En Irak, le village chrétien de Sharanish revit
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En Irak, le village chrétien de Sharanish revit
ARTICLE FAMILLE CHRETIENNE
EXCLUSIF MAG - En janvier dernier, les habitants de Sharanish fuyaient leurs maisons après un bombardement de l’aviation turque. Grâce à la mobilisation des Français, notamment des lecteurs de Famille Chrétienne, et au travail de Fraternité en Irak, le village reprend vie.
Le paysage est à couper le souffle. Le village chrétien de Sharanish est entouré de montagnes verdoyantes qui marquent la frontière avec la Turquie, à l’extrême nord de l’Irak. Un décor faussement paisible. Le secteur est contrôlé par le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), en lutte armée contre le voisin turc. Avant d’entamer la route en lacets qui mène à Sharanish, il faut passer un premier point de contrôle tenu par l’armée irakienne, puis un deuxième gardé par de très jeunes soldats du PKK qui surveillent leur troupeau, kalachnikov en bandoulière.
Ce sont ces bases montagnardes du PKK que visait le bombardement turc sur Sharanish la nuit du 16 janvier 2016. Pendant deux heures, deux avions ont pilonné la zone. Des obus sont tombés à moins de 100 m de l’église, épargnant heureusement le cœur du village. Seuls sont restés quelques hommes pour monter la garde : la cinquantaine de familles de villageois a fui en pleine nuit, dans la panique. Parmi elles, une quinzaine, dont quatre yézidies, avait déjà vécu un premier exode en 2014, alors qu’elles fuyaient une offensive de l’État islamique. Elles pensaient avoir trouvé à Sharanish un refuge. Les voilà victimes d’un double conflit régional.
Deux cents fenêtres soufflées par les obus
Dans un Irak miné par les conflits où les déplacés se comptent par millions, le bombardement turc ne fait pas l’actualité. L’association française Fraternité en Irak, qui connaît bien le village pour s’y être rendue plusieurs fois et y avoir apporté son aide, est la première à se mobiliser. « Dès le lendemain, j’ai eu au téléphone le Père Johnny, vicaire chaldéen de la paroisse dont dépend Sharanish », explique Faraj Benoît Camurat, son président. « C’était impensable que Sharanish soit vidé de ses habitants à cause des Turcs. Nous avons voulu agir vite pour que les familles puissent retourner chez elles. » En parallèle d’un appel à la générosité auprès des Français, l’association engage le plus urgent des travaux : changer les deux cents fenêtres soufflées par les explosions. En plein hiver, alors qu’une épaisse couche de neige recouvre la montagne, ce chantier est indispensable.
Cette première action porte ses fruits. D’autres ONG acheminent de la nourriture ou du gaz pour les chaudières. Le patriarche des chaldéens, Mgr Louis Sako, intervient également en entrant en contact avec le commandement kurde et avec le gouvernement turc afin de trouver une solution pour les villageois. Au final, quelques jours après les bombardements, presque toutes les familles sont rentrées à Sharanish. La cloche de l’église se remet à sonner et les enfants retournent sur les bancs de l’école.
Mais les membres de Fraternité en Irak ne veulent pas en rester là. Chaque mois depuis février, ils viennent visiter les habitants et prennent le temps de discuter avec eux. « Nous avons peur que cela se reproduise, mais c’est notre village, nous y sommes très attachés », confie un couple d’octogénaire qui accueille les Français pour le thé. La bourgade, où la communauté est soudée et la foi très ancrée, a vécu d’autres crises. Bombardé par Saddam Hussein, le village s’était déjà vidé à la fin des années 1980. Seul le mukthar (le chef du village) était resté à Sharanish. Il a fallu attendre 2005 pour qu’une cinquantaine de familles s’y réinstalle, vivant de l’agriculture.
Rester quand même
Au fil des semaines, à la demande du Père Johnny et du mukthar, les membres de Fraternité en Irak poursuivent les réparations. Le toit de la salle paroissiale, soufflé par les obus, est refait. En avril, les habitants y fêtent un mariage. La vie reprend ses droits. En juin, les volontaires français finissent le dernier chantier : le remplacement de deux énormes citernes de trente mille litres criblées d’éclats. « Elles servent à irriguer les cultures, relate Pauline qui a supervisé l’opération. Pour les habitants, dont la seule source de revenu est l’agriculture, c’est essentiel. » En échange, les paysans se sont engagés à reverser 3 % du produit de leurs récoltes pour les besoins du village.
Martin, 17 ans, vient prêter main-forte. Il rêve de devenir footballeur professionnel. Pourtant, il ne veut pas quitter son village, même si l’avenir semble bouché. « Ce qui est dur ici, c’est le sentiment d’isolement. Le Père Johnny monte chaque semaine, mais nous sommes perdus dans les montagnes, entourés du PKK, témoigne-t-il. C’est pour cela que votre présence régulière est importante. »
Pour Faraj Benoît Camurat, la revitalisation de Sharanish est aussi un symbole : « Cela montre que le départ n’est pas définitif. C’est un signe d’espoir pour les dizaines de milliers de personnes qui ont été chassées de la plaine de Ninive par Daech. » Dans ce village irakien, tous souhaitent que cette libération arrive vite et qu’un jour, l’Irak vive en paix.
Mélanie Boutros
lien: http://www.famillechretienne.fr/politique-societe/monde/en-irak-le-village-chretien-de-sharanish-revit-200838
EXCLUSIF MAG - En janvier dernier, les habitants de Sharanish fuyaient leurs maisons après un bombardement de l’aviation turque. Grâce à la mobilisation des Français, notamment des lecteurs de Famille Chrétienne, et au travail de Fraternité en Irak, le village reprend vie.
Le paysage est à couper le souffle. Le village chrétien de Sharanish est entouré de montagnes verdoyantes qui marquent la frontière avec la Turquie, à l’extrême nord de l’Irak. Un décor faussement paisible. Le secteur est contrôlé par le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), en lutte armée contre le voisin turc. Avant d’entamer la route en lacets qui mène à Sharanish, il faut passer un premier point de contrôle tenu par l’armée irakienne, puis un deuxième gardé par de très jeunes soldats du PKK qui surveillent leur troupeau, kalachnikov en bandoulière.
Ce sont ces bases montagnardes du PKK que visait le bombardement turc sur Sharanish la nuit du 16 janvier 2016. Pendant deux heures, deux avions ont pilonné la zone. Des obus sont tombés à moins de 100 m de l’église, épargnant heureusement le cœur du village. Seuls sont restés quelques hommes pour monter la garde : la cinquantaine de familles de villageois a fui en pleine nuit, dans la panique. Parmi elles, une quinzaine, dont quatre yézidies, avait déjà vécu un premier exode en 2014, alors qu’elles fuyaient une offensive de l’État islamique. Elles pensaient avoir trouvé à Sharanish un refuge. Les voilà victimes d’un double conflit régional.
Deux cents fenêtres soufflées par les obus
Dans un Irak miné par les conflits où les déplacés se comptent par millions, le bombardement turc ne fait pas l’actualité. L’association française Fraternité en Irak, qui connaît bien le village pour s’y être rendue plusieurs fois et y avoir apporté son aide, est la première à se mobiliser. « Dès le lendemain, j’ai eu au téléphone le Père Johnny, vicaire chaldéen de la paroisse dont dépend Sharanish », explique Faraj Benoît Camurat, son président. « C’était impensable que Sharanish soit vidé de ses habitants à cause des Turcs. Nous avons voulu agir vite pour que les familles puissent retourner chez elles. » En parallèle d’un appel à la générosité auprès des Français, l’association engage le plus urgent des travaux : changer les deux cents fenêtres soufflées par les explosions. En plein hiver, alors qu’une épaisse couche de neige recouvre la montagne, ce chantier est indispensable.
Cette première action porte ses fruits. D’autres ONG acheminent de la nourriture ou du gaz pour les chaudières. Le patriarche des chaldéens, Mgr Louis Sako, intervient également en entrant en contact avec le commandement kurde et avec le gouvernement turc afin de trouver une solution pour les villageois. Au final, quelques jours après les bombardements, presque toutes les familles sont rentrées à Sharanish. La cloche de l’église se remet à sonner et les enfants retournent sur les bancs de l’école.
Mais les membres de Fraternité en Irak ne veulent pas en rester là. Chaque mois depuis février, ils viennent visiter les habitants et prennent le temps de discuter avec eux. « Nous avons peur que cela se reproduise, mais c’est notre village, nous y sommes très attachés », confie un couple d’octogénaire qui accueille les Français pour le thé. La bourgade, où la communauté est soudée et la foi très ancrée, a vécu d’autres crises. Bombardé par Saddam Hussein, le village s’était déjà vidé à la fin des années 1980. Seul le mukthar (le chef du village) était resté à Sharanish. Il a fallu attendre 2005 pour qu’une cinquantaine de familles s’y réinstalle, vivant de l’agriculture.
Rester quand même
Au fil des semaines, à la demande du Père Johnny et du mukthar, les membres de Fraternité en Irak poursuivent les réparations. Le toit de la salle paroissiale, soufflé par les obus, est refait. En avril, les habitants y fêtent un mariage. La vie reprend ses droits. En juin, les volontaires français finissent le dernier chantier : le remplacement de deux énormes citernes de trente mille litres criblées d’éclats. « Elles servent à irriguer les cultures, relate Pauline qui a supervisé l’opération. Pour les habitants, dont la seule source de revenu est l’agriculture, c’est essentiel. » En échange, les paysans se sont engagés à reverser 3 % du produit de leurs récoltes pour les besoins du village.
Martin, 17 ans, vient prêter main-forte. Il rêve de devenir footballeur professionnel. Pourtant, il ne veut pas quitter son village, même si l’avenir semble bouché. « Ce qui est dur ici, c’est le sentiment d’isolement. Le Père Johnny monte chaque semaine, mais nous sommes perdus dans les montagnes, entourés du PKK, témoigne-t-il. C’est pour cela que votre présence régulière est importante. »
Pour Faraj Benoît Camurat, la revitalisation de Sharanish est aussi un symbole : « Cela montre que le départ n’est pas définitif. C’est un signe d’espoir pour les dizaines de milliers de personnes qui ont été chassées de la plaine de Ninive par Daech. » Dans ce village irakien, tous souhaitent que cette libération arrive vite et qu’un jour, l’Irak vive en paix.
Mélanie Boutros
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