucun droit à récompense: nihil omnino mercedis lucratur (pœna) maculas tantum expiasse contenta. P. DCXLIX.
4. Jean Eck. -Le célèbre controversiste de la dispute de Leipzig ne pouvait laisser dans l'ombre la question du purgatoire. Eck s'est attaché à réfuter les erreurs de Luther sur ce point en deux écrits, dont le premier, daté de 1523, s'attaque aux premières erreurs, encore louvoyantes, de l'hérésiarque; le second, paru en 1530, visant plus spécialement le traité Widerruf vom Fegfeuer. Les deux écrits d'Eck sont contenus dans Operum Johannis Eckii secunda pars, 1531, p. XLII r°-LXXXII v°; LXXXIII r°-XCVI.
a) Le De purgatorio est divisé en quatre livres; il faut regretter que ce traité soit si peu connu: il a servi de modèle à la synthèse de Bellarmin, lequel a trouvé dans l'œuvre de son devancier un modèle déjà presque parfait. En voici l'analyse:
L. I. L'existence du purgatoire. -L'auteur expose d'abord son dessein de combattre les erreurs luthériennes. C. I. L'existence du purgatoire, quoi qu'en dise Luther, peut se démontrer par l'Écriture, principalement par I Cor., III, 11-15. C, II. L'interprétation de ce texte, appuyée sur les autorités d'Ambroise, de Jérôme, d'Augustin, de Grégoire, montre qu'il s'agit bien du feu du purgatoire, c. III-V, et qu'en conséquence on ne saurait admettre l'exégèse de Luther, qui voit ici le feu de la conflagration et, dans le jour du Seigneur, la simple tribulation. C. VI. Mais d'autres textes peuvent être invoqués, notamment Matth., v, 26 (c. VII); Matth., XII, 32 (c, IX), sans qu'on doive s'arrêter aux subterfuges de Luther et de Mélanchthon sur ces textes. C. VIII. Luther met en cause, à propos de II Mac., XII, l'autorité même de ce livre; Eck
montre que cette autorité est intacte et que le livre est canonique. C. X. Enfin viennent d'autres textes empruntés aux psaumes, LXV, 12; XVI, 3; XXV, 6, et à l'épître de Pierre, I Petr., l, 7. C. XI, Cette démonstration permet à Eck de conclure que l'existence du purgatoire est un dogme de la foi et que la négation du purgatoire est une véritable hérésie. Ainsi en a jugé saint Thomas d'Aquin, dans son opuscule Contra errores Græcorum; ainsi en a décidé l'Église elle-même au concile de Florence. C. XII.
L. II. Les âmes du purgatoire sont certaines de leur salut. -L'Apocalypse le témoigne en apportant à l'Agneau les louanges de toutes créatures, même de celles qui sont sub terra, Apoc., v, 3, 13. On trouve ici réunis les saints du ciel, in cælo, les saints de la terre, in terra et les âmes du purgatoire, sub terra. C. 1. Ces âmes louent le Seigneur et ont donc la certitude d'être en purgatoire et non en enfer, c. II; elles sont assurées, de leur salut: c'est d'elles que le canon de la messe dit qu'elles reposent dan$ le Christ ou encore qu'elles dorment dans le sommeil de la paix. C. III; Ces expressions fournissent à Eck l'occasion de montrer en quoi consiste le repos dans le Christ pour les âmes du purgatoire et comment, nonobstant ce repos, nous devons encore pour elles demander à Dieu le repos éternel. C. IV. Vraiment, en attribuant aux âmes du purgatoire l'incertitude de leur salut, Luther s'éloigne de la doctrine catholique; son enseignement est suspect, et il laisse périr les suffrages pour les défunts. C. V. Il est très certain que les âmes sont en purgatoire assurées de leur salut: le dogme du jugement particulier fonde cette vérité, c. VI, et il est non moins certain que le secours de nos suffrages ne prive pas ces saintes âmes d'un degré de gloire qu'elles auraient obtenu par leurs souffrances prolongées. C. VII. En vérité Luther est plein de contradictions. et son enseignement mérite condamnation. C. VIII.
L. III. Le purgatoire ne comporte pas cet état peccamineux que Luther attribue aux âmes souffrantes. -Luther rend le purgatoire en quelque sorte pire que l'enfer: il nous y montre les âmes pleines d'horreur, d'angoisse, de désespoir. Pour reprendre son système au point de départ, il faut dire que la crainte de la mort n'implique pas nécessairement une charité imparfaite qui engendre à elle seule la peine du purgatoire. C. I. Le juste peut craindre la mort, tout comme le pécheur peut aimer la vie plus que Dieu. C. II. L'imperfection de la charité ne doit pas être mesurée aux restes des péchés. C. III. Et Luther, à son point de départ, commet une double erreur: tout d'abord en affirmant qu'en l'homme régénéré les restes du péché d'Adam empêchent la charité, ensuite en enseignant que, même après le baptême, le péché subsiste encore dans l'âme. C. IV.
Toutes les mauvaises raisons accumulées par Luther, c. V-VI, doivent céder devant cette constatation: Luther affirme que les âmes du purgatoire seraient dans le trouble et l'angoisse en raison d'une foi et d'une charité imparfaites. Or, ces âmes ont pleine connaissance de leur état; elles ont pleine confiance en Dieu, ce qui implique la fausseté totale de la position de Luther. C. VII. Ici, il faut signaler une très belle page d'Eck: l'aride exposé théologique fait place à un mouvement oratoire de la plus grande beauté. La pensée du Christ est tellement présente aux saintes âmes que pour elles se renouvelle, dans les souffrances purificatrices, la scène du Christ venant à ses apôtres sur la mer en tempête: Habete fiduciam ego sum, nolite timere (Matth., XIV, 27); l'amour du Christ soutient ces saintes âmes et nourrit leur confiance. Donc, en elles, pas de désespoir, c. VIII, et pas de crainte: la douleur n'est pas la crainte. C. IX. Toute la «tragédie» luthérienne sur l'état des âmes au purgatoire se fonde sur la regrettable confusion que les peines du purgatoire sont les mêmes que celles de l'enfer, moins la durée, c. X: il y a une différence de nature. Pensée profonde et suggestive, qu'on est heureux de trouver sous la plume d'un théologien du XVIe siècle!
Les chapitres suivants, XI-XV, s'appliquent à relever les fausses interprétations de Luther relatives aux textes scripturaires invoqués par lui en faveur de son étrange conception de l'état des âmes au purgatoire, et en terminant Eck rappelle la doctrine catholique: les âmes, au purgatoire, expient les péchés véniels qu'elles ont commis et non réparés, et les péchés mortels dont elles sont contrites, mais pour lesquels elles n'ont pas satisfait ici-bas. C. XVI.
L. IV. Pas de mérite ni de démérite possible pour les âmes du purgatoire. -Nous retrouvons ici, à peu de chose près, les arguments de Fisher sur l'impossibilité de mériter après la mort. C. I-II, V-VI. Toutefois il faut se garder d'interpréter ces textes, et notamment Eccl., XI, 3, comme s'il n'y avait pas, dans l'autre vie, place pour le purgatoire entre le ciel et l'enfer; Eck invoque ici l'autorité de Jérôme et de Jean Damascène. C. III-IV. L'erreur de Luther est donc formelle, c. VII, et toutes les raisons qu'il apporte en faveur de la possibilité d'un accroissement de grâce chez les âmes du purgatoire, c. VIII, sont facilement réfutables. C. IX. Pareillement, c'est une détestable erreur que d'affirmer de ces saintes âmes qu'elles pèchent sans cesse, c. x, parce qu'elles ont horreur de leurs souffrances et aspirent au repos, c. XI; c'est leur faire injure que leur attribuer un égoïsme coupable et un amour vicieux qui les oppose à Dieu. C. XII. Les raisons apportées en ce sens par Luther ne sont pas recevables. C. XIII. n est nécessaire d'affirmer contre Luther que les âmes du purgatoire satisfont pour le reste de leurs péchés et qu'au purgatoire la satisfaction que pourrait offrir sur terre la seule charité ne suffit plus: il faut l'expiation de la douleur. C. XIV. Le c. XV et dernier forme la conclusion générale.
b) Le second traité d'Eck est moins remarquable, et son allure trop polémique lui enlève cette sérénité qui ajoute au poids des arguments théologiques. Il est intitulé Confutatio furiosi libelli Ludderi de Purgatorio.
La Ire partie, très brève, relève la contradiction qui s'étale dans la nouvelle attitude de Luther par rapport au purgatoire: l'hérésiarque nie maintenant l'existence même du purgatoire et déverse ses calomnies sur cette croyance de l'Église. Aussi convient-il de lui rappeler les condamnations déjà portées à ce sujet contre les albigeois et la profession de foi du concile de Florence. La lie partie s'attache à la démonstration scripturaire du purgatoire, répartie en sept chapitres. Rien de bien nouveau en tout cela.
L'œuvre de Jean Eck, quelle que soit la faiblesse de son argumentation scripturaire (nous avons dit au début l'inconvénient de vouloir à tout prix pourchasser Luther sur ce terrain), est vraiment remarquable. Elle marque, pour la théologie du purgatoire, une évolution considérable qui dégage cette théologie des chemins battus, dont un contemporain; Dominique Soto, n'a pas su encore se libérer dans son Commentaire sur les Sentences, 1. IV, dist. XIX, écrit cependant après la révolte de Luther. Eck ne présente pas encore, comme Bellarmin, un traité complet et parfaitement équilibré. Il a cependant préparé la voie à celui-ci et lui aura fourni les meilleurs traits de sa synthèse, Toutefois, entre Eck et Bellarmin, il y a le concile de Trente; c'est pourquoi l'œuvre de Bellarmin, mieux que celle d'Eck, se présente comme un commentaire autorisé des décisions du concile.
2º Conciles provinciaux. -Un grand nombre de conciles provinciaux, émus des négations luthériennes, affirmèrent, avant même le concile de Trente, la foi catholique sur le purgatoire, On peut citer celui de Sens, en 1529, Mansi, Concil.,t. XXXII, col. 1173-1174; celui de Mayence, en 1549, c, XLVI, Mansi, col. 1416; celui de Narbonne, en 1551, Mansi, col. 1251 C; celui de Cambrai, en 1565, Mansi, t. XXXIII, col, 1416, etc.
e) L'article suivant: animæ non sunt securæ ..., etc., remarque Fisher, comporte deux parties. Sur le premier point, l'évêque montre que les âmes sont. toutes certaines de leur salut; elles ont fait, avant la mort, une, pénitence suffisante et à elles s'applique le texte de Luc., XV, 7, 10. Elles souffrent, mais elles aiment leur souffrance en ce que cette souffrance
est, pour elles, la condition de leur bonheur futur, et la certitude de leur salut leur apporte une immense consolation. Sur le second point, nec probatum est... ipsas esse extra statum merendi vel augendæ caritatis, Fisher fait une dissertation remarquable sur la mort, terme de la vie: le temps de l'épreuve, de l'opération, du mérite est la vie présente. Il invoque, Joa., IX, 4; Eccl., IX, .10; Gal., VI, 9; 1 Cor., VI, 2; II Cor., v, 10, et, parmi les Pères, Augustin, Jérôme, Chrysostome, Origène. P. DCXXXVII-DCXXXIX.
Mais ce n'est pas assez de dire que le purgatoire est un lieu de pénalité; c'est un lieu de purification, non punitorium, sed purgatorium. P. DCXLII.
f) L'art. 39, animæ in purgatorio peccant sine intermissione, etc., est aussi une injure à la doctrine catholique. Les âmes du purgatoires ne pèchent pas: certes elles désirent le repos, mais elles ne prennent pas en haine leurs peines. Saint Paul encore en vie exprimait le désir de quitter cette vie pour être uni au Christ, Phil., I, 23; ainsi les âmes désirent quitter le purgatoire pour régner avec le Christ. En cela aucune faute. Elles possèdent la charité; or la charité est patiente et supporte tout. I Cor., XIII, 7. Les âmes supportent donc patiemment leurs peines. Et d'ailleurs, si elles péchaient, ce ne pourrait être que mortellement, et elles deviendraient ainsi dignes de l'enfer, p. DCXLVII, puisque aucun remède au péché ne pourrait plus leur être appliqué. Donc il faut maintenir qu'au purgatoire il n'y a plus ni péché, ni mérite Possible; plus de vice nouveau, plus de nouvelle vertu.
g) L'art. 40 peut présenter deux sens différents. La finale, quam si per se satisfecissent, pourrait se rapporter aux satisfactions qu'elles auraient pu offrir au cours de la vie présente. Et, en ce cas, la proposition ne mérite aucune note, car il est exact qu'en satisfaisant en cette vie pour leurs fautes les pécheurs font œuvre plus efficace que la peine du purgatoire ne le saurait être. Mais, si l'on rapporte cette finale aux peines du purgatoire, comme si les âmes délivrées par les suffrages des vivants étaient ensuite moins heureuses qu'elles ne l'auraient été en achevant leur purification d'outre-tombe, la proposition devient erronée, car ces souffrances purificatrices ne leur font acquérir aucun mérite, aucun droit à récompense: nihil omnino mercedis lucratur (pœna) maculas tantum expiasse contenta. P. DCXLIX.
4. Jean Eck. -Le célèbre controversiste de la dispute de Leipzig ne pouvait laisser dans l'ombre la question du purgatoire. Eck s'est attaché à réfuter les erreurs de Luther sur ce point en deux écrits, dont le premier, daté de 1523, s'attaque aux premières erreurs, encore louvoyantes, de l'hérésiarque; le second, paru en 1530, visant plus spécialement le traité Widerruf vom Fegfeuer. Les deux écrits d'Eck sont contenus dans Operum Johannis Eckii secunda pars, 1531, p. XLII r°-LXXXII v°; LXXXIII r°-XCVI.
a) Le De purgatorio est divisé en quatre livres; il faut regretter que ce traité soit si peu connu: il a servi de modèle à la synthèse de Bellarmin, lequel a trouvé dans l'œuvre de son devancier un modèle déjà presque parfait. En voici l'analyse:
L. I. L'existence du purgatoire. -L'auteur expose d'abord son dessein de combattre les erreurs luthériennes. C. I. L'existence du purgatoire, quoi qu'en dise Luther, peut se démontrer par l'Écriture, principalement par I Cor., III, 11-15. C, II. L'interprétation de ce texte, appuyée sur les autorités d'Ambroise, de Jérôme, d'Augustin, de Grégoire, montre qu'il s'agit bien du feu du purgatoire, c. III-V, et qu'en conséquence on ne saurait admettre l'exégèse de Luther, qui voit ici le feu de la conflagration et, dans le jour du Seigneur, la simple tribulation. C. VI. Mais d'autres textes peuvent être invoqués, notamment Matth., v, 26 (c. VII); Matth., XII, 32 (c, IX), sans qu'on doive s'arrêter aux subterfuges de Luther et de Mélanchthon sur ces textes. C. VIII. Luther met en cause, à propos de II Mac., XII, l'autorité même de ce livre; Eck
montre que cette autorité est intacte et que le livre est canonique. C. X. Enfin viennent d'autres textes empruntés aux psaumes, LXV, 12; XVI, 3; XXV, 6, et à l'épître de Pierre, I Petr., l, 7. C. XI, Cette démonstration permet à Eck de conclure que l'existence du purgatoire est un dogme de la foi et que la négation du purgatoire est une véritable hérésie. Ainsi en a jugé saint Thomas d'Aquin, dans son opuscule Contra errores Græcorum; ainsi en a décidé l'Église elle-même au concile de Florence. C. XII.
L. II. Les âmes du purgatoire sont certaines de leur salut. -L'Apocalypse le témoigne en apportant à l'Agneau les louanges de toutes créatures, même de celles qui sont sub terra, Apoc., v, 3, 13. On trouve ici réunis les saints du ciel, in cælo, les saints de la terre, in terra et les âmes du purgatoire, sub terra. C. 1. Ces âmes louent le Seigneur et ont donc la certitude d'être en purgatoire et non en enfer, c. II; elles sont assurées, de leur salut: c'est d'elles que le canon de la messe dit qu'elles reposent dan$ le Christ ou encore qu'elles dorment dans le sommeil de la paix. C. III; Ces expressions fournissent à Eck l'occasion de montrer en quoi consiste le repos dans le Christ pour les âmes du purgatoire et comment, nonobstant ce repos, nous devons encore pour elles demander à Dieu le repos éternel. C. IV. Vraiment, en attribuant aux âmes du purgatoire l'incertitude de leur salut, Luther s'éloigne de la doctrine catholique; son enseignement est suspect, et il laisse périr les suffrages pour les défunts. C. V. Il est très certain que les âmes sont en purgatoire assurées de leur salut: le dogme du jugement particulier fonde cette vérité, c. VI, et il est non moins certain que le secours de nos suffrages ne prive pas ces saintes âmes d'un degré de gloire qu'elles auraient obtenu par leurs souffrances prolongées. C. VII. En vérité Luther est plein de contradictions. et son enseignement mérite condamnation. C. VIII.
L. III. Le purgatoire ne comporte pas cet état peccamineux que Luther attribue aux âmes souffrantes. -Luther rend le purgatoire en quelque sorte pire que l'enfer: il nous y montre les âmes pleines d'horreur, d'angoisse, de désespoir. Pour reprendre son système au point de départ, il faut dire que la crainte de la mort n'implique pas nécessairement une charité imparfaite qui engendre à elle seule la peine du purgatoire. C. I. Le juste peut craindre la mort, tout comme le pécheur peut aimer la vie plus que Dieu. C. II. L'imperfection de la charité ne doit pas être mesurée aux restes des péchés. C. III. Et Luther, à son point de départ, commet une double erreur: tout d'abord en affirmant qu'en l'homme régénéré les restes du péché d'Adam empêchent la charité, ensuite en enseignant que, même après le baptême, le péché subsiste encore dans l'âme. C. IV.
Toutes les mauvaises raisons accumulées par Luther, c. V-VI, doivent céder devant cette constatation: Luther affirme que les âmes du purgatoire seraient dans le trouble et l'angoisse en raison d'une foi et d'une charité imparfaites. Or, ces âmes ont pleine connaissance de leur état; elles ont pleine confiance en Dieu, ce qui implique la fausseté totale de la position de Luther. C. VII. Ici, il faut signaler une très belle page d'Eck: l'aride exposé théologique fait place à un mouvement oratoire de la plus grande beauté. La pensée du Christ est tellement présente aux saintes âmes que pour elles se renouvelle, dans les souffrances purificatrices, la scène du Christ venant à ses apôtres sur la mer en tempête: Habete fiduciam ego sum, nolite timere (Matth., XIV, 27); l'amour du Christ soutient ces saintes âmes et nourrit leur confiance. Donc, en elles, pas de désespoir, c. VIII, et pas de crainte: la douleur n'est pas la crainte. C. IX. Toute la «tragédie» luthérienne sur l'état des âmes au purgatoire se fonde sur la regrettable confusion que les peines du purgatoire sont les mêmes que celles de l'enfer, moins la durée, c. X: il y a une différence de nature. Pensée profonde et suggestive, qu'on est heureux de trouver sous la plume d'un théologien du XVIe siècle!
Les chapitres suivants, XI-XV, s'appliquent à relever les fausses interprétations de Luther relatives aux textes scripturaires invoqués par lui en faveur de son étrange conception de l'état des âmes au purgatoire, et en terminant Eck rappelle la doctrine catholique: les âmes, au purgatoire, expient les péchés véniels qu'elles ont commis et non réparés, et les péchés mortels dont elles sont contrites, mais pour lesquels elles n'ont pas satisfait ici-bas. C. XVI.
L. IV. Pas de mérite ni de démérite possible pour les âmes du purgatoire. -Nous retrouvons ici, à peu de chose près, les arguments de Fisher sur l'impossibilité de mériter après la mort. C. I-II, V-VI. Toutefois il faut se garder d'interpréter ces textes, et notamment Eccl., XI, 3, comme s'il n'y avait pas, dans l'autre vie, place pour le purgatoire entre le ciel et l'enfer; Eck invoque ici l'autorité de Jérôme et de Jean Damascène. C. III-IV. L'erreur de Luther est donc formelle, c. VII, et toutes les raisons qu'il apporte en faveur de la possibilité d'un accroissement de grâce chez les âmes du purgatoire, c. VIII, sont facilement réfutables. C. IX. Pareillement, c'est une détestable erreur que d'affirmer de ces saintes âmes qu'elles pèchent sans cesse, c. x, parce qu'elles ont horreur de leurs souffrances et aspirent au repos, c. XI; c'est leur faire injure que leur attribuer un égoïsme coupable et un amour vicieux qui les oppose à Dieu. C. XII. Les raisons apportées en ce sens par Luther ne sont pas recevables. C. XIII. n est nécessaire d'affirmer contre Luther que les âmes du purgatoire satisfont pour le reste de leurs péchés et qu'au purgatoire la satisfaction que pourrait offrir sur terre la seule charité ne suffit plus: il faut l'expiation de la douleur. C. XIV. Le c. XV et dernier forme la conclusion générale.
b) Le second traité d'Eck est moins remarquable, et son allure trop polémique lui enlève cette sérénité qui ajoute au poids des arguments théologiques. Il est intitulé Confutatio furiosi libelli Ludderi de Purgatorio.
La Ire partie, très brève, relève la contradiction qui s'étale dans la nouvelle attitude de Luther par rapport au purgatoire: l'hérésiarque nie maintenant l'existence même du purgatoire et déverse ses calomnies sur cette croyance de l'Église. Aussi convient-il de lui rappeler les condamnations déjà portées à ce sujet contre les albigeois et la profession de foi du concile de Florence. La lie partie s'attache à la démonstration scripturaire du purgatoire, répartie en sept chapitres. Rien de bien nouveau en tout cela.
L'œuvre de Jean Eck, quelle que soit la faiblesse de son argumentation scripturaire (nous avons dit au début l'inconvénient de vouloir à tout prix pourchasser Luther sur ce terrain), est vraiment remarquable. Elle marque, pour la théologie du purgatoire, une évolution considérable qui dégage cette théologie des chemins battus, dont un contemporain; Dominique Soto, n'a pas su encore se libérer dans son Commentaire sur les Sentences, 1. IV, dist. XIX, écrit cependant après la révolte de Luther. Eck ne présente pas encore, comme Bellarmin, un traité complet et parfaitement équilibré. Il a cependant préparé la voie à celui-ci et lui aura fourni les meilleurs traits de sa synthèse, Toutefois, entre Eck et Bellarmin, il y a le concile de Trente; c'est pourquoi l'œuvre de Bellarmin, mieux que celle d'Eck, se présente comme un commentaire autorisé des décisions du concile.
2º Conciles provinciaux. -Un grand nombre de conciles provinciaux, émus des négations luthériennes, affirmèrent, avant même le concile de Trente, la foi catholique sur le purgatoire, On peut citer celui de Sens, en 1529, Mansi, Concil.,t. XXXII, col. 1173-1174; celui de Mayence, en 1549, c, XLVI, Mansi, col. 1416; celui de Narbonne, en 1551, Mansi, col. 1251 C; celui de Cambrai, en 1565, Mansi, t. XXXIII, col, 1416, etc.
Re: Théologie du Purgatoire
Voici à titre de spécimen, le texte de la formule de foi chrétienne et catholique, relatif au purgatoire, formule rédigée en 1556 par le concile polonais de Lowicz, Mansi, t. XXXV, col. 514:
Firmiter credendum est post hanc vitam purgatorium esse animarum in quo solvitur pœna peccatis adhuc debita. Eisdem tamen subvenitur sacrificio altaris, oratione, jejunio, eleemosyna, aliisque bonis operibus vivorum sicut et indulgentiis, quo citius ab ea liberentur. Animæ defunctorum purgatæ mox regnant cum Christo in cælo et animæ impionun hinc migrantes sempiternis inferni traduntur suppliciis. Cavailera, n. 1461.
3° Censures des universités. -1. La première faculté qui s'occupa de Luther fut la faculté de Louvain. Elle soumit à l'examen de la faculté de Cologne un travail de 488 pages avec diverses publications de Luther. Le 30 août 1519, la faculté de Cologne donna son jugement en forme solennelle. Elle signale les erreurs suivantes touchant le purgatoire:
V. (Luther) rejette la satisfaction requise à la suite du péché mortel pardonné, puisqu'il prétend que Dieu remet la peine en même temps que la coulpe du péché.
VII. Il formule des erreurs ineptes sur les peines du purgatoire et l'état des âmes après cette vie, par exemple qu'aucune âme n'y souffre pour des péchés mortels, mais seulement pour des péchés véniels.
VIII. Ou encore: que les âmes du purgatoire aiment Dieu d'un amour défectueux et coupable, y pèchent sans interruption et cherchent plutôt leur intérêt que la volonté de Dieu, ce qui est contre la charité; que les morts, non moins que les vivants, sont en état de mériter pour la vie éternelle... Duplessis d'Argentré, Coll. judiciorum, t, I b, p. 358-359.
Dans son jugement du 7 novembre 1519, la faculté de Louvain se contente de stigmatiser la proposition générale de Luther relative à l'inutilité de la satisfaction, Prop. 17, ibid, p. 360.
2. La faculté de théologie de Paris publia le 15 avril 1521 sa célèbre Determinatio super doctrina Lutheri hactenus revisa. Dans l'introduction on indique expressément que Luther répand «d'intolérables erreurs sur... la satisfaction..., les peines du purgatoire».
Parmi les «propositions tirées des écrits de Luther autres que la Captivité de Babylone», la faculté de Paris signale (tit. XI) neuf propositions touchant le purgatoire, et elle leur inflige une censure doctrinale:
I. «Il n'y a absolument rien dans l'Écriture sur le purgatoire.» (A, 37 de la bulle). -Fausse, favorable à l'erreur des vaudois, répugnant au sentiment des saints Pères.
II. «Il ne parait pas prouvé que les âmes du purgatoire soient hors d'état de mériter ou de croître en charité.» (Th. XVIII du 31 oct, 1517; bulle, a, 38), - Fausse, téméraire, impie et, en tant qu'elle prétend que ces âmes sont en cet état, erronée dans la foi.
III. «Il ne parait pas prouvé que les âmes du purgatoire soient certaines de leur salut, du moins toutes.» (Ibid., th, XIX; bulle, a, 38), -Fausse, présomptueuse et, en tant qu'elle affirme cette incertitude, contraire à la tradition de l'Église et à la doctrine des saints.
IV. «Les âmes au purgatoire pèchent continuellement, tant qu'elles ont horreur des peines et demandent le repos et parce qu'elles recherchent leur intérêt plus que la volonté de Dieu, ce qui est contraire à la charité.» -Fausse, impie, injurieuse aux âmes du purgatoire, hérétique.
V. «La charité imparfaite du moribond comporte nécessairement une grande crainte, d'autant plus grande que la charité est moindre.» (Bulle, a. 4.)
VI. «La peine du purgatoire est la terreur et l'horreur de la damnation et de l'enfer.» -Fausses, téméraires et sans fondement. (Qualification se rapportant aux deux prop. v et VI.)
VII. «Il est probable que les âmes du purgatoire sont dans une telle confusion qu'elles ne savent pas dans quel état elles sont, de damnation ou de salut; il leur semble même qu'elles vont à la damnation et tombent dans l'abîme.»
VIII. «Elles sentent seulement le commencement de leur damnation, sauf qu'elles sentent que la porte de l'enfer n'est pas encore fermée sur elles.» -Fausses, offensives des oreilles pies, injurieuses à l'état des âmes du purgatoire. (Qualifications se rapportant aux deux prop. VII et et VIII.)
IX. «Toutes les âmes qui descendent en purgatoire n'ont qu'une foi imparfaite et même, de quelque façon qu'on les délivre de leurs peines, elles ne peuvent acquérir la «santé» parfaite si on ne leur ôte d'abord le péché, c'est-à-dire l'imperfection de la foi, de l'espérance, de la charité.» -Dans toutes ses parties, fausse, téméraire, en désaccord avec une saine intelligence de l'Écriture. Duplessis d'Argentré, Coll. judic., t. I b, p. 372.
Firmiter credendum est post hanc vitam purgatorium esse animarum in quo solvitur pœna peccatis adhuc debita. Eisdem tamen subvenitur sacrificio altaris, oratione, jejunio, eleemosyna, aliisque bonis operibus vivorum sicut et indulgentiis, quo citius ab ea liberentur. Animæ defunctorum purgatæ mox regnant cum Christo in cælo et animæ impionun hinc migrantes sempiternis inferni traduntur suppliciis. Cavailera, n. 1461.
3° Censures des universités. -1. La première faculté qui s'occupa de Luther fut la faculté de Louvain. Elle soumit à l'examen de la faculté de Cologne un travail de 488 pages avec diverses publications de Luther. Le 30 août 1519, la faculté de Cologne donna son jugement en forme solennelle. Elle signale les erreurs suivantes touchant le purgatoire:
V. (Luther) rejette la satisfaction requise à la suite du péché mortel pardonné, puisqu'il prétend que Dieu remet la peine en même temps que la coulpe du péché.
VII. Il formule des erreurs ineptes sur les peines du purgatoire et l'état des âmes après cette vie, par exemple qu'aucune âme n'y souffre pour des péchés mortels, mais seulement pour des péchés véniels.
VIII. Ou encore: que les âmes du purgatoire aiment Dieu d'un amour défectueux et coupable, y pèchent sans interruption et cherchent plutôt leur intérêt que la volonté de Dieu, ce qui est contre la charité; que les morts, non moins que les vivants, sont en état de mériter pour la vie éternelle... Duplessis d'Argentré, Coll. judiciorum, t, I b, p. 358-359.
Dans son jugement du 7 novembre 1519, la faculté de Louvain se contente de stigmatiser la proposition générale de Luther relative à l'inutilité de la satisfaction, Prop. 17, ibid, p. 360.
2. La faculté de théologie de Paris publia le 15 avril 1521 sa célèbre Determinatio super doctrina Lutheri hactenus revisa. Dans l'introduction on indique expressément que Luther répand «d'intolérables erreurs sur... la satisfaction..., les peines du purgatoire».
Parmi les «propositions tirées des écrits de Luther autres que la Captivité de Babylone», la faculté de Paris signale (tit. XI) neuf propositions touchant le purgatoire, et elle leur inflige une censure doctrinale:
I. «Il n'y a absolument rien dans l'Écriture sur le purgatoire.» (A, 37 de la bulle). -Fausse, favorable à l'erreur des vaudois, répugnant au sentiment des saints Pères.
II. «Il ne parait pas prouvé que les âmes du purgatoire soient hors d'état de mériter ou de croître en charité.» (Th. XVIII du 31 oct, 1517; bulle, a, 38), - Fausse, téméraire, impie et, en tant qu'elle prétend que ces âmes sont en cet état, erronée dans la foi.
III. «Il ne parait pas prouvé que les âmes du purgatoire soient certaines de leur salut, du moins toutes.» (Ibid., th, XIX; bulle, a, 38), -Fausse, présomptueuse et, en tant qu'elle affirme cette incertitude, contraire à la tradition de l'Église et à la doctrine des saints.
IV. «Les âmes au purgatoire pèchent continuellement, tant qu'elles ont horreur des peines et demandent le repos et parce qu'elles recherchent leur intérêt plus que la volonté de Dieu, ce qui est contraire à la charité.» -Fausse, impie, injurieuse aux âmes du purgatoire, hérétique.
V. «La charité imparfaite du moribond comporte nécessairement une grande crainte, d'autant plus grande que la charité est moindre.» (Bulle, a. 4.)
VI. «La peine du purgatoire est la terreur et l'horreur de la damnation et de l'enfer.» -Fausses, téméraires et sans fondement. (Qualification se rapportant aux deux prop. v et VI.)
VII. «Il est probable que les âmes du purgatoire sont dans une telle confusion qu'elles ne savent pas dans quel état elles sont, de damnation ou de salut; il leur semble même qu'elles vont à la damnation et tombent dans l'abîme.»
VIII. «Elles sentent seulement le commencement de leur damnation, sauf qu'elles sentent que la porte de l'enfer n'est pas encore fermée sur elles.» -Fausses, offensives des oreilles pies, injurieuses à l'état des âmes du purgatoire. (Qualifications se rapportant aux deux prop. VII et et VIII.)
IX. «Toutes les âmes qui descendent en purgatoire n'ont qu'une foi imparfaite et même, de quelque façon qu'on les délivre de leurs peines, elles ne peuvent acquérir la «santé» parfaite si on ne leur ôte d'abord le péché, c'est-à-dire l'imperfection de la foi, de l'espérance, de la charité.» -Dans toutes ses parties, fausse, téméraire, en désaccord avec une saine intelligence de l'Écriture. Duplessis d'Argentré, Coll. judic., t. I b, p. 372.
Re: Théologie du Purgatoire
III. LE CONCILE DE TRENTE.
-Depuis le début du concile, la question du purgatoire était prévue au programme. Massarelli nous apprend que, dès le 19 juin 1547, des articles sur le purgatoire avaient été distribués aux théologiens mineurs et que leur discussion avait occupé les séances des jours suivants. Conc. Trid., t. I, p. 665, Les événements et l'ordre des discussions conciliaires retardèrent l'examen de la question jusqu'à la fin du concile. A l'issue de la congrégation générale du 15 novembre 1563, il fut décidé que des théologiens de toutes nations rédigeraient les canons sur les dogmes restant à définir: purgatoire, indulgences, culte des saints et des images, que les Pères adopteraient par placet. Conc. Trid., t, IX, p. 1017, note 6. Le décret des théologiens mineurs était prêt dès le 30 novembre: ces théologiens observaient que ces matières avaient déjà été traitées dans d'autres conciles et notamment à Florence et même en certaines sessions du concile de Trente, et qu'en conséquence il suffisait de les aborder brièvement et en des formules générales, laissant aux évêques le soin de faire le reste. Ibid., t. IX, p. 1069. Ces «canons», écrit l'évêque de Verdun, Psaume, rédigés et approuvés a nonnullis doctissimis Patribus et theologis, avaient été distribués par écrit par le secrétaire du concile peu avant la réunion plénière. Ibid.,t. II, p. 878. Le décret sur le purgatoire fut lu par l'évêque de Castellaneta. Ibid., t, IX, p. 1069. De timides observations furent faites. Claude de Saintes, abbé de Lunéville, aurait désiré qu'on ajoutât des textes scripturaires; Laynès désirait qu'un canon vint corroborer la déclaration du décret, Ibid., p. 1071. Les évêques français désiraient partir et ne pouvaient être retenus; les décrets furent donc lus, comme il avait été convenu, et acceptés par acclamation par la presque totalité des Pères. Ibid., p. 1076. Dès le lendemain, le décret sur le purgatoire fut publié en la XXVe et dernière session.
Cum catholica Ecclesia, Spiritu sancto edocta, ex sacris Litteris et antiqua Patrum traditione, in sacris conciliis et novissime in hac œcumenica synodo docuerit, purgatorium esse, animasque ibi detentas fidelium suffragiis, potissimum vero acceptabili altaris sacrificio juvari: præcipit sancta synodus episcopis, ut sanam de purgatorio doctrinam, a sanctis Patribus et sacris conciliis traditam, a Christi fidelibus credi, teneri, doceri et ubique prædicari diligenter studeant. Apud rudem vero plebem difficiliores ac subtiliores quæstiones, quæque ad ædificationem non faciunt, et ex quibus plerumque nulla fit pietatis accessio, a popularibus concionibus secludantur. Cf. I Tim., l, 4; II, 23; Tit., III, 9. Incerta item, vel quæ specie falsi laborant, evulgari ac tractari non permittant. Ea vero quæ ad curiositatem quandam aut superstitionem spectant, vel turpe lucrum sapiunt, tamquam scandala et fidelium offendicula prohibeant. Curent autem episcopi, ut fidelium vivorum suffragia. missarum scilicet sacrificia, orationes, eleemosynæ aliaque pietatis opera, quæ a fidelibus pro aliis fidelibus defunctis fieri consueverunt, secundum Ecclesiæ instituta pie et devote fiant, et quæ pro illis ex testatorum fundationibus vel alia ratione debentur, non perfunctorie, sed a sacerdotibus et Ecclesiæ ministris et aliis, qui hoc præstare tenentur, diligenter et accurate persolvantur. Denz.-Bannw., n. 983 (sauf la finale); Cavallera, n.1462. Puisque l'Église catholique, instruite par l'Esprit-Saint, à la lumière des saintes Écritures et de l'antique tradition des Pères, a enseigné dans les sacrés conciles et enseigne en dernier lieu dans ce concile œcuménique qu'il y a un purgatoire et que les âmes qui y sont détenues sont secourues par les suffrages des fidèles et surtout par le saint sacrifice de l'autel, le saint concile prescrit aux évêques de veiller à ce que la doctrine vraie du purgatoire, reçue des saints Pères et des saints conciles, soit prêchée partout avec zèle et que les chrétiens en soient instruits, s'y attachent et la croient. Mais, près de la foule peu instruite, les prédications populaires devront être dépouillées de toutes questions plus difficiles et subtiles, qui ne présentent aucune utilité pour l'édification et desquelles il ne sort la plupart du temps aucun profit pour la piété. Les évêques ne permettront pas qu'on y aborde les points incertains et qu'on y affirme des choses apparemment fausses. Qu'ils interdisent comme scandaleux et offensant pour les fidèles tout ce qui se rapporte à la pure curiosité, tout ce qui s'inspire d'un lucre honteux. Mais, au contraire, les évêques veilleront à ce que les suffrages des fidèles vivants, à savoir les sacrifices des messes, les prières, les aumônes et les autres œuvres de piété que les fidèles vivants ont coutume d'offrir pour les fidèles défunts se fassent avec piété et dévotion, selon les institutions de l'Église. Les suffrages dus aux défunts par suite des fondations établies par testament ou de toute autre manière, devront être acquittés non avec négligence, mais avec soin et diligence, par les prêtres et les ministres de l'Église et les autres qui y sont tenus.
Ce décret concernant la croyance au purgatoire est intéressant à plus d'un titre et appelle un commentaire:
1. Les sources de la croyance au purgatoire sont indiquées: Écriture sainte, tradition antique des Pères, conciles et très récemment le concile de Trente lui-même.
De la sainte Écriture le concile ne dit rien de plus précis; il laisse donc aux théologiens et aux exégètes le soin de chercher en quelle façon l'Écriture peut donner un fondement à la croyance au purgatoire, soit par des textes précis, comme Eck avant le concile de Trente et Bellarmin, après ce concile, ont voulu le faire, pourchassant ainsi Luther sur le terrain même que sa proposition 37 voulait éluder, soit par la doctrine générale, explicitement proposée par l'Écriture, d:une expiation nécessaire pour tout péché non encore entièrement réparé. Nous avons ici même tracé la marche de cette
double démonstration ex sacris Litteris.
De l'antique tradition des Pères, les théologiens et les prélats assemblés à Trente ont invoqué dans leurs travaux préliminaires les deux chapitres de la première partie du Décret de Gratien, can. 4, Qualis; can. 5, Qui in aliud, dist. XXV, le premier tiré de saint Grégoire, Dial., l. IV, C. XXXIX, P. L., t. LXXVII, col. 396, le second attribué à saint Augustin, en réalité de l'auteur inconnu du De vera et falsa pænitentia, n. 18, P. L., t. XL, col. 1118.
Des conciles les Pères de Trente rappellent simplement le décret d'union. des Grecs, bulle Lætentur cæli, du concile de Florence. D'après l'indication fournie par E. Ehses, Conc. Trid., t. IX, p. 1077, note 3 et 4.
Le concile de Trente lui-même avait déjà touché indirectement ou directement à la question du purgatoire en deux endroits, sess. VI, De justificatione, can. 30, et sess. XXII, De sacrificio missæ, can. 3, cf., c. II. Le rappel de ces deux textes conciliaires fixe l'objet précis de la définition tridentine.
2. Objet précis de la définition tridentine. - a) Sess. VI, can. 30:
Si quis post acceptam justificationis gratiam cuilibet peccatori pænitenti ita culpam remitti et reatum æternæ pœnæ deleri dixerit, ut nullus remaneat reatus pœnæ temporalis, exsolvendæ vel in hoc sæculo, vel in futuro, in purgatorio, antequam ad regna cælorum aditus patere possit; A. S. Denz.-Bannw., n. 840. Si quelqu'un dit qu'à tout pécheur pénitent qui a reçu la grâce de la justification l'offense est tellement remise et l'obligation à la peine éternelle tellement effacée, qu'il ne lui reste aucune obligation de peine temporelle à payer, soit en ce monde, soit dans l'autre, au purgatoire, avant que l'entrée au ciel lui puisse être ouverte, qu'il soit anathème.
Dans le C. XIV, qui correspond à ce canon, le concile s'était contenté d'affirmer que «la pénitence d'un chrétien tombé dans le péché est bien différente de celle du baptême; elle renferme... la satisfaction par le jeûne, les aumônes, les prières et les autres exercices de la vie spirituelle, non certes pour la peine éternelle qui est remise avec la faute par le sacrement ou par le désir du sacrement, mais pour la peine temporelle qui (ainsi l'enseignent les saintes Écritures), n'est pas toujours, comme dans le baptême, remise entièrement». Denz.-Bannw., n. 807. Dans le canon, le concile fait allusion à la possibilité de payer cette dette satisfactoire, soit en ce monde, soit dans l'autre, au purgatoire. La doctrine générale de la satisfaction pour la peine due au péché, pardonné est reprise par le concile, sess. XIV, C. II et can. 12. Voir PÉNITENCE, t. XII, col. 1089, 1110.
b) Sess. XXII, De sacrificio missæ, can. 3:
Si quis dixerit, missæ sacrificium tantum esse laudis et gratiarum actionis, aut nudam commemorationem sacrificii in cruce peracti, non autem propitiatorium, vel soli prodesse sumenti, neque pro vivis et defunctis, pro peccatis, pœnis, satisfactionibus et aliis necessitatibus, offerri debere; A. S. Denz.-Bannw., n. 950. Si quelqu'un dit que le sacrifice de la messe est seulement [un sacrifice] de louange et d'action de grâces, ou une simple commémoraison du sacrifice accompli sur la croix, et non pas un [sacrifice] propitiatoire, ou bien qu'il ne profite qu'au seul prêtre communiant et qu'il ne doit pas être offert pour les vivants et pour les morts, pour les péchés, les peines, les satisfactions et toutes les autres nécessités, qu'il soit anathème.
Ce canon correspond au c. II, dans lequel le concile rappelle la valeur propitiatoire du sacrifice de la messe: cette valeur ne fait, en aucune façon, tort à celle du sacrifice de la croix: «aussi, conformément à la tradition des apôtres [la messe] est offerte non seulement pour les péchés, les peines, les satisfactions et les autres nécessités des fidèles vivants, mais encore pour ceux qui sont morts dans le Christ et ne sont pas encore entièrement purifiés». Denz.-Bannw., n. 940. Voir EUCHARISTIE, t. VI, col. 833-834.
Ces deux points, déjà définis avant la XXVe session, fixent la portée dogmatique du décret concernant le purgatoire: sont proposés comme vérités de foi divine et catholique les deux seuls points déjà touchés au concile de Florence et antérieurement énoncés par le IIe concile de Lyon: existence du purgatoire, c'est-à-dire de peines ultra-terrestres subies par les âmes non encore totalement purifiées de la dette de peine attachée aux péchés pardonnés; utilité des suffrages des vivants pour le soulagement des défunts, et principalement de l'oblation du sacrifice eucharistique. «Il y a un purgatoire, dit notre décret, et les âmes qui y sont détenues sont secourues par les suffrages des fidèles et surtout par le saint sacrifice de la messe.»
3. Prescriptions disciplinaires. -Cette doctrine saine du purgatoire, qui se réduit essentiellement à ces deux points, devra être prêchée partout avec zèle; les chrétiens devront en être instruits, s'y attacher et la croire. Les évêques devront veiller à ce qu'il en soit ainsi. Le concile n'exclut pas de l'enseignement les autres questions plus difficiles et subtiles, mais il ne
veut pas qu'elles soient le thème des prédications populaires. Et la raison en est qu'elles ne présentent aucune utilité pour l'édification et qu'il n'en sort souvent aucun profit pour la piété. Avec quelque apparence de vérité il faut considérer comme inutiles les questions concernant le lieu du purgatoire, la nature, l'intensité et surtout la durée des peines que les âmes y souffrent. Ou, si l'on aborde ces questions devant un auditoire plus cultivé, qu'on le fasse avec toutes les nuances et les réserves vou1ues. L'état des âmes souffrantes par rapport à leur salut éternel nous semble, au contraire, entrer dans l'exposé du dogme lui-même du purgatoire: le purgatoire, étant par définition un état essentiellement temporaire et préparatoire à la béatitude, ne saurait être exposé en ses lignes essentielles sans qu'on affirme en même temps l'état de sainteté des âmes qui expient et la certitude où elles sont de posséder un jour le bonheur céleste.
Les points incertains, par exemple les prétendues certitudes de libération des âmes grâce à l'application de certains suffrages, devront être éliminés. Les choses apparemment fausses, comme les récits d'approitions qui ne seraient pas historiquement démontrées, seront impitoyablement passées sous silence. Enfin, tout ce qui pourrait scandaliser les fidèles, tout ce qui relèverait de la pure curiosité, tout ce qui touche à la superstition ou s'inspire de l'esprit de lucre, est d'avance condamné. C'est ainsi que, dans le décret disciplinaire De observandis et evitandis in celebratione missarum (voir ici, t. X, col. 1139-1141), le concile prescrit l'abolition «d'un nombre déterminé de messes, célébrées par manière de superstition bien plutôt que par esprit de pitié véritable». Conc. Trid., t. VIII, p. 963. Cette interdiction est précédée, dans le décret, de l'obligation «de n'introduire dans la célébration de la messe aucune pratique, cérémonie ou prière que celles approuvées par l'Église et reçues par un usage louable et répandu». Les neuvaines pour les âmes du purgatoire ainsi que la célébration des trente messes grégoriennes sont approuvées par l'Église, elles font donc exception à ces prohibitions portées par le concile. Il faut en dire autant de toute pratique de piété accomplie en faveur des âmes souffrantes, dès là que cette pratique est autorisée par l'Église.
La dernière partie du décret concerne les fondations de prières ou de messes en faveur des âmes du purgatoire. Le concile prescrit à ceux qui sont chargés de les acquitter de le faire avec tout le soin et toute la diligence possibles. Le can. 6 De reformatione de la XXIIe session concède cependant à l'évêque un droit de commutation des dispositions testamentaires, s'il y a des raisons graves. Ibid., p. 966.
5° Le magistère de l'Église après le concile de Trente. -1. La profession de foi de Pie IV (1564): Constanter teneo purgatorium esse, animasque ibi detentas fidelium suffragiis juvari. Denz.-Bannw., n. 998.
2. Profession de foi de Grégoire XIII (1515), imposée aux Grecs. -Elle reprend le texte du concile de Florence et la profession de foi de Pie IV. Denz.-Bannw., n. 1084.
3. Profession de foi de Benoît XIV (1743) imposée aux Orientaux. -Reprise des professions de foi de Florence et de Trente. Denz.-Bannw., n. 1468, 1473.
4. Condamnation par Pie VI de la proposition 42 du synode janséniste de Pistoie, déclarant «lamentable et illusoire l'application des indulgences aux défunts». Denz.-Bannw., n. 1542.
5. Déclaration de Léon XIII:
De plenitudine infiniti spiritualis thesauri ad eos quoque dilectos Ecclesiæ filios, largius quo fieri possit prodesse cupimus; qui morte justorum obita de militia hujus vitæ migrarunt cum signo fidei ac mysticæ vitis inserti propagini, ita tamen ut prohibeantur ingressu in æternam requiem usque dum divinæ justitiæ ultrici pro contractis debitis ad minimum reddant quadrantem. Movemur autem tum piis catholicornm votis ... tum lacrimabili pœnarum quibus defunctorum animæ cruciantur atrocitate ... Sic nimirum piæ animæ, in quibus noxarum reliquiæ terribili cruciatuum magnitudine eluuntur, peropportunum ac singulare solatium percipient ex hostia salutari. Ex litteris Quod anniversarius, die Paschatis 1888; à l'occasion du Jubilé. Cavallera, n. 1463. Cf. Acta sanctæ Sedis, t. XX, p.418.
(col. 1482 milieu haut)
-Depuis le début du concile, la question du purgatoire était prévue au programme. Massarelli nous apprend que, dès le 19 juin 1547, des articles sur le purgatoire avaient été distribués aux théologiens mineurs et que leur discussion avait occupé les séances des jours suivants. Conc. Trid., t. I, p. 665, Les événements et l'ordre des discussions conciliaires retardèrent l'examen de la question jusqu'à la fin du concile. A l'issue de la congrégation générale du 15 novembre 1563, il fut décidé que des théologiens de toutes nations rédigeraient les canons sur les dogmes restant à définir: purgatoire, indulgences, culte des saints et des images, que les Pères adopteraient par placet. Conc. Trid., t, IX, p. 1017, note 6. Le décret des théologiens mineurs était prêt dès le 30 novembre: ces théologiens observaient que ces matières avaient déjà été traitées dans d'autres conciles et notamment à Florence et même en certaines sessions du concile de Trente, et qu'en conséquence il suffisait de les aborder brièvement et en des formules générales, laissant aux évêques le soin de faire le reste. Ibid., t. IX, p. 1069. Ces «canons», écrit l'évêque de Verdun, Psaume, rédigés et approuvés a nonnullis doctissimis Patribus et theologis, avaient été distribués par écrit par le secrétaire du concile peu avant la réunion plénière. Ibid.,t. II, p. 878. Le décret sur le purgatoire fut lu par l'évêque de Castellaneta. Ibid., t, IX, p. 1069. De timides observations furent faites. Claude de Saintes, abbé de Lunéville, aurait désiré qu'on ajoutât des textes scripturaires; Laynès désirait qu'un canon vint corroborer la déclaration du décret, Ibid., p. 1071. Les évêques français désiraient partir et ne pouvaient être retenus; les décrets furent donc lus, comme il avait été convenu, et acceptés par acclamation par la presque totalité des Pères. Ibid., p. 1076. Dès le lendemain, le décret sur le purgatoire fut publié en la XXVe et dernière session.
Cum catholica Ecclesia, Spiritu sancto edocta, ex sacris Litteris et antiqua Patrum traditione, in sacris conciliis et novissime in hac œcumenica synodo docuerit, purgatorium esse, animasque ibi detentas fidelium suffragiis, potissimum vero acceptabili altaris sacrificio juvari: præcipit sancta synodus episcopis, ut sanam de purgatorio doctrinam, a sanctis Patribus et sacris conciliis traditam, a Christi fidelibus credi, teneri, doceri et ubique prædicari diligenter studeant. Apud rudem vero plebem difficiliores ac subtiliores quæstiones, quæque ad ædificationem non faciunt, et ex quibus plerumque nulla fit pietatis accessio, a popularibus concionibus secludantur. Cf. I Tim., l, 4; II, 23; Tit., III, 9. Incerta item, vel quæ specie falsi laborant, evulgari ac tractari non permittant. Ea vero quæ ad curiositatem quandam aut superstitionem spectant, vel turpe lucrum sapiunt, tamquam scandala et fidelium offendicula prohibeant. Curent autem episcopi, ut fidelium vivorum suffragia. missarum scilicet sacrificia, orationes, eleemosynæ aliaque pietatis opera, quæ a fidelibus pro aliis fidelibus defunctis fieri consueverunt, secundum Ecclesiæ instituta pie et devote fiant, et quæ pro illis ex testatorum fundationibus vel alia ratione debentur, non perfunctorie, sed a sacerdotibus et Ecclesiæ ministris et aliis, qui hoc præstare tenentur, diligenter et accurate persolvantur. Denz.-Bannw., n. 983 (sauf la finale); Cavallera, n.1462. Puisque l'Église catholique, instruite par l'Esprit-Saint, à la lumière des saintes Écritures et de l'antique tradition des Pères, a enseigné dans les sacrés conciles et enseigne en dernier lieu dans ce concile œcuménique qu'il y a un purgatoire et que les âmes qui y sont détenues sont secourues par les suffrages des fidèles et surtout par le saint sacrifice de l'autel, le saint concile prescrit aux évêques de veiller à ce que la doctrine vraie du purgatoire, reçue des saints Pères et des saints conciles, soit prêchée partout avec zèle et que les chrétiens en soient instruits, s'y attachent et la croient. Mais, près de la foule peu instruite, les prédications populaires devront être dépouillées de toutes questions plus difficiles et subtiles, qui ne présentent aucune utilité pour l'édification et desquelles il ne sort la plupart du temps aucun profit pour la piété. Les évêques ne permettront pas qu'on y aborde les points incertains et qu'on y affirme des choses apparemment fausses. Qu'ils interdisent comme scandaleux et offensant pour les fidèles tout ce qui se rapporte à la pure curiosité, tout ce qui s'inspire d'un lucre honteux. Mais, au contraire, les évêques veilleront à ce que les suffrages des fidèles vivants, à savoir les sacrifices des messes, les prières, les aumônes et les autres œuvres de piété que les fidèles vivants ont coutume d'offrir pour les fidèles défunts se fassent avec piété et dévotion, selon les institutions de l'Église. Les suffrages dus aux défunts par suite des fondations établies par testament ou de toute autre manière, devront être acquittés non avec négligence, mais avec soin et diligence, par les prêtres et les ministres de l'Église et les autres qui y sont tenus.
Ce décret concernant la croyance au purgatoire est intéressant à plus d'un titre et appelle un commentaire:
1. Les sources de la croyance au purgatoire sont indiquées: Écriture sainte, tradition antique des Pères, conciles et très récemment le concile de Trente lui-même.
De la sainte Écriture le concile ne dit rien de plus précis; il laisse donc aux théologiens et aux exégètes le soin de chercher en quelle façon l'Écriture peut donner un fondement à la croyance au purgatoire, soit par des textes précis, comme Eck avant le concile de Trente et Bellarmin, après ce concile, ont voulu le faire, pourchassant ainsi Luther sur le terrain même que sa proposition 37 voulait éluder, soit par la doctrine générale, explicitement proposée par l'Écriture, d:une expiation nécessaire pour tout péché non encore entièrement réparé. Nous avons ici même tracé la marche de cette
double démonstration ex sacris Litteris.
De l'antique tradition des Pères, les théologiens et les prélats assemblés à Trente ont invoqué dans leurs travaux préliminaires les deux chapitres de la première partie du Décret de Gratien, can. 4, Qualis; can. 5, Qui in aliud, dist. XXV, le premier tiré de saint Grégoire, Dial., l. IV, C. XXXIX, P. L., t. LXXVII, col. 396, le second attribué à saint Augustin, en réalité de l'auteur inconnu du De vera et falsa pænitentia, n. 18, P. L., t. XL, col. 1118.
Des conciles les Pères de Trente rappellent simplement le décret d'union. des Grecs, bulle Lætentur cæli, du concile de Florence. D'après l'indication fournie par E. Ehses, Conc. Trid., t. IX, p. 1077, note 3 et 4.
Le concile de Trente lui-même avait déjà touché indirectement ou directement à la question du purgatoire en deux endroits, sess. VI, De justificatione, can. 30, et sess. XXII, De sacrificio missæ, can. 3, cf., c. II. Le rappel de ces deux textes conciliaires fixe l'objet précis de la définition tridentine.
2. Objet précis de la définition tridentine. - a) Sess. VI, can. 30:
Si quis post acceptam justificationis gratiam cuilibet peccatori pænitenti ita culpam remitti et reatum æternæ pœnæ deleri dixerit, ut nullus remaneat reatus pœnæ temporalis, exsolvendæ vel in hoc sæculo, vel in futuro, in purgatorio, antequam ad regna cælorum aditus patere possit; A. S. Denz.-Bannw., n. 840. Si quelqu'un dit qu'à tout pécheur pénitent qui a reçu la grâce de la justification l'offense est tellement remise et l'obligation à la peine éternelle tellement effacée, qu'il ne lui reste aucune obligation de peine temporelle à payer, soit en ce monde, soit dans l'autre, au purgatoire, avant que l'entrée au ciel lui puisse être ouverte, qu'il soit anathème.
Dans le C. XIV, qui correspond à ce canon, le concile s'était contenté d'affirmer que «la pénitence d'un chrétien tombé dans le péché est bien différente de celle du baptême; elle renferme... la satisfaction par le jeûne, les aumônes, les prières et les autres exercices de la vie spirituelle, non certes pour la peine éternelle qui est remise avec la faute par le sacrement ou par le désir du sacrement, mais pour la peine temporelle qui (ainsi l'enseignent les saintes Écritures), n'est pas toujours, comme dans le baptême, remise entièrement». Denz.-Bannw., n. 807. Dans le canon, le concile fait allusion à la possibilité de payer cette dette satisfactoire, soit en ce monde, soit dans l'autre, au purgatoire. La doctrine générale de la satisfaction pour la peine due au péché, pardonné est reprise par le concile, sess. XIV, C. II et can. 12. Voir PÉNITENCE, t. XII, col. 1089, 1110.
b) Sess. XXII, De sacrificio missæ, can. 3:
Si quis dixerit, missæ sacrificium tantum esse laudis et gratiarum actionis, aut nudam commemorationem sacrificii in cruce peracti, non autem propitiatorium, vel soli prodesse sumenti, neque pro vivis et defunctis, pro peccatis, pœnis, satisfactionibus et aliis necessitatibus, offerri debere; A. S. Denz.-Bannw., n. 950. Si quelqu'un dit que le sacrifice de la messe est seulement [un sacrifice] de louange et d'action de grâces, ou une simple commémoraison du sacrifice accompli sur la croix, et non pas un [sacrifice] propitiatoire, ou bien qu'il ne profite qu'au seul prêtre communiant et qu'il ne doit pas être offert pour les vivants et pour les morts, pour les péchés, les peines, les satisfactions et toutes les autres nécessités, qu'il soit anathème.
Ce canon correspond au c. II, dans lequel le concile rappelle la valeur propitiatoire du sacrifice de la messe: cette valeur ne fait, en aucune façon, tort à celle du sacrifice de la croix: «aussi, conformément à la tradition des apôtres [la messe] est offerte non seulement pour les péchés, les peines, les satisfactions et les autres nécessités des fidèles vivants, mais encore pour ceux qui sont morts dans le Christ et ne sont pas encore entièrement purifiés». Denz.-Bannw., n. 940. Voir EUCHARISTIE, t. VI, col. 833-834.
Ces deux points, déjà définis avant la XXVe session, fixent la portée dogmatique du décret concernant le purgatoire: sont proposés comme vérités de foi divine et catholique les deux seuls points déjà touchés au concile de Florence et antérieurement énoncés par le IIe concile de Lyon: existence du purgatoire, c'est-à-dire de peines ultra-terrestres subies par les âmes non encore totalement purifiées de la dette de peine attachée aux péchés pardonnés; utilité des suffrages des vivants pour le soulagement des défunts, et principalement de l'oblation du sacrifice eucharistique. «Il y a un purgatoire, dit notre décret, et les âmes qui y sont détenues sont secourues par les suffrages des fidèles et surtout par le saint sacrifice de la messe.»
3. Prescriptions disciplinaires. -Cette doctrine saine du purgatoire, qui se réduit essentiellement à ces deux points, devra être prêchée partout avec zèle; les chrétiens devront en être instruits, s'y attacher et la croire. Les évêques devront veiller à ce qu'il en soit ainsi. Le concile n'exclut pas de l'enseignement les autres questions plus difficiles et subtiles, mais il ne
veut pas qu'elles soient le thème des prédications populaires. Et la raison en est qu'elles ne présentent aucune utilité pour l'édification et qu'il n'en sort souvent aucun profit pour la piété. Avec quelque apparence de vérité il faut considérer comme inutiles les questions concernant le lieu du purgatoire, la nature, l'intensité et surtout la durée des peines que les âmes y souffrent. Ou, si l'on aborde ces questions devant un auditoire plus cultivé, qu'on le fasse avec toutes les nuances et les réserves vou1ues. L'état des âmes souffrantes par rapport à leur salut éternel nous semble, au contraire, entrer dans l'exposé du dogme lui-même du purgatoire: le purgatoire, étant par définition un état essentiellement temporaire et préparatoire à la béatitude, ne saurait être exposé en ses lignes essentielles sans qu'on affirme en même temps l'état de sainteté des âmes qui expient et la certitude où elles sont de posséder un jour le bonheur céleste.
Les points incertains, par exemple les prétendues certitudes de libération des âmes grâce à l'application de certains suffrages, devront être éliminés. Les choses apparemment fausses, comme les récits d'approitions qui ne seraient pas historiquement démontrées, seront impitoyablement passées sous silence. Enfin, tout ce qui pourrait scandaliser les fidèles, tout ce qui relèverait de la pure curiosité, tout ce qui touche à la superstition ou s'inspire de l'esprit de lucre, est d'avance condamné. C'est ainsi que, dans le décret disciplinaire De observandis et evitandis in celebratione missarum (voir ici, t. X, col. 1139-1141), le concile prescrit l'abolition «d'un nombre déterminé de messes, célébrées par manière de superstition bien plutôt que par esprit de pitié véritable». Conc. Trid., t. VIII, p. 963. Cette interdiction est précédée, dans le décret, de l'obligation «de n'introduire dans la célébration de la messe aucune pratique, cérémonie ou prière que celles approuvées par l'Église et reçues par un usage louable et répandu». Les neuvaines pour les âmes du purgatoire ainsi que la célébration des trente messes grégoriennes sont approuvées par l'Église, elles font donc exception à ces prohibitions portées par le concile. Il faut en dire autant de toute pratique de piété accomplie en faveur des âmes souffrantes, dès là que cette pratique est autorisée par l'Église.
La dernière partie du décret concerne les fondations de prières ou de messes en faveur des âmes du purgatoire. Le concile prescrit à ceux qui sont chargés de les acquitter de le faire avec tout le soin et toute la diligence possibles. Le can. 6 De reformatione de la XXIIe session concède cependant à l'évêque un droit de commutation des dispositions testamentaires, s'il y a des raisons graves. Ibid., p. 966.
5° Le magistère de l'Église après le concile de Trente. -1. La profession de foi de Pie IV (1564): Constanter teneo purgatorium esse, animasque ibi detentas fidelium suffragiis juvari. Denz.-Bannw., n. 998.
2. Profession de foi de Grégoire XIII (1515), imposée aux Grecs. -Elle reprend le texte du concile de Florence et la profession de foi de Pie IV. Denz.-Bannw., n. 1084.
3. Profession de foi de Benoît XIV (1743) imposée aux Orientaux. -Reprise des professions de foi de Florence et de Trente. Denz.-Bannw., n. 1468, 1473.
4. Condamnation par Pie VI de la proposition 42 du synode janséniste de Pistoie, déclarant «lamentable et illusoire l'application des indulgences aux défunts». Denz.-Bannw., n. 1542.
5. Déclaration de Léon XIII:
De plenitudine infiniti spiritualis thesauri ad eos quoque dilectos Ecclesiæ filios, largius quo fieri possit prodesse cupimus; qui morte justorum obita de militia hujus vitæ migrarunt cum signo fidei ac mysticæ vitis inserti propagini, ita tamen ut prohibeantur ingressu in æternam requiem usque dum divinæ justitiæ ultrici pro contractis debitis ad minimum reddant quadrantem. Movemur autem tum piis catholicornm votis ... tum lacrimabili pœnarum quibus defunctorum animæ cruciantur atrocitate ... Sic nimirum piæ animæ, in quibus noxarum reliquiæ terribili cruciatuum magnitudine eluuntur, peropportunum ac singulare solatium percipient ex hostia salutari. Ex litteris Quod anniversarius, die Paschatis 1888; à l'occasion du Jubilé. Cavallera, n. 1463. Cf. Acta sanctæ Sedis, t. XX, p.418.
(col. 1482 milieu haut)
Re: Théologie du Purgatoire
VII. LA SYNTHÈSE CATHOLIQUE DANS LA THÉOLOGIE POSTTRIDENTINE
-Depuis les définitions du concile de Trente, deux théologiens ont surtout contribué à donner à la théologie du purgatoire sa physionomie définitive, Bellarmin et Suarez. Ce n'est pas cependant aux détails mêmes que s'applique ce caractère définitif: des précisions exégétiques, amorcées pour une bonne part par Suarez, ont été apportées au sens des textes scripturaires; aux XIXe et XXe siècles, la critique a dû restituer certains documents patristiques à leurs véritables auteurs; la piété ou la curiosité des théologiens a soulevé, sans pouvoir d'ailleurs les résoudre sérieusement, plusieurs à-côté du problème traditionnel. Mais, en somme, le cadre et les solutions indiqués par Bellarmin et Suarez sont demeurés à la base des traités modernes De purgatorio.
Avec les théologiens posttridentins, nous ferons la synthèse de ce traité en étudiant: 1° l'existence du purgatoire; 2° les peines; 3° l'état des âmes; 4° l'efficacité des suffrages offerts pour les défunts; 5° quelques aspects secondaires du problème.
-Depuis les définitions du concile de Trente, deux théologiens ont surtout contribué à donner à la théologie du purgatoire sa physionomie définitive, Bellarmin et Suarez. Ce n'est pas cependant aux détails mêmes que s'applique ce caractère définitif: des précisions exégétiques, amorcées pour une bonne part par Suarez, ont été apportées au sens des textes scripturaires; aux XIXe et XXe siècles, la critique a dû restituer certains documents patristiques à leurs véritables auteurs; la piété ou la curiosité des théologiens a soulevé, sans pouvoir d'ailleurs les résoudre sérieusement, plusieurs à-côté du problème traditionnel. Mais, en somme, le cadre et les solutions indiqués par Bellarmin et Suarez sont demeurés à la base des traités modernes De purgatorio.
Avec les théologiens posttridentins, nous ferons la synthèse de ce traité en étudiant: 1° l'existence du purgatoire; 2° les peines; 3° l'état des âmes; 4° l'efficacité des suffrages offerts pour les défunts; 5° quelques aspects secondaires du problème.
Re: Théologie du Purgatoire
I. L'EXISTENCE DU PURGATOIRE.
-Elle est considérée par tous comme un dogme de la foi. Elle est démontrée par l'Écriture, par la tradition, par la raison théologique. Enfin les apologistes font valoir l'accord de la doctrine catholique avec les exigences purement rationnelles ainsi que ses convenances morales.
1° La démonstration scripturaire. -Nous avons reproduit, au début de cet article, les témoignages sur lesquels s'appuie Bellarmin pour démontrer, en prenant le contre-pied de la proposition 37 de Luther, l'existence du purgatoire. Bellarmin, Controversiæ, De purgatorio, dans Opera, éd. Vivès, t. III, p. 53 sq. On a noté que, pour conférer à 13 plupart des textes de l'Ancien Testament une valeur démonstrative, Bellarmin avait dû les faire escorter d'un imposant cortège d'interprétations patristiques qui en précisent le sens. J. de La Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p. 278.
Suarez suit de plus près le sens littéral des textes. De pænitentia, disp. XLV, De purgatorio in genere, dans Opera, éd. Vivès, t. XXII, p. 879 sq. De l'Ancien Testament il ne retient comme texte vraiment probant que II Mac., XII, 42 sq. Les autres témoignages ou peuvent être discutés, ou n'apportent qu'une indication probable, ou encore doivent être abandonnés. Du Nouveau Testament certains textes lui paraissent discutables ou d'une valeur simplement probable: I Cor., XV, 29; Luc., XVI, 9; d'autres sont démonstratifs: Matth., v, 26; XII, 32; d'autres enfin lui paraissent affirmer un principe dont on pourrait déduire le purgatoire, et c'est encore bien obscur: Act., II, 24; Matth., v, 22. C'est I Cor., III, 11-15, qui retient toute l'attention de Suarez. Il est hésitant sur lé sens à donner à la métaphore du bois, de la paille, du foin: péchés véniels ou péchés mortels? Mais salvus erit indique à coup sûr non la persistance dans l'existence, mais le salut éternel. N. 14-18. Incertitude également quant à la personnalité des constructeurs de l'édifice: n'importe quel juste ou simplement les prédicateurs de la foi? Hésitation pareillement sur le feu dont il est question comme instrument de l'épreuve à laquelle seront soumises les oeuvres de chacun. N. 22-28. Mais finalement Suarez s'arrête à cette solution: «Tous seront examinés par le feu parce que tous seront jugés pour savoir si le feu purificateur doit leur être appliqué.» N. 28.
On le voit, à part le texte de II Mac., grandes hésitations partout, même dans l'interprétation de I Cor., III, 11-15. Ce texte cependant a été si universellement invoqué dans l'Église latine que presque tous les théologiens modernes l'ont retenu, unanimes à s'appuyer sur II Mac., XII, 42,; Matth., XII, 32, et I Cor., III, 11-15. Ainsi D. Palmieri, De novissimis, § 20, n. 5-11 (il ajoute un quatrième texte, Luc., XII, 58); C. Mazzella, De Deo creante, n. 1331-1333; Ch. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, t. IX, n. 589-591; Billot, De novissimis, th. V (certains textes de l'Ancien Testament cependant cités comme illustrant, par l'usage antique de la Synagogue, le geste de Judas Machabée); Lépicier, De novissimis, q. V, a. 1, n. 3 (p. 251-254) (en plus, Matth., III, 11); Sanda, Synopsis, t. I, § 350, n. 4-5; Hugon, Tractatus dogmatici, t. IV, De novissimis, q. IV, a. 2 (en plus, Matth., v, 26); Tanquerey, Synopsis, 1:. III, n. 1126, etc. Plus strict, Perrone n'admet, avec raison, nous semble-t-il, que II Mac., XII, 42, et Matth., XII, 32, Prælectiones theologicæ, éd. Migne., Paris, 1856, t. I, col. 836. Diekamp s'appuie sur II Mac., XII, 42, I Cor:, III, 10-15 et II Tim., I, 16-18, Theologiæ dogmatiæ manuale, t. IV, Tournai, 1934, p. 516-517. Labauche passe sous silence l'argument scripturaire, Leçons de théologie dogmatique, t. II, Paris, 1911, p.411.
On peut s'étonner, en revanche, de trouver encore des auteurs qui accordent une importance exagérée à certains textes de l'Ancien Testament. G. Atzberger n'a pas su éviter ce défaut dans son volume, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung, Fribourg-en-B., 1890. Et nous le rencontrons, plus, accentué encore, dans J. Bautz, Das Fegfeuer, Mayence, 1883, et Fr. Schmid, Das Fegfeuer, Brixen, 1904.
2° L'argument de tradition. -L'argument de tradition est développé avec complaisance par Bellarmin. Ce théologien montre d'anciens conciles des diverses Églises reconnaissant expressément le purgatoire, ou l'admettant équivalemment lorsqu'ils recommandent la prière pour les morts. Il signale cette prière dans toutes les liturgies connues; il montre que cette prière n'a pas seulement pour but, comme le disaient Pierre Martyr, Loci communes, Londres, 1576, p. 768, ou Calvin, Institution chrétienne, de rappeler aux vivants la pensée de la mort ou d'empêcher que le souvenir des défunts ne périsse de la communauté chrétienne; mais les textes liturgiques et les interprétations qu'en donnent les Pères montrent bien que l'objet de la prière est le soulagement, la délivrance des âmes souffrantes. Bellarmin, op. cit., C. VI, p. 76. Enfin il est possible d'apporter des textes positifs dans lesquels les Pères ou recommandent la prière pour le soulagement des défunts, ou exposent clairement la doctrine catholique sur la matière. Ibid., c. X, p. 79-82. Bellarmin n'apporte aucun texte clair antérieur au IVe siècle; mais sa démonstration lui parait si convaincante qu'il n'hésite pas à conclure: «Quand bien même, les Pères n'auraient jamais nommé le purgatoire, il suffirait de leur enseignement si clair sur le besoin que certaines âmes ont de soulagement, et sur le secours que leur apportent les prières des fidèles, pour être fixé sur leur sentiment.» Ibid., p. 81. Cf. J. de La Servière, op. cit., p. 282-283.
Suarez n'apporte rien de nouveau aux textes invoqués par Bellarmin. Il fait simplement remarquer que beaucoup d'assertions relatives au purgatoire sont formulées par les Pères dans leur commentaire des textes de l'Ancien et du Nouveau Testament qu'on a coutume d'invoquer, surtout de I Cor., III, 11-15. Plusieurs autorités citées par Suarez doivent être aujourd'hui éliminées comme inauthentiques. Op. cit., n. 30-33.
Les théologiens postérieurs n'ont pas ajouté grand chose à ces essais encore informes de théologie positive. Il convient cependant de rappeler l'opuscule d'Arcudius, De purgatorio igne adversus Barlaam, Rome, 1637 (on sait que l'étude attribuée ici à Barlaam est en réalité le discours de Bessarion au concile de Florence); l'ouvrage d'Allatius, De utriusque Ecclesiæ occidentalis atque orientalis perpetua in dogmate de purgatorio consensione, dans Migne, Theologiæ cursus,
t. XVIII (cet ouvrage, paru à Rome, en 1655, s'efforce de supprimer toute divergence entre l'Église grecque et l'Église romaine: la critique y perd parfois ses droits); Arnauld, Perpétuité de la foi, éd. Migne, t. III, 1. VIII, c. VI-X, p. 1123 sq. Les deux dernières études ont contribué dans une large mesure à attirer l'attention des théologiens sur les points de contact et de dissemblance qui règnent entre les deux Églises. Le travail a été repris, au XIX. siècle, d'une manière encore assez peu critique par Valentin Loch, Das Dogma der griechischen Kirche vom Purgatorium, Ratisbonne, 1842. Des deux ouvrages déjà cités de Bautz et de Schmid la critique est totalement absente. Bartmann, Das Fegfeuer, Paderborn, 1928, est plus au point. L'ouvrage d'Atzberger, Geschichte der christlichen Eschatologie innerhalb der vornicänischen Zeit, Fribourg-en-B., 1896, s'efforce d'élucider, pour les trois premiers siècles, plus d'un point obscur.
-Elle est considérée par tous comme un dogme de la foi. Elle est démontrée par l'Écriture, par la tradition, par la raison théologique. Enfin les apologistes font valoir l'accord de la doctrine catholique avec les exigences purement rationnelles ainsi que ses convenances morales.
1° La démonstration scripturaire. -Nous avons reproduit, au début de cet article, les témoignages sur lesquels s'appuie Bellarmin pour démontrer, en prenant le contre-pied de la proposition 37 de Luther, l'existence du purgatoire. Bellarmin, Controversiæ, De purgatorio, dans Opera, éd. Vivès, t. III, p. 53 sq. On a noté que, pour conférer à 13 plupart des textes de l'Ancien Testament une valeur démonstrative, Bellarmin avait dû les faire escorter d'un imposant cortège d'interprétations patristiques qui en précisent le sens. J. de La Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908, p. 278.
Suarez suit de plus près le sens littéral des textes. De pænitentia, disp. XLV, De purgatorio in genere, dans Opera, éd. Vivès, t. XXII, p. 879 sq. De l'Ancien Testament il ne retient comme texte vraiment probant que II Mac., XII, 42 sq. Les autres témoignages ou peuvent être discutés, ou n'apportent qu'une indication probable, ou encore doivent être abandonnés. Du Nouveau Testament certains textes lui paraissent discutables ou d'une valeur simplement probable: I Cor., XV, 29; Luc., XVI, 9; d'autres sont démonstratifs: Matth., v, 26; XII, 32; d'autres enfin lui paraissent affirmer un principe dont on pourrait déduire le purgatoire, et c'est encore bien obscur: Act., II, 24; Matth., v, 22. C'est I Cor., III, 11-15, qui retient toute l'attention de Suarez. Il est hésitant sur lé sens à donner à la métaphore du bois, de la paille, du foin: péchés véniels ou péchés mortels? Mais salvus erit indique à coup sûr non la persistance dans l'existence, mais le salut éternel. N. 14-18. Incertitude également quant à la personnalité des constructeurs de l'édifice: n'importe quel juste ou simplement les prédicateurs de la foi? Hésitation pareillement sur le feu dont il est question comme instrument de l'épreuve à laquelle seront soumises les oeuvres de chacun. N. 22-28. Mais finalement Suarez s'arrête à cette solution: «Tous seront examinés par le feu parce que tous seront jugés pour savoir si le feu purificateur doit leur être appliqué.» N. 28.
On le voit, à part le texte de II Mac., grandes hésitations partout, même dans l'interprétation de I Cor., III, 11-15. Ce texte cependant a été si universellement invoqué dans l'Église latine que presque tous les théologiens modernes l'ont retenu, unanimes à s'appuyer sur II Mac., XII, 42,; Matth., XII, 32, et I Cor., III, 11-15. Ainsi D. Palmieri, De novissimis, § 20, n. 5-11 (il ajoute un quatrième texte, Luc., XII, 58); C. Mazzella, De Deo creante, n. 1331-1333; Ch. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, t. IX, n. 589-591; Billot, De novissimis, th. V (certains textes de l'Ancien Testament cependant cités comme illustrant, par l'usage antique de la Synagogue, le geste de Judas Machabée); Lépicier, De novissimis, q. V, a. 1, n. 3 (p. 251-254) (en plus, Matth., III, 11); Sanda, Synopsis, t. I, § 350, n. 4-5; Hugon, Tractatus dogmatici, t. IV, De novissimis, q. IV, a. 2 (en plus, Matth., v, 26); Tanquerey, Synopsis, 1:. III, n. 1126, etc. Plus strict, Perrone n'admet, avec raison, nous semble-t-il, que II Mac., XII, 42, et Matth., XII, 32, Prælectiones theologicæ, éd. Migne., Paris, 1856, t. I, col. 836. Diekamp s'appuie sur II Mac., XII, 42, I Cor:, III, 10-15 et II Tim., I, 16-18, Theologiæ dogmatiæ manuale, t. IV, Tournai, 1934, p. 516-517. Labauche passe sous silence l'argument scripturaire, Leçons de théologie dogmatique, t. II, Paris, 1911, p.411.
On peut s'étonner, en revanche, de trouver encore des auteurs qui accordent une importance exagérée à certains textes de l'Ancien Testament. G. Atzberger n'a pas su éviter ce défaut dans son volume, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung, Fribourg-en-B., 1890. Et nous le rencontrons, plus, accentué encore, dans J. Bautz, Das Fegfeuer, Mayence, 1883, et Fr. Schmid, Das Fegfeuer, Brixen, 1904.
2° L'argument de tradition. -L'argument de tradition est développé avec complaisance par Bellarmin. Ce théologien montre d'anciens conciles des diverses Églises reconnaissant expressément le purgatoire, ou l'admettant équivalemment lorsqu'ils recommandent la prière pour les morts. Il signale cette prière dans toutes les liturgies connues; il montre que cette prière n'a pas seulement pour but, comme le disaient Pierre Martyr, Loci communes, Londres, 1576, p. 768, ou Calvin, Institution chrétienne, de rappeler aux vivants la pensée de la mort ou d'empêcher que le souvenir des défunts ne périsse de la communauté chrétienne; mais les textes liturgiques et les interprétations qu'en donnent les Pères montrent bien que l'objet de la prière est le soulagement, la délivrance des âmes souffrantes. Bellarmin, op. cit., C. VI, p. 76. Enfin il est possible d'apporter des textes positifs dans lesquels les Pères ou recommandent la prière pour le soulagement des défunts, ou exposent clairement la doctrine catholique sur la matière. Ibid., c. X, p. 79-82. Bellarmin n'apporte aucun texte clair antérieur au IVe siècle; mais sa démonstration lui parait si convaincante qu'il n'hésite pas à conclure: «Quand bien même, les Pères n'auraient jamais nommé le purgatoire, il suffirait de leur enseignement si clair sur le besoin que certaines âmes ont de soulagement, et sur le secours que leur apportent les prières des fidèles, pour être fixé sur leur sentiment.» Ibid., p. 81. Cf. J. de La Servière, op. cit., p. 282-283.
Suarez n'apporte rien de nouveau aux textes invoqués par Bellarmin. Il fait simplement remarquer que beaucoup d'assertions relatives au purgatoire sont formulées par les Pères dans leur commentaire des textes de l'Ancien et du Nouveau Testament qu'on a coutume d'invoquer, surtout de I Cor., III, 11-15. Plusieurs autorités citées par Suarez doivent être aujourd'hui éliminées comme inauthentiques. Op. cit., n. 30-33.
Les théologiens postérieurs n'ont pas ajouté grand chose à ces essais encore informes de théologie positive. Il convient cependant de rappeler l'opuscule d'Arcudius, De purgatorio igne adversus Barlaam, Rome, 1637 (on sait que l'étude attribuée ici à Barlaam est en réalité le discours de Bessarion au concile de Florence); l'ouvrage d'Allatius, De utriusque Ecclesiæ occidentalis atque orientalis perpetua in dogmate de purgatorio consensione, dans Migne, Theologiæ cursus,
t. XVIII (cet ouvrage, paru à Rome, en 1655, s'efforce de supprimer toute divergence entre l'Église grecque et l'Église romaine: la critique y perd parfois ses droits); Arnauld, Perpétuité de la foi, éd. Migne, t. III, 1. VIII, c. VI-X, p. 1123 sq. Les deux dernières études ont contribué dans une large mesure à attirer l'attention des théologiens sur les points de contact et de dissemblance qui règnent entre les deux Églises. Le travail a été repris, au XIX. siècle, d'une manière encore assez peu critique par Valentin Loch, Das Dogma der griechischen Kirche vom Purgatorium, Ratisbonne, 1842. Des deux ouvrages déjà cités de Bautz et de Schmid la critique est totalement absente. Bartmann, Das Fegfeuer, Paderborn, 1928, est plus au point. L'ouvrage d'Atzberger, Geschichte der christlichen Eschatologie innerhalb der vornicänischen Zeit, Fribourg-en-B., 1896, s'efforce d'élucider, pour les trois premiers siècles, plus d'un point obscur.
Re: Théologie du Purgatoire
Les théologiens récents insistent tous sur le fait que, dès les débuts, l'Église a prié pour les morts. Quant aux textes positifs concernant le purgatoire, ils se contentent le plus souvent de faire un choix parmi ceux qui leur paraissent le plus convaincants. Le manuel de Tanquerey, op. cit., t. III; no. 1127, nous semble avoir fourni la meilleure indication relativement à la façon d'envisager l'argument de tradition: il marque trois stades dans l'affirmation du dogme du purgatoire: pendant les quatre premiers siècles, l'existence du purgatoire est confessée dans l'universelle pratique d'offrir
des prières et des sacrifices pour les défunts, et même déjà quelques Pères parlent explicitement du purgatoire; à partir de saint Augustin les témoignages en faveur du purgatoire commencent à se multiplier et à se préciser, et les Pères postérieurs à Augustin précisent encore cette doctrine; enfin la pleine possession de la vérité se manifeste au Moyen Age avec les scolastiques et s'affirme à Lyon et à Florence. On remarquera que c'est le cadre même de notre article. Ch. Pesch est peut-être l'auteur qui a le mieux utilisé les documents de la tradition, op. cit., t. IX, n. 592-596; mais aucune étude d'ensemble n'a encore été faite.
L'argument de tradition doit se compléter par l'étude des conciles. Bellarmin et Suarez ont rappelé opportunément certaines décisions de conciles particuliers concernant les suffrages accordés aux défunts. Bautz a assez bien colligé ces décisions. Op. cit., part. I, § 9, p. 105-108. Mais le concile de Florence n'a pas été suffisamment étudié sur la question du purgatoire. Les théologiens sont d'ailleurs excusables, les Actes concernant le purgatoire n'ayant été publiés qu'en 1922. Aussi avons-nous voulu les résumer ici aussi complètement que possible. Les éditions futures devront tenir davantage compte du décret d'union qui, précisément pour permettre l'union, se tait sur la question du feu réel.
Enfin l'argument s'achève par le rappel des liturgies diverses, qui toutes comportent la prière pour les défunts. Sur ce point l'argument proposé par nos théologiens posttridentins se ressent de la solidité et de l'antiquité de la tradition ecclésiastique elle-même. Les auteurs plus récents y ont apporté une érudition plus considérable et un souci plus marqué de la critique des documents. Mais essentiellement l'argument demeure, comme il l'a toujours été, le plus solide de tous.
3° La raison théologique. -Un certain nombre d'auteurs passent sous silence cet argument, par exemple Perrone, Palmieri, Ch. Fesch. D'autres ne font que l'indiquer en passant, ou même la confondent avec l'argument de raison de convenance.
Il nous semble qu'un argument très solide et très convaincant de raison théologique doit être apporté en faveur de l'existence du purgatoire. C'est celui-là même que nous avons développé dans le § 1 de la deuxième partie de cet article: l'expiation personnelle dans l'économie de la rédemption (col. 1179 sq.).
Bellarmin, sans remonter à ce principe général, en note cependant les applications à propos du purgatoire: il y a des péchés véniels ne méritant qu'une peine temporelle; il peut donc arriver qu'un homme meure ayant de tels péchés sur la conscience; ils doivent donc être expiés dans l'autre vie. Le même raisonnement vaut pour le pécheur réconcilié avec Dieu mais ayant encore une peine temporelle à expier. Loc. cit., c. X, p. 81. Entre les très bons, à qui la récompense éternelle est immédiatement conférée, et les très mauvais, qu'attend le supplice éternel, il y a place pour les médiocres, qui doivent être purifiés avant d'entrer dans l'éternel bonheur. Ibid., p. 85.
Suarez, plus théologiquement peut-être que Bellarmin, rappelle les trois principes qui commandent l'argument de raison théologique: l'existence des péchés véniels non expiés à la mort, op. cit., n. 34; l'existence d'une peine temporelle due aux péchés mortels pardonnés, n. 35; la nécessité morale (ad divinæ justitiæ æquitatem pertinere) d'une expiation pour que le pécheur encore endetté envers la justice divine puisse entrer au ciel. N. 36.
C'est l'argument ébauché par saint Thomas dans les deux articles De purgatorio de l'appendice de la Somme théologique et que l'on retrouve, plus ou moins écourté, dans la plupart des manuels de théologie. Mazzella, op. cit., n. 1335; Hugon, op. cit., q. IV, a. 2, n. 8, p. 791; Hervé, Manuale, t. IV, n. 656; Lépicier, loc. cit., n. 8; Diekamp, Manuale, t. IV, p. 518-519. Tanquerey, à tort, y voit une simple raison de convenance, toc. cit., n. 1130; Billot se contente, dans son traité des fins dernières, de parler en général des raisons théologiques per se obvias; c'est qu'il a développé cet argument ailleurs, De personali et originali peccato, Rome, 1924, De reatu pœnæ, p. 77 sq.; De peccato veniali, th. VIII, p. 109 sq.
des prières et des sacrifices pour les défunts, et même déjà quelques Pères parlent explicitement du purgatoire; à partir de saint Augustin les témoignages en faveur du purgatoire commencent à se multiplier et à se préciser, et les Pères postérieurs à Augustin précisent encore cette doctrine; enfin la pleine possession de la vérité se manifeste au Moyen Age avec les scolastiques et s'affirme à Lyon et à Florence. On remarquera que c'est le cadre même de notre article. Ch. Pesch est peut-être l'auteur qui a le mieux utilisé les documents de la tradition, op. cit., t. IX, n. 592-596; mais aucune étude d'ensemble n'a encore été faite.
L'argument de tradition doit se compléter par l'étude des conciles. Bellarmin et Suarez ont rappelé opportunément certaines décisions de conciles particuliers concernant les suffrages accordés aux défunts. Bautz a assez bien colligé ces décisions. Op. cit., part. I, § 9, p. 105-108. Mais le concile de Florence n'a pas été suffisamment étudié sur la question du purgatoire. Les théologiens sont d'ailleurs excusables, les Actes concernant le purgatoire n'ayant été publiés qu'en 1922. Aussi avons-nous voulu les résumer ici aussi complètement que possible. Les éditions futures devront tenir davantage compte du décret d'union qui, précisément pour permettre l'union, se tait sur la question du feu réel.
Enfin l'argument s'achève par le rappel des liturgies diverses, qui toutes comportent la prière pour les défunts. Sur ce point l'argument proposé par nos théologiens posttridentins se ressent de la solidité et de l'antiquité de la tradition ecclésiastique elle-même. Les auteurs plus récents y ont apporté une érudition plus considérable et un souci plus marqué de la critique des documents. Mais essentiellement l'argument demeure, comme il l'a toujours été, le plus solide de tous.
3° La raison théologique. -Un certain nombre d'auteurs passent sous silence cet argument, par exemple Perrone, Palmieri, Ch. Fesch. D'autres ne font que l'indiquer en passant, ou même la confondent avec l'argument de raison de convenance.
Il nous semble qu'un argument très solide et très convaincant de raison théologique doit être apporté en faveur de l'existence du purgatoire. C'est celui-là même que nous avons développé dans le § 1 de la deuxième partie de cet article: l'expiation personnelle dans l'économie de la rédemption (col. 1179 sq.).
Bellarmin, sans remonter à ce principe général, en note cependant les applications à propos du purgatoire: il y a des péchés véniels ne méritant qu'une peine temporelle; il peut donc arriver qu'un homme meure ayant de tels péchés sur la conscience; ils doivent donc être expiés dans l'autre vie. Le même raisonnement vaut pour le pécheur réconcilié avec Dieu mais ayant encore une peine temporelle à expier. Loc. cit., c. X, p. 81. Entre les très bons, à qui la récompense éternelle est immédiatement conférée, et les très mauvais, qu'attend le supplice éternel, il y a place pour les médiocres, qui doivent être purifiés avant d'entrer dans l'éternel bonheur. Ibid., p. 85.
Suarez, plus théologiquement peut-être que Bellarmin, rappelle les trois principes qui commandent l'argument de raison théologique: l'existence des péchés véniels non expiés à la mort, op. cit., n. 34; l'existence d'une peine temporelle due aux péchés mortels pardonnés, n. 35; la nécessité morale (ad divinæ justitiæ æquitatem pertinere) d'une expiation pour que le pécheur encore endetté envers la justice divine puisse entrer au ciel. N. 36.
C'est l'argument ébauché par saint Thomas dans les deux articles De purgatorio de l'appendice de la Somme théologique et que l'on retrouve, plus ou moins écourté, dans la plupart des manuels de théologie. Mazzella, op. cit., n. 1335; Hugon, op. cit., q. IV, a. 2, n. 8, p. 791; Hervé, Manuale, t. IV, n. 656; Lépicier, loc. cit., n. 8; Diekamp, Manuale, t. IV, p. 518-519. Tanquerey, à tort, y voit une simple raison de convenance, toc. cit., n. 1130; Billot se contente, dans son traité des fins dernières, de parler en général des raisons théologiques per se obvias; c'est qu'il a développé cet argument ailleurs, De personali et originali peccato, Rome, 1924, De reatu pœnæ, p. 77 sq.; De peccato veniali, th. VIII, p. 109 sq.
Re: Théologie du Purgatoire
4° Les raisons de convenance. -On les trouve développées plus ou moins en connexion avec la raison théologique. Nulle part on ne les trouve mieux présentées que dans l'art. Purgatoire du Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. IV, col. 512-515. L'auteur envisage tout d'abord les convenances rationnelles; ensuite les convenances morales.
1. Convenances rationnelles. -Pour les spiritualistes, le dogme du purgatoire n'a rien qui ne s'accorde pleinement avec les principes mêmes de la raison. L'ordre moral doit être rétabli dans la mesure où il a été violé; or, le rétablissement de la justice ne s'effectue en ce monde que d'une manière très imparfaite: il semble donc conforme à la justice divine qu'une dette subsistant encore à son égard après la mort appelle une réparation dans l'au-delà. Ce qui différencie cet argument de la raison théologique, c'est que la raison théologique s'appuie, en dernière analyse, sur les vérités certaines que lui apporte la révélation touchant la réparation due au péché; ici, la simple raison naturelle ne fait état que de ses propres lumières. Dans le premier cas, l'argument est de valeur contraignante; ici, il s'offre comme une simple convenance, infiniment vraisemblable, mais qui ne s'impose pas à la raison d'une manière absolument certaine. Et c'est à ce point de vue de la convenance rationnelle que les auteurs rapportent les croyances convergentes des peuples païens eux-mêmes, Égyptiens, Babyloniens, Perses, qui, sous des formes différentes, ont promulgué la nécessité d'une expiation pour les péchés, voire d'une sorte de purgatoire préparant l'entrée des âmes dans la félicité. La doctrine de Platon confirme cette convenance rationnelle du purgatoire: «À peine séparées de leur corps, les âmes arrivent devant le juge, qui les examine attentivement... Aperçoit-il une âme défigurée par le péché, il renvoie aussitôt avec ignominie aux cachots où elle doit subir les justes châtiments de ses crimes... Or il y en a qui profitent des peines qu'ils endurent; ce sont ceux dont les fautes sont de nature à être expiées... Toutefois cet amendement ne s'opère en eux que par la voie des douleurs et dès souffrances, car il n'est pas possible d'être délivré autrement de l'injustice. Pour ceux qui ont commis les plus grands crimes et qui, en raison de cette perversité, sont devenus incurables, ils servent pour l'exemple. Leur supplice ne leur est d'aucune utilité parce qu'ils sont incapables de guérison.» Gorgias, 522 sq.; Phédon, 113 sq.
2. Convenances morales. -Est-il besoin de montrer combien la doctrine du purgatoire est, pour le catholique, bienfaisante et douce?
En nous donnant une si haute idée de la sainteté et de la majesté divine et en fortifiant en nous le sens de la justice, [cette doctrine] avive dans les âmes l'appréhension de toutes fautes, même des plus légères, si bien que la pensée d'un purgatoire où se purifient les défunts est purifiante elle-même pour les vivants.
Elle répond en même temps aux sentiments les plus profonds comme aux aspirations les plus élevées du coeur humain. En nous rendant familière la croyance à l'immortalité de l'âme et en tournant le cours de nos méditations vers l'au-delà, en nous apprenant que le lien si fort et si doux qui nous attachait à nos chers disparus n'est pas entièrement brisé par le trépas, que nous restons en communion de pensée et de sainte charité avec eux; que nous pouvons encore faire quelque chose pour eux, alléger leur souffrance, leur ouvrir plus vite les joies du ciel, elle maintient vivant et agissant le culte d'affection qui les entourait dans leur vie et qui s'exalte à la mort. Et notre coeur nous pousse à leur donner, tant que nous leur survivons, le meilleur de nous-mêmes, nos prières, nos sacrifices, nos bonnes oeuvres. C'est la suprême consolation dans le déchirement des séparations cruelles. Art. cité, col. 514.
5° Les objections. -La théologie posttridentine complète ordinairement la question de l'existence du purgatoire par la réfutation des objections soulevées par les protestants. A Bellarmin, op. cit., c. XII, p. 86 sq., à Suarez, loc. cit., n. 38-40, il faut ajouter ici Estius, In IVum Sent., dist. XXI, § 4, qui semble avoir donné d'une façon plus précise encore, le cadre de cette discussion. Les efforts des adversaires portent à la fois sur le terrain scripturaire, patristique et dogmatique.
1. Au point de vue scripturaire, l'apologiste catholique doit tout d'abord rétablir et défendre l'autorité et le caractère canonique du IIe livre des Machabées. Il lui faut ensuite établir le sens exact des textes du Nouveau Testament sur lesquels il pense pouvoir fonder la révélation du dogme du purgatoire. Il est enfin nécessaire de préciser le sens et la portée de certains textes qui semblent exclure un état intermédiaire entre le ciel et l'enfer pour les âmes séparées de leurs corps.
Ces textes, dit Suarez, loc. cit., n. 38, contiennent deux affirmations. La première est qu'après cette vie il n'y a plus possibilité de mériter ou de satisfaire par ses oeuvres propres, mais il faut subir la juste sentence du juge, que cette sentence concerne l'enfer ou le purgatoire, peu importe. Ainsi doit être compris Eccl., IX, 10: «Il n'y a plus ni oeuvre, ni science, ni sagesse, dans le séjour des morts où tu vas.» La seconde est qu'après cette vie il n'y a que deux termes ultimes vers lesquels se dirige l'humanité responsable de ses actes: le paradis et l'enfer, ce qui ne veut pas dire qu'avant ce terme ultime du paradis, une expiation préparatoire ne sera pas à subir. Ainsi doivent être compris Eccl., XI, 3; Matth., XXV, 34, 41; Marc., XVI, 16. Cf. Bellarmin, op. cit., c. XII, p. 86. Si les adversaires insistent et proposent certains textes qui semblent promettre la récompense aux justes immédiatement après la mort, sans aucune attente, par exemple Ps., CXXVI, 2, 3; II Cor., v, 1; Apoc., XIV, 13; Joa., v, 24, il faut répondre que l'Écriture, en aucun de ces textes, ne parle d'une récompense immédiate: elle sous-entend toujours la condition d'une justice parfaite au moment de la récompense, si digni sunt vel perfecte purgati. Cf. saint Augustin, In Joannem, tr. XLIX, n. 10, P. L., t. XXXV, col. 1751. Suarez fait observer que ces textes n'ont pas tous besoin d'une semblable explication. Au sens littéral le ps. CXXVI ne regarde pas la récompense de la vie future; saint Paul, dans II Cor., v, 1, invite à l'espérance d'une demeure éternelle, sans préciser le moment où on pourra l'habiter; l'Apocalypse ne vise que les parfaitement justes et, pour les autres, qui ont encore quelque expiation à offrir, il est déjà exact de perler de repos, puisqu'ils sont certains de leur béatitude éternelle. Au canon de la messe nous prions pour les âmes du purgatoire, qui reposent dans le Christ et dorment du sommeil de la paix. Suarez, loc. cit., n. 39-40. Saint Augustin avait proposé ici une autre explication: le cas visé serait celui des martyrs, De civilate Dei, 1. XX, c. IX, n. 2, P. L., t. XLI, col. 674; cf. Lépicier, op. cit., p. 264. Enfin, Joa., v, 24, doit s'interpréter d'une récompense future, mais non nécessairement immédiate. Lépicier, op. cit., p. 265.
1. Convenances rationnelles. -Pour les spiritualistes, le dogme du purgatoire n'a rien qui ne s'accorde pleinement avec les principes mêmes de la raison. L'ordre moral doit être rétabli dans la mesure où il a été violé; or, le rétablissement de la justice ne s'effectue en ce monde que d'une manière très imparfaite: il semble donc conforme à la justice divine qu'une dette subsistant encore à son égard après la mort appelle une réparation dans l'au-delà. Ce qui différencie cet argument de la raison théologique, c'est que la raison théologique s'appuie, en dernière analyse, sur les vérités certaines que lui apporte la révélation touchant la réparation due au péché; ici, la simple raison naturelle ne fait état que de ses propres lumières. Dans le premier cas, l'argument est de valeur contraignante; ici, il s'offre comme une simple convenance, infiniment vraisemblable, mais qui ne s'impose pas à la raison d'une manière absolument certaine. Et c'est à ce point de vue de la convenance rationnelle que les auteurs rapportent les croyances convergentes des peuples païens eux-mêmes, Égyptiens, Babyloniens, Perses, qui, sous des formes différentes, ont promulgué la nécessité d'une expiation pour les péchés, voire d'une sorte de purgatoire préparant l'entrée des âmes dans la félicité. La doctrine de Platon confirme cette convenance rationnelle du purgatoire: «À peine séparées de leur corps, les âmes arrivent devant le juge, qui les examine attentivement... Aperçoit-il une âme défigurée par le péché, il renvoie aussitôt avec ignominie aux cachots où elle doit subir les justes châtiments de ses crimes... Or il y en a qui profitent des peines qu'ils endurent; ce sont ceux dont les fautes sont de nature à être expiées... Toutefois cet amendement ne s'opère en eux que par la voie des douleurs et dès souffrances, car il n'est pas possible d'être délivré autrement de l'injustice. Pour ceux qui ont commis les plus grands crimes et qui, en raison de cette perversité, sont devenus incurables, ils servent pour l'exemple. Leur supplice ne leur est d'aucune utilité parce qu'ils sont incapables de guérison.» Gorgias, 522 sq.; Phédon, 113 sq.
2. Convenances morales. -Est-il besoin de montrer combien la doctrine du purgatoire est, pour le catholique, bienfaisante et douce?
En nous donnant une si haute idée de la sainteté et de la majesté divine et en fortifiant en nous le sens de la justice, [cette doctrine] avive dans les âmes l'appréhension de toutes fautes, même des plus légères, si bien que la pensée d'un purgatoire où se purifient les défunts est purifiante elle-même pour les vivants.
Elle répond en même temps aux sentiments les plus profonds comme aux aspirations les plus élevées du coeur humain. En nous rendant familière la croyance à l'immortalité de l'âme et en tournant le cours de nos méditations vers l'au-delà, en nous apprenant que le lien si fort et si doux qui nous attachait à nos chers disparus n'est pas entièrement brisé par le trépas, que nous restons en communion de pensée et de sainte charité avec eux; que nous pouvons encore faire quelque chose pour eux, alléger leur souffrance, leur ouvrir plus vite les joies du ciel, elle maintient vivant et agissant le culte d'affection qui les entourait dans leur vie et qui s'exalte à la mort. Et notre coeur nous pousse à leur donner, tant que nous leur survivons, le meilleur de nous-mêmes, nos prières, nos sacrifices, nos bonnes oeuvres. C'est la suprême consolation dans le déchirement des séparations cruelles. Art. cité, col. 514.
5° Les objections. -La théologie posttridentine complète ordinairement la question de l'existence du purgatoire par la réfutation des objections soulevées par les protestants. A Bellarmin, op. cit., c. XII, p. 86 sq., à Suarez, loc. cit., n. 38-40, il faut ajouter ici Estius, In IVum Sent., dist. XXI, § 4, qui semble avoir donné d'une façon plus précise encore, le cadre de cette discussion. Les efforts des adversaires portent à la fois sur le terrain scripturaire, patristique et dogmatique.
1. Au point de vue scripturaire, l'apologiste catholique doit tout d'abord rétablir et défendre l'autorité et le caractère canonique du IIe livre des Machabées. Il lui faut ensuite établir le sens exact des textes du Nouveau Testament sur lesquels il pense pouvoir fonder la révélation du dogme du purgatoire. Il est enfin nécessaire de préciser le sens et la portée de certains textes qui semblent exclure un état intermédiaire entre le ciel et l'enfer pour les âmes séparées de leurs corps.
Ces textes, dit Suarez, loc. cit., n. 38, contiennent deux affirmations. La première est qu'après cette vie il n'y a plus possibilité de mériter ou de satisfaire par ses oeuvres propres, mais il faut subir la juste sentence du juge, que cette sentence concerne l'enfer ou le purgatoire, peu importe. Ainsi doit être compris Eccl., IX, 10: «Il n'y a plus ni oeuvre, ni science, ni sagesse, dans le séjour des morts où tu vas.» La seconde est qu'après cette vie il n'y a que deux termes ultimes vers lesquels se dirige l'humanité responsable de ses actes: le paradis et l'enfer, ce qui ne veut pas dire qu'avant ce terme ultime du paradis, une expiation préparatoire ne sera pas à subir. Ainsi doivent être compris Eccl., XI, 3; Matth., XXV, 34, 41; Marc., XVI, 16. Cf. Bellarmin, op. cit., c. XII, p. 86. Si les adversaires insistent et proposent certains textes qui semblent promettre la récompense aux justes immédiatement après la mort, sans aucune attente, par exemple Ps., CXXVI, 2, 3; II Cor., v, 1; Apoc., XIV, 13; Joa., v, 24, il faut répondre que l'Écriture, en aucun de ces textes, ne parle d'une récompense immédiate: elle sous-entend toujours la condition d'une justice parfaite au moment de la récompense, si digni sunt vel perfecte purgati. Cf. saint Augustin, In Joannem, tr. XLIX, n. 10, P. L., t. XXXV, col. 1751. Suarez fait observer que ces textes n'ont pas tous besoin d'une semblable explication. Au sens littéral le ps. CXXVI ne regarde pas la récompense de la vie future; saint Paul, dans II Cor., v, 1, invite à l'espérance d'une demeure éternelle, sans préciser le moment où on pourra l'habiter; l'Apocalypse ne vise que les parfaitement justes et, pour les autres, qui ont encore quelque expiation à offrir, il est déjà exact de perler de repos, puisqu'ils sont certains de leur béatitude éternelle. Au canon de la messe nous prions pour les âmes du purgatoire, qui reposent dans le Christ et dorment du sommeil de la paix. Suarez, loc. cit., n. 39-40. Saint Augustin avait proposé ici une autre explication: le cas visé serait celui des martyrs, De civilate Dei, 1. XX, c. IX, n. 2, P. L., t. XLI, col. 674; cf. Lépicier, op. cit., p. 264. Enfin, Joa., v, 24, doit s'interpréter d'une récompense future, mais non nécessairement immédiate. Lépicier, op. cit., p. 265.
Re: Théologie du Purgatoire
2. Au point de vue patristique, les textes objectés comportent certaines assertions relatives à l'impossibilité, dans l'autre vie, de faire pénitence et d'offrir à Dieu des satisfactions. Saint Cyprien, Contra Demetrianum, n. 25, Hartel, t. 1, p. 370; saint Jérôme, Comment. in Amos, 1. III, c. IX, 5, P. L., t. XXV, col. 1141 D; saint Jean Chrysostome, In Epist. I ad Cor., hom. XXVIII, n. 2, P. G., t. LXI, col. 234; saint Augustin, Enchiridion, c. LXVIII (simple doute sur cette possibilité). Ces textes doivent s'interpréter d'une manière générale comme les textes similaires de l'Écriture. On peut cependant trouver à chacun d'eux une explication particulière. Voir Lépicier, op. cit., p. 265-266. Bellarmin répond simplement qu'en déclarant qu'après la mort il n'y a plus de pénitence ni de satisfaction possible les Pères entendent parler de la satisfaction, de la pénitence qui précède la justification: «Les Pères, en effet, font mention expresse d'une double satisfaction: une qui précède la justification, et par laquelle Dieu est apaisé de congruo, par laquelle il est incliné à la rémission de la faute; l'autre qui suit la justification et par laquelle réparation est faite à Dieu de condigno pour la peine encore due.» Op. cit., c. XIII, p. 89. Par là nous rejoignons les objections dogmatiques.
3. Au point de vue dogmatique, en effet, les protestants insistent surtout sur le fait que le Christ a suffisamment satisfait pour nos péchés et que c'est faire injure à sa passion que d'exiger encore de notre part une satisfaction nouvelle, soit en ce monde, soit en l'autre. Ils invoquent surtout Heb., X, 14. Bellarmin répond à l'objection dans le traité du purgatoire. Sans doute les mérites du Christ sont assez grands pour effacer toute faute du pécheur et toute peine due à ces fautes, «mais, pour être efficaces, ces mérites doivent nous être appliqués; cette application se fait par les sacrements et par les actes de l'homme. Dieu a voulu en effet qu'après le baptême les mérites du Christ soient appliqués par la contrition et la confession, jointes à l'absolution du prêtre, pour la rémission de la faute; qu'ils soient appliqués par les oeuvres satisfactoires de l'homme, pour la rémission de la peine temporelle. Lorsque la faute est remise, la peine éternelle qui lui était due se change en peine temporelle, la justice exigeant que le péché soit puni en quelque façon.» Op. cit., c. XIV, p. 92. Dans les développements donnés par Bellarmin à cette idée fondamentale, on retrouve les principes qui ont guidé le concile de Trente dans l'élaboration du c. XIV, de la VIe session et du c. II de la XIVe session. Dans le sacrement de pénitence la rémission des péchés se fait d'une manière moins libérale et moins plénière que dans le baptême: le pécheur justifié doit encore ordinairement expier quelque peine, soit en ce monde, soit en l'autre. S'il est vrai d'affirmer que l'homme ne peut plus mériter au purgatoire, il est faux que toute satisfaction doive être méritoire: «Celui qui paie une dette parce qu'un arrêt du juge l'y force satisfait à ses créanciers bien qu'il soit contraint.» Op. cit., c. XIV, p. 92. Aussi, pour marquer ce caractère contraint de l'expiation temporaire d'outre-tombe, la plupart des théologiens posttridentins emploient-ils l'expression de satispassion. Mais la plupart réfutent l'objection dogmatique des protestants dans le traité de la grâce, au chapitre de la justification, ou dans le traité de la pénitence, à la question du reatus pœnæ.
La certitude d'une dette de peine, que laisse subsister la rémission de la coulpe, détruit par sa racine même une des principales objections des Orientaux. L'objection proposée en premier lieu par Bessarion a retenu l'attention de quelques théologiens modernes. Billot a bien montré qu'il n'y a aucune parité entre le bien léger des damnés et le mal léger des élus. Le mal léger des élus ne supprime pas leur mérite du ciel et n'exige qu'une expiation temporaire. Le péché mortel, au contraire, mortifie toutes les actions méritoires accomplies par le pécheur avant sa faute: les bonnes oeuvres ne sont méritoires qu'en raison de l'ordination à la récompense éternelle que leur confère la volonté divine; or, cette ordination n'existe plus dans les oeuvres mortifiées, et par conséquent celles-ci ne sauraient exiger, avant la peine éternelle, une récompense temporaire. Billot, op. cit., p. 97-98. Cf. saint Thomas, In IVum Sent., dist. XXI, q. l, a. 1.
On trouve à peu près les mêmes objections réfutées, dans Perrone, loc. cit., col. 844-847.
3. Au point de vue dogmatique, en effet, les protestants insistent surtout sur le fait que le Christ a suffisamment satisfait pour nos péchés et que c'est faire injure à sa passion que d'exiger encore de notre part une satisfaction nouvelle, soit en ce monde, soit en l'autre. Ils invoquent surtout Heb., X, 14. Bellarmin répond à l'objection dans le traité du purgatoire. Sans doute les mérites du Christ sont assez grands pour effacer toute faute du pécheur et toute peine due à ces fautes, «mais, pour être efficaces, ces mérites doivent nous être appliqués; cette application se fait par les sacrements et par les actes de l'homme. Dieu a voulu en effet qu'après le baptême les mérites du Christ soient appliqués par la contrition et la confession, jointes à l'absolution du prêtre, pour la rémission de la faute; qu'ils soient appliqués par les oeuvres satisfactoires de l'homme, pour la rémission de la peine temporelle. Lorsque la faute est remise, la peine éternelle qui lui était due se change en peine temporelle, la justice exigeant que le péché soit puni en quelque façon.» Op. cit., c. XIV, p. 92. Dans les développements donnés par Bellarmin à cette idée fondamentale, on retrouve les principes qui ont guidé le concile de Trente dans l'élaboration du c. XIV, de la VIe session et du c. II de la XIVe session. Dans le sacrement de pénitence la rémission des péchés se fait d'une manière moins libérale et moins plénière que dans le baptême: le pécheur justifié doit encore ordinairement expier quelque peine, soit en ce monde, soit en l'autre. S'il est vrai d'affirmer que l'homme ne peut plus mériter au purgatoire, il est faux que toute satisfaction doive être méritoire: «Celui qui paie une dette parce qu'un arrêt du juge l'y force satisfait à ses créanciers bien qu'il soit contraint.» Op. cit., c. XIV, p. 92. Aussi, pour marquer ce caractère contraint de l'expiation temporaire d'outre-tombe, la plupart des théologiens posttridentins emploient-ils l'expression de satispassion. Mais la plupart réfutent l'objection dogmatique des protestants dans le traité de la grâce, au chapitre de la justification, ou dans le traité de la pénitence, à la question du reatus pœnæ.
La certitude d'une dette de peine, que laisse subsister la rémission de la coulpe, détruit par sa racine même une des principales objections des Orientaux. L'objection proposée en premier lieu par Bessarion a retenu l'attention de quelques théologiens modernes. Billot a bien montré qu'il n'y a aucune parité entre le bien léger des damnés et le mal léger des élus. Le mal léger des élus ne supprime pas leur mérite du ciel et n'exige qu'une expiation temporaire. Le péché mortel, au contraire, mortifie toutes les actions méritoires accomplies par le pécheur avant sa faute: les bonnes oeuvres ne sont méritoires qu'en raison de l'ordination à la récompense éternelle que leur confère la volonté divine; or, cette ordination n'existe plus dans les oeuvres mortifiées, et par conséquent celles-ci ne sauraient exiger, avant la peine éternelle, une récompense temporaire. Billot, op. cit., p. 97-98. Cf. saint Thomas, In IVum Sent., dist. XXI, q. l, a. 1.
On trouve à peu près les mêmes objections réfutées, dans Perrone, loc. cit., col. 844-847.
Re: Théologie du Purgatoire
II. LES PEINESDU PURGATOIRE.
-Les théologiens sont bien obligés de convenir que la question des peines est beaucoup plus obscure que celle de l'existence du purgatoire.
Tous sont unanimes à reconnaître que la foi n'est ici engagée que sur deux points: le purgatoire comporte des peines (c'est la définition même du purgatoire), et ces peines ne se feront plus sentir à aucune âme après le jugement dernier. Par conséquent, la peine purificatrice ne sera, pour toute âme, que temporaire. Bellarmin, op. cit., 1. II, c. IX, p. 117; Suarez, op. cit., disp. XLVI, sect. IV, p. 920 sq. Ces vérités ressortent des définitions du IIe concile de Lyon, de Benoît XII et du concile de Florence. De plus, elles s'imposent en raison de Matth., XXV, 46, au sujet duquel Pères et théologiens font unanimement observer que toute possibilité de purgatoire après le jugement est enlevée par cette affirmation du Sauveur. Billot, op. cit., th. VI, p. 98 sq.
Dans le domaine assez peu consistant des opinions théologiques, les auteurs catholiques se posent de multiples questions concernant la durée, la nature, l'intensité, l'objet des peines purificatrices.
1° La durée. - Il s'agit ici de la durée de la peine pour chaque âme prise en particulier. Suarez pose deux. principes opportuns: en premier lieu; il faut admettre que l'âme puisse expier seule pour un péché auquel le corps a pris part: le péché, en effet, réside essentiellement dans la volonté de faire le mal, et donc, l'âme ayant pris, dans l'acte offensant Dieu, la part principale et formelle, peut satisfaire seule à la justice divine. Un purgatoire prolongé jusqu'à la résurrection des corps n'est donc pas nécessaire. En second lieu, il faut affirmer que la durée de la peine, loin d'être égale pour toutes les âmes, sera plus ou moins longue en proportion de l'expiation requise. D'où suit une conséquence certaine, c'est que toutes les âmes ne resteront pas en purgatoire jusqu'à la fin du monde. Disp. XLVI, sect. IV, n. 3-6. Conclusion qui vaut, même abstraction faite du secours apporté par les suffrages de l'Église.
Mais peut-on, en toute hypothèse, assigner un terme à la durée des peines. On sait que Dominique Soto enseignait que les souffrances du purgatoire sont si terribles, que les suffrages de l'Église sont si efficaces, qu'aucune âme, quelle que soit sa dette n'y doit séjourner plus de vingt et même de dix ans. In IVum Sent., dist. XIX, q. III, a. 2. Bellarmin rejette cette opinion, s'appuyant sur la pratique de l'Église autorisant l'offrande du saint sacrifice de la messe pour des fidèles morts depuis cent ans et plus. Loc. cit. Quelques rares théologiens, entre autres Maldonat, De purgatorio, q. V, ont suivi Soto sur ce point, mais la presque unanimité lui est plus ou moins hostile. Tout en réprouvant l'opinion de Soto, Suarez ne la croit pas digne de censure, mais simplement incertaine, et personnelle. Toutefois, il faut se souvenir de la condamnation portée par Alexandre VII contre la proposition suivante: Un legs annuel (fondation) pour l'âme d'un défunt ne dure pas plus de dix ans. Denz.-Bannw., n.1143. Voir t. I, col. 746. Sans réprouver directement l'opinion de Soto, le pape condamne la conclusion pratique que certains en tiraient. Sur l'opinion de Soto et ses partisans, voir Diana, Resolutiones morales, Lyon, 1667, part. IV, tr. VIII, resol. 101. Reprenant une expression d'Augustin, Suarez conclut simplement: quanto magis minusve transeuntia (animæ) dilexerunt, tanto brevius tardiusve salvabuntur. Les théologiens, en général, se prononcent pour une durée assez longue. Cf. Bellarmin, De gemitu columbæ, 1. II, c. IX.
Il est d'ailleurs bien risqué de se demander combien de «temps» les âmes demeurent au purgatoire. Le temps est la durée qui mesure les choses matérielles. Au purgatoire, il n'y a plus ni jours, ni années, ni temps, mais ævum ou «éviternité». Voir ÉTERNITÉ, t. v, col. 915. Comment estimer une durée qui échappe à nos conceptions terrestres? Aussi la plupart des théologiens passent-ils rapidement sur une question parfaitement insoluble.
Un seul problème intéressant se pose au sujet des justes que la fin du monde trouvera encore en vie? Comment leur purification pourra-t-elle avoir lieu en cet instant suprême? Les auteurs se contentent en général de reproduire la réponse de saint Thomas, In IVum Sent., dist. XLVII, q. II, a. 3, qu. 2, ad 5um: ces justes auront souffert auparavant des angoisses qui leur tiendront lieu de purgatoire; le feu de la conflagration générale leur servira de feu purificateur avec d'autant plus d'efficacité qu'ils en accepteront volontairement les atteintes; enfin l'intensité de la peine (de la chaleur, dit saint Thomas) compensera sa durée. Ainsi Palmieri, op. cit., p. 76; Hugon, op. cit., p. 801; Hervé, op. cit., p. 641; Lépicier, op. cil., p. 373. Billot adoucit quelque peu, tout en demeurant dans le même sens doctrinal, ce qu'il y a de peu vraisemblable en cette explication. Op. cit., p. 101. La solution nous paraît contestable; elle est donnée dans l'hypothèse d'une purification faite nécessairement par le feu et comportant une durée temporaire. Or, même dans l'opinion des Latins, la purification faite par le feu ne s'impose pas nécessairement comme explication, et l'éviternité doit être considérée comme la durée mesurant déjà cet instant solennel du jugement dernier. L'intensité de la peine, quelle que soit cette peine, peut donc seule être invoquée ici comme explication plausible.
2° Nature des peines. - Bellarmin expose que trois choses sont certaines touchant la nature des peines purificatrices: la principale peine est la privation de la vue de Dieu; il existe en outre une peine positive du sens; enfin cette peine est essentiellement un feu, soit réel, soit métaphorique. Mais il ajoute que, de l'avis commun des théologiens, le feu du purgatoire est réel: les textes de l'Écriture qui le décrivent (!) doivent être pris au sens propre quand il n'y a pas de raison de les en détourner, et toutes les descriptions des Pères ne peuvent s'entendre que d'un feu réel. Op. cit., 1. II, c. X, XI, p. 118, 119.
1. La dilation de la vue de Dieu. -Suarez, reprenant le même thème, se demande d'abord si la privation de la vision béatifique doit être considérée chez les âmes du purgatoire comme une peine du dam. Il relate tout d'abord l'opinion de Cajétan, qui, tr. IV, De attritione et contritione, q. IV, admet sans doute dans l'âme purifiée l'absence de la vision divine, mais nie que cette absence soit une peine. Cajétan estime que, toute aversion par rapport à Dieu étant ôtée de l'âme sainte, la peine du dam, correspondant à cette aversion, ne saurait exister en elle. Suarez fait observer que, nonobstant la charité dont les âmes du purgatoire sont animées envers Dieu du fait qu'elles expient en raison des restes du péché, l'absence de vision béatifique comporte pour elles une véritable privation, donc une véritable peine. L'expiation requise est en effet une suite non seulement de la conversion vers le mal, mais encore de l'aversion de Dieu, qu'implique tout péché. Op. cit., disp. XLVI, sect. 1, n. 1-3. Mais il est bon de noter que Cajétan n'envisage pas le cas des âmes du purgatoire. Il se peut donc que la polémique de Suarez manque d'objet. L'expression pœna damni est retenue par la plupart des théologiens. Citons, parmi les modernes, Bautz, op. cit.,p.130; Palmieri, op. cit., p. 70; Mazzella, op. cit., n. 1337; Tanquerey, op. cit., t. III, n. 11.32; Hugon, op. cit., p. 792; Lépicier, op. cit., p. 268. Toutefois, la plupart de ces auteurs corrigent, par l'explication qu'ils en donnent, le sens du mot dam appliqué à la peine de la privation ou mieux, disent-ils, de la dilation de la vision béatifique. Il ne s'agit donc pas en réalité de peine du dam au sens propre du mot. Ch. Pesch, op. cit., t. IX, n. 601, et Hervé, op. cit., t. IV, n. 662, notent expressément que ce n'est qu'un dam secundum quid et Billot nous semble avoir heureusement rompu avec la terminologie reçue en parlant simplement de la peine de la dilation de la gloire. Op. cit., th. VII. C'est une véritable peine, écrit-il, puisqu'elle prive les âmes de la vision béatifique à un moment où elles auraient pu et dû la posséder. P. 101. Et c'est là précisément le caractère qui distingue la dilation du purgatoire de celle des limbes avant Jésus-Christ. Pour les justes des limbes, le temps de la vision béatifique n'était pas encore arrivé; donc la dilation n'avait aucun caractère pénal. Hugon, loc. cit., p. 794.
Nous estimons pour notre part que l'expression «peine du dam» devrait être éliminée totalement de la terminologie relative au purgatoire. Tout le monde est d'accord pour reconnaître que le prétendu dam du purgatoire n'est que très lointainement analogique au dam de l'enfer: pourquoi maintenir une expression capable d'induire en erreur sur le véritable état des âmes au purgatoire? Le seul fait de l'espérance et de la certitude du salut enlève à la privation temporaire de la vue de Dieu le caractère d'une véritable damnation.
On lira, sur cette privation de la vue de Dieu, comme peine du purgatoire, la belle page de Lessius, De perf., div., 1. XIII, C. XVII:
Les âmes justes, au moment même où la gloire qui leur est préparée devait leur être conférée, se voient rejetées et reléguées en un cruel exil, tant qu'elles n'auront pas satisfait pour leurs péchés passés: elles en ressentent une douleur incroyable. Combien est grande leur douleur, nous le pouvons conjecturer par quatre considérations. Premièrement, elles se voient privées d'un si grand bien, et cela au moment même où elles auraient dû en jouir. Elles comprennent l'immensité de ce bien avec une force qui n'a d'égale que leur ardent désir de le posséder. Deuxièmement, elles voient qu'elles en sont privées par leur faute. Troisièmement, elles déplorent la négligence qui les a empêchées de satisfaire au moment où elles auraient pu le faire facilement, alors que présentement elles sont contraintes à de grands maux, et cette constatation accroît singulièrement l'acerbité de leur douleur. Quatrièmement, enfin, elles voient quels trésors immenses de biens éternels, quels degrés de gloire céleste, si facilement accessibles, elles ont par leur faute négligés quand il était temps. En prenant conscience d'une façon extrêmement vive de tout cela, ces âmes en éprouvent une grande douleur, comme nous-mêmes l'éprouvons dans les dommages humains, quand ces quatre circonstances sont réunies.
On pourrait citer également bien des passages du Traité du purgatoire de sainte Catherine de Gênes, pris des c. III et VI principalement:
C'est une peine si excessive, écrit-elle, que la langue ne saurait l'exprimer, ni l'intelligence en concevoir la rigueur... Si, dans le monde entier, il n'y avait qu'un seul pain qui pût satisfaire la faim de toutes les créatures, et qu'il suffit de le regarder pour être rassasié, songez à ce qu'éprouverait un homme qu'un instinct naturel invite à manger quand il est bien portant, et qui ne pourrait ni manger, ni être malade, ni mourir! Sa faim deviendrait de plus en plus cruelle; sachant qu'il n'y a qu'un seul pain capable de le rassasier et qu'il ne peut y atteindre, il resterait en proie à des tortures insupportables. C. VI. Cf. P. Faber, Tout pour Jésus, Paris, 1926, p. 388; L. Rouzic, Le purgatoire, Paris, 1923, p. 165.
-Les théologiens sont bien obligés de convenir que la question des peines est beaucoup plus obscure que celle de l'existence du purgatoire.
Tous sont unanimes à reconnaître que la foi n'est ici engagée que sur deux points: le purgatoire comporte des peines (c'est la définition même du purgatoire), et ces peines ne se feront plus sentir à aucune âme après le jugement dernier. Par conséquent, la peine purificatrice ne sera, pour toute âme, que temporaire. Bellarmin, op. cit., 1. II, c. IX, p. 117; Suarez, op. cit., disp. XLVI, sect. IV, p. 920 sq. Ces vérités ressortent des définitions du IIe concile de Lyon, de Benoît XII et du concile de Florence. De plus, elles s'imposent en raison de Matth., XXV, 46, au sujet duquel Pères et théologiens font unanimement observer que toute possibilité de purgatoire après le jugement est enlevée par cette affirmation du Sauveur. Billot, op. cit., th. VI, p. 98 sq.
Dans le domaine assez peu consistant des opinions théologiques, les auteurs catholiques se posent de multiples questions concernant la durée, la nature, l'intensité, l'objet des peines purificatrices.
1° La durée. - Il s'agit ici de la durée de la peine pour chaque âme prise en particulier. Suarez pose deux. principes opportuns: en premier lieu; il faut admettre que l'âme puisse expier seule pour un péché auquel le corps a pris part: le péché, en effet, réside essentiellement dans la volonté de faire le mal, et donc, l'âme ayant pris, dans l'acte offensant Dieu, la part principale et formelle, peut satisfaire seule à la justice divine. Un purgatoire prolongé jusqu'à la résurrection des corps n'est donc pas nécessaire. En second lieu, il faut affirmer que la durée de la peine, loin d'être égale pour toutes les âmes, sera plus ou moins longue en proportion de l'expiation requise. D'où suit une conséquence certaine, c'est que toutes les âmes ne resteront pas en purgatoire jusqu'à la fin du monde. Disp. XLVI, sect. IV, n. 3-6. Conclusion qui vaut, même abstraction faite du secours apporté par les suffrages de l'Église.
Mais peut-on, en toute hypothèse, assigner un terme à la durée des peines. On sait que Dominique Soto enseignait que les souffrances du purgatoire sont si terribles, que les suffrages de l'Église sont si efficaces, qu'aucune âme, quelle que soit sa dette n'y doit séjourner plus de vingt et même de dix ans. In IVum Sent., dist. XIX, q. III, a. 2. Bellarmin rejette cette opinion, s'appuyant sur la pratique de l'Église autorisant l'offrande du saint sacrifice de la messe pour des fidèles morts depuis cent ans et plus. Loc. cit. Quelques rares théologiens, entre autres Maldonat, De purgatorio, q. V, ont suivi Soto sur ce point, mais la presque unanimité lui est plus ou moins hostile. Tout en réprouvant l'opinion de Soto, Suarez ne la croit pas digne de censure, mais simplement incertaine, et personnelle. Toutefois, il faut se souvenir de la condamnation portée par Alexandre VII contre la proposition suivante: Un legs annuel (fondation) pour l'âme d'un défunt ne dure pas plus de dix ans. Denz.-Bannw., n.1143. Voir t. I, col. 746. Sans réprouver directement l'opinion de Soto, le pape condamne la conclusion pratique que certains en tiraient. Sur l'opinion de Soto et ses partisans, voir Diana, Resolutiones morales, Lyon, 1667, part. IV, tr. VIII, resol. 101. Reprenant une expression d'Augustin, Suarez conclut simplement: quanto magis minusve transeuntia (animæ) dilexerunt, tanto brevius tardiusve salvabuntur. Les théologiens, en général, se prononcent pour une durée assez longue. Cf. Bellarmin, De gemitu columbæ, 1. II, c. IX.
Il est d'ailleurs bien risqué de se demander combien de «temps» les âmes demeurent au purgatoire. Le temps est la durée qui mesure les choses matérielles. Au purgatoire, il n'y a plus ni jours, ni années, ni temps, mais ævum ou «éviternité». Voir ÉTERNITÉ, t. v, col. 915. Comment estimer une durée qui échappe à nos conceptions terrestres? Aussi la plupart des théologiens passent-ils rapidement sur une question parfaitement insoluble.
Un seul problème intéressant se pose au sujet des justes que la fin du monde trouvera encore en vie? Comment leur purification pourra-t-elle avoir lieu en cet instant suprême? Les auteurs se contentent en général de reproduire la réponse de saint Thomas, In IVum Sent., dist. XLVII, q. II, a. 3, qu. 2, ad 5um: ces justes auront souffert auparavant des angoisses qui leur tiendront lieu de purgatoire; le feu de la conflagration générale leur servira de feu purificateur avec d'autant plus d'efficacité qu'ils en accepteront volontairement les atteintes; enfin l'intensité de la peine (de la chaleur, dit saint Thomas) compensera sa durée. Ainsi Palmieri, op. cit., p. 76; Hugon, op. cit., p. 801; Hervé, op. cit., p. 641; Lépicier, op. cil., p. 373. Billot adoucit quelque peu, tout en demeurant dans le même sens doctrinal, ce qu'il y a de peu vraisemblable en cette explication. Op. cit., p. 101. La solution nous paraît contestable; elle est donnée dans l'hypothèse d'une purification faite nécessairement par le feu et comportant une durée temporaire. Or, même dans l'opinion des Latins, la purification faite par le feu ne s'impose pas nécessairement comme explication, et l'éviternité doit être considérée comme la durée mesurant déjà cet instant solennel du jugement dernier. L'intensité de la peine, quelle que soit cette peine, peut donc seule être invoquée ici comme explication plausible.
2° Nature des peines. - Bellarmin expose que trois choses sont certaines touchant la nature des peines purificatrices: la principale peine est la privation de la vue de Dieu; il existe en outre une peine positive du sens; enfin cette peine est essentiellement un feu, soit réel, soit métaphorique. Mais il ajoute que, de l'avis commun des théologiens, le feu du purgatoire est réel: les textes de l'Écriture qui le décrivent (!) doivent être pris au sens propre quand il n'y a pas de raison de les en détourner, et toutes les descriptions des Pères ne peuvent s'entendre que d'un feu réel. Op. cit., 1. II, c. X, XI, p. 118, 119.
1. La dilation de la vue de Dieu. -Suarez, reprenant le même thème, se demande d'abord si la privation de la vision béatifique doit être considérée chez les âmes du purgatoire comme une peine du dam. Il relate tout d'abord l'opinion de Cajétan, qui, tr. IV, De attritione et contritione, q. IV, admet sans doute dans l'âme purifiée l'absence de la vision divine, mais nie que cette absence soit une peine. Cajétan estime que, toute aversion par rapport à Dieu étant ôtée de l'âme sainte, la peine du dam, correspondant à cette aversion, ne saurait exister en elle. Suarez fait observer que, nonobstant la charité dont les âmes du purgatoire sont animées envers Dieu du fait qu'elles expient en raison des restes du péché, l'absence de vision béatifique comporte pour elles une véritable privation, donc une véritable peine. L'expiation requise est en effet une suite non seulement de la conversion vers le mal, mais encore de l'aversion de Dieu, qu'implique tout péché. Op. cit., disp. XLVI, sect. 1, n. 1-3. Mais il est bon de noter que Cajétan n'envisage pas le cas des âmes du purgatoire. Il se peut donc que la polémique de Suarez manque d'objet. L'expression pœna damni est retenue par la plupart des théologiens. Citons, parmi les modernes, Bautz, op. cit.,p.130; Palmieri, op. cit., p. 70; Mazzella, op. cit., n. 1337; Tanquerey, op. cit., t. III, n. 11.32; Hugon, op. cit., p. 792; Lépicier, op. cit., p. 268. Toutefois, la plupart de ces auteurs corrigent, par l'explication qu'ils en donnent, le sens du mot dam appliqué à la peine de la privation ou mieux, disent-ils, de la dilation de la vision béatifique. Il ne s'agit donc pas en réalité de peine du dam au sens propre du mot. Ch. Pesch, op. cit., t. IX, n. 601, et Hervé, op. cit., t. IV, n. 662, notent expressément que ce n'est qu'un dam secundum quid et Billot nous semble avoir heureusement rompu avec la terminologie reçue en parlant simplement de la peine de la dilation de la gloire. Op. cit., th. VII. C'est une véritable peine, écrit-il, puisqu'elle prive les âmes de la vision béatifique à un moment où elles auraient pu et dû la posséder. P. 101. Et c'est là précisément le caractère qui distingue la dilation du purgatoire de celle des limbes avant Jésus-Christ. Pour les justes des limbes, le temps de la vision béatifique n'était pas encore arrivé; donc la dilation n'avait aucun caractère pénal. Hugon, loc. cit., p. 794.
Nous estimons pour notre part que l'expression «peine du dam» devrait être éliminée totalement de la terminologie relative au purgatoire. Tout le monde est d'accord pour reconnaître que le prétendu dam du purgatoire n'est que très lointainement analogique au dam de l'enfer: pourquoi maintenir une expression capable d'induire en erreur sur le véritable état des âmes au purgatoire? Le seul fait de l'espérance et de la certitude du salut enlève à la privation temporaire de la vue de Dieu le caractère d'une véritable damnation.
On lira, sur cette privation de la vue de Dieu, comme peine du purgatoire, la belle page de Lessius, De perf., div., 1. XIII, C. XVII:
Les âmes justes, au moment même où la gloire qui leur est préparée devait leur être conférée, se voient rejetées et reléguées en un cruel exil, tant qu'elles n'auront pas satisfait pour leurs péchés passés: elles en ressentent une douleur incroyable. Combien est grande leur douleur, nous le pouvons conjecturer par quatre considérations. Premièrement, elles se voient privées d'un si grand bien, et cela au moment même où elles auraient dû en jouir. Elles comprennent l'immensité de ce bien avec une force qui n'a d'égale que leur ardent désir de le posséder. Deuxièmement, elles voient qu'elles en sont privées par leur faute. Troisièmement, elles déplorent la négligence qui les a empêchées de satisfaire au moment où elles auraient pu le faire facilement, alors que présentement elles sont contraintes à de grands maux, et cette constatation accroît singulièrement l'acerbité de leur douleur. Quatrièmement, enfin, elles voient quels trésors immenses de biens éternels, quels degrés de gloire céleste, si facilement accessibles, elles ont par leur faute négligés quand il était temps. En prenant conscience d'une façon extrêmement vive de tout cela, ces âmes en éprouvent une grande douleur, comme nous-mêmes l'éprouvons dans les dommages humains, quand ces quatre circonstances sont réunies.
On pourrait citer également bien des passages du Traité du purgatoire de sainte Catherine de Gênes, pris des c. III et VI principalement:
C'est une peine si excessive, écrit-elle, que la langue ne saurait l'exprimer, ni l'intelligence en concevoir la rigueur... Si, dans le monde entier, il n'y avait qu'un seul pain qui pût satisfaire la faim de toutes les créatures, et qu'il suffit de le regarder pour être rassasié, songez à ce qu'éprouverait un homme qu'un instinct naturel invite à manger quand il est bien portant, et qui ne pourrait ni manger, ni être malade, ni mourir! Sa faim deviendrait de plus en plus cruelle; sachant qu'il n'y a qu'un seul pain capable de le rassasier et qu'il ne peut y atteindre, il resterait en proie à des tortures insupportables. C. VI. Cf. P. Faber, Tout pour Jésus, Paris, 1926, p. 388; L. Rouzic, Le purgatoire, Paris, 1923, p. 165.
Re: Théologie du Purgatoire
2. La peine du sens. -Suarez distingue nettement la question de la peine du sens, loc. cit., n. 4 sq., de la question du feu du purgatoire. Ibid., sect. II, n, 1 sq. Non qu'il admette une peine positive distincte de celle que cause le feu, mais parce qu'il se pose tout d'abord la question de savoir si toutes les âmes souffrent, en plus de la «peine du dam», une peine du sens. La tristesse qui résulte de la dilation de la vision béatifique ne saurait à proprement parler être nommée peine du sens, ibid., n. 6; mais peut-on concevoir que certaines âmes soient purifiées uniquement par cette dilation et la tristesse qui en résulte? Certains l'ont prétendu, en raison des visions rapportées par Bède. Parmi ces «certains» il faut compter Bellarmin; qui admet comme probable l'existence d'un lieu, faisant partie du purgatoire «où les âmes n'ont plus la peine du sens, mais seulement la peine du dam, purgatoire fort adouci, prison honorable, et comme sénatoriale, mais où cependant les âmes ne sont pas heureuses et souffrent même du retard apporté à leur béatitude». Op. cit., c. VII, p. 112. Sans nier absolument la vérité de cette vision, Suarez estime qu'elle doit être interprétée; quoi qu'il en soit, il n'admet pas qu'au purgatoire la peine de la dilation de la vue de Dieu soit séparée de la peine du sens. Loc. cit., sect. l, n. 9-12. L'opinion contraire n'a d'ailleurs rien qui offense la doctrine catholique: elle est simplement étrangère au sentiment de la plupart des théologiens. Palmieri s'y rallie. Op. cit., p. 74. Toutefois il est nécessaire de rappeler que les Grecs, tout en niant l'existence du feu du purgatoire, n'entendent pas nier l'existence d'une peine positive du sens, affliction, douleur, chagrin, honte de la conscience, etc. Il est donc utile que, dans la synthèse théologique de la doctrine du purgatoire, on tienne compte de cette nuance. Peu de théologiens latins l'ont fait.
3. Peu réel ou métaphorique? -Voir FEU DU PURGATOIRE, t. v, col.. 2258 sq. Sur le degré de probabilité de l'opinion des Latins, voir col. 2260.
3° Intensité. -Bellarmin n'approuve pas l'opinion de saint Thomas d'après laquelle la moindre peine du purgatoire est plus douloureuse que la plus affreuse souffrance de la terre. Il se rallie à celle de saint Bonaventure. Sans doute la privation de Dieu est une grande souffrance, mais «adoucie, soulagée par l'espoir assuré de le posséder; de cet espoir naît une incroyable joie qui s'accroît à mesure qu'approche la fin de l'exil». Op. cit., c. XIV, p. 121. Des âmes condamnées au purgatoire peuvent n'avoir, au moment de la mort, que quelques fautes légères; il semble bien dur qu'elles soient punies par un supplice plus affreux que toutes les peines de la terre. Tel est le thème général sur lequel se sont greffées des opinions nombreuses et variées.
1. Gravité de la peine de la dilation. -Suarez n'hésite pas à présenter cette peine comme la plus grave et la plus douloureuse pour les âmes du purgatoire. C'est là, dit-il, la doctrine commune, communis sententia. Op. cit., disp. XLVI, sect. l, n. 2. Le texte de Lessius, cité ci-contre, laisse entrevoir les raisons de cette douleur immense. Suarez reprend ces raisons. Ibid., sect. III, n. 1. Mais son instinct théologique lui fait entrevoir une difficulté devant laquelle saint Bonaventure déjà s'était arrêté. Si ces raisons sont vraies, il suit de là que «les plus saintes âmes du purgatoire, bien que très légèrement coupables, sont punies le plus sévèrement quant à cette peine et à cette tristesse (de la dilation). En effet elles sont privées d'une gloire plus considérable, le bien qu'elles ne possèdent pas est plus grand, et la charité, racine de la douleur dans les âmes saintes, est plus grande en elles.» Ibid., n. 2. De fait, nous trouvons chez certains mystiques des assenions de ce genre. Résumant la doctrine de sainte Catherine de Gênes, le P. Faber écrit: «L'âme se sent constamment entraînée par la violence de son amour vers Dieu, qui peut seul la satisfaire. Cette violence est sans cesse croissante, tant que l'âme demeure privée de l'objet dont elle est si avide, et ses souffrances croîtraient à proportion, si elles n'étaient pas adoucies par l'espérance ou plutôt par la certitude que chaque instant la rapproche du moment dé son bonheur éternel.» Tout pour Jésus, p. 388-389. À cette difficulté, saint Bonaventure avait répondu en disant que, du chef de la dilation, la souffrance des âmes n'était pas considérable. Suarez trouve à bon droit cette réponse trop simple, et il fait deux remarques sensées: la première est que si, par rapport à la nature même des choses, la peine de la dilation de la vue de Dieu doit apporter aux âmes les plus saintes la plus grande souffrance, cependant, par rapport à l'ordre de la justice divine, cette souffrance est tempérée en proportion de l'affection apaisée et parfaite avec laquelle les saintes âmes l'acceptent, sans compter que l'espérance certaine du bonheur adoucit la souffrance; la seconde est que la tristesse des âmes répond bien davantage aux degrés de gloire à jamais perdus qu'à la dilation même de la gloire, ce qui fait que la tristesse est plus grande en une âme moins parfaite, précisément parce qu'elle a perdu plus de degrés de gloire. Loc. cit., n. 3-4. Les modernes, en général, n'ont pas envisagé cet aspect de la question.
2. Gravité de la peine du sens. -Tous les théologiens enseignent que la peine du sens est très grave et dépasse nos estimations d'ici-bas. Toutefois l'opinion de saint Bonaventure rallie de plus en plus les suffrages des auteurs. Suarez, qui signale les deux opinions, ibid., n. 5, 6, conclut en disant qu'il n'est pas possible d'établir entre les peines du purgatoire et les souffrances d'ici-bas une comparaison proprement dite: on ne peut comparer que des réalités homogènes, et ici les peines sont de nature très différentes. Spécifiquement toute peine du purgatoire même la plus minime, dépasse les souffrances de la terre, précisément parce qu'elle est d'un autre ordre de douleur et de mal. Mais accidentellement, c'est-à-dire dans ses effets sur telle ou telle âme, la comparaison pourrait être établie; pourtant Suarez n'ose trop se prononcer. Voir, en faveur de l'opinion de saint Bonaventure, Billot, op. cit., th. VII, § 2:, p. 103-105; Pesch., op. cit., t. IX, n. 604. Lépicier, qui semble pencher en faveur de l'opinion plus dure de saint Thomas, conclut par une excellente remarque qui rappelle celle de Suarez: diximus pœnam purgatorii in suo genere omne id superare quod in hoc mundo patimur, quia cum altera sit conditio animæ separatæ ab ejus conditione in præsenti vita, oportet ut etiam alterius rationis sit pœna: unde comparatio non est univoca, sed secundum proportionem. Op. cit., p. 274.
Peu de théologiens ont tenté de supputer la gravité de la peine du sens au purgatoire par rapport à la peine du feu en enfer. Notons à ce sujet cette simple remarque des Salmanticenses: «Nous ne pensons pas inconvenant qu'un juste quittant cette terre avec une quantité si considérable de péchés véniels ou avec une dette si lourde pour des péchés mortels remis quant à la coulpe, mais non quant à la peine temporelle, subisse dans son temps de purgatoire une peine du sens plus atroce que celle qu'auront à endurer certains damnés, éternellement punis pour un ou deux péchés mortels.» La comparaison, notent ces théologiens, ne tient évidemment que pour certains aspects de l'atrocité de la peine. De vitiis et peccatis, disp. XVIII, dub. II, § 6.
4º Objet des peines purificatrices. -L'expiation purificatrice a-t-elle pour objet la coulpe ou la peine du péché? La question se pose non pour les péchés mortels, mais pour les péchés véniels. Déjà ce problème avait été envisagé par les sententiaires, et les théologiens posttridentins n'en ont guère fait progresser les solutions. Quant aux péchés mortels, seul le debitum pœnæ peut être en cause.
1. La coulpe des péchés véniels. -Bellarmin se demande comment les péchés véniels dont l'âme peut être encore souillée au moment de la mort sont remis au purgatoire? Op. cit., l. I, c. XIV, p. 93. Il suit l'opinion de saint Thomas: «Les péchés véniels sont remis dans le purgatoire par les actes d'amour et de patience qu'y produisent les âmes souffrantes; en effet, cette acceptation de la peine infligée par Dieu, procédant de la charité, peut être appelée une pénitence virtuelle, et, bien qu'elle ne soit pas proprement méritoire puisqu'elle ne mérite pas une augmentation de grâce ou de gloire, elle peut obtenir la rémission du péché.» Ibid., p. 93. Remarquons toutefois que saint Thomas, dont Bellarmin cite l'opinion d'après le Commentaire sur les sentences, a précisé, sinon corrigé, sa réponse dans le De malo: c'est tout aussitôt que l'âme est affranchie des liens du corps, qu'un acte de charité parfaite efface la coulpe du péché véniel.
Suarez, qui traite cette question dans la disp. XI, sect. IV, expose les diverses solutions bien plus clairement que Bellarmin et, après avoir rejeté les opinions qui lui paraissent improbables, se rallie finalement à celle de saint Thomas dans le De malo: «Dans le premier instant de la séparation de l'âme et du corps, l'âme émet un acte fervent d'amour de Dieu et de contrition parfaite de toutes ses fautes précédentes.» Étant en état de grâce, l'âme juste est en mesure, connaissant son état, de tendre parfaitement vers Dieu de toute la force de sa volonté soutenue et surélevée par la charité. Et ce mouvement suffit à enlever aussitôt tout ce qui est encore coulpe en elle. Loc. cit., n. 13. Ici se place une controverse extrêmement intéressante contre Cajétan. A cet instant de la séparation de l'âme d'avec le corps, Cajétan pense que l'âme est encore en état de mériter ou de démériter, puisque nondum est omnino extra viam, sed in termino vitæ. In Iam part. Sum. theol., q. LXIII, art. 5, fine. Le dernier instant de la voie se confondrait ainsi avec le premier instant de l'état de terme. Suarez rejette avec vivacité cette hypothèse insoutenable: quæ sententia semper mihi displicuit, quia ex illa sequitur passe hominem esse in gratia toto tempore vitæ, et in illo instanti illam amittere; quod, ut opinor, repugnat Scripturis. L'inverse pourrait aussi devenir vrai: un pécheur, mourant en état de faute mortelle, pourrait ainsi, in primo instanti separationis animæ a corpore, se réconcilier avec Dieu, ce qui n'est pas moins contraire aux Écritures. Suarez ajoute que le terme de la voie est extrinsèque à la voie elle-même; donc l'âme, à l'instant même où elle est séparée du corps, ne peut plus mériter ni démériter; elle est confirmée en grâce ou fixée dans le mal. Loc. cit., n. 14. Il faut donc conclure que l'acte de charité agit, dans la rémission de la coulpe des péchés véniels à l'instant de la séparation, simplement comme disposition suffisante, et non comme cause méritoire. Voir, concernant la controverse susindiquée, les arguments que nous avons fait valoir, dans le sens de la thèse de Suarez, à propos d'un article récent. L'Ami du clergé, 1933, p. 756-761.
L'opinion de saint Thomas, reprise par Suarez, est commune parmi les théologiens. Voir de Lugo, De pænitentia, dist. IX, sect. II; Palmieri, op. cit., § 22, p. 64-65 ; Mazzella, op. cit., n.1321; Pesch, op. cit., n. 598; Billot, De peccato, p. 121; Hugon, loc. cit., t. IX, p. 825; Hervé, op. cit., t. IV, n. 666; Lépicier, op. cit., p. 284; Scheeben-Atzberger, Handbuch der kath. Dogmatik, t. VIII, Fribourg-en-B.,1903, § 413, p. 855; et tous les thomistes.
Il ne reste donc à élucider que le problème de la rémission de la peine, qui est le même pour le péché véniel que pour le péché mortel.
3. Peu réel ou métaphorique? -Voir FEU DU PURGATOIRE, t. v, col.. 2258 sq. Sur le degré de probabilité de l'opinion des Latins, voir col. 2260.
3° Intensité. -Bellarmin n'approuve pas l'opinion de saint Thomas d'après laquelle la moindre peine du purgatoire est plus douloureuse que la plus affreuse souffrance de la terre. Il se rallie à celle de saint Bonaventure. Sans doute la privation de Dieu est une grande souffrance, mais «adoucie, soulagée par l'espoir assuré de le posséder; de cet espoir naît une incroyable joie qui s'accroît à mesure qu'approche la fin de l'exil». Op. cit., c. XIV, p. 121. Des âmes condamnées au purgatoire peuvent n'avoir, au moment de la mort, que quelques fautes légères; il semble bien dur qu'elles soient punies par un supplice plus affreux que toutes les peines de la terre. Tel est le thème général sur lequel se sont greffées des opinions nombreuses et variées.
1. Gravité de la peine de la dilation. -Suarez n'hésite pas à présenter cette peine comme la plus grave et la plus douloureuse pour les âmes du purgatoire. C'est là, dit-il, la doctrine commune, communis sententia. Op. cit., disp. XLVI, sect. l, n. 2. Le texte de Lessius, cité ci-contre, laisse entrevoir les raisons de cette douleur immense. Suarez reprend ces raisons. Ibid., sect. III, n. 1. Mais son instinct théologique lui fait entrevoir une difficulté devant laquelle saint Bonaventure déjà s'était arrêté. Si ces raisons sont vraies, il suit de là que «les plus saintes âmes du purgatoire, bien que très légèrement coupables, sont punies le plus sévèrement quant à cette peine et à cette tristesse (de la dilation). En effet elles sont privées d'une gloire plus considérable, le bien qu'elles ne possèdent pas est plus grand, et la charité, racine de la douleur dans les âmes saintes, est plus grande en elles.» Ibid., n. 2. De fait, nous trouvons chez certains mystiques des assenions de ce genre. Résumant la doctrine de sainte Catherine de Gênes, le P. Faber écrit: «L'âme se sent constamment entraînée par la violence de son amour vers Dieu, qui peut seul la satisfaire. Cette violence est sans cesse croissante, tant que l'âme demeure privée de l'objet dont elle est si avide, et ses souffrances croîtraient à proportion, si elles n'étaient pas adoucies par l'espérance ou plutôt par la certitude que chaque instant la rapproche du moment dé son bonheur éternel.» Tout pour Jésus, p. 388-389. À cette difficulté, saint Bonaventure avait répondu en disant que, du chef de la dilation, la souffrance des âmes n'était pas considérable. Suarez trouve à bon droit cette réponse trop simple, et il fait deux remarques sensées: la première est que si, par rapport à la nature même des choses, la peine de la dilation de la vue de Dieu doit apporter aux âmes les plus saintes la plus grande souffrance, cependant, par rapport à l'ordre de la justice divine, cette souffrance est tempérée en proportion de l'affection apaisée et parfaite avec laquelle les saintes âmes l'acceptent, sans compter que l'espérance certaine du bonheur adoucit la souffrance; la seconde est que la tristesse des âmes répond bien davantage aux degrés de gloire à jamais perdus qu'à la dilation même de la gloire, ce qui fait que la tristesse est plus grande en une âme moins parfaite, précisément parce qu'elle a perdu plus de degrés de gloire. Loc. cit., n. 3-4. Les modernes, en général, n'ont pas envisagé cet aspect de la question.
2. Gravité de la peine du sens. -Tous les théologiens enseignent que la peine du sens est très grave et dépasse nos estimations d'ici-bas. Toutefois l'opinion de saint Bonaventure rallie de plus en plus les suffrages des auteurs. Suarez, qui signale les deux opinions, ibid., n. 5, 6, conclut en disant qu'il n'est pas possible d'établir entre les peines du purgatoire et les souffrances d'ici-bas une comparaison proprement dite: on ne peut comparer que des réalités homogènes, et ici les peines sont de nature très différentes. Spécifiquement toute peine du purgatoire même la plus minime, dépasse les souffrances de la terre, précisément parce qu'elle est d'un autre ordre de douleur et de mal. Mais accidentellement, c'est-à-dire dans ses effets sur telle ou telle âme, la comparaison pourrait être établie; pourtant Suarez n'ose trop se prononcer. Voir, en faveur de l'opinion de saint Bonaventure, Billot, op. cit., th. VII, § 2:, p. 103-105; Pesch., op. cit., t. IX, n. 604. Lépicier, qui semble pencher en faveur de l'opinion plus dure de saint Thomas, conclut par une excellente remarque qui rappelle celle de Suarez: diximus pœnam purgatorii in suo genere omne id superare quod in hoc mundo patimur, quia cum altera sit conditio animæ separatæ ab ejus conditione in præsenti vita, oportet ut etiam alterius rationis sit pœna: unde comparatio non est univoca, sed secundum proportionem. Op. cit., p. 274.
Peu de théologiens ont tenté de supputer la gravité de la peine du sens au purgatoire par rapport à la peine du feu en enfer. Notons à ce sujet cette simple remarque des Salmanticenses: «Nous ne pensons pas inconvenant qu'un juste quittant cette terre avec une quantité si considérable de péchés véniels ou avec une dette si lourde pour des péchés mortels remis quant à la coulpe, mais non quant à la peine temporelle, subisse dans son temps de purgatoire une peine du sens plus atroce que celle qu'auront à endurer certains damnés, éternellement punis pour un ou deux péchés mortels.» La comparaison, notent ces théologiens, ne tient évidemment que pour certains aspects de l'atrocité de la peine. De vitiis et peccatis, disp. XVIII, dub. II, § 6.
4º Objet des peines purificatrices. -L'expiation purificatrice a-t-elle pour objet la coulpe ou la peine du péché? La question se pose non pour les péchés mortels, mais pour les péchés véniels. Déjà ce problème avait été envisagé par les sententiaires, et les théologiens posttridentins n'en ont guère fait progresser les solutions. Quant aux péchés mortels, seul le debitum pœnæ peut être en cause.
1. La coulpe des péchés véniels. -Bellarmin se demande comment les péchés véniels dont l'âme peut être encore souillée au moment de la mort sont remis au purgatoire? Op. cit., l. I, c. XIV, p. 93. Il suit l'opinion de saint Thomas: «Les péchés véniels sont remis dans le purgatoire par les actes d'amour et de patience qu'y produisent les âmes souffrantes; en effet, cette acceptation de la peine infligée par Dieu, procédant de la charité, peut être appelée une pénitence virtuelle, et, bien qu'elle ne soit pas proprement méritoire puisqu'elle ne mérite pas une augmentation de grâce ou de gloire, elle peut obtenir la rémission du péché.» Ibid., p. 93. Remarquons toutefois que saint Thomas, dont Bellarmin cite l'opinion d'après le Commentaire sur les sentences, a précisé, sinon corrigé, sa réponse dans le De malo: c'est tout aussitôt que l'âme est affranchie des liens du corps, qu'un acte de charité parfaite efface la coulpe du péché véniel.
Suarez, qui traite cette question dans la disp. XI, sect. IV, expose les diverses solutions bien plus clairement que Bellarmin et, après avoir rejeté les opinions qui lui paraissent improbables, se rallie finalement à celle de saint Thomas dans le De malo: «Dans le premier instant de la séparation de l'âme et du corps, l'âme émet un acte fervent d'amour de Dieu et de contrition parfaite de toutes ses fautes précédentes.» Étant en état de grâce, l'âme juste est en mesure, connaissant son état, de tendre parfaitement vers Dieu de toute la force de sa volonté soutenue et surélevée par la charité. Et ce mouvement suffit à enlever aussitôt tout ce qui est encore coulpe en elle. Loc. cit., n. 13. Ici se place une controverse extrêmement intéressante contre Cajétan. A cet instant de la séparation de l'âme d'avec le corps, Cajétan pense que l'âme est encore en état de mériter ou de démériter, puisque nondum est omnino extra viam, sed in termino vitæ. In Iam part. Sum. theol., q. LXIII, art. 5, fine. Le dernier instant de la voie se confondrait ainsi avec le premier instant de l'état de terme. Suarez rejette avec vivacité cette hypothèse insoutenable: quæ sententia semper mihi displicuit, quia ex illa sequitur passe hominem esse in gratia toto tempore vitæ, et in illo instanti illam amittere; quod, ut opinor, repugnat Scripturis. L'inverse pourrait aussi devenir vrai: un pécheur, mourant en état de faute mortelle, pourrait ainsi, in primo instanti separationis animæ a corpore, se réconcilier avec Dieu, ce qui n'est pas moins contraire aux Écritures. Suarez ajoute que le terme de la voie est extrinsèque à la voie elle-même; donc l'âme, à l'instant même où elle est séparée du corps, ne peut plus mériter ni démériter; elle est confirmée en grâce ou fixée dans le mal. Loc. cit., n. 14. Il faut donc conclure que l'acte de charité agit, dans la rémission de la coulpe des péchés véniels à l'instant de la séparation, simplement comme disposition suffisante, et non comme cause méritoire. Voir, concernant la controverse susindiquée, les arguments que nous avons fait valoir, dans le sens de la thèse de Suarez, à propos d'un article récent. L'Ami du clergé, 1933, p. 756-761.
L'opinion de saint Thomas, reprise par Suarez, est commune parmi les théologiens. Voir de Lugo, De pænitentia, dist. IX, sect. II; Palmieri, op. cit., § 22, p. 64-65 ; Mazzella, op. cit., n.1321; Pesch, op. cit., n. 598; Billot, De peccato, p. 121; Hugon, loc. cit., t. IX, p. 825; Hervé, op. cit., t. IV, n. 666; Lépicier, op. cit., p. 284; Scheeben-Atzberger, Handbuch der kath. Dogmatik, t. VIII, Fribourg-en-B.,1903, § 413, p. 855; et tous les thomistes.
Il ne reste donc à élucider que le problème de la rémission de la peine, qui est le même pour le péché véniel que pour le péché mortel.
Re: Théologie du Purgatoire
2. Rémission de la dette de peine. -Bellarmin n'envisage que le fait général de la rémission de la peine due aux péchés pardonnés: ce fait se confond avec le dogme même du purgatoire. Mais comment cette rémission est-elle obtenue? A propos de cet aspect du problème, il se contente de rappeler que, dans le purgatoire, les âmes ne peuvent plus ni mériter ni démériter: il leur manque l'état de voie. Op. cit., 1. II, c. IIIII, p. 101 sq.
Suarez et les théologiens postérieurs partent du même principe pour établir les deux doctrines explicatives, qui marquent la position de la théologie posttridentine sur ce point: la satispassion des âmes et la rémission progressive des peines.
a) Suarez rappelle d'abord, op. cit., disp. XLVII, sect. II, n. 5-6, que les âmes du purgatoire possèdent toute la charité dont elles sont capables; que cette charité ne peut être accrue en elles puisqu'elles sont hors d'état de mériter. Et il continue:
On doit déduire de ces principes que les âmes du purgatoire sont en état d'offrir à Dieu non une véritable satisfaction, mais une simple satispassion. La chose est manifeste si l'on explique ces termes en fonction de la doctrine précédemment exposée sur la satisfaction. Du péché pardonné demeure encore, avant tout et essentiellement, une dette de peine à l'égard du feu et de la souffrance au purgatoire. Or, cette peine, les âmes peuvent l'endurer et, puisqu'elle est temporaire, ces âmes, par une durée suffisante de souffrances, peuvent offrir une satispassion répondant à la qualité ou à la quantité de leur dette: il leur suffit simplement d'être en état de grâce. Toutefois, aux justes encore sur terre, il a été concédé de pouvoir mériter en quelque façon la rémission de leur peine par l'acceptation volontaire de peines de la vie présente moralement équivalentes et conformes à la loi divine et à une juste institution: c'est là, à proprement parler, la satisfaction. Les âmes du purgatoire, disons-nous, ne peuvent offrir de telles satisfactions, car, si la vie présente est le seul temps où l'homme puisse mériter, c'est aussi le seul état pour satisfaire par des peines et des souffrances volontaires... Avant que soit portée la dernière sentence [du jugement], c'est le temps de la miséricorde; la sentence une fois portée, c'est le temps de la justice rigoureuse et de l'exécution de la peine infligée par la sentence... Si la peine du purgatoire est accompagnée dans l'âme d'une volonté soumise à la volonté divine, elle n'est cependant pas volontairement recherchée, et une telle volonté de l'âme souffrante n'apporte pas à la justice divine de quoi compenser la dette: cette compensation n'est acquise que par l'expiation accomplie selon la loi et la mesure portées par Dieu... Ibid., n. 7.
Et Suarez de conclure, n. 8, que pas même d'un mérite de convenance, les âmes du purgatoire ne peuvent, par elles-mêmes, mériter une diminution de leur peine. Cette théorie de la satispassion, avec les considérants qui l'accompagnent, est enseignée par tous les théologiens qui expliquent par là comment une satisfaction volontaire de l'état de voie est bien plus efficace qu'une satispassion imposée au purgatoire à l'âme encore endettée envers la justice divine.
b) La question d'une diminution progressive des peines du purgatoire est plus obscure. Quelques théologiens seulement l'ont envisagée. On se reportera à, MITIGATION DES PEINES DE LA VIE FUTURE, t. X, col. 2007-2009.
Le seul point qui, à notre connaissance, n'ait pas été abordé par les théologiens posttridentins est de montrer comment cette diminution progressive, possible eu égard aussi bien aux peines considérées en elles-mêmes qu'aux suffrages des vivants, peut entrer dans le cadre de la durée qui mesure l'existence des âmes du purgatoire. Cette durée n'est plus le temps, mais l'ævum ou éviternité. Or, l'éviternité, mesure des esprits séparés, est définie par saint Thomas: «la durée d'un être immuable substantiellement, mais accidentellement soumis à des changements». Immutabilité substantielle qui peut cependant, il faut le remarquer, concerner non seulement la substance de l'esprit, mais ses opérations mêmes. Cette éviternité est la durée des esprits purs et des âmes séparées, car leur vie propre est faite d'immutabilité substantielle et de successions accidentelles. Sans changement possible dans leur être, esprits et âmes séparées voient leur existence mesurée par le perpétuel présent de l'éviternité. C'est aussi ce perpétuel présent qui est la durée de la connaissance et de l'amour naturels qu'ils ont d'eux-mêmes et par eux-mêmes de Dieu, auteur de leur perfection. C'est également l'éviternité qui mesure l'acte par lequel ils adhèrent à leur fin dernière et, dans le cas des âmes du purgatoire, cette fixité de leur volonté dans le bien et dans l'amour de Dieu. Dans ces âmes, destinées au ciel mais souffrant encore au purgatoire, l'expiation purificatrice sera un «instant» accidentellement joint au présent perpétuel inclus dans l'acte d'adhésion définitive que ces saintes âmes ont faite à leur fin dernière surnaturelle. En tant que privation de Dieu, l'«instant» du purgatoire ne comporte pas, ne saurait comporter de succession. Cette privation est; elle dure ce que dure la peine essentielle du purgatoire, avec laquelle d'ailleurs elle s'identifie. Quelle succession imaginer en une durée qui n'apporte à l'être de l'âme et ne comporte en elle-même aucun changement? Aussi semble-t-il exact d'affirmer que la durée de la privation de Dieu doit être conçue au purgatoire comme une mesure ne comportant pas de succession. Mais de là à conclure que la diminution progressive de souffrances, même des souffrances résultant de la peine de la dilation de la gloire, soit impossible, il y a un abîme. Car de la privation de Dieu résultent dans l'âme divers sentiments qui se succèdent réellement, apportant leur contingent de regrets, de repentirs, de douleurs et d'actes de soumission à la volonté divine, mais auxquels également, en raison de l'acquittement de la dette et des prières des vivants, s'adjoint, de plus en plus vivement, l'espérance du bonheur futur. Quant au tourment positif de la peine du sens, même et surtout s'il s'agit du tourment causé par le feu, la souffrance endurée sera continue et sans arrêt. Nouvelle nécessité d'admettre, jointe à l'immobilité substantielle où se trouve fixée l'âme souffrante, une véritable succession de souffrances, succession mesurée par une durée qui sans doute n'est pas notre temps, mais lui ressemble. Cf. saint Thomas, Ia, q. LIII, a. 3 et ad Ium.
Suarez et les théologiens postérieurs partent du même principe pour établir les deux doctrines explicatives, qui marquent la position de la théologie posttridentine sur ce point: la satispassion des âmes et la rémission progressive des peines.
a) Suarez rappelle d'abord, op. cit., disp. XLVII, sect. II, n. 5-6, que les âmes du purgatoire possèdent toute la charité dont elles sont capables; que cette charité ne peut être accrue en elles puisqu'elles sont hors d'état de mériter. Et il continue:
On doit déduire de ces principes que les âmes du purgatoire sont en état d'offrir à Dieu non une véritable satisfaction, mais une simple satispassion. La chose est manifeste si l'on explique ces termes en fonction de la doctrine précédemment exposée sur la satisfaction. Du péché pardonné demeure encore, avant tout et essentiellement, une dette de peine à l'égard du feu et de la souffrance au purgatoire. Or, cette peine, les âmes peuvent l'endurer et, puisqu'elle est temporaire, ces âmes, par une durée suffisante de souffrances, peuvent offrir une satispassion répondant à la qualité ou à la quantité de leur dette: il leur suffit simplement d'être en état de grâce. Toutefois, aux justes encore sur terre, il a été concédé de pouvoir mériter en quelque façon la rémission de leur peine par l'acceptation volontaire de peines de la vie présente moralement équivalentes et conformes à la loi divine et à une juste institution: c'est là, à proprement parler, la satisfaction. Les âmes du purgatoire, disons-nous, ne peuvent offrir de telles satisfactions, car, si la vie présente est le seul temps où l'homme puisse mériter, c'est aussi le seul état pour satisfaire par des peines et des souffrances volontaires... Avant que soit portée la dernière sentence [du jugement], c'est le temps de la miséricorde; la sentence une fois portée, c'est le temps de la justice rigoureuse et de l'exécution de la peine infligée par la sentence... Si la peine du purgatoire est accompagnée dans l'âme d'une volonté soumise à la volonté divine, elle n'est cependant pas volontairement recherchée, et une telle volonté de l'âme souffrante n'apporte pas à la justice divine de quoi compenser la dette: cette compensation n'est acquise que par l'expiation accomplie selon la loi et la mesure portées par Dieu... Ibid., n. 7.
Et Suarez de conclure, n. 8, que pas même d'un mérite de convenance, les âmes du purgatoire ne peuvent, par elles-mêmes, mériter une diminution de leur peine. Cette théorie de la satispassion, avec les considérants qui l'accompagnent, est enseignée par tous les théologiens qui expliquent par là comment une satisfaction volontaire de l'état de voie est bien plus efficace qu'une satispassion imposée au purgatoire à l'âme encore endettée envers la justice divine.
b) La question d'une diminution progressive des peines du purgatoire est plus obscure. Quelques théologiens seulement l'ont envisagée. On se reportera à, MITIGATION DES PEINES DE LA VIE FUTURE, t. X, col. 2007-2009.
Le seul point qui, à notre connaissance, n'ait pas été abordé par les théologiens posttridentins est de montrer comment cette diminution progressive, possible eu égard aussi bien aux peines considérées en elles-mêmes qu'aux suffrages des vivants, peut entrer dans le cadre de la durée qui mesure l'existence des âmes du purgatoire. Cette durée n'est plus le temps, mais l'ævum ou éviternité. Or, l'éviternité, mesure des esprits séparés, est définie par saint Thomas: «la durée d'un être immuable substantiellement, mais accidentellement soumis à des changements». Immutabilité substantielle qui peut cependant, il faut le remarquer, concerner non seulement la substance de l'esprit, mais ses opérations mêmes. Cette éviternité est la durée des esprits purs et des âmes séparées, car leur vie propre est faite d'immutabilité substantielle et de successions accidentelles. Sans changement possible dans leur être, esprits et âmes séparées voient leur existence mesurée par le perpétuel présent de l'éviternité. C'est aussi ce perpétuel présent qui est la durée de la connaissance et de l'amour naturels qu'ils ont d'eux-mêmes et par eux-mêmes de Dieu, auteur de leur perfection. C'est également l'éviternité qui mesure l'acte par lequel ils adhèrent à leur fin dernière et, dans le cas des âmes du purgatoire, cette fixité de leur volonté dans le bien et dans l'amour de Dieu. Dans ces âmes, destinées au ciel mais souffrant encore au purgatoire, l'expiation purificatrice sera un «instant» accidentellement joint au présent perpétuel inclus dans l'acte d'adhésion définitive que ces saintes âmes ont faite à leur fin dernière surnaturelle. En tant que privation de Dieu, l'«instant» du purgatoire ne comporte pas, ne saurait comporter de succession. Cette privation est; elle dure ce que dure la peine essentielle du purgatoire, avec laquelle d'ailleurs elle s'identifie. Quelle succession imaginer en une durée qui n'apporte à l'être de l'âme et ne comporte en elle-même aucun changement? Aussi semble-t-il exact d'affirmer que la durée de la privation de Dieu doit être conçue au purgatoire comme une mesure ne comportant pas de succession. Mais de là à conclure que la diminution progressive de souffrances, même des souffrances résultant de la peine de la dilation de la gloire, soit impossible, il y a un abîme. Car de la privation de Dieu résultent dans l'âme divers sentiments qui se succèdent réellement, apportant leur contingent de regrets, de repentirs, de douleurs et d'actes de soumission à la volonté divine, mais auxquels également, en raison de l'acquittement de la dette et des prières des vivants, s'adjoint, de plus en plus vivement, l'espérance du bonheur futur. Quant au tourment positif de la peine du sens, même et surtout s'il s'agit du tourment causé par le feu, la souffrance endurée sera continue et sans arrêt. Nouvelle nécessité d'admettre, jointe à l'immobilité substantielle où se trouve fixée l'âme souffrante, une véritable succession de souffrances, succession mesurée par une durée qui sans doute n'est pas notre temps, mais lui ressemble. Cf. saint Thomas, Ia, q. LIII, a. 3 et ad Ium.
Re: Théologie du Purgatoire
III. L'ÉTAT DES ÂMES.
-Cet aspect du problème théologique du purgatoire a été traité par les théologiens posttridentins avec un soin particulier, en raison même des attaques de Luther contre l'enseignement traditionnel.
Les éclaircissements apportés peuvent se grouper autour de deux points: les âmes du purgatoire sont fixées dans la grâce; elles sont certaines de leur salut.
1° Fixées dans la grâce. -Le point de départ théologique de cette assertion certaine est la condamnation de la proposition 39 de Luther. Pour Luther, les âmes du purgatoire pécheraient perpétuellement parce qu'elles n'acceptent pas leurs peines dont elles ont horreur.
La théologie posttridentine, réfutant l'assertion luthérienne, procède par affirmations nuancées qui projettent un jour intéressant sur l'état des âmes séparées.
1. Tout d'abord elles sont, dit Suarez, dès l'instant de la séparation d'avec le corps, confirmées dans la grâce qu'elles possédaient auparavant. C'est le principe fondamental qui doit diriger tout raisonnement sur l'état de terme. La voie du mérite et du démérite est close pour l'homme par la mort. Et donc, dans l'état même où l'âme est trouvée par la mort, elle persiste d'une manière immuable soit par l'obstination dans le mal si elle est trouvée en état de péché, soit par la confirmation dans le bien si elle est en état de grâce. D'où, les âmes tiennent-elles leur confirmation dans le bien? Suarez y voit uniquement une protection de la grâce divine, rendue nécessaire par l'état même de ces âmes, qui, étant destil1ées au ciel, ne peuvent ni pécher mortellement -ce qui les éloignerait à tout jamais de leur fin dernière -ni pécher véniellement, ce qui les retarderait sans fin de leur bonheur. Op. cit., disp. XLVII, sect. 1, n. 6-7. n semble qu'on doive ajouter à cette raison extérieure à l'âme une raison tirée de sa psychologie intime: le choix définitif fait de la fin dernière par le libre arbitre, dégagé enfin des conditions d'exercice de l'état d'union avec le corps. Aussitôt, en effet, que l'âme est détachée du corps, elle prend les conditions normales de l'activité propre aux esprits, activité indépendante de toute opération sensible et procédant par vole non d'abstraction, mais d'intuition. Ainsi les esprits ne connaissent pas le bien in abstracto; ils ne s'attachent pas au bien suprême à travers les biens périssables et changeants d'ici-bas; ils ne choisissent pas leur fin dernière sous l'influence des passions ou des habitudes; d'un seul acte d'intelligence et de volonté, qui épuise du premier coup leur puissance d'activité quant à la fin dernière, ils s'arrêtent au bien qu'ils conçoivent comme cette fin et s'y fixent sans changement ultérieur possible. Ce bien est un bien concret, et l'amour par lequel ils s'y attachent devient immédiatement le principe premier de tous leurs désirs, de tous leurs vouloirs. Telle fut la
psychologie du premier acte délibéré par lequel les anges, au commencement du monde, s'attachèrent comme à leur fin dernière, les uns à Dieu, les autres à l'excellence de leur propre moi. Cet acte les fit entrer dans l'état de terme, et leur gloire, comme leur déchéance, fut acquise définitivement. Il en est de même de l'âme après la mort. Dans l'au-delà cesse
pour l'âme «toute variabilité relativement à l'objet qu'elle aura placé au sommet de ses affections et aimé par-dessus tout. Alors, l'amour de cet objet devient l'immuable pivot de son libre arbitre, et cet objet lui-même le pôle fixe vers lequel restent désormais tendues toutes les puissances de son vouloir. De là le principe énoncé par saint Jean Damascène et passé depuis axiome de la théologie: Que la mort est pour l'homme ce que le premier acte délibéré a été pour les anges.» Billot, La providence de Dieu et le nombre infini d'hommes en dehors de la voie normale du salut, dans Études, 1923, p. 402. Que survienne donc la mort, «il en résulte, ipso facto, pour les uns, une définitive obstination dans le mal ou désordre moral et, pour les autres, une confirmation, définitive aussi, dans le bien, dans la beauté de l'ordre, avec l'heureuse impossibilité de s'en jamais sortir». Ibid., p. 397. Tous les théologiens enseignent bien que l'âme au purgatoire est incapable de perdre la grâce, puisqu'elle n'est plus dans l'état de voie; mais aucun n'a donné la raison psychologique profonde qu'apporte le cardinal Billot et dont nous nous sommes inspirés nous-même dans Les fins dernières, Paris, 1927, p. 11-13.
-Cet aspect du problème théologique du purgatoire a été traité par les théologiens posttridentins avec un soin particulier, en raison même des attaques de Luther contre l'enseignement traditionnel.
Les éclaircissements apportés peuvent se grouper autour de deux points: les âmes du purgatoire sont fixées dans la grâce; elles sont certaines de leur salut.
1° Fixées dans la grâce. -Le point de départ théologique de cette assertion certaine est la condamnation de la proposition 39 de Luther. Pour Luther, les âmes du purgatoire pécheraient perpétuellement parce qu'elles n'acceptent pas leurs peines dont elles ont horreur.
La théologie posttridentine, réfutant l'assertion luthérienne, procède par affirmations nuancées qui projettent un jour intéressant sur l'état des âmes séparées.
1. Tout d'abord elles sont, dit Suarez, dès l'instant de la séparation d'avec le corps, confirmées dans la grâce qu'elles possédaient auparavant. C'est le principe fondamental qui doit diriger tout raisonnement sur l'état de terme. La voie du mérite et du démérite est close pour l'homme par la mort. Et donc, dans l'état même où l'âme est trouvée par la mort, elle persiste d'une manière immuable soit par l'obstination dans le mal si elle est trouvée en état de péché, soit par la confirmation dans le bien si elle est en état de grâce. D'où, les âmes tiennent-elles leur confirmation dans le bien? Suarez y voit uniquement une protection de la grâce divine, rendue nécessaire par l'état même de ces âmes, qui, étant destil1ées au ciel, ne peuvent ni pécher mortellement -ce qui les éloignerait à tout jamais de leur fin dernière -ni pécher véniellement, ce qui les retarderait sans fin de leur bonheur. Op. cit., disp. XLVII, sect. 1, n. 6-7. n semble qu'on doive ajouter à cette raison extérieure à l'âme une raison tirée de sa psychologie intime: le choix définitif fait de la fin dernière par le libre arbitre, dégagé enfin des conditions d'exercice de l'état d'union avec le corps. Aussitôt, en effet, que l'âme est détachée du corps, elle prend les conditions normales de l'activité propre aux esprits, activité indépendante de toute opération sensible et procédant par vole non d'abstraction, mais d'intuition. Ainsi les esprits ne connaissent pas le bien in abstracto; ils ne s'attachent pas au bien suprême à travers les biens périssables et changeants d'ici-bas; ils ne choisissent pas leur fin dernière sous l'influence des passions ou des habitudes; d'un seul acte d'intelligence et de volonté, qui épuise du premier coup leur puissance d'activité quant à la fin dernière, ils s'arrêtent au bien qu'ils conçoivent comme cette fin et s'y fixent sans changement ultérieur possible. Ce bien est un bien concret, et l'amour par lequel ils s'y attachent devient immédiatement le principe premier de tous leurs désirs, de tous leurs vouloirs. Telle fut la
psychologie du premier acte délibéré par lequel les anges, au commencement du monde, s'attachèrent comme à leur fin dernière, les uns à Dieu, les autres à l'excellence de leur propre moi. Cet acte les fit entrer dans l'état de terme, et leur gloire, comme leur déchéance, fut acquise définitivement. Il en est de même de l'âme après la mort. Dans l'au-delà cesse
pour l'âme «toute variabilité relativement à l'objet qu'elle aura placé au sommet de ses affections et aimé par-dessus tout. Alors, l'amour de cet objet devient l'immuable pivot de son libre arbitre, et cet objet lui-même le pôle fixe vers lequel restent désormais tendues toutes les puissances de son vouloir. De là le principe énoncé par saint Jean Damascène et passé depuis axiome de la théologie: Que la mort est pour l'homme ce que le premier acte délibéré a été pour les anges.» Billot, La providence de Dieu et le nombre infini d'hommes en dehors de la voie normale du salut, dans Études, 1923, p. 402. Que survienne donc la mort, «il en résulte, ipso facto, pour les uns, une définitive obstination dans le mal ou désordre moral et, pour les autres, une confirmation, définitive aussi, dans le bien, dans la beauté de l'ordre, avec l'heureuse impossibilité de s'en jamais sortir». Ibid., p. 397. Tous les théologiens enseignent bien que l'âme au purgatoire est incapable de perdre la grâce, puisqu'elle n'est plus dans l'état de voie; mais aucun n'a donné la raison psychologique profonde qu'apporte le cardinal Billot et dont nous nous sommes inspirés nous-même dans Les fins dernières, Paris, 1927, p. 11-13.
Re: Théologie du Purgatoire
2. Ensuite, et précisément parce qu'elles sont confirmées en la grâce qu'elles possédaient, les âmes du purgatoire ne peuvent ni perdre cette grâce par le démérite, ni l'accroître par le mérite. L'état de voie, condition indispensable au mérite ou au démérite, est passé. C'est encore ici la raison fondamentale qu'apportent tous les théologiens. Voir CONDIGNO (DE), t. III, col. 1148. À cette raison fondamentale, Suarez ajoute trois raisons accessoires: le jugement particulier qui a fixé à tout jamais le sort des âmes; la convenance du mérite acquis pendant l'union de l'âme au corps; enfin les absurdités qui résulteraient, eu égard aux lois de la Providence, d'un renversement possible des mérites grâce au purgatoire. Op. cit., disp. XL VII, sect. II, n. 3. À ces raisonnements on peut objecter que les âmes, dans l'au-delà, ne sont pas dans un état d'engourdissement et de sommeil (cf. prop. 23 de Rosmini, condamnée par le Saint-Office, 14 déc. 1887, Denz.-Bannw., n. 1913) et par conséquent peuvent agir et agir librement. Pourquoi donc, possédant la charité, ne mériteraient-elles pas? -C'est, dit Suarez, parce que leur grâce a atteint son degré complet d'intensité. Cette raison, jetée comme en passant, n. 5, est beaucoup plus profonde que peut-être Suarez lui-même ne l'a pensé. Elle répond pleinement à la doctrine thomiste de l'impossibilité d'accroître en notre âme la grâce sanctifiante ex opere operantis, sinon par des actes de charité plus intenses. Cf. GRACE, t. VI, col. 1628.
Toutefois impossibilité de mériter ne signifie pas nécessairement impossibilité de corriger les habitudes défectueuses et d'acquérir des dispositions plus parfaites.
Les habitudes défectueuses, acquises sur terre, disparaissent par la mort dans leur élément sensitif; en tant qu'elles sont dispositions mauvaises de la volonté, elles seraient appelées à disparaître par le seul fait qu'en purgatoire elles ne peuvent plus trouver l'occasion de s'exercer; mais, tout comme les péchés véniels, elles disparaissent vraisemblablement par un acte de vertu contraire assez intense pour les supprimer. Cf. Palmieri, op. cit., § 23, n. 3; Mgr Chollet, Nos morts au purgatoire, au ciel, Paris, 1908, p. 135.
Palmieri va plus loin et estime que, nonobstant l'état de terme, les âmes du purgatoire peuvent, dès le purgatoire, acquérir les dispositions vertueuses qui pourraient leur manquer pour être proportionnées à leur futur état de gloire. Loc. cit., n. 2-3. Et, à ce sujet, il cite le texte suivant de Lessius:
Les âmes détenues au purgatoire peuvent y corriger facilement et en peu de temps toutes leurs affections, et par conséquent y acquérir les habitus de toutes les vertus. Ce qui ne signifie pas qu'il y ait ici lieu à mérite: pour qu'un habitus soit infusé à l'âme, point n'est requise l'existence d'un acte méritoire de cet habitus; il suffit d'une disposition ultime correspondant aux exigences de la nature ou de Dieu. Ainsi un pécheur peut croître en foi, en espérance, en tempérance, bien qu'il ne mérite pas. De summo bono, l. II, c. XXIX.
3. Enfin, les âmes du purgatoire, en raison même de leur attachement au bien suprême, n'éprouvent aucun de ces sentiments d'angoisse ou d'horreur que leur prête Luther, et qui seraient, en elles, une faute véritable.
Leur souffrance, dit Bellarmin, ne les absorbe pas au point qu'elles en perdraient la véritable notion de leur état ou qu'elles se laisseraient aller au trouble et au désespoir comme si elles étaient en enfer. La parabole du mauvais riche ne montre-t-elle pas qu'un damné lui-même peut parfaitement se rendre compte de son supplice et de ses causes? L'Église d'ailleurs prie à la messe pour ces âmes «qui dorment du sommeil de la paix». Or, ces âmes endormies du sommeil de la paix ne sont pas des âmes anxieuses, des âmes désespérées; mais plutôt une incroyable consolation se mêle à leurs souffrances, à cause de la certitude où elles sont de leur salut». Op. cit., 1. II, c. IV, p. 108.
C'est là le thème que les théologiens reprennent à l'envi, en exposant le rôle de la volonté des âmes souffrantes par rapport à leur expiation. Les peines du purgatoire sont dites volontaires, c'est-à-dire acceptées par la volonté de l'âme, en ce sens que ces âmes, parfaitement soumises à la, volonté divine et sachant que la souffrance est pour elles le moyen de
parvenir au bonheur, acceptent avec reconnaissance et amour leur expiation. Ce qui n'empêche pas leur douleur d'être contraire aux aspirations de leur volonté et par conséquent de lui infliger une véritable tristesse présente. Suarez, op. cit., disp. XLVI, sect. I, n. 4. De là, il faut conclure que la souffrance ainsi acceptée par les âmes du purgatoire, quelle que soit la tristesse qu'elles en éprouvent, ne saurait produire en elles, ni désespoir, ni trouble, ni angoisse. Ibid., disp. XLVII, sect. III, n, 3-4. Si sur terre les âmes justes se soumettent avec amour à la divine Providence dans leurs tribulations, à plus forte raison les âmes du purgatoire, qui sont confirmées en grâce et, savent que leurs peines sont très justes et leur sont infligées par une disposition divine. Elles ne se troublent donc pas, elles n'éprouvent même pas d'impatience, elles se conforment pleinement à la divine volonté; aussi au canon de la messe, l'Église affirme-t-elle qu'elles reposent et dorment en paix. La véhémence de leur douleur ne peut même pas leur apporter un trouble involontaire: ce trouble serait concevable en une âme encore unie à son corps, mais, dans l'âme séparée du corps, il n'en peut résulter qu'une tristesse d'ordre intellectuel, incapable d'apporter le moindre trouble. Ces remarques de Suarez, loc. cit., n. 4, se retrouvent d'une façon presque identique chez les théologiens qui ont étudié cet aspect de l'état des âmes du purgatoire: «Hélas! mon Theotime, les âmes qui sont en purgatoire y sont sans doute pour leurs pechés, pechés qu'elles ont detesté et detestent souverainement; mais quant à l'abjection et peine qui leur en reste d'estre arrestées en ce lieu-là, et privées pour un temps de la jouissance de l'amour bienheureux du paradis, elles la souffrent amoureusement, et prononcent devotement le cantique de la justice divine: «Vous estes juste, Seigneur, et vostre jugement equitable.» (Ps., CXVIII, 137)» Saint François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, 1. IX, c. VII. Sainte Catherine de Gênes a, sur ce sujet, d'admirables pages que commente avec profondeur le P. Faber, op. cit., p. 388-390.
Toutefois impossibilité de mériter ne signifie pas nécessairement impossibilité de corriger les habitudes défectueuses et d'acquérir des dispositions plus parfaites.
Les habitudes défectueuses, acquises sur terre, disparaissent par la mort dans leur élément sensitif; en tant qu'elles sont dispositions mauvaises de la volonté, elles seraient appelées à disparaître par le seul fait qu'en purgatoire elles ne peuvent plus trouver l'occasion de s'exercer; mais, tout comme les péchés véniels, elles disparaissent vraisemblablement par un acte de vertu contraire assez intense pour les supprimer. Cf. Palmieri, op. cit., § 23, n. 3; Mgr Chollet, Nos morts au purgatoire, au ciel, Paris, 1908, p. 135.
Palmieri va plus loin et estime que, nonobstant l'état de terme, les âmes du purgatoire peuvent, dès le purgatoire, acquérir les dispositions vertueuses qui pourraient leur manquer pour être proportionnées à leur futur état de gloire. Loc. cit., n. 2-3. Et, à ce sujet, il cite le texte suivant de Lessius:
Les âmes détenues au purgatoire peuvent y corriger facilement et en peu de temps toutes leurs affections, et par conséquent y acquérir les habitus de toutes les vertus. Ce qui ne signifie pas qu'il y ait ici lieu à mérite: pour qu'un habitus soit infusé à l'âme, point n'est requise l'existence d'un acte méritoire de cet habitus; il suffit d'une disposition ultime correspondant aux exigences de la nature ou de Dieu. Ainsi un pécheur peut croître en foi, en espérance, en tempérance, bien qu'il ne mérite pas. De summo bono, l. II, c. XXIX.
3. Enfin, les âmes du purgatoire, en raison même de leur attachement au bien suprême, n'éprouvent aucun de ces sentiments d'angoisse ou d'horreur que leur prête Luther, et qui seraient, en elles, une faute véritable.
Leur souffrance, dit Bellarmin, ne les absorbe pas au point qu'elles en perdraient la véritable notion de leur état ou qu'elles se laisseraient aller au trouble et au désespoir comme si elles étaient en enfer. La parabole du mauvais riche ne montre-t-elle pas qu'un damné lui-même peut parfaitement se rendre compte de son supplice et de ses causes? L'Église d'ailleurs prie à la messe pour ces âmes «qui dorment du sommeil de la paix». Or, ces âmes endormies du sommeil de la paix ne sont pas des âmes anxieuses, des âmes désespérées; mais plutôt une incroyable consolation se mêle à leurs souffrances, à cause de la certitude où elles sont de leur salut». Op. cit., 1. II, c. IV, p. 108.
C'est là le thème que les théologiens reprennent à l'envi, en exposant le rôle de la volonté des âmes souffrantes par rapport à leur expiation. Les peines du purgatoire sont dites volontaires, c'est-à-dire acceptées par la volonté de l'âme, en ce sens que ces âmes, parfaitement soumises à la, volonté divine et sachant que la souffrance est pour elles le moyen de
parvenir au bonheur, acceptent avec reconnaissance et amour leur expiation. Ce qui n'empêche pas leur douleur d'être contraire aux aspirations de leur volonté et par conséquent de lui infliger une véritable tristesse présente. Suarez, op. cit., disp. XLVI, sect. I, n. 4. De là, il faut conclure que la souffrance ainsi acceptée par les âmes du purgatoire, quelle que soit la tristesse qu'elles en éprouvent, ne saurait produire en elles, ni désespoir, ni trouble, ni angoisse. Ibid., disp. XLVII, sect. III, n, 3-4. Si sur terre les âmes justes se soumettent avec amour à la divine Providence dans leurs tribulations, à plus forte raison les âmes du purgatoire, qui sont confirmées en grâce et, savent que leurs peines sont très justes et leur sont infligées par une disposition divine. Elles ne se troublent donc pas, elles n'éprouvent même pas d'impatience, elles se conforment pleinement à la divine volonté; aussi au canon de la messe, l'Église affirme-t-elle qu'elles reposent et dorment en paix. La véhémence de leur douleur ne peut même pas leur apporter un trouble involontaire: ce trouble serait concevable en une âme encore unie à son corps, mais, dans l'âme séparée du corps, il n'en peut résulter qu'une tristesse d'ordre intellectuel, incapable d'apporter le moindre trouble. Ces remarques de Suarez, loc. cit., n. 4, se retrouvent d'une façon presque identique chez les théologiens qui ont étudié cet aspect de l'état des âmes du purgatoire: «Hélas! mon Theotime, les âmes qui sont en purgatoire y sont sans doute pour leurs pechés, pechés qu'elles ont detesté et detestent souverainement; mais quant à l'abjection et peine qui leur en reste d'estre arrestées en ce lieu-là, et privées pour un temps de la jouissance de l'amour bienheureux du paradis, elles la souffrent amoureusement, et prononcent devotement le cantique de la justice divine: «Vous estes juste, Seigneur, et vostre jugement equitable.» (Ps., CXVIII, 137)» Saint François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, 1. IX, c. VII. Sainte Catherine de Gênes a, sur ce sujet, d'admirables pages que commente avec profondeur le P. Faber, op. cit., p. 388-390.
Re: Théologie du Purgatoire
2° Certaines de leur salut. -1. La doctrine. -Cette deuxième vérité est supposée dans tout ce qui précède. La certitude du salut, que possèdent les âmes du purgatoire, n'est pas, dit Bellarmin, celle des bienheureux, «qui exclut l'espérance et la crainte»; elle n'est pas la quasi-certitude que les justes peuvent atteindre sur terre, «laquelle n'exclut ni l'espérance ni la crainte, et peut être appelée une certitude conjecturale». C'est une certitude spéciale, «qui exclut la crainte, mais non l'espérance; le bonheur réservé à ces âmes est futur, non présent, elles peuvent donc l'espérer; par ailleurs ce bonheur leur est acquis, elles ne peuvent donc en craindre la perte». Op. cit., 1. II, c. IV, p. 105. Ayant ainsi défini cette certitude,
Bellarmin la prouve par l'existence du jugement particulier. Si le sentence définitive de ces âmes a été prononcée aussitôt après la mort, rien ne prouve qu'elles n'en aient pas connaissance: le but du jugement particulier est précisément de notifier l'arrêt divin à celui qui en est l'objet. Ibid., p. 107. Les âmes d'ailleurs peuvent se rendre compte qu'elles sont en purgatoire, non en enfer, en constatant qu'elles-mêmes et leurs compagnes de peine ne blasphèment pas Dieu, mais l'aiment et sont pleinement soumises à sa volonté. Ibid.
Cette certitude du salut est enseignée par tous les théologiens comme une vérité très certaine. Suarez, Op. cit., disp. XLVII, sect. III, n. 5. Suarez analyse cette certitude plus complètement que Bellarmin. Deux éléments, dit-il, y concourent: le premier est qu'à la sortie du corps ces âmes se sachent en état de grâce; le second est qu'elles sachent que jamais elles ne seront damnées. Le premier élément leur serait-il fourni par la science intuitive qu'elles ont d'elles-mêmes? Déjà Cajétan, op. cit., q. II, et Bellarmin lui-même ont indiqué cette raison. Suarez en doute, car, dit-il; comment l'intuition qu'elles ont de leur nature pourrait-elle les conduire à la connaissance de réalités surnaturelles? Il leur faudrait une science surnaturelle infuse, et nous ignorons si une telle science leur est octroyée par Dieu. C'est donc, tout d'abord indirectement, en raison des actes surnaturels d'amour de Dieu qu'elles accomplissent au purgatoire, qu'elles concluent avec certitude être en état de grâce. De plus, le jugement particulier leur a fait connaître qu'elles ne sont point damnées; or, elles savent que quiconque est trouvé sans l'état de grâce au jugement particulier est damné. Enfin elles savent que les damnés sont obstinés dans le mal et n'ont aucun espoir du pardon; ces deux sentiments étant contraires à leurs dispositions présentes, les âmes du purgatoire en déduisent la certitude de leur état de grâce. Loc. cit., n. 6. Le second élément, la certitude de n'être pas damnées un jour, leur est inculqué par la foi qu'elles ont retenue de la terre et qui leur apprend que, ne pouvant pécher, elles ne risquent pas d'encourir plus tard la damnation. Et si quelque âme trop ignorante ne connaît pas ces principes, Suarez estime que Dieu y suppléera par une lumière nouvelle, au besoin par l'enseignement de l'ange gardien. Ibid., n. 7. Mais toutes ces raisons ne sont qu'indirectes. Dans la sentence du jugement particulier Suarez trouve un argument direct et très démonstratif de la certitude des âmes par rapport à leur état de grâce: la sentence du jugement est pour elles une révélation leur donnant toute certitude sur leur état présent et sur leur future béatitude. N. 8.
Ces divers arguments se retrouvent plus ou moins nettement invoqués chez les théologiens modernes. Palmieri, op. cit., n. 24, p. 68, Mazzella, op. cit., n.1353, Ch. Fesch, op. cit., t. IX, n. 599 (lequel ne voit dans le jugement particulier qu'un argument de vraisemblance), se contentent de résumer Suarez. Billot est plus personnel, et son argumentation mérite d'être notée: De novissimis, p. 107-108.
L'argument de Cajétan, délaissé par Suarez, ne laisse pas de plaire aux thomistes. Le cardinal Lépicier l'adopte pleinement, De novissimis, p. 326. Le P. Hugon l'indique d'un mot, op. cit., t. IV, p. 799, 'renvoyant pour de plus amples explications au traité philosophique de la connaissance des âmes séparées, Cursus philosophiæ thomisticæ, Paris, 1907, p. 138-149; cf. Réponse théologique à quelques questions d'actualité, Paris, 1924, L'état des âmes séparées, c. III, p. 230 sq. On trouvera également de bonnes indications dans Le monde invisible, Paris, 1931, part. II, c. II, § 4, p. 191 sq., du cardinal Lépicier, et dans Mgr Chollet, La psychologie du purgatoire, Paris, 1924. Sur la pensée de Denys le Chartreux touchant la certitude qu'ont les âmes de leur salut, voir Lépicier, op. cit., p. 328, qui défend l'orthodoxie de cet auteur.
2. L'objection. -Si les âmes sont certaines de leur salut, pourquoi l'Église, à l'offertoire de la messe des défunts, demande-t-elle «que les âmes des fidèles soient délivrées des peines de l'enfer et de la fosse profonde, ne soient pas dévorées par le lion infernal, ne soient pas absorbées par le Tartare et ne tombent pas dans l'obscurité»? Et, à l'absoute, ne dit-elle pas, au nom du défunt: «Délivrez-moi, Seigneur, de la mort éternelle, en ce jour terrible, quand cieux et terre seront ébranlés?» De telles prières, qui ne peuvent être offertes que pour les âmes du purgatoire, semblent bien signifier que, dans la pensée de l'Église, ces âmes sont encore exposées aux flammes éternelles.
Bellarmin apporte deux réponses. Tout d'abord l'Église, bien que sûre du salut des âmes du purgatoire, prie cependant pour que la sentence finale du jugement dernier leur soit favorable. On la voit ainsi fréquemment demander à Dieu ce qu'elle est sûre de recevoir. Mais il est une autre solution: «L'Église, par cette prière, demande bien que les âmes soient délivrées du purgatoire, mais elle emploie une figure, comme si les âmes étaient au moment de quitter leur corps et en péril de leur salut éternel; elle se rappelle et se représente le jour de la mort ou de la sépulture.» Op. cit., c. V, p. 109. C'est ainsi que, dans sa liturgie, l'Église se représente Jésus incarné, naissant, souffrant, bien qu'elle le sache glorieux au ciel. Cette explication se trouve également chez Grégoire de Valencia, Commentariorum theologicorum, t. .III, Venise, 1608, disp. VI, q. II, punct. 8. Cf. Billuart, De ultimo fine, diss. II, a. 3, circa finem.
Benoît XIV donne une solution bien trop simple: sous le nom d'enfer, de Tartare, de gouffre obscur, l'Église entend simplement le purgatoire. De sacrificio missæ, 1. II, c. IX. Palmieri reprend la seconde explication de Bellarmin, op. cit., p. 70. Billot, tout en recevant l'explication de Benoît XIV comme plausible, reprend la solution plus complète de Bellarmin, en y ajoutant une considération (qu'il emprunte d'ailleurs au commentaire de Sylvius sur la Somme, Suppl., q. C, a. 6) relative à l'édification des fidèles:
Tantôt l'Église nous représente l'instant terrible de la mort, d'où dépend l'éternité, tantôt ce jugement dernier qui confirmera solennellement le jugement particulier. De même qu'elle célèbre la naissance, la passion. la résurrection du Sauveur comme s'il naissait encore présentement, comme s'il souffrait, comme s'il ressuscitait, de même elle commémore les défunts comme s'ils étaient encore sur terre à l'instant dernier de la vie où se décide leur sort éternel, ou au contraire comme si cet instant ultime était transféré jusqu'au jour de la colère, jour de calamité et de misère, qui dissoudra ce monde dans le feu, comme en témoignent David et la Sibylle. De novissimis, p. 108-109.
Même interprétation chez le cardinal Lépicier; De novissimis, p. 108, 328.
L'explication proposée par Suarez présente un intérêt très particulier. Sans doute elle suppose, comme les précédentes, que l'Église se reporte au moment où l'âme était sur le point de quitter son corps; mais Suarez admet une sorte d'effet rétroactif de ces prières: «Il est probable que cette prière de l'Église, même faite après la mort d'un fidèle, lui a pu profiter avant sa mort en raison de la prescience divine... Autrement comment l'Église pourrait-elle demander un bienfait dépendant absolument d'une disposition antérieure?» Op. cit., disp. XLVIII, sect. V, n. 12. Stentrup critique vivement la solution de Suarez. «Si cela suffisait, dit-il, nous pourrions au même titre prier pour les bienheureux, nous représentant le temps de leur mort et demandant à Dieu leur salut.» Soteriologia, Inspruck, 1889, th. XXXV, p. 435. A quoi Ch. Pesch fait observer que nous ne pouvons en réalité prier, même dans l'hypothèse de l'effet rétroactif de nos prières, que pour ceux à qui, hic et nunc, nos prières peuvent encore être utiles. Op. cit., t. IX, n. 617.
L'opinion de la valeur rétroactive des prières pour les défunts a été reprise de nos jours par Mgr Chollet, op. cit., Post-scriptum: Un rayon dans la nuit, p. 342-356, et Lettre pastorale sur La foi aux fins dernières, 1923, texte publié dans la Documentation catholique, 17 févr. 1923.
Que prétend donc l'Église? Elle se reporte par une sorte de fiction au moment qui précède le jugement, c'est-à-dire à la minute suprême où les âmes sont encore dans la lutte, dans l'agonie, disputées entre le lion infernal qui veut les dévorer et l'archange qui veut les conduire dans le séjour de lumière, et là, elle supplie Dieu d'accepter ses prières et ses hosties de louanges et, en retour, d'accorder aux âmes dont elle fait mémoire les grâces de foi et de repentir qui les délivreront de la mort éternelle, des peines de l'enfer, des morsures du lion, des ténèbres de l'abîme.
Or il ne serait pas digne de l'Église de se livrer à une telle fiction si le geste était inutile, et si l'âme ne devait en tirer aucun profit. La réalité, c'est que l'Église, en se plaçant ainsi, par un retour sur le passé, au moment de l'agonie finale et en intercédant pour celui qui va paraître devant Dieu, sait que ses prières actuelles ont été vraiment présentes à Dieu à l'heure de cette agonie, que Dieu les a considérées et qu'il a pu, dans sa miséricorde, s'en inspirer dans sa conduite envers l'âme... P. 355.
Pour justes que soient ces considérations, elles n'en doivent pas en faire oublier une autre; c'est que nos prières liturgiques reflètent dans leur archaïsme l'imprécision de l'eschatologie primitive qui a été signalée ci-dessus.
Bellarmin la prouve par l'existence du jugement particulier. Si le sentence définitive de ces âmes a été prononcée aussitôt après la mort, rien ne prouve qu'elles n'en aient pas connaissance: le but du jugement particulier est précisément de notifier l'arrêt divin à celui qui en est l'objet. Ibid., p. 107. Les âmes d'ailleurs peuvent se rendre compte qu'elles sont en purgatoire, non en enfer, en constatant qu'elles-mêmes et leurs compagnes de peine ne blasphèment pas Dieu, mais l'aiment et sont pleinement soumises à sa volonté. Ibid.
Cette certitude du salut est enseignée par tous les théologiens comme une vérité très certaine. Suarez, Op. cit., disp. XLVII, sect. III, n. 5. Suarez analyse cette certitude plus complètement que Bellarmin. Deux éléments, dit-il, y concourent: le premier est qu'à la sortie du corps ces âmes se sachent en état de grâce; le second est qu'elles sachent que jamais elles ne seront damnées. Le premier élément leur serait-il fourni par la science intuitive qu'elles ont d'elles-mêmes? Déjà Cajétan, op. cit., q. II, et Bellarmin lui-même ont indiqué cette raison. Suarez en doute, car, dit-il; comment l'intuition qu'elles ont de leur nature pourrait-elle les conduire à la connaissance de réalités surnaturelles? Il leur faudrait une science surnaturelle infuse, et nous ignorons si une telle science leur est octroyée par Dieu. C'est donc, tout d'abord indirectement, en raison des actes surnaturels d'amour de Dieu qu'elles accomplissent au purgatoire, qu'elles concluent avec certitude être en état de grâce. De plus, le jugement particulier leur a fait connaître qu'elles ne sont point damnées; or, elles savent que quiconque est trouvé sans l'état de grâce au jugement particulier est damné. Enfin elles savent que les damnés sont obstinés dans le mal et n'ont aucun espoir du pardon; ces deux sentiments étant contraires à leurs dispositions présentes, les âmes du purgatoire en déduisent la certitude de leur état de grâce. Loc. cit., n. 6. Le second élément, la certitude de n'être pas damnées un jour, leur est inculqué par la foi qu'elles ont retenue de la terre et qui leur apprend que, ne pouvant pécher, elles ne risquent pas d'encourir plus tard la damnation. Et si quelque âme trop ignorante ne connaît pas ces principes, Suarez estime que Dieu y suppléera par une lumière nouvelle, au besoin par l'enseignement de l'ange gardien. Ibid., n. 7. Mais toutes ces raisons ne sont qu'indirectes. Dans la sentence du jugement particulier Suarez trouve un argument direct et très démonstratif de la certitude des âmes par rapport à leur état de grâce: la sentence du jugement est pour elles une révélation leur donnant toute certitude sur leur état présent et sur leur future béatitude. N. 8.
Ces divers arguments se retrouvent plus ou moins nettement invoqués chez les théologiens modernes. Palmieri, op. cit., n. 24, p. 68, Mazzella, op. cit., n.1353, Ch. Fesch, op. cit., t. IX, n. 599 (lequel ne voit dans le jugement particulier qu'un argument de vraisemblance), se contentent de résumer Suarez. Billot est plus personnel, et son argumentation mérite d'être notée: De novissimis, p. 107-108.
L'argument de Cajétan, délaissé par Suarez, ne laisse pas de plaire aux thomistes. Le cardinal Lépicier l'adopte pleinement, De novissimis, p. 326. Le P. Hugon l'indique d'un mot, op. cit., t. IV, p. 799, 'renvoyant pour de plus amples explications au traité philosophique de la connaissance des âmes séparées, Cursus philosophiæ thomisticæ, Paris, 1907, p. 138-149; cf. Réponse théologique à quelques questions d'actualité, Paris, 1924, L'état des âmes séparées, c. III, p. 230 sq. On trouvera également de bonnes indications dans Le monde invisible, Paris, 1931, part. II, c. II, § 4, p. 191 sq., du cardinal Lépicier, et dans Mgr Chollet, La psychologie du purgatoire, Paris, 1924. Sur la pensée de Denys le Chartreux touchant la certitude qu'ont les âmes de leur salut, voir Lépicier, op. cit., p. 328, qui défend l'orthodoxie de cet auteur.
2. L'objection. -Si les âmes sont certaines de leur salut, pourquoi l'Église, à l'offertoire de la messe des défunts, demande-t-elle «que les âmes des fidèles soient délivrées des peines de l'enfer et de la fosse profonde, ne soient pas dévorées par le lion infernal, ne soient pas absorbées par le Tartare et ne tombent pas dans l'obscurité»? Et, à l'absoute, ne dit-elle pas, au nom du défunt: «Délivrez-moi, Seigneur, de la mort éternelle, en ce jour terrible, quand cieux et terre seront ébranlés?» De telles prières, qui ne peuvent être offertes que pour les âmes du purgatoire, semblent bien signifier que, dans la pensée de l'Église, ces âmes sont encore exposées aux flammes éternelles.
Bellarmin apporte deux réponses. Tout d'abord l'Église, bien que sûre du salut des âmes du purgatoire, prie cependant pour que la sentence finale du jugement dernier leur soit favorable. On la voit ainsi fréquemment demander à Dieu ce qu'elle est sûre de recevoir. Mais il est une autre solution: «L'Église, par cette prière, demande bien que les âmes soient délivrées du purgatoire, mais elle emploie une figure, comme si les âmes étaient au moment de quitter leur corps et en péril de leur salut éternel; elle se rappelle et se représente le jour de la mort ou de la sépulture.» Op. cit., c. V, p. 109. C'est ainsi que, dans sa liturgie, l'Église se représente Jésus incarné, naissant, souffrant, bien qu'elle le sache glorieux au ciel. Cette explication se trouve également chez Grégoire de Valencia, Commentariorum theologicorum, t. .III, Venise, 1608, disp. VI, q. II, punct. 8. Cf. Billuart, De ultimo fine, diss. II, a. 3, circa finem.
Benoît XIV donne une solution bien trop simple: sous le nom d'enfer, de Tartare, de gouffre obscur, l'Église entend simplement le purgatoire. De sacrificio missæ, 1. II, c. IX. Palmieri reprend la seconde explication de Bellarmin, op. cit., p. 70. Billot, tout en recevant l'explication de Benoît XIV comme plausible, reprend la solution plus complète de Bellarmin, en y ajoutant une considération (qu'il emprunte d'ailleurs au commentaire de Sylvius sur la Somme, Suppl., q. C, a. 6) relative à l'édification des fidèles:
Tantôt l'Église nous représente l'instant terrible de la mort, d'où dépend l'éternité, tantôt ce jugement dernier qui confirmera solennellement le jugement particulier. De même qu'elle célèbre la naissance, la passion. la résurrection du Sauveur comme s'il naissait encore présentement, comme s'il souffrait, comme s'il ressuscitait, de même elle commémore les défunts comme s'ils étaient encore sur terre à l'instant dernier de la vie où se décide leur sort éternel, ou au contraire comme si cet instant ultime était transféré jusqu'au jour de la colère, jour de calamité et de misère, qui dissoudra ce monde dans le feu, comme en témoignent David et la Sibylle. De novissimis, p. 108-109.
Même interprétation chez le cardinal Lépicier; De novissimis, p. 108, 328.
L'explication proposée par Suarez présente un intérêt très particulier. Sans doute elle suppose, comme les précédentes, que l'Église se reporte au moment où l'âme était sur le point de quitter son corps; mais Suarez admet une sorte d'effet rétroactif de ces prières: «Il est probable que cette prière de l'Église, même faite après la mort d'un fidèle, lui a pu profiter avant sa mort en raison de la prescience divine... Autrement comment l'Église pourrait-elle demander un bienfait dépendant absolument d'une disposition antérieure?» Op. cit., disp. XLVIII, sect. V, n. 12. Stentrup critique vivement la solution de Suarez. «Si cela suffisait, dit-il, nous pourrions au même titre prier pour les bienheureux, nous représentant le temps de leur mort et demandant à Dieu leur salut.» Soteriologia, Inspruck, 1889, th. XXXV, p. 435. A quoi Ch. Pesch fait observer que nous ne pouvons en réalité prier, même dans l'hypothèse de l'effet rétroactif de nos prières, que pour ceux à qui, hic et nunc, nos prières peuvent encore être utiles. Op. cit., t. IX, n. 617.
L'opinion de la valeur rétroactive des prières pour les défunts a été reprise de nos jours par Mgr Chollet, op. cit., Post-scriptum: Un rayon dans la nuit, p. 342-356, et Lettre pastorale sur La foi aux fins dernières, 1923, texte publié dans la Documentation catholique, 17 févr. 1923.
Que prétend donc l'Église? Elle se reporte par une sorte de fiction au moment qui précède le jugement, c'est-à-dire à la minute suprême où les âmes sont encore dans la lutte, dans l'agonie, disputées entre le lion infernal qui veut les dévorer et l'archange qui veut les conduire dans le séjour de lumière, et là, elle supplie Dieu d'accepter ses prières et ses hosties de louanges et, en retour, d'accorder aux âmes dont elle fait mémoire les grâces de foi et de repentir qui les délivreront de la mort éternelle, des peines de l'enfer, des morsures du lion, des ténèbres de l'abîme.
Or il ne serait pas digne de l'Église de se livrer à une telle fiction si le geste était inutile, et si l'âme ne devait en tirer aucun profit. La réalité, c'est que l'Église, en se plaçant ainsi, par un retour sur le passé, au moment de l'agonie finale et en intercédant pour celui qui va paraître devant Dieu, sait que ses prières actuelles ont été vraiment présentes à Dieu à l'heure de cette agonie, que Dieu les a considérées et qu'il a pu, dans sa miséricorde, s'en inspirer dans sa conduite envers l'âme... P. 355.
Pour justes que soient ces considérations, elles n'en doivent pas en faire oublier une autre; c'est que nos prières liturgiques reflètent dans leur archaïsme l'imprécision de l'eschatologie primitive qui a été signalée ci-dessus.
Re: Théologie du Purgatoire
IV. LES SUFFRAGES DES VIVANTS POUR LES DÉFUNTS.
-Le suffrage est le secours par lequel les fidèles aident les âmes du purgatoire, soit en raison du mérite de leurs bonnes oeuvres, soit par leurs prières, soit par leurs satisfactions.» Ch. Pesch, Prælect. theol., t. VII, n. 477. Les théologiens posttridentins se sont appliqués à mettre en relief trois points principaux: les bases doctrinales des suffrages, leurs bénéficiaires, leurs modalités.
1° Bases doctrinales. -1. La communion des saints et la doctrine du corps mystique. -Bien entendu le premier point de départ de nos théologiens est l'Écriture et la tradition, qu'on a étudiées plus haut; mais c'est au dogme de la communion des saints qu'ils rattachent, avec toute la tradition, l'efficacité des suffrages pour les morts.. En ce qui concerne les Pères
et les scolastiques, on trouvera la synthèse de leur doctrine à l'art; COMMUNION DES SAINTS, t. III, col. 429-447. Les erreurs protestantes sur l'Église, corps mystique du Christ, ont fait préciser la doctrine des suffrages en fonction de cette donnée spéciale.
La notion du corps mystique, étendue aux âmes du purgatoire, se trouve déjà insinuée par saint Paul, I Thess., IV, 16; I Cor., XV, 18, C'est déjà en raison du rapport de la messe au corps mystique que saint Augustin explique qu'elle puisse être offerte pour les défunts: «Les âmes des fidèles défunts ne sont pas séparées de l'Église; elles sont membres du Christ.» De civ. Dei, l. X, c. IX, P. L., t. XLI, col.. 674. Au XIIe siècle, Pierre le Vénérable reprenait explicitement cet argument, Epist. contra Petrobrussianos, P. L., t. CLXXXIX, col. 821 sq. Dans leurs commentaires sur la Somme de saint Thomas, IIIa, q. VIII, a. 2, les théologiens du XVIe siècle fo6t entrer les âmes du purgatoire comme recevant l'influx de la grâce et des mérites de Jésus-Christ. Cf. Émile Mersch, Le corps mystique du Christ, t. II, Louvain, 1933, p. 220. Si cette doctrine du corps mystique ne fut pas expressément invoquée au concile de Trente pour expliquer les rapports des vivants avec les défunts, un des évêques les plus marquants de l'assemblée, le futur cardinal Hosius, y fit appel ensuite dans sa célèbre Confessio fidei catholicæ. C'est par cette doctrine du corps mystique qu'il montre que la messe peut être appliquée aux âmes du purgatoire: un effet du saint sacrifice est d'unir en quelque façon tout «le corps» du Christ, car le Christ s'y trouve faisant un, en lui, ceux pour qui on l'offre. C. XLII, dans Opera omnia, Cologne, 1574, part. l, p. 139-140. Cf. Mersch, op. cit., t. II, p. 265, note 1.
Bellarmin reprend pour son compte l'argument du corps mystique, op. cit., 1. II, c. XV, p. 122.
Cette doctrine du corps mystique, fondement dogmatique des suffrages pour les défunts, se retrouve soit expliciteII1ent, soit implicitement exprimée par les théologiens catholiques. Elle est, chez Suarez, à la base de toute la sect. 1 de la disp. XLVIII, De suffragiis. Voir également Gonet, De pænitentia, disp. XIII, a. 5, n. 61-62.
2. Le triple mode de suffrages. -Un autre présupposé doctrinal concerne la triple façon dont un membre du corps mystique du Christ peut subvenir aux besoins d'un autre membre. Ainsi que J'expose Suarez, loc. cit., n. 4, cette action mutuelle des membres du corps mystique répond à la déclaration de saint Paul: adimpleo ea quæ desunt passionum Christi in carne mea pro corpore ejus quod est Ecclesia. Col., I, 24. Non que la passion du Christ présente quelque insuffisance, mais il s'agit ici de la participation que le corps mystique lui-même doit avoir à l'oeuvre rédemptrice du Sauveur. Suarez, loc. cit., n. 5.
Or, les théologiens sont unanimes à enseigner que cette, participation revêt une triple forme: l'impétralion, le mérite, la satisfaction. Cf. Bellarmin, loc. cit., C. XIV; Chollet, op. cit., 1. I, c. VI; L'Ami du clergé, 1926, p. 323 sq. Il peut arriver d'ailleurs que la même action, la prière par exemple, possède à la fois cette triple formalité. Voir PRIÈRE, t. XIII, col. 234-235. Le mérite pour autrui ne peut, en toute hypothèse, être qu'un mérite de convenance. Voir CONGRUO (DE), t. III, col. 1143-1144. De ces principes, dont on ne peut marquer ici que les grandes lignes, l'Église a déduit la légitimité des indulgences, sous la forme qu'elles revêtent présentement, appliquées aux défunts. Ici, la théorie, déjà formulée au XIIIe siècle, a singulièrement devancé l'application officielle. Voir INDULGENCES, t. VII, col. 1611 et 1616.
Les suffrages énumérés par le concile de Trente et proposés par tous les théologiens rentrent dans l'une ou l'autre des trois catégories: sacrifices de la messe, prières, aumônes, autres oeuvres de piété (dont les pénitences volontaires et les indulgences), toutes ces manifestations de notre activité surnaturelle en faveur des défunts ont valeur impétratoire, satisfactoire ou méritoire, soit disjonctivement, soit simultanément.
Sur le détail de ces suffrages pour les âmes du purgatoire, voir J. Terrisse, Le purgatoire ou pouvoir, motifs et moyens que nous avons de secourir les âmes du purgatoire, Paris, 1911-1912, p. 223-307; Chollet, op. cit., loc. laud.; J. Munford, Traité de la charité envers les âmes du purgatoire, dans Bouix, Le purgatoire, 3e éd., Paris, 1883; L. Rouzic, Le purgatoire, Paris, 1922, c. XXI-XXVII; A. Molien, La prière pour les défunts, Avignon, 1929.
3. La manière dont les suffrages aident les défunts. -C'est là un troisième point où la théologie a dû apporter quelques éclaircissements.
-Le suffrage est le secours par lequel les fidèles aident les âmes du purgatoire, soit en raison du mérite de leurs bonnes oeuvres, soit par leurs prières, soit par leurs satisfactions.» Ch. Pesch, Prælect. theol., t. VII, n. 477. Les théologiens posttridentins se sont appliqués à mettre en relief trois points principaux: les bases doctrinales des suffrages, leurs bénéficiaires, leurs modalités.
1° Bases doctrinales. -1. La communion des saints et la doctrine du corps mystique. -Bien entendu le premier point de départ de nos théologiens est l'Écriture et la tradition, qu'on a étudiées plus haut; mais c'est au dogme de la communion des saints qu'ils rattachent, avec toute la tradition, l'efficacité des suffrages pour les morts.. En ce qui concerne les Pères
et les scolastiques, on trouvera la synthèse de leur doctrine à l'art; COMMUNION DES SAINTS, t. III, col. 429-447. Les erreurs protestantes sur l'Église, corps mystique du Christ, ont fait préciser la doctrine des suffrages en fonction de cette donnée spéciale.
La notion du corps mystique, étendue aux âmes du purgatoire, se trouve déjà insinuée par saint Paul, I Thess., IV, 16; I Cor., XV, 18, C'est déjà en raison du rapport de la messe au corps mystique que saint Augustin explique qu'elle puisse être offerte pour les défunts: «Les âmes des fidèles défunts ne sont pas séparées de l'Église; elles sont membres du Christ.» De civ. Dei, l. X, c. IX, P. L., t. XLI, col.. 674. Au XIIe siècle, Pierre le Vénérable reprenait explicitement cet argument, Epist. contra Petrobrussianos, P. L., t. CLXXXIX, col. 821 sq. Dans leurs commentaires sur la Somme de saint Thomas, IIIa, q. VIII, a. 2, les théologiens du XVIe siècle fo6t entrer les âmes du purgatoire comme recevant l'influx de la grâce et des mérites de Jésus-Christ. Cf. Émile Mersch, Le corps mystique du Christ, t. II, Louvain, 1933, p. 220. Si cette doctrine du corps mystique ne fut pas expressément invoquée au concile de Trente pour expliquer les rapports des vivants avec les défunts, un des évêques les plus marquants de l'assemblée, le futur cardinal Hosius, y fit appel ensuite dans sa célèbre Confessio fidei catholicæ. C'est par cette doctrine du corps mystique qu'il montre que la messe peut être appliquée aux âmes du purgatoire: un effet du saint sacrifice est d'unir en quelque façon tout «le corps» du Christ, car le Christ s'y trouve faisant un, en lui, ceux pour qui on l'offre. C. XLII, dans Opera omnia, Cologne, 1574, part. l, p. 139-140. Cf. Mersch, op. cit., t. II, p. 265, note 1.
Bellarmin reprend pour son compte l'argument du corps mystique, op. cit., 1. II, c. XV, p. 122.
Cette doctrine du corps mystique, fondement dogmatique des suffrages pour les défunts, se retrouve soit expliciteII1ent, soit implicitement exprimée par les théologiens catholiques. Elle est, chez Suarez, à la base de toute la sect. 1 de la disp. XLVIII, De suffragiis. Voir également Gonet, De pænitentia, disp. XIII, a. 5, n. 61-62.
2. Le triple mode de suffrages. -Un autre présupposé doctrinal concerne la triple façon dont un membre du corps mystique du Christ peut subvenir aux besoins d'un autre membre. Ainsi que J'expose Suarez, loc. cit., n. 4, cette action mutuelle des membres du corps mystique répond à la déclaration de saint Paul: adimpleo ea quæ desunt passionum Christi in carne mea pro corpore ejus quod est Ecclesia. Col., I, 24. Non que la passion du Christ présente quelque insuffisance, mais il s'agit ici de la participation que le corps mystique lui-même doit avoir à l'oeuvre rédemptrice du Sauveur. Suarez, loc. cit., n. 5.
Or, les théologiens sont unanimes à enseigner que cette, participation revêt une triple forme: l'impétralion, le mérite, la satisfaction. Cf. Bellarmin, loc. cit., C. XIV; Chollet, op. cit., 1. I, c. VI; L'Ami du clergé, 1926, p. 323 sq. Il peut arriver d'ailleurs que la même action, la prière par exemple, possède à la fois cette triple formalité. Voir PRIÈRE, t. XIII, col. 234-235. Le mérite pour autrui ne peut, en toute hypothèse, être qu'un mérite de convenance. Voir CONGRUO (DE), t. III, col. 1143-1144. De ces principes, dont on ne peut marquer ici que les grandes lignes, l'Église a déduit la légitimité des indulgences, sous la forme qu'elles revêtent présentement, appliquées aux défunts. Ici, la théorie, déjà formulée au XIIIe siècle, a singulièrement devancé l'application officielle. Voir INDULGENCES, t. VII, col. 1611 et 1616.
Les suffrages énumérés par le concile de Trente et proposés par tous les théologiens rentrent dans l'une ou l'autre des trois catégories: sacrifices de la messe, prières, aumônes, autres oeuvres de piété (dont les pénitences volontaires et les indulgences), toutes ces manifestations de notre activité surnaturelle en faveur des défunts ont valeur impétratoire, satisfactoire ou méritoire, soit disjonctivement, soit simultanément.
Sur le détail de ces suffrages pour les âmes du purgatoire, voir J. Terrisse, Le purgatoire ou pouvoir, motifs et moyens que nous avons de secourir les âmes du purgatoire, Paris, 1911-1912, p. 223-307; Chollet, op. cit., loc. laud.; J. Munford, Traité de la charité envers les âmes du purgatoire, dans Bouix, Le purgatoire, 3e éd., Paris, 1883; L. Rouzic, Le purgatoire, Paris, 1922, c. XXI-XXVII; A. Molien, La prière pour les défunts, Avignon, 1929.
3. La manière dont les suffrages aident les défunts. -C'est là un troisième point où la théologie a dû apporter quelques éclaircissements.
Re: Théologie du Purgatoire
a) La prière. -Il s'agit de la prière considérée uniquement quant à sa valeur impétratoire. Les théologiens sont assez divisés sur la manière dont la prière, par sa seule valeur impétratoire, peut apporter secours aux âmes du purgatoire.
Les uns estiment que la prière, considérée uniquement sous la formalité d'impétration, peut obtenir de Dieu directement la remise de la peine encore due à la justice divine par les âmes du purgatoire. Le Christ n'a-t-il pas dit sans restriction: «Demandez, et vous recevrez?» De Lugo, De pænitentia, disp. XXIV, n. 20. Bellarmin adopte cette solution. «La prière,
dit-il, aide d'une double façon les âmes des défunts: d'abord en tant qu'oeuvre pénale et laborieuse...; ensuite, en tant que simple impétration, ce qui est le caractère propre de la prière, tout comme les prières des bienheureux sont utiles et à nous et aux âmes du purgatoire, bien qu'elles ne possèdent pas de valeur satisfactoire.» Op. cit., 1. II, c. XVI, p. 123. Théophile Raynaud distingue entre prières des vivants et prières des saints du ciel: les premières seules auraient une influence directe en faveur de la rémission des peines du purgatoire. Scapulare marianum, q. V, dans Opera, t. VII, Lyon, 1665, p. 289.
«Doctrine pieuse, probable et peut-être vraie», déclare Suarez, op. cit., disp. XL VIII, sect. V, n. 5; mais combien incertaine et peu fondée, ajoute-t-il aussitôt. Car, si par nos prières, considérées comme simples impétrations, il nous est impossible d'obtenir pour nous-mêmes la rémission de la dette de peine dont nous sommes encore redevables à Dieu après le pardon de nos fautes, combien la chose sera-t-elle plus impossible encore à l'égard d'autrui. C'est donc en tant qu'oeuvres satisfactoires, que nos prières obtiennent directement et pour nous-mêmes et pour autrui une rémission. des peines dues aux péchés pardonnés. En tant qu'oeuvres impétratoires, elles peuvent indirectement obtenir cette rémission en demandant à Dieu d'appliquer aux âmes souffrantes les satisfactions de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints et
1304
t. II, p. 763. C'est pourquoi la liturgie, s'inspirant de Luc., XVI, 22, invoque la protection de saint Michel pour les âmes souffrantes (offertoire de la messe des défunts), ou encore confie aux anges le soin de conduire l'âme au paradis: In paradisum deducant te angeli ... Ce ministère des anges s'exerce, comme l'expose saint Thomas, la, q. CVIII, a. 7, ad 3um, par le moyen d'illuminations intellectuelles. Voir plus loin le lieu du purgatoire, col. 1310. Cf. Lépicier, op. cit., p.300-301.
Une autre question connexe concerne la possibilité pour les âmes du purgatoire de demander elles-mêmes à Dieu leur libération ou leur soulagement. Parmi les théologiens qui abordent ce problème, plusieurs, notamment Bellarmin, op. cit., 1. II, c. XV, Sylvius, In Suppl. sum. theol., q. LXXI, a. 2, Grégoire de Valencia, op. cit., t. III, disp. VI, q. II, punct. 6, Suarez, De religione, tr. IV, 1. I, c. XI, n. 12, répondent par l'affirmative. La réponse négative nous semble plus probable. Les prières des âmes du purgatoire ne peuvent avoir tout au plus que valeur impétratoire. Or, la rémission de leur peine ne peut être accordée, avons-nous dit, à la prière que si la satisfaction l'accompagne. Et il ne convient pas ici que les âmes souffrantes, qui. acceptent pleinement l'oeuvre de justice qui s'accomplit en elles, interviennent pour adoucir ou abréger cette oeuvre. Les saints du ciel et les vivants de la terre peuvent faire appel en ce sens à la miséricorde divine dans un sentiment de charité; mais la situation des âmes du purgatoire n'est pas la même que la nôtre: leurs instances près de Dieu, en leur propre faveur, serait contraire à l'ordre. Cf. Lépicier, op. cit., p. 302-303.
b) Le mérite. -Les théologiens n'envisagent guère la question du mérite de convenance offert à Dieu en vue de l'adoucissement des peines du purgatoire. Voir cependant Suarez, De pænitentia, disp. XLVIII, sect. v, n. 1. De toute évidence cette question doit être résolue conformément aux principes énoncés au sujet de la prière pour les défunts. Eu égard aux mérites offerts en faveur des âmes du purgatoire, il est convenable que Dieu, sans leur accorder directement la rémission de leur peine (quoiqu'il le puisse, s'il le veut), provoque chez les vivants l'inspiration d'offrir des satisfactions pour les morts. D'ailleurs, en fait, il n'est aucune oeuvre méritoire qui ne soit, sous quelque aspect, également satisfactoire. Cf. Gonet, Clypeus theologiæ thomisticæ, De pænitentia, disp. XIII, art. 2, § 3, n. 18.
c) La Satisfaction. -L'oeuvre satisfactoire peut être définie: une oeuvre dont le caractère expiatoire offre à Dieu une compensation pour la peine temporelle encore due aux péchés pardonnés. Cette compensation, on peut l'offrir pour soi-même. On peut aussi l'offrir pour autrui. Cf. Suarez, op. cit., disp. XLVIII, sect. II, qui cite, n. 4, une longue liste de théologiens favorables à cette doctrine, qu'on doit dire certaine dans l'Église. Elle peut être offerte pour autrui à titre de condignité, c'est-à-dire pour se substituer en toute justice à la satisfaction qu'autrui devrait offrir à Dieu. La seule condition exigée ici par les théologiens, c'est l'état de grâce en celui qui offre la satisfaction et, bien entendu, en celui pour qui elle est offerte. Telle est très certainement la doctrine exprimée par saint Thomas, Suppl., q. XI, a. 2; cf. In IVum Sent., dist. XX, a. 2; In symb. apost., a. 10; In epist. ad Galatas, VI, 2; Cont. gent., 1. III, C. CLVIII, fine. Les meilleurs commentateurs thomistes proposent et défendent cette doctrine. Cf. Salmanticenses, De pænitentia, disp. X. dub. II. Suarez lui consacre ici toute une section, op. cit., disp. XLVIII, sect. III. Billuart la rattache à la doctrine générale du corps mystique: «Nous sommes un dans le Christ, et nous sommes les membres d'un seul corps dont le Christ est le chef. Or, dans le corps humain, chaque membre agit non seulement pour son utilité propre, mais pour l'utilité de tous les membres. Il en est de même dans le corps mystique de l'Église. Et l'on peut trouver une confirmation de cette vérité dans les usages humains: la charité a plus de puissance sur Dieu que sur les hommes; or, un homme, par amour pour autrui, peut acquitter les dettes de son prochain envers les hommes; donc et à plus forte raison un chrétien le pourra faire à l'égard des jugements divins. De pænitentia, diss. IX, art. 5.
Est-il possible d'entendre cette thèse générale du cas particulier de l'oeuvre satisfactoire offerte pour les âmes du purgatoire? Peut-on admettre que cette satisfaction-vicaire d'un vivant pour un mort puisse avoir près de Dieu valeur de condignité, tout comme à l'égard d'un membre vivant? Suarez le pense, op. cit., disp. XLVIII, sect. VI, n. 4. La solution, dit-il, dépend de la promesse de Dieu.
Si nous admettons que cette promesse existe à l'égard des vivants, il n'y a aucune raison pour que nous ne l'étendions pas aux âmes du purgatoire, qui nous sont unies aussi par la charité et ont besoin de notre aide tout autant que les vivants et même davantage, puisqu'elles ne peuvent par elles-mêmes offrir qu'une satispassion et non une satisfaction. De plus, elles ne sont pas encore parvenues tout à fait au terme et elles poursuivent encore leur voie. Aussi, tant de leur côté que du nôtre, il y a fondement et possibilité pour ce pacte ou cette promesse. Du côté de Dieu il y a la même convenance de libéralité et de miséricorde, sans répugnance à la justice, la même manifestation de volonté, puisque, autant que nous le montre la pratique et la tradition de l'Église, la loi des suffrages à l'égard des défunts est la même qu'à l'égard des vivants: l'Église offre pareillement ses suffrages pour les vivants et les morts. Loc. cit.
La thèse de Suarez pèche par un point: il ne s'agit pas, du côté de Dieu, d'une convenance de libéralité et de miséricorde, mais d'une acceptation. Cette acceptation se conçoit facilement dans le corps mystique dont les membres vivants, encore dans l'état de voie, n'ont pas donné leur mesure finale; elle semble plus difficile à concevoir à l'égard de membres, vivants sans doute, mais parvenus (quoi qu'en dise Suarez en ce texte) à l'état de terme simpliciter. Aussi nombre d'auteurs pensent-ils que cette substitution de satisfaction, offerte à Dieu par manière de suffrages, n'a devant Dieu qu'une valeur de convenance à l'égard des défunts. C'est l'opinion de Cajétan, Opusc. XVI, q. V, et d'autres maîtres du XVIe siècle, Pierre Soto, Melchior Cano, Medina (Jean), Corduba, etc. L'opposition entre les deux opinions se retrouve (voir plus loin), sur l'effet infaillible ou non des suffrages. Mais ici il s'agit moins d'effet infaillible que de proportion de justice. Ils seront infailliblement agréés par Dieu, mais seront-ils agréés de telle sorte que Dieu y voie une satisfaction de condignité offerte à sa justice, ou bien n'y trouvera-t-il qu'une satisfaction de convenance proposée à sa miséricorde? Tel est le vrai point en litige.
Les deux thèses pourraient bien finalement se concilier dans l'ignorance où nous sommes de la mesure exacte de l'acceptation divine, ignorance que tous les théologiens sont obligés de confesser.
Les uns estiment que la prière, considérée uniquement sous la formalité d'impétration, peut obtenir de Dieu directement la remise de la peine encore due à la justice divine par les âmes du purgatoire. Le Christ n'a-t-il pas dit sans restriction: «Demandez, et vous recevrez?» De Lugo, De pænitentia, disp. XXIV, n. 20. Bellarmin adopte cette solution. «La prière,
dit-il, aide d'une double façon les âmes des défunts: d'abord en tant qu'oeuvre pénale et laborieuse...; ensuite, en tant que simple impétration, ce qui est le caractère propre de la prière, tout comme les prières des bienheureux sont utiles et à nous et aux âmes du purgatoire, bien qu'elles ne possèdent pas de valeur satisfactoire.» Op. cit., 1. II, c. XVI, p. 123. Théophile Raynaud distingue entre prières des vivants et prières des saints du ciel: les premières seules auraient une influence directe en faveur de la rémission des peines du purgatoire. Scapulare marianum, q. V, dans Opera, t. VII, Lyon, 1665, p. 289.
«Doctrine pieuse, probable et peut-être vraie», déclare Suarez, op. cit., disp. XL VIII, sect. V, n. 5; mais combien incertaine et peu fondée, ajoute-t-il aussitôt. Car, si par nos prières, considérées comme simples impétrations, il nous est impossible d'obtenir pour nous-mêmes la rémission de la dette de peine dont nous sommes encore redevables à Dieu après le pardon de nos fautes, combien la chose sera-t-elle plus impossible encore à l'égard d'autrui. C'est donc en tant qu'oeuvres satisfactoires, que nos prières obtiennent directement et pour nous-mêmes et pour autrui une rémission. des peines dues aux péchés pardonnés. En tant qu'oeuvres impétratoires, elles peuvent indirectement obtenir cette rémission en demandant à Dieu d'appliquer aux âmes souffrantes les satisfactions de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints et
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t. II, p. 763. C'est pourquoi la liturgie, s'inspirant de Luc., XVI, 22, invoque la protection de saint Michel pour les âmes souffrantes (offertoire de la messe des défunts), ou encore confie aux anges le soin de conduire l'âme au paradis: In paradisum deducant te angeli ... Ce ministère des anges s'exerce, comme l'expose saint Thomas, la, q. CVIII, a. 7, ad 3um, par le moyen d'illuminations intellectuelles. Voir plus loin le lieu du purgatoire, col. 1310. Cf. Lépicier, op. cit., p.300-301.
Une autre question connexe concerne la possibilité pour les âmes du purgatoire de demander elles-mêmes à Dieu leur libération ou leur soulagement. Parmi les théologiens qui abordent ce problème, plusieurs, notamment Bellarmin, op. cit., 1. II, c. XV, Sylvius, In Suppl. sum. theol., q. LXXI, a. 2, Grégoire de Valencia, op. cit., t. III, disp. VI, q. II, punct. 6, Suarez, De religione, tr. IV, 1. I, c. XI, n. 12, répondent par l'affirmative. La réponse négative nous semble plus probable. Les prières des âmes du purgatoire ne peuvent avoir tout au plus que valeur impétratoire. Or, la rémission de leur peine ne peut être accordée, avons-nous dit, à la prière que si la satisfaction l'accompagne. Et il ne convient pas ici que les âmes souffrantes, qui. acceptent pleinement l'oeuvre de justice qui s'accomplit en elles, interviennent pour adoucir ou abréger cette oeuvre. Les saints du ciel et les vivants de la terre peuvent faire appel en ce sens à la miséricorde divine dans un sentiment de charité; mais la situation des âmes du purgatoire n'est pas la même que la nôtre: leurs instances près de Dieu, en leur propre faveur, serait contraire à l'ordre. Cf. Lépicier, op. cit., p. 302-303.
b) Le mérite. -Les théologiens n'envisagent guère la question du mérite de convenance offert à Dieu en vue de l'adoucissement des peines du purgatoire. Voir cependant Suarez, De pænitentia, disp. XLVIII, sect. v, n. 1. De toute évidence cette question doit être résolue conformément aux principes énoncés au sujet de la prière pour les défunts. Eu égard aux mérites offerts en faveur des âmes du purgatoire, il est convenable que Dieu, sans leur accorder directement la rémission de leur peine (quoiqu'il le puisse, s'il le veut), provoque chez les vivants l'inspiration d'offrir des satisfactions pour les morts. D'ailleurs, en fait, il n'est aucune oeuvre méritoire qui ne soit, sous quelque aspect, également satisfactoire. Cf. Gonet, Clypeus theologiæ thomisticæ, De pænitentia, disp. XIII, art. 2, § 3, n. 18.
c) La Satisfaction. -L'oeuvre satisfactoire peut être définie: une oeuvre dont le caractère expiatoire offre à Dieu une compensation pour la peine temporelle encore due aux péchés pardonnés. Cette compensation, on peut l'offrir pour soi-même. On peut aussi l'offrir pour autrui. Cf. Suarez, op. cit., disp. XLVIII, sect. II, qui cite, n. 4, une longue liste de théologiens favorables à cette doctrine, qu'on doit dire certaine dans l'Église. Elle peut être offerte pour autrui à titre de condignité, c'est-à-dire pour se substituer en toute justice à la satisfaction qu'autrui devrait offrir à Dieu. La seule condition exigée ici par les théologiens, c'est l'état de grâce en celui qui offre la satisfaction et, bien entendu, en celui pour qui elle est offerte. Telle est très certainement la doctrine exprimée par saint Thomas, Suppl., q. XI, a. 2; cf. In IVum Sent., dist. XX, a. 2; In symb. apost., a. 10; In epist. ad Galatas, VI, 2; Cont. gent., 1. III, C. CLVIII, fine. Les meilleurs commentateurs thomistes proposent et défendent cette doctrine. Cf. Salmanticenses, De pænitentia, disp. X. dub. II. Suarez lui consacre ici toute une section, op. cit., disp. XLVIII, sect. III. Billuart la rattache à la doctrine générale du corps mystique: «Nous sommes un dans le Christ, et nous sommes les membres d'un seul corps dont le Christ est le chef. Or, dans le corps humain, chaque membre agit non seulement pour son utilité propre, mais pour l'utilité de tous les membres. Il en est de même dans le corps mystique de l'Église. Et l'on peut trouver une confirmation de cette vérité dans les usages humains: la charité a plus de puissance sur Dieu que sur les hommes; or, un homme, par amour pour autrui, peut acquitter les dettes de son prochain envers les hommes; donc et à plus forte raison un chrétien le pourra faire à l'égard des jugements divins. De pænitentia, diss. IX, art. 5.
Est-il possible d'entendre cette thèse générale du cas particulier de l'oeuvre satisfactoire offerte pour les âmes du purgatoire? Peut-on admettre que cette satisfaction-vicaire d'un vivant pour un mort puisse avoir près de Dieu valeur de condignité, tout comme à l'égard d'un membre vivant? Suarez le pense, op. cit., disp. XLVIII, sect. VI, n. 4. La solution, dit-il, dépend de la promesse de Dieu.
Si nous admettons que cette promesse existe à l'égard des vivants, il n'y a aucune raison pour que nous ne l'étendions pas aux âmes du purgatoire, qui nous sont unies aussi par la charité et ont besoin de notre aide tout autant que les vivants et même davantage, puisqu'elles ne peuvent par elles-mêmes offrir qu'une satispassion et non une satisfaction. De plus, elles ne sont pas encore parvenues tout à fait au terme et elles poursuivent encore leur voie. Aussi, tant de leur côté que du nôtre, il y a fondement et possibilité pour ce pacte ou cette promesse. Du côté de Dieu il y a la même convenance de libéralité et de miséricorde, sans répugnance à la justice, la même manifestation de volonté, puisque, autant que nous le montre la pratique et la tradition de l'Église, la loi des suffrages à l'égard des défunts est la même qu'à l'égard des vivants: l'Église offre pareillement ses suffrages pour les vivants et les morts. Loc. cit.
La thèse de Suarez pèche par un point: il ne s'agit pas, du côté de Dieu, d'une convenance de libéralité et de miséricorde, mais d'une acceptation. Cette acceptation se conçoit facilement dans le corps mystique dont les membres vivants, encore dans l'état de voie, n'ont pas donné leur mesure finale; elle semble plus difficile à concevoir à l'égard de membres, vivants sans doute, mais parvenus (quoi qu'en dise Suarez en ce texte) à l'état de terme simpliciter. Aussi nombre d'auteurs pensent-ils que cette substitution de satisfaction, offerte à Dieu par manière de suffrages, n'a devant Dieu qu'une valeur de convenance à l'égard des défunts. C'est l'opinion de Cajétan, Opusc. XVI, q. V, et d'autres maîtres du XVIe siècle, Pierre Soto, Melchior Cano, Medina (Jean), Corduba, etc. L'opposition entre les deux opinions se retrouve (voir plus loin), sur l'effet infaillible ou non des suffrages. Mais ici il s'agit moins d'effet infaillible que de proportion de justice. Ils seront infailliblement agréés par Dieu, mais seront-ils agréés de telle sorte que Dieu y voie une satisfaction de condignité offerte à sa justice, ou bien n'y trouvera-t-il qu'une satisfaction de convenance proposée à sa miséricorde? Tel est le vrai point en litige.
Les deux thèses pourraient bien finalement se concilier dans l'ignorance où nous sommes de la mesure exacte de l'acceptation divine, ignorance que tous les théologiens sont obligés de confesser.
Re: Théologie du Purgatoire
Quand on se souvient de la doctrine officiellement promulguée sur la valeur de l'indulgence plénière appliquée aux défunts (voir INDULGENCES, t. VII, col. 1622-1623), quand on se rappelle l'enseignement des théologiens sur l'application de la valeur satisfactoire du sacrifice de la messe (voir MESSE, t. X, col. 1301 sq., et surtout Conclusion, col. 1304), on doit bien convenir que la substitution de nos satisfactions aux satispassions des âmes souffrantes est de la part de Dieu beaucoup plus question de bonté et de miséricorde que de justice.
Sur l'expression suffrages et per modum suffragii voir la bulle de Sixte IV (3 août 1476) et celle du 27 novembre 1477. Cavallera, n. 1264, 1265.
2° Les bénéficiaires des suffrages. -De toute évidence, seules les âmes du purgatoire sont bénéficiaires de nos suffrages. Les bienheureux n'en ont pas besoin, et les damnés en sont radicalement incapables. L'opinion de certains scolastiques touchant l'efficacité des suffrages par rapport aux damnés mediocriter malis est désormais périmée. Il faut également éliminer du bénéfice des suffrages les âmes enfermées dans les «limbes des enfants». Suarez, op. cit., disp. XLVIII, sect. V, n. 18. Enfin, même pour leurs seuls péchés véniels ou pour la peine due aux péchés pardonnés, les damnés ne peuvent profiter des suffrages. Ibid., sect. IV, n. 16. La raison en est que le bénéficiaire doit être en état de grâce. Ibid., sect. VII, n.2.
Trois conditions, en effet, sont requises pour qu'un pécheur puisse bénéficier des suffrages offerts à son intention. 1.que la faute qui appelle le bénéfice des suffrages soit déjà remise quant à la coulpe: les suffrages ont pour objet la rémission de la peine encore due pour des péchés déjà pardonnés; 2.qu'il soit en état de grâce (le pécheur pouvant être retombé en de nouveaux péchés); 3.qu'il soit encore débiteur à l'égard de la justice divine. Suarez, ibid., n. 1, 2, 5. Or les âmes du purgatoire vérifient toutes ces conditions. Ont-elles toutes droit aux suffrages?
La question ne se pose pas pour les âmes de baptisés morts dans la communion de l'Église. Mais, même après le concile de Trente, les théologiens se sont demandé si les suffrages profitaient à toutes les catégories de pécheurs du purgatoire.
Avant le concile de Trente, Cajétan admettait qu'une catégorie d'âmes s'étaient rendues indignes des suffrages de l'Église par le mépris qu'elles en avaient fait pendant leur vie ou leur négligence à prier pour les morts. Opusc. XVI, De indulgentiis, q. V. Même opinion chez Navarrus (Aspilcueta), De indulgentiis, notab. 22, n. 42. Sur cette opinion, voir Lépicier, op. cit., p. 310-312. Bellarmin, au contraire, ne voit aucune raison d'établir une catégorie d'âmes auxquelles il serait impossible d'appliquer les suffrages. «Rien ne prouve, dit-il, que des dispositions ou des mérites spéciaux soient requis pour qu'une âme puisse bénéficier des suffrages de l'Église: l'état de grâce suffit.» Op. cit., 1. II, c. XVIII, p. 127.
C'est aussi l'avis de Suarez: «Si nous parlons des suffrages en général et sans précision, il faut dire que toutes les âmes sont capables d'en profiter.» Op. cit., disp. XLVIII, sect. VI, n. 9. Toutefois, en ce qui concerne spécialement l'application du sacrifice de la messe, Suarez se demande s'il peut être appliqué à un catéchumène défunt, et il répond par la négative. De même, il lui semble que les suffrages communs de l'Église ne peuvent être appliqués qu'aux défunts baptisés. Ibid. Et, par analogie, il déduit que vraisemblablement les indulgences ne peuvent être appliquées qu'aux défunts baptisés. Op. cit., disp. LIII, sect. IV, n.7-8.
Pour la solution de ces problèmes, et dans la mesure où cette solution, en matières où l'initiative principale vient de Dieu, peut être conjecturée avec quelque vraisemblance, on se reportera, en ce qui concerne l'application du sacrifice eucharistique, à l'art. MESSE, t. X, col. 1313-1316. L'opinion de Cajétan pourrait sans doute trouver une justification qui l'accorde avec le sentiment commun dans la distinction qu'on a faite entre propitiation et satisfaction (ibid., col. 1303), certaines âmes trop coupables ne pouvant bénéficier des satisfactions qu'après que les suffrages et surtout la messe auraient obtenu pour elles la propitiation divine.
Quant à l'action des suffrages par mode d'impétration, on ne saurait lui poser aucune limitation de personnes. Sur tous ces points lire l'excellente mise au point de Lehmkuhl, Theologia moralis, t. II, n. 175-181.
3° Les modalités. -Sous ce nom de modalités, il ne peut être question d'exposer en détail les diverses formes qu'ont prises au cours des siècles, sous la poussée des dévotions introduite par la piété chrétienne, les suffrages offerts pour les défunts. Nous nous tenons dans le domaine des généralités et nous envisagerons simplement la valeur des suffrages ex opere operato et ex opere operantis : l'application des suffrages à des défunts déterminés et l'infaillibilité de cette application; les suffrages communs; les cérémonies funéraires.
1. Valeur «ex opere operato» et «ex opere operantis» -La célèbre formule sacramentaire (voir t. X, col. 1084) trouve une application à propos des suffrages. Certains suffrages produisent leur effet ex opere operato, en ce sens qu'il suffit d'accomplir l'oeuvre prescrite par l'Église pour que soit présenté à Dieu, au nom de l'Église même, le secours d'impétration ou de satisfaction en faveur des défunts. C'est le cas des indulgences et de la prière publique. L'état de grâce pourra être requis comme une des conditions prescrites par l'Église, par exemple dans le gain de l'indulgence plénière; mais la rémission de la peine eu égard à l'indulgence offerte sera indépendante de la ferveur et du mérite de qui l'a gagnée. Cf. Galtier, De pænitentia, n. 592. Parfois, l'état de grâce ne sera pas absolument nécessaire, comme dans le cas de la valeur d'impétration annexée à la prière publique faite au nom de l'Église pour les défunts. Cf. Suarez, op. cit., disp. XL VIII, sect. VIII, n. 2, 3. La valeur propitiatoire et satisfactoire de la messe, à fortiori sa valeur impétratoire, sont en soi indépendantes de la valeur morale et de la foi du célébrant. Voir MESSE, t. X, col. 1299: c'est qu'elles sont ex opere operato, Ibid., col. 1301.
En revanche, toute valeur d'impétration des prières privées, toute valeur de mérite ou de satisfaction des bonnes oeuvres, offertes comme suffrages pour les défunts, dépendent de la qualité de l'oeuvre accomplie ainsi que de la grâce ornant l'âme du fidèle qui offre, du degré de sa ferveur et de sa charité. C'est là un suffrage qui obtient son effet ex opere operantis.
Cette distinction permet de résoudre le cas de la communion «offerte pour les défunts». Cette communion ne saurait agir ex opere operato à la façon du sacrifice de la messe, des indulgences ou de la prière publique. Mais elle est profitable aux défunts ex opere operantis, c'est-à-dire tant en raison des oeuvres de pénitence qu'elle implique, confession, jeûne, etc., qu'en raison de la ferveur de la charité qui est l'effet propre de ce sacrement et d'où proviennent les prières ardentes, les désirs plus fervents, qui peuvent agir plus efficacement sur Dieu en laveur de la libération des âmes du purgatoire. Aussi, pour avoir universellement et sans restriction blâmé cette pratique populaire, Théophile Raynaud a vu condamner par l'Index son livre Error popularis de communione pro mortuis, 18 décembre 1646.
2. L'application des suffrages à des défunts déterminés et son infaillibilité. -Cette application pose trois problèmes: le fait de l'application, son extension à plusieurs défunts, son infaillibilité.
a) Le fait. -D'anciens auteurs que cite saint Thomas, In IVum Sent., tiennent que les suffrages offerts pour une âme ne servent pas à elle seule, mais à toutes les autres aussi bien qu'à elle-même, comme une lampe allumée par le maître de la maison éclaire aussi bien que lui les serviteurs qui habitent le même domicile. Mais l'enseignement commun des théologiens, consacré d'ailleurs, en ce qui regarde la messe, par une décision officielle de l'Église, est que les suffrages offerts pour des défunts déterminés profitent «aux seules âmes pour lesquelles les suffrages sont offerts, car l'application de ces biens dépend de l'intention de celui qui les applique, et ces suffrages ne doivent pas être comparés à la lumière d'une lampe, mais plutôt à une somme d'argent payée par un homme pour un autre». Bellarmin, op. cit., 1. II, C. XVIII, p. 127.
Sans doute, la charité qui unit les membres du corps mystique n'exclut personne du bénéfice des suffrages, mais dans l'application des suffrages intervient un élément autre que la charité, l'intention. Si l'intention doit ne pas contrarier la charité et, par conséquent, ne porter aucune exclusive, cependant elle suffit à diriger le suffrage en un sens déterminé. Aussi la thèse catholique semble-t-elle exactement formulée en ces termes: Suffragia specialiter pro uno defuncto facta, illi magis quam ceteris prosunt. Lépicier, op. cit., p. 309. On peut appliquer aux suffrages en général l'indication fournie par Pie VI dans la condamnation de la proposition 30 du synode janséniste de Pistoie. Voir ce mot, t. XII, col. 2211.
b) L'extension à plusieurs défunts. -De la doctrine qui a été exposée à l'article MESSE, t. X, col. 1294 sq., on peut déduire avec certitude que l'extension à plusieurs défunts d'un même suffrage en diminue d'autant l'application à chacun d'eux. Si la chose est vraie de la messe, dont la valeur est infinie, à plus forte raison sera-t-elle vraie d'un suffrage de valeur finie, comme la prière, l'indulgence, le mérite. Aussi Suarez en conclut-il que la même oeuvre satisfactoire exclusivement offerte à l'intention d'un défunt, ne peut profiter aux autres qu'à titre d'impétration ou de mérite de simple
convenance. Op. cit., disp. XLVIII, sect. VI, n. 8.
c) L'infaillibilité de l'application. -À supposer qu'un défunt se trouve dans les conditions générales requises pour pouvoir profiter des suffrages, recevra-t-il infailliblement l'effet du suffrage présenté à Dieu à son intention?
Les théologiens se divisent sur ce mot «infailliblement». Les uns, avec Suarez, répondent affirmativement. Op. cit., disp. XLVIII, sect. VI, n. 6-7. Et le même auteur ajoute que les suffrages profitent aux défunts selon toute leur valeur. Ibid., n.8. On trouve un écho de cette opinion chez Lépicier, op. cit., p. 314 sq. Ce qu'on peut dire, c'est que les suffrages sont infailliblement présentés à Dieu et dans toute leur valeur. Mais comment Dieu les applique-t-il? Il semble difficile de faire jouer ici une règle infaillible. C'est surtout à propos du fruit de la messe que la question se pose. Et la solution que nous apportions à cet aspect du problème (voir t. X, col. 1298 et 1303) vaut à fortiori pour les suffrages autres que le sacrifice eucharistique. Les dispositions des défunts, en raison non seulement de leur charité présente, mais encore de leur attitude au cours de la vie terrestre envers les autres membres du corps mystique et de leur soin à se procurer des suffrages après leur mort, régleront les décisions divines à leur endroit. Cf. Salmanticenses, De eucharistia, disp. XIII, dub. VI; Ch. Pesch, op. cit., t; IX, n.616.
Est-il donc possible d'être jamais assuré de la libération d'une âme retenue au purgatoire? La réponse ne peut-être que négative. Lépicier, op. cit., p. 330. L'Église en accordant des indulgences plénières, en multipliant les autels privilégiés, en permettant la pratique du trentain grégorien, n'a jamais entendu affirmer qu'une chose: la possibilité de libérer une âme. Voir la réponse de la Congrégation des Indulgences à l'évêque de Saint-Flour, sur l'indulgence plénière de l'autel privilégié, 28 juill. 1840, INDULGENCES, t. VII, col. 1623; voir, sur l'efficacité du trentain grégorien et les interprétations abusives que l'Église a voulu éliminer, Beringer, Les indulgences, trad. fr., t. 1, Paris, 1925, n. 977; sur l'autel privilégié, ibid., n. 978 sq., et surtout n. 980. Il est interdit d'ajouter à l'inscription: autel privilégié, qu'il est louable de conserver, une autre inscription indiquant que la célébration de la messe à cet autel délivre immédiatement et infailliblement l'âme, pour laquelle la messe est célébrée. Décret du 9 déc. 1606, Analecta ecclesiastica, vol. III, fasc. 11, n. 773, p.460. L'âme est délivrée, si placuerit Deo.
3. Les suffrages communs. -Restent les suffrages communs, c'est-à-dire ceux que l'Église ou les fidèles offrent à Dieu pour les défunts en général, sans désignation de bénéficiaire particulier. Nous ignorons certes la loi qui préside à leur application. Cette loi cependant doit exister dans la sagesse et la justice divines; Dieu doit régler l'application d'après certaines dispositions qu'ont possédées les défunts au cours de leur vie mortelle, par exemple leur soin à gagner pour eux et pour d'autres des indulgences, leur dévotion envers la sainte Vierge, leur charité à l'égard d'autrui, etc. Aucune injustice dans cette distribution inégale puisque la charité des. âmes est, d'une manière normale, la condition de la possibilité de leur soulagement. C'est toujours l'application du principe formulé par saint Augustin: non pro quibus fiant, omnibus prosunt, sed iis tantum qui bus, dam vivant, comparatur ut prosint. De cura pro mortuis gerenda, c. XVIII, n. 22, P. L., t. XL, col. 609. Et puis, comme le déclare Ch. Pesch, op. cit., t. IX, n. 616: «Il est impossible de savoir ce que Dieu décide pour chaque défunt en particulier puisqu'il s'agit ici de ses secrets desseins.»
4. Les cérémonies funéraires. -Reprenant le thème souvent développé par les théologiens du Moyen Age, Bellarmin termine son traité du purgatoire par la défense des cérémonies en usage pour la sépulture des morts. Ces cérémonies sont anciennes et pieuses; elles sont pleines d'utilité pour les fidèles qui les accomplissent; par elles est attestée la foi à l'immortalité de l'âme et à la résurrection du corps; par elles la pensée de la mort reste présente aux vivants; par elles la reconnaissance et l'affection des vivants est témoignée aux morts. Enfin ces cérémonies sont utiles aux morts eux- mêmes puisqu'elles attirent à leurs âmes les prières des vivants.
Tel est le thème, emprunté lui-même à saint Thomas, Suppl., q. LXXI, a. 11 et aux autres sententiaires que développent les considérations des théologiens modernes touchant l'utilité des cérémonies des obsèques et des divers rites funéraires. Tous rappellent l'assertion de saint Augustin: Ista omnia, id est curatio funeris, conditio sepulturæ, pompa exequiarum, magis sunt vivorum solatia, quam subsidia mortuorum. De cura..., c. IV, n. 6, P. L., t. XL, col. 596. Toutefois, si ces cérémonies sont faites pour une fin dictée par l'esprit de foi, on doit dire avec Bellarmin qu'indirectement elles peuvent profiter aux défunts eux-mêmes. Cf. Palmieri, op. cit., § 32, p. 86; L. Rouzic, Le purgatoire, c. IV; A. Molien, La prière pour les défunts. Quant au détail des cérémonies funéraires, à leur signification, à leur origine, à leur utilité, au choix des jours consacrés au souvenir des défunts, nous ne pouvons ici que renvoyer le lecteur aux ouvrages spéciaux de liturgie.
Sur l'expression suffrages et per modum suffragii voir la bulle de Sixte IV (3 août 1476) et celle du 27 novembre 1477. Cavallera, n. 1264, 1265.
2° Les bénéficiaires des suffrages. -De toute évidence, seules les âmes du purgatoire sont bénéficiaires de nos suffrages. Les bienheureux n'en ont pas besoin, et les damnés en sont radicalement incapables. L'opinion de certains scolastiques touchant l'efficacité des suffrages par rapport aux damnés mediocriter malis est désormais périmée. Il faut également éliminer du bénéfice des suffrages les âmes enfermées dans les «limbes des enfants». Suarez, op. cit., disp. XLVIII, sect. V, n. 18. Enfin, même pour leurs seuls péchés véniels ou pour la peine due aux péchés pardonnés, les damnés ne peuvent profiter des suffrages. Ibid., sect. IV, n. 16. La raison en est que le bénéficiaire doit être en état de grâce. Ibid., sect. VII, n.2.
Trois conditions, en effet, sont requises pour qu'un pécheur puisse bénéficier des suffrages offerts à son intention. 1.que la faute qui appelle le bénéfice des suffrages soit déjà remise quant à la coulpe: les suffrages ont pour objet la rémission de la peine encore due pour des péchés déjà pardonnés; 2.qu'il soit en état de grâce (le pécheur pouvant être retombé en de nouveaux péchés); 3.qu'il soit encore débiteur à l'égard de la justice divine. Suarez, ibid., n. 1, 2, 5. Or les âmes du purgatoire vérifient toutes ces conditions. Ont-elles toutes droit aux suffrages?
La question ne se pose pas pour les âmes de baptisés morts dans la communion de l'Église. Mais, même après le concile de Trente, les théologiens se sont demandé si les suffrages profitaient à toutes les catégories de pécheurs du purgatoire.
Avant le concile de Trente, Cajétan admettait qu'une catégorie d'âmes s'étaient rendues indignes des suffrages de l'Église par le mépris qu'elles en avaient fait pendant leur vie ou leur négligence à prier pour les morts. Opusc. XVI, De indulgentiis, q. V. Même opinion chez Navarrus (Aspilcueta), De indulgentiis, notab. 22, n. 42. Sur cette opinion, voir Lépicier, op. cit., p. 310-312. Bellarmin, au contraire, ne voit aucune raison d'établir une catégorie d'âmes auxquelles il serait impossible d'appliquer les suffrages. «Rien ne prouve, dit-il, que des dispositions ou des mérites spéciaux soient requis pour qu'une âme puisse bénéficier des suffrages de l'Église: l'état de grâce suffit.» Op. cit., 1. II, c. XVIII, p. 127.
C'est aussi l'avis de Suarez: «Si nous parlons des suffrages en général et sans précision, il faut dire que toutes les âmes sont capables d'en profiter.» Op. cit., disp. XLVIII, sect. VI, n. 9. Toutefois, en ce qui concerne spécialement l'application du sacrifice de la messe, Suarez se demande s'il peut être appliqué à un catéchumène défunt, et il répond par la négative. De même, il lui semble que les suffrages communs de l'Église ne peuvent être appliqués qu'aux défunts baptisés. Ibid. Et, par analogie, il déduit que vraisemblablement les indulgences ne peuvent être appliquées qu'aux défunts baptisés. Op. cit., disp. LIII, sect. IV, n.7-8.
Pour la solution de ces problèmes, et dans la mesure où cette solution, en matières où l'initiative principale vient de Dieu, peut être conjecturée avec quelque vraisemblance, on se reportera, en ce qui concerne l'application du sacrifice eucharistique, à l'art. MESSE, t. X, col. 1313-1316. L'opinion de Cajétan pourrait sans doute trouver une justification qui l'accorde avec le sentiment commun dans la distinction qu'on a faite entre propitiation et satisfaction (ibid., col. 1303), certaines âmes trop coupables ne pouvant bénéficier des satisfactions qu'après que les suffrages et surtout la messe auraient obtenu pour elles la propitiation divine.
Quant à l'action des suffrages par mode d'impétration, on ne saurait lui poser aucune limitation de personnes. Sur tous ces points lire l'excellente mise au point de Lehmkuhl, Theologia moralis, t. II, n. 175-181.
3° Les modalités. -Sous ce nom de modalités, il ne peut être question d'exposer en détail les diverses formes qu'ont prises au cours des siècles, sous la poussée des dévotions introduite par la piété chrétienne, les suffrages offerts pour les défunts. Nous nous tenons dans le domaine des généralités et nous envisagerons simplement la valeur des suffrages ex opere operato et ex opere operantis : l'application des suffrages à des défunts déterminés et l'infaillibilité de cette application; les suffrages communs; les cérémonies funéraires.
1. Valeur «ex opere operato» et «ex opere operantis» -La célèbre formule sacramentaire (voir t. X, col. 1084) trouve une application à propos des suffrages. Certains suffrages produisent leur effet ex opere operato, en ce sens qu'il suffit d'accomplir l'oeuvre prescrite par l'Église pour que soit présenté à Dieu, au nom de l'Église même, le secours d'impétration ou de satisfaction en faveur des défunts. C'est le cas des indulgences et de la prière publique. L'état de grâce pourra être requis comme une des conditions prescrites par l'Église, par exemple dans le gain de l'indulgence plénière; mais la rémission de la peine eu égard à l'indulgence offerte sera indépendante de la ferveur et du mérite de qui l'a gagnée. Cf. Galtier, De pænitentia, n. 592. Parfois, l'état de grâce ne sera pas absolument nécessaire, comme dans le cas de la valeur d'impétration annexée à la prière publique faite au nom de l'Église pour les défunts. Cf. Suarez, op. cit., disp. XL VIII, sect. VIII, n. 2, 3. La valeur propitiatoire et satisfactoire de la messe, à fortiori sa valeur impétratoire, sont en soi indépendantes de la valeur morale et de la foi du célébrant. Voir MESSE, t. X, col. 1299: c'est qu'elles sont ex opere operato, Ibid., col. 1301.
En revanche, toute valeur d'impétration des prières privées, toute valeur de mérite ou de satisfaction des bonnes oeuvres, offertes comme suffrages pour les défunts, dépendent de la qualité de l'oeuvre accomplie ainsi que de la grâce ornant l'âme du fidèle qui offre, du degré de sa ferveur et de sa charité. C'est là un suffrage qui obtient son effet ex opere operantis.
Cette distinction permet de résoudre le cas de la communion «offerte pour les défunts». Cette communion ne saurait agir ex opere operato à la façon du sacrifice de la messe, des indulgences ou de la prière publique. Mais elle est profitable aux défunts ex opere operantis, c'est-à-dire tant en raison des oeuvres de pénitence qu'elle implique, confession, jeûne, etc., qu'en raison de la ferveur de la charité qui est l'effet propre de ce sacrement et d'où proviennent les prières ardentes, les désirs plus fervents, qui peuvent agir plus efficacement sur Dieu en laveur de la libération des âmes du purgatoire. Aussi, pour avoir universellement et sans restriction blâmé cette pratique populaire, Théophile Raynaud a vu condamner par l'Index son livre Error popularis de communione pro mortuis, 18 décembre 1646.
2. L'application des suffrages à des défunts déterminés et son infaillibilité. -Cette application pose trois problèmes: le fait de l'application, son extension à plusieurs défunts, son infaillibilité.
a) Le fait. -D'anciens auteurs que cite saint Thomas, In IVum Sent., tiennent que les suffrages offerts pour une âme ne servent pas à elle seule, mais à toutes les autres aussi bien qu'à elle-même, comme une lampe allumée par le maître de la maison éclaire aussi bien que lui les serviteurs qui habitent le même domicile. Mais l'enseignement commun des théologiens, consacré d'ailleurs, en ce qui regarde la messe, par une décision officielle de l'Église, est que les suffrages offerts pour des défunts déterminés profitent «aux seules âmes pour lesquelles les suffrages sont offerts, car l'application de ces biens dépend de l'intention de celui qui les applique, et ces suffrages ne doivent pas être comparés à la lumière d'une lampe, mais plutôt à une somme d'argent payée par un homme pour un autre». Bellarmin, op. cit., 1. II, C. XVIII, p. 127.
Sans doute, la charité qui unit les membres du corps mystique n'exclut personne du bénéfice des suffrages, mais dans l'application des suffrages intervient un élément autre que la charité, l'intention. Si l'intention doit ne pas contrarier la charité et, par conséquent, ne porter aucune exclusive, cependant elle suffit à diriger le suffrage en un sens déterminé. Aussi la thèse catholique semble-t-elle exactement formulée en ces termes: Suffragia specialiter pro uno defuncto facta, illi magis quam ceteris prosunt. Lépicier, op. cit., p. 309. On peut appliquer aux suffrages en général l'indication fournie par Pie VI dans la condamnation de la proposition 30 du synode janséniste de Pistoie. Voir ce mot, t. XII, col. 2211.
b) L'extension à plusieurs défunts. -De la doctrine qui a été exposée à l'article MESSE, t. X, col. 1294 sq., on peut déduire avec certitude que l'extension à plusieurs défunts d'un même suffrage en diminue d'autant l'application à chacun d'eux. Si la chose est vraie de la messe, dont la valeur est infinie, à plus forte raison sera-t-elle vraie d'un suffrage de valeur finie, comme la prière, l'indulgence, le mérite. Aussi Suarez en conclut-il que la même oeuvre satisfactoire exclusivement offerte à l'intention d'un défunt, ne peut profiter aux autres qu'à titre d'impétration ou de mérite de simple
convenance. Op. cit., disp. XLVIII, sect. VI, n. 8.
c) L'infaillibilité de l'application. -À supposer qu'un défunt se trouve dans les conditions générales requises pour pouvoir profiter des suffrages, recevra-t-il infailliblement l'effet du suffrage présenté à Dieu à son intention?
Les théologiens se divisent sur ce mot «infailliblement». Les uns, avec Suarez, répondent affirmativement. Op. cit., disp. XLVIII, sect. VI, n. 6-7. Et le même auteur ajoute que les suffrages profitent aux défunts selon toute leur valeur. Ibid., n.8. On trouve un écho de cette opinion chez Lépicier, op. cit., p. 314 sq. Ce qu'on peut dire, c'est que les suffrages sont infailliblement présentés à Dieu et dans toute leur valeur. Mais comment Dieu les applique-t-il? Il semble difficile de faire jouer ici une règle infaillible. C'est surtout à propos du fruit de la messe que la question se pose. Et la solution que nous apportions à cet aspect du problème (voir t. X, col. 1298 et 1303) vaut à fortiori pour les suffrages autres que le sacrifice eucharistique. Les dispositions des défunts, en raison non seulement de leur charité présente, mais encore de leur attitude au cours de la vie terrestre envers les autres membres du corps mystique et de leur soin à se procurer des suffrages après leur mort, régleront les décisions divines à leur endroit. Cf. Salmanticenses, De eucharistia, disp. XIII, dub. VI; Ch. Pesch, op. cit., t; IX, n.616.
Est-il donc possible d'être jamais assuré de la libération d'une âme retenue au purgatoire? La réponse ne peut-être que négative. Lépicier, op. cit., p. 330. L'Église en accordant des indulgences plénières, en multipliant les autels privilégiés, en permettant la pratique du trentain grégorien, n'a jamais entendu affirmer qu'une chose: la possibilité de libérer une âme. Voir la réponse de la Congrégation des Indulgences à l'évêque de Saint-Flour, sur l'indulgence plénière de l'autel privilégié, 28 juill. 1840, INDULGENCES, t. VII, col. 1623; voir, sur l'efficacité du trentain grégorien et les interprétations abusives que l'Église a voulu éliminer, Beringer, Les indulgences, trad. fr., t. 1, Paris, 1925, n. 977; sur l'autel privilégié, ibid., n. 978 sq., et surtout n. 980. Il est interdit d'ajouter à l'inscription: autel privilégié, qu'il est louable de conserver, une autre inscription indiquant que la célébration de la messe à cet autel délivre immédiatement et infailliblement l'âme, pour laquelle la messe est célébrée. Décret du 9 déc. 1606, Analecta ecclesiastica, vol. III, fasc. 11, n. 773, p.460. L'âme est délivrée, si placuerit Deo.
3. Les suffrages communs. -Restent les suffrages communs, c'est-à-dire ceux que l'Église ou les fidèles offrent à Dieu pour les défunts en général, sans désignation de bénéficiaire particulier. Nous ignorons certes la loi qui préside à leur application. Cette loi cependant doit exister dans la sagesse et la justice divines; Dieu doit régler l'application d'après certaines dispositions qu'ont possédées les défunts au cours de leur vie mortelle, par exemple leur soin à gagner pour eux et pour d'autres des indulgences, leur dévotion envers la sainte Vierge, leur charité à l'égard d'autrui, etc. Aucune injustice dans cette distribution inégale puisque la charité des. âmes est, d'une manière normale, la condition de la possibilité de leur soulagement. C'est toujours l'application du principe formulé par saint Augustin: non pro quibus fiant, omnibus prosunt, sed iis tantum qui bus, dam vivant, comparatur ut prosint. De cura pro mortuis gerenda, c. XVIII, n. 22, P. L., t. XL, col. 609. Et puis, comme le déclare Ch. Pesch, op. cit., t. IX, n. 616: «Il est impossible de savoir ce que Dieu décide pour chaque défunt en particulier puisqu'il s'agit ici de ses secrets desseins.»
4. Les cérémonies funéraires. -Reprenant le thème souvent développé par les théologiens du Moyen Age, Bellarmin termine son traité du purgatoire par la défense des cérémonies en usage pour la sépulture des morts. Ces cérémonies sont anciennes et pieuses; elles sont pleines d'utilité pour les fidèles qui les accomplissent; par elles est attestée la foi à l'immortalité de l'âme et à la résurrection du corps; par elles la pensée de la mort reste présente aux vivants; par elles la reconnaissance et l'affection des vivants est témoignée aux morts. Enfin ces cérémonies sont utiles aux morts eux- mêmes puisqu'elles attirent à leurs âmes les prières des vivants.
Tel est le thème, emprunté lui-même à saint Thomas, Suppl., q. LXXI, a. 11 et aux autres sententiaires que développent les considérations des théologiens modernes touchant l'utilité des cérémonies des obsèques et des divers rites funéraires. Tous rappellent l'assertion de saint Augustin: Ista omnia, id est curatio funeris, conditio sepulturæ, pompa exequiarum, magis sunt vivorum solatia, quam subsidia mortuorum. De cura..., c. IV, n. 6, P. L., t. XL, col. 596. Toutefois, si ces cérémonies sont faites pour une fin dictée par l'esprit de foi, on doit dire avec Bellarmin qu'indirectement elles peuvent profiter aux défunts eux-mêmes. Cf. Palmieri, op. cit., § 32, p. 86; L. Rouzic, Le purgatoire, c. IV; A. Molien, La prière pour les défunts. Quant au détail des cérémonies funéraires, à leur signification, à leur origine, à leur utilité, au choix des jours consacrés au souvenir des défunts, nous ne pouvons ici que renvoyer le lecteur aux ouvrages spéciaux de liturgie.
Re: Théologie du Purgatoire
Un sermon à écouter lors de cette messe :
Desiderius Ulixes- Enfant de Dieu
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