Bruno-Nestor Azérot : « la parole du pape peut avoir du sens pour nous
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Bruno-Nestor Azérot : « la parole du pape peut avoir du sens pour nous
Article Famille Chrétienne
Le député de la Martinique et une délégation des Poissons roses, un mouvement d’inspiration chrétienne positionné à gauche, rencontrent le pape François le 1er mars à Rome. La délégation, composée d’une trentaine de personnes, comprendra aussi Patrice Obert, président des Poissons roses, Dominique Potier, député PS et co-fondateur d’Esprit Civique, ou encore Pascal Ollive, pasteur à Nîmes.
Quel est l’objectif de cette rencontre avec le pape François ? Que souhaitez-vous lui dire, et que souhaitez-vous qu’il vous dise ?
Lorsqu’on a la chance d’être reçu par le descendant de Saint-Pierre, le pape et notamment le pape François, l’objectif n’est pas ce qui compte, mais plutôt la démarche, l’empathie. On est touché d’abord par le moment qui est un moment exceptionnel, mais aussi par l’échange que l’on peut avoir. Et ce qui doit prédominer, c’est d’abord l’écoute d’une parole.
Il y aura certes une bénédiction mais je crois que le pape a manifesté le souhait d’intervenir en tant que pasteur, c’est-à-dire qu’il aura un message spécifique. Mais ce qui compte pour moi, ce sera surtout de trouver des arguments qui conduisent ma réflexion et mon action d’homme public croyant au cœur de la cité. Je vous rappelle que le pape François a fortement exprimé le souhait que les catholiques ne restent pas à regarder le monde du balcon…
En France, une certaine vision de la laïcité empêche parfois le dialogue direct des responsables politiques avec des responsables religieux. En tant que député, quelle est votre position sur le sujet ?
En tant qu’homme, je suis profondément croyant, attaché à ma liberté religieuse et à mes croyances – ou mes doutes - ! Mais en tant que citoyen français, je suis aussi extrêmement attaché à la laïcité qui fonde notre République démocratique et qui permet le respect de toutes les croyances ou non croyances, dès lors que celles-ci s’inscrivent elles-aussi dans le respect du cadre et des institutions républicaines. Je suis très soucieux de cet équilibre qui ne permet pas tout, mais favorise tout. Pour moi, il ne peut y avoir plusieurs visions de la laïcité, à la carte dirons-nous. Ce qui fait l’exception française, c’est la volonté de vivre ensemble et de s’engager autour d’un « contrat social ». Tout dialogue direct avec des responsables religieux est donc souhaitable et heureux même, à condition qu’il ne s’inscrive pas dans un rapport de communautés opposant leurs pratiques comme des postulats. Je le dis souvent, je ne suis pas un politique chrétien mais un chrétien en politique attaché aux valeurs de la République et respectueux de celles-ci dans la sphère publique. La sphère privée est autre chose…
Vous avez écrit au Souverain Pontife une lettre dans laquelle vous dîtes que « la gauche est prise au piège d’une sorte de religion de la laïcité ». Cette rencontre avec le pape François est-elle une tentative pour sortir de ce piège ?
Oui, je crois que la parole du pape François peut nous donner des clés qui ouvrent la voie à une action concrète sur ce sujet. Tout d’abord parce que c’est un homme pieux, ensuite je n’oublie jamais qu’il est jésuite et donc ancré dans le monde, enfin c’est un prêtre qui s’est formé sous une terrible dictature et qui en a fait l’épreuve. Je crois que sa parole peut avoir du sens pour nous… Surtout quand je lis dans son encyclique Laudato Si qu’il veut que nous agissions à nous rassembler dans la Maison commune, ou qu’il demande aux chrétiens de descendre de leur balcon et d’agir ici et maintenant pour la justice et l’humanisme.
Je ne sais pas ce que c’est que d’être chrétien de gauche.
Je suis chrétien.
À gauche, vous représentez une pensée qui va « à contre-courant ». Pensez-vous que le pape François aille, lui aussi, à contre-courant dans l’Église catholique ?
Nous allons peut-être à contre-courant parce que nous ne sommes pas dans le politiquement correct, dans la bien-pensance habituelle, parce que nos convictions profondes nous habitent, qu’elles viennent de notre pays de souffrance, la Martinique, l’Outre-mer, mais aussi de la France. Notre positionnement, à l’ultrapériphérie de la République, peut surprendre, mais pour nous, nous sommes le centre. Cette position originale crée peut-être le fait que nous soyons assez peu classables… De ce point de vue, oui, peut-être que le pape François, venu lui-aussi d’Amérique, instruit chez les Jésuites, a une position originale qui lui permet un autre regard sur l’Eglise. Et c’est peut-être aussi pourquoi nous nous reconnaissons dans cet autre regard qui est fait de traditions, de nouvelle importance donnée aux rituels qui sont chargés de sens, de sacré, mais aussi qui est fait de modernité, d’engagement dans le monde. Vous le savez, je suis personnaliste, et pour moi ce qui compte, ce ne sont pas les postures mais l’humain, la personne agissant dans le corps social.
Allez-vous évoquer avec le pape les sept mesures phares expliquées dans le livre « À contre-courant » (notamment la question de la GPA ou du Revenu Libre Activité) ?
Ces questions seront évidemment évoquées. Si le Pape François souhaite s’entretenir avec nous, c’est bien-sûr parce que j’ai pris des positions claires (courageuses dans mon camp politique) sur le mariage pour tous, la GPA, la fin de vie, l’écologie humaine… Ces questions ne peuvent qu’être évoquées, comme celle de la place de l’entreprise dans notre monde marchand ou de l’immigration. Mais je ne vais pas voir le pape François avec un cahier de revendications ou pour avoir des satisfécits à mes engagements. Je vais d’abord écouter une parole rare pour m’en enrichir et me revivifier.
Aujourd’hui, quel est le poids politique des Poissons Roses ? Cette rencontre pourrait-elle favoriser la représentation d’une force chrétienne de gauche ?
Je ne sais pas s’il y a une force chrétienne de gauche. Il y a des sensibilités qui s’expriment avec bonheur. Des gens engagés dans la solidarité, l’entraide sociale, au profit des plus démunis ou des peuples du tiers-monde… Pour moi, je ne me catégorise pas par une étiquette. Je ne sais pas ce que c’est que d’être chrétien de gauche. Je suis chrétien. Tolérant de tout ce qui n’est pas moi. En revanche, je crois qu’il y a des énergies, des sensibilités, des dynamiques qui méritent d’exister et de s’affirmer dans un monde éclaté et irraisonné. Il y a un besoin de sens. Et je crois que l’Évangile nous donne les clés d’une certaine éthique de vie. Et je crois même que l’Évangile est un socialisme… De ce point de vue peut-être pourrais-je être classé de chrétien de gauche. Mais ce n’est pas ce que je recherche… Ce que je recherche c’est de redonner du sens à la politique, des valeurs, une éthique. Un humanisme et une justice. Et surtout je veux sortir de la nouvelle confusion entre mystique et politique… De ce point de vue j’attends beaucoup de cet échange avec le pape François.
Hugues Lefèvre
sga- MEDIATEUR
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