Le voyageur malheureux
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Le voyageur malheureux
Un jeune homme, traversant une forêt, n’y eut pas marché quelque temps qu’il fut assailli par un monstre épouvantable, qui, sur un corps de lion, portait sept grosses têtes de serpent. L’animal, au sortir de sa caverne, vint droit à lui, avec des yeux étincelants, élevant ses sept têtes, dardant ses sept langues, et faisant retentir l’air de ses horribles sifflements. Le jeune homme, qui était fort et courageux, ne se déconcerta point à cette vue. Il n’avait d’autres armes qu’une hache qu’il portait pendue à sa ceinture, selon l’usage du pays. Il la saisit, court à la bête, et du premier coup qu’il lui porta, il lui abat quatre têtes ; d’un second coup il lui en abat deux, et du troisième il eût sans peine abattu la dernière et remporté une signalée victoire, sans le déplorable accident qu’il lui arriva. Cet accident fut qu’au second coup qu’il donna, la hache lui échappa de la main, sans qu’il pût avoir le temps de la ramasser. Car la bête irritée de six plaies qu’elle avait reçues, se jeta sur lui avec furie, le mordit, le piqua, le déchira et l’emporta avec elle. Le misérable faisait d’inutiles efforts ; il poussait des hurlements affreux, il criait au secours, demandait que du moins on lui rendît sa hache ; mais personne ne l’entendait. La bête l’entraîna tout vivant dans sa caverne, où il servit de pâture à elle et à ses petits.
Comprenez-vous bien le sens de cette parabole ?
1) Ce monstre, c’est le démon et les sept péchés capitaux qu’il faut combattre courageusement avec les armes de la foi.
2) Il ne suffît pas d’abattre six têtes à ce monstre : si vous lui en laissez une, vous êtes perdu. Que vous sert-il d’être exempt de plusieurs passions, si vous en gardez une ? Le plus souvent ce n’est qu’un vice qui damne les hommes. Examinez si, en combattant le lien infernal, vous ne lui avez point laissé une tête qui suffit pour vous dévorer. Votre victoire est vaine, si elle n’est entière.
3) Il faut persévérer jusqu’à la fin, combattre jusqu’à la mort. N’allez pas vous lasser dans ce combat ; ne laissez pas échapper la cognée de vos mains ; n’abandonnez pas la prière, l’examen, les Sacrements, les pratiques de mortification et de pénitence : le démon profiterait de votre négligence pour vous faire mille plaies ; et si vous venez à mourir dans cet état, il vous entraînerait avec lui dans les enfers, où vous seriez éternellement sa proie et le jouet de tous les démons. En vain alors vous gémiriez, vous imploreriez du secours, vous demanderiez le temps que vous auriez perdu, les grâces dont vous auriez abusé, les moyens que vous auriez négligés, personne ne vous entendrait, et rien ne vous serait rendu. C’est maintenant, tandis que vous les avez, qu’il faut en profiter.
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