L’Église bientôt considérée comme un lobby en France ?
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L’Église bientôt considérée comme un lobby en France ?
ARTICLE FAMILLE CHRETIENNE
EXCLUSIF MAG - L’Assemblée Nationale a voté le 14 juin un texte de loi par lequel « les associations à objet cultuel » deviendraient des « représentants d’intérêts ». Un projet qui mobilise l’Église contre lui.
Tabac, pétrole, nucléaire, téléphonie, Église. Cherchez l’intrus. Raté ! Il n’y en a pas. Du moins, il n’y en aura peut-être plus aux yeux de l’État, car le projet de loi relatif « à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique » a été voté par les députés, le 14 juin. Si le texte en reste là, les « associations à objet cultuel » seront dorénavant considérées comme des représentants d’intérêts (des lobbies), sauf dans leurs relations avec le ministère chargé des cultes. Autrement dit, cela signifierait que, en dehors du ministère de l’Intérieur, l’Église aurait le statut de lobby à chaque fois qu’elle entrerait en relation avec les pouvoirs publics, comme avec un membre du gouvernement, un parlementaire, un préfet, un maire, etc.
L’objectif du texte, actuellement à l’étude au Sénat, est de clarifier les relations entre les pouvoirs publics et les acteurs « dont l’activité principale ou accessoire a pour finalité d’influer » sur ces derniers. Il prévoit la création d’un répertoire national des lobbyistes dans lequel seront consignés et mis à jour chaque semestre les caractéristiques et agissements des représentants d’intérêts, leur identité, le champ d’activités, le nombre de personnes employées, leurs sources de financements, ou encore leurs dépenses et leur chiffre d’affaires. Le répertoire, géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sera consultable en ligne par tous les citoyens.
En démocratie, ce projet de contrôle des représentants d’intérêts semble sain, d’autant plus que dans sa version originelle présentée par le gouvernement, il excluait les associations à objet cultuel de la liste des lobbies. Mais un amendement déposé en commission par des socialistes les a rajoutées, « mettant l’Église et les marchands de tabac au même niveau », soupire l’abbé Pierre-Hervé Grosjean, curé dans les Yvelines et blogueur très actif du Padreblog.
« C’est le flou le plus artistique »
« Cette situation ne nous convient évidemment pas ! », avertit Mgr Olivier Ribadeau Dumas, porte-parole de la Conférence des évêques de France. « Dans le cadre des relations institutionnelles entre l’Église et l’État, nous ne défendons pas des intérêts particuliers, mais cherchons à poursuivre le bien commun. Quand deux millions d’élèves sont scolarisés dans l’Enseignement privé, quand nous avons des aumôneries dans les hôpitaux, les prisons, à l’armée, nous entretenons avec les ministères de l’Éducation nationale, de la Santé, de la Justice et de la Défense, des liens institutionnels qui ne défendent pas des intérêts privés. »
Pour Olivier Marleix, député Les Républicains (LR) présent durant les discussions, « ce n’est pas au moment où nous avons besoin d’un dialogue plus ouvert et permanent avec les représentants de toutes les religions qu’il faut créer une nouvelle contrainte et faire de la moindre discussion avec l’évêque, le curé de campagne, le pasteur ou l’imam, une relation qui s’inscrit dans le cadre de la défense d’intérêts ». D’autant plus que sur la mise en pratique de cette portion de la loi, « c’est le flou le plus artistique », tacle pour sa part Marc Le Fur, député LR des Côtes-d’Armor, également présent lors des débats. « Pour ne prendre que le culte catholique, il y a autant d’associations diocésaines qu’il y a de diocèses, et bien des paroisses sont organisées en associations. Comment fait-on ? On enregistre tout le monde ? Où commence-t-on ? Où s’arrête-t-on ? », demandait-il à Michel Sapin, ministre des Finances, à l’origine de la loi.
« Le zèle d’une gauche française laïciste »
Ces interrogations mettent le doigt sur un ensemble d’ambiguïtés présentes dans l’amendement. Si le rapporteur du texte, le député socialiste Sébastien Denaja, soutient que cet aspect de l’article 13 vise uniquement les personnes morales et non physiques, il semble impossible de discerner dans une situation qui verrait par exemple un évêque échanger avec un député de son diocèse ce qui relève de la personne de l’évêque ou bien ce qui relève de ce qu’il représente, à savoir l’Église. Ce serait schizophrénique. « C’est tout le rapport entre l’Église et l’État qui est en cause dans cet article de loi », observe Mgr Ribadeau Dumas, qui estime par ailleurs que si la volonté de vouloir contrôler les relations d’influence avec les pouvoirs publics est bonne, « vouloir toujours mettre tout dans des cases ne semble pas la meilleure des solutions ».
Très remonté contre ce projet de loi, le député des Yvelines Jean-Frédéric Poisson appelle les sénateurs à modifier le texte qui crée de la suspicion et de la méfiance. Pour lui, l’insertion de cet amendement est « la preuve du zèle d’une gauche française laïciste qui cherche par tous les moyens à anéantir de la sphère publique la liberté d’expression religieuse ». Et de rajouter que cette « manœuvre est d’une hypocrisie sans nom ».
Le texte pourrait-il passer en l’état ? Marc Le Fur n’en sait rien. « Le gouvernement aura sans doute le dernier mot. J’ai, pour ma part, évoqué durant les discussions que le Conseil constitutionnel pourrait retoquer ce passage. Mais honnêtement, nous ne savons pas vraiment quelle pourrait être sa décision, la situation étant inédite. »
Europe : le statut de l'Église
Au niveau européen, l’Église catholique n’est pas considérée comme un banal lobby. Depuis le Traité de Lisbonne, par l’intermédiaire de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (Comece), elle est officiellement devenue un partenaire de dialogue de l’Union européenne (UE), laquelle reconnaît ainsi sa contribution spécifique dans la construction européenne et son expertise en matière éthique. « Deux fois par an, la Comece rencontre le président de la Commission européenne pour discuter de directives en préparation sur lesquelles les Églises peuvent apporter un éclairage et une analyse », explique sa porte-parole, Johanna Touzel.
L’UE reconnaît aussi comme partenaire de dialogue la Conférence des Églises chrétiennes, ainsi que la Fédération humaniste européenne, tête de pont des organisations athées en Europe. Ce statut montre que l’apport de ces institutions ne se limite pas à monnayer quelques intérêts particuliers, mais entretient une discussion permanente sur le sens de la construction européenne. Cette particularité n’empêche pas la transparence. La Comece figure ainsi parmi le registre de la transparence des institutions européennes avec force détails : le nom de ses représentants, ses domaines d’action et ses financements.
Antoine Pasquier
LIEN :http://www.famillechretienne.fr/politique-societe/politique/l-eglise-bientot-consideree-comme-un-lobby-en-france-197209
EXCLUSIF MAG - L’Assemblée Nationale a voté le 14 juin un texte de loi par lequel « les associations à objet cultuel » deviendraient des « représentants d’intérêts ». Un projet qui mobilise l’Église contre lui.
Tabac, pétrole, nucléaire, téléphonie, Église. Cherchez l’intrus. Raté ! Il n’y en a pas. Du moins, il n’y en aura peut-être plus aux yeux de l’État, car le projet de loi relatif « à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique » a été voté par les députés, le 14 juin. Si le texte en reste là, les « associations à objet cultuel » seront dorénavant considérées comme des représentants d’intérêts (des lobbies), sauf dans leurs relations avec le ministère chargé des cultes. Autrement dit, cela signifierait que, en dehors du ministère de l’Intérieur, l’Église aurait le statut de lobby à chaque fois qu’elle entrerait en relation avec les pouvoirs publics, comme avec un membre du gouvernement, un parlementaire, un préfet, un maire, etc.
L’objectif du texte, actuellement à l’étude au Sénat, est de clarifier les relations entre les pouvoirs publics et les acteurs « dont l’activité principale ou accessoire a pour finalité d’influer » sur ces derniers. Il prévoit la création d’un répertoire national des lobbyistes dans lequel seront consignés et mis à jour chaque semestre les caractéristiques et agissements des représentants d’intérêts, leur identité, le champ d’activités, le nombre de personnes employées, leurs sources de financements, ou encore leurs dépenses et leur chiffre d’affaires. Le répertoire, géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sera consultable en ligne par tous les citoyens.
En démocratie, ce projet de contrôle des représentants d’intérêts semble sain, d’autant plus que dans sa version originelle présentée par le gouvernement, il excluait les associations à objet cultuel de la liste des lobbies. Mais un amendement déposé en commission par des socialistes les a rajoutées, « mettant l’Église et les marchands de tabac au même niveau », soupire l’abbé Pierre-Hervé Grosjean, curé dans les Yvelines et blogueur très actif du Padreblog.
« C’est le flou le plus artistique »
« Cette situation ne nous convient évidemment pas ! », avertit Mgr Olivier Ribadeau Dumas, porte-parole de la Conférence des évêques de France. « Dans le cadre des relations institutionnelles entre l’Église et l’État, nous ne défendons pas des intérêts particuliers, mais cherchons à poursuivre le bien commun. Quand deux millions d’élèves sont scolarisés dans l’Enseignement privé, quand nous avons des aumôneries dans les hôpitaux, les prisons, à l’armée, nous entretenons avec les ministères de l’Éducation nationale, de la Santé, de la Justice et de la Défense, des liens institutionnels qui ne défendent pas des intérêts privés. »
Pour Olivier Marleix, député Les Républicains (LR) présent durant les discussions, « ce n’est pas au moment où nous avons besoin d’un dialogue plus ouvert et permanent avec les représentants de toutes les religions qu’il faut créer une nouvelle contrainte et faire de la moindre discussion avec l’évêque, le curé de campagne, le pasteur ou l’imam, une relation qui s’inscrit dans le cadre de la défense d’intérêts ». D’autant plus que sur la mise en pratique de cette portion de la loi, « c’est le flou le plus artistique », tacle pour sa part Marc Le Fur, député LR des Côtes-d’Armor, également présent lors des débats. « Pour ne prendre que le culte catholique, il y a autant d’associations diocésaines qu’il y a de diocèses, et bien des paroisses sont organisées en associations. Comment fait-on ? On enregistre tout le monde ? Où commence-t-on ? Où s’arrête-t-on ? », demandait-il à Michel Sapin, ministre des Finances, à l’origine de la loi.
« Le zèle d’une gauche française laïciste »
Ces interrogations mettent le doigt sur un ensemble d’ambiguïtés présentes dans l’amendement. Si le rapporteur du texte, le député socialiste Sébastien Denaja, soutient que cet aspect de l’article 13 vise uniquement les personnes morales et non physiques, il semble impossible de discerner dans une situation qui verrait par exemple un évêque échanger avec un député de son diocèse ce qui relève de la personne de l’évêque ou bien ce qui relève de ce qu’il représente, à savoir l’Église. Ce serait schizophrénique. « C’est tout le rapport entre l’Église et l’État qui est en cause dans cet article de loi », observe Mgr Ribadeau Dumas, qui estime par ailleurs que si la volonté de vouloir contrôler les relations d’influence avec les pouvoirs publics est bonne, « vouloir toujours mettre tout dans des cases ne semble pas la meilleure des solutions ».
Très remonté contre ce projet de loi, le député des Yvelines Jean-Frédéric Poisson appelle les sénateurs à modifier le texte qui crée de la suspicion et de la méfiance. Pour lui, l’insertion de cet amendement est « la preuve du zèle d’une gauche française laïciste qui cherche par tous les moyens à anéantir de la sphère publique la liberté d’expression religieuse ». Et de rajouter que cette « manœuvre est d’une hypocrisie sans nom ».
Le texte pourrait-il passer en l’état ? Marc Le Fur n’en sait rien. « Le gouvernement aura sans doute le dernier mot. J’ai, pour ma part, évoqué durant les discussions que le Conseil constitutionnel pourrait retoquer ce passage. Mais honnêtement, nous ne savons pas vraiment quelle pourrait être sa décision, la situation étant inédite. »
Europe : le statut de l'Église
Au niveau européen, l’Église catholique n’est pas considérée comme un banal lobby. Depuis le Traité de Lisbonne, par l’intermédiaire de la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (Comece), elle est officiellement devenue un partenaire de dialogue de l’Union européenne (UE), laquelle reconnaît ainsi sa contribution spécifique dans la construction européenne et son expertise en matière éthique. « Deux fois par an, la Comece rencontre le président de la Commission européenne pour discuter de directives en préparation sur lesquelles les Églises peuvent apporter un éclairage et une analyse », explique sa porte-parole, Johanna Touzel.
L’UE reconnaît aussi comme partenaire de dialogue la Conférence des Églises chrétiennes, ainsi que la Fédération humaniste européenne, tête de pont des organisations athées en Europe. Ce statut montre que l’apport de ces institutions ne se limite pas à monnayer quelques intérêts particuliers, mais entretient une discussion permanente sur le sens de la construction européenne. Cette particularité n’empêche pas la transparence. La Comece figure ainsi parmi le registre de la transparence des institutions européennes avec force détails : le nom de ses représentants, ses domaines d’action et ses financements.
Antoine Pasquier
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