Exode des catholiques en Bosnie
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Exode des catholiques en Bosnie
Bosnie-Herzégovine : « Lutte ouverte contre l’Église catholique »
Publié le 11 mai 2018
« Le pays ressemble à une poudrière », déclare Mgr Franjo Komarica, évêque du diocèse de Banja Luka situé au nord. Connu pour son franc parler, il tire la sonnette d’alarme concernant la minorité catholique des Croates qui, de plus en plus, choisit l’exil. Explications données à l’AED fin avril.
Mgr Komarica
AED : Depuis les accords de Dayton en 1995, la guerre est officiellement terminée. Qu’en est-il de la réalité ?
Mgr Franjo Komarica : Certes, les armes se taisent, mais la guerre continue. Il règne en Bosnie-Herzégovine un « chaos contrôlé ». J’ai l’impression que ni le gouvernement, ni la communauté internationale ne s’intéressent à l’édification d’un État de droit. La Bosnie-Herzégovine, placée sous semi-protectorat des Nations-Unies, est en partie dirigée par un haut représentant international (depuis 2009, l’Autrichien Valentin Inzko ) mais il dit avoir les mains liées.
Le pays reste écartelé?
Il est toujours scindé en trois : les Croates, les Serbes et les Bosniaques. Majoritairement catholiques et tournés vers l’Europe, les Croates constituent le plus petit groupe ethnique. Les Serbes sont plutôt orthodoxes et fortement influencés par la Russie. Quant aux Bosniaques, musulmans pour la plupart, ils se rapprochent de la Turquie et du monde islamique. Ces dangereux mouvements centrifuges sont non seulement néfastes pour le pays, mais aussi pour l’Europe !
Que voulez-vous dire ?
Influencés par l’étranger, Serbes et Bosniaques nourrissent toujours une réelle hostilité mutuelle. Le pays continue d’être une poudrière ! Et les Croates se retrouvent entre les deux fronts. Durant la guerre, des centaines de milliers d’entre eux ont été expulsés. Vingt ans plus tard, ils ne peuvent toujours pas retourner chez eux. Aujourd’hui, les rares qui y étaient parvenus finissent par choisir l’étranger. Nous, les membres de la conférence épiscopale du pays, ne cessons d’exiger de compléter les accords de Dayton pour conférer plus de sécurité à la minorité croate. Comme par le passé, les Croates ne sont pas égaux en droits.
Pourquoi?
Les Croates ne sont pas considérés comme groupe ethnique constitutif de la Bosnie-Herzégovine. De même, de nombreux gouvernements étrangers déclarent que le pays n’est composé que de deux peuples : les Serbes et les Bosniaques. Il en résulte de graves conséquences comme, par exemple, en République Srpska (créée par les accords de Dayton, cette « deuxième entité » de l’État fédéral de Bosnie-Herzégovine, couvre plutôt les régions nord et est). Seuls 5% des catholiques sont retournés dans ses 69 paroisses. Les Croates ne bénéficient d’aucun soutien politique, juridique ou financier. Il est pratiquement impossible pour eux de reconstruire leurs maisons ou de trouver du travail. Ils sont systématiquement discriminés. Selon moi, mais aussi selon les autres religions, cela constitue un dommage considérable pour tout le pays. Le grand Mufti bosniaque m’a justement dit ces derniers temps : « Nous avons absolument besoin des Croates ici ! »
Et si vous voulez reconstruire une église?
Le maire d’une localité de mon diocèse m’a dit : « Vous n’en avez pas l’autorisation ici ». Comme il n’a pas le droit de me répondre cela en théorie – la Constitution de la Bosnie-Herzégovine garantit la liberté religieuse – j’ai fait appel. Mais l’autorité supérieure a rejeté mon appel. Je me suis alors rendu auprès du représentant de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, NDLR) qui a maintenu l’interdiction de construction. Malgré les photos que je lui ai montrées de l’ancienne église et du prêtre assassiné durant la guerre, il ne s’est pas excusé, ni n’est revenu sur sa décision. C’est une lutte ouverte contre l’Église catholique.
Cette situation dramatique des catholiques est peu connue à l’étranger. Que demandez-vous à la communauté internationale ?
Qu’elle condamne cette discrimination, qui se déroule au cœur de l’Europe, à travers des mots et des actes. Jusqu’à présent, nos appels sont restés sans écho. Et il y en a eus tant ! Quo vadis, Europa ? Quo vadis, chrétienté en Europe ? Comment communiquer nos valeurs chrétiennes à d’autres peuples si nous admettons une telle situation dans notre propre maison, en détournant le regard ?
Tant de haine et de discorde ont été semées en Bosnie-Herzégovine. Qu’est-ce que l’Église catholique peut entreprendre?
Nous, les catholiques, représentons la plus ancienne communauté religieuse du pays. Nous faisons un travail de réconciliation, notamment à travers nos œuvres sociales et nos activités éducatives, surtout dans nos établissements scolaires catholiques. Bien que l’on m’ait déjà agressé physiquement pour cela, je continuerai à me prononcer en faveur de la vérité. Nos adversaires gagneront si nous nous taisons !
Depuis plus de trois décennies, l’AED soutient les catholiques de Bosnie-Herzégovine: reconstruction d’églises et monastères détruits durant la guerre, rénovation d’un collège théologique, acquisition de véhicules pour assurer les activités pastorales, participation à la formation des prêtres, religieux, et aide de subsistance à des monastères contemplatifs.
https://www.aed-france.org/bosnie-herzegovine-lutte-ouverte-contre-leglise-catholique/
Publié le 11 mai 2018
« Le pays ressemble à une poudrière », déclare Mgr Franjo Komarica, évêque du diocèse de Banja Luka situé au nord. Connu pour son franc parler, il tire la sonnette d’alarme concernant la minorité catholique des Croates qui, de plus en plus, choisit l’exil. Explications données à l’AED fin avril.
Mgr Komarica
AED : Depuis les accords de Dayton en 1995, la guerre est officiellement terminée. Qu’en est-il de la réalité ?
Mgr Franjo Komarica : Certes, les armes se taisent, mais la guerre continue. Il règne en Bosnie-Herzégovine un « chaos contrôlé ». J’ai l’impression que ni le gouvernement, ni la communauté internationale ne s’intéressent à l’édification d’un État de droit. La Bosnie-Herzégovine, placée sous semi-protectorat des Nations-Unies, est en partie dirigée par un haut représentant international (depuis 2009, l’Autrichien Valentin Inzko ) mais il dit avoir les mains liées.
Le pays reste écartelé?
Il est toujours scindé en trois : les Croates, les Serbes et les Bosniaques. Majoritairement catholiques et tournés vers l’Europe, les Croates constituent le plus petit groupe ethnique. Les Serbes sont plutôt orthodoxes et fortement influencés par la Russie. Quant aux Bosniaques, musulmans pour la plupart, ils se rapprochent de la Turquie et du monde islamique. Ces dangereux mouvements centrifuges sont non seulement néfastes pour le pays, mais aussi pour l’Europe !
Que voulez-vous dire ?
Influencés par l’étranger, Serbes et Bosniaques nourrissent toujours une réelle hostilité mutuelle. Le pays continue d’être une poudrière ! Et les Croates se retrouvent entre les deux fronts. Durant la guerre, des centaines de milliers d’entre eux ont été expulsés. Vingt ans plus tard, ils ne peuvent toujours pas retourner chez eux. Aujourd’hui, les rares qui y étaient parvenus finissent par choisir l’étranger. Nous, les membres de la conférence épiscopale du pays, ne cessons d’exiger de compléter les accords de Dayton pour conférer plus de sécurité à la minorité croate. Comme par le passé, les Croates ne sont pas égaux en droits.
Pourquoi?
Les Croates ne sont pas considérés comme groupe ethnique constitutif de la Bosnie-Herzégovine. De même, de nombreux gouvernements étrangers déclarent que le pays n’est composé que de deux peuples : les Serbes et les Bosniaques. Il en résulte de graves conséquences comme, par exemple, en République Srpska (créée par les accords de Dayton, cette « deuxième entité » de l’État fédéral de Bosnie-Herzégovine, couvre plutôt les régions nord et est). Seuls 5% des catholiques sont retournés dans ses 69 paroisses. Les Croates ne bénéficient d’aucun soutien politique, juridique ou financier. Il est pratiquement impossible pour eux de reconstruire leurs maisons ou de trouver du travail. Ils sont systématiquement discriminés. Selon moi, mais aussi selon les autres religions, cela constitue un dommage considérable pour tout le pays. Le grand Mufti bosniaque m’a justement dit ces derniers temps : « Nous avons absolument besoin des Croates ici ! »
Et si vous voulez reconstruire une église?
Le maire d’une localité de mon diocèse m’a dit : « Vous n’en avez pas l’autorisation ici ». Comme il n’a pas le droit de me répondre cela en théorie – la Constitution de la Bosnie-Herzégovine garantit la liberté religieuse – j’ai fait appel. Mais l’autorité supérieure a rejeté mon appel. Je me suis alors rendu auprès du représentant de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, NDLR) qui a maintenu l’interdiction de construction. Malgré les photos que je lui ai montrées de l’ancienne église et du prêtre assassiné durant la guerre, il ne s’est pas excusé, ni n’est revenu sur sa décision. C’est une lutte ouverte contre l’Église catholique.
Cette situation dramatique des catholiques est peu connue à l’étranger. Que demandez-vous à la communauté internationale ?
Qu’elle condamne cette discrimination, qui se déroule au cœur de l’Europe, à travers des mots et des actes. Jusqu’à présent, nos appels sont restés sans écho. Et il y en a eus tant ! Quo vadis, Europa ? Quo vadis, chrétienté en Europe ? Comment communiquer nos valeurs chrétiennes à d’autres peuples si nous admettons une telle situation dans notre propre maison, en détournant le regard ?
Tant de haine et de discorde ont été semées en Bosnie-Herzégovine. Qu’est-ce que l’Église catholique peut entreprendre?
Nous, les catholiques, représentons la plus ancienne communauté religieuse du pays. Nous faisons un travail de réconciliation, notamment à travers nos œuvres sociales et nos activités éducatives, surtout dans nos établissements scolaires catholiques. Bien que l’on m’ait déjà agressé physiquement pour cela, je continuerai à me prononcer en faveur de la vérité. Nos adversaires gagneront si nous nous taisons !
Depuis plus de trois décennies, l’AED soutient les catholiques de Bosnie-Herzégovine: reconstruction d’églises et monastères détruits durant la guerre, rénovation d’un collège théologique, acquisition de véhicules pour assurer les activités pastorales, participation à la formation des prêtres, religieux, et aide de subsistance à des monastères contemplatifs.
https://www.aed-france.org/bosnie-herzegovine-lutte-ouverte-contre-leglise-catholique/
Isabelle-Marie- CONSEILLER DU PEUPLE DE LA PAIX
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