Saint Pierre, fondateur de l’Église
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Saint Pierre, fondateur de l’Église
Nous allons découvrir dans ce nouvel article la fin de la vie de saint Pierre, prince des apôtres, disciple de Jésus-Christ et fondateur de Son Église. Laissons immédiatement parler l’abbé de Solesmes qui sait si bien nous décrire la bonté et la grande piété du premier pape.
« sainte Cécile et la société Romaine ». Tome I. Page 153 à 169
« Pierre était arrivé près de la porte Capène, lorsque tout à coup se présente à lui le Christ, entrant lui-même dans la ville. « Seigneur, où allez-vous ? s’écrie l’apôtre. À Rome, répond le Christ, pour y être de nouveau crucifié. » Le disciple comprit le maître, il revint sur ses pas, n’ayant plus qu’à attendre l’heure de son martyre. Cette scène tout évangélique exprimait la suite des desseins du Sauveur sur son disciple. Afin de fonder l’unité dans l’Église chrétienne, il avait étendu à ce disciple son nom prophétique de Pierre ; maintenant c’était jusqu’à sa croix dont il allait le faire participant. Rome allait avoir son Calvaire, comme Jérusalem qu’elle remplaçait.
Pierre rentra aussitôt dans la ville, plein de joie d’avoir vu le Seigneur et d’être bientôt appelé à le suivre. Nous n’avons pas cru devoir accepter les récits qui le font sortir de prison pour cette tentative de fuite que nous venons de raconter. La narration de saint Ambroise et celle d’Hégésippe nous montrent Pierre à la veille de tomber aux mains des persécuteurs, mais libre encore. Les Actes de saint Processus et de saint Martinien l’établissent d’abord dans la prison Mamertine, et c’est de là qu’ils le font sortir pour sa fuite ; ce qui n’offre aucune probabilité. Les condamnés que l’on renfermait dans ce cachot peu d’heures avant leur supplice, n’auraient pu en aucune façon en être soustraits, tant à cause de la surveillance qui était exercée sur eux dans un tel moment, que pour la difficulté matérielle que présentait la construction même de cet affreux réduit. Le captif que l’on avait descendu par une ouverture de la voûte, n’était remonté à la lumière qu’avec le concours de gardiens spéciaux et d’agents de la force publique. Quant à la bandelette que laissa tomber l’apôtre, et dont la réalité est attestée par un monument qui a traversé les siècles, rien n’oblige à y voir le linge destiné à protéger une plaie causée par la pression des fers dans la prison. On conçoit aisément la chute d’un objet secondaire du vêtement, dans une fuite précipitée, et aussi l’empressement du chrétien qui recueille cette simple bandelette en souvenir d’un si solennel moment. Dans les desseins de la Providence, l’humble fasciola était appelée à devenir comme le monument de cette glorieuse et mémorable rencontre, où le Christ en personne s’était trouvé en face de son apôtre aux portes de Rome, lui annonçant que la croix était proche.
Pierre dès lors disposa toutes choses en vue de sa fin prochaine. Ce fut alors qu’il écrivit sa seconde Epître, qui est comme son testament et ses adieux à l’Église. Il y annonce que le terme de sa vie est arrivé, et compare son corps à un abri passager que l’on démonte, pour émigrer ailleurs. « Bientôt, dit-il, ma tente sera détendue, ainsi que me l’a signifié Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. » L’allusion à l’apparition sur la voie Appienne est ici évidente. Mais Pierre, avant de sortir de ce monde, avait encore à se préoccuper de la transmission de sa charge pastorale, et à pourvoir au besoin de l’Église, en se désignant un successeur ; c’est dans cette intention qu’il ajoute : « J’aurai soin qu’après ma mort vous soyez en mesure de vous rappeler mes enseignements. »
Il insiste sur les bases de la foi, dont la solidité est inébranlable, étant fondée sur les saintes Ecritures, qui doivent être acceptées comme l’œuvre de l’inspiration de l’Esprit-Saint, et non jugées, comme une œuvre humaine, par l’examen de la raison privée. Pierre a pour but, dans ces paroles, de prévenir les fidèles contre les hérétiques qui se montrent déjà et qui pulluleront bientôt. Il les appelle des docteurs de mensonge, qui introduiront des sectes de perdition, s’appuyant sur de fausses interprétations des livres saints. « Ils ne parleront que de liberté, dit-il, lorsqu’eux-mêmes seront esclaves de leurs propres vices. Mieux eût valu pour eux demeurer païens, n’avoir pas connu le chemin de la justice, que de retourner ainsi en arrière. »
Portant ensuite son regard inspiré vers ces derniers temps où les hommes se feront adorateurs de la nature, jusqu’à croire à l’éternité du monde, Pierre ne veut pas quitter cette vie sans avoir encore affirmé le dogme de la création et celui de la destruction future de l’univers. « C’est, dit-il, par une ignorance volontaire que ces hommes ne savent plus que les cieux furent faits d’abord par le Verbe de Dieu, ainsi que la terre. Le même Verbe, ajoute-t-il, les conserve ; mais ils sont réservés pour être consumés par le feu, au jour du jugement et de la ruine des hommes pervers et impies. » Après combien de temps aura lieu la catastrophe ? l’apôtre ne le dit pas plus que ne l’a dit son Maître. Il se borne à déclarer que, « pour le Seigneur, mille ans sont comme un jour, et un jour comme mille ans. S’il diffère, c’est un effet de sa parole miséricordieuse ; c’est qu’il veut qu’aucun ne périsse, et il met chacun à même de revenir à lui par la pénitence. » Après cette longue période de mansuétude, « le jour du Seigneur, continue l’apôtre, viendra comme vient un voleur, et alors, dans une violente tempête, les cieux passeront, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec tout ce qu’elle porte sera consumée par le feu. » C’est ainsi qu’à l’exemple de son Maître, Pierre, à la veille de monter sur la croix, rappelait aux hommes la fin dernière de ce monde.
Le souvenir de Paul, son frère dans l’apostolat, de Paul déjà retenu dans les fers, et désigné aussi pour un prochain martyre, se présente à Pierre au moment où il va terminer sa lettre. Il vient d’expliquer la prolongation de la durée de ce monde par la bonté de Dieu, qui daigne attendre la conversion des pécheurs. Il se rappelle alors les termes dont Paul s’est servi autrefois en écrivant aux Romains, lorsqu’il disait : « Ô homme, méprises-tu donc les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longanimité ? ignores-tu donc que c’est son amour qui veut t’amener à pénitence ? » (Rom., II, 4.) Faisant allusion à ces lignes éloquentes, Pierre ajoute :
« Notre très cher frère Paul vous a écrit sur ce sujet, selon la sagesse qui lui a été donnée. La même doctrine se retrouve dans toutes ses lettres, dans lesquelles, il est vrai, se rencontrent certains endroits difficiles à entendre, que des hommes ignorants et légers détournent pour leur propre perte, comme ils font des autres Ecritures. »
Pierre n’avait pas voulu quitter ce monde sans avoir couvert de son irréfragable autorité le corps des Epîtres de Paul, son frère. Il déclarait que toutes ces lettres étaient véritablement Ecriture sainte, et que l’Église devait les recevoir comme telles. Paul, au début de son apostolat, était allé rendre hommage à Pierre, il avait conféré son évangile avec le sien ; maintenant que la carrière de Paul va se terminer, il reçoit de la part de Pierre, pour ses Epîtres, le même témoignage solennel que Marc, ainsi que nous l’avons vu, avait obtenu pour son Evangile. L’apostolat de Paul et celui de Pierre se fondaient visiblement dans l’unité d’une même source et d’un même enseignement.
Restait à pourvoir au gouvernement de l’Église, qui bientôt allait être veuve de son chef. En quelles mains passeraient les clefs que Pierre avait reçues du Christ, en signe de son pouvoir sur le troupeau tout entier ? Linus était depuis plus de dix ans l’auxiliaire de l’apôtre au sein de la chrétienté de Rome ; l’accroissement du peuple fidèle avait amené Pierre à lui donner un collègue dans la personne de Cletus ; ce n’était cependant ni sur l’un ni sur l’autre que devait s’arrêter le choix de l’apôtre, en ce moment solennel, où il allait remplir l’engagement qu’il avait pris dans la lettre de ses adieux, de pourvoir à la continuation de son ministère. Clément, que son lien avec la famille impériale recommandait à la considération des Romains, en môme temps que son zèle et sa doctrine lui méritaient l’estime des fidèles, fut celui sur lequel s’arrêta la pensée du prince des apôtres. Dans les derniers jours qui lui restaient encore, Pierre lui imposa les mains, et l’ayant ainsi revêtu du caractère épiscopal, il l’intronisa dans sa propre Chaire, et déclara son intention de l’avoir pour successeur. Ces faits, rapportés dans le Liber pontificalis, sont confirmés par le témoignage de Tertullien et de saint Epiphane.
Ainsi la qualité d’évêque de Rome entraînait celle de pasteur universel, et Pierre devait laisser l’héritage des clefs divines à celui qui occuperait après lui le siège que lui-même occupait au moment de sa mort. Ainsi l’avait ordonné le Christ, et l’inspiration céleste avait amené Pierre à choisir Rome pour sa dernière station, Rome préparée de longue main par la divine Providence à l’empire universel. L’Église romaine, comme l’enseigne saint Gélase dans son célèbre décret de l’an 494, avait donc été « établie par la propre bouche du Christ lui-même comme chef de toutes les églises ». (Concil., t. IV.) De là advint qu’au moment où la suprématie de Pierre passa à l’un de ses disciples, aucun étonnement ne se manifesta dans l’Église. On savait que la primauté devait être un héritage local, et on n’ignorait pas que la localité dont Pierre avait fait choix, depuis longues années déjà, était Rome elle-même. Après la mort de Pierre, il ne vint en pensée à aucun chrétien de chercher le centre de l’Église soit à Jérusalem, soit à Alexandrie, soit à Antioche, soit ailleurs. Dès l’origine du christianisme, toutes les églises eurent les yeux fixés sur celle de Rome. Elles suivirent avec un filial respect la succession de ses évêques, et dressèrent ces listes sacrées destinées à conserver l’unité dans le vaste corps du christianisme. C’est à ces listes que, dès avant la fin du siècle suivant, saint Irénée, évêque de Lyon, représentant de la tradition de l’Asie et des Gaules, faisait appel comme au titre irréfragable de la puissante principauté de l’église de Rome sur toute autre église et sur tous les fidèles du monde entier.
L’Église cependant avait eu ses commencements en Orient. C’est en Orient que le Christ avait paru, qu’il avait accompli tous ses mystères pour le salut du monde. La substitution de l’Occident à l’Orient dans la faveur divine ne rappelait-elle pas cruellement celle de Jacob à Esaü ? Lorsque le Christ attaché à la croix tournait le dos aux régions où se lève le soleil, et étendait ses bras vers l’Occident, fallait-il donc voir dans cette attitude un signe de préférence pour les nations les plus enfoncées dans les ombres de la mort ? Rome, la fière et dure conquérante des peuples, allait-elle donc devenir la ville sainte de l’univers ? Ces pensées n’étaient pas sans amertume pour plusieurs chrétiens orientaux. Ils voyaient s’avancer les années de Pierre, et ils n’ignoraient pas que sa mort à Rome déciderait la question, que sa tombe deviendrait le titre inattaquable de la nouvelle Jérusalem. Cette jalousie qui, dans la suite, devait prendre un corps, et par l’orgueil de Byzance, rompre l’unité de l’Église, allait apparaître en ces jours jusque dans Rome, et tenter un coup désespéré mais impuissant, pour ravir à l’Occident la gloire que Dieu lui avait réservée.
Depuis le baptême de Cornélius, Pierre n’avait agi, pour ainsi dire, que dans le but de relever dans le christianisme l’élément de la gentilité à l’égal de l’élément juif. La chrétienté de Rome lui tenait compte du paternel dévouement dont il s’était montré prodigue envers elle. De là ces alarmes auxquelles l’apôtre consentit un jour à céder. Ce n’est pas sans raison que saint Ambroise nous dit que le Sauveur l’avait laissé sur la terre, pour être « le vicaire de Bon amour ». (In Lucam, lib. X.) Les Epîtres de Pierre, si affectueuses, rendent témoignage de cette tendresse d’âme qu’il avait reçue à un si haut degré. Il y est constamment le pasteur dévoué aux brebis, craignant par-dessus tout les airs de domination ; c’est le délégué qui sans cesse s’efface, pour ne laisser apercevoir que la grandeur et les droits de celui qu’il doit représenter. Cette ineffable modestie est encore accrue chez Pierre par le souvenir qu’il conserva toute sa vie, ainsi que le rapportent les anciens, de la faute qu’il avait commise et qu’il pleura jusque dans les derniers jours de sa vieillesse. Fidèle à cet amour supérieur dont son Maître divin avait exigé de sa part une triple affirmation, avant de lui remettre le soin de son troupeau, il supporta, sans fléchir, les immenses labeurs de sa charge de pêcheur d’hommes. Une circonstance de sa vie, qui se rapporte à la dernière période, révèle d’une manière touchante le dévouement qu’il gardait à Celui qui avait daigné l’appeler à sa suite, et pardonner à sa faiblesse. Clément d’Alexandrie nous a conservé le trait suivant. (Stromat., lib. VII.)
Avant d’être appelé à l’apostolat, Pierre avait vécu dans la vie conjugale. Dès lors sa femme ne fut plus pour lui qu’une sœur ; mais elle s’attacha à ses pas, et le suivit dans ses pérégrinations pour le servir. ( I Cor., IX.) Elle se trouvait à Rome, lorsque sévissait la persécution de Néron, et l’honneur du martyre la vint chercher. Pierre la vit marcher au triomphe, et à ce moment sa sollicitude pour elle se traduisit dans cette seule exclamation : « Oh ! souviens-toi du Seigneur. » Ces deux galiléens avaient vu le Seigneur, ils l’avaient reçu dans leur maison, ils l’avaient fait asseoir à leur table. Depuis, le divin Pasteur avait souffert la croix, il était ressuscité, il était monté aux cieux, laissant le soin de sa bergerie au pêcheur du lac de Génézareth. Qu’avait à faire à ce moment l’épouse de Pierre, si ce n’est de repasser de tels souvenirs, et de s’élancer vers Celui qu’elle avait connu sous les traits de l’humanité, et qui s’apprêtait à couronner sa vie obscure d’une gloire immortelle ?
Le moment d’entrer dans cette gloire était enfin arrivé pour Pierre lui-même. « Lorsque tu seras devenu Vieux, lui avait dit mystérieusement son Maître, tu étendras tes mains : un autre alors te ceindra, et te conduira là où tu ne veux pas. » (Johan., XX.) Pierre devait donc atteindre un âge avancé ; comme son Maître, il étendrait ses bras sur une croix ; il connaîtrait la captivité et le poids des chaînes dont une main étrangère le garrotterait ; il subirait violemment cette mort que la nature repousse, et boirait ce calice dont son Maître lui-même avait demandé d’être délivré. Mais comme son Maître aussi, il se relèverait, fort du secours divin, et marcherait avec ardeur vers la croix. L’oracle allait s’accomplir à la lettre.
Au jour marqué par les desseins de Dieu, la puissance païenne donna l’ordre de mettre la main sur l’apôtre. Cette puissance était représentée par les deux tyrans, Hélius et Polythètes, que nous avons fait connaître. Le témoignage de saint Clément, témoin oculaire, est formel : Ce sont ceux qui gouvernaient Rome qui agirent en cette circonstance, et leur arrêt ne fut pas lancé sur Pierre seulement, il comprenait aussi Paul. Quel fut le mobile qui porta les ignobles affranchis de Néron à sévir tout d’un coup contre ces deux juifs, dont l’un avait pu échapper aux fureurs de la persécution de 64, et dont l’autre semblait presque en sûreté dans sa prison ? Saint Clément, dont nous avons cité plus haut les propres paroles, nous révèle que l’ambition et la jalousie amenèrent ce tragique dénouement. Avec des hommes tels qu’Hélius et son digne assesseur, il suffisait d’une délation. La trahison inspirée non par la cupidité, comme celle de Judas, mais par le dépit de n’avoir pas été préféré, conduisit à l’homicide, et le Christ permit que la passion de son vicaire eût cette relation avec la sienne. Pierre étant frappé, Paul, son illustre compagnon, devait l’être en même temps.
Les détails nous manquent quant aux procédures judiciaires qui suivirent l’arrestation du prince des apôtres, mais la tradition de l’église romaine est qu’il fut enfermé dans la prison Mamertine. On a donné ce nom au cachot que fit construire Ancus Martius au pied du mont Capitolin, et qui fut ensuite complété par Servius Tullius, d’où lui est venu le nom de carcer Tullianus. Deux escaliers extérieurs, appelés les Gémonies, conduisaient à cet affreux réduit. Ordinairement, le supplice de ceux qu’on y enfermait avait lieu dans le cachot inférieur ; après quoi le corps du supplicié était remonté et exposé sur les marches de l’escalier des Gémonies.
L’emprisonnement du chef des chrétiens n’eut pas lieu sans l’ordre de Néron, dont le séjour en Achaïe se prolongeait ; du moins l’empereur en fut-il prévenu par Hélius, son digne représentant. Quoi qu’il en soit, Pierre fut traité comme un prisonnier de marque, ce cachot ne servant que pour les prévenus mis en jugement sur des délits qui intéressaient l’État. Ils n’y demeuraient que le temps nécessaire pour terminer leur cause et préparer leur supplice. La détention de Pierre en ce lieu attestait donc, en dépit de ses ennemis, l’importance de son rôle dans la capitale du monde. Un cachot supérieur donnait entrée à celui qui devait recevoir le prisonnier, et ne le rendre que mort, à moins qu’on ne le destinât à un supplice public. Pour l’introduire dans ce terrible séjour, il fallait le descendre, à l’aide de cordes ou d’une échelle, par une ouverture pratiquée dans la voûte, et qui servait aussi a le remonter, quel que fût son sort. La voûte étant assez élevée et les ténèbres complètes dans ce cachot, la garde d’un prisonnier, chargé d’ailleurs de lourdes chaînes, était facile.
La miséricorde divine amena près de Pierre deux soldats romains, dont les noms sont devenus impérissables dans la mémoire de l’Église. L’un se nommait Processus, et l’autre Martinien. Ils furent frappés de la dignité de ce vieillard confié à leur garde pour quelques heures, et qui ne devait remonter à la lumière du jour que pour périr sur un gibet. Pierre leur parla de la vie éternelle et du Fils de Dieu, qui a aimé les hommes jusqu’à donner son sang pour leur rachat. Processus et Martinien reçurent d’un cœur docile cet enseignement inattendu ; ils l’acceptèrent avec une foi simple, et demandèrent la grâce de la régénération. Mais l’eau manquait dans le cachot, et Pierre dut faire appel au pouvoir de commander à la nature que le Rédempteur avait confié à ses apôtres, en les envoyant dans le monde. À la parole du vieillard, une fontaine jaillit du sol, et les deux soldats furent baptisés dans l’eau miraculeuse. La piété chrétienne vénère encore aujourd’hui cette fontaine qui ne diminue ni ne déborde jamais, et qui, avant le prodige, n’avait aucune raison d’exister dans cette prison.
Processus et Martinien ne tardèrent pas à payer de leur vie l’honneur qu’ils avaient reçu d’être initiés à la foi chrétienne par le prince des apôtres, et ils sont honorés entre les martyrs. L’intrépide Lucine prit soin de leur sépulture, et fit déposer leurs corps dans une crypte dont nous avons déjà parlé, et qui était située sur un praedium qu’elle possédait près de la voie Aurélia. Leurs tombeaux furent, jusqu’au huitième siècle, un des centres historiques des catacombes de cette voie.
On était au mois de juin de l’année 67. Une sentence fut rendue au nom de l’empereur, par l’affranchi Hélius et son associé Polythètes, portant que Simon Pierre, galiléen, chef de la religion proscrite des chrétiens, et Paul, juif de Tarse et citoyen romain, seraient mis à mort, le trois des calendes de juillet (29 juin) ; que le premier serait crucifié dans la plaine Vaticane, et que le second aurait la tête tranchée aux Eaux Salviennes.
Une tradition, malheureusement trop récente, nous montre les deux apôtres conduits ensemble au supplice, et ne se séparant que sur la voie d’Ostie. Après des adieux qui ne manquent ni de grandeur ni d’éloquence, mais qui ne se trouvent que dans une lettre faussement attribuée à saint Denys l’Aréopagite, et tout à fait indigne de cet illustre docteur, Pierre eût été reconduit dans Rome, qu’il aurait dû, dans ce cas, traverser tout entière pour arriver au lieu de son martyre, tandis que Paul se fût acheminé vers les Eaux Salviennes. On se rend compte assez difficilement d’une telle condescendance de la part des persécuteurs ou de leurs agents ; toutefois, la sentence que l’un et l’autre allaient subir n’en éprouvant qu’un peu de retard, il se pourrait qu’un reste d’humanité eût porté les chefs de la milice qui les conduisait à la mort, à permettre à ces deux juifs destinés au supplice de se voir et de s’entretenir une dernière fois. Partis l’un et l’autre d’une prison différente, la divine Providence leur aurait ainsi fourni, au moment suprême, le moyen d’échanger les adieux du martyre. Au reste, la prétendue lettre à Timothée, qui n’a été admise dans aucune des éditions de saint Denys l’Aréopagite, ne désigne pas l’endroit où la rencontre aurait eu lieu ; elle aurait dès lors pu se passer dans l’intérieur de la ville, ce qui offrirait plus de vraisemblance.
Ce fut donc le 29 juin de l’année 67 que Pierre fut tiré de son cachot pour être conduit à la mort. Selon la loi romaine, il subit d’abord la flagellation, qui était le prélude du supplice des condamnés à la peine capitale. Les citoyens romains étaient battus de verges ; les autres étaient fouettés avec des lanières. Une escorte de soldats conduisait l’apôtre au lieu de son martyre, en dehors des murs de la ville, comme le voulait aussi la loi romaine. »
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