Scandale - Les paroles venimeuses de Mgr Williamson

Des phrases immondes. Le 21 janvier, dans une interview diffusée sur la chaîne de télévision publique suédoise, un évêque lefebvriste britannique, Richard Williamson, affirmait : « Je crois qu’il n’y a pas eu de chambre à gaz, oui. Pour autant que j’ai étudié les preuves. Je ne parle pas par émotion, mais dans la mesure où j’ai compris les preuves. Je pense par exemple que les gens qui sont contre ce qui est communément cru aujourd’hui au sujet de “l’Holocauste” et qu’on appelle révisionnistes, les plus sérieux d’entre eux concluent qu’environ 200.000 à 300.000 juifs ont péri dans les camps de concentration nazis, mais pas un dans les chambres à gaz. »

Ces propos ne tardent pas à provoquer un tollé de réactions indignées dans le monde et à empoisonner les relations entre le Vatican et les juifs. D’autant que Richard Williamson est l’un des quatre évêques intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X qui, trois jours plus tard, ont bénéficié d’une levée de l’excommunication prononcée contre eux en 1988. Certes, le 27 janvier, dans un communiqué, Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, demande diplomatiquement « pardon » au pape et « à tous les hommes de bonne volonté ». Il poursuit tout en douceur et contrition : « Les affirmations de Mgr Williamson ne reflètent en aucun cas la position de notre société. C’est pourquoi je lui interdis jusqu’à nouvel ordre toute prise de position publique sur des questions politiques ou historiques. » Toutefois, il ne consent à aucun rejet du négationnisme. Le lendemain, audience hebdomadaire au Vatican. Benoît XVI condamne « le massacre impitoyable de millions de juifs, victimes innocentes de la haine raciale et religieuse aveugle ». Et d’ajouter : « Alors que je renouvelle avec affection l’expression de ma solidarité totale et incontestable avec nos frères (juifs), j’espère que le souvenir de la Shoah incitera l’humanité à réfléchir au pouvoir imprévisible de la haine quand elle conquiert le cœur des hommes. »
Un coup sur les relations entre juifs et chrétiens

Il n’empêche, le mal est fait. Le projet de voyage papal en Israël est compromis. Le grand rabbinat de l’Etat hébreu rompt ses relations avec le Saint-Siège et annule une rencontre prévue en mars à Rome avec la Commission pontificale pour les relations avec le judaïsme. En Allemagne, le Conseil central des juifs, l’équivalent du CRIF français, suspend « pour le moment » tout dialogue avec l’Eglise catholique. Les réactions indignées se multiplient chez les juifs, mais aussi parmi les catholiques. Ainsi la pétition lancée par des intellectuels français (voir encadré) ou la lettre ouverte signée par deux cents prêtres et théologiens suisses. Prix Nobel de la Paix et rescapé de la Shoah, Elie Wiesel estime, lui, qu’en réhabilitant les quatre évêques intégristes, le pape a accrédité « l’aspect le plus grossier de l’antisémitisme. » « Quand il fait une telle chose, demande-t-il, que pense le pape de ce que nous pouvons ressentir ? Voilà un évêque qui nie l’Holocauste – et aujourd’hui bien sûr nier l’Holocauste est la forme la plus vulgaire de l’antisémitisme – et le pape qui va si loin et fait ce qu’il fait, sachant ce qu’il sait, tout cela est perturbant. » Le Vatican ignorait-il les déclarations de Williamson ? Elie Wiesel est formel : « Oh non ! L’Eglise sait ce qu’elle fait, en particulier à ce niveau, quand le pape réintègre cet homme. Ils savent ce qu’ils font et le font intentionnellement. Quel est le but poursuivi, ça, je l’ignore. »
Frère bien aimé

Ce que l’historien Jules Isaac appelait « l’enseignement du mépris » serait-il en train de gommer les mots de Benoît XVI, s’adressant le 17 janvier 2006 au grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni : « Frère très cher et préféré » ? Aux oubliettes ce « frère bien aimé » de Jean-Paul II dans son message pour le centième anniversaire de la synagogue de Rome ? Plus d’actualité la réflexion du cardinal Joseph Ratzinger dans un article de l’Ossevatore Romano du 29 décembre 2000 : « L’expérience exécrable de la Shoah qui fut perpétrée au nom d’une idéologie antichrtiénne et à propos de laquelle on ne peut cependant nier une trop faible résistance… dans le chef de quelques chrétiens » ? La question se posa déjà lorsqu’en 2007 Benoît XVI autorisa le retour de la messe en latin, dite de rite tridentin, qui, pour le vendredi saint, comportait notamment ce passage : « Prions aussi pour les juifs perfides afin que Dieu Notre Seigneur ôte le voile qui recouvre leurs cœurs et qu’eux aussi se » reconnaissent aussi en Jésus-Christ Notre Seigneur ».

Dans son souci de consolider l’Eglise face aux défis du monde et de ramener dans son troupeau les brebis les plus égarées, même celles en rupture avec l’enseignement de Vatican II, qui avait mis fin à une tradition chrétienne accusant les juifs de la mort du Christ, le pape ne risque-t-il pas d’ébranler tout l’édifice ? Car, la levée de l’excommunication des Lefebvristes semble avoir renforcé les plus virulents d’entre eux, qui pourraient avoir perçu la main tendue comme un aveu de faiblesse. Ainsi, mercredi, au lendemain de l’audience papale, dans une interview accordée au quotidien La Tribune de Trévise, un prêtre italien intégriste, Floriano Abrahamowicz, responsable de la communauté de la Fraternité Saint-Pie X pour le nord-ouest de l’Italie, osait ces propos : « Je sais que les chambres à gaz ont existé au moins pour désinfecter, mais je ne saurais dire si elles ont causé des morts ou non car je n’ai pas approfondi la question. » Et d’ajouter : « Williamson a certainement été imprudent en se prononçant sur des questions techniques. » Enfin, s’appuyant sur ses origines juives, il allait jusqu’à assurer qu’il était « vraiment impossible pour un catholique d’être antisémite ».

Dans une « lettre ouverte à ceux qui veulent bien réfléchir », Mgr Hippolyte Simon, évêque de Clermont-Ferrand, vice-président de la Conférence des évêques de France, avance une explication à cette crise : « A qui profite le crime ? A qui profite le scandale provoqué par des propos d’une telle obscénité ? La réponse me semble limpide : à celui ou à ceux qui voulaient torpiller le processus inauguré par la signature du décret (de levée d’excommunication NDLR) ! Or pour peu que l’on suive un peu ces questions et les différentes interventions de Mgr Williamson depuis quelques années, il est clair que lui ne veut à aucun prix de la réconciliation avec Rome. » Et de l’accuser d’avoir « tout simplement utilisé la méthode des terroristes : il fait exploser une bombe (intellectuelle) en espérant que tout le processus de réconciliation va dérailler ». Une sorte 11 septembre visant le Vatican. A suivre…

Synthèse

Le 01 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - Dans une lettre publiée sur son blog, l'évêque intégriste Richard Williamson, qui avait nié l'existence des chambres à gaz, a exprimé ce vendredi 30 janvier ses "regrets sincères" pour les "souffrances" causées au pape Benoît XVI par ses "remarques imprudentes". Cette lettre est adressée au cardinal Dario Castrillon Hoyos, le prélat chargé au Vatican des négociations avec les catholiques intégristes de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX). Il y évoque ses "remarques imprudentes" faites à la télévision suédoise et exprime au cardinal Hoyos ses "sincères regrets pour avoir causé à vous-même et au Saint-Père tant de souffrances et de problèmes inutiles". Mais à aucune reprise il ne remet en cause ses thèses révisionnistes, se contentant de remercier par ailleurs "personnellement" le pape pour la levée de l'excommunication.

Le porte-parole du Vatican Federico Lombardi s'est refusé à tout commentaire, précisant seulement que "Le Vatican n'a rien demandé à Mgr Williamson qui n'est pas un “évêque normal” de l'Église catholique, et donc n'attendait rien de lui".

De son côté, le cardinal Giovanni Battista Re, qui a signé le décret sur la levée de l'excommunication des évêques intégristes a estimé que les "regrets" exprimés par l'évêque intégriste Richard Williamson, apportent un peu de lumière" après "la confusion" de ces derniers jours, semblant ne pas voir que le prélat ne se rétracte pas sur le fond.

En France, le Cardinal archevêque de Lyon Philippe Barbarin a adopté ce samedi sur RTL une position plus claire et ferme, indiquant que "ce sont des excuses tout à fait insuffisantes qui ne correspondent pas à celles qu'avait exprimées son supérieur qui avait dit “je demande pardon au pape et à tous ceux que ces propos ont blessés”. Il (Mgr Williamson) n'a eu aucune rétractation". Il a ajouté que les déclarations négationnistes "sont des propos lamentables, scandaleux, révoltants, pour les juifs comme pour les catholiques, c'est ce que le Pape a dit". Le primat des Gaules "craint" toutefois "qu'il y ait d'autres personnes" derrière Williamson, espérant "que c'est une toute petite minorité". Il s'est par ailleurs exprimé en faveur d’un dialogue clair avec les intégristes: "Il faudrait aussi oser leur parler et ne pas les traiter directement comme le diable, leur dire: Pourquoi affirmez-vous des choses objectivement fausses ? Vous rendez-vous compte de la blessure que vous infligez à des millions de personnes “ Une délégation de la conférence des évêques de France pourrait se rendre à Rome la semaine prochaine pour faire entendre ce désir de clarté.

par Etienne Séguier, avec AFP

Le 26 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde - Mgr Williamson, l'évêque lefrebvriste arrivé mercredi en Grande-Bretagne après avoir été déclaré persona non grata en Argentine, a envoyé aujourd'hui une lettre à la Commission Ecclesia Dei présidée par le cardinal Dario Castrillon Hoyos, chargée par le Vatican des négociations avec les intégristes. [Rectificatif : cette lettre, "n'est pas adressée au Saint Père ni à la commission Ecclesia Dei", chargée par le Vatican de négocier avec les intégristes, a relevé ce vendredi le père Lombardi], comme annoncé hier par une agence de presse affirmant jeudi avoir reçu cette lettre de la commission Ecclesia Dei.

Dans sa lettre, le prélat britannique demande pardon "devant Dieu à toutes les âmes qui se sont scandalisées à juste titre" pour ce qu'il a dit. Dans sa lettre, il dit reconsidérer ces déclarations à la demande du pape Benoît XVI et de son Supérieur, l'Évêque Bernard Fellay.

DÉCLARATION

Le Saint-Père et mon Supérieur, l'Évêque Bernard Fellay, m'ont demandé de reconsidérer les déclarations que j'ai faites à la télévision suédoise il y a quatre mois, parce que leurs conséquences ont été très graves.

Compte tenu de ces conséquences, je peux affirmer en toute sincérité que je regrette d'avoir exprimé ces déclarations, et que si j'avais su par avance les dommages et la douleur qu'elles ont entrainés, surtout à l'Église, mais aussi aux survivants et aux familles des victimes qui ont subi des injustices sous le Troisième Reich, je ne les aurais pas faites.

J'ai exprimé à la télévision suédoise seulement une opinion (… « je pense »… « je pense »…) d'un non-historien, une opinion qui s'est formée il y a 20 ans sur la base de preuves alors disponibles, et depuis lors rarement exprimées en public.
Les évènements de ces dernières semaines et le conseil des supérieurs de la Fraternité Saint Pie X m'ont convaincu d'être responsable de la peine qui en a dérivé.

Je demande pardon devant Dieu à toutes les âmes qui se sont scandalisées à juste titre pour ce que j'ai dit.
Comme l'a affirmé le Saint-Père, tout acte de violence injuste contre un homme blesse toute l'humanité.

+Richard Williamson
Londres 26 February 2009

Complément du 27.02.09
Le Vatican n'est pas satisfait des regrets de l'évêque Williamson

Les regrets formulés jeudi par l'évêque intégriste Richard Williamson pour ses propos négationnistes ne correspondent pas à l'exigence qui lui a été faite de les retirer "sans équivoque et publiquement", a déclaré vendredi le porte-parole du Vatican.

Le porte-parole Federico Lombardi a souligné que la lettre de regrets de Richard Williamson "ne semble pas respecter les conditions" formulées le 4 février par le Vatican, selon lequel l'évêque "devra prendre de façon absolument sans équivoque et publique ses distances avec ses positions concernant la Shoah".

En outre cette lettre, "n'est pas adressée au Saint Père ni à la commission Ecclesia Dei", chargée par le Vatican de négocier avec les intégristes, a relevé le père Lombardi.

Mgr Williamson s'enfonce un peu plus

Autrement dit, Mgr Williamson peut continuer à nier la Shoah, pourvu qu'il le fasse en termes galants qui ne blessent pas. Mgr Williamson ne fait donc qu'aggraver son cas.
Malgré cela, il y a des personnes attachées à ce que représente pour elles cet évêque qui se veut gardien de la tradition: elles admirent aveuglément ce qu'elles prennent chez lui pour du courage et de humilité...
Preuve qu'à force de vouloir être à tout prix plus catholique que l'Eglise catholique, on peut finir pas ne même plus être simplement chrétien. (PRO LITURGIA)

Regarder la vidéo ► Mgr Williamson demande pardon

Sources : hblograffaella - Trad. E.S.M.